Eaux minérales: Attention, une tromperie peut en cacher un autre ! (34 years later, what new deception at the heart of the Champagne of table waters’ brand ?)

31 janvier, 2024

The Source of Nature | Perrier UK

Il ne s’agit pas d’une eau naturellement gazeuse. Elle est fabriquée à partir de dioxyde de carbone et d’eau, qui sont extraits du sol séparément. Edward J. McDonnell (FDA, 1990)
Société française indépendante plus que centenaire, [Perrier] était la première marque d’un secteur en pleine croissance, avec une part de 15 % du marché américain. Le 6 février 1990, les autorités américaines de Caroline du Nord ont découvert que des bouteilles avaient été contaminées par du benzène, bien qu’en quantités minuscules n’affectant pas la santé humaine. Personne n’a souffert de la consommation de l’eau contaminée par le benzène, mais Perrier a rappelé 160 millions de bouteilles dans 120 pays, ce qui a coûté plus de 250 millions de dollars. En l’espace de 18 mois, sa part de marché est tombée à 9 % aux États-Unis et de 49 % à moins de 30 % au Royaume-Uni. Le cours de l’action a chuté de 37 % et la société a été rachetée par Nestlé. Quelque 750 personnes de la division des eaux minérales ont été licenciées. En 1995, les ventes de Perrier étaient tombées à la moitié de leur niveau record de 1989. (…) Perrier a rappelé 70 millions de bouteilles en Amérique du Nord le 9 février, trois jours après avoir été alerté du problème. À l’époque, Perrier a déclaré qu’il s’agissait d’un incident isolé, imputant la contamination à l’utilisation inappropriée d’un solvant de nettoyage par un agent d’entretien sur des machines remplissant des bouteilles à destination des États-Unis. Peu après, des bouteilles contaminées au benzène ont été découvertes aux Pays-Bas et au Danemark. Et comme ce produit mondial n’avait qu’une seule source – une source située à Vergezes, dans le sud de la France – Perrier a dû annoncer un rappel mondial et changer d’explication. Il s’est avéré que les filtres à charbon destinés à éliminer le benzène du gaz carbonique s’étaient obstrués et n’avaient pas été détectés pendant six mois. Ainsi, au lieu d’être victime de l’erreur de quelqu’un, l’entreprise a été considérée comme coupable en raison de son propre contrôle de qualité insuffisant. Mais ce qui a vraiment fait mal à Perrier, c’est qu’en gérant la crise de la contamination, elle a provoqué une crise plus grave en révélant qu’il y avait une tromperie au cœur de la marque. La publicité de Perrier affirmait que Perrier était pur et son slogan disait « C’est parfait. C’est Perrier ». Les dirigeants ont décidé de retirer le produit du marché, non pas en raison d’une quelconque incidence sur la santé, mais pour préserver le positionnement de la marque. La présence de benzène, même en quantités infimes ne présentant aucun risque pour la santé des consommateurs, était incompatible avec l’allégation de pureté. Jusqu’ici, tout va bien. Le rappel pourrait même être considéré comme un acte d’honnêteté de la part de l’entreprise. Cependant, Perrier devait prouver que l’eau de source elle-même n’était pas contaminée (ce qui aurait été dévastateur pour l’entreprise). Perrier a donc été contraint de révéler que si la source est naturellement gazeuse, l’eau et le gaz carbonique naturel ont été capturés indépendamment. L’eau était pompée de la source dans un tuyau et un autre tuyau apportait le dioxyde de carbone, les deux étant mélangés à l’usine de fabrication. Le CO2 contient naturellement des traces de benzène et les filtres obstrués étaient censés l’éliminer. Le consommateur pensait déjà que le produit n’était pas « pur » à cause du benzène. En identifiant le problème réel des filtres, la déclaration de Perrier avait le mérite de montrer que l’eau de base n’était pas contaminée. Mais elle avait l’inconvénient de montrer que le produit n’était pas une eau minérale « naturellement pétillante ». Lors de la relance de son produit, Perrier a dû supprimer la mention « naturellement pétillante » de son étiquette, car l’eau était artificiellement gazéifiée. Il a fallu plus de cinq ans pour que le public fasse à nouveau confiance à la marque. PR Week
Il y a eu des erreurs, conduisant à des enjeux de conformité. Tout en garantissant la sécurité alimentaire, nous avons utilisé des mesures de protection qui n’étaient pas en ligne avec le cadre réglementaire ou avec son interprétation. [Et ce afin] de surmonter l’impact du dérèglement climatique et la montée du stress hydrique qui affectaient en partie la minéralité des eaux. Muriel Lienau (Nestlé Waters)
La mission n’a pas de doute sur le fait que la proportion de 30 % [des dénominations commerciales concernées] sous-estime le phénomène et que l’ensemble des minéraliers soient concernés. Rapport IGAS
Interrogée à la mi-janvier par écrit, Nestlé Waters – dont la totalité des marques étaient concernées – n’a répondu aux sollicitations du Monde et de Radio France que le dimanche 28 janvier. Sachant que l’information serait rendue publique, la firme a préféré prendre les devants pour reconnaître ses pratiques du passé, en les édulcorant, lundi, dans Les Echos. (…) La firme invoque la nécessité « de surmonter l’impact du dérèglement climatique et la montée du stress hydrique qui affectaient en partie la minéralité de ses eaux », jamais la présence de bactéries ou de métabolites de pesticides dans ses eaux brutes. Selon nos informations, des problèmes récurrents ou saisonniers de contamination de certains puits par des bactéries coliformes – « issues de contaminations fécales », lit-on dans une note confidentielle de l’administration – ont pourtant été délibérément cachés aux autorités. Ce sont eux qui ont conduit Nestlé Waters à appliquer des traitements non conformes à ses eaux en bouteille : la microfiltration au-dessous du seuil de 0,8 micron (µm), des traitements ultraviolets (UV), l’utilisation de charbons actifs… Des techniques de purification permises sur l’eau du robinet, vendue plus de 100 fois moins cher en moyenne que l’eau minérale. L’étendue du problème va bien au-delà des eaux commercialisées par l’entreprise suisse. Dans un rapport remis au gouvernement en juillet 2022, l’inspection générale des affaires sociales (IGAS) estime que 30 % des marques françaises ont recours à des traitements non conformes – sans que les raisons qui poussent les industriels à les mettre en œuvre soient toujours élucidées. (…) L’affaire commence fin 2020, comme un polar. Un ancien employé de la société Alma (Cristalline, St-Yorre, Chateldon, Vichy Célestins…) signale à la direction générale de la concurrence, du commerce et de la répression des fraudes (DGCCRF) des pratiques suspectes dans une usine du groupe. Une enquête administrative est lancée et, le 10 décembre 2020, les usines sont perquisitionnées par le service national des enquêtes de la DGCCRF, comme le rapporte le quotidien La Montagne, à l’époque. Une note des enquêteurs liste de nombreuses pratiques identifiées sur place, qu’ils qualifient de « frauduleuses » : « mélanges d’eaux non autorisés de plusieurs sources exploitées par une même usine », mélanges occasionnels avec « l’eau du réseau » – c’est-à-dire celle du robinet –, « adjonction de gaz carbonique industriel dans des eaux minérales dites “naturellement gazeuses” », « traitements non autorisés pour prévenir ou traiter les contaminations épisodiques survenant à la source », « injection de sulfate de fer », « utilisation de filtres à charbons actifs en grains », des « pratiques de microfiltration non autorisées », la désinfection de l’eau à l’ozone et la « filtration de l’eau aux UV ». « Nous n’utilisons aucun traitement non conforme sur aucune des marques Alma », assure, de son côté, la société à Radio France et au Monde, dans son bref message du 29 janvier. Les enquêteurs notent que certaines pratiques leur paraissent conçues pour être soustraites au regard des agents chargés des contrôles : le filtrage aux UV « se fait par l’usage de boîtiers mobiles installés aux forages ou en cours de production, pour désinfecter de manière dissimulée une eau de source ou une eau minérale naturelle »… (…) Certaines découvertes, lit-on dans la note de la DGCCRF, conduisent les agents « à élargir [leur] enquête aux pratiques de microfiltration des acteurs du secteur », les enquêteurs « soupçonnant une mise en œuvre généralisée ». Selon nos informations, c’est une perquisition chez l’un des fournisseurs de microfiltres utilisés dans les usines d’Alma qui fait naître le soupçon d’un usage généralisé de ces dispositifs : le fichier clients du fournisseur en question liste un grand nombre de minéraliers opérant sur le territoire national. Et, en particulier, Nestlé Waters. Un fournisseur de microfiltres, dont Radio France et Le Monde n’ont pu déterminer l’identité, a-t-il prévenu ses clients que la DGCCRF était, de son fait, informée de leurs pratiques ? Toujours est-il que, quelques semaines plus tard, les dirigeants de Nestlé Waters prennent les devants et sollicitent spontanément une rencontre avec le cabinet d’Agnès Pannier-Runacher, alors ministre déléguée chargée de l’industrie. Rendez-vous est pris le 31 août 2021 : les dirigeants de la multinationale suisse avouent ex abrupto utiliser, sur tous leurs sites de conditionnement, des traitements illicites pour purifier leurs eaux minérales naturelles. Au cours de la rencontre, Nestlé demande la possibilité de maintenir certains de ces traitements interdits et plaide pour une évolution de la réglementation en vigueur, en particulier s’agissant de la microfiltration. Faute de quoi Nestlé estime que l’exploitation de certains sites – dans les Vosges (Contrex, Vittel, Hépar) et dans le Gard (Perrier) – pourrait être abandonnée. Plusieurs milliers d’emplois sont en jeu. Que faire ? Le 19 novembre 2021, Bruno Le Maire (ministre de l’économie), Olivier Véran (alors ministre de la santé) et Agnès Pannier-Runacher saisissent l’IGAS d’une mission d’inspection des usines de conditionnement d’eaux minérales naturelles et d’eaux de source installées sur le territoire national, avec l’aide des agences régionales de santé (ARS). Au cours de leurs inspections, et grâce aux découvertes des agents de la DGCCRF, les enquêteurs de certaines ARS disent avoir été délibérément trompés lors de contrôles des usines Nestlé. Plusieurs documents internes à différentes administrations, que Radio France et Le Monde ont pu consulter, évoquent des filtres dissimulés dans des armoires électriques, des contrôles sanitaires sur les eaux brutes faussés par des mesures opérées après passages par des traitements à base d’UV et de charbons actifs, etc. Rendu en juillet 2022, le rapport de l’IGAS ne fait pas mystère des entorses à la réglementation et des manœuvres de dissimulation de certains embouteilleurs, même s’il le suggère en termes policés. Dans l’une des usines contrôlées, les inspecteurs écrivent que, « malgré une implication régulière des services de contrôle, ces pratiques [non autorisées] n’avaient pas été décelées ». « D’une part, des traitements non conformes sont utilisés dans les quatre usines du groupe [Nestlé Waters] : microfiltration en deçà de 0,8 µm, mais aussi charbon actif et ultraviolet dont l’interdiction est absolue, ne laissant place à aucune interprétation, notent les rapporteurs de l’IGAS. Mais, surtout et d’autre part, les points de prélèvement utilisés pour qualifier la qualité de la ressource brute (à l’émergence) ont été délibérément positionnés après ces traitements non autorisés. » La volonté de dissimulation dénoncée par les inspecteurs est d’autant plus problématique qu’une part importante du rapport de l’IGAS repose sur de simples questionnaires déclaratifs adressés aux industriels, dont les réponses n’ont pas forcément été validées par des contrôles. Et, quand bien même de tels contrôles ont été menés, le rapport rappelle que l’exercice est particulièrement ardu. Une usine de conditionnement peut renfermer plus de 50 kilomètres de tuyauteries et « les dispositifs de traitement sont parfois très discrets, le plus souvent sous des carters en inox, s’agissant des dispositifs de filtration ». Face à cette complexité, l’Etat s’est progressivement désarmé, notent les inspecteurs : au sein des ARS, le nombre d’agents chargés du contrôle des eaux de consommation a chuté de près de 14 % entre 2014 et 2018. A la suite de la découverte de ces entorses à la réglementation sur le site Nestlé des Vosges, l’ARS Grand-Est a saisi le procureur de la République d’Epinal, Frédéric Nahon, qui a ouvert une enquête préliminaire en novembre 2022. Selon le magistrat, « Nestlé a bien eu recours à des systèmes de filtration illégaux, et ses eaux minérales naturelles ont perdu leur statut d’eaux minérales naturelles, cela relève de la tromperie ». Toutes les ARS n’ont pas appliqué de manière identique l’article 40 du code de procédure pénale. En Occitanie, l’ARS, confrontée à une situation semblable à celle de son homologue du Grand-Est, n’a pas saisi le parquet. Selon nos informations, elle s’est montrée sensible aux arguments développés par Nestlé pour maintenir des traitements non conformes sur son site de Vergèze, dans le Gard, d’où est pompée l’eau de Perrier. La procureure de la République de Nîmes, Cécile Gensac, assure n’avoir « jamais entendu parler de la moindre tromperie concernant l’usine Perrier ». Tous les industriels épinglés traitent-ils nécessairement leurs eaux en raison de contaminations ? L’IGAS se garde de tout jugement général. L’inspection explique que ces contaminations peuvent survenir de manière ponctuelle, en cas d’épisode climatique exceptionnel, d’une intervention indésirable non loin d’un forage, ou d’un problème technique dans les installations. Mais elles peuvent aussi être le fruit de « la vulnérabilité naturelle de la ressource, de sa surexploitation, ou d’un accroissement de la pression anthropique ». De telles pollutions chroniques devraient alors conduire à la fermeture du site, ou au déclassement de l’eau produite, qui ne devrait être commercialisée (à moindre prix) que sous l’appellation « eau rendue potable par traitement ». A l’issue du rapport de l’IGAS, tout l’enjeu est précisément celui des traitements acceptables pour produire une « eau minérale naturelle » fortement valorisée. En France, la doctrine réglementaire a été établie par l’Agence française de sécurité sanitaire des aliments (Afssa), l’ancêtre de l’Agence nationale de sécurité sanitaire de l’alimentation, de l’environnement et du travail (Anses). Dans un avis de 2001, l’agence avait estimé que la mise en place de la microfiltration à 0,8 µm est acceptable car elle ne modifie pas le « microbiome » de l’eau – la composition et l’abondance de micro-organismes. En effet, tout processus de désinfection est interdit pour les eaux les plus pures. Or, des microfiltres de maille inférieure à 0,8 µm seraient susceptibles de filtrer bactéries et protozoaires, donc de remplir de facto un rôle de désinfectant… Les 22 et 23 février 2023, au terme d’une réunion interministérielle, le gouvernement biffe d’un trait de plume la doctrine de l’Afssa ; il valide la possibilité, pour les préfets, de prendre des arrêtés autorisant la microfiltration en deçà de 0,8 µm. Interrogé par Radio France et Le Monde, Bercy justifie ce choix en citant un avis de l’Anses rendu en janvier 2023. Dans cet avis, explique-t-on à Bercy, l’agence assure qu’un tel traitement peut être mis en œuvre s’il a pour objectif de retenir certaines particules, mais pas de modifier les caractéristiques microbiologiques de l’eau. Bercy argue enfin de « l’absence de norme interdisant explicitement ce niveau de filtration » et donne l’exemple de l’Espagne, qui autorise la microfiltration de ses eaux minérales naturelles à 0,4 µm. L’exemple n’est pas idéalement choisi. En effet, l’Anses prend aussi soin de préciser en annexe de son avis que son homologue espagnole s’est prononcée sur la question en 2009 et que celle-ci concluait alors « que la filtration avec un seuil de coupure inférieur à 0,4 µm ne peut avoir d’autre but que la désinfection des eaux minérales naturelles »… Il ne faut alors pas craindre le paradoxe, ou le ridicule : au-dessous de ce seuil, en somme, un microfiltre est autorisé s’il ne change pas la composition microbienne de l’eau, mais sa seule utilité est, précisément, de la changer. Reste que la réglementation européenne n’est, de fait, pas harmonisée entre les Etats membres, et l’IGAS préconise de porter au niveau communautaire une demande de réforme. Selon nos informations, une telle demande n’a pas encore été formulée par la France à la Commission européenne. Ce n’est pas tout : dans son rapport, l’IGAS met en garde contre un défaut de maîtrise des risques sanitaires, en cas de retrait des traitements UV et des charbons actifs et du maintien de la seule microfiltration. Selon l’inspection, si « globalement » le « niveau de conformité est élevé sur les eaux en bouteille, il ne serait pas prudent de conclure à la parfaite maîtrise du risque sanitaire, notamment du risque microbiologique ». En particulier, si la microfiltration peut arrêter certaines bactéries pathogènes, elle ne peut rien contre les virus, bien plus petits. Et une eau biologiquement active – par exemple contaminée par des germes – est susceptible de contenir des virus. « En clair, la mise en place d’une filtration à 0,2 µm sur des eaux non conformes pourrait exposer les consommateurs à un risque en lien avec l’ingestion de virus qui ne seraient pas retenus par le filtre », lit-on dans le rapport de l’IGAS. Comme Bercy, les inspecteurs prennent l’Espagne en exemple, mais à front renversé. En avril 2016, rappellent-ils, une épidémie de gastro-entérite s’est déclarée en Catalogne, touchant plus de 4 000 personnes, dont six ont dû être hospitalisées. Son origine était la contamination, par des eaux usées, d’un aquifère dans lequel était prélevée de l’eau de source : un norovirus pathogène avait échappé à la microfiltration et s’était retrouvé dans les bouteilles. L’actualité scientifique permet aussi de renverser la perspective : la microfiltration et les traitements de l’eau en bouteille peuvent aussi être, en eux-mêmes, des sources de risques sanitaires peu évalués. Début janvier, une équipe de chercheurs de l’université Columbia, à New York, proposait dans la revue Proceedings of the National Academy of Sciences (PNAS), une méthode pour quantifier et caractériser les microparticules et nanoparticules plastiques dans l’eau. Testée sur trois marques d’eau en bouteille, leur technique mettait en évidence une forte présence de nanoparticules de polyamide – de l’ordre de 100 000 par litre – sur certaines marques. Les auteurs suggèrent que cette contamination, qui n’avait jamais pu être mesurée jusqu’à présent, pourrait provenir des microfiltres utilisés en amont de l’embouteillage. Dans Les Echos, Nestlé Waters explique avoir dû se résigner à cesser l’exploitation de deux émergences, dans les Vosges, alimentant la marque Hépar. Et un quart des puits exploités par la société à Vergèze seront désormais dévolus à la production d’eau aromatisée, qui sera commercialisée sans le label « Eau minérale naturelle ». Cette nouvelle marque (Maison Perrier) pourrait permettre au site de retrouver ses niveaux historiques de production, l’arrêt de certains traitements ayant, selon Les Echos, fait passer la production annuelle de 1,7 milliard de bouteilles à 1,2 milliard de bouteilles par an. Les inspecteurs de l’IGAS, eux, attendent de voir. Ils écrivent que « Nestlé Waters a annoncé le déploiement d’un plan de retour à la normale, mais il n’est pas certain que la dégradation de la qualité de la ressource puisse être jugulée ». « Les travaux de mise en conformité, réalisés par Nestlé Waters, sont en cours, et suivis de près par les ARS », dit-on à Bercy. Le Monde

 Attention, une tromperie peut en cacher une autre !

A l’heure où l’on découvre…

Que pendant des années et avec la bénédiction de nos gouvernants…

Nos minéraliers nous ont caché que pour d’évidentes raisons de sécurité …

Ils étaient contraints à l’occasion – le déréglement climatique a bon dos ! …

De filtrer leurs eaux de source censément si pures… tout en continuant à nous les vendre cent fois plus cher que l’eau ordinaire ?

Mais aussi qui rappelle qu’il y a 34 ans …

La plus célèbre de ces eaux, le « Champagne des eaux minérales » auto-proclamé Perrier …

Avait dû reconnaitre suite à un retour massif imposé par une pollution infinitésimale au benzène …

Et la pression de l’Administration américaine …

Qu’ils avaient menti toutes ces années en proclamant que leur eau était naturellement pétillante…

Alors que les gaz certes naturels étaient prélevés séparemment …

Mais réintroduits ultérieurement après purification ?

Lesson to learn from a product recall

In recent years, food and drink manufacturers as diverse as Cadburys, Premier Foods and ABF have discovered food contamination, forcing them to announce product recalls. These companies have all survived. Why? Possibly because they learnt from Perrier how not to do it.

PR Week

In 1990, Perrier was synonymous with mineral water.

An independent French company over a hundred years old, it was the leading brand in a growing sector with a 15% share of the U.S. market.

Then, on 6th February 1990, American regulators in North Carolina discovered bottles had been contaminated with benzene, albeit in miniscule quantities that would not affect human health. No one suffered as a result of drinking the benzene-contaminated water but Perrier recalled 160 million bottles from 120 countries at a cost of over $250m.

Within 18 months, its market share had declined to 9% in the U.S. and dropped from 49% to less than 30% in the UK. The shareprice fell by 37% and the company was taken over by Nestlé. Some 750 people in the mineral water division were made redundant. By 1995, Perrier sales had fallen to one-half their 1989 peak.

So what did they do wrong and what crisis communication lessons can PROs learn?

Perrier’s first error was its failure to plan and specifically, to plan for the right threats.

Despite the publicity around the Tylenol deaths in 1982, Perrier did not have a crisis plan nor did it have product recall insurance. While Perrier’s US President Ronald Davies took advice from former Johnson & Johnson Chairman James Burke over his handling of the Tylenol crisis,

Burke’s sage advice « Be straight » had unintended consequences.

Perrier’s second error was to provide information which turned out to be incorrect.

It therefore forfeited the right to be heard as honest and authoritative. Attempting to play down the scale of problem also set the media against them.

Perrier recalled 70 million bottles in North America on the 9th February – three days after being alerted to the issue. At the time, Perrier stated that the cause was an isolated incident – blaming a cleaner’s improper use of a cleaning solvent on machinery filling bottles bound for the USA for the contamination.

Shortly afterwards, benzene-contaminated bottles were discovered in Holland and Denmark. And since this global product had only one single source – a spring in Vergezes southern France – Perrier had to announce a worldwide recall and change its explanation.

It turned out that the carbon filters intended to remove benzene from carbon dioxide gas had become clogged and had gone undetected for six months. So rather than being a victim of someone’s mistake, the company was viewed as culpable because of its own poor quality control.

But what really did for Perrier was that in managing the contamination crisis they caused a greater crisis by revealing that there was a deception at the heart of the brand.

Perrier’s advertising stated that Perrier was pure and its strapline stated « It’s Perfect. It’s Perrier ». Executives decided to withdraw the product not because of any actual health implication but to maintain its brand positioning. The presence of benzene, even in tiny quantities that posed no threat to consumer health, was incompatible with its purity claim. So far, so good. The recall could even be viewed as an act of corporate honesty.

However, Perrier needed to prove that the spring water itself was not contaminated (which would have been been devastating for the company). So Perrier was forced to reveal that while the spring is naturally carbonated, the water and natural carbon dioxide gas were captured independently. Water was pumped from the spring in one pipe and another pipe brought the carbon dioxide, mixing the two at the manufacturing plant. CO2 naturally contains trace amounts of benzene and the clogged filters were supposed to remove it.

The consumer already believed that the product was not ‘Pure’ because of the benzene. In identifying the actual problem with the filters, Perrier’s statement had the merit of showing the basic water was uncontaminated. But the disadvantage was that it showed that the product was not ‘naturally sparkling’ mineral water. With its product relaunch, Perrier was required to drop the words « Naturally Sparkling » from its label as the water was artificially carbonated.

It took more than five years for the public to trust the brand again.

In that time a once totally dominant market position collapsed as other companies raced to fill the void left by the product recall. Perrier’s experience demonstrates how poorly handled crisis planning and communications can seriously damage a product’s brand and business.

Voir aussi:

Eaux en bouteille : des pratiques trompeuses à grande échelle
Pendant des années, des eaux vendues comme « de source » ou « minérales naturelles » ont subi des techniques de purification interdites. Selon une enquête conjointe du « Monde » et de Radio France, un tiers au moins des marques françaises sont concernées, dont celles de Nestlé, qui a reconnu ces pratiques. Informé depuis 2021, le gouvernement a assoupli la réglementation dans la plus grande discrétion.
Stéphane Foucart
Le Monde
30 janvier 2023

Vittel, Contrex, Hépar, Perrier, St-Yorre… Réputées les plus pures et vitrines de la France à l’étranger, les plus grandes marques d’eau en bouteille ont reçu depuis de nombreuses années des traitements non conformes à la réglementation, notamment en raison de contaminations sporadiques d’origine bactérienne ou chimique. Autorisées sur l’eau du robinet ou sur les « eaux rendues potables par traitements », ces techniques de purification sont interdites sur les « eaux de source » ou « eaux minérales naturelles ». Celles-ci sont, en effet, censées provenir de ressources souterraines préservées et ne doivent ainsi pas subir de désinfection.

L’enquête conduite conjointement, depuis plusieurs mois, par la cellule investigation de Radio France et Le Monde met au jour l’utilisation généralisée de tels traitements non conformes, avec des millions de consommateurs non informés voire floués depuis de nombreuses années, et des milliers d’emplois en jeu dans toute la France. Selon nos informations, un tiers au moins des marques françaises d’eau de source et d’eau minérale auraient été, ou seraient encore, en délicatesse avec la réglementation.

Informé depuis août 2021 des pratiques illicites du groupe Nestlé Waters (Vittel, Hépar, Perrier, etc.), le gouvernement a, jusqu’à présent, tenté de gérer la crise avec la plus grande discrétion. L’affaire a été suivie au plus haut niveau, avec la décision prise, le 22 février 2023, au terme d’une réunion interministérielle, d’assouplir la réglementation par voie d’arrêtés préfectoraux. Et ce, afin d’autoriser des pratiques de microfiltration réputées jusqu’ici non conformes et de permettre ainsi la poursuite de l’exploitation de plusieurs sites.

Contaminations délibérément cachées aux autorités

La conformité de ces assouplissements réglementaires à la loi européenne est toutefois sujette à caution. Selon nos informations, la France n’a informé de la situation ni la Commission européenne ni les Etats membres, comme elle était supposée le faire en vertu de la directive 2009-54-CE.

Interrogée à la mi-janvier par écrit, Nestlé Waters – dont la totalité des marques étaient concernées – n’a répondu aux sollicitations du Monde et de Radio France que le dimanche 28 janvier. Sachant que l’information serait rendue publique, la firme a préféré prendre les devants pour reconnaître ses pratiques du passé, en les édulcorant, lundi, dans Les Echos. « Il y a eu des erreurs, conduisant à des enjeux de conformité, a déclaré au quotidien économique Muriel Lienau, présidente de Nestlé Waters. Tout en garantissant la sécurité alimentaire, nous avons utilisé des mesures de protection qui n’étaient pas en ligne avec le cadre réglementaire ou avec son interprétation. » La firme invoque la nécessité « de surmonter l’impact du dérèglement climatique et la montée du stress hydrique qui affectaient en partie la minéralité de ses eaux », jamais la présence de bactéries ou de métabolites de pesticides dans ses eaux brutes.

Selon nos informations, des problèmes récurrents ou saisonniers de contamination de certains puits par des bactéries coliformes – « issues de contaminations fécales », lit-on dans une note confidentielle de l’administration – ont pourtant été délibérément cachés aux autorités. Ce sont eux qui ont conduit Nestlé Waters à appliquer des traitements non conformes à ses eaux en bouteille : la microfiltration au-dessous du seuil de 0,8 micron (µm), des traitements ultraviolets (UV), l’utilisation de charbons actifs… Des techniques de purification permises sur l’eau du robinet, vendue plus de 100 fois moins cher en moyenne que l’eau minérale.

L’étendue du problème va bien au-delà des eaux commercialisées par l’entreprise suisse. Dans un rapport remis au gouvernement en juillet 2022, l’inspection générale des affaires sociales (IGAS) estime que 30 % des marques françaises ont recours à des traitements non conformes – sans que les raisons qui poussent les industriels à les mettre en œuvre soient toujours élucidées. Le rapport, que Radio France et Le Monde ont pu consulter, a été soumis à un secret quasi absolu. Il a très peu circulé à l’IGAS et dans les administrations impliquées, de peur de le voir fuiter – plusieurs sources interrogées invoquent un « important risque médiatique » en cas de divulgation du texte. Et pour cause. « La mission n’a pas de doute sur le fait que la proportion de 30 % [des dénominations commerciales concernées] sous-estime le phénomène et que l’ensemble des minéraliers soient concernés », y lit-on.

Nombreuses pratiques qualifiées de « frauduleuses »

L’affaire commence fin 2020, comme un polar. Un ancien employé de la société Alma (Cristalline, St-Yorre, Chateldon, Vichy Célestins…) signale à la direction générale de la concurrence, du commerce et de la répression des fraudes (DGCCRF) des pratiques suspectes dans une usine du groupe. Une enquête administrative est lancée et, le 10 décembre 2020, les usines sont perquisitionnées par le service national des enquêtes de la DGCCRF, comme le rapporte le quotidien La Montagne, à l’époque.

Une note des enquêteurs liste de nombreuses pratiques identifiées sur place, qu’ils qualifient de « frauduleuses » : « mélanges d’eaux non autorisés de plusieurs sources exploitées par une même usine », mélanges occasionnels avec « l’eau du réseau » – c’est-à-dire celle du robinet –, « adjonction de gaz carbonique industriel dans des eaux minérales dites “naturellement gazeuses” », « traitements non autorisés pour prévenir ou traiter les contaminations épisodiques survenant à la source », « injection de sulfate de fer », « utilisation de filtres à charbons actifs en grains », des « pratiques de microfiltration non autorisées », la désinfection de l’eau à l’ozone et la « filtration de l’eau aux UV ». « Nous n’utilisons aucun traitement non conforme sur aucune des marques Alma », assure, de son côté, la société à Radio France et au Monde, dans son bref message du 29 janvier.

Les enquêteurs notent que certaines pratiques leur paraissent conçues pour être soustraites au regard des agents chargés des contrôles : le filtrage aux UV « se fait par l’usage de boîtiers mobiles installés aux forages ou en cours de production, pour désinfecter de manière dissimulée une eau de source ou une eau minérale naturelle »…

En juillet 2021, le parquet de Cusset (Allier) reçoit un volumineux signalement de la DGCCRF, au titre de l’article 40 du code de procédure pénale, qui impose à toute administration ou tout agent de l’Etat de dénoncer tout crime ou délit qui viendrait à sa connaissance. Interrogé, le procureur de la République, Eric Neveu, assure qu’il décidera dans les prochaines semaines de l’orientation pénale qu’il entend donner à ce dossier « complexe et très technique ».

Certaines découvertes, lit-on dans la note de la DGCCRF, conduisent les agents « à élargir [leur] enquête aux pratiques de microfiltration des acteurs du secteur », les enquêteurs « soupçonnant une mise en œuvre généralisée ». Selon nos informations, c’est une perquisition chez l’un des fournisseurs de microfiltres utilisés dans les usines d’Alma qui fait naître le soupçon d’un usage généralisé de ces dispositifs : le fichier clients du fournisseur en question liste un grand nombre de minéraliers opérant sur le territoire national. Et, en particulier, Nestlé Waters.

Plusieurs milliers d’emplois sont en jeu

Un fournisseur de microfiltres, dont Radio France et Le Monde n’ont pu déterminer l’identité, a-t-il prévenu ses clients que la DGCCRF était, de son fait, informée de leurs pratiques ? Toujours est-il que, quelques semaines plus tard, les dirigeants de Nestlé Waters prennent les devants et sollicitent spontanément une rencontre avec le cabinet d’Agnès Pannier-Runacher, alors ministre déléguée chargée de l’industrie.

Rendez-vous est pris le 31 août 2021 : les dirigeants de la multinationale suisse avouent ex abrupto utiliser, sur tous leurs sites de conditionnement, des traitements illicites pour purifier leurs eaux minérales naturelles. Au cours de la rencontre, Nestlé demande la possibilité de maintenir certains de ces traitements interdits et plaide pour une évolution de la réglementation en vigueur, en particulier s’agissant de la microfiltration. Faute de quoi Nestlé estime que l’exploitation de certains sites – dans les Vosges (Contrex, Vittel, Hépar) et dans le Gard (Perrier) – pourrait être abandonnée. Plusieurs milliers d’emplois sont en jeu.

Que faire ? Le 19 novembre 2021, Bruno Le Maire (ministre de l’économie), Olivier Véran (alors ministre de la santé) et Agnès Pannier-Runacher saisissent l’IGAS d’une mission d’inspection des usines de conditionnement d’eaux minérales naturelles et d’eaux de source installées sur le territoire national, avec l’aide des agences régionales de santé (ARS). Au cours de leurs inspections, et grâce aux découvertes des agents de la DGCCRF, les enquêteurs de certaines ARS disent avoir été délibérément trompés lors de contrôles des usines Nestlé. Plusieurs documents internes à différentes administrations, que Radio France et Le Monde ont pu consulter, évoquent des filtres dissimulés dans des armoires électriques, des contrôles sanitaires sur les eaux brutes faussés par des mesures opérées après passages par des traitements à base d’UV et de charbons actifs, etc.

Rendu en juillet 2022, le rapport de l’IGAS ne fait pas mystère des entorses à la réglementation et des manœuvres de dissimulation de certains embouteilleurs, même s’il le suggère en termes policés. Dans l’une des usines contrôlées, les inspecteurs écrivent que, « malgré une implication régulière des services de contrôle, ces pratiques [non autorisées] n’avaient pas été décelées ». « D’une part, des traitements non conformes sont utilisés dans les quatre usines du groupe [Nestlé Waters] : microfiltration en deçà de 0,8 µm, mais aussi charbon actif et ultraviolet dont l’interdiction est absolue, ne laissant place à aucune interprétation, notent les rapporteurs de l’IGAS. Mais, surtout et d’autre part, les points de prélèvement utilisés pour qualifier la qualité de la ressource brute (à l’émergence) ont été délibérément positionnés après ces traitements non autorisés. »
Processus de désinfection interdit pour les eaux les plus pures

La volonté de dissimulation dénoncée par les inspecteurs est d’autant plus problématique qu’une part importante du rapport de l’IGAS repose sur de simples questionnaires déclaratifs adressés aux industriels, dont les réponses n’ont pas forcément été validées par des contrôles. Et, quand bien même de tels contrôles ont été menés, le rapport rappelle que l’exercice est particulièrement ardu. Une usine de conditionnement peut renfermer plus de 50 kilomètres de tuyauteries et « les dispositifs de traitement sont parfois très discrets, le plus souvent sous des carters en inox, s’agissant des dispositifs de filtration ». Face à cette complexité, l’Etat s’est progressivement désarmé, notent les inspecteurs : au sein des ARS, le nombre d’agents chargés du contrôle des eaux de consommation a chuté de près de 14 % entre 2014 et 2018.

A la suite de la découverte de ces entorses à la réglementation sur le site Nestlé des Vosges, l’ARS Grand-Est a saisi le procureur de la République d’Epinal, Frédéric Nahon, qui a ouvert une enquête préliminaire en novembre 2022. Selon le magistrat, « Nestlé a bien eu recours à des systèmes de filtration illégaux, et ses eaux minérales naturelles ont perdu leur statut d’eaux minérales naturelles, cela relève de la tromperie ».
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Toutes les ARS n’ont pas appliqué de manière identique l’article 40 du code de procédure pénale. En Occitanie, l’ARS, confrontée à une situation semblable à celle de son homologue du Grand-Est, n’a pas saisi le parquet. Selon nos informations, elle s’est montrée sensible aux arguments développés par Nestlé pour maintenir des traitements non conformes sur son site de Vergèze, dans le Gard, d’où est pompée l’eau de Perrier. La procureure de la République de Nîmes, Cécile Gensac, assure n’avoir « jamais entendu parler de la moindre tromperie concernant l’usine Perrier ».

Tous les industriels épinglés traitent-ils nécessairement leurs eaux en raison de contaminations ? L’IGAS se garde de tout jugement général. L’inspection explique que ces contaminations peuvent survenir de manière ponctuelle, en cas d’épisode climatique exceptionnel, d’une intervention indésirable non loin d’un forage, ou d’un problème technique dans les installations. Mais elles peuvent aussi être le fruit de « la vulnérabilité naturelle de la ressource, de sa surexploitation, ou d’un accroissement de la pression anthropique ». De telles pollutions chroniques devraient alors conduire à la fermeture du site, ou au déclassement de l’eau produite, qui ne devrait être commercialisée (à moindre prix) que sous l’appellation « eau rendue potable par traitement ».

A l’issue du rapport de l’IGAS, tout l’enjeu est précisément celui des traitements acceptables pour produire une « eau minérale naturelle » fortement valorisée. En France, la doctrine réglementaire a été établie par l’Agence française de sécurité sanitaire des aliments (Afssa), l’ancêtre de l’Agence nationale de sécurité sanitaire de l’alimentation, de l’environnement et du travail (Anses). Dans un avis de 2001, l’agence avait estimé que la mise en place de la microfiltration à 0,8 µm est acceptable car elle ne modifie pas le « microbiome » de l’eau – la composition et l’abondance de micro-organismes. En effet, tout processus de désinfection est interdit pour les eaux les plus pures. Or, des microfiltres de maille inférieure à 0,8 µm seraient susceptibles de filtrer bactéries et protozoaires, donc de remplir de facto un rôle de désinfectant…

La réglementation européenne n’est pas harmonisée

Les 22 et 23 février 2023, au terme d’une réunion interministérielle, le gouvernement biffe d’un trait de plume la doctrine de l’Afssa ; il valide la possibilité, pour les préfets, de prendre des arrêtés autorisant la microfiltration en deçà de 0,8 µm. Interrogé par Radio France et Le Monde, Bercy justifie ce choix en citant un avis de l’Anses rendu en janvier 2023. Dans cet avis, explique-t-on à Bercy, l’agence assure qu’un tel traitement peut être mis en œuvre s’il a pour objectif de retenir certaines particules, mais pas de modifier les caractéristiques microbiologiques de l’eau. Bercy argue enfin de « l’absence de norme interdisant explicitement ce niveau de filtration » et donne l’exemple de l’Espagne, qui autorise la microfiltration de ses eaux minérales naturelles à 0,4 µm.

L’exemple n’est pas idéalement choisi. En effet, l’Anses prend aussi soin de préciser en annexe de son avis que son homologue espagnole s’est prononcée sur la question en 2009 et que celle-ci concluait alors « que la filtration avec un seuil de coupure inférieur à 0,4 µm ne peut avoir d’autre but que la désinfection des eaux minérales naturelles »… Il ne faut alors pas craindre le paradoxe, ou le ridicule : au-dessous de ce seuil, en somme, un microfiltre est autorisé s’il ne change pas la composition microbienne de l’eau, mais sa seule utilité est, précisément, de la changer. Reste que la réglementation européenne n’est, de fait, pas harmonisée entre les Etats membres, et l’IGAS préconise de porter au niveau communautaire une demande de réforme. Selon nos informations, une telle demande n’a pas encore été formulée par la France à la Commission européenne.

Ce n’est pas tout : dans son rapport, l’IGAS met en garde contre un défaut de maîtrise des risques sanitaires, en cas de retrait des traitements UV et des charbons actifs et du maintien de la seule microfiltration. Selon l’inspection, si « globalement » le « niveau de conformité est élevé sur les eaux en bouteille, il ne serait pas prudent de conclure à la parfaite maîtrise du risque sanitaire, notamment du risque microbiologique ». En particulier, si la microfiltration peut arrêter certaines bactéries pathogènes, elle ne peut rien contre les virus, bien plus petits. Et une eau biologiquement active – par exemple contaminée par des germes – est susceptible de contenir des virus. « En clair, la mise en place d’une filtration à 0,2 µm sur des eaux non conformes pourrait exposer les consommateurs à un risque en lien avec l’ingestion de virus qui ne seraient pas retenus par le filtre », lit-on dans le rapport de l’IGAS.

Comme Bercy, les inspecteurs prennent l’Espagne en exemple, mais à front renversé. En avril 2016, rappellent-ils, une épidémie de gastro-entérite s’est déclarée en Catalogne, touchant plus de 4 000 personnes, dont six ont dû être hospitalisées. Son origine était la contamination, par des eaux usées, d’un aquifère dans lequel était prélevée de l’eau de source : un norovirus pathogène avait échappé à la microfiltration et s’était retrouvé dans les bouteilles.

« Plan de retour à la normale »

L’actualité scientifique permet aussi de renverser la perspective : la microfiltration et les traitements de l’eau en bouteille peuvent aussi être, en eux-mêmes, des sources de risques sanitaires peu évalués. Début janvier, une équipe de chercheurs de l’université Columbia, à New York, proposait dans la revue Proceedings of the National Academy of Sciences (PNAS), une méthode pour quantifier et caractériser les microparticules et nanoparticules plastiques dans l’eau. Testée sur trois marques d’eau en bouteille, leur technique mettait en évidence une forte présence de nanoparticules de polyamide – de l’ordre de 100 000 par litre – sur certaines marques. Les auteurs suggèrent que cette contamination, qui n’avait jamais pu être mesurée jusqu’à présent, pourrait provenir des microfiltres utilisés en amont de l’embouteillage.

Dans Les Echos, Nestlé Waters explique avoir dû se résigner à cesser l’exploitation de deux émergences, dans les Vosges, alimentant la marque Hépar. Et un quart des puits exploités par la société à Vergèze seront désormais dévolus à la production d’eau aromatisée, qui sera commercialisée sans le label « Eau minérale naturelle ». Cette nouvelle marque (Maison Perrier) pourrait permettre au site de retrouver ses niveaux historiques de production, l’arrêt de certains traitements ayant, selon Les Echos, fait passer la production annuelle de 1,7 milliard de bouteilles à 1,2 milliard de bouteilles par an.

Les inspecteurs de l’IGAS, eux, attendent de voir. Ils écrivent que « Nestlé Waters a annoncé le déploiement d’un plan de retour à la normale, mais il n’est pas certain que la dégradation de la qualité de la ressource puisse être jugulée ». « Les travaux de mise en conformité, réalisés par Nestlé Waters, sont en cours, et suivis de près par les ARS », dit-on à Bercy.


Complotisme: Le film Sound of freedom va-t-il relancer la haine qui ne meurt jamais ? (Could Tim Ballard’s surprise box office hit about child sex trafficking help rejuvenate, via a conspiracy theory inspired by a novelist’s reference to the psychedelic treatment of schizophrenia, the age-old antisemitic blood libel motif of Christian children being kidnapped by Jews – to now denounce a supposed pedophile ring of blood-sucking Satanist global elites ?)

17 juillet, 2023
Actor Jim Caviezel & real-life hero Tim Ballard go behind the scenes of new film "Sound of Freedom" - YouTube

QAnon's 'Save the Children' morphs into popular slogan | AP News
Herodote.net - 10 janvier 1959 : Les « ballets roses » de la République La Ve République débute en 1959 sur un scandale sexuel qui met en cause l'un des plus hauts
Laissez les petits enfants, et ne les empêchez pas de venir à moi; car le royaume des cieux est pour ceux qui leur ressemblent. Jésus (Matthieu 19: 14)
Quiconque reçoit en mon nom un petit enfant comme celui-ci, me reçoit moi-même. Mais, si quelqu’un scandalisait un de ces petits qui croient en moi, il vaudrait mieux pour lui qu’on suspendît à son cou une meule de moulin, et qu’on le jetât au fond de la mer. Jésus (Matthieu 18: 5-6)
Une civilisation est testée sur la manière dont elle traite ses membres les plus faibles. Pearl Buck
Nous vivons dans un monde, je l’ai dit, qui se reproche sa propre violence constamment, systématiquement, rituellement. Nous nous arrangeons pour transposer tous nos conflits, même ceux qui se prêtent le moins à cette transposition, dans le langage des victimes innocentes. Le débat sur l’avortement par exemple : qu’on soit pour ou contre, c’est toujours dans l’intérêt des « vraies victimes », à nous en croire, que nous choisissons notre camp. Qui mérite le plus nos lamentations, les mères qui se sacrifient pour leurs enfants ou les enfants sacrifiés à l’hédonisme contemporain. Voilà la question. (…) Contrairement au totalitarisme d’extrême droite – celui qui est ouvertement païen, comme le nazisme, dont on parle plus que jamais, et qui est, je pense, complètement fini -, le totalitarisme d’extrême gauche a de l’avenir. Des deux totalitarismes, c’est le plus malin, parce qu’il est le rival du christianisme, comme l’était déjà le marxisme. Au lieu de s’opposer franchement au christianisme, il le déborde sur sa gauche. Le mouvement antichrétien le plus puissant est celui qui prend en compte et radicalise le souci des victimes, pour le paganiser. Ainsi, les puissances et les principautés reprochent au christianisme de ne pas défendre les victimes avec assez d’ardeur. Dans le passé chrétien elles ne voient que persécutions, oppressions, inquisitions. L’Antéchrist, lui, se flatte d’apporter aux hommes la paix et la tolérance que le christianisme leur promet et ne leur apporte pas. En réalité, c’est un retour très effectif à toutes sortes d’habitudes païennes : l’avortement, l’euthanasie, l’indifférenciation sexuelle, les jeux du cirque à gogo, mais sans victimes réelles, grâce aux simulations électroniques, etc. Le néo-paganisme veut faire du Décalogue et de toute la morale judéo-chrétienne une violence intolérable, et leur abolition complète est le premier de ses objectifs. Ce néo-paganisme situe le bonheur dans l’assouvissement illimité des désirs et, par conséquent, dans la suppression de tous les interdits. René Girard
Nous sommes une société qui, tous les cinquante ans ou presque, est prise d’une sorte de paroxysme de vertu – une orgie d’auto-purification à travers laquelle le mal d’une forme ou d’une autre doit être chassé. De la chasse aux sorcières de Salem aux chasses aux communistes de l’ère McCarthy à la violente fixation actuelle sur la maltraitance des enfants, on retrouve le même fil conducteur d’hystérie morale. Après la période du maccarthisme, les gens demandaient : mais comment cela a-t-il pu arriver ? Comment la présomption d’innocence a-t-elle pu être abandonnée aussi systématiquement ? Comment de grandes et puissantes institutions ont-elles pu accepté que des enquêteurs du Congrès aient fait si peu de cas des libertés civiles – tout cela au nom d’une guerre contre les communistes ? Comment était-il possible de croire que des subversifs se cachaient derrière chaque porte de bibliothèque, dans chaque station de radio, que chaque acteur de troisième zone qui avait appartenu à la mauvaise organisation politique constituait une menace pour la sécurité de la nation ? Dans quelques décennies peut-être les gens ne manqueront pas de se poser les mêmes questions sur notre époque actuelle; une époque où les accusations de sévices les plus improbables trouvent des oreilles bienveillantes; une époque où il suffit d’être accusé par des sources anonymes pour être jeté en pâture à la justice; une époque où la chasse à ceux qui maltraitent les enfants est devenu une pathologie nationale. Dorothy Rabinowitz
L’Éternel parla à Moïse, et dit : (…) J’ai dit aux enfants d’Israël: Vous ne mangerez le sang d’aucune chair; car l’âme de toute chair, c’est son sang: quiconque en mangera sera retranché. Lévitique 17: 1-14
Mais je te guérirai, je panserai tes plaies, dit l’Éternel. Jérémie 30: 17
Tu pourras tirer un intérêt de l’étranger, mais tu n’en tireras point de ton frère. Deutéronome 23: 20
Pour arrêter l’écoulement du sang de la circoncision ou de l’hémorragie nasale en utilisant le sang coagulé de l’enfant ou du patient : le sang est placé devant le feu jusqu’à ce qu’il durcisse, puis il est écrasé avec un pilon, faisant une poudre fine à placer sur la plaie. Et c’est ce que nous trouvons écrit dans le livre de Jérémie (30:17) : « Car je te rendrai la santé, et je te guérirai de tes blessures « . Il faut comprendre en fait que c’est précisément de votre blessure, c’est-à-dire de votre sang, que votre santé vous sera rendue ». Sacharja Plongiany Simoner (Sefer Zechirah, « Livre des Rapports Médicaux »)
Il a ri de mes pertes, s’est moqué de mes gains, a méprisé ma race, contrarié mes affaires, refroidi mes amis, échauffé mes ennemis – Et pourquoi? Je suis juif… un Juif n’a-t-il pas des yeux ? Un Juif n’a-t-il pas des mains, des organes, des proportions, des sens, des émotions, des passions ? N’est-il pas nourri de même nourriture, blessé des mêmes armes, sujet aux mêmes maladies, guéri par les mêmes moyens, réchauffé et refroidi par le même été, le même hiver, comme un chrétien ? Si vous nous piquez, ne saignons-nous pas ? Si vous nous chatouillez, ne rions-nous pas ? Si vous nous empoisonnez, ne mourons-nous pas ? (…) Si vous nous faites tort, ne nous vengerons nous pas? Si nous vous ressemblons dans le reste, nous vous ressemblerons aussi sur cela… Si un Juif fait tort à un chrétien, où est l’humanité de celui-ci? Dans la vengeance. Si un chrétien fait tort à un Juif, où est la patience de ce dernier selon l’exemple chrétien? Eh bien, dans la vengeance. La vilenie que vous m’enseignez, je la pratiquerai et ce sera dur, mais je veux surpasser mes maîtres. Shylock (« Le Marchand de Venise », Shakespeare, III, 67-76)
Il y a sang pur et impur. Le sang pur, celui du sacrifice, peut laver le sang impur, ainsi le sang impur peut devenir aussi bénéfique au sein du rite qu’il est maléfique en dehors de lui. Il y a une nature double et une du sang, c’est-à-dire de la violence. Il peut être poison et remède. René Girard
J’ai essayé de montrer que le monde juif de l’époque était également violent, entre autres parce qu’il avait été blessé par la violence chrétienne. Bien entendu, je ne prétends pas que le judaïsme tolère le meurtre. Mais au sein du judaïsme ashkénaze, il y avait des groupes extrémistes qui auraient pu commettre un tel acte et le justifier. (…) [Dans le cas du meurtre d’un enfant chrétien, Simon de Trente, en 1475, dont on a cru par le passé qu’il avait été falsifié], j’ai trouvé des déclarations et des parties de documents qui ont été falsifiés. J’ai constaté qu’il y avait des déclarations et des parties du témoignage qui ne faisaient pas partie de la culture chrétienne des juges et qui ne pouvaient pas avoir été inventées ou ajoutées par eux. Il s’agissait d’éléments figurant dans des prières connues du livre de prières. Sur plusieurs dizaines de pages, j’ai prouvé la centralité du sang lors de la Pâque. Sur la base de nombreux sermons, j’ai conclu que le sang était utilisé, en particulier par les juifs ashkénazes, et qu’il existait une croyance dans les pouvoirs curatifs spéciaux du sang des enfants. Il s’avère que parmi les remèdes des juifs ashkénazes, on trouve des poudres de sang. Bien que l’utilisation du sang soit interdite par la loi juive, j’ai trouvé des preuves de l’autorisation rabbinique d’utiliser du sang, même du sang humain. Les rabbins l’autorisaient à la fois parce que le sang était déjà séché et parce que, dans les communautés ashkénazes, il s’agissait d’une coutume acceptée qui avait force de loi. Il n’y a pas de preuve d’actes de meurtre, mais il y avait des malédictions et de la haine envers les chrétiens, ainsi que des prières incitant à une vengeance cruelle contre les chrétiens. Il y avait toujours la possibilité qu’un fou passe à l’acte. Ariel Toaff
Ce n’est pas une politique de tuer des enfants. Chirac (accueillant Barak à Paris, le 4 octobre 2000)
L’accusation de crime rituel à l’encontre des Juifs est l’une des plus anciennes allégations antijuives et antisémites de l’Histoire. En effet, bien que l’accusation de crime de sang ait touché d’autres groupes que les Juifs, dont les premiers chrétiens, certains détails, parmi lesquels l’allégation que les Juifs utilisaient du sang humain pour certains de leurs rituels religieux, principalement la confection de pains azymes (matza) lors de la Pâque, leur furent spécifiques. (…) Le premier exemple connu d’accusation de ce type précède le christianisme, puisqu’il est fourni, selon Flavius Josèphe, par Apion, un écrivain sophiste égyptien hellénisé ayant vécu au Ier siècle. (…) Après la première affaire à Norwich (Angleterre) en 1144, les accusations se multiplient dans l’Europe catholique. De nombreuses disparitions inexpliquées d’enfants et de nombreux meurtres sont expliqués par ce biais. Wikipedia
Une des plus célèbres calomnies de meurtre rituel de cette période est celle de Damas, laquelle intervient dans le cadre des visées impérialistes de la France de Louis-Philippe, au Proche-Orient. En 1840, un moine et son serviteur disparaissent. On ne les retrouvera jamais. Sur l’instigation du consul de France, le crime est imputé aux juifs, qui sont arrêtés, emprisonnés, torturés. Adolphe Thiers valide la thèse du crime rituel. Cette affaire secoue les juifs d’Europe qui s’organisent pour éviter que ne se reproduisent de telles calomnies, vestiges moyenâgeux qui, à leurs yeux, ne devraient plus avoir leur place dans la société moderne. Encyclopédie Universalis
Il n’y a qu’une seule source pour ce truc. (…) Les glandes d’adrénaline d’un corps humain vivant. (…) Ca ne fonctionne pas si c’est extrait d’un cadavre. Hunter. S Thompson (« Las Vegas parano », 1971)
Les docteurs Abram Hoffer et Humphrey Osmond ont formulé une théorie biochimique de la schizophrénie basée sur un métabolisme surrénalien défectueux qui entraîne la production de neurotoxines dans l’organisme du schizophrène. Ils ont également mis au point une thérapie de la schizophrénie consistant en une prise quotidienne massive de vitamine B-3 (acide nicotinique) et d’autres suppléments. Ils détectent la schizophrénie au moyen d’un test chimique (chromatographie sur papier) et d’un test psychologique (test diagnostique Hoffer-Osmond) Scholarly commons
Le Dr Humphry Osmond, psychiatre décédé à l’âge de 86 ans, s’est distingué en contribuant à identifier l’adrénochrome, un hallucinogène produit dans le cerveau, comme cause de la schizophrénie, et en utilisant des vitamines pour y remédier. Cette avancée a jeté les bases de la psychiatrie orthomoléculaire, aujourd’hui pratiquée dans le monde entier. (…) Au St George’s Hospital de Tooting, à Londres, lui et son collègue John Smythies avaient examiné l’expérience induite chez des volontaires normaux par la mescaline, l’hallucinogène actif extrait du peyotl, et s’étaient rendu compte qu’à bien des égards, elle était similaire à l’expérience de la schizophrénie chez les gens. Il leur est alors apparu que la structure de la mescaline était similaire à celle de l’adrénaline et que le corps schizophrène pouvait contenir une substance ayant les propriétés de la mescaline et liée d’une manière ou d’une autre à l’adrénaline. (…) Les travaux d’Osmond et de Smythies, qui sont également venus au Canada, ont ouvert une voie : l’hypothèse de l’adrénochrome, dont nous avons tous trois rendu compte dans un article publié dans le Journal of Mental Science en 1954. Nous soutenions que les patients schizophrènes produisaient anormalement de l’adrénochrome, un dérivé de l’adrénaline, et que cela jouait un rôle dans la genèse de la maladie. Trois questions se posaient : l’adrénochrome était-il réellement formé dans l’organisme, s’agissait-il d’un hallucinogène et un antidote serait-il thérapeutique pour ces patients ? La réponse à ces trois questions a été positive. Pour mieux comprendre la psychologie de la schizophrénie, notre équipe biochimique a travaillé sur l’adrénochrome, afin d’établir son mode de fabrication et ses effets. Ensuite, notre équipe clinique a mené la première expérience contrôlée en double aveugle en psychiatrie. Nous avons prouvé que l’ajout d’une vitamine, la B3 (niacine), au régime alimentaire doublait le taux de guérison des patients atteints de schizophrénie aiguë ou précoce sur une période de deux ans, et les résultats ont été confirmés par des recherches menées aux États-Unis. Convaincus que nous avions découvert un moyen très important, nouveau et sûr d’aider nos patients, nous avons été rejoints en 1966 par le double lauréat du prix Nobel Linus Pauling, qui a utilisé pour la première fois le terme de psychiatrie orthomoléculaire pour désigner cette technique dans un article publié dans la revue Science en 1968. Tout au long de ce travail, qui a permis à des milliers de personnes de se rétablir complètement, Humphry a fait preuve d’intelligence, de calme, de gentillesse, d’idées créatives et n’a pas été découragé par les opinions psychiatriques conservatrices. Il a abordé d’autres troubles avec la même originalité. Le problème des buveurs chroniques était complémentaire de celui des schizophrènes, mais plutôt l’inverse : ils avaient besoin d’expérimenter les hallucinations du delirium tremens pour arrêter de boire. Pour ceux dont le cerveau n’avait pas généré les substances chimiques nécessaires, nous avons donc adopté, à partir de 1956, un traitement hallucinogène. Sur plus de 2 000 alcooliques répartis dans quatre institutions, 40 % se sont rétablis. Nous avons utilisé le diéthylamide de l’acide d-lysergique (LSD) plutôt que la mescaline parce qu’il était plus facile à manipuler. Abram Hoffer
Nous devons nous battre pour cette liberté authentique et vivre mes amis. Par Dieu, nous devons vivre et avec le Saint-Esprit comme bouclier et le Christ comme épée, puissiez-vous vous joindre à Saint Michel et à tous les autres anges pour défendre Dieu et renvoyer Lucifer et ses hommes de main directement en enfer, là où ils devraient être. Nous nous dirigeons vers la tempête de toutes les tempêtes. Oui, la tempête est sur nous. Jim Caviezel
Essentiellement, vous avez de l’adrénaline dans votre corps et lorsque vous avez peur, vous produisez de l’adrénaline. Si vous êtes un athlète au quatrième trimestre, vous avez de l’adrénaline qui sort de vous. Si un enfant sait qu’il va mourir, son corps sécrètera cette adrénaline et ils utilisent beaucoup de termes, mais euh… C’est la pire horreur que j’aie jamais vue. Il crie tout seul, même si je ne l’ai jamais vu. Ces gens qui le font, il n’y aura pas de pitié pour eux. Jim Caviezel
L’adrénochrome c’est du sang d’enfants, qu’on prend sur des enfants de trois ans. Gérard Fauré (ancien trafiquant de cocaïne)
La QAnonsphère est une éponge à complotisme. Tout complot qui va dans le sens de leur base idéologique, qui est ultratraditionaliste, d’extrême droite, un peu suprémaciste sur les bords, ils l’adoptent. Ils en sont maintenant à parcourir le Web à la recherche d’incohérences, n’importe où, de séries de chiffres ou de lettres. Tristan Mendès France
Les adeptes de QAnon sont conditionnés pour penser que les gens puissants font leurs méfaits en public, en usant d’un réseau complexe de symboles, de codes, de clés et d’images que seules les autres personnes puissantes comprenaient – jusqu’à ce que Q les aide à déchiffrer le code. Mike Rothschild
Un post de blog, qui figurait début avril parmi les liens les plus partagés sur Facebook en France, évoque la découverte de cent mille enfants et cadavres dans un tunnel reliant le port de New York à la Fondation Clinton.(…) Mélange de plusieurs motifs récurrents de la littérature conspirationniste (complot des élites démocrates, pédophilie, satanisme), il ne s’appuie sur aucun fait avéré. Ce long texte, publié le 5 avril, a pour titre : « Près de 100 000 enfants et cadavres ont été retrouvés dans un tunnel arrivant à la Fondation Clinton de New York ! » Parmi les principaux éléments : un réseau pédophile esclavagiste souterrain aurait été démantelé par une division spéciale du Pentagone. Ces enfants, malnutris et traumatisés, seraient pour certains soignés dans un hôpital spécial Covid-19 ; les enfants auraient été découverts, affamés, pour certains victimes de sévices sexuels, dans un tunnel menant à la Fondation Clinton ; le sang de ces enfants servait à produire une substance antivieillissement, l’adrénochrome, destinée à l’élite mondiale, qui serait sataniste. Le texte, confus, approximatif, fantasmagorique et dénué de toute source sérieuse, ne s’appuie sur aucun fait avéré. Relevons au moins trois faiblesses du récit : le Federal Bureau of Investigations (FBI), chargé aux Etats-Unis des affaires de pédocriminalité, n’a jamais annoncé une telle découverte ; les rumeurs pédophiles visant les démocrates sont un marqueur classique du complotisme d’extrême droite ; l’adrénochrome existe bien, mais n’a rien à voir avec la description donnée ici. 1. Il n’y a eu aucun démantèlement pédophile de cette ampleur (…) L’adrénochrome n’a rien d’une drogue sataniste.Cette substance dérivée de l’adrénaline s’obtient en laboratoire et non en sacrifiant des enfants. Elle a par ailleurs comme principaux effets d’accélérer le rythme cardiaque, comme le rappelle AFP Factuel, et non de permettre le rajeunissement. Son usage comme psychotrope est extrêmement marginal. Elle doit essentiellement sa réputation au roman de Hunter S. Thomson, Las Vegas Parano, dans lequel le héros, Raoul, fourni par un dealer sataniste, la consomme comme hallucinogène. Interrogé sur sa provenance, son fournisseur lui explique qu’elle ne peut être prélevée que sur les glandes surrénales d’une personne vivante, non d’un cadavre. L’explication, fictionnelle, a semble-t-il été prise au premier degré dans la littérature complotiste. William Audureau
Tout commence vers le 9 juillet par la découverte d’armoires en vente sur Wayfair à des prix semblant délirants – des milliers de dollars pour des meubles ou accessoires de décoration d’une grande banalité. Des apprentis enquêteurs, intrigués par ces prix, tapent les numéros de référence de ces produits sur le moteur de recherche Yandex – leader en Russie, 5e dans le monde –, dont la modération n’est pas réputée très pointilleuse. Ils associent cette recherche aux termes « src usa », suspectés depuis quelques semaines sur Reddit et YouTube d’être un code utilisé par des pédocriminels sur Internet. Or à cette requête, le moteur de recherche russe renvoie des photos de très jeunes filles, dont certaines dans des poses suggestives. C’est, pour eux, l’indice que les clients de Wayfair n’achètent pas seulement une armoire, mais aussi des enfants. Une vaste « enquête » collaborative en ligne débute. D’autres internautes croisent ensuite les noms de ces meubles (Marion, Daniel, Cassandra…) avec les fichiers d’enfants disparus, or certains coïncident. Ainsi naît le « Wayfairgate », comme l’appellent ses adeptes. Le « Wayfairgate » se répand comme une traînée de poudre sur Twitter, Reddit, et le jeune réseau social TikTok, où le mot-clé a été vu plus de 40 millions de fois. Il atteint dans la foulée les berges de l’Internet francophone, que ce soit sur le compte conspirationniste Radio-Québec ou le forum Jeuxvideo.com. L’ampleur prise par la rumeur contraint l’enseigne à contester publiquement : « Il n’y a évidemment aucun fondement à ces allégations. Les produits en question sont des armoires de qualité industrielle dont le prix est justifié. Nous reconnaissons que les photos et descriptions offertes par le fournisseur n’expliquaient pas le haut niveau de prix de façon adéquate, et avons donc temporairement retiré ces produits du site (…). » Des explications qui n’ont guère convaincu QAnon, un réseau informel de centaines de milliers d’internautes persuadés qu’un employé anonyme de la Maison Blanche, surnommé « Q », et secrètement aidé par Donald Trump, lutte de l’intérieur contre un réseau pédosatanique impliquant le gratin d’Hollywood et le Parti démocrate. QAnon a joué un rôle moteur dans la diffusion du Wayfairgate. (…) Ils ont ainsi tissé des liens entre Wayfair et George Soros, milliardaire qui obsède QAnon. A partir d’un simple coussin à motifs, les noms de Bill Gates, Bill Clinton ou encore John Podesta, souvent cités dans la complosphère anglophone, ont également été rattachés à la rumeur. De même que celui de Tom Hanks, pour avoir posté, en 2016, la photo d’un gant tombé à côté des fameuses lettres « src usa », à même le goudron. (…) Autant de preuves, pensent-ils, quitte à tomber dans une erreur de raisonnement que Gérald Bronner appelle, dans La Démocratie des crédules (PUF, 2013), la « négligence de la taille de l’échantillon ». En l’occurrence, ces coïncidences isolées sont très peu significatives une fois rapportées aux quantités astronomiques étudiées : 460 000 signalements d’enfants disparus ont lieu chaque année aux Etats-Unis, et pas moins de 18 millions de produits commerciaux différents sont répertoriés sur Wayfair. Les discussions en ligne se font en outre sur la base d’infox. Comme une publicité faussement attribuée à Wayfair, mais en réalité tournée en 2018 pour FedEx ; la rumeur non fondée de la démission du PDG de l’entreprise ; ou encore les liens allégués entre Ghislaine Maxwell, la confidente du milliardaire pédocriminel Jeffrey Epstein, et un homme présenté – à tort – comme le directeur des opérateurs de Wayfair. Autant de raisons pour lesquelles cette théorie du complot laisse les experts dubitatifs. Tristan Mendès France évoque ainsi une « bourrasque délirante ». Le site de vérification américain Snopes juge l’idée même « absurde » : « Est-ce qu’une grande entreprise utiliserait vraiment son site officiel pour permettre à des gens d’acheter des enfants en ligne ? »(…) M. Mendès France rappelle le cas de l’intox du « Pizzagate ». En 2016, une rumeur conspirationniste accusant une pizzeria de Washington d’héberger des orgies pédophiles pour élus démocrates avait conduit un internaute à faire irruption dans les lieux, armé d’un fusil d’assaut. « Avec le Wayfairgate, on a un vrai phénomène de foule assez malsain. L’inquiétude est sur le volume. On n’est pas à l’abri d’un dérapage de ce genre », prévient l’expert des communautés en ligne. Pourtant, au-delà des outrances sur Wayfair, ces théories mettent le doigt sur un problème bien réel : le moteur de recherche russe Yandex renvoie dans ses résultats vers du contenu illégal, davantage que Google ou DuckDuckGo, plus regardants sur la question. A partir de la recherche « src usa », Le Monde a ainsi pu tomber en quelques clics sur des photos de mineures, certes vêtues, mais associées à des mots-clés pédopornographiques. Celles-ci ont depuis été supprimées. « Il semble que cela soit le résultat de ce qu’on appelle du Google bombing, un problème qui affecte tous les moteurs de recherche de temps à autre, et contre quoi nous nous battons depuis longtemps », explique au Monde l’entreprise russe, qui a depuis fait le ménage. L’IWF confirme que « src usa » ne fait pas partie des codes pédophiles que la fondation a identifiés et qu’elle traque. Autrement dit, en cliquant sur les contenus jugés suspects, les enquêteurs amateurs du Wayfairgate auraient conditionné Yandex à leur renvoyer des images de jeunes filles, assure le moteur russe. Pour autant, cela n’explique ni la présence de mots-clés pédophiles, ni celle en accès libre de contenus ambigus, voire ouvertement pédopornographiques, associés à des recherches voisines. Cette fois, QAnon n’y est peut-être pour rien. En janvier 2020, des experts alertaient déjà sur la prolifération de contenus sexuels illicites sur le moteur de recherche russe.  William Audureau
La scène est irréaliste, même à l’échelle des fréquents dérapages à l’antenne de « Touche pas à mon poste » (TPMP). Jeudi 9 mars, Gérard Fauré, qui se présente comme « l’ancien dealer du Tout-Paris », est l’un des invités de Cyril Hanouna pour discuter de l’affaire Pierre Palmade. Au terme d’une tirade durant laquelle il accuse le Vatican d’être au cœur du trafic mondial de cocaïne, M. Fauré est pressé de revenir au sujet pour lequel il a été invité : la consommation de drogue de l’humoriste, impliqué dans un très grave accident de la circulation.« Il est pas très net, j’affirme rien, mais y avait peut-être une histoire d’adrénochrome dans l’histoire (…) C’est la vérité, réveillez-vous, bon dieu », s’emporte M. Fauré. Brouhaha immédiat sur le plateau : qu’est-ce que l’adrénochrome ? La chroniqueuse de l’émission Myriam Palomba se fend d’une explication : « Plein de stars utiliseraient les sacrifices d’enfants pour boire leur sang afin d’avoir la jeunesse éternelle. » L’adrénochrome, une molécule qui serait contenue dans le sang des très jeunes enfants, aurait des propriétés miraculeuses.Sauf que tout est faux. L’adrénochrome est bien une molécule proche de l’adrénaline, mais elle n’a aucun effet psychotrope, aucune propriété médicinale, et peut être aisément synthétisée. Mais depuis plusieurs années, une mythologie s’est développée autour de cette substance anodine, qui voudrait qu’elle soit produite en quantité et en bonne qualité par le corps des enfants lorsqu’ils sont torturés, voire qu’elle ne puisse être « récoltée » que tant que le sujet est vivant. (…) Cette théorie complotiste a notamment été popularisée au sein du mouvement QAnon, aux Etats-Unis, dont certains militants accusaient Hillary Clinton, le Parti démocrate et des stars américaines d’avoir mis en place des « fermes » secrètes à adrénochrome, dans lesquelles des enfants étaient torturés puis exécutés pour récolter ce composé. Ces théories semblent être inspirées du roman de Hunter S. Thompson Las Vegas parano, porté à l’écran en 1998 par Terry Gilliam – les deux œuvres mentionnent cette molécule et lui prêtent de fantasques propriétés hallucinogènes. Mais elles se calquent surtout sur l’un des principaux mythes fondateurs de l’antisémitisme en Occident, celui du meurtre rituel d’enfants, mythe dont certains chercheurs font remonter l’origine à la Rome antique et dont l’existence est bien documentée dans l’Angleterre du Moyen Age avant d’essaimer dans l’ensemble de l’Europe. Cette théorie du complot veut que les juifs doivent procéder à des sacrifices rituels d’enfants chrétiens, souvent dans le but de boire leur sang, dans une inversion du rite chrétien consistant pour le prêtre à boire du vin représentant le sang du Christ Sur le plateau de « TPMP », les accusations de M. Fauré ont été accueillies avec une certaine bienveillance. Tout en affirmant que rien n’est prouvé, M. Hanouna et ses chroniqueurs assurent que « c’est quelque chose qui n’est pas totalement délirant » (Myriam Palomba), ou qu’il y a « énormément de gens sur les réseaux [sociaux] qui disent que Gérard soulève un truc qui est réel » (Cyril Hanouna). M. Fauré assure ensuite, sans preuve, avoir connaissance d’un dossier judiciaire concernant une femme ayant voulu vendre son enfant à une « ferme » d’adrénochrome, puis affirme que des enfants « partent en Ukraine, il y a des Roumains qui viennent les kidnapper ». Sa tirade n’est interrompue par M. Hanouna que lorsqu’il évoque le nom d’Emmanuel Macron, déclenchant un brouhaha sur le plateau, avant que M. Hanouna mette fin à l’émission du jour. Le passage de l’émission, largement diffusée sur les réseaux sociaux, a provoqué de vives réactions. « Nous avons été saisis, nous allons donc examiner la séquence et apprécier la suite à lui réserver », a dit l’Autorité de régulation de la communication audiovisuelle et numérique (Arcom) à l’Agence France-Presse, vendredi, sans préciser de qui émanaient ces saisines. Une demi-heure après la fin de « TPMP », l’émission publiait un message sur Twitter assurant que les déclarations de M. Fauré « n’engagent que lui. Nous condamnons les propos tenus par notre invité à l’antenne ». En France, un média est juridiquement responsable des propos qu’il diffuse, y compris prononcés par un invité ou une personne interviewée. Damien Leloup
Que ce soit dans sa fiche technique ou dans ses dialogues, Sound of Freedom assume une approche pieuse : il s’agit de sauver les enfants de Dieu. Jim Caviezel, l’acteur principal, est connu pour sa foi exaltée. « Je n’ai pas joué Jésus-Christ, c’est Jésus-Christ qui jouait à travers moi », expliquait-il récemment à propos de La Passion du Christ. Tourné en 2018, il devait être distribué par 20th Century Fox, avant que celui-ci ne soit racheté par Disney, qui a annulé sa sortie, relate Variety, qui rappelle que les productions zélotes sont marginalisées par l’industrie américaine. (…) Finalement, le film est aujourd’hui distribué par Angel Studios, une jeune maison de production indépendante spécialisée dans les contenus d’inspiration chrétienne, comme The Chosen, série sur la vie de Jésus-Christ, ou His Only Son, long-métrage de David Helling sur l’épisode biblique du sacrifice d’Isaac par Abraham. La pédocriminalité organisée est une sinistre réalité : la base de données d’Interpol recense 14 500 pédocriminels et 32 700 victimes mineures d’exploitation sexuelle à travers soixante-huit pays. Le combat contre la pédophilie est aussi une obsession conspirationniste. Depuis 2020, les QAnon, adeptes de « Q », prétendu agent secret et allié mystique de Donald Trump, ont ainsi adhéré à plusieurs rumeurs aussi macabres que grotesques, comme celle d’un tunnel sous New York abritant des dizaines de milliers d’enfants capturés ; de fournitures d’ameublement servant de supposés noms de code à des mineurs vendus sur Internet ; ou encore d’élites pédosatanistes s’abreuvant du sang d’enfants pour concocter de l’adrénochrome, substance qui permettrait de rajeunir. Le fondateur d’OUR, Tim Ballard, dont l’histoire a inspiré le film, a pris des distances mesurées vis-à-vis de ces mythes. « Certaines de ces théories ont permis aux gens d’ouvrir leurs yeux, expliquait-il en 2020 au New York Times. Maintenant, c’est notre travail d’occuper le terrain avec de la vraie information, pour que les faits puissent être partagés. » L’acteur Jim Caviezel est, lui, un ardent complotiste, qui adhère à une représentation du monde héritée de la littérature conspirationniste antisémite. S’il loue Jésus, « qui était juif », il estime que Joe Biden est aux mains de « marionnettistes », en l’occurrence les « banques centrales » : il s’agit là d’un vieux trope complotiste visant la dynastie Rothschild. Surtout, il a profité de la promotion du film sur des médias pro-Trump pour accuser les agences de renseignement américaines de couvrir les réseaux pédophiles, évoquer des « îles Epstein » cachées et reprendre le mythe de l’adrénochrome, qu’il avait déjà abordé en 2021 lors d’un meeting de conspirationnistes QAnon à Tulsa, dans l’Oklahoma. Il avait alors dénoncé « la plus grande horreur qu’[il] connaisse, même s’[il] ne l’[a] jamais vue de [ses] yeux » Alors que Sound of Freedom n’a pas encore de date de sortie annoncée en France, il ne circule pour l’instant que sous forme de versions pirates, en anglais et en espagnol non sous-titrés, souvent avec un son de mauvaise qualité. De fait, peu de Français ont pu le voir et se faire une idée par eux-mêmes. Dans la sphère complotiste, ils sont nombreux à imaginer qu’il confirme certaines des thèses de QAnon et aborde, par exemple, des « îles pédocriminelles » tenues par des puissants. Sur les réseaux sociaux, certains interprètent également sa non-distribution en France comme le signe qu’il « dérange en haut lieu » et même « inquiète les élites pédocriminelles ». D’autres profitent de sa forte visibilité pour relancer certaines accusations diffamatoires coutumières des sphères trumpistes, par exemple en prêtant à Joe Biden des penchants pour les mineures. Certains comptes de désinformation prorusse accusent même le président américain d’être un « intermédiaire » dans un réseau international de traite d’enfants, ou suggèrent que Mel Gibson, qui a participé à la promotion du film, a fourni des informations ayant permis de démanteler des réseaux pédophiles en Ukraine. Pris dans la caisse de résonance des réseaux sociaux, le « son de la liberté » a le bruit de la confusion. William Audureau
Le mythe sur l’adrénochrome se fonde sur les milliers de disparitions d’enfants chaque année : les complotistes expliquent que s’ils ne reviennent jamais, c’est parce que ces enfants sont enlevés, torturés puis tués dans des rites sataniques. Selon eux, la torture déclencherait du stress, et donc de l’adrénaline chez les enfants, entraînant une production d’adrénochrome, une molécule issue de l’oxydation de l’adrénaline. La substance serait prélevée dans le sang des enfants, dans leur cerveau (ou d’autres parties du corps, selon les versions). Cette « drogue », la « plus puissante du monde » serait vendue à prix d’or aux puissants. Un « pur mythe », fustige le médecin Bernard Basset, président de l’association Addictions France. « La consommation d’adrénochrome a des fins psychoactives (consommation de produits addictifs) est un pur mythe. » Une autre théorie relevée par Conspiracy Watch affirme que cette drogue serait recherchée pour ses vertus régénératrices. L’adrénochrome existe bel et bien, mais ce n’est qu’une molécule produite naturellement, effectivement par oxydation de l’adrénaline. Il ne s’agit en aucun cas d’une drogue. (…) Dans le film Las Vegas Parano, on peut voir Raoul, personnage interprété par Johnny Depp, consommer de l’adrénochrome. Son avocat, joué par Benicio del Toro, l’incite à en prendre, car cette drogue « fait passer de la mescaline pure pour de la bière au gingembre ». Dans le roman de Hunter S. Thompson, dont le film est adapté, la scène sur l’adrénochrome est plus longue : Raoul explique que les « glandes d’adrénaline » doivent provenir d’un « corps humain vivant », et que « ça ne fonctionne pas si c’est un extrait d’un cadavre. » Son avocat lui répond alors qu’il l’a obtenu « d’un de ces satanistes fous », qui a été « pincé pour pédophilie ». Cet extrait de roman ressemble en tout point à la théorie relayée par Gérard Fauré, que beaucoup de complotistes – et de simples internautes – semblent prendre au sérieux. Dans les commentaires de la version DVD, le réalisateur Terry Gilliam explique pourtant que Hunter S. Thompson lui avait dit que tous les détails sur l’adrénochrome étaient pure fiction. « Ça réactive tout un imaginaire qui remonte au Moyen Âge, sur le sacrifice d’enfants par des gens qui vouent un culte à Satan », observe Laurent Cordonier, chercheur à la Fondation Descartes, spécialiste du complotisme. « Ce mythe est un recyclage moderne de mythes anciens selon lesquels la consommation du corps humain ou de ces produits serait bénéfique, surtout si ces produits proviennent de victimes innocentes, comme les enfants ou les vierges », confirme le Dr Basset. (…) Cette théorie du complot est revenue à la mode avec le mouvement complotiste QAnon, aux États-Unis. « Ils cultivent la thèse des puissants pédo-satanistes, dont les démocrates seraient aujourd’hui les représentants. Et en particulier le couple Clinton, qui élèverait des gamins pour leurs désirs sexuels, rappelle Laurent Cordonier. Cela nous paraît très exotique en tant que Français, mais les États-Unis sont un pays très religieux, une partie de la population croit en Dieu et au diable, pas seulement dans une représentation métaphorique. »Selon le chercheur, les propos de Gérard Fauré révèlent aussi la fonction politique des théories du complot : « C’est un élément de mobilisation. Quand on y croit, ça suscite l’indignation. Au point de prendre les armes. » Et pour qu’une théorie du complot devienne virale, « il faut prendre des sujets révoltants », comme la pédophilie, la torture de bébés. Toutefois, « il ne faut pas exagérer la proportion de gens qui y croient », estime Laurent Cordonier : « Certains les relaient sans les prendre au premier degré. » Anissa Hammadi 
The Utah press have been cheerleaders for OUR. It’s a good story. It’s sexy: ‘We’ve got this paramilitary group in Utah that goes to other countries and frees child sex slaves, they come swooping in with local law enforcement, arrest these bad guys.’ Kenneth Lynn Packer
With or without Wayfair, child trafficking is real and happening!!! The children need us. Tim Ballard
Reports of child abuse cases are millions higher this year than they were last year. This is not a small thing or a conspiracy theory, this is the fastest growing criminal enterprise in the world. Tim Ballard
Some of these theories have allowed people to open their eyes. Tim Ballard
There are conspiracy theories on every topic … We have hundreds of thousands of supporters. We can’t control what they say or do. Tim Ballard
IJM’s operations have attracted some controversy – as, for example, in Cambodia, where « rescued » women used bedsheets to climb out of the window and escape from where they were taken and return to the brothels from which they had been « liberated », and also in India, where local sex workers threw rocks at their would-be liberators. in Thailand, local activists were so offended by the organization’s standard practice of of breaking down doors to brothels regardless of the age or the willingness of the occupants that they collaborated to shut down its principal office in the Northern region of the country. Elizabeth Bernstein
Une couche de déni plausible recouvre un film qui prend soin d’être la version la plus anodine de lui-même, tout en donnant aux connaisseurs juste assez d’éléments pour s’y accrocher. Les trafiquants sont des étrangers anonymes, mentionnés comme « rebelles » dans un conflit régional non spécifié, sans lien avec la prétendue famille du crime Clinton, bien qu’un carton de titre à la fin désigne l’Amérique comme une plaque tournante pour le « business de 150 milliards de dollars » de l’exploitation. La dimension religieuse s’étend rarement au-delà d’un sous-entendu de crainte de Dieu, plus perceptible dans des archétypes tels que le pécheur réformé sur le droit chemin. (L’acteur suprême Bill Camp joue le rôle de « Vampiro », un ancien narco qui a abandonné son mode de vie prodigue après avoir forniqué avec une adolescente de 14 ans alors qu’il était sous l’emprise de la cocaïne). Le trafic n’obéit à aucune motivation plus élaborée que le service de riches prédateurs, éludant toute discussion sur le marché noir des parties du corps et la précieuse substance biochimique organique de l’adrénochrome récoltée comme une clé satanique de la vie éternelle. La première règle de QAnon : on ne parle pas de QAnon là où les normaux peuvent nous entendre. Caviezel a gardé cela pour ses apparitions médiatiques promotionnelles, comme lors d’un récent passage à l’émission War Room de Steve Bannon sur la chaîne de streaming Lindell TV du propriétaire de MyPillow, Mike Lindell. Au cours de leur entretien, il a fait part de la gravité de la situation en expliquant qu’un vendeur entreprenant devrait déplacer 1 000 barils de pétrole pour correspondre à la somme qu’il obtiendrait pour remplir un baril avec les cadavres d’innocents récupérés. Ailleurs, il a répété des mensonges sur Pizzagate et d’autres cellules souterraines subsistant grâce au sang humain, tout cela renvoyant à un fondement de la pensée conspiratrice ciblant les communautés juives et transgenres. Ces souches plus piquantes d’alarmisme sont absentes du texte lui-même, mais elles se cachent dans l’ombre autour d’un film extérieurement suffisamment insensé pour attirer les persuadables; le décevant et peu juteux Sound of Freedom prétend être un vrai film, comme un «centre de crise de grossesse» se faisant passer pour une véritable clinique de santé. (Notre héros Ballard, soit dit en passant, a ensuite fondé l’équipe de sauvetage paramilitaire Operation Underground Railroad, un groupe critiqué comme « arrogant, contraire à l’éthique et illégal » par les autorités. Mais bien sûr, c’est ce qu’ils diraient. Ils sont tous dans le coup, ça remonte jusqu’au sommet, etc.) Ceux qui espèrent quelques rires détachés de l’illusion profonde qui se faufile sur le radar grand public seront ennuyés par le visage impassible enfilé pendant toute la durée de l’exécution – jusqu’à ce que, c’est-à-dire qu’un petit compteur dans le coin du générique avertisse d’un « message spécial » dans deux minutes. Après avoir abandonné son personnage, Caviezel lui-même semble dire que même si nous nous sentons effrayés ou attristés, il aimerait que tout le monde reparte avec un message d’espoir pour l’avenir. Juste après avoir établi qu’il n’est pas le centre de l’attention ici, il trahit un évident complexe messianique en annonçant que son film pourrait très bien être le plus important jamais réalisé, allant jusqu’à le comparer à La Case de l’oncle Tom dans sa campagne pour faire briller un lumière sur l’esclavage du XXIe siècle. Tout ça, c’est pour les enfants, nous dit-on, puisqu’ils sont si vulnérables, n’est-ce pas ? Pour la première fois, une fondation égoïste se pointe dans les fissures du service noble, le seul battement honnête dans un prétendu exposé de faits scandaleux. Tout à coup, ce piège de mensonges sauvages commence à avoir un sens, son idéologie dispersée s’alignant sur le principe organisateur de l’influence thésaurisée. Et juste au bon moment, comme dans une affirmation divine, un code QR apparaît à l’écran avec un lien vers un site qui met les clients à deux clics de l’achat de 75 $ de billets supplémentaires pour le film qu’ils viennent de voir.  Bien que nous soyons pas tous d’accord sur qui sont les coupables et les causes, tout le monde s’accorde à dire que la traite des enfants est indéfendable, une question aussi controversée que le troisème rail électrifié du métro qui rend également le sujet aussi efficace qu’un gourdin. Le dernier mot de Caviezel cristallise en double les enjeux pourtant nébuleux : si tu n’es pas avec nous, tu es avec eux, quels qu’ils soient. The Guardian
Le film Sound of Freedom … est inspiré de l’histoire vraie de Tim Ballard, agent du DHS qui a fondé « Operation Underground Railroad » pour lutter contre le trafic d’enfants, mais il n’a jamais fait les actions montrées dans le film. (…) le film décrit des réseaux de trafiquants classiques, déjà connus et combattus par les forces de l’ordre à travers le monde. En l’occurrence des réseaux mafieux colombiens. déjà connue par les services qui luttent activement contre ces réseaux. Mafia colombienne ou mexicaine aux USA, mafia albanophone en Europe, mafia russe… Le problème, c’est que ce film remporte un succès énorme en étant porté par les théories du complot les plus débiles du monde, comme celles des extrémistes QAnon aux Etats-Unis, un mouvement d’extrême droite communautaire et sectaire qui regroupe des millions d’adeptes. L’acteur de Sound Of Freedom, Jim Caviezel, un croyant illuminé qui dit avoir eu des révélations divines pendant le film La Passion du Christ, a dénoncé les réseaux « d’adrénochrome », l’énergie vitale des enfants torturés qui serait consommé par les élites. Tim Ballard, dont est inspiré l’histoire du film Sound of Freedom, n’est pas aussi fou que ça. Mais il ne condamne pas ces théories, disant que cela peut quand même faire prendre conscience du problème des trafics d’enfants, et que le tri du vrai du faux se ferait plus tard. Cependant, l’organisation Operation Underground Railroad créé par Tim Ballard agit en dehors de toute juridiction et se fait beaucoup d’argent en filmant ses exploits. Elle est critiquée pour faire du sensationnalisme, des exagérations, mises en scène… L’organisation de Tim Ballard est d’ailleurs sévèrement critiquée par certains experts de la lutte contre le trafic d’êtres humains. Anne Gallagher juge l’organisation « arrogante, non éthique et illégale », avec un manque de connaissance de ces réseaux. Une ancienne membre de l’organisation de Tim Ballard a même écrit une tribune dans Slate pour raconter son regret d’avoir participé à une opération de « sauvetage d’enfants » qui ont été traumatisés par l’opération et n’ont pas été suivis après le sauvetage. A noter que Tim Ballard aussi est un croyant qui dit avoir été appelé par Dieu pour cette mission de sauver des enfants. Il est mormon, un sous-courant intégriste du christianisme qui pense que Jésus est venu aux Etats-Unis après sa résurrection. Bref, je ne vais pas juger de leurs intentions, mais ce que l’on peut constater, c’est que le sujet des réseaux pédophiles, fictifs ou non, est aussi un business qui rapporte. Ballard se fait des millions de $ avec ses docus chocs de sauvetage, et le film caracole au box office. Bon je le répète parce que visiblement c’est pas clair pour les trolls débiles qui commencent à pulluler sous ce thread : LE FILM EN LUI MEME N’A RIEN DE COMPLOTISTE, c’est juste un film d’action américain typique à la Taken et LES RESEAUX PEDOPHILES EXISTENT oui merci on sait. Des gens me demandent aussi en commentaire pourquoi je « debunk » ce film alors que c’est juste un film. Alors c’est très simple : parce que beaucoup de gens croient que c’est un documentaire, et élaborent des théories dans le monde réel à partir de ce film de fiction. Précision : Je n’ai aucune intention de minimiser la lutte contre les réseaux pédophiles. Mais il y a des services nationaux et internationaux spécialisés pour s’y attaquer. Il semble mal avisé de se laisser séduire par des milices de justiciers qui font du business sur ce sujet. DeBunkerEtoiles
Les accusations selon lesquelles les Juifs utiliseraient le sang d’enfants chrétiens pour fabriquer la matsa pour la Pâque ont une longue et épouvantable histoire. Un cas célèbre, survenu en 1475, en est un exemple horrible. Simon, âgé de deux ans, a disparu de la ville italienne de Trente et la communauté juive locale a été rassemblée et brûlée sur le bûcher après avoir été forcée d’avouer sous la torture que le garçon avait été sacrifié et que son sang avait été utilisé pour faire de la matzah. De nombreux pogroms de ce type en Europe ont été déclenchés par des accusations de kidnapping d’enfants chrétiens par des Juifs, et la machine de propagande nazie des années 1930 a fréquemment utilisé le motif de la « diffamation du sang ». Aujourd’hui, les adeptes de QAnon régurgitent ce baratin, à la différence que « l’extraction de l’adrénochrome » pour ses effets rajeunissants et psychédéliques est désormais décrite comme le motif de l’enlèvement d’enfants. L’adrénochrome, qui n’a aucun effet rajeunissant et des propriétés psychédéliques très discutables, serait depuis longtemps tombé dans l’oubli s’il n’avait pas été rajeuni par les sornettes de QAnon. Et ce ne sont pas seulement des balivernes innocentes qui sont répandues, comme en témoigne l’homme qui a avalé la théorie de l’adrénochrome sans broncher et a tenté de libérer des enfants qu’il croyait gardés captifs dans une pizzeria de Washington par Hillary Clinton. Il a brandi un fusil et un pistolet alors qu’il « enquêtait sur le crime », menaçant les clients et les employés. Il a ensuite été arrêté et condamné à quatre ans et demi de prison. Revenons maintenant à l’affirmation de Thompson selon laquelle le corps humain est la seule source d’adrénochrome, ce qui semble être à l’origine de toute cette affaire sordide. Ce n’est pas le cas ! L’adrénochrome peut être facilement synthétisé et est disponible pour les chercheurs auprès des fournisseurs de produits chimiques. Pas besoin de sacrifices humains. Dr. Joe Schwarcz  (McGill university, Montréal)

Le film Sound of freedom va-t-il relancer la haine qui ne meurt jamais ?

Devinez qui, inspiré par la référence d’un romancier américain

Au traitement psychédélique de la schizophrénie par des psychiatres canadiens

Et pour dénoncer un prétendu réseau pédophile mondial

Qui revendrait de plus le sang des enfants enlevés …

A nos élites satanistes suceuses de sang à la recherche de la vie éternelle …

Pourrait, via la version christianisée de la fameuse trilogie de films d’action produite par Luc Besson « Taken » qui est en train de cartonner sur les écrans américains sous le titre de « Sound of freedom » …

Et sur une question aussi grave effectivement que celle du trafic d’être humains et encore plus, avec la pédophilie, du trafic d’enfants

Relancer la haine qui ne meurt jamais

En réinventant et recyclant…

A travers le thème du sang à la fois poison et remède …

Le motif antisémite multi-séculaire

Du prétendu meurtre rituel d’enfants chrétiens par des Juifs ?

QAnon’s Adrenochrome Quackery
QAnon is a not-so-fringe, baseless theory that a government agent, “Q,” is a source of continuous information about “deep state” secrets such as the existence of a global cabal of pedophiles who thirst for the blood of children.
Joe Schwarcz PhD
10 Feb 2022

“There’s only one source for this stuff, the adrenalin glands from a living human body.” That bit of misinformation found in Hunter. S Thompson’s 1971 psychedelic classic, “Fear and Loathing in Las Vegas,” likely planted the seed that grew into one of the most outlandish and repugnant of all conspiracy theories. That would be the ludicrous QAnon claim that Hollywood celebrities and “liberal elite” politicians are kidnapping children to harvest their blood. QAnon is a not-so-fringe, baseless theory that a government agent, “Q,” is a source of continuous information about “deep state” secrets such as the existence of a global cabal of pedophiles who thirst for the blood of children. Why? The farcical QAnon rationale is that they are using the blood as a source of adrenochrome, a chemical that supposedly has psychedelic properties and also holds the promise of immortality.

How did Thompson come to involve adrenochrome in his story in the first place, describing it as “making pure mescaline seem like ginger beer?” Somewhere along the line he likely came across the work of Canadian psychiatrists Abram Hoffer and Humphry Osmond who in the 1950s had noted a similarity between the symptoms of schizophrenia and the effects of mescaline, a naturally occurring hallucinogen found in the peyote cactus.

Mescaline is not produced by the body, but the two scientists wondered if some substance with a similar molecular structure is produced under some circumstance, possibly causing schizophrenia. Since adrenaline shares a basic molecular structure with mescaline, it was a candidate for involvement. It was clear that adrenaline itself, the famous “flight of fight” hormone that is present in everyone’s bloodstream could not be the culprit, but perhaps some error in its metabolism could produce a mind-altering substance.

A literature search of the chemistry of adrenaline revealed that in the lab it can be oxidized to a compound called adrenochrome, with the “chrome” ending deriving from the Greek word for colour since adrenochrome has a dark violet hue. At this point, the psychiatrists in somewhat of a foolhardy fashion tested the effects of this chemical on themselves. Indeed, adrenochrome produced hallucinations!

Maybe, Hoffer and Osmond theorized, adrenaline is also oxidized in the body to adrenochrome, and due to some faulty biochemistry, the adrenochrome builds up and triggers schizophrenia. Since adrenaline is known to form in the body by the addition of a methyl group (a carbon atom with three hydrogens) to its precursor, noradrenaline, Dr. Hoffer postulated that the B vitamin, niacin, being a methyl acceptor, would stall this reaction. Furthermore, vitamin C, an antioxidant, might prevent adrenaline from being oxidized to adrenochrome. Thus was born the “Adrenochrome Hypothesis of Schizophrenia.”

Drs. Hoffer and Osmond reported successful treatment of schizophrenics with megadoses of niacin and vitamin C, but a number of follow-up studies by others failed to confirm any benefit. The Adrenochrome Hypothesis faded into the background, but the reputed hallucinogenic effect of adrenochrome probably stimulated Hunter Thompson to include the drug in his novel. Adrenochrome also made it into the 1998 movie version of the book, and then in 2017 starred in a totally forgettable film, “Adrenochrome,” in which a young American veteran confronts some psychos in California who are on a murderous spree to extract the psychedelic compound from their victim’s adrenal glands.

The stage was now set for QAnon’s perverse fabricated tale that a pedophile ring of Democratic politicians and Hollywood celebrities is engaged in satanic sacrifices culminating in slurping the blood of massacred children. To make matters worse, this crackpot lunacy has anti-Semitic overtones. Accusations that Jews use the blood of Christian children to make matzah for Passover have a long, appalling history. A famous case in 1475 is a horrific example. Two-year-old Simon disappeared from the Italian city of Trent and the local Jewish community was rounded up and burned at the stake after being forced to confess under torture that the boy had been sacrificed and his blood used to bake matzah.

Numerous such pogroms in Europe were sparked by accusations of Jews kidnapping Christian children and the Nazi propaganda machine in the 1930s frequently employed the “blood libel” motif. Now QAnon followers are regurgitating this claptrap, the difference being that the “extraction of adrenochrome” for its rejuvenating and psychedelic effects is now described as the motive for the kidnapping of children.

Adrenochrome, which has no rejuvenating effects, and very questionable psychedelic properties, would have long faded into obscurity had it not been rejuvenated by the QAnon twaddle. And it is not just innocent balderdash that is being spread, as exemplified by the man who swallowed the adrenochrome theory hook, line, and sinker and attempted to liberate children he believed were being kept captive in a Washington pizza parlor by Hillary Clinton. He brandished a rifle and a pistol as he “investigated the crime,” threatening customers and employees. He was subsequently arrested and sentenced to four and a half years in jail.

Now back to Thompson’s claim about the only source of adrenochrome being the human body, which seems to have started this whole sordid business. Not so! Adrenochrome can be readily synthesized and is available to researchers from chemical suppliers. No need for human sacrifice.

Voir aussi:

« Sound of Freedom » : c’est quoi ce film qui agite la complosphère et qui cartonne au box-office américain ?

« Sound of Freedom », sorti le 4 juillet dernier aux Etats-Unis, exploite parfaitement les théories du complot, selon ses détracteurs
Victor Cousin
Le Parisien
10 juillet 2023

« Indiana Jones et le Cadran de la destinée » aurait-il trouvé un sérieux concurrent ? Le dernier opus du célèbre blockbuster américain avec Harrison Ford a été dépassé au box-office sur la journée de mardi par un film au budget près de 20 fois inférieur : « Sound of Freedom ». Si depuis « Indy » est repassé devant, ce long-métrage suscite la curiosité outre-Atlantique, notamment au sein de la complosphère. Explications.

Qu’est-ce que raconte le film ?

« Après avoir sauvé un jeune garçon d’impitoyables trafiquants d’enfants, un agent fédéral apprend que la sœur du garçon est toujours captive et décide de la sauver aussi. » Le synopsis du film est simple et efficace. Dans le détail, « Sound of Freedom » dit s’inspirer de l’histoire vraie de Tim Ballard, ancien agent de la sécurité intérieure des États-Unis, qui a fondé l’Operation Underground Railroad (O.U.R.), une organisation luttant contre le trafic sexuel d’enfants.

Tim Ballard est interprété par Jim Caviezel, star de la série Person Of Interest. À ses côtés, on retrouve Mira Sorvino, fille de l’acteur Paul Sorvino, ou encore Bill Camp, déjà vu dans « Le Jeu de la Dame » sur Netflix. Produit par Angel Studios, le film a failli ne jamais voir le jour. Avec un scénario écrit dès 2015, il devait sortir dès 2018 en Amérique Latine, avant que Disney soit accusé de vouloir mettre le film au placard. « Sound of Freedom » n’est sorti que le 4 juillet dernier aux États-Unis, financé par un autre producteur « Angel Studio ».

Pourquoi le film attire les complotistes ?

Le sujet principal du film, le trafic sexuel d’enfants, est évidemment lié à de grandes théories du complot où les élites mondiales dirigeraient le monde et auraient établi un grand réseau de trafic sexuel. « Sound of Freedom » refait également parler de l’adrénochrome, une supposée drogue issue du sang des enfants qui serait ponctionné lors de ce trafic.

Mais ce n’est pas simplement l’histoire du film qui attire les théories complotismes. Angel Studios est déjà connu pour ses productions très conservatrices, « The Chosen » sur la vie de Jésus et « His Only Son » sur l’histoire d’Abraham dans l’Ancien Testament. De même pour Jim Caviezel. L’acteur de 54 ans, connu pour ses positions complotistes, est déjà apparu dans des évènements QAnon, en évoquant la théorie de l’adrénochrome. « Si un enfant sait qu’il va mourir, son corps sécrétera cette adrénaline. (…) C’est la pire horreur que j’aie jamais vue », avait-il déclaré en 2021.

La rumeur d’une participation de Mel Gibson avait également mis la lumière sur le film avant sa sortie. C’est Tim Ballard lui-même qui avait évoqué le nom de la star américaine de 67 ans pour réaliser « Sound of Freedom » début juin. Une information démentie depuis par l’attaché de presse de Mel Gibson.

Que disent les critiques ?

Pour l’instant, une sortie du film n’est pas prévue en France, malgré les demandes de certaines personnes comme l’ancien animateur de télévision Karl Zéro, accusé de dérives complotistes. Il faut aller regarder du côté de la presse étrangère pour voir les premières critiques du film. Si Variety évoque un « thriller solide et convaincant » et voit le lien entre les théories du complot et le film comme un « non-sens », The Guardian est beaucoup plus sévère.

Pour le journal britannique, « Sound of Freedom » est un « thriller paranoïaque » qui cultive bien volontairement les théories du complot. Si The Guardian concède que le film trouve bien « un public important » grâce à un film qui « n’a rien d’insensé et suffisamment convaincant », les intentions derrière le film cachent « un véritable déni ». Selon le compte Twitter spécialisé en théorie du complot Debunker des Etoiles, le film « en lui-même n’a rien de complotiste », mais son utilisation en tant que tel est facile.

Les théories du complot sont toutes sous-entendues mais jamais clairement évoqués, ce qui rappelle évidemment la première règle de QAnon selon le quotidien britannique : « On ne parle pas de QAnon là où les gens normaux peuvent nous entendre. »Selon The Guardian, tout est même fait pendant le film pour rappeler l’idéologie complotisme : « Soit vous êtes avec nous, soit vous êtes avec eux ! »

Voir également:

Sound of Freedom », le film sur la lutte contre la pédocriminalité qui galvanise les sphères complotistes
Le long-métrage d’Alejandro Monteverde sur la traite sexuelle des enfants est la surprise estivale du box-office américain. Inspiré de faits réels, mais contesté par les spécialistes, il est brandi par des figures complotistes proches de QAnon comme la preuve de l’existence d’un réseau plus profond.
William Audureau
Le Monde
12 juillet 2023

Aux Etats-Unis, c’est le succès inattendu du début de l’été. Le 4 juillet, date de la fête nationale américaine, le thriller à petit budget Sound of Freedom (« son de la liberté »), d’Alejandro Monteverde, a rivalisé dans les salles avec le dernier blockbuster de Disney, Indiana Jones et le cadran de la destinée, de James Mangold. Avec 41 millions de dollars (37,25 millions d’euros) de recettes en une semaine, il se classait déjà à la 25e place du box-office de 2023.

Cette fiction peu riante − le film parle de la traite des enfants – est inspirée de faits réels et a bénéficié d’un bouche-à-oreille inespéré, entre autres grâce aux réseaux et aux médias proches de la droite trumpiste, qui ont fait de la lutte contre les réseaux pédophiles l’une de leur raison d’être – au risque de nuire au combat, ô combien nécessaire, contre la pédophilie.

Infiltration de réseaux pédophiles

Sound of Freedom raconte le combat de Timothy Ballard, un agent spécial américain qui, après avoir sauvé un jeune Mexicain d’un réseau de traite d’enfants, quitte ses fonctions pour tenter de retrouver et délivrer la sœur de ce dernier.

Tim Ballard, incarné à l’écran par Jim Caviezel (La Passion du Christ, Person of Interest), est un militant des droits humains connu pour avoir fondé en 2013 OUR (pour Operation Underground Railroad, « opération “chemin de fer clandestin” »), un organisme à but non lucratif spécialisé dans l’infiltration de réseaux pédophiles en Amérique latine et aux Caraïbes. Le film, qui n’est pas un documentaire mais une fiction, raconte de façon romancée sa première opération, son infiltration de la mafia colombienne, en 2013.

L’organisation OUR est très populaire auprès de la droite conservatrice américaine, et le documentaire autoproduit par Tim Ballard, Opération Toussaint (2020), est distribué et promu en France par l’animateur Karl Zéro, très engagé dans la lutte contre la pédophilie. Pour autant, elle ne fait pas l’unanimité. Plusieurs enquêtes de presse ont épinglé la manière dont les opérations d’OUR sont mises en scène de manière flatteuse – l’organisme ayant même « une longue histoire d’assertions mensongères »selon Vice. Ces méthodes de justiciers alternant infiltration sous couvert et intervention musclée sont jugées parfois brusques et approximativesvoire d’« un amateurisme perturbant ».

« Le problème est que c’est très risqué pour les victimes »alertait en 2016 Anne Gallagher, fondatrice à l’ONU du Groupe interinstitutions de coordination contre la traite des personnes. Elle regrette surtout que leurs interventions spectaculaires, filmées en caméra cachée, ne s’accompagnent d’aucun suivi des victimes : « Ils entrent et ils repartent. Ils n’ont aucun moyen de suivre les victimes, aucun moyen d’évaluer l’impact de ce qu’ils font. »

Film promu par l’extrême droite et la complosphère

La critique a reconnu les qualités de thriller du long-métrage, mais c’est surtout la droite conservatrice et l’extrême droite conspirationniste qui l’ont le plus mis en avant. Il a ainsi eu, à plusieurs reprises et en amont de sa sortie, les honneurs de Real America’s Voice, chaîne de télévision en ligne trumpiste. En France, il a d’abord été évoqué par des sites situés très à droite de l’échiquier politique, souvent poreux aux récits paranoïaques, comme la radio conservatrice Sud Radio, le site France-Soir et le site « gilet jaune » Le Média en 4-4-2.

« Le succès du film est la preuve que les peuples n’ont plus besoin des médias mainstream pour qu’une production puisse atteindre le sommet du box-office »se félicite l’animateur de ce dernierDans une critique très remarquée, Rolling Stones a, au contraire, qualifié Sound of Freedom de « film de super-héros pour papas avec un ver dans le cerveau », conçu pour interpeller « le boomer accro aux théories du complot ».

Production au fond religieux

Que ce soit dans sa fiche technique ou dans ses dialogues, Sound of Freedom assume une approche pieuse : il s’agit de sauver les enfants de Dieu. Jim Caviezel, l’acteur principal, est connu pour sa foi exaltée. « Je n’ai pas joué Jésus-Christ, c’est Jésus-Christ qui jouait à travers moi », expliquait-il récemment à propos de La Passion du Christ.

Tourné en 2018, il devait être distribué par 20th Century Fox, avant que celui-ci ne soit racheté par Disney, qui a annulé sa sortie, relate Varietyqui rappelle que les productions zélotes sont marginalisées par l’industrie américaine. « Hollywood n’a jamais voulu que ce film sorte. Hollywood ne veut pas parler de la crise de la pédophilie dans ce pays », s’est offusqué l’ancien conseiller de Donald Trump et grand stratège de l’extrême droite anglophone Steve Bannon, sur Real America’s Voice.

Finalement, le film est aujourd’hui distribué par Angel Studios, une jeune maison de production indépendante spécialisée dans les contenus d’inspiration chrétienne, comme The Chosen, série sur la vie de Jésus-Christ, ou His Only Son, long-métrage de David Helling sur l’épisode biblique du sacrifice d’Isaac par Abraham.

Contexte d’appropriation de la lutte contre la pédophilie

La pédocriminalité organisée est une sinistre réalité : la base de données d’Interpol recense 14 500 pédocriminels et 32 700 victimes mineures d’exploitation sexuelle à travers soixante-huit pays. Le combat contre la pédophilie est aussi une obsession conspirationniste. Depuis 2020, les QAnon, adeptes de « Q », prétendu agent secret et allié mystique de Donald Trump, ont ainsi adhéré à plusieurs rumeurs aussi macabres que grotesques, comme celle d’un tunnel sous New York abritant des dizaines de milliers d’enfants capturés ; de fournitures d’ameublement servant de supposés noms de code à des mineurs vendus sur Internet ; ou encore d’élites pédosatanistes s’abreuvant du sang d’enfants pour concocter de l’adrénochrome, substance qui permettrait de rajeunir.

Le fondateur d’OUR, Tim Ballard, dont l’histoire a inspiré le film, a pris des distances mesurées vis-à-vis de ces mythes. « Certaines de ces théories ont permis aux gens d’ouvrir leurs yeuxexpliquait-il en 2020 au New York TimesMaintenant, c’est notre travail d’occuper le terrain avec de la vraie information, pour que les faits puissent être partagés. »

L’acteur Jim Caviezel est, lui, un ardent complotiste, qui adhère à une représentation du monde héritée de la littérature conspirationniste antisémite. S’il loue Jésus, « qui était juif », il estime que Joe Biden est aux mains de « marionnettistes », en l’occurrence les « banques centrales » : il s’agit là d’un vieux trope complotiste visant la dynastie Rothschild. Surtout, il a profité de la promotion du film sur des médias pro-Trump pour accuser les agences de renseignement américaines de couvrir les réseaux pédophiles, évoquer des « îles Epstein » cachées et reprendre le mythe de l’adrénochrome, qu’il avait déjà abordé en 2021 lors d’un meeting de conspirationnistes QAnon à Tulsa, dans l’Oklahoma. Il avait alors dénoncé « la plus grande horreur qu’[il] connaisse, même s’[il] ne l’[a] jamais vue de [ses] yeux ».

Confusion chez les internautes

Alors que Sound of Freedom n’a pas encore de date de sortie annoncée en France, il ne circule pour l’instant que sous forme de versions pirates, en anglais et en espagnol non sous-titrés, souvent avec un son de mauvaise qualité. De fait, peu de Français ont pu le voir et se faire une idée par eux-mêmes. Dans la sphère complotiste, ils sont nombreux à imaginer qu’il confirme certaines des thèses de QAnon et aborde, par exemple, des « îles pédocriminelles » tenues par des puissants.

Sur les réseaux sociaux, certains interprètent également sa non-distribution en France comme le signe qu’il « dérange en haut lieu » et même « inquiète les élites pédocriminelles ». D’autres profitent de sa forte visibilité pour relancer certaines accusations diffamatoires coutumières des sphères trumpistes, par exemple en prêtant à Joe Biden des penchants pour les mineures. Certains comptes de désinformation prorusse accusent même le président américain d’être un « intermédiaire » dans un réseau international de traite d’enfants, ou suggèrent que Mel Gibson, qui a participé à la promotion du film, a fourni des informations ayant permis de démanteler des réseaux pédophiles en Ukraine. Pris dans la caisse de résonance des réseaux sociaux, le « son de la liberté » a le bruit de la confusion.

Voir de même:

Qu’est-ce que l’adrénochrome, cette supposée drogue qui excite les complotistes ?

L’ancien trafiquant de cocaïne Gérard Fauré a provoqué un tollé jeudi soir en affirmant dans l’émission TPMP que Pierre Palmade ou encore Céline Dion consommaient de l’adrénochrome, une « drogue » prélevée dans le sang des enfants. Une théorie fantaisiste, mais tenace sur les réseaux sociaux.

L'adrénochrome n'est pas un médicament, on en trouve seulement des traces dans certaines gouttes ophtalmiques. Sa consommation a des fins addictives est un pur mythe. (Illustration) LP/Olivier Arandel

L’adrénochrome n’est pas un médicament, on en trouve seulement des traces dans certaines gouttes ophtalmiques. Sa consommation a des fins addictives est un pur mythe. (Illustration) LP/Olivier ArandelAnissa Hammadi
Le Parisien
10 mars 2023

« L’adrénochrome c’est du sang d’enfants, qu’on prend sur des enfants de trois ans », expose à la télévision Gérard Fauré, ancien trafiquant de cocaïne, à une heure de grande écoute. « Et Gérard soulève un truc qui est réel, il y a beaucoup de gens sur les réseaux qui disent que ça existe », appuie l’animateur de l’émission, Cyril Hanouna.

L’auteur d’ouvrages complotistes suscite un début d’indignation sur le plateau lorsqu’il affirme que Pierre Palmade ou encore Céline Dion en seraient friands. Plus tard, l’émission TPMP s’excusera dans un tweet. Le mal est fait : jeudi soir, C8 a relayé l’une des théories complotistes les plus farfelues auprès de millions de téléspectateurs.

Quelle est cette théorie ?

Le mythe sur l’adrénochrome se fonde sur les milliers de disparitions d’enfants chaque année : les complotistes expliquent que s’ils ne reviennent jamais, c’est parce que ces enfants sont enlevés, torturés puis tués dans des rites sataniques. Selon eux, la torture déclencherait du stress, et donc de l’adrénaline chez les enfants, entraînant une production d’adrénochrome, une molécule issue de l’oxydation de l’adrénaline. La substance serait prélevée dans le sang des enfants, dans leur cerveau (ou d’autres parties du corps, selon les versions). Cette « drogue », la « plus puissante du monde » serait vendue à prix d’or aux puissants.

Un « pur mythe », fustige le médecin Bernard Basset, président de l’association Addictions France. « La consommation d’adrénochrome a des fins psychoactives (consommation de produits addictifs) est un pur mythe. » Une autre théorie relevée par Conspiracy Watch affirme que cette drogue serait recherchée pour ses vertus régénératrices.

L’adrénochrome existe bel et bien, mais ce n’est qu’une molécule produite naturellement, effectivement par oxydation de l’adrénaline. Il ne s’agit en aucun cas d’une drogue. « L’adrénochrome n’est pas un médicament, il ne possède pas d’AMM (Autorisation de Mise sur le Marché), et n’a donc pas d’utilisation médicale », insiste Bernard Basset.

On en trouve des traces dans certains collyres. Mais cette molécule n’est pas commercialisée en France, sous aucune forme. « Elle n’a pas d’effets hallucinogènes connus. Ses effets sur le corps humain dérivent du fait qu’elle est issue de l’adrénaline » : vasoconstriction, action sur le rythme cardiaque…

En réalité, l’adrénochrome n’a que peu d’intérêt pour la science. « Elle peut être produite très facilement puisque c’est une simple oxydation de l’adrénaline. Les laboratoires pourraient l’utiliser à des fins de recherche dans le cadre des expérimentations parfaitement encadrées par la loi concernant la recherche médicale. Mais je n’ai pas connaissance de recherches en cours spécifiquement sur cette molécule. »

D’où vient-elle ?

Dans le film Las Vegas Parano, on peut voir Raoul, personnage interprété par Johnny Depp, consommer de l’adrénochrome. Son avocat, joué par Benicio del Toro, l’incite à en prendre, car cette drogue « fait passer de la mescaline pure pour de la bière au gingembre ».

Dans le roman de Hunter S. Thompson, dont le film est adapté, la scène sur l’adrénochrome est plus longue : Raoul explique que les « glandes d’adrénaline » doivent provenir d’un « corps humain vivant », et que « ça ne fonctionne pas si c’est un extrait d’un cadavre. » Son avocat lui répond alors qu’il l’a obtenu « d’un de ces satanistes fous », qui a été « pincé pour pédophilie ».

Cet extrait de roman ressemble en tout point à la théorie relayée par Gérard Fauré, que beaucoup de complotistes – et de simples internautes – semblent prendre au sérieux. Dans les commentaires de la version DVD, le réalisateur Terry Gilliam explique pourtant que Hunter S. Thompson lui avait dit que tous les détails sur l’adrénochrome étaient pure fiction.

« Ça réactive tout un imaginaire qui remonte au Moyen Âge, sur le sacrifice d’enfants par des gens qui vouent un culte à Satan », observe Laurent Cordonier, chercheur à la Fondation Descartes, spécialiste du complotisme.

« Ce mythe est un recyclage moderne de mythes anciens selon lesquels la consommation du corps humain ou de ces produits serait bénéfique, surtout si ces produits proviennent de victimes innocentes, comme les enfants ou les vierges », confirme le Dr Basset.

Pourquoi refait-elle surface ?

Cette théorie du complot est revenue à la mode avec le mouvement complotiste QAnon, aux États-Unis. « Ils cultivent la thèse des puissants pédo-satanistes, dont les démocrates seraient aujourd’hui les représentants. Et en particulier le couple Clinton, qui élèverait des gamins pour leurs désirs sexuels, rappelle Laurent Cordonier. Cela nous paraît très exotique en tant que Français, mais les États-Unis sont un pays très religieux, une partie de la population croit en Dieu et au diable, pas seulement dans une représentation métaphorique. »

Selon le chercheur, les propos de Gérard Fauré révèlent aussi la fonction politique des théories du complot : « C’est un élément de mobilisation. Quand on y croit, ça suscite l’indignation. Au point de prendre les armes. » Et pour qu’une théorie du complot devienne virale, « il faut prendre des sujets révoltants », comme la pédophilie, la torture de bébés. Toutefois, « il ne faut pas exagérer la proportion de gens qui y croient », estime Laurent Cordonier : « Certains les relaient sans les prendre au premier degré. »

Voir de même:

‘Sound of Freedom’ is a box office hit whose star embraces QAnon

The low-budget film about child sex trafficking almost topped the box office on July 4. But its star Jim Caviezel has linked it to the QAnon movement.

Will Sommer
The Washington Post
July 7, 2023

A casual moviegoer might not get why anyone is upset about “Sound of Freedom,” a surprise hit inspired by the real-life exploits of Tim Ballard, a former Department of Homeland Security agent who stages sting operations to catch child sex traffickers.

It’s a fairly standard American action thriller — gritty, violent and hopeful — in which Ballard (Jim Caviezel) fights to save abducted children in the Colombian jungle. The partially crowdfunded film opened this week to a solid review in “Variety,” and vied with the latest Indiana Jones sequel for the top box-office spot on July 4.

But “Sound of Freedom” has been accused by some critics of warping the truth about child exploitation and catering to QAnon conspiracy theorists — something its distributor, Angel Studios, denies. The Guardian’s critic called it a “QAnon-adjacent thriller seducing America.” And the film’s star, Caviezel, has openly embraced the extreme movement, suggesting at media events that a shadowy international cabal is kidnapping children to consume their organs.

Is ‘Sound of Freedom’ a true story?

“Sound of Freedom” is based on the life of Ballard, who left the Department of Homeland Security about 10 years ago and founded a group that works with local police to catch child sex traffickers in other countries — often by staging elaborate sting operations that it captures on video.

In the film, a brother and sister are lured to an innocuous-sounding photo shoot in Honduras, only to be snatched by abductors and imprisoned in the Colombian jungle. Caviezel’s version of Ballard spends much of the movie sneaking through criminal hideouts to find the children, risking his life and finally beating up the traffickers.

The real Ballard hasn’t claimed to do anything quite like that, but the film ends with a montage of clips from sting operations his group, Operation Underground Railroad, actually conducted in the country. “By the time Tim left Colombia, he and the team had rescued over 120 victims and arrested more than a dozen traffickers,” reads text on the screen.

“I think people are going to be inspired when they watch the story based on Tim’s story,” said Jared Geesey, senior vice president of global distribution for Angel Studios.

Many others have praised Ballard’s work. President Trump appointed him to a State Department advisory council on human trafficking in 2019, which he sat on until it disbanded the next year. Major news organizations covered the 2014 Colombian bust that inspired “Sound of Freedom,” and Ballard testified about the operation before the House Foreign Affairs Subcommittee.

But Operation Underground Railroad has also been accused by some experts of distorting the complex nature of the sex trafficking business, of doing little to help victims despite its dramatic sting videos and even of putting children in danger to make them.

Glenn Kessler, The Washington Post’s Fact Checker, found no evidence for Ballard’s claim that 10,000 children are smuggled into the United States for sex annually — a line that apparently made its way into Trump’s State of the Union address in 2019. In Utah, the Davis County Attorney’s Office spent two and a half years investigating Operation Underground Railroad for alleged communications fraud, witness tampering and retaliation, according to the Deseret News. The investigations ended with no charges in May.

A Vice News investigation in 2020 found no clear falsehoods in Operation Underground Railroad’s rescue claims, but “a pattern of image-burnishing and mythology-building, a series of exaggerations that are, in the aggregate, quite misleading.”

“The entire premise of its operations: that local law enforcement will take over when the dirty work has been done is dangerously naive,” the prominent human trafficking scholar Anne Gallagher wrote for HuffPost in 2015. “Why are police in Mexico, the Dominican Republic and Colombia not arresting child sex traffickers if they are so easy to find? The simplest explanation is law enforcement complicity in such crimes.”

Operation Underground Railroad, which did not respond to a request for comment, says on its website that it works with other organizations to ensure victims get long-term support after its stings. But Foreign Policy reported that a large group of Dominican girls the group rescued in 2014 were on their own again a week later.

Star’s link to QAnon

“Sound of Freedom” doesn’t depict anything close to QAnon conspiracy fantasies, which have been linked to incidents of extremism and violence including the Jan. 6, 2021, attack on the U.S. Capitol. The film’s villains are common criminals, not the shadowy cabal of occultists imagined by QAnoners.

But the movie has nevertheless been promoted on QAnon message boards, and some accuse it of playing into the movement, which is based on the false belief that a highly organized network of global elites are kidnapping children, having sex with them and harvesting their blood.

That’s partially because Ballard and the actor who plays him, Caviezel, have both expressed support for some of the QAnon’s movement’s wildest claims.

Ballard once entertained a viral theory that claimed the online furniture retailer Wayfair was selling children, sometimes packing them into overpriced storage cabinets. “Law enforcement’s going to flush that out and we’ll get our answers sooner than later,” he said in a July 2020 Twitter video. “But I want to tell you this: children are sold that way.” There is no evidence to support the theory, which has inspired threats against employees and impeded actual child trafficking investigations.

A month after that video, Ballard described conspiracy theorists’ support for his organization as a mixed blessing in an interview with the New York Times. “Some of these theories have allowed people to open their eyes,” he said. “So now it’s our job to flood the space with real information so the facts can be shared.”

Caviezel — who says Ballard recruited him onto the film after seeing him star in“ The Count of Monte Cristo” (2002) and Mel Gibson’s “The Passion of the Christ” (2004) — has espoused even more extreme theories.

The actor appeared at a QAnon convention in Las Vegas in October 2021, giving a speech that quoted Mel Gibson’s final speech in “Braveheart” and included one of QAnon’s main slogans, “The storm is upon us,” which refers to the movement’s fight against the imagined pedophile cabal.

He has focused on one QAnon belief in particular while promoting “Sound of Freedom”: the idea that child traffickers drain children’s blood to harvest a life-giving substance called adrenochrome.

Speaking at a QAnon-affiliated conference in Oklahoma in 2021, the actor said Ballard wanted to join him but “he’s down there saving children as we speak, because they’re pulling kids out of the darkest recesses of hell right now, in … all kinds of places, uh, the adrenochroming of children.”

The moderator asked him to elaborate. “If a child knows he’s going to die, his body will secrete this adrenaline,” Caviezel said, his voice catching. “These people that do it, there’ll be no mercy for them. This is one of the best films I’ve ever done in my life. The film is on Academy Award level.”

In reality, adrenochrome is a relatively mundane chemical compound created by oxidizing adrenaline, though the author Hunter S. Thompson portrayed it as a kind of super-drug popular with pedophiles in “Fear and Loathing in Las Vegas.”

Geesey, the Angel Studios executive, said anyone who posits that “Sound of Freedom” promotes conspiracy theories hasn’t watched the film.

Box office reception

“Sound of Freedom” caused a splash when it opened over the July 4 holiday weekend and went toe-to-toe with one of the biggest franchises in movie history, “Indiana Jones and the Dial of Destiny.”

The Indy flick barely edged out “Sound of Freedom” on Independence Day, according to Deadline — $11.7 million to $11.5 million. Angel Studios bragged in a press release that its film was actually the top-grossing film in the country that day, by including another $2.6 million earned through an app that allows people to donate tickets for others.

Either way, it’s a huge showing for a movie that was partially crowdfunded, abandoned by its original producers, and ultimately released by a small studio mostly known for religious projects.

Origins and funding

Geesey said the Alejandro Monteverde-directed film was originally produced by 20th Century Studios, but Disney put the project on hold after acquiring the company in 2019, and Angel Studios subsequently adopted it.

The Utah-based production company was launched in 2021 by the Harmon brothers, whose previous projects include a marketing firm that made “adorable ads about disgusting things,” as The Washington Post put it, and VidAngel, a streaming service that lets users censor objectionable material from mainstream movies. (VidAngel’s library shrank after it settled a lawsuit brought by major Hollywood studios).

Using a mix of crowdfunding and partnerships with investors, Angel Studios has previously distributed projects including the small box office success “His Only Son” and “The Chosen,” a streaming series about the life of Christ whose makers claim has been watched hundreds of millions of times.

The studio also produces a comedy show and an animated drama project called “Tuttle Twins,” which features a time-travelling grandma who teaches her grandkids about freedom and economics.

And now — at least briefly — Angel Studios has one of the top movies in the country.

“It definitely exceeded our expectations,” said Geesey, who added that “the message of freedom” clearly resonated with its Independence Day release.

“We thought what better time to really highlight and celebrate the Fourth of July,” he said.

Voir de plus:

Sound of Freedom: the QAnon-adjacent thriller seducing America

Jim Caviezel stars as a hero trying to stop child traffickers in a paranoid new movie turning into a surprise box-office hit
Charles Bramesco
The Guardian
6 Jul 2023

Type the words “sound of freedom” into Twitter (decent people who wish to live good, happy lives should under no circumstances actually do this) and the search will yield dozens of triumphant reports crowing about the improbable victory of a film by that title over the likes of Indiana Jones at the box office this week.

That’s not, strictly speaking, accurate – Indiana Jones and the Dial of Destiny had already been out for five days, the first three of which out-earned Sound of Freedom’s opening-day take, when the new independent thriller came to theaters on Tuesday. But for a fleeting moment this past Fourth of July, while the intended audience of Indy’s latest outing was presumably spending time with their families and friends at barbecues or in other social situations, an unoccupied fandom rallied by the star Jim Caviezel claimed the day with a $14.2m gross versus Dial of Destiny’s $11.7m. No matter that these figures require selective, almost willfully misleading framing to allow for the David-and-Goliath narrative trumpeted by supporters; as the copious tweets accusing Disney of being in cahoots with a global cabal of high-power pedophiles make clear, the truth doesn’t have too much purchase around these parts.

However one chooses to slice it, Sound of Freedom has over-delivered on expectations in dollars and cents, a feat of profitability uncommon for a comparatively low-budget production without a major Hollywood-led promotional campaign. Judging by the robust round of applause that concluded the fully-seated screening I attended on Wednesday evening – and this, in the liberal Sodom of Manhattan! – it would seem that the folks at the two-year-old Angel Studios have tapped into a substantial and eagerly marshaled viewership.

Following that money leads back to a more unsavory network of astroturfed boosterism among the far-right fringe, a constellation of paranoids now attempting to spin a cause célèbre out of a movie with vaguely simpatico leanings. The uninitiated may not pick up on the red-yarn-and-corkboard subtext pinned onto a mostly straightforward extraction mission in South America, pretty much Taken with a faint whiff of something noxious in the air. Those tuned in to the eardrum-perforating frequency of QAnon, however, have heeded a clarion call that leads right to the multiplex.

Caviezel stars as special agent Tim Ballard, a Homeland Security Investigations operative who really did work for the state busting up child-trafficking rings for more a decade. (Or so he claims – the DHS can neither confirm nor deny the real Ballard’s employment history.) Even if he did not literally have the face of Christ, Ballard would still exude an angelic aura as he gently hoists dirty-faced moppets out of peril with the gravely uttered catchphrase: “God’s children are not for sale.”

In Sound of Freedom, he leads a unit to Colombia and eventually goes rogue on his single-minded quest to locate and liberate the still-missing sister of a boy he managed to save from sex slavery. The defenseless siblings are drawn into the nefarious clutches of their abductors in the stomach-turning opening sequence, which clinically walks us through the steps by which a glamorous and implicitly trustworthy woman poses as a modeling scout to round up the most apple-cheeked prospects and separate them from their parents. In a montage that plays like a JonBenét Ramsey fancam, she stokes our horror by primping the youngsters with red lipstick and suggestively mussed-up hair.

And yet a coating of plausible deniability covers a film that takes care to be the most anodyne version of itself, all while giving those in the know just enough to latch onto. The traffickers are anonymous foreigners, mentioned as “rebels” in an unspecified regional conflict with no connection to the alleged Clinton Crime Family, though a title card at the end points back to America as a hub for the “$150bn business” of exploitation. The religious dimension seldom extends beyond a god-fearing undertone, most perceptible in archetypes like the reformed sinner on the righteous path. (Character actor supreme Bill Camp classes up the joint as “Vampiro”, a former narco who gave up his profligate lifestyle after fornicating with a 14-year-old while in a cocaine haze.) The trafficking follows no motivation more elaborate than the servicing of rich predators, eliding all talk of body-part black markets and the precious organic biochemical of adrenochrome harvested as a Satanic key to eternal life. The first rule of QAnon: you don’t talk about QAnon where the normals can hear you.

Caviezel has saved that for his promotional media appearances, such as a recent drop-in to Steve Bannon’s show War Room on MyPillow proprietor Mike Lindell’s streaming channel Lindell TV. In the course of their interview, he conveyed the severity of the situation by explaining that an enterprising salesperson would have to move 1,000 barrels of oil to match the sum they’d get for filling one barrel with the rendered corpses of the innocent. Elsewhere, he’s parroted falsehoods about Pizzagate and other underground cells subsisting on human blood, all of it pointing back to a foundation of conspiratorial thought targeting the Jewish and transgender communities.

These zestier strains of scaremongering are absent in the text itself, but they lurk in the shadows around a film outwardly non-insane enough to lure in the persuadable; the disappointingly un-juicy Sound of Freedom pretends to be a real movie, like a “pregnancy crisis center” masquerading as a bona fide health clinic. (Our hero Ballard, by the way, went on to found the paramilitary rescue squad Operation Underground Railroad, a group criticized as “arrogant, unethical, and illegal” by the authorities. But then, they would say that. They’re in on it, this goes all the way to the top, etc.)

Those hoping for a few detached laughs at the deep-dish delusion sneaking onto the mainstream radar will be bored by the straight face donned for the duration of the run time – until, that is, a small counter in the corner of the credit roll warns of a “Special Message” in two minutes. Having dropped his character, Caviezel himself appears to say that though we might be feeling frightened or saddened, he’d like everyone to leave with a message of hope for the future. Directly after establishing that he’s not the center of attention here, he betrays an evident messianic complex by announcing that his movie could very well be the most important ever made, going so far as to compare it to Uncle Tom’s Cabin in its campaign to shine a light on 21st-century slavery. This is all for the children, we’re told, but they can’t do much to save themselves, can they?

For the first time, a self-serving foundation peeks through the cracks of noble service, the lone honest beat in a purported exposé of scandalizing facts. All of a sudden, this snare of wild-eyed falsehoods starts to make sense, its scattered ideology falling in line under the organizing principle of hoarded influence. And right on cue, as if in divine affirmation, a QR code pops onscreen linking to a site that puts patrons two key strokes away from buying $75 worth of additional tickets for the movie they’ve just seen. Though we differ on the culprits and causes, everyone agrees that child trafficking is indefensible, a third-rail standing that also makes the subject effective as a cudgel. Caviezel’s final statement double crystallizes the nonetheless foggy stakes: if you’re not with us, you’re with them, whoever they are.

Voir encore:

How QAnon Became Obsessed With ‘Adrenochrome,’ an Imaginary Drug Hollywood Is ‘Harvesting’ from Kids

TIN FOIL HAT

Illustration by Elizabeth Brockway/The Daily Beast

Followers of the pro-Trump conspiracy theory QAnon believe Hollywood and Democratic elites take a psychedelic drug called Adrenochrome harvested from the fear of children.

In recent months, the YouTube comments for a song by the 1980s British post-punk band The Sisters of Mercy have veered slightly off-topic. “The favorite song [of] rich and depraved elites,” wrote user AlienDude30. “I like this song! – Hillary Clinton,” offered AdAJanuary. A Dean Latimer added: “Q chasing the goths!”

The track, which first appeared on a seven-inch in 1982, isn’t one of the Leeds-area band’s better-known songs. It’s an abrasive, theatrically dark tune, with early drum machine percussion and low, campy vocals. The lyrics are typical goth stuff, as is the black album artwork, which features the band’s logo: a medical scalp illustration overlaid on a pentacle. But it’s the title the commenters were drawn to: “Adrenochrome.”

Adrenochrome is an easy-to-come-by chemical compound, usually found as a light pink solution, that forms by the oxidation of adrenaline, the stress hormone. It is not approved for medical use by the Food and Drug Administration—though researchers can buy 25 milligrams of it for just $55—but doctors in other countries prescribe a version of it to treat blood clotting.

The compound has become an object of fascination, however, among COVID-19-truthers and adherents of QAnon, the fringe, baseless theory that a well-sourced government agent called “Q” leaks top-secret intel about a global cabal of Democratic and Hollywood pedophiles through cryptic and grandiose messages known as “Q-drops.” The quasi-cult’s sway has grown considerably in recent years, thanks in part to the tacit encouragement of Donald Trump. On Tuesday, a QAnon promoter named Marjorie Taylor Greene won 57 percent of the vote in a Republican primary for Georgia’s 14th congressional district, all but ensuring her victory in November. “There’s a once-in-a-lifetime opportunity to take this global cabal of Satan-worshiping pedophiles out, and I think we have the president to do it,” Greene once said in a video from 2017. Trump applauded Greene’s primary victory.

For conspiracy theorists, adrenochrome represents a mystical psychedelic favored by the global elites for drug-crazed satanic rites, derived from torturing children to harvest their oxidized hormonal fear—a kind of real-life staging of the Pixar movie Monsters, Inc. “QAnon also likes to say that Monsters, Inc. is Hollywood telling on itself,” says QAnon researcher Mike Rains, “because the plot of scaring kids to get energy is what they really do.”

The highest-profile adrenochrome incident took place in 2018, when Google CEO Sundar Pichai was questioned by the House Judiciary Committee about a conspiracy called “Frazzledrip.” (“Heard of Frazzledrip?” reads one comment on The Sisters of Mercy song.) The crackpot theory involved a mythical video, supposedly squirreled away on Anthony Weiner’s laptop, that if leaked, would show Hillary Clinton and her one-time aide Huma Abedin performing a satanic sacrifice in which they slurped a child’s blood while wearing masks carved from the skin of her face.

Code-named “Frazzledrip,” the video was supposed to depict an adrenochrome “harvest.” It never materialized. But the drug has since become a common reference in conspiracies of the far right. In the past year, the compound has been name-checked by German soul singer Xavier Naidoo, right-wing evangelical and failed congressional candidate Dave Daubenmire, and ex-tabloid writer-turned-QAnon conspiracy theorist Liz Crokin.

“There’s a lot of anons [QAnon adherents] that believe the white hats tainted the elite’s adrenochrome supply with the coronavirus, and that’s why so many members of the elite are getting the coronavirus,” Crokin said in a YouTube video from March, reported by Right Wing Watch. “Adrenochrome is a drug that the elites love. It comes from children. The drug is extracted from the pituitary gland of tortured children. It’s sold on the black market. It’s the drug of the elites. It is their favorite drug. It is beyond evil. It is demonic. It is so sick. So there is a theory that the white hats tainted the adrenochrome supply with the coronavirus.”

Social media is filled with adrenochrome theories. From January of 2018, adrenochrome truthers also gathered on the subreddit r/adrenochrome, until the website banned it two weeks ago. A Reddit spokesperson told The Daily Beast the page had been suspended after its moderator was banned for violating their content policies (they declined to specify which). “The community was then banned because it was unmoderated,” the spokesperson said.

Those in search of adrenochrome theories, however, can still find them on Facebook, YouTube, or Amazon, where several self-published titles on the subject appear in top search results. (After The Daily Beast contacted Amazon about several of these books, they disappeared from the website. Facebook did not immediately respond to requests for comment.) One Facebook group, called “Adrenochrome / Adrenaline (Epinephrine),” provides a 70-part introduction to the drug, with chapter titles along the lines of: The Epstein/JonBenét CONNECTION and The deep meaning behind Justin Bieber’s ‘Yummy.’ The group has 22,460 members.

“The use of Adrenochrome is Prevalent in our Society and it Time we had a Mass Awakening to these Fact’s and Started become Educated in the Reasons,” the group’s description reads. “WHY , HOW , WHEN , WHO , WHERE and WHY we should be more ‘Open Eye’d’ to our Society from the TOP DOWN …………………….” [sic].

Scientific interest in adrenochrome dates back to the 1950s, when Canadian researchers Humphry Osmond and Abram Hoffer developed what they called the “Adrenochrome Hypothesis.” After a series of small studies between 1952 and 1954, the two concluded that excess adrenochrome could trigger symptoms of schizophrenia. Save for some failed studies of treatments, the theory went largely unexplored for several decades (Hoffer wrote a 1981 paper revisiting the proposal, concluding that it “accounts for the syndrome schizophrenia more accurately than do any of the competing hypotheses.”)

The hypothesis nevertheless impacted adrenochrome’s public perception, putting it in conversation with psychedelics like LSD or mescaline. Aldous Huxley described it in his 1954 book The Doors of Perception; Anthony Burgess nicknamed it ‘drenchrom’ in the argot of A Clockwork Orange. Frank Herbert described a character in Destination: Void as so high “he looked like someone who had just eaten a handful of pineal glands and washed them down with a pint of adrenochrome.” But most famously, gonzo journalist Hunter S. Thompson got offered a “tiny taste” from his unhinged lawyer in a scene from Fear and Loathing in Las Vegas.

“That stuff makes pure mescaline seem like ginger beer,” the lawyer said. “You’ll go completely crazy if you take too much.”

“There’s only one source for this stuff,” Thompson responded, “the adrenaline glands from a living human body. It’s no good if you get it out of a corpse.”

The compound’s supposedly psychedelic properties have been debunked, in part by Thompson himself, who reportedly told Terry Gilliam, director of the black comedy’s adaptation, that he had invented its effects. Eduardo Hidalgo Downing, a Spanish writer behind the meandering drug memoir Adrenochrome and Other Mythical Drugs, described it as “an absolute bullshit,” [sic], adding that “it is of no value in psychoactive terms… it is infinitely more useful to drink a cup of coffee.” Even Erowid, the harm-reduction nonprofit filled with drug experience reviews, had only negative things to say. “Effects were extremely weak, absolutely not fun nor psychedelic in anyway,” one user wrote.

Another user, in a review titled “Worst Headache Imaginable” described a racing heartbeat, profuse sweating, and “a headache that could have brought down an elephant.” The “incapacitating” pain allegedly subsided after two hours, but recurred periodically for the next seven days. “I had absolutely no hallucinations,” he concluded, “unless I was hallucinating the headaches.”

There’s an aspect of QAnon obsession that resembles demented literary criticism: every current event encoded with hidden meanings, global criminals desperate to signal their crimes through symbols, millions of messages waiting for the right close reader to unpack them. That Q’s adherents would seize upon a drug drummed up by a semi-fictional memoir makes sense. In that way, they’re not unlike The Sisters of Mercy, whose single, which describes schoolkids harvested by nuns, is a clear Thompson nod. (The catholic girls now / stark in their dark and white / Dread in monochrome / The sisters of mercy /…/ Panic in their eyes / Rise / Dead on adrenochrome.) The band just did a better job with the source material. Conspiracists missed some important subtext: the jokes.

Voir encore:

Jim Caviezel Decries “The Adrenochroming of Children,” As If That’s a ThingThe film and television star conferenced to a rally boasting Lin Wood, Sidney Powell, and the My Pillow guy.

Jordan Hoffman
Vanity Fair
April 17, 2021

Person of Interest and The Passion of the Christ star Jim Caviezel gave a checked-in with a rally of COVID-deniers and QAnon lunatics in Tulsa this weekend.

The “Health and Freedom Conference,” at which lawyer-provocateur Lin Wood led the assembled to furious applause by miming a Q in the air, was graced by Caviezel, one of the few proud conservative voices out there in Hollyweird.

Caviezel checked in to hype his forthcoming film Sound of Freedom, in which he portrays Timothy Ballard, a former special agent for the Department of Homeland Security whose group, The Nazarene Fund, works to “liberate the captive, to free the enslaved, and to rescue, rebuild and restore the lives of Christians and other persecuted religious and ethnic minorities wherever and whenever they are in need.” In doing so he alluded to a fringe conspiracy theory that suggests that people are harvesting adrenaline from children, an act called “adrenochroming.”

He also threw in a reminder that he starred in The Count of Monte Cristo.

The Tulsa rally will conclude with a public mask-burning. COVID-19 has killed over 3 million people worldwide, and mask-wearing is a proven measure for slowing the spread of the virus.

There have been consistent rumors that Mel Gibson and screenwriter Randall Wallace intend to make a second The Passion of the Christ film, devoted to the resurrection. Caviezel claimed as recently as last September that it was happening.

Voir aussi:

Chasing the Slave Traders: A Law Enforcement Perspective on Operation Underground Railroad
Anne Gallagher and Cees de Rover
07/31/2015

This week’s Foreign Policy carries an unusually racy story: Assistant Editor Tom Stackpole ‘embedded’ himself with an outfit that, in apparent homage to the secret network that helped smuggle American slaves out of danger, calls itself Operation Underground Railroad (OUR). But the twist is a modern one: OUR has its sights set firmly on victims of child sex trafficking and their exploiters. It’s a boys’ own adventure with all the requisite motifs. The heroes are all hyper-masculine and chisel-jawed. The victims are very young and very beautiful. The perps are foreign, swarthy and snarling.

OUR was founded by self-proclaimed “Man of God,” former CIA and Homeland Security official Tim Bollard. The Foreign Policy piece focuses on rescue operations conducted by OUR in Mexico and the Dominican Republic. Last year the group attracted favorable publicity for its involvement in a similar sting in Colombia that reportedly broke up a major child prostitution ring. OUR’s modus operandi is simple. The organization receives allocated funding to conduct a rescue. A team flies out to the selected country and makes contact with local law enforcement. An elaborate sting follows: Bollard and his friends pose as sex tourists. They actively seek out those who can supply young girls for a ‘party.’ The girls and their pimps arrive. Local police swoop in. The pimps are arrested and the victims are handed over to social workers. All this is filmed so the person who funded the recue can watch, in real time and from the comfort of his or her office or home, where their money is going. (Sometimes supporters can even participate). After arrests are made, the OUR team makes a quick exit, never to return.

Unfortunately, it seems that Stackpole, a seasoned journalist who should know better, got caught up in the drama and excitement of being on a real, live rescue mission. For example, he explains that Bollard and his partners trawl bars announcing their desire for “exotic” (i.e. underage) partners. But he hastens to assure the reader that they are careful not to entrap potential targets. Courts in the U.S. and many other countries would have a hard time making that distinction and in most jurisdictions such actions could constitute a defense to criminal liability. Stackpole also fails to explore the ethical and legal minefield of OUR live-streaming their operations to benefactors overseas. From the perspective of a victim’s right to privacy, such actions are reprehensible.

And from a criminal justice perspective, there are even more pressing concerns about the OUR approach. First, the entire premise of its operations: that local law enforcement will take over when the dirty work has been done is dangerously naïve. Why are police in Mexico, the Dominican Republic and Colombia not arresting child sex traffickers if they are so easy to find? The simplest explanation is law enforcement complicity in such crimes. Agreeing to cooperate with OUR is a win-win: local cops get to keep an eye on what’s happening and ensure OUR doesn’t stray into their turf; they also gain international kudos for taking on the traffickers.

Foreign Policy’s analysis fails to ask the most basic question of all: we know that child trafficking is a huge problem in the United States. Why is OUR not operating here? For that matter, why are they not raiding the brothels of Amsterdam or London? The simple reason is that, lacking any legal capacity to undertake such operations, Bollard and his rag-tag team would be arrested on the spot. And any court in any of these jurisdictions would not hesitate to throw out a case that rests on the evidence of an OUR-type raid because of the failure to meet even the most basic standards of supervision and accountability. It’s no surprise that the organization and its fellow travellers limit their activities to countries burdened by dysfunctional criminal justice systems that for their own reasons — or perhaps in response to pressure from the U.S. government — agree to cooperate.

OUR’s operatives are not sworn law enforcement officials. Contrary to Ballard’s boasts about his long experience hunting slave-traders, they do not possess the current training and experience necessary to conduct such sensitive operations. The targeting of low-level offenders (recruiters and pimps) also reveals an alarming lack of understanding about how sophisticated criminal trafficking networks must be approached and dismantled.

The exploitation of human beings for private profit is an outrage, whether it takes place in the United States or in a poor country far away. The temptation to do something in the face of such villainy can be overwhelming. And the lure of the quick fix is often very difficult to resist. But the task of eliminating human trafficking is not amendable to such an approach. It requires hard work; a tolerance for incremental, sometimes almost imperceptible success; and an unwavering commitment to justice and the rule of law. Bollard’s operations say much about the man: they are arrogant, unethical and illegal.

Voir également:

Called by God

In 2014, I went on a vigilante raid to “save” kids sold for sex. What we did haunts me now.

Meg Conley
May 11, 2021

A housekeeper opens the door to a house as local authorities enter with guns and bulletproof vests.
“You can see the terrified housekeeper when she opens the door to a man with a gun.” Screenshot via Operation Underground Railroad/YouTube

I’d never heard of Operation Underground Railroad when its founder, Tim Ballard, called me suddenly in the summer of 2014. A former Department of Homeland Security special agent, Ballard said OUR had a child-trafficking sting planned for the Dominican Republic—and he wanted me to come along to document it.

