On ne peut comprendre la vie qu’en regardant en arrière; on ne peut la vivre qu’en regardant en avant. Søren Kierkegaard
S’il a fallu repenser de fond en comble la sociologie des intellectuels, c’est que, du fait de l’importance des intérêts en jeu et des investissements consentis, il est suprêmement difficile, pour un intellectuel, d’échapper à la logique de la lutte dans laquelle chacun se fait volontiers le sociologue — au sens le plus brutalement sociologiste — de ses adversaires, en même temps que son propre idéologue, selon la loi des cécités et des lucidités croisées qui règle toutes les luttes sociales pour la vérité. Pierre Bourdieu
Presque aucun des fidèles ne se retenait de s’esclaffer, et ils avaient l’air d’une bande d’anthropophages chez qui une blessure faite à un blanc a réveillé le goût du sang. Car l’instinct d’imitation et l’absence de courage gouvernent les sociétés comme les foules. Et tout le monde rit de quelqu’un dont on voit se moquer, quitte à le vénérer dix ans plus tard dans un cercle où il est admiré. C’est de la même façon que le peuple chasse ou acclame les rois. Marcel Proust
Pour qu’il y ait cette unanimité dans les deux sens, un mimétisme de foule doit chaque fois jouer. Les membres de la communauté s’influencent réciproquement, ils s’imitent les uns les autres dans l’adulation fanatique puis dans l’hostilité plus fanatique encore. René Girard
Même le renoncement au mimétisme violent ne peut pas se répandre sans se transformer en mécanisme social, en mimétisme aveugle. Il y a une lapidation à l’envers symétrique de la lapidation à l’endroit non dénuée de violence, elle aussi. C’est ce que montrent bien les parodies de notre temps. Tous ceux qui auraient jeté des pierres s’il s’était trouvé quelqu’un pour jeter la première sont mimétiquement amenés à n’en pas jeter. Pour la plupart d’entre eux, la vraie raison de la non-violence n’est pas la dure réflexion sur soi, le renoncement à la violence : c’est le mimétisme, comme d’habitude. Il y a toujours emballement mimétique dans une direction ou dans une autre. En s’engouffrant dans la direction déjà choisie par les premiers, les « mimic men » se félicitent de leur esprit de décision et de liberté. Il ne faut pas se leurrer. Dans une société qui ne lapide plus les femmes adultères, beaucoup d’hommes n’ont pas vraiment changé. La violence est moindre, mieux dissimulée, mais structurellement identique à ce qu’elle a toujours été. Il n’y a pas sortie authentique du mimétisme, mais soumission mimétique à une culture qui prône cette sortie. Dans toute aventure sociale, quelle qu’en soit la nature, la part d’individualisme authentique est forcément minime mais pas inexistante. Il ne faut pas oublier surtout que le mimétisme qui épargne les victimes est infiniment supérieur objectivement, moralement, à celui qui les tue à coups de pierres. Il faut laisser les fausses équivalences à Nietzsche et aux esthétismes décadents. Le récit de la femme adultère nous fait voir que des comportements sociaux identiques dans leur forme et même jusqu’à un certain point dans leur fond, puisqu’ils sont tous mimétiques, peuvent néanmoins différer les uns des autres à l’infini. La part de mécanisme et de liberté qu’ils comportent est infiniment variable. Mais cette inépuisable diversité ne prouve rien en faveur du nihilisme cognitif ; elle ne prouve pas que les comportements sont incomparables et inconnaissables. Tout ce que nous avons besoin de connaître pour résister aux automatismes sociaux, aux contagions mimétiques galopantes, est accessible à la connaissance. René Girard
Il faut se souvenir que le nazisme s’est lui-même présenté comme une lutte contre la violence: c’est en se posant en victime du traité de Versailles que Hitler a gagné son pouvoir. Et le communisme lui aussi s’est présenté comme une défense des victimes. Désormais, c’est donc seulement au nom de la lutte contre la violence qu’on peut commettre la violence. René Girard
Je me souviens très bien de la remilitarisation de la Rhénanie en 1935. Si les Français étaient entrés en Allemagne, ils auraient pu changer le cours des événements : les Allemands étaient incapables de leur opposer la moindre résistance. Seulement Albert Sarraut [président du Conseil] et le gouvernement français seraient passés pour les salopards qui empêchaient le monde de revenir à la normale. Ils n’étaient pas assez forts moralement pour tenir le coup. Par la suite, on a beaucoup reproché à Sarraut sa passivité. Mais il était dans une situation inextricable. René Girard
Les moyens dits pacifiques ne sont pas toujours ni même nécessairement les meilleurs pour préserver une paix existante. On sait aujourd’hui que si les Français et les Anglais avaient eu une autre attitude lors de l’entrée des troupes allemandes dans la zone démilitarisée en 1935, on aurait peut-être réussi à faire tomber Hitler et ainsi empêché la guerre de 1939. Il y a également de fortes chances qu’une action offensive des Alliés les aurait fait passer pour coupables aux yeux de l’opinion mondiale. En général ; on ne connaît qu’après coup l’utilité d’une guerre préventive pour préserver la paix. Julien Freund
Un des grands problèmes de la Russie – et plus encore de la Chine – est que, contrairement aux camps de concentration hitlériens, les leurs n’ont jamais été libérés et qu’il n’y a eu aucun tribunal de Nuremberg pour juger les crimes commis. Thérèse Delpech (2005)
Les responsables c’est l’Otan qui n’a cessé de s’étendre, les Français, les Allemands, les Américains, qui n’ont pas fait respecter les accords de Minsk et qui n’ont cessé d’étendre l’Otan pour qu’elle soit autour de la Russie comme une sorte d’encerclement. Eric Zemmour
Je pense que tout a commencé au sommet de l’Otan de Bucarest en 2008, avec l’annonce que la Géorgie et l’Ukraine deviendraient membres de l’Otan. Les Russes ont indiqué à cette époque que cela constituerait pour eux une menace existentielle et qu’ils s’y opposeraient… Néanmoins les occidentaux ont continué de transformer l’Ukraine en bastion occidental à la frontière russe… L’expansion de l’Otan, et l’expansion de l’Union européenne, sont au coeur de cette stratégie, tout comme la volonté de faire de l’Ukraine une démocratie libérale pro-américaine, ce qui du point de vue russe est une menace existentielle. John Mearsheimer (université de Chicago)
L’Alliance atlantique, moribonde il y a quelques années, est redevenue incontournable et va accueillir probablement deux nouveaux membres, la Finlande et la Suède. L’ironie majeure de ce renforcement est que ces deux pays vont doubler la longueur des frontières russes partagées avec l’Otan, alors que c’est, entre autres, pour contrer l’encerclement supposé de son pays par les forces atlantiques que Poutine a déclenché sa guerre… Effet inverse de celui recherché ! Les Etats-Unis qui fournissent à l’Ukraine armes, équipements et entrainement ont fait, sur le terrain, par soldats ukrainiens interposés, la démonstration de la qualité de leur matériel et de leur efficacité militaire. Ils pourront continuer de vendre leurs armes et leur protection aux pays européens, ainsi même que leur gaz naturel, tandis que leur grand rival de la guerre froide se retrouve empêtré dans un conflit durable, isolé sur la scène internationale et ciblé par des sanctions économiques débilitantes à très long terme. Cette nouvelle réalité enrage d’ailleurs les zélés de l’anti-américanisme primaire qui se vengent comme ils peuvent en déversant leur haine de l’Amérique sur les ondes et les réseaux sociaux. Certains n’hésitent pas à prétendre que si l’Amérique sort première gagnante de ce conflit c’est bien sûr parce qu’elle avait tout manigancé à l’avance. Ce conflit serait le résultat d’une « manipulation » américaine ! Il aurait été « orchestré » par les Etats-Unis ! Le vrai responsable, à les croire, c’est le grand satan américain. Ainsi, Vladimir Poutine, l’ex-espion du KGB et du FSB, homme retors, froid et calculateur, se serait fait berner par Joe Biden, le vieux pantin démocrate gaffeur aux capacités cognitives incertaines… Ahurissante analyse qui rassemble dans un même camps les ennemis de l’Amérique, l’extrême gauche radicale, l’extrême droite nationaliste, et même des terroristes islamistes. Gérald Olivier
La série Occupied (Okkupert en norvégien) (…) production franco-suédo-norvégienne tend (…) un miroir bien sombre à l’Europe et à ses voisins sur leur futur proche. Les géopoliticiens savent désormais que la culture populaire en général et les séries télévisées en particulier illustrent et façonnent les représentations collectives qui jouent un rôle essentiel dans les relations internationales. (…) De même que Homeland a révélé aux Américains plusieurs aspects inconnus ou occultés de la « global war on terror », de même, Occupied, diffusée peu après l’annexion de la Crimée par la Russie, peut avoir un effet de révélation sur eux-mêmes pour les Européens. Mais une dystopie est bien souvent l’envers d’une utopie… ou une utopie qui a mal tourné. Occupied n’est ni un réquisitoire radical contre l’Europe ni une déploration sur le sort de la Norvège. L’épisode inaugural de la série donne le ton. Conçu par le romancier norvégien Jo Nesbo, il plonge en quelques minutes le téléspectateur dans le cauchemar de la guerre hybride. Voici les éléments essentiels de cette exposition magistrale : dans un futur proche, les États-Unis ont quitté l’Alliance atlantique et se murent dans l’isolationnisme, comme les premières minutes de l’épisode nous l’apprennent. Les éléments se sont conjurés contre le Royaume de Norvège : le réchauffement climatique vient de produire inondations dans le pays, comme le montrent les images du générique. Ces événements ont conduit à l’élection de Jesper Berg au poste de premier ministre sur un programme de transition énergétique radicale : arrêter complètement la production et l’exportation d’hydrocarbures qui alimentent l’Europe et font la richesse du royaume. L’objectif est de remplacer toutes les énergies fossiles par des centrales au thorium. Le décor géopolitique est planté : le futur de l’Europe est marqué par l’abandon d’États-Unis isolationnistes, par le retrait de l’OTAN et par une transition énergétique rendue drastique par les effets dévastateurs du réchauffement climatique. Les risques structurels inhérents à la présidence Trump constituent la donne géopolitique et géoéconomique de notre continent. Toutefois, l’Union ne reste pas longtemps dans un statut de victime passive : au moment où il inaugure la grande centrale au thorium, le premier ministre Berg est enlevé par des forces spéciales russes et reçoit, lors de cet enlèvement, un avertissement vidéo de la part du commissaire européen français : la Norvège doit reprendre la production et l’exportation d’hydrocarbures vers l’Europe, faute de quoi, l’Union demandera à la Russie d’intervenir militairement en Norvège pour rétablir la production. (…) les forces armées russes s’engagent dans une occupation graduelle, l’Union européenne utilise la menace russe comme instrument de chantage, la population civile norvégienne hésite entre collaboration pour réduire les dommages et résistance armée… la Norvège sombre dans la guerre civile et dans un conflit international. Les origines du cauchemar ne sont donc pas seulement exogènes à l’Europe : elles lui sont internes. C’est la soif de ressources naturelles de l’Europe qui la conduisent à fouler aux pieds le choix souverain des électeurs norvégiens et à sous-traiter la violence militaire envers le territoire du royaume. Victime du réchauffement climatique et de l’abandon américain, l’Europe est elle-même un prédateur écologique, politique et militaire. La dystopie révèle crûment les principaux chefs d’accusation brandis depuis des mois contre l’Europe : mépris pour les souverainetés nationales, politiques de voisinage cyniques, dépendance à l’égard des États-Unis, etc. (…) À première vue, l’Union européenne d’Occupied est la caricature qu’en présentent ses détracteurs. Le Commissaire européen incarné par Hippolyte Girardot a tous les vices imputés à la construction européenne : soumis à une Chancelière allemande dont le nom n’est jamais prononcé, il exécute tous ses ordres destinés à répondre aux besoins de l’industrie allemande ; indifférent au sort d’une démocratie voisine et partenaire, il soumet le premier ministre norvégien à un chantage permanent ; ne visant que l’accroissement de son pouvoir, il utilise la violence militaire russe pour soumettre un État souverain. (…) Technocratie hors sol et méprisante pour les souverainetés nationales et populaire, l’Union semble démasquée. Toutefois (…) le téléspectateur (…) peut découvrir une image inversée de l’Union actuelle où ses faiblesses chroniques ont trouvé leur remède. Régulièrement accusée d’idéalisme, de pacifisme et de naïveté, notamment par Hubert Védrine, l’Union européenne apparaît dans la série comme prête et capable de défendre ses intérêts vitaux. Soucieuse de défendre ses capacités industrielles et ses lignes d’approvisionnement en matière première, l’Union met en œuvre les attributs de la puissance sur la scène internationale en exerçant une pression diplomatique sur ses partenaires et ses voisins. Prenant acte de l’abandon américain, elle se refuse à nourrir la chimère d’une Pax Americana et sous-traite son action extérieure à la seule puissance militaire disponible, la Russie. (…) La figure de la Russie est elle aussi présentée sous une forme apparemment caricaturale : puissance militaire sans égard pour la vie humaine, imperium en reconstruction, elle n’hésite pas à déclencher des opérations clandestines pour occuper les plates-formes pétrolières norvégiennes, traquer les opposants à l’occupation jusque dans les rues d’Oslo et faire disparaître les résistants. (…) Exécutrice des basses œuvres de l’Union européenne, prise dans une spirale impérialiste, la Russie d’Occupied est celle de la guerre dans le Donbass et de l’annexion de la Crimée. Plusieurs autorités publiques russes ont d’ailleurs protesté contre la série. En réalité, [l]es concepteurs de la série rappellent au public européen que Vladimir Poutine peut être perçu comme un centriste dans son propre pays. D’autre part, les forces d’occupation russes sont elles aussi prises dans la spirale et les dilemmes de l’occupation. Soit elles prennent entièrement la maîtrise de la Norvège mais suscitent un rejet complet et manquent leur objectif. Soit elles respectent a minima les institutions du pays et elles risquent d’apparaître comme faibles. Dans la série comme dans la réalité, l’action extérieure de la Russie paraît aventureuse. Loin de la stratégie mondiale qu’on lui prête. La russophobie attribuée à Occupied pourrait bien se révéler plus complexe que prévu : moins qu’un empire en reconstitution, la Russie apparaît comme une puissance fragile, opportuniste et subordonnée aux latitudes laissées par l’Union européenne. (…) Occupied apparaît comme un cauchemar norvégien : longtemps en conflit avec la Russie pour la délimitation de sa zone économique exclusive dans le Grand Nord, poste avancé de l’OTAN durant toute la guerre froide malgré une tradition de neutralisme et de pacifisme, cible d’incursions navales et aériennes, ce pays de 5 millions d’habitants se sait dépendant de l’extérieur pour assurer sa sécurité. Occupied le présente comme une victime de son environnement naturel et politique. Sans le soutien des États-Unis et de l’Union, la Norvège se considère elle-même comme une Ukraine aisément la proie des impérialismes environnants. La série est en réalité bien plus critique envers le royaume nordique que le téléspectateur français ne pourrait le penser. (…) La série pointe la naïveté de cette démocratie opulente et exemplaire. On peut même percevoir dans la mise en scène du personnel politique norvégien une certaine mauvaise conscience : forts de leurs convictions écologiques, assurés de leur prospérité économique et confiants dans les règles de droit, ils négligent l’alliance avec l’Union. Le pays a en effet refusé à deux reprises d’adhérer à l’Union européenne, en 1972 et 1994. Soucieux de préserver tout à la fois le modèle de protection sociale, sa souveraineté nationale et son alliance avec les États-Unis, la Norvège est dans une situation précaire à l’égard de l’Europe : la solidarité ne peut pleinement s’exercer pour un État partenaire mais non membre. La Norvège d’Occupied, victime idéale, ne paie-t-elle pas les conséquences de son refus de l’Europe ? Cyrielle Bret
La collection « 20 H 55 le jeudi » (auparavant « 20 H 55 le dimanche »), initiée avec des films sur Ben Laden et sur le Vatican, propose des biopics documentés de personnages d’envergure exceptionnelle dont l’histoire épouse celle d’un pays, d’une région, du monde… Vladimir Poutine entre tout naturellement dans cette catégorie. C’est sans conteste un des hommes les plus puissants de la planète. À cela s’ajoute une dimension indéniablement romanesque. Lui consacrer un film permettait de mêler deux enjeux : raconter un pan de l’histoire contemporaine – l’URSS post-stalinienne, l’effondrement du communisme, la réorganisation de la Russie dans les années 90, le fonctionnement du pouvoir, ses coulisses – tout en racontant une trajectoire individuelle fascinante, celle d’un fils d’ouvriers pauvres, sauvé de la délinquance par une de ses institutrices et devenu officier du KGB, le parcours d’un homme de l’ombre qui, lorsqu’il accède au pouvoir, est vu par beaucoup comme une marionnette et qui, au terme d’une ascension fulgurante, concentre entre ses mains un pouvoir immense. L’histoire personnelle de cet homme en dit long sur la Russie d’hier et d’aujourd’hui, sur son rapport à la vie, à la mort, à la dureté et parfois à la cruauté. Et puis, elle nous permet de plonger dans un monde de coulisses, de complots, de manigances, de corruption, de mélange des genres… (…) Nous avons fait une demande de visa et d’autorisation de tournage. Il nous a fallu expliquer aux autorités russes quel était notre projet, en restant suffisamment vagues mais en présentant néanmoins une liste de personnes à interviewer la plus équilibrée possible. Ce n’était pas si difficile puisque notre film ne se veut ni à charge ni à décharge. Nous ne demandions pas aux gens de s’exprimer pour ou contre Poutine, même s’il y a forcément des personnes qui appartiennent à un camp ou à l’autre, voire qui affichent clairement leurs affinités ou inimitiés. Quoi qu’il en soit, on ne nous a pas fait de difficultés. Vous savez, les Russes, on est avec eux ou contre eux. C’est ainsi qu’ils voient les choses. Si nous étions allés enquêter sur des questions très précises, des sujets qui fâchent, la fortune cachée de Poutine, tel ou tel de ses amis, sa famille, les attentats de 1999 qui ont contribué à sa prise du pouvoir, etc., nous aurions eu des soucis, c’est certain. Mais notre démarche a été jugée suffisamment générale et équilibrée, sans doute. Les véritables difficultés sont souvent ailleurs, en fait. Dans la nécessité de faire le tri entre les points de vue, les thèses, les témoignages, la propagande… La notion de vérité est très complexe dans ce pays. Dans les propos des témoins de la jeunesse de Poutine, il y a sans doute pas mal de choses vraies. Mais leur récit cadre aussi très bien avec l’image que Poutine lui-même veut donner, celle d’un homme du peuple. Il est très rare de rencontrer quelqu’un qui dise la vérité ou qui ne dise que la vérité. (…) C’est le mode d’écriture et la grammaire visuelle propres à Magneto Presse et plus particulièrement à cette collection. Des interviews posées – avec quelques principes de réalisation, comme ces photos projetées qui évoquent le personnage –, des archives retravaillées et enfin des séquences d’évocation. Ainsi, pour l’enfance et la jeunesse de Poutine, qui sont évidemment peu ou pas du tout documentées en images, nous avons recréé en studio l’appartement communautaire où il a grandi, ses cours au KGB, son séjour en Allemagne de l’Est en utilisant des « sosies de dos » ou des « sosies flous ». Ces moments qui jouent des codes de la fiction – et qui sont filmés comme tels, avec assistant réalisateur, chef op’, équipe technique, figurants, etc. – donnent une puissance extraordinaire au récit en conviant tout un imaginaire de thriller, d’espionnage, de complots, etc. (…) Faire passer aux téléspectateurs un bon moment en leur apprenant des choses. Pour le reste, chacun se fera ou tentera de se faire sa propre opinion. Il y a des gens pour qui la fin justifie les moyens, ou plutôt pour qui des fins exceptionnelles justifient certains moyens hors normes, y compris par leur violence. Nous donnons cependant des pistes pour dépasser et remettre en question cette image de quasi-smicard incorruptible restaurant la fierté d’un peuple que véhicule la propagande. Elle est très éloignée de la véritable nature du pouvoir de cet homme. Ceux qui ont peur trouveront peut-être de quoi nourrir leur peur. Mais aussi de la relativiser. Il est vrai que Poutine concentre entre ses mains plus de force qu’aucun autre chef d’État car son pouvoir souffre peu de médiation. Mais la force de son pays est moindre qu’on veut bien le dire. Elle repose sur une économie à base d’hydrocarbures (c’est dire si elle est peu armée pour l’avenir), des têtes nucléaires, un siège à l’ONU, l’utilisation habile et opportuniste des faiblesses des autres… L’homme le plus puissant du monde est à la tête d’une puissance, pas d’une superpuissance. Christophe Widemann
