Serai-je jamais capable d’écrire quelque chose de grand ? Anne Frank
Ce faux n’est pas à mettre au compte du respect des victimes mais, au contraire, il pue les charognards qui se repaissent du malheur des hommes pour en faire des drames à grand spectacle. Claude Karnoouh
Les faucons affirment (…) que le président Ahmadinejad a déclaré vouloir “rayer Israël de la carte”. Mais cet argument repose sur une mauvaise traduction de ses propos. La traduction juste est qu’Israël “devrait disparaître de la page du temps”. Cette expression (empruntée à un discours de l’ayatollah Khomeiny) n’est pas un appel à la destruction physique d’Israël. Bien que très choquant, son propos n’était pas un appel à lancer une attaque, encore moins une attaque nucléaire, contre Israël. Aucun État sensé ne peut partir en guerre sur la foi d’une mauvaise traduction.John J. Mearsheimer et Stephen M. Walt (2007)
L’Etat actuel d’Israël n’est pas légitime. C’est pourquoi nous n’avons pas de relations avec eux car nous ne considérons pas cet Etat comme légitime. Nous pensons que toutes les personnes qui étaient d’origine palestinienne et qui sont en errance à l’étranger doivent pouvoir tous revenir sur leurs terres. Il faut qu’il y ait des élections publiques sous la supervision des Nations unies et quels qu’en soient les résultats, nous les accepterons. (…) nous parlons d’un Etat. Que tout le monde se réunisse et vote. Avant 1948, il y avait un seul pays. Nous voulons retourner à cette situation. (…) Nous parlons du vote du peuple. Une fois réunis, tous les juifs, tous les musulmans, tous les chrétiens, tous ceux qui appartiennent à cette terre et sont aujourd’hui réfugiés doivent revenir dans leur pays et voter. C’est la raison pour laquelle nous n’avons pas de relation avec cet Etat. La seule solution, c’est une élection libre. (…) De grandes compagnies, notamment Airbus, sont présentes en Iran. Nous achèterons, c’est vrai, à ces grandes compagnies, et notamment Airbus. (…) L’Iran, à aucun moment, n’a souhaité fabriquer une bombe atomique, ni hier, ni aujourd’hui. Hassan Rohani
À l’occasion de la visite du président iranien Hassan Rohani, lundi 25 janvier, le célèbre musée du Capitole à Rome a dissimulé toutes ses statues dénudées derrière des paravents en bois. Une initiative prise par respect pour la culture et la sensibilité de l’Iran. (…) En accueillant son hôte lundi dans ce site prestigieux où de nombreux accords ont été signés, le président du Conseil italien, Matteo Renzi, avait mis l’accent sur la richesse historique des deux pays, assurant qu’ils avaient en commun d’être « deux superpuissances de la beauté et de la culture ». L' »attention » du musée italien en a surpris, voire agacé plus d’un. Le ministre de la Culture lui-même, Dario Franceschini, a jugé cette initiative « incompréhensible », précisant que ni lui, ni le Premier ministre ne l’ont autorisée. « Je pense qu’on aurait facilement pu trouver d’autres solutions pour ne pas offenser un important visiteur étranger plutôt que de faire ce choix incompréhensible de recouvrir les statues », a-t-il déclaré à la presse mercredi. Certaines personnalités politiques avaient dénoncé une « soumission culturelle », tandis que de nombreux titres de presse avaient également affiché leur colère. Dans un tweet mardi, le quotidien de gauche L’espresso a déclaré : « Quelle honte d’avoir couvert les statues du Capitole pour la visite de Rohani ». Le journal libéral Il foglio a lui titré sur « L’Italie met des burqas à ses statues », tandis que le parti anti-immigrés de la Ligue du Nord a dénoncé un « énième acte de soumission à une culture qui ne nous appartient pas. Le gouvernement semble avoir honte de nos racines et de notre histoire. Faut-il mettre le hijab aussi aux œuvres d’art au nom de l’intégration ? » Cette indignation a fait sourire les Radicaux: « Il y a seulement sept mois, toujours ‘par respect’, les affiches de l’exposition de Tamara de Lempicka ont été couvertes pour la visite du pape dans notre ville laïque de Turin. Personne ne s’en était scandalisé ». Toujours par « respect » et pour ménager la sensibilité de son hôte, l’Italie a également accepté de bannir le vin d’un déjeuner avec le président Sergio Matterella, et d’un dîner avec Matteo Renzi, la consommation d’alcool étant prohibé par l’islam. Si l’Italie a accepté de mettre de l’eau dans son vin, la France s’était de son côté montrée plus intransigeante sur son patrimoine culturel spiritueux. Le 17 novembre, Hassan Rohani devait être reçu par François Hollande – une visite finalement repoussée au jeudi 28 janvier à cause des attentats de Paris. Mais lorsque le protocole s’agitait encore dans l’ombre début novembre pour organiser la rencontre, l’Iran avait demandé un menu halal et la suppression des bouteilles d’alcool à table. La France avait indiqué qu’elle n’accèderait pas à cette requête, l’usage voulant qu’une sélection de vins français soit proposée au cours de repas officiels organisés à l’Élysée. L’idée d’un petit déjeuner avait alors été évoquée, mais rejetée par Téhéran. Finalement, deux mois après, il semblerait que tout repas ait été écarté. Hassan Rohani sera reçu à l’Élysée par François Hollande et Laurent Fabius à …15 heures, pas même à l’heure du goûter. France 24
M. Shaheed, l’enquêteur spécial de l’ONU sur les droits de l’homme en Iran, a déclaré que le «nombre estomaquant de 753 exécutions» effectuées par l’Iran en 2014 – un sommet – sera surpassé cette année. Au moins 694 personnes auraient été pendues pendant les sept premiers mois de 2015 et plusieurs organisations de défense des droits de la personne témoignent maintenant de plus de 800 exécutions pendant les dix premiers mois de l’année. Des dizaines d’autres personnes attendent un sort similaire, a dit M. Shaheed. Il estime que le rythme des exécutions est «alarmant» et déclare que «l’Iran est possiblement sur le bon chemin pour surpasser 1000 (exécutions) d’ici la fin de l’année». M. Shaheed a dit que 69 % des exécutions pendant les six premiers mois de 2015 étaient reliées au trafic de la drogue, ce qui témoigne d’une hausse de la toxicomanie au pays. Il a aussi dénoncé le recours de l’Iran à l’isolement et à la torture pour obtenir des aveux; la criminalisation de la liberté d’expression; l’arrestation d’une cinquantaine de journalistes depuis le début de l’année; et les châtiments imposés aux individus qui discutent du gouvernement et des droits de la personne sur les réseaux sociaux. M. Shaheed indique toutefois que son rapport est «légèrement plus optimiste» que le précédent, puisqu’il a été en mesure de rencontrer différents responsables iraniens et que Téhéran semblait plus ouvert au dialogue cette fois-ci.Peine de mort.org
Les lois n’ont pas à décider de la vérité des dogmes ; elles n’ont en vue que le bien et la conservation de l’État et des particuliers qui le composent. John Locke (1689)
Nous sommes entrés dans un mouvement qui est de l’ordre du religieux. Entrés dans la mécanique du sacrilège: la victime, dans nos sociétés, est entourée de l’aura du sacré. Du coup, l’écriture de l’histoire, la recherche universitaire, se retrouvent soumises à l’appréciation du législateur et du juge comme, autrefois, à celle de la Sorbonne ecclésiastique.Françoise Chandernagor
Pour beaucoup de mouvements politiques d’extrême droite, Anne s’avère être un obstacle. Son témoignage personnel de la persécution des Juifs et sa mort dans un camp de concentration empêchent la réhabilitation du national socialisme. Teresien da Silva
Son authenticité ayant été contestée par des historiens comme Pierre Vidal-Naquet ou Claude Karnoouh (ils n’en contestent pas l’existence, mais affirment que son père l’a réécrit, supprimant les passages intimes et en rajoutant d’autres), le Journal d’Anne Frank est devenu un enjeu politique entre les défenseurs du devoir de mémoire envers la Shoah et les négationnistes (…) Mais les contestations des négationnistes n’ont pas attendu les doutes des historiens sur l’authenticité du texte : dès 1958, Simon Wiesenthal fut défié par un groupe de manifestants lors de la représentation théâtrale du Journal d’Anne Frank à Vienne, de prouver qu’Anne a bien existé, en retrouvant l’homme qui l’avait arrêtée. Wisenthal commença à chercher Karl Silberbauer et le trouva en 1963. Lors de son interview, Silberbauer admit directement son rôle, et identifia Anne Frank à partir d’une photographie comme étant l’une des personnes arrêtées. Il fournit un compte rendu complet des événements et se rappela qu’il avait vidé une valisette pleine de papiers sur le sol. Ses déclarations corroborèrent la version des événements qui avait précédemment été présentée par des témoins oculaires comme Otto Frank. Aucune charge ne put être retenue contre Silberbauer, qui n’avait fait que suivre les ordres. Les informations qu’il donna ne permirent pas à Wiesenthal de trouver le dénonciateur de la famille Frank (…) À Lübeck en 1959, Otto Frank attaqua en justice Lothar Stielau, un professeur d’école, ancien membre des Jeunesses hitlériennes, qui avait publié un prospectus scolaire décrivant le journal comme une contrefaçon. La Cour de justice examina le journal et, en 1960, le déclara comme étant authentique. Stielau rétracta ses précédentes déclarations et Otto Frank arrêta la procédure judiciaire. Depuis les années 1970 le négationniste David Irving a affirmé de manière régulière que le journal n’était pas authentique. En 1976, M. Frank engagea une autre procédure contre Heinz Roth de Francfort, qui avait également publié des pamphlets proclamant que le journal était une contrefaçon. Le juge statua que s’il publiait de nouveaux écrits de ce type, il serait passible de 500 000 Deutsche Mark d’amende et d’une peine de six mois de prison. Deux autres plaintes furent rejetées par des tribunaux allemands en 1978 et 1979 sur base de la liberté d’expression, car la plainte n’avait pas été déposée par une des parties visées par les écrits. La cour statua dans les deux cas que si la plainte avait été déposée par une partie concernée, comme Otto Frank, une charge pour calomnie aurait pu être retenue. Wikipedia
AFF is merely applying to existing laws under which the diary remains protected after 2015, and has decided to inform people about it. We have made clear that in certain territories the copyright is protected for a longer time, because this is our duty. Otto Frank is not the co author of the original diaries. We as a foundation have been fighting for 40 years against Holocaust deniers who have said the book is a falsification. We proved that it was not – the diary is authentic. After the war, Otto Frank merged, or compiled, the two versions of the Diary that Anne Frank left, that were both incomplete and that partly overlapped, into one reader friendly version. He typed over Anne Frank’s manuscripts and with scissors and glue subsequently, literally, ‘cut and pasted’ them into the version that was published in English from the early fifties. The book he created earns his own copyright. For the purposes of copyright, he is to be viewed as an ‘author’ of that version. Please note, again, that this does not imply that he ‘co-wrote’ anything. Yves Kugelmann (Anne Frank Fonds)
Many revisionists, people who want to deny the extermination camps existed, have tried to attack the diary for years. Saying now the book wasn’t written by Anne alone is weakening the weight it has had for decades, as a testimony to the horrors of this war. She lost her grandparents in Nazi camps, she had uncles who were hidden like Anne Frank was – for her it is a very touchy subject, and she wanted to react and not to let the Anne Frank Fonds use its interpretation of the law. On 1 January, Mein Kampf will enter the public domain, and [Attard] feels the symbolism of this, Mein Kampf entering the public domain, and a counterpart, Anne Frank’s diary, this very important work about the horrors of the second world war, not entering at the same time, was inacceptable for her.Spokesperson for French MP Attard
C’est horrible, mais Mein Kampf tombera, lui aussi, dans le domaine public en cette année 2016. Le Journal d’Anne Frank est la voix qui s’élève contre l’obscurantisme, contre le négationnisme. Pourquoi donner accès aux propos malsains de Mein Kampf et refuser l’accès libre à l’histoire incroyable de cette jeune fille qui a vécu l’enfer de la Shoah puis des camps ? Les gens ont besoin d’y avoir accès librement pour se rappeler d’Anne Frank. Isabelle Attard
Attention: un scandale peut en cacher bien d’autres !
Après avoir non seulement résisté mais été conforté par tant d’accusations de contrefaçon, le journal d’Anne Frank succombera-t-il aux trop bonnes intentions de ses ayant droit ?
En ces temps liberticides où l’histoire se dit désormais dans les prétoires …
Et près de 50 ans après la mort d’un Martin Luther King né la même année que la petite Anne dont les discours comme les films sont toujours bloqués ou réduits à la paraphrase par des héritiers qui en revendent les droits au prix fort à la plus offrante des Apple ou Google …
La question d’un droit d’auteur …
Qui accorde, comme le rappelle avec raison la députée du Calvados Isabelle Attard , le libre accès du domaine public au texte qui fonde ledit holocauste …
Et le refuse à l’un de ses plus forts témoignages personnels …
Allant même, avec l’argument de la co-écriture paternelle du journal, jusqu’à accorder aux négationnistes ce qu’ils n’avaient pas réussi à obtenir depuis justement plus de 70 ans ?
Une députée de Normandie « libère » le Journal d’Anne Frank
Au 1er janvier 2016, le Journal d’Anne Frank tombe dans le domaine public, selon la loi. Mais le fonds Anne Frank le refuse. Isabelle Attard, députée du Calvados, l’a publié.
Alice Labrousse
Normandie actu
01/01/2016
Dernière minute. Le maître de conférence Olivier Ertzscheid et la députée Isabelle Attard ont, comme promis, mis en ligne l’intégralité du « Journal d’Anne Frank » en version originale, vendredi 1er janvier 2016.
70 ans après le décès d’un auteur, ses héritiers perdent leurs droits. L’oeuvre devient public. Mais le fonds Anne Frank refuse que le Journal soit diffusé. La députée écologiste du Calvados, Isabelle Attard, monte au créneau. Explications.
Isabelle Attard, députée EELV du Calvados, annonce vouloir publier, le 1er janvier 2016, une version du Journal d’Anne Frank sur son site. (Photo @Isabelle Attard Facebook)
Une histoire d’argent pour le fonds ?
Pour la députée, le Journal d’Anne Frank est une oeuvre que tout le monde doit connaître et dont l’accès doit être facilité. « Je considère qu’il entrera dans le domaine public peu importe ce que pense le fonds. » Selon elle, il y a une distinction à faire entre le droit patrimonial et le droit moral.
Au 1er janvier 2016, les héritiers ne toucheront plus de droits d’auteur, mais ils pourront toujours défendre l’oeuvre d’Anne Frank en poursuivant toute personne qui dénigre l’image de la jeune fille et de son ouvrage. L’excuse des négationnistes ne tient pas. Ils auront toujours un droit de regard sur ce qui sera dit sur l’oeuvre et sur la personne d’Anne Frank.
Isabelle Attard dénonce une peur des pertes financières qui découleront de la disparition des droits d’auteur. « C’est une question de dizaines de millions d’euros en droits d’auteur. C’est conséquent, bien sûr. Mais l’oeuvre et son message ne méritent-ils pas d’être connus de tous plus largement grâce à l’entrée dans le domaine public ? À l’heure actuelle, les héritiers n’ont même jamais connu de son vivant la jeune fille. Ce serait dommage qu’ils refusent que son oeuvre bénéficie d’une plus large accessibilité au public. »
La polémique. Le texte original hollandais du Journal, paru en 1947, tombe dans le domaine public 70 ans après la mort de la jeune fille au camp de concentration de Bergen-Belsen, en 1945. Mais, pour le fonds Anne Frank, Otto, le père d’Anne, est coauteur du Journal. Comme il n’est mort qu’en 1980, le texte ne tomberait pas dans le domaine public avant 2051… Le fonds, à Bâle (Suisse), menace même ceux qui voudraient défier l’interdiction, en publiant le Journal, de 1 000 euros par jour de pénalités.
Une aubaine pour la culture…et la mémoire
L’autre argument qu’avance la députée est celui de la création d’emplois dans la culture. « Le passage dans le domaine public permettrait à des metteurs en scène, à des scénaristes, de raconter cette histoire tragique. Cela donne du travail. Et puis, cela engendre beaucoup de richesses, à la fois financières et culturelles. » Et le Journal d’Anne Frank n’est pas le seul ouvrage de cette sombre période de la Shoah concerné :
C’est horrible, mais Mein Kampf tombera, lui aussi, dans le domaine public en cette année 2016. Le Journal d’Anne Frank est la voix qui s’élève contre l’obscurantisme, contre le négationnisme. Pourquoi donner accès aux propos malsains de Mein Kampf et refuser l’accès libre à l’histoire incroyable de cette jeune fille qui a vécu l’enfer de la Shoah puis des camps ? Les gens ont besoin d’y avoir accès librement pour se rappeler d’Anne Frank.
Publié le 1er janvier 2016 sur son site
La députée menace ainsi de publier la version originale du Journal sur son site au 1er janvier. « Je publierai la version du Journal d’Anne Frank de 1947 sur mon site, dès le 1er janvier 2016, le plus tôt possible. Elle sera en Néerlandais pour des raisons de droits d’auteur, car les traducteurs touchent toujours des droits sur leur traduction. Je le fais pour que tout le monde ait accès à ce grand ouvrage. »
Aujourd’hui, le journal intime écrit dans un appartement secret d’Amsterdam par cette jeune adolescente juive, allemande puis déchue de sa nationalité, entre enfin, s’élève, dans le Domaine Public. Chaque 1er janvier de nombreux artistes viennent tour à tour enrichir le Domaine Public de leurs œuvres. Cela signifie concrètement que 70 ans après le décès de l’auteur, le monde entier peut utiliser, traduire, interpréter ces œuvres, et se les approprier pour en créer de nouvelles. Cela signifie que leurs renommées n’ont plus de frontières.
Combattre la « privatisation de la connaissance » comme le disait Aaron Swartz est entièrement d’actualité. La création, les contenus, valent de l’or et les Google, Amazon & Co le savent parfaitement. Leur obsession est bien de mettre la main sur la plus grande quantité de contenus et de monnayer l’accès à cette immensité culturelle. Ne soyons pas naïfs au point de croire que cette privatisation est « pour notre bien », et protégeons le Domaine Public en lui donnant une définition positive !
Alors, malgré les trouvailles juridiques du Fonds Anne Frank pour retarder le plus possible ce moment tant attendu, nous pouvons, comme le disait Olivier Ertzscheid, collectivement, « après ces années de cave, d’obscurité, cette obscurité si pesante dans ton journal, chère Anne Frank, avoir l’intelligence de t’offrir enfin la lumière que tu mérites, celle que ton journal mérite, celle de l’espace public. Bienvenue dans la lumière, chère Anne. »
Les fichiers suivants, en néerlandais, sont libres de tout droit d’auteur patrimonial en France. Si vous vous trouvez ailleurs, il vous appartient de vérifier que la législation de votre pays est identique. Vous êtes libres de copier ces fichiers, les modifier, les traduire, les diffuser et même les vendre. Néanmoins, le droit moral de l’auteur est en France perpétuel, imprescriptible et inaliénable. L’auteur jouit donc du droit au respect de son nom, de sa qualité et de son œuvre. Attention à ne faire qu’un usage respectueux de cette œuvre si importante.
CULTURE – Une députée et un universitaire français ont mis en ligne vendredi comme ils l’avaient annoncé « Le Journal d’Anne Frank » dans sa version néerlandaise, estimant que cette oeuvre tombe dans le domaine public le 1er janvier 2016, ce que conteste le Fonds détenant les droits du livre.
« Anne Frank est morte en 1945 (au camp de concentration de Bergen-Belsen), donc au 1er janvier 2016 le Journal doit rentrer dans le domaine public », fait valoir Olivier Ertzscheid, enseignant chercheur en sciences de l’information.
La législation française, conforme à une directive européenne de 1993, prévoit qu’une oeuvre tombe dans le domaine public le 1er janvier suivant les soixante-dix ans de la mort de son auteur « ou du dernier auteur survivant ».
« Pour ce texte, pour ce témoignage, pour ce qu’il représente (…), je garde la conviction qu’il n’y a pas d’autre combat à mener que celui de sa libération, pas d’autre hommage à rendre que celui de son partage sans limite, pas d’autre place à lui accorder que celle qui lui revient de droit en le laissant s’élever ce jour dans le domaine public », écrit l’enseignant sur son blog en préambule à la publication de l’intégralité du journal.
L’universitaire, qui se décrit comme un « militant, très attaché à une vision positive du domaine public », avait en octobre publié sur son site deux versions françaises du « Journal d’Anne Frank », avant de les retirer en novembre après une mise en demeure du Livre de Poche. Le chercheur rappelle que le 1er janvier 2016 sont entrés dans le domaine public des œuvres antisémites, dont ‘Mein Kampf' » d’Adolf Hitler.
Déjà vendu à plus de 30 millions d’exemplaires
La députée du Calvados Isabelle Attard, membre du groupe écologiste, a également mis en ligne la version néerlandaise de l’oeuvre. « Vive le Journal d’Anne Frank, vive le Domaine public », écrit-elle dans son blog, soutenant que « combattre la ‘privatisation de la connaissance’ est entièrement d’actualité ».
Dès l’annonce de ces publications, le Fonds Anne Frank avait demandé par courrier à Olivier Ertzscheid et Isabelle Attard de renoncer à la mise en ligne, de rectifier leurs déclarations, et les a menacés de poursuites judiciaires. Créé par le père de la jeune fille, Otto Frank, le Fonds, installé à Bâle (Suise), est propriétaire des droits de ce phénomène d’édition, traduit dans 70 langues et vendu à plus de 30 millions d’exemplaires.
Selon lui, le Journal est une oeuvre posthume, pour laquelle la durée du droit exclusif est de cinquante années à compter de la date de publication. Le texte dans sa version intégrale publiée en 1986 serait donc protégé jusqu’en 2037 au moins.
« Le ‘Journal d’Anne Frank’, écrit par la jeune fille juive de 13 ans entre juin 1942 et août 1944 alors qu’elle se cachait avec sa famille à Amsterdam, a été publié pour la première fois en néerlandais par son père en 1947 qui en a supprimé des passages.
INQUIETUDES – Depuis le 1er janvier, l’édition et la publication de « Mein Kampf » d’Adolf Hitler sont désormais libres. Cette perspective nourrit de vives inquiétudes en Europe, même s’il est déjà très simple de se procurer le livre fondateur du IIIe Reich.
Soixante-dix ans après la mort d’un auteur, les droits de ses œuvres tombent dans le domaine public. Le pamphlet antisémite d’Adolf Hitler, Mein Kampf, n’échappe pas à la règle. Détenus par l’Etat de la Bavière, qui les avait reçus des forces d’occupation américaines, les droits de ce texte rédigé en 1924 et 1925 sont devenus propriété universelle. En théorie, n’importe quel éditeur peut, depuis ce vendredi 1er janvier, publier l’ouvrage.
Dans les faits, l’ouvrage est déjà abondamment diffusé dans certains pays et largement accessible en ligne. « On trouve Mein Kampf dans au moins vingt versions sur Internet », précise à RFI le journaliste Sven Kellerhoff, qui vient de finir un livre sur l’histoire de Mein Kampf. Mais la possibilité de rééditer l’ouvrage fondateur du IIIe Reich suscite de nombreuses inquiétudes en Europe.
Faut-il l’interdire ?
« Le danger est très grand que ce ‘torchon’ soit encore davantage mis à disposition sur le marché », s’alarme le président de la communauté juive d’Allemagne, Josef Schuster, interrogé par l’AFP. Selon lui, »l’ouvrage de propagande antisémite devrait rester interdit ». Au risque de contribuer à en faire un mythe, comme le pense le journaliste Sven Kellerhoff ?
En Allemagne, la publication du texte brut restera interdite, sous peine de poursuites pour incitation à la haine raciale. Mais des rééditions commentées et contextualisées seront désormais possibles. Et c’est l’Institut d’Histoire contemporaine de Munich (IFZ) qui va mettre la toute première réédition de Mein Kampf à la disposition du public allemand le 8 janvier prochain. Une première, soixante-dix ans après la fin de la Seconde Guerre mondiale. Le texte du dictateur nazi et ses 3.500 annotations seront édités en deux volumes, pour un total de 1.948 pages, vendus au prix de 59 euros.
Fayard va le publier en France
L’idée est de « déconstruire et mettre en contexte les écrits de Hitler : comment sont nées ses thèses ? Quels objectifs avait-il ? Et surtout : que pouvons-nous opposer avec nos connaissances d’aujourd’hui aux innombrables affirmations, mensonges et déclarations d’intention d’Hitler? » se justifie l’institut.
En France, c’est la maison d’édition Fayard qui devrait publier en 2016 une version commentée de « Mon combat » (le titre en français) dans une nouvelle traduction. « Fayard prendra bien sûr toutes les précautions nécessaires à la republication de ce livre », avait tenu à rassurer l’éditeur, interrogé par metronews. « Le comité scientifique est en cours de constitution. Il sera composé d’historiens français et étrangers et proposera une importante critique ». « Une catastrophe », a déploré le Conseil représentatif des institutions juives (Crif), Roger Cukierman, qui s’inquiète de voir le brûlot devenir « un livre de chevet ».
Lors de sa visite au musée du Capitole de Rome lundi 25 janvier, le président iranien Hassan Rohani n’a vu aucune des statues dénudées, dissimulées derrière des paravents. Une initiative du musée qui a fait polémique dans la péninsule.
Autocensure trop zélée ou protocole diplomatique ? À l’occasion de la visite du président iranien Hassan Rohani, lundi 25 janvier, le célèbre musée du Capitole à Rome a dissimulé toutes ses statues dénudées derrière des paravents en bois. Une initiative prise par respect pour la culture et la sensibilité de l’Iran.
Selon des sources iraniennes, citées par le Corriere della Sera, les Vénus aux seins nus et autre Éros en tenue d’Adam n’auraient pas obtenu l’aval d’une inspection préalable de la délégation diplomatique iranienne. Une information démentie mercredi 27 janvier par le président iranien lui-même qui a assuré que Téhéran n’a jamais contacté Rome à ce sujet, ni donné d’instruction en ce sens. Pour autant, il dit avoir « apprécié l’accueil qui lui a été réservé » en Italie. “Les Italiens sont très accueillants, ce sont des gens qui font le maximum pour mettre leurs invités à l’aise et je les remercie pour cela”, a-t-il declaré.
En accueillant son hôte lundi dans ce site prestigieux où de nombreux accords ont été signés, le président du Conseil italien, Matteo Renzi, avait mis l’accent sur la richesse historique des deux pays, assurant qu’ils avaient en commun d’être « deux superpuissances de la beauté et de la culture ».
« Che vergogna ! »
L' »attention » du musée italien en a surpris, voire agacé plus d’un. Le ministre de la Culture lui-même, Dario Franceschini, a jugé cette initiative « incompréhensible », précisant que ni lui, ni le Premier ministre ne l’ont autorisée. « Je pense qu’on aurait facilement pu trouver d’autres solutions pour ne pas offenser un important visiteur étranger plutôt que de faire ce choix incompréhensible de recouvrir les statues », a-t-il déclaré à la presse mercredi.
Certaines personnalités politiques avaient dénoncé une « soumission culturelle », tandis que de nombreux titres de presse avaient également affiché leur colère. Dans un tweet mardi, le quotidien de gauche L’espresso a déclaré : « Quelle honte d’avoir couvert les statues du Capitole pour la visite de Rohani ».
Le journal libéral Il foglio a lui titré sur « L’Italie met des burqas à ses statues », tandis que le parti anti-immigrés de la Ligue du Nord a dénoncé un « énième acte de soumission à une culture qui ne nous appartient pas. Le gouvernement semble avoir honte de nos racines et de notre histoire. Faut-il mettre le hijab aussi aux œuvres d’art au nom de l’intégration ? »
Cette indignation a fait sourire les Radicaux: « Il y a seulement sept mois, toujours ‘par respect’, les affiches de l’exposition de Tamara de Lempicka ont été couvertes pour la visite du pape dans notre ville laïque de Turin. Personne ne s’en était scandalisé ».
L’Italie met de l’eau dans son vin
Toujours par « respect » et pour ménager la sensibilité de son hôte, l’Italie a également accepté de bannir le vin d’un déjeuner avec le président Sergio Matterella, et d’un dîner avec Matteo Renzi, la consommation d’alcool étant prohibé par l’islam.
Si l’Italie a accepté de mettre de l’eau dans son vin, la France s’était de son côté montrée plus intransigeante sur son patrimoine culturel spiritueux. Le 17 novembre, Hassan Rohani devait être reçu par François Hollande – une visite finalement repoussée au jeudi 28 janvier à cause des attentats de Paris. Mais lorsque le protocole s’agitait encore dans l’ombre début novembre pour organiser la rencontre, l’Iran avait demandé un menu halal et la suppression des bouteilles d’alcool à table.
La France avait indiqué qu’elle n’accèderait pas à cette requête, l’usage voulant qu’une sélection de vins français soit proposée au cours de repas officiels organisés à l’Élysée. L’idée d’un petit déjeuner avait alors été évoquée, mais rejetée par Téhéran. Finalement, deux mois après, il semblerait que tout repas ait été écarté. Hassan Rohani sera reçu à l’Élysée par François Hollande et Laurent Fabius à …15 heures, pas même à l’heure du goûter.
Neuf jours après la levée des sanctions contre l’Iran, le président Hassan Rohani effectue sa première visite en Europe, où d’importants contrats commerciaux devraient être signés. Arrivé lundi en Italie, il est attendu en France cette semaine.
Le président iranien, Hassan Rohani, est arrivé lundi 25 janvier en Italie pour sa première visite officielle en Europe, symboliquement très importante puisqu’elle intervient après la levée des sanctions internationales contre la République islamique, le 16 janvier.
Cette venue du numéro un iranien sera axée en grande partie sur l’économie, alors que de nombreuses entreprises européennes cherchent à revenir ou s’implanter en Iran. « Atterri à Rome. Impatient de renforcer les liens bilatéraux et d’explorer les opportunités pour un engagement constructif », a écrit Rohani à la mi-journée sur son compte Twitter.
Reçu pour un déjeuner de travail par son homologue italien, Sergio Mattarella, avant une rencontre et un dîner avec le chef du gouvernement Matteo Renzi en soirée, le président iranien doit aussi s’entretenir mardi matin avec le pape François.
« L’Italie, premier partenaire de l’Iran »
« L’Italie était le premier partenaire économique et commercial de l’Iran avant les sanctions », et entend retrouver cette place, avait souligné il y a quelques mois la ministre italienne du Développement économique, Federica Guidi. Avant l’entrée en vigueur des sanctions, les échanges entre l’Italie et l’Iran s’élevaient à 7 milliards d’euros. Ils sont actuellement de quelque 1,6 milliard, dont 1,2 milliard d’exportations italiennes.
Selon la presse locale, les repas sont possibles parce que les Italiens ont accédé à la demande des Iraniens de ne pas mettre d’alcool sur la table. Lors de la suite de son voyage mercredi en France, Rohani n’a en revanche aucun repas de travail prévu avec les autorités.
Tous les Européens cherchent en effet à placer leurs pions pour tenter de reconquérir le terrain perdu au profit de la Russie et des pays émergents comme la Chine et la Turquie. Ils sont avantagés par rapport aux Américains, car Washington – qui n’a plus de relations diplomatiques depuis 35 ans avec Téhéran – va maintenir des sanctions dans le secteur pétrolier contre toute entreprise soupçonnée de financer le terrorisme.
Airbus décroche un contrat
Dans la course aux contrats, Airbus a été le plus rapide : le ministre iranien des Transports a annoncé samedi que l’Iran allait acheter 114 avions. Rohani doit signer cet accord mercredi à Paris. Il s’agit de la première annonce commerciale d’envergure depuis la levée des sanctions, le 16 janvier, avec l’entrée en vigueur de l’accord historique sur le nucléaire.
L’aéronautique représente un secteur clé pour les Européens car l’Iran, peuplé de près de 79 millions d’habitants, doit renouveler sa flotte vieillissante, notamment de la compagnie nationale Iran Air.
Ce nouveau climat d’entente inquiète cependant les opposants à la peine de mort, un sujet sur lequel l’Italie est d’ordinaire en pointe. Une manifestation est prévue mardi pour rappeler que selon l’ONU, l’Iran a exécuté au moins 700 condamnés en 2015.
(Associated Press) Le nombre d’exécutions en Iran connaît une croissance «exponentielle» depuis 2005 et pourrait atteindre un millier cette année, en raison de la répression lancée contre les narcotrafiquants, a prévenu mercredi un enquêteur des Nations Unies.
Ahmed Shaheed indique dans un rapport présenté à l’Assemblée générale et remis aux médias que l’Iran exécute plus de gens par habitant que n’importe quel autre pays du monde.
Il ajoute que la majorité de ces exécutions contreviennent au droit international, qui interdit le recours à la peine capitale pour les mineurs et les crimes non violents. Il demande à l’Iran d’adopter un moratoire sur la peine de mort dans ces dossiers et de la réserver uniquement aux «crimes les plus graves», où on peut démontrer une intention de tuer qui se solde par un décès.
M. Shaheed, l’enquêteur spécial de l’ONU sur les droits de l’homme en Iran, a déclaré que le «nombre estomaquant de 753 exécutions» effectuées par l’Iran en 2014 – un sommet – sera surpassé cette année.
Au moins 694 personnes auraient été pendues pendant les sept premiers mois de 2015 et plusieurs organisations de défense des droits de la personne témoignent maintenant de plus de 800 exécutions pendant les dix premiers mois de l’année. Des dizaines d’autres personnes attendent un sort similaire, a dit M. Shaheed.
Il estime que le rythme des exécutions est «alarmant» et déclare que «l’Iran est possiblement sur le bon chemin pour surpasser 1000 (exécutions) d’ici la fin de l’année».
M. Shaheed a dit que 69 % des exécutions pendant les six premiers mois de 2015 étaient reliées au trafic de la drogue, ce qui témoigne d’une hausse de la toxicomanie au pays.
Il a aussi dénoncé le recours de l’Iran à l’isolement et à la torture pour obtenir des aveux; la criminalisation de la liberté d’expression; l’arrestation d’une cinquantaine de journalistes depuis le début de l’année; et les châtiments imposés aux individus qui discutent du gouvernement et des droits de la personne sur les réseaux sociaux.
M. Shaheed indique toutefois que son rapport est «légèrement plus optimiste» que le précédent, puisqu’il a été en mesure de rencontrer différents responsables iraniens et que Téhéran semblait plus ouvert au dialogue cette fois-ci.
INTERVIEW – Le célèbre ouvrage devait tomber dans le domaine public en 2016, ce que constestent ses ayants droit. Le Figaro a interrogé Camille Bauer, spécialiste du droit de la propriété intellectuelle, afin de faire le point sur une controverse qui enflamme les réseaux sociaux.
Le 6 octobre, le Fonds Anne Frank de Bâle rappelait dans un communiqué, transmis à Livres Hebdo, que Le Journal d’Anne Frank ne sera pas libre de droit au 1er janvier 2016, comme les règles générales du droit d’auteur pouvaient le laisser penser, 70 ans après la mort d’Anne Frank.
«Si Anne Frank est décédée en mars 1945, les différentes versions de son journal restent pourtant soumises à protection en France, comme dans de nombreux autres pays, et donc à autorisation préalable du Fonds Anne Frank», écrivaient ainsi ses ayants droit.
Pour quelles raisons? Le Fonds Anne Frank utilise deux arguments: la première version du Journal, publiée en 1947, a été co-écrite par Otto Frank, mort en 1980 ; la seconde, parue en 1980, bénéficie encore du régime particulier des œuvres posthumes. Les écrits d’Anne Frank ne devraient alors entrer dans le domaine public qu’en 2050 pour le premier cas, en 2030 pour le second.
Cette annonce a créé une vive polémique dans le milieu de l’édition. Notamment parce que les ayants droit ont déjà vendu plus de 30 millions d’exemplaires du Journal d’Anne Frank. Le 8 octobre, l’enseignant chercheur Olivier Ertzscheid a publié les deux versions de l’ouvrage sur le site de Rue89, afin de remettre en question cette décision et de permettre la mise en place d’un débat constructif sur la question. Me Camille Bauer, avocate spécialiste du droit de la propriété intellectuelle, répond aux questions du Figaro.
LE FIGARO. – Le fonds Anne Frank a signifié la semaine dernière que Le Journal d’Anne Frank ne sera pas libre de droit au 1er janvier 2016, comme prévu initialement, en mentionnant divers arguments juridiques pour repousser cette date. Est-ce une tentative courante de la part des ayants droit?
Camille BAUER. – Il ne faut pas banaliser ce comportement, mais oui, cela se pratique. Quand on a une source de revenu importante pour une œuvre connaissant une certaine notoriété, des ayants droit peuvent avoir le souhait de proroger cette période de protection des droits. Souvent, ce sont aussi les éditeurs- qui se partagent les droits avec l’auteur – qui font ressortir un nouvel ouvrage agrémenté de commentaires ou d’une nouvelle traduction, ceci afin de faire courir plus longtemps le délai de prescription. Ça s’est notamment pratiqué avec des versions modernes d’ouvrages d’auteurs anciens pourtant tombés dans le domaine public. On retrouve ces deux éléments avec Le Journal d’Anne Frank: les ayants droit souhaitent proroger leurs droits au maximum et deux versions coexistent, probablement pour prolonger encore ces droits.
Le fonds Anne Frank avance le report des droits en raison de la qualité de co-auteur d’Otto Frank sur la première version du Journal, paru en 1947. Qu’est-ce que cela signifie au niveau juridique?
Deux sortes de règles s’appliquent en matière de droit d’auteur. Les droits patrimoniaux d’abord, qui sont pécuniaires et sont perçus en France et en Europe, à quelques différences près, sur une durée de 70 ans après la mort de l’auteur. Le droit moral ensuite, qui précise que l’auteur jouit du respect de son nom, de sa qualité et de son œuvre. Un droit perpétuel, inaliénable et imprescriptible, néanmoins transmissible aux héritiers à la mort de l’auteur.
Dans le cas du Journal d’Anne Frank, l’affaire relève de l’interprétation des règles du droit patrimonial. Comme souvent, le sujet est de savoir à partir de quand la date de prescription s’impose. À partir de la mort d’Anne Frank en 1945, ce qui signifierait que son Journal tomberait effectivement dans le domaine public le 1er janvier 2016? Or sur la première version publiée, son père a été crédité en tant que co-auteur. Lui étant décédé en 1980, cela repousse les droits de cette version jusqu’en 2050.
Qu’en est-il pour la version parue en 1980?
Cette version est considérée comme une œuvre à part entière, générant des droits patrimoniaux nouveaux. Néanmoins, en sa qualité d’oeuvre posthume – parue après la mort d’Anne Frank – elle n’est protégée que durant 50 ans. Elle devrait donc tomber dans le domaine public en 2030.
Est-il possible de contredire les revendications du fonds Anne Frank? Notamment en ce qui concerne le rôle de co-auteur d’Otto Frank?
On peut effectivement s’interroger sur sa qualité de co-auteur, qui repousse les droits de la première version du Journal d’Anne Frank aux 70 ans après sa mort. Est-il co-auteur ou ne l’est-il pas? Le fonds revendique que l’œuvre est composite. Mais cela peut paraître contestable sur le plan juridique, étant donné qu’il n’a, a priori, fait que des coupes et allégé l’ouvrage dans un souci éditorial.
Certains avancent que les ayants droit chercheraient également à repousser la date de protection, par crainte que des négationnistes ou des révisionnistes ne s’emparent de l’œuvre pour la modifier. Est-ce une réelle menace?
C’est une crainte qui serait peu fondée. La famille peut toujours attaquer pour violation du droit du respect de l’œuvre. Elle a un droit de regard sur le bien-fondé de l’utilisation du Journal. Dans le cas d’attaques négationnistes, les ayants droit peuvent aussi poursuivre pour incitation à la haine raciale. La protection au titre du droit moral leur donne déjà des garanties, pas besoin du droit patrimonial pour ça.
À quoi peut s’attendre Olivier Ertzscheid, l’enseignant chercheur qui a publié les deux versions du Journal d’Anne Frank sur le site de Rue89?
Les droits confèrent un monopole à l’éditeur. Si on viole les droits de l’éditeur en la diffusant gratuitement par exemple, on est dans l’illégalité. Ce chercheur risquerait d’être poursuivi pour violation des droits, à l’intiative de l’éditeur et de la famille. Il s’expose à une condamnation pour dommages et intérêts ainsi qu’à une interdiction de publication.
Ces dommages et intérêts pourraient néanmoins être symboliques dans ce cas. Il était conscient de l’illégalité de son geste. C’était un acte à la fois de provocation – à l’intention des ayants droit – et d’hommage – à Anne Frank. Un moyen d’ouvrir le débat sur cet ouvrage dont on reporte la date d’entrée dans le domaine public. Or il estime que son rayonnement serait plus large si Le Journal d’Anne Frank pouvait être exploité librement, par exemple avec des adaptations en film, en bande dessinée… Un acte de résistance en somme dont il assume les risques.
Bon ben voilà. On dirait que je suis le gars qui a mis un gros bordel sur les internets. Ce billet – et ceux des camarades qui m’ont suivi – est repris un peu partout, Anne Franck a passé la journée en Trending Topic sur Twitter – ben oui … Les articles de presse tombent, Mediapart, Arrêt sur Images, 20 minutes, probablement Libé bientôt et probablement d’autres. Un salut particulier à l’équipe de Rue89 et à Xavier De La Porte qui ont reproduit mon texte et proposent également les deux fichiers illégaux sur leur site.
Beaucoup de choses sont en train de se dire et de s’écrire. Certaines sont justes et peuvent être discutées (elles le méritent), d’autres sont uniquement des réactions épidermiques – c’est le jeu – en mode « c’est un scandale / salaud ! » ou « quelle attitude courageuse ». Ce n’est bien sûr ni l’un, ni l’autre.
Le but premier de ce billet était de porter cette question (le domaine public, les ayants droits) sur la place publique. Là au moins … c’est fait.
Je vais couper toute connexion jusqu’à ce week-end et reviendrai dimanche soir ou Lundi sur ce blog pour répondre aux arguments de ceux qui me reprochent de l’avoir fait et expliquer plus en détail pourquoi je l’ai fait.
En attendant un merci sincère pour les nombreux messages de soutien que je reçois depuis ce matin (par mail, en commentaire, par téléphone ou sur Twitter), un merci tout aussi sincère à celles et ceux qui ont choisi de s’associer à cette initiative en étant tout aussi conscients que moi des risques qu’ils prenaient, en en prenant parfois davantage, a fortiori lorsqu’il s’agit de journaux, d’acteurs ou d’institutions publiques (oui oui, des bibliothèques proposent ces fichiers sur leurs sites).
Je précise juste deux choses :
je ne suis pas « un blogueur » qui a mis en ligne ces 2 fichiers. Je suis un universitaire qui depuis 15 ans réfléchit sur les problématiques de l’accès ouvert, qui connaît les modèles de l’édition, qui sans être juriste a, disons, un avis relativement étayé sur les questions juridiques sous-jacentes, qui a lui même été édité, à touché des droits d’auteur, a aussi choisi parfois de ne pas en toucher. Je connais et bosse régulièrement avec des auteurs, des éditeurs, des traducteurs. Je sais de quoi leur quotidien est fait. Je sais combien il est pour certains difficile. Je suis aussi un enseignant à l’université qui chaque année, forme – ou déforme … – une grosse centaine d’étudiants sur les questions et les enjeux du numérique, des droits d’auteurs, de la circulation et de la mise à disposition des savoirs et des connaissances. Le fait de clamer ainsi d’être un « universitaire » n’ajoute ou n’enlève rien à ma démarche, ni ne la justifie d’aucune manière, mais elle est tout de même une manière de rappeler que cet acte illégal dont je me suis rendu coupable a été accompli en parfaite connaissance de cause, mais qu’il ne l’a pas uniquement été sur un coup de tête ou un énervement passager et qu’il s’inscrit dans le cadre de la réflexion et de l’analyse que je m’efforce de mener depuis 15 sur ces questions, et sur un autre risque, le risque, tout aussi considérable, qu’il y aurait eu, une nouvelle fois, à ne rien faire.
Je suis aussi un « militant », et oui, il n’est pas totalement infondé d’assimiler mon acte d’hier soir à celui des faucheurs volontaires, comme cela a souvent été fait sur Twitter. J’ai publiquement et sous mon vrai nom rendu accessibles des fichiers illégaux que n’importe qui peut récupérer en tapant simplement le nom d’Anne Frank sur Google suivi du mot clé « pdf » ou « epub ». Le fait de le faire publiquement n’a pas pour seule vocation de faciliter le travail de la justice pour remonter jusqu’à moi. Il est un nouvel épisode de cette « guerilla » qu’Aaron Schwartz appelait de ses voeux dans son manifeste :
« Nous avons besoin de récolter l’information où qu’elle soit stockée, d’en faire des copies et de la partager avec le monde. Nous devons nous emparer du domaine public et l’ajouter aux archives. Nous devons acheter des bases de données secrètes et les mettre sur le Web. Nous devons télécharger des revues scientifiques et les poster sur des réseaux de partage de fichiers. Nous devons mener le combat de la guérilla pour le libre accès.
Lorsque nous serons assez nombreux de par le monde, nous n’enverrons pas seulement un puissant message d’opposition à la privatisation de la connaissance : nous ferons en sorte que cette privatisation appartienne au passé. Serez-vous des nôtres ? »
Bon week-end. Bonne lecture. Et à bientôt pour d’autres nouvelles.
Il existe un nombre important d’informations fiables concernant Anne Frank et son journal. Mais il arrive à l’occasion que via Internet ou ailleurs des mensonges soient colportés à propos du journal. On peut lire dans des livres et des brochures qui circulent que le journal est un faux, qu’il a été rédigé par d’autres qu’anne Frank. Certains sites web même affirment que des passages du journal ont été écrits au stylo à bille. La Maison d’anne Frank attaque régulièrement en justice ceux qui remettent en cause l’authenticité (la véracité) du journal, et ceci avec succès. Ceux qui néanmoins tombent sur ces mensonges à propos du journal trouveront sur ces pages web, sous forme de questions et de réponses, les principaux faits concernant l’authenticité du journal.
Une arrière-pensée politique
Il convient de placer les attaques contre le journal dans une perspective plus large. Ceux qui ont affirmé ou affirment que le journal est un faux sont sur une arrière-pensée politique. En général, ils nient l’holocauste. Ou bien ils tentent de démontrer qu’il n’y a pas eu de chambres à gaz à Auschwitz et que le nombre de six millions de Juifs exterminés durant la Seconde Guerre mondiale est démesurément exagéré. Le journal d’anne Frank constitue un document très important sur l’holocauste et au lendemain de la Seconde Guerre mondiale Anne Frank est devenue progressivement le symbole le plus connu, de par le monde, de la persécution des Juifs. Les personnes ou les organisations qui nient ou minimisent l’holocauste essaient de par- là même de disculper et de réhabiliter le système national-socialiste. Ou bien elles tentent, en semant le doute sur le sort des Juifs pendant la Seconde Guerre mondiale, de saper les fondements mêmes sur lesquels se base l’existence de l’état d’israël. À la télévision et sur Internet La diffusion de matériel remettant en cause l’authenticité du journal d’anne Frank et niant aussi fréquemment l’holocauste est heureusement, en Europe et en Amérique du Nord, uniquement l’œuvre de quelques personnes. Il n’existe pas d’hommes de sciences dignes de ce nom qui doutent que l’holocauste ait eu lieu ou que le journal d’anne Frank ait vraiment été écrit par elle. Cependant, au Moyen-Orient le négationnisme est devenu de plus en plus souvent une arme dans la lutte contre Israël, et des contrevérités sur l’holocauste sont colportées ouvertement et à grande échelle à la télévision et sur Internet. Bien des enfants au Moyen-Orient apprennent à l’école que le journal d’anne Frank est un faux. Au moyen de la télévision par satellite, ces mensonges s’infiltrent aussi dans le monde occidental. De plus, les diffuseurs de matériel négationniste ou remettant en cause le journal d’anne Frank se voient offrir par Internet une diffusion particulièrement large de leurs idées. C’est pourquoi la Maison d’anne Frank se propose d’user de plusieurs moyens et par conséquent de son site web également pour infirmer les contrevérités émises sur le journal d’anne Frank.
2 Dix questions sur l’authenticité du journal d’anne Frank : 1. En quoi consiste exactement l’héritage d’Anne Frank? 2. Quelles ont été les recherches effectuées sur l’authenticité du journal? 3. D’où provenaient soudain les cinq nouvelles pages du journal? 4. On dit parfois qu’il existe aussi dans le journal des notes faites au stylo à bille. Est-ce exact? 5. Quelles sont les personnes et les organisations qui affirment que le journal d’anne Frank est un faux? 6. Pourquoi ne peut-on affirmer que le journal est un faux? La liberté d’expression existe tout de même? 7. Qu’a fait Otto Frank contre les attaques mettant en cause l’authenticité du journal? 8. Qu’a fait la Maison d’anne Frank contre les attaques mettant en cause l’authenticité du journal? 9. Pour quelle raison prend-on si peu de mesures contre les sites Internet qui nient l’holocauste ou qui mettent en doute l’authenticité du journal? 10. Où puis-je trouver davantage d’informations sur le négationnisme? 1. En quoi consiste exactement l’héritage d’anne Frank? Le 12 juin 1942, Anne Frank fête son treizième anniversaire. Elle reçoit entre autres un cahier de poésies : un album pour ainsi dire carré avec une couverture dure à carreaux rouges-blancs-verts. C’est dans cet album qu’elle va tenir son journal. Son premier journal se termine le 5 décembre 1942. Son deuxième cahier, un cahier d’écolier qui a été conservé, débute le 22 décembre 1943 et se poursuit jusqu’au 17 avril 1944. Il est extrêmement improbable qu’anne Frank n’ait pas tenu de journal entre décembre 1942 et décembre 1943 : nous devons admettre que cette partie a dû se perdre. Son troisième et dernier journal, également un cahier d’écolier, débute le 17 avril 1944 et prend fin le 1 er août 1944. 2007 Anne Frank Stichting 2
3 En plus de son journal, Anne écrivit aussi dans un grand cahier de caisse les « Contes d’anne Frank ». Et elle remplit de citations un petit livre de caisse de forme allongée : le « Livre de belles phrases ». Tous deux ont été conservés. Deux versions Les journaux d’anne Frank décrivent à partir du mois de juin 1942 d’une façon poignante les heurs et malheurs des huit clandestins juifs de l’annexe située au Prinsengracht, à Amsterdam. Anne Frank a elle-même réécrit dans l’annexe ses notes de journal, en vue d’une éventuelle publication après la guerre. Et ce, sur des feuilles de papier pelure, les fameuses « feuilles volantes ». C’est sur ces feuilles volantes qu’elle trie et réécrit ses précédentes notes de journal ; elle remanie des textes, assemble parfois sous une seule date des notes rédigées à des dates différentes et dans certains cas en raccourcit d’autres considérablement. C’est ainsi que naît de sa main une deuxième version, dans laquelle sont également décrites les vicissitudes de décembre 1942 à décembre 1943. Les feuilles volantes ont été conservées ; les dernières notes datent du 29 mars 1944. Si la première version du journal n’a donc pas été entièrement gardée, la deuxième partie est restée inachevée. Publication Afin de susciter l’intérêt d’un éditeur pour Het Achterhuis (L’Annexe, ainsi qu’anne Frank avait intitulé sa deuxième version), Otto Frank fait dactylographier durant l’automne 1945 des passages des notes du journal. Il supprime certains fragments, en déplace d’autres et apporte quelques corrections. C’est ainsi que prend forme un tapuscrit, toutefois le livre n’existe pas encore. À la demande d’otto Frank, son ami Albert Cauvern réalise ensuite un second tapuscrit. Avec l’autorisation d’otto Frank, Cauvern change entre autres les noms de neuf des treize clandestins et protecteurs de l’annexe en leur donnant des pseudonymes qu’anne elle-même a imaginés en vue d’une éventuelle publication. Les deux textes dactylographiés ont été conservés. Enfin, un rédacteur de la maison d’édition Contact est le troisième à se pencher sur le texte : en corrigeant les fautes de frappe et en harmonisant le manuscrit avec les « règles internes » de la maison d’édition. Le tout a pour résultat la première publication néerlandaise de Het Achterhuis en juin 1947. Trois versions en un seul volume Otto Frank meurt le 19 août 1980. Il lègue par testament tous les écrits de sa fille à l’état néerlandais. Les autorités néerlandaises remettent alors la gestion des écrits à l’institut national de documentation sur la guerre (RIOD, par la suite Institut néerlandais de documentation sur la guerre NIOD). En 1986, le NIOD publie les trois versions du journal mentionnées ci-dessus les notes originales du journal qui ont été conservées, la version réécrite par Anne Frank elle-même et l’édition composée par Otto Frank et parue en 1947 aux éditions Contact le tout en un seul volume intitulé De Dagboeken van Anne Frank (Les Journaux d’anne Frank). 2007 Anne Frank Stichting 3
4 L’original du journal d’anne Frank ainsi que plusieurs écrits de sa main sont exposés depuis 1986 dans la Maison d’anne Frank. 2. Quelles ont été les recherches effectuées sur l’authenticité du journal? Face aux accusations lancées continuellement à l’encontre du journal d’anne Frank dans les années soixante et soixante-dix, un certain nombre de recherches ont été effectuées en partie à l’initiative d’otto Frank sur l’authenticité du journal. Les recherches les plus vastes menées dans la première moitié des années quatre-vingt sont celles du Laboratoire judiciaire de l’institut néerlandais de médecine légale, et ce, à la demande de l’institut national de documentation sur la guerre. Les résultats des recherches du Laboratoire judiciaire ont été consignés dans un rapport de plus de 250 pages. La majeure partie de ce rapport porte sur les résultats d’une analyse graphologique approfondie. Cependant, le Laboratoire judiciaire a également étudié les documents d’un point de vue technique. Un résumé du rapport du Laboratoire judiciaire de 65 pages a été inclus dans les Dagboeken van Anne Frank, c’est-àdire dans l’édition critique qu’a publiée le NIOD en 1986. La totalité du rapport est disponible pour les chercheurs. Le NIOD conclut : «( ) Le rapport du Laboratoire judiciaire (Gerechtelijk Laboratorium) a établi de façon probante que les deux versions du journal d’anne Frank ont bien été écrites par elle dans les années 1942-1944. Les allégations selon lesquelles elles auraient été écrites (après la guerre ou non) par une autres personne, ont trouvé ainsi une réfutation décisive.» (Les Journaux d’anne Frank. Édition intégrale, 1988, p. 207.) Recherches allemandes Les recherches du Laboratoire judiciaire effectuées sur l’authenticité du journal dans les années quatre-vingt avaient été précédées par d’autres. En 1959, les écrits d’anne Frank avaient été étudiés par des graphologues en Allemagne en vue d’un procès intenté par Otto Frank. En mars 1960, les graphologues de Hambourg parvinrent, dans un rapport de 131 pages, à la conclusion que toutes les notes contenues dans les journaux, les feuilles volantes mais aussi toutes les corrections et tous les ajouts étaient « identiques » à l’écriture d’anne Frank. Le rapport concluait également que les feuilles volantes n’avaient pas été écrites avant les trois cahiers. Enfin, ils tirèrent la conclusion que «le texte paru en traduction allemande sous le titre de Das Tagebuch der Anne Frank [devait] être considéré comme conforme à l’original en ce qui concerne le contenu et les idées.» (Les Journaux d’anne Frank. Édition intégrale, 1989, p. 109.) C’est aussi en 1980 qu’eurent lieu des recherches très limitées – en Allemagne, en vue d’une procédure juridique, effectuées cette fois-ci par le Bundeskriminalamt (BKA) de Wiesbaden. Le BKA parvint à la conclusion que tous les types de papier et toutes les sortes d’encre utilisés avaient été fabriqués avant 1950 et qu’ils avaient donc pu servir dans les années de guerre. 2007 Anne Frank Stichting 4
5 3. D’où provenaient soudain les cinq nouvelles pages du journal? En 1998, cinq pages jusqu’alors inconnues du journal d’anne Frank refirent surface. Il s’agissait de cinq feuilles volantes qu’otto Frank avait déjà écartées avant la publication du journal en 1947. Elles furent rendues publiques par Cor Suyk, un ancien collaborateur de la Maison d’anne Frank. Cor Suyk fit savoir qu’otto Frank lui avait confié les cinq feuilles. Il vendit les feuilles volantes à l’état néerlandais et celles-ci furent ensuite ajoutées au journal, qui est géré par l’institut néerlandais de documentation sur la guerre (NIOD). Les cinq feuilles furent insérées pour la première fois intégralement dans la cinquième édition des Dagboeken van Anne Frank (l’édition critique, 2001). Selon toute vraisemblance, Otto Frank n’a pas voulu rendre publics ces fragments du journal de sa fille étant donné qu’ils contenaient des observations quelque peu pénibles d’anne Frank sur son mariage et sur sa première femme morte à Auschwitz. Avec une probabilité quasi certaine Le NIOD chargea le Laboratoire judiciaire qui durant la première moitié des années quatre-vingt avait effectué des recherches approfondies sur l’authenticité du journal d’étudier également ces cinq feuilles volantes. A l’issue des recherches sur l’aspect technique des documents et de fait d’une étude graphologique, le Laboratoire judiciaire conclut que «( ) l’écriture figurant sur le matériel à étudier d’une part et sur le matériel de référence constitué par des feuilles volantes du journal d’anne Frank d’autre part, sont avec une probabilité quasi certaine de la même main.» (De Dagboeken van Anne Frank, cinquième édition, 2001, p. 213.) 4. On dit parfois qu’il existe aussi dans le journal des notes faites au stylo à bille. Est-ce exact? Non, ce n’est pas exact. Toutes les notes du journal ont été écrites avec diverses sortes d’encre et de crayon (de couleur), pas au stylo à bille. Les recherches portant sur l’aspect technique des documents effectués par le Laboratoire judiciaire démontrent que la majeure partie du journal et des feuilles volantes a été écrite au stylo à encre bleu gris. Par ailleurs, Anne a utilisé pour ses notes de l’encre rouge diluée, un crayon de couleur vert et rouge et un crayon noir ; mais pas de stylo à bille. Néanmoins on peut encore lire régulièrement, entre autres sur les sites web d’extrême droite, que des passages du journal d’anne Frank ont été écrits au stylo à bille. C’est avec raillerie que les auteurs de ces sites parlent de « la fille au stylo à bille A. Frank », tout en expliquant que ce n’est qu’après la Seconde Guerre mondiale que le stylo à bille est devenu populaire en Europe. La conclusion qui s’impose dans ces accusations, c’est que les textes figurant dans le journal n’ont pas pu être écrits par Anne Frank elle-même. 2007 Anne Frank Stichting 5
6 Feuilles de notes L' »histoire du stylo à bille » remonte au rapport de quatre pages que le Bundeskriminalamt (BKA) de Wiesbaden publia en 1980. Ces recherches sur les types de papier et les sortes d’encre utilisés dans les journaux d’anne Frank mentionnent des « corrections au stylo à bille » apportées sur quelques feuilles volantes. Le BKA avait été chargé de signaler tous les textes figurant dans le journal. Les analyses du Laboratoire judiciaire néerlandais (au milieu des années quatre-vingt) montrent cependant que l’écriture au stylo à bille n’a été trouvée que sur deux feuilles de note volantes rédigées précédemment par des chercheurs et que ces notes ne sont d’aucune importance quant au contenu même du journal. Elles y ont été de toute évidence glissées par la suite. De plus, les chercheurs du Laboratoire judiciaire concluent que l’écriture sur ces deux feuilles de note diffère « dans une très large mesure » de celle figurant dans le journal. La publication du NIOD a inclus des photos de ces feuilles de note volantes (voir : De Dagboeken van Anne Frank, cinquième édition, 2001, p. 193 et 195). En 1987, monsieur Ockelmann, de Hambourg, fit savoir dans une lettre que c’était sa mère qui avait écrit les feuilles de note en question. Madame Ockelmann avait fait partie de l’équipe qui vers 1960 avait effectué une analyse graphologique des écrits d’anne Frank. L’histoire fait son chemin Bref, l' »histoire du stylo à bille » est simple à infirmer. La formulation négligente ou en tout cas susceptible à plusieurs interprétations du rapport du BKA de 1980 un rapport qui au demeurant n’apporte nullement atteinte à l’authenticité du journal a commencé à faire son chemin dans les milieux d’extrême droite. L’histoire du stylo à bille repose sur le simple fait que vers 1960 deux feuilles de note écrites au stylo à bille se sont glissées parmi les feuilles originales. Ces textes ont été écrits par une graphologue et n’ont été inclus dans aucune édition du journal (à l’exception de l’édition critique, où figurent les photos de ces feuilles de note). En juillet 2006, le BKA a jugé nécessaire de déclarer dans un communiqué de presse que l’analyse réalisée en 1980 ne peut être utilisée pour mettre en doute l’authenticité du journal. 5. Quelles sont les personnes et les organisations qui affirment que le journal d’anne Frank est un faux? Abstraction faite de quelques originaux égarés, toutes les personnes (et groupes de personnes) qui affirment, en ayant toutes leurs facultés, que le journal ou des passages du journal d’anne Frank sont un faux appartiennent à la catégorie des négationnistes. En attaquant le journal, elles tentent de semer le doute quant à la réalité de l’holocauste. Et ce, en affirmant qu’il n’y a pas eu six millions de Juifs assassinés durant la Seconde Guerre mondiale et que les nationaux-socialistes n’ont pas construit de chambres à gaz. Ce sont des individus qui ont une arrièrepensée politique : en niant l’holocauste, elles essaient de démonter ou du moins de rendre plausible que le national-socialisme était (et est) un système bien 2007 Anne Frank Stichting 6
7 moins pernicieux qu’on ne le pense. Elles essaient de gagner par-là de nouveaux adeptes à l’idéologie nazie. Comme le journal d’anne Frank représente de par le monde une introduction accessible à l’holocauste et qu’il est souvent utilisé dans les écoles, il constitue une cible de choix pour ces anciens et nouveaux nazis. Arguments pseudo-scientifiques Les négationnistes – ceux donc qui nient l’holocauste sont de tout poil. Certains se drapent d’un manteau scientifique : ils se qualifient de révisionnistes ou révisionnistes historiques (le révisionnisme signifie : aspiration à la révision). Avec des arguments pseudo-scientifiques, ils essaient de revoir l’histoire de la Seconde Guerre mondiale. L’un des écrits révisionnistes les plus traduits et les plus propagés sur le journal d’anne Frank est la « thèse » du scientifique français Robert Faurisson, publiée en 1978 sous le titre de Le Journal d’anne Frank est-il authentique? Faurisson a été condamné à plusieurs reprises en France à des peines de prison avec ou sans sursis et à payer des amendes pour avoir nié l’existence des chambres à gaz durant la Seconde Guerre mondiale et pour incitation à la discrimination et à la haine raciale. « Propagande sioniste » Le négationnisme n’est pas le fait uniquement du monde occidental, mais aussi et ces dernières années à un degré croissant du Moyen Orient. Dans cette région, il constitue surtout une arme contre l’état d’israël. Le fait de semer le doute quant au sort des Juifs durant la Seconde Guerre mondiale mais aussi de nier l’authenticité du journal d’anne Frank a lieu en première instance pour « démontrer » que l’holocauste n’est que de la « propagande sioniste ». On essaie ainsi de saper les fondements mêmes sur lesquels se base l’existence de l’etat d’israël. En Iran, le négationnisme est même l’idéologie officielle de l’état, mais dans le monde arabe aussi et à un degré croissant en Turquie également les négationnistes sont présentés dans les médias comme des scientifiques sérieux. Il convient de remarquer que de nombreux écrits révisionnistes qui circulent au Moyen Orient (que ce soit ou non sur Internet) sont de fabrication européenne ou américaine. 6. Pourquoi ne peut-on affirmer que le journal est un faux? La liberté d’expression existe tout de même? La liberté d’expression est un droit fondamental important dans toute société démocratique. Ce droit signifie que tout citoyen est libre d’exprimer en public toutes sortes d’idées, d’opinions et de points de vue, sans censure préalable. Cependant, la liberté d’expression ne signifie pas pour autant que quiconque peut impunément tout dire ou tout proclamer en public. Comme tous les autres droits fondamentaux, la liberté d’expression est sujette à des limites qui ne peuvent être transgressées. L’incitation à la haine, au meurtre ou à la violence et la diffamation par exemple tombent sous le coup de la loi. La diffusion de contrevérités manifestes sur le journal d’anne Frank n’est pas seulement 2007 Anne Frank Stichting 7
8 extrêmement offensante pour les proches parents, c’est également discriminatoire et blessant pour toutes les victimes de l’holocauste et leurs parents. Est-ce que ça tombe sous le coup de la loi? C’est seulement une fois l’opinion exprimée publiquement que le juge peut évaluer si celle-ci tombe sous le coup de la loi. Sur ce point, les États-Unis et les pays membres de l’union européenne ont des traditions divergentes. Aux États- Unis, on ne sera pas prompt à fixer des limites à la liberté d’expression. Ce n’est pas un hasard si le Premier article de la Constitution américaine stipule que le législateur ne peut promulguer des lois qui limitent inutilement cette liberté. En Europe par contre, on aura tendance à limiter la liberté d’expression si le droit à la protection contre la discrimination est en cause. Si le négationnisme ne tombe pas sous le coup de la loi aux États-Unis, en revanche l’allemagne, la France et plusieurs autres pays européens connaissent des lois qui pénalisent la diffusion de mensonges sur « Auschwitz » – et par conséquent aussi les mensonges propagés sur le journal d’anne Frank. C’est ce qui explique pourquoi un nombre considérable de livres et de sites web remettant en cause le journal d’anne Frank proviennent des États-Unis. 7. Qu’a fait Otto Frank contre les attaques mettant en cause l’authenticité du journal? Dès la fin des années cinquante jusqu’à sa mort en 1980, Otto Frank s’est élevé en paroles et en écrits, mais aussi en intervenant en justice contre les attaques remettant en cause l’authenticité du journal. Les premières accusations contre le journal parurent en 1957 et 1958 dans d’obscures revues suédoises et norvégiennes. Il y était notamment affirmé que le journaliste et romancier américain Myer Levin était l’auteur du journal. Levin s’était proposé de faire aux États-Unis une adaptation du journal au théâtre et au cinéma, mais n’avait pas rencontré le soutien d’otto Frank dans cette entreprise. La presse eut connaissance du conflit entre Meyer Levin et Otto Frank et ce conflit fut ensuite utilisé par des radicaux de droite comme argument pour mettre en doute l’authenticité du journal. On ignore si Otto Frank eut vent de ces premières attaques contre le journal ; le fait est qu’il n’a pas porté plainte. Lothar Stielau et Heinrich Buddeberg À trois reprises, Otto Frank attaqua en justice plusieurs personnes qui avaient affirmé que le journal de sa fille était un faux. Début 1959, il déposa plainte contre le professeur allemand Lothar Stielau (professeur d’anglais à Lübeck et membre du parti radical de droite Deutsche Reichspartei) pour diffamation, injure, outrage et atteinte à la mémoire d’une personne décédée et pour propos antisémites. Celui-ci avait écrit dans un journal d’école : «Les faux journaux d’eva Braun, de la reine d’angleterre et celui, à peine plus authentique, d’anne Frank ont sans doute rapporté quelques millions aux profiteurs de la défaite 2007 Anne Frank Stichting 8
9 d’allemagne, mais ont en revanche exacerbé notre sensibilité à ces sortes de choses.» La plainte déposée par Otto Frank visait également Heinrich Buddeberg, membre du même parti que Stielau, qui avait pris la défense de ce dernier dans une lettre ouverte au journal Lübecker Nachrichten. À l’issue d’une ample et sérieuse analyse graphologique sur l’authenticité des manuscrits d’anne Frank, le tribunal régional de Lübeck reconnut l’authenticité du journal et déclara la plainte d’otto Frank fondée. Stielau et Buddeberg rétractèrent leurs accusations en raison de l’enquête préliminaire et la procédure judiciaire fut clôturée. L’enquête et l’audition des témoins les avaient convaincus de l’authenticité du journal. Ils firent part de leurs regrets d’avoir tenu leurs propos sans avoir tenté d’étudier la question. Là-dessus, Otto Frank accepta une transaction, ce qu’il regretta par la suite : «Si j’avais su qu’il y a des gens pour qui un compromis, dans cette affaire, ne constitue pas une preuve suffisante, j’aurais mené le procès a son terme.» (Les Journaux d’anne Frank. Édition intégrale, 1989, p. 112.) Heinz Roth En 1976, Otto Frank engagea devant le tribunal régional de Francfort une procédure en référé contre Heinz Roth, originaire de la ville d’odenhausen, en Allemagne. Par le biais de sa propre maison d’édition, Roth propageait une multitude de brochures et de tracts néonazis intitulés notamment : Anne Frank’s Tagebuch eine Fälschung et Anne Frank’s Tagebuch Der Grosse Schwindel. Au bout de deux ans, le tribunal jugea que Roth serait passible de 500.000 marks allemands d’amende (environ 250.000) ou de six mois de prison au maximum s’il publiait à nouveau ce genre d’écrits. Ayant fait appel, Roth produisit le rapport du scientifique français Robert Faurisson, mais ce rapport non plus ne put convaincre le tribunal allemand. L’appel de Roth fut rejeté en 1979. Bien que mort en 1978, il y eut pourvoi en cassation auprès de la Cour fédérale allemande qui renvoya l’affaire en 1980 à la Cour de Francfort au motif que Roth n’avait pas eu suffisamment l’occasion d’étayer ses affirmations ; il aurait dû au cas où l’affaire serait révisée se voir offrir la possibilité de le faire. Le fait que le prévenu était mort depuis deux ans déjà ne joua manifestement aucun rôle dans ce verdict ; l’affaire ne fut finalement jamais examinée par le tribunal de Francfort. Ernst Römer et Edgar Geiss Le troisième procès allemand auquel prit part Otto Frank (en tant que coplaignant) se déroula de 1976 à 1993. Tout commença lorsqu’ernst Römer, à l’issue des représentations de la pièce « Le journal d’anne Frank », distribua des tracts ayant pour titre « Best-Seller ein Schwindel ». Le Ministère public décida de poursuivre Römer et par la suite également Edgar Geiss, qui partageait ses idées et qui distribuait au tribunal les mêmes tracts. Les deux affaires furent jointes. Römer et Geiss furent condamnés à respectivement 1.500 marks d’amende (environ 750) et six mois d’emprisonnement. Ils firent appel. Si l’affaire en appel traîna si longtemps, c’est surtout parce qu’une enquête fut tout d’abord ouverte par le Bundeskriminalamt et qu’il fut ensuite décidé d’attendre la traduction en allemand des Dagboeken van Anne Frank (l’édition critique). Celleci parut en 1988 et put ainsi servir de pièce à conviction. En raison de son âge 2007 Anne Frank Stichting 9
10 avancé, Römer décida de renoncer à faire appel et Geiss se retrouva seul. L’un des moyens de sa défense atteint son but : en Allemagne la diffusion d’écrits diffamatoires bénéficie d’un délai de prescription relativement court. L’affaire fut classée pour prescription. 8. Qu’a fait la Maison d’anne Frank contre les attaques mettant en cause l’authenticité du journal? La Maison d’anne Frank s’est, elle aussi, élevée en paroles et en écrits et dans un certain nombre de cas également par des moyens juridiques contre les remises en cause de l’authenticité du journal. Libre examen historique En 1976, la La Maison d’anne Frank intervint dans la procédure en référé qu’otto Frank avait engagée contre Heinz Roth devant le tribunal régional de Francfort (voir question précédente). De même, après la mort d’otto Frank survenue en 1980, la Maison d’anne Frank s’est employée à lutter contre la diffusion de mensonges blessants sur le journal. Avec d’autres organisations, elle a engagé des procédures judiciaires contre la maison de vente par correspondance Vrij Historisch Onderzoek (Libre examen historique VHO), l’un des plus grands distributeurs dans les pays de langue néerlandaise de matériel négationniste et remettant en cause l’authenticité du journal d’anne Frank. Établie à Anvers (Belgique), la VHO diffusait depuis 1985 la traduction néerlandaise du rapport de Robert Faurisson intitulé Le Journal d’anne Frank est-il authentique? et publia en 1991 le livret Le « Journal » d’anne Frank : une approche critique. Ce livret contenait le rapport de Faurisson et une introduction de l’éditeur de la VHO, Siegfried Verbeke. Il était surtout envoyé à des bibliothèques et à des personnes privées aux Pays-Bas sans qu’elles en aient fait, ni les unes ni les autres, la demande. Procédure civile La Maison d’anne Frank et l’anne Frank Fonds Bâle décidèrent d’agir de concert et engagèrent une procédure civile contre Verbeke, Faurisson et la Vrij Historisch Onderzoek. L’Anne Frank Fonds Bâle et la Maison d’anne Frank sollicitèrent une interdiction de la diffusion du livret aux Pays-Bas sous peine d’une astreinte de 25.000 florins. Le tribunal de grande instance d’amsterdam donna gain de cause aux requérants en décembre 1998 et admit les demandes, une décision qui en 2000 fut confirmée en appel. D’autres procédures judiciaires ont été entreprises depuis 1992 contre la Vrij Historisch Onderzoek et Siegfried Verbeke, qui via Internet ont considérablement élargi leur champ d’activités. 2007 Anne Frank Stichting 10
11 9. Pour quelle raison prend-on si peu de mesures contre les sites Internet qui nient l’holocauste ou qui mettent en doute l’authenticité du journal? L’authenticité du journal d’anne Frank a surtout été mise en doute, durant la dernière décennie du siècle précédent, par le biais de livrets, de tracts et de brochures d’obscures maisons d’édition nazies. La très grande majorité de ces écrits n’a pas atteint ou pratiquement pas atteint la grande masse des lecteurs. L’arrivée d’internet a offert des possibilités considérables aux diffuseurs de matériel négationniste. Quiconque tape sur un moteur de recherche « Anne Frank » n’obtiendra pas seulement toutes sortes de sites web fournissant de bonnes et solides informations, mais pourra aussi être confronté à des sites diffusant des mensonges et des contrevérités sur le journal. Et en tapant le mot « Holocauste », on tombera rapidement sur des sites révisionnistes. Sur ce point, Internet n’est pas seulement une magnifique et incroyablement grande bibliothèque, mais aussi un amas de fumier. La lutte juridique : pas si simple La lutte contre le négationnisme sur Internet en est encore à ses premiers balbutiements. Tout comme d’ailleurs la lutte contre les « sites de haine » (des sites incitant à la haine et à la violence envers les minorités), le cyberterrorisme/criminalité ou la diffusion de pornographie infantile par le biais du net. Il est difficile de dire quelle est la manière la meilleure et la plus efficace de lutter contre la diffusion du négationnisme et de mensonges sur le journal d’anne Frank sur Internet. En raison notamment du caractère transfrontalier d’internet, la lutte juridique n’est pas simple. Ainsi, afin d’éviter l’intervention de la justice, certains groupuscules révisionnistes et néonazis cherchent-ils un fournisseur d’accès en dehors de l’europe. Pour ce qui est de la lutte juridique contre la diffamation, les États-Unis connaissent en effet une autre tradition, ce qui a pour conséquences que le négationnisme n’entraîne pas rapidement des poursuites en justice. Cependant, un certain nombre de sites analysant en profondeur les « arguments » des négationnistes (voir également la dernière question) ont été créés et sont régulièrement mis à jour aux États-Unis. Avec faits, chiffres et documents à l’appui, ces sites réfutent les mensonges colportés dans les rapports révisionnistes. Et ce, en partant du principe que les faits sont le seul et le meilleur remède contre la diffusion de contrevérités. 10. Où puis-je trouver davantage d’informations sur le négationnisme? Il existe un certain nombre de livres et de sites web offrant de solides informations sur le négationnisme et les négationnistes. Quiconque veut en savoir davantage sur ce sujet peut consulter l’un des titres mentionnés cidessous au centre de documentation de la Maison d’anne Frank ou visiter l’un des sites web mentionnés ci-dessous. 2007 Anne Frank Stichting 11
12 Articles: Barnouw, David Mises en cause de l’authenticité du journal. Dans: Les journaux d’anne Frank / Institut national néerlandais pour la documentation de guerre ; introd. de Harry Paape, Gerrold van der Stroom et David Barnouw ; texte établi par David Barnouw et Gerrold van der Stroom ; trad. du néerlandais par Philippe Noble et Isabelle Rosselin-Bobulesco. – Paris : Calmann-Lévy, 1989. P. 105-125. Livres: Brayard, Florent Le génocide des Juifs entre procès et histoire, 1943-2000 / sous la dir. de Florent Brayard ; textes de Florent Brayard… [et al.]. – Bruxelles : Éditions Complexe [etc.], cop. 2000. (Collection « Histoire du Temps Présent »). Brayard, Florent Comment l’idée vint à M. Rassinier : naissance du révisionnisme / Florent Brayard ; préf. de Pierre Vidal-Naquet. – [Paris] : Fayard, 1996. Finkielkraut, Alain L’avenir d’une négation : réflexion sur la question du génocide / Alain Finkielkraut. – Paris : Seuil, 1982. (Fiction & Cie). Igounet, Valérie Histoire du négationnisme en France / Valérie Igounet. – Paris : Seuil, 2000. – 693 p. Janover, Louis Nuit et brouillard du révisionisme / Louis Janover. – Parijs : Méditerranée, 1996. – (Les pieds dans le plat). Vidal-Naquet, Pierre Les assassins de la mémoire : « Un Eichmann de papier » et autres essais sur le révisionnisme / Pierre Vidal-Naquet. – Paris : Découverte, 1987. – (Cahiers libres). Wellers, Georges Les chambres à gaz ont existé : des documents, des témoignages, des chiffres / Georges Wellers. – [Paris] : Gallimard, 1981. – (Collection Témoins). Sites web: The Nizkor Project: Deceit and Misrepresentation: The Techniques of Holocaust Denial English language website that discusses the techniques of Holocaust denial. Includes a FAQ section and details the denial of science, the toxicity of hydrogen cyanide, misrepresentation of the Holocaust, and fabrications concerning the Holocaust. http://www.nizkor.org/features/techniques-of-denial 2007 Anne Frank Stichting 12
13 MEMRI: The Middle East Media Research Institute English language website that that offers information on holocaust denial in the Middle East. http://www.memri.org/ Holocaust Denial on Trial: Truth Triumphs in 2000 Historical Court Victory David Irving, a British writer, sued American professor and author Deborah Lipstadt and her British publisher, Penguin Books Ltd., for libel in a trial that took place in London, England, in 2000. Lipstadt is the author of the book « Denying the Holocaust – the Growing Assault on Truth and Memory, » which was published by Penguin Books Ltd. The judge found in favor of the defendants. Transcripts, testimony, and news articles in English relating to the trial are available online. Emory University and the Institute for Jewish Studies present the information. http://www.holocaustdenialontrial.org/ 2007 Anne Frank Stichting 13
Préambule
Robert Faurisson (à dr.) et Pierre Guillaume au palais de justice de Paris.
Le 12 mars 2007, la 17e Chambre correctionnelle de Paris consacrait ses audiences du matin et de l’après-midi à l’examen de la plainte pour diffamation déposée par le négationniste Robert Faurisson à l’encontre de l’ancien garde des Sceaux, Robert Badinter, lui réclamant 15 000 euros de dommages et intérêts. L’ancien ministre de la Justice, lors d’un débat sur la chaîne Arte, avait déclaré que Robert Faurisson s’était vu condamner pour falsification historique. Techniquement parlant, cela était inexact, le délit de « falsification historique » n’existant pas. Cependant une dizaine de témoins sont venus à la barre pour démontrer que les déclarations, les écrits négationnistes reposent sur des méthodes connues de falsification, de mensonge et que les nombreuses condamnations prononcées contre Robert Faurisson, tant en France qu’à l’étranger, se basent sur la dénonciation de ces techniques de manipulation, de ces procédés de faussaire. Il ne s’agissait donc pas, juridiquement parlé, de « diffamation », compte tenu du caractère patent des falsifications faurissoniennes. Didier Daeninckx était l’un des témoins appelés par Robert Badinter, afin de traiter la façon dont Robert Faurisson présente frauduleusement Le Journal d’Anne Frank. Le site web Amnistia.net, aujourd’hui indisponible, avait publié un résumé de son intervention à la barre accompagné de documents. Didier Daeninckx a autorisé PHDN a reproduire ce texte. Le découpage et les intertitres ont été adaptés par PHDN pour cette version.
Introduction
Portrait d’Anne Frank en 1941
La première fois que j’ai lu le texte de Robert Faurisson « Le Journal d’Anne Frank est-il authentique ? », j’ai été véritablement déstabilisé. La minutie avec laquelle l’auteur démontait la thèse de la véracité du journal, la variété des démonstrations, tout semblait apparemment inattaquable tellement les arguments étaient assénés avec autorité. Il m’a fallu reprendre l’argumentation de Robert Faurisson page par page, argument par argument, pour m’apercevoir que la force de conviction de ce texte reposait sur des méthodes de falsification, sur des procédés de faussaire: absence de citations de sources, noms de témoins passés sous silence, citations inexactes, traductions biaisées, rétention d’informations essentielles au jugement du lecteur, affirmations sans fondements, suppositions tenant lieu de démonstrations. Nous sommes bien là face à une démarche empreinte de « légèreté », de « négligence », « d’ignorance délibérée », de « mensonges ».
Je voudrais donner quatre exemples de la manière dont Robert Faurisson détourne l’attention du lecteur :
La démonstration sur les bruits dans l’Annexe
L’expertise d’un procès de négateurs allemands du Journal
Les différentes écritures d’Anne Frank
La mention des “chambres à gaz” par Anne Frank
1. Les bruits dans l’Annexe
Une page du Journal
Il s’agit là de la première page du texte de Robert Faurisson où il tente d’établir que les descriptions attribuées à Anne Frank ne sont pas réalistes et il en tire la conclusion que la famille Frank n’a pu vivre dans l’Annexe, cet appartement secret dissimulé dans l’entreprise que le père d’Anne Frank dirigeait avant-guerre à Amsterdam.
Robert Faurisson débusque tous les passages où Anne Frank décrit la vie, les bruits, les rires, les disputes pour tenter de prouver que toute cette activité aurait alerté les magasiniers travaillant dans l’entrepôt situé sous l’appartement dissimulé. Faurisson écrit par exemple en ouverture de sa « démonstration » :
« Il est donc invraisemblable et même inconcevable que Mme Van Daan ait pour habitude tude de passer l’aspirateur chaque jour à 12 heures 30 (5 août 1943). Les aspirateurs de l’époque étaient, de plus, particulièrement bruyants. Je demande: ‘Comment cela est-il concevable?’ Ma question n’est pas de pure forme. Elle n’est pas oratoire. Elle n’a pas pour but de manifester un étonnement. Ma question est une question. Il faut y répondre. »
Le problème, c’est que Robert Faurisson connaît la réponse à sa question: il suffit pour cela de lire le texte d’Anne Frank du 5 août 1943 en commençant par le début et non pas en la tronçonnant comme le fait Faurisson. Voici ce qu’écrit Anne Frank :
« Aujourd’hui, nous passons à la pause des bureaux. Il est 12 heures trente. Toute la bande respire. Au moins Van Maaren, l’homme au passé obscur, et de Kök, sont rentrés chez eux. En haut, on entend les coups étouffés de l’aspirateur qui passe sur le beau et d’ailleurs unique tapis de ‘madame’. »
Robert Faurisson prend, dès le début de sa soit-disante démonstration, le soin de châtrer le texte, de l’amputer, afin d’imposer sa vision des choses au lecteur alors qu’Anne Frank dit explicitement que les gens dangereux ont quitté leur poste de travail et que les emmurés vivants peuvent enfin relâcher le contrôle de leurs moindres gestes.
De la même manière, Robert Faurisson insiste sur le fait qu’Anne Frank parle de « cris interminables » en date du 6 décembre 1943. Une lecture précise du texte auquel Faurisson se réfère permet de constater qu’il n’existe pas les mots « cris interminables » ce qui est une invention pure et simple de Robert Faurisson. Anne Frank parle « d’éclats de rire interminables ». Mais ce que Robert Faurisson gomme délibérément pour les besoins de sa démonstration, c’est qu’Anne Frank relate une scène se déroulant la veille au soir, soit le dimanche 5 décembre, jour où les magasiniers sont absents.
Un nouvel exemple de falsification de Robert Faurisson. Dès la première page de son article, il prend appui sur cette lettre du 9 novembre 1942 pour souligner que les clandestins font énormément de bruit, ce qui aurait dû alerter les ouvriers travaillant dans le magasin situé au rez-de-chaussée de la maison. Pour les besoins de sa démonstration, Robert Faurisson ne mentionne pas une phrase capitale écrite par Anne Frank et placée entre parenthèses : « Dieu merci, il n’y avait là que des initiés ». CQFD.
Robert Faurisson évoque également le 9 novembre 1942 quand un sac de haricots rouges se déchire provoquant « un fracas de jugement dernier ». Il coupe la phrase pour que n’apparaisse pas cette réflexion d’Anne Frank : « Dieu merci, il n’y avait là que des initiés », c’est-à-dire des gens au courant de la présence des clandestins.
Ce sont là des méthodes de faussaire.
2. L’expertise
Robert Faurisson consacre de nombreuses pages au procès intenté par Otto Frank, le père d’Anne Frank, en 1960 à Stielau, un négateur allemand du Journal d’Anne Frank. Robert Faurisson prétend qu’une expertise de Mme Hübner, favorable à l’accusé, aurait été annulée d’autorité par le procureur de Lübeck. En fait, il est avéré en consultant les archives allemandes que ce sont les avocats de l’accusé qui ont récusé l’expert.
Robert Faurisson n’en poursuit pas moins sur sa lancée en imaginant ce que ce rapport d’expertise pourrait contenir. Cela donne :
« D’après le peu d’éléments que je possède sur le contenu de ce rapport d’expertise, ce dernier FERAIT état d’une grande quantité de faits intéressants au point de vue de la comparaison des textes […] Elle PARLERAIT de texte remanié […] Elle IRAIT par ailleurs jusqu’à nommer des personnes […] Ces personnes SERAIENT… Mme Hübner AURAIT…. »
Cette inflation de conditionnels permet, aux yeux d’un lecteur pressé, d’établir la réalité du complot dont seraient victimes les personnes qui osent s’attaquer au « mythe » du Journal d’Anne Frank. Et sur les bases de cette méthode de journalisme de pacotille, Robert Faurisson n’hésite pas à franchir un nouveau pas en accusant Otto Frank, le père d’Anne Frank, d’avoir acheté le silence des accusés. Qu’en est-il ?
Le procès Stielau n’est pas allé à son terme. Le 17 octobre 1961, à l’initiative du procureur de Lübeck, un accord amiable intervenait entre Otto Frank et Stielau. Ce dernier reconnaissait par écrit que ses attaques étaient sans fondement, qu’il avait été convaincu par les travaux des experts et il s’engageait à payer 1 000 DM de frais de justice sur les 15 000 DM afférents à la procédure, l’État apurant la différence.
Sans vérification des sources, sans aucune autre preuve que sa volonté de nuire, Robert Faurisson écrit :
« Je suppose que M. Frank a versé au tribunal de Lübeck ces 1 000 Marks et qu’il a ajouté à cette somme 14 712 Marks pour sa propre part. »
Ce sont là des méthodes de faussaire.
3. Les deux écritures
Robert Faurisson juxtapose deux textes d’Anne Frank écrits avec deux écritures dissemblables et en tire la conclusion qu’il s’agit de faux…
En conclusion de son article, Robert Faurisson donne à voir le fac-similé de deux textes écrits de la main d’Anne Frank.
Un premier en écriture en cursive d’apparence maîtrisée qui date du 12 juin 1942 signé Anne Frank. Un autre en écriture script d’apparence enfantine et datée lui du 10 octobre 1942, c’est-à-dire quatre mois plus tard, également signé Anne Frank.
Cette juxtaposition conduit le lecteur à conclure qu’une adolescente ne peut avoir deux formes d’écriture aussi éloignées l’une de l’autre et que le modèle le plus immature soit postérieur au modèle affirmé. Il y a donc supercherie. Ce montage est un des éléments qui permet à Robert Faurisson d’affirmer en conclusion de son étude que sa « conviction personnelle est que cette œuvre émane de M. Frank, même si je pense qu’à raison de deux lettres par jour, il lui a suffi de trois mois pour mettre sur pied le premier état de son affabulation maladroite ».
Pour conclure, Faurisson assène : « La vérité m’oblige à dire que le Journal d’Anne Frank n’est qu’une simple supercherie littéraire. »
…Il lui aurait suffi de consulter les manuscrits originaux pour constater qu’Anne Frank, à la même page de son Journal, utilisait indifféremment ces deux écritures, comme nombre d’adolescents. Leur appartenance à une seule et même personnes a été définitivement établie par les expertises judiciaires de 1985
Bien entendu, Robert Faurisson s’est bien gardé de consulter des spécialistes de l’écriture enfantine ou adolescente, sinon il aurait appris que l’alternance d’écriture script et cursive est un phénomène sinon habituel au moins courant chez les sujets adolescents en phase d’affirmation de la personnalité. Des études portant sur des échantillons de journaux intimes de cette classe d’âge ont montré jusqu’à 15 % d’exemples se rapprochant du cas d’Anne Frank.
Le Laboratoire Judiciaire de l’État néerlandais a de son côté procédé à une analyse rigoureuse de chaque page du Journal: étude des encres, du papier, des reliures, des colles, examen graphologique minutieux. Des cartes postales, des lettres, envoyées par Anne Frank en 1942 et 1943 ont complété la masse des documents soumis à vérification.
La conclusion est sans appel :
« Les écritures figurant sur les feuilles volantes, les écritures figurant sur les Journaux 1 et 2, les écritures figurant sur les échantillons supplémentaires (cartes postales, enveloppes, lettres) peuvent être attribuées au même scripteur avec une probabilité confinant à la certitude ».
D’ailleurs, Robert Faurisson le savait bien avant ces analyses qui le confondent : en plaçant côte à côte les deux documents en fac-similé, en les choisissant soigneusement pour que l’écriture d’apparence enfantine soit postérieure de quatre mois à l’écriture cursive, il se trahit, il en fait trop.
Il suffit en effet de consulter l’original du Journal d’Anne Frank pour constater qu’il n’est point besoin de confronter des textes distants de plusieurs mois. En effet, les deux écritures COHABITENT sur la même page, à la même date. Ce que ne dit pas Faurisson, c’est que le même jour, Anne Frank pouvait utiliser alternativement l’écriture script et l’écriture cursive, ce dont témoignent des dizaines de documents.
Nous sommes là encore face aux méthodes d’un faussaire en histoire.
4. Les chambres à gaz
Dans son article, Robert Faurisson, qui maîtrise l’allemand et le néerlandais, affirme qu’Anne Frank parle de « chambres à gaz » à la date du 9 octobre 1942. Robert Faurisson a pourtant eu connaissance du texte originale puisqu’il met entre parenthèses le mot « vergassing » comme si c’était le mot hollandais pour désigner les chambres à gaz. Si on se réfère à l’édition originale du Journal on trouve cette rédaction de la plume d’Anne Frank :
Lors de ma première lecture du texte de Robert Faurisson, l’argument qui m’avait le plus ébranlé est celui concernant les chambres à gaz. Robert Faurisson écrit qu’« Il ne faudrait pas attribuer à l’imagination de l’auteur ou à la richesse de sa personnalité des choses qui sont, en réalité, inconcevables ». Il souligne à l’appui de son avis que « Le 9 octobre 1942, Anne parle déjà de ‘chambre à gaz’ (texte hollandais : “vergassing”)! »
On sait que les informations sur cet instrument du meurtre de masse n’interviendront que près de deux années plus tard, et qu’il est rigoureusement impossible qu’Anne Frank ait pu percer un secret aussi protégé que celui-là. La radio anglaise sera extrêmement prudente et ne divulguera l’existence des chambres à gaz qu’après de nombreuses vérifications. En lisant cette citation mise sous la plume d’Anne Frank, je me suis dit que si Faurisson avait raison sur ce point, il emportait tout.
Je me suis reporté à l’édition courante en français, une traduction de 1950 publiée par Calmann-Lévy, et, effectivement, les mots « chambre à gaz » figuraient au cœur du texte du 9 octobre 1942. Ce qu’avançait Faurisson avait donc une réalité.
Dans ce cas, la première question que l’on se pose, que l’on soit scientifique ou non, est de savoir si les termes figurent dans l’édition originale ainsi que sur les manuscrits. Je me suis donc procuré cette version originale en néerlandais adossée de manière rigoureuse sur les manuscrits et expertisée par l’Institut national néerlandais pour la documentation de guerre.
Le texte des Journaux 1 et 2 écrits par Anne Frank est identique :
« De Engelse radio spreekt van vergassing ».
C’est-à-dire littéralement : « La radio anglaise parle de… vergassing ».
La traduction publiée en France en 1950 est donc fautive. L’existence des chambres à gaz étant avérée à l’époque de l’établissement du texte en français, le traducteur a sollicité la lettre du Journal en pensant en fortifier l’esprit. Robert Faurisson ne l’ignore pas, mais il fait comme si Anne Frank avait supervisé l’édition française de son Journal cinq ans après sa mort dans les camps nazis. Il écrit en effet qu’Anne Frank (et non la radio anglaise) « parle déjà de ‘chambre à gaz’ » ! Il prend soin d’ajouter le terme « vergassing » entre parenthèses pour faire avaler à ses lecteurs dont la connaissance de la langue néerlandaise est, on peut le penser, réduite, le fait qu’Anne Frank aurait écrit le terme néerlandais correspondant à « chambre à gaz ».
