Blogs: L’information libre serait-elle… de droite?

30 septembre, 2006

Liberteortf_2Gros travail (300 sites classés par audience) de Georges Clavet pour tenter de faire l’état des lieux des sites de droite (mais que je préférerais appeler « non-médiatiquement corrects ») de la blogosphère francophone.

En gros, les sites que l’on pourrait nommer « alternatifs » quand la pensée dominante est devenue pour l’essentiel « de gauche » et « tiers-mondiste ».

Même si je me ferais jamais à l’idée de voir Iran-resist à côté des… Le Pen-Megret-Gollnisch-Lang, qui ont certes, comme le rappelait un certain Fabius, le mérite d’avoir bien avant tout le monde « posé les bonnes questions » mais qui ont, pour ne prendre que l’exemple irakien, toujours figuré parmi les plus zélés des saddamophiles.

Classement par audience de plus de 300 sites francophones de droite
Georges Clavet
septembre 2006

Pourquoi un classement des sites d’information de droite ?

Parce que l’information donnée par les grands médias (télévision, radios, journaux) dans des pays francophones, comme la France, la Belgique, et à un degré moindre le Canada, est très largement dominée par les idéologies de gauche où on trouve toujours les mêmes idées toutes faites, souvent fausses et contraires aux règles élémentaires de la pluralité d’opinion. Aujourd’hui la plupart des journalistes sont issus obligatoirement de quelques écoles de journalisme avec un programme politique « très varié » allant de l’étatisme au socialisme en passant par l’alter mondialisme ou les idées communistes. Tous les sondages révèlent qu’ils se disent de gauche à plus de 80 %. Mais les règles déontologiques de neutralité et de sens critique ont été oubliées. A quelques exceptions près, Il n’y a plus qu’un politiquement correct de bon aloi et qu’un conformisme avec la pensée unique essentiellement socialiste ou tiers-mondiste.

Tout cela ne serait pas insupportable si des pays comme la France ou la région de Wallonie en Belgique, pour ne citer que ces deux exemple, n’étaient pas dirigés, au mépris de la volonté d’une majorité du peuple, par une des classes politiques la plus idéologiquement à gauche d’Europe, avec pour conséquence une grave crise économique et sociale depuis des années, et cela malgré les alternances politiques (ou les fausses alternances).

Heureusement il est possible aujourd’hui d’être informé de manière objective et sans être conditionné par les grands médias ou par la même agence de presse d’état. La chape de plomb imposée par le milieu politique et médiatique recule. Puisque les médias traditionnels ne veulent plus jouer leur rôle traditionnel de contre pouvoir, Internet peut dorénavant les remplacer sans problème et la liberté de la presse reprend une certaine réalité.

Critère de choix d’un site d’information de droite pour le classement

Les sites de droite rejettent les idéologies « socialistes » qui prônent l’égalitarisme étatique qui appauvrit tout le monde, ou une idéologie obligatoire comme le collectivisme ou le multiculturalisme, mais imposées autoritairement par un gouvernement et une technocratie et non par le peuple souverain. A l’opposé des idéologies de gauche, ils ne veulent pas créer un homme nouveau et citoyen du monde, lutter contre toutes les inégalités ou les « discriminations » naturelles ou changer l’ordre naturel ou la culture de la société. Selon ces critères, les sites fidèles aux valeurs chrétiennes sont considérés comme de droite, puisque la philosophie chrétienne est par nature opposée aux socialismes et collectivismes d’état.

Ce classement a été établi sans aucun parti pris pour tel ou tel courant de droite, dont les idées différentes sont largement complémentaires entre elles. TOUS les sites de droite d’information ont été mentionnés, à l’exception des sites qui sont uniquement des forums. Mais plusieurs sites ont pu être oubliés en particulier des sites africains. Parmi les sites trouvés, le seul critère qui a été retenu a été de sélectionner uniquement les sites pour lesquels l’audience était connue et suffisante, ou dans le cas contraire, jugée comme telle d’après la régularité des mises à jour. Les chiffres d’audience sont établis essentiellement sur une moyenne de 3 mois à partir du mois de septembre (via alexa.com), ou à défaut à partir de compteurs ou de consultations de statistiques d’audience. A noter que l’audience peut varier de manière importante d’un mois à l’autre, en fonction de l’activité du site ou de l’intérêt des lecteurs. Ces chiffres ne donnent donc qu’une indication à une date donnée.

Liste sans données d’audience (merci ajm)

http://www.catholique.org/

http://www.guysen.com/

http://www.lalibre.be/

http://www.lorient-lejour.com.lb/

zenit.org (fr, en, esp, de, it…)

http://www.liberte-algerie.com/

http://www.ledevoir.com/

http://www.iranfocus.com/ (en, fr…)

http://www.infolive.tv/ (en, fr, es…)

http://www.cef.fr/

http://www.a7fr.com/

http://www.letemps.ch/

http://www.oecumene.radiovaticana.org/fr1/index.asp (plus. langues)

http://www.cubanet.org/ (en, es, fr)

http://www.matin.qc.ca/

http://www.izf.net/

http://www.france-echos.com/

http://www.topchretien.com/

http://www.proche-orient.info/

http://www.menapress.com/

http://www.peres-fondateurs.com/

a7fr.net

http://www.novopress.info/

http://www.oikoumene.org/ (en,de,fr,esp,…)

lesalonbeige.blogs.com

http://www.ajm.ch/

http://www.bafweb.com/

http://www.tageblatt.lu/

http://www.desinfos.com/

http://www.libertyvox.com/

http://www.liberal.ca/default_f.aspx(fr, en)

http://www.ludovicmonnerat.com/

http://www.spcm.org/

http://www.kabyles.com/

http://www.iran-resist.org/

http://www.precaution.ch/

http://www.quebecoislibre.org/

http://www.laliberte.ch/

bravepatrie.com

http://www.thedissidentfrogman.com/

http://www.pourlafrance.fr/

http://www.upjf.org/

fr.danielpipes.org

http://www.lepatriote.net/

http://www.fides.org/ (fr,en,es,it…)

http://www.croire.com/

http://www.fraternite-info.com/

http://www.fdesouche.com/

http://www.extremecentre.org/

http://www.dici.org/ (fr, en)

http://www.conservative.ca/ (fr, en)

http://www.coranix.com/

http://www.lepotentiel.com/

http://www.altermedia.info/ (partie francophone)

http://www.nouvelliste.ch/

http://www.lactualite.com/

http://www.catho.be/

http://www.hebdo.ch/

http://www.infoguerre.com/

http://www.valeursactuelles.com/

http://www.communautarisme.net/

swissroll.info

http://www.libertepolitique.com/

fare.tunes.org (en , fr)

http://www.liberte-cherie.com/

http://www.in-nocence.org/

http://www.pq.org/

http://www.wluml.org/french/ (en, fr. Ar, rus..)

http://www.bakchich.info/

http://www.primo-europe.org/

destexhe.blogs.com

http://www.occidentalis.com/

http://www.checkpoint-online.ch/

climax.hautetfort.com

http://www.sosfrance.com/

http://www.pelerin.info/

http://www.conscience-politique.org/

bruxelles-ma-ville.skynetblogs.be

http://www.les4verites.com/

http://www.ktotv.com/

http://www.christicity.com/

http://www.libres.org/

radio-courtoisie.over-blog.com

http://www.debriefing.org/

http://www.tamazgha.fr/

voxgalliae.blogspot.com/

http://www.investigateur.info/

jdch.blogspot.com

http://www.iedm.org/

http://www.m-r.fr/

http://www.cameroon-tribune.net/

les-identitaires.com

http://www.islamla.com/

http://www.mr.be/

sisyphosmount.blogspot.com (fr, en, de)

http://www.nation.be/

http://www.alternative-liberale.fr/

chroniquespatagones.blogspirit.com

kuebek.blogspot.com

http://www.mpf-villiers.com/

http://www.surlering.com/

http://www.radionotredame.com/

http://www.ifrap.org/

http://www.contribuables.org/

http://www.resiliencetv.fr/

http://www.rockik.com/

http://www.daneshjoo.org/french_index.shtml (en , fr, ..)

http://www.voxdei.org/

http://www.assoaime.net/

http://www.radiocourtoisie.com/

http://www.coqgaulois.com/

http://www.ladroitelibre.com/

quitter_la_secu.blogspot.com

grouik-grouik.blogspot.com

http://www.occidentalis-leblog.info/

balagan.blog-city.com

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chacun-pour-soi.blogspot.com

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quitterlequebec.com

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Islam: Le ramadan est-il à l’origine une version militaire du… Yom Kippour? (Is the Ramadan originally a military Yom Kippur?)

29 septembre, 2006
 Pakistani Shi'ite Muslim children hold toy guns as they take a part in a protest against the Israeli offensive in Gaza (Lahore) Je suis avec vous : affermissez donc les croyants. Je vais jeter l’effroi dans les coeurs des mécréants. Frappez donc au-dessus des cous et frappez-les sur tous les bouts des doigts. Ce, parce qu’ils ont désobéi à Allah et à Son messager. Le Coran (sourate 8: 12-13)
Le nom Ramadan a été le nom du neuvième mois dans le monde arabe bien avant l’arrivée de l’islam ; le mot lui-même est dérivé de la racine rmḍ, comme dans les mots ramiḍa ou ar-ramâḍ, dénotant une chaleur intense, un sol brûlant, le manque de rations. Dans le Coran, Dieu proclame que le jeûne a été prescrit aux musulmans, comme il le fut auparavant aux Juifs, se référant ainsi à la pratique du jeûne durant Yom Kippour. Wikipedia
L’opération Badr (عملية بدر ; Amaliyat Badr), ou le plan Badr (خطة بدر ; Khitat Badr), est une opération militaire lancée par l’Égypte le 6 octobre 1973 avec pour objectif la reconquête d’une partie du désert du Sinaï grâce à une traversée du canal de Suez et la prise des fortifications israéliennes de la ligne Bar-Lev. Elle est lancée en parallèle avec une offensive syrienne sur le plateau du Golan, et marque ainsi le début de la guerre israélo-arabe de 1973. (…) La date coïncide avec le Yom kippour, le jour du Grand Pardon pour les Juifs. C’est un des facteurs importants dans le choix de la date car les Juifs jeûnent durant la journée et s’abstiennent d’utiliser le feu ou l’électricité (ce qui veut dire que les transports sont à l’arrêt). De plus, une grande partie de l’armée israélienne est démobilisée. Octobre coïncide aussi avec le mois du Ramadan dans le calendrier musulman, ce qui signifie que les soldats musulmans engagés dans l’armée israélienne jeûnent aussi — c’est en effet pendant le Ramadan que les musulmans ont gagné leur première victoire à la bataille de Badr en l’an 634. Optant pour quelque chose de plus significatif que le mot « Minarets », les commandants égyptiens choisissent le nom d’« opération Badr » (pleine lune en arabe) pour nommer l’assaut sur le canal de Suez et le Sinaï. Wikipedia
Muhammad révéla à Médine des qualités insoupçonnées de dirigeant politique et de chef militaire. Il devait subvenir aux ressources de la nouvelle communauté (umma) que formaient les émigrés (muhadjirun) mekkois et les « auxiliaires » (ansar) médinois qui se joignaient à eux. Il recourut à la guerre privée, institution courante en Arabie où la notion d’État était inconnue. Muhammad envoya bientôt des petits groupes de ses partisans attaquer les caravanes mekkoises, punissant ainsi ses incrédules compatriotes et du même coup acquérant un riche butin. En mars 624, il remporta devant les puits de Badr une grande victoire sur une colonne mekkoise venue à la rescousse d’une caravane en danger. Cela parut à Muhammad une marque évidente de la faveur d’Allah. Elle l’encouragea sans doute à la rupture avec les juifs, qui se fit peu à peu. Le Prophète avait pensé trouver auprès d’eux un accueil sympathique, car sa doctrine monothéiste lui semblait très proche de la leur. La charte précisant les droits et devoirs de chacun à Médine, conclue au moment de son arrivée, accordait une place aux tribus juives dans la communauté médinoise. Les musulmans jeûnaient le jour de la fête juive de l’Expiation. Mais la plupart des juifs médinois ne se rallièrent pas. Ils critiquèrent au contraire les anachronismes du Coran, la façon dont il déformait les récits bibliques. Aussi Muhammad se détourna-t-il d’eux. Le jeûne fut fixé au mois de ramadan, le mois de la victoire de Badr, et l’on cessa de se tourner vers Jérusalem pour prier. Maxime Rodinson
Mon propos est adossé à des thèses officiellement reconnues. Je cite en particulier Maxime Rodinson et les vérités qu’il a énoncées dans l’Encyclopedia Universalis. Des paroles aussi importantes que taboues en France, mais en aucune manière excessives. Robert Redeker

Le ramadan serait-il une version militaire du Yom Kippour ?

Petit retour, en ce début de Ramadan qui caractéristiquement fête d’abord une victoire militaire (au puits de Badr, suivie par la « réception » du Coran) et suite à la controverse sur la tribune du Figaro du philosophe Robert Redeker qui lui vaut actuellement de se cacher pour cause de menaces de mort …

Sur l’article de Maxime Rodinson (et Pierre Vayssière) dans l’Encyclopédie Universalis sur lequel Redeker s’est justement appuyé pour sa tribune.

Et sur la transformation qu’il décrit, avec force guerres privées, razzias, assassinats et massacres ainsi que de larges emprunts aux religions juive (prière vers Jérusalem, réorientée plus tard vers La Mecque; jêune de l’Expiation, remplacée plus tard par celui du Ramadan) et chrétienne dont le prestige l’avait inspirée (mais aussi aux religions païennes: notamment le culte de la météorite de La Mecque dite Kabba et aux hérésies chrétiennes: notamment l’idée docétiste de la substitution, sur la croix, d’un fantôme au corps du Christ), du culte d’une des divinités arabes de l’époque (« Allah ») en cette formidable idéologie de conquête que nous connaissons aujourd’hui sous le nom d’Islam.

Les tendances monothéistes, les pratiques et les idées que diffusaient en Arabie juifs, chrétiens et même mazdéens attiraient une large sympathie. Elles étaient auréolées du prestige de la « civilisation » supérieure des grandes puissances voisines où elles étaient en honneur. Mais l’affiliation pure et simple à une des religions en question impliquait une prise de parti politique pour la puissance dont elle était la doctrine officielle ou qui la protégeait, ce qui en écartait certains des sympathisants arabes.

Muhammad s’instruisit de ces doctrines en interrogeant à Mekka les chrétiens qui y étaient en petit nombre, pauvres et de peu d’instruction, les juifs peu nombreux aussi, mais qui disposaient dans la région de centres puissants, riches, organisés, avec des intellectuels savants. Il apprit sur l’histoire biblique bien des choses, non sans déformations, soit par suite de malentendus, soit parce que ses interlocuteurs étaient eux-mêmes peu instruits ou appartenaient à des sectes aberrantes.

Muhammad prit l’habitude de faire des retraites, à l’instar des ascètes chrétiens et de leurs imitateurs arabes, dans une caverne d’une montagne proche. Il y méditait en s’y livrant à des pratiques d’ascétisme. Un jour, vers l’an 610, il eut une vision « comme le surgissement de l’aube », il entendit une voix, il vit, selon la tradition, l’archange Gabriel (Djibril en arabe) qui lui transmettait des paroles de Dieu.


MAHOMET (571?-632)

Mahomet (en arabe Muhammad) est, parmi les fondateurs des grandes religions universalistes, celui que nous connaissons le mieux. Il a fondé l’islam, qui compte aujourd’hui bien plus d’un demi-milliard d’adhérents et dont le rôle historique fut considérable. Sa biographie est loin d’expliquer à elle seule ce succès, mais contribue pour sa part à cette explication. Homme génial, issu d’une société en marge des grandes civilisations de l’époque, il sut forger une synthèse idéologique impressionnante, capable de séduire d’abord son pays natal, puis de s’imposer dans une vaste zone du globe. Il sut aussi employer des dons remarquables de chef politique et militaire à acquérir le contrôle de l’Arabie. Mystique (incomplet), profondément religieux, mais non pas pur homme de sainteté comme le Christ et le Bouddha, les faiblesses humaines de cette impressionnante personnalité ne font que rendre sa biographie plus attachante.

Mahomet

Auteur : Pierre VAYSSIÈRE

1. Les sources

Renan croyait que la vie de Mahomet, par opposition à celle de Jésus, s’était déroulée à la pleine lumière de l’histoire. C’est une illusion née du caractère très détaillé de la biographie traditionnelle. Mais l’étude critique de celle-ci a démontré que beaucoup des détails en question étaient suspects d’avoir été forgés dans des buts tendancieux (avec beaucoup d’art d’ailleurs), un ou deux siècles après l’événement. Il ne faut jamais oublier que les biographies du Prophète les plus anciennes que nous possédions datent du début du IXe siècle, soit deux siècles après les événements. Il est vrai qu’elles ont utilisé des compilations plus anciennes, elles-mêmes fondées sur des listes datées d’événements et de noms qui avaient été conservées par écrit ou de mémoire. Elles citent comme sources des traditions orales transmises depuis les événements par des chaînes (isnad) de garants. Mais nous n’avons aucune garantie de la fidélité de cette transmission ni même de sa réalité. On ne peut écarter entièrement ce que cette tradition écrite ou orale nous apporte, mais on ne peut non plus s’y fier aveuglément pour aucun détail concret, et les critères incontestables manquent pour faire le départ entre l’historique et le suspect.

Une source est sûrement authentique, c’est le Coran, qui est considéré comme le recueil des paroles de Dieu dictées à Mahomet. Mais son texte est en grand désordre. On ne peut y rétablir qu’avec peine et avec bien des incertitudes l’ordre chronologique. Les événements de la biographie du Prophète n’y sont évoqués que de façon allusive. C’est donc une source difficile à utiliser.

Les biographies classiques les plus anciennes sont celles d’Ibn Ishaq († env. 767), que nous ne connaissons que par l’adaptation abrégée d’un de ses élèves indirects, Ibn Hisham († env. 834) ; celle de Waqidi († 823), réduite au récit des campagnes du Prophète ; celle de son secrétaire Ibn Sa‘d († 845) ; enfin celle de l’historien compilateur Tabari († 923), qui utilise uniquement des écrits antérieurs. Occasionnellement, des renseignements de valeur anciens ont pu parvenir par intermédiaire jusqu’à des ouvrages postérieurs.

Une critique soigneuse des sources est nécessaire. Au minimum, les faits sur lesquels s’accordent des sources de tendances divergentes, même quand elles les interprètent différemment, les faits aussi qui contredisent les idées ultérieures doivent être considérés comme assurés. En essayant de comprendre les démarches d’où résultèrent ces événements, en utilisant le texte coranique qui, pour des non-musulmans, ne peut être que l’émanation inconsciente de l’intellect et de la sensibilité du Prophète, en tirant parti prudemment des informations de la tradition que leur accord avec le résultat de ces démarches peut plus ou moins authentifier, on peut aboutir à une représentation vraisemblable de la biographie et même de la psychologie de Mahomet.

2. Avant la Révélation

On sait très peu de choses sûres concernant la vie du Prophète avant la Révélation. C’est là-dessus que la tradition ultérieure a le plus brodé et fabulé. Elle place en général, mais il y a des variantes, sa naissance (à Mekka, que nous appelons La Mecque) en 571 de notre ère, suivant des calculs très douteux. Il est possible que la seule base sûre en soit l’indication qu’il était né du vivant de l’empereur perse Khosrô Ier, soit avant 579. Son nom Muhammad (« le loué ») était assez courant. Il était fils d’un nommé ‘Abd Allah et d’une mère appelée Amina.

‘Abd Allah appartenait à la tribu de Quraysh, spécialisée dans le commerce international, qui habitait la ville de Mekka, située dans une vallée aride impropre à l’agriculture. Cette ville ne subsistait que grâce à ce commerce et aux profits découlant du pèlerinage à son temple local. Des pèlerins nombreux y affluaient et commerçaient par la même occasion. On vénérait, au centre du temple, un bâtiment plus ou moins cubique, la Ka‘ba, où étaient rassemblées de nombreuses idoles et encastrée une pierre noire d’origine météorique, supposée réceptacle du divin comme c’était souvent le cas chez les Sémites.

Muhammad perdit son père et sa mère peu après sa naissance. Il appartenait au clan de Hashim qui aurait eu auparavant la prédominance à Mekka, mais qui l’aurait perdue du temps de sa jeunesse. Orphelin peu fortuné, il fut recueilli par son grand-père, ‘Abd al-Muttalib, puis par un oncle, commerçant aisé, Abu Talib. Celui-ci l’aurait emmené avec lui dans ses voyages d’affaires, notamment en Syrie. Mais ces voyages ont été tellement ornés de légendes par la tradition qu’on ne peut savoir si le fait lui-même est exact.

De toute façon, Muhammad était un orphelin pauvre et devait travailler. Il aurait, tout jeune, gardé les moutons. Il fut, plus tard, embauché par une riche commerçante, une veuve, Khadidja, qui, comme beaucoup de Mekkois, organisait des caravanes. Il aurait accompagné ses caravanes, jusqu’en Syrie peut-être, et aurait été son homme de confiance pour diverses affaires. Devenue amoureuse de lui, elle lui proposa le mariage. Il accepta quoiqu’elle eût, dit-on, quarante ans et lui vingt-cinq. Elle lui donna des filles au nombre de quatre, mais tous les fils qu’il en eut moururent en bas âge. Muhammad devint ainsi un homme aisé et même un notable considéré. Il adopta son cousin ‘Ali, fils de l’oncle Abu Talib et un esclave que lui avait donné Khadidja et qu’il affranchit, Zayd, de la tribu arabe des Kalb, en grande partie chrétienne.

Le non-musulman peut essayer de comprendre, en utilisant les sources selon la démarche indiquée ci-dessus, les conditions psychologiques qui préparèrent la Révélation. Si Muhammad fut un homme intelligent, mesuré, équilibré et très réaliste, il n’en était pas moins doté d’un tempérament nerveux, passionné, fiévreux, plein d’aspirations ardentes.

Ce côté de sa personnalité dut être accentué dans sa jeunesse par des insatisfactions multiples. Il avait été pauvre et rendu sensible par là à la détresse des pauvres ; son mariage exclusif avec une femme âgée devait entraîner des frustrations au milieu d’une société où les notables utilisaient largement la polygamie ; il était déçu de ne pas avoir de descendance mâle, ce qui était une honte pour les Arabes. Enfin les vues amples et profondes qu’il avait sur le monde et les affaires humaines ne rencontraient qu’incompréhension et mépris de la part des hommes installés à la direction de la cité.

Insatisfait de sa situation dans le monde, on s’explique qu’il ait regardé d’un œil critique l’idéologie que lui proposait sa société. L’évolution récente des conditions politiques, économiques et sociales de l’Arabie, surtout sensible dans sa ville natale, provoquait chez bien des esprits une sévère contestation. Cette évolution accentuait le rôle de l’argent et sapait l’équilibre social avec les valeurs tribales et communautaires qui lui étaient liées. On remettait en question la religion polythéiste traditionnelle, peu satisfaisante pour les aspirations nouvelles, ainsi que la conception matérialiste brutale du monde qui dominait chez les marchands mekkois. Les tendances monothéistes, les pratiques et les idées que diffusaient en Arabie juifs, chrétiens et même mazdéens attiraient une large sympathie. Elles étaient auréolées du prestige de la « civilisation » supérieure des grandes puissances voisines où elles étaient en honneur. Mais l’affiliation pure et simple à une des religions en question impliquait une prise de parti politique pour la puissance dont elle était la doctrine officielle ou qui la protégeait, ce qui en écartait certains des sympathisants arabes.

Muhammad s’instruisit de ces doctrines en interrogeant à Mekka les chrétiens qui y étaient en petit nombre, pauvres et de peu d’instruction, les juifs peu nombreux aussi, mais qui disposaient dans la région de centres puissants, riches, organisés, avec des intellectuels savants. Il apprit sur l’histoire biblique bien des choses, non sans déformations, soit par suite de malentendus, soit parce que ses interlocuteurs étaient eux-mêmes peu instruits ou appartenaient à des sectes aberrantes.

3. La secte mekkoise

Muhammad prit l’habitude de faire des retraites, à l’instar des ascètes chrétiens et de leurs imitateurs arabes, dans une caverne d’une montagne proche. Il y méditait en s’y livrant à des pratiques d’ascétisme. Un jour, vers l’an 610, il eut une vision « comme le surgissement de l’aube », il entendit une voix, il vit, selon la tradition, l’archange Gabriel (Djibril en arabe) qui lui transmettait des paroles de Dieu.

D’abord effrayé, suspectant un piège de Satan, il s’habitua peu à peu à recevoir ces paroles, il les répéta à son entourage et, plus tard, les dicta à un secrétaire. C’est leur notation écrite, plus tard mise en ordre, qui devait former le Coran (en arabe qur’an, « récitation »). On a pu reconstituer plus ou moins la chronologie des révélations (sans aucun rapport avec l’ordre canonique du livre tel qu’on l’édita plus tard). Au début, en un langage saccadé, sonore, ardent, la voix d’En-Haut dénonçait surtout les riches et les puissants, les marchands mekkois fiers de leurs fortunes, avides d’en jouir. On les adjure de se soumettre au Créateur unique et tout-puissant, Allah, qui leur demandera des comptes au jour terrible du jugement. Ils devront suivre les conseils du modeste « avertisseur » qu’est Muhammad, se montrer humbles et justes, donner une part de leurs biens aux pauvres et aux orphelins.

L’appel de Muhammad convainquit d’abord sa maisonnée et quelques amis, puis d’autres Mekkois de condition modeste, parmi les frustrés, les humiliés, avec aussi des jeunes animés d’un esprit de révolte contre leur milieu. Autour de lui se forma une petite secte se livrant à des pratiques de piété, suscitant l’ironie, le mépris ou parfois la compassion.

Le passage à l’hostilité déclarée semble avoir suivi une tentative (ou une apparence de tentative) faite par Muhammad, inconsciemment semble-t-il, pour regagner l’estime de ses concitoyens en accordant quelque place à des divinités locales à côté d’Allah (littéralement « la divinité ») que les Arabes reconnaissaient déjà comme un dieu parmi d’autres. Sa rétractation après cette tentative parut une déclaration de guerre aux dieux, au sanctuaire, aux valeurs et aux intérêts de la cité. Il se posait en seul interprète autorisé des volontés divines, prétention dangereuse même sur le plan temporel.

Une persécution suivit qui frappa surtout les faibles de la secte, alors que les membres importants (dont Muhammad lui-même) étaient protégés par leurs clans, même opposés à leurs idées. La pensée du Prophète se développait. Les révélations insistaient maintenant dans un style narratif et plus calme sur les récits bibliques. L’accent était mis sur les prophètes du passé qui avaient été méconnus par les leurs, les gens importants de leur peuple. Le groupe était désigné du nom de musulmans (en arabe muslimun, « ceux qui remettent leur âme à Allah »). Il se distinguait par la pratique de la salat, « prière rituelle », en fait ensemble fixé de prosternations, d’inclinations et d’invocations que le croyant accomplit plusieurs fois par jour en hommage au Créateur en se tournant vers Jérusalem selon la coutume juive et chrétienne.

Certains fidèles émigrèrent en Éthiopie chrétienne où ils furent bien accueillis. On pressentait peut-être une catastrophe cosmique, aube des derniers jours. Les événements mondiaux qui rappelaient des prophéties anciennes impressionnaient les esprits. Les Perses avaient envahi l’Empire romain d’Orient, prenaient la ville sainte de Jérusalem (614) et menaçaient Constantinople.

En 619 moururent coup sur coup deux protecteurs de Muhammad : son oncle Abu Talib et sa femme-mère Khadidja. Abu Talib fut remplacé à la tête du clan de Hashim par un autre oncle, Abu Lahab, très mal disposé pour son neveu.

Muhammad chercha un refuge. Après plusieurs essais sans résultat, il entra en contact avec des habitants de Yathrib, une oasis située à environ 350 kilomètres au nord-ouest de Mekka, qu’on appelait aussi Médine (al-Madina, « la ville »). Deux tribus arabes, les Aws et les Khazradj, s’y combattaient sans arrêt avec l’appoint fluctuant de trois tribus juives qui y avaient établi un centre intellectuel important. Ces luttes continuelles faisaient tort à la culture des palmeraies et des champs dont tous tiraient leur subsistance. Des mandataires des deux tribus arabes conclurent un accord avec Muhammad. On l’accueillerait à Médine et il y rétablirait la paix, jouant un rôle d’arbitre inspiré de Dieu dans les disputes tribales.

Les fidèles mekkois (environ soixante-dix hommes et femmes) partirent pour Médine. Les derniers, Muhammad et son conseiller préféré Abu Bakr, partirent en cachette, arrivant à Médine le 24 septembre 622. C’est l’année de l’hégire (hidjra, « émigration » et non « fuite »).

4. L’État de Médine

Muhammad révéla à Médine des qualités insoupçonnées de dirigeant politique et de chef militaire. Il devait subvenir aux ressources de la nouvelle communauté (umma) que formaient les émigrés (muhadjirun) mekkois et les « auxiliaires » (ansar) médinois qui se joignaient à eux. Il recourut à la guerre privée, institution courante en Arabie où la notion d’État était inconnue. Muhammad envoya bientôt des petits groupes de ses partisans attaquer les caravanes mekkoises, punissant ainsi ses incrédules compatriotes et du même coup acquérant un riche butin. En mars 624, il remporta devant les puits de Badr une grande victoire sur une colonne mekkoise venue à la rescousse d’une caravane en danger. Cela parut à Muhammad une marque évidente de la faveur d’Allah.

Elle l’encouragea sans doute à la rupture avec les juifs, qui se fit peu à peu. Le Prophète avait pensé trouver auprès d’eux un accueil sympathique, car sa doctrine monothéiste lui semblait très proche de la leur. La charte précisant les droits et devoirs de chacun à Médine, conclue au moment de son arrivée, accordait une place aux tribus juives dans la communauté médinoise. Les musulmans jeûnaient le jour de la fête juive de l’Expiation. Mais la plupart des juifs médinois ne se rallièrent pas. Ils critiquèrent au contraire les anachronismes du Coran, la façon dont il déformait les récits bibliques. Aussi Muhammad se détourna-t-il d’eux. Le jeûne fut fixé au mois de ramadan, le mois de la victoire de Badr, et l’on cessa de se tourner vers Jérusalem pour prier.

L’activité de Muhammad suscitait, au fur et à mesure qu’elle s’affirmait plus indépendante, l’opposition non seulement des païens et des juifs, mais aussi celle de Médinois qui avaient accepté la validité de ses révélations. Derrière leur chef de file, Ibn Ubayy, ces gens, qu’il appelait les Douteurs ou les Hypocrites, multipliaient les objections à ses actes, les réticences sur son pouvoir grandissant, critiquaient les émigrés mekkois musulmans. Muhammad supprima peu à peu les appuis de cette opposition.

Peu après Badr, des poètes médinois païens qui avaient injurié le Prophète furent assassinés, et le clan juif de Qaynuqa‘, à la suite d’une querelle engagée sur un motif trivial, fut expulsé de Médine et ses biens confisqués.

En mars 625, devant la colline d’Uhud aux portes de Médine, une armée mekkoise prenait la revanche de Badr. Mais les Mekkois n’exploitèrent pas leur succès. Muhammad expulsa alors encore une tribu juive de Médine, les Nadir, soupçonnés de mauvais desseins. Ils purent emporter beaucoup de leurs biens. Un dernier effort fut tenté par les Mekkois sous le commandement du subtil Abu Sufyan du clan umayyade. Trois armées convergèrent sur Médine. Muhammad recourut à une innovation militaire, inconnue dans cette partie de l’Arabie, le creusement d’un fossé pour arrêter les assaillants. Ceux-ci, mal préparés pour un siège, finirent par partir. Muhammad profita de ce succès pour éliminer de Médine, en la faisant massacrer, la dernière tribu juive qui y restait, les Qurayza, qu’il accusait d’un comportement suspect. Son pouvoir était définitivement consolidé. Il semblait invincible.

Pendant ce temps, ses idées avaient évolué, et la religion qu’il prêchait s’était nettement arabisée. Il se rattache directement à Abraham (Ibrahim), dont il a découvert qu’il était l’ancêtre des Arabes par Ismaël (Isma‘il) aussi bien que des juifs, qu’il n’était ni juif ni chrétien, mais comme lui un monothéiste pur. Il s’agit pour les Arabes de retrouver cette foi, non de s’aligner sur les religions étrangères. À Ismaël et à son père se trouve attribuée la fondation de la Ka‘ba, l’énigmatique maison située au centre du sanctuaire mekkois. Les générations postérieures sont accusées de l’avoir défigurée en y introduisant des idoles. La prière doit s’orienter maintenant vers la Ka‘ba, qu’on espère libérer et épurer. La Révélation prend des positions nettement antijuives, en insistant sur la personne de Jésus, grand prophète né d’une vierge, mais non pas Dieu. Les juifs sont accusés d’avoir calomnié sa mère et voulu le tuer, mais en vain car un fantôme lui fut substitué sur la croix (emprunt à l’hérésie docétiste).

Muhammad est devenu un véritable chef d’État grâce à son prestige religieux et à la force de ses disciples armés. La nouvelle communauté est pourvue par la Révélation de dispositions juridiques, par exemple sur les peines et les successions. La richesse du Prophète s’accroît par des dons et par sa perception du cinquième du butin. Il finit aussi par exiger des tribus vaincues des contributions régulières. Des pactes sont conclus avec de multiples tribus arabes qui, en même temps, font acte d’adhésion, souvent du bout des lèvres, à l’islam. Peu à peu se constitue, plutôt qu’un véritable État, toute une zone d’influence que Muhammad domine par des moyens surtout diplomatiques. Elle embrasse bientôt toute l’Arabie.

Muhammad cherche surtout à attaquer obliquement sa ville natale et à l’isoler. Abu Sufyan et les Mekkois d’esprit politique comprirent bientôt qu’ils avaient intérêt à s’entendre avec lui, maintenant qu’il accordait une grande place à leur sanctuaire. En mars 628, il se présenta devant Mekka avec une troupe non armée pour faire le pèlerinage. Un pacte fut conclu remettant celui-ci à l’année suivante, mais stipulant une trêve de dix ans. En janvier 630 enfin, les armées musulmanes occupaient la ville à peu près sans opposition. Les derniers adversaires se ralliaient, recevant en récompense de grosses parts de butin et de hautes fonctions.

Toute l’Arabie entrait rapidement dans ce quasi-État médinois, le système dirigé par Muhammad qui, imposant la cessation des razzias entre tribus, contraignait à chercher ailleurs de nouvelles ressources. Des expéditions furent lancées sur les marches byzantines de Palestine, sans grand résultat.

Muhammad mourut de façon inattendue, après une courte maladie, le 8 juin 632 à Médine. Ses conseillers surent prendre en main sa communauté et empêcher la désagrégation et l’effondrement qu’on put craindre un moment.

La personnalité et le rôle de Mahomet dans l’islam

Si le développement postérieur de l’islam est dû aux circonstances (pour ceux qui n’y voient pas la main de Dieu), une part importante de son succès vient néanmoins du génie de Muhammad. On peut le créditer d’une grande intelligence, d’une habileté et d’une ténacité remarquables, d’un sens très fin des hommes et des situations. Au début, une flamme ardente l’emporte, l’indignation le brûle et s’exprime en une véhémente poésie. Certes, le succès le gâta quelque peu, il en vint à croire un peu trop facilement à des inspirations qui satisfaisaient ses penchants naturels. Mais il n’y a pas de raison majeure de mettre en doute sa sincérité jusqu’au bout. Il faut tenir compte des mœurs du temps et de son pays pour juger certains de ses actes, atroces ou quelque peu hypocrites (encore qu’ils semblent avoir suscité quelque réprobation à l’époque même). On voit là surtout la dégradation habituelle de la mystique (car ce fut une grande personnalité religieuse) en politique, avec toutes les suggestions pernicieuses de la raison d’État. Il montra, en bien des cas, de la clémence, de la longanimité, de la largeur de vues et fut souvent exigeant envers lui-même. Ses lois furent sages, libérales (notamment vis-à-vis des femmes), progressives par rapport à son milieu.

Sa vie privée influa sur ses déterminations et même sur ses idées. Après la mort de Khadidja, il épousa une veuve, bonne ménagère, Sawda, et aussi la petite ‘A’isha, fille d’Abu Bakr, qui avait à peine une dizaine d’années. Ses penchants érotiques, longtemps contenus, devaient lui faire contracter concurremment une dizaine de mariages. Cela n’alla pas sans jalousies, intrigues et parfois scandales avec d’opportunes interventions d’Allah. Le groupe constitué par sa fille Fatima et ‘Ali, qui épousa celle-ci (ils lui donnèrent deux petits-fils, Hasan et Husayn), était hostile à celui que formaient deux des coépouses du Prophète et leurs pères Abu Bakr et ‘Umar, conseillers de celui-ci. Cette rivalité devait avoir de graves conséquences plus tard.

La glorification de Muhammad devait aller croissant après sa mort. Symbole de l’unité de la nouvelle foi, il se vit attribuer des charismes de plus en plus éminents, en particulier pour le placer au moins à égalité avec les fondateurs des autres religions. Certaines sectes allèrent jusqu’à le déifier. Un véritable culte s’organisa autour de sa personne et ses reliques furent particulièrement vénérées. Encore aujourd’hui, si on n’applique plus comme autrefois la peine de mort à l’encontre de ses insulteurs, il reste impossible de manquer de respect envers sa mémoire (ou de paraître en manquer) dans les pays musulmans.

Auteur : Maxime RODINSON


Il a dit la vérité: il doit être exécuté (Death threats on French philosopher for telling the truth about islam)

28 septembre, 2006

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Tu ne suivras point la multitude pour faire le mal; et tu ne déposeras point dans un procès en te mettant du côté du grand nombre, pour violer la justice. Exode 23: 2
Il est dans votre intérêt qu’un seul homme meure pour le peuple, et que la nation entière ne périsse pas. Caïphe (Jean 11: 50)
Un jeune homme à cheveux longs grimpait le Golgotha. La foule sans tête était à la fête. Pilate a raison de ne pas tirer dans le tas. C’est plus juste en somme d’abattre un seul homme. Ce jeune homme a dit la vérité. Il doit être exécuté. Guy Béart (né Behar, La Vérité, 1968)
Moi, j’ai peur des foules. Il y a d’ailleurs quelque part dans l’Exode : «Ne suivez pas le nombre». D’où ma chanson «Le premier qui dit la vérité…». Elle parle de «La foule sans tête», manipulée. Guy Béhar-Hassan
C’est bien triste. J’ai exercé un droit constitutionnel, et j’en suis puni, sur le territoire même de la République. Cette affaire est aussi une attaque contre la souveraineté nationale: des lois étrangères, décidées par des fanatiques criminophiles, me punissent d’avoir exercé un droit constitutionnel français, et j’en subis, en France même, grand dommage. Robert Redeker

Il a dit la vérité: il doit être exécuté

En ces temps où, avec le silence complaisant sinon complice des masses musulmanes « modérées » en notre propre sein, l’obscurantisme nazislamiste gagne même nos démocraties occidentales, il nous faut manifester tout notre soutien à Robert Redeker qui a courageusement exercé sa liberté de parole (scroll down for English translation) et se voit aujourd’hui obligé de quitter son domicile et de vivre caché pour cause de multiples menaces de mort, dont apparemment… une fatwa du spécialiste maison de Jihad TV elle-même, Qaradawi!

Voir l’éditorial de notre ami LSA Oulahbib ainsi que la pétition à signer:

Appel à pétition : Un professeur menacé après avoir publié une tribune sur l’islam
LSA Oulahbib
Resiliencetv
28/09/2006

Que penser de cette information que nous venons de publier en liens d’actualités et qui a été donnée dans cette dépêche AFP reprise par le journal La Croix ? (texte de la pétition à la suite).

Une menace contre un courageux professeur de philosophie, Robert Redeker, tombe un jour après la menace qui a plané sur la mise en scène d’un Opéra de Mozart en Allemagne (montrant les têtes tranchées de tous les porte-parole ou incarnation de Dieu), et, en effet, quelques jours après le propos de Benoît XVI sur l’impossibilité d’un lien rationnel entre Dieu et la violence.

On aimerait qu’immédiatement les principales organisations musulmanes en France et en Allemagne, dans l’Europe entière, prennent position dans un communiqué commun et, tout en marquant éventuellement leur désaccord sur la mise en scène de l’opéra de Mozart et les propos du professeur de philosophie, condamnent fermement ces menaces qui tenteraient à prouver que pour certains musulmans un lien existerait bel et bien dans le texte même du Coran qui permettrait ce genre d’exactions….

On aimerait que les organisations musulmanes qui poursuivent Charlie Hebdo en justice (procès le 7 février 2007 à Paris) pour avoir publié les caricatures danoises sur Mahomet retirent leur plainte et, par contre, portent plainte, contre X, afin de montrer au monde que « l’islam de France » n’est pas le même dont se réclament les groupes djhadistes en Afghanistan, en Algérie, en Egypte, en Indonésie, au Soudan, en Somalie, au Sri Lanka, en Irak…

On aimerait que les 80% de musulmans qui selon un récent sondage du journal La Vie partagent les valeurs laïques en France se fassent entendre en se désolidarisant de telles pratiques qui remettent en cause des siècles de liberté d’expression chèrement gagnées dans cette Europe au sein de laquelle ils préfèrent vivre plutôt que de rester dans leur propre pays vivant pourtant sous la loi musulmane…

Verrons-nous ces souhaits se réaliser ?

Sans attendre, pourquoi ne pas considérer le texte ci-dessus comme une pétition de soutien ? Si vous êtes d’accord avec, vous pouvez nous contacter à l’adresse suivante : resiliencetv@free.fr, nous inscrirons vos noms (et ville) sur le site au fur et à mesure.

Voir aussi le message de Robert Redeker lui-même:

Message de Robert Redeker à André Gluksmann

Publié par Michel Taubmann
Resiliencetv
le 28/9/2006

Cher André, bonjour. Je suis maintenant dans une situation personnelle catastrophique. De nombreuses menaces de mort très précises m’ont été adressées, et j’ai été condamné à mort par des organisations
de la mouvance al-qaïda.

L’UCLAT et la DST s’en occupent, mais…je n’ai plus le droit de loger chez moi (sur les sites me condamnant à mort il y a un plan indiquant comment venir à ma maison pour me tuer, il y a ma photo, celle des lieux où je travaille, des numéros de téléphone, et l’acte de condamnation).

Mais en même temps on ne me fournit pas d’endroit, je suis obligé de quêmander, deux soirs ici, deux soirs là…Je suis sous protection policière permanente. Je dois annuler toutes les conférences prévues. Et les autorités m’obligent à déménager. Je suis un SDF. Il en suit une situation financière démente, tous les frais sont à ma charge, y compris ceux éventuels d’un loyer d’un mois ou deux éloigné d’ici, de deux déménagements, de frais de notaire, etc…

C’est bien triste. J’ai exercé un droit constitutionnel, et j’en suis puni, sur le territoire même de la République. Cette affaire est aussi une attaque contre la souveraineté nationale: des lois étrangères, décidées par des fanatiques criminophiles, me punissent d’avoir exercé un droit constitutionnel français, et j’en subis, en France même, grand dommage.

Amitiés

robert.redeker@gmail.com

Voir enfin l’édito de Prochoix:

Sur Al Jazira, Youssef al-Qaradawi désigne Robert Redeker à la vindicte

Le 20 septembre sur la chaîne al-Jazira, Le cheikh islamiste Youssef al-Qaradawi a profité de son immense audience pour désigner le philosophe Robert Redeker comme l’islamophobe du moment. Ce n’est pas rien lorsqu’on connaît l’influence du cheikh et l’extrême susceptibilité de certains de ses auditeurs. En cause, un article paru dans Le Figaro sous le titre « face aux intimidations islamistes, que doit faire le monde libre ? ».

L’effet a été immédiat. Cet article avait déjà été censuré en Tunisie, il l’a été aussi en Egypte. Le gouvernement égyptien a en effet interdit à la vente des numéros récents du Figaro, du Frankfurter Allgemeine Zeitung ainsi que The Guardian weekly. Au motif qu’ils contiendraient des articles affirmant que l’islam s’était imposée par la violence, et décrivant son prophète Mahomet comme un polygame et un tueur de juifs.

Une fois de plus, les dictateurs et les fanatiques répondent donc à leurs adversaires par la censure voire la menace. Cette façon de « dialoguer » n’est pas acceptable. C’est pourquoi nous soutenons le droit de Robert Redeker à s’exprimer, sans être censuré ni menacé. Son texte, aucun texte, ne mérite une fatwa mondiale.

Nous avons choisi de le publier pour que chacun puisse donc débattre au lieu de s’entretuer. Et ce même si nous ne partageons pas l’amalgame entre Islam et intégrisme musulman. Nous avons déjà soutenus ceux qui faisaient le procès de l’intégrisme chrétien en allant jusqu’à égratigner le christianisme lui même, pourquoi faire exception dans le cas de l’islam ? Il ne faut pas céder à la lâcheté — fort répandue — consistant à nier le fait que le Coran contient des enseignements et des anecdotes violentes (le texte de Redeker a raison et a le courage de le rappeler). Par contre, nous refusons d’accréditer l’idée selon laquelle le Coran serait le seul texte religieux à contenir des enseignements violents. Il faut relire l’ancien et le nouveau testament… Toutes les religions sont instrumentalisables pour le pire.

Ecrire que seul la figure même de Mahomet incite à la violence doit être permis. Mais elle tend à favoriser une vision essentialiste, toujours propice aux raccourcis racistes. Au risque d’amalgamer les musulmans résistant à l’intégrisme et ceux cédant au fondamentalisme violent. Or ce sont eux que nous devons soutenir. Même si, il faut bien l’avouer, résister à cet amalgame devient chaque jour plus intenable. Comment s’étonner que, même parmi les philosophes les plus éclairés, la confusion grandisse… lorsque la voix des fanatiques se revendiquant de l’Islam se fait aussi assourdissante et menaçante ? Voilà bien leur objectif. A force de répondre à la plume par la flamme, les fanatiques finiront bien par allumer la « guerre des civilisations ». Ce choc que les démocrates de tous bords veulent combattre mais que les extrémistes de tous bords désirent plus fort qu’eux. Au milieu des fous, les démocrates doivent donc s’unir pour défendre non pas l’Islam contre l’Occident mais le droit à l’esprit critique contre le fanatisme. Ce qui passe par soutenir le droit de Robert Redeker à mettre en cause l’Islam et non seulement l’intégrisme. Mais aussi par le fait de ne pas confondre « soutien pour le principe » avec renoncenement à ses nuances ou à son esprit critique.

Caroline Fourest

Voir aussi la veulerie de la direction du Figaro qui, affaires et dhimmitude obligent, s’est empressé de faire disparaitre de son site l’article incriminé et l’ignominie des compagnons de route du Monde diplodocus qui comme à leur habitude (et non contents d’avoir annexé l’orientaliste Maxime Rodinson à leurs néo-stalineries djihadistes en taisant soigneusement les fortes et vraies paroles sur Mahomet que Redeker a eu le malheur de ressortir) se sont hâtés de se joindre à la meute:

Le Figaro s’excuse pour la publication de l’article islamophobe
23 septembre 2006
(L. P.) Agence PAF

Monsieur Pierre Rousselin, directeur-adjoint de la rédaction du Figaro a exprimé à Al Jazeera, chaîne d’information arabe, ses regrets concernant la publication d’un article islamophobe et haineux signé par Redeker, paru dans le Figaro le 19 septembre 2006.

M. Rousselin a déclaré que la publication d’un tel article est une erreur, il a aussi affirmé que ce texte n’exprime pas l’avis du journal ; il a été publié dans le cadre d’une tribune libre qui n’engage que son auteur.

Il a ajouté que parfois des erreurs se produisent, des textes sont publiés sans vérification préalable.

On rappelle que le Figaro a publié le 19 septembre 2006 un article islamophobe signé Robert Redeker, »philosophe », professeur au lycée Pierre-Paul-Riquet à Saint-Orens de Gammeville.

L’article de Redeker a été publié sur le site du Figaro le jour de son apparition dans le journal puis supprimé du site un jour après.

Source : Al Jazeera

Réponse d’Alain Gresh à l’article de Redeker :

Une insulte à la mémoire de Maxime Rodinson. Dans Le Figaro du 19 septembre, Robert Redeker signe une tribune intitulée, « Face aux intimidations islamistes, que doit faire le monde libre ? ». Ce texte suinte la haine et l’islamophobie, mais ce qui est particulièrement inacceptable c’est la tentative d’enrôler le grand orientaliste français Maxime Rodinson sous sa bannière. Utilisant des bouts de citations tirées de l’article écrit par Rodinson dans l’Encyclopédie Universalis sur Mahomet, Redeker prétend réusmer ainsi la vision développée par Rodinson : « Exaltation de la violence : chef de guerre impitoyable, pillard, massacreur de juifs et polygame, tel se révèle Mahomet à travers le Coran. » Quiconque connaît un peu l’oeuvre de Rodinson, sait à quel point ce résumé ne reflète absolument pas sa pensée. Rodinson, juif et agnostique, a écrit un livre sur le prophète de l’islam, Mahomet (Points, Le Seuil), dans lequel il tente d’expliquer l’action de Mahomet à travers une grille d’analyse matérialiste. Cet ouvrage, souvent censuré dans le monde musulman, n’en présente pas moins une vision respectueuse de l’homme que fut Mahomet, de son action. Rien à voir avec les raccourcis haineux de Robert Redeker…

blog.mondediplo

Voir aussi l’interview de Robert redeker dans La Dépêche du Midi:

Article paru le 28/09/2006
FATWA. UN PHILOSOPHE, PROFESSEUR PRÈS DE TOULOUSE, CIBLE D’ISLAMISTES APRÈS LA PUBLICATION DANS LE FIGARO D’UNE TRIBUNE CONTESTÉE SUR «LES VIOLENCES DE L’ISLAM». ROBERT REDEKER, MIS EN LIEU SÛR SOUS HAUTE PROTECTION, S’EXPLIQUE.
Cet homme est en danger

Exprimez-vous… L’islamisme met-il en danger notre liberté d’expression?

Un philosophe, menacé de mort pour ses écrits sur l’islam, se cache sous haute protection policière. Robert Redeker, qui enseigne au lycée Pierre-Paul Riquet de Saint-Orens de Gameville, près de Toulouse craint pour sa vie et l’affaire commence à faire grand bruit dans un climat de tension avivé par les propos récents du pape Benoît XVI.

«Face aux intimidations islamistes, que doit faire le monde libre ? », interrogeait Robert Redeker, le 19 septembre dernier dans une tribune libre publiée dans le Figaro. Le prof de philosophie dissertait, tout en affirmant notamment que « le Coran est un livre d’inouïe violence ». Et que certains rites de l’Islam « inscrivent la violence comme un devoir sacré au cœur du croyant ». Des propos carrément « rejetés » par les milieux de l’Islam modéré. Et diversement appréciés au sein même de la communauté éducative où les prises de position, réputées « combatives » de Robert Redeker ont souvent été discutées.

CLANDESTINITÉ

Mais au-delà d’une simple polémique, c’est une avalanche d’insultes et d’injures qu’a dû affronter le prof de philo. Pire encore, des menaces de mort ont été proférées sur son répondeur et dans son courrier électronique. Si violentes et précises que, dans la foulée de son dépôt de plainte à la gendarmerie, la section antiterroriste du parquet de Paris, dirigée par le juge Bruguière, a pris l’affaire en main. Et immédiatement confié la protection du prof à la DST (Défense et sécurité du territoire). Depuis ce jour, la vie de Robert Redeker a basculé dans une véritable clandestinité forcée : mis en lieu sûr « quelque part en France », tenu au secret avec sa famille, il a dû abandonner son domicile et son enseignement.

À la Poste on trie son courrier et au lycée, où son remplaçant est attendu aujourd’hui, on s’efforce de rappeler « les principes de laïcité et de neutralité de l’établissement », afin de tenir la communauté scolaire (et les élèves en particulier) à l’écart de cette sinistre affaire.

J.-J. R.

« C’est dur de devoir tout à coup me cacher »

De l’endroit où il est tenu au secret, Robert Redeker a accepté de répondre à nos questions.

Comment vivez-vous votre isolement ?

C’est dur de devoir tout à coup me cacher, quitter ma maison, mes amis, mon métier, mes élèves. Mais il me faut tenir.

Que ressentez-vous face à ces graves menaces ?

De l’angoisse dans un premier temps car ces menaces sont précises et visent ma vie. De la tristesse, ensuite, car ce qui m’est fait correspond tout à fait à ce que je dénonce dans mes écrits : l’Occident se retrouve sous surveillance idéologique de l’Islam.

Vous regrettez d’avoir écrit ce texte ?

Pas du tout. J’agis ici strictement dans le cadre de notre légalité républicaine. Je ne fais qu’exercer un droit constitutionnel, celui qui nous garantit la liberté d’expression.

Vos adversaires ne le reconnaissent pas ?

Non seulement ils ne le reconnaissent pas mais les forces obscurantistes auxquelles je suis confronté, veulent le détruire. Et lui substituer la notion inacceptable de délit d’opinion. J’ai l’impression d’être engagé malgré moi dans un combat du XVIIe ou du XVIIIe siècle. Celui qui consistait à s’opposer à l’intolérance religieuse.

Un combat qu’on croyait gagné ? Oui, mais ce qui est plus grave encore, c’est que ces forces qui nous font aujourd’hui du chantage au terrorisme pour que nos traditions de liberté soient abolies, viennent de l’extérieur. De ce point de vue, les menaces qui sont exprimées, constituent une atteinte à notre souveraineté nationale.

Si vous aviez à leur parler, que diriez-vous à ces gens ?

Que la démocratie, issue de notre histoire, est fondamentalement basée sur le débat contradictoire.

Avez-vous le sentiment d’avoir été trop loin dans vos écrits ?

Nullement. Mon propos est adossé à des thèses officiellement reconnues. Je cite en particulier Maxime Rodinson et les vérités qu’il a énoncé dans l’Encyclopedia Universalis. Des paroles aussi importantes que taboues en France, mais en aucune manière excessives. Par ailleurs, je voudrais faire remarquer que pour le christianisme, on est allé beaucoup plus loin. En France notamment, et depuis des décennies. Souvenez-vous des couvertures d’Hara-Kiri sur Dieu ou sur Jésus. Au fond, depuis Voltaire, il n’y a plus de délit d’irrévérence en matière de religion. On ne va pas tout de même abolir tout cela.

Vous avez été contraint de quitter vos élèves. Avez-vous un message à leur délivrer ?

Je voudrais leur demander de bien prendre garde, toujours, à conserver et à défendre leur liberté de penser et de s’exprimer. Il leur faut être vigilants.

Recueilli par Jean-Jacques Rouch
REPORTAGE. HIER, À SAINT-ORENS, AVEC SES ÉLÈVES.
Au lycée, un prof atypique

Nul doute que Pierre Donnadieu, le nouveau proviseur du lycée Pierre-Paul-Riquet de Saint-Orens, aurait préféré une rentrée plus calme. Depuis quelques jours élèves et parents d’élèves ne parlent que de l’« affaire Redeker », et ses proches sont choqués. « Ça nous préoccupe forcément, explique Françoise cette maman qui attend son fils et sa fille sur le parking. On est un peu inquiet. C’est triste d’en arriver là. La France est un pays où on devrait pouvoir s’exprimer librement ; même si là, Robert Redeker a peut-être eu tort d’impliquer le lycée… »

Son point de vue rejoint l’avis général. « C’est un lycée calme habituellement, fait remarquer Mathieu élève de seconde. Mais là, le prof a un peu abusé. Il y a été fort ».

Chez les élèves de Terminale, qui ont en cours Robert Redeker, la force du propos ne surprend pas. « Il est comme ça en cours, raconte Camille, élève de Terminale littéraire. Il aime créer le débat ». « Quitte à être un peu trop violent dans ses propos, rajoute Eugénie, une de ses anciennes élèves. L’an dernier, ça s’était mal passé entre lui et notre classe. Je n’ai jamais connu quelqu’un d’aussi cultivé, mais il était mauvais pédagogue. Il ne se rendait pas compte qu’il s’adressait à des néophytes ; il disait même qu’on ne méritait pas d’assister à ses cours », se souvient la jeune fille aujourd’hui en 1re année de fac. L’affaire choque, donc, mais ne surprend pas, tant le côté polémiste de Robert Redeker était connu.

Sébastien Marcelle
«La plume, pas la menace»

Abdallah Zekri, président de la Fédération régionale sud-ouest de la grande Mosquée de Paris, chargé de mission auprès du président du Conseil français du culte musulman Dalil Boubakeur, réagit à cette polémique et aux menaces dont Robert Redeker est la cible : « Je suis contre toute forme de violence. Je suis pour la liberté d’expression et le respect des religions. Mais il y a des symboles à ne pas toucher. Et je pense que le non-respect est tout aussi condamnable. Ce professeur et ceux qui le menacent enveniment un climat déjà tendu (croix gammées sur des mosquées à Carcassonne et à Quimper). Ce n’est pas le moment d’aggraver ces tensions. Je condamne tout autant les propos de ce monsieur que l’attitude de ceux qui veulent jouer les justiciers. Je ne les considère pas, d’ailleurs, comme des musulmans. Soyons clairs : ce n’est pas l’islam, qui est violent, mais ceux qui au nom de l’islam, pratiquent la violence ».

Et, revenant au contentieux entre le philosophe et les islamistes, Abdallah Zekri ajoute : « Si ce monsieur (Redeker), a envie d’aboyer avec les loups, qu’il aboie ! Mais les menaces de mort contre lui sont inacceptables. C’est uniquement par la plume qu’il faut le combattre ».

P.E.
REPÈRES
Une longue liste de fatwas ou de menaces contre des intellectuels

Assassinats, menaces de morts, enfermements, censures, campagnes d’opinion, la liste des intellectuels et ou artistes soumis à la vindicte des islamistes est longue, y compris récemment.

1989. Le roman de Salman Rushdie,  »Les Versets sataniques », est déclaré blasphématoire par l’ayatollah Khomeyni qui appelle au meurtre de l’auteur ainsi que tous les éditeurs du roman. La vie de l’écrivain indien connaîtra longtemps la traque. Ses traducteurs italien et japonais sont tués.

1993. Un groupe d’islamistes du Bangladesh prononce une fatwa pour blasphème contre Taslima Nasreen qui défend la condition des femmes. Médecin, écrivain, elle continue son combat.

2003. En Iran, la journaliste irano-canadienne Zahra Kazemi emprisonnée est assassinée en raison de ses activités journalistiques.