As journalism, this is scattershot at best, but as a conversation that covers a vast span of Russian history, culture, and politics as refracted through the mind of Russia’s president – it’s often remarkable. Putin has a lot to say. Stone lets him say it. While the many points he makes are impossible to summarize here, Putin’s motives for this interview are not: He emerges as an intelligent, sane, reasonable leader caught in the vortex of an occasionally feckless, often contradictory superpower called the United States. Touché. Gay Verne (Newsday, June 12, 2017)
I can tell you this, that as head of state today, I believe it’s my duty to uphold traditional values and family values. But why? Because same-sex marriages will not produce any children. God has decided, and we have to care about birth rates in our country. We have to reinforce families. But that doesn’t mean that there should be any persecutions against anyone. (…)There is no longer an Eastern Bloc, no more Soviet Union. Therefore, why does NATO keep existing? My impression is that in order to justify its existence, NATO has a need of an external foe, there is a constant search for the foe, or some acts of provocation to name someone as an adversary. Nowadays, NATO is a mere instrument of foreign policy of the U.S. It has no allies, it has only vassals. Once a country becomes a NATO member, it is hard to resist the pressures of the U.S. And all of a sudden any weapon system can be placed in this country. An anti-ballistic missile system, new military bases, and if need be, new offensive systems. And what are we supposed to do? In this case we have to take countermeasures. We have to aim our missile systems at facilities that are threatening us. The situation becomes more tense. Why are we so acutely responding to the expansion of NATO? Well, as a matter of fact, we understand the value or lack thereof, and the threat of this organization. But what we’re concerned about is the following: We are concerned by the practice of how decisions are taken. I know how decisions are taken there. (…) Unlike many partners of ours, we never interfere within the domestic affairs of other countries. That is one of the principles we stick to in our work. Vladimir Putin
Oliver Stone, a revisionist history buff who’s spent the past few decades cozying up to dictators like Fidel Castro, Hugo Chavez, and Putin (…) in addition to qualifying Hitler and claiming the Jews run the media, Stone helmed the 2014 documentary Ukraine on Fire—a bizarre slice of Kremlin propaganda alleging that the CIA orchestrated the 2014 Ukrainian revolution (based on scant evidence), and featuring cameos from Viktor Yanukovych and Putin. If that weren’t enough, in September, the JFK filmmaker posited that the Democratic National Committee hack was an inside job and not, as 17 U.S. intelligence agencies concluded, the work of Russian agents. Stone’s The Putin Interviews, a new four-part series debuting on Showtime on June 12, should thus be viewed as nothing short of hero worship (…) The Putin Interviews, a documentary comprised of conversations with the Russian president that took place between July 2015 and February 2017, is clearly intended to humanize Putin and demonize America. (…) Stone not only fails to challenge Putin, but essentially cedes him the floor, allowing the cunning ex-KGB operative to spin more than the president’s toupee in a tornado. Putin denies Russia was the aggressor in virtually every global conflict, including the invasions of Georgia and Ukraine. He champions Russia’s economy over that of the U.S., despite his GDP being a little more than half that of California’s. He even blames the Cuban Missile Crisis on the U.S. (…) The lion’s share of The Putin Interviews’ B-roll consists of news clips from RT, the propaganda arm of the Kremlin, and pro-Russia graphics. (…) Stone suggests that Putin could influence the U.S. election by endorsing a candidate, thereby causing his or her popularity to plummet. “Unlike many partners of ours, we never interfere within the domestic affairs of other countries,” replies Putin, smiling wide. “That is one of the principles we stick to in our work.” The Putin Interviews offer, first and foremost, a staggering display of mendacity on the part of both interviewer and interviewee. During a back and forth aboard his jet, Putin claims to have in his possession a letter from the CIA admitting that they provided technical support to the Chechens—including terrorist organizations—during the Second Chechen War. When Stone requests that he provide the letter, Putin responds, “I don’t think it would be appropriate. My words are enough.” For Oliver Stone, they most certainly are. Marlow Stern
Oliver Stone filme Vladimir Poutine, lui donne la parole, comme s’il était un parfait inconnu. Ne connaissant rien à la Russie, le réalisateur américain est incapable de lui apporter la contradiction, ni même de saisir les perches lancées par Poutine, que ce soit sur l’Otan, les oligarques, la Tchétchénie, les pays voisins. Il n’approfondit jamais les thèmes abordés. Stone se montre tellement inculte que, par contraste, Poutine apparaît modéré, plus fin, plus intelligent -ce qu’il est sans aucun doute. « Vous avez amélioré les salaires… stoppé les privatisations ». « Non, je n’ai pas arrêté les privatisations », le corrige Poutine. Au cours de l’exercice, Poutine ment de nombreuses fois, mais à plusieurs reprises, les mensonges ne sortent même pas de sa bouche. Il se contente d’enchaîner sur les affirmations du cinéaste. Les compliments de Stone sur les avancées économiques dues au président reprennent sans recul la propagande du Kremlin. Il est vrai que le niveau de vie a augmenté entre 2000 et 2008, mais selon les économistes russes, c’est presque entièrement attribuable à la hausse des prix du baril. Un journal russe a d’ailleurs publié un article livrant 20 exemples de la façon dont Poutine a trompé Oliver Stone, après la sortie de ce film. Il montre notamment que Poutine semble ignorer que les fonds de réserve gouvernementaux sont inclus dans les fonds de réserve de la Banque centrale, sans être contredit par Stone. (…) Donner la parole à Vladimir Poutine est tout à fait légitime. A condition qu’en face on lui apporte la contradiction. Ce que dit le président russe tout au long de ce film n’a rien de nouveau. On le retrouve intégralement sur RT et Sputnik [les chaines de propagande du Kremlin]. Ce n’est pas un documentaire. C’est un clip publicitaire. Il est surprenant qu’une chaîne publique consacre autant de temps à un tel objet. (…) D’un bout à l’autre, la complaisance et la vacuité des échanges sont consternants. Cette façon de montrer le président avec son cheval ou faisant du sport… La naïveté de Stone est même parfois drôle. Il découvre étonné que les fidèles ne s’assoient pas dans les églises orthodoxes, avant d’embrayer sur le rôle de l’orthodoxie en Russie. Le décalage entre son ignorance et la question centrale de la religion dans la société russe est troublante. Son ingénuité l’amène à dérouler sans complexe le discours du Kremlin. Par exemple sur la promesse de non-élargissement de l’Otan que les Occidentaux auraient faite à Mikhaïl Gorbatchev à la chute de l’URSS. Gorbatchev lui-même a démenti que de telles promesses lui avaient été faites. Là encore, Poutine est plus subtil que Stone. Il soutient que cette promesse a été donnée par oral, non par écrit. Impossible à vérifier, donc. Et à aucun moment Stone ne s’interroge sur la raison pour laquelle les pays de l’ex-bloc soviétique ont voulu rejoindre l’Otan. Pourquoi l’opinion ukrainienne qui était, il y a quelques années encore, hostile à l’entrée dans l’Alliance atlantique y est favorable, depuis la guerre dans l’est de son territoire? (…) Le documentaire ne pêche pas seulement par ce qu’il affirme, mais aussi par ce qu’il élude… Les exemples ne manquent pas. Aucune question sur sa fortune personnelle, sur les fastes du gouvernement. Il n’aborde pratiquement pas la société russe, à l’exception de l’homosexualité. Aucune mention de l’effondrement du système médical, de l’éducation. Rien sur les grands-mères à qui le gouvernement refuse que leurs retraites soient indexées sur le taux de l’inflation… Le réalisateur ne l’interroge pas non plus sur ce qu’a fait Poutine entre 1991 (la chute de l’URSS) et 1996″, moment où il entre au Kremlin. Ni sur son attitude au moment du putsch d’août 1991 contre Gorbatchev. Rapidement évoquées, la question des oligarques et celle de la privatisation de l’économie russe dans les années 1990, auraient mérité d’être creusées. Stone se contente d’étaler la vision du maître du Kremlin. Rien sur les véritables raisons pour lesquelles certains oligarques ont été adoubés et d’autres jetés derrière les barreaux. La stigmatisation de Mikhaïl Khodorkovski, qui a passé dix ans en prison m’a particulièrement choquée. Stone ne se contente pas de servir la soupe à Poutine, il se fait complice de la persécution de cet homme. Cécile Vaissié
En Italie, aujourd’hui, être un Russe est considéré une faute. Et apparemment, même être un Russe décédé, qui de plus a été condamné à mort en 1849 pour avoir lu une chose interdite. Ce qui est en train d’arriver en Ukraine est une chose horrible qui me donne envie de pleurer, mais ces réactions sont ridicules. Quand j’ai lu ce mail de l’université, je ne pouvais pas y croire. Paolo Nori
Quand on censure des médias, c’est qu’on est en guerre, mais on n’est pas en guerre et il va y avoir une réciprocité des Russes. Vladimir Poutine va frapper nos médias. Nous avions un média très puissant en Russie, France 24, qui touche à peu près 28,2% de l’espace d’information russe, qui est multilingue, français et anglais. Fragiliser ça pour un petit média comme RT, qui avait très peu d’audience en France, est ridicule. Fabrice D’Almeida (historien et vice-président de l’Université Panthéon-Assas)
Le respect de l’accord de Minsk signifie la destruction du pays. Quand ils ont été signés sous le canon du pistolet russe – et le regard des Allemands et des Français – il était déjà clair pour toutes les personnes rationnelles qu’il était impossible d’appliquer ces documents. (…) S’ils insistent sur le respect des accords de Minsk tels qu’ils sont, ce sera très dangereux pour notre pays. Si la société n’accepte pas ces accords, cela pourrait conduire à une situation interne très difficile et la Russie compte là-dessus. (…) Personne n’a le droit de nous dicter si nous devons ou non rejoindre des alliances. C’est le droit souverain de notre peuple. (…) Malheureusement, [les Allemands] ne se sont pas excusés d’avoir tué des millions de nos concitoyens. Ils s’excusent auprès des Russes comme si nous étions un seul pays. Ils ne devraient pas parler de démocratie et puis dire qu’ils soutiennent des régimes autoritaires et s’associent à eux. Oleksiy Danilov (chef de la sécurité ukrainienne, 31 janvier 2022)
Sans l’Ukraine, la Russie cesse d’être un empire (…) Pour Moscou, en revanche, rétablir le contrôle sur l’Ukraine ― un pays de cinquante-deux millions d’habitants doté de ressources nombreuses et d’un accès à la mer Noire –, c’est s’assurer les moyens de redevenir un État impérial puissant, s’étendant sur l’Europe et l’Asie. La fin de l’indépendance ukrainienne aurait des conséquences immédiates pour l’Europe centrale. (…) La Russie peut-elle, dans le même mouvement, être forte et démocratique ? Si elle accroît sa puissance, ne cherchera-t-elle pas à restaurer son domaine impérial ? Peut-elle prospérer en tant qu’empire et en tant que démocratie ? (…) Et la « réintégration » de l’Ukraine reste, à ce jour, une position de principe qui recueille le consensus de la classe politique. Le refus russe d’entériner le statut d’indépendance de l’Ukraine, pour des raisons historiques et politiques, se heurte frontalement aux vues américaines, selon lesquelles la Russie ne peut être à la fois impériale et démocratique. (…) D’autant que la Russie postsoviétique n’a accompli qu’une rupture partielle avec son passé. Presque tous ses dirigeants « démocratiques », bien que conscients du passif et sans illusions sur la valeur du système, en sont eux-mêmes le produit et y ont accompli leur carrière jusqu’au sommet de la hiérarchie. Ce n’étaient pas des anciens dissidents comme en Pologne ou en République tchèque. Les institutions clés du pouvoir soviétique ― même affaiblies et frappées par la démoralisation et la corruption ― n’ont pas disparu. À Moscou, sur la place Rouge, le mausolée de Lénine, toujours en place, symbolise cette résistance de l’ordre soviétique. Imaginons un instant une Allemagne gouvernée par d’anciens gauleiters nazis, se gargarisant de slogans démocratiques et entretenant le mausolée d’Hitler au centre de Berlin. Zbigniew Brzezinski (“Le Grand Echiquier”, 1997)
Imagine-t-on qu’après les accords de Münich, la France ait vendu des bombardiers à la Wehrmacht et qu’elle ait entrainé sur son sol les officiers du Reich ? Et pourtant nous avons construit des porte-hélicoptères Mistral pour la Russie quelques mois après l’amputation de la Géorgie, alors que le comportement de plus en agressif du Kremlin sautait aux yeux. Françoise Thom
Entre 2015 et 2020, malgré l’escalade militaire avec l’Ukraine, la France a discrètement équipé l’armée de Vladimir Poutine avec des technologies militaires dernier cri. Du matériel qui a contribué à moderniser les forces terrestres et aériennes de la Russie, et qui pourraient aujourd’hui être utilisées dans la guerre en Ukraine. D’après des documents « confidentiel-défense » obtenus par Disclose et des informations en sources ouvertes, la France a délivré au moins 76 licences d’exportation de matériel de guerre à la Russie depuis 2015. Montant total de ces contrats : 152 millions d’euros, comme l’indique le dernier rapport au Parlement sur les exportations d’armement, sans toutefois préciser le type de matériel livré. Selon notre enquête, ces exportations concernent essentiellement des caméras thermiques destinées à équiper plus de 1 000 tanks russes, ainsi que des systèmes de navigation et des détecteurs infrarouges pour les avions de chasse et les hélicoptères de combat de la force aérienne russe. Principaux bénéficiaires de ces marchés : les sociétés Thales et Safran, dont l’Etat français est le premier actionnaire. Pourtant, l’Union européenne impose depuis le 1er août 2014 un embargo sur les armes à destination de la Russie. Une décision qui fait suite à l’annexion de la Crimée, en février 2014, à l’auto proclamation des républiques séparatistes pro-russes de Louhansk et Donetsk deux mois plus tard, et au crash d’un Boeing 777 abattu par un missile russe en juillet de la même année. En 2015, sous pression de ses partenaires européens et des Etats-Unis, le président François Hollande avait fini par annuler la vente de deux navires Mistral à la Russie. Mais d’autres livraisons, moins visibles, vont se poursuivre. Les gouvernements de François Hollande puis d’Emmanuel Macron ont profité d’une brèche dans l’embargo européen : il n’est pas rétroactif. En clair, les livraisons liées à des contrats signés avant l’embargo peuvent être maintenues. Ce que confirme à Disclose la Commission européenne, en rappelant néanmoins que ces exportations sont censées respecter « la position commune de 2008 ». Celle-ci stipule que les Etats membres doivent refuser les exportations d’armement dès lors qu’elles peuvent provoquer ou prolonger un conflit armé. Un risque bien présent en Ukraine. Or, depuis 2014, ni François Hollande ni son successeur n’ont mis fin aux livraisons d’armement à la Russie. Un paradoxe, alors qu’Emmanuel Macron s’active depuis des années sur la scène internationale pour privilégier la voie diplomatique en Ukraine, plutôt que celle des armes. En 2007, Thales signe un premier contrat avec la Russie pour la vente de caméras thermiques baptisées « Catherine FC ». Puis un second, en 2012, pour l’exportation de 121 caméras « Catherine XP » – un autre modèle de la gamme – destinées à « l’armée de terre russe », comme l’indique une note de mai 2016 du Secrétariat général de la défense et de la sécurité nationale (SGDSN) que Disclose s’est procurée. Selon nos informations, 55 caméras Catherine XP ont encore été livrées à la Russie en 2019. Intégrée au système de visée d’un char d’assaut, la caméra Catherine permet de détecter des cibles humaines en pleine nuit ou de repérer un véhicule dans un rayon de dix kilomètres. L’avantage, selon la communication de Thales :« Etre le premier à ouvrir le feu. » (…) L’industrie de l’armement française équipe aussi l’armée de l’air russe. Sans qu’à aucun moment le gouvernement français ne se soit inquiété de moderniser la flotte des bombardiers de Poutine. Selon nos informations, depuis un contrat signé en 2014, avec des livraisons qui se sont étalées jusqu’en 2018, le groupe Thales a doté 60 avions de chasse Soukhoï SU-30 de son système de navigation TACAN, son écran vidéo SMD55S et son viseur dernier cri HUD. Ces avions de combat, qui ont déjà tué des dizaines de milliers de civils en Syrie, bombardent l’Ukraine nuit et jour depuis février. Des SU-30 ont ainsi été filmés en train de survoler la région de Soumy, au nord-est de l’Ukraine, ou à Mykolaïv et à Tchernihiv, le 5 mars, après avoir été abattus par la défense ukrainienne. Le géant de l’aéronautique a aussi livré son système de navigation TACAN pour équiper certains avions de chasse Mig-29 – à ce stade, nous n’avons pas été en mesure de documenter l’emploi de Mig-29 en Ukraine, ainsi qu’une vingtaine de casques Topowl, dotés d’écrans infrarouges et de jumelles destinés aux pilotes russes, selon le site russe Topwar. Les Mig-29 et les SU-30 sont également munis d’un système de navigation livré par Safran à partir de 2014 : le Sigma 95N. Cette technologie permet aux pilotes de l’armée de l’air russe de se localiser sans avoir recours aux satellites américains ou européens. (…) Pour traquer des cibles en pleine nuit, ces hélicoptères militaires peuvent aussi compter sur un système d’imagerie infrarouge produit par Safran, comme l’a révélé le site d’investigation EU observer, en 2015. Une société détenue par Thales et Safran a aussi profité de l’appétit militaire de Vladimir Poutine pour lui vendre des caméras infrarouges. La société Sofradir, c’est son nom, a signé un contrat de 5,2 millions d’euros avec la Russie, en octobre 2012. Quatre ans plus tard, d’après la note « confidentiel-défense » de la SGDSN citée plus haut, Sofradir devait encore livrer « 258 détecteurs infrarouges » à une société russe de défense. Contacté par Disclose, le groupe Safran assure respecter « scrupuleusement la réglementation française et européenne » et ne plus fournir « d’équipements, de composants, de soutien ou de prestations de maintenances à la Russie » depuis l’embargo européen de 2014. Thales n’a pas répondu à nos questions. Pas plus que le gouvernement, qui n’a réagi que plusieurs heures après la publication de l’enquête, sur Twitter. Le porte-parole du ministère des armées, Hervé Grandjean, reconnait que « la France a permis l’exécution de certains contrats passés depuis 2014 ». Il ajoute : « Aucune livraison n’a été effectuée à la Russie depuis le début de la guerre en Ukraine. » En décidant de poursuivre ces livraisons à la Russie au moins jusqu’en 2020, la France a donné un atout militaire de plus à Vladimir Poutine, dont l’armée est déjà en supériorité numérique face aux Ukrainiens. Un soutien embarrassant à celui que le ministre des affaires étrangères, Jean-Yves Le Drian, a qualifié, au déclenchement de la guerre, de « dictateur ». Disclose