Selon Robert Faurisson qui maîtrise parfaitement l’allemand et le néerlandais comme le prouve son travail millimétrique sur les moindres différences entre la traduction allemande du Journal et l’original, le mot « vergassing » doit donc être traduit par « chambre à gaz ».
Il suffit de consulter le dictionnaire de référence de langue néerlandaise pour traduire le mot « vergassing » et réduire à néant la falsification de Faurisson. Le verbe « vergassen » signifie « tuer ou assassiner par le gaz » sans qu’il soit question de « chambre à gaz ».
Je me suis donc procuré auprès de l’Université de Gand la définition donnée par le Van Dalle, dictionnaire de référence pour la langue néerlandaise, au verbe « vergassen » dont « vergassing » est une déclinaison.
Voici cette définition: « Vergassen: 2) met gas doden of uitmoorden » Ce que l’on peut traduire par : « donner la mort par le gaz », « tuer au moyen du gaz », « gazer ».
Anne Frank n’a donc jamais écrit les mots « chambre à gaz », il s’agit là d’une faute de traduction de la version française dont Robert Faurisson se sert de façon délibérée pour forger une falsification historique. Faurisson sait pertinemment qu’en néerlandais, « chambre à gaz » se dit « gaskamer », formé des mots « gas » pour « gaz » et « kamer » pour « chambre ». Et pour accentuer son avantage supposé, basé sur la fausseté, Robert Faurisson prétend qu’une étude des émissions de la radio anglaise et de la radio hollandaise, de juin 1942 à août 1944, arriverait à prouver une supercherie de la part de l’auteur réel du journal, sous-entendu Otto Frank.
Cette étude, que Robert Faurisson s’est, bien entendu, abstenu d’entreprendre, a été faite par l’Institut néerlandais, et elle lui apporte une fois encore un démenti cinglant : à partir de juin 1942, la BBC évoque des massacres au moyen du gaz. Le 9 juillet 1942, par exemple, le bulletin de six heures du soir donne l’information suivante : « On massacre régulièrement des juifs à la mitrailleuse, à la grenade et même au gaz ». Anne Frank, qui écoutait régulièrement la BBC et les émissions en néerlandais diffusées depuis Londres, était donc informée des « gazages » en cours à l’Est de l’Allemagne. Le mot « vergassing » terrorisait la population juive de Hollande qui fut décimée à près de 90 %. Mais Anne Frank ignora, jusqu’à sa déportation le moyen utilisé par ces gazages : la « chambre à gaz ».
5. Faurisson imposteur
Dans son article publié en 1980 dans le livre de Serge Thion, “Vérité historique ou vérité politique?” (éditions de la Vieille Taupe), Robert Faurisson prétend qu’un témoin miraculeux lui aurait fait des révélations sur les circonstances de l’arrestation de la famille Frank, à Amsterdam. Il ne peut, prétend-il, divulguer le nom de ce témoin dont le nom figure dans une enveloppe cachetée à entête de l’Université Lyon 2. Le fac-similé est placé en annexe du livre.
En août 1978, cette enveloppe mystérieuse a été produite (et non son contenu) devant le tribunal de Hambourg qui jugeait Ernst Römer, un négateur allemand.
Trente ans plus tard, Robert Faurisson s’est fait plus que discret sur cet épisode et plus personne n’a jamais entendu parler du témoin secret1, au point que ce fac-similé a disparu des éditions postérieures du texte de Faurisson, particulièrement la traduction néerlandaise.
Ce que Robert Faurisson ne pouvait deviner, c’est que cette enveloppe l’accuse aujourd’hui. Il y a effectivement porté, de sa main, en 1978, la mention “Rapport du Professeur Faurisson sur le Journal d’Anne Frank”.
Or,en 1978, quand il produisait cette pièce devant la justice allemande, Robert Faurisson n’était pas professeur d’université, ce grade lui ayant été plusieurs fois refusé. Il usurpait alors, pour influer sur les juges, une fonction scientifique.Robert Faurisson ne sera nommé professeur que deux ans plus tard, au plus fort de l’offensive négationniste.
Il faut souligner que ce véritable travail de faussaire intitulé « Le Journal d’Anne Frank est-il authentique ? » était en 1978-1979 au programme de l’Université Lyon II, inscrit au séminaire de « Critique de textes et documents » dispensé par Robert Faurisson aux étudiants de 4e année déjà pourvus d’une licence.
Non content d’être un faussaire, Robert Faurisson, alors chargé de cours, enseignait le négationnisme au nom de l’éducation nationale. En 1980, alors qu’il était assigné en justice pour sa propagande antisémite, le ministère lui conférera le titre de professeur des Universités, un titre qu’il usurpait depuis plusieurs années déjà dans les publications négationnistes auxquelles il participait.
Complément
A l’issue de cette déposition, Eric Delcroix, l’avocat de Robert Faurisson a procédé à l’interrogatoire de Didier Daeninckx et s’est trouvé dans l’incapacité de contredire les points abordés. Il s’est alors livré à une diversion en se saisissant d’une phrase de Pierre Vidal-Naquet, contemporaine de la sortie de l’étude frauduleuse de Robert Faurisson. A la question d’un journaliste de l’hebdomadaire Regards le 7 novembre 1980, Pierre Vidal-Naquet répondait que lorsque Robert Faurisson « montre que le Journal d’Anne Frank est un texte trafiqué, il n’a peut-être pas raison dans tous les détails, il a certainement raison en gros et une expertise du tribunal de Hambourg vient de montrer qu’effectivement, ce texte avait été pour le moins remanié après la guerre, puisqu’utilisant des stylos à bille qui n’ont fait leur apparition qu’en 1951.Ceci est net, clair et précis ».
Ce qui est clair, net et précis, c’est que Pierre Vidal-Naquet n’a pas effectué, à l’époque, d’analyse approfondie des élucubrations de Faurisson. Il prend tout de même la précaution de modérer son propos par un « peut-être », de dire que Faurisson a raison « en gros », formulation peu scientifique s’il en est, mais surtout il adosse son avis sur une expertise judiciaire qui ferait apparaître des parties du Journal écrites au moyen de stylos à bille en noir, en bleu, en vert, un argument, il faut le souligner, que Robert Faurisson n’utilise pas dans son long article.
Qu’en est-il ? En 1985, le Laboratoire Judiciaire néerlandais procédait à une expertise minutieuse de l’ensemble des écrits d’Anne Frank, et trouvait effectivement quelques mots écrits au stylo-bille noir et bleu. Rien en vert. Il s’agissait de deux languettes de papier jointes aux feuilles volantes remplies de l’écriture d’Anne Frank. Les quelques phrases portées sur ces languettes n’ont aucune incidence sur le contenu du journal, et leur écriture est radicalement différente de celle d’Anne Frank. Ces ajouts au stylo à bille portent le texte suivant :
« La page 70 est la conclusion de la lettre datée du 28 septembre 1942 (commençant en XVIII à la page 64) ».
Et
« La lettre XVI du 12 nov. 1942 page 93 et 94 devrait en fait porter le n°XXVI. »
Cela, on le constate, n’a aucune incidence sur le contenu du Journal. Il s’agit, à l’évidence, de notes de travail écrites par l’une des personnes qui a travaillé à l’établissement de la première publication du Journal d’Anne Frank.
Liens & bibliographie (par PHDN)
Philippe Lejeune, « L’Histoire vraie du Jounal d’Anne Frank », Revue des Livres pour Enfants, no 153, automne 1993.
Dix questions sur l’authenticité du journal d’Anne Frank
Les différents Journaux d’Anne Frank
Dene Bebbington, « Rebuttal of Faurisson on the Anne Frank Diary », tHHP.
Daniel Paul O’Donnell, « The Diary of Anne Frank as Bildungsroman », Revue canadienne d’études néerlandaises, 2011, vol. 32 no. 2
Bigitte Bailer-Galanda, « Das Tagebuch der Anne Frank », in Brigitte Bailer-Galanda, Wolfgang Benz & Wolfgang Neugebauer (eds), Wahrheit und „Auschwitzlüge“. Zur Bekämpfung „revisionistischer“ Propaganda, Wien 1995.
A Study of the Diary of Anne Frank, A Student Essay
The Controversy of Anne Frank, A student essay
Gerrold Van der Stroom, « Les journaux : le texte néerlandais publié (Het Achterhuis) et les traductions », in Les Journaux d’Anne Frank, Institut national néerlandais pour la documentation de guerre, Paris : Calmann-Lévy, 1989, p. 75-96.
David Barnouw, « Mises en cause de l’authenticité du journal », in Les Journaux d’Anne Frank, op. cit., p. 105-125.
Notes de PHDN.
1. Didier Daeninckx commet ici une erreur vénielle. En effet, Faurisson a révélé en 2000 l’identité de son spectaculaire témoin, à savoir la veuve de Karl Silberbauer. Or Karl Silberbauer était le SS-Oberscharführer autrichien, membre de la Gestapo, qui a procédé à l’arrestation d’Anne Frank et de sa famille. Retrouvé en 1963, il a regretté n’avoir pas ramassé les papiers qui constitueront le Journal d’Anne Frank (Simon Wiesenthal, « Epilogue to the Diary of Anne Frank », in Hyman A. Enzer & Sandra Solotarrof-Enzer, University of Illinois Press, Anne Frank: Reflections on Her Life and Legacy, p. 67. Les seuls regrets exprimés par Karl Silberbauer ne concernent pas la mort d’Anne Frank, de sa mère, de sa soeur, mais de la perte de confort que la révélation de son rôle a entraînée…). Il confirmait ainsi le récit de Otto Frank, le père d’Anne et celui de l’amie de la famille, Miep Gies qui retrouva ces papiers, les notes et journaux d’Anne Frank, les garda et les remis à Otto Frank après la guerre. Ceci infirme évidemment les propos de Faurisson qui prétend rapporter les propos de la veuve de Silberbauer qui prétendrait rapporter les propos de son mari (décédé en 1972!) comme quoi celui-ci n’aurait pas cru à l’authenticité du Journal… Notons que le rôle de Silberbauer s’est limité à l’arrestation des Frank, une parmi les nombreuses arrestations auxquelles il a procédé et que de son vivant, il n’a jamais émis le moindre doute sur le Journal. Les journalistes lui avaient pourtant abondamment tendu l’oreille. Quand on sait comment Faurisson traite les témoins directs de l’assassinat industriel des Juifs, voir Faurisson accorder une telle importance à un récit de seconde main (Faurisson ne jugera pas utile de réfléchir à l’objectivité de la veuve de celui qui a arrêté Anne Frank…) d’un avis qu’auraient eu Silberbauer qui n’était même pas en mesure de fonder un tel avis, cela a quelque-chose de savoureux et souligne bien l’hypocrisie absolue de Faurisson dans son traitement des témoignages en général.
Voir enfin:
« Le Rêve d’Eva est mon meilleur conte, et le plus incroyable c’est que je ne sais pas vraiment d’où je le tire. Dans La Vie de Cady, il y a beaucoup de bonnes choses, mais l’ensemble est nul ! Le meilleur et le plus sévère de mes juges ici, c’est bien moi, c’est moi qui sais ce qui est bien ou mal écrit. Quand on n’écrit pas, on ne peut pas savoir à quel point c’est agréable ; avant, je regrettais toujours d’être complètement incapable de dessiner, mais à présent je suis trop contente de savoir au moins écrire. Et si je n’ai pas le talent d’écrire dans les journaux ou d’écrire des livres, alors je pourrai toujours écrire pour moi-même. Mais je veux aller plus loin, je ne peux pas m’imaginer une vie comme celle de Maman, de Mme Van Daan et de toutes ces femmes qui font leur travail puis qu’on oublie, je dois avoir une chose à laquelle je peux me consacrer, en plus de mon mari et de mes enfants ! Oui, je ne veux pas, comme la plupart des gens, avoir vécu pour rien. Je veux être utile ou agréable aux gens qui vivent autour de moi et qui ne me connaissent pourtant pas, je veux continuer à vivre, même après ma mort ! Et c’est pourquoi je suis si reconnaissante à Dieu de m’avoir donné à la naissance une possibilité de me développer et d’écrire, et donc d’exprimer tout ce qu’il y a en moi !
Quand j’écris, je me débarrasse de tout, mon chagrin disparaît, mon courage renaît ! Mais voilà la question capitale, serai-je jamais capable d’écrire quelque chose de grand, deviendrai-je jamais une journaliste et un écrivain ?
Je l’espère tant, car en écrivant je peux tout consigner, mes pensées, mes idéaux et les fruits de mon imagination.
Cela fait longtemps que je n’ai pas travaillé à La Vie de Cady, dans ma tête je connais exactement la suite de l’histoire, mais ça ne coule pas bien. Peut-être que je ne terminerai jamais, que le tout finira au panier ou dans le poêle. C’est une pensée très désagréable, mais je me dis qu’à quatorze ans et avec si peu d’expérience, on ne peut quand même pas écrire de la philosophie. Alors il faut persévérer, reprendre courage, je vais finir par y arriver, car écrire, voilà ce que je veux !
Alors les scribes et les pharisiens amenèrent une femme surprise en adultère; et, la plaçant au milieu du peuple, ils dirent à Jésus: Maître, cette femme a été surprise en flagrant délit d’adultère. Moïse, dans la loi, nous a ordonné de lapider de telles femmes: toi donc, que dis-tu? Ils disaient cela pour l’éprouver, afin de pouvoir l’accuser. Mais Jésus, s’étant baissé, écrivait avec le doigt sur la terre. Comme ils continuaient à l’interroger, il se releva et leur dit: Que celui de vous qui est sans péché jette le premier la pierre contre elle. Et s’étant de nouveau baissé, il écrivait sur la terre. Quand ils entendirent cela, accusés par leur conscience, ils se retirèrent un à un, depuis les plus âgés jusqu’aux derniers; et Jésus resta seul avec la femme qui était là au milieu. Alors s’étant relevé, et ne voyant plus que la femme, Jésus lui dit: Femme, où sont ceux qui t’accusaient? Personne ne t’a-t-il condamnée? Elle répondit: Non, Seigneur. Et Jésus lui dit: Je ne te condamne pas non plus: va, et ne pèche plus. Jean 8: 3-11
Un jour propice arriva, lorsque Hérode, à l’anniversaire de sa naissance, donna un festin à ses grands, aux chefs militaires et aux principaux de la Galilée. La fille d’Hérodias entra dans la salle; elle dansa, et plut à Hérode et à ses convives. Le roi dit à la jeune fille: Demande-moi ce que tu voudras, et je te le donnerai. Il ajouta avec serment: Ce que tu me demanderas, je te le donnerai, fût-ce la moitié de mon royaume. Étant sortie, elle dit à sa mère: Que demanderais-je? Et sa mère répondit: La tête de Jean Baptiste. Elle s’empressa de rentrer aussitôt vers le roi, et lui fit cette demande: Je veux que tu me donnes à l’instant, sur un plat, la tête de Jean Baptiste. Le roi fut attristé; mais, à cause de ses serments et des convives, il ne voulut pas lui faire un refus. Il envoya sur-le-champ un garde, avec ordre d’apporter la tête de Jean Baptiste. Le garde alla décapiter Jean dans la prison, et apporta la tête sur un plat. Il la donna à la jeune fille, et la jeune fille la donna à sa mère.Marc 6: 24-28
Lorsque l’esprit impur est sorti d’un homme, il va par des lieux arides, cherchant du repos, et il n’en trouve point. Alors il dit: Je retournerai dans ma maison d’où je suis sorti; et, quand il arrive, il la trouve vide, balayée et ornée. Il s’en va, et il prend avec lui sept autres esprits plus méchants que lui; ils entrent dans la maison, s’y établissent, et la dernière condition de cet homme est pire que la première. Il en sera de même pour cette génération méchante. Matthieu 12 : 43-45
L’infernal progrès des rivalités mimétiques, le devenir semblable de tous les personnages la marche de la crise sacrificielle vers son dénouement victimaire, ne font qu’un avec la sarabande de Salomé. Il faut bien qu’il en soit ainsi: les arts ne sont jamais que la reproduction de cette crise-là, de ce dénouement-là, sous une forme plus ou moins voilée. Tout commence toujours par des affrontements symétriques finalement résolus dans des rondes victimaires. René Girard
La même force culturelle et spirituelle qui a joué un rôle si décisif dans la disparition du sacrifice humain est aujourd’hui en train de provoquer la disparition des rituels de sacrifice humain qui l’ont jadis remplacé. Tout cela semble être une bonne nouvelle, mais à condition que ceux qui comptaient sur ces ressources rituelles soient en mesure de les remplacer par des ressources religieuses durables d’un autre genre. Priver une société des ressources sacrificielles rudimentaires dont elle dépend sans lui proposer d’alternatives, c’est la plonger dans une crise qui la conduira presque certainement à la violence.Gil Bailie
Nous avons offert des sacrifices humains à vos dieux du sport et de la télévision et ils ont répondu à nos prières.Terroriste palestinien (Jeux olympiques de Munich, 1972)
L’acte surréaliste le plus simple consiste, revolvers au poing, à descendre dans la rue et à tirer, au hasard, tant qu’on peut dans la foule.André Breton
Il faut avoir le courage de vouloir le mal et pour cela il faut commencer par rompre avec le comportement grossièrement humanitaire qui fait partie de l’héritage chrétien. (…) Nous sommes avec ceux qui tuent. Breton
Deux exemples : le premier est élémentaire. Voilà des enfants désordonnés dans la cour de récréation. La maîtresse dit : venez, on va faire une ronde en chantant et on va tous s’asseoir. Elle prend son foulard et va le placer derrière un des enfants. Celui-ci doit se lever et courir après elle, qui doit venir prendre sa place. C’est le jeu de la » chandelle « . Avec un quasi-objet, je marque l’un quelconque du collectif qui devient le bourreau et poursuit celui ou celle qui devient alors victime ; et la victime doit prendre la place du bourreau. Si elle ne le peut pas, si elle est rattrapée avant, alors elle va au centre objet des quolibets, clouée au pilori, et ne peut quitter sa place que si une autre la remplace. Ainsi, depuis le fonds des âges, dans les écoles, nous apprenons aux enfants le mécanisme sacrificiel, et on ne l’avait pas vu. La mémoire de nos rituels se perpétue, y compris dans les jeux les plus innocents de l’éducation. Ce jeu aurait dix mille ans ; on le trouve chez les Berbères et il date du néolithique. Autre exemple : le film la Règle du jeu de Jean Renoir (1939). Dans un jeu de lutte mimétique, valets et patrons se livrent à des jeux d’imitation, jusqu’à ce que la confusion s’en mêle dans le château où tous sont invités, avec des quiproquos, à des jeux de double ; et finalement un coup de feu part , l’un est mort, celui précisément qui était venu de l’extérieur, et cette disparition fait que le collectif va retrouver sa paix. Jean Lambert
Le Mardi gras (…) marque l’apogée du carnaval; un mannequin de paille, incarnant Carnaval, est jugé puis condamné à mort, généralement brûlé dans un grand brasier, parfois noyé ou décapité. Bouc émissaire de tous les maux de l’année passée, sa destruction marque le renouveau de l’année.Encyclopédie Encarta
Carnaval est (…) l’occasion d’expulser ses ennemis: pour les pauvres ce sont les riches; pour les dirigeants, les séditieux. L’arme utilisée est la satire, le monde à l’envers; le jugement du mannequin, puis sa destruction par le feu, est le mal que l’on détruit. (…) Sur les deux rives du Rhône, flambent alors les révoltes de paysans frappés par la misère, dépossédés de leurs terres. Le commerce est déstabilisé par les Guerres de Religion, les artisans romanais du cuir et du drap sont ruinés par la hausse des prix des peaux et de la laine. A ce tableau inquiétant, s’ajoutent les souvenirs de la Saint Barthélémy 1572 : les Protestants (Huguenots) recrutent encore chez ces artisans opposés à une bourgeoisie catholique; les autorités locales dénonçant l’influence des protestants. (…) En 1579, l’explosion paysanne est relayée par les citadins. De la simple diminution des impôts, les révoltés en exigent bientôt la disparition, alors que la noblesse est exemptée et que les riches trouvent des accommodements. Romans patrimoine
L’exemple de Romans fait apparaître le carnaval comme un « outil social » dont disposent les différents groupes au sein d’une collectivité pour exprimer les tensions et les antagonismes qui les dressent les uns contre les autres. Le carnaval n’est pas rite d’intégration ou rite de subversion; il est par essence ambivalent et présente simultanément les deux aspects; seul le contexte dans lequel il se déroule détermine le pôle qui l’emporte. Suzanne Chappaz-Wirthner
La violence le long de la ligne de tramway bordée de chênes Uptown a troublé ce qui avait été jusque là une journée de festivités plutôt paisible dans laquelle des centaines de milliers de personnes avaient fait la fête dans les rues en ce dernier jour du carnaval. NYT (sur les six victimes du Mardi gras de la Nouvelle–Orléans hier soir)
Les carnavals sont un type de fête relativement répandu en Europe et en Amérique. Ils consistent généralement en une période où les habitants de la ville sortent déguisés (voire masqués ou bien maquillés) et se retrouvent pour chanter, danser, faire de la musique dans les rues, jeter des confettis et serpentins, défiler, éventuellement autour d’une parade. Héritier de rituels antiques tels que les Lupercales et la Guillaneu, ils sont traditionnellement associés au calendrier chrétien et se déroulent entre l’Epiphanie, soit le 6 janvier, et le Mardi gras, une fête mobile entre le 3 février et le 9 mars. (…) Le mot « carnaval » apparaît sous cette forme en français en 1549 pour exprimer le sens de « fête donnée pendant la période du carnaval». Il vient de l’italien carnevale ou carnevalo. Il a pour origine carnelevare, un mot latin formé de carne « viande » et levare « enlever ». Il signifie donc littéralement « entrée en carême ». (…) Les saturnales des Romains et les fêtes dionysiaques en Grèce sont des précédents historiques du carnaval. Le carnaval est une tradition archaïque liée aux cycles saisonniers et agricoles. L’historien des religions Mircea Eliade écrit : « Toute nouvelle année est une reprise du temps à son commencement, c’est-à-dire une répétition de la cosmogonie. Les combats rituels entre deux groupes de figurants, la présence des morts, les saturnales et les orgies, sont autant d’éléments qui dénotent qu’à la fin de l’année et dans l’attente du Nouvel An se répètent les moments mythiques du passage du chaos à la cosmogonie ». Eliade écrit encore : « Alors les morts pourront revenir, car toutes les barrières entre morts et vivants sont brisées (le chaos primordial n’est-il pas réactualisé ?) et reviendront puisqu’à cet instant paradoxal le temps sera suspendu et qu’ils pourront donc être de nouveau contemporains des vivants ». Eliade souligne que les peuples ont « d’une manière profonde le besoin de se régénérer périodiquement en abolissant le temps écoulé et en réactualisant la cosmogonie ». Dans l’essai Le Sacré et le Profane Mircea Eliade écrit : « L’abolition du temps profane écoulé s’effectuait au moyen des rites qui signifiaient une sorte de « fin du monde ». L’extinction des feux, le retour des âmes des morts, la confusion sociale du type des saturnales, la licence érotique, les orgies, etc. symbolisaient la régression du cosmos dans le chaos ». (…) Les masques prennent les caractéristiques des êtres surnaturels qui sont les démons et les esprits des éléments de la nature, c’est pourquoi le masque a une fonction apotropaïque. À la fin le temps et l’ordre du cosmos, bouleversés pendant le carnaval, sont reconstitués (nouvelle création, nouvelle cosmogonie) par la cérémonie de la lecture du « testament » et par les « funérailles » du carnaval qui souvent consistent en la brûlure du « Roi Carnaval » représenté par un mannequin ou une poupée de chiffon. D’autres fois l’image du carnaval est noyée ou décapitée (à propos de la mort rituelle du carnaval voir Le Rameau d’or écrit par James George Frazer).Wikipédia
Ce que je veux de toi, Paris, ce que je veux, ce sont tes femmes. Ni bourgeoises, ni grandes dames. Mais les autres… l’on m’a compris!Le Brésilien (La Vie parisienne, Jacques Offenbach, 1866)
Une armée de jeunes filles qui sont là pour danser ce divin chahut parisien, comme sa réputation l’exige […] avec une élasticité lorsqu’elles lancent leur jambe en l’air qui nous laisse présager d’une souplesse morale au moins égale. Guide des plaisirs de Paris,1898)
On a donné ce nom à une sorte de danse épileptique ou de delirium tremens; qui est à la danse proprement dite ce que l’argot est à la langue française. Dictionnaire de la danse de Desrat
Ce fut vers 1822 que les jeunes gens qui se rendaient à La Chaumière…, commencèrent à danser ce que l’on appela d’abord la chahut et ensuite le cancan. Le cancan néglige, dédaigne, repousse tout ce qui pourrait rappeler le pas, la règle, la régularité de la tenue ; c’est encore, c’est surtout le dégingandage des danseurs et des danseuses. Le crayon de Gavarni peut plus facilement en fournir l’image que la plume en donner l’idée. Comment de l’état de prohibition policière, de proscription sociale où il resta pendant dix ans, le cancan put-il passer à l’état public, toléré, avoué, recherché même, où il est aujourd’hui ? Comment la police a-t-elle pu permettre de l’exécuter sur les théâtres secondaires ? C’est qu’en 1830, une révolution s’était accomplie, et que, comme toutes les choses de son temps, le cancan s’était trouvé mêlé à la politique. Chahuter n’était-ce pas encore pour les étudiants et les commis faire de l’opposition au pouvoir ? A. Delaforest (Dictionnaire de la conversation et de la lecture, 1853)
Dernière figure du quadrille, le cancan, ou coincoin, est une danse, un galop exécutée en couple, dans les bals et cabarets, inventée au début du XIXe siècle, qui apparut d’abord sous le nom de chahut ou chahut-cancan. Elle faisait partie des danses très mal vues par les autorités et les défenseurs de la morale traditionnelle. À l’époque, les femmes portaient, sous leurs jupons, des culottes fendues. Par la suite, on a dérivé du cancan une forme touristique et très édulcorée, baptisée French cancan, que les femmes dansent en rang, face au public, en portant des culottes fermées. Comme nombre de danses populaires ses origines sont obscures. (…) Outre plus tard Franz Lehar, si le compositeur Jacques Offenbach écrivit ses œuvres (à la réputation vivace et légère) à cette même époque, les cancans qu’on veut lui attribuer ne sont que des détournements de ses morceaux. Le cas le plus célèbre est celui du galop infernal, issu de son Orphée aux Enfers, que les arrangeurs se permettent souvent de renommer French cancan. Ils le font de manière abusive, car le French cancan (fabrication touristique d’origine anglaise, concoctée à partir du cancan original), n’existait pas quand Offenbach composait. (…) Les règles du cancan, par le fait qu’il est issu de la culture populaire, sont assez souples suivant les danseuses. Il n’y a d’ailleurs pas d’école qui l’enseigne hormis celles de Grille d’Égout et Nini Pattes en l’air : cela ne fait que participer à l’éparpillement des styles, des intentions. Cependant, les figures principales s’installent durablement. On peut ainsi citer celles dont le nom est issu du vocabulaire militaire : le port d’armes, la mitraillette, l’assaut, le pas de charge, ou des jeux enfantins : le saute-mouton, les petits chiens, etc. L’ensemble reste d’ailleurs uniforme : une danse exclusivement féminine, basée sur le célèbre pas, cuisse remontée et jambe vers le bas (…) Tout le monde peut pratiquer le cancan à condition d’avoir une certaine souplesse. (…) Le cancan cristallise l’image d’une société parisienne frivole et canaille, proche de celle décrite caricaturalement dans La Vie parisienne d’Offenbach. Sur une scène, des femmes montrent leurs dessous, soulèvent leurs dentelles : la provocation mêlée de complicité fait fureur. Les bas noirs, jarretelles et frou-frou prennent des surnoms très imagés et largement connotés sexuellement. Le cancan peut être vu par certains comme symbolisant une première ébauche de libération sexuelle et d’émancipation de la femme, qui est cette fois-ci celle qui séduit. Il peut aussi être vu par d’autres comme un simple aspect annexe et spectaculaire de la prostitution. Quantité de caricatures et textes du XIXe siècle soulignent souvent de manière appuyée le caractère vénal des femmes qui participent aux bals du Carnaval de Paris. Certes celles qui étaient émancipées pouvaient être considérées de façon péjorative comme des prostituées mais la prostitution était certainement également présente dans les bals. (…) Depuis ses débuts, la popularité de cette danse ne s’est pas démentie, de la Russie aux Amériques. En Amérique du Nord elle est surtout interprétée par les artistes de cirque ou dans le cadre de carnavals. Elle est aussi couramment jouée dans les fêtes d’anniversaires et de remises de diplômes, non pas sous sa forme originelle, mais sous une forme très pudique. En Amérique du Sud, elle est très populaire au Brésil, où elle a évolué sous forme de street dance. Elle est interprétée sur scène, dans la revue Formidable, au Moulin rouge, en 2009, les danseuses portent des strings à la place des culottes fendues d’origine, Valentin est toujours présent. En musique plusieurs compositeurs intégrèrent le cancan dans leurs œuvres, comme Franz Lehár dans La Veuve joyeuse (1905), ou encore Cole Porter dans sa comédie musicale Can-Can (1954), dont s’est inspiré Walter Lang pour son film Can-Can (1960). Au cinéma en 2007: Harry Potter, dans Harry Potter et l’Ordre du Phénix de David Yates (…) on trouve une reprise du Galop infernal (« Offenbach’s Infernal Gallop »).Wikipedia
COMING SOON? Cardio striptease Gyms are hardly fields of dreams, but in New York and Los Angeles many now allow patrons to indulge their fantasies. The traditional workout with a mat and halter top is long gone, replaced by fusion classes such as yoga disco and punk-rock aerobics. In one gym close to New York University, the seductive lighting and suggestive gyrations mark a new arrival « cardio striptease ». A mixture of dance and aerobics, the class uses pounding pop music to whip up a seductive rhythm among 30 young women and a solitary male. Given the scant nature of gym attire, participants don’t exactly have much clothing to strip, so imagination plays a key role. « Touch, touch, touch! » cries instructor Annie Tsarouhis, as she drills her charges in the choreographed gestures and caresses of the striptease art. « Yeah! You’re getting hot! » For one hour, the students whirl towels or shirts above their heads, roll their shoulders, grind their hips and mime removing their underwear in front of a chair seating an imaginary man. « It increases your self-confidence, » Tsarouhis insists. « It’s a way for women not to be ashamed of their sexuality, and may even help them in their personal lives. » Jeff Costa, who invented it and taught it at the West Hollywood Crunch, presents it as an exercise in empowerment: « Your body is a work in progress. This is celebrating you at the moment, » he says. Only the last 25 minutes of each session are devoted to the actual removal of clothes » also reportedly excellent for stretching and energising multiple muscle groups simultaneously. Even then, nudity is optional » as are poles and tables. And if US promoters have their way, it will soon be coming to a gym near you.The Age
Le bizutage (Europe), ou initiation (Amérique du Nord), est un ensemble de pratiques, épreuves, traitements ritualisés et imposés, destiné à symboliser l’intégration d’une personne au sein d’un groupe social particulier : étudiants, militaires, professionnels, etc. Ce genre de pratiques a souvent fait l’objet de l’attention des médias, à la suite d’incidents, ou plus simplement de par la nature dégradante et humiliante de nombreux bizutages. Refuser la soumission au bizutage expose parfois à la possibilité de subir de l’ostracisme par la suite. (…) La définition donnée du bizutage, provenant de l’article 14 de la loi du 17 juin 1998, est : « Le fait pour une personne, d’amener autrui, contre son gré ou non, à subir ou à commettre des actes humiliants ou dégradants lors de manifestations, ou de réunions liées aux milieux scolaires et socio-éducatif. ». Ainsi, contrairement à l’idée répandue, cette interdiction s’applique également « en cas de consentement de la personne ». Le Code pénal français punit les actes de bizutage de six mois de prison et 7500 euros d’amende. Les peines sont doublées lorsqu’ils affectent une personne fragile physiquement et mentalement3. Ces rites en sont parfois arrivés aux limites de la brimade, voire du racket (« taxe » des 3/2 par les 5/2 en taupe dans les années 1960). Pour désigner le bizutage, les termes de bahutage (Saint-Cyr) ou absorption (École polytechnique) sont également employés. Certains établissements, comme l’École des mines de Nancy, avaient aboli le bizutage-brimade dès 1957, et l’avaient remplacé par une série d’« exploits » que les nouveaux devaient accomplir pour prouver leur esprit débrouillard ou farceur (faire sonner à minuit les cloches de la cathédrale, par exemple). Les filières concernées par le bizutage sont principalement les écoles d’ingénieurs, écoles de commerce, écoles militaires, facultés de médecine, pharmacie et classes préparatoires. Le bizutage peut aller de la vente de bonbons déguisé en sac poubelle à la bastonnade en passant par l’exhibitionnisme, l’ivresse, l’absorption de liquide peu ragoûtant, l’introduction d’objets dans l’anus ou le traçage de croix gammées sur la peau. (…) Au Moyen Âge, les étudiants novices nouvellement arrivés à l’université de Paris étaient surnommés « béjaunes ». Ceux-ci formaient une confrérie particulière et avaient pour chef l’Abbé des Béjaunes. Le jour des Innocents, cet abbé, monté sur un âne, conduisait sa confrérie par toute la ville. Le soir, il réunissait tous les béjaunes et les aspergeait avec des seaux d’eau. C’était ce qu’on appelait le baptême des béjaunes. On forçait aussi les nouveaux étudiants à payer une bienvenue aux anciens ; on nommait cette taxe droit de béjaune. Un décret de l’Université abolit cet usage, en 1342, et il fut défendu d’exiger le droit de béjaune, sous peine de punition corporelle. Le bizutage ritualisé et prolongé, à la manière des étudiants médiévaux, se réintroduisit au XIXe siècle dans les classes préparatoires des lycées, notamment dans les années 1840 chez les candidats à Saint-Cyr où le terme « bizut », transformation de « béjaune », serait réapparu vers 1843. Depuis 1928, les gouvernements successifs en France ont vainement tenté de mettre fin au bizutage à travers plusieurs circulaires (1928, 1944, 1945, 1954, 1962, 1964) et lois (1998) (…) En 1968, de larges débats ont été consacrés (dans certaines facultés, en particulier Lettres, de plusieurs villes au sein des assemblées générales à la suppression et au boycott des pratiques des humiliations dominatrices et particulièrement sexistes, au moment où le mouvement revendicatif se battait pour obtenir, par exemple, le droit de visite dans les résidences universitaires réservées aux filles. Par la loi n° 98-468 du 17 juin 1998 relative à la prévention et à la répression des infractions sexuelles ainsi qu’à la protection des mineurs, créée par Ségolène Royal, Ministre déléguée à l’Enseignement scolaire du Gouvernement Jospin, le bizutage devient un délit. Malgré cela, le bizutage reste toujours présent dans une majorité d’écoles sous la forme de « week-ends d’intégration » (WEI) fortement alcoolisés. En 2010, le Ministère de l’Éducation nationale adresse une lettre de rappel à l’ordre à l’ensemble des représentants d’établissement du supérieur.Wikipedia
En Amérique du Nord, un congé d’une durée d’une semaine ou deux a lieu traditionnellement, selon les régions, à la fin de l’hiver ou au début du printemps. Il est appelé selon les régions congé de mars, congé du printemps, pause de mars, pause du printemps, relâche du printemps, semaine de relâche, vacances du printemps ou vacances d’hiver (March Break, Spring break ou Study Week en anglais). Certains étudiants se rendent dans un pays tropical ou une station de ski alors que de nombreuses familles en profitent pour faire des activités de plein air. (…) Le congé tire son origine d’un entraînement de natation organisé en 1936 à la piscine Casino de Fort Lauderdale par un entraîneur de natation de l’Université Colgate, Sam Ingram. Un premier College Coaches’ Swim Forum est organisé au même endroit en 1938, attirant déjà, selon une source, 300 nageurs. Le film Where the Boys Are, sorti en 1960, a pour sujet des étudiants en vacances à Fort Lauderdale10. Au cours des années 1970 et 1980, des beuveries et toutes sortes d’excès deviennent de plus en plus fréquents10. La situation pousse le maire de Fort Lauderdale, Robert Dressler, à introduire un règlement contre la consommation d’alcool en public dans sa ville et même à annoncer à l’émission Good Morning America que les étudiants en vacances ne sont plus les bienvenus dans sa ville. Cette décision pousse de nombreux étudiants, déjà 370 000 en 1985, à se rendre plus au sud, même dans les Antilles. Des campagnes de sensibilisations ont lieu par la suite contre les problèmes de santé et de sécurité associés aux excès. (…) Son but est officiellement de permettre aux étudiants de s’avancer dans leurs travaux et aux enseignants ou professeurs de corriger les copies. Les élèves n’ont normalement jamais de devoir et profitent de cette semaine pour se relaxer et voyager, ce qui n’est pas vrai pour la majorité des universitaires, qui eux ont des travaux importants et des examens de mi-session au retour de la semaine de lecture.(…) La destination privilégiée des étudiants nord-américains est le Mexique, avec les villes de Cancún, Acapulco, Puerto Vallarta ou Tijuana et la Floride (Miami). (…) Les excès liés à ce congé ont inspiré le film Losin’ It10 (1983). En 1986, MTV diffuse le premier Spring Break Special en direct de Daytona Beach10. Cette émission annuelle contribue à populariser davantage les beuveries et la sexualité associée à ce congé. Joe Francis produit la série de films Girls Gone Wild (en) de la fin des années 1990 à 2007, lorsqu’une série de scandales, notamment de pornographie juvénile, mettent fin au projet. Le film d’horreur Piranha 3D (2010) se déroule aussi durant le spring break en Arizona. Dans le film Spring Breakers qui est sorti le 6 mars 2013 avec Selena Gomez, Ashley Benson et Vanessa Hudgens, les jeunes filles se payent un spring break avec de l’argent volé dans un fast food ce qui entraîne leur arrestation par la police.Wikipedia
A university in New Mexico is investigating the women’s soccer team after reports that freshmen players were forced to strip naked, guzzle alcohol and were sprayed with urine during an ugly hazing incident Sunday. The University of New Mexico in Albuquerque cancelled the team’s first game scheduled for Friday as it investigates the allegations, which were reported by one of the players’ families, NBC affiliate KOB reports. Two of the players were so intoxicated they needed treatment at a local hospital, the station reports, and at least two players have left the team and dropped out of school since the incident. « We are continuing to interview student-athletes and investigate what happened on Sunday night, » UNM Vice President of Athletics Paul Krebs told the station Tuesday.NBC news
S’il n’y avait qu’une seule phrase à retenir dans toute l’histoire du public rock, ça serait « A POOOOIL ». Confliktarts
Quelqu’un a crié ‘à poil’ et ça a dérapé.Syndicaliste (Air France)
A poil signifie « tout nu, totalement dévêtu, sans aucun vêtement ». Exemple : Lorsque l’organisateur de la soirée cria dans son microphone « Et maintenant tout le monde à poil », les invités se divisèrent en deux groupes : ceux qui se prêtèrent au jeu et ceux qui parurent offusqués. Dictionnaire français (linternaute)
Une formulette d’élimination, ou comptine, est une chansonnette enfantine permettant de désigner une personne, avec un semblant de hasard, dans un groupe généralement constitué de jeunes enfants. (…) Le plouf-plouf (ou pouf-pouf, ou ploum-ploum, ou trou-trou etc.) permet de choisir un joueur en éliminant successivement tous les autres. Un des participants joue le rôle de meneur. Tous les enfants se mettent en cercle, souvent accroupis, avec un pied au centre de façon que les pointes des chaussures se touchent. Le meneur commence par plouffer, en pointant du doigt deux fois de suite vers le centre du cercle, et en disant « plouf-plouf ». Il chante ensuite une comptine, en pointant du doigt successivement tous les enfants du cercle à chaque temps de la comptine. L’enfant désigné en dernier est éliminé, et le processus recommence avec les participants restants.Wikipedia
« Vive les vacances Plus de pénitences Les cahiers au feu La maîtresse au milieu ! » Chansonnette de fin d’année
Lépreux et Juifs eurent à subir, tout au long du Moyen Age, des statuts d’exclusion typiques du racisme. Mais c’est le sort dont furent victimes, en France du Sud-Ouest et en Espagne du nord, les ” cagots “, qui peut passer pour le paradigme du racisme. Delacampagne y insiste : il n’y a pas d’” énigme ” des ” cagots ” : faux lépreux et vrais parias, ces intouchables ne se distinguaient en rien (ils pratiquaient même le catholicisme) des populations qu’ils avoisinaient…Robert Redeker
Les cagots sont devenus des intouchables dans une société organisée sous l’ Ancien Régime selon un authentique système de castes. Annie Quartararo
La lapidation est une nécessité pour conserver la sanctification de la famille.Zahra Shojaii (féministe iranienne, conseillère du président Khatami aux affaires des femmes, juillet 2002)
Les crimes d’honneur sont des actes de violence, le plus souvent des meurtres, commis par les membres masculins d’une famille à l’encontre de ses membres féminins, lorsqu’ils sont perçus comme cause de déshonneur pour la famille tout entière. Une femme peut être la cible d’individus au sein de sa propre famille pour des motifs divers, comprenant : le refus de participer à un mariage arrangé, le refus des faveurs sexuelles, la tentative de divorce — que ce soit dans le cadre de la violence conjugale exercée par son mari ou dans un contexte avéré d’adultère. La simple interprétation selon laquelle son comportement a « déshonoré » sa famille est suffisante pour enclencher une représaille.Human Rights Watch
En général, en Occident, le crime d’honneur varie en fonction de la géographie. Peu coutumier de nos jours dans les régions du Nord, il devient plus intense en descendant vers le Sud (sociétés méditerranéennes et/ou musulmanes, etc..) où les codes d’honneur propres à telle ou telle société traditionnelle ont conservé plus d’importance. C’est ainsi que la vengeance par la justice privée, plus connue sous le nom de vendetta fait partie de la culture de certains groupes ethniques qui se situent dans les Balkans (notamment les régions peuplées d’albanophones), en Turquie (Anatolie, Kurdistan, etc..), le sud de l’Italie et les îles de la Méditerranée (Corse, Sardaigne, Sicile, Crète). Avec l’immigration musulmane (notamment pakistanaise, turque/kurde et arabe), les crimes d’honneur sont réapparus en Europe. En Italie, en 2006, Hina Saleem (it), une jeune pakistanaise de 21 ans, est assassinée à Sarezzo (Lombardie) par ses parents et des membres de sa famille qui n’acceptaient pas sa relation avec un Italien et sa vie jugée « trop occidentale ». Hina s’était également opposée à un mariage arrangé. Toujours en Italie, en 2009, Sanaa Dafani, une jeune marocaine de 18 ans résidant avec sa famille à Pordenone (N.-E.), est égorgée par son père qui lui reprochait d’être « trop occidentale » et d’avoir une relation avec un Italien11. Il sera condamné définitivement à 30 ans de prison en 201212. En 2010 à Modène (Italie), un pakistanais, aidé de son fils, « punit » à coups de barre d’acier et de pierre son épouse et sa fille qui refusaient un mariage arrangé. La mère succombera à ses blessures13. En Allemagne, en 2005, Hatun Sürücü, une jeune Allemande d’origine turque, est tuée à Berlin par son frère pour « s’être comportée comme une Allemande ». En Belgique, en 2007, Sadia Sheikh, une pakistanaise de 20 ans, est assassinée à Charleroi (Région wallonne) par des membres de sa famille pour avoir refusé un mariage arrangé15. Aux Pays-Bas, la police estime que treize meurtres ont été commis en 2009 au nom de l’honneur16. En Grande-Bretagne, l’association IKWRO (Iranian and Kurdish Women’s Rights Organisation)) a recensé 2823 agressions (séquestrations, coups, brûlures, homicides) commises en 2010 contre des femmes sous prétexte de « venger l’honneur d’une famille ». Wikipedia
Les crimes d’honneur ne sont pas réservés aux provinces reculées du Pakistan, de la Turquie ou de l’Inde. En Europe occidentale aussi, des jeunes femmes sont torturées et tuées par des membres de leur famille à cause de leurs fréquentations, de leur façon de s’habiller ou de leur refus de se soumettre à un mariage forcé. En clair, parce que leur attitude laisse planer un doute sur leur virginité. C’est le constat de la fondation suisse Surgir, spécialisée dans la lutte contre les violences faites aux femmes. Très prudent dans sa volonté de ne « stigmatiser » aucune communauté, le rapport publié par Surgir établit un lien direct entre ces assassinats et l’immigration, tout en soulignant que, « majoritairement pratiqué au sein des communautés musulmanes, le crime d’honneur l’est aussi par les communautés sikhs, hindoues et chrétiennes ». Entre 15 000 et 20 000 femmes sont tuées chaque année dans le monde, selon les estimations des organisations non gouvernementales, par un cousin, un frère ou un père craignant l’opprobre de la communauté. « Plus qu’un permis de tuer, c’est un devoir de tuer », écrit Surgir, qui note que « le déshonneur [d’une fille] est une menace d’exclusion sociale pour toute la famille élargie ». Dans le cas de communautés immigrées, la crainte de l’assimilation peut renforcer ce besoin de protéger le groupe, alors que le mariage mixte et l’émancipation des jeunes générations sont perçus comme des menaces. Aucune statistique précise n’existe sur le sujet et la loi du silence est de mise dans les familles. Les chiffres avancés par la fondation reposent sur des estimations policières, quand celles-ci distinguent violences domestiques et violences liées à l’honneur, et sur l’étude de coupures de presse. Aux Pays-Bas, la police estime que treize meurtres ont été commis en 2009 au nom de l’honneur ; au Royaume-Uni, une douzaine de cas sont recensés chaque année ; en Allemagne, soixante-douze jeunes filles ont été tuées en dix ans ; en France, depuis 1993, une dizaine de cas ont été évoqués dans les médias, en grande majorité dans les communautés indiennes, pakistanaises, sri-lankaises, kurdes et turques. (…) La fondation Surgir appelle les autres Etats européens à prendre des mesures – le code pénal italien prévoit notamment une réduction de la peine pour les crimes commis sur fond de « traditions culturelles » – tout en soulignant qu’un durcissement des législations entraîne systématiquement une hausse des suicides maquillés et pousse les familles à désigner un meurtrier mineur qui sera moins sévèrement jugé. Le Monde
Il s’agit avant tout d’une question de genre, d’hommes qui croient qu’ils peuvent faire ce qu’ils veulent de femmes vulnérables. Mais vous ne pouvez pas non plus faire l’impasse sur le facteur racial. C’est l’éléphant au milieu de la pièce. Nazir Afzal
Vous, les Blancs, vous entraînez vos filles à boire et à faire du sexe. Quand elles nous arrivent, elles sont parfaitement entraînées. Violeur pakistanais
En moyenne, seuls 10% des viols commis en France font l’objet d’une plainte. On estime en moyenne que, chaque année, 84000 femmes de 18 à 75 ans sont victimes d’un viol ou d’une tentative. Portrait-robot du violeur (…) lorsque l’information était disponible, plus de la moitié d’entre eux (52%) sont de nationalité étrangère (sans précision sur le pays d’origine) et 44% sont sans emploi. Dans près de la moitié des cas (48%),ils étaient déjà connus des services de police dont 1/5 pour des infractions sexuelles. On dénombre 31% de victimes de nationalité étrangère, dont un tiers d’Européennes. La moitié de ces victimes (49%) a un emploi, avec une forte représentation de la catégorie cadres et professions intellectuelles supérieures. (…) Les violeurs semblent profiter de la faiblesse de leurs proies puisque, sur les 513 victimes de viol pour lesquelles l’information était disponible, 255 étaient intoxiquées au moment des faits. Dans la très grande majorité des cas, il s’agit de consommation d’alcool. (…) Si l’on rapporte le nombre de faits déclarés à la population, on enregistre les taux les plus élevés dans les Ier, Xe et XIe arrondissement et les plus faibles dans les VIIe et XVe arrondissements. Au-delà de ces limites administratives, c’est dans le secteur Folie-Méricourt (XIe) et à proximité de la station de métro Belleville (Xe, XIXe, XXe) que l’on enregistre le plus grand nombre de viols commis. « Le quartier des Halles et l’axe boulevard de Sébastopol-quartier République présentent également une densité élevée de viols par rapport au reste du territoire parisien», ajoutent les auteurs qui citent également d’autres lieux: la gare du Nord, la gare Montparnasse, l’axe place de Clichy-place Pigalle et le boulevard Barbès. Sans surprise, on apprend que la plupart des viols sont commis la nuit (73%) et le week-end (40% de viols le samedi et le dimanche). L’étude indique que, dans la moitié des cas (49 %), les victimes entretenaient un lien (amical ou sentimental) avec l’agresseur. Ce chiffre peut paraître élevé, mais il est en deçà des statistiques globales selon lesquelles la victime connaît son agresseur dans 90 % des cas. Une différence qui s’explique sans doute par le fait que l’étude de l’ONDRP repose sur les faits déclarés aux autorités. (…) On constate enfin que, dans près de trois quarts des cas (74 %), les viols commis à Paris en 2013 et 2014 l’ont été dans des espaces privés, à commencer par les lieux d’habitation (57 %). Seuls 12 % ont été commis sur la voie publique. « Même s’il frappe l’opinion publique, le viol crapuleux n’est pas la norme », rappelle Me Moscovici.Le Parisien
A l’exception d’un demandeur d’asile afghan, tous sont d’origine pakistanaise. Toutes les filles sont blanches. L’équation est aussi froide et simple qu’explosive, dans un Royaume-Uni en proie au doute sur son modèle multiculturel. (…) Dans les semaines suivant le procès, les médias égrènent les noms de villes où des gangs similaires à celui de Rochdale sont démantelés : Nelson, Oxford, Telford, High Wycombe… Et, fin octobre, c’est à nouveau à Rochdale qu’un groupe de neuf hommes est appréhendé. Chaque fois, les violeurs sont en grande majorité d’origine pakistanaise. Les micros se tendent vers les associations ou les chercheurs spécialisés dans la lutte contre les abus sexuels. Selon leurs conclusions, entre 46 % et 83 % des hommes impliqués dans ce type précis d’affaires – des viols commis en bande par des hommes qui amadouent leurs jeunes victimes en « milieu ouvert » – sont d’origine pakistanaise (les statistiques ethniques sont autorisées en Grande-Bretagne). Pour une population d’origine pakistanaise évaluée à 7 %. (…) En septembre, un rapport gouvernemental conclura à un raté sans précédent des services sociaux et de la police, qui renforce encore l’opinion dans l’idée qu’un « facteur racial » a joué dans l’affaire elle-même, mais aussi dans son traitement par les autorités : entre 2004 et 2010, 127 alertes ont été émises sur des cas d’abus sexuels sur mineurs, bon nombre concernant le groupe de Shabir Ahmed, sans qu’aucune mesure soit prise. A plusieurs reprises, les deux institutions ont estimé que des jeunes filles âgées de 12 à 17 ans « faisaient leurs propres choix de vie ». Pour Ann Cryer, ancienne députée de Keighley, une circonscription voisine, aucun doute n’est permis : police et services sociaux étaient « pétrifiés à l’idée d’être accusés de racisme ». Le ministre de la famille de l’époque, Tim Loughton, reconnaît que « le politiquement correct et les susceptibilités raciales ont constitué un problème ». L’air est d’autant plus vicié que, à l’audience, Shabir Ahmed en rajoute dans la provocation. Il traite le juge de « salope raciste » et affirme : « Mon seul crime est d’être musulman. » Un autre accusé lance : « Vous, les Blancs, vous entraînez vos filles à boire et à faire du sexe. Quand elles nous arrivent, elles sont parfaitement entraînées. » (…) un employé de la mairie s’interroge. Anonymement. « Où est la limite du racisme ? Les agresseurs voyaient ces filles comme du « déchet blanc », c’est indéniablement raciste. Mais les services sociaux, des gens bien blancs, ne les ont pas mieux considérées. » A quelques rues de là, dans sa permanence, Simon Danczuk, député travailliste de Rochdale qui a été l’un des premiers à parler publiquement d’un « facteur racial », juge tout aussi déterminant ce qu’il appelle le « facteur social » : « Les responsables des services sociaux ont pu imaginer que ces filles de même pas 15 ans se prostituaient, alors qu’ils en auraient été incapables à propos de leurs propres enfants. » (…) Mohammed Shafiq estime qu' »une petite minorité d’hommes pakistanais voient les femmes comme des citoyens de seconde catégorie et les femmes blanches comme des citoyens de troisième catégorie ». Mais, pour lui, les jeunes filles agressées étaient surtout vulnérables. « Le fait qu’elles traînent dehors en pleine nuit, qu’elles soient habillées de façon légère, renforçait les agresseurs dans leur idée qu’elles ne valaient rien, qu’elles étaient inférieures. Mais cela faisait surtout d’elles des proies faciles, alors que les filles de la communauté pakistanaise sont mieux protégées par leur famille, et qu’un abus sexuel y est plus difficilement dissimulable. » Le Monde
Cologne résonne pourtant avec ce qui a pu être constaté en Egypte. On pense au film de Mohamed Diab Les Femmes du bus 678 (2011), et la façon dont des femmes subissent des attouchements. On pense à une enquête de l’écrivain et ancien journaliste du Monde Robert Solé qui décrivait les viols collectifs à répétition en Egypte (« Culture & idées » du 27 avril 2013). Des dizaines voire des centaines d’hommes se jettent sur une ou plusieurs femmes pour arracher leurs vêtements, les toucher, les pénétrer avec leurs doigts. Cette folie collective porte le nom de « taharosh ». Elle a souvent lieu lors de fêtes religieuses. Cela ressemble à ce qui s’est passé lors du soulèvement place Tahrir, au Caire, en 2011. Et cela ressemble à Cologne. Le Monde
Depuis la fin des années 1970 et la révolution iranienne, nous vivons une politisation de l’islam. Celle-ci avait dès le départ un ennemi principal : l’émancipation de la femme. Quand, maintenant, des hommes de plus en plus nombreux viennent chez nous imprégnés de cette culture et, qui plus est, que certains sont victimes de guerres civiles, cela crée un problème qu’on ne peut pas simplement ignorer. Alice Schwarzer
Je suis choquée qu’après Cologne le mouvement féministe allemand dominant ait pris très vite une position xénophobe et antiarabe. Les violences dont sont victimes les femmes lors des fêtes de la bière sont mille fois pires. Mais, ici, ce qui est en jeu, c’est le fantasme du viol de la femme allemande par l’étranger . (…) Je suis violemment pour qu’on puisse porter le voile. Le dogme de la laïcité à la française est le résultat historique de la lutte entre la République et l’Eglise. Cela n’a rien d’universel. Forcer les femmes à se découvrir est une attitude néocoloniale. Ce sont les colons français au Maghreb qui ont commencé. Barbara Vinken
Contrairement à la France, qui estime ses valeurs universelles, l’Allemagne, depuis le nazisme, ne peut plus se permettre de vouloir imposer sa culture. Les Allemands n’osent même pas critiquer d’autres modes d’expression culturelle . Béatrice Angrand (secrétaire générale de l’Office franco-allemand pour la jeunesse)
Les jeunes féministes allemandes sont d’autant moins enclines à critiquer le voile qu’un certain nombre d’entre elles, musulmanes, le défendent. La rappeuse Reyhan Sahin, par exemple, une spécialiste de la « sémiotique de l’habillement », est détestée par de nombreux musulmans, mais son travail universitaire sur « la signification du voile musulman en Allemagne » a été très remarqué. « Pour elle, le voile est un signe d’émancipation », note Sonja Eismann. Certaines féministes, d’ailleurs, le portent. Le Monde
Si l’on vit assez longtemps, on voit que toute victoire se change un jour en défaite. Simone de Beauvoir
Alors que la société allemande s’indigne face au récit terrifiant de la nuit de Cologne, durant laquelle des agressions sexuelles de masse ont été commises sur des femmes par des bandes d’hommes dont la plupart seraient d’origine étrangère, plusieurs voix féministes se sont élevées pour rappeler que la culture du viol n’est pas un phénomène importé mais bel et bien ancré dans la culture allemande depuis des siècles. La Fête de la bière de Munich en est l’un des exemples les plus criants. (…) chaque année, plusieurs dizaines d’agressions sexuelles ont lieu durant l’Oktoberfest. Et ce malgré une présence policière renforcée –300 policiers déployés sur la trentaine d’hectares de la «Wiesn», comme les Bavarois appellent la grande «prairie» verte sur laquelle ont lieu les festivités– et la mise en place il y a quelques années d’une vingtaine de caméras de surveillance et de puissants projecteurs à l’extérieur des «tentes à bière», de manière à ne pas laisser de zones plongées dans l’ombre la nuit venue. (…) Pour les femmes qui se rendent dans ces tentes à bière à l’ambiance surchauffée, les paroles vulgaires, les mains baladeuses, les demandes insistantes font partie intégrante de l’Oktoberfest. «Le viol est seulement la partie émergée de l’iceberg», insiste Maike Bublitz, pédagogue au Frauennotruf München. Il existe même un numéro d’urgence destiné aux femmes victimes de violences. «Il y a bien plus de violations des limites, qui vont du fait de tripoter les femmes aux abus sexuels. Il y a une vaste palette d’agressions sexuelles.»(Le nombre d’agressions sexuelles et de viols est pourtant bien plus élevé que celui que laissent entrevoir les statistiques policières, estiment les représentantes des associations présentes sur les lieux, qui estiment que pour une plainte pour viol déposée, il y a en réalité dix à vingt viols. Beaucoup de femmes continuent à avoir honte de signaler une agression aux autorités ou sont découragées par la perspective d’une longue et douloureuse procédure judiciaire qui n’a de toute façon que très peu de chances de déboucher sur une condamnation. Moins d’1% des hommes coupables de viol sont, en effet, condamnés par la justice allemande, comme le rappelait il y a quelques années une campagne d’information lancée par une association féministe allemande qui réclame depuis des années une réforme du paragraphe 177 du code pénal allemand, qui jusqu’à présent ne reconnaît l’existence d’un viol que dans trois cas de figure –lorsque le rapport sexuel est obtenu par la violence, sous la menace ou lorsque la victime ne peut se défendre. Le fait que l’Oktoberfest attire un public international n’est aussi pas étranger à ce faible taux de plaintes déposées, indique Kristina Gottlöber: «Ces touristes ne savent pas comment fonctionne la procédure judiciaire en Allemagne. Une Américaine peut se demander si elle doit ou pas porter plainte quand elle sait qu’elle rentre le surlendemain aux États-Unis. Doit-elle rester sur place, prendre un avocat, quels sont les coûts? Elles veulent simplement rentrer chez elles et oublier l’agression.» (…) Ni la police, ni les associations qui travaillent sur le terrain estiment que les violences sexuelles dont l’Oktoberfest est le théâtre chaque année sont comparables avec l’ampleur extraordinaire des harcèlements de masse qui ont eu lieu à Cologne durant la nuit du Réveillon. Mais Maike Bublitz signale que ce type de violences commises en groupes ont déjà été rapportées durant l’Oktoberfest: «Il y a eu quelques cas où des femmes ont été encerclées par plusieurs hommes et harcelées, tripotées, touchées à l’entrejambe, comme ce qu’on a pu entendre au sujet de Cologne. Cela nous a été rapporté par des femmes au “security point”.» Les agressions ont lieu partout, de jour comme de nuit, rapportent la police et les associations. À l’intérieur des chapiteaux, dans les toilettes, aux abords des manèges, mais surtout sur la fameuse «Kotzhügel», cette «colline de la gerbe» située en bordure des chapiteaux où les visiteurs alcoolisés au dernier degré ont pour habitude de venir vider leurs estomacs et de piquer un somme, voire les deux en même temps, comme on peut le voir sur les fameuses photos prises sur place par les visiteurs chaque année dont nous vous parlions en 2013. Une pratique consistant à déshabiller et photographier sous leur jupe les femmes ivres endormies sur place est d’ailleurs apparue ces dernières années, rapportent les associations. «Nous savons qu’il y a des hommes qui viennent exprès à l’Oktoberfest parce qu’ils pensent qu’ils auront beau jeu», explique Maike Bublitz.(…) L’Oktoberfest n’est d’ailleurs pas la seule grande fête populaire allemande où des agressions sexuelles ont lieu de manière récurrente. Cologne, justement, accueille chaque année au début du mois de février un des plus grands défilés costumés au monde, qui attire chaque année 1,5 million de visiteur. La maire de la capitale rhénane, Henriette Reker, a d’ailleurs annoncé quelques jours après la fameuse nuit où des centaines de femmes ont été agressées qu’un important dispositif policier allait être déployé cette année pour assurer la sécurité des femmes durant le carnaval de Cologne. Les agressions sexuelles y sont pourtant légion depuis des années. En 2014, des féministes ont d’ailleurs lancé un tumblr baptisé «KonsensKarneval» listant et dénonçant les consignes diffusées à l’attention des femmes par les différentes municipalités et commissariats allemands à l’occasion du carnaval. Leur slogan:«Mon costume n’est pas une invitation. »Slate
Si la culture est un joli mot quand il s’agit de création artistique, c’est un gros mot, pour certains, quand il s’agit de cerner et de corriger des pratiques personnelles – éducation, religion, mode de vie, conception de la famille – qui expliqueraient la difficulté d’une communauté à s’intégrer. Pour preuve, le tollé provoqué par le sociologue Hugues Lagrange quand il a publié son livre Le Déni des cultures (Seuil, 2010). Des artistes qui ont adopté cette approche culturelle ont également été critiqués. La Belge Sofie Peeters, une étudiante en cinéma, a diffusé sur Internet en 2012 son court-métrage Femme de la rue, dans lequel elle est filmée en caméra cachée en train de marcher dans un quartier de Bruxelles, à majorité musulmane. Sur ses pas, on entend « salope », « chienne », « putain »… Les réactions ? Manipulation, stigmatisation, procédé manichéen… Il existe un spectacle de danse dont le titre résume ce débat : Can We Talk About This ? « Pouvons-nous parler de ça ? » Pouvons-nous, Occidentaux, parler des ravages du multiculturalisme sans se faire traiter de réactionnaires ? Michel Guerrin
La cour d’appel de Montpellier a décidé ce jeudi du maintien en détention provisoire des deux hommes, de 18 et 22 ans soupçonnés d’avoir violé cette jeune fille de 18 ans. Tous les deux sont en prison depuis leur mise examen début janvier pour viol et diffusion d’images pornographiques à Perpignan (Pyrénées-Orientales), où une enquête a été ouverte pour viol en réunion et diffusion d’images pornographiques. La vidéo en question, un montage d’un peu moins de 5 minutes diffusé début janvier sur plusieurs réseaux sociaux dont Snapchat et Facebook, montraient une relation sexuelle particulièrement brutale le 2 janvier au soir de deux hommes avec une jeune femme. On y voit les deux hommes, dont on n’aperçoit jamais le visage, en survêtement, boire du whisky et fumer des joints avec leur victime présumée, apathique, qui paraît droguée ou alcoolisée. Les images sont accompagnées de commentaires écrits dégradants sur la jeune femme, tout au long de la relation sexuelle. C’est l’identification de l’un des deux hommes qui avait permis de remonter jusqu’au trio, dans un appartement de Perpignan. (…) Les deux suspect avaient fait appel de celle-ci, niant avoir violé leur victime. Pour sa part, la jeune femme de 18 ans n’a pas déposé de plainte. Les trois protagonistes, qui se connaissaient, s’étaient réunis pour, selon leurs témoignages rapportés par le parquet «pour faire la fête», au cours d’une soirée particulièrement alcoolisée.Le Parisien
Ce devait être un concours de strip-tease avec un voyage aux Etats-Unis à gagner pour la candidate la moins timide. Le jeu a sordidement viré à l’agression sexuelle et au viol collectif. (…) Ce soir-là, l’établissement organisait un concours appelé American Party en référence au film « American Pie ». Une cliente de 27 ans a remporté le prix en terminant sans soutien-gorge et en string. C’est à ce moment qu’une dizaine de spectateurs l’ont rejoint sur scène. Elle s’est retrouvée plaquée au sol puis violée. Le Parisien (La Réunion, mai 2015)
Une partie de striptease organisée dans la boîte de nuit Le Chapiteau à Montvert les Bas a dérapé. Un concours de striptease organisé dans le but de remporter un billet aller-retour pour les Etats-Unis a vu se succéder sur la scène des jeunes femmes du public. Dans l’esprit de cette « american party », le cadeau allait revenir à la jeune fille la plus entreprenante sur le podium. Malheureusement, l’organisation de la discothèque se serait laissée déborder par les agissements de certains de ses clients à tel point que le propriétaire du Chapiteau indique n’avoir rien constaté d’anormal sur le moment. Ce soir-là donc, après avoir enlevé tous ses vêtements, à l’exception de son string, une jeune femme a été entourée par un groupe d’une douzaine d’hommes. Dans l’attroupement et l’euphorie alcoolisée de cette american party, la cliente, une ancienne gogo danseuse de l’établissement, a été victime d’attouchements sexuels puis de pénétrations digitales. Il était vers 1h30 du matin dans la nuit du jeudi 30 avril au vendredi 1er mai. La victime a porté plainte contre X pour viol en réunion dès le 1er mai à la brigade territoriale de gendarmerie de Petite Ile mais les investigations ont été transférées aux enquêteurs de la police nationale, compétente pour le territoire sur lequel est intervenue cette affaire.Zinfos 974
Ne crie pas comme ça, on va finir par croire que je te viole.Adolescent congolais
Ces deux affaires sont très similaires. Dans les deux cas, on a des victimes qui se mettent en danger, sans avoir conscience du risque qu’elles prennent, en aggravant encore la situation en consommant de l’alcool et des stupéfiants. On ne peut pas vraiment parler de préméditation chez les agresseurs, mais ce qui est sûr, c’est que l’hypothèse que la soirée puisse se conclure par une relation sexuelle est envisagée dès le départ du côté masculin. Éric Maillaud
Nos médias opposent généralement les réfugiés appartenant aux classes moyennes «civilisées» et les «barbares» des classes inférieures, qui volent, qui harcèlent les femmes et les violentent, qui défèquent en public, etc. Au lieu de dénigrer tout ce discours en le présentant comme une propagande raciste, nous devrions avoir le courage de discerner un élément de vérité en lui: la brutalité, qui va jusqu’à la cruauté absolue pour les faibles, pour les animaux, les femmes, etc., est un trait caractéristique traditionnel des «classes inférieures» ; l’une de leurs stratégies de résistance face aux détenteurs du pouvoir a toujours consisté à faire un terrifiant étalage de brutalité, destiné à perturber le sens de la décence des classes moyennes. Et il est tentant d’interpréter ainsi ce qui s’est passé à Cologne durant la nuit de la Saint-Sylvestre, il est tentant d’interpréter ces événements comme un obscène carnaval de classes inférieures (…) De façon assez prévisible, l’événement gagne en ampleur au fil des jours: ce sont désormais plus de 500 femmes qui ont porté plainte, des incidents similaires ayant été constatés dans d’autres villes allemandes (ainsi qu’en Suède) cette même nuit-là ; certains éléments laissent penser que ces agressions étaient préméditées et coordonnées ; par ailleurs, des «défenseurs de l’Occident civilisé», barbares d’extrême-droite anti-immigrés, contre-attaquent en agressant des immigrés, de sorte que la spirale de la violence menace de se déchaîner… Et, de façon là encore prévisible, la gauche libérale politiquement correcte a mobilisé ses troupes pour minimiser l’événement, de la même façon qu’elle l’avait fait dans le cas de Rotherham il y a un an. Mais il y a plus, bien plus. C’est qu’il nous faudrait intégrer le carnaval de Cologne à cette longue histoire qui débute sans doute dans le Paris des années 1730 et dont le dit «grand massacre des chats» décrit par Robert Darnton – au cours duquel des ouvriers d’imprimerie torturèrent et tuèrent rituellement tous les chats sur lesquels ils purent mettre la main, y compris l’animal chéri de la femme de leur maître – constitue un jalon essentiel. Ces apprentis-là étaient moins bien traités que des animaux, moins bien traités que les chats tant adorés par l’épouse de leur maître. Une nuit, les gars décidèrent de réparer cette injustice: ivres de joie, de chaos, hilares, ils déversèrent des sacs entiers de chats à demi-morts dans la cour de l’imprimerie avant de les pendre à un gibet improvisé. Pourquoi ce massacre était-il si amusant ? Durant le carnaval, les gens de peu suspendaient les règles normales régissant le comportement de chacun ; ils renversaient l’ordre social, cérémonieusement pour ainsi dire: ils le retournaient cul par dessus tête au cours de processions séditieuses. Le carnaval était cette parenthèse laissant libre cours à l’hilarité, à la sexualité, à l’émeute – et la foule incorporait souvent la thématique de la torture des chats dans ses chants et morceaux de musique. Tout en moquant un cocu, ou quelque autre victime, les séditieux faisaient un sort à un chat, ils lui arrachaient sa fourrure pour le faire hurler. Faire le chat, appelait-on cela en France. Les Allemands, eux, parlent de Katzenmusik – un terme dont l’origine remonte très probablement à ces pratiques, à ces hurlements de chats torturés. La torture des animaux, et particulièrement des chats, fut un divertissement populaire tout au long des débuts de la modernité européenne. C’est que les chats étaient associés à l’aspect le plus intime de la vie domestique: le sexe. Le chat, la chatte, le minet sont des termes de l’argot français qui signifient ce que signifie pussy en anglais, et ils ont été utilisés des siècles durant dans un registre obscène. Et si nous envisagions les événements de Cologne comme une version contemporaine du faire le chat ? Comme une rébellion carnavalesque des laissés-pour-compte ? Je ne crois pas qu’il s’agissait simplement pour ces hommes jeunes et affamés de sexe de satisfaire de toute urgence leurs pulsions: cela, ils auraient pu le faire de façon plus discrète, dissimulée. Le plus important pour eux, me semble-t-il, était de donner un spectacle public destiné à installer dans les esprits des sentiments de peur et d’humiliation: les pussies, les chattes des Allemandes des classes privilégiées devaient faire l’expérience d’une douloureuse vulnérabilité. Il ne faut naturellement pas chercher dans un tel carnaval le moindre élément synonyme de rédemption, d’émancipation ou de libération effective – mais c’est bien ainsi que se déroulent les carnavals. Voilà pourquoi les tentatives naïves visant à «éclairer» les immigrants (visant à leur expliquer que nos mœurs sexuelles sont différentes, qu’une femme marchant tout sourire dans la rue en mini-jupe n’invite pas ce faisant à un rapport sexuel, etc.) sont d’une impressionnante bêtise. Ils savent très bien tout cela, et c’est précisément pourquoi ils agissent ainsi. Ils savent parfaitement que ce qu’ils font est radicalement étranger à notre culture, et ils le font dans le but précis de blesser nos sensibilités. Voilà pourquoi nous devons contribuer à ce que change cette posture faite d’envie et d’agressivité vengeresse, et non pas leur enseigner ce qu’ils savent déjà parfaitement. Slavoj Žižek
‘Des lambeaux pleins de sang et des membres affreux Que des chiens dévorants se disputaient entre eux D’où parviennent jusqu’ici ces aboiements ?’ Reconnaissons-nous, de même, dans le récit de Théramène, les chevaux emportés qui traînent le cadavre d’Hippolyte sur la plage, écartelé ? Qui sont ces serpents qui sifflent sur vos têtes ? Merci, Monsieur, de nous avoir fait entendre, en ces abois, ces hennissements, ces hurlements d’animaux enragés, nos propres vociférations ; d’avoir dévoilé, en cette meute sanglante, en cet attelage emballé, en ce noeud de vipères, en ces bêtes acharnées, la violence abominable de nos sociétés ; d’avoir révélé, enfin, en ces corps déchiquetés, les victimes innocentes des lynchages que nous perpétrons. Tiré de Racine, ce bestiaire hominien eût pu s’échapper, furieux, de l’Antiquité grecque, où des femmes thraces dépècent Orphée, de la Renaissance anglaise ou de notre xviie siècle classique, où chaque tragédie porte en elle, imagée ou réelle, une trace immanquable de cette mise à mort. Les Imprécations de Camille, chez Corneille, réunissent contre Rome tous les peuples issus du fond de l’univers et dans Shakespeare, les sénateurs, assemblés, plantent leurs couteaux croisés dans le thorax de César. L’origine de la tragédie, que Nietzsche chercha sans la trouver, vous l’avez découverte ; elle gisait, tout offerte, en la racine hellénique du terme lui-même : tragos signifie, en effet, le bouc, ce bouc émissaire que des foules prêtes à la boucherie expulsent en le chargeant des péchés du monde, les leurs propres, et dont l’Agneau de Dieu inverse l’image. Merci d’avoir porté la lumière dans la boîte noire que nous cachons parmi nous. Nous. Nous, patriciens, au marais de la Chèvre, assemblés en cercles concentriques autour du roi de Rome ; nous, parmi les ténèbres d’un orage parcouru d’éclairs ; nous, découpant Romulus en morceaux, et, la clarté revenue, fuyant, honteux, chacun dissimulant, dans le pli de sa toge, un membre du roi de Rome dépecé ; nous, soldats romains, pressés autour de Tarpeia, jetant nos bracelets, nos boucliers sur le corps virginal de la vestale chaste ; nous, lapidateurs de la femme adultère ; nous, persécuteurs, lançant pierre après pierre sur le diacre Étienne, dont l’agonie voit les cieux ouverts… … nous, bannissant ou élisant tel candidat en inscrivant son nom sur des tessons de terre cuite, souvenir oublié de ces pierres de lapidation ; nous, désignant un chef par nos suffrages, sans nous remémorer que ce mot fractal signifie encore les mêmes fragments, jetés sur l’élu ; de ces pierres assassines, nous bâtissons nos villes, nos maisons, nos monuments, notre Coupole ; nous, désignant roi ou victime, parmi nos fureurs temporairement canalisées par ce suffrage même ; nous, vos confrères, qui, de nos suffrages, vous avons élu ; nous, sagement assis autour de vous, debout, discourant de notre Père Carré, mort. Grâce à vous, je vois pour la première fois le sens archaïquement sauvage de cette cérémonie, les cercles concentriques des sièges, fixés au sol, immobilisés, séparés ; j’entends le silence du public, apaisé de fascination, vous écoutant, vous, élu, debout ; je découvre aussi pour la première fois cette chapelle ronde autour du tombeau de Mazarin, tous deux faits des pierres d’une lapidation gelée, reproduisant, comme en modèle réduit, les pyramides d’Égypte, résultats elles aussi, elles sans doute parmi les premières, d’une lapidation longue, celle du corps de Pharaon, accablé couché sous ce monceau. Les institutions élèvent-elles nécropoles et métropoles à partir de ce supplice primitif ? La Coupole en dessine-t-elle encore le schéma oublié ? Michel Serres
Si nous voulons aborder le « fait religieux » autrement que sous la forme d’une collection de savoirs, forcément émiettés et terriblement lacunaires, une voie peut être l’approfondissement d’un texte assez bien choisi pour qu’il rende le « religieux » intelligible. Ce postulat d’intelligibilité fonde le christianisme par essence. Il ne saurait y avoir contradiction, en toute dernière instance, entre ce message « religieux » et la rationalité, et ce malgré le contentieux historique lourd entre l’Eglise et la philosophie des Lumières. Ce texte en est une illustration magnifique. Il suffit de le lire en oubliant qu’il nous a été transmis par une institution religieuse pour qu’il nous devienne singulièrement utile, et pour commencer sur le plan professionnel. Voilà une situation dite de « conflit » et qui pourrait dégénérer en « violence ». Cette fois c’est l’analyse du philosophe René Girard qui peut servir d’éclairage. Comme F. Quéré, il observe que l’épisode marque une étape dans un drame qui aboutira à l’explosion de violence du Golgotha, lieu où Jésus mourra crucifié. Mais au cours de cette scène qui se déroule au Temple, la spirale de violence est enrayée. Cette spirale, que Girard nomme aussi « l’escalade » est toujours mimétique ; elle procède d’un entraînement mutuel et aboutit dans un cercle fermé, où, comme dans un chaudron, la tension monte, les pulsions violentes convergeant vers une victime placée sans défense « au milieu du groupe ». La réponse apportée par cet artiste de la non violence qu’est Jésus tient ici d’abord à une attitude. « Mais Jésus, se baissant, se mit à tracer des traits sur le sol ». Les yeux baissés évitent ainsi la rencontre des regards. Or c’est de leur croisement que procède la violence mimétique. Il faut en avoir fait l’expérience pour comprendre à quel point une formule comme « Regarde-moi dans les yeux ! » peut être vécue comme agressive lorsque le maître, outré, croit ainsi provoquer les aveux de l’élève ! Donc, sans regarder cette troupe d’excités, Jésus s’absorbe dans une autre occupation : « il trace des traits sur le sol ». (…) Le verbe « graphein » qui a donné « graphie » pointe aussi bien l’écriture que le dessin. Dommage pour les commentateurs ultérieurs qui y voyaient la relativisation de la Loi de l’Ancien Testament, destinée à être dépassée, puisqu’écrite sur le sable. Mais le terme « gué » n’a pas ce sens : c’est la « terre », ou le « sol », ce socle qui nous est commun, que nous soyons agresseurs ou agressés. Il est possible d’ailleurs que Jésus ait su lire, mais non écrire, ce qui était courant à l’époque. Tout au plus, mais c’est là l’interprétation que me suggère mon enthousiasme, pourrait-on comprendre que l’activité graphique, par la concentration qu’elle requiert, oblige à prendre du recul, et contribue à la résolution du conflit ! (…) Les peintres quant à eux, astreints à rassembler dans une image immobile un développement narratif, anticiperont souvent la suite, et inscriront dans leur représentation la parole de Jésus : « que celui qui n’a jamais péché lui jette la première pierre ». Cette phrase est un coup de génie, parce que c’est aussi la solution la plus simple. D’abord l’énonciation se fait au singulier, sans pour autant désigner nommément quelqu’un. La spirale du « défoulement », toujours collectif, est rompue. Mais avec un grand doigté, par un protagoniste qui prend le risque calculé de l’accompagner : « Allez-y, lapidez-la, mais… ». La phrase reprend très certainement la disposition juridique du Deutéronome relative aux témoins, mais en procurant un éclairage aigu sur son fondement. En matière de lapidation, c’est « commencer » qui est la grande affaire ! Le fait de pointer ainsi la nature du phénomène suffit apparemment à l’inverser : le cercle mortel se défait, et les agresseurs s’en vont, « à commencer par les plus vieux »…Jean-Marc Muller
Pour expliquer cette coutume, on peut y voir un sous-produit des lapidations rituelles. Lapider une victime, c’esr recouvrir son corps de pierre. Lorsqu’on jette beaucoup de pierres sur un vivant, non seulement il meurt mais ces pierres prennent tout naturellement la forme tronconique du « tumulus » qu’on retrouve, plus ou moins géométrisée, dans les pyramides sacrificielles ou funéraires de nombreux peuples. (…) le tombeau est inventé à partir du moment où la coutume de recouvrir les cadavres de pierres se répand en l’absence de toute lapidation. René Girard
Le lynchage collectif est l’aboutissement du mécanisme par lequel nous pensons nous débarrasser de la violence en l’expulsant vers l’extérieur. Dans les constructions juridiques des » païens « , il est ritualisé. Si la Loi d’Israël se différencie de celle des » païens « , c’est parce qu’elle doit mener à l’intériorisation de la conscience de la violence. À nos propres yeux, nous sommes toujours pacifiques et ce sont les autres qui sont violents. C’est toujours l’autre qui a commencé. Dénoncer les fautes de l’autre est une des formes de la rivalité mimétique qui me permet d’affirmer ma supériorité sur l’autre et de justifier ma violence contre lui. La loi des nations païennes est toujours finalement inefficace parce que la violence expulsée finit par revenir. Tout l’enseignement prophétique consiste à prêcher le renoncement individuel à la violence, seule garantie de son éradication. (…) Jésus s’appuie sur la Loi pour en transformer radicalement le sens. La femme adultère doit être lapidée : en cela la Loi d’Israël ne se distingue pas de celle des nations. La lapidation est à la fois une manière de reproduire et de contenir le processus de mise à mort de la victime dans des limites strictes. Rien n’est plus contagieux que la violence et il ne faut pas se tromper de victime. Parce qu’elle redoute les fausses dénonciations, la Loi, pour les rendre plus difficiles, oblige les délateurs, qui doivent être deux au minimum, à jeter eux-mêmes les deux premières pierres. Jésus s’appuie sur ce qu’il y a de plus humain dans la Loi, l’obligation faite aux deux premiers accusateurs de jeter les deux premières pierres ; il s’agit pour lui de transformer le mimétisme ritualisé pour une violence limitée en un mimétisme inverse. Si ceux qui doivent jeter » la première pierre » renoncent à leur geste, alors une réaction mimétique inverse s’enclenche, pour le pardon, pour l’amour. (…) Jésus sauve la femme accusée d’adultère. Mais il est périlleux de priver la violence mimétique de tout exutoire. Jésus sait bien qu’à dénoncer radicalement le mauvais mimétisme, il s’expose à devenir lui-même la cible des violences collectives. Nous voyons effectivement dans les Évangiles converger contre lui les ressentiments de ceux qu’ils privent de leur raison d’être, gardiens du Temple et de la Loi en particulier. » Les chefs des prêtres et les Pharisiens rassemblèrent donc le Sanhédrin et dirent : « Que ferons-nous ? Cet homme multiplie les signes. Si nous le laissons agir, tous croiront en lui ». » Le grand prêtre Caïphe leur révèle alors le mécanisme qui permet d’immoler Jésus et qui est au cœur de toute culture païenne : » Ne comprenez-vous pas ? Il est de votre intérêt qu’un seul homme meure pour tout le peuple plutôt que la nation périsse » (Jean XI, 47-50) (…) Livrée à elle-même, l’humanité ne peut pas sortir de la spirale infernale de la violence mimétique et des mythes qui en camouflent le dénouement sacrificiel. Pour rompre l’unanimité mimétique, il faut postuler une force supérieure à la contagion violente : l’Esprit de Dieu, que Jean appelle aussi le Paraclet, c’est-à-dire l’avocat de la défense des victimes. C’est aussi l’Esprit qui fait révéler aux persécuteurs la loi du meurtre réconciliateur dans toute sa nudité. (…) Ils utilisent une expression qui est l’équivalent de » bouc émissaire » mais qui fait mieux ressortir l’innocence foncière de celui contre qui tous se réconcilient : Jésus est désigné comme » Agneau de Dieu « . Cela veut dire qu’il est la victime émissaire par excellence, celle dont le sacrifice, parce qu’il est identifié comme le meurtre arbitraire d’un innocent — et parce que la victime n’a jamais succombé à aucune rivalité mimétique — rend inutile, comme le dit l’Épître aux Hébreux, tous les sacrifices sanglants, ritualisés ou non, sur lesquels est fondée la cohésion des communautés humaines. La mort et la Résurrection du Christ substituent une communion de paix et d’amour à l’unité fondée sur la contrainte des communautés païennes. L’Eucharistie, commémoration régulière du » sacrifice parfait » remplace la répétition stérile des sacrifices sanglants. (…) En même temps, le devoir du chrétien est de dénoncer le péché là où il se trouve. Le communisme a pu s’effondrer sans violence parce que le monde libre et le monde communiste avaient accepté de ne plus remettre en cause les frontières existantes ; à l’intérieur de ces frontières, des millions de chrétiens ont combattu sans violence pour la vérité, pour que la lumière soit faite sur le mensonge et la violence des régimes qui asservissaient leurs pays. Encore une fois, face au danger de mimétisme universel de la violence, vous n’avez qu’une réponse possible : le christianisme.René Girard
La loi mosaïque prescrit la lapidation des condamnés à mort. J’interprète ce mode d’exécution, bien entendu, comme l’imitation rituelle d’un meurtre fondateur, c’est-à-dire d’une première lapidation qui, dans un passé lointain, a réconcilié la communauté. C’est parce que la communauté s’est réconciliée qu’elle a fait de cette violence unanime un modèle rituel, un modèle d’unanimité. Tout le monde doit jeter des pierres. C’est ainsi, de toute évidence, que la thèse mimétique doit expliquer l’existence d’une lapidation institutionnelle, telle qu’on la trouve beaucoup plus tard codifiée dans le Lévitique. La lapidation n’était requise que pour les épouses adultères, pas pour les époux. Au premier siècle de notre ère, cette prescription était contestée. Certains la jugeaient trop sévère. Jésus se trouve confronté à un dilemme redoutable. Il est soupçonné de mépriser la Loi. S’il dit non à la lapidation, le soupçon paraît confirmé. S’il dit oui, il trahit son propre enseignement, entièrement dirigé contre les contagions mimétiques, les emballements violents dont cette lapidation, si elle avait lieu, serait un exemple, au même titre que la Passion. A plusieurs reprises, Jésus est menacé de lapidation dans les scènes qui annoncent et préparent la Passion. Le révélateur et le dénonciateur du meutre fondateur ne peut manquer d’intervenir en faveur de toutes les victimes du processus qui finalement aura raison de lui. Si les hommes qui interpellent Jésus ne désiraient pas susciter la lapidation, ils ne placeraient pas la coupable « bien en vue », ils ne l’exhiberaient pas complaisamment. Ils veulent que rayonne sur la foule, sur les passants éventuels, la puissance du scandale qui émane de l’adultère. Ils veulent pousser jusqu’à son terme fatal l’emballement mimétique qu’ils ont déclenché. Pour préparer son intervention, pour la rendre décisive, Jésus a besoin d’un peu de recueillement, il a besoin de gagner du temps, et il écrit dans la poussière avec son doigt. On se demande toujours ce qu’il a pu écrire. Cette question me paraît oiseuse. Il faut la laisser aux entichés de langage et d’écriture. Il ne faut pas toujours recommencer le moyen âge. Ce n’est pas dans le dessein d’écrire que Jésus se penche, c’est parce qu’il s’est penché qu’il écrit. Il s’est penché pour ne pas regarder ceux qui le défient du regard. Si Jésus renvoyait ce regard, la foule se sentirait à son tour défiée, c’est son propre regard, son propre défi qu’elle croirait reconnaître dans les yeux de Jésus. L’affrontement mènerait tout droit à la violence, c’est-à-dire à la mort de la victime qu’il s’agit de sauver. Jésus évite jusqu’à l’ombre d’une provocation. Et enfin, il parle : « Que celui qui se croit sans péché lui jette la première pierre ! » Pourquoi la première pierre ? Parce qu’elle est seule décisive. Celui qui la jette n’a personne à imiter. Rien de plus facile que d’imiter un exemple déjà donné. Donner soi-même l’exemple est tout autre chose. La foule est mimétiquement mobilisée, mais il lui reste un dernier seuil à franchir, celui de la violence réelle. Si quelqu’un jetait la première pierre, aussitôt les pierres pleuvraient. En attirant l’attention sur la première pierre, la parole de Jésus renforce cet obstacle ultime à la lapidation. Il donne aux meilleurs de cette foule le temps d’entendre sa parole et de s’examiner eux-mêmes. S’il est réel, cet examen ne peut manquer de découvrir le rapport circulaire de la victime et du bourreau. Le scandale qu’incarne cette femme à leurs yeux, ces hommes le portent déjà en eux-mêmes, et c’est pour s’en débarrasser qu’ils le projettent sur elle, d’autant plus aisément, bien sûr, qu’elle est vraiment coupable. Pour lapider une victime de bon coeur, il faut se croire différent d’elle, et la convergence mimétique, je le rappelle, s’accompagne d’une illusion de divergence. C’est la convergence réelle combinée avec l’illusion de divergence qui déclenche ce que Jésus cherche à prévenir, le mécanisme du bouc émissaire. La foule précède l’individu. Ne devient vraiment individu que celui qui, se détachant de la foule, échappe à l’unanimité violente. Tous ne sont pas capables d’autant d’initiative. Ceux qui en sont capables se détachent les premiers et, ce faisant, empêchent la lapidation. (…) A côté des temps individuels, donc, il y a toujours un temps social dans notre texte, mais il singe désormais les temps individuels, c’est le temps des modes et des engouements politiques, intellectuels, etc. Le temps reste ponctué par des mécanismes mimétiques. Sortir de la foule le premier, renoncer le premier à jeter des pierres, c’est prendre le risque d’en recevoir. La décision en sens inverse aurait été plus facile, car elle se situait dans le droit fil d’un emballement mimétique déjà amorcé. La première pierre est moins mimétique que les suivantes, mais elle n’en est pas moins portée par la vague de mimétisme qui a engendré la foule. Et les premiers à décider contre la lapidation ? Faut-il penser que chez eux au moins il n’y a aucune imitation ? Certainement pas. Même là il y en a, puisque c’est Jésus qui suggère à ces hommes d’agir comme ils le font. La décision contre la violence resterait impossible, nous dit le christianisme, sans cet Esprit divin qui s’appelle le Paraclet, c’est-à-dire, en grec ordinaire, « l’avocat de la défense » : c’est bien ici le rôle de Jésus lui-même. Il laisse d’ailleurs entendre qu’il est lui-même le premier Paraclet, le premier défenseur des victimes. Et il l’est surtout par la Passion qui est ici, bien sûr, sous-entendue. La théorie mimétique insiste sur le suivisme universel, sur l’impuissance des hommes à ne pas imiter les exemples les plus faciles, les plus suivis, parce que c’est cela qui prédomine dans toute société. Il ne faut pas en conclure qu’elle nie la liberté individuelle. En situant la décision véritable dans son contexte vrai, celui des contagions mimétiques partout présentes, cette théorie donne à ce qui n’est pas mécanique, et qui pourtant ne diffère pas du tout dans sa forme de ce qui l’est, un relief que la libre décision n’a pas chez les penseurs qui ont toujours la liberté à la bouche et de ce fait même, croyant l’exalter, la dévaluent complètement. Si on glorifie le décisif sans voir ce qui le rend très difficile, on ne sort jamais de la métaphysique la plus creuse. Même le renoncement au mimétisme violent ne peut pas se répandre sans se transformer en mécanisme social, en mimétisme aveugle. Il y a une lapidation à l’envers symétrique de la lapidation à l’endroit non dénuée de violence, elle aussi. C’est ce que montrent bien les parodies de notre temps. Tous ceux qui auraient jeté des pierres s’il s’était trouvé quelqu’un pour jeter la première sont mimétiquement amenés à n’en pas jeter. Pour la plupart d’entre eux, la vraie raison de la non-violence n’est pas la dure réflexion sur soi, le renoncement à la violence : c’est le mimétisme, comme d’habitude. Il y a toujours emballement mimétique dans une direction ou dans une autre. En s’engouffrant dans la direction déjà choisie par les premiers, les « mimic men » se félicitent de leur esprit de décision et de liberté. Il ne faut pas se leurrer. Dans une société qui ne lapide plus les femmes adultères, beaucoup d’hommes n’ont pas vraiment changé. La violence est moindre, mieux dissimulée, mais structurellement identique à ce qu’elle a toujours été. Il n’y a pas sortie authentique du mimétisme, mais soumission mimétique à une culture qui prône cette sortie. Dans toute aventure sociale, quelle qu’en soit la nature, la part d’individualisme authentique est forcément minime mais pas inexistante. Il ne faut pas oublier surtout que le mimétisme qui épargne les victimes est infiniment supérieur objectivement, moralement, à celui qui les tue à coups de pierres. Il faut laisser les fausses équivalences à Nietzsche et aux esthétismes décadents. Le récit de la femme adultère nous fait voir que des comportements sociaux identiques dans leur forme et même jusqu’à un certain point dans leur fond, puisqu’ils sont tous mimétiques, peuvent néanmoins différer les uns des autres à l’infini. La part de mécanisme et de liberté qu’ils comportent est infiniment variable. Mais cette inépuisable diversité ne prouve rien en faveur du nihilisme cognitif ; elle ne prouve pas que les comportements sont incomparables et inconnaissables. Tout ce que nous avons besoin de connaître pour résister aux automatismes sociaux, aux contagions mimétiques galopantes, est accessible à la connaissance.René Girard
Et si emportés par leur zèle dévoyé d’antiracistes, nos Clémentine Autain avaient mis le doigt sur quelque chose ?
Au lendemain des récentes agressions sexuelles du Nouvel An où une Europe complètement désarmée redécouvre, à mi-chemin entre le viol-châtiment pour des infidèles ne respectant pas le code de l’honneur et le viol-festif d’opportunité (pardon: « la rébellion carnavalesque des laissés-pour-compte » pour que « les chattes des Allemandes des classes privilégiées fassent l’expérience d’une douloureuse vulnérabilité ») …
La violence non plus du Zeus déguisé du gentil mythe de nos érudits mais du taureau de l’immigration musulmane …
Et en cette journée de l’ouverture du salon de l’auto de Bruxelles où, suite à certaines dérives, la Ministre de l’Egalité des Chances belge part en guerre contre les hôtesses trop sexy …
Comment ne pas repenser à ces magistrales analyses girardiennes sur la femme adultère de l’Evangile ou sur la décollation de Jean-Baptiste …
Où le théoricien des systèmes sacrificiels et des phénomènes de bouc émissaire nous rappelait combien …
Nos arts et rituels apparemment les plus innocents pouvaient vite retrouver l’alcoolisation aidant …
D’où, en nos sociétés déchristianisées et bientôt notre planète livrées à l’irrésistible travail de sape de la mondialisation et donc désormais dépourvues de rituels de remplacement non-victimaires tels que l’eucharistie, le « péril de priver la violence mimétique de tout exutoire » ?