2004. Le cinéaste néerlandais Theo Van Gogh est assassiné, à Amsterdam, par un islamiste marocain pour avoir réalisé un film dénonçant la soumission des femmes dans l’Islam.

2005. Le 30 septembre 2005, le quotidien conservateur danois  »Jyllands-Posten » publie douze caricatures du Prophète Mohammed. S’ensuivent un peu partout dans le monde des demandes d’excuses, menaces de mort, boycottages, manifestations et des émeutes.

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English translation of Redeker’s controversial comments:

What should the free world do while facing Islamist intimidation?

The reactions caused by Benedict XVI’s analysis of Islam and violence highlight the underhanded maneuver carried out by Islam to stifle what the West values more than anything, and which does not exist in any Moslem country: freedom of thought and expression.

Islam tries to impose its rules on Europe : opening of public swimming pools at certain hours reserved exclusively for women, ban on caricaturing this religion, demands for special diets for Muslim children in school cafeterias, struggle to impose the veil at school, accusations of Islamophobia against free spirits.

How can one explain the ban on the wearing thongs on Paris-Beaches* this summer? The reasoning put forth was bizarre: women wering thongs would risk “disturbing the peace”. Did this mean that bands of frustrated youths would become violent while being offended by displays of beauty? Or were the authorities scared of Islamist demonstrations by virtue squads near Paris-Beaches?

However, the authorization of the veil on the street is more disturbing to public peace than wearing a thong, because it invites complaints against the upholding the oppression of women .This ban represents an Islamization of sensibilities in France, a more or less conscious submission to the diktats of Islam. At the very least it is the result of the insidious Muslim pressure on the minds: even those who protested the introduction of a “Jean Paul II Square” in Paris would not be opposed to the construction of mosques. Islam is trying to force Europe to yield to its vision of humanity.

As in the past with Communism, the West finds itself under ideological watch. Islam presents itself, like defunct Communism, as an alternative to the Western world. In the way of Communism before it, Islam, to conquer spirits, plays on a sensitive string. It prides itself on a legitimacy which troubles Western conscience, which is attentive to others: it claims to be the voice of the oppressed of the planet. Yesterday, the voice of the poor supposedly came from Moscow, today it originates in Mecca! Again, today, western intellectuals incarnate the eye of the Koran, as they have incarnated the eye of Moscow. They now excommunicate people because of Islamophobia, as they did before because of anti-communism.

This opening to others, specific to the West, is a secularization of Christianity that can be summarized thus:the other person must come before myself. The Westerner, heir to Christianity, is the that exposes his soul bare. He runs the risk of being seen as weak. With the same ardor as Communism, Islam treats generosity, broadmindedness, tolerance, gentleness, freedom of women and of manners, democratic values, as marks of decadence. They are weaknesses that it seeks to exploit, by means of useful idiots, self-rigtheous consciences drowning in nice feelings, in order to impose the Koranic order on the Western world itself.

The Koran is a book of unparalleled violence. Maxime Rodinson states, in Encyclopedia Universalis, some truths that in France are as significant as they are taboo. On one hand: “Mohammed revealed in Medina unsuspected qualities as political leader and military chief (…) He resorted to private war, by then a prevalent custom in Arabia (….) Mohammed soon sent small groups of partisans to attack the Meccan caravans, thus punishing his unbelieving compatriots and simultaneously acquiring the booty of a wealthy man.”

There is more: “Mohammed profited from this success by eradicating the Jewish tribe which resided in Medina, the Quarayza, whom he accused of suspect behaviour.” And: “After the death of Khadija, he married a widow, a good housewife, called Sawda, and in addition to the little Aisha, barely ten years old. His erotic predilections, held in check for a long time, led him to ten simultaneous marriages .”

A merciless war chief, plunderer, slaughterer of Jews and a polygamist, such is the man revealed through the Koran.

Of , the Catholic church is not above reproach. Its history is strewn with dark pages, for which it has officially repentaed. The Inquisition, the hounding of witches, the execution of the philosophers Giordano Bruno and Vanini, those wrong-thinking Epicureans, in the 18th century the execution of the knight of La Barre for impiety, do not plead in the church’s favor. But what differentiates Christianity from Islam is obvious: it is always possible to go back to true evangelical values, the peaceful character of Jesus as opposed to the deviations of the Church.

None of the faults of the Church have their roots in the Gospel. Jesus is non-violent. Going back to Jesus is akin to forswear the excesses of the Church. Going back to Mahomet, to the conbtrary, reinforces hate and violence. Jesus is a master of love, Mahomet is a master of hatred.

The stoning of Satan, each year in Mecca, is not only an obsolete superstition. It not only sets the stage for a hysterical crowd flirting with barbarity. Its importis anthropological. Here is a rite, which each Muslim is invited to submit to, that emphasizes violence as a sacred duty in the very heart of the believer.

This stoning, accompanied each year by the acciedental trampling to death of some of the believers, sometimes up to several hundreds, is a rite that feeds archaic violence.

Instead of getting rid of this archaic violence, and thus imitating Judaism and Christianity (Judaism starts when it abandons human sacrifice, and enters civilization; Christianity transforms sacrifice through the Eucharist), Islam builds a nest for this violence, where it will incubate. Whereas Judaism and Christianity are religions whose rites spurn violence, by delegitimizing it, Islam is a religion that exalts violence and hatred in its everyday rites and sacred book.

Hatred and violence dwell in the book with which every Muslim is brought up, the Koran. As in the Cold War, where violence and intimidation were the methods used by an ideology hell bent on hegemony, so today Islam tries to put its leaden mantel all over the world. Benedict XVI’s cruel experience is testimony to this. Nowadays, the West has to be called the “free world” in comparison to the Muslim world; likewise, the enemies of the “free world”, the zealous bureaucrats of the Koran’s vision, swarm in the very center of the Free World.

Voir par ailleurs:

Guy Béart: « Ma mère m’a enseigné les rituels juifs que je connais très bien »
Carol Binder
Actualité juive
16/09/2015

Actualité Juive l’avait rencontré en novembre 2010 à l’occasion de la sortie de son nouvel album, «Le meilleur des choses». Après quinze ans d’absence, Guy Béart revenait sur son parcours, ses amitiés et l’éducation juive de sa maman. Une interview à (re)découvrir aujourd’hui pour mieux connaître ce grand artiste décédé mercredi à l’âge de 85 ans.

Actualité Juive : Poète et musicien. Cette présentation vous convient-elle ?

Guy Béart : Je suis auteur-compositeur et chanteur de chansons ! L’on me dit poète…

A.J. : «Pessimiste gai» : cet oxymore vous correspond-il ?

G.B. : J’ai quatre-vingts ans et aujourd’hui, je suis plutôt plein d’espérance et toujours gai. Il faut relire l’Ecclésiaste, l’un de mes livres de chevet. C’est un livre poétique qui nous montre que tout recommence interminablement. La Bible m’a appris l’amour et la foi. Mieux vaut garder l’espérance. Que recommandent les dernières pages de l’Ecclésiaste si ce n’est d’aimer la vie ?

A.J. : Vous revenez avec un album très fidèle à votre style : des mélodies que l’on a immédiatement envie de fredonner. Des chansons qui parlent de la vulgarité de la télé-réalité, de l’amour, de la paix, et des plaisirs simples…

G.B. : Aujourd’hui, à la télévision – et c’est ce que montre la chanson «Télé Attila» -, le look est plus fort que les actes. Or, c’est d’abord le verbe oral qui compte. Vient ensuite l’écrit. C’est pourquoi j’ai voulu privilégier le verbe dans mes chansons qui véhiculent des messages transmissibles à tout le monde et que grands et petits peuvent reprendre immédiatement. C’est un don de D’ieu…

A.J. : L’une des chansons rend hommage à Marcel Dadi, le célèbre guitariste disparu tragiquement…

G.B. : Marcel Dadi m’avait été recommandé par Lionel Rocheman. Ce garçon qui n’avait que quatorze ans m’a confondu d’admiration. C’est lui qui, dans la chanson «Amsterdam», attaque avec des pickings. Il venait à mes concerts, sauf le Shabbat. Lorsque j’ai appris que son avion s’était écrasé en plein océan, cela a été un choc. En 1998, j’ai écrit en une nuit la chanson qui, à quelques détails près, est dans l’album. Pour moi, il est toujours vivant.

A.J. : Vous êtes né au Caire. On dit que votre nom d’origine est Béhar…

G.B. : C’est ce qui est indiqué sur Internet mais je n’en sais rien. Ma mère m’a enseigné les rituels juifs que je connais très bien. Moïse, pour moi, représente le devoir. Dans ma Bible est marqué que D’ieu dit plusieurs fois à Adam et Eve : «Croissez et multipliez». Pourquoi, me suis-je demandé, avoir utilisé deux verbes pour dire la même chose alors que la Bible cultive un style très concis ? La vraie phrase est en fait «Croissez en nombre et multipliez en sagesse», ce que m’a confirmé mon ami Raphaël Draï. Or, depuis la Mésopotamie, on a augmenté le nombre, mais on n’a pas augmenté la sagesse. Moi, j’ai peur des foules. Il y a d’ailleurs quelque part dans l’Exode : «Ne suivez pas le nombre». D’où ma chanson «Le premier qui dit la vérité…». Elle parle de «La foule sans tête», manipulée.

A.J. : Vous avez vécu au Liban de 1939 à 1947. Y avez-vous ressenti les effets du nazisme ?

G.B. : Oui, car il y avait des réfugiés du monde entier, y compris des Juifs avec barbe et papillotes. C’était un pays qui recevait et digérait tout le monde !

A.J. : Et qui continue en hébergeant le Hezbollah et en accueillant le président iranien Ahmedinejad…

G.B. : Je suis effrayé par ce qui se passe et beaucoup de mes amis, chrétiens et musulmans, le sont aussi. J’ai écrit, il y a longtemps, que j’étais favorable à la création d’un Etat palestinien. Je disais qu’il valait mieux qu’ils s’emmerdent avec un Etat, des lois et de la paperasserie plutôt que de faire la guerre et de former des enfants à massacrer des Juifs…

A.J. : Quelle part de judéité avez-vous transmise à vos enfants dont la plus célèbre, Emmanuelle ?

G.B. : C’est dans mes chansons, où je pèse chaque mot, que j’exprime au mieux ma vérité. Dans «Messies, Mais si !» en 1973, je dis que l’’islam pense qu’il n’y aura pas de Messie. Le christianisme, qu’il est déjà venu, mais doit revenir. Le judaïsme, qu’il doit venir. Je pense que c’est une incitation à ce que chaque être humain se comporte en messie afin de sauver les autres. À mes enfants, j’ai parlé des rites qui, selon moi, sont ce qu’il y a de plus important. Connaissez-vous l’histoire du rabbin qui arrive dans une communauté ? Il rencontre un Juif et lui demande s’il croit en D’ieu. L’autre lui dit qu’il lui répondra une autre fois. Le lendemain, le rabbin lui pose à nouveau la question et l’homme ré- pond par la négative. «Pourquoi ne m’as-tu pas répondu hier ?» demande le rabbin. «Parce que c’était Shabbat !». J’aimerais terminer sur un Proverbe que j’aime particulièrement : «Ecoute, mon fils, les règles de ton père mais n’oublie pas la Thora de ta mère».


Moyen-Orient: Après le Rideau de fer religieux,… la purification religieuse! (The Middle East is being purged)

24 septembre, 2006

New Life for Massacre at ChiosA travers la région (à quelques exceptions), des minorités non-islamiques – c’est-à-dire généralement des minorités chrétiennes – sont chassées par l’abus physique, la discrimination légale, le meurtre et la destruction ou la confiscation des maisons, des entreprises et des églises. Appelons ça nettoyage religieux. C’est une stratégie politique susceptible de donner à terme à l’Iran, l’Irak, l’Egypte et les terres saintes de la Palestine une homogénéité culturelle qui n’a jamais existé dans l’histoire humaine, avant ou après le Christ. Il y a des douzaines de groupes chrétiens avec de riches histoires, s’étendant du Syriaque antique et des églises syro-chaldéennes qui parlent toujours la langue (l’araméen) de Jésus Christ aux églises coptes en Egypte qui préservent la langue des pharaons. . . Il y a des fidèles de Jean-Baptiste en Irak et en Iran. Les Zoroastriens de l’Iran remontent peut-être à 3.000 ans. C’était sous leur puissance et influence que le grand roi de Perse, Cyrus, a mis un terme à la captivité babylonienne des enfants d’Israel. » L’Islam fondamentaliste les met tous sous pression. Beaucoup plient bagage tout simplement. L’oppression des chrétiens coptes de l’Egypte, qui constituent 10% de la population, est brutale. Pendant la semaine de Pâques en avril dernier à Alexandrie, des musulmans armés de couteaux ont attaqué des fidèles de plusieurs églises coptes… Comme d’habitude, les fonctionnaires égyptiens locaux empêchent les Coptes de reconstruire leurs églises… En Terre sainte, les populations chrétiennes de Bethlehem, Nazareth et Jérusalem ont émigré sous la coercition après des décennies où le gouvernement palestinien s’est entendu pour extorquer la propriété des propriétaires fonciers chrétiens. L’exode (et la chute des taux de natalité) des chrétiens dans le Moyen-Orient est un phénomène bien documenté et analysé depuis le siècle dernier … Les fondamentalistes islamiques ont accru et étendu leurs agressions anti-minorité – au Soudan, en Somalie, au Nigéria, en Indonésie et au Pakistan (où des membres de la minorité musulmane d’Ahmadi ont été abattus comme apostats). Le Moyen-Orient est purgé d’une diversité historiquement enrichissante dont l’existence à long terme est pratiquement condamnée. Ce qui restera est une menace homogène et auto-proclamée pour le reste du monde… les pathologies et les méthodes dirigées contre des minorités non protégées seront employées ensuite contre d’autres musulmans et gouvernements. Il n’est pas exagéré de suggérer que les violences contre ces chrétiens locaux sont perçues avec raison comme l’avenir de ce qui attend le reste du monde. Daniel Henninger

D’abord, ils sont venus pour les Juifs et maintenant ils viennent pour… les Chrétiens !

Derrière le cinéma des indignations sélectives des Musulmans et de leurs idiots utiles d’Occident suite à l’appel du Pape à un dialogue réel avec l’islam, la dure réalité, comme le rappelle Daniel Henninger du WSJ,… du nettoyage ethnique et religieux.

Car non seulement comme on l’a vu, les populations musulmanes elles-mêmes sont maintenues de force à l’intérieur de l’islam par une sorte de « rideau de fer religieux », mais les Etats islamiques sont à présent peu à peu vidés de leurs minorités religieuses.

D’abord juives (dès la fondation d’Israël avec l’expulsion de centaines de milliers de juifs de tout le Moyen-Orient), puis maintenant chrétiennes en une véritable purification religieuse.

Et qui commence à s’étendre à d’autres continents comme l’Afrique ou l’Asie avant… le reste du monde ?

Hosni Mubarak Should Call Benedict XVI
Daniel Henninger
WSJ
September 22, 2006

Who says the world lacks leaders? After again expressing his « respect » for Islam, Pope Benedict XVI at his weekly Vatican audience two days ago moved one of his knights forward on the global chessboard of Islamic politics.

Amid amped-up security in St. Peter’s Square, the pope said: « I trust that after the initial reaction, my words at the University of Regensburg can constitute an impulse and encouragement toward positive, even self-critical dialogue both among religions and between modern reason and Christian faith. »

Setting aside the impeccable understatement of « the initial reaction » — churches torched world-wide — it is close to thrilling in a world of persistent confusion about the intentions of contemporary Islam to see the pope step forward, not back, and speak without apology on behalf of « modern reason. »

It is being widely said, mainly among his expectable Western critics, that the quotation from Manuel II Paleologus was a « mistake. » Really? I’d say Benedict is right about where he hoped to be after Regensburg: The whole world saying that a serious conversation between the pope and Islam is necessary. My guess is Benedict would clear his calendar if the Muslim Arab leadership said it is ready to talk. And the talk won’t be about who meant what in the 14th century. It will be about the here and now.

The pope has a Muslim problem alright. It is the hammering that Christian communities have been taking for years and are getting now in Islamic countries all over the world, but especially in the Middle East.

Across the region (with some exceptions), non-Islamic minorities — which by and large means Christian minorities — are being driven out through physical abuse, legal discrimination, murder and the destruction or confiscation of homes, businesses and churches. Call it religious cleansing. It is a political strategy that would eventually give Iran, Iraq, Egypt and the Holy Lands of Palestine a cultural homogeneity that has never existed in human history, before or after Christ.

Chairing a congressional hearing on this subject in July, GOP Rep. Chris Smith of New Jersey described the problem in historic terms that are acutely immediate to Benedict XVI: « There are dozens of Christian groups with rich histories, ranging from the ancient Syriac and Syro-Chaldean churches which still speak the (Aramaic) language of Jesus Christ, and Coptic churches in Egypt who preserve the language of the pharaohs. . . . There are followers of John the Baptist in Iraq and Iran. The Zoroastrians of Iran go back perhaps 3,000 years. It was under their power and influence that the great king of Persia, Cyrus, ended the Babylonian captivity of the children of Israel. » Fundamentalist Islam is pressuring all of these. Many simply leave.

Iran’s population has doubled since the revolution of 1979, but its Christian population has fallen to 100,000 from 300,000. The war in Iraq (Mesopotamia was evangelized by St. Thomas) has accelerated the emigration of Chaldo-Assyrian Christians, but non-Muslims were leaving even before the U.S. invasion. In 2000, the U.N. estimated that Iraq was Europe’s second source of refugees, after Yugoslavia.

The oppression of Egypt’s Coptic Christians, who are 10% of the population, is brutal. During Easter Week this April, knife-wielding Muslims in Alexandria attacked worshipers at several Coptic churches. Afterward, Copts shouted: « Hosni Mubarak, where are you? » Good question. Typically, local Egyptian officials prevent the Copts from rebuilding their churches. In August, a Coptic woman named Hala Helmy Botros started a blog to draw attention to such incidents. She was shut down and her father beaten: « This is a present from your daughter. » In the holy land, the Christian populations of Bethlehem, Nazareth and Jerusalem have emigrated under duress in past decades. The U.S. State Department says the Palestinian government has colluded to extort property there from Christian landowners.

The exodus (and falling birth rates) of Christians in the Middle East is a well-documented, much-analyzed phenomenon extending back into the last century. After Vatican II, Pope Paul VI created the Secretariat for the Non-Christian Religions to address these matters. In a dramatic attempt to heighten awareness, Pope John Paul II made a historic pilgrimage to Syria in 2001 and held some 60 meetings with Muslims. Observably little sustainable progress has resulted. If anything, Islamic fundamentalists have ramped up their anti-minority aggression and spread it — to Sudan, Somalia, Nigeria, Indonesia and Pakistan (where members of the Ahmadi Muslim minority have been gunned down as apostates).

And so Pope Benedict has decided it is time to act, no matter that it may hurt the sensibilities of Islamic believers or Western elites ever alert to the delicacies of language. In this Benedict deserves the world’s political support. The Middle East is being purged of a historically enriching diversity that will surely kill its ability to thrive. What will remain is a homogenous, self-proclaimed threat to the rest of the world. As Nina Shea of the Center for Religious Freedom argues, the pathologies and methods directed against unprotected minorities will be used next against other Muslims and governments. It is no exaggeration to suggest that the maltreatment of these local Christians is rightly seen as a proxy for the world.

The world’s standard political institutions have proven unable to address this problem. The U.N. is compromised and hapless. The U.S. is distrusted, Europe is supine, China is cynical. There would be no better venue for seeking a way out than the Vatican.

The Vatican doesn’t want oil. Hegemony is long gone from its vocabulary. The Vatican’s only brief is a modus vivendi, a global reality Islam must eventually acknowledge. The governments of Egypt, Iraq and Saudi Arabia should open the dialogue Benedict XVI is seeking. In March, Egyptian President Hosni Mubarak met with Benedict at the Vatican. He would be the obvious choice to take the lead. More than these Arab governments realize, their future could use the support of the pope’s famous divisions.

– Illustration: Massacre de Chios, Delacroix, 1822

After the beginning of the Greek War of Independence in 1821, Turkish soldiers began the massacre of thousands of Greeks around the Ottoman Empire. In one of the best known events, the Massacre of Chios in 1822, about 42,000 Greek islanders of Chios were hanged, butchered, starved or tortured to death, 50,000 were enslaved and 23,000 were exiled. Less than 2,000 managed to survive on the island. The Greek word katastrofi – also meaning ‘destruction’ and ‘ruin’ – is usually used to describe these events. The island itself was devastated and the few survivors dispersed throughout Europe in what is now known as the Chian Diaspora.

The massacre was well documented and reported and sparked outrage in Europe. French painter Eugène Delacroix painted a masterpiece depicting the horrors that occurred.


Islam: Un nouveau Rideau de fer est descendu sur le monde (A new Iron curtain has descended across the world)

24 septembre, 2006
Chute du mur/20e: Attention, un mur peut en cacher d'autres (What about Vietnam?) | jcdurbantLe vrai visage de l’islam se dévoile lorsqu’il est appliqué intégralement… or, l’islam ne peut croître que voilé… du moins en terre à conquérir. Elizabeth Richard

Le nouveau Mur de la honte n’est pas là où on croit!

C’est le mérite de ce lumineux article d’Elizabeth Richard sur resiliencetv de révèler à nouveau le formidable mensonge de la non contrainte EN islam (« pas de contraintes », oui, mais … « à partir du moment où vous restez musulman »!) et le « vrai visage de l’islam » (toujours aussi guerrier, avec l’apostasie assimilée très symptomatiquement à… la haute trahison et la désertion!) …

Et par conséquent le véritable Rideau de fer qui est en train de se mettre en place ou plutôt de se renforcer et de s’étendre à l’échelle de pays entiers mais aussi « intérieurement » dans la tête de leurs pratiquants forcés et qui permet au totalitarisme vert de continuer à maintenir en toute impunité des populations entières « derrière les barreaux du risque d’une exécution capitale s’ils revendiquent leur liberté de pensée » …

Que penser d’une religion qui… ne maintient ses ouailles que par la coercition physique ?

Islam :  » il n’y a pas de contraintes en religion »…
Elisabeth Richard
Resiliencetv
24/09/2006

Oui… à partir du moment où vous restez musulman…puisque la seule religion possible est censée être celle-ci… La condamnation à mort d’Abdul Rahmane pour apostasie , suivie de sa libération pour motifs psychologiques et de sa demande d’asile acceptée par l’Italie, n’est sans doute que la première étape d’un long processus de réflexion qui touche la cohérence même de l’islam.

Elle tombe d’ailleurs en même temps que la nouvelle Loi Algérienne sur l’interdiction du prosélytisme chrétien, la possession la simple référence , l’édition d’une Bible ou d’un Evangile peut entraîner une condamnation .

On pouvait voir le 28 mars dernier , des manifestants furieux dans les rues de Kaboul, craignant une épidémie de conversions au christianisme , si la conversion devenait un passeport pour la liberté des pays Européens !!!!

Que penser d’une religion qui invoque le spirituel, mais qui ne maintient ses ouailles que par la coercition physique ? Il n’y a rien de moins spirituel que l’interdiction de penser . Certains juristes musulmans justifient cette sanction par la comparaison avec un crime de haute trahison pour désertion dans une armée de métier. Mais ils oublient que l’adhésion à cette armée est libre , ce qui n’est pas le cas pour un membre de la Oumma , puisque tout enfant né de parents musulmans est musulman par définition .

Comment gérer la coexistence pacifique de populations de différentes religions, si certaines d’entre elles sont enfermées derrière les barreaux du risque d’une exécution capitale en revendiquant leur liberté de pensée ? Les populations musulmanes sont-elles condamnées à vivre totalement refermées sur elles-mêmes pour résoudre cette contradiction ?
Comment accepter un voisinage qui vous laisserait marier votre fille au fils du voisin et qui interdirait à votre fils d’épouser leur fille ?
La réciprocité et le respect n’est-elle pas l’une des valeurs premières de l’humanité ? et comment accepter ce voisinage si les lois ne s’appliquent pas équitablement à tous ?

Comment inciter des peuples à réfléchir , à voter, à se responsabiliser et à se prendre à charge, si ils n’ont pas le droit de penser et de remettre en cause le système qui les gère ?
Comment attirer les investisseurs , les cerveaux dont ces pays ont besoin ?

Comment gérer , au sein même de l’ONU des populations qui n’ont pas les mêmes droits sur la première de leur liberté : la liberté de conscience ? Comment exiger un traitement équitable et sur quelles bases établir la notion même d’équité pour ces populations , vivant ensembles et dont certaines seraient libres et d’autres emprisonnées ?

Comment imaginer faire rentrer dans l’Union Européenne un pays comme la Turquie , dans lequel ce problème pourrait se poser à nouveau ?

Les Imams afghans qui ont exigé la peine de mort d’Abdul Rahmane n’avaient certainement pas imaginé toutes les contradictions, toutes les incohérences qui seraient mises en lumière à la suite de leurs imprécations et de leurs exigences… Ils n’avaient sans doute pas imaginé la réaction internationale qui suivrait ce jugement , et toutes les réflexions que ces contradictions ne vont pas manquer de faire surgir , au sein même de l’Islam … car s’ils en avaient seulement imaginé le quart de la moitié du tiers, ils se seraient bien abstenus de condamner cet homme…de peur que le vrai visage de l’islam se dévoile lorsqu’il est appliqué intégralement…or, l’islam ne peut croître que voilé…du moins en terre à conquérir.


La France comme dernier refuge des gredins (The new last refuge of scoundrels)

24 septembre, 2006

Amazon.fr - Last Refuge of Scoundrels: A Revolutionary Novel - Lussier,  Paul - LivresAprès Arafat, Saddam, Haniyah et Nasrallah, voilà maintenant le tour du sauvetage… d’Ahmadinejad!

« Le patriotisme », disait Samuel Johnson, « est le refuge des gredins », mais c’est aujourd’hui la France qui semble avoir repris ce rôle, vouée apparemment à jouer à jamais les ultimes voitures-balai de ce que toute la planète peut compter de dictatures ou de mouvements terroristes.

Faut dire que de l’autre côté, comme le rappelle Iran-Resist, les contrats pleuvent: 7 milliards de $ pour Total, 2,5 milliards d’Euros pour la Société Générale. Sans compter, alors que les banques américaines, japonaises ou même suisses commencent à retirer leurs billes, les près de 6 milliards prêtés par BNP-Paribas …

Même si en France même quelques trop rares voix s’élèvent contre ces dérives éhontées de la diplomatie chiraquienne …

Lire le reste de cette entrée »


ONU: Le monde reste silencieux comme il y a 70 ans (Shame on the UN !)

21 septembre, 2006
Le mensonge genevois d'Hitler - Le TempsMessieurs, charbonnier est maître chez soi. Nous sommes un Etat souverain. Tout ce qu’a dit cet individu ne nous regarde pas. Nous faisons ce que nous voulons de nos socialistes, de nos pacifistes et de nos juifs, et nous n’avons à subir de contrôle ni de l’humanité ni de la SDN. Goebbels (Genève, 1933)
Le détournement du Conseil de sécurité en instrument de menace et de coercition constitue une source de grave préoccupation. Mahmoud Ahmadinejad (New York, 2006)

A l’heure où, en totale violation de ses statuts (« tout membre contrevenant aux principes de bases de l’organisation est passible d’exclusion »), « l’organisation qui précisément été créée pour empêcher les génocides dans le monde » (suite à l’extermination des Juifs par les nazis pendant la 2e Guerre mondiale) offre sa tribune à quelqu’un qui a déjà ouvertement et à plusieurs reprises prôné la solution finale pour cette même population …

Comment ne pas repenser à ce discours de Goebbels à la SDN à Genève en 1933, répondant à la plainte d’un juif de Haute Silésie (Bernheim) contre les brutalités, les violences et les crimes des nazis contre ses compatriotes ?

“Nous faisons ce que nous voulons de nos socialistes, de nos pacifistes et de nos juifs, et nous n’avons à subir de contrôle ni de l’humanité ni de la SDN.”

Ahmadinejad : invité indésirable à l’Onu

Tal Bauman

Arouts 7

13 septembre 2006

Alors qu’il doit participer à la prochaine Assemblée générale des Nations unies, le président Mahmoud Ahmadinejad a tout logiquement déposé une demande de visa pour pouvoir entrer aux Etats-Unis. Officiellement, Washington « étudie le dossier ». Le président iranien ne serait pas le premier leader étranger indésirable, voire même hostile, à être autorisé à fouler le sol américain.

Mais Ahmadinejad est véritablement un cas à part. Tout d’abord, il s’affronte au monde occidental dans sa volonté acharnée à se doter du nucléaire. Puis il tient haut et fort des propos négationnistes, par rapport à l’existence de la Shoah. Mais surtout, il n’a pas peur de bafouer la charte des Nations unies, en appelant publiquement à la disparition d’un de ses Etats membres : Israël. Ahmadinejad dispense du génocide en veux-tu, en voilà. Et c’est plus que l’Onu ne devrait supporter.

Car l’organisation a précisément été créée pour empêcher les génocides dans le monde. (Le terme a été adopté après l’extermination des Juifs pendant la Seconde guerre mondiale). Et offrir aujourd’hui une tribune au plus grand promoteur d’Holocauste de tous les temps, pose un problème existentiel à l’Onu. Ahmadinejad pourrait fort bien constituer une véritable menace pour l’unité de l’organisation.

C’est Kofi Annan, qui quelques jours plus tôt, s’est rendu à Téhéran et a convaincu le président iranien de la nécessité d’une rencontre. Mais les Etats-Unis, initiateurs de la lutte du monde libre contre le fanatisme meurtrier du régime d’Ahmadinejad, ont cru bon de devoir intervenir. Car si l’Onu ne parvient pas à signifier au président iranien qu’en tant qu’incitateur à la destruction d’Etats souverains, sa présence est inacceptable, Washington se déclare prêt à le faire à sa place. En lui refusant, par exemple, son visa.

De son côté, Israël pourrait également initier une action en justice. Ou tout du moins, demander aux Nations unies de décliner l’invitation faite à Ahmadinejad et de lui refuser l’accès à l’Assemblée générale de l’Onu.

L’Etat juif pourrait même exiger la suspension de l’Iran du Conseil des Nations unies pour ses velléités génocidaires. La charte de l’Onu est très claire : « tout membre contrevenant aux principes de bases de l’organisation est passible d’exclusion ». Et en appelant à la destruction d’Israël, Ahmadinejad a sans aucun doute, violé les principes fondateurs de l’organisation. A ce titre, il ne devrait pas continuer à être traité comme un membre à part entière.

Israël pourrait également traîner le chef de la République islamique iranienne devant les tribunaux de la Cour internationale de justice de La Haye. D’autres pays, comme le Canada, seraient d’ailleurs en train d’envisager une telle action.

De son côté, le Prix Nobel de la paix, Elie Wiesel a rejoint un mouvement de personnalités et universitaires israéliens, décidé à initier des poursuites judiciaires à l’encontre d’Ahmadinejad. Le mouvement se dit en effet très inquiet devant les menaces régulières proférées par le président iranien envers Israël. « Le monde reste silencieux, comme il l’a été 70 ans plus tôt », se sont exclamés ses membres.

Voir aussi l’écoeurement de Claudia Rosett:

If Ahmadinejad Wants the UN, Let Him Have It

Claudia Rosett

September 20, 2006

If the Thais had to have a coup, they couldn’t have picked a better time for it — upstaging for a moment Tuesday’s all-Ahmadinejad all-the-time media coverage of the UN General Assembly.

But only for a moment. Ahmadinejad came to New York to strut the world stage, and last evening that is exactly what the UN helped him do — despite Iran’s mockery of the Security Council’s August 31 deadline to surrender its nuclear bomb program.

From the United Nations press balcony, with its view across the vast chamber of the General Assembly, there was a particularly good view of Ahmadinejad’s transmogrification during this performance from a scruffy little man in a sports jacket to Big Brother gloating over his nuclear racket. Standing in front of the dais manned by high UN officials, the whole scene set against the stage’s sweeping golden backdrop and UN emblem, he began speaking in a soft voice. He quickly got louder and louder, declaiming, ranting, and finally almost chanting, shaking his finger, slicing his hands through the air, delivering a speech packed with “truth,” “peace” “virtue” “justice” — but inverted, twisted, indifferent to facts and emptied of meaning. He lied his head off about Iran’s nuclear bomb program, he rewrote history in his continuing campaign to erase the state of Israel, he blamed on others the terrorist atrocities underwritten by his own regime. He told us that together we can “pave the road for human perfection,” and that peace and justice — as he imagines it for all of us — will sooner or later prevail, “whether we like it or not.”

All this was, as Hugh Hewitt sums it up, “chilling” — “establishing a precedent for all future rogue regimes.”

And what was the UN response? Not all UN delegations were present, but from the many that were, Ahmadinejad drew applause. In keeping with UN ritual, Deputy-Secretary-General Mark Malloch Brown (Kofi was presumably at dinner) descended the dais to shake his hand.

That, apparently, is what you get at the UN these days if you are a messianic rogue terrorist-sponsoring tyrant making nuclear bombs in defiance of the Security Council. You get a lot of high-level handshakes, many on camera to beam back home to remind your oppressed citizens how powerful you are. Earlier this month, Kofi Annan himself traveled to Tehran to shake Ahmadinejad’s hand. They had the chance to meet again, at last week’s Non-Aligned summit in Cuba, where Annan thanked each and every participant for the many valuable contributions to whatever Annan’s been doing all these years. Annan’s schedule yesterday showed yet another meeting with Ahmadinejad, in New York — a few hours before the Iranian tyrant’s speech.

Whatever UN officials have been saying during all this handshaking, Ahmadinejad instead of closing his bomb factories keeps voicing demands of his own. In his speech, he demanded among other things that the UN Security Council be reconfigured to eliminate the privileged positions of such nations as the U.S. and U.K. (Russia, China and France, the other members of the veto-wielding Permanent Five, don’t seem to bother him as much). And until his full roster of favored candidates can be added, he wants seats for some of his favorite groups, such as the Organization of the Islamic Conference and the Non-Aligned Movement.

What to do about all of this?

The NY Sun has a good idea: Arrest him.

Geneva-based UN Watch says: Expel him.

I’ll add to the list one more suggestion. What makes that UN stage such a prize for the likes of Ahmadinejad is the support — both political and financial — conferred upon it by the democratic nations of the world, especially the United States. If the UN can’t deal with Ahmadinejad, let Ahmadinejad deal with the UN. Get out, and give it to him. Send it to Tehran, lock, stock and reconfigured Security Council. Let him make all the speeches he wants. With that clutter out of the way, and with the $5.3 billion the U.S. would save every year, plus the considerable moral and political capital we have been squandering on the UN, we might just have a shot at creating in its place institutions that work.

Voir également:

Arrest Ahmadinejad

New York Sun Staff Editorial

September 19, 2006

Hardliners in the war on Islamic extremist terrorism have long called for it to be treated as a war rather than a law-enforcement issue. Yet by allowing, in Mahmoud Ahmadinejad, the president of an Axis regime to come to New York and stay on Park Avenue at the Intercontinental Hotel The Barclay, President Bush is signaling that he’s less than serious in his approach to a regime he marked, at the outset of his presidency, as evil. Those who recognize the Iranian threat are left with the law-enforcement option. Police Commissioner Kelly, District Attorney Morgenthau, or any enterprising federal prosecutor or G-Man has a perfect opportunity at hand to seize Mr. Ahmadinejad and to hold him as a material witness or even as a suspect. Years ago the Jewish Forward newspaper made a similar argument in respect of the Hafez al-Assad of Syria. It didn’t happen, of course,and the Syrian occupation of Lebanon grew worse until the murder of  Rafik Harari and the new outbreak of war.

An ample American legal record already holds the Iranian government responsible for terrorist attacks by Iranian-sponsored terrorist groupssuch as Hezbollah, Hamas, and Palestinian Islamic Jihad. As our Josh Gerstein reported on April 3, dozens of rulings, many of them by a federal judge in Washington, Royce Lamberth, have found Iran civilly liable for murders; courts have made verdicts against Iran totaling about $6 billion. A December 2003 fact sheet from the Republican Study Committee in the House of Representatives lists at least 52 Americans murdered by Palestinian Arab terrorists since 1993. Many of the victims are New Yorkers, and Iranian funding and training figured in many of the attacks, according to American and Israeli government and non-government reports on terrorist organizations.

Mr. Bush himself said earlier this month, « The Iranian regime and its terrorist proxies have demonstrated their willingness to kill Americans. » The president said that Hezbollah, which Iran funds with hundreds of millions of dollars a year, is « directly responsible for the murder of hundreds of Americans abroad. It was Hezbollah that was behind the 1983 bombing of the U.S. Marine barracks in Beirut that killed 241 Americans. And Saudi Hezbollah was behind the 1996 bombing

of Khobar Towers in Saudi Arabia that killed 19 Americans, an attack conducted by terrorists who we believe were working with Iranian officials. »

In June of 2001, a federal grand jury in Virginia handed up an indictment for the Khobar Towers bombing that documented how the bombers were trained, directed, financed, and monitored by Iranian government officials. Mr. Bush has been articulating the importance of keeping terrorist leaders detained at Guantanamo so that they are not free to commit more attacks. Mr. Ahmadinejad has been quite clear about what he intends to do if he is allowed to return to Tehran. On August

2, he told the Jews, via the Iranian news channel IRINN translated by the Middle East Media Research Institute, « They should know that they are nearing the last days of their lives. »

The August 31 « deadline » set by America and the United Nations for Iran to address its nuclear violations has come and gone. Mr. Bush’s partisan critics are still making hay from Osama Bin Laden’s escape at Tora Bora. In this instance, the terrorist leader won’t be hidden in the mountains of Afghanistan; he’ll be in open view at the Intercontinental Hotel in Midtown. America can let him escape back to Iran without bringing him to justice and signal to the world that the talk about a war on terrorism and an axis of evil is all mere talk. Or it can seize Mr. Ahmadinejad, find out what he knows about the murders of dozens of Americans, and demonstrate that those who murder Americans will be held accountable.

Voir enfin:

Take Action

Tell the UN: Expel Ahmadinejad’s Iran

UN Watch

Iranian President Mahmoud Ahmadinejad systematically denies one genocide while actively seeking another: repeatedly denying the Holocaust, repeatedly threatening to eliminate Israel, and madly pursuing nuclear weapons. All this stands in contempt of the basic principles of the United Nations and warrants Iran’s expulsion from the world body. Write to the five Permanent Members of the Security Council and the President of the General Assembly urging them to take action against Ahmadinehad’s Iran.

It’s time to tell Iranian President Mahmoud Ahmadinejad that his promotion of hatred and destruction—his repeated denial of the Holocaust, his explicit incitement to eliminate Israel, his mad pursuit of nuclear weapons in defiance of the international community—carries a price.  A government that systematically denies one genocide while actively seeking another stands in contempt of the principles of the United Nations.

The UN was founded on basic rules.  One of them is that a member state that “persistently violates” the principles of the UN Charter can be expelled.  By threatening to destroy a fellow member state, Ahmadinejad’s Iran violates Article 2 of the Charter—and mocks everything the UN claims to stand for.

The Security Council and General Assembly should rescind the membership of Iran.


Carte scolaire: Le jour où la France inventa… le « busing » à l’envers! (Another bright French idea… reverse busing!)

20 septembre, 2006

Stalin

Dans les quartiers ou banlieues pauvres, beaucoup de familles « méritantes » pouvaient envoyer leurs enfants dans de meilleures écoles ou collèges que ceux de leur environnement immédiat. Parfois même au lycée, assez élitiste avant 1939. Avec la carte scolaire, la chose devenait beaucoup plus difficile. On aurait voulu contenir les pauvres dans des écoles pour pauvres et éviter que les enfants de familles « convenables » ne soient mêlés à ceux des « classes dangereuses », qu’on n’aurait pas pu mieux s’y prendre ! Quand, aux USA, on voulut s’attaquer à la ségrégation de fait, on imposa le « busing », qui est tout le contraire de la carte scolaire ! Pierre Barrucand

A l’heure où, campagne oblige, les candidats font mine de découvrir le secret de polichinelle de l’aberration sociale que constitue la carte scolaire (je mets au défi quiconque de me trouver un seul avantage* de ce vestige digne des plus beaux jours de la feue Union soviétique), il faut lire cet intéressant commentaire sur le site libéral « Les 4 vérités ».

En effet, pouvait-on imaginer, au moment où l’Amérique découvrait la déségrégation et le « busing« , mesure plus abjecte que ce pur produit d’une bureaucratie devenue folle et qui, redécouvrant les vertus supposée de l’apartheid scolaire (« separate but equal »), réussissait l’exploit de cadenasser, au nom de leur intérêt prétendu, les plus démunis dans leurs ghettos ?

Pire encore, peut-on imaginer plus grande absurdité que l’entêtement avec lequel la gauche se cramponne, 43 ans après, à une disposition aussi ségrégationniste et inégalitaire (puisqu’au pays du passe-droit – voir ci-dessous – elle est systématiquement tournée par les plus favorisés) et… dont elle n’était même pas à l’origine ?

* Le site des « jeunes socialistes » nous gratifie, lui, d’un merveilleux sophisme: « Ce mécanisme permet en principe de lutter contre la ségrégation sociale puisque le critère d’affection ne tient pas compte de la fortune des parents mais de leur lieu d’habitation ». Comme si… « lieu d’habitation » et « fortune des parents » n’avaient rien à voir. Sans parler de la possibilité, par définition inégalement répartie, d’ « acheter un logement dans la bonne zone » (et donc de se payer par exemple les 10% de surcote immobilière du quartier déjà hors de prix jouxtant le meilleur établissement de France: Henri IV, en plein centre historique de Paris, juste à côté, Place du Panthéon, de chez… le leader de la classe ouvrière bien connu Laurent Fabius!) ou d’ « avoir les relations suffisantes ».

Carte scolaire et ségrégation sociale
Pierre Barrucand
Les 4 vérités
le 20 septembre 2006

La carte scolaire ne fut inventée, ni par la IIIe ni par la IVe République mais seulement en 1963. Le ministre, très contesté, était Christian Fouchet. Son but, se voulant louable, était d’accroître la mixité sociale. Mais toute réforme entraîne toujours peu ou prou des « effets pervers ». Mais dans ce cas, il y a eu subversion totale du but initial, car ce qui fut accru, voire parfois totalement réalisé, a été une forme de ségrégation sociale, voire raciale.

Dès le début, la chose était prévisible. Car ni en 1900, ni en 1960, les enfants d’Aubervilliers ou de Romainville n’étaient ceux de Neuilly ou de Passy ; même à Paris, ceux de Belleville n’étaient pas ceux d’Auteuil. Toutefois, dans les quartiers ou banlieues pauvres, beaucoup de familles « méritantes » pouvaient envoyer leurs enfants dans de meilleures écoles ou collèges que ceux de leur environnement immédiat. Parfois même au lycée, assez élitiste avant 1939.

Avec la carte scolaire, la chose devenait beaucoup plus difficile. On aurait voulu contenir les pauvres dans des écoles pour pauvres et éviter que les enfants de familles « convenables » ne soient mêlés à ceux des « classes dangereuses », qu’on n’aurait pas pu mieux s’y prendre !

De plus, depuis 1963, un phénomène nouveau s’est développé : la ghettoïsation de trop nombreuses localités due à l’afflux d’immigrés d’origine musulmane et aggravée par le retrait progressif des « Gaulois » (soyons corrects, ne parlons pas de Français de souche !) qui constatent la difficulté de la coexistence, augmentant ainsi une forme douce de purification ethnique ou, plutôt religieuse, à la grande satisfaction des wahhabites et des salafistes d’une part, et, d’autre part, d’une minorité de jeunes délinquants agressifs : la « caillera » (ne parlons pas de racaille !).

Les résultats sont le développement de la violence scolaire qui obère la qualité de l’enseignement, les lourdes pressions sur les femmes pour qu’elles se voilent, voire mènent une vie recluse, l’abaissement du pourcentage de mariages « mixtes » et un chômage massif.
Or, il y a beaucoup de jeunes « issus de l’immigration » qui désirent s’intégrer, travailler, poursuivre des études, notamment des filles désireuses d’échapper aux violences de la « caillera » ou aux pressions des intégristes, et de connaître un autre monde que celui, étouffant, de ces lieux. Et cela, la perverse carte scolaire ne le permet guère, renforçant ainsi le phénomène de ghettoïsation.

Quand, aux USA, on voulut s’attaquer à la ségrégation de fait, on imposa le « bussing », qui est tout le contraire de la carte scolaire ! Les inconvénients étaient réels, mais la méthode fut assez efficace. Dans la mesure où la gauche se veut réellement (?) en faveur des plus démunis, elle devrait exiger en priorité la suppression totale de cette maudite carte ségrégationniste. Or, Razzye Hammadi, leader autocratique du MJS (les « jeunes socialistes ») déclare : « Abandonner la carte scolaire, c’est mettre en ordre l’injustice » ce qui, on le voit, est « hénaurme ».

, cet homme d’origine purement nord-africaine, est issu d’une famille modeste. Alors ? Désire-t-il accroître ségrégation et ghettoïsation ? Et pourquoi ? La chose est peu vraisemblable et serait très inquiétante. Une autre explication est plus probable et médiocre : Ségolène Royal ayant proposé une timide réforme, constatant l’injustice du système, mais surtout contrariant les ambitions de certains « éléphants » usés et vieillis auxquels elle taille des croupières, Hammadi se veut à une avant-garde agressive de la protection de ceux-ci, et entend multiplier contre elle toutes sortes de provocations et d’agressions, conforme en cela à la tradition d’une certaine extrême-gauche. Nostalgie ?

Et cela illustre l’extrême médiocrité intellectuelle d’un PS qui n’a plus aucune idée neuve, ce qui n’était pas le cas, il y a quelques décennies, quoi que l’on pense de ces idées. Il n’est plus guère qu’un appareil électoral, un parti attrape-tout unissant un « conservatisme » qui est en fait un misonéisme fondamental, refus de tout changement, à un verbalisme creux.
À sa gauche, existent des forces « altermondialistes » qui ont, elles, quelques idées, même si fausses ou dangereuses, et qui ont de moins en moins de sympathies pour lui.

Voir aussi le petit vademecum de la triche concocté par Libération qui réussit la prouesse, lui, de présenter le choix du privé comme une des options possibles du… « ruser en toute légalité »:

Ces parents qui s’adonnent à la triche
Tour d’horizon des astuces pour scolariser les enfants dans l’établissement souhaité.
Olivier Bertrand (à Lyon), Ludovic Blecher, Salomé Legrand
Libération
6 septembre 2006

«Bonjour, connaissez-vous des moyens pour éviter son collège de rattachement géographique ? Et, selon vous, est-ce la solution de fuir les collèges réputés difficiles ?» Des questions comme celles-là, il y en a des centaines sur les forums de discussion en ligne. Espérant tirer profit des récits des autres, les parents sont de plus en plus nombreux à mutualiser leurs expériences pour affiner les ruses qui permettent de scolariser leurs enfants dans les établissements de leur choix.

«Tâche». La plupart du temps, c’est pour éviter un «environnement difficile» qu’ils se démènent. Et parfois dès le plus jeune âge. En témoigne cette réponse glanée sur l’Internet : «Notre fils de 3 ans et demi ans devait faire sa rentrée dans une maternelle située en ZEP. […] Vu le caractère de notre loulou, ce ne serait pas lui faciliter la tâche que de débuter sa scolarité dans un environnement difficile. Pour avoir une dérogation, il faut justifier d’un frère ou d’une soeur dans un autre établissement, d’une nounou à proximité ou d’un travail proche de l’établissement où tu souhaites l’inscrire. Et, si tu ne bosses pas, pourquoi ne pas tricher pour essayer d’avoir une fausse promesse d’embauche ? Dans les mairies, ils ne prennent pas la peine de vérifier si tous les parents ont un emploi effectivement proche de l’école souhaitée.»

Parfois, c’est au piston que ça se passe. «C’est le maire qui décide, explique Mafaldita. Ma nièce est scolarisée dans la commune où ma mère la garde. Ma soeur a donc demandé une dérogation au maire. Le maire, c’est mon père, alors y a pas eu de souci.» Mais quand il n’y a pas connivence, les parents doivent trouver d’autres astuces. Nicole, une comptable parisienne devenue experte ès dérogations, a réussi la manoeuvre pour ses trois enfants. Pour le premier, elle a fait une simple demande en expliquant que sa fille partageait sa nourrice avec celle d’une famille dépendant d’une autre école du quartier. «Pour le deuxième, j’ai pleuré Margot devant le chargé de la petite enfance à la mairie, et ça a marché», se souvient-elle. Réclamer le rapprochement de fratrie aura suffi pour changer l’affectation du troisième.

Quatre points. Pour vous faciliter la vie, le site Réponseàtout.com (1) liste les techniques pour frauder. En insistant particulièrement sur «la voie détournée : ruser en toute légalité». Elle se décline en quatre points : choisir une option rare, domicilier son enfant chez un parent, acheter un appartement dans le secteur convoité, et, en dernier recours, le lycée privé. Pas banal : Marie, comédienne de Viroflay (Yvelines), a choisi la fausse domiciliation pour mettre sa fille dans un établissement moins bien classé que celui auquel elle avait droit. «Elle s’y sent mieux, et, du coup, d’élève moyenne, elle est devenue excellente», dit cette mère qui détonne dans un univers parental où on cherche plutôt à fuir la mauvaise réputation. «Ma fille aînée devait normalement aller au lycée Joliot-Curie, qui est mal fréquenté, raconte ainsi Amandine (2), cadre supérieure à Nanterre. Comme une option histoire de l’art qui l’intéressait était proposée par trois autres établissements mieux cotés des Hauts-de-Seine, nous avons tenté le coup.» La procédure est passée comme une lettre à la poste, et, jusqu’à l’obtention de son bac cette année, la jeune fille prenait chaque matin son scooter pour effectuer les quelques kilomètres qui séparaient le bon lycée de chez elle.

«Beau sur le papier». A Lyon, sur les pentes de la Croix-Rousse, Daphné et sa soeur Géraldine ont elles aussi évité le collège de leur quartier, qui subit la très forte désaffection des familles les plus favorisées. Leur père, Christophe, 51 ans, «assume» les stratégies mises en place pour éviter l’établissement du coin. «Quand Daphné a eu l’âge d’aller en 6e, elle a pris deux langues vivantes, ce qui lui a permis d’aller dans le IIe arrondissement [la presqu’île lyonnaise,ndlr], dans un collège où c’était possible.» Sa seconde a choisi une lanue non dispensée dans le quartier, afin de rejoindre un autre collège de la presqu’île.
Christophe confie : «Les expériences de mixité sociale, je trouve ça beau sur le papier, mais je ne peux pas sacrifier mes gamins au nom d’une idée.» Il travaille dans la culture, vote à gauche. «J’ai envie que mes filles soient tirées vers le haut.» Comme cela ne se passait pas bien sur la presqu’île, cet «anticlérical» a franchi un nouveau pas il y a deux ans en faisant «le forcing» pour que la cadette intègre un collège catholique. Cette année, Daphné commence des études de droit, et Géraldine redouble sa 4e dans le privé.

(1) http://www.reponseatout.com /article.php3?id_article=19&artsuite=0
(2) A la demande des personnes interrogées, les prénoms ont été modifiés.

Voir également:

– Sur les effets pervers de la carte scolaire (et les stratégies et stratagèmes pour y échapper – demandes de dérogations, location ou achat de chambres de bonne place du Pantheon, fausses adresses, etc. – ou choisir le « bon » établissement et entre les… 150 bacs !):

« au niveau du collège, dans certaines régions, jusqu’à 40 % des élèves ne sont pas scolarisés dans l’établissement public de leur secteur.

Le paysage scolaire s’apparente à une mosaïque de ghettos : ceux dans lesquels sont cantonnés les pauvres, sans qu’on leur demande leur avis ; ceux dans lesquels se protègent les riches, sans d’ailleurs avoir besoin de contourner la loi (leur lieu d’habitation leur offre protection) ; et de plus en plus ceux par lesquels les classes moyennes tentent d’échapper à une mixité sociale

Selon le sociologue Eric Maurin, la carte scolaire est «un facteur de polarisation des familles» : dans la mesure où les plus riches sont «dans une recherche active de quartiers protégés et sûrs qui assurent la scolarité de leurs enfants contre les aléas» , les «un peu moins riches» en font autant (avec moins de choix) et ainsi de suite. Résultat : la ségrégation : la ghettoïsation urbaine, statistiquement, est aussi marquée en France qu’aux… Etats-Unis.

Les enseignants arrivent en tête des dérogataires, devant les inactifs (15 %), les cadres (10 %), les professions intermédiaires (8,5 %)…

Libé 08/11/03

– Sur les méfaits corollaires des ZEP, voir le même Eric Maupin :

« Aider un quartier, c’est le stigmatiser. La mise en place de zones urbaines sensibles (ZUS) ou celle de zones d’éducation prioritaires (ZEP), où les établissements scolaires reçoivent un peu plus de moyens qu’ailleurs, équivalent à montrer ces espaces du doigt. Cet étiquetage joue a contrario, en faisant fuir les familles les plus à l’aise, ou en les décourageant de s’y installer. Mieux vaut choisir d’aider directement les individus. »

Nouvel Obs hebdo 02/12/04

COMPLEMENT:

Dossier

Ecole : l’inégalité des chances ?

Le Monde

18.12.06

« Egalité des chances » : l’expression a été utilisée la première fois par Jean-Pierre Chevènement en 1986. Depuis, ses successeurs à la tête du ministère de l’éducation parlent tous d’école plus juste, plus mixte et plus égalitaire. Pure utopie ? ZEP, carte scolaire, collège unique et réformes pédagogiques ont été mis en place. Résultat : peut mieux faire car l’école crée ses propres inégalités, comme l’ont cristallisé les émeutes des banlieues en 2005 et le mouvement anti-CPE en 2006. Dans la perspective de la présidentielle en 2007, l’éducation est un thème prioritaire de campagne à droite comme à gauche. Mais pour faire quoi ? Réformer le système en profondeur ou le maintenir avec plus de moyens ?

Egalité des chances, une expression, un principe et une loi
le 01.12.06

L’égalité des chances… Des mots qui circulent d’un gouvernement à l’autre, qui passent d’une école à l’autre, tel le titre d’une récitation apprise par cœur par l’ensemble des acteurs scolaires. Mais de quoi parle-t-on ?

L’égalité des chances, c’est une expression. Elle apparaît pour la première fois dans un discours de Jean-Pierre Chevènement, alors ministre de l’éducation, le 7 février 1986. Depuis, tous ses successeurs s’approprient la formule, l’école devant assurer l’égalité des chances pour tous les élèves.

L’égalité des chances, c’est aussi un principe. L’école républicaine, obligatoire et gratuite doit assurer l’égalité entre les citoyens. La France, comme le rappelle le sociologue François Dubet, est attachée à l’idée de justice. La tradition républicaine et anti-aristocratique repose sur le principe selon lequel la seule manière de produire des inégalités acceptables, c’est de construire une compétition qui permettrait de dégager une autre hiérarchie sociale, s’opposant ainsi aux hiérarchies tenant à l’héritage et au passé. Pour les père fondateurs de la République, l’école s’est substituée à l’Eglise dans sa capacité à transmettre des valeurs et des principes, dans sa capacité à former les citoyens. L’école, c’est la République, et la République, c’est l’école.Les années 1960 ont marqué un tournant. Avant, le système scolaire répondait aux exigences de l’Etat républicain. Le modèle scolaire parvenait à redistribuer les connaissances pour tous ceux qui avaient accès au savoir. Après, la France a changé de registre. Tous les élèves, riches ou pauvres, sont allés dans la même école. Dans ce nouveau système, la règle de l’égalité des chances a impliqué que tous les élèves munis de leur bâton de maréchal dans le cartable ont eu la possibilité de réussir. La compétition s’est démocratisée, l’école s’est « massifiée » en même temps que le système n’est plus parvenu à surmonter ses propres contradictions devenues sources d’inégalités. Certaines voix, comme celles des sociologues Pierre Bourdieu et Jean-Claude Passeron, se sont élevées pour montrer que l’école ne faisait que répéter les inégalités sociales. Pour eux, le système scolaire constituait le « meilleur allié du conservatisme social et politique » (Les Héritiers, Editions de Minuit, 1964).

UN DEVOIR URGENT DE CHANGEMENT

Quarante ans après, les inégalités scolaires se sont accrues en France, à l’image des mutations économiques, facteurs de disparités en tout genre. De réforme en réforme, le système scolaire est devenu une institution en état grippal permanent. Le modèle scolaire républicain marche tellement à plein régime qu’il est en surchauffe constante et ne peut donc plus faire face aux pressions extérieures – qu’elles soient politiques, économiques, sociales, culturelles ou religieuses. L’école n’est plus un sanctuaire mais devient un buvard ; un buvard dont les auréoles sont le reflet de ses propres contradictions mais aussi celles de la société. Elle absorbe en quelque sorte les inégalités qui l’entourent. Au fond, les inégalités sociales se sont déplacées de la société dans l’école pour se reproduire dans la société.

Si bien qu’aujourd’hui, l’égalité des chances, c’est aussi une loi. Le 2 juin 2005, Azouz Begag, écrivain et sociologue, est nommé ministre délégué à l’égalité des chances. Il n’est pas vraiment mis en avant par le gouvernement. C’est à partir de novembre 2005, juste après la crise des banlieues, que l’égalité des chances se présente réellement comme une nécessité et devient en quelque sorte un devoir, un devoir urgent, celui de changer la société. La loi sur l’égalité des chances, dont M. de Villepin a pris l’initiative, veut donner une priorité au combat contre les inégalités, notamment dans le système scolaire.

Alors, faut-il préserver l’égalité des chances pour surmonter la crise de l’école ? Pour Patrick Fauconnier, cette égalité n’est envisageable que si l’on revoit complètement le sens même de l’école. Il faudrait, affirme-t-il, passer de l’« école-raffinerie » à l’« école-pépinière », c’est-à-dire ne plus concevoir le système éducatif sur « une base hiérarchique », mais en aidant chacun « à réussir là où il est doué ». Pour Jean-Paul Brighelli, il faut d’abord sortir des slogans et détruire la machine à fabriquer des « crétins ». Attention, dit François Dubet, à ne pas casser la clé de voûte du système, qui est celle de l’égalité méritocratique des chances. Mais comment en est-on arrivé là ?