La propagande russe présente la Russie comme un État menacé qui a besoin de toute urgence de « garanties de sécurité » de la part de l’Occident. (…) [Mais] il y a actuellement plus d’ogives nucléaires stockées en Russie que dans l’ensemble des trois États membres de l’OTAN dotés d’armes nucléaires : les États-Unis, le Royaume-Uni et la France. Moscou dispose d’un large éventail de vecteurs pour ses milliers d’armes nucléaires : des missiles balistiques intercontinentaux aux bombardiers de longue portée en passant par les sous-marins nucléaires. La Russie possède l’une des trois armées conventionnelles les plus puissantes du monde, ainsi qu’un droit de veto au Conseil de sécurité de l’ONU. La Fédération de Russie est donc l’un des États les plus protégés du monde sur le plan militaire. Le Kremlin utilise des troupes régulières et irrégulières, ainsi que le potentiel de sa menace nucléaire, pour mener diverses guerres et occuper de manière permanente plusieurs territoires dans les anciennes Républiques soviétiques. Non seulement en Europe orientale, mais aussi en Europe occidentale et sur d’autres continents, le Kremlin revendique sans complexe des droits spéciaux pour faire valoir ses intérêts sur le territoire d’États souverains. Contournant les règles, les traités et les organisations internationales, Moscou chasse des ennemis dans le monde entier. Le Kremlin tente de saper les processus électoraux, l’État de droit et la cohésion sociale dans des pays étrangers par des campagnes de propagande, des fake news et des attaques de pirates informatiques, entre autres. Ces agissements sont réalisés en partie en secret, mais dans le but évident d’entraver ou de discréditer la prise de décision démocratique dans les États pluralistes. Il s’agit en particulier de porter atteinte à l’intégrité politique et territoriale des États post-soviétiques en voie de démocratisation. En tant que première puissance économique d’Europe, l’Allemagne observe ces activités d’un œil critique, mais reste largement passive, depuis maintenant trois décennies. (…) En outre, la politique étrangère et la politique économique de Berlin ont contribué à l’affaiblissement politique et économique des pays d’Europe orientale non dotés d’armes nucléaires et au renforcement géo-économique d’une superpuissance nucléaire de plus en plus expansive. En 2008, l’Allemagne a joué un rôle central pour empêcher la Géorgie et l’Ukraine de rejoindre l’OTAN. (…) Pour les relations ukraino-russes déjà fragiles, la mise en service du premier gazoduc Nord Stream en 2011-2012, totalement superflu en termes énergétiques et économiques, a été une catastrophe. Rétrospectivement, cela semble avoir ouvert la voie à l’invasion de l’Ukraine par la Russie deux ans plus tard. Une grande partie de la capacité existante de transport de gaz entre la Sibérie et l’UE n’a pas été utilisée en 2021. Pourtant, la République fédérale se prépare maintenant à éliminer complètement le dernier levier économique de l’Ukraine sur la Russie avec l’ouverture du gazoduc Nord Stream 2 (…) L’attaque de Poutine contre l’Ukraine en 2014 apparaît comme une conséquence presque logique de la passivité politique allemande des vingt années précédentes vis-à-vis du néo-impérialisme russe. (…) Le Kremlin remet désormais aussi en question la souveraineté politique de pays comme la Suède et la Finlande. Il demande l’interdiction d’une éventuelle adhésion à l’OTAN non seulement pour les pays post-soviétiques mais aussi pour les pays scandinaves. Le Kremlin fait peur à toute l’Europe en lui promettant des réactions « militaro-techniques » au cas où l’OTAN ne répondrait pas « immédiatement », selon Poutine, aux exigences démesurées de la Russie visant à réviser l’ordre de sécurité européen. La Russie brandit la menace d’une escalade militaire si elle n’obtient pas de « garanties de sécurité », c’est-à-dire l’autorisation pour le Kremlin de suspendre le droit international en Europe. (…) Les crimes perpétrés par l’Allemagne nazie sur le territoire de l’actuelle Russie en 1941-1944 ne peuvent justifier l’attitude réservée de l’Allemagne d’aujourd’hui face au revanchisme et au nihilisme juridique international du Kremlin. Lettre ouverte de 73 experts allemands (Die Zeit, 14 janvier 2022)La propagande russe présente la Russie comme un État menacé qui a besoin de toute urgence de « garanties de sécurité » de la part de l’Occident. (…) [Mais] il y a actuellement plus d’ogives nucléaires stockées en Russie que dans l’ensemble des trois États membres de l’OTAN dotés d’armes nucléaires : les États-Unis, le Royaume-Uni et la France. Moscou dispose d’un large éventail de vecteurs pour ses milliers d’armes nucléaires : des missiles balistiques intercontinentaux aux bombardiers de longue portée en passant par les sous-marins nucléaires. La Russie possède l’une des trois armées conventionnelles les plus puissantes du monde, ainsi qu’un droit de veto au Conseil de sécurité de l’ONU. La Fédération de Russie est donc l’un des États les plus protégés du monde sur le plan militaire. Le Kremlin utilise des troupes régulières et irrégulières, ainsi que le potentiel de sa menace nucléaire, pour mener diverses guerres et occuper de manière permanente plusieurs territoires dans les anciennes Républiques soviétiques. Non seulement en Europe orientale, mais aussi en Europe occidentale et sur d’autres continents, le Kremlin revendique sans complexe des droits spéciaux pour faire valoir ses intérêts sur le territoire d’États souverains. Contournant les règles, les traités et les organisations internationales, Moscou chasse des ennemis dans le monde entier. Le Kremlin tente de saper les processus électoraux, l’État de droit et la cohésion sociale dans des pays étrangers par des campagnes de propagande, des fake news et des attaques de pirates informatiques, entre autres. Ces agissements sont réalisés en partie en secret, mais dans le but évident d’entraver ou de discréditer la prise de décision démocratique dans les États pluralistes. Il s’agit en particulier de porter atteinte à l’intégrité politique et territoriale des États post-soviétiques en voie de démocratisation. En tant que première puissance économique d’Europe, l’Allemagne observe ces activités d’un œil critique, mais reste largement passive, depuis maintenant trois décennies. (…) En outre, la politique étrangère et la politique économique de Berlin ont contribué à l’affaiblissement politique et économique des pays d’Europe orientale non dotés d’armes nucléaires et au renforcement géo-économique d’une superpuissance nucléaire de plus en plus expansive. En 2008, l’Allemagne a joué un rôle central pour empêcher la Géorgie et l’Ukraine de rejoindre l’OTAN. (…) Pour les relations ukraino-russes déjà fragiles, la mise en service du premier gazoduc Nord Stream en 2011-2012, totalement superflu en termes énergétiques et économiques, a été une catastrophe. Rétrospectivement, cela semble avoir ouvert la voie à l’invasion de l’Ukraine par la Russie deux ans plus tard. Une grande partie de la capacité existante de transport de gaz entre la Sibérie et l’UE n’a pas été utilisée en 2021. Pourtant, la République fédérale se prépare maintenant à éliminer complètement le dernier levier économique de l’Ukraine sur la Russie avec l’ouverture du gazoduc Nord Stream 2 (…) L’attaque de Poutine contre l’Ukraine en 2014 apparaît comme une conséquence presque logique de la passivité politique allemande des vingt années précédentes vis-à-vis du néo-impérialisme russe. (…) Le Kremlin remet désormais aussi en question la souveraineté politique de pays comme la Suède et la Finlande. Il demande l’interdiction d’une éventuelle adhésion à l’OTAN non seulement pour les pays post-soviétiques mais aussi pour les pays scandinaves. Le Kremlin fait peur à toute l’Europe en lui promettant des réactions « militaro-techniques » au cas où l’OTAN ne répondrait pas « immédiatement », selon Poutine, aux exigences démesurées de la Russie visant à réviser l’ordre de sécurité européen. La Russie brandit la menace d’une escalade militaire si elle n’obtient pas de « garanties de sécurité », c’est-à-dire l’autorisation pour le Kremlin de suspendre le droit international en Europe. (…) Les crimes perpétrés par l’Allemagne nazie sur le territoire de l’actuelle Russie en 1941-1944 ne peuvent justifier l’attitude réservée de l’Allemagne d’aujourd’hui face au revanchisme et au nihilisme juridique international du Kremlin. Lettre ouverte de 73 experts allemands (Die Zeit, 14 janvier 2022)
L’Otan du futur doit se concentrer sur le terrorisme et l’immigration, ainsi que sur les menaces de la Russie sur les frontières est et sud de l’Otan. (…) Des milliers et des milliers de personnes se répandent dans nos différents pays et se dispersent, et dans de nombreux cas, nous ne savons pas qui elles sont. Nous devons être durs, nous devons être forts et nous devons être vigilants. C’est pour ces mêmes raisons que j’ai été très, très direct avec le secrétaire Stoltenberg et les membres de l’Alliance, quand je leur ai dit qu’ils devaient enfin payer leur part et respecter leurs obligations financières. 23 des 28 nations membres ne payent toujours pas ce qu’elles devraient payer. C’est injuste envers les contribuables américains. Président Trump (2017)
Nous protégeons l’Allemagne, et c’est des mauvais payeurs. Cela n’a pas de sens. Alors, j’ai dit, « nous allons ramener le nombre à 25 000 soldats ». Et ils nous traitent très mal sur le commerce. Président Donal Trump
Bonjour tout le monde. Bonjour aux médias – les médias légitimes et les faux médias. Bonjour à tous les deux. Beaucoup de gens bien ici. Surprenant. (…) Il suffit de regarder le tableau. Jetez un œil au tableau. C’est public. Et de nombreux pays ne paient pas ce qu’ils devraient. Et, franchement, de nombreux pays nous doivent une énorme somme d’argent depuis de nombreuses années, où ils nous sont débiteurs, en ce qui me concerne, parce que les États-Unis ont dû payer pour eux. Donc, si vous revenez 10 ou 20 ans en arrière, vous additionnez tout cela. Ce sont des sommes énormes qui sont dues. Les États-Unis ont payé et intensifié comme personne. Cela dure depuis des décennies, cela dit en passant. Cela a duré sous de nombreux présidents. Mais aucun autre président n’en a parlé comme moi. Il faut donc faire quelque chose, et le secrétaire général y a travaillé très dur. Cette année, depuis notre dernière réunion, des engagements ont été pris pour plus de 40 milliards de dollars supplémentaires dépensés par d’autres pays. C’est donc un pas, mais c’est un tout petit pas. Cela ressemble à beaucoup d’argent – et c’est le cas – mais c’est une très petite somme d’argent par rapport à ce qu’ils doivent et à ce qu’ils devraient payer. Et c’est un fardeau injuste pour les États-Unis. Nous sommes donc ici pour en parler, et je suis sûr que ce sera résolu. J’ai une grande confiance en le Secrétaire Général. Il a travaillé très, très dur là-dessus, et il sait que c’est un fait. Mais j’ai une grande confiance en lui et en ses représentants. (…) Je pense que c’est très triste quand l’Allemagne conclut un énorme accord pétrolier et gazier avec la Russie, où vous êtes censé vous protéger contre la Russie, et que l’Allemagne sort et paie des milliards et des milliards de dollars par an à la Russie. Nous protégeons donc l’Allemagne. Nous protégeons la France. Nous protégeons tous ces pays. Et puis de nombreux pays vont conclure un accord de gazoduc avec la Russie, où ils versent des milliards de dollars dans les coffres de la Russie. Nous sommes donc censés vous protéger contre la Russie, mais ils versent des milliards de dollars à la Russie, et je pense que c’est très inapproprié. Et l’ancien chancelier d’Allemagne est à la tête de la société de gazoduc qui fournit le gaz. En fin de compte, l’Allemagne aura près de 70 % de son pays contrôlé par la Russie avec du gaz naturel. Alors, dites-moi, est-ce normal ? (…) Je m’en suis plaint depuis que je suis entré. Cela n’aurait jamais dû être autorisé. Mais l’Allemagne est totalement contrôlée par la Russie, car elle obtiendra de 60 à 70 % de son énergie de la Russie et d’un nouveau gazoduc. Et vous me dites si c’est normal, parce que je pense que ce n’est pas le cas, et je pense que c’est une très mauvaise chose pour l’OTAN et je ne pense pas que cela aurait dû arriver. Et je pense que nous devons en parler avec l’Allemagne. En plus de cela, l’Allemagne ne paie qu’un peu plus de 1 %, alors que les États-Unis, en chiffres réels, paient 4,2 % d’un PIB beaucoup plus important. Donc je pense que c’est inapproprié aussi. Vous savez, nous protégeons l’Allemagne ; nous protégeons la France ; nous protégeons tout le monde, et pourtant nous payons beaucoup d’argent pour protéger. Or, cela dure depuis des décennies. Cela a été soulevé par d’autres présidents. Mais d’autres présidents n’ont jamais rien fait à ce sujet parce que je ne pense pas qu’ils l’aient compris ou qu’ils ne voulaient tout simplement pas s’impliquer. Mais je dois en parler, car je pense que c’est très injuste pour notre pays. C’est très injuste pour notre contribuable. Et je pense que ces pays doivent augmenter leur contribution non pas sur une période de 10 ans ; ils doivent le faire immédiatement. L’Allemagne est un pays riche. Ils disent qu’ils vont l’augmenter un peu d’ici 2030. Eh bien, ils pourraient l’augmenter immédiatement demain et n’avoir aucun problème. Je ne pense pas que ce soit juste pour les États-Unis. Alors il va falloir faire quelque chose parce qu’on ne va pas le supporter. Nous ne pouvons pas supporter ça. Et c’est anormal. Nous devons donc parler des milliards et des milliards de dollars qui sont versés au pays contre lequel nous sommes censés vous protéger. Vous savez, tout le monde est — tout le monde en parle partout dans le monde. Ils diront, eh bien, attendez une minute, nous sommes censés vous protéger de la Russie, mais pourquoi payez-vous des milliards de dollars à la Russie pour l’énergie ? Pourquoi les pays de l’OTAN, à savoir l’Allemagne, ont-ils un grand pourcentage de leurs besoins énergétiques payés, vous savez, à la Russie et pris en charge par la Russie ? Maintenant, si vous regardez cela, l’Allemagne est prisonnière de la Russie parce qu’elle fournit — elle s’est débarrassée de ses centrales au charbon. Ils se sont débarrassés de leur nucléaire. Ils obtiennent une grande partie du pétrole et du gaz de la Russie. Je pense que c’est quelque chose que l’OTAN doit examiner. Je pense que c’est très anormal. Vous et moi avons convenu que c’était anormal. Je ne sais pas ce que vous pouvez faire à ce sujet maintenant, mais cela ne semble certainement pas logique qu’ils aient payé des milliards de dollars à la Russie et maintenant nous devons les défendre contre la Russie. (…) Comment pouvez-vous être ensemble quand un pays tire son énergie de la personne contre laquelle vous voulez être protégé ou du groupe dont vous voulez être protégé ? (…) Cous ne faites que rendre la Russie plus riche. Vous ne traitez pas avec la Russie. Vous rendez la Russie plus riche. (…) Je pense que le commerce est merveilleux. Je pense que l’énergie est une toute autre histoire. Je pense que l’énergie est une histoire très différente du commerce normal. Et vous avez un pays comme la Pologne qui n’accepte pas le gaz [russe]. Vous jetez un coup d’œil à certains pays – ils ne l’accepteront pas, car ils ne veulent pas être captifs de la Russie. Mais l’Allemagne, en ce qui me concerne, est captive de la Russie, car elle tire une grande partie de son énergie de la Russie. Nous sommes donc censés protéger l’Allemagne, mais ils tirent leur énergie de la Russie. Expliquez-moi ça. Et cela ne peut pas être expliqué et vous le savez. Président Trump (Petit-déjeuner de travail bilatéral de l’OTAN, Bruxelles, 11 juillet 2018)
L’Amérique est gouvernée par les Américains. Nous rejetons l’idéologie du mondialisme et nous embrassons la doctrine du patriotisme. Partout dans le monde, les nations responsables doivent se défendre contre les menaces à la souveraineté non seulement de la gouvernance mondiale, mais aussi d’autres nouvelles formes de coercition et domination. En Amérique, nous croyons fermement en la sécurité énergétique pour nous-mêmes et pour nos alliés. Nous sommes devenus le plus grand producteur d’énergie de la surface de la Terre. Les États-Unis sont prêts à exporter notre approvisionnement abondant et abordable de pétrole, de charbon propre et de gaz naturel. L’OPEP et les nations de l’OPEP, comme d’habitude, arnaquent le reste du monde, et je n’aime pas ça. Personne ne devrait aimer ça. Nous défendons beaucoup de ces nations pour rien, et ensuite ils en profitent. Nous voulons qu’ils arrêtent d’augmenter les prix, nous voulons qu’ils commencent à baisser les prix, et ils doivent désormais contribuer substantiellement à la protection militaire. Nous n’allons pas supporter ça – ces horribles prix — beaucoup plus longtemps. Le recours à un seul fournisseur étranger peut rendre un pays vulnérable à l’extorsion et à l’intimidation. C’est pourquoi nous félicitons les États européens, comme la Pologne, d’avoir dirigé la construction d’un gazoduc baltique afin que les nations ne dépendent pas de la Russie pour répondre à leurs besoins énergétiques. L’Allemagne deviendra totalement dépendante de l’énergie russe si elle ne change pas immédiatement de cap. Ici, dans l’hémisphère occidental, nous nous engageons à maintenir notre indépendance face à l’empiètement des puissances étrangères expansionnistes. Président Trump (ONU, New York, septembre 2018)
J’ai moi-même vécu dans une partie de l’Allemagne occupée par l’Union soviétique. Je suis très heureuse que nous soyons aujourd’hui unis, dans la liberté. Angela Merkel
Rira bien qui rira le dernier !
A l’heure où sous les yeux de nos caméras, l’un des deux derniers régimes à n’avoir toujours pas eu droit à son procès de Nuremberg pour leurs quelque 100 millions de victimes …
Et de ce fait, incapable de faire son deuil d’empire …
Le régime kleptocratique de Poutine poursuit sa destruction du peuple ukrainien …
Profitant, sans compter l’étrange hémiplégie des plus perspicaces d’entre nous, de l’incroyable faiblesse d’un président américain …
Qui après la débâcle militaire afghane et l’arrêt de toute nouvelle production de gaz et de pétrole aux Etats-Unis mêmes …
Comme de la levée des sanctions sur le gazoduc russo-allemand …
Annonce enfin l’arrêt de ses faibles importations de pétrole russe…
Tout en appelant à un nouvel accord nucléaire avec l’Etat-voyou iranien …
Qui sous prétexte de libérer sa production pétrolière ….
Va lui permettre, avant sa sanctuarisation nucléaire, de relancer ses activités terroristes dans tout le Moyen-orient …
Comment ne pas repenser du côté européen …
Comme l’illustre étrangement bien sept ans après la série norvégienne « Occupied » actuellement sur Netflix …
Sans compter la France qui profitant d’une brèche dans les sanctions internationales a continué à moderniser, à coups de contrats déjà signés, l’armée russe pendant six ans après l’annexion de la Crimée …
A ces décennies d’apaisement et de compromissions …
Dont l’actuel emballement, entre interdiction contreproductive de médias russes et censure imbécile d’un cours sur Dostoievski, dans la juste condamnation n’est que l’envers tout aussi mimétique …
Largement compensé néanmoins par la diffusion sur des chaines de télévision publiques à des heures de grande écoute par des publi-reportages à la gloire de Poutine …
Après n’avoir cessé d’affaiblir la pauvre Ukraine …
A l’image d’une Allemagne qui après avoir profité du parapluie américain depuis plus de 70 ans pour accumuler les excédents commerciaux …
Tout en refusant l’entrée de l’Ukraine dans l’OTAN …
Et lui imposant des accords inacceptables …
A poussé la provocation jusqu’à construire non pas un mais deux gazoducs largement inutiles privant cette dernière de son dernier levier économique sur la Russie …
Mais comment ne pas repenser aussi à ces paroles, rétrospectivement si prophétiques, du président Trump tout au long de son mandat …
Qui avait alors provoqué, de la part de nos médias comme de nos responsables politiques, tant les condamnations que les moqueries …
Jusqu’à la délégation allemande à l’ONU un certain jour de septembre il y a quatre ans ?
FLASHBACK: Trump Warned UN About Relying On Russian Oil, Was Laughed At By German Delegation
![Former President Donald Trump speaks at the 2018 UN General Assembly [PBS News Hour screenshot] Former President Donald Trump speaks at the 2018 UN General Assembly [PBS News Hour screenshot]](https://images.dailycaller.com/image/width=960,height=411,fit=cover,f=auto/https://cdn01.dailycaller.com/wp-content/uploads/2022/03/Screen-Shot-2022-03-07-at-5.34.08-PM-e1646692491203.png)
The Daily Caller
The German delegation appeared to laugh at former President Donald Trump during a 2018 United Nations (U.N.) speech in which the president warned about relying on Russian oil.
While speaking at the 73rd U.N. General Assembly, Trump criticized Germany for relying on Russian oil exports.
“Reliance on a single foreign supplier can leave a nation vulnerable to extortion and intimidation. That is why we congratulate European states, such as Poland, for leading the construction of a Baltic pipeline so that nations are not dependent on Russia to meet their energy needs,” Trump said. “Germany will become totally dependent on Russian energy if it does not immediately change course.”
“Here in the Western Hemisphere, we are committed to maintaining our independence from the encroachment of expansionist foreign powers,” Trump continued as the camera then panned to the German delegation, who appeared to be laughing.
Trump made similar comments warning about Germany’s energy dependence during a 2018 meeting with German and NATO leaders.
“It’s very sad when Germany makes a massive oil and gas deal with Russia,” Trump said. “Where, you’re supposed to be guarding against Russia and Germany goes out and pays billions and billions of dollars a year to Russia. So we’re supposed to protect you against Russia, but they’re paying billions of dollars to Russia, and I think that’s very inappropriate.”
“Germany is totally controlled by Russia because they will be getting 60-70% of their energy from Russia and a new pipeline, and you tell me if that’s appropriate, and I think it’s not,” he said while addressing NATO Secretary General Jens Stoltenberg.
Trump approved sanctions to deter the completion of the Nord Stream 2 pipeline, which would allow Russia to bypass Ukraine to get gas to Europe and served as a major geopolitical win for Russian President Vladimir Putin.
Upon taking office, President Joe Biden revoked the sanctions, only recently putting them back in place following Russia’s invasion of Ukraine.
Voir aussi:
FLASHBACK: Trump Ripped Germany’s Cozy Relationship With Russia To The NATO General Secretary’s Face

Former President Donald Trump ripped Germany’s cozy relationship with Russia in 2018, a relationship some argue contributed to Russia’s decision to invade Ukraine.
Numerous current and former German officials have stated that their efforts to create a “special relationship” with Russia since 2014 was a mistake and that Germany’s Russia policy is now in “ruins.” Trump warned Germany that its relationship with Russia could turn sour during a 2018 meeting with German and NATO leaders.
“It’s very sad when Germany makes a massive oil and gas deal with Russia. Where, you’re supposed to be guarding against Russia and Germany goes out and pays billions and billions of dollars a year to Russia,” Trump said at the time. “So we’re supposed to protect you against Russia, but they’re paying billions of dollars to Russia, and I think that’s very inappropriate.”