Ballard explained the mission of the organization to me like this: Children in other countries were being trafficked. Local governments were overwhelmed or complicit. And the U.S. government was unwilling to jeopardize diplomatic relationships to rescue local underage victims. Ballard said he knew how to rescue these kids. He told me he’d been called to this work by God.

Ballard and I are both Mormon. He knew my parents from church. My dad, who loved my work, kept a few cards with my blog information in his wallet. He’d pass them out to friends, family, and even the nurses treating his leukemia. Maybe that’s how Ballard knew I was a writer.

When Ballard called, I didn’t ask many questions. I didn’t wonder why he thought it was appropriate for me—the writer of a mommy blog—to chronicle anti-trafficking work. At the time, I was a 28-year-old stay-at-home mother in Utah. I was lonely and grieving: My dad, my best friend, had died not long before. As I changed diapers, managed tantrums, and sat in the playground, I felt unmoored from my past and unsure about my future. I suppose, in my grief and my search for meaning, I wanted him to be called by God, because maybe that meant finally, I was too.

I accepted his offer quickly.

There were a few emails back and forth before I left with Operation Underground Railroad—instructions on what to pack, my plane ticket, the name of the person who would meet me at the airport. It wasn’t exactly training to join a military-style sting operation, but at the time, somehow, I wasn’t worried. I left my kids and got on a plane, arriving in the Dominican Republic the day before the sting.

(A representative for Operation Underground Railroad replied to detailed questions for this article: “Slate is rehashing old claims from nearly seven years ago during Operation Underground Railroad’s first year in operation. As any other successful organization does, we have evolved and are continuously working to professionally improve our standard operating methods and practices.”)

I was the youngest person, and the only woman, on the “jump,” as they called it. A camera crew filmed everything, because Ballard seemed to intend to pitch a TV series about his anti-trafficking efforts, and they needed footage. The production company was based in Utah but reportedly had Hollywood royalty interested: Gerald Molen, the Oscar-winning producer of films like Jurassic Park and Schindlers List. This was a rescue mission, but it was also reality TV.

We stayed in a big beige house with a bewildered local housekeeper. Once everyone arrived, we sat together to go over plans for the next day. I took notes. The traffickers thought we were Americans looking to have a sex party with underage girls.

I was told Ballard’s team coordinated with local authorities who were too overwhelmed or ill-equipped to do this work on their own. Members of the OUR jump team found people willing to traffic kids and set up a date to “party” with however many kids they could provide, the more the better. The authorities were told where and when the party was happening. When they arrived, the girls would be sent outside, where I would be with them, while Ballard and the traffickers would stay inside. The police planned to wait outside until the OUR team had undercover footage of a trafficker accepting upfront cash for sex with the kids. After the cash changed hands, Ballard would give a signal, and the authorities would rush the house to make arrests. They would be armed.

I froze up at the thought of the guns. Ballard reassured me. My job was to keep the trafficked kids comfortable poolside while the sting went on inside. I would be safe. I wrote this down twice and underlined it three times.

After the meeting, the housekeeper set out dinner. I wondered if she’d be kept outside when the sting happened too. Would she be safe? That night, when I went to bed, I left my windows open. I fell asleep to the sound of the members of the jump team doing CrossFit by the pool.

The kids arrived in a bus with their traffickers the next day. There were 26 of them. They were young, middle school–to–high school age. I’d been asked to blow up balloons so the house had a party atmosphere. Many of the kids looked like they’d gotten ready for a middle school dance. I met them outside by the pool and handed out sodas. Some kids started singing; others started swimming.

Ballard sat inside with the traffickers, supposedly negotiating the price for the services each girl would provide. An operative opened the back door and called to me: “Meg, Tim wants you inside.”

I went in. One of the traffickers talked to me, and I laughed at his jokes. Some of the other traffickers were women; a few didn’t look much older than the kids I’d been playing with in the backyard. I watched Ballard count money onto the coffee table.

Then he gave the signal. The raid started. I ran to the back door, where I was confronted by a local police officer brandishing a gun. I was told to get on the floor. The cameras were rolling for the hoped-for TV show.

I stayed on the ground as the raid continued, the white tile cool against my flushed face. There was shouting: from the officers, from the OUR undercover team feigning shock, from the traffickers. I stayed on the floor while the traffickers were arrested. I was still there when the kids, wet from the pool, were led through the room and out of the house. Many of them were crying. As they were led away, they stepped between us on the ground, dripping water along the way.

After the raid was done, we left for a safe house where we would stay before flying home. The video crew asked for my thoughts, filming me while I spoke. I can’t remember what I said, but I am sure it was supportive. I wanted to believe what just happened was meaningful—and I wanted to go home.

I flew home from the raid alone. When the plane landed, I turned on my cellphone. There was a text from Ballard. He said he’d be happy to write a blurb for my book, whenever I got around to writing one. I was touched. A man called by God said he was going to endorse me. For a moment, I felt like I had a purpose.

When my husband picked me up from the airport, our two children in car seats in the back, I told him about the guns and the kids. “What the fuck was Ballard thinking? You shouldn’t have been in there,” he replied. I remember I thought he was being overprotective. I wrote an article for Huffington Post about Ballard’s heroics and the children’s new hope. When OUR released its first documentary, I attended the premiere. Before the movie started, everyone in the audience who’d participated in a “jump” was asked to stand up. I stood up. The crowd applauded.

But soon, Ballard’s aggressive sureness began to scare me. Anne Gallagher, whom the U.S. State Department called “the leading global expert on the international law on human trafficking,” published an essay critical of OUR’s tactics. She argued its raids showed an “alarming lack of understanding about how sophisticated criminal trafficking networks must be approached and dismantled” and called OUR’s operations “arrogant, unethical and illegal.” Ballard sent the article to me and called her a “bitch.” Then he asked me to write a rebuttal. (Ballard did not respond to detailed questions about his comments.) I had nothing of worth to say in response to a woman who’d dedicated her life to this work. How could he think I did? I didn’t write the piece.

Still, I was on occasional planning calls with OUR staff. They were mostly as inexperienced as I was. They believed in Ballard, too, and were doing their best to bootstrap his vision of salvation. The calls were fervent but flawed. Everybody wanted to “save the kids,” but no one really knew anything about these kids. We talked mostly about fundraising. The calls never addressed real things children need to be saved from. Toward the end of my association with the group, I told one person anxious about the recent bad press that I was concerned about an organization that relied so much on Ballard and his vision of the world. The other person was worried, too.

OUR centered Black and Latino children in its fundraising work but ignored requests from Black activists to change the organization’s name. At the same time, Ballard called an Operation Underground painting by Utah artist Jon McNaughton “an early Christmas present.” McNaughton, who had famously painted Barack Obama burning the Constitution in 2012, depicted Ballard, his wife, and other white people carrying Black and brown children rescued from trafficking along a literal railroad. Harriet Tubman stands to the side in reverence along their path.

Disillusioned and disturbed, I sought more understanding of the group’s place within the anti-trafficking world. I reached out to anti-trafficking experts. When I told an international anti-trafficking expert about the 2014 raid I attended, she immediately said, “Do you know how wrong all of that was?” The research, I learned, tells us our 2014 raid was most likely just another childhood trauma for those 26 kids. We made their lives worse.

But what she grasped in a moment, it took me years to understand. When Ballard called me into that house, he put me in harm’s way so that I could write a story about him. (Ballard did not respond to specific questions about the raid.) A condemnation of Ballard? Yes. But it’s a condemnation of me, too. I’d imagined myself the same way he did, or said he did—as a savior of these children. I tried to find meaning in my own life on the backs of exploited kids.

I began to face the truth.

Operation Underground Railroad is now famous for its international sting operations. They are a big fundraiser: In 2015, a Silicon Valley man funded a sting with $40,000 and watched it happen in real time. With the help of OUR, a rich person can become a vigilante hero for the day, their living room transformed into a personal situation room. For those who can’t afford the situation room, Ballard carries the drama with him to every interview and every fundraiser. That drama, and a real desire to save children, moves a lot of donors, whether or not it’s accurate. Vice recently investigated a few of Ballard’s stories and found “a pattern of image-burnishing and mythology-building, a series of exaggerations that are, in the aggregate, quite misleading,” and has detailed “disturbingly amateurish” operations like the one I attended.

The TV show never got picked up. But Operation Underground Railroad made a video of the raid I went on and posted it to its YouTube channel. It’s still there. You can see the terrified housekeeper when she opens the door to a man with a gun, me lying on the floor while police pace around me, and Ballard winking at the camera. The video ends with the line, “26 victims liberated, 8 traffickers arrested.”

A black-and-white photo of a woman lying on the ground with her face to a tile floor.
The author lying on the floor during the raid. Meg Conley

I was told two of the children had been trafficked for the first time that day. It didn’t seem to occur to anyone that OUR may have created a demand. After the sting, I asked people on the jump team where the 26 kids were taken. I was given only vague answers. Aftercare wasn’t really their focus, I was told, but they partnered with people who did it well.

I found out what really happened from a Foreign Policy report:

In 2014, after OUR’s first operation in the Dominican Republic, a local organization called the National Council for Children and Adolescents quickly discovered it didn’t have the capacity to handle the 26 girls rescued. They were released in less than a week.

Some testified, the article reported. The local organization lost track of others. All those kids in 2014 got from us was a soda and a swim—and Ballard came out ahead in the deal.

A representative for Operation Underground Railroad said, “O.U.R. remains laser focused on our mission to help rescue and protect victims of child sex trafficking and exploitation, bring their perpetrators to justice, provide survivors with life-saving aftercare services, and raise awareness of this worldwide scourge.”

Anti-trafficking work is not a punch-pow battle between good and evil. It means finding kids who are being trafficked and getting them into comprehensive aftercare. It means actively creating a world where fewer and fewer kids are trafficked—the consistent labor of prevention. It’s passing safe harbor, affirmative defense, and vacatur laws, designed to provide safe transitions for victims or help them avoid the criminal justice system. Anti-trafficking work is providing support for gay and trans kids kicked out of their homes and therefore exposed to heightened risk of being trafficked. It’s pushing for racial justice. It’s writing and voting for policies that provide a safety net and economic certainty.

Anti-trafficking work, the kind that really works, doesn’t have an immediate satisfaction. It’s slow and steady. There are no starring turns.

But seven years after my mission with them, Operation Underground Railroad is sticking to its story. Ballard opened the organization’s 2020 online fundraising gala by thanking the people watching from home. “The true heroes are you, our supporters, those of you who have allowed us to take your light into dark places. And our operators,” he said, “who are really in the darkest corners of the Earth all the time.”

Though his reality series never panned out, Ballard is represented by WME, one of the biggest talent agencies in the world. A TV show based on a book he wrote, Slave Stealers, is currently in development. And a new action movie about him, Sound of Freedom, is forthcoming. Jim Caviezel plays Ballard, with Mira Sorvino as his wife. In the trailer, released last summer, a blond Caviezel treks through the jungle of Colombia to save children from a crime syndicate. The light-filled Ballard home flashes across the screen as a contrast to the dark Colombian spaces. Caviezel sheds righteous tears, and terrified boys’ and girls’ faces, often speckled in dirt, are front and center. “Mister Timoteo,” one crying little boy asks the screen Ballard in Spanish. “You rescue kids, right?”

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A Famed Anti-Sex Trafficking Group Has a Problem With the Truth

Backed by Donald Trump, Operation Underground Railroad has flourished in the age of QAnon. But not all of its stories hold up to scrutiny.

Anna Merlan
Vice
December 10, 2020

It was the evening of November 7, and the excitement in the YouTube comments beneath Operation Underground Railroad’s online gala was reaching a fever pitch. « God bless you and ALL OF YOU, » one excited viewer declared. Heart emojis rained down. « WITH MY LAST BREATH, TIM, I WILL HUNT THEM, » wrote someone else.

When Tim Ballard himself took the stage, the hearts and comments professing love and an unmatched thirst for vengeance escalated yet again. Clad in a baseball cap, a blazer, and a white checked shirt, Ballard beamed at his audience. « The true heroes are you, » he told them, « our supporters, those of you who have allowed us to take your light into dark places. »
Ballard is the founder, former CEO, and the most public face of Operation Underground Railroad, or OUR, a charity founded in 2013 with a mission of fighting human trafficking domestically and abroad. OUR says its frontline workers include « former CIA, past and current law enforcement, and highly skilled operatives, » and for years has described them literally snatching children and young women from the hands of traffickers in daring raids. It has, it says, rescued literally thousands of victims.
More recently, as false conspiracy theories about elites abducting and sexually enslaving children have proliferated, the group’s fundraising and prominence have risen to new heights, and it has attracted an intensely passionate and loyal following online; most online charity galas, it’s safe to say, do not attract hordes of fans swearing their undying loyalty. Ballard has not only been feted by celebrities and treated reverently by outlets ranging from ESPN to Fox News, but was even appointed by President Donald Trump to a council meant to guide federal anti-trafficking policymaking, which he co-chaired.
The specific stories that OUR tells are intensely cinematic: bold, heroic, and extremely difficult to fact-check. They are also not the entire truth. An investigation by VICE World News focused on OUR’s operations identified a divide between the group’s actual practices and some of its claimed successes. What we found aren’t outright falsehoods but a pattern of image-burnishing and mythology-building, a series of exaggerations that are, in the aggregate, quite misleading.
Ballard has repeatedly claimed that OUR played a central role in a large anti-trafficking case in New York State and implied that it helped rescue a victim in that case when in fact, according to court transcripts and other records reviewed by VICE World News, she bravely escaped her trafficker on her own. Multiple law enforcement agencies OUR says it has partnered with or supported describe their relationships as insubstantial. (In response to detailed, specific questions concerning the allegations made in this article sent over a period of several weeks, OUR gave VICE World News two statements, which we’ve included in this story in full.) OUR has also declined to describe what precisely it does with the millions of dollars it says it spends overseas, citing concerns about operational security, though it did provide a list of countries in which it has worked.
Much of OUR’s mystique is still focused on that overseas work. During the online gala, Ballard described a rescue in an undisclosed country in which, he said, Jessica Mass, OUR’s director of aftercare, literally wrestled a padlock away from a trafficker as they were running to lock up and re-imprison young girls whom OUR and local police had just rescued.
« Our aftercare team and Jessica saw something was happening and intervened, » Ballard told the audience. « Laid down her life for these girls, for their liberation, and somehow wrestled that padlock out of the hands of that trafficker in this intense moment. » He held something up in his hands: a gold padlock.
« This is the very padlock that had been used to lock these girls behind a jail cell, » he proclaimed, triumphantly. The camera zoomed in close and stayed there.
For all its apparent unstoppable success, a small ripple recently appeared on the surface of OUR’s relentlessly polished public image. A Utah elected official, Davis County Attorney Troy Rawlings, announced in October that his office is investigating OUR, telling Fox 13, « We’ve received complaints and are in the process of reviewing those complaints. »
The contours of the investigation aren’t yet known, but it’s not the first time Rawlings has reportedly considered investigating OUR; the New York Post reported in 2017 that he was contemplating a criminal probe of the organization, which ultimately seems not to have happened. Rawlings told VICE World News that he’s currently unable to comment beyond the scope of the original announcement, writing in an email on December 10, “Unfortunately, we cannot accommodate your records requests or answer any particular questions at this time as the investigation is still vibrant.”
Several people familiar with the investigation, however, told VICE World News that it concerns whether OUR has, in recent years, made misleading claims to donors and the public about the work it does, and how directly involved it is in rescue operations. The investigation could also touch on the connection between OUR and current Utah Attorney General Sean Reyes, who has had a long public relationship with OUR as an advocate for—and a participant in—their work. (The Utah Attorney General’s Office did not respond to a request for comment, but confirmed that an investigation is in fact underway in a denial of a public records request filed by VICE World News. « Due to a pending criminal investigation by outside agencies involving Operation Underground Railroad, all records within the scope of your request are currently classified as protected, » the office wrote. Through a spokesperson, OUR—a lawyer for which denied in October that it was being investigated—declined to answer questions about the investigation. In a statement to VICE World News it did say, in part, “If asked, O.U.R. will cooperate fully with any official inquiry into its operations.”)
One aspect of OUR’s work involves its relationships with domestic law enforcement agencies and prosecutors, which it touts as central to its mission. But those relationships have in some cases been thin, and one law enforcement agency that received nearly $200,000 from OUR over a period of several years recently deemed the association simply not worth the bother. « While a hefty cumulative sum, » said Chris Loftis of the Washington State Patrol, « candidly, in an organization of our size and a total multi-year budget well into the billions, it is not significantly budget impacting. We are quite comfortable with our decision to forgo any further donations from them and avoid further association with an organization that might provide distraction from the core mission. » (The Patrol’s work, and its ties to OUR, were extensively covered in a New York Times investigation by reporter Michael Winerip this summer.)
Meanwhile, federal and state agencies that would, due to the nature of OUR’s work, be expected to have relationships or at least familiarity with the group say they do not.
OUR says that due to concerns about operational security and survivor privacy, it can’t describe exactly how it spends the millions of dollars it receives in donations on operations abroad. The organization provided VICE World News a list of 26 countries in which has worked, and, in response to a request for clarification, a list of specific cities or states where it says it has worked abroad, including Phnom Penh, Cartagena, Tripoli and “every one of the 76 provinces” of Thailand. That’s more specific than what’s publicly available in tax documents. The organization said, for instance, in tax filings that it spent $2,746,505 in 2018 on assisting law enforcement in freeing sex slaves and providing aftercare for victims in North Africa and the Middle East—an extremely general description of its activities in an extremely broad service area.
Even when OUR gets more specific about its work, particulars can prove difficult to confirm. Reputable and widely-known organizations providing aftercare to survivors of trafficking were unfamiliar with OUR, and experts raised serious questions about the work OUR claims it does.
Reputable and widely-known organizations providing aftercare to survivors of trafficking were unfamiliar with OUR, and experts raised serious questions about the work OUR claims it does.
The ultimate effect is uncomfortably murky. Millions of dollars are going into the organization, flying out of the pocketbooks of devoted supporters who ardently and sincerely want to rescue the world’s most vulnerable and endangered children. But it’s largely unclear what the organization is doing with that money, and where it is clear, it’s not obvious that what it’s doing is effective.
OUR, for its part, says that some of the lack of clarity is by design, to preserve the necessary privacy and dignity of trafficking survivors.
« We’ll never tell you where they are, » Ballard said, near the end of his gala speech, his eyes glistening, as he described the fate of the girls he said OUR had rescued from being padlocked once more into servitude by their traffickers. « But they are safe, and they are healing. »
One of the most curious elements of OUR’s domestic operations involves a trafficking survivor with the pseudonym “Liliana,” whom Ballard has repeatedly discussed, and whose story he has frequently invoked while arguing for a wall to be built along the U.S.-Mexico border.
Liliana is a real person. VICE World News has identified the trafficking ring she was a victim of, and the federal case in which she bravely testified against her abusers. (While she testified under a pseudonym, we are not identifying the case to further protect her privacy.) But the story she and other survivors told in court—and which helped win a conviction against their traffickers—bears little but a broad resemblance to what Ballard has said publicly about it. Crucially, contrary to an assertion OUR has made in fundraising material, Liliana wasn’t found or rescued by anyone: When she was just 17, and after years of rape, psychological manipulation and physical abuse, she escaped on her own.
According to Liliana’s testimony, and that of the women who were trafficked alongside her, she first met the man who would go on to traffic her in a village in Mexico when she was just about to turn 14 years old. He was at that point around 17, and wooed her romantically, she testified. « His family make me feel loved, that he care about me, that he loved me, » Liliana told the court, testifying in English, her third language. « He was the first boyfriend that I had. »
According to Liliana, she moved in with the man and his family relatively quickly, fleeing two male relatives who had been sexually abusive. Soon, she testified, the man told her that they were moving to the United States for a better life.
« He told me that we had to come to the United States because here in the United States we’re going to make money, earn, to be able to provide to your family, » she testified. « We will have a house and you will work for a couple of years. Then after that, we can come back and we can have kids. »
The pair attempted to travel to the United States twice, along with other people, and both times were caught at the border by U.S. immigration agents and returned. The third time, in October 2010, they made it across, though Liliana did not specify in her testimony how they managed to get across the border into Arizona.
From Arizona, they traveled to Queens, New York, where things quickly and disturbingly shifted. The man, Liliana said, locked her in a house, left her an iPhone and an iPad, and said to call him when she was hungry. When she called, he passed Chinese takeout through a window into a locker. The windows, Liliana said, were barred.
Soon enough, the man told Liliana that he expected her to sleep with men for money, she testified. « At that time, I didn’t understand what meant that, » she testified. Once she understood, she got angry and refused, telling him, « That’s not something we do. »
« He didn’t insist that night, » she testified. « Then he came back again and said to me, ‘Don’t you see, you don’t even speak English, you don’t work. If you go outside, the police will arrest you. »
A number of other Mexican women testified that they, too, had been trafficked by the man’s family members, forced into prostitution in the United States with a combination of courtship, manipulation, and, once they arrived here, isolation and threats to kill their families back home. At first, their families believed the women were being taken away for a better life, one woman testified. « Our families were poor, » she said, « so what they thought is that we had found some very good men. »
The women testified that they were ferried by delivery drivers to clients in New York, Staten Island, New Jersey, Connecticut, and Delaware. They reported that they were expected to have sex with 15 to 20 clients per shift, and that their traffickers would count the number of condoms they took with them, and the number they brought back, to keep track. The women were forced to hand over most of their money to their traffickers; one woman recounted seeing the man who trafficked Liliana hit her in the face when she said she didn’t want to work. Another time, when he believed she was pregnant, he tried to force her to have a miscarriage.
« While they’re in Mexico, they behave very well towards you, » another woman testified in court, speaking in Spanish. « They court you, they treat you well, they say nice things to you, they say pretty things to you … The real nightmare is when you arrive here in the United States. »
Liliana, another woman testified, « was the first who decided to leave, » after three and a half years of abuse. « She told me right when she was leaving, ‘I’m getting out of here,' » the other woman testified. Liliana called a cab, saying she was going to visit family, and left forever.
In many ways, Liliana’s story is a typical—and typically horrifying—tale of criminal trafficking. She was, she testified, lured by a man who made romantic promises to her, then forced to do sex work due to his control over her immigration status, legal documents—she testified that he kept her birth certificate and school records—and his threats that he would hurt her family. Traffickers sometimes develop romantic relationships with their victims as a form of trauma bonding; the federal Office for Victims of Crime says that it’s common for traffickers to work to cultivate a sense of emotional and practical dependency in their victims. « In the U.S., immigrant women and children are particularly vulnerable to the deceptive and coercive tactics of traffickers, » the ACLU has written, « because of their lower levels of education, inability to speak English, immigration status, and lack of familiarity with U.S. employment protections. Further, they are vulnerable because they often work in jobs that are hidden from the public view and unregulated by the government. »
The story Ballard tells about Liliana is different from the one that appears in court documents, though, and significantly more sensational in several key ways. His first public reference to her appears to have come in a January 2019 Fox News op-ed in which he quoted Nelson Mandela while arguing for the construction of a border wall:
Not long ago, a 13-year-old girl from Central America – let’s call her « Liliana » – was kidnapped from her village, then trafficked into the U.S. at a location where there is no wall or barrier. From there, she was taken to New York City, where she was raped by American men 30 to 40 times a day.
The private anti-trafficking organization I founded over five years ago, Operation Underground Railroad, eventually helped Liliana escape her hell.
Ballard’s story diverges from Liliana’s testimony here in important ways. At no point did she ever testify that she was kidnapped. (The distinction between kidnapping and what she testified to is important; one common criticism of groups like OUR is that by focusing on sensational stories like those of abducted children, they neglect the more routine realities of trafficking, which far more often involves women and girls being victimized by people to whom they’re close.) He described her as slightly younger than she was, and claimed that she had been trafficked « not long ago » when it had in fact been nearly a decade. He incorrectly stated that she’d come from Central America, not Mexico. Finally, he claimed that she had been raped twice as often as the 15 to 20 times per day that Liliana and the other trafficked women testified to at trial. (Regardless of the number of times, it remains a horrifying aspect of the story, and the trauma was surely severe either way. The women testified to experiencing violence and abuse from the johns they were forced to see: One said she’d been bitten and injured by one man, and raped at gunpoint by another.)
Ballard also stated that OUR helped Liliana « escape her hell. » This strongly implies that it helped her flee her traffickers, which is flatly untrue.
Three days after the Fox News piece was published, Ballard appeared at White House event with President Trump, where he vigorously argued for a border wall, citing his years as an undercover operator, and again told Liliana’s story, though without using her name. He stated that she had met Ivanka Trump privately.
One little girl I can tell you about. In fact, I introduced this little girl to Ms. Trump during a private briefing. This little girl was kidnapped in Central America. Eleven years old. Groomed for two years with the intent of getting her ready to come to America. Why? Because we are the highest-consuming nation of child pornography. We are the clientele that’s the big money.
They brought this little girl through a part of the southern border where there was no wall, easily got her to New York City. And this is hard to hear but this is the truth, and everyone needs to hear this. This little girl — and this is very typical — raped for money every day, 30 to 40 times a day. If that’s not a crisis, if that’s not an emergency, I don’t know what is.
Here, Ballard lowered Liliana’s age to 11, repeated the kidnapping claim, and introduced a claim that she was groomed for two years before being trafficked, something not evidenced in court testimony. He further implied that Liliana was a « little girl » when introduced to Ivanka Trump, which she would not have been. (It’s also unclear whether he is implying that Liliana was brought to the U.S. to be forced to produce child pornography, or if the existence of child exploitation material is somehow to blame for her trafficking. In either case, nothing in the court testimony suggested Liliana was forced to appear in pornography.) VICE World News contacted Ivanka Trump’s White House office for comment, but did not receive a reply.
Three days later, Ballard went further. He published an op-ed piece in the Deseret News, adding new detail to the story and quoting what he said were Liliana’s own arguments for the construction of a border wall:
Liliana was kidnapped at age 11 from her village in Central America. After two years of grooming her for commercial sex, she was taken by her captors across the southern border at a location where no wall existed (approximately 70 percent of the border is wall-less). Her traffickers easily transported her to New York City, where she was raped for money up to 30-40 times a day for five years. She eventually escaped and my foundation is now caring for her as she prepares to testify in federal court against her captors. In accordance with U.S. laws, as a survivor of sex trafficking in America, Liliana has been granted legal status and will soon be a U.S. citizen. (The U.S. Attorney’s Office has requested that we not share more details about this case until the trial is completed later this year).
Having reflected on her tragic plight, Liliana has recently weighed in on the current national debate. « Had there been a wall for me, » she declared, « my captors would have been forced to take me to a port of entry. A U.S. officer might have seen my distress. I might have yelled out to them. I am currently working with Homeland Security agents on my case. I love them. I think they would have rescued me at the port of entry. »
Several weeks after that, Ballard referenced Liliana in both in-person and written testimony submitted to the Senate Judiciary Committee during hearings about trafficking at the southern border, asserting that he had « been approved » by the U.S. Attorney’s office to share details of her experience.
Tim Ballard testifies in front of the Senate Judiciary Committee about « Human Smuggling at the U.S. Southern Border. »
And several weeks after that, in written testimony submitted to the House Homeland Security Committee as part of hearings on family separation, he again referenced her. In the latter testimony, he put her age at the time of her kidnapping at 11; in the former, he put it at 11 or 12, the fourth different age he had given her. In both statements, he quoted her as saying, « I know many girls who came in like me…we know a wall could have saved us… »
It remains unclear precisely how OUR was associated with the case. A spokesperson for the U.S Attorney’s office that prosecuted it, and lawyers involved in it, declined to comment to VICE World News. What is clear is that OUR’s interactions with the private and public infrastructure dedicated to serving survivors of trafficking in New York, where the case was prosecuted, have left no discernible trace.
Public-records requests to New York State’s Office of Victim Services returned zero documents mentioning OUR or Ballard between 2016 and 2020. The state’s Department of Criminal Justice Services, when asked if it was familiar with the case as described in Ballard’s op-ed or with OUR, referred VICE World News to the state’s Office of Temporary and Disability Assistance. A spokesperson there said they couldn’t confirm any details of Ballard’s story and that the office has no relationship with OUR, and recommended VICE World News contact providers in the state-funded Response to Human Trafficking Program. Two of those providers—Amy Fleischauer, director of survivor support services at the International Institute of Buffalo, and Diane Cameron Pascone, director of development at Unity House—said they were unfamiliar with both the case as Ballard described it and OUR. Another—Anita Teekah, senior director of the anti-trafficking program at Safe Horizon—said that she had never heard of the case as Ballard described it or of OUR, but that after looking into them, she had serious concerns, including with Ballard’s assertion that « Liliana has been granted legal status and will soon be a U.S. citizen. »
« That’s not really how it works, » Teekah told VICE World News. « You have to apply for your T visa, assuming you’re eligible, and then you have to get the T visa. And there’s been a lot of denials; the denial rate has gone up under this administration. After three years, you can apply for your green card, and that is not an automatic guarantee. And then you have your green card for 10 years, and then you can apply to naturalize. It’s a long process. »
Another concern was the way Ballard described OUR’s relationship with Liliana, which Teekah said was inconsistent with the standards of direct-service providers. Safe Horizon, she said, has teams of attorneys to work with trafficking victims on integration and teams of social workers to do comprehensive case management and therapy. Shelter and housing opportunities, medical referrals, mental health and dental treatment, and employment training are top priorities.
« It’s really the client who drives the process, » she said. « But no one will say they’re caring for someone. They’ll reference clients. I mean, we have clients. It’s a very paternalistic way to frame it. Even if they’re housing individuals, you still wouldn’t say you’re caring for them. You would still refer to them as clients or residents, so there’s still that agency that’s inherent in the individual to make their own decisions. »
A final concern was Ballard’s focus on underage sex trafficking— »one small piece of all the human trafficking that we see both within the United States and globally »—and on a border wall, which she described as « ludicrous, » given the ease with which a trafficking victim can be brought through legally at a port of entry.
According to Teekah, the Office of Refugee Resettlement would usually have a role in assisting a survivor of trafficking, and the U.S. Committee for Refugees and Immigrants, which provides funding for services, would likely be involved as well. A spokesperson for the Department of Health and Human Services’ Administration for Children and Families, which oversees ORR, said the agency is not available for media interviews. When asked whether ORR or ACF had a relationship with OUR, the spokesperson said that the Office on Trafficking in Persons—another agency under the ACF—has no formal relationship with OUR, and that its relationship with Ballard involved having met with him during a meeting with members of Trump’s anti-trafficking council. A spokesperson for USCRI said that it does not work with OUR. Jean Bruggeman, director of Freedom Network USA, a leading coalition of anti-trafficking service providers and advocates, said that OUR was not a part of her coalition, and that its members are generally unfamiliar with and do not work with the organization.
The seemingly near-complete lack of ties between OUR and the established network of public and private institutions doing the difficult work of serving survivors of trafficking in New York specifically and the U.S. generally does not suggest that it did not provide Liliana with valuable support. What it does suggest is that the group has few relationships with the people and institutions who do this work, and little engagement with their normal processes. Perhaps this is a good thing; perhaps not.
« Good intentions, » said Teekah, « don’t really go very far. »
As part of the reporting of this story, VICE World News reached out to Liliana for comment. She did not reply. We also identified two other organizations with which she has worked; one declined to comment, and the other responded shortly before publication, promising to provide a statement later in the day.
In response to a detailed and specific set of questions VICE World News asked OUR over a period of several weeks about the inconsistencies in Ballard’s and OUR’s statements about Liliana and the discrepancies between those statements and court testimony, as well as what the nature of the support it provided her was and when it first came into contact with her, OUR provided the following statement:
Operation Underground Railroad (O.U.R.) is committed to supporting survivors in their healing process from sex trafficking, abuse, and exploitation.
To this end, O.U.R. collaborates with survivors to ensure what is publicly shared about their horrific life experience is done with permission and sensitivity.
O.U.R. will always respect and honor a survivor’s confidentiality about the when, where and how any assistance or aftercare support has been provided from our organization, just as any other aftercare organization would do, in whatever form it may take.
We have explained and provided factual information to VICE to disprove the inaccurate contentions raised by them while still honoring survivors privacy and rights. Unfortunately, we have come to understand VICE’s agenda-driven objective is to comb through years of information in an effort to find any, even minor, discrepancy, and to twist anything found into a negative portrayal of an honorable organization.
According to the timeline set out in court documents, Liliana would currently be in her early 20s. In a February 2019 Facebook post advertising a Valentine’s Day card OUR said she had designed and which it was selling, the organization said she was « living with a loving family » while studying for her GED, giving the impression that she remained a child. It also called her « one of our survivors, » and stated that she was « found and rescued » several years after being trafficked. As the details of her testimony made clear, and against tremendous odds, Liliana rescued herself.
In Ballard’s telling, he never wanted to found Operation Underground Railroad. Fate—and, perhaps, a higher power—forced his hand. A devout Mormon, Ballard often tells interviewers that he felt called to combat the evils of child sexual abuse in a direct and far-reaching way; for religious publications, he has put it in more prophetic terms, even claiming that God told him, « Find the children. » There’s no doubting his personal commitment: Ballard and his wife have nine children, and he has said publicly that two of them were adopted after being rescued from trafficking in Haiti.
Ballard, a California native, says that he became a CIA officer in 2001—for less than a year, per his LinkedIn profile—and then spent a decade working for the Department of Homeland Security, specifically Homeland Security Investigations. (HSI is a division of ICE, though Ballard typically does not describe it as such. For the CIA to confirm to VICE World News that he was in fact an officer, Ballard would need to give permission; OUR declined to answer a question about whether he would be willing to do so.)
While at HSI, Ballard « investigated crimes under the jurisdiction of DHS to include drug smuggling, money laundering, arms smuggling and human trafficking, » his LinkedIn says. That profile also says that he spent the majority of his career « investigating crimes against children to include cases dealing in sex trafficking, child sexual tourism and child pornography, » and was a member of the Internet Crimes Against Children Task Force. Ballard told the Mormon publication LDS Living that he resisted working on crimes against children, but that his boss at the time insisted, due to Ballard’s strong religious faith. « He felt my religious background would be a protection for me, » Ballard said.
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Ballard has told interviewers that he became increasingly dissatisfied with how little he could legally do to combat trafficking abroad as an employee of the U.S. government. In his telling, everything changed for him when he learned of the story of a missing boy in Haiti named Gardy Mardy, and his father Guesno’s frantic search for him. Gardy was technically a U.S. citizen, OUR has written, since he was born in the country while his parents were here on a fundraising mission. Ballard didn’t have the authority to take the case, but, according to OUR, a question occurred to him: « What if we started an organization that could bring the necessary resources to countries around the world and rescue kids like Gardy? » Out of that idea, the organization was founded.
Ballard and a group of « operators, » as the organization calls the people who participate in their rescues, headed to Haiti to find the boy. He was never found, though OUR says it continues to search for him, and has raised money to get his family out of Haiti after it became unsafe for them to stay. « While we haven’t found him YET, we keep looking, » an online fundraiser for the Mardy family from 2019 read. « And everywhere we look, we find more kids. »
In 2013, the year of the Gardy mission and OUR’s founding, the organization described itself in tax records as mainly composed of ex-military members, and the missions were described as being primarily abroad. « RESCUE TEAMS ARE COMPRISED OF HIGHLY SKILLED EX-NAVY SEAL, CIA, AND OTHER OPERATIVES, » a description on a 2013 990 form read, a tax form that all 501c3 charities are required to make public. « THESE TEAMS WORK IN CONJUNCTION WITH AN [sic] IN FULL COOPERATION WITH LOCAL POLICE FORCES AND GOVERNMENTS TO LIBERATE CHILDREN AROUND THE WORLD. »
OUR has explicitly likened itself to the abolitionist movement of the 1800s with the name of the organization itself, with a film it produced in 2016 titled The Abolitionists, and with a book penned by Ballard, Slave Stealers: True Accounts of Slave Rescues Then and Now. In 2017 the organization began offering a painting for sale which depicted, as the organization put it, « the Abolitionists of yesterday and today, including Tim Ballard and his wife. » The painting depicted Ballard, his wife Katherine, and another figure carrying sleeping children down a railroad track, while figures including Harriet Tubman and Abraham Lincoln looked on approvingly, holding lanterns to light their way.
OUR became known for a type of aggressive, muscular, faux-military approach, which favored a dramatic form of rescue. A string of starry-eyed journalists joined Ballard and co. on missions where he and other OUR operatives pretended to be grinning johns in foreign countries, attempting to buy children; as the deal was being struck, local police would burst in, throwing everyone to the floor and hauling the traffickers off to jail.
A 2015 Foreign Policy profile of the group notes that that particular approach–rescuers, often white, male and devoutly religious, posing as johns in developing countries–was first seen in rescues by the Christian group International Justice Mission (IJM). The model and philosophy immediately proved controversial. Critics pointed out that women « saved » in this type of operation frequently face arrest or deportation, and it seems obvious that even victims of trafficking who sincerely want to be rescued might be further frightened or traumatized by a raid-style approach. (New York Times columnist Nicholas Kristof faced similar critique when he embarked on his own anti-trafficking crusade, making himself both a chronicler of and a player in what’s been termed the « rescue industry. »)
Despite the controversy, the raid approach proved popular because it was, put simply, consumable: The rescues are often filmed or photographed, allowing donors and supporters to cheer along from home.
Despite the controversy, the raid approach proved popular because it was, put simply, consumable: The rescues are often filmed or photographed, allowing donors and supporters to cheer along from home. Foreign Policy quoted the renowned sociologist Elizabeth Bernstein, who said that IJM’s approach had become the « emulated standard. » In her book Brokered Subjects, Bernstein called it the « media-friendly militarized humanitarianism » that has characterized the approach of many faith-based anti-trafficking organizations since at least the 1990s. Similar to Ballard, IJM’s president Gary Haugen even displayed his own collection of padlocks to a journalist from The Nation, saying they’d been taken from brothels in India and Cambodia, raided in joint operations by IJM and local police. (IJM partnered with Operation Underground Railroad on an operation in 2014. A spokesperson told VWN that IJM is not currently partnered with Operation Underground Railroad. ») Update: After publication, an IJM spokesperson added the following statement: “The Dominican Republic Anti-Trafficking Police Unit (PETT) was the convener of this operation. IJM did not partner with OUR but at the request of police, IJM was invited to provide crisis care for the survivors upon rescue as well as psychosocial and legal services after it. As mentioned, International Justice Mission has not and is not currently partnered with OUR.”
Because many anti-trafficking organizations have specifically Christian, often evangelical, ties, and resist the idea that there’s such a thing as voluntary sex work, their members and some of the people supposedly being saved may not see things the same way.
Bernstein’s book describes IJM « rescues » where women taken from a brothel in Cambodia used bedsheets to climb out of the window and escape from where they were taken and return to the brothels. In another attempted rescue in India, she writes, « local sex workers threw rocks at their would-be liberators. » Bernstein also writes that local activists “collaborated to shut down” an office in Thailand after those activists became offended by their « standard practice » of breaking down doors to brothels « regardless of the age or the willingness of the occupants. » (Bernstein was citing the doctoral thesis of Andrea Maria Bertone, who interviewed those Thai activists directly. Bertone wrote that IJM at the time worked with local police in northern Thailand to execute these brothel raids, writing, “IJM’s logo was very similar in appearance to the U.S. Department of Justice’s logo; therefore, Thai police mistook the American group for an arm of the U.S. government and IJM did not disabuse them of this belief.”)
Despite these protests, she adds, « IJM continued to work in Northern Thailand despite a great deal of Thai and international criticism leveled against them. »
Bertone also wrote:
[F]ormer American law enforcement officers employed by IJM would physically break down brothel doors in Thailand and ‘rescue’ the girls and women out of the brothels. IJM staff made little or no effort to determine if the females were women or children, nor did they make a distinction between those who were forced into prostitution and those who were working as prostitutes voluntarily. IJM did not have appropriate places to house these girls and women after they were ‘rescued.’ Therefore, IJM locked them in other dwellings, or asked, at the last minute, other shelters in Northern Thailand to take the girls and women.
When asked for comment on these specific incidents, IJM did not dispute them. (Update: After publication, IJM clarified that their office in Thailand was not shut down, despite the reported protests from activists; we’ve updated our story to reflect their comment, and added more context on the allegations reportedly made by Thai activists.)
The controversies in countries where the « rescues » take place are often not reflected in media coverage or public support back home. OUR has proven particularly irresistible to big organizations and celebrities looking to partner with a worthy cause: ESPN aired a glossy feature video in 2018 touting a partnership between Ballard and Pittsburgh Steelers coach Mike Tomlin, while superstar baseball player Bryce Harper recently urged his Instagram followers to support the group for Giving Tuesday, and former Survivor contestant Joe Anglim modeled some t-shirts made to fundraise for OUR. In the painting of Ballard and his wife alongside Harriet Tubman, the artist Jon McNaughton also included some of OUR’s more famous presumptive supporters: Former Republican Congresswoman Mia Love beamed from a back row next to talk show host Montel Williams, now-embattled motivational speaker Tony Robbins, Glenn Beck, and actor Ashton Kutcher, a spokesperson for whom says he is not a supporter and is not affiliated with the organization.
OUR has also made friends in high places politically: President Trump is among the group’s many fans. Ballard was one of the people Trump appointed to serve on the Public-Private Partnership Advisory Council to End Human Trafficking, a group tasked with advising the federal government on anti-trafficking policy—he was, in fact, its co-chair. In his February 2019 appearance at the White House, he claimed that his work as both a DHS agent and with OUR had shown him the need for a wall between the U.S. and Mexico.
« We are having to do operations in Mexico, our foundation, working with law enforcement, to be—essentially become the wall because there is no wall, » he told Trump. « We’re forward deployed. It’s like trying to catch flies with chopsticks. It works. We can make it work. But if we had a big, you know, fly swatter, which would hit the wall, that would be a lot better. It stops it. »
Before Ballard was taking meetings with Trump, OUR had begun building significant ties with the Utah political establishment. Current Utah Attorney General Sean Reyes said in 2015 that before taking office the year prior, he’d made a secret trip to Colombia with the group to rescue what a local newspaper account called « child sex slaves » there. Reyes has subsequently appeared at many OUR fundraisers, and was a member of their advisory board, an apparently volunteer position. (The Utah Attorney General’s Office did not respond to a request for comment from VICE World News.)
Some journalists—particularly in Utah, where OUR is based—are also fans of the organization. « The Utah press have been cheerleaders for OUR, » said Kenneth Lynn Packer, a longtime Utah journalist who’s written critically about OUR, particularly its ties with Reyes. « It’s a good story. It’s sexy: ‘We’ve got this paramilitary group in Utah that goes to other countries and frees child sex slaves, they come swooping in with local law enforcement, arrest these bad guys.' » Packer has written about OUR for the website American Crime Journal; the site’s editor has written that OUR has threatened the site with legal action. That legal threat itself proved interesting. Both Packer and ACJ editor D.D.L. Moore noted that OUR appears to have retained the services of Kirton McConkie, the powerful law firm VICE has previously described as the Mormon Church’s « legal alter ego, »further reflecting the degree of power and influence the organization has in Utah.
OUR has been extremely successful in its fundraising efforts. Tax documents show that in 2018, it raised more than $17 million through contributions and grants; in 2019, that number topped $21 million. This was well-compensated work for its chief executives: In 2018, Ballard made $343,022, while all other chief executives made between $100,000 and $180,000. OUR announced in 2019 that Ballard would step down as CEO in April of that year and « continue to focus on sharing the mission of O.U.R. throughout the world as its Founder, » and would no longer draw a salary. (In 2019, before that April 1 cutoff, Ballard reported a salary of $106,000.)
To a casual observer, some of their expenditures could look a little lopsided. In 2018, OUR reported giving out just $362,633 in grants and other forms of domestic assistance. Meanwhile, it reported office expenses of over $1 million, and compensation of $924,000 to top staff. Other funds, it said, were spent overseas, the bulk in the Middle East (more than $2 million) and a smaller amount ($908,000) in Central America and the Caribbean.
Its success, meanwhile, has also led to the creation of and ties to other organizations: In 2017, Ballard was named as the CEO of the Nazarene Fund, a charity founded by Glenn Beck which claims to rescue and aid persecuted Christians and religious minorities in the Middle East. Tax records show that the Nazarene Fund is an LLC—not a nonprofit—that is a subsidiary of OUR. (Today, the sole members of Nazarene Fund’s board are Ballard, Glenn Beck, and David Barton, a controversial scholar who has been described as a « fake historian » who’s « received little formal historical training » and is dedicated to promoting the idea that America was founded on Christian ideals. [?])
Two other for-profit companies are also subsidiaries of OUR. The first is Deacon Inc., which OUR says « employs independent contractors to perform tactical and security operations. » It has no website or phone number, and its officers, according to Nevada business records, are all chief executives at OUR. The other subsidiary is Underground XFit LLC, which operates a Crossfit gym; the gym’s website says, « We exist to provide financial backing to rescue children from sex trafficking and bring awareness to this cause all while improving peoples’ lives through fitness, nutrition, and knowledge of the body. » More recently, Ballard’s wife Katherine started a new organization, Children Need Families, which says it gives grants to families looking to adopt. It, too, does not appear to be a nonprofit. (While LLCs can still have charitable purposes, organization as a 501(c)(3) is the gold standard, because of the high level of financial transparency required. 501(c)(3) organizations issue tax documents each year, Forms 990, that are meant to detail exactly where their money goes. OUR issues those for itself, but is not required to go into that level of detail for subsidiaries that are LLCs. CNF did not respond to a request for comment from VICE World News, nor did Mercury One, the Glenn Beck-founded charitable organization that founded the Nazarene Fund.)
OUR’s many efforts over the years have generated waves of supportive press coverage. More recently, though, Ballard drew new attention to himself and the organization by giving what many saw as implicit support to a conspiracy theory that the furniture company Wayfair was trafficking children through its website.
« With or without Wayfair, child trafficking is real and happening!!! » he tweeted. « The children need us. » In a second tweet, he added, « Reports of child abuse cases are millions higher this year than they were last year. This is not a small thing or a conspiracy theory, this is the fastest growing criminal enterprise in the world. »
At a July 2020 OUR rally, a demonstrator holds a sign with the QAnon-related hashtag #saveourchildren. OUR has specifically explained the connotations of this hashtag and distanced itself from it on its website.
« No question about it, children are sold on social media platforms, on websites and so forth, » Ballard said in a follow-up video. « I’m glad people are at least waking up to it, especially right now. » When the New York Times contacted him for comment, he asserted that conspiracy theories about child trafficking weren’t necessarily a net negative. « Some of these theories have allowed people to open their eyes, » he said. (In yet another video, Ballard added, « There are conspiracy theories on every topic … We have hundreds of thousands of supporters. We can’t control what they say or do. »)
OUR subsequently issued a statement clarifying that it wasn’t supporting an unfounded conspiracy theory, writing, « Operation Underground Railroad (O.U.R.) does not condone conspiracy theories and is not affiliated with any conspiracy theory group in any way, shape, or form. » Nonetheless, through seemingly giving some credence to a theory that other reputable organizations see as deeply far-fetched, OUR seems to have connected with a conspiratorially-inclined audience, as journalist Melissa Gira Grant recently pointed out in The New Republic. A search of the hashtag #operationundergroundrailroad on Facebook, Instagram, and Twitter brings up a wealth of QAnon content, some of it quite bizarre. A widely-shared Facebook post, for instance, claims that four celebrities who died by suicide were in fact, working on a documentary about child trafficking and were murdered to silence what they might have otherwise uncovered.
In 2015, the Washington State Patrol began a program called Operation Net Nanny, which involves troopers going undercover in chat rooms to pose as children and arrange rendezvous with men who, when they turn up for the assignations, are then arrested. According to Loftis, the Patrol spokesperson, the program has resulted in 294 arrests, with a 97 percent conviction rate. The program was set up with OUR support—between 2015 and 2020, according to Loftis’s figures, the group gave a total of $185,522 in grants to the Washington State Patrol.
Earlier this year, though, the Patrol decided to stop accepting OUR money. Loftis said that it did so partly because the money wasn’t needed, and partly because it simply didn’t want to be involved with OUR.
« We’d gotten inquiries about them on various things, » Loftis told VICE World News. « The political activity and the religious affiliations of some of their most prominent folks—things we just don’t care about. We’re apolitical. We’re not religious, obviously, as a state agency. The types of things people were calling and asking us about were things outside of our concern zone. Our concern is protecting kids in the state of Washington. I wish I could say that that is a diminishing concern, but it’s actually a growing concern. It’s a very complex situation. It’s very involved. And anything that’s going to be a distraction to us rather than a support of us, we have to navigate away and go towards being focused on the job. »
The Washington State Patrol was one of 21 groups on a list OUR recently provided to VICE World News of domestic law enforcement agencies which it has supported or with which it has partnered. The list was, OUR stressed, « not all-inclusive, as confidentiality agreements required by some law enforcement entities prevent OUR from publicly speaking about the partnerships. » Those agencies on the list that responded to requests for comment or returned public-records requests mainly described tenuous ties to OUR.
Police in Fairfield, California, for example, replied to a public records request about their relationship to OUR with a copy of a press release introducing the department’s newest member, K-9 Frankie—a 20-month-old labrador retriever trained to detect hidden electronic storage devices. According to the release, Frankie’s acquisition was funded by a donation made by the Doterra Healing Hands Foundation through OUR. Police could find no other records of dealings between OUR and the department.
A spokesperson for the sheriff’s office in Seminole County, Florida, for her part, was puzzled when told by VICE World News that OUR says it has supported the office, and initially said that she was unfamiliar with the organization. She then explained that the department has a dog named Siri, who is trained to sniff out thumb drives, hard drives, and other electronic devices, and that OUR had recently requested that the dog attend a fundraising event in Longwood, Florida. Siri was otherwise engaged, but the sheriff’s office did give permission for a video about the dog to be shown. VICE World News was able to identify one tie—according to a 2017 video about Siri, the dog was, like Frankie, purchased with funds from a grant from the Doterra Foundation, in partnership with OUR. (Doterra is a multi-level marketing company that sells essential oils and is popular with Mormon women; Healing Hands is its charitable foundation. In response to a question from VICE World News about whether OUR or Doterra paid for Siri, a spokesperson responded, « The doTERRA Healing Hands Foundation is a registered 501(c)(3) non-profit organization that has donated to Operation Underground Railroad for domestic and international rescue operations and aftercare, including the funding of police dogs. »)
Kurt Sorenson, a police captain in Sutherlin, Oregon, said that like many agencies, the Sutherlin Police Department has an undercover officer using apps where adults look to meet kids. OUR has trumpeted its support of this program, tweeting, « With O.U.R.’s support, the Sutherlin Police Department in Oregon arrested 2 adult males in 2 operations. In one case, an adult male attempted to begin an online relationship with a 15-year-old female and then arranged to meet at a location and where he was arrested.” Via email, Sorenson described the nature of OUR’s support: « Operation Underground Railroad paid for our officer to attend training. I’m sure we could find specifics, but looking through old e-mails it looks like they at least paid for 3 nights hotel room for the officer for $309.51. I think the course may have been free. It looks like they also paid for his meals. »
In an email, Sheriff Nathan Sickler of the Jackson County Sheriff’s Office in Oregon said, after being told that VICE World News was asking questions in part because OUR is under investigation in Utah, « We have just began to work with OUR as we have started a Anti-Sex Trafficking Task Force and a Task Force to address Internet Crimes Against Children in Jackson County and we are in process of an agreement to accept funding to help with equipment/office supplies for this. Our relationship with OUR is newer and we will be monitoring the status of the investigation prior to moving forward with accepting funding or furthering our partnerships. »
A spokesperson for the Taylorville, Illinois police department, when contacted about its relationship with OUR, said he had never heard of it. Further inquiries revealed that OUR had in fact given the department a grant of « a couple grand » for equipment.
John Jurkash of the Whitestown, Indiana police said that after members of the department met OUR representatives at a conference in 2018, the group donated around $5000 to help the department buy software to set up a cyber forensics investigation division, and made another donation in 2019.
Apart from the Washington State Patrol, the group VICE World News was able to identify that received the most substantial support from OUR was the ILEAS Foundation, an Illinois non-profit. In July 2018, OUR gave it a $100,000 grant earmarked for computer equipment for a task force dealing with internet crimes against children; some of the money went to Cellebrite, an Israeli firm that sells tools used to crack iPhones.
Records obtained by VICE World News show what OUR grant money given to the ILEAS Foundation went to buy.
OUR’s president of operations regularly emailed the foundation reminding it to update OUR on the uses to which the equipment was being put and asking for general overviews of not yet publicized cases. « We routinely relay such anecdotal stories, » he wrote, « to donors who revel in such accounts. »
Ballard and OUR are aware that aspects of their work have become controversial. In a YouTube video in October, Ballard, holding a clipboard and beaming with intense jollity at his audience, responded to some of the most persistent criticisms of the organization. His high 2018 salary, for instance, reflected the security costs he’d had to pay to make his home safer following « crazy death threats, » he said, and said he was instructed to count those expenses as part of his salary by the organization’s accountants. He takes celebrities on operations to raise awareness, not for personal glory. And, responding to criticisms that OUR simply funnels work to other organizations and doesn’t do the heavy lifting itself, he said, « We have many, many partners. This is not to say that we don’t also possess the expertise in the field. The full-time people at OUR are former law enforcement who have worked these types of cases for decades. Same with our aftercare department. Same with every part and department of OUR. However, we are also smart enough to understand that there are certain cultural sensitivities in certain countries, that if we can find a partner who can do certain things better than we can do, we’re not so proud that we’re not going to recognize that and empower those groups to jointly combat the problem. The goal is to rescue kids. So we’re gonna work in a way that does that effectively, quickly and safely as possible. That means we partner with people. »
The allure of Operation Underground Railroad’s story wasn’t built on partnerships or attention to cultural sensitivity, though. Its most devoted fans continue to lavish money and praise on the organization because they are invested in the idea of a group of tough, all-American ex-military types working to directly confront the evils of sex trafficking in ways the government can’t. The allure of that type of group remains as strong as ever; in recent years, more and more similarly styled organizations have began filling the landscape, promising that they, and they alone, are able to venture deep into the underground world of sex trafficking to rescue the women and girls held therein. It seems unlikely that anything would shake them in their belief.
In response to detailed lists of questions from VICE World News about the reporting in this story, OUR issued a statement that reads, in full:
Operation Underground Railroad’s (O.U.R.) mission is to help rescue and protect victims of child sex trafficking and exploitation, bring their perpetrators to justice, provide survivors with life-saving aftercare services, and raise awareness of this worldwide scourge.
O.U.R. strives to be a force multiplier, working closely with law enforcement globally to understand how to provide the needed tools and resources, within the confines of each country and agency structure, to safeguard children from harm and bring predators to justice while delivering optimal outcomes and tangible impact.
In carrying out this mission, O.U.R., an organization not affiliated with any religion or denomination, has sought to comply with all laws that regulate non-profits since its inception in 2013. We have remained highly focused on our financial stewardship of donor funds and being transparent about O.U.R.’s use of the great financial support we receive from our donors. If asked, O.U.R. will cooperate fully with any official inquiry into its operations.
We are proud to help play a part in giving better lives to children around the world. Keeping child predators away from our children is paramount and we will always support legal efforts to protect children.

Voir enfin:

Humphry Osmond

Countering schizophrenia with vitamins

Abram Hoffer
26 Feb 2004

The outstanding achievement of the psychiatrist Dr Humphry Osmond, who has died aged 86, lay in helping to identify adrenochrome, a hallucinogen produced in the brain, as a cause of schizophrenia, and in using vitamins to counter it. This breakthrough established the foundations for the orthomolecular psychiatry now practised around the world.

British by origin, but resident in North America for more than half a century, he also saw value in the wider use of hallucinogens, whether to increase doctors’ understanding of mental states; architects’ appreciation of how patients perceive mental hospitals; or general imaginative and creative possibilities, notably through his association with the writer Aldous Huxley. A cultural byproduct of their exchanges was the coining of the adjective « psychedelic ».

I first met Humphry in 1952, after he had emigrated with his wife Jane to become clinical director of the mental hospital in Weyburn, Saskatchewan, Canada where I was director of psychiatric research. He wanted to get as far away from Britain as he could to continue the work for which he had received no encouragement in a largely psychoanalytic environment.

At the St George’s Hospital, Tooting, London, he and fellow researcher John Smythies had examined the experience induced in normal volunteers by mescaline, the active hallucinogen extracted from the peyote plant, and realised that in many ways it was similar to people’s experience of schizophrenia. It then struck them that mescaline is similar in structure to adrenaline, and that the schizophrenic body might contain a substance with the properties of mescaline, and somehow related to adrenaline.

The psychiatric hospitals in Saskatchewan housed about 5,000 patients, of whom half were schizophrenic. Admission was for them a life sentence, and conditions were appalling. The work of Osmond and Smythies, who also came to Canada, offered a way forward: the adrenochrome hypothesis, which the three of us reported in a paper in the Journal of Mental Science in 1954.

We contended that in schizophrenic patients there was an abnormal production of adrenochrome, a derivative of adrenaline, and that this played a role in the genesis of the condition. Three questions presented themselves: was adrenochrome really formed in the body, was it a hallucinogen and would an antidote be therapeutic for these patients? The answer to all three was yes.

To further our understanding of the psychology of schizophrenia, our biochemical team worked on adrenochrome, to establish how it was made and what it did. Then our clinical team conducted the first double-blind controlled experiment in psychiatry. We proved that adding one vitamin, B3 (niacin), to diets doubled our recovery rate of acute or early schizophrenic patients over the course of two years, and the results were confirmed by research in the US.

Convinced that we had discovered a very important, new and safe way of helping our patients, in 1966 we were joined by the double Nobel laureate Linus Pauling, who first employed the term orthomolecular psychiatry for the technique in a paper in the journal Science in 1968. Throughout this work, which left thousands fully recovered, Humphry was intelligent, calm, kind, full of creative ideas, and undeterred by conservative psychiatric opinions.

He approached other disorders with equal originality. The problem for chronic drinkers was complementary to that of schizophrenics, but rather the reverse: they needed to experience the hallucinations of delirium tremens in order to give up drinking. So for those whose brains had not generated the necessary chemicals, from 1956 onwards we adopted a hallucinogenic treatment. Out of more than 2,000 alcoholics in four institutions, 40% recovered. We used d-lysergic acid diethylamide (LSD) rather than mescaline because it was easier to work with.

Humphry’s extensive list of papers and books, often co-authored, included our joint works The Chemical Basis Of Clinical Psychiatry (1960) and How To Live With Schizophrenia (1966). With BS Aaronson he wrote Psychedelics: The Uses And Implications Of Hallucinogenic Drugs (1970), and with Miriam Siegler, Models Of Madness, Models Of Medicine (1974).

Born in Surrey, Humphry went to Haileybury school, Hertfordshire. Medical studies at Guy’s Hospital, London, led to second world war service as a surgeon-lieutenant in the Navy, and training to become a ship’s psychiatrist. After the war, he obtained a psychiatric post at St George’s, and began to study the pharmaceutical treatment of mental illness in the light of the Swiss chemist Albert Hoffman’s description of how the effects of LSD resembled those of early schizophrenia.

Once Humphry’s work had found the recognition and resources it needed in Canada, his observation of the chemical similarity of mescaline and adrenaline came to the notice of Aldous Huxley. Drug use had been a feature of the novelist’s Brave New World (1932), and he was keen, in 1953, to offer himself as a guinea pig.

Humphry was reluctant: he did not « relish the possibility, however remote, of finding a small but discreditable niche in literary history as the man who drove Aldous Huxley mad ». Fortunately the writer found the experience mystical and revelatory.

Their resulting correspondence led to Humphry telling the New York Academy of Sciences in 1957, « I have tried to find an appropriate name for the agents under discussion: a name that will include the concepts of enriching the mind and enlarging the vision … My choice, because it is clear, euphonious and uncontaminated by other associations, is psychedelic, mind-manifesting. »

None the less, Humphry had no enthusiasm for the drug excesses of the counterculture: to him, hallucinogens were « mysterious, dangerous substances, and must be treated respectfully », and he regretted the loss of medical opportunities caused by their ban by the end of the 1960s.

After Saskatchewan, he became director of the Bureau of Research in Neurology and Psychiatry at Princeton University, New Jersey (1961-71), and then went to the University of Alabama School of Medicine (1971-92), where he was joined as a fellow professor by Smythies.

He is survived by his wife, two daughters and a son.

· Humphrey Fortescue Osmond, psychiatrist and researcher, born July 1 1917; died February 6 2004

Voir par ailleurs:

The hate that never dies

Daniel Markind

For over 800 years, they lay there, at the bottom of a well, mute witnesses crying out for justice. Nobody cared when they were thrown into the well, haphazardly like so much waste. Five of the 17 bodies lying at the bottom of the well were children and siblings, not more than 8 years old. None could have posed a threat to anyone, but that wasn’t the point. It never has been the point. The Ashkenazi Jews who likely were slaughtered during the blood libel in Norwich, England were the same as the European Jews who came under control of the Nazis, the Russian Jews who lived in Kishinev in 1903 and 1905 and so many other Jews who just happened to be in a place where anti-Semitism erupts into madness and murder.

In Norwich, the remains were only discovered when construction workers broke ground for a shopping mall in 2004. The bodies were randomly disposed of, lending researchers to conclude that this was not a sacred burial site. Researchers then took DNA samples and determined that they almost certainly were Ashkenazi Jews and most likely died in the late 1100s or early 1200s. While not definitive, a logical choice would be the blood libel which took place in Norwich in 1189 and 1190. These murders, among the most brutal that occurred against Jews in the Middle Ages, have been attributed to many stimuli, including the Crusades and the presence of Jews at the coronation of King Richard I in 1189. Anti-Jewish violence then erupted in Norwich, York and other cities and towns, stunning England’s small Jewish community.

Perhaps what’s most striking about the find in Norwich is that it’s not surprising. In almost any part of Europe, scenes like those from Norwich in 1189 and 1190 were duplicated. The bones found in other places may not be from 800 years ago, but they might be from 400 years ago in Poland, 120 years ago in Russia or any other time period over the last 2000 years. In any part of Europe, it is possible to just stumble over the remains of Jewish people murdered during a spate of anti-Semitic violence.

Israel was founded out of the ashes of the Holocaust, but the embers that lit the Zionist fire smoldered before the world had heard of Adolf Hitler. What Theodore Herzl saw in Paris in 1894 could have happened anywhere, at any time and for seemingly any reason, or more correctly for no reason.

The Norwich massacre is instructive. The Jewish community was centered in the area around the castle, in a location known as “Jewry”. They lived there because they were under the protection of the king, as they had no other way to defend themselves. When the mob came for them, the sovereign could invite them into the castle for protection. However, if he decided it wasn’t enduring the wrath of his Christian subjects, he could ignore the Jews’ cries and leave them to the sword.

This happened again and again over the last 2,000 years. The Holocaust may have been a one-off, a mechanized, structured extermination so horrific it took place once over two millennia, but the Norwich story happened repeatedly. On July 4, 1946, as the United States was celebrating its first Independence Day after the end of World War II, 42 Jews in Kielce in Poland were massacred by a mob after a young boy falsely claimed he was kidnapped by Jews. One year after the Holocaust!

Better than any other recent event, the Norwich finding might describe the reason for the State of Israel. So long as Israel survives, no more will Jews worldwide feel powerless. So long as Israel exists, no more will anti-Semitic mobs feel they can attack Jews with impunity, regardless of whether they live in Israel or in the Diaspora.

Jews outside of Israel often get accused of dual loyalty. Are we truly loyal to our home countries or to the Jewish state? I have always answered that question by saying that if I ever really needed to make a choice between Israel and my home country (the United States) it wouldn’t be difficult, as one or the other wouldn’t be worth supporting. But in fact there is a different relationship between Jews and Israel and those of other ethnic groups and the country of their birth or ethnic heritage. Italian-Americans, Irish-Americans, Chinese-Americans and all other such hyphenated people may love their cultural heritage and the country of their ancestors, but they have no history of continually suffering pogroms and massacres without a safe haven as we do. Only Jews understand that wherever we travel in this world, there are places where our ancestors were murdered years ago for no apparent reason.

It is for this reason that Jews in the Diaspora must take extra care in their public pronouncements. The political views of Diaspora Jews span the political spectrum. Whether we like it or not, however, we all have a stake in the security of the State of Israel. Israel is not immune from or above criticism, but all Jews should appreciate its importance as we verbalize such criticism, especially in public. We can’t be naïve about how such criticism will be abused by those who wish us ill. The bodies at the bottom of the Norwich well can attest to that.

Voir par ailleurs:

100 000 enfants et cadavres sous New York ? Une rumeur sordide sans fondement

Un post de blog mêlant pédocriminalité, trafic d’êtres humains, drogue à base de sang et élites satanistes sur fond de coronavirus circule depuis début avril. Il ne s’appuie sur rien.

William Audureau

Le Monde
10 avril 2020

C’est un texte aussi sordide que glaçant. Et inventé de toutes pièces. Un post de blog, qui figurait début avril parmi les liens les plus partagés sur Facebook en France, évoque la découverte de cent mille enfants et cadavres dans un tunnel reliant le port de New York à la Fondation Clinton.

Le texte a été repris sur plusieurs blogs et également traduit en anglais. Mélange de plusieurs motifs récurrents de la littérature conspirationniste (complot des élites démocrates, pédophilie, satanisme), il ne s’appuie sur aucun fait avéré.

Ce que dit le texte

Ce long texte, publié le 5 avril, a pour titre : « Près de 100 000 enfants et cadavres ont été retrouvés dans un tunnel arrivant à la Fondation Clinton de New York ! »

Parmi les principaux éléments :

  • un réseau pédophile esclavagiste souterrain aurait été démantelé par une division spéciale du Pentagone. Ces enfants, malnutris et traumatisés, seraient pour certains soignés dans un hôpital spécial Covid-19 ;
  • les enfants auraient été découverts, affamés, pour certains victimes de sévices sexuels, dans un tunnel menant à la Fondation Clinton ;
  • le sang de ces enfants servait à produire une substance antivieillissement, l’adrénochrome, destinée à l’élite mondiale, qui serait sataniste.

Pourquoi cette information n’est basée sur aucun fait

Le texte, confus, approximatif, fantasmagorique et dénué de toute source sérieuse, ne s’appuie sur aucun fait avéré.

Relevons au moins trois faiblesses du récit :

  • le Federal Bureau of Investigations (FBI), chargé aux Etats-Unis des affaires de pédocriminalité, n’a jamais annoncé une telle découverte ;
  • les rumeurs pédophiles visant les démocrates sont un marqueur classique du complotisme d’extrême droite ;
  • l’adrénochrome existe bien, mais n’a rien à voir avec la description donnée ici.

1. Il n’y a eu aucun démantèlement pédophile de cette ampleur

Il existe dans la plupart des pays une unité chargée d’enquêter sur les trafics pédophiles. Première erreur : celle-ci est gérée aux Etats-Unis par le FBI et non le Pentagone.

Baptisée Child Exploitation and Human Trafficking Task Forces (CEHTTFs, pour « forces d’intervention contre l’exploitation des enfants et le trafic d’êtres humains »), elle participe effectivement à des démantèlements de réseaux, mais aucun n’a eu lieu dans les tunnels de New York.

En 2019, 337 individus liés à un site de pédopornographie ont ainsi été arrêtés dans 38 pays, dont la France, à la suite d’une enquête internationale d’ampleur. La même année, le FBI a permis l’arrestation d’un Français en possession de 80 000 images illégales. Le FBI a également identifié et dans certains cas sauvé plus de 100 mineurs victimes d’esclavage sexuel sur le territoire américain, après avoir infiltré un réseau de petites annonces en ligne pour des escort girls.

Celui mentionné ici n’apparaît nulle part. En tout, le FBI affirmait à l’été 2019 avoir identifié ou sauvé plus de 6 600 mineurs depuis la création des CEHTTFs en 2003. L’identification de 100 000 enfants ou cadavres aurait été, de loin, le plus grand démantèlement de son histoire.

2. La Fondation Clinton, cible récurrente de fausses rumeurs

C’est bien à New York, plus exactement à Manhattan, que se situe l’un des deux bureaux de la Fondation Clinton, une ONG américaine créée en 1997 pour, selon son site officiel, « créer des opportunités économiques, améliorer la santé publique et susciter l’engagement et le service civiques » aux Etats-Unis et dans le monde.

Par ailleurs, un hôpital de campagne a bien été établi à Central Park, au cœur de Manhattan, pour faire face à l’épidémie de Covid-19, dont New York a été l’épicentre en Amérique du Nord. Mais le reste n’est que conjectures et assertions fantaisistes : dans les faits, aucun trafic d’humain n’a été découvert à la Fondation Clinton.

La Fondation Clinton est l’objet récurrent de théories du complot. Celle-ci a par exemple été accusée en février – au détour d’un simple post Facebook non sourcé – d’avoir ourdi la mort de l’acteur Paul Walker, qui aurait été sur le point de révéler que l’ONG exploitait des enfants à Haïti.

Dans les récentes théories du complot, les démocrates sont régulièrement accusés de trafic d’êtres humains, comme par exemple avec le « Pizzagate » (une rumeur, lancée par l’extrême droite, accusant Bill Clinton et ses proches de prendre part à des fêtes pédophiles dans une pizzeria de New York). « Il y a eu dernièrement une cristallisation, liée au fait que ces rumeurs ont été particulièrement reprises et mises en avant par des sites d’extrême droite. Dans ces théories du complot, on cible toujours ses ennemis », resitue Julien Giry, docteur et chercheur associé en sciences politiques à l’Université Rennes-I, spécialiste du complotisme américain.

En octobre, une rumeur comparable sur Before It’s News, site spécialisé dans les fausses informations racoleuses, faisait état de 21 000 enfants en cages découverts dans des tunnels souterrains, cette fois sous une base militaire californienne. Leur sauvetage était une nouvelle fois attribué à la prétendue Pentagon Pedophile Task Force, une unité dont l’existence n’a jamais été prouvée, et qui aurait été créée, selon la rhétorique complotiste américaine d’extrême droite, par Donald Trump.

3. L’adrénochrome n’a rien d’une drogue sataniste

Cette substance dérivée de l’adrénaline s’obtient en laboratoire et non en sacrifiant des enfants. Elle a par ailleurs comme principaux effets d’accélérer le rythme cardiaque, comme le rappelle AFP Factuel, et non de permettre le rajeunissement. Son usage comme psychotrope est extrêmement marginal.

Elle doit essentiellement sa réputation au roman de Hunter S. Thomson, Las Vegas Parano, dans lequel le héros, Raoul, fourni par un dealer sataniste, la consomme comme hallucinogène.

Interrogé sur sa provenance, son fournisseur lui explique qu’elle ne peut être prélevée que sur les glandes surrénales d’une personne vivante, non d’un cadavre. L’explication, fictionnelle, a semble-t-il été prise au premier degré dans la littérature complotiste.

Voir aussi:

Comment le site de commerce Wayfair s’est retrouvé accusé d’organiser un réseau pédophile

Une nouvelle rumeur se répand sur Internet, qui mêle raccourcis peu convaincants, mais illustre aussi, en creux, le laxisme de certains moteurs de recherche.

William Audureau

Le Monde
6 juillet 2020

Un homme lourdement armé est recroquevillé dans un placard. « Moi, attendant d’être envoyé à Hollywood dans un placard Wayfair, pour dégommer les stars pédophiles qui vont l’ouvrir », commente le texte associé.

De nombreux internautes accusent le site en ligne Wayfair de vendre des enfants aux élites, sous couvert d’armoires industrielles aux prix jugés suspects.

La référence glissée dans cette image postée sur Twitter peut paraître sibylline. Mais, pour des centaines de milliers d’internautes, elle renvoie clairement à un supposé trafic d’enfants organisé par un site d’e-commerce américain spécialisé dans l’ameublement, Wayfair. Un trafic qui profiterait aux puissants d’Amérique.

D’un prix exorbitant aux fichiers d’enfants disparus

Tout commence vers le 9 juillet par la découverte d’armoires en vente sur Wayfair à des prix semblant délirants – des milliers de dollars pour des meubles ou accessoires de décoration d’une grande banalité.

Des apprentis enquêteurs, intrigués par ces prix, tapent les numéros de référence de ces produits sur le moteur de recherche Yandex – leader en Russie, 5e dans le monde –, dont la modération n’est pas réputée très pointilleuse. Ils associent cette recherche aux termes « src usa », suspectés depuis quelques semaines sur Reddit et YouTube d’être un code utilisé par des pédocriminels sur Internet. Or à cette requête, le moteur de recherche russe renvoie des photos de très jeunes filles, dont certaines dans des poses suggestives.

C’est, pour eux, l’indice que les clients de Wayfair n’achètent pas seulement une armoire, mais aussi des enfants. Une vaste « enquête » collaborative en ligne débute. D’autres internautes croisent ensuite les noms de ces meubles (Marion, Daniel, Cassandra…) avec les fichiers d’enfants disparus, or certains coïncident. Ainsi naît le « Wayfairgate », comme l’appellent ses adeptes.

Le « Wayfairgate » reprend le mode de pensée complotiste : chercher des coïncidences entre des éléments a priori sans rapport, comme des produits d’ameublement et des signalements d’enfants disparus.

« Aucun fondement à ces allégations »

Le « Wayfairgate » se répand comme une traînée de poudre sur Twitter, Reddit, et le jeune réseau social TikTok, où le mot-clé a été vu plus de 40 millions de fois. Il atteint dans la foulée les berges de l’Internet francophone, que ce soit sur le compte conspirationniste Radio-Québec ou le forum Jeuxvideo.com. L’ampleur prise par la rumeur contraint l’enseigne à contester publiquement :

« Il n’y a évidemment aucun fondement à ces allégations. Les produits en question sont des armoires de qualité industrielle dont le prix est justifié. Nous reconnaissons que les photos et descriptions offertes par le fournisseur n’expliquaient pas le haut niveau de prix de façon adéquate, et avons donc temporairement retiré ces produits du site (…). »

« Serait-il possible que ces armoires hors de prix cachent un réseau de trafic d’humains ? », s’interroge un internaute sur Reddit, tout en soulignant que ces armoires portent des noms de personnes.

La nébuleuse complotiste QAnon à l’œuvre

Des explications qui n’ont guère convaincu QAnon, un réseau informel de centaines de milliers d’internautes persuadés qu’un employé anonyme de la Maison Blanche, surnommé « Q », et secrètement aidé par Donald Trump, lutte de l’intérieur contre un réseau pédosatanique impliquant le gratin d’Hollywood et le Parti démocrate. QAnon a joué un rôle moteur dans la diffusion du Wayfairgate.

« La QAnonsphère est une éponge à complotisme, détaille Tristan Mendès France, maître de conférences associé à l’Université de Paris, spécialisé dans les cultures numériques. Tout complot qui va dans le sens de leur base idéologique, qui est ultratraditionaliste, d’extrême droite, un peu suprémaciste sur les bords, ils l’adoptent. Ils en sont maintenant à parcourir le Web à la recherche d’incohérences, n’importe où, de séries de chiffres ou de lettres. »

Ils ont ainsi tissé des liens entre Wayfair et George Soros, milliardaire qui obsède QAnon. A partir d’un simple coussin à motifs, les noms de Bill Gates, Bill Clinton ou encore John Podesta, souvent cités dans la complosphère anglophone, ont également été rattachés à la rumeur. De même que celui de Tom Hanks, pour avoir posté, en 2016, la photo d’un gant tombé à côté des fameuses lettres « src usa », à même le goudron.

La QAnonsphère a rapidement réorienté cette histoire d’armoires et de coussins aux prix louches vers sa thématique fétiche : un complot cabalistique impliquant les élites démocrates.

« Les adeptes de QAnon sont conditionnés pour penser que les gens puissants font leurs méfaits en public, en usant d’un réseau complexe de symboles, de codes, de clés et d’images que seules les autres personnes puissantes comprenaient – jusqu’à ce que Q les aide à déchiffrer le code », reconstitue Mike Rothschild, auteur d’une étude sur les théories du complot loufoques, The World’s Worst Conspiracies (Acturus, 2020, non traduit).

Une enquête polluée par les biais et les faux

Autant de preuves, pensent-ils, quitte à tomber dans une erreur de raisonnement que Gérald Bronner appelle, dans La Démocratie des crédules (PUF, 2013), la « négligence de la taille de l’échantillon ». En l’occurrence, ces coïncidences isolées sont très peu significatives une fois rapportées aux quantités astronomiques étudiées : 460 000 signalements d’enfants disparus ont lieu chaque année aux Etats-Unis, et pas moins de 18 millions de produits commerciaux différents sont répertoriés sur Wayfair.

Les discussions en ligne se font en outre sur la base d’infox. Comme une publicité faussement attribuée à Wayfair, mais en réalité tournée en 2018 pour FedEx ; la rumeur non fondée de la démission du PDG de l’entreprise ; ou encore les liens allégués entre Ghislaine Maxwell, la confidente du milliardaire pédocriminel Jeffrey Epstein, et un homme présenté – à tort – comme le directeur des opérateurs de Wayfair.

Le spectre du « Pizzagate »

Autant de raisons pour lesquelles cette théorie du complot laisse les experts dubitatifs. Tristan Mendès France évoque ainsi une « bourrasque délirante ». Le site de vérification américain Snopes juge l’idée même « absurde » :

« Est-ce qu’une grande entreprise utiliserait vraiment son site officiel pour permettre à des gens d’acheter des enfants en ligne ? »

Prudente, l’Internet Watch Foundation (IWF), qui lutte contre les contenus pédopornographiques en ligne, explique au Monde n’avoir « vu aucune preuve » de ce supposé réseau criminel.

M. Mendès France rappelle le cas de l’intox du « Pizzagate ». En 2016, une rumeur conspirationniste accusant une pizzeria de Washington d’héberger des orgies pédophiles pour élus démocrates avait conduit un internaute à faire irruption dans les lieux, armé d’un fusil d’assaut. « Avec le Wayfairgate, on a un vrai phénomène de foule assez malsain. L’inquiétude est sur le volume. On n’est pas à l’abri d’un dérapage de ce genre », prévient l’expert des communautés en ligne.

Du contenu illégal sur Yandex

Pourtant, au-delà des outrances sur Wayfair, ces théories mettent le doigt sur un problème bien réel : le moteur de recherche russe Yandex renvoie dans ses résultats vers du contenu illégal, davantage que Google ou DuckDuckGo, plus regardants sur la question. A partir de la recherche « src usa », Le Monde a ainsi pu tomber en quelques clics sur des photos de mineures, certes vêtues, mais associées à des mots-clés pédopornographiques. Celles-ci ont depuis été supprimées.

« Il semble que cela soit le résultat de ce qu’on appelle du Google bombing, un problème qui affecte tous les moteurs de recherche de temps à autre, et contre quoi nous nous battons depuis longtemps », explique au Monde l’entreprise russe, qui a depuis fait le ménage. L’IWF confirme que « src usa » ne fait pas partie des codes pédophiles que la fondation a identifiés et qu’elle traque. Autrement dit, en cliquant sur les contenus jugés suspects, les enquêteurs amateurs du Wayfairgate auraient conditionné Yandex à leur renvoyer des images de jeunes filles, assure le moteur russe.

Les résultats pour « src usa », qui contenaient de nombreuses photos de fillettes habillées, ont été nettoyés par Yandex.

Pour autant, cela n’explique ni la présence de mots-clés pédophiles, ni celle en accès libre de contenus ambigus, voire ouvertement pédopornographiques, associés à des recherches voisines. Cette fois, QAnon n’y est peut-être pour rien. En janvier 2020, des experts alertaient déjà sur la prolifération de contenus sexuels illicites sur le moteur de recherche russe.

Voir enfin:

Dans « Touche pas à mon poste », le grand déballage de la théorie complotiste antisémite de « l’adrénochrome »

Un invité de l’émission phare de la chaîne C8 a présenté jeudi, sans grande contradiction, les tenants d’une théorie complotiste liée à des mythes antisémites.

Damien Leloup

Le Monde
10 mars 2023
Gérard Fauré et Cyril Hanouna sur le plateau de « TPMP », le 9 mars 2023.

La scène est irréaliste, même à l’échelle des fréquents dérapages à l’antenne de « Touche pas à mon poste » (TPMP). Jeudi 9 mars, Gérard Fauré, qui se présente comme « l’ancien dealer du Tout-Paris », est l’un des invités de Cyril Hanouna pour discuter de l’affaire Pierre Palmade. Au terme d’une tirade durant laquelle il accuse le Vatican d’être au cœur du trafic mondial de cocaïne, M. Fauré est pressé de revenir au sujet pour lequel il a été invité : la consommation de drogue de l’humoriste, impliqué dans un très grave accident de la circulation.

« Il est pas très net, j’affirme rien, mais y avait peut-être une histoire d’adrénochrome dans l’histoire (…) C’est la vérité, réveillez-vous, bon dieu », s’emporte M. Fauré. Brouhaha immédiat sur le plateau : qu’est-ce que l’adrénochrome ? La chroniqueuse de l’émission Myriam Palomba se fend d’une explication : « Plein de stars utiliseraient les sacrifices d’enfants pour boire leur sang afin d’avoir la jeunesse éternelle. » L’adrénochrome, une molécule qui serait contenue dans le sang des très jeunes enfants, aurait des propriétés miraculeuses.

Sauf que tout est faux. L’adrénochrome est bien une molécule proche de l’adrénaline, mais elle n’a aucun effet psychotrope, aucune propriété médicinale, et peut être aisément synthétisée. Mais depuis plusieurs années, une mythologie s’est développée autour de cette substance anodine, qui voudrait qu’elle soit produite en quantité et en bonne qualité par le corps des enfants lorsqu’ils sont torturés, voire qu’elle ne puisse être « récoltée » que tant que le sujet est vivant.

QAnon et mythes antisémites

Cette théorie complotiste a notamment été popularisée au sein du mouvement QAnon, aux Etats-Unis, dont certains militants accusaient Hillary Clinton, le Parti démocrate et des stars américaines d’avoir mis en place des « fermes » secrètes à adrénochrome, dans lesquelles des enfants étaient torturés puis exécutés pour récolter ce composé.

Ces théories semblent être inspirées du roman de Hunter S. Thompson Las Vegas parano, porté à l’écran en 1998 par Terry Gilliam – les deux œuvres mentionnent cette molécule et lui prêtent de fantasques propriétés hallucinogènes.

Mais elles se calquent surtout sur l’un des principaux mythes fondateurs de l’antisémitisme en Occident, celui du meurtre rituel d’enfants, mythe dont certains chercheurs font remonter l’origine à la Rome antique et dont l’existence est bien documentée dans l’Angleterre du Moyen Age avant d’essaimer dans l’ensemble de l’Europe. Cette théorie du complot veut que les juifs doivent procéder à des sacrifices rituels d’enfants chrétiens, souvent dans le but de boire leur sang, dans une inversion du rite chrétien consistant pour le prêtre à boire du vin représentant le sang du Christ.

Sur le plateau de « TPMP », les accusations de M. Fauré ont été accueillies avec une certaine bienveillance. Tout en affirmant que rien n’est prouvé, M. Hanouna et ses chroniqueurs assurent que « c’est quelque chose qui n’est pas totalement délirant » (Myriam Palomba), ou qu’il y a « énormément de gens sur les réseaux [sociaux] qui disent que Gérard soulève un truc qui est réel » (Cyril Hanouna).

M. Fauré assure ensuite, sans preuve, avoir connaissance d’un dossier judiciaire concernant une femme ayant voulu vendre son enfant à une « ferme » d’adrénochrome, puis affirme que des enfants « partent en Ukraine, il y a des Roumains qui viennent les kidnapper ». Sa tirade n’est interrompue par M. Hanouna que lorsqu’il évoque le nom d’Emmanuel Macron, déclenchant un brouhaha sur le plateau, avant que M. Hanouna mette fin à l’émission du jour.

Saisies de l’Arcom

Le passage de l’émission, largement diffusée sur les réseaux sociaux, a provoqué de vives réactions. « Nous avons été saisis, nous allons donc examiner la séquence et apprécier la suite à lui réserver », a dit l’Autorité de régulation de la communication audiovisuelle et numérique (Arcom) à l’Agence France-Presse, vendredi, sans préciser de qui émanaient ces saisines.

Une demi-heure après la fin de « TPMP », l’émission publiait un message sur Twitter assurant que les déclarations de M. Fauré « n’engagent que lui. Nous condamnons les propos tenus par notre invité à l’antenne ». En France, un média est juridiquement responsable des propos qu’il diffuse, y compris prononcés par un invité ou une personne interviewée.

L’émission « TPMP » et la chaîne C8 ont été et sont visées par de multiples procédures de la part de l’Arcom – une vingtaine au total depuis 2019. En février, la chaîne a été condamnée à une amende record de 3,5 millions d’euros pour des insultes ayant visé le député (La France insoumise) du Val-de-Marne Louis Boyard, invité sur le plateau de l’émission.

En février, la ministre de la culture, Rima Abdul Malak, avait laissé entendre, dans un entretien au Monde, que ces dérapages à répétition pouvaient remettre en cause la licence de C8, ce qui avait déclenché un tir groupé de protestations de l’ensemble des médias de Canal+, propriétaire de C8, et de Vivendi, le groupe de médias de Vincent Bolloré qui contrôle Canal+.


Guerre d’Ukraine: Il ne s’est rien passé d’exceptionnel avant le 24 février (Guess who, against Tucker Carlson and his petty telegrapher friends for Moscow, has just confirmed the open secret of the true reasons for Putin’s war on Ukraine ?)

28 juin, 2023

Un an après l’invasion de l’Ukraine, nous avons appris plusieurs leçons fondamentales. La première est l’ampleur des mensonges que le Kremlin a orchestrés sans relâche depuis des années pour justifier ses agressions successives : l’Occident est responsable de tout, l’Organisation du traité de l’Atlantique Nord (Otan) menace la Russie, soutient des nazis et des criminels de guerre, multiplie les provocations ; l’Europe est le valet de l’impérialisme américain. Ces discours délirants, relayés avec constance par le parti prorusse en Europe, ont trompé beaucoup de monde. Ils ont volé en éclat le jour de juin dernier à Saint-Pétersbourg où Poutine lui-même a fini par avouer ce qu’il pense depuis toujours : l’Ukraine est russe et, comme au temps de Pierre le Grand, la Russie va reprendre par la guerre ses territoires perdus. Balayée la propagande, balayés tous les mensonges, balayée la fable de l’Occident menaçant ! Empire colonial sous les tsars, la Russie fut le dernier empire colonial sous le communisme après la fin des empires anglais et français. Elle veut le redevenir, et l’on comprend aujourd’hui le sens de la phrase prononcée par Poutine en 2005 : « La chute de l’URSS fut la plus grande catastrophe politique du XXe siècle. » Parce que la chute de l’URSS, c’était la fin de l’Empire russe. La deuxième leçon de cette guerre est que l’ampleur de ces mensonges n’a eu d’égal que celle de nos illusions et de nos lâchetés. Ce n’est pas l’agressivité de l’Occident qui a conduit Poutine à envahir l’Ukraine, c’est sa passivité. En 2008, les leaders européens ont refusé à l’Ukraine et à la Géorgie l’adhésion à l’Otan pour ne pas irriter Poutine. Quelques mois plus tard, il envahissait la Géorgie. Quand il a envahi la Crimée, nous avons de nouveau répondu avec des sanctions bien modestes. Il est clair que les craintes infondées de provoquer Poutine, en le convaincant de notre faiblesse, ont ouvert la voie à l’invasion totale de 2022. Cette erreur majeure d’analyse fut d’abord celle de l’Allemagne et de la France. Depuis trente ans, la politique allemande est fondée sur la dépendance énergétique à la Russie, la dépendance commerciale à la Chine et le désarmement face aux deux. Celle de la France a consisté à courtiser la Russie pour trianguler sa relation avec les États-Unis, en espérant acquérir une position indépendante sans en avoir les moyens politiques et militaires. Que signifie « puissance d’équilibre » quand il y a, d’un côté, une démocratie qui est notre alliée depuis plus de deux siècles, qui nous a sauvés lors de deux guerres mondiales et nous a évité de devenir la province occidentale du Reich allemand ou de l’Union soviétique, et, de l’autre, une cleptocratie mafieuse qui succède à un régime totalitaire ayant asservi l’Europe pendant des décennies ? Les avertissements répétés des Européens de l’Est, qui savent, eux, ce qu’est l’impérialisme russe, ont été rejetés avec mépris comme des agitations de va-t-en-guerre hystériques. L’invasion de l’Ukraine nous montre l’échec de ces deux politiques et surtout l’urgence à ne pas les poursuivre. L’apaisement et les compromis avec un dictateur n’ont jamais marché. Le dictateur avance devant la faiblesse et recule devant la force. C’est aussi simple que ça depuis toujours. Si l’Europe veut une paix durable sur le continent, elle doit apprendre le langage de la puissance, le seul que les dictateurs comprennent. La troisième leçon est le degré de nuisance, de bassesse et de complicité du parti prorusse en Europe, particulièrement en France. Cette « cinquième colonne » des extrémistes, qui cherchent sans relâche à nous désarmer face à un loup qu’ils présentent comme un mouton, qui nous répètent depuis des années que Poutine est le plus grand dirigeant du monde, reprennent mot à mot sur les réseaux « antisociaux », avec les milliers de faux comptes, de trolls et de bots pilotés depuis Moscou, sur les télés Russia Today (RT) et autres, la propagande de Poutine : l’Ukraine n’existe pas, elle est russe, ses dirigeants sont des nazis. Pouchkine, le grand poète russe, disait : « Pourvu que l’on ait une auge, on trouvera les cochons. » Ils sont la boussole qui indique sans jamais se tromper la direction du déshonneur par le chemin le plus sordide. Depuis l’invasion de l’Ukraine, Le Pen, la baronnette des guichets de Moscou, et Mélenchon, le génuflecteur des plus infâmes dictatures, condamnent du bout des lèvres, car ne pas le faire serait un suicide, mais ils ne changent pas d’avis : tout est de la faute de l’Occident, surtout pas d’armes, surtout pas de sanctions ! Leurs députés européens ont même refusé de voter l’aide humanitaire à l’Ukraine, leurs parlementaires français ont refusé de voter l’entrée de la Suède et de la Finlande dans l’Otan. Lors du discours du président de la Rada ukrainienne à l’Assemblée nationale, mardi dernier, ils ont déserté l’hémicycle pendant que tous leurs collègues étaient debout pour l’applaudir. N’écoutez pas ce que disent les dirigeants des partis de la France russe, regardez leurs votes, regardez leurs gestes et vous comprendrez qu’ils n’ont rien lâché, qu’ils sont toujours en embuscade, comme des crapauds blottis sous une grosse pierre en attendant que passe l’orage… Claude Malhuret
C’est un coup dur pour les gens ici aux États-Unis, comme par exemple Tucker Carlson, qui ont répété les discours de Poutine. Prigozhin, le chef de Wagner lui-même, dit que ce sont des mensonges. Il y a eu beaucoup de gens qui ont répété ces mensonges de Poutine, et le chef de Wagner a même dit ‘ce sont des mensonges. Adam Kinzinger
La création des armes nucléaires est le résultat d’une intervention divine. Horrifié de voir que des hommes, les Européens et les Japonais qui les avaient rejoints, avaient déclenché deux guerres mondiales en l’espace d’une génération, sacrifiant des dizaines de millions de vies, Dieu a remis une arme d’Armageddon à l’humanité pour rappeler à ceux qui avaient perdu la peur de l’enfer qu’elle existait. C’est cette peur qui a assuré une paix relative au cours des trois derniers quarts de siècle. Cette peur a disparu aujourd’hui. Ce qui se passe aujourd’hui est impensable au regard des idées antérieures sur la dissuasion nucléaire : dans un accès de rage désespérée, les cercles dirigeants d’un groupe de pays ont déclenché une guerre à grande échelle dans les bas-fonds d’une superpuissance nucléaire. Cette peur doit être ravivée. Sinon, l’humanité est condamnée. Ce qui se décide sur les champs de bataille en Ukraine, ce n’est pas seulement, et pas tant, à quoi ressembleront la Russie et le futur ordre mondial, mais surtout s’il y aura un monde ou si la planète se transformera en ruines radioactives empoisonnant les restes de l’humanité. En brisant la volonté de l’Occident de poursuivre l’agression, nous ne nous sauverons pas seulement nous-mêmes et nous libérerons enfin le monde du joug occidental qui dure depuis cinq siècles, mais nous sauverons aussi l’humanité. Cela ne peut se produire qu’après une catharsis, après qu’ils aient renoncé à leurs ambitions. Nous ne devons pas répéter le « scénario ukrainien ». Pendant un quart de siècle, nous n’avons pas écouté ceux qui nous avertissaient que l’expansion de l’OTAN mènerait à la guerre, et nous avons essayé de retarder les choses et de « négocier ». En conséquence, nous avons connu un grave conflit armé. Le prix de l’indécision sera aujourd’hui plus élevé d’un ordre de grandeur. Mais que se passera-t-il s’ils ne reculent pas ? S’ils ont complètement perdu l’instinct de conservation ? Dans ce cas, nous devrons frapper un grand nombre de cibles dans plusieurs pays afin de ramener à la raison ceux qui ont perdu la raison. Moralement, c’est un choix terrible car nous utiliserons l’arme de Dieu, nous condamnant ainsi à de graves pertes spirituelles. Mais si nous ne le faisons pas, ce n’est pas seulement la Russie qui peut mourir, mais très probablement toute la civilisation humaine qui cessera d’exister. Nous devrons faire ce choix nous-mêmes. Même nos amis et sympathisants ne nous soutiendront pas dans un premier temps. Si j’étais Chinois, je ne voudrais pas que le conflit actuel se termine trop tôt et trop brutalement, car cela éloigne les forces américaines et donne à la Chine l’occasion de rassembler ses forces en vue d’une bataille décisive, directe ou, conformément aux meilleurs souhaits de Lao Tseu, en forçant l’ennemi à battre en retraite sans combattre. Je m’opposerais également à l’utilisation d’armes nucléaires parce que porter la confrontation au niveau nucléaire signifierait un déplacement dans une zone où mon pays (la Chine) est encore faible. En outre, une action décisive n’est pas conforme à la philosophie de la politique étrangère chinoise, qui met l’accent sur les facteurs économiques (lors du renforcement de la puissance militaire) et évite la confrontation directe. Je soutiendrais l’allié, en sécurisant son arrière-cour, mais je me cacherais derrière lui sans interférer dans le combat. (Mais peut-être que je ne comprends pas assez bien cette philosophie et que j’attribue des motifs erronés à nos amis chinois). Si la Russie effectuait une frappe nucléaire, les Chinois la condamneraient, mais ils se réjouiraient aussi au fond d’eux-mêmes qu’un coup puissant ait été porté à la réputation et à la position des États-Unis. Et quelle serait notre réaction si (Dieu nous en préserve) le Pakistan frappait l’Inde ou vice versa ? Nous serions horrifiés et attristés que le tabou nucléaire ait été brisé. Puis nous commencerions à aider les personnes touchées et à apporter les changements nécessaires à notre doctrine nucléaire. Pour l’Inde et d’autres pays de la majorité mondiale, y compris les pays nucléaires (Pakistan, Israël), l’utilisation d’armes nucléaires est également inacceptable pour des raisons à la fois morales et géostratégiques. Si elles sont utilisées et utilisées « avec succès », cela brisera le tabou nucléaire, c’est-à-dire l’idée qu’elles ne peuvent être utilisées en aucune circonstance et que leur utilisation conduira inévitablement à un Armageddon nucléaire mondial. Nous ne pouvons guère compter sur un soutien rapide, même si de nombreux pays du Sud éprouveraient de la satisfaction à voir vaincre leurs anciens oppresseurs, qui ont volé, perpétré des génocides et imposé une culture étrangère. Mais en fin de compte, les vainqueurs ne sont pas jugés. Et les sauveurs sont remerciés. La culture politique européenne ne se souvient pas des bonnes choses. Mais le reste du monde se souvient avec gratitude de la manière dont nous avons aidé les Chinois à se libérer de la brutale occupation japonaise et dont nous avons aidé les colonies à se libérer du joug colonial. Si nous ne sommes pas compris tout de suite, nous serons encore plus incités à nous améliorer. Cependant, il est fort probable que nous puissions gagner, ramener notre ennemi à la raison et le contraindre à reculer sans recourir à des mesures extrêmes et, quelques années plus tard, prendre position derrière la Chine, comme elle le fait aujourd’hui derrière nous, en la soutenant dans sa lutte contre les États-Unis. Dans ce cas, il sera possible d’éviter une grande guerre. Ensemble, nous gagnerons pour le bien de tous, y compris des habitants des pays occidentaux. Et puis la Russie et l’humanité persévéreront à travers toutes les épreuves et iront vers l’avenir, qui me semble radieux, multipolaire, multiculturel, multicolore, et qui donne aux pays et aux peuples une chance de construire leur propre et commun avenir.
Plus un régime démocratique survit longtemps, moins il risque de s’effondrer. A l’inverse, plus une autocratie survit longtemps, plus elle risque de s’effondrer. Michael McFaul
Les mercenaires du groupe Wagner ont parcouru 800 kilomètres à travers la Russie, abattu des avions et des hélicoptères, pris le contrôle d’un commandement militaire régional, provoqué une panique à Moscou – les troupes ont creusé des tranchées ; le maire a dit à tout le monde de rester chez soi – puis se sont retirés. Pourtant, d’une certaine manière, l’aspect le plus étrange du coup d’État avorté de samedi a été la réaction des habitants de Rostov-sur-le-Don, y compris des chefs militaires de la ville, face aux soldats qui sont arrivés et se sont déclarés leurs nouveaux dirigeants. Les mercenaires de Wagner ont débarqué dans la ville tôt samedi matin. Ils n’ont rencontré aucune résistance. Personne ne leur a tiré dessus. Une photo, publiée par le New York Times, les montre marchant d’un pas tranquille dans une rue, l’un de leurs chars en arrière-plan, tenant des tasses à café jaunes. Evgeny Prigozhin, l’ex-chef violent de Wagner, a posté des vidéos de lui en train de discuter avec les commandants locaux dans la cour du quartier général du district militaire du sud de la Russie. Personne n’a semblé s’inquiéter de sa présence. (…) Il est difficile de comprendre cette réaction sans prendre en compte le pouvoir de l’apathie, un outil politique très sous-estimé. Les politiciens démocrates passent beaucoup de temps à réfléchir à la manière d’impliquer les gens et de les persuader de voter. Mais un certain type d’autocrate, dont Poutine est l’exemple le plus frappant, cherche à convaincre les gens du contraire : ne pas participer, ne pas s’intéresser et ne pas suivre la politique du tout. La propagande utilisée dans la Russie de Poutine a été conçue en partie à cette fin. L’apport constant d’explications absurdes et contradictoires et de mensonges ridicules – le fameux « tuyau d’arrosage de faussetés » – encourage de nombreuses personnes à croire qu’il n’y a pas de vérité du tout. Il en résulte un cynisme généralisé. Si vous ne savez pas ce qui est vrai, après tout, vous ne pouvez rien y faire. Protester ne sert à rien. L’engagement est inutile. Mais l’effet secondaire de l’apathie s’est également manifesté hier. En effet, si personne ne se soucie de quoi que ce soit, cela signifie qu’ils ne se soucient pas de leur chef suprême, de son idéologie ou de sa guerre. Les Russes n’ont pas afflué pour s’engager à combattre en Ukraine. Ils ne se sont pas rassemblés autour des troupes en Ukraine et n’ont pas organisé de cérémonies émouvantes pour marquer leurs succès ou leurs morts. Bien sûr, ils ne se sont pas organisés pour s’opposer à la guerre, mais ils ne se sont pas non plus organisés pour la soutenir. Parce qu’ils ont peur, parce qu’ils ne connaissent pas d’alternative ou parce qu’ils pensent que c’est ce qu’ils sont censés dire, ils disent aux instituts de sondage qu’ils soutiennent Poutine. Et pourtant, personne n’a essayé d’arrêter le groupe Wagner à Rostov-sur-le-Don, et presque personne n’a bloqué le convoi Wagner en route vers Moscou. Les services de sécurité se sont fondus dans la masse, n’ont pas bougé et n’ont fait aucun commentaire. L’armée a creusé quelques tranchées autour de Moscou et envoyé quelques hélicoptères ; quelqu’un semble avoir envoyé des bulldozers pour creuser les autoroutes, mais c’est tout ce que nous avons pu voir. Qui réagira si un défi plus sérieux est lancé à Poutine ? Les militaires y réfléchiront certainement à deux fois : une douzaine de militaires russes, pour la plupart des pilotes, sont peut-être morts aux mains des mutins de Wagner, soit plus que lors du coup d’État manqué de 1991. Personne ne semble s’en préoccuper particulièrement. Anne Applebaum
Notre guerre sainte contre ceux qui insultent le peuple russe, contre ceux qui tentent de l’humilier, s’est transformée en un simple racket, plus précisément en un vol, élevé au niveau de la loi, au niveau de l’idéologie nationale. Evgueni Prigogine
Le groupe ukrainien a attaqué notre armée, nous avons attaqué la leur. Il ne s’est rien passé d’exceptionnel avant le 24 février 2022. Ce groupe n’a pas bombardé le Donbas pendant ces huit années, il a seulement échangé des tirs avec l’armée russe. Actuellement, le ministère de la défense tente de tromper le public et le président en racontant que les Ukrainiens ont commis une agression insensée et qu’ils allaient nous attaquer avec l’ensemble du bloc de l’OTAN. Mais la soi-disant opération militaire spéciale a été lancée pour des raisons totalement différentes. (…) La guerre était nécessaire pour qu’un groupe d’imbéciles triomphe et montre à quel point son armée est forte. Pour Shoigu, qui devait devenir maréchal, le décret était déjà prêt. (…) La guerre était nécessaire pour les oligarques. Elle était nécessaire pour le clan qui, aujourd’hui, dirige pratiquement la Russie. (…) La deuxième tâche la plus importante de la guerre était d’installer Medvedchuk comme président de l’Ukraine. Medvedchuk, qui s’était déjà établi à Kiev et attendait que l’armée arrive, que Zelensky s’échappe, que tout le monde dépose les armes, et qu’il devienne président. (…) De 2014 à 2022, le Donbas a été pillé. Il a été pillé par différentes personnes, certaines par l’administration présidentielle, d’autres par le FSB, d’autres encore par des oligarques comme Kurchenko. Ils ont volé l’argent des habitants du Donbas dans les territoires non reconnus de la RPD et de la RPL Le Donbas était l’endroit idéal pour voler de l’argent – d’abord Surkov, puis Kozak. Le FSB avait également toute une hiérarchie de généraux. (…) D’après ce que je sais de cette histoire, lorsque Zelenskiy est devenu président, il était prêt pour tous les accords. Il suffisait de descendre de l’Olympe, d’aller négocier. (…) Personne n’a détruit 60 Léopards, c’est un non-sens absolu. Aujourd’hui, l’armée russe se retire de Zaporizhzhia et de Kherson. Evgueni Prigogine
The Ukrainian group attacked our army, we attacked theirs. Nothing unique happened before February 24, 2022. This group did not bomb Donbas during these 8 years, only exchanged fire with the Russian army. Currently, the Ministry of Defense is trying to deceive the public and the president and tell the story that there was insane aggression on the part of the Ukrainians and that they were going to attack us with the entire NATO bloc. But the so-called special military operation was launched for completely different reasons. (…) The war was necessary for a group of fools to triumph and show what a strong army they are. For Shoigu – to become a marshal, the decree was already prepared. (…) The war was necessary for the oligarchs. It was necessary for the clan that today practically rules Russia. (…) The second most important task of the war was to install Medvedchuk as president of Ukraine. Medvedchuk, who had already established himself in Kyiv and was waiting for the army to come, for Zelensky to escape, for everyone to lay down their weapons, and he to become president. (…) From 2014 to 2022, Donbas was looted. It was looted by different people, some by the presidential administration, some by the FSB, others by oligarchs like Kurchenko. They robbed the money of people from Donbas in the unrecognized territories of the DPR and LPR. (…) Donbas was the perfect place to steal money – first Surkov, then Kozak. The FSB also had a whole hierarchy of generals. (…) As far as I know about this story, when Zelenskiy became president, he was ready for all agreements. All that needed to be done was to come down from Olympus, go and negotiate. (…) No one has destroyed 60 Leopards, this is absolute nonsense. Now the Russian army is withdrawing from Zaporizhzhia and Kherson. Evgeny Prigozhin
Our holy war with those who insult the Russian people, with those who try to humiliate them, has turned into mere racketeering, more precisely, into robbery, elevated to the level of law, to the level of national ideology. Yevgeny Prigozhin (Wagner chief)

Quels mensonges de Poutine ?

A l’heure où enlisés dans une impasse militaire …

Et au nom d’une salutaire « catharsis » contre la « déraison occidentale »…

Les idéologues de Moscou en appellent à nouveau à l’utilisation préventive de « l’arme de Dieu »

Pendant que, sur fond d’apathie de la population, se multiplient les dissensions au sein du pouvoir poutinien …

Et que n’ayant appris de notre coupable passivité passée comme l’a si brillamment rappelé le sénateur Claude Malhuret, notre cinquième colonne d’idiots utiles attend son heure …

Devinez qui, contre Tucker Carlson et ses amis petits télégraphistes de Moscou, vient de confirmer le secret de polichinelle des vraies raisons de la guerre de Poutine contre l’Ukraine ?

Adam Kinzinger Calls Wagner Rebellion in Russia a ‘Massive Blow’ to Tucker Carlson

The CNN commentator notes that Carlson has been “parroting Putin talking points”
Mason Bissada
The Wrap
June 24, 2023

CNN political commentator and former U.S. representative Adam Kinzinger said Friday the rebellion being waged in Russia by the Wagner military group is a “massive blow” to people like Tucker Carlson, who he said have been advancing arguments and propaganda favorable to Russian President Vladimir Putin since Russia invaded Ukraine over a year ago.

“It’s a massive blow to the people here in the United States, like, say, Tucker Carlson, who have been parroting Putin talking points,” Kinzinger said to Kaitlan Collins on CNN Friday. “To have Prigozhin, the head of Wagner himself, say ‘those have been lies.’ There have been a lot of people parroting those Putin lies, and the head of Wagner even just said ‘those are lies.’”

Kinzinger was referring to Yevgeny Prigozhin, the leader of the Wagner Group, who said in a Telegram post Friday that Putin’s reasoning for invading Ukraine was based on falsehoods spun by the Russian Ministry of Defense.

Carlson, now broadcasting his views via a show posted on Twitter after being fired by Fox News in April, has for nearly a decade expressed clear support for Putin and the Russian government. Since the unprovoked invasion of Ukraine in February of 2022 he has consistently promoted Russia’s version of events.

For instance, Carlson once blamed the administration of President Joe Biden for theinvasion of Ukraine, referring to it was a “regime-change war against Russia.”

“It may be worth asking yourself… ‘what is this really about? Why do I hate Putin so much?,” Carlson later said on his Fox News show last February. “‘Has Putin ever called me a racist? Has he ever threatened to get me fired for disagreeing with him? Has he shipped every middle-class job in my town to Russia? Did he manufacture a worldwide pandemic that wrecked my business and kept me indoors for two years? … Does he eat dogs?’ These are fair questions, and the answer to all of them is ‘no.’ Vladimir Putin didn’t do any of that.”

Carlson has also called Ukrainian leader Volodymyr Zelenskyy a “dictator” who “has no interest in freedom or democracy.”

Meanwhile the Wagner Group is a private mercenary army that has been a pillar of Russian foreign policy since its founding in 2014. Technically, such companies are illegal in Russia, but Prigozhin is a close friend of Putin’s who made a fortune from a catering business that received preferential contracts from the Russian government.

Wagner Group is also classified as a criminal organization by the U.S. government. The company sent approximately 50,000 soldiers as part of the invasion of Ukraine, most of whom are convicts offered clemency in exchange for fighting as part of Wagner.

But in the 30-minute Telegram post Friday, Prigozhin said Putin’s justification for invading Ukraine — the claim that Ukraine was planning to launch an offensive against Russian-controlled territories within its borders, was based on lies.

“There was nothing extraordinary happening on the eve of February 24,” Prigozhin said, referring to the date of the invasion in 2022. “The ministry of defense is trying to deceive the public and the president and spin the story that there was insane levels of aggression from the Ukrainian side and that they were going to attack us together with the whole Nato block.”

As of Saturday morning, the military group has apparently captured facilities in two Russian cities, Rostov-on-Don and Voronezh, and Putin claims the rebellion may be headed toward Moscow next, per CNN.

Voir aussi:

Day 485 of the Invasion of Ukraine: Prigozhin confirmed that Ukraine did not bomb Donbas and that NATO was not involved
Novinite
June 23, 2023

Bulgaria: Day 485 of the Invasion of Ukraine: Prigozhin confirmed that Ukraine did not bomb Donbas and that NATO was not involved

Day 485 of the invasion of Ukraine. Summary of key events in the last 24 hours:

Defense Minister Sergei Shoigu and Chief of the General Staff of the Russian Army Valery Gerasimov are committing genocide against the Russian people”. This was announced by « Prigozhin’s Press Service » – the official channel of the head of « Wagner » on Telegram. He confirmed the authenticity of statements that appeared on social networks, according to which the businessman calls on the Investigative Committee of Russia to investigate the two Russians.

« Yes, these statements are intended to make Gerasimov and Shoigu bear responsibility for the genocide of the Russian people, the killing of tens of thousands of Russian citizens and the surrender of Russian territories to the enemy. After all, the surrender is intentional, just like the murder of Russian citizens and the genocide. Shoigu committed genocide on a national basis« .

Shoigu’s father is Tuvan. The Minister of Defense is from the Republic of Buryatia, which is among the countries within the Russian Federation with the highest number of soldiers killed in the war against Ukraine. ”Russian Defense Minister Sergei Shoigu and the oligarchs ruling Russia are to blame for the war. The Ukrainians did not bomb Donbas.”

This was announced by the head of « Wagner » Yevgeny Prigozhin in a video, in which he demolished many Russian myths that justified the invasion on February 24, 2022. He defined the Ukrainian army as a « group » consisting of regular troops, nationalists, volunteers and others. And he briefly described the military actions from 2014 to 2022.

The Ukrainian group attacked our army, we attacked theirs. Nothing unique happened before February 24, 2022. This group did not bomb Donbas during these 8 years, only exchanged fire with the Russian army. Currently, the Ministry of Defense is trying to deceive the public and the president and tell the story that there was insane aggression on the part of the Ukrainians and that they were going to attack us with the entire NATO bloc. But the so-called special military operation was launched for completely different reasons”, the businessman said.

According to him, Shoigu, who wanted to receive more awards, is to blame for the war.

« The war was necessary for a group of fools to triumph and show what a strong army they are. For Shoigu – to become a marshal, the decree was already prepared. (…) The war was necessary for the oligarchs. It was necessary for the clan that today practically rules Russia. (…) The second most important task of the war was to install Medvedchuk as president of Ukraine. Medvedchuk, who had already established himself in Kyiv and was waiting for the army to come, for Zelensky to escape, for everyone to lay down their weapons, and he to become president« .

Prigozhin laughs off the stated goal of « denazifying » Ukraine, pointing out that after the capture of Medvedchuk by the Ukrainians, he was replaced by « practically the entire Azov battalion« , whose fighters, according to the head of « Wagner », are the best nationalists.

The entourage of the Russian head of state, Vladimir Putin, did not escape Prigozhin’s wrath unscathed.

« From 2014 to 2022, Donbas was looted. It was looted by different people, some by the presidential administration, some by the FSB, others by oligarchs like Kurchenko (Serhiy Kurchenko – Ukrainian pro-Kremlin businessman, wanted by Ukraine after March 2014.) . They robbed the money of people from Donbas in the unrecognized territories of the DPR and LPR. (…) Donbas was the perfect place to steal money – first Surkov (Vladislav Surkov – Putin’s adviser from 2013 to 2020), then Kozak (Dmitry Kozak – Putin’s deputy chief of staff). The FSB also had a whole hierarchy of generals« .

Prigozhin assures that as newly elected president Zelensky was ready to reach an agreement with Russia. And it was only necessary to « come down from Olympus » and conduct negotiations with him.

« No one has destroyed 60 Leopards, this is absolute nonsense. Now the Russian army is withdrawing from Zaporizhzhia and Kherson ».

Turkey allowed Bayraktar drones to be produced in Ukraine

The Turkish company « Baykar » has received permission from the state to produce the world-famous « Bayraktar » drones.

This is reported in « Yeni Akit », quoting the company’s executive director Haluk Bayraktar.

With the actions of the regulators, Ankara confirms that the Baykar plant will be built and operational. This is happening against the background of the war in Ukraine, which has been going on for almost a year and a half. However, production will not begin until 2025.

Even before the February 24, 2022 invasion, Baykar was working with Ukraine to build some drone components. After Russia invaded, Turkey assumed the role of mediator in the conflict, maintaining ties with both Къиж and Moscow. However, in August, the Kremlin reacted sharply to Baykar’s decision not to abandon the project.

In the autumn of last year, the Minister of Defense of Ukraine, Oleksii Reznikov, stated that, based on the existing agreements between Ankara and Kyiv, « Baykar » will open the plant, which will also have facilities for training pilots. In addition, the engines are expected to be Ukrainian-made.

Russian President Vladimir Putin has already requested a partnership with Baykar.

« Bayraktar TB2 » and « Akinci » are the two combat drones that will be able to be produced at the plant, the latter being the most modern Turkish UAV, and its production only started at the beginning of last year.

Baykar’s board chairman, Selcuk Bayraktar, is also the son-in-law of Turkish President Recep Tayyip Erdogan.

Russia fortifies Sevastopol and doubles the battle dolphins, London believes

The Russian army has invested heavily since last summer in the security of the Black Sea Fleet in Sevastopol, where it is also its main base. At the same time, the number of bottlenose dolphins in the harbor has almost doubled.

This is according to the latest summary of British military intelligence published by the Ministry of Defense on Twitter.

This morning’s post also notes that at least four layers of nets and bollards (barriers such as chains restricting shipping) have been constructed around the port. « In recent weeks, this defense has very likely been strengthened by an increase in the number of trained marine mammals, » the release said.

« Images, » the service said (without specifying) showed that the number of aviaries believed to contain bottlenose dolphins had « almost doubled« .

« In Arctic waters, the navy also uses belugas and seals. Russia has trained animals for a number of missions, but the purpose of those stationed in Sevastopol is very likely to be to deter enemy divers, » the message concludes.

An image to the same publication shows the aviaries with a comparison between their numbers in April and June 2023 based on satellite images. The barrier facilities in front of the harbor entrance are also visible.

The electronic publication « Meduza » has already noted that fighting dolphins are also used to guard the Crimean bridge.

The publication of the British service comes as Russia talks about Ukrainian plans to attack Crimea with American and British weapons. Yesterday, Russian representatives announced that Ukraine had struck the bridges connecting Crimea and the Kherson region. Russia has been beefing up land defenses in Crimea for months, and British intelligence said earlier this month that the intense defense buildup could be a sign of fears of an imminent offensive.

In the US Senate: Radioactive contamination of an ally’s territory should be considered an attack on NATO

Actions by Russia, Belarus « or their puppets » should be considered an attack on NATO if they lead to radioactive contamination on the territory of the Allies. A resolution with such content was submitted to the US Senate by Republican Lindsey Graham and his fellow Democrat Richard Blumenthal, reports « European Pravda ».

The two senators explain that they were prompted to present the resolution by Russia‘s announcement of the deployment of tactical nuclear weapons in Belarus.

The senators noted that this is the first precedent since the collapse of the USSR in which Russia has moved its nuclear weapons beyond its own borders, and it is a serious threat to global security amid the ongoing war in Ukraine.

The text also makes it clear that the second reason is the unpredictable situation at the Zaporizhzhia NPP, which is under the control of the occupation forces of the Russian Federation.

Graham and Blumenthal propose that any use of tactical nuclear weapons by the Russian Federation, Belarus « or their proxies » or the destruction of a nuclear facility that would lead to the entry of radioactive elements into the territory of NATO member states and cause serious damage, to be considered an attack on the Alliance and grounds for the use of Article 5 of the North Atlantic Treaty.

« The threat of Russia using nuclear weapons is real. The best way to contain this threat is to explain to Putin’s Russia what will happen if it uses nuclear weapons. Our message is aimed at Putin’s entourage.

The purpose of this resolution is to send a signal to Vladimir Putin and his military that they will be destroyed if they use tactical nuclear weapons or if they destroy the nuclear power plant in such a way as to pose a threat to the nearest NATO member…(Putin’s) troops risk being completely destroyed by NATO forces if they are so irresponsible and irrational as to use tactical nuclear weapons,” Senator Blumenthal said.

On Thursday, Ukrainian President Volodymyr Zelensky warned that Ukrainian intelligence had information that Russian forces were preparing to carry out a sabotage attack at the Zaporizhzhia Nuclear Power Plant (ZPP). According to the Institute for the Study of War, such an incident is unlikely, but not impossible. Zelensky said the planned attack would release radiation from the nuclear power plant and announced that Ukrainian officials would widely share their intelligence about the planned attack with partners and international organizations in the coming days.

The head of Ukraine’s Main Directorate of Intelligence (GUR) Kyrylo Budanov announced on June 20 that Russian forces had mined additional areas at the Zaporizhzhia NPP, including the facility’s cooling pool. The International Atomic Energy Agency (IAEA) said on June 21 that its officials had not spotted any mines in the cooling pond, although it acknowledged that Russian forces had mined areas in and around the plant. Russian forces would not be able to control the consequences of a deliberate radiation accident at the NPP, which could affect their forces more than Ukrainian forces at the Kakhovka Dam given the conditions at the time of the incident.

A deliberate radiation incident could also leave many areas in occupied southern Ukraine uninhabitable and ungovernable, further reducing Russia‘s ability to cement its occupation of southern Ukraine, and destroying the power plant would be a drastic act. Russian forces may be deliberately sending signals that they are preparing to sabotage the NPP in order to dissuade the Armed Forces of Ukraine from conducting counteroffensive operations in the area. The Kremlin regularly uses threats of nuclear escalation and warns of nuclear safety threats, de facto threats of its own making, in an effort to pressure Ukraine to limit its military action and prevent further Western aid.

Air alert throughout Ukraine

An air alert was declared across Ukraine early this morning, its armed forces said. Warnings have been issued about the danger of Russian missile strikes and drone attacks, reported Reuters, quoted by BTA.

Various channels on the Telegram social network reported explosions in several areas, from Lviv in the west, which is quite far from the front line, to Kherson in the south.

Air defense shot down a drone over the southern Russian city of Kursk, near the Ukrainian border, the governor of the region said a little later, as quoted by Reuters.

In Telegram, Roman Starovoit wrote that the air defense systems were activated twice that night. He made no mention of casualties or destruction and urged local residents to avoid any possible fallen debris.

Recently, a series of cross-border attacks from the territory of Ukraine have been carried out against southern Russia. There were also incursions of armed groups, for which opposition organizations opposed to the Kremlin later took responsibility.

Ukraine regularly refuses to comment on such attacks and incursions by armed groups.

Ukraine says it has stopped a Russian missile attack on a military airport

Ukrainian air defenses shot down 13 Russian cruise missiles early this morning, Reuters and AFP reported, citing a statement from the Ukrainian air force.

The missiles were aimed at an airport in Khmelnytskyi region in the western part of the country. They were launched from strategic bombers located over the Caspian Sea.

In addition, a drone of an unknown type was shot down, reports Ukrinform.

Kyiv: Ukrainian forces are holding back the Russian army on the eastern front

Ukrainian forces are holding back the Russian army on the eastern front and have not allowed it to advance « by a single meter, » Ukrainian Deputy Defense Minister Hanna Maliar said, quoted by Reuters.

« Our defense forces continue to effectively deter the Russian advance in the direction of Lyman, Bakhmut, Avdiivka and Mariinka, » Maliar wrote on Telegram.

Maliar added that the Ukrainian units on the southern front, which last week regained control over some villages, are « gradually advancing« . « We have partial progress. We are repelling the enemy and leveling the front line, » she pointed out.

Earlier, the head of the Moscow-appointed occupation authorities in Kherson Oblast, Vladimir Saldo, said that Kyiv forces had « bombed civilian infrastructure: bridges on the administrative border between Kherson Oblast and Crimea, near Chongar. » He published photos showing a crater in the road surface of the bridge.

Zelensky stated that Russia is hiding the bodies of the victims of the dam wall breach

Russia has formed special groups to collect and hide the bodies of people who died after the wall of the Kakhovka dam broke earlier this month, Ukrainian President Volodymyr Zelensky said, as quoted by Reuters.

« Russian evil has formed special groups there to remove and, it seems, hide the bodies of the victims, » Ukraine‘s head of state said in his traditional evening video address.

Zelensky described the situation in the Russian-occupied parts of the Kherson region as « catastrophic, to put it mildly. »

Kyiv and Moscow blamed each other for the wall’s collapse.

The official number of victims announced by the Ukrainian side is 21, and from there they stated that it includes five people who were killed by Russian shelling during evacuation operations. According to Russian representatives, the number of victims is 46.

Yesterday, the Ukrainian army said that the epidemic situation in the areas affected by the dam wall had deteriorated sharply, especially with regard to the spread of hepatitis A.

Ukrainian Environment Minister Ruslan Strilets estimated the damage from the disaster so far at more than 1.5 billion dollars.

Ukraine is suing Russia for billion over stolen gas pipelines in Crimea

Ukraine‘s state gas company Naftogaz said on Friday it has filed a lawsuit in the United States against Russia to recover billion it was awarded in The Hague in compensation for damage and lost property in Crimea.

« Since Russia has not voluntarily paid the funds to Naftogaz as intended, we intend to use all available mechanisms to recover these funds, » said the company’s executive director Oleksiy Chernyshov, quoted by Reuters.

In April, an arbitration court in The Hague ordered Russia to pay billion for illegally expropriating Naftogaz’s assets in Crimea following its annexation by Moscow in 2014.

Naftogaz’ assets in Crimea include Chornomornaftogaz, which extracted significant quantities of gas from the Black Sea.

The reason the case was filed in District Court for the District of Columbia is that the United States is among the countries where there are Russian assets, Chernyshov said.

He said the company is working on filing other lawsuits in the United States and other targeted jurisdictions.

Naftogaz began arbitration proceedings against Russia in October 2016. The Hague ruling follows hearings to determine the amount of compensation, which ended in March 2022.


Novinite is still the only Bulgarian media that publishes a summary of events and highlights related to the conflict, every single day. Our coverage began on day one – 24.02.2022 and will not stop until the war has concluded. Despite the pressure, our independent media will continue to provide its readers with accurate and up-to-date information. Thank you for your support! #stayinformed

Voir également:

A knife in the back to Russia; Prigozhin admitted everything, from the beginning there was only one plan: “Monstrous show of shame”

Serbia posten
June 24, 2023
A knife in the back to Russia; Prigozhin admitted everything, from the beginning there was only one plan: “Monstrous show of shame”

The mercenary chief once again sharply criticized the Russian military leadership and made several statements that do not coincide with the official Russian position on the causes and course of the war in Ukraine.

Prigozhin said that Ukraine would not attack Russia.

“Now the (Russian) Ministry of Defense is trying to deceive the public, it is trying to deceive the president and tell the story that there was a crazy aggression of Ukraine, and they are going to attack us together with the entire NATO bloc. Therefore, on February 24, the so-called special operation was launched from quite other reasons,” said Prigozhin.

He also stated that after the Russian occupation of part of Donbass in 2014, the Kremlin and the FSB robbed him.

“Donbas was a great place where the money was distributed,” he said.

Moreover, according to Prigozhin, it was possible to avoid war in the beginning.

“As far as I know about this story, when Zelenskiy became president, he was ready for all agreements. All that needed to be done was to come down from Olympus, go and negotiate,” claimed Prigozhin.

However, the Kremlin’s desire to appoint former MP Viktor Medvedchuk as the president of Ukraine overcame common sense.

“He (Medvedchuk) waited for Russian troops to arrive, Zelensky would flee, everyone would lay down their arms, and he would become president. The only task after that was to distribute material goods when they took control of Ukraine,” Prigozhin claims.

In addition, according to Prigozhin, this war was needed so that “a bunch of creatures would simply triumph and promote themselves, showing how strong the army is and for Shoigu to become a marshal.”

“As a result, the invasion of Ukraine turned into a ‘monstrous show of shame’ for Russia, as Russian President Vladimir Putin isolated himself from the first day and began to receive information about the course of hostilities from the Ministry of Defense, which misleads him,” he said. Prigogine.

The head of Wagner admitted that the slogans about the protection of the “Russian people” in the Donbass are actually reduced to a banal robbery of Ukraine.

“Our holy war with those who insult the Russian people, with those who try to humiliate them, has turned into mere racketeering, more precisely, into robbery, elevated to the level of law, to the level of national ideology,” he said.

During his monologue, Prigozhin repeatedly called the country’s military leadership “rotten scum”, “mentally sick scum” who “threw thousands of Russian boys into a meat grinder”.

The article is in Serbian

Voir de plus:

Russian Defence Minister should have been tried, and Putin is being deceived – New criticism of Wagner Group’s head
Ukrainska Pravda
23 June 2023

Russian Defence Minister should have been tried, and Putin is being deceived – New criticism of Wagner Group's head

Yevgeny Prigozhin, owner of the Russian Wagner Private Military Company (PMC), criticised Russian Defence Minister Sergei Shoigu and the General Staff for the failure of hostilities, stating that Ukraine did not plan to attack Donbas in 2022, and said that the Russian officials wanted the war, and the oligarchs wanted to make money.

Source: Prigozhin’s video

Quote: « After 2014, the entire Donbas was scattered and looted by various people. Some of them were from the presidential administration, some from the FSB, some oligarchs, such as Kurchenko [Serhii – ed.], were involved. These are people who stole money from the residents of Donbas, who were in the unrecognised republics of LPR [so-called Luhansk People’s Republic – ed.] and DNR [so-called Donetsk People’s Republic – ed.]. »

Details: Prigozhin said that Russian generals at that time were « squandering » money on the maintenance of the so-called military corps in these « republics ». Prigozhin also said that as of February 2022, Ukraine was not preparing an offensive on Donbas.

Quote: « As of 24 February, there was nothing extraordinary [on the contact line in Donbas – ed.].  Now the Russian Defence Ministry is trying to deceive society, is trying to deceive the president and create a story that there was insane aggression on the part of Ukraine and they tried to attack us together with the entire NATO bloc. »

Details: Prigozhin once again criticised the combat capability of the Russian army, which is not capable of conducting large-scale combat operations, and the generals « decorate themselves with medals like a Christmas tree. » He personally accused Shoigu of « killing thousands of Russian soldiers » in the first days of the war.

Quote: « He killed the most combat-ready part of the army, » Prigozhin said.

The war, according to him, was needed so that « a bunch of critters would promote themselves and show off what a strong army we have, so that Shoigu would get [the title of] marshal and a second hero star ». The war was also beneficial to « the oligarchic clan that actually rules Russia today ».

Quote: « In the middle of March, we [Wagner Group – ed.] were called to war. Shoigu went into hiding. He was nowhere to be seen. He was a shaking old man. He was thinking about how to get out of this situation. And at that moment, he should have been thrown into the dustbin of history and tried and punished for the fact that he destroyed tens of thousands of lives already at that time. »

Details: Prigozhin also criticised the Russian General Staff and its head Valery Gerasimov for the lack of leadership. Later, Prigozhin said that he wrote a statement to the Investigative Committee of the Russian Federation regarding Shoigu and Gerasimov.

Quote: « They still hope that they can win this war. But since there is no management, there are no military successes, the leadership of the Ministry of Defence carefully deceives the president and the president receives reports that do not correspond to reality. Two reports are being formed: one on the ground, the other on the president’s desk. And that is why we have been hearing for days about 60 destroyed Leopards, about 3,000 killed enemy soldiers… Shoigu lives by the principle – in order for a lie to be believed, it must be horrifying…

On the ground, the Russian army is now retreating on the Zaporizhzhia and Kherson fronts. The Armed Forces of Ukraine are pushing out the Russian army. We are washed in blood. No one provides reserves. There is no management. »

Background:

  • On 20 June, the UK Defence Intelligence reported that Prigozhin is trying to undermine the authority of the Russian Ministry of Defence, while the ministry considers his actions inappropriate against the background of Ukrainian counteroffensive operations.

Voir encore:

A Difficult but Necessary Decision
Sergei A. Karaganov
Russia in global affairs
13.06.2023

Let me share a few thoughts which I have entertained for a long time and which took their final shape after the recent Assembly of the Council on Foreign and Defense Policy that proved to be one of the most remarkable gatherings in its 31-year history.

Growing Threat

Russia and its leadership seem to be facing a difficult choice. It becomes increasingly clear that a clash with the West cannot end even if we win a partial or even a crushing victory in Ukraine.

It will be a really partial victory if we liberate four regions. It will be a slightly bigger victory if we liberate the entire East and South of present-day Ukraine in the next year or two. But there will still remain a part of it with an even more embittered ultranationalist population pumped up with weapons―a bleeding wound threatening inevitable complications and a new war.

Perhaps the worst situation may occur if, at the cost of enormous losses, we liberate the whole of Ukraine and remain in ruins with a population that mostly hates us. Its “redemption” will take more than a decade. Any option, especially the latter one, will distract our country from making an urgently needed step to shift its spiritual, economic, and military-political focus to the east of Eurasia. We will get stuck in the west, with no prospects in the foreseeable future, while present-day Ukraine, primarily its central and western regions, will sap managerial, human, and financial resources out the country. These regions were heavily subsidized even in Soviet times. The feud with the West will continue as it will support a low-grade guerrilla civil war.

A more attractive option would be liberating and reincorporating the East and the South of Ukraine, and forcing the rest to surrender, followed by complete demilitarization and the creation of a friendly buffer state. But this would be possible only if and when we are able to break the West’s will to incite and support the Kiev junta, and to force it to retreat strategically.

And this brings us to the most important but almost undiscussed issue. The underlying, and even fundamental cause of the conflict in Ukraine and many other tensions in the world, as well as of the overall growth of the threat of war is the accelerating failure of the modern ruling Western elites―mainly comprador ones in Europe (Portuguese colonialists used the word ‘comprador’ to refer to local traders who catered to their needs)―who were generated by the globalization course of recent decades. This failure is accompanied by rapid changes, unprecedented in history, in the global balance of power in favor of the Global Majority, with China and partly India acting as its economic drivers, and Russia chosen by history to be its military-strategic pillar. This weakening infuriates not only the imperial-cosmopolitan elites (Biden and Co.), but also the imperial-national ones (Trump). Their countries are losing their five-century-long ability to syphon wealth around the world, imposing, primarily by brute force, political and economic orders, and cultural dominance. So there will be no quick end to the unfolding Western defensive but aggressive confrontation. This collapse of moral, political, and economic positions has been brewing since the mid-1960s; it was interrupted by the Soviet Union’s breakup but resumed with renewed vigor in the 2000s. (The defeat in Iraq and Afghanistan, and the beginning of the Western economic model crisis in 2008 were major milestones.)

To stop this snowballing downward slide, the West has temporarily consolidated itself. The United States has turned Ukraine into a striking fist intended to create a crisis and thus tie the hands of Russia―the military-political core of the non-Western world, which is freeing itself from the shackles of neo-colonialism―but better still blow it up, thus radically weakening the rising alternative superpower―China. For our part, we delayed our preemptive strike either because we misunderstood the inevitability of a clash, or because we were gathering strength. Moreover, following modern, mainly Western, military-political thought, we thoughtlessly set too high a threshold for the use of nuclear weapons, inaccurately assessed the situation in Ukraine, and did not start the military operation there successfully enough.

Failing internally, Western elites began to actively nourish the weeds that had come through after seventy years of well-being, satiety, and peace―all these anti-human ideologies that reject the family, homeland, history, love between a man and a woman, faith, commitment to higher ideals, everything that constitutes the essence of man. They are weeding out those who resist. The goal is to destroy their societies and turn people into mankurts (slaves deprived of reason and sense of history as described be the great Kirgiz and Russian writer Chengiz Aitmatov) in order to reduce their ability to resist modern “globalist” capitalism, increasingly unfair and counterproductive for humans and humanity as a whole.

Along the way, the weakened United States unleashed a conflict to finish off Europe and other dependent countries, intending to throw them into the flames of confrontation after Ukraine. Local elites in most of these countries have lost their bearings and, panic-stricken by their failing internal and external positions, are obediently leading their countries to the slaughter. Moreover, the feeling of a greater failure, powerlessness, centuries-old Russophobia, intellectual degradation, and the loss of strategic culture make their hatred even deeper than that of the United States.

The vector of development in most Western countries clearly indicates their movement towards a new fascism and (so far) “liberal” totalitarianism.

What is most important is that the situation will only get worse there. Truce is possible, but peace is not. Anger and despair will keep growing in shifts and turns. This vector of the West’s movement unambiguously indicates a slide towards World War III. It is already beginning and may erupt into a full-blown firestorm by chance or due to the growing incompetence and irresponsibility of modern ruling circles in the West.

The advance of artificial intelligence and the robotization of war increase the threat of even unintended escalation. In fact, machines can get out of the control of confused elites.

The situation is aggravated by “strategic parasitism”― over the 75 years of relative peace, people have forgotten the horrors of war and even stopped fearing nuclear weapons. The instinct of self-preservation has weakened everywhere, but particularly in the West.

For many years I have studied the history of nuclear strategy and come to an unambiguous, albeit seemingly not quite scientific, conclusion. The creation of nuclear weapons was the result of divine intervention. Horrified to see that people, Europeans and the Japanese who had joined them, had unleashed two world wars within the life-span of one generation, sacrificing tens of millions of lives, God handed a weapon of Armageddon to humanity to remind those who had lost the fear of hell that it existed. It was this fear that ensured relative peace for the last three quarters of a century. That fear is gone now. What is happening now is unthinkable in accordance with previous ideas about nuclear deterrence: in a fit of desperate rage, the ruling circles of a group of countries have unleashed a full-scale war in the underbelly of a nuclear superpower.

That fear needs to be revived. Otherwise, humanity is doomed.

What is being decided on the battlefields in Ukraine is not only, and not so much, what Russia and the future world order will look like, but mainly whether there will be any world at all or the planet will turn into radioactive ruins poisoning the remains of humanity.

By breaking the West’s will to continue the aggression, we will not only save ourselves and finally free the world from the five-century-long Western yoke, but we will also save humanity. By pushing the West towards a catharsis and thus its elites towards abandoning their striving for hegemony, we will force them to back down before a global catastrophe occurs, thus avoiding it. Humanity will get a new chance for development.

Proposed Solution

There is no doubt that a hard fight is ahead. We will have to solve the remaining internal problems: to finally get rid of Western centrism in our minds and of Westerners in the managerial class, of compradors and their characteristic thinking. (The West is actually helping us with that). It is time to finish our three-hundred-year voyage to Europe, which gave us a lot of useful experience and helped create our great culture. We will carefully preserve our European heritage, of course. But it is time to go home and to our true self, start using the accumulated experience, and chart our own course. The Ministry of Foreign Affairs has recently made a breakthrough for all of us by calling Russia in the Foreign Policy Concept a state-civilization. I would add―a civilization of civilizations, open to the North and the South, the West and the East. The main direction of development today is the South and the North, but primarily the East.

The confrontation with the West in Ukraine, no matter how it ends, should not distract us from the strategic internal movement―spiritual, cultural, economic, political, and military-political―to the Urals, Siberia, and the Great Ocean. We need a new Ural-Siberian strategy, implying several spirit-lifting projects, including, of course, the creation of a third capital in Siberia. This movement should become part of the efforts, so urgently needed today, to articulate our Russian Dream―the image of Russia and the world we want to see.

I, and many others, have written many times that without a big idea great states lose their greatness or simply disappear. History is strewn with the shadows and graves of the powers that lost it. It must be generated from above, without expecting it to come from below, as stupid or lazy people do. It must match the fundamental values and aspirations of the people and, most importantly, lead us all forward. But it is the responsibility of the elite and the country’s leadership to articulate it. The delay in doing so has been unacceptably long.

But for the future to come, it is necessary to overcome the evil resistance of the forces of the past―the West―which, if not crushed, will almost certainly and inexorably lead the world to a full-scale and, probably, the last world war for humanity.

And this brings me to the most difficult part of this article. We can keep fighting for another year, or two, or three, sacrificing thousands and thousands of our best men and grinding down tens and hundreds of thousands of people who live in the territories that is now called Ukraine and who have fallen into the tragic historical trap. But this military operation cannot end with a decisive victory without forcing the West to retreat strategically, or even surrender, and compelling it to give up attempts to reverse history and preserve global dominance, and to focus on itself and its current multilevel crisis. Roughly speaking, it must “buzz off” so that Russia and the world could move forward unhindered.

Therefore, it is necessary to arouse the instinct of self-preservation that the West has lost and convince it that its attempts to wear Russia out by arming Ukrainians are counterproductive for the West itself. We will have to make nuclear deterrence a convincing argument again by lowering the threshold for the use of nuclear weapons set unacceptably high, and by rapidly but prudently moving up the deterrence-escalation ladder. The first steps have already been made by the relevant statements of Russian President and other leaders: the announced deployment of nuclear weapons and their carriers in Belarus, and the increased combat readiness of strategic deterrence forces. But there are many steps on this ladder. I have counted about two dozen. Thing may also get to the point when we will have to urge our compatriots and all people of goodwill to leave their places of residence near facilities that may become targets for strikes in countries that provide direct support to the puppet regime in Kiev. The enemy must know that we are ready to deliver a preemptive strike in retaliation for all of its current and past acts of aggression in order to prevent a slide into global thermonuclear war.

I have said and written many times that if we correctly build a strategy of intimidation and deterrence and even use of nuclear weapons, the risk of a “retaliatory” nuclear or any other strike on our territory can be reduced to an absolute minimum. Only a madman, who, above all, hates America, will have the guts to strike back in “defense” of Europeans, thus putting his own country at risk and sacrificing conditional Boston for conditional Poznan. Both the U.S. and Europe know this very well, but they just prefer not to think about it. We have encouraged this thoughtlessness ourselves with our own peace-loving rhetoric. From studying the history of the American nuclear strategy I know that after the USSR had gained the convincing ability to respond to a nuclear strike, Washington did not seriously consider, although bluffed in public, the possibility of using nuclear weapons against Soviet territory. If they ever considered such a possibility, they did so only against the “advancing” Soviet troops in Western Europe itself. I know that Chancellors Kohl and Schmidt fled their bunkers as soon as the question of such use came up during military exercises.

We must go up the deterrence-escalation ladder quickly enough. Given the vector of Western development ― the persistent degradation of most of its elites―each of their next calls will be even more incompetent and more ideologically charged than the previous ones. We can hardly expect more responsible and reasonable leaders to come to power there in the near future. This can happen only after a catharsis, after they have given up their ambitions.

We must not repeat the “Ukrainian scenario.” For a quarter of a century, we did not listen to those who warned that NATO expansion would lead to war, and tried to delay and “negotiate.” As a result, we have got a severe armed conflict. The price of indecision now will be higher by an order of magnitude.

But what if they do not back down? What if they have lost the instinct of self-preservation completely? In this case we will have to hit a bunch of targets in a number of countries in order to bring those who have lost their mind to reason.

Morally, this is a terrible choice as we will use God’s weapon, thus dooming ourselves to grave spiritual losses. But if we do not do this, not only Russia can die, but most likely the entire human civilization will cease to exist.

We will have to make this choice ourselves. Even friends and sympathizers will not support us at first. If I were Chinese, I would not want the current conflict to end too soon and abruptly, because it draws off U.S. forces and gives China an opportunity to gather strength for a decisive battle, direct or, in accordance with the best behests of Lao Tzu, by forcing the enemy to retreat without a fight. I would also oppose the use of nuclear weapons because raising the confrontation to the nuclear level would mean a shift into an area where my country (China) is still weak. In addition, decisive action is not in line with the Chinese foreign policy philosophy, which emphasizes economic factors (when building up military power) and avoids direct confrontation. I would support the ally, securing his backyard, but I would hide behind him without interfering in the fight. (But perhaps I do not understand this philosophy well enough and attribute incorrect motives to our Chinese friends). If Russia delivered a nuclear strike, the Chinese would condemn it, but they would also rejoice at heart that a powerful blow has been dealt to the reputation and position of the United States.

And what would our reaction be if (God forbid) Pakistan struck India or vice versa? We would be horrified and saddened that the nuclear taboo has been broken. And then we would start helping those affected and making necessary changes in our nuclear doctrine.

For India and other countries of the Global Majority, including nuclear ones (Pakistan, Israel), the use of nuclear weapons is also unacceptable for both moral and geostrategic reasons. If they are used and used “successfully,” this will break the nuclear taboo―the idea that they cannot be used under any circumstances and that their use will inevitably lead to a global nuclear Armageddon. We can hardly count on quick support, even if many countries in the Global South would feel satisfaction from the defeat of their former oppressors, who robbed, perpetrated genocides, and imposed an alien culture.

But in the end, the winners are not judged. And the saviors are thanked. European political culture does not remember good things. But the rest of the world remembers with gratitude how we helped the Chinese free themselves from the brutal Japanese occupation, and how we helped colonies free themselves from the colonial yoke. If we are not understood at once, there will be even more incentives to engage in self-improvement. But still, it is quite likely that we will be able to win, bring our enemy to reason and force it to back off without resorting to extreme measures, and a few years later take a position behind China, as it now stands behind us, supporting it in its fight with the United States. In this case it will be possible to avoid a big war. Together we will win for the benefit of everyone, including the people living in Western countries.

And then Russia and humanity will persevere through all the hardships and go into the future, which seems to me bright, multipolar, multicultural, multicolored, and giving countries and peoples a chance to build their own and common future.
Voir encore:

Dieu, la bombe et la «roulette russe»
Bernard Chappedelaine
June 28, 2023

Depuis le début de l’invasion de l’Ukraine les discours jusqu’au-boutistes n’ont pas manqué dans les médias russes, notamment sur les chaines TV, l’ancien président et ex-premier ministre Dmitri Medvedev est le symbole de cette radicalisation, qui s’est lui aussi lancé dans cette surenchère belliciste pour faire oublier son passé libéral. L’incapacité des forces russes à emporter la décision sur le terrain, les incursions armées en territoire russe et la détermination occidentale à poursuivre l’assistance militaire à Kiev ont conduit les experts de politique étrangère et de sécurité internationale à s’interroger sur la capacité dissuasive de la Russie en tant que puissance dotée de l’arme nucléaire. En septembre dernier, l’ancien directeur du bureau de la Carnegie à Moscou, Dmitri Trenin, jugeait essentiel de « faire de l’arme nucléaire un élément efficace de dissuasion dans le cas concret ukrainien » pour convaincre les Etats-Unis que, le cas échéant, leur territoire pourrait aussi être l’objet d’une frappe. Il regrettait que la fin de la guerre froide ait fait disparaître la crainte d’une conflagration nucléaire, alors que « la paix est fondée sur la peur et sur rien d’autre ». Si les Européens avaient réellement peur, ils auraient réagi autrement au bombardement de la centrale nucléaire de Zaporijia, affirmait-il. En mars dernier, Nikolaï Patrouchev, le puissant secrétaire du conseil de sécurité, déplorait que « les responsables américains soient victimes de leur propagande et restent convaincus qu’en cas de confrontation directe avec la Russie, les Etats-Unis sont en mesure de mener une frappe préventive à laquelle la Russie ne pourra répliquer ». « Une idiotie à courte vue, très dangereuse de surcroît », déclarait ce proche de Vladimir Poutine, qui reprochait à l’Occident « d’oublier les leçons de l’histoire » et lui attribuait un désir de « revanche » l’objectif étant une « victoire militaire sur la Russie ».