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Grandes réformes et tentatives marginales

Publié le 15.12.06 | 14h51

Pour faire face à ces nouveaux défis, l’Etat a mis en place toute une panoplie de mesures et de réformes de l’éducation nationale :

En 1963, le ministre de l’éducation Christian Fouchet instaure la carte scolaire, pour gérer les flux d’élèves et les moyens d’éducation. Il souhaite ainsi promouvoir la mixité sociale en obligeant les parents à inscrire leurs enfants dans un établissement en fonction de leur lieu d’habitation. Mais le système est rapidement perverti : ceux qui le peuvent contournent la carte par des dérogations, adresses fictives, relations et inscriptions dans le privé. La carte scolaire, paradoxalement, se met de plus en plus à rimer avec inégalité.

En 1975 est mis en place le collège unique. Il a pour objectif de démocratiser l’accès à l’éducation en offrant à tous, de la sixième à la troisième, le même enseignement. Mais les inégalités demeurent : aujourd’hui, on est encore trop souvent orienté en filière professionnelle quand on connaît une situation d’échec. Il faudrait un « rééquilibrage disciplinaire », explique Philippe Meirieu, auteur de plusieurs ouvrages et d’un rapport sur l’éducation.

En 1981, la gauche, quelques mois après son arrivée au pouvoir, crée les zones d’éducation prioritaire (ZEP), dans le but de renforcer le niveau des élèves inscrits dans des établissements en zones défavorisées, par un ensemble de mesures volontaristes, matérielles et pédagogiques. D’après le dernier rapport de l’inspection générale de l’éducation nationale sur la contribution de l’éducation prioritaire à l’égalité des chances des élèves, le bilan est mitigé. Conclusion reprise par la plupart des intervenants avec lesquels nous nous sommes entretenus (cf. notre série d’entretiens).

Depuis, beaucoup de mesures ont suivi, émanant de gouvernements de droite comme de gauche : loi Savary sur l’école privée, loi Devaquet, réforme des diplômes, CPE, etc. La liste est loin d’être exhaustive. De nouvelles méthodes pédagogiques ont été inspirées de la maternelle à la fin du cycle primaire. Des adaptations des filières d’orientation ont été expérimentées du collège au lycée, avec plus ou moins de réussite, les effectifs dans les classes ont été réduits, avec l’approbation du corps enseignant et des syndicats. L’objectif de ces mesures est le même, en théorie : réhausser le niveau des élèves en maintenant le principe fondateur de l’égalité des chances de la maternelle à l’accès à l’université.

Dans le supérieur, même combat : ceux qui étaient défavorisés dès le début ne rattrapent pas leur retard. Le baccalauréat à 80 % d’une classe d’âge entend répondre à la massification de l’école et à la démocratisation du savoir. Les universités sont submergées par les inscriptions, les filières se bouchent, les moyens manquent, la sélection est bannie par les étudiants. Les universités françaises deviennent les parents pauvres de l’enseignement supérieur, le cursus des étudiants anonymes sans perspective, la voie de garage en rupture avec les exigences des entreprises et la réalité du marché. L’égalité des chances s’essouffle, souffre et recule même.

Quelques initiatives marginales sont alors appliquées, souvent mises en avant par les médias. Sciences Po prend depuis quelques années les meilleurs élèves des zones d’éducation prioritaire (ZEP), l’Ecole normale supérieure envoie, elle, ses professeurs dans des établissements classés en ZEP. Le lycée Henri-IV a créé une classe préparatoire de remise à niveau, « classe préparatoire aux études supérieures », pour trente élèves issus de milieux modestes à la rentrée 2006. « Il ne s’agit pas de discrimination positive, estime le proviseur du lycée, Patrice Corre, mais d’une opération d’ouverture sociale sur la base du mérite. » (Le Monde du 16 mai 2006). Mais ces initiatives sont loin de faire l’unanimité. Sciences Po a fait ses « bonnes œuvres de la marquise », pour Jean-Paul Brighelli, alors que Christian Jeanbrau, ancien professeur en classes préparatoires à Henri-IV, trouve le projet « méprisant, insultant pour l’effort pédagogique en zone difficile, élitiste à contre-emploi et, en termes d’impact social, ridicule » (Le Monde du 19 mai).

A l’issue de ces projets de modernisation du système scolaire, experts et professionnels de l’éducation tirent un bilan globalement négatif de trente ans de politique éducative. D’où la pertinence de la question sur l’inégalité des chances. Souffrirait-on d’un mal bien français, qui impliquerait que toute réforme est mauvaise mais que, paradoxalement, le système ne conviendrait à personne ?

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Consolidation du système ou ouverture ?

Publié le 15.12.06 | 14h44

Les crises du monde scolaire et parascolaire bousculent les certitudes du système français qui se croyait à l’abri, persuadé d’être le meilleur. Mais la sinistrose gagne l’ensemble de l’univers scolaire. En premier lieu, les élèves qui s’interrogent sur leur lien à l’école, puis les parents d’élèves qui s’inquiètent de l’avenir de leur progéniture, le corps enseignant qui se pose des questions sur la valeur du métier, et les experts et hommes politiques qui retournent dans tous les sens le casse-tête de l’éducation sans trouver de solution durable.

En 2006, la politique de l’égalité des chances se trouve donc à la croisée des chemins. Ce n’est pas sur le diagnostic que les divergences apparaissent mais sur les recettes. L’heure est plutôt au pessimisme ambiant et de cette inquiétude sont nées deux dynamiques.

D’un côté les pessimistes de conviction plaident pour des solutions telles que redoublement, fin du collège unique et parfois retour aux blouses. C’est à l’élève de s’adapter à un ordre scolaire plus ferme, capable de faire le tri entre le bon grain et l’ivraie, le lauréat et le bonnet d’âne. L’école aurait besoin d’une thérapie de choc, par la réification d’un système égalitaire souvent embelli. Car comme le souligne le sociologue François Dubet, « nous n’étions pas véritablement dans un système d’égalité des chances ». Mais quid de la politique de massification des écoles ? Au lendemain de la seconde guerre mondiale, les noms des bacheliers étaient annoncés à la radio… On imagine mal aujourd’hui l’exercice. Jusqu’aux années 1960, la République pouvait se permettre de récompenser ses meilleurs éléments. « Le système scolaire était un système qui ouvrait une certaine école aux enfants du peuple et ouvrait une certaine école aux enfants de la bourgeoisie », poursuit François Dubet. Mais ce n’était pas la même école. De l’élitisme républicain plus que de l’égalité des chances. On partait du principe que tout le monde n’avait pas le devoir de réussir à l’école. Pour ceux qui excellaient mais qui étaient issus de milieux défavorisés, le système a inventé la bourse. Les boursiers étaient les éléments prometteurs du système, les symboles de l’efficacité d’un modèle républicain capable de donner une chance à tous.

A côté de ce camp minoritaire, les pessimistes de responsabilité, eux, rejettent le fatalisme de l’échec et refusent de se laisser dominer par des solutions de repli. L’esprit du « Pensionnat de Chavagnes » (une émission de télé-réalité sur M6) est révolu, insiste Hervé Hamon. Ce dont l’école souffre, ce n’est pas d’un manque d’attachement au passé mais d’un repli par rapport à la réalité d’aujourd’hui. A commencer par un manque d’ambition qui interdit de placer l’élève au cœur du système. L’école souffre d’un manque évident d’adaptation à une société complexe et en mouvement. D’où les incidences sur le moral et le manque d’estime de soi de l’élève. Mais aussi des techniques de management rétrogrades, un système par trop arc-bouté sur ses acquis et ses symboles. « L’école est prise dans un imaginaire un peu sacré, un peu magique, rappelle François Dubet, qui fait qu’il est difficile de toucher à des symboles. » C’est comme si tout s’était figé : on refuse la sélection alors qu’elle constitue le moteur de la compétition (mention au bac, classes prépa, etc.), on manque de passerelles avec l’entreprise, on perpétue le traitement indifférencié des cas en difficulté, l’orientation post-secondaire est de mauvaise qualité, on s’interdit d’observer ses voisins européens, etc. Bref, la rigidité du système moule les esprits, uniformise les comportements et castre l’idée de changement.

Pourtant, rien ne peut plus marcher comme avant. Ce n’est pas encore l’union sacrée, mais jamais la volonté de moderniser, de changer, de réformer les choses n’a été aussi grande qu’aujourd’hui entre les élèves et les professeurs, les syndicats et les associations de parents d’élèves, les proviseurs et les parents, les administrateurs et les sociologues de l’éducation.
Le temps est donc venu, semble-t-il, d’ouvrir un nouveau cycle… De Jean-Paul Brighelli à Gérard Aschiéri via Richard Descoings, Patrick Fauconnier et François Dubet, plusieurs indiquent le chemin à suivre, avec une seule finalité : celle d’une véritable égalité des chances. Mais encore faut-il que les politiques décident de faire de l’éducation une priorité.-] fermer « Les candidats à l’assaut de l’égalité des chances »

Les candidats à l’assaut de l’égalité des chances
le 15.12.06

Pour la campagne présidentielle 2007, les candidats des deux plus grands partis, Nicolas Sarkozy pour l’UMP et Ségolène Royal pour le PS, ont placé l’éducation parmi les thèmes prioritaires. Ségolène Royal appelle à réfléchir sur les résultats de la carte scolaire et à refonder les bases de l’égalité des chances par des entorses à la tradition socialiste. Nicolas Sarkozy, fidèle à la philosophie de droite, insiste sur le mérite, l’effort, le travail et la compétition en proposant de supprimer la carte scolaire pour réorganiser le rapport entre les Français et l’école.

A gauche comme à droite, on le sait : l’école française mérite plus qu’un débat « pour ou contre la carte scolaire ». Et le ministre en exercice, Gilles de Robien, a raison d’appeler tous les candidats à la présidentielle à ne pas tomber dans le « simplisme » concernant l’école. Celle-ci, avant tout, a besoin que la société lui lance un autre regard, en suivant trois grandes dynamiques.

Il y a tout d’abord la question des politiques scolaires à long terme. Peut-on envisager des réformes dans la durée en France ? Quand on voit le nombre de ministres de l’éducation en dix ans, on se dit que rien n’est possible. C’est faux. La réforme LMD (licence, master, doctorat), rappelle Patrick Fauconnier, est un projet pour lequel quatre ministres de gauche comme de droite ont œuvré : MM. Allègre, Lang, Ferry, Fillon.

Il y a ensuite la question de l’adaptation de l’éducation aux réalités économiques, ce qui renvoie au statut des écoles et surtout des universités. Là aussi, de nouveaux chantiers ont été ouverts. Et tout porte à croire, au regard des dernières prévisions économiques, qu’il ne peut pas y avoir de développement et de croissance en France sans un effort entrepris sur la recherche. La croissance de demain passe par une politique intensive en faveur de la recherche et du développement des connaissances. Et cela commence à l’école, qui, pour préparer ses élèves au nouveau paysage économique, doit leur permettre d’acquérir des compétences, de mieux percevoir les talents individuels, de donner confiance.

Il y a enfin la question des moyens. Seule une politique volontariste peut susciter des résultats. L’école a besoin d’une politique de grands travaux du savoir. Pas forcément de rallonger des lignes de crédits là où les résultats sont mitigés. Réinventer la politique des ZEP, réviser la carte scolaire, améliorer les filières d’accès à l’Université, ouvrir et autonomiser celle-ci, équiper les établissements en moyens techniques, optimiser la formation des enseignants et insister davantage sur les langues et l’ouverture sur les autres modèles, tout cela demande des moyens mais surtout des fins, avertit François Dubet, car « on ne peut pas dire qu’en mettant plus de moyens pour des choses qui ne marchent pas bien, cela marchera mieux ».

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Pourquoi pas boucher ?

Publié le 18.12.06

Il est presque 8 h 20, ce jeudi d’automne. Une masse d’adolescents patiente dans le calme devant le 37, boulevard Soult, dans l’est de Paris. La plupart d’entre eux sont des garçons ; quelques petits groupes sont formés. On discute. Certains fument une cigarette, aucun ne chahute. Légèrement en retrait, deux surveillants observent ce petit monde. Une sonnerie retentit : c’est l’heure de rentrer au centre de formation d’apprentis des métiers de la viande.

L’école accueille environ 300 élèves de 14 à 25 ans pour les former au métier de boucher. L’apprentissage est ici le cœur de la formation. Les plus jeunes peuvent intégrer la classe d’initiation préprofessionnelle en alternance (Clipa). Viennent ensuite les CAP, BEP puis les brevets professionnels. Ce jeudi à 8 h 30, c’est cours pratique pour la classe de première année de BEP. Ici, la cravate est de rigueur pour les apprentis bouchers comme pour leurs professeurs. Des vêtements chauds sont nécessaires pour passer plusieurs heures debout, face à un billot, dans une salle où la température ne dépasse pas les 10 °C. Chacun revêt également une cotte de mailles pour éviter un coup de lame malheureux et se coiffe d’une casquette pour des questions d’hygiène. La leçon du jour porte sur la préparation d’une pièce de bœuf. Stéphane Riquet, maître boucher, fait face à une vingtaine d’élèves. Couteau en main, le professeur exécute sa démonstration. Il détaille chaque morceau de viande, chacun des éléments qui la composent. Il répète inlassablement les règles qui feront de ses apprentis d’honnêtes professionnels puis il interroge, note et recommence. Ses élèves écoutent et s’escriment à reproduire les gestes de leur maître.

Surprise : autour de Stéphane Riquet, il se fait un silence d’église. Cette vingtaine de personnes, que le tronc commun de l’éducation nationale n’a pas gardées, est à l’écoute. « On ne plaisante pas avec la discipline », explique le maître boucher avant d’affiner son analyse. « Ce n’est pas à l’école qu’ils doivent le plus prendre sur eux. Ils travaillent en alternance. Ils passent plus de la moitié de leur temps chez un patron boucher avec lequel il peut y avoir des tensions. Ils doivent très rapidement apprendre à gérer l’environnement quelquefois difficile de la vie professionnelle. »

UNE ALTERNATIVE AU TRONC COMMUN DE L’ÉDUCATION NATIONALE

« La majorité des élèves qui intègrent l’école sont fâchés avec le système scolaire », reconnaît Bernard Merhet, président de l’école et de la Fédération de la boucherie d’Ile-de-France. Toutefois, 75 % à 80 % des élèves présentés aux examens obtiennent un diplôme, avec de bonnes chances d’intégrer avec succès la vie active. L’apprentissage offre un autre cadre pédagogique et une nouvelle chance à des adolescents brouillés avec le tableau noir. Le profil de ces futurs préparateurs de produits carnés est « multiple », estime Annie Robillard, directrice pédagogique du Centre de formation des apprentis (CFA). « Nous avons eu des enfants de la DASS et des fils de chirurgiens ou d’ingénieurs. » Toutefois, « beaucoup de jeunes sont dans une détresse morale, sociale, affective. Issus de familles déchirées avec des parents au chômage. Ceux qui entrent en CAP sont très souvent en échec scolaire. Certains sortent de 4e, d’autres sont déscolarisés depuis plusieurs années. Nous leur donnons une nouvelle chance de s’en sortir. C’est lors du premier trimestre de la première année que nous enregistrons le plus gros taux d’abandons. Ils supportent mal les contraintes de l’école et celles de leurs patrons ».

Certains de ces apprentis sont également des fils de bouchers qui ont la perspective de reprendre l’affaire familiale. « Mon père a trois boucheries, témoigne Emmanuel, 19 ans, j’ai fait une seconde, puis j’ai quitté l’école et j’ai travaillé dix-huit mois comme vendeur de téléphone mobile. » Sans métier ni diplôme, son père le recadre dans le savoir-faire familial et l’envoie à l’école de boucherie. « Mon frère aîné gère déjà une des boutiques de mon père. Il veut que moi aussi je me forme au métier« , explique le jeune homme.

Djamel, lui, est dans l’école par hasard. « Je n’ai pas choisi », assure-t-il, « c’est le conseiller d’orientation qui m’a dit d’aller là. Mais c’est bien. Je ne regrette pas, j’apprends un métier. Si ça ne me plaisait pas, je serais parti. On peut gagner de l’argent et on aura du travail. A la sortie de l’école avec un BEP, je peux compter sur un travail à 1 400 euros [mensuel]« .

LA FILIÈRE RECRUTEUn métier, un emploi et un salaire décent constituent les arguments les plus importants pour la plupart des élèves. « J’étais en première l’an dernier, témoigne Arnaud, mais je voulais me former à un métier pour gagner un vrai salaire. Les bouchers confirmés peuvent gagner jusqu’à 1 800 euros. »

La filière recrute, confirme Annie Robillard. Il existerait 6 000 offres d’emplois par an dans le secteur, alors que seulement 600 apprentis sortent chaque année des écoles, estime la Fédération de la boucherie d’Ile-de France. « Dans les années 70, nous avons accueilli jusqu’à 600 apprentis. Au fil des années, le nombre de vocations s’est atténué. La boucherie a une image de marque déplorable. Les élèves ne disent pas facilement qu’ils sont apprentis bouchers à l’extérieur de l’école, ils s’inventent un autre cursus. Les patrons bouchers souhaitent également une autre vie pour leurs enfants, ils les encouragent à poursuivre leurs études. Et puis, au pays des 35 heures, la profession conserve l’image d’un métier difficile où il est nécessaire de faire beaucoup d’heures pour bien gagner sa vie. Enfin, l’image du grand costaud rougeaud transportant des carcasses sur ses épaules perdure et ne facilite pas la féminisation de la profession« , explique la directrice pédagogique. Les chiffres le confirment : une dizaine de filles sur trois cents élèves dans cette école.

« Il faudrait valoriser ces métiers et leurs formations », souligne Annie Robillard. Alors boucherie, charcuterie, poissonnerie, à quand la relève ?
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Ressources, cours en ligne, blogs et formations à distance

le 27.11.06

Ressources et cours en ligne :

Le Précepteur
Documents scolaires directement utilisables par les élèves du CP à la terminale.

Cours et ressources pédagogiques en ligne
Du collège à l’université et aux classes prépa.

Campus virtuels
Annuaire des cours dispensés en ligne dans les universités françaises.

Association Libre cours
Supports pédagogiques classés par domaines mis en ligne par des enseignants.

Encyclopédie sonore
Service éducatif en ligne proposé par les universités françaises et étrangères. Il dispose de 6 967 cours audio dans 346 thèmes.

Librecours.org
Supports pédagogiques mis en ligne par des enseignants de l’association Libre Cours.

Doc’s du Net
Tutoriaux informatiques réalisés par un élève en ingénierie informatique.

Canal U
Webtélévision de l’enseignement supérieur et de la recherche (cours, conférences, colloques…).

BNF
Dossiers pédagogiques de la BNF (littérature, arts, architecture et photographie).

Cyberpapy
Premier site français de soutien scolaire.

Plagiat :

Compilatio.net
Veille et détection de plagiat sur Internet en direction du corps enseignant.

Blog :

Blogs : quelles applications pédagogiques ?
Sur le site Franc-Parler, communauté mondiale des professeurs de français.
Le Web pédagogique
Plate-forme de blogs pédagogiques.

Erasmus Campus FLE 2007
Blogs des étudiants FLE (université de León).

Campus virtuel FLE, audio-vidéo blog

Le Professeur de français
Matériaux utiles aux classes de FLE.

« Partagez la connaissance » :

Mot d’ordre du blog de Marie-Hélène Paturel
enseignante-documentaliste.

Blog d’un conseiller principal d’éducation
Concours CPE et vie scolaire, par Gabrielle Lamotte.

Veilles en éducation
Dédié aux « connecteurs et pronétaires qui s’intéressent à l’évolution des nouvelles technologies éducatives ».

Chronique éducation
Revue de presse des quotidiens français sur le thème de l’éducation, par Philippe Watrelot, professeur de sciences économiques et sociales et formateur à l’IUFM.

Blog d’une jeune pousse du e-learning
Actualité du e-learning et, plus généralement, sur l’univers du multimédia.

Formation à distance

FIED
Fédération interuniversitaire de l’enseignement à distance.

Centre national d’enseignement à distance (CNED)
L’établissement public du ministère de l’éducation nationale.

Cursus
Répertoire de la formation à distance.

Thot
Nouvelles de la formation à distance.

CNPR, le savoir vert à distance
Etablissement public national d’enseignement à distance agricole (du ministère de l’agriculture).

Enseignement hybride
Tour d’horizon des nouvelles formes d’enseignement (échanges distants avec les élèves, en temps réel ou temps différé, dans une classe ou hors d’une classe).

Les cours à distance de l’université de Lecce
A partir d’une plate-forme d’enseignement à distance (Modus), accessible par câble et par satellite.

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L’Université face aux inégalités et à l’échec, comment en sortir ?

Publié le 15.12.06

Grande inégalité, ceux qui échouent viennent souvent de milieux défavorisés. « Un vrai gâchis », déclarait le ministre de l’éducation nationale François Fillon en 2004. Au niveau du diplôme d’études universitaires générales (DEUG), l’échec est patent. Selon les statistiques du ministère de l’éducation nationale, moins d’un étudiant sur deux (45,5 % en 2003) réussit son DEUG en deux ans, et 70 % le réussissent en trois ans. Les bacheliers professionnels et, dans une moindre mesure, technologiques, sont particulièrement vulnérables. A la session 2003 (derniers chiffres connus), seulement 15,4 % des bacheliers professionnels ont obtenu le DEUG (en quatre ans au plus), contre 77 % des bacheliers littéraires. Les élèves des bacs professionnels sont par ailleurs plus nombreux à être issus de milieux défavorisés.

De plus, seuls 59 % des étudiants inscrits obtiennent le niveau licence. Conscients de ces risques, les enfants des milieux favorisés (cadres supérieurs et professions libérales) évitent au maximum les premiers cycles universitaires et se tournent vers les filières sélectives, notamment les classes préparatoires. L’objectif est de contourner l’enseignement de masse et le principe de non-sélection après le baccalauréat. Cette situation traduit une grande inégalité du système universitaire. Les bons étudiants, souvent les plus favorisés, bénéficient ainsi d’un enseignement de qualité dans un environnement favorable : cours en petits effectifs, suivi serré par des enseignants disponibles, nombreux exercices. Une situation qui s’oppose point par point à la formation dispensée dans les premiers cycles universitaires, souligne François Dubet dans L’école des chances, est-ce une école juste ? Et une inégalité flagrante au détriment des élèves issus des couches populaires de la population.

L’insuffisance de moyens financiers explique, en partie, le déficit d’encadrement qui pénalise les étudiants les plus fragiles. L’Etat dépense en effet moins de 7 000 euros par étudiant à l’université, alors qu’il investit en moyenne, par an, plus de 13 000 euros pour chaque étudiant de classe préparatoire. L’absence de visibilité à cinq ans sur les besoins en qualification est un autre problème. Or, cinq ans c’est le temps nécessaire pour la mise en place d’une formation.

LA QUESTION CRUCIALE DE L’ORIENTATION

Mais le plus grave est le problème de l’orientation des bacheliers vers les formations qui ne sont pas des voies de garage ou sans perspectives. La réforme de 1998 instaurant le système licence-maîtrise-doctorat (LMD) permet en principe une réorientation de l’étudiant à l’issue du premier semestre d’études. Mais il semble que le système soit peu ou mal appliqué.

Face à ces difficultés et à ces inégalités, le recteur de l’académie de Limoges, Patrick Hetzel, nommé par le premier ministre Dominique de Villepin à la tête de la commission université-emploi, a remis fin octobre 2006 un rapport sur l’orientation et l’insertion professionnelle des étudiants. S’il écarte l’idée d’instaurer une sélection à l’entrée de l’Université, il propose différentes mesures afin d’améliorer l’information et l’orientation des étudiants. Par exemple que chaque lycéen qui souhaite s’inscrire à l’Université ait un entretien avec les responsables de la formation envisagée, qui pourraient lui faire d’autres propositions intra ou extra-universitaires. Le rapport prévoit dès la prochaine campagne d’inscription en juillet 2007 que les universités aient l’obligation légale d’informer les futurs étudiants sur le taux de réussite sur trois ans dans la filière qu’ils ont choisie.

Premier progrès : un portail Internet a été mis en place en mai 2006 par le ministre délégué à l’enseignement supérieur, François Goulard, censé aider les étudiants à se repérer dans le maquis des vingt-deux mille formations post-secondaires. Mais face à l’afflux de bacheliers – deux cent quarante mille chaque année – à l’Université, est-ce suffisant ? La sélection généralisée n’est-elle pas à terme inévitable ? D’ailleurs les jeunes Français ne s’y trompent pas, qui privilégient de plus en plus les filières post-baccalauréat dites courtes – (dans les instituts universitaires de technologie (IUT), les sections de techniciens supérieurs (STS), rattachées aux lycées et qui délivrent des BTS…) – où une sélection s’opère après le baccalauréat. Un choix assez pertinent puisque les étudiants concernés obtiennent à 72 % leur diplôme.
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La carte scolaire est devenue l’instrument de la ségrégation sociale

Publié le 17.09.06

En février 2006, lors de la convention éducation de l’UMP, j’ai soulevé, parmi d’autres questions, celle de la carte scolaire. Plus de quarante ans après sa mise en place, il n’est quand même pas incongru d’en dresser le bilan.

Je suis heureux que cette question taboue soit devenue, en quelques mois, un sujet de débat politique, une préoccupation gouvernementale et même, semble-t-il, un thème de la campagne interne des socialistes. Afin d’éviter qu’on ne déforme ma pensée, je souhaite rappeler ici dans le détail les propositions que j’ai formulées.

La carte scolaire a été créée en 1963. Elle part du principe que la meilleure manière de garantir l’égalité des chances est d’uniformiser les établissements et d’y répartir les élèves de manière autoritaire afin de créer de la mixité sociale.

La première idée ne correspond plus aux besoins de l’école aujourd’hui. L’école accueille des publics plus nombreux, plus divers, qu’elle mène à des niveaux de qualification plus élevés. Elle ne peut plus le faire dans les mêmes conditions qu’à l’époque où une sélection sévère, parfois brutale, se chargeait d’écarter ceux qui semblaient inadaptés. Chaque enfant est différent. Les uns excellent en langues, les autres en sport, certains travaillent seuls, d’autres ont besoin d’être encadrés. Combien de parents, dans tous les milieux sociaux, ont eu parfois ce sentiment que l’école, parce qu’elle est trop monolithique, ne savait pas comprendre l’intelligence de leur enfant ?

La seconde idée est juste et elle n’a pas pris une ride. Toutes les études sérieuses le démontrent : les principaux facteurs de réussite des élèves sont, dans l’ordre, la qualité pédagogique des enseignants et la mixité sociale, loin devant le nombre d’élèves par classe. Mais la carte scolaire, qui était effectivement autrefois l’outil de la mixité, est devenue l’instrument de la ségrégation.

L’incapacité des pouvoirs publics à moduler réellement les moyens des établissements en fonction des difficultés rencontrées par les élèves a progressivement creusé des différences profondes entre les établissements.

Différence de niveau, qui peut varier de 30 % à composition sociologique comparable. Différence d’ambition, puisque 50 % des lycées n’envoient jamais aucun dossier d’élève pour l’inscription en classe préparatoire.

Différence d’horizon, puisque les établissements situés dans les quartiers les plus défavorisés sont devenus de véritables ghettos où le seul effet de la carte scolaire est d’y concentrer les élèves le plus en difficulté quand il faudrait au contraire les répartir dans d’autres établissements.

Ces constats ne sont pas le fruit de mon imagination, mais ont été dressés par des expertises unanimement saluées. Face à cette situation, certaines familles peuvent s’émanciper de la carte scolaire en faisant le choix du privé, en s’installant dans des quartiers huppés, ou tout simplement en contournant la carte par la mobilisation de leur réseau relationnel. 30 % des enfants sont ainsi scolarisés en dehors de leur collège de rattachement. Les autres sont tenus de se plier à une règle qui vaut pour les uns, mais pas pour tout le monde.

Cette réalité est choquante. Elle est contraire aux principes les plus essentiels de l’école républicaine, laïque, gratuite et égalitaire. La carte scolaire se voulait un instrument de justice. Elle est devenue le symbole d’une société qui ne parvient plus à réduire ses injustices parce qu’elle n’ose pas s’interroger sur ses outils. Devant ce constat, je formule trois propositions.

La première est de donner de l’autonomie aux établissements scolaires pour leur permettre de mettre en oeuvre des projets éducatifs spécifiques. Cette méthode a fait ses preuves. Les établissements qui ont les meilleurs résultats pour tous leurs élèves sont ceux qui ont su créer une dynamique de réussite grâce à un projet spécifique. C’est en mettant de la diversité dans les méthodes, sans renoncer bien sûr au caractère national des programmes et des évaluations, que l’on permettra à chaque enfant de trouver une solution lui permettant de grandir et de s’épanouir.

Qui dit autonomie dit évaluation. Je propose que nous nous dotions d’un organisme d’évaluation de chaque établissement scolaire. Il doit s’agir d’évaluations détaillées, allant bien au-delà de la seule mesure des résultats des élèves, et s’intéressant également à la qualité du projet éducatif, à sa capacité à faire progresser tous les élèves, à l’ambiance au sein de l’établissement, etc. Ces évaluations aideront les établissements à remédier à leurs insuffisances. Elles seront évidemment à la disposition des parents.

Enfin, qui dit évaluation dit engagement de l’Etat à aider les établissements qui ont des difficultés à améliorer leurs performances. Le but n’est pas de désigner à la vindicte les établissements ayant des résultats insuffisants, mais de garantir une qualité éducative pour tous.

La conséquence logique de ces propositions, c’est le libre choix par les parents de l’établissement scolaire de leur enfant. A partir du moment où chaque établissement propose un projet spécifique, il est normal que les parents puissent choisir l’établissement qui correspond le mieux à leur enfant. Cette réforme ne peut pas intervenir du jour au lendemain. Certaines conditions doivent être préalablement remplies. Elle suppose de profondes transformations de notre système scolaire. Mais c’est le projet vers lequel je propose de tendre.

Certains demandent : « Si l’on supprime la carte scolaire, par quoi la remplacera-t-on ? ». Je leur réponds : « Mais par rien ! Ou par un système d’inscription dans, par exemple, trois établissements au choix. » La carte scolaire a été supprimée dans presque tous les pays de l’Union européenne. Dans tous ces pays, aucun élève n’est scolarisé dans un établissement que sa famille n’a pas choisi parce que les établissements sont à la fois divers dans la méthode, mais égaux dans la qualité. Il n’y a pas de sélection selon le niveau scolaire ou l’appartenance sociale, mais une répartition finalement assez naturelle des élèves selon le projet d’établissement qui leur convient le mieux.

Supprimer la carte scolaire est pour moi un aboutissement, pas un préalable. Mon projet n’est pas plus de liberté pour les uns, moins de liberté pour les autres. Cela, c’est le système existant. C’est au contraire la qualité éducative pour tous, un objectif difficilement contestable. La carte scolaire n’aura alors plus de raison d’être puisque tous les établissements seront de qualité. Ceux qui pensent que ça ne peut pas marcher sont tout simplement ceux qui n’ont pas confiance dans la capacité du corps enseignant et de l’école républicaine d’y parvenir. Pour ma part, je sais que le système éducatif et les enseignants ont toujours été les moteurs d’une société plus juste et je veux leur donner les moyens de le redevenir.

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François Dubet : « L’égalité des chances, le pire des systèmes, mais il n’y en a pas d’autres »

Publié le 18.12.06

Dans votre ouvrage L’Ecole des chances, vous remettez en question le modèle de justice à l’école, notamment l’égalité méritocratique des chances. Et pourtant, vous dites, c’est une « fiction nécessaire » . Pourquoi ?

François Dubet : Ce que je pense, c’est que ce modèle de justice et d’égalité a une force essentielle : c’est qu’il n’y en a pas d’autre ! Je veux dire par là que sauf à dire que les gens vont hériter automatiquement de la position de leurs parents, ou sauf à tirer au sort la position des individus par une loterie qui dirait les uns seront médecins, les autres seront balayeurs, il n’y a pas d’autre manière de s’y prendre que d’organiser cette compétition.

Ce que je dis simplement, c’est que le fait qu’il n’y pas d’autres manière que cela ne doit pas nous rendre complètement aveugles sur les difficultés de ce modèle, sur le fait qu’il n’est probablement pas réalisable dans une société où les gens sont inégaux, ont des positions sociales inégales. Je crois que de ce point de vue-là, il faut à la fois affirmer et tendre vers ce modèle – ma position est celle d’un sceptique – et en même temps compenser, par d’autres politiques et d’autres mesures, le fait que ce modèle ne peut pas, à mon avis – et je dirai que pour le moment les faits me donnent raison en France et partout –, véritablement se mettre en place. Pour prendre un exemple très simple, je peux tenir sur l’égalité des chances les propos que Winston Churchill tenait sur la démocratie : c’est le pire des systèmes mais il n’y en a pas d’autres. A partir de là, et comme pour la démocratie, quels sont les mécanismes que l’on peut mettre en place pour compenser les effets négatifs, sachant que l’égalité des chances reste la vertu cardinale d’un système scolaire.

Vous estimez que la situation peut s’améliorer en partant de ce qui existe. En même temps, vous parlez de révolution ? Mais quelle est cette révolution ?

François Dubet : Cela peut apparaître comme une révolution mais ce n’est pas de cela qu’il s’agit puisque je continue à dire : établissons l’égalité des chances, donnons plus de moyens à ceux qui en ont moins, faisons en sorte que les privilèges scolaires ne se déplacent pas uniquement vers les bons élèves qui sont aussi les élèves des classes dirigeantes, essayons de faire que l’arbitrage scolaire soit plus équitable et plus neutre qu’il ne l’est.

En même temps, il y a trois choses importantes : premièrement, puisqu’un système de ce type – et je répète il n’y en a pas d’autres – produit nécessairement des vainqueurs et des vaincus, la première chose à faire serait de s’occuper prioritairement du sort des vaincus. Que sont devenus tous ceux qui ne sont pas rentrés dans les grandes écoles ? Et s’ils sont maltraités, s’ils n’ont rien appris, s’ils sont nuls et s’ils ne savent rien faire, on ne peut quand même pas considérer que c’est un succès ! Puisqu’un tel système produit des vaincus, essayons d’améliorer le plus possible le sort des vaincus au lieu de dire « c’est la compétition, elle est juste et malheur aux vaincus ». De ce point de vue, je suis assez favorable aux politiques style Sciences-Po.

En même temps, que fait-on des 99 % d’élèves qui n’y arriveront jamais ? Je pense qu’il faut revenir à ce que j’appelle le smic : un savoir commun pour tous les élèves à la sortie du collège. Le système crée des inégalités, mais jusqu’à quel seuil peut-on accepter d’aller, notamment du point de vue des plus faibles ?

Deuxièmement, pour pondérer le système de l’égalité des chances, il conviendrait de dire que, puisque les diplômes aujourd’hui – étant donné la massification scolaire – sont un outil absolument indispensable pour se situer sur le marché du travail, alors faisons en sorte que l’on donne aux élèves des diplômes qui ont un peu de valeur. Même dans le cas où la répartition des diplômes serait juste, il n’est peut-être pas juste que certains diplômes donnent des monopoles et des rampes, que certains diplômes ne donnent rien et que l’absence de diplômes devienne un véritable handicap social. Là encore, il faut bien pondérer le système de l’égalité des chances en disant : puisqu’aller à l’école est d’une certaine manière un sacrifice pour l’individu qui y va, il faut probablement faire en sorte que chaque formation ait un minimum d’utilité sociale, c’est-à-dire que je puisse aller sur le marché du travail en disant « voilà ce que j’ai et je sais faire quelque chose ».

Troisièmement, le principe de l’égalité des chances – et toutes les violences scolaires en sont la manifestation quotidienne – est un principe d’une extrême cruauté pour les individus. Quand vous êtes dans un système d’égalité des chances, vous êtes tenus de vous vivre comme le responsable de votre échec. « Vous avez eu l’opportunité de gagner, vous n’avez pas gagné, tant pis pour vous. » Notre système scolaire – et c’est une caractéristique qui le distingue fâcheusement d’autres systèmes scolaires – a une très forte capacité à humilier les mauvais élèves, a une capacité de convaincre les élèves qu’ils sont nuls et qu’ils sont incapables. Je crois que l’on pourrait parfaitement essayer de dire : évidemment, les élèves sont inégaux, mais l’école doit garantir aux élèves les plus faibles un sentiment d’estime de soi, un sentiment de confiance de soi auquel tout individu a droit, même s’il n’est pas bon à l’école. Par exemple, on doit pouvoir aller dans un enseignement professionnel sans être considéré a priori comme un incapable.

On doit pouvoir rejoindre la formation permanente au cours de sa vie même si on a échoué à l’école, alors que la plupart des individus n’y vont pas, étant convaincus que de toute façon ils n’apprendront jamais rien, qu’ils en sont incapables. On ne peut donc pas faire autrement que de garder l’égalité des chances au cœur de notre dispositif scolaire – parce que, je le répète, dans les sociétés démocratiques, c’est la seule chose possible –, mais on ne peut pas être naïf au point de croire que, premièrement, on va véritablement l’atteindre, et que, deuxièmement, si on l’atteint, cela n’aura pas des conséquences forcément injustes sur les individus qui n’auront pas eu la chance, le mérite, le talent d’y réussir.

Vous vous placez du côté des vaincus. Or, dans ce que vous proposez, vous n’écartez pas l’idée qu’il y aura toujours des vaincus. Alors comment faire ? Existe-t-il un système duquel tout le monde sort avec succès ?

François Dubet : Ne soyons pas naïfs au point de croire que tout le monde finira à l’IEP. En même temps, puisqu’on n’est pas naïf et que l’on pense qu’il y aura toujours des vaincus, la question des compétences, des savoirs, de l’estime de soi que l’on donne aux vaincus en dépit de leur échec est quand même une question essentielle.

Je répète : la tradition scolaire française n’est pas la meilleure qui soit. Ce qu’on observe par exemple dans un grand nombre de pays qui ne sont pas plus égalitaires que nous, c’est qu’il y a des manières de traiter les élèves, des formes d’apprentissage, des formes de connaissances qui s’efforcent un peu plus que nous ne le faisons de ne pas humilier les vaincus. Dans les enquêtes de l’OCDE qui comparent les systèmes scolaires, il y a une question qui est posée aux élèves : « Quand tu ne comprends pas, est-ce que tu demandes au prof ? ». Dans la plupart des pays du monde, 85 % des élèves demandent à un enseignant d’expliquer parce qu’ils n’ont pas compris. En France, il n’y a que 15 % des élèves qui disent  » quand je ne comprends pas, je demande aux enseignants «  ! Parce qu’on est dans un système où, au fond, l’organisation du mérite et de la compétition commande même les relations scolaires. Sur ce point, il ne s’agit pas de révolution. Il s’agirait de dire qu’il est déjà très injuste que les enfants des catégories les moins favorisées se retrouvent dans les filières les moins favorisées pour avoir les emplois les moins favorisés, il n’est peut-être pas nécessaire de faire à la fois qu’ils soient ignorants et qu’ils soient humiliés.

Justement, en prenant exemple sur les modèle scandinave et anglo-saxon, vous n’ignorez pas que ces modèle scolaires sont le reflet d’une culture et d’une histoire. Comment appliquer ces modèles en France ?

François Dubet : Nous savons tous que le système scolaire va mal, qu’il faut le réformer et que nous pourrions tout simplement regarder un peu comment s’y prennent les autres. Au lieu de rester trop enfermés dans cette image que nous avons d’une société absolument singulière, d’un système scolaire absolument unique, au fond, en étant à peu près convaincus qu’il est toujours le meilleur sauf à des moments dépressifs où l’on se met plus bas que terre, je crois que l’on pourrait avoir des raisonnements un peu pragmatiques là-dessus. Les élèves espagnols, lorsqu’on les teste internationalement à l’âge de 16 ans, parlent mieux l’anglais que les élèves français, alors qu’ils consacrent moins d’heures à l’apprentissage de l’anglais. Cela ne serait pas une insulte nationale que de se demander comment font les Espagnols !

Les élèves australiens ont une plus forte estime d’eux-mêmes que les élèves français. Cela ne serait pas scandaleux de regarder comment font les Australiens ! Par exemple, les Scandinaves ont une scolarité primaire et moyenne dans laquelle il n’y a pas de redoublement. On sait qu’en France, le redoublement est inefficace mais on y tient beaucoup. Cela ne serait pas scandaleux de voir comment font les Scandinaves ! Ce ne serait pas trahir notre société que de se dire que l’on pourrait parfois faire un peu mieux. Bien évidemment, je ne souhaite pas – et je ne pense que cela soit possible – de devenir demain Finlandais, Coréens, etc.

Vous stigmatisez assez souvent les enseignants, notamment sur ce qui se passe dans les salles de professeurs et leurs rapport avec les élèves. Vous parlez de passage du jugement des performances au jugement de personnes. Comment ont-ils réagi à vos idées ?

François Dubet : Le monde des enseignants est un monde extrêmement sensible…

Justement, d’où vient cette extrême sensibilité des enseignants ?

François Dubet : Parce que je crois que le monde scolaire français a été vécu comme étant le centre de la société ayant une légitimité culturelle extraordinaire. Les instituteurs étaient les hussards de la République, les professeurs étaient les témoins de la grande culture et l’école était l’espérance de la société. Je crois qu’aujourd’hui, dans une société où le niveau de consommation culturelle a considérablement augmenté, dans une société où tous les élèves vont à l’école pendant très longtemps, cette espèce d’institution un peu « cléricale » se sent menacée. Il y a un sentiment, au fond, que la place de l’école – alors même qu’elle n’a jamais été aussi puissante – n’est plus ce qu’elle était.

Puis, un autre point extrêmement important qui explique la réactivité très forte des enseignants, c’est que les conditions subjectives de travail sont devenues considérablement plus difficiles. Vous comprenez, faire la classe à des petits paysans en se disant que dans le meilleur des cas, un tiers ou la moitié d’entre eux auront le certificat d’études, ou faire la classe à des lycéens dont les deux tiers étaient des enfants de la bourgeoisie et le dernier tiers des enfants des classes moyennes qui avaient un désir forcené de travail et de réussite, c’était extrêmement facile ! Aujourd’hui, évidemment, vous êtes dans un monde complètement désajusté, c’est-à-dire que tous les élèves sont là, leur rapport à la culture scolaire est loin d’être fixé, les élèves comme leurs parents sont convaincus que faire des études sert à quelque chose mais ils ne savent pas trop à quoi cela les destine. C’est très difficile aujourd’hui de faire la classe. Et quand vous avez ce monde qui, d’une part, a le sentiment d’une chute symbolique, et d’autre part, a des conditions de travail de plus en plus difficiles, évidemment la tendance naturelle, c’est le repli, la défense, fermer le sanctuaire.

Je crois que les problèmes de l’école ne se réduisent pas aux problèmes des attitudes subjectives des enseignants et des élèves. Les enseignants sont pour la plupart d’entre eux des gens généreux.

La question c’est qu’en fait, enseignants et élèves sont dans un piège. Ce piège, c’est l’affirmation continue que tout le monde doit réussir à aller au plus haut, et c’est l’expérience quotidienne que cela ne marche pas. On finit, quand on est élève, par détester ces enseignants qui vous mettent devant des exigences que vous ne pouvez jamais atteindre, et vous avez le sentiment que vous échouez en permanence. Et les enseignants ont un sentiment parallèle : « J’ai passé un Capes, une agrégation, j’ai un haut niveau de culture et j’ai des élèves très loin de ça. » Je crois qu’il faut aujourd’hui sortir de ce piège. Ce qui me chagrine et qui m’inquiète beaucoup, c’est que dans le monde de l’école et autour de lui, c’est que la sortie de cette situation, c’est le retour au passé.

On a eu la méthode syllabique ; aujourd’hui, c’est la grammaire. Il y a des nostalgies de blouses grises, de règlements intérieurs. Je crois que cela est vraiment catastrophique. Soit on s’enfermera dans le piège, soit on finira par dire : « la plupart des élèves n’ont pas leur place à l’école, vous pouvez sortir ». Donc, je crois qu’il faut admettre que nous avons changé la nature du système scolaire avec l’égalité des chances méritocratique et l’école de masse. Et même si cela nous fait moyennement plaisir, il faut en tirer les conséquences de manière à ce que l’école soit un peu plus juste, un peu plus efficace, un peu plus vivable qu’elle ne l’est.

Que manque-t-il alors ? la volonté politique ?

François Dubet : Fondamentalement, le problème, je crois, est politique. Toute la difficulté est là. Je prends un exemple que vous allez trouver cruel de ma part : tous les étudiants français acceptent de se livrer à des jeux de sélections extrêmement féroces : classes prépa, mention au bac, mention dans les IUT. Mais si vous dites « je filtre à l’entrée des universités », ce sont des centaines de milliers de gens dans la rue, alors que par ailleurs ces mêmes gens accepteront la sélection féroce. Vous êtes devant un monde où les symboles jouent un rôle essentiel. C’est une première difficulté.

La deuxième difficulté, c’est que si vous considérez aujourd’hui que l’école distribue des gagnants et des perdants, on n’imagine pas aisément que les gagnants vont vouloir changer des règles qui les favorisent. Moi qui ne suis pas un sociologue marxiste, sur l’école, je suis assez « lutte de classes ». La violence des intérêts en jeu est très grande.

La troisième chose qui rendra ces réformes difficiles, c’est que le monde de ceux qui échouent à l’école ou qui sont marginalisés ou exclus de l’école considère grosso modo qu’il n’a pas vraiment de légitimité pour intervenir dans un débat scolaire. Ce qui fait qu’un débat scolaire est presque toujours un débat d’experts, d’enseignants, de professeurs, de classes moyennes, d’intellectuels, alors qu’en réalité tout le monde va à l’école. Cela crée des difficultés politiques extrêmement sérieuses. Chacun peut s’accorder sur le fait qu’il y a de grands problèmes, mais en même temps si chacun regarde devant sa porte et ses intérêts, ceux qui s’en tirent pas trop mal ont plutôt tendance à dire « gardons le système tel qu’il est ».

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Des normaliens à Sarcelles

Publié le 15.12.06

Salle 208, lycée Jean-Jacques-Rousseau, à Sarcelles. Francis, Benoît et Anthony planchent sur un problème de mathématiques. Ce mercredi après-midi, avec cinq de leurs camarades, ils font des « heures sup ». Leurs professeures, elles, sèchent des cours : ce sont des normaliennes, volontaires pour participer au programme de tutorat mis en place par leur école. Par-dessus les épaules, Delphine et Catherine contrôlent, donnent des indications, précisent des notations.

PLUS DE BOURSIERS, MOINS DE PRÉPAS

« C’est bien d’aller voir des gens qu’on ne rencontre pas forcément, qui n’auraient pas pensé à faire une prépa »,
explique Delphine, une biologiste de 22 ans. « On essaie d’aider un peu ces jeunes, c’est du bénévolat ‘soft’. J’ai eu de la chance, chez moi on lisait, on sortait, on allait au théâtre… Je réalise que j’ai eu un environnement super favorable. » Parisienne, elle a été interne en classes préparatoires au lycée pour filles Sainte-Geneviève, à Versailles.

Aïssatou, Gabrielle et les autres sont, eux, en première à Sarcelles, dans le Val-d’Oise. Leur lycée est situé dans un quartier résidentiel, à l’écart des barres. Couloirs blancs fraîchement repeints et couleurs vives, l’établissement est encore en travaux. Ici, comme dans les autres lycées sélectionnés, le taux de boursiers est supérieur à la moyenne nationale. Le nombre de demandes d’entrée en classes préparatoires y est inférieur. « La prépa, j’en ai entendu parler au collège, par un prof de latin qui avait fait une grosse digression », raconte Gabrielle. « Mais ici, on ne nous en parle pas trop. On nous dit ‘passez le bac, et après on verra' », confirme Francis.

Rachida et Tamara sont en section économique et sociale. Elles ne savent pas encore si elles veulent faire une prépa. L’objectif du programme de l’Ecole normale supérieure (ENS) ? Leur montrer que si elles le souhaitent, « c’est possible ». « Je viens d’un lycée de province pas mauvais, mais moyen. On ne savait simplement pas ce qu’était une prépa », explique Claire Scotton, chargée du programme à l’ENS. C’est elle, avec d’autres étudiants, qui est à l’origine du projet. « L’information est capitale, mais cela ne suffit pas. Il faut qu’il y ait un relais humain, un ami, un proche, pour faire tomber les mythes. On veut leur montrer qu’il n’y a pas que des gens qui lisaient Proust à 7 ans et demi dans l’école ! Et même s’ils n’entrent pas en prépa, on leur fait partager une passion, une idée du savoir. »

« POURQUOI AIDER DES BONS ÉLÈVES ? »

En salle 208, pas de pause. Les élèves sont silencieux. Leurs tutrices ne leur laissent pas le temps de discuter, elles enchaînent les énoncés. Et veillent à ce qu’ils travaillent seuls, sans traîner. Delphine et Catherine distribuent un nouvel exercice. « Vous voulez le plus simple ou le plus difficile ? » Pas vraiment le choix, ce sera le difficile. « On essaie de leur donner l’émulation qu’ils n’ont pas eue », explique Catherine. « Mon ancien lycée, Orsay, est élitiste. Quand je suis arrivée en prépa, à Saint-Louis, je n’ai pas eu de difficultés, j’avais déjà fait le programme. » Plus tard, elle pense faire de la recherche plutôt que de l’enseignement. « Travailler avec des élèves motivés, c’est bien. Sinon, ça ne me dit rien. » A Jean-Jacques-Rousseau, pas de problèmes : Francis, Benoît ou Anthony font partie des « bons élèves ».

« Au début, j’étais un peu sceptique sur le projet. Quelle est la pertinence d’aider des élèves qui sont déjà bons ? », s’interroge François de l’ENS. « La plupart des lycées du programme, surtout en province, ne sont pas vraiment en difficulté. Finalement, je me suis dit qu’on pourrait toujours les motiver un peu plus. » A Sarcelles, le proviseur a compris que le but était social et a « joué le jeu », confirme Delphine. Les élèves, volontaires, n’ont pas été uniquement choisis en fonction de leurs résultats scolaires. « Ailleurs, il n’y a que des fils de médecin ou de profs… Ils n’ont pas besoin de nous. »

« LA BASE, C’EST LE CONCOURS »

L’égalité des chances, la discrimination positive ? Pour Delphine et Catherine, si leurs élèves entrent en prépa, ce sera déjà bien. Normale, c’est une autre histoire. Et elles n’imaginent pas que l’école puisse aller plus loin, créer une filière spécifique, comme par exemple à Science Po Paris. « Je ne suis pas vraiment pour. La base de l’école, c’est le concours », assure Catherine. François, lui, hausse les épaules. « C’est vrai que j’ai été un peu surpris quand j’ai su qu’à Normale, 80 % des élèves sont issus des classes moyennes ou supérieures. Au départ, la prépa, le concours, c’est gratuit. Mais en fait, on se retrouve entre privilégiés. » François a eu son bac à 16 ans. Après une prépa au lycée du Parc, à Lyon, il est en 2e année à l’ENS, en biologie.

Après deux heures de récurrences et congruences, Francis est satisfait. « Elles expliquent mieux que mon prof de maths ! Et puis d’habitude, à trente élèves, ce n’est pas évident pour poser des questions. » Catherine et Delphine trouvent que leurs élèves, globalement, s’en sont bien sortis. Elles ont déjà repéré les « rapides » et se demandent déjà s’il ne faudrait pas mettre en place des groupes de niveau.

Le cours de maths fini, on ne traîne pas devant Jean-Jacques-Rousseau. Les lycéens habitent à côté. Les normaliennes vont, elles, reprendre le RER D, direction Paris. Rendez-vous est fixé pour le prochain cours, un samedi après-midi. Rue d’Ulm.

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Plus de vingt ans d’expériences d’assouplissement

Publié le 13.09.06

Depuis plus de vingt ans, des expériences d’assouplissement de la carte scolaire ont été tentés. Dès 1983, Alain Savary, alors ministre de l’éducation nationale, a desserré la sectorisation à l’entrée de la sixième dans cinq départements. Le but était de faciliter la prise en compte des souhaits des familles et de rendre les procédures de dérogation transparentes.

Etendue à six départements supplémentaires sous Jean-Pierre Chevènement, il faudra attendre 1987 pour que cette expérimentation prenne de l’ampleur. « Il s’agissait de calmer le jeu après les manifestations monstres de juin 1984 au nom de la défense de l’école libre », analyse Denis Paget, ancien secrétaire général du SNES, le principal syndicat d’enseignants.

René Monory, qui a pris la direction de la Rue de Grenelle en mars 1986 et en restera à sa tête jusqu’en mai 1988, a ensuite étendu cette expérience à 74 départements. Ce premier pas d’ampleur vers « le libre choix » décevra pourtant nombre de sympathisants de droite qui avaient cru en la promesse contenue dans la plate forme électorale RPR-UDF de 1986 qui prônait la « liberté pour chaque parent de choisir l’école de ses enfants ».

« LE LIBRE CHOIX » DE LA DROITE
Le 30 avril 1987, une circulaire de l’éducation nationale précise que ces expériences ne sont pas provisoires et que l’objectif de l’éducation nationale reste bien « une généralisation de l’assouplissement selon un rythme et des modalités qui pourront varier selon les lieux ». Sur le terrain il existe désormais tous les cas de figure. A côté de villes entièrement désectorisées comme Avignon, Périgueux, Clermont-Ferrand… d’autres ne le sont pas du tout ; c’est le cas de Nice, Versailles, Strasbourg ou encore Rouen. Certaines communes ont été divisées en secteurs.

A Paris, l’assouplissement ne concerne que 17 collèges de 4 arrondissements. Quatre-vingt-neuf départements sont partiellement ou entièrement touchés par la désectorisation en 1988. Cinq ans plus tard, la droite inscrit une fois de plus à son programme « le libre choix ». Une note d’information publiée par le ministère de l’éducation nationale en mai 1993 révèle que près d’un collège sur deux (47 %) et plus d’un lycée sur quatre (27 %) peuvent en toute liberté et sans dérogation, accueillir des élèves « hors secteur ». Elle montre aussi que l’introduction d’une relative souplesse a surtout profité aux familles socialement les mieux dotées.

François Bayrou, ministre de l’éducation de 1993 à 1997, donnera un coup de frein à cette décennie d’assouplissement ininterrompu. A Paris, notamment, une resectorisation stricte met le feu à l’académie à partir de 1997 et ce pour plusieurs rentrées. Où en est-on aujourd’hui ? Aucun véritable suivi de ces expériences de désectorisation n’a été fait par le ministère. Pour Denis Paget, ancien secrétaire du SNES, « l’arrêt officiel de ces expériences n’a jamais eu lieu. Elles ont continué dans certains endroits de façon plus ou moins sauvage. A charge pour les académies de gérer les dérogations ».

[-] fermer « Patrick Fauconnier : « Les politiques ont fait de l’école du mérite une école du mépris » »

Patrick Fauconnier : « Les politiques ont fait de l’école du mérite une école du mépris »

Publié le 18.12.06

Dans La Fabrique des meilleurs, vous partez d’un constat : « 37 % d’une génération dans le supérieur et 150 000 jeunes chaque année sans qualification ». Où en est l’égalité des chances en France ?

Patrick Fauconnier : Elle n’existe pas pour moi à l’heure actuelle. C’est une vue de l’esprit. Je pense qu’elle a existé dans l’école de Jules Ferry, qui représente un monument national tellement vénéré – à juste titre d’ailleurs – qu’on est persuadé que le monument n’a pas bougé. En réalité, l’école au cours des dernières décennies n’offre plus cette égalité des chances, parce que si vous voulez vous insérer professionnellement, le seul bagage scolaire ne suffit plus. Il y a des familles dans lesquelles on a le soir une relation d’aide aux devoirs que l’on n’a pas dans d’autres familles. Il y a des jeunes qui ont des ordinateurs, d’autres qui n’en ont pas. Il y en a qui bénéficient d’un séjour culturel et linguistique à l’étranger, d’autres pas. Aujourd’hui, les termes du contrat sont faussés à cause de tout ce qui est apporté par ailleurs pour aider à l’insertion. Mais on commence à le comprendre.

Vous écrivez également que « l’école qui accroît les inégalités conduit à penser que cet état de fait ne résulte pas de facteurs politiques mais culturels ». Pourquoi ?

Patrick Fauconnier : J’ai pensé que si c’était politique, avec les alternances qui ont eu lieu depuis une vingtaine d’années, la situation se serait améliorée, ce qui n’a pas été le cas. J’ai donc tendance à en déduire que c’est culturel. D’autant que je considère que l’école s’est constituée idéologiquement comme une machine à filtrer. On a, en France, cette obsession des étiquettes et du diplôme. Je trouve que c’est un abus parce que le diplôme scolaire, dans le système français, ne mesure pas la compétence professionnelle mais l’aptitude à restituer correctement des choses apprises par cœur. Or la vie active, c’est tout sauf ça. C’est savoir s’adapter en permanence à des choses tout le temps changeantes. Je trouve donc très cruel que l’on ait indexé le recrutement à ce point-là sur la possession ou non d’un diplôme. C’est pour ça que je suis pour la suppression du bac. Je crois qu’il faut mesurer le niveau atteint à la fin de l’enseignement secondaire, mais de là à barrer toute possibilité de poursuite dans l’enseignement supérieur à cause de ce niveau, je ne suis pas d’accord. S’il n’y avait pas ce verrou, je pense que, dès la seconde, les jeunes seraient bien plus disposés à se poser des questions sur leur devenir professionnel.

Le fait que la classe politique soit issue de cette « voie royale » que vous dénoncez contribue-t-il à expliquer cette situation ?

Patrick Fauconnier : Absolument. Avec notre système dual, ceux qui sont sortis des grandes écoles sont finalement ceux qui gèrent la nation et qui sont pratiquement à tous les postes de décision. Ils ne peuvent qu’auto-entretenir ce regard un peu misérabiliste sur ceux qui n’ont pas réussi. Ceux qui sont passés par cette « voie royale » peuvent sortir du système et entrer dans un cabinet ministériel sans avoir réellement côtoyé certaines injustices assez flagrantes de la société. Je reproche aux élites d’avoir poussé trop loin l’application de la devise « à chacun son mérite » et d’avoir fait de l’école du mérite une école du mépris. Ils ne se rendent pas compte que les faibles ont manqué des moyens qui leur auraient permis d’avoir plus de « mérite ».

Que pensez-vous des expériences menées par exemple à Sciences-Po pour tenter de diversifier le recrutement des élèves ?