« […] – On retombe sur le mystère de ce Dieu tout-puissant et omniscient qui laisse sa créature libre… qui fait comme s’Il ne savait pas où elle va… »
– Si je donne l’impression que Dieu joue avec nous au chat et à la souris, ou au tigre si vous préférez, je me suis mal expliqué. Pour essayer de comprendre les rapports entre l’appel qui vient de Dieu d’une part et, d’autre part, le jeu du mimétisme et de la liberté, je vous propose une petite explication de texte. Nous allons prendre un des plus grands récits évangéliques, celui de la femme adultère sauvée de la lapidation. C’est un texte un peu mystérieux, car il ne figure pas dans les plus anciens manuscrits de Jean. Beaucoup de commentateurs pensent qu’il rappelle le style de Luc plus que celui de Jean, et cela me semble assez juste. « De toute façon, dit la Bible de Jérusalem, personne ne doute de sa canonicité ». Le voici :
« … Les scribes et les Pharisiens lui amènent alors une femme surprise en adultère et, la plaçant bien en vue, ils disent à Jésus : « Maître, cette femme a été surprise en flagrant délit d’adultère. Moïse nous a prescrit dans la Loi de lapider ces femmes-là. Et toi, qu’en dis-tu ? » Ils disaient cela pour lui tendre un piège, afin de pouvoir l’accuser. Mais Jésus, se baissant, se mit à écrire avec son doigt sur le sol. Comme ils insistaient, il se redressa et leur dit : « Que celui de vous qui est sans péché lui jette la première pierre ! » Et, se baissant à nouveau, il se remit à écrire sur le sol. A ces mots, ils se retirèrent un à un, à commencer par les plus vieux ; et Jésus resta seul avec la femme, qui était toujours là. Alors, se redressant, il lui dit : « Femme, où sont-ils ? Personne ne t’a condamnée ? – Personne, Seigneur, répondit-elle. – Moi non plus, lui dit Jésus, je ne te condamne pas. Va, désormais ne pèche plus. » »
La loi mosaïque prescrit la lapidation des condamnés à mort. J’interprète ce mode d’exécution, bien entendu, comme l’imitation rituelle d’un meurtre fondateur, c’est-à-dire d’une première lapidation qui, dans un passé lointain, a réconcilité la communauté. C’est parce que la communauté s’est réconciliée qu’elle a fait de cette violence unanime un modèle rituel, un modèle d’unanimité. Tout le monde doit jeter des pierres. C’est ainsi, de toute évidence, que la thèse mimétique doit expliquer l’existence d’une lapidation institutionnelle, telle qu’on la trouve beaucoup plus tard codifiée dans le Lévitique.
La lapidation n’était requise que pour les épouses adultères, pas pour les époux. Au premier siècle de notre ère, cette prescription était contestée. Certains la jugeaient trop sévère. Jésus se trouve confronté à un dilemme redoutable. Il est soupçonné de mépriser la Loi. S’il dit non à la lapidation, le soupçon paraît confirmé. S’il dit oui, il trahit son propre enseignement, entièrement dirigé contre les contagions mimétiques, les emballements violents dont cette lapidation, si elle avait lieu, serait un exemple, au même titre que la Passion. A plusieurs reprises, Jésus est menacé de lapidation dans les scènes qui annoncent et préparent la Passion. Le révélateur et le dénonciateur du meutre fondateur ne peut manquer d’intervenir en faveur de toutes les victimes du processus qui finalement aura raison de lui.
Si les hommes qui interpellent Jésus ne désiraient pas susciter la lapidation, ils ne placeraient pas la coupable « bien en vue », ils ne l’exhiberaient pas complaisamment. Ils veulent que rayonne sur la foule, sur les passants éventuels, la puissance du scandale qui émane de l’adultère. Ils veulent pousser jusqu’à son terme fatal l’emballement mimétique qu’ils ont déclenché.
Pour préparer son intervention, pour la rendre décisive, Jésus a besoin d’un peu de recueillement, il a besoin de gagner du temps, et il écrit dans la poussière avec son doigt. On se demande toujours ce qu’il a pu écrire. Cette question me paraît oiseuse. Il faut la laisser aux entichés de langage et d’écriture. Il ne faut pas toujours recommencer le moyen âge.
Ce n’est pas dans le dessein d’écrire que Jésus se penche, c’est parce qu’il s’est penché qu’il écrit. Il s’est penché pour ne pas regarder ceux qui le défient du regard. Si Jésus renvoyait ce regard, la foule se sentirait à son tour défiée, c’est son propre regard, son propre défi qu’elle croirait reconnaître dans les yeux de Jésus. L’affrontement mènerait tout droit à la violence, c’est-à-dire à la mort de la victime qu’il s’agit de sauver. Jésus évite jusqu’à l’ombre d’une provocation.
Et enfin, il parle : « Que celui qui se croit sans péché lui jette la première pierre ! » Pourquoi la première pierre ? Parce qu’elle est seule décisive. Celui qui la jette n’a personne à imiter. Rien de plus facile que d’imiter un exemple déjà donné. Donner soi-même l’exemple est tout autre chose.
La foule est mimétiquement mobilisée, mais il lui reste un dernier seuil à franchir, celui de la violence réelle. Si quelqu’un jetait la première pierre, aussitôt les pierres pleuvraient.
En attirant l’attention sur la première pierre, la parole de Jésus renforce cet obstacle ultime à la lapidation. Il donne aux meilleurs de cette foule le temps d’entendre sa parole et de s’examiner eux-mêmes. S’il est réel, cet examen ne peut manquer de découvrir le rapport circulaire de la victime et du bourreau. Le scandale qu’incarne cette femme à leurs yeux, ces hommes le portent déjà en eux-mêmes, et c’est pour s’en débarrasser qu’ils le projettent sur elle, d’autant plus aisément, bien sûr, qu’elle est vraiment coupable.
Pour lapider une victime de bon coeur, il faut se croire différent d’elle, et la convergence mimétique, je le rappelle, s’accompagne d’une illusion de divergence. C’est la convergence réelle combinée avec l’illusion de divergence qui déclenche ce que Jésus cherche à prévenir, le mécanisme du bouc émissaire.
La foule précède l’individu. Ne devient vraiment individu que celui qui, se détachant de la foule, échappe à l’unanimité violente. Tous ne sont pas capables d’autant d’initiative. Ceux qui en sont capables se détachent les premiers et, ce faisant, empêchent la lapidation.
Cette imitation comporte une dimension authentiquement individuelle. La preuve, c’est le temps plus ou moins long qu’il requiert suivant les individus. La naissance de l’individu est naissance des temps individuels. Aussi longtemps qu’ils forment une foule, ces hommes se présentent tous ensemble et ils parlent tous ensemble pour dire exactement la même chose. La parole de Jésus dissout la foule. Les hommes s’en vont un à un, suivant la différence des temps qu’il faut à chacun pour entendre la Révélation.
Comme la plupart des hommes passent leur vie à imiter, ils ne savent pas qu’ils imitent. Même les plus capables d’initiative n’en prennent presque jamais. Pour savoir de quoi un individu est capable, il faut une situation exceptionnelle, telle la lapidation manquée.
« Les plus vieux » renoncent les premiers. Peut-être ont-ils le sang moins bouillant que leurs cadets, peut-être la proximité de la mort les rend-elle moins stricts avec autrui, plus stricts avec eux-mêmes. Peu importe en définitive. Seule importe la distinction entre les premiers et tous les autres.
Une fois les plus vieux sortis, les moins vieux et même les plus jeunes sortent de la foule, de plus en plus vite à mesure que les modèles se multiplient. Qu’il s’agisse de jeter des pierres ou, au contraire, de n’en pas jeter, le commencement seul a du prix. La vraie différence est là.
Pour les premiers imitateurs de ceux qui ont commencé, on peut encore parler de décision, mais en un sens qui s’affaiblit toujours plus vite à mesure que le nombre des décidés augmente. La décision initiale, dès qu’elle est imitée, redevient vite contagion pure, mécanisme social.
A côté des temps individuels, donc, il y a toujours un temps social dans notre texte, mais il singe désormais les temps individuels, c’est le temps des modes et des engouements poliques, intellectuels, etc. Le temps reste ponctué par des mécanismes mimétiques.
Sortir de la foule le premier, renoncer le premier à jeter des pierres, c’est prendre le risque d’en recevoir. La décision en sens inverse aurait été plus facile, car elle se situait dans le droit fil d’un emballement mimétique déjà amorcé. La première pierre est moins mimétique que les suivantes, mais elle n’en est pas moins portée par la vague de mimétisme qui a engendré la foule.
Et les premiers à décider contre la lapidation ? Faut-il penser que chez eux au moins il n’y a aucune imitation ? Certainement pas. Même là il y en a, puisque c’est Jésus qui suggère à ces hommes d’afir comme ils le font. La décision contre la violence resterait impossible, nous dit le christianisme, sans cet Esprit divin qui s’appelle le Paraclet, c’est-à-dire, en grec ordinaire, « l’avocat de la défense » : c’est bien ici le rôle de Jésus lui-même. Il laisse d’ailleurs entendre qu’il est lui-même le premier Paraclet, le premier défenseur des victimes. Et il l’est surtout par la Passion qui est ici, bien sûr, sous-entendue.
La théorie mimétique insiste sur le suivisme universel, sur l’impuissance des hommes à ne pas imiter les exemples les plus faciles, les plus suivis, parce que c’est cela qui prédomine dans toute société. Il ne faut pas en conclure qu’elle nie la liberté individuelle. En situant la décision véritable dans son contexte vrai, celui des contagions mimétiques partout présentes, cette théorie donne à ce qui n’est pas mécanique, et qui pourtant ne diffère pas du tout dans sa forme de ce qui l’est, un relief que la libre décision n’a pas chez les penseurs qui ont toujours la liberté à la bouche et de ce fait même, croyant l’exalter, la dévaluent complètement. Si on glorifie le décisif sans voir ce qui le rend très difficile, on ne sort jamais de la métaphysique la plus creuse.
Même le renoncement au mimétisme violent ne peut pas se répandre sans se transformer en mécanisme social, en mimétisme aveugle. Il y a une lapidation à l’envers symétrique de la lapidation à l’endroit non dénuée de violence, elle aussi. C’est ce que montrent bien les parodies de notre temps.
Tous ceux qui auraient jeté des pierres s’il s’était trouvé quelqu’un pour jeter la première sont mimétiquement amenés à n’en pas jeter. Pour la plupart d’entre eux, la vraie raison de la non-violence n’est pas la dure réflexion sur soi, le renoncement à la violence : c’est le mimétisme, comme d’habitude. Il y a toujours emballement mimétique dans une direction ou dans une l’autre. En s’engouffrant dans la direction déjà choisie par les premiers, les « mimic men » se félicitent de leur esprit de décision et de liberté.
Il ne faut pas se leurrer. Dans une société qui ne lapide plus les femmes adultères, beaucoup d’hommes n’ont pas vraiment changé. La violence est moindre, mieux dissimulée, mais structurellement identique à ce qu’elle a toujours été.
Il n’y a pas sortie authentique du mimétisme, mais soumission mimétique à une culture qui prône cette sortie. Dans toute aventure sociale, quelle qu’en soit la nature, la part d’individualisme authentique est forcément minime mais pas inexistante.
Il ne faut pas oublier surtout que le mimétisme qui épargne les victimes est infiniment supérieur objectivement, moralement, à celui qui les tue à coups de pierres. Il faut laisser les fausses équivalences à Nietzsche et aux esthétismes décadents.
Le récit de la femme adultère nous fait voir que des comportements sociaux identiques dans leur forme et même jusqu’à un certain point dans leur fond, puisqu’ils sont tous mimétiques, peuvent néanmoins différer les uns des autres à l’infini. La part de mécanisme et de liberté qu’ils comportent est infiniment variable. Mais cette inépuisable diversité ne prouve rien en faveur du nihilisme cognitif ; elle ne prouve pas que les comportements sont incomparables et inconnaissables. Tout ce que nous avons besoin de connaître pour résister aux automatismes sociaux, aux contagions mimétiques galopantes, est accessible à la connaissance. »
René Girard vient d’être élu à l’Académie française. Avec lui, c’est un intellectuel chrétien de grande envergure qui rejoint les Immortels. Né en 1923, ancien élève de l’École des chartes, sa première grande étude concernait le mimétisme et la violence du désir chez les plus fameux romanciers européens, de Cervantès à Dostoïevski (Mensonge romantique et vérité romanesque, 1961).
Une dizaine d’années plus tard, Girard livrait une étude sur la tragédie grecque, et formulait pour la première fois l’hypothèse que l’origine des religions se trouvait dans le phénomène du bouc émissaire (la Violence et le Sacré, 1972). C’est cette hypothèse que Girard n’a cessé d’affiner dans trois ouvrages où apparaît la véritable originalité de la révélation biblique : le mécanisme du bouc émissaire est mis en lumière et par là-même rendu inefficace ; les ordres culturels fondés sur le principe du meurtre fondateur ne résistent pas au jour que jette sur eux le christianisme quand ils entrent en contact avec lui (Des choses cachées depuis la fondation du monde, (1978), le Bouc émissaire (1983), la Route antique des hommes pervers (1985)).
En 2000, René Girard publie ce qu’il assure être son dernier ouvrage, une véritable apologie du christianisme pour notre temps, Je vois Satan tomber du ciel comme l’éclair (Grasset). À l’occasion de son élection à l’Institut, nous sommes heureux de diffuser les extraits d’un entretien accordé à Edouard Husson pour Liberté politique, en avril 2000.
LIBERTE POLITIQUE. – Dans Je vois Satan tomber comme l’éclair, vous récapitulez toute votre œuvre et montrez que même les plus anti-chrétiens des Occidentaux ne cessent d’être déterminés par le souci biblique par excellence, le souci des victimes innocentes de la violence collective. Si la révélation biblique en sait long sur le désir mimétique, elle nous dit beaucoup aussi sur le phénomène du bouc émissaire.
RENE GIRARD. – J’ai travaillé sur la tragédie grecque, en particulier sur le mythe d’Œdipe avant de m’intéresser aux textes bibliques. Il s’est passé là quelque chose d’extraordinaire. Parallèlement à mes propres recherches et sans que nous nous soyons consultés, un jésuite autrichien, le père Schwager, a commencé à travailler sur les Psaumes. Et il a repéré un thème fondamental chez beaucoup d’entre eux : un individu assiégé par ses ennemis appelle Dieu à l’aide. Ou il proclame son innocence ou que seul Dieu est juge de ses péchés — et non la communauté composée de pécheurs comme lui. Schwager, en prolongeant mes analyses de la Violence et le Sacré, mettait le doigt sur la différence fondamentale de la révélation biblique. L’individu des Psaumes ou Job refusent de donner leur approbation au lynchage dont ils sont menacés. Lorsqu’on lit l’Œdipe roi de Sophocle, le poète tragique nous montre une parfaite symétrie de la violence et puis brusquement, Œdipe est chargé de toute la violence qui divise la communauté.
Comme les victimes émissaires du monde entier, il est soudain accusé des forfaits les plus terribles, ceux qui menacent de dissolution l’ordre social tout entier : le parricide et l’inceste et il ne s’y oppose pas. Job se trouve dans la même situation qu’Œdipe : lui qui régnait sur les esprits et les cœurs, le voici accusé par ses » amis » des pires forfaits. Ses faux amis veulent en fait qu’il consente au lynchage qu’on lui réserve. Mais Job, à la différence d’Œdipe, ne rentre pas dans le jeu. Il invoque le Paraclet, l’avocat de la défense des victimes.
Les Évangiles achèvent la révélation biblique en ce qu’ils dévoilent définitivement les mécanismes de la violence individuelle et collective.
Le lynchage collectif est l’aboutissement du mécanisme par lequel nous pensons nous débarrasser de la violence en l’expulsant vers l’extérieur. Dans les constructions juridiques des » païens « , il est ritualisé. Si la Loi d’Israël se différencie de celle des » païens « , c’est parce qu’elle doit mener à l’intériorisation de la conscience de la violence. À nos propres yeux, nous sommes toujours pacifiques et ce sont les autres qui sont violents. C’est toujours l’autre qui a commencé. Dénoncer les fautes de l’autre est une des formes de la rivalité mimétique qui me permet d’affirmer ma supériorité sur l’autre et de justifier ma violence contre lui. La loi des nations païennes est toujours finalement inefficace parce que la violence expulsée finit par revenir. Tout l’enseignement prophétique consiste à prêcher le renoncement individuel à la violence, seule garantie de son éradication.
Tel est le sens de l’épisode de la femme adultère.
Oui, Jésus s’appuie sur la Loi pour en transformer radicalement le sens. La femme adultère doit être lapidée : en cela la Loi d’Israël ne se distingue pas de celle des nations. La lapidation est à la fois une manière de reproduire et de contenir le processus de mise à mort de la victime dans des limites strictes. Rien n’est plus contagieux que la violence et il ne faut pas se tromper de victime. Parce qu’elle redoute les fausses dénonciations, la Loi, pour les rendre plus difficiles, oblige les délateurs, qui doivent être deux au minimum, à jeter eux-mêmes les deux premières pierres. Jésus s’appuie sur ce qu’il y a de plus humain dans la Loi, l’obligation faite aux deux premiers accusateurs de jeter les deux premières pierres ; il s’agit pour lui de transformer le mimétisme ritualisé pour une violence limitée en un mimétisme inverse. Si ceux qui doivent jeter » la première pierre » renoncent à leur geste, alors une réaction mimétique inverse s’enclenche, pour le pardon, pour l’amour.
Jésus réussit à provoquer un bon mimétisme…
Jésus sauve la femme accusée d’adultère. Mais il est périlleux de priver la violence mimétique de tout exutoire. Jésus sait bien qu’à dénoncer radicalement le mauvais mimétisme, il s’expose à devenir lui-même la cible des violences collectives. Nous voyons effectivement dans les Évangiles converger contre lui les ressentiments de ceux qu’ils privent de leur raison d’être, gardiens du Temple et de la Loi en particulier. » Les chefs des prêtres et les Pharisiens rassemblèrent donc le Sanhédrin et dirent : « Que ferons-nous ? Cet homme multiplie les signes. Si nous le laissons agir, tous croiront en lui ». » Le grand prêtre Caïphe leur révèle alors le mécanisme qui permet d’immoler Jésus et qui est au cœur de toute culture païenne : » Ne comprenez-vous pas ? Il est de votre intérêt qu’un seul homme meure pour tout le peuple plutôt que la nation périsse » (Jean XI, 47-50).
Est-ce à cause de ce dévoilement de la » loi du monde » que l’évangéliste ajoute : » Ces mots, ce n’est pas de lui-même qu’il les prononça ; étant grand-prêtre cette année-là, il était inspiré » ?
Oui, livrée à elle-même, l’humanité ne peut pas sortir de la spirale infernale de la violence mimétique et des mythes qui en camouflent le dénouement sacrificiel. Pour rompre l’unanimité mimétique, il faut postuler une force supérieure à la contagion violente : l’Esprit de Dieu, que Jean appelle aussi le Paraclet, c’est-à-dire l’avocat de la défense des victimes. C’est aussi l’Esprit qui fait révéler aux persécuteurs la loi du meurtre réconciliateur dans toute sa nudité.
Les Évangiles sont donc le contraire des mythes, selon vous : ils disent le meurtre du bouc émissaire tel qu’il s’est réellement passé.
Ils utilisent une expression qui est l’équivalent de » bouc émissaire » mais qui fait mieux ressortir l’innocence foncière de celui contre qui tous se réconcilient : Jésus est désigné comme » Agneau de Dieu « . Cela veut dire qu’il est la victime émissaire par excellence, celle dont le sacrifice, parce qu’il est identifié comme le meurtre arbitraire d’un innocent — et parce que la victime n’a jamais succombé à aucune rivalité mimétique — rend inutile, comme le dit l’Épître aux Hébreux, tous les sacrifices sanglants, ritualisés ou non, sur lesquels est fondée la cohésion des communautés humaines. La mort et la Résurrection du Christ substituent une communion de paix et d’amour à l’unité fondée sur la contrainte des communautés païennes. L’Eucharistie, commémoration régulière du » sacrifice parfait » remplace la répétition stérile des sacrifices sanglants.
Le christianisme ne dit pas qu’il faut renverser les frontières par la violence. Il respecte les ordres sociaux tels qu’ils sont.
En même temps, le devoir du chrétien est de dénoncer le péché là où il se trouve. Le communisme a pu s’effondrer sans violence parce que le monde libre et le monde communiste avaient accepté de ne plus remettre en cause les frontières existantes ; à l’intérieur de ces frontières, des millions de chrétiens ont combattu sans violence pour la vérité, pour que la lumière soit faite sur le mensonge et la violence des régimes qui asservissaient leurs pays. Encore une fois, face au danger de mimétisme universel de la violence, vous n’avez qu’une réponse possible : le christianisme.
Propos recueillis par Edouard Husson. Texte intégral dans Liberté politique n° 12, printemps 2000, « De la violence et du pardon »
Deux jours après le fameux tweet de Clémentine Autain évoquant les « deux millions de viols » commis par l’Armée Rouge en Allemagne en 1945, pour relativiser les horreurs du Jour de l’An à Cologne, je reste sidéré.
On a beau s’attendre à tout, venant d’une personnalité politique en lutte pour sa reconnaissance sociale, on n’y croit pas. On a tort.
Dans le combat de cette soi-disant « gauche de la gauche » contre la prétendue « islamophobie », tous les coups sont permis.
Au nom de quels objectifs inavouables peut-on comparer des viols commis en temps de paix et des crimes sexuels de guerre?
Au nom de quel dévoiement du féminisme peut-on reprendre au compte du progressisme la petite musique de nuit des nostalgiques du nazisme ? Car ce genre d’excuse comparative est un exercice de première année d’étudiant en rhétorique négationniste. « Il y a eu Auschwitz, dont les chiffres ont été truqués, mais les viols de l’Armée Rouge, ça c’est du lourd ! »
C’est de cette rhétorique réviso chimiquement pure que Clémentine Autain nous a resservi là, et dont elle a osé se servir pour faire taire ceux et surtout CELLES qui s’indignaient de la passivité de certaines pseudo-féministes face aux atrocités de Cologne. Recyclant au passage un argumentaire fantasmatique sorti tout droit du cerveau de Goebbels.
La thématique du « soldat barbare mongolo-juif bolchevik » qu’il faut bloquer à tout prix sur la rive droite de l’Oder pour l’empêcher de violer « nos femmes et nos filles » a été martelée par la propagande nazie dès l’été 1944. Son objectif était double : mobiliser les Allemands face à l’avancée de l’Armée Rouge et bien sûr, entamer le processus de négation des innombrables crimes contre l’humanité commis par les nazis depuis 1933.
Pour les nazis, le vrai et seul coupable, c’est l’Autre, c’est le youdo-rouge ivre de sang pur germanique. Voilà avec quels arguments la « légitime défense » allemande s’est dispensée de toute considération humaine tant vis-à-vis de six millions de juifs d’Europe assassinés que vis-à-vis des populations civiles soviétiques (des milliers d’Oradour) ou des prisonniers de guerre de l’Armée Rouge qu’on extermina systématiquement par les assassinats ciblés, la faim, l’absence de soins et l’esclavage (un traitement de défaveur qu’eurent aussi à subir les prisonniers noirs français ou américains, souvent abattus dès leur capture). Le tout dans l’indifférence générale de 99,99 % des gentils Allemands.
Très malheureusement, cette polarisation hitlérienne sur les deux millions de viols commis par l’Armée Rouge (il serait plus raisonnable de parler de plusieurs centaines de milliers de crimes, mais sans doute est-ce moins vendeur) fut abondamment relayée dans l’immédiat après-guerre par nombre d’historiens fantaisistes anglo-saxons soucieux avant tout de réintégrer une Allemagne très superficiellement dénazifiée dans le Camp du Bien.
Alors on a écrit de longs chapitres sur les femmes allemandes violées, sur les fameux « Komm Frau ! » lancés par les soldats russes à leurs malheureuses victimes blondes et pulpeuses. Tout comme chez nous, en France, on a droit régulièrement aux lamentos des belles âmes sur les pauvres tondues de la Libération. Ce fut autrefois un exercice très pratiqué par les nostalgiques du nazisme, c’est aujourd’hui un baratin classique du journalisme compassionnel.
Baratin, oui, baratin. Certes, il y a eu plusieurs centaines de milliers de viols de civiles et de militaires allemandes par des soldats de l’Armée Rouge. C’est absolument incontestable et absolument honteux. Comme le sont tous les viols de guerre. Comme a été, est, et sera toujours infâme chaque viol.
N’empêche, je vais vous dire ma vérité. Les femmes allemandes violées, c’est grave. Les femmes françaises tondues, c’est triste. Mais elles ont survécu. Elles ont eu des dizaines d’années pour exposer l’ampleur de leur ressentiment. Des millions d’autres femmes n’ont pas eu cette chance. Des millions d’autres femmes juives notamment. Elles ne furent que quelques dizaines de milliers à survivre à l’enfer inventé pour eux par les nazis, par les Allemands. Nombre de ces survivantes furent libérées, comme à Auschwitz, par l’Armée rouge. Cette Armée rouge que tu oses salir aujourd’hui, Clémentine Autain, dans ton misérable combat pour empêcher qu’on dise leur fait à tes amis salafistes.
Je ne sais pas, Clémentine Autain, si tu as commis cette horreur par bêtise ou par calcul, par inculture ou par méchanceté. Ce que je sais, c’est que tu n’as plus rien à voir avec le communisme, ni avec l’antifascisme.
À moins, à moins que… Regarde bien cette photo de combattantes volontaires de l’Armée Rouge, Clémentine. Ces femmes te regardent. Salue-les. Implore leur pardon. C’est ta dernière chance de salut ici-bas. Ou alors va jouer aux billes avec tes potes barbus ou si tu préfères avec leurs amis négationnistes qui chantent le même refrain que toi.
Après les agressions sexuelles de Cologne, le 31 décembre 2015, un débat est né des violences perpétrées par des hommes arabes. Une musique répandue en Europe, qui repose sur la culpabilité du fort face au faible, de celle aussi liée au passé nazi, vise à relativiser les faits : ce n’étaient pas vraiment des viols, il y a peu de témoignages, les femmes devraient garder leurs distances, la nuit du jour de l’An est folle en Allemagne, stigmatiser revient à donner les clés à l’extrême droite, il y a aussi beaucoup de viols commis chaque année par des Allemands. « Il se passe des choses mille fois pires aux fêtes de la bière », a même osé une féministe allemande (lire notre supplément « Culture & idées »).
Il s’est pourtant passé quelque chose d’ahurissant à Cologne. Nous en sommes à 766 plaintes de femmes, dont plus de la moitié pour délit sexuel – et toutes les victimes ne sont pas allées à la police. Des faits similaires ont été constatés dans d’autres villes allemandes, en Autriche, en Finlande ou en Suisse. Trop d’inconnues entourent cette nuit de la Saint-Sylvestre, aussi des observateurs sévères des sociétés musulmanes, comme l’écrivain algérien Boualem Sansal, restent pour l’instant dans « la sidération ».
Cologne résonne pourtant avec ce qui a pu être constaté en Egypte. On pense au film de Mohamed Diab Les Femmes du bus 678 (2011), et la façon dont des femmes subissent des attouchements. On pense à une enquête de l’écrivain et ancien journaliste du Monde Robert Solé qui décrivait les viols collectifs à répétition en Egypte (« Culture & idées » du 27 avril 2013). Des dizaines voire des centaines d’hommes se jettent sur une ou plusieurs femmes pour arracher leurs vêtements, les toucher, les pénétrer avec leurs doigts. Cette folie collective porte le nom de « taharosh ». Elle a souvent lieu lors de fêtes religieuses. Cela ressemble à ce qui s’est passé lors du soulèvement place Tahrir, au Caire, en 2011. Et cela ressemble à Cologne.
Désenchantement
On voit bien que l’Allemagne bascule de la générosité vers le désenchantement depuis le 31 décembre. « Je suis secouée dans mes convictions », a confié une féministe dans Le Monde du 14 janvier. Sans doute se dirige-t-on vers une observation plus vigilante des agressions sexuelles par des migrants, dont certaines furent minimisées, voire cachées, comme en Suède en 2014 et 2015, mais sans tomber dans le racisme et la stigmatisation. La voie est étroite. Elle passe par la prise en compte des « pratiques culturelles » des migrants, et la vérification si celles-ci cadrent avec nos modes de vie. Pas simple.
Quand la femme musulmane est souvent assimilée à un butin que l’on cache ou que l’on pille, que l’on bannit de la rue le soir, on imagine le choc pour un migrant qui débarque en Europe. On ne fera pas de dessin. Aussi, la journaliste Astrid Wirtz, du Kölner Stadt-Anzeiger, principal journal de Cologne, appelle les étrangers « à respecter nos valeurs » : ne pas porter le niqab, accepter les critiques de la religion, aller à des cours de gymnastique, participer à la vie publique… « C’est le prix pour la protection que nous leur offrons. » La Norvège a lancé un programme visant à apprendre « les codes culturels européens » aux migrants hommes. La sociologue Chahla Chafiq (Le Monde du 15 janvier) propose « d’intégrer dans l’accueil des migrants, au même titre que dans les autres champs de l’action sociale, la prévention des violences sexistes et sexuelles ».
Oslo a lancé un programme visant à apprendre « les codes culturels européens » aux migrants hommes
Mais la plupart des pays européens rechignent à adopter de tels programmes. Par peur d’être taxés d’islamophobie. Car, si la culture est un joli mot quand il s’agit de création artistique, c’est un gros mot, pour certains, quand il s’agit de cerner et de corriger des pratiques personnelles – éducation, religion, mode de vie, conception de la famille – qui expliqueraient la difficulté d’une communauté à s’intégrer. Pour preuve, le tollé provoqué par le sociologue Hugues Lagrange quand il a publié son livre Le Déni des cultures (Seuil, 2010).
Des artistes qui ont adopté cette approche culturelle ont également été critiqués. La Belge Sofie Peeters, une étudiante en cinéma, a diffusé sur Internet en 2012 son court-métrage Femme de la rue, dans lequel elle est filmée en caméra cachée en train de marcher dans un quartier de Bruxelles, à majorité musulmane. Sur ses pas, on entend « salope », « chienne », « putain »… Les réactions ? Manipulation, stigmatisation, procédé manichéen… Il existe un spectacle de danse dont le titre résume ce débat : Can We Talk About This ? « Pouvons-nous parler de ça ? » Pouvons-nous, Occidentaux, parler des ravages du multiculturalisme sans se faire traiter de réactionnaires ? C’est le sujet de cette pièce conçue par Lloyd Newson et sa troupe, DV8, qui se conclut par le témoignage d’une femme : « Je veux être libre, il vaut mieux que je me taise. »
« Du réfugié, on voit son statut, pas sa culture », affirme l’écrivain algérien Kamel Daoud
L’écrivain algérien Kamel Daoud joue les médiateurs à partir d’une formule choc dans le journal italien La Repubblica du 10 janvier : « Du réfugié, on voit son statut, pas sa culture. » Et d’expliquer : « En Occident, le réfugié ou l’immigré sauvera son corps mais ne va pas négocier sa culture avec autant de facilité. Sa culture est ce qui lui reste face au déracinement et au choc des nouvelles terres (…). Il faut offrir l’asile au corps mais aussi convaincre l’âme de changer. L’Autre vient de ce vaste univers douloureux et affreux que sont la misère sexuelle dans le monde arabo-musulman, le rapport malade à la femme, au corps et au désir. L’accueillir n’est pas le guérir. »
Kamel Daoud en conclut : ne fermons pas les portes aux migrants, car nous irons vers un crime contre l’humanité, mais ne fermons pas les yeux, car nous avons « des valeurs à imposer, à défendre et à faire comprendre ».
EXCLUSIF.L’étude dévoilée par «le Parisien»-«Aujourd’hui en France» brosse un portrait-robot du violeur, âgé de 34ans et plutôt sans emploi. Les victimes sont en général jeunes et agressées dans les quartiers festifs de la capitale.
C’EST UNE RADIOGRAPHIE inédite d’un crime pourtant grave et répandu que publie cematin l’Observatoire national de la délinquance et des réponses pénales (ONDRP). Les chercheurs ont disséqué toutes les caractéristiques des viols commis à Paris sur une période précise (2013 et 2014) ayant donné lieu à une plainte. En exploitant les données de la cellule opérationnelle de rapprochements et d’analyse des infractions liées (Co-rail) de la PJ parisienne, le rapport dresse un panorama complet de ce crime passible de la cour d’assises.
L’étude se base sur un échantillon de 688 viols (598 sur majeurs et 90 sur mineurs). En moyenne, seuls 10% des viols commis en France font l’objet d’une plainte. On estime en moyenne que, chaque année, 84000 femmes de 18 à 75 ans sont victimesd’un viol ou d’une tentative. Portrait-robot du violeur
Sur l’ensemble des faits dénoncés, les services de police ont été en mesure d’identifier 322 personnes : que des hommes. Seules quatre femmes ont été mises en cause mais unique-ment pour des faits sur mineurs.
L’âge moyen du violeur est de 34 ans*. De manière plus globale, 59% des mis en cause ont moins de 34 ans (dont une très faible proportion de mineurs : 3,4% ). Une analyse plus fine indique que, lorsque l’in-formation était disponible, plus de la moitié d’entre eux (52%) sont de nationalité étrangère (sans précision sur le pays d’origine) et 44% sont sans emploi. Dans près de la moitié des cas (48%),ils étaient déjà connus des services de police dont 1/5 pour des infractions sexuelles.
Les victimes, jeunes et éduquées
93 % des victimes de viols (soit 553 personnes) sont des femmes. « Concernant l’âge des victimes, on peut remarquer que plus la tranche d’âge est élevé, moins il y a de victi-mes»,analysel’étude.Silamoyenne d’âge de ces dernières à Paris est de 30 ans, plus de 40% d’entre elles avaient moins de 25 ans au moment des faits. On dénombre 31% de victi-mes de nationalité étrangère, dont un tiers d’Européennes. La moitié de cesvictimes(49%)aunemploi,avec une forte représentation de la caté-gorie cadres et professions intellec-tuelles supérieures.
Les violeurs semblent profiter de la faiblesse de leurs proies puisque, sur les 513 victimes de viol pour les-quelles l’information était disponi-ble, 255 étaient intoxiquées au mo-ment des faits. Dans la très grande majorité des cas, il s’agit de consommation d’alcool. « Quand il y a consommation d’alcool, on constate que, si les faits sont contestés, c’est plus difficile de faire tenir les procédures lorsque les victimes sont très alcoolisées », commente Me Martine Moscovici, avocate au barreau de Paris, spécialisée dans ce domaine.
Des quartiers plus dangereux que d’autres
Les chercheurs de l’ONDRP ont pu reconstituer une cartographie du viol dans la capitale. Si l’on rapporte le nombre de faits déclarés à la population, on enregistre les taux les plus élevés dans les Ier, Xe et XIe arrondis-sement et les plus faibles dans les VIIe et XVe arrondissements. Au-delà de ces limites administratives, c’est dans le secteur Folie-Méricourt (XIe) et à proximité de la station de métro Belleville (Xe, XIXe, XXe) que l’on enregistre le plus grand nombre de viols commis. « Le quartier des Halles et l’axe boulevard de Sébastopol-quartier République présentent également une densité élevée de viols par rapport au reste du territoire parisien», ajoutent les auteurs qui citent également d’autreslieux: la gare du Nord, la gare Montparnasse, l’axe place de Clichy-place Pigalle et le boulevard Barbès. Sans surprise, on apprend que la plupart des viols sont commis la nuit (73%) et le week-end (40% de viols le samedi et le dimanche).
Souvent des liens avec l’auteur
L’étude indique que, dans la moitié des cas (49 %), les victimes entretenaient un lien (amical ou sentimental) avec l’agresseur. Ce chiffre peut paraître élevé, mais il est en deçà des statistiques globales selon lesquelles la victime connaît son agresseur dans 90 % des cas. Une différence qui s’explique sans doute par le fait que l’étude de l’ONDRP repose sur les faits déclarés aux autorités. « C’est beaucoup plus facile de porter plainte contre un inconnu que contre son conjoint. Le viol intrafamilial est un tabou encore difficile à lever », explique la militante féministe Caroline De Haas.
On constate enfin que, dans près de trois quarts des cas (74 %), les viols commis à Paris en 2013 et 2014 l’ont été dans des espaces privés, à commencer par les lieux d’habitation (57 %). Seuls 12 % ont été commis sur la voie publique. « Même s’il frappe l’opinion publique, le viol crapuleux n’est pas la norme », rappelle Me Moscovici.
TIMOTHÉE BOUTRY * Tous les chiffres qui suivent portent sur les viols sur majeurs.
Les deux jeunes filles, qui se sont enfuies de leur village pour échapper à la sentence, demandent la protection des autorités indiennes.
Francetv info
29/08/2015
Le conseil du village veut déshonorer leur famille. Menakhsi Kumari, 23 ans, et sa petite soeur de 15 ans ont été condamnées le 31 juillet à être violées et exhibées nues dans leur village, au nord de l’Inde, rapporte Amnesty International. Les deux jeunes filles se sont enfuies et ont demandé protection à la cour suprême d’Inde, le 20 août dernier, selon le magazine Time (en anglais).
Une pétition en ligne récolte 85 000 signatures
Cette sentence a été prononcée après le départ de leur grand frère, Ravi, qui s’est enfui avec une jeune femme mariée appartenant à une caste supérieure, selon Slate. Ravi Kumari est issu de la plus basse caste indienne, celle des Intouchables. Sa compagne fait en revanche partie des Jasts, largement représentés au sein du conseil du village qui a décidé de punir la famille et de piller leur maison.
Amnesty International a lancé une pétition demandant aux autorités indiennes d’accorder leur protection aux deux jeunes filles. L’ONG qualifie la sentence qui pèse contre elles de « punition abominable et injuste ». La pétition en ligne avait recueilli plus de 85 000 signatures, samedi.
Les violences faites aux femmes durant la nuit de la Saint-Sylvestre semblent l’occasion, pour les jeunes féministes allemandes, de tuer non pas le père, mais la mère. Un manifeste publié au lendemain de cette nuit au cours de laquelle plus de cinq cents femmes ont été agressées, voire violentées, notamment à Cologne, provoque en effet un véritable schisme dans le mouvement féministe. Signé par plusieurs responsables politiques, dont la ministre chargée de la famille et des femmes, Manuela Schwesig (Parti social-démocrate), mais aussi par l’icône de la gauche américaine Angela Davis, ce manifeste dénonce « la violence sexuelle et le racisme. Toujours. Partout. #Sans exception ».
Ce hashtag (#ausnahmslos) est d’ailleurs le mot-clé de l’appel. Alors que les auteurs de ces attaques semblent tous d’origine étrangère – ce qui provoque d’énormes débats en Allemagne sur l’accueil des réfugiés –, le manifeste est très clair.
« En tant que féministes de différents secteurs de la société, nous nous engageons depuis de nombreuses années pour l’équité entre les sexes et pour une société ouverte et juste, nous nous engageons contre le sexisme et la violence sexuelle. Ce faisant, nous avons appris combien il est important de s’élever également contre le racisme et d’autres formes de discrimination. (…) Il est dommage pour tous que des préoccupations féministes soient utilisées par des populistes pour jeter l’opprobre contre certaines catégories de la population comme cela est le cas dans les débats autour de ce qui s’est passé à la Saint-Sylvestre.
La violence sexuelle ne peut pas seulement être instrumentalisée quand les auteurs sont supposés être les autres, les hommes musulmans, noirs, arabes ou nord-africains, en clair tous ceux que les populistes de droite considèrent comme non-Allemands. Elle ne doit pas seulement attirer l’attention quand les victimes (supposées) sont des femmes blanches. »
Alice Schwarzer, papesse contestée
Lancé par une activiste allemande de 35 ans, Anne Wizorek, le manifeste #ausnahmslos est l’aboutissement d’une longue prise de distance entre des jeunes féministes et celle qui a longtemps été l’égérie de leurs mères. Car ce texte radical est en totale contradiction avec l’analyse d’Alice Schwarzer, la papesse du féminisme allemand. Agée de 73 ans, elle est une véritable star en Allemagne. Ancienne élève de Michel Foucault à Vincennes, proche de Simone de Beauvoir, cofondatrice du Mouvement de libération de la femme (MLF), cette amie de l’actrice Romy Schneider a, dès son retour en Allemagne, au milieu des années 1970, introduit dans ce pays le féminisme français de ces années-là.
Grâce à la revue Emma, une publication fondée en 1977 qu’elle dirige toujours, cette intellectuelle incarne depuis quarante ans la cause des femmes allemandes. La force de ses convictions n’a d’égale que son mépris pour ses contradicteurs. Alice Schwarzer est violemment contre la pornographie, la prostitution et le port du voile. Un triptyque auquel on doit ajouter Les Verts (coupables d’être favorables à une légalisation de la prostitution) et, surtout au fil des années, l’islam. « Depuis la fin des années 1970 et la révolution iranienne, nous vivons une politisation de l’islam, affirme Alice Schwarzer. Celle-ci avait dès le départ un ennemi principal : l’émancipation de la femme. Quand, maintenant, des hommes de plus en plus nombreux viennent chez nous imprégnés de cette culture et, qui plus est, que certains sont victimes de guerres civiles, cela crée un problème qu’on ne peut pas simplement ignorer. »
Installée à Cologne, Alice Schwarzer a symboliquement implanté sa PME dans une tour du Moyen Age, vestige des remparts qui entouraient la ville. Manifestement, elle n’entend abandonner ni ses positions ni sa position. Mais sa critique de l’islam a été mal reçue, y compris chez des femmes qui, traditionnellement, la soutenaient. « Je suis choquée qu’après Cologne le mouvement féministe allemand dominant ait pris très vite une position xénophobe et antiarabe. Les violences dont sont victimes les femmes lors des fêtes de la bière sont mille fois pires. Mais, ici, ce qui est en jeu, c’est le fantasme du viol de la femme allemande par l’étranger », note Barbara Vinken, une intellectuelle dont le livre Die deutsche Mutter (« La mère allemande », non traduit, Piper, 2001) reste une référence pour nombre de féministes.
Pas d’opposition de principe au port du voile
D’ailleurs, durant toutes ces années, Alice Schwarzer a-t-elle vraiment bien défendu la cause du féminisme allemand ? L’Allemagne n’est-elle pas l’un des pays européens où il est le plus difficile, pour une femme, de concilier vie professionnelle et vie familiale ? Les écarts de salaires hommes-femmes ne sont-ils pas très élevés ? L’Allemagne n’a-t-elle pas été un des derniers pays européens à autoriser la vente de la pilule du lendemain dans les pharmacies ? Au fil des années, les jeunes Allemandes se sont en tout cas de moins en moins reconnues dans celle qui a l’âge, pour certaines, d’être leur grand-mère. En 2012, l’essayiste Miriam Gebhardt a d’ailleurs publié un livre au titre ravageur : « Alice au pays de personne. Comment le mouvement des femmes allemand a perdu les femmes » (DVA, 2012, non traduit).
A vrai dire, la relève avait commencé à apparaître quatre ans plus tôt. En 2008, avec la création d’un trimestriel qui, sans le dire explicitement, se voulait le porte-parole de ce « nouveau féminisme ». Son nom : Missy Magazine. Créée à Berlin par une bande de copines, cette revue fait inévitablement penser au journal français Causette, même s’il est « davantage axé sur la culture pop », précise Sonja Eismann, l’une des fondatrices. La distance avec Alice Schwarzer saute aux yeux. Si elles sont contre l’exploitation du corps de la femme, elles font remarquer qu’il y a aussi une pornographie féminine. De même, la prostitution est un thème qui fait débat dans le magazine. Enfin, pour Missy, il n’y a aucune raison de s’opposer par principe au port du voile.
C’est sans doute sur ce point que les positions des jeunes féministes allemandes sont le plus éloignées de celles d’Alice Schwarzer. « Je suis violemment pour qu’on puisse porter le voile, tempête Barbara Vinken. Le dogme de la laïcité à la française est le résultat historique de la lutte entre la République et l’Eglise. Cela n’a rien d’universel. Forcer les femmes à se découvrir est une attitude néocoloniale. Ce sont les colons français au Maghreb qui ont commencé. »
De son côté, Béatrice Angrand, secrétaire générale de l’Office franco-allemand pour la jeunesse et auteure de L’Allemagne (Le Cavalier Bleu, 2009), fait observer que « contrairement à la France, qui estime ses valeurs universelles, l’Allemagne, depuis le nazisme, ne peut plus se permettre de vouloir imposer sa culture. Les Allemands n’osent même pas critiquer d’autres modes d’expression culturelle ».
Les jeunes féministes allemandes sont d’autant moins enclines à critiquer le voile qu’un certain nombre d’entre elles, musulmanes, le défendent. La rappeuse Reyhan Sahin, par exemple, une spécialiste de la « sémiotique de l’habillement », est détestée par de nombreux musulmans, mais son travail universitaire sur « la signification du voile musulman en Allemagne » a été très remarqué. « Pour elle, le voile est un signe d’émancipation », note Sonja Eismann. Certaines féministes, d’ailleurs, le portent – c’est le cas de quatre des vingt-deux inspiratrices du manifeste #ausnahmslos et notamment de la blogueuse Kübra Gümüsay, très engagée dans les mouvements antiracistes, qui se définit comme « germano-turque » et « féministe ».
Anne Wizorek, un vent de fraîcheur sur la « scène féministe »
Jusqu’à présent, la plupart de ces jeunes féministes allemandes, à l’exception de l’équipe de Missy, étaient des individualités qui évoluaient hors de toute structure féministe. « C’est vrai que le mouvement allemand est moins militant qu’en France, explique Julia Korbik, 28 ans, auteure de « Stand up ! Le féminisme pour les débutants et les confirmés », un essai remarqué lors de sa publication en 2014 (Rogner & Bernhard, non traduit).
« Beaucoup de jeunes ont même une mauvaise image du féminisme. Elles jugent qu’elles n’en ont pas besoin et reprochent aux féministes d’être agressives vis-à-vis des hommes. Mais il n’est pas impossible qu’Anne Wizorek parvienne à prendre le relais d’Alice Schwarzer. »
Avant le manifeste #ausnahmslos, Anne Wizorek s’était fait connaître par un premier coup d’éclat. En 2013, elle avait remporté un réel succès en lançant le #aufschrei (cri d’indignation) pour inciter les femmes à dénoncer le sexisme au quotidien. Née en 1981 en Allemagne de l’Est, elle dit n’avoir été nullement influencée par Alice Schwarzer. C’est sans doute exagéré, mais il est vrai que les Allemandes de l’Est pouvaient, plus facilement que celles de l’Ouest, concilier vie familiale et vie professionnelle, une réalité dont elles étaient plutôt fières mais qui, au moment de la réunification, fut dénigrée à l’Ouest, où les crèches socialistes ont toujours été regardées avec suspicion. Dans le panthéon d’Anne Wizorek, Simone de Beauvoir occupe une place beaucoup moins importante que les Américaines Jacklyn Friedmann et Jessica Valenti (auteure du blog Feministing) ou que Laurie Penny, une activiste britannique de la scène féministe et altermondialiste, très écoutée en Allemagne.
Anne Wizorek juge les combats d’Alice Schwarzer dépassés. De son côté, Alice Schwarzer juge un peu vaines certaines revendications de ce qu’elle appelle « la scène féministe berlinoise », notamment la bataille pour le Gender-Gap, ce signe qui, dans certains termes comme « politicien_ne », symbolise le fait que certaines personnes ne se reconnaissent ni comme homme ni comme femme. Dans un entretien croisé au Spiegel (du 16 janvier), les deux femmes ont du mal à cacher le mépris qu’elles se portent mutuellement. « Je ne suis pas arrivée au féminisme par Alice Schwarzer. Ça n’a rien à voir avec elle. Elle fait son truc, moi le mien », affirme Anne Wizorek, avant d’ajouter en la regardant : « Je n’aimerais pas être ton héritière. » La réponse est tout aussi cinglante : « Me voilà soulagée. » Comme l’a écrit Simone de Beauvoir : « Si l’on vit assez longtemps, on voit que toute victoire se change un jour en défaite. »
Voir encore:
VIDEO. Viol présumé diffusé sur internet : les deux suspects maintenus en détention
Le Parisien
14 Janv. 2016
Le quartier de Perpignan (Pyrénées-Orientales) où ont été tournées au cours d’une soirée alcoolisée des scènes s’apparentant à un viol diffusées ensuite sur internet. BFMTV
Ce n’est pas parceque la jeune femme victime du viol présumé de Perpignan mis en ligne sur internet n’a pas porté plainte que l’affaire n’est pas prise au sérieux.
La cour d’appel de Montpellier a décidé ce jeudi du maintien en détention provisoire des deux hommes, de 18 et 22 ans soupçonnés d’avoir violé cette jeune fille de 18 ans. Tous les deux sont en prison depuis leur mise examen début janvier pour viol et diffusion d’images pornographiques à Perpignan (Pyrénées-Orientales), où une enquête a été ouverte pour viol en réunion et diffusion d’images pornographiques.
Une soirée trés alcoolisée
La vidéo en question, un montage d’un peu moins de 5 minutes diffusé début janvier sur plusieurs réseaux sociaux dont Snapchat et Facebook ,
montraient une relation sexuelle particulièrement brutale le 2 janvier au soir de deux hommes avec une jeune femme. On y voit les deux hommes, dont on n’aperçoit jamais le visage, en survêtement, boire du whisky et fumer des joints avec leur victime présumée, apathique, qui paraît droguée ou alcoolisée. Les images sont accompagnées de commentaires écrits dégradants sur la jeune femme, tout au long de la relation sexuelle. C’est l’identification de l’un des deux hommes qui avait permis de remonter jusqu’au trio, dans un appartement de Perpignan.
Dans son arrêt rendu jeudi, la cour d’appel de Montpellier juge que la détention provisoire est «l’unique moyen d’empêcher la concertation entre les deux auteurs, la pression sur la victime et mettre fin au trouble exceptionnel et persistant à l’ordre public». Les deux suspect avaient fait appel de celle-ci, niant avoir violé leur victime. Pour sa part, la jeune femme de 18 ans n’a pas déposé de plainte. Les trois protagonistes, qui se connaissaient, s’étaient réunis pour, selon leurs témoignages rapportés par le parquet «pour faire la fête», au cours d’une soirée particulièrement alcoolisée.
Ce devait être un concours de strip-tease avec un voyage aux Etats-Unis à gagner pour la candidate la moins timide. Le jeu a sordidement viré à l’agression sexuelle et au viol collectif.
Depuis le week-end dernier, les policiers de la sûreté départementale de la Réunion sont saisis d’une enquête sur les faits qui se sont déroulés dans la nuit du 30 avril au 1er mai au Chapiteau, boîte de nuit de Saint-Pierre, principale ville du sud de l’île.
Ce soir-là, l’établissement organisait un concours appelé American Party en référence au film « American Pie ». Une cliente de 27 ans a remporté le prix en terminant sans soutien-gorge et en string. C’est à ce moment qu’une dizaine de spectateurs l’ont rejoint sur scène. Elle s’est retrouvée plaquée au sol puis violée.
Les enquêteurs ont visionné les bandes de vidéosurveillance et ont récupéré des images tournées avec des téléphones portables pour identifier les agresseurs.
Les policiers de la sûreté départementale ont en charge une affaire de viol collectif intervenu la semaine dernière dans une célèbre discothèque du sud. Une info du Journal de l’Ile.
Une partie de striptease organisée dans la boîte de nuit Le Chapiteau à Montvert les Bas a dérapé.
Un concours de striptease organisé dans le but de remporter un billet aller-retour pour les Etats-Unis a vu se succéder sur la scène des jeunes femmes du public. Dans l’esprit de cette « american party », le cadeau allait revenir à la jeune fille la plus entreprenante sur le podium.
Malheureusement, l’organisation de la discothèque se serait laissée déborder par les agissements de certains de ses clients à tel point que le propriétaire du Chapiteau indique n’avoir rien constaté d’anormal sur le moment.
Ce soir-là donc, après avoir enlevé tous ses vêtements, à l’exception de son string, une jeune femme a été entourée par un groupe d’une douzaine d’hommes.
Dans l’attroupement et l’euphorie alcoolisée de cette american party, la cliente, une ancienne gogo danseuse de l’établissement, a été victime d’attouchements sexuels puis de pénétrations digitales. Il était vers 1h30 du matin dans la nuit du jeudi 30 avril au vendredi 1er mai.
La victime a porté plainte contre X pour viol en réunion dès le 1er mai à la brigade territoriale de gendarmerie de Petite Ile mais les investigations ont été transférées aux enquêteurs de la police nationale, compétente pour le territoire sur lequel est intervenue cette affaire.
Elle était aussi seule que peut l’être une adolescente de 15 ans. Peu d’amis, pas de petit copain, des liens distendus avec une famille décrite comme « fragile ». Craintive et seule dans le morne décor de briques rouges du quartier d’Heywood, celui des « petits Blancs » pauvres de Rochdale, ancienne ville ouvrière à une vingtaine de kilomètres de Manchester, dans le nord-ouest de l’Angleterre.
Cette nuit d’août 2008, « Girl A », comme elle sera désignée plus tard lors d’un procès dont l’écho continue de faire trembler les fondements du multiculturalisme britannique, avait bu pour se donner du courage. Au Balti House, un petit kebab-épicerie de la grand-rue d’Heywood, le ton monte entre l’adolescente et deux des hommes qui la violent régulièrement depuis plusieurs semaines, Kabeer Hassan, 25 ans, et Shabir Ahmed, 59 ans. Les deux sont des employés du Balti House, et quand Girl A brise la vitre du comptoir de la petite boutique, ils ne craignent pas d’appeler la police.
En garde à vue, Girl A peut enfin parler. Pendant six heures, elle raconte son calvaire. Un mois auparavant, elle a commencé à fréquenter un groupe d’hommes qu’elle retrouve au Balti House ou au Saleem’s Kebab House. Ils sont bien plus âgés qu’elle, souvent pères de famille, chauffeurs de taxi ou employés de fast-foods : des hommes installés. Ils la traitent avec considération, lui offrent des cigarettes, de la nourriture, de l’alcool, piochés dans les réserves du magasin. La nuit venue, ils la raccompagnent en taxi, gratuitement.
Rapidement, vient le moment de « payer ». Shabir Ahmed, le chef du groupe, emmène Girl A, saoûle, dans un appartement abandonné au-dessus du magasin. « Je t’ai payé de la vodka, tu dois me donner quelque chose. » La jeune fille résiste, elle est violée par Shabir Ahmed. Les agressions se poursuivent jusqu’à l’épisode du Balti House, trois semaines plus tard.
CALVAIRE
Cette nuit-là, la jeune fille présente aux policiers ses sous-vêtements, sur lesquels des traces de l’ADN de Shabir Ahmed seront retrouvées. Malgré la précision de son récit, aucune enquête sérieuse n’est menée. Les services du procureur de la Couronne de la région Nord-Ouest ne donnent pas suite. Adolescente perturbée, ayant des penchants pour l’alcool et sexuellement active, Girl A ne saurait être considérée comme « un témoin crédible devant une cour ». Son calvaire reprend alors de plus belle. Elle est violée jusqu’à quatre ou cinq fois par semaine, parfois par cinq hommes différents la même nuit.
Le dossier n’est rouvert qu’à l’été 2009. Lors du procès, qui se tient en mai 2012 à Liverpool, cinq victimes témoignent, sur les 47 identifiées par la police. L’une raconte avoir été violée par vingt hommes la même nuit. Une autre décrit une soirée passée à vomir sur un canapé pendant que deux hommes abusent d’elle.
Une autre encore, 13 ans au moment des faits, que les viols ne cessèrent que lorsqu’elle tomba enceinte d’Adil Khan, 42 ans. Neuf hommes sont condamnés, pour les faits de viol, agressions sexuelles ou conspiration commis entre 2007 et 2009, à des peines allant de quatre à dix-neuf ans de prison pour Shabir Ahmed, considéré comme le chef du groupe, celui-là même qui intimait à ses victimes : « Call me Daddy ! »
A l’exception d’un demandeur d’asile afghan, tous sont d’origine pakistanaise. Toutes les filles sont blanches. L’équation est aussi froide et simple qu’explosive, dans un Royaume-Uni en proie au doute sur son modèle multiculturel. Et c’est le procureur grâce auquel le dossier a été rouvert, Nazir Afzal, plus haut magistrat d’origine pakistanaise du royaume, qui s’est fait un nom en luttant contre les mariages forcés dans la communauté pakistanaise, qui donne le ton : « Il s’agit avant tout d’une question de genre, d’hommes qui croient qu’ils peuvent faire ce qu’ils veulent de femmes vulnérables. Mais vous ne pouvez pas non plus faire l’impasse sur le facteur racial. C’est l’éléphant au milieu de la pièce. »
« FACTEUR RACIAL »
Dans les semaines suivant le procès, les médias égrènent les noms de villes où des gangs similaires à celui de Rochdale sont démantelés : Nelson, Oxford, Telford, High Wycombe… Et, fin octobre, c’est à nouveau à Rochdale qu’un groupe de neuf hommes est appréhendé. Chaque fois, les violeurs sont en grande majorité d’origine pakistanaise.
Les micros se tendent vers les associations ou les chercheurs spécialisés dans la lutte contre les abus sexuels. Selon leurs conclusions, entre 46 % et 83 % des hommes impliqués dans ce type précis d’affaires – des viols commis en bande par des hommes qui amadouent leurs jeunes victimes en « milieu ouvert » – sont d’origine pakistanaise (les statistiques ethniques sont autorisées en Grande-Bretagne). Pour une population d’origine pakistanaise évaluée à 7 %.
Chercheurs et associations rappellent que les agressions sexuelles en général restent le fait d’hommes blancs à 95 %, et mettent en garde contre la faiblesse des échantillons étudiés. Mais les chiffres sont lancés. Et repris en boucle.
En septembre, un rapport gouvernemental conclura à un raté sans précédent des services sociaux et de la police, qui renforce encore l’opinion dans l’idée qu’un « facteur racial » a joué dans l’affaire elle-même, mais aussi dans son traitement par les autorités : entre 2004 et 2010, 127 alertes ont été émises sur des cas d’abus sexuels sur mineurs, bon nombre concernant le groupe de Shabir Ahmed, sans qu’aucune mesure soit prise. A plusieurs reprises, les deux institutions ont estimé que des jeunes filles âgées de 12 à 17 ans « faisaient leurs propres choix de vie ».
Pour Ann Cryer, ancienne députée de Keighley, une circonscription voisine, aucun doute n’est permis : police et services sociaux étaient « pétrifiés à l’idée d’être accusés de racisme ». Le ministre de la famille de l’époque, Tim Loughton, reconnaît que « le politiquement correct et les susceptibilités raciales ont constitué un problème ».
« ELLES SONT PARFAITEMENT ENTRAÎNÉES »
L’air est d’autant plus vicié que, à l’audience, Shabir Ahmed en rajoute dans la provocation. Il traite le juge de « salope raciste » et affirme : « Mon seul crime est d’être musulman. » Un autre accusé lance : « Vous, les Blancs, vous entraînez vos filles à boire et à faire du sexe. Quand elles nous arrivent, elles sont parfaitement entraînées. »
Chaque jour, des militants d’extrême droite se réunissent devant le tribunal, brandissant des affichettes : « Nos enfants ne sont pas de la viande halal. » Et quand les médias parlent prudemment de « gang asiatique », les commentaires des internautes trahissent un climat délétère. A Rochdale, le 23 février, 150 émeutiers s’en prennent à la police, à des chauffeurs de taxi pakistanais et aux kebabs d’Heywood.
Rochdale se croyait prémunie contre un tel climat. La ville de 100 000 habitants, sinistrée depuis la fin des industries textiles, cumule des indicateurs sociaux et économiques inquiétants et une population immigrée importante (près de 20 % d’habitants d’origine pakistanaise), mais elle n’a jamais été le théâtre d’émeutes raciales. Rochdale a même élu, dès 2003, un maire d’origine pakistanaise.
Devant le bâtiment de style gothique-victorien de la mairie, réminiscence des années de gloire de Rochdale, un employé de la mairie s’interroge. Anonymement. « Où est la limite du racisme ? Les agresseurs voyaient ces filles comme du « déchet blanc », c’est indéniablement raciste. Mais les services sociaux, des gens bien blancs, ne les ont pas mieux considérées. »
A quelques rues de là, dans sa permanence, Simon Danczuk, député travailliste de Rochdale qui a été l’un des premiers à parler publiquement d’un « facteur racial », juge tout aussi déterminant ce qu’il appelle le « facteur social » : « Les responsables des services sociaux ont pu imaginer que ces filles de même pas 15 ans se prostituaient, alors qu’ils en auraient été incapables à propos de leurs propres enfants. »
VULNÉRABLES
Race contre classe ? Les violeurs étaient tous pakistanais d’origine, les adolescentes toutes blanches. Mais les agresseurs étaient aussi tous des hommes installés habitant Rochdale même, alors que les victimes venaient toutes de familles pauvres d’Heywood, quartier déshérité. Pour autant, la thèse du « facteur racial » va s’imposer.
L’ancien ministre de l’intérieur Jack Straw s’interroge sur les raisons qui poussent des hommes « d’héritage pakistanais » à considérer les jeunes Blanches comme « de la viande fraîche ». Ann Cryer évoque les mariages arrangés, qui feraient arriver sur le sol britannique de jeunes hommes peu éduqués, arrachés à leurs campagnes du Pakistan. Tous enjoignent aux responsables de la communauté pakistanaise d’agir.
Mohammed Shafiq, 33 ans, est l’un d’eux. Natif de Rochdale, il dirige la Fondation Ramadhan, promouvant le dialogue entre les religions. Dès 2007, il a commencé à parler des abus commis sur des adolescentes par des membres de la communauté pakistanaise, ne récoltant qu’un silence gêné et des menaces de mort. Il a réalisé un documentaire sur le sujet pour la BBC.
Mohammed Shafiq estime qu' »une petite minorité d’hommes pakistanais voient les femmes comme des citoyens de seconde catégorie et les femmes blanches comme des citoyens de troisième catégorie ».
Mais, pour lui, les jeunes filles agressées étaient surtout vulnérables. « Le fait qu’elles traînent dehors en pleine nuit, qu’elles soient habillées de façon légère, renforçait les agresseurs dans leur idée qu’elles ne valaient rien, qu’elles étaient inférieures. Mais cela faisait surtout d’elles des proies faciles, alors que les filles de la communauté pakistanaise sont mieux protégées par leur famille, et qu’un abus sexuel y est plus difficilement dissimulable. »
Au Regal Moon, le pub le plus fameux de Rochdale, « Sam », retraité du textile, résume la teneur du débat : « Les premiers mois, on n’entendait que des remarques racistes sur les Pakistanais, et puis ça s’est calmé. On sait tous, ici, qu’une fois l’agitation retombée, on sera bien obligés de vivre ensemble comme on l’a toujours fait. »
Benoît Vitkine
Un rapport gouvernemental accusé de minimiser le facteur racial des agressions
Publié mercredi 21 novembre, le rapport du Commissariat aux enfants sur l’exploitation sexuelle a encore un peu plus alimenté la polémique sur le caractère racial d’un certain nombre d’agressions commises en Angleterre. L’enquête menée par la vice-commissaire Sue Berelowitz montre que 2 409 enfants ont été victimes entre 2010 et 2011 (sur une période de quatorze mois) de crimes sexuels commis par des agresseurs agissant en bandes. Le rapport identifie par ailleurs 16 500 autres enfants susceptibles d’avoir été abusés.
Les statistiques contenues dans le rapport indiquent que les agresseurs, quand leur origine ethnique a été déterminée, sont à 43 % blancs et à 33 % d’origine asiatique. Mais le document estime que la « publicité » donnée à des affaires comme celle de Rochdale a pour conséquence que « les données sont collectées de façon plus assidue lorsque les agresseurs sont identifiés comme ‘asiatiques’, ‘pakistanais’ ou ‘kurdes' ». Mme Berelowitz a été immédiatement accusée par plusieurs personnalités, y compris le ministre de l’éducation, Michael Gove, d’avoir cherché à minimiser cet aspect de la question.
Voir de plus:
ANNECY- Les deux victimes se sont rendues chez leurs agresseurs
Deux soirées trop arrosées se terminent en viols collectifs
C’est en attendant un bus, en centre-ville d’Annecy, qu’une jeune fille de 17 ans et demi a été abordée par trois jeunes et s’est laissée entraîner dans une soirée qui allait virer au cauchemar.
Stéphane Bouchet
Le Dauphiné
05/10/2011 à 06:01
Le mois de septembre s’est tristement terminé, à Annecy. Jeudi et vendredi derniers, deux plaintes ont été déposées pour des agressions sexuelles en réunion. L’une concerne une jeune fille de 17 ans et demi, l’autre une femme de 45 ans. Dans les deux cas, le scénario identique. Avec un point commun central, l’alcool…
La première affaire concerne une jeune fille, venue travailler en alternance dans un commerce d’Annecy.
Jeudi soir, à la sortie de son travail, elle attend son bus, près du centre Courier, lorsqu’elle est abordée par trois jeunes garçons. La discussion s’engage, sympathique.
Originaire d’un autre département, la jeune fille réside seule à Annecy et n’a que peu d’amis. Aussi, lorsque les trois jeunes lui proposent de prendre un verre, elle accepte.
« Arrête de crier, on va croire que je te viole ! »
Mais au lieu d’aller dans un bar, ils la conduisent dans le studio de l’un d’eux. Là, les verres de vodka mélangée à des boissons énergétiques se remplissent et se vident. On fume des “joints”, on met de la musique, on danse… et la soirée vire au cauchemar.
La jeune fille, mineure, aura des relations sexuelles avec les trois garçons. Deux quittent ensuite les lieux, mais le troisième n’en a pas eu assez et décide de recommencer, malgré les cris de la victime, qui ira porter plainte le lendemain. Le locataire du studio sera retrouvé sans problème. Âgé de 16 ans et demi, d’origine congolaise, il est placé sous tutelle du conseil général en tant que mineur étranger isolé.
« Il n’a absolument pas conscience d’avoir commis un viol, explique le procureur d’Annecy, Éric Maillaud. Pour ce jeune homme, la jeune fille qui est venue de son plein gré dans l’appartement et qui a bu de l’alcool était consentante. »
Au point que lors du deuxième rapport, alors que sa victime lui crie ”Arrête, arrête !”, il prononcera cette phrase stupéfiante : « Ne crie pas comme ça, on va finir par croire que je te viole. »
Il a été mis en examen pour viol et placé sous contrôle judiciaire, dans un centre éducatif renforcé. Les deux autres jeunes sont encore recherchés comme témoins.
Alcool, drogue et agression
Vendredi soir, c’est presque le même scénario qui s’est répété. La victime, cette fois-ci, est âgée de 45 ans. Ses quatre agresseurs, deux fois moins.
Là encore, la femme s’est rendue volontairement chez l’un d’eux, rencontré en boîte quelque temps auparavant, pour boire un verre. Là encore, l’alcool a coulé à flots et le cannabis a “tourné”.
Les quatre hommes présents ont ensuite eu des relations sexuelles avec elle, alors qu’elle était noyée dans les brumes de l’alcool. Ce n’est qu’au petit matin qu’elle a pris conscience de ce qui s’était passé et est allée déposer plainte pour viol. Les quatre individus (dont deux mineurs) ont été arrêtés, placés en garde à vue au commissariat d’Annecy puis présentés au procureur Maillaud hier. Pour eux, la victime était consentante au moment des faits. Ils ont tous été mis en examen pour viol en réunion et placés sous contrôle judiciaire.
« Ces deux affaires sont très similaires, constate Éric Maillaud. Dans les deux cas, on a des victimes qui se mettent en danger, sans avoir conscience du risque qu’elles prennent, en aggravant encore la situation en consommant de l’alcool et des stupéfiants. »
« On ne peut pas vraiment parler de préméditation chez les agresseurs, mais ce qui est sûr, c’est que l’hypothèse que la soirée puisse se conclure par une relation sexuelle est envisagée dès le départ du côté masculin. » Et l’alcool, qui désinhibe et abolit le discernement, des victimes comme des agresseurs, est un moyen de faciliter les choses…
Dans l’équipe féminine de football de l’université du Nouveau-Mexique on aime aussi jouer au football pour la 3ème mi-temps. En effet, l’université a lancer une enquête sur des incidents de bizutages pour le moins particuliers… Un porte-parole de l’université s’est confié au site de l’Huffington Post. Apparemment, dans l’équipe de football féminine, certaines nouvelles arrivantes étaient forcées de se déshabiller, de boire de grosses quantités d’alcool et… de se faire faire pipi dessus par des joueuses plus anciennes de l’équipe. Le bizutage va beaucoup trop loin. Peut-être que l’équipe sera bannie de l’université, comme l’ont été ces 3 fraternités du Connecticut, suite à des bizutages aussi. La décision tombera dans quelques jours.
L’histoire s’est ébruitée quand, il y a quelques jours, la police du campus a trouvé une étudiante de l’équipe de football féminine complètement ivre et ayant du mal à respirer dans son dortoir. Elle a été emmenée à l’hôpital. C’est une fois hospitalisée et hors de danger que la jeune étudiante à raconter les bizutages qu’elle avait subis. Le porte-parole du département des sports de l’université, prend cette affaire très au sérieux et tient à mener une enquête rigoureuse pour ne pas accuser à tort l’équipe féminine de football. Pour éviter ce genre de bizutage, meltyCampus a la solution ! On se fait un match en attendant ?
La présence de jolies filles permet-elle d’augmenter les ventes de voitures ? A en croire les agences de marketing, elle permet, en tout cas, de faciliter le contact entre vendeurs et visiteurs…
Au salon 2016, c’est Suzuki qui joue à nouveau cette carte à 100%. La marque fait appel à une équipe massive d’hôtesses, accompagnées de quelques stewards. Reste que, de façon générale, les tenues sexy qui ont par le passé provoqué la colère de Joëlle Milquet et des envies compulsives chez certains visiteurs, ont été laissées au placard.
Pour l’exemple, chez Suzuki, on a repris la thématique du Far-West et des saloons. Mais cette année, les robes sont longues et couvrent davantage. Reste que parmi l’équipe, on retrouve des stars de la télé. Vous y croiserez notamment Ginie de « Secret Story » ou encore Serena des « Chtis ». « Nos fans s’arrêtent et nous reconnaissent », concède Ginie. « Le salon, ça permet de gagner en une dizaine jours l’équivalent d’un mois de salaire. »
Si les tenues sont moins sexy, cela n’empêchera pas certains visiteurs de déraper. Ainsi, plusieurs hôtesses nous racontent que des pervers tentent de prendre des photos sous les jupes. Notamment… « Nous avons vu certains spécimens l’an dernier », confirme Ginie. « La sécurité reste toujours à proximité et intervient dès qu’il y a un problème. »
L’an dernier, Joëlle Milquet, qui est également Ministre de l’Egalité des Chances, s’était dite choquée par l’utilisation de jeunes hôtesses en tant que femmes objets au Salon de l’Auto. La ministre se rendra dans les prochains jours au Heysel et gare aux décolletés trop profonds!
Les jolies hôtesses court vêtues font partie du folklore du Salon de l’Auto. L’an dernier, leur charme avait cependant éveillé la libido de deux visiteurs qui avaient cédé à la pulsion d’un plaisir solitaire dans un véhicule d’exposition, une dérive inacceptable pour un évènement auquel assiste chaque année de nombreuses familles.
Joëlle Milquet avait réagi en envoyant une lettre à Pierre Hermant, directeur général du Salon de l’Auto et de la Febiac, appelant à « s’interroger sur l’image que l’on donne de la femme mais aussi le rôle qu’on leur attribue dans notre société ». « Le Salon de l’Auto est un lieu où l’on se rend en famille, il convient de s’interroger sur la transmission de stéréotypes. Il faut éviter de telles pratiques », avait prévenu la ministre, qui demandait que les exposants signent une charte allant dans ce sens.
S’il a bien été demandé aux exposants de se montrer plus responsables et plus sages, en revanche, il n’y aura pas de code de conduite, indique Joost Kaesemans, porte-parole de la Febiac à Sudpresse. « Tout cela est un non-problème! On ne va pas faire la police! On organise le Salon depuis près de cent ans sans problème. L’an passé, on est tombé sur un malade, c’est tout! »
Chez Suzuki, sur le stand dont les hôtesses avaient justement éveillé le désir des deux hommes, il semble qu’on ait toutefois retenu la leçon. « On veut éviter de choquer Mme Milquet et d’autres personnes. Cette année, nous avons donc prévu de faire travailler des mannequins féminins et masculins. Comment les hôtesses seront-elles habillées? On dévoilera tout ça jeudi », promet le porte-parole de Suzuki qui annonce tout de même une « surprise ».
Du côté de Joëlle Milquet, on attend de voir pour croire: « La ministre ira de toute façon au Salon et verra, par elle-même, s’il faut encore améliorer les choses », indique sa porte-parole Dorothée Klein.
A la suite d’une série de plaintes pour comportements inappropriés envers les hôtesses, Joëlle Milquet a mis en garde les organisateurs du Salon de l’auto pour ne pas utiliser les femmes comme des objets. « A côté des voitures clinquantes, il y a des femmes bimba », a lancé la Ministre de l’Egalité des chances, qui travaille actuellement à un projet de loi s’attaquant aux stéréotypes entre femmes et hommes.
« Madame Milquet estime que les hôtesses ont leur place à ce genre d’évènements, notamment pour accueillir les candidat-acheteurs. Mais les organisateurs devraient faire attention à leurs tenues sexy. On donnerait ainsi une meilleure image de la femme », explique sa porte-parole. « Il ne faut pas donner une image dégradante de la femme. Je ne suis pas contre le fait qu’il y ait des hôtesses, qu’elles soient bien habillées, mais que l’on n’utilise pas la femme comme un objet, au même ordre que la voiture. C’est un peu dérangeant », a-t-elle commenté dans l’Invité sur RTL TVI.
Lutter contre le sexisme
« Votre numéro de gsm est-il dans le catalogue? », « Faites-vous partie des options? », « Etes-vous à vendre avec la voiture? »… Voilà un florilège des questions raboteuses dont font l’objet les hôtesses du Salon de l’Auto. Dès la première journée, deux personnes ont été arrêtées au stand Suzuki parce qu’elles étaient en train de se masturber devant les demoiselles aux courbes avantageuses.
Ces incidents auraient donc incité Joëlle Milquet à s’attaquer au problème. La semaine dernière, « Madame Non » avait déjà levé le voile sur ses intentions de lutter contre le sexisme. « En ce qui concerne le respect de la femme, cela commence par l’injure, le stéréotype. Il suffit de voir la génération de mes enfants pour mesurer les combats à mener: changer l’image de supériorité de l’homme sur la femme, accepter la culture et la religion de l’autre. Je dois tout le temps rectifier le tir », déclarait-elle dans La Libre Belgique. (mb)
Au Salon de l’Auto, il y a les voitures, mais il y a aussi les hôtesses. Visiblement, certains sont davantage intéressés par les courbes avantageuses de ces dernières plutôt que celles des voitures.
Ainsi, au stand Suzuki, deux hommes ont été arrêtés parce qu’ils étaient en train de se masturber, relate Sud Presse. « J’ai appris par quelqu’un du stand qu’ils ont retrouvé deux hommes dans une voiture qui se masturbaient en regardant les hôtesses », explique un témoin d’un stand voisin. Mercredi, un autre homme a été mis dehors parce qu’il tentait de photographier les sous-vêtements des jolies demoiselles.
Pipi sur un siège
Il n’y a pas que les pervers qui se distinguent au Salon de l’Auto. Chez Volkswagen, on a par exemple retrouvé une voiture avec de l’urine sur l’un des sièges. « Un accident suite à un besoin pressant ou un acte volontaire? Nous n’avons pas pu déterminer les intentions de cette personne qui n’a pas été prise sur le fait. En tous les cas, le siège a été nettoyé puis remplacé par un autre », a indiqué Joost Kaesemans, responsable presse du Salon de l’Auto. (JC)
Ce sont sans aucun doute les mots qui ont étés prononcés le plus de fois dans les salles de concerts depuis que les concerts existent. Bien avant les pourtant mythiques « une autre», « pooopoolopopopooooo » et autres «vazy, j’peux jouer un peu sur ta batterie après le concert ?», s’il n’y avait qu’une seule phrase à retenir dans toute l’histoire du public rock, ça serait « A POOOOIL ». Aujourd’hui, je vous propose de décrypter la pratique et de trouver les meilleures manières d’y réagir.
Pourquoi crie t-on « A POOOOOOIL » à chacun de vos concerts ?
1-Parce que votre musique attire les fêtards
On ne va pas se mentir, lorsqu’on crie « A POOOOOOIL » c’est qu’on aime faire la fête. Du coup, si lors de vos concerts, un énergumène vous invite à vous déshabiller, c’est simplement pour vous faire partager son envie de participer à une orgie. Grisé par la proximité de cette foule que vous faites danser dans la sueur et les vapeurs d’alcool, notre ami n’a sans doute qu’une seule envie, celle de vous voir vous dévêtir afin que la salle entière se mette à vous imiter. Alors si l’on vous crie « A POOOOOOIL », c’est parce qu’on pense que vous êtes une sorte de gourou que tout le monde suivra, quoi qu’il fasse. Raël et Shoko Asahara n’ont qu’à bien se tenir, le jour où vous vous mettrez enfin nu sur scène, le monde changera de visage…
2-Parce que vous êtes plutôt sexy
Évidemment, une autre piste pour expliquer l’utilisation du sacro-saint « A POOOOOOIL » en concert, est celle de votre indéniable sex-appeal. Si vous êtes un garçon, vous êtes beau. Si vous êtes une fille, et bien vous êtes belle. Si vous êtes autre chose, vous êtes bizarre, mais on vous en veut pas, on aime tout le monde. Reprenons. Vous étiez en train d’annoncer le titre du prochain morceau lorsque un doux « A POOOOOOIL » est venu chatouiller vos oreilles. Pas de doute, quelqu’un veut avoir la confirmation que vous êtes bien un canon de la beauté, et que, contrairement au reste du peuple, vous n’avez besoin d’aucun artifice pour séduire. Vous êtes l’incarnation d’Apollon, de Vénus (ou d’autre chose de très beau, comme par exemple : une chaise), et l’on vous rappelle à l’ordre : vous n’avez besoin de rien pour inonder le monde de votre beauté, tout vêtement, tout bijou sur votre peau sonne comme une insulte à la douceur de votre physique, alors on vous en supplie, déshabillez-vous pour rendre justice à votre grâce.
3-Parce qu’il y a quelqu’un qui pense être spécial dans la salle.
Vous jouez depuis 7 minutes et 23 secondes lorsque, accoudé au comptoir, un être attentif et plutôt observateur remarque que personne n’a encore crié « A POOOOOOIL » dans la salle. Se sentant donc investi d’une mission céleste pour rétablir l’ordre du monde, il se raclera la gorge pour lâcher un « A POOOOOOIL » des plus salvateurs, non sans esquisser un petit sourire satisfait après coup. C’est ainsi, lorsque personne n’a encore crié « A POOOOOOIL », il y aura toujours un malin qui se sentira spécial en étant le premier à scander la formule. Ce type de personne n’est motivé par aucune envie de vous voir nu, ni aucune intention orgiaque, mais juste par le plaisir d’être premier. Et le soir, lorsqu’il sera rentré chez lui, et lorsque l’extase commencera à retomber, il comblera le manque en commentant « First » sur un maximum de vidéos YouTube.
Comment éviter d’avoir à subir les « A POOOOOOIL »
1-Jouez du jazz
Vous avez déjà entendu quelqu’un crier « A POOOOOOIL » devant les succès de Duke Ellington, les standards d’Oscar Peterson, de Lionel Hampton ou de Scott Hamilton ( salut Michel, si tu nous lis…) ? Et bien non ! Et pourquoi ? C’est parce que le public Jazz n’est pas marrant, il n’est pas rigolo, il n’est pas composé de petits boute-en-train qui pouffent de rire à la seule idée d’un corps dénudé. Non le public de Jazz est bien au dessus de ça. Les plus farceurs d’entre eux crieront « BRAVO », mais attention, ça reste tout de même exceptionnel.
2-Jouez devant personne
La meilleure manière pour éviter les lourdeaux à vos concerts, c’est de tout faire pour jouer devant personne. Alors entraînez-vous à ne faire aucune promo lorsque vous jouez quelque part. Mieux : refusez toute proposition de concert. Bien au chaud dans votre salle de répète vous serez à tout jamais à l’abri des pénibles. Mais attention toutefois, si jamais votre guitariste est un petit clown, il se pourrait qu’il lance un « A POOOOOOIL » impromptu lorsque votre batteur se mettra torse-nu après 2h30 de blast-beat à 320bpm. Dans ce cas, pas le choix, virez votre guitariste.
3-Jouez nu
Analysez la situation : pourquoi crie t-on « A POOOOOOIL » ? C’est uniquement parce qu’on veut que la personne à qui l’on adresse cet ordre se déshabille. Or, si vous ne portez aucun vêtement, personne n’aura de raison de crier « A POOOOOOIL ». Donc pour éviter les balourds, arborez la plus belle des tenues de scène lorsque vous vous produisez en concert. Jouez nu.
Que répondre à quelqu’un qui crie « A POOOOOOIL »
1-Rien
Vous entendez bien « A POOOOOOIL » mais vous n’y prêtez aucune attention, laissant alors l’agitateur dans l’embarras le plus complet. Comme on dit dans le métier : « il se sentira bien con, le con ». Et si par hasard vous êtes le charisme incarné, profitez du silence quasi-religieux qui suit chaque « A POOOOOOIL » pour tétaniser d’un seul regard l’auteur de l’attentat, et puis faites le pleurer de honte, si l’envie vous en prend.
2-« Toi d’abord »
Vous avez vu Les Tontons Flingueurs 23 fois, Les Bronzés Font du Ski 12 fois, bref, vous êtes un champion de la répartie. Vous pourrez donc profiter de votre talent pour entamer un dialogue avec le terroriste. Attention, à ce petit jeu là, vous n’avez ABSOLUMENT pas le droit de perdre sous peine de vous couvrir de ridicule. Il paraît qu’un jour Michael Jackson a répondu « Toi d’abord » à un jeune fan qui lui avait lancé « A POOOOOOIL », et que le jeune fan avait magistralement rétorqué par une attaque en justice pour détournement de mineur. Une sombre affaire. Donc assurez vous d’être en forme, d’avoir une répartie inattaquable et un bon avocat avant de répondre à ce type d’injonctions.
3-« D’accord »
Vous êtes à l’écoute de votre public ? Vous êtes toujours là pour signer un autographe, toujours disponible pour une photo ? Alors lorsqu’il s’agit d’une demande aussi sincère qu’un « A POOOOOOIL » lancée par un membre de votre public, n’hésitez pas une seconde et déshabillez vous sur le champ. Vous gagnerez à coup sur l’estime du reste de l’audience dans ce geste fou et pourtant tellement simple. Faites quand même attention à ne pas prendre froid.
Alors que la société allemande s’indigne face au récit terrifiant de la nuit de Cologne, durant laquelle des agressions sexuelles de masse ont été commises sur des femmes par des bandes d’hommes dont la plupart seraient d’origine étrangère, plusieurs voix féministes se sont élevées pour rappeler que la culture du viol n’est pas un phénomène importé mais bel et bien ancré dans la culture allemande depuis des siècles. La Fête de la bière de Munich en est l’un des exemples les plus criants.
Six millions de visiteurs annuels, 35 chapiteaux, 107.000 places assises, sept millions de litres de bière à 10,40 euros le litre écoulés chaque année, 878 mètres d’urinoirs… Le site officiel de la Fête de la bière de Munich n’est pas avare de statistiques en tout genre quand il s’agit de faire la promotion de cette immense fête populaire.
Mais il est d’autres chiffres qu’on ne fanfaronne pas: chaque année, plusieurs dizaines d’agressions sexuelles ont lieu durant l’Oktoberfest. Et ce malgré une présence policière renforcée –300 policiers déployés sur la trentaine d’hectares de la «Wiesn», comme les Bavarois appellent la grande «prairie» verte sur laquelle ont lieu les festivités– et la mise en place il y a quelques années d’une vingtaine de caméras de surveillance et de puissants projecteurs à l’extérieur des «tentes à bière», de manière à ne pas laisser de zones plongées dans l’ombre la nuit venue.
Il faut imaginer ces immenses chapiteaux bondés, quadrillés de tables et bancs, où la bière coule à flots dès 10 heures du matin, portée à bout de bras, par chopes d’un litre, par des serveuses accortes revêtues de l’habit traditionnel, au son de la musique à boire des orchestres bavarois. «Il y a certains visiteurs qui sont déjà totalement ivres à midi», explique Kristina Gottlöber, membre de l’association munichoise Imma, spécialisée dans l’aide aux jeunes filles et aux jeunes femmes.
Pour les femmes qui se rendent dans ces tentes à bière à l’ambiance surchauffée, les paroles vulgaires, les mains baladeuses, les demandes insistantes font partie intégrante de l’Oktoberfest. «Le viol est seulement la partie émergée de l’iceberg», insiste Maike Bublitz, pédagogue au Frauennotruf München. Il existe même un numéro d’urgence destiné aux femmes victimes de violences. «Il y a bien plus de violations des limites, qui vont du fait de tripoter les femmes aux abus sexuels. Il y a une vaste palette d’agressions sexuelles.»
Les représentantes des associations présentes sur les lieux estiment que, pour une plainte pour viol déposée, il y a en réalité dix à vingt viols
Ces deux associations sont présentes chaque année à l’Oktoberfest, où elles tiennent une permanence chaque soir entre 18 heures et 1 heure du matin. Le «security point» s’adresse aux femmes victimes de violences ou qui ne se sentent tout simplement pas en sécurité. Baptisée «Sichere Wiesn für Mädchen und Frauen» («prairie sûre pour les filles et les femmes»), cette initiative a été lancée en 2003. L’année précédente, treize plaintes pour viol avaient été déposées durant l’Oktoberfest, se souvient Kristina Gottlöber.
Deux plaintes pour viol déposées chaque année
Ces trois dernières années, deux plaintes pour viol ont été déposées à chaque Fête de la bière, d’après les statistiques de la police de Munich. À ces plaintes se sont ajoutées 18 plaintes pour infractions sexuelles en 2015, 10 en 2014, 14 en 2013. «Insultes à caractère sexuel, attouchements comme le fait de toucher les seins ou l’entrejambe d’une femme, agressions sexuelles…», énumère Gottfried Schlicht, porte-parole de la police de Munich, qui ne cesse de mettre ces chiffres en regard du nombre total d’infractions rapportées durant l’Oktoberfest, qui dépasse chaque année le millier, insistant sur le fait que les vols et les blessures corporelles sont bien plus répandus que les infractions sexuelles.
Le nombre d’agressions sexuelles et de viols est pourtant bien plus élevé que celui que laissent entrevoir les statistiques policières, estiment les représentantes des associations présentes sur les lieux, qui estiment que pour une plainte pour viol déposée, il y a en réalité dix à vingt viols. Beaucoup de femmes continuent à avoir honte de signaler une agression aux autorités ou sont découragées par la perspective d’une longue et douloureuse procédure judiciaire qui n’a de toute façon que très peu de chances de déboucher sur une condamnation.
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Moins d’1% des hommes coupables de viol sont, en effet, condamnés par la justice allemande, comme le rappelait il y a quelques années une campagne d’information lancée par une association féministe allemande qui réclame depuis des années une réforme du paragraphe 177 du code pénal allemand, qui jusqu’à présent ne reconnaît l’existence d’un viol que dans trois cas de figure –lorsque le rapport sexuel est obtenu par la violence, sous la menace ou lorsque la victime ne peut se défendre.
Une Américaine peut se demander si elle doit ou pas porter plainte quand elle sait qu’elle rentre le surlendemain aux États-Unis
Le fait que l’Oktoberfest attire un public international n’est aussi pas étranger à ce faible taux de plaintes déposées, indique Kristina Gottlöber:
«Ces touristes ne savent pas comment fonctionne la procédure judiciaire en Allemagne. Une Américaine peut se demander si elle doit ou pas porter plainte quand elle sait qu’elle rentre le surlendemain aux États-Unis. Doit-elle rester sur place, prendre un avocat, quels sont les coûts? Elles veulent simplement rentrer chez elles et oublier l’agression.»
Enfermées dehors
En 2015, 196 femmes se sont rendues au «security point». Le cas «classique»: elles quittent le groupe d’amis avec lequel elles se trouvent à l’intérieur d’un des chapiteaux pour aller aux toilettes ou fumer une cigarette et se retrouvent enfermées dehors à leur retour, les tentes devant régulièrement fermer leurs portes pour éviter qu’elles ne soient trop bondées. Bien souvent, elles ont laissé leur sac à l’intérieur, avec dedans leur portable, leur argent, etc. Les associations se chargent alors d’organiser leur retour à l’hôtel en toute sécurité, explique Kristina Gottlöber:
«On accompagne les femmes au métro, on peut aussi les ramener en voiture chez elles, à l’hôtel, à la gare ou si c’est nécessaire, les conduire auprès des institutions. Nous travaillons également en étroite collaboration avec une entreprise de taxis munichois, ce qui nous permet de pouvoir être sûre d’obtenir un taxi, ce qui est difficile à l’Oktoberfest en raison du grand nombre de gens. Nous avons des bons pour payer le taxi pour les femmes dont le sac se trouve à l’intérieur d’un chapiteau ou a été volé.»
Ni la police, ni les associations qui travaillent sur le terrain estiment que les violences sexuelles dont l’Oktoberfest est le théâtre chaque année sont comparables avec l’ampleur extraordinaire des harcèlements de masse qui ont eu lieu à Cologne durant la nuit du Réveillon. Mais Maike Bublitz signale que ce type de violences commises en groupes ont déjà été rapportées durant l’Oktoberfest:
«Il y a eu quelques cas où des femmes ont été encerclées par plusieurs hommes et harcelées, tripotées, touchées à l’entrejambe, comme ce qu’on a pu entendre au sujet de Cologne. Cela nous a été rapporté par des femmes au “security point”.»
Un “Stop!” et un “Arrêtez cela!” distincts indiquent que les limites sont atteintes. Il arrive parfois qu’une situation sympa et amusante devienne désagréable
Sur la «colline de la gerbe»
Les agressions ont lieu partout, de jour comme de nuit, rapportent la police et les associations. À l’intérieur des chapiteaux, dans les toilettes, aux abords des manèges, mais surtout sur la fameuse «Kotzhügel», cette «colline de la gerbe» située en bordure des chapiteaux où les visiteurs alcoolisés au dernier degré ont pour habitude de venir vider leurs estomacs et de piquer un somme, voire les deux en même temps, comme on peut le voir sur les fameuses photos prises sur place par les visiteurs chaque année dont nous vous parlions en 2013. Une pratique consistant à déshabiller et photographier sous leur jupe les femmes ivres endormies sur place est d’ailleurs apparue ces dernières années, rapportent les associations. «Nous savons qu’il y a des hommes qui viennent exprès à l’Oktoberfest parce qu’ils pensent qu’ils auront beau jeu», explique Maike Bublitz.
Sur le site de l’action «Sichere Wiesn» sont d’ailleurs listés plusieurs conseils à l’attention des femmes, tels que:
«Fais confiance à ton intuition et n’hésite pas à dire non si quelque chose te semble désagréable. Personne n’a besoin de subir des attouchements ou de se faire draguer lourdement. Un “Stop!” et un “Arrêtez cela!” distincts indiquent que les limites sont atteintes. Il arrive parfois qu’une situation sympa et amusante devienne désagréable. Ici aussi, n’hésite pas à dire “Stop!”.»
Ou encore:
«L’alcool en quantité raisonnable! Bois en quantité raisonnable pour garder la tête claire si tu bois de l’alcool. Note bien que la bière servie à l’Oktoberfest est plus forte que la bière habituelle. Commande de l’eau ou un panaché (moitié bière, moitié limonade) entre deux bières. Tu n’es pas obligée de fournir une contrepartie si quelqu’un offre la tournée.»
Culpabilisation sous-jacente des victimes
Le fait que ces règles de comportement s’adressent aux femmes, donc aux victimes potentielles, et non aux hommes, les coupables potentiels, hérisse bien des féministes. En 2013, une sociologue et une informaticienne munichoises ont lancé la campagne d’information «I frog di» («Ich frage dich», «je te demande» en dialecte bavarois) pour protester contre cette culpabilisation sous-jacente des victimes. Sur les flyers qu’elles ont distribué durant l’Oktoberfest, qui reprenait le motif traditionnel des petits cœurs en pain d’épices ornés d’un message que les visiteurs ont coutume de s’offrir durant les festivités, elle écrivaient notamment:
«Cette année encore, l’initiative “Prairie sûre pour les femmes et les filles” s’engage pour l’autoprotection des femmes concernées. C’est bien et important. Mais la responsabilité d’une agression relève uniquement des agresseurs: personne n’a le droit de toucher l’autre sans sa permission, de l’approcher ou de faire quoi que ce soit que l’autre personne n’aime pas explicitement.»
Il ne faut pas penser que si quelqu’un porte un décolleté plongeant, cela signifie qu’il est permis de dépasser les bornes
Brigit Treml
Suite à cette action, une campagne de prévention s’adressant spécifiquement aux visiteurs masculins de l’Oktoberfest, baptisée «Wiesn Gentlemen», a été lancée par l’association munichoise Condrobs. Elle consiste essentiellement à rappeler sur un ton distrayant quelques règles de savoir-vivre à respecter sur place, telles que «il prend ses distances quand elle dit «non»», «il n’utilise pas la situation quand elle est soûle», «il aide dans les situations difficiles» et «il ne jette pas de chope par terre». «Nous voulons demander à tous ceux qui se rendent à la Fête de la bière, en particulier les hommes, de faire la fête de manière calme, d’être respectueux vis-à-vis des autres et en particulier des femmes. Il ne faut pas penser que si quelqu’un porte un décolleté plongeant, cela signifie qu’il est permis de dépasser les bornes», insiste Brigit Treml, vice-présidente de l’association.
«Mon costume n’est pas une invitation»
L’Oktoberfest n’est d’ailleurs pas la seule grande fête populaire allemande où des agressions sexuelles ont lieu de manière récurrente. Cologne, justement, accueille chaque année au début du mois de février un des plus grands défilés costumés au monde, qui attire chaque année 1,5 million de visiteur. La maire de la capitale rhénane, Henriette Reker, a d’ailleurs annoncé quelques jours après la fameuse nuit où des centaines de femmes ont été agressées qu’un important dispositif policier allait être déployé cette année pour assurer la sécurité des femmes durant le carnaval de Cologne.