“Germany is totally controlled by Russia because they will be getting 60-70% of their energy from Russia and a new pipeline, and you tell me if that’s appropriate, and I think it’s not,” he said, addressing NATO Secretary General Jens Stoltenberg.
Trump maintained a critical tone against Germany throughout his presidency, accusing the country of “delinquency” in its NATO payments in 2020.
Germany, Hungary and Italy have reportedly stood in the way of the U.S. and NATO imposing the most stringent sanctions against Russia for its invasion of Ukraine this week. President Joe Biden alluded to the situation Thursday, saying that removing Russia from the international SWIFT banking system “is not a position that the rest of Europe wishes to take.”
Germany has since halted the certification of the Nord Stream 2 pipeline from Russia to Germany following Russian President Vladimir Putin’s decision to move forward with a full-scale invasion of Ukraine.
Biden also announced that the U.S. would sanction Putin personally Friday, one day after reporters pressed the White House on why it hadn’t already taken the step.
Russia carried out coordinated airstrikes on Ukrainian military bases across the country beginning Thursday morning. Ukrainian President Volodymyr Zelensky gave a general call-to-arms to his citizens Thursday, saying the government will provide weapons.
“We will give weapons to anyone who wants to defend the country,” Zelensky tweeted early Thursday. “Be ready to support Ukraine in the squares of our cities.”
Biden’s Thursday sanctions package included blocks on technology exports to Russia, as well as sanctions against four major Russian banks, among other measures.
While the U.S. has ruled out deploying troops directly to Ukraine, Biden has increased the number of U.S. troops in NATO countries near Russia. Biden has threatened that if Putin goes beyond Ukraine and invades a NATO country, Russia will face the full force of American power, a threat he reiterated Thursday.
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Sommet de l’Otan : Trump épingle les mauvais payeurs
Le président des États-Unis a insisté sur la répartition du budget. Il a notamment dénoncé une injustice envers les contribuables américains.
Source AFP
Lors de son premier sommet de l’Otan, Donald Trump était au cœur de l’attention jeudi à Bruxelles. Le président américain a appelé l’organisation internationale à se concentrer sur le terrorisme et « les menaces de la Russie », et il a renouvelé son appel au respect des engagements financiers de tous les États membres. S’il a souligné que l’Alliance était un outil de « paix et de sécurité » dans le monde, Donald Trump n’a pas, contrairement à ce qui était espéré, exprimé explicitement son attachement à l’article 5, véritable socle de l’Otan qui prévoit que les Alliés volent au secours d’un des leurs en cas d’agression extérieure.
Durs, forts et vigilants
« L’Otan du futur doit se concentrer sur le terrorisme et l’immigration, ainsi que sur les menaces de la Russie sur les frontières est et sud de l’Otan », a-t-il déclaré lors d’un discours, pour sa première participation à un sommet de l’Otan. Sur l’immigration en particulier, il a déclaré que « des milliers et des milliers de personnes se répandent dans nos différents pays et se dispersent, et dans de nombreux cas, nous ne savons pas qui elles sont ». « Nous devons être durs, nous devons être forts et nous devons être vigilants », a-t-il insisté.
« C’est pour ces mêmes raisons que j’ai été très, très direct avec le secrétaire [général de l’Otan Jens] Stoltenberg et les membres de l’Alliance, quand je leur ai dit [qu’ils] devaient enfin payer leur part et respecter leurs obligations financières », a-t-il poursuivi, regrettant que « 23 des 28 nations membres ne payent toujours pas ce qu’elles devraient payer ». « C’est injuste envers les contribuables américains », a-t-il accusé.
Donald Trump souhaite que les Alliés, qui doivent, selon lui « d’énormes sommes d’argent », atteignent l’objectif, fixé en 2014, d’un budget défense équivalant à 2 % du produit intérieur brut d’ici à 2024. « 2 % est le strict minimum pour faire face aux menaces très réelles et très vicieuses d’aujourd’hui », a insisté le président américain, soulignant qu’« au cours des huit dernières années », les États-Unis avaient « dépensé plus pour leur défense que tous les autres pays de l’Otan réunis ».
Hommage aux victimes de Manchester
Il a également exhorté ses homologues de l’Otan à respecter « un moment de silence pour les victimes et les familles de l’attaque sauvage » de Manchester, qui a fait 22 morts et des dizaines de blessés lundi soir à la fin d’un concert pop. « D’innocentes petites filles et tant d’autres ont été horriblement assassinés et sérieusement blessés », a-t-il souligné, dénonçant « une attaque barbare et vicieuse contre notre civilisation ».
« Tous ceux qui chérissent la vie doivent s’unir pour trouver, mettre au jour et éliminer ces tueurs et extrémistes et, oui, ces losers. Ce sont des losers », a-t-il estimé. Peu avant lui, la chancelière allemande Angela Merkel avait pris la parole. « Les sociétés ouvertes, construites sur des valeurs communes sont couronnées de succès », pas « l’isolement et les murs », a-t-elle plaidé.
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Sommet de l’Otan : duel entre Donald Trump et Angela Merkel
VIDÉO. Le président américain a accusé Berlin d’être sous le joug de la Russie et de ne pas assez contribuer aux efforts militaires de l’organisation.Source AFP
Donald Trump attaque une nouvelle fois ses alliés. L’Allemagne d’Angela Merkel a été violemment prise à partie mercredi matin par le président américain au tout premier jour du sommet de l’Otan. Donald Trump a accusé Berlin d’« enrichir » la Russie et de ne pas non plus assez contribuer aux efforts militaires fournis par l’Alliance. Et le républicain n’a pas souhaité entendre les explications du secrétaire général de l’Otan, Jens Stoltenberg, rencontré avant l’ouverture officielle du sommet à Bruxelles. « L’Allemagne est complètement contrôlée par la Russie […], elle est prisonnière de la Russie », a-t-il tonné dans une longue diatribe contre la première puissance économique de l’UE. « Elle paie des milliards de dollars à la Russie pour ses approvisionnements en énergie et nous devons payer pour la protéger contre la Russie. Comment expliquer cela ? Ce n’est pas juste », a-t-il encore asséné.
L’Allemagne prend ses décisions de manière « indépendante », a affirmé mercredi la chancelière allemande, Angela Merkel. « Nous pouvons mener nos propres politiques, nous pouvons prendre des décisions indépendantes », a-t-elle affirmé. « J’ai moi-même vécu dans une partie de l’Allemagne occupée par l’Union soviétique. Je suis très heureuse que nous soyons aujourd’hui unis, dans la liberté, en tant que République fédérale d’Allemagne. Nous pouvons par conséquent mener nos propres politiques, nous pouvons prendre des décisions indépendantes », lui a répondu Angela Merkel, originaire de l’ex-Allemagne de l’Est. « L’Allemagne fait aussi beaucoup pour l’Otan. Nous sommes le deuxième plus grand fournisseur de troupes, nous mettons la plupart de nos capacités militaires au service de l’Otan », a-t-elle insisté. Dans l’après-midi, en marge du sommet, les deux dirigeants se sont rencontrés. « Nous discutons des dépenses militaires et de commerce. Nous avons de très bonnes relations », a finalement soutenu Donald Trump devant la presse.
Le président américain a dénoncé à plusieurs reprises le projet de doublement du gazoduc Nord Stream reliant directement la Russie à l’Allemagne et exige son abandon. L’attaque lui permet d’enfoncer un coin dans l’unité des Européens, car le projet les divise. La Pologne estime ainsi que l’Europe n’a pas besoin de ce projet. Nord Stream 2 « est un exemple de pays européens qui fournissent des fonds à la Russie, lui donnent des moyens qui peuvent être utilisés contre la sécurité de la Pologne », a soutenu le chef de la diplomatie polonaise Jacek Czaputowicz à son arrivée au siège de l’Otan.
50 % du gaz acheté est russe
Les pays de l’UE importent deux tiers de leurs besoins de consommation. En 2017, cela a représenté une facture totale de 75 milliards d’euros, selon les statistiques européennes. À ce jour, la moitié du gaz acheté est russe, mais les Européens cherchent à briser cette dépendance. Les États-Unis sont engagés dans une stratégie de conquête de marchés pour leur gaz naturel. Ils ont exporté 17,2 milliards de mètres cubes en 2017, dont 2,2 % par méthaniers vers les terminaux de l’Union européenne. Donald Trump s’en est aussi pris plus généralement aux membres de l’Otan qui « ne payent pas ce qu’ils devraient » pour leurs dépenses militaires.
Le chef de l’Otan a reconnu que le président américain avait utilisé un « langage très direct », mais il a assuré que les alliés étaient d’accord sur les dossiers cruciaux : la nécessité de renforcer la résilience de l’Organisation, la lutte antiterroriste et le partage plus équitable du fardeau financier. De fait, les Européens appréhendaient un sommet de l’Otan acrimonieux et difficile. Le président des États-Unis avait quitté Washington d’humeur belliqueuse, déclarant, avec le goût de la provocation qui est le sien, que sa rencontre avec le président russe Vladimir Poutine prévue lundi à Helsinki pourrait être « plus facile » que le sommet de l’Otan.
La charge retour de Donald Tusk, exaspéré
Ce comportement exaspère sur le Vieux Continent. Rompant avec le ton policé de ses prédécesseurs, le président du Conseil européen, le Polonais Donald Tusk, l’a interpellé mardi pour lui dire combien ses critiques presque quotidiennes étaient déplaisantes et l’a invité à « mieux considérer » ses alliés, « car l’Amérique n’en a pas tant que ça ». Il lui a également rappelé que l’Europe avait été « la première à réagir » après les attentats du 11 septembre 2001 sur le sol américain. Les alliés se sont engagés en 2014 à consacrer 2 % de leur PIB à leur défense en 2024, mais une quinzaine d’États membres, dont l’Allemagne, le Canada, l’Italie, la Belgique et l’Espagne, sont sous la barre de 1,4 % en 2018 et seront incapables de respecter leur parole, ce qui ulcère Donald Trump.
Sa tirade contre Berlin mercredi matin s’est inscrite dans cette logique. « L’Allemagne est un pays riche. Elle peut augmenter sa contribution dès demain sans problème », a-t-il affirmé. Les alliés souhaitent avoir des éclaircissements sur les intentions du président américain avant sa rencontre avec son homologue russe. « Nous serons en mesure de discuter avec lui pendant le sommet de la relation entre l’Otan et la Russie. Il est important que l’Otan reste unie v, a plaidé Jens Stoltenberg. Toutes les décisions qui seront souscrites durant le sommet visent à renforcer la capacité de dissuasion de l’Alliance », selon le chef de l’Otan.
« Les alliés ne doivent pas augmenter leurs dépenses pour plaire aux États-Unis, mais parce que c’est dans leur intérêt », a-t-il estimé. Dans le cadre de l’initiative américaine « 4 x 30 », les membres de l’Otan vont s’engager à être en mesure en 2030 de déployer sous 30 jours 30 bataillons mécanisés, 30 escadrilles et 30 navires de combat pour pouvoir faire face à une opération militaire de la Russie, identifiée comme un potentiel agresseur.
Voir de même:
Pourquoi Trump attaque Merkel sur le gaz russe
La colère du président américain vise le projet de gazoduc Nord Stream 2, qui doit acheminer 55 milliards de mètres cubes de gaz par an, de la Russie jusqu’en Allemagne.
« L’Allemagne est complètement contrôlée par la Russie (…), elle est prisonnière de la Russie. » Le moins que l’on puisse dire, c’est que Donald Trump n’a pas choisi un langage très diplomatique pour croiser le fer avec la chancelière allemande, Angela Merkel. « Elle paie des milliards de dollars à la Russie pour ses approvisionnements en énergie, et nous devons payer pour la protéger contre la Russie. Comment expliquer cela ? Ce n’est pas juste », a encore plaidé le président américain à l’ouverture du sommet de l’OTAN, mercredi 11 juillet.
Cette fois-ci, la colère de Donald Trump visait une cible bien précise : le projet de gazoduc Nord Stream 2, qui doit permettre d’acheminer 55 milliards de mètres cubes de gaz par an, de la Russie jusqu’en Allemagne, en passant sous la mer Baltique. Son coût : 9,5 milliards d’euros.
- Le gaz russe au banc des accusés
M. Trump n’est pas le premier à s’émouvoir de ce projet. Son prédécesseur, Barack Obama, s’inquiétait déjà du doublement du gazoduc Nord Stream, estimant qu’il risquait d’augmenter la dépendance européenne au gaz russe. Les Allemands importent aujourd’hui plus de 50 % de leur gaz depuis la Russie (contre 35 % en moyenne pour les pays européens et 25 % en France). Il faut dire que le gaz russe est bon marché et que l’Allemagne est le plus gros importateur de gaz en Europe, même s’il ne représente qu’un cinquième de son mix énergétique.
L’administration américaine demande aux Allemands de la cohérence : comment peuvent-ils à la fois défendre une ligne dure contre la Russie depuis l’annexion de la Crimée, en 2014, et accepter en même temps un tel accord avec Gazprom, bras armé du pouvoir russe ?
Surtout, ce nouveau tuyau de 1 200 kilomètres de long permet de contourner l’Ukraine, voie historique d’exportation du gaz russe à l’époque soviétique. Depuis la révolution de Maïdan et le début de la guerre du Donbass, dans l’est de l’Ukraine, en 2014, Moscou ne cache pas sa volonté de priver Kiev des revenus du droit de transit du gaz sur son territoire.
- Les ambitions américaines en question
Mais il ne s’agit pas vraiment pour M. Trump d’un exercice de solidarité avec l’Ukraine. Il souhaite d’abord promouvoir une autre solution : l’importation de gaz américain par bateaux. Avec l’explosion de la production de gaz de schiste, les Etats-Unis sont passés en quelques années du statut d’importateurs de gaz à celui d’exportateurs. Cela, grâce à la liquéfaction du gaz naturel, qui permet, après refroidissement, d’en assurer le transport par méthanier.
Le pays a vu sa production de gaz augmenter de près de 50 % en dix ans. Et il cherche des débouchés pour vendre ses hydrocarbures. « Les Américains espèrent exporter leur gaz vers l’Europe, voilà la véritable raison de leur attitude », confiait récemment un patron français du secteur. Le Sénat américain a voté en 2017 un texte prévoyant des sanctions contre les entreprises partenaires du gazoduc et mentionnant de manière très explicite la nécessaire exportation des ressources. Le Kremlin a d’ailleurs estimé, jeudi, que ces attaques américaines relevaient de la « concurrence déloyale ».
- L’Europe divisée
Cette offensive américaine intervient alors que les pays de l’Union européenne sont profondément divisés sur la question. Si l’Allemagne et l’Autriche défendent activement Nord Stream 2, la Pologne et les pays baltes mènent depuis des années une intense guerre procédurière et médiatique contre le projet, dénonçant les risques de mainmise russe dans la région. Le Danemark, dont les eaux territoriales seront traversées par le gazoduc, discute depuis des mois d’une loi qui pourrait interdire ce passage. Le consortium Nord Stream 2 assure disposer d’une route alternative.
Le vice-président de la Commission européenne, le Slovaque Maros Sefcovic, comme le président du Conseil européen, le Polonais Donald Tusk, ont répété leur opposition au projet. Mais la politique énergétique relève en grande partie des Etats membres. La France soutient Nord Stream 2, « mais elle ne s’est pas montrée très allante sur le sujet », déplore un partisan français du gazoduc.
- Les inquiétudes des groupes gaziers
Ce gazoduc sera intégralement construit par Gazprom mais cinq partenaires européens financeront la moitié de ce chantier à 9,5 milliards d’euros : le français Engie, l’anglo-néerlandais Shell, l’autrichien OMV et les allemands Uniper et Wintershall (filiale de BASF).
Or, les inquiétudes grandissent parmi les partenaires européens du projet, qui craignent la mise en place de sanctions américaines à leur encontre. Mercredi, un porte-parole du département d’Etat américain a répété que « les entreprises qui travaillaient dans le secteur des exportations d’énergie russe via un gazoduc s’engageaient dans un type d’activité où l’on risque des sanctions ». Le Congrès américain a déjà voté la possibilité de ces sanctions, et il ne tient qu’à Donald Trump de savoir quelles formes elles pourraient prendre, si elles devaient voir le jour.
Chez Engie, on se dit depuis des mois très vigilant sur ce dossier. « Nous voulons faire ce projet, expliquait un haut dirigeant du groupe il y a quelques semaines. Mais si les Américains mettent en place des sanctions réelles, nous ne pourrons pas continuer. »
Voir de plus:
Trump a-t-il raison de reprocher à l’Allemagne sa politique gazière ?
France info
12 juillet 2018
L’Allemagne joue la carte gazière russe en doublant à terme le gazoduc Nordstream. Les Américains n’apprécient pas et ne sont pas les seuls en Europe. A tort…
Attaquer l’Allemagne sur sa politique gazière, ce n’est pas une grande nouveauté. Dans les années 80 du siècle dernier, en pleine Guerre froide, Ronald Reagan aussi avait aussi reproché aux Européens de manger dans la main gazière des Russes avec leurs importations à outrance.
Le message avait été reçu avec circonspection mais avec sérieux. L’Allemagne, aujourd’hui attaquée par un autre président américain sur le même sujet, avait justement réduit sa dépendance pour en arriver aujourd’hui à un petit 40 %.
40 % du gaz importé par l’Allemagne est donc d’origine russe. Le reste est grosso modo néerlandais et norvégien. En fait, Donald Trump n’a pas en tête la situation actuelle, mais ce qui se prépare pour demain. C’est-à-dire la construction d’un nouveau gazoduc.
Un gazoduc qui doublera l’actuel Nordstream et doublera donc la capacité d’importation allemande de gaz russe. Or importer de l’énergie, la consommer ou la redistribuer est, bien sûr, un acte économique mais cela reste surtout un acte géopolitique.
Jusqu’à présent le gaz russe passait par l’Ukraine…
En doublant le gazoduc Nordstream, qui court sous la Baltique, et en ouvrant à terme un autre gazoduc au sud, par la Turquie, la Grèce et peut-être même l’Italie, la Russie se défait du robinet ukrainien.
Et prive l’Ukraine de quelques milliards de dollars de redevance. L’Allemagne a beau assurer quelle continuera de s’approvisionner par ce biais, personne n’y croit. Surtout pas le géant gazier russe Gazprom qui a déjà expliqué vouloir abandonner la route ukrainienne.
La question est maintenant de savoir si l’Allemagne agit pour son seul intérêt ou si elle joue collectif sur ce coup-là ? Premier élément de réponse : il y a urgence, en Allemagne plus qu’ailleurs à trouver des sources d’énergies alternatives.
Non seulement le gaz de la Mer du Nord est en train de s’épuiser rapidement mais en plus, en décidant de se priver à court terme d’énergie nucléaire, l’Allemagne a rendu tout urgent.
Or il lui est difficile d’augmenter sa consommation de charbon, très polluant, ou de compter vite sur beaucoup plus d’énergies renouvelables. Quant au Gaz naturel liquéfié américain ou même qatari, il coûte encore 20 % trop cher. Donc la solution est russe.
L’intérêt de l’Allemagne est-il celui de l’Europe ?
C’est exactement pour cela que Donald Trump a choisi cet angle d’attaque : l’Ukraine n’est pas le seul pays européen à voir d’un assez mauvais œil l’entente cordiale gazière entre Berlin et Moscou. D’abord, il y a les Scandinaves.
Ils n’aiment pas ces gazoducs russes qui passe sous la Baltique, littéralement sous leur nez. Ensuite il y a les pays baltes et la Pologne qui investissent à grand frais dans des terminaux pour importer du gaz liquéfié et qui voient l’Allemagne les contourner.
Mais il y a aussi ceux qui en Europe, comprennent le calcul allemand, et j’en fais partie. Aujourd’hui, l’Europe a autant besoin du gaz russe que les Russes de nos euros. L’Europe est irremplaçable, par sa proximité et sa solvabilité, pour les finances russes.
En pérennisant l’importation de gaz russe on pérennise aussi notre influence sur Moscou. Si tant est que l’on continue à diversifier nos approvisionnements. Ce que l’Allemagne n’a pas oublié : elle achève en ce moment même un énorme terminal pour gaz liquéfié.
Voir encore:
Affrontement Trump-Merkel au sommet de l’Otan
Dès le premier jour, Donald Trump a donné le ton d’un sommet de l’Otan sous tension: le président américain s’en en pris mercredi avec une virulence inédite à l’Allemagne, accusée de ne pas tenir ses engagements et d’enrichir la Russie.
Le locataire de la Maison Blanche américain a ouvert les hostilités avant même le début du sommet: « L’Allemagne est complètement contrôlée par la Russie (…) elle est prisonnière de la Russie », a-t-il lancé dans une salve d’une rare violence dans ce genre de rendez-vous entre alliés.
« Elle paie des milliards de dollars à la Russie pour ses approvisionnements en énergie et nous devons payer pour la protéger contre la Russie. Comment expliquer cela? Ce n’est pas juste », a-t-il encore asséné lors d’une rencontre avec le secrétaire général de l’Otan Jens Stoltenberg, qui a tenté en vain de l’apaiser.