Patrick Fauconnier : Je n’en pense que du bien. Ça a provoqué des débats un peu hystériques parce que ça a été perçu comme une rupture du fameux pacte républicain qui veut que le concours soit le même pour tous. Mais un même concours pour tous ne peut être juste que si la formation a été la même pour tous. Or ce n’est pas le cas. Il faut donc en tenir compte. Dans les grandes écoles de commerce, cela fait plus de trente ans que l’on a créé des admissions parallèles et ça n’a pas fait hurler à la mort. De surcroît, cette initiative a des effets bénéfiques par ricochet. Par exemple, des lycées qui n’étaient pas remarqués ont été regardés plus positivement à partir du moment où ils ont eu une convention Sciences-Po, les profs se sont sentis valorisés, le proviseur aussi. En plus, ça a l’avantage de porter sur un nombre important de jeunes.

Quel rôle attribuez-vous alors au ministre de l’éducation nationale ?

Patrick Fauconnier : J’allais vous dire : tout dépend s’il est courageux ou pas. Je reproche à nos élites de faire beaucoup dans le discours mais de ne pas être assez nombreuses à passer aux actes. C’est sûr que c’est un poste extrêmement sensible. Mais il est vrai que les politiques ne se battent pas pour occuper ce ministère, qui est considéré comme un cactus. C’est un poste où il faut quelqu’un d’extrêmement diplomate et habile en concertation et en dialogue. Mais on ne peut plus faire la même réponse à cette question en 2006 qu’en 2004. A cause de ce qui s’est passé dans les banlieues et des manifestations contre le CPE, le ministre de l’éducation nationale a compris qu’il est aussi le ministre de l’insertion professionnelle. Avant, on était content de lui s’il était un bon gestionnaire en faisant en sorte qu’il n’y ait pas trop de récriminations. Maintenant, la nouvelle approche veut que ce ministre ne s’occupe plus simplement du monde enseignant et de ses structures, mais aussi de l’insertion des jeunes.

Est-ce possible pour un ministre de l’éducation nationale de mener une réforme jusqu’au bout ?

Patrick Fauconnier : Depuis peu de temps, je suis plus optimiste. Auparavant, il suffisait que le ministre annonce une réforme, qu’il soit de gauche ou de droite, pour qu’aussitôt un certain nombre de syndicats montent au créneau. C’est une façon de faire qui est en train de s’estomper avec l’arrivée de mentalités beaucoup plus réalistes au sein des appareils syndicaux. Aujourd’hui, même l’UNEF dit qu’il souhaite une professionnalisation des cursus, et Julie Coudry, de la Confédération étudiante, appelle de ses vœux plus d’enseignements alternés, plus de modules de découverte professionnelle… Pour moi, c’est totalement révolutionnaire. Cela signifie que le ministre trouve en face de lui des interlocuteurs nettement plus ouverts et réalistes, moins idéologues, moins dogmatiques qu’avant. Ce drame du chômage des jeunes a mis tellement de temps à être reconnu que maintenant que c’est le cas, je ressens une espèce de consensus famille-syndicats-politiques pour dire que ça ne peut plus durer. Je crois que le dialogue est nettement meilleur aujourd’hui, mais seulement si le ministre et le gouvernement savent prendre la précaution de consulter. Le CPE était un évident échec de l’absence de concertation. C’était un avatar de cette arrogance qu’ont certaines élites issues des plus hauts cursus qui pensent qu’on peut encore gouverner par décret.

Pour vous, l’éducation est un  » placement gagnant « . Quelle place cette question va-t-elle occuper, selon vous, dans la campagne présidentielle ?

Patrick Fauconnier : Le premier qui se soit exprimé sur cette question, c’est Nicolas Sarkozy. Il faut reconnaître qu’il a beaucoup consulté d’experts et il a annoncé dès l’été dernier des rafales de mesures qu’il préconiserait s’il arrivait au pouvoir. En particulier, il a beaucoup écouté les gens des universités et a repris quasiment toutes les revendications actuelles des présidents d’université sur l’autonomie, la gouvernance, le financement… Là où la Conférence des présidents d’université demandait 3 milliards, il a proposé – démagogiquement, sans doute – 6 milliards. Et c’est un peu par réaction qu’on a entendu la gauche s’exprimer. Selon moi, à gauche, c’est Dominique Strauss-Kahn qui était le plus en pointe sur cette question, mais ses propositions n’étaient pas très éloignées de celles de Sarkozy. Et si vous prenez ce qu’a dit Ségolène Royal sur la carte scolaire, c’est pareil : on n’est pas très éloigné de ce qu’a dit la droite. Il faut reconnaître que sur ces questions-là, les réponses ne sont pas forcément de gauche ou de droite.

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A l’attaque de la carte scolaire !

Publié le 18.12.06

En 1963, Christian Fouchet, alors ministre de l’éducation, instaure la carte scolaire pour gérer les flux et les moyens d’éducation. Objectif : promouvoir la mixité sociale en obligeant les parents à inscrire leurs enfants dans un établissement en fonction de leur lieu d’habitation. Plus de quarante années ont passé et aujourd’hui, à quelques mois de l’élection présidentielle, la carte scolaire se retrouve au cœur des débats.

Nicolas Sarkozy, candidat de l’UMP, demande sa suppression, tandis que Ségolène Royale, la candidate socialiste, demande, contre toute attente, son réaménagement. A Florac, en Lozère, elle a ainsi exprimé « en off » qu’à ses yeux, « ‘l’idéal » serait de « supprimer la carte scolaire », ou à tout le moins de « desserrer ses contraintes » afin de « mettre en place une forme de choix entre deux ou trois établissements, à condition que les établissements les plus délaissés soient renforcés avec des activités culturelles de haut niveau ». « Arrêtons les hypocrisies, il n’y a plus de mixité sociale », assurait-elle (Le Monde du 5 septembre 2006). Nicolas Sarkozy a, lui, exprimé ses réticences face à l’existence de la carte scolaire pour deux raisons principales : d’abord, elle ne correspondrait plus aux besoins de l’école d’aujourd’hui ; ensuite, elle se serait en quelque sorte retournée contre elle-même, devenant, affirme-t-il, « l’instrument de la ségrégation » (Le Monde daté 17-18 septembre 2006).

UN SYSTÈME QUI DÉRIVE

Ce que les deux candidats montrent du doigt, ce sont les dérives générées par ce système que les « plus favorisés » contourneraient aisément. Dérogations, fraudes et écoles privées en sont les principaux détournements. Car si la carte scolaire impose le rattachement à un établissement donné, elle ne permet pas d’assurer une mixité sociale dans les écoles, particulièrement dans les quartiers défavorisés.

La carte scolaire creuserait donc les inégalités plutôt que de les réduire. « Pour deux grandes raisons, soulignent François Dubet et Marie Duru-Bellat, coauteurs de L’Hypocrisie scolaire (Le Monde du 9 septembre 2006). La première vient du fait que les inégalités sociales entre les territoires se sont creusées et que la carte scolaire les reflète et les cristallise. La seconde tient au fait que tous ceux qui le peuvent, dans le privé ou dans le public, fuient les établissements jugés ‘difficiles’. »

A Paris, 15 % des élèves qui entrent chaque année en 6e obtiennent une dérogation. La plupart invoque le choix d’une option rare qui n’est pas enseignée dans leur collège de rattachement. D’autres utilisent leur propre réseau de relations. Le rectorat affirme : « Les journalistes arrivent en tête de ces demandes, viennent ensuite les personnalités du spectacle et du show-biz, et enfin les personnes qui invoquent un appui politique. »

Du coup, depuis plus de vingt ans, on tente d’assouplir la carte scolaire. Dès 1983, Alain Savary a desserré la sectorisation à l’entrée de la 6e dans cinq départements. René Monory, ministre de l’éducation de 1986 à 1988, étend l’expérience à 74 départements. Mais ce n’est qu’un premier pas, puisqu’à Paris l’assouplissement ne concerne que dix-sept collèges. Le « libre choix » est encore inscrit au programme de la droite en 1992. Avec François Bayrou, aux commandes de la Rue de Grenelle de 1993 à 1997, le mouvement est mis en berne.

Aujourd’hui, on attendrait clairement des futurs candidats une alternative à cette carte scolaire. Pourtant, selon un sondage réalisé en septembre par l’Institut Louis-Harris pour 20 Minutes et RMC Infos, 50 % des Français estiment que la carte scolaire est « une bonne chose ». Un chiffre qu’il convient de regarder de plus près puisque 51,9 % des cadres et professions intellectuelles supérieures sont favorables à son maintien, contre seulement 22 % des agriculteurs. Le juste miroir de l’inégalité des chances dans ce système.

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Jean-Paul Brighelli : « L’égalité des chances est un slogan »

Publié le 18.12.06

Que signifie cette notion d’« égalité des chances » à l’école ?

Jean-Paul Brighelli : Il faut dire qu’une fois pour toutes, « l’égalité des chances «  est un slogan ! Et il est beaucoup plus facile d’entonner un slogan que de réaliser l’égalité des droits, qui est un peu complexe depuis… les deux cents dernières années.

Qui en est à l’origine ?

Jean-Paul Brighelli : C’est un slogan que se partagent à 50/50 la gauche et la droite. C’est très certainement un slogan qui doit marcher au niveau de la démagogie, mais certainement pas au niveau de la pédagogie. Le slogan est né de toutes une série de bonnes intentions qui ont systématiquement été dévoyées.

A quelles « bonnes intentions » faites-vous allusion ?

Jean-Paul Brighelli : La carte scolaire en 1963, c’était une bonne intention, le côté social du gaullisme. C’est fabriquer de la mixité sociale. C’est aussi le moment où Bourdieu et Passeron ont écrit Les Héritiers. Christian Fouchet [ministre de l’éducation nationale de 1962 à 1967] s’était sûrement demandé comment aménager ce côté lycée bourgeois qui existait encore au début des années 60. J’ai des souvenirs précis en ce qui me concerne : j’habitais dans une banlieue très déshéritée de Marseille, on allait tous dans un des grands lycées en centre-ville. On était mélangé aux bourgeois du centre-ville, aux fils de commerçants et ça marchait très bien. Cela plaidait en faveur de la mixité sociale.

Quelles autres « bonnes intentions » ont conduit le système à la dérive ?

Jean-Paul Brighelli :
La deuxième bonne intention a été le « collège unique ». L’idée qu’il n’y aurait plus de filière courtes et que tout le monde aurait droit à la même instruction de qualité. Dans la réalité, quand on met dans la même classe des élèves faibles avec des forts, un prof normal parle aux élèves faibles. Résultat : il n’arrive pas à les remonter parce qu’il doit aussi tenir compte des autres et il ennuie les élèves forts ! Bref, c’est un échec sidéral ! On a été obligé de descendre le niveau d’exigence.Quelles solutions préconisez-vous ?

Jean-Paul Brighelli : D’abord, il faut le dire très haut. Actuellement, on laisse l’extrême droite le présenter à sa manière et donc en faire un argument raciste.

Mais aujourd’hui, peut-on revenir en arrière ?

Jean-Paul Brighelli : Je n’en sais rien, et dans l’état de ma réflexion je suis très pessimiste. Il y a des tendances intéressées à faire du communautarisme. A force de fabriquer des ghettos scolaires, on produit des collèges qui sont quasiment ethniquement purs. Ce sont des nids à violence : on fournit des enseignements au rabais à des gosses en dérive sociale.

Quelle alternative alors ?

Jean-Paul Brighelli : Le conseil général du Nord – Pas-de-Calais, par exemple, a choisi, plutôt que de reconstruire les collèges au même endroit, de les mettre ailleurs. On peut aussi affiner la carte scolaire, et c’est un pouvoir qu’on doit donner aux établissements. Ce n’est pas rue de Grenelle [siège du ministère de l’éducation nationale] que ça peut se décider.

Que penser des systèmes qui récompensent les meilleurs élèves ?

Jean-Paul Brighelli : Il y aura toujours des meilleurs élèves. Ce qui est scandaleux, c’est que les meilleurs élèves d’aujourd’hui sont les enfants des meilleurs élèves d’hier. La solution Sciences-Po, avec son côté « bonne œuvre de la marquise », peut marcher ponctuellement mais ce n’est pas une politique. J’aime bien la solution du proviseur d’Henri IV de faire une prépa zéro. C’est une bonne idée car elle peut se généraliser : refaire en fac, par exemple, une propédeutique. A Orsay, ils faisaient une année zéro de remise à niveau scientifique pour ceux qui ne venaient pas d’une section scientifique.

Quand on voit le rapport Hetzel sur l’Université qui affirme que 50 % des étudiants loupent leur première année, il ne s’agit que d’un résultat global. Dans le détail, ils sont moins de 30 % quand ils viennent de S, 50 % quand ils viennent de L ou d’ES, 70 % quand ils viennent de STT et 95 ou 97 % quand ils viennent de bac pro. On envoie des gosses au casse-pipe. On pourrait leur mettre une année zéro, non disciplinaire, de remise à niveau au rang des connaissances absolument obligatoires, comme savoir rédiger par exemple.

Pourquoi ces réformes pédagogiques ne sont-elles jamais appliquées ? Pourquoi aucun ministère ne réussit-il à changer la donne ?

Jean-Paul Brighelli : C’est tellement vrai que je finis par me demander s’ils en ont vraiment envie. Je me demande si inconsciemment ils ne travaillent pas pour leurs enfants à eux. C’est bien beau de vouloir aider les petits pauvres, mais en attendant on les laisse sur la marge. On les amène au bord de l’eau et on ne les fait pas boire. Il y a une espèce de réticence inconsciente.

En quoi le « pédagogisme » que vous montrez du doigt participe-t-il de cet immobilisme ?

Jean-Paul Brighelli : Le système est coincé par des a priori idéologiques. Ce n’est pas parce que vous avez déclaré la citoyenneté que vous fabriquez des citoyens. En revanche, on fabriquait des citoyens bien plus conscients à la fin du XVIIIe ou au début du XIXe siècle en faisant des cours complets sur Athènes, Sparte et Rome qu’en essayant de les instruire sur les aléas de la politique contemporaine en 2006. C’est une perte de temps. C’est un problème général avec les pédagogues qui ne défendent pas les savoirs disciplinaires, ils les méprisent. Meirieu est compétent mais entouré de c… complets. Je connais des tas de gens qui sont en IUFM et qui ont très peu enseigné ou avaient de gros problèmes en tant que profs.

Comment identifiez-vous les problèmes qui entravent l’égalité des chances ?

Jean-Paul Brighelli : D’abord le français, il faut que tous le lisent et l’écrivent. Or, ces dernières années, il y a eu a l’école primaire une réduction drastique des heures de français. On a ajouté des tas de matières annexes. On sort beaucoup les enfants au détriment de matières fondamentales. Il y a sûrement un « énarque à calculette » qui, un jour, s’est avisé qu’on faisait les cours d’histoire en français. Sur 50 minutes de cours d’histoire, on en décomptait 15 consacrées au français par exemple. Théoriquement, dans le cycle 3 du primaire [du CE2 au CM2], il y a une heure et demie de cours de langue étrangère, autant que la grammaire… Alors que plus tard les professeurs de langue constatent les lacunes en français qui ont pour conséquence des lacunes en langues.

De même, le par-cœur est honni actuellement parce qu’il passe pour passif. Aujourd’hui, il faut comprendre pourquoi 2 +2 = 4. Il faut déjà donner aux jeunes les mots pour exprimer des idées. C’est pour ça que je dis que « le barbare nouveau est arrivé », c’est la liberté d’expression avec deux cents mots de vocabulaire…

Comment réussir le retour au « désir de savoir » que vous réclamez ?

Jean-Paul Brighelli : D’abord, il faudrait former autrement les profs. Il faut vraiment avoir la vocation. Pour tenir une classe, il faut également en savoir mille fois plus que ce que le programme demande. Apprendre la pédagogie sur le terrain et avoir des cours dans les matières qu’on enseignera.

Ensuite, il faut remettre au programme les devoirs du soir, quitte à avoir des gens qui aident pendant les études de façon à égaliser les possibilités.

Faire de la détection de talents dans tous les niveaux : mathématiques, français, mais tout le secteur pratique surtout, qui est totalement sinistré. Je rapporte sur mon blog cette histoire de mon ami tailleur de pierre qui cherche un apprenti qui sait ce que c’est qu’un angle droit. Il ne le trouve pas ! 80 % d’une classe d’âge au bac, ça les a tous transformés en pré-fonctionnaires, au moment où la fonction publique dégraisse.

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A l’école des filles

Publié le 18.12.06

Le constat est sans appel et perdure : les filles, pourtant meilleures élèves que les garçons, restent très minoritaires dans les cursus les plus prestigieux, mais aussi dans les filières professionnalisées. Dans Les Héritiers, Pierre Bourdieu et Jean-Claude Passeron avaient démontré combien l’origine sociale est décisive dans une sociologie de l’éducation. Dans leur enquête Allez les filles ! (Seuil, 1992, réédité en 2006), Christian Baudelot et Roger Establet, constatent eux, combien l’inégalité des sexes est encore frappante dans le système scolaire. Une date historique : en 1971, le nombre de bachelières égalise le nombre de bacheliers.

Depuis, l’évolution est constante. Ainsi, selon les derniers chiffres publiés par l’INSEE, les résultats du baccalauréat 2005 montrent qu’en filière générale, le nombre de mentions chez les filles est supérieur à celui des garçons, quelle que soit la section. De même, question scolarisation, en 1946, à 20 ans, 3 % des filles étaient scolarisées (pour 6,5 % des garçons). En 1996, les filles dominent à tous les âges : à 20 ans, 62 % des filles (contre 54 % des garçons) sont scolarisées. Durant l’année scolaire 2002/2003, 45,7 % des filles étaient scolarisées contre 34 % des garçons. « Elles l’emportent sur les garçons aux quatre étages de l’édifice scolaire », montrent Baudelot et Establet : du primaire au secondaire en passant par le lycée et la faculté.

Et pourtant, sur le marché du travail, la tendance est inversée : elles ne sont ni les premières, ni les mieux payées. En 2003, 12,9 % des dirigeants travaillant dans l’industrie sont des femmes, dont le salaire net fiscal est, en moyenne, de 39 000 euros par an ; celui de leurs homologues masculins est supérieur de 42,5 %. Dans les services, 20,2 % des dirigeants sont des femmes et cette fois, leurs homologues masculins ont des salaires en moyenne supérieurs de 66,4 % (voir l’étude publiée par l’INSEE).

C’est comme si l’école avait amorcé une révolution que le reste de la société aurait du mal à suivre. « Ces conquêtes spectaculaires et rapides, interrogent les deux sociologues, ont-elle suffi pour balayer les représentations qui sont associées, depuis des temps immémoriaux, aux statuts respectifs de garçon et de fille, d’homme et de femme ? » Leur réponse est sans appel :« non. » Cette « révolution silencieuse » doit continuer à faire face aux mêmes obstacles persistants : « stéréotypes éducatifs, faibles transformation des rôles dans la famille », ségrégations diverses dans l’enseignement professionnel et sur le marché du travail, discriminations salariales et mauvaises orientations scolaires… La liste est longue, mais la lutte continue. Allez les filles !

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Haro sur la « carte scolaire », mais sans alternative

Publié le 06.09.06

Assouplissement de la carte scolaire pour Ségolène Royal, suppression pure et simple pour Nicolas Sarkozy : la candidate à l’investiture du PS pour l’élection présidentielle de 2007 et le président de l’UMP veulent en finir avec les règles qui régissent la sectorisation, c’est-à-dire le rattachement d’un élève à un établissement scolaire en fonction de son lieu d’habitation. La première a détaillé, dimanche 3 septembre, ses propositions à Florac, en Lozère (Le Monde du 5 septembre). Le second les avait présentées à l’occasion de la convention pour la France d’après, en février.

« L’idéal » serait de « supprimer la carte scolaire » ou à tout le moins de « desserrer ses contraintes » afin de « mettre en place une forme de choix entre deux ou trois établissements, à condition que les établissements les plus délaissés soient renforcés avec des activités scolaires de haut niveau », considère Ségolène Royal. Nicolas Sarkozy plaide, quant à lui, pour « le libre choix des établissements par les parents ». Pour le futur candidat à l’élection présidentielle, cette possibilité « crée de l’émulation entre les établissements ».

Lundi 4 septembre, jour de la rentrée des classes, le ministre de l’éducation nationale, Gilles de Robien, est allé dans le même sens, estimant, à l’occasion d’une visite au lycée Hoche de Versailles, que la carte scolaire avait « un petit côté privatif de liberté qu’il faut, le cas échéant, assouplir ».

Cette année, une petite brèche a été ouverte. Les élèves issus des 249 collèges classés « Ambition réussite » et obtenant une mention très bien au brevet en troisième pourront accéder au lycée de leur choix.

Instituée en 1963, lors de la création des collèges d’enseignement secondaire (CES), la sectorisation permet de répartir le nombre d’élèves dans les établissements en fonction de leur capacité d’accueil. Elle a aussi comme objectif de promouvoir la mixité sociale. De ce point de vue, l’objectif n’est pas atteint. Nombre de parents, souvent issus de classes aisées ou moyennes, déploient des stratégies d' »évitement » pour ne pas mettre leurs enfants dans leur collège de secteur, qu’ils jugent mal fréquenté, trop violent, ou d’un faible niveau (Le Monde du 3 septembre 2005).

Pour ce faire, les parents demandent des dérogations à l’inspection d’académie invoquant des motifs scolaires (choix d’une langue vivante ou d’une option spécifique, classes à horaires aménagées), familiaux (rapprochement de frères et soeurs, proximité du domicile) ou médicaux. Ils peuvent également inscrire leur enfant dans le privé. Selon une étude publiée en août 2001, trois ans après leur entrée dans le secondaire, 10 % des enfants fréquentaient un établissement public en dehors de leur secteur et 20 % étaient inscrits dans le privé.

Les enseignants sont deux fois plus nombreux que la moyenne à inscrire leur enfant dans un établissement public hors de leur secteur géographique. En revanche, la scolarisation dans un collège privé est plus fréquente chez les enfants de chefs d’entreprise, d’agriculteurs et de cadres.

Les membres de la commission du débat national sur l’avenir de l’école, qui avait servi de base de travail à l’élaboration de la loi Fillon du 23 avril 2005, s’étaient intéressés à la question de la mixité sociale. Leur rapport préconisait, dans les cas d’établissements très problématiques, d’élargir le choix des parents à un vaste secteur géographique. La commission estimait que la mise en oeuvre d’une telle mesure se traduirait vraisemblablement par la fermeture de l’établissement très dégradé.

Pour le reste, le rapport recommandait de concentrer beaucoup plus de moyens sur les établissements en difficulté et de leur conférer une plus grande autonomie, plutôt que d’abroger la carte scolaire.

Pour les différents syndicats de l’éducation nationale, la suppression de la sectorisation apparaît « irréaliste », voire « dangereuse ». « Faire ce que préconise Nicolas Sarkozy revient à détruire l’éducation nationale et à mettre en place un système concurrentiel à l’instar de ce que font les Anglais », estime Philippe Guittet, président du SNPDEN, le syndicat majoritaire chez les chefs d’établissement. Selon lui, « il faut supprimer les établissements ghettos, redécouper autrement les secteurs pour renforcer la mixité sociale ». L’opposition est la même pour le principal syndicat des enseignants du second degré, le SNES.

Bernard Kuntz, président du Snalc, un syndicat d’enseignant classé à droite, n’est pas plus favorable à une telle suppression. « Je n’ai toujours pas compris comment Nicolas Sarkozy allait pouvoir mettre en oeuvre une telle réforme et réussir à éviter que tous les parents en centre-ville se ruent sur les mêmes établissements, explique-t-il. C’est la porte ouverte à des situations ubuesques. Dans l’état actuel du système éducatif, il me semble que c’est une réforme impossible à mener. » Selon lui, les propositions du président de l’UMP nécessiteraient « une réforme en profondeur du système éducatif, en développant par exemple des filières d’excellence dans les classes de banlieue pour réduire l’évitement scolaire ».

La Fédération des conseils de parents d’élèves (FCPE), marquée à gauche, est farouchement opposée à la mesure. Son président, Faride Hamana, estime qu’il « est dangereux de bâtir des propositions à partir de la frange des parents qui trichent ». « Il faut arrêter de faire croire que la suppression de la carte scolaire est une demande partagée par tous les parents, estime-t-il. Cela correspond à une vision très parisienne des choses. » Anne Kerkhove, son homologue de la PEEP, plus proche de la droite, n’est pas contre un assouplissement de la carte scolaire, mais avec prudence : « Avoir plusieurs choix ? Pourquoi pas, mais il faudra ensuite trouver les moyens de gérer les voeux des parents. »

[-] fermer « Bibliographie »

Bibliographie

Publié le 18.12.06

Les Héritiers. Les étudiants et la culture, de Pierre Bourdieu et Jean-Claude Passeron, Minuit, 1964.

La Reproduction, de Pierre Bourdieu et Jean-Claude Passeron, Minuit, 1970.

L’Inégalité des chances, de Raymond Boudon, Armand Colin, 1973.

Allez les filles !, de Christian Baudelot et Roger Establet, Point, 1992.L’Apartheid scolaire, de Georges Felouzis, Françoise Liot et Joëlle Perroton, Seuil, 2005.

Globale ou B.A.-BA ? Que cache la guerre des méthodes d’apprentissage de la lecture ?, de Laure Dumont, Robert Laffont, 2006.

Une école sous influence ou Tartuffe-roi, de Jean-Paul Brighelli, Jean-Claude Gawsewitch, 2006.

L’Ecole des chances, Qu’est-ce qu’une école juste ?, de François Dubet, Seuil, 2004.

Ecole : demandez le programme !, de Philippe Meirieu, ESF, 2006.

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Arrêtons de discréditer l’université !

Publié le 04.10.06

Beaucoup d’idées reçues ont la vie dure et finissent par se transformer en dogmes. Non seulement les formations universitaires sont de plus en plus remises en cause, mais on entend répéter partout que le secteur sciences humaines et sociales (SHS) ne produit que des chômeurs et récemment encore le supplément hebdomadaire d’un quotidien parisien pointait « six filières saturées », dont les activités physiques et sportives (APS), la psychologie, les lettres, les langues et, d’une manière plus générale, les sciences humaines et sociales.

Ou l’on cherche à discréditer un secteur qui a peut-être, aux yeux de certains, le tort de trop former l’esprit critique (c’est le secteur SHS qui a été le plus actif dans le mouvement anti-CPE) ou la désinformation sur l’université et ses missions est telle qu’il convient, de toute urgence, d’y répondre.

Contrairement aux filières professionnelles, donc sélectives et souvent onéreuses (grandes écoles, classes préparatoires, instituts universitaires de technologie), l’université a une mission de service public, c’est-à-dire qu’elle se doit d’accueillir tous les bacheliers (y compris ceux qui n’ont pu intégrer les formations d’élite), afin de leur offrir, avec des moyens limités, le meilleur niveau de savoir.

Cela ne veut pas dire qu’elle ne se préoccupe pas de l’insertion professionnelle de ses étudiants, bien au contraire. Mais ses formations, en dehors d’un secteur professionnalisant à effectif nécessairement réduit, et plus coûteux en moyens (licences pro, mastères pro), ne peuvent s’ouvrir que sur des champs professionnels et non sur des métiers. C’est particulièrement vrai pour les SHS, si souvent décriées.

Si l’un des débouchés traditionnels de ce secteur reste l’enseignement, la mise en place, dans nos cursus, de parcours de formation alliant savoir et compétences en relation avec des champs professionnels permet à nos étudiants une insertion bien meilleure qu’on ne le dit.

Pour prendre le cas, souvent cité, des APS : à l’université Rennes-II, les chiffres montrent que, si seulement 5 % à 10 % des effectifs peuvent espérer réussir au Capes ou à l’agrégation et devenir professeurs d’éducation physique, 80 % trouvent une insertion dans des métiers accessibles à l’issue de la formation : en éducation et motricité, activités physiques adaptées et santé, entraînement sportif, ergonomie du mouvement, management du sport… Il y a quelque paradoxe, dans une société où les activités physiques font partie d’une culture fortement valorisée, à prétendre que les études d’APS ne mènent à rien, alors que, partout, salles de sport et clubs sportifs se multiplient !

On pourrait faire le même constat pour toutes les disciplines aujourd’hui montrées du doigt. En psychologie, il existe bien d’autres débouchés que la psychologie clinique. Les secteurs de la santé, de l’éducation, de la justice, de l’ergonomie, mais aussi la gestion des entreprises : direction des ressources humaines, cabinets de conseil en organisation, en recrutement, absorbent un pourcentage important des effectifs qui sortent de l’université. Là encore, à Rennes-II, nous avons, dans cette discipline, un très bon taux d’insertion. Si l’on prend les lettres, comme dernier exemple, en dehors du professorat des écoles ou du second degré, des champs professionnels comme les métiers du livre et de l’édition, des bibliothèques et de la documentation, ou encore de la communication, du patrimoine, de la culture… ouvrent un nombre non négligeable de débouchés : 75 % des étudiants en master « Métiers du texte et de l’édition » trouvent un emploi avant un an.

Il faut donc reconsidérer, en fonction de la mission de service public qui est la leur, les possibilités d’insertion professionnelle offertes par les universités SHS.

Non seulement on pourrait montrer que ce qu’on appelle le taux d’échec en première année, voisin de 50 %, n’est en fait qu’un processus de réorientation auquel on peut remédier par une meilleure information dans les lycées et par des dispositifs de « passerelles » en premier cycle, mais les filières SHS, dites sans débouchés, offrent des possibilités d’insertion professionnelles sérieuses, d’autant plus que, dans les prochaines années, la majorité des emplois qui seront créés ne le seront pas dans l’industrie mais dans les services.

C’est donc bien l’université qui, aujourd’hui, offre une vraie « égalité des chances » pour les classes les moins favorisées et si on peut souhaiter que les grandes écoles s’en rapprochent (François Goulard), en dehors du domaine de la recherche, où les collaborations sont déjà en place (PRES), il faudrait modifier en profondeur le système inégalitaire qui est le nôtre pour donner aux universités les mêmes moyens de préparer directement à des métiers comme c’est le cas pour les facultés de médecine.

A moins qu’on ne préfère, plus démocratiquement, l’intégration des grandes écoles dans les universités sous forme d’instituts de formation professionnelle…

Même la recherche en SHS a fortement évolué ces dernières années. Si la recherche finalisée, soucieuse de la demande sociale, prend de plus en plus de place, une réflexion s’est ouverte, parallèlement, sur la question de l' »employabilité » des étudiants.

Ce sera le thème d’un colloque international, organisé, à l’initiative de Rennes-II, par l’Université de Bretagne, sur le thème « Université, compétences et emploi » (Rennes, Les Champs libres, du 13 au 15 décembre).


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Hervé Hamon : « L’école n’est pas organisée autour de l’élève »

Publié le 18.12.06

Revenons d’abord sur votre méthode. En 1984, vous étiez allé dans des collèges et des lycées. Vingt ans plus tard, vous y êtes retourné. Votre démarche est celle de l’observation, sur le terrain ?

Hervé Hamon : Ma caractéristique, c’est que je suis incompétent et irresponsable. Je n’ai pas d’expertise particulière. Je suis un citoyen passionné par les questions d’éducation. Et je suis indépendant : je décide de faire une enquête, je pars deux ans et demi et je rends mes conclusions. C’est un travail de sociologie empirique, je n’ai pas de prétention à la science ou à l’exactitude, mais une certaine prétention à l’honnêteté. Surtout, j’ai une singularité, c’est que j’y suis allé. Je suis fatigué de voir tous les gens qui nous parlent de la banlieue sans y avoir jamais mis les pieds.

En 1984, Patrick Rotman et moi avions fait une longue enquête sur l’enseignement secondaire public français. Nous avons fait le tour des collèges, des lycées, des lycées professionnels, que l’on appelait à l’époque les LEP [lycées d’enseignement professionnel], et nous avons interviewé à peu près trois cents adultes qui travaillaient dans ces établissements. J’ai décidé de refaire, en solo, exactement le même travail, le même parcours. Je n’ai pas forcément retrouvé les mêmes témoins, mais je pense avoir eu la possibilité de jouer sur cet effet optique pour dire, vingt ans après, ce qui a bougé, ce qui n’a pas bougé, et pouvoir porter un certain jugement global. D’autant plus que j’ai recoupé ces données de terrain avec tout ce qui est disponible comme travaux et observations.

Votre premier constat, à l’issue de cette enquête, c’est que globalement le niveau général a augmenté ?

Hervé Hamon : Arrêtons de perdre du temps dans des querelles subalternes. Quand nous parlons d’éducation, nous sommes soit dans la polémique, soit dans l’affect. Il y a peut-être des choses qui étaient mieux en 1930, mais si l’on veut bien regarder le système éducatif français, le niveau n’a pas cessé de monter. Dans les années 50, n’en déplaise au « Pensionnat de Chavagnes » [émission de télé-réalité sur M6] , l’ambition était d’amener 50 % d’une classe d’âge au niveau de la 6e. Aujourd’hui, nous en amenons les deux tiers au baccalauréat. Ce n’est pas pipeau : contrairement à ce que tout le monde raconte, le bac n’est pas dévalué. On demande aux jeunes de maîtriser des compétences beaucoup plus complexes que celles que j’avais à maîtriser à leur âge. D’autre part, le niveau des profs a également progressé. Il y a vingt ans, un prof sur deux avait le bac. Aujourd’hui, ils sont plutôt surqualifiés. Nous avons des jeunes profs qui ne sont peut-être pas très armés pédagogiquement, mais qui ont un niveau universitaire élevé.

En revanche, vous avez observé, sur le terrain, que les inégalités sont de plus en plus fortes…

Hervé Hamon : Oui, le niveau monte, mais les écarts se creusent. Nous avons un peloton de tête qui est sensiblement plus étoffé, qui roule plus vite, qui est plus performant et qui va plus loin. Nous amenons plus de jeunes, en France, à faire des études complexes et longues. En revanche, entre ce peloton et ceux qui sont à la traîne, l’écart est devenu vertigineux et totalement inquiétant. L’année de mon bac, nous étions environ 11 % à le passer. Mais pour tous, la possibilité d’entrer dans la vie active était plus grande. Aujourd’hui, l’attente de qualification est beaucoup plus forte, et pour ceux qui ont décroché, la situation est très anxiogène. Comme dans les autres pays développés, environ 20 % des élèves sont en grande ou très grande difficulté scolaire. Dans une société toujours plus exigeante, ils sont d’autant plus marginalisés et humiliés. Ce qui m’a beaucoup marqué, c’est de voir comment, dès la 6e, dans n’importe quel collège en situation difficile, les gosses ont intériorisé dix jours après la rentrée l’idée que l’école, ce n’est pas pour eux.

Quelles sont les solutions pour faire face à cette situation ?

Hervé Hamon : C’est simple. On estime que ces 20 % d’élèves n’ont pas leur place dans le système, et on cherche à les évacuer : c’est ce qu’amorce, à mon avis, le ministre de l’éducation, Gilles de Robien, avec l’apprentissage dès 14 ans. Cela constitue pour moi un recul inacceptable : les entreprises ne veulent pas de gens à 14 ans, elles ne sont pas qualifiantes, et en France il n’y a pas de possibilité de retour. Je ne suis pas opposé au fait de déscolariser des élèves qui décrochent : si un gosse étouffe à l’école, qu’il insulte les profs, il est nécessaire qu’il en sorte un moment. Mais il doit avoir un droit au retour. Les pays nordiques arrivent très bien à faire ça, les Canadiens aussi. Le débat est politique. Soit on déclare que ces enfants n’ont pas de place chez nous, et on laisse les enfants des classes moyennes et supérieures fonctionner entre eux ; soit on juge que l’on a su massifier, mais pas démocratiser. Nous avons enfourné des générations d’élèves dans un moule qui écrabouille les plus faibles, les étrangers, les gosses de banlieue, certains ruraux. Nous n’avons pas encore essayé de transformer le moule avant de dire qu’il faut dégager les élèves.

D’autres pays s’en sortent mieux que nous ?

Hervé Hamon : Bien sûr ! Il faut aller voir ceux qui fonctionnent autrement. En Norvège, par exemple, quand un élève décroche en maths, un véritable « SAMU » se met en place. Il y a des professeurs spécialisés qui jugent glorieux, et non pas infamant, de s’occuper de mauvais élèves. En France, nous savons prendre la population la plus normée, la plus normale, les bons élèves, et nous en occuper. En revanche, dès que les populations sont trop homogènes par le bas, ou trop hétérogènes, on ne sait pas faire. L’école n’est pas organisée autour de l’élève.

Y a-t-il une volonté, en France, de s’inspirer de ces exemples étrangers ?

Hervé Hamon : Nous avons beaucoup de travaux, de recherches et d’études sur l’école. Tout le monde sait par exemple que le redoublement, qui est une spécificité française, ne marche pas dans la plupart des cas. On sait que les Français n’arrivent pas à apprendre les langues étrangères, parce que les professeurs ne font pas travailler l’oral, et ont peur d’avoir des élèves qui se trompent. Mais ce qui me choque, en France, c’est qu’on ne veut pas le savoir ! J’ai été étonné de voir à quel point les enseignants ignorent les travaux qui les concernent. C’est comme si je disais : je vais vous parler de médecine, mais je ne lis pas les manuels. Il y a une volonté de ne pas être dérangé. De manière générale, les enseignants ne se comportent pas assez en professionnels ou en intellectuels. Il est difficile de trouver les solutions : on pourrait déjà essayer de poser les problèmes. Nous sommes sans arrêt dans la polémique, le jeu des petites phrases est terrifiant.

Quelle est la responsabilité des professeurs dans l’aggravation des inégalités ?

Hervé Hamon : Ce ne sont pas les professeurs, au sens individuel, qui sont responsables. Les enseignants que j’ai rencontrés sont globalement des gens plutôt consciencieux, qui ont envie de bien faire, et qui sont malheureux quand ça ne marche pas. En revanche, la culture traditionnelle collective est ringarde et désuète, et la formation des enseignants est très insuffisante. Il y a un énorme déficit pédagogique dans ce pays. Par exemple, les familles peuvent avoir en temps réel sur Internet les appréciations des professeurs. Mais l’appréciation, très souvent, c’est « peut mieux faire » ! On fait quoi avec ça ? Est-ce que l’élève va avancer, est-ce qu’il va comprendre ce qu’il doit travailler ? Est-ce que les parents vont pouvoir aider leur enfant ? Les rapports parents-école sont toujours décevants : en France, le parent a toujours tort. S’il est là, c’est un emmerdeur. S’il n’est pas là, il est démissionnaire. Cette école ne fonctionne pas bien, et ce n’est pas, à mon avis, un problème de qualité des individus.

Pour rendre l’école plus performante, vous proposez notamment d’introduire une direction des ressources humaines dans l’éducation nationale.

Hervé Hamon : L’encadrement est un élément-clé. Je me suis souvent demandé, pendant mon enquête, pourquoi on avait, de part et d’autre d’une rue, un collège qui tournait et un collège qui ne tournait pas. A mon avis, la réponse tient beaucoup à la qualité de l’encadrement. En France, nous recrutons des cadres, sur des critères universitaires, et nous les nommons à vie. C’est absurde. N’importe qui, au cours de sa carrière, peut plafonner, avoir un passage à vide, être déprimé. Les possibilités de carrière doivent être beaucoup plus souples. Tous les profs ont envie de partir à 50 ans, et ils ne voient pas comment. Il faut surtout une politique d’évaluation et de sanction, négative mais aussi positive. Que les gens qui s’investissent en tirent de la gratification, de l’argent, des possibilités de choix. Mais on ne peut pas se permettre d’avoir des gens incompétents !

Ces questions de l’organisation de l’éducation nationale sont-elles encore taboues ?

Hervé Hamon : Oui, cela reste un verrou. Dans l’éducation nationale, nous avons des syndicats faibles, qui courent après leur électorat en jouant la carte du statu quo. Mais il va bien falloir que cela change. Par exemple, sur la présence des profs dans l’école : l’obligation de service est un verrou majeur. Il ne s’agit pas de demander aux profs d’être là 35 heures, c’est un travail qui doit se faire par objectifs, et non de façon comptable. Dans les pays qui font mieux que nous, avec des budgets équivalents ou moindres, l’obligation de service ne se réduit pas à dispenser des cours magistraux. Sortons des polémiques là aussi, personne ne pense que les profs travaillent uniquement quand ils sont devant leurs élèves. Mais si on veut progresser, il faut que les enseignants soient plus présents, qu’ils fassent de la méthodologie, qu’ils travaillent ensemble ! Quitte à donner moins d’heures de cours. Par rapport à 1984, sur ce sujet, ça n’a pas bougé. Par certains aspects, nous avons même régressé. Il faut se concerter sur les élèves pour les évaluer, partager les échecs, les difficultés. Tout simplement se réunir autour de l’élève. Cela passe forcément par une modification de toute l’ergonomie des établissements. On ne peut pas demander aux enseignants de rester dans une salle de profs minable, avec seulement une machine à café, pour travailler. Cette révolution culturelle est à faire, c’est le prochain chantier. Ségolène Royal s’y est très mal prise en parlant de 35 heures : il ne faut ni quantifier cela, ni donner à penser qu’on considère que les profs ne foutent rien. Encore une fois, c’est une affaire de système et de culture, plus que d’individus.

Autre sujet d’actualité, la carte scolaire. Pensez-vous que les parents ont aussi une part de responsabilité en refusant la mixité sociale ?

Hervé Hamon : D’abord, la carte scolaire ne marche pas. On l’a créée pour éviter les ghettos et fabriquer un peu de mixité sociale. Le bilan est catastrophique. Aujourd’hui, il y a des ghettos scolaires, comme il y a des ghettos sociaux, ethniques, et c’est un échec de toute la société. Face à ce constat, il y a la solution de Nicolas Sarkozy, qui consiste à dire « on décloisonne tout, et les parents vont choisir ». Là, ce sera encore pire. Nous savons très bien qu’il y a des parents qui choisissent, ce sont les « consommateurs d’écoles », les initiés. En gros, un tiers des parents connaît les bonnes filières, les bonnes options, les bons établissements.

En revanche, il ne faut pas non plus avoir de discours religieux là-dessus, comme au PS où on ne veut pas en parler. Oui, assouplissons la carte scolaire, mais dans le cadre d’une politique réelle d’aide aux établissements défavorisés. Des parents comprennent qu’il nous faut de la mixité sociale, mais aussi de la mixité pédagogique. Certains enfants vont très bien se débrouiller dans un établissement compétitif, d’autres seront mieux dans un établissement accompagnateur. Ce choix-là doit être donné, et cela inciterait les établissements à être plus transparents, à avoir de vrais projets d’établissement qui ne soient pas les deux pages pondues par le proviseur parce qu’il faut rendre quelque chose. Qu’on sache ce que fait l’établissement, comment il travaille, ce qu’il propose aux parents et aux enfants. Cela signifie en même temps qu’il faut mettre le paquet sur les pauvres.

Vous jugez que les moyens ne sont pas assez ciblés ?

Hervé Hamon : Tout à fait. Aujourd’hui, tout le monde est en ZEP. C’est une machine à saupoudrer de l’argent pour acheter de la paix sociale. Pour vous donner un exemple, je ne suis pas partisan de faire baisser les effectifs par classe dans la majorité des établissements. Toutes les études ont montré que quatre élèves de moins, ça coûte très cher, alors que les bénéfices sont faibles. En revanche, dans les secteurs très en difficulté, une baisse drastique des effectifs peut être vraiment efficace. Je souhaiterais qu’on ait un vrai plan d’urgence pour les plus pauvres. Qu’on ferme certains établissements, qu’on n’arrivera pas à sauver. On ne fabriquera pas de la mixité sociale par décret. Il faut être réellement innovant et courageux. Qu’on ne se contente pas de nommer les collèges « ambition réussite », en leur donnant des éducateurs pas formés.

Existe-t-il aujourd’hui une marge de manœuvre ? Est-il possible d’innover à l’intérieur du système ?

Hervé Hamon : Nous ne sommes pas condamnés au désespoir, même si le plus urgent est de gérer autrement les enseignants. Christian Forestier par exemple, lorsqu’il était recteur de Créteil, a su prendre des initiatives. Il a sélectionné cent collèges de l’académie, dans lesquels il a injecté de l’argent. Bien sûr, il a été critiqué, accusé de faire de la discrimination positive. Il a proposé à de jeunes professeurs de venir dans ces établissements, mais en groupe. Ils n’ont pas été nommés seuls mais avec leurs amis, leur petit copain, leur copine, par effet de bande. Ils ont été accueillis six mois avant la rentrée et encadrés. Et ça a marché ! Bien sûr qu’il y a de la marge. Pour l’instant, le système ne fonctionne que parce qu’il y a de la vertu, des gens qui veulent bien faire.

Il vous paraît donc envisageable de réformer l’éducation nationale, l’organisation des professeurs ?

Hervé Hamon : J’ai été positivement surpris par les jeunes profs, notamment dans les zones difficiles. Ils ne disent pas être là par vocation, ils ne jouent pas aux missionnaires, mais ils se posent en professionnels. Ils sont plus souples que ma génération et acceptent que leurs élèves ne ressemblent pas aux élèves qu’ils ont été. Et ils semblent prêts à essayer de comprendre la culture de ces populations scolaires qu’ils ont devant eux. C’est avec cette masse de jeunes enseignants qui arrive qu’il faut négocier. Avec les anciennes générations, cela ne sert à rien, ils ne sont absolument pas prêts à changer leurs habitudes. Les jeunes disent « pourquoi pas, mais quelle est la contrepartie ? ». C’est un réflexe sain. Il faut parler, négocier. On ne peut pas réformer en publiant un décret, ce que les ministres aiment beaucoup.

Pour conclure, vous croyez encore à l’idée de l’égalité des chances à l’école ?

Hervé Hamon : C’est un problème d’ascenseur social. Aujourd’hui, les pôles d’excellence se sont organisés pour résister à la démocratisation, les prépas sont la chasse gardée des classes supérieures. Il y a en France un mécanisme d’autodéfense face au phénomène démocratique. Cela dit, l’ascenseur social n’est pas totalement en panne. Il ne fonctionne plus si on imagine qu’on va prendre un gamin de Clichy-sous-Bois, et le faire entrer à l’ENA. En revanche, amener un jeune de Clichy-sous-Bois au BTS, c’est imaginable. L’ascenseur ne s’arrête pas à tous les étages, et les plus hauts étages sont toujours desservis pour les mêmes. Mais il monte quand même plus haut qu’avant. Je ne désespère pas de l’école.

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Pédagogie : la réforme impossible ?

Publié le 18.12.06

Le système éducatif a encore et toujours besoin de s’attaquer au problème de l’échec scolaire. Le rapport du ministère de l’éducation nationale sur l’état de l’école en 2004 relève que « 50 000 jeunes, soit 7 % des sortants de formation initiale, ont quitté l’école sans qualification, c’est-à-dire sans avoir atteint au moins une classe terminale de CAP ou BEP, ou une seconde générale et technologique… En ajoutant ceux qui possèdent au mieux le brevet, on atteint le total de 150 000 ; 20 % des sortants se trouvant ainsi dépourvus de diplôme de second cycle : CAP, BEP ou baccalauréat ».

Ceux qui sortent sans qualification sont en majorité issus de milieux défavorisés et se retrouvent, par voie de conséquence, les premières victimes du chômage. En simplifiant volontairement les choses, on est face à l’alternative suivante : inculquer à tous le même tronc commun de connaissances ou adapter la pédagogie aux différences et aux disparités.

En 1989, la loi Jospin apparaît comme un tournant. Un des ses objectifs principaux est de placer l’élève au centre du système éducatif. « L’école doit permettre à l’élève d’acquérir un savoir et de construire sa personnalité par sa propre activité, précise le texte. La réalisation de cet objectif demande du temps : son utilisation optimale par l’élève est le problème essentiel de l’école. Le temps scolaire est partagé entre des cours, des travaux dirigés et d’atelier, le travail personnel assisté et le travail personnel autonome. La durée de ces activités doit être évaluée par l’équipe pédagogique pour être communiquée aux élèves et à leur famille, et ne pas dépasser au total une durée hebdomadaire fixée pour chaque cycle d’enseignement. » Pour Jean-Paul Brighelli, enseignant et auteur notamment de La Fabrique du crétin, c’est une « date d’apocalypse », la faillite annoncée du projet de l’école. L’illusion, à ses yeux : croire que c’est en parlant de « liberté d’expression qu’on la rend réalisable ».

Faut-il revenir à des conceptions plus traditionnelles, redonner la place centrale à l’enseignant ? Pourquoi la France, dont les dépenses pour l’éducation sont particulièrement élevées, n’arrive-t-elle qu’en 13e position des pays de l’OCDE pour les résultats en mathématiques des élèves de 15 ans ? A la rentrée 2006, la réforme de l’éducation prioritaire a été mise en place par Gilles de Robien. Elle est placée sous le signe de « la lutte contre l’échec scolaire ». Deux cent quarante neuf collèges ont ainsi été classés « ambition réussite », bénéficiant de moyens supplémentaires (1 000 postes d’enseignants référents et plus de 3 000 assistants d’éducation). Un soutien est mis en place pour les élèves en difficulté, surtout en CE1 et en 6e. Les syndicats estiment que ces réformes se font au détriment d’autres établissements et qu’elles manquent de moyens. Réponse à la rentrée 2007.

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Gérard Aschieri : « Il y a des établissements et des zones qui s’éloignent de plus en plus des autres »

Publié le 18.12.06

L’école est-elle aujourd’hui devenue un facteur d’inégalités ?

Gérard Aschieri : Les inégalités ne viennent pas de l’école. Mais l’école n’est pas en mesure de les corriger de manière suffisante. Les inégalités, souvent liées à des phénomènes de ségrégation sociale et territoriale, existent dans l’école. L’éducation nationale en souffre : le travail qui est fait permet d’éviter la catastrophe, mais on voit que ces inégalités se creusent. De plus en plus, ce sont des différences territoriales qui redoublent les inégalités sociales.

L’école n’est même plus en mesure de freiner ces inégalités ?

Gérard Aschieri : Elle limite l’hémorragie, si l’on peut dire, mais elle ne l’arrête pas. Confrontée à ces inégalités, l’école ne les répare pas suffisamment. Mais attention, si on n’avait pas un système éducatif public, ce serait peut-être pire. Cependant, ce n’est pas satisfaisant : il y a eu une dégradation de la situation ces dernières années, notamment en termes de géographie. Il y a des établissements et des zones qui s’éloignent de plus en plus des autres quant à la capacité de réussite, aux chances de réussite. Mais attention à la notion d’égalité des chances. Souvent, on a l’impression d’une compétition dans laquelle des gens ont des handicaps et qu’il suffirait de les compenser pour que tout le monde ait la même chance d’arriver au bout. Je pense qu’il ne s’agit pas d’une compétition. Car aujourd’hui, on a plutôt un problème dans l’égalité de l’accès aux droits.

Dans certaines zones, par exemple ?

Gérard Aschieri : Quand on parle de zones de non-droit, il faudrait ajouter un « s » à droit ! Ces zones dites difficiles ne sont pas des lieux où les gens sont difficiles et où la loi ne s’applique pas. Ce sont des zones où l’accès aux droits – droit à l’éducation, au logement, à l’emploi, etc. – est moindre par rapport à d’autres zones, voire nul. Et l’école, elle, se trouve au milieu de tout ça. Elle a du mal à faire face. C’est pour ça qu’un certain nombre d’établissements scolaires sont de plus en plus ghettoïsés. On a une école qui fonctionne bien dans 90 % des cas, et puis il y a 10 % d’établissements qui cumulent les difficultés scolaires, l’échec, la violence.

On reproche parfois aux organisations syndicales de ne s’attaquer qu’à la question des moyens. Est-ce la clé de toute réforme ?

Gérard Aschieri : On ne peut pas traiter la question sans moyens. Les redéploiements, ce n’est pas juste et ce n’est pas suffisant pour faire face. Cette difficulté scolaire, cette violence, elle ne se traite pas sans un apport significatif de moyens supplémentaires. Il faut compenser beaucoup plus les handicaps territoriaux que ce n’est fait aujourd’hui. Mais les moyens ne suffisent pas. Il faut savoir ce qu’on en fait : individualiser le suivi des élèves en grande difficulté, réduire les effectifs des classes, permettre aux personnels de travailler beaucoup plus en équipe. Dans les établissements qui connaissent le plus de difficultés, il faut faire un peu dans la dentelle dans le suivi, se concerter, avoir plus d’adultes présents. Mais au-delà, il y a tout ce qui se passe autour de l’école. Elle ne traitera pas les problèmes du logement, de la pauvreté, du chômage, et sans effort concerté pour traiter ces difficultés, l’école peut ramer, mais elle ne ramera jamais suffisamment.

Mais dans ces zones-là, des initiatives ont été mises en place, comme les zones d’éducation prioritaires (ZEP). Et pourtant, les résultats ne sont pas ceux qui étaient attendus…

Gérard Aschieri : Ils ne sont pas ceux qui étaient attendus, mais le différentiel de moyens n’est pas ce qu’il aurait dû être… Il y a deux sortes de ZEP : un certain nombre d’entre elles ont réussi à garder la tête hors de l’eau, tandis que d’autres se sont enfoncées. Notre proposition, c’est d’abord de mettre le paquet sur ces dernières. Mais attention, on ne peut pas enlever des moyens à celles qui ont la tête hors de l’eau, ce serait les enfoncer encore plus. Il y a deux autres questions qui sont fondamentales. D’abord la formation des personnels, notamment à la diversité des publics. Et ensuite, sur le plan qualitatif, il y a la question de la culture commune : qu’apprend-on à l’école et quel sens cela a-t-il ? La culture scolaire traditionnelle peut être socialement très sélective. La dissertation est un genre lié à une certaine couche sociale. On savait implicitement ce que c’était que la méthode de la dissertation. Or là, on a des élèves qui ne sont pas issus de cette couche sociale. Je ne dis pas qu’il faut jeter par-dessus bord les classiques mais il faut redonner du sens, réfléchir à la hiérarchie des disciplines. Pour la technologie, aurait-elle une place moindre que les mathématiques, par exemple ?

Certaines solutions relèvent des moyens, d’autres du domaine de la pédagogie ?

Gérard Aschieri : Bien sûr. Et pourtant, ce travail sur les contenus est rarement fait. Le fameux socle commun [mis en place par Gilles de Robien, ministre de l’éducation nationale] ne fait pas ce travail, et c’est en cela que c’est une supercherie. Il n’y a pas de solution clés en main. Cela nécessite un travail où les enseignants aient leur part, mais aussi les spécialistes des disciplines, les chercheurs en sciences de l’éducation aussi. Il faut qu’il y ait un vrai débat sur cette question, en se donnant un petit peu de temps. On ne va pas tout révolutionner, il s’agit de donner de la cohérence. Et au sein de cette cohérence, il faut donner une place à la diversité culturelle qui est celle de notre pays. La France est un pays marqué par la mixité culturelle et les jeunes y sont très sensibles. Je dirais même qu’ils la vivent bien. Malheureusement, je ne suis pas certain qu’ils la retrouvent dans l’école.

Outre la question des moyens, outre celle des contenus, n’y a-t-il pas une autre question relative à l’organisation du travail des enseignants ? Est-il possible d’envisager une réforme qui modifie le temps de travail ?

Gérard Aschieri : C’est ce que l’on demande. Quand je dis qu’il faut travailler plus en équipe, je dis qu’il faut changer l’organisation du travail. Simplement, on ne peut pas modifier en chargeant toujours la barque, il faut qu’il y ait des compensations. Et une manière de le faire, c’est de réduire le temps de travail devant les élèves afin de permettre plus de travail collectif. Ça a un coût énorme, c’est vrai. La proposition qu’on a faite, déjà, à plusieurs ministres, c’est de commencer par les établissements les plus difficiles. Il y a également la question du soutien aux élèves : cela relève du service public, c’est vrai. Mais, là encore, ça ne se fera qu’en dégageant du temps pour que ce soit fait. Dans les établissements difficiles, c’est souvent fait en heures supplémentaires, puisque ces établissements ont souvent des crédits pour cela. Sur cette question, il y a aussi une idée toute simple qu’on peut appliquer : l’industrialisation du cours de soutien et du cours complémentaire est liée à une seule chose, c’est la défiscalisation des cours privés, à hauteur de 50 %. C’est autant d’argent en moins dans les caisses de l’Etat ! Si on met cet argent dans l’école, dans les établissements les plus difficiles, on pourrait payer des personnes pour faire du soutien.

Ces entreprises privées qui font du soutien scolaire, sont-elles des partenaires pour l’école ou des concurrents ?

Gérard Aschieri : Ce ne sont pas des partenaires, je ne les qualifierais pas de concurrents non plus. Mais ce qui est contestable, c’est que l’Etat mette de l’argent là-dedans au lieu de le mettre dans les écoles publiques. D’ailleurs, les élèves qui ont recours à ces officines ne sont pas ceux qui en ont le plus besoin.

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Recentrage sur les 249 collèges les plus en difficulté

Publié le 18.12.06

Pour le vieux principe égalitariste de l’éducation nationale et républicaine, 1981 a été une année de rupture. S’inspirant d’expériences déjà tentées en Grande-Bretagne et aux Etats-Unis dans les années 1960 et 1970, le gouvernement de l’époque casse le principe d’une égalité de moyens : chaque individu ne recevra pas de l’Etat le même investissement en matière d’éducation.

L’idée est de corriger les effets des inégalités sociales, économiques et culturelles en renforçant l’action éducative là où l’échec scolaire est le plus élevé. Le gouvernement crée les zones d’éducation prioritaires (ZEP), pour lesquelles des moyens extraordinaires sont débloqués. Alain Savary, ministre de l’éducation nationale, précise alors : « La démocratisation du système éducatif et la lutte contre les inégalités sociales doivent se concrétiser par davantage de moyens et surtout une plus grande attention pour ceux qui en ont le plus besoin. » Les ZEP seraient donc des « machines » à réduire les inégalités sociales. Les moyens supplémentaires accordés aux établissements scolaires concernés prennent généralement la forme de primes pour les enseignants et d’une réduction des effectifs par classe. La France se classe ainsi parmi les premiers pays de l’OCDE en termes d’effort financier dans le domaine de l’éducation (7 % du PIB). En 2006, l’éducation nationale demeure le premier budget de l’Etat avec 22,5 % du budget général.

Vingt-quatre ans après leur création, malgré les bilans intermédiaires et les tentatives de réformes de la réforme, le système des zones d’éducation prioritaires est usé. L’écart des résultats scolaire entre les élèves de ZEP et hors ZEP n’a pas été réduit. Pis, le récent rapport corédigé par l’inspection générale de l’éducation nationale et l’inspection générale de l’administration et de la recherche souligne des effets pervers, « comme la ‘stigmatisation’ conduisant à ‘l’évitement‘ par les catégories sociales » (contournement de la carte scolaire) et « les résultats insuffisants en matière d’orientation des élèves au-delà du collège ».

