Pour moi, l’image correspondait à la réalité de la situation non seulement à Gaza, mais aussi en Cisjordanie. (…) J’ai coupé l’agonie de l’enfant. C’était insupportable… Cela n’aurait rien apporté de plus. Charles Enderlin
Nous étions assis, physiquement, à l’aller, sur les caisses de munitions, et au retour, sur les caisses de poisson. (…) On ne voit pas les armes, parce que je ne voulais pas les montrer. Ça aurait été trop facile. Herbert Sauper
A l’occasion de la sortie du livre que l’historien du cinéma François Garçon a tiré de son enquête (sur place), retour sur la supercherie – très enderlinienne – du film de Sauper – pardon sa…” théorie de l’évolution des espèces revue et corrigée par la mondialisation” (Le principe darwinien s’est appliqué à nos sociétés : le “meilleur” système, le plus fort, a gagné):
Voir notamment la critique de Philippe Meyer sur Radio-France, ainsi qu’un entretien de Sauber et des extraits (merci letel) de l’article de Garçon dans Les Temps modernes »:
Enquête sur la cauchemar de Darwin
François Garçon
Flammarion – 17 novembre 2006
Chronique de Philippe Meyer :
Sorti sur les écrans au début de 2005, « Le Cauchemar de Darwin » a connu un grand succès en salles et auprès de la critique qui rivalisa de dithyrambes et, ne doutant pas de ses compétences en géopolitique, somma les responsables des pays de l’hémisphère Nord de mettre fin aux scandales « révélés » par ce film présenté par son auteur comme un documentaire. Comment accepter, en effet, que les pays européens, après avoir introduit dans les eaux du lac Victoria un redoutable prédateur, la Perche du Nil, prive les populations tanzaniennes riveraines de cette ressource alimentaire riche en protéines, l’exploitent pour leur seul compte et ne leur laissent pour tout potage que la tête, la queue et les déchets. Pis, comment accepter qu’ils exportent ces poissons dans des avions qui débarquent des cargaisons d’armes destinées aux belligérants des nombreux conflits qui ensanglantent et appauvrissent l’Afrique ? Comment accepter que ce troc obscène s’accompagne de l’exploitation de la main d’œuvre locale, de l’organisation de la prostitution des enfants des rues et de la propagation du Sida ?
En janvier 2006, un historien du cinéma, maître de conférences à Paris I, François Garçon, publiait dans « Les Temps modernes » une révocation des affirmations du prétendu documentaire et une analyse du sensationnalisme de son style. La revue faisait suivre cet article d’une réponse du « documentariste » Herbert Sauper. J’avais signalé l’intérêt de l’article de l’historien et la pauvreté de la réponse du cinéaste dans la lignée de laquelle devaient ensuite paraître différentes tentatives de disqualifier non le travail mais la personne de François Garçon. L’historien fut notamment dénoncé comme s’étant occupé il y a 20 ans de la création de Canal + pour le compte du groupe Havas qui, comme le soulignait finement un article des Inrockuptibles, « détient les budgets publicitaires de Carrefour et de Mac Donald, c’est à dire des deux principaux acheteurs de Perches du Nil ». D’autres arguments de la même farine rappelant de sinistres procès furent brandis et mis en scène, mais aucune réponse vérifiable ne fut donnée aux questions de l’historien, et notamment à celles qui portaient sur l’absence complète de preuves d’un trafic d’armes à Mwanza utilisant les avions venant chercher leur cargaison de perches du Nil ou même tout autre moyen de transport.
François Garçon non seulement ne s’est pas découragé de poursuivre son travail de recherche de la vérité, mais, après s’être rendu sur place et avoir rencontré nombre des protagonistes du « Cauchemar de Darwin », après avoir interrogé des spécialistes de l’Afrique et après avoir étudié une documentation impressionnante et toujours référencée, publie aujourd’hui « Enquête sur le cauchemar de Darwin », livre qui se lit comme un roman d’Agatha Christie et qui établit ce que Garçon appelle poliment « le caractère problématique de la démonstration du cinéaste » et que son lecteur appellera plutôt une mystification avérée. L’intérêt de cet ouvrage n’est pas seulement de nous permettre d’analyser un processus de manipulation fondé sur l’efficacité des images et un exemple de l’immaturité d’une grande partie de la presse, si prompte, même après Timisoara, à donner dans un panneau dès lors que cela lui permet de s’indigner, de poser à la belle âme et de faire la leçon.
Le livre de François Garçon nous met aussi en face de notre propre besoin de nous précipiter tête baissée dans un délire compassionnel et un discours hallucinatoire qui bannit et même qui maudit toute raison, dès lors qu’il est question des rapports entre les pays développés et l’Afrique. Comme le fit le directeur de Charlie Hebdo, Philippe Val, qui compta parmi les journalistes qui reprirent leurs esprits passé un premier mouvement d’adhésion aveugle, on paraphrasera volontiers Jacques Prévert : Qu’importe que je sois de mauvaise foi, puisque c’est pour la bonne cause, qu’importe que je sois pour la mauvaise cause, puisque je suis de bonne foi ?
Un livre de François Garçon :
Enquête sur le cauchemar de Darwin
Flammarion
ISBN: 2-08-210579-2
Date de publication: 02/10/2006
“Le film Le cauchemar de Darwin d’Hubert Sauper dénonce la mondialisation et ses conséquences. François Garcon a mené une enquête dans les différents lieux de tournage et rencontré des témoins écartés. Il en ressort une autre vision de la globalisation plus complexe, contradictoire et moins cauchemardesque. Un décryptage de la puissance de l’image, allié à une réflexion politique et esthétique.”