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Les agressions sexuelles y sont pourtant légion depuis des années. En 2014, des féministes ont d’ailleurs lancé un tumblr baptisé «KonsensKarneval» listant et dénonçant les consignes diffusées à l’attention des femmes par les différentes municipalités et commissariats allemands à l’occasion du carnaval. Leur slogan:
«Mon costume n’est pas une invitation.»
Annabelle Georgen
Des lambeaux pleins de sang et des membres affreux
Que des chiens dévorants se disputaient entre eux
D’où parviennent jusqu’ici ces aboiements ? Reconnaissons-nous, de même, dans le récit de Théramène, les chevaux emportés qui traînent le cadavre d’Hippolyte sur la plage, écartelé ? Qui sont ces serpents qui sifflent sur vos têtes ?
Merci, Monsieur, de nous avoir fait entendre, en ces abois, ces hennissements, ces hurlements d’animaux enragés, nos propres vociférations ; d’avoir dévoilé, en cette meute sanglante, en cet attelage emballé, en ce noeud de vipères, en ces bêtes acharnées, la violence abominable de nos sociétés ; d’avoir révélé, enfin, en ces corps déchiquetés, les victimes innocentes des lynchages que nous perpétrons.
Tiré de Racine, ce bestiaire hominien eût pu s’échapper, furieux, de l’Antiquité grecque, où des femmes thraces dépècent Orphée, de la Renaissance anglaise ou de notre xviie siècle classique, où chaque tragédie porte en elle, imagée ou réelle, une trace immanquable de cette mise à mort. Les Imprécations de Camille, chez Corneille, réunissent contre Rome tous les peuples issus du fond de l’univers et dans Shakespeare, les sénateurs, assemblés, plantent leurs couteaux croisés dans le thorax de César. L’origine de la tragédie, que Nietzsche chercha sans la trouver, vous l’avez découverte ; elle gisait, tout offerte, en la racine hellénique du terme lui-même : tragos signifie, en effet, le bouc, ce bouc émissaire que des foules prêtes à la boucherie expulsent en le chargeant des péchés du monde, les leurs propres, et dont l’Agneau de Dieu inverse l’image. Merci d’avoir porté la lumière dans la boîte noire que nous cachons parmi nous.
Nous.
Nous, patriciens, au marais de la Chèvre, assemblés en cercles concentriques autour du roi de Rome ; nous, parmi les ténèbres d’un orage parcouru d’éclairs ; nous, découpant Romulus en morceaux, et, la clarté revenue, fuyant, honteux, chacun dissimulant, dans le pli de sa toge, un membre du roi de Rome dépecé ; nous, soldats romains, pressés autour de Tarpeia, jetant nos bracelets, nos boucliers sur le corps virginal de la vestale chaste ; nous, lapidateurs de la femme adultère ; nous, persécuteurs, lançant pierre après pierre sur le diacre Étienne, dont l’agonie voit les cieux ouverts…
… nous, bannissant ou élisant tel candidat en inscrivant son nom sur des tessons de terre cuite, souvenir oublié de ces pierres de lapidation ; nous, désignant un chef par nos suffrages, sans nous remémorer que ce mot fractal signifie encore les mêmes fragments, jetés sur l’élu ; de ces pierres assassines, nous bâtissons nos villes, nos maisons, nos monuments, notre Coupole ; nous, désignant roi ou victime, parmi nos fureurs temporairement canalisées par ce suffrage même ; nous, vos confrères, qui, de nos suffrages, vous avons élu ; nous, sagement assis autour de vous, debout, discourant de notre Père Carré, mort.
Grâce à vous, je vois pour la première fois le sens archaïquement sauvage de cette cérémonie, les cercles concentriques des sièges, fixés au sol, immobilisés, séparés ; j’entends le silence du public, apaisé de fascination, vous écoutant, vous, élu, debout ; je découvre aussi pour la première fois cette chapelle ronde autour du tombeau de Mazarin, tous deux faits des pierres d’une lapidation gelée, reproduisant, comme en modèle réduit, les pyramides d’Égypte, résultats elles aussi, elles sans doute parmi les premières, d’une lapidation longue, celle du corps de Pharaon, accablé couché sous ce monceau. Les institutions élèvent-elles nécropoles et métropoles à partir de ce supplice primitif ? La Coupole en dessine-t-elle encore le schéma oublié ?
Que signifie le sujet que nous appelons toi ou moi ? Sub-jectus, celui qui, couché, jeté dessous, jeté sous les pierres, meurt sous les boucliers, sous les suffrages, sous nos acclamations. Et quelle abominable glu colle les collectifs en ce sujet pluriel que nous nommons nous ? Ce ciment se compose de la somme de nos haines, de nos rivalités, de nos ressentiments. Sans cesse renée, mère mimétique de soi-même, marâtre des groupes, la violence, molécule de mort aussi implacablement repliquée, imitée, reprise, reproduite que les molécules de la vie, voilà le moteur immobile de l’histoire. Profonde leçon de grammaire élémentaire et de sociologie politique : vous, sous la boîte noire des pierres, voici le bouc émissaire ; nous, dans la boîte noire de la nuit, voilà, sans qu’ils le sachent, d’anciens persécuteurs. Leçon d’anthropologie et d’hominisation, j’y reviendrai.
D’où provient cette violence ?
Observez nos habits verts. Pourquoi un groupe parade-t-il ainsi, en uniforme ? Pourquoi femmes et hommes suivent-ils une mode vestimentaire, intellectuelle, parleuse ? Pourquoi ne désirons-nous passer pour d’exceptionnelles singularités qu’à la condition de faire comme tout le monde ? Pourquoi ladite correction politique exerce-t-elle tant de ravages sur la liberté de pensée ? Pourquoi faut-il tant de courage pour dire ce qui ne se dit pas, penser ce qui ne se pense pas, faire ce qui ne se fait pas ? Pourquoi l’obéissance volontaire fonde-t-elle les pouvoirs ? Pourquoi nous prosternons-nous devant les grandeurs d’établissement, dont la cérémonie d’aujourd’hui donne un si parfait exemple ?
Vous avez découvert, aussi, cette autre et première glu dont l’adhérence fait une bonne part du lien social et personnel : le mime, dont les gestes et 3 conduites, les paroles, les pensées nous rapprochent de nos cousins les singes, chimpanzés ou bonobos, sur lesquels, Aristoteles dixit, nous l’emportons en imitation. Combien de fois, observant, dans un ministère, une réception officielle, ou, dans un hôpital, la visite d’un professeur de médecine au chevet d’un malade, n’ai-je pas vu, de mes yeux vu, de grands anthropoïdes se livrant aux jeux dérisoires de la hiérarchie, où le mâle dominant parade face aux dominés ou à ses femelles soumises ? L’imitation produit la dominance plus ou moins féroce que nous exerçons ou subissons.
Anthropologique et tragique, le modèle que vous proposez à notre méditation, en illuminant notre expérience, part du mime et du désir qui en découle. Tel aime la maîtresse de son ami ou l’ami de sa maîtresse ; tel autre jalouse la place de son proche voisin ; quel enfant ne s’écrie « moi aussi » dès que frère ou soeur reçoivent un cadeau, et quel adulte peut se défendre d’un même réflexe ? L’état d’égaux crée une rivalité qui, en retour, nous transforme en jumeaux, réattisant à la fois la haine et l’attirance. Le paysage entier des sentiments violents, des émotions de base, divers et coloré en apparence, jaillit de cette gémellité uniforme et pourtant productive. Nous désirons le même, le désir nous fait mêmes, le même fait le désir, qui se reproduit, monotone, sur la double carte de Tendre et de Haineux, que vous dessinez avec le pinceau du mime.
Mieux encore, ce mimétisme jaillit du corps, du système nerveux comprenant ces neurones miroirs, découverts récemment par des cognitivistes italiens et dont nous savons aujourd’hui qu’ils s’excitent aussi bien lorsque nous faisons un geste qu’au moment où nous voyons un autre le faire, comme si la représentation équivalait à l’acte. Ainsi le mime devient-il l’un des formats universels de nos conduites. Nous imitons, nous reproduisons, nous répétons. La replication propage et diffuse le désir individuel et les cultures collectives comme les gènes de l’ADN reproduisent et disséminent la vie : étrange dynamisme de l’identique dont l’automatisme redondant, repliqué indéfiniment, va se répétant.
Vous avez mis la main sur l’un des grands secrets de la culture humaine, spécialement de celle que nous connaissons aujourd’hui, dont les codes envahissent le monde exponentiellement plus vite que ceux de la vie – trois milliards huit cent millions d’années pour l’une, quelques millénaires à peine pour l’autre – parce que ses grandes révolutions – tailles de la pierre au paléolithique, écriture dans l’Antiquité, imprimerie à la Renaissance, industrie de chaînes et de séries depuis quelques siècles, nouvelles technologies, plus récemment – inventèrent toutes, sans exception, des replicateurs, codes ou opérations de codage dont la surabondance envahissante caractérise notre société de communication et de publicité. Ces replicateurs, dont la similitude excite et reproduit le mimétisme de nos désirs, semblent imiter, à leur tour, le processus de reproduction de l’ADN vivant.
Les objets qui nous entourent désormais, voitures, avions, appareils ménagers, habits, affiches, livres et ordinateurs… tous proposés à nos désirs, comment les nommer, sinon des reproductions d’un modèle, à peu de variations près. Que dire, aussi, de ce que l’inculture de nos élites appelle management, pour les entreprises privées, ou de l’administration, pour les services publics, sinon que l’effroyable lourdeur de leur organisation a pour but de rendre homogène et reproductible toute activité humaine et de donner ainsi le pouvoir à ceux qui n’en ont aucune pratique singulière ? Et que dire des marques, partout propagées, dont nous connaissons l’origine : les traces de pas que laissaient en marchant, imprimées sur le sable des plages, les putains d’Alexandrie, révélant ainsi leur nom et la direction de leur lit ? Le long de leur marche dupliquée, ne revenons-nous pas au désir ? Quel président d’une grande marque, aujourd’hui partout repliquée, se sait, – s’il ne le sait pas, je jouis de le lui apprendre – se sait, dis-je, fils de ces putains d’Alexandrie ? Nous avons créé un environnement où le succès lui-même, où la création elle-même, dépendent désormais de la reproduction plus que de l’inimitable.
Le danger majeur que courent nos enfants, le voilà : les fils de putains, à qui je viens de rappeler leur digne lignée, les plongent dans un univers de codes repliqués ; nous les écrasons de redondance. La crise de leur éducation, la voici : fondé naturellement sur l’imitation, l’apprentissage enseigne à devenir des singularités inimitables. Tonitruants, les médias, la publicité, le commerce et les jeux répètent, au contraire : imitez-moi, devenez les véhicules automatiques de la répétition de nos marques, pour que votre corps et vos gestes répétés multiplient en les répétant nos succès commerciaux ; timide et quasi sans voix face à ces potentats, l’éducation leur souffle : n’imitez personne que vous-mêmes, devenez votre liberté. Devenue pédagogique, notre société a donc rendu l’éducation contradictoire. La crise de la création, la voici enfin : dans un univers de replicateurs, de modes et codes reproducteurs, de clones bientôt, l’oeuvre inimitable reste cachée jusqu’à la fondation d’un nouveau monde. Ainsi nous avez-vous révélé comment le désir personnel et la culture humaine amplifient l’un des secrets de la vie, de la naissance, de la nature.
Aveuglés par la monotonie du même, nous voyons mal la répétition. Comprenons-nous, par exemple, comment les techniques, sorties du corps, reproduisent, d’abord, les fonctions simples de nos organes : le marteau frappe comme le poing ; la roue tourne comme les articulations des genoux et des chevilles ; le nouveau-né tète au biberon comme au sein… imitent, ensuite, les systèmes : les machines à feu miment la thermodynamique de l’organisme ; télescopes, microscopes, miment les systèmes sensoriels… miment, ensuite, certains tissus : les réseaux de voies ferrées, maritimes, aériennes, électroniques imitent le tissu nerveux… miment, enfin, l’imitation même de l’ADN… ?
Voilà un autre mimétisme caché : appareillées du corps, les techniques finissent par entrer dans son secret de se reproduire pareillement. Elles se ramènent donc à des bio-technologies. Partis du corps, les appareils, bien nommés, y reviennent aujourd’hui. Leur histoire raconte comment les objets que nous fabriquons explorent, les unes après les autres, les performances de la vie. J’ai appelé cela, jadis, l’exo-darwinisme des techniques ; grâce à vous, je comprends qu’il continue, qu’il imite, culturellement, le darwinisme naturel. Je vous nomme désormais le nouveau Darwin des sciences humaines.
Je veux, par deux aveux, compléter le tableau du mimétisme tel que vous le décrivez : le premier concerne nos psychologies. Si, d’exercice ou de nécessité, nous cherchions, le plus loyalement du monde, ce que nous désirons vraiment, ou ici et maintenant, ou globalement pour notre vie entière, n’entrerions-nous point, pour longtemps, dans une autre boîte noire, intime, où nous nous égarerions, sans trouver, en ce fond sombre de nous-mêmes, le plus petit élément de réponse à cette exigence, immédiate ou large, de plaisir ou de bonheur ? Face à l’inquiétude induite par un tel égarement, nous nous précipitons vers l’imitation parce que nous ne pouvons pas ne pas combler, au plus vite, un vide aussi angoissant.
Aussi difficile que se présente, d’autre part, la morale la plus austère, ne constitue-t-elle pas, elle aussi, un substitut facile à la même absence ? Évidence plus que paradoxe : la route malaisée de la morale, comme le chemin aisé du mime, semblent des voies d’accès plus accessibles que la quête inaccessible de l’authentique plaisir. Puisque je ne sais pas ce que je veux, autant désirer ce que les autres paraissent vouloir ou ce que des normes féroces m’imposent.
Deuxième aveu, plus logique à la fois et plus personnel : il ne se présente pas de cas, dit Karl Popper quelque part, où certaines théories, le marxisme et la psychanalyse par exemple, se trouvent en défaut. Voilà des théories qui ont toujours raison ; mauvais signe, car, exact ou rigoureux, le savoir se reconnaît à ce qu’il connaît toujours des lieux où il défaille. Il n’y a donc de science que falsifiable. Or, çà et là, nous entendons dire que votre modèle, trop universel, tombe sous ce couperet. Il n’y aurait, dit-on, aucune exception à votre théorie du double et de la rivalité mimétique. On ne pourrait que la vérifier ; or, je le répète, pour qu’elle puisse entrer en science, il faudrait la falsifier.
Aussitôt, je m’y emploie. Voici déjà presque trente ans que, me prétendant votre ami, je reçois de vous des marques d’amicale réciprocité. En public, ce soir, je puis jurer les dieux devant les autels du monde, et sans risque de parjure, que je n’ai jamais ressenti ombre de jalousie ni de ressentiment à votre égard, quelque admiration que je vous porte. Veuillez donc me considérer comme un monstre, comme un double sans rivalité, donc falsificateur de votre modèle ; de la sorte, nous pouvons l’admettre dans l’exactitude rigoureuse du savoir. Quoi de plus réjouissant, vous en conviendrez, qu’un ami vrai joue assez au faux ami pour pouvoir démontrer, en la falsifiant, la vérité décrite par son ami ?
Et puisqu’il s’agit là de vous et de moi, pourquoi ne pas avouer, en entrant plus avant dans les confidences, que, cependant, je vous jalouse sur un point ? Vous naquîtes en Avignon, expression qui m’induit, et voilà l’exception, en rivalité mimétique ; car issu, moi aussi, moi toujours votre double, d’une ville dont le nom commence par un A, je ne bénéficie pas, comme vous et certain de nos amis né, par chance, en Haïti, de la préposition en dont l’euphonie évite à vos compatriotes l’hiatus dont l’horreur haïssable hante qui habita à Agen. Je me laisse brûler, là, par les feux de l’envie. Mais si, vous avantageant et me punissant, ce point de grammaire nous sépare, deux ponts, comme il se doit, nous rassemblent : alors que vous dansez sur celui d’Avignon, nous nous enorgueillissons de notre Pont-Canal.
Quasi jumeaux, nous naquîmes donc sous la même latitude, mais seuls les Parisiens, gens de peu d’oreille, croient que nous parlons, avec le même accent, une même langue d’Oc. Alors qu’ils croient la France coupée seulement en Nord et Sud, ils ne la voient pas, comme nous, séparée aussi en Est et Ouest : nous, Celtes et même Celtes-Ibères et, vous, Gaulois latinisés d’Arles ou de Milan, promis au saint Empire romain-germanique ; nous, atlantiques, versés vers un océan ouvert, vous, continentaux d’une mer intérieure ; nous, de la barre pyrénéenne, vous de l’arc alpin ; nous aquitains, gallois ou bretons, humides et doux, vous, méditerranéens venteux, piquants et secs ; nous, Basques ou Gascons, cousins des Écossais, Irlandais, Portugais ; vous, Provençaux, voisins rhodaniens du Rhin et du Pô ; vous, Zola, Daudet, Giono ; nous, Montaigne ; vous, Cézanne ; nous, Fauré.
Si l’espace nous sépare, il nous a unis aussi. À la fin de la dernière guerre, vous avez émigré, terrifié, comme je le fus, des folies criminelles de nations européennes. Pour mieux la penser, sans doute, vous mettiez, instinctivement, de la distance entre votre corps et cette mortelle violence. Et, de même que je parle avec une certaine émotion de la France rurale d’avant la coupure du conflit, vous parlez souvent avec la même nostalgie des États-Unis que vous connûtes alors, pays, comme le nôtre, à culture rurale et chrétienne, avant qu’il ne s’américanise. En cherchant la paix, vous deveniez, parmi les tout premiers, ce que nous devons tous devenir désormais : métis de culture et citoyens du monde.
Je ne vous rejoignis que vingt ans après. Vous souvenez-vous des paquebots, de ces traversées bénies dont la durée ne coûtait au corps aucun décalage horaire ? En le perdant, l’on gagnait du temps, alors que nous en perdons, maintenant, en croyant le gagner, entassés dans des aéronefs. De ce moment, j’ai en partie partagé votre errance de campus en campus et d’Est en Ouest. Vous souvenez-vous des blizzards de Buffalo, des hivers où nous cassions la glace sur la route où les congères, accumulées par la neige des Grands Lacs, nous interdisaient parfois de sortir de nos maisons ? Vous souvenez-vous des automnes lumineux de Baltimore, d’étés indiens où les rouges du feuillage renvoient au ciel une clarté que son azur ne connaît pas ? Vous souvenez-vous des chaleurs humides du Texas, des forêts de Caroline ? Avec quelle tristesse, la vieillesse venue, devrai-je bientôt me passer de vous retrouver, comme depuis plus de vingt ans, sur les bords du Pacifique, entre la baie de San Francisco et l’Océan ?
De même que votre pensée connecte plusieurs disciplines, votre vie traversa lentement cet immense continent. Vous en connaissez l’espace, vous en savez, mieux que personne, les moeurs, les vertus, les excès, la grandeur, les émotions, les religions, la politique, la culture. Jour après jour, j’ai appris les États-Unis en vous écoutant et je souhaite souvent qu’à la suite d’Alexis de Tocqueville, dont j’occupe le fauteuil, vous écriviez demain une suite, contemporaine et magnifique selon ce que j’entendis, de la Démocratie en Amérique. Les souvenirs de votre vie nous doivent ce dernier ouvrage-là.
Vous avez traversé la mer pour vous évader de la violence ; vous, principalement, et moi, votre double dans l’ombre, n’en parlons pas pour rien, en effet. Dès 1936, nous avions tous deux autour de dix ans, je n’en perdrai jamais la souvenance, nous autres, enfants rares issus des rescapés de la première guerre mondiale, recevions déjà les réfugiés d’Espagne, rouges et blancs, jumeaux échappés des atrocités d’une guerre civile qui annonçait la reprise des horreurs subies par nos parents. Souvenez-vous, alors, de la suite en cataracte, souvenez-vous des réfugiés du Nord, poussés par la Blitzkrieg de 39, souvenez-vous des bombardements, des camps de la mort et de l’Holocauste, des luttes civiles entre Résistants et Miliciens, de la Libération, joyeuse mais abominable de ressentiment sanglant, souvenez-vous d’Hiroshima et de Nagasaki, catastrophes pour la raison et le monde. Ainsi formée par ces atrocités, notre génération dut, en plus, porter les armes dans les guerres coloniales, comme en Algérie. Nous partageâmes une enfance de guerre, une adolescence de guerre, une jeunesse de guerre, suivant une paternité de guerre. Les émotions profondes propres à notre génération nous donnèrent un corps de violence et de mort. Vos pages émanent de vos os, vos idées de votre sang ; chez vous la théorie jaillit de la chair. Voilà pourquoi, Monsieur, vous et moi, mêlée à notre corps de guerre, avons reçu dès cet âge une âme de paix.
Un jour les historiens viendront vous demander d’expliquer l’inexplicable : cette formidable vague qui submergea notre Occident pendant le xxe siècle, dont la violence sacrifia, non seulement des millions de jeunes gens, pendant la première guerre mondiale, puis des dizaines de millions autour de la seconde – selon la seule définition de la guerre qui tienne et selon laquelle des vieillards sanguinaires, de part et d’autre d’une frontière, se mettent d’accord pour que les fils des uns veuillent bien mettre à mort les fils des autres, au cours d’un sacrifice humain collectif que règlent, comme les grands prêtres d’un culte infernal, ces pères enragés que l’histoire appelle chefs d’états – et qui, pour couronner ces abominations d’un pic d’atrocité, sacrifia, dis-je, non seulement ses enfants, mais, par un retournement sans exemple, sacrifia aussi ses ancêtres, les enfants de nos ancêtres les plus saints, je veux dire le peuple religieux par excellence, le peuple à qui l’Occident doit, sous la figure d’Abraham, la promesse de cesser le sacrifice humain. En l’atroce fumée sortie des camps de la mort et qui nous étouffa tous deux en même temps que l’atmosphère occidentale, vous nous avez appris à reconnaître celle qui sortait des sacrifices humains perpétrés par la sauvagerie polythéiste de l’Antiquité, celle, tout justement, dont le message juif, puis chrétien, tenta désespérément de nous délivrer. Ces abominations dépassent largement les capacités de l’explication historique ; pour tenter de comprendre cet incompréhensible-là, il faut une anthropologie tragique à la dimension de la vôtre. Nous comprendrons un jour que ce siècle a élargi, à une échelle inhumaine et mondiale, votre modèle sociétaire et individuel.
Derechef, d’où vient cette violence ? Du mime, disiez-vous. Il pleut du même dans les champs du désir, de l’argent, de la puissance et de la gloire, peu d’amour. Il pleut du mime comme il pleuvait jadis, dans le vide, du même, atomes, paroles ou lettres, pour la fondation du monde.
Or quand tous désirent le même, s’allume la guerre de tous contre tous. Nous n’avons encore rien à raconter que cette jalousie haineuse du même qui oppose doubles et jumeaux en frères ennemis. Quasi divinement performative, l’envie produit, devant elle, indéfiniment, ses propres images, à sa ressemblance. Les trois Horaces ressemblent aux Curiaces triples ; les Montaigus imitent les Capulets ; saint Georges et saint Michel miment le Dragon ; l’axe du Bien agit symétriquement, selon l’image, à peine inversée, de l’axe du Mal. Ainsi généralisé, couvrant tout l’espace par l’imitation, le conflit risque de supprimer les guerriers jusqu’au dernier. Épouvantés de cette possible éradication de l’espèce par elle-même, tous les belligérants se retournent, parmi cette crise, contre un seul. Des humains en foule tuent l’humain unique, en un geste d’autant plus répété que les meurtriers ne savent ce qu’ils font.
Jusqu’ici, nous n’avons rien à raconter parce que le récit, redondant, répète toujours la même ritournelle, ce cauchemar monotone de mime et de meurtre que communément l’on appelle l’histoire. Il n’y a rien à raconter parce que, aveugles ou hypocrites, nous cachions, sous les mille circonstances multicolores de l’histoire – le verbe historier signifie ce bariolage enjolivé d’un décor de racontars – cette uniformité d’un message sans aucune information. Du kaléidoscope de ses fureurs, de ses oripeaux d’arlequins, l’histoire couvre son vide d’information, issu de la monotonie repliquée de la violence.
Alors, mais alors seulement commence le récit : celui que racontent à la fois le Livre des Juges (XI, 34-40) ou la tragédie grecque et qu’à mon tour, enfin, je puis relater. Si je gagne cette guerre, supplie Jephté, général des armées, j’offrirai au Seigneur en holocauste la première personne que je rencontrerai. Si les vents se lèvent à nouveau pour virer mes voiles vers Troie, prie Agamemnon, amiral de la flotte, je sacrifierai, sur les autels de Neptune, le premier qui viendra vers moi. Une bonne brise enfle la voilure des vaisseaux de guerre grecs et ce père, roi des rois, voit venir vers soi sa propre fille Iphigénie. L’armée juive écrase les fils d’Ammon et, dansant et jouant du tambourin pour fêter la victoire, sort de sa maison, à Miçpa, la fille de Jephté soi-même courant, joyeuse, vers son père triomphant, mais déchirant ses vêtements. Dans les plaines mornes des batailles et chamailles des mêmes contre les mêmes, tous deux désirant le même, sans nouvelles donc et sans information, montent, alors, et jusqu’au ciel, le plus improbable des messages, le comble de l’horreur et de la cruauté. Les plus nobles des pères deviennent les pires.
La vie, le temps, les circonstances et l’histoire tirent au hasard ces premières venues. Le dieu Baal et le Minotaure terré au labyrinthe de Crète dévorent les premiers nés des notables de Carthage ou d’Athènes. Les fils et les filles, toujours les enfants. La victime de la violence paraît se tirer à la courte paille, mais, toujours, le sort tombe sur le plus jeune, sur le mousse… voilant ainsi le secret, que j’avais deviné, de la guerre : le meurtre de la descendance, dont l’organisation, par ces pères ignobles, se cache sous l’aléa.
En cette deuxième monotonie du sacrifice humain, désormais sans cesse repris, la première vraie nouvelle vint d’Abraham, notre ancêtre, au moins adoptif, qui, appelé par l’ange du Seigneur (Genèse, XXII, 10-13), arrêta son poing au moment où il allait égorger Isaac, son fils. Cela montre, mieux encore, qu’Agamemnon et Jephté avaient sacrifié leur fille de gaieté de coeur et cachaient cette abomination sous le prétexte du hasard et du premier venu, comme d’autres ailleurs, le dissimulaient dans la nuit, à l’occasion d’un orage. La pitié, la piété monothéistes consistent, nouvellement, en l’arrêt du sacrifice humain, remplacé par la vicariance d’une victime animale. L’éclair de la violence bifurque et, miséricordieusement, épargne l’enfant. Au passage, pour venir en aide à votre idée sur la domestication des animaux, aviez-vous remarqué l’enchevêtrement des cornes du bélier dans le buisson ? Cette attache veut-elle dire que la bête avait quitté déjà la sauvagerie ?
La deuxième vint de la Passion de Jésus-Christ ; à l’agonie, celui-ci dit : Père, pardonnez-leur, car ils ne savent ce qu’ils font. Ici, la bonne nouvelle porte sur l’innocence de la victime, l’horreur du sacrifice et le dessillement des bourreaux aveugles. La troisième vient de vous, qui dévoilez cette vérité, à nos yeux comme aux leurs cachée.
Moins connue à ce jour, quoique assourdissante, la quatrième exigerait de longs développements. Par l’imprimé, la parole et les images, les médias d’aujourd’hui, reprennent le sacrifice humain, le représentent et le multiplient avec une frénésie telle que ces répétitions recouvrent notre civilisation de barbarie mélancolique et lui font subir une immense régression en terme d’hominisation. Les technologies les plus avancées font reculer nos cultures aux ères archaïques du polythéisme sacrificiel.
Vous dites aussi que le dévoilement du mécanisme victimaire en a usé le remède. De fait, nous ne disposons plus de rituels pour tuer des hommes. Sauf sur nos écrans, tous les jours ; sauf sur nos routes, souvent ; sauf dans nos stades et nos rings de boxe, quelquefois. Mais, j’y pense, cette loi souveraine qui nous fit passer du meurtre à la boucherie, cette loi, dis-je, qui dérive notre fureur de la victime humaine à la bête, notre violence ne la dérive-t-elle pas, aujourd’hui, sur ces objets dont je viens de dire qu’ils sortent, justement, de nos corps, par un processus copié de votre mimétisme ? Voici quelques semaines, nous connûmes en France, pour la seconde fois, des révoltes sans morts, des violences déchaînées sans victimes humaines. Avons-nous vu, nous, vieillards, témoins des horreurs de la guerre et à qui l’histoire enseigna, contre le message d’Abraham et de Jésus, le bûcher de Jeanne d’Arc ou celui de Giordano Bruno ; avons-nous vu les révoltés en question ne brûler, par mimétisme, que des automobiles ; avons-nous observé la police, postée devant eux, épargner aussi les vies humaines ? Je vois ici une suite immanquable de votre anthropologie, où la violence collective passa, jadis, de l’homme à l’animal et, maintenant, de la bête, absente de nos villes, à des objets techniques. Parmi ces révoltes fument des chevaux-vapeur.
Comme un revenant, le sacrificiel ne cesse donc de nous hanter. Pourquoi ? Enfants, l’on nous enseignait à l’école que Zeus, Artémis et Apollon peuplaient le panthéon des religions antiques. Fausses, ces appellations font oublier qu’aux yeux des anciens existaient seulement les divinités spécifiques des villes. Couverte de seins, l’Artémis d’Éphèse se distinguait de l’amazone chasseresse d’une autre cité ; Apollon régnait à Delphes et Athéna sur la communauté exclusive des athéniens ; ces noms propres unifiaient un collectif local.
Ces ancêtres croyaient-ils aux déités ainsi nommées ? Non. Aucun verbe, dans leur langue, ne désignait une foi. Ils y croyaient, certes, mais seulement au sens où certains, moi compris, participons parfois avec chaleur aux exploits de notre équipe régionale ou nationale de rugby, au sens où un concitoyen confesse sa confiance en la République. Cette créance transit l’appartenance. À l’ombre du Parthénon, Athéna symbolise un territoire éponyme comme une équipe de football ou autres partis désignent d’autres niches. Il arrive que l’on y brandisse un étendard sanglant devant de féroces soldats, dont des paroles racistes disent encore le sang impur. De ces appartenances découle tout le mal du monde. Des conflits perpétuels entre villes et empires éradiquèrent la Grèce, l’Égypte et Rome et, en trois guerres successives, les nationalismes d’Occident faillirent s’en suicider. Par bonheur, notre génération inventa une Europe qui, pour la première fois de l’histoire occidentale, vit en paix depuis soixante ans. Votre polythéisme meurtrier du sacré, je le généralise en religions belliqueuses et militantes de l’appartenance. La Foi les délaisse, usées.
Les polythéismes et les mythes associés collent les collectifs avec une efficacité sanglante, mais cette solution, toujours temporaire et donc à recommencer sans cesse, s’use, pendant que ces sociétés en périssent. L’Antiquité mourut de ses religions. Quand le judéo-christianisme parut, il enracina peu à peu la Foi dans les individus. Avant saint Augustin et Descartes, saint Paul invente l’ego universel.
Il y a deux sortes de religions : les anthropologies et les sociologues épuisent le sens de celles qui fondent l’appartenance, où règnent la violence et le sacré. Inversement, pour celles de la personne, les expressions « sociologie, politique des religions » sentent l’oxymore. La distinction monothéisme-polythéisme ne se réduit point à la croyance en un ou plusieurs dieux, mais désigne une séparation plus radicale entre croyance et foi, entre social et individuel. Quand l’Évangile recommande la dissociation entre Dieu et César, il distingue la personne de son collectif. L’Empereur maîtrise le nous ; Dieu s’adresse au moi, source ponctuelle sans espace de ma Foi en Lui. Je dois l’impôt à la société dominée par le pouvoir impérial ; je sauve mon âme. Pour n’avoir aucune place dans le monde, la nouvelle religion fonde sa sainteté dans l’intime de l’intérieur.
Cependant, elle fonde aussi une Église, qui s’enferme, d’abord, dans les catacombes, à côté des tombes, non pas seulement pour échapper aux persécutions de Rome, mais pour se cacher d’une société violente usée jusqu’à la corde, pour tenter de constituer un collectif nouveau, laissant l’appartenance sacrée pour la communion des saints. Je vois les premier chrétiens, dames patriciennes, esclaves, étrangers de Palestine ou d’Ionie, sans distinction de sexe, de classe ni de langue, ne cessant de focaliser leur regard et leur attention fervente sur l’image de la victime innocente, en partageant une hostie symbolique plutôt que les membres épars d’un lynchage. Si nous comprenions ce geste, ne changerions-nous pas de société ?
Que l’Église ait réussi ou non un tel pari, l’histoire, trop brève, peut-elle en juger ? Je sais seulement que toute société, celle-là autant que les autres, se trouve, aussitôt que née, empêtrée dans la nécessité de gérer sa violence inévitable. Aucun collectif n’échappe à cette loi d’airain, pas même celui des théologiens, philosophes, scientifiques, historiens, académiciens… aussi persécuteur que n’importe quel groupe en fusion. La puissance sociétaire de la violence et du sacré l’emporte sur les vertus douces des individus et dévaste vite la communion des saints. Peut-elle échapper au mimétisme, à la rivalité, aux mécanismes aveugles du bouc émissaire ? Ceux qui prétendent se battre pour Dieu tombent alors et n’assassinent que pour un fantôme de César. Au milieu des guerres de religion, Montaigne notait qu’il ne trouvait pas un furieux sur mille qui avouât tuer pour sa Foi. La violence revient toujours parmi nous et aussi bien parmi le divin. Nous vivons, aujourd’hui encore, le retour de ces revenants.
Considérer la religion comme un fait de société ou d’histoire, loin de caractériser une approche scientifique, fait, au contraire, partie de la régression contemporaine vers les religions sacrificielles de l’Antiquité. Le savoir, là, s’adonne au même aveuglement que les médias ; dans les deux cas, Dieu mort, nos conduites reviennent aux religions archaïques ; depuis que le monothéisme se tait, nous errons, redevenus polythéistes, parmi les revenants du sacrifice humain.
Pourquoi tous les jours, à midi et le soir, la télévision représente-t-elle avec tant de complaisance cadavres, guerres et attentats ? Parce que le public se coagule par la vue du sang versé. Rats pour les autres hommes, nous autres, hommes, béons devant la violence et ses revenants. Le polythéisme sacrificiel colle si bien le collectif que je l’appellerais volontiers le « naturel du culturel ». Les prophètes écrivains d’Israël connaissaient bien ce retour fatal du sacrifice, dans une société qui n’arrive point à vivre la difficulté d’un monothéisme qui l’en prive.
Comme aux temps bibliques, cela nous arrive aujourd’hui. Un prophète seul peut le rappeler ; nous devons vous écouter.
Il y a deux sortes de religions. Presque naturellement, les cultures engendrent celles du sacré, qui se distinguent de celles que ces collectifs mêmes peuvent à peine tolérer parce que, saintes, elles interdisent le meurtre. Rare et difficile à vivre par son exception insupportable, le monothéisme porte la critique la plus dévastatrice des polythéismes courants, sans cesse revenants dans leur fatalité. Le saint critique le sacré, comme le monothéisme l’idolâtrie.
Vous décollez la foi des crimes de l’histoire, y compris de ceux perpétrés au nom du divin, non pas pour justifier la religion, mais pour rétablir la vérité, dont voici le critère : ne jamais verser le sang.
Méditant ainsi, vous portez la raison en des matières de violence qui semblaient l’exclure. Elle n’appartient, de droit, à personne, à aucun savoir, à nulle institution, mais se conquiert seulement d’exercice. Il paraît, certes, aisé de la pratiquer dans les sciences exactes ; or vous l’introduisez dans des domaines autrement difficiles. On entend souvent, aujourd’hui, réduire la religion à un fidéisme fade et irrationnel en dehors de tout rationalisme ; comme si, venue d’un coeur au douceâtre écoeurant, la foi tournait le dos à la raison. Vous renouez, au contraire, avec la plus haute de nos traditions où l’une cherche l’autre en les réconciliant.
Vous le faites, de plus, en suivant un chemin d’une longueur peu commune. Je mesure l’importance de votre hypothèse avec l’extension de son rayonnement ; elle a renouvelé, en effet la critique littéraire : j’ai tenté de faire entendre, en commençant, que nous lisons désormais autrement la tragédie, grecque, renaissante et classique ; mais nous quittons un exercice qui, fermé sur soi, resterait vain, pour mieux penser, grâce à vous, les tragédies que nous vivons ; elle a renouvelé l’histoire : nous interprétons désormais autrement la fondation de Rome, les conflits, les mouvements de foule, les révolutions ; mais nous quittons un exercice qui, fermé sur soi, resterait vain, pour mieux comprendre, grâce à vous, l’horreur de notre xxe siècle ; elle a renouvelé, de même, la psychologie : si le triangle à la française rafraîchit la lecture des romans du xviiie et du xixe siècles et leurs mensonges romantiques, nous quittons aussitôt un exercice qui, fermé sur soi, resterait vain, car votre mimétisme permet de mieux interpréter le narcissisme, les relations amoureuses, l’homosexualité, de relire même la psychanalyse ; de mieux comprendre aussi les mécanismes du désir et de la concurrence qui modèlent notre économie ; nous entrons plus avant, grâce à vous, dans l’anthropologie, l’histoire des religions et la théologie, en redonnant son importance au sacrifice, en resituant les religions juive et chrétienne par rapport aux divers polythéismes ; mais nous quittons aussitôt un exercice qui, fermé sur soi, resterait vain, pour mieux saisir enfin les monotones nouveautés de l’âge contemporain. Pour comprendre notre temps, nous disposons non seulement du nouveau Darwin de la culture, mais aussi d’un docteur de l’Église.
Votre pensée, décidément, me ramène toujours aux temps présents. J’ai hâte de les rejoindre.
Je disais tantôt que l’espace nous sépare et nous unit ; mais le temps aussi nous rassemble ; nous naquîmes tous deux à la pensée par celle d’une femme dont je veux évoquer la vie et le visage par reconnaissante piété ; sensiblement au même âge, nous lûmes Simone Weil ; son génie et les atrocités de la guerre firent de cette femme inspirée, juive à la fois et chrétienne, la dernière des grandes mystiques, l’ultime philosophe pour qui l’héroïsme et la spiritualité avait autant, sinon plus de densité que la vie même. Je me souviens de réunions, en Californie, entre Allemands et Français, ennemis en des temps effacés de nos mémoires, devenus amis depuis, qui avouaient de concert avoir commencé à méditer sous l’égide douce de cette héroïne qui voua son existence à la sainteté.
De fait, pourrions-nous vivre, écrire et penser seuls, nous autres faibles mâles, sans d’autres saintes femmes ? Votre oeuvre, Monsieur, convertit qui la lit à la certitude du péché originel, dont la constante traînée dans l’histoire, nous oblige sans cesse à gérer parmi nous une violence irrépressible. Face à ce modèle dur, votre vie s’accompagna d’une deuxième image féminine, plus douce, plus aimable, irremplaçable. Outre ses douze apôtres mâles, Jésus-Christ lui-même eut besoin de saintes femmes, et, parmi elles, d’une Marie-Madeleine, pour répandre sur lui le parfum, et d’une Marthe pour le quotidien des jours. Voilà deux figures de l’inspiratrice nécessaire à qui se jette, assoiffé, par le désert de l’oeuvre. La verseuse du nard précieux, accapareuse de la meilleure part, reçut, dans l’histoire sainte, assez d’éloges et fit le modèle d’assez de représentations profanes pour que je la passe sous silence au profit, enfin, de la seconde, dont nul ne dit mot. Toujours à la peine, jamais à l’honneur.
Je la vois américaine, porteuse d’une tradition chrétienne aussi ancienne que l’immigration, solide, loyale, généreuse et douce, retirée. Vous incarnez, Madame, les vertus que nous admirons, depuis des siècles, dans la culture de votre pays : la fidélité, la constance et la force, le conseil, la justesse de jugement, la finesse dans l’appréhension des sentiments d’autrui, le dévouement, le ressaut vif après l’épreuve, le dynamisme et la lucidité devant les choses de la vie. Sans vous, sans votre présence inimitable, peu de gens le savent, qu’ils l’apprennent aujourd’hui, les grandes pensées que j’ai la lourde charge de louer ce soir, n’auraient sûrement pas vu le jour. Avec vos enfants et vos petits-enfants, dont je vois en ce moment les visages amis, vous incarnez, de plus, le lien entre ce qui se passa naguère dans le Moyen Ouest de votre Nouveau Monde et ce qui se dit aujourd’hui, à Paris, en des habits antiques. Voici : un citoyen français, professeur à Stanford University, reçoit sous la Coupole, l’une des plus anciennes institutions de France, un citoyen américain, français de naissance, professeur lui-même dans la même université. Il ne s’agirait que d’un double, si vous n’assistiez point à la séance et complétiez le triangle, pour une nouvelle et miraculeuse fois sans mimétisme ni rivalité. Vous liez nos deux personnes, par l’affection que je porte à votre mari et à vous-même ; vous liez aussi nos deux pays, dont je célèbre l’infiniment précieuse amitié. Qu’elle ait connu l’épreuve de nuages passagers, la plus serrée des relations le dirait d’elle-même.
Sur vos épaules repose le pont du monde. La paix règnera, l’humanité se construira, mêlée, moins à l’aide des traités entre nations, moins par la politique, le droit ou les échanges commerciaux que par d’humbles liens amoureux tissés par les femmes aux mariages sans frontières. Alors, dans leur foyer sonnent, ô merveille, deux langues maternelles. L’harmonie à venir s’ouvre sur cette musique métisse, multipliant les chanterelles et les passerelles entre les cultures. Madame, j’entends depuis longtemps le pont de votre voix.
Monsieur, je reviens vers vous, qui avez inventé l’hypothèse la plus féconde du siècle. J’ai pris un temps de repos en ces confidences parce que j’avais du mal à soutenir l’élévation vers la grandeur des choses que vous dites. À retenir une seule des leçons que j’en tire, voici celle sur laquelle je voudrais finir.
Des « lambeaux pleins de sang et des membres affreux » dont j’agitais l’horreur en mon commencement, vous avez généralisé les actions sacrificielles auxquelles s’adonnent les cultures connues. L’hémoglobine dégouline du corps des victimes humaines et animales, bref de ces meurtres collectifs dont vous nous dégoûtez irrémédiablement. Or, en jugeant la victime coupable et en innocentant les assassins, les fables qui les relatent mentent. Vous nous enseignez donc que la fausseté accompagne le crime et le mensonge l’homicide, l’un suivant l’autre comme son ombre. Du sang versé naissent des dieux, antiques ou contemporains, toujours faux. Jumeaux, l’erreur et le meurtre demeurent inséparables. Sublime rationalisme.
Inversement, innocenter la victime amène à ne pas tuer en dévoilant la vérité. Cherches-tu le vrai ? Tu ne tueras point ! La révélation d’innocence équivaut, alors, à une généalogie de la vérité, à qui l’Occident, par le monothéisme juif, la géométrie grecque et le christianisme judéo-grec, tous trois critiques des mythes, doit sa maîtrise unique des raisons et des choses. De la vérité découle la morale. Rationalisme sublime.
Du coup, vous m’avez appris ceci, qui a changé ma vie, de distinguer le saint du sacré, ni plus ni moins que le faux du vrai. Théologie, éthique, épistémologie parlent, en trois disciplines, d’une seule voix.
Écoutez la circonstance qui m’advint voici quelque quinze ans, et qui, à mes yeux, passa pour une expérience quasi cruciale du bien fondé de votre hypothèse. Jamais je n’eus devant moi des étudiants comparables aux prisonniers de Fresnes ou de la Santé ; contrairement aux élèves ordinaires, ils disposent de temps et donc forcent de mutisme et d’attention. À l’aise en ces lieux, j’avais en commun avec eux d’avoir vécu, de longues années d’adolescence, pensionnaire en des lycées aux architectures pareilles à leur enfermement. Ils me demandèrent, un jour, de parler du sacré. L’un d’eux protestait, prétendant que, rouleau d’écriture, ciboire, pierre noire… il se réduisait à une simple convention. Arbitraire ou non, c’était la question. Fidèle à une méthode dont l’exigence refuse le cours magistral, je leur demandai de se préparer à y répondre en méditant sur la mort quelques instants, à part. Me reprenant vite, je rectifiai ma proposition, ajoutant : non seulement la mort que vous et moi allons subir, de toute nécessité, mais aussi celle que l’on peut donner, par accident ou de volonté. Alors, trois d’entre eux se levèrent soudain, comme piqués d’un aspic : « Moi, moi, je sais le sacré ! ». Il s’agissait des condamnés pour meurtre. Jamais je n’obtins un silence aussi contemplatif, extatique et prolongé devant l’évidence. Les faux dieux nous visitaient.
Le saint se distingue du sacré. Le sacré tue, le saint pacifie. Non violente, la sainteté s’arrache à l’envie, aux jalousies, aux ambitions vers les grandeurs d’établissements, asiles du mimétisme et ainsi nous délivre des rivalités dont l’exaspération conduit vers les violences du sacré. Le sacrifice dévaste, la sainteté enfante.
Vitale, collective, personnelle, cette distinction, recouvre celle, cognitive, du faux et du vrai. Le sacré unit violence et mensonge, meurtre et fausseté ; ses dieux, modelés par le collectif en furie, suent le fabriqué. Inversement, le saint accorde amour et vérité. Surnaturelle généalogie du vrai dont la modernité ne se doutait pas : nous ne disons vrai que d’innocemment aimer ; nous ne découvrirons, nous ne produirons rien qu’à devenir des saints.
Au cours de réunions où je regrettais que vous n’assistiez pas, notre compagnie hésita, récemment, à définir le mot religion. Vous en dites deux familles : celles qui unissent les foules forcenées autour de rites violents et sacrés, générateurs de dieux multiples, faux, nécessaires ; celle qui, révélant le mensonge des premières, arrête tout sacrifice pour jeter l’humanité dans l’aventure contingente et libre de la sainteté, pour lancer l’humanité dans l’aventure contingente et sainte de la liberté.
Je veux finir par ce que sans doute peu de gens peuvent ouïr de leur vivant ; que je n’ai encore prononcé devant personne : Monsieur, ce que vous dites dans vos livres est vrai ; ce que vous dites fait vivre.
Le sacrifice épuisé, nous ne nous battrons plus que contre un ennemi : l’état où nous désirions réduire l’ennemi lorsque, jadis, nous nous battions. Alors, seul adversaire en ce nouveau combat, la mort, vaincue, laisse place à la résurrection ; à l’immortalité.
Madame la Secrétaire perpétuelle, permettez-moi maintenant, comme entorse au règlement, de quitter, sur le mot terminal, le vouvoiement cérémoniel. En notre compagnie, fière de te compter parmi nous, entre, maintenant, mon frère.
L’épisode dit de la « femme adultère ».
INTRODUCTION
Dissipons d’abord une ambiguïté : le titre de la formation pourrait sembler racoleur pour qui ne connaît pas cet extrait de l’Evangile de saint Jean… et même pour qui se souvient de l’avoir lu. Mais quel rapport entre l’infidélité conjugale et l’enseignement du fait religieux à l’école primaire ? Eh bien aucun. Et si vous attendez un exposé sur l’adultère, vous serez déçus aussi ; il vaudra mieux lire l’ouvrage d’Aldo Naouri, à paraître en septembre 2006, dont le quotidien Le Monde a publié de « bonnes feuilles » au cours de cet été. Même s’il sera permis de se demander pourquoi, s’agissant d’un récit exemplaire de condamnation sociale hâtive et de pardon, le récit sacré retient précisément une « faute » de ce type-là plutôt qu’une autre.
Alors pourquoi ce choix en juin 2004, date qui a marqué ma première participation à cet enseignement nouvellement inscrit dans le programme[1] ? D’abord des circonstances déterminées par l’actualité. Amnesty International venait de faire campagne pour sauver Amina, une jeune femme musulmane menacée de lapidation après avoir mis au monde un enfant hors mariage. On en était au début de la guerre en Irak, et le terrible attentat de Madrid avait remis au premier plan la menace terroriste en Europe, contribuant à confondre Islam, obscurantisme et violence aveugle. Ensuite, surtout, un fait divers qui nous avait marqués dans l’Académie de Strasbourg. Dans une école maternelle d’Altkirch, une petite fille avait été la victime de la « violence » sidérante de deux camarades de sa classe, dans un coin non surveillé de la cour de récréation. L’affaire, hypermédiatisée, avait pris des proportions énormes, non seulement dans la presse locale, mais dans les journaux nationaux. Il m’a semblé alors que ce récit de Jean pouvait être intéressant à lire parce qu’il contient quelques pistes, très simples, pour nous aider, le moment venu, à maîtriser des situations conflictuelles, voire potentiellement explosives. Et là, nous sommes quand même plus proches de nos enjeux professionnels !
Mon choix essaye aussi de répondre à un problème posé par cette formation. Notre mission se borne à l’enseignement non de la religion, normalement confiée en Alsace et en Moselle à des formateurs spécialisés, mais au « fait ». Mais qu’est-ce qu’un « fait » ? En l’occurrence, aussi loin que l’on puisse remonter, il s’agit non de « faits » mais de croyances, qui ont évidemment eu dans notre civilisation un impact énorme. Les formateurs d’histoire-géographie sont mieux placés que moi pour faire l’inventaire, ne serait-ce par exemple qu’à Colmar, de ces traces inscrites dans l’espace urbain. Mais ce n’est pas forcément dépasser la limite qui m’est imposée par le principe de laïcité si je m’aventure (un peu) sur le versant « subjectif ». Non pas pour faire partager une croyance, mais à mieux comprendre les faits par l’intentionnalité qui leur préside. Il y a là de ma part une option, sans doute contestable, en tous cas défendable : celle d’une lecture « anthropologique ». Le fait religieux « fait sens » d’abord en tant que fait humain , donc d’un point de vue subjectif. Cette subjectivité devient alors une dimension essentielle. Le philosophe Paul Ricoeur évoque ce problème pour qui se donne pour but de comprendre la pensée de la Bible : corpus foisonnant de « faits » qui sont des textes inséparables des communautés de lecteurs qui les ont produits, traduits, réécrits : « entrer dans ce cercle, c’est participer au moins en imagination et sympathie à l’acte d’adhésion par lequel une communauté historique se reconnaît fondée et, si l’on peut dire, comprise, en tous les sens du mot, dans et par ce corpus si particulier de textes »[2]. En quelque sorte, c’est se donner le droit de lire le texte biblique exactement comme un récit de fiction, l’imagination et la sympathie relevant alors de la même posture de lecteur que celle que nous induisons, avec nos élèves, lorsque nous entrons avec eux dans un album ou un roman de jeunesse. Ecrivains et peintres ne s’en sont pas privés comme on le verra dans la dernière partie.
Il n’y a donc dans mon entreprise aucun prosélytisme, puisqu’on n’ira pas au-delà. L’adhésion en elle-même relève de l’engagement intime de chacun.
Le fait : approche textuelle
Voici le texte, dans la TOB (traduction œcuménique de la Bible) aujourd’hui scientifiquement reconnue (sans en exclure d’autres) :
Le fait religieux procède de textes, aussi loin que l’on puisse remonter.
L’historien, dans sa quête des origines, ne peut être que déçu. Les faits ne nous sont accessibles que par des textes, dont les plus anciennes versions connues sont des écrits postérieurs de plusieurs décennies, voire de plusieurs siècles aux événements qu’ils rapportent. Contrairement à l’Islam qui n’a pas intégré jusqu’à présent les méthodes de la critique historique, l’exégèse fonde ses interprétations sur une étude scientifique des textes. Ces derniers n’ont eux-mêmes rien d’historique au sens moderne du terme. Ils fondent un ensemble de croyances.
Les indices archéologiques.
Forts de ce constat, les premières approches « positivistes » des Ecritures en ont conclu, un peu vite, à l’absence de faits : tout aurait été inventé. En effet, de Jésus, le fondateur du christianisme, on sait très peu de choses : à peu près rien de sa naissance et de sa jeunesse ; les premières informations précises concernent les trois dernières années de sa vie (dite « publique ») et sa mort (la Passion), mais il s’agit là d’un récit plus théologique qu’historique, tout comme celui de sa naissance, popularisé par le folklore de Noël . Mais l’existence de Jésus, un temps mise en doute, ne semble plus vraiment contestée aujourd’hui. L’archéologie moderne a trouvé des preuves épigraphiques des données historiques évoquées par les évangiles : en 1961, une stèle découverte à Césarée porte les noms de Tibère et de Pilate, gouverneur de Judée de 26 à 36, qui, toujours d’après les textes, condamna Jésus au supplice de la crucifixion.
Plus récemment, en 2002, l’archéologue français André Lemaire a découvert un ossuaire sur lequel une inscription en araméen semble correspondre à trois personnages des Evangiles : « Jacques, fils de Joseph, frère de Jésus ». Mais en 2003, les scientifiques ont dû relativiser la portée de la trouvaille : l’inscription serait postérieure à l’ossuaire, dont la provenance est inconnue.
Avant d’évoquer les textes dits « canoniques » (ceux que les Eglises ont retenus pour leur portée théologique), on peut faire un bref inventaire des textes d’auteurs non chrétiens rédigés à l’époque de Jésus. Non suspects de complaisance envers cette nouvelle religion qui allait bientôt s’imposer au judaïsme, puis à tout le monde romain, ces témoignages sont a priori fiables. L’historien juif Flavius Josèphe, mort en 100 de notre ère, rapporte dans ses « Antiquités juives » le martyre de Jacques, « frère de Jésus, dit le Christ ». Ce texte remonte à 93-94, et son authenticité paraît sérieuse. Il y a chez le même auteur d’autres mentions, plus explicites, mais ces passages peuvent avoir été retouchées par des auteurs chrétiens. Flavius Josèphe est plus neutre (plus « objectif » dirions-nous aujourd’hui selon nos catégories scientifiques qui n’existaient pas à cette époque) que les historiens latins, comme Pline le Jeune, Tacite et Suétone, qui évoquent la naissance d’une nouvelle secte, se réclamant d’un certain Christos (« celui qui a reçu l’onction »), mais dans des termes polémiques, voire méprisants. Un roman de Marguerite Yourcenar, Les Mémoires d’Hadrien, reconstitue de manière magistrale, cette naissance du christianisme du point de vue de ses adversaires romains, mais aussi juifs), qui font preuve moins d’une hostilité fanatique que d’une incompréhension d’hommes cultivés, mais incapables d’empathie parce qu’ils sont sur d’autres bases..
Les textes canoniques.
Le mot « kanon » évoque en grec l’idée de norme juridique. Le corpus de textes qui contient aujourd’hui l’ensemble dit « canonique » était au départ plus large. La détermination de l’ensemble de 27 livres que nous découvrons aujourd’hui en ouvrant le « Nouveau Testament » remonte à l’aube du III° siècle. Pour comprendre ce processus, il faut prendre en compte le fait que les adeptes de la nouvelle religion « chrétienne » n’ont pas éprouvé au départ la nécessité de posséder des textes. Dans ce domaine leur référence était l’Ancien Testament. Leur lien avec le judaïsme est longtemps resté très fort, leur foi nouvelle s’appuyant par contre sur l’autorité de ceux qui avaient été les premiers témoins de Jésus dit le Christ : les apôtres. Ces témoignages « apostoliques » restèrent longtemps des traditions orales. Elles furent fixées par écrit dans un contexte souvent polémique, lorsqu’il fallut défendre cet héritage premier contre de nouvelles interprétations. Ainsi s’éclaire une constante dans le Nouveau Testament : ses livres sont pour la plupart désignés par le nom d’un témoin direct (un « apôtre ») : l’évangile de Marc, le deuxième épître de Jean, etc. Ce n’est pas l’exactitude historique qui garantit pour les lecteurs de l’époque la fiabilité de ces textes, mais leur filiation apostolique. Ce terme de « filiation » ne signifie pas que les apôtres soient « auteurs » au sens moderne : les textes dans leur état actuel peuvent résulter de transmissions orales.
En même temps que s’affirme ce Canon, prolifèrent des textes dits « apocryphes », autrement dit secrets ou cachés. Le terme n’était pas forcément péjoratif. Il pouvait désigner des ouvrages utiles, mais qui ne devaient pas être lus en public lors des liturgies (rites de prière publique). Mais comme ils servaient aussi à alimenter des controverses, et que leurs auteurs les rattachaient aussi à des apôtres, les textes apocryphes furent assez rapidement considérés comme véhicules d’erreur. Le monde romain, grande machine à unifier, où le christianisme se développa, ne fut pas pour peu dans la marginalisation de la littérature apocryphe. De ce fait, pour des raisons techniques liées à la reproduction des textes manuscrits, les apocryphes furent beaucoup moins bien conservés, et souvent nous n’en possédons que des fragments. Cette situation alimente la spéculation, et le dernier exemple en a été le débat récent, après le succès du Da Vinci Code, autour de l’Evangile dit de Judas… qui remonte tout de même au IV° siècle !
Les épîtres et les évangiles
En ouvrant un Nouveau Testament, on découvre d’abord les quatre évangiles (vies de Jésus) : Matthieu, Marc, Luc et Jean, puis les Actes des Apôtres (première histoire de la prédication), puis la série des épîtres : d’abord les 14 de Paul, puis une série d’autres, dites pastorales, attribuées à d’autres apôtres, et enfin un grand texte poétique, qui raconte la fin du monde : l’Apocalypse, attribué à l’apôtre Jean. Cet ordre est trompeur. Chronologiquement, ce sont les épîtres de Paul qui ont été produites les premières. Ce sont des lettres (« épître » vient du latin « epistola » qui a donné en français « épistolaire »), adressées entre 50 et 58 aux premières communautés de convertis. Il s’agit non de récits mais de traités de théologie, d’une importance inégale. La première dans l’ordre est la fameuse « épître aux Romains », qui est un monument de la culture occidentale.
La reconnaissance des quatre évangélistes comme les auteurs de référence s’est faite assez rapidement. Pour autant, s’ils ont été les compagnons de Jésus crucifié vers 33, ils ne peuvent pas avoir été écrits par eux. Le plus ancien est celui de Marc, écrit à Rome vers 65. L’Evangile de Matthieu d’adresse à des Juifs, et a été produit en Palestine entre 75 et 90. Les lecteurs de l’évangile de Luc sont des communautés de culture grecque, entre 65 et 80. C’est le même Luc qui aurait composé les « Actes ». L’évangile de Jean remonte à 90-100 et est donc le plus tardif.
Les trois premiers évangiles : Matthieu, Marc et Luc ont de grandes similitudes, c’est pourquoi on les appelle les « synoptiques ». En général dans les éditions modernes, des notes en marge renvoient le lecteur à ces correspondances. L’exégèse a fait l’hypothèse de sources communes : un « proto » évangile de Marc et une source commune à Matthieu et à Luc, appelée par les allemands (pionniers en la matière) « die Quelle », la source. L’évangile de Jean, si sa trame est la même, ne raconte pas les mêmes épisodes, et son écriture est très différente.
Cet évangile de Jean pose des problèmes de toutes sortes. Ses parties narratives sont entrecoupées de longs développements théologiques, fortement influencées par une philosophie « gnostique », en vogue à cette époque. Son propos est de rendre compte de l’événement de l’Incarnation du Verbe pour le salut des hommes. Entendons : comment Dieu s’est fait homme en Jésus. Mais le récit de la Passion (procès et mort de Jésus) est d’une meilleure qualité historique que ceux des synoptiques. Le passage de la femme adultère a intrigué les exégètes. Dans les plus anciens manuscrits, il est à une autre place et parfois même absent. Le verset initial : « Et ils allèrent chacun chez soi » n’a pas la forme d’une amorce de récit. Et le style évoque plutôt Luc. D’un point de vue scientifique, cette attribution est hautement probable, et on peut même situer en Luc 21,38, la place où le texte devrait s’emboîter :
« Pendant le jour, il était dans le Temple à enseigner ; mais pendant la nuit il s’en allait le passer en plein air sur le mont dit des Oliviers. Et dès l’aurore, tout le peuple venait à lui dans le Temple pour l’écouter ».
En effet, le lieu où se passe la scène est le Temple, et les peintres innombrables qui ont essayé la représenter ont donné souvent une grande importance à ce détail…
Pour l’enseignement du fait religieux, ce texte est un exemple qui permet ainsi d’illustrer la genèse des textes fondateurs. Ils ne sont pas tombés du ciel, et je n’hésite pas à l’écrire : le Coran, qui leur est postérieur, pas davantage. Ce mot de Coran évoque d’ailleurs par son étymologie une transmission orale. Ils ont été longtemps médités, reformulés, réélaborés par des communautés, qui parlaient l’araméen et le grec avant d’être écrits en grec, puis traduits en latin. Pour achever d’esquisser cette complexité, il faudrait dire un mot des manuscrits. Il existe dans le monde environ 2000 manuscrits grecs de référence, et les plus anciens datent du 4° siècle. Les deux plus importants sont le Sinaïticus, conservé au British Museum, et le Vaticanus. Mais on possède quelques fragments remontant au 3° et au 2° siècle, qui attestent la fiabilité de ces manuscrits de référence.
L’épisode de la femme adultère : quels rapports avec le « fait religieux » ?
Le point de vue juridique
Dans mon introduction, j’évoquais l’histoire d’Amina, une affaire emblématique qui avait il y a quelques années défrayé la chronique. Cette jeune nigériane était devenue mère d’un enfant conçu hors mariage, et le gouvernement islamique menaçait d’appliquer la « charia », et précisément de la condamner à la lapidation. Du moins c’est ainsi que l’affaire fut médiatisée. Largement diffusée sur internet, elle est même inséparable du média qui l’a fait connaître. En effet Amina fut acquittée, mais des messages pour la sauver circulèrent longtemps après cette fin heureuse. Amnesty International dut faire beaucoup d’efforts pour arrêter la déferlante des mails. Ainsi, un fait qu’il n’est pas question de nier contribua à une construction : de proche en proche furent confondus charia, Islam, oppression de la femme. Il y eut « folklorisation » du fait religieux musulman. Ici quelques mises au point s’imposent et nous le ferons d’abord en nous appuyant sur l’article « adultère » de l’Encyclopédia Universalis. La répression violente de l’adultère est une constante de toutes les sociétés antiques, et notamment de celles qui sont réparties sur le pourtour de la Méditerranée. Elle marque un territoire déterminé par le code de l’honneur ; là s’impose un code archaïque de la famille, d’où une tension non résolue avec la loi qui régit la société. Corollairement, l’adultère de la femme est toujours puni plus sévèrement que celui de l’homme : l’amant complice, lui-même mari volage ou non, s’en sort en général assez bien ! Ce déséquilibre se maintient en France jusqu’aux codes napoléoniens, qui jugent plus sévèrement l’incartade de la femme que de l’époux !
Conclusion : c’est dans les structures sociales qu’il faut rechercher les racines de l’oppression et non pas dans le « fait religieux ».
Voilà qui est un peu surprenant, puisqu’il est possible de citer des dizaines de textes de condamnation de l’adultère tant dans le judaïsme, que le christianisme et dans l’Islam. Certes, mais pour nous en tenir au contexte de la Bible, qui est l’arrière-plan du récit, les textes peuvent être interprétés comme des tentatives de réguler autant que faire se peut des pratiques qui relevaient par ailleurs, depuis des temps immémoriaux, d’une vengeance à l’évidence justifiée. La condamnation de l’adultère est formulée de façon plutôt générale, et la responsabilité de l’homme n’est pas occultée. Un passage comme Deutéronome, XXII, 23-29 n’est pas précisément obscurantiste, si on le situe dans son contexte. Très important : la lapidation ne pouvait se faire que si les premières pierres étaient lancées par des témoins. On retrouve mention implicite de cette disposition juridique dans l’épisode que nous allons voir de plus près.
Pour mieux cerner encore ce qui dans ce texte concerne le « fait religieux », c’est sur une lecture de femme d’aujourd’hui que nous pouvons nous appuyer. Théologienne, France Quéré rassemble dans un recueil « Les femmes de l’évangile » (Seuil Paris, 1982) une série d’analyses qui invitent à retrouver la fraîcheur des textes enfouis sous 2000 ans de contention entre la religion et les femmes ! D’abord, fait observer Quéré, les Pharisiens en veulent moins à la femme qu’à Jésus lui-même. En effet, la coutume de lapider les femmes infidèles était à l’époque tombée en désuétude, et les Juifs n’avaient pas le droit de mettre quelqu’un à mort sans en référer à l’occupant romain. Surtout, une lapidation dans l’enceinte du Temple paraît impensable. Leur véritable adversaire est ce trublion qui réinterprète la religion à sa façon et surtout l’affiche dans un comportement qui met à mal leur autorité. C’est lui qu’ils aimeraient lapider, et la fin du long chapitre 8 de l’évangile de Jean le dit explicitement : « Ils ramassèrent alors des pierres pour les lui jeter ; mais Jésus se déroba et sortit du Temple » (8,59).
Quant à la stratégie mise en œuvre par Jésus pour sortir du piège, la théologienne la qualifie d’ironique. « Que celui qui n’a jamais péché lui jette la première pierre » est une façon de reprendre, avec des spécialistes du droit, l’argument juridique : que les témoins se manifestent ! mais en même temps ces témoins sont interpellés en tant que fauteurs potentiels, façon de suggérer : « Où est l’amant ? ». Cette finesse de Jésus prend ces juristes à revers : comment ces gens si respecteux du code pourraient-ils se conduire en assassins hors la loi ? En quelque sorte les voilà « contraints au pardon », ce qui semble explicite dans la formule : « Moi non plus, je ne te condamne pas ». Quant à la femme, Jésus abandonne avec elle toute ironie, et la laisse libre de reconnaître ou non si faute il y avait…
2. Le point de vue anthropologique
Si nous voulons aborder le « fait religieux » autrement que sous la forme d’une collection de savoirs, forcément émiettés et terriblement lacunaires, une voie peut être l’approfondissement d’un texte assez bien choisi pour qu’il rende le « religieux » intelligible. Ce postulat d’intelligibilité fonde le christianisme par essence. Il ne saurait y avoir contradiction, en toute dernière instance, entre ce message « religieux » et la rationalité, et ce malgré le contentieux historique lourd entre l’Eglise et la philosophie des Lumières[3]. Ce texte en est une illustration magnifique. Il suffit de le lire en oubliant qu’il nous a été transmis par une institution religieuse pour qu’il nous devienne singulièrement utile, et pour commencer sur le plan professionnel. Voilà une situation dite de « conflit » et qui pourrait dégénérer en « violence ». Cette fois c’est l’analyse du philosophe René Girard[4] qui peut servir d’éclairage. Comme F.Quéré, il observe que l’épisode marque une étape dans un drame qui aboutira à l’explosion de violence du Golgotha, lieu où Jésus mourra crucifié. Mais au cours de cette scène qui se déroule au Temple, la spirale de violence est enrayée. Cette spirale, que Girard nomme aussi « l’escalade » est toujours mimétique ; elle procède d’un entraînement mutuel et aboutit dans un cercle fermé, où, comme dans un chaudron, la tension monte, les pulsions violentes convergeant vers une victime placée sans défense « au milieu du groupe ». La réponse apportée par cet artiste de la non violence qu’est Jésus tient ici d’abord à une attitude. « Mais Jésus, se baissant, se mit à tracer des traits sur le sol ». Les yeux baissés évitent ainsi la rencontre des regards. Or c’est de leur croisement que procède la violence mimétique. Il faut en avoir fait l’expérience pour comprendre à quel point une formule comme « Regarde-moi dans les yeux ! » peut être vécue comme agressive lorsque le maître, outré, croit ainsi provoquer les aveux de l’élève ! Donc, sans regarder cette troupe d’excités, Jésus s’absorbe dans une autre occupation : « il trace des traits sur le sol ».
Le verbe « graphein » qui a donné « graphie » pointe aussi bien l’écriture que le dessin. Dommage pour les commentateurs ultérieurs qui y voyaient la relativisation de la Loi de l’Ancien Testament, destinée à être dépassée, puisqu’écrite sur le sable. Mais le terme « gué » n’a pas ce sens : c’est la « terre », ou le « sol », ce socle qui nous est commun, que nous soyons agresseurs ou agressés. Il est possible d’ailleurs que Jésus ait su lire, mais non écrire, ce qui était courant à l’époque. Tout au plus, mais c’est là l’interprétation que me suggère mon enthousiasme, pourrait-on comprendre que l’activité graphique, par la concentration qu’elle requiert, oblige à prendre du recul, et contribue à la résolution du conflit !
Les peintres quant à eux, astreints à rassembler dans une image immobile un développement narratif, anticiperont souvent la suite, et inscriront dans leur représentation la parole de Jésus : « que celui qui n’a jamais péché lui jette la première pierre »[5]. Cette phrase est un coup de génie, parce que c’est aussi la solution la plus simple. D’abord l’énonciation se fait au singulier, sans pour autant désigner nommément quelqu’un. La spirale du « défoulement », toujours collectif, est rompue. Mais avec un grand doigté, par un protagoniste qui prend le risque calculé de l’accompagner : « Allez-y, lapidez-la, mais… ». La phrase reprend très certainement la disposition juridique du Deutéronome relative aux témoins, mais en procurant un éclairage aigu sur son fondement. En matière de lapidation, c’est « commencer» qui est la grande affaire ! Le fait de pointer ainsi la nature du phénomène suffit apparemment à l’inverser : le cercle mortel se défait, et les agresseurs s’en vont, « à commencer par les plus vieux »…
L’épisode de la femme adultère dans la littérature et la peinture
Il y aurait avec un tel sujet de quoi alimenter des années de recherche… Dans cet apport, je ne retiendrai que deux exemples.
Dans son Jésus comme un roman… (Bayard Jeunesse, 2001), Marie-Aude Murail raconte la vie de Jésus comme celle d’un personnage de fiction, donc hors de toute intention théologique, mais avec une grande sobriété et un respect scrupuleux des textes. Le narrateur est l’apôtre Pierre, ce qui est certes inventé, mais conforme à l’essence des Evangiles, qui se donnent comme des « témoignages ». Voici le chapitre intitulé La femme condamnée.
A chacun d’apprécier le travail de l’écrivain. J’avoue que je le préfère largement à celui de Eric-Emmanuel Schmitt, dans L’Evangile selon Pilate, et cela pour la raison inverse ; cette fiction débridée n’ajoute rien, voire altère la force des textes d’origine. Et surtout Schmitt, que cette outrecuidance n’arrête pas, écrit l’histoire de Yéchoua-Jésus… à la première personne, ce qui me paraît un non sens théologique. Ce jugement qui n’engage que moi ne doit pas dissuader de lire le livre. Voici le passage qui évoque l’épisode de la femme adultère.
En peinture, parmi des représentations innombrables, et facilement téléchargeables sur le web, je n’ai retenu qu’un seul tableau, celui de Nicolas Poussin. Ici le commentaire s’impose, s’agissant d’une œuvre particulièrement codée. Je me servirai pour cela d’une étude de Joséphine Le Foll, dans un ouvrage collectif (Le Christ et la femme adultère, Dominique Meens, Joseph Caillot, Joséphine Le Foll, Desclee de Brouwer, 2001). Lire ce commentaire.
René Girard : « Je vois Satan tomber comme l’éclair », Grasset, 1999
Depuis Mensonge romantique et vérité romanesque paru en 1961 et La violence et le sacré en 1972, René Girard produit une œuvre qui frappe autant par son originalité que par sa cohérence. D’emblée il proposa de réfléchir sur le mimétisme du désir humain : au delà des besoins essentiels, nous désirons ce que nous désigne le désir d’autrui. En conséquence le conflit est toujours en germe et avec lui la violence, susceptible par ses emballements de détruire le groupe social. La désignation et l’expulsion d’un bouc émissaire permettent aux sociétés archaïques d’évacuer leur violence et de retrouver la paix. Le mythe constitue un souvenir déformé de cet événement. Dans ses livres suivants, René Girard construit une apologie du christianisme novatrice et ambitieuse qui se rattache aux considérations anthropologiques précédentes. Avec Je vois Satan tomber comme l’éclair, cette apologie trouve un nouveau développement ; la distinction majeure entre les univers mythique et biblique est approfondie, sans complexe par rapport aux canons en usage dans les milieux universitaires. L’originalité de ce dernier ouvrage tient dans l’ordre inhabituel des étapes du raisonnement. Plutôt que de critiquer les mythes puis de souligner la spécificité judéo-chrétienne, René Girard part cette fois-ci du texte biblique dont il utilise ensuite les termes pour » pénétrer l’opacité des mythes « .
Girard considère qu’en réfléchissant de façon maladroite aux circonstances historiques de la rédaction de leurs Ecritures, les chrétiens en sont venus à passer largement à côté de la pertinence de l’enseignement christique et de la réflexion qu’il contient sur l’univers mythique. C’est de cet enseignement dont il est question dans les premiers chapitres du présent ouvrage. Les notions évangéliques de scandale et de Satan sont ainsi pleinement réhabilitées grâce aux éclaircissements de René Girard qui montre que ces termes sont techniques, qu’ils sont porteurs d’un contenu tout à fait rationnel. Ainsi le terme scandale désigne » un obstacle paradoxal qu’il est presque impossible d’éviter : plus le scandale nous repousse, en effet, plus il nous attire. Le scandalisé met d’autant plus d’ardeur à s’y meurtrir qu’il s’y est plus meurtri précédemment. » Pour Girard, il s’agit ni plus ni moins de ce que la psychanalyse a de meilleur, de ce qu’elle appelle la » compulsion de répétition « . C’est pourquoi Jésus nous met en garde solennellement : » Si ta main te scandalise, coupe-la … ; si ton oeil te scandalise, arrache-le « . Il ne s’agit nullement de l’expression d’un masochisme, mais d’une exigence visant à produire des relations de gratuité véritable avec autrui, à éviter à tout prix l’engendrement des rivalités mimétiques, notamment avec l’enfant : » Quiconque accueille un petit enfant … c’est moi qu’il accueille … malheur à celui par qui le scandale arrive « .
Puis vient un commentaire du discours que Jésus, dans l’Evangile de Jean, consacre au diable, qui correspond au Satan des Evangiles synoptiques. Par » le diable « , Jésus désigne le processus homicide qui s’empare des hommes : » Vous avez pour père le diable et ce sont les désirs de votre père que vous voulez accomplir. Dès l’origine ce fut un homicide « . En effet, les scandales individuels sont autant de regards accusateurs qui finissent par se tourner mimétiquement vers une même cible. Alors s’élaborent les motifs d’accusation et le temps est mûr pour la violence. Le terme Satan, que l’on rencontre déjà dans le Livre de Job, signifie d’ailleurs l’accusateur public. C’est pourquoi Jésus dit au début de la Passion : » l’heure de Satan est arrivée « . Satan désigne le principe d’ordre et de désordre qui régit les sociétés humaines par la violence collective : de cette violence collective naît un nouvel ordre qui suppose la croyance mythique, c’est à dire la croyance dans la culpabilité de la victime et dans le caractère mérité de son expulsion. Satan désigne donc un principe et non une personne : » L’interprétation qui reconnaît en Satan le mimétisme conflictuel permet pour la première fois de ne pas minimiser le prince de ce monde sans le doter d’un être personnel que la théologie traditionnelle à juste titre lui refuse. «
Au passage, Girard s’en prend fermement à l’accusation de judéophobie que certains portent sur les Evangiles : » Le fait que Jésus s’adresse à des Juifs est beaucoup moins important que ne se l’imaginent ceux qui n’ont qu’un souci en tête : convaincre les Evangiles d’antisémitisme. […] Au-delà des interlocuteurs immédiats de Jésus, qui sont des Juifs inévitablement, c’est l’humanité entière qui est visée, comme toujours dans les Evangiles. »
Et pour bien nous convaincre de la pertinence anthropologique des Evangiles, René Girard a disséqué avec une formidable minutie un texte de Philostrate, auteur grec du IIIe siècle après Jésus-Christ, qui relate l’histoire d’un gourou du siècle précédent nommé Apollonius de Tyane. A l’occasion d’une crise sociale dans la ville d’Ephèse, Apollonius parvient à déchaîner la vindicte populaire contre un mendiant. Le lecteur moderne est frappé par l’insensibilité et la parfaite bonne conscience avec laquelle la population exerce sa violence ; dès lors le parallèle avec l’épisode de la femme adultère sauvée de la lapidation ainsi qu’avec la Passion s’impose à l’esprit. Il ressort donc que la différence essentielle entre le mythique et le biblique tient à ce que des événements analogues sont racontés selon des points de vue non seulement différents, mais tout à fait opposés. Dans son argumentation, René Girard convoque quelques personnages bibliques : Job, le Serviteur de Yahvé dans Isaïe, Jean-Baptiste dans les Evangiles, et Joseph fils de Jacob. Ainsi il propose une analyse comparée de l’histoire de Joseph et du mythe d’Œdipe. Œdipe est accusé d’inceste, tandis que Joseph est accusé de vouloir séduire la femme de Putiphar dont il est quasiment le fils adoptif. Mais la grande différence provient de ce que dans le cas d’Œdipe, Sophocle prend l’accusation au sérieux tandis que la Bible nous montre que Joseph n’est absolument pas coupable de ce dont on l’accuse. Bref, le mythe c’est la foule qui accuse ; la Bible c’est le contraire. » L’inversion du rapport d’innocence et de culpabilité entre victimes et bourreaux est la pierre d’angle de l’inspiration biblique. «
Dans la dernière et très importante partie de son livre, René Girard s’interroge sur le monde moderne et son rapport au christianisme. Selon lui, l’univers contemporain se caractérise par un souci des victimes hérité du christianisme, mais que nous ne percevons pas comme tel : le souci de la violence, le souci des victimes nous apparaissent à tort comme des données universelles en vigueur depuis toujours alors qu’il n’en est rien. Tout ce que notre civilisation a élaboré pour contrecarrer l’arbitraire des conditions sociales prend sa source dans le christianisme. Le christianisme n’a pas inventé la compassion, mais lui a donné une force historique.
Cependant, sous l’influence de Nietzsche il est de bon ton aujourd’hui de considérer les mythes avec sympathie et les textes judéo-chrétiens avec dédain. La vénération des milieux universitaires pour l’univers mythique de la Grèce antique trahit une volonté de se départir du christianisme, sans pour autant rejeter le parti pris systématique en faveur des victimes hérité du christianisme. C’est pourquoi l’on ne voit communément dans le passé chrétien que persécutions, oppressions et inquisitions, et l’on considère les interdits comme un moyen d’empêcher les gens de s’amuser.
Les deux types de totalitarismes que nous avons connus récemment se définissent l’un et l’autre par rapport au christianisme. Le nazisme n’est rien d’autre que le parti-pris nietzschéen pour Dionysos contre le Christ, la volonté clairement anti-juive et anti-chrétienne de se débarrasser avec force de ce souci des victimes qui nous empêche d’exercer notre volonté de puissance. Quant à l’autre totalitarisme, Girard pense de lui qu’il consiste à se prévaloir du souci des victimes, mais de façon pour le moins maladroite. Aujourd’hui, la problématique chrétienne est toujours déjà là dans les mises en accusation que nous nous portons les uns aux autres. » Le souci des victimes est devenu un enjeu paradoxal des rivalités mimétiques, des surenchères concurrentielles. » Le totalitarisme au nom de la victime se nourrit de ce qu’évoquait Milan Kundera dans Le livre du rire et de l’oubli : la volonté que » l’humanité soit enfin libérée du fardeau asservissant de la tradition judéo-chrétienne » pour accéder à « l’universel ». Mais cette perception de l’universel est chimérique parce qu’elle est fondée sur ce que Maurice Clavel appelait le dogme de l’innocence. Non que Girard soit sourd aux requêtes d’une plus grande justice sociale – notre homme a échangé sur ce thème avec des théologiens de la Libération – mais il se méfie des motivations réelles qui fondent les militances politiques. L’homme est toujours persuadé de ne se battre que pour des idées, mais au cœur de la bataille se trouve la rivalité mimétique.
Il s’agit de comprendre, comme le souligne le théologien anglais James Alison , que Girard donne un contenu anthropologique au dogme fondamental du christianisme que constitue le péché originel. Si la théorie mimétique de Girard est reçue avec tant de difficultés, cela provient peut-être de ce que chacun ne perçoit pas ce qu’elle implique en termes de remise en cause personnelle quant à ses propres motifs de satisfaction. Tout se passe comme si l’acquisition des savoirs académiques ne rentrait guère en ligne de compte dans l’intelligence de l’amour.
En négligeant la force de transformation du monde que contient le christianisme face à l’enfermement des esprits dans les structures de la violence, l’homme de notre temps est cet être qui, usant dans une certaine mesure et bénéficiant d’un antidote contre un mal absolu, prétend l’insignifiance et du mal et de l’antidote.
Le parallèle entre Blaise Pascal et René Girard se justifie singulièrement. L’un comme l’autre ont construit une apologie du christianisme qui se fonde sur une réflexion anthropologique, autour de la notion de mondanité pour Pascal, de rivalité mimétique pour Girard. L’un comme l’autre considèrent que l’espérance véritable ne saurait être fondée sur autre chose que la lucidité sur l’homme : en conséquence ce n’est pas faire oeuvre de pessimisme que de regarder de face la question du mal. L’un comme l’autre montrent que la notion globalisante de religion est très dangereuse. On trouve cette intuition girardienne dans certains aphorismes pascaliens : » Sur ce que la religion chrétienne n’est pas unique. – Tant s’en faut que ce soit une raison qui fasse croire qu’elle n’est pas la véritable, c’est au contraire ce qui fait voir qu’elle l’est. » Autrement dit, le christianisme trouve une validité en ce qu’il fonctionne à l’inverse de l’univers religieux non-biblique. Pascal écrit également : » Il ne faut pas confondre et égaler les choses qui ne se ressemblent que par l’obscurité et non pas par la clarté, qui mérite qu’on révèle les obscurités. » Ce qui était intuition chez Blaise Pascal devient explication avec René Girard, à condition de comprendre par clarté évangélique l’anthropologie du désir mimétique. C’est parce que la Bible et les Evangiles disent la vérité sur les hommes et sur leurs sociétés qu’il faut les prendre au sérieux quant à ce qu’ils disent de Dieu.
L’histoire du christianisme est jalonnée par quelques penseurs qui construisent par leur génie l’intelligence de la foi chrétienne. Il y eut Augustin de Tagaste, Thomas d’Aquin, Blaise de Clermont-Ferrand. Mais l’importance de leur contribution n’apparaît pas toujours pleinement de leur vivant. Il est très difficile aux hommes de reconnaître le génie de leurs contemporains là où il se trouve, justement à cause de ces rivalités mimétiques dont sont habités les prétendants à la vérité. En conséquence peut-être faudra-t-il attendre la prochaine génération pour que les chrétiens mesurent l’importance de l’apport girardien. Cependant le temps presse car le relativisme à outrance fragilise aujourd’hui l’Eglise jusqu’en son clergé. Il serait donc opportun d’accélérer les choses, d’autant que notre homme est encore en excellente santé. Par accélérer les choses nous n’entendons pas qu’il faudrait assassiner René d’Avignon, mais plutôt que les chrétiens devraient relever la tête sans attendre et réaliser la chance que représente un tel penseur.
En ces temps où nombre d’organes de presse confient leurs tribunes de réflexion sur les questions religieuses aux Bouvard et Pécuchet de l’exégèse télévisée, le nouveau livre de René Girard – Je vois Satan tomber comme l’éclair – est une bouffée d’oxygène salvatrice, un sursaut d’intelligence inespéré. Et cette oeuvre essentielle s’adresse à tous car elle ne suppose pas pour être comprise l’expérience préalable de la foi.
On parle beaucoup de la violence aujourd’hui, trop peut-être. Dans cette ambiance, peut-on considérer les idées de René Girard comme encore d’actualité ou, au contraire, seraient-elles dépassées ?
La réponse, évidemment, doit prendre en compte l’évolution récente de la pensée de René Girard, notamment à partir de son dernier livre : Celui par qui le scandale arrive, qui fait montre d’une évolution intéressante. Il y a aussi de nouvelles études sur la » spirale mimétique » de René Girard. La même philosophe, …….. Demessine, philosophe politique, qui mène l’interview dans Celui par qui le scandale arrive, est aussi celle qui a réuni tout dernièrement un ensemble d’études sur le mimétisme, ce qui manifeste un nouvel intérêt pour la pensée de René Girard.
Pour commencer, notre exposé rappellera le noyau de la théorie girardienne. Nous dirons ensuite quelques mots de l’évolution récente de la pensée de René Girard. A partir de là, enfin, nous bifurquerons sur deux questions :
cette théorie mimétique est-elle toujours pertinente pour l’anthropologie biblique ?
comment cette théorie peut-elle nous aider, aujourd’hui, à comprendre les questions de la violence?
Au préalable, et comme entrée en matière, nous partirons d’une constatation.
L’homme a perdu les régulations instinctives de la violence. La violence, un problème essentiellement humain
Quand deux loups, deux mammifères, deux mâles se battent pour la domination, ils ne s’entre-tuent pas … Le mâle qui tient l’autre à la gorge, ne l’égorge pas. Il attend d’obtenir les signes de la soumission. Quand il les a, il s’arrête et fait de l’autre soit un compagnon, soit un exclu. Autrement dit, il y a une régulation de la violence dans les espèces animales.
Or cette régulation de la violence, on peut dire tout à la fois que, dans l’espèce humaine, elle n’existe pas et qu’elle existe. Gilles Deleuze disait, dans un petit livre remarquable : l’homme n’a pas d’instincts ; il fait des institutions . Formule ramassée pour dire que, là où la régulation est précodée dans les espèces animales, tout se passe comme si, dans l’espèce humaine, cet encodage, cette régulation des instincts avait disparu et, parce qu’elle a disparu, elle a laissé place à la culture, c’est à dire à l’élaboration des institutions. Formule un peu rapide, pour dire finalement que c’est parce que nous sommes dépourvus d’instincts que nous sommes devenus intelligents. Bergson, après tout, l’avait déjà dit.
Or ce qui est intéressant c’est de se placer à cette charnière. C’est précisément ce que nous dit aujourd’hui René Girard : maintenant, je m’intéresse à Darwin, à l’hominisation, à la sélection naturelle, etc.., je veux voir en quoi ma théorie mimétique, ma théorie du sacrifice, du bouc émissaire, est pertinente pour comprendre cette évolution de l’homme.
Comment se fait-il, d’abord, que, ayant perdu nos régulations instinctuelles, particulièrement dans la gestion de nos comportements avec nos congénères, nous ayons gardé trace de beaucoup de ces comportements mammifères ? On pourrait, par exemple, dire que la politique est » mammifère « , qu’elle est le jeu de la domination et de sa régulation. Quand deux êtres humains se rencontrent, l’un se redresse, dresse les pattes antérieures, regarde l’autre et attend qu’il baisse les yeux, le col et les épaules et dise » je suis ton dominé « . Il suffit de voir deux chefs d’Etat qui se serrent la main. Nous sommes ainsi mammifères par 80 % de nos comportements.
Et cependant nous ne le sommes pas. La régulation instinctive de notre violence s’est perdue ; nous sommes devenus, comme le dit Nietzsche, le plus bel animal de proie. Ce qui veut dire que nous n’avons plus la chance de pouvoir rester des animaux, de fonctionner dans les limites de notre codage instinctuel. Que sommes-nous, sitôt que nous sortons des limites de notre espèce ? nous sommes … des meurtriers, des assassins ; nous sommes pire que l’animal, plus bas que la bête. Toute l’histoire est là, et particulièrement l’histoire tragique du siècle dernier, pour montrer que nous sommes capables de bien pire que le lion ; l’animal ne fait pas souffrir l’animal, il ne met pas à mort son congénère, même si, ici ou là, il y a des exceptions liées à des questions de territoires, de générations et surtout de reproduction. Paul Ricœur disait : ce qui reste incompréhensible pour moi, c’est que l’homme fasse souffrir l’homme . On est bien là devant le problème radical de la violence humaine.
Car la violence est finalement un problème humain. Ce n’est pas un problème cosmique, ni biologique. C’est un problème spécifiquement et exclusivement humain. Que faisons-nous avec nos congénères ? Les animaux ont des règles biologiques. Nous les avons perdues. A leur place, dit-on, nous avons mis des règles institutionnelles, la loi, la politique, le droit, la régulation des conflits par la non-violence. Sans doute, mais sitôt que nous dérogeons à la loi, à la règle culturelle, nous voyons qu’il nous reste l’impossibilité d’être animal et que notre seule possibilité est la cruauté. Une question doit nous hanter maintenant : est-il vrai, comme le soutiennent certains, qu’il y a un principe de cruauté chez l’être humain ? Qu’est-ce que cela voudrait dire ? L’animal ne torture pas et ne prend pas plaisir à faire souffrir son congénère. Nous, oui ; et cela sans exception.
La théorie de René GIRARD (une théorie anthropologique)
Là-dessus, Girard propose une théorie, dont il précise bien qu’elle est anthropologique. Son souci est de se situer parmi les anthropologues comme quelqu’un qui réfléchit à l’anthropologie du 19ème siècle et qui essaie d’en extraire le meilleur. Ces gens-là (Frazer et les autres) ont eu d’excellentes intuitions ; même s’ils se sont un peu trompés, il faut reprendre le dossier là où ils l’avaient laissé et le retravailler. Ces intuitions sont en quelque sorte une théorie en deux volets : la théorie du désir mimétique et la théorie du mécanisme sacrificiel. Un premier volet de psychologie inter-individuelle ; un second volet d’anthropologie sociale et culturelle.
La théorie du désir mimétique
Passons assez vite sur la théorie mimétique. Le désir humain n’est pas le besoin, que nous partageons avec l’animal ; le désir, c’est ce qui fait que nous manquons. Nous avons comme l’animal des besoins : nourriture, vêtement etc.. Mais nous avons en plus ce manque à être qui fait que nous sommes des humains et qui s’appelle le désir. Qu’est-ce que le désir ? Girard rappelle que ce n’est pas une structure à deux termes (un sujet qui désire un objet) mais une relation à trois termes : le sujet qui désire ; le modèle qui est imité ; et l’objet qui est désiré par les deux. Le désir est triangulaire. On désire toujours par imitation du désir d’un autre. L’idée n’est pas propre à René Girard : on la trouve déjà chez Aristote, chez Platon. C’est la théorie bien connue de la mimesis (l’imitation). Mais il était essentiel de rappeler, comme le fait Girard, le poids considérable de l’imitation dans les rapports inter-humains. Girard élargit fortement cette théorie puisqu’il dit : les hommes ne savent pas ce qu’ils désirent, sinon imiter.
Cette théorie a beaucoup d’intérêt. Elle permet d’expliquer beaucoup de mécanismes. On l’a utilisée dans l’économie. Qu’est-ce que le grand magasin, la grande surface ? Ce n’est pas mettre beaucoup de marchandises devant les chalands ; c’est mettre beaucoup de chalands les uns en face des autres, ce qui fait que lorsque vous voyez quelqu’un tendre la main vers un filet d’oranges vous vous dites aussitôt : ah oui, moi aussi, il me faut des oranges. L’idée est de mettre des clients en rapport les uns avec les autres pour que le désir des uns accroisse le désir des autres. On peut aussi expliquer de cette manière les mécanismes de l’éducation. Qu’est-ce que se construire pour un enfant, sinon imiter des adultes, ses parents d’abord, d’autres ensuite ? Prenez quinze enfants, mettez-les dans une pièce, puis prenez quinze ballons tous identiques et mettez-les dans la pièce ; il ne se passera pas longtemps avant que les enfants ne se battent tous pour le même ballon. Cela nous montre déjà la suite de l’histoire : le désir mimétique engendre la violence.
On peut en dire autant de la mode – ou de la propagande ou de la publicité – dont les mécanismes peuvent s’éclairer de la même manière. Qu’est-ce que la mode, sinon se distinguer en étant tous pareils ? et qu’est-ce que se distinguer, si ce n’est l’effort pour être au-dessus des autres tout en étant semblable ? Effort qui me poussera toujours à cultiver la petite différence grâce à laquelle je serai pareil, mais pas tout à fait. On voit là comment on entre dans une lutte.
La théorie mimétique est à la fois très simple et très compliquée ; c’est une dialectique très fine du même et de l’autre (Michel Serres). La relecture de la mimesis par René Girard a consisté à bien analyser le jeu subtil de la différenciation et de l’indifférenciation. Nous passons notre temps à essayer de nous différencier et en même temps à nous imiter. Or si nous nous imitons, nous nous ressemblons et se ressembler c’est en quelque sorte disparaître, s’identifier. Notre effort sera donc aussi de se re-distinguer. C’est dans cette tension du même et de l’autre que la violence va s’engendrer.
Comment ? prenons un exemple qui a beaucoup frappé René Girard. Vous marchez sur un trottoir et quelqu’un vient vers vous en sens inverse, sur la même ligne. Vous partez un peu vers votre droite, il part un peu vers sa gauche, vous repartez un peu vers votre gauche, il repart vers sa droite, vous repartez vers votre droite, il repart vers sa gauche …. Cela n’a l’air de rien et pourtant Girard soulignait que c’est cela le même et l’autre et tout d’un coup cela se rétrécit et finalement la trajectoire devient la même chose.