« Les moyens supplémentaires ont été trop dispersés », souligne le rapport. Le plan de relance pour la rentrée 2006 de Gilles de Robien, ministre de l’éducation nationale, recentre donc les moyens sur les établissements les plus en difficulté. Le classement des établissements des ZEP est modifié : parmi eux, 249 collèges sont classés « ambition réussite ». En 2006, un millier de professeurs expérimentés devaient rejoindre ces collèges. Déchargés de 50 % de leur temps de classe, ils doivent également former leurs plus jeunes collègues. Ces collèges bénéficient également de l’arrivée de trois mille assistants pédagogiques.

Sans surprise, la réforme a suscité une vise opposition des syndicats. Ils dénoncent un simple redéploiement de moyens. Pourtant, Gérard Aschieri, secrétaire général de la FSU, dresse également un bilan mitigé des ZEP : « Les résultats ne sont pas ceux qui étaient attendus. » L’éducation nationale manquerait toujours de moyens pour réaliser ses objectifs.« Il est nécessaire d’investir sur les zones les plus difficiles. Mais il est également indispensable de ne pas enlever des moyens à celles qui ont la tête hors de l’eau », précise M. Aschieri. D’autres voies doivent être explorées, estime le syndicaliste, par exemple en ce qui concerne « la formation des personnels » dans le domaine de la pédagogie. « La culture scolaire traditionnelle peut être socialement très sélective. La dissertation est un genre lié à une certaine couche sociale. On savait implicitement ce que c’était que le beau, que la méthode de la dissertation. Or là, on a des élèves qui ne sont pas issus de cette couche sociale. Il faut redonner du sens, réfléchir à la hiérarchie des disciplines. La technologie a-t-elle une place moindre que les mathématiques ? »

Des failles également détectées par les experts des deux inspections, qui soulignent un « pilotage défaillant », un manque de souplesse et « d’autonomie » à l’égard de l’éducation nationale. Il est nécessaire que « cette politique ne s’enferme pas non plus dans la routine, conclut le rapport. Elle devra faire l’objet d’adaptations permanentes ».

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Impasse de l’université

Publié le 30.11.06

C’est la rentrée à l’université, synonyme d’ascension sociale pour beaucoup d’étudiants. Mauvais calcul, hélas. Pour 40 % d’entre eux, ils n’obtiendront pas leur DEUG, le diplôme de deuxième année, comme ceux des rentrées 2005, 2004, 2003… A la différence des années précédentes, cependant, le gouvernement semble vouloir sortir de cette impasse, mais à pas lents.

Jacobinisme oblige, l’enseignement supérieur a été dessiné comme un jardin à la française. Le bac général était censé mener aux grandes écoles et à la fac. Le bac technologique conduire aux IUT (instituts universitaires de technologie) et aux BTS (brevets de technicien supérieur). Tandis que le bac professionnel était destiné aux futurs ouvriers et employés, même si cela n’a jamais été dit.

Sur le papier, ce système ne manque ni d’allure ni d’ambition. Aucun jeune Français ne doit avoir quitté l’éducation nationale sans une qualification. 80 % d’une classe d’âge est réputée se hisser au niveau du bac et la moitié d’entre elle obtenir un diplôme de l’enseignement supérieur. Evidemment, ce n’est pas le cas. Au fil des années, cette vision dirigiste, colbertiste, de l’éducation, s’est révélée de plus en plus inadaptée à la  » massification «  de l’enseignement supérieur, qui conduit 40 % d’une classe d’âge à l’université contre 15 % il y a vingt ans. Des filières sélectives, comme les IUT et les BTS, se sont multipliées, qui ont fait refluer vers l’université, où il n’y a pas de sélection, nombre de lycéens qui n’avaient rien à y faire.

C’est le cas, chaque année, de 6 000 titulaires d’un bac  » pro «  (sur 92 000). Censés accéder directement à la vie professionnelle, ils optent pour un DEUG où leur taux de réussite en quatre ans est inférieur à 17 %. Comme eux, les bacheliers des filières technologiques sont 18 % à entrer chaque année à l’université au lieu de choisir un IUT ou de préparer un BTS. 60 % en sortent sans aucun diplôme, soit 15 000 étudiants.

Les titulaires d’un bac général n’en font qu’à leur tête, eux aussi. Beaucoup d’entre eux choisissent d’intégrer un IUT et s’en servent comme tremplin. Ils bifurquent ensuite vers une école de commerce ou une école d’ingénieur. Tant mieux pour leur avenir. Tant pis pour l’équilibre du système, qui prend eau de toute part.

Conséquence de ce mouvement brownien : chaque année, 80 000 étudiants quittent l’université sans aucun diplôme. La faute à qui ? A l’opacité du système pour commencer. Elèves et parents se perdent dans le dédale des formations post-secondaires – 22 000 en tout -, aux dénominations parfois obscures comme le BTS  » mise en forme des alliages moulés, dominantes coulées non granitaire (moulage sous pression) «  .

Dans les facs, un schéma  » LMD «  a été mis en place mais, pour ne rien simplifier non plus, il ne s’est pas entièrement substitué au système antérieur.  » LMD « , en jargon éduc. nat., signifie licence (bac + 3), master (bac + 5) et doctorat (bac + 8). Reconnus dans toutes les universités de l’espace européen – un progrès -, ces trois grades coexistent avec les anciens DEUG et les anciennes maîtrises, qui continuent d’être délivrés aux étudiants qui le demandent. Comment s’y retrouver ? L’orientation scolaire est le talon d’Achille de l’éducation nationale. Elle remplit mal sa mission, faute d’effectifs adéquats. Faute surtout pour les conseillers d’orientation de connaître de l’intérieur le marché du travail. L’éducation nationale compte ainsi moins de 5 000 conseillers d’orientation. Comme il y a 6 millions de collégiens et de lycéens, le calcul est vite fait : chaque conseiller a en charge plus d’un millier d’élèves.

LA SÉLECTION  » PAR LA FENÊTRE « 

Leur formation laisse à désirer. A dominante  » psycho « , elle ne met pas assez l’accent sur le volet  » insertion professionnelle «  de leur mission. La plupart des conseillers d’orientation-psychologues, c’est leur dénomination officielle, connaissent mal le monde de l’entreprise, faute, souvent, d’y avoir été en stage. Et, vieux travers, ils se méfient de lui.

Eperonné par un taux de chômage élevé – 22 % en 2005 chez les 15-24 ans, contre 18 % en moyenne dans l’Union européenne -, le gouvernement de Dominique de Villepin a décidé de réagir. Il a confié au recteur de l’académie de Limoges, Patrick Hetzel, la charge d’organiser un  » débat national université-emploi « , dont les premières recommandations ont été formulées en juin. L’une d’elles préconisait la création d’un poste de délégué interministériel à l’orientation, qui a vu le jour mi-septembre. Une autre, parmi les plus intéressantes, suggère la mise en place dans chaque université d’une direction des stages, des emplois et des carrières à l’instar de ce qui se fait dans certaines facs.

Echaudé, comme Dominique de Villepin, par la crise du CPE, François Goulard, le ministre délégué à l’enseignement supérieur, multiplie les initiatives pour tirer en douceur le  » mammouth «  de sa léthargie. Il propose aux élèves de terminale de déposer dès février ou mars leur dossier d’inscription à l’université, et non plus en juillet, comme c’est le cas aujourd’hui. Cela dans les facs qui voudront bien se prêter à l’opération.

Même si l’UNEF accuse le gouvernement de vouloir, avec cette réforme, réintroduire la sélection  » par la fenêtre « , elle va dans la bonne direction. Elle vise à dissuader les titulaires d’un bac  » pro «  ou  » techno «  de s’engouffrer dans des filières longues. Et les titulaires d’un bac général de se lancer dans des études sans réels débouchés :  » psycho « ,  » médiation culturelle « , éducation physique et sportive, etc.

L’université est irremplaçable pour les  » post-bac « , mordus de français ou de maths, qui deviendront profs. Elle prépare convenablement à la vie active les étudiants en licences ou masters professionnels qui ont de bonnes chances, au terme de leur cursus, de trouver un emploi. Mais son premier cycle est le pot au noir.

Trop souvent, les enseignants, qui sont une aristocratie, ne s’intéressent aux étudiants qu’une fois franchi le redoutable barrage du DEUG. C’est-à-dire lorsque le tiers état accède, après écrémage, au statut de  » vrais «  étudiants.

Les bacheliers et leurs parents s’accommodent tant bien que mal de cette situation qui laisse à un système injuste et passablement hypocrite le soin de procéder à une sélection qui ne dit pas son nom.

Comment expliquer à des parents qui, souvent, n’ont pas fait d’études supérieures que l’université est, pour trop d’étudiants, un miroir aux alouettes ? Et à tous qu’un BTS vaut mieux qu’un parcours incertain à la fac ? La démocratisation de l’enseignement supérieur – la vraie – est pourtant à ce prix.

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Trois questions à Richard Descoings, directeur de Sciences-Po Paris

Publié le 18.12.06

Quel bilan tirez-vous de votre projet d’ouvrir Sciences-Po aux plus brillants élèves issus des banlieues défavorisées ? Combien d’élèves sont concernés ? S’agit-il plus de filles ou de garçons ? Quel est leur niveau ? Et que deviennent-ils en sortant de Sciences-Po ?

Richard Descoings : Les conventions éducation prioritaire ont été lancées en 2001 et avaient alors déclenché un tollé général. « Coup de pub… mise à bas de la République… Sciences-Po en bonne dame de charité du XIXe siècle… », sans compter les attaques personnelles, et les plus ou moins bons mots. Les étudiants de ZEP seraient « les boat-people de Sciences-Po », avait ainsi déclaré la présidente de la très honorable Société des agrégés… Les partisans de l’immobilisme étaient légion… D’autres ont défendu le droit à l’expérimentation.

Il y avait sept lycées partenaires de Sciences-Po à l’époque. Ils sont quarante-huit aujourd’hui, situés dans dix régions françaises. Il y a eu dix-sept élèves admis la première année, soixante-quinze en 2006, ce qui porte le nombre total d’étudiants sélectionnés à 264, en six ans. Une centaine sont issus de la Seine-Saint-Denis. Des dizaines de grandes écoles ont finalement suivi Sciences-Po et ont même signé en 2005, un an après les grandes entreprises, une charte de la diversité. L’innovation lancée par Sciences-Po a fait école.

Les filles sont pour l’instant à l’avant-garde. Elles représentent environ les deux tiers des candidats. Au total, entre 50 et 70 % des admis sont enfants de chômeurs, d’ouvriers, de retraités ou d’employés. Cela correspond au taux de catégories socioprofessionnelles défavorisées des lycées partenaires, qui ont généralement entre 50 et 80 % de CSP, pour une moyenne nationale à peine supérieure à 20 % (enseignement public et privé confondus). La première promo – celle des pionniers – a été diplômée en juillet 2006. Trois sur quinze qui passaient les épreuves finales avaient signé un CDI plus d’un mois avant les examens. Pendant cinq ans, ces étudiants ont suivi les mêmes cours et passé les mêmes examens que les autres. Ils ont gagné un droit à l’indifférence. C’est le meilleur succès qu’on pouvait espérer.

Jean-Claude Brighelli, professeur agrégé de lettres, considère que la solution de Sciences-Po et « son côté bonne œuvre de la marquise peut marcher ponctuellement mais ce n’est pas une politique ». Que lui répondez-vous ?

Richard Descoings : Ce type de formule a un goût de réchauffé. Je tire mon chapeau aux élèves qui n’avaient rien au départ mais qui en veulent et bossent, aux enseignants des lycées qui sont sur le front depuis le début et ont gardé le même enthousiasme. Sur le terrain, cela bouge ! Ce n’est qu’un exemple, modeste par nature, mais qui suffit à montrer qu’avec de la volonté, on peut relancer l’ascenseur social. Pourvu que chacun accepte de ne pas rester chez soi, pour soi, sur son quant-à-soi.

Quels sont vos nouveaux projets pour favoriser l’égalité des chances ?

Richard Descoings : Avec ces mêmes acteurs de terrain, chefs d’établissement, enseignants, responsables d’association, on a décidé d’aller plus loin. En décembre 2005, je les ai réunis à Sciences-Po en leur posant une seule question : « quel serait le lycée de vos rêves ? ». On a planché pendant trois mois. Aujourd’hui, sur la base de ce travail, quatre lycées du « 9-3 » (à Clichy-sous-Bois, Epinay-sur-Seine, Saint-Ouen et Bondy) se sont lancés en réseau dans l’expérimentation.

Ce n’est pas facile tous les jours. On taraude le bois dur. Mais là aussi, cela bouge. Huit établissements d’enseignement supérieur et une vingtaine de très grandes entreprises sont partenaires du programme, condition sine qua non pour sortir les lycéens de leur huis clos. Deux axes majeurs, l’innovation pédagogique et l’ouverture des élèves au monde extérieur, avec un travail sur mesure pour leur orientation. Au menu, l’interdisciplinarité et de nouveaux horizons. Des voyages d’études ambitieux, au Bénin, au Sénégal, en Chine. Avec, à Pékin ou Shanghaï, des rencontres avec des responsables d’entreprises françaises qui réussissent. Est-ce parce que l’on est né à Clichy-sous-Bois que l’on doit s’interdire d’envisager une carrière là où se fera le monde de demain ?

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Bataille pour la réforme des ZEP

Publié le 30.11.06

En Seine-Saint-Denis, fief de l’éducation prioritaire, la mise en place des collèges  » ambition réussite « , réforme-phare de l’éducation nationale, ne plaît pas à tout le monde. Dans ce département, les représentants du principal syndicat des enseignants du second degré, le SNES, sont partis en campagne, dès le début de l’année, contre ce qu’ils considéraient comme  » un plan de dynamitage de la politique des ZEP « , les zones d’éducation prioritaire. En février, une quinzaine de collèges ont été occupés.

Dans toute la France, 249 collèges et les 1 600 écoles primaires qui s’y rattachent, jugés les plus défavorisés, ont été labélisés  » ambition réussite « . Ils ont bénéficié à ce titre, à la rentrée 2006, de quelque 1 000 professeurs  » référents «  de plus et de 3 000 assistants d’éducation dans le cadre de la réforme des ZEP, annoncée par Dominique de Villepin au lendemain de la crise des banlieues.

Une manne, certes, mais les opposants dénoncent le fait que, pour donner davantage de moyens aux collèges  » ambition réussite « , le gouvernement en a pris aux autres. Ils s’inquiètent aussi d’une prochaine étape de la réforme, qui prévoit de retirer le label ZEP – et les moyens qui vont avec – aux collèges dont la situation scolaire et sociale ne le justifie plus. Le recteur de l’académie de Créteil, dont fait partie la Seine-Saint-Denis, a pourtant assuré que celle-ci ne serait pas concernée.

Enfin, les adversaires de la réforme contestent le principe de professeurs référents. Ces enseignants – quatre en moyenne par collège  » ambition réussite «  – ne sont tenus d’assurer qu’un mi-temps de cours, le reste étant consacré à la mise en place de projets pour les élèves les plus en difficulté, à l’encadrement des assistants d’éducation ou à épauler leurs collègues en classe.

Sans que cela corresponde à une consigne nationale de ce syndicat, le SNES-93 a appelé à boycotter la réforme.  » A aucun moment, nous n’étions demandeurs de professeurs référents, explique Goulven Kerien, du SNES-93. Ce que nous voulions, ce sont des heures en plus pour dédoubler les classes et du temps pour que les équipes pédagogiques puissent se concerter. « 
Au collège Robert-Doisneau, de Clichy-sous-Bois (Seine-Saint-Denis), où les opposants sont venus présenter leurs arguments en mai, on est passé outre et on a décidé de jouer le jeu.  » Nous avons eu une grande discussion avec l’équipe, explique Marie-Christine Culioli, la principale. J’ai expliqué que si on ne prenait pas ce dispositif, on n’aurait plus rien avant longtemps. Alors, soit on prend et on se bat, soit on s’en mord les doigts. « 
Avec près de 80 % d’élèves issus de familles défavorisées, seulement 58 % de réussite au brevet, 29 nationalités représentées, le collège Robert-Doisneau de Clichy-sous-Bois fait partie des établissements scolaires qui concentrent, en France, le plus de difficultés. C’est là qu’étaient scolarisés les deux adolescents électrocutés dans un transformateur EDF le 27 octobre 2005. Depuis la rentrée, l’établissement bénéficie de quatre professeurs en plus et d’autant d’assistants d’éducation.

Pas question d’accréditer l’idée qu’il y aurait des  » superprofs «  et les autres. On a banni le terme de professeurs référents, rebaptisés  » professeurs supplémentaires « . Deux d’entre eux, professeurs d’anglais et de mathématiques, ont été recrutés en interne. Un enseignant du primaire, qui travaillait déjà avec le collège, a été intégré à l’équipe. Seul un jeune professeur de français a été recruté à l’extérieur.

Pour être prête à la rentrée de septembre, l’équipe de direction de Robert-Doisneau a planché sur le dispositif, dès le mois de mai, avec les enseignants.  » On a réfléchi à une façon d’enseigner différente du modèle classique « frontal », c’est-à-dire avec un professeur seul devant sa classe « , explique Mme Culioli. A chaque niveau (6e, 5e, 4e, 3e), une organisation spéciale a été mise en place, au plus près des besoins des élèves, en mathématiques, anglais et français.

En anglais, par exemple, dès la sixième, les élèves ont une heure de cours en plus par semaine et sont répartis dans différents groupes selon leur niveau.  » En langue, il faut intervenir très tôt pour ne pas laisser couler les élèves « , explique Sylvie Jégo, l’enseignante supplémentaire d’anglais.

La  » co-intervention « , qui prévoit deux enseignants en même temps dans une classe ou dans un groupe, fait également partie des innovations.  » Quand on fait un cours classique, on a au moins la moitié de la classe qui est passive, explique Tamas Hegedus, professeur supplémentaire de mathématiques. A deux, on peut appliquer une pédagogie différente. « 
Des études surveillées ont été mises en place pour les élèves qui le souhaitent, avec une attention particulière pour les plus en difficulté. Et, désormais, le collège est ouvert jusqu’à 19 heures.  » C’est un vrai défi, assure la chef d’établissement. De ces nouvelles pratiques peut émerger une autre manière de penser l’éducation nationale. «  Encore faut-il que les enseignants l’acceptent. Début octobre, le recteur de Créteil estimait que des tensions subsistaient dans quatre collèges de Seine-Saint-Denis. Au SNES-93, on parlait de  » pagaille «  dans une dizaine d’établissements.

[-] fermer « Philippe Meirieu :  » Je me sens trop en désaccord avec les décisions prises dans le secteur éducatif «  »

Philippe Meirieu :  » Je me sens trop en désaccord avec les décisions prises dans le secteur éducatif « 

Publié le 30.11.06

vous incarnez le courant des pédagogues, face aux tenants d’une conception traditionnelle de l’éducation. pourquoi n’avez-vous pas postulé à un nouveau mandat à la direction de l’institut universitaire de formation des maîtres (iufm) de lyon ?

Dans la conjoncture actuelle, je ne souhaitais pas être nommé par le ministre de l’éducation nationale, Gilles de Robien. Je me sens trop en désaccord avec les décisions prises, ces dernières années, dans le domaine éducatif, pour assumer ces responsabilités. Et je tiens à ma liberté de parole.

Que reprochez-vous à la politique de M. de Robien ?

Il s’agit d’une politique de renoncement aux ambitions. L’apprentissage à 14 ans, présenté comme une réponse à la crise des banlieues, en est une illustration. Ce n’est pas en renonçant à l’éducation, à la culture, qu’on va résoudre la question des violences. Au contraire. C’est une mesure démagogique. On paye les jeunes 300 euros, mais c’est une prime pour abandonner l’école. En plus, on sait qu’ils ne trouveront pas d’emploi, car les entreprises n’en veulent pas.

Ce que je crains, c’est que la possibilité d’orienter des jeunes en apprentissage dès 14 ans, sous statut scolaire, soit anticipée dès 12 ans. A terme, on risque de revenir à un palier d’orientation dès la fin de l’école primaire.

Que dire, aussi, des orientations contenues dans l’avant-projet de loi du gouvernement sur la prévention de la délinquance, qui met l’accent sur la détection précoce des troubles du comportement?

Pour le pédagogue que je suis, c’est une catastrophe. Les spécialistes ont montré qu’il existe un effet  » pygmalion « , notamment à l’école, c’est-à-dire que certains enfants vont mettre un point d’honneur à agir comme des  » lascars «  pour se caler sur l’image que les adultes leur attribuent.

Ces mesures n’ont pas suscité beaucoup d’opposition de la part des syndicats et des enseignants…

Elles sont passées comme une lettre à la poste. Je fais l’hypothèse que chez les enseignants du second degré, il y a eu une forme de soulagement au regard des difficultés rencontrées dans les classes. Aujourd’hui, il y a un essoufflement des dynamiques. Il existait une minorité militante, déterminée, qui arrivait à faire exister des enclaves d’espérance. Ces gens sont de plus en plus découragés. Ils ont le sentiment de ne pas être soutenus.

L’éducation nationale n’a jamais vraiment perçu qu’avec des sommes très minimes, on peut installer des choses intéressantes dans les classes. Elle s’est défaussée des budgets pédagogiques auprès des collectivités territoriales. Du coup, les enseignants survivent comme ils peuvent.

Qu’est-ce qui ne va pas avec le collège unique ?

Nous n’avons pas mis les moyens suffisants pour mettre en oeuvre le collège unique, dont la vocation est de scolariser dans les mêmes classes tous les élèves de la 6e à la 3e. Il aurait fallu un rééquilibrage disciplinaire. Je suis partisan de l’enseignement technologique pour tous, à une hauteur significative. Actuellement, l’enseignement technologique est très conceptualisé. Il faudrait, au contraire, développer une approche axée sur l’artisanat de proximité, sur les métiers. L’introduction de cette approche pour tous les élèves permettrait une orientation positive vers l’enseignement professionnel, et pas seulement par l’échec.

Il faudrait aussi davantage de suivi individuel des élèves, de temps consacré à leur remise à niveau. Je reconnais que la loi Fillon avait ouvert la porte. Je suis d’autant plus sidéré que M. de Robien ne l’ait toujours pas mis en oeuvre.

La définition d’un socle commun de connaissances et de compétences compensera-t-il les lacunes du collège unique ?

Tout dépend de ce que l’on y met. Si ce socle s’entend comme une culture commune à tous les élèves au terme de leur scolarité obligatoire, là, je suis d’accord même si je pense qu’un toilettage des enseignements est nécessaire. Il est plus important aujourd’hui de connaître la différence entre le civil et le pénal que de savoir résoudre le théorème de Thalès. De même, un minimum de culture économique serait plus utile que la maîtrise d’une troisième langue vivante.

Mais ce n’est pas dans cet esprit-là qu’il a été conçu. Au nom du socle commun, il s’agit d’exclure une partie des jeunes, en ne leur assurant qu’un minimum des enseignements. Au lieu de réconcilier certains élèves avec l’école, par la culture, l’expérimentation, le sport, on se focalise sur certaines matières académiques. On est dans l’acharnement pédagogique.

[-] fermer « L’école doit-elle protéger les garçons ? »

L’école doit-elle protéger les garçons ?

Publié le 30.11.06

Les garçons, espèce à protéger ! Ce titre du Monde de l’éducation de janvier – nouvelle formule – peut choquer dans ce monde qui prône l’égalité des sexes et son corollaire, la mixité de l’éducation. De quoi faut-il donc protéger ces adolescents si machistes ? D’eux-mêmes ? De la compétition avec les filles ? D’un environnement qui offre peu de chances de s’épanouir aux plus défavorisés ? Ou même d’une institution qui, après avoir instauré la mixité, s’est voilé les yeux sur ses conséquences parfois négatives ? Point ne sert d’ergoter, le problème est là. Pour la rédactrice en chef, Brigitte Perucca,  » alors que les filles continuent de s’orienter massivement vers des filières sans avenir, qu’elles se dénient le droit à postuler à des carrières scientifiques malgré des résultats scolaires très encourageants, qu’elles sont victimes de violences sexistes graves, il y a sans doute quelque provocation à clamer qu’il faut sauver les garçons. C’est précisément parce que la construction des identités sexuelles semble emprunter, chez les adolescents, un chemin désespérant, parsemé de violences, que nous lançons ce mot d’ordre. Les garçons, ceux des milieux défavorisés, ceux dont l’expression favorite passe par le corps parce que leur parole est trop pauvre, ceux-là mêmes sont en péril et mettent en péril du même coup une cohabitation filles-garçons de toute façon difficile. (…) La mixité, qui nous semble aujourd’hui une évidence et que personne ne songe à remettre en question, pose des problèmes aux adultes « .

COMBATTRE L’ENNUI SCOLAIRE

La mixité a-t-elle été pensée ou n’a-t-elle été qu’une façade ? Selon la circulaire de 1957,  » la crise de croissance de l’enseignement secondaire nous projette dans une expérience (de la mixité) que nous ne conduisons pas au nom de principes (par ailleurs fort discutés) mais pour servir les familles au plus proche de leur domicile « . Ce qui expliquerait l’absence de sensibilisation des enseignants à la mixité, ou que ces mêmes enseignants,  » s’ils sont motivés dans l’ensemble sur les questions d’égalité entre garçons et filles à l’école, ne se rendent pas toujours compte qu’ils véhiculent des stéréotypes «  dans une société où la femme est trop souvent présentée comme une marchandise. La situation est d’autant plus grave que l’on s’éloigne des beaux quartiers, comme en témoignent les agressions – souvent sexuelles – contre des lycéennes. Les garçons réussissent moins bien au bac,  » sont plus susceptibles que les représentantes du sexe féminin d’appartenir à la catégorie des élèves faibles «  (rapport de l’OCDE). Pour le sociologue Hugues Lagrange,  » les garçons les plus jeunes qui ont un mauvais cursus scolaire et ne reçoivent pas là de gratifications doivent chercher d’autres stratégies de déviation et de contrôle de leurs pulsions sexuelles. Or, précisément, ce sont eux qui sont le moins bien armés pour s’engager dans des relations symétriques, fondées sur une acceptation des filles comme égales « .

Les  » doués «  perdraient-ils leurs moyens face aux  » travailleuses «  ? Chercheraient-ils hors de l’école un autre univers où ils pourraient s’exprimer, en marge ou contre la société ? D’autant que, selon Macha Séry et Christian Bonrepaux, dans  » Voyage au bout de l’ennui « ,  » découragement, inappétence, manque de motivation, passivité, chahut, transgression : l’ennui scolaire prend des formes multiples et conduit les jeunes à l’échec. Les lycéens ne se satisfont plus d’un enseignement classique qu’ils jugent rébarbatif « .  » L’enseignant doit savoir se vendre. L’ennui naît de la répétition. Et ce ne sont pas les mauvais élèves qui s’ennuient, mais les plus imaginatifs. Aux enseignants de trouver la manière de les intéresser. « 
Pour sauver la mixité, l’égalité des sexes, faut-il instaurer une discrimination positive à l’américaine afin d’aider les garçons à ne pas perdre pied à l’école ?  » L’école républicaine en sortira renforcée « , estime Maryline Baumard.

DossierEcole : l’inégalité des chances ?Dossier publié le 18.12.06
« L’inégalité des chances » : l’expression a été utilisée la première fois par Jean-Pierre Chevènement en 1986. Depuis, ses successeurs à la tête du ministère de l’éducation parlent tous d’école plus juste, plus mixte et plus égalitaire. Pure utopie ? ZEP, carte scolaire, collège unique et réformes pédagogiques ont été mis en place. Résultat : peut mieux faire car l’école crée ses propres inégalités, comme l’ont cristallisé les émeutes des banlieues en 2005 et le mouvement anti-CPE en 2006. Dans la perspective de la présidentielle en 2007, l’éducation est un thème prioritaire de campagne à droite comme à gauche. Mais pour faire quoi ? Réformer le système en profondeur ou le maintenir avec plus de moyens ?Egalité des chances, une expression, un principe et une loiPublié le 01.12.06 | 15h12L’égalité des chances… Des mots qui circulent d’un gouvernement à l’autre, qui passent d’une école à l’autre, tel le titre d’une récitation apprise par cœur par l’ensemble des acteurs scolaires. Mais de quoi parle-t-on ?L’égalité des chances, c’est une expression. Elle apparaît pour la première fois dans un discours de Jean-Pierre Chevènement, alors ministre de l’éducation, le 7 février 1986. Depuis, tous ses successeurs s’approprient la formule, l’école devant assurer l’égalité des chances pour tous les élèves.L’égalité des chances, c’est aussi un principe. L’école républicaine, obligatoire et gratuite doit assurer l’égalité entre les citoyens. La France, comme le rappelle le sociologue François Dubet, est attachée à l’idée de justice. La tradition républicaine et anti-aristocratique repose sur le principe selon lequel la seule manière de produire des inégalités acceptables, c’est de construire une compétition qui permettrait de dégager une autre hiérarchie sociale, s’opposant ainsi aux hiérarchies tenant à l’héritage et au passé. Pour les père fondateurs de la République, l’école s’est substituée à l’Eglise dans sa capacité à transmettre des valeurs et des principes, dans sa capacité à former les citoyens. L’école, c’est la République, et la République, c’est l’école. Les années 1960 ont marqué un tournant. Avant, le système scolaire répondait aux exigences de l’Etat républicain. Le modèle scolaire parvenait à redistribuer les connaissances pour tous ceux qui avaient accès au savoir. Après, la France a changé de registre. Tous les élèves, riches ou pauvres, sont allés dans la même école. Dans ce nouveau système, la règle de l’égalité des chances a impliqué que tous les élèves munis de leur bâton de maréchal dans le cartable ont eu la possibilité de réussir. La compétition s’est démocratisée, l’école s’est « massifiée » en même temps que le système n’est plus parvenu à surmonter ses propres contradictions devenues sources d’inégalités. Certaines voix, comme celles des sociologues Pierre Bourdieu et Jean-Claude Passeron, se sont élevées pour montrer que l’école ne faisait que répéter les inégalités sociales. Pour eux, le système scolaire constituait le « meilleur allié du conservatisme social et politique » (Les Héritiers, Editions de Minuit, 1964).UN DEVOIR URGENT DE CHANGEMENTQuarante ans après, les inégalités scolaires se sont accrues en France, à l’image des mutations économiques, facteurs de disparités en tout genre. De réforme en réforme, le système scolaire est devenu une institution en état grippal permanent. Le modèle scolaire républicain marche tellement à plein régime qu’il est en surchauffe constante et ne peut donc plus faire face aux pressions extérieures – qu’elles soient politiques, économiques, sociales, culturelles ou religieuses. L’école n’est plus un sanctuaire mais devient un buvard ; un buvard dont les auréoles sont le reflet de ses propres contradictions mais aussi celles de la société. Elle absorbe en quelque sorte les inégalités qui l’entourent. Au fond, les inégalités sociales se sont déplacées de la société dans l’école pour se reproduire dans la société.Si bien qu’aujourd’hui, l’égalité des chances, c’est aussi une loi. Le 2 juin 2005, Azouz Begag, écrivain et sociologue, est nommé ministre délégué à l’égalité des chances. Il n’est pas vraiment mis en avant par le gouvernement. C’est à partir de novembre 2005, juste après la crise des banlieues, que l’égalité des chances se présente réellement comme une nécessité et devient en quelque sorte un devoir, un devoir urgent, celui de changer la société. La loi sur l’égalité des chances, dont M. de Villepin a pris l’initiative, veut donner une priorité au combat contre les inégalités, notamment dans le système scolaire.Alors, faut-il préserver l’égalité des chances pour surmonter la crise de l’école ? Pour Patrick Fauconnier, cette égalité n’est envisageable que si l’on revoit complètement le sens même de l’école. Il faudrait, affirme-t-il, passer de l’« école-raffinerie » à l’« école-pépinière », c’est-à-dire ne plus concevoir le système éducatif sur « une base hiérarchique », mais en aidant chacun « à réussir là où il est doué ». Pour Jean-Paul Brighelli, il faut d’abord sortir des slogans et détruire la machine à fabriquer des « crétins ». Attention, dit François Dubet, à ne pas casser la clé de voûte du système, qui est celle de l’égalité méritocratique des chances. Mais comment en est-on arrivé là ? Grandes réformes et tentatives marginalesPublié le 15.12.06 | 14h51Pour faire face à ces nouveaux défis, l’Etat a mis en place toute une panoplie de mesures et de réformes de l’éducation nationale :En 1963, le ministre de l’éducation Christian Fouchet instaure la carte scolaire, pour gérer les flux d’élèves et les moyens d’éducation. Il souhaite ainsi promouvoir la mixité sociale en obligeant les parents à inscrire leurs enfants dans un établissement en fonction de leur lieu d’habitation. Mais le système est rapidement perverti : ceux qui le peuvent contournent la carte par des dérogations, adresses fictives, relations et inscriptions dans le privé. La carte scolaire, paradoxalement, se met de plus en plus à rimer avec inégalité.En 1975 est mis en place le collège unique. Il a pour objectif de démocratiser l’accès à l’éducation en offrant à tous, de la sixième à la troisième, le même enseignement. Mais les inégalités demeurent : aujourd’hui, on est encore trop souvent orienté en filière professionnelle quand on connaît une situation d’échec. Il faudrait un « rééquilibrage disciplinaire », explique Philippe Meirieu, auteur de plusieurs ouvrages et d’un rapport sur l’éducation.En 1981, la gauche, quelques mois après son arrivée au pouvoir, crée les zones d’éducation prioritaire (ZEP), dans le but de renforcer le niveau des élèves inscrits dans des établissements en zones défavorisées, par un ensemble de mesures volontaristes, matérielles et pédagogiques. D’après le dernier rapport de l’inspection générale de l’éducation nationale sur la contribution de l’éducation prioritaire à l’égalité des chances des élèves, le bilan est mitigé. Conclusion reprise par la plupart des intervenants avec lesquels nous nous sommes entretenus (cf. notre série d’entretiens).Depuis, beaucoup de mesures ont suivi, émanant de gouvernements de droite comme de gauche : loi Savary sur l’école privée, loi Devaquet, réforme des diplômes, CPE, etc. La liste est loin d’être exhaustive. De nouvelles méthodes pédagogiques ont été inspirées de la maternelle à la fin du cycle primaire. Des adaptations des filières d’orientation ont été expérimentées du collège au lycée, avec plus ou moins de réussite, les effectifs dans les classes ont été réduits, avec l’approbation du corps enseignant et des syndicats. L’objectif de ces mesures est le même, en théorie : réhausser le niveau des élèves en maintenant le principe fondateur de l’égalité des chances de la maternelle à l’accès à l’université.Dans le supérieur, même combat : ceux qui étaient défavorisés dès le début ne rattrapent pas leur retard. Le baccalauréat à 80 % d’une classe d’âge entend répondre à la massification de l’école et à la démocratisation du savoir. Les universités sont submergées par les inscriptions, les filières se bouchent, les moyens manquent, la sélection est bannie par les étudiants. Les universités françaises deviennent les parents pauvres de l’enseignement supérieur, le cursus des étudiants anonymes sans perspective, la voie de garage en rupture avec les exigences des entreprises et la réalité du marché. L’égalité des chances s’essouffle, souffre et recule même.Quelques initiatives marginales sont alors appliquées, souvent mises en avant par les médias. Sciences Po prend depuis quelques années les meilleurs élèves des zones d’éducation prioritaire (ZEP), l’Ecole normale supérieure envoie, elle, ses professeurs dans des établissements classés en ZEP. Le lycée Henri-IV a créé une classe préparatoire de remise à niveau, « classe préparatoire aux études supérieures », pour trente élèves issus de milieux modestes à la rentrée 2006. « Il ne s’agit pas de discrimination positive, estime le proviseur du lycée, Patrice Corre, mais d’une opération d’ouverture sociale sur la base du mérite. » (Le Monde du 16 mai 2006). Mais ces initiatives sont loin de faire l’unanimité. Sciences Po a fait ses « bonnes œuvres de la marquise », pour Jean-Paul Brighelli, alors que Christian Jeanbrau, ancien professeur en classes préparatoires à Henri-IV, trouve le projet « méprisant, insultant pour l’effort pédagogique en zone difficile, élitiste à contre-emploi et, en termes d’impact social, ridicule » (Le Monde du 19 mai).A l’issue de ces projets de modernisation du système scolaire, experts et professionnels de l’éducation tirent un bilan globalement négatif de trente ans de politique éducative. D’où la pertinence de la question sur l’inégalité des chances. Souffrirait-on d’un mal bien français, qui impliquerait que toute réforme est mauvaise mais que, paradoxalement, le système ne conviendrait à personne ? Consolidation du système ou ouverture ?Publié le 15.12.06 | 14h44Les crises du monde scolaire et parascolaire bousculent les certitudes du système français qui se croyait à l’abri, persuadé d’être le meilleur. Mais la sinistrose gagne l’ensemble de l’univers scolaire. En premier lieu, les élèves qui s’interrogent sur leur lien à l’école, puis les parents d’élèves qui s’inquiètent de l’avenir de leur progéniture, le corps enseignant qui se pose des questions sur la valeur du métier, et les experts et hommes politiques qui retournent dans tous les sens le casse-tête de l’éducation sans trouver de solution durable.En 2006, la politique de l’égalité des chances se trouve donc à la croisée des chemins. Ce n’est pas sur le diagnostic que les divergences apparaissent mais sur les recettes. L’heure est plutôt au pessimisme ambiant et de cette inquiétude sont nées deux dynamiques.D’un côté les pessimistes de conviction plaident pour des solutions telles que redoublement, fin du collège unique et parfois retour aux blouses. C’est à l’élève de s’adapter à un ordre scolaire plus ferme, capable de faire le tri entre le bon grain et l’ivraie, le lauréat et le bonnet d’âne. L’école aurait besoin d’une thérapie de choc, par la réification d’un système égalitaire souvent embelli. Car comme le souligne le sociologue François Dubet, « nous n’étions pas véritablement dans un système d’égalité des chances ». Mais quid de la politique de massification des écoles ? Au lendemain de la seconde guerre mondiale, les noms des bacheliers étaient annoncés à la radio… On imagine mal aujourd’hui l’exercice. Jusqu’aux années 1960, la République pouvait se permettre de récompenser ses meilleurs éléments. « Le système scolaire était un système qui ouvrait une certaine école aux enfants du peuple et ouvrait une certaine école aux enfants de la bourgeoisie », poursuit François Dubet. Mais ce n’était pas la même école. De l’élitisme républicain plus que de l’égalité des chances. On partait du principe que tout le monde n’avait pas le devoir de réussir à l’école. Pour ceux qui excellaient mais qui étaient issus de milieux défavorisés, le système a inventé la bourse. Les boursiers étaient les éléments prometteurs du système, les symboles de l’efficacité d’un modèle républicain capable de donner une chance à tous.A côté de ce camp minoritaire, les pessimistes de responsabilité, eux, rejettent le fatalisme de l’échec et refusent de se laisser dominer par des solutions de repli. L’esprit du « Pensionnat de Chavagnes » (une émission de télé-réalité sur M6) est révolu, insiste Hervé Hamon. Ce dont l’école souffre, ce n’est pas d’un manque d’attachement au passé mais d’un repli par rapport à la réalité d’aujourd’hui. A commencer par un manque d’ambition qui interdit de placer l’élève au cœur du système. L’école souffre d’un manque évident d’adaptation à une société complexe et en mouvement. D’où les incidences sur le moral et le manque d’estime de soi de l’élève. Mais aussi des techniques de management rétrogrades, un système par trop arc-bouté sur ses acquis et ses symboles. « L’école est prise dans un imaginaire un peu sacré, un peu magique, rappelle François Dubet, qui fait qu’il est difficile de toucher à des symboles. » C’est comme si tout s’était figé : on refuse la sélection alors qu’elle constitue le moteur de la compétition (mention au bac, classes prépa, etc.), on manque de passerelles avec l’entreprise, on perpétue le traitement indifférencié des cas en difficulté, l’orientation post-secondaire est de mauvaise qualité, on s’interdit d’observer ses voisins européens, etc. Bref, la rigidité du système moule les esprits, uniformise les comportements et castre l’idée de changement.Pourtant, rien ne peut plus marcher comme avant. Ce n’est pas encore l’union sacrée, mais jamais la volonté de moderniser, de changer, de réformer les choses n’a été aussi grande qu’aujourd’hui entre les élèves et les professeurs, les syndicats et les associations de parents d’élèves, les proviseurs et les parents, les administrateurs et les sociologues de l’éducation. Le temps est donc venu, semble-t-il, d’ouvrir un nouveau cycle… De Jean-Paul Brighelli à Gérard Aschiéri via Richard Descoings, Patrick Fauconnier et François Dubet, plusieurs indiquent le chemin à suivre, avec une seule finalité : celle d’une véritable égalité des chances. Mais encore faut-il que les politiques décident de faire de l’éducation une priorité. Les candidats à l’assaut de l’égalité des chancesPublié le 15.12.06 | 15h10Pour la campagne présidentielle 2007, les candidats des deux plus grands partis, Nicolas Sarkozy pour l’UMP et Ségolène Royal pour le PS, ont placé l’éducation parmi les thèmes prioritaires. Ségolène Royal appelle à réfléchir sur les résultats de la carte scolaire et à refonder les bases de l’égalité des chances par des entorses à la tradition socialiste. Nicolas Sarkozy, fidèle à la philosophie de droite, insiste sur le mérite, l’effort, le travail et la compétition en proposant de supprimer la carte scolaire pour réorganiser le rapport entre les Français et l’école. A gauche comme à droite, on le sait : l’école française mérite plus qu’un débat « pour ou contre la carte scolaire ». Et le ministre en exercice, Gilles de Robien, a raison d’appeler tous les candidats à la présidentielle à ne pas tomber dans le « simplisme » concernant l’école. Celle-ci, avant tout, a besoin que la société lui lance un autre regard, en suivant trois grandes dynamiques.Il y a tout d’abord la question des politiques scolaires à long terme. Peut-on envisager des réformes dans la durée en France ? Quand on voit le nombre de ministres de l’éducation en dix ans, on se dit que rien n’est possible. C’est faux. La réforme LMD (licence, master, doctorat), rappelle Patrick Fauconnier, est un projet pour lequel quatre ministres de gauche comme de droite ont œuvré : MM. Allègre, Lang, Ferry, Fillon. Il y a ensuite la question de l’adaptation de l’éducation aux réalités économiques, ce qui renvoie au statut des écoles et surtout des universités. Là aussi, de nouveaux chantiers ont été ouverts. Et tout porte à croire, au regard des dernières prévisions économiques, qu’il ne peut pas y avoir de développement et de croissance en France sans un effort entrepris sur la recherche. La croissance de demain passe par une politique intensive en faveur de la recherche et du développement des connaissances. Et cela commence à l’école, qui, pour préparer ses élèves au nouveau paysage économique, doit leur permettre d’acquérir des compétences, de mieux percevoir les talents individuels, de donner confiance.Il y a enfin la question des moyens. Seule une politique volontariste peut susciter des résultats. L’école a besoin d’une politique de grands travaux du savoir. Pas forcément de rallonger des lignes de crédits là où les résultats sont mitigés. Réinventer la politique des ZEP, réviser la carte scolaire, améliorer les filières d’accès à l’Université, ouvrir et autonomiser celle-ci, équiper les établissements en moyens techniques, optimiser la formation des enseignants et insister davantage sur les langues et l’ouverture sur les autres modèles, tout cela demande des moyens mais surtout des fins, avertit François Dubet, car « on ne peut pas dire qu’en mettant plus de moyens pour des choses qui ne marchent pas bien, cela marchera mieux ». Pourquoi pas boucher ? Publié le 18.12.06Il est presque 8 h 20, ce jeudi d’automne. Une masse d’adolescents patiente dans le calme devant le 37, boulevard Soult, dans l’est de Paris. La plupart d’entre eux sont des garçons ; quelques petits groupes sont formés. On discute. Certains fument une cigarette, aucun ne chahute. Légèrement en retrait, deux surveillants observent ce petit monde. Une sonnerie retentit : c’est l’heure de rentrer au centre de formation d’apprentis des métiers de la viande.L’école accueille environ 300 élèves de 14 à 25 ans pour les former au métier de boucher. L’apprentissage est ici le cœur de la formation. Les plus jeunes peuvent intégrer la classe d’initiation préprofessionnelle en alternance (Clipa). Viennent ensuite les CAP, BEP puis les brevets professionnels. Ce jeudi à 8 h 30, c’est cours pratique pour la classe de première année de BEP. Ici, la cravate est de rigueur pour les apprentis bouchers comme pour leurs professeurs. Des vêtements chauds sont nécessaires pour passer plusieurs heures debout, face à un billot, dans une salle où la température ne dépasse pas les 10 °C. Chacun revêt également une cotte de mailles pour éviter un coup de lame malheureux et se coiffe d’une casquette pour des questions d’hygiène. La leçon du jour porte sur la préparation d’une pièce de bœuf. Stéphane Riquet, maître boucher, fait face à une vingtaine d’élèves. Couteau en main, le professeur exécute sa démonstration. Il détaille chaque morceau de viande, chacun des éléments qui la composent. Il répète inlassablement les règles qui feront de ses apprentis d’honnêtes professionnels puis il interroge, note et recommence. Ses élèves écoutent et s’escriment à reproduire les gestes de leur maître. Surprise : autour de Stéphane Riquet, il se fait un silence d’église. Cette vingtaine de personnes, que le tronc commun de l’éducation nationale n’a pas gardées, est à l’écoute. « On ne plaisante pas avec la discipline », explique le maître boucher avant d’affiner son analyse. « Ce n’est pas à l’école qu’ils doivent le plus prendre sur eux. Ils travaillent en alternance. Ils passent plus de la moitié de leur temps chez un patron boucher avec lequel il peut y avoir des tensions. Ils doivent très rapidement apprendre à gérer l’environnement quelquefois difficile de la vie professionnelle. » UNE ALTERNATIVE AU TRONC COMMUN DE L’ÉDUCATION NATIONALE« La majorité des élèves qui intègrent l’école sont fâchés avec le système scolaire », reconnaît Bernard Merhet, président de l’école et de la Fédération de la boucherie d’Ile-de-France. Toutefois, 75 % à 80 % des élèves présentés aux examens obtiennent un diplôme, avec de bonnes chances d’intégrer avec succès la vie active. L’apprentissage offre un autre cadre pédagogique et une nouvelle chance à des adolescents brouillés avec le tableau noir. Le profil de ces futurs préparateurs de produits carnés est « multiple », estime Annie Robillard, directrice pédagogique du Centre de formation des apprentis (CFA). « Nous avons eu des enfants de la DASS et des fils de chirurgiens ou d’ingénieurs. » Toutefois, « beaucoup de jeunes sont dans une détresse morale, sociale, affective. Issus de familles déchirées avec des parents au chômage. Ceux qui entrent en CAP sont très souvent en échec scolaire. Certains sortent de 4e, d’autres sont déscolarisés depuis plusieurs années. Nous leur donnons une nouvelle chance de s’en sortir. C’est lors du premier trimestre de la première année que nous enregistrons le plus gros taux d’abandons. Ils supportent mal les contraintes de l’école et celles de leurs patrons ». Certains de ces apprentis sont également des fils de bouchers qui ont la perspective de reprendre l’affaire familiale. « Mon père a trois boucheries, témoigne Emmanuel, 19 ans, j’ai fait une seconde, puis j’ai quitté l’école et j’ai travaillé dix-huit mois comme vendeur de téléphone mobile. » Sans métier ni diplôme, son père le recadre dans le savoir-faire familial et l’envoie à l’école de boucherie. « Mon frère aîné gère déjà une des boutiques de mon père. Il veut que moi aussi je me forme au métier », explique le jeune homme. Djamel, lui, est dans l’école par hasard. « Je n’ai pas choisi », assure-t-il, « c’est le conseiller d’orientation qui m’a dit d’aller là. Mais c’est bien. Je ne regrette pas, j’apprends un métier. Si ça ne me plaisait pas, je serais parti. On peut gagner de l’argent et on aura du travail. A la sortie de l’école avec un BEP, je peux compter sur un travail à 1 400 euros [mensuel]« .LA FILIÈRE RECRUTEUn métier, un emploi et un salaire décent constituent les arguments les plus importants pour la plupart des élèves. « J’étais en première l’an dernier, témoigne Arnaud, mais je voulais me former à un métier pour gagner un vrai salaire. Les bouchers confirmés peuvent gagner jusqu’à 1 800 euros. »La filière recrute, confirme Annie Robillard. Il existerait 6 000 offres d’emplois par an dans le secteur, alors que seulement 600 apprentis sortent chaque année des écoles, estime la Fédération de la boucherie d’Ile-de France. « Dans les années 70, nous avons accueilli jusqu’à 600 apprentis. Au fil des années, le nombre de vocations s’est atténué. La boucherie a une image de marque déplorable. Les élèves ne disent pas facilement qu’ils sont apprentis bouchers à l’extérieur de l’école, ils s’inventent un autre cursus. Les patrons bouchers souhaitent également une autre vie pour leurs enfants, ils les encouragent à poursuivre leurs études. Et puis, au pays des 35 heures, la profession conserve l’image d’un métier difficile où il est nécessaire de faire beaucoup d’heures pour bien gagner sa vie. Enfin, l’image du grand costaud rougeaud transportant des carcasses sur ses épaules perdure et ne facilite pas la féminisation de la profession », explique la directrice pédagogique. Les chiffres le confirment : une dizaine de filles sur trois cents élèves dans cette école.« Il faudrait valoriser ces métiers et leurs formations », souligne Annie Robillard. Alors boucherie, charcuterie, poissonnerie, à quand la relève ? Ressources, cours en ligne, blogs et formations à distancePublié le 27.11.06Ressources et cours en ligne :Le Précepteur
Documents scolaires directement utilisables par les élèves du CP à la terminale.
Cours et ressources pédagogiques en ligne
Du collège à l’université et aux classes prépa.
Campus virtuels
Annuaire des cours dispensés en ligne dans les universités françaises.
Association Libre cours
Supports pédagogiques classés par domaines mis en ligne par des enseignants.
Encyclopédie sonore
Service éducatif en ligne proposé par les universités françaises et étrangères. Il dispose de 6 967 cours audio dans 346 thèmes.
Librecours.org
Supports pédagogiques mis en ligne par des enseignants de l’association Libre Cours.
Doc’s du Net
Tutoriaux informatiques réalisés par un élève en ingénierie informatique.
Canal U
Webtélévision de l’enseignement supérieur et de la recherche (cours, conférences, colloques…).
BNF
Dossiers pédagogiques de la BNF (littérature, arts, architecture et photographie).
Cyberpapy
Premier site français de soutien scolaire.
Plagiat :Compilatio.net
Veille et détection de plagiat sur Internet en direction du corps enseignant.

Blog :Blogs : quelles applications pédagogiques ?
Sur le site Franc-Parler, communauté mondiale des professeurs de français.