Sans le citer, la chancelière allemande Angela Merkel a rétorqué en soulignant que l’Allemagne menait ses propres politiques et prenait ses décisions de façon « indépendante ».
« J’ai moi-même vécu dans une partie de l’Allemagne occupée par l’Union soviétique. Je suis très heureuse que nous soyons aujourd’hui unis, dans la liberté », a-t-elle pris soin de souligner.
La chancelière et le président, qui se sont ignorés pendant la traversée du hall du nouveau siège de l’Alliance jusqu’au podium pour la traditionnelle photo de famille, devaient se retrouver pour un face-à-face dans l’après-midi.
Le sommet a débuté officiellement par une première réunion à 29 consacrée à l’augmentation des dépenses militaires.
Le président américain a dénoncé à plusieurs reprises le projet de doublement du gazoduc Nord Stream reliant directement la Russie à l’Allemagne. Il exige son abandon.
Sa critique lui permet d’enfoncer un coin dans l’unité des Européens car Nord Stream 2 les divise.
Ce projet « est un exemple de pays européens qui fournissent des fonds à la Russie et lui donnent des moyens qui peuvent être utilisés contre la sécurité de la Pologne », a ainsi réagi le chef de la diplomatie polonaise Jacek Czaputowicz à son arrivée au siège de l’Otan.
Les pays de l’UE importent deux tiers de leurs besoins de consommation. En 2017, ceci a représenté une facture totale de 75 milliards d’euros, selon les statistiques européennes. A ce jour, la moitié du gaz acheté est russe, mais les Européens cherchent à briser cette dépendance.
Les Etats-Unis sont engagés dans une stratégie de conquête de marchés pour leur gaz naturel. Ils ont exporté 17,2 milliards de m3 en 2017, dont 2,2% par méthaniers vers les terminaux de l’Union européenne.
Le dossier sera discuté jeudi à Bruxelles lors d’un conseil Energie UE-USA auquel va participer le chef de la diplomatie américaine Mike Pompeo.
– « Langage très direct » –
M. Trump s’en est aussi pris plus généralement aux membres de l’Otan qui « ne payent pas ce qu’ils devraient » pour leurs dépenses militaires.
Le chef de l’Otan a reconnu que le président américain avait utilisé un « langage très direct » mais a assuré que les Alliés étaient d’accord sur les dossier cruciaux: la nécessité de renforcer la résilience de l’Organisation, la lutte antiterroriste et le partage plus équitable du fardeau financier.
Rompant avec le ton policé de ses prédécesseurs, le président du Conseil européen, le Polonais Donald Tusk, a interpellé M. Trump mardi pour lui dire combien ses critiques presque quotidiennes étaient déplaisantes et l’a invité à « mieux considérer » ses alliés « car l’Amérique n’en a pas tant que ça ».
Il lui a également rappelé que l’Europe avait été « la première à réagir » après les attentats du 11 septembre 2001 sur le sol américain.
– L’Allemagne doit payer –
Les Alliés se sont engagés en 2014 à consacrer 2% de leur PIB à leur défense en 2024, mais une quinzaine d’Etats membres, dont l’Allemagne, le Canada, l’Italie, la Belgique et l’Espagne sont sous la barre de 1,4% en 2018 et seront incapables de respecter leur parole, ce qui exaspère Donald Trump.
Sa tirade contre Berlin mercredi matin s’est inscrite dans cette logique: « l’Allemagne est un pays riche. Elle peut augmenter sa contribution dès demain sans problème ».
Les Alliés souhaitent aussi avoir des éclaircissements sur les intentions du président américain avant son sommet avec son homologue russe lundi à Helsinki.
« Nous serons en mesure de discuter avec lui de la relation entre l’Otan et la Russie. Il est important que l’Otan reste unie », a plaidé M. Stoltenberg.
Toutes les décisions qui seront prises durant le sommet visent à renforcer la capacité de dissuasion de l’Alliance, selon le patron de l’Otan. « Les Alliés ne doivent pas augmenter leurs dépenses pour plaire aux Etats-Unis, mais parce que c’est dans leur intérêt », a-t-il estimé.
Dans le cadre de l’initiative américaine « 4×30 », les membres de l’Otan vont s’engager à être en mesure en 2030 de déployer sous 30 jours 30 bataillons mécanisés, 30 escadrilles et 30 navires de combat pour pouvoir faire face à une opération militaire de la Russie, identifiée comme un potentiel agresseur.
Voir enfin:
Comment les alliés réagissent au grand chambardement du lien transatlantique orchestré par Donald Trump ? Le sommet de l’Otan, mercredi 11 et jeudi 12 juillet à Bruxelles, a donné un aperçu des stratégies de « coping », adoptées par les uns et les autres, pour maîtriser, réduire ou tolérer les imprécations du président américain, comparé par Robin Niblett, directeur du think tank britannique Chatham House, à un parrain mafieux extorquant des concessions commerciales en échange d’une protection.
Mis sous pression sur la question du partage du fardeau financier, les alliés ont évité de s’opposer frontalement à Donald Trump, certains exhibant leurs efforts quand d’autres faisaient profil bas. Toujours pas satisfait, le président a proposé aux alliés de fixer un nouvel objectif de dépenses militaires à 4 % du PIB. « Chacun s’est demandé s’il était sérieux », a affirmé le président bulgare Roumen Radev. « L’Otan n’est pas un marché où l’on peut acheter la sécurité. » Dans un tweet, Donald Trump a ensuite exigé le respect immédiat de l’objectif des 2 % du PIB, et non en 2024, comme les pays de l’Alliance l’avaient décidé lors d’un sommet en 2014.
Trump attaque Merkel
L’explosion a été presque instantanée, au cours d’un petit-déjeuner de travail à l’ambassade des États-Unis. Donald Trump s’y est livré à un exercice de communication très calculé, tirant à boulets rouges sur sa cible favorite, Angela Merkel, en présence du secrétaire général de l’Alliance Jens Stoltenberg et sous l’œil des caméras des chaînes de télévision américaines. « L’Allemagne est totalement contrôlée par la Russie. Ils tirent 60 % de leur énergie de la Russie, ils lui paient des milliards de dollars et nous devons les défendre contre la Russie. Ce n’est pas normal », a lâché le président américain, comme s’il voulait se dédouaner de toute complicité envers la Russie, à quatre jours de son sommet bilatéral avec Vladimir Poutine à Helsinki.
Cette attaque planifiée lui a également permis d’enfoncer un coin dans l’unité des Européens sur un dossier, – la dépendance énergétique vis-à-vis de Moscou – qui les divise. La Pologne, notamment, estime que l’Europe n’a pas besoin du gazoduc Nord Stream 2 qui vise à doubler d’ici à 2020 les livraisons directes de gaz en Allemagne à partir de la Russie, via la mer Baltique.
Toujours prudente, Angela Merkel a répondu sur un ton courtois mais ferme, laissant entendre qu’elle n’avait pas besoin de leçon sur la façon de traiter avec les régimes autoritaires, compte tenu de son expérience de l’Allemagne de l’Est. « J’ai moi-même vécu dans une partie de l’Allemagne occupée par l’Union soviétique, a déclaré la chancelière. Je suis très heureuse que nous soyons aujourd’hui unis, dans la liberté, en tant que République fédérale d’Allemagne. Nous pouvons par conséquent mener nos propres politiques, nous pouvons prendre des décisions indépendantes ».
La tension a baissé d’un cran au cours d’une rencontre bilatérale en marge du sommet. Visage fermé, Donald Trump a assuré, sans vraiment convaincre, avoir de « très bonnes relations » avec Angela Merkel qui s’est, elle-même, prudemment déclarée satisfaite de leurs échanges de vues.
Macron définit quatre priorités
Autre souffre-douleur de Donald Trump, le premier ministre canadien Justin Trudeau a tenté de se prémunir contre des réprimandes en annonçant que les Forces armées canadiennes commanderont dès l’automne prochain une mission d’entraînement militaire de l’Otan en Irak où le Canada déploiera 250 militaires et quatre hélicoptères.
Dans un registre différent, Emmanuel Macron s’est voulu le bon élève de la classe en définissant quatre priorités pour l’Alliance : la « crédibilité des moyens de défense collective », « l’efficacité dans la lutte contre le terrorisme et dans les opérations », « la modernité dans la gestion des ressources » de l’Otan et « l’unité ». Selon son entourage, le chef de l’État a appelé « à ne pas fragiliser l’Alliance », sachant qu’« un contexte plus incertain serait source de davantage de dépenses militaires ». Le président français a, lui aussi, eu droit à un entretien bilatéral avec Donald Trump. « Nous avons une relation formidable », a assuré son homologue américain.
Dans le rôle d’homme-orchestre, le secrétaire général de l’Otan Jens Stoltenberg s’est employé à arrondir les angles, en insistant sur la capacité de l’Alliance à prendre des décisions, attribuant à Donald Trump le mérite de l’augmentation des dépenses militaires des alliés, « 6 % en termes réels, en 2017 ». Les différends ont toujours existé au sein de l’Alliance plaide le Norvégien qui s’efforce de maintenir l’unité au sein d’une alliance fracturée entre un pôle autoritaire incarné par Donald Trump, Recep Tayyip Erdogan et Viktor Orban, avec l’appui de la Pologne, et un pôle libéral représenté par Theresa May, Angela Merkel, Justin Trudeau et Emmanuel Macron.
Jens Stoltenberg a, par ailleurs, mis l’accent sur la déclaration de vingt-cinq pages adoptée par les 29 pays membres qui dénonce notamment « les actions agressives de la Russie portant atteinte à l’ordre international fondé sur les règles », condamne son action déstabilisatrice dans l’est de l’Ukraine et son annexion de la Crimée et adopte une série de mesures pour renforcer la réactivité militaire de l’Alliance.
« Dans le monde de Trump, les alliés sont un fardeau »
Les alliés, en particulier les Européens, font-ils le bon choix en s’efforçant de répondre aux exigences de Donald Trump, un partenaire en chef qui prend un malin plaisir à les diviser et distribue bons et mauvais points, comme dans un épisode de The Apprentice, son ancienne émission de téléréalité ?
Rien n’est moins sûr. « Les Européens se considèrent comme des alliés de l’Amérique, ce qui les rend particulièrement vulnérables face à Trump », commente le politologue bulgare Ivan Krastev, président du Center for Liberal Strategies à Sofia. « Dans le monde de Trump, l’Amérique n’est pas une force de stabilité mais un perturbateur et les alliés sont un fardeau. Le défi pour les dirigeants européens est d’apprendre à vivre dans un monde où l’Amérique n’a pas d’alliés en investissant dans une capacité de défense européenne autonome plutôt que dépendre des États-Unis. Le plus grand risque pour l’Union européenne serait de devenir le gardien d’un statu quo qui a cessé d’exister. »
Voir par ailleurs:
L’Organisation du traité de l’Atlantique nord mourra-t-elle sous peu, à l’âge de 70 ans, de la main d’un président américain ? Donald Trump a tant critiqué l’OTAN que le sommet de Londres, les 3 et 4 décembre prochains, pourrait bien commencer son éloge funèbre. Surtout si le président sortant est réélu en 2020 à la magistrature suprême des États-Unis. La tentation serait alors forte, pour lui, de quitter l’organisation et de la remplacer par des alliances bilatérales rénovées. Et un retrait américain de l’OTAN précipiterait assurément l’agonie d’une organisation déclarée en « mort cérébrale » par Emmanuel Macron.
Quel paradoxe ! L’alliance militaire sortie victorieuse de la Guerre froide et de son affrontement avec le Pacte de Varsovie, dissous en 1991, redoutée et critiquée à Moscou, à Téhéran et à Pékin, risque d’être démantelée, de l’intérieur, par son promoteur historique, les États-Unis. Quelle est l’espérance de vie réelle de l’OTAN ? Est-elle promise à la mort tant de fois annoncée ? Ou bien sera-t-elle ressuscitée par la résurgence de la puissance militaire russe ?
Le réquisitoire de Donald Trump contre l’OTAN
En matière d’Alliance atlantique, Donald Trump fait preuve d’une cohérence bien rare. Ses critiques sont constantes. Durant la campagne électorale de 2016, sa première déclaration de politique étrangère a consisté en u netirade contre l’OTAN. Dans son discours au Center for National Interest du 27 avril 2016, il avait été explicite : la clé de voûte de son action, la priorité donnée aux États-Unis (« America First ! »), exige un désengagement à l’égard de l’OTAN.
Depuis, le président n’a pas déjugé le candidat. Déclaration après déclaration, tweet après tweet, le locataire de la Maison Blanche a fustigé l’organisation créée en 1949. Quels sont ses griefs envers une institution où les États-Unis détiennent les leviers de commandement, à commencer par le commandement militaire suprême, le poste de Commandant suprême des forces alliées en Europe (SACEUR) ?
Le principal grief de Donald Trump est budgétaire et financier. Les États-Unis sont le principal contributeur au budget général de l’organisation : leur contribution directe au budget de l’OTAN s’est élevée en 2018 à plus de 22 %, devant l’Allemagne (14 %), la France (10 %) et le Royaume-Uni (9,8 %). Ils sont également le principal fournisseur d’effectifs militaires et civils. La présidence Trump estime que le fardeau est excessif pour les finances publiques américaines. L’effort de défense américain n’est selon elle payé que d’une ingratitude insigne de la part des alliés européens. En un mot, le retour sur investissement paraît trop faible au président-businessman.
La deuxième critique est d’ordre stratégique : les États-Unis de Donald Trump jugent l’OTAN obsolète. La raison d’être de l’Organisation était en effet la lutte contre l’URSS et le Pacte de Varsovie ainsi que le combat contre le communisme. Une fois ces ennemis disparus, l’Alliance a (désespérément) cherché d’autres missions : la principale a été d’intervenir militairement pour rétablir la paix en Bosnie (1995), au Kosovo (1999), en Afghanistan (2003) en solidarité avec les États-Unis pour répondre aux attentats du 11 septembre 2001, puis en Libye en 2011. Mais sa crise de vocation n’est aujourd’hui toujours pas surmontée. Pour Donald Trump, l’OTAN remplit très mal sa principale mission résiduelle, la seule qui vaille à ses yeux : non pas contenir la Russie mais lutter contre le terrorisme.
Un troisième grief essentiel tient à la transformation de la politique extérieure américaine par la présidence Trump : la critique du multilatéralisme ne concerne pas seulement le commerce, les droits de l’homme ou la non-prolifération nucléaire. Elle vise aussi les institutions de sécurité collective comme l’OSCE, l’ONU… et bien entendu l’OTAN. Le président américain a relancé les relations bilatérales en Europe au détriment des structures multilatérales. On le comprend : dans le face-à-face des relations bilatérales, le poids des États-Unis se fait bien mieux sentir que dans des formats multilatéraux ou ce poids est dilué, même s’il reste majeur.
Qu’elles soient tonitruantes ou modérées, les déclarations du président américain ont pour horizon un retrait de l’Alliance. Le réquisitoire viserait un arrêt de mort.
Chronique d’une mort (américaine) annoncée
Les Français aiment à brocarder les transgressions, les dérapages et les saillies du président américain en matière de politique étrangère. Toutefois, concernant l’OTAN, Donald Trump n’est pas profondément disruptif aux États-Unis.
Tout d’abord, le réquisitoire trumpien contre l’OTAN est la caisse de résonance d’un mouvement puissant, ancien et profond parmi les Républicains, qui sont nombreux à voir dans l’Alliance une entrave à la liberté d’action des États-Unis dans le monde. Les plus gaulliens des Français aiment à dépeindre l’OTAN comme un cheval de Troie américain en Europe. Pour bien des Américains, l’OTAN est plutôt une bride imposée à la puissance américaine par des coalitions d’États nettement plus faibles et beaucoup moins responsables stratégiquement. La revanche des nains militaires coalisés contre le géant stratégique américain, en quelque sorte.
La présidence Trump n’est même pas en rupture profonde avec les présidences précédentes malgré les déclarations de Bill Clinton et George Bush Jr. Au contraire, elle prolonge plusieurs critiques traditionnelles visant l’OTAN et les alliés des États-Unis. Le débat passe moins entre isolationnistes et interventionnistes ou entre néo-conservateurs et réalistes qu’entre ceux qui imaginent une vocation à l’OTAN et ceux qui la considèrent comme un fossile périmé. Ainsi, la présidence Clinton a artificiellement maintenu l’Alliance en vie pour l’adapter à la donne post-soviétique. Elle a abouti, en 1999 à la redéfinition du concept stratégique de l’OTAN vers des missions de maintien de la paix, de police des espaces maritimes et d’interventions humanitaires. La présidence Bush a utilisé le dispositif de solidarité entre alliés prévu par l’article 5 du Traité de Washington mais a été peu satisfaite de l’OTAN en raison du son fardeau budgétaire et de sa solidarité plus que limitée en Irak. Quant à la présidence Obama, elle a anémié l’Alliance en mettant en avant la nécessité d’un pivot vers l’Asie.
L’espérance de vie de l’OTAN paraît donc limitée dans la mesure où Donald Trump est loin d’être isolé dans sa posture de défiance à son égard.
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L’OTAN, un zombie régulièrement ressuscité
Le départ des États-Unis de l’OTAN est une dystopie redoutée par toute une partie de l’Europe – déjà imaginée dans la série Occupied comme je l’avais souligné sur The Conversation. Dans cette excellente fiction produite par Arte, le retrait américain de l’OTAN créait un appel d’air pour l’impérialisme russe en Norvège, pilier de l’Alliance en Arctique.
La mort de l’Alliance, tant de fois annoncée, n’est pourtant pas avérée. Plusieurs facteurs concourent à la maintenir en vie, bon an mal an.
Pour de nombreux États parties au traité de l’Atlantique nord, l’OTAN est tout à la fois la principale assurance vie et la colonne vertébrale de leur défense nationale. C’est tout particulièrement le cas des États ayant rejoint l’Alliance après la fin de l’URSS et qui redoutent de retomber dans la sphère d’influence russe. Dans les documents tenant lieu de Livre Blanc de la défense de la Pologne, de la Roumanie et des États baltes mais aussi des Pays-Bas, de la Norvège et de l’Allemagne, la participation à l’Alliance atlantique apparaît comme la raison d’être de l’action des forces armées. Agir en coalition avec l’OTAN et s’intégrer dans ses structures de commandement est le mode normal de ces États en matière militaire.
N’oublions pas à Paris que l’OTAN est également l’horizon stratégique et une véritable Terre promise stratégique pour plusieurs États directement exposés aux nouveaux risques géopolitiques : l’Ukraine et la Géorgie font de l’adhésion à l’Organisation leur objectif diplomatique et militaire cardinal à l’instar du Monténégro, intégré il y a peu.
Des forces de rappel essentielles agissent aussi aux États-Unis eux-mêmes. Pour les industries de défense américaines et donc pour la base industrielle et technologique de défense du pays, l’OTAN constitue un atout commercial essentiel. Pour s’intégrer techniquement dans les actions en coalition et pour solidifier leurs relations avec les États-Unis, plusieurs États membres ou partenaires de l’Alliance ont fait le choix d’équipements américains. Ainsi, la Pologne, la Roumanie et la Suède ont choisi de se procurer des systèmes de défense anti-aérienne Patriot. De même, l’achat d’avions de chasse F35 apparaît comme la garantie d’un soutien américain au sein de l’OTAN.
L’OTAN se trouve aujourd’hui dans une situation clinique bien difficile à définir : d’une part, elle a survécu à sa crise de vocation issue de la Guerre froide en se (re)trouvant un nouvel ennemi dans la Russie. C’est une cure de jeunesse précaire. Mais, d’autre part, elle est critiquée par son principal pilier, les États-Unis, qui menacent de lui couper les vivres. Aujourd’hui, l’organisation a tout d’un zombie de série B : elle est régulièrement mise en pièces, y compris par les administrations présidentielles américaines. Mais elle est incapable de mourir, régulièrement revivifiée par la résurgence de menaces sur la scène internationale. Et par l’incapacité européenne à se doter d’une solution de remplacement.
Voir aussi:
La série « Occupied », une dystopie européenne ?
Cyrille Bret, Géopoliticien et philosophe, Sciences Po
La Conversation
24 mai 2019
A quelques semaines des élections européennes, du 23 au 26 mai 2019, il est particulièrement plaisant et stimulant de voir (ou de revoir) la série Occupied (Okkupert en norvégien) diffusée sur Arte depuis 2015. Cette production franco-suédo-norvégienne tend en effet un miroir bien sombre à l’Europe et à ses voisins sur leur futur proche.