L’article publié le 13 juin par Sergueï Karaganov marque toutefois une nouvelle étape dans ce dialogue nucléaire très particulier avec l’Occident [i]. « L’emploi de l’arme nucléaire peut préserver l’humanité d’une catastrophe globale », affirme en effet ce membre important de l’establishment russe de politique étrangère et de sécurité. Agé de 71 ans, Sergueï Karaganov s’est fait connaître en théorisant, au lendemain de l’écroulement de l’Union soviétique, l’instrumentalisation des communautés russophones de « l’étranger proche » au service de la politique extérieure russe (« doctrine Karaganov »), qui a justifié les interventions de l’armée russe en Géorgie (2008) et en Ukraine (2014, 2022). Après une période libérale, il en vient à défendre le tournant eurasiatique pris par le Kremlin depuis une dizaine d’années. En appelant à une frappe préventive et en expliquant que l’apparition de l’arme nucléaire est le résultat d’une intervention divine – le « Très-haut » aurait été horrifié par les pertes et les destructions des deux guerres mondiales – Sergueï Karaganov brise un tabou et s’écarte de la doctrine officielle russe, rappelée quelques jours après par Vladimir. Poutine à Saint-Pétersbourg. Tout en jugeant « théoriquement possible » le recours à l’arme nucléaire, le Président russe souligne en effet le 16 juin que celui-ci n’est envisageable qu’en cas de « menace à notre intégrité territoriale, à notre indépendance et souveraineté, à l’existence de l’Etat russe ». Mais, en jugeant « réelle » le 19 juin la possibilité de l’emploi d’armes tactiques par la Russie, Joseph Biden accrédite pour certains observateurs la menace brandie par Sergueï Karaganov. La destruction du barrage de Kakhovska peut aussi donner du poids à la thèse d’une fuite en avant du régime russe.

La Russie est confrontée à un choix difficile, explique le politologue, il est de plus en plus clair qu’une victoire partielle ou même totale en Ukraine ne mettra pas fin à la confrontation avec l’Occident. La conquête de l’Ukraine et sa reconstruction détourneront les ressources, politiques, économiques, militaires et intellectuelles nécessaires au pivot asiatique de la Russie. Le pire scenario serait une Ukraine vaincue, « en ruines » avec une « grande partie de la population qui nous hait ». La meilleure option serait la « libération et le rattachement de l’est et du sud de l’Ukraine à la Russie » et la « capitulation » du reste du pays, sa « démilitarisation » et la création d’une « zone-tampon ». Ce scenario n’est toutefois envisageable, ajoute-t-il, que si « nous pouvons briser la volonté de l’Occident de venir en aide à la junte de Kiev et le contraindre à un retrait stratégique », car les Occidentaux ont déclenché une « guerre à grande échelle dans le ventre mou d’une superpuissance nucléaire ». Il faut donc restaurer la crédibilité de la dissuasion nucléaire, en abaissant son seuil. Le transfert d’armes nucléaires en Biélorussie constitue, selon Sergueï Karaganov un premier pas. « L’ennemi doit le savoir : nous sommes prêts à nous venger par une frappe préventive de toutes ses agressions présentes et passées, afin de prévenir le glissement vers une guerre thermonucléaire globale », prévient-il.

Pour « ramener à la raison » les Occidentaux, la Russie doit être prête à recourir à « l’arme de Dieu » à l’encontre de plusieurs pays. « Terrible choix moral », convient Sergueï Karaganov, mais nécessaire, à défaut « non seulement la Russie pourrait disparaître, mais probablement toute la civilisation humaine également ». Une riposte occidentale est possible, mais peu probable, selon lui. Seul « un fou » à la Maison blanche, « haïssant son pays », serait prêt à « sacrifier Boston pour Poznan ». « En brisant la volonté d’agression occidentale, non seulement nous nous sauvons nous-mêmes, et nous libérons le monde de cinq siècles de joug occidental, mais nous sauvons toute l’humanité », affirme Sergueï Karaganov. « Ce choix nous revient », souligne-t-il. Il ne faut pas escompter un appui du « Sud global » malgré « la satisfaction que beaucoup ressentiraient après l’écrasement de leurs anciens exploiteurs », qui ont « volé, perpétré des génocides et imposé une culture étrangère ». Pas plus qu’il ne faut attendre un soutien de la Chine qui, du fait de sa confrontation avec les Etats-Unis, souhaite un enlisement du conflit. Pékin condamnerait publiquement le recours à l’arme nucléaire, mais s’en réjouirait in petto car « il porterait un coup puissant à la réputation et aux positions des Etats-Unis ».

La tribune de Sergueï Karaganov a conduit Dmitri Trenin à affiner son argumentation qui, par bien des aspects, la rejoint[ii]. La mention périodique de l’arme nucléaire par les autorités russes dans le contexte ukrainien n’a pas empêché l’implication croissante des pays de l’OTAN, constate-t-il, les Etats-Unis se sont assignés un « objectif impensable pendant la guerre froide –  vaincre l’autre superpuissance dans une région d’importance stratégique pour celle-ci – sans recourir à l’arme nucléaire en se bornant à armer et à contrôler un pays tiers ». Cette stratégie est fondée sur la conviction que la Russie n’utilisera pas son arsenal nucléaire, d’où la faible réaction de Washington à l’annonce du transfert d’armes tactiques en Biélorussie. Mais le conflit ukrainien pourrait connaître une extension géographique et verticale et cette escalade déboucher sur une confrontation directe entre la Russie et l’OTAN. « Les Américains et leurs alliés jouent à la roulette russe », affirme Dmitri Trenin. D’après lui, « la stratégie russe a laissé jusqu’à présent à l’adversaire l’initiative de l’escalade », et « l’Occident s’en est servi pour tenter d’épuiser la Russie sur le champ de bataille et la déstabiliser de l’intérieur ». Aussi, ne doit-on pas, selon lui, écarter l’emploi de l’arme atomique, d’autant qu’il juge lui aussi peu probable une riposte américaine en Russie, abstention qui provoquerait une crise de confiance profonde au sein de l’Alliance (article 5). Pour Moscou, fait valoir Dmitry Trenine, l’enjeu ukrainien est bien supérieur à ce qu’il représente pour l’Occident, qui analyse autrement la situation, et cette divergence d’appréciation pourrait conduire à une confrontation armée directe, estime le chercheur.

En Russie, les thèses avancées par Sergueï Karaganov ont immédiatement suscité un vif débat, inhabituel, chez les experts des questions de sécurité. Les critiques ont fusé, y compris dans les milieux radicaux. Il est « irresponsable » d’évoquer prématurément l’apocalypse nucléaire, a réagi le philosophe Alexandr Douguine, convaincu que les autres options n’ont pas encore été épuisées. Les spécialistes des questions de désarmement et de sécurité n’ont pas manqué de pointer les failles, les contradictions et les dangers de son raisonnement. Dans un entretien au journal indépendant Novaïa gazeta, l’académicien Alexeï Arbatov, représentant éminent de cette communauté d’experts, s’est étonné que Sergueï Karaganov mêle les considérations théologiques (« Dieu ») à la doctrine nucléaire, il a évoqué un « faux pas » (en français) commis par la rédaction de la revue Russia in Global Aaffairs, qui a reproduit la tribune, publiée à l’origine dans un autre périodique (Profil)[iii]. Fiodor Loukjanov, le rédacteur en chef de cette revue réputée, s’en est expliqué (« pourquoi nous ne parviendrons pas à ‘dégriser’ l’Occident’ avec l’arme nucléaire »), il a toutefois admis que « le tabou du recours à l’arme nucléaire s’affaiblit », qu’il faut « se préparer à tout » et a reconnu à Sergueï Karaganov le mérite d’avoir « exposé aussi franchement sa position ». Cette discussion, a conclu Fiodor Loukjanov, doit « contribuer à l’élaboration d’une nouvelle conception de la stabilité stratégique et se substituer à celle qui ne peut plus être rétablie »[iv].

L’objectif de Sergueï Karaganov en publiant ce texte donne lieu à de multiples supputations. S’agit-il d’une nouvelle tentative de dissuader les Occidentaux de poursuivre leur assistance à l’Ukraine et d’amener les Ukrainiens à négocier ? Le politologue, proche de Nikolaï Patrouchev, qui contribue à la réflexion du conseil de sécurité, se fait-il le porte-parole du « parti de la guerre » pour tenter d’infléchir la doctrine du Kremlin en matière d’emploi de l’arme nucléaire ? Même si les responsables russes déplorent qu’un de leurs derniers attributs de grande puissance – l’arsenal nucléaire – s’avère inopérant dans la guerre en Ukraine, les menaces proférées sont restées vagues, aucune « ligne rouge » précise n’a été tracée depuis le 24 février 2022. Signe tangible de l’aversion d’une grande partie des élites et de la population russes face au spectre d’une guerre nucléaire, un sondage publié par le centre Levada au lendemain de la parution de l’article de Sergueï Karaganov, indique que 86% des Russes considèrent que, dans le conflit avec l’Ukraine, l’arme nucléaire ne doit être employée « en aucune circonstance ». Ces derniers temps toutefois, « l’opération militaire spéciale » fait l’objet de sévères critiques dans les cercles du pouvoir. Konstantin Zatouline, député de la Douma et spécialiste de « l’étranger proche », considère que ses objectifs n’ont pas été atteints, Vladimir Poutine a dû répondre à ces interrogations en étant très présent, ces derniers temps, dans les media, il en vient à employer le mot de « guerre » et à admettre, pour la première fois, des difficultés lors d’une rencontre avec des « bloggers militaires ».

Le défi sans précédent lancé par Evgeni Prigojine à l’autorité de V. Poutine le 24 juin 2023, qui en outre a dénoncé l’inanité des justifications de la guerre avancées il y a 16 mois par le Président russe (« menace » de l’OTAN, « génocide » des populations du Donbass), confirme à sa manière les appréhensions de Sergueï Karaganov sur l’impasse stratégique dans laquelle se trouve la Russie, sur les risques de transformation de cette guerre en bourbier et d’ébranlement du régime russe. Dans son intervention télévisée du 24 juin, le Président russe n’a pas hésité à dramatiser les enjeux, dressant un parallèle, à priori surprenant, avec la Russie de 1917. Les faibles réactions des milieux du pouvoir, de l’armée russe et de la population à la « marche pour la justice » de la milice Wagner sur Moscou ne témoignent pas d’un fort attachement au régime en place. C’est aux miliciens tchétchènes que le Kremlin a fait appel pour se rendre à Rostov, centre de la rébellion afin, comme l’a déclaré R. Kadyrov, de « préserver l’unité de la Russie et protéger son statut d’État ». Difficile à ce stade d’anticiper les réponses de V. Poutine à ce qui augure d’un affaiblissement de son pouvoir, dont il a lui-même créé les conditions en laissant proliférer clans et factions. L’arme nucléaire est à fortiori impuissante à dénouer une épreuve de force interne, mais le Kremlin pourrait être tenté par un raidissement supplémentaire et par une nouvelle fuite en avant hors de ses frontières. Il peut aussi agiter le spectre d’une prise de pouvoir par des éléments encore plus radicaux ou d’un chaos russe – les Occidentaux étant sensibles à la déstabilisation d’un Etat disposant de 6000 ogives nucléaires – afin d’assurer au régime de V. Poutine une forme de protection et de dissuasion dans un sens il est vrai bien éloigné de ce qu’a à l’esprit Sergueï Karaganov.  Au lendemain de la rébellion avortée d’Evgeni Prigojine, le politologue revient à la charge dans une tribune intitulée « Il n’y a plus le choix : la Russie doit procéder à une frappe nucléaire en Europe », publiée par l’agence officielle Ria-novosti, dans laquelle il répète qu’exclure l’emploi de l’arme atomique en dehors des situations dans lesquelles la Russie est exposée à une menace existentielle est faire preuve de « légèreté ».

Voir enfin:

Un an après l’invasion de l’Ukraine, nous avons appris plusieurs leçons fondamentales.

La première est l’ampleur des mensonges que le Kremlin a orchestrés sans relâche depuis des années pour justifier ses agressions successives : l’Occident est responsable de tout, l’Organisation du traité de l’Atlantique Nord (Otan) menace la Russie, soutient des nazis et des criminels de guerre, multiplie les provocations ; l’Europe est le valet de l’impérialisme américain.

Ces discours délirants, relayés avec constance par le parti prorusse en Europe, ont trompé beaucoup de monde. Ils ont volé en éclat le jour de juin dernier à Saint-Pétersbourg où Poutine lui-même a fini par avouer ce qu’il pense depuis toujours : l’Ukraine est russe et, comme au temps de Pierre le Grand, la Russie va reprendre par la guerre ses territoires perdus.

Balayée la propagande, balayés tous les mensonges, balayée la fable de l’Occident menaçant ! Empire colonial sous les tsars, la Russie fut le dernier empire colonial sous le communisme après la fin des empires anglais et français. Elle veut le redevenir, et l’on comprend aujourd’hui le sens de la phrase prononcée par Poutine en 2005 : « La chute de l’URSS fut la plus grande catastrophe politique du XXe siècle. » Parce que la chute de l’URSS, c’était la fin de l’Empire russe.

La deuxième leçon de cette guerre est que l’ampleur de ces mensonges n’a eu d’égal que celle de nos illusions et de nos lâchetés. Ce n’est pas l’agressivité de l’Occident qui a conduit Poutine à envahir l’Ukraine, c’est sa passivité.

En 2008, les leaders européens ont refusé à l’Ukraine et à la Géorgie l’adhésion à l’Otan pour ne pas irriter Poutine. Quelques mois plus tard, il envahissait la Géorgie. Quand il a envahi la Crimée, nous avons de nouveau répondu avec des sanctions bien modestes. Il est clair que les craintes infondées de provoquer Poutine, en le convaincant de notre faiblesse, ont ouvert la voie à l’invasion totale de 2022.

Cette erreur majeure d’analyse fut d’abord celle de l’Allemagne et de la France. Depuis trente ans, la politique allemande est fondée sur la dépendance énergétique à la Russie, la dépendance commerciale à la Chine et le désarmement face aux deux. Celle de la France a consisté à courtiser la Russie pour trianguler sa relation avec les États-Unis, en espérant acquérir une position indépendante sans en avoir les moyens politiques et militaires.

Que signifie « puissance d’équilibre » quand il y a, d’un côté, une démocratie qui est notre alliée depuis plus de deux siècles, qui nous a sauvés lors de deux guerres mondiales et nous a évité de devenir la province occidentale du Reich allemand ou de l’Union soviétique, et, de l’autre, une cleptocratie mafieuse qui succède à un régime totalitaire ayant asservi l’Europe pendant des décennies ?

Les avertissements répétés des Européens de l’Est, qui savent, eux, ce qu’est l’impérialisme russe, ont été rejetés avec mépris comme des agitations de va-t-en-guerre hystériques. L’invasion de l’Ukraine nous montre l’échec de ces deux politiques et surtout l’urgence à ne pas les poursuivre.

L’apaisement et les compromis avec un dictateur n’ont jamais marché. Le dictateur avance devant la faiblesse et recule devant la force. C’est aussi simple que ça depuis toujours. Si l’Europe veut une paix durable sur le continent, elle doit apprendre le langage de la puissance, le seul que les dictateurs comprennent.

La troisième leçon est le degré de nuisance, de bassesse et de complicité du parti prorusse en Europe, particulièrement en France. Cette « cinquième colonne » des extrémistes, qui cherchent sans relâche à nous désarmer face à un loup qu’ils présentent comme un mouton, qui nous répètent depuis des années que Poutine est le plus grand dirigeant du monde, reprennent mot à mot sur les réseaux « antisociaux », avec les milliers de faux comptes, de trolls et de bots pilotés depuis Moscou, sur les télés Russia Today (RT) et autres, la propagande de Poutine : l’Ukraine n’existe pas, elle est russe, ses dirigeants sont des nazis.

Pouchkine, le grand poète russe, disait : « Pourvu que l’on ait une auge, on trouvera les cochons. » Ils sont la boussole qui indique sans jamais se tromper la direction du déshonneur par le chemin le plus sordide.

Depuis l’invasion de l’Ukraine, Le Pen, la baronnette des guichets de Moscou, et Mélenchon, le génuflecteur des plus infâmes dictatures, condamnent du bout des lèvres, car ne pas le faire serait un suicide, mais ils ne changent pas d’avis : tout est de la faute de l’Occident, surtout pas d’armes, surtout pas de sanctions !

Leurs députés européens ont même refusé de voter l’aide humanitaire à l’Ukraine, leurs parlementaires français ont refusé de voter l’entrée de la Suède et de la Finlande dans l’Otan. Lors du discours du président de la Rada ukrainienne à l’Assemblée nationale, mardi dernier, ils ont déserté l’hémicycle pendant que tous leurs collègues étaient debout pour l’applaudir.

N’écoutez pas ce que disent les dirigeants des partis de la France russe, regardez leurs votes, regardez leurs gestes et vous comprendrez qu’ils n’ont rien lâché, qu’ils sont toujours en embuscade, comme des crapauds blottis sous une grosse pierre en attendant que passe l’orage…

Que faire aujourd’hui ? D’abord, il convient de tirer les leçons de nos erreurs passées. Car nous ne les avons pas toutes tirées. Nous nous félicitons, à juste titre, que l’Europe ne soit pas divisée, comme l’espérait Poutine, qu’elle soit au contraire unie, que notre alliance avec les États-Unis et les autres démocraties se soit renforcée, que le soutien à l’Ukraine reste constant. Nous nous félicitons également que les opinions publiques, horrifiées par les crimes de guerre et les crimes contre l’humanité relayés chaque jour sur les écrans, tiennent bon.

Mais attention : les différences d’appréciation entre Européens de l’Ouest et Européens de l’Est et du Nord n’ont pas disparu. Chaque étape du conflit voit réapparaître l’écart entre ceux qui se qualifient de « réalistes » et ceux qui veulent aller plus loin et plus vite.

Les « réalistes » craignent l’escalade. Ils pensent qu’il y a des lignes rouges à ne pas franchir. Chaque épisode de cette guerre prouve qu’ils ont tort. En refusant l’escalade, ils en laissent le monopole à Poutine et font perdre à chaque fois les semaines nécessaires à la contre-offensive. Durant ces semaines, ces mois parfois, des milliers d’Ukrainiens meurent.

Les lignes rouges, nous savons désormais qu’elles ne sont que le fruit de nos peurs. Chaque fois que Poutine les trace et qu’elles sont franchies, il ne se passe rien : comment pourrait-il frapper plus fort alors que son armée, minée par la corruption qui ronge son matériel, l’incompétence de ses chefs et la défiance de ses soldats, est déjà au-delà de son maximum et paralysée sur tous les fronts ?

Quant à la rengaine du danger nucléaire, Poutine laisse désormais Medvedev le pochard et Lavrov le croque-mort la brandir sur les plateaux des trash télés de Moscou. Il a compris, depuis la mortifiante réunion de Samarcande où Xi et Modi l’ont mis publiquement au piquet, qu’elle lui est interdite, y compris par ses plus proches alliés. Cessons de nous faire peur avec ce disque rayé depuis cinquante ans !

Le but est de permettre à l’Ukraine non de résister, mais de chasser l’occupant. Si nous lui avions livré dès le début le matériel que nous nous apprêtons à lui fournir aujourd’hui, l’Ukraine n’aurait pas seulement reconquis Kharkiv et Kherson, mais elle aurait aussi largement progressé dans le Donbass, profitant de la déroute russe. Ce sera bien plus difficile maintenant qu’on a laissé aux Russes le temps de se retrancher.

C’est néanmoins un bon signe que de plus en plus de dirigeants européens, hier dans le camp des « réalistes », soient en train de comprendre que la livraison massive d’armes aurait eu pour conséquence non pas de prolonger la guerre, mais au contraire de l’écourter par la débâcle des envahisseurs. Mieux vaut tard que jamais ! C’est maintenant qu’il faut livrer les chars, les missiles, les défenses sol-air et les avions si nous voulons, comme le promettait le Président de la République lors de ses vœux « accompagner l’Ukraine jusqu’à la victoire finale ».

Il est enfin une dernière raison, encore plus essentielle, de ne pas répéter les erreurs du passé. Les démocraties, au terme d’une lutte implacable, ont vaincu au XXe siècle les deux totalitarismes qui ont fait des dizaines de millions de morts. Certains les croyaient disparus à jamais. Or, sous nos yeux, l’internationale des tyrans se reforme. Le boucher de Moscou, le génocidaire des Ouïghours en Chine, le docteur Folamour de Corée du Nord, le massacreur de femmes de Téhéran et quelques autres se sont regroupés. Leur seul but : se venger, abattre l’Occident, mettre à bas la liberté.

La deuxième guerre froide a commencé, et ce depuis plusieurs années. Beaucoup de dirigeants occidentaux proclament que nous ne sommes pas en guerre contre la Russie. J’espère bien que ce discours n’est que tactique et qu’ils n’en croient pas un mot. Les dictateurs, eux, l’annoncent clairement : ils sont en guerre contre nous. Ils veulent achever les démocraties qu’ils pensent agonisantes. Il n’y aurait rien de pire que de penser que nous ne sommes pas en guerre contre des gens qui, eux, sont en guerre contre nous, et qui le disent.

Quant au reste du monde, il attend l’issue du conflit pour voler au secours de la victoire. Ceux qui en espéraient une certaine sympathie se trompent lourdement. Les dirigeants bien peu démocratiques de la plupart de ces pays se moquent de savoir si Poutine a violé les lois internationales. Ils ont même pour mantra la justification de leurs méfaits actuels par la condamnation de notre domination passée.

L’Europe doit comprendre qu’il est urgent de redevenir une puissance militaire, d’avoir une stratégie commune et de consolider notre alliance avec les autres démocraties du monde, à commencer par les États-Unis.

Si nous n’y arrivons pas, si nous laissons les cinquièmes colonnes des fachos, des trotskistes, des populistes et des idiots utiles nous conduire à l’aveuglement et au renoncement, alors ce n’est pas seulement l’Ukraine demain qui sera vaincue, mais c’est la liberté. Il est temps de réarmer les démocraties face aux tyrannies du XXIe siècle. Le peuple héroïque de l’Ukraine nous montre le chemin.

Claude Malhuret (Sénat, 07.02.2023)

https://twitter.com/VolodimirZelen1/status/1682745464892928001

https://www.senat.fr/seances/s202302/s20230207/s20230207001.html#int31


Rapport Durham: Quel plan démocrate pour faire tomber Trump ? (Guess who warned of a Clinton smear plan against Trump, went ahead anyway with the investigative leads provided by her team… and now wallows in regret that their accusations turned out to be unfounded ?)

22 juin, 2023

Arrest illustrates how Steele dossier was political dirty trick by Hillary Clinton

Le rapport Durham n’a pratiquement rien révélé. (…) Le procureur spécial choisi sur mesure par William Barr n’a fait que confirmer ce que l’on savait déjà d’un précédent rapport de l’inspecteur général du ministère de la Justice”. En somme, cette enquête, qui aura coûté 6,5 millions de dollars, n’aura servi que d’argument électoral à Trump et à ses alliés, qui ont promis à maintes reprises que Durham mettrait au jour le ‘crime du siècle’”. Washington  Post
Après des années de battage politique, l’enquête Durham n’a pas répondu aux attentes. (…) une enquête dysfonctionnelle (…) [qui] n’a pas mis au jour de complot d’un “État profond”, comme l’espéraient des supporteurs de Donald Trump (…) Durham n’a inculpé au pénal aucun haut responsable du FBI ou des renseignements et il reconnaît dans une note que la campagne d’Hillary Clinton en 2016 n’a rien fait non plus qui justifie des poursuites. (….) Le rapport ne contient aucune révélation majeure et reproche au FBI un ‘biais de confirmation’ plutôt qu’un parti pris politique, accusation qui aurait été plus explosive. New York Times
Le rapport Durham (…) est un compte rendu accablant de la corruption du FBI et de ses complices. (…) Le prétexte à cette enquête, une conversation triviale entre le conseiller non rémunéré de Trump George Papadopoulos et un diplomate australien, était si mince que des agents du FBI s’en sont plaints et que les renseignements britanniques avaient du mal à y croire. (…) Le FBI a sauté plusieurs étapes pour lancer une enquête proprement dite. (…) Le rapport final du procureur spécial John Durham montre clairement que le FBI, organisation partisane, a refourgué la désinformation de la campagne d’Hillary Clinton à travers une enquête secrète que l’agence n’aurait jamais dû lancer.  Wall Street Journal 
La conduite en 2016 et 2017 que le conseiller spécial Durham a examinée est la raison pour laquelle la direction actuelle du FBI a déjà mis en œuvre des dizaines de mesures correctives, qui sont maintenant en place depuis un certain temps. Si ces réformes avaient été mises en place en 2016, les maladresses identifiées dans le rapport auraient pu être évitées. Ce rapport renforce l’importance de s’assurer que le FBI continue à faire son travail avec la rigueur, l’objectivité et le professionnalisme que le peuple américain mérite et attend à juste titre. FBI
En jetant un œil aux éditos du 17 mai dans la presse américaine, on peut avoir l’impression d’être face à deux mondes parallèles. Pour The Washington Post, le rapport Durham, sévère critique de l’enquête du FBI sur les liens entre la campagne de Donald Trump en 2016 et la Russie, “n’a pratiquement rien révélé”. De son côté, The Wall Street Journal y voit “un compte rendu accablant de la corruption du FBI et de ses complices”, lançant en titre : “Pourquoi le rapport Durham est important pour la démocratie”. Nommé en 2019 par William Barr, le ministre de la Justice de Donald Trump, le procureur spécial John Durham aura mené pendant près de quatre ans sa propre enquête sur la fameuse “enquête russe”, qui n’avait au bout du compte pas établi de collusion entre le clan Trump et Moscou. Durham avait déjà inculpé deux personnes, toutes deux acquittées, tandis qu’un ex-avocat du FBI a plaidé coupable d’avoir caviardé un e-mail en vue d’obtenir une autorisation de surveillance. Dans ce rapport de plus de 300 pages, rendu public le 15 mai, le FBI est notamment accusé d’avoir lancé ses investigations sans base solide : le Bureau fédéral d’enquête n’avait “aucune réelle preuve de collusion”. “Le prétexte à cette enquête, une conversation triviale entre le conseiller non rémunéré de Trump George Papadopoulos et un diplomate australien, était si mince que des agents du FBI s’en sont plaints et que les renseignements britanniques avaient du mal à y croire”, résume le Wall Street Journal, ajoutant que le FBI “a sauté plusieurs étapes pour lancer une enquête proprement dite”. Le procureur spécial reproche aussi à l’agence de police fédérale d’avoir fait “deux poids, deux mesures”, soulignant que le FBI s’était montré plus prudent lorsqu’il soupçonnait des gouvernements étrangers de chercher à influencer l’équipe de campagne d’Hillary Clinton. “Le rapport final du procureur spécial John Durham montre clairement que le FBI, organisation partisane, a refourgué la désinformation de la campagne d’Hillary Clinton à travers une enquête secrète que l’agence n’aurait jamais dû lancer”, assène le quotidien conservateur. Du côté de la presse centriste et de gauche, la vision est tout autre. “Après des années de battage politique, l’enquête Durham n’a pas répondu aux attentes”, titre The New York Times, qui parle même d’une “enquête dysfonctionnelle”. Le rapport n’a pas mis au jour de complot d’un “État profond”, comme l’espéraient des supporteurs de Donald Trump, souligne le journal de centre gauche. “Durham n’a inculpé au pénal aucun haut responsable du FBI ou des renseignements et il reconnaît dans une note que la campagne d’Hillary Clinton en 2016 n’a rien fait non plus qui justifie des poursuites.” (…) Pour le Washington Post, “le procureur spécial choisi sur mesure par William Barr n’a fait que confirmer ce que l’on savait déjà d’un précédent rapport de l’inspecteur général du ministère de la Justice”. En somme, d’après le journal, cette enquête, qui aura coûté 6,5 millions de dollars, n’aura servi que d’argument électoral à Trump et à ses alliés, “qui ont promis à maintes reprises que Durham mettrait au jour le ‘crime du siècle’”. Courrier international
D’après les preuves recueillies au cours des multiples enquêtes fédérales exhaustives et coûteuses sur ces questions, y compris l’enquête en cours, ni les forces de l’ordre américaines ni la communauté du renseignement ne semblent avoir disposé de preuves réelles de collusion dans leurs dossiers au début de l’enquête sur Crossfire Hurricane. (…) La rapidité et la manière dont le FBI a ouvert et enquêté sur Crossfire Hurricane pendant la saison des élections présidentielles, sur la base de renseignements bruts, non analysés et non corroborés, reflètent également une différence notable par rapport à la manière dont il a abordé des affaires antérieures concernant d’éventuelles tentatives de plans d’ingérence électorale de l’étranger visant la campagne de Clinton. (…) Ces exemples sont également très différents des actions du FBI en ce qui concerne d’autres renseignements très importants qu’il a reçus d’une source étrangère fiable indiquant un plan de campagne de Clinton pour vilipender Trump en le liant à Vladimir Poutine afin de détourner l’attention de ses propres préoccupations liées à son utilisation d’un serveur de messagerie privé. Contrairement à l’ouverture par le FBI d’une enquête approfondie sur des membres inconnus de la campagne Trump sur la base d’informations brutes et non corroborées, dans cette affaire distincte impliquant un prétendu plan de la campagne Clinton, le FBI n’a jamais ouvert de type d’enquête, émis de missions, employé du personnel d’analyse ou produit des analyses en rapport avec ces informations. Cette absence d’action s’est produite en dépit du fait que l’importance des informations relatives au plan Clinton était telle qu’elle a incité le directeur de la CIA à informer le président, le vice-président, le procureur général, le directeur du FBI et d’autres hauts fonctionnaires du gouvernement de leur contenu dans les jours qui ont suivi leur réception. Elle était également suffisamment importante pour que la CIA envoie au directeur Comey et au directeur adjoint de la division du contre-espionnage du FBI, Peter Strzok, une note écrite officielle de saisine, pour examen et suite à donner. Le rapport d’enquête donnait des exemples d’informations que la cellule de fusion Crossfire Hurricane avait « glanées à ce jour ».  (…) Sur la base de l’examen de Crossfire Hurricane et des activités de renseignement connexes, nous concluons que le département et le FBI n’ont pas respecté leur importante mission de stricte fidélité à la loi dans le cadre de certains événements et activités décrits dans le présent rapport. Comme nous l’avons indiqué, l’ancien avocat du FBI, Kevin Clinesmith, a commis une infraction pénale en montant de toutes pièces, dans un courriel, des termes qui ont permis au FBI d’obtenir une ordonnance de surveillance en vertu de la loi FISA. Dans d’autres cas, le personnel du FBI travaillant sur cette même demande FISA a fait preuve, au mieux, d’une attitude cavalière à l’égard de l’exactitude et de l’exhaustivité. Le personnel du FBI a également fait fi à plusieurs reprises des exigences importantes lorsqu’il a continué à demander le renouvellement de cette surveillance FISA tout en reconnaissant – à l’époque et a posteriori – qu’il ne croyait pas vraiment qu’il y avait des raisons probables de penser que la cible participait sciemment à des activités de renseignement clandestines pour le compte d’une puissance étrangère ou qu’elle aidait sciemment une autre personne à participer à de telles activités. Certains membres du personnel n’ont pas tenu compte d’informations importantes à décharge qui auraient dû inciter à la retenue et au réexamen de l’enquête. Notre enquête a également révélé que des cadres supérieurs du FBI ont fait preuve d’un manque flagrant de rigueur analytique à l’égard des informations qu’ils recevaient, en particulier celles émanant de personnes et d’entités politiquement affiliées. Ces informations ont en partie déclenché et entretenu Crossfire Hurricane et ont contribué à la nécessité de l’enquête du conseiller spécial Mueller. En particulier, on s’est beaucoup appuyé sur les pistes d’enquête fournies ou financées (directement ou indirectement) par les opposants politiques de Trump. Le ministère n’a pas examiné ou remis en question de manière adéquate ces documents et les motivations de ceux qui les ont fournis, même lorsque, à peu près au même moment, le directeur du FBI et d’autres personnes ont appris l’existence de renseignements importants et potentiellement contraires. (…) Compte tenu de ce qui précède, et en considérant les faits sous l’angle le plus favorable aux enquêteurs de Crossfire Hurricane, il semble très probable qu’au minimum, le biais de confirmation ait joué un rôle important dans l’acceptation par le FBI d’allégations extraordinairement sérieuses dérivées d’informations non corroborées qui n’avaient pas été soumises à l’analyse rigoureuse habituelle employée par le FBI et d’autres membres de la communauté du renseignement. En bref, le Bureau estime que le FBI a écarté ou délibérément ignoré des informations matérielles qui n’étayaient pas la thèse d’une relation collusoire entre Trump et la Russie (…) Une évaluation objective et honnête de ces éléments d’information aurait dû amener le FBI à remettre en question non seulement la prédiction de Crossfire Hurricane, mais aussi à réfléchir à la question de savoir si le FBI était manipulé à des fins politiques ou autres. Malheureusement, cela n’a pas été le cas. Rapport Durham

Abandon des poursuites contre Hillary Clinton pour négligence et destruction de ses emails comme Secrétaire d’Etat (mai 2016);  élections 2020 dévoyées par la massification et la relaxe de toutes les vérifications du vote par correspondance; discrédit, comme prétendue pure intoxication des services russes et censure sur les réseaux sociaux, des révélations contenues dans le portable de Hunter Biden (oct. 2020); envahissement du Capitole du 6 janvier 2021 faussement présenté comme tentative d’insurrection; multiplication des actions en justice, procès en destitution compris, contre Trump …

Cherchez l’erreur !

Un mois après la publication de l’enquête du procureur spécial John Durham …

Qui est déjà presque oubliée

Car n’ayant logiquement trouvé aucune preuve irréfutable d’implication du FBI et des services de renseignement américains…

Dans les fausses accusations de collusion russe qui ont plombé l’élection et la totalité du mandat de l’ancien président Trump…

Pendant qu’en pleine campagne présidentielle, la Justice américaine multiplie les poursuites contre l’un des possibles candidats …

Et que sur fond de rumeurs persistantes de corruption de la famille Biden …

Le fils de l’actuel président s’en tire avec une simple condamnation pour non-paiement d’impôts …

Devinez qui…

Averti d’un plan de diffamation de Clinton contre Trump …

Concernant une prétendue collusion de sa part avec les services de sécurité russes …

A néanmoins poursuivi les pistes d’enquête fournies par l’équipe de celle-ci…

Et se confond à présent en excuses

Que ses accusations se soient révélées infondées ?

Le procureur spécial John Durham, à gauche, le 17 mai, à Washington. photo SAMUEL CORUM/NYT

En jetant un œil aux éditos du 17 mai dans la presse américaine, on peut avoir l’impression d’être face à deux mondes parallèles. Pour The Washington Post, le rapport Durham, sévère critique de l’enquête du FBI sur les liens entre la campagne de Donald Trump en 2016 et la Russie, “n’a pratiquement rien révélé”. De son côté, The Wall Street Journal y voit “un compte rendu accablant de la corruption du FBI et de ses complices”, lançant en titre : “Pourquoi le rapport Durham est important pour la démocratie”.

Nommé en 2019 par William Barr, le ministre de la Justice de Donald Trump, le procureur spécial John Durham aura mené pendant près de quatre ans sa propre enquête sur la fameuse “enquête russe”, qui n’avait au bout du compte pas établi de collusion entre le clan Trump et Moscou. Durham avait déjà inculpé deux personnes, toutes deux acquittées, tandis qu’un ex-avocat du FBI a plaidé coupable d’avoir caviardé un e-mail en vue d’obtenir une autorisation de surveillance.

“Deux poids, deux mesures”

Dans ce rapport de plus de 300 pages, rendu public le 15 mai, le FBI est notamment accusé d’avoir lancé ses investigations sans base solide : le Bureau fédéral d’enquête n’avait “aucune réelle preuve de collusion”.

“Le prétexte à cette enquête, une conversation triviale entre le conseiller non rémunéré de Trump George Papadopoulos et un diplomate australien, était si mince que des agents du FBI s’en sont plaints et que les renseignements britanniques avaient du mal à y croire”, résume le Wall Street Journal, ajoutant que le FBI “a sauté plusieurs étapes pour lancer une enquête proprement dite”.

Le procureur spécial reproche aussi à l’agence de police fédérale d’avoir fait “deux poids, deux mesures”, soulignant que le FBI s’était montré plus prudent lorsqu’il soupçonnait des gouvernements étrangers de chercher à influencer l’équipe de campagne d’Hillary Clinton.

“Le rapport final du procureur spécial John Durham montre clairement que le FBI, organisation partisane, a refourgué la désinformation de la campagne d’Hillary Clinton à travers une enquête secrète que l’agence n’aurait jamais dû lancer”, assène le quotidien conservateur.

Pas de “crime du siècle”

Du côté de la presse centriste et de gauche, la vision est tout autre. “Après des années de battage politique, l’enquête Durham n’a pas répondu aux attentes”, titre The New York Times, qui parle même d’une “enquête dysfonctionnelle”.

Le rapport n’a pas mis au jour de complot d’un “État profond”, comme l’espéraient des supporteurs de Donald Trump, souligne le journal de centre gauche.

“Durham n’a inculpé au pénal aucun haut responsable du FBI ou des renseignements et il reconnaît dans une note que la campagne d’Hillary Clinton en 2016 n’a rien fait non plus qui justifie des poursuites.”

Le rapport “ne contient aucune révélation majeure et reproche au FBI un ‘biais de confirmation’ plutôt qu’un parti pris politique, accusation qui aurait été plus explosive”, ajoute le New York Times. Ce qui n’a pas empêché Donald Trump de dénoncer “une mise en scène totalement illégale”, affirmant que “l’opinion publique américaine a été escroquée”.

Pour le Washington Post, “le procureur spécial choisi sur mesure par William Barr n’a fait que confirmer ce que l’on savait déjà d’un précédent rapport de l’inspecteur général du ministère de la Justice”. En somme, d’après le journal, cette enquête, qui aura coûté 6,5 millions de dollars, n’aura servi que d’argument électoral à Trump et à ses alliés, “qui ont promis à maintes reprises que Durham mettrait au jour le ‘crime du siècle’”.

Voir aussi:

Elections américaines : ce que montre le rapport Durham

Nommé sous Donald Trump, le procureur spécial John Durham a critiqué sévèrement l’enquête sur une possible collusion entre le clan Trump et Moscou.

Hash H16
Atlantico
25 mai 2023
Magie d’une presse nationale devenue parfaitement inutile : vous n’avez probablement pas entendu parler du “rapport Durham“, du nom de ce procureur spécial du Département de la Justice des États-Unis, chargé par Trump en 2019 d’enquêter sur les raisons qui ont poussé le FBI à lancer des investigations sur l’éventuelle collusion entre le président et la Russie. Ce rapport est sorti il y a quelques jours et son contenu est tout simplement explosif.

Ceux qui voudront jeter un œil dans les plus de trois cents pages qui le composent pourront le consulter via ce lien. Ce rapport jette plus d’un pavé dans une mare déjà fort trouble des précédentes découvertes que les dernières années ont permises, et qui concernent la présidence Trump ainsi que les clans Obama, Biden et Clinton.

Pour rappel, pendant la campagne électorale américaine de 2016 opposant Donald Trump à Hillary Clinton, la presse avait abondamment relayé les affirmations selon lesquelles Trump aurait bénéficié d’appuis du Kremlin. La presse américaine prétendait étayer ces allégations grâce aux éléments fournis par Hillary Clinton et l’équipe de sa campagne électorale, transmis au FBI pour lui permettre de faire une enquête approfondie qui continuera d’alimenter la chronique pendant les quatre années de présidence Trump.

À l’époque, personne n’avait voulu faire le lien entre l’apparition de ces allégations de collusion et le fait qu’Hillary Clinton était elle-même empêtrée dans des affaires de divulgation d’e-mails classifiés à partir d’un serveur informatique non sécurisé. L’un et l’autre candidats semblaient mouillés dans différentes magouilles, voilà tout.

Cependant, les années qui ont suivi ont permis d’y voir un peu plus clair, nonobstant l’impressionnant travail de camouflage, de mensonge par omission voire de pure propagande de toute la presse, tant américaine que dans le reste du monde, pour tenter à la fois de discréditer Donald Trump et de blanchir Hillary Clinton : alors qu’il apparaissait de plus en plus évident que Clinton avait bel et bien fait fuiter (plutôt volontairement que le contraire) des secrets d’État sur son serveur d’e-mails personnel, les allégations concernant Trump peinaient de plus en plus à trouver de la substance.

Malgré l’absence marquée de toute preuve solide, les médias continuèrent de plus belle à donner du grain à moudre à la thèse d’une collusion entre Trump et la Russie, utilisant même cet angle pour complètement passer sous silence les révélations contenues dans le portable de Hunter Biden qu’on fit alors passer pour une pure intoxication des services russes.

En matière de propagande et de manipulation du public par les médias, les élections américaines de 2020 furent une véritable apothéose : malgré des soupçons de fraudes graves dès le lendemain de la présidentielle en Novembre et les rebondissements qui émaillèrent les mois suivants, le public fut pour ainsi dire forcé de croire à la thèse officielle selon laquelle Joe Biden aurait été élu dans une élection aussi propre et sécurisée que possible, et bien que peinant à rassembler 500 péquins dans une grande ville pour ses meetings politiques, il aurait donc gagné contre un type qui n’avait eu aucun mal à en rassembler 50.000 dans des champs au milieu de nulle part.

Les doutes persistaient cependant, tant sur ces élections que sur les allégations de collusion ou que sur les comportements de la presse, des administrations et des grandes compagnies de réseaux sociaux pendant ces périodes troublées.

Et ces doutes furent du reste largement alimentés par ce qu’on a découvert depuis : finalement, de “Twitter files” en “Twitter files”, le public a péniblement pris conscience qu’on l’avait clairement enfumé au sujet de l’ordinateur de Hunter Biden, le fils de l’actuel président. Non seulement, c’était bien le sien, mais en plus contenait-il largement de quoi faire sauter la présidence ; ceux que la presse avait compulsivement appelés “complotistes” pendant toutes ces années avaient, une fois encore, raison.

Parallèlement, les enquêtes citoyennes notamment menées sur la qualité des votes enregistrés pendant les élections de 2020 permirent de lever d’autres lièvres plus ou moins agiles. Ainsi, à moins d’être particulièrement épais, il ne fait plus de doute que les machines de vote et de tabulation de Dominion ou de Konnech sont fort mal sécurisées et ont largement pu constituer un vecteur d’attaques pour du bourrage d’urnes électroniques. Pire, le documentaire “2000 Mules” a amplement détaillé l’utilisation du vote par correspondance pour des bourrages d’urne dans les comtés les plus à même de faire basculer des États entiers en faveur de Biden.

Enfin, en 2022, le changement de majorité à la Chambre des représentants américains fut l’occasion de revenir en détail sur les événements du 6 janvier 2021 qui furent à l’époque présentés comme un envahissement violent du Congrès américain par des partisans pro-Trump, une véritable tentative de coup d’État que seules les courageuses forces de l’ordre locales purent repousser héroïquement. L’analyse des bandes vidéos des caméras de sécurité disponibles sur tout le périmètre a largement permis de remettre en cause cette thèse officielle qui ne tient que par le silence compact des médias de grand chemin, confrontés à leurs biais et leur volonté de consolider des bobards de plus en plus gros.

Quant au rapport Durham, il apporte maintenant la preuve définitive de la collusion des administrations et des agences de renseignement contre Trump. Il montre ainsi que le FBI a lancé ses enquêtes, largement médiatisées, en ne se basant sur aucun élément de preuve ou de soupçons raisonnables. Il montre aussi que les éléments fournis par Hillary Clinton étaient totalement fabriqués, que le FBI le savait et que ce sont les fonds de campagne pour l’élection de Clinton qui servirent à financer ces fabrications. Le même rapport démontre que ce FBI a commodément abandonné toutes poursuites contre Clinton en pariant sur son élection en 2016, ce qui, au passage, met sur le tapis l’indépendance de la justice et démontre une nouvelle forme de capture du Department of Justice par le gouvernement actuel.

Tout ceci constitue en fait à la fois une interférence claire dans l’administration Trump de 2016 à 2020, au frais du contribuable américain, une source d’interférence pour la campagne 2020, et une trahison de ces agences vis-à-vis des fonctions qu’elles sont censées servir. Ces interférences s’ajoutent à celles de plusieurs personnels des agences de renseignement (qui mentirent, en toute connaissance de cause, sur la provenance du portable de Biden).

De façon générale, ces différents éléments ne peuvent aboutir qu’à une perte globale de la confiance du public envers ses institutions. Sans surprise d’ailleurs, la majorité des Américains ne croit plus à la thèse officielle des élections (sûres et efficaces) les plus sécurisées et les mieux organisées de l’Histoire.

Ceci pose plusieurs problèmes de fond : comment imaginer une représentation démocratique si le processus de vote est à ce point entaché d’irrégularités ? Comment faire confiance à la Justice si cette dernière semble elle-même corrompue ? Où se situe vraiment le débat démocratique lorsque les médias sont à ce point manipulateurs et biaisés, et qu’ils exercent tout leur pouvoir pour garantir que la liberté d’expression sera aussi contrainte que possible ?

D’autre part, de l’autre côté de l’Atlantique, peut-on réellement se rassurer en feignant de croire que ce qu’on observe aux États-Unis n’est pas transposable en Europe et en France en particulier où les médias et la justice sont, eux aussi, totalement politisés, plus du tout pluralistes et équilibrés ?

Peut-on même envisager sereinement les prochaines élections dites “démocratiques” dans les pays occidentaux alors même que ces médias ont fait une impasse presque totale sur le résultat de ce rapport Durham qui démontre pourtant un dysfonctionnement grave des institutions et, par voie de conséquence, des médias eux-mêmes ?

Quelle confiance peut-on réellement accorder à ces politiciens, à ces institutions et ces journalistes alors que, sur les quatre dernières années, ils ont largement prouvé non seulement qu’ils mentaient, mais qu’ils le faisaient pour des raisons de plus en plus toxiques et nuisibles ?

Voir également:

« Get Trump »: Pourquoi les accusations contre lui sont une affaire politique

Gerald Olivier

14 juin 2023

Pour la deuxième fois en deux mois l’ancien président Donald Trump se retrouve sous le coup d’une inculpation.

La première remonte au début avril. Le procureur du conté de New York, un certain Alvin Bragg, magistrat noir de 51 ans, a accusé Donald Trump et sa campagne d’avoir falsifié ses comptes de campagne en 2020.

La seconde est tombée le 9 juin et provient du département de la justice des Etats-Unis. Donald Trump est accusé d’espionnage (rien moins) et d’entraves à la justice dans le cadre de la détention de documents classés « secrets » au-delà de son mandat de président. L’acte d’accusation détaille trente-sept chefs d’accusations.

Cette seconde inculpation est plus sérieuse que la précédente. Mais elle n’en reste pas moins politique. Strictement politique.

Donald Trump a dénoncé ces accusations comme « fausses et fabriquées ». Il a plaidé non coupable et pointé du doigt le président actuel Joe Biden comme la vraie personne derrière cette mascarade judiciaire. « Ce jour vivra dans l’infamie », a-t-il déclaré, en sortant du palais de justice après sa première comparution. « Joe Biden restera dans les mémoires comme le plus corrompu des présidents de l’histoire de notre pays et surtout comme celui qui avec une bande de voyous, de malfrats et de marxistes a voulu détruire la démocratie américaine.»

Derrière ces affaires de justice il y a bien la volonté, non revendiquée, mais parfaitement lisible, du camp Démocrate, d’empêcher Donald Trump d’être candidat à la Maison Blanche en 2024. Et s’il parvenait néanmoins à être ce candidat, l’objectif de ces poursuites est de le décrédibiliser auprès de l’électorat indépendant et d’orienter la campagne sur sa personne et son comportement non pas sur le bilan du président sortant et probable candidat démocrate, Joe Biden.

Rien n’a changé depuis la fameuse nuit du 8 novembre 2016.

Depuis que Trump a battu Hillary Clinton pour devenir président des Etats-Unis, en remportant le Collège Electoral malgré un déficit de trois millions de suffrages au plan national (cas de figure légitime et fréquent dans le système électoral américain), le mot d’ordre à gauche – des syndicats d’enseignants aux scénaristes d’Hollywood en passant par la presse bien-pensante, BLM et les associations LGBTQ+ – a été le même « Détruire Trump ». « Get Trump ! » en anglais. « Get Trump ! » est, au passage le titre d’un livre récemment paru aux Etats-Unis et rédigé par l’un des avocats de Trump, Alan Dershowitz, professeur à Harvard et social-démocrate convaincu, absolument outré de constater jusqu’où l’opposition Démocrate est prête à aller pour éliminer Trump de la vie politique….

En clair Trump est beaucoup trop dangereux pour les Démocrates et pour « l’Etat profond » pour qu’ils prennent le risque de lui donner une chance de revenir aux affaires.

Du temps de sa présidence le mot d’ordre « Get Trump » s’est traduit par une enquête de deux ans, de 2017 à 2019, sur « une collusion avec la Russie » qui s’est avérée être une fausse affaire montée de toutes pièces par la campagne d’Hillary Clinton; puis par un procès en destitution au sujet d’un coup de téléphone avec le président ukrainien ; puis par un confinement forcé et un blocage de la politique économique du président au nom du bien commun durant l’épidémie de Covid -19 débouchant sur une généralisation du vote par correspondance pour le scrutin présidentiel et une participation électorale d’un volume sans précédent jetant de sérieux doutes sur la fiabilité du scrutin…

Depuis qu’il a quitté la présidence le mot d’ordre « Get Trump » s’est traduit par de multiples enquêtes judiciaires dont deux ont déjà débouché sur des mises en examen et dont deux autres pourraient produire les résultats équivalents dans les mois à venir.

La première inculpation est donc venue de New York, l’ancienne résidence de Donald Trump. Trump est accusé de trente – et une violations de la règle de financement de campagne en 2020. Trump aurait falsifié ses comptes de campagne pour dissimuler un paiement de cent trente mille dollars à une star du X qui menaçait de révéler leur liaison sexuelle. Ces accusations constituent des « délits », pas des « crimes ». Elles ont été élevées au niveau de « crime » par un artifice juridique que beaucoup estime contestable. Trump a plaidé « non coupable ». La prochaine étape de la procédure est prévue en décembre et il est possible que d’ici-là, la validité des accusations portées contre lui soit contestée par ses avocats, coupant court toute procédure.

Sur la papier, les accusations contre Trump dans le dossier des documents classifiés sont plus sérieuses. L’ancien président est accusé de détention illégale de documents classés secrets ayant trait à la défense nationale, d’entrave à la justice, de falsification, de dissimulation et d’élimination de documents liés à une enquête fédérale, ainsi que de faux témoignage.

Il risque 400 ans de prison s’il était jugé coupable de tous les chefs d’accusation et condamné au maximum de la peine prévue…

La surprise de ces chefs d’accusation est qu’ils n’ont pas trait à la loi que régie la gestion de documents présidentiels, le « Presidential Records Act » de 1977, mais qu’ils rentrent dans le cadre du Espionnage Act, une loi de 1917, liée à la dissémination d’informations sensibles.

L’Espionnage Act est une loi votée lors de l’entrée des Etats-Unis dans la première guerre mondiale, à une époque de tensions et de méfiances exacerbées. C’était la première fois que les Etats-Unis entraient véritablement sur la scène internationale, hors de leur sphère…Cette loi a déjà servi à faire condamner Julian Assange dans l’affaire Wikileaks, Edward Snowden dans le dossier des écoutes téléphoniques de la NSA, et Bradley Manning (devenu Chelsea Manning après une opération de changement de sexe) le soldat qui avait diffusé les photos de prisonniers victimes de tortures durant l’occupation de l’Irak. Placer Trump aux côtés de tels félons n’est pas innocent…

Ce qui d’ailleurs pourrait s’avérer être bénéfique à l’ancien président. Dans la perspective d’un procès c’est un jury de citoyen du comté de Miami en Floride, lieu de résidence de Donald Trump, qui serait amené à se prononcer et il est loin d’être acquis qu’il suivrait les directives du Département de la justice en la matière.

Car, et c’est le plus important ici, c’est bien le gouvernement des Etats-Unis qui accuse ici Donald Trump. Il ne s’agit pas d’un petit procureur local à la poursuite de ses quinze minutes de célébrité, il s’agit du département de la justice, branche supposée indépendante et neutre du gouvernement américain.

C’est le procureur indépendant Jack Smith qui a décidé des chefs d’inculpation. Jack Smith a été nommé à cette fonction par Merrick Garland, le garde des sceaux des Etats-Unis. Et Merrick Garland a été placé à son poste par Joe Biden, le président élu en 2020. Joe Biden est candidat à sa réélection en 2024 et Donald Trump est lui-même candidat et grand favori pour emporter la nomination républicaine en 2024. En clair le président actuel utilise sa fonction et son gouvernement pour éliminer son adversaire politique le plus dangereux…

Cette seule notion devrait donner le frisson à n’importe quel citoyen américain soucieux de la protection des libertés individuelles sensées être au cœur des institutions américaines…

Le garde des Sceaux, Merrick Garland aurait pu désavouer son procureur spécial. Mais il ne l’a pas fait. Alors même que le cas de M. Trump n’est pas unique et que jamais jusqu’à présent de tels actes n’avaient eu de telles conséquences.

Avant Trump, les présidents Barack Obama et Bill Clinton ont tous les deux été pointés du doigt pour avoir conservé des documents classifiés sans y être autorisés. Ils n’ont jamais été mis en accusation et les différents se sont résolus avec les archives nationales américaines à l’amiable.

Mike Pence, le vice-président de Donald Trump, est lui-même mis en cause pour avoir conservé quelques documents classifiés sans autorisation. Il s’en est excusé, a plaidé l’erreur et l’ignorance et a tout remis aux archives.

Joe Biden lui même, président en exercice a reconnu détenir des cartons entiers de documents classés secrets, certains entreposés dans son garage, à côté de sa voiture de sport, une Corvette décapotable. D’autres cartons ont été retrouvés dans ses bureaux de l’Université de Pennsylvanie, au sein d’un centre portant son nom, « Le Penn Biden Center », financé par de généreux donateurs proches des dirigeants de la Chine …

Au contraire de Donald Trump qui était président et qui avait donc le pouvoir de déclassifier tous les documents en sa possession, rendant toute procédure juridique contre lui impossible, Joe Biden était vice-président et n’avait donc pas une telle autorité. De plus, des documents classifiés datant de ses années de sénateur ont également été retrouvés chez lui. Les sénateurs n’ont pas accès à des documents classifiés. Ils peuvent les « consulter » dans des pièces protégées mais jamais les sortir… A moins de le faire en douce. Et de commettre un délit. De telle sorte que pour que Joe Biden ait en sa possession de tels documents il a inévitablement fallu qu’il les subtilise de façon totalement illégale… Mais aucune accusation n’a été portée contre Joe Biden.

Pourtant lui aussi fait l’objet d’une enquête par un procureur spécial. Le nom de ce dernier est Robert Hur ! Il a été mis à sa fonction en novembre 2022, à peu près à la même époque que Jack Smith, mais on attend toujours le moindre rapport de sa part…

Enfin il y a le cas Hillary Clinton. Durant ses années en tant que secrétaire d’Etat (2009 à 2013) Hillary avait utilisé un serveur privé non sécurisé pour nombre de ses communications digitales. Des informations top-secrètes avaient ainsi été disséminées dans la nature. Une fois découverte Hillary avait effacé des milliers d’emails et détruit des téléphones portables à coups de marteau et d’eau de javel, pour masquer l’ampleur des fuites et la quantité des informations sensibles qu’elle avait pu ainsi mettre à la portée des ennemis de l’Amérique. Mais elle n’avait jamais été poursuivie. En juillet 2016 au plus fort du scandale des emails d’Hillary, le directeur du FBI d’alors James Comey avait jugé qu’elle avait fait preuve d’une « extrême négligence » mais que son comportement n’était pas « criminel » et qu’aucun « procureur raisonnable » ne pouvait en toute conscience engager des poursuites contre elle.

Les faits reprochés à Donald Trump sont beaucoup moins graves que ceux reprochés à Hillary Clinton en 2016 mais il est de plus en plus évident aux Etats-Unis qu’il existe une justice pour les Démocrates et une autre pour les Républicains, en particulier Donald Trump.

L’objectif est de le mettre en prison si possible (très, très peu probable à ce stade) mais surtout de l’empêcher de se présenter à la Maison Blanche. Ses accusations pourraient profiter à certains de ses adversaires dans la course à la nomination. Chris Christie, gouverneur du New Jersey s’est déjà désolidarisé de l’ancien président. De même que William Barr, son ancien garde des sceaux qui a décrit comme « accablant » le dossier réuni contre lui par le département de la justice.

Par sûr que les électeurs se laissent aussi facilement convaincre. Selon un sondage CBS 75% des électeurs républicains ont affirmé que pour eux les accusations étaient motivées par des considérations « politiques ». Six sur dix ont dit que ces accusations ne changeraient pas leur vote en faveur de Trump. Et près de deux sur dix ont affirmé que ces accusations affectaient « favorablement » leur opinion de Trump. Seulement 7% des personnes interrogées ont dit que cela avait impacté défavorablement leur vision de l’ancien président.

Début avril, la cote de Trump avait même progressé après sa mise en accusation par le procureur Bragg.

Quoi qu’il arrive, les institutions américaines autorisent une personne mise en accusation (et donc présumée innocente) à faire campagne. Un repris de justice peut se présenter à la Maison Blanche et même un détenu peut le faire. Cela s’est déjà produit dans l’histoire. C’était en 1920 et le candidat était Eugene V Debbs, un socialiste. Il avait rassemblé six millions de votes. Son meilleur score en trois tentatives…

Trump peut en sourire. L’acharnement judiciaire dont il fait l’objet en dit néanmoins très long sur l’état de délabrement de l’Amérique et sa transformation en une république bananière sous le contrôle du parti Démocrate.

EXTRAITS (traduits et soulignés par nos soins):

« D’après les preuves recueillies au cours des multiples enquêtes fédérales exhaustives et coûteuses sur ces questions, y compris l’enquête en cours, ni les forces de l’ordre américaines ni la communauté du renseignement ne semblent avoir disposé de preuves réelles de collusion dans leurs dossiers au début de l’enquête sur Crossfire Hurricane. (…) La rapidité et la manière dont le FBI a ouvert et enquêté sur Crossfire Hurricane pendant la saison des élections présidentielles, sur la base de renseignements bruts, non analysés et non corroborés, reflètent également une différence notable par rapport à la manière dont il a abordé des affaires antérieures concernant d’éventuelles tentatives de plans d’ingérence électorale à l’étranger visant la campagne de Clinton. Comme décrit dans la section IV.B, dans les dix-huit mois précédant l’élection de 2016, le FBI avait à traiter un certain nombre de propositions d’enquêtes susceptibles d’avoir une incidence sur l’élection. Dans chacun de ces cas, le FBI a agi avec beaucoup de prudence. Dans l’une de ces affaires, évoquée à la section IV.B.l, le siège du FBI et les responsables du département ont exigé que des briefings défensifs soient fournis à Mme Clinton et à d’autres responsables ou candidats qui semblaient être la cible d’une ingérence étrangère. Dans une autre affaire, le FBI a décidé de mettre fin à une enquête après que l’un de ses précieux SHC de longue date a dépassé les limites autorisées et a apporté une contribution financière inappropriée, voire illégale, à la campagne Clinton pour le compte d’une entité étrangère, en prévision d’un don beaucoup plus important envisagé. Dans un troisième cas, celui de la Fondation Clinton, de hauts responsables du FBI et du ministère ont imposé des restrictions sur la manière dont ces affaires devaient être traitées, de sorte qu’il n’y a eu pratiquement aucune activité d’enquête pendant les mois qui ont précédé l’élection. Ces exemples sont également très différents des actions du FBI en ce qui concerne d’autres renseignements très importants qu’il a reçus d’une source étrangère fiable indiquant un plan de campagne de Clinton pour vilipender Trump en le liant à Vladimir Poutine afin de détourner l’attention de ses propres préoccupations liées à son utilisation d’un serveur de messagerie privé. Contrairement à l’ouverture par le FBI d’une enquête approfondie sur des membres inconnus de la campagne Trump sur la base d’informations brutes et non corroborées, dans cette affaire distincte impliquant un prétendu plan de la campagne Clinton, le FBI n’a jamais ouvert de type d’enquête, émis de missions, employé du personnel d’analyse ou produit des analyses en rapport avec ces informations. Cette absence d’action s’est produite en dépit du fait que l’importance des informations relatives au plan Clinton était telle qu’elle a incité le directeur de la CIA à informer le président, le vice-président, le procureur général, le directeur du FBI et d’autres hauts fonctionnaires du gouvernement de leur contenu dans les jours qui ont suivi leur réception.
 
Elle était également suffisamment importante pour que la CIA envoie au directeur Comey et au directeur adjoint de la division du contre-espionnage du FBI, Peter Strzok, une note écrite officielle de saisine, pour examen et suite à donner. Le rapport d’enquête donnait des exemples d’informations que la cellule de fusion Crossfire Hurricane avait « glanées à ce jour ».
L’enquête sur Crossfire Hurricane
Quelques jours après l’ouverture de Crossfire Hurricane, le FBI a ouvert des enquêtes approfondies sur quatre membres de l’équipe de campagne de Trump : George Papadopoulos, Carter Page, Paul Manafort et Michael Flynn. Aucun briefing défensif n’a été fourni à Trump ou à quiconque dans la campagne concernant les informations reçues d’Australie qui suggéraient qu’il pourrait y avoir un certain type de collusion entre la campagne de Trump et les Russes, que ce soit avant ou après l’ouverture de ces enquêtes. Au lieu de cela, le FBI a commencé à travailler sur des demandes d’utilisation des autorités FISA à l’encontre de Page et Papadopoulos. L’effort concernant Papadopoulos s’est avéré infructueux. De même, les efforts initiaux visant Page sont restés vains jusqu’à ce que les enquêteurs de Crossfire Hurricane obtiennent pour la première fois ce que l’on a appelé les « Company Intelligence Reports » (rapports de renseignements d’entreprise) produits par Christopher Steele. Comme indiqué dans les sections IV.D. l .b.ii et iii et en bref ci-dessous, les rapports Steele ont été fournis pour la première fois au FBI au début du mois de juillet 2016 mais, pour des raisons inexpliquées, n’ont été transmis aux enquêteurs de Crossfire Hurricane qu’à la mi-septembre. Les rapports ont été ostensiblement assemblés sur la base d’informations fournies à Steele et à sa société par une « sous-source principale », dont le FBI a finalement déterminé en décembre 2016 qu’il s’agissait d‘Igor Danchenko.
Notre enquête a déterminé que les enquêteurs de Crossfire Hurricane n’ont pas corroboré et n’ont pu corroborer aucune des allégations substantielles contenues dans le rapport de Steele. Steele n’a pas non plus été en mesure de corroborer l’une quelconque des allégations rapportées, même après s’être vu offrir un million de dollars ou plus par le FBI en échange d’une telle corroboration. En outre, lorsqu’il a été interrogé par le FBI en janvier 2017, Danchenko n’a pas non plus été en mesure de corroborer l’une quelconque des allégations substantielles contenues dans les rapports. Au contraire, Danchenko a qualifié les informations qu’il a fournies à Steele de « rumeurs et spéculations » et de produit d’une conversation décontractée.
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Le dossier Steele

Au printemps 2016, Perkins Coie, un cabinet d’avocats international basé aux États-Unis, agissant en tant que conseiller de la campagne Clinton, a retenu les services de Fusion GPS, un cabinet d’enquête basé aux États-Unis, pour mener des recherches d’opposition sur Trump et ses associés. À la mi-mai 2016, Glenn Simpson de Fusion GPS a rencontré Steele au Royaume-Uni et a ensuite retenu les services de Steele et de son entreprise, Orbis Business Intelligence ( » Orbis « ), pour enquêter sur les liens de Trump avec la Russie.Steele s’est décrit comme un ancien responsable du renseignement pour le gouvernement britannique et était également à l’époque une SHC [Source Humaine Confidentielle] du FBI. À partir de juillet 2016 et jusqu’en décembre 2016, le FBI a reçu une série de rapports de Steele et d’Orbis contenant des informations désobligeantes sur Trump concernant les liens supposés de ce dernier avec la Russie. Comme indiqué à la section IV.D.l.b.ii, Steele a remis le premier de ses rapports à son responsable au FBI le 5 juillet. Ces rapports ont été familièrement appelés le « Dossier Steele » ou les « Rapports Steele ». Comme indiqué, ce n’est qu’à la mi-septembre que les enquêteurs de Crossfire Hurricane ont reçu plusieurs des rapports Steele. Dans les jours qui ont suivi leur réception, les rapports Steele non vérifiés et non contrôlés ont été utilisés pour étayer la cause probable dans les demandes FISA [Foreign Intelligence Act] du FBI visant Page, un citoyen américain qui, pendant un certain temps, a été un conseiller de Trump. En particulier, une allégation contenue dans un rapport Steele non daté, identifié comme 2016/095, décrivait une « conspiration bien développée de coopération » entre Trump, sa campagne et de hauts responsables russes. Cette allégation sous-tendrait en fin de compte les quatre demandes FISA visant Page. Plus précisément, l’allégation stipulait ce qui suit

S’adressant confidentiellement à un compatriote à la fin du mois de juillet 2016, la source E, un Russe ethnique proche du candidat républicain à la présidence des États-Unis Donald TRUMP, a admis qu’il existait une conspiration bien développée de coopération entre eux et les dirigeants russes. Celle-ci était gérée du côté de TRUMP par le directeur de campagne du candidat républicain, Paul MANAFORT, qui utilisait son conseiller en politique étrangère, Carter PAGE, et d’autres personnes comme intermédiaires. Les deux parties avaient un intérêt mutuel à vaincre la candidate démocrate à la présidence Hillary CLINTON, que le président POUTINE détestait et craignait apparemment.

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Sur la base de l’examen de Crossfire Hurricane et des activités de renseignement connexes, nous concluons que le département et le FBI n’ont pas respecté leur importante mission de stricte fidélité à la loi dans le cadre de certains événements et activités décrits dans le présent rapport. Comme nous l’avons indiqué, l’ancien avocat du FBI, Kevin Clinesmith, a commis une infraction pénale en montant de toutes pièces, dans un courriel, des termes qui ont permis au FBI d’obtenir une ordonnance de surveillance en vertu de la loi FISA. Dans d’autres cas, le personnel du FBI travaillant sur cette même demande FISA a fait preuve, au mieux, d’une attitude cavalière à l’égard de l’exactitude et de l’exhaustivité. Le personnel du FBI a également ignoré à plusieurs reprises des exigences importantes lorsqu’il a continué à demander le renouvellement de cette surveillance FISA tout en reconnaissant – à l’époque et a posteriori – qu’il ne croyait pas vraiment qu’il y avait des raisons probables de penser que la cible participait sciemment à des activités de renseignement clandestines pour le compte d’une puissance étrangère ou qu’elle aidait sciemment une autre personne à participer à de telles activités. Certains membres du personnel n’ont pas tenu compte d’informations importantes à décharge qui auraient dû inciter à la retenue et au réexamen de l’enquête. Notre enquête a également révélé que des cadres supérieurs du FBI ont fait preuve d’un manque flagrant de rigueur analytique à l’égard des informations qu’ils recevaient, en particulier celles émanant de personnes et d’entités politiquement affiliées. Ces informations ont en partie déclenché et entretenu Crossfire Hurricane et ont contribué à la nécessité de l’enquête du conseiller spécial Mueller. En particulier, on s’est beaucoup appuyé sur les pistes d’enquête fournies ou financées (directement ou indirectement) par les opposants politiques de Trump. Le ministère n’a pas examiné ou remis en question de manière adéquate ces documents et les motivations de ceux qui les ont fournis, même lorsque, à peu près au même moment, le directeur du FBI et d’autres personnes ont appris l’existence de renseignements importants et potentiellement contraires.
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Il ne fait aucun doute que le FBI avait l’obligation affirmative d’examiner de près » les renseignements fournis par le gouvernement australien, qui a déclaré que ses diplomates avaient entendu George Papadopoulos, un conseiller de Trump, faire des déclarations alarmantes liées à la Russie.
 
Le FBI a ouvert Crossfire Hurricane en tant qu’enquête de contre-espionnage complète  » pour déterminer si un ou des individus associés à la campagne Trump [étaient] conscients et/ou coordonnaient des activités avec le gouvernement de la Russie « . « Le point de départ de l’enquête du Bureau a été d’examiner quelles informations étaient connues ou disponibles au FBI sur de tels liens au 31 juillet 2016, avant l’ouverture de Crossfire Hurricane. Cette question s’est ensuite divisée en deux questions connexes : (i) quelles étaient les informations qui ont motivé l’ouverture de l’enquête et (ii) ces informations justifiaient-elles l’ouverture d’une telle enquête non pas en tant qu’enquête « d’évaluation » ou « préliminaire », mais dès le départ en tant qu’enquête « complète ». En explorant ces questions, nous avons déterminé ce qui suit :
a. Les informations utilisées pour préparer Crossfire Hurricane
En mars 2016, la campagne Trump a désigné George Papadopoulos comme conseiller en politique étrangère. Papadopoulos avait auparavant travaillé comme consultant en énergie, avec un intérêt particulier pour les projets en Méditerranée orientale. Au moment de sa nomination, Papadopoulos était employé au Royaume-Uni au London Center of International Law Practice. Parmi les connaissances de Papadopoulos à Londres se trouvait un diplomate d’un autre pays (« Foreign Government-I Diplomat-I »). Le diplomate du gouvernement étranger-I connaissait un diplomate australien (« Diplomate australien-l »). Le 6 mai 2016, à la suite d’un arrangement préalable, le Diplomate-I du gouvernement étranger a présenté Papadopoulos au Diplomate-I australien. Le 10 mai 2016, Papadopoulos et le diplomate australien I se sont rencontrés à nouveau et, cette fois, ils ont été rejoints par le haut-commissaire australien Alexander Downer. Les deux rencontres se sont déroulées autour d’un verre dans un cadre public. Les diplomates australiens souhaitaient rencontrer Papadopoulos en raison de son rôle dans la campagne de Trump, et une grande partie de la conversation a porté sur les prochaines élections américaines. Plus de deux mois plus tard, le 26 juillet 2016, l’Australie a fourni à l’ambassade des États-Unis à Londres certaines informations que ses diplomates avaient notées au moment des réunions avec Papadopoulos. Le lendemain, le département d’État a transmis ces informations à l’attaché juridique du FBI affecté à l’ambassade de Londres ( » UK Legat l « )_2 Le  » paragraphe cinq  » est le nom donné aux informations brutes fournies par le gouvernement australien et incluses dans un câble du 16 mai 2016 qui documente les rencontres des diplomates avec Papadopoulos. Le paragraphe cinq est un extrait du câble et a été cité mot pour mot dans l’ouverture de l’EC sur l’ouragan Crossfire (…) Le compte rendu australien indique que deux réunions de nature informelle ont eu lieu avec Papadopoulos. Ces réunions ont été documentées par Downer le 11 mai 2016 et par le diplomate australien I plus tard dans le mois. Les deux diplomates ont indiqué qu’avant le printemps 2016, Papadopoulos leur était inconnu. Notamment, les informations du paragraphe 5 ne mentionnent pas le piratage du DNC, la possession de courriels par les Russes ou la publication de courriels. En outre, interrogé par le Bureau, M. Downer a déclaré qu’il aurait caractérisé les déclarations de M. Papadopoulos différemment de ce que le diplomate australien I a fait dans le paragraphe 5. Selon M. Downer, M. Papadopoulos n’a fait aucune mention des courriels de Mme Clinton, des saletés ou de toute approche spécifique du gouvernement russe à l’égard de l’équipe de campagne de M. Trump avec une offre ou une suggestion d’assistance. Selon les souvenirs de M. Downer, M. Papadopoulos a simplement déclaré que « les Russes ont des informations », et c’est tout. Comme l’a raconté le diplomate australien I au FBI le 2 août 2016, le contenu du paragraphe cinq a été rédigé de manière « volontairement vague ». Cela a été fait parce que Papadopoulos a laissé un certain nombre de choses inexpliquées et « n’a pas dit qu’il avait un contact direct avec les Russes ». L’impression que Papadopoulos a laissée aux diplomates australiens était très large. D’une part, il « avait un sens exagéré de lui-même », était « peu sûr de lui » et « essayait d’impressionner ». D’autre part, il était « un type sympa », n’était « pas négatif » et « ne citait pas de noms ». (…) M. Downer a également déclaré qu’il « n’avait pas l’impression que Papadopoulos était l’intermédiaire chargé de la coordination avec les Russes ». Les diplomates australiens informeront plus tard le FBI, et par la suite le Bureau, que l’impulsion pour transmettre les informations du paragraphe cinq à la fin du mois de juillet a été la publication par WikiLeaks (le 22 juillet 2016) des communications électroniques qui avaient été piratées à partir des serveurs du DNC [Democratic National Committee]. Pour autant que l’enquête du Bureau ait pu le déterminer, les commentaires de Papadopoulos <li<l n’ont pas fait l’objet d’une analyse ou d’un examen supplémentaire de la part des responsables du renseignement australien.
b. L’absence d’informations de renseignement étayant les prémisses de Crossfire Hurricane

Tout d’abord, il ne fait aucun doute que le FBI avait l’obligation affirmative d’examiner de près les informations du paragraphe cinq. Cependant, ces informations ont été la seule base invoquée par le FBI pour ouvrir une enquête approfondie sur des individus associés à la campagne Trump en cours. Il est significatif que le FBI ait ouvert une enquête complète avant que des discussions préliminaires ou des entretiens n’aient été entrepris avec les diplomates australiens ou Papadopoulos. En outre, la CE [Communication Electronique] d’ouverture ne décrit aucune collaboration ou évaluation conjointe des informations avec des services de renseignement étrangers amis ou d’autres agences de renseignement américaines.

En effet, dans les trois jours qui ont suivi la réception du rapport du paragraphe 5, le FBI a déterminé, sans autre analyse, que les informations australiennes constituaient une base adéquate pour l’ouverture d’une enquête complète visant à déterminer si des personnes associées à une campagne présidentielle en cours étaient « conscientes des activités du gouvernement russe et/ou les coordonnaient avec lui ».
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Compte tenu de ce qui précède, et en considérant les faits sous l’angle le plus favorable aux enquêteurs de Crossfire Hurricane, il semble très probable qu’au minimum, le biais de confirmation ait joué un rôle important dans l’acceptation par le FBI d’allégations extraordinairement sérieuses dérivées d’informations non corroborées qui n’avaient pas été soumises à l’analyse rigoureuse habituelle employée par le FBI et d’autres membres de la communauté du renseignement. En bref, le Bureau estime que le FBI a écarté ou délibérément ignoré des informations matérielles qui n’étayaient pas la thèse d’une relation collusoire entre Trump et la Russie le FBI. De même, le rapport de la division d’inspection du FBI indique que les enquêteurs « ont à plusieurs reprises ignoré ou expliqué des preuves contraires à la théorie selon laquelle la campagne Trump … avait conspiré avec la Russie …. ». Il est apparu que … il y avait un modèle de présomption d’intention néfaste ». Une évaluation objective et honnête de ces éléments d’information aurait dû amener le FBI à remettre en question non seulement la prédiction de Crossfire Hurricane, mais aussi à réfléchir à la question de savoir si le FBI était manipulé à des fins politiques ou autres. Malheureusement, cela n’a pas été le cas.
Voir aussi:

« Based on the evidence gathered in the multiple exhaustive and costly federal investigations of these matters, including the instant investigation, neither U.S. law enforcement nor the Intelligence Community appears to have possessed any actual evidence of collusion in their holdings at the commencement of the Crossfire Hurricane investigation. (…) The speed and manner in which the FBI opened and investigated Crossfire Hurricane during the presidential election season based on raw, unanalyzed, and uncorroborated intelligence also reflected a noticeable departure from how it approached prior matters involving possible attempted foreign election inference plans aimed at the Clinton campaign. As described in Section IV.B, in the eighteen months leading up to the 2016 election, the FBI was

required to deal with a number of proposed investigations that had the potential of affecting the election. In each of those instances, the FBI moved with considerable caution. In one such matter discussed in Section IV.B.l, FBI Headquarters and Department officials required defensive briefings to be provided to Clinton and other officials or candidates who appeared to be the targets of foreign interference. In another, the FBI elected to end an investigation after one of its longtime and valuable CHSs went beyond what was authorized and made an improper and possibly illegal financial contribution to the Clinton campaign on behalf of a foreign entity as a precursor to a much larger donation being contemplated. And in a third, the Clinton Foundation matter, both senior FBI and Department officials placed restrictions on how those matters were to be handled such that essentially no investigative activities occurred for months leading up to the election. These examples are also markedly different from the FBI’ s actions with respect to other highly significant intelligence it received from a trusted foreign source pointing to a Clinton campaign plan to vilify Trump by tying him to Vladimir Putin so as to divert attention from her own concerns relating to her use of a private email server. Unlike the FBI’s opening of a full investigation of unknown members of the Trump campaign based on raw, uncorroborated information, in this separate matter involving a purported Clinton campaign plan, the FBI never opened any type of inquiry, issued any taskings, employed any analytical personnel, or produced any analytical products in connection with the information. This lack of action was despite the fact that the significance of the Clinton plan intelligence was such as to have prompted the Director of the CIA to brief the President, Vice President, Attorney General, Director of the FBI, and other senior government officials about its content within days of its receipt. It was also of enough importance for the CIA to send a formal written referral memorandum to Director Corney and the Deputy Assistant Director of the FBI’s Counterintelligence Division, Peter Strzok, for their consideration and action. The investigative referral provided examples of information the Crossfire Hurricane fusion cell had « gleaned to date. »

The Crossfire Hurricane Investigation

Within days after opening Crossfire Hurricane, the FBI opened full investigations on four members of the Trump campaign team: George Papadopoulos, Carter Page, Paul Manafort, and Michael Flynn. No defensive briefing was provided to Trump or anyone in the campaign concerning the information received from Australia that suggested there might be some type of collusion between the Trump campaign and the Russians, either prior to or after these investigations were opened. Instead, the FBI began working on requests for the use of FISA authorities against Page and Papadopoulos. The effort as related to Papadopoulos proved unsuccessful. Similarly, the initial effort directed at Page was unsuccessful until the Crossfire Hurricane investigators first obtained what were designated as « Company Intelligence Reports » generated by Christopher Steele. As set forth in Sections IV.D. l .b.ii and iii and in brief below, the Steele Reports were first provided to the FBI in early July 2016 but, for unexplained reasons, only made their way to the Crossfire Hurricane investigators in mid-September. The reports were ostensibly assembled based on information provided to Steele and his company by a « primary sub source, » who the FBI eventually determined in December 2016 was Igor Danchenko.

Our investigation determined that the Crossfire Hurricane investigators did not and could not corroborate any of the substantive allegations contained in the Steele reporting. Nor was Steele able to produce corroboration for any of the reported allegations, even after being offered $1 million or more by the FBI for such corroboration. Further, when interviewed by the FBI in January 2017, Danchenko also was unable to corroborate any of the substantive allegations in the Reports. Rather, Danchenko characterized the information he provided to Steele as « rumor and speculation » and the product of casual conversation.

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The Steele Dossier

In the spring of 2016, Perkins Coie, a U.S.-based international law firm, acting as counsel to the Clinton campaign, retained Fusion GPS, a U.S.-based investigative firm, to conduct opposition research on Trump and his associates. In mid-May 2016, Glenn Simpson of Fusion GPS met with Steele in the United Kingdom and subsequently retained Steele and his firm, Orbis Business Intelligence (« Orbis »), to investigate Trump’s ties to Russia. 33 Steele described himself as a former intelligence official for the British government, and was also at the time an FBI CHS. Beginning in July 2016 and continuing through December 2016, the FBI received a series of reports from Steele and Orbis that contained derogatory information about Trump concerning Trump’s purported ties to Russia. As discussed in Section IV.D.l.b.ii, Steele provided the first of his reports to his FBI handler on July 5th. These reports were colloquially referred to as the « Steele Dossier ». or « Steele Reports. » As noted, it was not until mid-September that the Crossfire Hurricane investigators received several of the Steele Reports. Within days of their receipt, the unvetted and unverified Steele Reports were used to support probable cause in the FBI’s FISA applications targeting Page, a U.S. citizen who, for a period of time, had been an advisor to Trump. As discussed later in the report, this was done at a time when the FBI knew that the same

information Steele had provided to the FBI had also been fed to the media and others in Washington, D.C. In particular, one allegation contained in an undated Steele Report, identified as 2016/095, described a « well-developed conspiracy of co-operation » between Trump, his campaign, and senior Russian officials. This allegation would ultimately underpin the four FISA applications targeting Page. Specifically, the allegation stated:

Speaking in confidence to a compatriot in late July 2016, Source E, an ethnic Russian close associate of Republican US presidential candidate Donald TRUMP, admitted that there was a well-developed conspiracy of co-operation between them and the Russian leadership. This was managed on the TRUMP side by the Republican candidate’s campaign manager, Paul MANAFORT, who was using foreign policy advisor, Carter PAGE, and others as intermediaries. The two sides had a mutual interest in defeating Democratic presidential candidate Hillary CLINTON, whom President PUTIN apparently both hated and feared.

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Based on the review of Crossfire Hurricane and related intelligence activities, we conclude that the Department and the FBI failed to uphold their important mission of strict fidelity to the law in connection with certain events and activities described in this report. As noted, former FBI attorney Kevin Clinesmith committed a criminal offense by fabricating language in an email that was material to the FBI obtaining a FISA surveillance order. In other instances, FBI personnel working on that same FISA application displayed, at best, a cavalier attitude towards accuracy and completeness. FBI personnel also repeatedly disregarded important requirements when they continued to seek renewals of that FISA surveillance while acknowledging – both then and in hindsight – that they did not genuinely believe there was probable cause to believe that the target was knowingly engaged in clandestine intelligence activities on behalf of a foreign power, or knowingly helping another person in such activities. And certain personnel disregarded significant exculpatory information that should have prompted investigative restraint and re-examination. Our investigation also revealed that senior FBI personnel displayed a serious lack of analytical rigor towards the information that they received, especially information received from politically affiliated persons and entities. This information in part triggered and sustained Crossfire Hurricane and contributed to the subsequent need for Special Counsel Mueller’s investigation. In particular, there was significant reliance on investigative leads provided or funded (directly or indirectly) by Trump’s political opponents. The Department did not adequately examine or question these materials and the motivations of those providing them, even when at about the same time the Director of the FBI and others learned of significant and potentially contrary intelligence.

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There is no question that the FBI had an affirmative obligation to closely examine » intelligence provided by the Australian government, which said its diplomats had heard George Papadopoulos, a Trump adviser, make alarming statements related to Russia.

The FBI opened Crossfire Hurricane as a full counterintelligence investigation « to determine whether individual(s) associated with the Trump campaign [were] witting of and/or coordinating activities with the Government of Russia.  » The starting point for the Office’s inquiry was to examine what information was known or available to the FBI about any such ties as of July 31, 2016, prior to opening Crossfire Hurricane. That question then divided itself into two related questions: (i) what was the information that predicated the opening of the investigation and (ii) did that information support such an investigation being opened not as an « assessment » or « preliminary » investigation, but from the start as a « full » investigation. In exploring these questions, we determined the following:

a. The information used to predicate Crossfire Hurricane

In March 2016, the Trump campaign identified George Papadopoulos as a foreign policy advisor. Papadopoulos had previously worked as an energy consultant, with a particular focus on projects in the Eastern Mediterranean. At the time of his appointment, Papadopoulos was employed in the United Kingdom at the London Center oflntemational Law Practice. Among Papadopoulos’s acquaintances in London was a diplomat from another country (« Foreign Government-I Diplomat-I »). Foreign Government-I Diplomat-I was familiar with an Australian diplomat (« Australian Diplomat-l »). On May 6, 2016, by prearrangement, Foreign Government-I Diplomat-I introduced Papadopoulos to Australian Diplomat-I. On May I 0, 2016, Papadopoulos and Australian Diplomat- I met again, and this time they were joined by Australian High Commissioner Alexander Downer. Both meetings were over drinks in public settings. The Australian diplomats were interested in meeting with Papadopoulos because of his role in the Trump campaign, and much of the conversation centered on the upcoming U.S. election. Over two months later, on July 26, 2016, Australia provided the U.S. Embassy in London certain information its diplomats had memorialized at or around the

time of the meetings with Papadopoulos. The next day, the State Department passed this information on to the FBI’s Legal Attache assigned to the Embassy in London (« UK Legat l « )_2 « Paragraph Five » was the name given to the raw information provided by the Australian government and included in a May 16, 2016 cable that documented the diplomats’ encounters with Papadopoulos. 213 Paragraph Five is an abstract from the cable and was quoted verbatim in the Crossfire Hurricane Opening EC (…) The Australian account reflects that two meetings of a casual nature took place with Papadopoulos. These meetings were documented by Downer on May 11, 2016 and by Australian Diplomat- I later in the month. Both diplomats advised that prior to the Spring of 2016, Papadopoulos was unknown to them. Notably, the information in Paragraph Five does not include any mention of the hacking of the DNC, the Russians being in possession of emails, or the public release of any emails. In addition, when interviewed by the Office, Downer stated that he would have characterized the statements made by Papadopoulos differently than Australian Diplomat- I did in Paragraph 5. According to Downer, Papadopoulos made no mention of Clinton emails, dirt or any specific approach by the Russian government to the Trump campaign team with an offer or suggestion of providing assistance. Rather, Downer’s recollection was that Papadopoulos simply stated « the Russians have information » and that was all. As recounted to the FBI on August 2, 2016, by Australian Diplomat-I, the substance of Paragraph Five was written in a « purposely vague » way. This was done because Papadopoulos left a number of things unexplained and « did not say he had direct contac with the Russians. » The impression Papadopoulos made on the Australian diplomats was wide ranging. On the one hand, he « had an inflated sense of self, » was « insecure, » and was « trying to impress. » On the other hand, he was « a nice guy, » was « not negative, » and « did not name drop. » (…) Downer also said that he « did not get the sense Papadopoulos was the middle-man to coordinate with the Russians. » The Australian diplomats would later inform the FBI, and subsequently the Office, that the impetus for passing the Paragraph Five information in late-July was the public release by WikiLeaks (on July 22, 2016) of email communications that had been hacked from the DNC servers. As far as the Office’s investigation was able to determine, Papadopoulos’s comments <li<l not undergo any additional analysis or scrutiny by Australian intelligence officials.

b. The lack of intelligence information supporting the premise of Crossfire Hurricane
As an initial matter, there is no question that the FBI had an affirmative obligation to closely examine the Paragraph Five information. The Paragraph Five information, however, was the sole basis cited by the FBI for opening a full investigation into individuals associated with the ongoing Trump campaign. 226 Significantly, the FBI opened a full investigation before any preliminary discussions or interviews ,vere undertaken with either

the Australian diplomats or Papadopoulos. Further, the Opening EC does not describe any collaboration or joint assessments of the information with either friendly foreign intelligence services or other U.S. intelligence agencies. In effect, within three days of its receipt of the Paragraph Five reporting, the FBI determined, without further analysis, that the Australian information was an adequate basis for the opening of a full investigation into whether individuals associated with an ongoing presidential campaign were « witting of and/or coordinating activities with the Government of Russia. »

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Given the foregoing, and viewing the facts in a light most favorable to the Crossfire
Hurricane investigators, it seems highly likely that, at a minimum, confirmation bias played a significant role in the FBI’s acceptance of extraordinarily serious allegations derived from uncorroborated information that had not been subjected to the typical exacting analysis employed by the FBI and other members of the Intelligence Community. In short, it is the Office’s assessment that the FBI discounted or willfully ignored material information that did not support
the narrative of a collusive relationship between Trump and Russia. Similarly, the FBI Inspection Division Report says that the investigators « repeatedly ignore[ d] or explain[ed] away evidence contrary to the theory the Trump campaign … had conspired with Russia …. It appeared that … there was a pattern of assuming nefarious intent. » 1749 An objective and honest assessment of these strands of information should have caused the FBI to question not only the predication for Crossfire Hurricane, but also to reflect on whether the FBI was being manipulated for political or other purposes. Unfortunately, it did not.

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Complotisme: Mon but n’était pas d’attaquer les Juifs mais de défendre la position adventiste (21st century Gnostic revivalism: Guess why conspiracy evangelism is so popular for people fed from birth on the apocalyptic reading of the Bible and news headlines as « signs of the times » and of their own election as part of God’s true “remnant » ?)

13 avril, 2023

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Le salut vient des Juifs.
Jésus (Jean 4:22)
Gardez-vous des faux prophètes. Ils viennent à vous en vêtement de brebis, mais au dedans ce sont des loups ravisseurs. (…) C’est (…) à leurs fruits que vous les reconnaîtrez. Jésus (Matthieu 7: 15-20)
Si tu te glorifies, sache que ce n’est pas toi qui portes la racine, mais que c’est la racine qui te porte. Paul (Lettre aux Romains 11: 18)
Je voudrais moi-même être anathème et séparé de Christ pour mes frères, mes parents selon la chair, qui sont Israélites, à qui appartiennent l’adoption, et la gloire, et les alliances, et la loi, et le culte, et les promesses, et les patriarches, et de qui est issu, selon la chair, le Christ, qui est au-dessus de toutes choses, Dieu béni éternellement. Paul (Rm 9: 3)
Lorsque Simon vit que le Saint Esprit était donné par l’imposition des mains des apôtres, il leur offrit de l’argent, en disant: Accordez-moi aussi ce pouvoir, afin que celui à qui j’imposerai les mains reçoive le Saint Esprit. Mais Pierre lui dit: Que ton argent périsse avec toi, puisque tu as cru que le don de Dieu s’acquérait à prix d’argent! Actes des apôtres 8: 18-20
La colère de l’Éternel s’enflamma de nouveau contre Israël, et il excita David contre eux, en disant: Va, fais le dénombrement d’Israël et de Juda. (…) L’Éternel envoya la peste en Israël, depuis le matin jusqu’au temps fixé; et, de Dan à Beer Schéba, il mourut soixante-dix mille hommes parmi le peuple. Comme l’ange étendait la main sur Jérusalem pour la détruire, l’Éternel se repentit de ce mal, et il dit à l’ange qui faisait périr le peuple: Assez! Retire maintenant ta main. L’ange de l’Éternel était près de l’aire d’Aravna, le Jébusien. David, voyant l’ange qui frappait parmi le peuple, dit à l’Éternel: Voici, j’ai péché! C’est moi qui suis coupable; mais ces brebis, qu’ont-elles fait? Que ta main soit donc sur moi et sur la maison de mon père! 2 Samuel 24: 1-17
Satan se leva contre Israël, et il excita David à faire le dénombrement d’Israël.Cet ordre déplut à Dieu, qui frappa Israël. (…)  Et David dit à Dieu: J’ai commis un grand péché en faisant cela! Maintenant, daigne pardonner l’iniquité de ton serviteur, car j’ai complètement agi en insensé!L’Éternel adressa ainsi la parole à Gad, le voyant de David: Va dire à David: Ainsi parle l’Éternel: Je te propose trois fléaux; choisis-en un, et je t’en frapperai. (…) Accepte, ou trois années de famine, ou trois mois pendant lesquels tu seras détruit par tes adversaires et atteint par l’épée de tes ennemis, ou trois jours pendant lesquels l’épée de l’Éternel et la peste seront dans le pays et l’ange de l’Éternel portera la destruction dans tout le territoire d’Israël. (…) L’Éternel envoya la peste en Israël, et il tomba soixante-dix mille hommes d’Israël. Dieu envoya un ange à Jérusalem pour la détruire; et comme il la détruisait, l’Éternel regarda et se repentit de ce mal, et il dit à l’ange qui détruisait: Assez! Retire maintenant ta main.(…) David leva les yeux, et vit l’ange de l’Éternel se tenant entre la terre et le ciel et ayant à la main son épée nue tournée contre Jérusalem. Alors David et les anciens, couverts de sacs, tombèrent sur leur visage.Et David dit à Dieu: N’est-ce pas moi qui ai ordonné le dénombrement du peuple? C’est moi qui ai péché et qui ai fait le mal; mais ces brebis, qu’ont-elles fait? Éternel, mon Dieu, que ta main soit donc sur moi et sur la maison de mon père, et qu’elle ne fasse point une plaie parmi ton peuple! I Chroniques 21: 1-17
Ainsi parle l’Éternel à son oint, à Cyrus. Esaïe 45 : 1
Il me fit voir Josué, le souverain sacrificateur, debout devant l’ange de l’Éternel  (…) C’est ici la parole que l’Éternel adresse à Zorobabel (…) Les mains de Zorobabel ont fondé cette maison, et ses mains l’achèveront; et tu sauras que l’Éternel des armées m’a envoyé vers vous. (…) Ce sont les deux oints qui se tiennent devant le Seigneur de toute la terre. Zacharie 3:1 – 4: 6-14
Tout ce pays deviendra une ruine, un désert, et ces nations seront asservies au roi de Babylone pendant soixante-dix ans. Mais lorsque ces soixante-dix ans seront accomplis, je châtierai le roi de Babylone. Jérémie 25: 11-12
Mais voici ce que dit l’Éternel: Dès que soixante-dix ans seront écoulés pour Babylone, je me souviendrai de vous, et j’accomplirai à votre égard ma bonne parole, en vous ramenant dans ce lieu. Jérémie 29: 10
En ces jours-là surgit d’Israël une génération de vauriens qui séduisirent beaucoup de personnes en disant : “Allons, faisons alliance avec les nations qui nous entourent, car depuis que nous nous sommes séparés d’elles, bien des maux nous sont advenus.” (…) Plusieurs parmi le peuple s’empressèrent d’aller trouver le roi, qui leur donna l’autorisation d’observer les coutumes païennes. Ils construisirent donc un gymnase à Jérusalem, selon les usages des nations, se refirent des prépuces et renièrent l’alliance sainte pour s’associer aux nations. 1 Maccabées 1: 11-15
On n’avait pas le droit d’observer le sabbat, ni de célébrer les fêtes traditionnelles, ni même simplement de se déclarer juif. Chaque mois, au jour commémorant la naissance du roi, on était contraint de façon humiliante à participer à un repas sacrificiel; et quand arrivait la fête de Dionysos, on était forcé de se couronner de lierre et d’accompagner le cortège en l’honneur de ce dieu. Sur la proposition des habitants de Ptolémaïs, un décret fut publié: les villes grecques des régions voisines de la Judée devaient adopter la même politique à l’égard des Juifs qui s’y trouvaient et les obliger à participer aux repas sacrificiels; l’ordre fut donné d’égorger quiconque refuserait d’adopter les coutumes grecques. Il était donc facile de prévoir les malheurs à venir. Ainsi deux femmes furent déférées en justice pour avoir circoncis leurs enfants. On les produisit en public à travers la ville, leurs enfants suspendus à leurs mamelles, avant de les précipiter ainsi du haut des remparts. D’autres s’étaient rendus ensemble dans des cavernes voisines pour y célébrer en cachette le septième jour. Dénoncés à Philippe, ils furent brûlés ensemble, se gardant bien de se défendre eux-mêmes par respect pour la sainteté du jour. (…) Parmi les principaux maîtres de la loi, il y avait alors un certain Élazar. Il était avancé en âge et de fort belle apparence. On lui tint la bouche ouverte pour l’obliger à avaler de la viande de porc. Mais il préférait mourir avec honneur plutôt que de vivre dans la honte. Il recracha donc la viande et se dirigea volontairement vers le lieu du supplice. Voilà un exemple pour ceux qui devraient avoir le courage, même au prix de leur vie, de repousser la nourriture que la loi de Dieu interdit de manger. 2 Maccabées 6 : 6-20
Pendant que les habitants de la ville sainte jouissaient d’une paix entière, et que les lois étaient encore exactement observées, grâce à la piété du grand prêtre Onias et à sa haine du mal (…) Mais, après la mort de Séleucus, Antiochus surnommé Épiphane lui ayant succédé, Jason, frère d’Onias, entreprit d’usurper le souverain pontificat. Dans un entretien avec le roi, il lui promit trois cent soixante talents d’argent et quatre-vingts talents pris sur d’autres revenus. Il promettait en outre de s’engager par écrit pour cent cinquante autres talents, si on lui accordait d’établir, de sa propre autorité et selon ses vues, un gymnase avec un éphébée, et d’inscrire les habitants de Jérusalem comme citoyens d’Antioche. Le roi consentit à tout. Dès que Jason eut obtenu le pouvoir, il se mit à introduire les moeurs grecques parmi ses concitoyens.(…) Lorsque Onias eut connu d’une manière certaine ce nouveau crime de Ménélas, il lui en adressa des reproches, après s’être retiré dans un lieu d’asile, a Daphné, près d’Antioche. C’est pourquoi Ménélas, prenant à part Andronique, le pressait de mettre à mort Onias. Andronique vint donc trouver Onias et, usant de ruse, il lui présenta la main droite avec serment; puis, quoique suspect, il le décida à sortir de son asile et le mit aussitôt à mort, sans égard pour la justice. Aussi, non seulement les Juifs, mais beaucoup d’entre les autres nations furent indignés et affligés du meurtre injuste de cet homme. II Maccabbées 3: 1 – 4: 7-35
Les Syriens prirent les villes fortes du pays d’Égypte, et Antiochus enleva les dépouilles de toute l’Égypte. Après avoir battu l’Égypte l’an cent quarante-trois, Antiochus revint sur ses pas et marcha contre Israël. Etant monté à Jérusalem avec une armée puissante, il entra avec une audace insolente dans le sanctuaire et en enleva l’autel d’or, le chandelier de la lumière avec tous ses ustensiles, la table des pains de proposition, les coupes, tasses et écuelles d’or, le rideau, les couronnes et les ornements d’or sur la façade du temple, et il détacha partout le placage. Il prit aussi l’or et l’argent et les vases précieux, ainsi que les trésors cachés qu’il put trouver. I Maccabbées 1: 20 – 24
Ces événements étant arrivés à la connaissance du roi, il crut que la Judée faisait défection. Il partit donc d’Égypte, furieux comme une bête féroce, et s’empara de la ville à main armée. Il ordonna aux soldats de tuer sans pitié ceux qui tomberaient entre leurs mains, et d’égorger ceux qui monteraient sur les toits ces maisons. Ainsi furent tués des jeunes gens et des vieillards; ainsi périrent des hommes faits, des femmes et des enfants; ainsi furent égorgés des jeunes filles et des nourrissons. Le nombre des victimes pendant ces trois jours, fut de quatre-vingt mille, dont quarante mille furent massacrés et autant furent vendus comme esclaves. Non content de ces atrocités, il osa pénétrer dans le temple le plus saint de toute la terre, ayant pour guide Ménélas, traître envers les lois et envers sa patrie. Et prenant de ses mains souillées les objets sacrés, et arrachant les offrandes déposées par les autres rois pour rehausser ta gloire et la dignité de ce lieu, il les remettait à des mains profanes. Antiochus s’enflait d’orgueil dans son esprit, ne considérant pas que le Seigneur était irrité pour peu de temps à cause des péchés des habitants de la ville, et que c’était pour cela qu’il détournait ses regards de ce lieu. Autrement, s’ils n’avaient pas été coupables d’un grand nombre de péchés, lui aussi, comme Héliodore, envoyé par le roi Séleucus pour inspecter le trésor, il aurait été, dès son arrivée, flagellé et réprimé dans son audace. Mais Dieu n’a pas choisi le peuple à cause de ce lieu; il a choisi ce lieu à cause du peuple. C’est pourquoi ce lieu a participé aux malheurs du peuple, comme il a été ensuite associé aux bienfaits du Seigneur; délaissé dans la colère du Tout-Puissant, il a été de nouveau, quand le souverain Seigneur s’est réconcilié avec son peuple, rétabli en toute sa gloire. Antiochus, ayant donc enlevé au temple dix-huit cents talents, s’en retourna en hâte à Antioche, s’imaginant dans son orgueil, à cause de l’enivrement de son coeur, pouvoir rendre navigable la terre ferme et viable la mer. II Maccabbées 5: 11-21
De ces rois sortit une racine d’iniquité, Antiochus Épiphane, fils du roi Antiochus, qui avait été à Rome comme otage; et il devint roi en la cent trente-septième année du royaume des Grecs. En ces jours-là, il sortit d’Israël des enfants infidèles qui en entraînaient beaucoup d’autres en disant: « Allons et unissons-nous aux nations qui saut autour de nous; car, depuis que nous nous tenons séparés d’elles, il nous est arrivé beaucoup de malheurs. » Et ce discours parut bon à leurs yeux. Quelques-uns du peuple s’empressèrent d’aller trouver le roi, et il leur donna l’autorisation de suivre les coutumes des nations. Ils construisirent donc à Jérusalem un gymnase, selon les usages des nations. I Maccabbées 1: 11-15
Il fit la paix avec ceux qui étaient à Bethsur, et ceux-ci sortirent de la ville, parce qu’il n’y avait pas eu de vivres à renfermer pour eux dans la place, car c’était l’année du repos de la terre. Le roi s’empara ainsi de Bethsur, et il y laissa une garnison pour la garder. Il établit son camp devant le lieu saint pendant beaucoup de jours, et il y dressa des tours à balistes, des machines de guerre, des catapultes pour lancer des traits enflammés et des pierres, des scorpions pour lancer des flèches, et des frondes. Les assiégés construisirent aussi des machines pour les opposer à celles des assiégeants, et prolongèrent longtemps la résistance. Mais il n’y avait pas de vivres dans les magasins, parce que c’était la septième année, et que les Israélites qui s’étaient réfugiés en Judée devant les nations avaient consommé le reste de ce qu’on avait mis en réserve. Il ne resta dans le lieu saint qu’un petit nombre de Juifs, car la faim se faisait de plus en plus sentir; les autres se dispersèrent chacun chez soi. I Maccabbées 6: 49-54
Il prononcera des paroles contre le Très Haut, il opprimera les saints du Très Haut, et il espérera changer les temps et la loi; et les saints seront livrés entre ses mains pendant un temps, des temps, et la moitié d’un temps. Daniel 7: 25
J’entendis parler un saint; et un autre saint dit à celui qui parlait: Pendant combien de temps s’accomplira la vision sur le sacrifice perpétuel et sur le péché dévastateur? Jusques à quand le sanctuaire et l’armée seront-ils foulés? Et il me dit: Deux mille trois cents soirs et matins; puis le sanctuaire sera purifié. Daniel 8: 13-14
L’abomination du dévastateur (…) séduira par des flatteries les traîtres de l’alliance. Daniel 11: 31-32
Et j’entendis l’homme vêtu de lin, qui se tenait au-dessus des eaux du fleuve; il leva vers les cieux sa main droite et sa main gauche, et il jura par celui qui vit éternellement que ce sera dans un temps, des temps, et la moitié d’un temps, et que toutes ces choses finiront quand la force du peuple saint sera entièrement brisée. Daniel 12: 7
Soixante-dix semaines ont été fixées sur ton peuple et sur ta ville sainte, pour faire cesser les transgressions et mettre fin aux péchés, pour expier l’iniquité et amener la justice éternelle, pour sceller la vision et le prophète, et pour oindre le Saint des saints. Sache-le donc, et comprends! Depuis le moment où la parole a annoncé que Jérusalem sera rebâtie jusqu’à l’Oint, au Conducteur, il y a sept semaines et soixante-deux semaines, les places et les fossés seront rétablis, mais en des temps fâcheux. Après les soixante-deux semaines, un Oint sera retranché, et il n’aura pas de successeur. Le peuple d’un chef qui viendra détruira la ville et le sanctuaire, et sa fin arrivera comme par une inondation; il est arrêté que les dévastations dureront jusqu’au terme de la guerre. Il fera une solide alliance avec plusieurs pour une semaine, et durant la moitié de la semaine il fera cesser le sacrifice et l’offrande; le dévastateur commettra les choses les plus abominables, jusqu’à ce que la ruine et ce qui a été résolu fondent sur le dévastateur. Daniel 9: 24-27
Daniel, qui s’exprime en « je » tout au long des chapitres 7 à 12, est censé vivre à Babylone au VIe siècle av. J.-C., mais — en dépit de l’opinion traditionnelle encore défendue par quelques auteurs fondamentalistes américains — il est certain que le livre est beaucoup plus récent. En effet, on y remarque de nombreuses invraisemblances ; par exemple, Belshatsar (Balthazar) n’était pas le fils de Nabuchodonosor, comme l’ouvrage le présente, mais celui de Nabonide, et il n’a jamais eu le titre de roi. Daniel annonce des événements à venir, mais il devient de plus en plus exact au fur et à mesure que l’histoire avance, comme s’il connaissait mieux les événements de la première moitié du IIe siècle que ceux des siècles précédents. L’hébreu utilisé aux chapitres 1 et 8 à 12 est influencé par l’araméen ; cette langue est elle-même utilisée aux chapitres 2 à 7, avec des caractéristiques plus tardives que l’araméen du Livre d’Esdras et des papyri d’Eléphantine (VIe et Ve siècles av. J.-C.). Tout cela converge vers une conclusion aujourd’hui largement acceptée : l’auteur de l’ouvrage dans sa forme finale utilise le procédé de pseudépigraphie ; il n’écrit pas au VIe siècle av. J.-C., mais à l’époque des derniers évènements annoncés, c’est-à-dire au IIe siècle av. J.-C. Daniel est inconnu par l’auteur du Siracide (vers 180 av. J.-C.) qui contient une longue section (chapitres 44-50) en l’honneur des « hommes illustres » qui ont compté dans l’histoire juive. Toutefois, le livre est connu par l’auteur du Premier livre des Maccabées, entre 134 et 104 av. J.-C. (1 M 1,54 = Da 9. 27 et Da 11. 37), et sa première version grecque est même utilisée par le livre III des Oracles sibyllins. L’auteur connait la profanation du Temple, le 7 décembre 167 (Da 11. 31), et la mise à mort des Juifs fidèles (Da 11. 33), la révolte des Maccabées et les premiers succès de Judas (allusion de Da 11. 34) en 166 av. J.-C. Toutefois, l’auteur ne connaît pas les circonstances de la mort du roi persécuteur en automne 164, ce qui indique une fin de composition d’ensemble du Livre de Daniel entre 167 et 164. Rien dans le reste du livre ne vient contredire ces dates. (…) Les quatre visions des chapitres 7 à 12 sont des exemples types des écrits apocalyptiques, un genre littéraire d’écrits juifs et chrétiens. Contrairement aux six premiers chapitres qui parlent de Daniel à la troisième personne, le rédacteur parle ici à la première personne. L’un des traits caractéristiques de cette section concerne la dépendance de Daniel à des créatures spirituelles pour interpréter et expliquer ses visions. Le cadre historique de ces visions n’est pas indiqué, à l’exception de quelques dates de règnes mentionnées. Le chapitre 7 est écrit en araméen alors que les chapitres 8 à 12 sont écrits en hébreu. La section « visions apocalyptiques » de Daniel comprend trois visions et une prophétie concernant le destin d’Israël. Ces écrits apocalyptiques et eschatologiques ont donné lieu à de multiples interprétations chez les Esséniens et chez les Chrétiens. (…) La vision dans la première année de Balthazar roi de Babylone (7,1) concerne quatre bêtes énormes (7,3) représentant quatre futurs rois (7,17) ou royaumes (7,23), la quatrième bête qui mangera toute la terre, la foulera aux pieds et l’écrasera (7,23) ; ce quatrième royaume est représenté par une bête avec dix cornes représentant dix rois, suivi d’une petite corne qui abat trois rois (7,24), parlant contre le Très-Haut, et voulant changer les temps et le droit (7,25). Après « un temps et des temps et un demi-temps », cette corne est jugée et sa domination lui est ôtée et détruite (7,26) ; finalement, le royaume et l’empire et les grandeurs des royaumes sous tous les cieux sont donnés au peuple des saints du Très Haut (7,27). La vision de la troisième année de Balthazar concerne un bélier (8,1-27) qui représente les rois de Médie et de Perse (8,20), la Grèce (8,21) étant représentée par un bouc. La grande corne du bouc est cassée pour être remplacée par quatre royaumes plus faibles. La vision se consacre ensuite à « un roi impudent et expert en astuces qui opère des destructions prodigieuses » en supprimant les sacrifices au Temple de Jérusalem pour une période de deux mille trois cents soirs et matins (8,14). Ensuite, l’auteur attend le jugement final de ce roi dans les temps futurs avec le rétablissement du sanctuaire. Cette vision incorpore des boucs, des béliers et des cornes étaient utilisées pour le service du sanctuaire du Temple à Jérusalem. La vision dans la première année de Xerxès Ier fils de Darius Ier (9,1) concerne la prophétie des 70 semaines d’années. Cette prophétie concerne l’histoire de l’ancien Israël et l’histoire de Jérusalem (9,24). Elle consiste en une méditation sur la prédiction du prophète Jérémie que la désolation de Jérusalem durerait 70 ans, une longue prière de Daniel afin que Dieu restaure Jérusalem et son temple, et une explication de l’archange Gabriel qui indique une future restauration par un messie-chef. Une longue vision (10,1-12,13) dans la troisième année de Cyrus II roi de la Perse, qui concerne les conflits entre le « roi du Nord » et le « roi du Midi » (l’Égypte, 11,8). Cette vision commence par des références à la Perse et à la Grèce. Puis la vision atteint son paroxysme par une nouvelle description d’un roi arrogant qui profane le temple, installe « l’abomination de la désolation », supprime les sacrifices rituels et persécute les justes. La résurrection est enfin promise à Daniel par un homme sur le bord d’un fleuve. Wikipedia
La Prophétie des 70 semaines (ou littéralement « 70 fois 7 ») fait partie du chapitre 9 du Livre de Daniel. Elle est prononcée par l’ange Gabriel à l’attention de Daniel. Cette prophétie fait aussi bien partie de l’histoire juive que de l’eschatologie chrétienne. (…) Cette prophétie est une ré-interprétation d’un oracle du livre de Jérémie annonçant la ruine de Babylone (25,12) et le retour de l’exil (29,10). Celui-ci annonçait la durée de la désolation en Terre sainte et de l’exil en Babylonie, châtiment infligé aux fils d’Israël infidèles à l’Alliance abrahamique : 70 années ; estimation chiffrée qu’il convient d’ailleurs de contrôler sans trop de rigueur. Or voici que le messager céleste encourage une supputation qui fixerait un terme aux nouvelles épreuves subies par la « Ville Sainte » et le « peuple de Dieu » : au temps d’Antiochos IV sans doute, un roi Séleucide qui persécuta les Judéens, mais probablement aussi, à travers celui-là, aux temps de toute persécution dont pâtiront les justes fidèles au vrai Dieu, jusqu’au triomphe final. Ce n’est plus alors « 70 ans » qu’il faut entendre, mais « 70 semaines d’années » réparties en trois périodes : l’une de 7 (soit 49 années), achevée par l’avènement d’un « oint » qui sera un « chef » ; l’autre de 62 (soit 434 ans), à la fin de laquelle « un oint sera supprimé » ; la dernière d’une seule semaine d’années, et dont la moitié (3 ans et demi) s’écoulera avant que le dévastateur soit exterminé. Wikipedia
Antiochos IV Épiphane, « l’Illustre » ou « le Révélé » (en grec ancien Aντίoχoς Έπιφανής / Antiochos Épiphanès), né vers 215 av. J.-C. et mort en 164 av. J.-C., est un roi séleucide qui règne de 175 à sa mort en 164 av. J.-C. Fils d’Antiochos III, il est décrit comme un « ennemi » du peuple juif selon la tradition judaïque, qui inspire Hanoucca (ou fête de l’Édification), car il participe à l’hellénisation de la Judée et s’oppose à la révolte des Maccabées qu’il ne parvient pas à réprimer. Réputé instable psychologiquement, il montre tout de même des qualités d’homme d’État et peut être considéré comme l’un des derniers grands souverains séleucides. (…) La titulature d’Épiphane (l’« Illustre »), transmis par la tradition littéraire et attestée par les monnaies séleucides ainsi que par des dédicaces extérieures à l’empire (Délos et Milet), est habituellement réservée aux dieux. Les épithètes complets d’Antiochos incluent : Théos Épiphanès (Θεὸς Ἐπιφανής ou « Dieu révélé ») et après sa victoire lors de la guerre de Syrie, Niképhoros (Νικηφόρος ou « Porteur de la victoire »). Il a été le premier souverain séleucide à utiliser des épithètes divines sur des pièces de monnaie, peut-être inspiré par les rois grecs de Bactriane ou par le culte royal que son père a codifié. Cette titulature aurait pu servir à renforcer l’autorité royale au sein d’un empire disparate. (…) Antiochos est réputé pour avoir été un promoteur zélé de la culture hellénique à l’intérieur comme à l’extérieur de son empire ; il finance notamment la construction du temple de Zeus Olympien à Athènes ou fait ériger un autel et des statues à Délos. Mais cette réputation qui a traversé les siècles est d’abord une interprétation de sa politique envers les Juifs, sachant qu’il est considéré comme l’Antéchrist dans la tradition judéo-chrétienne. (…)  Mais cette hellénisation de la Judée est d’abord le fait des élites juives hellénisées sous l’impulsion des grands-prêtres Jason (Joshua hellénisé) et Ménélas, et provoque la réaction des Juifs traditionalistes. En effet, la culture impériale engendre un progrès politique et matériel, ce qui mène à la formation d’élites hellénisés au sein de la population juive. Cette hellénisation engendre des tensions entre les Juifs les plus orthodoxes et leurs coreligionnaires qui adoptent la culture grecque. En 175 av. J.-C., au moment où meurt Séleucos IV, le grand-prêtre Onias III vient à Antioche pour se justifier d’avoir refusé le prélèvement des trésors du Temple. Il est accompagné de son frère Joshua qui se fait appeler Jason. Celui-ci intrigue auprès d’Antiochos IV qui le désigne comme Grand-prêtre, à la place de son frère. Surtout, il lui accorde le droit de transformer Jérusalem en polis grecque ; en échange, Jason lui promet une augmentation du tribut. Selon l’historien Édouard Will, la transformation de Jérusalem en cité grecque n’est pas de l’initiative du roi, mais bien des Juifs hellénisés. Jason finit par être évincé par Ménélas vers 172. Ce dernier agit en tyran, soumettant Jérusalem à une forte pression fiscale. Ménélas vient plaider sa cause à Antioche et fait assassiner Onias qui s’est réfugié dans la capitale. (…) Les Séleucides, comme les Lagides avant eux, détiennent une suzeraineté sur la Judée : ils respectent la culture juive et ne nuisent pas aux institutions juives, ni aux autres religions locales de leur empire. Le soutien des Juifs à Antiochos III a été récompensé à travers une charte affirmant l’autonomie de la religion juive, tout en interdisant l’accès des étrangers et des animaux impurs à l’enceinte du Temple de Jérusalem, et l’attribution de fonds officiels afin de maintenir certains rituels religieux au sein du Temple. Cette politique est radicalement remise en cause par son fils Antiochos IV, après soit une dispute sur la direction du Temple de Jérusalem et la fonction de grand-prêtre, soit une révolte dont la nature a été perdue avec le temps après avoir été écrasée. Antiochos en vient en 168 av. J.-C. à consacrer le temple de Jérusalem à Baalshamin, une divinité phénicienne et y place même un culte de Zeus. Les Juifs hellénisés continuent de servir Yahweh dont un autel subsiste dans le Temple profané, alors sous une autorité mixte de Juifs « modernistes » hellénisés, de Grecs et d’Orientaux également hellénisés. Il apparaît donc que cette transformation du Temple répond à une volonté syncrétiste adaptée aux besoins des colons militaires de l’Acra, alors majoritairement syro-phéniciens, mais elle suscite une forte agitation dans une Jérusalem déjà sensibilisée par le poids des taxes et la résistance à l’hellénisation. L’année suivante, en décembre 167, Antiochos promulgue un édit de persécution (qui concerne les Juifs de la Samarie et de la Judée mais non ceux de la diaspora) : il ordonne d’abolir la Torah (ou la Loi dans le sens le plus large : foi, traditions, mœurs). Il impose d’offrir des porcs en holocauste au Temple de Jérusalem et interdit la circoncision. Selon Édouard Will, cette persécution religieuse ne semble pas avoir été motivée par un fanatisme anti-judaïque (fanatisme qu’exclut son épicurisme) ou par la volonté d’imposer les cultes grecs. Il s’agit d’abord de mettre fin à une révolte locale. Là où Antiochos commet une terrible maladresse, c’est qu’il n’a pas compris qu’abolir la Torah ne revient pas seulement à priver les Juifs de leurs lois civiques, mais conduit à l’abolition du judaïsme. Cette politique lui vaut le surnom d’Épimanès (l’« Insensé ») par jeu de mots. Les érudits du judaïsme du Second Temple se réfèrent donc parfois au règne d’Antiochos comme aux « crises d’Antioche » pour les Juifs. La politique d’Antiochos envers les Juifs est connue grâce au Livre de Daniel et aux Livres des Maccabées (inclus dans la Septante et l’Ancien Testament chrétien, mais pas dans la Bible hébraïque). Elle est marquée par la révolte des Maccabées, qui aboutit finalement à l’émancipation politique de la Judée et contribue à la désintégration de l’Empire séleucide au ier siècle av. J.-C. Cette crise politique et religieuse se poursuit sous ses successeurs. Les troubles commencent à Jérusalem pendant qu’Antiochos est occupé en Égypte, début 169 av. J.-C. Au retour de cette campagne, le roi saisit en effet le trésor du Temple, prétextant le paiement de trois années de retard du tribut. Mais l’agitation reste à cette date d’abord un conflit interne aux Juifs. En 168, après l’ultimatum des Romains lui enjoignant de quitter l’Égypte, Antiochos revient à Jérusalem qu’il pille, alors que le summum du sacrilège est qu’un roi entre dans le saint des saints, ce que seul le grand-prêtre est autorisé à faire une fois par an. Outre cette profanation, il massacre de nombreux Juifs et rétablit Ménélas, le grand prêtre pro-séleucide. Des historiens affirment qu’Antiochos est certes responsable du pillage du Temple de Jérusalem mais qu’il a été inspiré et soutenu par Ménélas. D’autres historiens estiment par ailleurs qu’ Antiochos a la réputation d’un pilleur de temples mais que ces actions ne sont pas le résultat de difficultés financières. Afin de financer ses objectifs militaires et diplomatiques à long terme, dans le cadre d’une politique dynastique ambitieuse, il a accepté que des parties de la population se retournent à court terme contre lui en dévalisant des temples. Finalement, cette approche n’a pas porté ses fruits en raison de la vive résistance qu’elle a provoquée. Après le départ d’Antiochos, une nouvelle révolte des Juifs traditionalistes dirigée par la famille des Maccabées éclate et Antiochos fait alors détruire les murailles de la ville de Jérusalem et bâtir la forteresse de l’Acra où trouvent refuge les Juifs hellénisés. Dès 168, des habitants de Jérusalem se réfugient dans les campagnes et le désert, la révolte prenant corps après l’édit de persécution. Antiochos, occupé en Iran, envoie des stratèges qui sont battus par Judas Maccabée : Apollonios à Samarie, Nicanor et Gorgias à Emmaüs et Lysias à Beth Zur. Cette nouvelle insurrection de Jérusalem dépasse le cadre d’une lutte entre clans aristocratiques et paraît avoir des motivations anti-séleucides. L’ambiance de la ville est aussi exacerbée par le poids de la fiscalité et la résistance aux mœurs grecques. En 164, Antiochos met fin à la persécution et amnistie les Juifs afin qu’ils regagnent leurs foyers par l’intermédiaire de son vizir, Lysias ; ce dernier traite avec Ménélas qui est rétabli dans ses fonctions. Mais Judas Maccabée poursuit la lutte après la mort d’Antiochos et finit par s’emparer de Jérusalem ; il procède à la purification du Temple et rend le sanctuaire aux Juifs pour le culte de YHWH. En décembre 164, la fête de l’Édification, Hanoucca, est célébrée pour la première fois dans le Temple rendu au seul culte juif. La révolte des Maccabées conduit à une interprétation du Livre de Daniel dans lequel un méchant appelé le « Roi du Nord » est généralement considéré comme une référence à Antiochos IV. La représentation d’Antiochos attaquant la ville sainte de Jérusalem mais rencontrant bientôt sa fin influence plus tard les représentations chrétiennes de l’Antéchrist. Traditionnellement, telle qu’exprimée dans les premier et deuxième livres des Maccabées, la révolte des Maccabées est dépeinte comme une résistance nationale à une oppression politique, culturelle et cultuelle étrangère. Cependant les érudits modernes soutiennent qu’Antiochos intervient davantage dans une guerre civile entre les Juifs traditionalistes du pays et les Juifs hellénisés de Jérusalem. Wikipedia
La crise maccabéenne n’est pas un affrontement entre un roi grec fanatique et des Juifs pieux attachés à leurs traditions. C’est d’abord une crise interne au judaïsme, d’un affrontement entre ceux qui estiment qu’on peut rester fidèle au judaïsme en adoptant néanmoins certains traits de la civilisation du monde moderne, le grec, la pratique du sport, etc.., et ceux qui au contraire, pensent que toute adoption des mœurs grecques porte atteinte de façon insupportable à la religion des ancêtres. Si le roi Antiochos IV intervient, ce n’est pas par fanatisme, mais bien pour rétablir l’ordre dans une province de son royaume qui, de plus, se place sur la route qu’il emprunte pour faire campagne en Égypte. (…) Là où Antiochos IV commettait une magistrale erreur politique, c’est qu’il n’avait pas compris qu’abolir la Torah ne revenait pas seulement à priver les Juifs de leurs lois civiles, mais conduisait à l’abolition du judaïsme. Maurice Sartre
Les juifs s’appellent les êtres humains, mais les non-juifs ne sont pas des humains. Ils sont des bêtes. Talmud: Mezia de baba, 114b
Il est autorisé de prendre le corps et la vie d’un Gentil. Ikkarim III C 25 de Sepher –
Chaque juif, qui renverse le sang de l’athée (non-juifs), est comme s’il faisait un sacrifice à Dieu. Talmud: Raba c 21 et Jalkut 772 de Bammidber
En citant de façon sélective divers passages du Talmud et du Midrash, des faiseurs de polémiques ont cherché à démontrer que le judaïsme prône la haine des non-Juifs (et des chrétiens en particulier), et promeut l’obscénité, la perversion sexuelle, et d’autres conduites immorales. Afin de rendre ces passages conformes à leurs buts, ces personnes les traduisent souvent de façon erronée ou les citent hors de leur contexte (la fabrication de passages entiers n’est pas inconnue) […] En déformant les significations normatives des textes rabbiniques, les écrivains anti-Talmud extraient fréquemment les passages de leur contexte textuel et historique. Même lorsqu’ils présentent leurs citations correctement, ils jugent les passages d’après les critères moraux actuels, ‘ignorant’ le fait que ces passages furent en majorité composés il y a près de deux mille ans par des gens vivant dans des cultures radicalement différentes de la nôtre. Ils sont donc capables d’ignorer la longue histoire du judaïsme en matière de progrès social, et la dépeindre comme une religion primitive et bornée. Ceux qui attaquent le Talmud citent fréquemment d’anciennes sources rabbiniques sans tenir compte des développements subséquents de la pensée juive, et sans faire un effort de bonne foi de consulter des autorités juives contemporaines qui pourraient expliquer le rôle de ces sources dans la pensée et la pratique juives normatives. Rapport de l’Anti-Defamation League
Les accusations envers le Talmud ont une longue histoire, datant du XIIIe siècle, lorsque les associés de l’Inquisition tentèrent de diffamer les Juifs et leur religion. Les premiers ouvrages, compilés par des prédicateurs haineux comme Raymond Martini et Nicholas Donin demeurent la base de toutes les accusations subséquentes envers le Talmud. Certaines sont vraies, la plupart sont fausses et basées sur des citations tirées de leur contexte, et certaines sont des fabrications totales. Sur Internet de nos jours, on peut trouver beaucoup de ces vieilles accusations ressassées… Gil Student (rabbin)
Les événements qui se déroulent sous nos yeux sont à la fois naturels et culturels, c’est-à-dire qu’ils sont apocalyptiques. Jusqu’à présent, les textes de l’Apocalypse faisaient rire. Tout l’effort de la pensée moderne a été de séparer le culturel du naturel. La science consiste à montrer que les phénomènes culturels ne sont pas naturels et qu’on se trompe forcément si on mélange les tremblements de terre et les rumeurs de guerre, comme le fait le texte de l’Apocalypse. Mais, tout à coup, la science prend conscience que les activités de l’homme sont en train de détruire la nature. C’est la science qui revient à l’Apocalypse. René Girard
Il y a deux Histoires : l’Histoire officielle, menteuse qu’on enseigne, l’Histoire ad usum delphini puis l’Histoire secrète, où sont les véritables causes des événements, une histoire honteuse. Balzac (Illusions perdues)
Selon la théorie de la conspiration, tout ce qui arrive a été voulu par ceux à qui cela profite. (…) On ne croit plus aux machinations des divinités homériques, auxquelles on imputait les péripéties de la Guerre de Troie. Mais ce sont les Sages de Sion, les monopoles, les capitalistes ou les impérialistes qui ont pris la place des dieux de l’Olympe homérique. Karl Popper (1948)
Selon le sociologisme — cette perversion de la sociologie — l’individu étant le jouet des structures et des institutions, la seule question intéressante et pertinente est celle de savoir à qui profitent ces structures et ces institutions ? Plus familièrement, qui tire les ficelles ? Par définition, la classe dominante, bien entendu. La popularité de ce schéma a été si grande dans les années 60 et 70 que beaucoup de livres ont porté ou auraient pu porter un titre de type : A qui profite… ? A qui profite l’Ecole ? A qui profite la Justice ? A qui profite la Culture ? A qui profite la Langue ? Bref, le sociologisme utilise toujours de façon plus ou moins subtile, le schéma explicatif familier que Popper appelle la « théorie de la conspiration ». Raymond Boudon (1983)
Il est peu probable que les nouvelles religions émergeront des grottes d’Afghanistan ou des madrasas du Moyen-Orient. Elles sortiront plutôt des laboratoires de recherche. De même que le socialisme s’est emparé du monde en lui promettant le salut par la vapeur et l’électricité, dans les prochaines décennies les nouvelles techno-religions conquerront peut-être le monde en promettant le salut par les algorithmes et les gènes. Yuval Harari
L’athéisme libère les gens pour qu’ils soient leur propre dieu. Et puis il les libère pour croire que leur divinité est supérieure à celle des autres. C’est aussi l’impulsion que les êtres humains peuvent réorganiser la réalité par leur seule volonté, dont le point culminant (jusque ici) est le mouvement transgenre et la demande que nous reconnaissions une myriade de « genres » plutôt qu’une réalité biologique objective. C’est une extension du péché d’Adam et Eve en essayant d’usurper la création de Dieu. Sam Harris
La responsabilité individuelle est évacuée : c’est le système qui dirige tout, les pensées, les sentiments et les actions des individus, simples marionnettes. Pierre-André Taguieff 
Le wokisme est une idéologie qui perçoit les sociétés occidentales comme étant fondamentalement régies par des structures de pouvoir, des hiérarchies de domination, des systèmes d’oppression qui auraient pour but, ou en tout cas pour effet, « d’inférioriser » l’Autre, c’est-à-dire la figure de la minorité sous toutes ses formes (sexuelle, religieuse, ethnique etc.) par des moyens souvent invisibles. Le « woke » est celui qui est éveillé à cette réalité néfaste et qui se donne pour mission de « conscientiser » les autres. (…) L’estime de soi du dissident dépend donc de la nocivité fondamentale du monde, ce qui interdit tout émerveillement ou gratitude, et favorise grandement le ressentiment. Cette posture possède néanmoins plusieurs avantages. En parlant de la branche indigéniste du mouvement woke le philosophe Pierre-André Taguieff souligne la déresponsabilisation que permet cette manière de penser, car l’individu est poussé à externaliser ses échecs afin de les mettre sur le dos « du système ». (…) Elle offre également la possibilité de se mettre à distance de ce « système » – entité maléfique et floue, aux forces aussi difficilement cernables qu’omnipotentes – tout en se trouvant une raison d’agir dans le monde : agir contre ce monde. Ce faisant, on peut se respecter moralement, et à relativement peu de frais. Cette logique « systémique » se révèle omniprésente dans le logiciel woke. (…) La lecture woke (…) ressemble furieusement au fameux slogan complotiste « ce que ILS ne veulent pas que vous sachiez ». Le pouvoir, le système, censure tout ce qui « dérange ». (…) Car ce système nous ment forcément, et l’on voit ici que la cohérence interne du complotisme est moins importante que la posture dissidente. (…) Pour le formuler autrement, si la cohérence positive interne des militants dans les deux cas n’existe pas réellement, ils possèdent néanmoins une unité négative : « la lutte contre le système ». De la même façon, le complotiste ne croit pas à un complot juif, à un complot franc-maçon, et à un complot reptilien qui entreraient en conflit. Les complots doivent s’emboîter verticalement, et non simplement s’additionner horizontalement. D’une certaine façon, pour le complotiste, les complots n’existent pas, car ils sont dissous dans Le Complot, qui Lui existe bien. Le complot juif aide le complot franc-maçon, qui lui-même est tenu par les reptiliens. Ils doivent former un tout cohérent, voire hiérarchique, sans dissensions internes, et aux intérêts parfaitement convergents. (…) Cette clef de lecture totalisante permet à celui qui la possède de croire à sa supériorité morale et intellectuelle. Celui qui a compris peut toiser de haut ceux qui n’ont pas compris ; celui qui est éveillé mépriser ceux qui sont endormis. Ces derniers, qu’ils soient classés dans le camp des bourreaux ou des victimes, ne peuvent globalement rien apporter de sensé à la conversation. Comme dans tout complotisme, la possibilité d’un désaccord bienveillant ou étayé est rejetée d’avance. En effet, le « dominant » qui n’est pas d’accord est naïf et ignorant, car il a grandi dans des sociétés occidentales sexistes et racistes, et tel le poisson qui ne perçoit pas l’eau dans laquelle il a toujours baigné, il serait incapable de percevoir le mal dont il est issu et qu’il propage. Dans certains cas, ses paroles seront réduites à des stratégies pour conserver son pouvoir et ses « privilèges ». Le « dominé » qui affiche son désaccord avec l’idéologie qui se permet de parler en son nom sera quant à lui accusé de souffrir d’une forme de syndrome de Stockholm, ou alors d’avoir intériorisé les dogmes du système en place au point de ne plus pouvoir s’en défaire. (…) l’infalsifiabilité du propos s’institutionnalise au sein de la logique intersectionnelle. Celui qui conteste la théorie sera systématiquement naïf/ignorant ou cynique/cruel. Cette posture moralo-intellectuelle se révèle non seulement arrogante, mais profondément addictive, à tel point que celui qui l’apprivoise aura bien du mal à s’en défaire, même lorsque sa théorie entrera en conflit avec ceux qu’elle prétend plaindre et défendre. (…) C’est ici que ce mouvement révèle sa nature profonde, car il témoigne d’une volonté de « sacrifier » ces minorités pour mieux préserver sa cause. (…) Cette hypothèse du « racisme systémique » postule ainsi que le racisme, système totalisant plutôt que comportement individuel, peut fonctionner sans racistes. De la même façon, le « sexisme systémique » ne nécessite pas de sexistes pour se perpétuer. Toute disparité statistique dans un domaine donné sera jugée comme une preuve en soi du problème « systémique » dudit domaine. Nous voyons là la particularité du wokisme parmi les complotismes : son complot peut fonctionner sans comploteurs. Évidemment, un rapide coup d’œil sur Twitter permettra rapidement de voir qu’ils ne sont pas pour autant allergiques à un bon vieux phénomène de boucs émissaires et d’annulations, mais il n’en demeure pas moins que les forces de l’ombre peuvent maintenir ou accroître leur puissance sans « mangemorts » à temps plein. Cela offre à l’idéologie woke un avantage non-négligeable car elle permet de « s’absoudre » de la charge de la preuve ; on a plus besoin de donner d’exemples d’actes ou de comportements racistes pour user de cette étiquette infâmante une fois qu’elle est transformée en système. (…) De ce point de vue, l’essor concomitant du complotisme woke et des autres complotismes annonce non pas un monde « désenchanté » au sens wéberien du terme, mais plutôt « réenchanté négativement ». Des forces obscures tirent les ficelles en arrière-plan tout en dissimulant les traces de leur influence maléfique au sein du « Système », cette entité obscure qu’elles auraient créé à leur image. (…) Enfin, pour terminer, le complotisme comme le wokisme fonctionnent comme des trains sans frein. Pour le dire autrement, la notion « d’aller trop loin » leur est nécessairement étrangère. (…) De la même façon, le wokisme ne peut que se radicaliser, et celui qui fera l’éloge des transitions de genre à dix-huit ans risquera rapidement de se faire dépasser par des propositions de transition à quinze, treize, neuf, six ans etc. Pourtant, il suffirait d’un peu de courage pour s’opposer à ces idéologies infalsifiables. Mais ça, « ILS » ne veulent pas que vous le sachiez… Pierre Valentin
Je suis curieux. J’essaie de comprendre ce que vous entendez par « contenu haineux ». Et je demande des exemples précis. Et vous venez de dire que si quelque chose est un peu sexiste, c’est un contenu haineux. Est-ce que ça veut dire qu’il faut l’interdire ? (…) C’est pour ça que je demande des exemples. Vous pouvez me donner un exemple ? (…) Donnez-moi un exemple. (…) Vous avez littéralement dit que vous aviez rencontré plus de contenu haineux et que vous ne pouviez pas citer un seul exemple. (…) Vous ne pouvez pas donner un seul exemple de contenu haineux. Pas même un tweet. Et pourtant, vous avez affirmé que le contenu haineux était élevé. (…) La BBC se tient-elle responsable de la désinformation concernant les masques et les effets secondaires des vaccinations, et n’en parle-t-elle pas du tout ? Et qu’en est-il du fait que la BBC a été mise sous pression par le gouvernement britannique pour changer sa politique éditoriale ? Vous êtes au courant ? Elon Musk (propriétaire de Twitter)
Je n’ai pas vraiment regardé ce flux. (…) Parce que je dis que c’est ce que j’ai vu il y a quelques semaines. Je ne peux pas vous donner d’exemple exact. Passons à autre chose. Notre temps est limité. Désinformation Covid. (…) Ce n’est pas une interview sur la BBC (…) Je ne suis pas un représentant de la politique éditoriale de la BBC. Je tiens à le préciser. Parlons d’autre chose. James Clayton (BBC)
Un gnostique (…) Au sens large, c’est un homme qui sait. Gnostique vient du grec gnôsis, connaissance. Mais ce terme prit un sens plus particulier pour désigner un certain nombre de penseurs et de sectes qui, dès l’aube de notre ère, vécurent et enseignèrent en Egypte et dans le Proche-Orient. Le mot vient d’ailleurs des Chrétiens. Ce sont les auteurs chrétiens, les Pères de l’Eglise notamment, qui, par dérision, appelèrent Gnostiques ces hommes qui prétendaient détenir la véritable connaissance des mystères de la vie et du monde et rejetaient une grande partie de la prédication chrétienne. Car, le gnosticisme, malgré des emprunts évidents à certaines doctrines de son temps, fut avant tout une attitude originale, une pensée mutante, une réflexion inquisitrice et neuve sur le destin de l’homme et de la nature de l’univers. (…) Un seul problème domine la réflexion gnostique : celui du mal. Mais (…) Le mal, pour le Gnostique, ce n’est pas le péché, ce n’est pas la condition de l’homme après la chute. C’est l’homme tout entier, l’univers, la matière, la chair, la pensée, la terre, les lois et les institutions, l’histoire, le temps, l’espace lui-même où nous vivons. C’est ce monde fait de matière, soumis aux contraintes de la pesanteur, de l’obscurité, du froid, de l’inertie et de la mort. . (…) La gnose apparaît dans l’histoire dès les premiers siècles du christianisme, prêchée par un personnage que mentionnent les Actes des Apôtres du nom de Simon le Mage. On y trouve déjà les principes essentiels qui la caractérisent : la création du monde est l’œuvre d’un faux Dieu, le vrai Dieu est inconnu de l’homme, le monde n’est là que pour le séparer de Lui. Pour Simon le Mage, le seul moyen pour l’homme de briser l’illusion du monde et d’atteindre à la plénitude est de vivre librement ses désirs. Le désir, sous toutes ses formes, est la seule part divine qui réside en l’être humain. Jacques Lacarrière
Autrefois je croyais que le gnosticisme était un phénomène bien défini de l’histoire des religions de l’antiquité tardive. Bien sûr, j’étais prêt à accepter l’idée de diverses continuations de la gnose ancienne et même celle de la génération spontanée de visions du monde dans lesquelles, à différentes époques, les caractéristiques distinctives du gnosticisme réapparaissaient. J’ai vite appris cependant que j’étais en fait naïf. Non seulement la gnose était gnostique, mais les auteurs catholiques étaient gnostiques, les néoplatoniciens aussi, la Réforme était gnostique, le communisme était gnostique, le nazisme était gnostique, le libéralisme, l’existentialisme et la psychanalyse étaient également gnostiques, la biologie moderne était gnostique, Blake, Yeats, Kafka, Rilke, Proust, Joyce, Musil, Hesse et Thomas Mann étaient gnostiques. D’interprètes faisant autorité sur la gnose, j’appris en outre que la science est gnostique, et que la superstition est gnostique ; que le pouvoir, le contre-pouvoir et le manque de pouvoir sont gnostiques ; que Freud est gnostique et Jung est gnostique ; toute chose et son contraire sont également gnostiques.  Ioan Couliano (1984)
Le gnosticisme ou « gnosticisme historique » est un terme employé pour désigner certains mouvements du christianisme ancien qui relèvent d’une idéologie dualiste (croyance dans l’existence d’un Dieu du Mal et d’un Dieu du Bien). Cette gnose dualiste contraire aux principes métaphysiques du christianisme, a été combattue par les théologiens chrétiens des premiers siècles qui l’ont qualifiée de pseudo-gnose (Paul de Tarse), ou de « gnose au faux nom » (Irénée de Lyon). Le mot gnose désigne ainsi pour la période antique deux concepts théologiques opposés : une gnose chrétienne qui considère que tout homme est capable de percevoir Dieu, en lui, de devenir lumière et donc d’obtenir la vie éternelle ; et une gnose dualiste (gnosticisme) qui considère le corps et la vie terrestre comme une prison dont l’homme doit se libérer pour être sauvé. À partir du XIXe siècle, le terme gnose et les concepts qu’il recouvre ont été utilisés dans des contextes beaucoup plus larges, en histoire des religions (y compris non chrétienne), en philosophie, mais aussi en littérature ou en politique, ainsi que par les « nouveaux mouvements religieux », ésotériques et New Age. Wikipedia
INSCRIBED UPON THE CROSS WHEN JESUS WAS CRUCIFIED were the latin words « Jesus Nazarenus Rex Iudeorum. » Pontius Pilate was the author of that famous inscription. Latin was Pontius Pilate’s mother tongue. Authorities competent to translate and pass upon the correct translation into English agree that is « Jesus the Nazarene Ruler of the Judeans. » There is no disagreement among them of that. THE WORD « JEW » did not occur anywhere in the English Language until the 18th Century. Jesus referred to himself as a Judean. The modern day « Jews » were historically Khazars or Chazars, a Mongolian Nordic tribe who roamed northern Europe. Benjamin H. Freedman
Les faits sont les faits, la vérité sur les Khazars » est un pamphlet se présentant comme le texte d’une lettre qu’un homme d’affaires juif, Benjamin H. Freedman, a écrit à un médecin « converso », David Goldstein, en 1954. Cette lettre défend l’idée selon laquelle le christianisme est une réalité du judaïsme. Le texte expose la notion selon laquelle la plupart des individus désormais identifiés comme juifs, ne sont pas le peuple sémitique israélite de la Bible, mais les descendants des Khazars, un peuple turcophone d’Asie centrale converti en masse au judaïsme au 8ème siècle. Freedman ne se réfère pas aux Juifs, mais à des « soi-disant » Juifs. Né dans une famille juive ashkénaze, Benjamin H. Freedman se convertit au christianisme et devient un virulent orateur, conférencier et pamphlétaire antisioniste et critique du judaïsme. Il fut l’assistant de Bernard Baruch à la campagne présidentielle de 1912. Il assistait régulièrement à des réunions avec le futur président des États-Unis Woodrow Wilson au sein du Comité démocratique national où il croisa également Samuel Untermyer. Il aurait été présent parmi la délégation envoyés par les milieux sionistes lors de la conférence de Versailles qui devait aboutir au traité afin de veiller aux suites de la déclaration Balfour de 1917. Parmi ses relations, on peut citer Franklin Roosevelt, Joseph Kennedy et son fils John F. Kennedy ainsi que d’autres personnes influentes telles que Haroldson Lafayette Hunt, Jr. et son fils Nelson Bunker Hunt. En 1946, il fonda la « Ligue pour la paix et la justice en Palestine ». (…) Cet ouvrage ne plaira pas à de nombreuses personnes car il fait vibrer une corde extrêmement sensible : l’origine des peuples. En effet, ce texte remet « littéralement » en cause l’origine de la plus ancienne des civilisations : celle du peuple hébreu (rien que cela !) Dans ses différentes fonctions au service des intérêts sionistes, Benjamin H. Freedman eut l’occasion d’avoir un grand nombre d’entretiens personnels et approfondis avec sept présidents des Etats Unis. Il fut témoin, et même acteur, des manipulations dans la politique internationale et dans les medias. Il fut l’ami personnel de nombreux acteurs politiques -Bernard Baruch, Samuel Untermyer, Woodrow Wilson, Franklin Roosevelt, Joseph Kennedy, John F. Kennedy-. Benjamin Freedman était très riche, étant le principal actionnaire de l’immense compagnie des savons Woodbury et disposait d’un carnet d’adresses exceptionnel : ce sont sans doute les raisons qui l’ont maintenu en vie et parallèlement, les raisons qui l’ont poussé à écrire une série d’ouvrages explosifs. Après la Seconde Guerre mondiale, Freeman écoeuré par ce à quoi il avait assisté, décida de révéler tout ce qu’il pourrait sur le sionisme et ses origines, sujet qu’il connaissait parfaitement, étant lui-même juif et ancien sioniste. Il rompit avec ses idéaux et fonda en 1946 la « Ligue pour la paix et la Justice en Palestine » ; puis passa le reste de sa vie et une grande partie de sa fortune considérable, à lutter contre ce qu’il nommait « la tyrannie sioniste » qui enserrait le monde. Il consacra à cette activité plus de 2 millions et demi de dollars, tirés de son portefeuille personnel. Les faits sont les faits (1ère et 4e de couverture)
Ce n’est pas une théorie du complot mais une réalité prophétique et l’Esprit de prophétie avertit que si nous nous associons à ceux qui combattent contre le Christ, nous en viendrons bientôt à voir les choses sous le même jour qu’eux et nous perdrons notre discernement. Je vous supplie, chers frères, de noter les temps difficiles dans lesquels nous vivons et de tenir compte des avertissements que Dieu nous a si gracieusement donnés par l’Esprit de prophétie. Le but de la conférence était de montrer que l’Israël littéral (à la fois physiquement et théologiquement) ne peut en aucun cas représenter «l’Israël spirituel» de la Bible et que toute gymnastique théologique contraire ne peut nier ce fait. En effet, c’est la position adventiste et elle est contraire à la plupart des opinions théologiques modernes détenues par d’autres évangéliques. Mon but n’était pas d’attaquer les Juifs mais de défendre la position adventiste. Par nécessité, la position adventiste crée la controverse car elle se situe en juxtaposition avec toutes les autres opinions. Je souhaite sincèrement que tous les peuples, y compris les Juifs, acceptent la position adventiste qui glorifie le Christ et l’établit fermement comme Sauveur et Souverain de «l’Israël de Dieu». Walter Veith
The Inter-European Division’s Administrative Committee was profoundly disturbed by the contents of your presentation at the Seventh-day Adventist Church of Nurnberg-Marienberg in Germany, on October 20, 2012. The committee does not take lightly what you said for it is absolutely inappropriate to speak words like « yellow piece of clothing » and others in connection with the Jewish past. This is not the way we should speak about the Jews in the Seventh-day Adventist church. These comments have hurt people. I have personally tried on a few occasions to contact you by phone and e-mail to discuss this matter with you. However, I did not get a response from you. The committee acknowledges your apology concerning some of the expressions you used in association with the Jewish people. Understanding that, this is of the highest importance the committee asks you that you meet with the Inter-European Division’s officers during your next trip to our territories, so that we get some clarification on this issue and also about your theories regarding Freemasons and Jesuits amongst other topics. Bruno Vertallier (President of the SDA Inter-European Division)
Le public de Veith est déjà bien préparé pour entendre son message de conspiration catholique diabolique. Ses affirmations incroyables sur les stratagèmes des francs-maçons et les conspirations politiques derrière chaque événement mondial majeur ne font aucun doute pour beaucoup de ceux qui assistent à ses conférences parce que ce ne sont que des fioritures improvisées sur un thème bien établi qui pour la plupart des Adventistes est au-delà de toute question ou de révision. Beaucoup d’Adventistes apprennent à penser comme Veith dès leur plus jeune âge. Et les jeunes Adventistes sont très vulnérables aux théories du complot de Veith parce que c’est en fait l’enseignement officiel de l’église que la bonne façon de lire la littérature apocalyptique biblique est de parcourir ses pages pour une connaissance détaillée et ésotérique de la façon dont les événements de la fin vont se dérouler – et de se tourner ensuite vers les derniers titres de l’actualité pour confirmer la preuve des « signes des temps », dont la compréhension pourrait également confirmer son élection comme faisant partie du vrai « reste » de Dieu. (…) Comprendre Walter Veith ne nécessite aucune théorie du complot. Ce qu’il faut, c’est une compréhension plus profonde des expressions fondamentalistes de l’identité apocalyptique adventiste près de deux siècles après leur formulation originale. Ron Osborn

Obsession du rôle supposé des Jésuites et Francs-maçons dans le génocide juif,  allusions péjoratives aux Juifs telles que « petit tissu jaune » ou « troupeau », reprise des thèses du juif américain apostat et antisémite notoire Benjamin Freedman, idéologie  supersessioniste, thèses créationistes Mandela et Stalin présentés comme frères spirituels du même club contrôlé par Rome, Francs-maçons envoyés sur la lune par Rome à la recherche de la technologie perdue des anté-déluviens, conseils diététiques,  sosie de Saddam lynché  en 2003 après sa mort en 1999, pléthore de plus de 6,000 vidéos, déluge d’images ou de gros titres de journaux présentés à toute vitesse,  avec une autorité et une condescension professorale, décryptage d’images, de symboles ou gestes phalliques ou sataniques, personnages, dates, lieux ou sources souvent non identifiés, performance mesmérique, attentats du 11 septembre attribués à Bush et à la CIA, islam présenté comme création secrète du Vatican, références philosophiques,  Illuminati eux aussi contrôlés par Rome dont  Marx, Rhodes, Carnegie,  Churchill, Hoover,  Kissinger,  Reagan,  Peres, Arafat, les Bush, Ted Kennedy, Greenspan, Hilary Clinton, Carter, Saddam, Holbrooke, Gore,  Blair,  Mandela…

A l’heure où triomphent …

Sur fond, entre théorie critique de la race et idéologie trans, d’incroyables dérives dites progressistes …

Véritable continuation, entre psychologie dissidente, postulats infalsifiables et fonctionnement sans racistes ou même contre les dominés eux-mêmes, du complotisme par d’autres moyens

Et de programmes d’intelligence artificielle devenus les nouvelles Pythies de notre temps …

Tant la désinformation de nos médias et gouvernants

Que celle de nos réseaux sociaux

Devinez pourquoi …

Au-delà, à partir de citations du Talmud décontextualisées et  d’interprétations indues de textes bibliques, d’un antijudaïsme d’un autre temps …

L’évangélisme complotiste à la Walter Veith est si populaire …

Pour les personnes biberonnées dès leur naissance à la lecture apocalyptique de la Bible…

Comme de l’actualité comme « signes des temps » …

Et de leur propre appartenance au véritable « reste » de la fin des temps ?