– Voir aussi l’entretien du réalisateur autrichien sur le site commeaucinéma:
A l’occasion de la sortie en salles de son film LE CAUCHEMAR DE DARWIN,nous avons rencontré à Paris le documentariste Hubert Sauper, qui nous a longuement parlé de son édifiante expérience africaine…
Qu’est-ce qui a mené vos pas en Afrique, et plus particulièrement dans la région des Grands Lacs ?
L’idée s’est développée en 1997, j’étais allé tourner à l’est du Congo, et j’ai découvert la problématique de cette région, pleine de guerres et de crises militaires. A l’époque, je faisais un film sur les réfugiés rwandais qui étaient, soi-disant, nourris par l’ONU, grâce aux avions affrétés d’aide humanitaire américaine. J’étais à bord de ces avions-cargos russes, d’ex-Union Soviétique, et j’ai sympathisé avec l’équipage. J’ai passé plusieurs semaines, plusieurs mois, avec ces aviateurs, qui m’ont très vite confié, hors caméra, qu’ils ne transportaient pas seulement de l’aide humanitaire dans les zones de guerre, mais aussi des armes, des kalachnikovs et des bombes. C’était pour moi un « détail » assez effrayant, et je me suis dit que cela devait faire l’objet d’un nouveau film. J’ai également découvert les rives du Lac Victoria, plaque tournante de ce trafic d’armes, et un autre commerce, cette fois vers le Nord, de filets de poisson. Encore une chose assez bizarre, dans une région où les gens meurent de faim, où les enfants ont le ventre gonflé par le manque de protéines. J’ai alors posé cette question naïve, qui est devenue la base du film : comment se fait-il que cette nourriture s’envole d’un endroit où les gens ne mangent pas ? La réponse était très simple : la bonne nourriture va là où on est capable de payer, et ce sont les supermarchés européens, et non les villages africains, qui ont les moyens de l’acheter !
Vous dénoncez une théorie de l’évolution des espèces revue et corrigée par la mondialisation…
Je considère que je suis réalisateur de films, et non journaliste. Je ne pense pas que je dénonce quelque chose. Je ne raconte rien de nouveau, ce n’est pas à moi de dire qu’en Afrique, il y a des problèmes de guerre, de prostitution, de sida, et des enfants dans la rue. Tout le monde le sait. Mon travail consiste à mettre tous ces phénomènes catastrophiques, y compris écologiques, dans un contexte cinématographique, parce que je pense qu’à travers les images, on intègre mieux la réalité. Je me contente de mettre en forme des informations connues, dont nous ne sommes pas toujours conscients au quotidien. Les millions de morts en Afrique restent un chiffre, mais quand on voit un film comme celui-là, on matérialise mieux l’ampleur du drame. LE CAUCHEMAR DE DARWIN est, me semble-t-il, une étude sur l’état du monde actuel, une image radiologique de notre époque. Si on poursuit cette analogie, je ne suis pas le médecin qui dit au patient qu’il est malade, je suis plutôt celui qui fait l’image des poumons, avec les taches noires dessus, et à ce moment là, le patient va peut-être comprendre qu’il est vraiment malade…
Ce film procède quand même d’une démarche d’investigation. A quelles difficultés avez-vous été confronté ?
Oui, en effet. Avec mon assistant et ma petite équipe africaine, nous nous trouvions toujours là où il ne fallait pas être. On a eu beaucoup de difficultés avec les autorités, les militaires, la police locale, cela faisait partie du « jeu ». Nous étions sans cesse obligés de passer clandestinement, sous de faux papiers d’identité. Par exemple, pour pouvoir voler à bord des avions de transport, nous avons dû nous déguiser en pilotes. C’est une investigation, en quelque sorte, mais le but était surtout de montrer le visage de ceux qui sont impliqués dans ces problèmes de famine, de pauvreté totale. Le film est très intimiste, j’ai essayé d’être aussi proche que possible de ces personnes, des dirigeants de l’entreprise qui travaillent avec les crédits de la Banque Mondiale, jusqu’aux enfants de la rue, qui sniffent des drogues à partir des boîtes de poisson, ou les prostituées du coin, qui sont les petites copines des aviateurs russes. Au fond, ce ne sont pas des « méchants », juste des mecs qui font leur boulot, qui viennent d’une autre partie du monde et à qui, bien souvent, le contexte échappe, alors qu’ils transportent des bombes pour l’Angola et le Soudan…
Comment avez-vous réussi à obtenir des confidences et à connaître la vérité sur ce trafic d’armes ?
J’ai passé plusieurs années avec cet équipage, et je suis devenu très ami avec eux. Evidemment, il y avait un grand tabou : pendant longtemps, je n’ai jamais prononcé le mot « kalachnikov ». Je m’intéressais officiellement aux avions, au poisson et au paysage en Afrique… Puis j’ai commencé à les interroger sur le contenu de ces caisses qui vont vers le Sud. Au début, ils m’ont répondu qu’ils ne savaient pas, mais au bout d’un moment, ils ont fini par avouer. C’était pour eux comme un besoin de confession. Du coup, on se trouve, en tant que spectateur, dans un très grand conflit intellectuel, parce qu’à la fois, on voit cet homme très sympa qui vient d’Ukraine, qui est paumé au fin fond de l’Afrique, et en même temps, on comprend qu’il amène des bombes. Je voulais, avec ce film, provoquer un questionnement. Non pas livrer le « méchant », comme on le fait peut-être au Texas, mais montrer que ce n’est pas si simple. Et d’ailleurs, si on parle de la globalisation, de mondialisation, c’est l’histoire relationnelle la plus compliquée du monde, entre six milliards d’individus. Pourquoi en est-on arrivé là ? C’est précisément la question clef du CAUCHEMAR DE DARWIN. C’est ma façon de voir le monde, mon point de vue, ma vision personnelle, qui est, j’en conviens, assez effrayante !