Le Web pédagogique
Plate-forme de blogs pédagogiques.
Erasmus Campus FLE 2007
Blogs des étudiants FLE (université de León).
Campus virtuel FLE, audio-vidéo blogLe Professeur de français
Matériaux utiles aux classes de FLE.
« Partagez la connaissance » :Mot d’ordre du blog de Marie-Hélène Paturel
enseignante-documentaliste.
Blog d’un conseiller principal d’éducation
Concours CPE et vie scolaire, par Gabrielle Lamotte.
Veilles en éducation
Dédié aux « connecteurs et pronétaires qui s’intéressent à l’évolution des nouvelles technologies éducatives ».
Chronique éducation
Revue de presse des quotidiens français sur le thème de l’éducation, par Philippe Watrelot, professeur de sciences économiques et sociales et formateur à l’IUFM.
Blog d’une jeune pousse du e-learning
Actualité du e-learning et, plus généralement, sur l’univers du multimédia.
Formation à distanceFIED
Fédération interuniversitaire de l’enseignement à distance.
Centre national d’enseignement à distance (CNED)
L’établissement public du ministère de l’éducation nationale.
Cursus
Répertoire de la formation à distance.
Thot
Nouvelles de la formation à distance.
CNPR, le savoir vert à distance
Etablissement public national d’enseignement à distance agricole (du ministère de l’agriculture).
Enseignement hybride
Tour d’horizon des nouvelles formes d’enseignement (échanges distants avec les élèves, en temps réel ou temps différé, dans une classe ou hors d’une classe).
Les cours à distance de l’université de Lecce
A partir d’une plate-forme d’enseignement à distance (Modus), accessible par câble et par satellite.
L’Université face aux inégalités et à l’échec, comment en sortir ?Publié le 15.12.06Grande inégalité, ceux qui échouent viennent souvent de milieux défavorisés. « Un vrai gâchis », déclarait le ministre de l’éducation nationale François Fillon en 2004. Au niveau du diplôme d’études universitaires générales (DEUG), l’échec est patent. Selon les statistiques du ministère de l’éducation nationale, moins d’un étudiant sur deux (45,5 % en 2003) réussit son DEUG en deux ans, et 70 % le réussissent en trois ans. Les bacheliers professionnels et, dans une moindre mesure, technologiques, sont particulièrement vulnérables. A la session 2003 (derniers chiffres connus), seulement 15,4 % des bacheliers professionnels ont obtenu le DEUG (en quatre ans au plus), contre 77 % des bacheliers littéraires. Les élèves des bacs professionnels sont par ailleurs plus nombreux à être issus de milieux défavorisés.De plus, seuls 59 % des étudiants inscrits obtiennent le niveau licence. Conscients de ces risques, les enfants des milieux favorisés (cadres supérieurs et professions libérales) évitent au maximum les premiers cycles universitaires et se tournent vers les filières sélectives, notamment les classes préparatoires. L’objectif est de contourner l’enseignement de masse et le principe de non-sélection après le baccalauréat. Cette situation traduit une grande inégalité du système universitaire. Les bons étudiants, souvent les plus favorisés, bénéficient ainsi d’un enseignement de qualité dans un environnement favorable : cours en petits effectifs, suivi serré par des enseignants disponibles, nombreux exercices. Une situation qui s’oppose point par point à la formation dispensée dans les premiers cycles universitaires, souligne François Dubet dans L’école des chances, est-ce une école juste ? Et une inégalité flagrante au détriment des élèves issus des couches populaires de la population. L’insuffisance de moyens financiers explique, en partie, le déficit d’encadrement qui pénalise les étudiants les plus fragiles. L’Etat dépense en effet moins de 7 000 euros par étudiant à l’université, alors qu’il investit en moyenne, par an, plus de 13 000 euros pour chaque étudiant de classe préparatoire. L’absence de visibilité à cinq ans sur les besoins en qualification est un autre problème. Or, cinq ans c’est le temps nécessaire pour la mise en place d’une formation.LA QUESTION CRUCIALE DE L’ORIENTATIONMais le plus grave est le problème de l’orientation des bacheliers vers les formations qui ne sont pas des voies de garage ou sans perspectives. La réforme de 1998 instaurant le système licence-maîtrise-doctorat (LMD) permet en principe une réorientation de l’étudiant à l’issue du premier semestre d’études. Mais il semble que le système soit peu ou mal appliqué.Face à ces difficultés et à ces inégalités, le recteur de l’académie de Limoges, Patrick Hetzel, nommé par le premier ministre Dominique de Villepin à la tête de la commission université-emploi, a remis fin octobre 2006 un rapport sur l’orientation et l’insertion professionnelle des étudiants. S’il écarte l’idée d’instaurer une sélection à l’entrée de l’Université, il propose différentes mesures afin d’améliorer l’information et l’orientation des étudiants. Par exemple que chaque lycéen qui souhaite s’inscrire à l’Université ait un entretien avec les responsables de la formation envisagée, qui pourraient lui faire d’autres propositions intra ou extra-universitaires. Le rapport prévoit dès la prochaine campagne d’inscription en juillet 2007 que les universités aient l’obligation légale d’informer les futurs étudiants sur le taux de réussite sur trois ans dans la filière qu’ils ont choisie.Premier progrès : un portail Internet a été mis en place en mai 2006 par le ministre délégué à l’enseignement supérieur, François Goulard, censé aider les étudiants à se repérer dans le maquis des vingt-deux mille formations post-secondaires. Mais face à l’afflux de bacheliers – deux cent quarante mille chaque année – à l’Université, est-ce suffisant ? La sélection généralisée n’est-elle pas à terme inévitable ? D’ailleurs les jeunes Français ne s’y trompent pas, qui privilégient de plus en plus les filières post-baccalauréat dites courtes – (dans les instituts universitaires de technologie (IUT), les sections de techniciens supérieurs (STS), rattachées aux lycées et qui délivrent des BTS…) – où une sélection s’opère après le baccalauréat. Un choix assez pertinent puisque les étudiants concernés obtiennent à 72 % leur diplôme. La carte scolaire est devenue l’instrument de la ségrégation socialePublié le 17.09.06En février 2006, lors de la convention éducation de l’UMP, j’ai soulevé, parmi d’autres questions, celle de la carte scolaire. Plus de quarante ans après sa mise en place, il n’est quand même pas incongru d’en dresser le bilan.Je suis heureux que cette question taboue soit devenue, en quelques mois, un sujet de débat politique, une préoccupation gouvernementale et même, semble-t-il, un thème de la campagne interne des socialistes. Afin d’éviter qu’on ne déforme ma pensée, je souhaite rappeler ici dans le détail les propositions que j’ai formulées.La carte scolaire a été créée en 1963. Elle part du principe que la meilleure manière de garantir l’égalité des chances est d’uniformiser les établissements et d’y répartir les élèves de manière autoritaire afin de créer de la mixité sociale.La première idée ne correspond plus aux besoins de l’école aujourd’hui. L’école accueille des publics plus nombreux, plus divers, qu’elle mène à des niveaux de qualification plus élevés. Elle ne peut plus le faire dans les mêmes conditions qu’à l’époque où une sélection sévère, parfois brutale, se chargeait d’écarter ceux qui semblaient inadaptés. Chaque enfant est différent. Les uns excellent en langues, les autres en sport, certains travaillent seuls, d’autres ont besoin d’être encadrés. Combien de parents, dans tous les milieux sociaux, ont eu parfois ce sentiment que l’école, parce qu’elle est trop monolithique, ne savait pas comprendre l’intelligence de leur enfant ?La seconde idée est juste et elle n’a pas pris une ride. Toutes les études sérieuses le démontrent : les principaux facteurs de réussite des élèves sont, dans l’ordre, la qualité pédagogique des enseignants et la mixité sociale, loin devant le nombre d’élèves par classe. Mais la carte scolaire, qui était effectivement autrefois l’outil de la mixité, est devenue l’instrument de la ségrégation.L’incapacité des pouvoirs publics à moduler réellement les moyens des établissements en fonction des difficultés rencontrées par les élèves a progressivement creusé des différences profondes entre les établissements.Différence de niveau, qui peut varier de 30 % à composition sociologique comparable. Différence d’ambition, puisque 50 % des lycées n’envoient jamais aucun dossier d’élève pour l’inscription en classe préparatoire.Différence d’horizon, puisque les établissements situés dans les quartiers les plus défavorisés sont devenus de véritables ghettos où le seul effet de la carte scolaire est d’y concentrer les élèves le plus en difficulté quand il faudrait au contraire les répartir dans d’autres établissements.Ces constats ne sont pas le fruit de mon imagination, mais ont été dressés par des expertises unanimement saluées. Face à cette situation, certaines familles peuvent s’émanciper de la carte scolaire en faisant le choix du privé, en s’installant dans des quartiers huppés, ou tout simplement en contournant la carte par la mobilisation de leur réseau relationnel. 30 % des enfants sont ainsi scolarisés en dehors de leur collège de rattachement. Les autres sont tenus de se plier à une règle qui vaut pour les uns, mais pas pour tout le monde.Cette réalité est choquante. Elle est contraire aux principes les plus essentiels de l’école républicaine, laïque, gratuite et égalitaire. La carte scolaire se voulait un instrument de justice. Elle est devenue le symbole d’une société qui ne parvient plus à réduire ses injustices parce qu’elle n’ose pas s’interroger sur ses outils. Devant ce constat, je formule trois propositions.La première est de donner de l’autonomie aux établissements scolaires pour leur permettre de mettre en oeuvre des projets éducatifs spécifiques. Cette méthode a fait ses preuves. Les établissements qui ont les meilleurs résultats pour tous leurs élèves sont ceux qui ont su créer une dynamique de réussite grâce à un projet spécifique. C’est en mettant de la diversité dans les méthodes, sans renoncer bien sûr au caractère national des programmes et des évaluations, que l’on permettra à chaque enfant de trouver une solution lui permettant de grandir et de s’épanouir.Qui dit autonomie dit évaluation. Je propose que nous nous dotions d’un organisme d’évaluation de chaque établissement scolaire. Il doit s’agir d’évaluations détaillées, allant bien au-delà de la seule mesure des résultats des élèves, et s’intéressant également à la qualité du projet éducatif, à sa capacité à faire progresser tous les élèves, à l’ambiance au sein de l’établissement, etc. Ces évaluations aideront les établissements à remédier à leurs insuffisances. Elles seront évidemment à la disposition des parents.Enfin, qui dit évaluation dit engagement de l’Etat à aider les établissements qui ont des difficultés à améliorer leurs performances. Le but n’est pas de désigner à la vindicte les établissements ayant des résultats insuffisants, mais de garantir une qualité éducative pour tous.La conséquence logique de ces propositions, c’est le libre choix par les parents de l’établissement scolaire de leur enfant. A partir du moment où chaque établissement propose un projet spécifique, il est normal que les parents puissent choisir l’établissement qui correspond le mieux à leur enfant. Cette réforme ne peut pas intervenir du jour au lendemain. Certaines conditions doivent être préalablement remplies. Elle suppose de profondes transformations de notre système scolaire. Mais c’est le projet vers lequel je propose de tendre.Certains demandent : « Si l’on supprime la carte scolaire, par quoi la remplacera-t-on ? ». Je leur réponds : « Mais par rien ! Ou par un système d’inscription dans, par exemple, trois établissements au choix. » La carte scolaire a été supprimée dans presque tous les pays de l’Union européenne. Dans tous ces pays, aucun élève n’est scolarisé dans un établissement que sa famille n’a pas choisi parce que les établissements sont à la fois divers dans la méthode, mais égaux dans la qualité. Il n’y a pas de sélection selon le niveau scolaire ou l’appartenance sociale, mais une répartition finalement assez naturelle des élèves selon le projet d’établissement qui leur convient le mieux.Supprimer la carte scolaire est pour moi un aboutissement, pas un préalable. Mon projet n’est pas plus de liberté pour les uns, moins de liberté pour les autres. Cela, c’est le système existant. C’est au contraire la qualité éducative pour tous, un objectif difficilement contestable. La carte scolaire n’aura alors plus de raison d’être puisque tous les établissements seront de qualité. Ceux qui pensent que ça ne peut pas marcher sont tout simplement ceux qui n’ont pas confiance dans la capacité du corps enseignant et de l’école républicaine d’y parvenir. Pour ma part, je sais que le système éducatif et les enseignants ont toujours été les moteurs d’une société plus juste et je veux leur donner les moyens de le redevenir. François Dubet : « L’égalité des chances, le pire des systèmes, mais il n’y en a pas d’autres »Publié le 18.12.06Dans votre ouvrage L’Ecole des chances, vous remettez en question le modèle de justice à l’école, notamment l’égalité méritocratique des chances. Et pourtant, vous dites, c’est une « fiction nécessaire » . Pourquoi ?François Dubet : Ce que je pense, c’est que ce modèle de justice et d’égalité a une force essentielle : c’est qu’il n’y en a pas d’autre ! Je veux dire par là que sauf à dire que les gens vont hériter automatiquement de la position de leurs parents, ou sauf à tirer au sort la position des individus par une loterie qui dirait les uns seront médecins, les autres seront balayeurs, il n’y a pas d’autre manière de s’y prendre que d’organiser cette compétition.Ce que je dis simplement, c’est que le fait qu’il n’y pas d’autres manière que cela ne doit pas nous rendre complètement aveugles sur les difficultés de ce modèle, sur le fait qu’il n’est probablement pas réalisable dans une société où les gens sont inégaux, ont des positions sociales inégales. Je crois que de ce point de vue-là, il faut à la fois affirmer et tendre vers ce modèle – ma position est celle d’un sceptique – et en même temps compenser, par d’autres politiques et d’autres mesures, le fait que ce modèle ne peut pas, à mon avis – et je dirai que pour le moment les faits me donnent raison en France et partout –, véritablement se mettre en place. Pour prendre un exemple très simple, je peux tenir sur l’égalité des chances les propos que Winston Churchill tenait sur la démocratie : c’est le pire des systèmes mais il n’y en a pas d’autres. A partir de là, et comme pour la démocratie, quels sont les mécanismes que l’on peut mettre en place pour compenser les effets négatifs, sachant que l’égalité des chances reste la vertu cardinale d’un système scolaire.Vous estimez que la situation peut s’améliorer en partant de ce qui existe. En même temps, vous parlez de révolution ? Mais quelle est cette révolution ?François Dubet : Cela peut apparaître comme une révolution mais ce n’est pas de cela qu’il s’agit puisque je continue à dire : établissons l’égalité des chances, donnons plus de moyens à ceux qui en ont moins, faisons en sorte que les privilèges scolaires ne se déplacent pas uniquement vers les bons élèves qui sont aussi les élèves des classes dirigeantes, essayons de faire que l’arbitrage scolaire soit plus équitable et plus neutre qu’il ne l’est.En même temps, il y a trois choses importantes : premièrement, puisqu’un système de ce type – et je répète il n’y en a pas d’autres – produit nécessairement des vainqueurs et des vaincus, la première chose à faire serait de s’occuper prioritairement du sort des vaincus. Que sont devenus tous ceux qui ne sont pas rentrés dans les grandes écoles ? Et s’ils sont maltraités, s’ils n’ont rien appris, s’ils sont nuls et s’ils ne savent rien faire, on ne peut quand même pas considérer que c’est un succès ! Puisqu’un tel système produit des vaincus, essayons d’améliorer le plus possible le sort des vaincus au lieu de dire « c’est la compétition, elle est juste et malheur aux vaincus ». De ce point de vue, je suis assez favorable aux politiques style Sciences-Po.En même temps, que fait-on des 99 % d’élèves qui n’y arriveront jamais ? Je pense qu’il faut revenir à ce que j’appelle le smic : un savoir commun pour tous les élèves à la sortie du collège. Le système crée des inégalités, mais jusqu’à quel seuil peut-on accepter d’aller, notamment du point de vue des plus faibles ?Deuxièmement, pour pondérer le système de l’égalité des chances, il conviendrait de dire que, puisque les diplômes aujourd’hui – étant donné la massification scolaire – sont un outil absolument indispensable pour se situer sur le marché du travail, alors faisons en sorte que l’on donne aux élèves des diplômes qui ont un peu de valeur. Même dans le cas où la répartition des diplômes serait juste, il n’est peut-être pas juste que certains diplômes donnent des monopoles et des rampes, que certains diplômes ne donnent rien et que l’absence de diplômes devienne un véritable handicap social. Là encore, il faut bien pondérer le système de l’égalité des chances en disant : puisqu’aller à l’école est d’une certaine manière un sacrifice pour l’individu qui y va, il faut probablement faire en sorte que chaque formation ait un minimum d’utilité sociale, c’est-à-dire que je puisse aller sur le marché du travail en disant « voilà ce que j’ai et je sais faire quelque chose ».Troisièmement, le principe de l’égalité des chances – et toutes les violences scolaires en sont la manifestation quotidienne – est un principe d’une extrême cruauté pour les individus. Quand vous êtes dans un système d’égalité des chances, vous êtes tenus de vous vivre comme le responsable de votre échec. « Vous avez eu l’opportunité de gagner, vous n’avez pas gagné, tant pis pour vous. » Notre système scolaire – et c’est une caractéristique qui le distingue fâcheusement d’autres systèmes scolaires – a une très forte capacité à humilier les mauvais élèves, a une capacité de convaincre les élèves qu’ils sont nuls et qu’ils sont incapables. Je crois que l’on pourrait parfaitement essayer de dire : évidemment, les élèves sont inégaux, mais l’école doit garantir aux élèves les plus faibles un sentiment d’estime de soi, un sentiment de confiance de soi auquel tout individu a droit, même s’il n’est pas bon à l’école. Par exemple, on doit pouvoir aller dans un enseignement professionnel sans être considéré a priori comme un incapable.On doit pouvoir rejoindre la formation permanente au cours de sa vie même si on a échoué à l’école, alors que la plupart des individus n’y vont pas, étant convaincus que de toute façon ils n’apprendront jamais rien, qu’ils en sont incapables. On ne peut donc pas faire autrement que de garder l’égalité des chances au cœur de notre dispositif scolaire – parce que, je le répète, dans les sociétés démocratiques, c’est la seule chose possible –, mais on ne peut pas être naïf au point de croire que, premièrement, on va véritablement l’atteindre, et que, deuxièmement, si on l’atteint, cela n’aura pas des conséquences forcément injustes sur les individus qui n’auront pas eu la chance, le mérite, le talent d’y réussir.Vous vous placez du côté des vaincus. Or, dans ce que vous proposez, vous n’écartez pas l’idée qu’il y aura toujours des vaincus. Alors comment faire ? Existe-t-il un système duquel tout le monde sort avec succès ?François Dubet : Ne soyons pas naïfs au point de croire que tout le monde finira à l’IEP. En même temps, puisqu’on n’est pas naïf et que l’on pense qu’il y aura toujours des vaincus, la question des compétences, des savoirs, de l’estime de soi que l’on donne aux vaincus en dépit de leur échec est quand même une question essentielle.Je répète : la tradition scolaire française n’est pas la meilleure qui soit. Ce qu’on observe par exemple dans un grand nombre de pays qui ne sont pas plus égalitaires que nous, c’est qu’il y a des manières de traiter les élèves, des formes d’apprentissage, des formes de connaissances qui s’efforcent un peu plus que nous ne le faisons de ne pas humilier les vaincus. Dans les enquêtes de l’OCDE qui comparent les systèmes scolaires, il y a une question qui est posée aux élèves : « Quand tu ne comprends pas, est-ce que tu demandes au prof ? ». Dans la plupart des pays du monde, 85 % des élèves demandent à un enseignant d’expliquer parce qu’ils n’ont pas compris. En France, il n’y a que 15 % des élèves qui disent  » quand je ne comprends pas, je demande aux enseignants «  ! Parce qu’on est dans un système où, au fond, l’organisation du mérite et de la compétition commande même les relations scolaires. Sur ce point, il ne s’agit pas de révolution. Il s’agirait de dire qu’il est déjà très injuste que les enfants des catégories les moins favorisées se retrouvent dans les filières les moins favorisées pour avoir les emplois les moins favorisés, il n’est peut-être pas nécessaire de faire à la fois qu’ils soient ignorants et qu’ils soient humiliés.Justement, en prenant exemple sur les modèle scandinave et anglo-saxon, vous n’ignorez pas que ces modèle scolaires sont le reflet d’une culture et d’une histoire. Comment appliquer ces modèles en France ?François Dubet : Nous savons tous que le système scolaire va mal, qu’il faut le réformer et que nous pourrions tout simplement regarder un peu comment s’y prennent les autres. Au lieu de rester trop enfermés dans cette image que nous avons d’une société absolument singulière, d’un système scolaire absolument unique, au fond, en étant à peu près convaincus qu’il est toujours le meilleur sauf à des moments dépressifs où l’on se met plus bas que terre, je crois que l’on pourrait avoir des raisonnements un peu pragmatiques là-dessus. Les élèves espagnols, lorsqu’on les teste internationalement à l’âge de 16 ans, parlent mieux l’anglais que les élèves français, alors qu’ils consacrent moins d’heures à l’apprentissage de l’anglais. Cela ne serait pas une insulte nationale que de se demander comment font les Espagnols !Les élèves australiens ont une plus forte estime d’eux-mêmes que les élèves français. Cela ne serait pas scandaleux de regarder comment font les Australiens ! Par exemple, les Scandinaves ont une scolarité primaire et moyenne dans laquelle il n’y a pas de redoublement. On sait qu’en France, le redoublement est inefficace mais on y tient beaucoup. Cela ne serait pas scandaleux de voir comment font les Scandinaves ! Ce ne serait pas trahir notre société que de se dire que l’on pourrait parfois faire un peu mieux. Bien évidemment, je ne souhaite pas – et je ne pense que cela soit possible – de devenir demain Finlandais, Coréens, etc.Vous stigmatisez assez souvent les enseignants, notamment sur ce qui se passe dans les salles de professeurs et leurs rapport avec les élèves. Vous parlez de passage du jugement des performances au jugement de personnes. Comment ont-ils réagi à vos idées ?François Dubet : Le monde des enseignants est un monde extrêmement sensible…Justement, d’où vient cette extrême sensibilité des enseignants ?François Dubet : Parce que je crois que le monde scolaire français a été vécu comme étant le centre de la société ayant une légitimité culturelle extraordinaire. Les instituteurs étaient les hussards de la République, les professeurs étaient les témoins de la grande culture et l’école était l’espérance de la société. Je crois qu’aujourd’hui, dans une société où le niveau de consommation culturelle a considérablement augmenté, dans une société où tous les élèves vont à l’école pendant très longtemps, cette espèce d’institution un peu « cléricale » se sent menacée. Il y a un sentiment, au fond, que la place de l’école – alors même qu’elle n’a jamais été aussi puissante – n’est plus ce qu’elle était.Puis, un autre point extrêmement important qui explique la réactivité très forte des enseignants, c’est que les conditions subjectives de travail sont devenues considérablement plus difficiles. Vous comprenez, faire la classe à des petits paysans en se disant que dans le meilleur des cas, un tiers ou la moitié d’entre eux auront le certificat d’études, ou faire la classe à des lycéens dont les deux tiers étaient des enfants de la bourgeoisie et le dernier tiers des enfants des classes moyennes qui avaient un désir forcené de travail et de réussite, c’était extrêmement facile ! Aujourd’hui, évidemment, vous êtes dans un monde complètement désajusté, c’est-à-dire que tous les élèves sont là, leur rapport à la culture scolaire est loin d’être fixé, les élèves comme leurs parents sont convaincus que faire des études sert à quelque chose mais ils ne savent pas trop à quoi cela les destine. C’est très difficile aujourd’hui de faire la classe. Et quand vous avez ce monde qui, d’une part, a le sentiment d’une chute symbolique, et d’autre part, a des conditions de travail de plus en plus difficiles, évidemment la tendance naturelle, c’est le repli, la défense, fermer le sanctuaire.Je crois que les problèmes de l’école ne se réduisent pas aux problèmes des attitudes subjectives des enseignants et des élèves. Les enseignants sont pour la plupart d’entre eux des gens généreux.La question c’est qu’en fait, enseignants et élèves sont dans un piège. Ce piège, c’est l’affirmation continue que tout le monde doit réussir à aller au plus haut, et c’est l’expérience quotidienne que cela ne marche pas. On finit, quand on est élève, par détester ces enseignants qui vous mettent devant des exigences que vous ne pouvez jamais atteindre, et vous avez le sentiment que vous échouez en permanence. Et les enseignants ont un sentiment parallèle : « J’ai passé un Capes, une agrégation, j’ai un haut niveau de culture et j’ai des élèves très loin de ça. » Je crois qu’il faut aujourd’hui sortir de ce piège. Ce qui me chagrine et qui m’inquiète beaucoup, c’est que dans le monde de l’école et autour de lui, c’est que la sortie de cette situation, c’est le retour au passé.On a eu la méthode syllabique ; aujourd’hui, c’est la grammaire. Il y a des nostalgies de blouses grises, de règlements intérieurs. Je crois que cela est vraiment catastrophique. Soit on s’enfermera dans le piège, soit on finira par dire : « la plupart des élèves n’ont pas leur place à l’école, vous pouvez sortir ». Donc, je crois qu’il faut admettre que nous avons changé la nature du système scolaire avec l’égalité des chances méritocratique et l’école de masse. Et même si cela nous fait moyennement plaisir, il faut en tirer les conséquences de manière à ce que l’école soit un peu plus juste, un peu plus efficace, un peu plus vivable qu’elle ne l’est.Que manque-t-il alors ? la volonté politique ?François Dubet : Fondamentalement, le problème, je crois, est politique. Toute la difficulté est là. Je prends un exemple que vous allez trouver cruel de ma part : tous les étudiants français acceptent de se livrer à des jeux de sélections extrêmement féroces : classes prépa, mention au bac, mention dans les IUT. Mais si vous dites « je filtre à l’entrée des universités », ce sont des centaines de milliers de gens dans la rue, alors que par ailleurs ces mêmes gens accepteront la sélection féroce. Vous êtes devant un monde où les symboles jouent un rôle essentiel. C’est une première difficulté.La deuxième difficulté, c’est que si vous considérez aujourd’hui que l’école distribue des gagnants et des perdants, on n’imagine pas aisément que les gagnants vont vouloir changer des règles qui les favorisent. Moi qui ne suis pas un sociologue marxiste, sur l’école, je suis assez « lutte de classes ». La violence des intérêts en jeu est très grande.La troisième chose qui rendra ces réformes difficiles, c’est que le monde de ceux qui échouent à l’école ou qui sont marginalisés ou exclus de l’école considère grosso modo qu’il n’a pas vraiment de légitimité pour intervenir dans un débat scolaire. Ce qui fait qu’un débat scolaire est presque toujours un débat d’experts, d’enseignants, de professeurs, de classes moyennes, d’intellectuels, alors qu’en réalité tout le monde va à l’école. Cela crée des difficultés politiques extrêmement sérieuses. Chacun peut s’accorder sur le fait qu’il y a de grands problèmes, mais en même temps si chacun regarde devant sa porte et ses intérêts, ceux qui s’en tirent pas trop mal ont plutôt tendance à dire « gardons le système tel qu’il est ». Des normaliens à SarcellesPublié le 15.12.06Salle 208, lycée Jean-Jacques-Rousseau, à Sarcelles. Francis, Benoît et Anthony planchent sur un problème de mathématiques. Ce mercredi après-midi, avec cinq de leurs camarades, ils font des « heures sup ». Leurs professeures, elles, sèchent des cours : ce sont des normaliennes, volontaires pour participer au programme de tutorat mis en place par leur école. Par-dessus les épaules, Delphine et Catherine contrôlent, donnent des indications, précisent des notations. PLUS DE BOURSIERS, MOINS DE PRÉPAS

« C’est bien d’aller voir des gens qu’on ne rencontre pas forcément, qui n’auraient pas pensé à faire une prépa »,
explique Delphine, une biologiste de 22 ans. « On essaie d’aider un peu ces jeunes, c’est du bénévolat ‘soft’. J’ai eu de la chance, chez moi on lisait, on sortait, on allait au théâtre… Je réalise que j’ai eu un environnement super favorable. » Parisienne, elle a été interne en classes préparatoires au lycée pour filles Sainte-Geneviève, à Versailles.Aïssatou, Gabrielle et les autres sont, eux, en première à Sarcelles, dans le Val-d’Oise. Leur lycée est situé dans un quartier résidentiel, à l’écart des barres. Couloirs blancs fraîchement repeints et couleurs vives, l’établissement est encore en travaux. Ici, comme dans les autres lycées sélectionnés, le taux de boursiers est supérieur à la moyenne nationale. Le nombre de demandes d’entrée en classes préparatoires y est inférieur. « La prépa, j’en ai entendu parler au collège, par un prof de latin qui avait fait une grosse digression », raconte Gabrielle. « Mais ici, on ne nous en parle pas trop. On nous dit ‘passez le bac, et après on verra' », confirme Francis. Rachida et Tamara sont en section économique et sociale. Elles ne savent pas encore si elles veulent faire une prépa. L’objectif du programme de l’Ecole normale supérieure (ENS) ? Leur montrer que si elles le souhaitent, « c’est possible ». « Je viens d’un lycée de province pas mauvais, mais moyen. On ne savait simplement pas ce qu’était une prépa », explique Claire Scotton, chargée du programme à l’ENS. C’est elle, avec d’autres étudiants, qui est à l’origine du projet. « L’information est capitale, mais cela ne suffit pas. Il faut qu’il y ait un relais humain, un ami, un proche, pour faire tomber les mythes. On veut leur montrer qu’il n’y a pas que des gens qui lisaient Proust à 7 ans et demi dans l’école ! Et même s’ils n’entrent pas en prépa, on leur fait partager une passion, une idée du savoir. »

« POURQUOI AIDER DES BONS ÉLÈVES ? »
En salle 208, pas de pause. Les élèves sont silencieux. Leurs tutrices ne leur laissent pas le temps de discuter, elles enchaînent les énoncés. Et veillent à ce qu’ils travaillent seuls, sans traîner. Delphine et Catherine distribuent un nouvel exercice. « Vous voulez le plus simple ou le plus difficile ? » Pas vraiment le choix, ce sera le difficile. « On essaie de leur donner l’émulation qu’ils n’ont pas eue », explique Catherine. « Mon ancien lycée, Orsay, est élitiste. Quand je suis arrivée en prépa, à Saint-Louis, je n’ai pas eu de difficultés, j’avais déjà fait le programme. » Plus tard, elle pense faire de la recherche plutôt que de l’enseignement. « Travailler avec des élèves motivés, c’est bien. Sinon, ça ne me dit rien. » A Jean-Jacques-Rousseau, pas de problèmes : Francis, Benoît ou Anthony font partie des « bons élèves ». « Au début, j’étais un peu sceptique sur le projet. Quelle est la pertinence d’aider des élèves qui sont déjà bons ? », s’interroge François de l’ENS. « La plupart des lycées du programme, surtout en province, ne sont pas vraiment en difficulté. Finalement, je me suis dit qu’on pourrait toujours les motiver un peu plus. » A Sarcelles, le proviseur a compris que le but était social et a « joué le jeu », confirme Delphine. Les élèves, volontaires, n’ont pas été uniquement choisis en fonction de leurs résultats scolaires. « Ailleurs, il n’y a que des fils de médecin ou de profs… Ils n’ont pas besoin de nous. »

« LA BASE, C’EST LE CONCOURS » L’égalité des chances, la discrimination positive ? Pour Delphine et Catherine, si leurs élèves entrent en prépa, ce sera déjà bien. Normale, c’est une autre histoire. Et elles n’imaginent pas que l’école puisse aller plus loin, créer une filière spécifique, comme par exemple à Science Po Paris. « Je ne suis pas vraiment pour. La base de l’école, c’est le concours », assure Catherine. François, lui, hausse les épaules. « C’est vrai que j’ai été un peu surpris quand j’ai su qu’à Normale, 80 % des élèves sont issus des classes moyennes ou supérieures. Au départ, la prépa, le concours, c’est gratuit. Mais en fait, on se retrouve entre privilégiés. » François a eu son bac à 16 ans. Après une prépa au lycée du Parc, à Lyon, il est en 2e année à l’ENS, en biologie. Après deux heures de récurrences et congruences, Francis est satisfait. « Elles expliquent mieux que mon prof de maths ! Et puis d’habitude, à trente élèves, ce n’est pas évident pour poser des questions. » Catherine et Delphine trouvent que leurs élèves, globalement, s’en sont bien sortis. Elles ont déjà repéré les « rapides » et se demandent déjà s’il ne faudrait pas mettre en place des groupes de niveau. Le cours de maths fini, on ne traîne pas devant Jean-Jacques-Rousseau. Les lycéens habitent à côté. Les normaliennes vont, elles, reprendre le RER D, direction Paris. Rendez-vous est fixé pour le prochain cours, un samedi après-midi. Rue d’Ulm. Plus de vingt ans d’expériences d’assouplissementPublié le 13.09.06Depuis plus de vingt ans, des expériences d’assouplissement de la carte scolaire ont été tentés. Dès 1983, Alain Savary, alors ministre de l’éducation nationale, a desserré la sectorisation à l’entrée de la sixième dans cinq départements. Le but était de faciliter la prise en compte des souhaits des familles et de rendre les procédures de dérogation transparentes.Etendue à six départements supplémentaires sous Jean-Pierre Chevènement, il faudra attendre 1987 pour que cette expérimentation prenne de l’ampleur. « Il s’agissait de calmer le jeu après les manifestations monstres de juin 1984 au nom de la défense de l’école libre », analyse Denis Paget, ancien secrétaire général du SNES, le principal syndicat d’enseignants.René Monory, qui a pris la direction de la Rue de Grenelle en mars 1986 et en restera à sa tête jusqu’en mai 1988, a ensuite étendu cette expérience à 74 départements. Ce premier pas d’ampleur vers « le libre choix » décevra pourtant nombre de sympathisants de droite qui avaient cru en la promesse contenue dans la plate forme électorale RPR-UDF de 1986 qui prônait la « liberté pour chaque parent de choisir l’école de ses enfants ».« LE LIBRE CHOIX » DE LA DROITE Le 30 avril 1987, une circulaire de l’éducation nationale précise que ces expériences ne sont pas provisoires et que l’objectif de l’éducation nationale reste bien « une généralisation de l’assouplissement selon un rythme et des modalités qui pourront varier selon les lieux ». Sur le terrain il existe désormais tous les cas de figure. A côté de villes entièrement désectorisées comme Avignon, Périgueux, Clermont-Ferrand… d’autres ne le sont pas du tout ; c’est le cas de Nice, Versailles, Strasbourg ou encore Rouen. Certaines communes ont été divisées en secteurs.A Paris, l’assouplissement ne concerne que 17 collèges de 4 arrondissements. Quatre-vingt-neuf départements sont partiellement ou entièrement touchés par la désectorisation en 1988. Cinq ans plus tard, la droite inscrit une fois de plus à son programme « le libre choix ». Une note d’information publiée par le ministère de l’éducation nationale en mai 1993 révèle que près d’un collège sur deux (47 %) et plus d’un lycée sur quatre (27 %) peuvent en toute liberté et sans dérogation, accueillir des élèves « hors secteur ». Elle montre aussi que l’introduction d’une relative souplesse a surtout profité aux familles socialement les mieux dotées.François Bayrou, ministre de l’éducation de 1993 à 1997, donnera un coup de frein à cette décennie d’assouplissement ininterrompu. A Paris, notamment, une resectorisation stricte met le feu à l’académie à partir de 1997 et ce pour plusieurs rentrées. Où en est-on aujourd’hui ? Aucun véritable suivi de ces expériences de désectorisation n’a été fait par le ministère. Pour Denis Paget, ancien secrétaire du SNES, « l’arrêt officiel de ces expériences n’a jamais eu lieu. Elles ont continué dans certains endroits de façon plus ou moins sauvage. A charge pour les académies de gérer les dérogations ». Patrick Fauconnier : « Les politiques ont fait de l’école du mérite une école du mépris »Publié le 18.12.06Dans La Fabrique des meilleurs, vous partez d’un constat : « 37 % d’une génération dans le supérieur et 150 000 jeunes chaque année sans qualification ». Où en est l’égalité des chances en France ?Patrick Fauconnier : Elle n’existe pas pour moi à l’heure actuelle. C’est une vue de l’esprit. Je pense qu’elle a existé dans l’école de Jules Ferry, qui représente un monument national tellement vénéré – à juste titre d’ailleurs – qu’on est persuadé que le monument n’a pas bougé. En réalité, l’école au cours des dernières décennies n’offre plus cette égalité des chances, parce que si vous voulez vous insérer professionnellement, le seul bagage scolaire ne suffit plus. Il y a des familles dans lesquelles on a le soir une relation d’aide aux devoirs que l’on n’a pas dans d’autres familles. Il y a des jeunes qui ont des ordinateurs, d’autres qui n’en ont pas. Il y en a qui bénéficient d’un séjour culturel et linguistique à l’étranger, d’autres pas. Aujourd’hui, les termes du contrat sont faussés à cause de tout ce qui est apporté par ailleurs pour aider à l’insertion. Mais on commence à le comprendre. Vous écrivez également que « l’école qui accroît les inégalités conduit à penser que cet état de fait ne résulte pas de facteurs politiques mais culturels ». Pourquoi ? Patrick Fauconnier : J’ai pensé que si c’était politique, avec les alternances qui ont eu lieu depuis une vingtaine d’années, la situation se serait améliorée, ce qui n’a pas été le cas. J’ai donc tendance à en déduire que c’est culturel. D’autant que je considère que l’école s’est constituée idéologiquement comme une machine à filtrer. On a, en France, cette obsession des étiquettes et du diplôme. Je trouve que c’est un abus parce que le diplôme scolaire, dans le système français, ne mesure pas la compétence professionnelle mais l’aptitude à restituer correctement des choses apprises par cœur. Or la vie active, c’est tout sauf ça. C’est savoir s’adapter en permanence à des choses tout le temps changeantes. Je trouve donc très cruel que l’on ait indexé le recrutement à ce point-là sur la possession ou non d’un diplôme. C’est pour ça que je suis pour la suppression du bac. Je crois qu’il faut mesurer le niveau atteint à la fin de l’enseignement secondaire, mais de là à barrer toute possibilité de poursuite dans l’enseignement supérieur à cause de ce niveau, je ne suis pas d’accord. S’il n’y avait pas ce verrou, je pense que, dès la seconde, les jeunes seraient bien plus disposés à se poser des questions sur leur devenir professionnel. Le fait que la classe politique soit issue de cette « voie royale » que vous dénoncez contribue-t-il à expliquer cette situation ? Patrick Fauconnier : Absolument. Avec notre système dual, ceux qui sont sortis des grandes écoles sont finalement ceux qui gèrent la nation et qui sont pratiquement à tous les postes de décision. Ils ne peuvent qu’auto-entretenir ce regard un peu misérabiliste sur ceux qui n’ont pas réussi. Ceux qui sont passés par cette « voie royale » peuvent sortir du système et entrer dans un cabinet ministériel sans avoir réellement côtoyé certaines injustices assez flagrantes de la société. Je reproche aux élites d’avoir poussé trop loin l’application de la devise « à chacun son mérite » et d’avoir fait de l’école du mérite une école du mépris. Ils ne se rendent pas compte que les faibles ont manqué des moyens qui leur auraient permis d’avoir plus de « mérite ».Que pensez-vous des expériences menées par exemple à Sciences-Po pour tenter de diversifier le recrutement des élèves ?Patrick Fauconnier : Je n’en pense que du bien. Ça a provoqué des débats un peu hystériques parce que ça a été perçu comme une rupture du fameux pacte républicain qui veut que le concours soit le même pour tous. Mais un même concours pour tous ne peut être juste que si la formation a été la même pour tous. Or ce n’est pas le cas. Il faut donc en tenir compte. Dans les grandes écoles de commerce, cela fait plus de trente ans que l’on a créé des admissions parallèles et ça n’a pas fait hurler à la mort. De surcroît, cette initiative a des effets bénéfiques par ricochet. Par exemple, des lycées qui n’étaient pas remarqués ont été regardés plus positivement à partir du moment où ils ont eu une convention Sciences-Po, les profs se sont sentis valorisés, le proviseur aussi. En plus, ça a l’avantage de porter sur un nombre important de jeunes. Quel rôle attribuez-vous alors au ministre de l’éducation nationale ?Patrick Fauconnier : J’allais vous dire : tout dépend s’il est courageux ou pas. Je reproche à nos élites de faire beaucoup dans le discours mais de ne pas être assez nombreuses à passer aux actes. C’est sûr que c’est un poste extrêmement sensible. Mais il est vrai que les politiques ne se battent pas pour occuper ce ministère, qui est considéré comme un cactus. C’est un poste où il faut quelqu’un d’extrêmement diplomate et habile en concertation et en dialogue. Mais on ne peut plus faire la même réponse à cette question en 2006 qu’en 2004. A cause de ce qui s’est passé dans les banlieues et des manifestations contre le CPE, le ministre de l’éducation nationale a compris qu’il est aussi le ministre de l’insertion professionnelle. Avant, on était content de lui s’il était un bon gestionnaire en faisant en sorte qu’il n’y ait pas trop de récriminations. Maintenant, la nouvelle approche veut que ce ministre ne s’occupe plus simplement du monde enseignant et de ses structures, mais aussi de l’insertion des jeunes. Est-ce possible pour un ministre de l’éducation nationale de mener une réforme jusqu’au bout ?Patrick Fauconnier : Depuis peu de temps, je suis plus optimiste. Auparavant, il suffisait que le ministre annonce une réforme, qu’il soit de gauche ou de droite, pour qu’aussitôt un certain nombre de syndicats montent au créneau. C’est une façon de faire qui est en train de s’estomper avec l’arrivée de mentalités beaucoup plus réalistes au sein des appareils syndicaux. Aujourd’hui, même l’UNEF dit qu’il souhaite une professionnalisation des cursus, et Julie Coudry, de la Confédération étudiante, appelle de ses vœux plus d’enseignements alternés, plus de modules de découverte professionnelle… Pour moi, c’est totalement révolutionnaire. Cela signifie que le ministre trouve en face de lui des interlocuteurs nettement plus ouverts et réalistes, moins idéologues, moins dogmatiques qu’avant. Ce drame du chômage des jeunes a mis tellement de temps à être reconnu que maintenant que c’est le cas, je ressens une espèce de consensus famille-syndicats-politiques pour dire que ça ne peut plus durer. Je crois que le dialogue est nettement meilleur aujourd’hui, mais seulement si le ministre et le gouvernement savent prendre la précaution de consulter. Le CPE était un évident échec de l’absence de concertation. C’était un avatar de cette arrogance qu’ont certaines élites issues des plus hauts cursus qui pensent qu’on peut encore gouverner par décret. Pour vous, l’éducation est un  » placement gagnant « . Quelle place cette question va-t-elle occuper, selon vous, dans la campagne présidentielle ?Patrick Fauconnier : Le premier qui se soit exprimé sur cette question, c’est Nicolas Sarkozy. Il faut reconnaître qu’il a beaucoup consulté d’experts et il a annoncé dès l’été dernier des rafales de mesures qu’il préconiserait s’il arrivait au pouvoir. En particulier, il a beaucoup écouté les gens des universités et a repris quasiment toutes les revendications actuelles des présidents d’université sur l’autonomie, la gouvernance, le financement… Là où la Conférence des présidents d’université demandait 3 milliards, il a proposé – démagogiquement, sans doute – 6 milliards. Et c’est un peu par réaction qu’on a entendu la gauche s’exprimer. Selon moi, à gauche, c’est Dominique Strauss-Kahn qui était le plus en pointe sur cette question, mais ses propositions n’étaient pas très éloignées de celles de Sarkozy. Et si vous prenez ce qu’a dit Ségolène Royal sur la carte scolaire, c’est pareil : on n’est pas très éloigné de ce qu’a dit la droite. Il faut reconnaître que sur ces questions-là, les réponses ne sont pas forcément de gauche ou de droite. A l’attaque de la carte scolaire !Publié le 18.12.06En 1963, Christian Fouchet, alors ministre de l’éducation, instaure la carte scolaire pour gérer les flux et les moyens d’éducation. Objectif : promouvoir la mixité sociale en obligeant les parents à inscrire leurs enfants dans un établissement en fonction de leur lieu d’habitation. Plus de quarante années ont passé et aujourd’hui, à quelques mois de l’élection présidentielle, la carte scolaire se retrouve au cœur des débats. Nicolas Sarkozy, candidat de l’UMP, demande sa suppression, tandis que Ségolène Royale, la candidate socialiste, demande, contre toute attente, son réaménagement. A Florac, en Lozère, elle a ainsi exprimé « en off » qu’à ses yeux, « ‘l’idéal » serait de « supprimer la carte scolaire », ou à tout le moins de « desserrer ses contraintes » afin de « mettre en place une forme de choix entre deux ou trois établissements, à condition que les établissements les plus délaissés soient renforcés avec des activités culturelles de haut niveau ». « Arrêtons les hypocrisies, il n’y a plus de mixité sociale », assurait-elle (Le Monde du 5 septembre 2006). Nicolas Sarkozy a, lui, exprimé ses réticences face à l’existence de la carte scolaire pour deux raisons principales : d’abord, elle ne correspondrait plus aux besoins de l’école d’aujourd’hui ; ensuite, elle se serait en quelque sorte retournée contre elle-même, devenant, affirme-t-il, « l’instrument de la ségrégation » (Le Monde daté 17-18 septembre 2006).UN SYSTÈME QUI DÉRIVECe que les deux candidats montrent du doigt, ce sont les dérives générées par ce système que les « plus favorisés » contourneraient aisément. Dérogations, fraudes et écoles privées en sont les principaux détournements. Car si la carte scolaire impose le rattachement à un établissement donné, elle ne permet pas d’assurer une mixité sociale dans les écoles, particulièrement dans les quartiers défavorisés. La carte scolaire creuserait donc les inégalités plutôt que de les réduire. « Pour deux grandes raisons, soulignent François Dubet et Marie Duru-Bellat, coauteurs de L’Hypocrisie scolaire (Le Monde du 9 septembre 2006). La première vient du fait que les inégalités sociales entre les territoires se sont creusées et que la carte scolaire les reflète et les cristallise. La seconde tient au fait que tous ceux qui le peuvent, dans le privé ou dans le public, fuient les établissements jugés ‘difficiles’. »A Paris, 15 % des élèves qui entrent chaque année en 6e obtiennent une dérogation. La plupart invoque le choix d’une option rare qui n’est pas enseignée dans leur collège de rattachement. D’autres utilisent leur propre réseau de relations. Le rectorat affirme : « Les journalistes arrivent en tête de ces demandes, viennent ensuite les personnalités du spectacle et du show-biz, et enfin les personnes qui invoquent un appui politique. » Du coup, depuis plus de vingt ans, on tente d’assouplir la carte scolaire. Dès 1983, Alain Savary a desserré la sectorisation à l’entrée de la 6e dans cinq départements. René Monory, ministre de l’éducation de 1986 à 1988, étend l’expérience à 74 départements. Mais ce n’est qu’un premier pas, puisqu’à Paris l’assouplissement ne concerne que dix-sept collèges. Le « libre choix » est encore inscrit au programme de la droite en 1992. Avec François Bayrou, aux commandes de la Rue de Grenelle de 1993 à 1997, le mouvement est mis en berne. Aujourd’hui, on attendrait clairement des futurs candidats une alternative à cette carte scolaire. Pourtant, selon un sondage réalisé en septembre par l’Institut Louis-Harris pour 20 Minutes et RMC Infos, 50 % des Français estiment que la carte scolaire est « une bonne chose ». Un chiffre qu’il convient de regarder de plus près puisque 51,9 % des cadres et professions intellectuelles supérieures sont favorables à son maintien, contre seulement 22 % des agriculteurs. Le juste miroir de l’inégalité des chances dans ce système. Jean-Paul Brighelli : « L’égalité des chances est un slogan »Publié le 18.12.06Que signifie cette notion d’« égalité des chances » à l’école ?Jean-Paul Brighelli : Il faut dire qu’une fois pour toutes, « l’égalité des chances «  est un slogan ! Et il est beaucoup plus facile d’entonner un slogan que de réaliser l’égalité des droits, qui est un peu complexe depuis… les deux cents dernières années.Qui en est à l’origine ?Jean-Paul Brighelli : C’est un slogan que se partagent à 50/50 la gauche et la droite. C’est très certainement un slogan qui doit marcher au niveau de la démagogie, mais certainement pas au niveau de la pédagogie. Le slogan est né de toutes une série de bonnes intentions qui ont systématiquement été dévoyées.A quelles « bonnes intentions » faites-vous allusion ?Jean-Paul Brighelli : La carte scolaire en 1963, c’était une bonne intention, le côté social du gaullisme. C’est fabriquer de la mixité sociale. C’est aussi le moment où Bourdieu et Passeron ont écrit Les Héritiers. Christian Fouchet [ministre de l’éducation nationale de 1962 à 1967] s’était sûrement demandé comment aménager ce côté lycée bourgeois qui existait encore au début des années 60. J’ai des souvenirs précis en ce qui me concerne : j’habitais dans une banlieue très déshéritée de Marseille, on allait tous dans un des grands lycées en centre-ville. On était mélangé aux bourgeois du centre-ville, aux fils de commerçants et ça marchait très bien. Cela plaidait en faveur de la mixité sociale.Quelles autres « bonnes intentions » ont conduit le système à la dérive ?

Jean-Paul Brighelli : La deuxième bonne intention a été le « collège unique ». L’idée qu’il n’y aurait plus de filière courtes et que tout le monde aurait droit à la même instruction de qualité. Dans la réalité, quand on met dans la même classe des élèves faibles avec des forts, un prof normal parle aux élèves faibles. Résultat : il n’arrive pas à les remonter parce qu’il doit aussi tenir compte des autres et il ennuie les élèves forts ! Bref, c’est un échec sidéral ! On a été obligé de descendre le niveau d’exigence. Quelles solutions préconisez-vous ?Jean-Paul Brighelli : D’abord, il faut le dire très haut. Actuellement, on laisse l’extrême droite le présenter à sa manière et donc en faire un argument raciste. Mais aujourd’hui, peut-on revenir en arrière ?Jean-Paul Brighelli : Je n’en sais rien, et dans l’état de ma réflexion je suis très pessimiste. Il y a des tendances intéressées à faire du communautarisme. A force de fabriquer des ghettos scolaires, on produit des collèges qui sont quasiment ethniquement purs. Ce sont des nids à violence : on fournit des enseignements au rabais à des gosses en dérive sociale.

Quelle alternative alors ?
Jean-Paul Brighelli : Le conseil général du Nord – Pas-de-Calais, par exemple, a choisi, plutôt que de reconstruire les collèges au même endroit, de les mettre ailleurs. On peut aussi affiner la carte scolaire, et c’est un pouvoir qu’on doit donner aux établissements. Ce n’est pas rue de Grenelle [siège du ministère de l’éducation nationale] que ça peut se décider.Que penser des systèmes qui récompensent les meilleurs élèves ?Jean-Paul Brighelli : Il y aura toujours des meilleurs élèves. Ce qui est scandaleux, c’est que les meilleurs élèves d’aujourd’hui sont les enfants des meilleurs élèves d’hier. La solution Sciences-Po, avec son côté « bonne œuvre de la marquise », peut marcher ponctuellement mais ce n’est pas une politique. J’aime bien la solution du proviseur d’Henri IV de faire une prépa zéro. C’est une bonne idée car elle peut se généraliser : refaire en fac, par exemple, une propédeutique. A Orsay, ils faisaient une année zéro de remise à niveau scientifique pour ceux qui ne venaient pas d’une section scientifique. Quand on voit le rapport Hetzel sur l’Université qui affirme que 50 % des étudiants loupent leur première année, il ne s’agit que d’un résultat global. Dans le détail, ils sont moins de 30 % quand ils viennent de S, 50 % quand ils viennent de L ou d’ES, 70 % quand ils viennent de STT et 95 ou 97 % quand ils viennent de bac pro. On envoie des gosses au casse-pipe. On pourrait leur mettre une année zéro, non disciplinaire, de remise à niveau au rang des connaissances absolument obligatoires, comme savoir rédiger par exemple.

Pourquoi ces réformes pédagogiques ne sont-elles jamais appliquées ? Pourquoi aucun ministère ne réussit-il à changer la donne ?
Jean-Paul Brighelli : C’est tellement vrai que je finis par me demander s’ils en ont vraiment envie. Je me demande si inconsciemment ils ne travaillent pas pour leurs enfants à eux. C’est bien beau de vouloir aider les petits pauvres, mais en attendant on les laisse sur la marge. On les amène au bord de l’eau et on ne les fait pas boire. Il y a une espèce de réticence inconsciente.

En quoi le « pédagogisme » que vous montrez du doigt participe-t-il de cet immobilisme ?
Jean-Paul Brighelli : Le système est coincé par des a priori idéologiques. Ce n’est pas parce que vous avez déclaré la citoyenneté que vous fabriquez des citoyens. En revanche, on fabriquait des citoyens bien plus conscients à la fin du XVIIIe ou au début du XIXe siècle en faisant des cours complets sur Athènes, Sparte et Rome qu’en essayant de les instruire sur les aléas de la politique contemporaine en 2006. C’est une perte de temps. C’est un problème général avec les pédagogues qui ne défendent pas les savoirs disciplinaires, ils les méprisent. Meirieu est compétent mais entouré de c… complets. Je connais des tas de gens qui sont en IUFM et qui ont très peu enseigné ou avaient de gros problèmes en tant que profs. Comment identifiez-vous les problèmes qui entravent l’égalité des chances ?Jean-Paul Brighelli : D’abord le français, il faut que tous le lisent et l’écrivent. Or, ces dernières années, il y a eu a l’école primaire une réduction drastique des heures de français. On a ajouté des tas de matières annexes. On sort beaucoup les enfants au détriment de matières fondamentales. Il y a sûrement un « énarque à calculette » qui, un jour, s’est avisé qu’on faisait les cours d’histoire en français. Sur 50 minutes de cours d’histoire, on en décomptait 15 consacrées au français par exemple. Théoriquement, dans le cycle 3 du primaire [du CE2 au CM2], il y a une heure et demie de cours de langue étrangère, autant que la grammaire… Alors que plus tard les professeurs de langue constatent les lacunes en français qui ont pour conséquence des lacunes en langues.De même, le par-cœur est honni actuellement parce qu’il passe pour passif. Aujourd’hui, il faut comprendre pourquoi 2 +2 = 4. Il faut déjà donner aux jeunes les mots pour exprimer des idées. C’est pour ça que je dis que « le barbare nouveau est arrivé », c’est la liberté d’expression avec deux cents mots de vocabulaire…Comment réussir le retour au « désir de savoir » que vous réclamez ?Jean-Paul Brighelli : D’abord, il faudrait former autrement les profs. Il faut vraiment avoir la vocation. Pour tenir une classe, il faut également en savoir mille fois plus que ce que le programme demande. Apprendre la pédagogie sur le terrain et avoir des cours dans les matières qu’on enseignera.Ensuite, il faut remettre au programme les devoirs du soir, quitte à avoir des gens qui aident pendant les études de façon à égaliser les possibilités.Faire de la détection de talents dans tous les niveaux : mathématiques, français, mais tout le secteur pratique surtout, qui est totalement sinistré. Je rapporte sur mon blog cette histoire de mon ami tailleur de pierre qui cherche un apprenti qui sait ce que c’est qu’un angle droit. Il ne le trouve pas ! 80 % d’une classe d’âge au bac, ça les a tous transformés en pré-fonctionnaires, au moment où la fonction publique dégraisse. A l’école des fillesPublié le 18.12.06Le constat est sans appel et perdure : les filles, pourtant meilleures élèves que les garçons, restent très minoritaires dans les cursus les plus prestigieux, mais aussi dans les filières professionnalisées. Dans Les Héritiers, Pierre Bourdieu et Jean-Claude Passeron avaient démontré combien l’origine sociale est décisive dans une sociologie de l’éducation. Dans leur enquête Allez les filles ! (Seuil, 1992, réédité en 2006), Christian Baudelot et Roger Establet, constatent eux, combien l’inégalité des sexes est encore frappante dans le système scolaire. Une date historique : en 1971, le nombre de bachelières égalise le nombre de bacheliers. Depuis, l’évolution est constante. Ainsi, selon les derniers chiffres publiés par l’INSEE, les résultats du baccalauréat 2005 montrent qu’en filière générale, le nombre de mentions chez les filles est supérieur à celui des garçons, quelle que soit la section. De même, question scolarisation, en 1946, à 20 ans, 3 % des filles étaient scolarisées (pour 6,5 % des garçons). En 1996, les filles dominent à tous les âges : à 20 ans, 62 % des filles (contre 54 % des garçons) sont scolarisées. Durant l’année scolaire 2002/2003, 45,7 % des filles étaient scolarisées contre 34 % des garçons. « Elles l’emportent sur les garçons aux quatre étages de l’édifice scolaire », montrent Baudelot et Establet : du primaire au secondaire en passant par le lycée et la faculté.Et pourtant, sur le marché du travail, la tendance est inversée : elles ne sont ni les premières, ni les mieux payées. En 2003, 12,9 % des dirigeants travaillant dans l’industrie sont des femmes, dont le salaire net fiscal est, en moyenne, de 39 000 euros par an ; celui de leurs homologues masculins est supérieur de 42,5 %. Dans les services, 20,2 % des dirigeants sont des femmes et cette fois, leurs homologues masculins ont des salaires en moyenne supérieurs de 66,4 % (voir l’étude publiée par l’INSEE).C’est comme si l’école avait amorcé une révolution que le reste de la société aurait du mal à suivre. « Ces conquêtes spectaculaires et rapides, interrogent les deux sociologues, ont-elle suffi pour balayer les représentations qui sont associées, depuis des temps immémoriaux, aux statuts respectifs de garçon et de fille, d’homme et de femme ? » Leur réponse est sans appel :« non. » Cette « révolution silencieuse » doit continuer à faire face aux mêmes obstacles persistants : « stéréotypes éducatifs, faibles transformation des rôles dans la famille », ségrégations diverses dans l’enseignement professionnel et sur le marché du travail, discriminations salariales et mauvaises orientations scolaires… La liste est longue, mais la lutte continue. Allez les filles ! Haro sur la « carte scolaire », mais sans alternativePublié le 06.09.06Assouplissement de la carte scolaire pour Ségolène Royal, suppression pure et simple pour Nicolas Sarkozy : la candidate à l’investiture du PS pour l’élection présidentielle de 2007 et le président de l’UMP veulent en finir avec les règles qui régissent la sectorisation, c’est-à-dire le rattachement d’un élève à un établissement scolaire en fonction de son lieu d’habitation. La première a détaillé, dimanche 3 septembre, ses propositions à Florac, en Lozère (Le Monde du 5 septembre). Le second les avait présentées à l’occasion de la convention pour la France d’après, en février.« L’idéal » serait de « supprimer la carte scolaire » ou à tout le moins de « desserrer ses contraintes » afin de « mettre en place une forme de choix entre deux ou trois établissements, à condition que les établissements les plus délaissés soient renforcés avec des activités scolaires de haut niveau », considère Ségolène Royal. Nicolas Sarkozy plaide, quant à lui, pour « le libre choix des établissements par les parents ». Pour le futur candidat à l’élection présidentielle, cette possibilité « crée de l’émulation entre les établissements ».Lundi 4 septembre, jour de la rentrée des classes, le ministre de l’éducation nationale, Gilles de Robien, est allé dans le même sens, estimant, à l’occasion d’une visite au lycée Hoche de Versailles, que la carte scolaire avait « un petit côté privatif de liberté qu’il faut, le cas échéant, assouplir ».Cette année, une petite brèche a été ouverte. Les élèves issus des 249 collèges classés « Ambition réussite » et obtenant une mention très bien au brevet en troisième pourront accéder au lycée de leur choix.Instituée en 1963, lors de la création des collèges d’enseignement secondaire (CES), la sectorisation permet de répartir le nombre d’élèves dans les établissements en fonction de leur capacité d’accueil. Elle a aussi comme objectif de promouvoir la mixité sociale. De ce point de vue, l’objectif n’est pas atteint. Nombre de parents, souvent issus de classes aisées ou moyennes, déploient des stratégies d' »évitement » pour ne pas mettre leurs enfants dans leur collège de secteur, qu’ils jugent mal fréquenté, trop violent, ou d’un faible niveau (Le Monde du 3 septembre 2005).Pour ce faire, les parents demandent des dérogations à l’inspection d’académie invoquant des motifs scolaires (choix d’une langue vivante ou d’une option spécifique, classes à horaires aménagées), familiaux (rapprochement de frères et soeurs, proximité du domicile) ou médicaux. Ils peuvent également inscrire leur enfant dans le privé. Selon une étude publiée en août 2001, trois ans après leur entrée dans le secondaire, 10 % des enfants fréquentaient un établissement public en dehors de leur secteur et 20 % étaient inscrits dans le privé.Les enseignants sont deux fois plus nombreux que la moyenne à inscrire leur enfant dans un établissement public hors de leur secteur géographique. En revanche, la scolarisation dans un collège privé est plus fréquente chez les enfants de chefs d’entreprise, d’agriculteurs et de cadres.Les membres de la commission du débat national sur l’avenir de l’école, qui avait servi de base de travail à l’élaboration de la loi Fillon du 23 avril 2005, s’étaient intéressés à la question de la mixité sociale. Leur rapport préconisait, dans les cas d’établissements très problématiques, d’élargir le choix des parents à un vaste secteur géographique. La commission estimait que la mise en oeuvre d’une telle mesure se traduirait vraisemblablement par la fermeture de l’établissement très dégradé.Pour le reste, le rapport recommandait de concentrer beaucoup plus de moyens sur les établissements en difficulté et de leur conférer une plus grande autonomie, plutôt que d’abroger la carte scolaire.Pour les différents syndicats de l’éducation nationale, la suppression de la sectorisation apparaît « irréaliste », voire « dangereuse ». « Faire ce que préconise Nicolas Sarkozy revient à détruire l’éducation nationale et à mettre en place un système concurrentiel à l’instar de ce que font les Anglais », estime Philippe Guittet, président du SNPDEN, le syndicat majoritaire chez les chefs d’établissement. Selon lui, « il faut supprimer les établissements ghettos, redécouper autrement les secteurs pour renforcer la mixité sociale ». L’opposition est la même pour le principal syndicat des enseignants du second degré, le SNES.Bernard Kuntz, président du Snalc, un syndicat d’enseignant classé à droite, n’est pas plus favorable à une telle suppression. « Je n’ai toujours pas compris comment Nicolas Sarkozy allait pouvoir mettre en oeuvre une telle réforme et réussir à éviter que tous les parents en centre-ville se ruent sur les mêmes établissements, explique-t-il. C’est la porte ouverte à des situations ubuesques. Dans l’état actuel du système éducatif, il me semble que c’est une réforme impossible à mener. » Selon lui, les propositions du président de l’UMP nécessiteraient « une réforme en profondeur du système éducatif, en développant par exemple des filières d’excellence dans les classes de banlieue pour réduire l’évitement scolaire ».La Fédération des conseils de parents d’élèves (FCPE), marquée à gauche, est farouchement opposée à la mesure. Son président, Faride Hamana, estime qu’il « est dangereux de bâtir des propositions à partir de la frange des parents qui trichent ». « Il faut arrêter de faire croire que la suppression de la carte scolaire est une demande partagée par tous les parents, estime-t-il. Cela correspond à une vision très parisienne des choses. » Anne Kerkhove, son homologue de la PEEP, plus proche de la droite, n’est pas contre un assouplissement de la carte scolaire, mais avec prudence : « Avoir plusieurs choix ? Pourquoi pas, mais il faudra ensuite trouver les moyens de gérer les voeux des parents. » BibliographiePublié le 18.12.06Les Héritiers. Les étudiants et la culture, de Pierre Bourdieu et Jean-Claude Passeron, Minuit, 1964.La Reproduction, de Pierre Bourdieu et Jean-Claude Passeron, Minuit, 1970.L’Inégalité des chances, de Raymond Boudon, Armand Colin, 1973.
Allez les filles !, de Christian Baudelot et Roger Establet, Point, 1992.
L’Apartheid scolaire, de Georges Felouzis, Françoise Liot et Joëlle Perroton, Seuil, 2005.Globale ou B.A.-BA ? Que cache la guerre des méthodes d’apprentissage de la lecture ?, de Laure Dumont, Robert Laffont, 2006.Une école sous influence ou Tartuffe-roi, de Jean-Paul Brighelli, Jean-Claude Gawsewitch, 2006.L’Ecole des chances, Qu’est-ce qu’une école juste ?, de François Dubet, Seuil, 2004.Ecole : demandez le programme !, de Philippe Meirieu, ESF, 2006. Arrêtons de discréditer l’université !Publié le 04.10.06Beaucoup d’idées reçues ont la vie dure et finissent par se transformer en dogmes. Non seulement les formations universitaires sont de plus en plus remises en cause, mais on entend répéter partout que le secteur sciences humaines et sociales (SHS) ne produit que des chômeurs et récemment encore le supplément hebdomadaire d’un quotidien parisien pointait « six filières saturées », dont les activités physiques et sportives (APS), la psychologie, les lettres, les langues et, d’une manière plus générale, les sciences humaines et sociales.Ou l’on cherche à discréditer un secteur qui a peut-être, aux yeux de certains, le tort de trop former l’esprit critique (c’est le secteur SHS qui a été le plus actif dans le mouvement anti-CPE) ou la désinformation sur l’université et ses missions est telle qu’il convient, de toute urgence, d’y répondre.Contrairement aux filières professionnelles, donc sélectives et souvent onéreuses (grandes écoles, classes préparatoires, instituts universitaires de technologie), l’université a une mission de service public, c’est-à-dire qu’elle se doit d’accueillir tous les bacheliers (y compris ceux qui n’ont pu intégrer les formations d’élite), afin de leur offrir, avec des moyens limités, le meilleur niveau de savoir.Cela ne veut pas dire qu’elle ne se préoccupe pas de l’insertion professionnelle de ses étudiants, bien au contraire. Mais ses formations, en dehors d’un secteur professionnalisant à effectif nécessairement réduit, et plus coûteux en moyens (licences pro, mastères pro), ne peuvent s’ouvrir que sur des champs professionnels et non sur des métiers. C’est particulièrement vrai pour les SHS, si souvent décriées.Si l’un des débouchés traditionnels de ce secteur reste l’enseignement, la mise en place, dans nos cursus, de parcours de formation alliant savoir et compétences en relation avec des champs professionnels permet à nos étudiants une insertion bien meilleure qu’on ne le dit.Pour prendre le cas, souvent cité, des APS : à l’université Rennes-II, les chiffres montrent que, si seulement 5 % à 10 % des effectifs peuvent espérer réussir au Capes ou à l’agrégation et devenir professeurs d’éducation physique, 80 % trouvent une insertion dans des métiers accessibles à l’issue de la formation : en éducation et motricité, activités physiques adaptées et santé, entraînement sportif, ergonomie du mouvement, management du sport… Il y a quelque paradoxe, dans une société où les activités physiques font partie d’une culture fortement valorisée, à prétendre que les études d’APS ne mènent à rien, alors que, partout, salles de sport et clubs sportifs se multiplient !On pourrait faire le même constat pour toutes les disciplines aujourd’hui montrées du doigt. En psychologie, il existe bien d’autres débouchés que la psychologie clinique. Les secteurs de la santé, de l’éducation, de la justice, de l’ergonomie, mais aussi la gestion des entreprises : direction des ressources humaines, cabinets de conseil en organisation, en recrutement, absorbent un pourcentage important des effectifs qui sortent de l’université. Là encore, à Rennes-II, nous avons, dans cette discipline, un très bon taux d’insertion. Si l’on prend les lettres, comme dernier exemple, en dehors du professorat des écoles ou du second degré, des champs professionnels comme les métiers du livre et de l’édition, des bibliothèques et de la documentation, ou encore de la communication, du patrimoine, de la culture… ouvrent un nombre non négligeable de débouchés : 75 % des étudiants en master « Métiers du texte et de l’édition » trouvent un emploi avant un an.Il faut donc reconsidérer, en fonction de la mission de service public qui est la leur, les possibilités d’insertion professionnelle offertes par les universités SHS. Non seulement on pourrait montrer que ce qu’on appelle le taux d’échec en première année, voisin de 50 %, n’est en fait qu’un processus de réorientation auquel on peut remédier par une meilleure information dans les lycées et par des dispositifs de « passerelles » en premier cycle, mais les filières SHS, dites sans débouchés, offrent des possibilités d’insertion professionnelles sérieuses, d’autant plus que, dans les prochaines années, la majorité des emplois qui seront créés ne le seront pas dans l’industrie mais dans les services.C’est donc bien l’université qui, aujourd’hui, offre une vraie « égalité des chances » pour les classes les moins favorisées et si on peut souhaiter que les grandes écoles s’en rapprochent (François Goulard), en dehors du domaine de la recherche, où les collaborations sont déjà en place (PRES), il faudrait modifier en profondeur le système inégalitaire qui est le nôtre pour donner aux universités les mêmes moyens de préparer directement à des métiers comme c’est le cas pour les facultés de médecine.A moins qu’on ne préfère, plus démocratiquement, l’intégration des grandes écoles dans les universités sous forme d’instituts de formation professionnelle…Même la recherche en SHS a fortement évolué ces dernières années. Si la recherche finalisée, soucieuse de la demande sociale, prend de plus en plus de place, une réflexion s’est ouverte, parallèlement, sur la question de l' »employabilité » des étudiants.Ce sera le thème d’un colloque international, organisé, à l’initiative de Rennes-II, par l’Université de Bretagne, sur le thème « Université, compétences et emploi » (Rennes, Les Champs libres, du 13 au 15 décembre).