– mimétisme et rivalité
L’explication peut être simple : si j’imite le désir d’un autre pour acquérir le même objet, j’entre évidemment en rivalité avec lui. Autrement dit, imiter, c’est rivaliser. Et Girard nous dit que cette théorie du désir mimétique, il l’a retrouvée chez tous les grands écrivains. Chez Dostoïevski par exemple dans L’éternel mari, histoire de ce veuf qui fréquente les anciens amants de sa femme et particulièrement l’un d’entre eux, un don Juan à succès. Ce veuf retombe amoureux d’une jeunesse et il se décide à lui offrir un cadeau ; il invite son ami à venir acheter avec lui le cadeau, à le conseiller ; puis à venir offrir le cadeau avec lui à la jeune personne ; et arrive ce qui doit arriver, le don Juan à succès séduit la belle et notre veuf constate son désastre, plein de désir, dit Dostoïevski. Et qu’est tout notre théâtre de vaudeville, ce triangle avec toujours la mari, la femme et l’amant ? est-ce autre chose que la mise en scène, comique ou tragique, du désir mimétique, du mimétisme du désir ? Nous ne savons désirer qu’en imitant le désir d’un autre.
Il n’y a pas d’autonomie de nos désirs. Nous ne savons pas ce que nous voulons. Notre désir est toujours en quelque sorte sous la dépendance, sous l’influence du désir des autres, par le biais de la culture, des parents, du milieu social, de l’éducation etc.. Nous avons appris à désirer ceci ou cela. Et même lorsque nous croyons être superbement autonomes, nous dit Girard, en réalité nous imitons, non pas par le biais d’une médiation externe (le modèle des autres), mais par une médiation interne : le modèle est en moi mais je le cache, et plus je le cache, plus j’imite, comme Julien Sorel dans le Rouge et le Noir qui avait pour modèle Napoléon. Cache ton modèle, c’est le secret de la violence. Dis-moi qui tu imites, je te dirai qui tu es … qui tu hais … qui tuer. Ce n’est pas que nous ayons un instinct de violence. La logique même du mimétisme du désir fait que nous entrons dans une concurrence, celle du commerce, des échanges, de la propagande, de la publicité, dans tous les milieux, y compris intellectuels … cette concurrence qui fait que nous rivalisons. D’où une deuxième conclusion de René Girard : les hommes désirent moins ceci ou cela que de rivaliser.
En résumé : premier temps, je ne désire qu’en fonction d’un modèle ; deuxième temps, nous ne désirons pas tant ceci ou cela, par imitation, que de rivaliser.
– mimétisme, rivalité et violence
Vient alors finalement le moment ou l’objet même est oublié. On ne sait plus pourquoi on s’imitait. C’est le face-à-face qui devient l’enjeu. Il n’y a plus qu’une relation duelle entre le sujet et le modèle et donc leur rivalité. C’est, nous dit René Girard, la figure caractéristique dans les mythes des jumeaux, la lutte des identiques et des doubles. Dans les mythes mêmes, les monstres, tout ce qui est dualité, ne sera pas autre chose que ce danger majeur pour notre culture que deux doubles arrivent à se constituer l’un par rapport à l’autre. On le voit bien aujourd’hui dans le domaine politique ou militaire. Plus rien ne peut arrêter les deux qui sont face à face.
Michel Serres prend un exemple humoristique : que la plus jolie femme du monde se promène nue sur les Champs-Elysées, il y aura quelques sifflets, quelques quolibets … et rien d’autre ; cela se passera bien. Mais que deux citoyens en viennent aux mains parce que l’un garait sa voiture et que l’autre lui a pris la place, alors ils sortent de leur voiture, ils s’échauffent, la foule se rassemble, on prend partie pour l’un ou pour l’autre et bientôt ils s’entre-tuent : on le voit bien dans certains faits divers. Ce n’est pas la libido, ce n’est pas l’éros qui est le fond du problème, comme le pensent certains ; c’est la pure rivalité dans le mimétisme qui est source de la violence.
On est donc devant une situation qui peut être catastrophique : si chacun de nous est pris ainsi dans le mimétisme du désir, de proche en proche, nous imitant les-uns les autres (nous sommes tous à la fois imitateurs et imités, à la fois sujet et modèle) nous sommes tous mutuellement pris dans ce filet. La situation est telle que de proche en proche elle s’auto-alimente, on oublie bientôt les objets de la rivalité et il ne reste plus que la pure rivalité qui s’emballe. La violence est comme le feu sur la lande, comme les épidémies, elle est contagieuse, elle se généralise très très vite. On sait combien il suffit d’un tout petit déclencheur pour que la violence gagne le collectif qui est menacé de disparition.
Pourquoi ? parce que nous n’avons plus les mécanismes régulateurs de l’instinct qui font que le loup n’égorge pas son rival qu’il tient à la gorge. Nous, nous poussons la violence jusqu’au bout.
Un mécanisme régulateur : le sacrifice ou l’expulsion d’une victime
Alors, dit Girard, les sociétés ont inventé un mécanisme régulateur, tout à fait remarquable, qu’il situait, lorsqu’il en a parlé la première fois, à la naissance du néolithique, il y a dix mille ou douze mille ans. Aujourd’hui il va beaucoup plus loin et parle de centaines de milliers ou de millions d’années, enquêtant sur le passage de l’hominisation. (j’avais dit moi-même à Michel Serres que le problème religieux, c’était la mémoire de l’hominisation ; et il avait répondu : très intéressant, mais il faudrait le démontrer). Or voilà que René Girard est précisément parti sur cet aspect de la question.
Les sociétés humaines ont donc mis en place un mécanisme régulateur. Un mécanisme , il est important de le souligner. Est-il conscient ou inconscient ? C’est une sorte d’automatisme acquis, pour éviter que la violence ne dégénère et que de proche en proche, dans sa furie, elle n’emporte le collectif. Contagion qui dans les mythes est la maladie (la peste de Thèbes), les plaies d’Egypte, tous les signaux par lesquels les textes mythiques ou légendaires montrent une confusion généralisée, un désordre, un » chaos » qui se répand et qui menace l’existence même du collectif.
Pour y faire face, les sociétés ont mis en place le sacrifice, le mécanisme sacrificiel. C’est bien, c’est clair, c’est intelligent, c’est rationnel, c’est élégant. Mieux vaut » qu’un seul meure, plutôt que tout le peuple « . Que fait le berger au gué, lorsque le loup menace de l’autre côté ? Il prend la brebis la plus impotente, la plus inutile, la lance au loup pour sauver le reste (ce n’est pas tout à fait ce que fait le bon berger ! – c’est là toute la différence). Il s’agit de faire converger sur l’un d’entre nous, l’un du collectif, la violence disponible en chacun et d’expulser du collectif cette victime, qui devient ainsi la victime émissaire, le fameux bouc émissaire. Cette expulsion étant généralement une mise à mort, mais pas toujours. L’essentiel est que la victime soit chassée.
Ce deuxième geste est très important par les conséquences que, selon René Girard, on peut en déduire. La première conséquence, comme le disait très bien Michel Serres, est que René Girard nous explique comment on passe du collectif au groupe. Personne ne nous a expliqué la naissance de la société. Nous partons tous du fait que la société existe. Bien sûr il y a la théorie des contrats, la théorie de Hobbes, etc..mais comment est-on passé de l’état de collectif à l’état de groupe constitué ou de groupe social organisé ? La formule du sacrifice c’est tous contre un. C’est l’unanimité. Il faut que la violence de tous converge sur la victime émissaire. Ensuite, nous sommes dans la situation tous moins un, lorsque la victime a été chassée ou mise à mort. Qu’est-ce que c’est qu’un groupe social organisé ? c’est tous moins un qui oublie moins un. C’est un collectif qui a expulsé l’un de ses membres et qui l’a oublié.
Oublié ! Vraiment oublié ? Rome a commencé par la place du Capitole (a rapprocher de caput, tête). C’est quoi, cette tête que l’on trouve enterrée sous la place de Rome, selon ce que nous dit Tite-Live, sinon celle de la victime ? C’est quoi, le Soldat Inconnu ? c’est quoi, nos tombeaux au centre de chaque village ? Bien sûr c’est l’histoire, qui mérite d’être honorée en l’occurrence. Deux ou quatre millions de morts, la première guerre … et combien pour la seconde ? Bien sûr, c’est de l’histoire. Mais par ailleurs, sur quel rituel anthropologique ancien, archaïque se conjugue la mémoire, la construction du souvenir ? la thèse est un peu celle-ci : en toute société, la naissance du groupe social constitué se fait au prix de l’expulsion d’un de ses membres, mais nous l’avons à la fois oublié et pas oublié, oublié et célébré, oublié et conservé. Nous sommes dans la méconnaissance de cet enchaînement. Nous ne voulons pas très bien savoir que le collectif s’organise sur la mise à mort de l’un (ou plusieurs) d’entre nous.
– une victime prise au hasard
Cette victime, qui est-elle ? La réponse de Girard est qu’elle est prise au hasard. Le choix de la victime se fait au hasard. Encore faut-il le démontrer. Car les mythes, les légendes, les contes, semblent insinuer que nous allons aider le hasard. Comment choisir l’un d’entre nous, puisque nous sommes tous des doubles dans la lutte mimétique ? Sitôt que l’un d’entre nous se signale un peu aux autres par un petit détail, attention, tous les regards vont se porter vers lui ! Alors la victime choisie » au hasard » c’est bien sûr …. le bossu, le tordu, le rouquin, comme dans les cours de récréation celui qui louche, qui bégaie un peu, celui qui boîte, qui a le pied bot (Œdipe = pied enflé), celui qui présente la plus petite distinction possible qui le mette déjà à l’écart de sa parfaite ressemblance avec tous les autres, une pointe d’accent, l’étranger, le bistre, le noir ……Autrement dit nous demandons à la nature d’aider notre élection au hasard de la victime. Mais fondamentalement c’est le hasard, cela peut-être l’un d’entre nous. Comme dit la chanson, le sort tomba sur le plus jeune.
La victime est souvent femme, comme par hasard, depuis le fond des âges. Rappelez-vous comment Michel Serres raconte : » Agamemnon part pour Troie faire la guerre. Il descend au Pirée. Mais les vents sont défavorables. Alors, pour obtenir des vents favorables, Agamemnon fait un vœu : je fais sacrifier, en retournant à Athènes, le premier venu.. Et qui vient vers lui, ce matin-là, dans l’aube fraîche, pour lui dire au revoir, cheveux au vent et ceinture flottant ? sa fille, Iphigénie. Et, le salaud, …. il la tue. Le mythe montre bien ici que la règle ne souffre pas d’exception, fût-on le père de la première venue. Démonstration : que ce matin-là, le premier venu soit le premier venu , la probabilité en est de un sur un, c’est-à-dire totale, absolue ; mais que ce matin-là, la première venue, sur cette route, soit la fille du roi, la probabilité c’est e, c’est un sur l’infini, c’est infime. La rencontre de deux probabilités telle que l’une est égale à 1 et l’autre égale à e , est ce que l’on appelle, en mathématiques modernes, le hasard. Le mythe grec fonctionne rigoureusement selon la règle du hasard. Il l’énonce : la victime est choisie au hasard « .
Ce qui peut conduire à se poser beaucoup de questions sur nos élections. Certains théoriciens se sont amusés à imaginer le modèle d’une société où le choix de toutes les fonctions serait fait par tirage au sort. Il a été démontré que cela ne serait pas beaucoup plus » pagailleux » que l’autre fonctionnement, au soi-disant mérite, avec des élections supposées bien raisonnées et bien réfléchies.
– la victime, symbole du un, de l’unité. Victime et pouvoir.
La victime, aussi, c’est la naissance de l’unité, au sens mathématique du terme, du un. Un contre tous. Nous sommes tous indifférenciés, dans la lutte mimétique au sein du collectif en feu. Et voilà qu’ émerge » un « , différent de tous les autres. C’est l’apparition du un, de l’unité. C’est l’apparition du calcul et de la rationalité : mieux vaut qu’un seul meure plutôt que tout le peuple, un vaut pour tous.
C’est aussi, en un certain sens, la naissance du politique : sitôt que l’on distend un peu le moment qui sépare le choix de la victime du moment prévu pour son exécution, pendant ce temps là, la victime règne, elle est royale. Qu’est-ce que le roi ? pas autre chose que l’élu du collectif en attente ou en sursis de son expulsion. La vieille monarchie – à laquelle je suis férocement hostile – reposait un peu sur cette logique. Le choix du roi, c’était le hasard génétique. Quel meilleur hasard que le hasard génétique qui désigne sans désigner, qui désigne précisément le premier venu. Avec la consanguinité cela donne des choses assez navrantes. Cela ne veut pas dire que tout roi a le sort d’Henri IV ou de Louis XVI. Mais ce que l’histoire montre bien, c’est que, d’une certaine façon, le roi ne meurt jamais et qu’il est toujours en attente de sa mort. La République fait peut-être un peu mieux : elle prévoit tout simplement la mort du roi. Au bout de cinq ans (ou sept ans) : au revoir Monsieur, vous n’êtes qu’un citoyen.
Chez les Aztèques, la victime sacrificielle était justement celle qui, une fois le choix fait, recevait tous les honneurs, régnait, gouvernait, avait tous les avantages, tous les plaisirs …. et puis vient le jour de la mise à mort. Dans certains rituels tibétains, lors de la fête, tel mendiant est élu pour pouvoir quêter librement et peut devenir millionnaire en peu de temps : il peut aller partout et partout, on doit lui donner. Mais la rançon de cela, c’est que, à l’heure prévue, il a intérêt à quitter Lhassa et à fuir, car on va le poursuivre et il sera mis à mort. Certains en réchappent.
On a donc bien trace, ici ou là, de ces rituels qui font que, pendant un temps, celui à qui on confie la responsabilité de gérer le collectif n’est pas autre, finalement, qu’une victime en sursis. Cela vaut pour tout et pour tous, pour le conférencier, pour le maître d’école, le professeur (les cahiers au feu, la maîtresse au milieu) … Quiconque est en position de focaliser vers lui un collectif, est un mis à mort potentiel. Il faut le savoir quand on exerce le métier de l’enseignement. Il faut le savoir d’ailleurs dans beaucoup de métiers : la responsabilité, d’une manière ou d’une autre, est une mort en sursis où le collectif vous attend. Ce n’est pas une question de vengeance ; c’est une question de logique, c’est la question de l’origine du pouvoir.
– la victime, futur héros qui a apporté la paix
Enfin le dernier point, à propos de la victime, c’est l’ambivalence de la situation. Une fois la victime expulsée, le collectif va faire sa paix. Le groupe est constitué. Mais cette paix est provisoire, on le devine bien. Bientôt, le mimétisme va reprendre et s’emballer ; de proche en proche la violence va renaître et bientôt il faudra faire de nouveaux sacrifices, et donc de nouvelles victimes. Autrement dit, les sociétés marchent au sacrifice (comme une voiture à l’essence). Qu’importe la victime, pourvu qu’on ait le sacrifice. Cependant celle qui, hier, était la pire d’entre nous, la sorcière, celle qu’il fallait tuer, brûler, unanimement, demain, dans la mémoire des bourreaux, va devenir la sainte. Ah, sainte Jeanne ! qui nous a valu une telle paix, hier brûlée comme sorcière, demain honorée comme sainte. Il y a donc après le sacrifice, dans la mémoire des bourreaux, apothéose de la victime, voire divinisation de la victime. Celle qui peut le moins va, pour un temps, pouvoir le plus.
Mais on le voit, cette ambivalence du sacré, ce changement de position, de la pire qu’il fallait éliminer à la meilleure qui, dans la mémoire des bourreaux, nous a apporté la paix, fait que la victime change du tout au tout, du négatif vers le positif. Ce serait la source de l’héroïsation et même de la divinisation, l’origine des dieux. Les dieux sont des victimes ressuscitées dans la mémoire d’un groupe, que l’on honore pour être responsables de la fondation du groupe, de la naissance du social constitué, organisé.
Deux exemples : le premier est élémentaire. Voilà des enfants désordonnés dans la cour de récréation. La maîtresse dit : venez, on va faire une ronde en chantant et on va tous s’asseoir. Elle prend son foulard et va le placer derrière un des enfants. Celui-ci doit se lever et courir après elle, qui doit venir prendre sa place. C’est le jeu de la » chandelle « . Avec un quasi-objet, je marque l’un quelconque du collectif qui devient le bourreau et poursuit celui ou celle qui devient alors victime ; et la victime doit prendre la place du bourreau. Si elle ne le peut pas, si elle est rattrapée avant, alors elle va au centre objet des quolibets, clouée au pilori, et ne peut quitter sa place que si une autre la remplace. Ainsi, depuis le fonds des âges, dans les écoles, nous apprenons aux enfants le mécanisme sacrificiel, et on ne l’avait pas vu. La mémoire de nos rituels se perpétue, y compris dans les jeux les plus innocents de l’éducation. Ce jeu aurait dix mille ans ; on le trouve chez les Berbères et il date du néolithique.
Autre exemple : le film la Règle du jeu de Jean Renoir (1939). Dans un jeu de lutte mimétique, valets et patrons se livrent à des jeux d’imitation, jusqu’à ce que la confusion s’en mêle dans le château où tous sont invités, avec des quiproquos, à des jeux de double ; et finalement un coup de feu part , l’un est mort, celui précisément qui était venu de l’extérieur, et cette disparition fait que le collectif va retrouver sa paix.
Pertinence de la théorie mimétique et victimaire, au regard de l’anthropologie biblique
Quelle est la pertinence de ce double modèle, la théorie mimétique et le mécanisme victimaire, par rapport à l’anthropologie biblique ?
Toutes les sociétés, selon Girard, énoncent en quelque sorte ce mécanisme victimaire et ce mimétisme du désir et tous les groupes le font en approuvant la bonté, la validité, l’efficacité du mécanisme. C’est une bonne chose que ce mécanisme, c’est une bonne chose que le sacrifice, puisque cela permet d’engendrer la paix dans un collectif autrement menacé de disparition.
Toutes les cultures, sauf une.
Singularité de la culture judéo-chrétienne
C’est là le point particulier. Sauf une, qui dénonce le sacrifice, en proclament l’innocence de la victime. Toutes les sociétés voient ce mécanisme, dans leurs mythes, leurs rituels par son bon côté, celui de l’efficacité : il est bon qu’un seul meure pour tout le peuple . Une seule culture, dit René Girard, la judéo-chrétienne (ou chrétienne ?), ne se place pas du point de vue des bourreaux et des persécuteurs, mais du point de vue de la victime et dénonce le mécanisme en défendant l’innocence de la victime.
C’est toute la lecture que Girard va faire du » biblique « . La culture judéo-chrétienne nous dit : » Mais la victime est innocente . Vous ne l’aviez pas vu .Vous vous réconciliez sur la mort de l’un d’entre vous, mais cette victime n’y est pour rien. «
C’est la lecture que Girard va faire des prophètes, mais aussi de beaucoup d’autres textes de l’Ancien Testament, par exemple le jugement de Salomon, auquel il revient souvent. Voilà deux femmes qui se battent mimétiquement pour le même enfant. La différence construite par le jugement du roi met en évidence que l’une veut la vie de l’enfant, tandis que l’autre veut la mort de l’enfant, c’est-à-dire continuer le mimétisme, ce qui engendre meurtre et violence. On voit bien ici comment le texte décode ce mécanisme. Et aussi Job et beaucoup d’autres passages. Et bien sûr, ajoute René Girard, les Evangiles sont en grande partie construits sur la révélation du mécanisme sacrificiel, révélation où, pour la première fois dans la culture mondiale, il est clairement dénoncé. Tout en ayant toutes les apparences d’un sacrifice traditionnel classique, romain pourrait-on dire, la Passion du Christ en est l’exact inverse ; elle le retourne comme un doigt de gant : » Père pardonne-leur, ils ne savent pas ce qu’ils font » . La Passion nous montre que Jésus est une victime innocente. Innocence de la victime qui précisément met en évidence la violence des bourreaux et celle des persécuteurs.
Et là – surtout dans » Les choses cachées depuis la création du monde » – Girard se livre à une réhabilitation de la victime, de toutes les victimes ; à la démonstration que la victime est réhabilitée dans le texte biblique ; que Jésus révèle le meurtre fondateur dans les Evangiles et que la Passion met cela en évidence dans une sorte de non-violence radicale de celui qui pousse le mécanisme jusqu’à son extrême limite et qui, au lieu de se révolter et se livrer à la violence ( » Pierre, remets ton épée au fourreau « ), subit le mécanisme victimaire au lieu de l’effectuer , de l’approuver . Girard réinterprète de la même manière le discours d’Etienne dans les Actes et il conclut, ce qui est le plus intéressant : maintenant que cette révélation est proposée, c’est le texte lui-même qui est devenu victime, c’est le texte chrétien, qui révèle le mécanisme sacrificiel fondateur, qui est devenu lui-même un bouc émissaire, ce dont on ne saurait s’étonner. Il est naturel qu’on ne veuille pas entendre et reconnaître ici le caractère performant de la Révélation chrétienne. Il est tout à fait logique que les hommes ne veuillent pas entendre ce récit qui leur révèle leur propre violence et qu’ils le combattent.
N.B. : Sur ce point, Girard a bien sûr été très attaqué, pour avoir déplacé son discours du mécanisme anthropologique au texte lui-même.
Autres exemples de lecture » girardienne «
Dans le même sens, on peut ré-interpréter, à la lumière de la théorie de René Girard, beaucoup d’épisodes, particulièrement bibliques (1). Par exemple II Samuel 21. Comment David va exterminer les descendants de Saül, pour fonder sa propre dynastie. Il y a là une espèce de meurtre sacrificiel étonnant, généralisé, lequel renvoie, dans une bonne exégèse, à des choses que l’on trouve dans des textes d’Ougarit, concernant la vierge Anath qui se livre aussi à une extermination ; reprise ici de vieux thèmes liés à des sacrifices agraires. On a donc dans le texte biblique une trace très profonde de rituels sacrificiels anciens, de sacrifices humains transformés en sacrifice végétaux, et aussi probablement de pratiques sacrificielles qui sont à la naissance du politique.
Un autre passage est intéressant, en Actes 1, 18 : la seconde mort de Judas. Il faut la lire finement. Première mort de Judas : il se pend. Seconde mort, assez horrible : il est poussé et tombe en avant, ses viscères se répandent sur le champ du sang et il y a là une mort bizarre, qui va en quelque sorte être escamotée. Escamotage que l’on peut rapprocher d’un autre, en Actes 5,1, le meurtre caché d’Ananias et Saphira. Confondus de simonie par Pierre, l’un après l’autre, placés devant lui, tombent morts, curieusement, puis on passe aux obsèques. Cela fait penser à la mort de Romulus : les sénateurs sont là, ils entourent Romulus, et tout d’un coup il a disparu ; probablement diasparagmos, lynché et dépecé.
Tout cela pour souligner qu’à la fondation du christianisme, les textes nous rappellent que ces premiers chrétiens ne sont que des hommes et rien que des hommes ; et que le mécanisme sacrificiel fonctionne toujours, à l’origine du pouvoir (aujourd’hui, quand des militants trahissent la cause au commencement du parti, que font les responsables du parti ? ils les éliminent, physiquement). Expulsion victimaire. Ce texte à l’origine de la communauté chrétienne, actes 5,1, est intéressant : le sacrifice est escamoté, selon toutes les règles d’un escamotage du mécanisme sacrificiel, parce qu’on ne veut pas le montrer ; le texte y fait à peine allusion. Mais alors pourquoi ce texte a-t-il été conservé ? pourquoi n’avoir pas nettoyé le texte complètement ? Justement pour bien montrer que les premiers disciples ne sont que des hommes et que c’est bien en tant qu’hommes qu’ils doivent prendre en charge le message qui leur a été transmis.
Dans le cas de la deuxième mort de Judas, c’est assez intéressant. Le fait d’être poussé en avant et de répandre ses viscères, selon le terme grec extrêmement technique et précis, et ensuite que ces viscères soient répandus, est l’exact inverse d’un sacrifice grec. Si on prend toutes les étapes de l’opération, tel que le texte des Actes les présente, et si l’on sait par ailleurs ce qu’est le sacrifice grec du bœuf, tout est à l’inverse. Le bœuf n’est jamais poussé, la mise à mort est discrète (elle n’est jamais montrée sur les décors peints sur les vases ou autres objets), le bœuf est ensuite soigneusement éviscéré, avec une répartition très codée. Tout le récit des Actes est donc empreint comme d’une ironie formidable par rapport à toute la logique antérieure du sacrifice, remémorée pour une dernière fois à propos de l’expulsion de Judas. C’est assez étonnant.
Trois questions qui subsistent
Première question
Girard en arrive maintenant (surtout dans son dernier livre : Je vois Satan tomber comme l’éclair ) à identifier le mimétisme et le mal. Le mimétisme, c’est la » chute « . Les animaux ne sont pas vraiment mimétiques parce qu’ils ont l’instinct qui les empêche de l’être totalement. Mais nous, n’ayant plus cet instinct, nous commençons avec le mal radical et le mal radical c’est le mimétisme, c’est la comparaison, c’est l’imitation. Que vaut cette explication ? Selon nous, elle est insuffisante. Peut-on, comme cela, passer du concept théologique de mal radical à son éclairage par une donnée anthropologique telle que le mimétisme humain, fût-elle forte et universelle ?
Deuxième question
Si l’on considère que le christianisme révèle le mécanisme victimaire et que Jésus est le révélateur de cette violence en chacun de nous, lorsqu’il nous propose la règle de l’amour en lieu et place de la règle du meurtre et de la violence, on aboutit alors à quelque chose d’un peu embarassant : c’est que l’on fait ainsi, en quelque sorte, une apologétique chrétienne, qui se veut démonstrative. Girard nous démontrerait que le christianisme est vrai, scientifiquement. Cela gêne un peu. Au point que René Girard revient dans son dernier ouvrage, à grand renfort, sur la grâce, en soulignant largement qu’on ne peut pas comprendre la portée et le contenu du message chrétien et son côté révélateur de la violence humaine fondamentale, sans une révélation c’est à dire sans une grâce particulière, au sens paulinien du terme. Girard, au fond, a senti cette critique d’une apologétique un peu trop facile: si tu es si démonstratif que cela, tout le monde devrait être chrétien ; si ta démonstration est si rationnelle, qu’est-ce qu’un christianisme qui découlerait rationnellement des écritures saintes ? C’est une question qui peut laisser perplexe.
Troisième et dernière question
Girard dit qu’il s’intéresse maintenant à l’hominisation et au passage de l’animalité à l’humanité ; en quelque sorte le passage de l’instinct, pour l’animalité, à la loi et au droit , pour l’humanité, pour réguler la violence. Mais entre les deux, qu’est-ce qui a permis cette transition, qui s’étend sur des millions d’années ou des centaines de milliers d’années (allez savoir le temps qu’a pris l’hominisation ! on n’est pas encore très au clair sur ce sujet). C’est pourtant dans cet immense intervalle que s’est produit quelque chose de très important. C’est là que s’est mis en place le mécanisme sacrificiel, le religieux. En quelque sorte le religieux aurait accompagné, aurait opéré le passage de l’animalité à l’humanité et nous conserverait la mémoire de ce passage. Le religieux, sans doute, n’est pas uniquement cela, mais anthropologiquement il est cela. Le religieux aurait permis ce passage en particulier parce qu’il aurait permis de faire, au fur et à mesure, la bonne sélection des bonnes solutions culturelles et aurait conservé la meilleure, c’est-à-dire le sacrifice, la solution la plus efficace, la plus économique. De telle sorte que, perdant progressivement notre instinct, nous aurions gagné progressivement nos institutions. C’est là une idée extrêmement intéressante et on attend là-dessus les travaux complémentaires de René Girard.
Mais cela pose une question, par rapport à ce que disent les anthropologues contemporains et les psychanalystes à propos de la fonction symbolique. C’est-à-dire cette loi intraitable – ce que Lacan appelait l’Autre – par laquelle on entre dans l’ordre humain et qui est la loi du langage, qui est le fait que l’on ne choisit pas ses parents, pas son nom, pas les règles de grammaire et du langage ; que je ne choisis pas ma filiation, que je ne choisis pas la mort, que je bute sur la différence sexuée ….etc.. C’est-à-dire qu’il y a un certain nombre de traits de cette fonction symbolique qui font que je suis un être humain, et pas un animal. C’est cela, la fonction symbolique, qui constitue mon humanité et en marque en réalité les limites et les fondements.
Aujourd’hui, pourrait-on dire, ce qui manque aux jeunes, ou ce qui manque dans la violence sociale, ce n’est pas tant l’autorité (pour justifier des politiques autoritaristes et sécuritaires), c’est la transmission de la fonction symbolique. Rien de plus criminel que de laisser croire à des enfants et à des jeunes qu’ils sont nés sans père, c’est-à dire qu’ils sont leur propre père, c’est-à-dire encore que le monde commence avec leurs choix, comme veut le leur faire croire la publicité ; qu’il leur faut oublier la filiation.
C’est pour cela que le clonage est, par un certain côté, un crime contre l’humanité. Il limite l’inattendu de l’évolution, l’imprévisible de la création . Le Paraclet, le Saint-Esprit, c’est l’inattendu de la création. Nul ne sait ce qui va venir. La vie invente à profusion des formes nouvelles, dans un hasard génétique extraordinaire. Si on supprime ce hasard, où va-t-on ? limitation de l’humanité, de l’évolution, de la vie, du Paraclet ? Elle est d’une pauvreté intolérable, cette idée qu’on puisse se » re-produire « . Nous ne nous re-produisons pas, nous » pro-créons « .
Pour comprendre tout cela, il faut bien mesurer ce qu’est la fonction symbolique : c’est une sorte de transcendance anonyme qui dépasse les individus et régit les rapports entre humains. On pourrait même dire que les plus athées ou les plus agnostiques de nos savants sont bien obligés de rencontrer là une règle, une loi, un principe structurant de l’espèce humaine.
La question que l’on peut alors poser est de savoir quel rapport il y a entre, d’une part, cette espèce de transcendance par principe au cœur de l’espèce humaine et, d’autre part, la genèse progressive que Girard nous propose et nous promet de pouvoir construire peu à peu, qui marquerait l’apparition du mécanisme sacrificiel comme le régulateur des relations humaines.
En d’autres termes, comment concilier la mise en évidence d’un mécanisme » anonyme » (puisque les hommes l’utilisent sans savoir d’où il vient et sans en être vraiment conscients) d’origine anthropologique, par en-bas, à partir de l’animalité, avec le fait que, que jusqu’à maintenant, chez les auteurs de l’anthropologie » canonique « , on a l’affirmation d’une espèce de transcendance » en soi » tout à la fois » vide » (ce n’est pas Dieu), mais en même temps loi fondamentale, fondatrice de toutes les lois. Comment l’évolutif et le transcendant peuvent-ils se recouvrir ?
(1) cf. Jean Lambert, » Comment faire corps ? Fondation et morts suspectes dans quelques textes bibliques » in Fondements et crises du pouvoir, de S. Franchet d’Espérey et div. – Ed. Ausonius – Bordeaux 2003
Dans le dernier chapitre de la Violence et le sacré, René Girard prévient que les phénomènes les plus essentiels de toute culture humaine continueront d’échapper à la pensée moderne tant qu’elle ne comprendra pas le caractère opératoire du bouc émissaire et de ses succédanés sacrificiels, c’est-à-dire leur caractère de processus réel. Cet avertissement est des plus importants. Il porte en lui la promesse d’une terrible lucidité.
Il est remarquable qu’il soit presque immédiatement suivi d’une évocation du cannibalisme et du regret que celui-ci n’ait encore, à l’instar de l’inceste, trouvé son Freud et été élevé, malgré les efforts du cinéma contemporain, au rang de mythe majeur de la modernité. Le jugement est peut-être sévère et il n’est pas certain que le mythe cannibale, ou, pour être plus précis, le mythe du dépeçage omophage, n’ait pas été au cœur sinon au principe de l’essor du cinéma mondial. Il se pourrait même que ce soit son caractère central, c’est-à-dire précisément son efficacité comme mythe, qui en masque la présence ou qui oblige à la minimiser. On songera à la comptine cruelle sur laquelle s’ouvre M. le Maudit et par laquelle, au centre de la ronde enfantine, comme au centre du film, est ouvert l’espace victimaire : le sort de la prochaine victime est bien d’y être mangé.
Exemplaire, à cet égard, est la pièce de Tennessee Williams, portée à l’écran par Mankiewicz en 1959, Soudain l’été dernier, en laquelle le thème oedipien incestueux est résolument replacé dans la perspective de la violence dionysiaque omophage. Certes Montgomery Clift, auquel John Huston confiera en 1962 le rôle de Freud, n’est pas le Freud du cannibalisme. Il n’en reste pas moins que, dans Soudain l’été dernier, faisant accoucher Elisabeth Taylor d’une vérité incroyable, que « personne n’a cru», que « personne ne peut croire », « personne, personne au monde », le docteur Clift met à nu ce que le sacré désigne comme « la vérité de l’homme » et que le mécanisme de la victime émissaire empêche d’apparaître en la posant hors de l’homme dans la divinité. La vérité est que le sex-appeal de Liz Taylor provoquant sur la plage, dans son maillot transparent, le désir homosexuel, c’est-à-dire l’emballement mimétique indifférenciant de ce que Nietzsche appelait, dans La naissance de la tragédie, la « très jeune » foule dionysiaque, la « bande d’enfants nus » de
Cabeza de Lobo, a mécaniquement, comme la danse de Salomé – à laquelle Girard a consacré un remarquable texte –, pour effet le déchaînement de la violence sacrificielle unanime contre son cousin Sébastien . « Ils avaient arraché, coupé des morceaux de son corps avec leurs mains, ou avec des couteaux ou peut-être avec les boîtes de conserve déchiquetées qui leur servaient à faire de la musique », raconte Liz Taylor, « ils avaient arraché des lambeaux de son corps et les avaient enfoncés dans leurs petites bouches avides et goulues ». C’est cette « histoire » incroyable que Katharine Hepburn, la mère de Sébastien, véritable Jocaste moderne, demande vainement à Clift d’extirper par lobotomie du cerveau de sa nièce. Il est remarquable que le dernier mot de la pièce de Tennessee Williams revienne au personnage que joue Clift invitant pensivement, « les yeux dans le vague », à se demander si sa patiente « ne dit pas la vérité… ».
La violence et le sacré de René Girard est tout entier une réponse à cette invitation. Il atteste que Liz Taylor ne mentait pas. Mais il ouvre aussi sur une compréhension de ce que pouvait signifier en 1959 la représentation cinématographique, c’est-à-dire universelle, d’une telle histoire. Car, si les succédanés du bouc émissaire sont bien des processus réels, la représentation universelle du sacrifice de Sébastien opère effectivement sur la société universelle impliquée par le phénomène cinématographique. Comprendre le caractère opératoire du bouc émissaire, c’est comprendre que le spectacle de son sacrifice visible aux yeux de tous, rituellement répété au fil des séances, permet d’obtenir des résultats – selon l’expression même de Girard – « hautement concrets » – et d’abord celui de concentrer toutes les tensions intérieures à une société pour « rendre sa vigueur à un ordre culturel déprimé et fatigué », comme l’est celui de la société mondiale d’après-guerre. Le film de Mankiewicz n’est pas ainsi une simple représentation de la vérité : il est déjà la mise en œuvre de cette vérité sous la forme ambiguë qu’elle revêt nécessairement ; à savoir sous la forme d’une occultation de ce qu’elle révèle et répète – et répète d’autant plus efficacement qu’elle l’occulte. Au point de faire croire que le cinéma est un simple loisir.
Toute cette histoire est en réalité l’histoire de ces figures mythiques et comme telles opératoires que sont dans l’Amérique de la fin des années cinquante « Liz » et « Monty ». N’est-il pas manifeste que le rapport de
Catherine (la nièce de Sébastien) et de Sébastien est exactement celui qu’entretiennent publiquement Elisabeth Taylor et Montgomery Clift depuis environ une dizaine d’année au moment de la rédaction de la pièce de Tennessee Williams ? A savoir, un puissant attachement amoureux contrarié par l’homosexualité de Monty et progressivement transfiguré en protection maternelle infaillible. « On nous prenait parfois pour un couple en voyage de noce, mais on s’apercevait vite que nous avions des…des cabines séparées », confie Catherine dans la pièce. En 1961, dans les Misfits, John Huston fera allusion à la possessivité de la mère de Monty (dans la scène de la cabine téléphonique au tout début de l’épisode du rodéo) ; mais, il est clair qu’en 1959, dans Soudain l’été dernier, cette mère possessive – «il était à moi ! » s’écrie Violette Venable dans la pièce – est tout simplement incarnée, avec une précision qui vaut plus qu’une simple allusion, par la figure glaciale de Katharine Hepburn : comme Sunny, la mère de Montgomery Clift, Violette voyage seule à travers le monde avec son fils pour le soustraire à toute vie sociale. Tennessee Williams – pour lequel Montgomery Clift avait joué la première fois en 1945 – et Mankiewicz pouvaient-ils ignorer que Monty, séparé de sa jumelle, avait vécu des années en couple avec sa mère ? La figure incestueuse de Sunny ne devait-elle pas inspirer l’écriture sinon la mise en scène de Soudain l’été dernier ?
Monty, véritable Œdipe moderne menait alors à travers le film de Mankiewicz, publiquement et, déjà miné par l’alcool, plus ou moins consciemment, l’enquête qui, à travers l’interrogatoire de Liz Taylor, devait le
conduire à révéler sa propre monstruosité: non pas l’inceste, ni l’homosexualité, mais de concentrer sur soi et d’apaiser par son propre sacrifice la violence unanime. Monty est si peu le Freud du cannibalisme qu’il est
en réalité Sébastien lui-même, toujours filmé de loin ou de dos, sans visage – comme une simple indication du lieu qui revient en propre au sujet du sacrifice. Dans la pièce, la mère de Sébastien précise que son fils, « à la recherche de Dieu » ou plutôt d’une « image claire et nette de Dieu », avait trouvé cette image dans le spectacle d’oiseaux déchiquetant et dévorant la chair de jeunes tortues de mer sur les Îles Galapagos. Une image que sa nièce interprète comme une « image qu’il avait de lui-même » : une image de lui-même « comme victime d’une sorte de sacrifice ! un sacrifice offert à quelque chose de terrifiant », à une sorte de dieu cruel. Et c’est cette image de soi que Sébastien proprement accomplit dansla scène du dépeçage cannibale ; une scène que la nièce décrit comme une agression par « une nuée de petits moineaux noirs et déplumés ».
La figure absente, effacée et excessivement présente de Sébastien, qu’aucun acteur interprète, est en réalité celle de l’acteur américain mythique, en lequel s’incarne et prend forme le cannibalisme comme mythe moderne. C’est cette figure qui opère le processus réel à l’œuvre dans la représentation cinématographique.
C’est par une telle figure de l’indifférenciation – dont la différence est précisément de réaliser en soi le neutre, le quelconque, le pauvre en différence – qu’est possible l’établissement et le rétablissement incessant de l’ordre social différencié.
Arthur Miller dit avec une précision déconcertante l’efficacité de telles figures. Il faut prendre au sérieux dans les Misfits – dont Miller fut le scénariste – la scène du bivouac dans la plaine sauvage. Elli Wallach (Guido), parlant de Marilyn Monroe (Roslyn), y soutient qu’elle possède plus et mieux que la connaissance, une « sollicitude (care) » qui la met en harmonie avec toutes choses, au point que « ce qui arrive à n’importe qui lui arrive aussi ». A Marilyn qui proteste en affirmant qu’elle est « juste nerveuse », Wallach rétorque : « s’il n’y avait pas des gens nerveux sur terre, on en serait encore à se manger entrenous ». Le sujet
nerveux (Marilyn, Monty…) : celui dont la présence active et auto-destructrice préserve la communauté des violences intestines, assure l’évacuation de la Violence en individuant et, pour ainsi dire, en condensant en
soi l’abaissement généralisé des différences, qui est au principe de la guerre et que la guerre intensifie – qu’a intensifié à l’extrême que l’on sait la seconde guerre mondiale.
Ce que Soudain l’été dernier nous apprend, c’est que le bouc émissaire est une image de soi – que c’est sous la forme d’une image de soi, c’est-à-dire d’une figure de la subjectivité librement revendiquée, que le bouc émissaire opère et produit son effet dans la société mondiale en crise depuis les années trente. Cette image de soi ou cette figure de la subjectivité est ainsi au cœur de la production littéraire et intellectuelle du siècle. «Dès qu’un grand écrivain apparaît, la platitude est ébranlée », écrit encore Girard dans le dernier chapitre de La violence et le sacré. C’est-à-dire est ébranlé le processus par lequel la culture propre à la socialité différenciée minimise la violence même de l’acte sacrificiel qui la fonde. Au tout début de Mort à crédit, Céline n’écrit-il pas qu’il va « raconter des histoires » telles que ceux qui sont « repartis loin, très loin dans l’oubli se chercher une âme […] reviendront, exprès, pour [le] tuer, des quatre coins du monde » ? A-t-il fait autre chose ? N’avons-nous jamais été tenté de nous agréger au groupe ha ineux de ses assassins potentiels, à moins que minimisant la violence de sa position, nous n’ayons choisi, comme Gide, de n’y voir qu’une exagération comique. Impossible, en réalité, de distinguer chez Céline l’acte d’écrire et l’attraction sur soi de la Violence unanime. Séparer l’homme de l’écrivain, le salaud du romancier, reviendrait à séparer le bénéfique du maléfique qui agissent pourtant de concert dans le processus réel du bouc émissaire. Comprendre le caractère opératoire du bouc émissaire, c’est aussi comprendre cette inséparabilité : da ns le dernier chapitre de la Violence et le sacré, Girard félicite ainsi Derrida d’avoir, en refusant de séparer les deux sens opposés de pharmakon (poison et remède) exhumé, ré vélé le jeu de la violence qui habite le discours philosophique.
Pour bien comprendre le rapport de la violence et de la philosophie, il faut toutefois s’en remettre à l’article consacré en 1964 par Derrida à Lévinas sous le titre : Violence et métaphysique. Derrida y soutient que
la violence, « ou plutôt l’origine transcendantale d’une violence irréductible », est la nécessité « à laquelle aucun discours ne sa urait échapper dès sa plus jeune origine ». Cette « violence transcendantale » consiste dans l’instauration de soi-même comme autre de l’autre : dans la position de deux origines séparées du monde ; une dissymétrie originaire, pré-éthique, qui seule permet, pour Derrida, ultérieurement la dissymétrie inverse, la non-violence éthique que promeut Lévinas. Or, cette violence est une moindre violence. La doctrine derridienne de la violence est bataillienne – du moins selon une certaine lecture de Bataille. La moindre violence du discours s’oppose en effet avant tout à « la pire violence du silence primitif et prélogique d’une nuit inimaginable qui ne serait même pas le contraire du jour, d’une violence absolue qui ne serait même pas le contraire de la non-violence : le rien ou le non sens purs » – un non sens auquel, d’après Derrida, on est reconduit par la violence de l’hyperbole démonique du Cogito cartésien en son moment inaugural et propre, lorsque la différence du singulier, du séparé, ne peut s’éprouver que comme la différence solitaire d’une ouverture excédant follement la totalité du sens déterminé. Cette pire violence est celle de la dépense pure, anéconomique du sacrifice bataillien. C’est la puissance menaçante d’une telle violence absolue que Derrida oppose en fin de compte à Lévinas en défendant la violence relative du discours, qui commence avec la profération du Cogito, et qui reprend la dépense anéconomique dans une économie de la différa nce – car seule cette profération et cette économie permettent la séparation et de parler l’un à l’autre. La violence de la philosophie est d’abord l’expulsion de cette folie – ou, si l’on veut, l’expulsion du sujet nerveux qui par sa participation et sa sollicitude universelles, comme Marilyn, excède toute communication possible dans l’ordre de la connaissance.
Le reproche fait par Derrida à Lévinas est de ne pas avoir compris la nécessité de fonder la relation éthique à l’autre dans la violence transcendantale et économique de la séparation du même et de l’autre moyennant l’auto-position du même. Le reproche est juste. Mais, il ne révèle pas une insuffisance de l’éthique lévinassienne. Il met plutôt à jour son intention et sa signification fondamentales : écrire une philosophie en tièrement du point de vue de ce qui, afin même de le rendre possible, est originairement expulsé du discours philosophique. Ecrire une philosophie du point de vue de cette subjectivité originellement expiatrice qui prend sur soi et réalise en elle-même par la totale substitution à autrui – en deçà de toute position de soi – la violence pure d’un débordement de l’essence – c’est-à-dire de l’intérêt à être.
Là encore, le bouc émissaire est une image de soi ou plutôt un accomplissement subjectif. Les éléments principaux du chapitre IV d’ Autrement qu’être, que Lévinas présente comme le germe de l’ensemble de l’ouvrage, ont d’abord été exposés lors d’une conférence faite à la Faculté Universitaire de Saint Louis le 30 novembre 1967, avant de donner lieu à publication dans la Revue philosophique de Louvain en octobre 1968.
Ils sont donc postérieurs à l’article de Derrida et y répondent d’une manière inattendue. Dans ce texte central, Lévinas oppose la pseudo-transcendance, la fausse altérité du non-moi posé activement par le Moi auto-positionnel de Fichte à la transcendance absolue du non-moi subie dans la souffrance par un Moi exposé sans réserve à l’autre, et la perspective ainsi ouverte d’une authentique « fraternité humaine » – celle qui nous établit dans la proximité (pour reprendre la lettre de l’exergue) « des millions et des millions d’humains de toutes confessions et de toutes nations, victimes de la même haine de l’autre homme, du même antisémitisme », que celui dont furent victimes « les six millions d’assassinés par les nationaux-socialistes », mais aussi dans « la responsabilité de ce dont, dans le persécuté, il n’y eut pas volonté », c’est-à-dire la « responsabilité de la persécution même qu’il subit ». Ainsi exposée concrètement au poids de l’êt re, à la maladie, à la souffrance, à la mort, « sous le poids de l’univers – responsable de tous», la subjectivité lévinassienne est exclusivement « sujétion » ; et cette sujétion est ce qui la contraint à se contracter toujours plus en soi – et donc à être soi. Expressément articulée à la violence extrême de la guerre mondiale, la philosophie lévinassienne du sujet offre, d’une manière exemplaire, les éléments théoriques permettant de comprendre comment le sacrifice, le dépeçage par une nuée de rapaces goulus, l’exposition sans réserve à la Violence, puisse être à l’orée des années 60 une image positive de soi – et passer pour le ferment d’une nouvelle fraternité.
La substitution sacrificielle à l’autre jusque dans la responsabilité de la persécution subie refoule, rejette le sujet dans « le plein de l’un » ; elle le contracte au point de « l’empêcher de ce scinder, de se séparer de soi pour se contempler ou pour s’exprimer » ; à tel point que le Moi lévinassien est « absolument moi », « unicité exceptionne lle », « je unique et élu ». Cette plénitude ne va pas toutefois sans une fissure. Une fissure qui n’a rien à voir avec la fissure du Je fêlé kantien dont parle Deleuze en 1968 dans Différence et répétition, et qui tient à la passivité du moi à l’égard de son auto-activité – c’est-à-dire est liée à son auto-affection ou au
to-monstration. C’est à force d’être compacté sous le poids du monde que le Moi lévinassien finit par « étouffer », par se fendre et par éclater. Cette fission n’a rien à voir non plus avec la scission dialectique hégelienne – et le chapitre d’Autrement qu’être auquel nous faisons référence porte distinctement la mar que de l’anti-hégélianisme qui lui est contemporain et notamment de l’anti-hégélianisme affiché par Derrida dans l’article de 1967 sur l’hégélianisme sans réserve, paru en mai, quelques mois avant la conférence de Lévinas à la Faculté Universitaire de Saint-Louis.
L’éclatement, l’ouverture du plein ne va en aucun cas jusqu’à la séparation qui permettrait le retour à soi ou le jeu de l’auto-monstration. Le Soi « ne cesse de se fendre », écrit Lévinas. La singularisation extrême du retour à soi et l’universalisation de l’éclatement sont parfaitement simultanés, conjoints dans une même « stance », le Sujet lévinassien se tenant constamment dans « l’entre-deux » de son individuation et de son
effacement. Or, il est remarquable que cette « stance », ou station, est précisément celle de la victime sacrificielle, « immolée » pour tous, dont Lévinas construit ici l’identité subjective. La réponse de Lévinas à Violence et métaphysique est alors précisément de décrire la substitution en usant du vocabulaire bataillien par lequel Derrida désignait en mai 1967 l’idéal subjectif à opposer à la négativité hégélienne: la « dépense
débordant les ressources », la « dépense sans compter », la « gratuité » opposée à l’économie restreinte de la compta bilité. Ce que, dans le premier chapitre d’Autrement qu’être, en 1970, Lévinas condense dans l’expression de « sacrifice sans réserve », « sans retenue ». C’est donc le risque d’une toute autre violence que la violence inhérente au discours philosophique que veut prendre Lévinas.
Et Derrida peut bien lui reprocher son imprudence. Ce risque, le livre de René Girard l’éclaire, en 1972, par l’éclairage qu’il porte sur le processus réel à l’œuvre à travers l’émergence dans l’ensemble de la culture, élevée par la guerre au rang de culture mondiale, de cette figure singulière de la subjectivité qu’est la substitution totale dans la concentration sur soi de la Violence unanime.
Le festival de Notting Hill, cet événement culturel de masse de musique et de danse antillaise a fêté récemment ses quarante ans. Il a contribué à une certaine image de l’Angleterre comme un pays où l’identité culturelle de groupes immigrés peut être publiquement revendiquée. Il est même devenu un symbole du “multiculturalisme”.
Simple divertissement, retour aux racines, récupération commerciale et étatique de l’identité immigrée … le festival a fait l’objet d’interprétations très diverses. L’étude de son histoire permet d’éclaircir sa signification.
Dans les années soixante, la grande difficulté de sa mise en oeuvre laissait apercevoir un réel rejet des Antillais par une partie de la population blanche. Dix ans plus tard, les tentatives d’interdire le carnaval, et les conflits violents entre police et participants, faisaient couler beaucoup d’encre. Mais aujourd’hui il bénéficie d’une participation beaucoup plus forte des pouvoirs publics dans l’organisation et le financement du carnaval, et d’une réelle banalisation du festival – il est par exemple intégré dans les programmes scolaires.
Les Melas, qui fleurissent depuis un peu plus de dix ans en Angleterre et dont on dénombre une bonne quarantaine à travers le pays chaque année, sont des festivals de musique et de danse indo-pakistanaise (on dit en Angleterre « Asian music »). Ces festivals servent d’expression de l’identité d’une population d’origine indo-pakistanaise encore cible du racisme. Là encore, l’attitude des autorités, et les revendications explicites et implicites des artistes et des organisateurs nous permettent de mieux comprendre les festivals en tant que réactions au racisme ambiant.
Notre intervention vise à explorer, en comparant ces deux exemples certaines des problématiques d’expression d’identité immigrée en Angleterre aujourd’hui.
Du Notting Hill Carnival aux Melas – festivals de musique, identité immigrée et intégration
John Mullen, Université Paris 12 Val de Marne
1. Introduction
Nous allons examiner brièvement l’histoire et l’actualité de festivals de musique « ethnique » en Angleterre pour voir ce qu’il peut nous dire sur le thème du colloque « Exils, Migration et Création ».
1.1 Exil et immigration
Les mots « Exil » et « immigration », ne nous renvoient pas la même image. « Exil » on comprend comme un phénomène à dominante individuelle, vécu dans l’isolement, souvent lié à des problématiques politiques. Dans « immigration » nous voyons un phénomène collectif, relevant souvent de besoins économiques. Mais les productions culturelles collectives des population immigrées réagissent aussi à l’expérience d’éloignement du pays. Aujourd’hui en Angleterre, ces festivals sont ceux d’une population dont la majorité est née en Angleterre. Néanmoins, l’expérience du racisme et les difficultés d’intégration peuvent produire un sentiment d’exil. A cet exil sont attachées toute une série d’attitudes et revendications – qu’il s’agisse d’une glorification du pays ou de la culture d’origine, d’une tentative d’assimilation, ou d’une revendication de cultures hybrides ou multiples.
Nous remarquons tout de suite une complexité de ces festivals par rapport à l’exil. Le carnaval de Notting Hill tenant ses racines dans le carnaval jamaïquain est une adaptation au sol anglais d’un festival qui déjà incarnait une réaction à l’exil des esclaves africains. Ensuite les Antillais en Angleterre ont utilisé ce carnaval pour leur propre expression culturelle, marquée par l’expérience de l’immigration. Ainsi nous sommes en présence d’un double exil.
Les Melas sont avant tout une expression d’une génération de jeunes de culture indo-pakistanaise nés en Angleterre, et non pas une expression de la première génération d’immigrés. On verra qu’on peut y trouver des éléments d’un « retour aux racines », en même temps qu’une revendication du mélange. Les deux festivals sont souvent présentés comme étant DE la communauté en question mais POUR tout le monde, une vitrine de la culture « ethnique » conçue pour contrer les préjugés sur les cultures indo-pakistanaises.
1.2 Création, théâtre et hybridité
Le concept de création en ce qui concerne la musique populaire n’a pas été suffisamment exploré. On y a remarqué pourtant une tendance à la création collective plus qu’individuelle. (1) Création collective par le groupe de musiciens, ou par le studio d’enregistrement. Mais aussi création collective par échange avec le public, élément d’autant plus important que le spectacle peut être aussi déterminant que l’écriture. En ce qui concerne la musique d’une communauté spécifique, la situation est encore plus complexe. L’artiste peut vouloir se présenter comme étant « la voix d’une communauté » ; s’il ne veut pas se présenter ainsi, d’autres peuvent s’en charger. Et la « voix de la communauté » en elle-même n’est pas exempte de complexités revendicatives, surtout s’agissant de communautés ciblées par le racisme.
Il faut se rappeler également que la création dans la musique populaire implique un aspect théâtral. Ainsi, un concert de Banghra qui mélange musiques indiennes, rock anglo-saxon et rythmes reggae ne fait pas que les mélanger – il montre qu’il les mélange. En effet, la revendication publique, théâtrale, du mélange est aussi important que l’aspect esthétique.
1.3 Contexte et racisme
Seule une prise en compte de l’expérience du racisme permet de comprendre cs festivals. Le carnaval de Notting Hill vit ses débuts dans les années 1960, quand la déconstruction lente de l’empire colonial s’accompagne d’un racisme populaire assez général. La montée et la défaite de l’extrême droite organisée dans les années 1970 et sa renaissance à la fin des années 1990 constituent des éléments importants pour comprendre les revendications identitaires des festivals antillais et indo-pakistanais.
En effet lors des élections municipales de 2002, le British National Party, principale formation d’extrême droite, gagne trois sièges à Burnley, petite ville du Nord de l’Angleterre. Dans les quelques circonscriptions où il se présente, il obtient en moyenne vingt pour cent des suffrages. C’est vécu comme un drame dans un pays où, pendant de longues années, à la grande fierté de la gauche anglaise l’extrême droite ne comptait aucun élu. En 2006, une étude (2) montre que 25% de la population se posait la question de voter pour le British National Party, un parti qui défend une politique de rapatriement de la population issue de l’immigration, financé par l’Etat,
Les festivals, qu’ils soient antillais à Notting Hill, ou indien et pakistanais pour les Melas, en tant que vitrine publique des cultures des deux minorités les plus visées par le racisme ne peuvent qu’être influencés par cette ambiance.
2. Notting Hill
2.1 L’histoire du carnaval
Toute l’histoire du carnaval de Notting Hill est liée à l’histoire de l’immigration antillaise à Londres. Les travailleurs antillais furent recrutés activement par l’Etat britannique en manque de main d’oeuvre dans les années 1950 ; ils venaient d’une colonie où on leur avait toujours inculqué la supériorité de la culture anglaise :
Dans les écoles, on enseignait aux enfants que les Anglo-Saxons étaient une grande civilisation, voire la plus grande de toutes, et qu’eux-mêmes descendaient de tribus africaines primitives et incultes, sauvées par la bienveillance et la grandeur des Britanniques.
(Maraval 2002 :12)
Ils partaient pour l’Angleterre en ayant une vision idéalisée du pays. 125 000 sont venus en 10 ans. Les Jamaïquains s’installèrent à Clapham et Brixton, tandis que les Trinidadiens se rassemblèrent à Notting Hill, encouragés à se regrouper par un racisme très présent dans le marché immobilier. Les travailleurs devaient généralement prendre des emplois en dessous du niveau de qualification qu’ils avaient dans leur île d’origine. Le racisme qu’ils ont vécu fut un véritable choc.
En 1958 vint un traumatisme supplémentaire pour les Trinidadiens de Notting Hill. Des jeunes blancs s’organisèrent pour attaquer les Noirs du quartier. Neuf jeunes blancs furent arrêtés par la police en possession de barres de fer et d’autres armes. Les logements de couples mixtes furent attaqués par des bandes racistes ; une partie de la jeunesse antillaise s’organisa pour riposter. Les conflits durèrent plusieurs jours et s’accompagnèrent de l’accusation que la police avait sciemment refusé d’intervenir pour défendre des citoyens antillais. (3)
Le premier carnaval à Notting Hill, en 1966 (4) était conçu comme un symbole d’unité de la population du quartier, quelques années après ces émeutes. Mais pendant les années 1970, le caractère caribéen dominait : on peut y lire un certain repli sur soi face au racisme ambiant. Les organisateurs du carnaval le présenta par la suite comme une contribution à la vie culturelle de toute la population, une preuve de la contribution positive des Antillais à la vie culturelle du pays. Ainsi le carnaval constitue à la fois une revendication de résistance antiraciste (le message implicite est « Nous voulons apparaître nombreux et bruyants en public, antillais et fiers de l’être ») et aussi une réaction défensive au racisme (le second message implicite : « Vous voyez, nous avons quand même quelque chose à apporter»).
Dans les années 1970, le festival est marqué par une montée rapide du nombre de participants, mais aussi par de graves conflits avec la police et les autorités.(5) Pendant plusieurs années il y eut des tentatives d’interdire le carnaval ou de le déplacer à un quartier lointain. Dans une ambiance marquée par des descentes régulières de la police dans les bars et les restaurants caribéens…et l’utilisation d’une loi pour fouiller toute personne « suspecte » dans la rue , (6) la présence publique des 250 000 Noirs au festival de 1975 est perçu comme un problème. Cette période connaît également des évolutions politiques qui encouragent les réactions racistes (profonde déception ouvrière avec le gouvernement travailliste, montée du Front national néofasciste).
Ainsi nous voyons en 1976 des combats violents entre policiers et jeunes participants au carnaval. Une centaine de policiers et une soixantaine de civils sont hospitalisés. Ces conflits surgissaient d’une méfiance très grande envers une police largement touchée par le racisme. Les années suivantes, le carnaval va participer à la logique d’affrontement idéologique entre racistes et antiracistes. La ligue anti-nazie (LAN) organisait une présence au carnaval.
La LAN et Rock against Racisme organisaient des concerts où des groupes de Reggae Britanniques tels que Asad ou Steele Pulse jouaient sur la même scène que des groupes punk tels que The Clash et The Slits. Certains groupes punk qui comptaient parmi leurs fans des skinheads sympathisants du fascisme devaient les affronter politiquement en participant à ces concerts. La situation était très tendue : des musiciens Noirs furent attaqués par des jeunes fascistes et en 1981 le Front national menace de s’attaquer physiquement au carnaval de Notting Hill.
La défaite du Front national dans la rue en 1977-1978 et son déclin électoral dans les années 1980 aidèrent à rendre moins explosif le carnaval, même si en 1989, un certain nombre de conflits eurent lieu entre les foules et la police, massivement présente : 13 000 policiers furent déployés.
Une certaine contestation du racisme policier, y compris à l’intérieur des organismes publics a permis une présence policière plus conciliante depuis quinze ans. Dans les années 1990 une campagne déterminée à recruter des milliers de policiers issus des minorités ethniques y a sans doute contribué, ainsi qu’une montée lente de la politique du multiculturalisme.
2.2 Notting Hill aujourd’hui
Le carnaval de Notting Hill en est venu à représenter un véritable mythe. Le mythe de la joie de vivre des Antillais, de la tolérance de l’eccentricité chez les Anglais, ou de la réussite du multiculturalisme anglais. Un mythe utilisé par la communication officielle anglaise pour le tourisme et le commerce.
En 2000 1 500 000 personnes ont participé au carnaval ; en 2005 750 000. En 2000 le carnaval comptait 42 sound systems statiques, 35 sound systems mobiles, près de 80 bandes costumées suivies par leurs camions respectifs, 15 steel bands, 3 scènes de concert et 250 stands vendant de la nourriture ou des boissons. Si la majorité des participants est noire, le carnaval attire une minorité de « anglais de souche » en plus des visiteurs internationaux.
2.2 Les musiques de Notting Hill : racines et modernité
Dans les années 1960 et 1970 on voyait jouer quasi-exclusivement le steel band et le calypso. Le calypso est une musique antillaise avant tout trinidadienne dont les origines remontent à la traite des esclaves ; cette musique était utilisée pour des communications interdites entre esclaves. Après l’abolition de l’esclavage, les concours de musique calypso sont devenus de plus en plus populaires. A l’instar des ballades dans la tradition folklorique anglaise, les chansons de calypso sont devenues, au début du vingtième siècle, un moyen de transmettre des informations et des débats. Les chansons commentaient l’actualité, dénonçait la corruption chez les politiciens, etc.
A Notting Hill, les artistes de calypso perpétuent cette tradition. Si l’animation de la danse et de la fête constitue la base fondamentale, et la tradition de chansons sensuelles voire paillardes est très présente, on y trouve également des chansons identitaires, revendicatives, ou d’opinion. « I’d rather be in Trinidad » de David Rudder ou « We’ve got to rally round the West Indies » chantent la nostalgie du pays mais aussi exhortent l’unité des Antillais. Une autre succès récent, « Black on Black » commentait les crimes violents à l’intérieur de la communauté noire. Dans son « Forty One bullets » Rudder commente la mort d’un New yorkais noir tué par la police dans la rue… D’autres chansons font des commentaires sociaux qui ne sont pas directement revendicatifs, comme le morceau de la reine du calypso Wen’D qui s’intitule « The Internet ».
L’autre forme musicale centrale aux débuts du carnaval est le steel band ou steel pan. Cette musique populaire bricolée au départ ( le steel pan dans sa forme originale dans les années 1940 est un fût de pétrole adaptée pour faire de la musique, à l’époque où les tambours traditionnels avaient été interdits par les autorités), est une musique appartenant à une population dominée.
C’est en 1975 qu’apparaît une grande nouveauté dans le carnaval – les sound systems qui jouent du reggae, accompagnés par les commentaires du Disc Jockey chanté sur fond de disques (souvent commentaires politiques ou sociaux). Ces sound systems sont devenus de plus en plus nombreux chaque année. Leur arrivée assure le succès du carnaval auprès d’une nouvelle génération de jeunes Noirs britanniques, et leur polarisation sur la musique Reggae a évolué – aujourd’hui chaque sound system choisit sa forme de musique – R and B, Jungle, garage etc. . Dans le même temps les sound systems ont suscité l’inquiétude de ceux qui tenaient à un carnaval de musique traditionnelle et « authentique ».
2.3 Carnaval et autorités
L’attitude des autorités publiques à l’égard du carnaval ne se réduit pas à une démarche répressive. Surtout ces 20 dernières années, la montée du « multiculturalisme » s’est vue refléter dans l’attitude des pouvoirs publics
Le « multiculturalisme » dans ce contexte est l’idée que la valorisation et l’encouragement de l’expression culturelle minoritaire, loin de constituer un repli sur soi et une menace pour le vivre ensemble et pour l’unité de la population, est au contraire une richesse et une partage. C’est une idée qui a le vent en poupe à partir des années 1980. Nous voyons ainsi qu’à partir de 1989 il y a une implication des municipalités dans l’organisation du festival. Le maire du grand Londres, Ken Livingstone déclara « Le carnaval est un rassemblement merveilleux de toutes les communautés de Londres». (7)
Des subventions publiques sont devenues disponibles. En effet, à cette époque il y a un souci particulier au sein des organismes publics de subvention – les Arts council – de ne plus exclure les activités culturelles venant des minorités ethniques. (8) A tel point qu’un quota, un pourcentage des subventions réservé à des arts dans les communautés ethniques, a été mis en place.(9) (10)
London Arts a attribué, par exemple 400 000 livres aux différentes artistes du carnaval en 2001. Un responsable de liaison avec le carnaval fut nommé à London Arts. Il y a eu également l’implication des écoles de Londres dans le carnaval. « L’heure est venue de prendre les arts du carnaval au sérieux. On n’a pas encore compris la valeur sociale et éducative du carnaval » a commenté M. Ado, directeur du centre Caraïbes à Goldsmith’s College. (11)
3. Les Melas
Les Melas ont d’autres origines et un autre contenu. Quelques dizaines sont organisés au Royaume-Uni chaque année. Ils peuvent être relativement petits – le Mela de Bolton accueille 2 000 personnes, ou beaucoup plus grands – le Mela de Birmingham attire 40 000 personnes ; 80 000 personnes ont participé au Mela de Bradford en 1999, 100 000 en 2003 à Leicester, et 75 000 à Londres en 2004. L’entrée est généralement gratuite ou peu chère : le financement vient de sponsors et des municipalités. Contrairement au cas du carnaval de Notting Hill, les municipalités et autres organismes publics ont été impliqués depuis le départ.
3.1 Mela et exil
Ces festivals indo-pakistanais n’apparaissent que dans les années 1990, (le London Mela est mis en place en 2003 seulement) tandis que l’immigration indo-pakistanaise date des années 1950 à 1975. C’est une expression culturelle d’une nouvelle génération, née en Grande-Bretagne. Nous verrons donc que la présentation de l’exil ou de la migration est bien différente. Notamment la revendication ouverte d’une culture mixte ou hybride est bien plus présente qu’à Notting Hill.
3.2 Les musiques du Mela
On peut voir à la fois des groupes anglo-indiens locaux et des groupes venus d’Inde pour jouer. Les groupes et chanteurs peuvent chanter en anglais (Apache Indian, par exemple) ou en penjabi ou d’autres langues du sous-continent indien (des groupes tels que Junoon -« le plus grand groupe rock du Pakistan »). Il peut y avoir des musiques traditionnelles ou classiques du sous-continent indien, mais le centre de gravité du festival est sans doute la musique des jeunes – garage, urban et avant tout, Banghra.
Cette musique utilise le chant et les instruments traditionnels de l’Inde – tambours et instruments à cordes. Dans sa forme traditionnelle, les textes, en penjabi, traitaient de la récolte, de l’amour, du patriotisme penjab ou des questions d’actualité sociale et politique. Aujourd’hui, le Banghra, parfois chanté en anglais et en penjabi, mélange le rock et le hip-hop, le rap, le reggae ou le jungle avec la musique traditionnelle. Les thèmes peuvent être politiques ou romantiques (Je veux danser avec vous »…) Raghav (un des chanteurs les plus populaires, Canadien d’origine indienne) chante en anglais, mais aussi une chanson en penjabi « the ultimate sacrifice ». Quelques tubes chantés en bilingue marquent une innovation dans la musique populaire britannique, depuis toujours rétive à toute chanson qui ne soit pas chantée en anglais.
Un tel phénomène de mélange de musique traditionnelle et musique populaire contemporaine n’a rien de surprenant en soi – nous avons vu depuis les années 1970 plusieurs types de musique folk réinterprétés dans un registre rock, par exemple .(12) Mais au Mela les mélanges semblent aller plus loin, et l’hybridité, nous le verrons est revendiquée comme une valeur en soi. Ainsi Ronak Baja, un groupe d’Edimbourg, se réclame d’un mélange de Banghra indienne et de musique folklorique écossaise.
Les thèmes des chansons sont variés. Les chansons d’amour ont leur place : Raghav chante «let’s work it out » sur une relation de couple. Apache Indian chante sur des thèmes de la société contemporaine de sa communauté. Il prend comme thème les mariage arrangés, la dénonciation des drogues, ou simplement la fierté d’être de culture mixte.
Si les Melas restent orientés autour de la musique du sous-continent indien et hybrides, il y a eu des tentatives pour élargir leur registre, en réponse aux critiques qui soupçonnent les Melas de favoriser le repli sur soi des communautés minoritaires. A Glasgow par exemple le Mela a récemment accueilli des artistes sud-américains et andalous. La directrice du Mela de Bradford expliqua sa position sur l’élargissement et l’hybridité.
J’ai beaucoup travaillé avec des artistes traditionnels, mais ma conception du Mela c’est de détruire les frontières. Alors j’ai délibérément cherché des artistes qui font appel à une tradition mais essaient de se mélanger et d’impliquer d’autres cultures … je veux voir des gens noirs, blancs, bruns, roses et bleus tous communiquer avec la musique car c’est le seul moyen de vraiment communiquer. (13)
3.3 Mela, hybridité et revendication
Un festival basé sur la musique d’une minorité ethnique ne peut pas faire abstraction du racisme. Les organisateurs voient le Mela comme une réponse au racisme, ou comme une occasion de mettre en avant des revendications ou de la propagande antiraciste. Si les municipalités (souvent de gauche) et d’autres organismes publics mettent l’accent sur la possibilité de contrer les préjugés racistes en faisant une vitrine, lors des Melas, de la créativité de la culture minoritaire, bon nombre d’artistes et d’organisateurs prévoient une intervention antiraciste plus politique, qui dénonce un racisme structurel et n’épargne pas les autorités publiques. Ainsi nous voyons dénoncer la politique de l’immigration, par exemple. Le reporter du Daily Telegraph rapporte en 2004 (14)
J’ai croisé le directeur artistique, Ajay Chhabra, qui se promenait sur des échasses, déguisé en policier militaire. Il pointait les gens avec son bâton en leur accusant d’être illégaux et en exigeant qu’ils montrent leur passeport. (15)
Asian Dub Foundation est parmi les groupes populaires les plus radicaux. Ils protestent contre les restrictions à l’immigration. (Dans leur morceau « Fortress Europe ») There is no such thing as illegal immigrants, only illegal governments. Dans d’autres chansons il s’attaquent au thème du multiculturalisme et de l’hybridité. Ils flétrissent certaines formes de la world music, perçues comme une dilution inacceptable et peu respectueuse des racines de leur culture
You’re desensitised
Sitting cross-legged with your joss sticks and your flutes
Just taking and faking what’s easy:
No respect for our roots
(Vous avez perdu la capacité de ressentir
Assis en tailleurs avec flutes et encens
Prenant et imitant ce qui est facile
Sans respecter nos racines) (16)
D’autres artistes tels que Apache Indian ou Jay Sean considèrent au contraire que l’hybridité en soi est un triomphe d’unité populaire. Jay Sean est devenu la première superstar de la musique asiatique (17) (160 millions de téléspectateurs à travers le monde l’ont vu recevoir un prix sur MTV India). Il se présente comme un porte parole ou un modèle à suivre.
« Sikh, Hindu, Musulman, cela n’a aucune importance » dit-il « Nous sommes sur scène pour faire du bien aux Asiatiques, pour aider à les élever. » (18)
Alors on peut remarquer que là où Asian Dub Foundation voudrait exprimer et favoriser une prise de conscience politique radicale, Jay Sean tendrait à vouloir jouer un rôle revendicatif bien différent, voulant montrer la capacité des anglais d’origine immigrée à être comme les autres pop stars…. Sans doute le point commun est celui d’une fierté asiatique. « Asian is beautiful » pour une raison ou d’une autre. Le sens précis de la fierté asiatique est complexe. Un des groupes les plus populaires, Junoon, joue une version électrique de l’hymne national pakistanais, tout en revendiquant l’unité des peuples indiens et pakistanais.
D’autres ont souligné l’intérêt commercial tout à fait considérable de ces festivals; les grandes entreprises se battent pour être les sponsors des Melas. Selon la BBC (19)
On estime que le revenu disponible de la communauté asiatique en Grande-Bretagne est de 8 milliards de livres. Ainsi, le Mega Mela a attiré des entreprises géantes qui cherchent à devenir des sponsors : Tesco, John Lewis, Jaguar.
Il y a une tension entre une revendication antiraciste, et une volonté de faire partie du « mainstream ». « Cela fait 35 ans que nous sommes là, nous voulons faire partie de la normalité, et nous voulons que les gens comprennent notre culture » commentait Anjina Raheja, une des organisatrices du Mela de Birmingham (20)
D’autres insistent sur les évènements comme une occasion pour les non-asiatiques de “goûter un échantillon de la culture asiatique” . (21) Tandis que le Daily Telegraph, pourtant généralement critique du multiculturalisme , (22) fait la publicité pour le Mela en ces termes :
Si vous n’avez pas l’argent pour prendre un vol pour l’Inde, vous pouvez voir une partie authentique de sa culture au Mela national, à Birmingham à partir de vendredi. C’est une vitrine étincelante de l’Asie – ses arts, sa cuisine, sa mode, ses sports et ses divertissements. (23)
3.4 Mela et intégration
Justement les deux aspects de la revendication de fierté – subversif et contre le système ou intégrative voire commerciale et aucunement radicale, donnent lieu à des attitudes ambivalentes de la part des pouvoirs publics. L’attitude des autorités envers ces festivals est basée sur un désir d’intégrer les citoyens d’origines ethniques différentes dans tous les aspects de la vie culturelle, grâce à une politique volontariste.
Une étude par une instance paragouvernementale, le Arts Council, de 11 festivals majeurs dans la région de Leicester en 2002 a fait ressortir le rôle des festivals « ethniques ». En effet, le pourcentage de citoyens Noirs et Asiatiques qui assistaient aux festivals de musique « non-ethniques » était trois fois inférieurs à leur pourcentage dans la population de la région. Les festivals ethniques – un festival caribéen et un Mela attirèrent par contre massivement ces populations.
La plus grande partie du public non-blanc des [onze] festivals ont assisté uniquement au Mela de Leicester et au carnaval caribéen de Derby. Si on enlève ces deux festivals de notre échantillon, le pourcentage du public blanc est de 96,7% [aux autres festivals], tandis que le pourcentage du public Noir ou Asiatique sont de 1,6% et de 0,8% respectivement. Cela est trois fois moins élevé que le pourcentage de ces ethnies dans la population générale. On peut en conclure que les festivals ont besoin de mieux attirer le public Noir et Asiatique. (24)
C’est une des raisons que les autorités donnent de l’argent à ces festivals.
En Angleterre, la prise en compte de facteurs « ethniques » dans le recensement et dans la compilation de toutes statistiques publiques est généralement considérées non seulement comme acceptable, mais comme une preuve élémentaire d’une volonté de réduire la discrimination raciste. L’encouragement des langues et des pratiques culturelles d’ethnies minoritaires est largement perçu comme positif en Angleterre. Une bibliothèque municipale peut tout à fait, par exemple, contenir dix ou vingt pour cent de livres en langue minoritaire (le Urdu dans la ville où j’ai vu cela récemment.) Souvent la municipalité est responsable de l’organisation d’un Mela. C’est le cas de Bradford par exemple, qui emploie la directrice musicale
Le Mela de Glasgow reçoit des subventions de la municipalité, du Arts Council écossais, de la police régionale, et d’entreprises privées dont une banque et une entreprise de production de lait.
Les Melas ont produit beaucoup moins de tensions avec la police que ne l’a fait le festival de Notting Hill – les Melas n’ont pas été perçu comme une menace en soi. Quelques incidents ont pourtant eu lieu : des combats de rue entre jeunes pakistanais et jeunes kurdes à Peterborough en 2004 par exemple. (25) Mais il est à noter qu’il ne s’agissait pas de conflits directs entre forces de police et jeunes des minorités ethniques.
3.5 Melas et opposition
Des sections de l’opinion conservatrice peuvent être opposées à ces festivals, ou au moins aux contributions de l’argent public. Sous le titre « Londres peut-il se permettre de payer l’empire luxueux de Livingstone », le Daily Telegraph (26) dénonce le Mela du sud de Londres comme un gaspillage d’argent public, par un maire dont le seul souci est de suivre « la mode politique actuelle ». Plus à droite le British National Party a fait campagne contre le Mela de Bradford en 2000, diffusant des tracts et collant des affiches. (27)
4 Conclusions
Le carnaval de Notting Hill et les Melas participent, au delà de l’aspect festif, à une réaction communautaire au racisme. Le fait d’être massivement visibles, de manière flamboyante, jouant la musique de ses origines dans des lieux publics est un acte de résistance au racisme ambiant. C’est pourquoi ces festivals ont été une cible privilégiée de discours racistes. Les festivals ont été critiqués et considérés comme communautaristes, véhiculant un repli sur soi. Il est pourtant à noter que d’autres festivals quasi-exclusivement blancs (tels que le Cambridge Folk festival par exemple) ne subissent pas les mêmes critiques.
La mise en place du carnaval de Notting Hill a nécessité de longues années de travail associatif, souvent allant à l’encontre de la politique des autorités publiques, et particulièrement contre les souhaits de la police londonienne. La mise en place infiniment moins conflictuelle des Melas démontre un changement dans les attitudes, mais avant tout la montée de l’idée multiculturaliste dans l’idéologie des organismes publics.
Néanmoins, les Melas restent profondément marqués par l’expérience du racisme, et leur tentative pour accéder à « la normalité » en est témoin (le festival de folk de Cambridge n’a pas à s’en soucier, même si la musique qu’on y joue est sans doute plus minoritaire que celle des Melas). Face à ce racisme, on observe au moins quatre types de réaction. D’abord on voit la mise en avant de héros asiatiques comme Jay Sean, qui s’en est sorti par la musique et veut donner des « preuves » que chacun peut s’en sortir. Deuxièmement on voit la célébration de l’hybridité, de la mélange des cultures comme une solution en soi face au racisme. Troisièmement, on remarque la mise en vitrine de sa culture comme une « preuve » de la valeur des minorités ethniques ; ceci constitue une réaction défensive au racisme, car on suggère que cette valeur ne va pas de soi. Enfin, certains artistes ou organisateurs préconisent une critique radicale du racisme, y compris dans ses formes institutionnalisées.
Nous espérons avoir démontré l’intérêt de l’étude des pratiques culturelles de masse dans la réflexion sur l’intégration des minorités, et dans celle de la création née de l’exil.
Ouvrages cités
Arts Council UK. Festivals and the creative region : The economic and social benefits of cultural festivals in the East Midlands: key findings from a study by De Montfort University London : Arts Council UK, 2003.
Benyon John ‘Spiral of Decline : « Race and Policing »’ in Race Government and Politics in Britain, sous la direction de Zig-Layton Henry et Rich, Paul B. Basingstoke : Macmillan, 1989.
Hutnyk John. ‘Adorno at Womad : South Asian Crossovers and the limits of hybridity talk’ in Werbner Pnina et Modood Tariq (dir) Debating Cultural Hybridity : Multi-cultural identities and the politics of antiracism London : Zed books, 1997.
Khan Naseen. Politique culturelle et Diversité culturelle. Rapport national : Royaume-Uni. Strasbourg : Conseil de l’Europe, 2001.
Maraval Myriam Le carnaval de Notting Hill : des conditions d’existence à l’affirmation culturelle mémoire de maîtrise non-publié, sous la direction de M. DABENE, Aix en Provence : Institut d’Etudes Politiques, 2002.
Middleton, Richard. Studying Popular Music Milton Keynes :Open University press,1990.
Riggio, Milla, C (Ed.) Carnival: Culture in Action —
The Trinidad Experience London and New York: Routledge, 2004.
John Peter, Margetts Helen et al. British National Party: the roots of its appeal Colchester :Human Rights Centre, University of Essex, 2006.
Visram, Rozina Asians in Britain, 400 years of history, London : Pluto Press, 2002.
Notes
1 Voir Middleton, Richard. Studying Popular Music Milton Keynes :Open University press,1990.
2 John Peter, Margetts Helen et al. British National Party: the roots of its appeal Colchester :Human Rights Centre, University of Essex, 2006.
3 Maraval Myriam Le carnaval de Notting Hill : des conditions d’existence à l’affirmation culturelle mémoire de maîtrise non-publié, sous la direction de M. DABENE, Aix en Provence : Institut d’Etudes Politiques, 2002, p10.
4 On trouve dans les sources différentes dates pour le « tout premier » carnaval, dû à des désaccords sur le statut de diverses fêtes et concerts dans le quartier dans les années 1960.
5 voir Benyon John ‘Spiral of Decline : « Race and Policing »’ in Race, Government and Politics in Britain, Zig L.H. et Rich P.B. (Eds) Basingstoke : Macmillan, 1989.
6 De nombreuses critiques de l’utilisation raciste de cette loi menèrent à son abrogation en 1981.
7 Communique de presse GLA 13 février 2001
8 Khan Naseen. Politique culturelle et Diversité culturelle. Rapport national : Royaume-Uni. Conseil de l’Europe, 2001.
9 Sur le site web de Arts Council England on peut voir le détail des subventions publiques des activités artistiques et juger de l’importance de l’approche multiculturelle.
10 Voir aussi Cécile DOUSTALY : « L’Arts Council dans les années soixante : nouveau champion de la culture populaire ? », intervention dans colloque “Culture Savante, culture populaire” Université de Strasbourg novembre 2005, à paraître.
11 Communiqué de presse Greater London Authority 25 mai 2001
12 On pense à Fairport Convention, ou plus tard les Pogues ou Runrig.
13 Interview BBC Yorkshire 18 juin 2005
14 18.08.2004
15 Ibid
16 Pour une analyse des positions de ce groupe, voir Hutnyk John. ‘Adorno at Womad : South Asian Crossovers and the limits of hybridity talk’ in Werbner Pnina et Modood Tariq (dir) Debating Cultural Hybridity : Multi-cultural identities and the politics of antiracism London : Zed books, 1997.
17 En Angleterre on utilise « Asian » pour dire indien et pakistanais. Nous avons gardé le terme, qui pourtant a un tout autre sens en France.
18 « We’re here to do something good for Asians, take them somewhere higher. » (Interview, Daily telegraph 28/10/2004).
19 BBC News samedi 20 novembre, 1999
20 Ibid.
21 Juggy D. Cité dans un communiqué de presse du maire de Londres 09.08.2004
22 Parmi d’innombrables exemples, voir « Multiculturalism hasn’t worked: let’s rediscover Britishness » Daily Telegraph 08.10.2006
23 05.11.2005
24 Les termes « Noir » et « Asiatique » sont utilisés dans le sens courant en Angleterre pour se référer à la couleur et aux origines, non pas à la nationalité.
25 Daily Telegraph 27.07.2004
26 06.10.2005
27 Bradford Telegraph and Argus 06.11.2000
Three men were stabbed and two police officers were injured in a series of violent clashes at the Notting Hill carnival on Monday evening.
The Metropolitan Police imposed Section 60 public order measures, giving officers powers to stop and search, in response to the stabbings.
The police officers were assaulted during an attempted arrest of a man suspected of drug dealing.
The Met said 252 arrests were made over the two-day street festival.
Of those, eight people were arrested after disorder at the corner of Colville Terrace and Colville Gardens, Notting Hill, in which a 29-year-old man received a serious stab wound. He was taken to hospital and remains stable.
In addition, a man was arrested over the stabbing of an 18-year-old man in Southam Street, Kensington, and one man was held on suspicion of attempted murder following another stabbing of a 25-year-old.
There were 76 arrests over suspected drug offences, 43 for public disorder and 23 for possession of offensive weapons.
The number of arrests was down on last year, when 301 people were detained, and 2012 when 278 people were held.
Met Police commissioner Sir Bernard Hogan-Howe said: « Although early indications are that reported crime is down at this year’s Notting Hill Carnival, I am concerned by the number of stabbings over the weekend.
« Stabbings are up on last year, and in some cases these are just centimetres from being a murder.
« Each will be thoroughly investigated and we will do everything possible to ensure those who brought trouble to Carnival are placed before the courts. »
‘Enjoyable event’
A 33-year-old male police officer and his 35-year-old female colleague were taken to hospital after being assaulted at the junction of Lancaster Road and St Luke’s Road at 15:15 BST.
The man’s condition is not life-threatening but it is understood he was unconscious at one stage following injuries to his head and torso. His colleague sustained torso injuries but was discharged from hospital.
Sir Bernard said: « Two of my officers were injured during an arrest yesterday and this shows the risks they must take.
« I would like to thank all the officers and support staff for their hard work in the most difficult of weather conditions.
« Their commitment is a major factor in ensuring the Carnival is a safe and enjoyable event for the vast majority of those attending. »
The decision to use the Section 60 and Section 60AA orders was taken by the commander in charge of policing on Monday evening.
It was in use from 19:00 until 02:00 on Tuesday.
Section 60 of the Criminal Justice and Public Order Act 1994 allows senior police officers to authorise constables to stop and search people in a specific area, either where a serious public order problem is likely to arise or has taken place, or for offensive weapons or dangerous instruments.
Section 60AA gives police powers to order the removal of disguises where section 60 has been invoked.
Image caption The heavy rain failed to dampen the spirits of most of the carnival revellers
Scotland Yard said on Monday night the measure was taken « in response to incidents of violence, and intelligence received, which have taken place within a short period of time in the last few hours ».
Chief Constable Alex Marshall, chief executive of the College of Policing, told BBC London 94.9: « From what I understand from what the Met did last night, it’s exactly in line with these new guidelines.
« They did it for a very limited period of time, it used to be 24 hours they did it for a few hours and they got the chief officer to authorise it and not the officer on the ground. »
The Metropolitan Police deployed 7,000 officers for Monday’s event, 1,000 more than on Sunday.
The annual Notting Hill carnival is thought to be Europe’s largest street party and represents one of the biggest operational challenges in the force’s calendar.
Voir enfin:
Les mille salopards de Cologne, par Slavoj Zizek
Le philosophe slovène tire les leçons des agressions sexuelles de Cologne et livre ses réflexions sur la crise des réfugiés et les motivations des tueurs du 13 novembre.
L’Obs
Qui sont les «huit salopards» du film éponyme de Quentin Tarantino ? Le groupe entier des protagonistes, c’est-à-dire les racistes blancs et le soldat de l’Union noir, les hommes et les femmes, les officiers de justice et les criminels: tous se montrent mauvais, brutaux, bouffis de ressentiment – et tous dans les mêmes proportions.
Le moment le plus embarrassant du film est celui où l’officier noir (joué par le superbe Samuel Jackson) raconte avec un luxe de détails, et un plaisir évident, à un vieux général confédéré comment il a tué son fils, un raciste responsable de nombreuses morts de noirs: après l’avoir forcé à marcher nu dans le vent glacé, il avait promis à cet homme blanc et frigorifié qu’il lui donnerait une couverture chaude à la condition qu’il lui fasse une fellation… Mais une fois la chose faite, il était revenu sur sa promesse et l’avait laissé mourir…
Nous n’avons donc ici, dans cette histoire relatant la lutte contre le racisme, aucun homme bon: tous s’adonnent à la brutalité la plus outrancière. Et la leçon des récentes agressions sexuelles de Cologne ne se montre-t-elle pas étrangement similaire à celle de ce film ? Même si les réfugiés sont effectivement (pour la plupart) des victimes fuyant des pays ravagés, cela n’empêche manifestement pas certains de se comporter de façon méprisable. Nous avons tendance à oublier qu’il n’y a rien de rédimant dans la souffrance: être une victime tout au bas de l’échelle sociale ne fait pas de vous une sorte de voix par excellence de la morale et de la justice.
Mais il est pour autant impossible de se satisfaire de ce seul aperçu général: il nous faut nous pencher avec plus d’attention sur la situation qui est à l’origine des incidents de Cologne. Dans «Notre mal vient de plus loin», son analyse de la situation globale suite aux attentats de Paris du 13 novembre 2015 (1), Alain Badiou discerne trois types prédominants de subjectivité dans le capitalisme global d’aujourd’hui: le sujet occidental «civilisé», libéral-démocrate et appartenant à la classe moyenne ; le sujet extra-occidental, possédé par «le désir d’Occident», qui s’efforce désespérément d’imiter le mode de vie «civilisé» des classes moyennes occidentales ; enfin, les nihilistes fascistes, ceux dont l’envie d’Occident se mue en une haine autodestructrice mortelle.
Badiou montre avec clarté que ce que les médias appellent la «radicalisation» des musulmans est fascisation pure et simple: «Ce fascisme est le revers d’un désir d’Occident frustré, organisé plus ou moins militairement sur le modèle flexible de la bande maffieuse et avec des colorations idéologiques variables où la religion tient une place purement formelle.»
L’idéologie de la classe moyenne occidentale présente deux traits caractéristiques opposés: elle se montre arrogante, persuadée de la supériorité de ses valeurs (les libertés et droits de l’homme universels menacés par les outsiders barbares), mais, dans le même temps, elle est obsédée par la peur de voir son domaine limité envahi par les milliards d’êtres vivant à l’extérieur, des populations qui ne comptent pour rien dans le capitalisme global puisqu’elles ne produisent pas de biens ni n’en consomment. La peur ici ressentie est en fait peur de rejoindre les rangs de ces exclus.
Les réfugiés, eux, incarnent la manifestation la plus évidente de ce «désir d’Occident»: leur désir n’est en rien révolutionnaire ; ils n’aspiraient à rien d’autre que laisser derrière eux leur pays dévasté pour rejoindre la terre promise de l’Occident développé. Ceux qui restent sur place tentent, pour leur part, de créer de pathétiques copies de la prospérité occidentale, comme ces quartiers dits «modernisés» avec leurs galeries marchandes et cafétérias vendant des capuccinos, que l’on trouve dans n’importe quelle métropole du Tiers Monde, à Luanda par exemple, ou encore à Lagos.
Mais dans la mesure où, pour la grande majorité des prétendants, ce désir ne peut être satisfait, l’une des options restantes est le renversement nihiliste: la frustration et l’envie se radicalisent pour se retourner en une haine de l’Occident, meurtrière et autodestructrice. Le ressentiment vengeur et violent l’emporte alors.
Badiou affirme que cette violence est une expression pure et dure d’une pulsion de mort, qui atteint son point culminant dans des actes de destruction et d’autodestruction orgiaques, leurs auteurs ne nourrissant pas la moindre vision politique alternative sérieuse. Badiou a raison de souligner qu’il n’existe aucun potentiel émancipatoire dans la violence fondamentaliste, quand bien même celle-ci se proclamerait-elle anticapitaliste: cette violence fondamentaliste, il la considère comme un phénomène strictement intrinsèque à l’univers capitaliste global, son «fantôme caché».
Le fait de base du fascisme fondamentaliste est l’envie: dans sa haine même de l’Occident, le fondamentalisme reste enraciné dans le désir d’Occident. Nous avons ici affaire au renversement classique, décrit par la psychanalyse, du désir frustré en agressivité – l’Islam ne fournissant que la forme permettant de fonder cette haine (auto)destructrice. Ce potentiel destructeur de l’envie est à la base de la distinction bien connue que Rousseau opère entre l’amour de soi (qui est naturel) et l’amour-propre, perversion consistant à se comparer soi-même sans cesse à autrui, et qui conduit celui qui s’y abandonne à se focaliser non pas sur la réalisation d’un objectif mais sur la destruction de tout obstacle à cet objectif:
Les passions primitives, qui toutes tendent directement à notre bonheur, ne nous occupent que des objets qui s’y rapportent, et, n’ayant que l’amour de soi pour principe, sont toutes aimantes et douces par leur essence ; mais quand, détournées de leur objet par des obstacles, elles s’occupent plus de l’obstacle pour l’écarter que de l’objet pour l’atteindre, alors elles changent de nature et deviennent irascibles et haineuses ; et voilà comment l’amour de soi, qui est un sentiment bon et absolu, devient amour-propre, c’est-à-dire un sentiment relatif par lequel on se compare, qui demande des préférences, dont la jouissance est purement négative, et qui ne cherche plus à se satisfaire par notre propre bien, mais seulement par le mal d’autrui». (2)
Une personne malveillante n’est donc pas une égotiste, «qui ne se soucie que de ses intérêts propres». Un véritable égotiste est trop occupé par ses intérêts personnels, son bien propre, pour perdre son temps à nuire à autrui. Le vice premier d’une personne malveillante, c’est qu’elle se préoccupe bien plus d’autrui que d’elle-même.
Rousseau décrit un mécanisme libidinal précis: ce retournement qui génère un glissement de l’investissement libidinal, le faisant se porter non plus sur l’objet mais sur l’obstacle lui-même. Un tel mécanisme me semble être celui de la violence fondamentaliste – de l’attentat d’Oklahoma City aux attaques contre les Twin Towers. Dans les deux cas, nous avons affaire à de la haine pure et dure: ce qui importait ici réellement, c’était de détruire l’obstacle – l’immeuble fédéral de Oklahoma City, les tours jumelles de New York –, et non de parvenir au noble objectif d’une société authentiquement chrétienne ou musulmane. (3)
Une telle fascisation peut exercer un certain attrait auprès d’une jeunesse immigrée frustrée qui ne peut trouver sa place au sein des sociétés occidentales, ou ne peut trouver une perspective d’avenir à laquelle s’identifier. La fascisation offre à cette jeunesse une issue facile à son sentiment de frustration: elle lui offre une vie risquée, riche en événements, revêtant le déguisement du dévouement religieux sacrificiel, le tout agrémenté d’une certaine satisfaction matérielle (sexe, voitures, armes, etc.).
Il ne faudrait pas oublier que l’Etat islamique est aussi une grande entreprise maffieuse, qui vend du pétrole, des statues antiques, du coton, des armes et des femmes esclaves, «un mélange, comme l’écrit Badiou, de propositions héroïques mortifères et, en même temps, de corruption occidentale par les produits».
Il va de soi que cette violence fondamentaliste-fasciste n’est que l’une des formes de violence liées au capitalisme global, et qu’il nous faudrait garder à l’esprit non seulement les formes de violence extrémiste à l’œuvre dans les pays occidentaux eux-mêmes (populisme anti-immigrés, etc.) mais surtout la violence systématique du capitalisme lui-même – des conséquences catastrophiques de l’économie globale à la longue histoire des interventions militaires occidentales.
L’islamo-fascisme est un phénomène profondément réactif au sens nietzschéen du terme – une manifestation d’impuissance convertie en rage autodestructrice.