Qui tire les ficelles ? Peut-on dire que ce sont les autorités des pays européens, du monde occidental ?
On ne peut pas vraiment le définir. Il y a, à mon avis, trop de gens qui développent une idée de conspiration. En fait, nous tirons tous des ficelles dans tous les sens et, ce qui en ressort, c’est un « bordel » général. C’est ce que j’ai essayé de décrire dans ce film : personne n’est responsable de rien et tout le monde est responsable de tout. Surtout nous, dans cette partie du monde, parce que nous sommes capables de recevoir une multitude d’informations. Un enfant tanzanien est beaucoup moins responsable, il ne sait même pas pourquoi il est devenu orphelin, parce que son père était pêcheur, que la Banque Mondiale a investi dans des usines… Et pourquoi les pêcheurs meurent-ils du sida ? C’est parce qu’ils se retrouvent dans les camps de travail avec les prostituées. C’est un enchaînement mortel. Mais à qui la faute ? A celui qui envoie des crédits en Tanzanie, à celui qui tient l’usine, à nous, qui consommons ce poisson ? Le « méchant », c’est finalement le système, duquel nous sommes tous les auteurs. Le capitalisme mondial est une machine qui fonctionne tellement bien qu’on n’en voit pas encore suffisamment le côté vraiment destructeur. Derrière la belle façade d’échange des dollars, c’est une énorme poubelle collective de l’Humanité, et je pense qu’il faut commencer à soulever un peu le couvercle, pour savoir ce qui se cache derrière. Nous ne sommes qu’au début de ce phénomène, et nous n’avons pas la moindre idée d’à quel point il va changer la vie sur la planète.
Il y a, dans votre film, des images terribles de ce désastre humanitaire. Comment s’est passé le tournage sur place ?
C’est le résultat de quatre voyages en Afrique. Nous étions assis, physiquement, à l’aller, sur les caisses de munitions, et au retour, sur les caisses de poisson. Nous étions des spectateurs, des témoins de cette découverte, de cet étonnement, de cet itinéraire de doute et de peur, également. L’une des idées du film était d’exprimer, pas seulement l’extérieur visible, mais aussi un état d’âme. J’ai voulu que le public puisse revivre ce voyage complètement fou. Le fil rouge, c’est le commerce autour du poisson, mais c’est juste un choix, cela aurait pu être une autre matière première, par exemple le pétrole, ou les diamants au Congo, qui coûtent beaucoup d’argent et de vies humaines. C’est une chanson très répétitive. Vivre dans un village au Nigéria et voir qu’à 10 kilomètres, un puit de pétrole a été découvert, est une signature de mort pour les villageois. Parce que, bientôt, viendront des investisseurs, les jeunes garçons du village deviendront soldats pour protéger cette nouvelle richesse, d’autres se rebelleront pour récupérer leur part, les filles partiront en ville pour être servantes et prostituées, les vieux mourront de la déstructuration sociale… On ne sort jamais de cette logique !
Vous croyez au pouvoir du cinéma d’alerter les consciences ?
Je ne crois pas que mon film puisse changer le monde, mais il m’a personnellement beaucoup changé moi, et je pense qu’il peut aussi modifier la vision de chaque spectateur. Il est certain qu’il ne va pas influencer directement les hommes de pouvoir, qui n’aideront pas davantage la Tanzanie, mais il peut avoir un impact très profond sur la conscience collective. Je pense que le cinéma, en tant que médium, est capable, non seulement de transmettre de l’information brute, mais de la traduire dans un langage qui arrive directement au cerveau. On peut lire « 4 millions de morts à l’Est du Congo », c’est beaucoup, mais c’est loin, et ce sont les autres qui meurent… Alors que quand on est exposé à une image, en gros plan et en direct, sans qu’il y ait nécessairement de commentaire, on est obligé de commencer à réfléchir, c’est une vraie expérience de vie, très créative, qui doit donner l’envie d’agir. Bien sûr, ce n’est pas immédiat, tout le monde ne va pas adhérer à Greenpeace ou à Attac à la sortie de la projection. Mais la première action consiste à s’interroger sur son positionnement. Personnellement, je ne donne aucune réponse. Ma tâche se limite à faire des films, ce qui mobilise toute ma vie et toute mon énergie, ensuite, c’est à chacun de tirer ses propres conclusions. On peut aussi ne pas voter pour les mêmes politiciens… Mais, si l’on veut survivre sur cette planète, il faut surtout, d’urgence, un peu plus réfléchir !