Hervé Hamon : « L’école n’est pas organisée autour de l’élève »Publié le 18.12.06Revenons d’abord sur votre méthode. En 1984, vous étiez allé dans des collèges et des lycées. Vingt ans plus tard, vous y êtes retourné. Votre démarche est celle de l’observation, sur le terrain ?Hervé Hamon : Ma caractéristique, c’est que je suis incompétent et irresponsable. Je n’ai pas d’expertise particulière. Je suis un citoyen passionné par les questions d’éducation. Et je suis indépendant : je décide de faire une enquête, je pars deux ans et demi et je rends mes conclusions. C’est un travail de sociologie empirique, je n’ai pas de prétention à la science ou à l’exactitude, mais une certaine prétention à l’honnêteté. Surtout, j’ai une singularité, c’est que j’y suis allé. Je suis fatigué de voir tous les gens qui nous parlent de la banlieue sans y avoir jamais mis les pieds. En 1984, Patrick Rotman et moi avions fait une longue enquête sur l’enseignement secondaire public français. Nous avons fait le tour des collèges, des lycées, des lycées professionnels, que l’on appelait à l’époque les LEP [lycées d’enseignement professionnel], et nous avons interviewé à peu près trois cents adultes qui travaillaient dans ces établissements. J’ai décidé de refaire, en solo, exactement le même travail, le même parcours. Je n’ai pas forcément retrouvé les mêmes témoins, mais je pense avoir eu la possibilité de jouer sur cet effet optique pour dire, vingt ans après, ce qui a bougé, ce qui n’a pas bougé, et pouvoir porter un certain jugement global. D’autant plus que j’ai recoupé ces données de terrain avec tout ce qui est disponible comme travaux et observations. Votre premier constat, à l’issue de cette enquête, c’est que globalement le niveau général a augmenté ?Hervé Hamon : Arrêtons de perdre du temps dans des querelles subalternes. Quand nous parlons d’éducation, nous sommes soit dans la polémique, soit dans l’affect. Il y a peut-être des choses qui étaient mieux en 1930, mais si l’on veut bien regarder le système éducatif français, le niveau n’a pas cessé de monter. Dans les années 50, n’en déplaise au « Pensionnat de Chavagnes » [émission de télé-réalité sur M6] , l’ambition était d’amener 50 % d’une classe d’âge au niveau de la 6e. Aujourd’hui, nous en amenons les deux tiers au baccalauréat. Ce n’est pas pipeau : contrairement à ce que tout le monde raconte, le bac n’est pas dévalué. On demande aux jeunes de maîtriser des compétences beaucoup plus complexes que celles que j’avais à maîtriser à leur âge. D’autre part, le niveau des profs a également progressé. Il y a vingt ans, un prof sur deux avait le bac. Aujourd’hui, ils sont plutôt surqualifiés. Nous avons des jeunes profs qui ne sont peut-être pas très armés pédagogiquement, mais qui ont un niveau universitaire élevé. En revanche, vous avez observé, sur le terrain, que les inégalités sont de plus en plus fortes… Hervé Hamon : Oui, le niveau monte, mais les écarts se creusent. Nous avons un peloton de tête qui est sensiblement plus étoffé, qui roule plus vite, qui est plus performant et qui va plus loin. Nous amenons plus de jeunes, en France, à faire des études complexes et longues. En revanche, entre ce peloton et ceux qui sont à la traîne, l’écart est devenu vertigineux et totalement inquiétant. L’année de mon bac, nous étions environ 11 % à le passer. Mais pour tous, la possibilité d’entrer dans la vie active était plus grande. Aujourd’hui, l’attente de qualification est beaucoup plus forte, et pour ceux qui ont décroché, la situation est très anxiogène. Comme dans les autres pays développés, environ 20 % des élèves sont en grande ou très grande difficulté scolaire. Dans une société toujours plus exigeante, ils sont d’autant plus marginalisés et humiliés. Ce qui m’a beaucoup marqué, c’est de voir comment, dès la 6e, dans n’importe quel collège en situation difficile, les gosses ont intériorisé dix jours après la rentrée l’idée que l’école, ce n’est pas pour eux. Quelles sont les solutions pour faire face à cette situation ? Hervé Hamon : C’est simple. On estime que ces 20 % d’élèves n’ont pas leur place dans le système, et on cherche à les évacuer : c’est ce qu’amorce, à mon avis, le ministre de l’éducation, Gilles de Robien, avec l’apprentissage dès 14 ans. Cela constitue pour moi un recul inacceptable : les entreprises ne veulent pas de gens à 14 ans, elles ne sont pas qualifiantes, et en France il n’y a pas de possibilité de retour. Je ne suis pas opposé au fait de déscolariser des élèves qui décrochent : si un gosse étouffe à l’école, qu’il insulte les profs, il est nécessaire qu’il en sorte un moment. Mais il doit avoir un droit au retour. Les pays nordiques arrivent très bien à faire ça, les Canadiens aussi. Le débat est politique. Soit on déclare que ces enfants n’ont pas de place chez nous, et on laisse les enfants des classes moyennes et supérieures fonctionner entre eux ; soit on juge que l’on a su massifier, mais pas démocratiser. Nous avons enfourné des générations d’élèves dans un moule qui écrabouille les plus faibles, les étrangers, les gosses de banlieue, certains ruraux. Nous n’avons pas encore essayé de transformer le moule avant de dire qu’il faut dégager les élèves.D’autres pays s’en sortent mieux que nous ? Hervé Hamon : Bien sûr ! Il faut aller voir ceux qui fonctionnent autrement. En Norvège, par exemple, quand un élève décroche en maths, un véritable « SAMU » se met en place. Il y a des professeurs spécialisés qui jugent glorieux, et non pas infamant, de s’occuper de mauvais élèves. En France, nous savons prendre la population la plus normée, la plus normale, les bons élèves, et nous en occuper. En revanche, dès que les populations sont trop homogènes par le bas, ou trop hétérogènes, on ne sait pas faire. L’école n’est pas organisée autour de l’élève.Y a-t-il une volonté, en France, de s’inspirer de ces exemples étrangers ?Hervé Hamon : Nous avons beaucoup de travaux, de recherches et d’études sur l’école. Tout le monde sait par exemple que le redoublement, qui est une spécificité française, ne marche pas dans la plupart des cas. On sait que les Français n’arrivent pas à apprendre les langues étrangères, parce que les professeurs ne font pas travailler l’oral, et ont peur d’avoir des élèves qui se trompent. Mais ce qui me choque, en France, c’est qu’on ne veut pas le savoir ! J’ai été étonné de voir à quel point les enseignants ignorent les travaux qui les concernent. C’est comme si je disais : je vais vous parler de médecine, mais je ne lis pas les manuels. Il y a une volonté de ne pas être dérangé. De manière générale, les enseignants ne se comportent pas assez en professionnels ou en intellectuels. Il est difficile de trouver les solutions : on pourrait déjà essayer de poser les problèmes. Nous sommes sans arrêt dans la polémique, le jeu des petites phrases est terrifiant.Quelle est la responsabilité des professeurs dans l’aggravation des inégalités ? Hervé Hamon : Ce ne sont pas les professeurs, au sens individuel, qui sont responsables. Les enseignants que j’ai rencontrés sont globalement des gens plutôt consciencieux, qui ont envie de bien faire, et qui sont malheureux quand ça ne marche pas. En revanche, la culture traditionnelle collective est ringarde et désuète, et la formation des enseignants est très insuffisante. Il y a un énorme déficit pédagogique dans ce pays. Par exemple, les familles peuvent avoir en temps réel sur Internet les appréciations des professeurs. Mais l’appréciation, très souvent, c’est « peut mieux faire » ! On fait quoi avec ça ? Est-ce que l’élève va avancer, est-ce qu’il va comprendre ce qu’il doit travailler ? Est-ce que les parents vont pouvoir aider leur enfant ? Les rapports parents-école sont toujours décevants : en France, le parent a toujours tort. S’il est là, c’est un emmerdeur. S’il n’est pas là, il est démissionnaire. Cette école ne fonctionne pas bien, et ce n’est pas, à mon avis, un problème de qualité des individus.Pour rendre l’école plus performante, vous proposez notamment d’introduire une direction des ressources humaines dans l’éducation nationale. Hervé Hamon : L’encadrement est un élément-clé. Je me suis souvent demandé, pendant mon enquête, pourquoi on avait, de part et d’autre d’une rue, un collège qui tournait et un collège qui ne tournait pas. A mon avis, la réponse tient beaucoup à la qualité de l’encadrement. En France, nous recrutons des cadres, sur des critères universitaires, et nous les nommons à vie. C’est absurde. N’importe qui, au cours de sa carrière, peut plafonner, avoir un passage à vide, être déprimé. Les possibilités de carrière doivent être beaucoup plus souples. Tous les profs ont envie de partir à 50 ans, et ils ne voient pas comment. Il faut surtout une politique d’évaluation et de sanction, négative mais aussi positive. Que les gens qui s’investissent en tirent de la gratification, de l’argent, des possibilités de choix. Mais on ne peut pas se permettre d’avoir des gens incompétents ! Ces questions de l’organisation de l’éducation nationale sont-elles encore taboues ? Hervé Hamon : Oui, cela reste un verrou. Dans l’éducation nationale, nous avons des syndicats faibles, qui courent après leur électorat en jouant la carte du statu quo. Mais il va bien falloir que cela change. Par exemple, sur la présence des profs dans l’école : l’obligation de service est un verrou majeur. Il ne s’agit pas de demander aux profs d’être là 35 heures, c’est un travail qui doit se faire par objectifs, et non de façon comptable. Dans les pays qui font mieux que nous, avec des budgets équivalents ou moindres, l’obligation de service ne se réduit pas à dispenser des cours magistraux. Sortons des polémiques là aussi, personne ne pense que les profs travaillent uniquement quand ils sont devant leurs élèves. Mais si on veut progresser, il faut que les enseignants soient plus présents, qu’ils fassent de la méthodologie, qu’ils travaillent ensemble ! Quitte à donner moins d’heures de cours. Par rapport à 1984, sur ce sujet, ça n’a pas bougé. Par certains aspects, nous avons même régressé. Il faut se concerter sur les élèves pour les évaluer, partager les échecs, les difficultés. Tout simplement se réunir autour de l’élève. Cela passe forcément par une modification de toute l’ergonomie des établissements. On ne peut pas demander aux enseignants de rester dans une salle de profs minable, avec seulement une machine à café, pour travailler. Cette révolution culturelle est à faire, c’est le prochain chantier. Ségolène Royal s’y est très mal prise en parlant de 35 heures : il ne faut ni quantifier cela, ni donner à penser qu’on considère que les profs ne foutent rien. Encore une fois, c’est une affaire de système et de culture, plus que d’individus. Autre sujet d’actualité, la carte scolaire. Pensez-vous que les parents ont aussi une part de responsabilité en refusant la mixité sociale ? Hervé Hamon : D’abord, la carte scolaire ne marche pas. On l’a créée pour éviter les ghettos et fabriquer un peu de mixité sociale. Le bilan est catastrophique. Aujourd’hui, il y a des ghettos scolaires, comme il y a des ghettos sociaux, ethniques, et c’est un échec de toute la société. Face à ce constat, il y a la solution de Nicolas Sarkozy, qui consiste à dire « on décloisonne tout, et les parents vont choisir ». Là, ce sera encore pire. Nous savons très bien qu’il y a des parents qui choisissent, ce sont les « consommateurs d’écoles », les initiés. En gros, un tiers des parents connaît les bonnes filières, les bonnes options, les bons établissements. En revanche, il ne faut pas non plus avoir de discours religieux là-dessus, comme au PS où on ne veut pas en parler. Oui, assouplissons la carte scolaire, mais dans le cadre d’une politique réelle d’aide aux établissements défavorisés. Des parents comprennent qu’il nous faut de la mixité sociale, mais aussi de la mixité pédagogique. Certains enfants vont très bien se débrouiller dans un établissement compétitif, d’autres seront mieux dans un établissement accompagnateur. Ce choix-là doit être donné, et cela inciterait les établissements à être plus transparents, à avoir de vrais projets d’établissement qui ne soient pas les deux pages pondues par le proviseur parce qu’il faut rendre quelque chose. Qu’on sache ce que fait l’établissement, comment il travaille, ce qu’il propose aux parents et aux enfants. Cela signifie en même temps qu’il faut mettre le paquet sur les pauvres.Vous jugez que les moyens ne sont pas assez ciblés ? Hervé Hamon : Tout à fait. Aujourd’hui, tout le monde est en ZEP. C’est une machine à saupoudrer de l’argent pour acheter de la paix sociale. Pour vous donner un exemple, je ne suis pas partisan de faire baisser les effectifs par classe dans la majorité des établissements. Toutes les études ont montré que quatre élèves de moins, ça coûte très cher, alors que les bénéfices sont faibles. En revanche, dans les secteurs très en difficulté, une baisse drastique des effectifs peut être vraiment efficace. Je souhaiterais qu’on ait un vrai plan d’urgence pour les plus pauvres. Qu’on ferme certains établissements, qu’on n’arrivera pas à sauver. On ne fabriquera pas de la mixité sociale par décret. Il faut être réellement innovant et courageux. Qu’on ne se contente pas de nommer les collèges « ambition réussite », en leur donnant des éducateurs pas formés. Existe-t-il aujourd’hui une marge de manœuvre ? Est-il possible d’innover à l’intérieur du système ?Hervé Hamon : Nous ne sommes pas condamnés au désespoir, même si le plus urgent est de gérer autrement les enseignants. Christian Forestier par exemple, lorsqu’il était recteur de Créteil, a su prendre des initiatives. Il a sélectionné cent collèges de l’académie, dans lesquels il a injecté de l’argent. Bien sûr, il a été critiqué, accusé de faire de la discrimination positive. Il a proposé à de jeunes professeurs de venir dans ces établissements, mais en groupe. Ils n’ont pas été nommés seuls mais avec leurs amis, leur petit copain, leur copine, par effet de bande. Ils ont été accueillis six mois avant la rentrée et encadrés. Et ça a marché ! Bien sûr qu’il y a de la marge. Pour l’instant, le système ne fonctionne que parce qu’il y a de la vertu, des gens qui veulent bien faire. Il vous paraît donc envisageable de réformer l’éducation nationale, l’organisation des professeurs ? Hervé Hamon : J’ai été positivement surpris par les jeunes profs, notamment dans les zones difficiles. Ils ne disent pas être là par vocation, ils ne jouent pas aux missionnaires, mais ils se posent en professionnels. Ils sont plus souples que ma génération et acceptent que leurs élèves ne ressemblent pas aux élèves qu’ils ont été. Et ils semblent prêts à essayer de comprendre la culture de ces populations scolaires qu’ils ont devant eux. C’est avec cette masse de jeunes enseignants qui arrive qu’il faut négocier. Avec les anciennes générations, cela ne sert à rien, ils ne sont absolument pas prêts à changer leurs habitudes. Les jeunes disent « pourquoi pas, mais quelle est la contrepartie ? ». C’est un réflexe sain. Il faut parler, négocier. On ne peut pas réformer en publiant un décret, ce que les ministres aiment beaucoup. Pour conclure, vous croyez encore à l’idée de l’égalité des chances à l’école ? Hervé Hamon : C’est un problème d’ascenseur social. Aujourd’hui, les pôles d’excellence se sont organisés pour résister à la démocratisation, les prépas sont la chasse gardée des classes supérieures. Il y a en France un mécanisme d’autodéfense face au phénomène démocratique. Cela dit, l’ascenseur social n’est pas totalement en panne. Il ne fonctionne plus si on imagine qu’on va prendre un gamin de Clichy-sous-Bois, et le faire entrer à l’ENA. En revanche, amener un jeune de Clichy-sous-Bois au BTS, c’est imaginable. L’ascenseur ne s’arrête pas à tous les étages, et les plus hauts étages sont toujours desservis pour les mêmes. Mais il monte quand même plus haut qu’avant. Je ne désespère pas de l’école. Pédagogie : la réforme impossible ?Publié le 18.12.06Le système éducatif a encore et toujours besoin de s’attaquer au problème de l’échec scolaire. Le rapport du ministère de l’éducation nationale sur l’état de l’école en 2004 relève que « 50 000 jeunes, soit 7 % des sortants de formation initiale, ont quitté l’école sans qualification, c’est-à-dire sans avoir atteint au moins une classe terminale de CAP ou BEP, ou une seconde générale et technologique… En ajoutant ceux qui possèdent au mieux le brevet, on atteint le total de 150 000 ; 20 % des sortants se trouvant ainsi dépourvus de diplôme de second cycle : CAP, BEP ou baccalauréat ».Ceux qui sortent sans qualification sont en majorité issus de milieux défavorisés et se retrouvent, par voie de conséquence, les premières victimes du chômage. En simplifiant volontairement les choses, on est face à l’alternative suivante : inculquer à tous le même tronc commun de connaissances ou adapter la pédagogie aux différences et aux disparités.En 1989, la loi Jospin apparaît comme un tournant. Un des ses objectifs principaux est de placer l’élève au centre du système éducatif. « L’école doit permettre à l’élève d’acquérir un savoir et de construire sa personnalité par sa propre activité, précise le texte. La réalisation de cet objectif demande du temps : son utilisation optimale par l’élève est le problème essentiel de l’école. Le temps scolaire est partagé entre des cours, des travaux dirigés et d’atelier, le travail personnel assisté et le travail personnel autonome. La durée de ces activités doit être évaluée par l’équipe pédagogique pour être communiquée aux élèves et à leur famille, et ne pas dépasser au total une durée hebdomadaire fixée pour chaque cycle d’enseignement. » Pour Jean-Paul Brighelli, enseignant et auteur notamment de La Fabrique du crétin, c’est une « date d’apocalypse », la faillite annoncée du projet de l’école. L’illusion, à ses yeux : croire que c’est en parlant de « liberté d’expression qu’on la rend réalisable ».Faut-il revenir à des conceptions plus traditionnelles, redonner la place centrale à l’enseignant ? Pourquoi la France, dont les dépenses pour l’éducation sont particulièrement élevées, n’arrive-t-elle qu’en 13e position des pays de l’OCDE pour les résultats en mathématiques des élèves de 15 ans ? A la rentrée 2006, la réforme de l’éducation prioritaire a été mise en place par Gilles de Robien. Elle est placée sous le signe de « la lutte contre l’échec scolaire ». Deux cent quarante neuf collèges ont ainsi été classés « ambition réussite », bénéficiant de moyens supplémentaires (1 000 postes d’enseignants référents et plus de 3 000 assistants d’éducation). Un soutien est mis en place pour les élèves en difficulté, surtout en CE1 et en 6e. Les syndicats estiment que ces réformes se font au détriment d’autres établissements et qu’elles manquent de moyens. Réponse à la rentrée 2007.

Gérard Aschieri : « Il y a des établissements et des zones qui s’éloignent de plus en plus des autres »

le 18.12.06

L’école est-elle aujourd’hui devenue un facteur d’inégalités ?

Gérard Aschieri : Les inégalités ne viennent pas de l’école. Mais l’école n’est pas en mesure de les corriger de manière suffisante. Les inégalités, souvent liées à des phénomènes de ségrégation sociale et territoriale, existent dans l’école. L’éducation nationale en souffre : le travail qui est fait permet d’éviter la catastrophe, mais on voit que ces inégalités se creusent. De plus en plus, ce sont des différences territoriales qui redoublent les inégalités sociales.

L’école n’est même plus en mesure de freiner ces inégalités ?

Gérard Aschieri : Elle limite l’hémorragie, si l’on peut dire, mais elle ne l’arrête pas. Confrontée à ces inégalités, l’école ne les répare pas suffisamment. Mais attention, si on n’avait pas un système éducatif public, ce serait peut-être pire. Cependant, ce n’est pas satisfaisant : il y a eu une dégradation de la situation ces dernières années, notamment en termes de géographie. Il y a des établissements et des zones qui s’éloignent de plus en plus des autres quant à la capacité de réussite, aux chances de réussite. Mais attention à la notion d’égalité des chances. Souvent, on a l’impression d’une compétition dans laquelle des gens ont des handicaps et qu’il suffirait de les compenser pour que tout le monde ait la même chance d’arriver au bout. Je pense qu’il ne s’agit pas d’une compétition. Car aujourd’hui, on a plutôt un problème dans l’égalité de l’accès aux droits.

Dans certaines zones, par exemple ?

Gérard Aschieri : Quand on parle de zones de non-droit, il faudrait ajouter un « s » à droit ! Ces zones dites difficiles ne sont pas des lieux où les gens sont difficiles et où la loi ne s’applique pas. Ce sont des zones où l’accès aux droits – droit à l’éducation, au logement, à l’emploi, etc. – est moindre par rapport à d’autres zones, voire nul. Et l’école, elle, se trouve au milieu de tout ça. Elle a du mal à faire face. C’est pour ça qu’un certain nombre d’établissements scolaires sont de plus en plus ghettoïsés. On a une école qui fonctionne bien dans 90 % des cas, et puis il y a 10 % d’établissements qui cumulent les difficultés scolaires, l’échec, la violence.

On reproche parfois aux organisations syndicales de ne s’attaquer qu’à la question des moyens. Est-ce la clé de toute réforme ?

Gérard Aschieri : On ne peut pas traiter la question sans moyens. Les redéploiements, ce n’est pas juste et ce n’est pas suffisant pour faire face. Cette difficulté scolaire, cette violence, elle ne se traite pas sans un apport significatif de moyens supplémentaires. Il faut compenser beaucoup plus les handicaps territoriaux que ce n’est fait aujourd’hui. Mais les moyens ne suffisent pas. Il faut savoir ce qu’on en fait : individualiser le suivi des élèves en grande difficulté, réduire les effectifs des classes, permettre aux personnels de travailler beaucoup plus en équipe. Dans les établissements qui connaissent le plus de difficultés, il faut faire un peu dans la dentelle dans le suivi, se concerter, avoir plus d’adultes présents. Mais au-delà, il y a tout ce qui se passe autour de l’école. Elle ne traitera pas les problèmes du logement, de la pauvreté, du chômage, et sans effort concerté pour traiter ces difficultés, l’école peut ramer, mais elle ne ramera jamais suffisamment. Mais dans ces zones-là, des initiatives ont été mises en place, comme les zones d’éducation prioritaires (ZEP). Et pourtant, les résultats ne sont pas ceux qui étaient attendus…Gérard Aschieri : Ils ne sont pas ceux qui étaient attendus, mais le différentiel de moyens n’est pas ce qu’il aurait dû être… Il y a deux sortes de ZEP : un certain nombre d’entre elles ont réussi à garder la tête hors de l’eau, tandis que d’autres se sont enfoncées. Notre proposition, c’est d’abord de mettre le paquet sur ces dernières. Mais attention, on ne peut pas enlever des moyens à celles qui ont la tête hors de l’eau, ce serait les enfoncer encore plus. Il y a deux autres questions qui sont fondamentales. D’abord la formation des personnels, notamment à la diversité des publics. Et ensuite, sur le plan qualitatif, il y a la question de la culture commune : qu’apprend-on à l’école et quel sens cela a-t-il ? La culture scolaire traditionnelle peut être socialement très sélective. La dissertation est un genre lié à une certaine couche sociale. On savait implicitement ce que c’était que la méthode de la dissertation. Or là, on a des élèves qui ne sont pas issus de cette couche sociale. Je ne dis pas qu’il faut jeter par-dessus bord les classiques mais il faut redonner du sens, réfléchir à la hiérarchie des disciplines. Pour la technologie, aurait-elle une place moindre que les mathématiques, par exemple ? Certaines solutions relèvent des moyens, d’autres du domaine de la pédagogie ? Gérard Aschieri : Bien sûr. Et pourtant, ce travail sur les contenus est rarement fait. Le fameux socle commun [mis en place par Gilles de Robien, ministre de l’éducation nationale] ne fait pas ce travail, et c’est en cela que c’est une supercherie. Il n’y a pas de solution clés en main. Cela nécessite un travail où les enseignants aient leur part, mais aussi les spécialistes des disciplines, les chercheurs en sciences de l’éducation aussi. Il faut qu’il y ait un vrai débat sur cette question, en se donnant un petit peu de temps. On ne va pas tout révolutionner, il s’agit de donner de la cohérence. Et au sein de cette cohérence, il faut donner une place à la diversité culturelle qui est celle de notre pays. La France est un pays marqué par la mixité culturelle et les jeunes y sont très sensibles. Je dirais même qu’ils la vivent bien. Malheureusement, je ne suis pas certain qu’ils la retrouvent dans l’école.Outre la question des moyens, outre celle des contenus, n’y a-t-il pas une autre question relative à l’organisation du travail des enseignants ? Est-il possible d’envisager une réforme qui modifie le temps de travail ?Gérard Aschieri : C’est ce que l’on demande. Quand je dis qu’il faut travailler plus en équipe, je dis qu’il faut changer l’organisation du travail. Simplement, on ne peut pas modifier en chargeant toujours la barque, il faut qu’il y ait des compensations. Et une manière de le faire, c’est de réduire le temps de travail devant les élèves afin de permettre plus de travail collectif. Ça a un coût énorme, c’est vrai. La proposition qu’on a faite, déjà, à plusieurs ministres, c’est de commencer par les établissements les plus difficiles. Il y a également la question du soutien aux élèves : cela relève du service public, c’est vrai. Mais, là encore, ça ne se fera qu’en dégageant du temps pour que ce soit fait. Dans les établissements difficiles, c’est souvent fait en heures supplémentaires, puisque ces établissements ont souvent des crédits pour cela. Sur cette question, il y a aussi une idée toute simple qu’on peut appliquer : l’industrialisation du cours de soutien et du cours complémentaire est liée à une seule chose, c’est la défiscalisation des cours privés, à hauteur de 50 %. C’est autant d’argent en moins dans les caisses de l’Etat ! Si on met cet argent dans l’école, dans les établissements les plus difficiles, on pourrait payer des personnes pour faire du soutien.Ces entreprises privées qui font du soutien scolaire, sont-elles des partenaires pour l’école ou des concurrents ?Gérard Aschieri : Ce ne sont pas des partenaires, je ne les qualifierais pas de concurrents non plus. Mais ce qui est contestable, c’est que l’Etat mette de l’argent là-dedans au lieu de le mettre dans les écoles publiques. D’ailleurs, les élèves qui ont recours à ces officines ne sont pas ceux qui en ont le plus besoin.

Recentrage sur les 249 collèges les plus en difficulté
le 18.12.06

Pour le vieux principe égalitariste de l’éducation nationale et républicaine, 1981 a été une année de rupture. S’inspirant d’expériences déjà tentées en Grande-Bretagne et aux Etats-Unis dans les années 1960 et 1970, le gouvernement de l’époque casse le principe d’une égalité de moyens : chaque individu ne recevra pas de l’Etat le même investissement en matière d’éducation. L’idée est de corriger les effets des inégalités sociales, économiques et culturelles en renforçant l’action éducative là où l’échec scolaire est le plus élevé. Le gouvernement crée les zones d’éducation prioritaires (ZEP), pour lesquelles des moyens extraordinaires sont débloqués. Alain Savary, ministre de l’éducation nationale, précise alors : « La démocratisation du système éducatif et la lutte contre les inégalités sociales doivent se concrétiser par davantage de moyens et surtout une plus grande attention pour ceux qui en ont le plus besoin. » Les ZEP seraient donc des « machines » à réduire les inégalités sociales. Les moyens supplémentaires accordés aux établissements scolaires concernés prennent généralement la forme de primes pour les enseignants et d’une réduction des effectifs par classe. La France se classe ainsi parmi les premiers pays de l’OCDE en termes d’effort financier dans le domaine de l’éducation (7 % du PIB). En 2006, l’éducation nationale demeure le premier budget de l’Etat avec 22,5 % du budget général.Vingt-quatre ans après leur création, malgré les bilans intermédiaires et les tentatives de réformes de la réforme, le système des zones d’éducation prioritaires est usé. L’écart des résultats scolaire entre les élèves de ZEP et hors ZEP n’a pas été réduit. Pis, le récent rapport corédigé par l’inspection générale de l’éducation nationale et l’inspection générale de l’administration et de la recherche souligne des effets pervers, « comme la ‘stigmatisation’ conduisant à ‘l’évitement’ par les catégories sociales » (contournement de la carte scolaire) et « les résultats insuffisants en matière d’orientation des élèves au-delà du collège ». « Les moyens supplémentaires ont été trop dispersés », souligne le rapport. Le plan de relance pour la rentrée 2006 de Gilles de Robien, ministre de l’éducation nationale, recentre donc les moyens sur les établissements les plus en difficulté. Le classement des établissements des ZEP est modifié : parmi eux, 249 collèges sont classés « ambition réussite ». En 2006, un millier de professeurs expérimentés devaient rejoindre ces collèges. Déchargés de 50 % de leur temps de classe, ils doivent également former leurs plus jeunes collègues. Ces collèges bénéficient également de l’arrivée de trois mille assistants pédagogiques. Sans surprise, la réforme a suscité une vise opposition des syndicats. Ils dénoncent un simple redéploiement de moyens. Pourtant, Gérard Aschieri, secrétaire général de la FSU, dresse également un bilan mitigé des ZEP : « Les résultats ne sont pas ceux qui étaient attendus. » L’éducation nationale manquerait toujours de moyens pour réaliser ses objectifs.« Il est nécessaire d’investir sur les zones les plus difficiles. Mais il est également indispensable de ne pas enlever des moyens à celles qui ont la tête hors de l’eau », précise M. Aschieri. D’autres voies doivent être explorées, estime le syndicaliste, par exemple en ce qui concerne « la formation des personnels » dans le domaine de la pédagogie. « La culture scolaire traditionnelle peut être socialement très sélective. La dissertation est un genre lié à une certaine couche sociale. On savait implicitement ce que c’était que le beau, que la méthode de la dissertation. Or là, on a des élèves qui ne sont pas issus de cette couche sociale. Il faut redonner du sens, réfléchir à la hiérarchie des disciplines. La technologie a-t-elle une place moindre que les mathématiques ? » Des failles également détectées par les experts des deux inspections, qui soulignent un « pilotage défaillant », un manque de souplesse et « d’autonomie » à l’égard de l’éducation nationale. Il est nécessaire que « cette politique ne s’enferme pas non plus dans la routine, conclut le rapport. Elle devra faire l’objet d’adaptations permanentes ». Impasse de l’universitéPublié le 30.11.06C’est la rentrée à l’université, synonyme d’ascension sociale pour beaucoup d’étudiants. Mauvais calcul, hélas. Pour 40 % d’entre eux, ils n’obtiendront pas leur DEUG, le diplôme de deuxième année, comme ceux des rentrées 2005, 2004, 2003… A la différence des années précédentes, cependant, le gouvernement semble vouloir sortir de cette impasse, mais à pas lents.Jacobinisme oblige, l’enseignement supérieur a été dessiné comme un jardin à la française. Le bac général était censé mener aux grandes écoles et à la fac. Le bac technologique conduire aux IUT (instituts universitaires de technologie) et aux BTS (brevets de technicien supérieur). Tandis que le bac professionnel était destiné aux futurs ouvriers et employés, même si cela n’a jamais été dit.Sur le papier, ce système ne manque ni d’allure ni d’ambition. Aucun jeune Français ne doit avoir quitté l’éducation nationale sans une qualification. 80 % d’une classe d’âge est réputée se hisser au niveau du bac et la moitié d’entre elle obtenir un diplôme de l’enseignement supérieur. Evidemment, ce n’est pas le cas. Au fil des années, cette vision dirigiste, colbertiste, de l’éducation, s’est révélée de plus en plus inadaptée à la  » massification «  de l’enseignement supérieur, qui conduit 40 % d’une classe d’âge à l’université contre 15 % il y a vingt ans. Des filières sélectives, comme les IUT et les BTS, se sont multipliées, qui ont fait refluer vers l’université, où il n’y a pas de sélection, nombre de lycéens qui n’avaient rien à y faire.C’est le cas, chaque année, de 6 000 titulaires d’un bac  » pro «  (sur 92 000). Censés accéder directement à la vie professionnelle, ils optent pour un DEUG où leur taux de réussite en quatre ans est inférieur à 17 %. Comme eux, les bacheliers des filières technologiques sont 18 % à entrer chaque année à l’université au lieu de choisir un IUT ou de préparer un BTS. 60 % en sortent sans aucun diplôme, soit 15 000 étudiants.Les titulaires d’un bac général n’en font qu’à leur tête, eux aussi. Beaucoup d’entre eux choisissent d’intégrer un IUT et s’en servent comme tremplin. Ils bifurquent ensuite vers une école de commerce ou une école d’ingénieur. Tant mieux pour leur avenir. Tant pis pour l’équilibre du système, qui prend eau de toute part.Conséquence de ce mouvement brownien : chaque année, 80 000 étudiants quittent l’université sans aucun diplôme. La faute à qui ? A l’opacité du système pour commencer. Elèves et parents se perdent dans le dédale des formations post-secondaires – 22 000 en tout -, aux dénominations parfois obscures comme le BTS  » mise en forme des alliages moulés, dominantes coulées non granitaire (moulage sous pression) «  .Dans les facs, un schéma  » LMD «  a été mis en place mais, pour ne rien simplifier non plus, il ne s’est pas entièrement substitué au système antérieur.  » LMD « , en jargon éduc. nat., signifie licence (bac + 3), master (bac + 5) et doctorat (bac + 8). Reconnus dans toutes les universités de l’espace européen – un progrès -, ces trois grades coexistent avec les anciens DEUG et les anciennes maîtrises, qui continuent d’être délivrés aux étudiants qui le demandent. Comment s’y retrouver ? L’orientation scolaire est le talon d’Achille de l’éducation nationale. Elle remplit mal sa mission, faute d’effectifs adéquats. Faute surtout pour les conseillers d’orientation de connaître de l’intérieur le marché du travail. L’éducation nationale compte ainsi moins de 5 000 conseillers d’orientation. Comme il y a 6 millions de collégiens et de lycéens, le calcul est vite fait : chaque conseiller a en charge plus d’un millier d’élèves.LA SÉLECTION  » PAR LA FENÊTRE « Leur formation laisse à désirer. A dominante  » psycho « , elle ne met pas assez l’accent sur le volet  » insertion professionnelle «  de leur mission. La plupart des conseillers d’orientation-psychologues, c’est leur dénomination officielle, connaissent mal le monde de l’entreprise, faute, souvent, d’y avoir été en stage. Et, vieux travers, ils se méfient de lui.Eperonné par un taux de chômage élevé – 22 % en 2005 chez les 15-24 ans, contre 18 % en moyenne dans l’Union européenne -, le gouvernement de Dominique de Villepin a décidé de réagir. Il a confié au recteur de l’académie de Limoges, Patrick Hetzel, la charge d’organiser un  » débat national université-emploi « , dont les premières recommandations ont été formulées en juin. L’une d’elles préconisait la création d’un poste de délégué interministériel à l’orientation, qui a vu le jour mi-septembre. Une autre, parmi les plus intéressantes, suggère la mise en place dans chaque université d’une direction des stages, des emplois et des carrières à l’instar de ce qui se fait dans certaines facs.Echaudé, comme Dominique de Villepin, par la crise du CPE, François Goulard, le ministre délégué à l’enseignement supérieur, multiplie les initiatives pour tirer en douceur le  » mammouth «  de sa léthargie. Il propose aux élèves de terminale de déposer dès février ou mars leur dossier d’inscription à l’université, et non plus en juillet, comme c’est le cas aujourd’hui. Cela dans les facs qui voudront bien se prêter à l’opération.Même si l’UNEF accuse le gouvernement de vouloir, avec cette réforme, réintroduire la sélection  » par la fenêtre « , elle va dans la bonne direction. Elle vise à dissuader les titulaires d’un bac  » pro «  ou  » techno «  de s’engouffrer dans des filières longues. Et les titulaires d’un bac général de se lancer dans des études sans réels débouchés :  » psycho « ,  » médiation culturelle « , éducation physique et sportive, etc.L’université est irremplaçable pour les  » post-bac « , mordus de français ou de maths, qui deviendront profs. Elle prépare convenablement à la vie active les étudiants en licences ou masters professionnels qui ont de bonnes chances, au terme de leur cursus, de trouver un emploi. Mais son premier cycle est le pot au noir.Trop souvent, les enseignants, qui sont une aristocratie, ne s’intéressent aux étudiants qu’une fois franchi le redoutable barrage du DEUG. C’est-à-dire lorsque le tiers état accède, après écrémage, au statut de  » vrais «  étudiants.Les bacheliers et leurs parents s’accommodent tant bien que mal de cette situation qui laisse à un système injuste et passablement hypocrite le soin de procéder à une sélection qui ne dit pas son nom.Comment expliquer à des parents qui, souvent, n’ont pas fait d’études supérieures que l’université est, pour trop d’étudiants, un miroir aux alouettes ? Et à tous qu’un BTS vaut mieux qu’un parcours incertain à la fac ? La démocratisation de l’enseignement supérieur – la vraie – est pourtant à ce prix.Trois questions à Richard Descoings, directeur de Sciences-Po ParisPublié le 18.12.06Quel bilan tirez-vous de votre projet d’ouvrir Sciences-Po aux plus brillants élèves issus des banlieues défavorisées ? Combien d’élèves sont concernés ? S’agit-il plus de filles ou de garçons ? Quel est leur niveau ? Et que deviennent-ils en sortant de Sciences-Po ?Richard Descoings : Les conventions éducation prioritaire ont été lancées en 2001 et avaient alors déclenché un tollé général. « Coup de pub… mise à bas de la République… Sciences-Po en bonne dame de charité du XIXe siècle… », sans compter les attaques personnelles, et les plus ou moins bons mots. Les étudiants de ZEP seraient « les boat-people de Sciences-Po », avait ainsi déclaré la présidente de la très honorable Société des agrégés… Les partisans de l’immobilisme étaient légion… D’autres ont défendu le droit à l’expérimentation.Il y avait sept lycées partenaires de Sciences-Po à l’époque. Ils sont quarante-huit aujourd’hui, situés dans dix régions françaises. Il y a eu dix-sept élèves admis la première année, soixante-quinze en 2006, ce qui porte le nombre total d’étudiants sélectionnés à 264, en six ans. Une centaine sont issus de la Seine-Saint-Denis. Des dizaines de grandes écoles ont finalement suivi Sciences-Po et ont même signé en 2005, un an après les grandes entreprises, une charte de la diversité. L’innovation lancée par Sciences-Po a fait école.Les filles sont pour l’instant à l’avant-garde. Elles représentent environ les deux tiers des candidats. Au total, entre 50 et 70 % des admis sont enfants de chômeurs, d’ouvriers, de retraités ou d’employés. Cela correspond au taux de catégories socioprofessionnelles défavorisées des lycées partenaires, qui ont généralement entre 50 et 80 % de CSP, pour une moyenne nationale à peine supérieure à 20 % (enseignement public et privé confondus). La première promo – celle des pionniers – a été diplômée en juillet 2006. Trois sur quinze qui passaient les épreuves finales avaient signé un CDI plus d’un mois avant les examens. Pendant cinq ans, ces étudiants ont suivi les mêmes cours et passé les mêmes examens que les autres. Ils ont gagné un droit à l’indifférence. C’est le meilleur succès qu’on pouvait espérer. Jean-Claude Brighelli, professeur agrégé de lettres, considère que la solution de Sciences-Po et « son côté bonne œuvre de la marquise peut marcher ponctuellement mais ce n’est pas une politique ». Que lui répondez-vous ?

Richard Descoings : Ce type de formule a un goût de réchauffé. Je tire mon chapeau aux élèves qui n’avaient rien au départ mais qui en veulent et bossent, aux enseignants des lycées qui sont sur le front depuis le début et ont gardé le même enthousiasme. Sur le terrain, cela bouge ! Ce n’est qu’un exemple, modeste par nature, mais qui suffit à montrer qu’avec de la volonté, on peut relancer l’ascenseur social. Pourvu que chacun accepte de ne pas rester chez soi, pour soi, sur son quant-à-soi.
Quels sont vos nouveaux projets pour favoriser l’égalité des chances ?Richard Descoings : Avec ces mêmes acteurs de terrain, chefs d’établissement, enseignants, responsables d’association, on a décidé d’aller plus loin. En décembre 2005, je les ai réunis à Sciences-Po en leur posant une seule question : « quel serait le lycée de vos rêves ? ». On a planché pendant trois mois. Aujourd’hui, sur la base de ce travail, quatre lycées du « 9-3 » (à Clichy-sous-Bois, Epinay-sur-Seine, Saint-Ouen et Bondy) se sont lancés en réseau dans l’expérimentation.Ce n’est pas facile tous les jours. On taraude le bois dur. Mais là aussi, cela bouge. Huit établissements d’enseignement supérieur et une vingtaine de très grandes entreprises sont partenaires du programme, condition sine qua non pour sortir les lycéens de leur huis clos. Deux axes majeurs, l’innovation pédagogique et l’ouverture des élèves au monde extérieur, avec un travail sur mesure pour leur orientation. Au menu, l’interdisciplinarité et de nouveaux horizons. Des voyages d’études ambitieux, au Bénin, au Sénégal, en Chine. Avec, à Pékin ou Shanghaï, des rencontres avec des responsables d’entreprises françaises qui réussissent. Est-ce parce que l’on est né à Clichy-sous-Bois que l’on doit s’interdire d’envisager une carrière là où se fera le monde de demain ? Bataille pour la réforme des ZEPPublié le 30.11.06
En Seine-Saint-Denis, fief de l’éducation prioritaire, la mise en place des collèges  » ambition réussite « , réforme-phare de l’éducation nationale, ne plaît pas à tout le monde. Dans ce département, les représentants du principal syndicat des enseignants du second degré, le SNES, sont partis en campagne, dès le début de l’année, contre ce qu’ils considéraient comme  » un plan de dynamitage de la politique des ZEP « , les zones d’éducation prioritaire. En février, une quinzaine de collèges ont été occupés.
Dans toute la France, 249 collèges et les 1 600 écoles primaires qui s’y rattachent, jugés les plus défavorisés, ont été labélisés  » ambition réussite « . Ils ont bénéficié à ce titre, à la rentrée 2006, de quelque 1 000 professeurs  » référents «  de plus et de 3 000 assistants d’éducation dans le cadre de la réforme des ZEP, annoncée par Dominique de Villepin au lendemain de la crise des banlieues.Une manne, certes, mais les opposants dénoncent le fait que, pour donner davantage de moyens aux collèges  » ambition réussite « , le gouvernement en a pris aux autres. Ils s’inquiètent aussi d’une prochaine étape de la réforme, qui prévoit de retirer le label ZEP – et les moyens qui vont avec – aux collèges dont la situation scolaire et sociale ne le justifie plus. Le recteur de l’académie de Créteil, dont fait partie la Seine-Saint-Denis, a pourtant assuré que celle-ci ne serait pas concernée.Enfin, les adversaires de la réforme contestent le principe de professeurs référents. Ces enseignants – quatre en moyenne par collège  » ambition réussite «  – ne sont tenus d’assurer qu’un mi-temps de cours, le reste étant consacré à la mise en place de projets pour les élèves les plus en difficulté, à l’encadrement des assistants d’éducation ou à épauler leurs collègues en classe.Sans que cela corresponde à une consigne nationale de ce syndicat, le SNES-93 a appelé à boycotter la réforme.  » A aucun moment, nous n’étions demandeurs de professeurs référents, explique Goulven Kerien, du SNES-93. Ce que nous voulions, ce sont des heures en plus pour dédoubler les classes et du temps pour que les équipes pédagogiques puissent se concerter. « 
Au collège Robert-Doisneau, de Clichy-sous-Bois (Seine-Saint-Denis), où les opposants sont venus présenter leurs arguments en mai, on est passé outre et on a décidé de jouer le jeu.  » Nous avons eu une grande discussion avec l’équipe, explique Marie-Christine Culioli, la principale. J’ai expliqué que si on ne prenait pas ce dispositif, on n’aurait plus rien avant longtemps. Alors, soit on prend et on se bat, soit on s’en mord les doigts. « 
Avec près de 80 % d’élèves issus de familles défavorisées, seulement 58 % de réussite au brevet, 29 nationalités représentées, le collège Robert-Doisneau de Clichy-sous-Bois fait partie des établissements scolaires qui concentrent, en France, le plus de difficultés. C’est là qu’étaient scolarisés les deux adolescents électrocutés dans un transformateur EDF le 27 octobre 2005. Depuis la rentrée, l’établissement bénéficie de quatre professeurs en plus et d’autant d’assistants d’éducation.
Pas question d’accréditer l’idée qu’il y aurait des  » superprofs «  et les autres. On a banni le terme de professeurs référents, rebaptisés  » professeurs supplémentaires « . Deux d’entre eux, professeurs d’anglais et de mathématiques, ont été recrutés en interne. Un enseignant du primaire, qui travaillait déjà avec le collège, a été intégré à l’équipe. Seul un jeune professeur de français a été recruté à l’extérieur.Pour être prête à la rentrée de septembre, l’équipe de direction de Robert-Doisneau a planché sur le dispositif, dès le mois de mai, avec les enseignants.  » On a réfléchi à une façon d’enseigner différente du modèle classique « frontal », c’est-à-dire avec un professeur seul devant sa classe « , explique Mme Culioli. A chaque niveau (6e, 5e, 4e, 3e), une organisation spéciale a été mise en place, au plus près des besoins des élèves, en mathématiques, anglais et français.En anglais, par exemple, dès la sixième, les élèves ont une heure de cours en plus par semaine et sont répartis dans différents groupes selon leur niveau.  » En langue, il faut intervenir très tôt pour ne pas laisser couler les élèves « , explique Sylvie Jégo, l’enseignante supplémentaire d’anglais.La  » co-intervention « , qui prévoit deux enseignants en même temps dans une classe ou dans un groupe, fait également partie des innovations.  » Quand on fait un cours classique, on a au moins la moitié de la classe qui est passive, explique Tamas Hegedus, professeur supplémentaire de mathématiques. A deux, on peut appliquer une pédagogie différente. « 
Des études surveillées ont été mises en place pour les élèves qui le souhaitent, avec une attention particulière pour les plus en difficulté. Et, désormais, le collège est ouvert jusqu’à 19 heures.  » C’est un vrai défi, assure la chef d’établissement. De ces nouvelles pratiques peut émerger une autre manière de penser l’éducation nationale. «  Encore faut-il que les enseignants l’acceptent. Début octobre, le recteur de Créteil estimait que des tensions subsistaient dans quatre collèges de Seine-Saint-Denis. Au SNES-93, on parlait de  » pagaille «  dans une dizaine d’établissements.

Philippe Meirieu :  » Je me sens trop en désaccord avec les décisions prises dans le secteur éducatif « 

le 30.11.06

Vous incarnez le courant des pédagogues, face aux tenants d’une conception traditionnelle de l’éducation. pourquoi n’avez-vous pas postulé à un nouveau mandat à la direction de l’institut universitaire de formation des maîtres (iufm) de lyon ?

Dans la conjoncture actuelle, je ne souhaitais pas être nommé par le ministre de l’éducation nationale, Gilles de Robien. Je me sens trop en désaccord avec les décisions prises, ces dernières années, dans le domaine éducatif, pour assumer ces responsabilités. Et je tiens à ma liberté de parole.

Que reprochez-vous à la politique de M. de Robien ?

Il s’agit d’une politique de renoncement aux ambitions. L’apprentissage à 14 ans, présenté comme une réponse à la crise des banlieues, en est une illustration. Ce n’est pas en renonçant à l’éducation, à la culture, qu’on va résoudre la question des violences. Au contraire. C’est une mesure démagogique. On paye les jeunes 300 euros, mais c’est une prime pour abandonner l’école. En plus, on sait qu’ils ne trouveront pas d’emploi, car les entreprises n’en veulent pas.Ce que je crains, c’est que la possibilité d’orienter des jeunes en apprentissage dès 14 ans, sous statut scolaire, soit anticipée dès 12 ans. A terme, on risque de revenir à un palier d’orientation dès la fin de l’école primaire.

Que dire, aussi, des orientations contenues dans l’avant-projet de loi du gouvernement sur la prévention de la délinquance, qui met l’accent sur la détection précoce des troubles du comportement?

Pour le pédagogue que je suis, c’est une catastrophe. Les spécialistes ont montré qu’il existe un effet  » pygmalion « , notamment à l’école, c’est-à-dire que certains enfants vont mettre un point d’honneur à agir comme des  » lascars «  pour se caler sur l’image que les adultes leur attribuent.

Ces mesures n’ont pas suscité beaucoup d’opposition de la part des syndicats et des enseignants…

Elles sont passées comme une lettre à la poste. Je fais l’hypothèse que chez les enseignants du second degré, il y a eu une forme de soulagement au regard des difficultés rencontrées dans les classes. Aujourd’hui, il y a un essoufflement des dynamiques. Il existait une minorité militante, déterminée, qui arrivait à faire exister des enclaves d’espérance. Ces gens sont de plus en plus découragés. Ils ont le sentiment de ne pas être soutenus.L’éducation nationale n’a jamais vraiment perçu qu’avec des sommes très minimes, on peut installer des choses intéressantes dans les classes. Elle s’est défaussée des budgets pédagogiques auprès des collectivités territoriales. Du coup, les enseignants survivent comme ils peuvent.

Qu’est-ce qui ne va pas avec le collège unique ?

Nous n’avons pas mis les moyens suffisants pour mettre en oeuvre le collège unique, dont la vocation est de scolariser dans les mêmes classes tous les élèves de la 6e à la 3e. Il aurait fallu un rééquilibrage disciplinaire. Je suis partisan de l’enseignement technologique pour tous, à une hauteur significative. Actuellement, l’enseignement technologique est très conceptualisé. Il faudrait, au contraire, développer une approche axée sur l’artisanat de proximité, sur les métiers. L’introduction de cette approche pour tous les élèves permettrait une orientation positive vers l’enseignement professionnel, et pas seulement par l’échec.Il faudrait aussi davantage de suivi individuel des élèves, de temps consacré à leur remise à niveau. Je reconnais que la loi Fillon avait ouvert la porte. Je suis d’autant plus sidéré que M. de Robien ne l’ait toujours pas mis en oeuvre.La définition d’un socle commun de connaissances et de compétences compensera-t-il les lacunes du collège unique ?Tout dépend de ce que l’on y met. Si ce socle s’entend comme une culture commune à tous les élèves au terme de leur scolarité obligatoire, là, je suis d’accord même si je pense qu’un toilettage des enseignements est nécessaire. Il est plus important aujourd’hui de connaître la différence entre le civil et le pénal que de savoir résoudre le théorème de Thalès. De même, un minimum de culture économique serait plus utile que la maîtrise d’une troisième langue vivante.Mais ce n’est pas dans cet esprit-là qu’il a été conçu. Au nom du socle commun, il s’agit d’exclure une partie des jeunes, en ne leur assurant qu’un minimum des enseignements. Au lieu de réconcilier certains élèves avec l’école, par la culture, l’expérimentation, le sport, on se focalise sur certaines matières académiques. On est dans l’acharnement pédagogique.L’école doit-elle protéger les garçons ?Publié le 30.11.06Les garçons, espèce à protéger ! Ce titre du Monde de l’éducation de janvier – nouvelle formule – peut choquer dans ce monde qui prône l’égalité des sexes et son corollaire, la mixité de l’éducation. De quoi faut-il donc protéger ces adolescents si machistes ? D’eux-mêmes ? De la compétition avec les filles ? D’un environnement qui offre peu de chances de s’épanouir aux plus défavorisés ? Ou même d’une institution qui, après avoir instauré la mixité, s’est voilé les yeux sur ses conséquences parfois négatives ? Point ne sert d’ergoter, le problème est là. Pour la rédactrice en chef, Brigitte Perucca,  » alors que les filles continuent de s’orienter massivement vers des filières sans avenir, qu’elles se dénient le droit à postuler à des carrières scientifiques malgré des résultats scolaires très encourageants, qu’elles sont victimes de violences sexistes graves, il y a sans doute quelque provocation à clamer qu’il faut sauver les garçons. C’est précisément parce que la construction des identités sexuelles semble emprunter, chez les adolescents, un chemin désespérant, parsemé de violences, que nous lançons ce mot d’ordre. Les garçons, ceux des milieux défavorisés, ceux dont l’expression favorite passe par le corps parce que leur parole est trop pauvre, ceux-là mêmes sont en péril et mettent en péril du même coup une cohabitation filles-garçons de toute façon difficile. (…) La mixité, qui nous semble aujourd’hui une évidence et que personne ne songe à remettre en question, pose des problèmes aux adultes « .

COMBATTRE L’ENNUI SCOLAIRE

La mixité a-t-elle été pensée ou n’a-t-elle été qu’une façade ? Selon la circulaire de 1957,  » la crise de croissance de l’enseignement secondaire nous projette dans une expérience (de la mixité) que nous ne conduisons pas au nom de principes (par ailleurs fort discutés) mais pour servir les familles au plus proche de leur domicile « . Ce qui expliquerait l’absence de sensibilisation des enseignants à la mixité, ou que ces mêmes enseignants,  » s’ils sont motivés dans l’ensemble sur les questions d’égalité entre garçons et filles à l’école, ne se rendent pas toujours compte qu’ils véhiculent des stéréotypes «  dans une société où la femme est trop souvent présentée comme une marchandise. La situation est d’autant plus grave que l’on s’éloigne des beaux quartiers, comme en témoignent les agressions – souvent sexuelles – contre des lycéennes. Les garçons réussissent moins bien au bac,  » sont plus susceptibles que les représentantes du sexe féminin d’appartenir à la catégorie des élèves faibles «  (rapport de l’OCDE). Pour le sociologue Hugues Lagrange,  » les garçons les plus jeunes qui ont un mauvais cursus scolaire et ne reçoivent pas là de gratifications doivent chercher d’autres stratégies de déviation et de contrôle de leurs pulsions sexuelles. Or, précisément, ce sont eux qui sont le moins bien armés pour s’engager dans des relations symétriques, fondées sur une acceptation des filles comme égales « .Les  » doués «  perdraient-ils leurs moyens face aux  » travailleuses «  ? Chercheraient-ils hors de l’école un autre univers où ils pourraient s’exprimer, en marge ou contre la société ? D’autant que, selon Macha Séry et Christian Bonrepaux, dans  » Voyage au bout de l’ennui « ,  » découragement, inappétence, manque de motivation, passivité, chahut, transgression : l’ennui scolaire prend des formes multiples et conduit les jeunes à l’échec. Les lycéens ne se satisfont plus d’un enseignement classique qu’ils jugent rébarbatif « .  » L’enseignant doit savoir se vendre. L’ennui naît de la répétition. Et ce ne sont pas les mauvais élèves qui s’ennuient, mais les plus imaginatifs. Aux enseignants de trouver la manière de les intéresser. « 
Pour sauver la mixité, l’égalité des sexes, faut-il instaurer une discrimination positive à l’américaine afin d’aider les garçons à ne pas perdre pied à l’école ?  » L’école républicaine en sortira renforcée « , estime Maryline Baumard.


Histoire: Nos ancêtres… les Musulmans! (How dhimmi history is taught in France)

20 septembre, 2006

ClovisLes racines de l’Europe sont autant musulmanes que chrétiennes. Chirak

Pour ceux qui s’étonnaient de l’intarissable érudition de notre dhimmi en chef, un certain Yacoub Ibn Shiraq, sur les fameuses “racines musulmanes de l’Europe”, Valeurs actuelles vient d’identifier la source… les manuels d’histoire de nos enfants!