Il me semble toutefois important de ne pas réduire la religion, la forme religieuse du nihilisme fasciste, à un simple trait secondaire superficiel. Le fait que le terrorisme islamiste d’aujourd’hui parte en quête de ses racines dans les textes religieux anciens (la rengaine du «Tout est déjà dans le Coran») est trompeur, c’est certain: nous devrions plutôt focaliser notre attention sur le capitalisme global d’aujourd’hui et concevoir l’islamo-fascisme comme l’un des modes de réaction à l’attrait exercé par ce capitalisme global – réaction prenant, je l’ai dit, la forme d’un renversement de l’envie en haine.
Mais la religion n’est-elle pas toujours une sorte d’habillage ? La religion n’est-elle pas fondamentalement une «forme de subjectivation» d’une très délicate situation ? Et ne faut-il pas en déduire, pour cette raison même, qu’un habillage du type Etat islamique constitue en un certain sens le «cœur même du sujet» ? C’est ce type même d’habillage qui permet aux individus de «vivre» la situation qui est la leur: il n’y a pas moyen pour eux de procéder autrement, de prendre de la distance par rapport à cette situation, distance qui leur permettrait d’envisager les choses «telles qu’elles sont».
Les réfugiés et les migrants ne doivent donc pas être trop vite identifiés à une sorte de prolétariat nomade, d’avant-garde virtuelle de cette gigantesque masse des laissés-pour-compte du capitalisme global. Les migrants (du moins la majeure partie d’entre eux) ne sont-ils pas ceux qui sont les plus fortement possédés par «le désir d’Occident», les plus fortement enferrés dans la servitude de l’idéologie hégémonique ? Ils se montrent complètement désorientés, dévorés par ces attitudes antinomiques que sont l’envie et la haine – une haine qui, en définitive, exprime son propre désir refoulé d’Occident (raison pour laquelle elle se mue en autodestruction).
Une métaphysique humaniste naïve présuppose volontiers qu’existe, sous ce cercle vicieux de désir, d’envie et de haine, un noyau dur humain «plus profond», aidant l’homme à trouver le chemin d’une solidarité globale. Les histoires abondent quant au comportement exemplaire – faisant figure d’exception – des réfugiés syriens: dans les camps de transit, ils nettoient les pièces qu’ils ont occupé avant de les laisser à d’autres ; ils se comportent de façon polie et respectueuse ; nombre d’entre eux sont éduqués et parlent anglais ; ils payent même souvent ce qu’ils consomment… Bref, ils sont comme nous ; ils ressemblent à nos classes moyennes éduquées et civilisées.
(Et ils tentent même d’instaurer des rapports de solidarité avec les Européens ; en Slovénie, les médias ont fait état de conversations entre des immigrés issus de la classe moyenne syrienne et des Slovènes qui leur venaient en aide, les premiers mettant en garde les seconds contre la majorité des autres réfugiés, décrits par eux comme brutaux, primitifs.)
Il est de bon ton d’affirmer que les réfugiés violents ne sont qu’une minorité et que la grande majorité d’entre eux montre un profond respect pour les femmes. Si cela est bien évidemment vrai, il nous faudrait néanmoins jeter un regard plus attentif sur la structure même de ce respect: quel type de femme est «respecté» ici ? Et qu’est-il attendu de cette femme dans ce respect même ? Et si une femme n’était ici «respectée» qu’à la condition (seulement à la condition) de correspondre à l’idéal d’une servante servile accomplissant sans sourciller ses corvées domestiques, de sorte que son époux aurait le droit d’exploser de fureur à la moindre velléité d’autonomie ?
Nos médias opposent généralement les réfugiés appartenant aux classes moyennes «civilisées» et les «barbares» des classes inférieures, qui volent, qui harcèlent les femmes et les violentent, qui défèquent en public, etc. Au lieu de dénigrer tout ce discours en le présentant comme une propagande raciste, nous devrions avoir le courage de discerner un élément de vérité en lui: la brutalité, qui va jusqu’à la cruauté absolue pour les faibles, pour les animaux, les femmes, etc., est un trait caractéristique traditionnel des «classes inférieures» ; l’une de leurs stratégies de résistance face aux détenteurs du pouvoir a toujours consisté à faire un terrifiant étalage de brutalité, destiné à perturber le sens de la décence des classes moyennes. Et il est tentant d’interpréter ainsi ce qui s’est passé à Cologne durant la nuit de la Saint-Sylvestre, il est tentant d’interpréter ces événements comme un obscène carnaval de classes inférieures:
La police allemande enquête sur des récits laissant penser que des vingtaines de jeunes femmes ont été agressées sexuellement dans le centre ville de Cologne au cours des célébrations du nouvel an – des événements qu’un ministre n’a pas hésité à présenter comme une “dimension absolument inédite de criminalité”. Selon la police, les individus soupçonnés d’avoir commis ces agressions sexuelles et de nombreux vols sont d’origine arabe et nord-africaine.
Plus d’une centaine de plaintes ont été déposées auprès de la police, un tiers d’entre elles l’étant pour agression sexuelle. Le centre ville de Cologne s’est transformé ce soir-là en une “zone de non droit”: entre 500 et 1000 hommes décrits comme saouls et agressifs sont suspectés d’avoir commis ces agressions. La question consistant à savoir s’ils ont agi en un seul groupe ou en gangs séparés reste à élucider.
Les femmes agressées ont raconté avoir été cernées, plus qu’étroitement, par des groupes d’hommes qui les ont harcelé avant de les agresser. Certains individus ont jeté dans la foule des feux d’artifice, ajoutant ce faisant au chaos régnant. L’une des victimes a été violée. Une policière fait partie des femmes agressées sexuellement ce soir-là.» (4)
De façon assez prévisible, l’événement gagne en ampleur au fil des jours: ce sont désormais plus de 500 femmes qui ont porté plainte, des incidents similaires ayant été constatés dans d’autres villes allemandes (ainsi qu’en Suède) cette même nuit-là ; certains éléments laissent penser que ces agressions étaient préméditées et coordonnées ; par ailleurs, des «défenseurs de l’Occident civilisé», barbares d’extrême-droite anti-immigrés, contre-attaquent en agressant des immigrés, de sorte que la spirale de la violence menace de se déchaîner… Et, de façon là encore prévisible, la gauche libérale politiquement correcte a mobilisé ses troupes pour minimiser l’événement, de la même façon qu’elle l’avait fait dans le cas de Rotherham il y a un an. (5)
Mais il y a plus, bien plus. C’est qu’il nous faudrait intégrer le carnaval de Cologne à cette longue histoire qui débute sans doute dans le Paris des années 1730 et dont le dit «grand massacre des chats» décrit par Robert Darnton – au cours duquel des ouvriers d’imprimerie torturèrent et tuèrent rituellement tous les chats sur lesquels ils purent mettre la main, y compris l’animal chéri de la femme de leur maître – constitue un jalon essentiel. (6)
Ces apprentis-là étaient moins bien traités que des animaux, moins bien traités que les chats tant adorés par l’épouse de leur maître. Une nuit, les gars décidèrent de réparer cette injustice: ivres de joie, de chaos, hilares, ils déversèrent des sacs entiers de chats à demi-morts dans la cour de l’imprimerie avant de les pendre à un gibet improvisé.
Pourquoi ce massacre était-il si amusant ? Durant le carnaval, les gens de peu suspendaient les règles normales régissant le comportement de chacun ; ils renversaient l’ordre social, cérémonieusement pour ainsi dire: ils le retournaient cul par dessus tête au cours de processions séditieuses. Le carnaval était cette parenthèse laissant libre cours à l’hilarité, à la sexualité, à l’émeute – et la foule incorporait souvent la thématique de la torture des chats dans ses chants et morceaux de musique. Tout en moquant un cocu, ou quelque autre victime, les séditieux faisaient un sort à un chat, ils lui arrachaient sa fourrure pour le faire hurler. Faire le chat, appelait-on cela en France. Les Allemands, eux, parlent de Katzenmusik – un terme dont l’origine remonte très probablement à ces pratiques, à ces hurlements de chats torturés.
La torture des animaux, et particulièrement des chats, fut un divertissement populaire tout au long des débuts de la modernité européenne. C’est que les chats étaient associés à l’aspect le plus intime de la vie domestique: le sexe. Le chat, la chatte, le minet sont des termes de l’argot français qui signifient ce que signifie pussy en anglais, et ils ont été utilisés des siècles durant dans un registre obscène.
Et si nous envisagions les événements de Cologne comme une version contemporaine du faire le chat ? Comme une rébellion carnavalesque des laissés-pour-compte ? Je ne crois pas qu’il s’agissait simplement pour ces hommes jeunes et affamés de sexe de satisfaire de toute urgence leurs pulsions: cela, ils auraient pu le faire de façon plus discrète, dissimulée. Le plus important pour eux, me semble-t-il, était de donner un spectacle public destiné à installer dans les esprits des sentiments de peur et d’humiliation: les pussies, les chattes des Allemandes des classes privilégiées devaient faire l’expérience d’une douloureuse vulnérabilité. Il ne faut naturellement pas chercher dans un tel carnaval le moindre élément synonyme de rédemption, d’émancipation ou de libération effective – mais c’est bien ainsi que se déroulent les carnavals.
Voilà pourquoi les tentatives naïves visant à «éclairer» les immigrants (visant à leur expliquer que nos mœurs sexuelles sont différentes, qu’une femme marchant tout sourire dans la rue en mini-jupe n’invite pas ce faisant à un rapport sexuel, etc.) sont d’une impressionnante bêtise. Ils savent très bien tout cela, et c’est précisément pourquoi ils agissent ainsi. Ils savent parfaitement que ce qu’ils font est radicalement étranger à notre culture, et ils le font dans le but précis de blesser nos sensibilités. Voilà pourquoi nous devons contribuer à ce que change cette posture faite d’envie et d’agressivité vengeresse, et non pas leur enseigner ce qu’ils savent déjà parfaitement.
Slavoj Žižek Traduit de l’anglais par Frédéric Joly
1. Voir Alain Badiou, Notre mal vient de plus loin, Paris, Fayard, 2016.
2. Rousseau juge de Jean-Jacques, 1er dialogue, texte établi et annoté par R. Osmont, OC, t. I, 1959, p. 669.
3. Voir Jean-Pierre Dupuy, Petite métaphysique des tsunamis, Paris, Le Seuil, 2005, p. 68.
4. Une citation d’un article du Guardian en date du 5 janvier 2016.
5. Entre 1997 et 2013, environ 1400 adolescentes ont été abusées sexuellement à Rotherham, une ville industrielle du nord de l’Angleterre – et par des hommes pour beaucoup originaires du Pakistan. Le scandale, longtemps étouffé par les autorités, qui craignaient de passer pour racistes en le dévoilant, n’a véritablement éclaté qu’en 2014 (N.d.T.).
6. Voir Robert Darnton, Le grand massacre des chats. Attitudes et croyances dans l’ancienne France, trad. de l’anglais (Etats-Unis) de M.-A. Revellat, Paris, Les belles lettres, «le Goût des idées», 2011 (N.d.T.).
Benoît Chantre : Le Centre Georges Pompidou, à l’occasion de cette grande exposition qui va s’appeler «Traces du sacré», nous propose d’évoquer ensemble les XIXe et XXe siècles, puisque c’est le parcours adopté par l’exposition. Il est intéressant peut-être de nous proposer quelques rendez-vous sur cette longue période. Je pensais qu’on pouvait évoquer trois dates: la première, 1806, qui fait le cœur du livre que nous avons réalisé ensemble sur Clausewitz [René Girard, Achever Clausewitz, entretiens avec Benoît Chantre, Paris, Carnets Nord, 2007]; la deuxième, 1913, qui précède d’une année l’apocalypse de la guerre de 1914 et qui est en même temps la date de la création du Sacre du printempsde Stravinsky; et enfin, les années d’immédiat après-guerre, le moment où tu vas jouer un rôle important en Avignon, connaître Picasso et Matisse, mais aussi choisir de quitter l’Europe pour y bâtir, même si tu ne le sais pas à l’époque, une œuvre entièrement fondée sur le sacré. Il m’est donc apparu très intéressant effectivement de focaliser notre attention sur ces trois moments, qui s’inscrivent me semble-t-il assez bien dans l’horizon de cette exposition
/…/
C: Abordons, si tu le veux bien, la seconde date que je te propose: 1913. Nous rentrons dans la période du cubisme, fondamentale dans l’évolution des formes au XXe siècle. Il y a cet événement incroyable: Les Ballets russes à Paris, chorégraphie de Nijinski sur le Sacre du Printemps de Stravinsky, moment absolument inouï.
RG: Voilà. Ce Sacre du printemps, lorsque je l’ai découvert, m’a paru comme une œuvre absolument extraordinaire sur le plan de ce que j’appelle la révélation du meurtre fondateur dans la culture moderne. C’est-à-dire le véritable avènement du christianisme. La découverte du meurtre fondateur sous une forme telle qu’il rend sa reproduction impensable, impossible, trop révélatrice! Si on regarde Le Sacre du printemps de près, on s’aperçoit que c’est un sacrifice, le sacrifice de n’importe qui, d’une jeune femme qui est là, par une espèce de tribu païenne et sauvage de la Russie archaïque, qui se termine par la mort de cette femme.
BC: Rappelons-le, l’œuvre est en deux temps. Il y a deux moments: «L’adoration de la terre» d’un côté, «Le sacrifice», de l’autre, explicitement nommé. Cette deuxième partie s’achève par ce qu’on appelle «la danse sacrale de l’Elue», cette princesse qui finit par mourir d’avoir trop dansé.
RG: Ah! Alors, est-ce qu’elle meurt d’avoir trop dansé ou est-ce que c’est un euphémisme pour nous dire la vérité sur ce qui se passe, et qui est son étouffement par la foule? À mon avis, «mourir d’avoir trop dansé» est l’euphémisme esthétique qui explique la chose. Dans une reconstitution que j’ai vue récemment de la représentation initiale du Sacre du printemps, tout commence par une dame extrêmement respectable, de l’aristocratie américaine, qui a certainement donné de l’argent pour cette reconstitution, et qui dit: «Surtout, ne vous imaginez pas qu’il s’agit d’un sacrifice. Et qu’il s’agit d’une mort religieuse», etc. Alors je pense que cet avertissement doit être pris en sens contraire et fait partie de la révélation de la chose et la rend en quelque sorte aussi comique que tragique, ce qui me paraît parfaitement justifié.
BC: L’œuvre elle-même, parlons-en un peu plus précisément, est une révolution dans l’écriture musicale. On peut parler d’une espèce de mosaïque sonore, analogue au cubisme en peinture au même moment.
RG: Oui c’est cela, parce qu’à mon avis c’est la danse qui a le plus scandalisé le public parisien, danse très moderne en ceci qu’elle est faite de coups sourds, de piétinements: elle rythme les piétinements de la foule, qui au fond piétine la victime. Le spectacle n’est pas très exactement reproduit sous sa forme la plus tragique, bien entendu, mais il est là et ces piétinements sont là et en même temps, il y a quelque chose qui correspond dans les costumes de la représentation originale.
BC: Dans les motifs eux-mêmes.
RG: Dans les motifs. Ces bandes parallèles les unes aux autres, parfaitement parallèles, dont on peut dire qu’elles annoncent le cubisme ou qu’elles le rappellent. Donc un refus de la joliesse, du joli. Et une entrée dans une espèce de primitivisme dont on ne peut pas dire, chez Stravinsky, qu’il soit influencé par qui que ce soit, parce que si je comprends bien, Le Sacre du printemps, c’est son arrivée de Russie. Il n’a pas été en contact avec toute l’agitation de l’art moderne. Mais il pénètre dedans avec une espèce de volupté narquoise, moqueuse et très consciente de ce qu’elle fait. Les photos de Stravinsky à l’époque me semblent faire partie du spectacle. Il a quelque chose de sardonique et de diabolique qui a l’air de dire: «Je leur fiche un truc dans la figure dont ils ne soupçonnent pas la puissance.» Mais cette puissance était quand même manifeste dans l’émeute qui a eu lieu. Tu me rappelais d’ailleurs que ce n’était pas à l’Opéra que cela c’était passé…
BC: Non, au théâtre des Champs-Élysées.
RG: La foule a tout cassé littéralement, les chaises, etc. Et je pense que cette émeute, parce qu’on peut parler d’une véritable émeute, c’est essentiel qu’elle soit là: à partir du moment où l’art moderne ne crée plus des réactions de ce genre, il est mort. Il est devenu beaucoup plus académique que tout art académique, dans ce sens qu’il essaie de ritualiser la révolution. On peut dire que tout le monde moderne depuis très peu de temps après 1913 n’a été qu’un effort pour ritualiser la révolution.
BC: Il n’empêche que cette œuvre aura une fécondité incroyable, tant au niveau chorégraphique que musical.
RG: On a vu sa puissance, mais enfin on est déjà en plein art moderne et le refus du public d’une certaine manière a servi l’œuvre, a accompli son triomphe.
BC: Triomphe aussi d’un homme, le chorégraphe et danseur éblouissant Nijinski que Proust voit danser. Proust écrit même alors: «Je n’ai jamais rien vu de plus beau.»
RG: Nijinski, qui tout de suite après Le Sacre du printemps, si je comprends bien, devient fou?
BC: Nous venons d’évoquer la retraite d’Hölderlin, et allons évoquer celle de Nijinski, en effet. Nous sommes en 1919, dans un hôtel de Saint-Moritz. Devenu une icône de la danse dans le monde entier, Nijinski est néanmoins très fragilisé. Dans cet hôtel où il se réfugie, il se livre devant quelques spectateurs à un étrange rituel qu’il appelle «mon mariage avec Dieu». Il dessine une croix sur le sol et il accomplit sa dernière danse publique, se mimant effondré sous les balles de 1917. Donc la guerre, l’apocalypse de 14-18 est là très présente. Ce sera sa dernière danse et il s’effondre sur une croix dessinée sur le sol…
RG: Scène terrifiante. Il y a donc, tu as raison, un parallèle très net avec la retraite de Hölderlin, à partir du moment où il a vu que la synthèse qu’il espérait entre l’archaïque et le chrétien n’était pas possible.
BC: Et Nijinski va rester interné pendant trente ans, il meurt en 1950, après avoir fait cette dernière danse. Jean de Loisy m’a appris qu’il avait fait une ultime virevolte le jour de Nagasaki.
RG: Oui, ce qui est tout à fait impressionnant. Stravinsky était un chrétien, beaucoup plus calme que ne l’était Nijinski, mais c’était quand même un chrétien, donc il y a dans Le Sacre du printemps et c’est une chose essentielle pour moi, un aspect terreur ou tout au moins j’ai cru le percevoir dans cette scène qui démentit complètement l’idée que la jeune fille meurt par abus de la danse, donc que l’œuvre est essentiellement esthétique. C’est-à-dire qu’il voit l’idée du sacrifice, qui refait sur cette scène ce que font au fond tous les sacrifices fondateurs, c’est-à-dire la cacher, la dissimuler. Mais que d’une certaine manière Stravinsky amène une conscience qui me paraît exceptionnelle et qui fait partie de ce que j’appellerais la révélation moderne du meurtre fondateur qui est essentiellement une révélation chrétienne.
BC: Donc il y a des œuvres qui révèlent et des œuvres qui occultent?
RG: Fondamental. Et les œuvres qui révèlent ne sont pas des parodies, ce sont des œuvres qui prennent le phénomène sérieusement et qui le regardent comme étant essentiellement la tragédie de l’humanité, la tragédie de l’archaïque, c’est-à-dire le rôle que joue la violence dans le religieux et qui est indispensable à l’homme pour écarter sa propre violence, c’est-à-dire le sacrifice, qui est de rejeter notre violence sur une victime innocente, mais qui est le geste principal par lequel l’humanité se distingue au départ de l’animalité, c’est-à-dire a besoin d’évacuer sa violence. Étant trop mimétique pour vivre dans la paix et étant toujours en rivalité avec ses semblables, elle a besoin de ces expériences dont Aristote dit justement qu’elles sont cathartiques et qui sont la mise à mort d’une victime solennelle, religieuse. L’archaïque c’est cela.
BC: Donc seul le chrétien nous offre ce point de visibilité de l’archaïque?
RG: C’est-à-dire que ce qu’il y a d’extraordinaire dans le chrétien, c’est qu’il peut apparaître à tous les gens qui se sont occupés de lui, à tous les ethnologues, comme ce qu’il est apparu à Celse au IIe siècle après J.-C.: «C’est la même chose que nos mythes et vous ne voyez pas que c’est exactement pareil.»C’est tellement vrai que c’est complètement faux, dans la mesure où la victime véritable, celle qui révèle tout, nous dit son innocence et le texte des Evangiles nous répète cette innocence sur tous les tons; alors que la victime archaïque est essentiellement coupable aux yeux de ceux qui l’accusent, coupable du parricide et de l’inceste. C’est l’opposition entre Œdipe et le Christ.
BC: L’archaïque occulte, le chrétien révèle.
RG: L’archaïque occulte le mal de l’humanité en le rejetant sur la victime. Il n’y a qu’un héros parricide et inceste, c’est Œdipe.
BC: Le chrétien pourrait se définir comme ce qui révèle l’archaïque, ce qui est en fait un phénomène.
RG: Oui, et par conséquent révèle le péché de l’humanité.
BC: Le chrétien est ce qui fait de l’archaïque un spectacle.
RG: Un spectacle, oui, et un spectacle accusateur. Accusateur à juste titre.
BC: Nous nous approchons de l’époque où Bergson médite son dernier livre Les Deux Sources de la morale et de la religion, où il va intégrer, avec le génie que l’on sait, tout un matériel anthropologique. Il va penser la différence entre la religion et la morale ouvertes, et la morale et la religion closes. Et seul le point de vue «ouvert» nous permet de constater la clôture.
RG: La formulation en termes d’«ouvert» et de «clos» me paraît très insuffisante. Mais en même temps, elle révèle déjà quelque chose de ce qui m’intéresse le plus, c’est-à-dire ce caractère révélateur du christianisme. Ce caractère révélateur pénètre, à mon avis, lentement dans la culture, mais il pénètre souvent mêlé au refus du christianisme qui dit la responsabilité des hommes, et donc qui les culpabilise.
BC: Les Deux Sources de la morale et de la religion, paraissent en 1932. En 1937, Georges Bataille fonde la revue «Acéphale». Représentant éminent, brillant, «souverain», de ce qu’on pourrait appeler le «franco-nietzschéisme», Bataille définit le projet intellectuel de cette revue en disant: «Notre démarche est furieusement religieuse, c’est-à-dire dionysiaque.»
RG: «Dionysiaque», c’est-à-dire antichrétienne. Mais on ne veut même pas dire antichrétienne dans la mesure où l’on veut supprimer radicalement le christianisme et expliquer qu’il ne compte pas au fond.
BC: D’où l’image terrible de l’acéphalie, c’est-à-dire l’absence de tête: il s’agit rien moins que de se priver de notre tête judéo-chrétienne en quelque sorte, pour revenir aux pulsions vitales et dionysiaques. Accomplir le sacre du printemps, mais en occultant totalement le judéo-christianisme.
RG: Oui et ce sont les mêmes gens qui voulaient faire un sacrifice humain. Enfin, c’est un projet un peu farfelu qui ne s’est jamais fait, bien entendu. Mais qu’on prenait malgré tout au sérieux ou qu’on faisait semblant de prendre au sérieux. Il y a vraiment une révolte, la révolte contre le christianisme, qui essaie de s’étoffer, de s’accomplir d’une façon qui aujourd’hui nous paraît absurde et insignifiante, mais dans un oubli peut-être actuel de tout ce qui est en jeu là et qui me paraît quand même vrai, essentiel. Il me paraît vraiment fondamental de la formuler parce que ce n’est pas une plaisanterie.
BC: Deux ans plus tard, en 1939, le même Georges Bataille va appeler à la guerre. «Je suis la joie devant la mort», écrit-il. Il appelle à la guerre contre la «barbarie germaine». La guerre est à nouveau là et à nouveau, l’espoir étrange et archaïque qu’elle peut être une forme de régénération. Ce qui est assez impressionnant.
RG: Oui, ce qui est assez impressionnant et en même temps, qui est une mauvaise interprétation de la situation politique, de la situation psychologique de la France. J’ai l’impression que le Français moyen comprenait beaucoup mieux de quoi il retournait, de l’impasse terrible dans laquelle la France se trouvait et peut-être le monde avec elle, et que son attitude de désespoir, de désespoir pas complètement exprimé, mais malgré tout latent aux moments de Munich, de la guerre de 1939, est beaucoup plus profond que cette attitude de folie furieuse de Bataille. Je me suis exprimé là-dessus dans notre livre Achever Clausewitz.
BC: Georges Bataille apologiste de la dépense, croyant encore à une fécondité de la violence…
RG: Voilà, donc d’une certaine manière, c’est un pendant du nazisme.
BC: C’est excessif, mais…
RG: Est-ce excessif? Est-ce qu’il n’est pas absolument pareil par certains côtés?Il n’a pas la puissance pour lui, il n’a pas les masses, il ne peut pas convertir les masses. C’est typiquement français, intellectuel et aristocratique, au fond. Mais est-ce que ce n’est pas aussi redoutable finalement, pour ceux qui s’y livrent? Mais Bataille s’est repenti d’une certaine manière. Est-ce trop dire?
BC: Non, il n’était pas un homme de la repentance.
RG: Le mot lui aurait certainement déplu…
BC: Je voudrais que nous abordions maintenant le troisième moment, qui est celui de l’immédiat après-guerre. Une figure essentielle traverse un roman de Georges Bataille, Le Bleu du ciel, même s’il caricature son rationalisme: c’est Simone Weil. Georges Bataille lui reprochait son rationalisme, de vouloir affronter la barbarie germaine avec les seules forces de la raison. Cette femme d’exception qui fuit la France pétainiste, et qui va rejoindre New York via Marseille et Casablanca, noircit tous les jours les pages de ses carnets. Elle a alors cette intuition prodigieuse, qui va être centrale et je dirais presque séminale pour toute ton œuvre. Elle écrit: «Les Évangiles, avant d’être une théologie, c’est-à-dire une science de Dieu, sont une anthropologie, c’est-à-dire une science de l’homme.» Il y a là un saisissant passage de relais.
RG: Une science de l’homme, oui. Une science de l’homme en ceci que les Évangiles sont les textes qui nous révèlent la nature du religieux antérieur. En poussant les choses un peu plus loin peut-être qu’il ne faudrait le faire, tout au moins pour commencer, on peut dire que les Évangiles sont les textes qui discréditent le religieux archaïque et que le religieux archaïque, c’est le religieux des dieux au pluriel qui ont des caractéristiques connaissables, qui existent dans notre monde, qui font certaines actions, c’est-à-dire la religion au sens le plus traditionnel, la religion au sens où la plupart des gens interprète le christianisme aussi. Donc on pourrait dire que Simone Weil est celle qui commence à voir cet aspect des Évangiles, de façon très puissante et que sa religion est tellement épurée qu’elle finit presque par supprimer le Christ d’ailleurs. Il me semble qu’elle va trop loin d’une certaine manière ou qu’elle devient trop abstraite. C’est une impression que j’ai eue et qui est purement littéraire peut-être.
BC: Son Christ est presque une déduction mathématique, en effet.
RG: Mathématique, c’est cela. Et puis il n’y a pas de côté vraiment esthétique, alors que les gens dont nous parlions tout à l’heure sont très liés à la peinture, très liés à l’art. Elle, c’est une érudite essentiellement, une helléniste, une femme qui étudie les textes et une femme qui a compris que dans le christianisme, une transformation du religieux était en train de s’effectuer, qu’elle était là depuis toujours, mais que c’était la disparition du religieux au sens où il retient les hommes, où il attire les hommes… C’est-à-dire ce religieux fondé sur le meurtre collectif.
BC: Simone Weil va donc rejoindre la France libre en passant par les États-Unis. Elle arrive à New York cinq ans avant toi, quand y sont présent Breton, Lévi-Strauss et bien d’autres. Deux des plus grands peintres de l’après-guerre, par exemple: Rothko et Pollock qui, radicalisant Stravinski, rejetant le Grec d’un côté, le judéo-chrétien de l’autre, toutes les vieilles valeurs de la culture…
RG: J’hésiterais sur le terme «radicaliser». Parce que le rejet du christianisme n’est pas une radicalisation. Ce serait plutôt pour moi un retrait sur la radicalisation. Donc le geste de Rothko et de Pollock que tu évoques est très complexe, …
BC: Mais Rothko intitule néanmoins en 1944 l’une de ses œuvres: «Agitation de l’archaïque». C’est extraordinaire, on est au cœur de notre sujet.
RG: C’est extraordinaire, parce qu’on peut dire en effet que l’archaïque est alors menacé. Il est en pleine agitation, parce qu’il est en train d’être descellé, d’être désarçonné et d’être supprimé bientôt. Nous devons dire que la seule vérité, c’est qu’il l’est par le christianisme et non pas par ce retour du paganisme auxquels croient beaucoup de gens à l’époque. Parce qu’au fond l’erreur de tous ces penseurs dont nous parlons, Bataille le premier, c’est qu’ils confondent le christianisme avec l’archaïque. Donc, ils s’imaginent qu’il faut se débarrasser du christianisme pour revenir à l’archaïque. Et moi, je dirais qu’il faut faire l’inverse.
BC: Rothko et Pollock ont plutôt en tête la recherche du monde indien qui, en bons américains qu’ils sont, les hante. Ce sont les danses navajos auxquelles ils pensent.
RG: Je ne dirais pas que la présence de l’archaïque, dans le Stravinski du Sacre du printemp sou dans ces œuvres américaines, est inutile. Il est évident qu’il y a tout un travail de compréhension qui se fait, mais aussi énormément de malentendus, dans une confusion entre l’archaïque et le chrétien qui ne se débrouille pas. Chez Simone Weil, j’ai l’impression que le partage se fait d’une certaine manière; que Simone Weil est fondamentalement attirée par le chrétien et qu’elle voit la différence entre le «poème de la force», la violence grecque, et la non-violence chrétienne. Mais en même temps, elle a toutes sortes d’hésitations, de rancunes; lorsqu’elle se trouve devant un prêtre, par exemple, elle est reprise de réflexes qui font partie de toute son histoire d’intellectuelle juive anticatholique. Il y a cette lettre au Père Couturier où il y a toutes sortes d’arguments qui, si on les lit isolément, font méconnaître à mon avis l’inspiration profonde de Simone Weil.
BC: Cette remarque est très juste et très importante pour notre discussion, elle touche à l’allergie viscérale que Simone Weil a à l’égard de Rome et de tout ce qui regarde Rome. Cette allergie à l’égard du catholique est aussi une incapacité de s’inscrire dans l’art, ce que nous avons appelé «la mise en spectacle de l’archaïque», là où une certaine catholicité excelle!
RG: Et au fond de s’inscrire dans la stabilité. C’est son déséquilibre. Elle ne voit pas la positivité parce qu’elle ne veut pas tolérer le positif au fond. Elle est totalement révolutionnaire.BC: L’idée même d’un baroque lui fait horreur! Simone Weil rejoint la France libre en 1943, ne peut pas y accomplir l’action héroïque qu’elle voudrait accomplir, meurt d’anémie…
Ne croyez pas que je sois venu apporter la paix sur la terre; je ne suis pas venu apporter la paix, mais l’épée. Car je suis venu mettre la division entre l’homme et son père, entre la fille et sa mère, entre la belle-fille et sa belle-mère; et l’homme aura pour ennemis les gens de sa maison.Jésus (Matthieu 10 : 34-36)
Le monde moderne n’est pas mauvais : à certains égards, il est bien trop bon. Il est rempli de vertus féroces et gâchées. Lorsqu’un dispositif religieux est brisé (comme le fut le christianisme pendant la Réforme), ce ne sont pas seulement les vices qui sont libérés. Les vices sont en effet libérés, et ils errent de par le monde en faisant des ravages ; mais les vertus le sont aussi, et elles errent plus férocement encore en faisant des ravages plus terribles. Le monde moderne est saturé des vieilles vertus chrétiennes virant à la folie.G.K. Chesterton
Je suis absolument certain que les générations futures diront que 2008 a été le moment où (…) la montée des océans a commencé à ralentir et où notre planète a commencé à guérir. Barack Hussein Obama (03.06.2008)
We are powerful enough to be able to test these propositions without putting ourselves at risk. And that’s the thing … people don’t seem to understand. You take a country like Cuba. For us to test the possibility that engagement leads to a better outcome for the Cuban people, there aren’t that many risks for us. It’s a tiny little country. It’s not one that threatens our core security interests, and so [there’s no reason not] to test the proposition. And if it turns out that it doesn’t lead to better outcomes, we can adjust our policies. The same is true with respect to Iran, a larger country, a dangerous country, one that has engaged in activities that resulted in the death of U.S. citizens, but the truth of the matter is: Iran’s defense budget is $30 billion. Our defense budget is closer to $600 billion. Iran understands that they cannot fight us. … You asked about an Obama doctrine. The doctrine is: We will engage, but we preserve all our capabilities. [The notion that Iran is undeterrable] it’s simply not the case. And so for us to say, ‘Let’s try’ — understanding that we’re preserving all our options, that we’re not naïve — but if in fact we can resolve these issues diplomatically, we are more likely to be safe, more likely to be secure, in a better position to protect our allies, and who knows? Iran may change. If it doesn’t, our deterrence capabilities, our military superiority stays in place. … We’re not relinquishing our capacity to defend ourselves or our allies. In that situation, why wouldn’t we test it?Barack Hussein Obama
It’s the dreamers — no matter how humble or poor or seemingly powerless — that are able to change the course of human events. We saw it in South Africa, where citizens stood up to the scourge of apartheid. We saw it in Europe, where Poles marched in Solidarity to help bring down the Iron Curtain. In Argentina, where mothers of the disappeared spoke out against the Dirty War. It’s the story of my country, where citizens worked to abolish slavery, and establish women’s rights and workers’ rights, and rights for gays and lesbians. It’s not to say that my country is perfect — we are not. And that’s the point. We always have to have citizens who are willing to question and push our government, and identify injustice. We have to wrestle with our own challenges — from issues of race to policing to inequality. But what makes me most proud about the extraordinary example of the United States is not that we’re perfect, but that we struggle with it, and we have this open space in which society can continually try to make us a more perfect union. (…) As the United States begins a new chapter in our relationship with Cuba, we hope it will create an environment that improves the lives of the Cuban people -– not because it’s imposed by us, the United States, but through the talent and ingenuity and aspirations, and the conversation among Cubans from all walks of life so they can decide what the best course is for their prosperity. As we move toward the process of normalization, we’ll have our differences, government to government, with Cuba on many issues — just as we differ at times with other nations within the Americas; just as we differ with our closest allies. There’s nothing wrong with that. (…) And whether it’s crackdowns on free expression in Russia or China, or restrictions on freedom of association and assembly in Egypt, or prison camps run by the North Korean regime — human rights and fundamental freedoms are still at risk around the world. And when that happens, we believe we have a moral obligation to speak out. (…) As you work for change, the United States will stand up alongside you every step of the way. We are respectful of the difference among our countries. The days in which our agenda in this hemisphere so often presumed that the United States could meddle with impunity, those days are past. (…) We have a debt to pay, because the voices of ordinary people have made us better. That’s a debt that I want to make sure we repay in this hemisphere and around the world. (…) God bless you. Barack Hussein Obama (Sommet des Amériques, Panama city, April 10, 2015)
Nous vivons dans une époque de changement extraordinaire – le changement qui est le remodelage de la façon dont nous vivons, la façon dont nous travaillons, notre planète et de notre place dans le monde. Il est le changement qui promet d’étonnantes percées médicales, mais aussi des perturbations économiques qui grèvent les familles de travailleurs. Cela promet l’éducation des filles dans les villages les plus reculés, mais aussi relie des terroristes qui fomentent séparés par un océan de distance. Il est le changement qui peut élargir l’occasion, ou élargir les inégalités. Et que cela nous plaise ou non, le rythme de ce changement ne fera que s’accélérer. L’Amérique s’est faite par le biais de grands changements avant – la guerre et la dépression, l’afflux d’immigrants, les travailleurs qui luttent pour un accord équitable, et les mouvements pour les droits civiques. Chaque fois, il y a eu ceux qui nous disaient de craindre l’avenir; qui prétendaient que nous ne pourrions freiner le changement, promettant de restaurer la gloire passée si nous venons de quelque groupe ou une idée qui menaçait l’Amérique sous contrôle. Et à chaque fois, nous avons surmonté ces craintes. Nous ne sommes pas, selon les mots de Lincoln, à adhérer aux « dogmes du passé calme. » Au lieu de cela nous avons pensé de nouveau, et de nouveau agi. Nous avons fait le travail de changement pour nous, étendant toujours la promesse de l’Amérique vers l’extérieur, à la prochaine frontière, à de plus en plus de gens. Et parce que nous l’avons fait – parce que nous avons vu des opportunités là où d’autres ne voyaient que péril – nous sommes sortis plus forts et mieux qu’avant. Ce qui était vrai, alors peut être vrai aujourd’hui. Nos atouts uniques en tant que nation – notre optimisme et notre éthique de travail, notre esprit de découverte et d’innovation, notre diversité et de l’engagement à la règle de droit – ces choses nous donnent tout ce dont nous avons besoin pour assurer la prospérité et la sécurité pour les générations à venir. En fait, il est cet esprit qui a fait le progrès de ces sept dernières années possible. Il est comment nous avons récupéré de la pire crise économique depuis des générations. Il est comment nous avons réformé notre système de soins de santé, et réinventé notre secteur de l’énergie; comment nous avons livré plus de soins et les avantages pour nos troupes et les anciens combattants, et comment nous avons obtenu la liberté dans tous les états d’épouser la personne que nous aimons. Mais ces progrès ne sont pas inévitables. Il est le résultat de choix que nous faisons ensemble. Et nous sommes confrontés à ces choix en ce moment. Allons-nous répondre aux changements de notre temps avec la peur, le repli sur soi en tant que nation, et en nous tournant les uns contre les autres en tant que peuple ? Ou allons-nous affronter l’avenir avec confiance dans ce que nous sommes, ce que nous représentons, et les choses incroyables que nous pouvons faire ensemble ? Donc, nous allons parler de l’avenir, et de quatre grandes questions que nous avons en tant que pays à répondre – peu importe qui sera le prochain président, ou qui contrôlera le prochain Congrès. Tout d’abord, comment pouvons-nous donner à chacun une chance équitable de l’occasion et de la sécurité dans cette nouvelle économie ? Deuxièmement, comment pouvons-nous mettre la technologie pour nous, et non contre nous – surtout quand cela concerne la résolution de problèmes urgents comme le changement climatique? Troisièmement, comment pouvons-nous garder l’Amérique en sécurité et conduire le monde sans en devenir le policier ? (…) Il y a soixante ans, quand les Russes nous ont battus dans l’espace, nous ne niions pas que Spoutnik était là-haut. Nous ne disputions pas sur la science, ou aller à réduire notre budget de recherche et développement. Nous avons construit un programme spatial presque du jour au lendemain, et douze ans plus tard, nous marchions sur la lune. Cet esprit de découverte est dans notre ADN. Nous sommes Thomas Edison et Carver les frères Wright et George Washington. Nous sommes Grace Hopper et Katherine Johnson et Sally Ride. Nous sommes tous les immigrants et entrepreneurs de Boston à Austin à la Silicon Valley dans la course à façonner un monde meilleur. Et au cours des sept dernières années, nous avons nourri cet esprit. (…) Je vous ai dit plus tôt tous les discours sur le déclin économique de l’Amérique est de l’air chaud politique. Eh bien, il en est pareil de toute la rhétorique d’entendre dire que nos ennemis deviennent plus forts et que l’Amérique est en train de devenir plus faible. Les Etats-Unis d’Amérique sont la nation la plus puissante de la Terre. Point final. Ce n’ est même pas proche. Nous dépensons plus sur nos militaires que les huit pays suivants combinés. Nos troupes sont la force de combat la plus belle dans l’histoire du monde. Aucune nation n’ose nous défier ou nos alliés attaquer parce qu’ils savent que ce serait leurn perte. Les enquêtes montrent notre position dans le monde est plus élevée que lorsque je fus élu à ce poste, et quand il vient à chaque question internationale importante, les gens du monde ne regardent pas Pékin ou Moscou – ils nous appellent. Comme quelqu’un qui commence chaque journée par un briefing sur le renseignement, je sais que cela est un moment dangereux. Mais cela ne cause de la puissance américaine diminution ou une superpuissance imminente. Dans le monde d’aujourd’hui, nous sommes moins menacés par les empires du mal et plus par les Etats défaillants. Le Moyen-Orient passe par une transformation qui va se jouer pour une génération, enracinée dans les conflits qui remontent à des millénaires. Les difficultés économiques soufflent d’une économie chinoise en transition. Même que leurs contrats de l’économie, la Russie verse des ressources pour soutenir l’Ukraine et la Syrie – Unis qu’ils voient glisser hors de leur orbite. Et le système international que nous avons construit après la Seconde Guerre mondiale a maintenant du mal à suivre le rythme de cette nouvelle réalité. Il est à nous pour aider à refaire ce système. Et cela signifie que nous devons établir des priorités. La priorité numéro un est de protéger le peuple américain et aller après les réseaux terroristes. Les deux d’Al-Qaïda et maintenant ISIL posent une menace directe pour notre peuple, parce que dans le monde d’aujourd’hui, même une poignée de terroristes qui ne donnent aucune valeur à la vie humaine, y compris leur propre vie, peut faire beaucoup de dégâts. Ils utilisent l’Internet pour empoisonner l’esprit des individus à l’intérieur de notre pays; ils sapent nos alliés. Mais comme nous nous concentrons sur la destruction ISIL, over-the-top on affirme que cela est la troisième guerre mondiale qui vient jouer dans leurs mains. Messes de combattants à l’arrière de camionnettes et âmes tordues traçage dans des appartements ou des garages posent un énorme danger pour les civils et doivent être arrêtés. Mais ils ne menacent pas notre existence nationale. Voilà ce que l’histoire ISIL veut dire; Voilà le genre de propagande qu’ils utilisent pour recruter. Nous ne devons pas les faire augmenter pour montrer que nous sommes sérieux, et nous ne devons repousser nos alliés essentiels dans ce combat en faisant l’écho du mensonge que ISIL est représentant d’une des plus grandes religions du monde. Nous avons juste besoin de les appeler ce qu’ils sont – des tueurs et des fanatiques qui doivent être extirpés, traqués et détruits. (…) Nous ne pouvons pas essayer de prendre le relais et de reconstruire tous les pays qui tombent dans la crise. Cela ne se veut pas le leadership; qui est une recette pour un bourbier, déversant du sang américain et le trésor qui nous affaiblit finalement. C’ est la leçon du Vietnam, de l’Irak – et nous devrions avoir appris par l’entreprise. Heureusement, il y a une approche plus intelligente, une stratégie patiente et disciplinée qui utilise tous les éléments de notre puissance nationale. Elle dit que l’Amérique agira toujours, seule si nécessaire, pour protéger notre peuple et nos alliés; mais sur des questions d’intérêt mondial, nous mobiliserons le monde pour travailler avec nous, et s’assurer que les autres pays fassent leur part. Voilà notre approche de conflits comme la Syrie, où nous travaillons en partenariat avec les forces locales et conduisant efforts internationaux pour aider cette société brisée à poursuivre une paix durable. Voilà pourquoi nous avons construit une coalition mondiale, avec des sanctions et la diplomatie de principe, pour empêcher un Iran nucléaire. A l’heure où nous parlons, l’Iran a réduit son programme nucléaire, expédié ses stocks d’uranium, et le monde a évité une autre guerre. (…) Voilà la force. Voilà le leadership. Et ce genre de leadership dépend de la puissance de notre exemple. (…) Voilà pourquoi nous devons rejeter toute politique qui vise les personnes en raison de la race ou de la religion. Ce ne sont pas une question de politiquement correct. Il est une question de comprendre ce qui nous rend forts. Le monde nous respecte pas seulement pour notre arsenal; il nous respecte pour notre diversité et notre ouverture et de la façon dont nous respectons toutes les religions. Sa Sainteté, François, dit ce corps de l’endroit même je me tiens ce soir que « d’imiter la haine et la violence des tyrans et des meurtriers est le meilleur moyen de prendre leur place. » Quand les politiciens insultent les musulmans, quand une mosquée est vandalisée, ou un enfant victime d’intimidation, qui ne nous rend pas plus sûr. Cela ne la raconte comme il est. Il est tout simplement faux. Il nous diminue dans les yeux du monde. Il rend plus difficile à atteindre nos objectifs. Et il trahit qui nous sommes en tant que pays. (…) Ce ne sera pas facile. Notre modèle de démocratie est difficile. Mais je peux vous promettre que dans un an à partir de maintenant, quand je ne tiens plus ce bureau, je serai là avec vous en tant que citoyen – inspiré par ces voix de l’équité et de la vision, de courage et de bonne humeur et de gentillesse qui ont aidé l’Amérique voyager si loin. Voix qui nous aident à nous voyons pas en premier lieu comme noir ou blanc ou asiatique ou latino, non pas comme gay ou hétéro, immigrant ou natifs; pas tant que démocrates ou républicains, mais en tant que premier Américains, liés par une croyance commune. La Voix du Dr King aurait cru avoir le dernier mot – voix de la vérité désarmée et l’amour inconditionnel. Ils sont là, ces voix. Ils ne reçoivent pas beaucoup d’attention, ils ne sollicitent pas, mais ils sont en train de faire le travail ce pays a besoin de faire. (…) Voilà l’Amérique que je connais. Voilà le pays que nous aimons. Lucide. Grand coeur. Optimiste que la vérité désarmée et l’amour inconditionnel auront le dernier mot. Voilà ce qui me rend si optimiste sur notre avenir. À cause de toi. Je crois en toi. Voilà pourquoi je suis ici convaincu que l’état de notre Union est forte. Merci, que Dieu vous bénisse, et que Dieu bénisse les Etats-Unis d’Amérique. Barack Hussein Obama
C’est un bon jour parce qu’une nouvelle fois nous voyons ce qu’il est possible de faire grâce à une diplomatie américaine forte. Ces choses nous rappellent ce que nous pouvons obtenir quand nous agissons avec force et sagesse. Barack Hussein Obama
Since the end of the Second World War, no country has been able to arrest American military personnel. I saw the weakness, cowardice, and fear of American soldiers myself. Despite having all of the weapons and equipment, they surrendered themselves with the first action of the guardians of Islam. American forces receive the best training and have the most advanced weapons in the world. But they did not have the power to confront the Guard due to weakness of faith and belief. We gave all of the weapons and equipment to American forces according to an Islamic manner. They formally apologized to the Islamic Republic. Be certain that with the blood of martyrs, the revolution advances. No one can inflict the smallest insult upon our Islamic country. Ahmad Dolabi (IRGC commander)
This incident was a quiet yet an important battle, since it took place off the Saudi coast, targeted an American force, and triggered American [responses expressing] hope [that Iran would not hurt the sailors], which were akin to apologizing to Iran. Washington did not threaten war or raise its voice… (…) The Revolutionary Guards, which are in charge of defending the Gulf, are known to ‘see but not be seen’ – a term coined by the head of their navy, General Ali Fadavi. This means that they watch [the goings on] in the Gulf without being noticed by anyone, and in an emergency, they suddenly appear. (…) The Revolutionary Guards possibly wanted to send a message to all, that if Iran feels that its interests and security are at stake, it will be willing to enter any conflict, even with the U.S…. [Furthermore,] dealing with Washington in this way ensures that smaller [countries] understand that Tehran will never hesitate to respond to any violation of its sovereignty, and that the rules of the game have changed, and therefore certain [elements] should recognize the limits of their power.Lebanese daily Al-Akhbar (close to Hizbullah)
When Iran’s Revolutionary Guards seized two American naval craft in the Gulf on Tuesday evening [January 13, 2016], with ten American sailors on board, it was not the sailors who were the important point, but the fact that the Revolutionary Guards effectively kidnapped U.S. President Barak Obama [himself only] a few hours before he was to deliver his final State of the Union address, towards the end of his second term in office. The crisis of the American sailors [detained by] Iran ended [just] a few hours after their arrest, but it was Obama’s speech that was hijacked, since the Iranians deprived Obama of the opportunity to appear as the strong man who had forced Iran to capitulate on the nuclear dossier. The sailors’ arrest deprived Obama of the chance to boast of the legitimacy of the nuclear agreement and to tell America, which is divided on the Iranian issue, as is the entire world, that Iran has changed and will once again become an active member of the international community, [a country] that renounces violence and respects international treaties and agreements. Some may say that the Iranians’ conduct was foolish, and this is true – but so was placing faith in the Iranian regime! (…) Hence, the arrest of the Iranian sailors [right] before Obama’s address exposed the weakness of the American president and sparked doubts even in those who defend his foreign policy, especially [his policy] towards Iran’s [behavior] in our region. Embarrassment was apparent even among the White House staff, as manifest in leaks and excuses conveyed by Obama’s staff to the U.S. media during the sailors’ detention. The biggest embarrassment was over Obama’s handling of the incident… and [the question of] whether or not he would refer to it in his pre-prepared speech. So what we witnessed was not so much the abduction of the sailors but the abduction of the American president himself. His ransom was the missed opportunity to present himself as a strong president enjoying the legitimacy of achieving the nuclear agreement with Iran. (…) With the premeditated intent to abuse the American president and to present his weakness to all, the Revolutionary Guards arrested the American sailors, and in fact kidnapped Obama himself, [just] days before the expected implementation of the nuclear agreement they will not submit and that Obama is too weak to boast of victory over them. Likewise, the Revolutionary Guards seek to tell anyone, in Iran and outside it, that their hand is still uppermost in Tehran, despite everything that has happened to Iran recently, after the wild attack on the Saudi Embassy in Iran and Tehran’s apology to the [UN] Security Council for this. Additionally, the IRGC’s action [i.e. detaining the sailors] is a response that embarrasses the propaganda of the Iranian president [Rohani] and his men – particularly the wily foreign minister [Zarif] and others – who claim that they want peace and openness, as they market lies and corrupt accusations against Saudi Arabia. (…) Obama’s predicament is not manifested only in his kidnapping, but [also] in that he wants to take a neutral stand vis-à-vis the recent Iranian hostility against Saudi Arabia and the entire region. But he himself became a victim of Iran when [Iran] kidnapped him [just] before his final State of the Union address, and wrecked his opportunity to present himself as an accomplished hero when [his accomplishments] are in fact not yet completed.Tareq Al-Homayed (former editor of the London-based Saudi daily Al-Sharq Al-Awsat)
L’activisme intensif de Barack Obama résulte d’une part du sentiment d’un « non- accompli » sur la scène interne – celle sur laquelle il pensait agir dès la crise financière – et d’autre part, il a compris que constitutionnellement le président n’a pas beaucoup de marge de manœuvre interne. Elu pour son charisme, il pensait, pouvoir gouverner grâce à celui-ci. Ce n’est pourtant pas possible car le Congrès est en place pour une durée plus longue que la présidence et a beaucoup plus de pouvoir sur les affaires internes. Comme beaucoup de présidents qui font leur deuxième mandat aux Etats-Unis, il se penche donc sur la politique étrangère car c’est le seul domaine dans lequel il peut agir. Mais surtout, il pense à son héritage politique : il faut qu’Obama représente quelque chose. A-t-il finalement réussi à convaincre ? Auprès d’une grande partie du public américain, la réponse est négative. Son bilan international se résume en une énorme déception du peu de travail accompli pendant six ans alors qu’il apprenait les rouages du pouvoir. Il a finalement réussi à s’imposer sur ces derniers mois : les dossiers les plus importants ne seront pas le retrait de l’Afghanistan et de l’Irak, ce seront les accords sur le nucléaire iranien et les politiques contre le changement climatique sur lesquels il suit la France, pour le meilleur. (…) Ce modèle multilatéraliste a très difficilement pris racine pendant les mandats d’Obama et survivra aussi très difficilement. Les décideurs américains ne s’intéressent pas à la conception des Etats-Unis dans un monde multipolaire, ils cherchent à réactiver la suprématie américaine. On accuse Obama de manque de cohérence mais il y a, de fait, fait une « Doctrine Obama ». Il l’a très bien exposée dans son discours à l’académie militaire de West Point en mai 2014 mais l’establishment à Washington D.C. et plus largement dans le pays n’a ni compris ni accepté la nécessité pour les Etats-Unis de se positionner correctement dans un monde multipolaire dans lequel ils ne sont pas la puissance prédominante. Nicholas Dungan
All jawboning by #Kerry and other numbskulls aside, this photo will forever represent the disaster that was #Obama James Woods5:53 PM – 13 Jan 2016
President Obama (…) believes history follows some predetermined course, as if things always get better on their own. Obama often praises those he pronounces to be on the “right side of history.” He also chastises others for being on the “wrong side of history” — as if evil is vanished and the good thrives on autopilot. When in 2009 millions of Iranians took to the streets to protest the thuggish theocracy, they wanted immediate U.S. support. Instead, Obama belatedly offered them banalities suggesting that in the end, they would end up “on the right side of history.” Iranian reformers may indeed end up there, but it will not be because of some righteous inanimate force of history, or the prognostications of Barack Obama. Obama often parrots Martin Luther King Jr.’s phrase about the arc of the moral universe bending toward justice. But King used that metaphor as an incentive to act, not as reassurance that matters will follow an inevitably positive course. Another of Obama’s historical refrains is his frequent sermon about behavior that doesn’t belong in the 21st century. At various times he has lectured that the barbarous aggression of Vladimir Putin or the Islamic State has no place in our century and will “ultimately fail” — as if we are all now sophisticates of an age that has at last transcended retrograde brutality and savagery. In Obama’s hazy sense of the end of history, things always must get better in the manner that updated models of iPhones and iPads are glitzier than the last. In fact, history is morally cyclical. Even technological progress is ethically neutral. It is a way either to bring more good things to more people or to facilitate evil all that much more quickly and effectively. In the viciously modern 20th century — when more lives may have been lost to war than in all prior centuries combined — some 6 million Jews were put to death through high technology in a way well beyond the savagery of Attila the Hun or Tamerlane. Beheading in the Islamic world is as common in the 21st century as it was in the eighth century — and as it will probably be in the 22nd. The carnage of the Somme and Dresden trumped anything that the Greeks, Romans, Franks, Turks, or Venetians could have imagined. (…) What explains Obama’s confusion? A lack of knowledge of basic history explains a lot. (…) Obama once praised the city of Cordoba as part of a proud Islamic tradition of tolerance during the brutal Spanish Inquisition — forgetting that by the beginning of the Inquisition an almost exclusively Christian Cordoba had few Muslims left. (…) A Pollyannaish belief in historical predetermination seems to substitute for action. If Obama believes that evil should be absent in the 21st century, or that the arc of the moral universe must always bend toward justice, or that being on the wrong side of history has consequences, then he may think inanimate forces can take care of things as we need merely watch. In truth, history is messier. Unfortunately, only force will stop seventh-century monsters like the Islamic State from killing thousands more innocents. Obama may think that reminding Putin that he is now in the 21st century will so embarrass the dictator that he will back off from Ukraine. But the brutish Putin may think that not being labeled a 21st-century civilized sophisticate is a compliment. In 1935, French foreign minister Pierre Laval warned Joseph Stalin that the Pope would admonish him to go easy on Catholics — as if such moral lectures worked in the supposedly civilized 20th century. Stalin quickly disabused Laval of that naiveté. “The Pope?” Stalin asked, “How many divisions has he got?” There is little evidence that human nature has changed over the centuries, despite massive government efforts to make us think and act nicer. What drives Putin, Boko Haram, or ISIS are the same age-old passions, fears, and sense of honor that over the centuries also moved Genghis Khan, the Sudanese Mahdists, and the Barbary pirates. Obama’s naive belief in predetermined history — especially when his facts are often wrong — is a poor substitute for concrete moral action.Victor Davis Hanson
Barack Obama is the Dr. Frankenstein of the supposed Trump monster. If a charismatic, Ivy League-educated, landmark president who entered office with unprecedented goodwill and both houses of Congress on his side could manage to wreck the Democratic Party while turning off 52 percent of the country, then many voters feel that a billionaire New York dealmaker could hardly do worse. If Obama had ruled from the center, dealt with the debt, addressed radical Islamic terrorism, dropped the politically correct euphemisms and pushed tax and entitlement reform rather than Obamacare, Trump might have little traction. A boring Hillary Clinton and a staid Jeb Bush would most likely be replaying the 1992 election between Bill Clinton and George H.W. Bush — with Trump as a watered-down version of third-party outsider Ross Perot. But America is in much worse shape than in 1992. And Obama has proved a far more divisive and incompetent president than George H.W. Bush. Little is more loathed by a majority of Americans than sanctimonious PC gobbledygook and its disciples in the media. And Trump claims to be PC’s symbolic antithesis. Making Machiavellian Mexico pay for a border fence or ejecting rude and interrupting Univision anchor Jorge Ramos from a press conference is no more absurd than allowing more than 300 sanctuary cities to ignore federal law by sheltering undocumented immigrants. Putting a hold on the immigration of Middle Eastern refugees is no more illiberal than welcoming into American communities tens of thousands of unvetted foreign nationals from terrorist-ridden Syria. In terms of messaging, is Trump’s crude bombast any more radical than Obama’s teleprompted scripts? Trump’s ridiculous view of Russian President Vladimir Putin as a sort of « Art of the Deal » geostrategic partner is no more silly than Obama insulting Putin as Russia gobbles up former Soviet republics with impunity. Obama callously dubbed his own grandmother a « typical white person, » introduced the nation to the racist and anti-Semitic rantings of the Rev. Jeremiah Wright, and petulantly wrote off small-town Pennsylvanians as near-Neanderthal « clingers. » Did Obama lower the bar for Trump’s disparagements? Certainly, Obama peddled a slogan, « hope and change, » that was as empty as Trump’s « make America great again. » (…) How does the establishment derail an out-of-control train for whom there are no gaffes, who has no fear of The New York Times, who offers no apologies for speaking what much of the country thinks — and who apparently needs neither money from Republicans nor politically correct approval from Democrats?Victor Davis Hanson
President Obama has a habit of asserting strategic nonsense with such certainty that it is at times embarrassing and frightening. Nowhere is that more evident than in his rhetoric about the Middle East. (…) in July 2015, Obama claimed that the now growing ISIS threat could not be addressed through force of arms, assuring the world that “Ideologies are not defeated with guns, they are defeated by better ideas.” Such a generic assertion seems historically preposterous. The defeat of German Nazism, Italian fascism, and Japanese militarism was not accomplished by Anglo-American rhetoric on freedom. What stopped the growth of Soviet-style global communism during the Cold War were both armed interventions such as the Korean War and real threats to use force such as during the Berlin Airlift and Cuban Missile Crisis— along with Ronald Reagan’s resoluteness backed by a military buildup that restored credible Western military deterrence. In contrast, Obama apparently believes that strategic threats are not checked with tough diplomacy backed by military alliances, balances of power, and military deterrence, much less by speaking softly and carrying a big stick. Rather, crises are resolved by ironing out mostly Western-inspired misunderstandings and going back on heat-of-the moment, ad hoc issued deadlines, red lines, and step-over lines, whether to the Iranian theocracy, Vladimir Putin, or Bashar Assad. Sometimes the administration’s faith in Western social progressivism is offered to persuade an Iran or Cuba that they have missed the arc of Westernized history—and must get back on the right side of the past by loosening the reins of their respective police states. Obama believes that engagement with Iran in non-proliferation talks—which have so far given up on prior Western insistences on third-party, out of the country enrichment, on-site inspections, and kick-back sanctions—will inevitably ensure that Iran becomes “a successful regional power.” That higher profile of the theocracy apparently is a good thing for the Middle East and our allies like Israel and the Gulf states. (…) In his February 2, 2015 outline of anti-ISIS strategy—itself an update of an earlier September 2014 strategic précis—Obama again insisted that “one of the best antidotes to the hateful ideologies that try to recruit and radicalize people to violent extremism is our own example as diverse and tolerant societies that welcome the contributions of all people, including people of all faiths.” The idea, a naïve one, is that because we welcome mosques on our diverse and tolerant soil, ISIS will take note and welcome Christian churches. One of Obama’s former State Department advisors, Georgetown law professor Rosa Brooks, recently amplified that reductionist confidence in the curative power of Western progressivism. She urged Americans to tweet ISIS, which, like Iran, habitually executes homosexuals. Brooks hoped that Americans would pass on stories about and photos of the Supreme Court’s recent embrace of gay marriage: “Do you want to fight the Islamic State and the forces of Islamic extremist terrorism? I’ll tell you the best way to send a message to those masked gunmen in Iraq and Syria and to everyone else who gains power by sowing violence and fear. Just keep posting that second set of images [photos of American gays and their supporters celebrating the Supreme Court decision]. Post them on Facebook and Twitter and Reddit and in comments all over the Internet. Send them to your friends and your family. Send them to your pen pal in France and your old roommate in Tunisia. Send them to strangers.” Such zesty confidence in the redemptive power of Western moral superiority recalls First Lady Michelle Obama’s efforts to persusade the murderous Boko Haram to return kidnapped Nigerian preteen girls. Ms. Obama appealed to Boko Haram on the basis of shared empathy and universal parental instincts. (“In these girls, Barack and I see our own daughters. We see their hopes, their dreams and we can only imagine the anguish their parents are feeling right now.”) Ms. Obama then fortified her message with a photo of her holding up a sign with the hash-tag #BringBackOurGirls. Vladimir Putin’s Russia has added Crimea and Eastern Ukraine to his earlier acquisitions in Georgia. He is most likely eyeing the Baltic States next. China is creating new strategic realities in the Pacific, in which Japan, South Korea, Taiwan, and the Philippines will eventually either be forced to acquiesce or to seek their own nuclear deterrent. The Middle East has imploded. Much of North Africa is becoming a Mogadishu-like wasteland. The assorted theocrats, terrorists, dictators, and tribalists express little fear of or respect for the U.S. They believe that the Obama administration does not know much nor cares about foreign affairs. They may be right in their cynicism. A president who does not consider chlorine gas a chemical weapon could conceivably believe that the Americans once liberated Auschwitz, that the Austrians speak an Austrian language, and that the Falklands are known in Latin America as the Maldives. Both friends and enemies assume that what Obama or his administration says today will be either rendered irrelevant or denied tomorrow. Iraq at one point was trumpeted by Vice President Joe Biden as the administration’s probable “greatest achievement.” Obama declared that Iraq was a “stable and self-reliant” country in no need of American peacekeepers after 2011. Yanking all Americans out of Iraq in 2011 was solely a short-term political decision designed as a 2012 reelection talking point. The American departure had nothing to do with a disinterested assessment of the long-term security of the still shaky Iraqi consensual government. When Senator Obama damned the invasion of Iraq in 2003; when he claimed in 2004 that he had no policy differences with the Bush administration on Iraq; when he declared in 2007 that the surge would fail; when he said in 2008 as a presidential candidate that he wanted all U.S. troops brought home; when he opined as President in 2011 that the country was stable and self-reliant; when he assured the world in 2014 that it was not threatened by ISIS; and when in 2015 he sent troops back into an imploding Iraq—all of these decisions hinged on perceived public opinion, not empirical assessments of the state of Iraq itself. The near destruction of Iraq and the rise of ISIS were the logical dividends of a decade of politicized ambiguity. After six years, even non-Americans have caught on that the more Obama flip-flops on Iraq, deprecates an enemy, or ignores Syrian redlines, the less likely American arms will ever be used and assurances honored. The world is going to become an even scarier place in the next two years. The problem is not just that our enemies do not believe our President, but rather that they no longer even listen to him. Victor Davis Hanson
President Obama has deep-sixed the ‘realism’ that marked the first two years of his approach to the Middle East. He has returned to the foreign policy of George W. Bush. The United States is no longer, the President told us in words he could have borrowed from his predecessor, a status quo power in the Middle East. The realist course of cooperating with oppressive regimes in a quest for international calm is a dead end. It breeds toxic resentment against the United States; it stores up fuel for an inevitable conflagration when the oppressors weaken; it stokes anti-Israel resentment when hatred of Israel becomes the only form of political activism open to ordinary people; it strengthens the hold of extremist religion and strangles the growth of liberal forces. More, he attacked Iran. All that talk about avoiding polarization with Iran is gone. Instead, President Obama singled out Iran as an oppressive, tyrannical regime supporting terror and running an “illicit nuclear program” as well. He also followed Bush in attacking some US allies, calling on Bahrain and Yemen to make changes. It was a speech that enraged almost every powerful actor in the Middle East and put America out on a limb. Like Bush, Obama is willing to confront some of America’s closest allies (the Saudis, who back the crackdown in Bahrain). Like Bush, he hailed Iraq as an example of democracy and pluralism that can play a vital role in the transformation of the region. Like Bush, he proposes to work with opposition groups in friendly countries. His policy on Israel-Palestine is also looking Bushesque. Like Bush, he wants a sovereign but demilitarized Palestinian state. Like Bush, he believes that the 1967 lines with minor and mutually agreed changes should be the basis for the permanent boundaries between the two countries — and like Bush he set Jerusalem and the refugees to one side. Walter Russell Mead
President Obama’s approach to Iran, the lynchpin of his Middle Eastern strategy, is a classic example of Jeffersonian statecraft through which Obama hopes to stabilize and ultimately democratize the Middle East while reducing America’s profile in the region. By achieving a nuclear agreement and reopening Iran’s economy to the world, Obama hopes to reduce the chances for war (and the need for close American alliances with difficult allies like Israel and Saudi Arabia) while accelerating the democratic transition of a modernizing Iran by integrating that country into international markets. The original ‘grand design’ of the Obama global strategy was loosely modeled on the Nixon/Kissinger foreign policy: a mix of détente, withdrawal and engagement. Where Nixon and Kissinger pursued détente with the Soviet Union, withdrawal from Indochina and outreach to China, Obama proposed détente with Russia, Sunni Islam, and Iran; withdrawal from Iraq; and the ‘pivot to Asia’ as a new kind of American engagement in Asia. (…) The most important open question remains the fate of President Obama’s outreach to Iran. The nuclear agreement, slated to go into effect the same week as the State of the Union address, was the most important diplomatic agreement reached under President Obama and remains highly controversial in the United States. The controversy is less over the specific terms of the agreement than about whether détente with Iran can be achieved on terms that reduce rather than exacerbate the chaotic situation in the Middle East as a whole. The logic of President Obama’s Iran and Russia policies, for example, strongly suggests an ultimate American acquiescence in the continued presence of the Assad government in Damascus as part of an overall political settlement in Syria. For President Obama, acquiescing in a de facto Iranian sphere of influence extending from Basra in southern Iraq to Beirut, even if Iran and Russia remain aligned, can potentially be seen as the first step in stabilizing the Middle East while reducing America’s profile there. (…) Ultimately, the future of President Obama’s Iran policy will be decided by events on the ground. Traditional American allies in the region, Saudi Arabia, Egypt, Israel and now increasingly Turkey are pushing against the outreach to Iran; the President remains committed to his policy but as President Obama approaches the end of his term, both in Iran and elsewhere policymakers will increasingly discount him as a factor in future American policy and it is impossible to predict how the regional environment will evolve. Jihadi violence is another wild card. Sensational attacks, like the one in Paris, or ‘lone wolf’ attacks like the one in San Bernardino are deeply unsettling to American public opinion. The President is committed to the argument that overreaction leads to counterproductive policy decisions; he has so far failed to bring the public with him. If the pace and/or the intensity of such attacks increases during 2016, the impact on public opinion and even on the election could be decisive, with major consequences for the President’s legacy. Many observers at home and abroad misunderstand President Obama’s foreign policy, seeing him as skeptical of American claims to a unique global role. On the contrary, President Obama’s Jeffersionian minimalism is animated by an overwhelming faith in the unstoppable power of American ideals. Iran in particular, the President believes, is moving America’s way. The young, educated population of the Islamic Republic will push the country irresistibly toward some kind of accommodation with western ideas in ways that the less advanced Gulf monarchies cannot hope to emulate. The President has repeatedly declared that the tide of history will carry everyone to liberal democratic shores. He dismisses challenges to American power as mere short-term concerns; Putin, the mullahs and the terrorists are incapable of reversing the march of history or of destabilizing the world system. The next President is unlikely to be as optimistic; what that means for American foreign policy remains to be seen. Walter Russell Mead
Attention: un messianisme peut en cacher un autre !
« Connaître la sécurité et de diriger le monde sans devenir son policier », « faire en sorte que notre vie politique reflète le meilleur en nous », « puissance de notre exemple », « amour inconditionnel », références appuyées au Pape et à Martin Luther King …
Et au lendemain du dernier discours de l’Etat de l’union, véritable testament politique avancé d’une semaine pour ne pas être parasité par le début de la campagne électorale pour sa succession, d’un président américain qui après le cowboy messianiste Bush aura soulevé presque autant d’espoirs que de déceptions …
Prononcé, ironie de l’histoire, au moment même de l’incroyable humiliation de soldats américains par un Iran qui venait d’obtenir la levée de sanctions économiques et le débloquage de dizaines de millliards de dollars de ses avoirs bancaires …
Pendant qu’entre diatribes anti-femmes, anti-immigrés et anti-musulmanes, son possible successeur et maitre du politiquement incorrect mutliplie les occasions de se faire détester …
Comment ne pas voir, dans la pose quasi-christique des ces soldats agenouillés et implorant la merci de leurs ennemis si bien repérée par l’acteur américain James Woods, l’image qui résume le mieux la présidence et la doctrine Obama ?
A savoir, de la part de celui qui avait passé 20 ans à écouter les sermons de feu du révérend Jeremiah Wright puis abandonné en quelques mois et avec les conséquences que l’on sait jusque dans nos rues européennes l’Irak à ses démons djiahdistes et avalé entre ses occasionnels coups de mentons bellicistes et ses drones toutes les couleuvres et provocations d’un Iran recherchant ostensiblement à se doter de l’arme nucléaire …
La folle conviction, comme le rappelle aussi le politologue américain Walter Russell Mead, d’être dans le sens de l’histoire et le pari fou de la victoire à terme de l’exemplarité américaine ?
Mais peut-être aussi, comme l’avait annoncé le Christ lui-même, non la venue de la paix mais de l’épée dans le monde ?
President Obama’s final State of the Union address comes at a time when, for the first time in his administration, the public believes that the nation’s most serious problems involve foreign policy rather than domestic issues, the majority disapproves of the President’s handling of foreign affairs, and 73 percent say they want the next President to take a “different approach” to foreign policy. President Obama, for his part, remains deeply committed to his approach to foreign affairs, is determined to continue on his current course through the end of his mandate, and wants a new kind of foreign policy to be part of the political legacy of his administration.
This will be an uphill battle. Even Hillary Clinton, the President’s former Secretary of State, has moved to distance herself from some of the President’s signature policies. (She would have been more interventionist in Syria, more patient with Israel, less forthcoming with Russia.) As for the Republicans, Senator Rand Paul was the candidate whose foreign policy views most resemble those of the President, and in large part because of the changes in public sentiment that the President is struggling with, Senator Paul has now been relegated to the second, insignificant tier of Republican hopefuls and dropped from the principal debates.
President Obama and Senator Paul both stand within the Jeffersonian tradition of American foreign policy. This school of thought believes that the principles of the American Revolution fare best when American foreign policy is least active. To actively seek America’s Manifest Destiny through the expansion of America’s global role, Jeffersonians believe, exposes the United States to foreign hostility, endangers civil liberties at home, and entangles the United States with untrustworthy powers who are fundamentally hostile to American ideals. America can best change the world, Jeffersonians believe, by cultivating its own garden and setting an example of democratic prosperity that others will emulate.
President Obama’s approach to Iran, the lynchpin of his Middle Eastern strategy, is a classic example of Jeffersonian statecraft through which Obama hopes to stabilize and ultimately democratize the Middle East while reducing America’s profile in the region. By achieving a nuclear agreement and reopening Iran’s economy to the world, Obama hopes to reduce the chances for war (and the need for close American alliances with difficult allies like Israel and Saudi Arabia) while accelerating the democratic transition of a modernizing Iran by integrating that country into international markets.
The original ‘grand design’ of the Obama global strategy was loosely modeled on the Nixon/Kissinger foreign policy: a mix of détente, withdrawal and engagement. Where Nixon and Kissinger pursued détente with the Soviet Union, withdrawal from Indochina and outreach to China, Obama proposed détente with Russia, Sunni Islam, and Iran; withdrawal from Iraq; and the ‘pivot to Asia’ as a new kind of American engagement in Asia.
Parts of the Obama policy are less controversial than others. In particular, the pursuit of closer ties with Asian nations concerned about a rising China is likely to remain a feature in American foreign policy no matter who occupies the White House in January of next year. Other elements of his foreign strategy are generally considered to have failed. The next White House, Democratic or Republican, is likely to take a harder line with Moscow and to take a hard and skeptical look at the President’s counterterrorism strategy.
The most important open question remains the fate of President Obama’s outreach to Iran. The nuclear agreement, slated to go into effect the same week as the State of the Union address, was the most important diplomatic agreement reached under President Obama and remains highly controversial in the United States. The controversy is less over the specific terms of the agreement than about whether détente with Iran can be achieved on terms that reduce rather than exacerbate the chaotic situation in the Middle East as a whole. The logic of President Obama’s Iran and Russia policies, for example, strongly suggests an ultimate American acquiescence in the continued presence of the Assad government in Damascus as part of an overall political settlement in Syria. For President Obama, acquiescing in a de facto Iranian sphere of influence extending from Basra in southern Iraq to Beirut, even if Iran and Russia remain aligned, can potentially be seen as the first step in stabilizing the Middle East while reducing America’s profile there. It is not at all clear that any of the current contenders for the presidency, Hillary Clinton not excluded, would agree with that assessment.
Ultimately, the future of President Obama’s Iran policy will be decided by events on the ground. Traditional American allies in the region, Saudi Arabia, Egypt, Israel and now increasingly Turkey are pushing against the outreach to Iran; the President remains committed to his policy but as President Obama approaches the end of his term, both in Iran and elsewhere policymakers will increasingly discount him as a factor in future American policy and it is impossible to predict how the regional environment will evolve.
Jihadi violence is another wild card. Sensational attacks, like the one in Paris, or ‘lone wolf’ attacks like the one in San Bernardino are deeply unsettling to American public opinion. The President is committed to the argument that overreaction leads to counterproductive policy decisions; he has so far failed to bring the public with him. If the pace and/or the intensity of such attacks increases during 2016, the impact on public opinion and even on the election could be decisive, with major consequences for the President’s legacy.
Many observers at home and abroad misunderstand President Obama’s foreign policy, seeing him as skeptical of American claims to a unique global role. On the contrary, President Obama’s Jeffersionian minimalism is animated by an overwhelming faith in the unstoppable power of American ideals. Iran in particular, the President believes, is moving America’s way. The young, educated population of the Islamic Republic will push the country irresistibly toward some kind of accommodation with western ideas in ways that the less advanced Gulf monarchies cannot hope to emulate. The President has repeatedly declared that the tide of history will carry everyone to liberal democratic shores. He dismisses challenges to American power as mere short-term concerns; Putin, the mullahs and the terrorists are incapable of reversing the march of history or of destabilizing the world system.
The next President is unlikely to be as optimistic; what that means for American foreign policy remains to be seen.
Walter Russell Mead is the Distinguished Scholar in American Strategy and Statesmanship at the Hudson Institute, the James Clarke Chace Professor of Foreign Affairs and Humanities at Bard College, and Editor-at-Large of The American Interest.
For the president, belief in historical predetermination substitutes for action.
Victor Davis Hanson
National Review On line
August 28, 2014
President Obama doesn’t know much about history.
In his therapeutic 2009 Cairo speech, Obama outlined all sorts of Islamic intellectual and technological pedigrees, several of which were undeserved. He exaggerated Muslim contributions to printing and medicine, for example, and was flat-out wrong about the catalysts for the European Renaissance and Enlightenment.
He also believes history follows some predetermined course, as if things always get better on their own. Obama often praises those he pronounces to be on the “right side of history.” He also chastises others for being on the “wrong side of history” — as if evil is vanished and the good thrives on autopilot.
When in 2009 millions of Iranians took to the streets to protest the thuggish theocracy, they wanted immediate U.S. support. Instead, Obama belatedly offered them banalities suggesting that in the end, they would end up “on the right side of history.” Iranian reformers may indeed end up there, but it will not be because of some righteous inanimate force of history, or the prognostications of Barack Obama.
Obama often parrots Martin Luther King Jr.’s phrase about the arc of the moral universe bending toward justice. But King used that metaphor as an incentive to act, not as reassurance that matters will follow an inevitably positive course.
Another of Obama’s historical refrains is his frequent sermon about behavior that doesn’t belong in the 21st century. At various times he has lectured that the barbarous aggression of Vladimir Putin or the Islamic State has no place in our century and will “ultimately fail” — as if we are all now sophisticates of an age that has at last transcended retrograde brutality and savagery.
In Obama’s hazy sense of the end of history, things always must get better in the manner that updated models of iPhones and iPads are glitzier than the last. In fact, history is morally cyclical. Even technological progress is ethically neutral. It is a way either to bring more good things to more people or to facilitate evil all that much more quickly and effectively.
In the viciously modern 20th century — when more lives may have been lost to war than in all prior centuries combined — some 6 million Jews were put to death through high technology in a way well beyond the savagery of Attila the Hun or Tamerlane. Beheading in the Islamic world is as common in the 21st century as it was in the eighth century — and as it will probably be in the 22nd. The carnage of the Somme and Dresden trumped anything that the Greeks, Romans, Franks, Turks, or Venetians could have imagined.
What explains Obama’s confusion?
A lack of knowledge of basic history explains a lot. Obama or his speechwriters have often seemed confused about the liberation of Auschwitz, “Polish death camps,” the political history of Texas, or the linguistic relationship between Austria and Germany. Obama reassured us during the Bowe Bergdahl affair that George Washington, Abraham Lincoln, and Franklin Roosevelt all similarly got American prisoners back when their wars ended — except that none of them were in office when the Revolutionary War, Civil War, or World War II officially ended.
Contrary to Obama’s assertion, President Rutherford B. Hayes never dismissed the potential of the telephone. Obama once praised the city of Cordoba as part of a proud Islamic tradition of tolerance during the brutal Spanish Inquisition — forgetting that by the beginning of the Inquisition an almost exclusively Christian Cordoba had few Muslims left.
A Pollyannaish belief in historical predetermination seems to substitute for action. If Obama believes that evil should be absent in the 21st century, or that the arc of the moral universe must always bend toward justice, or that being on the wrong side of history has consequences, then he may think inanimate forces can take care of things as we need merely watch. In truth, history is messier. Unfortunately, only force will stop seventh-century monsters like the Islamic State from killing thousands more innocents. Obama may think that reminding Putin that he is now in the 21st century will so embarrass the dictator that he will back off from Ukraine. But the brutish Putin may think that not being labeled a 21st-century civilized sophisticate is a compliment.
In 1935, French foreign minister Pierre Laval warned Joseph Stalin that the Pope would admonish him to go easy on Catholics — as if such moral lectures worked in the supposedly civilized 20th century. Stalin quickly disabused Laval of that naiveté. “The Pope?” Stalin asked, “How many divisions has he got?”
There is little evidence that human nature has changed over the centuries, despite massive government efforts to make us think and act nicer. What drives Putin, Boko Haram, or ISIS are the same age-old passions, fears, and sense of honor that over the centuries also moved Genghis Khan, the Sudanese Mahdists, and the Barbary pirates. Obama’s naive belief in predetermined history — especially when his facts are often wrong — is a poor substitute for concrete moral action.
— Victor Davis Hanson is a classicist and historian at the Hoover Institution, Stanford University, and the author, most recently, of The Savior Generals.
One, Barack Obama is the Dr. Frankenstein of the supposed Trump monster.
If a charismatic, Ivy League-educated, landmark president who entered office with unprecedented goodwill and both houses of Congress on his side could manage to wreck the Democratic Party while turning off 52 percent of the country, then many voters feel that a billionaire New York dealmaker could hardly do worse.
If Obama had ruled from the center, dealt with the debt, addressed radical Islamic terrorism, dropped the politically correct euphemisms and pushed tax and entitlement reform rather than Obamacare, Trump might have little traction. A boring Hillary Clinton and a staid Jeb Bush would most likely be replaying the 1992 election between Bill Clinton and George H.W. Bush — with Trump as a watered-down version of third-party outsider Ross Perot.
But America is in much worse shape than in 1992. And Obama has proved a far more divisive and incompetent president than George H.W. Bush.
Little is more loathed by a majority of Americans than sanctimonious PC gobbledygook and its disciples in the media. And Trump claims to be PC’s symbolic antithesis.
Making Machiavellian Mexico pay for a border fence or ejecting rude and interrupting Univision anchor Jorge Ramos from a press conference is no more absurd than allowing more than 300 sanctuary cities to ignore federal law by sheltering undocumented immigrants. Putting a hold on the immigration of Middle Eastern refugees is no more illiberal than welcoming into American communities tens of thousands of unvetted foreign nationals from terrorist-ridden Syria.
In terms of messaging, is Trump’s crude bombast any more radical than Obama’s teleprompted scripts?
Trump’s ridiculous view of Russian President Vladimir Putin as a sort of « Art of the Deal » geostrategic partner is no more silly than Obama insulting Putin as Russia gobbles up former Soviet republics with impunity.
Obama callously dubbed his own grandmother a « typical white person, » introduced the nation to the racist and anti-Semitic rantings of the Rev. Jeremiah Wright, and petulantly wrote off small-town Pennsylvanians as near-Neanderthal « clingers. » Did Obama lower the bar for Trump’s disparagements?
Certainly, Obama peddled a slogan, « hope and change, » that was as empty as Trump’s « make America great again. »
Two, the Republican establishment also jolted Trump to life.
Trump supporters apparently don’t believe that Chamber of Commerce, Wall Street or Republican Party grandees offer many antidotes to Obamaism.
Three, Trump is a nihilist, but he is a canny nihilist unlike any we have seen in recent campaigns.
In about a day, Trump wrecked Hillary Clinton’s planned « war on women » talking points that had helped to win the election for Obama in 2012. « If Hillary thinks she can unleash her husband, with his terrible record of women abuse, while playing the women’s card on me, she’s wrong, » Trump declared recently.
Street fighter Trump has an uncanny ability to spot these apparent contradictions. Trump’s unkind « low-energy » label of Jeb Bush stuck.
Politicians really do pander in shameless fashion to big-money donors. Who better than Trump to know that? He claims he used to lavish cash on lots of them. Trump does not play by any political rules because he has always made up or bought his own rules.
How does the establishment derail an out-of-control train for whom there are no gaffes, who has no fear of The New York Times, who offers no apologies for speaking what much of the country thinks — and who apparently needs neither money from Republicans nor politically correct approval from Democrats?
President Obama has a habit of asserting strategic nonsense with such certainty that it is at times embarrassing and frightening. Nowhere is that more evident than in his rhetoric about the Middle East.
Not long ago, Obama reassured the world that, despite evidence of the use of chemical weapons in Syria, “Chlorine itself is not listed as a chemical weapon.” What could he have meant by that? Obama apparently was referring to the focus on Sarin gas by the Organization for Prohibition of Chemical Weapons, the UN watchdog agency that was supposed to monitor Obama’s Syria red line warnings against further gas attacks. To reassure the public that the United States would not consider chlorine gas a violation of its own red line about chemical weapons use in Syria—and, therefore, to assure the public that his administration would not intervene militarily in Syria—Obama said: “Chlorine itself, historically, has not been listed as a chemical weapon.”
Nothing could be further from the truth. Chlorine was the father of poison gas, the first chemical agent used in World War I—and it was used to lethal effect by the Germans at the battle of Ypres in April 1915. Subsequently, it was mixed and upgraded with phosgene gas to make an even deadlier brew and employed frequently throughout the war—most infamously at the Battle of the Somme.
The president was clearly bothered that he had boxed himself into a rhetorical corner and might have had to order air strikes against the defiant Assad regime—lest he appear wavering in carrying out his earlier threats. One way out of that dilemma would be to deny that chorine constituted a serious weapon used to kill soldiers and civilians. Another would simply be to claim that he had never issued such a red line to Bashar al-Assad at all. That refuge is exactly what Obama fell back upon at press conference on September 4, 2013: “I didn’t set a red line. The world set a red line.”
Here is what the president had earlier stated on August 20, 2012, in threatening Assad: “We have been very clear to the Assad regime, but also to other players on the ground, that a red line for us is we start seeing a whole bunch of chemical weapons moving around or being utilized. That would change my calculus. That would change my equation.”
The use of the presidential pronouns “we” and “my” are synonymous with the voice of his administration. Indeed, Obama had doubled down on his 2012 red line with the clarification that, “When I said that the use of chemical weapons would be a game-changer, that wasn’t unique to—that wasn’t a position unique to the United States and it shouldn’t have been a surprise.”
In the summer of 2014, Obama had dismissed the emergence of ISIS with colorful language about its inability to project terrorism much beyond its local Iraqi embryo: “I think the analogy we use around here sometimes, and I think is accurate, is if a JV team puts on Lakers uniforms, that doesn’t make them Kobe Bryant. I think there is a distinction between the capacity and reach of a bin Laden and a network that is actively planning major terrorist plots against the homeland versus jihadists who are engaged in various local power struggles and disputes, often sectarian.”
ISIS, remember, had already conducted terrorist operations across the Mediterranean. Both organized and lone-wolf terrorists, with claims of ISIS ties or inspiration, would go on to attack Westerners from France to Texas.
Obama compounded his obfuscations by later claiming to Meet the Press anchor Chuck Todd that he had never said such a thing at all about ISIS—an assertion that was deemed false by even the liberal fact-checking organization PolitiFact. More recently, in July 2015, Obama claimed that the now growing ISIS threat could not be addressed through force of arms, assuring the world that “Ideologies are not defeated with guns, they are defeated by better ideas.”
Such a generic assertion seems historically preposterous. The defeat of German Nazism, Italian fascism, and Japanese militarism was not accomplished by Anglo-American rhetoric on freedom. What stopped the growth of Soviet-style global communism during the Cold War were both armed interventions such as the Korean War and real threats to use force such as during the Berlin Airlift and Cuban Missile Crisis— along with Ronald Reagan’s resoluteness backed by a military buildup that restored credible Western military deterrence.
In contrast, Obama apparently believes that strategic threats are not checked with tough diplomacy backed by military alliances, balances of power, and military deterrence, much less by speaking softly and carrying a big stick. Rather, crises are resolved by ironing out mostly Western-inspired misunderstandings and going back on heat-of-the moment, ad hoc issued deadlines, red lines, and step-over lines, whether to the Iranian theocracy, Vladimir Putin, or Bashar Assad.
Sometimes the administration’s faith in Western social progressivism is offered to persuade an Iran or Cuba that they have missed the arc of Westernized history—and must get back on the right side of the past by loosening the reins of their respective police states. Obama believes that engagement with Iran in non-proliferation talks—which have so far given up on prior Western insistences on third-party, out of the country enrichment, on-site inspections, and kick-back sanctions—will inevitably ensure that Iran becomes “a successful regional power.” That higher profile of the theocracy apparently is a good thing for the Middle East and our allies like Israel and the Gulf states.
In his well-publicized Cairo speech of June 2009, Obama declared that Islam had a hand in prompting the Western Renaissance and Enlightenment, as well as offering other underappreciated gifts to the West, from medicine to navigation. Obama’s tutorial was offered to remind the Muslim Brotherhood members in his audience that the West really does owe much to the Muslim World—and thus by inference should expect reciprocal consideration in the current war on terror.
In his February 2, 2015 outline of anti-ISIS strategy—itself an update of an earlier September 2014 strategic précis—Obama again insisted that “one of the best antidotes to the hateful ideologies that try to recruit and radicalize people to violent extremism is our own example as diverse and tolerant societies that welcome the contributions of all people, including people of all faiths.” The idea, a naïve one, is that because we welcome mosques on our diverse and tolerant soil, ISIS will take note and welcome Christian churches.
One of Obama’s former State Department advisors, Georgetown law professor Rosa Brooks, recently amplified that reductionist confidence in the curative power of Western progressivism. She urged Americans to tweet ISIS, which, like Iran, habitually executes homosexuals. Brooks hoped that Americans would pass on stories about and photos of the Supreme Court’s recent embrace of gay marriage: “Do you want to fight the Islamic State and the forces of Islamic extremist terrorism? I’ll tell you the best way to send a message to those masked gunmen in Iraq and Syria and to everyone else who gains power by sowing violence and fear. Just keep posting that second set of images [photos of American gays and their supporters celebrating the Supreme Court decision]. Post them on Facebook and Twitter and Reddit and in comments all over the Internet. Send them to your friends and your family. Send them to your pen pal in France and your old roommate in Tunisia. Send them to strangers.”
Such zesty confidence in the redemptive power of Western moral superiority recalls First Lady Michelle Obama’s efforts to persusade the murderous Boko Haram to return kidnapped Nigerian preteen girls. Ms. Obama appealed to Boko Haram on the basis of shared empathy and universal parental instincts. (“In these girls, Barack and I see our own daughters. We see their hopes, their dreams and we can only imagine the anguish their parents are feeling right now.”) Ms. Obama then fortified her message with a photo of her holding up a sign with the hash-tag #BringBackOurGirls.
Vladimir Putin’s Russia has added Crimea and Eastern Ukraine to his earlier acquisitions in Georgia. He is most likely eyeing the Baltic States next. China is creating new strategic realities in the Pacific, in which Japan, South Korea, Taiwan, and the Philippines will eventually either be forced to acquiesce or to seek their own nuclear deterrent. The Middle East has imploded. Much of North Africa is becoming a Mogadishu-like wasteland.
The assorted theocrats, terrorists, dictators, and tribalists express little fear of or respect for the U.S. They believe that the Obama administration does not know much nor cares about foreign affairs. They may be right in their cynicism. A president who does not consider chlorine gas a chemical weapon could conceivably believe that the Americans once liberated Auschwitz, that the Austrians speak an Austrian language, and that the Falklands are known in Latin America as the Maldives.
Both friends and enemies assume that what Obama or his administration says today will be either rendered irrelevant or denied tomorrow. Iraq at one point was trumpeted by Vice President Joe Biden as the administration’s probable “greatest achievement.” Obama declared that Iraq was a “stable and self-reliant” country in no need of American peacekeepers after 2011.
Yanking all Americans out of Iraq in 2011 was solely a short-term political decision designed as a 2012 reelection talking point. The American departure had nothing to do with a disinterested assessment of the long-term security of the still shaky Iraqi consensual government. When Senator Obama damned the invasion of Iraq in 2003; when he claimed in 2004 that he had no policy differences with the Bush administration on Iraq; when he declared in 2007 that the surge would fail; when he said in 2008 as a presidential candidate that he wanted all U.S. troops brought home; when he opined as President in 2011 that the country was stable and self-reliant; when he assured the world in 2014 that it was not threatened by ISIS; and when in 2015 he sent troops back into an imploding Iraq—all of these decisions hinged on perceived public opinion, not empirical assessments of the state of Iraq itself. The near destruction of Iraq and the rise of ISIS were the logical dividends of a decade of politicized ambiguity.
After six years, even non-Americans have caught on that the more Obama flip-flops on Iraq, deprecates an enemy, or ignores Syrian redlines, the less likely American arms will ever be used and assurances honored.
The world is going to become an even scarier place in the next two years. The problem is not just that our enemies do not believe our President, but rather that they no longer even listen to him.
La télévision iranienne a diffusé les images de l’arrestation des 10 marins américains qui s’étaient égarés dans les eaux territoriales iraniennes. Ils ont depuis repris leur route.
Mains sur la tête, agenouillés et ne pouvant plus bouger, les marins des deux navires américains arraisonnés mardi au large des côtes iranienne ont été filmés par la télévision du pays (IRNN) et les images diffusées mercredi sur les réseaux sociaux.
Neuf hommes et une femme avaient été interceptés mardi alors qu’ils étaient entrés de « deux kilomètres à l’intérieur des eaux territoriales iraniennes », selon l’agence Fars, proche des Gardiens de la révolution. Ils avaient été emmenés sur l’île Farsi située dans la partie nord du Golfe.
Les 10 marins américains, arrêtés à la suite d’une panne de leur système de navigation qui les a amenés dans les eaux territoriales de l’Iran, « ont été libérés » après avoir présenté leurs excuses. Les autorités iraniennes se sont assurées que leur action n’était pas « intentionnelle ».
A senior Iranian military commander in charge of the country’s Revolutionary Guard Corps claimed that the 10 U.S. sailors who were recently captured and subsequently released by the Islamic Republic “started crying after [their] arrest,” according to Persian language comments made during military celebrations this weekend.
Hossein Salami, deputy commander of the IRGC, which is responsible for boarding the U.S. ships and arresting the sailors, claimed in recent remarks, the “American sailors started crying after arrest, but the kindness of our Guard made them feel calm.”
Hossein went on to brag that the incident provides definitive evidence of the Iranian military’s supremacy in the region.
“Since the end of the Second World War, no country has been able to arrest American military personnel,” the commander said, according to an independent translation of his Persian-language remarks made Friday during a “martyrs’ commemoration ceremony” in Isfahan.
Since the capture and release of the U.S. sailors this week, critics of the Obama administration’s handling of the situation have expressed embarrassment at State Department’s move to profusely thank Iran, despite its release of photos depicting the sailors on their knees with their hands held over their heads.
Iranian state television additionally published video purporting to show one of the detained soldiers apologizing to Iran.
Meanwhile, during Friday prayers in Iran, a commander of the IRGC unit that detained the U.S. boats and claimed that the American military cowered when faced down by Iranian troops.
“I saw the weakness, cowardice, and fear of American soldiers myself. Despite having all of the weapons and equipment, they surrendered themselves with the first action of the guardians of Islam,” Ahmad Dolabi, an IRGC commander, said in Persian-language remarks at a prayer service in Iran’s Bushehr providence.
“American forces receive the best training and have the most advanced weapons in the world,” he added. “But they did not have the power to confront the Guard due to weakness of faith and belief.”