Propos recueillis par Laurence Berger – Paris, Mars 2004
– Voir (ou plutôt entendre) également l’entretien totalement biaisé de Sauper sur France Inter (« là-bas si j’y suis ») où Mermet expédie les arguments de Garçon en 30 secondes d’intervention téléphonique …
– Voir enfin quelques extraits de l’article de François Garçon dans Les Temps Modernes:
/…/
“Sauper et son équipe ne suivent-ils pas ensuite le camion jusqu’à cette décharge à la périphérie de Mwanza, qui n’est sans doute pas classée Zone Défense puisque Sauper la filme sous tous les angles à différentes heures du jour et de la nuit ; enfin les responsables du lieu ne doivent pas être loin, intimant (sans succès) l’ordre de se taire à la malheureuse femme que les gaz d’ammoniac ont rendu borgne. Mais l’anecdote ainsi rapportée d’une décharge secrète accentue le côté détective du film. Dans le même ordre d’idée, peut-on vraiment croire un instant que ces pilotes ukrainiens, qui semblent avoir bourlingué dans des univers assez éloi¬gnés de la comtesse de Ségur, aient pu laisser grimper dans leur Ilyushin Sauper et Sandor Rieder, qui se seraient alors fait passer pour des salariés de l’usine de conditionnement? Cet Autrichien et son équipier peuvent-ils un instant croire qu’ils auraient pu passer pour des manutentionnaires locaux, comme Sauper l’a tout bonne¬ment déclaré ? L’équipage ukrainien, qui fixe la caméra lorsqu’il s’exprime, est-il naïf au point de croire qu’en Tanzanie les manipulateurs de palette sont des Blancs, équipés de caméra et qu’ils posent des questions sur la nature du fret embarqué? Evidemment non ! Qui a pu ignorer que pendant leur séjour de six mois sur place Sauper et son équipe tournaient un film ? Il est vrai que les Africains sont de grands naïfs, n’est-ce-pas !
À PROPOS DU POISSON CARN1VORE ET DE SON ARRIVÉE EN TANZANIE
Au plan symbolique, Sauper insiste sur le fait que la perche est un poisson carnassier, dévorant la faune du lac. Le prédateur dénoncé apparaît ainsi redoutable. On fera remarquer d’entrée que la plupart des poissons qui ont un intérêt gastronomique sont aussi des « carnassiers » : truite, saumon, brochet, bar, thon… Dans la famille poisson-carnivore, la perche est en bonne compagnie. Qu’importé, l’onde de terreur va pouvoir se propager.
Le film souligne ensuite la responsabilité des Occidentaux dans l’importation de celte variété de poisson dans le lac Victoria : elle serait le résultat d’une mondialisation devenue folle, d’une marchandisation effrénée de la planète. Les faits sont plus falots et la réalité moins lyrique. La perche a en effet été introduite non pas récemment, mais dans les années 50. Introduction remontant donc à un demi-siècle, ce que le film précise du reste. Ce que le film ne dit pas, c’est que cette action visait alors non pas à alimenter en mets précieux les étals européens mais à permettre à cette partie de l’Afrique de se développer par des logiques de projets. On est très loin du scénario diabolique que décrit un témoin pris en plan serré et qui, dans un anglais approximatif, décrit l’amorce du processus : « Un homme a apporté ce poisson, un après-midi, et l’a mis dans le lac. Un homme, avec un seau, un après-midi ! Et c’était fait ! » Si tel est peut-être le déroulé de l’opération, précisons qu’elle se fondait sur une très grosse logistique. L’entreprise au départ est en effet d’inspiration vertueuse et sera soutenue ultérieurement par le Mwalimu, l’instituteur comme est alors appelé Julius Nyerere, partisan d’une société sans classe et chouchou des adeptes d’un socialisme africain. Sa politique a séduit d’emblée les experts des organismes internationaux. Dans les années 70, la Tanzanie est le pays d’Afrique qui va recevoir le plus fort montant d’aide publique au développement, notamment de l’OCDE. Ses principaux bailleurs de fonds sont les pays Scandinaves, l’Allemagne fédérale, les Pays-Bas et la Grande-Bretagne. Au passage, il n’est pas inintéressant de noter qu’une des conditions fixées par ces experts est la légalisation des partis d’opposition, le multipartisme, en Tanzanie comme ailleurs en Afrique, ayant du mal à s’imposer. La politique de l’OCDE ne peut se lire comme machiavélique. Elle ne vise ni à affamer les populations indigènes en les asservissant à une pêche d’exportation, ni à gaver à faible coût les néo-colonialistes occidentaux. La doctrine de l’OCDE, qui conforte le programme d’introduction de la perche, vise à apprendre à pêcher aux damnés de la terre plutôt que de leur vendre du poisson. La Chine de Mao Tsé Toung, qui a fait sienne la formule, figure alors au rang des principaux bailleurs de fonds de la Tanzanie. En outre, aspect important de cette pisciculture, la perche est une ressource renouvelable et n’attente pas alors à l’écosystème, si tant est qu’elle le fasse aujourd’hui de la façon dont le dépeint l’extrait de documentaire injecté dans le film. Enfin le poisson est traité sitôt sorti du lac.”