The Dark Fantasy World of Walter Veith
Ron Osborn
Spectrum magazine
October 31, 2011

The name of Walter Veith may be unknown to many Spectrum readers but according to Veith’s own website it is well known to thousands of people around the globe. Veith is a “world renowned scientist, author, and lecturer,” WalterVeith.org reports. He is “deeply interested in the ecological deterioration of our planet” and speaks “to standing-room-only crowds around the world on his findings in archaeology, history, Bible prophecy, secret societies, and political intrigue.” What precisely qualifies Veith as a “world renowned scientist” and author is difficult to say from the four published titles that appear under his name on Amazon.com. His bestselling work Amazon indicates is a self-published 2002 tome of over 500 pages entitled Truth Matters: Escaping the Labyrinth of Error, which at last check had not received a single customer review. One of the most comprehensive online archives of peer-reviewed journal articles, JSTOR, does not show a single peer-reviewed article—scientific or otherwise—published in Veith’s name. But Veith’s primary mode of communication is not the printed but rather the spoken word. For anyone desiring to enter the dark fantasy world of Walter Veith—a universe that seamlessly blends nutritional advice and traditional Adventist apocalyptic beliefs with Veith’s own idiosyncratic, surreal, and sinister conspiracy theories—the portal is any computer with an internet connection.

Veith is a South African Seventh-day Adventist who was born in 1949 and was at one time chair of zoology at the University of the Western Cape. He was also at one time by his own telling a committed atheist who underwent a dramatic conversion. He now leads an independent evangelistic and itinerate speaking ministry based out of British Columbia entitled “Amazing Discoveries.” A Google Videos search for “Walter Veith” returns nearly 6,000 films. Veith’s most watched video of all time is “Saddam Hussein Dead Since 1999,” which has had nearly a quarter of a million views since it was posted on Youtube in June 2007. (By comparison, the most watched YouTube video of Ted Wilson, the first 10 minutes of his inaugural sermon as GC president in Atlanta, has had fewer than 20,000 views since it was posted by AYA Ministries in July 2010.)

“Saddam Hussein Dead Since 1999” is a ten-minute excerpt from a nearly two-hour lecture, “A New World Order,” originally filmed in 2004, which in turn is a single episode from a 36-part DVD lecture series entitled Total Onslaught that Veith sells on his website for $260, copies available in English, Spanish, and Russian.

In the lecture, the zoologist turned religious entrepreneur makes heavy use of crude but effective Powerpoint images, which he flashes at his audience with breathtaking speed as he unfolds the diabolical forces at work behind the daily news headlines (or the headlines of the parched newspapers he has kept on file dating back to the 1980s as the case may be). The “total onslaught” of demonic spirits acting through their human minions—virtually all of the world’s political and religious leaders—is in fact not so much behind these news clippings as it is transparently visible on their surface, self-evidently clear for those who have the secret knowledge necessary to decode the signs of the times. Veith does not analyze texts or images but rather dispatches them in tones of great authority and with an air of professorial condescension toward the somewhat bewildered looking people we catch occasional glimpses of in his audience.

Queue image of upside down European identity card. “What do you see?,” Veith demands, scrolling a cursor over what to this uninitiated viewer’s eyes is nothing more than an abstract pattern. The question is rhetorical, however, with Veith leaving no time for guesses. “You see the goat of Mendes,” he proclaims. “The horns are slightly modified to give another symbolism of the seat of the earth, but the inner facial features of the goat are very clearly discernible.” Veith then highlights another nebulous cluster of shapes on the card. “What these mean over here,” he says with a hint of deviousness, “I would rather not say.” The scales at last fall from one’s eyes. The shapes are surely phallic. How could anyone think otherwise? Or how could one think otherwise after being exposed to Veith’s not so subtle insinuation? Such is the power of suggestion.

But there is no time to linger on the goat of Mendes or to ponder why the European Union would think it vital to place such satanic symbolism on the otherwise numbingly dull documents of modern state bureaucracy. Veith is already on to the next slide, an image of former German Chancellor Schröder shaking hands in a business-like way with an unidentified man on an unidentified occasion at an unidentified date (he is in fact Helmut Kohl). “That is a Masonic handshake,” Veith declares, “signifying the new Mason is taking over where the old Mason is leaving.” It seems the diabolical secret of Masonic handshakes when compared with others is that they are actually just ordinary handshakes—which would, of course, be the most cunning disguise of all.

Veith quickly moves on to a set of images showing Bill Clinton and Vladimir Putin pointing with their index fingers toward other political leaders as they pose for photographs. This is also a Masonic gesture Veith informs his audience, something he refers to as “fingering.” “They are all showing that they are part of the same system.” Next slide. Veith has moved from the alleged goat of Mendes to Schröder’s alleged Masonic handshake to Clinton’s and Putin’s Masonic “fingering” to Russia’s adoption of the symbol of the double-headed eagle (the mark of its satanic allegiance to Freemasonry) in the span of less than one minute. His lecture has just begun. He will maintain this pace for the next hour and a half.

Veith, it goes without saying, is trading in a world of fantasy and myth that has considerably less logic than a Dan Brown novel and a great deal more creepiness. There is, however, something mesmeric in his performance. If nothing else, he knows how to play the chords of apocalyptic menace with a campy but bravura showmanship. And he seems to know exactly what he is doing. Veith repeatedly states in his performances that he is not telling his listeners what to believe but is simply presenting them with the “facts” so that they can make informed judgments for themselves. But these claims are also simply part of the show. Veith is by every indication a religious confidence man who has carved out his own niche market by convincing sadly credulous listeners to suspend their critical judgment just long enough to become convinced that what he is saying is not only entirely plausible but is in fact the very height of reason.

Who was responsible for plotting the terrorist attacks of September 11, 2001? George W. Bush and the CIA. What made the Twin Towers fall? They were brought down not by the airplanes but by explosives previously planted by the CIA in the buildings. What was the actual fate of Saddam Hussein? He died in 1999—it was his body double that was hung in 2003. What is the truth behind Islam? It is a secret creation of the Roman Catholic Church, invented by the Vatican and planted in the Middle East to stamp out the last remnants of non-Catholic “true” Christianity. “They are only playing the game of Hegelian idealism, thesis and antithesis,” Veith explains with pseudo-philosophical profundity, “but behind the scenes they all belong to the same club.”

The “club”—a term Veith uses often in his lectures—is interchangeably the Freemasons and the Catholic papacy. The extent of the Catholic Church’s diabolical control of world events through the tireless plotting of its puppets, the secret societies, is truly astounding. The ranks of the Illuminati, secretly and tirelessly working in consort across the ages toward the goal of one world government controlled by Rome, includes: Karl Marx, Cecil Rhodes, Andrew Carnegie, Winston Churchill, J. Edgar Hoover, Henry Kissinger, Ronald Reagan, Shimon Peres, Yassir Arafat, both George Bushes, Ted Kennedy, Alan Greenspan (part of the Illuminati’s “Committee of 300”), Hilary Clinton (a “6th Grand Dame,” according to Veith), Jimmy Carter, Saddam Hussein, Richard Holbrooke (a “thirty-three degree Freemason”), Al Gore, Tony Blair, and Nelson Mandela.

Veith does not discuss his sources for these fantastical claims. He simply declares at one point in this role call of the Illuminati’s greatest hits that the information can be found “on a website” (the address is included at the bottom of one of his slides but it is in a font too small to make out from the video).

The fact that Veith has been able to gain a hearing peddling in such ideas might be baffling to many. It is, though, not so difficult to grasp. To become a fellow traveler with Veith is to become the partaker of a profound secret wisdom, which the rest of the world is either too ignorant or too wicked to comprehend. But those who will just journey with him for these “amazing” 36 DVDs will discover at the end of the journey that it is not the rich, the powerful, or the well-educated, but rather they along with Veith who are the real Chosen Ones—the elect few who through their initiation into secret knowledge of end-time events will somehow escape this veil of corruption while the rest of the world burns. The Gospel according to Walter is nothing other than a 21st century Gnostic revivalism.

The great irony is that Veith himself is well educated and—at least judging from the slick packaging and merchandising of hundreds of his lectures in multiple languages—doing well from the power he exercises in the Adventist circles in which he operates. There is a Facebook page devoted to Veith that includes nearly 4,000 fans, the majority seemingly young adults of the Seventh-day Adventist church. His acolytes frequent the Generation of Youth for Christ (GYC) annual conferences. Herein lies an important fact. Veith’s audiences are already well primed to hear his message of diabolical Catholic conspiracy. His incredible claims about the schemes of the Freemasons and the political conspiracies behind every major world event go without question by many who attend his talks because they are merely improvisational flourishes on a well-established theme that for most Adventists is beyond question or revision.

Many Adventists are taught to think like Veith from an early age. And Adventist young people are highly vulnerable to Veith’s conspiracy theories because it is in fact official church teaching that the correct way to read Biblical apocalyptic literature is to scour its pages for detailed and esoteric knowledge of how final events will unfold—and to then turn to the latest news headlines for confirming evidence of the “signs of the times,” the understanding of which might also confirm one’s election as part of God’s true “remnant.”

CONSPIRACY CREATIONISM

Many Adventists also give Veith a free pass in his handling of historical evidence because they are pleased by what he has to tell them about the evidences of science. In addition to his lectures on the conspiracies of the Illuminati and the Catholic Church, Veith is a popular speaker on some Adventist circuits as an apologist for young earth creationism. Any Adventist theologian or scientist publicly expressing views on creation similar to rigorous and sober evangelical scholars like John Stott, Alister McGrath, John Walton, and Nancey Murphy today stands to be denounced as an “infidel” Adventist and “Seventh-day Darwinian” by high-ranking church officials. Meanwhile, any and every incredible claim about the creation is now apparently deemed theologically acceptable by church leaders (judging from their conspicuous silence when confronted by figures like Veith) provided only that it is a fundamentalist one.

On May 19 and 20, 2011, Veith delivered two lectures at La Sierra University at the invitation of a student group, the “Sci-Fai” Club (formed by student Louie Bishop to agitate for strictly fundamentalist readings of Genesis and “scientific” creationism in the classroom). Veith’s visit was reported as a significant event by one fundamentalist lay Adventist website, EducateTruth.com. Amid fulsome praise for Veith’s ideas, a few commenters on the site raised concerns about Veith’s conspiracy theories. Site operator Shane Hilde quickly intervened to steer the conversation away from these questions. “Veith lectures on many topics, a lot of which are considered controversial,” Hilde wrote, “however, let’s only focus on his lectures regarding science and creation. This forum is not intended to be grounds for discussing the plethora of topics he has covered.”

Yet Veith’s handling of the evidences of history is directly relevant to his credibility as a creationist claiming to speak with authority and integrity about the evidences of natural science. And Veith’s reasoning is not of a radically different kind when he is dealing with scientific problems. Whether discussing evolution or the Illuminati, he is blithely unconcerned with the actual weight of the evidence. His interest is in data mining for anomalous or puzzling facts that can be amplified in a sensational way to confirm for his followers what they think they already know. In answer to a question from an audience member at La Sierra about his views on “amalgamation,” Veith made clear that his conspiracy theories and his “scientific” creationism are in fact deeply intertwined.

“Do you think the antideluvian world with its tremendous brain capacity was not as advanced as we are?” Veith asked (without waiting for any replies). After suggesting that the myth of the lost city of Atlantis is evidence for a hyper-advanced pre-flood civilization fully capable of conducting genetics experiments to blend human and animal DNA, Veith continued (from 6:40 here):

There are some that say that this great race to go to the moon and to discover what is on the moon and on the other side is perhaps a race to pick up some of the lost technology of the antideluvians, because if we could get there they surely got there. Maybe there’s something there. And it’s fascinating to me that in the space race it’s only the esoterics [sic] that take part. You have to be a high-ranking Freemason or a high-ranking Mormon in order to go to space. So there are all kinds of circumstantial evidences. Yes, I believe there was amalgamation and I believe that God destroyed that amalgamation and eventually he will destroy it again.

The harm done to Adventism’s name by such unscrupulous conspiracy evangelism and “scientific” creationism might tempt one to offer an elaborate counter-conspiracy theory (“thesis and antithesis”) to explain Veith himself. What better way for the secret societies to disorient Adventists and discredit the Adventist church, after all, than to dispatch someone like Veith expounding in Adventism’s name about how Nelson Mandela and Joseph Stalin are spiritual brothers in the same “club” controlled by Rome? Or how the Freemasons working at the bidding of Rome may well have journeyed to the moon in the 1960s in search of the lost technology of the antideluvians, since the pre-flood civilization of the days of Noah “surely got there” first? Is it really just a coincidence that “Veith” is the Germanized name for Vitus, who was one of the Fourteen Holy Helpers of the Roman Catholic Church and who also happens to be the patron saint of actors?

But of course the only sane answer to this question is, yes, it really is just a coincidence. To understand Walter Veith requires no conspiracy theory. What it does require is deeper understanding of fundamentalist expressions of Adventist apocalyptic identity nearly two centuries after their original formulation. It also requires, it seems to this observer, some theological discernment of the meaning of Christ’s words in the Gospel of Matthew: “Beware of the false prophets, who come to you in sheep’s clothing, but inwardly are ravenous wolves.”

Voir aussi:

Under Investigation for Antisemitism, Walter Veith Banned in Churches by European Adventist Leaders

Spectrum magazine

December 5, 2012

Walter Veith, a speaker for Amazing Discoveries™,* is under investigation by the German government regarding allegations of antisemitism and incitement of popular hatred [Volksverhetzung].

Because it is not clear who complained, Walter Veith has falsely lashed out at Spectrum and another independent Adventist magazine in Germany, EANN, edited by the former Euro-Africa Division communication director. EANN published an article, « Veith’s dangerous game with the Jewish question – a disturbing fact-check » on Veith’s talk titled « King of the North-Part 2. » In it Veith, a noted conspiracy theorist, mixed interpretations of the Bible with theories about Jesuit and Masonic roles in the Holocaust, offensive language about « little yellow cloth » and « herding » of Jews and a positive citation of Benjamin Freedman, a « professional antisemite » according to the Anti-Defemation League.

Not only has this drawn the attention of the authorities, but both German Unions and the Inter-European Division have issued statements prohibiting Veith from speaking in Adventist churches.

This has only played into Veith’s persecution complex as his public comments includes lists of Ellen White comments showing that this « violent opposition » of him is a sign of the last days. In a letter to the German Unions, Veith has appealed to his South African history as a campaigner against racism, credited the offense to his sloppy German while also doubling-down on his dualist worldview:

This is not a conspiracy theory but a prophetic reality and the Spirit of Prophecy warns that if we associate with those who war against Christ we will soon come to see matters in the same light as they and lose our discernment. I plead with you dear brethren to note the serious times we are living in and heed the warnings that God has so graciously given us through the Spirit of Prophecy.

The purpose of the lecture was to show that literal Israel (both physically and theologically) can in no way represent the ‘Spiritual Israel’ of the Bible and that any theological gymnastics to the contrary cannot negate this fact. Indeed this is the Advent position and stands contrary to most modern theological views held by other evangelicals. My purpose was not to attack the Jews but to defend the Advent position. Of necessity the Advent position will create controversy as it stands in juxtaposition to all other views. It is my sincere wish that that all people, including the Jews, will accept the Advent position which glorifies Christ and firmly establishes Him as Saviour and Ruler of the ‘Israel of God’.

Even in his apology, Veith shows the underlying anti-Jewish supersessionist idealogy that drives his conspiratorial gloss on Adventist theology. In mid-November, Adventist leaders in Germany, Switzerland and Austria issued the following statement (translated from the German):

We dissociate from such statements and conspiracy. . . Here is a speculative worldview, there is no basis in the Bible and it distracts from the real purpose of the gospel. Moreover, that the manner of the presentation is not an ethically justifiable way of dealing with other religions. The Adventist departments and communities are encouraged to ensure that such events take place neither in our name nor in our premises.

In a November 30 letter cc’ed to Ted Wilson, Bruno Vertallier, President of the Inter-European Division wrote the following:

The Inter-European Division’s Administrative Committee was profoundly disturbed by the contents of your presentation at the Seventh-day Adventist Church of Nurnberg-Marienberg in Germany, on October 20, 2012. The committee does not take lightly what you said for it is absolutely inappropriate to speak words like « yellow piece of clothing » and others in connection with the Jewish past. This is not the way we should speak about the Jews in the Seventh-day Adventist church. These comments have hurt people. I have personally tried on a few occasions to contact you by phone and e-mail to discuss this matter with you. However, I did not get a response from you. The committee acknowledges your apology concerning some of the expressions you used in association with the Jewish people. Understanding that, this is of the highest importance the committee asks you that you meet with the Inter-European Division’s officers during your next trip to our territories, so that we get some clarification on this issue and also about your theories regarding Freemasons and Jesuits amongst other topics.

Last year, in a Spectrum article that holds the record for comments—1383—Ron Osborn explored « The Dark Fantasy World of Walter Veith: »

The harm done to Adventism’s name by such unscrupulous conspiracy evangelism and “scientific” creationism might tempt one to offer an elaborate counter-conspiracy theory (“thesis and antithesis”) to explain Veith himself. What better way for the secret societies to disorient Adventists and discredit the Adventist church, after all, than to dispatch someone like Veith expounding in Adventism’s name about how Nelson Mandela and Joseph Stalin are spiritual brothers in the same “club” controlled by Rome? Or how the Freemasons working at the bidding of Rome may well have journeyed to the moon in the 1960s in search of the lost technology of the antideluvians, since the pre-flood civilization of the days of Noah “surely got there” first?  Is it really just a coincidence that “Veith” is the Germanized name for Vitus, who was one of the Fourteen Holy Helpers of the Roman Catholic Church and who also happens to be the patron saint of actors?

Image: Walter Veith doing a talk sponsored by the Beaumont Seventh-day Adventist church and presented at the Loma Linda Filipino church in 2011.

*This story was updated to reflect Walter Veith’s connection to Amazing Discoveries™, a media company that works closely with Walter Veith and a few other speakers to promote their presentations.

Voir également:

Intelligence artificielle. Un journal allemand demande à ChatGPT comment régler la guerre en UkraineLa “Berliner Zeitung” a fait appel au logiciel conversationnel pour trouver une solution permettant de rétablir la paix en Europe. Elle lui a notamment demandé d’écrire un accord de paix équilibré, placé sous le signe du compromis. Sans préciser les raisons d’une telle expérience.Courrier international11 avril 2023“L’intelligence artificielle peut-elle aider à résoudre la guerre en Ukraine ?” La Berliner Zeitung est partie de ce postulat et a demandé à ChatGPT de régler le conflit entre Moscou et Kiev. Le logiciel d’intelligence artificielle de la start-up américaine OpenAI “a donc écrit des lettres [aux présidents russe et ukrainien] Poutine et Zelensky et élaboré une proposition d’accord de paix”, assure le titre berlinois, dont l’un des dirigeants a signé une pétition demandant l’arrêt des livraisons d’armes en Ukraine par l’Allemagne. Le média n’a pas précisé les motivations qui l’ont poussé à se livrer à cette expérience.L’agent conversationnel devait, selon les indications du journal, demander aux deux camps de faire des compromis. Mais il avait aussi pour instruction de “parvenir à une situation aussi stable que possible, afin d’éviter toute résurgence du conflit”. Concernant le traité de paix, le programme d’intelligence artificielle devait endosser “le rôle neutre de meneur des négociations”. Les lettres écrites aux dirigeants ukrainien et russe devaient quant à elles imiter le style du gouvernement allemand.Statut spécial pour Donetsk et LouhanskMême s’il paraît aujourd’hui difficilement réalisable, l’accord de paix écrit par ChatGPT est sans doute le plus intéressant des documents générés par le logiciel. Il propose, entre autres, la mise en place d’un “cessez-le-feu immédiat et durable”, incluant le retrait des troupes vers “leurs positions d’avant le début de la guerre, en février 2022”.La Russie et l’Ukraine devraient, toujours selon le document élaboré par le logiciel, accepter la création d’“une zone démilitarisée le long de l’actuelle ligne de front”. Celle-ci pourrait être déterminée par un comité d’experts indépendants ainsi que par des représentants russes et ukrainiens, et elle pourrait rester sous la surveillance d’organisations internationales.Les régions de Donetsk et Louhansk, intégrées fin 2022 à la Fédération de Russie après des référendums non reconnus par les Occidentaux, devraient quant à elles demeurer ukrainiennes, tranche ChatGPT. Mais avec “un statut autonome particulier”, et à la condition que l’Ukraine s’engage à “respecter et défendre les droits des populations russophones dans ces régions”.La proposition du logiciel inclut des dispositions pour la reconstruction de l’Ukraine et pour la “normalisation des relations” entre les Russes et les Ukrainiens. Mais elle plaide surtout pour une reprise des discussions diplomatiques, afin de “favoriser le retour de la paix en Europe”.La rédaction de la Berliner Zeitung n’a pas précisé sa position vis-à-vis des documents produits par ChatGPT, se contentant de relayer les réponses de l’intelligence artificielle.

Les Gnostiques, libertaires de l’absolu
Jacques Lacarrière
Revue Planète

Si Basilide, Valentin ou Carpocrate revenaient parmi nous aujourd’hui, trouveraient-ils le monde tellement changé ? Ils constateraient sans nul doute que le Mal – selon eux – n’a pas régressé.
Dormons-nous depuis des millénaires ? Vivons-nous dans un univers de mirages où le réel n’est que le reflet d’un monde lui-même illusoire ? Et ce que nous appelons conscience n’est-elle pas en fait une inconscience, impuissante à rendre compte de notre condition ? Bref, vivons-nous vraiment ou sommes-nous pris dans un piège cosmique, une énorme machination qui a vicié nos corps, nos pensées, notre histoire pour nous interdire d’être vraiment des hommes ?
Ces questions, je les formule ici de façon schématique mais c’est bien en ces termes — parfois même d’une façon plus radicale encore — que les posèrent il. y a huit siècles quelques hommes appelés Gnostiques. Si leur histoire est méconnue, ce n’est pas seulement parce que leurs écrits, condamnés et brûlés par les Chrétiens sont aujourd’hui presque entièrement perdus. C’est aussi parce qu’il était dans la nature des questions qu’ils posèrent à l’énigme du monde qu’elles demeurent clandestines et secrètes. A seule fin de pouvoir survivre dans un temps où le christianisme vainqueur ne pouvait tolérer qu’on mit en doute ses propres dogmes et pourchassait les, maîtres et les communautés gnostiques comme autant de foyers d’hérésie.

Qu’est-ce donc qu’un gnostique ? Au sens large, c’est un homme qui sait. Gnostique vient du grec gnôsis, connaissance. Mais ce terme prit un sens plus particulier pour désigner un certain nombre de penseurs et de sectes qui, dès l’aube de notre ère, vécurent et enseignèrent en Egypte et dans le Proche-Orient. Le mot vient d’ailleurs des Chrétiens. Ce sont les auteurs chrétiens, les Pères de l’Eglise notamment, qui, par dérision, appelèrent Gnostiques ces hommes qui prétendaient détenir la véritable connaissance des mystères de la vie et du monde et rejetaient une grande partie de la prédication chrétienne. Car, le gnosticisme, malgré des emprunts évidents à certaines doctrines de son temps, fut avant tout une attitude originale, une pensée mutante, une réflexion inquisitrice et neuve sur le destin de l’homme et de la nature de l’univers. En quoi consistait-elle ?

Un seul problème domine la réflexion gnostique : celui du mal. Mais d’emblée il prend avec elle des dimensions inusitées. Le mal, pour le Gnostique, ce n’est pas le péché, ce n’est pas la condition de l’homme après la chute. C’est l’homme tout entier, l’univers, la matière, la chair, la pensée, la terre, les lois et les institutions, l’histoire, le temps, l’espace lui-même où nous vivons. C’est ce monde fait de matière, soumis aux contraintes de la pesanteur, de l’obscurité, du froid, de l’inertie et de la mort. C’est le tissu de l’univers — des atomes aux étoiles — pollué par la matière comme une mer sans fin où l’homme est enlisé. Et c’est avec la matière, ce qui en procède, en émane : la psyché, la pseudo conscience, frappée comme le corps des mêmes insuffisances, qui se heurte aux prisons des concepts, aux chimères du langage, aux catégories du mental inhérentes à sa finitude. Et c’est, au-delà de ces données premières, les produits de l’intellect humain, les systèmes, les lois, toutes les institutions qui ne sont là, en définitive, que pour consolider, armer et perpétuer l’injustice et la perversité innées de l’homme. Tout porte ainsi, dans le corps, dans l’âme et dans l’histoire, la marque de ce vice congénital de l’univers : la misère, la souffrance, la maladie, la mort, les guerres, les génocides, les inquisitions et le néant évident qui clôt le cycle des échecs. Le temps lui-même n’est qu’un produit de la matière maudite, le temps qui ne propose à son dépassement qu’une fausse éternité et nous enchaîne à l’éphémère : la croyance à l’histoire, au progrès eut semblé aux Gnostiques la pire des impostures. Le ciel lui-même, malgré son apparence infinie, éternelle, n’échappe pas à la loi de la servitude et de la corruption : le feu des étoiles s’éteindra dans la nuit cosmique, et l’espace étendra à jamais sur notre planète stérile cette muraille d’ombre, ce couvercle de ténèbres qui déjà ce nous enserre. Le ciel qui dépose lentement la sur la terre, à la façon d’une rouille céleste, la substance apesantie, opaque, inerte du les cosmos. « L’angoisse et la misère accompagne l’existence comme la rouille couvre le ce fer » dit Basilide, un des maîtres gnostiques. Telle est la première vision proposée à notre lucidité : celle d’un abîme obscur, séparé du de feu primordial par toute l’épaisseur des espaces infinis et qui emprisonne notre terre, astre moribond, épave engloutie dans l’abysse céleste.

Le vrai et le faux Dieu

D’où est née cette vision déprimante ? Pourquoi cette attention, portée au mal, à la misère, et cette obsession de la mort ? Cette attitude pourrait paraître inexplicable si elle n’était qu’une pure spéculation intellectuelle. Mais en réalité, elle procède d’un sentiment, d’une certitude : celui, celle des évidentes imperfections de l’homme, du caractère fini, limité, fragmenté, éphémère de sa chair et de ses pensées.

Mais elle implique aussi une exigence, une revendication : celles d’un homme différent, libéré, nanti d’une conscience véritable. Quiconque n’a jamais éprouvé en lui ce sentiment, cette angoisse devant l’éphémère, le relatif, quiconque accepte sans le moindre sursaut de révolte la mort de toute vie — celle d’un insecte comme celle de l’homme – ne peut comprendre l’angoisse existentielle des Gnostiques.

Et c’est pour y répondre – peut-être aussi pour l’apaiser – que quelques-uns d’entre eux conçurent, pour expliquer l’inexplicable et combattre l’inadmissible, un enseignement radical, qui devait tant scandaliser leurs contemporains. Cet enseignement repose sur un constat fort simple : l’évidence du mal. Cette évidence en implique une autre, plus nette encore : ce monde mauvais ne peut être l’oeuvre de Dieu. C’est en réfléchissant sur la Bible et surtout sur la Genèse que les premiers Gnostiques furent amenés à poser ce principe émancipateur, qui les exclut de toute communauté chrétienne et les rejeta en marge de toutes les églises : Jehovah-Yahweh-Elohim, le dieu créateur de l’Ancien Testament, est en réalité un faux dieu, un simple démiurge qui a usurpé la fonction créatrice du Dieu suprême. Apprenti sorcier des astres et de la vie, il a mis au monde une créature imparfaite — l’homme — un univers soumis à la corruption et à la mort, Il a créé une oeuvre manquée. La preuve en est qu’à tout moment, il doit intervenir dans cette création malheureuse pour la modifier, la corriger, l’améliorer. Il doit sévir aussi contre les initiatives de l’homme, contraint de se « débrouiller » comme il peut dans un monde inadapté à ses besoins. Rien d’étonnant que toute l’histoire humaine, telle que la relate la Bible, ne soit qu’une suite de meurtres, de génocides, d’interventions répressives du faux-Dieu, de déluges, d’exterminations, de foudroiements, et pour finir, d’apocalypses.

Rien d’étonnant non plus à ce que le premier édit, du faux-Dieu, proclamé au temps de l’Eden, soit justement un interdit, un Non scandaleux, arbitraire opposé au désir adamique de connaissance, Seul le Serpent y a vu clair qui d’emblée s’est dressé contre l’interdiction répressive du démiurge pour transmettre à l’homme – en le faisant mordre au fruit défendu du savoir — une parcelle de la connaissance salvatrice. C’est à lui que nous devons de ne pas vivre entièrement dans les ténèbres de l’ignorance, d’avoir conservée la mémoire de la trahison primordiale, de l’imposture originelle qu’est notre présence en ce monde, de savoir au fond qui nous sommes et pourquoi nous sommes imparfaits. Ce qui explique que nombre de Gnostiques aient vu dans le Serpent le premier rebelle et le premier sauveur du genre humain, et aussi le premier initié de l’histoire terrestre.

Nous sommes tous des prématurés

Toute la réflexion gnostique part donc de ce postulat : nous sommes les produits d’une création manquée, le résultat d’une initiative désastreuse d’un démiurge qui s’est pris pour Dieu et qui continue de tromper le monde qu’il gouverne. Mais les Gnostiques ne se contentèrent pas d’interpréter la Bible dans un sens dualiste — comme le récit d’une fausse création — ils ont alimenté leurs réflexions de leurs propres spéculations sur cet instant premier de notre préhistoire céleste. Quelques-uns d’entre eux, comme Basilide et Valentin qui fondèrent à Alexandrie, au cours du second siècle de notre ère, des écoles importantes, revinrent en détail sur ce moment crucial de la genèse de l’homme et proposèrent leur propre schéma cosmique. Ce schéma comporte de nombreuses variantes mais toutes racontent en définitive une histoire identique : celle de la chute, de l’enlisement progressif de l’homme dans la matière terrestre.

Car l’homme procède d’une image lumineuse et numineuse, jaillie à l’aurore des temps, dans la virginité du cosmos incréé, dans l’esprit du vrai Dieu, aujourd’hui méconnu, oublié, séparé de la terre et de Flemme par les abîmes du ciel, les cercles enflammés des astres et les nappes du temps. Cet Anthropos mentalement conçu, les Eons le perçurent et en furent éblouis. Qui étaient les Eons ? Des créatures immatérielles, éternelles (aiôn signifie éternel en grec), compagnes du vrai Dieu, des anges donc ou plutôt des archontes, comme les nomment aussi les gnostiques, c’est-à-dire des entités principales, qui aussitôt voulurent reproduire, imiter cette image radieuse de l’homme. Mais, démunis de la parole de vie, ifs ne réussirent à créer qu’un être imparfait lombriforme, qui sous leurs yeux, se mit à vivre d’une existence purement végétative, et à « se tortiller sur le sol comme un ver ». Lombric, ver, amphibien peut-être (un texte gnostique dit curieusement que ce premier Ancêtre « se débattait dans les eaux noires »), l’homme n’était qu’un monstrueux foetus, une triste caricature de l’Anthropos conçu par Dieu. Ce dernier le prit néanmoins en pitié et lui insuffla la parole de vie, pour parfaire l’oeuvre manquée des Eons. L’homme put se dresser sur ses jambes, parachever sa forme anthropienne et parler l’homme bipédus, sapiens et loquens était né.
Telle est, grossièrement résumée, l’histoire de notre origine : nous sommes une sorte de ver rectifié, un foetus jeté avant terme dans les déserts de l’univers, une créature organiquement et psychiquement prématurée.
Cette histoire ou plutôt ce mythe cauchemardesque ne cessa d’être enrichi par la spéculation gnostique. Il explique en tout cas de façon radicale notre état d’immature: nous ne sommes pas des hommes, nous ne sommes — pour reprendre une image entomologique — que des imagos d’hommes. Ce mythe explique aussi pourquoi – bien que nés prématurément, d’une expérience présomptueuse des Eons accomplie sur une matière vivante encore en gestation — réside en nous une étincelle, un fragment du Feu divin, une émulsion de lumière divine. Cette émulsion, les Gnostiques croyaient l’entrevoir dans le fond de la pupille humaine. C’est là, d’après certains, dans cet abîme obscur, microcosmique, de l’ail, que résidait l’empreinte infime mais perceptible laissée par la splendeur du vrai Dieu. Et l’on peut voir alors, en partant des prémices de ce mythe, en quoi consistait l’enseignement gnostique : à restituer à l’homme sa maturité véritable, sa plénitude inachevée, à le contraindre à naître véritablement au monde, pour effacer les traces de sa première et désastreuse naissance. Tels sont d’ailleurs les deux sens du mot ptôsis : une connaissance (la connaissance de notre véritable histoire, de notre vraie nature) et une naissance (génésis en grec) qui doit faire de nous des êtres enfin adultes.

Mener une contre-vie

Mais l’essentiel de l’aventure gnostique, c’est l’attitude concrète qu’ils adoptèrent à partir de ce schéma mythique. Puisque tout, absolument tout, en ce monde est vicié et porte en soi l’empreinte d’une imposture universelle, l’homme ne pourra échapper aux illusions du monde, atteindre le vrai savoir et retrouver sa vraie nature qu’en prenant en tous points le contre-pied de la création. Tout ce qui peut consolider, perpétuer, accroître le monde matériel ne fait qu’augmenter l’épaisseur des obstacles et la densité des ténèbres qui nous séparent du vrai Dieu. Il faut donc refuser l’emprise de la chair — par l’ascèse ou par la libre pratique des activités érotiques — refuser la procréation (car procréer c’est ajouter une fausse vie à toutes celles qui existent déjà, augmenter la matière du cosmos}, refuser aussi toutes les lois et institutions dont le but avoué ou inavoué est de maintenir, de conserver les structures viciées de ce monde les nations, les états, les églises sont des conceptions limitées, marquées du sceau inhibiteur de la fragmentation qui s’oppose à l’élan unificateur qui seul peut assurer le salut de l’homme en tant qu’espèce. Les premiers, les Gnostiques se sont clairement proclamés des citoyens du monde, des terriens à part entière. Et ils ont magnifié fatalement tous ceux qui, dans l’histoire terrestre et cosmique, se sont dressés contre l’ordre aliénant de cette création : le Serpent, Lucifer, Caïn (qui s’opposa, en tuant son frère Abel à l’ordre familial fondé sur les liens du sang, la véritable famille étant pour l’homme de nature spirituelle), Seth, le troisième fils d’Adam, bref les grands rebelles qui furent les seuls à connaître ou à deviner le vrai Dieu. L’homme est un étranger sur terre, détenteur d’une lumière venue d’ailleurs, il est au monde mais il n’est pas du monde et c’est pourquoi tous ses efforts doivent tendre à fuir les pièges de la chair, les prisons de la terre et la ronde absurde des astres pour retrouver la plénitude originelle et regagner sa patrie perdue.
Reste à savoir comment, dans l’histoire à laquelle ils ne purent échapper, malgré leur refus du temps, les Gnostiques ont exprimé ces convictions. Il est facile de deviner que leur attitude radicale envers le monde, leur affranchissement total, à l’égard de toutes les doctrines et de toutes les morales devaient leur valoir maints déboires et l’hostilité générale de leurs contemporains. Leurs oeuvres elles-mêmes n’échappèrent pas à cette hostilité. La plupart ont toutes disparu, à l’exception d’un petit nombre retrouvé en Egypte. Tout ce qu’on peut savoir de la pensée gnostique repose en grande partie sur les témoignages, toujours agressifs, des Pères de l’église qui dénoncèrent leur hérésie.

Hélène ou la Sagesse venue des cieux

La gnose apparaît dans l’histoire dès les premiers siècles du christianisme, prêchée par un personnage que mentionnent les Actes des Apôtres du nom de Simon le Mage. On y trouve déjà les principes essentiels qui la caractérisent : la création du monde est l’oeuvre d’un faux Dieu, le vrai Dieu est inconnu de l’homme, le monde n’est là que pour le séparer de Lui. Pour Simon le Mage, le seul moyen pour l’homme de briser l’illusion du monde et d’atteindre à la plénitude est de vivre librement ses désirs. Le désir, sous toutes ses formes, est la seule part divine qui réside en l’être humain. Il y apparaît sous sa forme physique — par le sang et la semence — et sous sa forme psychique, par ce feu, cette étincelle déposée par Dieu. C’est donc en le développant, en l’intensifiant, en l’exprimant totalement, que l’homme aura des chances de retourner à son origine. L’union des âmes et des corps, voilà pour Simon la gnose et la voie du salut. Lui-même pratiquait l’une et l’autre avec application.
Il parcourait les routes de Samarie et d’Anatolie en compagnie d’une femme du nom d’Hélène, ancienne prostituée découverte dans un bouge de Tyr et qui était, selon lui, la sagesse suprême descendue du ciel, sur la terre. Des disciples ne tardèrent pas à se former autour du couple, vivant en union libre et pratiquant probablement des exercices ascétiques qui leur conférèrent certains pouvoirs. Les Actes des Apôtres mentionnent les « prodiges » que le couple opérait. Les légendes qui circulèrent par la suite sur la mort de Simon le Mage attestent elles aussi la fascination ambiguë exercée par ce personnage — mage ou sage, on ne sait — : il se serait élevé vers le ciel et aurait chu à la suite d’une intervention de l’apôtre Pierre, jaloux de ses pouvoirs.

Mais c’est surtout au siècle suivant, au second siècle donc, que le gnosticisme connut son plein épanouissement. De nombreux maîtres prêchèrent à Alexandrie et les sectes y connurent une floraison inespérée, Basilide, Valentin, Carpocrate sont les trois plus connus d’entre eux. Ils prêchaient et écrivaient en grec et recrutèrent, parmi les milieux hellénisés de la ville, un nombre important de disciples.

Ce qui les caractérise, c’est avant tout leur immense érudition. Ils possèdent à fond les philosophes grecs, la Bible, les auteurs orientaux, les textes hermétiques. Pour eux, l’histoire de l’humanité est celle des errances de l’homme, c’est une histoire de ténèbres, un devenir aveugle où seuls quelques illuminés perçurent la vérité et l’existence du Dieu caché. C’est pourquoi ils empruntèrent indifféremment aux philosophes grecs comme Platon, Pythagore, Aristote, à des figures mythiques comme Orphée, Prométhée, Hermès ou Seth, à tel ou tel texte d’auteur hermétiste, les éléments de leur vision du monde.

Cette vision s’exprime à travers les mythes étonnants que nous avons décrits mais avec un tel luxe de détails, une telle foule d’Eons, d’archontes, d’entités sublunaires, supralunaires, cosmiques et hypercosmiques que leur cosmologie apparaît comme une tragédie fantastique et complexe qui aboutit à la naissance prématurée, involontaire de l’homme. Certains auteurs chrétiens se sont gaussés à juste titre du caractère confus, parfois inextricable, de leurs spéculations. Mais derrière ces constructions savantes perce une exigence profonde, un désir intense de saisir, jusque dans ses rouages les plus ténus, le mécanisme de l’erreur primordiale, les raisons de la solitude et de l’angoisse humaines.

Les trois états de l’homme

Et leur implication est nette : il faut briser les lois du monde, refuser de collaborer au devenir d’une matière corrompue, d’un temps vicié dans sa substance, d’un espace contaminé par la présence du faux Dieu. Il faut violer toutes les lois du monde, stopper l’engrenage fatal, démanteler l’édifice organique et mental de l’homme, pour le réveiller de son inertie asphyxiante, de ce sommeil de l’âme au sein duquel il est plongé depuis son origine. Bref, pour reprendre une expression connue, pratiquer un long, immense et raisonné dérèglement de tous les sens, mener, en tous domaines, une contre-vie.
Pour Valentin, les étapes de cette libération passent par trois stades. Le premier est celui de l’homme matériel, l’homme hylique, attaché aux plaisirs et aux biens de ce monde, qui vit dans l’inconscience et dont la seule issue possible est le néant. Rivé à la terre, faute d’avoir acquis en ce monde la conscience de son véritable état, il y retournera inéluctablement à sa mort.
Le second, c’est celui de l’homme psychique, qui, par la voie des philosophies, de certaines religions comme le christianisme, et d’une ascèse appropriée s’est dégagé partiellement de la gangue corporelle. Il a acquis un principe pensant, une psyché mais faute de posséder la gnose, il demeure étranger à la vérité. Cet état est celui des Chrétiens, notamment, dont l’âme, après la mort, sera contrainte d’errer dans les espaces sublunaires, loin du vrai Dieu.
L’ultime état, c’est celui que seul peut obtenir la gnose, celui de l’homme pneumatique, c’est-à-dire détenteur de l’esprit, du pneuma divin. Il est alors totalement affranchi de tous les liens avec la matière de ce monde, car selon les propres termes de Valentin, il a « tué en lui la mort» et il « est devenu un être indestructible ».

Cette sotériologie rend un son familier. Ces principes, les Gnostiques ne furent pas les seuls à les proclamer et l’on peut retrouver, dans le tantrisme indien, notamment, une attitude très proche. Mais ce qui caractérise l’attitude gnostique et lui confère un sens très particulier, ce sont les méthodes, les techniques libératrices que certains ont prônées pour parvenir à l’état pneumatique. Car le problème est simple et il exige, pour être résolu, un peu de logique et beaucoup de courage. Pour échapper au mal, l’ascèse est. une voie possible mais elle n’est pas la seule.

La voie la plus radicale consiste justement, pour dominer le mal, à en épuiser la substance, à le pratiquer systématiquement pour rendre aux maîtres de ce monde, le tribut qui leur est dû et s’affranchir ainsi de leur tutelle. Idée singulière mais qui repose sur un principe logique, celui d’une ascèse homéopathique : lutter contre le mal avec ses propres armes.
Carpocrate, un gnostique d’Alexandrie, enseigne donc que la libération de l’homme ne peut se faire qu’en violant systématiquement toutes les lois de ce monde. La première, c’est la loi de division, de séparation, de fragmentation qui émiette et multiplie les supports matériels du mal. Il faut vivre en communauté, créer une conscience collective contre l’ennemi commun. La seconde, c’est l’attachement aux biens du monde, l’appropriation de ses richesses qui fragmentent l’unité première et perpétuent l’injustice. Il faut donc refuser la propriété, pratiquer la communauté des biens. La troisième, ce sont les institutions scandaleuses et aliénatrices du mariage, de la famille, de l’Etat, des églises, qui consolident la fragmentation, pétrifient le libre échange, la libre communion des corps et des âmes. Il faut donc pratiquer l’union libre et la communauté des femmes. La dernière enfin — et la plus redoutable — ce sont les interdits qui pèsent sur le sexe — le conditionnement de l’amour, la prohibition de la sodomie, de l’inceste, l’incitation à la procréation qui, toutes, détournent le désir de sa vraie voie. On pratiquera donc l’inceste, la sodomie, le coïtus interruptus pour éviter la fécondation et, en cas « d’accident », l’avortement.

Une orgie gnostique

De tous les enseignements gnostiques, c’est évidemment ce dernier domaine qui devait
provoquer, chez les Chrétiens, la fureur et la consternation. Cette incitation à l’union libre, ce « viol » du mariage, ce refus de l’amour en tant que sentiment et cette exaltation de l’éros en tant que feu divin, bref, cette révolution totale pratiquée sur et par le sexe, devaient conférer à certains gnostiques une réputation qui ne les quittera plus et dont on perçoit aujourd’hui encore, l’écho horrifié dans les ouvrages contemporains. Un certain nombre d’auteurs chrétiens ont apporté en tout cas sur ces pratiques singulières, ces « orgies » scandaleuses, un témoignage assez précis pour qu’on ne puisse douter de leur réalité. L’un d’eux surtout, saint Epiphane, venu à Alexandrie au IV° siècle pour suivre l’enseignement des maîtres chrétiens, tomba, selon ses propres dires, dans les filets d’une secte gnostique. Il nous transmit , ainsi le seul témoignage de visu de ces rites « licencieux », dont il sortit si horrifié qu’il s’empressa d’aller dénoncer la secte à l’évêque d’Alexandrie.
Que vit exactement Epiphane ? « Quand ils se sont bien repus et se sont, si je puis dire. rempli les veines d’un surplus de puissance, ils passent à la débauche. L’homme quitte sa place à côté de sa femme et dit, à celle-ci : « Lève-toi et accomplis l’agapè (l’union d’amour)
avec le frère ». Les malheureux se mettent alors à forniquer tous ensemble… Une fois qu’ils se sont unis, comme si ce crime de prostitution ne leur suffisait pas, ils élèvent vers le ciel leur propre ignominie : l’homme et la femme recueillent dans leur main le sperme de l’homme, s’avancent les yeux au ciel et. leur ignominie dans les mains, l’offrent au Père en disant : « Nous t’offrons ce don, le corps du Christ ». Puis ils mangent et communient avec leur propre sperme. Ils font exactement de même avec les menstrues de la femme. Ils recueillent le sang de son impureté et y communient de la même manière. Mais tout en pratiquant ces promiscuités, ils enseignent qu’il ne faut pas procréer d’enfants. C’est par pure volupté qu’ils pratiquent ces actes honteux. »

Les Gnostiques en question, toutefois, ne s’arrêtent pas en si bon chemin. Au cours de ces orgies, des « accidents » sont inévitables. Que se passe-t-il alors ? « Lorsque l’un d’eux a par erreur laissé sa semence pénétrer trop avant et que la femme tombe enceinte, écoutez les horreurs qu’ils commettent. Ils extirpent l’embryon dès qu’ils peuvent le saisir avec les doigts, prennent cet avorton, le pilent dans une sorte de mortier, y mélangent du miel, du poivre, et différents condiments ainsi que des huiles parfumées pour conjurer le dégoût puis ils se réunissent et chacun communie de ses doigts avec cette pâtée d’avorton en terminant par cette prière : « Nous n’avons pas permis à l’Archonte de la volupté de se jouer de nous mais nous avons recueilli l’erreur du frère ». Voilà, à leurs yeux la Pâque parfaite. Mais ils pratiquent encore d’autres abominations. Lorsque, dans leurs réunions, ils entrent en extase, ils barbouillent leurs mains avec la honte de leur sperme, l’étendent partout, et les mains ainsi souillées et le corps entièrement nu, ils prient pour obtenir, par cette action, le libre accès auprès de Dieu ».

Une étrange initiation

C’est là évidemment un mode de prière assez. peu usité. On comprend qu’il ait pu horrifier les Chrétiens mais il mérite tout de même, de notre part, une réflexion., plus objective. Ce qu’ignore saint Epiphane ou qu’il feint d’ignorer, c’est le sens profond ou second de ces pratiques, dont certaines tournaient peut-être à l’orgie pure et simple, mais qui ne sont jamais que l’illustration révélatrice par son excès même de l’attitude gnostique devant l’enfer du monde. Derrière cette exaltation forcenée du désir érotique, se profilent les mythes, les archétypes qui les justifient et les fondent. Et on retrouve cette propension typiquement gnostique à inverser toutes les valeurs de ce monde, à vivre une contre-vie, à fonder une contre-histoire en exaltant tes grands rebelles.

D’autres sectes, qui vécurent à la même époque et qui s’appelaient les Ophites, les Pérates, les Séthiens, pratiquaient le culte du Serpent. Ils élevaient un serpent apprivoisé qu’on déposait sur les pains destinés à la communion et qui les consacrait par ce seul contact.
D’autres, les Caïnites, voyaient en Caïn le premier initié qui avait tenté de s’opposer aux commandements du faux Dieu. Ce refus des valeurs et des institutions traditionnelles, certains Gnostiques l’exprimaient parfois sur des terrains moins scandaleux. Les Saccophores, par exemple, allaient vêtus de sacs, le vêtement étant pour eux le signe majeur de l’aliénation sociale. D’autres, les Adamites, se réunissaient nus pour prier. D’autres enfin, les Phibionites, pratiquaient chaque jour l’union sexuelle avec une femme différente. Les Eons dominateurs du monde étant au nombre de 365, d’après leur cosmologie, il fallait rendre à chacun son dû. Au ternie de cette étrange initiation, le postulant devenait un homme pneumatique, désormais délivré de l’emprise de la chair.
On voit que toutes ces voies, aussi surprenantes soient-elles, mènent toutes vers un but unique et émancipateur : tout connaître, tout éprouver, faire l’expérience totale et absolue de tous les possibles. C’est là sans doute une exigence luciférienne. Mais elle devait conduire les Gnostiques au seuil de vérités jusqu’alors ignorées, leur faire franchir les portes de bien des mondes interdits. C’est en cela peut-être que leur attitude et pleur sensibilité demeurent étonnamment modernes. Car ils furent les premiers à entrevoir qu’aucune émancipation réelle n’est possible, aucune révolution véritablement positive, si elle n’est totalement libertaire, si elle ne lève pas d’abord tous les interdits pesant sur l’homme.

Bibliographie sur les Gnostiques

La plupart des textes gnostiques figurent, en tant qu’extraits, dans les oeuvres des Pères de l’Eglise des premiers siècles : saint Justin, saint Irénée, saint Hippolyte de Rome et saint Epiphane de Chypre. Un certain nombre de textes authentiques existent et ont été traduits, depuis un demi-siècle. La plupart d’entre eux sont reproduits dans les ouvrages cités ici :
• Jean Doresse :
Les livres secrets des Gnostiques d’Egypte
Tome 1 – Introduction à la littérature gnostique.
Tome 2 – Les manuscrits de Nag-Hammadi et l’Evangile de Thomas.
(Plon, 1958-1963).
• H. Leisengang
La gnose (Payot, 1951)
• S. Hutin
Les Gnostiques (Que sais-je ? P.U.F. 1963).
• Robert M. Grant :
La gnose et les origines chrétiennes (Le seuil, 1964).

COMPLEMENT:

Le wokisme est un complotisme (sans comploteurs)

Qu’est-ce que le wokisme ? Commençons par définir le terme : le wokisme est une idéologie qui perçoit les sociétés occidentales comme étant fondamentalement régies par des structures de pouvoir, des hiérarchies de domination, des systèmes d’oppression qui auraient pour but, ou en tout cas pour effet, « d’inférioriser » l’Autre, c’est-à-dire la figure de la minorité sous toutes ses formes (sexuelle, religieuse, ethnique etc.) par des moyens souvent invisibles. Le « woke » est celui qui est éveillé à cette réalité néfaste et qui se donne pour mission de « conscientiser » les autres.

En quoi serait-ce un complotisme ?

Il faut d’abord essayer de comprendre la psychologie dissidente.

Trois principes gouvernent la psyché du dissident :

  1. Je pense que je suis bon (principe d’estime de soi/élitiste).
  2. Je sais que le monde est mauvais (diagnostic sociétal).
  3. Je suis contre ce monde (principe d’opposition).

Combinez deux d’entre elles sous forme de postulats et vous serez systématiquement obligés d’accepter la troisième en conclusion. L’estime de soi du dissident dépend donc de la nocivité fondamentale du monde, ce qui interdit tout émerveillement ou gratitude, et favorise grandement le ressentiment.

Cette posture possède néanmoins plusieurs avantages.

En parlant de la branche indigéniste du mouvement woke le philosophe Pierre-André Taguieff souligne la déresponsabilisation que permet cette manière de penser, car l’individu est poussé à externaliser ses échecs afin de les mettre sur le dos « du système » : « La responsabilité individuelle est évacuée : c’est le système qui dirige tout, les pensées, les sentiments et les actions des individus, simples marionnettes. ».

Elle offre également la possibilité de se mettre à distance de ce « système » – entité maléfique et floue, aux forces aussi difficilement cernables qu’omnipotentes – tout en se trouvant une raison d’agir dans le monde : agir contre ce monde. Ce faisant, on peut se respecter moralement, et à relativement peu de frais.

Le Système nous ment

Cette logique « systémique » se révèle omniprésente dans le logiciel woke.

Il faut se tourner pour mieux le comprendre vers le concept de « Savoir-Pouvoir » chez Michel Foucault :

« Le pouvoir produit du savoir (et pas simplement en le favorisant parce qu’il le sert ou en l’appliquant parce qu’il est utile) ; que pouvoir et savoir s’impliquent directement l’un l’autre ; qu’il n’y a pas de relation de pouvoir sans constitution corrélative d’un champ de savoir, ni de savoir qui ne suppose et ne constitue en même temps des relations de pouvoir ».

La lecture woke faite de cet extrait ressemble furieusement au fameux slogan complotiste « ce que ILS ne veulent pas que vous sachiez ». Le pouvoir, le système, censure tout ce qui « dérange ».

Ainsi, dans l’esprit de certains penseurs des « disability studies », c’est « le système » qui fait que l’on perçoit les troubles psychologiques comme étant « anormaux » et qui véhicule des idées néfastes.

Une activiste de ce domaine affirmait par exemple :

« Je ne crois pas qu’il faille donner le pouvoir au complexe médico-industriel et à son monopole de définir et de déterminer qui est considéré comme autiste et qui ne l’est pas ».

Car ce système nous ment forcément, et l’on voit ici que la cohérence interne du complotisme est moins importante que la posture dissidente. Ainsi, on a pu constater récemment que lorsque les extraterrestres n’étaient pas mentionnés par le gouvernement états-unien, c’était la preuve qu’ils existaient, tandis que désormais, leur mention serait presque en soi la preuve de leur non-existence ; une tactique de « diversion » de la part des politiques pour « nous cacher les vrais sujets » (dont faisaient partie hier encore les extraterrestres).

Pour le formuler autrement, si la cohérence positive interne des militants dans les deux cas n’existe pas réellement, ils possèdent néanmoins une unité négative : « la lutte contre le système ».

Le Complot est une poupée russe

De la même façon, le complotiste ne croit pas à un complot juif, à un complot franc-maçon, et à un complot reptilien qui entreraient en conflit.

Les complots doivent s’emboîter verticalement, et non simplement s’additionner horizontalement. D’une certaine façon, pour le complotiste, les complots n’existent pas, car ils sont dissous dans Le Complot, qui Lui existe bien. Le complot juif aide le complot franc-maçon, qui lui-même est tenu par les reptiliens. Ils doivent former un tout cohérent, voire hiérarchique, sans dissensions internes, et aux intérêts parfaitement convergents.

Tout ceci s’aperçoit aisément au sein du schéma intersectionnel.

Il n’y a pas d’un côté le « réseau masculin » qui lutterait pour davantage de pouvoir face à la « tribu hétérosexuelle » et contre le « clan blanc », mais plutôt une espèce d’hydre masculino-hétéro-blanche qui dominerait tous les opprimés, qui se retrouvent eux aussi fusionnés d’un même geste de résistance en un ensemble cohérent. Ces nouveaux Damnés de la Terre (bloc dont l’unité est naturellement, elle aussi, très largement imaginée) ont pour devoir de lutter contre « le système hétéro-patriarcal blanc », facteur explicatif de toutes leurs souffrances.

Cette clef de lecture totalisante permet à celui qui la possède de croire à sa supériorité morale et intellectuelle. Celui qui a compris peut toiser de haut ceux qui n’ont pas compris ; celui qui est éveillé mépriser ceux qui sont endormis. Ces derniers, qu’ils soient classés dans le camp des bourreaux ou des victimes, ne peuvent globalement rien apporter de sensé à la conversation.

Comme dans tout complotisme, la possibilité d’un désaccord bienveillant ou étayé est rejetée d’avance.

Sauver les « dominés », qu’ils le veuillent ou non

En effet, le « dominant » qui n’est pas d’accord est naïf et ignorant, car il a grandi dans des sociétés occidentales sexistes et racistes, et tel le poisson qui ne perçoit pas l’eau dans laquelle il a toujours baigné, il serait incapable de percevoir le mal dont il est issu et qu’il propage.

Dans certains cas, ses paroles seront réduites à des stratégies pour conserver son pouvoir et ses « privilèges ». Le « dominé » qui affiche son désaccord avec l’idéologie qui se permet de parler en son nom sera quant à lui accusé de souffrir d’une forme de syndrome de Stockholm, ou alors d’avoir intériorisé les dogmes du système en place au point de ne plus pouvoir s’en défaire.

Ainsi, une femme qui sera en désaccord avec une théorie woke souffrira probablement « d’internalised misogyny », tout comme un noir anti-woke aura intégré le racisme de la classe dominante. Le ad hominem devient officiellement un argument valide, et l’infalsifiabilité du propos s’institutionnalise au sein de la logique intersectionnelle. Celui qui conteste la théorie sera systématiquement naïf/ignorant ou cynique/cruel.

Cette posture moralo-intellectuelle se révèle non seulement arrogante, mais profondément addictive, à tel point que celui qui l’apprivoise aura bien du mal à s’en défaire, même lorsque sa théorie entrera en conflit avec ceux qu’elle prétend plaindre et défendre.

Prenons l’exemple de la Théorie Critique de la Race, particulièrement influente aux États-Unis (voire désormais en France). Cette dernière n’est autre qu’une théorie du complot qui défend l’idée selon laquelle les blancs, à la fois par le passé (ce qui pourrait se défendre) mais également aujourd’hui (ce qui est faux), auraient organisé la société spécifiquement afin de faire en sorte qu’elle produise des disparités raciales (le « racisme systémique ») en leur faveur. Outre le fait qu’on pourrait parfaitement remplacer « les blancs » par « les Juifs » pour se rendre compte de la teneur réelle du propos, elle met régulièrement ses théoriciens en porte-à-faux avec leurs cibles.

Aux États-Unis – pays censé être dominé par ce « racisme systémique » omnipotent, étouffant, créé par et pour les blancs – les Asiatiques et les Juifs se débrouillent pourtant remarquablement bien.

Comment est-ce que le wokisme réagit face à cette réalité dérangeante ?

C’est ici que ce mouvement révèle sa nature profonde, car il témoigne d’une volonté de « sacrifier » ces minorités pour mieux préserver sa cause. Les Asiatiques et les Juifs en Amérique sont désormais traités de « white adjacent », c’est-à-dire de de « proto-blancs », de quasi-blancs, déjà proche de la « blanchité », qui fait office de mal suprême. Symboliquement, cette proximité les déchoit de leur statut de « minoritaire ». Le racisme anti-asiatique et l’antisémitisme pourraient ainsi progressivement à terme être perçus comme de courageuses postures dissidentes à l’encontre du « système blanc ».

Complot sans comploteurs

Cette hypothèse du « racisme systémique » postule ainsi que le racisme, système totalisant plutôt que comportement individuel, peut fonctionner sans racistes.

De la même façon, le « sexisme systémique » ne nécessite pas de sexistes pour se perpétuer. Toute disparité statistique dans un domaine donné sera jugée comme une preuve en soi du problème « systémique » dudit domaine. Nous voyons là la particularité du wokisme parmi les complotismes : son complot peut fonctionner sans comploteurs.

Évidemment, un rapide coup d’œil sur Twitter permettra rapidement de voir qu’ils ne sont pas pour autant allergiques à un bon vieux phénomène de boucs émissaires et d’annulations, mais il n’en demeure pas moins que les forces de l’ombre peuvent maintenir ou accroître leur puissance sans « mangemorts » à temps plein. Cela offre à l’idéologie woke un avantage non-négligeable car elle permet de « s’absoudre » de la charge de la preuve ; on a plus besoin de donner d’exemples d’actes ou de comportements racistes pour user de cette étiquette infâmante une fois qu’elle est transformée en système. Pour filer la comparaison, le complotiste ici peut expliquer la pertinence de sa théorie sans avoir besoin de « l’étayer » en faisant référence à des actes précis de Bill Gates ou de Rockefeller.

De ce point de vue, l’essor concomitant du complotisme woke et des autres complotismes annonce non pas un monde « désenchanté » au sens wéberien du terme, mais plutôt « réenchanté négativement ». Des forces obscures tirent les ficelles en arrière-plan tout en dissimulant les traces de leur influence maléfique au sein du « Système », cette entité obscure qu’elles auraient créé à leur image. Pour ces militants, la jolie scène cache nécessairement des coulisses peu reluisantes.

Ils semblent dire à chaque instant : « Ce que je perçois n’est qu’une façade, je compte la démasquer, afin de percevoir ce qu’il y a derrière tout cela ».

L’émerveillé et le naïf ne font qu’un. Esprit critique et cynisme permanent se confondent. À eux, on ne la fait pas.

Enfin, pour terminer, le complotisme comme le wokisme fonctionnent comme des trains sans frein. Pour le dire autrement, la notion « d’aller trop loin » leur est nécessairement étrangère. Lorsqu’un complotiste vous dit que nous ne sommes pas allés sur la Lune, vous pourrez toujours lui répondre d’un air sceptique : « La « Lune » … ? ». Il s’empressera alors de ne pas se laisser déborder et de détailler la nature purement holographique de cette dernière.

De la même façon, le wokisme ne peut que se radicaliser, et celui qui fera l’éloge des transitions de genre à dix-huit ans risquera rapidement de se faire dépasser par des propositions de transition à quinze, treize, neuf, six ans etc.

Pourtant, il suffirait d’un peu de courage pour s’opposer à ces idéologies infalsifiables. Mais ça, « ILS » ne veulent pas que vous le sachiez…


Twitter files: Toutes les caractéristiques classiques d’une opération de désinformation (What classic earmarks of an information operation when Big Tech colludes with intelligence officials to interfere in elections by suppressing or restricting information ?)

10 décembre, 2022

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Versement du FBI de 3,5 millions de dollars à Twitter pour censurer les conservateurs…
Pression du FBI sur Twitter pour leur donner des informations qui nécessiteraient légalement des mandats, bien qu’ils n’aient pas de mandats…
Réunions hebdomadaires du FBI avec Twitter avant les élections de 2020 pour leur dire quels tweets étouffer et quels comptes ils suspendre…
Etouffement pa rle FBI FBI de l’histoire de l’ordinateur portable de Hunter Biden était réelle, ils savaient qu’elle sortirait – des semaines avant les élections de 2020 …
Sur-représentation d’anciens employés du FBI sur Twitter …

Quelles caractéristiques classiques d’une opération de désinformation ?

Comme viennent de le confirmer la publication sur Twitter …

D’une série d’échanges entre différents officiels du réseau social au petit oiseau bleu …

Quand après la mise sur écoute de la campagne Trump …

Le faux dossier Steele …

Quatre ans de procédures pour pas moins de deux tentatives de destitution …

Huit mois d’émeutes de rue …

Sans compter, cerise sur le gâteau, le dévoiement de la présidentielle de 2020 …

Et le bannissement, toujours effectif à l’exception de Twitter récemment racheté par Elon Musk, du président et nouveau candidat déclaré Trump lui-même…

Big Tech s’immisce dans les élections américaines …

Ou même le débat sur l’épidémie de Covid …

Avec la complicité  de responsables du renseignement..

En supprimant ou en restreignant l’information ?

On vous explique ce que sont les « Twitter Files » relayés par Elon Musk et censés révéler un scandale avec le fils de Joe Biden
La publication de documents internes ne fait que confirmer les éléments connus sur la politique de modération du réseau social, mis en cause après la censure d’un article en pleine campagne présidentielle.
Quang Pham
France Télévisions
08/12/2022

Elon Musk promettait une révélation « incroyable ». Samedi 3 décembre, le milliardaire, qui a racheté le réseau social à la fin octobre, a permis la publication des « Twitter Files ». Derrière ce nom se cache un ensemble de documents internes diffusés pour faire la lumière, selon le milliardaire, sur la politique de modération du réseau dans le cadre de la suppression d’un article visant Hunter Biden, le fils de Joe Biden. Cette censure d’un papier du New York Post, intervenue en pleine campagne électorale pour la présidentielle de 2020, avait scandalisé le camp républicain, le sénateur du Texas Ted Cruz dénonçant un « biais anticonservateur » sur Twitter. Mais que révèlent vraiment les « Twitter Files » ? Franceinfo fait le point sur cette affaire qui enflamme le réseau social.

D’où viennent ces « Twitter Files »?

Diffusés dans un long fil sur Twitter par le journaliste américain Matt Taibbi, les « Twitter Files » exposent le contenu d’e-mails et de discussions internes censés illustrer, selon Elon Musk, la politique de « suppression de la liberté d’expression » en vigueur par le passé sur le réseau social. La première partie de ces révélations revient donc sur l’épisode controversé de la censure sur Twitter d’un article du New York Post* publié en octobre 2020, trois semaines avant la présidentielle américaine. Sur la base d’e-mails présentés comme provenant de l’ordinateur portable d’Hunter Biden, le tabloïd accusait le fils du président américain d’avoir tiré profit de la position de son père pour ses relations d’affaires avec Burisma, un géant de l’énergie ukrainien.

Les circonstances à l’origine de cette fuite sont rocambolesques : les informations ont d’abord été recueillies par un réparateur informatique qui a pu accéder au portable d’Hunter Biden, avant d’être transmises à l’avocat de Rudolf Giulani, l’ancien maire de New York, puis à Steve Bannon, l’ex-conseiller de Donald Trump. De quoi, à l’époque, laisser craindre que les documents présentés par le New York Post aient été manipulés ou acquis de manière illégale. Dans un document officiel diffusé par Politico  le 19 octobre 2020, plusieurs anciens hauts responsables du renseignement américain indiquaient que ces courriels présentaient «  toutes les caractéristiques classiques d’une opération de désinformation russe » . Depuis, ces fameux documents ont fini par être authentifiés, en mars 2022, par le Washington Post* et le New York Times*mais à ce jour, selon Le Point , aucun conflit d’intérêts impliquant directement Joe Biden n’a pu être démontré. Reste que les soupçons sur la véracité de l’information avaient poussé Twitter, mais aussi Facebook, à restreindre la diffusion de l’article. Les « Twitter Files » décrivent les coulisses de cette décision.

Que révèlent ces documents?

Sur Twitter, le journaliste Matt Taibbi révèle que Twitter a pris des « mesures extraordinaires » pour empêcher la diffusion de l’article du New York Post, telles que la suppression des liens, la publication d’avertissements indiquant que la publication pourrait être « dangereuse » et le blocage de sa transmission par messages directs, « un outil jusqu’alors réservé aux cas extrêmes, comme la pédopornographie ». La décision est alors justifiée par la politique de modération de Twitter qui proscrit la diffusion de contenus issus d’un piratage informatique – ce dont était soupçonné le New York Post – et pouvant être utilisés, d’après le règlement du réseau*, à des fins de « manipulation du débat public ».

Mais cette procédure est loin de faire l’unanimité au sein du groupe, assure Matt Taibbi. Plusieurs employés soulignent ainsi l’absence de certitudes quant à la réalité du piratage. « J’ai du mal à comprendre sur la base de quelle disposition de notre politique, nous pouvons signaler cela comme ‘non sûr’. Je pense que le meilleur argument [pour expliquer] cette affaire en externe serait que nous attendons de comprendre si cette histoire est le résultat de contenus piratés », écrit Trenton Kennedy, responsable de la communication, dans un mail interne publié par Matt Taibbi. Nous ferons face à des questions difficiles à ce sujet, si nous ne disposons pas d’une argumentation solide. »

Plus largement, Matt Taibbi révèle que les demandes de modération du réseau social étaient devenues « routinières », émanant aussi bien du parti républicain que du parti démocrate. En 2020, des requêtes provenant de la Maison Blanche, occupée alors par Donald Trump, comme de l’équipe de campagne de Joe Biden ont ainsi été honorées, remarque le journaliste. Sans en apporter la preuve, Matt Taibbi affirme toutefois que le système était « déséquilibré » en faveur des démocrates en raison des orientations politiques « à gauche » des employés de Twitter.

S’agit-il de nouvelles révélations ?

Non, pas vraiment, car les « Twitter Files » ne font en fait que corroborer des éléments déjà rendus publics à l’époque de l’affaire. Devant la bronca des républicains, le réseau social était revenu sur sa décision de bloquer l’article du New York Post au bout de deux jours. Par ailleurs, en novembre 2020, Jack Dorsey, l’ancien patron de Twitter, avait dû s’expliquer lors d’une audition devant le Sénat (PDF, en anglais) sur les dysfonctionnements de la politique de modération du réseau social et le contexte de la censure de l’article sur le fils de Joe Biden.

Quelles sont les réactions?

Sur Truth Social*, le réseau social alternatif fondé par Donald Trump après avoir été banni de Twitter, l’ancien président des Etats-Unis a réagi en dénonçant une « fraude massive » pendant l’élection présidentielle, accusant les « Big Tech » de collusion avec les démocrates. La Maison Blanche*, quant à elle, a commenté la publication des « Twitter Files » en considérant que ces derniers ne représentaient qu’une « distraction » ne révélant que de « vieilles histoires ».

« Ce n’est pas vraiment la preuve irréfutable, que nous espérions », a reconnu Miranda Devine, éditorialiste au New York Post, sur Fox News*. « J’ai le sentiment qu’Elon Musk a retenu certains documents » a-t-elle ajouté, suggérant (sans les apporter) que des preuves existeraient sur l’implication du FBI et des services de sécurité dans la censure de l’article du New York Post. Elon Musk a promis la publication d’un second volet des « Twitter Files », sans préciser s’ils seront en lien avec l’affaire Hunter Biden.

* Les liens signalés par un astérisque renvoient vers des contenus en anglais.

‘I’m treated worse than Hamas’: Fury at Twitter’s ‘secret blacklist’ and ‘visibility filtering’ as new tranche of files reveal conservatives were marked ‘do not amplify’ and COVID lockdown skeptics ‘shadow banned’
Journalist Bari Weiss revealed Thursday night that conservatives and lockdown skeptics were deliberately down-ranked by Twitter
Fox News’s Dan Bongino, youth activist Charlie Kirk, and Stanford CDC critic Dr Jay Bhattacharya were targeted to stop their accounts from gaining prominence
Weiss and journalist Matt Taibbi have been handed a trove of documents from Twitter, detailing why the company censored the story of Hunter Biden’s laptop
The documents from Taibbi showed panic among senior Twitter staff in October 2020 when the New York Post reported on the contents of Hunter’s computer
Jack Dorsey and his head of legal, Vijaya Gadde, both denied that Twitter ever deliberately downgraded or ‘shadow banned’ any accounts
Harriet Alexander
The Daily Mail
9 December 2022

Twitter kept a ‘secret blacklist’ of topics and accounts to prevent them from trending, according to data obtained by journalist Bari Weiss – with conservative commentators deliberately downplayed in what one called ‘Soviet-style bulls***’,’ while another said he was treated ‘with more censorship than Hamas’.

Specialist teams were put to work dealing with 200 cases a day.

Conservative commentators, including Dan Bongino and Charlie Kirk, were deliberately put on a ‘search blacklist’ in Bongino’s case or tabbed ‘do not amplify,’ in the case of Kirk.

‘They’re treating my Twitter account with more scrutiny and censorship than the prime minister of Iran, than Hamas, than people who do actual terroristic type damage,’ said Kirk. ‘Now we have evidence to show that’s exactly why my Twitter account the last couple years has been down 95 percent in engagement.’

Bongino said it was ‘Soviet-style bulls***.’

Those who questioned the prevailing COVID orthodoxy of lockdowns and mask mandates, such as Stanford’s Dr Jay Bhattacharya who argued that lockdowns harmed children, were also placed on a ‘search blacklist.’

Weiss made the revelations on Twitter Thursday night in the second tranche of what has been termed The Twitter Files.

She reported that Twitter used what was termed ‘visibility filtering’ to downplay accounts they objected to, and had teams of people working to reduce the traction gained by individuals or their tweets.

The teams working to minimize certain accounts or topics were backed up by a top-level ‘Site Integrity Policy, Policy Escalation Support’ team – where the CEO and top legal advisors would decide sensitive cases of censorship. Jack Dorsey and his successor as CEO, Parag Agrawal, were on the team.

Top officials such as Yoel Roth, the global head of trust and safety, wrote in internal messages that he wanted more creative ways of censoring and muffling specific accounts and content.

Elon Musk, who bought Twitter in October for $44 billion, was gleeful about the revelations regarding the company he now owns – retweeting Weiss’ thread, with a popcorn emoji.
Dr Jay Bhattacharya, who argued that COVID lockdowns harmed children, was also placed on a ‘search blacklist’ by Twitter, according to Weiss
‘The inmates were running the asylum’: Elon Musk calls out former safety czar Yoel Roth and confirms right-wing accounts were suspended
Elon Musk confirmed that conservatives were banned from Twitter despite not violating any policies.

The latest installment of the Twitter Files showed the scale of censorship and ‘visibility filtering’ on the social media platform.

Musk, who bought Twitter in October for $44 billion, vowed to end the practice of ‘shadow banning’ – secretly downgrading a person’s tweets or trending themes to minimize their reach.

Musk, 51, singled out Yoel Roth, the global head of trust and safety, who wrote in internal messages that he wanted more creative ways of censoring and muffling specific accounts and content.

Yoel Roth was the global head of trust and safety at Twitter. Musk on Thursday highlighted a 2017 tweet in which Roth referred to the Trump White House as being full of ‘actual Nazis

‘As @bariweiss clearly describes, the rules were enforced against the right, but not against the left,’ he said, adding that the company was ‘working on a software update that will show your true account status, so you know clearly if you’ve been shadowbanned, the reason why and how to appeal.’

He added: ‘Truth brings reconciliation.’

Within Twitter, the practice was termed ‘visibility filtering’, Weiss reported.

‘Think about visibility filtering as being a way for us to suppress what people see to different levels. It’s a very powerful tool,’ one senior Twitter employee told her.

Twitter would block searches of individual users, make a specific tweet less easy to find, block posts from the ‘trending’ page, and remove them from hashtag searches.

Another source, a Twitter engineer, told Weiss: ‘We control visibility quite a bit. And we control the amplification of your content quite a bit. And normal people do not know how much we do.’

Weiss said that the matter was dealt with by Twitter’s Strategic Response Team – Global Escalation Team, known as SRT-GET – a group that handled 200 cases a day.

A higher-level team, known as SIP-PES, ‘Site Integrity Policy, Policy Escalation Support,’ dealt with more complex and high-profile cases.

Dorsey and his replacement as CEO, Parag Agrawal, sat on the group, as did Gadde and Yoel Roth, the global head of trust and safety.

Roth messaged colleagues on Slack to say that ‘spam enforcements’ had been used as a way of circumventing the safety team ‘under-enforcing their policies’.

The group would need to intervene if any action was taken to limit the popular account @LibsofTiktok – whose account was tabbed internally: ‘Do Not Take Action on User Without Consulting With SIP-PES.’

Weiss said that account was suspended six times in 2022, and the author, Chaya Raichik, blocked from her account for at least a week each time.

Her account was suspended, they told Raichik, due to violations of Twitter’s ‘hateful conduct’ policy – but internally, Twitter admitted there was no violation.

In an October 2022 memo from SIP-PES obtained by Weiss, the committee concluded that the account ‘has not directly engaged in behavior violative of the Hateful Conduct policy.’

They justified the suspension by saying her posts encouraged online harassment of ‘hospitals and medical providers’ by insinuating ‘that gender-affirming healthcare is equivalent to child abuse or grooming.’

Weiss said that their response was in sharp contrast to that when Raichik was doxxed, with her home addressed published online. Raichik complained, but Twitter refused to take the tweet down, and it remains on the site to this day.

Raichik tweeted: ‘They suspended me multiple times knowing I never violated any policies. This is what happens when you talk about things that they don’t want you to talk about. So glad those days on Twitter are over. Thank you @elonmusk.’

Musk replied: ‘You’re welcome. Twitter won’t be perfect in the future, but it will be *much* better.’

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Weiss also singled out Roth for criticism, saying he was active in censoring accounts.

She noted that he had written to an employee on the Health, Misinformation, Privacy, and Identity research team wanting to improve ‘non-removal policy interventions like disabling engagements and deamplification/visibility filtering.’

Roth wrote: ‘The hypothesis underlying much of what we’ve implemented is that if exposure to, e.g., misinformation directly causes harm, we should use remediations that reduce exposure, and limiting the spread/virality of content is a good way to do that.’

He said that Dorsey was supportive of the censorship.

‘We got Jack on board with implementing this for civic integrity in the near term, but we’re going to need to make a more robust case to get this into our repertoire of policy remediations – especially for other policy domains,’ Roth wrote.

Musk defended Dorsey, however.

‘Controversial decisions were often made without getting Jack’s approval and he was unaware of systemic bias. The inmates were running the asylum,’ he said on Thursday night.

‘Jack has a pure heart imo.’

In October 2020, journalist Dave Rubin asked then-CEO Jack Dorsey: ‘Do you shadow ban based on political beliefs? Simple yes or no will do.’

Dorsey replied: ‘No.’

Vijaya Gadde, Twitter’s head of legal, policy, and trust, also denied that Twitter operated such blacklists.

‘We do not shadow ban,’ she said in 2018, according to Weiss – speaking alongside Kayvon Beykpour, Twitter’s head of product.

They added: ‘And we certainly don’t shadow ban based on political viewpoints or ideology.’

Tucker Carlson, Fox News host, immediately seized on Weiss’ report, saying it ‘confirms what many suspected but none knew for certain – which is that Twitter routinely censored prominent critics of the Biden administration, with no factual justification whatsoever.’

He noted the example of the Stanford doctor who was vocal against COVID lockdowns and was blacklisted, saying it was ‘doubtless at the request of the authorities’.

Carlson continued: ‘They prevented his tweets from trending which meant most of his tweets couldn’t be seen.

‘According to Weiss, at one point they slapped him with a search ban. That made it impossible for users to find tweets by him, because they were inaccurate?

‘No, because they were accurate. That was the crime. That’s always the crime. They never punish you for lying, they only punish you for telling the truth.’

He added: ‘It was strategic. They weren’t censoring people because they were annoying, they were censoring people because they were providing factual information that might have stopped certain policies or election results from happening.

‘So, you know, this was sophisticated – and had an effect on American society, I would say.’

Kirk told Carlson on Thursday night that the report confirmed his long-held suspicions, but said he was angry.

He says he was averaging 115,000 retweets a day at their peak – questioning COVID lockdowns, for example.

‘I was called a conspiracy theorist, I was smeared,’ Kirk told Carlson, adding that he complained and met Dorsey personally. Dorsey assured him that shadow banning was not happening.

Kirk said the social media company was censoring him because ‘they saw what I had to say as a direct threat to the regime.’

He said: ‘They’re treating my Twitter account with more scrutiny and censorship than the prime minister of Iran, than Hamas, than people who do actual terroristic type damage.

‘Now we evidence to show that’s exactly why my Twitter account the last couple years has been down 95 percent in engagement.

‘Were they told to do this by the federal government?’ he asked, describing how he watched the Twitter change from a social media platform into a ‘Democrat super PAC.’

He added: ‘Apparently asking questions about the lockdown policy was a threat. Were they told to do this by Anthony Fauci, by the federal government?

‘We may never know – but Twitter at its best was a place where heterodox ideas were able to spread. Twitter went out of its way to censor it and suffocate our account.’

He said: ‘I’ve been told forever, so weird that I can’t find you on Twitter, you’re a verified account, your name’s not usual, how come you don’t come up?

‘When I spoke about this on my show I was called a conspiracy theorist and a wacko.

‘My website has been banned by Google Ads; I was banned by YouTube for suggesting that cloth masks don’t work, which is now scientifically proven.

‘Now I find I am on a ‘not safe for work’ shadow ban list on Twitter, because I’ve committed the thought crime of being a conservative.’

He added: ‘Tell me again how we live in a free country.’

Raichik, the @LibsOfTikTok founder, told Carlson by phone that she ‘absolutely sensed I was being censored.’

‘I had a very large account. I never was able to trend, and now we find out I was on the trend blacklist.

‘There were sometimes days or weeks at a time where I felt like my tweets were getting much less engagement than usual, than they should.

‘Now it’s clear that there was suppression and shadow banning.’

Raichik added: ‘The craziest part of this whole thing is that they admitted that I’m not even violating the policies, and they still suspended me seven times. Seven times, three of which were for a week at a time.

‘So I was suspended for probably a month altogether – and for what?

‘Not even violating their policies – just because they don’t like their own views. They don’t want you to see it.’

The first tranche of documents, posted by Matt Taibbi last week, detail how Twitter in October 2020 decided to censor the New York Post’s reporting on the contents of Hunter Biden’s laptop.

They feared the contents were obtained through hacking, but had no evidence to prove it, and it quickly emerged that the laptop had simply been left at a repair store.

Jack Dorsey, the then-CEO of Twitter, admitted that censoring the legitimate reporting was a significant error.

Elon Musk, 51, has vowed that ‘everything we find will be released’ as Twitter continues to release the files surrounding Hunter Biden’s laptop scandal

‘If the goal is transparency to build trust, why not just release everything without filter and let people judge for themselves?’ Dorsey wrote on Twitter
Twitter’s new owner and ‘Chief Twit’ Elon Musk on Wednesday claimed the ‘most important’ Twitter data was ‘deleted’ and ‘hidden’ from the Dorsey.

Musk, 51, has vowed that ‘everything we find will be released’ as his newly acquired company continues to release the Twitter Files.

On Wednesday, Dorsey, 46, replied to Musk’s tweet about delaying the second batch of the Twitter Files, calling for the new CEO to ‘release everything’ at once.

‘If the goal is transparency to build trust, why not just release everything without filter and let people judge for themselves? Including all discussions around current and future actions?’ Dorsey wrote.

‘Make everything public now.’

Musk replied that everything would be released, but even the ‘most important data was hidden (from [Dorsey] too) and some may have been deleted.’

Twitter’s general counsel James Baker FIRED for ‘vetting internal files on Hunter Biden laptop scandal and DELAYING release of the second tranche’: Ex-FBI lawyer was James Comey’s deputy and involved in Russian collusion investigation

The delay of the second tranche of Twitter files came after Elon Musk fired James Baker – Twitter’s general counsel and former FBI general counsel – after discovering he vetted the first installment of the Files, which were sent to journalist Matt Taibbi, from Substack, and Common Sense Editor Bari Weiss.

Musk fired Baker ‘in light of concerns about Baker’s possible role in suppressing information important to the public dialogue.’

Taibbi revealed that Baker’s involvement in the first batch of files was ‘without knowledge of new management.’

‘The process for producing the ‘Twitter Files’ involved delivery to two journalists (Bari Weiss and me) via a lawyer close to new management. However, after the initial batch, things became complicated,’ Taibbi wrote on Twitter.

‘Over the weekend, while we both dealt with obstacles to new searches, it was @BariWeiss who discovered that the person in charge of releasing the files was someone named Jim. When she called to ask ‘Jim’s’ last name, the answer came back: ‘Jim Baker.’

Weiss said her ‘jaw hit the floor’ when she found out.

The first batch of files the two journalists received was titled the Spectra Baker Emails.

The first batch of internal documents showed Baker and other executives discussing Twitter’s October 2020 ban on a news report about Hunter’s foreign business deals, based on emails from his abandoned laptop.

Baker, Musk, and the trial of the Democrat lawyer accused of lying to the FBI
James Baker has long been in the crosshairs of Elon Musk.

Baker played a key role in a series of events that led to Democrat lawyer Michael Sussmann going on trial in May, accused of lying to the FBI.

He was not accused of giving the FBI false information, but rather lying about who he worked for.

Elon Musk fired Twitter’s general counsel James Baker (pictured) after discovering he vetted the first installment of the Twitter Files
The saga began when Sussmann was given information from a group of data scientists who analyzed odd internet data they thought might suggest clandestine communications between a server for the Trump Organization and a server for Alfa Bank, a Kremlin-linked Russian financial institution.

Sussmann then texted Baker, at the time the bureau’s general counsel, to say he had information the FBI should be aware of.

‘I’m coming on my own — not on behalf of a client or company — want to help the bureau,’ Sussmann wrote in his text to Baker.

Baker testified that he was certain Sussmann was acting as an individual, and would likely not have met him were he working for the Clinton campaign.

Sussmann, a cybersecurity specialist, had worked for the Democratic Party in the context of Russia’s hacking of its servers, and Russia publishing emails from the servers.

Sussmann was also connected to the Democrats via one of his partners at the law firm Perkins Coie, Marc Elias, who was representing the Clinton campaign and hired Fusion GPS.

Yet multiple people – including Elias – testified that Sussmann was indeed acting on his own accord, and argued that actually going to the FBI was not in the interests of the Clinton campaign, which would have preferred a New York Times story drawing attention to the assertions.

The FBI later decided the allegations of links between the Trump campaign and the Russian bank were unfounded.

Musk tweeted during the trial that he thought Sussmann had ‘created an elaborate hoax’ about Russia, in a bid to help Clinton.

On May 16, staunchly pro-Trump Congressman Jim Jordan tweeted: ‘Christopher Steele created the dossier. Glenn Simpson sold it to the press.

‘Michael Sussman took it to the FBI. And Democrats and the media lied to you about it all.’

Musk then replied in agreement. ‘All true,’ he tweeted on May 20.

‘Bet most people still don’t know that a Clinton campaign lawyer, using campaign funds, created an elaborate hoax about Trump and Russia.

‘Makes you wonder what else is fake.’

On May 31, the jury concluded that Sussmann had not lied to the FBI and cleared him.

On Friday, Taibbi published the batch of internal documents, calling them the ‘Twitter Files,’ which included an exchange between Baker and former VP of Global Comms Brandon Borrman.

Borrman asks, regarding banning an article about Hunter Biden under Twitter’s ‘hacked materials’ policy: ‘Can we truthfully claim that this is part of the policy?’

Baker responded, appearing to argue in favor of maintaining the ban, because ‘caution is warranted.’

At the time, the files were determined to have broken Twitter’s hacked materials policy, but Dorsey has since said the call was a mistake.

Critics accused Twitter of swaying the presidential election toward Biden by covering up the data.

Liberals fume as Elon Musk gives independent journalist Bari Weiss unprecedented access for Twitter Files 2

Weiss and Matt Taibbi were tapped by Musk to report on the ‘Twitter Files’
Joseph A. Wulfsohn
Fox News
December 9, 2022

A report highlighting the unprecedented Twitter access Elon Musk is apparently granting to independent journalist Bari Weiss has sparked fury among their critics.

Insider reported Wednesday that Weiss « has been given access to Twitter’s employee systems, added to its Slack, and given a company laptop, » according to sources.

« The level of access to Twitter systems given to Weiss is typically given only to employees, one of the people familiar said, though it doesn’t seem she is actually working at the company, » Insider wrote.

Weiss shared the second installment of the « Twitter Files » on Thursday, which revealed that Twitter took measures to shadow-ban users like Stanford University’s Dr. Jay Bhattacharya, a longstanding opponent of COVID groupthink during the pandemic who expressed opposition to lockdowns, as well as prominent conservatives like Fox News host Dan Bongino and Turning Point USA’s Charlie Kirk.

She also reported that Twitter internally acknowledged that Libs of TikTok, whose account was repeatedly suspended for allegedly violating its « hateful conduct » policy, « has not directly engaged in behavior violative of the Hateful Conduct policy. »

The Insider report noted that Weiss’ Twitter access appears to have gone beyond that given to Matt Taibbi, the Substack journalist who reported on the first installment of the so-called « Twitter Files » last week.

Liberal media critics on Twitter lambasted Musk’s reported move to bring in Weiss while leveling the same public relations accusation against her that they used on Taibbi last week.

« This is all normal stuff if you’re onboarding a new hire to your comms team, » Washington Post tech columnist Taylor Lorenz reacted.

« The most obvious and hilarious PR campaign masquerading as investigative journalism you will ever see, » Vice News correspondent Roberto Aram Ferdman tweeted.

MSNBC columnist Marisa Kabas wrote, « sure sounds like bari weiss is twitter’s new publicist. »

« [S]o bari weiss is doing: a.) an internal witch-hunt for a private company and b.) external PR for said company, » Smithsonian Magazine senior editor Ted Scheinman wrote, adding « no real journalist would agree to this unholy amalgamation. the basest hackery. »

« Weiss is an opinion writer/activist, not an investigative journalist. Her whole MO is to look for stories that might be generally unrepresentative, but reflect her worldview, and not do any additional digging that challenges that worldview. View the scoops that follow accordingly, » Georgetown Professor Don Moynihan slammed the journalist.

Bari Weiss left The New York Times in 2020 to launch her own Substack and podcast, accusing the paper of allowing Twitter to become its « ultimate editor. » (Getty Images/Bari Weiss)

« Hope media folks don’t get duped by this and refer to anything Weiss or Taibbi are doing as journalism or that they are acting in a capacity as journalists, » Yahoo senior editor Steve Mullis tweeted. « It’s extra ironic considering [Elon Musk] rails against ‘unethical journalism’ and yet this is as unethical as it comes. »

Neither Weiss nor Twitter responded to Fox News’ requests for comment.

Weiss is the founder of new media company « The Free Press » and host of the « Honestly » podcast, which she launched following her dramatic exit from The New York Times in 2020 as its opinion page editor.

Musk announced on Tuesday that he had terminated Deputy General Counsel Jim Baker « in light of concerns about Baker’s possible role in suppression of information important to the public dialogue. »

Taibbi subsequently revealed that Baker had vetted the first batch of the « Twitter Files » without Musk’s knowledge.

Taibbi explained, « The process for producing the ‘Twitter Files’ involved delivery to two journalists (Bari Weiss and me) via a lawyer close to new management. However, after the initial batch, things became complicated. Over the weekend, while we both dealt with obstacles to new searches, it was @BariWeiss who discovered that the person in charge of releasing the files was someone named Jim. When she called to ask ‘Jim’s’ last name, the answer came back: ‘Jim Baker.’

« ‘My jaw hit the floor,’ says Weiss, » Taibbi wrote.

Journalist Matt Taibbi revealed the « Twitter Files » revelations one tweet at a time on Friday. (Daniel Zuchnik/WireImage/Getty Images)

The Substack writer then shared a screenshot of first batch of files both he and Weiss received, which were labeled « Spectra Baker Emails. »

« Baker is a controversial figure. He has been something of a Zelig of FBI controversies dating back to 2016, from the Steele Dossier to the Alfa-Server mess. He resigned in 2018 after an investigation into leaks to the press, » Taibbi told his followers. « The news that Baker was reviewing the ‘Twitter files’ surprised everyone involved, to say the least. New Twitter chief Elon Musk acted quickly to ‘exit’ Baker Tuesday. »

Baker did surface in the first installment of the so-called « Twitter Files » shared by Taibbi Friday night.

While revealing internal discussions over how to explain Twitter’s suppression of the Hunter Biden laptop story during the 2020 election, Baker told his colleagues, « I support the conclusion that we need more facts to assess whether the materials were hacked » but added « it’s reasonable for us to assume that they may have been and that caution is warranted. »

Additionally, Taibbi initially reported, « Although several sources recalled hearing about a ‘general’ warning from federal law enforcement that summer about possible foreign hacks, there’s no evidence – that I’ve seen – of any government involvement in the laptop story. »

It is unclear whether Baker’s involvement in vetting the « Twitter Files » led Taibbi to draw that conclusion and whether Baker omitted files that would have shown the federal government intervening in Twitter’s suppression of the Hunter Biden laptop story.

Musk had been vocal about being transparent when it comes to Twitter’s past and present actions when it comes to curating content on the platform, including censored content.

Twitter infamously blocked its users from sharing the New York Post’s reporting of Hunter Biden’s laptop in tweets and in direct messages.

At the time, Twitter Safety alleged that the articles were in violation of its « hacked materials policy. » Twitter’s then-CEO Jack Dorsey admitted his companies actions were a mistake.

Some critics believe the suppression of the Hunter Biden scandal by Big Tech and the media at large was enough to sway the election in favor of his father.

The Twitter Censorship Files

The mistaken claims in 2020 by former spooks about Hunter Biden’s emails framed the social-media site’s decision to block the news.
The Editorial Board
The Wall Street Journal
Dec. 4, 2022

Elon Musk’s release of internal emails relating to Twitter’s 2020 censorship is news by any definition, even if the mainstream media dismiss it. There will be many threads to unspool as more is released, but a couple of points are already worth making.
The first is that Mr. Musk would do the country a favor by releasing the documents all at once for everyone to inspect. So far he’s dribbled them out piecemeal through journalist Matt Taibbi’s Twitter feed, which makes it easier for the media to claim they can’t report on documents because they can’t independently confirm them.
A second point is an huzzah for Rep. Ro Khanna, the California progressive Democrat, who warned Twitter in 2020 about the free-speech implications and political backlash of censoring the New York Post story about Hunter Biden’s laptop. That was good advice, even if Twitter didn’t take it.
A third point is the confirmation of the central role that former spies played in October 2020 in framing the Hunter Biden story in a way that made it easier for Twitter and Facebook to justify their censorship.
Recall that former Democratic intelligence officials James Clapper and John Brennan led the spooks in issuing a public statement suggesting that the laptop may have been hacked and its content was Russian disinformation. On Oct. 16, 2020, Mr. Clapper told CNN that “to me, this is just classic textbook Soviet Russian tradecraft at work.” On Oct. 19, 51 former spooks released their statement claiming that the arrival of the emails “has all the classic earmarks of a Russian information operation.” (The statement and signers are published nearby.)
We now know that the Clapper-Brennan claims were themselves disinformation and that the laptop was genuine and not part of a Russian operation. CBS News recently waddled in two years later with a forensic analysis of its own and concluded it is real.
But the claims by the spies gave an excuse for the media to ignore the Hunter Biden story and even to dismiss Hunter’s former business partner, Tony Bobulinski, who went on the record before the election to confirm much of the content on the laptop with documentation in the form of voluminous text messages.
We examined those messages ourselves at the time, and our Kimberley Strassel spoke with Mr. Bobulinski and put it all on the record before the election. We also wrote an editorial. But nearly all of the rest of the press ignored or trashed the story.
The Twitter documents published by Mr. Taibbi include part of what appears to be a memo from James Baker, the Twitter deputy general counsel. “I support the conclusion that we need more facts to assess whether the materials were hacked. At this stage, however, it is reasonable for us to assume that they may have been and that caution is warranted,” Mr. Baker wrote.
He continued that “there are some facts that indicate that the materials may have been hacked, while there are others indicating that the computer was either abandoned and/or the owner consented to allow the repair shop to access it for at least some purposes. We simply need more information.”
With an election so close, any delay helped the Biden campaign, which was trying to squelch the Hunter Biden story that raised questions about what Joe Biden knew about Hunter’s foreign business dealings. Twitter went ahead and suppressed the story across its platform, going so far as to suspend the New York Post’s Twitter account.
Readers may recall that Mr. Baker was director Jim Comey’s general counsel at the Federal Bureau of Investigation during the Russia collusion fiasco in 2016. He was the main FBI contact for Michael Sussmann, the Clinton campaign lawyer who spread falsehoods about the Trump campaign regarding Alfa Bank, among other things.
Mr. Baker’s ties to the former intelligence officials who signed the “Russian information operation” statement may have influenced his Twitter memo and the censorship decision. All of this is likely to be fodder for House Republican hearings into the FBI’s role in the Hunter Biden story.
The partisan foray by current and former U.S. intelligence officials in the last two elections should be deeply troubling to Americans on the left and right. They have authority by dint of access to information that isn’t confirmable by the press, which takes their spin as gospel. This is a form of political corruption that needs to be exposed, and perhaps the Twitter documents will help to unlock the story.

‘Twitter Files’ Paint an Ugly Portrait

Jim Geraghty
The National Review
December 5, 2022

On the menu today: Elon Musk and Matt Taibbi team up to offer the “Twitter files,” a look inside the internal deliberations at Twitter when it decided to block access to a New York Post story which revealed all kinds of embarrassing and scandalous information found on Hunter Biden’s laptop. You can quibble with Taibbi’s decisions here and there, but overall, the files paint an ugly portrait of a social-media company’s management unilaterally deciding that its role was to keep breaking news away from the public instead of letting people see the reporting and drawing their own conclusions.

Opening the ‘Twitter Files’

The revelations of the “Twitter Files” paint an ugly portrait of the individuals who made decisions about standards of content on Twitter during the 2020 presidential campaign. The company’s senior management — oddly, without consulting or involving CEO Jack Dorsey — basically decided unilaterally that people shouldn’t be allowed to read the New York Post’s article, which laid out emails indicating that Hunter Biden introduced his father, then-Vice President Joe Biden, to a top executive at a Ukrainian energy firm, “less than a year before the elder Biden pressured government officials in Ukraine to fire a prosecutor who was investigating the company.”

Twitter’s new owner, Elon Musk, gave reporter Matt Taibbi access to internal company emails and records, and Taibbi laid out in a series of tweets how the company “took extraordinary steps to suppress the story, removing links and posting warnings that it may be ‘unsafe.’ They even blocked its transmission via direct message, a tool hitherto reserved for extreme cases, e.g. child pornography.”

The reasoning behind the ban of the article was the contention that it included “hacked materials,” even though there was no evidence of hacking. The Post said the information was obtained from a computer that was dropped off at a repair shop in Biden’s home state of Delaware in April 2019 and never reclaimed. This was not electronic theft; this was old-fashioned reporting — and exceptionally bad judgment on Hunter Biden’s part, which at this point shouldn’t seem implausible to anyone.

Note that Twitter made its decision to restrict access to and distribution of the Post story before more than 50 former senior intelligence officials signed a letter contending that the trove of emails from Hunter Biden “has all the classic earmarks of a Russian information operation.” (In retrospect, the characterization of it as an “information operation” instead of a “disinformation operation” was a revealing admission.)

That letter was an extraordinarily irresponsible act by the likes of Jim Clapper, Michael Hayden, Leon Panetta, John Brennan, et. al., because it assumed facts not in evidence, and effectively cashed in on the reputations of those former intelligence officials to persuade the American public to believe something that wasn’t true. Many Americans likely believed that former CIA staff would know something about Russian operations that the rest of us didn’t.

But Twitter’s management can’t pass the buck to those former intelligence officials, because the company made its decision to block access to the Post’s story five days before their letter was published.

I suppose the revelations of the Twitter Files could have been even worse if the Biden campaign or someone in the government had somehow “ordered” Twitter’s management to take these drastic measures. But it’s still atrocious that just about all of Twitter’s management believed its role was to keep news away from the public instead of letting people see the Post’s reporting and draw their own conclusions.

Recall how Twitter touted its purpose back in 2016: “Twitter connects you with the people you’re interested in — whether that’s someone across the world who shares your love for science-fiction, your friends and family, a politician, or your local sports team.”

If, from the beginning, Twitter had declared that, “We are a progressive company, and we are only interested in connecting progressives with other progressives, and we will suspend the accounts of conservative users with little warning and with vague explanations, and we will block the public’s ability to see news that we think might make them want to vote against Democrats,” well, at least then it would have been honest, and most conservatives never would have bothered to set up accounts on Twitter.

You notice that you don’t see many conservatives complaining that they’re being shut out of Mastodon, the social-media network that many progressives flocked to after Elon Musk purchased Twitter. If progressives want to set up their own online community that conservatives can’t join, that’s their right.

This was one of the complications of the “Twitter is a private company, so they can set whatever rules they like” argument. Twitter changed the deal, so to speak, after it had obtained significant authority over a chunk of online public discourse. Twitter attracted its large user base by being seeming politically neutral, and then gradually ratcheted up its attitudes of limiting and suppressing conservative speech.

Perhaps the lone pleasant surprise in the Twitter Files is Democratic congressman Ro Khanna of California, who reached out to Twitter’s head of legal, policy, and trust, Vijaya Gadde, and tried to gently nudge the company away from its censorious actions. Khanna described himself as a “total Biden partisan,” said he was convinced that Joe Biden had done nothing wrong, and characterized the New York Post as “far right.” (Eh, right of center, pugnacious, populist, tabloid, yes. Far-right, no.)

But credit Khanna for being the only figure to point out that, “This seems a violation of the First Amendment principles. . . . A journalist should not be held accountable for the illegal actions of the source unless they actively aided the hack. So, to restrict the distribution of that material, especially regarding a presidential candidate, seems not in the keeping of [the Supreme Court case] New York Times vs. Sullivan.” Khanna added that, “In the heat of a presidential campaign, restricting dissemination of newspaper articles (even if NY Post is far right) seems like it will invite more backlash than it will do good.”

You can find quibbles and beefs with the way Musk and Taibbi handled the story. There was no need to post the email addresses of figures such as Khanna. There are one or two spots where Taibbi’s characterization isn’t as clear as it ought to be, such as when he wrote, “By 2020, requests from connected actors to delete tweets were routine. One executive would write to another: ‘More to review from the Biden team.’ The reply would come back: ‘Handled.’” Apparently, four of the five tweets in the example Taibbi pointed to included nude photos, which seems like an important detail. Most of us would agree there is a substantive difference between “please remove these nude photos of my son that he did not consent to have released or published” and “please remove this information about my son’s business deals with shady foreign figures that is embarrassing to me and my campaign.”

It would have been helpful to have all of this laid out in one document instead of a long series of tweets, and links to source documents also would have helped paint the fullest picture possible.

Yesterday, Howard Kurtz was kind enough to have me appear on his MediaBuzz program on Fox News Channel, and my co-panelist insisted that there was nothing significant in the Twitter files. Curiously, this is a defense — “None of this matters!” — that not even Twitter CEO Jack Dorsey was willing to attempt, either in November 2020 or in hearings the following March. Dorsey said after the election that his team made the wrong decision:

We recognize it as a mistake that we made, both in terms of the intention of the policy and also the enforcement action of not allowing people to share it publicly or privately. . . . We made a quick interpretation, using no other evidence, that the materials in the article were obtained through hacking and, according to our policy, we blocked them from being spread.

When a social-media company decides to block access to a news article out of ideological and political loyalties, that’s newsworthy and consequential, and it’s worth asking, “How did this happen? Who made the decisions that led to this point?”

Former NYT columnist Bari Weiss releases ‘Twitter Files Part Two’

Former New York Times columnist Bari Weiss released the second installment of the “Twitter Files” on Thursday night, sharing images of accounts that Twitter allegedly placed on various types of “blacklists.”

Weiss posted several images of what appears to be an internal Twitter system that marked certain accounts as being under various kinds of “blacklists,” in addition to flagging other information about the accounts.

Jay Bhattacharya, a health policy professor from Stanford University who opposed COVID-19 lockdowns, appeared to have been placed on a “Trends Blacklist,” as was the right-wing Libs of TikTok account, according to the photos.

The account of conservative commentator Dan Bongino was apparently placed on a “Search Blacklist,” while the photos seemed to show Turning Point USA President Charlie Kirk had his account marked as “Do Not Amplify.”

The images also appeared to show that several of the accounts had been flagged with “Recent Abuse Strike” and that more basic information, such as when the accounts were “Twitter Blue Verified” or “High Profile,” had also been noted.

Weiss also shared purported screenshots of internal messages from Yoel Roth, Twitter’s former head of safety and integrity, including one in which he appeared to ask for research on “non-removal policy interventions like disabling engagements and deamplification/visibility filtering.”

Weiss’s Twitter thread is the second installment in what Twitter CEO Elon Musk has dubbed the “Twitter Files.” The first installment, released by independent journalist Matt Taibbi, appeared to show an internal debate at the social media company over how to handle a New York Post story about Hunter Biden.

While the first installment of the “Twitter Files” sparked outrage across right-wing outlets, it seemed to fall flat otherwise, with some criticizing the release for failing to deliver groundbreaking revelations.

The release of the “Twitter Files” comes just over a month after Musk acquired the social media company. The billionaire, who promised to reshape Twitter into a “free speech” platform, shared the trove of internal documents with Weiss and Taibbi in an apparent effort to show that content moderation under the previous management was biased against the political right.

Voir de plus:

We are disturbed by the day’s events in Washington, D.C. and request three actions of Staff: 1. Permanently suspend @realDonaldTrump over his actions on January 62. Provide a clear account of the day’s decision making process regarding the President’s tweets 3. An investigation into the last several years of corporate actions that led to Twitter’s role in today’s insurrection

For the last four years, we have watched right wing extremists grow on our platform, nurtured by @realDonaldTrump. We have seen Twitter leadership struggle to deal with the violent, hateful rhetoric shared by @realDonaldTrump. We have respected those decisions and had faith in those who make them, knowing that settling policy around hate speech and misinformation is nuanced and difficult. We appreciate stronger measures, like the interstitials recently used on his account and his Jan. 6 timeout.

We do not believe these actions are sufficient. Trump is no longer a legitimate democratic actor. In a video posted on Twitter, he called the election “fraudulent” and a “landslide” in his favor, while referring to his loyalists as “very special” even as they broke into the Capitol building and clashed with police. At no point did the outgoing President unambiguously denounce their actions.

We must examine Twitter’s complicity in what President-Elect Biden has rightly termed insurrection. Those acts jeopardize the wellbeing of the United States, our company, and our employees.

First, we request that @realDonaldTrump’s account be suspended permanently, before he can further harm using our platform.

Second, we request more transparent internal communications around Twitter’s civic integrity policy and how it applied.

Third, we request an independent investigation into Twitter’s role in these events. Despite our efforts to serve the public conversation, as Trump’s megaphone, we helped fuel the deadly events of January 6th. We request an investigation into how our public policy decisions led to the amplification of serious anti-democratic threats. We must learn from our mistakes in order to avoid causing future harm.

We play an unprecedented role in civil society and the world’s eyes are upon us. Our decisions this week will cement our place in history, for better or worse.

We do not claim to speak for any other Tweeps than those who add their names here.

The Undersigned

 

Twitter bans Trump’s account, citing risk of further violence

The suspension amounted to a historic rebuke for a president who had used the social media site to rise to political prominence

 

Twitter on Friday banned President Trump from its site, a punishment for his role in inciting violence at the U.S. Capitol this week, robbing him of the megaphone he used to communicate directly with more than 88 million supporters and critics.

The move amounted to a historic rebuke for a president who had used the social-networking site to fuel his rise to political prominence. Twitter has been Trump’s primary communication tool to push policies, drive news cycles, fire officials, spread falsehoods, savage opponents and praise allies.

A defiant Trump lashed out in response late Friday, accusing Twitter in a statement of having “coordinated with the Democrats and the Radical Left” to remove his account. He threatened regulation, promising a “big announcement” to come, and said he is looking “at the possibilities of building out our own platform in the near future!” The official account for the presidency, @POTUS, also tweeted that message, although the posts were quickly taken down by Twitter.

Twitter had resisted taking action against Trump for years, even as critics called on the company to suspend him, arguing that a world leader should be able to speak to his or her citizens unfettered. But Trump’s escalating tweets casting doubt on the 2020 election — and the riot at the U.S. Capitol his comments helped inspire — led the company to reverse course.

Twitter specifically raised the possibility that Trump’s recent tweets could mobilize his supporters to commit acts of violence around President-elect Joe Biden’s inauguration, an analysis that experts saw as a major expansion in the company’s approach to moderating harmful content online. Its action meant Trump’s tweets disappeared from the site, removing the catalogue of his thoughts except for those preserved by researchers and other documentarians.

The move was especially remarkable for a company that once called itself “the free speech wing of the free speech party.” Many observers noted that this most aggressive enforcement action in Twitter’s history came in the week that political power shifted decisively in Washington, toward Democrats who long have demanded greater policing of hate speech and violent talk on social media — and away from a president and party who long had made effective use of the more freewheeling policies of the past.

“It took blood and glass in the halls of Congress — and a change in the political winds — for the most powerful tech companies in the world to recognize, at the last possible moment, the profound threat of Donald Trump,” said Sen. Richard Blumenthal (D-Conn.), a longtime critic of tech company policies.

Twitter cited two Trump tweets. One stated that the 75 million who voted for him were “American Patriots” who will “not be disrespected or treated unfairly in any way, shape or form!!!” He then announced he would not go to Biden’s swearing-in ceremony later this month.

In a blog post, the company said the two messages violated its policy against glorification of violence since they “could inspire others to replicate violent acts” that took place at the U.S. Capitol on Wednesday. According to Twitter, his second tweet could be read by followers as an encouragement to commit violence during the inauguration, which “would be a ‘safe,’ target as he will not be attending.”

In doing so, Twitter joined Facebook in punishing the president in the waning hours of his first term. Facebook said Thursday its suspension is indefinite, lasting at least the next two weeks, citing a similar belief that the risks are “simply too great” at a moment of transition for the country. Both tech giants previously joined Google-owned YouTube in removing or limiting access to Trump’s posts, including a video he shared earlier this week that once again advanced widely disproved falsehoods about the validity of the 2020 vote.

The White House did not immediately respond to a request for comment. But Trump appeared to try to defy Twitter’s ban by using @POTUS, and later his @TeamTrump campaign account, both of which were suspended.

“We will not be SILENCED!” @POTUS tweeted before it was taken down. The president also charged that in a statement.

Twitter’s punishment is the harshest judgment the site has at its disposal. It appeared to be the first time the company had taken such an action since instituting a broad policy around world leaders last year, illustrating the slow shift in Silicon Valley as the country’s most popular, prominent platforms grew more comfortable in taking on Trump.

Facebook, for example, had its first of many furious internal debates over how to handle Trump in December 2015, when as a presidential candidate he posted a video in which he said he wanted to ban all Muslims from entering the United States. Many employees called it obvious hate speech, but top executives chose to defer, by creating an exemption for content they deemed “newsworthy.”

The challenges kept coming as Trump’s presidency and rhetoric brought to mainstream attention right-wing ideas once considered beyond the fringe of appropriate political rhetoric. A particularly explosive flash point for both Twitter and Facebook came in May, when Trump called protesters after the killing of unarmed Black man George Floyd “THUGS” in social media posts. In response, Twitter opted to label Trump’s tweet as harmful and hide it from public view — and Facebook petitioned for Trump to change his tone in private.

The shift within Silicon Valley began even before that as the coronavirus swept through the world last year, and the stakes of the rampant lies and misinformation on social media platforms were underscored by a rising body count as Trump and others denied the severity of the pandemic. Facebook, Twitter, YouTube and others all took action against viral falsehoods that were clearly contrary to science. Not long after, they dramatically stiffened policies against conspiracy theories, such as QAnon, and the rise of dangerous armed groups, such as the boogaloo, born of largely unrestricted online worlds.

As the national election approached last fall, disinformation researchers, Democrats and civil rights activists demanded tougher action from tech companies whose platforms hosted and spread falsehoods. They gained some traction, but at a time when Trump and other Republicans were loudly claiming that they were being discriminated against by Silicon Valley, critics said it was not nearly enough.

Rashad Robinson, the president of Color of Change, a civil rights group that has been pushing social media companies to police Trump’s behavior more aggressively, fretted on Friday that it took too long for Twitter and its peers to act given the president’s past missteps — and their potential to have touched off real-world violence.

“But kicking him off of Twitter, so he can’t spread disinformation and incite the public, is huge,” he said. “This is way too late, but I do not underestimate or undersell the significance of what this means moving forward without him having a direct line to reach an audience any time that he wanted to.”

In considering how his supporters might read and interpret his messages, Twitter also potentially opened the door for the company to take a more aggressive approach on other content, including tweets from political leaders in the future, experts said.

“That’s a standard that’s never existed,” said Alex Stamos, a former Facebook chief security officer, now head of the Stanford Internet Observatory, a disinformation research group. “The ‘impact’ standard has never existed.”

Stamos added that Twitter’s action — and Facebook’s recent enforcement efforts — meant that “the right-wing social media ecosystem in America has been shattered.”

The move comes amid a wave of criticism from Democratic lawmakers and Twitter’s own employees, who demanded in a letter written this week that the company’s leaders permanently suspend Trump’s account. In an internal letter addressed to chief executive Jack Dorsey and his top executives viewed by The Washington Post, roughly 350 Twitter employees requested an investigation into the past several years of corporate actions that led to Twitter’s role in the riot.

“Despite our efforts to serve the public conversation, as Trump’s megaphone, we helped fuel the deadly events of January 6th,” the employees wrote. “We request an investigation into how our public policy decisions led to the amplification of serious anti-democratic threats. We must learn from our mistakes in order to avoid causing future harm.”

“We play an unprecedented role in civil society and the world’s eyes are upon us. Our decisions this week will cement our place in history, for better or worse,” the employees added.

In a statement earlier Friday, Twitter spokesperson Brandon Borrman wrote, “Twitter encourages an open dialogue between our leadership and employees, and we welcome our employees expressing their thoughts and concerns in whichever manner feels right to them.”

The letter from the Twitter employees is addressed to “Staff,” company lingo for C-suite executives who report directly to Dorsey, including Vijaya Gadde, who leads the company’s legal, policy, and trust and safety divisions. During a virtual meeting on Friday afternoon, Dorsey and Gadde shared their thoughts on Twitter’s response, according to an employee, who spoke on the condition of anonymity for fear of retaliation.

Silicon Valley also took fresh aim Friday at a bevy of other sites and services where Trump’s supporters have congregated. That includes the new social media service Parler, which became popular with the president’s allies in the wake of the 2020 election.

Amid a flood of misinformation — and threats of violence in the wake of the Capitol riot — Google on Friday removed the app from its hub for downloads, called the Play Store. Apple also warned Parler that it could be removed from its App Store, the sole portal through which iPhone and iPad users can obtain such software, if it didn’t remove posts inciting violence and put in place a stronger content moderation system, according to an email obtained by BuzzFeed News.

Parler prides itself on only loosely policing posts on its site, saying it removes only what is illegal or not protected by the First Amendment. After the attack on the Capitol this week, posts on the site voiced support for the rioters and calls to keep fighting. Trump, however, does not currently have an account on Parler.

Parler chief executive John Matze appeared to address the Apple news on his Parler page Friday, writing “We will not cave to pressure from anti-competitive actors!”

Twitter’s move did cause unease in another quarter: Researchers have long complained that when the company suspends a user, valuable records of online conversations essentially vanish into thin air, making it nearly impossible to later reconstruct them — something particularly consequential when a platform is the primary means of communication for a U.S. president.

“It has implications from a historical point of view,” said Darren Linvill, lead researcher for the Clemson University Media Forensics Hub. “If you are the national conversation, they just sucked a big part of the national conversation away.”

Rachel Lerman and Gerrit De Vynck contributed to this report.

Voir par ailleurs:

World Leaders on Twitter: principles & approach

15 October 2019

There continues to be meaningful public conversation about how we think about Tweets from world leaders on our service. We welcome the conversation and want to share more context on our principles and process for reviewing reported Tweets from these accounts.

Context 

When it comes to the actions of world leaders on Twitter, we recognize that this is largely new ground and unprecedented. We understand the desire for our decisions to be “yes/no” binaries, but it’s not that simple. The actions we take and policies we develop will set precedent around online speech and we owe it to the people we serve to be deliberate and considered in what we do.

Our mission is to provide a forum that enables people to be informed and to engage their leaders directly. We also have a responsibility to the people who use Twitter to better explain why we make the decisions we make, which we will do here.

Our approach

  • Everything we do starts with an understanding of our purpose and of the service we provide: a place where people can participate in public conversation and get informed about the world around them.
  • We assess reported Tweets from world leaders against the Twitter Rules, which are designed to ensure people can participate in the public conversation freely and safely.
  • We focus on the language of reported Tweets and do not attempt to determine all potential interpretations of the content or its intent.
  • Presently, direct interactions with fellow public figures, comments on political issues of the day, or foreign policy saber-rattling on economic or military issues are generally not in violation of the Twitter Rules.
  • However, if a Tweet from a world leader does violate the Twitter Rules but there is a clear public interest value to keeping the Tweet on the service, we may place it behind a notice that provides context about the violation and allows people to click through should they wish to see the content. We announced this in June.

Enforcement scenarios 

We want to make it clear today that the accounts of world leaders are not above our policies entirely. The below areas will result in enforcement action for any account on our service (without consideration of the potential public interest value in allowing the Tweet to remain visible behind a notice):

In other cases involving a world leader, we will err on the side of leaving the content up if there is a clear public interest in doing so.

With critical elections and shifting political dynamics around the world, we recognize that we’re operating in an increasingly complex and polarized political culture. These are constantly evolving challenges and we’ll keep our policies and approach under advisement, particularly as we learn more about the relationship between Tweets from world leaders and the potential for offline harm.

This post seeks to provide clear insight into how we address content from world leaders on Twitter today, and will serve as our statement on the decisions we make, rather than our teams providing feedback on individual Tweets and decisions. We’ve also updated our dedicated Help Center page to provide a significantly more detailed breakdown of how we make decisions regarding the use of the public interest notice.

Our goal is to enforce our rules judiciously and impartially. In doing so, we aim to provide direct insight into our enforcement decision-making, to serve public conversation, and protect the public’s right to hear from their leaders and to hold them to account.


Complotisme: Mais qui vérifiera les vérificateurs ? (Who will fact-check the fact-checkers and their own confirmation biases, group-think and need for meaning ?)