Dolabi emphasized that the Obama administration formally apologized over the incident, a claim that senior White House official continue to dispute.
“We gave all of the weapons and equipment to American forces according to an Islamic manner. They formally apologized to the Islamic Republic,” Dolabi said. “Be certain that with the blood of martyrs, the revolution advances. No one can inflict the smallest insult upon our Islamic country.”
Comment expliquer l’activisme intensif de Barack Obama sur les crises et les accords internationaux ces derniers mois ? A-t-il finalement réussi à convaincre en politique étrangère ? Quelle est votre analyse de son bilan international ?
L’activisme intensif de Barack Obama résulte d’une part du sentiment d’un « non- accompli » sur la scène interne – celle sur laquelle il pensait agir dès la crise financière – et d’autre part, il a compris que constitutionnellement le président n’a pas beaucoup de marge de manœuvre interne. Elu pour son charisme, il pensait, pouvoir gouverner grâce à celui-ci. Ce n’est pourtant pas possible car le Congrès est en place pour une durée plus longue que la présidence et a beaucoup plus de pouvoir sur les affaires internes. Comme beaucoup de présidents qui font leur deuxième mandat aux Etats-Unis, il se penche donc sur la politique étrangère car c’est le seul domaine dans lequel il peut agir. Mais surtout, il pense à son héritage politique : il faut qu’Obama représente quelque chose. A-t-il finalement réussi à convaincre ? Auprès d’une grande partie du public américain, la réponse est négative.
Son bilan international se résume en une énorme déception du peu de travail accompli pendant six ans alors qu’il apprenait les rouages du pouvoir. Il a finalement réussi à s’imposer sur ces derniers mois : les dossiers les plus importants ne seront pas le retrait de l’Afghanistan et de l’Irak, ce seront les accords sur le nucléaire iranien et les politiques contre le changement climatique sur lesquels il suit la France, pour le meilleur.
Obama a voulu inscrire les Etats-Unis dans un monde multipolaire. Pensez- vous que ce modèle, à l’opposé de l’ère Bush, survivra à l’administration Obama ?
Ce modèle multilatéraliste a très difficilement pris racine pendant les mandats d’Obama et survivra aussi très difficilement. Les décideurs américains ne s’intéressent pas à la conception des Etats-Unis dans un monde multipolaire, ils cherchent à réactiver la suprématie américaine. On accuse Obama de manque de cohérence mais il y a, de fait, fait une « Doctrine Obama ». Il l’a très bien exposée dans son discours à l’académie militaire de West Point en mai 2014 mais l’establishment à Washington D.C. et plus largement dans le pays n’a ni compris ni accepté la nécessité pour les Etats-Unis de se positionner correctement dans un monde multipolaire dans lequel ils ne sont pas la puissance prédominante.
Concernant les primaires démocrates et républicaines qui auront lieu en 2016, quels grands thèmes de la politique étrangère américaine pourraient mettre les candidats au défi ?
Ce seront les grands thèmes de l’administration Obama : les accords sur le nucléaire iranien et la lutte contre le changement climatique. La droite aux Etats-Unis ne pardonnera pas : le républicain Donald Trump tentera de démontrer qu’il faut rejeter ces politiques multilatérales pour « make America great again ». Les autres républicains auront beaucoup de mal, par exemple Jeb Bush, s’il arrive à survivre jusqu’à la nomination républicaine, à contrer cette position extrêmement dure de Donald Trump.
Et bien sûr, la question de l’immigration, à cheval entre politique interne et étrangère, sera à l’ordre du jour : la problématique des sans-papiers, des naturalisations des enfants nés aux Etats-Unis d’immigrés illégaux, etc. A l’heure actuelle, le droit du sol est encore strictement appliqué aux Etats-Unis mais Donald Trump déclare vouloir changer cette accession à la nationalité américaine, en tout cas pour ces catégories de migrants illégaux.
Barack Obama a prononcé, mardi 12 janvier, son ultime discours sur l’état de l’Union. Ce rendez-vous traditionnel était pour le 44e président des Etats-Unis la dernière occasion de s’adresser aux Américains en prime time, avant que Washington et le reste du pays ne braquent tous leurs projecteurs sur les primaires démocrates et républicaines, qui débutent le 1er février dans l’Iowa.
Dans un discours résolument optimiste, le président a exhorté l’Amérique à ne pas céder à la peur, face aux turbulences économiques comme à la menace du groupe Etat islamique qu’il a appelé à ne pas surestimer. Déterminé à marquer le contraste avec les républicains qui espèrent lui succéder à la Maison Blanche en 2017, le président démocrate, très à l’aise, enjoué, a invité ses concitoyens à accompagner les « extraordinaires changements » en cours. Retour sur ses principales déclarations en sept phrases-clés.
« Les Etats-Unis ont l’économie la plus forte, la plus durable du monde »
Barack Obama a battu en brèche les déclarations alarmistes du milliardaire Donald Trump, candidat à la primaire républicaine. Parler du déclin de l’économie américaine est « une fiction politique ». « Laissez-moi commencer avec l’économie et un fait basique : les Etats-Unis d’Amérique, à l’heure actuelle, ont l’économie la plus forte, la plus durable du monde, a lancé le président américain. Tous ceux qui affirment que l’économie américaine est en déclin, ce n’est que de la fiction. Mais ce qui est vrai, et c’est la raison pour laquelle beaucoup d’Américains sont inquiets, c’est que l’économie change profondément, des changements qui ont démarré longtemps avant la grande récession qui nous a frappés. »
« L’Etat islamique ne représente pas une menace existentielle pour notre nation »
A l’attention de ses adversaires, Barack Obama a mis en garde contre les déclarations excessives sur l’Etat islamique selon lesquelles le monde serait engagé dans « la troisième guerre mondiale ». « Elles font le jeu » des jihadistes, a-t-il averti. « Des masses de combattants à l’arrière de pick-ups et des esprits torturés complotant dans des appartements ou des garages posent un énorme danger pour les civils et doivent être arrêtés. Mais ils ne représentent pas une menace existentielle pour notre nation, a-t-il martelé. Nous devons simplement les désigner pour ce qu’ils sont, des tueurs et des fanatiques qui doivent être éradiqués, pourchassés et détruits. »
Sûr de son effet, il a précisé : « Si vous doutez de la détermination de l’Amérique, ou de la mienne, pour que justice soit faite, demandez à Oussama Ben Laden ! » Avant d’ajouter : « Le monde va se tourner vers nous pour aider à résoudre ces problèmes, et notre réponse doit être plus que des mots durs ou des appels à couvrir de bombes des civils. Cela peut marcher pour des slogans chocs à la télé, mais cela ne passera pas sur la scène mondiale. »
Changement climatique : si vous voulez le nier, « vous allez vous sentir assez seuls »
Autre avertissement à ses adversaires républicains : il est vain de nier le réchauffement de la planète sous l’effet des émissions de carbone. « Si quelqu’un veut encore nier la science autour du changement climatique, allez-y, a-t-il prévenu. Mais vous allez vous sentir assez seuls, parce que vous allez devoir débattre avec nos militaires, avec la plupart des patrons américains, avec la majorité des Américains, avec presque toute la communauté scientifique et avec 200 pays à travers le monde qui sont d’accord pour dire que c’est un problème et qui entendent le régler. »
D’autant que ce changement peut être une opportunité : « Même si la planète n’était pas en jeu, même si 2014 n’avait pas été l’année la plus chaude jamais enregistrée, jusqu’à ce que 2015 s’avère encore plus chaude, pourquoi voudrions-nous laisser passer la chance pour les entreprises américaines de produire et de vendre l’énergie du futur ? » a questionné Barack Obama.
Immigration : « A chaque fois, nous avons vaincu ces peurs »
Même chose sur l’immigration : évoquant les bouleversements profonds qui ont touché les Etats-Unis au cours de l’histoire, il a appelé à garder le cap : « A chaque fois, certains nous disaient d’avoir peur de l’avenir. (…) A chaque fois, nous avons vaincu ces peurs. » Début décembre, la Maison Blanche avait dénoncé les propos « cyniques » et « destructeurs » de Donald Trump après sa proposition visant, sur fond de craintes d’attentats jihadistes, à interdire temporairement l’entrée des Etats-Unis aux musulmans.
« J’annonce un nouvel effort national » contre le cancer
Le président américain a annoncé une grande offensive pour « éradiquer » le cancer aux Etats-Unis. Une mission confiée à son vice-président Joe Biden, dont le fils est mort d’un cancer au cerveau.
« L’an dernier, le vice-président Biden avait dit que l’Amérique pourrait soigner le cancer comme elle a su conquérir la Lune. Le mois dernier, il a travaillé avec le Congrès pour donner aux scientifiques de l’Institut national de la santé les ressources les plus importantes qu’ils aient eues depuis plus de dix ans. Ce soir, j’annonce un nouvel effort national pour faire ce qu’il faut, a-t-il déclaré solennellement. Pour ceux qui nous sont chers et que nous avons perdus, pour les familles que nous pouvons encore sauver, faisons de l’Amérique le pays qui éradique le cancer une fois pour toutes. »
« Je continuerai à m’efforcer de fermer la prison de Guantanamo, tract de recrutement pour nos ennemis »
Le président a enfin replacé au premier plan une ancienne promesse de campagne sur laquelle il a jusqu’ici échoué : fermer la prison de Guantanamo, ouverte après les attentats du 11 septembre 2001. « Elle coûte cher, elle est inutile, et elle n’est qu’un tract de recrutement pour nos ennemis », a-t-il lancé, sous des applaudissements nourris.
Cuba : « Levez l’embargo ! »
Mettant en avant le chemin parcouru depuis l’annonce il y a un an du rapprochement avec Cuba, Barack Obama a une nouvelle fois appelé le Congrès à lever l’embargo économique américain. « Cinquante ans passés à isoler Cuba n’ont pas réussi à promouvoir la démocratie et nous ont fait reculer en Amérique latine. Vous voulez renforcer notre leadership et notre crédibilité sur le continent ? Admettez que la guerre froide est finie. Levez l’embargo ! »
President Obama’s speech to State Department employees today was billed as a major address on recasting American foreign policy in the Middle East.
It lived up to its billing. President Obama has deep-sixed the ‘realism’ that marked the first two years of his approach to the Middle East. He has returned to the foreign policy of George W. Bush. [I’m not sure of either contention] [but he has returned to Bush lite] [and Bush lite was very much Clinton who was very much Bush 41] [and US foreign policy is mostly continuity with incremental change and very little dramatic change] [and that’s just the way it is] [*]
The United States is no longer, the President told us in words he could have borrowed from his predecessor, a status quo power in the Middle East. The realist course of cooperating with oppressive regimes in a quest for international calm is a dead end. It breeds toxic resentment against the United States; it stores up fuel for an inevitable conflagration when the oppressors weaken; it stokes anti-Israel resentment when hatred of Israel becomes the only form of political activism open to ordinary people; it strengthens the hold of extremist religion and strangles the growth of liberal forces. [again, did we hear and read different speeches?] [or is this just the gas that is punditry?] [*]
More, he attacked Iran. All that talk about avoiding polarization with Iran is gone. Instead, President Obama singled out Iran as an oppressive, tyrannical regime supporting terror and running an “illicit nuclear program” as well.
He also followed Bush in attacking some US allies, calling on Bahrain and Yemen to make changes. It was a speech that enraged almost every powerful actor in the Middle East and put America out on a limb. Like Bush, Obama is willing to confront some of America’s closest allies [?] [*] (the Saudis, who back the crackdown in Bahrain). Like Bush, he hailed Iraq as an example of democracy and pluralism that can play a vital role in the transformation of the region. Like Bush, he proposes to work with opposition groups in friendly countries. [he pointedly avoided mentioning the Saudis] [*]
His policy on Israel-Palestine is also looking Bushesque. Like Bush, he wants a sovereign but demilitarized Palestinian state. Like Bush, he believes that the 1967 lines with minor and mutually agreed changes should be the basis for the permanent boundaries between the two countries — and like Bush he set Jerusalem and the refugees to one side. [yes] [*]
The President is nailing his colors to the mast of the Anglo-American revolutionary tradition. Open societies, open economies, religious freedom, minority rights: these are revolutionary ideas in much of the world. Americans have often been globally isolated as we stand for the rights of ordinary people (like immigrant African chambermaids in New York hotels) against the privilege of elites. [perhaps true but they have long been the stuff of U.S. mythology and therefore implicitly in US foreign policy] [take a look at Truman’s two models! Ours and theirs] [*] A faith in the capacity of the common woman and the common man to make good decisions (and in their right to make those decisions even if they are sometimes wrong) is the basis of America’s political faith; President Obama proclaimed today that this needs to be the basis of our policy in the Middle East.
In Power, Terror, Peace, and War, I wrote that the Bush administration had articulated a post 9/11 national strategy for the United States that was not only right, it was inescapable. But the Bush administration’s tactical errors and profoundly wrongheaded public diplomacy undermined support for those policies at home and abroad. [they made a hash of Iraq, to be sure] [I’m not sure there was any other option once in?] [*]
President Obama has long hesitated between the idea that Bush had the wrong strategy and the idea that the strategy was sound but that the tactics and presentation was poor. He seems now to have come down firmly on the side of the core elements of the Bush strategy. This frankly is more or less where I thought he would end up; American interests, American values and the state of the region don’t actually leave us that many alternatives.
The question President Obama — and we — now face is whether he can advance this strategy more effectively than President Bush did. I very much hope so, but the obstacles are high. [*] President Obama offended and annoyed virtually every important leader in the Middle East during his short speech. Some of the objectives he outlined (in particular, for successful economic development in Egypt) are horribly difficult to achieve. [any time a president says anything, he offends many of the leaders of the Middle East] [*] Our open enemies and many of our so-called ‘friends’ in the region will be working to foil our plans. One of the President’s assets, his relative popularity in the Arab world, is in free-fall as the latest Pew Survey reveals.
President Bush was and President Obama is, I believe, right to proclaim that history, even in the Middle East, is on America’s side. But history doesn’t always move on America’s timetable.
L’accord sur le nucléaire entre l’Iran et les puissances occidentales est entré en vigueur samedi après d’ultimes négociations à Vienne. Les sanctions économiques sur l’Iran sont désormais levées. Premier signe de réchauffement : Washington et Téhéran ont chacun libéré des prisonniers.
Une étape décisive a été franchie samedi 16 janvier dans la réconciliation entre l’Iran, les Etats-Unis et les puissances occidentales. “En fin de journée, après une gesticulation diplomatique empreinte de dramaturgie, écrit le New York Times, les Etats-Unis et les nations européennes ont levé les sanctions financières et sur le pétrole à l’encontre de l’Iran et débloqué quelque 100 milliards de dollars d’avoirs gelés [91 milliards d’euros]”.
Après l’accord historique sur le nucléaire signé le 14 juillet 2015 entre l’Iran et les chefs de la diplomatie américaine et européenne, par lequel Téhéran s’est engagé à limiter ses capacités nucléaires à un usage civil, il fallait encore attendre le verdict des inspecteurs de l’Agence internationale de l’énergie atomique (AIEA) sur “les promesses de l’Iran de démanteler de larges parts de son programme nucléaire”, explique le New York Times.
C’est donc chose faite, rapporte le quotidien iranien anglophone Tehran Times , qui annonce que “l’accord entre formellement en vigueur ce samedi”.
Cité par le journal, le président iranien Hassan Rouhani a déclaré en termes solennels que “les Iraniens ont fait un geste amical en direction du monde, laissant les inimitiés de côté, ainsi que les suspicions et les complots et ouvrant un nouveau chapitre des relations de l’Iran avec le monde”.
Signe de bonne volonté générale, dans la journée de samedi, annonce la presse américaine, le président Obama a libéré sept prisonniers iraniens tandis que l’Iran libérait de son côté quatre Américains dont le journaliste du Washington Post Jason Rezaian. Ce correspondant, qui possède la double nationalité américaine et iranienne, était en poste à Téhéran depuis 2012 pour le journal, rappelle le Washington Post qui accueille la nouvelle avec le titre “Enfin libre !”.
Les prisonniers, enjeu de la dispute
Jason Rezaian a été arrêté avec son épouse Yeganeh Salehi Rezaian le 22 juillet 2014, explique le Washington Post, “supposément en raison de ses ‘conspirations’ pour améliorer les relations des Etats-Unis avec l’Iran, ce que le chef suprême Ali Khameini s’était promis d’empêcher”. Malgré ces libérations de prisonniers en Iran, le quotidien demeure manifestement très réservé sur “le changement de cap de l’Iran” et inquiet “quant à ses transgressions du droit international”.
De leur côté, note le New York Times, les sept Iraniens libérés par les Etats-Unis étaient emprisonnés “pour violation des sanctions” économiques contre l’Iran. Le quotidien observe que cet échange de prisonniers “a effacé l’une des grandes causes d’irritation entre les deux parties”. L’administration Obama a prudemment devancé les critiques des opposants – républicains – à ces tractations souligne le journal. “Il a expliqué qu’il s’agissait d’une décision propice à renforcer le climat diplomatique qui s’est développé au cours des négociations sur le nucléaire”.
Au demeurant, les Iraniens “avaient soumis une liste bien plus longue de prisonniers à libérer”, poursuit le New York Times. De son côté, Téhéran n’a donné aucune indication aux Américains sur l’un de leurs ressortissants Robert A.Levinson, un agent du FBI à la retraite, “disparu” en 2007 en Iran.
Un grand marché qui s’ouvre
Sur le plan économique, l’accord sur le nucléaire qui entre en vigueur est vécu comme une excellente nouvelle pour toutes les parties. “La levée des sanctions est un tournant pour notre économie”, a souligné le président Hassan Rouhani dans un discours cité par Tehran Times.
A Munich, la Süddeutsche Zeitung rappelle que les sanctions économiques contre l’Iran ont aussi pénalisé les pays européens privés de pétrole et de gaz iranien depuis 2012. “Les importations ont alors chuté de 112 milliards de dollars à 42 milliards entre 2011 et 2013”, écrit le quotidien allemand.
La levée des sanctions profitera aussi “ à de nombreuses entreprises occidentales qui voient ainsi s’ouvrir un marché de 78 millions d’habitants”, conclut le journal.
Tout le monde ne se réjouit pas pour autant. En Algérie par exemple, le quotidien El Watan s’inquiète du retour du pétrole iranien sur le marché alors que les cours du pétrole sont déjà au plus bas, autour des 30 dollars le baril. Va-t-on “vers un baril à 20 dollars ?” titre le quotidien d’Alger. “Ce qui est certaitn pour bon nombre d’observateurs, c’est que l’excédent de pétrole stocké en Iran recherchera un débouché dès la levée des sanctions”, introduisant ainsi une nouvelle concurrence entre pays exportateurs dont l’Algérie fait partie.
Voir de plus:
Donald Trump : pourquoi l’Amérique adore le détester
Métro news
14-09-2015
ETATS UNIS – Le magnat de l’immobilier, qui participe mercredi au second débat pour la primaire républicaine, est le grand favori des sondages. Une ascension surprenante pour un candidat habitué aux polémiques en tous genres. La preuve par cinq.
Parmi les 17 candidats encore en lice, l’homme qui valait 4 milliards de dollars est en effet en tête des sondages.
Sa candidature devait être un feu de paille. Las, trois mois après son lancement dans la course à l’investiture républicaine, Donald Trump continue de faire cavalier seul. Parmi les 17 candidats encore en lice, l’homme qui valait 4 milliards de dollars est en effet en tête des sondages : Il recueille 32% des intentions de vote dans un nouveau sondage CNN, publié la semaine dernière. Une ascension faite à coup de grosses polémiques et de petites phrases, comme en témoignent les morceaux choisis suivants.
► Le racisme
Dès l’annonce de sa candidature, Donald Trump a stigmatisé les immigrés illégaux arrivant du Mexique, estimant que certains »sont des gens biens » mais que »la plupart sont des criminels et des violeurs. » Les communautés noire ou juive ne sont pas en reste, comme en témoigne cette anecdote rapportée par un ancien associé dans un livre : « Des Noirs qui comptent mon argent ? Je déteste ça. Les seules personnes que je veux voir compter mon argent sont des petits hommes portant la kippa tous les jours. »
► La misogynie
Jamais avare d’un commentaire salace sur Twitter, Donald Trump s’en est déjà pris à Hillary Clinton : « Comment peut-elle satisfaire son pays si elle ne satisfait pas son mari ? ». Même tonalité à l’égard de la patronne du Huffington Post, Arian na Huffington : « Elle est laide, aussi bien à l’intérieur qu’à l’extérieur. Je comprends tout à fait que son ex-mari l’ait quittée pour un homme : il a pris la bonne décision. »
► La méchanceté gratuite
En 2008, le candidat républicain John McCain s’incline face à Barack Obama. Est-ce la raison pour laquelle Donal Trump osera s’en prendre à ce vétéran du Vietnam ? « Il n’est pas un héros. Il est un héros de guerre parce qu’il a été capturé. J’aime les gens qui n’ont pas été capturés. » Plus récemment, c’est au tour de Rick Perry, ex-gouverneur du Texas, de faire les frais du milliardaire : « Il met des lunettes pour faire croire qu’il est intelligent, mais ça ne marche pas. »
► L’art du raccourci
Simple manque de culture ou bêtise profonde ? Donald Trump se fait régulièrement épingler durant ses interviews pour son incapacité à répondre à des questions évidentes quand on postule au poste de patron de la plus grande puissance du monde. Dernier exemple en date vendredi, sur une radio américaine : questionné sur l’importance de connaître la différence entre le Hamas et le Hezbollah, deux groupes qui menacent Israël, il a répondu : « Ce le sera quand ce sera approprié ». L’an passé, il soutient mordicus que les vaccins sont responsables de l’autisme : « Plus d’injections massives. Les petits enfants ne sont pas des chevaux. »
► Un ego surdimensionné
« Le festival du narcissisme de Donal Trump ». En juin dernier, le Washington Post s’est amusé à compiler les citations auto promotionnelles du candidat. Garanties sans trucages : « Je ferais le meilleur président des Etats-Unis jamais créé par Dieu », « Personne ne serait aussi efficace contre Daech que moi. Personne », « Je donne beaucoup d’argent à des œuvres caritatives et d’autres associations. Au fond, je pense être une bonne personne. » Rien que ça.
Robert Levinson, 68 ans, a disparu en 2007 dans l’île iranienne de Kish
Téhéran nie toute implication officielle dans sa disparition survenue il y a neuf ans
Le Juif américain Robert Levinson n’a pas été inclus dans l’échange de prisonniers avec l’Iran, a rapporté dimanche le quotidien Haaretz.
L’ Iran a libéré samedi cinq Américains, détenus dans ses prisons, dont quatre dans le cadre d’un échange de prisonniers qui incluait la libération de Jason Rezaian, un journaliste du Washington Post arrêté sur des accusations d’espionnage depuis 2014.
Levinson, 68 ans, originaire de Coral Springs, une ville située dans le sud-est de la Floride, a disparu depuis près de neuf ans.
CNN a cité la famille de Levinson exprimant son bonheur pour les autres familles, mais a déclaré être « dévastée » qu’il ne fasse pas partie des personnes libérées.
Sa famille a reconnu ces dernières années que Levinson, père de sept enfants, avait travaillé pour la CIA dans une opération secrète au moment de sa disparition dans l’île iranienne de Kish.
Levinson est un détective privé et ancien agent du FBI. Pendant des années, il a été rapporté qu’il travaillait en tant que détective privé quand il a disparu.
En 2013, le Washington Post et l’Associated Press ont révélé qu’il travaillait alors pour la CIA et était rémunéré par elle pour des missions, a rappelé le Times of Israel. Selon les mêmes sources, il se serait rendu sur place pour rencontrer un informateur en Iran, dans le but de récupérer des informations sur le programme nucléaire iranien.
« Bob Levinson n’était pas un employé du gouvernement américain quand il a disparu en Iran », avait affirmé le porte-parole de la Maison Blanche, en 2013.
L’Iran nie toute implication officielle dans sa disparition et le Washington Post, a cité un responsable américain anonyme déclarant que dans le cadre de l’accord d’échange, l’Iran « s’engageait à continuer à coopérer avec les Etats-Unis pour déterminer la localisation de Robert Levinson ».
Monsieur le Président, Monsieur le Vice-président, les membres du Congrès, mes compatriotes américains :
Ce soir marque la huitième année, je suis venu ici pour rendre compte de l’état de l’Union. Et pour cette dernière, je vais essayer de faire court. Je sais que certains d’entre vous sont impatients de revenir à Iowa.
Je comprends également que parce qu’elle est une saison d’élection, les attentes pour ce que nous allons atteindre cette année sont faibles. Pourtant, Monsieur le Président, je vous remercie de l’approche constructive que vous et les autres dirigeants ont pris à la fin de l’année dernière à adopter un budget et de faire des réductions d’impôt permanentes pour les familles qui travaillent. Donc, je l’espère, nous pouvons travailler ensemble cette année sur les priorités bipartites comme la réforme de la justice pénale, et aider les gens qui luttent contre l’abus de médicaments. Nous venons peut surprendre à nouveau les cyniques.
Mais ce soir, je veux aller simple sur la liste traditionnelle des propositions pour l’année à venir. Ne vous inquiétez pas, j’en ai beaucoup, d’aider les élèves à apprendre à écrire du code informatique de personnaliser les traitements médicaux pour les patients. Et je vais continuer à pousser pour des progrès sur le travail qui reste à faire. La réparation d’un système d’immigration cassé. Protéger nos enfants contre la violence armée. L’égalité de rémunération pour un travail égal, les congés payés, augmentation du salaire minimum. Toutes ces choses ont encore de l’importance pour les familles qui travaillent dur; elles sont toujours la bonne chose à faire; et je ne vais pas laisser tomber jusqu’à ce qu’elles se fassent.
Mais pour ma dernière allocution à cette chambre, je ne veux pas seulement parler de la prochaine année. Je veux me concentrer sur les cinq prochaines années, dix ans, et au-delà.
Je veux me concentrer sur notre avenir.
Nous vivons dans une époque de changement extraordinaire – le changement qui est le remodelage de la façon dont nous vivons, la façon dont nous travaillons, notre planète et de notre place dans le monde. Il est le changement qui promet d’étonnantes percées médicales, mais aussi des perturbations économiques qui grèvent les familles de travailleurs. Cela promet l’éducation des filles dans les villages les plus reculés, mais aussi relie des terroristes qui fomentent séparés par un océan de distance. Il est le changement qui peut élargir l’occasion, ou élargir les inégalités. Et que cela nous plaise ou non, le rythme de ce changement ne fera que s’accélérer.
L’Amérique s’est faite par le biais de grands changements avant – la guerre et la dépression, l’afflux d’immigrants, les travailleurs qui luttent pour un accord équitable, et les mouvements pour les droits civiques. Chaque fois, il y a eu ceux qui nous disaient de craindre l’avenir; qui prétendaient que nous ne pourrions freiner le changement, promettant de restaurer la gloire passée si nous venons de quelque groupe ou une idée qui menaçait l’Amérique sous contrôle. Et à chaque fois, nous avons surmonté ces craintes. Nous ne sommes pas, selon les mots de Lincoln, à adhérer aux « dogmes du passé calme. » Au lieu de cela nous avons pensé de nouveau, et de nouveau agi. Nous avons fait le travail de changement pour nous, étendant toujours la promesse de l’Amérique vers l’extérieur, à la prochaine frontière, à de plus en plus de gens. Et parce que nous l’avons fait – parce que nous avons vu des opportunités là où d’autres ne voyaient que péril – nous sommes sortis plus forts et mieux qu’avant.
Ce qui était vrai, alors peut être vrai aujourd’hui. Nos atouts uniques en tant que nation – notre optimisme et notre éthique de travail, notre esprit de découverte et d’innovation, notre diversité et de l’engagement à la règle de droit – ces choses nous donnent tout ce dont nous avons besoin pour assurer la prospérité et la sécurité pour les générations à venir.
En fait, il est cet esprit qui a fait le progrès de ces sept dernières années possible. Il est comment nous avons récupéré de la pire crise économique depuis des générations. Il est comment nous avons réformé notre système de soins de santé, et réinventé notre secteur de l’énergie; comment nous avons livré plus de soins et les avantages pour nos troupes et les anciens combattants, et comment nous avons obtenu la liberté dans tous les états d’épouser la personne que nous aimons.
Mais ces progrès ne sont pas inévitables. Il est le résultat de choix que nous faisons ensemble. Et nous sommes confrontés à ces choix en ce moment. Allons-nous répondre aux changements de notre temps avec la peur, le repli sur soi en tant que nation, et en nous tournant les uns contre les autres en tant que peuple ? Ou allons-nous affronter l’avenir avec confiance dans ce que nous sommes, ce que nous représentons, et les choses incroyables que nous pouvons faire ensemble ?
Donc, nous allons parler de l’avenir, et de quatre grandes questions que nous avons en tant que pays à répondre – peu importe qui sera le prochain président, ou qui contrôlera le prochain Congrès.
Tout d’abord, comment pouvons-nous donner à chacun une chance équitable de l’occasion et de la sécurité dans cette nouvelle économie ?
Deuxièmement, comment pouvons-nous mettre la technologie pour nous, et non contre nous – surtout quand cela concerne la résolution de problèmes urgents comme le changement climatique?
Troisièmement, comment pouvons-nous garder l’Amérique en sécurité et conduire le monde sans en devenir le policier ?
Et enfin, comment pouvons-nous faire que nos politiques reflètent ce qui est meilleur en nous, et non pas ce qui est pire ?
Permettez-moi de commencer par l’économie, et un fait de base : les États-Unis d’Amérique, en ce moment, a la plus forte économie, la plus durable dans le monde. Nous sommes au milieu de la plus longue série de la création d’emplois par le secteur privé dans l’histoire. Plus de 14 millions de nouveaux emplois; les deux plus fortes années de croissance de l’emploi depuis les années 90; un taux de chômage réduit de moitié. Notre industrie automobile a juste eu sa meilleure année. Le secteur manufacturier a créé près de 900 000 nouveaux emplois au cours des six dernières années. Et nous avons fait tout cela tout en réduisant nos déficits de près des trois quarts.
Toute personne affirmant que l’économie américaine est en déclin colporte une fiction. Ce qui est vrai – et la raison pour laquelle beaucoup d’Américains se sentent anxieux – est que l’économie a changé de manière profonde, changements qui ont commencé bien avant la Grande Récession et ne l’ont pas laissée en place. Aujourd’hui, la technologie ne remplace pas simplement des emplois sur la ligne d’assemblage, mais tout emploi où le travail peut être automatisé. Les entreprises dans une économie mondiale peuvent localiser n’importe où, et faire face à une concurrence accrue. En conséquence, les travailleurs ont moins de levier pour une relance. Les entreprises ont moins de loyauté à leurs communautés. Et de plus en plus de richesses et de revenus sont concentrées au sommet.
Toutes ces tendances ont pressé les travailleurs, même quand ils ont un emploi; même lorsque l’économie est en croissance. Il est rendu plus difficile pour une famille travailleuse de se sortir de la pauvreté, plus difficile pour les jeunes de commencer leur carrière, et plus difficile pour les travailleurs de prendre leur retraite quand ils veulent. Et même si aucune de ces tendances n’est unique en Amérique, elles n’ offensent pas notre conviction typiquement américaine que tout le monde qui travaille dur devrait avoir une chance équitable.
Pour les sept dernières années, notre objectif a été de plus en plus une économie qui fonctionne mieux pour tout le monde. Nous avons fait des progrès. Mais nous devons en faire plus. Et malgré tous les arguments politiques que nous avons eus ces dernières années, il y a certains domaines où les Américains s’accordent dans l’ensemble.
Nous convenons que la réelle opportunité exige que chaque Américain puisse obtenir l’éducation et la formation dont il a besoin pour décrocher un emploi bien rémunéré. La réforme bipartisane de No Child Left Behind a été un début important, et ensemble, nous avons augmenté l’éducation de la petite enfance, levé le taux de diplome du secondaire à de nouveaux sommets, et stimulé les diplômés dans des domaines tels que l’ingénierie. Dans les prochaines années, nous devons nous appuyer sur ces progrès, en fournissant Pre-K pour tous, offrant à chaque élève les mains sur les classes d’informatique et de mathématiques faisant de ses élèves prêts à l’emploi le jour J, et nous devons recruter et soutenir une plus grande quantité d’enseignants pour nos enfants.
Et nous devons faire l’université abordable pour tous les Américains. Parce qu’aucun étudiant travailleur ne doit être coincé dans le rouge. Nous avons déjà réduit les paiements de prêts aux étudiants de dix pour cent du revenu de l’emprunteur. Maintenant, nous sommes effectivement arrivés à réduire le coût de collège. Fournir deux années de collège communautaire à aucun coût pour chaque étudiant responsable est l’une des meilleures façons de faire cela, et je vais continuer à me battre pour obtenir cela en commençant cette année.
Bien sûr, une bonne éducation n’est pas tout ce dont nous avons besoin dans cette nouvelle économie. Nous devons aussi les avantages et les protections qui fournissent une mesure de sécurité de base. Après tout, il n’y a pas beaucoup de dire que certaines des seules personnes en Amérique qui vont travailler le même travail, au même endroit, avec un package de santé et de retraite, pendant 30 ans, sont assis dans cette chambre. Pour tous les autres, en particulier les gens dans la quarantaine et la cinquantaine, l’épargne pour la retraite ou rebondissant d’une perte d’emploi c’est beaucoup plus difficile. Aux Américains de comprendre qu’à un certain moment de leur carrière, ils peuvent avoir à se rééquiper et se recycler. Mais ils ne doivent pas perdre ce qu’ils ont déjà travaillé si dur à construire.
Voilà pourquoi la sécurité sociale et l’assurance-maladie sont plus importants que jamais; nous ne devrions pas les affaiblir, nous devrions les renforcer. Et pour les Américains à court de retraite, les prestations de base devraient être tout aussi mobiles que tout le reste aujourd’hui. Voilà ce que l’Affordable Care Act représente. Il s’agit de combler les lacunes dans les soins par l’employeur de sorte que lorsque nous perdons un emploi ou si on retourne à l’école, de démarrer cette nouvelle activité, nous aurons encore la couverture. Près de dix-huit millions ont acquis la couverture jusqu’ici. L’inflation des soins de santé a ralenti. Et nos entreprises ont créé des emplois chaque mois depuis que c’est devenu loi.
Maintenant, je devine que nous ne serons pas d’accord sur les soins de santé de sitôt. Mais il devrait y avoir d’autres façons pour les deux parties d’améliorer la sécurité économique. Dites un travailleur perd son emploi américain – nous ne devrions pas faire en sorte qu’il puisse obtenir l’assurance-chômage; nous devons nous assurer que le programme l’encourage à se recycler pour une entreprise qui est prête à l’embaucher. Si ce nouvel emploi ne paie pas autant, il devrait y avoir un système d’assurance de salaire en place de sorte qu’il peut encore payer ses factures. Et même s’il va d’un emploi à un autre, il devrait encore être en mesure d’épargner pour la retraite et de prendre ses économies avec lui. Voilà la façon dont nous faisons au mieux, travail pour tout le monde la nouvelle économie.
Je sais aussi le Président Ryan a parlé de son intérêt dans la lutte contre la pauvreté. L’Amérique c’est de donner un coup de main à tous prêts à travailler , et je serais heureux d’une discussion sérieuse sur les stratégies que nous pouvons tous à appuyer, comme l’expansion des réductions d’impôt pour les travailleurs à faible revenu sans enfants.
Mais il y a d’autres domaines où il a été plus difficile de trouver un accord au cours des sept dernières années – à savoir quel rôle le gouvernement devrait jouer pour assurer le système pas truqué en faveur des sociétés les plus riches et les plus grands. Et ici, le peuple américain a un choix à faire.
Je crois à un secteur privé florissant l’élément vital de notre économie. Je pense qu’il y a des règlements désuets qui ont besoin d’être changés, et il y a la paperasserie qui doit être coupée. Mais après des années de bénéfices des sociétés records, les familles de travailleurs n’auront pas obtenu plus de chances ou de grands chèques de paie en laissant de grandes banques ou des fonds de gros de pétrole ou de hedge funds qui font leurs propres règles au détriment de tout le monde; ou en permettant que des attaques sur la négociation collective restent sans réponse. Les bénéficiaires de bons d’alimentation n’ont pas causé la crise financière; l’imprudence de Wall Street l’a fait. Les immigrants ne sont pas la raison de la hausse des salaires ; ces décisions sont prises dans les conseils d’administration qui mettent trop souvent des résultats trimestriels plus que rendements à long terme. Il est sûr que ce n’est pas la famille moyenne qui regarde ce soir qui évite de payer des impôts à travers des comptes offshore. Dans cette nouvelle économie, les travailleurs et les start-ups et les petites entreprises ont besoin de plus d’une voix, pas moins. Les règles devraient travailler pour eux. Et cette année, je prévois de lever les nombreuses entreprises qui ont compris que faire le droit par leurs travailleurs finit par être bon pour leurs actionnaires, leurs clients et leurs collectivités, de sorte que nous pouvons diffuser ces meilleures pratiques à travers l’Amérique.
En fait, beaucoup de nos meilleures entreprises citoyennes sont aussi nos plus créatives. Cela nous amène à la deuxième grande question que nous devons répondre en tant que pays : comment pouvons-nous raviver cet esprit d’innovation pour répondre à nos plus grands défis ?
Il y a soixante ans, quand les Russes nous ont battus dans l’espace, nous ne niions pas que Spoutnik était là-haut. Nous ne disputions pas sur la science, ou aller à réduire notre budget de recherche et développement. Nous avons construit un programme spatial presque toute la nuit, et douze ans plus tard, nous marchions sur la lune.
Cet esprit de découverte est dans notre ADN. Nous sommes Thomas Edison et Carver les frères Wright et George Washington. Nous sommes Grace Hopper et Katherine Johnson et Sally Ride. Nous sommes tous les immigrants et entrepreneurs de Boston à Austin à la Silicon Valley dans la course à façonner un monde meilleur. Et au cours des sept dernières années, nous avons nourri cet esprit.
Nous avons protégé un internet ouvert, et pris de nouvelles mesures audacieuses pour obtenir plus d’étudiants et les Américains à faible revenu en ligne. Nous avons lancé des centres de fabrication de la prochaine génération, et des outils en ligne qui donnent à un entrepreneur tout ce qu’il ou elle a besoin pour démarrer une entreprise en une seule journée.
Mais nous pouvons faire beaucoup plus. L’année dernière, le vice-président Biden a déclaré que, avec une nouvelle moonshot, l’Amérique ne peut guérir le cancer. Le mois dernier, il a travaillé avec le Congrès pour donner des scientifiques des National Institutes of Health des ressources les plus fortes qu’ils aient eues depuis plus d’une décennie. Ce soir, je vais annoncer une nouvelle initiative nationale pour le faire. Et parce qu’il est allé au charbon pour nous tous, sur tant de questions au cours des quarante dernières années, je suis en train de mettre Joe en charge du contrôle de la mission. Pour les proches, nous avons tous perdu, pour la famille, nous pouvons encore sauver, nous allons faire de l’Amérique le pays qui guérit le cancer une fois pour toutes.
La recherche médicale est critique. Nous avons besoin du même niveau d’engagement en matière de développement de sources d’énergie propre.
Regardez, si quelqu’un veut encore contester la science dans le changement climatique, … Vous serez assez solitaire, parce que vous serez à vous débatter contre nos militaires, la plupart de l’Amérique des chefs d’entreprise, la majorité du peuple américain, la quasi-totalité de la communauté scientifique, et 200 pays à travers le monde qui sont d’accord que c’est un problème et qui tentent de le résoudre.
Mais même si la planète n’était pas en jeu; même si 2014 n’avait pas été l’année la plus chaude enregistrée – jusqu’en 2015 avérée encore plus chaud – pourquoi voudrions-nous laisser passer la chance pour les entreprises américaines de produire et vendre l’énergie de l’avenir?
Il y a sept ans, nous avons fait le plus gros investissement dans l’énergie propre dans notre histoire. Voici les résultats. Dans les champs de l’Iowa au Texas, l’énergie éolienne est maintenant moins chère que sale, puissance conventionnelle. Sur les toits de l’Arizona à New York, l’énergie solaire aide des Américains à sauver des dizaines de millions de dollars par an sur leurs factures d’énergie, et emploie plus d’Américains que le charbon – dans des emplois qui paient mieux que la moyenne. Nous prenons des mesures pour donner aux propriétaires la liberté de produire et de conserver leur propre énergie – quelque chose écologiste et Tea Partiers se sont associés pour soutenir. Pendant ce temps, nous avons réduit nos importations de pétrole étranger de près de soixante pour cent, et réduirt la pollution de carbone de plus que tout autre pays sur Terre.
l’essence à moins de deux dollars par gallon c’est pas mal non plus.
Maintenant, nous devons accélérer la transition loin de l’énergie sale. Plutôt que de subventionner le passé, nous devons investir dans l’avenir – en particulier dans les communautés qui dépendent des combustibles fossiles. Voilà pourquoi je vais pousser à changer la façon dont nous gérons nos ressources de pétrole et de charbon, afin qu’ils reflètent mieux les coûts qu’ils imposent aux contribuables et de notre planète. De cette façon, nous avons mis de l’argent dans ces communautés et de mettre des dizaines de milliers d’Américains à travailler à la construction d’un système de transport du 21e siècle.
Rien de tout cela ne se produira du jour au lendemain, et oui, il ya beaucoup d’intérêts bien établis qui veulent protéger le statu quo. Mais les emplois, nous allons créer, l’argent que nous allons économiser, et la planète nous allons préserver – voilà le genre d’avenir à nos enfants et petits-enfants méritent.
Le changement climatique est l’une des nombreuses questions où notre sécurité est liée au reste du monde. Et voilà pourquoi la troisième grande question que nous devons répondre est de savoir comment garder l’Amérique sûre et forte sans que ni nous isoler ou d’essayer de nation-construction partout il ya un problème.
Je vous ai dit plus tôt tous les discours sur le déclin économique de l’Amérique est de l’air chaud politique. Eh bien, il en est pareil de toute la rhétorique d’entendre parler que nos ennemis deviennent plus forts et que l’Amérique est en train de devenir plus faible. Les Etats-Unis d’Amérique est la nation la plus puissante de la Terre. Point final. Ce n’ est même pas proche. Nous dépensons plus sur nos militaires que les huit pays suivants combinés. Nos troupes sont la force de combat la plus belle dans l’histoire du monde. Aucune nation n’ose nous défier ou nos alliés attaquer parce qu’ils savent que le chemin est vers la ruine. Les enquêtes montrent notre position dans le monde est plus élevée que lorsque je fus élu à ce poste, et quand il vient à chaque question internationale importante, les gens du monde ne regardent pas à Pékin ou Moscou – ils nous appellent.
Comme quelqu’un qui commence chaque journée par un briefing sur le renseignement, je sais que cela est un moment dangereux. Mais cela ne cause de la puissance américaine diminution ou une superpuissance imminente. Dans le monde d’aujourd’hui, nous sommes moins menacés par les empires du mal et plus par les Etats défaillants. Le Moyen-Orient passe par une transformation qui va se jouer pour une génération, enracinée dans les conflits qui remontent à des millénaires. Les difficultés économiques soufflent d’une économie chinoise en transition. Même que leurs contrats de l’économie, la Russie verse des ressources pour soutenir l’Ukraine et la Syrie – Unis qu’ils voient glisser hors de leur orbite. Et le système international que nous avons construit après la Seconde Guerre mondiale a maintenant du mal à suivre le rythme de cette nouvelle réalité.
Il est à nous pour aider à refaire ce système. Et cela signifie que nous devons établir des priorités.
La priorité numéro un est de protéger le peuple américain et aller après les réseaux terroristes. Les deux d’Al-Qaïda et maintenant ISIL posent une menace directe pour notre peuple, parce que dans le monde d’aujourd’hui, même une poignée de terroristes qui ne donnent aucune valeur à la vie humaine, y compris leur propre vie, peut faire beaucoup de dégâts. Ils utilisent l’Internet pour empoisonner l’esprit des individus à l’intérieur de notre pays; ils sapent nos alliés.
Mais comme nous nous concentrons sur la destruction ISIL, over-the-top on affirme que cela est la troisième guerre mondiale qui vient jouer dans leurs mains. Messes de combattants à l’arrière de camionnettes et âmes tordues traçage dans des appartements ou des garages posent un énorme danger pour les civils et doivent être arrêtés. Mais ils ne menacent pas notre existence nationale. Voilà ce que l’histoire ISIL veut dire; Voilà le genre de propagande qu’ils utilisent pour recruter. Nous ne devons pas les faire augmenter pour montrer que nous sommes sérieux, et nous ne devons repousser nos alliés essentiels dans ce combat en faisant l’écho du mensonge que ISIL est représentant d’une des plus grandes religions du monde. Nous avons juste besoin de les appeler ce qu’ils sont – des tueurs et des fanatiques qui doivent être extirpés, traqués et détruits.
Voilà exactement ce que nous faisons. Pendant plus d’un an, l’Amérique a mené une coalition de plus de 60 pays pour couper le financement de ISIL, perturber leurs parcelles, arrêter le flux de combattants terroristes et éradiquer leur idéologie vicieuse. Avec près de 10 000 frappes aériennes, nous prenons leur leadership, leur pétrole, leurs camps d’entraînement, et leurs armes. Nous formons, l’armement, et de soutenir les forces qui vont régulièrement récupéer ses territoires en Irak et la Syrie.
Si ce Congrès est sérieux au sujet de gagner cette guerre, et veut envoyer un message à nos troupes et au monde, vous devriez enfin autoriser l’usage de la force militaire contre ISIL. Prenez un vote. Mais le peuple américain doit savoir que, avec ou sans action du Congrès, ISIL va apprendre les mêmes leçons que les terroristes avant eux. Si vous doutez de l’engagement de l’Amérique – ou du mien – de voir que justice soit faite, demander à Oussama ben Laden. Demandez au chef d’Al-Qaïda au Yémen, qui a été pris l’an dernier, ou l’auteur des attaques de Benghazi, qui se trouve dans une cellule de prison. Quand vous venez après les Américains, nous allons après vous. Cela peut prendre du temps, mais nous avons la mémoire longue, et notre portée n’a pas de limite.
Notre politique étrangère doit être axée sur la menace de ISIL et al-Qaïda, mais elle ne peut pas s’arrêter là. Car même sans ISIL, l’instabilité continuera pendant des décennies dans de nombreuses parties du monde – dans le Moyen-Orient, en Afghanistan et au Pakistan, dans certaines parties de l’Amérique centrale, en Afrique et en Asie. Certains de ces endroits peuvent devenir des refuges pour les nouveaux réseaux terroristes; d’autres seront victimes de conflit ethnique, ou la faim, nourrir la prochaine vague de réfugiés. Le monde se tournent vers nous pour aider à résoudre ces problèmes, et notre réponse doit être plus que de parler dur ou des appels aux civils tapis de bombes. Cela peut fonctionner comme une morsure sonore du téléviseur, mais il ne passe pas de rassemblement sur la scène mondiale.
Nous ne pouvons pas essayer de prendre le relais et de reconstruire tous les pays qui tombent dans la crise. Cela ne se veut pas le leadership; qui est une recette pour un bourbier, déversant du sang américain et le trésor qui nous affaiblit finalement. C’ est la leçon du Vietnam, de l’Irak – et nous devrions avoir appris par l’entreprise.
Heureusement, il y a une approche plus intelligente, une stratégie patiente et disciplinée qui utilise tous les éléments de notre puissance nationale. Il dit l’Amérique agira toujours, seule si nécessaire, pour protéger notre peuple et nos alliés; mais sur des questions d’intérêt mondial, nous allons mobiliser le monde pour travailler avec nous, et assurez-vous que les autres pays tirent leur propre poids.
Voilà notre approche de conflits comme la Syrie, où nous travaillons en partenariat avec les forces locales et conduisant efforts internationaux pour aider cette société brisée à poursuivre une paix durable.
Voilà pourquoi nous avons construit une coalition mondiale, avec des sanctions et la diplomatie de principe, pour empêcher un Iran nucléaire. Alors que nous parlons, l’Iran a roulé en arrière de son programme nucléaire, expédié ses stocks d’uranium, et le monde a évité une autre guerre.
Voilà comment nous nous sommes arrêtés la propagation du virus Ebola en Afrique de l’Ouest. Notre armée, nos médecins et nos travailleurs de développement mis en place la plate-forme qui a permis à d’autres pays à se joindre à éradiquer cette épidémie.
Voilà comment nous avons noué un partenariat Trans-Pacifique à ouvrir les marchés, protéger les travailleurs et l’environnement, et de faire progresser le leadership américain en Asie. Il coupe 18.000 taxes sur les produits Made in America, et prend en charge plus de bons emplois. Avec PPT, la Chine ne définit pas les règles dans cette région, ce que nous faisons. Vous voulez montrer notre force dans ce siècle ? Approuver cet accord. Donnez-nous les outils pour le faire respecter.
Cinquante ans d’isolement de Cuba ont échoué à promouvoir la démocratie, nous mettant de retour en Amérique latine. Voilà pourquoi nous avons rétabli des relations diplomatiques, a ouvert la porte de voyager et de commerce, et nous sommes positionnés pour améliorer la vie du peuple cubain. Vous souhaitez consolider notre leadership et la crédibilité dans l’hémisphère ? Reconnaître que la guerre froide est terminée. Levez l’embargo.
Le leadership américain dans le 21e siècle n’est pas un choix entre ignorer le reste du monde – sauf quand nous tuons les terroristes; ou l’occupation et la reconstruction de ce que la société se délite. Leadership signifie une application judicieuse de la puissance militaire, et de rallier le monde derrière les causes qui sont droites. Cela signifie voir notre aide à l’étranger dans le cadre de notre sécurité nationale, pas la charité. Lorsque nous menons près de 200 nations à l’accord le plus ambitieux de l’histoire à lutter contre le changement climatique – qui aide les pays vulnérables, mais il protège aussi nos enfants. Lorsque nous aidons l’Ukraine à défendre sa démocratie, ou la Colombie à résoudre une guerre longue de plusieurs décennies, qui renforce l’ordre international nous dépendons. Lorsque nous aidons les pays africains à nourrir leur population et de soins pour les malades, qui empêche la prochaine pandémie d’atteindre nos côtes. En ce moment, nous sommes sur la bonne voie pour mettre fin au fléau du VIH / sida, et nous avons la capacité d’accomplir la même chose avec le paludisme – quelque chose que je vais poussais ce Congrès pour financer cette année.
Voilà la force. Voilà leadership. Et ce genre de leadership dépend de la puissance de notre exemple. Voilà pourquoi je vais continuer à travailler pour fermer la prison de Guantanamo: il est coûteux, il est inutile, et il ne sert que d’une brochure de recrutement pour nos ennemis.
Voilà pourquoi nous devons rejeter toute politique qui vise les personnes en raison de la race ou de la religion. Ce ne sont pas une question de rectitude politique. Il est une question de comprendre ce qui nous rend forts. Le monde nous respecte pas seulement pour notre arsenal; il nous respecte pour notre diversité et notre ouverture et de la façon dont nous respectons toutes les religions. Sa Sainteté, François, dit ce corps de l’endroit même je me tiens ce soir que « d’imiter la haine et la violence des tyrans et des meurtriers est le meilleur moyen de prendre leur place. » Quand les politiciens insulte les musulmans, quand une mosquée est vandalisée, ou un enfant victime d’intimidation, qui ne nous rend pas plus sûr. Cela ne la raconte comme il est. Il est tout simplement faux. Il nous diminue dans les yeux du monde. Il rend plus difficile à atteindre nos objectifs. Et il trahit qui nous sommes en tant que pays.
« Nous le peuple. »
Notre Constitution commence par ces trois mots simples, des mots que nous avons appris à reconnaître signifient toutes les personnes, pas seulement certains; mots qui insistent pour que nous ascension et la chute ensemble. Cela me amène à la quatrième, et peut-être la chose la plus importante que je veux dire ce soir.
L’avenir que nous voulons – possibilités et la sécurité pour nos familles; une progression du niveau de vie et, une planète pacifique durable pour nos enfants – tout ce qui est à notre portée. Mais il ne se produira que si nous travaillons ensemble. Il ne se produira que si nous pouvons avoir des débats constructifs, rationnels.
Il ne se produira que si nous fixons notre politique.
Une meilleure politique ne signifie pas que nous avons d’accord sur tout. Ceci est un grand pays, avec différentes régions et les attitudes et les intérêts. Voilà une de nos forces, aussi. Nos fondateurs distribués pouvoir entre les Etats et les branches du gouvernement, et nous attend pour faire valoir, tout comme ils l’ont fait, au cours de la taille et la forme du gouvernement, sur le commerce et les relations étrangères, sur le sens de la liberté et les impératifs de sécurité.
Mais la démocratie exige obligations de base de la confiance entre ses citoyens. Il ne fonctionne pas si nous pensons que les gens qui sont en désaccord avec nous sont tous motivés par la malveillance, ou que nos adversaires politiques sont antipatriotiques. Démocratie enraye sans volonté de compromis; ou quand même des faits fondamentaux sont contestés, et nous écoutent qu’à ceux qui sont d’accord avec nous. Notre vie publique flétrit lorsque seules les voix les plus extrêmes attirer l’attention. La plupart de tous, la démocratie tombe en panne lorsque la personne moyenne se sent leur voix n’a pas d’importance; que le système est truqué en faveur de la riche ou puissant ou un certain intérêt étroit.
Trop nombreux Américains se sentent de cette façon en ce moment. Il est l’un des quelques regrets de ma présidence – que la rancœur et de méfiance entre les parties a empiré au lieu de mieux. Il ne fait aucun doute un président avec les dons de Lincoln ou Roosevelt pourrait avoir mieux comblé le fossé, et je vous garantis que je vais continuer à essayer de mieux tant que je tiens ce bureau.
Mais, mes chers compatriotes, ce ne peut pas être ma tâche – ou tout président de – seul. Il ya un tas de gens dans cette enceinte qui aimeraient voir plus de coopération, un débat plus élevée à Washington, mais se sentent piégés par les exigences de se faire élire. Je sais; vous me l’avez dit. Et si nous voulons une meilleure politique, il ne suffit pas de simplement changer un député ou d’un sénateur ou même un président; nous devons changer le système afin de refléter nos meilleures mêmes.
Nous devons mettre fin à la pratique du dessin nos districts du Congrès afin que les politiciens peuvent choisir leurs électeurs, et non l’inverse. Nous devons réduire l’influence de l’argent dans notre politique, de sorte que d’une poignée de familles et intérêts cachés ne peut pas financer nos élections – et si notre approche actuelle de financement de la campagne ne peut pas passer rassemblement devant les tribunaux, nous avons besoin de travailler ensemble de trouver une vraie solution. Nous devons rendre le vote plus facile, pas plus dur, et le moderniser pour la façon dont nous vivons aujourd’hui. Et au cours de cette année, je me propose de parcourir le pays pour promouvoir des réformes qui le font.
Mais je ne peux pas faire ces choses sur mon propre. Des changements dans notre processus politique – dans non seulement qui est élu, mais la façon dont ils sont élus – qui ne se produira que lorsque les Américains l’exigent. Il dépendra de vous. Voilà ce qui signifiait par un gouvernement de, par et pour le peuple.
Qu’est-ce que je demande est difficile. Il est plus facile d’être cynique; à accepter que le changement est impossible, et la politique est sans espoir, et de croire que nos voix et les actions ne comptent pas. Mais si nous abandonnons maintenant, alors que nous abandonnons un avenir meilleur. Ceux qui ont de l’argent et le pouvoir aura un plus grand contrôle sur les décisions qui pourraient envoyer un jeune soldat à la guerre, ou permettre à un autre désastre économique, ou reculer l’égalité des droits et des droits de vote que des générations d’Américains ont combattu, même morts, à sécuriser. Comme la frustration grandit, il y aura des voix qui nous exhortent à se replier en tribus, bouc émissaire concitoyens qui ne nous ressemblent pas, ou de prier comme nous, ou voter comme nous le faisons, ou de partager le même fond.
Nous ne pouvons pas aller dans cette voie. Il ne livrera pas l’économie que nous voulons, ou la sécurité que nous voulons, mais la plupart de tous, il contredit tout ce qui fait l’envie du monde.
Donc, mon compagnon Américains, tout ce que vous pouvez croire, si vous préférez un parti ou d’aucun parti, notre avenir collectif dépend de votre volonté de respecter vos obligations en tant que citoyen. Voter. Pour parler. Pour se lever pour d’autres, en particulier les faibles, en particulier les plus vulnérables, sachant que chacun de nous est ici seulement parce que quelqu’un, quelque part, se leva pour nous. Pour rester actif dans notre vie publique de sorte qu’il reflète la bonté et de la décence et d’optimisme que je vois dans le peuple américain chaque jour.
Ce ne sera pas facile. Notre marque de la démocratie est difficile. Mais je peux vous promettre que dans un an à partir de maintenant, quand je ne tiens plus ce bureau, je serai là avec vous en tant que citoyen – inspiré par ces voix de l’équité et de la vision, de courage et de bonne humeur et de gentillesse qui ont aidé l’Amérique voyager si loin. Voix qui nous aident à nous voyons pas en premier lieu comme noir ou blanc ou asiatique ou latino, non pas comme gay ou hétéro, immigrant ou nées; pas tant que démocrates ou républicains, mais en tant que premier Américains, liés par une croyance commune. La Voix du Dr King aurait cru avoir le dernier mot – voix de la vérité désarmée et l’amour inconditionnel.
Ils sont là, ces voix. Ils ne reçoivent pas beaucoup d’attention, ils ne sollicitent pas, mais ils sont en train de faire le travail ce pays a besoin de faire.
Je les vois partout où je voyage dans cet incroyable pays qu’est le nôtre. Je te vois. Je sais que vous êtes là. Vous êtes la raison pour laquelle je dois tels incroyable confiance en notre avenir. Parce que je vois votre calme, la citoyenneté solide tout le temps.
Je le vois dans le travailleur sur la ligne d’assemblage qui a réussi quarts de travail supplémentaires pour garder son entreprise ouverte, et le patron qui lui verse des salaires plus élevés pour le garder à bord.
Je le vois dans le Rêveur qui reste jusqu’à la fin pour terminer son projet de science, et l’enseignant qui vient au début parce qu’il sait qu’elle pourrait un jour guérir une maladie.
Je le vois dans l’américain qui a servi son temps, et rêve de partir sur – et le propriétaire de l’entreprise qui lui donne une deuxième chance. Le manifestant déterminé à prouver que les questions de justice, et le jeune flic marchant le rythme, traiter tout le monde avec respect, faire le brave, le travail calme de nous protéger.
Je le vois dans le soldat qui donne presque tout pour sauver ses frères, l’infirmière qui tend à lui ’til il peut courir un marathon, et la communauté qui aligne pour l’encourager.
Il est le fils qui trouve le courage de sortir de qui il est, et le père dont l’amour pour ce fils l’emporte sur tout ce qu’il a été enseigné.
Je le vois dans la femme âgée qui va attendre en ligne pour jeter son vote tant qu’elle doit; le nouveau citoyen qui lui jette pour la première fois; les bénévoles dans les urnes qui croient que chaque vote doit compter, parce que chacun d’entre eux de différentes manières savent combien ce droit précieux vaut.
Voilà l’Amérique que je connais. Voilà le pays que nous aimons. Lucide. Grand coeur. Optimiste que la vérité désarmée et l’amour inconditionnel auront le dernier mot. Voilà ce qui me rend si optimiste sur notre avenir. À cause de toi. Je crois en toi. Voilà pourquoi je suis ici convaincu que l’état de notre Union est forte.
Merci, que Dieu vous bénisse, et que Dieu bénisse les Etats-Unis d’Amérique.
Des « pieux » mensonges de Sartre pour ne pas désespérer Billancourt, couvrant ainsi les crimes communistes dont il devenait complice de fait… aux mensonges et falsifications de la meute anti-israélienne, couvrant ainsi les crimes terroristes arabo-islamistes dont ils se rendent complices, existe-il une différence de nature? (…) De quoi auraient l’air une Sallenave ou un Pascal Boniface ou encore une Leïla Shahid sans l’appoint d’un quelconque supplétif juif?David Dawidowicz
Le cas de Guy Sorman est révélateur, parce qu’il montre bien comment le rejet des origines conduit à douter de l’avenir d’Israël, et à remettre en cause le droit à l’existence de l’Etat juif. L’analyse du discours de Sorman et des autres « Alterjuifs » permet de comprendre la maladie qui atteint aujourd’hui une grande partie de l’establishment politique israélien : le refus d’assumer l’héritage national juif et la haine des origines » (…) Le discours d’un Sorman n’est pas sans conséquence : il sert, en effet, de légitimation aux volontés génocidaires des pires ennemis de l’Etat juif, et aux considérations de realpolitik des diplomates du Quai d’Orsay et des autres chancelleries occidentales, qui sont intimement persuadés, comme la majorité des interlocuteurs musulmans de Sorman, que l’Etat d’Israël est provisoire et qu’il aura bientôt disparu. Chaque époque a les intellectuels qu’elle mérite. En juin 1967, l’ombre d’Auschwitz, qui planait sur Israël, avait conduit de nombreux écrivains français, juifs et non juifs, à prendre la défense du petit Etat hébreu menacé de destruction. Quarante ans plus tard, il est beaucoup plus « tendance », pour un écrivain français, de célébrer « l’Islam des Lumières », de chanter les louanges de la charia, tout en prédisant la prochaine disparition d’Israël et des Juifs. P.I. Lurçat
Que le Président Nasser veuille ouvertement détruire un Etat membre des Nations Unies ne trouble pas la conscience délicate de Mme Nehru. Etacide, biensûr, n’est pas génocide. Et les Juifs français qui ont donné leur âme à tous les révolutionnaires noirs, bruns ou jaunes hurlent maintenant de douleur pendant que leurs amis hurlent à la mort. Je souffre comme eux, avec eux, quoi qu’ils aient dit ou fait, non parce que nous sommes devenus sionistes ou israéliens, mais parce que monte en nous un mouvement irrésistible de solidarité. Peu importe d’où il vient. Si les grandes puissances, selon le calcul froid de leurs intérêts, laissaient détruire le petit Etat qui n’est pas le mien, ce crime, modeste à l’échelle du nombre, m’enlèverait la force de vivre et je crois que des milliers et des milliers d’hommes auraient honte de l’humanité. Raymond Aron (Le Figaro littéraire, 4 juin 1967)
Parmi ce peuple, qui va se restreignant et se dissolvant, les citoyens de l’Etat d’Israël ne représentent à leur tour que la minorité d’une minorité. Si bien que ce qui est en jeu au Proche-Orient n’est pas tant le sort des Palestiniens que la disparition programmée d’Israël, comme Etat, comme peuple, comme porteur d’un message si message il y a. Au rebours des images, des violences, du bruit des armes et des commentaires dominants, à la mesure de l’histoire, le fort n’est donc pas celui que l’on croit et le faible n’est pas celui que l’on dit. Qu’est-ce en effet qu’une riposte israélienne aussi brutale soit-elle contre des Palestiniens que l’on qualifiera au choix de résistants ou terroristes? Au mieux du temps gagné. Mais à la mesure de l’histoire, pas même de l’histoire longue mais d’une génération, que pèsent trois millions d’Israéliens face à deux cents millions d’Arabes dont les Palestiniens ne constituent qu’une phalange avancée et militante. Les Palestiniens le savent et le monde arabe plus encore; à terme, le nombre l’emporte et la démographie sera probablement victorieuse sur toutes les stratégies et tous les pieux espoirs («processus») de paix. Quelle paix d’ailleurs?Imagine-t-on vraiment les Palestiniens et le monde arabe se satisfaisant d’un Etat-croupion, enclavé et non viable? L’Etat palestinien peut incarner l’espoir d’une élite locale en quête de reconnaissance internationale et de postes, mais en quoi le peuple palestinien y trouverait-il son compte, économique ou politique? L’aspiration ultime du monde arabo-musulman est de constituer la communauté des croyants sinon de l’islam tout entier mais au moins celle du monde arabe, une aspiration parfaitement légitime. Mais Israël n’y a pas sa place, la colonie juive est comme une encoche dans ce rêve; nulle surprise que ce songe arabe, légitime, répétons-le, ne conçoive pas Israël comme autre chose qu’un avatar de la colonisation franque; le royaume de Jérusalem dura un siècle, les Arabes se le rappellent. L’Israël moderne aurait-il déjà accompli la moitié de son parcours historique? Ou plus peut-être? Car il suffirait d’une bombe, une seule, chimique, nucléaire ou sale comme l’appellent aujourd’hui les stratèges pour qu’Israël soit rayé de la carte. Imaginons un instant l’équivalent de l’attentat du 11 septembre perpétré contre Tel-Aviv? Rien n’est moins simple désormais que de le concevoir puisque le précédent existe; les combustibles sont en libre circulation et le nombre des candidats au suicide à l’évidence plus que suffisant. Une bombe suffirait donc pour que disparaisse la plus grande part de la population d’Israël et que le reste fuit sans attendre son extermination finale. Ce scénario est réaliste; il est probable que quelques Ben Laden l’ont en tête et que New York, ville juive autant que Tel-Aviv, fut une répétition de ce nouvel holocauste possible. Que dirait alors le monde, ou «la communauté internationale?» Comme pour l’holocauste précédent, ils s’en repentiraient. Pourrait-on empêcher cela, le prévenir? On n’en prend pas le chemin puisque tout se passe, au niveau diplomatique et de l’opinion alimentée par les médias comme si une paix de type immobilier suffirait à mettre un terme à un conflit que l’on voudrait croire géographique mais qui est au moins métaphysique. La survie d’Israël et non pas celle des Palestiniens n’est pas véritablement prise en considération; elle supposerait d’ailleurs un accord non pas avec les seuls Palestiniens mais avec tous les Etats arabes environnants dont on ne voit pas qu’ils sont même sollicités pour respecter la survie d’Israël; au surplus, conclura-t-on jamais un traité respecté entre les arrière-pensées?. Juifs sans Israël?Si Israël disparaissait, il n’y aurait plus d’Israéliens. Resterait-il des juifs?La diaspora, avons-nous observé, est la condition historique quasi normale du peuple juif; n’a-t-il pas survécu deux mille ans en diaspora? Mais le monde a changé et les juifs aussi; aux Etats-Unis, en Europe, en Russie, en Argentine, les ultimes grandes communautés en exil, le taux des mariages mixtes évolue entre 50 et 70%; si les enfants de mères juives restent techniquement juifs si l’on peut dire, les enfants des hommes qui ne le sont pas cessent d’appartenir au peuple juif. (…) Imaginera-t-on un monde sans juifs? Pourquoi pas? Claude Lévi-Strauss interrogé sur cette perspective fit observer que les peuples disparus jonchent l’Histoire de l’humanité et qu’il s’en fallut de peu pour que les nazis ne réussissent leur pari d’extermination. Si les juifs disparaissaient, hors quelques sectes intégristes subsidiaires, qu’auraient-ils légué au monde? Le christianisme tout d’abord et aussi paradoxalement l’islam; sans les juifs, sans la Bible, pas de Christ, pas de Mahomet. Le judaïsme survivrait donc pour l’éternité prévisible chez ceux-là mêmes qui voudraient s’en défaire. Un autre legs aussi: l’ironie qui naît de l’exil. Parce que les juifs sont en exil, quel que soit le lieu où ils habitent, ils ont toujours porté sur le monde un regard distancié, qui éclaire leur humour insupportable et les théories qui en sont nées. Si tant de juifs ont interprété le monde autrement que du premier regard, de Freud à Marx, de Schomberg à Kandinsky, ce n’est pas du fait d’un génie particulier, mais parce qu’ils ont toujours occupé par rapport à ce monde une situation oblique. Ce décalage conduit à voir autrement ou à apercevoir une vérité qui porte au-delà de la réalité. Un monde sans juifs est-il envisageable? Il resterait alors le souvenir des juifs et une interprétation du monde qui n’eut pas été la même sans leur faculté de le décoder. Peut-être leur oeuvre est-elle achevée et les temps sont mûrs pour qu’ils nous quittent. Telle est du moins l’interrogation fondamentale que devrait susciter la fin possible d’Israël comme nation et celle de la diaspora qui va se dissolvant dans les étreintes conjugales. Cette jérémiade est-elle infondée? Dieu seul le sait.Guy Sorman
Où que l’on se trouve dans le monde musulman, quelle que soit la distance géographique qui sépare de la Palestine, la question surgit, même quand on voudrait l’éviter. Certes, plus on s’éloigne du monde arabe, vers le Bangladesh, Djakarta ou l’Afrique au sud du Sahara, les musulmans passent de l’engagement à l’inquiétude, de la posture à la rhétorique… Mais ne nions pas que, outre le Coran, les musulmans estiment avoir la Palestine en commun. (…) Certains événements minuscules ou cocasses modifient radicalement le regard que l’on porte sur le monde. Avant Hébron, je ne m’étais jamais trop interrogé sur l’Etat d’Israël : on ne peut penser à tout. Depuis Hébron j’ai une conviction bien ancrée : l’Etat d’Israël est une erreur historique, les Juifs n’avaient pas vocation à créer un Etat. (…) « Etes-vous juif ? » Au cours de ma déjà longue existence protégée d’intellectuel français né après l’Holocauste, cette question ne me fut jamais posée qu’une seule fois, sur un mode agressif. C’était en Palestine, en l’an 2000, à l’entrée de la ville d’Hébron… Le soldat était un Israélien d’origine éthiopienne : un Falacha, reconnu comme Juif en un temps où Israël manquait d’immigrés nouveaux pour meubler les bas échelons de la nation. Les Russes n’étaient pas encore arrivés ! (…) A l’entrée du tombeau dit d’Abraham, il me fallut à nouveau arbitrer entre les trois confessions issues de cet ancêtre… Je fus un instant tenté par l’islam chiite ; mon compagnon palestinien m’en dissuada. Je m’en retournai donc au judaïsme et empruntai le chemin réservé à ma race. A l’intérieur du sépulcre, chaque armée protégeait les siens . (…) il n’y a pas de bonne solution au fait d’être juif, hormis celle de cesser de l’être. (…) Pour ceux qui veulent bien écouter les Arabes, l’attente de la fin d’Israël, active ou contemplative, reflète une conviction profonde. Peu le disent, de crainte de passer pour des extrémistes ; tous le pensent plus ou moins confusément. Dans l’Egypte en paix avec Israël depuis plus de 20 ans, les plus tolérants font preuve de patience, tout en nourrissant l’espoir que leur pays ne sera pas impliqué dans la disparition d’Israël. (…) Les modérés à la manière de Hassan Hanafi se demandent pour quelle obscure raison les Juifs s’accrochent à ce lambeau de terre si inhospitalier, alors que le monde est si vaste et qu’un grand nombre d’Israéliens, en sus de leur passeport israélien, ont une nationalité en réserve : française, américaine, argentine, etc. On se le demande aussi. (…) Un monde sans Juifs est envisageable ; il y subsisterait le souvenir des Juifs, une interprétation du monde qui n’eût pas été possible sans leur faculté de le décoder. Peut-être leur œuvre est-elle achevée et les temps sont-ils mûrs pour qu’ils se dissolvent dans l’Occident ? (…) En revanche, il restera toujours des musulmans, Que cette vision d’Apocalypse sur la fin des Juifs soit excessive ou fondée, Dieu seul le sait. (…) La charia s’y applique : il arrive que l’on coupe en public la main d’un voleur ; certaines femmes adultères auraient été liquidées, sans témoins. Il faut s’en émouvoir, tout en sachant qu’en pratique ces châtiments publics sont rares, car les voleurs peu nombreux. Guy Sorman (Les enfants de Rifaa)
Si vous pouvez tuer un incroyant américain ou européen – en particulier les méchants et sales Français – ou un Australien ou un Canadien, ou tout […] citoyen des pays qui sont entrés dans une coalition contre l’État islamique, alors comptez sur Allah et tuez-le de n’importe quelle manière. (…) Tuez le mécréant qu’il soit civil ou militaire. (…) Frappez sa tête avec une pierre, égorgez-le avec un couteau, écrasez-le avec votre voiture, jetez-le d’un lieu en hauteur, étranglez-le ou empoisonnez-le. Abou Mohammed al-Adnani (porte-parole de l’EI)
C’est terrible à dire mais on a eu beaucoup de chance que les kamikazes ne rentrent pas dans le Stade de France car ils avaient bien imaginé pénétrer dans l’enceinte. Leur objectif était de se faire sauter sous l’oeil des caméras. Il y aurait eu un carnage, des mouvements de foule. Imaginez l’impact médiatique ! (…) Quant aux cibles potentielles pour les terroristes en France, tout le monde pense forcément à ce qui nous ferait le plus mal: une école, des enfants. … On hésite à dire cela, à dévoiler nos faiblesses. Mais les terroristes le savent déjà. Ces gens-là nous connaissent trop bien. Tant viennent de chez nous…Marc Trévidic
C’est la mode chez les jeunes, c’est vachement bien d’être intégralement voilée de noir, avec une belle kalach’. (…) Elles baignent là-dedans, ça fait branché. Marc Trévidic
La chaîne publique allemande ZDF a présenté ses excuses pour avoir tardé, à l’instar de la plupart des grands médias nationaux, à évoquer les agressions sexuelles sur des femmes survenues le soir du Nouvel An à Cologne, ce qui suscite des critiques du public. Le fait que le journal de 19h lundi soir « n’ait pas au moins mentionné les incidents était une négligence », écrit la rédaction du journal télévisé sur ses comptes Facebook et Twitter. Ne pas en parler lundi soir « était (…) clairement un jugement erroné », reconnait ZDF, dont la page Facebook est émaillée de commentaires de spectateurs mécontents: « ma confiance dans (cette chaîne), pour laquelle je paie des impôts, s’amenuise de plus en plus », écrit l’un deux, alors que d’autres s’étonnent que ZDF « passe sous silence depuis un certain temps certaines choses ». Attribuées à des « jeunes apparemment d’origine arabe », les agressions, plus d’une centaine au total, ont été commises sur des femmes la nuit du Nouvel an à Cologne (ouest), soit dans la nuit de jeudi à vendredi. Des faits similaires ont également été signalés à Stuttgart (sud-ouest) et Hambourg (nord). Plus d’une centaine de plaintes ont été déposées au final, selon un décompte de la police mercredi. Mais le 1er janvier, soit le lendemain des événements, la police de Cologne a publié un communiqué faisant état d’une nuit sans incidents notables. Elle a commencé à donner de premiers éléments dans la journée du lundi à mesure que s’accumulaient les plaintes des victimes, avant que l’affaire ne prenne toute son ampleur mardi en Allemagne. Elle a depuis provoqué un émoi considérable, le gouvernement condamnant les violences tout en s’inquiétant d’une stigmatisation des réfugiés. La police parle d’agresseurs d’apparence « nord-africaine » ou arabe ». La municipalité et la police de Cologne sont depuis sous le feu des critiques, le ministre de l’Intérieur Thomas de Maizière fustigeant notamment l’inaction des forces de l’ordre à Cologne le soir des faits. Plus globalement, le peu d’écho avant mardi des médias sur cette affaire est également mis en question. Le site spécialisé sur les médias, Meedia, a ainsi relevé qu’il a fallu « quatre jours » pour que l’affaire soit « relatée de façon exhaustive au niveau national ». « Lorsque l’on regarde (la presse nationale), il n’y a rien jusqu’à lundi sur ces incidents », poursuit Meedia. « Il a fallu quatre jours pour que la grande machine médiatique ne s’enclenche », épingle encore le portail. L’affaire alimente du coup aussi les thèse complotistes et celles de mouvements hostiles aux réfugiés, à l’image de Pegida qui fustige régulièrement la « presse mensongère ». 7 sur 7
Je ne mets pas le danger frontiste sur le même plan que le danger islamiste, les islamistes tuent, massacrent et il faut bien comprendre aussi que ce ne sont pas ni des loups solitaires, ni des déséquilibrés, ni une poignée de psychopathes comme on a tellement aimé se le répéter pour se rassurer, ni des victimes du racisme et des discriminations, cela revient à inverser, pas de culture de l’excuse qui frise vraiment l’indécence qui consiste à cracher sur les victimes, à cracher sur les morts et en plus à cracher aussi sur les vrais pauvres, sur les vrais défavorisés, ce n’est pas parce qu’on est pauvre qu’on ne peut pas faire autrement que de tuer son prochain, j’aimerais bien qu’on les respecte aussi un peu, ce discours-là me parait d’une condescendance post-coloniale absolument insupportable, je ne les mets pas sur le même plan d’autant que le Front national joue le jeu démocratique, l’islam pas du tout qui est animé par un projet de société et c’est très important de le dire, notre ennemi c’est une idéologie totalitaire et meurtrière animé par un projet de société et par un projet de conquête et de destruction de l’Europe donc ce n’est pas sur le même plan mais la logique est celle de l’engendrement, plus on s’aveugle et plus on sert la soupe en quelque sorte au Front national et ce n’est pas la peine à chaque scrutin puisqu’il progresse inéluctablement jusqu’à présent, de pousser des hi et des ha et de se demander comment on en est arrivé là ». Alexandra Laignel-Lavastine
Depuis le temps qu’elle sévit, je crains fort que cette vulgate bien-pensante, qui ne cesse de se crever les yeux face à la montée de l’islamisme par crainte de nourrir l’“islamophobie”, n’ait trop profondément formaté les esprits pour que nous puissions espérer en être débarrassés de sitôt. Ce prêt-à-penser a en effet ceci de redoutable que sa toxicité s’étend bien au-delà de la sphère islamogauchiste. S’il constitue l’idéologie dominante, c’est qu’il sait jouer à merveille sur plusieurs ressorts : sur les bons sentiments bobos nunuches, sur l’envie d’être en paix plutôt qu’en guerre, mais aussi sur la peur et sur cette insondable paresse intellectuelle qui nous a jusqu’à présent rendus incapables de nous convertir au réel. Si tel n’était pas le cas, nous ne serions pas en train de prendre de plein fouet quinze ans au moins de capitulation devant le communautarisme, de complaisance à l’égard de l’islam radical et d’irresponsabilité face aux discours haineux et antisémites qu’on laisse prospérer à ciel ouvert en toute irresponsabilité. C’est parce que nous avons tout laissé passer que nous sommes aujourd’hui complètement dépassés. Mais le problème n’est pas seulement politique. Gauche et droite confondues ont trouvé collectivement plus confortable de faire comme si nous n’avions pas d’ennemi pour la bonne raison que nous n’en voulions pas. Résultat : nous avons quinze ans de retard à l’allumage, sur le plan de la pensée comme sur les plans sécuritaire et militaire. Confrontés à une peste verte se répandant à une vitesse prodigieuse, un fléau planétaire désormais doté d’un outil de propagande et de recrutement jusque-là inconnu dans l’histoire de l’humanité (Internet et les réseaux sociaux), les politiques, la hiérarchie policière et les technocrates de tous bords ont été incapables de réadapter leurs catégories mentales, de secouer la lenteur de leurs appareils administratifs et de prendre à temps la mesure du danger. L’aveuglement collectif était tel qu’au cours des deux ou trois dernières décennies, les partis de gouvernement ont également renoncé à mettre en oeuvre des politiques d’intégration mieux adaptées à une immigration extra-européenne d’origine majoritairement musulmane. Or, la première affaire dite du foulard islamique remonte, en France, à 1989. Quant à nos pieux sociologues, ils nous expliquaient déjà que tout allait pour le mieux dans le meilleur des mondes multiculturalistes et que l’islamisme lui-même refluait : la plus sûre façon de paralyser toute prise de conscience et toute action. Quand il se fera de plus en plus revendicatif au fil des années 2000 puis 2010, au point de réclamer des aménagements législatifs nous projetant plusieurs siècles en arrière, la France de gauche dira : “Respect de la diversité !”. Au printemps dernier, dans la commune de Seine-Saint-Denis où je vis, il revient toutefois au maire de droite d’avoir émis une circulaire donnant pour consigne à sa police municipale de ne pas verbaliser les dames portant le voile intégral, autrement dit de ne pas appliquer la loi votée par le Parlement en 2010. On peut donc considérer que la lâcheté a traversé l’ensemble de la société comme de l’échiquier politique. Depuis qu’une nouvelle judéophobie de facture arabo-musulmane explose dans ce pays et tue sur le sol français, y compris des enfants, les Français n’ont pas non plus compris que quand les nuages s’amoncellent au-dessus des juifs, l’orage est bientôt pour tous. Plus largement, il me semble que les Européens ont depuis si longtemps dissipé le cauchemar des guerres de Religion qu’ils ont eu beaucoup de mal à percuter l’ampleur de la menace djihadiste. Or, l’on peine toujours à “voir” ce que l’on peine à “concevoir”. (…) C’est le principe du déni, d’autant plus étrange que les islamistes ne se limitaient pas à proclamer haut et fort la haine absolue qu’ils portent au meilleur de notre civilisation : ils ont joint la parole aux actes. Que nous fallait-il de plus pour redescendre de Mars, nous arracher à notre somnambulisme, percuter la réalité de la menace et cesser de rejouer, chaque fois, la sidération ? Rien, si ce n’est l’extraordinaire puissance du déni. En ce sens, l’ennemi est aussi en nous-mêmes. C’est un des versants de la guerre où nous sommes engagés. Et non des moindres. Il va nous falloir d’urgence retrouver le sens des mots et réapprendre à bien nommer les choses pour cesser de nous tirer une balle dans le pied et d’ajouter au malheur du monde. Seulement voilà : ceux qui osaient jusqu’à présent nommer l’ennemi étaient taxés de néoréactionnaires (j’en fais partie) et accusés de faire le jeu du Front national. On connaît le bon vieux principe : brisons les avertisseurs d’incendie et le feu s’éteindra de lui-même.Alexandra Laignel-Lavastine
Pour les délits commis par des criminels possédant une nationalité étrangère et qui sont enregistrés dans un centré de réfugiés, nous classons immédiatement le dossier sans suite. Il y a de strictes instructions venant de la hiérarchie pour ne pas reporter les crimes et délits perpétrés par les migrants. Seules des requêtes directes émises par des journalistes ou des médias peuvent être suivis d’effet.Haut gradé de la police allemande
Il y a des faits particulièrement spectaculaires qui ont attiré l’attention et les projecteurs, mais si on se base sur les données du ministère de l’Intérieur ou du service de protection de la communauté juive qui recense toutes les attaques et agressions antisémites, on s’aperçoit qu’on a une tendance très marquée à la hausse depuis une quinzaine d’années. Il y a des phases de ressac et de reflux, mais si on regarde sur une longue période, on peut dire que la violence antisémite a considérablement progressé, voire même explosé certaines années. C’est le point de départ de notre travail d’investigation qui était de voir comment une catégorie de la population soumise à ce changement assez brutal de sa situation sécuritaire a été amenée à réagir sur différents registres : stratégies résidentielles ou scolaires, comportements électoraux, et lien avéré ou non avec un autre phénomène qui a énormément progressé ces dernières années, à savoir l’alya, le départ des Juifs vers Israël. Pour ce qui est de la progression des actes antisémites, on a fait figurer dans le livre toute une série de graphiques qui montrent cela de manière très précise. Même dans les phases d’accalmie et de répit, on est au minimum à 400 ou 500 actes antisémites par an alors qu’on était à moins de 100 à la fin des années 1990. Le deuxième point à noter, c’est que cette dynamique de progression est très fortement corrélée à long terme mais aussi de manière ponctuelle avec la situation au Proche-Orient. On est donc sur le schéma d’une « importation » du conflit israélo-palestinien, notamment l’Intifada, sur le territoire français. On constate une explosion de la violence antisémite dès 2000 et le début de la deuxième Intifada jusqu’à environ 2005. Ensuite, à chaque fois que la situation se tend ponctuellement en Israël ou en Palestine et que l’armée israélienne lance des opérations à Gaza, on a eu dans les semaines qui ont suivi des pics de violence et d’actes antisémites en France. (…) Il y a tout d’abord cette montée très forte des actes antisémites en France, qui est naturellement ressentie par la population juive. Deuxièmement, il ne faut pas oublier que par rapport aux autres pays européens, la France se distingue de deux manières. D’une part, c’est le pays qui possède la plus importante communauté juive d’Europe, en nombre de personnes. Et ensuite, c’est également le pays où la population issue de l’immigration et la population musulmane est la plus importante d’Europe. Comme les actes antisémites sont fortement liés dans le temps avec la situation du Proche-Orient, on a l’une des clés d’explication de ce ressenti particulièrement alarmiste et inquiétant de la population juive française. Non seulement la corrélation entre les actes antisémites et le conflit israélo-palestinien est objectivement prouvée par les chiffres, mais elle est également ressentie comme telle par les individus eux-mêmes. Nous nous sommes rendus compte dans le cadre d’entretiens que nous avons menés pour cette enquête que cela avait été intégré par toute une partie de la population juive, qui est bien consciente de la possibilité de « représailles » ici en France lorsque l’armée israélienne agissait au Proche-Orient. Certains d’entre eux nous ont expliqué qu’ils modifiaient leurs habitudes, leurs parcours et leurs déplacements en fonction du calendrier des événements au Proche-Orient. Cette contrainte est très bien intégrée en France, peut-être plus qu’ailleurs. Le traitement médiatique est peut-être plus important ici qu’ailleurs, mais le niveau de menace et d’antisémitisme est objectivement plus élevé chez nous que chez nos voisins européens. (…) On montre dans le livre que si on se place du point de vue de l’opinion publique, on constate un basculement assez clair mais ancien dans la relation entre les Français et Israël. Jusqu’à la guerre des Six Jours, on a un présupposé largement en faveur d’Israël en France. A partir de cette victoire israélienne et de l’occupation d’un certain nombre de territoires palestiniens, les choses se sont équilibrées. Ce rééquilibrage ne se fait pas forcément au profit des Palestiniens, mais plutôt à l’opinion « ni l’un ni l’autre ». Cette posture attentiste ou désengagée de la part d’une grande majorité de Français a gagné en puissance au fur et à mesure que le temps passait et que la résolution du conflit apparaissait de plus en plus hors de portée. Aujourd’hui, toutes les enquêtes qu’on mène régulièrement lorsqu’il y a des phases de tension dans cette région du monde montrent qu’une grande majorité de Français (70%) ne donnent leur sympathie ni aux uns ni aux autres. Du point de vue de l’opinion publique, nous ne sommes donc pas aujourd’hui dans une posture majoritairement pro-palestinienne. En revanche, la prédisposition à être plutôt clément envers Israël s’est considérablement estompée. C’est déjà beaucoup, car vous passez d’un sentiment d’être soutenu à un sentiment beaucoup plus neutre. Ce sentiment d’éloignement ou d’incompréhension a par ailleurs aussi été alimenté par le fait qu’au début des années 2000, toute une partie de la classe politique et médiatique a minoré l’explosion de la violence antisémite. Cela a été très mal vécu par toute une partie de la population juive qui s’est sentie incomprise et abandonnée. Donc il y a à la fois le fait de se dire : « en tant que Juif nous avons un lien particulier avec Israël et la société française est devenue anti-israélienne ». Ce n’est pas vrai. Ce qui est vrai, c’est qu’elle est moins pro-israélienne qu’elle ne l’était il y a 30 ans. Et d’autre part, « nous vivons en tant que Juif une situation très difficile, et les gens nous disent que nous exagérons ou que ce sont de faux problèmes ». Cela renvoie à ce qu’il s’était passé dans les années 1990-2000 où une partie de la gauche disait qu’il n’y avait pas vraiment d’insécurité mais plutôt un sentiment d’insécurité. C’est un peu le même phénomène ici. Or, cet électorat juif, qui est à la base diversifié mais qui avait historiquement des liens forts avec la gauche, s’est petit à petit détourné de la gauche parce qu’une bonne partie des électeurs avaient le sentiment que la gauche ne les soutenait plus et ne les comprenait plus. On voit donc qu’il s’est vraiment passé beaucoup de choses au tournant de ces années 2000, au moment de la deuxième Intifada, quand la gauche est au pouvoir en France. (…) Nous citons dans notre livre un certain nombre de sources, notamment les rapports de la Commission nationale consultative des Droits de l’Homme, qui montrent qu’on a une surreprésentation des milieux « arabo-musulmans » dans la commission de ces actes. La violence antisémite provenant de l’extrême-droite continue d’exister, mais elle est aujourd’hui minoritaire. Il y a toute une série d’actes antisémites commis dans des quartiers difficiles de Seine-Saint-Denis ou du Val-de-Marne, qui relèvent de la délinquance pure et simple mais qui visent la communauté juive : racket, kidnapping, etc. Ces voyous habillent leurs actes par des motivations politiques, en affirmant par exemple qu’ils se vengeaient de ce que faisait Israël aux populations arabes, même si le but premier reste tout simplement de leur piquer leur argent et leur portable. (…) Le chiffre record de 7231 personnes passées par les services de l’Agence juive pour émigrer en Israël en 2014 est donc la conséquence de l’affaire Merah en 2012. On a eu ensuite en 2014 les émeutes dans des quartiers juifs de Sarcelles et devant une synagogue de la rue de la roquette à Paris. Pour couronner le tout, on a début 2015 la question de l’Hyper Cacher. D’après les chiffres communiqués en fin d’année par l’agence juive, on est à 8000 départs pour 2015. C’est donc une hausse, mais moins forte que ce que certains annonçaient. Toutefois, on n’a pas encore eu dans ces chiffres « l’effet 2015 », donc on peut s’attendre à voir ce chiffre continuer de progresser l’année prochaine. C’est quand même un signe que les choses vont assez mal en France dans notre société démocratique. De plus, on se focalise sur les départs en Israël mais notre enquête montre qu’il y a peut-être autant de personnes qui envisageraient d’aller en Australie, au Canada ou aux Etats-Unis. Nous avons toutefois conscience de l’argument qui consiste à pointer le fait que l’agence juive ne donne jamais les chiffres des personnes qui reviennent en France. Apparemment, ces chiffres seraient assez élevés car la greffe ne prend pas forcément là-bas, avec les soucis de langue, le système de protection sociale qui est radicalement différent, la société et la culture qui sont radicalement différentes de ce qu’on a chez nous… On a un nombre de retours importants, mais ce qui nous intéresse ici dans notre analyse de la société française, c’est de mesurer l’ampleur des départs et de comprendre ce que cela veut dire.Jérome Fourquet
Je vais revenir sur les liens entre Daesh et le Front National, enfin les liens… pas les liens directs entre Daesh et le FN mais ce repli identitaire qui finalement est une communauté d’esprit, parce que l’idée pour Daesh c’est de pousser la société française au repli identitaire ? Jean-Jacques Bourdin
[le djihadisme français et la poussée du Front national] sont deux phénomènes congruents, qui se ressemblent. Dans les deux cas, il y a une inclusion de plus en plus faible. Dans les quartiers défavorisés des banlieues populaires, la perspective d’avoir un emploi est de plus en plus faible, donc à partir du moment où il y a le sentiment que l’école ne sert à rien, d’une certaine façon les valeurs qu’elle porte sont jetées avec l’eau du bain par ceux qui sont marginalisés. Du côté de l’extrême droite, il y a un phénomène qui n’est pas complètement différent, qui touche d’autres personnes. Gilles Kepel
Monstrueuses photos. Mme Le Pen : incendiaire du débat public, faute politique et morale, non-respect des victimes… #FNhorsjeu Manuel Valls
Voir des Français juifs quitter, de plus en plus nombreux, leur pays parce qu’ils ne se sentent plus en sécurité… Mais aussi parce qu’ils ne se sentent plus compris, parce qu’ils ne se sentent plus à leur place, aurait dû être, depuis longtemps, pour nous tous Français, une idée insupportable (…) Pour ces ennemis qui s’en prennent à leurs compatriotes, qui déchirent ce contrat qui nous unit, il ne peut y avoir aucune explication qui vaille. Car expliquer, c’est déjà vouloir un peu excuser. (…) Nous avons subi un acte de guerre. C’est une véritable guerre qui nous a été déclarée. Nous devrons l’affronter et la gagner.Manuel Valls
Quand on n’a que l’amour à offrir en prière pour les maux de la terre … La LICRA
Un conducteur renverse plusieurs piétons dans Jérusalem Est. BBC
Israël est confronté à une nouvelle forme d’attaques, un terrorisme « low cost » impossible à prévenir, dont l’impact psychologique est redoutable : la voiture bélier. (…) Il s’agit de la seconde attaque de ce genre de la journée et la troisième en deux semaines, qui confirment les craintes d’une spirale de violences dans la Ville sainte. (…) L’attaque est « une conséquence directe de l’incitation d’Abbas et de sa collaboration avec le Hamas », a déclaré le chef du gouvernement, lors d’une cérémonie à la mémoire d’Yitzhak Rabin, assassiné il y a dix-neuf ans. Coutumier des déclarations à l’emporte-pièce, le ministre de l’économie Naftali Benett a qualifié Mahmoud Abbas de « conducteur de la voiture de la mort à Jérusalem, tandis que les terroristes sont simplement ses passagers ». (…) M. Nétanyahou avait déjà mis en cause M. Abbas, en raison de ses appels à défendre « par tous les moyens » la mosquée Al-Aqsa contre la volonté de la droite dure israélienne d’y obtenir le droit de prier pour les juifs. « Le gouvernement maintiendra scrupuleusement le status quo sur le mont du Temple », a déclaré dimanche Mark Regev, le porte-parole de M. Nétanyahou. Des propos qui n’ont guère apaisé la colère palestinienne. (…) La nouvelle attaque à la voiture bélier, survenue mercredi dans la Ville sainte, a eu lieu sur une artère symbolique, entre le quartier ultraorthodoxe de Mea Shearim et Jérusalem-Est. Elle confirme la dégradation constante de la situation à Jérusalem depuis le début du mois de juillet, juste avant le début de l’opération « Bordure protectrice » dans la bande de Gaza. Dans certains quartiers arabes de l’est et du nord de la ville, les émeutes se sont multipliées. Le gouvernement a considérablement renforcé les effectifs dans la ville. Au total, depuis le début de juillet, plus de 900 personnes ont été arrêtées, dont 300 condamnées. Ces dix derniers jours, plus de 110 personnes impliquées dans des troubles ont été interpellées. La hiérarchie policière promet le rétablissement de l’ordre et rejette toute idée d’embrasement. Des blocs de béton ont commencé à être installés, dans la soirée, le long du parcours du tramway, pour empêcher des véhicules de s’engager sur les rails. Mais ces nouvelles attaques démontrent l’inefficacité de l’approche purement sécuritaire choisie par le gouvernement israélien. Ce dernier entend par ailleurs poursuivre la politique du fait accompli, en ce qui concerne le développement des colonies en Cisjordanie et dans la périphérie de Jérusalem. Isolés, discriminés, les Palestiniens vivant à Jérusalem grondent. « Il s’agit d’un rejet populaire de l’autorité israélienne, non organisé, jeune et sans leaders, explique Menachem Klien, professeur au département d’études politiques à l’université Bar-Ilan. On peut la qualifier d’intifada locale. » Sur les réseaux sociaux, certains Palestiniens s’interrogeaient déjà, dans les heures qui ont suivi l’attaque : le gouvernement israélien va-t-il aussi leur interdire la voiture ?Le Monde
Les enquêteurs écartaient jusqu’ici la piste terroriste dans l’attaque contre des militaires devant la grande mosquée de Valence. Mais des «images de propagande jihadiste» ont été retrouvées sur l’ordinateur du forcené. Le procureur de Valence a évoqué un acte isolé et les propos confus du jeune homme. Une enquête est ouverte pour «tentative d’homicide». Un domicile et un véhicule ont été perquisitionnés mais aucune arme n’a été retrouvée. Les premiers éléments ne montraient aucun signe de radicalisation du jeune homme. Mais des images de propagandes jihadistes ont été retrouvées sur son ordinateur. Vendredi après-midi, il fonçait, à bord de son véhicule, sur les quatre militaires en faction devant la grande mosquée de Valence. Lors de l’attaque il aurait crié « Allah est grand ». Entendu par des enquêteurs, les propos de l’homme âgé de 29 ans sont confus. Il aurait à la fois déclaré vouloir « tuer » des soldats et exprimé sa volonté de se « faire tuer par des militaires. » Alex Perrin, procureur de la République de Valence, a assuré lors de sa conférence de presse que l’individu « n’était pas connu des services judiciaires, pas d’antécédents pénaux. A priori il était inconnu également des services du renseignement ». « C’est quelqu’un qui est un musulman pratiquant, puisqu’on sait qu’il fréquentait habituellement la mosquée de Bron », a précisé le procureur. La piste terroriste est pour l’instant écartée par les enquêteurs. L’épouse, qui s’est dite « très surprise », par le geste de son mari a également été entendue.RFI
Au lendemain d’une attaque contre des militaires stationnés devant la grande mosquée de Valence (Drôme), le procureur de la République Alex Perrin a affirmé, samedi 2 janvier, que la piste terroriste était actuellement écartée. M. Perrin a évoqué le « comportement d’un individu solitaire » et affirmé que « rien ne renvoie à l’appartenance à un réseau quelconque ».Vendredi après-midi, un homme âgé de 29 ans, ori L’agresseur, qui aurait dit « Allahou akbar ! » (« Dieu est le plus grand ! ») lors de l’attaque, semble avoir « un lien avec une certaine religiosité », a ajouté M. Perrin. L’homme a tenu des propos « confus » aux secouristes, auxquels il a déclaré qu’il souhaitait « se faire tuer par des militaires et tuer des militaires », au motif que ceux-ci « tuaient les gens ». Ni arme ni explosif n’ont été trouvés à l’intérieur de la Peugeot 307 break rouge utilisée par l’agresseur, et la section antiterroriste du parquet de Paris a décidé de ne pas se saisir du dossier, qui reste aux mains du parquet de Valence. (…) De Jordanie, où il est en déplacement, le ministre de la défense Jean-Yves Le Drian a salué samedi le « sang-froid » des soldats déployés dans le cadre de l’opération « Sentinelle », visant à protéger des édifices à risque sur l’ensemble du territoire. L’attaque « montre que “Sentinelle” est une opération dangereuse et qu’il faut faire appel à des militaires parce qu’ils ont cette expérience-là, de vigilance, de sang-froid », a affirmé M. Le Drian. « Ils ont été tout à fait à la hauteur de leur tâche », a-t-il poursuivi. L’un des quatre militaires a été touché par le véhicule et légèrement blessé au genou et au tibia. Manuel Valls, le premier ministre, a également fait part de son « soutien aux militaires attaqués ». Le Monde
Selon des sources proches de l’enquête, l’individu abattu ce jeudi devant un commissariat du 18e arrondissement de Paris serait un homme de vingt ans né au Maroc, connu des services de police pour une affaire (…) Seule certitude: il portait sur lui un papier figurant le drapeau de Daech et expliquant sa volonté de « venger les morts en Syrie ». Selon BFMTV, il aurait prêté allégeance, dans ce document, à Abu Bakr al-Baghdadi, le leader de l’organisation Etat islamique. Sur iTélé, la Garde des Sceaux Christiane Taubira indique que l’individu était « fiché pour des actes de petite délinquance », qu’il « n’a aucun lien avec la radicalisation violente ». Une source proche de l’enquête précise à L’Express qu’il était inconnu des services de renseignement. Selon la locataire de la place Vendôme, l’acte commis ce jeudi pourrait traduire « des signes de déséquilibre ». Pourtant, selon une source policière contactée par L’Express, les enquêteurs affirment ne pas disposer « pour l’instant d’éléments pouvant faire penser à un déséquilibré ».L’Express
Un mineur, vraisemblablement déséquilibré, a blessé légèrement avec une machette un homme qui portait une kippa ce matin à Marseille, en pleine rue, avant d’être interpellé par la police et de revendiquer un geste antisémite, a indiqué une source policière. Le jeune homme, né en 2000, a porté des coups à la victime devant la mairie du 9e arrondissement de Marseille, devant des témoins, et a laissé l’arme sur place, a précisé cette source. La victime a été légèrement blessée au dos et à la main. Parti en courant, l’auteur présumé a été interpellé dix minutes plus tard par la brigade anti-criminalité (BAC) à qui il a tenu des propos incohérents. « L’individu ne semble pas jouir de toutes ses facultés », a précisé une source proche du dossier.Le Figaro
Même si on en parle, les extrêmes se saisiront du débat. Moi, je note quand même (…) que la police a dit que ces hommes étaient tres alcolisés. Et je me demande si justement il n’y a pas une espèce de réaction, d’explosion de la part de ces gens qui n’ont jamais eu droit à l’alcool et auquel le coran l’interdit. Ils arrivent en Allemagne et ils boivent et là ils tiennent pas le coup (…) Ah bien, ce n’est pas une circonstance atténuante, c’est une circonstance aggravante. Michèle Cotta
Un ami a eu récemment cette phrase très juste : Vous n’avez vu que la bande-annonce du film Les Migrants. Les migrants climatiques vont suivre et toutes les autres formes ensuite. A partir du moment où on admet que les libertés sont fondamentales, la première liberté c’est celle de circulation. Et donc les gens vont venir et c’est très bien. (…) Ces gens-là vont faire de l’Europe, la première puissance du monde. L’intégration espagnole et italienne en Belgique est un succès. On ne voit que les problèmes de l’intégration musulmane mais pas les succès qui sont nombreux. En France, on a quelque 5 millions de musulmans dont 98 % s’intègrent, sont médecins, avocats, journalistes. Normalement, ce qui se passe avec les migrants devrait entraîner la construction d’une Europe plus intégrée, plus puissante, se donnant les moyens de recevoir ces personnes. Leur arrivée est une incroyable chance car cela transforme la démographie européenne. Et nous, au contraire, on a une réaction de petits. Jacques Attali
Nous vivons aujourd’hui sous un régime d’apartheid. Comment qualifier cela autrement quand nous construisons des routes réservées aux juifs ? (…) Les Israéliens ont décidé de croire qu’ils ont essayé de faire la paix avec les Arabes et que les Arabes n’en ont pas voulu. Je ne dis pas que les Palestiniens n’ont pas leur part dans cet échec. Derrière le discours sur le processus de paix, il y a la colonisation : tout en négociant, les gouvernements investissent des milliards dans les territoires occupés palestiniens. Ehud Barak a plus investi dans les territoires que Benyamin Nétanyahou. Pour régler le problème israélo-palestinien, il faut une vraie co-volonté. (…) Ce sentiment a toujours existé en Israël. La société israélienne ne s’est jamais considérée comme partie prenante de l’espace proche-oriental. Nous sommes restés comme une chair étrangère dans cette région. Personnellement, j’aurais souhaité qu’Israël passe des alliances avec les forces démocratiques chez ses voisins plutôt que d’encourager la montée du fondamentalisme islamique comme il l’a fait dans les années 1980 en favorisant le Hamas – pour contrer l’Organisation de libération de la Palestine (OLP). J’aimerais qu’on ait des rapports de voisinage. C’est évidemment un fantasme et personne ne pense dans ces termes aujourd’hui. L’Etat d’Israël est surtout occupé à souffler sur les braises des conflits qui l’entourent ou à chercher à les exploiter à son profit. Il ne considère pas ses voisins comme dignes de confiance. (…) Dans un monde idéal, nous vivrions ensemble avec les Palestiniens dans un seul Etat démocratique, avec des droits égaux pour tous. Mais nous ne sommes pas dans un monde idéal et, ce qui se dessine, c’est un Etat non démocratique dans la seule manière de vivre est de verser le sang. Si un seul Etat binational et démocratique est mon idéal, je respecte la volonté des peuples. Et il est vrai que le peuple palestinien aspire pour le moment à se construire seul. (…) Au milieu des années 1980, quand j’allais à Gaza, l’atmosphère était très différente. C’était l’Intifada des pierres. Gaza n’était pas la prison à ciel ouvert qu’elle est devenue aujourd’hui. Il y avait beaucoup d’échanges. Je ne dis pas que la situation était rose, mais la rencontre était possible ainsi que les échanges entre Israéliens et Palestiniens. Avec ce qui s’est passé ces dix dernières années, la coupure totale entre les deux sociétés, les Israéliens ne connaissent plus Gaza ni ses habitants. La « démonisation » de l’autre est devenue totale. Chacun est devenu un monstre pour l’autre. C’est d’ailleurs cette situation qui a peut-être conduit aux attentats-suicides. Il y a trop d’aliénation entre nos deux peuples. (…) Ma critique et mon désespoir sont le signe de mon appartenance et de ma fidélité à la tradition de la pensée critique propre au judaïsme. Mais ce qui m’inquiète le plus, c’est le fait que, ces deux dernières années, j’ai commencé à avoir peur d’exprimer mes idées. Ce qui se passe à l’intérieur de la société israélienne me fait plus peur que les couteaux. Plus que des coups de couteau, j’ai peur que l’on perde notre démocratie. Et je ne suis pas la seule. Nous commençons à nous méfier les uns des autres. Ronit Matalon
Attention: une société israélienne peut en cacher une autre !