“À la différence du pétrole, ressource non renouvelable et raffinée dans les pays importateurs ou encore du café et du clou de girofle, la perche fait, elle, l’objet d’un conditionnement à Mwanza, fixant sur place une valeur ajoutée dont tirent profit les Tanzaniens. Après tout, chez Dimond, mille autochtones découpent les filets de perche. Qui osera nier qu’il s’agit là d’un travail, au même titre que celui qu’effectuent les centaines de salariés qui, en France, chez Duc, à Chailley dans l’Yonne, pratiquent l’abattage et l’éviscération des poulets? En cette fin des années 50, il n’est nullement question d’une pseudo-orthodoxie néo-libérale ou d’« un nouvel ordre mondial », comme ironise le critique de Télérama qui annone les propos du documentaliste . « J’ai essayé de transformer l’histoire du succès d’un poisson et le boom éphémère autour de cet animal en une allégorie ironique et effrayante du nouvel ordre mondial ». Les seuls parmi les Européens à s’opposer alors à ce genre d’investissements productifs se situent dans les rangs d’une droite extrême qui ne se résigne pas au vaste mouvement de décolonisation, et chez ceux qui préféreraient voir ces aides investies en Europe. Nullement « usine de délocalisation destinée à exploiter une rente off-shore », ce type d’investissement profite aussi aux autochtones, quoi qu’en pense le chercheur européen dans le confort de son laboratoire parisien. Sauper en est du reste bien conscient qui, au vu des appels au boycott de la perche du Nil en Europe que son film a suscités, bataille pour arrêter le mouvement. II n’est sans doute pas dupe de son discours et a pu mesurer le bénéfice qu’en tirent les Tanzaniens, même si son documentaire à sens unique vise à démontrer le contraire. Sauper a entrevu les dégâts que son film pouvait faire sur des cervelles altermondialistes promptes au « consumérisme citoyen » et qui bataillent pour que cesse ce commerce. Seul journal français à avoir envoyé un reporter sur place, Libération revient avec ce témoignage de Richard Abila, de l’Institut kenyan de recherche sur la pêche et la marine et « spécialiste du lac Victoria » : « Malgré toutes les conséquences négatives sur la biodiversité et les rapports sociaux, regardez comme le niveau de vie a augmenté. Si l’on venait à manquer de perches du Nil, je serais favorable à sa réintroduction. » Abila, qu’a rencontré Alexis Masciarelli, est probablement mieux placé pour apprécier, sur place, les effets vertueux de celte pisciculture. Son témoignage n’a intéressé personne.
A ce stade, on mesure le fossé entre la politique conduite par les organisations en charge de l’aide au tiers monde et la version qu’en donne le documentaliste. « La domination de la perche du Nil dans les eaux du lac Victoria, qui lui tient tout à la fois de lieu de préhistoire et d’index, sert aussi d’allégorie pour un pays soumis par les puissances occidentales à un pillage en règle ». L’optique de Sauper, sa focalisation sur la perche autorisent même certains à surenchérir à propos de cette monoculture : « La pêche est miraculeuse, des usines subventionnées par l’Europe ont poussé partout, qui transforment le poisson en larges filets à destination des étals des pays riches : la perche est aujourd’hui la première exportation du pays vers l’hémisphère Nord ». Affirmation aussi péremptoire que fausse. Démonstration : en 2000, la Tanzanie a exporté 20 000 tonnes de filets de poissons, essentiellement pêchées dans le lac Victoria. Les zones importatrices sont significativement non pas l’Europe comme le voudrait le critique de L’Humanité mais, dans l’ordre, l’Inde, l’Allemagne et le Japon. L’Europe n’est en outre redevenue un partenaire important qu’en décembre 1999, depuis la levée de l’embargo décrété par l’Union européenne en raison des modes de pêches utilisés et particulièrement destructeurs : dynamite et produits chimiques. Mwanza compte aujourd’hui une dizaine d’usines de traitement du poisson. Si l’on considère que le total annuel de la pêche tanzanienne est de 350 000 tonnes de poissons, que « moins de 20 % de la production provient de l’océan Indien », on en déduira que 280 000 tonnes viennent des lacs et près de 80 % du lac Victoria. De ses eaux, et pour la partie tanzanienne, sont donc tirées, chaque année, environ 220 000 tonnes de poisson.
Sur ces 220 000 tonnes, 20 000 tonnes de perches, sous forme de filets, sont exportées vers les pays de l’hémisphère Nord. Considérant qu’une tonne de filets exportés présuppose une pêche de 2,8 tonnes (35 % du poids du poisson est transformé en filets, 40 % reste sur place pour l’alimentation humaine et animale, le solde, soit 25 %, est jeté), est donc exporté l’équivalent de 57 000 tonnes sorties du lac. Autrement formulé, 74 % de ce qui est pêché dans le lac Victoria n ‘est pas exporté et 40 % de ce total sera consommé sur place. On peut donc en conclure que sur un total de 220 000 tonnes pêchées et après déduction des déchets et des filets pour l’exportation, 65 000 tonnes sont consommées en Tanzanie ; là où le film laisse accroire qu’avec la perche les Occidentaux ont conçu un pillage systématique d’une ressource naturelle africaine, n’abandonnant aux Africains que d’immondes carcasses : « Des fruits de la pêche, la majorité des Tanzaniens ne partage que les restes. » Enfin, à titre d’information et pour rassurer ceux qui sont persuadés que la perche est le premier produit d’exportation tanzanien, on rappellera ce qu’indiquent les statistiques disponibles : la Tanzanie exporte essentiellement du café, du coton, ainsi que des produits minéraux, notamment de l’or. Même à considérer la statistique du représentant de l’OCDE affirmant que la perche du Nil représente 25 % du total des exportations de la Tanzanie vers l’Europe (la bande-son, à ce niveau précis du film, devient inaudible et Sauper cadre en plongée trois enfants qui passent dans la rue, en contrebas de la terrasse où se tient une conférence de presse), il reste que ce poisson demeure un produit d’exportation secondaire qui représentait, en 2002, à peine 5,1 % du total des exportations de la Tanzanie. Les effectifs de perche dans le lac Victoria tendant à baisser, contrairement à la thèse que développe Sauper qui suggère un saurien pullulant, la catastrophe n’est peut-être pas celle qu’annonce le réalisateur. « La perche du Nil a bon dos », remarque un spécialiste qui n’est pas, il est vrai, critique de cinéma.”