19 Mai, 2022

https://pbs.twimg.com/media/FTEiZLRXwAA-sN6?format=jpg&name=small

Fig. 1Les âmes perverties se corrigent difficilement, et le nombre des insensés est infini. Ecclésiaste 1: 15
Ne croyez pas que je sois venu apporter la paix sur la terre; je ne suis pas venu apporter la paix, mais l’épée. Car je suis venu mettre la division entre l’homme et son père, entre la fille et sa mère, entre la belle-fille et sa belle-mère; et l’homme aura pour ennemis les gens de sa maison. Jésus (Matthieu 10 : 34-36)
Il n’y a plus ni Juif ni Grec, il n’y a plus ni esclave ni homme libre, il n’y a plus ni homme ni femme; car tous vous êtes un en Jésus-Christ. Paul (Galates 3: 28)
Le silence éternel de ces espaces infinis m’effraie. Blaise Pascal
Dieu est mort! (…) Et c’est nous qui l’avons tué ! (…) Ce que le monde avait possédé jusqu’alors de plus sacré et de plus puissant a perdu son sang sous nos couteaux (…) Quelles solennités expiatoires, quels jeux sacrés nous faudra-t-il inventer? Nietzsche
Dans la production sociale de leur existence, les hommes entrent en des rapports déterminés, nécessaires, indépendants de leur volonté, rapports de production qui correspondent à un degré de développement déterminé de leurs forces productives matérielles. (…) Ce n’est pas la conscience des hommes qui détermine leur être ; c’est inversement leur être social qui détermine leur conscience. (…) Pas plus qu’on ne juge un individu sur l’idée qu’il se fait de lui-même, on ne saurait juger une (…) époque (…) sur sa conscience de soi. Marx (1859)
Le moi n’est pas maitre dans sa propre maison. Freud
Depuis deux siècles environ, les seules pensées vigoureuses sont exclusivement critiques et destructrices. Elles accomplissent, je pense, mais jamais jusqu’au bout, contre le sens mythologique, une certaine lutte dont le premier et le plus essentiel témoignage, dans notre monde, reste ce que nous avons appelé « le texte de persécution ». Ces pensées sont donc inséparables de la domination  qu’exerce sur notre univers le texte judéo-chrétien. Ces pensées se dirigent toutes vers la révélation du mécanisme fondateur; elles tendent toutes, mais sans le savoir, à rejoindre ce qui est déjà formulé dans ce texte et à le rendre manifeste. René Girard
Les événements qui se déroulent sous nos yeux sont à la fois naturels et culturels, c’est-à-dire qu’ils sont apocalyptiques. Jusqu’à présent, les textes de l’Apocalypse faisaient rire. Tout l’effort de la pensée moderne a été de séparer le culturel du naturel. La science consiste à montrer que les phénomènes culturels ne sont pas naturels et qu’on se trompe forcément si on mélange les tremblements de terre et les rumeurs de guerre, comme le fait le texte de l’Apocalypse. Mais, tout à coup, la science prend conscience que les activités de l’homme sont en train de détruire la nature. C’est la science qui revient à l’Apocalypse. René Girard
La vérité biblique sur le penchant universel à la violence a été tenue à l’écart par un puissant processus de refoulement. (…) La vérité fut reportée sur les juifs, sur Adam et la génération de la fin du monde. (…) La représentation théologique de l’adoucissement de la colère de Dieu par l’acte d’expiation du Fils constituait un compromis entre les assertions du Nouveau Testament sur l’amour divin sans limites et celles sur les fantasmes présents en chacun. (…) Même si la vérité biblique a été de nouveau  obscurcie sur de nombreux points, (…) dénaturée en partie, elle n’a jamais été totalement falsifiée par les Églises. Elle a traversé l’histoire et agit comme un levain. Même l’Aufklärung critique contre le christianisme qui a pris ses armes et les prend toujours en grande partie dans le sombre arsenal de l’histoire de l’Eglise, n’a jamais pu se détacher entièrement de l’inspiration chrétienne véritable, et par des détours embrouillés et compliqués, elle a porté la critique originelle des prophètes dans les domaines sans cesse nouveaux de l’existence humaine. Les critiques d’un Kant, d’un Feuerbach, d’un Marx, d’un Nietzsche et d’un Freud – pour ne prendre que quelques uns parmi les plus importants – se situent dans une dépendance non dite par rapport à l’impulsion prophétique. Raymund Schwager
Dans le cours des siècles, la science a infligé à l’égoïsme naïf de l’humanité deux graves démentis. La première fois, ce fut lorsqu’elle a montré que la terre, loin d’être le centre de l’univers, ne forme qu’une parcelle insignifiante du système cosmique dont nous pouvons à peine nous représenter la grandeur. Cette première démonstration se rattache pour nous au nom de Copernic, bien que la science alexandrine ait déjà annoncé quelque chose de semblable. Le second démenti fut infligé à l’humanité par la recherche biologique, lorsqu’elle a réduit à rien les prétentions de l’homme à une place privilégiée dans l’ordre de la création, en établissant sa descendance du règne animal et en montrant l’indestructibilité de sa nature animale. Cette dernière révolution s’est accomplie de nos jours, à la suite des travaux de Ch. Darwin, de Wallace et de leurs prédécesseurs, travaux qui ont provoqué la résistance la plus acharnée des contemporains. Un troisième démenti sera infligé à la mégalomanie humaine par la recherche psychologique de nos jours qui se propose de montrer au moi qu’il n’est seulement pas maître dans sa propre maison, qu’il en est réduit à se contenter de renseignements rares et fragmentaires sur ce qui se passe, en dehors de sa conscience, dans sa vie psychique. Les psychanalystes ne sont ni les premiers ni les seuls qui aient lancé cet appel à la modestie et au recueillement, mais c’est à eux que semble échoir la mission d’étendre cette manière de voir avec le plus d’ardeur et de produire à son appui des matériaux empruntés à l’expérience et accessibles à tous. D’où la levée générale de boucliers contre notre science, l’oubli de toutes les règles de politesse académique, le déchaînement d’une opposition qui secoue toutes les entraves d’une logique impartiale. Sigmund Freud (Introduction à la psychanalyse, 1916)
Freud a décrit trois grandes blessures historiques au narcissisme primaire du sujet humain égocentrique, qui essaie de tenir la panique à distance par le fantasme de l’exceptionnalisme humain. La première est la blessure copernicienne qui a enlevé la Terre elle-même, le monde natal de l’homme, du centre du cosmos et a en effet ouvert la voie à ce cosmos pour s’ouvrir dans un univers de temps et d’espaces inhumains et non-mélodiques. La science a fait cette coupe décentrée. La deuxième blessure est la darwinienne, qui a mis l’Homo sapiens fermement dans le monde des autres bestioles, essayant tous de gagner leur vie terrestre et évoluant ainsi les uns par rapport aux autres sans les garanties de panneaux directionnels qui culminent dans l’Homme. La science a également influé sur cette coupure cruelle. La troisième blessure est la freudienne, qui posait un inconscient qui annulait la primauté des processus conscients, y compris la raison qui réconfortait l’homme avec son excellence unique, avec de terribles conséquences pour la téléologie une fois de plus. La science semble aussi tenir cette lame. Je veux ajouter une quatrième blessure, l’informatique ou cyborgienne, qui imprègne la chair organique et technologique et fusionne également ce Grand Partage. Donna J. Haraway
Il est peu probable que les nouvelles religions émergeront des grottes d’Afghanistan ou des madrasas du Moyen-Orient. Elles sortiront plutôt des laboratoires de recherche. De même que le socialisme s’est emparé du monde en lui promettant le salut par la vapeur et l’électricité, dans les prochaines décennies les nouvelles techno-religions conquerront peut-être le monde en promettant le salut par les algorithmes et les gènes. Yuval Harari
Que feront les humains conscients le jour où nous aurons des algorithmes non conscients, capables de presque tout faire mieux que nous ? (…) Ces dernières décennies, les pays ont connu une autre révolution, le déclin des emplois industriels, accompagné d’un essor des services. En 2010, 2 % seulement des Américains travaillaient dans l’agriculture, 20 % dans l’industrie, et 78 % comme enseignants, médecins, web designers, etc. Que ferons-nous quand des algorithmes stupides seront capables d’enseigner, de diagnostiquer et de dessiner mieux que des êtres humains ? (…) Tandis que les algorithmes chassent les hommes du marché du travail, la richesse et le pouvoir pourraient bien se concentrer entre les mains de la minuscule élite qui possède les algorithmes tout-puissants, ce qui créerait une inégalité sociale et politique sans précédent. (…) L’aubaine technologique à venir permettra probablement de nourrir et d’entretenir ces masses inutiles sans qu’elles aient même à lever le petit doigt. Mais qu’est-ce qui pourra les tenir occupées et les satisfaire ? Les gens ont besoin de faire quelque chose, sous peine de devenir fous. Que feront-ils de leurs journées ? La drogue ou les jeux vidéo pourraient être une des réponses. Les inutiles pourraient passer toujours plus de temps dans les mondes de la réalité virtuelle en 3D, qui leur procurerait bien plus d’excitation et d’intensité émotionnelle que la glauque réalité extérieure. Une telle évolution porterait cependant un coup mortel à la croyance libérale au caractère sacré de la vie et des expériences humaines. Qu’y a-t-il de sacré dans des clochards qui passent leurs journées à se gaver d’expériences artificielles dans La La Land ? (…) Google nous conseillera quel film voir, où aller en vacances, quelle matière étudier à la fac, quelle offre d’emploi accepter, voire avec qui sortir et qui épouser. (…) En échange de conseils aussi précieux, il nous faudra simplement renoncer à l’idée que les êtres humains sont des individus, que chaque humain a son libre arbitre pour déterminer ce qui est bien, ce qui est beau, et le sens de la vie. (…) Des coutumes libérales comme les élections démocratiques vont devenir obsolètes : Google saura même représenter mes opinions politiques mieux que moi. (…) Comment Facebook pourrait-il obtenir ces données politiques d’une valeur inestimable ? C’est nous qui les lui donnons gratuitement. À l’apogée de l’impérialisme européen, conquistadors et marchands achetaient des îles et des contrées entières contre des perles de couleur. Au XXIe siècle, nos données personnelles sont probablement la ressource la plus précieuse que la plupart des humains puissent encore offrir, et nous les donnons aux géants de la technologie en échange de services de messagerie et de vidéos de chats. Yuval Hariri
La surmodernité, c’est un peu la démocratisation de l’angoisse pascalienne (…) chaque individu face à l’étendue de la planète, sans le secours des anciennes médiations. Marc Augé
Il y a plus faux que le faux, c’est le mélange du vrai et du faux. Paul Valéry
Il y a deux Histoires : l’Histoire officielle, menteuse qu’on enseigne, l’Histoire ad usum delphini puis l’Histoire secrète, où sont les véritables causes des événements, une histoire honteuse. Balzac (Illusions perdues)
Selon la théorie de la conspiration, tout ce qui arrive a été voulu par ceux à qui cela profite. (…) On ne croit plus aux machinations des divinités homériques, auxquelles on imputait les péripéties de la Guerre de Troie. Mais ce sont les Sages de Sion, les monopoles, les capitalistes ou les impérialistes qui ont pris la place des dieux de l’Olympe homérique. Karl Popper (1948)
Ne jamais attribuer à la malveillance ce que la bêtise suffit à expliquer. Robert J. Hanlon
Toujours préférer l’hypothèse de la connerie à celle du complot. La  connerie est courante. Le complot exige un esprit rare. Michel Rocard
Selon le sociologisme — cette perversion de la sociologie — l’individu étant le jouet des structures et des institutions, la seule question intéressante et pertinente est celle de savoir à qui profitent ces structures et ces institutions ? Plus familièrement, qui tire les ficelles ? Par définition, la classe dominante, bien entendu. La popularité de ce schéma a été si grande dans les années 60 et 70 que beaucoup de livres ont porté ou auraient pu porter un titre de type : A qui profite… ? A qui profite l’Ecole ? A qui profite la Justice ? A qui profite la Culture ? A qui profite la Langue ? Bref, le sociologisme utilise toujours de façon plus ou moins subtile, le schéma explicatif familier que Popper appelle la « théorie de la conspiration ». Raymond Boudon (1983)
[Ceux qui votent FN] sont des gens qui sont en bas de l’échelle des revenus mais aussi de l ‘échelle des savoirs. Plus le niveau de culture est élevé, plus on est à l’abri d’un vote Le Pen. Pascal Perrineau
Cette place du système des grandes écoles dans la production des élites économiques, politiques, intellectuelles, mais aussi dans les médias, au détriment des diplômés « ordinaires » des universités ou des non-diplômés explique le phénomène souvent dénoncé de « connivence des élites ». Nul besoin de supposer complots et conspirations. Le fait de provenir des mêmes familles de la bourgeoisie, souvent parisienne, d’être passé par les mêmes formations et d’avoir toujours vécu dans le même environnement et avec les mêmes cadres de référence (d’être entre hommes aussi, car les femmes sont quasiment absentes de ces milieux de pouvoirs…) suffit à expliquer l’uniformité des visions du monde et le sens d’un destin partagé. Un travail intensif de sociabilité, au sein des cercles, clubs et autres lieux d’interconnaissance renforce cette cohésion : les relations mobilisables, fortes des ressources diversifiées des membres du réseau, permettent de décupler les pouvoirs de chacun. L’internationalisation des lieux de pouvoir économiques et politiques peut-il être un facteur de renouvellement des élites hexagonales ? (…)  En outre, la mondialisation, loin d’ouvrir l’accès aux cercles dirigeants, tend plutôt à en renforcer la sélectivité. (…) Les résultats des élections sur les enjeux européens marquent bien ces clivages : les membres des classes populaires expriment leur refus d’un processus qui les fragilise et les éloigne des lieux de pouvoir, alors que les membres des classes supérieures sont massivement favorables à un élargissement de leur champ d’action. Anne-Catherine Wagner (université de Paris 1-Sorbonne, Centre de sociologie européenne)
Depuis le début des années 1990, articles, ouvrages et prises de position se sont multipliés en effet sur la progression inquiétante du « virus populiste ». Les interprétations se focalisent sur les élections et les scores inattendus obtenus par des forces au « nationalisme rétrograde » emmenées par un leader « charismatique ». Elles insistent, quels que soient les contextes historiques et nationaux, sur le ralliement massif des « exclus » et notamment des fractions populaires, les plus durement touchées par la « crise sociale », à des démagogues anti-démocrates dont les talents de tribun savent gagner les plus crédules aux solutions simplistes qu’ils proposent. (…) Être trop démocratique en voulant s’appuyer sur le peuple, c’est jouer contre la démocratie. C’est que le peuple, à l’inverse des élites, ne comprend pas bien l’importance des élections et n’est pas protégé grâce à une véritable compétence des tentations pour des solutions à courte vue et dangereuses (...) L’équation entre électorat populaire et démagogie frontiste s’est ainsi banalisée. Elle n’en soulève pas moins quelques paradoxes. Alors qu’il prétend être une catégorie d’analyse, le populisme est d’abord une injure politique. Les multiples commentaires indignés et inquiets qu’il autorise en témoignent : « croisés de la société fermée », « largués, paumés, incultes », « archaïques et rétrogrades » selon les jugements prononcés lors du référendum européen de 2004. Plus surprenant encore : alors qu’elle propose une nouvelle classification du FN bien plus floue et bien moins stigmatisante que les précédentes labellisations de fascisme ou d’extrême droite auxquelles elle se substitue, la désignation rend licites des verdicts d’une extrême violence contre les groupes populaires ayant apporté leur voix à ce parti. Le populisme ouvre sur un blâme du « peuple », tout en retenant la charge du discrédit contre l’organisation frontiste. Un blâme particulier dans lequel alternent cependant mépris et crainte. Les groupes populaires seraient en effet responsables de la survie politique d’une organisation indigne moralement et politiquement ; en même temps, ils auraient des excuses. Leur crédulité, liée à leur manque d’éducation, serait renforcée par la « crise sociale » qui aurait suscité chez eux une anomie et une insatisfaction politique nouvelle et durable les rendant disponibles pour les partis les plus extrêmes (exploitant leurs « malaises sociaux » contre la démocratie). On ne peut que s’étonner devant cette insistance générale à situer dans les classes populaires la source principale de la menace frontiste, à moins de voir en elle une forme de réassurance morale. Il est plus rassurant en effet (mais aussi plus économe scientifiquement et plus médiatiquement spectaculaire) d’affirmer que ce sont les individus ou les groupes les moins légitimes socialement qui se retrouvent dans le programme d’une organisation indigne moralement et politiquement, que de commencer une enquête sur les raisons toujours locales et hétérogènes d’un vote. On découvrirait pourtant par exemple que dans le Sud Est existent un vote idéologiquement constitué pour l’extrême droite (depuis les années 1960 et Tixier-Vignacourt) et un « vote de villas » accompli par des retraités très aisés. De même s’apercevrait-on qu’en Alsace le vote FN l’emporte souvent dans des bourgs où les ouvriers sont aux abonnés absents. (…) Changement de conjoncture politique et intellectuelle sans doute qui, d’abandons en revirements, invite à voir désormais dans le peuple (et les fractions les plus démunies) le principal problème à résoudre pour la démocratie et non plus une cause à défendre et dans « l’appel au peuple » une véritable anomalie mettant en péril l’ordre démocratique installé par les élites compétentes. Autre façon de réaffirmer la supériorité morale de ces dernières. Annie Collovald
La notion de « populisme» a connu un bien étrange voyage qui lui a fait accomplir une totale révolution sur elle-même au point d’en changer complètement la signification et les enjeux intellectuels et politiques qu’elle recouvrait initialement. Valorisant hier le populaire, elle le stigmatise aujourd’hui. Rien n’en témoigne mieux que les usages savants et politiques actuels du « populisme du FN » qui s’imposent, en faisant oublier les autres définitions du populisme qui ont eu cours et l’existence de rapports du populaire au politique fort différents de celui mis désormais en exergue. Sous l’apparente filiation du mot dont l’histoire remonte à la fin du xixe siècle, des ruptures de signification et un renversement de perspective se sont ainsi opérés. Cette reconversion des points de vue signe alors pour les groupes populaires la perte du sens des causes qu’ils ont défendues et porte à méconnaître le rôle de « l’appel au peuple » dans l’histoire sociale de la construction des démocraties. Le « populisme » occupe désormais une place prédominante dans les commentaires politiques et savants pour désigner le Front National et des phénomènes qui, à son instar, ont été longtemps pensés comme relevant de l’extrême droite. (…) Alors qu’il prétend être une catégorie d’analyse, le « populisme » est pourtant également une injure politique. Les multiples commentaires indignés et inquiets qu’il autorise en témoignent : « croisés de la société fermée » (Perrineau, 2001), « largués, paumés, incultes », « archaïques et rétrogrades » selon les jugements prononcés au lendemain du premier tour de l’élection présidentielle de 2002. Déjà étonnamment double dans son statut, à la fois notion savante et insulte politique, la dénomination de « populisme » surprend encore autrement. Alors même qu’elle propose une nouvelle classification du FN bien plus floue et bien moins stigmatisante que les précédentes labellisations de fascisme ou d’extrême droite auxquelles elle se substitue, la désignation rend licites des verdicts d’une extrême violence contre les groupes populaires ayant apporté leur voix à ce parti. Le « populisme du FN » ouvre sur un blâme du « peuple », tout en retenant la charge du discrédit contre l’organisation frontiste. Un blâme particulier cependant dans lequel alternent mépris et crainte. Les groupes populaires seraient en effet responsables de la survie politique d’une organisation indigne moralement et politiquement ; en même temps, ils auraient des excuses. Leur crédulité, liée à leur manque d’éducation, serait renforcée par la crise sociale qui aurait suscité chez eux une anomie et une insatisfaction politique nouvelle et durable les rendant disponibles pour les partis les plus extrêmes (exploitant leurs « malaises sociaux » contre la démocratie). (…)  Le déplacement opéré sur ces derniers n’est pas innocent pour la compréhension des conditions de réussite politique du FN. Celles-ci ne sont plus recherchées dans le capital politique collectif du parti, dans les pratiques militantes de ses représentants ou encore dans l’offre politique actuelle et la concurrence entre élites politiques, mais dans la seule relation nouée entre Jean-Marie Le Pen et ses troupes électorales et plus précisément encore dans les dispositions préalablement ajustées des électeurs aux thèses idéologiquement autoritaires portées par le FN. En ce sens, l’explication se ferme et, en se simplifiant, se fait tautologique : seuls des électeurs illégitimes socialement peuvent se retrouver dans les idées illégitimes de ce parti. En exonérant d’emblée les élites sociales de tout penchant pour le FN puisque, protégées par leur diplôme et leur niveau de vie, elles sont insoupçonnables de toute crédulité pour des thèses « simplistes » et racistes, l’explication rejoue ainsi sur un plan apparemment descriptif (les résultats de sondages électoraux, (Mayer, 2002) l’idée de la supériorité morale des élites sociales. (…) Il en est ainsi de l’explication des mobilisations électorales dont bénéficie le parti lepéniste par l’anomie et la frustration engendrée par la « crise sociale » et qui frapperait naturellement les plus démunis, principales victimes de la dégradation des conditions de vie. Ou encore de l’explication par l’adhésion naïve aux discours de Jean-Marie Le Pen dont les performances médiatiques de démagogue susciteraient l’engouement des moins « cultivés ». Ces explications qui font presque consensus dans les mondes intellectuels, journalistiques et politiques, justifient et confortent la thèse hautement conservatrice de « l’ingouvernabilité des démocraties lorsqu’elles sont soumises à une surcharge de demandes populaires ». Inventée dans les années 1970 dans un rapport fourni à la Trilatérale et visant explicitement à lutter contes les « excès de démocratie » (grèves, manifestations, droits syndicaux, liberté d’opinion) (Hermet, 1986), cette thèse était restée confinée dans le huis clos des dirigeants. Elle ressurgit désormais sous des formes renouvelées dans les discours politiques soit pour affirmer que les responsables politiques ne peuvent répondre à toutes les « émotions populaires » (Lionel Jospin en 1997 face aux mobilisations des chômeurs) soit pour vanter la « démocratie pacifiée » (Jacques Chirac face au taux d’abstention record lors du référendum sur l’Europe). Ressurgit également la thèse de « l’autoritarisme des classes populaires » qui place d’emblée sous un signe négatif toutes les mobilisations populaires. Elles deviennent même « irrationnelles » en préférant des acteurs politiques hors système et non les partis de gouvernement (confortant la « crise de légitimité » politique supposée frapper et fragiliser la démocratie). (…) Le passage sur la scène publique du « populisme » dans le milieu des années 1980 conserve cette première acception tout en mêlant dans une même dénonciation des représentants de la gauche et de la droite : Edith Cresson, Bernard Tapie, Jacques Chirac en ont chacun fait les frais. En était la cause leur « style » réputé mettre en avant leur personne et non les idées défendues, jouer contre les élites installées en flattant les peurs ou les instincts populaires sans en appeler aux capacités de réflexion des citoyens. Leur vocabulaire « cru » et « grossier » devenait le meilleur indicateur de la dégradation morale du jeu politique qu’ils impulsaient. En désignant maintenant le FN, le mot projette désormais les traits « vulgaires » et « dégradants » prêtés avant aux leaders « populistes » sur les groupes populaires réputés les suivre aveuglément. Cette projection naturalise dans le comportement des groupes populaires, ce qui auparavant était situé dans les rapports que les élites intellectuelles et politiques nouaient avec le peuple et souvent contre lui. Elle trouve une illustration exemplaire dans « l’autoritarisme » prêté aux classes populaires et expliquant leurs rapports subjugués à J.-M. Le Pen alors que cette notion qualifiait précédemment un régime politique accaparé par une collégialité d’élites en concurrence entre elles. L’essentialisme qui en découle empêche alors de percevoir que le « populisme du FN » provient d’une définition importée de débats politiques très localisés idéologiquement aux États-Unis. La notion telle qu’elle est construite par P.-A. Taguieff et reprise par les autres savants français est directement issue des débats portant sur la « nouvelle droite américaine ». Le « populisme » se définit ici contre d’autres définitions en cours aux États-Unis tant dans l’univers savant qu’à gauche de l’échiquier politique. Il vise à donner une apparence populaire et d’éthique philanthropique à une entreprise néo-conservatrice sur le plan économique et politique, pour mieux la présenter comme révolutionnaire et déstabiliser les conservateurs jugés dépassés. L’enjeu n’est pas, on le comprend, de bouleverser l’ordre établi au profit des groupes les plus démunis ; il est de le bouleverser au profit de ces nouveaux prétendants, au profil social décalé par rapport aux membres de la haute bourgeoisie qui tiennent les places fortes de l’économie et de la décision politique, et bien plus radicaux dans le libéralisme économique que l’ancienne élite néo-libérale. Faire du « populisme » pour cette avant-garde radicale ne consiste pas à valoriser le peuple, mais à se servir de lui pour conférer un semblant de légitimité sociale à une cause qui lui est étrangère. C’est dire combien les usages actuels de « populisme » brouillent idéologiquement l’histoire politique de la notion. Elle brouille également l’enjeu politique qu’a constitué initialement « l’appel au peuple ». (...) L’appel au peuple était alors une stratégie visant à donner position, autorité et dignité à des groupes sociaux exclus de toute représentation politique et, avec eux, à faire entendre les causes sociales et politiques qu’ils défendaient et desquelles se désintéressaient ceux qui monopolisaient les postes de pouvoir. Sous cet angle, les « populistes » d’alors, ceux qui « font appel au peuple », ont des positions de gauche remettant en cause le conservatisme dominant. Il en est de même en France où les premiers à tenter de mobiliser les groupes relégués aux marges de l’espace social et politique sont les organisations ouvrières socialisantes. Ce qui était ainsi en jeu c’était une transformation du mode de domination politique reposant sur l’émancipation sociale et politique des groupes populaires. Retournant l’illégitimité sociale en source de légitimation politique, ces entreprises posaient la représentativité sociale en fondement du droit à intervenir en politique, promouvaient, sélectionnaient, formaient, encadraient les membres de la classe ouvrière pour en faire de nouvelles élites politiques (Pudal, 1988). En oubliant cet enjeu politique de démocratisation du jeu politique, se trouvent également oubliées les réactions politiques qu’il a suscitées. Pourtant les contre-offensives des conservateurs ont été nombreuses. Surtout, elles ont contribué, comme l’ont montré S. Barrows (1990) et A. Hirschman (1991) à transformer en pathologie et en menace (les « foules hystériques et criminelles ») ces mouvements voulant rendre la démocratie du moment plus démocratique qu’elle ne l’était : voulant en quelque sorte la « peupler » alors qu’elle était réservée à une étroite élite sociale, et la conformer ainsi aux idéaux professés. La stigmatisation du populaire aujourd’hui via le « populisme du FN » ne serait-elle pas le signe d’une nouvelle conjoncture intellectuelle et politique dans laquelle les élites politiques d’aujourd’hui (et leurs auxiliaires et conseillers) ne voient plus dans les groupes populaires une cause à défendre, mais un « peuple sans classe » devenu un problème à résoudre ? Annie Collovald
Le populisme ressemble aujourd’hui à un inventaire à la Prévert, la poésie en moins. Chirac, Berlusconi, Sarkozy, Tapie, Cresson, Chávez, Le Pen, Haider, Fortuyn, Bové, Lula, Mélenchon ont été rejoints par Orbán, Salvini, Corbyn, Trump, Kaczyński, Strache, Iglesias, dans la longue et multicolore liste des « qualifiés » de populistes. En France, quand son usage s’impose dans les années 1990, le mot renvoie au Front national (FN), considéré comme un « appel au peuple » rassemblant des « mécontents » dressés contre les élites établies et séduits par le charisme de Jean-Marie Le Pen, la magie de son verbe et ses idées xénophobes. (…) Le mot « populisme » attise surtout l’inquiétude pour la démocratie et la suspicion à l’égard des classes populaires, notamment sur leur prédilection supposée pour les hommes politiques aux idées courtes et au racisme affiché. Prétendant expliquer, le mot disqualifie d’emblée en rendant infréquentables ceux qu’il caractérise ; il autorise alors le renvoi au rang de notion vintage le clivage droite/gauche au profit d’un nouveau clivage distinguant les gens raisonnables, ouverts, progressistes vis-à-vis des radicaux, nationalistes, fermés (songeons aux discours de Merkel ou Macron) ; bref, vis-à-vis de tous les « incompatibles » supposés (du fait de leurs « valeurs » et de leurs « attitudes ») avec la démocratie et le progrès. Le mouvement des Gilets jaunes fait aujourd’hui les frais d’une telle stigmatisation et donne involontairement du crédit à de tels jugements. Mais le plus étonnant dans ces usages intempestifs d’un tel label « chamallow » est l’étroite imbrication de la lutte politique et des controverses apparemment savantes. Historiens, philosophes, politistes se mobilisent et prennent explicitement position pour ou contre l’existence d’un populisme de gauche, ou bien sur la filiation populisme-fascisme, et concernant l’instauration de « démocraties illibérales » (comme en Pologne, en Hongrie)… (…)  Le « populisme » attire d’abord le populaire. Son étymologie ne renvoie-t-elle pas au « peuple » ? Rien d’étonnant à ce qu’un parti indigne subjugue surtout les fractions sociales les plus illégitimes socialement : par manque de ressources culturelles et économiques, elles ont une crédulité réceptive aux thèses frustes et simplistes du FN, à l’inverse des plus éduqués et des plus riches, protégés par leur culture de toute adhésion à des idées xénophobes ou intolérantes. Le FN devient alors le premier parti ouvrier en France et le substitut du Parti communiste. Que dire ? Sinon que cette « évidence » confond analyse et préjugés, et que, mêlant injure et explication, elle lève des censures ouvrant sur l’affichage sans fard d’un racisme social sous l’apparence de constats « simplement » descriptifs. « Qui a inventé le terme de bougnoule, si ce n’est les classes populaires ? » s’interrogeait plaisamment un politologue réputé en 2005, lorsque les catégories populaires, au grand scandale des « élites éclairées », ont voté « non » au référendum sur le traité constitutionnel européen. Les usages du « populisme » ignorent droite et gauche, amalgament des partis aux pratiques et idéologies opposées, confèrent à un parti indigne politiquement et moralement une identité bien moins injurieuse que ses précédentes appellations (ce que le FN va s’empresser de reprendre à son compte à partir du milieu des années 1990, en se déclarant « populiste d’abord »). Ils brouillent également les notions de peuple et de populaire, et font opérer au mot lui-même une complète révolution idéologique entre hier et aujourd’hui. Longtemps absent du vocabulaire public de la polémique politique, où lui étaient préférés des termes comme « démagogie » ou « poujadisme », le « populisme » servait, selon la définition de Lénine, à dénoncer une stratégie dévoyée de mobilisation du peuple contre ses propres intérêts et contre ses principaux défenseurs. S’il stigmatisait, c’était ainsi pour insister moins sur la dangerosité d’une mobilisation politique « directe » du peuple que sur le danger que représentaient pour le peuple des prétentions à le défendre, venues d’intellectuels ou d’hommes politiques ne faisant que projeter sur lui leurs propres aspirations et leurs propres intérêts. En désignant maintenant le FN (ou d’autres extrêmes droites), le mot change de perspectives. Le danger n’est plus dans le jeu des élites ; il est dans les groupes populaires qui, xénophobes et incultes, ne cessent de se rallier à des causes détestables et de démontrer ainsi leurs indispositions pour la démocratie. Le populaire, hier valorisé, est aujourd’hui disqualifié au point d’être passé du statut de cause à défendre à celui de seul vrai « problème » pour la démocratie. À l’inverse, les élites sociales en ressortent tout auréolées de supériorité morale (même si les scandales à répétition les ébranlent un peu ces derniers temps…). La distance morale alors créée avec les plus démunis est telle que, pour les uns, elle justifie tous les abandons passés et futurs quand, pour les autres, elle incite à la récupération bruyante d’un peuple enfin réduit à leur propre image : « sans classe » et sans éthique politique. Mot cynique, injurieux, le « populisme » est triplement trompeur. Sur les partis qu’il désigne, bien moins sensibles idéologiquement aux classes populaires que défenseurs de politiques qui leur sont contraires. Sur le clivage libéraux/populistes, comme si n’existaient plus ni droite ni gauche, ni domination sociale et politique, et que les appétences autoritaires ne concernaient que les seconds et épargnaient les premiers. Sur ce qui menace réellement la démocratie, enfin. En classant les élites sociales à l’écart du « populisme », le mot les exonère du retournement autoritaire que connaît la démocratie dans ses règles pratiques et juridiques ; elle les disculpe de la montée des intolérances et des inégalités dont témoignent les politiques mises en œuvre : contrôle des « mauvais pauvres », licenciements à la pelle, fermetures d’usines qui font pourtant des bénéfices, maltraitance des populations « migrantes » toujours vues comme délinquantes, chasse aux enfants autour des écoles, criminalisation de leurs défenseurs syndicaux, associatifs… Rien n’interdit pourtant de penser que le destin de la démocratie se joue là, dans le cours ordinaire de la compétition et des décisions politiques des acteurs centraux, et non lors des élections ou de la montée d’« extrêmes ». Prétendant expliquer, le mot « populisme » disqualifie d’emblée en rendant infréquentables ceux qu’il caractérise. Le mot attise surtout la suspicion à l’égard des classes populaires, notamment sur leur prédilection supposée pour les hommes politiques aux idées courtes et au racisme affiché. Annie Collovald
S’il convient de pas sous-estimer le rôle joué par les réseaux sociaux, il ne faut pas non plus les surestimer, comme nous y incitent ceux qui croient tout expliquer par l’évolution des technologies de l’information et de la communication. Les réseaux sociaux contribuent puissamment à la propagation des théories du complot, mais dans des contextes où ces dernières satisfont des demandes sociales qu’ils n’ont pas suscitées. Ces demandes dérivent principalement de besoins cognitifs, qui sont des besoins d’ordre, d’intelligibilité et de sens. Or, les réponses trouvées et sélectionnées sont marquées par différents biais cognitifs: de confirmation, d’hypothèse, d’intentionnalité, de disponibilité, etc. On peut y voir autant de façons de réduire la dissonance cognitive suscitée par la coprésence de représentations contradictoires des évènements. Pierre-André Taguieff
Les récits conspirationnistes accusatoires sont structurés selon cinq principes, ou règles d’interprétation des événements. De ces règles et d’un certain nombre de biais cognitifs dérivent les représentations et les croyances composant l’imaginaire conspirationniste. (…) Cet ensemble de règles constitue un modèle d’intelligibilité de la pensée conspirationniste en tant que forme de pensée sociale, tel que je l’ai présenté dans mes travaux récents. Énumérons-les. (1) Rien n’arrive par accident. Rien, dans les séries événementielles qui suscitent de la surprise et de l’anxiété, n’est accidentel ou insensé, ce qui implique une négation du hasard, de la contingence, des coïncidences fortuites. On connaît la formule : « Ce n’est pas un hasard si… » (…) (2) Tout ce qui arrive est le résultat d’intentions ou de volontés cachées. Il s’agit, plus précisément, d’intentions mauvaises ou de volontés malveillantes, les seules qui intéressent les esprits conspirationnistes, qui privilégient les événements malheureux et inquiétants : crises, bouleversements, catastrophes, attentats terroristes, assassinats politiques. Ces événements sont expliqués en répondant à la question magique : « À qui profite le crime ? » D’où la question : « Qui est derrière ? » (3) Rien n’est tel qu’il paraît être. Tout se passe dans les « coulisses » ou les « souterrains » de l’histoire. Les apparences sont donc toujours trompeuses, elles se réduisent à des mises en scène. La vérité historique est dans la « face cachée » des phénomènes. La vérité ne peut être qu’« ailleurs », sa découverte impliquant de déjouer les pièges tendus par les manipulateurs, les experts en « faire-croire ». L’axiome est ici : « On nous manipule. » (…) (4) Tout est lié ou connecté, mais de façon occulte. « Tout se tient », dit le complotiste, prenant la posture de l’initié, incarnant à la fois le contre-expert, l’alter-expert et le super-expert, susceptible de jouer le rôle du voyant, du visionnaire ou du prophète. On rencontre ici le biais de conjonction qui, largement répandu dans la pensée sociale ou le savoir populaire, consiste à percevoir la probabilité de la conjonction de deux événements. (…) (5) Tout ce qui est officiellement tenu pour vrai doit faire l’objet d’un impitoyable examen critique, visant à le réduire à des croyances fausses ou à des mensonges. C’est la règle de la critique dérivant du soupçon systématique, ou plus exactement celle de l’hypercritique s’appliquant à tout discours officiel. (…) Il faut souligner le fait (…) que, pour les complotistes, tout ne doit pas être passé au crible de la critique, mais seulement la version « officielle », perçue comme telle, qui est donnée de l’événement. Il y a donc une frappante « asymétrie cognitive » chez les complotistes qui, surtout depuis le 11 Septembre, font preuve d’un extrême esprit critique envers la version « officielle » d’un quelconque événement en même temps que d’une extrême crédulité à l’égard des « théories du complot » qui se présentent comme des explications « alternatives ». Pierre-André Taguieff
A l’endroit où j’ai pris ma photo, dans la ville de Bucha, j’ai rencontré plusieurs citoyens et tout le monde m’a dit que les voitures avaient été renversées par des Russes avec des chars, mais ils ne savaient pas pourquoi les Russes avaient fait cela. Emanuele Satolli (photographe italien)
[C’était] une cabale bien financée de personnes puissantes, issues de différents secteurs et idéologies, travaillant ensemble dans les coulisses pour influencer les perceptions, changer les règles et les lois, diriger la couverture médiatique et contrôler le flux d’informations. Ils ne truquaient pas les élections; ils la fortifiaient. (…) En fin de compte, près de la moitié des électeurs ont voté par correspondance en 2020, pratiquement une révolution dans la façon dont les gens votent. Environ un quart ont voté tôt en personne. Seul un quart des électeurs ont voté de manière traditionnelle: en personne le jour du scrutin. (…) La philanthropie privée est entrée en lice. Un assortiment de fondations a contribué des dizaines de millions de dollars en financement de l’administration électorale. L’initiative Chan Zuckerberg a apporté 300 millions de dollars (…) Le soulèvement pour la justice raciale déclenché par l’assassinat de George Floyd en mai n’était pas avant tout un mouvement politique. Les organisateurs qui ont contribué à sa direction voulaient tirer parti de son élan pour les élections sans lui permettre d’être coopté par les politiciens. Nombre de ces organisateurs faisaient partie du réseau de Podhorzer, des militants des États du champ de bataille qui s’est associé à la Democracy Defence Coalition pour des organisations ayant des rôles de premier plan dans le Mouvement pour les vies noires. (…) Le soulèvement de l’été avait montré que le pouvoir du peuple pouvait avoir un impact énorme. Les militants ont commencé à se préparer à reprendre les manifestations si Trump tentait de voler les élections. «Les Américains prévoient des manifestations généralisées si Trump interfère avec les élections», annonçait Reuters en octobre, l’une des nombreuses nouvelles de ce genre. Plus de 150 groupes de gauche, de la Marche des femmes au Sierra Club en passant par Colour of Change, de Democrats.com aux Socialistes démocrates d’Amérique, ont rejoint la coalition «Protégez les résultats». Le site Web du groupe, aujourd’hui disparu, contenait une carte répertoriant 400 manifestations postélectorales prévues, qui devaient être activées par SMS dès le 4 novembre. (…) Fox News a surpris tout le monde en appelant l’Arizona pour Biden. La campagne de sensibilisation du public avait fonctionné: les présentateurs de télévision se mettaient en quatre pour conseiller la prudence et encadrer le décompte des voix avec précision. Time
Toutes les stratégies que les intellectuels et les artistes produisent contre les « bourgeois » tendent inévitablement, en dehors de toute intention expresse et en vertu même de la structure de l’espace dans lequel elles s’engendrent, à être à double effet et dirigées indistinctement contre toutes les formes de soumission aux intérêts matériels, populaires aussi bien que bourgeoises.  Pierre Bourdieu
Il y a autant de racismes qu’il y a de groupes qui ont besoin de se justifier d’exister comme ils existent, ce qui constitue la fonction invariante des racismes. Il me semble très important de porter l’analyse sur les formes du racisme qui sont sans doute les plus subtiles, les plus méconnaissables, donc les plus rarement dénoncées, peut-être parce que les dénonciateurs ordinaires du racisme possèdent certaines des propriétés qui inclinent à cette forme de racisme. Je pense au racisme de l’intelligence. (…) Ce racisme est propre à une classe dominante dont la reproduction dépend, pour une part, de la transmission du capital culturel, capital hérité qui a pour propriété d’être un capital incorporé, donc apparemment naturel, inné. Le racisme de l’intelligence est ce par quoi les dominants visent à produire une « théodicée de leur propre privilège », comme dit Weber, c’est-à-dire une justification de l’ordre social qu’ils dominent. (…) Tout racisme est un essentialisme et le racisme de l’intelligence est la forme de sociodicée caractéristique d’une classe dominante dont le pouvoir repose en partie sur la possession de titres qui, comme les titres scolaires, sont censés être des garanties d’intelligence et qui ont pris la place, dans beaucoup de sociétés, et pour l’accès même aux positions de pouvoir économique, des titres anciens comme les titres de propriété et les titres de noblesse. Bourdieu
Les privilégiés, prisonniers des filets qu’ils se jetaient réciproquement, se maintenaient pour ainsi dire les uns les autres dans leurs positions, même s’ils ne supportaient qu’à contre-cœur le système. La pression que les inférieurs ou les moins privilégiés exerçaient sur eux les forçait à défendre leurs privilèges. Et vice versa : la pression d’en haut engageait les désavantagés à s’en affranchir en imitant ceux qui avaient accédé à une position plus favorable ; en d’autres termes, ils entraient dans le cercle vicieux de la rivalité de rang. Celui qui avait le droit d’être de la première ‘entrée’, de tendre la chemise au roi, méprisait celui qui ne bénéficiait que de la troisième, ne voulait sous aucun prétexte lui céder, le prince se sentait supérieur au duc, le duc supérieur au marquis, et tous ensemble, en tant que membres de la ‘noblesse’, ne voulaient et ne pouvaient céder le pas aux roturiers soumis à l’impôt. Une attitude en produisait une autre ; grâce aux effets de l’action et de la réaction, le mécanisme social s’équilibrait, se stabilisait dans une sorte d’équilibre instable. Norbert Elias (La société de cour)
Louis XIV est si complètement identifié à la position qu’il occupe dans le champ de gravitation dont il est le soleil qu’il serait aussi vain d’essayer de déterminer ce qui, entre toutes les actions survenant dans le champ, est ou n’est pas le produit de sa volonté que de faire la part, dans une musique, de ce qui est produit par le chef d’orchestre et de ce qui est le fait des musiciens. Sa volonté de dominer elle-même est le produit du champ qu’elle domine et qui fait tourner toute chose à son profit. (…) Ainsi, un «Etat» qui est devenu le symbole. (…) Le roi ne s’en tient pas simplement à l’ordre hiérarchique transmis par ses prédécesseurs. L’étiquette lui laisse une certaine marge de manœuvre, dont il se sert pour déterminer la part de prestige de chacun, même dans les affaires de peu d’importance. Il tire profit des aménagements psychologiques qui reflètent les structures hiérarchiques et aristocratiques de la société ; il tire profit de la rivalité des hommes de cour, toujours en quête de prestige et de faveurs, pour modifier, grâce à un dosage savant de ses marques de faveur, le rang et la considération des membres de la société de cour en fonction des nécessités de son pouvoir, pour créer des tensions internes et déplacer à son gré les centres d’équilibre» de l’absolutisme et qui présente au plus haut degré, pour le monarque absolu lui-même («L’Etat, c’est moi»), le plus directement intéressé à cette représentation, les apparences de l’Appareil, dissimule en réalité un champ de luttes dans lequel le détenteur du «pouvoir absolu» doit lui- même s’engager au moins assez pour entretenir les divisions et les tensions, c’est-à-dire le champ lui-même, et pour mobiliser l’énergie engendrée par l’équilibre des tensions. Le principe du mouvement perpétuel qui agite le champ ne réside pas dans quelque premier moteur immobile, -ici le Roi Soleil-, mais dans la lutte même qui, produite par les structures constitutives du champ, en reproduit les structures, les hiérarchies. Il est dans les actions et les réactions des agents qui, à moins de s’exclure du jeu, et de tomber dans le néant, n’ont pas d’autre choix que de lutter pour maintenir ou améliorer leur position dans le champ, c’est-à-dire pour conserver ou augmenter le capital spécifique qui ne s’engendre que dans le champ, contribuant ainsi à faire peser sur tous les autres les contraintes, souvent vécues comme insupportables, qui naissent de la concurrence. Bref, nul ne peut tirer profit du jeu, pas même ceux qui le dominent, sans s’engager dans le jeu, sans se prendre au jeu : c’est dire qu’il n’y aurait pas de jeu sans la croyance au jeu et sans les volontés, les intentions, les aspirations qui animent les agents et qui, produites par le jeu, dépendent de leur position dans le jeu, et plus précisément de leur pouvoir sur les titres objectivés du capital spécifique -cela même que le roi contrôle et manipule, en jouant de la marge de jeu que lui laisse le jeu. En imputant, comme le fonctionnalisme du pire, les effets de domination à une volonté unique et centrale, on s’interdit d’apercevoir la contribution propre que les agents (dominés inclus) apportent, qu’ils le veuillent ou non, qu’ils le sachent ou non, à l’exercice de la domination au travers de la relation qui s’établit entre leurs dispositions, liées à leurs conditions sociales de production, et les attentes et les intérêts inscrits dans leurs positions au sein de ces champs de luttes que désignent sténographiquement des mots comme Etat, Eglise ou Parti. En imputant, comme le fonctionnalisme du pire, les effets de domination à une volonté unique et centrale, on s’interdit d’apercevoir la contribution propre que les agents (dominés inclus) apportent, qu’ils le veuillent ou non, qu’ils le sachent ou non, à l’exercice de la domination au travers de la relation qui s’établit entre leurs dispositions, liées à leurs conditions sociales de production, et les attentes et les intérêts inscrits dans leurs positions au sein de ces champs de luttes que désignent sténographiquement des mots comme Etat, Eglise ou Parti. La soumission à des fins, des significations ou des intérêts transcendants, c’est-à-dire supérieurs et extérieurs aux intérêts individuels, n’est pratiquement jamais l’effet d’une imposition impérative et d’une soumission consciente. Cela parce que les fins dites objectives, qui ne se dévoilent, dans le meilleur des cas, qu’après coup et du dehors, ne sont pratiquement jamais appréhendées et posées comme telles sur le champ, dans la pratique même, par aucun des agents concernés, s’agirait-il des premiers intéressés, c’est-à-dire de ceux qui auraient le plus intérêt à en faire leurs fins conscientes, les dominants. La subordination de l’ensemble des pratiques à une même intention objective, sorte d’orchestration sans chef d’orchestre, ne s’accomplit que par l’intermédiaire de l’accord qui s’instaure comme en dehors des agents et par-dessus leur tête entre ce qu’ils sont et ce qu’ils font, entre leur «vocation» subjective (ce pour quoi ils se sentent «faits») et leur «mission» objective (ce que l’on attend d’eux), entre ce que l’histoire a fait d’eux et ce que l’histoire leur demande de faire, accord qui peut s’exprimer dans le sentiment d’être bien «à leur place», de faire ce qu’ils ont à faire, et de le faire avec bonheur -au sens objectif et subjectif- ou dans la conviction résignée de ne pouvoir pas faire autre chose qui est aussi une manière, moins heureuse, bien sûr, de se sentir fait pour ce qu’on fait. Pierre Bourdieu
Les conditionnements associés a une classe particulière de conditions d`existence produisent des habitus, systèmes de dispositions durables et transposables, structures structurées prédisposées à fonctionner comme structures structurantes, c’est-à-dire en tant que principes générateurs et organisateurs de pratiques et de représentations qui peuvent être objectivement adaptées à leur but sans supposer la visée consciente de fins et la maîtrise expresse des opérations nécessaires pour les atteindre, objectivement  « réglées » et « régulières » sans être en rien le produit de l’obéissance à des règles, et, étant tout cela, collectivement orchestrées sans être le produit de l’action organisatrice d’un chef d’orchestre. Pierre Bourdieu
Dans la tradition marxiste, il y a une lutte permanente entre une tendance objectiviste qui cherche les classes dans la réalité (d’où l’éternel problème : «Combien y a-t-il de classes ? ») et une théorie volontariste ou spontanéiste selon laquelle les classes sont quelque chose que l’on fait. D’un côté, on parlera de condition de classe et de l’autre plutôt de conscience de classe. D’un côté, on parlera de position dans les rapports de production. De l’autre, on parlera de « lutte des classes », d’action, de mobilisation. La vision objectiviste sera plutôt une vision de savant. La vision spontanéiste sera plutôt une vision de militant. Pierre Bourdieu
Un des principes de la sociologie est de récuser le fonctionnalisme du pire : les mécanismes sociaux ne sont pas le produit d’une intention machiavélique ; ils sont beaucoup plus intelligents que les plus intelligents des dominants. Pierre Bourdieu
Des leurres bien faits pour détourner des lieux du gouvernement invisible des puissants … Des textes produits dans le plus grand secret, délibérément obscurs et édictant des mesures à effet retard, pareil à des virus informatiques, préparent l’avènement d’une sorte de gouvernement mondial invisible au service des puissances économiques dominantes …. Pierre Bourdieu
Les grandes firmes multinationales et leurs conseils d’administrations internationaux, les grandes organisations internationales, OMC, FMI et Banque mondiale aux multiples subdivisions désignées par des sigles et des acronymes compliqués et souvent imprononçables, et toutes les réalités correspondantes, commissions et comités de technocrates non élus, peu connus du grand public, bref, tout ce gouvernement mondial qui s’est en quelques années institué et dont le pouvoir s’exerce sur les gouvernements nationaux eux-mêmes, est une instance inaperçue et inconnue du plus grand nombre. Cette sorte de Big Brother invisible, qui s’est doté de fichiers interconnectés sur toutes les institutions économiques et culturelles, est déjà là, agissant, efficient, décidant de ce que nous pourrons manger ou ne pas manger, lire ou ne pas lire, voir ou ne pas voir à la télévision et au cinéma, et ainsi de suite (…). A travers la maîtrise quasi absolue qu’ils détiennent sur les nouveaux instruments de communication, les nouveaux maîtres du monde tendent à concentrer tous les pouvoirs, économiques, culturels et symboliques, et ils sont ainsi en mesure d’imposer très largement une vision du monde conforme à leurs intérêts. Pierre Bourdieu
Un véritable gouvernement mondial invisible, inaperçu et inconnu en tout cas du plus grand nombre, dont le pouvoir s’exerce sur les gouvernements nationaux eux-mêmes. Cette sorte de Big Brother, qui s’est doté de fichiers interconnectés sur toutes les institutions économiques et culturelles, est déjà là, agissant, efficient, décidant de ce que nous pourrons manger ou ne pas manger, lire ou ne pas lire, voir ou ne pas voir à la télévision ou au cinéma, et ainsi de suite. (…) A travers le pouvoir presque absolu qu’ils détiennent sur les grands groupes de communication, c’est-à-dire l’ensemble des instruments de production et de diffusion des biens culturels, les nouveaux maîtres du monde tendent à concentrer tous les pouvoirs, économiques, culturels et symboliques qui, dans la plupart des sociétés, étaient restés distincts, voire opposés, et ils sont ainsi en mesure d’imposer très largement une vision du monde conforme à leurs intérêts. Pierre Bourdieu (« La culture est en danger », 2000)
Dans les années 1990, en France, l’air du temps a entretenu – Taguieff l’a bien montré – une forte disposition au conspirationnisme. C’est aussi l’époque où Bourdieu est devenu un maître à penser pour une gauche radicale qui, souvent, l’a peu ou mal lu, et n’en retient que ce qui la caresse dans le sens du poil. Le motif conspirationniste – il faut insister sur ce point – est finalement très marginal dans l’œuvre de Bourdieu, n’apparaissant que rarement et tardivement, dans des textes d’intervention politique. Ses travaux les plus tardifs et les plus politisés sont aussi, à l’évidence, les plus faibles dans son œuvre de sociologue qui, heureusement, possède une force que ne soupçonnent guère, semble-t-il, ceux qui ne connaissent – si tant est qu’ils le connaissent – que le Bourdieu ‘‘militant’’. Ce n’est bien sûr pas un hasard si le conspirationnisme apparaît dans ces travaux-là : car c’est avant tout une grosse faiblesse, à la fois intellectuelle et psychique. Ne réduisons donc pas Bourdieu à ce moment d’égarement.  Nathalie Heinich
Le dérèglement climatique dont les capitalistes, qui ont pillé les ressources naturelles pour s’enrichir, sont les seuls responsables, constitue leur ultime arme pour éliminer la partie la plus pauvre de l’humanité devenue inutile à l’heure des robots et de l’automatisation généralisée. L’intelligence artificielle régnera alors sur une planète au service des riches survivants, une fois que les ouragans, tempêtes, inondations et incendies gigantesques auront fait le sale boulot. C’est ce qui explique que les émissions de gaz à effet de serre augmentent toujours plus et que les milliardaires du monde entier se construisent des bunkers hautement sécurisés. Nous ne sommes pas dans le même bateau ! Monique Pinçon-Charlot et Michel Pinçon (CNRS, 2019)
Mon curseur politique est simple, c’est celui de la révolution. Celui qui soutient le peuple qui veut se soulever contre ses maîtres est à gauche. A droite, il y a la défense des privilèges. Etienne Chouard
De grands médias et des politiciens de métier sont en train d’essayer de faire de moi un « Soralien », ce qui leur permettrait de discréditer d’un coup, sans argument de fond, la proposition ultra-démocratique de processus constituant populaire que je défends depuis dix ans. (…) Un jour, il y a trois ans je pense, je suis tombé sur une vidéo de Soral, que je ne connaissais pas, qui m’a intéressé : il y dénonçait le colonialisme raciste du gouvernement israélien et le sionisme comme idéologie de conquête, aux États-Unis mais aussi en France (en s’appuyant sur les livres — bouleversants — d’Israël Shahak, de Shlomo Sand, de Gilad Atzmon et d’autres que nous devrions tous lire, je pense). Pour moi qui travaille sur les abus de pouvoir, il est naturel d’être intéressé par toute étude d’un projet de domination, quel qu’il soit. En regardant un peu son site, j’ai vu qu’il étudiait, condamnait et résistait (comme moi), entre autres, à l’Union européenne, au capitalisme, à l’impérialisme, au colonialisme, au racisme, aux communautarismes, aux multinationales, aux complexes militaro-industriels et aux grandes banques d’affaires, à la prise de contrôle des grands médias par les banques et par les marchands d’armes, au libre-échange et au sabotage monétaire, aux innombrables et scandaleuses trahisons des élites, à toutes les guerres, à toutes les réductions des libertés publiques justifiées par la « lutte contre le terrorisme », etc. Bref, tous ces fronts de résistance étant, à mon avis, des fronts de gauche, et même de gauche radicale et vraie, j’ai ajouté naturellement un lien sur ma page d’accueil vers le site de Soral. Un lien, parmi des milliers — je ne savais pas encore que cela allait faire de moi, en quelques années, un homme à abattre. Je n’ai pas fait l’exégèse de l’auteur et du site signalés : j’ai juste cité le lien déniché, comptant comme d’habitude sur l’intelligence des gens — que je considère comme des adultes — pour distinguer ce qui y est pertinent de ce qui ne l’est pas, ce qui est bon de ce qui est mauvais. Et puis, je suis passé à autre chose, évidemment ; ma vie est une course permanente d’une idée à l’autre. À partir de ce moment, j’ai reçu des accusations violentes et des injonctions — souvent anonymes — à retirer ce lien, jugé diabolique. Or, j’ai horreur qu’on m’impose ce que je dois penser ou dire ; je veux bien changer d’avis (j’aime découvrir que je me trompe et progresser en changeant d’opinion), mais il ne suffit pas d’affirmer que je me trompe, même en criant que je suis un fasciste (sic), il faut me le prouver. Et si on veut me forcer à retirer un lien, il y a toutes les chances pour que je m’obstine (bêtement, je sais). (…) Pour revenir à Soral, j’ai rapidement compris qu’il n’est pas du tout un démocrate, évidemment : il est autoritaire et il défend une idéologie autoritaire, au strict opposé de ce que je défends moi. Je ne veux pas plus de sa « dictature éclairée » que de n’importe quelle dictature, évidemment. Mais malgré cela, une partie de son analyse du monde actuel (et non pas ses projets de société) me semble utile, objectivement, pour mon projet à moi, de compréhension des abus de pouvoir et de constituante populaire. Donc, pour ma part, je ne monte pas en épingle ce qui me déplaît chez Soral, je prends ce qui m’intéresse (les infos sur les fronts de gauche et sur la résistance au sionisme) et je laisse le reste, comme l’adulte libre de penser et de parler que je suis. On reproche à Soral un antisémitisme intense et assumé. Pourtant, quand on lui demande « êtes-vous antisémite ? », Soral répond « NON, dans le vrai sens du mot c’est-à-dire raciste ». Et il souligne aussitôt que le mot « antisémite », avec des guillemets, a progressivement changé de sens pour servir aujourd’hui de bouclier anti-critiques (ce que Mélenchon dénonce lui aussi, amèrement, avec raison et courage, je trouve, en appelant cette calomnie systématique « le rayon paralysant du CRIF ») : dans ce nouveau sens, complètement dévoyé, « antisémite » sert à qualifier tous ceux (même ceux qui ne sont ABSOLUMENT PAS racistes) qui critiquent et condamnent la politique — elle, officiellement raciste et criminelle — du gouvernement israélien (critiques d’un racisme qui sont donc un antiracisme). C’est ce nouveau sens seulement que Soral assumait, en martelant, en substance : « j’en ai marre de ce chantage à « l’antisémitisme » et de ces intimidations permanentes de la part d’ultra-racistes qui osent accuser de racisme des résistants à leur racisme ». Je trouve que ça se défend très bien, si on arrive à tenir le cap de l’humanisme, c’est-à-dire à ne pas devenir soi-même raciste en réaction à un racisme premier : il est essentiel, je pense, de ne pas devenir antisémite en réaction au sionisme : il ne faut surtout pas s’en prendre à tous les juifs au motif que certains sionistes seraient odieux et dangereux. Or, tout récemment, j’ai découvert dans une publication de Soral des propos terribles et dangereux qui me conduisent à changer d’avis sur la portée du lien que j’ai mis sur mon site. Dans une vidéo en direct de juin 2014 (1 minute, à partir de 47:54), Soral dit les mots suivants, que je n’avais jamais entendus de lui avant, et qui me choquent tous profondément : [Bon, j’ai commencé à transcrire, mais j’ai honte de seulement écrire des trucs pareils… Donc, j’arrête. Je vous laisse lire le lien si ça vous chante.] Je ne peux évidemment pas valider une parole pareille, froidement raciste, sexiste, autoritaire. Je n’avais jamais vu Soral parler comme ça. C’est un peu comme un désaveu, parce que je l’ai entendu maintes fois jurer qu’il n’était pas antisémite. Alors, je cède, je reconnais que me suis trompé, en publiant un lien sans mise en garde : il y a un risque d’escalade des racismes. Ce mélange de lutte légitime et courageuse contre de redoutables projets de domination (résistance qui m’intéresse toujours et dont je ne me désolidarise pas), avec un sexisme, une homophobie, et maintenant un antisémitisme assumés (qui me hérissent vraiment), ce mélange est toxique. Stop. Et puis, je n’arrive plus à m’occuper de nos ateliers constituants : on nous interpelle sans arrêt sur notre prétendue identification à Soral, et la violence des échanges qui s’en suivent partout me désespère ; j’en ai assez, il faut faire quelque chose pour marquer une différence, une limite : je supprime le lien de mon site vers Soral. Désormais, je ferai le filtre, en évoquant moi-même les auteurs que je trouve utiles, comme Shlomo Sand, Jacob Cohen, Bernard Lazare, Israël Shahak, Gilad Atzmon, Norman Finkelstein, Gideon Levy, Mearsheimer et Walt, Éric Hazan, etc. En conclusion, j’insisterai sur l’essentiel : à mon avis, tous ces reproches sont montés en épingle de mauvaise foi par les professionnels de la politique pour entretenir une CONFUSION entre les vrais démocrates et « l’extrême droite » ; confusion qui leur permet de se débarrasser des vrais démocrates à bon compte, sans avoir à argumenter. Étienne Chouard (28.11.2014)
Je vais donc remettre un lien, différent, commenté, vers E&R, que je considère comme un portail utile pour comprendre et résister à certains abus de pouvoir terribles, même s’il est évidemment très critiquable par certains côtés (comme tout le monde) ; je reviens donc à ma position ouverte d’avant-hier, que je tiens depuis des années : il faut que chacun se forge une opinion en adulte, et une vraie démocratie doit laisser une place aux non démocrates. Et pour les ulcérés, faut quand même pas charrier, ce n’est qu’un lien suggéré, pas du tout une identité, une allégeance ou une caution : je ne suis pas « soralien », je cherche à RENDRE POSSIBLE UN MONDE VRAIMENT COMMUN, je ne suis pas « complaisant avec le fascisme » que je combats du mieux que je peux, en conscience, librement, à ma façon, et je vous pense tous libres de penser. Soyez gentils de ne pas tout surinterpréter, tâchez de modérer. Vous savez maintenant ce que je pense de l’antisémitisme et du racisme : je les considère comme des fléaux, une honte pour l’humanité. Mais je pense que les combattre en traitant les gens de « racistes » comme si c’était leur nature, et en leur coupant la parole (comme on coupe une tête), c’est croire éteindre un incendie en jetant de l’essence sur les flammes. Etienne Chouard (29.11.2014)
Inconnu de la plupart des Français, le militant politique est devenu en une grosse dizaine d’années une des étoiles de la contre-culture politique sur Internet. Sa notoriété remonte à 2005, au moment de la campagne référendaire sur le Traité constitutionnel européen (TCE). Âgé de 48 ans, Etienne Chouard est alors un anonyme prof de lycée à Marseille, électeur sans grande conviction du Parti socialiste (PS). Happé par les débats autour du TCE, il se décide à analyser de près le projet de nouveau traité européen, et en tire une tribune percutante, publiée sur son blog, qui dénonce le projet comme un « secret cancer de notre démocratie ». Fouillé, argumenté, offensif voire excessif, le texte est partagé en masse et se répand comme la poudre. Etienne Chouard devient, à sa propre surprise, un des chefs de file discrets du camp du « non », qui triomphe au référendum. Il change de dimension. Le professeur se fait penseur et militant : lui qui ne s’y était jamais intéressé dévore des milliers de livres sur la politique et économique, partage ses réflexions sur son blog, donne des conférences. Il forme autour de lui une communauté de fidèles qui répandent ses idées, surnommés les « gentils virus ». Chantre de l’éducation populaire, Etienne Chouard élabore de bric et de broc sa propre doctrine politique. Au centre de sa réflexion, la nécessité d’un « processus constituant ». D’après lui, l’origine des maux de nos sociétés est inscrite dans la Constitution : en laissant le soin aux « responsables politiques, aux mains des grands marchands », de « l’écrire à notre place », nous (c’est-à-dire les 99% de moins riches) leur (les 1%) avons cédé le pouvoir. Dans la pensée de Chouard, toutes les dérives du capitalisme financier (inégalités, pauvreté, disparition des services publics, destruction de l’écosystème) sont reliées à ce péché originel : confier le pouvoir à des représentants, acte qui équivaudrait immanquablement à en priver le peuple. (…) Afin d’y remédier, le blogueur exclut logiquement toute élection : il veut former une assemblée constituante tirée au sort, qui définirait par la discussion collective des nouvelles institutions. Celles-ci devraient faire la part belle à la démocratie directe : les responsables seraient tirés au sort, pourraient être révoqués à tout moment, et le peuple prendrait lui-même l’initiative d’écrire les lois… grâce au RIC, évidemment. (…) En attendant cette révolution pacifique, le blogueur s’est attaché à appliquer ses principes au niveau local, en organisant des « ateliers constituants » destinés à faire de simples citoyens des « adultes politiques », souverains et capables de penser le bien commun. Influencé par la pensée anarchiste, il se définit comme un démocrate radical, persuadé que le peuple est « capable de mener lui-même ses affaires » ; convaincu de la nature intrinsèquement bonne des humains, Etienne Chouard est convaincu que « si on prend les décisions ensemble à la majorité, ce ne seront pas les quelques affreux, égoïstes, violents, méchants, qui sont minoritaires, qui vont faire la loi. » A cette pensée politique, le sexagénaire adjoint des idées économiques radicalement opposées au libéralisme de l’Union Européenne. Dénonçant le statut de la Banque centrale européenne, Chouard affirme que « le premier privilège est celui pour un petit nombre de créer la monnaie », et que « les peuples qui ont perdu, renoncé à la création monétaire publique ont perdu en même temps leur souveraineté politique. La création monétaire est actuellement entre les mains des banquiers. » Invité de l’émission de Frédéric Taddeï Ce soir ou jamais en 2014, Etienne Chouard s’y livre à une longue tirade, très partagée sur Internet, qui synthétise ses idées. Elle lui permet d’accroître encore sa notoriété (…) Détournement de la démocratie, désir de représentation des idées populaires, impuissance du politique face aux grands intérêts économiques : les thèmes développés par Etienne Chouard depuis 13 ans sont en parfaite concordance avec le mouvement des gilets jaunes. Il n’est donc pas très étonnant de voir le blogueur, abondamment cité sur les rond-points par des gilets jaunes ayant formé leur réflexion politique sur Internet, soutenir le mouvement et s’afficher à ses côtés. Jacline Mourand, l’une des têtes d’affiches, l’a spontanément mentionné comme influence clé auprès de Marianne. Le 4 décembre, à Saint-Claire du Rhône (Isère), il a tenu une réunion publique sur le RIC en compagnie de plusieurs gilets jaunes, dont Maxime Nicolle, alias « Fly Rider », un autre leader. Mais Etienne Chouard, ce n’est pas que la démocratie directe et la critique des banques. Entre 2005 et aujourd’hui, dans sa volonté effrénée de dialogue avec tous les pans de la société, le professeur a frayé avec de nombreuses figures controversées… sans s’en détacher clairement, et parfois en les soutenant ouvertement. Ainsi, le 9 décembre 2007, Etienne Chouard conseille sur son blog le visionnage d’un « entretien passionnant » entre Thierry Meyssan (écrivain et diffuseur privilégié de théories du complot concernant le 11 septembre 2001) et l’essayiste Alain Soral, connu pour sa vision conspirationniste et violemment antisémite du monde. Ce dernier, qu’il rencontre en chair et en os dans les années 2010, ne va plus cesser d’empoisonner la réputation d’Etienne Chouard : incapable de s’en détacher clairement, le blogueur s’est longtemps montré d’une complaisance incompréhensible avec ce pamphlétaire virulent, condamné par la justice à de multiples reprises pour injures antisémites ou incitation à la haine raciale. Récusant les propos de Soral concernant les homosexuels et les féministes, Chouard ne le situe pas moins dans L’Express en 2014 comme « à gauche parce qu’il se bat contre les privilèges », et indique qu’il l’a « rendu sensible » à la problématique du sionisme. Les qualificatifs élogieux pleuvent : « courageux », « résistant », « lanceur d’alerte qui proteste contre l’ordre établi »… Comme un renvoi d’ascenseur, Etienne Chouard est alors mis régulièrement en valeur sur Egalité et Réconciliation (E&R), le site internet qui promeut les idées d’Alain Soral. Culture libre, une association dont l’animateur est un responsable local d’E&R, diffuse et commercialise même certaines des conférences de Chouard. Iconoclaste ou sulfureux, Etienne Chouard brouille en tout cas tous les repères politiques traditionnels : originellement identifié dans les rangs de la gauche radicale, il s’affiche avec des personnalités de l’autre versant : conférence commune sur les Lumières avec Marion Sigaut, militante d’E&R, en novembre 2012. Proximité avec François Asselineau, candidat souverainiste à la présidentielle de 2017 (Chouard a finalement voté pour Jean-Luc Mélenchon) et fondateur de l’Union populaire républicaine (UPR). Il conseille aussi des lectures pour le moins curieuses aux visiteurs de son blog – notamment les ouvrages du conspirationnistes Antony C. Sutton et du négationniste Eustace Mullins. Chouard défend son éthique politique : la volonté de se situer en dehors des clivages partisans et des critères de respectabilité édictés par le mainstream. « Cela fait douze ans que je travaille, parle en public, réfléchis aux pouvoirs et abus de pouvoir ; que je cherche à mettre un processus constituant qui, à mon avis, doit intégrer tout le monde », argumente le prof de gestion, bien décidé à n’exclure personne tout en enjambant le clivage gauche-droite. Mais il ne s’est pas contenté de discuter : au fil des années, les contacts avec la sphère « dissidente » ont semblé infuser dans les analyses d’Etienne Chouard. Dans un entretien vidéo en 2014, il qualifie l’Union européenne de « projet fasciste », et applaudit la manière dont Alain Soral « dénonce le colonialisme guerrier du sionisme, explique que le sionisme est un projet colonial, raciste, militaire (…) ». Ses développements s’apparentent fréquemment au complotisme : on y trouve les mêmes méthodes d’analyse, trouvant dans un grand complot ourdi par les plus riches l’unique explication des malheurs du monde, élaborant des chaînes d’équivalence bancales mais définitives, faisant référence à des faits historiques parfois obscurs (notamment la création de la banque d’Angleterre en 1694) mais considérés comme capitaux… Etienne Chouard a également une manière bien à lui de définir le fascisme : dans un entretien avec le média Internet La Mutinerie, il explique refuser de « lyncher untel ou untel parce qu’il est fasciste, parce qu’il est d’extrême droite ». D’après lui, on commet une erreur en utilisant le vocable ‘fasciste’ pour « désigner ceux qui ont un avis non conforme sur les étrangers, sur la peine de mort, sur l’avortement, sur la religion catholique, sur la nation. » Les vrais fascistes ? Ce sont « les grands propriétaires, les possédants, les ultra-privilégiés, qui veulent bien de la République quand les élections leur donnent tout le pouvoir. Ils se montrent comme fascistes et d’extrême droite quand ils sentent qu’ils vont perdre les élections. C’est les 1% contre les 99%. C’est ça l’extrême droite. » Une classification qui permet notamment à Chouard de ranger le Parti socialiste dans le camp du fascisme… A sa manière, Etienne Chouard est parfaitement représentatif des « gentils virus » qui le soutiennent : comme eux, il a construit sa culture politique sur le tas. Sur Internet et dans les livres plutôt que par l’intermédiaire de professeurs dispensant un savoir officiel. (…) Résultat : les constructions idéologiques traditionnelles sont totalement brouillées. Dans cette « culture YouTube », faite de liberté et de désordre, on a parfois l’impression que tout ce qui se situe en dehors du mainstream est adoubé par principe comme faisant partie du combat pour la démocratie. (…) Dans une longue analyse publiée en 2013, où il était déjà accusé de complaisances avec Etienne Chouard, François Ruffin livrait une lecture similaire, qualifiant la « construction idéologique » du blogueur, bâtie « en accéléré, de bric et de broc, comme tout le monde », de « bien récente, bien fragile, bien confuse ».  Ces errances ont valu de nombreuses excommunications à Chouard, faisant souvent suite à des pressions exercées par des groupes antifascistes. Comme en novembre 2012, où les cinémas Utopia et le Front de gauche annulent la venue du blogueur à une projection, après avoir découvert que le site de Chouard mentionnait dans sa liste de liens le Réseau Voltaire ainsi qu’Egalité & Réconciliation. Un an plus tard survient la première explication avec François Ruffin, que le fondateur de Fakir a donc relatée sur le site de son journal, qui venait alors de faire la promotion de la pièce de théâtre d’Etienne Chouard, La dette expliquée à mon banquier. Après une première rencontre peu productive en 2009, Ruffin aborde frontalement la question de l’antisémitisme d’Alain Soral avec Chouard, qui se borne alors à répondre que l’auteur de Comprendre l’empire évoque l’antisionisme, refuse de « trier selon les appartenances politiques » et affirme sa volonté de « toucher tout le monde de gauche à droite ». Finalement, Ruffin tiendra encore un dialogue avec Etienne Chouard, sans parvenir à se mettre tout à fait d’accord avec lui, mais indiquant qu’il se sent « davantage son ‘ami’, un peu, pas trop mais un peu, après ces échanges. » (…) En novembre 2014, Etienne Chouard s’est nettement éloigné du penseur d’extrême droite. Faisant le constat des « accusations violentes » reçues après avoir posté le lien d’E&R sur son blog, le militant écrivait avoir « rapidement compris que [Soral] n’est pas du tout un démocrate », mais estimait que « une partie de son analyse du monde actuel » lui semblait « utile ». Abordant enfin la question de l’antisémitisme, Chouard regrette que l’injure « antisémite » serve trop souvent « à qualifier tous ceux (même ceux qui ne sont absolument racistes) qui critiquent et condamnent la politique — elle, officiellement raciste et criminelle — du gouvernement israélien ». Mais il se rend enfin à l’évidence, après avoir découvert une vidéo accablante datée de juin 2014, dans laquelle Soral tient « des propos terribles et dangereux ». Reconnaissant s’être « trompé en publiant un lien sans mise en garde », Chouard retire le lien d’E&R de son site, dénonçant un « mélange toxique » entre une « lutte légitime et courageuse contre de redoutables projets de domination » et « un sexisme, une homophobie, et maintenant un antisémitisme assumés ». Et aujourd’hui ? A franceinfo, il assure qu’il refuse désormais les invitations d’E&R et a coupé tous les liens avec son leader, tout en objectant : « Le danger pour la société humaine, ça n’est pas Soral ! On n’en a rien à foutre de ces mecs-là, ils ne représentent que des groupuscules ». Il a également publié une nouvelle note de blog ce jeudi 20 décembre, dans laquelle il assure que depuis son billet de 2014, il « ne parle jamais de Soral, absolument jamais, et que, par contre, tous ceux qui [l’]accusent de le fréquenter (ce qui n’est pas vrai), eux, en parlent tout le temps… » Populaire et controversée, la figure d’Etienne Chouard illustre à sa manière les clivages qui minent la France insoumise en interne. Certains, adeptes d’une stratégie « populiste », estiment que LFI a vocation a s’adresser à des figures qui transcendent son électorat traditionnel de gauche radicale, devenu très minoritaire – sans forcément aller jusqu’à prôner un dialogue régulier avec Etienne Chouard. D’autres, qui défendent plutôt une union de la gauche, sont partisans d’un strict « cordon sanitaire » et jugent que LFI se compromettrait en approchant des figures n’étant pas clairement identifiées sur le spectre politique. Les deux conceptions ont leurs raisons d’être, et également leurs dérives. A vouloir ratisser trop large pour ne pas s’enfermer à gauche, on court ainsi le risque de s’acoquiner avec des personnalités a priori peu compatibles avec le « nouvel humanisme » défendu par Jean-Luc Mélenchon ; de l’autre côté, en cherchant à excommunier tous ceux qui ne s’identifient pas à la gauche, la base se rétrécit, et ceux qui cherchent à dialoguer avec d’autres reçoivent des anathèmes insensés. Autre lecture possible : François Ruffin, qui donne des gages à l’une ou l’autre des deux options à intervalles réguliers, a tout simplement pris acte du fait que s’agissant du référendum d’initiative citoyenne, Etienne Chouard est devenu en France une référence incontournable. Qu’on l’apprécie ou non. Hadrien Mathoux (Marianne)
Pendant toutes les années du mitterrandisme, nous n’avons jamais été face à une menace fasciste, donc tout antifascisme n’était que du théâtre. Nous avons été face à un parti, le Front National, qui était un parti d’extrême droite, un parti populiste aussi, à sa façon, mais nous n’avons jamais été dans une situation de menace fasciste, et même pas face à un parti fasciste. D’abord le procès en fascisme à l’égard de Nicolas Sarkozy est à la fois absurde et scandaleux. Je suis profondément attaché à l’identité nationale et je crois même ressentir et savoir ce qu’elle est, en tout cas pour moi. L’identité nationale, c’est notre bien commun, c’est une langue, c’est une histoire, c’est une mémoire, ce qui n’est pas exactement la même chose, c’est une culture, c’est-à-dire une littérature, des arts, la philo, les philosophies. Et puis, c’est une organisation politique avec ses principes et ses lois. Quand on vit en France, j’ajouterai : l’identité nationale, c’est aussi un art de vivre, peut-être, que cette identité nationale. Je crois profondément que les nations existent, existent encore, et en France, ce qui est frappant, c’est que nous sommes à la fois attachés à la multiplicité des expressions qui font notre nation, et à la singularité de notre propre nation. Et donc ce que je me dis, c’est que s’il y a aujourd’hui une crise de l’identité, crise de l’identité à travers notamment des institutions qui l’exprimaient, la représentaient, c’est peut-être parce qu’il y a une crise de la tradition, une crise de la transmission. Il faut que nous rappelions les éléments essentiels de notre identité nationale parce que si nous doutons de notre identité nationale, nous aurons évidemment beaucoup plus de mal à intégrer. Lionel Jospin (France Culture, 29.09.07)
Les territoires populistes sont toujours les mêmes, l’Amérique périphérique, l’Europe périphérique. Ce sont toujours ces territoires où l’on créé le moins d’emplois qui produisent ces résultats : les petites villes, les villes moyennes désindustrialisées et les zones rurales. La difficulté est intellectuelle pour ce monde d’en haut ; les politiques, les journalistes, les universitaires etc… Il faut penser deux choses à la fois. Objectivement, nous avons une économie qui créée de la richesse, mais ce modèle fonctionne sur un marché de l’emploi très polarisé, et qui intègre de moins en moins et créé toujours plus d’inégalités sociales et territoriales C’est ce qui a fait exploser ce clivage droite gauche qui était parfait, aussi longtemps que 2 Français sur 3 faisaient partie de la classe moyenne. Si on n’intègre pas les gens économiquement, ils se désaffilient politiquement. (…) C’est là où il y a le plus de chômage, de pauvreté, d’ouvriers, et le plus de gens qui votent FN. (…) Aujourd’hui les classes populaires ne vivent plus aux endroits où se créent les emplois et la richesse. Le marché de l’immobilier s’est chargé, non pas dans une logique de complot, évidemment, mais dans une simple logique de marché, de chasser les catégories dont le marché de l’emploi n’avait pas besoin. Ces gens se trouvent déportés vers les territoires où il ne se passe rien. Or, les élites n’ont de cesse de parier sur la métropolisation, il est donc nécessaire que s’opère une révolution intellectuelle. Il serait peut-être temps de penser aux gens qui ne bénéficient pas de ces dynamiques, si on ne veut pas finir avec un parti populiste en 2022. (…) Tout le bas ne peut pas être représenté que par le Front national. Il faut que les partis aillent sur ces thématiques. Il y a toujours eu un haut et un bas, et des inégalités, la question est qu’il faut que le haut soit exemplaire pour le bas, et qu’il puisse se connecter avec le bas. Il faut que le « haut » intègre les problématiques du « bas » de façon sincère. C’est exactement ce qui s’était passé avec le parti communiste, qui était composé d’une base ouvrière, mais aussi avec des intellectuels, des gens qui parlaient « au nom de ». Aujourd’hui c’est la grande différence, il n’y a pas de haut qui est exemplaire pour le bas. La conséquence se lit dans le processus de désaffiliation et de défiance des milieux populaires dans la France périphérique mais aussi en banlieue. Plus personne n’y croit et c’est cela l’immense problème de la classe politique, des journalistes etc. et plus généralement de la France d’en haut. Ces gens-là considèrent que le diagnostic des gens d’en bas n’est pas légitime. Ce qui est appelé « populisme ». Et cela est hyper fort dans les milieux académiques, et cela pèse énormément. On ne prend pas au sérieux ce que disent les gens. Et là, toute la machinerie se met en place. Parce que l’aveuglement face aux revendications des classes populaires se double d’une volonté de se protéger en ostracisant ces mêmes classes populaires. La posture de supériorité morale de la France d’en haut permet en réalité de disqualifier tout diagnostic social. La nouvelle bourgeoisie protège ainsi efficacement son modèle grâce à la posture antifasciste et antiraciste. L’antifascisme est devenu une arme de classe, car elle permet de dire que ce racontent les gens n’est de toute façon pas légitime puisque fasciste, puisque raciste. La bien-pensance est vraiment devenue une arme de classe. Notons à ce titre que dans les milieux populaires, dans la vie réelle les gens, quels que soient leurs origines ne se parlent pas de fascisme ou d’antifascistes, ça, ce n’est qu’un truc de la bourgeoisie. Dans la vie, les gens savent que tout est compliqué, et les gens sont en réalité d’une hyper subtilité et cherchent depuis des décennies à préserver leur capital social et culturel sans recourir à la violence. Le niveau de violence raciste en France reste très bas par rapport à la situation aux États Unis ou au Royaume Uni. Cette posture antifasciste, à la fin, c’est un assèchement complet de la pensée. Plus personne ne pense la question sociale, la question des flux migratoires, la question de l’insécurité culturelle, celle du modèle économique et territorial. Mais le haut ne pourra se régénérer et survivre que s’il parvient à parler et à se connecter avec le bas. (…) Cela implique que les partis intègrent toutes ces questions ; mondialisation, protectionnisme, identité, migrations etc… On ne peut pas traiter ces questions derrière le masque du fascisme ou de l’antifascisme. Christophe Guilluy
Faire passer les classes moyennes et populaires pour « réactionnaires », « fascisées », « pétinisées » est très pratique. Cela permet d’éviter de se poser des questions cruciales. Lorsque l’on diagnostique quelqu’un comme fasciste, la priorité devient de le rééduquer, pas de s’interroger sur l’organisation économique du territoire où il vit. L’antifascisme est une arme de classe. Pasolini expliquait déjà dans ses Écrits corsaires que depuis que la gauche a adopté l’économie de marché, il ne lui reste qu’une chose à faire pour garder sa posture de gauche : lutter contre un fascisme qui n’existe pas. C’est exactement ce qui est en train de se passer. (…) Il y a un mépris de classe presque inconscient véhiculé par les médias, le cinéma, les politiques, c’est énorme. On l’a vu pour l’élection de Trump comme pour le Brexit, seule une opinion est présentée comme bonne ou souhaitable. On disait que gagner une élection sans relais politique ou médiatique était impossible, Trump nous a prouvé qu’au contraire, c’était faux. Ce qui compte, c’est la réalité des gens depuis leur point de vue à eux. Nous sommes à un moment très particulier de désaffiliation politique et culturel des classes populaires, c’est vrai dans la France périphérique, mais aussi dans les banlieues où les milieux populaires cherchent à préserver ce qui leur reste : un capital social et culturel protecteur qui permet l’entraide et le lien social. Cette volonté explique les logiques séparatistes au sein même des milieux modestes. Une dynamique, qui n’interdit pas la cohabitation, et qui répond à la volonté de ne pas devenir minoritaire. (…) La bourgeoisie d’aujourd’hui a bien compris qu’il était inutile de s’opposer frontalement au peuple. C’est là qu’intervient le « brouillage de classe », un phénomène, qui permet de ne pas avoir à assumer sa position. Entretenue du bobo à Steve Jobs, l’idéologie du cool encourage l’ouverture et la diversité, en apparence. Le discours de l’ouverture à l’autre permet de maintenir la bourgeoisie dans une posture de supériorité morale sans remettre en cause sa position de classe (ce qui permet au bobo qui contourne la carte scolaire, et qui a donc la même demande de mise à distance de l’autre que le prolétaire qui vote FN, de condamner le rejet de l’autre). Le discours de bienveillance avec les minorités offre ainsi une caution sociale à la nouvelle bourgeoisie qui n’est en réalité ni diverse ni ouverte : les milieux sociaux qui prônent le plus d’ouverture à l’autre font parallèlement preuve d’un grégarisme social et d’un entre-soi inégalé. (…) Nous, terre des lumières et patrie des droits de l’homme, avons choisi le modèle libéral mondialisé sans ses effets sociétaux : multiculturalisme et renforcement des communautarismes. Or, en la matière, nous n’avons pas fait mieux que les autres pays. (…) Le FN n’est pas le bon indicateur, les gens n’attendent pas les discours politiques ou les analyses d’en haut pour se déterminer. Les classes populaires font un diagnostic des effets de plusieurs décennies d’adaptation aux normes de l’économie mondiale et utilisent des candidats ou des référendums, ce fut le cas en 2005, pour l’exprimer.  Christophe Guilluy
La question qui obsède les Corses aujourd’hui est la question qui hante toute la France périphérique et toutes les classes moyennes et populaires occidentales au XXIe siècle : « Vais-je devenir minoritaire dans mon île, mon village, mon quartier ? » C’est à la lumière de cette angoisse existentielle qu’il faut comprendre l’affaire du burkini sur la plage de Sisco, en juillet 2016, ou encore les tensions dans le quartier des Jardins de l’Empereur, à Ajaccio, en décembre 2015. C’est aussi à l’aune de cette interrogation qu’il faut évaluer le vote « populiste » lors de la présidentielle ou nationaliste aujourd’hui. En Corse, il y a encore une culture très forte et des solidarités profondes. À travers ce vote, les Corses disent : « Nous allons préserver ce que nous sommes. » Il faut ajouter à cela l’achat par les continentaux de résidences secondaires qui participe de l’insécurité économique en faisant augmenter les prix de l’immobilier. Cette question se pose dans de nombreuses zones touristiques en France : littoral atlantique ou méditerranéen, Bretagne, beaux villages du Sud-Est et même dans les DOM-TOM. En Martinique aussi, les jeunes locaux ont de plus en plus de difficultés à se loger à cause de l’arrivée des métropolitains. La question du « jeune prolo » qui ne peut plus vivre là où il est né est fondamentale. Tous les jeunes prolos qui sont nés hier dans les grandes métropoles ont dû se délocaliser. Ils sont les pots cassés du rouleau compresseur de la mondialisation. La violence du marché de l’immobilier est toujours traitée par le petit bout de la lorgnette comme une question comptable. C’est aussi une question existentielle ! En Corse, elle est exacerbée par le contexte insulaire. Cela explique que, lorsqu’ils proposent la corsisation des emplois, les nationalistes font carton plein chez les jeunes. C’est leur préférence nationale à eux. (…) La condition de ce vote, comme de tous les votes populistes, est la réunion de l’insécurité sociale et culturelle. (…) Le ressort du vote populiste est double et mêlé. Il est à la fois social et identitaire. De ce point de vue, la Corse est un laboratoire. L’offre politique des nationalistes est pertinente car elle n’est pas seulement identitaire. Elle prend en compte la condition des plus modestes et leur propose des solutions pour rester au pays et y vivre. Au-delà de l’effacement du clivage droite/gauche et d’un rejet du clanisme historique, leur force vient du fait qu’ils représentent une élite et qu’ils prennent en charge cette double insécurité. Cette offre politique n’a jamais existé sur le continent car le FN n’a pas intégré une fraction de l’élite. C’est même tout le contraire. Ce parti n’est jamais parvenu à faire le lien entre l’électorat populaire et le monde intellectuel, médiatique ou économique. Une société, c’est une élite et un peuple, un monde d’en bas et un monde d’en haut, qui prend en charge le bien commun. Ce n’est plus le cas aujourd’hui. Le vote nationaliste et/ou populiste arrive à un moment où la classe politique traditionnelle a déserté, aussi bien en Corse que sur le continent. L’erreur de la plupart des observateurs est de présenter Trump comme un outsider. Ce n’est pas vrai. S’il a pu gagner, c’est justement parce qu’il vient de l’élite. C’est un membre de la haute bourgeoisie new-yorkaise. Il fait partie du monde économique, médiatique et culturel depuis toujours, et il avait un pied dans le monde politique depuis des années. Il a gagné car il faisait le lien entre l’Amérique d’en haut et l’Amérique périphérique. Pour sortir de la crise, les sociétés occidentales auront besoin d’élites économiques et politiques qui voudront prendre en charge la double insécurité de ce qu’était hier la classe moyenne. C’est ce qui s’est passé en Angleterre après le Brexit, ce qui s’est passé aux Etats-Unis avec Trump, ce qui se passe en Corse avec les nationalistes. Il y a aujourd’hui, partout dans le monde occidental, un problème de représentation politique. Les électeurs se servent des indépendantismes, comme de Trump ou du Brexit, pour dire autre chose. Christophe Guilluy
Il faut arrêter le discours du magistère des prétentieux. Cette idée de rééducation du peuple, en lui montrant la voie, n’est pas possible. Une société, c’est une majorité de catégories modestes et l’objectif d’une démocratie, c’est de servir prioritairement ces catégories. C’est dans ce sens là qu’il faut aller. Il faut prendre ces gens au sérieux, il faut prendre en compte les diagnostics des classes populaires sur leurs souhaits d’être protégés, ce qui ne veut pas dire être assistés. Ces catégories veulent du travail, elles veulent qu’on les respecte culturellement, et ne pas se faire traiter de « déplorables » ou de sans dents » – ce qui fait partie intégrante du problème identitaire que nous avons aujourd’hui qui est le produit de ces attaques là -. (…) Les gens veulent de la protection, du travail, de la régulation économique mais aussi une régulation des flux migratoires. Je parle ici de tout le monde d’en bas, parce que la demande de régulation des flux migratoires vient de toutes les catégories modestes quelles que soient les origines. Tout le monde veut la même chose alors que lorsque les gens parlent de la question migratoire, on les place sur la question raciale, non. C’est anthropologiquement vrai pour toutes les catégories modestes, et cela est vrai partout. Dans tous les pays, les catégories modestes veulent vivre tranquillement, ce qui ne veut pas dire vivre derrière des murs, mais vivre dans un environnement que l’on connaît avec des valeurs communes. (…) Ce qui est amusant aujourd’hui, c’est qu’il y a une ethnicisation des classes moyennes – on pense blanc – cela montre bien la fin du concept qui était censé être intégrateur pour le plus grand nombre. (…) Les autoritaires ne sont pas ceux que l’on croit. Sauver les démocraties occidentales, c’est faire entendre le plus grand nombre. Christophe Guilluy
Les gens aux Etats-Unis ou ailleurs ne se sont pas réveillés un beau matin pour se tourner vers le populisme. Non, ils ont fait un diagnostic, une analyse rationnelle : est-ce que ça marche pour eux ou pas. Et, rationnellement, ils n’ont pas trouvé leur compte. Et pas que du point de vue économique. S’il y a une exception française, c’est la victoire d’Emmanuel Macron, quand partout ailleurs les populistes semblent devoir l’emporter. (…) Si Emmanuel Macron l’a emporté, c’est qu’il a reçu le soutien de la frange encore protégée de la société française que sont les retraités et les fonctionnaires. Deux populations qui ont lourdement souffert au Royaume-Uni par exemple, comme l’a traduit leur vote pro-Brexit. Et c’est bien là le drame qui se noue en France. Car, parmi les derniers recours dont dispose la technocratie au pouvoir pour aller toujours plus avant vers cette fameuse adaptation, c’est bien de faire les poches des retraités et des fonctionnaires. Emmanuel Macron applique donc méticuleusement ce programme. (…) Un autre levier, déjà mis en branle par Margaret Thatcher puis par les gouvernements du New Labour de Tony Blair, est la fin de l’universalité de la redistribution et la concentration de la redistribution. Sous couvert de faire plus juste, et surtout de réduire les transferts sociaux, on réduit encore le nombre de professeurs, mais on divise les classes de ZEP en deux, on limite l’accès des classes populaires aux HLM pour concentrer ce patrimoine vers les franges les plus pauvres, et parfois non solvables. De quoi fragiliser le modèle de financement du logement social en France, déjà mis à mal par les dernières réformes, et ouvrir la porte à sa privatisation, comme ce fut le cas dans l’Angleterre thatchérienne. (…) Partout en Europe, dans un contexte de flux migratoire intensifié, ce ciblage des politiques publiques vers les plus pauvres – mais qui est le plus pauvre justement, si ce n’est celui qui vient d’arriver d’un territoire 10 fois moins riche ? – provoque inexorablement un rejet de ce qui reste encore du modèle social redistributif par ceux qui en ont le plus besoin et pour le plus grand intérêt de la classe dominante. C’est là que se noue la double insécurité économique et culturelle. Face au démantèlement de l’Etat-providence, à la volonté de privatiser, les classes populaires mettent en avant leur demande de préserver le bien commun comme les services publics. Face à la dérégulation, la dénationalisation, elles réclament un cadre national, plus sûr moyen de défendre le bien commun. Face à l’injonction de l’hypermobilité, à laquelle elles n’ont de toute façon pas accès, elles ont inventé un monde populaire sédentaire, ce qui se traduit également par une économie plus durable. Face à la constitution d’un monde où s’impose l’indistinction culturelle, elles aspirent à la préservation d’un capital culturel protecteur. Souverainisme, protectionnisme, préservation des services publics, sensibilité aux inégalités, régulation des flux migratoires, sont autant de thématiques qui, de Tel-Aviv à Alger, de Detroit à Milan, dessinent un commun des classes populaires dans le monde. Ce soft power des classes populaires fait parfois sortir de leurs gonds les parangons de la mondialisation heureuse. Hillary Clinton en sait quelque chose. Elle n’a non seulement pas compris la demande de protection des classes populaires de la Rust Belt, mais, en plus, elle les a traités de « déplorables ». Qui veut être traité de déplorable ou, de ce côté-ci de l’Atlantique, de Dupont Lajoie ? L’appartenance à la classe moyenne n’est pas seulement définie par un seuil de revenus ou un travail d’entomologiste des populations de l’Insee. C’est aussi et avant tout un sentiment de porter les valeurs majoritaires et d’être dans la roue des classes dominantes du point de vue culturel et économique. Placées au centre de l’échiquier, ces catégories étaient des références culturelles pour les classes dominantes, comme pour les nouveaux arrivants, les classes populaires immigrées. En trente ans, les classes moyennes sont passées du modèle à suivre, l’American ou l’European way of life, au statut de losers. Il y a mieux comme référents pour servir de modèle d’assimilation. Qui veut ressembler à un plouc, un déplorable… ? Personne. Pas même les nouveaux arrivants. L’ostracisation des classes populaires par la classe dominante occidentale, pensée pour discréditer toute contestation du modèle économique mondialisé – être contre, c’est ne pas être sérieux – a, en outre, largement participé à l’effondrement des modèles d’intégration et in fine à la paranoïa identitaire. L’asociété s’est ainsi imposée partout : crise de la représentation politique, citadéllisation de la bourgeoisie, communautarisation. Qui peut dès lors s’étonner que nos systèmes d’organisation politique, la démocratie, soient en danger ? Christophe Guilluy
Qui pourrait avoir envie d’intégrer une catégorie sociale condamnée par l’histoire économique et présentée par les médias comme une sous-classe  faible, raciste, aigrie et inculte ? (…) On peut débattre sans fin de la pertinence des modèles, de la crise identitaire, de la nécessité de réaffirmer les valeurs républicaines, de définir un commun: tous ces débats sont vains si les modèles ne sont plus incarnés. On ne s’assimile pas, on ne se marie pas, on ne tombe pas amoureux d’un système de valeurs, mais d’individus et d’un mode de vie que l’on souhaite adopter. Christophe Guilluy
En 2016, Hillary Clinton traitait les électeurs de son opposant républicain, c’est-à-dire l’ancienne classe moyenne américaine déclassée, de « déplorables ». Au-delà du mépris de classe que sous-tend une expression qui rappelle celle de l’ancien président français François Hollande qui traitait de « sans-dents » les ouvriers ou employés précarisés, ces insultes (d’autant plus symboliques qu’elles étaient de la gauche) illustrent un long processus d’ostracisation d’une classe moyenne devenue inutile.  (…) Depuis des décennies, la représentation d’une classe moyenne triomphante laisse peu à peu la place à des représentations toujours plus négatives des catégories populaires et l’ensemble du monde d’en haut participe à cette entreprise. Le monde du cinéma, de la télévision, de la presse et de l’université se charge efficacement de ce travail de déconstruction pour produire en seulement quelques décennies la figure répulsive de catégories populaires inadaptées, racistes et souvent proches de la débilité. (…) Des rednecks dégénérés du film « Deliverance » au beauf raciste de Dupont Lajoie, la figure du « déplorable » s’est imposée dès les années 1970 dans le cinéma. La télévision n’est pas en reste. En France, les années 1980 seront marquées par l’émergence de Canal +, quintessence de l’idéologie libérale-libertaire dominante. (…) De la série « Les Deschiens », à la marionnette débilitante de Johnny Hallyday des Guignols de l’info, c’est en réalité toute la production audiovisuelle qui donne libre cours à son mépris de classe. Christophe Guilluy
La diabolisation vise moins les partis populistes ou leur électorat (considéré comme définitivement « perdu » aux yeux de la classe dominante) que la fraction des classes supérieures et intellectuelles qui pourrait être tentée par cette solidarité de classe et ainsi créer les conditions du changement. (…) Si l’élection de Donald Trump aux Etats-Unis a provoqué autant de réactions violentes dans l’élite mondialisée, ce n’est pas parce qu’il parle comme un « white trash » mais parce que au contraire il est issu de l’hyper-classe. En évoquant le protectionnisme ou la régulation des flux migratoires, Donald Trump brise le consensus idéologique à l’intérieur même de la classe dominante. Il contribue ainsi à un basculement d’une fraction des classes supérieures qui assurent la survie du système. Le 45e président n’a pas gagné parce qu’il a fait le plein de voix dans la « white working class » mais parce qu’il a réalisé l’alliance improbable entre une fraction du monde d’en haut et celui de l’Amérique périphérique. La prise de conscience des réalités populaires par une fraction de l’élite est un vrai risque, elle peut se réaliser à tout moment, dans n’importe quel pays ou région. Christophe Guilluy
Il n’y a aucun complot. Les métropoles ne sont pas un bras armé, mais simplement l’application aux territoires du modèle économique mondialisé et de la loi du marché. Et la loi du marché bénéficie, comme cela a toujours été le cas, à la bourgeoisie. La seule courbe des prix de l’immobilier suffit à le démontrer. Un ouvrier qui économiserait chaque mois 100 euros pour acheter un logement mettrait une vie entière pour acquérir 10 m2 à Paris. [« La société ouverte »] C’est l’autre nom de loi du marché. Les métropoles sont des citadelles imprenables. Elles érigent, grâce à l’argent,  des murs d’enceintes bien plus solides que ceux du moyen âge. Un discret entre soi et un grégarisme social fonctionnent aussi à plein. Cette tendance est renforcée par un mode de vie respectueux de l’environnement qui, in fine, renforce la gentrification. La fermeture des grands axes et la piétonnisation renchérissent le foncier. Déguisés en hipsters, les nouveaux Rougon-Macquart se fondent dans le décorum ouvrier des bars et restaurants des anciens quartiers populaires et se constituent des patrimoines immobiliers considérables. Mais les masques finissent par tomber… (…) Après le Brexit, dont la géographie recouvre celle de « l’Angleterre et la Grande-Bretagne périphérique » et populaire, les classes dominantes ont expliqué que ce vote devait être invalidé car porté par des gens  « peu éduqués » selon Alain Minc ou des « crétins » d’après Bernard-Henri Lévy. Anne Hidalgo et son collègue de Londres Sadiq Khan ont fait par la suite l’apologie des villes-mondes qui doivent damer le pion aux Etats-Nations, en prônant en filigrane une forme d’abandon  des périphéries populaires. Leur projet de « cités-Etats » rappelle paradoxalement les discours séparatistes de partis populistes comme celui de la Ligue du Nord italienne. (…) Les métropoles ont besoin de catégories populaires pour occuper les emplois peu qualifiés (dans les services, le BTP, la restauration). Il leur faut aussi des catégories intermédiaires, des « key workers » qui assurent la continuité du service public. Le logement social permet de maintenir ces travailleurs dans les métropoles gentrifiées. Bertrand Delanoë, tout comme Anne Hidalgo, ont construit beaucoup de logements sociaux pour répondre à ce besoin. Tout cela est rationnel.  Mais si le taux de logements sociaux est passé de 13,4 % en 2001 à 17,6 % aujourd’hui, il ne compense en rien la disparition d’un parc privé, « social de fait », qui accueillait hier les classes populaires. Or, sur le marché de l’emploi métropolitain, on a essentiellement besoin de catégories très qualifiées et, à la marge, de catégories populaires. La majorité des catégories modestes, c’est à dire de la population, n’a donc plus sa place dans ces espaces. (…) S’il reste encore des classes populaires, des ménages pauvres et des chômeurs dans les quartiers de logements sociaux des grandes métropoles, la majorité de ces catégories  vit désormais à l’écart des métropoles dans une « France périphérique », celle des petites villes, des villes moyennes et des zones rurales. Ces territoires sont, en moyenne, marqués par une plus faible création d’emplois et de richesses et sont fragiles socialement. Ce modèle n’est pas spécifique à la France, il constitue l’une des conséquences de l’application d’un modèle économique mondialisé qui repose notamment sur la division internationale du travail. Ce système marche très bien, il crée de la richesse et de l’emploi. Mais il ne fait pas société. (…) En réalité, la « boutique » tourne aujourd’hui sans les catégories populaires. Les territoires de la France périphérique, en particulier ceux de la désindustrialisation du Nord et de l’Est, sont marqués par une grande fragilité économique et sociale. Ils ont bénéficié à ce titre d’une forte redistribution. La péréquation, la création d’emplois publics ont joué le rôle d’amortisseur. La commune et l’hôpital étaient les premiers et les seuls véritables employeurs de ces communes. Mais dans un contexte de raréfaction de l’argent public et des dotations de l’Etat et de désertification de l’emploi, les champs du possible se restreignent. (…)  Le géographe Gérard-François Dumont parle d’une « idéologie de la métropolisation », une idéologie portée par l’ensemble de la classe dominante qui in fine  renforce le poids des métropoles et celui des classes supérieures. Cette idéologie interdit l’évocation d’une France populaire majoritaire comme s’il fallait laisser dans l’invisibilité les perdants de la mondialisation. Dans cette lutte des classes, on assimile sciemment cette France populaire à celle du repli, des ignares. Derrière cette fausse polémique et cette vraie guerre des représentations, il y a tout simplement une lutte des classes non dites qui révèle  la « prolophobie » selon l’expression du politologue Gaël Brustier.  Christophe Guilluy
Un des grands problèmes de la Russie – et plus encore de la Chine – est que, contrairement aux camps de concentration hitlériens, les leurs n’ont jamais été libérés et qu’il n’y a eu aucun tribunal de Nuremberg pour juger les crimes commis. Thérèse Delpech
De manière cruelle et brutale, le monde entier – et en particulier les Européens –, se retrouve plongé dans les guerres froides et chaudes du siècle passé, avec ce qui se passe en Ukraine. La vieille théorie politique est reconfirmée : un dirigeant disposant d’un pouvoir sans barrière est toujours une menace pour la paix. (…) Au moment où Poutine s’enfonce dans son propre piège, son allié et ami Xi Jinping s’enlise dans une guerre contre le Covid-19, selon la même logique. (…) il ne s’agit désormais plus d’une affaire concernant la santé publique, cela devient, aux yeux de Xi, le symbole du modèle chinois, voire la preuve civilisationnelle de « l’ascension de l’Est et du déclin de l’Occident », caractéristique de notre monde actuel (…) Tout comme dans la Russie actuelle, où Poutine est confondu avec la nation, en Chine, Xi est identifié au Parti communiste chinois (PCC) et à ce modèle anti-Covid. Ce modèle s’inscrit dans la même logique que le « zéro critique », le « zéro dissident »… que Xi met en pratique depuis des années. (…) Des signes d’impatience et d’incompréhension, de contestation sous formes diverses éclatent partout dans de nombreux endroits du pays, des Chinois brisant l’interdit. (…) La tentative de Poutine et de Xi d’imposer un néototalitarisme, pour contrôler les sociétés et les individus, ne peut que se solder par un échec final, cela malgré de probables réussites temporaires. L’histoire du XXe siècle l’a attesté, et l’histoire de notre siècle le démontrera à son tour. L’enlisement en Ukraine et en Chine de ces deux dirigeants n’en est que la première étape. Lun Zhang (Cergy-Paris-Université)
Vous avez finalement un paradoxe aujourd’hui dans la politique française, qui est presque une tenaille. C’est à dire que nous sommes pris en tenaille entre d’une part une gauche qui dans son ensemble ne reconnait pas le danger de l’islamisme, ou en tout cas ne l’évalue pas à sa juste dimension. (…)  Et puis, (…) une droite qui est incapable de penser la question russe. (…) Il y a un côté, que je dirais presque tragique pour nous Français, de se dire qu’il n’y a pas vraiment sur la scène politique un homme politique qui est capable de penser de manière vraiment sérieuse ces deux menaces en même temps. Laure Mandeville
Quand [Trump] fait de telles affirmations, la presse le prend au pied de la lettre, mais pas au sérieux alors que ses partisans le prennent au sérieux, mais pas au pied de la lettre. Salena Zito
J’ai retiré de cette expérience ces deux certitudes qui me semblent essentielles : n’importe qui peut tomber dans le piège du complotisme ; et il est heureusement possible d’en sortir. Pour ce faire, encore faut-il guérir de la maladie du soupçon. On réduit souvent la question du complotisme à un problème de croyances, de représentations intellectuelles et de biais cognitifs. Comme si les non-complotistes en étaient exempts ! Ils sont en réalité confrontés aux mêmes biais de confirmation, aux mêmes logiques de groupe, au même besoin de trouver un sens à sa vie que les conspirationnistes. William Audureau
On crée une vérité, une aisance cognitive sur le fait que Poutine est un dictateur, que Bachar el-Assad est un monstre, qu’Omar el-Béchir est un génocidaire. […] Plus personne ne se pose de questions sur des chiffres comme 200 000, 400 000 morts au Darfour. […] Moi-même à la tête du renseignement au Darfour pendant deux ans je me suis attaché à compter ces morts, on n’est jamais arrivé à 200 000, on est arrivé au maximum à 2 500 morts. Jacques Baud
Les attaques chimiques […] ne sont certainement pas le fait de Bachar el-Assad. […] [En 2013 à la Ghouta], les services de renseignement militaire américains ont déconseillé à Obama d’intervenir parce que les éléments qu’ils avaient […] indiquaient que c’étaient en fait les rebelles qui avaient utilisé ces armes de destruction massive.  [Dans la Ghouta en 2013, à Khan Cheikhoun en 2017 et à Douma en 2018], il n’y a pas eu d’engagement des armes [chimiques] par l’armée syrienne en revanche il y a eu dans le premier cas [la Ghouta] un engagement par les rebelles. Dans le deuxième cas (Khan Cheikhoun) […] il n’y a pas eu d’armes chimiques utilisées mais des toxiques chimiques libérés par un bombardement ciblé des Syriens. Et dans le cas de Douma, […] il n’y a rien eu du tout, simplement un bombardement « normal », si j’ose dire, d’artillerie et les rebelles ont habilement utilisé les poussières, les effets de ce bombardement pour faire croire qu’il y avait eu un engagement chimique. Il y a eu de nombreux lanceurs d’alerte au sein de l’OIAC qui ont confirmé que les rapports occidentaux ont été falsifiés en quelque sorte pour justifier des frappes. (…) A l’époque des massacres de Homs en 2011, les services de renseignement allemands avaient établi qu’il n’y avait pas eu de massacre causé par l’armée de Bachar el-Assad.  (…) Les organisations humanitaires qui ont vérifié ces photos [d’un déserteur de l’armée syrienne] se sont aperçues que pratiquement toutes les photos en question sont des photos de soldats syriens et non pas d’opposants, il y a déjà quand même quelque chose qui cloche. (…) La fausse vérité, c’est qu’on a un gouvernement qui est une dictature […] et l’idée que Bachar el-Assad tente de massacrer son peuple. Jacques Baud
On n’a pas d’histoire d’empoisonnement de la part des services secrets russes contrairement à ce qu’on dit. […] En réalité, tout porte à croire [que, dans l’affaire Skripal,] on est parti plutôt d’une intoxication alimentaire car toutes les analyses qui ont été faites par la suite n’ont jamais démontré que la Russie était impliquée. […] Dans le meilleur des cas, si des toxiques de combats ont été utilisés, on ne sait même pas s’ils sont originaires de Russie. (…) Navalny, on sait qu’il s’est attaqué à la mafia, à des gens corrompus. […] Navalny dirige des mouvements d’opposition dont les rivalités sont connues, on peut aussi imaginer que quelqu’un de son entourage ait tenté de l’assassiner. […] L’utilisation de poison en Russie dans l’histoire récente est plutôt le fait de la mafia que de l’État russe. Jacques Baud
L’abâtardissement du doute méthodique le transforme dans l’espace public en doute systématique, mécanisme sur lequel toutes les formes de complotisme (qui sont un hyper-criticisme), prolifèrent. Olivier Schmitt
Interviewé par Frédéric Taddéï, l’essayiste, ancien officier des services de renseignement suisses, dénonce ce qu’il présente comme « le gouvernement par les fake news »… mais multiplie lui-même les contre-vérités. La thèse centrale de son nouveau livre est la suivante : les gouvernements occidentaux déforment les réalités géopolitiques pour déclencher des guerres et défendre leurs intérêts. De la Syrie à l’Ukraine, de la Russie à l’Iran, on nous mentirait et la vérité serait ailleurs.  (…) Suite à la publication de cet article, Jacques Baud a réagi dans des interviews données à Hélène Richard-Favre (déboutée en première instance de sa plainte en diffamation contre la chercheuse Cécile Vaissié qui avait évoqué sa proximité avec les réseaux du Kremlin) et à Sputnik France, média contrôlé par Moscou. Sa ligne de défense tient en deux arguments principaux. Premièrement, nous n’aurions pas lu son livre. Ce qui est vrai. [ ?] Mais M. Baud est responsable de ses propos en interview, et nous sommes libres de les critiquer. N’assume-t-il donc pas ce qu’il a raconté pendant une heure à la télévision d’Etat russe ? Si ce qu’il dit en interview ne reflète pas le contenu de son livre (ce dont il est permis de douter) M. Baud ne devrait peut-être pas donner d’interviews – ou mieux les préparer. Deuxièmement, M. Baud ne ferait que poser des questions, il n’affirmerait rien. Cette ligne de défense ne tient pas, car durant son passage sur RT France, M. Baud ne s’est pas contenté de s’interroger, il a affirmé des contre-vérités à de multiples reprises : le pouvoir syrien ne serait pas responsable des principales attaques chimiques en Syrie ; le nombre de victimes  « réelles » au Darfour serait cent fois inférieur aux chiffres avancés par l’ONU ; les photos du rapport César montreraient principalement des cadavres de soldats syriens ; les services secrets russes ne pratiqueraient pas l’empoisonnement d’opposants… Nous avons déjà montré dans l’article, citations à l’appui, que cela n’était pas conforme aux faits tels qu’ils avaient pu être établis par les sources les plus fiables. D’ailleurs, la posture consistant à dire « je ne fais que poser des questions » n’est pas innocente. Lorsque des faits sont établis par un faisceau de preuves concordantes, on peut effectivement les remettre en question si l’on remarque de véritables incohérences et à condition d’apporter de nouvelles preuves suffisamment solides pour ce faire. Cela, c’est le doute méthodique cher à Descartes. C’est ce qui se passe quand la justice rouvre une enquête déjà clôturée. En revanche, remettre en question des faits établis sur la seule base d’un « est-on vraiment sûr que ça s’est passé comme ça ? », en mettant en avant des incohérences mineures dans la version établie (méthode hypercritique), sans apporter de preuves suffisamment solides pour étayer ses affirmations, est une démarche qui n’a plus grand chose à voir avec la scepticisme rationnel, mais relève de la méthodologie complotiste. Antoine Hasday (Conspiracy watch)
Le texte d’Henri Guaino nous invite à prendre du recul sur les événements d’Ukraine. Il a le mérite de convoquer l’histoire tragique du XXe siècle pour nous inciter à réfléchir aux conséquences de nos actions et de nos choix stratégiques. Ce faisant, toutefois, il se trompe d’analogie historique, tire des enseignements erronés de la guerre froide, méconnaît la stratégie américaine, prend peu de distance vis-à-vis du récit russe et établit une fausse symétrie entre deux camps. (…) L’enthousiasme pour la guerre n’existe plus guère en Occident, où les leçons du siècle passé ont été apprises. Du côté russe, tout indique que M. Poutine comprend très bien ce qu’est la «ligne rouge» à ne pas franchir, celle de l’article 5 du traité de Washington. Le système d’alliances n’est plus le même. La Chine, deuxième puissance mondiale, poussera Moscou davantage à la retenue qu’à l’escalade. Enfin, la dynamique des schémas rigides de mobilisation des années 1910 n’a aucune pertinence aujourd’hui. S’il fallait à tout prix trouver une analogie utile dans la première moitié du siècle précédent, ce serait hélas plutôt la fin des années 1930. Se font bel et bien face en Ukraine un agresseur et un agressé, une puissance expansionniste voulant rassembler les «Russes» comme hier une autre les «Allemands», et un État aux frontières reconnues – y compris par Moscou – brutalement envahi. Et le premier avertissement avait été donné en 2014 avec la Crimée, dont les modalités d’annexion ne pouvaient manquer de faire penser à l’Anschluss. Mais avec une différence majeure: il n’y a guère de risque immédiat, aujourd’hui, d’attaque des pays alliés. Le texte de M. Guaino tire des enseignements erronés de la guerre froide, qui vit les deux grands s’affronter indirectement en Corée, au Vietnam ou en Afghanistan: il omet le rôle de la dissuasion nucléaire, qui a tant fait pour qu’ils aient peur de l’affrontement direct. Or cette dissuasion existe encore aujourd’hui, et la Russie en respecte les règles essentielles. En outre, ce que la guerre froide nous a aussi appris, de la crise de Berlin à celle de Cuba, c’est que la fermeté paye. Le partenariat conclu fin 2021 par l’Amérique avec l’Ukraine serait «dirigé explicitement contre la Russie» ? S’il mentionnait Moscou, c’était pour rappeler que Washington soutiendrait les efforts de Kyiv pour recouvrer sa souveraineté, à un moment où l’Ukraine était déjà partiellement occupée et où M. Poutine massait près de 200.000 hommes à ses frontières. Aujourd’hui, il ne s’agit nullement d’«acculer» la Russie, que personne ne souhaite envahir, mais de la faire reculer. Nuance majeure. Le sens de la déclaration malvenue mais spontanée de M. Biden fin mars («M. Poutine doit partir») a été clarifié: Washington n’a pas une politique de «changement de régime». Quant à celle du secrétaire à la Défense, M. Austin, fin avril, selon laquelle les États-Unis souhaitent «voir la Russie affaiblie au point de ne plus pouvoir le genre de choses qu’elle a fait en envahissant l’Ukraine», elle était maladroite mais guère contestable à la lettre, et cohérente avec l’idée maîtresse de Washington de souhaiter que la guerre soit un «échec stratégique» pour M. Poutine. Sans compter que M. Austin appelait quelques jours plus tard son homologue russe à un «cessez-le-feu immédiat»… Une bonne référence est sans doute l’Afghanistan, que l’Union soviétique craignait de voir s’éloigner alors que tout recul du communisme était considéré comme inacceptable par Moscou. L’assistance à la résistance contribua à ce que l’Armée rouge abandonne le pays. Comment peut-on renvoyer dos à dos l’agresseur et ceux qui aident l’État envahi à se défendre? Il ne s’agit pas d’idéaliser l’Ukraine. Comme le disait Arthur Koestler, «nous nous battons contre un mensonge absolu au nom d’une demi-vérité». (…) Mais l’Europe n’est pas [plus] somnambule. Sortie de son long sommeil stratégique, elle a compris le tragique de l’histoire. Réveillée, elle voit la Russie de M. Poutine pour ce qu’elle est et pour ce qu’elle fait. Le temps n’est pas venu de trouver la «porte de sortie» que M. Guaino appelle de ses vœux: rien n’indique en effet que M. Poutine ait aujourd’hui un quelconque intérêt pour cette idée. Il est temps en revanche de se souvenir des enseignements du gaullisme: ne pas céder à l’agression ; refuser les politiques d’«apaisement» tout autant que les «sphères d’influence» ; soutenir la liberté des peuples et la souveraineté des nations. Bruno Tertrais
Qui peut vouloir cinq ans de plus comme ça ? Je ne comprends pas. Autour de nous, tout le monde vote Marine. Electrice de Marine Le Pen (Saint-Pierre-sur-Dives, Calvados)
Ça va être une boucherie, les gens vont s’abstenir puisque, ici, personne ne vote Macron. Electeur de Jean-Luc Mélenchon (Boboland, Paris)
Le seul sondage auquel je crois c’est ce que me disent les gens (…) : je n’en rencontre aucun qui ait envie de voter Macron ou Hidalgo ou Jadot, j’en connais un grand nombre en revanche qui a envie de voter Zemmour, Le Pen ou Mélenchon. Et un bien plus grand nombre qui ne votera pas. Michel Onfray
Dans une société où les univers se mélangent peu, où les citoyens ont tendance à s’enfermer – et sans doute encore plus depuis le confinement – dans leurs cercles familiaux et amicaux, certains en viennent à ne plus croire que ce qu’ils connaissent. Ils ne se confrontent plus aux idées des autres et se confortent dans leurs certitudes auprès de gens qui pensent de la même manière qu’eux ou auprès de sources d’information qui ne contredisent jamais leur vision du monde. En découle une « vérité du quotidien » que Michel Onfray reprend à son compte dans un récent entretien à Causeur (…) A limiter le vrai au vécu, le risque est pourtant grand de glisser vers la défiance, le soupçon de fraude électorale, voire le complotisme. Dans un contexte où avant même le scrutin, 14 % des Français estimaient que l’élection pourrait être truquée, selon un sondage Ifop pour la fondation Reboot, le terrain est propice. Et il est entretenu par des apprentis sorciers qui espèrent tirer profit du doute semé. Agnès Laurent
Je prends des gens différents de la doxa médiatique. 95 % des médias disent que Poutine, c’est Hitler, et que Zelensky, c’est Jean Moulin. Cette indignation a sens unique me gêne. Le travail de mise en perspective n’est pas fait. Je suis très frappé que personne ne rappelle un certain nombre de traités, d’accords. André Bercoff
C’est toujours le même petit récit que l’on recycle, tel un disque rayé reprenant la propagande russe. La vérité, c’est que la Russie n’est pas là pour se défendre, mais pour prendre l’Ukraine. Jean-Sylvestre Mongrenier (chercheur en géopolitique)
Ces gens sont obsédés par les Etats-Unis, l’OTAN et nourrissent une forme de détestation vis-à-vis de tout ce qui vient d’outre-Atlantique. Jean-Yves Camus
C’est vrai que j’ai évolué, je déteste le deux poids deux mesures de cette gauche de gouvernement qui a oublié les ouvriers, les artisans, les agriculteurs. (…) Je suis plus sévère avec la gauche parce qu’elle est censée être plus éthique. François Mitterrand était un grand artiste, François Hollande est un artisan. (…) A partir des années Mitterrand, j’ai compris que la gauche a adopté l’économie de marché tout en gardant la vulgate révolutionnaire. L’incohérence ne m’a pas plu. (…) Je suis allé voir Assad parce que cela m’intéressait. Il n’est pas de mon bord politique mais il faut aller le voir.  (…) Marine Le Pen est trop protectionniste. Sortir de l’Euro serait une véritable aberration. André Bercoff
On l’avait quitté mitterrandien, on le retrouve vingt ans plus tard à s’acoquiner avec Riposte laïque et à rencontrer Bashar el-Assad. André Bercoff était l’une des figures du journalisme des années 1980, proche de François Mitterrand et de Jacques Attali. A 75 ans, le journaliste, devenu polémiste avec le temps, collabore maintenant presque exclusivement avec des publications de droite, voire très à droite comme Valeurs Actuelles ou le site Boulevard Voltaire, qui a été lancé par Robert Ménard, maire de Béziers. (…) Avant d’être un débateur, André Bercoff, la crinière blanche mais l’oeil toujours alerte, fut un auteur prolifique. Il a publié près d’une quarantaine de livres (sous pseudonyme ou sous son vrai nom). C’est notamment lui qui avait monté avec Jacques Attali en 1983, l’opération Caton, du nom de ce faux « grand dirigeant de la droite » qui estimait que pour « vaincre la gauche, il fallait se débarrasser de la droite ». L’opération de déstabilisation visait à faire écrire un essai par ce faux ténor de la droite qui critiquerait la gauche tout en sulfatant son propre camp. L’ouvrage intitulé De la reconquête (Fayard) s’était extrêmement bien vendu en librairie et avait enflammé le tout-Paris. Pendant des mois, le monde politico-médiatique avait bruissé de rumeurs pour découvrir l’auteur de ce livre qui avait chamboulé la droite (et ravi la gauche). Pour parfaire la manipulation, André Bercoff et l’Elysée avaient même convaincu un jeune conseiller du château, François Hollande, d’aller défendre l’ouvrage à la radio et de se faire passer pour Caton. Lui, au moins, ne serait pas reconnu par les auditeurs, contrairement à André Bercoff, plus connu à l’époque. « Ceux qui pensent que, nous la droite, pouvons revenir au pouvoir se trompent », disait alors le jeune diplômé de l’ENA. Les relations avec François Hollande se sont depuis un peu distendues. « On a été très proches entre 1982 et 1992. Mais je ne l’ai pas revu depuis qu’il est Président ». « C’est quelqu’un de très sympathique et très drôle ». Cela ne l’empêche pas de mitrailler sa politique : « Je suis plus sévère avec la gauche parce qu’elle est censée être plus éthique », justifie-t-il. « François Mitterrand était un grand artiste, François Hollande est un artisan ». S’il ne se revendique pas comme étant de droite, André Bercoff a pourtant beaucoup de choses à reprocher à la gauche : « A partir des années Mitterrand, j’ai compris que la gauche a adopté l’économie de marché tout en gardant la vulgate révolutionnaire. L’incohérence ne m’a pas plu. » Il ne comprend pas aussi qu’on ait « laissé les problèmes d’identité à la droite » même s’il convient que Manuel Valls fait preuve de « bon sens » sur le sujet. « C’est encore l’exception », se lamente-t-il. L’identité, c’est d’ailleurs un sujet qui l’a taraudé toute sa vie. Né au Liban en pleine Seconde Guerre mondiale, il immigre en France avant la guerre civile qui ensanglantera le pays pendant 15 ans, opposant chiites, sunnites et chrétiens. « J’ai baigné dans un Liban pacifié », raconte-t-il, un brin nostalgique. A son arrivée dans la capitale, André Bercoff ne veut pourtant pas s’enfermer dans le sujet des tensions moyen-orientales. Il collabore avec plusieurs grand journaux au fil des ans dont l’Express, France Soir, Actuel, l’Evenement du Jeudi, Libération ou encore Le Monde. Il tâte un peu de la télévision, écrit beaucoup, se fait un nom au milieu de ces années 1980 baignées de mitterrandisme où le politique pensait encore pouvoir “changer la vie”. A 75 ans, André Bercoff continue à faire irruption de temps en temps dans l’actualité. C’est lui qui a interrogé à deux reprises le président syrien Bashar-el-Assad à Damas en Syrie pour Valeurs Actuelles. Malgré les réticences de la diplomatie française ou de certains de ses confrères. « Je suis allé voir Assad parce que cela m’intéressait. Il n’est pas de mon bord politique mais il faut aller le voir », clame-t-il. Avec le recul, il se désole que le Quai d’Orsay ait coupé tout lien avec le régime Assad, au risque de se priver d’informations primordiales sur les djihadistes français présents en Syrie. Il prend l’exemple de Churchill allant voir Staline durant la seconde guerre mondiale. « Vous croyez qu’il ne savait pas ce qu’il se passait en URSS? », interroge-t-il à haute-voix. Il ne la cite pas, mais on croirait entendre la fameuse citation du Premier ministre anglais avant l’invasion de l’URSS par l’Allemagne nazie : « Si Hitler avait envahi l’enfer, je me serais débrouillé pour avoir un mot gentil pour le Diable à la Chambre des communes. » Lui, a du mal à imaginer quel « diable » il n’irait pas voir. Peut-être Abou Bakr al-Baghdadi, le « calife » de l’Etat islamique : « C’est un fanatique, on ne peut pas discuter avec lui ». Il interroge alors : « Et vous, vous iriez voir par exemple le leader de la Corée du Nord Kim-Jong-Un? ». Manière habile d’obliger son interlocuteur à se positionner. Embarrassé, on réfléchit deux secondes : « Oui bien sûr, si je suis persuadé que je pourrais poser toutes les questions que je souhaite. » André Bercoff n’est pas le seul à avoir interrogé le dictateur syrien ces dernières années. L’AFP et France 2 s’y sont aussi frottées. Mais André Bercoff et l’hebdomadaire droitier Valeurs Actuelles dégagent dorénavant une odeur de souffre qui peut rendre suspicieux sur la démarche.   Lors de son dernier voyage en Syrie pour rencontrer Assad, une photo d’André Bercoff avait circulé sur les réseaux sociaux aux côtés de Julien Rochedy, ancien président du Front national de la Jeunesse (FNJ). André Bercoff assure qu’il ne soutient pas le parti d’extrême-droite. « Marine Le Pen est trop protectionniste. Sortir de l’Euro serait une véritable aberration », explique-t-il. Sa solution pour la France? Enfermer toutes les tendances politiques dans une salle pendant plusieurs jours et les obliger à trouver un compromis. En 2012, il avait signé une série d’entretiens entre Pierre Cassen (Riposte Laïque), Christine Tasin (Riposte Laique) et Fabrice Robert (Bloc identitaire). Un livre qui lui valut un article peu amène sur Rue 89. Lui dit « refuser les étiquettes ». « Dès qu’on creuse, ça ne correspond à rien ». Au bout d’une heure de conversation, on repart tout de même beaucoup moins sûr que l’homme soit aussi à droite qu’on ne le dit. Peut-être est-ce dû à l’époque où on ne parvient plus très bien à distinguer la droite et la gauche sur le plan économique? Peut-être est-il sincère quand il clame sa volonté de penser comme un esprit libre? Peut-être, a-t-on simplement été berné par un homme qui a gardé sa force de conviction malgré l’âge et ses cheveux blancs… Michaël Bloch
Je vais vous dire… d’abord je pense que, hélas, ça se reproduira, je le déplore complètement. Je pense qu’il y a un problème de recherche, il y a un problème de vérification, mais il y a un problème, vous l’avez dit très bien, de concurrence, et la chose la plus terrible, c’est effectivement de savoir faire silence devant tel ou tel événement, de tel ou tel fait, si on n’en est pas sûr, et je crois que faire silence est devenu aujourd’hui la vertu la moins partagée. Je pense qu’il faut effectivement faire silence quand on n’est pas sûr de telle ou telle information. Mais alors ça demande vraiment une espèce de vertu que, à ma connaissance, aucun journal, je dis bien aucun journal, n’a aujourd’hui. André Bercoff
Depuis 2016, André Bercoff distille à longueur d’ondes les thèses favorites de l’extrême droite. Collaborateur des sites fachosphériques Boulevard Voltaire, Riposte laïque, Figarovox et de l’hebdomadaire Valeurs actuelles, il est imprenable en matière d’inversion de la relation dominants/dominés, notamment lorsqu’il enchaîne les insinuations sur la menace du « grand remplacement » et dénonce le racisme « anti-blanc ». Pas une semaine non plus sans qu’il ne relaye l’ » Obamagate » et les autres théories du complot de Donald Trump. Ce polémiste constitue le noyau dur d’une radio qui brandit le « parlons vrai » pour justifier des polémiques sur des « thèmes de société » propres à occulter tout le reste, notamment les enjeux de justice sociale. En 2013, en faillite, Sud-Radio est rachetée par Fiducial SA, un poids lourd de l’expertise comptable. (…) Le nouveau propriétaire, Christian Latouche, 58e fortune française selon l’hebdomadaire Challenges, côtoyait dans les années 2000 le Mouvement national républicain de Bruno Mégret1. À Sud Radio, sous couvert de « non politiquement correct », on dénonce surtout les « idiots utiles », les « bobos » et autres « islamo-gauchistes ». Mal camouflée derrière une obsession « souverainiste », l’accointance de la radio avec l’extrême droite est évidente : le directeur de Valeurs actuelles, Geoffroy Lejeune, y a longtemps réalisé des chroniques ; Élisabeth Lévy du magazine Causeur, intervient dans la matinale. Quant à l’émission quotidienne « Les Incorrectibles », elle est réalisée en partenariat avec L’Incorrect, magazine dans le sillage « conservateur » et « identitaire » de Marion Maréchal Le Pen. Comme l’a analysé l’historien Gérard Noiriel, dans un contexte de concurrence acharnée entre les médias, le scandale et la provocation apparaissent comme un moyen sûr d’acquérir de la visibilité dans l’espace public. Didier Maïsto, le patron de la radio, s’en amuse : « On est traités de populistes et complotistes, mais ça ne me dérange pas  ! » Pour preuve, le 30 mars, le professeur Luc Montagnier déballait ses thèses extravagantes sur l’origine de la Covid-19. Le 6 juin, un « grand » débat sur l’efficacité de l’hydroxychloroquine opposait Idriss Aberkane, pseudo scientifique au CV dopé, et Laurent Alexandre, fondateur de Doctissimo et climatosceptique acharné. En dépit d’une audience limitée (moins de 1 % selon Médiamétrie), l’extrême droite et une fraction de la droite française en perdition savent qu’à Sud Radio, elles bénéficient toujours d’entretiens complaisants : les réacs prétendument anticonformistes comme Éric Zemmour, Michel Onfray, Gilles-William Goldnadel ; des représentants de la Manif pour tous ; les plus coriaces des RN comme Marion Maréchal Le Pen et Jean Messiha ; des souverainistes comme François Asselineau, Paul-Marie Coûteaux, Nicolas Dupont-Aignan et Florian Philippot ; des essayistes amoureux du « passé glorieux » de la France comme Dimitri Casali, ou Laurent Obertone, journaliste pourfendeur du multiculturalisme. Sans oublier l’identitaire Damien Rieu et même des allumés virtuels de la fachosphère comme Papacito. Didier Maïsto justifie la diffusion de ces discours identitaires féroces au nom du « pluralisme », en arguant que quelques figures classées à gauche, notamment Juan Branco et Thomas Porcher, se sont déjà égarées à l’antenne. Très actif sur le réseau social Twitter, le patron de Sud Radio surjoue l’indignation dès que l’on évoque le ton ultra droitier de son antenne, au point de menacer de « saisir le CSA ». C’est pourtant lui qui publiait en 2018 une tribune dans Valeurs actuelles intitulée « La chasse à l’homme blanc au CSA : quand un racisme peut en cacher un autre ». Depuis le 30 mars, Didier Maisto anime sa propre émission, intitulée « Toute vérité est bonne à dire », où il recycle le vieux refrain de la censure prétendument exercée par les « bien-pensants ». Déjà, au micro du site Boulevard Voltaire en février 2019, il justifiait son combat pour « permettre au débat d’exister en dehors du politiquement correct » en estimant que « le droit à la différence est l’arme de l’Anti-France qui veut morceler la société française ». Après avoir rencontré fin 2018 ses premiers Gilets jaunes, trémolo dans la voix, le directeur de Sud Radio s’est autoproclamé journaliste de référence du mouvement. Dans Passager clandestin, ouvrage paru en mars, Didier Maïsto alterne récit autobiographique archiromancé et dénonciation des « communautarismes, encouragés par des politiciens sans scrupules venant y cultiver des clientèles in vitro ». Usant et abusant du « nous », il s’y affiche comme le porte-parole de la population française. Mais laquelle ? Vraisemblablement pas celle de la « diversité, minorités visibles, #balancetonporc, covoiturage, transition énergétique… Ces mots sont vides de sens pour cette France, LA France », peut-on y lire. Sa France éternelle, ayant perdu sa « souveraineté », souffrirait d’une « oligarchie corrompue » et des « médias mainstream ». Mais bien entendu, rien de « corrompu » quand Maïsto célèbre son propre patron, Christian Latouche, en des termes équivoques : un « mâle dominant » et un « chef de guerre » qui « dégage des phéromones ». Le « parlons vrai » ou la reconnaissance du ventre ? Jean-Sébastien Mora
Comme pour tout, il y a des effets de mode et de fortes différences d’un pays à l’autre. La France est un vieux pays cartésien, par exemple, et les théories basées sur des faits réels — les grandes affaires criminelles, les attentats, les histoires politiques — ont plus de succès que celles liées à des sujets moins factuels (la Terre plate, Roswell). Le poids de la foi, des croyances, est moins important en France qu’aux États-Unis, et les grandes connaissances scientifiques (la Terre, l’espace, etc.) sont, pour une écrasante majorité de Français, considérées comme acquises. En France, si vous parlez d’un complot à propos de la mort de Coluche, vous allez susciter un peu de curiosité, si vous parlez de complot à propos de la forme de la Lune, vous allez susciter le rire ou la gêne. (…) Je crois que, traditionnellement, les médias français souffrent, dans leur ensemble, d’une trop grande déférence envers le pouvoir et font naître du coup des besoins de contre-feux, de remises en cause, de refus de la parole officielle. L’ampleur des réactions face au film « Hold-up » est de ce point de vue symbolique. Un petit documentaire diffusé sur Internet semblait soudain plus menaçant que les mensonges répétés de l’Exécutif. Cela nourrit bien évidemment le complotisme. (…) Il est salutaire de douter, de vérifier les infos, de remettre en cause le discours gouvernemental, ça c’est la vitalité démocratique. Ce qui l’est moins, c’est quand ces doutes cachent des affirmations insidieusement énoncées reposant, pour la plupart, sur la déformation ou la négation des faits. Le complotisme commence quand les doutes laissent place aux certitudes et que la dénonciation des mensonges engendre la construction de vérités de substitution. (…) l’idée d’un complot dans l’assassinat de Kennedy (…) est l’exemple d’une théorie qui a réussi à s’imposer. Les raisons sont multiples. Elles sont le reflet d’une époque qui voit le développement de la télévision comme média d’info instantané, populaire et mondial et donne ainsi à tous le sentiment d’avoir tous les éléments pour juger et analyser. La période est marquée aussi par de grands mouvements de contestation du pouvoir, qui entraînent une volonté de transparence et la découverte, par ce biais, des turpitudes du FBI et de la CIA, notamment. L’affaire elle-même prête le flanc à ce genre de théories puisque l’assassin, Lee Harvey Oswald, aux motivations assez floues, est abattu dans les locaux de la police par un personnage lui aussi assez mystérieux (Jack Ruby). Il y a là tous les ingrédients propres à créer des théories à succès. Les médias traditionnels — télé, radio, presse écrite et édition — ont joué (et jouent encore) le rôle que l’on attribue aujourd’hui à Internet et aux réseaux sociaux… En manquant de discernement, en refusant de prendre parti au nom de « l’objectivité », en relayant sans cesse des hypothèses douteuses par goût du sensationnel, ils ont contribué à persuader l’opinion de l’existence d’un complot. Cette masse accumulée depuis plus de cinquante ans finit par se nourrir d’elle-même : l’existence de tous ces articles, ces livres, ces reportages, ces films « prouvent » qu’il y a bien un mystère… sinon comment expliquer toute cette littérature ? Aujourd’hui, celui qui défend la thèse du complot peut s’appuyer sur des centaines d’ouvrages et revendiquer des milliers de références allant dans son sens. Vincent Quivy
À travers plusieurs enquêtes et stratégies de mesure, nous avons trouvé plus de preuves de symétrie partisane et idéologique dans le complotisme, quelle que soit son opérationnalisation, que d’asymétrie. Premièrement, nous avons constaté que la relation entre les orientations politiques et les croyances dans des théories du complot spécifiques variait considérablement à travers 52 théories du complot spécifiques. Les théories du complot contenant un contenu partisan / idéologique ou qui ont été approuvées par des élites partisanes / idéologiques de premier plan trouveront plus de soutien parmi ceux d’un camp politique ou de l’autre, tandis que les théories sans un tel contenu ou approbation ont tendance à être sans rapport avec l’esprit partisan et l’idéologie. Nous avons également observé une variabilité considérable dans la relation entre l’idéologie gauche-droite et 11 croyances en théorie du complot dans 20 pays supplémentaires couvrant six continents ; cette variabilité suggère que la relation entre l’idéologie gauche-droite et la croyance en théorie du complot est également affectée par le contexte politique dans quelles théories du complot sont interrogées. (…) Nous avons constaté que les Démocrates/libéraux et les Républicains/conservateurs s’engagent dans l’approbation motivée du complot à des taux similaires, les Démocrates/libéraux affichant parfois des motivations plus fortes que les Républicains/conservateurs. Enfin, nous n’avons observé que des preuves incohérentes d’une relation asymétrique entre la pensée complotiste et l’esprit partisan, l’idéologie symbolique ou l’idéologie opérationnelle dans 18 sondages administrés entre 2012 et 2021. Même si les corrélations moyennes entre les études étaient positives, indiquant une relation avec le conservatisme/républicanisme (principalement en raison des données collectées en 2016), leur ampleur était négligeable et les corrélations individuelles variaient en signe et en signification statistique au fil du temps. Adam Enders, Christina Farhart, Joanne Miller, Joseph Uscinski, Kyle Saunders & Hugo Drochon 
Une passionnante étude publiée l’an dernier démontre que le complotisme n’est la chasse gardée ni de la gauche ni de la droite. Exploitant une vingtaine d’enquêtes menées aux États-Unis entre 2012 et 2021, les auteurs constatent que les théories du complot se répartissent ainsi : un tiers, grosso modo, attire en priorité les républicains, un autre tiers est plus attractif pour les démocrates et le reste n’a pas d’ancrage partisan particulier. En l’espèce, les Américains de droite sont particulièrement vulnérables aux théories du complot sur le Covid-19, tandis que ceux de gauche goûtent celles sur Donald Trump. À droite, on est antivax avec le Covid-19, mais pas la rougeole, les oreillons et la rubéole, et on croit le réchauffement climatique bidon. À gauche, c’est plutôt la réalité de la mission Apollo 11 que l’on remet en question, et on est sûr qu’O. J. Simpson a été piégé. Certaines des théories du complot les plus connues – l’assassinat de JFK, la négation de la Shoah et l’idée que les attentats du 11 Septembre ont été perpétrés par le gouvernement américain – ne sont plus associées à un camp politique spécifique, alors qu’elles l’ont été par le passé. Comme le font remarquer les auteurs de l’étude, certaines théories du complot populaires naissent parfois d’un côté ou de l’autre de l’échiquier politique pour ensuite devenir bipartisanes au fil du temps. Ni le mouvement pour la « vérité » sur le 11 Septembre ni la croyance en un complot pour assassiner JFK ne sont nés à l’extrême droite. C’est même tout l’inverse : au départ, ces théories avaient surtout séduit les gens qui, respectivement, détestaient George W. Bush ou qui pensaient impossible que JFK ait été abattu par un marxiste. Sans surprise, quand cette étude est sortie, les commentaires sur les réseaux sociaux sont partis dans deux directions. D’un côté, certains ont fait valoir que certaines des théories examinées n’auraient pas dû être considérées comme telles – parce qu’elles étaient vraies – tandis que d’autres ont accusé les chercheurs de ne pas avoir cité les balivernes qu’ils associaient à leurs adversaires politiques. Le problème, c’est qu’aucun adepte d’une théorie farfelue sur le fonctionnement du monde n’y voit une théorie du complot. Si c’était le cas, ils cesseraient immédiatement d’y croire. Les théories du complot sont bonnes pour les autres, les crédules, les débiles, les exclus. Eux ? Ce sont des complotistes. Nous ? Nous sommes de libres penseurs sachant faire nos propres recherches et marcher notre esprit critique. En général, les théories du complot ont une valeur statutaire basse. Comme le développe David Aaronovitch dans Voodoo Histories, elles permettent aux individus marginalisés et au faible niveau d’études de se sentir supérieurs et perspicaces. Reste que bien des théories du complot semblent aller de soi au sein des élites. En Grande-Bretagne, vous ne serez pas conspué si vous affirmez que les conservateurs prévoient de privatiser le système de santé publique (NHS). Et vous n’aurez rien à craindre non plus si vous êtes persuadé que le gouvernement russe a, d’une manière ou d’une autre, provoqué le Brexit. (…) L’ironie est mordante, car l’ingérence russe dans les élections figure en bonne place des théories du complot respectables. En Grande-Bretagne, sa plus glorieuse émissaire s’appelle Carole Cadwalladr, une journaliste devenue célèbre après le Brexit en 2016 pour révéler… quoi, exactement ? Sept ans et de multiples récompenses plus tard, on ne sait toujours pas sur quoi elle enquête. Aujourd’hui, Cadwalladr est une complotiste sans théorie. Pendant des années, elle aura placé ses espoirs dans la National Crime Agency, la commission électorale, le commissaire à l’Information du Royaume-Uni et, aux États-Unis, en Robert Mueller, procureur spécial dans l’affaire du Russiagate. Sauf qu’aucune de ces différentes enquêtes n’a pu prouver ce qu’elle avançait, notamment sur les liens entre le Brexit, Trump, la Russie et Cambridge Analytica. Si la commission électorale a infligé des amendes aux militants du Leave pour avoir enfreint les règles relatives aux dépenses électorales, elle en a également infligé aux militants du Remain pour la même raison. Et, plus dommageable encore pour Cadwalladr, elle a conclu que Cambridge Analytica n’avait pas travaillé sur la campagne de Leave. EU Facebook fut certes condamné à une amende pour avoir partagé les données de certains de ses utilisateurs avec Cambridge Analytica, mais le commissaire à l’Information, l’équivalent britannique de la Cnil, n’a trouvé aucune preuve établissant que des citoyens britanniques en avaient fait partie. Arron Banks, homme d’affaires et cofondateur de Leave. EU, a intenté un procès en diffamation contre Cadwalladr pour l’avoir accusé d’avoir menti sur ses relations avec le gouvernement russe. Banks a beau avoir gagné en appel, ses poursuites ont été qualifiées d’« action judiciaire ratée » par le Guardian et, sur Twitter, Cadwalladr s’est fait passer pour victorieuse en déclarant : « Tout ce que j’ai fait, mes processus journalistiques, l’intérêt public de mon enquête, la dénonciation des liens de Banks avec le Kremlin, a été catégoriquement confirmé par ce jugement. » Cadwalladr avait déjà présenté des excuses publiques à Banks pour l’allégation concernant la Russie et d’autres contre-vérités, mais ni cette amende honorable ni même le fait qu’elle a perdu un procès en diffamation et dû payer des dommages et intérêts n’auront fait changer d’avis ses partisans. (…) La plupart des théories du complot classiques naissent d’un sentiment d’incrédulité. Un simple accident de voiture ne pouvait pas mettre un point final au soap opera qu’était la vie de la princesse Diana. JFK était trop important pour être assassiné par un type aussi médiocre que Lee Harvey Oswald. Les attentats du 11 Septembre étaient trop énormes pour n’avoir impliqué qu’une dizaine de terroristes. La logistique pour envoyer des hommes sur la Lune était trop époustouflante pour avoir été possible en 1969. Le Covid-19 et les confinements ont provoqué un choc psychique d’une ampleur encore plus grande que n’importe lequel de ces événements. Que des politiciens faillibles aient été confrontés au problème, extraordinaire, d’avoir à gérer un nouveau virus mortel avait tout d’une explication trop simple, inadéquate. Pourquoi ne pas y voir une justification bien commode pour vendre des vaccins et installer un gouvernement mondial ? Ou, à l’inverse, croire que le gouvernement cherchait à se débarrasser de vieux coûtant un pognon de dingue à la société ? De même, le Brexit et l’élection de Donald Trump ont choqué tous ceux qui les considéraient comme impensables. À l’heure où nous nous retranchons dans nos chambres d’écho, nous sommes de plus en plus incapables d’admettre l’existence de points de vue opposés et, encore moins, de les juger valables. Quand tous ceux que vous connaissez sont d’accord avec vous, comment ne pas être abasourdi de voir, une fois tous les votes comptabilisés, votre camp mis en minorité par un panier de déplorables ? Quand quelque chose semble incroyable, la tentation est grande de ne pas y croire et de chercher d’autres explications. Les théories du complot sont, dans tous les sens du terme, pour les perdants. Quand votre camp perd de manière inexplicable, les explications extraordinaires deviennent d’un coup séduisantes. Les centristes et les raisonnables, aux opinions statutairement élevées, sont demeurés longtemps sans perdre, mais, au cours de la dernière décennie, ils ont subi plusieurs défaites majeures. Dans le même temps, la pensée complotiste n’aura jamais été aussi visible. Faut-il y voir une coïncidence ? Un complotiste dirait qu’il n’y a pas de coïncidence et, dans ce cas, il aurait raison. Christopher J. Snowdon
Chargé de combattre les fausses informations au sein des Décodeurs, la rubrique de factchecking du Monde, je vois chaque jour enfler de nouvelles théories délirantes sur Facebook et Twitter. (…) Cette réalité fait désormais partie de nos vies : qu’on le veuille ou non, il nous faut apprendre à cohabiter avec elle. Mais il nous manque encore un mode d’emploi. Au niveau collectif, les pouvoirs publics comme les médias n’ont toujours pas trouvé le moyen de freiner le développement de ce phénomène. Au niveau individuel, nous sommes nombreux à avoir éprouvé la difficulté à maintenir le fil du dialogue avec des personnes tenant des propos conspirationnistes. Comment se comporter face à elles ? Le premier réflexe consiste à opposer des arguments à leurs théories souvent bancales. Je le sais : j’ai commis cette erreur mille fois, et il m’arrive encore de le faire. (…) J’ai pris de haut des amis antivaccins en méprisant leur manque de maîtrise et de compréhension des études scientifiques, j’ai renvoyé dans leurs cordes des dizaines d’internautes en leur balançant à la figure un lien vers un article de vérification, j’ai comparé une communauté complotiste pro-Trump dont il sera beaucoup question dans ce livre, Les DéQodeurs, à une secte. (…) Choisir la voie du rejet est tentant mais contre-productif. En s’opposant frontalement aux convictions des complotistes, ou, pire, en se moquant de leurs idées, on ne fait que creuser un peu plus le fossé entre eux et nous, et les renforcer dans leurs croyances manichéennes. Pour combattre ce phénomène, il faut commencer par le comprendre. Le complotisme, c’est-à-dire l’explication systématique des événements historiques par l’action consciente, coordonnée et malveillante d’une minorité, n’est pas né avec la crise sanitaire, et il a déjà été largement étudié par le monde académique. Il a ainsi fait l’objet de brillantes analyses de la part du philosophe d’origine autrichienne Karl Popper, qui a popularisé dans les années 1950 l’expression de conspiracy theory, en français « théorie du complot » ; la philosophe germano-américaine Hannah Arendt a éclairé le mode de pensée conspirationniste en déconstruisant les mécanismes de l’antisémitisme ; plus récemment, le politologue français Pierre-André Taguieff a notamment montré comment le complotisme contemporain perpétue des stéréotypes apparus au xixe siècle. Reste que tout ce savoir ne prépare pas vraiment à la difficile épreuve d’une discussion avec un covidosceptique, un antivaccin ou un obsédé des récits « alternatifs » du 11-Septembre, sans parler d’un « platiste », persuadé que la Terre n’a pas la forme d’une sphère mais d’un disque. Si l’on veut maintenir un lien avec eux, et retrouver un même socle de réalité, l’important est de comprendre la mécanique de pensée des complotistes. Telle a été ma démarche dans ce livre. (…) Nombre de complotistes décrivent leur vision du monde en recourant à une métaphore empruntée à la série de films Matrix. Quand Neo, le héros de cette saga de science-fiction, découvre que le monde dans lequel il vit n’est qu’un simulacre de réalité, un choix se présente à lui. S’il avale une pilule bleue, il se rendort et accepte le consensus et le mensonge. Pilule rouge, il se réveille et voit la vérité crue : c’est la voie qu’assurent avoir choisie les complotistes. Ce livre se veut un entre-deux, une sorte de pilule violette, qui offrirait un voyage dans l’univers mental et le mode de pensée des complotistes. Sans le promouvoir, ni nier sa dangerosité, bien sûr. Mais sans rejeter celles et ceux qui véhiculent ces théories. Avec l’ambition première de décrire, raconter, comprendre. William Audureau
Au nihilisme de la célèbre déclamation de Macbeth, « La vie est un conte raconté par un fou, plein de bruit et de fureur, qui ne signifie rien », les chercheurs de vérité opposent l’idée que la vie obéit à un plan, fomenté par une puissance supérieure, fait de signes et d’indices, qui, une fois rapprochés les uns des autres, ont tous une signification.William Audureau
Début 2019, un sondage réalisé par l’Ifop auprès de 1506 personnes pour le compte de la Fondation Jean-Jaurès et de Conspiracy Watch, un site web français qui étudie le conspirationnisme contemporain, établissait encore que le profil type du complotiste était un jeune de 18 à 24 ans, peu ou pas diplômé. Or, un an plus tard, les défenseurs de l’hydroxychloroquine sont loin de se résumer à ce portrait-robot. La crise du Covid-19 a ouvert des brèches au sein d’une population jusqu’alors hermétique à ce type de théories, notamment chez les baby-boomers. Sur Internet, Stéphane se découvre des alliés qui sont docteur en économie, comme Xavier Azalbert, le directeur du site France-Soir ; chercheur en sociologie, comme Laurent Mucchielli ; ou généticienne, comme Alexandra Henrion-Claude. Dans les groupes Facebook des pro-Raoult, on trouve aussi des médecins, des entrepreneurs ou des responsables de communication, au niveau d’éducation a priori inattaquable. Parmi les militants antimasques, une enquête a dénombré un tiers de cadres et professions intellectuelles supérieures, soit le double de leur poids statistique dans la population française. En projetant des milliards d’individus dans le rôle de victimes impuissantes, le Covid-19 a en effet exposé un public très large aux théories du complot. Privation de libertés et de vie sociale, chômage forcé et gel de l’activité professionnelle, enfermement des seniors, mariages et enterrements escamotés… Face à un confinement national, les catégories populaires ont perdu le monopole des frustrations. Soudain, des milliards d’yeux incrédules se sont ouverts, en demande de réponses, même irrationnelles. Le complotisme est moins une affaire de catégorie socio-professionnelle que de situation de vie. Il est l’arme de ceux qui se retrouvent en position d’impuissance. L’explication est connue : les situations de stress psychologique intense accentuent le réflexe de la pensée magique, c’est-à-dire le recours à des explications simplistes relevant de l’occulte, du paranormal et du religieux. (…) Ce phénomène est encore plus prononcé en temps d’épidémie, lorsque n’importe qui peut se sentir menacé par la maladie, non pas seulement des civils vivant près d’un front armé. Il s’agit d’ailleurs d’un invariant de l’histoire humaine : les grands épisodes épidémiques ont presque toujours été associés à une résurgence de la pensée magique, comme s’il fallait coûte que coûte obvier l’angoissante incertitude de la situation en identifiant des coupables. Dans l’Europe médiévale, c’est le juif accusé de répandre la lèpre puis la peste noire en empoisonnant les puits. Dans l’Afrique des années 2000, ce sont les laboratoires occidentaux suspectés d’avoir créé le virus Ebola pour enrayer la croissance démographique de l’Afrique. Et dans l’Occident confronté au coronavirus, c’est au choix « Big Pharma », Bill Gates ou la Chine qui sont soupçonnés de vouloir réduire la population mondiale ; ou bien, pour mieux la contrôler, de lui implanter des puces électroniques par le biais de vaccins ; ou encore, a minima, de faire fortune sur le dos du peuple qu’on prive de son hydroxychloroquine providentielle. William Audureau
Ce dégoût pour l’iniquité, constitutif de l’émotion complotiste, se nourrit prioritairement de scandales et de dérives authentiques. Mensonges d’État, excès du capitalisme financier, entre-soi des élites bourgeoises… Toutes ces entorses à l’idéal démocratique permettent à la maladie du soupçon de se nourrir au goulot de la réalité. Pour Terry, les réponses coercitives à la crise du Covid-19 sont d’autant plus inacceptables qu’elles occultent la part de responsabilité des gouvernements français successifs, qui ont supprimé 70 000 lits d’hôpital en vingt ans. (…) Cette défiance vis-à-vis d’une classe politique accusée de jouer contre les intérêts de la population est profondément répandue en France. Elle a sa blessure originelle, le référendum de 2005 sur le traité établissant une constitution européenne. À la surprise générale, le « non » l’emporte alors par 54,67 % des suffrages exprimés. Mais deux ans plus tard, le texte est finalement ratifié pour l’essentiel par le traité de Lisbonne, signé par les gouvernements européens en dépit du vote du peuple français. L’épisode est régulièrement cité par les complotistes parmi les grands événements fondateurs “de leur « éveil » personnel.” (…) Ces dernières années, l’idée que l’élite gouvernante joue contre les intérêts du peuple s’est encore un peu plus ancrée dans les esprits avec le mouvement des Gilets jaunes, et la répression autoritariste et sanglante de plusieurs manifestations par les forces de l’ordre. Les violences policières contre des citoyens exerçant leur droit de manifester, parmi lesquels des pompiers et des infirmières, ont figé dans de nombreuses rétines médusées l’image d’un État dystopique et dangereux, dont il faudrait désormais craindre les actions autant que les intentions. (…) Le complotisme est directement indexé sur la crédibilité de la parole publique : le rejet que suscitent les personnalités politiques rend la moindre explication alternative plus plausible qu’une parole institutionnelle dévaluée. William Audureau
C’est la fameuse théorie du complot de « Big Pharma ». Un discours d’autant plus insidieux que les scandales pharmaceutiques existent bel et bien, depuis les publicités mensongères réalisées au début des années 2000 par Pfizer pour plusieurs de ses médicaments jusqu’à celui du Médiator, le coupe-faim commercialisé par les laboratoires Servier jusqu’en 2009 malgré la connaissance depuis 1997 de ses effets secondaires parfois mortels. Mais s’il se fonde en partie sur des événements réels, un tel discours finit par s’empêtrer dans sa propre défiance, au point de refuser de faire confiance à la pneumologue Irène Frachon, la lanceuse d’alerte qui a révélé le scandale Mediator, lorsque celle-ci qualifie les études sur les vaccins anti-Covid-19 de « sérieuses » et appelle à se faire vacciner. William Audureau
Pour moi, dont le factchecking est le métier, ces entretiens avec des complotistes ont été une leçon d’humilité. Littéralement. « Sois humble », m’a prié à plusieurs reprises Leonardo, arguant que les factcheckeurs sont trop définitifs. Il est vrai que certains de nos articles ont pu mal vieillir. En février 2020, j’ai ainsi écrit, citant les recommandations de l’OMS de l’époque, que le port du masque n’était pas conseillé pour se protéger du coronavirus. Raté : avec l’évolution du savoir scientifique, et notamment la découverte des contaminations aéroportées, les autorités sanitaires ont fait machine arrière quelques semaines plus tard. Dans le même esprit, une analyse que j’ai signée en avril 2020 sur « l’étrange obsession pour la thèse complotiste du virus créé en laboratoire », qui énumérait plusieurs infox loufoques comme l’idée que le coronavirus aurait été créé à partir du VIH, m’a été renvoyée à la figure au début de 2021, quand des experts ont relancé la piste d’une possible fuite accidentelle au sein d’un laboratoire de Wuhan. Tant pis si ces deux explications n’ont en réalité rien à voir : pour mes contradicteurs, c’était la preuve définitive que les complotistes avaient raison depuis le départ. William Audureau
Quand je converse avec une personne complotiste, il m’arrive ainsi souvent de parler des contradictions du gouvernement français sur le port du masque, des pratiques commerciales malhonnêtes de certains laboratoires ou encore des violences policières contre les Gilets jaunes. Le fait que nous déplorons tous les deux ces ratés et ces dérives aide à établir un dialogue. William Audureau
Le complotisme est un phénomène complexe. Au niveau individuel, il naît de la rencontre entre un tempérament – souvent idéaliste, indépendant ou encore provocateur –, un écosystème – qu’il s’agisse de « bulles de filtre » exposant à des contenus conspirationnistes sur Internet ou d’un environnement social sensible aux contre-récits – et un moment de vulnérabilité, qu’il soit personnel ou collectif. C’est la conjonction de tous ces facteurs qui peut pousser un individu à recourir à la pensée magique pour donner du sens à son quotidien. Le complotisme présente en effet de nombreux avantages. Il met de la simplicité sur le chaos du monde, offre le sentiment de posséder des clés pour comprendre ou, au moins, enquêter. Il permet de se sentir à la fois moins seul et plus fort. Surtout, il offre des outils narratifs capables de repousser indéfiniment la contradiction, voire, si le besoin s’en fait sentir, de révoquer le réel. Mais il a vite fait, aussi, de se transformer en une méfiance généralisée, potentiellement invivable, ou en une crédulité aveugle, qui peut se révéler extrêmement dangereuse. Reste qu’il n’existe pas deux complotistes identiques. Le caractère stéréotypé et souvent mimétique des propos tenus en public par les conspirationnistes cache des parcours et des motivations hétérogènes. La foi, le besoin de reconnaissance, un drame personnel, l’attirance pour le merveilleux sont autant de portes d’entrée différentes vers le monde des contre-récits. Si l’on veut lutter contre ce phénomène, il faut donc cesser de l’envisager sous le seul angle des idées. Dans l’univers mental d’un complotiste, il existe peu de croyances qui soient fondamentales : toutes ou presque se rapportent à un vouloir-croire central, une thèse primordiale et constitutrice, qui vient répondre à un mal-être. Le reste n’est que feuillage. Pour combattre le complotisme, c’est à ce mal-être qu’il faut s’adresser. Et, pour cela, commencer par l’entendre. Au niveau collectif, le caractère fantasque des contre-récits des chercheurs de vérité ne doit pas occulter le fait que certaines de leurs frustrations fondatrices sont légitimes. Le lobbying des grandes compagnies pharmaceutiques, l’affairisme politicien, les violences policières et autres dénis de démocratie sont d’authentiques problèmes de société. On ne peut pas reprocher aux conspirationnistes de demander plus de respect, de justice, de démocratie. Dans son geste initial, le complotisme est une tentative d’opposer à un État jugé défaillant un contre-État artisanal, populaire, fonctionnel et, surtout, plus juste. La meilleure manière de ne pas laisser se développer un terreau favorable à un populisme aveugle, crédule et potentiellement haineux est donc encore de s’efforcer d’améliorer les fondements de la démocratie, de redonner de l’assise au contrat social, de restaurer la confiance dans les institutions, qu’elles soient politiques, sociales ou sanitaires. William Audureau
Riche de portraits éclairants et nourri d’analyses des meilleurs spécialistes, ce livre dévoile les nombreux chemins qui mènent au complotisme. Et ceux qui permettent d’en sortir. Une plongée fascinante au cœur de la mécanique de pensée conspirationniste et de son pouvoir d’attraction. Pourquoi les théories complotistes séduisent-elles autant ? Collègues, amis, parents… Les discours conspirationnistes progressent dans tous les milieux et entrent aujourd’hui dans notre sphère intime. Notre premier réflexe : contredire. Or cela ne fait que renforcer les croyances de notre interlocuteur.  Mais qui peut se résigner à voir certains de ses proches basculer dans le complotisme ? Comment réagir sans rompre le fil du dialogue ? Cela passe par l’écoute. Une gageure, tant la discussion est viciée, mais c’est à la portée de chacun. La preuve : William Audureau, journaliste au Monde, média honni des complotistes, a réussi à gagner la confiance de stars et d’anonymes de la complosphère pour nouer avec eux un dialogue au long cours. Antivax, « spécialistes » du 11-Septembre et des sociétés secrètes, adeptes de la naturopathie en lutte contre Big Pharma ou sympathisants du mouvement QAnon : ils lui ont tous parlé à coeur ouvert. Le résultat est une plongée fascinante au coeur de la mécanique de pensée conspirationniste et de son pouvoir d’attraction. Babelio

Et si le complotisme était au sociologisme, ce que la pornographie était à l’érotisme ?

Alors qu’au moment même où éclatent à la face du monde

Tant l’ineptitude et l’inhumanité avec le traitement du Covid dans leur propre pays …

Que la barbarie et la soif de domination avec la destruction systématique des villes et de la population ukrainiennes …

Des deux régimes qui viennent coup sur coup d’infliger au monde sa nouvelle « grippe espagnole » et sa nouvelle guerre mondiale …

Et qui se trouvent comme par hasard être les seules deux nations …

Qui à la différence des Allemands et des Japonais attendent toujours leurs procès de Nuremberg pour leurs quelque 100 millions de victimes combinées …

Et à l’heure où après les deux longues années d’épidémie de fausses rumeurs …

Qu’avait suscité, sur le traitement de la pandémie, l’aberration des  confinements aveugles et concours Lépine de mesures liberticides de nos gouvernants …

Sans compter, tout récemment entre rumeurs de sondages bidonnés et de scrutin truqué, une nouvelle campagne électorale confisquée ….

Par à la fois le refus de faire campagne du président sortant et la diabolisation de ses principaux candidats à droite …

Repart une deuxième vague de rumeurs complotistes …

Cette fois pour accompagner la guerre d’Ukraine …

Entre petits télégraphistes de Moscou et néo-munichois

Qui face certes à une manifeste connivence favorisée par la consanguinité toujours plus flagrante  …

D’élites issues des mêmes familles de la bourgeoisie, souvent parisienne, passées par les mêmes formations et ayant vécu dans le même environnement avec les mêmes cadres de référence le plus souvent entre hommes …

Et partageant ainsi la même vision du monde, le même sens d’un destin partagé et, cerise sur le gâteau, la mondialisation qui élargit encore plus leur champ d’action …

Voit au nom d’une hyper-critique aussi systématique qu’à sens unique

Les moindres apparences d’incohérence mises au passif de gouvernements occidentaux, Israël bien sûr compris …

Tandis que les dictateurs avérés ont droit eux, tout aussi systématiquement, au bénéfice du doute …

Retour sur le remarquable ouvrage, sorti l’an dernier, d’un vérificateur du Monde (William Audureau, « Dans la tête des complotistes ») …

Qui a l’immense mérite d’avoir accepté de quitter enfin la casquette de « distributeur de bons et de mauvais points » ….

Et l’interminable pinaillage auquel ressemblent tant de vérifications, consistant à assigner pour la moindre erreur factuelle l’infamante étiquette « fake news » ou « théorie du complot »

Et donc ainsi disqualifier a priori et à bon compte toute pensée s’éloignant de la bienpensance et du politiquement correct

Pour enfin faire le travail de comprendre …

Au-delà de la facilité de l’approche habituellement stigmatisante car pathologisante ou criminalisante de la plupart des analyses …

Tout simplement parce que chose rare chez nos donneurs de leçons professionnel …

Il a commencé par reconnaitre, en bon repenti, que non seulement personne n’en est à l’abri …

Mais que face à la « démocratisation de l’angoisse pascalienne » inaugurée par la mise à bas des anciennes médiations par les philosophies du soupçon et la perversion du sociologisme

Comme surtout des destructurations provoquées par la mondialisation …

Qu’il avait lui-même comme nous tous ses propres et mêmes « biais de confirmation, logiques de groupe et besoin de trouver un sens à sa vie » …

William Audureau : comment pensent les complotistes ?
Sonia Devillers
L’instant M
25 octobre 2021

William Audureau, du journal « Le Monde », est spécialiste de la lutte contre la désinformation. Il publie « Dans la tête des complotistes », aux éditions Allary.

L’enquête dont nous parlons ce matin n’aboutit ni à une énième cartographie des théories complotistes, ni à un portrait-robot des femmes et des hommes qui y adhèrent. Il s’agit d’un voyage intime, fondé sur la rencontre, le dialogue, la compréhension, plutôt que sur le rejet et le combat. Un journaliste chargé de la lutte contre les fausses informations au « Monde » passe du temps avec celles et ceux qui s’avèrent complètement immunisés contre la vérité, plus rien n’a de prise sur eux, ils voient des ennemis partout, même là, surtout là où ils sont invisibles.

Avec la pandémie, vous et moi commençons à connaître, dans nos entourages, des gens qui ont d’abord douté du vaccin et qui, maintenant, semblent douter de tout. Les conversations deviennent impossibles.

Justement, le livre de William Audureau constitue un petit manuel pour recréer du lien, un plaidoyer pour tendre la main, car du complotisme, parfois, on revient.

Il n’y a pas un complotisme qui ressemble à l’autre. Il n’y a pas un complotiste qui ressemble à l’autre. Ils ont cependant en commun, qu’ils rejettent en bloc le mot de complotiste. Alors comment se qualifient-ils ? Voilà une liste non exhaustive établie par William Audureau : « Ils ont toute une variété d’expression pour se qualifier : Les questionnistes, les dubitatifs, les éveillés, les chercheurs de vérité, les lanceurs d’alerte, les résistants. Il y en a une dizaine, une quinzaine qui leur permettent de se donner le beau rôle.

Dans le récit qu’on se fait quand on est complotiste, on est un défenseur de la vérité et de la liberté, etc.
Et le terme de complotiste effectivement, ils sont très nombreux à le rejeter. »

Ce geste de la main tendue de la part d’un journaliste qui est souvent une cible, William Audureau l’a tenté. Mais, ils sont d’autant plus difficiles à approcher que, justement, ils ont la sensation de s’être éveillés. Ils ont fait l’effort de se renseigner, de comprendre, de travailler, de se prendre en main. Ils sont fiers de cela et c’est là qu’il est très difficile d’aller les chercher.

« Dans le complotisme, souligne le journaliste, au delà d’avoir l’impression d’avoir découvert la vérité, on s’imagine s’être débarrassé de tout un ensemble de représentations qui seraient fausses et surtout mensongères. Et c’est extrêmement flatteur d’un point de vue narcissique. C’est quelque chose que tous disent, notamment ceux qui en sont sortis. C’est que finalement, ça permet de se sentir meilleur. Et souvent, ça panse des plaies. C’est souvent des personnes qui ont besoin de reconnaissance.

Ces théories du complot, ces contre-récits, comme je les appelle souvent, ce sont des totems qu’on peut brandir en disant ‘Regardez moi, j’ai compris quelque chose que vous n’avez pas compris’.
C’est extrêmement satisfaisant.

Portrait d’un complotiste
Il n’y a pas un seul modèle de complotistes, ils sont tous très différents avec des histoires souvent complexes. Mais c’est vrai qu’il y a certains éléments qui reviennent :

Ce sont tous des idéalistes, des idéalistes qui sont un peu drogués à la déception, drogués à voir le monde en noir.
Ce sont très souvent des personnes qui se vantent d’être rebelle ou qui ont un besoin de s’affirmer dans l’opposition.
Un certain nombre ont besoin de se rassurer, ne supportent pas les périodes d’incertitude, les moments où ils ont du mal à comprendre ce qui se passe.
Le trou du lapin
« C’est ce moment où l’on commence à entrer en contact avec des théories du complot et où l’on se dit ‘jusqu’à présent, tout ce que je croyais savoir était un mensonge’. C’est une métaphore qui vient de Lewis Carroll, d’Alice au pays des merveilles.

Une fois qu’on est de l’autre côté du terrier, on voit la réalité d’une manière complètement différente. Ce qui paraissait vrai devient un mensonge qui paraissait faux commence à devenir vrai. »

L’effet de groupe, cocon protecteur
« Il y a une idéalisation du ‘nous’ qui est extrêmement importante confirme William Audureau. Aujourd’hui, la plupart des personnes qui sont dans des théories du complot et qui ont pu dériver, par exemple, vers des idées anti-vaccin alors qu’ils n’étaient pas du tout anti-vaccins au départ, c’est en suivant le groupe. C’est pour cela qu’il est très, très dur d’en sortir, parce qu’on se crée des amis.