Les géopoliticiens savent désormais que la culture populaire en général et les séries télévisées en particulier illustrent et façonnent les représentations collectives qui jouent un rôle essentiel dans les relations internationales. Depuis La Géopolitique des séries publiée par Dominique Moïsi en 2016, l’analyse géopolitique des séries télévisées a même gagné le grand public. De même que Homeland a révélé aux Américains plusieurs aspects inconnus ou occultés de la « global war on terror », de même, Occupied, diffusée peu après l’annexion de la Crimée par la Russie, peut avoir un effet de révélation sur eux-mêmes pour les Européens. Mais une dystopie est bien souvent l’envers d’une utopie… ou une utopie qui a mal tourné. Occupied n’est ni un réquisitoire radical contre l’Europe ni une déploration sur le sort de la Norvège.
Du cauchemar au réquisitoire
L’épisode inaugural de la série donne le ton. Conçu par le romancier norvégien Jo Nesbo, il plonge en quelques minutes le téléspectateur dans le cauchemar de la guerre hybride. Voici les éléments essentiels de cette exposition magistrale : dans un futur proche, les États-Unis ont quitté l’Alliance atlantique et se murent dans l’isolationnisme, comme les premières minutes de l’épisode nous l’apprennent. Les éléments se sont conjurés contre le Royaume de Norvège : le réchauffement climatique vient de produire inondations dans le pays, comme le montrent les images du générique. Ces événements ont conduit à l’élection de Jesper Berg au poste de premier ministre sur un programme de transition énergétique radicale : arrêter complètement la production et l’exportation d’hydrocarbures qui alimentent l’Europe et font la richesse du royaume. L’objectif est de remplacer toutes les énergies fossiles par des centrales au thorium.
Le décor géopolitique est planté : le futur de l’Europe est marqué par l’abandon d’États-Unis isolationnistes, par le retrait de l’OTAN et par une transition énergétique rendue drastique par les effets dévastateurs du réchauffement climatique. Les risques structurels inhérents à la présidence Trump constituent la donne géopolitique et géoéconomique de notre continent.
Toutefois, l’Union ne reste pas longtemps dans un statut de victime passive : au moment où il inaugure la grande centrale au thorium, le premier ministre Berg est enlevé par des forces spéciales russes et reçoit, lors de cet enlèvement, un avertissement vidéo de la part du commissaire européen français : la Norvège doit reprendre la production et l’exportation d’hydrocarbures vers l’Europe, faute de quoi, l’Union demandera à la Russie d’intervenir militairement en Norvège pour rétablir la production. Le tragique du dilemme est souligné par la violence physique : le commando russe assassine un civil norvégien sur son passage. L’engrenage qui structure la série s’enclenche alors : les forces armées russes s’engagent dans une occupation graduelle, l’Union européenne utilise la menace russe comme instrument de chantage, la population civile norvégienne hésite entre collaboration pour réduire les dommages et résistance armée… la Norvège sombre dans la guerre civile et dans un conflit international.
Les origines du cauchemar ne sont donc pas seulement exogènes à l’Europe : elles lui sont internes. C’est la soif de ressources naturelles de l’Europe qui la conduisent à fouler aux pieds le choix souverain des électeurs norvégiens et à sous-traiter la violence militaire envers le territoire du royaume. Victime du réchauffement climatique et de l’abandon américain, l’Europe est elle-même un prédateur écologique, politique et militaire. La dystopie révèle crûment les principaux chefs d’accusation brandis depuis des mois contre l’Europe : mépris pour les souverainetés nationales, politiques de voisinage cyniques, dépendance à l’égard des États-Unis, etc.
La série n’est toutefois pas seulement un réquisitoire contre l’Europe. Comme toutes les dystopies subtiles, elle évite le manichéisme et révèle les ambiguïtés.
L’Union européenne entre cynisme et revendication de puissance
À première vue, l’Union européenne d’Occupied est la caricature qu’en présentent ses détracteurs. Le Commissaire européen incarné par Hippolyte Girardot a tous les vices imputés à la construction européenne : soumis à une Chancelière allemande dont le nom n’est jamais prononcé, il exécute tous ses ordres destinés à répondre aux besoins de l’industrie allemande ; indifférent au sort d’une démocratie voisine et partenaire, il soumet le premier ministre norvégien à un chantage permanent ; ne visant que l’accroissement de son pouvoir, il utilise la violence militaire russe pour soumettre un État souverain. La suite de la série montre même qu’il n’a que peu d’égards pour l’intégrité physique des dirigeants avec lesquels il négocie. Technocratie hors sol et méprisante pour les souverainetés nationales et populaire, l’Union semble démasquée.
Toutefois, la série n’est pas seulement à charge. Si le téléspectateur surmonte le dégoût qu’il éprouve pour le personnage qui incarne l’Union, il peut découvrir une image inversée de l’Union actuelle où ses faiblesses chroniques ont trouvé leur remède. Régulièrement accusée d’idéalisme, de pacifisme et de naïveté, notamment par Hubert Védrine, l’Union européenne apparaît dans la série comme prête et capable de défendre ses intérêts vitaux. Soucieuse de défendre ses capacités industrielles et ses lignes d’approvisionnement en matière première, l’Union met en œuvre les attributs de la puissance sur la scène internationale en exerçant une pression diplomatique sur ses partenaires et ses voisins. Prenant acte de l’abandon américain, elle se refuse à nourrir la chimère d’une Pax Americana et sous-traite son action extérieure à la seule puissance militaire disponible, la Russie.
Concernant l’Union européenne, la dystopie d’Occupied pourrait bien en réalité répondre au souhait d’une Europe puissance. Reste à savoir si les Européens sont prêts à la promouvoir.
La Russie entre opportunisme et impérialisme
La figure de la Russie est elle aussi présentée sous une forme apparemment caricaturale : puissance militaire sans égard pour la vie humaine, imperium en reconstruction, elle n’hésite pas à déclencher des opérations clandestines pour occuper les plates-formes pétrolières norvégiennes, traquer les opposants à l’occupation jusque dans les rues d’Oslo et faire disparaître les résistants. L’ambassadrice russe à Oslo, incarnée par l’actrice Ingeborga Dapkūnaitė, rendue célèbre par Soleil trompeur de Mikhalkov, reprend avec brio ce mélange de froideur, de calcul, de dureté et de cruauté prêté au président russe (réel) dans les relations internationales. Exécutrice des basses œuvres de l’Union européenne, prise dans une spirale impérialiste, la Russie d’Occupied est celle de la guerre dans le Donbass et de l’annexion de la Crimée. Plusieurs autorités publiques russes ont d’ailleurs protesté contre la série.
En réalité, la série est plus nuancée. D’une part, l’ambassadrice Sidorova, victime d’une tentative d’assassinat durant le premier épisode, n’est pas la plus radicale des impérialistes. La suite de la série souligne qu’elle agit pour un équilibre entre occupation des plates-formes pétrolières et respect minimal des institutions norvégiennes. Les concepteurs de la série rappellent au public européen que Vladimir Poutine peut être perçu comme un centriste dans son propre pays. D’autre part, les forces d’occupation russes sont elles aussi prises dans la spirale et les dilemmes de l’occupation. Soit elles prennent entièrement la maîtrise de la Norvège mais suscitent un rejet complet et manquent leur objectif. Soit elles respectent a minima les institutions du pays et elles risquent d’apparaître comme faibles. Dans la série comme dans la réalité, l’action extérieure de la Russie paraît aventureuse. Loin de la stratégie mondiale qu’on lui prête.
La russophobie attribuée à Occupied pourrait bien se révéler plus complexe que prévu : moins qu’un empire en reconstitution, la Russie apparaît comme une puissance fragile, opportuniste et subordonnée aux latitudes laissées par l’Union européenne.
La Norvège et sa mauvaise conscience européenne
Occupied apparaît comme un cauchemar norvégien : longtemps en conflit avec la Russie pour la délimitation de sa zone économique exclusive dans le Grand Nord, poste avancé de l’OTAN durant toute la guerre froide malgré une tradition de neutralisme et de pacifisme, cible d’incursions navales et aériennes, ce pays de 5 millions d’habitants se sait dépendant de l’extérieur pour assurer sa sécurité. Occupied le présente comme une victime de son environnement naturel et politique. Sans le soutien des États-Unis et de l’Union, la Norvège se considère elle-même comme une Ukraine aisément la proie des impérialismes environnants.
La série est en réalité bien plus critique envers le royaume nordique que le téléspectateur français ne pourrait le penser. La Norvège est victime d’elle-même. En effet, le premier ministre Jesper Berg provoque la crise et l’amplifie par sa naïveté politique. Il décrète unilatéralement la cessation de la production d’hydrocarbures, fort du vote populaire mais sans avoir préparé ses voisins et partenaires internationaux. La série pointe la naïveté de cette démocratie opulente et exemplaire. On peut même percevoir dans la mise en scène du personnel politique norvégien une certaine mauvaise conscience : forts de leurs convictions écologiques, assurés de leur prospérité économique et confiants dans les règles de droit, ils négligent l’alliance avec l’Union. Le pays a en effet refusé à deux reprises d’adhérer à l’Union européenne, en 1972 et 1994. Soucieux de préserver tout à la fois le modèle de protection sociale, sa souveraineté nationale et son alliance avec les États-Unis, la Norvège est dans une situation précaire à l’égard de l’Europe : la solidarité ne peut pleinement s’exercer pour un État partenaire mais non membre.
La Norvège d’Occupied, victime idéale, ne paie-t-elle pas les conséquences de son refus de l’Europe ?
La décision a été officialisée au Journal officiel de l’Union européenne, mercredi 2 mars.
Clap de fin pour RT et Sputnik. Les Vingt-Sept ont approuvé de nouvelles sanctions contre Moscou, mardi 1er mars, avec l’interdiction de diffusion de ces médias russes au sein de l’Union européenne. En réponse à la guerre en Ukraine, les contenus de Sputnik et des chaînes de RT (ex-Russia Today) en anglais, allemand, français et espagnol ne pourront plus être diffusés sur les réseaux de télévision, ni sur internet.
Les deux médias sont les « canaux » des « actions de propagande » et « de déformation des faits » de la Russie, qui « menacent directement et gravement l’ordre et la sécurité publics de l’Union », écrivent les Vingt-Sept. Ces mesures d’interdiction « devraient être maintenues jusqu’à ce que l’agression contre l’Ukraine prenne fin et jusqu’à ce que la Fédération de Russie et ses médias associés cessent de mener des actions de propagande contre l’Union et ses Etats membres ». Franceinfo fait le point sur cette interdiction.
1Quels sont les médias visés ?
RT est une chaîne de télévision lancée en 2005 à l’initiative du Kremlin, sous le nom de « Russia Today », et financée par l’Etat russe. En France, elle emploie 176 salariés dont 100 journalistes. Une autorisation d’émettre dans l’Hexagone lui a été accordée par le CSA en décembre 2015. La France est ainsi le seul Etat membre de l’UE à accueillir sur son sol une filiale de RT et à lui accorder cette licence de diffusion.
Au quotidien, sur sa chaîne télévisée et ses contenus multimédia, RT promeut la position du Kremlin à l’étranger. Sa création résulte d’un besoin pour les élites russes « de repenser leur dispositif d’influence, de reforger un ensemble d’instruments, notamment médiatiques », analyse pour franceinfo Maxime Audinet, docteur en études slaves et auteur du livre Russia Today, un média d’influence au service de l’Etat russe » (éditions de l’INA). Franceinfo, qui a écouté ses programmes durant plusieurs heures, a observé peu de voix dissonantes parmi les invités.
Sputnik est un média web également financé par l’Etat russe. Il possède un site internet, ainsi qu’une déclinaison vidéo sur YouTube et sur les réseaux sociaux.
2Pourquoi cette décision a-t-elle été prise ?
Face à l’invasion de l’Ukraine par la Russie, la présidente de la Commission européenne a estimé qu’il était impératif de lutter contre ce qu’elle appelle « la machine médiatique du Kremlin ». « Les médias d’Etat Russia Today et Sputnik ainsi que leurs filiales (…) ne pourront plus diffuser leurs mensonges pour justifier la guerre de Poutine et pour semer la division dans notre Union. Nous développons donc des outils pour interdire leur désinformation toxique et nuisible en Europe », a déclaré Ursula von der Leyen le 27 février, trois jours après le début du conflit.
Un constat partagé par Pieyre-Alexandre Anglade. « Nous avons été, nous Européens, trop naïfs, trop indulgents avec ces organes de propagande et de désinformation massive », a jugé le porte-parole des députés La République en marche, mardi 1er mars.
3Où en est-on de l’entrée en vigueur de l’interdiction ?
L’interdiction de RT et Sputnik est officiellement entrée en vigueur dans l’UE mercredi 2 mars, à la mi-journée. Ursula von der Leyen avait annoncé le bannissement des chaînes RT dans toute l’UE trois jours plus tôt, sans préciser les contours d’une telle décision.
Chaque Etat membre, via son autorité de régulation des médias et ses opérateurs télécoms, est chargé de faire respecter cette interdiction. En avance sur le reste des Européens, l’Allemagne avait annoncé début février l’interdiction de la chaîne RT, dans un contexte de tensions avec le Kremlin.
En France comme dans le reste de l’Europe, le bannissement est intervenu progressivement après une réunion avec le secrétaire d’Etat au Numérique, Cédric O, lundi 28 février. Dans la foulée, TikTok et Facebook ont annoncé suspendre l’accès à ces comptes en Europe. Mardi, c’était au tour de YouTube de bloquer ces chaînes sur le continent « avec effet immédiat », « compte tenu de la guerre en cours en Ukraine ». Twitter a bloqué les comptes des deux chaînes jeudi, après avoir apposé la mention « Média affilié à un Etat, Russie » aux comptes de leurs journalistes et anciens journalistes. La diffusion à la télévision de RT France a cessé mercredi après-midi chez les différents opérateurs qui proposaient cette chaîne.
4Comment cette mesure est-elle justifiée juridiquement ?
Selon le texte publié au Journal officiel de l’UE, « toute licence ou autorisation de diffusion, tout accord de transmission et de distribution conclu avec les personnes morales, entités ou organismes énumérés (…) sont suspendus ». Cela concerne tous les moyens de diffusion, que ce soit « le câble, le satellite, la télévision sur IP, les fournisseurs de services internet, les plateformes ou applications, nouvelles ou préexistantes, de partage de vidéos sur l’internet ». Le texte précise que « ces mesures n’empêchent pas ces médias et leur personnel d’exercer dans l’Union d’autres activités que la diffusion, telles que des enquêtes et des entretiens ».
En France, l’Autorité publique française de régulation de la communication audiovisuelle et numérique (Arcom) assure que ces décisions ont « pour effet de suspendre la convention et la distribution de RT France ». Elles sont « d’application directe et immédiate par tous les opérateurs concernés », dès le 2 mars.
Cette décision devrait toutefois faire l’objet de recours devant la justice. Mardi, le régulateur russe des médias, Roskomnadzor, a protesté contre ces mesures, estimant qu’elles « violent les principes fondamentaux de la libre circulation de l’information et son accès sans entrave ». RT France a de son côté lancé une pétition sur la plateforme Change.org pour dénoncer cette interdiction, réunissant 10 500 signatures en trois heures.
L’UE réfute toutefois ces accusations. Josep Borrell, le chef de la diplomatie européenne, a estimé que ces médias ne produisaient pas une information libre mais « une désinformation massive ». « Nous nous appuyons sur de solides bases juridiques (…) et nous défendrons notre décision devant les tribunaux » européens, a également assuré une source européenne anonyme à l’AFP, tout en admettant que des représailles contre des médias européens en Russie étaient « une possibilité ». « Vladimir Poutine va frapper nos médias », a ainsi prévenu Fabrice D’Almeida, historien et vice-président de l’Université Panthéon-Assas.
Voir également:
L’écrivain transalpin Paolo Nori, qui devait donner un cours sur le célèbre auteur russe Dostoïevski, a dénoncé une tentative de censure de l’université Milano Bicocca. La direction lui a demandé de reporter ses leçons au vu de l’actualité. L’université affirme qu’il s’agit d’un malentendu, mais Nori refuse désormais de se rendre sur place.
Il s’est exprimé dans une vidéo Instagram où il apparaît au bord des larmes, la voix cassée par l’émotion. Mardi 1er mars, l’écrivain italien Paolo Nori a dénoncé ce qui est à ses yeux une tentative de censure. En effet, l’université Milano Bicocca, où il devait tenir un cours sur Dostoïevski, lui a communiqué par courriel le report de ses leçons pour “éviter toute forme de polémique dans ce moment de forte tension”.
Une décision jugée incompréhensible par l’intéressé, qui a réagi avec des mots très durs :
En Italie, aujourd’hui, être un Russe est considéré une faute. Et apparemment, même être un Russe décédé, qui de plus a été condamné à mort en 1849 pour avoir lu une chose interdite. Ce qui est en train d’arriver en Ukraine est une chose horrible qui me donne envie de pleurer, mais ces réactions sont ridicules. Quand j’ai lu ce mail de l’université, je ne pouvais pas y croire.”
“Un équilibre littéraire en temps de guerre”
Quelques heures plus tard, la polémique rebondissait dans les médias transalpins, poussant l’université milanaise à faire marche arrière. Simple malentendu, s’est-on justifié depuis l’institut, qui a invité Nori à tenir son cours avant que la précision qui a suivi de la part d’un responsable ne ravive la polémique.
“L’intention était de restructurer le cours en ajoutant à Dostoïevski des auteurs ukrainiens”, a expliqué Maurizio Casiraghi, dont les propos sont rapportés par le Corriere della Sera. Une précision qui a fini de persuader Paolo Nori de ne pas se rendre à cette université.
“Un équilibre littéraire en temps de guerre” était donc la solution envisagée par l’institut, poursuit le quotidien milanais, qui, à travers un article signé par un de ses éditorialistes, propose une réflexion plus large sur le comportement à adopter vis-à-vis des Russes en ce moment de tension :
Dostoïevski est sauvé, mais reste le fond du débat : est-il juste d’exiger des Russes contemporains une prise de distance avec Poutine ? Si nous le faisions, le principe selon lequel les personnes se jugent sur la base de leur action et non par leur nationalité viendrait à manquer.”
Toutefois, le journal italien reconnaît une exception à cette règle pour les Russes “célèbres et liés à Poutine” : il est juste d’exiger de leur part une prise de distance de ce conflit.
Une référence à la polémique qui a entouré Valery Guerguiev, le chef d’orchestre considéré proche de Poutine, que le maire de Milan a “banni” du célèbre théâtre de La Scala, faute d’avoir accepté de se déclarer opposé à la guerre.
Une décision qui a fait couler beaucoup d’encre, mais qui rencontre donc l’approbation de l’éditorialiste transalpin.
Voir par ailleurs:
Le film d’Oliver Stone sur Poutine: « un clip publicitaire, pas un documentaire »
Spécialiste de la Russie, l’universitaire Cécile Vaissié réagit à la diffusion par France 3 du film d’Oliver Stone Conversations avec Poutine.
« Consternant d’ignorance et de complaisance ». France 3 a diffusé lundi soir le premier volet de quatre heures de Conversations avec Poutine, un film réalisé par Oliver Stone, le réalisateur de Platoon et de JFK.
Le metteur en scène trois fois oscarisé, a réalisé ce montage à partir de 12 entretiens filmés entre juillet 2015 et février 2017 avec le président russe. Cécile Vaissié*, professeur en études russes et soviétiques à l’Université Rennes 2, réagit à ce document controversé.
Qu’est-ce qui vous a le plus frappé dans Conversations avec Poutine?
Oliver Stone filme Vladimir Poutine, lui donne la parole, comme s’il était un parfait inconnu. Ne connaissant rien à la Russie, le réalisateur américain est incapable de lui apporter la contradiction, ni même de saisir les perches lancées par Poutine, que ce soit sur l’Otan, les oligarques, la Tchétchénie, les pays voisins. Il n’approfondit jamais les thèmes abordés.
Stone se montre tellement inculte que, par contraste, Poutine apparaît modéré, plus fin, plus intelligent -ce qu’il est sans aucun doute. « Vous avez amélioré les salaires… stoppé les privatisations ». « Non, je n’ai pas arrêté les privatisations », le corrige Poutine. Au cours de l’exercice, Poutine ment de nombreuses fois, mais à plusieurs reprises, les mensonges ne sortent même pas de sa bouche. Il se contente d’enchaîner sur les affirmations du cinéaste.
Les compliments de Stone sur les avancées économiques dues au président reprennent sans recul la propagande du Kremlin. Il est vrai que le niveau de vie a augmenté entre 2000 et 2008, mais selon les économistes russes, c’est presque entièrement attribuable à la hausse des prix du baril. Un journal russe a d’ailleurs publié un article livrant 20 exemples de la façon dont Poutine a trompé Oliver Stone, après la sortie de ce film. Il montre notamment que Poutine semble ignorer que les fonds de réserve gouvernementaux sont inclus dans les fonds de réserve de la Banque centrale, sans être contredit par Stone.