“APRÈS LA SPOLIATION, LA MORT MADE IN OCCIDENT
Pour accroître sa charge critique, le film fait encore le lien entre la perche, la présence européenne, en l’occurrence les équipages ukrainiens, la prostitution locale et le sida. « Les pêcheurs affluent, des usines de traitement se montèrent, le tout accompagné d’un cocktail mortifère de prostitution, de sida, d’orphelins des rues. Un condensé des malheurs de l’Afrique”. » Une fois encore, l’équation est démagogique et mensongère. Si le commerce du sexe est effectivement une industrie nationale dans des pays comme la Thaïlande ou la Tunisie dans une moindre mesure, il n’en va pas de même en Tanzanie, et notamment à Mwanza qui ne présente aucun intérêt touristique. Les quelques Occidentaux présents dans la ville travaillent dans l’extraction aurifère. Quant au sida, on rappellera qu’il n’a pas besoin des pilotes russes ou ukrainiens ni des « hommes d’affaires » pour se propager en Tanzanie où 11 % de la population est séropositive, et que nombre de leaders africains ont une écrasante responsabilité dans la progression de la pandémie. A clairement annoncer dans la bande-son que les pilotes sont coupables d’aider à la transmission du sida, le réalisateur reprend à son compte les propos débiles du président zambien Chilula ou les délires franchement racistes d’un Mugabe, pour qui les Occidentaux seraient responsables de tous les maux dont souffre leur pays, qu’ils saccagent eux avec un indéniable esprit de méthode. Même remarque à propos des enfants en déshérence ou de la prostitution locale.
DE LA PERCHE AU TRAFIC D’ARMES : LA SURENCHÈRE DANS L’HORREUR OU DANS LA SUPERCHERIE ?
L’argumentaire de Sauper ne s’arrête pas là. Le summum de l’horreur est à venir et l’affiche du film signale vers quoi tend le réquisitoire: parti du poisson, le spectateur a découvert la charogne.”
…/…“Lui reste à comprendre pourquoi sous le squelette du poisson est dessinée une kalachnikov. « Une question traverse en effet tout le film, dont le cinéaste dit lui-même qu’elle en fut l’origine : ces avions-cargos qui quittent l’Afrique les cales pleines de poisson, que transportaient-ils à l’aller? Nul ne le dira, mais nul ne démentira la conviction du cinéaste : ils acheminaient des armes. » Cette affiche, merveilleuse d’efficacité graphique, résume en effet la thèse de Sauper : au pillage d’une ressource locale, introduite par les Occidentaux et qui détruit l’écosystème du lac Victoria, s’ajoute le trafic d’armes, criminel dans un continent où les guerres sont endémiques. Pour le poisson, la mécanique déployée est d’une grande limpidité, même si rapportés à leurs vraies proportions les volumes exportés annulent la démonstration qui tient ce commerce comme une spoliation irrémédiable dont seraient victimes les Tanzaniens. Lorsqu’on a compris que les trois quarts du produit de la pêche ne montent pas dans les avions-cargos, il devient clair en effet que le réquisitoire s’étiole. Il perd d’autant plus de vigueur que le bref extrait d’un autre documentaire sur la perche du Nil, cité dans Le Cauchemar de Darwin et qui peint un poisson Frankenstein, est infiniment plus terrifiant que ce que Sauper aura pu nous dire et nous montrer du carnassier. Ce documentaire qui bénéficie d’une caméra sous-marine, ce que Sauper lui n’a pas, fonctionne par gros plans de l’animal, mâchoire ouverte, yeux globuleux, sorte de terrifiant alien. Sur le terrain de la diabolisation cinématographique de la perche, le travail a déjà été fait et fait de manière apparemment très convaincante à en juger par le bref extrait montré. Reste donc à Sauper à trouver la mèche et l’explosif pour rendre son propre film détonnant. Sa démonstration s’appuiera sur les armes. Des armes contre du poisson.