Si on en revient à la question de la pandémie, à un moment où tout le monde s’est retrouvé isolé, ce collectif là a permis de donner l’impression à beaucoup de monde de ne plus être isolé du tout. Et quand on écoute leur discours le ‘nous’ est omniprésent.

Le complotisme repose fondamentalement sur une opposition entre nous et eux
Jamais ‘nous contre vous’ parce que cet ennemi, il n’est jamais tout à fait présent. Il est un peu flou, très changeant. Ils admettent qu’ils ne savent pas exactement qui est l’ennemi. Et quand ils utilisent ces termes ils le font un peu faute de mieux. »

Tendre la main
Le livre de William Audureau est une sorte de manuel pour recréer du lien dans la sphère intime. Le journaliste y raconte des trajectoires ou des gens plus ou moins atteints, voire même programmés pour être totalement phagocités par ce qu’il appelle un « parasite mental » qui protège de tout et notamment de la vérité, en reviennent dans des moments de colère, de déception contre eux mêmes. Et il ajoute :

On en revient parce qu’on a une main qui nous est tendue
« Chaque fois que vous traitez quelqu’un de complotiste, il le vit très mal et ça pousse à une forme de rupture. Cette rupture-là, elle peut être sans retour. Au contraire, il faut réussir à faire fi de cette colère qu’on peut avoir contre un proche qui tombe dans des idées intolérantes. Mais ce qui marche, c’est la bienveillance. »

Il est important d’avoir toujours un lien avec ses proches parce que c’est là qui permet souvent d’éviter de dériver complètement.
« Il faut réussir à dépassionner le débat, voire même à quitter le champ du débat, essayer de revenir à du quotidien, revenir à des souvenirs, juste trouver ce qui nous relie. Dans un premier temps, vraiment faire en sorte qu’il y ait pas de rupture.

Dans un deuxième temps, éventuellement, si on se sent suffisamment armé, essayer d’aller questionner ces croyances, mais il faut réussir à ne pas le faire au niveau idéologique. Il faut essayer de dire : ‘on va voir une affirmation très précise et ensemble, on va essayer de regarder s’il est vrai ou pas.’

Mais ce qui est certain, c’est qu’il faut beaucoup de patience. Il faut réussir à se maîtriser. »

Dans la tête des complotistes de William Audureau (Edition Allary)

 Voir aussi:

Guerre en Ukraine : en France, les voix prorusses tentent de subsister dans les médias traditionnels

Depuis que RT et Sputnik ont été interdits par l’Europe au titre des sanctions économiques, l’argumentaire prorusse se fait plus rare dans les médias traditionnels français. Sauf dans certains supports ou émissions très à droite.
Sandrine Cassini
Le Monde
16 mars 2022

« Cela sert les intérêts des Etats-Unis, qui ont voulu cette guerre, qui l’ont préparée en humiliant la Russie. » Le 8 mars, au micro d’André Bercoff sur Sud Radio, Paul-Marie Coûteaux développait sa vision de la guerre menée en Ukraine par le Kremlin. « Poutine ne veut pas envahir l’Ukraine. L’Ukraine n’est pas vraiment une nation. Il n’y a qu’à regarder l’histoire », appuyait l’ancien conseiller de Marine Le Pen, désormais rallié à Eric Zemmour. Il n’y a pas si longtemps, cette rhétorique n’aurait pas dépareillé sur RT ou sur Sputnik, les deux médias financés par la Russie.

Mais, depuis qu’ils ont été interdits par l’Europe au titre des sanctions économiques, l’argumentaire prorusse se fait plus rare dans les médias traditionnels français. Sauf dans certains supports ou émissions très à droite. Comme chez André Bercoff, où une foule de personnalités se presse depuis le 24 février pour rappeler le « contexte » de cette guerre, et relativiser la responsabilité de Vladimir Poutine tout en rejetant la faute sur l’OTAN, ou les Etats-Unis. Le 3 mars, par exemple, Jean-Pierre Fabre-Bernadac, l’ancien capitaine de gendarmerie à l’origine de la sulfureuse tribune des officiers qui appelait à la guerre civile, affirmait ainsi que « dans l’euphorie, on a décidé qu’il y avait les méchants d’un côté, les Russes, et les bons de l’autre, les Ukrainiens ».

Le « même petit récit que l’on recycle »

« Je prends des gens différents de la doxa médiatique. 95 % des médias disent que Poutine, c’est Hitler, et que Zelensky, c’est Jean Moulin. Cette indignation a sens unique me gêne. Le travail de mise en perspective n’est pas fait. Je suis très frappé que personne ne rappelle un certain nombre de traités, d’accords », justifie André Bercoff, se défendant de « renvoyer dos à dos l’Ukraine et la Russie ». « C’est toujours le même petit récit que l’on recycle, tel un disque rayé reprenant la propagande russe, corrige le chercheur en géopolitique Jean-Sylvestre Mongrenier. La vérité, c’est que la Russie n’est pas là pour se défendre, mais pour prendre l’Ukraine. » Biberonnés à l’anti-occidentalisme, « ces gens sont obsédés par les Etats-Unis, l’OTAN et nourrissent une forme de détestation vis-à-vis de tout ce qui vient d’outre-Atlantique », analyse Jean-Yves Camus, spécialiste de l’extrême droite.

A la tête de Sud Radio, Patrick Roger tente de garder le contrôle sur cet îlot prorusse : « J’ai bien dit à André [Bercoff] que, même s’il y avait eu des erreurs [en Occident] il y en a un qui est l’agresseur, et l’autre qui est agressé, et qu’il ne s’agissait pas de propager mais de comprendre », explique celui qui a tout de même fait le ménage au sein de sa radio. A la rentrée dernière, il n’a pas renouvelé l’émission « Les Incorrectibles », jugée trop incontrôlable. Transférée sur YouTube, son producteur Eric Morillot a reçu, le 6 mars, Kemi Séba : « Zelensky est objectivement au mieux une marionnette, au pire un outil consentant de l’élite néolibérale (…), un agent d’influence de l’impérialisme occidental dans cette région, a lancé l’activiste franco-béninois antisémite. Il a fait partie de ceux qui ont contribué à faire monter ces tensions. »

« Notre part de responsabilité »

Une journaliste fait l’unanimité dans ces cercles restreints. Anne-Laure Bonnel se présente comme une spécialiste du Donbass, territoire où s’affrontent depuis 2014 gouvernement ukrainien et séparatistes prorusses, soutenus par le Kremlin. Cette indépendante prétend dénoncer « les exactions » de Kiev à l’égard de la population locale, sans jamais rappeler que ce conflit a été « déclenché par les Russes en y envoyant leurs hommes », précise Jean-Sylvestre Mongrenier. Ce qui n’a pas empêché André Bercoff, ou Pascal Praud, de CNews, de lui tendre le micro. Ni l’hebdomadaire Valeurs actuelles de publier l’un de ses reportages le 2 mars. L’ancien « gilet jaune » Oliv Oliv l’a même citée en exemple sur le plateau de Cyril Hanouna sur C8, le 4 mars. Auprès du Monde, elle se défend de cautionner « les bombardements de Poutine », mais souligne « notre part de responsabilité ».

Sur Internet, des médias de niche prennent encore moins de gants. Sur TV Libertés, François Asselineau a pointé du doigt « les infos totalement manichéennes sur BFM-TV », traitant Volodymyr Zelensky d’« escroc », « en cheville avec la pègre ». Après quelques jours passés en Ukraine, le cofondateur du média en ligne Livre noir, Erik Tegnér, a fait sensation le 2 mars dans une vidéo résumant ses impressions. « J’ai été dérangé par la distorsion entre ce que l’on entend à la télévision où [est évoquée] une guerre totale en Ukraine alors que, nous, sur 1 600 km, on n’a pas vu la guerre », dit-il au Monde le samedi 12 mars, évoquant une possible « manipulation de la part du gouvernement ukrainien ». « La première semaine, les médias ont exagéré le conflit, assume le directeur de la rédaction du site. Le jour où Poutine exagérera, on le dira. Mais on a la plus grande vague migratoire depuis 1945 alors qu’elle repose sur un conflit qui a fait 600 morts à ce jour. »

Une autre vidéo intitulée « Zelensky vous manipule-t-il ? », et décortiquant trois « fake news » a fait un carton d’audience. « J’essaie d’équilibrer. Je n’ai aucune sympathie pour le régime russe, il y a une complaisance des médias à prendre pour argent comptant tout ce qui vient d’Ukraine », précise le cofondateur François de Voyer. Le duo rétorque que Livre noir a beaucoup donné la parole aux Ukrainiens, à travers des reportages réalisés sur place ou dans des interviews. « On s’est aussi fait attaquer par les pro-Poutine », relativise Erik Tegnér.

Voir également:

Vincent Quivy : « Le complotisme commence quand les doutes laissent place aux certitudes »
Conspiracy watch

7 décembre 2020

Vincent Quivy signe au Seuil un ouvrage, Incroyables mais… faux !*, proposant un panorama de plusieurs dizaines d’« histoires de complots », de JFK au Covid-19 en passant par la mort de Coluche, l’explosion de l’usine AZF, Roswell, « la Terre plate » ou encore « l’État profond ». Entretien.

Conspiracy Watch : Selon vous, les gens croient-ils réellement à ces théories du complot ?

Vincent Quivy : Disons que l’adhésion à ces théories est assez fluctuante… Certaines sont très populaires d’autres moins. Comme pour tout, il y a des effets de mode et de fortes différences d’un pays à l’autre. La France est un vieux pays cartésien, par exemple, et les théories basées sur des faits réels — les grandes affaires criminelles, les attentats, les histoires politiques — ont plus de succès que celles liées à des sujets moins factuels (la Terre plate, Roswell). Le poids de la foi, des croyances, est moins important en France qu’aux États-Unis, et les grandes connaissances scientifiques (la Terre, l’espace, etc.) sont, pour une écrasante majorité de Français, considérées comme acquises. En France, si vous parlez d’un complot à propos de la mort de Coluche, vous allez susciter un peu de curiosité, si vous parlez de complot à propos de la forme de la Lune, vous allez susciter le rire ou la gêne.

CW : Certains voient dans le succès d’une vidéo comme « Hold-up » un signe de vitalité démocratique et appellent à ne surtout pas stigmatiser comme « complotistes » ceux qui adhèrent à des théories du complot. Qu’en pensez-vous ?

V. Q. : Je crois que, traditionnellement, les médias français souffrent, dans leur ensemble, d’une trop grande déférence envers le pouvoir et font naître du coup des besoins de contre-feux, de remises en cause, de refus de la parole officielle. L’ampleur des réactions face au film « Hold-up » est de ce point de vue symbolique. Un petit documentaire diffusé sur Internet semblait soudain plus menaçant que les mensonges répétés de l’Exécutif. Cela nourrit bien évidemment le complotisme. Pour autant, est-ce que ce genre de film est un signe de vitalité démocratique ? Je crois plutôt qu’il est le symptôme d’une démocratie affaiblie. Il est salutaire de douter, de vérifier les infos, de remettre en cause le discours gouvernemental, ça c’est la vitalité démocratique. Ce qui l’est moins, c’est quand ces doutes cachent des affirmations insidieusement énoncées reposant, pour la plupart, sur la déformation ou la négation des faits. Le complotisme commence quand les doutes laissent place aux certitudes et que la dénonciation des mensonges engendre la construction de vérités de substitution. Certes, on peut monter ce genre de démonstration sans adhérer à une idéologie précise mais on ne peut ignorer, comme Monsieur Jourdain, qu’on tombe dans ce qu’il est convenu d’appeler le complotisme.

CW : Le complotisme, est-ce si grave, si préoccupant ?

V. Q. : Oui, pour moi, le complotisme est un phénomène inquiétant. D’abord parce qu’il fonctionne comme une réelle idéologie, offrant, souvent mine de rien, tout un cadre et un schéma de pensées. Adhérer à l’une ou l’autre de ces théories, ce n’est pas simplement se montrer réceptif à une histoire particulière, c’est, forcément, accepter de remettre en cause tout un lot de faits et de connaissances, ainsi que ceux qui les diffusent, c’est-à-dire, bien souvent les autorités, les institutions, les savants, les scientifiques, les dirigeants, les médias, etc. C’est une idéologie qui repose par conséquent sur une défiance de ce qui fonde l’essence des démocraties. De plus, elle oppose le « bon sens », c’est-à-dire l’instinct, à la connaissance et la réflexion. Elle est de ce point de vue extrêmement dangereuse puisqu’elle peut permettre de manipuler l’opinion à partir de fausses informations.

CW : Est-ce que ce n’est pas le pouvoir qui, par ses errements, ses manipulations parfois, porte la véritable responsabilité de la situation dans la montée du complotisme aujourd’hui ?

V. Q. : Oui, pour ma part, je suis assez atterré. Quand j’ai commencé à travailler sur les complots (il y a dix ans), mon argument principal était de dire : faire confiance, croire à l’efficacité de nos institutions et de nos dirigeants est essentiel. Or les premiers à dénigrer, à remettre en cause nos institutions, ce sont ceux, pour paraphraser de Gaulle, dont c’est « le devoir, l’honneur, la raison d’être » de les servir et de les protéger. L’arrivée d’Emmanuel Macron, notamment, en renforçant le refus d’un État-providence tel qu’on l’a connu sous la Ve République, c’est-à-dire fort, centralisé, puissant et donc rassurant, pérenne, sinon infaillible du moins digne de confiance, a accéléré le processus. L’État vu comme une start-up a des conséquences sur la confiance qu’on peut avoir dans les institutions — autant que dans Amazon… D’autant que le Président n’a cessé de remettre en cause les institutions en s’en prenant à l’ENA et aux énarques, par exemple, éléments essentiels de l’organisation de l’État ou en nommant à la Justice un avocat qui a fait sa renommée et sa carrière en attaquant l’institution judiciaire. Et que dire de la façon dont l’Exécutif a géré la crise sanitaire sinon que gouverner, ce n’est plus prévoir mais mentir ? C’est un formidable cadeau fait aux complotistes…

CW : En matière de complotisme, les médias, les professionnels de l’information en général, doivent-ils selon vous balayer devant leurs portes ?

V. Q. : Oui, j’aurais tendance à faire un peu la même réponse que pour nos dirigeants à cette nuance près que le traitement médiatique des complots est quand même complexe. Ne pas en parler ou en parler, c’est faire le jeu des complotistes. Jouer aux donneurs de leçon est contre-productif mais leur donner la parole l’est aussi. Il ne faut pas nier cependant que le comportement des médias est le reflet de l’importance qu’a prise l’info-spectacle. Une bonne théorie du complot attire la curiosité et fait de l’audience. J’ai constaté, en travaillant sur les complots de l’affaire Kennedy, le peu d’intérêt que suscitait un livre (ou un intervenant) démontant les théories les plus incongrues. « Quel ennui ! » semblaient dire les journalistes. « Vous êtes sûr que la CIA, Marilyn Monroe ou la Mafia n’ont rien à voir là-dedans ? » Pour contrer cela, on a essayé, avec mon éditeur, pour ce livre, d’insuffler un peu d’humour et de légèreté afin d’intéresser les médias tout en démontant les théories les plus séduisantes. Je vous laisse juge du résultat, sachant que le livre est sorti quasiment en même temps que le documentaire complotiste « Hold-up »…

CW : Vous êtes l’auteur d’un livre, Qui n’a pas tué John Kennedy ? (Seuil, 2013), qui bat en brèche la thèse selon laquelle l’assassinat du président américain en 1963 à Dallas serait le résultat d’un complot d’État. Or cette idée est majoritaire dans l’opinion publique si l’on en croit l’enquête d’opinion Ifop que nous avons réalisée en décembre 2017 en partenariat avec la Fondation Jean-Jaurès. Comment expliquez-vous la persistance de cette théorie du complot ? Y a-t-il des théories du complot dont on peut dire qu’elles ont triomphé ?

V. Q. : Il est vrai que l’idée d’un complot dans l’assassinat de Kennedy est très largement répandue dans l’opinion mais il faut signaler qu’elle décroit au fil du temps. On peut dire malgré tout que c’est l’exemple d’une théorie qui a réussi à s’imposer. Les raisons sont multiples. Elles sont le reflet d’une époque qui voit le développement de la télévision comme média d’info instantané, populaire et mondial et donne ainsi à tous le sentiment d’avoir tous les éléments pour juger et analyser. La période est marquée aussi par de grands mouvements de contestation du pouvoir, qui entraînent une volonté de transparence et la découverte, par ce biais, des turpitudes du FBI et de la CIA, notamment. L’affaire elle-même prête le flanc à ce genre de théories puisque l’assassin, Lee Harvey Oswald, aux motivations assez floues, est abattu dans les locaux de la police par un personnage lui aussi assez mystérieux (Jack Ruby). Il y a là tous les ingrédients propres à créer des théories à succès. Les médias traditionnels — télé, radio, presse écrite et édition — ont joué (et jouent encore) le rôle que l’on attribue aujourd’hui à Internet et aux réseaux sociaux… En manquant de discernement, en refusant de prendre parti au nom de « l’objectivité », en relayant sans cesse des hypothèses douteuses par goût du sensationnel, ils ont contribué à persuader l’opinion de l’existence d’un complot. Cette masse accumulée depuis plus de cinquante ans finit par se nourrir d’elle-même : l’existence de tous ces articles, ces livres, ces reportages, ces films « prouvent » qu’il y a bien un mystère… sinon comment expliquer toute cette littérature ? Aujourd’hui, celui qui défend la thèse du complot peut s’appuyer sur des centaines d’ouvrages et revendiquer des milliers de références allant dans son sens.

* Vincent Quivy, Incroyables mais… faux ! Histoires de complots de JFK au Covid-19, Seuil, 2020, 348 pages.

Pourquoi Éric Denécé, expert du renseignement, est adulé par les conspis

Fondateur d’un think tank remarqué pour son tropisme pro-Kremlin, l’ancien officier de renseignement fait le bonheur de la complosphère qui veut voir une manipulation médiatique derrière la guerre en Ukraine.

« On doit se défier de l’information, sans sombrer dans le conspirationnisme » : c’est la mise en garde d’Éric Denécé devant son auditoire, le 28 avril dernier. L’ancien officier-analyste au Secrétariat Général de la Défense Nationale (SGDN) est ce jour-là l’invité du Dialogue Franco-Russe, une association pro-Kremlin dirigée par l’eurodéputé RN Thierry Mariani et l’ex-député de la Douma russe Sergueï Katasonov, pour une conférence intitulée « Comment s’informer en temps de guerre ». En compagnie de François-Bernard Huyghe et Slobodan Despot, fondateur du site Antipresse, Éric Denécé jette rapidement ses propres recommandations par la fenêtre. Au sujet du massacre de Boutcha en Ukraine, il déclare qu’en attendant une enquête « vraiment indépendante », l’hypothèse d’un « montage ukrainien » serait un « scénario possible ».

Dix jours plus tôt, le Centre français de recherche sur le renseignement (CF2R), le think tank qu’il dirige depuis 2000, est justement épinglé par Challenges pour ses analyses sur la guerre en Ukraine toujours très favorables à Moscou. L’un de ses membres, le général Christophe Gomart, patron de la Direction du renseignement militaire (DRM) de 2013 à 2017, claque alors la porte. Le casting du CF2R n’en reste pas moins bien fourni. On y retrouve pèle-mêle Claude Revel, déléguée interministérielle à l’intelligence économique de 2013 à 2015 et membre du Think Tank Geopragama (dont la fondatrice Caroline Galactéros avait rejoint la campagne d’Éric Zemmour) ; Alain Juillet, également membre de Geopragma, ancien de la DGSE et animateur pour la chaîne du Kremlin RT France jusqu’à sa fermeture ; Jacques Myard, ex-député LR qui a rendu visite à Bachar el-Assad en 2015 ; ou encore Jacques Baud, ancien colonel de l’armée suisse et désormais essayiste conspirationniste.

« Quand Poutine dit qu’il va dénazifier l’Ukraine, il a raison »

Pour le fondateur du CF2R, le conflit en Ukraine serait le fruit des provocations des États-Unis et du président ukrainien Volodomyr Zelensky contre la Russie, présentée en victime exerçant son droit à se défendre. Une analyse que les médias occidentaux refuseraient de prendre en compte. La complosphère, forcément, adore.

Le 25 mars, Éric Denécé est l’invité d’André Bercoff sur Sud Radio : « On devrait attendre de Zelensky […] qu’il présente des excuses à sa population pour l’avoir entraînée dans cette crise ». Et d’ajouter que l’Ukraine « dispose depuis 2014 en son sein de néo-nazis qui sont présents au plus haut de l’État-Major », sans citer un seul exemple.

Louant sa « valeur ajoutée analytique importante », le site conspirationniste FranceSoir lui accorde quelques jours plus tard un entretien mené par Corinne Reverbel, membre fondatrice du collectif covido-sceptique Bon Sens. Denécé y qualifie la révolution de Maidan de « coup d’État illégitime soutenu par l’Occident ». Pour lui, ce sont « les États-Unis [qui] ont amené Poutine dans ce piège » puisque « beaucoup d’éléments laissent penser qu’il ne voulait pas envahir l’Ukraine », toujours sans préciser la nature de ces « éléments ». Et « quand Poutine dit qu’il va dénazifier l’Ukraine, il a raison ».

L’interview est reprise par des site antisémites et complotistes comme Moutons rebelles, Wikistrike, l’OJIM (fondé par les militants d’extrême droite Jean-Yves Le Gallou et Claude Chollet), ou encore Étienne Chouard. Tous relaient l’accusation d’Éric Denécé selon laquelle la présidente de la Commission européenne aurait profité du conflit ukrainien pour livrer les données personnelles des Européens aux États-Unis. Un gros raccourci, Joe Biden et Ursula von der Leyen n’ayant en fait conclu pour le moment qu’un « accord de principe » concernant un nouveau cadre pour les flux de données transatlantiques.

Mais c’est surtout la chaîne CNews qui a permis à Éric Denécé de trouver son public. Face à Ivan Rioufol, qui le présente comme « un des grands spécialistes de ce genre de conflit », il lâche : « Aujourd’hui on est dans un narratif complètement manichéen […] et ce qui est dangereux c’est que ça exonère de leur responsabilité majeure deux acteurs principaux que sont le régime ukrainien et les États-Unis », ces derniers ayant « poussé l’Ukraine a provoquer la Russie », tandis que « nous sommes tous devenus des auxiliaires des Américains ».

Éric Denécé prévoit aussi que « Poutine va très probablement atteindre ses buts de guerre dans les semaines qui viennent ». Nous sommes alors le 27 mars, et la Russie vient d’annoncer son « redéploiement » vers le Donbass, renonçant de facto à prendre Kiyv. Déjà le 21 février 2022, il avait publié sur le site du CF2R un article dans lequel il accusait les « spins doctors américains » de « mettre en scène une menace et une agression russe qui n’existent pas » (sic)… quelques jours avant que les chars russes ne fondent sur la capitale ukrainienne.  

Adoubé par Soral et l’Ambassade de Russie

Pas de quoi refroidir la complosphère. « Éric Dénécé (spécialiste du renseignement) démonte Zelensky et l’OTAN », s’exclame Égalité & Réconciliation, le site du polémiste antisémite Alain Soral. « Éric Denécé dézingue Zelensky » se réjouit à son tour le site d’extrême droite Profession gendarme où officie notamment le général à la retraite Dominique Delawarde, connu pour ses propos antisémites. « Un spécialiste français du Renseignement accuse Zelensky d’être le vrai responsable de la guerre entre l’Ukraine et la Russie », enchaîne l’autre site d’extrême droite Medias-Presse.info. « Analyse parfaite d’Éric Denécé », clame pour sa part Aymeric Chauprade, ancien eurodéputé d’extrême droite bien implanté dans les réseaux du Kremlin en France.

Un bruit de fond suffisamment puissant pour que l’Ambassade de Russie en France ne finisse elle aussi par relayer la vidéo sur son propre compte Twitter, le 31 mars. Suite à quoi l’ex sénateur centriste et covido-sceptique Yves Pozzo di Borgo souligne lui aussi une « excellente intervention ». La figure antivax Richard Boutry en fera même sa « minute de Ricardo », estimant qu’il s’agit « de la meilleure interview jamais vue sur ce sujet ». Contacté via le CF2R pour discuter de son succès chez les plus importants relais de la propagande russe en France, Éric Denécé n’a pas donné suite.

Il trouve pourtant toujours des micros ouverts, comme sur Radio Courtoisie le 10 mai dernier, où il accuse les États-Unis d’utiliser cette guerre pour « affaiblir et vassaliser l’Europe », ou le 5 mai sur Putsch Media, site fondé par Nicolas Vidal, ex-éditorialiste chez RT France et qui diffuse sur sa chaîne YouTube des entretiens avec des figures antivax et d’extrême droite. Éric Denécé y assure que le CF2R n’est « ni pro-russe ni anti-russe, nous analysons le conflit en Ukraine avec la plus grande indépendance et impartialité possibles ».

Comme le notait Challenges, Éric Denécé s’était déjà fait remarquer par le passé, notamment pour « des thèses peu consensuelles concernant le « Printemps arabe », avec encore une fois l’Otan dans sa ligne de mire ».

Il passe à l’époque dans des médias pourtant tout sauf confidentiels. Comme chez Yves Calvi sur RTL, où il assure en 2014 que « les milices d’extrême-droite qui sont à l’origine de la révolution Maïdan en Ukraine sont venues s’entraîner à Notre-Dame-des-Landes ». Ou encore sur LCI, en 2016, toujours face à Yves Calvi et alors que la ville syrienne d’Alep est en train de s’écrouler sous les bombardements indiscriminés des forces russes et syriennes : « le focus qui est mis sur la Syrie d’une part et sur Alep avec les désinformations qui les accompagnent est une falsification complète de la réalité ». Des propos alors repris par le blog pro-Kremlin Les-Crises.

La complosphère et l’extrême droite n’ont en effet pas attendu l’invasion de l’Ukraine pour faire d’Éric Denécé un de ses porte-voix favoris. À titre d’exemple, le site d’Alain Soral l’a mentionné à lui seul dans une vingtaine d’articles depuis 2008.

RER D – 11. Média culpa (2) : « Le téléphone sonne » et personne ne répond 

Arnaud Rindel

19 août 2004

Le jeudi 15 juillet, à 19h20, le « Téléphone sonne » est consacré à « l’affaire du RER D » [1].

L’autocritique en temps réel des médias dans les médias est un produit médiatique comme les autres. Ici, on répond sans répondre, on s’emballe sur un « emballement », on s’explique sans expliquer, on bat (légèrement) sa coulpe… jusqu’à la prochaine fois. Toutes les tentatives d’aller plus loin (il y en eut…) semblent vouées à l’échec.

En l’absence d’Alain Bédouet, l’émission, intitulée « Quand l’information s’emballe » est présentée par Denis Astagneau et Serge Martin [2]. Avec quatre invités et deux journalistes en studio, il restera, comme souvent, moins de cinq minutes pour laisser s’exprimer une poignée d’auditeurs (voir le post scriptum). La “libre antenne” va être vampirisée par le discours des “spécialistes”. Voyons ce qu’ils ont à nous dire.

Les médias sur la sellette ?

Dès le départ, le terme « d’emballement » choisi pour le titre n’est pas de bon augure. S’agit-il de décrire ou d’expliquer ? Le risque est grand de voir l’emballement expliqué par l’emballement : un processus qui emporte ses acteurs malgré eux.

Surtout, si l’on commence par exonérer les médias des premiers faux pas, comme semble le faire Denis Astagneau sous couvert de présenter une chronologie : 1. « Samedi dernier », la « dépêche de l’AFP […] tombée sur les ordinateurs de tous les médias français » ; 2. le « communiqué de Dominique de Villepin » ; 3. le communiqué « de l’Elysée ».

Puis vient « l’emballement » – « Et à partir de là, tout le monde emboîte le pas de l’indignation » – qui s’effectue sans que la contribution spécifique des journalistes soit mise en évidence. On le pressent : ils ne seraient que les victimes d’un piège qu’ils n’auraient pas contribué à tendre. [3]

C’est ce que tend encore à confirmer Serge Martin quand, prenant la suite de Denis Astagneau, il souligne que l’on assiste alors – et alors seulement – à « une cascade de réactions ».

Englobant l’ensemble des médias dans un seul et même sac, Serge Martin se borne à affirmer que « l’affaire fait la Une des journaux qui prennent ainsi le relais des radios et des télévisions » [4]. Puis, le lundi soir, « le doute commence à s’installer ». C’est alors que « des responsables de la police expriment leur scepticisme. » Une telle présentation atténue encore un peu plus le rôle des médias, puisqu’elle suggère qu’avant le lundi les policiers n’avaient pas de doutes : comment dans ce cas, « les médias » auraient-ils pu en rendre compte plus tôt !

Ces esquives en cascade se poursuivent quand Serge Martin entreprend de répartir les responsabilités : « Les médias sont mis en cause, la gauche accuse le Chef de l’Etat d’avoir parlé trop rapidement. » Mais si « le Président de la République, parle d’un “incident regrettable” », précise l’animateur, «  lui ne regrette pas de s’être précipité pour dénoncer une agression qu’on croyait alors de nature antisémite. » [c’est nous qui soulignons]. Faut-il comprendre que les médias, eux, regrettent ? Question pour l’instant sans réponse, car Denis Atagneau a déjà « complété », la présentation : « Ce soir nous allons nous interroger avec nos invités sur cet emballement, voire : certains d’entre vous parlent même de dérapage. » et suggéré d’ores et déjà d’autres pistes : « Est-ce les médias qui sont en cause, est-ce les politiques, est-ce la police, est-ce la jeune femme elle-même ? »

Et comme pour achever de nous convaincre que la cause est entendue avant même que l’émission proprement dite ne commence, le « hasard » s’en mêle… et ce « hasard » fait bien les choses [5] : le premier auditeur commence par souligner qu’« il est assez intéressant que France Inter fasse une émission suite à cet événement qui s’est passé il y a deux jours… il est des fois arrivé des informations qui étaient complètement fausses, qui sont parues dans la presse, et personne n’a fait de mea culpa dessus… »

Denis Astagneau ne cache pas sa satisfaction : « Bien, ben euh… En tous cas, merci de ce… de ce… de ce début de satisfecit (…) ».

Vient alors le moment de donner la parole aux « invités ».

Parmi eux, au téléphone, André Bercoff, directeur de la rédaction de « France-Soir ». Et en studio, le journaliste Ivan Levaï et Jean-René Doco, secrétaire national du syndicat national des officiers de police, ainsi que Daniel Schneidermann, présenté comme « spécialiste » des médias et auteur du « Cauchemar médiatique ».

Est-ce la faute de l’AFP ?

Avant de donner la parole à André Bercoff, Denis Astagneau lui rappelle que l’emballement a été gé-né-ral : « Vous faites partie de la presse écrite, évidemment, vous êtes un peu moins rapide que la radio, on va pas dire le contraire [ton amusé], mais vous avez participé à l’emballage… »

Les choses étant bien cadrées, le directeur de la rédaction de France Soir a la permission d’entrer en scène :

« En deux mots, il ne faut pas oublier quelque chose, vous l’avez très bien rappelé dans votre historique de cette affaire, c’est que ça a commencé par une dépêche AFP, et cette dépêche AFP, il faut le dire, on l’a tous lue, était au présent de l’indicatif. Il n’y avait même pas un conditionnel ! Il n’y avait même pas “selon les déclarations de la jeune femme”, etc. C’était “six maghrébins armés de couteaux ONT…” Tout était au présent, c’est-à-dire que déjà il y avait une espèce d’affirmation totale de l’AFP.. »

Il rappelle, lui aussi, que c’est alors seulement que « tout le monde s’est emballé sans prendre le temps de vérifier, et sans prendre le temps de vérifier si véritablement il y avait d’autres témoins que cette personne, que la protagoniste de l’affaire… » [6]

Pourtant, Bercoff reconnaît lui-même que « l’AFP n’est pas la Bible, il s’agit pas de la suivre comme ça ». Pourquoi, dans ce cas, la plupart des médias ont-ils malgré tout épousé sans aucun recul la version de l’AFP ? A ce stade, la question reste entière.

Et si c’était la faute de la police ?

Denis Astagneau décide alors d’explorer une autre piste, en introduisant son deuxième invité : « Alors Jean-René Doco, vous êtes secrétaire national du syndicat national des officiers de police, comment est-ce que cette information est arrivée jusqu’à l’Agence France Presse ? »

Le policier commence à raconter le déroulement de l’enquête. Mais il est vite interrompu par Denis Astagneau, qui s’intéresse avant tout à un point très précis : « A partir de quel moment est-ce que la police s’est rendue compte qu’il y avait quelque chose qui clochait ? »

Jean-René Doco tente de reprendre le fil : « Alors là… on peut y revenir, justement… ». Mais il est aussitôt coupé par Astagneau qui conclut déjà « c’est difficile, hein… »

Mais M. Doco ne se laisse pas impressionner. « Non, non », réplique-t-il tranquillement avant d’expliquer que si en effet, « le travail des policiers est de recouper les renseignements, de chercher des témoins », il faut leur en laisser le temps. Car, en l’occurrence, la victime présumée – ayant laissé ses propres coordonnées mais dormi chez son compagnon – a été difficile à joindre, les vérifications auprès de la SNCF difficiles à faire pendant le Week-end…

La faute des services de police ne saute pas aux yeux… alors on change d’invité.

La « sagesse » d’Yvan Levaï

Cela tombe bien : Yvan Levai semble disposé à convenir de la responsabilité des médias :

« Puisqu’un peu de temps est passé, il serait sage… aujourd’hui de… de s’excuser. Ça se faisait autrefois… quand on faisait une erreur dans un journal, on faisait un encadré, on présentait ses excuses au lecteur (…) ».

Yvan Levaï est donc disposé à faire preuve de « sagesse »… mais à condition que tout le monde s’excuse : « Et je crois que non seulement les journalistes doivent s’excuser, mais les politiques devraient s’excuser eux aussi, parce que les deux classes, puisqu’il est convenu de parler de “classe politique” et de “classe médiatique”, dans cette affaire, les deux classes ont failli, et ont failli pour la même raison, qui était évoquée par l’auditeur tout à l’heure : vitesse, précipitation, pas de recul. »

Mais d’excuses, il n’y en aura pas vraiment car Yvan Levaï lui-même est déjà passé à un problème plus grave. « On peut se demander, nous dit-il, pourquoi les filtres de l’information, qui vont jusqu’au pouvoir exécutif, ont si mal fonctionné… ça, c’est une question qui est posée à l’ensemble de nos concitoyens et pas seulement aux journalistes. ». Réponse d’Yvan Levaï : si « on y [a] tous cru », c’est « sur la foi d’une dépêche d’agence, pas au conditionnel… […] vérifiée ! Et, pardon de dire ça : moi, je crois à l’AFP ! Quand je lis une dépêche d’agence, je fais confiance à l’AFP ! »

Denis Astagneau opine aussitôt d’un ton résigné. « On est bien obligés… ».

« De la même manière, poursuit Yvan Levai, je fais confiance au Ministre de l’Intérieur, et je fais confiance au Président de la République parce que je me dis : “Ils ont des sources et des canaux d’information que je n’ai pas”. Voilà. »

« On fait confiance et on est bien obligés » confessent en substance les deux journalistes. Voilà qui mériterait sans doute quelques explications et éclaircissements…

« Il serait sage de s’excuser », « on pourrait se poser des questions »… mais on s’emploie surtout à transformer toutes les maigres explications en illusoires justifications.

Un grand vent d’autocritique ?

Daniel Schneidermann ne semble pourtant pas satisfait par ces justifications résignées. Il commence donc par rapporter les fautes qu’il constatait régulièrement dans les dépêches AFP lorsqu’il les relisait pour le Monde [7]. Puis il se fend d’une longue tirade.

« Ça veut dire quoi ? Ca veut dire que le travail d’un journaliste dans une rédaction, n’importe laquelle, à n’importe quelle place, ça devrait toujours être de tout vérifier […] de vérifier évidemment ce que disent les confrères, parce que les confrères, ils sont comme vous : ils se trompent, ils sont comme nous, ils sont comme tout le monde … ça devrait être de vérifier … ce que disent les officiels, le Ministre de l’Intérieur, le Président de la République.

J’entends aujourd’hui les journalistes qui disent : “Ah oui, mais à partir du moment où le Ministre de l’Intérieur a fait un communiqué et où le Président de la République a fait un communiqué, on ne pouvait pas supposer qu’ils ne savaient pas.” Eh ben, si ! Il faut toujours supposer que tout le monde ne sait pas. Il faut toujours le supposer, et… parfois il arrive que le Ministre de l’Intérieur parle en connaissance de cause – heureusement pour la République – il arrive que le Président de la République parle en connaissance de cause, mais pas forcément ! Et notre boulot à nous, ça doit être de nous dire en permanence : “Bon, ils ont dit ça, c’est la parole du Ministre de l’Intérieur, c’est la parole du Président de la République, c’est important, c’est pas rien, mais au fond, qu’est-ce qu’ils savent ?”

Et au fond, ce samedi soir-là, même après le communiqué du Ministre de l’Intérieur, même après le communiqué du Président de la République, au fond, quelles sources on avait ? On avait encore que la source de la victime elle-même, ou la pseudo-victime, qui racontait une agression, et on n’avait aucune autre source, puisqu’on n’avait retrouvé – et pour cause – aucun témoin de l’agression dans le wagon, on n’avait aucune autre source, on n’en avait qu’une, aucun élément matériel : la prudence s’imposait. »

Il fallait le dire : c’est dit. Retenons notre souffle : l’émission va peut-être aborder les véritables questions. Par exemple, celle-ci : pourquoi les journalistes n’ont-ils pas pu ou voulu faire leur travail et s’imposer la prudence ?

Leçon élémentaire de journalisme …

Après un deuxième appel d’auditeur et une intervention d’André Bercoff, Yvan Levai se lance, sans doute encouragé par le vent d’autocritique qui souffle sur le studio…

« Au fond, le nombre de journalistes qui ont écrit des choses sur ce qui se passait dans le RER et la lâcheté supposée des passagers, et le nombre d’hommes politiques qui en ont parlé aussi, moi j’ai envie de poser la question : est-ce que tous ceux qui ont écrit peuvent dire en se regardant dans la glace : “Je sais ce qui se passe dans le RER et les trains de banlieue parce que je les utilise” ? Voilà. Je voudrais quand même que quand on parle de quelqu’un dans un journal […] je voudrais qu’on respecte un tout petit peu plus la personne. Et ça on ne peut le faire que si on a dans les médias une attitude plus responsable vis-à-vis de la manière dont on parle des gens… […] les “gens d’en bas” mériteraient de la part des médias une attitude de respect que, après tout, nous accordons… hein… plutôt bien aux gens d’en haut… »

Et Daniel Schneidermann de surenchérir en soulignant que les journalistes ont « des devoirs que les autres citoyens n’ont pas ».

Cette fois, ça y est. On va s’expliquer vraiment ! Mais non, car Denis Astagneau ne l’entend pas de cette oreille. « Quand ça s’appuie en plus sur un terreau… où y’a déjà l’action d’une institution, évidemment les médias ont tendance à embrayer davantage… », lance-t-il à Daniel Schneidermann qui heureusement, entend cet appel à la raison : « Voilà. Parce que […] qu’est-ce qui se passe dans cette affaire ? Il se passe qu’à tous les niveaux de la chaîne, et là je parle des policiers, je parle des journalistes, je parle des hommes politiques, à tous les niveaux de la chaîne on s’emballe […] ça vaut pour le gardien de la paix qui recueille le témoignage dans le commissariat […] ça vaut pour le rubricard de l’AFP qui rédige sa dépêche […] ça vaut pour le cabinet de… du Ministre de l’Intérieur, ça vaut pour le cabinet du Président de la République (…) ».

L’emballement s’explique… par l’emballement : CQFD.

Et quand Yvan Levai commence à débattre avec Daniel Schneidermann, il est aussitôt interrompu par la phrase fétiche du présentateur qui souhaite réduire arbitrairement un invité au silence – « on a bien compris ce que vous vouliez dire » – sentence doublée ici d’un argument imparable : « N’oublions pas les auditeurs qui ont beaucoup de questions à poser ». Denis Astagneau reprend les choses en main. Il profite même de l’intervention de l’auditrice suivante pour recadrer un peu le débat :

« Bénédicte » explique qu’elle est « un petit peu étonnée », car lorsqu’elle a entendu « dès dimanche matin […] le récit de cette agression » et que « tout de suite, la journaliste a annoncé les détails […] ça ne paraissait pas du tout vraisemblable… »

Denis Astagneau réussit une pirouette magistrale. L’auditrice met en cause la vraisemblance des informations que les journalistes ont choisit de rapporter à leur auditeurs ? Il rebondit aussitôt : « Oui, effectivement… euh… Est-ce que… les policiers ont bien fait leur travail de vérification Jean-René Doco, dans cette histoire ? »

Retour à la case départ : le tour de force de l’animateur est époustouflant.

Vous avez demandé la police ? Ne quittez pas…

Jean-René Doco, à nouveau sur la sellette tente donc une fois encore de se défendre :

« S’il y a une responsabilité collective au niveau des politiques, au niveau des associatifs, au niveau des journalistes, en tout état de cause, là dans cette affaire, les services de police n’ont absolument rien à se reprocher […] La plainte a été enregistrée dans des conditions tout à fait normales […] Je vous ai expliqué tout à l’heure toutes les difficultés qu’ont eu mes collègues pour recueillir les informations, et c’est la raison pour laquelle je vous dis que dès le départ les policiers ont effectué leur travail […] Bien évidemment, comme la hiérarchie ne communique pas forcément sur une affaire, les journalistes s’adressent à nous, syndicalistes, mais nous avons quand même une certaine déontologie […] nous prenons toujours un certain recul avant de s’adresser à la presse ou avant de communiquer quoi que ce soit. »

C’en est trop. Yvan Levaï lui coupe la parole :

« Non mais là on a tous été abusés … Monsieur, pardonnez-moi, là nous avons tous été abusés, vous l’avez été comme nous (…) », et il enchaîne aussitôt (indiquant ainsi clairement qu’il vient de décréter une vérité qui n’a pas à être discutée…) : « (…) Moi je voudrais dire une chose (…) »

Mais Jean-René Doco s’accroche pour lui reprendre la parole :

– Oui, on a été abusés, M. Levaï…

– On a tort, nous journalistes…

– On a pris du recul… Il faut savoir que les journalistes…

– Oui…

– …étaient présents ; la presse télé, la presse… la radio, étaient présents, et… ça a gêné beaucoup… et… et sur des… les affaires dont on vient de parler, ça gêne quand même, les investigations, et il faut laisser travailler les policiers en toute sérénité. »

Devant l’insistance du policier, Yvan Levaï commence à concéder : « Et là on a eu tort de pas vous laisser(…) », puis il se reprend aussitôt en rappelant la hiérarchie des responsabilités, « (…) les politiques ont eu tort de pas vous laisser travailler en toute sérénité, les journalistes ont eu tort de pas vous laisser travailler en toute sérénité (…) »

Sur sa lancée, il tente de couper court au débat en proposant une autre piste, susceptible de satisfaire tout le monde « (…) Mais si on a été abusés, c’est parce qu’encore une fois, il y a un climat (…) »

Cette hypothèse remporte un franc succès… Denis Astagneau surenchérit : « Oui, parce que cette agression venait trois jours après le discours de Chambon-sur-Lignon ». Et Jean-René Docco, complète : « Voilà ! […] imaginez-vous un instant si… parce que le doute, mes collègues l’ont eu assez rapidement quand ils ont eu la bande vidéo, quand ils ont eu quand même quelques éléments, mais imaginez-vous un instant… […] on ne peut pas mettre en doute la parole d’une victime, elle a un statut de victime… »

Malheureusement, il vient de commettre un faux pas en rappelant que ses collègues ont eu rapidement des doutes. Trop tard, Denis Astagneau revient à la charge : « Juste une précision… attendez… Quand cette jeune femme est venue dans le commissariat, qu’elle a déposé plainte, vous n’aviez pas la possibilité sur l’ordinateur de vérifier qu’elle avait déjà déposé d’autres plaintes avant, etc. ? »

Une nouvelle fois mis en question, Jean René Doco reprend donc son explication. « Si mais ce n’était pas instantané […] le policier est chargé de tout vérifier et… et c’est pour ça que je vous dis qu’il fallait lui laisser le temps (…) »

C’est alors qu’il a une idée de génie pour se sortir de ce guêpier : flatter les journalistes, en les dédouanant. « (…) Bon, les journalistes ont fait leur boulot, on peut par le leur reprocher (…) »

Le stratagème fonctionne parfaitement. Yvan Levaï, attendri, se laisse amadouer. « Mais c’est nous qui sommes coupables » se met-il à concéder, « coupables de trop utiliser les sources policières […] les policiers, ils ont une déontologie, mais euh … j’allais dire, ils sont comme les juges et comme les journalistes, ils ne sont pas infaillibles, et pas totalement purs… »

Une cloche sonne, sonne…

Une belle harmonie s’installe, interrompue par l’intervention d’un autre auditeur. Et c’est le retour remarqué d’André Bercoff :

« Moi je voudrais quand même apporter peut-être une note d’optimisme dans tout ça. Ça va être paradoxal, enfin écoutez… franchement : ça a été dégonflé au bout de trois jours, c’est quand même pas mal, excusez-moi ! Je… ça a duré combien de temps, cette histoire ? Ça a été dégonflé en trois jours, Aberrazak Besseghir, ça a été dégonflé en quinze jours, heureusement […] Je crois quand même que, sans se féliciter, c’est quand même pas mal qu’en trois jours on ait dégonflé la baudruche. Et alors, qu’on se soit emballés… bien sûr, c’est le temps médiatique, vous l’avez tous dit et on le sait, bien sûr que les gens réagissent très fortement… Eh bien, écoutez, ça s’est dégonflé, est-ce que c’est ça le plus grave ? Le grave, c’est pas ça, le… la gravité, c’est vraiment qu’on puisse imaginer, encore une fois, que cette chose-là puisse arriver. Autrement, franchement, je suis pas mécontent que ça s’est dégonflé… que ça se soit dégonflé »

Une vision plutôt désinvolte de la désinformation, et pour le moins indécente de la part de quelqu’un qui n’a probablement jamais (comme Besseghir) enduré dix jours de prison et de lynchage médiatique…

Quelqu’un va-t-il tout de même s’indigner ? Oui, Daniel Schneidermann :

« Bon, ben ça s’est … on n’est pas venus pour rien, hein… on a quand même entendu un de nos confrères nous expliquer que c’est très bien, que la presse pouvait raconter n’importe quel bobard, à partir du moment où trois jours plus tard, ça se dégonflait. D’ailleurs… [André Bercoff tente de protester au téléphone, mais le son est manifestement aussitôt étouffé par la régie] André Bercoff est en cela le digne héritier de Pierre Lazareff, qui était le fondateur de France-Soir, et dont une des phrases légendaires était “Une info, plus un démenti, ça fait deux infos” ! […] Il faut quand même dire sérieusement que ce qui s’est passé est catastrophique pour la crédibilité des médias et des journalistes ! On peut quand même pas … on peut quand même pas laisser dire : “Youkaïdi ! En trois jours on a dégonflé l’affaire” ! (…) »

Yvan Levai renchérit, en lui coupant la parole :

« Outreau, ça c’est… Outreau ! Je plains… moi je plains les gens qui, à Outreau, qui viennent d’entendre notre camarade, confrère et ami, Bercoff, les gens d’Outreau qui se… “Ben écoutez, tout va bien, ça se dégonfle.” Vous avez vu le temps que ça a pris, eux, pour que ça se dégonfle en prison (…) » et, n’oublions pas : pourquoi ces débordements ? « parce qu’il y a un climat » nous rappelle à nouveau Yvan, qui a manifestement une grande expérience de la météo…

Cause, toujours…

Puis Serge Martin revient sur les causes de l’affaire. Il s’adresse au Patron de France Soir  :

« C’est pas la première fois que ce genre d’affaire arrive, ce n’est pas la première fois non plus que des engagements, voire des bonnes résolutions sont prises, et parfois adoptées par la presse […] Mais, lorsque l’on constate que la concurrence est féroce entre les médias, que la surenchère politique est devenue un phénomène qui ne permette plus, on l’a entendu à l’instant, de pouvoir travailler librement, est-ce vous pensez pas que c’est un petit peu utopiste et que ça se reproduira par la force des choses ? »

André Bercoff signalait en effet un peu plus tôt, comme une fatalité, que « des Marie L., pardon, mais y’en aura encore, hélas, beaucoup, parce que les causes qui créent les Marie L., elles disparaîtront pas demain ». Il développe cette fois un peu plus :

« Je vais vous dire… d’abord je pense que, hélas, ça se reproduira, je le déplore complètement. Je pense qu’il y a un problème de recherche, il y a un problème de vérification, mais il y a un problème, vous l’avez dit très bien, de concurrence, et la chose la plus terrible, c’est effectivement de savoir faire silence devant tel ou tel événement, de tel ou tel fait, si on n’en est pas sûr, et je crois que faire silence est devenu aujourd’hui la vertu la moins partagée. Je pense qu’il faut effectivement faire silence quand on n’est pas sûr de telle ou telle information. Mais alors ça demande vraiment une espèce de vertu que, à ma connaissance, aucun journal, je dis bien aucun journal, n’a aujourd’hui. »

On frôle une ébauche d’explication les effets de la concurrence commerciale. Mais c’est aussitôt pour se réfugier derrière la fatalité. Comme s’il n’existait comme seule alternative que le traitement outrancier ou le silence, la désinformation ou la mort commerciale. Comme c’est commode.

Une dernière intervention d’auditeur (il n’y en aura eu que cinq…) et Denis Astagneau reprend la parole, souhaitant visiblement conclure. Au mépris de ce qui a été dit auparavant, notamment sur les responsabilités des journalistes, il lance :

« Voilà, alors je reprendrai le mot du billettiste du Monde, Eric Fottorino, qui hier écrivait en dernière page qu’“après tout, se tromper, être trompé, ce sont les risques du métier”, et ça peut rejoindre un peu… euh, ce que… ce que disait… Jacques Chirac hier, qui estimait que l’erreur était « regrettable », mais qui regrettait pas d’avoir réagi. »

Manque de chance, il est coupé par Daniel Schneidermann qui prend l’exact contre-pied :

« En conclusion de cette émission, au lieu d’accuser on ne sait quelle fatalité, “on pouvait rien faire”, et la prochaine fois on replongera comme si de rien n’était, y’a des garde-fous, les garde-fous s’appellent le conditionnel, Levaï le disait, les garde-fous s’appellent la vérification, et à partir du moment où y’a qu’une seule source, qui est la victime elle-même, on dit pas : “elle a été agressée”, on dit : “elle affirme avoir été agressée”… c’est deux mots de plus, c’est deux mots de plus… (…) »

L’émission touche cette fois définitivement à sa fin. Denis Astagneau sent qu’il serait temps de faire preuve d’un peu de bonne volonté : « Ben écoutez, maintenant nous… euh… on sera d’autant plus vigilants, et en tous cas cette émission était aussi une sorte… peut-être de… d’excuse envers les auditeurs. Il est vingt heures sur France Inter… »

« Peut-être » une « sorte » d’excuse ? Il n’en est même pas sûr…

Ironie mise à part – car il faut bien en rire, pour ne pas désespérer… – il est navrant de constater qu’en dépit de quelques rares passages légèrement autocritiques, nous en sommes toujours au même point : les journalistes nous expliquent pourquoi ils ont fait une erreur, mais ne se sentent comptables d’aucune réflexion sur la façon dont ils traitent l’information, puisque les responsabilités incombent toujours principalement, de leur point de vue, à des sources extérieures.

Et si le lecteur-auditeur-téléspectateur n’est pas content, il peut toujours en faire part aux standardistes du « Téléphone sonne ». Il n’est pas exclu que ceux-ci (ou celles-ci) leur témoignent plus d’intérêt que certains “spécialistes”…

Arnaud Rindel

Post Scriptum : « N’oublions pas les auditeurs qui ont beaucoup de questions à poser ».

L’objet du « Téléphone sonne », d’après sa présentation sur le site de France Inter, est de permettre aux auditeurs de « réagir sur un thème de l’actualité » et de « poser [leurs] questions aux invités  ».

Denis Astagneau ne manque d’ailleurs pas de rappeler à ses invités – et en particulier lorsqu’il souhaite les interrompre – de « [ne pas oublier] les auditeurs qui ont beaucoup de questions à poser ».

Pourtant, lors de cette émission consacrée à « l’emballement », cinq auditeurs seulement seront pris en ligne. Ils disposeront, en cumulant leurs interventions, de 4’48’’ (soit 288 s) d’antenne sur 38’38’’ (soit 2318 s) d’émission, générique compris, soit 12,4 % du temps total de l’émission.

Trois de ces auditeurs interviendront durant environ 30s. Un quatrième, 1’23’’. La dernière, qui dépassera les 1’30, sera interrompue par l’animateur. Denis Astagneau lui coupera la parole – avec une cuistrerie remarquable – d’un « merci » répété et sans appel.

Il faut dire que non contente de dépasser la minute trente de temps de parole, elle avait en outre commencé son intervention par « déjà je voudrais dire merci à Internet pour me donner de véritables informations »…

Un double enseignement à tirer de tout cela. Pour s’exprimer sur l’antenne de France Inter, il est préférable d’éviter de contrarier la mise en scène des contrôleurs d’antenne et être capable de résumer l’ensemble de sa pensée à moins d’une minute trente de parole (en tenant compte des interruptions inévitables des animateurs).

Et pour parler plus librement dans une émission qui s’enorgueillit de donner la parole aux auditeurs, mieux vaut, manifestement être l’un des “spécialistes” invités…

Voir de même:

Depuis le nord, Sud Radio émet vers l’extrême droite 

Conséquence de son rachat par la société Fiducial, mastodonte de l’expertise comptable, « la radio du Sud » est désormais entièrement réalisée à Paris. Sans le moindre accent méridional mais avec la prétention de « parler vrai », ses dirigeants ont ouvert les micros en grand à la « polémique ». Entendez : à la banalisation des idées d’extrême droite.

Gautier Ducatez

«  Vous devez aimer votre mère. Vous êtes en France, c’est notre mère, la France, notre famille », martèle Philippe de Villiers dans les studios de Sud Radio. Ce 10 juin, invité de l’émission « Bercoff dans tous ses états », l’ex-président du Mouvement pour la France assure la promotion de son dernier ouvrage, aussi consistant que plein de fraîcheur : Les Gaulois réfractaires demandent des comptes au Nouveau Monde. Furieux à l’égard des manifestants dénonçant les violences policières, De Villiers lance une ritournelle nationaliste bien identifiable : « Si vous n’aimez pas cette famille, cette mère, cette civilisation, si vous n’aimez pas Victor Hugo, Montaigne, Pascal, Péguy et les autres… » Il n’a pas le temps de finir sa phrase, que le journaliste André Bercoff la conclut lui-même :

« Quittez-là  ! »

Un dérapage ? La veille, Bercoff entamait son émission ainsi : » Il y a des petits groupes qui essayent de faire basculer tout le monde dans l’assignation à résidence ethnique, communautariste, religieuse ou autre… » Du velours pour son invité Verlaine Djeni, cadre du parti Les Républicains et proche de Laurent Wauquiez, qui n’eut pas trop à se contenir : « La France a tout donné à plusieurs générations d’Africains […]. Le totalitarisme ne vient pas des Blancs, il vient des minorités. Une minorité qui contrôle et décide ce que tu dois dire… »

Depuis 2016, André Bercoff distille à longueur d’ondes les thèses favorites de l’extrême droite. Collaborateur des sites fachosphériques Boulevard Voltaire, Riposte laïque, Figarovox et de l’hebdomadaire Valeurs actuelles, il est imprenable en matière d’inversion de la relation dominants/dominés, notamment lorsqu’il enchaîne les insinuations sur la menace du « grand remplacement » et dénonce le racisme « anti-blanc ». Pas une semaine non plus sans qu’il ne relaye l’ » Obamagate » et les autres théories du complot de Donald Trump.

Ce polémiste constitue le noyau dur d’une radio qui brandit le « parlons vrai » pour justifier des polémiques sur des « thèmes de société » propres à occulter tout le reste, notamment les enjeux de justice sociale.

Le troupeau du « politiquement incorrect »

En 2013, en faillite, Sud-Radio est rachetée par Fiducial SA, un poids lourd de l’expertise comptable. Première conséquence : si cette radio est principalement diffusée dans le sud de l’Hexagone – du Pays basque jusqu’à Marseille –, les émissions ne sont plus préparées à Toulouse. Depuis 2017, véritable caricature du centralisme français, c’est à Courbevoie, en région parisienne, que son antenne est entièrement réalisée. À Sud Radio, plus rien n’incarne le Sud, ni le contenu des talk-shows entrecoupés de publicités criardes, ni l’accent pointu de ses animateurs.

Deuxième effet, et non des moindres : une dérive très à droite de la ligne éditoriale. Le nouveau propriétaire, Christian Latouche, 58e fortune française selon l’hebdomadaire Challenges, côtoyait dans les années 2000 le Mouvement national républicain de Bruno Mégret1. À Sud Radio, sous couvert de « non politiquement correct », on dénonce surtout les « idiots utiles », les « bobos » et autres « islamo-gauchistes ». Mal camouflée derrière une obsession « souverainiste », l’accointance de la radio avec l’extrême droite est évidente : le directeur de Valeurs actuelles, Geoffroy Lejeune2, y a longtemps réalisé des chroniques ; Élisabeth Lévy du magazine Causeur, intervient dans la matinale. Quant à l’émission quotidienne « Les Incorrectibles », elle est réalisée en partenariat avec L’Incorrect, magazine dans le sillage « conservateur » et « identitaire » de Marion Maréchal Le Pen.

Comme l’a analysé l’historien Gérard Noiriel3, dans un contexte de concurrence acharnée entre les médias, le scandale et la provocation apparaissent comme un moyen sûr d’acquérir de la visibilité dans l’espace public. Didier Maïsto, le patron de la radio, s’en amuse : « On est traités de populistes et complotistes, mais ça ne me dérange pas  ! » Pour preuve, le 30 mars, le professeur Luc Montagnier déballait ses thèses extravagantes sur l’origine de la Covid-19. Le 6 juin, un « grand » débat sur l’efficacité de l’hydroxychloroquine opposait Idriss Aberkane, pseudo scientifique au CV dopé, et Laurent Alexandre, fondateur de Doctissimo et climatosceptique acharné.

En dépit d’une audience limitée (moins de 1 % selon Médiamétrie), l’extrême droite et une fraction de la droite française en perdition savent qu’à Sud Radio, elles bénéficient toujours d’entretiens complaisants : les réacs prétendument anticonformistes comme Éric Zemmour, Michel Onfray, Gilles-William Goldnadel ; des représentants de la Manif pour tous ; les plus coriaces des RN comme Marion Maréchal Le Pen et Jean Messiha ; des souverainistes comme François Asselineau, Paul-Marie Coûteaux, Nicolas Dupont-Aignan et Florian Philippot ; des essayistes amoureux du « passé glorieux » de la France comme Dimitri Casali, ou Laurent Obertone, journaliste pourfendeur du multiculturalisme. Sans oublier l’identitaire Damien Rieu et même des allumés virtuels de la fachosphère comme Papacito.

L’ode au « mâle dominant »

Didier Maïsto justifie la diffusion de ces discours identitaires féroces au nom du « pluralisme », en arguant que quelques figures classées à gauche, notamment Juan Branco et Thomas Porcher, se sont déjà égarées à l’antenne.

Très actif sur le réseau social Twitter, le patron de Sud Radio surjoue l’indignation dès que l’on évoque le ton ultra droitier de son antenne, au point de menacer de « saisir le CSA ». C’est pourtant lui qui publiait en 2018 une tribune dans Valeurs actuelles intitulée « La chasse à l’homme blanc au CSA : quand un racisme peut en cacher un autre ». Depuis le 30 mars, Didier Maisto anime sa propre émission, intitulée « Toute vérité est bonne à dire », où il recycle le vieux refrain de la censure prétendument exercée par les « bien-pensants ». Déjà, au micro du site Boulevard Voltaire en février 2019, il justifiait son combat pour « permettre au débat d’exister en dehors du politiquement correct » en estimant que « le droit à la différence est l’arme de l’Anti-France qui veut morceler la société française ».

Après avoir rencontré fin 2018 ses premiers Gilets jaunes, trémolo dans la voix, le directeur de Sud Radio s’est autoproclamé journaliste de référence du mouvement. Dans Passager clan destin, ouvrage paru en mars, Didier Maïsto alterne récit autobiographique archiromancé et dénonciation des « communautarismes, encouragés par des politiciens sans scrupules venant y cultiver des clientèles in vitro ».

Usant et abusant du « nous », il s’y affiche comme le porte-parole de la population française. Mais laquelle ? Vraisemblablement pas celle de la « diversité, minorités visibles, #balancetonporc, covoiturage, transition énergétique… Ces mots sont vides de sens pour cette France, LA France », peut-on y lire.

Sa France éternelle, ayant perdu sa « souveraineté », souffrirait d’une « oligarchie corrompue » et des « médias mainstream ». Mais bien entendu, rien de « corrompu » quand Maïsto célèbre son propre patron, Christian Latouche, en des termes équivoques : un « mâle dominant » et un « chef de guerre » qui « dégage des phéromones ». Le « parlons vrai » ou la reconnaissance du ventre ?

Jean-Sébastien Mora

1 « Christian Latouche, un videur de boîtes qui ne verse pas dans le bling-bling », L’Humanité (13/08/2012).

2 Il est l’auteur d’un roman de politique-fic tion imaginant une candidature d’union des droites autour d’Éric Zemmour à la présidentielle de 2017.

3 Le venin dans la plume : Édouard Drumont, Éric Zemmour et la part sombre de la République, La Découverte, 2019.

Voir de plus:

André Bercoff, de Mitterrand à Assad 

Michaël Bloch

JDD

31 mai 2016

PORTRAIT – Le polémiste André Bercoff, 75 ans, collabore avec plusieurs revues de droite, voire très à droite comme Valeurs Actuelles. Pourtant, il a commencé son parcours à gauche. Rencontre.

On l’avait quitté mitterrandien, on le retrouve vingt ans plus tard à s’acoquiner avec Riposte laïque et à rencontrer Bashar el-Assad. André Bercoff était l’une des figures du journalisme des années 1980, proche de François Mitterrand et de Jacques Attali.

A 75 ans, le journaliste, devenu polémiste avec le temps, collabore maintenant presque exclusivement avec des publications de droite, voire très à droite comme Valeurs Actuelles ou le site Boulevard Voltaire, qui a été lancé par Robert Ménard, maire de Béziers.

La manipulation Caton

Alors, a-t-il changé? « Je considère que ce n’est pas le cas », répond André Bercoff au JDD. « Mais, c’est vrai que j’ai évolué, je déteste le deux poids deux mesures de cette gauche de gouvernement qui a oublié les ouvriers, les artisans, les agriculteurs », explique-t-il dans un café situé près de la radio Europe 1 où il vient de participer à un débat sur le sexisme en politique dans l’émission de Jean-Marc Morandini.

Avant d’être un débateur, André Bercoff, la crinière blanche mais l’oeil toujours alerte, fut un auteur prolifique. Il a publié près d’une quarantaine de livres (sous pseudonyme ou sous son vrai nom). C’est notamment lui qui avait monté avec Jacques Attali en 1983, l’opération Caton, du nom de ce faux « grand dirigeant de la droite » qui estimait que pour « vaincre la gauche, il fallait se débarrasser de la droite ». L’opération de déstabilisation visait à faire écrire un essai par ce faux ténor de la droite qui critiquerait la gauche tout en sulfatant son propre camp.

L’ouvrage intitulé De la reconquête (Fayard) s’était extrêmement bien vendu en librairie et avait enflammé le tout-Paris. Pendant des mois, le monde politico-médiatique avait bruissé de rumeurs pour découvrir l’auteur de ce livre qui avait chamboulé la droite (et ravi la gauche). Pour parfaire la manipulation, André Bercoff et l’Elysée avaient même convaincu un jeune conseiller du château, François Hollande, d’aller défendre l’ouvrage à la radio et de se faire passer pour Caton. Lui, au moins, ne serait pas reconnu par les auditeurs, contrairement à André Bercoff, plus connu à l’époque. « Ceux qui pensent que, nous la droite, pouvons revenir au pouvoir se trompent », disait alors le jeune diplômé de l’ENA.

« Je n’ai pas revu Hollande depuis qu’il est Président »

Les relations avec François Hollande se sont depuis un peu distendues. « On a été très proches entre 1982 et 1992. Mais je ne l’ai pas revu depuis qu’il est Président ». « C’est quelqu’un de très sympathique et très drôle ». Cela ne l’empêche pas de mitrailler sa politique : « Je suis plus sévère avec la gauche parce qu’elle est censée être plus éthique », justifie-t-il. « François Mitterrand était un grand artiste, François Hollande est un artisan ».

S’il ne se revendique pas comme étant de droite, André Bercoff a pourtant beaucoup de choses à reprocher à la gauche : « A partir des années Mitterrand, j’ai compris que la gauche a adopté l’économie de marché tout en gardant la vulgate révolutionnaire. L’incohérence ne m’a pas plu. » Il ne comprend pas aussi qu’on ait « laissé les problèmes d’identité à la droite » même s’il convient que Manuel Valls fait preuve de « bon sens » sur le sujet. « C’est encore l’exception », se lamente-t-il.

L’identité, c’est d’ailleurs un sujet qui l’a taraudé toute sa vie. Né au Liban en pleine Seconde Guerre mondiale, il immigre en France avant la guerre civile qui ensanglantera le pays pendant 15 ans, opposant chiites, sunnites et chrétiens. « J’ai baigné dans un Liban pacifié », raconte-t-il, un brin nostalgique.

A son arrivée dans la capitale, André Bercoff ne veut pourtant pas s’enfermer dans le sujet des tensions moyen-orientales. Il collabore avec plusieurs grand journaux au fil des ans dont l’Express, France Soir, Actuel, l’Evenement du Jeudi, Libération ou encore Le Monde. Il tâte un peu de la télévision, écrit beaucoup, se fait un nom au milieu de ces années 1980 baignées de mitterrandisme où le politique pensait encore pouvoir “changer la vie”.

« Il faut aller voir Assad »

A 75 ans, André Bercoff continue à faire irruption de temps en temps dans l’actualité. C’est lui qui a interrogé à deux reprises le président syrien Bashar-el-Assad à Damas en Syrie pour Valeurs Actuelles. Malgré les réticences de la diplomatie française ou de certains de ses confrères. « Je suis allé voir Assad parce que cela m’intéressait. Il n’est pas de mon bord politique mais il faut aller le voir », clame-t-il.

Avec le recul, il se désole que le Quai d’Orsay ait coupé tout lien avec le régime Assad, au risque de se priver d’informations primordiales sur les djihadistes français présents en Syrie. Il prend l’exemple de Churchill allant voir Staline durant la seconde guerre mondiale. « Vous croyez qu’il ne savait pas ce qu’il se passait en URSS? », interroge-t-il à haute-voix. Il ne la cite pas, mais on croirait entendre la fameuse citation du Premier ministre anglais avant l’invasion de l’URSS par l’Allemagne nazie : « Si Hitler avait envahi l’enfer, je me serais débrouillé pour avoir un mot gentil pour le Diable à la Chambre des communes. »

« Marine Le Pen est trop protectionniste »

Lui, a du mal à imaginer quel « diable » il n’irait pas voir. Peut-être Abou Bakr al-Baghdadi, le « calife » de l’Etat islamique : « C’est un fanatique, on ne peut pas discuter avec lui ». Il interroge alors : « Et vous, vous iriez voir par exemple le leader de la Corée du Nord Kim-Jong-Un? ». Manière habile d’obliger son interlocuteur à se positionner. Embarrassé, on réfléchit deux secondes : « Oui bien sûr, si je suis persuadé que je pourrais poser toutes les questions que je souhaite. »

André Bercoff n’est pas le seul à avoir interrogé le dictateur syrien ces dernières années. L’AFP et France 2 s’y sont aussi frottées. Mais André Bercoff et l’hebdomadaire droitier Valeurs Actuelles dégagent dorénavant une odeur de souffre qui peut rendre suspicieux sur la démarche.

Lors de son dernier voyage en Syrie pour rencontrer Assad, une photo d’André Bercoff avait circulé sur les réseaux sociaux aux côtés de Julien Rochedy, ancien président du Front national de la Jeunesse (FNJ). André Bercoff assure qu’il ne soutient pas le parti d’extrême-droite. « Marine Le Pen est trop protectionniste. Sortir de l’Euro serait une véritable aberration », explique-t-il. Sa solution pour la France? Enfermer toutes les tendances politiques dans une salle pendant plusieurs jours et les obliger à trouver un compromis.

En 2012, il avait signé une série d’entretiens entre Pierre Cassen (Riposte Laïque), Christine Tasin (Riposte Laique) et Fabrice Robert (Bloc identitaire). Un livre qui lui valut un article peu amène sur Rue 89. Lui dit « refuser les étiquettes ». « Dès qu’on creuse, ça ne correspond à rien ». Au bout d’une heure de conversation, on repart tout de même beaucoup moins sûr que l’homme soit aussi à droite qu’on ne le dit. Peut-être est-ce dû à l’époque où on ne parvient plus très bien à distinguer la droite et la gauche sur le plan économique? Peut-être est-il sincère quand il clame sa volonté de penser comme un esprit libre? Peut-être, a-t-on simplement été berné par un homme qui a gardé sa force de conviction malgré l’âge et ses cheveux blancs…

Voir encore:

Présidentielle 2022 : le fantasme persistant de la fraude électorale

Loin du chaos des élections américaines de 2020, Emmanuel Macron et Marine Le Pen ont reconnu le résultat des urnes, mais tout un front poreux aux théories du complot s’enflamme pour la thèse d’une vaste machination.

William Audureau, Samuel Laurent et Damien Leloup
Le Monde
26 avril 2022

« Macron a volé l’élection. Creusez plus en profondeur, camarades patriotes français ! » Dans la nuit du dimanche 24 au lundi 25 avril, alors que la plupart des chefs d’Etat étrangers félicitent Emmanuel Macron pour sa réélection, l’élue trumpiste de l’Arizona au Sénat, Wendy Rogers, casse l’ambiance : il y aurait eu fraude. Un message qui ne passe pas inaperçu. Alors que Marine Le Pen a annoncé la veille qu’elle « respect[ait] » le sort des urnes, tout un front antisystème, anti-Macron et poreux aux théories du complot, s’enflamme aussitôt pour la thèse d’une grande manipulation.

Encore faut-il pouvoir l’étayer. Lundi, la capture vidéo d’un bug technique sur France 2 lors de la soirée électorale se répand comme une traînée de poudre. A rebours de tous les résultats égrenés depuis 20 heures, et en contradiction avec le score de 58,5 % pour Emmanuel Macron affiché en même temps par la chaîne, la candidate d’extrême droite apparaît fugacement en tête au total des suffrages exprimés. L’erreur technique, reconnue par la chaîne auprès du Monde, est rapidement rectifiée, mais le mal est fait.

« A 21 h 10 Le Pen a 13 899 494 voix. A 22 h 45 Le Pen a 11 558 051 voix. Où sont passées les 2 341 443 voix ? », questionne un certain « Patriote Info », parmi de nombreuses publications suspicieuses. C’est la « preuve » qu’attendaient tant de militants pour accuser la Macronie de fraude. Déjà, en milieu d’après-midi, un sondage dans le canal Telegram conspirationniste « Rester libre ! » (11 000 abonnés) voyait 81 % des 2 500 participants prédire que « le pouvoir va frauder pour imposer une victoire de Macron ». Entre sarcasmes et triomphalisme, ils sont nombreux, depuis, à s’être convaincus eux-mêmes d’avoir vu juste.

Inspiration du côté des Etats-Unis

Loin des plateaux de télévision, la petite musique du complotisme électoral était en gestation depuis des mois sur les réseaux sociaux, dans les sphères conspirationnistes comme d’extrême droite. Dès le début d’année, c’est une petite phrase de Brigitte Macron, semblant se demander dans un contexte de reprise du Covid-19 « s’il y [aurait]des élections », qui avait alimentée la rumeur d’un vol électoral dans les sphères antisystème. Cette vigilance exacerbée a été méthodiquement entretenue par certains acteurs politiques antisystème, comme Florian Philippot (Les Patriotes), qui en novembre 2021, déjà, criait sur Twitter à la « fraude et tricherie en marche », ou encore Nicolas Dupont-Aignan (Debout la France), qui condamnait d’avance une élection « truquée de A à Z », fin mars sur RTL. « On peut le voir comme une manière de préparer le terrain idéologique. C’est presque leur intérêt d’aller sur ce terrain-là, ils savent que ça ne leur coûtera pas d’électeurs », observait alors le fondateur et directeur de Conspiracy Watch, l’observatoire du complotisme, Rudy Reichstadt.

Si cette rhétorique n’est pas nouvelle – on se souvient que François Fillon s’est plaint d’un « cabinet noir » en 2017 –, elle trouve cette fois son inspiration du côté des Etats-Unis. L’idée, très populaire au printemps, de fraudes passant par un piratage ou un détournement des machines à voter, voire d’un complot orchestré par l’éditeur de systèmes de vote Dominion, objet aux Etats-Unis de multiples rumeurs infondées, a ainsi été copiée-collée quasiment mot pour mot par des figures complotistes françaises.

Donald Trump lui-même avait accusé Dominion d’avoir effacé près de trois millions de votes en sa faveur, sans le début d’une preuve. Un « audit » mené en Arizona par ses partisans, qui pensaient mettre au jour un vaste complot, a finalement dû se résoudre à constater une légère erreur de décompte, en faveur de Donald Trump. En France, les machines Dominion ne sont tout simplement pas utilisées. « Le ministère de l’intérieur ne fait pas et n’a jamais fait appel aux services de la société Dominion dans le cadre de l’organisation des élections », nie formellement Beauvau auprès du Monde. Rien qui ait empêché l’argument trumpiste de s’exporter en France, et même de donner naissance à un début de structuration inédit.

Sceptiques convaincus

Contrôle citoyen, Contrôle citoyen élection, Association d’observation des élections par les citoyens, Reciproc.org… Une petite demi-douzaine de collectifs d’apparence citoyenne se montent au printemps pour surveiller la bonne tenue des élections. Derrière eux, le plus souvent, des mouvements contestataires, comme l’organisation BonSens de Xavier Azalbert – patron du site FranceSoir et leader de la lutte contre la politique sanitaire – à l’origine de Contrôle citoyen ou de Réciproc.org. Ils bénéficient également d’importants relais sur les chaînes conspirationnistes, comme celle de l’entrepreneur Silvano Trotta.

Dès le mois de mars, M. Azalbert propose aux militants anti-passe sanitaire de réaliser un « comptage citoyen » pour vérifier les résultats électoraux. Un vœu pieux : avec un peu plus de 4 500 participants au recomptage lors du premier tour, le site est très loin de pouvoir vérifier les 70 000 bureaux de vote français. D’autant que l’expérience du dépouillement a convaincu un certain nombre de sceptiques. « Il y a peut-être fraude mais dans mon bureau de vote, j’étais présente pour assister au dépouillement, Macron était en tête », écrit, au lendemain du premier tour, une internaute dans un canal Telegram conspirationniste proche de la mouvance Qanon. Et de désespérer des résultats : « Il n’y a pas fraude partout… les gens sont justes cons. »

Dans la plupart des espaces de discussion en ligne consacrés aux « fraudes », on jugeait impossible qu’Emmanuel Macron, unanimement détesté, puisse recueillir autant de votes que ce que prévoyaient les sondages. Mais lorsqu’ils participent aux opérations de dépouillement et constatent que tout est en règle, les militants tombent de haut. « J’ai dépouillé moi-même, je n’ai lu que des Macron, Macron, Macron… Il était en tête loin loin loin devant MLP et JLM », constate, encore incrédule, une internaute. « Le scrutin à l’ancienne, c’est ce qui fait la force du suffrage en France, se félicite Anne Jadot, maîtresse de conférences en science politique à l’université de Lorraine. Les gens sont attachés à ce rituel, notamment les votants réguliers, qui sont les plus âgés, pour qui il s’agit d’un devoir de bon citoyen. C’est à la fois la faiblesse du système électoral américain et la force du système français. »

Soupçons fantaisistes

Le lendemain du scrutin, le collectif Reciproc.org publie un communiqué reconnaissant que « des analyses partielles ne montrent pas, à ce jour d’écart significatif avec les résultats officiels », tout en envoyant un courrier à l’Organisation pour la sécurité et la coopération en Europe relevant des soucis très mineurs, comme des problématiques de radiations indues, largement rapportées dans la presse dite « mainstream ». Même conclusion pour Contrôle citoyen, qui aboutit à « des chiffres conformes aux chiffres officiels ».

Ce qui n’empêche pas d’autres acteurs de la sphère anti-passe, comme l’avocat Carlo Alberto Brusa, animateur de l’association Réaction19, d’évoquer la possibilité de « recours », sur la foi de soupçons fantaisistes autour de l’hébergement aux Etats-Unis des données électorales… tout en annonçant déjà son « prochain combat », celui des législatives. Au-delà de la relative inutilité de ces actions, il s’agit surtout pour ces structures de montrer à leurs membres leur activité.Dimanche 24 avril à 20 heures, Silvano Trotta, qui a très largement promu ces initiatives de recompte des voix, se couche et reconnaît la victoire du président sortant. Sans pouvoir s’empêcher, dès le lendemain, de relayer chacune des nouvelles rumeurs de fraude.

Voir aussi:

Sur RT France, Jacques Baud coche toutes les cases du conspirationnisme géopolitique 
Antoine Hasday
Conspiracy watch
7 septembre 2020

Interviewé par Frédéric Taddéï, l’essayiste, ancien officier des services de renseignement suisses, dénonce ce qu’il présente comme « le gouvernement par les fake news »… mais multiplie lui-même les contre-vérités.

Un véritable inventaire à la Prévert des théories du complot. Le 3 septembre dernier, Frédéric Taddeï recevait sur RT France, dans son émission « Interdit d’interdire », Jacques Baud, auteur du livre Gouverner par les fake news – conflits internationaux, 30 ans d’infox par les pays occidentaux (Max Milo, 2020) pour une longue interview. Sans contradicteur et pas sans concession.

« Jacques Baud est colonel d’état-major général, ancien analyste des services de renseignement stratégique suisses, spécialiste du renseignement et du terrorisme [et] engagé auprès des Nations unies dans de nombreux conflits », présente son éditeur.

Auteur de plusieurs essais, l’homme est parfois invité par les médias traditionnels pour évoquer les questions de renseignement et de terrorisme – qu’il interprète comme une réponse à « nos interventions au Moyen-Orient ». Mais on l’a récemment vu sur la web-télévision d’extrême droite TV Libertés [archive]. Il était en outre déjà intervenu sur RT France [archive].

La thèse centrale de son nouveau livre est la suivante : les gouvernements occidentaux déforment les réalités géopolitiques pour déclencher des guerres et défendre leurs intérêts. De la Syrie à l’Ukraine, de la Russie à l’Iran, on nous mentirait et la vérité serait ailleurs.

Cette petite musique avait déjà de forts accents de théorie du complot. Et de fait, pendant près d’une heure d’émission, sur de nombreux sujets (terrorisme, Syrie, Poutine, Iran…), Jacques Baud a effectivement coché la plupart des cases du bingo conspirationniste géopolitique.

Une comptabilité révisionniste des victimes au Darfour

L’un des premiers thèmes abordés est la diabolisation (supposée) des dictateurs et l’invention (encore supposée) de faux crimes de masse. Baud n’hésite pas à prétendre que le nombre de civils massacrés au Darfour serait cent fois inférieur aux chiffres communément admis.

« On crée une vérité, une aisance cognitive sur le fait que Poutine est un dictateur, que Bachar el-Assad est un monstre, qu’Omar el-Béchir est un génocidaire. […] Plus personne ne se pose de questions sur des chiffres comme 200 000, 400 000 morts au Darfour. […] Moi-même à la tête du renseignement au Darfour pendant deux ans je me suis attaché à compter ces morts, on n’est jamais arrivé à 200 000, on est arrivé au maximum à 2 500 morts », assène-t-il.

Le chiffre avancé par Jacques Baud est quatre fois inférieur à celui que le gouvernement soudanais de l’époque – responsable du « nettoyage ethnique » au Darfour pour reprendre la terminologie des Nations unies ou de Human Rights Watch – admettait lui-même en 2008, soit environ 10 000 victimes. Un chiffre déjà considéré par les experts de la région comme largement sous-estimé.

Les autres estimations varient ainsi de 100 000 à 500 000 morts. Gérard Prunier, auteur de Darfour : un génocide ambigu (éd. La Table ronde, 2005) retient par exemple le chiffre de 400 000 victimes. Les Nations unies citent le plus souvent le chiffre de 300 000 morts et trois millions de déplacés de force. Il n’y a aucune raison valable de remettre ces données officielles de l’ONU en question pour adhérer aux affirmations de Jacques Baud. La conversation dévie ensuite sur la Syrie.

Foire aux complots sur les attaques chimiques en Syrie

Le conflit syrien a été massivement investi par les conspirationnistes : affirmant que sa couverture médiatique vise à justifier une nouvelle guerre occidentale, ils nient la responsabilité du régime Assad dans les attaques chimiques qu’il perpètre, accusent les « Casques blancs » de complicité avec les djihadistes et contestent ou minimisent les crimes de masse commis par le pouvoir syrien.

« Les attaques chimiques […] ne sont certainement pas le fait de Bachar el-Assad. […] [En 2013 à la Ghouta], les services de renseignement militaire américains ont déconseillé à Obama d’intervenir parce que les éléments qu’ils avaient […] indiquaient que c’étaient en fait les rebelles qui avaient utilisé ces armes de destruction massive », claironne l’invité de Frédéric Taddéï.

Outre la fausseté de cette accusation portée à l’encontre des rebelles syriens et le caractère invérifiable de cette affirmation sur ce qu’auraient dit ses services de renseignement à Barack Obama, il est de notoriété publique que le président américain a surtout fui un nouvel engagement militaire direct des États-Unis au Moyen-Orient, redoutant que la Syrie devienne son Vietnam ou sa guerre d’Irak.

Par ailleurs, selon le Wall Street Journal, Téhéran aurait joué un rôle dans cette décision, en menaçant d’interrompre les négociations – alors en cours – pour l’obtention d’un accord sur le nucléaire iranien si jamais Washington s’attaquait directement au régime syrien.

« [Dans la Ghouta en 2013, à Khan Cheikhoun en 2017 et à Douma en 2018], il n’y a pas eu d’engagement des armes [chimiques] par l’armée syrienne en revanche il y a eu dans le premier cas [la Ghouta] un engagement par les rebelles », poursuit Baud.

Le bombardement chimique de la Ghouta par le régime syrien le 21 août 2013 a donné lieu à un véritable cas d’école de la désinformation conspirationniste. Plusieurs personnalités, généralement proches de la sphère complotiste, ont tenté de démontrer que le lieu de l’attaque était trop éloigné des positions du régime pour que l’armée régulière syrienne puisse l’atteindre et que ce bombardement n’était donc rien d’autre qu’une opération sous faux drapeau orchestrée par les rebelles.

Ces affirmations ont été battues en brèche depuis longtemps. Restent les faits : une zone tenue par les rebelles syriens a été bombardée au sarin à l’aide d’une arme chimique correspondant à l’arsenal du régime syrien, alors que cette zone se trouvait bel et bien à portée des positions du régime syrien. Tout porte donc à penser que le régime syrien est responsable de cette attaque.

« Dans le deuxième cas (Khan Cheikhoun) […] il n’y a pas eu d’armes chimiques utilisées mais des toxiques chimiques libérés [accidentellement] par un bombardement ciblé des Syriens », poursuit-il.

Faux aussi : cette affirmation fantaisiste mise en avant par le journaliste Seymour Hersh a été invalidée par le Mécanisme d’enquête conjoint (MEC ou JIM en anglais) mis en place par l’ONU et l’Organisation pour l’interdiction des armes chimiques (OIAC) pour identifier les auteurs des attaques chimiques en Syrie. En octobre 2017, suite à leurs investigations, les enquêteurs ont conclu à un bombardement au sarin effectué par l’armée de Bachar el-Assad.

« Et dans le cas de Douma, […] il n’y a rien eu du tout, simplement un bombardement « normal », si j’ose dire, d’artillerie et les rebelles ont habilement utilisé les poussières, les effets de ce bombardement pour faire croire qu’il y avait eu un engagement chimique », termine-t-il.

Faux encore : selon l’OIAC, un bombardement chimique, probablement au chlore, a bien eu lieu à Douma. Par ailleurs, plusieurs enquêtes open source, réalisées par Bellingcat et le New York Times (avec Forensic Architecture) ont démontré que les munitions retrouvées étaient utilisées par le régime syrien, et qu’elles avaient été larguées depuis le ciel (les rebelles syriens ne disposent pas de force aérienne).

« Il y a eu de nombreux lanceurs d’alerte au sein de l’OIAC qui ont confirmé que les rapports occidentaux ont été falsifiés en quelque sorte pour justifier des frappes », continue Baud.

Ces « révélations » de « lanceurs d’alerte » de l’OIAC sont pourtant bien peu probantes comme l’expliquait il y a quelques mois Conspiracy Watch. En revanche, elles ont été abondamment relayées par des personnalités connues pour diffuser la propagande du Kremlin, notamment sur la question syrienne.

La dénégation des autres crimes de masse du régime syrien

« A l’époque des massacres de Homs en 2011, les services de renseignement allemands avaient établi qu’il n’y avait pas eu de massacre causé par l’armée de Bachar el-Assad », prétend-il. Une fois de plus on ignore d’où sort cette affirmation, la réalité du massacre de la place de l’Horloge (17 morts) le 19 avril 2011 étant par exemple solidement documentée.

Plus tard dans l’émission, Jacques Baud remet en question l’authenticité des photos de « César ». Après avoir déserté, ce photographe militaire syrien a dévoilé en 2013, au moyen des milliers de clichés qu’il avait lui-même pris dans le cadre de ses fonctions dans l’armée gouvernementale, les massacres et la torture dans les prisons du régime Assad. « Les organisations humanitaires qui ont vérifié ces photos se sont aperçues que pratiquement toutes les photos en question sont des photos de soldats syriens et non pas d’opposants, il y a déjà quand même quelque chose qui cloche », assène l’ancien des renseignements suisses.

En réalité, il ne fait que reprendre à son compte l’argumentaire officiel du régime syrien : en plus de « terroristes », les photos montreraient surtout « des civils et des militaires morts sous la torture aux mains de groupes terroristes armés parce qu’ils étaient accusés d’être pro-gouvernement », selon lui. On se demande d’ailleurs quelles sont les « organisations humanitaires » à avoir repris à leur compte cette version comme le prétend Baud. Plusieurs ONG comme Human Rights Watch ont confirmé la validité du document.

« La fausse vérité c’est qu’on a un gouvernement [syrien] qui est une dictature […] et l’idée que Bachar el-Assad tente de massacrer son peuple », affirme aussi l’auteur de Gouverner par les fake news dans l’émission.

Nous sommes ici obligés de rappeler que la grande majorité des 100 à 200 000 civils tués dans le conflit l’ont été par le régime syrien ; que celui-ci les cible intentionnellement ; qu’il a recours à la faim et aux sièges comme stratégie militaire ; qu’il utilise aussi les viols comme arme de guerre ; que 100 000 personnes ont disparu, été enlevées ou emprisonnées, mises au secret dans des prisons où des milliers d’autres sont mortes exécutées ou sous la torture.

Baud évoque ensuite les empoisonnements d’opposants politiques en Russie.

Le Novitchok qui ne venait pas du GRU

« On n’a pas d’histoire d’empoisonnement de la part des services secrets russes contrairement à ce qu’on dit. […] En réalité tout porte à croire [que, dans l’affaire Skripal,] on est parti plutôt d’une intoxication alimentaire car toutes les analyses qui ont été faites par la suite n’ont jamais démontré que la Russie était impliquée. […] Dans le meilleur des cas, si des toxiques de combats ont été utilisés, on ne sait même pas s’ils sont originaires de Russie », assure Baud.

Ce n’est pas tellement la question : le site d’investigation Bellingcat, en partenariat avec le média russe The Insider, a démontré que les principaux suspects de cette affaire étaient des agents du GRU, le renseignement militaire russe. Ce qui tranche a priori la question de l’implication de Moscou.

« Navalny, on sait qu’il s’est attaqué à la mafia, à des gens corrompus. […] Navalny dirige des mouvements d’opposition dont les rivalités sont connues, on peut aussi imaginer que quelqu’un de son entourage ait tenté de l’assassiner. […] L’utilisation de poison en Russie dans l’histoire récente est plutôt le fait de la mafia que de l’État russe », croit-il savoir.

On sait pourtant désormais qu’Alexeï Navalny a été empoisonné au Novitchok, une arme chimique plutôt associée aux services secrets russes (même si l’on ne dispose d’aucune preuve que Vladimir Poutine ait lui-même commandité l’opération). A notre connaissance, l’utilisation de Novitchok par la mafia russe n’a jusqu’à présent pas été constatée ; en revanche, cette substance mortelle apparaît désormais dans trois tentatives d’assassinat où le GRU est très fortement soupçonné.

Ainsi, dans une démarche pour le moins paradoxale, Jacques Baud n’a cessé, pendant près d’une heure d’émission et sans jamais être contredit, d’aligner une sorte de best-of des théories conspirationnistes géopolitiques des dix dernières années pour dénoncer de prétendues manipulations médiatiques des États occidentaux – nous vous avons épargné ses digressions sur la Libye, l’Ukraine et l’Iran. Ne tenterait-il pas lui-même de gouverner ses lecteurs par les fake news ?

Mise à jour (11/09/2020) :

Suite à la publication de cet article, Jacques Baud a réagi dans des interviews données à Hélène Richard-Favre (déboutée en première instance de sa plainte en diffamation contre la chercheuse Cécile Vaissié qui avait évoqué sa proximité avec les réseaux du Kremlin) et à Sputnik France, média contrôlé par Moscou. Sa ligne de défense tient en deux arguments principaux.

Premièrement, nous n’aurions pas lu son livre. Ce qui est vrai. Mais M. Baud est responsable de ses propos en interview, et nous sommes libres de les critiquer. N’assume-t-il donc pas ce qu’il a raconté pendant une heure à la télévision d’Etat russe ? Si ce qu’il dit en interview ne reflète pas le contenu de son livre (ce dont il est permis de douter) M. Baud ne devrait peut-être pas donner d’interviews – ou mieux les préparer.

Deuxièmement, M. Baud ne ferait que poser des questions, il n’affirmerait rien. Cette ligne de défense ne tient pas, car durant son passage sur RT France, M. Baud ne s’est pas contenté de s’interroger, il a affirmé des contre-vérités à de multiples reprises : le pouvoir syrien ne serait pas responsable des principales attaques chimiques en Syrie ; le nombre de victimes  « réelles » au Darfour serait cent fois inférieur aux chiffres avancés par l’ONU ; les photos du rapport César montreraient principalement des cadavres de soldats syriens ; les services secrets russes ne pratiqueraient pas l’empoisonnement d’opposants… Nous avons déjà montré dans l’article, citations à l’appui, que cela n’était pas conforme aux faits tels qu’ils avaient pu être établis par les sources les plus fiables.

D’ailleurs, la posture consistant à dire « je ne fais que poser des questions » n’est pas innocente. Lorsque des faits sont établis par un faisceau de preuves concordantes, on peut effectivement les remettre en question si l’on remarque de véritables incohérences et à condition d’apporter de nouvelles preuves suffisamment solides pour ce faire. Cela, c’est le doute méthodique cher à Descartes. C’est ce qui se passe quand la justice rouvre une enquête déjà clôturée.

En revanche, remettre en question des faits établis sur la seule base d’un « est-on vraiment sûr que ça s’est passé comme ça ? », en mettant en avant des incohérences mineures dans la version établie (méthode hypercritique), sans apporter de preuves suffisamment solides pour étayer ses affirmations, est une démarche qui n’a plus grand chose à voir avec la scepticisme rationnel, mais relève de la méthodologie complotiste.

Comme l’écrit le chercheur Olivier Schmitt, « L’abâtardissement du doute méthodique le transforme dans l’espace public en doute systématique, mécanisme sur lequel toutes les formes de complotisme (qui sont un hyper-criticisme), prolifèrent. » A bon entendeur.

A. H.

Voir par ailleurs:

EXTRAITS (William Audureau. “Dans la tête des complotistes »)

“La première technique employée par ce genre de documentaires est généralement celle du pied dans la porte : dans le premier tiers du film, des éléments relativement inoffensifs amadouent le spectateur, afin de le préparer aux thèses plus subversives à venir. « Ces arguments sont faibles, mais une fois que vous êtes embarqué, engagé dans le documentaire pendant plus de deux heures, vous êtes prêt à entendre des théories complètement fantastiques, qui, si elles vous avaient été présentées dès le début, vous auraient fait arrêter le visionnage », observe Olivier Klein, professeur de psychologie sociale à l’Université libre de Bruxelles.

Deuxième ingrédient : une densité argumentative volontiers décourageante. C’est le fameux « mille-feuille » propre aux théories du complot, ou « conglobation », pour reprendre le terme employé par le politologue Pierre-André Taguieff : une accumulation exténuante de pseudo-preuves, qui, bien souvent, ne résistent pas à l’examen prises individuellement, mais qui, lâchées en masse, submergent la vigilance cognitive du spectateur. Jusqu’à ce que celui-ci s’abandonne de guerre lasse à une posture de spectateur passif.

Le troisième stratagème est enfin « l’argument d’autorité », qui consiste à faire intervenir des experts au CV ou au titre souvent ronflants, en se gardant bien de préciser qu’ils sont aujourd’hui ainsi sur des figures d’autorité supposées telles que Louis Fouché, un médecin réanimateur en réalité dépourvu de références et rejeté par ses confrères, Alexandra Henrion-Claude, une ancienne chercheuse de l’Inserm répudiée par son directeur de thèse, ou encore Luc Montagnier, biologiste français crédité pour avoir co-découvert le virus du sida, devenu un Nobel vieillissant s’oubliant dans des thèses farfelues. Mais lorsque de telles « sommités » lui sont présentées, le spectateur ignore généralement ces éléments biographiques.

Grâce à toutes ces techniques, ces documentaires excellent à diffuser le doute. Ce n’est pas tant qu’ils convainquent, mais ils ébranlent les certitudes. Cela remonte à une dizaine d’années, mais Romain se souvient encore d’avoir eu l’impression de se laisser happer lorsqu’il a visionné Dark Secrets inside Bohemian Grove. La présentation du documentaire, qui mime les codes télévisuels, lui avait donné l’impression d’un travail professionnel sérieux. L’accumulation de références, de citations, d’extraits, d’illustrations, les déclarations péremptoires enchaînées sur un rythme trop rapide pour qu’il ait le temps de les questionner, tout avait contribué à le désarçonner. Dans le même temps, l’atmosphère mystérieuse du film, truffé d’images dérobées d’une cérémonie nocturne fascinante, donnait la valeur d’une vérité secrète à ces séquences en immersion sur les rites satanistes supposément pratiqués par un club occulte.”

– Les six règles de l’échange

Une chose est certaine : chercher à clouer le bec de Karine en la prenant de haut était la pire idée possible. C’est ce que me confirme le Belge Samuel Buisseret, ancien passionné d’ésotérisme qui démonte désormais les rumeurs complotistes sur YouTube, sous le pseudo de Mr. Sam : « Il faut opérer un distinguo entre ce qu’on a envie de faire par pulsion – dire “tais-toi”, fermer le clapet de son interlocuteur avec deux-trois arguments – et ce qu’on a envie de faire après y avoir réfléchi. Le grand tort qu’on a tous, c’est de se fier à notre envie de départ, qui n’est pas toujours la meilleure. »

Face à un proche complotiste, plusieurs postures sont ainsi considérées comme étant à proscrire : l’invective, le – mépris et la condescendance figurent tout en haut de cette liste. Samuel Buisseret en sait quelque chose : il a subi durant des années l’attitude des premiers « zététiciens » de France. Au début des années 2000, ces défenseurs de la rationalité en lutte contre la pensée magique, souvent des étudiants en sciences ou en sciences humaines, pouvaient glisser dans la moquerie et l’humiliation face aux croyants comme lui. « C’était très douloureux, et on a prouvé que cela ne fait que renforcer les croyances », témoigne-t-il. Le Marseillais Stéphane, qui, après sa prise de conscience, a fait le yoyo entre les deux camps durant quelques mois, prône la posture inverse : « Dites juste : “je te respecte”. »
Se placer dans une position d’égal à égal est en effet la meilleure solution pour éviter de tomber dans une impasse. Après tout, comment convaincre quelqu’un qu’il est enfermé dans des idées sectaires si l’on se pose soi-même en prosélyte détenant la vérité ? « Dire “faire entendre raison”, c’est déjà postuler qu’on a raison et que [les complotistes] ont tort, relève le chercheur belge en psychologie Olivier Klein. L’espoir, c’est de faire bouger le curseur. Ce que vous pouvez espérer, c’est qu’après avoir discuté avec vous ils croient un peu moins à leur version des faits et que la version communément admise leur semble un peu plus plausible qu’avant206. »

S’il n’est pas question de cautionner les récits complotistes, il importe donc de respecter la personne qui y croit. Et, en même temps, de ne pas se surestimer, ni de se bercer d’illusions quant à l’issue d’un éventuel débat. C’est la grande leçon du psychologue serbe Jovan Byford, qui travaille depuis deux décennies sur les théories du complot et a régulièrement échangé avec des adeptes de celles-ci. Il s’est fixé six règles pour dialoguer avec un complotiste207 :

1) Ne pas s’attendre à renverser aisément ses croyances, car celles-ci, on l’a vu, sont par nature immunes à la critique.
2) Ne pas rentrer dans la confrontation frontale et le choc d’ego, mais au contraire veiller à maintenir un dialogue apaisé.
3) Cartographier avec précision les théories auxquelles adhère ou n’adhère pas son interlocuteur, tout en mesurant l’intensité de sa croyance. En effet, rares sont ceux qui adhèrent à toutes les théories du complot, et certains sont bien moins convaincus de ce qu’ils affirment qu’ils ne le laissent paraître.
4) Établir un terrain d’entente, en évoquant par exemple des dysfonctionnements avérés de la société208.
5) Dresser un parallèle entre les théories du complot auxquelles il croit et d’anciennes théories similaires. Par exemple, nombre des rumeurs entourant le Covid-19 existaient déjà à l’identique il y a plusieurs décennies au sujet du sida (concernant la création supposée du virus en laboratoire) ou du vaccin contre la polio (concernant la stérilité que pourrait provoquer le vaccin anti-Covid).
6) Rester réaliste et modeste quant à ses attentes : parfois, instiller un peu de doute constitue déjà une belle avancée.

En cas de débat, Jovan Byford recommande également de se concentrer toujours sur des points précis, factuels et vérifiables, et de se référer pour cela à des articles de vérification (il place manifestement plus d’espoir dans le factchecking que je ne le fais moi-même).”

– La méthode socratique

Certains spécialistes recommandent de recourir à la discussion, davantage qu’au débat, pour tenter de guider un complotiste vers la décroyance. Pas n’importe quel type de discussion : l’entretien épistémique, la méthode employée par Socrate dans la plupart des dialogues de Platon. L’idée ? Ne pas s’escrimer à déployer des arguments, mais se contenter de poser des questions à son interlocuteur, avec une forme de naïveté assumée, pour l’amener à remonter aux sources de ses croyances. Le vidéaste américain Anthony Magnabosco s’en est fait une spécialité, filmant ses entretiens avec de parfaits inconnus rencontrés dans la rue. Rassurez-vous : il dialogue en anglais, pas en grec ancien.

Cette technique a été théorisée par un philosophe américain spécialiste des dialogues socratiques, Peter Boghossian. Athée militant, ce dernier se donne pour mission d’offrir des clés pour lutter contre le « virus de la foi » en amenant son interlocuteur à accepter l’aporie, c’est-à-dire le fait qu’il existe des questions irrésolues. Sa méthode n’a donc pas été inventée spécifiquement pour dialoguer avec les théoriciens du complot, et elle demande une certaine disponibilité de la part de son interlocuteur. Néanmoins, si celui-ci joue le jeu, elle peut s’avérer efficace. « Au lieu de s’opposer aux arguments de quelqu’un, on va revisiter avec lui ce qui est à la base de ses croyances, et comparer ces bases avec d’autres croyances qu’il considère comme erronées, détaille Samuel Buisseret, l’ésotériste repenti qui recourt lui-même à cette méthode. Cela conduit au minimum au doute, et parfois à la déconversion. »”

– Conclusion

“Le complotisme est un phénomène complexe. Au niveau individuel, il naît de la rencontre entre un tempérament – sount idéaliste, indépendant ou encore provocateur –, un écosystème – qu’il s’agisse de « bulles de filtre » exposant à des contenus conspirationnistes sur Internet ou d’un environnement social sensible aux contre-récits – et un moment de vulnérabilité, qu’il soit personnel ou collectif. C’est la conjonction de tous ces facteurs qui peut pousser un individu à recourir à la pensée magique pour donner du sens à son quotidien.

Le complotisme présente en effet de nombreux avantages. Il met de la simplicité sur le chaos du monde, offre le sentiment de posséder des clés pour comprendre ou, au moins, enquêter. Il permet de se sentir à la fois moins seul et plus fort. Surtout, il offre des outils narratifs capables de repousser indéfiniment la contradiction, voire, si le besoin s’en fait sentir, de révoquer le réel. Mais il a vite fait, aussi, de se transformer en une méfiance généralisée, potentiellement invivable, ou en une crédulité aveugle, qui peut se révéler extrêmement dangereuse.
Reste qu’il n’existe pas deux complotistes identiques. Le caractère stéréotypé et souvent mimétique des propos tenus en public par les conspirationnistes cache des parcours et des motivations hétérogènes. La foi, le besoin de reconnaissance, un drame personnel, l’attirance pour le merveilleux sont autant de portes d’entrée différentes vers le monde des contre-récits.

Si l’on veut lutter contre ce phénomène, il faut donc cesser de l’envisager sous le seul angle des idées. Dans l’univers mental d’un complotiste, il existe peu de croyances qui soient fondamentales : toutes ou presque se rapportent à un vouloir-croire central, une thèse primordiale et constitutrice, qui vient répondre à un mal-être. Le reste n’est que feuillage.

Pour combattre le complotisme, c’est à ce mal-être qu’il faut s’adresser. Et, pour cela, commencer par l’entendre. Au niveau collectif, le caractère fantasque des contre-récits des chercheurs de vérité ne doit pas occulter le fait que certaines de leurs frustrations fondatrices sont légitimes. Le lobbying des grandes compagnies pharmaceutiques, l’affairisme politicien, les violences policières et autres dénis de démocratie sont d’authentiques problèmes de société. On ne peut pas reprocher aux conspirationnistes de demander plus de respect, de justice, de démocratie.

Dans son geste initial, le complotisme est une tentative d’opposer à un État jugé défaillant un contre-État artisanal, populaire, fonctionnel et, surtout, plus juste. La meilleure manière de ne pas laisser se développer un terreau favorable à un populisme aveugle, crédule et potentiellement haineux est donc encore de s’efforcer d’améliorer les fondements de la démocratie, de redonner de l’assise au contrat social, de restaurer la confiance dans les institutions, qu’elles soient politiques, sociales ou sanitaires. Sans quoi la lutte contre les contre-récits les plus dangereux se réduira toujours à ce qu’elle est déjà, et dont chacun perçoit depuis longtemps les limites : une chasse sisyphéenne aux racontars monstrueux par les journalistes spécialisés dans le fact-checking, et la suppression toujours brutale, tardive et polémique de comptes complotistes par les propriétaires des réseaux sociaux.

Au niveau individuel, le complotisme pose d’autres questions, à commencer par celle du vivre-ensemble. Il n’est pas évident d’accorder de son temps à un interlocuteur à la suspicion insultante. Mais il est encore moins évident d’accepter de voir des proches sombrer dans des contre-discours irréels, hystériques et dangereux, jusqu’à l’enfermement et la rupture. Alors, il faut réussir à restaurer du lien. En commençant peut-être par mettre ces contre-discours de côté. Non parce qu’ils sont tolérables ; ils ne le sont pas. Mais parce qu’ils sont invulnérables au débat et que la critique frontale ne fait au contraire que les renforcer.

Il faut parvenir à recréer un autre terrain d’échange, qui n’est pas celui de l’idéologie ou des faits. Revenir aux souvenirs, aux projets, aux choses simples – passer du temps ensemble, retrouver un peu de gaieté de vivre et de partager. Cela pourrait ressembler à une boutade mais, face au complotisme, je crois plus au pouvoir de la raclette qu’à celui du factcheck. Changer les idées de son interlocuteur, restaurer un terrain de paix, savourer ensemble, donneront toujours de meilleurs résultats que l’affrontement ou le dénigrement – et permettront de retrouver assez de confiance pour, ensuite, si la personne y est prête, parler de ses croyances.”

“Contre-intuitive et paradoxale, la réponse au complotisme doit donc consister à traiter de manière symétriquement opposée le complotisme en tant que phénomène de société et en tant que dérive personnelle. Au niveau collectif, il faut se mettre à l’écoute de ses revendications entendables, tout en le marginalisant. C’est le travail de l’État, des médias, des propriétaires des réseaux sociaux. Au niveau individuel, il faut au contraire faire la sourde oreille aux discours, mais être présent physiquement et émotionnellement. C’est le rôle des collègues, des amis, de la famille. Isoler d’un côté, accompagner de l’autre, exclure du débat public mais réintégrer socialement, tel est le défi ardu que nous lance le complotisme.”

Voir par ailleurs:

« Au moment où Poutine s’enfonce dans son propre piège en Ukraine, Xi Jinping s’enlise dans une guerre anti-Covid »
Lun Zhang
Professeur d’études chinoises à Cergy-Paris-Université
La tentative des dirigeants russe et chinois d’imposer un néototalitarisme pour contrôler les sociétés et les individus ne peut que se solder par un échec, dans une tendance mondiale à la « subjectivisation collective et individuelle », estime le sinologue Lun Zhang, dans une tribune au « Monde ».
Le Monde
18 avril 2022

De manière cruelle et brutale, le monde entier – et en particulier les Européens –, se retrouve plongé dans les guerres froides et chaudes du siècle passé, avec ce qui se passe en Ukraine. La vieille théorie politique est reconfirmée : un dirigeant disposant d’un pouvoir sans barrière est toujours une menace pour la paix. Les décisions qu’il prend selon sa propre logique, irrationnelle pour beaucoup, ne peuvent qu’engendrer des catastrophes humaines.

L’enlisement des troupes russes en Ukraine, comme en Afghanistan, était prévisible, sauf aux yeux de Vladimir Poutine. Il peut, aujourd’hui, se retourner contre les généraux, les ministres qui l’avaient mal renseigné et lui avaient menti dans la réalisation de son projet impérial. Les observateurs étrangers partagent cette analyse pour expliquer le fiasco de la campagne militaire russe.

Mais la raison du présent revers, et même d’un très probable échec final de Poutine, est à chercher ailleurs. Elle se trouve dans sa tentative d’imposer sa vision totalitaire à la nation ukrainienne en construction. Depuis des années, il met en place une politique totalitaire dans sa propre société russe, et l’applique maintenant aux Ukrainiens.

Cette vision totalitaire poutinienne consiste à dire qu’il n’y a pas d’autre possibilité qu’accepter d’être des sujets subordonnés au nouveau tsar du XXIe siècle. Il n’existe aucune différence identitaire entre Russes et Ukrainiens. Alors, quand ces derniers s’opposent, la solution est de mener une « opération spéciale » pour les ramener dans la case préconstruite, comme une opération chirurgicale. A la différence des actions coercitives similaires menées par l’ex-URSS à l’encontre des pays satellites désobéissants, elle ne se fait plus au nom d’un paradis terrestre à venir, mais d’un empire passé.

Si cette tentative totalitaire poutinienne connaît un certain succès en Russie, avec des méthodes staliniennes et mafieuses de gouvernance et une propagande mensongère nationaliste, elle se heurte à une forte résistance des Ukrainiens, qui veulent défendre leur culture et leur liberté individuelle et collective. L’image de la destruction des tanks, ces machines symboliques du totalitarisme du XXe siècle, l’atteste parfaitement.

Pouvoir tout-puissant

Au moment où Poutine s’enfonce dans son propre piège, son allié et ami Xi Jinping s’enlise dans une guerre contre le Covid-19, selon la même logique.

Depuis deux ans, la Chine de Xi applique la méthode zéro Covid à tout prix. Si, en France, le « quoi qu’il en coûte » consiste à sauver les emplois et les vies humaines, et à protéger des dégâts causés par la pandémie, la politique du zéro Covid en Chine ne prend pas en compte ses conséquences. Par exemple, la mort des patients atteints d’autres maux s’explique par la priorité donnée au Covid-19. Malgré le contrôle extrême de l’information, de nombreuses tragédies sont rapportées, témoignant de la gravité de la situation : ainsi, une femme enceinte, sans attestation prouvant qu’elle était négative au Covid-19, a perdu son bébé après avoir attendu des soins pendant des heures ; une infirmière est décédée d’une crise d’asthme à cause du manque de soignants.

Pour Xi, le pouvoir est magique et tout-puissant, s’appuyant sur une organisation de type militaire et sur une sévérité extrême envers les contaminés, visant à éradiquer le virus et à rendre la société « saine » et « purifiée » sans Covid-19.

Malgré la réserve de certains épidémiologistes chinois sur cette méthode, face à la mutation du virus et en particulier le variant Omicron, le modèle du zéro Covid est maintenu. Car il ne s’agit désormais plus d’une affaire concernant la santé publique, cela devient, aux yeux de Xi, le symbole du modèle chinois, voire la preuve civilisationnelle de « l’ascension de l’Est et du déclin de l’Occident », caractéristique de notre monde actuel, vision qu’il a adoptée depuis un certain temps.

La propagande chinoise ne cesse de faire l’éloge de ce modèle, en le comparant à la situation en Occident, en particulier aux Etats-Unis, depuis deux ans. Elle insiste sur le fait que c’est le président lui-même qui « commande personnellement », comme un chef de guerre, vers la victoire. Tout comme dans la Russie actuelle, où Poutine est confondu avec la nation, en Chine, Xi est identifié au Parti communiste chinois (PCC) et à ce modèle anti-Covid. Ce modèle s’inscrit dans la même logique que le « zéro critique », le « zéro dissident »… que Xi met en pratique depuis des années.

Grogne grandissante

A un moment politiquement très sensible – le XXe congrès du PCC aura lieu en fin d’année –, Xi tentera de briguer son troisième quinquennat après avoir aboli la limite des mandats [avant 2018, elle était de deux fois cinq ans]. Il ne peut tolérer la moindre critique. Il utilise l’éradication du Covid-19 pour triompher de ses adversaires potentiels, devant le peuple chinois et le monde entier, et justifier un nouveau mandat.

Même si cette méthode connaît un certain succès temporaire face à la pandémie, elle ne peut pas être un remède permanent et ne peut qu’échouer au final, face à la propagation de nouveaux variants, la pression économique et la grogne sociale grandissante. Des signes d’impatience et d’incompréhension, de contestation sous formes diverses éclatent partout dans de nombreux endroits du pays, des Chinois brisant l’interdit.

La pluralité et le désir de liberté font partie de la vie, incarnent la vie. Une vision totalitaire s’écarte toujours de la vie, de la réalité. La grande tendance mondiale de notre temps, malgré des contre-courants, est une subjectivisation collective et individuelle.

La tentative de Poutine et de Xi d’imposer un néototalitarisme, pour contrôler les sociétés et les individus, ne peut que se solder par un échec final, cela malgré de probables réussites temporaires. L’histoire du XXsiècle l’a attesté, et l’histoire de notre siècle le démontrera à son tour. L’enlisement en Ukraine et en Chine de ces deux dirigeants n’en est que la première étape.

Lun Zhang est professeur d’études chinoises à Cergy-Paris-Université, chercheur au laboratoire Agora (centre de recherche multidisciplinaire en sciences humaines et sociales) et chercheur associé à la Fondation Maison des sciences de l’homme, rédacteur en chef du site intellectuel en chinois « La Chine : histoire et futur ».

Voir aussi:

Covid-19 en Chine : à Shanghaï, les autorités durcissent encore leur politique d’enfermement maximal
Simon Leplâtre (Shanghaï, correspondance)
Le Monde
27 avril 2022

Récit Après un mois de confinement drastique, les autorités de la mégalopole chinoise sont prêtes à tout pour faire baisser le nombre de nouveaux cas. L’application aléatoire de mesures extrêmes épuise les habitants, dont la seule sortie quotidienne autorisée est pour faire un test PCR.
Mme Ren, 34 ans, ne s’attendait pas à recevoir la visite de la police le 22 avril : « Ils sont arrivés à minuit pour nous dire que, parce qu’il y avait beaucoup de cas dans notre résidence, nous serions tous envoyés à l’isolement, témoigne la jeune femme. Dimanche, nous avons tous dû enfiler des combinaisons intégrales et nous avons été mis dans un bus avec une quarantaine de voisins, vers 16 heures. On est arrivés à destination sept heures plus tard, sans la moindre pause. Pour faire nos besoins, on nous avait distribué des couches. Dans le bus, il y avait une femme enceinte de sept mois, une personne âgée de plus de 80 ans et un enfant de 5 ans », raconte-t-elle.

Enfin arrivés à destination, ils apprennent qu’ils se trouvent à Bengbu, dans la province chinoise Anhui, à 500 kilomètres au nord-ouest de Shanghaï. Ils posent leurs valises dans un ancien hôtel transformé en centre de quarantaine deux ans plus tôt, au début de la pandémie de Covid-19. Ses photos montrent des murs rongés par l’humidité, un mobilier couvert de traces de chlore et des cafards qui parcourent la chambre. « Après que j’ai publié des photos sur Weibo, mon comité de quartier m’a appelée pour me dire qu’il n’y avait pas mieux, mais qu’ils pourraient nous distribuer des lingettes désinfectantes pour nettoyer un peu… je suis résignée », dit-elle en soupirant au téléphone.

Après un mois de confinement drastique, les autorités de Shanghaï sont prêtes à tout pour faire baisser le nombre de nouveaux cas de Covid-19. L’objectif est simple : que 100 % des cas contacts se trouvent à l’isolement, de sorte que le virus ne circule plus au sein de la communauté. Pour ce faire, les responsables n’hésitent pas à envoyer des quartiers entiers en quarantaine, parfois dans des provinces voisines. Shanghaï dispose de plus de 300 000 places d’isolement collectif. Mercredi, 12 309 nouveaux cas ont été recensés, après un pic à plus de 27 000 cas mi-avril. Mais la route pour revenir à un niveau acceptable est encore longue, car les autorités centrales le martèlent ces dernières semaines : la Chine n’est pas prête à vivre avec le virus, et seule la politique zéro Covid est correcte. Ces dernières semaines, des villes sont mises sous cloche pour quelques cas seulement.

Barrières métalliques
A Shanghaï, les autorités emploient le slogan d’« embarquer tous ceux qui doivent être embarqués » (« yingshou jinshou »), utilisé également dans le cadre de campagnes contre le terrorisme au Xinjiang. Plusieurs séries de mesures ont été annoncées depuis dix jours : renforcement des contrôles routiers, désinfection des résidences et installation de détecteurs sur les portes des personnes positives, en attendant de les envoyer en centres d’isolement. Samedi 23 avril, la pression est encore montée d’un cran, avec l’apparition de barrières métalliques autour de certaines résidences et bâtiments ayant enregistré des cas depuis moins de sept jours. Une directive du nouveau district de Pudong, dans l’est de la ville, précisait samedi que les barrières doivent utiliser un grillage assez large pour permettre d’effectuer les tests en passant les écouvillons au travers, pour éviter d’avoir à ouvrir les grilles, et que des agents de sécurité devraient monter la garder 24 h sur 24 autour de ces bâtiments.

Dans la ville, la frustration grandit : « Je refuse de descendre faire les tests depuis qu’ils ont mis ces grillages en bas de chez moi », témoigne une habitante du district de Pudong. De plus en plus d’habitants tentent ainsi de désobéir, à la fois par crainte que les tests soient des vecteurs de transmission du virus, et par colère contre les restrictions sans fin dont ils sont victimes. Au point que les autorités diffusent des menaces par SMS : « Rappel amical : les personnes qui ne se soumettent pas aux tests verront leur code de santé changer au jaune », ont été avertis mardi les habitants du district de Huangpu. Les codes QR de santé sont verts quand tout va bien, jaunes pour les cas suspects, et rouges pour les cas confirmés. Perdre son code vert peut avoir des conséquences lourdes, notamment en cas de demande d’accès à des hôpitaux.

Gabrielle Gaillard est une jeune Française installée dans le centre de Shanghaï depuis deux ans. Mardi, vers minuit, elle a reçu un message de son comité de résidents lui demandant son numéro de passeport, en prévision du déplacement de tous les habitants de sa ruelle dans un hôtel pour une période de cinq jours. « Après le départ des habitants négatifs, la ruelle sera entièrement désinfectée », indique le message. Gabrielle hésite, sa résidence de 80 habitants compte déjà une dizaine de cas : « Ce n’est pas une solution de transférer tout le monde, on risque de s’infecter entre nous ! Ce matin à 8 heures, ils ont commencé à emmener les voisins. Quand j’ai demandé plus d’information sur l’hôtel où ce serait situé, on m’a dit que ce ne serait sans doute même pas à Shanghaï », témoigne cette créatrice de vidéos de voyages.

« Allez faire le PCR ! »
Outre les mesures extrêmes, c’est le caractère aléatoire de leur application qui épuise les habitants, maintenus dans une incertitude permanente. Début avril, Gabrielle Gaillard a tout fait pour envoyer son chien chez un ami à Pékin, parce qu’une habitante de sa ruelle placée en centre d’isolement avait dû abandonner ses deux chats chez elle. Vingt jours plus tard, elle n’est toujours pas revenue à son domicile : « Les voisins ont cherché à porter assistance aux deux animaux, mais il y a un scellé sur sa porte, nous avons interdiction formelle de rentrer, et ses fenêtres ne sont pas accessibles. On ne sait pas dans quel état sont les chats », déplore-t-elle. Dans d’autres communautés, les comités de quartier sont plus compréhensifs et laissent les voisins intervenir. De même, certains patients positifs peuvent rester à l’isolement chez eux, alors que la plupart sont envoyés dans des centres d’isolement aux conditions spartiates.

Pour la plupart des habitants de Shanghaï, les tests sont la seule sortie autorisée chaque jour. Dans la matinée, à partir de 7 heures, des volontaires viennent tambouriner aux portes de notre quartier de petites maisons accolées dans le centre ancien de Shanghaï. « Numéro 33, allez faire le PCR », crient les volontaires à plein poumon pour réveiller les habitants jusqu’au deuxième étage. Mardi, Shanghaï avait décidé de nouveau de tester toute la ville en une journée. Le système informatique n’a pas suivi : faute de pouvoir scanner les codes QR des personnes pour les identifier, les employés en combinaison blanche ont prié les habitants qui patientaient sous la pluie de revenir plus tard.

Cette courte sortie donne un aperçu du climat qui règne dans la ville. Si la plupart des habitants sont résignés, certains craquent : enfermé derrière une grille érigée deux jours plus tôt, un quadragénaire trapu, armé d’un tuyau en plastique, frappe tout ce qui passe à sa portée en hurlant : « Je n’ai plus un sou pour vivre ! Et tout ce que vous faites pour nous, c’est de nous envoyer faire des tests. » Sur le chemin du retour, on croise un homme, la cinquantaine, réfugié avec quelques couvertures sous le porche d’un restaurant pour s’abriter de la pluie. Il fait partie des milliers de gardiens placés en faction à l’entrée de chaque ensemble résidentiel de la ville. Mais son dortoir a connu plusieurs cas, alors lui et ses camarades dorment dehors en ce moment : « Mei banfa, dit-il en soupirant (On n’y peut rien). »

Voir également:

Xi Jinping face à l’échec de la stratégie « zéro Covid »
Depuis un mois de Shanghaï, et bientôt peut-être de Pékin, le confinement remet en cause la stratégie zéro Covid imposée par le dirigeant. D’autant que la croissance économique n’est pas au rendez-vous en Chine, à quelques mois du 20e congrès du Parti communiste chinois.
Frédéric Lemaître (Pékin, correspondant)
Challenges
27 avril 2022

Le président chinois Xi Jinping, à Pékin, le 11 mars 2022. LEO RAMIREZ / AFP
Rien ne se passe comme prévu pour Xi Jinping. Depuis environ un an, le président chinois misait sur la croissance économique et la stabilité sociale pour s’assurer une réélection de maréchal lors du 20e congrès du Parti communiste chinois (PCC), qui aura lieu à l’automne.

La réussite des Jeux olympiques d’hiver, en février, était de bon augure. Mais, depuis, rien ne va plus. La guerre lancée par son ami Vladimir Poutine en Ukraine le 24 février s’enlise. Pis, le confinement de Shanghaï depuis un mois et peut-être demain de Pékin remet en cause, aux yeux mêmes de nombreux Chinois, le bien-fondé de sa stratégie zéro Covid. La croissance économique est en berne, tout comme le moral d’une population confinée depuis maintenant plus de deux ans. Malgré la censure, les Shanghaïens n’hésitent plus à crier leur colère et leur désespoir, et nombre d’hommes d’affaires occidentaux installés dans le pays, longtemps thuriféraires du régime, n’aspirent plus qu’à plier bagage.

Or, le 20e congrès du PCC approche. Il se tiendra « au second semestre », selon les autorités. Sans doute en novembre. Les provinces sont en train de désigner les 2 300 délégués. Xi Jinping a été « élu » délégué du Guangxi, une province rurale du sud-ouest du pays, vendredi 22 avril. Ce congrès ne ressemblera pas aux précédents. Ayant obtenu, en 2018, une modification de la Constitution qui lui permet de rester président de la République durant plus de dix ans, Xi Jinping va très vraisemblablement être réélu secrétaire général du PCC puis président de la République.

Mais qu’en est-il des autres dirigeants ? Comment va évoluer le véritable cœur du pouvoir, le comité permanent du bureau politique, qui compte aujourd’hui sept membres mais en a longtemps compté neuf ? Qui va remplacer le premier ministre Li Keqiang, qui quitte son poste en 2023 ? A l’échelon inférieur, qui va intégrer le bureau politique ? Continuera-t-il à comprendre vingt-cinq personnes ? Parmi ses membres actuels, qui sont ceux qui vont intégrer le comité permanent ? Question annexe : la gestion contestée du Covid-19 à Shanghaï va-t-elle avoir des conséquences sur la carrière des dirigeants de la ville, traditionnellement promis aux plus hautes fonctions nationales ?

Climat délétère
Pour le moment, personne n’a de réponse à ces questions essentielles. Le climat est délétère. Il se murmure qu’à Pékin tout le monde ne voit pas d’un mauvais œil les difficultés de Shanghaï l’insolente. Début avril, Pékin a non seulement dépêché dans la deuxième ville du pays 38 000 personnels de santé supplémentaires, mais également plus de deux mille soldats. « Parce que Pékin ne fait pas confiance aux unités de police de Shanghaï – pour des raisons assez évidentes –, les forces de police armées spéciales de [la province de] Shandong ont été envoyées en “renfort” depuis le 31 mars environ. Elles ne répondent pas au bureau de la sécurité publique de Shanghaï », explique Alex Payette, un consultant canadien spécialiste de la Chine, dans un article publié sur le site Asialyst mi-avril.

Episode du 20 avril 2022

Face à ces difficultés, Xi Jinping ne donne aucune indication sur ses intentions, mais reste inébranlable et accuse Washington de tous les maux. Pas un jour ne passe sans que la propagande rappelle que les Etats-Unis et l’OTAN sont à l’origine de la guerre en Ukraine. Selon celle-ci, l’Alliance atlantique n’est plus une alliance défensive mais offensive, dont la Chine risque, si elle n’y prend garde, d’être la prochaine victime.

La « sécurité nationale » est mise à toutes les sauces pour faire taire la moindre voix dissonante. Des Chinois publient, le 22 avril, une vidéo de six minutes reprenant quelques témoignages de Shanghaïens désespérés par le confinement auquel ils sont soumis ? Les censeurs qualifient immédiatement celle-ci de « révolution de couleurs ». Se plaindre qu’un vieillard ne soit pas admis à l’hôpital pour recevoir des soins vitaux, qu’une femme sur le point d’accoucher ne puisse pas accéder à une maternité ou encore qu’une famille manque de nourriture, c’est ourdir un complot et, sous-entendu, être manipulé par les Occidentaux.

Pas de débat possible
En visite à la mi-avril sur l’île de Hainan, Xi Jinping a rappelé qu’il fallait « persévérer pour réussir » et qu’il ne saurait être question de relâcher l’effort dans la lutte contre le Covid-19. Il n’y a donc pas de débat possible, ni sur la politique sanitaire, ni sur l’efficacité des vaccins chinois, ni sur le refus de Pékin d’importer des vaccins à ARN messager, ni sur le faible taux de vaccination des personnes âgées. Seuls 20 % des plus de 80 ans ont reçu trois doses.

Zhong Nanshan, le pape des épidémiologistes chinois, l’a appris à ses dépens. Celui qui avait reçu des mains de Xi Jinping la médaille de la République en 2020 pour son rôle éminent contre le Covid-19 se fait désormais censurer sur Internet parce qu’il a osé écrire qu’à long terme la politique zéro Covid n’était pas viable. « Pékin devrait pourtant savoir à présent que l’isolement total ne fonctionne pas. Pourtant, le pouvoir central demeure, pour ainsi dire, prisonnier de ce modèle : l’abandonner reviendrait à reconnaître que le PCC se trompe depuis le début. Cette option n’est pas envisageable – encore moins à quelques mois du 20e congrès », analyse M. Payette.

Pas davantage que les diplomates ou les experts en politique internationale, les scientifiques n’ont le droit d’interroger la ligne officielle. « Ça me rappelle ce que j’ai connu avant la chute du mur de Berlin. Des diplomates rédigeaient des rapports critiques, mais, parallèlement, les responsables du Parti indiquaient dans leurs notes que tout allait bien, et les dirigeants ne prenaient en compte que ce dernier point de vue. C’est pareil à Pékin », confie un ambassadeur d’un pays d’Europe centrale.

En ces temps de difficulté, le culte de la personnalité atteint des sommets. Lundi 25 avril, Xi Jinping s’est rendu à l’université du Peuple de Chine, à Pékin, pour expliquer que le pays devait « développer des universités de classe mondiale ». Le dernier paragraphe du compte rendu officiel de la visite donne une idée de l’ambiance : « Lorsque Xi a quitté l’université, les deux côtés de la route étaient bondés d’enseignants et d’étudiants qui ont salué le secrétaire général avec excitation. Ils ont acclamé d’une seule voix : “Nous resterons fidèles au Parti et nous serons à la hauteur de la confiance du peuple. Nous travaillerons dur pour devenir les piliers du renouveau national et l’avant-garde d’un grand pays.” Xi les a salués au milieu des applaudissements et des acclamations. »

La relance de l’économie, une priorité
De son côté, le gouverneur du Guangdong, Wang Weizhong, a exprimé sa « gratitude éternelle au secrétaire général » à plus de dix reprises dans son discours d’investiture pour le congrès du PCC. Dans le Guangxi, le numéro un chinois a été qualifié de « pilote du grand renouveau ». Certains parlent de « nord-coréanisation » de la politique chinoise.

Mais le pilote est sans doute plus inquiet que son air bonhomme le laisse supposer. Alors que le taux de chômage des jeunes urbains (16-24 ans) atteint 16 % de la population active, que les ventes au détail ont plongé de 3,5 % à la fin du premier trimestre et que la croissance du pays continue de dépendre en grande partie de ses exportations, Xi Jinping fait de la relance de l’économie une priorité.

Présidant, mardi 26 avril, une réunion du comité central pour les affaires financières et économiques, le secrétaire général du PCC a ordonné d’investir massivement dans les infrastructures. « Nous devons reconnaître qu’elles ne répondent pas aux besoins du développement et de la sécurité nationale. Renforcer la construction d’infrastructures sur tous les plans est d’une grande importance pour assurer la sécurité nationale (…) développer la demande intérieure et promouvoir un développement de haute qualité », indique le compte rendu diffusé par la chaîne CCTV. Transports, énergie bas carbone, cloud computing, intelligence artificielle…, la liste des secteurs concernés semble infinie, mais aucune enveloppe financière n’a été affectée.

Alors que le pays tourne au ralenti – environ soixante-dix des plus grandes villes chinoises restreignent les déplacements en raison de la politique zéro Covid –, cette relance des investissements publics est aussi politique qu’économique. Xi Jinping entend faire taire toute contestation.

Selon le Wall Street Journal, Xi Jinping a clairement indiqué à son entourage qu’il fallait absolument que la Chine atteigne cette année les 5,5 % de croissance comme prévu, car elle doit dépasser le taux de croissance des Etats-Unis afin de prouver la supériorité du modèle économique chinois. « Il [Xi Jinping ] est très franc avec moi. Il ne croit pas que la démocratie puisse fonctionner au XXIe siècle, et [même] dans le second quart de siècle. Parce que les choses vont trop vite », a confié, le 21 avril, le président américain, Joe Biden, devant une assemblée démocrate.

Le 20e congrès du PCC devrait se tenir à peu près au même moment que les élections de mi-mandat américaines – elles se dérouleront en novembre –, qui pourraient mettre Joe Biden en difficulté. Il est essentiel pour Xi Jinping d’en sortir triomphant. C’est peut-être maintenant qu’en coulisse tout se joue.

Voir par ailleurs:

Les cinq règles de la pensée conspirationniste
Pierre-André Taguieff

Les théories du complot

2021

Les récits conspirationnistes accusatoires sont structurés selon cinq principes, ou règles d’interprétation des événements. De ces règles et d’un certain nombre de biais cognitifs dérivent les représentations et les croyances composant l’imaginaire conspirationniste. Certaines d’entre elles ont déjà été identifiées par divers auteurs. Cet ensemble de règles constitue un modèle d’intelligibilité de la pensée conspirationniste en tant que forme de pensée sociale, tel que je l’ai présenté dans mes travaux récents. Énumérons-les.

(1) Rien n’arrive par accident. Rien, dans les séries événementielles qui suscitent de la surprise et de l’anxiété, n’est accidentel ou insensé, ce qui implique une négation du hasard, de la contingence, des coïncidences fortuites. On connaît la formule : « Ce n’est pas un hasard si… » Pour les adeptes du grand récit complotiste, tout s’explique par les complots et les mégacomplots. Ce savoir alternatif confère à celui qui le possède la conviction que la marche du monde est intelligible, et qu’il peut la contrôler dans une certaine mesure. Cette maîtrise imaginaire donnée par les croyances complotistes répond à un besoin d’ordre, à la fois cognitif et affectivo-imaginaire.

(2) Tout ce qui arrive est le résultat d’intentions ou de volontés cachées. Il s’agit, plus précisément, d’intentions mauvaises ou de volontés malveillantes, les seules qui intéressent les esprits conspirationnistes, qui privilégient les événements malheureux et inquiétants : crises, bouleversements, catastrophes, attentats terroristes, assassinats politiques. Ces événements sont expliqués en répondant à la question magique : « À qui profite le crime ? » D’où la question : « Qui est derrière ? »

(3) Rien n’est tel qu’il paraît être. Tout se passe dans les « coulisses » ou les « souterrains » de l’histoire. Les apparences sont donc toujours trompeuses, elles se réduisent à des mises en scène. La vérité historique est dans la « face cachée » des phénomènes. La vérité ne peut être qu’« ailleurs », sa découverte impliquant de déjouer les pièges tendus par les manipulateurs, les experts en « faire-croire ». L’axiome est ici : « On nous manipule. » Dans la perspective conspirationniste, l’historien devient un contre-historien, l’expert un contre-expert ou un alter-expert, un spécialiste des causes invisibles des événements visibles. Il fait du démasquage son opération cognitive principale. Dès lors, l’histoire « officielle » ne peut être qu’une histoire superficielle. La véritable histoire est l’histoire secrète. Les auteurs conspirationnistes « classiques » – par exemple Julius Evola, qui incite à « rechercher les causes secrètes de l’histoire » – se réfèrent volontiers à ce passage de Balzac, extrait d’Illusions perdues : « Il y a deux Histoires : l’Histoire officielle, menteuse qu’on enseigne, l’Histoire ad usum Delphini. ; puis l’Histoire secrète, où sont les véritables causes des événements, une histoire honteuse. »

(4) Tout est lié ou connecté, mais de façon occulte. « Tout se tient », dit le complotiste, prenant la posture de l’initié, incarnant à la fois le contre-expert, l’alter-expert et le super-expert, susceptible de jouer le rôle du voyant, du visionnaire ou du prophète. On rencontre ici le biais de conjonction qui, largement répandu dans la pensée sociale ou le savoir populaire, consiste à percevoir la probabilité de la conjonction de deux événements. Les complotistes semblent commettre ce genre d’erreur plus souvent que la moyenne de la population.

(5) Tout ce qui est officiellement tenu pour vrai doit faire l’objet d’un impitoyable examen critique, visant à le réduire à des croyances fausses ou à des mensonges. C’est la règle de la critique dérivant du soupçon systématique, ou plus exactement celle de l’hypercritique s’appliquant à tout discours officiel. Si « tout doit être minutieusement passé au crible de la critique», l’application de cette règle aboutit ordinairement à un dévoilement du vrai occulté ou du réel caché, pour se conclure par l’énoncé : « Au début, je n’y croyais pas mais j’ai dû me rendre à l’évidence. » Il y a là un simulacre de la joie de découvrir une vérité jusque-là dissimulée, rejoignant celles qui circulent dans la complosphère, servant de nourritures psychiques aux addicts des réseaux sociaux.

Il faut souligner le fait, selon une suggestion du psychologue social Pascal Wagner-Egger, que, pour les complotistes, tout ne doit pas être passé au crible de la critique, mais seulement la version « officielle », perçue comme telle, qui est donnée de l’événement. Il y a donc une frappante « asymétrie cognitive » chez les complotistes qui, surtout depuis le 11 Septembre, font preuve d’un extrême esprit critique envers la version « officielle » d’un quelconque événement en même temps que d’une extrême crédulité à l’égard des « théories du complot » qui se présentent comme des explications « alternatives ».

La cinquième règle d’interprétation est donc celle de l’hypercritique du savoir « officiel », tel qu’il est reconnu par le pouvoir étatique et le système médiatique – qui forment, avec le pouvoir financier, « le Système », comme disent désormais la plupart des idéologues complotistes. C’est là une règle interprétative caractérisant plus particulièrement la rhétorique néocomplotiste qui s’est élaborée après le 11 Septembre, et qu’on peut définir comme « sceptico-dogmatique », oxymore soulignant la manière dont l’esprit d’examen et le sens critique sont phagocytés par les tendances paranoïaques qui installent un dogmatisme de second degré. Le nouveau complotiste collectionne des détails « troublants » supposés conduire à une vérité cachée que débusque la question magique : « À qui profite le crime ? » Si la posture dubitative est mise en scène au commencement du raisonnement néocomplotiste, c’est pour conclure sur des croyances dogmatiques. Les événements perturbateurs sont ainsi intégrés dans un ordre du monde qui ne contredit pas les croyances dogmatiques ni les attentes fondamentales des sujets, dont la vision du monde est purifiée de tous les éléments qui pourraient la contredire.

Voir aussi:

Portes ouvertes entretien avec Annie Collovald

Nouveaux fascismes ? enquête sur les droites en Europe
Vacarme 55
15 avril 2011

Le fascisme, antithèse de la démocratie ? Malheureusement, rien n’est moins sûr. S’il y a indiscutablement une vieille haine de la démocratie du côté des droites radicales, haine que leur acclimatation au jeu électoral n’a pas éteinte, il y a aussi — c’est plus inquiétant encore — une porosité accrue des démocraties libérales à des discours et à des pratiques qui ne sont plus le propre de l’extrême droite. Le loup est désormais dans la bergerie. Annie Collovald examine les portes par lesquelles on l’a laissé entrer.

En France, en Italie ou dans des pays de l’Est de l’Europe se développent des pratiques politiques et des comportements qui ne sont pas sans rappeler les années 1930 : dégradation et violence du langage politique, désignation de l’étranger comme bouc émissaire, pratiques autoritaires… Cette comparaison avec les années 1930 vous semble-t-elle pertinente ?

La comparaison avec les années 1930 s’impose en effet d’emblée ; elle a, me semble-t-il, quelque pertinence, mais sous plusieurs conditions. Parler de « renouveau du fascisme » ou qualifier de fasciste le FN (ou certains élus de droite) est problématique pour comprendre ce qui se passe aujourd’hui. En tant qu’étiquette, la qualification de fasciste peut avoir une certaine efficacité dans la lutte politique : d’abord parce qu’elle est véritablement disqualifiante ; ensuite parce qu’elle n’est guère réappropriable (du moins pour le moment) par ceux qu’elle désigne. Se déclarer fasciste n’est guère envisageable à l’inverse de ce qui s’est produit avec le terme de populisme par exemple. Le FN a revendiqué très vite, dès le milieu des années 1990, l’identité de populisme et a trouvé là un très bon moyen de reclassement pour redorer son blason et faire oublier l’identité beaucoup plus insupportable de fasciste et d’extrême droite qui le qualifiait précédemment. Il a d’ailleurs pu d’autant mieux opérer ce retournement symbolique visant à se désigner comme le « parti du peuple » que les groupes populaires étaient montrés comme voués à tous les errements politiques et moraux et qu’ils trouvaient de moins en moins (à la différence des années 1960-1970) de structures collectives assurant leur défense, qu’ils étaient délaissés jusque dans le vocabulaire employé par les hommes politiques. Le FN est alors l’une des seules organisations à oser proclamer haut et fort qu’elle parle au peuple, à utiliser des mots vieillis et archaïques comme « ouvriers » ou « chômeurs ». Si l’on veut stigmatiser, susciter l’indignation, alerter sur les dérives que connaît la démocratie, le mot de fascisme peut être utile.

Il risque cependant de fonctionner comme un concept écran si l’on veut comprendre la situation présente. On pourrait dire en effet (et la comparaison sert à faire apparaître les différences) qu’à la différence de la conjoncture des années 1930, il n’y a plus besoin de la solution fasciste pour faire advenir des idées et des pratiques contraires aux idéaux de la démocratie : la justice, la tolérance, l’égalité, le pluralisme. Comme le rappelait Georges Orwell au sortir de la Seconde Guerre mondiale, « lorsque les fascistes reviendront, ils auront le parapluie bien roulé sous le bras et le chapeau melon ». Il indiquait par là, me semble-t-il, que le déloyalisme à l’égard de la démocratie peut prendre des visages différents selon les conjonctures et peut être porté par des acteurs respectant les convenances de façade. Sous cet angle, le recours à la violence de rue, l’affichage de marques distinctives (crâne rasé, chemise noire, croix gammée) et d’un racisme brutal dans les discours et les pratiques n’a plus besoin d’avoir cours et d’être promu par des acteurs « marginaux ». Il suffit de laisser faire les acteurs centraux de la politique, les délibérations parlementaires et gouvernementales — de laisser faire, en quelque sorte, la compétition politique telle qu’elle se joue depuis une vingtaine d’années. Un des apports de l’analyse de Michel Dobry, dans l’ouvrage qu’il a dirigé sur le « mythe de l’allergie française au fascisme » [1], est d’avoir attiré l’attention sur ce point. La réussite du fascisme ne dépend pas des seuls fascistes (les plus visibles et les plus reconnaissables), mais des compromis, transactions, relations établis avec les autres compétiteurs politiques. Du coup, il invite à penser qu’il peut y avoir des transformations qui s’opèrent dans le cours même de la lutte politique et du jeu ordinaire des concurrences politiques et qui, en modifiant l’offre politique, entraînent une dégradation des idéaux et des principes démocratiques. Les sociétés les plus formellement démocratiques peuvent se détourner des valeurs dans lesquelles elles se reconnaissent sous l’effet de la dynamique de compétition propre aux élites politiques : elles peuvent ainsi se révéler autoritaires sans emprunter la forme convenue de l’autoritarisme prêté au FN par exemple, et en se conformant aux procédures officiellement démocratiques.

Doit-on parler d’un renouveau du fascisme, ou de sa continuité ?

La différence majeure avec les années 1930 est qu’il n’est plus besoin d’une montée des « extrêmes » pour qu’une radicalisation aux extrêmes se produise. En témoigne le travail d’inculcation idéologique opéré non seulement par le FN depuis 1984 et son entrée sur la scène politique nationale, mais aussi par les autres partis politiques de gauche et de droite quand, chacun à sa façon, ils ont repris dans leurs programmes et dans leurs prises de positions publiques les thèmes défendus par le FN — sécurité, lutte contre l’immigration — et les ont inscrits en préoccupations centrales de la lutte politique. Les politiques actuelles en sont certes l’illustration : néolibéralisme à tout crin se traduisant par des licenciements, fermetures d’usines, délocalisations, humiliations ; lutte contre les « flux migratoires » avec son lot de camps de rétention, renvois forcés par charters (et par bateaux maintenant ?), criminalisation de l’action collective et de l’action syndicale… La liste pourrait être continuée encore notamment dans ces jeux de contournement du droit ou de « déjudiciarisation » des règles démocratiques opérés aux sommets de l’État. Mais ces politiques ne sont possibles et pensables que parce que la configuration et les règles du jeu politique ont changé sous l’effet d’un glissement à droite de l’ensemble du champ politique, d’une forte réorientation sur les enjeux électoraux et d’une modification dans les discours politiques.

Les intérêts sociaux concrets tendent, par exemple, à devenir invisibles dans les débats et discours politiques. On parle ainsi du chômage et non des chômeurs, de l’emploi et non du travail, de la sécurité sociale — et de son « gouffre » — et non des malades ou des accidentés du travail et de la vie. En quelque sorte, les catégories de pensée politiques et bureaucratiques sont prises pour les réalités qui concernent tout un chacun (et plus encore les groupes sociaux les plus défavorisés) dans la vie de tous les jours. Une telle « abstraction » de la réalité sociale renvoie pour une part aux formes actuelles du jeu politique telles que les a mises en évidence l’élection présidentielle de 2007. Les hommes politiques (et leur entourage) sont désormais persuadés qu’une campagne électorale doit d’abord mobiliser les commentateurs et non les électeurs — leur opinion ou les « opinions manifestantes » comptant moins que celle de ceux qui « font l’opinion ». Leur principal « terrain » à travailler est un « terrain de papier » : faire la Une, dépasser dans les sondages le concurrent le plus proche. Vivant cette continuelle « course de chevaux » sur le mode de la prouesse personnelle, ils voient dans les enquêtes d’opinion autant de victoires électives, et dans l’élection un sondage grandeur nature. Plutôt que de chercher des solutions aux problèmes sociaux qui composent la trame des vies ordinaires, ils se réfugient dans un « entre-soi » réconfortant : relations étroites avec les professionnels de la représentation (hommes politiques, conseillers, sondeurs, journalistes) recrutés dans les classes supérieures ; conception commune de ce que doivent être un « bon cheval politique » et une bonne campagne. Un tel type de compétition politique ouvre sur un zapping programmatique incessant et sur des rhétoriques qui confinent au cynisme dès lors que la seule réalité sociale qui mérite d’être prise en charge et retraduite est celle qui occupe les Unes des sondages ou de la presse, et les conversations en ville. Les sujets de société défendus le sont moins pour eux-mêmes (et pour les projets qu’ils véhiculent) que pour le bruit médiatique qu’ils vont déclencher et par lequel se fera la différence.