L’objectif de Stone était peut-être de démontrer la vision de monde qu’a Poutine…
Donner la parole à Vladimir Poutine est tout à fait légitime. A condition qu’en face on lui apporte la contradiction. Ce que dit le président russe tout au long de ce film n’a rien de nouveau. On le retrouve intégralement sur RT et Sputnik [les chaines de propagande du Kremlin]. Ce n’est pas un documentaire. C’est un clip publicitaire. Il est surprenant qu’une chaîne publique consacre autant de temps à un tel objet.
Certains points vous ont-ils plus choqué que d’autres?
D’un bout à l’autre, la complaisance et la vacuité des échanges sont consternants. Cette façon de montrer le président avec son cheval ou faisant du sport…
La naïveté de Stone est même parfois drôle. Il découvre étonné que les fidèles ne s’assoient pas dans les églises orthodoxes, avant d’embrayer sur le rôle de l’orthodoxie en Russie. Le décalage entre son ignorance et la question centrale de la religion dans la société russe est troublante.
Son ingénuité l’amène à dérouler sans complexe le discours du Kremlin. Par exemple sur la promesse de non-élargissement de l’Otan que les Occidentaux auraient faite à Mikhaïl Gorbatchev à la chute de l’URSS. Gorbatchev lui-même a démenti que de telles promesses lui avaient été faites. Là encore, Poutine est plus subtil que Stone. Il soutient que cette promesse a été donnée par oral, non par écrit. Impossible à vérifier, donc.
Et à aucun moment Stone ne s’interroge sur la raison pour laquelle les pays de l’ex-bloc soviétique ont voulu rejoindre l’Otan. Pourquoi l’opinion ukrainienne qui était, il y a quelques années encore, hostile à l’entrée dans l’Alliance atlantique y est favorable, depuis la guerre dans l’est de son territoire?
Le seul moment qui aurait pu être intéressant est celui où il visionne Docteur Folamour avec Poutine. Il aurait pu discuter avec lui de cinéma, un sujet que Stone maîtrise, l’interroger sur le cinéma russe.
Le documentaire ne pêche pas seulement par ce qu’il affirme, mais aussi par ce qu’il élude…
Les exemples ne manquent pas. Aucune question sur sa fortune personnelle, sur les fastes du gouvernement. Il n’aborde pratiquement pas la société russe, à l’exception de l’homosexualité. Aucune mention de l’effondrement du système médical, de l’éducation. Rien sur les grands-mères à qui le gouvernement refuse que leurs retraites soient indexées sur le taux de l’inflation…
Le réalisateur ne l’interroge pas non plus sur ce qu’a fait Poutine entre 1991 (la chute de l’URSS) et 1996, moment où il entre au Kremlin. Ni sur son attitude au moment du putsch d’août 1991 contre Gorbatchev.
Rapidement évoquées, la question des oligarques et celle de la privatisation de l’économie russe dans les années 1990, auraient mérité d’être creusées. Stone se contente d’étaler la vision du maître du Kremlin. Rien sur les véritables raisons pour lesquelles certains oligarques ont été adoubés et d’autres jetés derrière les barreaux. La stigmatisation de Mikhaïl Khodorkovski, qui a passé dix ans en prison m’a particulièrement choquée. Stone ne se contente pas de servir la soupe à Poutine, il se fait complice de la persécution de cet homme.
Voir enfin:
‘The Putin Interviews’: Oliver Stone’s Wildly Irresponsible Love Letter to Vladimir Putin
TWO PEAS IN A POD
Showtime’s four-part series of interviews between Stone and Putin sees Russia’s authoritarian ruler give his thoughts on NATO, women, gays, Snowden, and more.
Marlow Stern
The Daily Beast
Jun. 06, 2017
When America sends its people to interview Vladimir Putin, they’re not sending their best. They’re not sending an Anderson Cooper or a Christiane Amanpour, intrepid journalists well-versed in geopolitics and the art of the spiel. They’re sending people like Megyn Kelly, a race-baiter who rode the wave of one semi-challenging debate question all the way to a cushy gig at NBC News, or Oliver Stone, a revisionist history buff who’s spent the past few decades cozying up to dictators like Fidel Castro, Hugo Chavez, and Putin.
Yes, in addition to qualifying Hitler and claiming the Jews run the media, Stone helmed the 2014 documentary Ukraine on Fire—a bizarre slice of Kremlin propaganda alleging that the CIA orchestrated the 2014 Ukrainian revolution (based on scant evidence), and featuring cameos from Viktor Yanukovych and Putin. If that weren’t enough, in September, the JFK filmmaker posited that the Democratic National Committee hack was an inside job and not, as 17 U.S. intelligence agencies concluded, the work of Russian agents. Stone’s The Putin Interviews, a new four-part series debuting on Showtime on June 12, should thus be viewed as nothing short of hero worship; the rough equivalent of a Twihard probing Robert Pattinson or Donald Trump interrogating a tacky gold chair.
The Putin Interviews, a documentary comprised of conversations with the Russian president that took place between July 2015 and February 2017, is clearly intended to humanize Putin and demonize America. In the first two parts provided to press, there are scenes of Putin feeding horses and strolling through lush gardens as string instruments sound; footage of the sexagenarian schooling men one-third of his age in hockey; and fawning Stone comments ranging from “You have a lot of discipline, Sir” to “You are a very lucky man” to “What do you bench?” OK, that last one I made up.
Stone not only fails to challenge Putin, but essentially cedes him the floor, allowing the cunning ex-KGB operative to spin more than the president’s toupee in a tornado. Putin denies Russia was the aggressor in virtually every global conflict, including the invasions of Georgia and Ukraine. He champions Russia’s economy over that of the U.S., despite his GDP being a little more than half that of California’s. He even blames the Cuban Missile Crisis on the U.S.
At one point Stone, in an apparent effort to name-drop one of his movies, asks Putin: “Is Wall Street actively working to destroy the Russian economy in the interests of the United States?” He shrugs it off. “Do you think the National Security Agency had gone too far in its eavesdropping?” Of course he does.
Some of the director’s lame questions bear fruit in spite of themselves. When Stone asks Putin, “Do you ever have a bad day?” during a tour of the throne room, the Russian strongman giddily answers, “I’m not a woman so I don’t have bad days.” He then doubles down on the misogyny, explaining that, “There are certain natural cycles which men probably have as well, just less manifested. We are all human beings. It’s normal. But you should never lose control.”
A conversation about whether gays can serve in the military in Russia leads to the Stone question: “If you’re taking a shower in a submarine with a man and you know he’s gay, do they have a problem with that?”
Putin’s answer is not only homophobic, but completely bonkers. “Well, I prefer not to go to shower with him,” exclaims a cackling Putin. “Why provoke him? But you know, I’m a judo master and a SAMBO master as well. And I can tell you this, that as head of state today, I believe it’s my duty to uphold traditional values and family values. But why? Because same-sex marriages will not produce any children. God has decided, and we have to care about birth rates in our country. We have to reinforce families. But that doesn’t mean that there should be any persecutions against anyone.”
The lion’s share of The Putin Interviews’ B-roll consists of news clips from RT, the propaganda arm of the Kremlin, and pro-Russia graphics. Putin admits to never having seen Dr. Strangelove, and, in the first two episodes’ most surreal sequence, the two sit down to watch Stanley Kubrick’s 1964 Cold War satire. “[Kubrick] foresaw some issues even from a technical point of view, things that make us think about real threats that exist,” Putin says in his mini-review. “The thing is that since that time, little has changed. The only difference is that the modern weapons systems have become more sophisticated, more complex. But this idea of a retaliatory weapon, and the inability to control such weapons systems, still hold true to this day. It has become even more difficult, even more dangerous.”
Stone and Putin chat in various locations throughout the doc, from the halls of the Kremlin to the great outdoors. In one exchange aboard Putin’s plane, he reveals his unvarnished thoughts on the North Atlantic Treaty Organization.
“There is no longer an Eastern Bloc, no more Soviet Union. Therefore, why does NATO keep existing? My impression is that in order to justify its existence, NATO has a need of an external foe, there is a constant search for the foe, or some acts of provocation to name someone as an adversary,” says Putin.
“Nowadays, NATO is a mere instrument of foreign policy of the U.S. It has no allies, it has only vassals. Once a country becomes a NATO member, it is hard to resist the pressures of the U.S.,” he continues. “And all of a sudden any weapon system can be placed in this country. An anti-ballistic missile system, new military bases, and if need be, new offensive systems. And what are we supposed to do? In this case we have to take countermeasures. We have to aim our missile systems at facilities that are threatening us. The situation becomes more tense. Why are we so acutely responding to the expansion of NATO? Well, as a matter of fact, we understand the value or lack thereof, and the threat of this organization. But what we’re concerned about is the following: We are concerned by the practice of how decisions are taken. I know how decisions are taken there.”
Huddled inside a car with Putin behind the wheel—in what is without question the worst episode of Carpool Karaoke ever—they discuss the plight of whistleblower Edward Snowden, a former NSA contractor who was granted asylum in Russia after leaking top-secret government documents revealing a complex web of surveillance conducted by the U.S. against its allies and own citizens. Putin claims that the U.S. refused to agree to a deal years back that “stipulated for a mutual extradition of criminals,” and since “Snowden didn’t violate any [Russian] law,” and since “the U.S. has never extradited any criminals to us who have sought asylum there,” they refused to extradite Snowden back to America.
While he doesn’t agree with what Snowden did, Putin refers to him as “courageous” several times and asserts, “Snowden is not a traitor. He didn’t betray the interests of his country. Nor did he transfer any information to any other country which would have been pernicious to his own country or to his own people. The only thing Snowden does he does publicly.”
The 2016 U.S. presidential election is briefly mentioned during a February 2016 chat within the halls of the Kremlin, with Putin maintaining that Russia is “going to be ready to work with whoever gets elected by the people of the United States.” When he adds, “I believe nothing is going to change no matter who gets elected,” he can’t help but unleash a knowing smirk.
Stone suggests that Putin could influence the U.S. election by endorsing a candidate, thereby causing his or her popularity to plummet. “Unlike many partners of ours, we never interfere within the domestic affairs of other countries,” replies Putin, smiling wide. “That is one of the principles we stick to in our work.”
The Putin Interviews offer, first and foremost, a staggering display of mendacity on the part of both interviewer and interviewee. During a back and forth aboard his jet, Putin claims to have in his possession a letter from the CIA admitting that they provided technical support to the Chechens—including terrorist organizations—during the Second Chechen War. When Stone requests that he provide the letter, Putin responds, “I don’t think it would be appropriate. My words are enough.”
For Oliver Stone, they most certainly are.
Voir par ailleurs:
Ukraine security chief: Minsk peace deal may create chaos
Yuras Karmanau
AP News
January 31, 2022
KYIV, Ukraine (AP) — Ukraine’s security chief warned the West on Monday against forcing the country to fulfill a peace deal for eastern Ukraine brokered by France and Germany, charging that an attempt to implement it could trigger internal unrest that would benefit Moscow.
Oleksiy Danilov, the secretary of Ukraine’s National Security and Defense Council, told The Associated Press that Ukraine has the capability to call up to 2.5 million people if Russia invades.
He said that about 120,000 Russian troops are concentrated near Ukraine and Moscow may stage provocations “at any moment,” but argued that launching a full-fledged invasion would require massive preparations that would be easily spotted.
“The preparatory period that will be noticed by the entire world could take from three to seven days,” Danilov said. “We aren’t seeing it yet. We clearly understand what’s going on and we are calmly preparing for it.”
He deplored the decision by the U.S., Britain, Australia, Germany and Canada to withdraw some of their diplomats and dependents from the Ukrainian capital of Kyiv, saying the move “wasn’t pleasant for us” and empasizing that “we don’t think that there is a threat right now.”
U.S. President Joe Biden told Ukrainian President Volodymyr Zelenskyy in a call Thursday that there is a “distinct possibility” that Russia could invade the country in February. But the Ukrainian leader played down the war fears, arguing Friday that the Russian troop buildup could be part of Moscow’s attempts to exert “psychological pressure” and sow panic.
“We can’t allow panic in the country,” Danilov told the AP. “It’s very difficult for us to maintain control over the economic situation when all the media keep saying that the war will start tomorrow. Panic is a sister of defeat.”
Danilov said that Ukraine has the potential to quickly and dramatically beef up its 250,000-strong military in case of a Russian offensive.
“They will face a response from our society, our citizens, our military,” Danilov told the AP. “We can put 2 (million) to 2.5 million people under arms.”
He noted that up to 420,000 Ukrainians have gained combat experience in fighting with Russia-backed separatists in eastern Ukraine and up to 1 million in the nation of 41 million people have hunting licenses.
Danilov pointed at the Ukrainian Interior Ministry’s announcement Monday that it had thwarted a plot to stage riots in Kyiv and other Ukrainian cities, saying that Russian President Vladimir Putin hopes to achieve his goal of destroying Ukraine through internal destabilization even without an invasion.
“Regrettably, we have many agents of influence of the Russian Federation here, who are behind the plans of destabilizing our country from within,” he said pointing at a pro-Russian party that has a sizeable presence in Ukraine’s parliament.
After the 2014 ouster of a Kremlin-friendly president in Kyiv, Moscow annexed Ukraine’s Crimean Peninsula and backed an insurgency in the country’s eastern industrial heartland. Fighting between Ukrainian forces and Russia-backed rebels has killed over 14,000 people, and efforts to reach a settlement there have stalled.
Since the start of the separatist conflict in Ukraine, Russia has been accused of sending troops and weapons to the separatists, something it has denied. It has given out over 700,000 Russian passports to people living in rebel-held areas in eastern Ukraine.
“I have a question: Why the West is not reacting to that?” Danilov said.
He argued that Ukraine needs to revise the 2015 peace deal signed in Minsk that requires Ukraine to provide a broad autonomy to the rebel-held east and a sweeping amnesty to the rebels.
“The fulfillment of the Minsk agreement means the country’s destruction,” Danilov said. “When they were signed under the Russian gun barrel — and the German and the French watched — it was already clear for all rational people that it’s impossible to implement those documents.”
The agreement, which was brokered by France and Germany after a string of Ukrainian military defeats, was widely abhorred by the Ukrainian public as a betrayal of their national interests. Zelenskyy and his officials have made repeated calls for its modification.
Moscow has staunchly refused to amend the Minsk agreement and criticized Ukraine’s Western allies for failing to encourage Ukraine to fulfill its obligations.
Envoys from Russia, Ukraine, France and Germany met Wednesday for more than eight hours in Paris to discuss ways to implement the Minsk agreement. They made no visible progress but agreed to meet again in two weeks in Berlin.
Danilov warned the West against pressuring Ukraine into fulfilling the Minsk deal, saying it would provoke dangerous instability.
“If they insist on the fulfillment of the Minsk agreements as they are it will be very dangerous for our country,” he said. “If the society doesn’t accept those agreements, it could lead to a very difficult internal situation and Russia counts on that.”
He also argued that if Ukraine honors the deal it, that will allow Russia to demand the lifting of Western sanctions that were contingent on progress in implemeting the Minsk agreement.
Danilov called for negotiating a new document that could be realistically implemented, adding that it should force “Putin to simply pull his troops and tanks back.”
He denounced the Russian demands for NATO to bar Ukraine from ever joining the alliance, saying that the country, a former Soviet republic, has made a choice to seek to integrate into NATO and the European Union, which is reflected in its constitution. It is not a member of either bloc at this time.
“No one has the right to dictate to us whether we should or shouldn’t join alliances,” Danilov said. “It’s our people’s sovereign right.”
He also noted that Ukraine needs more Western weapons, saying “it’s our only request to our partners — give us more weapons to defend ourselves.”
He criticized Germany for refusing to provide Ukraine with weapons, charging that Berlin has also failed to properly apologize to Ukrainians for Nazi crimes during World War II when Ukraine was part of the Soviet Union.
“Regrettably, they haven’t apologized for killing millions of our citizens,” he said. “They apologize to the Russians as if we were one country. They shouldn’t talk about democracy then and say that they support authoritarian regimes and partner with them.”
Voir encore:
Guerre en Ukraine: Comment Poutine a fait le jeu des Etats-Unis
Gérald Olivier
France Amérique
2 mai 2022
Vieux de deux mois déjà, le conflit russo-ukrainien ne semble pas près de se conclure. Ni la Russie, ni l’Ukraine, n’ont les moyens militaires de l’emporter. Et aucune solution politique ne se dessine. La guerre est devenue un face à face dévastateur et sanglant dans le Donbass qui pourrait se prolonger des mois, voire des années. Cependant, ce conflit a déjà fait deux vainqueurs: l’Otan et les Etats-Unis !
L’Alliance atlantique, moribonde il y a quelques années, est redevenue incontournable et va accueillir probablement deux nouveaux membres, la Finlande et la Suède. L’ironie majeure de ce renforcement est que ces deux pays vont doubler la longueur des frontières russes partagées avec l’Otan, alors que c’est, entre autres, pour contrer l’encerclement supposé de son pays par les forces atlantiques que Poutine a déclenché sa guerre… Effet inverse de celui recherché !
Les Etats-Unis qui fournissent à l’Ukraine armes, équipements et entrainement ont fait, sur le terrain, par soldats ukrainiens interposés, la démonstration de la qualité de leur matériel et de leur efficacité militaire. Ils pourront continuer de vendre leurs armes et leur protection aux pays européens, ainsi même que leur gaz naturel, tandis que leur grand rival de la guerre froide se retrouve empêtré dans un conflit durable, isolé sur la scène internationale et ciblé par des sanctions économiques débilitantes à très long terme.
Cette nouvelle réalité enrage d’ailleurs les zélés de l’anti-américanisme primaire qui se vengent comme ils peuvent en déversant leur haine de l’Amérique sur les ondes et les réseaux sociaux.
Certains n’hésitent pas à prétendre que si l’Amérique sort première gagnante de ce conflit c’est bien sûr parce qu’elle avait tout manigancé à l’avance. Ce conflit serait le résultat d’une « manipulation » américaine ! Il aurait été « orchestré » par les Etats-Unis ! Le vrai responsable, à les croire, c’est le grand satan américain. Ainsi, Vladimir Poutine, l’ex-espion du KGB et du FSB, homme retors, froid et calculateur, se serait fait berner par Joe Biden, le vieux pantin démocrate gaffeur aux capacités cognitives incertaines… Ahurissante analyse qui rassemble dans un même camps les ennemis de l’Amérique, l’extrême gauche radicale, l’extrême droite nationaliste, et même des terroristes islamistes.
En Chine, le Quotidien du peuple qui est l’organe du Parti Communiste écrit : « Derrière la crise en Ukraine se cache l’ombre de l’hégémonie américaine. L’expansion de l’Otan vers l’est, menée par les États-Unis, est à l’origine de la crise en Ukraine. Les États-Unis sont l’initiateur de la crise. »
La Corée du Nord reprend la voix de son maître : « La cause profonde de la crise ukrainienne réside dans l’autoritarisme et l’arbitraire des États-Unis…(leur) politique de suprématie militaire au mépris de la demande légitime de la Russie pour sa sécurité. Tout est de la faute des États-Unis. »
Au Liban, Hassan Nasrallah, chef du Hezbollah déclarait récemment « L’Amérique est responsable de ce qui se passe en Ukraine. Elle a fait de la provocation, n’a pas aidé pour trouver une solution diplomatique et n’a rien fait pour arrêter la guerre. »
En Israël, le parti communiste a condamné « l’agression de l’Otan qui sert les États-Unis bellicistes »…« Quiconque ignore la provocation des États-Unis par le biais de l’Otan a tort et se trompe… » a précisé son représentant à la Knesset, le parlement israélien.
En Italie, l’agence de presse altermondialiste Pressenza ne dit rien d’autre : « Ce dont nous sommes témoins est la conséquence de 30 ans d’agression américaine contre la Russie avec le soutien de l’Europe. »
En France, Éric Zemmour, a estimé Vladimir Poutine «coupable » du déclenchement du conflit, mais «pas le seul responsable». « Les responsables c’est l’Otan qui n’a cessé de s’étendre, a-t-il dit, les Français, les Allemands, les Américains, qui n’ont pas fait respecter les accords de Minsk et qui n’ont cessé d’étendre l’Otan pour qu’elle soit autour de la Russie comme une sorte d’encerclement. »
Nikola Mirkovic, auteur de l’Amérique Empire, ouvrage dénonçant « l’impérialisme américain » a tenu à peu près les mêmes propos au politologue anti-islamiste Alexandre Del Valle : « Les Etats-Unis ont fait monter les tensions avec la Russie… et ont tenté d’utiliser l’Ukraine comme un coin entre la Russie et l’Europe… en Ukraine, l’ingérence des Etats-Unis et d’autres pays européens a été un grand facteur de déstabilisation. »
Le même Alexandre del Valle a développé la thèse du « piège tendu par les Etats-Unis qui ont agité le chiffon rouge d’une Ukraine dans l’Otan pour pousser Poutine à intervenir » dans un long entretien au site suisse Les Observateurs.