Mais Sauper doit apporter les pièces à conviction. L’exercice est complexe. Nonobstant un séjour très long sur place, des conditions d’accès à l’aéroport et au tarmac d’un laxisme inouï, Sauper ne présente en effet aucune image de ces déchargements d’armes. Curieuse carence illustrative en dépit de deux cents heures de rushes tournés, mais, fait pareillement troublant, inexistence de témoignages du côté tanzanien. A sept reprises au cours des 107 minutes que dure son film, le réalisateur pose la question à ses différents interlocuteurs : « Qu’est-ce qu’apportent les avions ? », « Vous avez vu les armes être débarquées? », « Qu’apportent les Russes en arrivant en Afrique? », « Qu’apportent-ils en venant? », « En Afrique, vous apportez aussi des munitions ? », « Que peut-on rapporter d’Europe? », etc. A sept reprises, Sauper reçoit des réponses négatives, sauf d’un pilote ukrainien confessant avoir dans le passé apporté des armes à l’Unita. Mais l’Ukrainien se réfère à un conflit situé en Angola, à des milliers de kilomètres de Mwanza et terminé en 2003 lorsque le film est tourné. Amalgame et extrapolation tout aussi trompeurs avec ce magazine imprimé édité par la BBC consacré à un « Focus on Africa ». Alors que Raphaël, le veilleur de nuit du National Fisheries Institute le feuillette, Sauper cadre en gros plan une double page centrale du magazine : elle illustre des militaires noirs, non identifiés, portant, semble-t-il, des caisses. Raphaël dit qu’il s’agit de « munitions » et de soldats « anglais ». Sauper, qui a donné le magazine à Raphaël, sait très exactement de quoi il retourne mais il ne dit rien au spectateur qui, de cette photo, aura surtout retenu qu’il est question de soldats européens manipulant des caisses d’armes. A supposer qu’il s’agisse de soldats britanniques, ce qui reste à prouver, on peut sans doute deviner à quoi ils s’activent. Le périodique porte en effet une date d’octobre/décembre 1997. Londres soutient alors, avec le reste de la communauté africaine, le gouvernement démocratiquement élu de Ahmad Tejan Kabbah, porté au pouvoir en mars 1996 par 59 % des votants et renversé par des putschistes le 25 mai 1997. Bref, la photographie illustre une action inscrite dans le droit international et se situant à quelques milliers de kilomètres de Mwanza, six ans plus tôt, mais qu’importe ! Toute liberté est laissée au spectateur de faire les associations qu’il souhaite (Afrique, livraison d’armes, soldats britanniques) et de tirer les conclusions qui s’imposent. De fait, Sauper peut légitimement arguer n’avoir rien dit.
Absence d’images ! Autochtones muets ! Côté trafic d’armes, si l’on s’en lient à ce que nous livre le film et non aux déductions logiques à quoi nous invitent des rapprochements photographiques et un questionnement insistant sur l’existence d’un tel commerce, Sauper est manifestement bredouille ! Ces témoignages ou plutôt l’absence de témoignages supposés éclairer le trafic d’armes ont d’autant plus de poids qu’à Mwanza le système policier n’a pas l’air franchement totalitaire.”
…/…
“Les dénégations répétées de tous ces intéressés qui vivent à proximité de l’aéroport ne semblent donc pas dictées par la peur de représailles qui viseraient des témoins trop bavards rompant une omerta. Les autochtones n’ont rien vu et Sauper, pendant les six mois où il est resté sur place, n’a rien vu non plus et n’a rien filmé. Il n’a rien filmé car très probablement ce trafic aérien n’existe pas. Et n’a jamais existé de la manière dont cela est lourdement suggéré et qui a déclenché l’ire dans les rangs de la critique française. Les armes soviétiques ont bien été vendues à l’Unita en Angola. Et ces pilotes ukrainiens, comme ils le confessent, en ont livré. Mais ce conflit est aujourd’hui terminé. Sauper pratique une nouvelle fois un travail d’amalgame : les pilotes à l’écran ont livré des armes qui ont servi dans des conflits où des populations civiles africaines ont été massacrées. Ces mêmes pilotes transportent des filets de poisson. Conclusion logique : les armes qu’ils ont apportées s’échangent contre les filets de perche exportés. Mais à l’image et dans les témoignages oraux tout dément la simultanéité des deux opérations qui est au centre de la thèse culpabilisante du film et que résume l’affiche terrifiante. La plupart des conflits africains sont armés par des belligérants qui se ravitaillent autrement, en kalachnikovs ou en machettes. Il est évident que les armes n’arrivent pas dans ces gros-porteurs, lestés au retour de poisson surgelé. Sur cette question précise, celle de l’acheminement des armes, Sauper pouvait par exemple s’informer auprès du gouvernement français qui, à l’instar des inculpés dans l’Angolagate, possède, à n’en pas douter, des informations sur la question. Mais il y a, peut-on objecter, le témoignage à charge du journaliste tanzanien Richard Mgamba : « Quand l’Afrique meurt, les Européens font des affaires. Ils en tirent un profit en envoyant leurs cadres. » Mgamba rappelle une évidence : un pays comme la Tanzanie, de près d’un million de kilomètres carrés et entouré de huit pays plus ou moins stables, doit s’approvisionner en armes. Quel pays ne le fait pas ? Mais Mgamba ne prouve pas que les armes importées en Tanzanie, qui n’en produit pas, se troquent contre les fameux filets de perche. Il ne conforte en rien l’équation que résume l’affiche du film et qui a déclenché la vague d’indignation sur quoi surfe le documentaire. Fait capital, ces supposés arrivages d’armes ne sont jamais montrés. C’est la voix off, celle du réalisateur, qui nous le suggère de manière obsédante. Une légitime suspicion devrait alors venir à l’esprit de tout spectateur, et notamment de la grande armée des critiques cinématographiques : pourquoi croire Sauper?”