A l’heure où, après un premier sursaut sur fond de déploiement militaire et de tirs à vue dans les rues mais aussi d’attaques au couteau ou à la voiture-bélier …
Et qu’avec Charlie lui-même, c’est le Dieu judéochrétien lui-même qui se voit mis au pilori …
Pendant qu’à l’instar du dernier petit joyau de bienséance et bienpensance antiraciste de la LICRA, nos belles âmes nous rappellent que tout ça n’est qu’une affaire de déséquilibrés qui n’ont rien à voir avec le terrorisme ou les pauvres réfugiés de Merkel dépassés par leur nouvel accès à l’alcool et qui sont d’ailleurs « une incroyable chance » pour l’Europe …
Comment ne pas se sentir tout requinqué avec l’entretien que vient de nous dénicher Le Monde …
De cette ancienne journaliste de Haaretz nous rappelant ô combien bien à propos …
Que bien plus grave que les couteaux et entre l’apartheid et la fin même de la démocratie, une société israélienne de repris de justice est encore bien pire que la nôtre ?
Depuis l’automne 2015, Israël est frappé par une vague d’attaques au couteau. Des actes de violence imprévisibles, menés par des individus isolés. Qu’est-ce que cela vous inspire ?
Ces attaques au couteau, ce n’est qu’un début. Il y aura autre chose. Je ne sais pas exactement pourquoi ces individus font cela, mais je suis sûre que ce serait une question pertinente à poser à nos services de renseignement. En tant qu’intellectuelle, je me pose des questions. Des questions que se posent des services de renseignement.
Je me contente de constater plusieurs choses. D’abord, l’occupation [des territoires palestiniens] est comme un malade en phase terminale et je m’étonne presque que tout cela ne soit pas arrivé plus tôt. Ensuite, je constate que la caractéristique fondamentale de la société israélienne est le déni. Elle est prisonnière de sa rhétorique sur la sécurité et la victimisation. Les Israéliens ne comprennent pas pourquoi on leur fait cela. Ils se voient comme des gens tellement bien ! Nous ne pouvons pas voir que, lorsqu’on ne laisse aucun espoir à un peuple, on le pousse à de tels actes. Ehud Barak [ancien premier ministre travailliste de 1999 à 2001], qui n’est pourtant pas quelqu’un dont j’ai une opinion très positive, a dit un jour que s’il avait été adolescent dans les mêmes circonstances, il aurait agi de la même manière.
Ce que je dis n’est, en aucune manière, une justification des meurtres et de la terreur. Seulement, la violence ne fait qu’entraîner la violence. Il y a une forme de loi de la violence qui finit par contaminer les peuples qui se libèrent pour devenir, au final, des sociétés non démocratiques, des sociétés qui tuent. La violence ne peut être contenue dans une boîte. Elle s’étend, chez les Arabes comme chez nous. Si l’on regarde la manière dont nous définissons notre ennemi, nous sommes passés du « terroriste arabe » à l’Arabe tout court et au juif tout court.
La société israélienne semble déchirée entre des groupes irréconciliables. Qu’est-ce qui la rassemble ?
Les militants d’extrême gauche en Occident, et même les juifs libéraux, ont beaucoup de mal à comprendre quelque chose de propre à la société israélienne : sa très grande hétérogénéité. On peut même parler d’un ramassis de communautés qui n’ont rien en commun. Ce qui cimente et fabrique la collectivité israélienne en ce moment, c’est l’ennemi. Les gouvernants successifs ont compris cette donnée et la manipulent à loisir.
Ça a été comme ça tout au long de l’histoire du sionisme, mais il y avait toutes sortes de freins aux dérives. Aujourd’hui, ces freins ont disparu et l’actuel gouvernement de droite ne craint pas d’affirmer qu’il veut un Etat juif, donc non démocratique. Il y a toujours eu une tension dans la définition de l’Etat d’Israël, dès son origine, entre l’identité juive et le caractère démocratique. Au sein du sionisme, qui abritait plusieurs courants, le moins démocratique a triomphé. Ce débat est devenu anachronique et le sionisme des débuts a vécu. Nous vivons aujourd’hui sous un régime d’apartheid. Comment qualifier cela autrement quand nous construisons des routes réservées aux juifs ?
Rien de ce qui se passe aujourd’hui n’était absent à l’origine de l’Etat d’Israël, en 1948. Il y a toujours eu une lutte sur l’identité de ce pays. Dans son ADN, Israël me fait penser aux sociétés fondamentalistes.
Certains analystes disent que le jour où Israël signera la paix avec les Palestiniens, la société israélienne entrera en guerre civile. Qu’en pensez-vous ?
Il ne faut pas penser en termes apocalyptiques. Il y a assez de freins dans la société israélienne pour que la guerre civile ne soit pas à l’ordre du jour. On a cru que l’assassinat d’Yitzhak Rabin entraînerait une prise de conscience de la droite israélienne. C’est absurde, les mêmes disent aujourd’hui des choses bien pires qu’en 1995. C’est comme si la société israélienne était totalement désinhibée et que l’on pouvait tout y dire. En fait, il n’y aura pas de guerre civile parce que l’autre camp, celui opposé à l’extrême droite et ses idées, est trop isolé. La majorité ne va pas barrer la route aux extrémistes pour défendre une minorité éclairée. Enfin, je ne crois pas à la guerre civile parce que c’est un argument utilisé par la droite pour effrayer l’ensemble de la société.
Etes-vous favorable à une reprise du processus de paix ou croyez-vous qu’il est trop tard pour une solution à deux Etats ?
Il est tout à fait possible que la solution à deux Etats soit devenue impossible, en effet. Le processus de paix est devenu un slogan. L’Etat d’Israël n’arrive pas à savoir ce qu’il veut être, ni la société. Les Israéliens ont décidé de croire qu’ils ont essayé de faire la paix avec les Arabes et que les Arabes n’en ont pas voulu. Je ne dis pas que les Palestiniens n’ont pas leur part dans cet échec. Derrière le discours sur le processus de paix, il y a la colonisation : tout en négociant, les gouvernements investissent des milliards dans les territoires occupés palestiniens. Ehud Barak a plus investi dans les territoires que Benyamin Nétanyahou. Pour régler le problème israélo-palestinien, il faut une vraie co-volonté.
Le monde arabe, tout autour d’Israël, est en ébullition. Avez-vous le sentiment de vivre dans un pays assiégé par la violence et les menaces ?
Ce sentiment a toujours existé en Israël. La société israélienne ne s’est jamais considérée comme partie prenante de l’espace proche-oriental. Nous sommes restés comme une chair étrangère dans cette région. Personnellement, j’aurais souhaité qu’Israël passe des alliances avec les forces démocratiques chez ses voisins plutôt que d’encourager la montée du fondamentalisme islamique comme il l’a fait dans les années 1980 en favorisant le Hamas – pour contrer l’Organisation de libération de la Palestine (OLP). J’aimerais qu’on ait des rapports de voisinage. C’est évidemment un fantasme et personne ne pense dans ces termes aujourd’hui. L’Etat d’Israël est surtout occupé à souffler sur les braises des conflits qui l’entourent ou à chercher à les exploiter à son profit. Il ne considère pas ses voisins comme dignes de confiance.
A quoi ressemblerait un monde idéal ?
Dans un monde idéal, nous vivrions ensemble avec les Palestiniens dans un seul Etat démocratique, avec des droits égaux pour tous. Mais nous ne sommes pas dans un monde idéal et, ce qui se dessine, c’est un Etat non démocratique dans la seule manière de vivre est de verser le sang.
Si un seul Etat binational et démocratique est mon idéal, je respecte la volonté des peuples. Et il est vrai que le peuple palestinien aspire pour le moment à se construire seul. Pour qu’il y ait un Etat unique dans cent ans, il nous faut passer par une phase où deux Etats cohabitent. Quand j’étais journaliste et que j’allais à Gaza, un de mes meilleurs amis palestiniens me disait : « Avant de parler de se mélanger dans un seul pays, il faut que nous apprenions à savoir qui nous sommes et qui vous êtes. » Tant qu’il n’y a pas d’identité autonome, partager un seul et même espace n’est pas possible. Quant à la solution à deux Etats, je ne sais pas comment elle sera mise en œuvre. Il pourrait tout à fait y avoir une présence juive dans un Etat palestinien, mais les colons n’en voudront pas, ni les Palestiniens.
Vous alliez à Gaza ? Bientôt, il y aura une génération de jeunes, Palestiniens comme Israéliens, qui n’aura jamais rencontré l’autre…
Au milieu des années 1980, quand j’allais à Gaza, l’atmosphère était très différente. C’était l’Intifada des pierres. Gaza n’était pas la prison à ciel ouvert qu’elle est devenue aujourd’hui. Il y avait beaucoup d’échanges. Je ne dis pas que la situation était rose, mais la rencontre était possible ainsi que les échanges entre Israéliens et Palestiniens. Avec ce qui s’est passé ces dix dernières années, la coupure totale entre les deux sociétés, les Israéliens ne connaissent plus Gaza ni ses habitants. La « démonisation » de l’autre est devenue totale. Chacun est devenu un monstre pour l’autre. C’est d’ailleurs cette situation qui a peut-être conduit aux attentats-suicides. Il y a trop d’aliénation entre nos deux peuples.
Israël vit dans un isolement de plus en plus grand au niveau international. Les campagnes de boycottage se multiplient et l’on assiste à une recrudescence de l’antisémitisme. Cela vous inquiète ?
Je ne sais pas, parce que je ne vis pas en Europe. Les critiques, justifiées, à l’égard de la politique menée par l’Etat d’Israël se doublent parfois d’un antisémitisme profond et très inquiétant. Mais le problème, c’est la réaction de l’Etat, qui considère que toute critique, même légitime, relève de l’antisémitisme. Nous sommes incapables de distinguer entre la critique valable d’Israel et antisémitisme. En agissant ainsi, le gouvernement israélien met en danger la vie des juifs en Europe et aux Etats-Unis. Le plus terrible, c’est la manipulation de la Shoah par les gouvernements successifs. Ils n’ont cessé de tirer des bénéfices de cette manipulation. Le pire attentat à la mémoire de la Shoah qu’on puisse commettre, c’est de l’utiliser pour justifier les actes les plus immoraux, comme les bombardements indiscriminés de Beyrouth ou de Gaza, où l’on a tué des femmes, des enfants…
Vous sentez-vous désespérée, menacée ?
Ma critique et mon désespoir sont le signe de mon appartenance et de ma fidélité à la tradition de la pensée critique propre au judaïsme. Mais ce qui m’inquiète le plus, c’est le fait que, ces deux dernières années, j’ai commencé à avoir peur d’exprimer mes idées. Ce qui se passe à l’intérieur de la société israélienne me fait plus peur que les couteaux. Plus que des coups de couteau, j’ai peur que l’on perde notre démocratie. Et je ne suis pas la seule. Nous commençons à nous méfier les uns des autres.
Ecrivaine israélienne, Ronit Matalon est née en 1959 à Gnei Tikva dans une famille originaire d’Egypte. Après des études de lettres, elle travaille comme journaliste pour le quotidien Haaretz, où elle couvre la bande de Gaza et la Cisjordanie entre 1987 et 1993. Elle a remporté en 2009 le prix de la Fondation Bernstein, qui récompense les auteurs d’expression hébraïque, pour son roman Le Bruit de nos pas (Stock, 2012). Aujourd’hui, Ronit Matalon, qui se présente comme « une Séfarade qui s’en est sortie », vit et enseigne à Haïfa. Son premier roman, De face sur la photo, est paru à l’automne dernier chez Actes Sud.
En Israël, le chef du parti religieux ultra-orthodoxe, Arye Deri, 56 ans, a été nommé ce dimanche 10 janvier ministre de l’Intérieur. Un poste qu’il avait dû abandonner pour purger une peine de prison pour corruption. Il avait en effet déjà occupé le poste de ministre de l’Intérieur de 1988 à 1993. Il a ensuite été condamné en 2000 à trois ans de prison pour avoir touché un pot-de-vin de 155 000 dollars, ainsi que pour fraude et abus de confiance. Sa peine avait été réduite pour « bonne conduite ».
Avec notre correspondant à Jérusalem, Michel Paul
Vingt-deux ans après, Arye Deri retrouve le poste qu’il avait été contraint d’abandonner après avoir été accusé de corruption, de fraude et d’abus de pouvoir. Condamné à trois ans de prison en 2000, il avait également été éloigné de la vie publique pour une période de sept ans sur ordre du tribunal.
Enfant prodige de la vie politique israélienne, devenu ministre de l’Intérieur une première fois à 29 ans, le rabbin Deri appartient au parti ultra-orthodoxe séfarade Shass. Réélu à la Knesset en 2015, il a occupé les fonctions de ministre de l’Economie puis de la Périphérie au sein de l’actuel gouvernement de Benyamin Netanyahu. Un portefeuille qu’il continuera à gérer après son retour au ministère de l’Intérieur.
Si sa nomination s’est faite sans problème au sein du gouvernement, les choses risquent d’être plus compliquées lors du vote à la Knesset cette semaine pour entériner le remaniement ministériel. Plusieurs ONG israéliennes ont également l’intention d’introduire un recours auprès de la Cour suprême pour tenter d’annuler la décision.
Le portefeuille de l’Intérieur s’est libéré le mois dernier. Le ministre en place, Silvan Shalom, a été contraint de démissionner après avoir été accusé par plusieurs femmes de viols et de harcèlement sexuel.
Au lendemain d’une attaque contre des militaires stationnés devant la grande mosquée de Valence (Drôme), le procureur de la République Alex Perrin a affirmé, samedi 2 janvier, que la piste terroriste était actuellement écartée. M. Perrin a évoqué le « comportement d’un individu solitaire » et affirmé que « rien ne renvoie à l’appartenance à un réseau quelconque ».
Vendredi après-midi, un homme âgé de 29 ans, originaire de Bron, dans la banlieue lyonnaise, a foncé en voiture sur quatre militaires postés devant la mosquée. Le véhicule est revenu à la charge et les militaires ont ouvert le feu au deuxième assaut, blessant grièvement le conducteur au bras et à la jambe.
« Tuer des militaires qui tuent des gens »
L’agresseur, qui aurait dit « Allahou akbar ! » (« Dieu est le plus grand ! ») lors de l’attaque, semble avoir « un lien avec une certaine religiosité », a ajouté M. Perrin. L’homme a tenu des propos « confus » aux secouristes, auxquels il a déclaré qu’il souhaitait « se faire tuer par des militaires et tuer des militaires », au motif que ceux-ci « tuaient les gens ».
Ni arme ni explosif n’ont été trouvés à l’intérieur de la Peugeot 307 break rouge utilisée par l’agresseur, et la section antiterroriste du parquet de Paris a décidé de ne pas se saisir du dossier, qui reste aux mains du parquet de Valence.
L’agresseur, qui était inconnu des services de police, a été hospitalisé à Valence, sous le régime de la garde à vue, pour être opéré. Les ministères de la défense et de l’intérieur ont précisé que ses jours n’étaient pas en danger. L’homme devrait être entendu par les enquêteurs de la police judiciaire de Lyon dès que son état médical le permettra.
Les auditions de témoins, du voisinage et de la famille, commencées vendredi, se poursuivaient samedi pour tenter de déterminer les motivations de l’agresseur. Les militaires en faction étaient-ils la cible ? ou était-ce la mosquée, la seule de la ville mais l’une des plus importantes de la région ?
Le « sang-froid » des militaires
L’homme a agi entre deux offices, au moment où de nombreux musulmans étaient présents aux abords de la mosquée en ce jour de prière. Selon la préfecture, la grande mosquée de Valence est un lieu très calme, « où le culte se passe de manière apaisée ». Abdallah Dliouah, l’un des imams, a confirmé que la mosquée n’avait « jamais reçu de menace ». Le Conseil français du culte musulman (CFCM) a condamné « avec la plus grande fermeté » une « agression lâche ».
De Jordanie, où il est en déplacement, le ministre de la défense Jean-Yves Le Drian a salué samedi le « sang-froid » des soldats déployés dans le cadre de l’opération « Sentinelle », visant à protéger des édifices à risque sur l’ensemble du territoire.
L’attaque « montre que “Sentinelle” est une opération dangereuse et qu’il faut faire appel à des militaires parce qu’ils ont cette expérience-là, de vigilance, de sang-froid », a affirmé M. Le Drian. « Ils ont été tout à fait à la hauteur de leur tâche », a-t-il poursuivi. L’un des quatre militaires a été touché par le véhicule et légèrement blessé au genou et au tibia.
Manuel Valls, le premier ministre, a également fait part de son « soutien aux militaires attaqués ».
Selon des sources proches de l’enquête, l’individu abattu ce jeudi devant un commissariat du 18e arrondissement de Paris serait un homme de vingt ans né au Maroc, connu des services de police pour une affaire de vol en réunion en 2013 dans le sud de la France.
Peu d’informations ont pour l’instant fuité sur l’identité de l’homme abattu ce jeudi par la police devant un commissariat du 18e arrondissement de Paris. Selon des sources proches de l’enquête, l’homme était connu des services de police pour une affaire de vol en réunion en 2013 à Saint-Maxime, dans le Var.
A l’époque des faits, il avait déclaré aux gendarmes chargés de l’enquête s’appeler Sallah Ali. Il se présentait comme un sans domicile fixe, né en mai 1995 à Casablanca au Maroc. Ses empreintes digitales avaient alors été entrées dans le Fichier automatisé des empreintes digitales (FAED) et correspondent à celles de l’homme tué ce jeudi après devant le commissariat de la Goutte d’Or. Ce jeudi, les enquêteurs précisent à L’Express que l’individu ne dormait pas dans la rue, « ce qui n’exclut pas qu’il puisse être logé chez des amis ».
« Des signes de déséquilibre », selon Christiane Taubira
Seule certitude: il portait sur lui un papier figurant le drapeau de Daech et expliquant sa volonté de « venger les morts en Syrie ». Selon BFMTV, il aurait prêté allégeance, dans ce document, à Abu Bakr al-Baghdadi, le leader de l’organisation Etat islamique.
Sur iTélé, la Garde des Sceaux Christiane Taubira indique que l’individu était « fiché pour des actes de petite délinquance », qu’il « n’a aucun lien avec la radicalisation violente ». Une source proche de l’enquête précise à L’Express qu’il était inconnu des services de renseignement. Selon la locataire de la place Vendôme, l’acte commis ce jeudi pourrait traduire « des signes de déséquilibre ». Pourtant, selon une source policière contactée par L’Express, les enquêteurs affirment ne pas disposer « pour l’instant d’éléments pouvant faire penser à un déséquilibré ».
La police allemande a perquisitionné un foyer de demandeurs d’asile dans l’ouest du pays. L’homme tué devant un commissariat à Paris y vivait. Son identité est toujours en cours de confirmation.
L’enquête avance sur l’homme qui a été tué devant un commissariat du 18e arrondissement de Paris jeudi. Un foyer de demandeurs d’asile a été perquisitionné samedi par la police régionale allemande. L’assaillant, dont l’identité n’est toujours pas confirmée, y vivait, ont indiqué dans un communiqué les forces de l’ordre Outre-Rhin.
Une demande d’asile déposée avec un troisième nom?
La police n’a pas précisé si cet homme était enregistré comme demandeur d’asile en Allemagne. Mais une source proche du dossier a indiqué à l’AFP que c’était effectivement le cas. Une carte SIM allemande avait été retrouvée en sa possession.
Selon des informations publiées dimanche par l’hebdomadaire allemand Welt am Sonntag, l’homme avait peint un symbole de l’EI sur un mur de son foyer. Le magazine Spiegel assure qu’il a posé dans le centre avec un drapeau de l’organisation, ce qui a amené les autorités locales à le classer comme potentiellement dangereux. Toutefois il a disparu de Recklingshausen au mois de décembre, ajoute Spiegel Online.
Welt am Sonntag précise pour sa part que l’homme s’était fait enregistrer en Allemagne sous quatre identités différentes et en donnant des nationalités variables, par exemple syrienne, marocaine ou encore géorgienne. Sa demande d’asile, elle, aurait été déposée sous le nom de Walid Salihi, selon le journal. Les autorités françaises avaient jusqu’à présent deux identités pour le même homme: Sallah A., le nom donné lors d’une précédente affaire en 2013, et Tarek B., comme il a été identifié par une famille en Tunisie.
« Aucun indice » d’autres attaques
Lors de la perquisition de ce foyer situé à Recklinghausen en Rhénanie-du-Nord-Westphalie, « aucun indice de possibles autres attaques » n’a été trouvé. Précisant avoir agi sur information des autorités françaises, la police judiciaire assure que « les enquêtes se poursuivent » et que les résultats de la perquisition vont encore être examinés en détail.
Un an jour pour jour après les attentats contre Charlie Hebdo, l’homme était arrivé en courant vers les policiers en faction devant le commissariat de la Goutte d’Or, un quartier populaire de Paris, en brandissant un hachoir de boucher, et muni d’un dispositif explosif factice. Il n’a pas répondu aux injonctions de s’arrêter des policiers, qui ont alors ouvert le feu. Une revendication djihadiste incluant une profession de foi de l’organisation Etat islamique a été retrouvée sur lui, selon les autorités françaises.
Un mineur, vraisemblablement déséquilibré, a blessé légèrement avec une machette un homme qui portait une kippa ce matin à Marseille, en pleine rue, avant d’être interpellé par la police et de revendiquer un geste antisémite, a indiqué une source policière.
Le jeune homme, né en 2000, a porté des coups à la victime devant la mairie du 9e arrondissement de Marseille, devant des témoins, et a laissé l’arme sur place, a précisé cette source. La victime a été légèrement blessée au dos et à la main.
Parti en courant, l’auteur présumé a été interpellé dix minutes plus tard par la brigade anti-criminalité (BAC) à qui il a tenu des propos incohérents. « L’individu ne semble pas jouir de toutes ses facultés », a précisé une source proche du dossier. Néanmoins, « l’affaire est prise très au sérieux par les enquêteurs », a expliqué la source policière.
« Une révoltante agression antisémite »
Selon le Conseil représentatif des institutions juives de France (Crif), la victime est un enseignant d’une école juive. « L’enseignant de l’école juive a subi des blessures aux mains, s’est défendu et a mis en fuite son agresseur », écrit le Crif sur son compte Twitter. « L’enseignant de l’école juive a été poursuivi sur 50 mètres, sur le chemin de son travail ».
Le ministre de l’Intérieur Bernard Cazeneuve a dénoncé lundi sur son compte twitter une « révoltante agression antisémite ». « Une enquête est « en cours sous l’autorité de la Justice », a-t-il ajouté.
In an interview with the French newspaper, Ronit Matalon wonders why the current wave of attacks ‘did not happen sooner.’
Shlomo Papirblat
Haaretz
Jan 11, 2016
« We live under an apartheid regime, » read the headline in Le Monde’s interview with Israeli author Ronit Matalon. The article, which was published on Sunday, drew public attention, with more than 1,500 readers sharing it on Facebook.
The interview was held ahead of the publication of Matalon’s book, « The One Facing Us, » in French.
When asked about the current wave of attacks, she answered, « These knife attacks are just the beginning. »
« As an intellectual, I ask myself questions, » she continued. Calling the occupation a « terminally ill patient, » Matalon wondered « how all of this did not happen sooner. » She added, « I see that the fundamental characteristic of the Israeli society is denial. It is a prisoner of its own rhetoric on security and sacrifices. »
Later in the interview, Matalon stated: « There is no other we to define it – we are living under an apartheid regime. » She admitted that her biggest worry was her fear to express her opinions.
« What is happening in Israeli society is more frightening then knife attacks. I’m afraid of losing our democratic identity, » she said.
La chaîne publique allemande ZDF a présenté ses excuses pour avoir tardé, à l’instar de la plupart des grands médias nationaux, à évoquer les agressions sexuelles sur des femmes survenues le soir du Nouvel An à Cologne, ce qui suscite des critiques du public.
Le fait que le journal de 19h lundi soir « n’ait pas au moins mentionné les incidents était une négligence », écrit la rédaction du journal télévisé sur ses comptes Facebook et Twitter. Ne pas en parler lundi soir « était (…) clairement un jugement erroné », reconnait ZDF, dont la page Facebook est émaillée de commentaires de spectateurs mécontents: « ma confiance dans (cette chaîne), pour laquelle je paie des impôts, s’amenuise de plus en plus », écrit l’un deux, alors que d’autres s’étonnent que ZDF « passe sous silence depuis un certain temps certaines choses ».
Une centaine d’agressions
Attribuées à des « jeunes apparemment d’origine arabe », les agressions, plus d’une centaine au total, ont été commises sur des femmes la nuit du Nouvel an à Cologne (ouest), soit dans la nuit de jeudi à vendredi. Des faits similaires ont également été signalés à Stuttgart (sud-ouest) et Hambourg (nord). Plus d’une centaine de plaintes ont été déposées au final, selon un décompte de la police mercredi.
Nuit tranquille, selon la police
Mais le 1er janvier, soit le lendemain des événements, la police de Cologne a publié un communiqué faisant état d’une nuit sans incidents notables. Elle a commencé à donner de premiers éléments dans la journée du lundi à mesure que s’accumulaient les plaintes des victimes, avant que l’affaire ne prenne toute son ampleur mardi en Allemagne.
Emoi considérable
Elle a depuis provoqué un émoi considérable, le gouvernement condamnant les violences tout en s’inquiétant d’une stigmatisation des réfugiés. La police parle d’agresseurs d’apparence « nord-africaine » ou arabe ». La municipalité et la police de Cologne sont depuis sous le feu des critiques, le ministre de l’Intérieur Thomas de Maizière fustigeant notamment l’inaction des forces de l’ordre à Cologne le soir des faits.
« Rien jusqu’à lundi dans les journaux »
Plus globalement, le peu d’écho avant mardi des médias sur cette affaire est également mis en question. Le site spécialisé sur les médias, Meedia, a ainsi relevé qu’il a fallu « quatre jours » pour que l’affaire soit « relatée de façon exhaustive au niveau national ». « Lorsque l’on regarde (la presse nationale), il n’y a rien jusqu’à lundi sur ces incidents », poursuit Meedia. « Il a fallu quatre jours pour que la grande machine médiatique ne s’enclenche », épingle encore le portail.
« Presse mensongère »
L’affaire alimente du coup aussi les thèse complotistes et celles de mouvements hostiles aux réfugiés, à l’image de Pegida qui fustige régulièrement la « presse mensongère ».
Après des agressions sexuelles, la nuit du réveillon à Cologne, imputées à des hommes présentés comme des maghrébins, le débat sur les réfugiés s’envenime.
L’Allemagne est choquée par une forme inédite de harcèlement visant des femmes. Près de 150 agressions sexuelles, commises par des jeunes d’apparence maghrébine dans la nuit de la Saint-Sylvestre à Cologne, Hambourg et Stuttgart, provoquent une forte émotion dans le pays. Le gouvernement condamne les agressions. Tout en s’inquiétant du risque de stigmatisation des réfugiés.
Que s’est-il passé en cette nuit de la Saint-Sylvestre à Cologne ?
Les témoignages sont concordants. A sa descente du train régional, à la gare centrale de Cologne, Anna, 27 ans, prend peur : «La place était pleine, presque que des hommes, quelques femmes terrorisées, que tous dévisageaient. J’avais l’impression d’être au marché aux bestiaux ! Presque aussitôt, j’ai senti une première main se glisser dans mon jean. Je me suis accrochée à mon ami, et nous avons pris la fuite…» «Je n’ai jamais vu autant de femmes pleurer», décrit pour sa part Steffi, travailleuse sociale de 31 ans. Arrivée elle aussi peu après minuit des environs de Cologne en train, elle est frappée par «la forte concentration d’hommes jeunes, d’apparence maghrébine, pour beaucoup ivres» qui se trouvent dans la gare. «Salope», «sale pute»… rapidement les insultes pleuvent. Dans un coin, une très jeune fille blonde pleure, le collant déchiré, la jupe de travers. Une femme de 60 ans raconte «avoir paniqué» lorsqu’elle s’est retrouvée «encerclée par de très jeunes hommes d’allure moyen-orientale», cherchant à lui toucher les seins ou à lui mettre la main dans le pantalon. Sous le coup de la peur, elle n’a pas remarqué la disparition de son porte-monnaie.
A Hambourg, un étudiant de 25 ans, Krill, assiste à trois scènes similaires en quelques minutes. «J’ai eu l’impression que ces hommes s’étaient donné le mot, qu’ils avaient décidé de se lâcher…» Plus de 100 femmes ont porté plainte depuis, pour vol et agression sexuelle, une pour viol. Toutes ont raconté avoir été encerclées par des groupes d’une dizaine à une vingtaine de jeunes hommes aux environs de la gare de Cologne. Les agresseurs, âgés de 15 à 35 ans et d’apparence maghrébine selon les victimes, se sont livrés à des attouchements, avant de voler portable ou sac à main. Des scènes similaires se sont également produites à Hambourg (une douzaine de plaintes) et Stuttgart.
«Nous avons affaire à une forme de criminalité organisée d’un type inédit», dénonce Wolfgang Albers, le patron de la police de Cologne, choqué du caractère systématique et du nombre important des agressions. On sait, à ce stade de l’enquête, qu’un millier de jeunes, pour la plupart ivres, se sont mis à jeter des pétards et des feux d’artifice dans la foule depuis le sommet des marches du parvis de la cathédrale peu après minuit, provoquant une première intervention des forces de l’ordre. «Les hommes se sont alors dispersés dans le noir en petits groupes», explique le porte-parole des forces de l’ordre.
C’est à partir de ce moment, entre minuit et 4 heures du matin, que se seraient produites la plupart des agressions. «On ne peut pas parler de 1 000 agresseurs, tente de rassurer la police de Cologne. Mais il est certain que les agresseurs se trouvaient parmi ce groupe d’un millier de jeunes hommes d’allure étrangère.» La police ne croit pas que les agressions de la Saint-Sylvestre soient le fait de demandeurs d’asile mais plutôt d’une ou plusieurs bandes de petits criminels maghrébins installés de longue date en Allemagne et pour certains déjà connus des forces de l’ordre. Le fait que certains aient parlé allemand confirmerait cette hypothèse.
Pourquoi l’affaire n’a-t-elle éclaté au grand jour que mardi ?
Au petit matin du 1er janvier, la police de Cologne, visiblement dépassée, dressait un bilan «positif» de la nuit de la Saint-Sylvestre : «Comme l’an passé, les festivités sur les ponts du Rhin, dans le centre de Cologne et de Leverkusen se sont déroulées de façon pacifique», annonce le communiqué officiel des forces de l’ordre. Plus tard dans l’après-midi, la police dresse un premier bilan de 30 plaintes de jeunes femmes agressées. Lundi, on passe à 60 plaintes. Le communiqué officiel parle cette fois de «violences d’une dimension inédite». Mardi, les cercles du pouvoir à Berlin prennent la mesure du scandale. Depuis, autorités fédérales et régionales se renvoient la balle. Le ministre de l’Intérieur, Thomas de Maizière, accuse la police de Cologne de «négligences». «J’attends des explications urgentes : ces agressions étaient-elles organisées ? S’agissait-il de Nord-Africains ? Et comment la police a-t-elle pu prétendre le lendemain que la nuit avait été paisible ?» Rainer Wendt, président de DPolG, un syndicat de la police, s’en prend lui au gouvernement : «Où se trouvaient les renforts de la police fédérale qui étaient prévus à Cologne le soir de la Saint-Sylvestre ? Dépêchés en Bavière, pour surveiller les frontières !» A Cologne comme à Hambourg, les forces de l’ordre ont visiblement été débordées par l’afflux de fêtards. Les jeunes femmes agressées rapportent toutes ne pas avoir noté de présence policière particulière à proximité. Une policière en civil ce soir-là figure même parmi les victimes.
Comment réagissent les autorités ?
Cette vague d’agressions provoque une vive émotion en Allemagne. Gouvernement et opposition condamnent les agressions. Tout en s’inquiétant du risque de stigmatisation des réfugiés. Depuis des mois, le débat politique se crispe en Allemagne autour de la question des migrants, à la veille de cinq scrutins régionaux en mars et en septembre. Le succès de mouvements tels que Pegida, ou la progression du petit parti d’extrême droite Alternative pour l’Allemagne (AFD) expliquent la grande prudence de la classe politique sur la question des réfugiés. «Ces succès montrent qu’une partie importante de l’opinion se distancie des valeurs de la Constitution», souligne le politologue Timo Lochocki. Mardi, la chancelière, Angela Merkel, se disait «outrée par ces agressions abjectes et ces attaques à caractère sexuel», exigeant «une réponse sans faille de l’Etat de droit». «Nous devons tout mettre en œuvre pour retrouver les coupables sans délai, et les punir sans considérer leur apparence, leurs origines ou leur histoire personnelle», a précisé son porte-parole Steffen Seibert. Comme lui, la plupart des commentateurs, sans les citer, tentent de dissocier les agressions de la vague de demandeurs d’asile entrés en Allemagne depuis la fin du mois d’août. «On ne peut pas prétendre que ce genre d’agressions soit typique des Arabes ou des réfugiés, estime la verte Claudia Roth, vice-présidente du Bundestag. Il s’agit de violence masculine, et d’une tentative d’exploiter la Saint-Sylvestre comme si c’était une période de non-droit.» «Le fait que des personnes d’origine étrangère soient associées à ces faits ne doit pas conduire à ce que les réfugiés soient systématiquement soupçonnés», insiste le ministre de l’Intérieur, Thomas de Maizière.
L’affaire sert-elle l’extrême droite ?
Le mouvement anti-islam Pegida et le petit parti AFD se sont déjà engouffrés dans la brèche. «Il est maintenant évident que la politique d’Angela Merkel a provoqué une crise dramatique, estime le président de l’AFD pour le Bade-Wurtemberg, Jörg Meuthen, à deux mois des élections régionales à Stuttgart. Les excès de violence de la Saint-Sylvestre sont les premiers effets d’un mélange explosif d’immigration incontrôlée, de défaillance de l’Etat de droit et de déni du politique.» La présidente de l’AFD, Frauke Petry, dénonce «des agressions rappelant la situation d’absence de droit qui régnait en Allemagne à la fin de la guerre». Jusqu’à un million de femmes avaient alors été victimes de viols, commis par des Soviétiques dans l’est du pays. «Si des demandeurs d’asile ou des réfugiés se livrent à de telles agressions, il s’agit d’une éclatante trahison des valeurs de l’hospitalité et cela doit conduire à la fin immédiate de leur séjour en Allemagne», estime pour sa part Andreas Scheuer, secrétaire général de la CSU, la branche bavaroise et conservatrice du parti d’Angela Merkel. La CSU réclame la limitation à 200 000 par an des nouvelles arrivées. En 2015, l’Allemagne a accueilli 1,1 million de demandeurs d’asile.
L’AFP a encore frappé. Avec la nomination d’Arye Deri à la tête du Ministère de l’Intérieur, l’Agence de presse a utilisé un titre qui sonne une nouvelle fois comme une charge contre Israël, qualifiant ce dernier de « repris de justice ».
Selon le Larousse, un « repris de justice » qualifie une personne condamnée au pénal. En ce sens, tout condamné peut être qualifié de ces mots. Mais réduire la qualité d’une personne à ce titre est une démarche foncièrement hostile.
On ne se souvient pas d’un tel rappel concernant les politiques arabes, dont la corruption est connue de tous, dans les dépêches de l’AFP.
Pour rappel, le précédent premier ministre français, Jean-Marc Ayrault avait lui aussi été condamné au pénal. S’en était suivi en France un débat sur le rappel de ce fait dans les articles décrivant M. Ayrault.
Il est instructif de rappeler l’avis du médiateur du magazine Le Point à ce sujet:
« Ainsi, si l’on s’en tient aux dispositions du Code pénal alors applicable, comme le maire de Nantes [Jean Marc Ayrault ndlr.] a exécuté sa peine, qu’il n’a pas subi de nouvelle condamnation et que, depuis, le délai d’épreuve de cinq ans est dépassé, Jean-Marc Ayrault bénéficie des dispositions de l’article 133-13 qui stipule que « la réhabilitation est acquise de plein droit », « après un délai de cinq ans à compter soit de l’exécution de la peine, soit de la prescription accomplie ». En clair, le casier judiciaire de Jean-Marc Ayrault est vierge, il est un citoyen comme un autre, il ne doit plus rien à la Cité, qui, d’une certaine façon, l’a absous. Dans l’équipe de modération, les partisans du « non à l’expression repris de justice » en concluent qu’à ce titre, réitérer le rappel de l’expression dans les commentaires n’a pas de portée argumentative, et relève finalement de l’invective gratuite qui dessert la tenue du débat, soit par aigreur, soit par esprit partisan. Ce serait d’ailleurs, selon eux, permettre qu’on salisse gratuitement l’honneur d’un homme que la société et sa justice ont entendu laver de l’infamie, et donc se placer inopportunément au-dessus d’elles. »
Et encore, cette analyse ne concerne pas l’utilisation du terme « repris de justice » dans le titre d’une dépêche mais le rappel d’une condamnation. L’AFP confirme donc selon les mots mêmes des médias français relever de l’invective gratuite quand il s’agit d’Israël, soit par aigreur soit par esprit partisan. Peut-être les deux?
Voir de plus:
Ayrault : dire ou ne pas dire « repris de justice » ?
L’expression, les commentaires la véhiculent des milliers de fois chaque jour. Elle embarrasse les modérateurs, qui se sont posé la question : au nom de quoi doit-on, peut-on, laisser répéter tant de fois que Jean-Marc Ayrault est un repris de justice ? En quoi cela sert-il le débat ?
Ludovic Pauchant
Le Point
15/05/2012
« Je ne savais pas qu’un repris de justice faisait un candidat potentiel pour le job de Premier ministre », s’agaçait, il y a quelques jours, Nederlander. Avec lui, des centaines d’autres internautes : alors que Jean-Marc Ayrault est pressenti Premier ministre du nouveau gouvernement, que François Hollande a juré mordicus qu’il ne s’entourerait pas d’un homme « jugé et condamné », les médias, puis les internautes, nombreux, sont montés au créneau. Et l’expression « repris de justice » a pris ses quartiers dans les commentaires.
Occulter, c’est travestir la vérité
Parce que nous avons conscience de la complexité de notre mission de modération des milliers de commentaires que chaque jour vous soumettez dans les colonnes du Point.fr, nous nous précipitons dans les impasses que l’actualité commande, pour tenter de définir collégialement ce qui relève du publiable, et sur quels critères. Parce qu’ils croient en la vertu du débat démocratique, les modérateurs font valoir leurs analyses, pour trouver un équilibre dans les choix de modération. Comme dans toute communauté, il arrive qu’ils peinent à s’accorder : nous y voilà, une nouvelle fois, avec cette expression « repris de justice ».
La question est posée : l’expression « repris de justice » apporte-t-elle quelque chose au débat, vaut-elle argument ? Au nom de l’histoire et d’une certaine idée de la vérité, certains modérateurs, comme certains lecteurs, estiment que oui. Notamment parce que Jean-Marc Ayrault est un personnage public, qu’il a été condamné dans l’exercice d’un mandat public, et que le citoyen doit pouvoir tout connaître de qui l’administrera. Occulter une condamnation relèverait, dès lors, du travestissement de la vérité. Stricto sensu, le Larousse leur donne raison, puisqu’il entend par « repris de justice », « toute personne ayant fait l’objet d’une condamnation pénale ». Du point de vue de la langue française, l’affaire pourrait donc s’arrêter là.
Le soupçon, un encombrant boulet
C’est oublier que le modérateur n’est pas qu’un « obsédé textuel » : comme pour chacune de vos contributions, il y cherche avec la patience de l’entomologiste l’intention communicative, c’est-à-dire ce que l’internaute a souhaité, même à demi-mot, exprimer. Pour, in fine, décider que le commentaire a sa place dans le débat, ou qu’il ne s’inscrit pas dans le cadre strict fixé par la charte de modération du Point.fr.
Or, ce que la solution fondée sur le sens propre de l’expression de « repris de justice » écarte, c’est que les mots, selon le contexte, prennent un sens nouveau dans les commentaires.
Alors, le problème se corse. La voix des partisans du « non » s’élève : utiliser l’expression « repris de justice », ce n’est pas tant évoquer une condamnation passée, mais, souvent, au mieux, laisser entendre qu’un soupçon de malhonnêteté plane sur la tête du Premier ministre présagé, comme un encombrant boulet. Ou, au pire, laisser entendre qu’il est susceptible de recommencer, et qu’à ce titre, il n’est pas digne de confiance, et même, dans certains commentaires, que le confirmer à de hautes fonctions publiques serait une escroquerie.
L’invective gratuite dessert le débat
Le droit, dans sa rigueur et sa relative neutralité, est alors, au moins intellectuellement, d’un louable secours. Ainsi, si l’on s’en tient aux dispositions du Code pénal alors applicable, comme le maire de Nantes a exécuté sa peine, qu’il n’a pas subi de nouvelle condamnation et que, depuis, le délai d’épreuve de cinq ans est dépassé, Jean-Marc Ayrault bénéficie des dispositions de l’article 133-13 qui stipule que « la réhabilitation est acquise de plein droit », « après un délai de cinq ans à compter soit de l’exécution de la peine, soit de la prescription accomplie ». En clair, le casier judiciaire de Jean-Marc Ayrault est vierge, il est un citoyen comme un autre, il ne doit plus rien à la Cité, qui, d’une certaine façon, l’a absous. Dans l’équipe de modération, les partisans du « non à l’expression repris de justice » en concluent qu’à ce titre, réitérer le rappel de l’expression dans les commentaires n’a pas de portée argumentative, et relève finalement de l’invective gratuite qui dessert la tenue du débat, soit par aigreur, soit par esprit partisan. Ce serait d’ailleurs, selon eux, permettre qu’on salisse gratuitement l’honneur d’un homme que la société et sa justice ont entendu laver de l’infamie, et donc se placer inopportunément au-dessus d’elles.
Justice et morale ?
Finalement, passée l’émotion des débats, la solution à cet épineux problème se trouve quelque part au confluent des questions qui en découlent.
Au nom de la morale, de ce qui est « bien » et « mal », si l’on s’en tient au Larousse, Jean-Marc Ayrault est un repris de justice. Au nom de la justice, il n’en est pas un. Privilégier la morale, c’est nier la justice, pilier démocratique et puissant outil de remise en ordre quand le chaos guette. Privilégier la justice, c’est accorder à l’État, et donc à la société, le droit de prendre lui-même le chemin qu’il estime bon pour lui, quitte à laisser derrière lui, sur ce chemin, une part de la vérité. En somme, c’est considérer que parfois, décréter la vérité a du bon, au nom d’intérêts considérés comme supérieurs, ou au moins indispensables à la vie dans la cité : le droit à l’oubli, le droit à une deuxième chance, la force « purgative » de la justice, le droit à la réhabilitation, voire à quelque chose comme le pardon et la rédemption. Mais cela suppose d’oublier un temps des droits considérés comme essentiels à l’exercice démocratique. Par exemple, le droit à la liberté d’expression, les dispositions relatives au droit de la presse.
Jugé, condamné…, réhabilité
Aucune solution n’affleure. Comment ne pas glisser de la modération vers la censure ? La question s’était déjà posée dans les cas, entre autres, des affaires Juppé et Fabius : la position traditionnelle des modérateurs a toujours été de ne pas laisser croire que la réitération de ce qui ressemble à des éléments de langage propagandistes pouvait tenir lieu d’arguments dans le débat. Peut-être, alors, cette solution est-elle la bonne, ni au-delà, ni en deçà. Car enfin, de quoi s’agit-il ? D’une affaire de marché public, d’un délit de favoritisme, il y a 17 ans, affaire à l’issue de laquelle Jean-Marc Ayrault a été jugé, condamné, puis réhabilité. Rien dont il ne puisse se vanter, mais rien, non plus, qui justifie une lapidation en règle. La littérature du passé nous ramène parfois au présent : pour un morceau de pain volé, l’émondeur de Faverolles est envoyé au bagne, honneur et probité avec lui. Victor Hugo l’a appelé Jean Valjean, en lui collant aux trousses l’inspecteur Javert, justicier de la Morale. Toute sa vie, Valjean est pourchassé, tout petit voleur qu’il fut un mauvais jour de disette. De Valjean à Ayrault, il y a un pas qu’il ne nous appartient pas de franchir. D’ailleurs, ce serait grotesque. Cela ne nous empêche pas d’en tirer un enseignement, et de trancher dans la question qui nous occupe : l’acharnement, quel qu’il soit, n’est pas une oeuvre utile. Et surtout, il nuit au débat.
En s’emparant de la condamnation de l’homme pressenti pour être le futur Premier ministre de Hollande, les responsables UMP se réfèrent au droit… et se mettent eux-mêmes hors la loi !
Jean-Marc Ayrault, dont le nom circule comme possible Premier ministre du président Hollande, est l’objet depuis quelques jours d’une virulente campagne. L’UMP s’est emparée de sa condamnation, en décembre 1997, à une peine de six mois d’emprisonnement avec sursis et 30.000 francs d’amende pour délit de favoritisme dans l’attribution d’un marché public.
En l’occurrence, les conditions de l’appel d’offres concernant le journal municipal de Nantes n’ont pas été respectées. Jean-Marc Ayrault a été condamné es qualités de maire pour avoir acté la création d’une association chargée de gérer la communication de la ville, laquelle a confié « sans mise en concurrence », la fabrication et l’impression de Nantes passion, le magazine municipal, à une entreprise privée.
Au demeurant, la faute demeure assez bénigne et nul n’a jamais soupçonné Jean-Marc Ayrault d’un quelconque enrichissement personnel ou de financement illicite de son activité politique.
On peut toutefois comprendre que la droite se soit saisie de cette vieille histoire pour tenter de mettre en contradiction François Hollande, lui qui s’était engagé au cours de sa campagne à ne s’entourer d’aucune personnalité « jugée et condamnée ». C’est de bonne guerre, même si la polémique ne vole pas très haut…
Le seul souci, c’est que les responsables UMP qui se réfèrent ainsi au droit… se mettent eux-mêmes hors la loi !
En effet, il semble que nul ne puisse mentionner publiquement la condamnation de Ayrault depuis décembre 2007. Après avoir payé la peine d’amende qui lui était réclamée, l’élu nantais bénéficie, comme tout justiciable, des effets de la réhabilitation. Celle-ci est acquise à l’issue d’un délai de cinq ans dans le cas d’une peine d’emprisonnement assortie de sursis simple, selon l’article 133-13 du Code pénal.
A ce premier délai de cinq ans, un second de la même durée s’ajoute à l’expiration duquel une condamnation à du sursis simple est dite « non avenue ».
Bref, attaqué par ses adversaires pour des faits qui ne peuvent plus être mentionnés publiquement, Jean-Marc Ayrault serait en droit de les poursuivre à son tour en diffamation. La justice a des subtilités qui échappent, bien souvent, à la violence du combat politique.
17 décembre 2015
Voici l’ITW d’Alexandra Laignel-Lavastine par Sonia Mabrouk sur Public Sénat le 14 décembre 2015
« Je mets les pieds dans le plat, ça ne fait rien »…
Sonia Mabrouk : Alexandra Laignel-Lavastine, quel est votre regard, votre analyse sur ce second tour d’hier ?
-Alexandra Laignel-Lavastine : je pense que l’heure n’est vraiment pas au triomphalisme, le Front national ne cesse de progresser depuis des années, c’est ça la réalité à laquelle nous sommes confrontés et je crois que nous en sommes arrivés là parce que nous autres, politiques, journalistes, faiseurs d’opinion au sens large, nous avons eu très coupablement tendance au cours de toutes ces 15 dernières années à lui abandonner littéralement le monde et ses réalités déplaisantes, puisque tout de même une guerre vient de nous être déclarée, en se refusant à nommer l’ennemi, c’est à dire l’islamisme, en capitulant devant le communautarisme et tout ce qu’il implique de sexisme, d’antisémitisme, de vision complètement rétrograde de l’homme et de la société […] comment à force de lâcheté et comment à force de s’enfoncer dans ce véritable déni idéologique du réel, nous avons aujourd’hui 15 ans de retard à l’allumage face à la menace islamiste comme face à la progression du Front national.
On va en parler, on dirait dans votre discours que vous les mettez sur le même plan ? C’est une critique froide et sans concession des élites, élites politiques, élites médiatiques, élites intellectuelles, est-ce que vous dites que l’ascension de Marine Le Pen c’est en partie notre oeuvre ?
-oui tout à fait, ce qui m’a fait le dire aussi c’est un intellectuel d’origine musulmane laic et démocrate, je pense que les dissidents du XXIème siècle ce sont eux, c’est à dire ces hommes et ces femmes, il ne faut pas les oublier, qui se battent pour leur liberté et pour la notre et qui ne cessent depuis 10 ans de tirer la sonnette d’alarme sans qu’on les entende, je rappelle tout de même que l’intellectuel musulman préféré des plateaux de télévision pendant 10 ans c’était Taril Ramadan, alors qu’ils sont remarquablement courageux, et cet intellectuel me disait quoi, déjà au printemps, quelques mois après Charlie, il me disait qu’un certain nombre d’intellectuels européens progressistes ou qui se croient encore progressistes sont effrayants, ils se comportent comme des collabos, envers l’islam radical et l’islamisme, moyennant quoi ils pavent la voie à la droite extrême […]
Je crois que la distinction entre vrai et faux islam n’a pas de sens, une religion c’est ce que les hommes en font à un moment donné de l’histoire […] il faudrait aussi, c’est d’ailleurs ce que les intellectuels musulmans éclairés nous disent du matin au soir que les musulmans notamment les responsables musulmans français se posent aussi la question de savoir comment il se fait qu’il y a autant de branches pourries dans l’islam qui pourrissent le monde musulman et qui pourrissent le monde, on aimerait bien que cette question soit clairement posée […] il faudrait que l’islam et les musulmans eux-mêmes arrivent à réinsuffler une bonne dose de lumière dans un modèle culturel parce que les causes ne sont pas seulement économiques et sociales et là je crois qu’à répéter cela, cela revient à se tirer une balle dans le pied, les causes sont aussi culturelles et c’est cela qu’il faut nommer clairement
Vous dites aux élites : « stop, stop à l’aveuglement, stop au somnambulisme, il en va de notre survie »
-oui, il y va de notre survie, il y va de notre capacité à gagner la guerre et je crois vraiment qu’après Charlie et qu’après les tueries du 13 novembre, la fin de la récréation a sonné, on ne peut plus faire dans ce discours politiquement correct qui s’aveugle sur tout qui s’enfonce dans une folle spirale du déni et qui ne fait qu’une chose c’est faire monter le politiquement abject, c’est en ce sens que je dis qu’une partie de la gauche, non seulement n’a pas fait le jeu du Front national mais elle a fait bien pire : elle a fait campagne à la place de Marine Le Pen d’une certaine manière, parce que les gens sont exaspérés par cet aveuglement et c’est pour ça qu’ils se mettent à voter pour le Front national […]
Je ne mets pas le danger frontiste sur le même plan que le danger islamiste, les islamistes tuent, massacrent et il faut bien comprendre aussi que ce ne sont pas ni des loups solitaires, ni des déséquilibrés, ni une poignée de psychopathes comme on a tellement aimé se le répéter pour se rassurer, ni des victimes du racisme et des discriminations, cela revient à inverser, pas de culture de l’excuse qui frise vraiment l’indécence qui consiste à cracher sur les victimes, à cracher sur les morts et en plus à cracher aussi sur les vrais pauvres, sur les vrais défavorisés, ce n’est pas parce qu’on est pauvre qu’on ne peut pas faire autrement que de tuer son prochain, j’aimerais bien qu’on les respecte aussi un peu, ce discours-là me parait d’une condescendance post-coloniale absolument insupportable, je ne les mets pas sur le même plan d’autant que le Front national joue le jeu démocratique, l’islam pas du tout qui est animé par un projet de société et c’est très important de le dire, notre ennemi c’est une idéologie totalitaire et meurtrière animé par un projet de société et par un projet de conquête et de destruction de l’Europe donc ce n’est pas sur le même plan mais la logique est celle de l’engendrement, plus on s’aveugle et plus on sert la soupe en quelque sorte au Front national et ce n’est pas la peine à chaque scrutin puisqu’il progresse inéluctablement jusqu’à présent, de pousser des hi et des ha et de se demander comment on en est arrivé là.
L’Incorrect. Pour la philosophe Alexandra Laignel-Lavastine, les attentats en France n’ont fait qu’aggraver l’aveuglement des intellectuels et des politiques.
Dans la Pensée égarée, un essai prophétique paru en mai dernier, vous insistiez beaucoup sur cette « spirale du déni » où s’enfonce depuis des années, écrivez-vous, « la doxa bien-pensante », alors même qu’un islam de plus en plus agressif et revendicatif montait en visibilité. Avec le dur réveil des attentats, en sommes-nous enfin sortis ?
Depuis le temps qu’elle sévit, je crains fort que cette vulgate bien-pensante, qui ne cesse de se crever les yeux face à la montée de l’islamisme par crainte de nourrir l’“islamophobie”, n’ait trop profondément formaté les esprits pour que nous puissions espérer en être débarrassés de sitôt. Ce prêt-à-penser a en effet ceci de redoutable que sa toxicité s’étend bien au-delà de la sphère islamogauchiste. S’il constitue l’idéologie dominante, c’est qu’il sait jouer à merveille sur plusieurs ressorts : sur les bons sentiments bobos nunuches, sur l’envie d’être en paix plutôt qu’en guerre, mais aussi sur la peur et sur cette insondable paresse intellectuelle qui nous a jusqu’à présent rendus incapables de nous convertir au réel. Si tel n’était pas le cas, nous ne serions pas en train de prendre de plein fouet quinze ans au moins de capitulation devant le communautarisme, de complaisance à l’égard de l’islam radical et d’irresponsabilité face aux discours haineux et antisémites qu’on laisse prospérer à ciel ouvert en toute irresponsabilité. C’est parce que nous avons tout laissé passer que nous sommes aujourd’hui complètement dépassés.
Mais le problème n’est pas seulement politique. Gauche et droite confondues ont trouvé collectivement plus confortable de faire comme si nous n’avions pas d’ennemi pour la bonne raison que nous n’en voulions pas. Résultat : nous avons quinze ans de retard à l’allumage, sur le plan de la pensée comme sur les plans sécuritaire et militaire. Confrontés à une peste verte se répandant à une vitesse prodigieuse, un fléau planétaire désormais doté d’un outil de propagande et de recrutement jusque-là inconnu dans l’histoire de l’humanité (Internet et les réseaux sociaux), les politiques, la hiérarchie policière et les technocrates de tous bords ont été incapables de réadapter leurs catégories mentales, de secouer la lenteur de leurs appareils administratifs et de prendre à temps la mesure du danger. L’aveuglement collectif était tel qu’au cours des deux ou trois dernières décennies, les partis de gouvernement ont également renoncé à mettre en oeuvre des politiques d’intégration mieux adaptées à une immigration extra-européenne d’origine majoritairement musulmane. Or, la première affaire dite du foulard islamique remonte, en France, à 1989. Quant à nos pieux sociologues, ils nous expliquaient déjà que tout allait pour le mieux dans le meilleur des mondes multiculturalistes et que l’islamisme lui-même refluait : la plus sûre façon de paralyser toute prise de conscience et toute action. Quand il se fera de plus en plus revendicatif au fil des années 2000 puis 2010, au point de réclamer des aménagements législatifs nous projetant plusieurs siècles en arrière, la France de gauche dira : “Respect de la diversité !”.
Au printemps dernier, dans la commune de Seine-Saint-Denis où je vis, il revient toutefois au maire de droite d’avoir émis une circulaire donnant pour consigne à sa police municipale de ne pas verbaliser les dames portant le voile intégral, autrement dit de ne pas appliquer la loi votée par le Parlement en 2010. On peut donc considérer que la lâcheté a traversé l’ensemble de la société comme de l’échiquier politique.
Depuis qu’une nouvelle judéophobie de facture arabo-musulmane explose dans ce pays et tue sur le sol français, y compris des enfants, les Français n’ont pas non plus compris que quand les nuages s’amoncellent au-dessus des juifs, l’orage est bientôt pour tous. Plus largement, il me semble que les Européens ont depuis si longtemps dissipé le cauchemar des guerres de Religion qu’ils ont eu beaucoup de mal à percuter l’ampleur de la menace djihadiste. Or, l’on peine toujours à “voir” ce que l’on peine à “concevoir”.
Mais tout de même, nous nous savons en guerre depuis les attentats du 11 Septembre, non ?
Oui, nous le savions, mais nous ne voulions pas le savoir. C’est le principe du déni, d’autant plus étrange que les islamistes ne se limitaient pas à proclamer haut et fort la haine absolue qu’ils portent au meilleur de notre civilisation : ils ont joint la parole aux actes. Que nous fallait-il de plus pour redescendre de Mars, nous arracher à notre somnambulisme, percuter la réalité de la menace et cesser de rejouer, chaque fois, la sidération ? Rien, si ce n’est l’extraordinaire puissance du déni. En ce sens, l’ennemi est aussi en nous-mêmes. C’est un des versants de la guerre où nous sommes engagés. Et non des moindres. Il va nous falloir d’urgence retrouver le sens des mots et réapprendre à bien nommer les choses pour cesser de nous tirer une balle dans le pied et d’ajouter au malheur du monde. Seulement voilà : ceux qui osaient jusqu’à présent nommer l’ennemi étaient taxés de néoréactionnaires (j’en fais partie) et accusés de faire le jeu du Front national. On connaît le bon vieux principe : brisons les avertisseurs d’incendie et le feu s’éteindra de lui-même
Comment en sommes-nous arrivés là ? Cette question en appelle aussitôt une autre : jusqu’à quand allons-nous feindre, à chaque nouvelle percée du Front national, la surprise et la sidération ? S’il est en passe de devenir le premier parti de France, c’est aussi qu’une partie de nos élites intellectuelles, politiques et médiatiques a longtemps trouvé plus confortable de rester perchée sur Mars et de lui abandonner le monde. Surtout ses réalités déplaisantes, comme les problèmes que posent une immigration de masse d’origine extra-européenne en l’absence de politique d’intégration, la porosité de nos frontières, le prodigieux écho que rencontre l’islamisme dans nos banlieues, la poussée du communautarisme, du sexisme, de l’homophobie et de l’antisémitisme. Toutes réalités enfin officiellement admises en l’espace d’une nuit, entre le 13 et le 14 novembre. Bien tard pour regagner une quelconque crédibilité.
Peu de temps auparavant, rappelons qu’il se trouvait encore de bons apôtres du politiquement correct pour parler de « terrorisme dit “islamiste” », car il ne pouvait s’agir, cela va de soi, que d’une lubie aux relents racistes. Pour cette vision théologico-tiers-mondiste qui ne souffre aucun démenti en provenance des faits, l’axiome est intangible : le mal ne saurait surgir du camp du bien, celui des prétendus « damnés de la terre ». Enivrés par leur folle reductio ad lepenum, certains ont même réussi l’exploit de céder la souveraineté et la laïcité à Marine Le Pen. Ou plutôt cet abominable…
Atlantico : Depuis quelques années, les actes antisémites ont eu un fort écho médiatique (agressions physiques à Sarcelles, attaque d’une école juive à Toulouse, profanations de cimetières juifs et de synagogues…). Au-delà de l’impact médiatique, peut-on dire que le nombre d’actes antisémites est objectivement en train d’augmenter en France ?
Jérôme Fourquet : Effectivement, il y a des faits particulièrement spectaculaires qui ont attiré l’attention et les projecteurs, mais si on se base sur les données du ministère de l’Intérieur ou du service de protection de la communauté juive qui recense toutes les attaques et agressions antisémites, on s’aperçoit qu’on a une tendance très marquée à la hausse depuis une quinzaine d’années. Il y a des phases de ressac et de reflux, mais si on regarde sur une longue période, on peut dire que la violence antisémite a considérablement progressé, voire même explosé certaines années.
C’est le point de départ de notre travail d’investigation qui était de voir comment une catégorie de la population soumise à ce changement assez brutal de sa situation sécuritaire a été amenée à réagir sur différents registres : stratégies résidentielles ou scolaires, comportements électoraux, et lien avéré ou non avec un autre phénomène qui a énormément progressé ces dernières années, à savoir l’alya, le départ des Juifs vers Israël.
Pour ce qui est de la progression des actes antisémites, on a fait figurer dans le livre toute une série de graphiques qui montrent cela de manière très précise. Même dans les phases d’accalmie et de répit, on est au minimum à 400 ou 500 actes antisémites par an alors qu’on était à moins de 100 à la fin des années 1990. Le deuxième point à noter, c’est que cette dynamique de progression est très fortement corrélée à long terme mais aussi de manière ponctuelle avec la situation au Proche-Orient. On est donc sur le schéma d’une « importation » du conflit israélo-palestinien, notamment l’Intifada, sur le territoire français. On constate une explosion de la violence antisémite dès 2000 et le début de la deuxième Intifada jusqu’à environ 2005. Ensuite, à chaque fois que la situation se tend ponctuellement en Israël ou en Palestine et que l’armée israélienne lance des opérations à Gaza, on a eu dans les semaines qui ont suivi des pics de violence et d’actes antisémites en France.
En 2012, une enquête de l’Union européenne a révélé que les Juifs français étaient les plus pessimistes, puisque 74% d’entre eux estimaient que l’antisémitisme avait beaucoup augmenté ces cinq dernières années, soit le plus haut total d’Europe. Comment expliquez-vous ce chiffre ? Y a-t-il un particularisme français ?
Il y a tout d’abord cette montée très forte des actes antisémites en France, qui est naturellement ressentie par la population juive. Deuxièmement, il ne faut pas oublier que par rapport aux autres pays européens, la France se distingue de deux manières. D’une part, c’est le pays qui possède la plus importante communauté juive d’Europe, en nombre de personnes. Et ensuite, c’est également le pays où la population issue de l’immigration et la population musulmane est la plus importante d’Europe. Comme les actes antisémites sont fortement liés dans le temps avec la situation du Proche-Orient, on a l’une des clés d’explication de ce ressenti particulièrement alarmiste et inquiétant de la population juive française. Non seulement la corrélation entre les actes antisémites et le conflit israélo-palestinien est objectivement prouvée par les chiffres, mais elle est également ressentie comme telle par les individus eux-mêmes. Nous nous sommes rendus compte dans le cadre d’entretiens que nous avons menés pour cette enquête que cela avait été intégré par toute une partie de la population juive, qui est bien consciente de la possibilité de « représailles » ici en France lorsque l’armée israélienne agissait au Proche-Orient. Certains d’entre eux nous ont expliqué qu’ils modifiaient leurs habitudes, leurs parcours et leurs déplacements en fonction du calendrier des événements au Proche-Orient. Cette contrainte est très bien intégrée en France, peut-être plus qu’ailleurs. Le traitement médiatique est peut-être plus important ici qu’ailleurs, mais le niveau de menace et d’antisémitisme est objectivement plus élevé chez nous que chez nos voisins européens.
Le sentiment d’abandon de la communauté juive de France s’accompagne souvent de l’idée selon laquelle les médias et la société française seraient pro-palestiniens et hostiles à Israël. Selon vous, est-ce un constat avéré ou exagéré ?
On montre dans le livre que si on se place du point de vue de l’opinion publique, on constate un basculement assez clair mais ancien dans la relation entre les Français et Israël. Jusqu’à la guerre des Six Jours, on a un présupposé largement en faveur d’Israël en France. A partir de cette victoire israélienne et de l’occupation d’un certain nombre de territoires palestiniens, les choses se sont équilibrées. Ce rééquilibrage ne se fait pas forcément au profit des Palestiniens, mais plutôt à l’opinion « ni l’un ni l’autre ». Cette posture attentiste ou désengagée de la part d’une grande majorité de Français a gagné en puissance au fur et à mesure que le temps passait et que la résolution du conflit apparaissait de plus en plus hors de portée. Aujourd’hui, toutes les enquêtes qu’on mène régulièrement lorsqu’il y a des phases de tension dans cette région du monde montrent qu’une grande majorité de Français (70%) ne donnent leur sympathie ni aux uns ni aux autres. Du point de vue de l’opinion publique, nous ne sommes donc pas aujourd’hui dans une posture majoritairement pro-palestinienne. En revanche, la prédisposition à être plutôt clément envers Israël s’est considérablement estompée. C’est déjà beaucoup, car vous passez d’un sentiment d’être soutenu à un sentiment beaucoup plus neutre.
Ce sentiment d’éloignement ou d’incompréhension a par ailleurs aussi été alimenté par le fait qu’au début des années 2000, toute une partie de la classe politique et médiatique a minoré l’explosion de la violence antisémite. Cela a été très mal vécu par toute une partie de la population juive qui s’est sentie incomprise et abandonnée. Donc il y a à la fois le fait de se dire : « en tant que Juif nous avons un lien particulier avec Israël et la société française est devenue anti-israélienne ». Ce n’est pas vrai. Ce qui est vrai, c’est qu’elle est moins pro-israélienne qu’elle ne l’était il y a 30 ans. Et d’autre part, « nous vivons en tant que Juif une situation très difficile, et les gens nous disent que nous exagérons ou que ce sont de faux problèmes ». Cela renvoie à ce qu’il s’était passé dans les années 1990-2000 où une partie de la gauche disait qu’il n’y avait pas vraiment d’insécurité mais plutôt un sentiment d’insécurité. C’est un peu le même phénomène ici.
Or, cet électorat juif, qui est à la base diversifié mais qui avait historiquement des liens forts avec la gauche, s’est petit à petit détourné de la gauche parce qu’une bonne partie des électeurs avaient le sentiment que la gauche ne les soutenait plus et ne les comprenait plus. On voit donc qu’il s’est vraiment passé beaucoup de choses au tournant de ces années 2000, au moment de la deuxième Intifada, quand la gauche est au pouvoir en France. Nous avons reproduit dans notre livre toute une série de déclarations de responsables de gauche qui minimisaient ces événements. Cela a été ressenti très douloureusement par beaucoup de Juifs français, qui déploraient quelque part une forme de double peine. Quand vous êtes Juif et de gauche, vous constatez au quotidien la montée de la violence antisémite et les politiques dont vous êtes censé être proche balaient cela d’un revers de main, disent qu’il y a des problèmes plus urgents, etc. Certains allaient jusqu’à dire qu’il ne fallait pas jeter de l’huile sur le feu, qu’il n’y avait pas d’importation du conflit en France, etc.
Le basculement à droite commence à s’opérer un peu avant, mais il devient spectaculaire avec l’élection présidentielle de 2007 puis celle de 2012. Il y a un double phénomène. Tout d’abord cette prise de distance vis-à-vis de la gauche sur la question du rapport à l’immigration maghrébine et à la montée des actes antisémites. Et par la suite, une partie de la droite s’est engouffrée dans l’espace laissé vacant. On pense notamment à Alain Madelin en 2002 de manière spectaculaire, puis Nicolas Sarkozy en 2007, qui se sont présentés en boucliers et en meilleurs ambassadeurs de la communauté juive de France.
Est-ce qu’on peut dresser aujourd’hui un profil global des individus auteurs d’actes antisémites ? Au début du 20e siècle, ils étaient surtout commis par des gens qui se réclamaient de la tradition conservatrice catholique française, voire de l’extrême-droite. Est-ce toujours le cas de nos jours ?
Nous citons dans notre livre un certain nombre de sources, notamment les rapports de la Commission nationale consultative des Droits de l’Homme, qui montrent qu’on a une surreprésentation des milieux « arabo-musulmans » dans la commission de ces actes. La violence antisémite provenant de l’extrême-droite continue d’exister, mais elle est aujourd’hui minoritaire. Il y a toute une série d’actes antisémites commis dans des quartiers difficiles de Seine-Saint-Denis ou du Val-de-Marne, qui relèvent de la délinquance pure et simple mais qui visent la communauté juive : racket, kidnapping, etc.
Ces voyous habillent leurs actes par des motivations politiques, en affirmant par exemple qu’ils se vengeaient de ce que faisait Israël aux populations arabes, même si le but premier reste tout simplement de leur piquer leur argent et leur portable.
En 2014, 7231 Juifs français ont fait leur alya en émigrant vers Israël, soit le chiffre le plus élevé depuis 1967 et la Guerre des Six Jours. Comment vous expliquez cela, alors qu’on était alors plutôt sur une moyenne de 2000 départs par an ?
C’est dû à une tendance de fond qui est la montée de l’antisémitisme quotidien dans les écoles, dans la rue, etc. Le point capital ici, c’est Mohammed Merah et son attaque de l’école juive Ozar Hatorah à Toulouse. On bascule dans tout autre chose. On avait déjà eu Ilan Halimi, avec le gang des barbares et Youssouf Fofana, mais on franchit là un palier supplémentaire. Nous expliquons dans le livre qu’une majorité de familles juives continuent de scolariser leurs enfants dans le public, mais qu’une partie les inscrit dans le privé catholique ou juif pour les protéger (même si ce n’est pas la seule raison) de la violence et de la délinquance ordinaire qui existeraient dans certains établissements publics. Dans ce contexte-là, les établissements juifs étaient perçus comme des havres de paix. Or, cette image vole aujourd’hui en éclats avec l’affaire Merah. D’ailleurs, cela rejoint ce que je disais tout à l’heure sur le sentiment d’abandon : beaucoup de Juifs nous ont dit que si en janvier 2015 il n’y avait eu que l’Hyper Cacher, il n’y aurait pas eu quatre millions de personnes dans la rue. Ils prennent exemple sur l’affaire Merah, où il n’y avait pas eu tout ce monde-là alors qu’on parle quand même d’un type qui est rentré dans une école et a tué à bout portant des gamins…
La conclusion qui en est tirée par toute une partie de la population juive de France, c’est qu’il n’y a plus d’avenir pour leurs enfants dans ce pays, et que le seul moyen de leur offrir un avenir et une sécurité est de partir en Israël. Il y a en moyenne un délai de latence d’un an et demi ou deux ans. Partir du jour au lendemain ne se fait pas comme cela : il faut vendre votre bien ici si vous êtes propriétaire, il faut réfléchir à une reconversion professionnelle là-bas… Il y a tout un travail psychologique à faire. C’est un changement de vie quasiment total, dans cela prend du temps. Le chiffre record de 7231 personnes passées par les services de l’Agence juive pour émigrer en Israël en 2014 est donc la conséquence de l’affaire Merah en 2012. On a eu ensuite en 2014 les émeutes dans des quartiers juifs de Sarcelles et devant une synagogue de la rue de la roquette à Paris. Pour couronner le tout, on a début 2015 la question de l’Hyper Cacher.
D’après les chiffres communiqués en fin d’année par l’agence juive, on est à 8000 départs pour 2015. C’est donc une hausse, mais moins forte que ce que certains annonçaient. Toutefois, on n’a pas encore eu dans ces chiffres « l’effet 2015 », donc on peut s’attendre à voir ce chiffre continuer de progresser l’année prochaine. C’est quand même un signe que les choses vont assez mal en France dans notre société démocratique. De plus, on se focalise sur les départs en Israël mais notre enquête montre qu’il y a peut-être autant de personnes qui envisageraient d’aller en Australie, au Canada ou aux Etats-Unis. Nous avons toutefois conscience de l’argument qui consiste à pointer le fait que l’agence juive ne donne jamais les chiffres des personnes qui reviennent en France. Apparemment, ces chiffres seraient assez élevés car la greffe ne prend pas forcément là-bas, avec les soucis de langue, le système de protection sociale qui est radicalement différent, la société et la culture qui sont radicalement différentes de ce qu’on a chez nous… On a un nombre de retours importants, mais ce qui nous intéresse ici dans notre analyse de la société française, c’est de mesurer l’ampleur des départs et de comprendre ce que cela veut dire.
Le cas de Guy Sorman est révélateur, parce qu’il montre bien comment le rejet des origines conduit à douter de l’avenir d’Israël, et à remettre en cause le droit à l’existence de l’Etat juif. L’analyse du discours de Sorman et des autres « Alterjuifs » permet de comprendre la maladie qui atteint aujourd’hui une grande partie de l’establishment politique israélien : le refus d’assumer l’héritage national juif et la haine des origines », écrivais-je dans une note récente [« Hébron et la haine des origines »]. Je publie aujourd’hui l’intégralité de mon article sur Guy Sorman, paru dans la revue « Controverses » [n° 4], consacrée aux Alterjuifs (néologisme créé par Muriel Darmon).
Essayiste prolixe, Guy Sorman a publié une quinzaine de livres 1 depuis son premier essai, La Révolution conservatrice américaine, paru en 1983. La plupart sont des ouvrages de réflexion et de vulgarisation portant sur des thèmes économiques. Il ne s’est pratiquement jamais exprimé sur Israël ou sur le judaïsme, à l’exception de rares interviews et de quelques lignes dans son livre Le bonheur français, où il retraçait ses origines familiales et se définissait comme un « Juif athée ».
G. Sorman
Son livre Les Enfants de Rifaa 2, comporte un chapitre intitulé « Fin du peuple juif », dans lequel Sorman fait sienne l’idée de la disparition inéluctable de l’Etat d’Israël et du judaïsme tout entier. Ce chapitre ne s’insère pas de manière très logique dans le livre, qui porte sur les rapports entre l’Islam et la modernité. Les Enfants de Rifaa est en effet une réflexion sur ce que Sorman appelle les « deux Islam » : celui de Sayyid Qotb, théoricien des Frères musulmans et de l’islamisme radical, et celui de Rifaa el Tahtawi, théologien égyptien et fondateur de la « Renaissance arabe », courant moderniste et réformateur qui incarne pour Sorman l’espoir d’une libéralisation du monde arabo-musulman.
Les premiers chapitres des Enfants de Rifaa sont consacrés à une biographie de Rifaa el Tahtawi, le « Tocqueville oriental », et à une réflexion sur les rapports entre le capitalisme et le monde musulman. Dans les chapitres qui suivent, Sorman mêle réflexions et comptes-rendus de ses nombreux voyages dans le monde arabo-musulman, du Maroc à l’Arabie Saoudite, du Bangladesh au Pakistan et du Koweit à la Turquie.
L’avant-dernier chapitre du livre, intitulé « Fin du peuple juif », n’est pas fondé, à la différence des autres, sur un compte-rendu de voyage. Le point de départ de Sorman est la constatation de l’omniprésence de la question de la Palestine chez ses interlocuteurs musulmans :
Où que l’on se trouve dans le monde musulman, quelle que soit la distance géographique qui sépare de la Palestine, la question surgit, même quand on voudrait l’éviter. Certes, plus on s’éloigne du monde arabe, vers le Bangladesh, Djakarta ou l’Afrique au sud du Sahara, les musulmans passent de l’engagement à l’inquiétude, de la posture à la rhétorique… Mais ne nions pas que, outre le Coran, les musulmans estiment avoir la Palestine en commun 3.
C’est cette omniprésence de la question palestinienne chez ses interlocuteurs musulmans qui amène Sorman à s’interroger sur les causes du conflit israélo-arabe et sur les solutions à y apporter. Mais curieusement, alors même qu’il constate avec lucidité que le monde arabo-musulman « vit en fait dans l’attente de la disparition de l’Etat d’Israël 4 », et qu’il ne se fait guère d’illusion sur la « solution andalouse », ce prétendu « âge d’or » des Juifs d’Andalousie que certains de ses interlocuteurs musulmans voudraient faire revivre en Palestine, sur les ruines de l’Etat d’Israël, Sorman ne développe pas son analyse par la revendication d’un nécessaire aggiornamento du monde musulman, sur ce point comme sur les autres précédemment abordés dans son livre. Et, loin d’encourager ses interlocuteurs musulmans à accepter le fait israélien, ce qui serait conforme à l’esprit général de son livre, Sorman en vient à faire siennes les conclusions de ceux-ci et à intérioriser le projet génocidaire du monde arabo-musulman envers Israël.
La visite à Hébron
Dans ce même chapitre des Enfants de Rifaa, Sorman nous livre, avec franchise, une clé d’interprétation de son attitude envers Israël. C’est au cours d’une visite dans la ville de Hébron, en l’an 2000, que Sorman a acquis la conviction que l’Etat d’Israël était une « erreur historique », et était voué à disparaître. Comme il l’explique :
Certains événements minuscules ou cocasses modifient radicalement le regard que l’on porte sur le monde. Avant Hébron, je ne m’étais jamais trop interrogé sur l’Etat d’Israël : on ne peut penser à tout. Depuis Hébron j’ai une conviction bien ancrée : l’Etat d’Israël est une erreur historique, les Juifs n’avaient pas vocation à créer un Etat 5.
Ce passage est surprenant et révélateur, à de nombreux égards. Il est peu courant de la part d’un intellectuel de reconnaître que le jugement qu’il porte n’est pas le fruit d’une réflexion rationnelle, mais la conséquence d’un événement particulier. C’est pourtant un phénomène que nous avons déjà rencontré. Ainsi, Esther Benbassa déduisait l’absence d’antisémitisme en France du fait que ses commerçants arabes lui avaient souhaité la bonne année…
E. Benbassa
Dans le cas de Sorman toutefois, l’événement « minuscule » en question n’a pas eu lieu dans une épicerie parisienne, mais dans un endroit chargé d’histoire et de symboles : Hébron, « ville des Patriarches » – où sont enterrés, selon la tradition juive, Abraham, Isaac et Jacob – et lieu d’affrontements répétés entre Israéliens et Palestiniens.
C’est ainsi que Sorman relate cet événement qui a transformé radicalement son regard sur le monde, et sur Israël en particulier :
« Etes-vous juif ? » Au cours de ma déjà longue existence protégée d’intellectuel français né après l’Holocauste, cette question ne me fut jamais posée qu’une seule fois, sur un mode agressif. C’était en Palestine, en l’an 2000, à l’entrée de la ville d’Hébron…
Le soldat était un Israélien d’origine éthiopienne : un Falacha, reconnu comme Juif en un temps où Israël manquait d’immigrés nouveaux pour meubler les bas échelons de la nation. Les Russes n’étaient pas encore arrivés ! 6.
La situation décrite dans ce passage du livre illustre l’attitude paradoxale de Sorman lors de sa visite à Hébron. Dès l’abord, il se sent agressé par le soldat israélien d’origine éthiopienne qui lui demande quelle est sa religion. Loin de s’identifier avec le soldat juif, dont la question n’exprime aucune animosité, mais une interrogation de routine en cet endroit, Sorman le perçoit d’emblée comme hostile. Et il en profite pour dénigrer toute l’entreprise sioniste, au détour d’une phrase, en qualifiant le soldat éthiopien de « falacha » (terme péjoratif, comparable à l’adjectif « boche ») venu en Israël pour « meubler les bas échelons de la nation ».
Contrairement à ce qu’affirme Sorman, les Juifs éthiopiens ne « meublent » pas les « bas échelons de la nation » israélienne, mais sont venus en Terre promise par conviction religieuse, au terme d’un périple éprouvant. Ils incarnent même un modèle d’intégration réussie dans la société israélienne, en particulier dans l’armée, où beaucoup sont officiers, y compris dans les unités d’élite.
La suite du récit de cette visite à Hébron est une nouvelle falsification :
A l’entrée du tombeau dit d’Abraham, il me fallut à nouveau arbitrer entre les 3 confessions issues de cet ancêtre… Je fus un instant tenté par l’islam chiite ; mon compagnon palestinien m’en dissuada. Je m’en retournai donc au judaïsme et empruntai le chemin réservé à ma race. A l’intérieur du sépulcre, chaque armée protégeait les siens 7.
Cette description de l’arrivée au caveau des Patriarches à Hébron est pétrie de préjugés anti-israéliens, auxquels se mêle une hostilité visible au judaïsme. Tout d’abord, Sorman conteste le nom du tombeau d’Abraham, appellation consacrée de ce lieu depuis des générations. En mettant en doute la véracité de l’inhumation d’Abraham en ce lieu (rapportée par la Bible, dans le Livre de la Genèse), Sorman se conduit un peu comme un touriste béotien qui refuserait, en chaque endroit, d’accepter les traditions historiques et religieuses. Mais c’est contre la seule tradition juive qu’il dirige son scepticisme absolu.
Interrogé à nouveau sur sa religion par un soldat gardant les lieux, Sorman semble s’amuser de cette question et envisage un instant de se prétendre « musulman chiite ». Mais il ne s’agit pas d’un jeu, comme le confirme la suite du récit : « je m’en retournai donc au judaïsme et empruntai le chemin réservé à ma race ». Cette phrase contraste par sa lourdeur presque caricaturale avec la légèreté et le détachement que Sorman affectait jusqu’alors… Ce qu’il appelle le « chemin réservé à ma race » est tout simplement l’entrée du Tombeau d’Abraham empruntée par les visiteurs juifs, chaque confession ayant son propre passage pour éviter les conflits interreligieux. Mais Sorman feint de ne pas le comprendre : il choisit de parler de sa « race », comme pour souligner le caractère irréfragable de l’appartenance au judaïsme qui lui est imposée en cet instant-clé, contre sa volonté et malgré ses tentatives puériles de dénégation et de fuite vers une identité imaginaire (« l’islam chiite »).
Le mot race, on le sait, n’est plus guère usité dans son ancienne acception, depuis que les théories raciales en vogue à la fin du dix-neuvième siècle ont engendré les crimes monstrueux du vingtième siècle. Parler de « race juive » après la Shoah, c’est soit faire preuve d’une ignorance grossière, soit exprimer son adhésion aux théories racistes. Mais dans le cas de Sorman, c’est encore autre chose : il n’est certes pas raciste, et pas non plus ignorant des connotations de l’expression qu’il emploie. Mais c’est à dessein qu’il parle du « chemin réservé à sa race », et cette incongruité de style sonne comme un aveu : lui, qui se définit comme un « juif athée », souffre d’être confiné à son appartenance au peuple juif, au moment où il voudrait la fuir par tous les moyens.
Le judaïsme n’est pas une simple « religion », à laquelle on pourrait renoncer en se déclarant athée… En entrant dans le caveau des Patriarches, Sorman comprend soudain la nature quasi-indestructible des liens qui l’unissent – malgré lui – à la nation juive et à son père fondateur, Abraham. Mais cette compréhension, loin de susciter un quelconque « retour au bercail », c.-à-d. au peuple juif, se traduit chez Sorman par une hostilité d’autant plus virulente envers le judaïsme et l’Etat d’Israël.
Le récit de la visite à Hébron s’achève par un nouveau mensonge flagrant : « à l’intérieur du sépulcre, chaque armée protégeait les siens ». Cette phrase laisse entendre que l’armée israélienne ne protège que les citoyens juifs, alors que d’autres armées (lesquelles ?) protégeraient les Arabes chrétiens et musulmans. Ce mensonge vise à conforter la conception d’un Etat ethnique dans lequel seuls les citoyens juifs jouiraient de tous les droits : en d’autres termes, un Etat d’apartheid.
Faire disparaître Israël, pourquoi ?
Le chapitre des Enfants de Rifaa, intitulé « Fin du peuple juif » est, en réalité, antérieur au reste du livre. Celui-ci, publié en 2003, se fonde sur le récit de voyages dans les pays musulmans accomplis par Sorman entre