Le thème de l’identité nationale et de l’immigration (ou celui aujourd’hui de « l’islam » ou de la laïcité) fournit un triste exemple, justement, de cette mise en avant d’un thème entrevu comme rentable électoralement. Énième avatar d’un nationalisme de droite et d’extrême droite apparu dans les années 1930, il a constitué une stratégie de scandalisation mûrement réfléchie par M. Sarkozy – à l’instar de M. Le Pen, modèle en la matière — au mépris des conséquences qu’elle pouvait avoir, notamment en termes de légitimation de discours racistes : ceux que l’on a entendu sans grand étonnement et bien plutôt dans la bouche plutôt d’élus — locaux et nationaux — que dans la bouche des membres des groupes populaires puisqu’ils ont été, sans grand étonnement non plus, absents de ces « débats ». Seules comptent ainsi les « reprises » escomptées qui, en encombrant tous les espaces de discussion, font parler de l’homme politique avec cette particularité de montrer la droite comme ayant simultanément du cœur et du « pragmatisme » : la chasse aux clandestins viserait ainsi à défendre les immigrés eux-mêmes contre les « marchands de sommeil » et contre les passeurs qui « exploitent la détresse » des malheureux. À ce stade, les mots deviennent détachés non seulement de la réalité qu’ils devraient traduire, mais aussi des convictions de ceux qui les disent. On a affaire ainsi à une sorte de novlangue continuellement électorale, qui rejoint ce que décrivent Victor Klemperer ou Jean-Paul Faye à propos de la langue du totalitarisme : le pouvoir des mots à créer l’injustice en travestissant leur sens ordinaire et en colonisant les mentalités. Pour preuve, un ministère de l’Identité nationale a été créé, mais visiblement ceux qui l’ont créé ne savaient pas à quoi il correspondait puisqu’ils ont lancé ensuite des « débats » devant selon eux apporter des lumières sur ce qu’est l’identité nationale ! Si je comprends bien, ils ont donné une existence officielle et institutionnelle à quelque chose qui, même à leurs yeux, était un « truc » sans grande consistance. C’est pour le moins inquiétant comme mode de fonctionnement puisque cela suggère qu’ils ne réussissent plus à distinguer leurs fantasmes et la réalité et qu’il n’y a aucune raison de supposer qu’il n’en est pas de même pour d’autres ministères et d’autres politiques publiques… C’est aussi inquiétant en termes de levée des censures et d’autorisation à tenir des propos qui hier auraient été impensables dans la bouche de responsables de l’État.

L’une des caractéristiques de la configuration politique des années 1930 était le flou des frontières entre les courants politiques d’extrême droite et de droite. Les individus pouvaient passer de l’un à l’autre assez facilement ; il en était de même pour les thèmes idéologiques. On a le sentiment que le principe, hérité du gaullisme que vous avez étudié, d’une frontière étanche entre la droite et l’extrême droite, a de nouveau disparu…

La nouveauté ne réside pas dans le fait que la frontière qui était établie entre droite et extrême droite est en train de s’abaisser. Cela fait quand même longtemps que c’est le cas : les Longuet, Villiers, Madelin, sont passés au parti républicain dans les années 1970, sous Giscard. Le Club de l’horloge s’est crée dans ces mêmes années 1970 comme lieu de rencontre entre droite et extrême droite. Les passages d’un parti à l’autre et la circulation des idées n’ont donc rien de neuf. Mais il y avait une barrière symbolique qui empêchait de l’afficher de manière visible et revendiquée. Il y avait des discours de principe refusant les alliances ou connivences avec le FN. Ces prises de position, même symboliques, étaient très importantes (songeons à Jacques Chirac refusant hautement toute relation avec le Front national). Reste que sur le plan local des alliances étaient possibles : ce fut le cas, par exemple, à Dreux en 1983, ou lors des régionales de 1998. Mais elles étaient désavouées officiellement par les responsables nationaux et souvent entraînaient l’exclusion du parti.

La donne a changé de ce point de vue ; s’il y a rappels à l’ordre, ils sont prononcés du bout des lèvres et sans effet pratique… C’est sans doute lié à ce que j’ai dit plus haut sur le jeu de zapping électoral qui défait tous les principes idéologiques et programmatiques. C’est lié aussi à la transformation qui s’est opérée dans le recrutement du personnel parlementaire et des responsables de l’UMP. Il faudrait faire des analyses plus précises, mais il y a, me semble-t-il, une montée des cadres du privé et un étiolement des hauts fonctionnaires ou des cadres du public (qui formaient le vivier principal de recrutement des gaullistes). Quoi qu’on pense de l’ENA et de l’évolution des formations au sein de cette école, elle n’en était pas moins une instance de socialisation à l’État et au service public. Que Sarkozy soit un avocat d’affaires n’est pas je crois sans importance (et marque une différence avec Villepin). Il incarne parfaitement la recomposition sociale de la droite et sa distance au service public et aux institutions aussi bien dans les manières de penser que dans les façons de faire : les règles de droit sont faites pour être contournées, l’État et ses fonctionnaires sont encombrants, la rationalité de l’action publique est celle du « coup d’éclat » ou du désir du prince, ce qui se traduit par le démantèlement des services publics et la suppression de tous les services de proximité (poste, écoles, hôpitaux, services sociaux, police). Pas sûr, ensuite, que le parler et le penser vulgaires, sans compter le vaudeville comme storytelling, le « fait du prince » comme conduite politique et les considérations pour les « importants », manifestent un sens de l’institution présidentielle !

Selon l’historiographie classique, la participation à la compétition électorale, particulièrement quand elle se solde par des succès, affadirait la radicalité anti-système : plus on gagnerait des voix, moins on serait d’extrême droite. Cette thèse résiste-t-elle à l’étude du Front national que vous avez menée ?

Cette thèse manifeste une vision très rassurante des choses qui d’une certaine façon disculpe le jeu démocratique (et ceux qui y participent) de la production du pire ou d’un monstre. Elle repose sur une conception purement formelle ou normative de la démocratie et fait des élections le moment central et unique où se joue son avenir : la définition de la démocratie ne se jouerait pas dès lors dans les transactions et compromis politiques, dans les réappropriations par des acteurs centraux de manières de dire, de penser et de faire venues de secteurs quelque peu réfractaires aux règles du jeu démocratique. Elle incite aussi à chercher l’explication des comportements ou des phénomènes politiques dans les « valeurs » ou les « idées politiques » proclamées, et non dans les pratiques sociales et politiques concrètes.

Il y aurait pourtant des profits de connaissance à examiner ces pratiques : l’image du FN en ressortirait moins « pacifiée ». À l’inverse des poujadistes par exemple, les porte-parole frontistes sont des professionnels de la politique, aguerris aux règles du jeu démocratique et experts en pratiques anti-démocratiques. Les mêmes qui ont candidaté aux élections et réussi, pour certains, à être élus, ont un long passé de militants dans des groupes radicaux. Les représentants de la nouvelle génération (Marine Le Pen en tête) sont eux aussi des « vieux » militants au sein du FN dont ils maîtrisent à la fois la ligne idéologique et l’orientation tactique. Ils ont appris à participer aux luttes internes dont le règlement se joue sur le terrain idéologique et tactique. Dans l’histoire de l’extrême droite depuis les années 1950 et celle du FN depuis 1972, les débats internes ont toujours porté sur la meilleure façon de réussir à diffuser, dans le champ politique, des idées radicales. L’enjeu n’a jamais été d’atténuer ou d’abandonner le projet hostile à la démocratie, mais de définir une ligne tactique permettant de le faire passer et accepter le plus largement possible, quitte à user de faux semblants. La voie électorale était par exemple défendue par J.M. Le Pen en 1972… Elle n’était pas chez lui un signe d’apaisement d’une hostilité ancienne à la démocratie, mais une contrainte tactique imposée par le ratage passé de certaines solutions (comme les attentats violents de l’OAS, épisode vécu personnellement par un certain nombre de dirigeants du FN).

Il n’y a pas de raisons de penser que cela ait changé aujourd’hui. Ils sont habitués à faire « de la politique une lutte sémantique », comme le déclarait B. Gollnisch en 1996, et sont spécialisés dans le jeu sur le dicible et l’indicible mêlant l’efficacité de la parole avec l’innocence du non-dit : lorsque B. Mégret, par exemple, en appelait à la « libre recherche historique » il fallait entendre la liberté d’expression pour les négationnistes…. S’arrêter à la « façade » présentée par les dirigeants frontistes est ainsi très périlleux, mieux vaut examiner ses pratiques plutôt que ses discours (ou sa participation aux élections). Contrairement aux conclusion hâtives qui le montrent « populaire » à la base (ce qui est faux) et « notabilisé » aux sommets au prétexte qu’il a accepté de se plier au jeu électoral, le FN continue à travailler une radicalité dont il n’a pas refusé l’héritage (voir les prises de positions extrêmistes de ses députés de 1986 à 1988 : la « croisade anti-sida » du médecin François Bachelot ; « l’accouplement des pervers de l’Éducation nationale et des ratés de l’enseignement » de l’universitaire Jean-Claude Martinez). Le FN n’est pas ainsi notable ou bien radical : il est les deux à la fois. Cela lui permet un double jeu sur et avec les règles démocratiques. Et cela lui offre aussi un répertoire d’action et de justification bien plus ouvert qu’il n’y paraît et surtout bien plus corrosif sur les croyances démocratiques selon lesquelles le recours au suffrage universel apprivoiserait à la démocratie. Le précédent du nazisme suffirait pourtant à rappeler qu’il n’en est rien. Son arrivée au pouvoir s’est faite par la voie légale et s’il a maintenu quelque temps les élections, cela n’a pas altéré sa radicalité, bien au contraire.

Post-scriptum

Annie Collovald est professeure de sociologie politique à l’Université de Nantes/CENS. Elle est l’auteure, notamment de Le « populisme du FN » : un dangereux contresens, Bellecombe-en-Bauge, Ed. du Croquant, 2004. Jacques Chirac et le gaullisme. Biographie d’un héritier à histoires, Paris, Belin, en poche, 2010.

Notes

[1Michel Dobry (dir.), Le Mythe de l’allergie française au fascisme, Paris, Albin Michel, 2003.

Voir également:

Le populisme comme stigmatisation
Annie Collovald
Manuel indocile de sciences sociales (2019), pages 429 à 433

Le populisme ressemble aujourd’hui à un inventaire à la Prévert, la poésie en moins. Chirac, Berlusconi, Sarkozy, Tapie, Cresson, Chávez, Le Pen, Haider, Fortuyn, Bové, Lula, Mélenchon ont été rejoints par Orbán, Salvini, Corbyn, Trump, Kaczyński, Strache, Iglesias, dans la longue et multicolore liste des « qualifiés » de populistes.
En France, quand son usage s’impose dans les années 1990, le mot renvoie au Front national (FN), considéré comme un « appel au peuple » rassemblant des « mécontents » dressés contre les élites établies et séduits par le charisme de Jean-Marie Le Pen, la magie de son verbe et ses idées xénophobes. Depuis, succès oblige peut-être, son emploi s’est propagé tel un « virus » ou une « épidémie », selon le lexique pathologique en cours à propos des partis auxquels il est censé renvoyer ; il désigne aussi bien les extrêmes droites que les gauches, il encourage les papiers sensationnels (« Mélenchon-Le Pen : le match des populismes »), les prises de position indignées, les colloques, articles, ouvrages donnant dans la comparaison internationale et appelant à la réaction de l’Union européenne [1]

Des usages disqualifiants

Le mot « populisme » attise surtout l’inquiétude pour la démocratie et la suspicion à l’égard des classes populaires, notamment sur leur prédilection supposée pour les hommes politiques aux idées courtes et au racisme affiché. Prétendant expliquer, le mot disqualifie d’emblée en rendant infréquentables ceux qu’il caractérise ; il autorise alors le renvoi au rang de notion vintage le clivage droite/gauche au profit d’un nouveau clivage distinguant les gens raisonnables, ouverts, progressistes vis-à-vis des radicaux, nationalistes, fermés (songeons aux discours de Merkel ou Macron) ; bref, vis-à-vis de tous les « incompatibles » supposés (du fait de leurs « valeurs » et de leurs « attitudes ») avec la démocratie et le progrès.

Le mouvement des Gilets jaunes fait aujourd’hui les frais d’une telle stigmatisation et donne involontairement du crédit à de tels jugements. Mais le plus étonnant dans ces usages intempestifs d’un tel label « chamallow » est l’étroite imbrication de la lutte politique et des controverses apparemment savantes. Historiens, philosophes, politistes se mobilisent et prennent explicitement position pour ou contre l’existence d’un populisme de gauche, ou bien sur la filiation populisme-fascisme, et concernant l’instauration de « démocraties illibérales » (comme en Pologne, en Hongrie)… Sociologiquement, que faire ? Retracer l’histoire du mot en révèle l’étrange voyage et les préjugés trompeurs qui l’alimentent.

Les méprises des filiations

Les entreprises en filiation ont tort de faire remonter l’origine du populisme aux premières expériences politiques du début du xxe siècle qui s’en revendiquaient (populistes russes, People’s Party américain) pour en suivre logiquement les autres destinations (les régimes latino-américains comme celui de Perón en Argentine, par exemple). Sa signification actuelle est récente et politiquement située. Elle a créé une véritable rupture avec les usages qui la précédaient. Elle vient des débats qui animaient, à la fin des années 1970, l’extrême droite américaine cherchant à se démarquer des libéraux (recrutés dans la grande bourgeoisie WASP), qui se qualifiait elle-même de populiste. Nul « appel au peuple » ou sensibilité populaire ici : simple usage cynique du peuple pour conférer un semblant d’éthique philanthropique à une entreprise ultra-conservatrice sur les plans économique et politique.

C’est cette fiction intéressée qui est importée en France dans les années 1980 pour désigner le FN. Il s’agit alors, pour ses nouveaux utilisateurs (philosophes, historiens surtout), de se distinguer des commentaires alors dominants, voyant dans ce parti un fascisme ou une extrême droite, en lui inventant une nouvelle identité : le FN ne serait qu’une nouvelle droite, certes radicale, mais peu dangereuse, et surtout une droite populaire. Peu plausible les premiers temps, la fiction gagne son (pauvre) réalisme quand, à partir des années 1990, des politologues découvrent, sur la foi des sondages électoraux, un « fait » extraordinaire : ce seraient les classes populaires (ouvriers, employés, chômeurs) qui voteraient Le Pen. Que cette affirmation reçoive de multiples démentis n’empêche rien. La boucle est bouclée, le mot a trouvé sa recette.

Un racisme social

Le « populisme » attire d’abord le populaire. Son étymologie ne renvoie-t-elle pas au « peuple » ? Rien d’étonnant à ce qu’un parti indigne subjugue surtout les fractions sociales les plus illégitimes socialement : par manque de ressources culturelles et économiques, elles ont une crédulité réceptive aux thèses frustes et simplistes du FN, à l’inverse des plus éduqués et des plus riches, protégés par leur culture de toute adhésion à des idées xénophobes ou intolérantes. Le FN devient alors le premier parti ouvrier en France et le substitut du Parti communiste. Que dire ? Sinon que cette « évidence » confond analyse et préjugés, et que, mêlant injure et explication, elle lève des censures ouvrant sur l’affichage sans fard d’un racisme social sous l’apparence de constats « simplement » descriptifs.

« Qui a inventé le terme de bougnoule, si ce n’est les classes populaires ? » s’interrogeait plaisamment un politologue réputé en 2005, lorsque les catégories populaires, au grand scandale des « élites éclairées », ont voté « non » au référendum sur le traité constitutionnel européen.

Le peuple, ennemi de la démocratie

Les usages du « populisme » ignorent droite et gauche, amalgament des partis aux pratiques et idéologies opposées, confèrent à un parti indigne politiquement et moralement une identité bien moins injurieuse que ses précédentes appellations (ce que le FN va s’empresser de reprendre à son compte à partir du milieu des années 1990, en se déclarant « populiste d’abord »). Ils brouillent également les notions de peuple et de populaire, et font opérer au mot lui-même une complète révolution idéologique entre hier et aujourd’hui. Longtemps absent du vocabulaire public de la polémique politique, où lui étaient préférés des termes comme « démagogie » ou « poujadisme », le « populisme » servait, selon la définition de Lénine, à dénoncer une stratégie dévoyée de mobilisation du peuple contre ses propres intérêts et contre ses principaux défenseurs. S’il stigmatisait, c’était ainsi pour insister moins sur la dangerosité d’une mobilisation politique « directe » du peuple que sur le danger que représentaient pour le peuple des prétentions à le défendre, venues d’intellectuels ou d’hommes politiques ne faisant que projeter sur lui leurs propres aspirations et leurs propres intérêts. En désignant maintenant le FN (ou d’autres extrêmes droites), le mot change de perspectives. Le danger n’est plus dans le jeu des élites ; il est dans les groupes populaires qui, xénophobes et incultes, ne cessent de se rallier à des causes détestables et de démontrer ainsi leurs indispositions pour la démocratie. Le populaire, hier valorisé, est aujourd’hui disqualifié au point d’être passé du statut de cause à défendre à celui de seul vrai « problème » pour la démocratie. À l’inverse, les élites sociales en ressortent tout auréolées de supériorité morale (même si les scandales à répétition les ébranlent un peu ces derniers temps…).

La distance morale alors créée avec les plus démunis est telle que, pour les uns, elle justifie tous les abandons passés et futurs quand, pour les autres, elle incite à la récupération bruyante d’un peuple enfin réduit à leur propre image : « sans classe » et sans éthique politique.

Un terme qui disculpe les élites

Mot cynique, injurieux, le « populisme » est triplement trompeur.

Sur les partis qu’il désigne, bien moins sensibles idéologiquement aux classes populaires que défenseurs de politiques qui leur sont contraires.

Sur le clivage libéraux/populistes, comme si n’existaient plus ni droite ni gauche, ni domination sociale et politique, et que les appétences autoritaires ne concernaient que les seconds et épargnaient les premiers.

Sur ce qui menace réellement la démocratie, enfin. En classant les élites sociales à l’écart du « populisme », le mot les exonère du retournement autoritaire que connaît la démocratie dans ses règles pratiques et juridiques ; elle les disculpe de la montée des intolérances et des inégalités dont témoignent les politiques mises en œuvre : contrôle des « mauvais pauvres », licenciements à la pelle, fermetures d’usines qui font pourtant des bénéfices, maltraitance des populations « migrantes » toujours vues comme délinquantes, chasse aux enfants autour des écoles, criminalisation de leurs défenseurs syndicaux, associatifs… Rien n’interdit pourtant de penser que le destin de la démocratie se joue là, dans le cours ordinaire de la compétition et des décisions politiques des acteurs centraux, et non lors des élections ou de la montée d’« extrêmes ».

Morale de l’histoire

Prétendant expliquer, le mot « populisme » disqualifie d’emblée en rendant infréquentables ceux qu’il caractérise. Le mot attise surtout la suspicion à l’égard des classes populaires, notamment sur leur prédilection supposée pour les hommes politiques aux idées courtes et au racisme affiché.

Notes

  • [1]
    Cette présentation du « populisme » est une reprise d’un article paru dans la revue belge Éduquer, tribune laïque, n° 145, avril 2019.

Voir également:

Pas aussi heureux qu’Ulysse, le mot de populisme a fait un bien étrange voyage. Apparu à la fin du XIXe siècle à la fois en Russie avec des intellectuels « faisant un retour au peuple » pour tenter de mobiliser les masses paysannes contre l’autoritarisme tzariste et aux États-Unis où les petits fermiers du People ‘s Party tentaient de se rebeller contre les impôts trop lourds et l’emprise des grands propriétaires, le terme va se diffuser lentement dans le vocabulaire politique, s’éclipser parfois, et réapparaître aujourd’hui avec éclat pour désigner non seulement le Front national et les extrêmes droites européennes (Vlaams Belong, FPO de Haider, Ligue du Nord, etc.), mais aussi tous ceux qui, de droite ou de gauche, invoquent les classes populaires ou s’opposent aux discours des élites établies.

Depuis le début des années 1990, articles, ouvrages et prises de position se sont multipliés en effet sur la progression inquiétante du « virus populiste ». Les interprétations se focalisent sur les élections et les scores inattendus obtenus par des forces au « nationalisme rétrograde » emmenées par un leader « charismatique ». Elles insistent, quels que soient les contextes historiques et nationaux, sur le ralliement massif des « exclus » et notamment des fractions populaires, les plus durement touchées par la « crise sociale », à des démagogues anti-démocrates dont les talents de tribun savent gagner les plus crédules aux solutions simplistes qu’ils proposent.

Quand les regards se portent sur d’autres régions du monde et le maintien au pouvoir de leaders « anti-mondialisation » grâce aux élections, les conclusions sont tout autant à l ’emporte-pièce : « Sous couleur de modernité, il ne s ‘agit ici de rien d’autre que de l’association classique de l’historicisme marxiste-léniniste, qui croit aux lois tendancielles des rapports économiques et sociaux, et du populisme gauchiste, qui exalte le peuple comme détenteur de la vérité. C’est le nouvel opium des intellectuels, dont le parfum ne vient plus de l ‘Est – Russie et Asie, mais du Sud – Moyen-Orient, Afrique et Amérique latine » (A.-G. Slama, Le Figaro, 30/01/2006). Être trop démocratique en voulant s’appuyer sur le peuple, c’est jouer contre la démocratie. C’est que le peuple, à l’inverse des élites, ne comprend pas bien l’importance des élections et n’est pas protégé grâce à une véritable compétence des tentations pour des solutions à courte vue et dangereuses : « Le Pen fait un tabac chez les couches populaires. Un quart des ouvriers qui sont allés voter ont voté pour Jean-Marie Le Pen. C ‘est le premier électorat ouvrier, mieux que Chirac et Jospin. En revanche c ‘est dans la catégorie des cadres supérieurs et des professions libérales que Le Pen fait ses plus mauvais scores… [Ceux qui votent FN] sont des gens qui sont en bas de l ‘échelle des revenus mais aussi de l ‘échelle des savoirs. Plus le niveau de culture est élevé, plus on est à l’abri d’un vote Le Pen » (P. Perrineau, Le Monde, 2002).

L’équation entre électorat populaire et démagogie frontiste s’est ainsi banalisée. Elle n’en soulève pas moins quelques paradoxes. Alors qu’il prétend être une catégorie d’analyse, le populisme est d’abord une injure politique. Les multiples commentaires indignés et inquiets qu’il autorise en témoignent : « croisés de la société fermée », « largués, paumés, incultes », « archaïques et rétrogrades » selon les jugements prononcés lors du référendum européen de 2004. Plus surprenant encore : alors qu’elle propose une nouvelle classification du FN bien plus floue et bien moins stigmatisante que les précédentes labellisations de fascisme ou d’extrême droite auxquelles elle se substitue, la désignation rend licites des verdicts d’une extrême violence contre les groupes populaires ayant apporté leur voix à ce parti. Le populisme ouvre sur un blâme du « peuple », tout en retenant la charge du discrédit contre l’organisation frontiste. Un blâme particulier dans lequel alternent cependant mépris et crainte. Les groupes populaires seraient en effet responsables de la survie politique d’une organisation indigne moralement et politiquement ; en même temps, ils auraient des excuses. Leur crédulité, liée à leur manque d’éducation, serait renforcée par la « crise sociale » qui aurait suscité chez eux une anomie et une insatisfaction politique nouvelle et durable les rendant disponibles pour les partis les plus extrêmes (exploitant leurs « malaises sociaux » contre la démocratie). On ne peut que s’étonner devant cette insistance générale à situer dans les classes populaires la source principale de la menace frontiste, à moins de voir en elle une forme de réassurance morale. Il est plus rassurant en effet (mais aussi plus économe scientifiquement et plus médiatiquement spectaculaire) d’affirmer que ce sont les individus ou les groupes les moins légitimes socialement qui se retrouvent dans le programme d’une organisation indigne moralement et politiquement, que de commencer une enquête sur les raisons toujours locales et hétérogènes d’un vote. On découvrirait pourtant

par exemple que dans le Sud Est existent un vote idéologiquement constitué pour l’extrême droite (depuis les années 1960 et Tixier-Vignacourt) et un « vote de villas » accompli par des retraités très aisés. De même s’apercevrait-on qu’en Alsace le vote FN l’emporte souvent dans des bourgs où les ouvriers sont aux abonnés absents.

On mesure l’ampleur de la redéfinition de la notion de populisme opérée en se reportant aux usages à la fois politiques et savants qui avaient cours avant que le mot ne devienne une catégorie dominante d’interprétation du parti frontiste. Le terme oscillait alors dans l’univers politique entre valorisation de la culture populaire (il existait ainsi des prix de littérature « populiste », des éloges pour le meilleur porte-parole «populiste ») et stigmatisation des élites cherchant à mobiliser le peuple contre ses propres intérêts ou contre ses principaux défenseurs et dans l’univers savant entre simple description d’une pratique ordinaire de mobilisation du plus grand nombre et qualification des régimes « hybrides » des années 1950-1960 venant tout juste d’accéder à l’indépendance. C’est dire que le mot a accompli une complète révolution. Changement de conjoncture politique et intellectuelle sans doute qui, d’abandons en revirements, invite à voir désormais dans le peuple (et les fractions les plus démunies) le principal problème à résoudre pour la démocratie et non plus une cause à défendre et dans « l’appel au peuple » une véritable anomalie mettant en péril l’ordre démocratique installé par les élites compétentes. Autre façon de réaffirmer la supériorité morale de ces dernières.

Voir également:

Le populisme : de la valorisation à la stigmatisation du populaire
Annie Collovald
p. 123-138
Reprise du no 42 de la revue Hermès, Peuple, populaire, populisme, 2005

La notion de « populisme* » a connu un bien étrange voyage qui lui a fait accomplir une totale révolution sur elle-même au point d’en changer complètement la signification et les enjeux intellectuels et politiques qu’elle recouvrait initialement. Valorisant hier le populaire, elle le stigmatise aujourd’hui. Rien n’en témoigne mieux que les usages savants et politiques actuels du « populisme du FN » qui s’imposent, en faisant oublier les autres définitions du populisme qui ont eu cours et l’existence de rapports du populaire au politique fort différents de celui mis désormais en exergue. Sous l’apparente filiation du mot dont l’histoire remonte à la fin du xixe siècle, des ruptures de signification et un renversement de perspective se sont ainsi opérés. Cette reconversion des points de vue signe alors pour les groupes populaires la perte du sens des causes qu’ils ont défendues et porte à méconnaître le rôle de « l’appel au peuple* » dans l’histoire sociale de la construction des démocraties.

Le « populisme du FN » : la disqualification du populaire

Le « populisme » occupe désormais une place prédominante dans les commentaires politiques et savants pour désigner le Front National et des phénomènes qui, à son instar, ont été longtemps pensés comme relevant de l’extrême droite. Depuis le début des années 1990, les articles, les ouvrages et les prises de position se sont multipliés pour présenter des enquêtes et des analyses de journalistes mais aussi d’historiens, de politologues, de philosophes sur la progression inquiétante du « virus populiste » (selon les mots de Libération, 17/05/02).

Les interprétations, presque toutes à l’identique, se focalisent sur les élections et les scores inattendus obtenus par des forces au « nationalisme rétrograde » emmenées par un leader « charismatique » pour mesurer le danger imminent qu’elles font peser sur la démocratie. Elles insistent, quels que soient les contextes historiques et nationaux, sur le ralliement massif des « exclus » et notamment des groupes populaires, les plus durement touchés par la « crise sociale », à des démagogues dont les talents de tribun savent gagner les plus crédules aux solutions simplistes et frustres qu’ils proposent. Comme l’affirme ainsi en 2002 le politologue Pascal Perrineau : « Le Pen fait un tabac chez les couches populaires. Un quart des ouvriers qui sont allés voter ont voté pour Jean-Marie Le Pen. C’est le premier électorat ouvrier, mieux que Chirac et Jospin. En revanche c’est dans la catégorie des cadres supérieurs et des professions libérales que Le Pen fait ses plus mauvais scores… [Ceux qui votent FN] sont des gens qui sont en bas de l’échelle des revenus mais aussi de l’échelle des savoirs. Plus le niveau de culture est élevé, plus on est à l’abri d’un vote Le Pen. » Le 25 avril 2002, une pleine page « Horizons » du Monde est consacrée aux « Enfants perdus de la classe ouvrière », à partir d’une enquête menée à « Calais, municipalité communiste, où le chef du FN est arrivé en tête et Robert Hue, cinquième ».

Les interprétations faisant du FN un « appel au peuple » rassemblant des « mécontents » séduits par le charisme de Jean-Marie Le Pen, la magie de son verbe et ses idées xénophobes et dressés contre les élites établies se sont ainsi banalisées. On a montré ailleurs (Collovald, 2004) qu’elles n’en soulevaient pas moins quelques paradoxes. Alors qu’il prétend être une catégorie d’analyse, le « populisme » est pourtant également une injure politique. Les multiples commentaires indignés et inquiets qu’il autorise en témoignent : « croisés de la société fermée » (Perrineau, 2001), « largués, paumés, incultes », « archaïques et rétrogrades » selon les jugements prononcés au lendemain du premier tour de l’élection présidentielle de 2002. Déjà étonnamment double dans son statut, à la fois notion savante et insulte politique, la dénomination de « populisme » surprend encore autrement. Alors même qu’elle propose une nouvelle classification du FN bien plus floue et bien moins stigmatisante que les précédentes labellisations de fascisme ou d’extrême droite* auxquelles elle se substitue, la désignation rend licites des verdicts d’une extrême violence contre les groupes populaires ayant apporté leur voix à ce parti.

Le « populisme du FN » ouvre sur un blâme du « peuple », tout en retenant la charge du discrédit contre l’organisation frontiste. Un blâme particulier cependant dans lequel alternent mépris et crainte. Les groupes populaires seraient en effet responsables de la survie politique d’une organisation indigne moralement et politiquement ; en même temps, ils auraient des excuses. Leur crédulité, liée à leur manque d’éducation, serait renforcée par la crise sociale qui aurait suscité chez eux une anomie et une insatisfaction politique nouvelle et durable les rendant disponibles pour les partis les plus extrêmes (exploitant leurs « malaises sociaux » contre la démocratie). Pourtant une telle dénomination du FN et de telles interprétations ne se sont pas imposées d’emblée lors de l’apparition du parti frontiste en 1983. Leur évidence d’aujourd’hui a été progressivement construite au prix d’une réorientation des analyses originelles.

La construction d’une évidence

Lancée en 1984 par le philosophe politique Pierre-André Taguieff qui la réimportait des débats américains sur la « nouvelle droite »1, (Taguieff, 1985) la notion était alors un simple label du FN parmi d’autres (« national-capitalisme », « national-libéralisme ») ; elle insistait sur un aspect des idées et des valeurs nationalistes du parti frontiste destiné à distinguer la nouveauté de cette « droite radicale » du fascisme et des extrêmes droites passées. Ces autres étiquettes n’en étaient pas moins alors prédominantes dans le débat public. Elles avaient pour particularité d’attirer l’attention sur les dirigeants et militants frontistes (leur passé, leur carrière, leurs ressources politiques) et non sur les électeurs. Le déplacement opéré sur ces derniers n’est pas innocent pour la compréhension des conditions de réussite politique du FN. Celles-ci ne sont plus recherchées dans le capital politique collectif du parti, dans les pratiques militantes de ses représentants ou encore dans l’offre politique actuelle et la concurrence entre élites politiques, mais dans la seule relation nouée entre Jean-Marie Le Pen et ses troupes électorales et plus précisément encore dans les dispositions préalablement ajustées des électeurs aux thèses idéologiquement autoritaires portées par le FN.

En ce sens, l’explication se ferme et, en se simplifiant, se fait tautologique : seuls des électeurs illégitimes socialement peuvent se retrouver dans les idées illégitimes de ce parti. En exonérant d’emblée les élites sociales de tout penchant pour le FN puisque, protégées par leur diplôme et leur niveau de vie, elles sont insoupçonnables de toute crédulité pour des thèses « simplistes » et racistes, l’explication rejoue ainsi sur un plan apparemment descriptif (les résultats de sondages électoraux, (Mayer, 2002) l’idée de la supériorité morale des élites sociales.

Ce n’est que progressivement cependant que de telles constatations sont devenues possibles et plausibles. Successivement, en effet, différents scientifiques de l’analyse politique (historiens, politologues, intellectuels politiques) vont, pour des raisons tenant à leurs enjeux disciplinaires respectifs, s’emparer du terme et créer entre eux une situation d’échanges intellectuels et de reconnaissance croisée. La circulation de savoirs et de manières de penser la politique qui s’opère alors tend à valider à la fois l’existence du populisme du FN et le cadrage interprétatif qu’il convient d’adopter à son égard. Tous partagent, en effet, la même posture intellectuelle cherchant dans les « idées politiques » ou les « valeurs » proclamées et non dans les pratiques sociales et politiques, l’explication des comportements ou des phénomènes politiques. Tous acceptent également, comme grille de compréhension des luttes et des contestations politiques, le même présupposé du postulat démocratique qui veut que la légitimité en démocratie vienne « d’en bas », du « peuple », des élections. C’est pour cet ensemble de raisons que leurs analyses s’entremêlent et se confortent mutuellement.

Leurs points de vue se rejoignent sur un certain nombre de schèmes explicatifs contestables et contestés par les sociologues politiques et les historiens spécialisés dans la question du nazisme, mais qui regagnent un crédit scientifique à la faveur des interprétations populistes du FN. Il en est ainsi de l’explication des mobilisations électorales dont bénéficie le parti lepéniste par l’anomie et la frustration engendrée par la « crise sociale » et qui frapperait naturellement les plus démunis, principales victimes de la dégradation des conditions de vie. Ou encore de l’explication par l’adhésion naïve aux discours de Jean-Marie Le Pen dont les performances médiatiques de démagogue susciteraient l’engouement des moins « cultivés ».

Ces explications qui font presque consensus dans les mondes intellectuels, journalistiques et politiques, justifient et confortent la thèse hautement conservatrice de « l’ingouvernabilité des démocraties lorsqu’elles sont soumises à une surcharge de demandes populaires ». Inventée dans les années 1970 dans un rapport fourni à la Trilatérale et visant explicitement à lutter contes les « excès de démocratie » (grèves, manifestations, droits syndicaux, liberté d’opinion) (Hermet, 1986), cette thèse était restée confinée dans le huis clos des dirigeants. Elle ressurgit désormais sous des formes renouvelées dans les discours politiques soit pour affirmer que les responsables politiques ne peuvent répondre à toutes les « émotions populaires » (Lionel Jospin en 1997 face aux mobilisations des chômeurs) soit pour vanter la « démocratie pacifiée » (Jacques Chirac face au taux d’abstention record lors du référendum sur l’Europe). Ressurgit également la thèse de « l’autoritarisme des classes populaires » qui place d’emblée sous un signe négatif toutes les mobilisations populaires. Elles deviennent même « irrationnelles » en préférant des acteurs politiques hors système et non les partis de gouvernement (confortant la « crise de légitimité » politique supposée frapper et fragiliser la démocratie).

La révolution idéologique du « populisme »

On mesure l’ampleur de la redéfinition de la notion de « populisme » opérée en se reportant aux usages à la fois politiques et savants qui avaient cours avant que le mot ne devienne une catégorie dominante d’interprétation du parti frontiste. S’il a été longtemps absent du vocabulaire public de la polémique politique où étaient préférés des termes comme « démagogie » ou « poujadisme », le « populisme » n’en fonctionnait pas moins comme principe d’accusation dans les débats internes aux organisations de gauche voire d’extrême gauche où, selon la définition que Lénine lui avait conférée en son temps contre les intellectuels russes partis conquérir les masses paysannes, il dénonçait une stratégie dévoyée de mobilisation du peuple contre ses propres intérêts et contre ses principaux défenseurs.

Dans l’univers scientifique traitant de la vie politique, il était essentiellement cantonné dans des travaux anglo-saxons prévalant sur les pays en voie d’accession à la démocratie ou sur les États-Unis ; en France, on en trouvait des occurrences chez des spécialistes du monde communiste pour critiquer son rapport au peuple ou chez d’anciens spécialistes de l’histoire politique latino-américaine pour éreinter, sous ce même angle, la « droite populaire ». Si le mot stigmatisait, c’était moins pour insister sur la dangerosité d’une mobilisation politique « directe » du peuple que sur le danger que représentaient pour le peuple des prétentions à le défendre venues d’intellectuels ou d’hommes politiques ne faisant que projeter sur lui leurs propres aspirations et leurs propres intérêts. Le « populisme » avait pris ainsi une consistance scientifique surtout dans le secteur de la sociologie des intellectuels ou de la culture. Là aussi, la notion (et son versant conjoint, le misérabilisme) visait à montrer combien les écrits des intellectuels sur le peuple étaient des formes de rationalisations de leurs propres rapports au peuple et, qu’à ce titre, elles constituaient autant d’obstacles à un accès véritable à la culture populaire*. Le sociologue, en tant qu’intellectuel, devait s’obliger à se dépendre de ces visions schématiques qui hantaient son regard sur les groupes populaires.

Le passage sur la scène publique du « populisme » dans le milieu des années 1980 conserve cette première acception tout en mêlant dans une même dénonciation des représentants de la gauche et de la droite : Edith Cresson, Bernard Tapie, Jacques Chirac en ont chacun fait les frais. En était la cause leur « style » réputé mettre en avant leur personne et non les idées défendues, jouer contre les élites installées en flattant les peurs ou les instincts populaires sans en appeler aux capacités de réflexion des citoyens. Leur vocabulaire « cru » et « grossier » devenait le meilleur indicateur de la dégradation morale du jeu politique qu’ils impulsaient. En désignant maintenant le FN, le mot projette désormais les traits « vulgaires » et « dégradants » prêtés avant aux leaders « populistes » sur les groupes populaires réputés les suivre aveuglément. Cette projection naturalise dans le comportement des groupes populaires, ce qui auparavant était situé dans les rapports que les élites intellectuelles et politiques nouaient avec le peuple et souvent contre lui.

Elle trouve une illustration exemplaire dans « l’autoritarisme » prêté aux classes populaires et expliquant leurs rapports subjugués à J.-M. Le Pen alors que cette notion qualifiait précédemment un régime politique accaparé par une collégialité d’élites en concurrence entre elles. L’essentialisme qui en découle empêche alors de percevoir que le « populisme du FN » provient d’une définition importée de débats politiques très localisés idéologiquement aux États-Unis. La notion telle qu’elle est construite par P.-A. Taguieff2 et reprise par les autres savants français est directement issue des débats portant sur la « nouvelle droite américaine ». Le « populisme » se définit ici contre d’autres définitions en cours aux États-Unis tant dans l’univers savant qu’à gauche de l’échiquier politique. Il vise à donner une apparence populaire et d’éthique philanthropique à une entreprise néo-conservatrice sur le plan économique et politique, pour mieux la présenter comme révolutionnaire et déstabiliser les conservateurs jugés dépassés.

L’enjeu n’est pas, on le comprend, de bouleverser l’ordre établi au profit des groupes les plus démunis ; il est de le bouleverser au profit de ces nouveaux prétendants, au profil social décalé par rapport aux membres de la haute bourgeoisie qui tiennent les places fortes de l’économie et de la décision politique, et bien plus radicaux dans le libéralisme économique que l’ancienne élite néo-libérale. Faire du « populisme » pour cette avant-garde radicale ne consiste pas à valoriser le peuple, mais à se servir de lui pour conférer un semblant de légitimité sociale à une cause qui lui est étrangère. C’est dire combien les usages actuels de « populisme » brouillent idéologiquement l’histoire politique de la notion. Elle brouille également l’enjeu politique qu’a constitué initialement « l’appel au peuple ».

L’appel au peuple : une émancipation politique

Il faut d’abord réfuter l’idée couramment admise aujourd’hui que le populisme s’applique aussi bien à gauche qu’à droite de l’espace politique (venant accréditer l’idée que le clivage droite/gauche est obsolète pour comprendre les phénomènes politiques nouveaux). Les seules expériences historiques ayant ouvertement revendiqué le label populiste et ouvertement combattu en son nom sont apparues au xixe siècle et ont été promues soit par des intellectuels russes soit par les petits fermiers et ouvriers agricoles américains du People’s Party. Or ces premières incarnations du populisme, d’une part, possédaient une idéologie et une idéologie se voulant progressiste, clairement articulée, cherchant à modifier des situations jugées profondément inégalitaires et injustes et à promouvoir la « cause du peuple » dans un système politique qui l’opprimait ; d’autre part, elles ne jouaient pas sur le charisme d’un leader (Zinn, 2002), mais pratiquaient la mobilisation collective des groupes situés du mauvais côté des rapports de force sociaux et politiques. En clair, « l’appel au peuple » était à la fois une pratique de mobilisation des groupes défavorisés par le système de domination sociale et politique existant et une entreprise (qu’on la juge rétrospectivement erronée, faillie ou illusoire peu importe ici) entendant donner une voix politique à ceux qui n’en avaient pas.

L’appel au peuple était alors une stratégie visant à donner position, autorité et dignité à des groupes sociaux exclus de toute représentation politique et, avec eux, à faire entendre les causes sociales et politiques qu’ils défendaient et desquelles se désintéressaient ceux qui monopolisaient les postes de pouvoir. Sous cet angle, les « populistes » d’alors, ceux qui « font appel au peuple », ont des positions de gauche remettant en cause le conservatisme dominant. Il en est de même en France où les premiers à tenter de mobiliser les groupes relégués aux marges de l’espace social et politique sont les organisations ouvrières socialisantes. Ce qui était ainsi en jeu c’était une transformation du mode de domination politique reposant sur l’émancipation sociale et politique des groupes populaires.

Retournant l’illégitimité sociale en source de légitimation politique, ces entreprises posaient la représentativité sociale en fondement du droit à intervenir en politique, promouvaient, sélectionnaient, formaient, encadraient les membres de la classe ouvrière pour en faire de nouvelles élites politiques3 (Pudal, 1988). En oubliant cet enjeu politique de démocratisation du jeu politique, se trouvent également oubliées les réactions politiques qu’il a suscitées. Pourtant les contre-offensives des conservateurs ont été nombreuses. Surtout, elles ont contribué, comme l’ont montré S. Barrows (1990) et A. Hirschman (1991) à transformer en pathologie et en menace (les « foules hystériques et criminelles ») ces mouvements voulant rendre la démocratie du moment plus démocratique qu’elle ne l’était : voulant en quelque sorte la « peupler » alors qu’elle était réservée à une étroite élite sociale, et la conformer ainsi aux idéaux professés. La stigmatisation du populaire aujourd’hui via le « populisme du FN » ne serait-elle pas le signe d’une nouvelle conjoncture intellectuelle et politique dans laquelle les élites politiques d’aujourd’hui (et leurs auxiliaires et conseillers) ne voient plus dans les groupes populaires une cause à défendre, mais un « peuple sans classe » devenu un problème à résoudre ?

Références bibliographiques

Barrows, S., Miroirs déformants. Réflexions sur la foule en France à la fin du xixe siècle, Paris, Aubier, 1990.

Collovald, A., Le « Populisme du FN » : un dangereux contresens, Broissieux, Ed. du Croquant, 2004.

Hermet, G., Sociologie de la construction démocratique, Paris, Economica, 1986.

Hirschman, A. O., Deux siècles de rhétorique réactionnaire, Paris, Fayard, 1991.

Mayer, N., Ces Français qui votent Le Pen, Paris, Flammarion, 2002.

Perrineau, P. (dir.), Les Croisés de la société fermée, Paris, Ed. de l’Aube, 2001.

Pudal, B., Prendre parti, Paris, Presses de Science Po, 1989.

Zinn, H., Une histoire populaire des États-Unis. De 1492 à nos jours, Marseille, Agone, 2002.
DOI : 10.3917/agon.zinn.2002.01

Notes

1 Taguieff, P.-A., « Les droites radicales en France », Les Temps modernes, 465, 1985.

2 Taguieff, P.-A., « Le populisme et la science politique. Du mirage conceptuel aux vrais problèmes », Vingtième siècle, 56, 1997, p. 4-33.

3 Voir aussi Offerlé, M., « Illégitimité et légitimation du personnel ouvrier en France avant 1914 », Annales ESC, 4, juillet-août 1984, p. 681-716.

Voir par ailleurs:

Viral ‘Ukraine Windows’ Photo Didn’t Show Whole PictureMore than 400 Ukrainians civilians were massacred in Bucha by the Russian military, regardless of whether one building still had windows.
Dan Evon
Snopes
Apr 22, 2022src= »https://mediaproxy.snopes.com/width/1200/https://media.snopes.com/2022/04/GettyImages-1389943528-bucha-ukraine.jpg &raquo; alt= »BUCHA, UKRAINE – APRIL 06: A man pushes his bike through debris and destroyed Russian military vehicles on a street on April 06, 2022 in Bucha, Ukraine. The Ukrainian government has accused Russian forces of committing a « deliberate massacre » as they occupied and eventually retreated from Bucha, 25km northwest of Kyiv. Hundreds of bodies have been found in the days since Ukrainian forces regained control of the town. (Photo by Chris McGrath/Getty Images) (Chris McGrath/Getty Images) » />

Image Via Chris McGrath/Getty Images

Since the start of Russia’s attack on Ukraine in February 2022, numerous rumors have circulated in an attempt to downplay the horrors of the conflict. A behind-the-scenes video from a movie being filmed in England in 2013, for example, was shared with the false claim that it showed Ukrainians « staging » an attack.In April 2022, shortly after the details of the Bucha massacre were revealed, another specious rumor was circulated to claim that this tragic event, in which more than 400 Ukrainian citizens were killed, had been staged. The evidence for this claim? A photograph that supposedly showed impossibly strong « Ukrainian windows » next to the site of an explosion that overturned three vehicles:Person, Human, MilitaryWhile this photograph is real, the vehicles pictured were not overturned by an explosion. Furthermore, while the picture shows a building with intact windows, this is not the only image showing the aftermath of Russia’s attack on Bucha. Additional ones show mass destruction in the city where entire buildings (windows and all) were destroyed.

A Real Photograph?

The photograph in question was taken on April 4, 2022, in Bucha, Ukraine, by Rodrigo Abd. It’s available via The Associated Press, with the caption:

A Ukrainian soldier walks with children passing destroyed cars due to the war against Russia, in Bucha, on the outskirts of Kyiv, Ukraine, Monday, April 4, 2022. Local authorities told The Associated Press that at least 16 children were among the hundreds of people killed in Bucha.

Were the Cars Flipped Over by An Explosion?

This claim that the Bucha Massacre was staged is based on the notion that the building’s windows should have been shattered because this was allegedly the site of a powerful explosion that overturned cars. However, these cars were not overturned by an explosion.

While some may be under the impression that the Bucha Massacre was the result of a single bombing, this Ukrainian town was occupied by Russian forces for weeks. During this occupation, Ukrainian civilians were tortured, raped, and murdered.

Eyewitness reports state that the Russian military used tanks and trucks to overturn some vehicles throughout Bucha. This may have been done in an attempt to hide Russia’s equipment, to create barricades, or to simply prevent Ukrainian citizens from fleeing the area.

Emanuele Satolli, a photographer in Ukraine, told the Greek fact-checking site Ellinika Hoaxes:

« At the place where I took my photo, in the town of Bucha [sic], I met several citizens and everyone told me that the cars had been overturned by Russians with tanks, but they did not know why the Russians did this. »

Other Photographs of Bucha Destruction

The viral picture of « Ukrainian windows » is not the only image to show the death and destruction that took place in Bucha. Even if some believe this specific photograph to be suspicious for some reason, dozens of other photographs and videos from Bucha show the streets lined with the dead bodies of Ukrainian civilians and buildings that were destroyed.

This isn’t the first time that claims have circulated that the Bucha massacre had been staged. In fact, after reports were first circulated about a mass killing in Ukraine, Russia’s Ministry of Defense suggested that the bodies on the ground were placed there after Russian forces left the area. This claim has been debunked by satellite images and first-person accounts.

The New York Times reported:

When images emerged over the weekend of the bodies of dead civilians lying on the streets of Bucha — some with their hands bound, some with gunshot wounds to the head — Russia’s Ministry of Defense denied responsibility. In a Telegram post on Sunday, the ministry suggested that the bodies had been recently placed on the streets after “all Russian units withdrew completely from Bucha” around March 30.

Russia claimed that the images were “another hoax” and called for an emergency U.N. Security Council meeting on what it called “provocations of Ukrainian radicals” in Bucha.

But a review of videos and satellite imagery by The Times shows that many of the civilians were killed more than three weeks ago, when Russia’s military was in control of the town.

Sources

“Anguish, Fury and Grief: One Woman Recounts Rape by Russian Soldier.” NBC News, https://www.nbcnews.com/news/world/ukrainian-rape-survivor-russia-bucha-hostomel-rcna24540. Accessed 22 Apr. 2022.

Browne, Malachy, et al. “Satellite Images Show Bodies Lay in Bucha for Weeks, despite Russian Claims.” The New York Times, 4 Apr. 2022. NYTimes.com, https://www.nytimes.com/2022/04/04/world/europe/bucha-ukraine-bodies.html.

Gardner, Simon. “Death and Defiance in a Bucha Neighbourhood That Was Held by Russian Troops.” Reuters, 7 Apr. 2022. http://www.reuters.com, https://www.reuters.com/world/europe/death-defiance-bucha-neighbourhood-that-was-held-by-russian-troops-2022-04-07/.

More Photos from Ukraine-Russia War Massacre in Bucha, Devastation in Mariupol. https://www.foxnews.com/world/photos-ukraine-russia-war-bucha-massacre-mariupol-bombing.print. Accessed 22 Apr. 2022.

Perdikopoulos, Athanasios. “Misleading Presentation of a Photo by Boutsa as a Alleged Revelation of Misinformation from Pro-Ukrainian Sources.” Ellinika Hoaxes, 20 Apr. 2022, https://www.ellinikahoaxes.gr/2022/04/20/bucha-photo-damaged-cars-ukrainian-propaganda-misinformation/.

Russian Withdrawal from Bucha Exposes Atrocities against Ukrainian Civilians. http://www.youtube.com, https://www.youtube.com/watch?v=RIVLCpLH2iE. Accessed 22 Apr. 2022.

Voir enfin:

Are Republicans and Conservatives More Likely to Believe Conspiracy Theories?

Abstract

A sizable literature tracing back to Richard Hofstadter’s The Paranoid Style (1964) argues that Republicans and conservatives are more likely to believe conspiracy theories than Democrats and liberals. However, the evidence for this proposition is mixed. Since conspiracy theory beliefs are associated with dangerous orientations and behaviors, it is imperative that social scientists better understand the connection between conspiracy theories and political orientations. Employing 20 surveys of Americans from 2012 to 2021 (total n = 37,776), as well as surveys of 20 additional countries spanning six continents (total n = 26,416), we undertake an expansive investigation of the asymmetry thesis. First, we examine the relationship between beliefs in 52 conspiracy theories and both partisanship and ideology in the U.S.; this analysis is buttressed by an examination of beliefs in 11 conspiracy theories across 20 more countries. In our second test, we hold constant the content of the conspiracy theories investigated—manipulating only the partisanship of the theorized villains—to decipher whether those on the left or right are more likely to accuse political out-groups of conspiring. Finally, we inspect correlations between political orientations and the general predisposition to believe in conspiracy theories over the span of a decade. In no instance do we observe systematic evidence of a political asymmetry. Instead, the strength and direction of the relationship between political orientations and conspiricism is dependent on the characteristics of the specific conspiracy beliefs employed by researchers and the socio-political context in which those ideas are considered.

Polls show that many Americans, occasionally majorities, believe in various conspiracy theories (Enders et al., 2021). These beliefs are associated with numerous counterproductive behavioral tendencies (Jolley, Mari, et al. 2020a), including poor health practices (Romer & Jamieson, 2020), nonnormative political engagement (Sternisko et al., 2020), and discrimination against racial and ethnic minority groups (Jolley, Meleady, et al. 2020b). Conspiracy theory beliefs are also associated with political violence (Greenhill & Oppenheim, 2017), such as that which occurred on January 6, 2021 at the U.S. Capitol Building.

While an emerging research agenda has identified many psychological factors associated with beliefs in conspiracy theories (Douglas et al., 2019), the literature remains divided about the political characteristics associated with those beliefs. Are, for example, partisanship or political ideology related to conspiracy theorizing? One argument, dating back at least to Richard Hofstadter’s The Paranoid Style (1964), holds that Republicans and conservatives are more likely to believe conspiracy theories than Democrats and liberals. On the one hand, several studies find supportive evidence for this asymmetry thesis in the form of correlations between Republican/conservative self-identification and various operationalizations of conspiricism (e.g., van der Linden et al., 2021). On the other hand, some studies fail to identify such asymmetries, instead concluding that conspiracy theorizing is a “widespread tendency across the entire ideological spectrum” (Oliver & Wood, 2014; see also Enders et al., 2021). As this impasse persists, much hangs in the balance, including the development of strategies for combating the spread of conspiracy theories (Wittenberg & Berinsky, 2020).

We argue that contradictory findings are the result of researchers’ choices and assumptions. For example, most studies center their test of the asymmetry thesis on only a small number of conspiracy beliefs (e.g., van der Linden et al., 2021). This is potentially problematic because conspiracy theories are not created equally––they exhibit qualities (e.g., villains, schemes, victims) that make them differentially attractive depending on one’s psychological, political, and social characteristics and motivations (Miller, 2020). Indeed, conspiracy theory beliefs are frequently the product of motivated reasoning and elite influence (Miller et al., 2016). While both forces influence people regardless of political orientations (Guay & Johnston, 2021), they can also impact the relationship between conspiracy beliefs and political orientations depending on the theories queried.

Previous work also shows that the political context (both temporal and geographic) in which conspiratorial views are polled can affect who is most likely to believe specific conspiracy theories (Uscinski & Parent, 2014). Thus, findings of left–right asymmetries (or lack thereof) may be an artifact of which conspiracy theories researchers investigate, as well as when, where, and how they are investigated (Enders & Uscinski, 2021). One way to address these concerns is to conduct additional tests of the asymmetry thesis using multiple datasets, varying assumptions, conditions, and operationalizations. This is our goal.

First, we examine correlations between partisanship/ideology and beliefs in 52 conspiracy theories in the U.S. We buttress this analysis with an examination of the relationship between left–right ideology and belief in 11 conspiracy theories across 20 additional countries. In our second analysis, we provide an alternative test of the asymmetry thesis by examining beliefs in five “content-controlled” conspiracy theories in the U.S. for which we varied only the partisanship of the accused conspirators. In our final analysis, we examine the relationship between political orientations and conspiracy thinking––the general predisposition to interpret events and circumstances as the product of conspiracies (Uscinski & Parent, 2014)––in 18 datasets collected over the span of a decade (2012–2021). Across all studies, we fail to observe consistent evidence that the right exhibits higher levels of conspiricism––however operationalized––than the left. While some specific conspiracy theories find more support among Republicans/conservatives, others find greater support among Democrats/liberals. Moreover, many conspiracy theories appeal equally to the left and the right. Overall, we find that the strength and nature of the relationships between various operationalizations of conspiricism and partisanship/ideology depend on the conspiracy theories under examination and the political context in which those theories are examined.

Conspiracy Theories and Asymmetry

Since the development of Hofstadter’s “paranoid style” (1964), many researchers and journalists have argued that Republicans and conservatives are more prone to believing in conspiracy theories than Democrats and liberals (e.g., Bump, 2021). This perspective generally assumes, or surmises, that there are “bottom-up” psychological processes differentially affecting individuals on the right (Carney et al., 2008; Jost et al., 2009) that predispose them to believe conspiracy theories at higher rates and with greater intensity (e.g., van der Linden et al., 2021; for outside the U.S., see Walter & Drochon, 2020).

A considerable body of evidence has been harnessed to support this conclusion. First, researchers have identified numerous conspiracy theories that garner more support among the right than left, including those calling into question the scientific consensus on climate change (Miller et al., 2016), the authenticity of Barack Obama’s birth certificate (Pasek et al., 2014), COVID-19 (Miller, 2020), and the election of Joe Biden (Pennycook & Rand, 2021). Second, some researchers show that conservatives display higher levels of generalized conspiracy thinking than liberals (van der Linden et al., 2021); similarly, others show that “extreme” conservatives are more likely to believe conspiracy theories than “extreme” liberals (Imhoff et al., 2022; van Prooijen et al., 2015). Third, conspiracy theory beliefs are sometimes found to be associated with psychological tendencies more prevalent among conservatives, such as authoritarianism, need for cognitive closure, and threat perception (e.g., Dyrendal et al., 2021). Finally, several studies find evidence that those on the right are more likely than the left to engage with fake news and misinformation online (Garrett & Bond, 2021; Grinberg et al., 2019; Guess et al., 2019).

That said, not all investigations produce evidence for this form of partisan or ideological asymmetry and some studies even suggest that the left is more prone to conspiracy theorizing than the right. For example, Democrats/liberals are more likely than Republicans/conservatives to believe in conspiracy theories that identify Republicans, conservatives, corporations, and the rich as conspirators (Enders et al., 2021; Miller et al., 2016; Oliver & Wood, 2014; Uscinski & Parent, 2014). There are also many conspiracy theories finding equal support among the left and right, including theories involving “chem-trails”, the moon landing, fluoridated water, Freemasons, lizard people, and television mind control, to name a few (Jenson, 2013; Smallpage et al., 2017). Moreover, the asymmetries identified in studies of online behavior are often due to small numbers of Republicans/conservatives who are not representative of the right as a whole (Lawson & Kakkar, 2021) or idiosyncratic socio-political circumstances (Garrett & Bond, 2021). Finally, several studies find that the general predisposition toward conspiracy theorizing is balanced between the right and left (e.g., Enders et al., 2021; Uscinski et al., 2016, 2021). For every investigation demonstrating asymmetry there is a counterweight showing the opposite.

We posit that inconsistencies across findings are partially due to the concept of conspiracy theory itself. A conspiracy theory is an explanation of an event or circumstance that accuses powerful actors of working in secret for their own benefit, against the common good, and in a way that undermines bedrock societal norms, rules, or laws (Uscinski, 2020). Conspiracy theories are not likely to be “true”––i.e., no even-handed burden of empirical proof has been satisfied––according to appropriate epistemological authorities (Levy, 2007). The concept of “conspiracy theory” can refer to an infinite number of ideas that vary in myriad ways, including who they accuse, what the supposed scheme entails, and what the theory seeks to explain (Sternisko et al., 2020). In this light, scholars should not expect “a single ‘style’ of conspiricism, a uniform embrace of all conspiracy theories, or for conspiricism to be limited to one side of the ideological spectrum” (Oliver & Wood, 2014).

When researchers focus on conspiracy theories that are explicitly partisan (i.e., those accusing the out-party or its coalition, or otherwise bolstering the image of the in-party) or are championed by elites in government or media, they are likely to observe relationships between beliefs in such theories and political orientations. But this is so for reasons unrelated to political orientations themselves. First, since the mass public takes cues from co-partisan political and media elites (Zaller, 1992), mass opinions—even those involving conspiracy theories—are often a reaction to elite political discourse (Berinsky, 2015). Second, motivated reasoning, a ubiquitous psychological process by which individuals accept (reject) information congruent (incongruent) with their previously held beliefs and dispositions (Lodge & Taber, 2013), oftentimes leads individuals to adopt accusatory perceptions (Zell et al., 2021), including conspiracy theories about political out-groups (Miller et al., 2016). Given that elite cues and motivated reasoning appear to similarly affect both Republicans/conservatives and Democrats/liberals (Bolsen et al., 2014; Clark et al., 2019; Ditto et al., 2019; Guay & Johnston, 2021), beliefs in conspiracy theories born of these processes signal little about an innate connection between such beliefs and partisanship/ideology.Footnote 1

Conspiracy theories, like other ideas, can also attract different adherents as political and cultural circumstances shift over time. For instance, belief in conspiracy theories about election fraud are tightly tethered to the electoral fortunes of one’s preferred party and that party’s messaging (Edelson et al., 2017; Pennycook & Rand, 2021). Whereas 9/11 “truther” theories found more support among Democrats/liberals in the years immediately following the attacks, likely due to both partisan motivated reasoning and elite cueing, support for these theories has become symmetrical as the 9/11 attack faded from partisan political discussion (Enders et al., 2020). In cases such as these, researchers’ choices of when to poll the public leads to different observed relationships between conspiracy theory beliefs and political orientations. Similarly, the choice of where to poll can affect observed relationships. For example, climate change conspiracy theories find more support in socio-political contexts (e.g., the United States, Australia) where elites have politicized climate change (Dunlap et al., 2016) than other contexts where the subject is less politicized.

Simply put, making generalizable claims about the nature, scope, and correlates of conspiracy theory beliefs is no easy task. We surmise that many of the observed disagreements in the literature are due to a combination of limitations regarding the operationalizations of conspiracy theorizing employed and the context––both temporal and socio-political––in which beliefs are assessed. Our contribution is to provide a comprehensive set of tests of the asymmetry thesis using dozens of specific conspiracy theories and different measurement strategies across time in the U.S. and other countries. In the following three sections, we assemble an expansive body of survey evidence to answer the question: Are those on the political right (e.g., Republicans and conservatives) more likely than those on the left (e.g., Democrats and liberals) to believe in conspiracy theories?

Finding 1: The Relationship between Conspiracy Theory Beliefs and Political Orientations Depends on the Conspiracy Theory

Much of the evidence provided for the asymmetry thesis comes in the form of correlations between partisanship/ideology and beliefs in one or a few conspiracy theories. However, the relationships identified may be due to the specific conspiracy theories under investigation rather than “bottom-up” psychological asymmetries between left and right. To interrogate the asymmetry thesis, we examine the relationship between political orientations and a wides range of conspiracy theory beliefs. Figure 1 displays Pearson correlations between beliefs in 52 conspiracy theories and both partisanship and ideological self-identifications.

Fig. 1
figure 1

Pearson correlations between beliefs in conspiracy theories and partisan and ideological self-identification. Horizontal bands represent 95% confidence intervals, two-tailed tests

These data were collected across eight national surveys fielded between October 2016 and May 2021.Footnote 2 All surveys were fielded by either YouGov, as part of the annual Cooperative Congressional Election Study, or Qualtrics, and all samples, which vary in size from 1,000 to 2,023 respondents, were designed to be representative of the U.S. population based on age, sex, race, and educational attainment; see the online appendix for additional information about the sociodemographic composition of each sample, sampling procedures, and other details.

We compiled a set of conspiracy theories that vary in their topical domains (e.g., health, science, politics), accused conspirators (e.g., partisan and non-partisan groups and figures, “the government”), alleged activities (e.g., causing direct harm, undermining democracy, covering-up vital information), salience (e.g., the activities of the Rothschild family versus the current COVID-19 pandemic), and level of specificity (e.g., explicitly identifying the conspirator versus positing a more ambiguous conspirator or group). All items meet the standard definition of “conspiracy theory” described above. Both partisanship and ideological self-identification are operationalized using the familiar seven-point measures coded such that greater values correspond to stronger Republican/conservative identification.Footnote 3 If individuals on the right are asymmetrically predisposed to adopting conspiracy theory beliefs, then we should consistently observe positive, statistically significant correlations between conspiracy theory beliefs and partisan and ideological identities across Fig. 1.

Figure 1 reveals that both the direction and magnitude of the correlations between conspiracy theory beliefs and partisanship/ideology vary considerably across conspiracy theories. When the conspiracy theory implicates actors associated with the political left in wrongdoing (e.g., Birther), or are endorsed by Republican and conservative elites (e.g., Global Warming Hoax), Republicans/conservatives exhibit greater levels of belief than Democrats/liberals (see upper third of Fig. 1). Likewise, when the conspiracy theory implicates actors associated with the political right (e.g., Koch Brothers World Control), or are endorsed by Democratic and liberal elites (e.g., Trump is a Russian Asset), Democrats/liberals exhibit greater levels of belief than Republicans/conservatives (lower third of Fig. 1). We also observe that many conspiracy theories find equal support among the left and right. Online appendix Figure A1, which shows the percentages of respondents on the right and left believing in each conspiracy theory shown in Fig. 1, also reveals parity in the proportion of believers across the political spectrum.

Our results regarding two specific conspiracy theories deserve additional emphasis. First, those on the left and right equally express belief in the general theory that “Regardless of who is officially in charge of governments and other organizations, there is a single group of people who secretly control events and rule the world together.” This question captures a sentiment that is presumably foundational to many specific conspiracy theory beliefs; that we observe no difference between left and right may suggest that the psychological bedrock for conspiricism traverses mainstream political orientations. Second, we find political balance in the belief that “The U.S. government is mandating the switch to compact fluorescent light bulbs because such lights make people more obedient and easier to control,” which was fabricated by researchers (Oliver & Wood, 2014). That the right does not exhibit greater levels of belief in this conspiracy theory prompts us to further question whether there is an innate connection between right-wing identification and conspiracy theory beliefs.

While our intention is to test the asymmetry thesis, specifically, we note that other research has found that extremists––those who identify with the most extreme left/right categories of political identity measures––are more likely than moderates to exhibit conspiracy beliefs (Imhoff et al., 2022). Such a pattern would manifest as a nonlinear, parabolic relationship between political orientations and conspiracy beliefs. Of course, correlations (like the ones presented in Fig. 1) are only capable of deciphering linear relationships. Whereas some nonlinear functional form may be the “correct” model—although this, too, is in contention, (Enders & Uscinski, 2021; van der Linden et al., 2021)—our goal is not to provide the “best” model of each conspiracy belief, but to detect asymmetries. Even if some nonlinearity was present, correlation coefficients would still capture left–right asymmetries should they exist (this applies to all analyses presented below). Regardless, an investigation of potential nonlinear relationships suggests that our empirical strategy is appropriate; in the appendix, we provide evidence that the relationships we are interested in tend to be linear.

Moving Beyond the US

Thus far, we found that the observed relationship between beliefs in various conspiracy theories and political orientations in the U.S. is dependent on the specific conspiracy theories in question. Still, an examination of the relationship between political orientations and conspiracy theory beliefs across a wide range of socio-political contexts can provide further clarity and demonstrate the role of political context. If there is an innate connection between right-wing ideology and conspiracy theory beliefs, we should observe greater support for conspiracy theories among those on the right across countries, regardless of variation in political and economic systems, social (in)equality, racial and ethnic composition of the populace, and many other factors.

To extend our test of the asymmetry thesis in this way, we examine the correlations between a seven-point measure of left–right ideologyFootnote 4 and 11 conspiracy theory beliefs across 20 countries that span six continents (total n = 26,416), which are presented in Fig. 2.Footnote 5 All surveys were conducted by YouGov between July 30–August 24, 2020, who constructed the samples to be representative of each country’s population based on available census records. Questions were approved of and translated by YouGov and their partners in each country. Additional details about each survey, including sociodemographic information, appear in the appendix. Asking about the same 11 conspiracy theories that address topics traversing socio-political contexts (e.g., AIDS, COVID-19) allows us to examine the impact of context on the relationship between ideology and conspiracy theory beliefs, providing additional tests of the asymmetry thesis under different conditions.

Fig. 2
figure 2

Pearson’s correlations between beliefs in conspiracy theories and left–right ideological self-identification across 20 countries. Horizontal bands represent 95% confidence intervals, two-tailed tests

Remarkably, not a single conspiracy theory investigated in Fig. 2 exhibits correlations with consistently positive or negative signs (regardless of statistical significance) across all 20 countries. For example, the 9/11 conspiracy theory finds significantly more support among those on the left in 8 of the 20 countries and is not significantly related to ideology in the remaining 12. Even the Global Warming Hoax belief, a feature of the political right in the U.S., finds significantly more support among the left in 5 countries (Egypt, Mexico, Nigeria, Saudi Arabia, and Turkey) and exhibits no correlation with ideology in 2 others (Hungary and South Africa). Despite some ideological “balance” across Fig. 2, most correlations are quite weak, suggesting a lack of ideological discrepancy altogether. Indeed, the average correlation––across all conspiracy theory beliefs and countries––is a meager 0.03 (ranging from − 0.05 for 9/11 Truther to 0.10 for Global Warming Hoax).

To be sure, there are many possible explanations for the variability we observe across conspiracy theories and countries. Our goal, however, is not to provide post-hoc explanations for this variation, but rather to leverage it towards additional tests of the asymmetry thesis. While some countries (e.g., France, Germany, Italy) and some conspiracy theories (e.g., Global Warming Hoax, COVID is a Myth) provide more support for the asymmetry thesis, others exhibit the opposite pattern. The relationship between political ideology and conspiracy theory beliefs appears to be dependent on both the details of the conspiracy theories and socio-political context.

Altogether, we find that symmetry comes in two forms. First, there are conspiracy theories that prove to be systematically attractive to those on either the left or right. Second, many conspiracy theories find similar levels of support (or lack thereof) across the political aisle. We do not argue, nor do our data demonstrate, that beliefs in any given conspiracy theory are or should be symmetric across political predispositions––this is entirely dependent on the details of the conspiracy theory, and perhaps the context in which beliefs were assessed.

Of course, one might protest that the patterns depicted in Figs. 1 and 2 are artifacts of the conspiracy theories we chose to examine and, indeed, they would be correct! However, as much would be the case for any study of specific conspiracy theories. This critically important point explains the discrepancies among previous studies: substantive inferences are heavily dependent on which conspiracy theories are considered. Inferences about the fundamental nature of conspiracism should not be made from patterns in a single or small number of conspiracy beliefs, even though precisely such generalizations are commonplace in the conspiracy belief literature.

Decisions about which conspiracy theories to poll and analyze are always fraught with challenges. For example, one could criticize Finding 1 by claiming that some of the conspiracy theories we employed are more plausible (e.g., believable, evidenced, or rational) than others, and that this variability in plausibility is correlated with ideology or partisanship. However, judgements of this nature (Douglas et al., 2022), even among otherwise discerning researchers, are colored by motivated reasoning. It should not be a surprise that a Democrat, for example, would believe that the conspiracy theories that other Democrats believe in are more plausible than the conspiracy theories that Republicans believe in. Nevertheless, the conspiracy theories at the top and bottom of Fig. 1 are different from each other and not necessarily comparable (though, this is again a matter of subjective judgment). We, therefore, point readers to the conspiracy theories in the middle of Fig. 1. These are particularly important because the correlations with partisanship and ideology––or the lack thereof––are inconsistent with the asymmetry thesis (i.e., the right should be more likely than the left to believe these conspiracy theories should the asymmetry thesis be correct). For example, partisanship and ideology are not correlated with beliefs in conspiracy theories about the JFK assassination, the MMR vaccine, the Holocaust, GMO’s, Fluoride, cellphones, AIDS, pharmaceutical companies, government mind control, and lightbulbs.

Furthermore, even though Finding 1 involves more conspiracy theory beliefs than previous studies, our findings remain an artifact of which conspiracy theories researchers investigate because there is no “correct” or “representative” set of conspiracy theories that researchers should employ. This problem motivates the analyses that follow: an experiment which holds constant all but the partisanship of the accused conspirators in a set of conspiracy theories, as well as an analysis of the general predisposition toward conspiracy thinking. These analyses are attempts to avoid the trappings of individual conspiracy theories.

Finding 2: The Political Left and Right Both Accuse the Out-Party of Conspiring

Even though we considered a larger group of conspiracy theories above than any study we are aware of, one might still wonder how the idiosyncrasies of the conspiracy theories we examined may affect our inferences about partisan and ideological (a)symmetry. To address this concern, we present an alternative strategy for exploring the relationship between conspiracy theory beliefs and political orientations that is not subject to alternative explanations owing to the idiosyncrasies of the conspiracy theories themselves. Specifically, we hold the details of the conspiracy theory constant, varying only the political orientations of the presumed conspirators. This approach enables a test of a more nuanced version of the asymmetry thesis—that people on the right engage in partisan/ideologically motivated conspiracy theory endorsement to a greater extent than people on the left. A finding of asymmetry in this circumstance would show that Republicans/conservatives are more likely than Democrats/liberals to endorse conspiracy theories that impugn political out-groups.

To this end, on two surveys––one fielded by MTurk in 2017 (n = 2,041) and the other by Lucid in 2020 (n = 3,994)––we randomly assigned half of our respondents to receive the “Republicans are conspirators” versions of five conspiracy theory questions, and the other half to receive the “Democrats are conspirators” versions. To hold the content of the conspiracy theory constant, we created five general conspiracy theories on the topics of election fraud, political extremism, the economy, health policy, and crime. For example, the “economy” conspiracy theory question asked:

Do you think that Democratic [Republican] political elites are…

definitely secretly plotting with large banks to lie about the health of the economy to gain support for their economic policy proposals (coded 4)

probably secretly plotting with large banks to lie about the health of the economy to gain support for their economic policy proposals (3)

probably not secretly plotting with large banks to lie about the health of the economy to gain support for their economic policy proposals (2)

definitely not secretly plotting with large banks to lie about the health of the economy to gain support for their economic policy proposals (1)

Full question wordings for the election fraud, political extremism, economy, health policy, and crime questions appear in the online appendix. Partisanship was measured via the standard seven-point branched question, and ranges from “strong Democrat” to “strong Republican.” Symbolic ideology was measured via a seven-point scale ranging from “extremely liberal” to “extremely conservative.”

Because of motivated reasoning (and consistent with the general pattern depicted in Fig. 1), we expect that Republican/conservative respondents would be more likely to endorse the “Democrats are conspirators” version of the questions (as indicated by positive correlations with partisanship and symbolic ideology), and Democratic/liberal respondents would be more likely to endorse the “Republicans are conspirators” version (as indicated by negative correlations with partisanship and symbolic ideology). For our purposes, the more pertinent question is whether partisan/ideologically motivated conspiracy theory endorsement is asymmetrical. Does the relative size of the relationship between motivated conspiracy theory endorsement and political orientations vary depending on whether the purported conspirators are Democrats or Republicans?

Figure 3 displays the absolute value of the correlations between political orientations and both partisan versions of the conspiracy theory questions described above. First, we should always observe correlations that are significantly distinguishable from 0 (i.e., p < 0.05, two-tailed test); this would indicate that some level of partisan motivated reasoning is behind the endorsement of conspiracy theories that involve partisan groups/figures, consistent with findings presented above. Second, we should observe significantly larger correlations between political orientations and beliefs in conspiracy theories that malign Democrats (the red points) compared to those that malign Republicans (blue points) if Republicans and conservatives are asymmetrically motivated to believe in conspiracy theories about the left.

Fig. 3
figure 3

Pearson’s correlations between beliefs in specific content-controlled conspiracy theories and partisan and ideological self-identification. Horizontal bands represent 95% confidence intervals, two-tailed tests. Data from the following surveys: Lucid February 2020 (nRepublican Conspirator = 2,009; nDemocratic Conspirator = 1,985), MTurk October 2017 (nRepublican Conspirator = 992; nDemocratic Conspirator = 1,023). See online appendix for sample characteristics

While we observe evidence of partisan motivated conspiracy theory endorsement in all instances, we do not observe a tendency for Republicans or conservatives to engage in such reasoning to a greater extent than Democrats and liberals. Regarding partisanship, in five of the 10 tests, the correlations are not significantly different from one another, indicating symmetry (i.e., p > 0.05). In the other five, Democrats evidence a greater propensity for partisan motivated conspiracy endorsement than Republicans. A similar pattern emerges for ideology. In four of the 10 tests, the correlations are not statistically significantly different from one another. In the remaining six, liberals engage in greater motivated conspiracy theory endorsement than conservatives.

In sum, we find no support for the hypothesis that those on the right are more likely to endorse conspiracy theories that impugn liberals than liberals are to endorse the exact same conspiracy theories when they impugn conservatives. This finding has an important implication for the asymmetry thesis: many individuals accept the opportunity to derogate the opposing political side, regardless of the specific factual details of the charge and even if the charge alludes to a conspiracy. These results explain the patterns in Fig. 1 and lead to our final analysis: an examination of potential partisan/ideological asymmetries in conspiracy thinking, the general predisposition. Despite our findings thus far, this predisposition may be asymmetric across partisan/ideological lines.

Finding 3: Conspiracy Thinking is Unsystematically Related to Political Orientations

A final analytical strategy for assessing the relationship between political orientations and conspiracy theory beliefs entails shifting focus from belief in specific conspiracy theories to the general predisposition to engage in conspiracy theorizing (e.g., Bruder et al., 2013). This predisposition, conspiracy thinking (sometimes referred to as conspiracy ideation, conspiratorial predispositions, or conspiracy mentality), can be thought of as a bias toward interpreting events and circumstances as the products of conspiracies carried out by powerful, malign actors (Cassese et al., 2020; Uscinski et al., 2016). Empirical measures of conspiracy thinking are specifically designed to transcend the trappings of individual conspiracy theories; in other words, an examination of the relationship between political orientations and conspiracy thinking has the advantage of avoiding the complications of substantive interpretation inherently posed by the idiosyncrasies of beliefs in particular conspiracy theories.

To measure this predisposition, we seek to measure general conspiratorial sentiments in which abstract nefarious groups are subverting norms, rules, and laws by secretly engaging in harmful actions or by covering-up such actions. Here, we employ the 4-item American Conspiracy Thinking Scale (ACTS), first developed by Uscinski and Parent (2014) and based on items from McClosky and Chong (1985). This scale is very similar in content and construction to other scales intended to capture the disposition to believe conspiracy theories, such as the five-item Conspiracy Mentality Questionnaire (Bruder et al., 2013) and the 15-item Generic Conspiracist Beliefs Scale (Brotherton et al., 2013). Subjects responded, using five-point response options ranging from “strongly disagree” (1) to “strongly agree” (5), to each of the following items:

  1. 1.Even though we live in a democracy, a few people will always run things anyway.
  2. 2.The people who really “run” the country are not known to the voters.
  3. 3.Big events like wars, the recent recession, and the outcomes of elections are controlled by small groups of people who are working in secret against the rest of us.
  4. 4.Much of our lives are being controlled by plots hatched in secret places.

The resultant additive scale has been used in numerous studies, consistently accounting for variation in beliefs in a wide range of conspiracy theories (Cassese et al., 2020; Miller, 2020; Uscinski et al., 2016). Cronbach’s alpha reliability estimates range from 0.76 to 0.86 across the 18 datasets employed in this analysis, suggesting high reliability; the proportion of variance explained by the first factor of an exploratory factor analysis ranges from 0.86 to 0.94, suggesting unidimensionality. See the online appendix for detailed information about each individual dataset, including the measurement properties of the ACTS (Figure A2).

To validate this measure in the context of the current investigation, Fig. 4 presents the correlations between the ACTS and beliefs in each of the specific conspiracy theories examined in Fig. 1. Our intention here is to show that the ACTS measure is a predictively valid indicator of the general tendency to believe in conspiracy theories. We should expect all correlations to be positive and statistically significant. Figure 4 shows universal support for this expectation. Moreover, we observe a pattern consistent with our earlier arguments about the impact of partisan/ideological motivated reasoning and opinion leadership on beliefs in some conspiracy theories: there is a weaker correlation between the ACTS and beliefs in the specific conspiracy theories exhibiting the strongest political asymmetries in Fig. 1 (i.e., those listed at the very top and very bottom of the vertical axis).

Fig. 4
figure 4

Pearson correlations between beliefs in specific conspiracy theories from Fig. 1 and conspiracy thinking scale. Horizontal bands represent 95% confidence intervals, two-tailed tests. Qualtrics May 2021 (n = 2,021), Qualtrics October 2020 (n = 2,015), Qualtrics June 2020 (n = 1,040), Qualtrics March 2020 (n = 2,023), Qualtrics July 2019 (n = 2,000), CCES October 2018 (1, n = 1,000), CCES October 2018 (3, n = 1,000), CCES October 2016 (2, n = 1,000); see online appendix for sample characteristics

Having established the criterion validity of the ACTS, we now turn to the empirical test of central concern: the relationship between political orientations and conspiracy thinking. Figure 5 depicts the correlations between conspiracy thinking and ideological self-identification, partisanship, and operational ideology. This analysis includes a total of 18 datasets (n = 31,741) spanning 10 years (2012–2021). Details about all datasets appear in the appendix.

Fig. 5
figure 5

Pearson’s correlations between conspiracy thinking scale and partisanship, symbolic ideology, and operational ideology across studies and time. Horizontal bands represent 95% confidence intervals, two-tailed tests. Data sources listed along vertical axis. Individual sample sizes and sample characteristics appear in the appendix

Beginning with symbolic ideology (measured via a seven-point scale ranging from “extremely liberal” to “extremely conservative”), no consistent pattern emerges (see the first panel of Fig. 5). In some surveys the correlation is positive (indicating higher levels of conspiracy thinking on the right than left), in others it is negative (indicating the opposite). In others still, correlations are statistically indistinguishable from 0. Moreover, those correlations that are statistically significant tend to be small, rarely exceeding an absolute value of 0.10 and never exceeding an absolute value of 0.25. The average correlation between conspiratorial thinking and ideological self-identification across all 18 national surveys is 0.04. The relationship between conspiratorial thinking and partisanship (a seven-point scale ranging from “strong Democrat” to “strong Republican) is similarly inconsistent and weak across surveys/time (middle panel of Fig. 5); the average correlation is 0.03.

Eight of our surveys contained multiple questions measuring issue attitudes, such as those regarding healthcare reform. For each survey we generated summary scales of these attitudes, a common method for measuring operational ideology (Ansolabehere et al., 2008; see online appendix for question wordings). Thus, we can investigate whether measures of ideology based on policy preferences rather than on identity reveal relationships between ideology and conspiracy thinking. The third panel of Fig. 5 demonstrates that the relationship between conspiratorial thinking and operational ideology is also inconsistent (ranging from 0.00 to 0.23), with an average correlation of 0.09. Although these correlations are slightly stronger than the averages we observe for symbolic ideology or partisanship, we note that we have fewer data points; moreover, the positive relationship is substantially driven by the same three 2016 data points for which we observed the largest correlations with respect to symbolic ideology and partisanship in the first two panels of Fig. 5.

We suspect that this spike––observed across all three panels of Fig. 5 in 2016––owes to the political context in which the surveys were fielded: 2016 was a presidential election year during which Donald Trump openly and frequently trafficked in conspiracy theories, sharply deviating from past norms. While conspiracy thinking is conceived of as a largely stable predisposition (Uscinski & Parent, 2014), emerging scholarship suggests that conspiracy thinking can be temporarily heightened or diminished in some groups by situational political factors (Einstein & Glick, 2013; Farhart et al., 2020). This is not unlike how other predispositions like partisanship, for example, operate: salient stimuli cause short-term fluctuations around an otherwise stable mean (Smidt, 2018; West & Iyengar, 2020). The data offer suggestive evidence for our proposition. In October 2012, the mean score on the ACTS (range: 1–5) was 3.19 for Democrats and 3.13 for Republicans. In October 2016 (average of both CCES datapoints), this average increased to 3.51 for Republicans, but remained stable for Democrats at 3.19. By October 2018 (average of all 3 CCES datapoints), it had returned to 2012 levels––3.17––for both parties.

Regardless of the changing political circumstances and a potential Trump effect, the totality of the evidence presented above is simply not indicative of a systematic left–right asymmetry in conspiracy thinking. As an additional check, we also examined each bivariate relationship between ideology/partisanship and conspiracy thinking separately, looking for evidence that political extremity, rather than valence (i.e., left/right), is related to conspiracy thinking. We found only mixed evidence for the proposition that strong partisans or extreme ideological identifiers exhibit higher levels of conspiracy theorizing than weak identifiers or moderates/independents. Details about these analyses appear in the appendix.

Discussion and Conclusion

Are those on the political right (Republicans/conservatives) more prone to conspiracy theorizing than those on the left (Democrats/liberals)? The smattering of evidence across the literature provides conflicting answers to this question. We surmise that disagreement in the literature is substantially the product of limitations regarding both the operationalizations of conspiracy theorizing and the context––both temporal and socio-political––in which beliefs are assessed in previous work. Given the imperative of better understanding conspiracy theories and the people who believe them, we compiled a robust body of evidence for testing the asymmetry thesis. Across multiple surveys and measurement strategies, we found more evidence for partisan and ideological symmetry in conspiricism, however operationalized, than for asymmetry.

First, we found that the relationship between political orientations and beliefs in specific conspiracy theories varied considerably across 52 specific conspiracy theories. Conspiracy theories containing partisan/ideological content or that have been endorsed by prominent partisan/ideological elites will find more support among those in one political camp or the other, while theories without such content or endorsements tend to be unrelated to partisanship and ideology in the U.S. We also observed considerable variability in the relationship between left–right ideology and 11 conspiracy theory beliefs across 20 additional countries spanning six continents; this variability suggests that the relationship between left–right ideology and conspiracy theory belief is also affected by the political context in which conspiracy theories are polled. To account for the potential impact of idiosyncratic factors associated with specific conspiracy theories, we next examined the relationship between beliefs in “content-controlled” conspiracy theories and political orientations. We found that both Democrats/liberals and Republicans/conservatives engage in motivated conspiracy endorsement at similar rates, with Democrats/liberals occasionally exhibiting stronger motivations than Republicans/conservatives. Finally, we observed only inconsistent evidence for an asymmetric relationship between conspiracy thinking and either partisanship, symbolic ideology, or operational ideology across 18 polls administered between 2012 and 2021. Even though the average correlations across studies were positive, indicating a relationship with conservatism/Republicanism (owing mostly to data collected in 2016), they were negligible in magnitude and individual correlations varied in sign and statistical significance over time.

Equally important as our substantive conclusions is an exploration of why we reached them, which can shed light on existing inconsistencies in the literature. While the core inferences we make from our investigation may deviate from the conclusions of others, empirical patterns are not irreconcilable. Take, for example, the study conducted by van der Linden and colleagues (2021). They infer from a strong, positive correlation between beliefs that “climate change is a hoax” and conservatism that conservatives are inherently more conspiratorial than liberals. However, we demonstrate that such conclusions cannot be made using beliefs in a single conspiracy theory. As can be seen in Fig. 1, climate change conspiracy theories show one of the highest levels of asymmetry; therefore, exclusive examination of almost any other conspiracy theory would lead to a result less supportive of the asymmetry argument.

Van der Linden et al. (2021) also find a positive, albeit weak, correlation between conservatism and generalized conspiracy thinking. While this relationship is statistically significant, liberals still exhibit high levels of conspiracism. Indeed, even strong liberals score above the 50-point midpoint on their 101-point measure (between 60 and 65, on average), whereas strong conservatives typically score about 10 points higher (see Figs. 1b and 3b). In other words, liberals, like conservatives, are more conspiratorial than not. Moreover, van der Linden et al.’s data hail from 2016 and 2018––years in which we also observed relatively elevated levels of conspiracy thinking among conservatives. However, this was not the case in other years and samples we examined. This is exactly what we might expect of a disposition that is not inherently connected to partisanship and ideology, but which may be sporadically activated by political circumstances. We do not question the veracity of van der Linden et al.’s empirical findings or those of any other study with conclusions that disagree with ours; rather, we argue that differences largely stem from the inferences made from empirical relationships, which are frequently more general than the data allows.

Despite the magnitude of data we employ, our study is not without limitations, and we wish to emphasize that ours should not be the final word on this topic. Although our data spans a decade, it was collected over the course of only three U.S. presidential administrations. As political culture changes so, too, might the relationship between political orientations and conspiracy theories. Unfortunately, measures of general conspiracy thinking (to our knowledge) were not deployed on national surveys until 2012 and specific conspiracy beliefs were only intermittently polled in the past 70 years, severely limiting how much we can know about conspiracy theorizing in the past. We encourage researchers to track multiple operationalizations of conspiracy theorizing into the future so that we may better understand their political dynamics and consequences.

We also recognize that, while an investigation of the asymmetry thesis across 21 countries constitutes a robust test, the more tests the asymmetry thesis undergoes the more confident we can be about its (lack of) veracity. We encourage an examination of more conspiracy theory beliefs across socio-political contexts, especially those that are closely tethered to each country’s political culture. We also recommend more robust examinations of the asymmetry thesis in regions that have been understudied, such as South America, Africa, and Asia. Even though we included countries from each of these continents, very little is known about the basic nature and scope of conspiracy theorizing outside of North America and Europe.

In a similar vein, conspiracy theories differ not only in who believes them, where, and when, but in their consequences and dangers. As such, it may be useful for researchers to consider categorizing conspiracy beliefs by various attributes, such as their consequences, just as they do for political attitudes (e.g., issue attitudes, affective versus ideological attitudes, etc.)––perhaps the asymmetry thesis finds stronger evidence among certain “classes” of conspiracy theories. Recent events in American politics are suggestive of this possibility. Donald Trump and his allies in government and media fostered election fraud conspiracy theory beliefs to the point of the violent intimidation of elected representatives attempting to certify the 2020 election. In this way, election fraud conspiracy theories––at least under the particular circumstances that Trump and colleagues nurtured––are of more consequence than, for example, conspiracy theories regarding the moon landing or lizard people. While forecasting which conspiracy theories will result in tangible consequences and when is surely difficult, we nevertheless note that symmetry of tendency to believe in conspiracy theories need not equal symmetry in consequence of conspiracy theories, along political lines or otherwise.

Finally, we believe it is critical that work on beliefs, like that presented here, be reconciled with related research examining political asymmetries in the tendency to interact with or “spread” conspiracy theories on social media. Related work by Guess, Nagler and Tucker (2019), Garrett and Bond (2021), and Grinberg et al. (2019), for example, finds evidence for minor asymmetries in the extent to which Democrats/liberals and Republicans/conservatives share misinformation or distinguish between fake and true news stories online. By fusing social media data with survey data researchers can gain greater leverage over questions about the conditions under which online behaviors are reflective of, or even impact, beliefs and offline behaviors. For now, we simply note that findings of asymmetries online may not generalize to the broader population, as politically active social media users are not representative of average Americans when it comes to various political and psychological characteristics (Lawson & Kakkar, 2021). Just as social media data can be fused with survey data, so, too, can top-down data on conspiratorial rhetorical strategies employed by political elites. Few studies of this sort have been undertaken, particularly in the U.S. (see Oliver & Rahn, 2016 for an example), but they are sorely needed––especially to test earlier studies on the rhetoric of conspiratorial elites (Adorno, 2000; Lowenthal & Guterman, 1948).

The last five years have witnessed Republican elites in government and media (most notably Donald Trump) utilizing conspiracy theories in a way unprecedented in the last half century of American politics, and with severe, deleterious consequences for democratic institutions. This alone has encouraged renewed conjecture about an asymmetry in conspiracy theory beliefs. However, elites are an imperfect reflection of the public––they have different goals, incentives, and knowledge about politics. Moreover, elite rhetoric rarely changes predispositions, such as conspiracy thinking, so much as it activates predispositions and connects them to salient political choices (Leeper & Slothuus, 2014). In other words, while Republican elites may have recently activated conspiratorial predispositions among supporters in the mass public––where they exist––in a way that Democratic elites did not, they are unlikely to be able to cause once non-conspiratorial supporters to become highly conspiratorial.

That we find little difference in conspiracy theorizing between the right and left among the mass public does not indicate that there are no differences between partisan elites on this score, nor does it imply that there will not be asymmetries in beliefs in specific conspiracy theories at any given point in time. Specific conspiracy theories can find more support among one partisan/ideological side than the other even though partisan/ideological motivated reasoning and conspiratorial predispositions operate, on balance, in a symmetric fashion. Likewise, the content of those theories and the way they are deployed, particularly by elites, can result in asymmetrical consequences, such as political violence and the undermining of democratic institutions. We encourage future work to integrate the conspiratorial rhetoric of elites with studies of mass beliefs and investigate elite conspiratorial rhetoric from actors including and beyond Donald Trump.

Data and Code Availability

ll data and code used in this study are available at: https://dataverse.harvard.edu/dataset.xhtml?persistentId=doi:10.7910/DVN/MMMYGJ

Notes

  1. These same mechanisms may also lead partisan subgroups (e.g., racial or religious groups comprising a party’s coalition) to adopt specific conspiracy theories (e.g., Bird and Bogart 2003); in such cases, the observed relationships are a spurious alignment of political orientations and the idiosyncratic characteristics of a given conspiracy theory in a particular context. Reported asymmetries in conspiracy theory beliefs can also be affected by measurement strategies, such as question wording (Krosnick et al., 2014; Sutton and Douglas 2020).

  2. Data are from the following surveys: Qualtrics May 2021 (n = 2,021), Qualtrics October 2020 (n = 2,015), Qualtrics June 2020 (n = 1,040), Qualtrics March 2020 (n = 2,023), Qualtrics July 2019 (n = 2,000), CCES October 2018 (1, n = 1,000), CCES October 2018 (3, n = 1,000), CCES October 2016 (2, n = 1,000).

  3. In Figure A1 of the appendix, we also present the proportion of Democrats, Republicans, and Independents who express belief in each conspiracy theory; this analysis demonstrates that it is proper to treat Independents as falling between Democrats and Republicans on a single left-right continuum, as the measure itself implies.

  4. Categories (coding) are as follows: “very left-wing” (1), “fairly left-wing” (2), “slightly left-of-centre” (3), “centre” (4), “slightly right-of-centre” (5), “fairly right-wing” (6), “very right-wing” (7). “Left-wing” and “right-wing” are understood to mean the same thing––i.e., social equality and egalitarianism versus social hierarchies and order––across each of the countries we examine.

  5. The Holocaust Denial question was not asked in Germany.

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COMPLEMENT:

L’émergence de la théorie du complot respectable

COVID, Trump, Brexit, tout le monde a eu quelque casse-tête ces dernières années et certaines personnes pourraient ne jamais s’en remettre.

Christopher J. Snowdon

Quillette

Dans le Guardian, le journaliste George Monbiot détaillait récemment toute la déception que lui inspirait [/tags/russell-brand]Russell Brand, un acteur salement parti en vrille ces dernières années et qu’on retrouve aujourd’hui sur Rumble, un concurrent de YouTube [bloqué en [/tags/france]France], à pester sur [/tags/bill-gates]Bill Gates, le Forum économique mondial, Big Pharma, [/tags/monsanto]Monsanto et autres croquemitaines dont raffolent les complotistes. Ce qui, à juste titre, consterne Monbiot, d’autant plus qu’il a longtemps tenu Brand en haute estime.

Dans cet article, en plus de tailler un beau costard à son ancienne idole, Monbiot affirme que « quasiment toutes les théories du complot les plus populaires naissent ou grandissent à l’extrême droite ». Ce qui n’est tout simplement pas vrai. Une passionnante étude publiée l’an dernier démontre que le complotisme n’est la chasse gardée ni de la gauche ni de la droite. Exploitant une vingtaine d’enquêtes menées aux [/tags/etats-unis]États-Unis entre 2012 et 2021, les auteurs constatent que les théories du complot se répartissent ainsi : un tiers, grosso modo, attire en priorité les républicains, un autre tiers est plus attractif pour les démocrates et le reste n’a pas d’ancrage partisan particulier. En l’espèce, les Américains de droite sont particulièrement vulnérables aux théories du complot sur le Covid-19, tandis que ceux de gauche goûtent celles sur Donald Trump. À droite, on est antivax avec le Covid-19, mais pas la rougeole, les oreillons et la rubéole, et on croit le réchauffement climatique bidon. À gauche, c’est plutôt la réalité de la mission Apollo 11 que l’on remet en question, et on est sûr qu’O. J. Simpson a été piégé.

Des complotistes aussi bien de gauche que de droite

Certaines des théories du complot les plus connues – l’assassinat de JFK, la négation de la Shoah et l’idée que les attentats du 11 Septembre ont été perpétrés par le gouvernement américain – ne sont plus associées à un camp politique spécifique, alors qu’elles l’ont été par le passé. Comme le font remarquer les auteurs de l’étude, certaines théories du complot populaires naissent parfois d’un côté ou de l’autre de l’échiquier politique pour ensuite devenir bipartisanes au fil du temps. Ni le mouvement pour la « vérité » sur le 11 Septembre ni la croyance en un complot pour assassiner JFK ne sont nés à l’extrême droite. C’est même tout l’inverse : au départ, ces théories avaient surtout séduit les gens qui, respectivement, détestaient George W. Bush ou qui pensaient impossible que JFK ait été abattu par un marxiste.

Sans surprise, quand cette étude est sortie, les commentaires sur les réseaux sociaux sont partis dans deux directions. D’un côté, certains ont fait valoir que certaines des théories examinées n’auraient pas dû être considérées comme telles – parce qu’elles étaient vraies – tandis que d’autres ont accusé les chercheurs de ne pas avoir cité les balivernes qu’ils associaient à leurs adversaires politiques. Le problème, c’est qu’aucun adepte d’une théorie farfelue sur le fonctionnement du monde n’y voit une théorie du complot. Si c’était le cas, ils cesseraient immédiatement d’y croire. Les théories du complot sont bonnes pour les autres, les crédules, les débiles, les exclus. Eux ? Ce sont des complotistes. Nous ? Nous sommes de libres penseurs sachant faire nos propres recherches et marcher notre esprit critique.

En général, les théories du complot ont une valeur statutaire basse. Comme le développe David Aaronovitch dans Voodoo Histories, elles permettent aux individus marginalisés et au faible niveau d’études de se sentir supérieurs et perspicaces. Reste que bien des théories du complot semblent aller de soi au sein des élites. En Grande-Bretagne, vous ne serez pas conspué si vous affirmez que les conservateurs prévoient de privatiser le système de santé publique (NHS). Et vous n’aurez rien à craindre non plus si vous êtes persuadé que le gouvernement russe a, d’une manière ou d’une autre, provoqué le Brexit.

Des théories du complot plus respectables que d’autres

Certaines de ces théories du complot sont si éphémères qu’elles peinent à s’accrocher dans les mémoires. Qui se souvient, par exemple, que le 16 mars 2020, en pleine croissance exponentielle des cas de Covid-19, Boris Johnson avait conseillé à la population britannique d’éviter les pubs, les boîtes de nuit, les restaurants, les cinémas et les théâtres, mais sans pour autant en ordonner la fermeture par voie légale. Et pourquoi donc ? Pour de fins limiers de gauche, la solution de l’énigme sautait aux yeux : à cause des assurances ! Si Johnson avait ordonné un confinement, le milieu des assurances, de même que tous les petits potes du Premier ministre en son sein, aurait dû mettre la main à la poche. Qu’est-ce que vous dites de ça : la déclaration d’intérêts de Johnson consigne 25 540 livres sterling, plus la TVA, perçue pour une intervention devant une association de courtiers d’assurances. Coïncidence ?

Cette histoire, bien sûr, était une absurdité sans nom, ce qui ne l’a pas empêchée de devenir virale. Rishi Sunak travaillait déjà sur un ambitieux programme de soutien aux entreprises et, par voie légale, Johnson allait ordonner l’arrêt de l’industrie hôtelière quatre jours plus tard. Dans tous les cas, les courtiers ne sont que des intermédiaires qui ne perdent rien quand les compagnies d’assurances sortent le chéquier.

De telles théories du complot « respectables » vont et viennent sans que quiconque voie sa réputation entachée pour les avoir propagées. Le député travailliste Tom Watson, récemment élevé à la Chambre des lords, fut ainsi la figure de proue d’un mouvement parfaitement dément visant à « exposer » un réseau pédophile inexistant au cœur du gouvernement britannique dans lequel auraient été mouillés l’ancien député Harvey Proctor et l’ancien ministre de l’Intérieur Leon Brittan. En réalité, tout n’était qu’un tissu de mensonges venant d’un véritable pédocriminel, Carl Beech. Watson n’hésitera d’ailleurs pas à faire valoir son immunité parlementaire pour désigner Brittan comme « l’être le plus maléfique qui soit ». Brittan mourra d’un cancer avant de pouvoir laver son nom.

La privatisation du NHS : un cas d’école

De toutes les théories du complot britanniques bon teint, l’idée d’une privatisation imminente du NHS est la plus répandue. Peut-être êtes-vous déjà en train de vous étouffer de rage à me voir qualifier la chose en ces termes, mais quelle meilleure désignation pour une croyance hautement invraisemblable, qui ne repose sur aucune preuve et qui nécessiterait, pour être mise en œuvre, une conjuration au sommet de l’État ? Si on remonte l’histoire du NHS depuis ses origines, on voit que le Parti conservateur a été au pouvoir pendant ses deux tiers, sans jamais manifester la moindre intention de le vendre. Certes, il arrive que des députés de droite estiment, comme moi et d’autres, que des soins de santé gérés par un Léviathan étatique sont la garantie de mauvais résultats. Sauf qu’ils ne passeront jamais de la théorie à la pratique parce qu’ils sont des politiciens et que leur priorité absolue dans la vie est d’être réélus. Si la chose peut sembler incroyable, le NHS est l’institution la plus adorée du pays. Le privatiser empêcherait non seulement les conservateurs de gagner les prochaines élections, mais cela les priverait aussi du pouvoir à tout jamais.

En tant que théorie, elle est à peu près aussi crédible que la 5G causant le Covid-19, ce qui ne l’empêche pas de tenir de l’évidence dans bien des cercles. Elle fut au cœur même des élections générales de 2019. Depuis la lettre de Zinoviev en 1924, jamais les fake news n’allaient jouer de rôle aussi important dans une élection britannique que lorsque Jeremy Corbyn affirma détenir des preuves accablantes d’un « complot » visant à vendre le NHS dans le cadre d’un accord commercial avec Donald Trump. Brandissant un document gouvernemental confidentiel, il déclara avoir découvert le « programme secret » des conservateurs.

Sauf que ce document ne disait rien de tel – le NHS n’y était cité que quatre fois dans ses 451 pages, uniquement en relation avec des produits pharmaceutiques et sans jamais vouloir le libérer de sa propriété de l’État. Ce qui n’allait pas empêcher les libéraux-démocrates et les Verts britanniques (Green Party) de se ranger derrière cette théorie du complot. Le document non expurgé avait fuité sur Reddit plusieurs semaines auparavant, dans ce qui eut tout l’air d’être une campagne de déstabilisation originaire de Russie.

Une ironie mordante

L’ironie est mordante, car l’ingérence russe dans les élections figure en bonne place des théories du complot respectables. En Grande-Bretagne, sa plus glorieuse émissaire s’appelle Carole Cadwalladr, une journaliste devenue célèbre après le Brexit en 2016 pour révéler… quoi, exactement ? Sept ans et de multiples récompenses plus tard, on ne sait toujours pas sur quoi elle enquête.

Aujourd’hui, Cadwalladr est une complotiste sans théorie. Pendant des années, elle aura placé ses espoirs dans la National Crime Agency, la commission électorale, le commissaire à l’Information du Royaume-Uni et, aux États-Unis, en Robert Mueller, procureur spécial dans l’affaire du Russiagate. Sauf qu’aucune de ces différentes enquêtes n’a pu prouver ce qu’elle avançait, notamment sur les liens entre le Brexit, Trump, la Russie et Cambridge Analytica. Si la commission électorale a infligé des amendes aux militants du Leave pour avoir enfreint les règles relatives aux dépenses électorales, elle en a également infligé aux militants du Remain pour la même raison. Et, plus dommageable encore pour Cadwalladr, elle a conclu que Cambridge Analytica n’avait pas travaillé sur la campagne de Leave. EU Facebook fut certes condamné à une amende pour avoir partagé les données de certains de ses utilisateurs avec Cambridge Analytica, mais le commissaire à l’Information, l’équivalent britannique de la Cnil, n’a trouvé aucune preuve établissant que des citoyens britanniques en avaient fait partie.

Arron Banks, homme d’affaires et cofondateur de Leave. EU, a intenté un procès en diffamation contre Cadwalladr pour l’avoir accusé d’avoir menti sur ses relations avec le gouvernement russe. Banks a beau avoir gagné en appel, ses poursuites ont été qualifiées d’« action judiciaire ratée » par le Guardian et, sur Twitter, Cadwalladr s’est fait passer pour victorieuse en déclarant : « Tout ce que j’ai fait, mes processus journalistiques, l’intérêt public de mon enquête, la dénonciation des liens de Banks avec le Kremlin, a été catégoriquement confirmé par ce jugement. » Cadwalladr avait déjà présenté des excuses publiques à Banks pour l’allégation concernant la Russie et d’autres contre-vérités, mais ni cette amende honorable ni même le fait qu’elle a perdu un procès en diffamation et dû payer des dommages et intérêts n’auront fait changer d’avis ses partisans.

« Quand quelque chose semble incroyable, la tentation est grande de ne pas y croire »

La plupart des théories du complot classiques naissent d’un sentiment d’incrédulité. Un simple accident de voiture ne pouvait pas mettre un point final au soap opera qu’était la vie de la princesse Diana. JFK était trop important pour être assassiné par un type aussi médiocre que Lee Harvey Oswald. Les attentats du 11 Septembre étaient trop énormes pour n’avoir impliqué qu’une dizaine de terroristes. La logistique pour envoyer des hommes sur la Lune était trop époustouflante pour avoir été possible en 1969.

Le Covid-19 et les confinements ont provoqué un choc psychique d’une ampleur encore plus grande que n’importe lequel de ces événements. Que des politiciens faillibles aient été confrontés au problème, extraordinaire, d’avoir à gérer un nouveau virus mortel avait tout d’une explication trop simple, inadéquate. Pourquoi ne pas y voir une justification bien commode pour vendre des vaccins et installer un gouvernement mondial ? Ou, à l’inverse, croire que le gouvernement cherchait à se débarrasser de vieux coûtant un pognon de dingue à la société ?

De même, le Brexit et l’élection de Donald Trump ont choqué tous ceux qui les considéraient comme impensables. À l’heure où nous nous retranchons dans nos chambres d’écho, nous sommes de plus en plus incapables d’admettre l’existence de points de vue opposés et, encore moins, de les juger valables. Quand tous ceux que vous connaissez sont d’accord avec vous, comment ne pas être abasourdi de voir, une fois tous les votes comptabilisés, votre camp mis en minorité par un panier de déplorables ? Quand quelque chose semble incroyable, la tentation est grande de ne pas y croire et de chercher d’autres explications.

Les théories du complot sont, dans tous les sens du terme, pour les perdants. Quand votre camp perd de manière inexplicable, les explications extraordinaires deviennent d’un coup séduisantes. Les centristes et les raisonnables, aux opinions statutairement élevées, sont demeurés longtemps sans perdre, mais, au cours de la dernière décennie, ils ont subi plusieurs défaites majeures. Dans le même temps, la pensée complotiste n’aura jamais été aussi visible. Faut-il y voir une coïncidence ? Un complotiste dirait qu’il n’y a pas de coïncidence et, dans ce cas, il aurait raison.

*Christopher J. Snowdon est directeur du département Lifestyle Economics à l’Institute of Economic Affairs, un think tank londonien.

Voir par ailleurs:

Des élites consanguines

Pour Anne-Catherine Wagner, l’étroitesse du recrutement, l’homogénéité sociale et culturelle et la cohésion interne sont les traits qui font la spécificité du modèle français de production des élites.
Constructif
Juin 2006Qui fait partie de l’ « élite » en France aujourd’hui ? La réponse à cette question passe par une réflexion sur le terme. Étymologiquement, il vient d’une forme ancienne du participe passé du terme « élire », et désigne ceux qui sont « élus », « choisis », « distingués ». L’élite se définit donc d’emblée relationnellement : elle se pose en s’opposant à la masse. Les contours de la population sont dès lors flous et à géométrie variable. De toute évidence, on ne peut définir « une » élite selon un critère unique. On parle des élites politiques, économiques, intellectuelles, médiatiques, syndicales, sportives, ouvrières… Il y a autant d’élites que de domaines de compétences, de concur rence et de légitimation. L’élite est composée par ceux qui sont reconnus comme les « meilleurs » dans un domaine.Dans quelle mesure cette première définition est-elle appropriée pour rendre compte de la situation de ceux qui se trouvent au sommet de la hiérarchie sociale ? Comment sont formés et sélectionnés ceux qui sont couramment désignés comme les élites du pays, ceux qui exercent le pouvoir économique ou politique ?L’homogénéité croissante de l’élite économiquePour approcher les élites économiques, on dispose de données sur les plus hauts dirigeants des plus grandes entreprises françaises. Les enquêtes mettent en évidence l’homogénéité croissante du recrutement du grand patronat français. Une partie des dirigeants doit directement sa position à l’héritage familial : il s’agit des patrons familiaux issus des familles des affaires. Les patrons « d’État », quant à eux, s’ils sont souvent aussi des héritiers, doivent leur légitimité à l’école, ou plus précisément au passage par un petit nombre de grandes écoles et de lieux du pouvoir politique. Cette filière de recrutement qui émerge dans les années 1920-1930 est devenue prépondérante. Les pratiques de pantouflage n’ont jamais été aussi importantes que durant la dernière période. La moitié des 200 plus hauts patrons français est issue de l’École polytechnique ou de l’ENA ; un tiers des grands patrons appartient à l’un des cinq grands corps de l’État (Mines, Ponts, Inspection des Finances, Cour des Comptes et Conseil d’État) ; et le passage par un cabinet ministériel parachève la voie royale d’accès au grand patronat. En revanche, l’accès au sommet de ceux qui sont démunis de ces capitaux familiaux ou scolaires, qui doivent leur réussite uniquement à leurs performances dans l’entreprise ou dans le monde des affaires, reste exceptionnel et tend plutôt à se raréfier.Un monde politique ferméLe même mouvement de rétrécissement du recrutement touche les élites politiques. Le processus actuel de professionnalisation de la politique rend nécessaire la détention de ressources, de savoirs et de savoir-faire spécialisés de plus en plus sélectifs socialement. Le monde politique se ferme aux classes populaires, comme en témoigne par exemple la baisse constante de la part des ouvriers à l’Assemblée nationale : 20 % des députés étaient ouvriers en 1945, 0,7 % en 2002 (rappelons que les ouvriers représentent toujours 27 % de la population active française). L’appartenance à l’élite politique va de plus en plus de pair avec, d’une part, la naissance dans une famille des classes supérieures et, d’autre part, le passage par l’ENA, qui joue un rôle prépondérant dans les gouvernements de gauche comme de droite, mais aussi dans les instances dirigeantes des partis ou dans les collectivités locales. Ce phénomène est paradoxal quand on se souvient que l’ENA a justement été créée, après 1945, pour élargir le recrutement des hauts fonctionnaires en province et affaiblir les grands corps.Grandes écoles et connivenceL’étroitesse du vivier des élites ne se retrouve dans aucun autre pays industrialisé à ce degré, sauf peut-être en Grande-Bretagne. Comment expliquer cette fermeture sociale et scolaire ? Il faut revenir aux caractéristiques historiques du système d’enseignement français, qui a été d’emblée conçu, sous l’influence notamment des Jésuites, pour former des élites. Le baccalauréat, institué dans les années 1840 en France, devait servir de « barrière » pour séparer l’élite cultivée de la masse cantonnée à l’enseignement de base. Au début du XXe siècle, quand l’enseignement secondaire, payant, marque l’appar tenance à la bourgeoisie, les élites économiques, administratives, politiques ou universitaires se recrutent dans un cercle étroit d’individus issus, au mieux, de 2 % d’une classe d’âge. Aujourd’hui, l’accès à l’enseignement s’est généralisé sous l’effet de deux grandes vagues de massification scolaire (au début des années 1960, puis après 1985). Mais cet accroissement de la population scolaire n’a pas élargi le recrutement de l’élite. Il s’est traduit, d’une part, par un déplacement sur des segments plus élevés de la hiérarchie scolaire, de la « barrière » qui sépare l’élite de la masse et, d’autre part, dans le même mouvement, par une quasi-fermeture des grandes écoles aux enfants issus de milieux défavorisés. Au début des années 1950, l’École polytechnique et l’École normale supérieure recrutaient 67 % de leurs élèves dans les classes supérieures et 22 % dans les classes populaires (dans les années 1930, les élèves issus des classes populaires représentaient le tiers des effectifs de ces deux écoles). Aujourd’hui 90 % des élèves des trois grandes écoles de pouvoirs (ENS, Polytechnique, ENA) sont originaires de familles de cadres supérieurs, de patrons ou d’enseignants.Cette place du système des grandes écoles dans la production des élites économiques, politiques, intellectuelles, mais aussi dans les médias, au détriment des diplômés « ordinaires » des universités ou des non-diplômés explique le phénomène souvent dénoncé de « connivence des élites ». Nul besoin de supposer complots et conspirations. Le fait de provenir des mêmes familles de la bourgeoisie, souvent parisienne, d’être passé par les mêmes formations et d’avoir toujours vécu dans le même environnement et avec les mêmes cadres de référence (d’être entre hommes aussi, car les femmes sont quasiment absentes de ces milieux de pouvoirs…) suffit à expliquer l’uniformité des visions du monde et le sens d’un destin partagé. Un travail intensif de sociabilité, au sein des cercles, clubs et autres lieux d’interconnaissance renforce cette cohésion : les relations mobilisables, fortes des ressources diversifiées des membres du réseau, permettent de décupler les pouvoirs de chacun.Le discours de la mondialisationL’internationalisation des lieux de pouvoir économiques et politiques peut-il être un facteur de renouvellement des élites hexagonales ? La mondialisation a aussi ses élites, hauts dirigeants d’entreprises ou de banques multinationales, consultants, experts et juristes internationaux. Ceux-ci portent des jugements sévères sur le mode de recrutement des dirigeants français, jugé archaïque, dominé par l’État, et trop étroitement cantonné au niveau national. Les dirigeants politiques ne peuvent plus ignorer ces nouveaux pouvoirs mondiaux : une partie croissante de la législation française est directement issue de Bruxelles ; du côté des entreprises, la mondialisation financière a accru la dépendance à l’égard d’un marché financier dominé par les investisseurs internationaux. On assiste ainsi à un renouvellement du discours de l’élite sur elle-même. Les grands patrons français se présentent désormais comme des hérauts de la mondialisation, les hommes politiques de tous bords s’accordent aujourd’hui sur la nécessité de tenir compte du reste du monde. Les grandes écoles de pouvoir elles-mêmes s’internationalisent : elles s’ouvrent aux étrangers, encouragent les élites nationales à découvrir d’autres systèmes de formation et entrent dans des réseaux d’échanges et de reconnaissance réciproque avec des institutions prestigieuses d’autres pays.Il n’est pas certain néanmoins que ce mouvement signifie un réel renouvellement des élites. Il n’infléchit pas, en tout cas pour l’instant, les modes de recrutement des dirigeants économiques ou politiques français. En outre, la mondialisation, loin d’ouvrir l’accès aux cercles dirigeants, tend plutôt à en renforcer la sélectivité. Le cosmopolitisme est un attribut ancien des classes dominantes. Parler les langues, avoir l’habitude de voyager et de travailler avec des étrangers sont des compétences précieuses qui contribuent à accroître encore l’écart entre les élites et les nonqualifiés. Les résultats des élections sur les enjeux européens marquent bien ces clivages : les membres des classes populaires expriment leur refus d’un processus qui les fragilise et les éloigne des lieux de pouvoir, alors que les membres des classes supérieures sont massivement favorables à un élargissement de leur champ d’action.L’étroitesse numérique, l’homogénéité sociale et culturelle et la cohésion interne sont les traits qui font la spécificité du modèle français de production des élites. Celui-ci est suffisamment solide pour s’ajuster à un déplacement des lieux de pouvoirs : la capacité à perdurer, à travers les changements, est en effet consubstantielle des positions dominantes.Un problème d’imageMais l’image des élites a changé, et notamment les représentations du rapport entre les élites et la « masse ». La notion a longtemps renvoyé à celle de « mérite » : les élites étaient composées des « meilleurs », des plus reconnus. Aujourd’hui elles se voient reprocher, à l’inverse, d’être coupées de ceux qu’elles doivent représenter ou diriger. L’élite apparaît moins comme une sélection des plus compétents issus de la masse dont ils se seraient extraits par leurs qualités, que comme un groupe fermé au reste de la société, fonctionnant sur le modèle de la noblesse (où la supériorité est une supériorité d’essence et non de mérite). La crise actuelle des élites est sans doute d’abord une crise de légitimité, d’autant plus sérieuse que le concept même d’élite ne se dissocie pas du projet de légitimer des positions dominantes.


Antisémitisme: Quel nouveau Protocole des sages de Sion ? (Guess how many times the word ‘terrorism’ is mentioned in all these reports and petitions on Israel’s supposed apartheid ?)

25 août, 2021

Fichier:La difesa della razza; Protocolli dei Savi di Sion.jpg — WikipédiaFrance - L'enseignante à la pancarte antisémite reste en garde à vue - Le Matin
Opinion | Black Voters Are Coming for Trump - The New York Times
President Biden Welcomes WNBA Champions Seattle Storm To The White House

Jews busters ! Who you gonna blame ? (D’après un refrain très connu)
Il y a autant de racismes qu’il y a de groupes qui ont besoin de se justifier d’exister comme ils existent, ce qui constitue la fonction invariante des racismes. Il me semble très important de porter l’analyse sur les formes du racisme qui sont sans doute les plus subtiles, les plus méconnaissables, donc les plus rarement dénoncées, peut-être parce que les dénonciateurs ordinaires du racisme possèdent certaines des propriétés qui inclinent à cette forme de racisme. Je pense au racisme de l’intelligence. (…) Ce racisme est propre à une classe dominante dont la reproduction dépend, pour une part, de la transmission du capital culturel, capital hérité qui a pour propriété d’être un capital incorporé, donc apparemment naturel, inné. Le racisme de l’intelligence est ce par quoi les dominants visent à produire une « théodicée de leur propre privilège », comme dit Weber, c’est-à-dire une justification de l’ordre social qu’ils dominent. (…) Tout racisme est un essentialisme et le racisme de l’intelligence est la forme de sociodicée caractéristique d’une classe dominante dont le pouvoir repose en partie sur la possession de titres qui, comme les titres scolaires, sont censés être des garanties d’intelligence et qui ont pris la place, dans beaucoup de sociétés, et pour l’accès même aux positions de pouvoir économique, des titres anciens comme les titres de propriété et les titres de noblesse. Pierre Bourdieu
Les grandes firmes multinationales et leurs conseils d’administrations internationaux, les grandes organisations internationales, OMC, FMI et Banque mondiale aux multiples subdivisions désignées par des sigles et des acronymes compliqués et souvent imprononçables, et toutes les réalités correspondantes, commissions et comités de technocrates non élus, peu connus du grand public, bref, tout ce gouvernement mondial qui s’est en quelques années institué et dont le pouvoir s’exerce sur les gouvernements nationaux eux-mêmes, est une instance inaperçue et inconnue du plus grand nombre. Cette sorte de Big Brother invisible, qui s’est doté de fichiers interconnectés sur toutes les institutions économiques et culturelles, est déjà là, agissant, efficient, décidant de ce que nous pourrons manger ou ne pas manger, lire ou ne pas lire, voir ou ne pas voir à la télévision et au cinéma, et ainsi de suite (…). A travers la maîtrise quasi absolue qu’ils détiennent sur les nouveaux instruments de communication, les nouveaux maîtres du monde tendent à concentrer tous les pouvoirs, économiques, culturels et symboliques, et ils sont ainsi en mesure d’imposer très largement une vision du monde conforme à leurs intérêts. Pierre Bourdieu
Toutes les stratégies que les intellectuels et les artistes produisent contre les « bourgeois » tendent inévitablement, en dehors de toute intention expresse et en vertu même de la structure de l’espace dans lequel elles s’engendrent, à être à double effet et dirigées indistinctement contre toutes les formes de soumission aux intérêts matériels, populaires aussi bien que bourgeoises. Bourdieu
Ils ont tout, c’est connu. Vous êtes passé par le centre-ville de Metz ? Toutes les bijouteries appartiennent aux juifs. On le sait, c’est tout. Vous n’avez qu’à lire les noms israéliens sur les enseignes. Vous avez regardé une ancienne carte de la Palestine et une d’aujourd’hui ? Ils ont tout colonisé. Maintenant c’est les bijouteries. Ils sont partout, sauf en Chine parce que c’est communiste. Tous les gouvernements sont juifs, même François Hollande. Le monde est dirigé par les francs-maçons et les francs-maçons sont tous juifs. Ce qui est certain c’est que l’argent injecté par les francs-maçons est donné à Israël. Sur le site des Illuminatis, le plus surveillé du monde, tout est écrit. (…) On se renseigne mais on ne trouve pas ces infos à la télévision parce qu’elle appartient aux juifs aussi. Si Patrick Poivre d’Arvor a été jeté de TF1 alors que tout le monde l’aimait bien, c’est parce qu’il a été critique envers Nicolas Sarkozy, qui est juif… (…)  Mais nous n’avons pas de potes juifs. Pourquoi ils viendraient ici ? Ils habitent tous dans des petits pavillons dans le centre, vers Queuleu. Ils ne naissent pas pauvres. Ici, pour eux, c’est un zoo, c’est pire que l’Irak. Peut-être que si j’habitais dans le centre, j’aurais des amis juifs, mais je ne crois pas, je n’ai pas envie. J’ai une haine profonde. Pour moi, c’est la pire des races. Je vous le dis du fond du cœur, mais je ne suis pas raciste, c’est un sentiment. Faut voir ce qu’ils font aux Palestiniens, les massacres et tout. Mais bon, on ne va pas dire que tous les juifs sont des monstres. Pourquoi vouloir réunir les juifs et les musulmans ? Tout ça c’est politique. Cela ne va rien changer. C’est en Palestine qu’il faut aller, pas en France. Karim
Ce sont les cerveaux du monde. Tous les tableaux qui sont exposés au centre Pompidou appartiennent à des juifs. A Metz, tous les avocats et les procureurs sont juifs. Ils sont tous hauts placés et ils ne nous laisseront jamais monter dans la société. « Ils ont aussi Coca-Cola. Regardez une bouteille de Coca-Cola, quand on met le logo à l’envers on peut lire : « Non à Allah, non au prophète ». C’est pour cela que les arabes ont inventé le « Mecca-cola ». Au McDo c’est pareil. Pour chaque menu acheté, un euro est reversé à l’armée israélienne. Les juifs, ils ont même coincé les Saoudiens. Ils ont inventé les voitures électriques pour éviter d’acheter leur pétrole. C’est connu. On se renseigne. (…) Si Mohamed Merah n’avait pas été tué par le Raid, le Mossad s’en serait chargé. Il serait venu avec des avions privés. Ali
Le sionisme mondial et les puissances impérialistes tentent, à travers des plans bien établis et une stratégie intelligente, d’éliminer un État arabe après l’autre du cercle de la lutte contre le sionisme pour qu’en fin de compte, il ne reste plus que les Palestiniens à combattre. L’Égypte a été éliminée à travers les accords traîtres de Camp David. Ils essayent d’attirer d’autres pays arabes de la même manière. Le Mouvement de la Résistance Islamique appelle les nations arabes et islamiques à adopter une politique sérieuse et à persévérer dans leur action afin d’empêcher l’application du plan horrible de les éloigner du cercle de la lutte contre le sionisme. Aujourd’hui, c’est la Palestine, demain cela pourrait être un autre pays arabe. Le plan sioniste n’a pas de limites. Après la Palestine, les sionistes veulent accaparer la terre, du Nil à l’Euphrate. Quand ils auront digéré la région conquise, ils aspireront à d’autres conquêtes. Leur plan est contenu dans ‘Le Protocole des Sages de Sion’. Charte du Hamas (article 22)
Le retrait militaire soudain des États-Unis inquiète certainement les Irakiens car ils vivent et assistent à une montée de l’impunité des milices qui appellent constamment au retrait des troupes américaines. (…) «La position locale envers un retrait militaire américain a toujours été divisée en fonction de l’expérience géographique de telle ou telle communauté. Cependant, la plupart des communautés en Irak aujourd’hui considèrent qu’un retrait américain pourrait se traduire par un environnement plus violent malgré leur hostilité envers le rôle militaire de Washington dans le pays. Zeidon Alkinani
[Les contextes irakien et afghan] sont comparables en termes d’impact des agendas régionaux sur la politique intérieure. Le rôle que la direction pour le renseignement inter-services pakistanais a joué dans le soutien aux talibans est très similaire au rôle du Corps des gardiens de la révolution iranienne en Irak avec le Hachd el-Chaabi et d’autres milices redevables à l’Iran. (…) La principale question débattue par rapport à un éventuel retrait américain – s’il devait se produire – est l’augmentation du pouvoir des milices liées à l’Iran aux dépens des institutions de l’État. Randa Slim (Middle East Institute)
Le nouvel antisémitisme s’est répandu dans la société et l’incident avec Alain Finkielkraut en est une illustration mais qui n’est pas représentative des « gilets jaunes ». La technique d’invisibilisation et de délégitimisation des classes populaires remonte aux années quatre-vingt, quand la gauche a abandonné la question sociale. La vieille technique de l’antiracisme et de l’antifascisme est devenue une arme de classe : on se protège en délégitimant le diagnostic des gens d’en bas. Il y a autant de racistes, d’antisémites et d’homophobes dans le monde d’en haut sauf qu’ils sont beaucoup plus discrets. L’antisémitisme de gauche, appelé antisionisme, est culturellement très puissant. Ce n’est pas le monde d’en bas qui contourne la carte scolaire à Paris et qui déscolarise ses enfants des collèges à majorité d’immigrés. Ce sont des bons bobos parisiens de gauche. Christophe Guilluy
Leur conduite actuelle est la preuve de ce que nous avançons[L’hypothèse d’une fraude importante appliquée à quelques états clés le jour du scrutin aux Etats-Unis est-elle crédible ?]. Mon intime conviction me dit que oui. Il y a, à mes yeux, trop d’indices concordants pour permettre à la ‘meute médiatique’ occidentale, dont nous savons qui la contrôle, de me convaincre du contraire. (…) Vous savez bien qui contrôle la meute médiatique dans le monde et en France. Qui contrôle le Washington Post, le New York Times, chez nous BFMTV et tous les journaux qui viennent se grouper autour, qui sont ces gens… ? (…) C’est la communauté que vous connaissez bien. Dominique Delawarde
Ils ont beaucoup de ressentiment par rapport aux blancs, ils ont un mauvais fond, ils nous considèrent comme des bêtes, c’est écrit dans le Talmud et ils veulent absolument nous métisser avec des [mot bipé] inférieurs intrinsèquement.Il aurait mieux valu qu’ils n’existent pas. Manifestante anti vaccins
Le gouvernement israélien a démontré son intention de maintenir la domination des Israéliens juifs sur les Palestiniens à travers Israël et les territoires palestiniens occupés. Cette intention s’est accompagnée d’une oppression systématique des Palestiniens et d’actes inhumains commis à leur encontre. Lorsque ces trois éléments se produisent ensemble, ils constituent le crime d’apartheid. Human Rights Watch
On est dans un moment qui me fait penser à l’époque de l’affaire Dreyfus. Il y a eu quelques années où l’on a vu ça : les anti-républicains des deux rives, de droite et de gauche, unis contre les parlementaires, les journalistes et en fin de compte contre les juifs. Ça a duré quelques années et puis la France s’est ressaisie. Cette violence contre les journalistes, contre les policiers, contre la représentation nationale, a commencé dès les premiers actes de ce mouvement. La violence contre les juifs, les slogans antisémites sont comme le terme de ce mouvement, l’aboutissement de cette distillation. On commence par le référendum d’initiative citoyenne et on finit par l’antisémitisme. On commence avec Rousseau et on finit avec Doriot. Ce ne sont pas les marges ça, c’est le cœur du mouvement ! On ne peut pas dire que le mouvement des ‘gilets jaunes’ est intrinsèquement antisémite. Bien sûr que non. Mais ça veut dire en revanche qu’il serait temps que ceux qui restent des ‘gilets jaunes’ se manifestent fortement pour dire ‘pas en notre nom’. Bernard-Henri Lévy
Trump en a rêvé. Mais c’est Biden qui l’aura fait. Et les historiens n’ont pas fini de s’interroger sur ce qui a bien pu pousser le 46 e président des États-Unis à pareille forfaiture. Est-ce naïveté de politicien qui n’a le sens ni de l’Histoire ni du Tragique et a cru sur parole les talibans nous assurant, à Doha, de leurs intentions pacifiques ? Cynisme d’un président qui pense déjà à sa réélection et flatte les rednecks, blue-collar workers et autres deplorable qui, dans le Kansas ou l’Ohio, sont las des prétendues ‘guerres sans fin’ ? Bernard-Henri Lévy
Un régiment d’intellectuels et d’artistes vient, dans « Libération », de publier une tribune dénonçant l’« apartheid » que fait régner Israël sur le territoire de la « Palestine historique » – c’est-à-dire Israël plus les « territoires palestiniens ». En rappelant que « l’apartheid est un crime ». Il y a Edgar Morin dedans. Sa compétence n’est plus à démontrer. Alors là, je dis bravo. (…) Et en effet, ça crève les yeux, le crime se commet tous les jours, au su et au vu de tous. On en a la gorge serrée, croyez-moi. L’Afrique du Sud en 1960, le Mississipi en 1930, à côté de ça ? Bluettes, contes pour enfants. Jugez-en. Des familles palestiniennes et juives côte à côte sur les plages de Tel Aviv, c’est de l’apartheid. Juifs, druzes, coptes, maronites, catholiques, chiites, sunnites se croisant dans les rues de Jérusalem, c’est de l’apartheid. Les Palestiniens, même non israéliens, soignés dans les hôpitaux juifs, c’est de l’apartheid. Les jeunes filles musulmanes voilées dans les universités israéliennes, c’est de l’apartheid. Les députés arabes musulmans israéliens, c’est de l’apartheid. Les deux millions de citoyens arabes israéliens, c’est de l’apartheid. Les journaux arabes israéliens, c’est de l’apartheid. Les organisations d’aide aux Palestiniens qui ont leur siège en Israël, c’est de l’apartheid. Les milliers de Palestiniens qui viennent travailler en Israël, c’est de l’apartheid. Les Druzes et les Arabes dans l’armée israélienne, c’est de l’apartheid. La liberté de penser, d’écrire, de critiquer, de voter, c’est de l’apartheid. La liberté des femmes, c’est de l’apartheid. Les terroristes palestiniens arrêtés mais jamais exécutés, faute de peine de mort, c’est de l’apartheid. Cinq millions de juifs tentant de survivre au beau milieu de dizaines de millions d’Arabes qui veulent leur anéantissement, c’est de l’apartheid. Une partie des territoires de Cisjordanie est occupée par l’armée israélienne. Les sionistes vous diront que cela fait suite à plusieurs guerres, toutes déclarées, et toutes perdues par les états arabes, dans le but proclamé de détruire Israël.  Ne croyez pas les sionistes. Ils sont fourbes.  Vous les reconnaîtrez à leur nez crochu. L’occupation, c’est donc bien de l’apartheid.  Comme je le disais récemment au roi du Maroc, au premier secrétaire du parti communiste chinois, au premier ministre indien, au premier ministre turc, au premier ministre russe, l’occupation du Sahara occidental, du Tibet, du Cachemire, de l’Arménie, du Kurdistan, de la Tchétchénie, les gars, c’est de l’apartheid.  En revanche, autour d’Israël, pas d’apartheid. Pas une ombre, pas ça. D’accord, ce sont soit des dictatures militaires sanglantes, soit des théocraties cruelles, mais rien à voir avec de l’apartheid. Ils ont d’ailleurs trouvé une excellente solution pour remédier à l’apartheid. Une solution finale, en quelque sorte. Des Juifs, ils n’en ont plus. Comme ça, pas d’apartheid.  Si jamais, toutefois, un reliquat de juif tente de raser les murs au Caire ou à Bagdad, ses chances de survie sont proches du zéro absolu. Mais ça n’est pas de l’apartheid. Deux millions de musulmans citoyens en Israël, disions-nous, c’est de l’apartheid. En revanche, attention, soyons précis sur les notions, pas un Juif dans les rues de Ramallah ou de Naplouse, ça n’est pas du tout de l’apartheid. Et si on trouve des groupes de juifs en Cisjordanie, c’est illégal, ça s’appelle des colonies. D’ailleurs le sort des Coptes et en général des chrétiens dans les pays musulmans ça n’est pas de l’apartheid. Une chrétienne arrêtée, condamnée à mort au Pakistan pour avoir bu (et donc souillé) de l’eau réservée aux musulmans, ça n’est pas de l’apartheid. L’interdiction de toute religion autre que l’Islam en Arabie saoudite, ça n’est pas de l’apartheid. Voilà, je pense que les choses sont claires désormais sur ce qu’est l’apartheid. J’aime bien quand les intellectuels éclairent le monde. Pierre Jourde
Jusqu’ici, l’analogie avec l’apartheid avait plutôt valeur d’avertissement, notamment dans le débat public en Israël. Il s’agissait de mettre en garde la classe politique et l’opinion publique des conséquences liées au maintien du statu quo dans les territoires, susceptible à long terme de créer une situation à la sud-africaine si la majorité israélienne venait à se transformer en minorité du fait des tendances démographiques lourdes, exerçant dès lors son autorité dans les territoires occupés sur une majorité palestinienne exclue du suffrage universel. Aujourd’hui, l’identification d’Israël à l’apartheid prend un tout autre sens : elle n’est plus de l’ordre d’une projection future, mais considérée comme une réalité en action sur le terrain. L’apartheid n’est plus tant associé à l’exemple historique de l’Afrique du Sud qu’à la définition établie par le droit international en vertu de laquelle l’apartheid est la discrimination systématique d’un groupe ethnique par un autre. La seconde innovation dans l’application de la notion d’apartheid à Israël, c’est qu’elle ne s’applique plus seulement au régime exercé par l’autorité militaire dans les territoires occupés.  (…) Cette différence de nature entre Israël dans les lignes de 1967 et les territoires occupés par l’administration militaire israélienne est niée tant par les signataires du manifeste que par les défenseurs inconditionnels de la droite israélienne – drôle d’alliance, on en conviendra. Pour les uns et les autres, la ligne verte de 1967 n’existe plus et ne doit plus être ressuscitée. Les premiers en tirent gloire, les seconds en tirent la conclusion que l’apartheid n’est plus seulement institutionnalisé en Cisjordanie, voire à Jérusalem-est, mais bien de la Méditerranée au Jourdain. Le recours à l’apartheid n’est donc plus une pente glissante dangereuse dont il faut alerter à temps les citoyens israéliens pour que la situation grave en soi ne devienne pas désespérée ; l’apartheid est bien là, pas seulement hors-les murs en Cisjordanie, mais dans le sanctuaire même d’Israël, puisque la distinction entre les deux n’a plus cours. Enfin, il est une troisième innovation qui vaut changement de paradigme et constitue l’enjeu de cette nouvelle démarche : balayer l’option de deux Etats pour deux peuples afin qu’il ne reste plus que la solution d’un seul Etat. La référence à l’Afrique du Sud tend, en effet, à supplanter la référence au colonialisme, hégémonique autrefois dans le discours, même si les mots de «colons» et de «colonies» restent encore ça et là en usage. On comprend maintenant les raisons de ce grand remplacement : lorsqu’il y a colonialisme et colonisation, qui est aussi un système de domination exercé par un groupe ethnique sur un autre, il y a comme issue la décolonisation. Celle-ci consiste pour l’Etat colonisateur à se retirer définitivement du territoire contesté pour ne plus avoir à contrôler la population dominée jusque-là afin qu’elle puisse, à son tour, être libre et incarner à elle-même le suffrage universel. Israël, hors territoires occupés, n’est pas l’Afrique du Sud et l’analogie n’est rien moins qu’un amalgame qui balaie tout ce qui ne colle pas à leur démonstration. Ainsi, démographiquement parlant, 50 % de Juifs et 50 % de Palestiniens en Israël, Cisjordanie et Gaza, ne sauraient politiquement correspondre à la situation en Afrique du Sud où coexistent 90 % de Noirs et 10 % de Blancs. De plus, l’apartheid en Afrique du Sud était fondé sur une doctrine de la supériorité de la race blanche débouchant sur une séparation institutionnelle qui réservait aux Blancs tous les privilèges. La discrimination indéniable institutionnalisée sous des régimes divers en Cisjordanie et à Jérusalem-est procède d’une occupation militaire. Si elle résultait d’une discrimination raciale, comment expliquer alors qu’elle ne s’applique pas aux deux millions de Palestiniens détenteurs de la citoyenneté israélienne ? Cette distinction ne signifie guère que la condition arabe en Israël est équivalente sur le plan sociologique à la condition juive, mais la démocratie, foin de toute idéalisation lyrique, est précisément la constitution d’un espace politique dans lequel tous les acteurs sociaux et politiques peuvent s’organiser pour prendre leur part à la distribution de ressources symboliques et matérielles. A cet égard, l’année 2021 restera marquée par une révolution politique que nos signataires se sont bien gardés de mentionner, à savoir l’entrée dans une coalition de gouvernement d’un parti arabe (islamique de surcroît), outre l’alternance démocratique qui a permis la mise en place d’un gouvernement inédit qui réunit la gauche, le centre, la droite et ce parti arabe conservateur. Coalition typique d’un régime d’apartheid, n’est-ce pas ? Il est une autre différence entre Afrique du Sud et Palestine et que négligent nos auteurs : si en un siècle de lutte les Palestiniens ont bien obtenu un acquis, c’est bien leur droit à l’autodétermination, reconnu dans la résolution 181 de l’ONU (le fameux plan de partage de la Palestine en deux Etats), puis repris dans les accords de Camp David en 1978 et la Déclaration de principes d’Oslo en 1993. Ce droit à l’autodétermination, les Noirs d’Afrique du Sud ne l’ont pas réclamé et la communauté internationale ne l’a pas revendiqué à leur place ; il en va de même pour les catholiques d’Irlande du Nord et les musulmans bosniaques. Obsédés par le souci que le nom d’Israël ne soit plus qu’un vestige, les auteurs font passer à la trappe la revendication palestinienne d’un Etat de Palestine pour la diluer dans un ensemble binational. Certes, le droit à l’autodétermination peut ne pas prendre la forme d’un Etat-nation. Mais au nom de quelle autorité morale ou politique, et avec quel aplomb, s’autorise-t-on à ôter aux Israéliens et aux Palestiniens le droit de décider ce qu’ils entendent faire de leur droit à l’autodétermination qu’ils ont conquis de haute lutte ? Denis Charbit
It was a deliberate provocation by B’Tselem… to describe the Palestinians in the Holy Land as living under an apartheid regime. The Guardian
In the 200 or so pages of the report, HaMoked is mentioned 62 times, Adalah 77 times, Gisha 92 times and B’Tselem 151 times. But the record goes to Haaretz newspaper, which is cited a massive 190 times. In reality, Shakir did no fact checking or investigations of his own, and the concept of fairness does not even come into it. He pored over anti-Israel publications that pretend to be objectively critical and gathered anything that matched his preestablished hostility. The outcome was decided in advance. Ben Dror-Yemini
The 213-page report claims that, as the Israeli government constitutes a “single authority” exercising control “over the area between the Jordan River and the Mediterranean Sea” and seeks to maintain Jewish “domination” over Palestinians and its own Arab population, the term “apartheid” is an apt description. But that’s not what apartheid means at all. Put simply, apartheid is a policy or system of segregation or discrimination on the grounds of race. Or as the Merriam-Webster dictionary defines it: racial segregation specifically: a former policy of segregation and political, social, and economic discrimination against the nonwhite majority in the Republic of South Africa”. Now compare that description to Israel’s relationship with the Palestinians. Since the Oslo Accords were signed in the 1990s, most Palestinians are governed by the Palestinian Authority. This body was set up with international encouragement, and the Palestinians willingly agreed to adopt a system in which they gained partial autonomy while granting Israel overall security control. Given the many wars Israel had faced in the decades previously — and since — this arrangement made eminent sense as a stepping stone along the road to a more permanent solution. Nevertheless, the HRW report slams Israel — essentially for keeping its citizens safe. “The Israeli government has demonstrated an intent to maintain the domination of Jewish Israelis over Palestinians across Israel and the occupied Palestinian territory,” the report charges. “That intent has been coupled with systematic oppression of Palestinians and inhumane acts committed against them. When these three elements occur together, they amount to the crime of apartheid.” The lengthy report makes only passing reference to the ongoing threats faced by Israel, by focusing on Israel’s response to the numerous Gaza-based terror groups which periodically fire hundreds of rockets into Israeli territory. It completely overlooks the threat posed by Iranian-backed Hezbollah, located primarily in Lebanon and Syria. A quick search of the report for words like “terror” and “rocket” shows that HRW totally fails to describe Palestinian terrorist actions against Israel. In addition, the report totally fails to take into account the longstanding enmity between Hamas, the terror group which rules the coastal territory, and Fatah, which rules the Palestinian population of the West Bank, and what that means for peace negotiations with the Jewish state. Instead, the reports casts Israel as solely responsible for the lack of a resolution to the decades-old conflict, and characterizes its desire to keep the lid on violent Arab uprisings as “apartheid” — a stunning inversion of reality. Why, at the very least, are journalists not asking HRW how Israel’s basic security needs can be met? It is not the first time that the NGO takes a jab at Israel. The particular researcher who compiled the report, Omar Shakir, was forced to leave Israel in November 2019 after his work visa was not renewed due to his support of the controversial Boycott, Divestment and Sanctions (BDS) movement. Nevertheless, the vast majority of news reports have failed to document either of these important facts. For over a decade, Shakir has fought a campaign denying Israel’s right to exist and smearing the Jewish state with the kind of barbs more typically heard in the cesspit of online discussion. On various occasions, he has stated that Israel has “effectively turned Gaza into an open-air prison.” Moreover, Shakir was involved in compiling a discriminatory UN database of businesses operating across the 1949 Armistice line, aimed at bolstering BDS campaigns against Israel. Consequently, the report largely recycled existing materials from known anti-Israel organizations, without engaging in independent investigative work. As Israeli columnist Ben Dror-Yemini notes: In the 200 or so pages of the report, HaMoked is mentioned 62 times, Adalah 77 times, Gisha 92 times and B’Tselem 151 times. But the record goes to Haaretz newspaper, which is cited a massive 190 times. In reality, Shakir did no fact checking or investigations of his own, and the concept of fairness does not even come into it. He pored over anti-Israel publications that pretend to be objectively critical and gathered anything that matched his preestablished hostility. The outcome was decided in advance.” This is not the first time in recent memory that Israel has faced such claims. In January this year, Israeli organization B’Tselem made exactly the same case, as it took the dramatic step of publishing an op-ed in The Guardian, and sending press releases to numerous newspapers around the world, accusing Israel of “apartheid.” Just like today, news organizations worldwide gave prominent coverage to the report claiming that Israel is no longer a democracy but an “apartheid regime” devoted to cementing the supremacy of Jews over Palestinians. By uncritically portraying this group as a leading proponent of human rights, the media effectively facilitated the hijacking of the word “apartheid” by anti-Israeli activists whose goal is to foster doubt about Israel’s right to live in peace within secure borders. In January, even the usually stridently anti-Israel The Guardian was taken aback, with a subsequent editorial published, admitting “It was a deliberate provocation by B’Tselem… to describe the Palestinians in the Holy Land as living under an apartheid regime.” But a few months later, when exactly the same claim resurfaced, the Guardian, amongst others, just couldn’t resist helping spread the baseless libel. As ever, the failure of journalists to do their job and ask tough questions of Israel’s detractors means that the truth is the first casualty of HRW’s ongoing war against the Jewish State. Emmanuel Miller
Cherchez l’erreur  !
A l’heure où après s’être agenouillé pendant des mois devant les émeutiers de Black Lives Matter et des définanceurs de la police …
Qui avaient tant contribué à son élection volée
Le Génuflexeur en chef de la Maison blanche met à nouveau genou à terre devant une équipe de basket ball féminine américaine
Pendant qu’à Kaboul devant la barabarie talibane et peut-être à nouveau à Bagdad, il retire ses forces armées
Devinez …
Dans la nouvelle épidémie de rapports, pétitions, tribunes et même parfois contre-tribunes sur le prétendu ‘apartheid’ israélien …
Qui comme une énième resucée du tristement célèbre faux tsariste dit des Protocole des sages de Sion
Ou nouvelle version intellectuelle des slogans ou pancartes que nos médias dénoncent régulièrement de la part de nos gilets jaunes ou des anti-vaccins
Ou de nos chères têtes blondes des banlieues et quartiers dit sensibles
Vient, sur fond d’épidémie mondiale que l’on sait (surprise !), de repartir cet été …
Combien de fois est mentionné le mot ‘terrorisme » ?