“Et d’abord comment expliquer que le débarquement des armes n’ait pu être filmé? Au vu des conditions de sécurité dans et autour de l’aéroport, et considérant l’extrême longueur du séjour du documentaliste sur place, une telle entreprise ne devait pas être mission impossible. Et ce d’autant plus qu’on nous présente ce trafic affecté d’une fréquence régulière. Dès lors, pourquoi ce trou noir à l’écran ? Un critique, par ailleurs assez crédule, avoue sa réserve : « On a beau être convaincu que la situation de l’Afrique des grands Lacs est à verser au livre noir du capitalisme, difficile de se satisfaire d’un réquisitoire qui ne spécule que sur son intime conviction (1). » Bien vu. Philippe Mangeot est le seul à exprimer un doute sur la réalité du trafic dénoncé. Le seul parmi des dizaines d’autres qui ont avalé le propos du film sans suspecter Sauper. Celui-ci s’explique sur ce trou noir de la façon suivante : « On ne voit pas les armes, parce que je ne voulais pas les montrer. Ça aurait été trop facile (2) ! » Pour les images du trafic, Sauper renvoie le spectateur à la chaîne CNN (4) qui administrerait la preuve de cette « dérive de la mondialisation ». « Pourquoi remplir mon film avec cette connerie? Ça n’est pas la peine ! » S’il ne s’agit que d’une « connerie » pourquoi y revenir de manière obsessionnelle dans la bande-son ? S’il ne s’agit que d’une « connerie » pourquoi la première question de Sauper, sa première intervention en voix-off dans le film, porte-t-elle précisément sur le supposé trafic d’armes ? Pourquoi ne pas apporter cette preuve qu’il affirme détenir et qu’il dit figurer dans les deux-cents heures de rushes tournées ? Comment Sauper parvient-il à nous faire croire qu’ayant vu « dans la soute […] cinquante tonnes de kalachnikovs, des caisses de munitions et des roquettes (4) » et les ayant filmées, il n’en retient pas les images au montage? Pourquoi ces plans, qui sont l’arc-boutant de son réquisitoire, ne figurent-ils pas dans le bonus du DVD ?”
Références de ce passage :
Pierre Murat Télérama, 5 mars 2005.
Hubert Sauper, Le Monde, 3 mars 2005.
Stigmatisation signée Bernard Comte, chercheur au Centre d’études de l’Afrique noire, Le Monde, 2 mars 2005.
Propos recueilli par Alexis Masciarelli, Libération, 2 mars 2005.
Philippe Mangeot, Les Cahiers du cinéma, mars 2005.
L’Humanité, 2 mars 2005.
Mark Turner, Michael Holman, Financial Times, 31 mars 2005.
Anne Gagnaire, Marchés tropicaux, 2 février 2001.
Philippe Mangeot, Les Cahiers du cinéma, mars 2005.
Les 44,8 millions de dollars d’exportation de filets de perche sont à comparer aux 600 millions de dollars d’exportation d’or en 2004, in Marchés Tropicaux, 15 juillet 2005.
Selon une statistique de la Banque mondiale, les exportations de perche, en 1998, représentaient 8 % du total des exportations, in Agriculture in Tanzania Since 1986, Follower or Leader of Growth, rapport n” 20639, juin 2000.
Julien Bourdet, Le Figaro, 12 août 2005. Références précédentes :
Illimité, octobre 2005, n° 138, page 26.
Prix Europa Cinémas (Venise 2004), Grand Prix documentaire (Festival du film sur l’environnement de Paris, 2004), Prix du public (Belfort, 2004), Grand Prix du meilleur film (Copenhague, 2004), Prix du meilleur documentaire (Montréal, 2004), etc.
Au total, le film sort la première semaine sur 30 copies, in Le Cahier des Exploitants, 2 février 2005.
Cinéchiffres, semaine 40, du 28 septembre au 4 octobre 2005, page 5.
Le Film Français, 11 mars 2005.
Certains, comme Denis Duclos et Valérie Jacq, dénoncent « la surexploitation des travailleurs tanzaniens, mourant dans la misère d’épuisement et du sida », in Le Monde Diplomatique, mai 2005.
Samuel Douhaire, Libération, 7 octobre 2005.
François-Guillaume Lorrain, Le Point, 31 mars 2005.
Le Figaro, 2 mars 2005, parle de « Tanzaniens d’origine indienne ».
François-Guillaume Lorrain. Le Point, 31 mars 2005.
Fabrice Pliskin, Le Nouvel Observateur, 28avril-4 mai 2005.
Malhilde Blottière, Télérama, 4 mui 2005.
Barbara Vacher, la Conscience, 8 mars 2005.
Hubert Sauper, Le Cauchemar de Darwin, voir bonus du film, mk2 éditions, octobre 2005.
Hubert Sauper, Liberation.fr, 11 mars 2005.
Michel Alberganti, Le Monde, 11 mars 2005.
Voir J.P. Olowo & L. Chapman, « Trophic Shifts in Predatory Catfishes following the Introduction of Nile Perche in Lake Victoria », in African Journal of Ecology, décembre 1999, vol. 37, pp. 457-470.
Pierre Barthélémy, Le Monde, 3 mars 2005
Philippe Mangeot, Les Cahiers du cinéma, mars 2005
Jean-Philippe Pons-Malartre, Intruders: Animal Invaders, The Fresh Waters Killers, production Espace Vert, la 5 Téléimages nature, 2000
Tobias Grey, Variety, 20-26 juin 2005
1. Philippe Mangeot, Les Cahiers du cinéma, mars 2005
2. Réf. Hubert Sauper, témoignage de l’auteur dans le bonus de l’édition DVD du film, MK2 édition, octobre 2005.
3. A la question des journalistes des Inrockuptibles, 2 mars 2005, « Pourquoi ne voit-on jamais les armes dans le film ? », Sauper rétorque : « C’est une décision de montage. J’ai les images. Si vous voulez voir des armes, vous allumez CNN, vous en verrez tous les jours », propos recueillis par Jean-Marc Lalanne et Jade Lindgaard.
4. Propos repris par Brigitte Baudin, Le Figaro, 2 mars 2005.
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