Aux Etats-Unis même, la thèse de la responsabilité occidentale a été mise en avant par John Mearsheimer, professeur à l’université de Chicago et tenant de l’école « réaliste » en politique étrangère, dans une interview à l’hebdomadaire de la gauche socio-libérale américaine The New Yorker : « Je pense que tout a commencé au sommet de l’Otan de Bucarest en 2008, avec l’annonce que la Géorgie et l’Ukraine deviendraient membres de l’Otan. Les Russes ont indiqué à cette époque que cela constituerait pour eux une menace existentielle et qu’ils s’y opposeraient… Néanmoins les occidentaux ont continué de transformer l’Ukraine en bastion occidental à la frontière russe… L’expansion de l’Otan, et l’expansion de l’Union européenne, sont au coeur de cette stratégie, tout comme la volonté de faire de l’Ukraine une démocratie libérale pro-américaine, ce qui du point de vue russe est une menace existentielle. »
Nul doute que si la Russie était parvenue à renverser le régime de Kiev en quelques jours, comme elle l’escomptait, ces mêmes analystes auraient loué la stratégie et l’audace du maître du Kremlin. Le « piège américain » n’est invoqué que pour masquer la monumentale erreur de Vladimir Poutine qui a surestimé les capacités de son armée, et sous-estimé celles de son adversaire.
Dans ce conflit, choisi, et provoqué par Moscou, il n’y a pas eu de « piège américain », pas plus qu’il n’y a eu de « responsabilité de l’Otan ». D’ailleurs pour justifier son intervention contre l’Ukraine, la Russie n’a pas parlé de l’Otan. Elle a parlé du besoin de « démilitariser » et « dénazifier » l’Ukraine par une « opération militaire spéciale ». En choisissant un tel motif Poutine a révélé la réalité de sa motivation. Toutes ces années passées l’Otan n’a été qu’un prétexte utilisé par Vladimir Poutine pour préserver à la Russie un droit de regard sur ses voisins proches, « droit de regard » auquel elle n’a justement pas droit… Pas plus qu’aucun autre pays indépendant n’a de « droit de regard » sur la politique intérieure ou étrangère d’un autre pays indépendant, fut-il son voisin.
Voici donc les mythes russes sur les agressions de l’Otan démasqués.
Premier mythe, l’encerclement. La Russie prétend que les puissances occidentales cherchent à « encercler » son territoire et que les bases de l’Otan tout au long de sa frontière ouest n’ont d’autre objectif que de permettre cet encerclement. Il suffit de regarder une carte pour réaliser que cet argument ne tient pas la route. La Russie est le plus vaste pays du monde. Elle couvre a elle seule 11% de la surface terrestre de la planète. Elle est deux fois plus vaste que les Etats-Unis continentaux. Sa superficie est trente fois supérieure à celle de la France et elle compte plus de vingt mille kilomètres de frontières. Elle partage ses frontières terrestres avec quatorze pays, dont seulement cinq sont aujourd’hui membres de l’Otan. Ce qui représente mille deux cents kilomètres de frontières communes avec l’Otan. Soit un vingtième de ses frontières totales. Les trois pays ayant les plus longues frontières avec la Russie sont le Kazakhstan, la Mongolie et la Chine.
Second mythe, l’Otan est une puissance hostile vouée à vassaliser la Russie. L’Otan est une alliance défensive fondée en 1949 pour contenir l’expansionnisme soviétique. Cette alliance a vu son mandat prolongé au-delà de la guerre froide, précisément pour protéger les ex-républiques soviétiques nouvellement indépendantes d’un quelconque revirement politique à Moscou. L’Otan ne s’est pas montré hostile envers la Russie mais l’a, au contraire, incluse dans des actions communes – au Kosovo, en Afghanistan et dans la Corne de l’Afrique, sous mandat de l’Onu – et a cherché à l’intégrer dans un nouvel ensemble eurasiatique et transatlantique allant de San Francisco à Vladivostok. Tentatives d’ouvertures rejetées par la Russie, notamment à partir des années 2000 et l’arrivée à la présidence de Vladimir Poutine.
Troisième mythe, l’Otan serait revenu sur sa promesse de ne pas s’étendre à l’Est. Cette promesse est un vrai mythe. Elle n’existe pas et n’a jamais été faite à la Russie. Elle n’apparait dans aucun texte ou traité ! Les partisans de cette thèse font référence à des discussions ayant eu lieu du temps de l’Union soviétique, entre le président Gorbatchev et le secrétaire d’Etat américain de l’époque James Baker. Ces discussions portaient sur la réunification allemande et remontent au printemps 1991, alors que l’Union soviétique existait encore et qu’un certain nombre de pays d’Europe de l’Est lui étaient liés dans le cadre du Pacte de Varsovie. Tout empiétement sur cet ensemble aurait été une agression. Mais une fois l’Union soviétique dissoute, le pacte de Varsovie également dissout et ses ex-membres devenus des pays indépendants ces derniers avaient toute liberté et légitimité de rechercher des alliances internationales y compris celle de l’Otan. Ce qui fut le cas.
Dans ce contexte, loin de provoquer la Russie, l’Otan a attendu près de dix ans pour laisser rentrer ces pays. Le premier « round » d’intégration d’anciens pays de l’Est est intervenu en 1999, au sommet de Washington, avec l’intégration de la Pologne, de la Hongrie et de la République Tchèque. Cinq ans plus tard, en 2004, au sommet d’Istanbul, sept nouveaux pays européens furent accueillis au sein de l’Alliance atlantique (Bulgarie, Estonie, Lettonie, Lithuanie, Roumanie, Slovaquie et Slovénie ). Certains pays ont alors pris soin de faire approuver cette entrée par référendum auprès de leur population.
Quatrième mythe : L’Otan a cherché à isoler la Russie et à la marginaliser sur la scène internationale. C’est faux. Dès 1991 l’Otan a ouvert un « partenariat pour la paix » avec la Russie. En 1997 la Russie et l’Otan ont signé un Acte fondateur pour des relations mutuelles, pour la coopération et pour la sécurité, établissant un Conseil Permanent Otan-Russie, et initiant une coopération dans le domaine de la lutte anti-terroriste et contre le trafic de drogue. Cette coopération s’est prolongée au-delà de 2008 en dépit de l’invasion de la Géorgie par la Russie. Cette coopération a été suspendue à partir de 2014 suite à l’annexion de la Crimée par la Russie.
Cinquième mythe L’Otan a commencé ses actes d’agression contre la Russie lors du sommet de Bucarest en 2008. La réalité est exactement inverse. Lors de ce sommet, qui s’est tenu au mois d’avril, l’Otan a repoussé les processus d’adhésion de la Géorgie et de l’Ukraine, préférant évoquer une « vocation » à intégrer l’alliance sans toutefois mettre une date sur cette possible entrée. Cette décision fut prise au nom de l’apaisement. Justement pour ne pas froisser Moscou et donner l’impression d’une quelconque agressivité de l’Alliance. En langage diplomatique une promesse d’intégration, non accompagnée d’une date butoir, c’est un report sine die En 2008, l’Otan n’a pas provoqué la Russie de Vladimir Poutine. L’Otan a au contraire plié devant Poutine. Car en tant que pays indépendants, l’Ukraine et la Georgie auraient du avoir toute liberté de déposer leur candidature si tel était leur souhait.
Poutine a d’ailleurs interprété ce report comme un aveu de faiblesse. Quelques mois plus tard, en août 2008, il n’hésitait pas à envahir la Géorgie pour prendre le contrôle d’une partie de son territoire, l’Ossétie du Sud. Cette occupation du territoire géorgien par la Russie est parfaitement illégale mais elle dure toujours et prive la Géorgie d’une véritable indépendance ! C’est exactement la même tactique que celle employée en Ukraine, en Moldavie et ailleurs : soutenir des éléments russophones pour justifier une présence militaire et garder dans le giron russe une ancienne république soviétique officiellement indépendante depuis trente ans… .
Au regard de l’évolution de la guerre russo-ukrainienne, il apparaît de plus en plus clairement que l’Otan ne fut qu’un prétexte et que le véritable objectif de Vladimir Poutine est la reconstitution d’un empire Russe, dont il considère que l’Ukraine fait partie. Au même titre d’ailleurs que les pays Baltes et d’autre pays d’Europe de l’Est… Ce qui laisse augurer d’autres engagements militaires !
Ces pays l’ont bien compris et c’est pour se prémunir contre toute agression russe que, depuis le début du conflit, ils se sont tournés vers les Etats-Unis pour leur protection, leur armement, leur entrainement militaire et même leur approvisionnement énergétique.
Pour commencer, l’Allemagne a passé commande de trente-cinq avions furtifs F-35, construits par la firme Lockheed Martin aux Etats-Unis. Une commande évaluée à 3,5 milliards de dollars. Berlin prévoit d’assortir cette commande de l’achat de quinze appareils euro-fighters construits par une consortium européen avec Airbus en son sein. Olaf Scholz, le chancelier allemand, a également assuré que son pays allait investir plus de cent milliards d’euros et consacrer plus de 2% de son budget à la défense. C’est ce que demandaient les Américains depuis quinze ans, sans être parvenus à l’obtenir (excepté Donald Trump qui avait menacé de quitter l’Otan si les partenaires européens, à commencer par les Allemands, ne payaient pas « leur part » du budget de l’alliance).
La Finlande et la Suisse, deux pays neutres et non-membres de l’Otan, ont également passé commande d’avions F-35. Or cet appareil a l’avantage d’offrir une interopérabilité avec les forces de l’Otan, ce qui souligne de la part de ces pays, notamment la Finlande, une volonté d’intégrer l’alliance atlantique…
De son côté, la Pologne a passé commande de 250 chars M1A2 Abrams aux Etats-Unis. Commande approuvée sans tarder par le Pentagone.
Le président américains Joe Biden a annoncé une hause de 4% du budget militaire américain pour le porter à 812 milliards de dollars, soit 40% de toutes les dépenses militaires dans le monde.
Les Allemands affirment également vouloir se désengager de leur dépendance envers le gaz russe. Le projet de gazoduc sous-marin entre la Russie et l’Allemagne, Nord-Stream 2, a été abandonné. Les Allemands devront trouver du gaz ailleurs. Tout comme la Pologne et la Bulgarie, qui se sont vu supprimer tout approvisionnement russe. Ces pays ont désormais le choix entre plusieurs alternatives : le Qatar, l’Algérie, le Turkménistan et … les Etats-Unis !
Les Etats-Unis sont en effet un nouvel acteur majeur sur le marché du gaz , avec leur gaz naturel liquéfié (GNL), et depuis le début du conflit les Européens sont devenus les premiers importateurs de ce gaz. Les sanctions contre la Russie, qui resteront inévitablement en place à l’issue du conflit, garantissent aux Etats-Unis un marché captif pour des années.
Les Etats-Unis possèdent les cinquièmes plus importantes réserves de gaz naturel au monde (après la Russie, l’Iran, le Qatar et le Turkménistan), et ils sont actuellement le premier producteur mondial de gaz avec près de mille milliards de mètres cubes par an, loin devant la Russie (650 milliards de m3 environ) et l’Iran (250 milliards de m3).
Une partie de cette production est exportée en dépit du fait que les Etats-Unis continuent d’importer d’énormes quantités de gaz et de pétrole pour leur propre consommation. D’ailleurs, à la veille de la guerre en Ukraine, ils importaient près d’un million de barils de pétrole brut de Russie tous les jours.
Mais Vladimir Poutine a été victime de son propre hubris. Involontairement, l’ancien apparatchik du KGB a rendu un service inestimable à Joe Biden, dont la présidence est par ailleurs désastreuse, et aux Etats-Unis. Il a enrichi la machine de guerre américaine, il a renforcé la cohésion européenne autour des Etats-Unis et il a fait de l’Amérique plus que jamais la « nation essentielle ».
Voir enfin:
Face caméra, le ton est grave, chaque mot pesé. Mercredi 2 mars, dix jours après le début de l’invasion de l’Ukraine par la Russie, Emmanuel Macron s’adresse à la nation. « Poutine a choisi la guerre, déclare-t-il aux 21 millions de téléspectateurs qui suivent son allocution en direct. Les forces russes bombardent Kiev, assiègent les villes les plus importantes du pays. Des centaines de civils ukrainiens ont été tués. » Il ajoute : « Nous nous tenons aux côtés de l’Ukraine. »
Ce soir-là, Emmanuel Macron omet de préciser une information de taille : entre 2015 et 2020, malgré l’escalade militaire avec l’Ukraine, la France a discrètement équipé l’armée de Vladimir Poutine avec des technologies militaires dernier cri. Du matériel qui a contribué à moderniser les forces terrestres et aériennes de la Russie, et qui pourraient aujourd’hui être utilisées dans la guerre en Ukraine.
Embargo sur les armes
D’après des documents « confidentiel-défense » obtenus par Disclose et des informations en sources ouvertes, la France a délivré au moins 76 licences d’exportation de matériel de guerre à la Russie depuis 2015. Montant total de ces contrats : 152 millions d’euros, comme l’indique le dernier rapport au Parlement sur les exportations d’armement, sans toutefois préciser le type de matériel livré.
Selon notre enquête, ces exportations concernent essentiellement des caméras thermiques destinées à équiper plus de 1 000 tanks russes, ainsi que des systèmes de navigation et des détecteurs infrarouges pour les avions de chasse et les hélicoptères de combat de la force aérienne russe. Principaux bénéficiaires de ces marchés : les sociétés Thales et Safran, dont l’Etat français est le premier actionnaire.
Pourtant, l’Union européenne impose depuis le 1er août 2014 un embargo sur les armes à destination de la Russie. Une décision qui fait suite à l’annexion de la Crimée, en février 2014, à l’auto proclamation des républiques séparatistes pro-russes de Louhansk et Donetsk deux mois plus tard, et au crash d’un Boeing 777 abattu par un missile russe en juillet de la même année.
En 2015, sous pression de ses partenaires européens et des Etats-Unis, le président François Hollande avait fini par annuler la vente de deux navires Mistral à la Russie. Mais d’autres livraisons, moins visibles, vont se poursuivre.

Les gouvernements de François Hollande puis d’Emmanuel Macron ont profité d’une brèche dans l’embargo européen : il n’est pas rétroactif. En clair, les livraisons liées à des contrats signés avant l’embargo peuvent être maintenues. Ce que confirme à Disclose la Commission européenne, en rappelant néanmoins que ces exportations sont censées respecter « la position commune de 2008 ». Celle-ci stipule que les Etats membres doivent refuser les exportations d’armement dès lors qu’elles peuvent provoquer ou prolonger un conflit armé. Un risque bien présent en Ukraine.
Or, depuis 2014, ni François Hollande ni son successeur n’ont mis fin aux livraisons d’armement à la Russie. Un paradoxe, alors qu’Emmanuel Macron s’active depuis des années sur la scène internationale pour privilégier la voie diplomatique en Ukraine, plutôt que celle des armes.
« Être le premier à ouvrir le feu »
En 2007, Thales signe un premier contrat avec la Russie pour la vente de caméras thermiques baptisées « Catherine FC ». Puis un second, en 2012, pour l’exportation de 121 caméras « Catherine XP » – un autre modèle de la gamme – destinées à « l’armée de terre russe », comme l’indique une note de mai 2016 du Secrétariat général de la défense et de la sécurité nationale (SGDSN) que Disclose s’est procurée. Selon nos informations, 55 caméras Catherine XP ont encore été livrées à la Russie en 2019.
Intégrée au système de visée d’un char d’assaut, la caméra Catherine permet de détecter des cibles humaines en pleine nuit ou de repérer un véhicule dans un rayon de dix kilomètres. L’avantage, selon la communication de Thales :« Etre le premier à ouvrir le feu. »
Ces caméras infrarouges ont déjà servi à « ouvrir le feu » en Ukraine. C’était en 2014, lors du conflit dans le Donbass à l’Est de l’Ukraine, comme le prouve une vidéo de l’époque filmée à l’intérieur d’un tank russe T-72.
Huit ans plus tard, cette technologie française pourrait de nouveau équiper certains des chars qui terrorisent la population ukrainienne.
Le 4 mars dernier, dans la ville de Zaporija, des combats font rage aux abords de la plus grande centrale nucléaire d’Europe. Un incendie se déclare dans l’un des bâtiments du site. Aucun réacteur n’est touché, mais le lendemain, le président ukrainien, Volodymyr Zelensky accuse le Kremlin de « terreur nucléaire ». Selon lui, les tanks russes qui étaient en première ligne au cours des combats « savent ce qu’ils visent », puisqu’ils seraient « équipés de caméras thermiques ». Des caméras haute résolution qui pourraient donc porter le logo de Thales. Ou celui de son concurrent : Safran.
Selon nos informations et la note « confidentiel-défense » du SGDSN, le groupe Safran a signé la vente, en novembre 2013, de caméras thermiques « Matis STD » à la Russie. En 2016, 211 de ces caméras infrarouges devaient encore être livrées.
Les caméras Matis STD équipent trois types de chars russes : le T-72, le T-90 et le T-80 BVM. Tous trois sont actuellement présents sur le front ukrainien, comme le prouvent des vidéos et des photos diffusées sur les réseaux sociaux.
Comme ce tank russe T-80 BVM filmé par des hommes en arme :
Ou ces chars T-72, pris en photo après leur destruction par l’armée ukrainienne.
Ou encore cette vidéo d’un tank T-90 filmé en train de tirer sous les fenêtres d’un immeuble d’habitation à Borodyanka, une ville située à une cinquantaine de kilomètres de Kiev, la capitale ukrainienne :
Les bombardiers de Poutine
L’industrie de l’armement française équipe aussi l’armée de l’air russe. Sans qu’à aucun moment le gouvernement français ne se soit inquiété de moderniser la flotte des bombardiers de Poutine.
Selon nos informations, depuis un contrat signé en 2014, avec des livraisons qui se sont étalées jusqu’en 2018, le groupe Thales a doté 60 avions de chasse Soukhoï SU-30 de son système de navigation TACAN, son écran vidéo SMD55S et son viseur dernier cri HUD.
Ces avions de combat, qui ont déjà tué des dizaines de milliers de civils en Syrie, bombardent l’Ukraine nuit et jour depuis février. Des SU-30 ont ainsi été filmés en train de survoler la région de Soumy, au nord-est de l’Ukraine, ou à Mykolaïv et à Tchernihiv, le 5 mars, après avoir été abattus par la défense ukrainienne.
Le géant de l’aéronautique a aussi livré son système de navigation TACAN pour équiper certains avions de chasse Mig-29 – à ce stade, nous n’avons pas été en mesure de documenter l’emploi de Mig-29 en Ukraine, ainsi qu’une vingtaine de casques Topowl, dotés d’écrans infrarouges et de jumelles destinés aux pilotes russes, selon le site russe Topwar.

Les Mig-29 et les SU-30 sont également munis d’un système de navigation livré par Safran à partir de 2014 : le Sigma 95N. Cette technologie permet aux pilotes de l’armée de l’air russe de se localiser sans avoir recours aux satellites américains ou européens.
Les hélicoptères de combat
Le 24 février dernier, les hélicoptères Ka-52 ont été parmi les premiers à survoler le territoire ukrainien, comme en attestent de nombreuses images postées sur les réseaux sociaux. Certains ont été rapidement mis hors de combat et ont pu être photographiés de près.
L’agence de presse gouvernementale russe RIA Novosti a elle-même publié les images d’un de ces hélicoptères larguant des missiles en pleine campagne ukrainienne.
Pour traquer des cibles en pleine nuit, ces hélicoptères militaires peuvent aussi compter sur un système d’imagerie infrarouge produit par Safran, comme l’a révélé le site d’investigation EU observer, en 2015.
« dictateur »
Une société détenue par Thales et Safran a aussi profité de l’appétit militaire de Vladimir Poutine pour lui vendre des caméras infrarouges. La société Sofradir, c’est son nom, a signé un contrat de 5,2 millions d’euros avec la Russie, en octobre 2012. Quatre ans plus tard, d’après la note « confidentiel-défense » de la SGDSN citée plus haut, Sofradir devait encore livrer « 258 détecteurs infrarouges » à une société russe de défense.
Contacté par Disclose, le groupe Safran assure respecter « scrupuleusement la réglementation française et européenne » et ne plus fournir « d’équipements, de composants, de soutien ou de prestations de maintenances à la Russie » depuis l’embargo européen de 2014. Thales n’a pas répondu à nos questions. Pas plus que le gouvernement, qui n’a réagi que plusieurs heures après la publication de l’enquête, sur Twitter.
Le porte-parole du ministère des armées, Hervé Grandjean, reconnait que « la France a permis l’exécution de certains contrats passés depuis 2014 ». Il ajoute : « Aucune livraison n’a été effectuée à la Russie depuis le début de la guerre en Ukraine. »
En décidant de poursuivre ces livraisons à la Russie au moins jusqu’en 2020, la France a donné un atout militaire de plus à Vladimir Poutine, dont l’armée est déjà en supériorité numérique face aux Ukrainiens. Un soutien embarrassant à celui que le ministre des affaires étrangères, Jean-Yves Le Drian, a qualifié, au déclenchement de la guerre, de « dictateur ».