Petit florilège:

Marchands habiles, artisans talentueux, poètes, traducteurs, penseurs, médecins et savants renommés, (les musulmans) sont largement plus civilisés et raffinés que les Occidentaux et jouent un rôle considérable dans l’éveil intellectuel de l’Europe.

Le monde musulman est en avance sur l’Occident dans de nombreux domaines. Il a conservé et développé l’héritage gréco-latin et la connaissance du monde constitue un élément essentiel de l’adab, la culture savante que doit posséder tout homme cultivé du dâr al-islam. (Bordas)

Entre le XIe et le XIIIe siècles, l’Occident retrouve, grâce aux traductions d’arabe en latin, des textes et des savoirs perdus depuis l’Antiquité. Cette révélation est à l’origine de la renaissance intellectuelle du XIIe siècle et de la création des universités au XIIIe.
(Magnard)

L’apport de la culture musulmane à la culture européenne est ainsi considérable : transmission des textes d’Aristote, géographie, mathématiques… (Bordas)

En réveillant l’esprit du djihad chez les musulmans, elles ont excité pour longtemps l’hostilité d’un certain islam intégriste à l’égard de l’Occident »« Si, encore aujourd’hui, l’incompréhension entre pays musulmans et pays chrétiens est forte, les croisades, qui ont (…) poussé les chrétiens d’Occident à prendre les armes pour reconquérir les terres occupées par les musulmans, y sont pour quelque chose. (Nathan)

Ces expéditions militaires ravivent par réaction le djihad musulman. (
Hachette)

Mais il y a bien sûr toujours des esprits chagrins qui gâchent la fête, comme cet historien de la Sorbonne:

En tout état de cause, les clercs d’Occident n’ont pas attendu les musulmans. Aristote était connu et étudié à Ravenne, au temps du roi des Goths Théodoric et du philosophe Boèce, dans les années 510-520, soit plus d’un siècle avant l’hégire. Cet enseignement, celui de la logique notamment, n’a jamais cessé dans les écoles cathédrales, puis dans les toutes premières universités. (…) Parler de croisades pour des expéditions dont le but était d’abord et avant tout d’assurer le libre accès aux Lieux saints de Jérusalem, est travestir du tout au tout la réalité. C’est, volontairement ou non, proposer une sorte de parallèle entre ces pèlerinages de foules populaires encadrées par des forces armées, et la guerre sainte des musulmans qui vise à propager leur foi. (Jacques Heers)

Ou même quelques graves mais heureusement isolés dérapages dans les manuels eux-mêmes:

les musulmans connaissent les découvertes scientifiques gréco-romaines, perses, indiennes et chinoises, grâce à la situation de leur empire, auxquelles ils ajoutent leurs propres recherches. Les mathématiciens, adoptent les chiffres que nous appelons “arabes” mais qui ont été inventés par les Indiens. (Hachette)

Comment on enseigne l’histoire

Les manuels ne font plus le récit de la construction nationale. Les élèves y perdent leurs repères.
par Fabrice Madouas, avec Astrid de Montbeillard et Anne-Lorraine Schmitt
Valeurs Actuelles
le 15 Septembre 2006

Tu dois aimer la France parce que la nature l’a faite belle, et parce que son histoire l’a faite grande, écrivait le très républicain Ernest Lavisse, en 1912, dans la préface de son Histoire de France. L’époque est révolue : on ne peut plus enseigner l’histoire comme les instituteurs de la IIIe République, et l’on sourit volontiers de la naïveté des gravures qui illustraient le livre de l’élève. Mais ces leçons ont permis, pendant longtemps, d’intégrer à la nation les hommes les plus divers. Vercingétorix, saint Louis, Jeanne d’Arc incarnaient des vertus qui forgeaient le caractère français, et l’on tirait des défauts des Gaulois, courageux mais indisciplinés, la plus importante des leçons : « Toute maison divisée contre elle-même périra ». De sorte que les Français vivaient (à peu près) en paix avec eux-mêmes.
Or, ce n’est plus l’histoire de la construction nationale qu’enseignent nos manuels. À l’école, dans les petites classes, l’histoire s’inscrit dans “la découverte du monde”. Du CE2 jusqu’en sixième, puis au collège, l’histoire est traitée chronologiquement, de la naissance des grandes civilisations jusqu’au monde contemporain. Mais ce n’est plus le cas au lycée, où l’on étudie, en seconde, “les fondements du monde contemporain” à travers quelques grands thèmes (la citoyenneté antique, la naissance du christianisme, les trois civilisations méditerranéennes, l’humanisme et la Renaissance, la Révolution…). Puis l’histoire contemporaine jusqu’à nos jours en classes de première et terminale.
« En supprimant l’histoire (ou plutôt en l’éclatant en aperçus sporadiques), bref, en imposant, au détriment de la cohérence, du discontinu et du décousu là où les anciens programmes proposaient une filiation séduisante, on a plongé les adolescents, au cerveau naturellement hirsute, dans un brouillage général générateur d’angoisse, accuse Jean-Paul Brighelli, agrégé de lettres, dans la Fabrique du crétin (Jean-Claude Gawsewitch éditeur). Ce que l’on appelait jusqu’alors culture était le commun héritage de ce que le passé avait produit de plus significatif et de plus exemplaire. C’était un procédé hautement sélectif. Affirmer, comme on l’a fait à partir de 1981, que toute culture est plurielle, et que les Mobylette fonctionnent au mélange, c’était détruire sciemment l’apport des cinquante ou soixante derniers siècles. »
« Nous assistons à l’exténuation du vieux rêve qui faisait de la France un héritage et un projet », résume l’historien Jean-Pierre Rioux, pour qui « ce pays vit à l’heure du n’importe quoi mémoriel » (La France perd la mémoire, Perrin). « Faut-il encore construire des Français ? Devons-nous construire des Européens ? Devons-nous donner une identité régionale ? », s’interrogeait Dominique Borne, inspecteur général de l’Éducation nationale, en 2003. La lecture des manuels d’histoire, élaborés à partir des programmes officiels, prouve que ces questions n’ont pas encore trouvé de réponses.

Islam et chrétienté.
« Marchands habiles, artisans talentueux, poètes, traducteurs, penseurs, médecins et savants renommés, (les musulmans) sont largement plus civilisés et raffinés que les Occidentaux et jouent un rôle considérable dans l’éveil intellectuel de l’Europe. » À lire les manuels d’histoire de seconde, notamment l’un de ceux qu’édite Nathan, la civilisation musulmane surpasse, au XIIe siècle, ce qu’en suggèrent les contes des Mille et Une Nuits.
« Le monde musulman est en avance sur l’Occident dans de nombreux domaines. Il a conservé et développé l’héritage gréco-latin et la connaissance du monde constitue un élément essentiel de l’adab, la culture savante que doit posséder tout homme cultivé du dâr al-islam », précise Bordas. Aux esprits chagrins qui ne verraient pas ce que les églises romanes et les cathédrales gothiques doivent à l’islam, Magnard apporte la réponse : « Entre le XIe et le XIIIe siècles, l’Occident retrouve, grâce aux traductions d’arabe en latin, des textes et des savoirs perdus depuis l’Antiquité. Cette révélation est à l’origine de la renaissance intellectuelle du XIIe siècle et de la création des universités au XIIIe. ». Charlemagne, à qui l’on doit la fondation d’écoles auprès de chaque évêque, au VIIIe siècle, n’en a jamais rien su. Et Robert de Sorbon, théologien thomiste et chapelain de saint Louis, l’ignorait sans doute aussi.
Qu’importe ! Les manuels reprennent en chœur la thèse des “racines musulmanes de l’Europe” : « L’apport de la culture musulmane à la culture européenne est ainsi considérable : transmission des textes d’Aristote, géographie, mathématiques… », poursuit Bordas. C’est à se demander ce que serait devenu l’Occident s’il n’avait pas été fécondé par les Arabes.
Sans rien retirer à la civilisation musulmane, aussi brillante à l’époque que conquérante, il faut pourtant contredire ces manuels. Et lire l’Histoire assassinée (Éditions de Paris) de Jacques Heers, l’un de nos plus grands médiévistes : il a dirigé le département d’études médiévales de la Sorbonne. « En tout état de cause, écrit-il, les clercs d’Occident n’ont pas attendu les musulmans. Aristote était connu et étudié à Ravenne, au temps du roi des Goths Théodoric et du philosophe Boèce, dans les années 510-520, soit plus d’un siècle avant l’hégire. Cet enseignement, celui de la logique notamment, n’a jamais cessé dans les écoles cathédrales, puis dans les toutes premières universités. »
De tous les manuels de seconde que nous avons lus, seul celui d’Hachette précise que les musulmans connaissent les découvertes scientifiques gréco-romaines, perses, indiennes et chinoises, grâce à la situation de leur empire, auxquelles ils ajoutent leurs propres recherches. « Les mathématiciens, poursuit Hachette, adoptent les chiffres que nous appelons “arabes” mais qui ont été inventés par les Indiens. » Un souci de précision assez rare pour être salué.

Croisades.
Comme l’islam, les croisades sont étudiées, en classe de seconde, dans un chapitre intitulé : “La Méditerranée au XIIe siècle, carrefour de trois civilisations” (occidentale, byzantine et musulmane). Le récit qu’en font les manuels rappelle le film de Ridley Scott, Kingdom of Heaven : les croisés y ont le mauvais rôle.
Il faudrait d’abord souligner que le mot est un anachronisme : « Il date du tout début du XIIIe siècle », rappelle Jean Sévillia (Historiquement correct, Perrin). Les contemporains ne parlaient pas de croisade mais de pèlerinage. C’est parce que « les pèlerins chrétiens ralliant Jérusalem sont persécutés par les pouvoirs musulmans en place » (Magnard, seconde) que ces expéditions prennent un tour militaire. Leur protection justifie le recours aux armes. Saint Bernard le dit dans son éloge des Templiers, mais la citation qu’en font certains manuels est tronquée (le texte figure intégralement sur le site Internet http://www.lesbonsdocs.com;). « Parler de croisades pour des expéditions dont le but était d’abord et avant tout d’assurer le libre accès aux Lieux saints de Jérusalem, est travestir du tout au tout la réalité, écrit Jacques Heers. C’est, volontairement ou non, proposer une sorte de parallèle entre ces pèlerinages de foules populaires encadrées par des forces armées, et la guerre sainte des musulmans » qui vise à propager leur foi.
Or, les manuels vont encore plus loin : ils font du djihad la conséquence des croisades. « En réveillant l’esprit du djihad chez les musulmans, elles ont excité pour longtemps l’hostilité d’un certain islam intégriste à l’égard de l’Occident », écrit Nathan. « Ces expéditions militaires ravivent par réaction le djihad musulman », insiste Hachette. « Si, encore aujourd’hui, l’incompréhension entre pays musulmans et pays chrétiens est forte, les croisades, qui ont (…) poussé les chrétiens d’Occident à prendre les armes pour reconquérir les terres occupées par les musulmans, y sont pour quelque chose », poursuit Nathan. Est-il nécessaire de rappeler que l’expansion musulmane se fit par les armes dès le VIIe siècle, c’est-à-dire dès la prédication de Mahomet – donc bien avant les croisades ?

Lumières et Révolution.
« L’État, c’est moi », titre Magnard pour résumer l’absolutisme royal. Outre qu’elle ne fut sans doute jamais prononcée par Louis XIV, cette phrase résume assez mal les pouvoirs du monarque. Nathan souligne heureusement que « la monarchie absolue n’est pas une tyrannie ». Le roi « doit respecter certains usages, comme les “lois fondamentales” du royaume ou les privilèges des uns et des autres », ajoute Bordas. Hachette n’oublie pas non plus que « depuis le XVIe siècle, la monarchie absolue recrute ses administrateurs et ses juristes parmi les bourgeois, qu’elle récompense de leur fidélité en leur permettant d’accéder par étapes à l’ordre de la noblesse » : ce n’est donc pas un système de castes fermées.
Cette référence à l’absolutisme permet cependant de présenter les travaux des philosophes (Voltaire, Rousseau, d’Alembert…) comme une œuvre de tolérance, au service du peuple : « Tous croient surtout en la possibilité de fonder un monde plus heureux où de meilleures conditions de vie seraient assurées à tous », écrit Nathan, ce que corrige Hachette : « Les philosophes (…) méprisent la populace, Voltaire affirme qu’“il faut des gueux ignorants”. » Au demeurant, la tolérance a ses limites : « Quiconque ose dire : “Hors de l’Église, point de salut”, doit être chassé de l’État », écrit Rousseau dans le Contrat social. Ce que confirme Hachette : « Les hommes des Lumières engagent de leur côté le combat (contre le haut clergé) avec des écrits d’une grande violence », dont on verra les conséquences pendant la Révolution.
C’est pourtant sur l’Église que Nathan rejette la responsabilité de la rupture avec la France révolutionnaire : « En condamnant la Constitution civile du clergé, le pape Pie VI a provoqué un conflit spirituel qui allait devenir une source permanente de divisions entre les Français. » Curieuse interprétation de l’histoire. « Les manuels de quatrième évoquent peu le fait que la Révolution fut aussi l’occasion d’une violente guerre de religion, marquée par la confiscation des biens de l’Église ou le passage des prêtres sous l’autorité de l’État. Pas question d’écorner la belle image de la Révolution… », écrit Emmanuel Davidenkoff dans Réveille-toi Jules Ferry, ils sont devenus fous (Oh Éditions).
La plupart des manuels ne consacrent que quelques lignes aux guerres de Vendée, bien qu’on sache, depuis les travaux de Reynald Secher, qu’elles furent un génocide : Gracchus Babeuf parlait à l’époque de “populicide”. Magnard se contente de déplorer les « graves excès » de Tallien, Fouché et Carrier, dont Bordas dénonce quand même les massacres commis à Nantes, sur une double page.
Alors que Nathan présente l’instauration de la Terreur comme une conséquence de la guerre, et non comme un système de gouvernement fondé sur le jacobinisme, Hachette rétablit les faits : « Robespierre utilise la Terreur comme un instrument de pouvoir. En quarante-six jours, plus de 1 300 personnes sont guillotinées. »
Quand les autres manuels présentent encore la prise de la Bastille comme une insurrection du “peuple”, Hachette en fait un récit plus nuancé, soulignant que les “émeutiers” voulaient surtout « se procurer des armes ». En revanche, tous les manuels attribuent à Louis XVI la responsabilité de la “rupture” de 1792, entre la Révolution des droits de l’homme et la Terreur, sans jamais s’interroger sur la mécanique révolutionnaire.

Union soviétique et communisme.
Est-ce la conséquence de la chute du mur de Berlin ? Les manuels ne peuvent plus ignorer les crimes du communisme, qui a longtemps bénéficié d’une indulgence coupable. Ils présentent la Révolution d’octobre comme un coup d’État « préparé méthodiquement par Trotski qui préside le soviet de Petrograd », (Bordas, première). « À la mort de Lénine, en 1924, le régime soviétique est déjà devenu une dictature », précise Nathan (première).
Les manuels préfèrent cependant s’attarder sur les crimes de Staline qu’insister sur la nature intrinsèquement criminelle de l’entreprise soviétique. Dans le chapitre sur les totalitarismes, certains comparent le “stalinisme” au nazisme et au fascisme, pas le communisme. Ils n’évoquent le goulag qu’avec l’arrivée de Staline au pouvoir. Hachette y consacre une double page : « Dans l’URSS stalinienne, un homme adulte sur six a fait l’expérience du goulag. Ce sera, au début des années 1950, le plus vaste système de travail forcé au monde. » Nathan ajoute que « la Terreur permet de faire taire toute critique et d’expliquer les mauvais résultats de l’économie par l’action des “traîtres” et des “saboteurs”. Le goulag devient un mode de gestion de la dissidence politique et sociale ». Ils abordent aussi le drame de la dékoulakisation et des famines organisées au début des années 1930.
Les manuels ont donc révisé les jugements laudateurs qu’ils portaient, il y a vingt ans, sur l’URSS. Mais certains régimes résistent à l’analyse : Bordas (terminale) réserve le terme de “dictateur” à Batista, le prédécesseur de Castro. Marx, enfin, n’est pas comptable de sa postérité sanglante : il figure seulement parmi « les philosophes et les penseurs révoltés par la misère de certains ouvriers » (Hatier, cycle 3, CM2).

Esclavage et colonisation.
Beaucoup de manuels ignorent encore les travaux des historiens sur la complexité de l’esclavage. Nathan (seconde) évoque « le trafic des esclaves sur les côtes de l’Afrique pratiqué par les Européens du XVIe au XIXe siècles » mais reste muet, comme Bordas (seconde), sur la participation des Africains à ce “commerce”. Les autres traites, interafricaine et orientale, sont ignorées. Magnard est plus complet : « Des bateaux chargés de pacotille (…) échangent leur cargaison contre des esclaves fournis par leurs propres congénères ou par des marchands musulmans. »
En revanche, l’abolition de l’esclavage, en 1848, se résumerait à « l’action tenace » de Victor Schoelcher. Rien n’est dit sur le travail accompli précédemment : interdiction de la traite par Napoléon en avril 1815, pendant les Cent-Jours (confirmée par Louis XVIII), suppression de la taxe sur l’affranchissement en 1832, rapport concluant à la nécessité d’émanciper les “travailleurs coloniaux” en 1843… L’abolition s’inscrit dans un mouvement lancé avant la IIe République.
L’histoire de la colonisation verse souvent dans le simplisme. On en retient surtout qu’il s’agissait d’un plan prémédité, conçu par les puissances européennes pour s’assurer des débouchés et « civiliser les races inférieures » (Jules Ferry). « Les Européens se lancent à partir de 1850 à la conquête du monde. Peu d’espaces échappent à leur convoitise » (manuel Bertrand-Lacoste). Or, tous les Européens n’étaient pas favorables à la colonisation, notamment les économistes libéraux qui préfèrent à cette organisation impériale des rapports fondés sur le libre-échange.
Le bilan dressé par ces manuels est souvent très sombre : « Les Européens (…) organisent à leur profit une véritable exploitation des économies et des populations indigènes. » (Nathan, terminale). D’autres manuels nuancent ce propos : « Les Européens suscitent la mise en valeur de vastes régions. Ils les dotent d’infrastructures : réseaux ferrés et installations portuaires… » (Bordas, première). « L’enseignement secondaire et supérieur (…) se développe surtout après 1945, tout comme l’effort médical qui, en abaissant la mortalité, suscite la croissance démographique des colonies », précise le même éditeur dans son manuel de terminale.
On y lit aussi que « les Européens investissent des capitaux en quantités croissantes dans leurs colonies » : en 1939, la France investit dans ses possessions 45 % de ses placements extérieurs. Mais ces quelques paragraphes contrebalancent mal les critiques, longuement développées, de l’action conduite par la France dans ses colonies.
La décolonisation est abordée très rapidement à la fin du programme de terminale. Rien n’y est dit de l’implication, aux côtés des troupes françaises, de centaines de milliers de Vietnamiens contre le Viêt-minh communiste, en Indochine, ou d’Algériens musulmans contre le FLN.
En Indochine, le combat de la France a surtout consisté, dans les dernières années, à conduire ces pays vers l’indépendance, mais sans le communisme. Or, ces conflits apparaissent, dans les manuels, comme des guerres menées par la France pour conserver ses possessions, alors que ce furent aussi des guerres civiles.

Fabrice Madouas, avec Astrid de Montbeillard et Anne-Lorraine Schmitt


Liberté d’expression: Comme aux temps de la guerre froide, l’islam est une idéologie à vocation hégémonique: Robert Redeker (From Moscow’s eye to Mecca’s eye)

19 septembre, 2006
Islam_is_coming_1Dans le cadre du dialogue des civilisations et des cultures, il faut éviter tout ce qui anime les tensions et l’amalgame entre l’islam, qui est une grande religion respectée et respectable, et l’islamisme radical. Yacoub Ibn Shiraq

Au moment où notre dhimmi en chef se prépare à se déculotter une nouvelle fois devant l’ONU rassemblée, fortes paroles du philosophe Robert Redeker sur l’islamisation rampante de notre partie du monde libre et sur la violence inhérente à l ‘Islam et à son livre sacré, le Coran.

Ainsi que sur cette chape de plomb que, comme pendant la guerre froide et avec l’aide de ses compagnons de route et idiots utiles en notre sein, cette idéologie hégémonique fait peser sur nous.

Extraits:

L’islam essaie d’imposer à l’Europe ses règles : ouverture des piscines à certaines heures exclusivement aux femmes, interdiction de caricaturer cette religion, exigence d’un traitement diététique particulier des enfants musulmans dans les cantines, combat pour le port du voile à l’école, accusation d’islamophobie contre les esprits libres.

Le Coran est un livre d’inouïe violence. Exaltation de la violence: chef de guerre impitoyable, pillard, massacreur de juifs et polygame, tel se révèle Mahomet à travers le Coran.

De fait, l’Église catholique n’est pas exempte de reproches. … Mais ce qui différencie le christianisme de l’islam apparaît : il est toujours possible de retourner les valeurs évangéliques, la douce personne de Jésus contre les dérives de l’Église.

Aucune des fautes de l’Église ne plonge ses racines dans l’Évangile. Jésus est non-violent. Le retour à Jésus est un recours contre les excès de l’institution ecclésiale. Le recours à Mahomet, au contraire, renforce la haine et la violence. Jésus est un maître d’amour, Mahomet un maître de haine.

Comme jadis avec le communisme, l’Occident se retrouve sous surveillance idéologique. L’islam se présente, à l’image du défunt communisme, comme une alternative au monde occidental. À l’instar du communisme d’autrefois, l’islam, pour conquérir les esprits, joue sur une corde sensible. Il se targue d’une légitimité qui trouble la conscience occidentale, attentive à autrui : être la voix des pauvres de la planète. Hier, la voix des pauvres prétendait venir de Moscou, aujourd’hui elle viendrait de La Mecque ! Aujourd’hui à nouveau, des intellectuels incarnent cet oeil du Coran, comme ils incarnaient l’oeil de Moscou hier. Ils excommunient pour islamophobie, comme hier pour anticommunisme.

À l’identique de feu le communisme, l’islam tient la générosité, l’ouverture d’esprit, la tolérance, la douceur, la liberté de la femme et des moeurs, les valeurs démocratiques, pour des marques de décadence.

Ce sont des faiblesses qu’il veut exploiter au moyen «d’idiots utiles», les bonnes consciences imbues de bons sentiments, afin d’imposer l’ordre coranique au monde occidental lui-même.

Comme aux temps de la guerre froide, violence et intimidation sont les voies utilisées par une idéologie à vocation hégémonique, l’islam, pour poser sa chape de plomb sur le monde. Benoît XVI en souffre la cruelle expérience. Comme en ces temps-là, il faut appeler l’Occident «le monde libre» par rapport au monde musulman, et comme en ces temps-là les adversaires de ce «monde libre», fonctionnaires zélés de l’oeil du Coran, pullulent en son sein.

Face aux intimidations islamistes, que doit faire le monde libre?
Robert Redeker
Le Figaro
le 19 septembre 2006

Les réactions suscitées par l’analyse de Benoît XVI sur l’islam et la violence s’inscrivent dans la tentative menée par cet islam d’étouffer ce que l’Occident a de plus précieux qui n’existe dans aucun pays musulman : la liberté de penser et de s’exprimer.

L’islam essaie d’imposer à l’Europe ses règles : ouverture des piscines à certaines heures exclusivement aux femmes, interdiction de caricaturer cette religion, exigence d’un traitement diététique particulier des enfants musulmans dans les cantines, combat pour le port du voile à l’école, accusation d’islamophobie contre les esprits libres.

Comment expliquer l’interdiction du string à Paris-Plages, cet été ? Étrange fut l’argument avancé : risque de «troubles à l’ordre public». Cela signifiait-il que des bandes de jeunes frustrés risquaient de devenir violents à l’affichage de la beauté ? Ou bien craignait-on des manifestations islamistes, via des brigades de la vertu, aux abords de Paris-Plages ?

Pourtant, la non-interdiction du port du voile dans la rue est, du fait de la réprobation que ce soutien à l’oppression contre les femmes suscite, plus propre à «troubler l’ordre public» que le string. Il n’est pas déplacé de penser que cette interdiction traduit une islamisation des esprits en France, une soumission plus ou moins consciente aux diktats de l’islam. Ou, à tout le moins, qu’elle résulte de l’insidieuse pression musulmane sur les esprits. Islamisation des esprits : ceux-là même qui s’élevaient contre l’inauguration d’un Parvis Jean-Paul-II à Paris ne s’opposent pas à la construction de mosquées. L’islam tente d’obliger l’Europe à se plier à sa vision de l’homme.

Comme jadis avec le communisme, l’Occident se retrouve sous surveillance idéologique. L’islam se présente, à l’image du défunt communisme, comme une alternative au monde occidental. À l’instar du communisme d’autrefois, l’islam, pour conquérir les esprits, joue sur une corde sensible. Il se targue d’une légitimité qui trouble la conscience occidentale, attentive à autrui : être la voix des pauvres de la planète. Hier, la voix des pauvres prétendait venir de Moscou, aujourd’hui elle viendrait de La Mecque ! Aujourd’hui à nouveau, des intellectuels incarnent cet oeil du Coran, comme ils incarnaient l’oeil de Moscou hier. Ils excommunient pour islamophobie, comme hier pour anticommunisme.

Dans l’ouverture à autrui, propre à l’Occident, se manifeste une sécularisation du christianisme, dont le fond se résume ainsi : l’autre doit toujours passer avant moi. L’Occidental, héritier du christianisme, est l’être qui met son âme à découvert. Il prend le risque de passer pour faible. À l’identique de feu le communisme, l’islam tient la générosité, l’ouverture d’esprit, la tolérance, la douceur, la liberté de la femme et des moeurs, les valeurs démocratiques, pour des marques de décadence.

Ce sont des faiblesses qu’il veut exploiter au moyen «d’idiots utiles», les bonnes consciences imbues de bons sentiments, afin d’imposer l’ordre coranique au monde occidental lui-même.

Le Coran est un livre d’inouïe violence. Maxime Rodinson énonce, dans l’Encyclopédia Universalis, quelques vérités aussi importantes que taboues en France. D’une part, «Muhammad révéla à Médine des qualités insoupçonnées de dirigeant politique et de chef militaire (…) Il recourut à la guerre privée, institution courante en Arabie (…) Muhammad envoya bientôt des petits groupes de ses partisans attaquer les caravanes mekkoises, punissant ainsi ses incrédules compatriotes et du même coup acquérant un riche butin».

D’autre part, «Muhammad profita de ce succès pour éliminer de Médine, en la faisant massacrer, la dernière tribu juive qui y restait, les Qurayza, qu’il accusait d’un comportement suspect». Enfin, «après la mort de Khadidja, il épousa une veuve, bonne ménagère, Sawda, et aussi la petite Aisha, qui avait à peine une dizaine d’années. Ses penchants érotiques, longtemps contenus, devaient lui faire contracter concurremment une dizaine de mariages».

Exaltation de la violence : chef de guerre impitoyable, pillard, massacreur de juifs et polygame, tel se révèle Mahomet à travers le Coran.

De fait, l’Église catholique n’est pas exempte de reproches. Son histoire est jonchée de pages noires, sur lesquelles elle a fait repentance. L’Inquisition, la chasse aux sorcières, l’exécution des philosophes Bruno et Vanini, ces mal-pensants épicuriens, celle, en plein XVIIIe siècle, du chevalier de La Barre pour impiété, ne plaident pas en sa faveur. Mais ce qui différencie le christianisme de l’islam apparaît : il est toujours possible de retourner les valeurs évangéliques, la douce personne de Jésus contre les dérives de l’Église.

Aucune des fautes de l’Église ne plonge ses racines dans l’Évangile. Jésus est non-violent. Le retour à Jésus est un recours contre les excès de l’institution ecclésiale. Le recours à Mahomet, au contraire, renforce la haine et la violence. Jésus est un maître d’amour, Mahomet un maître de haine.

La lapidation de Satan, chaque année à La Mecque, n’est pas qu’un phénomène superstitieux. Elle ne met pas seulement en scène une foule hystérisée flirtant avec la barbarie. Sa portée est anthropologique. Voilà en effet un rite, auquel chaque musulman est invité à se soumettre, inscrivant la violence comme un devoir sacré au coeur du croyant.

Cette lapidation, s’accompagnant annuellement de la mort par piétinement de quelques fidèles, parfois de plusieurs centaines, est un rituel qui couve la violence archaïque.

Au lieu d’éliminer cette violence archaïque, à l’imitation du judaïsme et du christianisme, en la neutralisant (le judaïsme commence par le refus du sacrifice humain, c’est-à-dire l’entrée dans la civilisation, le christianisme transforme le sacrifice en eucharistie), l’islam lui confectionne un nid, où elle croîtra au chaud. Quand le judaïsme et le christianisme sont des religions dont les rites conjurent la violence, la délégitiment, l’islam est une religion qui, dans son texte sacré même, autant que dans certains de ses rites banals, exalte violence et haine.

Haine et violence habitent le livre dans lequel tout musulman est éduqué, le Coran. Comme aux temps de la guerre froide, violence et intimidation sont les voies utilisées par une idéologie à vocation hégémonique, l’islam, pour poser sa chape de plomb sur le monde. Benoît XVI en souffre la cruelle expérience. Comme en ces temps-là, il faut appeler l’Occident «le monde libre» par rapport au monde musulman, et comme en ces temps-là les adversaires de ce «monde libre», fonctionnaires zélés de l’oeil du Coran, pullulent en son sein.

Voir aussi:

All immigrants bring exotic customs and attitudes, but Muslim customs are more troublesome than most. Also, they appear most resistant to assimilation. Elements among the Pakistanis in Britain, Algerians in France, and Turks in Germany seek to turn the host country into an Islamic society by compelling it to adapt to their way of life.

On a small scale, they demand that factories keep to the Islamic calendar, with its distinctive holidays and special rhythms; or that public schools be segregated by sex and teach the principles of Islam. A significant body of Muslims, especially followers of Ayatollah Khomeini, appear to hope they can remake Europe and America in their own image. And they are not shy to say so. The editor of a Bengali-language newspaper in England, Harunur Rashid Tipu, explained that the leaders of the Young Muslim Organisation, seek ultimately « to build an Islamic society here. » In the Rushdie affair, the Muslim diaspora in the West and the regime in Tehran created a cultural and political crisis that struck at the heart of Western values of free speech and secularism, confirming the worst fears of many in the West.

The Muslims are Coming! The Muslims are Coming!

Daniel Pipes
National Review
November 19, 1990

[N.B.: The following reflects what the author submitted, and not exactly what was published. To obtain the precise text of what was printed, please check the original place of publication.]

Richard Condon, author of The Manchurian Candidate, recently declared: « Now that the Communists have been put to sleep, we are going to have to invent another terrible threat. » This is, of course, complete nonsense. Communists have hardly been « put to sleep, » but have plenty of punch left in them, especially in the Third World. Further, Americans did not invent the Soviet threat-tanks, ICBMs, and a global ideology made it real enough. And far from needing « another terrible threat » to replace the Soviet Union, we should look to perfecting liberty and free markets here at home. If that’s too heady, we ought to be quite happy to go back to watching baseball games or saving money for the next vacation.

Still, let us grant that communism is dead and that the West should beware a fall-back villain; who shall it be? There aren’t many obvious candidates. Drug traffickers and apartheidists can do in a pinch; but both of these are minor actors, limited in time as well as space-and reactionary South Africans are not even hostile to the West. Some Americans look to Japan or the Common Market after 1992 as the coming menace; but really, how can democratic countries fill this role? A real enemy must inspire more visceral feelings than do exchange rates and trade imbalances.

And so it is that increasing numbers of Americans and Europeans are turning to a very traditional boogieman-the Muslim. This profound and ancient fear is far from imaginary. The Arab conflict with Israel could escalate to nuclear warfare, as could Pakistan’s dispute with India. Iranian terrorism against the West severely wounded two American presidents. Iraqi invasions into Iran and Kuwait represented a plausible effort to grab over half the world’s oil reserves.

Nor is the idea of the Muslims as the outstanding threat to Western civilization entirely new. As early as 1984, Leon Uris explained that his purpose in writing The Haj, a novel, « was to warn the West and Western democracies that you can’t keep your head in the sand about this situation any longer, that we have an enraged bull of a billion people on our planet, and tilted the wrong way they could open the second road to Armageddon. » But Muslim-phobia took off only in 1989, a by-product of the orgy of speculation that accompanied Mikhail Gorbachev’s reforms and the liberation of Central Europe.

Speculations about a Muslim threat divide into two distinct types. Some observers point to hostile states and the military forces bent on jihad (Islamic righteous war). Others focus on migrants to the West and fear a subversion of Western civilization from within. For the latter, the mischief of a Saddam Husayn or Mu’ammar al-Qadhdhafi poses fewer dangers than that of their followers living in our midst.

Jihad

The last time Muslims physically threatened Christendom (a term increasingly coming back into vogue) was in 1683, when Ottoman soldiers camped outside the walls of Vienna. The memory of this event has been revived in the past few years. Thus, William S. Lind (who once served as an advisor to Gary Hart) worries that « the implication of a Soviet collapse, of the disintegration of the traditional Russian empire, might be that Moslem armies would again be besieging the gates of Vienna. »

Peter Jenkins, a leading British commentator, concurs. He sees today’s problem in light of a conflict going back six and a half centuries: « keeping Islam at bay was Europe’s preoccupation from 1354, when Gallipoli fell, until the last occasion on which the Turks stood at the gates of Vienna in 1683. It is once more a preoccupation in the face of the Islamic Revolution. » Leonard Horwin, a former mayor of Beverly Hills, neatly doubled the time span in a letter to The Wall Street Journal:
The real confrontation is between Judeo-Christian civilization… and militant Islam…. One thousand three hundred years of militant Islam verify that it cannot tolerate the sovereign presence of the dhimmi (« inferior ») people, whether Christian (e.g. Lebanon) or Jewish (Israel) – save so long as the dhimmis can defend themselves.
Looking to the future, editorial writers at London’s Sunday Times found that the concept of containment still holds:
Almost every month the threat from the Warsaw Pact diminishes; but every year, for the rest of this decade and beyond, the threat from fundamentalist Islam will grow. It is different in kind and degree from the cold war threat. But the West will have to learn how to contain it, just as it once had to learn how to contain Soviet communism.
Ideological enthusiasms like Marxism-Leninism will wax and wane, these writers are saying, but the Muslim adversary remains permanently in place.

Far from representing the eccentric thoughts of a few commentators, such fears appear to touch a nerve deep in the Western psyche. To cite one piece of survey research, a poll conducted in mid-1989 asked French citizens « Which of the following countries appear to you today to be the most threatening to France? » In response, 25 percent answered Iran, 21 percent the U.S.S.R., and 14 percent the Arab countries in general. More than half the respondents-57 percent to be exact-believed that one or more of the Muslim states are most threatening to France. Similar opinions can be found in the other countries of Western Europe.

Some Muslims, the fundamentalists, encourage these fears. For one, they declare that the great conflict of this age is not that between the United States and the Soviet Union, or between capitalism and communism, but between the West and Islam. They see Russia as part of the West. A member of Hamas, the fundamentalist Palestinian group, holds that « it is a battle of civilizations, and the Russians are part of it. » Some Muslims, like the president of Iran, go further and declare that « East and West have joined forces » against Islam.

Fundamentalists boast they will win this battle of titans. Editorialists at Jomhuri-ye Islami, a Tehran daily, put it baldly in early 1990: « Westerners have correctly understood that the world movement of Islam is the biggest threat to the ‘corrupt Western empire.' » The newspaper argued that Muslims must prove how « the world movement of Islam » can defeat the West. ‘Ali Akbar Mohtashemi, a leading Iranian hardliner, has even greater aspirations: « The world in the future will have several powerful blocs. The Islamic power will play a decisive role in this…. Ultimately Islam will become the supreme power. » From Morocco to Indonesia, Muslims of a fundamentalist disposition share this outlook.

Answering Jihad

How should the West respond? While the question is too new to have received much attention, the main lines of a response can be discerned. For some, the key step lies in building cooperation between Western states. On the mundane level, industrial democracies should band together and preserve the liberal traditions of freedom of speech, freedom of religion, and the like; and they should cooperate against terrorism and other acts of violence. The North Atlantic Treaty Organization (NATO) should be extended outside of the European theater. The Strategic Defense Initiative should be developed for use against Iraqi or Libyan missiles.

More imaginative are those notions which would reach out to the Soviet Union-or, more accurately, the Christian portions of the Soviet Empire-as an ally against the Muslims. As the three Slavic republics, the three Baltic republics, Moldavia, Georgia, and Armenia return to their historic allegiances, they can extend the population and geography of Europe. The most provocative notion has to do with building a military alliance with these peoples, and especially the Russians. The Sunday Times calls on the West and the Soviet Union jointly to « prepare for the prospect of an enormous and fundamentalist Islamic wedge, » stretching from Morocco to China. » In one of the most original geopolitical assessments of recent years, William Lind has suggested that « Russia’s role as part of the West takes on special importance in the light of a potential Islamic revival…. The Soviet Union holds the West’s vital right flank, stretching from the Black Sea to Vladivostok. » Walter McDougall, the Pulitzer-prize winning historian, sees Russia holding the frontier of Christendom against its common enemy. Should the Russian empire in Central Asia threaten to collapse, a full-scale religious war fought with nuclear, chemical, and biological weapons is not impossible. The Iraqis and Iranis have already proven themselves capable of it, and the desperate and frustrated Russians certainly possess the means. Even more than Israel/Palestine, the old caravan routes of Central Asia may contain the site of the next Sarajevo. Which side would « the others, who call themselves Christians » support?
What is one to make of these ideas? To begin with, they are a great improvement over the supine policies that many Western states, especially European ones, have adopted in recent years. It is better to exaggerate the danger of Iraqi thuggery than to lick Saddam Husayn’s boots-as too many Westerners have done since the oil boom of 1973-74.

Further, the fear of Islam has some basis in reality. From the Battle of Ajnadayn in 634 until the Suez crisis of 1956, military hostility has always defined the crux of the Christian-Muslim relationship. Muslims served as the enemy par excellence from the Chanson de Roland to the Rolando trilogy, from El Cid to Don Quixote. In real life, Arabs or Turks represent the national villains throughout southern Europe. Europeans repeatedly won their statehood by expelling Muslim overlords, from the Spanish Reconquista beginning in the early eleventh century to the Albanian war of independence ending in 1912.

Today, many Muslim governments dispose of large arsenals; the Iraqi military, for example, has more tanks than does the German and deploys the sort of missiles banned from Europe by the Intermediate Nuclear Force treaty. Middle East states have turned terrorism into a tool of statecraft. About a dozen Muslim states have chemical and biological war capabilities. Impressive capabilities to manufacture a wide range of materiel have been established in Egypt, Iraq, Iran, Pakistan, and Indonesia. Were it not for the Israeli strike of 1981, Saddam Husayn would by now have his finger on a nuclear trigger.

To make matters worse, Muslims have gone through a terrible trauma during the last two hundred years-the tribulation of God’s people who unaccountably found themselves at the bottom of the heap. The strains of this prolonged failure have been enormous and the results terrible; Muslim countries host the most terrorists and the fewest democracies in the world. Specifically, only Turkey and Pakistan are fully democratic, and in those two countries the system is very frail. Everywhere else, the head of government reached power through force-his own or someone else’s. As in the rest of the world, autocracy invites leaders to pursue their own interests. The result is endemic instability plus a great deal of aggression.

But none of this justifies seeing Muslims as the paramount enemy.

For one, not all Muslims hate the West. Muslims who most hate the West-the fundamentalists-constitute a small minority in most places. Survey research and elections suggest that dyed-in-the-wool fundamentalists most places constitute no more than 10 percent of the Muslim population. Muslims are not fanatical by nature, but are frustrated by their current predicament. Most of them wish less to destroy the West than to enjoy its benefits.

For another, Muslims are not now politically unified and never will be so. The Iraqi invasion of Kuwait made this obvious for the whole world to see, but many other examples come to mind. Lebanon and Syria are in the throes of working out conflicting nationalist claims, Syria and Iraq have divergent ideological programs, Iraq and Iran claim overlapping territories, while Iran and Saudi Arabia espouse contrasting religious visions. Arab unity seems always to fail, as do the other schemes politically to bind Muslims together.

The violence of the Middle East symptomizes these disagreements. The Iraq-Iran war, a purely Muslim conflict, lasted a horrifying eight years consumed in its peak days as many lives as the Arab-Israeli conflict has over four decades. Today Muslims confront each other in Iraq and Saudi Arabia. Others of the faithful are at each other’s throat in the Western Sahara, Chad, Lebanon, Afghanistan, and Central Asia. Indeed, the record suggests that wars between Muslims are two or three times more common than those waged against infidels. Even if Muhammad’s people were once again to plan a siege of Vienna, then, their internal disputes would make their effort about as ineffective as their war on Israel.

Then too, there is the fact that more Muslim governments cooperate with the West than threaten it. Turkey is a member of NATO. The rulers of Morocco, Tunisia, Egypt, Pakistan, and Indonesia have cast their lot with their Western allies. Saudi Arabia and the other oil-rich states have invested so heavily in the West, their interests are directly tied up with it. The picture is hardly one of uniform hostility.

For all these reasons, while jihad may not be utterly impossible, it exists outside the realm of serious discussion about American policy.

Muslim Immigration

Ironically, the other worry results from precisely the fact that so many Muslims are attracted to the West. They like it so much they want to be part of it. As David Pryce-Jones notes, millions of Muslims « ask little better for themselves than to abandon their own societies for a European one. » The growing Muslim immigration to the West raises a host of disturbing issues-cultural this time, not military-especially in Western Europe.

All immigrants bring exotic customs and attitudes, but Muslim customs are more troublesome than most. Also, they appear most resistant to assimilation. Elements among the Pakistanis in Britain, Algerians in France, and Turks in Germany seek to turn the host country into an Islamic society by compelling it to adapt to their way of life.

On a small scale, they demand that factories keep to the Islamic calendar, with its distinctive holidays and special rhythms; or that public schools be segregated by sex and teach the principles of Islam. A significant body of Muslims, especially followers of Ayatollah Khomeini, appear to hope they can remake Europe and America in their own image. And they are not shy to say so. The editor of a Bengali-language newspaper in England, Harunur Rashid Tipu, explained that the leaders of the Young Muslim Organisation, seek ultimately « to build an Islamic society here. » In the Rushdie affair, the Muslim diaspora in the West and the regime in Tehran created a cultural and political crisis that struck at the heart of Western values of free speech and secularism, confirming the worst fears of many in the West.

Of course, to build an Islamic society means taking political power. And while this is remote, it is just foreseeable. A French woman of North African origins told a reporter, « Tomorrow I will be mayor, the day after president of the republic. » In West Germany, one hears it said by politicians that, « In the year 2000 we will have a federal chancellor of Turkish origins. » In perhaps the most extreme manifestation of this concern, Jean Raspail, the French intellectual, wrote a novel, The Camp of the Saints, depicting a Muslim takeover of Europe by an uncontrolled influx of Bangladeshis.

Middle East leaders, such as the Wahhabis of Saudi Arabia and Mu’ammar al-Qadhdhafi of Libya, overtly encourage such aspirations. But it is the Iranian government that most aggressively advocates Muslim interests, even to the point of encouraging defiance of the authorities. In one statement, a hard-line Iranian newspaper declared that « the ever-increasing influence of Islam in the contemporary world is undeniable, whether the Western world likes it or not. » On another occasion, Tehran warned that Muslims living in the United Kingdom may be forced « to seek ways outside the law to guard their rights. »

Understandably, such bellicosity spurs anxiety among Westerners, even fears that Muslims will succeed in subverting the liberal tradition. In London, Peregrine Worsthorne expressed a widespread British sentiment in The Sunday Telegraph:
Islamic fundamentalism is rapidly growing into a much bigger threat of violence and intolerance than anything emanating from, say, the [extreme right] National Front; and a threat, moreover, infinitely more difficult to contain since it is virtually impossible to monitor, let alone stamp out, the bloodthirsty anti-Jewish and anti-Christian language being preached from the pulpits of many British mosques…. Britain has landed itself with a primitive religious problem that we had every reason to suppose had been solved in the Middle Ages.
Similar concerns can be heard in Russia too, where there is less concern about the former Soviet Union’s 55 million Muslims gaining independence than that Muslims intend to move north and take over Moscow itself.

These concerns have political potency. Jean-Marie Le Pen, leader of the French movement to oust immigrants, characterizes Islam as « a religion of intolerance » and openly fears « an invasion of Europe by a Muslim immigration. » He heads a political party, the National Front, which explicitly advocates expelling immigrants from France. The Republicans in West Germany and xenophobic groups in other countries share Le Pen’s outlook and program.

The far right looms large to the Muslim immigrants, insecure and largely disenfranchised as they are. Crude remarks and jokes, especially among Germans (« What is the difference between a Jew and a Turk? » « The Jew already got what he deserves, the Turk has yet to get it ») lead some Muslims to worry about a Holocaust lying ahead. Kalim Saddiqui, director of London’s Muslim Institute, speaks of « Hitler-style gas chambers for Muslims »; Shabbir Akhtar, a member of the Bradford Council of Mosques, writes that « the next time there are gas chambers in Europe, there is no doubt concerning who’ll be inside them. » However exaggerated, these statements reflect a genuine apprehension.

Demography

Demographic facts underlie Western fears both of jihad and immigration. Population growth permeates the Muslim consciousness with confidence about the future and imbues Westerners with a sense of foreboding.

Muslims number nearly one billion individuals. They constitute more than 85 percent of the population in some thirty-two countries; they make up between 25 and 85 percent of the population in eleven countries; and significant numbers but less than 25 percent in another forty-seven countries.

In contrast to Westerners, who are not able even to maintain their present numbers (today, only Poland, Ireland, Malta, and Israel have naturally growing populations), Muslims revel in some of the most robust birth rates in the world. According to a study by John R. Weeks, countries with large numbers of Muslims have a crude birth rate of 42 per thousand; by contrast, the developed countries have a crude birth rate of just 13 per thousand. Translated into the total fertility rate, this means 6 children per Muslim woman, 1.7 per woman in the developed countries. The average rate of natural increase in the Muslim countries is 2.8 percent annually; in the developed world, it is a mere 0.3 percent.

These higher rates apply in almost every Muslim country from North Africa to Southeast Asia, as well as within the confines of a single country. Take the former Soviet Union: Muslims there sustained a birth rate fully five times that of the non-Muslims. While Muslims constituted only 16 percent of the Soviet population, they accounted for 49 percent of the population increase between 1979 and 1989.

Some see in this demographic imbalance the single greatest challenge to Western civilization. Patrick Buchanan sums up these fears with his customary panache:
For a millennium, the struggle for mankind’s destiny was between Christianity and Islam; in the 21st century, it may be so again…. We may find in the coming century that… cultural conservative T. S. Eliot was right, when the old Christian gentleman wrote in « The Hollow Men, » that the West would end, « Not with a bang but a whimper »-perhaps the whimper of a Moslem child in its cradle.
High Muslim birth rates already drive politics in the two non-Muslim states of the Middle East. Christians lost control of Lebanon after Muslims became a majority there. The challenge of maintaining a Jewish majority lies near the heart of the Israeli political debate; the local Muslim population keeps up a fertility rate of no less than 6.6 children per woman (1981 estimate). Comparable political tensions have arisen on the fringes of the Middle East-in Ethiopia, Cyprus, Armenia, and Serbia-as the minority Muslim population climbs toward either political power or majority status.

Of course, the situation is very different in the West, but there too Muslim populations are growing. Muslims total 2-3 million in the United States and about 11 million in West Europe. Over 3 million Muslims live in France, about 2 million in West Germany, 1 million in the United Kingdom, and almost a million in Italy. Half a million Muslims live in Belgium. Almost five centuries after the fall of Granada, Spain now hosts 200,000 Muslims. Muslims outnumber Jews and have become the second largest religious community in most West European countries. In France, Muslims outnumber all non-Catholics combined, including both Protestants and Jews. In the United States, Muslims already number as many as Episcopalians; they should become the second largest religious community in about ten years.

Further, the Muslim birthrate far exceeds that of native Europeans and Americans, so that one-fifth of all children born in France have a father from North Africa and Muhammad is one of the most common given names in the United Kingdom. Estimates point to the Muslim population of West Europe reaching twenty to twenty-five million by the year 2000.

Muslim densities are particularly notable in some cities. London is home to a million Muslims and West Berlin to some 300,000. They make up ten percent of the population in Birmingham, the second largest city of Great Britain; in Bradford (where protests against The Satanic Verses picked up steam), they constitute fourteen percent of the population. They make up one-quarter of the population in Brussels, Saint-Denis (a suburb of Paris), and Dearborn, Michigan.

Responding to Immigration

Fears of a Muslim influx have more substance than the worry about jihad. West European societies are unprepared for the massive immigration of brown-skinned peoples cooking strange foods and not exactly maintaining Germanic standards of hygiene.* Muslim immigrants bring with them a chauvinism that augurs badly for their integration into the mainstream of the European societies. The signs all point to continued clashes between the two sides; in all likelihood, the Rushdie affair was merely a prelude to further troubles; already it has spawned a Muslim political party in Great Britain. Put differently, Iranian zealots threaten more within the gates of Vienna than outside them.

Still, none of this amounts to Richard Condon’s notion of « another terrible threat » in any way resembling the Soviet danger. Muslim immigrants will probably not change the face of European life: pubs will not close down, secularist principles will not wither, freedom of speech is not likely to be abrogated. The movement of Muslims to Western Europe creates a great number of painful but finite challenges; there is no reason, however, to see this event leading to a cataclysmic battle between two civilizations. If handled properly, the immigrants can even bring much of value, including new energy, to their host societies.

The United States faces less of a problem, thanks to a long tradition of immigration and the healthy attitudes that go with it. Being an American depends far less on ancestry than on shared values, and this encourages enfranchisement. Meritocratic ethics and an open educational system do much to integrate the next generation. Should fundamentalist Muslims move to the United States and choose to remain outside the mainstream culture, that too can be accommodated, as made clear by the Amish Mennonites in Pennsylvania or the Hasidic Jews in New York City.

There is a final point. The prediction that Communists will be replaced by Muslims as the main threat suggests that ideological divisions will give way to communitarian ones. And this conforms to Francis Fukuyama’s thesis about the end of history-where the « end of history » means not that time when literally nothing happens but (as befits a term coined by the philosopher Hegel) a time of no further advancement in the understanding of the human condition; that is, the moment when no new ideologies can be devised. If history in this sense should end, what one thinks will lose importance; who one is becomes key.

But Fukuyama’s prediction seems most improbable. A great and bloody argument over the human condition has been the driving force of history for two centuries, from the French Revolution to the Nicaraguan civil war. Can this deeply divisive intellectual dispute entirely burn itself out, to be replaced by the atavistic hostilities prevailing before 1789? That prospect seems too far-fetched to be taken seriously.

Returning to the issue of Muslims and the West, my skepticism about the end of ideology leads me to the following conclusion: Future relations of Muslims and Westerners depend less on crude numbers or place of residence, and much more on beliefs, skills, and institutions. The critical question is whether Muslims will modernize or not. And the answer lies not in the Qur’an or in the Islamic religion, but in the attitudes and actions of nearly a billion individuals.

Should Muslims fail to modernize, their stubborn record of illiteracy, poverty, intolerance, and autocracy will continue, and perhaps worsen. The sort of military crisis that Saddam Husayn provoked might well become yet more acute. But if Muslims do modernize, there is a reason to hope. In this case, they will have a good chance to become literate, affluent, and politically stable. They will no longer need to train terrorists or target missiles against the West; to emigrate to Europe and America; or to resist integration within Western societies.

_________________

* This sentence has over the years attracted considerable attention. My goal in this article (available at http://www.danielpipes.org/article/198) was to characterize the thinking of Western Europeans, not give my own views. In retrospect, I should either have put the words « brown-skinned peoples » and « strange foods » in quotation marks or made it clearer that I was explaining European attitudes rather than my own. By way of example of those attitudes, here are some quotations from top French politicians from that era.

Jacques Chirac, then president of RPR (Republican Party) and mayor of Paris, July 1983: « Le seuil de tolérance [de l’immigration] est dépassé dans certains quartiers et cela risque de provoquer des réactions de racisme. »

François Mitterrand, president of France, December 12, 1989: « Le seuil de tolérance [de l’immigration] a été atteint dès les années 70 où il y avait déjà 4,1 à 4,2 millions d’étrangers. … Autant que possible, il ne faut pas dépasser ce chiffre, mais on s’y tient depuis des années et des années. »

Jacques Chirac, June 19, 1991: « Notre problème, ce n’est pas les étrangers, c’est qu’il y a overdose. C’est peut-être vrai qu’il n’y a pas plus d’étrangers qu’avant la guerre, mais ce n’est pas les mêmes et ça fait une différence. Il est certain que d’avoir des Espagnols, des Polonais et des Portugais travaillant chez nous, ça pose moins de problèmes que d’avoir des musulmans et des Noirs […] Comment voulez-vous que le travailleur français qui travaille avec sa femme et qui, ensemble, gagnent environ 15000 francs, et qui voit sur le palier à côté de son HLM, entassée, une famille avec un père de famille, trois ou quatre épouses, et une vingtaine de gosses, et qui gagne 50000 francs de prestations sociales, sans naturellement travailler… si vous ajoutez le bruit et l’odeur, hé bien le travailleur français sur le palier devient fou. Et ce n’est pas être raciste que de dire cela. »

Translated into English: « Our problem is not foreigners, it’s that there is an overdose. It may be true that there are not more foreigners [now] than before the [Second World] War, but they are not the same ones, and that makes a difference. It is certain that having Spanish, Polish, and Portuguese working here with us creates fewer problems than having Muslims and Blacks. … How do you want the French worker, who along with his wife earns altogether about 15,000 francs [a month], and who sees across the landing a family with a father, his three-four wives, and twenty or so kids, and which receives 50,000 francs from welfare, of course without working. … If you add to this the noise and smell, well the French worker goes crazy. And it is not racist to say this. »

Valery Giscard d’Estaing, former president of France, September 21, 1991: « Bien que dans cette matière sensible il faille manipuler les mots avec précaution, en raison de la charge émotionnelle ou historique qu’ils portent, le type de problème auquel nous aurons à faire face se déplace de celui de l’immigration vers celui de l’invasion. »

More quotations can be found at http://lmsi.net/article.php3?id_article=81 and http://wwwassos.utc.fr/~plaider/calimero/22/mots_a_maux.html

Voir enfin:

the Muslim uproar has a goal: to prohibit criticism of Islam by Christians and thereby to impose Shariah norms on the West. Should Westerners accept this central tenet of Islamic law, others will surely follow. Retaining free speech about Islam, therefore, represents a critical defense against the imposition of an Islamic order.

The West Should Be Free To Criticize Islam

Daniel Pipes
New York Sun
September 19, 2006

« Show me just what Muhammad brought that was new, and there you will find things only evil and inhuman, such as his command to spread by the sword the faith he preached. »

These words, expressed six centuries ago by a Byzantine emperor, Manuel II Paleologus, in dialogue with an Iranian scholar, spur three reflections.

Pope Benedict XVI
Pope Benedict XVI offered the above quote, neither endorsing nor condemning it, in his academic speech, « Faith, Reason and the University: Memories and Reflections, » delivered in German last week in Germany. It served to introduce his erudite critique of the Western concept of reason since the Enlightenment.

But did he have other purposes? The head of the Benedictine order, Abbot Notker Wolf, understood the pope’s quote as « a blatant allusion to [Iran’s President Mahmoud] Ahmadinejad. » Vatican insiders told the London Sunday Times that Benedict « was trying to pre-empt an aggressive letter aimed at the papacy by the president of Iran, which was why he cited the debate involving a Persian. »

First reflection: Benedict has offered elusive comments, brief statements, and now this delphic quotation, but he has not provided a much-needed major statement on this vital topic of Islam. One hopes it is in the offing.

Whatever the pope’s purpose, he prompted the near-predictable furor in the Muslim world. Religious and political authorities widely condemned the speech, with some calling for violence.
• In Britain, while leading a rally outside Westminster Cathedral, Anjem Choudary of Al-Ghurabaa called for the pope « to be subject to capital punishment. »
• In Iraq, the Mujahideen’s Army threatened to « smash the crosses in the house of the dog from Rome » and other groups made blood-curdling threats.
• In Kuwait, an important website called for violent retribution against Catholics.
• In Somalia, the religious leader Abubukar Hassan Malin urged Muslims to « hunt down » the pope and kill him « on the spot. »
• In India, a leading imam, Syed Ahmed Bukhari, called on Muslims to « respond in a manner which forces the pope to apologise. »
• A top Al-Qaeda figure announced that « the infidelity and tyranny of the pope will only be stopped by a major attack. »

The Vatican responded by establishing an extraordinary and unprecedented security cordon around the pope. Further away, the incitement spurred some violence, with more likely on the way. Seven churches were attacked in the West Bank and Gaza, one in Basra, Iraq (prompting this ironic headline at the « RedState » blog: « Pope implies Islam a violent religion … Muslims bomb churches »). The murder of an Italian nun in Somalia and two Assyrians in Iraq also appear connected.

Second reflection: this new round of Muslim outrage, violence, and murder has a by-now routine quality. Earlier versions occurred in 1989 (in response to Salman Rushdie’s novel, The Satanic Verses), 1997 (when the U.S. Supreme Court did not take down a representation of Muhammad), 2002 (when Jerry Falwell called Muhammad a terrorist), 2005 (the fraudulent Koran-flushing episode), and February 2006 (the Danish cartoon incident).

Vatican leaders tried to defuse the pope’s quote, as well as his condemnation of jihad (holy war). The papal spokesman, Federico Lombardi, S.J., said Benedict did not intend to give « an interpretation of Islam as violent. … inside Islam there are many different positions and there are many positions that are not violent. » Cardinal Tarcisio Bertone, the secretary of state, indicated that the pope « sincerely regrets that certain passages of his address could have sounded offensive to the sensitivities of the Muslim faithful. »

Then, in what may be an unprecedented step by a pope, Benedict himself proffered the sort of semi-apology often favored by those feeling the heat. « I am deeply sorry for the reactions in some countries to a few passages of my address, » reads the official Vatican translation into English, « which were considered offensive to the sensibility of Muslims. These in fact were a quotation from a medieval text, which do not in any way express my personal thought. »

In the Italian original, however, Benedict says only sono rammaricato, which translates as « I am disappointed » or « I regret. »

Third reflection: the Muslim uproar has a goal: to prohibit criticism of Islam by Christians and thereby to impose Shariah norms on the West. Should Westerners accept this central tenet of Islamic law, others will surely follow. Retaining free speech about Islam, therefore, represents a critical defense against the imposition of an Islamic order.


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