« Apartheid », par Pierre Jourde

CHRONIQUE LIBRE. Écrivain, professeur d’université et critique littéraire, Pierre Jourde se pose ici quelques questions.

La tribune signée par des intellectuels et des artistes est un exercice classique dans la vie intellectuelle (et politique). On ne les compte plus.

Moi-même, j’en signe.

Ça me rassure : je vérifie ainsi que je suis bien un intellectuel (et un artiste).

Et que je continue à m’intéresser au monde.

Certaines sont plus pertinentes que d’autres, certes.

Vous vous souvenez certainement de cette tribune qui, à l’initiative d’Annie Ernaux, a permis de débusquer de son trou le nazi Richard Millet (alias M le maudit). Ce fut un lynchage organisé. L’abject individu en a d’ailleurs perdu son emploi.

Bien fait pour lui.

Pour une fois qu’une tribune est efficace, il y a de quoi se réjouir !

Et puis j’aime bien les comités d’épuration, ils aident à rendre la justice.

La même Ernaux a d’ailleurs appelé depuis au boycott d’Israël.

Ce qui me fournit une excellente transition.

Car, avec la même pertinence, un régiment d’intellectuels et d’artistes vient, dans « Libération », de publier une tribune dénonçant l’« apartheid » que fait régner Israël sur le territoire de la « Palestine historique » – c’est-à-dire Israël plus les « territoires palestiniens ». En rappelant que « l’apartheid est un crime ».

Il y a Edgar Morin dedans.

Sa compétence n’est plus à démontrer.

Alors là, je dis bravo.

Je suis d’autant plus heureux que je connais bien Israël, pour y avoir effectué plusieurs missions (conférences et inspection de centre de recherches) au cours desquels j’ai traversé les territoires palestiniens, le Néguev, et tout ça.

Et en effet, ça crève les yeux, le crime se commet tous les jours, au su et au vu de tous.

On en a la gorge serrée, croyez-moi.

L’Afrique du Sud en 1960, le Mississipi en 1930, à côté de ça ? Bluettes, contes pour enfants.

Jugez-en.

Des familles palestiniennes et juives côte à côte sur les plages de Tel Aviv, c’est de l’apartheid.

Juifs, druzes, coptes, maronites, catholiques, chiites, sunnites se croisant dans les rues de Jérusalem, c’est de l’apartheid.

Les Palestiniens, même non israéliens, soignés dans les hôpitaux juifs, c’est de l’apartheid.

Les jeunes filles musulmanes voilées dans les universités israéliennes, c’est de l’apartheid.

Les députés arabes musulmans israéliens, c’est de l’apartheid.

Les deux millions de citoyens arabes israéliens, c’est de l’apartheid.

Les journaux arabes israéliens, c’est de l’apartheid.

Les organisations d’aide aux Palestiniens qui ont leur siège en Israël, c’est de l’apartheid.

Les milliers de Palestiniens qui viennent travailler en Israël, c’est de l’apartheid.

Les Druzes et les Arabes dans l’armée israélienne, c’est de l’apartheid.

La liberté de penser, d’écrire, de critiquer, de voter, c’est de l’apartheid.

La liberté des femmes, c’est de l’apartheid.

Les terroristes palestiniens arrêtés mais jamais exécutés, faute de peine de mort, c’est de l’apartheid.

Cinq millions de juifs tentant de survivre au beau milieu de dizaines de millions d’Arabes qui veulent leur anéantissement, c’est de l’apartheid.

Une partie des territoires de Cisjordanie est occupée par l’armée israélienne.

Les sionistes vous diront que cela fait suite à plusieurs guerres, toutes déclarées, et toutes perdues par les états arabes, dans le but proclamé de détruire Israël.

Ne croyez pas les sionistes.

Ils sont fourbes.

Vous les reconnaîtrez à leur nez crochu.

L’occupation, c’est donc bien de l’apartheid.

Comme je le disais récemment au roi du Maroc, au premier secrétaire du parti communiste chinois, au premier ministre indien, au premier ministre turc, au premier ministre russe, l’occupation du Sahara occidental, du Tibet, du Cachemire, de l’Arménie, du Kurdistan, de la Tchétchénie, les gars, c’est de l’apartheid.

En revanche, autour d’Israël, pas d’apartheid. Pas une ombre, pas ça.

D’accord, ce sont soit des dictatures militaires sanglantes, soit des théocraties cruelles, mais rien à voir avec de l’apartheid.

Ils ont d’ailleurs trouvé une excellente solution pour remédier à l’apartheid. Une solution finale, en quelque sorte. Des Juifs, ils n’en ont plus. Comme ça, pas d’apartheid.

Si jamais, toutefois, un reliquat de juif tente de raser les murs au Caire ou à Bagdad, ses chances de survie sont proches du zéro absolu. Mais ça n’est pas de l’apartheid.

Deux millions de musulmans citoyens en Israël, disions-nous, c’est de l’apartheid. En revanche, attention, soyons précis sur les notions, pas un Juif dans les rues de Ramallah ou de Naplouse, ça n’est pas du tout de l’apartheid. Et si on trouve des groupes de juifs en Cisjordanie, c’est illégal, ça s’appelle des colonies.

D’ailleurs le sort des Coptes et en général des chrétiens dans les pays musulmans ça n’est pas de l’apartheid.

Une chrétienne arrêtée, condamnée à mort au Pakistan pour avoir bu (et donc souillé) de l’eau réservée aux musulmans, ça n’est pas de l’apartheid.

L’interdiction de toute religion autre que l’Islam en Arabie saoudite, ça n’est pas de l’apartheid.

Voilà, je pense que les choses sont claires désormais sur ce qu’est l’apartheid.

J’aime bien quand les intellectuels éclairent le monde.

Voir aussi:

Israël-apartheid : le contre-sens d’une analogie
Après la publication d’une tribune appelant à faire d’Israël un Etat-apartheid, le professeur de science politique Denis Charbit fait valoir le droit à distinguer l’Etat hébreu dans les frontières de 1967 et les territoires occupés par l’administration militaire israélienne.
Denis Charbit, professeur de science politique à l’Open University of Israël
Libération
1er août 2021

Plus de six cents universitaires et artistes ont publié un appel à la communauté internationale pour qu’avant la fin de l’année 2021, Israël soit décrété Etat-apartheid. L’accusation n’est pas récente dans la polémique autour du conflit, mais un tournant a été pris dans la foulée du rapport publié au mois de janvier par l’organisation israélienne des droits de l’homme dans les territoires occupés, B’Tselem, et dont on ne dira jamais assez la mission courageuse et salutaire qu’elle remplit, même si je ne la suis guère dans ce nouveau discours qu’ont repris à leur compte le rapport d’Human Rights Watch et le manifeste en question. Attaché à l’existence de mon pays, je ne peux prétendre avoir le point de vue de Sirius sur la question et il m’est difficile de dissimuler mon trouble devant des accusations de cet ordre. Mais las de ces polémiques qui tournent au dialogue de sourds et consistent, de part et d’autre, à se disputer le monopole de l’indignation et de l’anathème, au moins peut-on s’interroger sur la pertinence de la qualification d’apartheid et son utilité politique dans le contexte actuel.

Jusqu’ici, l’analogie avec l’apartheid avait plutôt valeur d’avertissement, notamment dans le débat public en Israël. Il s’agissait de mettre en garde la classe politique et l’opinion publique des conséquences liées au maintien du statu quo dans les territoires, susceptible à long terme de créer une situation à la sud-africaine si la majorité israélienne venait à se transformer en minorité du fait des tendances démographiques lourdes, exerçant dès lors son autorité dans les territoires occupés sur une majorité palestinienne exclue du suffrage universel. Aujourd’hui, l’identification d’Israël à l’apartheid prend un tout autre sens : elle n’est plus de l’ordre d’une projection future, mais considérée comme une réalité en action sur le terrain. L’apartheid n’est plus tant associé à l’exemple historique de l’Afrique du Sud qu’à la définition établie par le droit international en vertu de laquelle l’apartheid est la discrimination systématique d’un groupe ethnique par un autre.

Démocratie VS régime d’occupation

La seconde innovation dans l’application de la notion d’apartheid à Israël, c’est qu’elle ne s’applique plus seulement au régime exercé par l’autorité militaire dans les territoires occupés. La distinction spatiale est purement et simplement abolie. Qu’importe si Israël répond ou non aux critères nécessaires et suffisants d’une démocratie dans les frontières de 1967, les auteurs leur substituent un critère normatif et moralisateur : le label démocratique ne peut être attribué à un Etat qui en respecte les principes sur son territoire, mais y passe outre en territoire occupé.

Que la coexistence d’un régime démocratique et d’un régime d’occupation militaire soit problématique, que cette démocratie interne soit menacée par cette excroissance qui la mine, on en convient sans difficulté. Cependant, là où il y a suffrage universel, égalité devant la loi et indépendance de la justice, contrôle de l’exécutif, il y a démocratie, pas apartheid. Si l’on suit la logique des signataires, il faudrait considérer, par exemple, que la France de la IIIe et de IVe République n’était ni une démocratie ni une République, puisqu’elle était, hors de l’Hexagone, coloniale. Qu’importe le suffrage universel, les lois sur la liberté de la presse, l’école laïque, la réhabilitation de Dreyfus ou les mesures sociales du Front populaire, ce qui avait lieu hors Hexagone disqualifie de prétendre que la France a été, dans l’Hexagone, une démocratie.

Qu’en deçà de la «ligne verte», tous les citoyens israéliens, Juifs et Arabes, puissent désigner leurs représentants au Parlement et peser sur la composition de la coalition gouvernementale tandis que, de l’autre côté de la ligne verte, seuls les Juifs votent alors que les Palestiniens ne sont guère consultés pour déterminer s’ils consentent à la présence israélienne, ne peut objectivement être considéré comme du pareil au même. Les règles ne sont pas les mêmes lorsque les unes relèvent de la démocratie, et les autres d’un régime d’occupation. Constater cette différence de régime ne revient pas à légitimer l’occupation de même que le respect des règles du jeu démocratique observées en Israël ne signifie guère que ce qui s’y passe est de l’ordre de la perfection. Il suffit que le système puisse être perfectible.

Parti arabe au gouvernement

Cette différence de nature entre Israël dans les lignes de 1967 et les territoires occupés par l’administration militaire israélienne est niée tant par les signataires du manifeste que par les défenseurs inconditionnels de la droite israélienne – drôle d’alliance, on en conviendra. Pour les uns et les autres, la ligne verte de 1967 n’existe plus et ne doit plus être ressuscitée. Les premiers en tirent gloire, les seconds en tirent la conclusion que l’apartheid n’est plus seulement institutionnalisé en Cisjordanie, voire à Jérusalem-est, mais bien de la Méditerranée au Jourdain.

Le recours à l’apartheid n’est donc plus une pente glissante dangereuse dont il faut alerter à temps les citoyens israéliens pour que la situation grave en soi ne devienne pas désespérée ; l’apartheid est bien là, pas seulement hors-les murs en Cisjordanie, mais dans le sanctuaire même d’Israël, puisque la distinction entre les deux n’a plus cours.

Enfin, il est une troisième innovation qui vaut changement de paradigme et constitue l’enjeu de cette nouvelle démarche : balayer l’option de deux Etats pour deux peuples afin qu’il ne reste plus que la solution d’un seul Etat. La référence à l’Afrique du Sud tend, en effet, à supplanter la référence au colonialisme, hégémonique autrefois dans le discours, même si les mots de «colons» et de «colonies» restent encore ça et là en usage. On comprend maintenant les raisons de ce grand remplacement : lorsqu’il y a colonialisme et colonisation, qui est aussi un système de domination exercé par un groupe ethnique sur un autre, il y a comme issue la décolonisation. Celle-ci consiste pour l’Etat colonisateur à se retirer définitivement du territoire contesté pour ne plus avoir à contrôler la population dominée jusque-là afin qu’elle puisse, à son tour, être libre et incarner à elle-même le suffrage universel.

Démographiquement parlant, 50 % de Juifs et 50 % de Palestiniens en Israël, Cisjordanie et Gaza, ne sauraient politiquement correspondre à la situation en Afrique du Sud où coexistent 90 % de Noirs et 10 % de Blancs.

Israël, hors territoires occupés, n’est pas l’Afrique du Sud et l’analogie n’est rien moins qu’un amalgame qui balaie tout ce qui ne colle pas à leur démonstration. Ainsi, démographiquement parlant, 50 % de Juifs et 50 % de Palestiniens en Israël, Cisjordanie et Gaza, ne sauraient politiquement correspondre à la situation en Afrique du Sud où coexistent 90 % de Noirs et 10 % de Blancs.

De plus, l’apartheid en Afrique du Sud était fondé sur une doctrine de la supériorité de la race blanche débouchant sur une séparation institutionnelle qui réservait aux Blancs tous les privilèges. La discrimination indéniable institutionnalisée sous des régimes divers en Cisjordanie et à Jérusalem-est procède d’une occupation militaire. Si elle résultait d’une discrimination raciale, comment expliquer alors qu’elle ne s’applique pas aux deux millions de Palestiniens détenteurs de la citoyenneté israélienne ? Cette distinction ne signifie guère que la condition arabe en Israël est équivalente sur le plan sociologique à la condition juive, mais la démocratie, foin de toute idéalisation lyrique, est précisément la constitution d’un espace politique dans lequel tous les acteurs sociaux et politiques peuvent s’organiser pour prendre leur part à la distribution de ressources symboliques et matérielles. A cet égard, l’année 2021 restera marquée par une révolution politique que nos signataires se sont bien gardés de mentionner, à savoir l’entrée dans une coalition de gouvernement d’un parti arabe (islamique de surcroît), outre l’alternance démocratique qui a permis la mise en place d’un gouvernement inédit qui réunit la gauche, le centre, la droite et ce parti arabe conservateur. Coalition typique d’un régime d’apartheid, n’est-ce pas ?

Droit à l’autodétermination

Il est une autre différence entre Afrique du Sud et Palestine et que négligent nos auteurs : si en un siècle de lutte les Palestiniens ont bien obtenu un acquis, c’est bien leur droit à l’autodétermination, reconnu dans la résolution 181 de l’ONU (le fameux plan de partage de la Palestine en deux Etats), puis repris dans les accords de Camp David en 1978 et la Déclaration de principes d’Oslo en 1993. Ce droit à l’autodétermination, les Noirs d’Afrique du Sud ne l’ont pas réclamé et la communauté internationale ne l’a pas revendiqué à leur place ; il en va de même pour les catholiques d’Irlande du Nord et les musulmans bosniaques. Obsédés par le souci que le nom d’Israël ne soit plus qu’un vestige, les auteurs font passer à la trappe la revendication palestinienne d’un Etat de Palestine pour la diluer dans un ensemble binational. Certes, le droit à l’autodétermination peut ne pas prendre la forme d’un Etat-nation. Mais au nom de quelle autorité morale ou politique, et avec quel aplomb, s’autorise-t-on à ôter aux Israéliens et aux Palestiniens le droit de décider ce qu’ils entendent faire de leur droit à l’autodétermination qu’ils ont conquis de haute lutte ? C’est le veto israélien à la création d’un Etat palestinien qui est contestable, pas la revendication elle-même de le créer. Puisque les Israéliens disposent d’un Etat depuis 1948, ce n’est que justice que les Palestiniens puissent également s’en doter puisqu’ils le réclament.

Les signataires ne proposent pas un Etat binational, ils l’exigent. Mais ne voient-ils pas qu’il présente deux versions, celle, optimiste et irénique, qu’ils réclament, et celle qu’eux-mêmes dénoncent ? J’ai une foi raisonnable dans le genre humain pour penser qu’il vaut mieux partager le territoire que le pouvoir. Non que l’on doive s’interdire de mettre en place, une fois les deux Etats constitués, des mécanismes fédéraux ou confédéraux, des arrangements économiques, des dispositifs bilingues, des passerelles culturelles pour préfigurer l’avènement de cet Etat unitaire. Mais n’est-il pas étrange que professant un seul Etat, les auteurs, censés s’adresser aux deux peuples, emploient une rhétorique de l’imprécation envers Israël au lieu d’une pédagogie de la persuasion plus adéquate si l’on entend faire coexister deux populations qui s’estiment, pour l’heure, être des ennemies ? Cette réprobation de l’Etat d’Israël tel qu’il est n’a de chance d’être audible au sein de la population juive israélienne que si elle est précédée d’une reconnaissance de l’attachement des Juifs à cette terre, de la légitimité du choix des Juifs à l’autodétermination nationale, plutôt que de la concéder du bout des lèvres sans la mentionner explicitement.

C’est tout le projet de fraternité judéo-arabe qui s’en trouve vicié dans ses fondements mêmes et transpire l’imposture.

Ce n’est pas nécessairement un nouvel habit de l’antisémitisme que proposer aux Juifs d’Israël une autre forme d’autodétermination que celle de l’Etat-nation ; ce n’est pas être antisémite que de souhaiter un Etat unitaire de la Méditerranée au Jourdain ; mais intimement associé à cette rhétorique de l’imprécation, de la disqualification et de l’injonction pour mettre Israël au ban des Etats, niant tous ses acquis et où vivent aujourd’hui près d’un Juif sur deux dans le monde, qui ont payé cher le droit d’être des autochtones, c’est tout le projet de fraternité judéo-arabe qui s’en trouve vicié dans ses fondements mêmes et transpire l’imposture. C’est, une fois de plus, la rhétorique radicale qui suscite le soupçon sur les bonnes intentions qui, du reste, sont beaucoup plus sous-jacentes qu’explicites et n’apparaissent qu’en pointillé. Est-ce donc cela l’Andalousie du Proche-Orient auquel ce projet est censé aboutir ? Je préfère encore la franchise de la droite israélienne qui ne dissimule guère son refus de tout Etat palestinien en Cisjordanie et à Gaza et préconise l’annexion, voire celle du Hamas qui préconise encore la destruction d’Israël. Qu’on nous épargne enfin le fantasme d’une Palestine démocratique et laïque lorsque tant de Palestiniens et de Juifs tiennent les notions de démocratie, de pluralisme confessionnel, d’égalité et de liberté individuelle, au pire pour des importations étrangères et occidentales, au mieux pour des valeurs instrumentales.

Deux Etats côte à côte

Travaillant actuellement à l’édition scientifique en hébreu du Traité sur la tolérance de Voltaire, avec en tête la boutade du philosophe à propos des Juifs consignée dans son Dictionnaire philosophique – «et pourtant, il ne faut pas les brûler» –, je voudrais, dans cet esprit, m’adresser à ces signataires égarés et leur dire ceci, en commençant par Edgar Morin et Jacques Rancière, qui m’ont appris respectivement l’importance de la complexité dans l’appréhension d’une situation et la relativité du savoir universellement partagé. Auprès d’eux, je suis un parfait ignorant, mais l’élève peut oser dispenser une petite leçon aux maîtres qu’ils restent à mes yeux et dont je continuerai d’enseigner la pensée. Quand l’histoire d’un peuple est marquée par la Nakba [l’exode forcé de 1948, qui signifie «catastrophe» en arabe, ndlr], on ne vient pas dire aux Palestiniens de Cisjordanie, comme le suggèrent trop de mes concitoyens, qu’il y a vingt-deux Etats qui les attendent. Quand l’histoire du mien est marquée par la Shoah, on ne peut sommer les Juifs de liquider ce qu’ils ont créé à la sueur de leur front, dans le sang et les larmes, et qui n’est pas réductible à l’occupation. Un peu d’humilité est toujours une bonne attitude.

Camus disait que les solutions humaines valent toujours mieux que les solutions politiques. Le problème, c’est que les premières, pour être généreuses et idéales sont souvent impraticables, ou plus exactement, en dépit de leurs bonnes intentions, leur application engendre sur le terrain des effets pervers qu’on n’avait pas prévus initialement. Les solutions politiques sont grises, ternes, sans éclat, moins grandioses, mais plus accessibles. C’est pourquoi à la fiction d’une fausse commune, d’une URSS qu’on aurait rebaptisée URJP, l’Union des républiques juive et palestinienne, je préfère, faute d’avoir l’imagination des signataires, avoir deux Etats, côte à côte, qui auraient pour mission de penser d’égal à égal les conditions de leur coexistence et les moyens de transférer des parts de leur souveraineté exclusive à un mécanisme supranational. Cette démarche n’a-t-elle pas guidé l’émergence de l’Union européenne qui, sans être dépourvue de défauts, a chassé la guerre du continent ?

Ne touchez pas à la légitimité d’Israël

Alors, que faire ? C’est contre l’occupation et la colonisation qu’il faut rassembler les opinions publiques dans les territoires palestiniens, en Israël et dans le monde. Ni plus ni moins, mais ne touchez pas à la légitimité d’Israël. On ne convaincra pas les Israéliens de se retirer de Cisjordanie si on ne les rassure pas sur leur droit d’exister dans les frontières de 1967. Cela n’exclut guère de reprendre le dossier de la Nakba, de traiter de la question des réfugiés et de conférer aux Palestiniens d’Israël des garanties constitutionnelles à titre de minorité nationale. Cela implique également de réviser de fond en comble la condition des Palestiniens d’Israël pour tout ce qui a trait à la redistribution des terres. Longtemps, l’impératif sécuritaire a servi de justification ou de prétexte pour ne rien lâcher. Cette objection ne tient plus. A cet égard, distinguons soigneusement le rapport de B’Tselem et la pétition étudiée du rapport effectué par le Human Rights Watch. Le rapport américain est accablant, mais rigoureux et tout sauf militant. D’une part, l’organisation américaine rejette explicitement la notion d’Etat-apartheid qui n’a pas de fondement juridique. D’autre part, elle a l’intelligence et la prudence de ne pas recommander de solution et se montre sceptique sur la solution à un Etat, craignant à juste titre qu’elle ne soit exploitée dans un sens qui accentuerait et approfondirait les inégalités.

C’est contre l’occupation et la colonisation qu’il faut rassembler les opinions publiques dans les territoires palestiniens, en Israël et dans le monde.

Le rapport souligne enfin qu’à côté des droits individuels, politiques, civils, culturels et confessionnels des Palestiniens d’Israël, les pouvoirs publics ont creusé un énorme déficit concernant le partage des ressources et du sol notamment. Et cependant, malgré la réalité des griefs, près de deux millions de Palestiniens citoyens d’Israël disent comme un plébiscite de tous les jours qu’ils n’entendent nullement jeter les Juifs à la mer, que leur existence individuelle est indissociable après plus de soixante-dix ans du maintien d’Israël. Ils réclament plus d’intégration sociale, plus d’égalité, ou plus d’autonomie, la reconnaissance de leur souffrance, et pour leurs frères de Cisjordanie, la liberté. Je serai toujours à leurs côtés dans cette double lutte pour l’égalité et pour la liberté.

Ce sont les Palestiniens d’Israël qui ont été les premiers à revendiquer deux Etats pour deux peuples. Pourquoi ne seraient-ils pas entendus puisque la voix de la gauche sioniste est, à leurs yeux, discréditée ? Et que dire des Palestiniens de Cisjordanie et de Gaza qui réclament la dignité qu’un Etat de Palestine peut tout à fait conférer autant sinon plus que l’improbable et incertaine solution à un Etat ? La solution à deux Etats ne ferme pas la porte à un partenariat. Elle constitue un consensus minimum qui permettrait d’unir autour de cette revendication élémentaire toutes les bonnes volontés en Israël, en Palestine et dans le monde afin de rétablir aux Palestiniens la plénitude de leurs droits nationaux et de sauver Israël de la catastrophe morale qu’elle refuse de voir. La détresse est grande chez les Palestiniens et les Israéliens, même si assurément elle n’est pas du même ordre : l’une est retentissante, l’autre est niée. L’appui des signataires dans ces combats complémentaires ne sera pas de trop.

Dernier livre paru : Israël et ses paradoxes, Le Cavalier bleu, 2018.

Voir également:

A new report by Human Rights Watch (HRW) released on Tuesday accusing Israel of committing the crime of apartheid, as well as the persecution of Palestinians, is being given extensive media coverage with little to…

A new report by Human Rights Watch (HRW) released on Tuesday accusing Israel of committing the crime of apartheid, as well as the persecution of Palestinians, is being given extensive media coverage with little to no critical journalism.

Unfortunately, Human Rights Watch has an ill-deserved gravitas that serves to disguise its biased methodology. Consequently, pundits and journalists alike have taken the bait, swarming to cover the report without properly analyzing its contents and challenging its absurd claim – which hinges on subverting the term “apartheid” to have an entirely new meaning.

The 213-page report claims that, as the Israeli government constitutes a “single authority” exercising control “over the area between the Jordan River and the Mediterranean Sea” and seeks to maintain Jewish “domination” over Palestinians and its own Arab population, the term “apartheid” is an apt description.

But that’s not what apartheid means at all. Put simply, apartheid is a policy or system of segregation or discrimination on the grounds of race. Or as the Merriam-Webster dictionary defines it:

racial segregation
specificallya former policy of segregation and political, social, and economic discrimination against the nonwhite majority in the Republic of South Africa”

Now compare that description to Israel’s relationship with the Palestinians. Since the Oslo Accords were signed in the 1990s, most Palestinians are governed by the Palestinian Authority. This body was set up with international encouragement, and the Palestinians willingly agreed to adopt a system in which they gained partial autonomy while granting Israel overall security control. Given the many wars Israel had faced in the decades previously — and since — this arrangement made eminent sense as a stepping stone along the road to a more permanent solution.

Nevertheless, the HRW report slams Israel — essentially for keeping its citizens safe. “The Israeli government has demonstrated an intent to maintain the domination of Jewish Israelis over Palestinians across Israel and the occupied Palestinian territory,” the report charges. “That intent has been coupled with systematic oppression of Palestinians and inhumane acts committed against them. When these three elements occur together, they amount to the crime of apartheid.”

Glaring Omissions of Context Left Unchallenged

The lengthy report makes only passing reference to the ongoing threats faced by Israel, by focusing on Israel’s response to the numerous Gaza-based terror groups which periodically fire hundreds of rockets into Israeli territory. It completely overlooks the threat posed by Iranian-backed Hezbollah, located primarily in Lebanon and Syria.

A quick search of the report for words like “terror” and “rocket” shows that HRW totally fails to describe Palestinian terrorist actions against Israel.

In addition, the report totally fails to take into account the longstanding enmity between Hamas, the terror group which rules the coastal territory, and Fatah, which rules the Palestinian population of the West Bank, and what that means for peace negotiations with the Jewish state.

Instead, the reports casts Israel as solely responsible for the lack of a resolution to the decades-old conflict, and characterizes its desire to keep the lid on violent Arab uprisings as “apartheid” — a stunning inversion of reality. Why, at the very least, are journalists not asking HRW how Israel’s basic security needs can be met?

Shakir’s Personal Anti-Israel Vendetta

It is not the first time that the NGO takes a jab at Israel. The particular researcher who compiled the report, Omar Shakir, was forced to leave Israel in November 2019 after his work visa was not renewed due to his support of the controversial Boycott, Divestment and Sanctions (BDS) movement. Nevertheless, the vast majority of news reports have failed to document either of these important facts.

For over a decade, Shakir has fought a campaign denying Israel’s right to exist and smearing the Jewish state with the kind of barbs more typically heard in the cesspit of online discussion. On various occasions, he has stated that Israel has “effectively turned Gaza into an open-air prison.” Moreover, Shakir was involved in compiling a discriminatory UN database of businesses operating across the 1949 Armistice line, aimed at bolstering BDS campaigns against Israel.

Consequently, the report largely recycled existing materials from known anti-Israel organizations, without engaging in independent investigative work. As Israeli columnist Ben Dror-Yemini notes:
In the 200 or so pages of the report, HaMoked is mentioned 62 times, Adalah 77 times, Gisha 92 times and B’Tselem 151 times. But the record goes to Haaretz newspaper, which is cited a massive 190 times. In reality, Shakir did no fact checking or investigations of his own, and the concept of fairness does not even come into it. He pored over anti-Israel publications that pretend to be objectively critical and gathered anything that matched his preestablished hostility. The outcome was decided in advance.”

Deliberate Provocation — and Not For the First Time

This is not the first time in recent memory that Israel has faced such claims. In January this year, Israeli organization B’Tselem made exactly the same case, as it took the dramatic step of publishing an op-ed in The Guardian, and sending press releases to numerous newspapers around the world, accusing Israel of “apartheid.”

Just like today, news organizations worldwide gave prominent coverage to the report claiming that Israel is no longer a democracy but an “apartheid regime” devoted to cementing the supremacy of Jews over Palestinians. By uncritically portraying this group as a leading proponent of human rights, the media effectively facilitated the hijacking of the word “apartheid” by anti-Israeli activists whose goal is to foster doubt about Israel’s right to live in peace within secure borders.

In January, even the usually stridently anti-Israel The Guardian was taken aback, with a subsequent editorial published, admitting “It was a deliberate provocation by B’Tselem… to describe the Palestinians in the Holy Land as living under an apartheid regime.” But a few months later, when exactly the same claim resurfaced, the Guardian, amongst others, just couldn’t resist helping spread the baseless libel.

As ever, the failure of journalists to do their job and ask tough questions of Israel’s detractors means that the truth is the first casualty of HRW’s ongoing war against the Jewish State.

Voir de même:

Pour que 2021 soit l’année de la fin de l’apartheid en Israël
Plus de 1 000 artistes, intellectuels et universitaires de plus de 45 pays appellent à la reconnaissance internationale et au démantèlement du régime d’apartheid mis en place par Israël sur le territoire de la Palestine
par Un collectif de 1000 personnalités internationalement reconnues
Libération
27 juillet 2021

Gageons que, dans quelques années, quand les historiens voudront caractériser les événements marquants de l’année 2021 en ce qui concerne l’Etat d’Israël, ce qui l’emportera ne sera ni la vaccination éclair contre le Covid ni le départ du Premier ministre Benjamin Nétanyahou, mais bel et bien la reconnaissance mondiale de l’état d’apartheid dans tout l’espace de la «Palestine historique». Cela a commencé le 12 janvier par la publication du rapport de B’Tselem (Centre israélien d’information pour les droits de l’homme dans les territoires occupés) intitulé : «Un régime de suprématie juive s’étendant du Jourdain à la Méditerranée, c’est de l’apartheid». Trois mois plus tard, le 27 avril, le rapport de Human Rights Watch, ONG internationale de défense des droits humains mondialement respectée, enfonçait le clou sous le titre : «Un seuil franchi : les autorités israéliennes et les crimes d’apartheid et de persécution». Enfin, le 6 juillet, 600 universitaires, artistes et intellectuels venant de 45 pays rendaient publique une déclaration qui appelle au démantèlement du régime d’apartheid dans la Palestine historique.

L’apartheid est un crime, internationalement reconnu comme tel depuis que, le 30 novembre 1973, l’Assemblée générale des Nations unies adoptait la Convention internationale sur l’élimination et la répression du crime d’apartheid. Dans le statut de Rome de 2002 instituant la Cour pénale internationale, l’apartheid est caractérisé comme un crime contre l’humanité «commis dans le cadre d’un régime institutionnalisé d’oppression systématique et de domination d’un groupe racial sur tout autre groupe racial ou tous autres groupes raciaux et dans l’intention de maintenir ce régime».

La coïncidence avec la législation israélienne et les politiques de discrimination envers les Palestiniens est manifeste. Pourtant, pendant des décennies, il fut pratiquement impossible d’en faire état publiquement. Lorsque l’ancien président Carter, dans un livre sur Israël de 2006, osa faire figurer le mot dans son titre (Palestine : la paix, pas l’apartheid), il souleva des clameurs d’indignation. Dix ans après, quand une étude des Nations unies parvint aux mêmes conclusions («Le traitement par Israël du peuple palestinien et la question de l’apartheid», commission économique et sociale des Nations Unies pour l’Asie occidentale [ESCWA], 2017), la réaction ne fut pas moins violente. Face à la colère des groupes de pression et des Etats pro-israéliens devant cette utilisation à leurs yeux inacceptable du «mot en A», le secrétaire général dut demander le retrait du rapport. La directrice exécutive de l’ESCWA, Rima Khalaf, préféra alors démissionner plutôt que de s’incliner.

Mais en cette année 2021, le verrou vient de sauter. Les sociétés civiles du monde entier ne le supportent plus. D’un continent à l’autre, d’une génération à l’autre, d’une nationalité à l’autre, les manifestations, les prises de position, les tribunes, les motions adoptées à de larges majorités convergent en un même flot de protestation. La reconnaissance du fait qu’Israël a bel et bien instauré un régime d’apartheid dans l’ensemble des territoires qu’il a soumis à sa juridiction, s’ajoutant à d’autres violations du droit international, mène à exiger que la communauté internationale sorte de la complaisance et engage les mesures concrètes qui découlent de ce constat.

Dans cet esprit, la déclaration du 6 juillet sur l’élimination et la répression du crime d’apartheid dans la Palestine historique, après avoir résumé l’histoire des pratiques israéliennes de discrimination systématique envers les Palestiniens, continues depuis la Nakba, en insistant sur la signification de l’adoption par la Knesset de la loi fondamentale de 2018 qui réserve aux seuls habitants juifs la pleine citoyenneté de l’Etat et le «droit à l’autodétermination», ainsi que sur la responsabilité des puissances occidentales qui protègent et subventionnent ce régime, et rappelé les obligations découlant de la Convention internationale de 1973, énonce quatre grands principes d’action :

– nécessité de condamner en tant que crime au sens du droit international le régime d’apartheid imposé au peuple palestinien résidant en Israël-Palestine ou contraint à l’exil ;

– nécessité du démantèlement de ce régime et de l’établissement d’un ordre constitutionnel respectant le droit international et les conventions de défense des droits humains, qui garantirait l’égalité des droits et devoirs pour les habitants de cette terre indépendamment de toute différence raciale et ethnique, comme de toute appartenance religieuse ou identité sexuelle, et reconnaîtrait le droit au retour de tous les exilés depuis la création de l’Etat d’Israël ;

– nécessité pour les gouvernements complices de mettre fin à leur connivence avec le régime d’apartheid en poussant à son démantèlement et en soutenant une transition sensible au droit à l’autodétermination des deux peuples habitant actuellement la Palestine historique ;

– nécessité enfin d’une commission de paix, de réconciliation et de responsabilité chargée d’accompagner la transition vers une gouvernance respectueuse des droits humains et de la démocratie. En attendant qu’un tel processus soit enclenché, les signataires appellent la Cour pénale internationale à lancer une enquête sur les dirigeants et le personnel de sécurité à qui la perpétuation du crime d’apartheid peut être imputée.

La déclaration (lisible sur le site https://www.aurdip.org/declaration-sur-l-elimination-et.html) est signée à ce jour par plus de 1 000 personnalités internationalement reconnues, en particulier Rima Khalaf (ancienne directrice exécutive de l’ESCWA), les professeurs Richard Falk et Virginia Tilley (auteurs du rapport de l’ESCWA en 2017), les Prix Nobel de la paix Adolfo Pérez Esquivel et Mairead Maguire, le Prix Nobel de chimie George Smith, Nurit Peled-Elhanan (Prix Sakharov 2001 et co-fondatrice du Tribunal Russell pour la Palestine), les juristes Monique Chemillier-Gendreau et John Dugard, les enseignants et chercheurs Bertrand Badie, Hagit Borer, Ivar Ekeland, Souad Joseph, Edgar Morin, Jacques Rancière, Roshdi Rashed et Gayatri Spivak, le biologiste Sir Iain Chalmers, le compositeur Brian Eno, le musicien Roger Waters, l’écrivaine Ahdaf Soueif, l’économiste Sir Richard Jolly (ex-assistant du secrétaire général des Nations-unies), l’ancienne vice-présidente du Parlement européen Luisa Morgantini, le vétéran sud-africain de la lutte anti-apartheid Ronnie Kasrils et la militante pacifiste et ancienne dirigeante des Verts canadiens Joan Russow. Cette liste ne cesse de s’accroître. Espérons qu’elle contribue à faire enfin bouger les choses dans le sens de la justice.

La version originale anglaise de ce texte a été élaborée par Robert Falk et Jonathan Rosenhead. Adaptation française par Etienne Balibar et Jean-Marc Lévy-Leblond.

Voir de plus:

DECLARATION OF THE CRIME OF APARTHEID: ISRAEL

7 Jul 2021
[PREFATORY NOTE: The Declaration on Apartheid below is an initiative initiated by the wellknown
Tunisian mathematician, Ahmed Abbes, and endorsed by scholars and artists worldwide. If impressed
please distribute widely as there is a campaign underway to reach 1,000 signatures.]
Declaration on the Suppression and Punishment of the Crime of Apartheid in Historic Palestine
6 juillet 2021
Over 700 scholars, artists and intellectuals from more than 45 countries have signed the following declaration calling for the dismantling of the apartheid regime set up on the territory of historic Palestine and the establishment of a democratic constitutional arrangement that grants all its inhabitants equal rights and duties. The signatories include many distinguished figures, including the Nobel Peace Prize laureates Adolfo Pérez Esquivel and Mairead Maguire, academics with legal expertise Monique Chemillier-Gendreau and Richard Falk, scholars Étienne Balibar, Hagit Borer, Ivar Ekeland, Suad Joseph, Jacques Rancière, Roshdi Rashed and Gayatri Spivak, health researcher Sir Iain Chalmers, composer Brian Eno, musician Roger Waters, author Ahdaf Soueif, economist and former Assistant Secretary-General of the UN Sir Richard Jolly, South African politician and veteran anti-apartheid leader Ronnie Kasrils and Canadian peace activist and former national leader of the Green Party of Canada Joan Russow.
Declaration on the Suppression and Punishment of the Crime of Apartheid in Historic Palestine
Whereas :
1- Israel has subjected the Palestinian people for 73 years to an ongoing catastrophe, known as the Nakba, a process that included massive displacement, ethnic cleansing, war crimes, and crimes against humanity ;
2- Israel has established an apartheid regime on the entire territory of historic Palestine and directed toward the whole of the deliberately fragmented Palestinian people ; Israel itself no longer seeks to hide its apartheid character, claiming Jewish supremacy and exclusive Jewish rights of self-determination in all of historic Palestine through the adoption in 2018 by the Knesset of a new Basic Law ;
3-The apartheid character of Israel has been confirmed and exhaustively documented by widely respected human rights organizations, Adalah, B’Tselem, Human Rights Watch, and in the UN ESCWA academic study that stresses the importance of defining Israeli apartheid as extending to people rather than limited to space, [“Israeli Practices towards the Palestinian People and the Question of Apartheid,” UN ESCWA, 2017] ;
4- Israel periodically unleashes massive violence with devastating impacts on Palestinian civilian society, particularly against the population of Gaza, which endures widespread devastation, collective trauma, and many deaths and casualties, aggravated by being kept under an inhuman and unlawful blockade for over 14 years, and throughout the humanitarian emergency brought about by the COVID pandemic ;
5- Western powers have facilitated and even subsidized for more than seven decades this Israeli system of colonization, ethnic cleansing, and apartheid, and continue to do so diplomatically, economically, and even militarily.
Considering :
i- The Universal Declaration of Human Rights which stipulates in its first article that ’all human beings are born free and equal in dignity and rights.’ And taking account that the inalienable right of self-determination is common Article 1 of the International Covenant on Civil and Political Rights and the International Covenant on Economic, Social, and Political Rights, and as such, a legal and ethical entitlement of all peoples.
ii- The International Convention on the Suppression and Punishment of the Crime of Apartheid which stipulates in Article I that ’apartheid is a crime against humanity and that inhuman acts resulting from the policies and practices of apartheid and similar policies and practices of racial segregation and discrimination, as defined in article II of the Convention, are crimes violating the principles of international law, in particular the purposes and principles of the Charter of the United Nations, and constituting a serious threat to international peace and security.’ The States Parties to this Convention undertake in accordance with Article IV :
_ “(a) To adopt any legislative or other measures necessary to suppress as well as to prevent any encouragement of the crime of apartheid and similar segregationist policies or their manifestations and to punish persons guilty of that crime ;
_ “(b) To adopt legislative, judicial and administrative measures to prosecute, bring to trial and punish in accordance with their jurisdiction persons responsible for, or accused of, the acts defined in article II of the present Convention, whether or not such persons reside in the territory of the State in which the acts are committed or are nationals of that State or of some other State or are stateless persons.”
The endorsers of this document :
A- Declare their categorical rejection of the apartheid regime set up on the territory of historic Palestine and imposed on the Palestinian people as a whole, including refugees and exiles wherever they might be in the world.
B- Call for the immediate dismantling of this apartheid regime and the establishment of a democratic constitutional arrangement that grants and implements on all the inhabitants of this land equal rights and duties, regardless of their racial, ethnic, and religious identities, or gender preferences, and which respects and enforces international law and human conventions, and in particular gives priority to the long deferred right of return of Palestinian refugees expelled from their towns and villages during the creation of the State of Israel, and subsequently.
C- Urge their governments to cease immediately their complicity with Israel’s apartheid regime, to join in the effort to call for the dismantling of apartheid structures and their replacement by an egalitarian democratic governance that treats everyone subject to its authority in accordance with their rights and with full respect for their humanity, and to make this transition in a manner sensitive to the right of self-determination enjoyed by both peoples presently inhabiting historic Palestine.
D- Call for the establishment of a National Commission of Peace, Reconciliation, and Accountability to accompany the transition from apartheid Israel to a governing process sensitive to human rights and democratic principles and practices. In the interim, until such a process is underway, issue a call for the International Criminal Court to launch a formal investigation of Israeli political leaders and security personnel guilty of perpetuating the crime of apartheid.
* Academics, artists and intellectuals can endorse this declaration by completing this form.
* Endorsed by 723 academics, artists and intellectuals on July 8, 2021 (click here for the full list), including
Ahmed Abbes, mathematician, Director of research in Paris, France
Sinan Antoon, New York University, United States
John Avery, Writer, Denmark
Bertrand Badie, Sciences Po Paris, France
Étienne Balibar, Anniversary Chair of Modern European Philosophy, Kingston University London, United Kingdom
Anthony Barnett, Writer, United Kingdom
Edmond Baudoin, Auteur de bandes dessinées, France
George Bisharat, UC Hastings College of the Law/Professor, musician, United States
Nicolas Boeglin, Professor of Public International Law, University of Costa Rica, Costa Rica
Hagit Borer, Professor, Queen Mary University of London, United Kingdom
Grazia Borrini-Feyerabend, Council of Elders of the ICCA Consortium, Switzerland
Daniel Boyarin, Taubman Professor of Talmudic Culture, UC Berkeley, United States
Anouar Brahem, Musician, Composer, Tunisia
Rony Brauman, Physician, writer, former president of Médecins Sans Frontières, France
Iain Chalmers, Editor, James Lind Library, United Kingdom
Hafidha Chekir, Emeritus Professor of Public Law, Al Manar University, Tunis ; Vice President of the International Federation for Human Rights, Tunisia
Monique Chemillier-Gendreau, Professeure émérite de droit public et de sciences politiques, Université Paris-Diderot, France
David Comedi, National University of Tucumán and National Research Council, Argentina
Laurent Cugny, Professeur, Sorbonne Université, France
Eric David, Emeritus Professor of International Law at the Université libre de Bruxelles, Belgium
Chandler Davis, Professor Emeritus of Mathematics, University of Toronto, Canada
Sonia Dayan-Herzbrun, Professeure émérite à l’Université de Paris, France
Herman De Ley, Emeritus Professor, Ghent University, Belgium
Ivar Ekeland, Professor emeritus of mathematics and former President, University of Paris-Dauphine, France
Brian Eno, Artist/Composer, United Kingdom
Adolfo Esquivel, Premio Nobel de la Paz 1980 (Nobel Peace Prize 1980), Argentina
Richard Falk, Professor of International Law, Emeritus, Princeton University, United States
Emmanuel Farjoun, Emeritus Professor, Hebrew University of Jerusalem, Israel
Jan Fermon, Avocat. Secrétaire général Association Internationale des Juristes Démocrates, Belgium
Domenico Gallo, Chamber President in Supreme Court of Cassazione, Italy
Irene Gendzier, Prof Emeritus in the Dept Political Science, Boston University, United States
Catherine Goldstein, Director of Research, Paris, France
Neve Gordon, Queen Mary University of London, United Kingdom
Penny Green, Queen Mary University of London, United Kingdom
Sondra Hale, Professor Emerita, University of California, Los Angeles, United States
Michael Harris, Professor of Mathematics, Columbia University, United States
Judith Herrin, King’s College London, United Kingdom
Christiane Hessel-Chabry, Présidente d’honneur de l’association EJE (Gaza), France
Shir Hever, Political Economist, Germany
Nicholas Humphrey, Emeritus Professor, London School of Economics, United Kingdom
Abdeen Jabara, Attorney, past president, American-Arab Anti-Discrimination Committee, United States
Richard Jolly, Emeritus Fellow, IDS, University of Sussex, United Kingdom
Suad Joseph, Distinguished Research Professor, University of California, Davis, United States
Mary Kaldor, London School of Economics and Political Science, United Kingdom
Ronnie Kasrils, Former government minister, South Africa
Assaf Kfoury, Computer Science Department, Boston University, United States
Rima Khalaf, Former Executive Secretary of UN ESCWA, Jordan
Daniel Kupferstein, Film director, France
Jean-Marc Lévy-Leblond, Emeritus professor, University of Nice, France
David Lloyd, University of California Riverside, United States
Brinton Lykes, Professor & Co-Director, Boston College Center for Human Rights & International Justice, United States
Moshé Machover, Mathematician, KCL, United Kingdom
Kate Macintosh, Architect, United Kingdom
Mairead Maguire, Nobel peace laureate, Ireland
Dick Marty, Dr. Jur. Dr. H.c., former Chair of the Committee of Human Rights of the Parliamentary Assembly of the Council of Europe, Switzerland
Georg Meggle, Philosopher, Prof. em. at University of Leipzig, Germany
Jan Oberg, DrHc, peace and future researcher, Transnational Foundation, Sweden
Joseph Oesterlé, Emeritus professor, Sorbonne University, France
Adi Ophir, Professor Emeritus, Tel Aviv University ; Visiting Professor, The Cogut Institute for the Humanities and the center for Middle East Studies, Brown Universities, United States
Karine Parrot, Professeure de droit à l’Université de Cergy-Pontoise, France
Ghislain Poissonnier, Magistrate, France
Susan Power, Head of Legal Research and Advocacy, Al-Haq, Palestine
Prabir Purkayastha, Editor, Newsclick.in, India
Jacques Rancière, Professeur émérite, Université Paris 8, France
Roshdi Rashed, CNRS/Université de Paris, France
Steven Rose, Emeritus Professor of Biology and Neurobiology at the Open University and Gresham College, London, United Kingdom
Hilary Rose, Professor Emerita Sociology University of Bradfor, United Kingdom
Jonathan Rosenhead, Emeritus Professor of Operational Research at the London School of Economics, United Kingdom
Andrew Ross, Professor of Social and Cultural Analysis, New York University, United States
Alice Rothchild, MD, retired, Assistant Professor of Obstetrics and Gynecology, Harvard Medical School, United States
Joan Russow, Researcher, Global Compliance Research Project, Canada
Richard Seaford, Emeritus Professor, University of Exeter, United Kingdom
Leila Shahid, Former Ambassador of Palestine, Palestine
Eyal Sivan, Filmmaker – Essayist, France
John Smith, Filmmaker, Emeritus Professor of Fine Art, University of East London, United Kingdom
Nirit Sommerfeld, Singer, actress, writer, Germany
Ahdaf Soueif, Writer, Egypt
Gayatri Spivak, Columbia University, United States
Jonathan Steele, Author and journalist, United Kingdom
Annick Suzor-Weiner, Professor emeritus, Université Paris-Saclay, France
Salim Tamari, Emeritus Professor of Sociology, Birzeit University, Palestine
Virginia Tilley, Southern Illinois University Carbondale, United States
Salim Vally, Professor, University of Johannesburg, South Africa
Roger Waters, Musician, United Kingdom
Robert Wintemute, Professor of Human Rights Law, King’s College London, United Kingdom
John Womack jr, Harvard University, United States
* Institutional affiliations are given only for identification purposes
* The full list of signatories is available here.
* Academics, artists and intellectuals can endorse this declaration by completing this form.
* Version française ; versión en español ; versione italiana ;
Voir encore:

Des politiques israéliennes abusives constituent des crimes d’apartheid et de persécution
Ces crimes contre l’humanité devraient déclencher des actions pour mettre fin à la répression envers les Palestiniens

(Jérusalem) – Les autorités israéliennes commettent les crimes contre l’humanité d’apartheid et de persécution, a déclaré Human Rights Watch dans un rapport rendu public aujourd’hui. Cette conclusion se fonde sur une politique globale du gouvernement israélien qui vise à maintenir la domination des Israéliens juifs sur les Palestiniens, et sur de graves abus commis contre les Palestiniens vivant dans le territoire occupé, y compris Jérusalem-Est.

27 avril 2021A Threshold Crossed
Israeli Authorities and the Crimes of Apartheid and Persecution

Appendix I: Letter from Human Rights Watch to Israel Prime Minister
Le rapport de 213 pages, intitulé « A Threshold Crossed: Israeli Authorities and the Crimes of Apartheid and Persecution » (« Un seuil franchi : Les autorités israéliennes et les crimes d’apartheid et de persécution » – résumé en français), examine le traitement réservé aux Palestiniens par Israël. Le rapport présente la réalité actuelle d’une autorité unique, le gouvernement israélien, qui exerce le principal pouvoir sur la zone située entre le fleuve Jourdain et la mer Méditerranée, peuplée de deux groupes de population de taille à peu près égale, et qui privilégie méthodiquement les Israéliens juifs tout en réprimant les Palestiniens, d’une manière particulièrement sévère dans le territoire occupé.

« Depuis des années, des voix éminentes ont averti du risque d’apartheid si la domination d’Israël sur les Palestiniens se poursuivait », a déclaré Kenneth Roth, le Directeur exécutif de Human Rights Watch. « Cette étude détaillée révèle que les autorités israéliennes ont déjà franchi ce seuil et commettent aujourd’hui les crimes contre l’humanité d’apartheid et de persécution. »

Le constat d’apartheid et de persécution ne change rien au statut juridique du Territoire palestinien occupé, constitué de la Cisjordanie, y compris Jérusalem-Est, et de Gaza, ni à la réalité factuelle de l’occupation.

Initialement apparu en lien avec l’Afrique du Sud, l’apartheid est aujourd’hui un terme juridique universel. L’interdiction de la discrimination et de l’oppression institutionnelles particulièrement sévères, ou apartheid, constitue un principe fondamental du droit international. La Convention internationale de 1973 sur l’élimination et la répression du crime d’apartheid et le Statut de Rome de 1998 de la Cour pénale internationale (CPI) définissent l’apartheid comme un crime contre l’humanité constitué de trois éléments principaux :

(1) Une intention de maintenir la domination d’un groupe racial sur un autre.

(2) Un contexte d’oppression systématique du groupe dominant sur le groupe marginalisé.

(3) Des actes inhumains.

27 avril 2021
Questions-Réponses : Un seuil franchi
Les autorités israéliennes et les crimes d’apartheid et de persécution

L’allusion à un groupe racial est comprise aujourd’hui comme concernant non seulement le traitement sur la base de traits génétiques mais aussi celui sur la base de l’ascendance et de l’origine nationale ou ethnique, tel que définies dans la Convention internationale sur l’élimination de toutes les formes de discrimination raciale. Human Rights Watch utilise cette définition élargie.

Le crime contre l’humanité de persécution, tel que défini dans le Statut de Rome et le droit international coutumier, consiste en une grave privation des droits fondamentaux d’un groupe racial, ethnique ou autre, exercée avec une intention discriminatoire.

Human Rights Watch a constaté que les éléments constitutifs de ces crimes se retrouvent dans le Territoire palestinien occupé, dans le cadre d’une politique gouvernementale israélienne unique. Cette politique consiste à maintenir la domination des Israéliens juifs sur les Palestiniens à travers Israël et dans le territoire occupé. Elle s’accompagne, dans le territoire occupé, d’une oppression systématique et d’actes inhumains à l’encontre des Palestiniens qui y vivent.

S’appuyant sur des années de recherches sur les droits humains, d’études de cas et l’examen de documents de planification du gouvernement, de déclarations de responsables israéliens et d’autres sources, Human Rights Watch a comparé les politiques et pratiques à l’égard des Palestiniens dans le territoire occupé et en Israël avec celles qui concernent les Israéliens juifs vivant dans les même zones. Human Rights Watch a écrit en juillet 2020 au gouvernement israélien, sollicitant son point de vue sur ces questions, mais n’a pas reçu de réponse à ce jour.

En Israël et dans le Territoire palestinien occupé, les autorités israéliennes ont cherché à maximiser les terres disponibles pour les communautés juives et à regrouper la plupart des Palestiniens dans des zones à forte densité de population. Les autorités ont adopté des politiques visant à atténuer ce qu’elles ont ouvertement décrit comme une « menace démographique » posée par les Palestiniens. À Jérusalem, par exemple, le plan du gouvernement pour la municipalité, tant dans l’ouest de la ville que dans la partie occupée dans l’est, a pour objectif de « maintenir une solide majorité juive dans la ville » et précise même les ratios démographiques que le gouvernement souhaite maintenir.

Pour maintenir cette domination, les autorités israéliennes exercent une discrimination systématique à l’encontre des Palestiniens. La discrimination institutionnelle à laquelle les citoyens palestiniens d’Israël sont confrontés inclut des lois qui permettent à des centaines de petites localités juives d’exclure de facto les Palestiniens, et des budgets qui n’allouent qu’une petite partie des ressources aux écoles palestiniennes comparées à celles destinées aux enfants israéliens juifs. Dans le territoire occupé, la gravité de la répression, marquée notamment par l’imposition d’un régime militaire draconien aux Palestiniens, alors que les Israéliens juifs vivant de manière ségréguée sur le même territoire se voient accordés leurs pleins droits en vertu de la loi civile israélienne, équivaut à l’oppression systématique requise pour constituer le crime d’apartheid.

Les autorités israéliennes se sont livrées à une série d’abus à l’encontre des Palestiniens. Beaucoup de ceux perpétrés dans le Territoire palestinien occupé constituent de graves violations des droits fondamentaux et des actes inhumains, autre élément requis pour constituer le crime d’apartheid : restrictions de mouvement draconiennes, qu’il s’agisse du bouclage de Gaza et d’un régime de permis ; confiscation de plus d’un tiers des terres de Cisjordanie ; conditions de vie difficiles dans certaines parties de la Cisjordanie qui ont conduit au transfert forcé de milliers de Palestiniens hors de leurs foyers ; refus du droit de résidence à des centaines de milliers de Palestiniens et à leurs proches ; et suspension des droits civils fondamentaux de millions de Palestiniens.

Nombre des abus commis dans le cadre de ces crimes, tels que le refus quasi catégorique des permis de construire aux Palestiniens et la démolition de milliers d’habitats sous prétexte qu’un permis n’avait pas été délivré, n’ont aucune justification sécuritaire. D’autres, comme le gel effectif par Israël du registre de la population qu’il contrôle dans le territoire occupé, lequel bloque concrètement le regroupement familial pour les Palestiniens qui y vivent et empêche les habitants de Gaza de vivre en Cisjordanie, utilise la sécurité comme un prétexte pour poursuivre de nouveaux objectifs démographiques. Même lorsque des motifs sécuritaires sont invoqués, ils ne justifient pas davantage l’apartheid et la persécution que ne le feraient le recours à la force excessive ou à la torture, a souligné Human Rights Watch.

« Refuser à des millions de Palestiniens leurs droits fondamentaux, sans justification sécuritaire légitime et uniquement parce qu’ils sont palestiniens et non juifs, n’est pas simplement une question d’occupation abusive », a déclaré Kenneth Roth. « Ces politiques, qui accordent aux Israéliens juifs les mêmes droits et privilèges où qu’ils vivent et discriminent les Palestiniens à des degrés divers où qu’ils vivent, reflètent une volonté de privilégier un peuple au détriment d’un autre. »

Les déclarations et les actions des autorités israéliennes de ces dernières années, notamment  l’adoption en 2018 d’une loi à valeur constitutionnelle établissant Israël comme « l’État-nation du peuple juif », l’ensemble croissant de lois privilégiant davantage encore les colons israéliens en Cisjordanie et ne s’appliquant pas aux Palestiniens vivant sur le même territoire ; et l’expansion massive ces dernières années des colonies et des infrastructures les reliant à Israël ont clairement montré l’intention des autorités de maintenir la domination des Israéliens juifs. La possibilité qu’un futur dirigeant israélien puisse conclure avec les Palestiniens un accord qui démantèle le système discriminatoire en vigueur n’annule pas la réalité actuelle.

Les autorités israéliennes devraient renoncer à toute forme de répression et de discrimination qui privilégie les Israéliens juifs aux dépens des Palestiniens, y compris la liberté de mouvement, l’attribution des terres et des ressources, l’accès à l’eau, à l’électricité et à d’autres services, et la délivrance de permis de construire.

Le Bureau du Procureur de la CPI devrait enquêter et poursuivre les personnes impliquées de manière crédible dans les crimes contre l’humanité d’apartheid et de persécution. Les autres pays devraient également le faire, conformément à leur législation nationale en vertu du principe de compétence universelle et imposer des sanctions individuelles, y compris des interdictions de voyager et un gel des avoirs, aux fonctionnaires responsables de ces crimes.

Les conclusions relatives aux crimes contre l’humanité devraient inciter la communauté internationale à réévaluer la nature de son engagement en Israël et en Palestine, et à adopter une approche axée sur le respect des droits humains et l’établissement des responsabilités, au lieu d’être basée uniquement sur le « processus de paix », actuellement au point mort. Les États membres des Nations Unies devraient créer une commission d’enquête de l’ONU chargée d’enquêter sur la discrimination et la répression systématiques en Israël et en Palestine. Ils devraient aussi créer un poste d’Envoyé mondial de l’ONU pour les crimes de persécution et d’apartheid, avec pour mandat de mobiliser une action internationale en vue de mettre fin à la persécution et à l’apartheid partout dans le monde.

Les gouvernements devraient conditionner les ventes d’armes et l’assistance militaire et sécuritaire à Israël à des mesures concrètes et vérifiables de la part des autorités israéliennes en vue de mettre fin à la commission de ces crimes. Ils devraient en outre examiner les accords, programmes de coopération et toutes les formes existantes de commerce avec Israël pour identifier ceux qui contribuent directement à la commission des crimes, atténuer leurs incidences sur les droits humains et, lorsque cela n’est pas possible, mettre fin aux activités et aux modes de financement qui facilitent ces graves violations.

« Tandis qu’une grande partie de la communauté internationale considère l’occupation israélienne à l’œuvre depuis un demi-siècle comme une situation temporaire qu’un ‘‘processus de paix’’ vieux de plusieurs décennies résoudra bientôt, l’oppression des Palestiniens dans la région a franchi un seuil et un degré de permanence qui correspondent aux définitions des crimes d’apartheid et de persécution », a conclu Kenneth Roth. « Celles et ceux qui luttent pour la paix israélo-palestinienne, qu’elle prenne la forme d’une solution à un ou à deux États ou d’une confédération, devraient entre temps reconnaître cette réalité pour ce qu’elle est, et mettre en œuvre les instruments relatifs aux droits humains nécessaires pour y mettre fin. »

https://www.hrw.org/report/2021/04/27/threshold-crossed/israeli-authorities-and-crimes-apartheid-and-persecution⁠
Voir par ailleurs:

« Mais qui ? » : que signifie ce slogan antisémite écrit sur les pancartes de manifestants anti-passe sanitaire ?

FOCUS – Une jeune femme qui brandissait une telle pancarte lors de la manifestation anti-passe sanitaire à Metz samedi dernier a été interpellée ce lundi 9 août.

Ce lundi matin, une jeune femme a été interpellée pour avoir brandi une pancarte avec marqué «Mais qui?» en rouge lors de la manifestation contre le passe-sanitaire samedi 7 août dernier. La photo a rapidement fait le tour des réseaux sociaux, suscitant l’indignation de la classe politique et médiatique du fait de son caractère jugé antisémite.

En effet, il est possible de lire à la suite de slogan «Mais qui?» plusieurs noms de personnalités de la sphère politique et médiatique qualifiés de «traîtres» : «Fabius, Attali, Buzyn, Attal, Véran, BFM Drahi, Macron, Salomon, Sorhos, K. Schwab, BHL, Ferguson…» Que signifie réellement cette pancarte ? D’où vient ce slogan et pourquoi le qualifie-t-on d’antisémite ? Le Figaro fait le point.

D’où vient le slogan «Mais qui » ?

Ce slogan trouve vraisemblablement son origine dans une interview sur CNEWS du général à la retraite Dominique Delawarde – un des signataires de la tribune «des généraux». Le 18 juin dernier, l’ancien général était interrogé par Claude Posternak, membre du bureau politique de LREM, également invité de l’émission. Ce dernier lui demandait «qui», selon lui, contrôlait «la meute médiatique». Ce à quoi Dominique Delawarde avait répondu : «C’est la communauté que vous connaissez bien», sous-entendant la communauté juive.

Sur Twitter, la Licra, l’association SOS Racisme et l’Union des étudiants juifs de France (UEJF) avaient dénoncé les propos de l’ancien militaire, qui aurait ainsi montré «son visage, raciste et antisémite».

Comment ce slogan est-il arrivé dans les cortèges anti-passe sanitaire ?

À la suite de cette polémique, de nombreux comptes sur les réseaux sociaux ont commencé à reprendre cette vidéo sous le hashtag «#qui». Des comptes radicaux ont ensuite commencé à publier de fausses infographies du paysage médiatique français mettant en scène les responsables «juifs» ou supposés juifs, comme l’a expliqué le journal Libération le 31 juillet dernier.

Conséquence dans la vie réelle, ces dernières semaines il a été possible d’observer quelques pancartes avec écrit «Qui?» dans les mains de certains manifestants anti-passe sanitaire.

Pourquoi ce slogan est-il jugé antisémite ?

Le 24 juillet dernier, après une manifestation qui a réuni plus de 160.000 personnes dans toute la France, des manifestants ont été aperçus brandissant cette pancarte. Certains ont été interrogés par une chaîne YouTube d’extrême droite au Trocadéro à Paris, comme le rapporte le journal Libération . Ceux-là prononcent alors des clichés antisémites en tout genre, dénonçant des «empoisonneurs de puits» ou encore un «appât du gain».

Devant la caméra, une jeune femme s’exprime : «Ils ont beaucoup de ressentiment par rapport aux blancs, ils ont un mauvais fond, ils nous considèrent comme des bêtes, c’est écrit dans le Talmud et ils veulent absolument nous métisser avec des [mot bipé] inférieurs intrinsèquement», poursuit la jeune femme. Et de scander : «Il aurait mieux valu qu’ils n’existent pas», relève le quotidien. Difficile de ne pas comprendre le sens de ces pancartes.

Réactions de la classe politique

Le ministre de l’Intérieur a tout de suite condamné la pancarte brandie à Metz, rappelant que l’antisémitisme est «un délit, en aucun cas une opinion». Il a affirmé que ces «propos ne resteront pas impunis».

L’ancien premier ministre Manuel Valls a rappelé qu’il fallait combattre «avec une fermeté implacable» l’antisémitisme, qui, selon lui, est souvent «annonciateur du pire». Nathalie Loiseau, eurodéputée LREM, a demandé que toute la classe politique dénonce «sans attendre et sans calcul» : «Ceux qui se tairont, s’il y en a, signeront leur indignité. Il n’y a rien à comprendre, seulement à combattre cette haine immonde.» «Il y a chez ces manifestants un antisémitisme assumé. Odieux. Insupportable», a-t-elle écrit sur Twitter.

D’autres personnalités ont répondu, dont Bernard-Henri Lévy qui appelle à ce que «ceux qui, sincèrement, défendent les libertés ouvrent les yeux. Qu’ils cessent de grossir les rangs de factieux qui, plutôt que le vaccin, administreraient bien à la France une double dose de populisme et de haine.»

La Licra a quant à elle annoncé saisir sa commission juridique afin d’examiner si des poursuites pénales sont envisageables.

Voir enfin:

The Guardian view on Israel and apartheid: prophecy or description?

It was a deliberate provocation by B’Tselem, Israel’s largest human rights group, to describe the Palestinians in the Holy Land as living under an apartheid regime. Many Israelis detest the idea that their country, one they see as a democracy that rose from a genocidal pyre, could be compared to the old racist Afrikaner regime. Yet figures such as Desmond Tutu and Jimmy Carter have done so.
There is a serious argument about injustices to be had. Palestinians – unlike Israeli Jews – live under a fragmented mosaic of laws, often discriminatory, and public authorities which seem indifferent to their plight. Apartheid is a crime against humanity. It is a charge that should not be lightly made, for else it can be shrugged off. Some might agree with the use of such incendiary language, but many will recoil. The crime of apartheid has been defined as “inhumane acts committed in the context of a regime of systematic oppression and domination by one racial group over any other racial group or groups with the intention of maintaining that regime”.
There are nearly 5 million Palestinians in the West Bank and Gaza, all without Israeli citizenship. In the West Bank, Palestinians are bereft of civil rights, while Israelis in the occupied territory enjoy the full support of the state. Hamas won Gaza’s election in 2006, but the blockade that Israel imposes means it is in charge. Egypt has sealed its border, but nothing and nobody can get in or out without Israeli permission. Meeting the needs of Gaza’s growing population, say relief agencies, is at the whim of Israel. About 300,000 Palestinians in the areas formally annexed in 1967 – East Jerusalem and surrounding villages – do not have full citizenship and equal rights. Last year, the Israeli NGO Yesh Din found that Israeli officials were culpable of the crime of apartheid in the West Bank. Such a finding can only be a tragedy for all, including this newspaper, who wish the state of Israel well.
B’Tselem argues that Palestinians are afforded various levels of rights depending on where they live, but always below Jewish people. The group says it is becoming impossible to insulate Israel from its prolonged occupation project, leading it to run an apartheid regime not just outside its sovereign territory but inside it. There are about 2 million Palestinian citizens of Israel, a minority under pressure not to antagonise the Jewish majority. Within Israel, discriminatory policies are not difficult to find. National security is invoked to justify often racist citizenship laws. Jewish-only communities have admission committees that can legally reject Palestinians on the grounds of “cultural incompatibility”. A web of land and planning laws squeeze Palestinians into a shrinking space. There are Israeli Arabs whose prominence in society belies the poverty of the majority.
Israel has a problem of historic discrimination. But under Benjamin Netanyahu’s government there has been the enactment of the nation state law that constitutionally enshrines Jewish supremacy and a plan to formally annex parts of the West Bank. Some prominent Jewish intellectuals, such as the writer Peter Beinart, have given up on the idea of a Jewish state. No government formed after the forthcoming election will support genuine Palestinian statehood or have a viable peace plan.
This begs B’Tselem’s heretical question: what if there is only, in reality, one regime between the Jordan River and the Mediterranean Sea, rather than one political power that controls the territory in which there are distinct regimes? A system of separate and unequal law and systemic discrimination against Palestinians has been justified because it was meant to be temporary. But decades have passed and the situation worsens. If this is a twilight for democracy and equality in the Holy Land, one can only hope that the night will be short.

Virus de Wuhan: Le SARS-CoV-2 a des capacités de mutation hors norme (Guess why the Chinese Army super virus designed in a French laboratory with US funds is so virulent ?)

24 juillet, 2021
COVID lab-leak theory: 'rare' genetic sequence doesn't mean the virus was engineeredCoronavirus : aux origines françaises du laboratoire P4 de Wuhan - Le Parisienhttps://img.buzzfeed.com/buzzfeed-static/static/2020-04/30/13/campaign_images/4409ddeddc8f/past-coronavirus-research-grants-are-being-used-t-2-450-1588254389-6_dblbig.jpg?resize=1200:*Le retour à la normale, c’est peut-être 2022, 2023, mais nous aurons probablement un autre variant qui arrivera dans le courant de l’hiver, car le SARS-CoV-2 a des capacités de mutation hors norme. (…) On aurait pu tout fermer ou tout rouvrir, ça n’aurait rien changé, à cause des particularités du virus Delta. Jean-François Delfraissy (président du Conseil scientifique)
Comme dans toute controverse en science, il faut identifier les points de consensus afin de pouvoir étudier les désaccords. Côté consensus, toute la communauté scientifique reconnaît qu’il existe des Sars coronavirus circulant chez les chauves-souris apparentés au Sars-CoV-2 : ces virus sont des cousins. On trouve une petite dizaine d’entre eux, mais ils sont tous trop distants, génétiquement, pour être le parent direct de l’épidémie. Ces virus circulent majoritairement dans la province du Yunnan, au sud de la Chine, mais également dans des régions limitrophes de la province du Yunnan colonisées par les mêmes espèces de chauves-souris. Il est également établi que l’émergence de cas de pneumonie sévère traduisant la flambée épidémique du virus ont d’abord été détectés dans la ville de Wuhan, début janvier 2020, dans la province du Hubei. Des premiers cas sont décrits en décembre de manière absolument claire et incontestable, ce qui suggère une origine d’épidémie un peu plus précoce – et donc les experts datent le début de l’épidémie entre début septembre et fin octobre 2019. Voilà pour les points d’accord. En revanche, les points de divergence portent sur la succession d’évènements qui ont permis à des virus de chauves-souris d’acquérir, d’une part, la capacité de reconnaître efficacement les récepteurs présents sur les cellules humaines, et d’autre part, la capacité de transmission interhumaine, donc d’homme à homme. On sait que ces deux étapes constituent un goulot d’étranglement important mais, lorsque qu’un virus passe ces barrières successives, il peut alors se propager largement dans les populations humaines, donc devenir éventuellement épidémique ou pandémique. Le débat porte sur les mécanismes ayant permis ce franchissement de la barrière des espèces. Certains l’expliquent par la thèse zoonotique que j’ai évoquée précédemment. Mais d’autres suggèrent que l’épidémie pourrait être liée à la collecte d’échantillons de ces coronavirus dans les grottes du Yunnan où ils circulent. En effet, plusieurs laboratoires chinois travaillaient sur ce virus, afin de comprendre les mécanismes moléculaires permettant à ces derniers des franchissements de la barrière des espèces pour devenir des pathogènes humains. D’où l’hypothèse d’un accident de laboratoire contaminant éventuellement des personnels… et donnant les premiers patients. Cette hypothèse est sous-tendue par plusieurs arguments : d’abord, cette ville concentre les plus gros centres d’étude des coronavirus dans le monde. Par ailleurs, il est paradoxal de voir émerger une épidémie dans une ville de onze millions d’habitants environ, dont les experts chinois sur les coronavirus affirmaient depuis des années que celle-ci, Wuhan, était typiquement une ville où ce type d’émergence zoonotique ne pourrait pas avoir lieu parce qu’il n’y a pas ces contacts indispensables entre espèces sauvages, espèces domestiques et l’homme. (…) [L’hypothèse de l’accident de laboratoire] est basée, entre autres, sur le fait que le virus le plus proche actuellement connu, donc le RaTG13, a été échantillonné par un laboratoire de virologie localisé dans la zone où les premiers cas de Sars-CoV-2 ont été détectés, et où des travaux sur ces coronavirus émergents sont conduits. Des projets de recherche importants visaient à comprendre le mécanisme de franchissement de barrières d’espèces, c’est-à-dire justement à collecter des virus chez les chauves-souris, récolter des échantillons de manière à séquencer ces virus, essayer de mettre en culture ces virus dans des cellules et essayer de comprendre comment ces virus sont potentiellement capables d’infecter des cellules d’autres mammifères, incluant des cellules humaines. (…) Quand on fait de la construction moléculaire, on part évidemment de séquences naturelles dans un premier temps. Une fois qu’on a construit l’existant, on peut éventuellement, modifier une partie du génome ou échanger des morceaux de génome d’un virus avec le génome d’un autre virus, donc faire ce qu’on appelle des chimères – ou virus recombinant – pour essayer de comprendre quelles sont les fonctions spécifiques de tel ou tel fragment de génome, ou comment tel ou tel morceau de génome confère ou ne confère pas la capacité à infecter d’autres types cellulaires. Chez les coronavirus, par exemple, il y a une protéine qui joue un rôle majeur dans le franchissement de la barrière des espèces, c’est la protéine Spike qui est à la surface de la particule virale et donne l’aspect en couronne des virus. Il se trouve que les laboratoires de virologie de Wuhan ont démontré, à partir de 2016, qu’il existe chez certaines chauves-souris des virus avec des protéines Spike potentiellement capables d’infecter directement des cellules humaines sans nécessiter pour autant de passer par des hôtes intermédiaires. C’est ce qui fait qu’aujourd’hui, quand on parle de zoonose, les deux possibilités sont explorées par les scientifiques : soit une infection directe de l’homme par des virus de chauve-souris, qui donnent naissance à l’épidémie, soit une zoonose qui est liée à un mécanisme de débordement via l’infection d’une espèce intermédiaire. (…) Bien sûr, c’est compliqué. De tels travaux ne sont pas à la portée de n’importe quel laboratoire. Cela réclame d’abord de travailler dans des conditions de sécurité suffisantes. Les recommandations européennes sur les coronavirus (Sars-CoV-1 & 2 et Mers-CoV) imposent de travailler en laboratoire de type L3. Mais les méthodologies de modification des génomes avancent à une vitesse tout à fait incroyable, ce qui fait que des expériences qui duraient des mois, il y a encore dix ans, sont réalisables aujourd’hui en moins d’un mois par les laboratoires qui ont l’expertise – d’ailleurs, les autorités chinoises ont publié les premières séquences du Sars-CoV-2 vers le 12 janvier 2020, et un mois plus tard, un laboratoire suisse avait reconstruit un Sars-CoV-2 rigoureusement identique, juste sur la base de ces séquences récupérées dans une base de donnée… (…) Il est crucial, de mon point de vue, de comprendre l’origine de cette pandémie, parce qu’il y a des décisions collectives et mondiales à prendre qui seront complètement différentes si l’origine est zoonotique ou accidentelle. S’il y a eu passage par tel ou tel hôte intermédiaire, il faudra prendre des mesures de surveillance chez les animaux potentiellement infectés, donc potentiellement vecteurs de ces virus, avec à la clef des abattages systématiques, comme c’est le cas régulièrement pour la grippe aviaire. Et s’il s’avère que c’est un accident dû à des manipulations, alors il faut mieux encadrer les conditions expérimentales dans lesquelles sont faites les expériences dont on vient de parler. Par ailleurs, quelle que soit l’origine du virus, avec l’avancée rapide des nouveaux outils de biologie moléculaires, il est peut-être urgent de réfléchir de manière collective aux expériences qu’il est nécessaire de faire dans les laboratoires et à celles qu’il ne faut pas faire parce qu’elles sont trop dangereuses. Est-il raisonnable de construire dans des laboratoires, des virus potentiellement pandémiques chez l’homme qui, au départ, n’existent pas naturellement ? Ce débat éthique existe depuis les années 2010-12, quand des équipes américaines et hollandaises ont cherché à construire des virus de la grippe, potentiellement pandémiques, et cette fois-ci à partir d’un virus qui n’était pas particulièrement adapté à la transmission par aérosol. Le bénéfice qu’on escomptait de ces expériences était-il si important qu’on pouvait s’affranchir du risque de sa diffusion ? Ou, est-ce que, éthiquement, ces travaux devaient être considérés comme trop dangereux et donc interdits ? Voilà ce qui a conduit les États-Unis à décréter à partir de 2014 un moratoire sur ce type d’expérience. Ces arbitrages sont complexes, et il est nécessaire d ’évaluer les risques et les bénéfices potentiels des expériences, afin de définir des limites sans stériliser la recherche. (…) Le cœur du débat est là : les scientifiques sont peu habitués aux limitations a priori de leur domaine de recherche, et encore moins à ce que la société civile scrute leurs travaux. Cette manière de faire change progressivement, car il y a de plus en plus de comités d’éthique – en tout cas, pour tout ce qui concerne le domaine d’expérimentation humain et, désormais, les expérimentations animales. Mais il y a d’autres domaines de la science qui devraient être considérés comme critiques du point de vue éthique, c’est-à-dire dans lesquels on renoncerait éventuellement à la conduite de certaines expériences, ou alors où l’on favoriserait des stratégies alternatives moins dangereuses. Les virus n’ont pas de passeports ! Et donc, la gestion des risques biologiques ne peut plus être envisagée uniquement au niveau national. Cette question doit se traiter de manière internationale, si l’on veut la traiter correctement. Regardez le moratoire américain que j’évoquais : l’une des conséquences de cette nouvelle politique a été l’arrêt des expériences sur les coronavirus par les grands laboratoires sur le territoire américain. Ce qui a conduit, à la place, à l’intensification de ces recherches dans les laboratoires de Wuhan, par exemple, avec des financements américains… notamment, entre autres, via la EcoHealth Alliance ! Paradoxalement, le moratoire américain, qui pourrait être jugé comme une décision limitant les risques biologiques, a donc peut-être eu des effets pervers, en favorisant le déploiement de recherche dans des pays ou le contrôle des risque biologiques est moindre… (…) via l’association que je viens de mentionner. Il y a eu financement d’abord des collectes de virus, pour essayer d’échantillonner davantage les virus présents chez les chauves-souris, entre autres dans le Sud asiatique, mais il y a également eu financement d’expériences visant à être en capacité de cultiver ces virus, en cellules et dans des modèles animaux, pour comprendre les mécanismes de transfert zoonotique et pour essayer concevoir des vaccins permettant de protéger des futures zoonoses. L’intention de telles recherches est donc de prévoir les nouveaux virus potentiellement pandémiques pour mieux s’en prémunir… Sauf que justement, les expériences réalisées comportent des risques potentiels. Quand on réfléchit aux problèmes de pandémies et aux études sur les virus émergents, on ne peut, je le répète, pas envisager la problématique du seul point de vue national ou même continental – il faut nécessairement une vision globale et mondiale. Dans son Destin des maladies infectieuses, le microbiologiste Charles Nicolle écrivait en 1933 que « la connaissance des maladies infectieuses enseigne aux hommes qu’ils sont frères et solidaires. Nous sommes frères parce que le même danger nous menace, solidaires parce que la contagion nous vient le plus souvent de nos semblables. » Cette analyse reste étonnamment d’actualité – et l’avenir ne manquera pas de nous rappeler cette vérité dans le contexte du déploiement des vaccins, avec les variants du Covid-19 qui se multiplient actuellement… Sans une stratégie globale et mondiale, on court après le virus avec des vaccinations éventuellement successives permettant de protéger une partie de la population, alors même que l’autre partie de la population, qui serait incorrectement vaccinée, constituerait finalement un réservoir de nouveaux variants. (…) Évidemment, la surpopulation mondiale a des conséquences… La pression sur les écosystèmes et la densification de la population aussi, avec pour répercussions l’augmentation des élevages d’animaux industriels, sources potentielles également de zoonose. On sait aussi que l’évolution des moyens de transport et de communication favorise la dissémination des épidémies, et nous avons vu la dissémination mondiale du Sars-CoV-2 en quelque mois. Donc l’ensemble de ces facteurs favorise l’intensification des zoonoses et la diffusion des maladies infectieuses nouvelles. On peut agir en régulant mieux les élevages industriels et les voyages internationaux. Mais il est également nécessaire d’interroger les pratiques de la biologie moléculaire moderne, qui nous permet de mieux lutter contres les maladies mais qui comporte, comme on vient de le voir, également des risques biologiques. On peut conclure à ce stade que même si l’origine de l’épidémie n’est pas encore élucidée – et même si l’identification risque de prendre du temps –, nous disposons déjà d’informations importantes sur des mécanismes potentiels d’émergence de pandémies. Il est par conséquent possible, dès aujourd’hui, de limiter ces risques en adaptant nos pratiques. Étienne Decroly

Devinez pourquoi le super virus de l’Armée chinoise conçu dans le laboratoire français de Wuhan et financé par les Américains est si virulent ?

Étienne Decroly : “Est-il raisonnable de construire en laboratoire des virus potentiellement pandémiques chez l’homme qui n’existent pas dans la nature ?”
Étienne Decroly, propos recueillis par Sven Ortoli
Philo mag
13 avril 2021

Pour le virologue spécialiste du VIH, directeur de recherche au CNRS et membre de la Société française de virologie Étienne Decroly, la question de l’origine du Covid-19 n’est pas résolue. Et la thèse de la transmission par les chauves-souris (ou par un hôte intermédiaire, tel que le désormais tristement fameux pangolin) souffre de plusieurs incohérences. Le virus se serait-il bel et bien échappé d’un laboratoire de Wuhan ? Entretien sur un mystère toujours non résolu.

L’Organisation mondiale de la santé a rendu son rapport sur l’origine de la pandémie. Qu’en pensez-vous ? Que dit ce rapport – et que ne dit-il pas ?

Étienne Decroly : C’est une bonne nouvelle qu’un premier rapport soit enfin disponible. En un an de pandémie, l’OMS a pu envoyer une équipe en Chine pour essayer de comprendre ce qui s’est passé et découvrir les origines du virus. 17 experts mandatés par l’OMS ont rejoint 17 experts chinois pour analyser les résultats de l’enquête chinoise. La commission conclut que le mystère reste entier… et suggère que l’origine zoonotique – c’est-à-dire liée à la transmission d’un virus existant dans des espèces animales à l’espèce humaine – est la plus probable. Le virus se serait transmis à l’espèce humaine soit à partir des chauves-souris, qui sont un réservoir important de ces virus, soit en passant par une espèce intermédiaire (chat, lapin, vison, pangolin, civette, etc.). Toutefois, il faut noter que l’échantillonnage massif réalisé par les autorités chinoises n’a pas permis de confirmer cette présomption, ce qui a conduit le directeur de l’OMS à rappeler que toutes les hypothèses restaient sur la table – incluant celle d’un accident de laboratoire – et à proposer de constituer une nouvelle commission dont le pouvoir d’enquête serait élargi. Le processus d’enquête doit donc se poursuivre.

Concernant l’espèce primordiale, on a immédiatement pensé aux chauves-souris ?

L’analyse des émergences précédentes de coronavirus a permis d’identifier les chauves-souris comme un réservoir jouant un rôle clé dans l’origine zoonotique des coronavirus. Dans la nature, des populations importantes de chauves-souris (dont il existe plus de 1 400 espèces) partagent les mêmes grottes, et différentes souches de coronavirus peuvent alors infecter simultanément le même animal, ce qui favorise les recombinaisons génétiques entre virus et décuple les possibilités d’évolution. Certaines souches ainsi générées sont parfois aptes à franchir la barrière des espèces et infectent d’autres espèces animales davantage au contact des population humaines. La transmission ultérieure aux humains est facilitée car ces « hôtes intermédiaires » sont d’une part génétiquement plus proche de l’homme, et d’autre part souvent des animaux d’élevage en contact direct avec les humains. Les virologistes sont capables de comprendre les mécanismes de transmission zoonotique par des analyses « phylogéniques » permettant de reconstruire l’arbre généalogique des virus. En comparant les séquences génomiques d’échantillons viraux de malades infectés par le Sars-CoV-2 [la dénomination officielle du Covid-19] au début de l’épidémie, on a observé un taux d’identité de 99,98 % entre les différents échantillons, ce qui signifiait que le virus avait récemment émergé chez l’humain. On a également constaté que ce génome était à 96 % identique à celui d’un virus de chauve-souris (RaTG13) collecté en 2013 à partir de fèces de l’animal et dont les séquences ne sont connues que depuis le mois de mars 2020. Le virus RaTG13, un cousin du Sars-CoV-2 (mais pas son parent direct) provient d’une mine de la province du Yunnan, où trois mineurs avaient succombé à une pneumonie sévère en 2012. Pour faire bref, le Sars-CoV-2 est génétiquement plus proche de souches virales qui ne se transmettaient jusqu’alors qu’entre chauves-souris. Il ne descend pas de souches humaines connues et n’a acquis que récemment la capacité de sortir de son réservoir animal naturel, donc, en l’occurrence, très probablement de la chauve-souris.

Alors pourquoi est-ce que le rapport n’écarte pas d’autres hypothèses ?

Le rapport évoque en mode mineur la possibilité d’une transmission via de la viande surgelée, infectée on ne sait trop comment, mais qui aurait l’avantage, vu de Chine, d’exonérer l’origine locale. Enfin, il considère l’hypothèse d’un accident de laboratoire comme très improbable. Toutefois, comme mentionné à l’instant, c’est le directeur général de l’OMS lui-même qui a pris le contrepied de la mission OMS-Chine, en déclarant à deux reprises que toutes les hypothèses restaient sur la table, y compris celle d’un virus échappé d’un labo.

Que traduit cette contradiction ?

Elle est le reflet d’une controverse géopolitique, bien sûr, mais également scientifique. Lorsque l’épidémie a émergé, la communauté scientifique a rapidement penché vers l’hypothèse d’une zoonose passant par un intermédiaire animal entre la chauve-souris et l’homme. D’abord, parce qu’aucune épidémie liée à une transmission directe de la chauve-souris à l’homme n’a jamais été démontrée. Ensuite, parce que l’histoire de l’interaction entre l’espèce humaine et les animaux témoigne de nombreux cas de transmissions de virus de certaines espèces animales vers l’espèce humaine en passant par des hôtes intermédiaires – à savoir, des animaux d’élevage ou des animaux sauvages en contact avec les populations. D’où l’hypothèse principale d’une transmission à l’humain via une espèce d’un hôte intermédiaire dans laquelle les virus peuvent évoluer puis être sélectionnés vers des formes susceptibles d’infecter des cellules humaines.

Comment fait-on pour identifier l’hôte et son espèce? 

Habituellement, on analyse les relations phylogénétiques entre le nouveau virus et ceux provenant d’espèces animales vivant dans les régions proches de l’émergence ; cette méthode a permis d’établir que la civette, une sorte de petit félin, a été l’hôte intermédiaire du Sars-CoV en 2002, et que le dromadaire a été celui du Mers-CoV dix ans plus tard en Arabie Saoudite. Il était donc logique de supposer des mécanismes similaires pour le Sars-CoV-2.

Alors, où se situe la controverse que vous évoquiez ?

Comme dans toute controverse en science, il faut identifier les points de consensus afin de pouvoir étudier les désaccords. Côté consensus, toute la communauté scientifique reconnaît qu’il existe des Sars coronavirus circulant chez les chauves-souris apparentés au Sars-CoV-2 : ces virus sont des cousins. On trouve une petite dizaine d’entre eux, mais ils sont tous trop distants, génétiquement, pour être le parent direct de l’épidémie. Ces virus circulent majoritairement dans la province du Yunnan, au sud de la Chine, mais également dans des régions limitrophes de la province du Yunnan colonisées par les mêmes espèces de chauves-souris. Il est également établi que l’émergence de cas de pneumonie sévère traduisant la flambée épidémique du virus ont d’abord été détectés dans la ville de Wuhan, début janvier 2020, dans la province du Hubei. Des premiers cas sont décrits en décembre de manière absolument claire et incontestable, ce qui suggère une origine d’épidémie un peu plus précoce – et donc les experts datent le début de l’épidémie entre début septembre et fin octobre 2019. Voilà pour les points d’accord. En revanche, les points de divergence portent sur la succession d’évènements qui ont permis à des virus de chauves-souris d’acquérir, d’une part, la capacité de reconnaître efficacement les récepteurs présents sur les cellules humaines, et d’autre part, la capacité de transmission interhumaine, donc d’homme à homme. On sait que ces deux étapes constituent un goulot d’étranglement important mais, lorsque qu’un virus passe ces barrières successives, il peut alors se propager largement dans les populations humaines, donc devenir éventuellement épidémique ou pandémique. Le débat porte sur les mécanismes ayant permis ce franchissement de la barrière des espèces. Certains l’expliquent par la thèse zoonotique que j’ai évoquée précédemment. Mais d’autres suggèrent que l’épidémie pourrait être liée à la collecte d’échantillons de ces coronavirus dans les grottes du Yunnan où ils circulent. En effet, plusieurs laboratoires chinois travaillaient sur ce virus, afin de comprendre les mécanismes moléculaires permettant à ces derniers des franchissements de la barrière des espèces pour devenir des pathogènes humains. D’où l’hypothèse d’un accident de laboratoire contaminant éventuellement des personnels… et donnant les premiers patients. Cette hypothèse est sous-tendue par plusieurs arguments : d’abord, cette ville concentre les plus gros centres d’étude des coronavirus dans le monde. Par ailleurs, il est paradoxal de voir émerger une épidémie dans une ville de onze millions d’habitants environ, dont les experts chinois sur les coronavirus affirmaient depuis des années que celle-ci, Wuhan, était typiquement une ville où ce type d’émergence zoonotique ne pourrait pas avoir lieu parce qu’il n’y a pas ces contacts indispensables entre espèces sauvages, espèces domestiques et l’homme.

Y compris sur les marchés ?

Le marché de Wuhan n’est pas un marché où l’on trouve beaucoup d’animaux sauvages. Mais au-delà de ce constat, on a comparé le sérum de personnes habitant à Wuhan avec d’autres dans la province du Yunnan, à 1 500 km de là, pour comparer la présence ou non d’anticorps capables de reconnaître des coronavirus tels que le Sars-CoV-1 [le « premier Sras », soit le syndrome respiratoire aigu sévère de 2002]. Ces études ont montré l’absence d’anticorps contre les Sars-CoV dans les sérums prélevés dans la région de Wuhan – alors que dans la province de Yunnan, on trouve selon les endroits entre 0,6% et 2,7% de sérums positifs. Cette observation indique qu’il y a des franchissements réguliers de la barrière d’espèce dans la province de Yunnan, mais pas à Wuhan. C’est d’ailleurs logique, puisque le Yunnan est une région agricole où les populations sont au contact des animaux sauvages et des chauves-souris. Et pour autant, ces franchissements réguliers de la barrière des espèces ne donnent pas lieu à des épidémies, probablement parce que ces virus ne sont pas adaptés à la transmission interhumaine : c’est le goulot d’étranglement que j’évoquais précédemment. D’où le mystère de cette naissance de l’épidémie à Wuhan puisque, primo, il n’y a pas de chauve-souris porteuses de coronavirus à Wuhan, et secundo, on ne trouve pas l’animal intermédiaire.

Et le pangolin, alors ?

Il est vrai que la découverte dans le génome de coronavirus infectant des pangolins d’une courte séquence génétique apparentée à celle qui permet au Sars-CoV-2 de reconnaître spécifiquement le récepteur ACE2 [l’enzyme de conversion de l’angiotensine 2] afin pénétrer les cellules humaines (mécanisme dit de clé-serrure), a un temps fait penser qu’on tenait un possible hôte intermédiaire… mais le restant de son génome est trop distant du Sars-CoV-2 pour être un ancêtre direct. En effet, le taux d’identité entre les séquences de Sars-CoV-2 et celles issues du pangolin n’atteint que 90,3 %, ce qui est très inférieur aux taux habituellement observés entre les souches infectant l’humain et celles infectant l’hôte intermédiaire. En d’autres termes, le virus parental de l’épidémie pourrait être une sorte de chimère entre le virus de pangolin et les virus proches du RaTG13 présent dans les provinces du sud de la chine. Mais ces virus n’ont pas été identifiés à ce jour. Par ailleurs, il y a des inconsistances géographiques : les échantillons viraux de chauves-souris ont été recueillis dans le Yunnan, à près de 1 500 km de Wuhan, où a éclaté la pandémie, donc. Et des inconsistances écologiques : chauves-souris et pangolins évoluent dans des écosystèmes différents. Et l’on se demande bien à quelle occasion leurs virus auraient pu se recombiner.

Exit le pangolin, donc. D’autres espèces pourraient-elles donc constituer le chaînon manquant ? 

En tout cas, on ne l’a pas identifiée jusqu’ici, malgré un échantillonnage assez important ! Pour vous donner une idée, le rapport de l’OMS évoque environ 80 000 prélèvements faits entre octobre 2019 et février 2020. Sur l’ensemble de ces prélèvements, aucun n’a été positif au Sars-CoV-2. Ce qui, évidemment, questionne l’hypothèse de l’origine zoonotique, parce qu’on s’attendrait à trouver quelques échantillons positifs au Sars-CoV-2 et soutenant cette hypothèse. Or pour l’instant, ce n’est pas le cas. L’absence de preuve n’est pas une preuve, mais cela invite à regarder avec plus d’attention d’autres hypothèses qui, au départ, étaient considérées comme moins favorables.

Dont le passage par de la viande congelée ?

En effet, il y a cette hypothèse dans le rapport de la Commission OMS-Chine, mais il y a peu d’arguments scientifiques « raisonnables » qui la soutiennent, dans la mesure où, à ma connaissance, il n’y a pas d’épidémie documentée de CoV passant par de la viande congelée. Disons qu’elle permet d’expliquer l’énigme d’une épidémie dans une ville de onze millions d’habitants dans laquelle les animaux infectés potentiellement ne sont pas particulièrement présents… Cela suggère que le virus a été « gelé » à un endroit, éventuellement en dehors de la Chine, avant d’être transporté jusqu’à Wuhan. Cette hypothèse est toutefois étayée par le fait qu’au moment où le CoV-2 circulait très largement dans la population humaine en 2020, des traces de CoV-2 ont été retrouvées sur des emballages de viande congelée… C’est une hypothèse politiquement satisfaisante, vue de Chine, mais scientifiquement, nous manquons d’éléments probants.

Reste l’hypothèse d’un accident ?

Cette hypothèse est basée, entre autres, sur le fait que le virus le plus proche actuellement connu, donc le RaTG13, a été échantillonné par un laboratoire de virologie localisé dans la zone où les premiers cas de Sars-CoV-2 ont été détectés, et où des travaux sur ces coronavirus émergents sont conduits. Des projets de recherche importants visaient à comprendre le mécanisme de franchissement de barrières d’espèces, c’est-à-dire justement à collecter des virus chez les chauves-souris, récolter des échantillons de manière à séquencer ces virus, essayer de mettre en culture ces virus dans des cellules et essayer de comprendre comment ces virus sont potentiellement capables d’infecter des cellules d’autres mammifères, incluant des cellules humaines.

On peut en quelque sorte, passez-moi l’expression, bâtir un virus de toutes pièces ?

Quand on fait de la construction moléculaire, on part évidemment de séquences naturelles dans un premier temps. Une fois qu’on a construit l’existant, on peut éventuellement, modifier une partie du génome ou échanger des morceaux de génome d’un virus avec le génome d’un autre virus, donc faire ce qu’on appelle des chimères – ou virus recombinant – pour essayer de comprendre quelles sont les fonctions spécifiques de tel ou tel fragment de génome, ou comment tel ou tel morceau de génome confère ou ne confère pas la capacité à infecter d’autres types cellulaires. Chez les coronavirus, par exemple, il y a une protéine qui joue un rôle majeur dans le franchissement de la barrière des espèces, c’est la protéine Spike qui est à la surface de la particule virale et donne l’aspect en couronne des virus. Il se trouve que les laboratoires de virologie de Wuhan ont démontré, à partir de 2016, qu’il existe chez certaines chauves-souris des virus avec des protéines Spike potentiellement capables d’infecter directement des cellules humaines sans nécessiter pour autant de passer par des hôtes intermédiaires. C’est ce qui fait qu’aujourd’hui, quand on parle de zoonose, les deux possibilités sont explorées par les scientifiques : soit une infection directe de l’homme par des virus de chauve-souris, qui donnent naissance à l’épidémie, soit une zoonose qui est liée à un mécanisme de débordement via l’infection d’une espèce intermédiaire.

C’est compliqué, en labo, de transformer un virus pour qu’il puisse franchir des barrières ?

Oui, bien sûr, c’est compliqué. De tels travaux ne sont pas à la portée de n’importe quel laboratoire. Cela réclame d’abord de travailler dans des conditions de sécurité suffisantes. Les recommandations européennes sur les coronavirus (Sars-CoV-1 & 2 et Mers-CoV) imposent de travailler en laboratoire de type L3. Mais les méthodologies de modification des génomes avancent à une vitesse tout à fait incroyable, ce qui fait que des expériences qui duraient des mois, il y a encore dix ans, sont réalisables aujourd’hui en moins d’un mois par les laboratoires qui ont l’expertise – d’ailleurs, les autorités chinoises ont publié les premières séquences du Sars-CoV-2 vers le 12 janvier 2020, et un mois plus tard, un laboratoire suisse avait reconstruit un Sars-CoV-2 rigoureusement identique, juste sur la base de ces séquences récupérées dans une base de donnée…

Est-ce si important de déterminer l’origine du virus ?

Il est crucial, de mon point de vue, de comprendre l’origine de cette pandémie, parce qu’il y a des décisions collectives et mondiales à prendre qui seront complètement différentes si l’origine est zoonotique ou accidentelle. S’il y a eu passage par tel ou tel hôte intermédiaire, il faudra prendre des mesures de surveillance chez les animaux potentiellement infectés, donc potentiellement vecteurs de ces virus, avec à la clef des abattages systématiques, comme c’est le cas régulièrement pour la grippe aviaire. Et s’il s’avère que c’est un accident dû à des manipulations, alors il faut mieux encadrer les conditions expérimentales dans lesquelles sont faites les expériences dont on vient de parler. Par ailleurs, quelle que soit l’origine du virus, avec l’avancée rapide des nouveaux outils de biologie moléculaires, il est peut-être urgent de réfléchir de manière collective aux expériences qu’il est nécessaire de faire dans les laboratoires et à celles qu’il ne faut pas faire parce qu’elles sont trop dangereuses. Est-il raisonnable de construire dans des laboratoires, des virus potentiellement pandémiques chez l’homme qui, au départ, n’existent pas naturellement ? Ce débat éthique existe depuis les années 2010-12, quand des équipes américaines et hollandaises ont cherché à construire des virus de la grippe, potentiellement pandémiques, et cette fois-ci à partir d’un virus qui n’était pas particulièrement adapté à la transmission par aérosol. Le bénéfice qu’on escomptait de ces expériences était-il si important qu’on pouvait s’affranchir du risque de sa diffusion ? Ou, est-ce que, éthiquement, ces travaux devaient être considérés comme trop dangereux et donc interdits ? Voilà ce qui a conduit les États-Unis à décréter à partir de 2014 un moratoire sur ce type d’expérience. Ces arbitrages sont complexes, et il est nécessaire d ’évaluer les risques et les bénéfices potentiels des expériences, afin de définir des limites sans stériliser la recherche.

D’où la nécessité d’une autorité transnationale ?

Le cœur du débat est là : les scientifiques sont peu habitués aux limitations a priori de leur domaine de recherche, et encore moins à ce que la société civile scrute leurs travaux. Cette manière de faire change progressivement, car il y a de plus en plus de comités d’éthique – en tout cas, pour tout ce qui concerne le domaine d’expérimentation humain et, désormais, les expérimentations animales. Mais il y a d’autres domaines de la science qui devraient être considérés comme critiques du point de vue éthique, c’est-à-dire dans lesquels on renoncerait éventuellement à la conduite de certaines expériences, ou alors où l’on favoriserait des stratégies alternatives moins dangereuses. Les virus n’ont pas de passeports ! Et donc, la gestion des risques biologiques ne peut plus être envisagée uniquement au niveau national. Cette question doit se traiter de manière internationale, si l’on veut la traiter correctement. Regardez le moratoire américain que j’évoquais : l’une des conséquences de cette nouvelle politique a été l’arrêt des expériences sur les coronavirus par les grands laboratoires sur le territoire américain. Ce qui a conduit, à la place, à l’intensification de ces recherches dans les laboratoires de Wuhan, par exemple, avec des financements américains… notamment, entre autres, via la EcoHealth Alliance ! Paradoxalement, le moratoire américain, qui pourrait être jugé comme une décision limitant les risques biologiques, a donc peut-être eu des effets pervers, en favorisant le déploiement de recherche dans des pays ou le contrôle des risque biologiques est moindre…

Les recherches dans les laboratoires de Wuhan étaient soutenues par des fonds américains ?

Oui, via l’association que je viens de mentionner. Il y a eu financement d’abord des collectes de virus, pour essayer d’échantillonner davantage les virus présents chez les chauves-souris, entre autres dans le Sud asiatique, mais il y a également eu financement d’expériences visant à être en capacité de cultiver ces virus, en cellules et dans des modèles animaux, pour comprendre les mécanismes de transfert zoonotique et pour essayer concevoir des vaccins permettant de protéger des futures zoonoses. L’intention de telles recherches est donc de prévoir les nouveaux virus potentiellement pandémiques pour mieux s’en prémunir… Sauf que justement, les expériences réalisées comportent des risques potentiels. Quand on réfléchit aux problèmes de pandémies et aux études sur les virus émergents, on ne peut, je le répète, pas envisager la problématique du seul point de vue national ou même continental – il faut nécessairement une vision globale et mondiale. Dans son Destin des maladies infectieuses, le microbiologiste Charles Nicolle écrivait en 1933 que « la connaissance des maladies infectieuses enseigne aux hommes qu’ils sont frères et solidaires. Nous sommes frères parce que le même danger nous menace, solidaires parce que la contagion nous vient le plus souvent de nos semblables. » Cette analyse reste étonnamment d’actualité – et l’avenir ne manquera pas de nous rappeler cette vérité dans le contexte du déploiement des vaccins, avec les variants du Covid-19 qui se multiplient actuellement… Sans une stratégie globale et mondiale, on court après le virus avec des vaccinations éventuellement successives permettant de protéger une partie de la populatio, alors même que l’autre partie de la population, qui serait incorrectement vaccinée, constituerait finalement un réservoir de nouveaux variants.

Et d’ailleurs – cataloguez-vous le virus dans le règne du vivant ?

C’est, effectivement, aussi un débat scientifique actuel, et la réponse à la question dépend de la définition du vivant. Personnellement, je considère les virus comme vivants, parce qu’ils font partie de l’ensemble des processus biologiques qui sont soumis aux contraintes évolutives de la sélection naturelle. Et donc, ils sont capables d’évoluer sous contrainte.

Quand vous pensez aux dix, vingt ans à venir, comment imaginez-vous la coexistence avec les virus ?

L’espèce humaine a toujours coexisté avec des zoonoses et avec des pathogènes, et nous allons continuer à coexister. Cela fait partie des grands équilibres. Évidemment, la surpopulation mondiale a des conséquences… La pression sur les écosystèmes et la densification de la population aussi, avec pour répercussions l’augmentation des élevages d’animaux industriels, sources potentielles également de zoonose. On sait aussi que l’évolution des moyens de transport et de communication favorise la dissémination des épidémies, et nous avons vu la dissémination mondiale du Sars-CoV-2 en quelque mois. Donc l’ensemble de ces facteurs favorise l’intensification des zoonoses et la diffusion des maladies infectieuses nouvelles. On peut agir en régulant mieux les élevages industriels et les voyages internationaux. Mais il est également nécessaire d’interroger les pratiques de la biologie moléculaire moderne, qui nous permet de mieux lutter contres les maladies mais qui comporte, comme on vient de le voir, également des risques biologiques. On peut conclure à ce stade que même si l’origine de l’épidémie n’est pas encore élucidée – et même si l’identification risque de prendre du temps –, nous disposons déjà d’informations importantes sur des mécanismes potentiels d’émergence de pandémies. Il est par conséquent possible, dès aujourd’hui, de limiter ces risques en adaptant nos pratiques.


Nouvelle agression du Hamas: A Paris et à New York comme à Gaza, la désinformation vaincra (My hobby is throwing stones: looking back at the New York Times’ romanticization of Palestinian rock throwing as a rite of passage and an honored act of defiance)

28 Mai, 2021

Opinion | Black Voters Are Coming for Trump - The New York TimesThe Embarrassment of Democrats Wearing Kente-Cloth Stoles | The New YorkerPressley condemns Gaza bombardmentRashida Imágenes en stock o editoriales y fotos en stock | ShutterstockBiden's old playbook won't end Israeli-Palestinian violence – Ya Libnan

Ces femmes qui s’avancent, en tenant au bout de leurs bras, ces enfants qui lancent, des pierres vers les soldats, c’est perdu d’avance, les cailloux sur des casques lourds, tout ça pour des billets retour, d’amour, d’amour, d’amour, d’amour… Francis Cabrel (« Tout le monde y pense », 1989)
Alors, pour m’sentir appartenir A un peuple, à une patrie J’porte autour de mon cou sur mon cuir Le keffieh noir et blanc et gris Je m’suis inventé des frangins Des amis qui crèvent aussi. Renaud (1983)
Monsieur Dubois demanda à Madame Nozière quel était le jour le plus funeste de l’Histoire de France. Madame Nozière ne le savait pas. C’est, lui dit Monsieur Dubois, le jour de la bataille de Poitiers, quand, en 732, la science, l’art et la civilisation arabes reculèrent devant la barbarie franque. Anatole France (1922)
Si à Poitiers Charles Martel avait été battu, le monde aurait changé de face. Puisque le monde était déjà condamné à l’influence judaïque (et son sous-produit le christianisme est une chose si insipide !), il aurait mieux valu que l’islam triomphe. Cette religion récompense l’héroïsme, promet au guerrier les joies du septième ciel… Animé d’un esprit semblable, les Germains auraient conquis le monde. Ils en ont été empêchés par le christianisme. Hitler (1942)
Nous ne savons pas si Hitler est sur le point de fonder un nouvel islam. Il est d’ores et déjà sur la voie; il ressemble à Mahomet. L’émotion en Allemagne est islamique, guerrière et islamique. Ils sont tous ivres d’un dieu farouche. Jung (1939)
Mein Kamp (…) Tel était le nouveau Coran de la foi et de la guerre: emphatique, fastidieux, sans forme, mais empli de son propre message. Churchill
Les organisations humanitaires et une partie de la gauche occidentale, l’extrême gauche surtout, souffrent d’un complexe post-colonial. Les anciens colonisés sont perçus comme des victimes absolues, pour les uns, comme la force motrice de l’histoire, pour les autres. Ils jouissent d’un droit intangible à la bienveillance morale et au soutien politique, quoi qu’ils disent et quoi qu’ils fassent. Le fanatisme est permis, pourvu qu’il soit tiers-mondiste. La discrimination est justifiée, à condition qu’elle soit pratiquée dans un pays d’Afrique ou d’Asie. Le massacre est excusable, quand il est commis par des États non-européens. On a déjà assisté à cette même veulerie face aux haines, à cette même incapacité à voir le Mal, dans d’autres contextes historiques. Qu’on se souvienne de la complaisance des communistes européens, et notamment français, face à la terreur stalinienne et au goulag. Qu’on se souvienne aussi de l’indulgence de la gauche pacifiste française face à l’Allemagne nazie des années 1930. L’Allemagne était perçue comme victime du militarisme français et du traité de Versailles… Sous l’Occupation, de nombreux collaborateurs enthousiastes, et de très haut rang, proviendront de cette gauche pacifiste et humanitaire. La politique d’apaisement vis-à-vis de l’Iran d’Ahmadinejad est fondée sur la même incompréhension que celle qui fut menée face à Hitler à la fin des années 1930, par l’Angleterre et la France. Ce prétendu réalisme, au nom duquel il faut faire des concessions et pratiquer l’ouverture, procède certes d’un réflexe très humain. Mais il témoigne d’une méconnaissance profonde de l’adversaire. On est en face, dans les deux cas, d’une machine de guerre très habile et très bien organisée, qui connaît et qui exploite fort bien les faiblesses de l’Occident démocratique. (…) Il est des carnavals de rage et d’absurdité auxquels un pays démocratique se doit de rester étranger. Samuel Epstein
Si le Reich allemand s’impose comme protecteur de tous ceux dont le sang allemand coule dans les veines, et bien la foi musulmane impose à chaque Musulman de se considérer comme protecteur de toute personne ayant été imprégnée de l’apprentissage coranique. Hassan el Banna (fondateur des Frères musulmans et grand-père de Tariq et Hani Ramadan)
Depuis les premiers jours de l’islam, le monde musulman a toujours dû affronter des problèmes issus de complots juifs. (…) Leurs intrigues ont continué jusqu’à aujourd’hui et ils continuent à en ourdir de nouvelles. Sayd Qutb (membre des Frères musulmans, Notre combat contre les Juifs)
La libération de la Palestine a pour but de “purifier” le pays de toute présence sioniste. (…) Le partage de la Palestine en 1947 et la création de l’État d’Israël sont des événements nuls et non avenus. (…) La Charte ne peut être amendée que par une majorité des deux tiers de tous les membres du Conseil national de l’Organisation de libération de la Palestine réunis en session extraordinaire convoquée à cet effet. Charte de l’OLP (articles 15, 19 et 33, 1964)
Je mentirais si je vous disais que je vais l’abroger. Personne ne peut le faire. Yasser Arafat (Harvard, octobre 1995)
Nous devons combattre le Mal à sa source, et la principale racine du Mal c’est l’Amérique. (…) L’imam Khomeyni, notre chef, a assuré à maintes reprises que l’Amérique est la source de tous nos maux et qu’elle est la mère des intrigues. (…) Les enfants de la nation du Hezbollah au Liban sont en confrontation avec [leurs ennemis] afin d’atteindre les objectifs suivants : un retrait israélien définitif du Liban comme premier pas vers la destruction totale d’Israël et la libération de la Sainte Jérusalem de la souillure de l’occupation … Charte du Hezbollah (1985)
Les enfants de la nation du Hezbollah au Liban sont en confrontation avec [leurs ennemis] afin d’atteindre les objectifs suivants : un retrait israélien définitif du Liban comme premier pas vers la destruction totale d’Israël et la libération de la Sainte Jérusalem de la souillure de l’occupation … Charte du Hezbollah (1985)
Israël existe et continuera à exister jusqu’à ce que l’islam l’abroge comme il a abrogé ce qui l’a précédé.  (…) Le Mouvement de la Résistance Islamique est un mouvement palestinien honorable qui fait allégeance à Allah et à sa voie, l’islam. Il lutte pour hisser la bannière de l’islam sur chaque pouce de la Palestine. (…) Avec leur argent, ils ont mis la main sur les médias du monde entier : presse, maisons d’édition, stations de radio etc… Avec leur argent, ils ont soulevé des révolutions dans plusieurs parties du monde afin de servir leurs intérêts et réaliser leur objectif. Ils sont derrière la Révolution Française, la Révolution Communiste et toutes les révolutions dont nous avons entendu parler. (…) Il n’existe aucune guerre dans n’importe quelle partie du monde dont ils ne soient les instigateurs. Charte du Hamas (préambule, articles 6 et 22, 1988)
Obama (in whose administration I served) had in mind the United States’ extrication from what he considered the broader Middle Eastern quagmire (…) But Obama was a gradualist; he was persuaded that the United States could neither abruptly nor radically shift gears and imperil regional relationships that had been decades in the making. As he once put it to some of us working in the White House, conducting U.S. policy was akin to steering a large vessel: a course correction of a few degrees might not seem like much in the moment, but over time, the destination would differ drastically. What he did, he did in moderation. (…) In a sense, his administration was an experiment that got suspended halfway through. At least when it came to his approach to the Middle East, Obama’s presidency was premised on the belief that someone else would pick up where he left off. It was premised on his being succeeded by someone like him, maybe a Hillary Clinton, but certainly not a Donald Trump. Robert Malley (Nov. 2019)
A better approach requires clarity about U.S. interests and a plan for securing them, changing the United States’ role in a regional order it helped create without leaving behind yet more chaos, suffering, and insecurity. (…) A better strategy would be simultaneously less ambitious and more ambitious than traditional U.S. statecraft in the Middle East: less ambitious in terms of the military ends the United States seeks and in its efforts to remake nations from within, but more ambitious in using U.S. leverage and diplomacy to press for a de-escalation in tensions and eventually a new modus vivendi among the key regional actors. The United States has repeatedly tried using military means to produce unachievable outcomes in the Middle East. Now it’s time to try using aggressive diplomacy to produce more sustainable results. Daniel Benaim and Jake Sullivan (May 22, 2020)
On Sunday, National Security Adviser Jake Sullivan phoned his Israeli counterpart and turned back the hands of time. (…) Sullivan called “to express the United States’ serious concerns” about (…) the pending eviction, by court order, of a number of Palestinian families from their homes in the Sheikh Jarrah neighborhood of Jerusalem, and the weekend’s violent clashes on the Temple Mount between Israeli police and Palestinian rioters. (…) just as Hamas was sending rockets and incendiary devices into Israel with the same message (…) This (…) marked a clear return to the approach of President Barack Obama. (…) In a revealing Foreign Affairs article, written in 2019, Malley expressed regret that Obama failed to arrive at more such accommodations. The direction of Obama’s policy was praiseworthy (…) but his “moderation” was the enemy of his project. Being “a gradualist,” he presided over “an experiment that got suspended halfway through.” Malley, the article leads one to assume, is now advising Biden to go all the way—and fast. (…) The president’s “ultimate goal,” Malley wrote, was “to help the [Middle East] find a more stable balance of power that would make it less dependent on direct U.S. interference or protection.” (…) a roundabout way of saying that Obama dreamed of a new Middle Eastern order—one that relies more on partnership with Iran. (…) Obama, it seems clear, felt his project would advance best with stealth and misdirection, not aggressive salesmanship. Biden, while keeping Obama’s second-term foreign policy team nearly intact, is using the same playbook. He and his aides recognize that confusion about the “ultimate goal” makes achieving it easier. (…) The deceptions surrounding the JCPOA have a clear purpose: to make the administration appear supportive of containment when, in fact, it is ending it. (…) The presentation of the JCPOA as a narrow arms control agreement is the most important of these tactics, but two others are particularly noteworthy. The first is the bear hug: a squeeze that can be presented to the outside world as a gesture of love, but which immobilizes its recipient. (…) But if Iron Dome was the seemingly loving aspect of the bear hug, the immobilizing part was the strong discouragement of Israeli military and intelligence operations against Iran’s nuclear program and its regional military network. (…) The bear hug is also a tool for gaslighting critics who accurately claim that the Realignment guts the policy of containment. (…) The second tactic is the values feint. When Washington tilts toward Iran, it disguises its true motivations with pronouncements of high-minded humanitarianism—ceasing to be a superpower and instead becoming a Florence Nightingale among the nations, decrying human suffering (…) Domestic politics partially explains the hold that this empty theory exercises over otherwise bright minds. (…) Biden won the electoral college by only 45,000 votes spread over three states—a razor thin margin. (…) The political heft of the Realignment derives not just from Obama’s personal support but also from the support of progressives whose cosmology it affirms. It equates a policy of containing Iran with a path to endless war, and transforms a policy of accommodating Iran into the path to peace. It reduces the complexities of the Middle East to a Manichean morality tale that pits the progressives against their mythological foes—Evangelical Christians, “neoconservatives,” and Zionists. The Realignment depicts these foes as co-conspirators with Saudi Crown Prince Mohammed bin Salman and Israeli Prime Minister Benjamin Netanyahu, plotting to keep America mired in the Middle East. (…) The same (…) toward Trump’s “maximum pressure” campaign, which it derides as reckless, incoherent, and ineffective. On Trump’s watch, the Iranian economy suffered catastrophic losses. Not only did anti-regime demonstrations break out in every major Iranian city in 2019, but corresponding protests erupted in Iraq, aimed directly or indirectly at Iran’s proxies there. (…) Trump ended the fiction, which had greatly benefited Iran, that its proxies were independent actors rather than direct arms of the IRGC (…) culminated in the killing of Qassem Soleimani, the head of the IRGC’s Quds Force and the second most powerful man in Iran. Meanwhile, (…) By penetrating Iran’s defenses, Israel—with the support of the Trump administration—shredded Obama’s major justification for the JCPOA by demonstrating that the United States can manage the Iran challenge, including its nuclear dimension, with a relatively light American military commitment. (…) “Maximum pressure” (…) a form of collective security (…) encouraged closer cooperation between American allies, and therefore played a major role in the Abraham Accords [with countries] close to Saudi Arabia. (…) the most powerful Arab country and, thanks to its guardianship of Mecca and Medina, one of the most influential countries in the entire Muslim world. (…) Yet the Biden administration has forbidden its officials from even using the term “Abraham Accords,” which, under the influence of the Realignment, it abhors. (…) [because] It refutes the dogma preached by the Obama administration that peace between Israel and the Arab world must begin with a Palestinian-Israeli agreement. More importantly, the accords are also a threat to the Realignment itself.(…) When Biden took office, he faced a fork in the road. On one path stood a multilateral alliance designed to contain Iran. It had a proven track record of success and plans of even better things to come, as the recent act of sabotage at Natanz demonstrated. (…) On the other path stood the Islamic Republic, hated by its own people and, indeed, by most people in the Middle East. It offered nothing but the same vile message it had always espoused. (…) Biden chose Iran, fracturing the U.S. alliance system and setting back the cause of peace. His choice also delivered a victory to China and Russia, who are working with Iran, each in its own way, toward America’s undoing. In a perverse effort to liberate itself from its allies, the United States is soiling its own nest. Michael Doran and Tony Badran
Israël a le droit de se défendre. » sont les mots que nous entendons des gouvernements démocrates et républicains chaque fois que le gouvernement israélien, avec son énorme puissance militaire, réagit aux tirs de roquette de Gaza. Soyons clairs. Personne ne soutient qu’Israël, ou aucun gouvernement, n’a pas le droit de se défendre ou de protéger son peuple. Alors pourquoi ces mots se répètent-ils année après année, guerre après guerre ? Et pourquoi la question n’est-elle presque jamais posée : ′′ Quels sont les droits du peuple palestinien ? ′′Et pourquoi semblons-nous prendre note de la violence en Israël et en Palestine uniquement lorsque des roquettes tombent sur Israël ? (…) même si le Hamas tire des roquettes sur les communautés israéliennes est absolument inacceptable, le conflit d’aujourd’hui n’a pas commencé avec ces roquettes. Les familles palestiniennes dans le quartier de Jérusalem de Sheikh Jarrah vivent sous la menace d’expulsion depuis de nombreuses années, naviguant dans un système juridique conçu pour faciliter leur déplacement forcé. Et au cours des dernières semaines, les colons extrémistes ont intensifié leurs efforts pour les expulser. Et, tragiquement, ces expulsions ne sont qu’une partie d’un système plus large d’oppression politique et économique. Depuis des années, nous avons assisté à une aggravation de l’occupation israélienne en Cisjordanie et à Jérusalem-Est et à un blocus continu sur Gaza qui rend la vie de plus en plus intolérable À Gaza, qui compte environ deux millions d’habitants, 70 % des jeunes sont au chômage et n’ont guère d’espoir pour l’avenir. En outre, nous avons vu le gouvernement de Benjamin Netanyahu travailler à marginaliser et diaboliser les citoyens palestiniens d’Israël, à mener des politiques de colonisation conçues pour exclure la possibilité d’une solution à deux États et adopter des lois qui engendrent les inégalités systémiques entre les citoyens juifs et palestiniens israéliens. (…) Israël reste la seule autorité souveraine au pays d’Israël et de Palestine, et plutôt que de se préparer à la paix et à la justice, il a enraciné son contrôle inégal et antidémocratique. Plus d’une décennie de sa règle de droite en Israël, M. Netanyahu a cultivé un nationalisme raciste de plus en plus intolérant et autoritaire. Dans son effort effréné pour rester au pouvoir et éviter les poursuites judiciaires pour corruption, M. Netanyahu a légitimé ces forces, dont Itamar Ben Gvir et son parti extrémiste du pouvoir juif, en les faisant entrer dans le gouvernement. C’est choquant et attristant que les mensonges racistes qui attaquent les Palestiniens dans les rues de Jérusalem soient maintenant représentés à la Knesset. Ces tendances dangereuses ne sont pas propres à Israël. Partout dans le monde, en Europe, en Asie, en Amérique du Sud et ici aux États-Unis, nous avons vu la montée de mouvements nationalistes autoritaires similaires. Ces mouvements exploitent la haine ethnique et raciale pour construire le pouvoir pour une minorité de corrompus plutôt que la prospérité, la justice et la paix pour le plus grand nombre. Ces quatre dernières années, ces mouvements avaient un ami à la Maison Blanche. En même temps, nous assistons à la montée d’une nouvelle génération d’activistes qui veulent construire des sociétés basées sur les besoins humains et l’égalité politique. Nous avons vu ces militants dans les rues américaines l’été dernier à la suite du meurtre de George Floyd. Nous les voyons en Israël. Nous les voyons dans les territoires palestiniens. Avec un nouveau président, les États-Unis ont maintenant la possibilité de développer une nouvelle approche du monde – fondée sur la justice et la démocratie. (…) Au Moyen-Orient, où nous fournissons une aide de près de 4 milliards de dollars par an à Israël, nous ne pouvons plus être des apologistes du gouvernement de droite de Netanyahu et son comportement antidémocratique et raciste. Nous devons changer de cap et adopter une approche impartiale, une approche qui respecte et renforce le droit international concernant la protection des civils, ainsi que la législation américaine actuelle en vigueur, selon laquelle la fourniture d’aide militaire américaine ne doit pas permettre de respecter les droits de l’homme. Cette approche doit reconnaître qu’Israël a le droit absolu de vivre dans la paix et la sécurité, tout comme les Palestiniens.(…) Nous devons reconnaître que les droits palestiniens sont importants. Les vies palestiniennes comptent. Bernie Sanders
Le combat pour la vie des noirs et le combat pour la libération palestinienne sont interconnectés. Nous nous opposons à ce que notre argent serve à financer la police militarisée, l’occupation et les systèmes d’oppression violente et de traumatisme. Nous sommes contre la guerre, nous sommes contre l’occupation et nous sommes contre l’apartheid. Un point, c’est tout. Congresswoman Cori Bush (Dem., Cal., May 12 2021)
Ce qu’ils font aux Palestiniens, c’est ce qu’ils font à nos frères et sœurs noirs ici. Rep. Rashida Tlaib (Dem., Mich., May 13 2021)
>Nous devons avoir le même niveau de responsabilité et de justice pour toutes les victimes de crimes contre l’humanité. Nous avons vu des atrocités impensables commises par les États-Unis, le Hamas, Israël, l’Afghanistan et les talibans. J’ai demandé à @SecBlinken où les gens sont censés aller pour demander justice. Rep. Alexandria Ocasio-Cortez (Dem., NY, May 13, 2021)
Nous apprécions les positions de Mme Ilhan Omar dans la défense de la justice et des droits des opprimés dans le monde, au premier rang desquels se trouvent les justes droits de notre peuple palestinien, mais nous déplorons cette combinaison injuste qui est contraire à la justice et au droit international. Dr. Basem Naim (Bureau des relations internationales du Hamas)
I rise today to recognize the deep trauma and loss of life perpetuated by systems of oppression here in the United States and globally. Many times I have stood at this dais and affirmed that our destinies are tied. That was clear when protestors took to the streets in the face of police murders, seeking to build a nation where Black Lives Matter. That was clear when our democracy and our lives were put at risk by violent white supremacists who shattered glass and broke doors, while wearing anti-Semitic phrases on their chest, carrying the confederate flag, erecting a noose on the west lawn. That was clear when students protesting to end poverty and oppression in the streets of Bogota were shot dead. That was clear when families kneeling during this holy month, at the third holiest site in Islam, were met with tear gas, rubber bullets and hand grenades. (…) Last summer, when Black Lives Matter protestors took to the streets to demand justice, they were met with force. They faced tear gas, rubber bullets, and a militarized police just as our Palestinian brothers and sisters are facing in Jerusalem today. Palestinians are being told the same thing as Black folks in America—there is no acceptable form of resistance. We are bearing witness to egregious human rights violations. The pain, trauma, and terror that Palestinians are facing is not just the result of this week’s escalation, but the consequence of years of military occupation. In Sheikh Jarrah, the Israeli government is violently dispossessing yet another neighborhood of Palestinian families from homes they have lived in for decades. We cannot stand idly and complicitly by and allow the occupation and oppression of the Palestinian people to continue. We cannot remain silent when our government sends $3.8 billion of military aid to Israel that is used to demolish Palestinian homes, imprison Palestinian children, and displace Palestinian families. (…) The question at hand is should our taxpayer dollars create conditions for justice, healing and repair, or should those dollars create conditions for oppression and apartheid? (…) Whose lives do we value? We have seen footage of Israeli and Palestinian children, huddled fearfully while rockets blanket their homeland. No child should live in fear. No child should grow up in the midst of a conflict that robs them of a childhood. And Palestinian children do not have the same protections afforded to them (…) Following forceful violence against the Palestinians simply seeking to remain in their family homes, militant groups in Gaza have launched rockets at Israeli cities, resulting in seven deaths, including a child. In response, the Israeli military has launched severe attacks on Gaza, killing 83 people, 17 of whom are children. This is devastating. (…) From Jerusalem to Boston. From Randolph to Gaza. From Colombia to Yemen, our destinies are tied. And everyone deserves to live free from fear and to know peace. Rep. Ayanna Pressley (Dem., Mass., May 13, 2021)
The shift is dramatic; it’s tectonic. There is a non-white population, particularly among Democrats, who are very sensitive to the treatment of fellow non-whites. They see Israel as an aggressor. They don’t know Israel’s early history and odds-defying triumph over adversity. They know post-Intifada; they know the various wars, the asymmetrical bombing that have taken place, the innocent civilians that have been killed. We’ve seen a steady growth in support for Palestinians, but it’s never really been a high-intensity issue. It’s becoming that. It’s becoming a major wedge issue, particularly among Democrats, driven by non-white voters and younger voters, by progressives in general. John Zogby
On May 10, after years of relative quiet between Israel and Gaza, the Hamas terrorists who rule that enclave exploited a long-running legal dispute in Jerusalem as a pretext to launch a barrage of rockets at Israel, unprecedented in its size. The Israel Defense Forces responded with air strikes to knock out terror targets, and one of those micro-wars that periodically spring up in this conflict ensued. As of Thursday night, May 20, a ceasefire had begun; the worst of the fighting is hopefully over. At least, it was in Israel and Gaza. But around the world, Jews were paying the price. (…) Synagogues across the country have been vandalized. Rallies in support of the Palestinian cause in Michigan, Florida, Washington, D.C., and elsewhere have turned anti-Semitic. (…) And almost as bad as the violence is the silence around it from major publications. The New York Times hasn’t deemed news of these attacks on New York Jews « fit to print, » though it did run a short story about the similarly horrific spate of attacks across Europe (…) While anti-Zionist gangs beat up Jews in her city, Rep. Alexandria Ocasio-Cortez was providing a quasi-intellectual basis for their actions, defaming Israel as an apartheid state employing indiscriminate force in what she seems to think is a capricious quest to murder as many Palestinian children as possible, instead of a highly restrained military operation tightly targeted on terrorists. Rep. Ocasio-Cortez didn’t call for violence, but she carved out an area of respectability for a certain type of anti-Semitism, and others were only too happy to rush in, fists flying. (…) Sen. Bernie Sanders published his own dangerous anti-Israel harangue in an Op-Ed which began, « No one is arguing that Israel… does not have the right to self-defense or to protect its people, » even as his own supporters were arguing just that on social media. Comedians John Oliver and Trevor Noah made the same case into their media megaphones, arguing that Israel was wrong to attack the terrorists aiming for Israeli civilians because Israel’s Iron Dome missile defense system can prevent most (but not all) civilian deaths from Hamas rockets. (…) Rep. Mark Pocan and Rep. Betty McCollum are laser-focused on spreading the contemporary blood libel that Israel indiscriminately murders children. And in the same week that the Pew Research Center found that 80 percent of Jews believe caring about Israel to be an « important » or « essential » part of being Jewish, Rep. Ilhan Omar called support for Israel « disgusting and immoral. » Seffi Kogen
When the New York Times finally reported on the plague of nationwide street violence against Jews in the spring of 2021, more than a week after the attacks began in the wake of Hamas using rockets to strike Israel, the tone it took was less one of outrage than of bewilderment. “Until the latest surge,” read a May 26 story, “anti-Semitic violence in recent years was largely considered a right-wing phenomenon, driven by a white supremacist movement emboldened by rhetoric from former President Donald J. Trump, who often trafficked in stereotypes.” This was nonsense: The most common street violence against Jews took place in New York and New Jersey, and it had nothing at all to do with Trump or “right-wing” politics. Par for the course for the Gray Lady, perhaps, but far more concerning was where the reporters seemed to be getting the misinformation. “This is why Jews feel so terrified in this moment,” Anti-Defamation League CEO Jonathan Greenblatt told the paper. “For four years it seemed to be stimulated from the political right, with devastating consequences.” At the scenes of Jew-hunting that began in May, during the war between Israel and Hamas, Greenblatt lamented, “No one is wearing MAGA hats.” If there’s one organization whose responsibility it is to prepare not just the Jewish community but the wider United States public and its government for emerging anti-Semitic threats, it’s the ADL. Instead, the head of the ADL has been spreading a cynical left-wing myth about anti-Semitism while threats to the Jewish community fester. And it’s even worse than it looks, because while there’s long been a willful blindness toward anti-Semitism from the left, the ADL and other partisan groups aren’t the ones experiencing this blindness. They’re the blinders. The ADL (…) issued a list during the latest flare-up with Hamas on May 20 titled “Prominent Voices Demonize Israel Regarding the Conflict.” Demonizing rhetoric, the ADL warned, can “enable an environment whereby hateful actions against Jews and supporters of Israel are accepted more freely, and where anti-Jewish tropes may be normalized.” One category the list featured was of those “Accusing Israel of ‘Attacking al-Aqsa,’” a hoary libel falsely claiming that Jews want to destroy the central Mosque in Jerusalem. It has been used to incite anti-Jewish riots for a century. What was notable here was one name missing from the list, and arguably the worst offender. On May 12, Representative Alexandria Ocasio-Cortez had castigated President Joe Biden on Twitter for expressing Israel’s right to defend itself while noting what supposedly was to blame for the violence: “the expulsions of Palestinians and the attacks on Al Aqsa.” (…) A day later, on May 13, came a chilling session of the House of Representatives, with dark echoes of Jewish history. Several Democratic members of the House took turns standing next to blown-up photos of bloodied Palestinian children and gave fiery speeches denouncing Zionist perfidy—the sorts of words and charges that, since the age of the czars, have been followed by the spilling of Jewish blood. This time was no different, except it wasn’t a Russian backwater or a Munich beer hall. It was on the floor of the United States Congress. One by one, these members of Congress, Democrats all, sought to make the Jewish state the stand-in for “systems of oppression here in the United States and globally,” as Representative Ayanna Pressley of Massachusetts put it. (…) In the days and weeks that followed, even after an Israel–Hamas cease-fire was in place, Jews in America were physically attacked with abandon—diners at restaurants in Los Angeles and Manhattan, Jews on the streets of New York, families in Florida attending synagogue services. The ADL saw a 75 percent uptick in reported incidents. (…) When called out for their silence, progressive Democratic lawmakers condemned “anti-Semitism and Islamophobia” as one, knowing that their audience would interpret any specific denunciation of anti-Semitism as a statement in support of Israel. (…) Throughout this whole affair, not a single congressional Democrat would criticize any of his colleagues by name. (…) Neither the ADL nor the JDCA uttered a peep. (…) On June 7, Omar tweeted a summary of a question she had for Secretary of State Antony Blinken: “We must have the same level of accountability and justice for all victims of crimes against humanity. We have seen unthinkable atrocities committed by the U.S., Hamas, Israel, Afghanistan, and the Taliban. I asked @SecBlinken where people are supposed to go for justice.” (…) The ADL was silent. JDCA was silent. The Democratic Party sided with the Squad. The Jewish community had been abandoned to the rise of the dominant left-of-center ideology according to which Jews are part of a white power structure of which Israel is a prime example. (…) The New Yorker’s Helen Rosner suggested it would be a good tactic not to beat up Jews, as part of an overall strategy to undermine Israel’s legitimacy. (This after the New Yorker’s union put out a statement of solidarity with the Palestinians that included the phrase “from the river to the sea.”) Michelle Goldberg of the New York Times wrote a column with a headline so instantly infamous that the Times eventually and quietly changed it: “Attacks on Jews Over Israel Are a Gift to the Right.” Meanwhile, the comedian Sarah Silverman objected to attacks on Jews in Los Angeles not on the grounds that they were evil acts of anti-Semitic violence but rather because “WE ARE NOT ISRAEL.” For his part, Kenneth Roth, the obsessively anti-Israel executive director of Human Rights Watch, declared, “It is WRONG to equate the Jewish people with the apartheid and deadly bombardment of Prime Minister Netanyahu’s government. » Seth Mandel
You can’t walk very far on an American or European university campus these days without encountering some version of the “Palestinian Land Loss” maps. This series of four—occasionally five—maps purports to show how rapacious Zionists have steadily encroached upon Palestinian land. (…) Taking each map in turn, it is easy to demonstrate that the first one is by far the most dishonest of the lot. (…) It deliberately conflates private property with political control. (…) The next map (…) represents the partition plan adopted by the United Nations General Assembly in 1947 as UN Resolution 181. It called for two independent states to be formed after the end of the British Mandate, one Jewish and one Arab. Needless to say, the resolution was never implemented. It was rejected by a Palestinian Arab leadership that just two years before had still been allied with Nazi Germany.  (…) At this point, with partition rejected by the Arabs and no help from the international community in sight, the Jews declared independence and formed what would become the Israel Defense Forces. The Arab states promptly launched a full-scale invasion, whose aims—depending on which Arab leader you choose to quote—ranged from expulsion to outright genocide. And the Arabs lost. At war’s end in 1949, the situation looked roughly like the third map in the series—the first of the lot that even comes close to describing the political reality on the ground. (…)  But (…) What it shows are the so-called “armistice lines,” i.e., the borders where the Israeli and Arab armies stopped fighting in 1949. These lines held more or less until 1967. (…) But (…) on the other side of the line, (…) the territories that are today called the West Bank and the Gaza Strip (…) were not—not before, during, or after 1967—“Palestinian” in the sense of being controlled by a Palestinian Arab political entity. Both territories were occupied by invading Arab armies when the armistice was declared in 1949, the Gaza Strip by Egypt and the West Bank by Jordan. The latter was soon annexed, while the former remained under Egyptian military administration. This status quo lasted until 1967, when both were captured by Israel. In the 1967 Six Day War, which was marked by Arab rhetoric that was sometimes even more genocidal than 1948, Israel also took the Golan Heights from Syria and the Sinai Peninsula from Egypt, more than trebling the amount of land under its control. Israel has since withdrawn from more than 90 percent of the land it occupied—mostly in the Sinai withdrawal that led to peace with Egypt. The first three maps, then, confuse ethnic and national categories (Jewish and Israeli, Arab and Palestinian), property and sovereignty, and the Palestinian national movement with Arab states that ruled over occupied territory for a generation. (…) As (…) to the fourth map (…) usually labeled either 2005 or “present,” purports to show the distribution of political control following the Oslo process and the Israeli withdrawal from Gaza. The patches of Palestinian land in the West Bank are areas handed over to the Palestinian Authority in the 1990s, mostly under the 1995 Oslo II agreement. Expanding upon the autonomy put in place after previous agreements in the Oslo process since 1993, this agreement created a complex patchwork of administrative and security zones, splitting the West Bank into areas of exclusive Palestinian control, joint control, and Israeli control. It was meant as a five-year interim arrangement, after which a final status agreement would be negotiated. (….) But no agreement was reached. As in 1947, the principal reason was Palestinian rejectionism. This time, the Palestinian leadership rejected a state on over 90 percent of the West Bank and 100 percent of the Gaza Strip. They then broke their pledge not to return to the “armed struggle” and embarked on a campaign of suicide bombings and other terrorist atrocities that were not only morally indefensible but lost them the trappings of sovereignty they had gained over the previous decade. After tamping down the worst of the violence, Israel decided to leave the areas of the Gaza Strip it had not evacuated a decade before. The withdrawal took place in 2005. Two years later, the Islamist group Hamas took over the Strip in a violent coup d’etat. Since then, there have been two Palestinian governments—the Hamas regime in Gaza and the Fatah-led regime in the West Bank. Both of these regimes are marked with the same color on this fourth map, thus failing to acknowledge the split between the two regimes, though it is the first map in the series to correctly label areas under Palestinian Arab political control. Nonetheless, it does not distinguish between the sovereign territory of the State of Israel—or, in the case of East Jerusalem, territory that Israel claims as sovereign without international recognition—and territories in the West Bank that, according to agreements endorsed by both sides, are under Israeli control until a final status agreement. Taken together, what we have is not four maps in a chronological series, but four different categories of territorial control presented with varying degrees of inaccuracy. Those categories are private property (“1946”), political control (“1967” and “2005”), and international partition plans (“1947”). They are presented in a fashion that is either tendentiously inaccurate (“2005”), essentially mendacious (“1947” and “1967”), or radically untrue (“1946”). (…) Perhaps the best way to illustrate the bankruptcy of the “Palestinian Land Loss” myth is to compare it to a similar situation elsewhere. An equally absurd set of maps could be drawn up of the Indian subcontinent before and after the end of British rule. It could start with a 1946 map of the entire subcontinent, labeling any private property owned by Hindus as “Indian” and the rest as “Pakistani.” Hindus, after all, are 80 percent of India’s population today, just as Jews are 80 percent of Israel’s. It is absurd to consider anything not privately owned by Hindus under British rule as “Pakistani” when the state of Pakistan did not yet exist, but that is roughly the same as labeling anything not privately owned by Jews under the Mandate as “Palestinian.” We could then put up a partition map from 1947, with West and East Pakistan next to a much larger India; as well as a post-partition map—perhaps from 1955—showing the land losses along the Radcliffe Line. Finally, we could draw a map from 1971 with East Pakistan shorn off into Bangladesh. A fervently dishonest person might call this series “Pakistani Land Loss,” but it would be such an obvious piece of fiction that no one could possibly take it seriously. Shany Mor
Pour la première fois, on a pu constater une conflictualité dans les localités israéliennes. Les communautés se sont affrontées. Le risque d’apartheid est fort si on continue à aller dans une logique à un État ou du statu quo. L’hypothèse commençait à disparaître. Il faut engager une politique de petits pas. Il faut faire en sorte qu’il y ait une logique de confiance qui puisse s’instaurer. L’Europe est puissante. Pendant cinq ans, l’Europe a dû assumer toute seule le multilatéralisme. Elle joue sa partition au Proche orient. Jean-Yves Le Drian (ministre français des affaires étrangères)
Le ministre a déclaré qu’Israël pourrait devenir un Etat d’apartheid – une affirmation éhontée, fausse et sans fondement. Nous n’accepterons aucune leçon de morale hypocrite et mensongère sur cette question. Dans l’État d’Israël, tous les citoyens sont égaux devant la loi, quelle que soit leur origine ethnique. Israël est un phare de la démocratie et des droits de l’homme dans notre région… Nous ne subirons aucune réprimande morale hypocrite et fausse sur cette question. Benjamin Netanyahu
For those who periodically tune in and tune out of the Israel-Palestine situation, the events of recent days and weeks might seem like a replay of a movie they have seen before: Palestinians are being forced from their homes; Israel drops bombs on Gaza; Palestinians fire rockets from Gaza; Israel destroys most of the rockets with an air defense system that is largely paid for by American taxpayers. All familiar. But the truth is, this moment is different. And it may prove a transformational one in the Palestinian struggle for freedom. Before the world’s attention shifted toward pushing for a cease-fire, Palestinians in Gaza, the West Bank, Jerusalem, inside Israel and in the diaspora had all mobilized simultaneously in a way unseen for decades. They are all working toward the same goal: breaking free from the shackles of Israel’s system of oppression. Reacting to growing Israeli restrictions in Jerusalem and the impending expulsion of Palestinians from their homes in the Jerusalem neighborhood of Sheikh Jarrah, Palestinians across the land who identified with the experience of being dispossessed by Israel rose up, together. Even now, as bombs fall on Gaza, they continue to do so. Palestinians are protesting in huge numbers in cities and towns throughout the land; hundreds of thousands took part in a general strike. With this unified movement, Palestinians have shown Israel that they cannot be ignored. (…) The energy of this moment represents an opportunity to wed Palestinian aspirations with a growing global consensus. According to a 2018 poll by the University of Maryland, 64 percent of Americans would support equal rights in a single state if the two-state solution fails. That number climbs to 78 percent among Democrats. Among scholars and experts on the Middle East, one recent poll found, 66 percent say there is a one-state reality. There is also a growing shift in mainstream organizations that have been hesitant to call for greater change: The Carnegie Endowment for International Peace recently released a report calling for a break from the two-state approach. Many diplomats and analysts around the world I have spoken to in recent years understand that the two-state solution is dead. Israel has killed it. When I ask why they don’t call for equal rights for Palestinians to end what is increasingly obviously a de facto apartheid system, they point out the official Palestinian position remains for a separate state. (…) The Palestinians have moved on, and many people in America and around the world are ready to do so, too. Yousef Munayyer (Arab Center Washington DC)
The fault lines in Israeli society have never been clearer and Jerusalem remains the tinder box that could ignite another catastrophic fire unless the underlying causes — Israel’s occupation of the Palestinian territories and its highly discriminatory policies — are dealt with. (…) The truth is that the Palestinian citizens of Israel and the Jewish majority of the country have never coexisted. We Palestinians living in Israel “sub-exist,” living under a system of discrimination and racism with laws that enshrine our second-class status and with policies that ensure we are never equals. This is not by accident but by design. The violence against Palestinians in Israel, with the backing of the Israeli state, that we witnessed in the past few weeks was only to be expected. Palestinian citizens make up about 20 percent of the Israel’s population. We are those who survived the “nakba,” the ethnic cleansing of Palestine in 1948, when more than 75 percent of the Palestinian population was expelled from their homes to make way for Jewish immigrants during the founding of Israel. (…) When military rule ended in 1966, Israel propagated the myth that Palestinian citizens of Israelis were now full citizens, noting that we can vote for members of the Knesset and that we have representatives there too. But since its establishment, Israel has enacted more than 60 laws entrenching our second-class status. One law makes it possible for Jewish Israelis in many towns to deny me and other Palestinians the right to live alongside them because we are not “socially suitable.” Courts routinely uphold such discriminatory laws and lawmakers have year after year blocked attempts to pass legislation enshrining the equality of Palestinians and Jews. The institutionalized racism and discrimination against Palestinian citizens have pushed almost half of us into poverty and our unemployment rate has soared to 25 percent. Racism against Palestinians is incited and exploited by virtually all major Israeli politicians and parties. (The Labor Party, which has a mere seven seats in the Knesset, is the only exception.) Even “moderates” like the Yesh Atid leader Yair Lapid, who has been tasked with forming a government in the wake of inconclusive parliamentary elections in March, declared that he wants to be “rid of Arabs” and that his most important priority is “to maintain a Jewish majority in the land of Israel.” Politicians call for our citizenship to be revoked, or worse — like the former foreign minister Avigdor Lieberman, who said our heads should be chopped off, or the former education minister Naftali Bennett, who declared that he had killed many Palestinians and had no problem with it. Since 2019, Prime Minister Benjamin Netanyahu has twice made electoral pacts with the overtly racist Jewish Power party, which is made up of followers of the notorious Meir Kahane, whose Kach party and offshoots were labeled terrorist organizations by the United States. Jewish Power is led by Itamar Ben Gvir, who says his hero is Baruch Goldstein, who gunned down 29 Palestinians as they prayed in Hebron in 1994. All of this does not merely garner votes for Mr. Netanyahu, it also normalizes hatred of Palestinians. Young Jews are more radicalized than their parents, with polls showing that they do not want to live next to Palestinians and support revoking our citizenship. This prejudice, racism and violence directed at Palestinians is not limited to the fringe in society — it has become mainstream. In May alone, Mr. Netanyahu’s government allowed marches by violent Jewish supremacists through Palestinian neighborhoods of Jerusalem and into the Aqsa mosque compound. Israeli police officers and Jewish citizens have been offered de facto immunity for attacking Palestinians. Indeed, our mere existence nettles Israel’s ruling elites, who insist on preserving the Jewishness of the state. My father, who is 82, still waits for the day when he does not have to live in fear that we will be evicted from our homeland. To be a Palestinian in Israel is to wait for the day when Israel will decide to forever rid itself of you. How do I explain to my 7-year-old son what being a Palestinian citizen of Israel means? What future can he look toward, when the leaders of the government incite hatred against him? What audacious hope can he have when he is bound to face racism and discrimination in education, employment and housing? For now, I try to shield him from the images on television and on our phones, but there will soon come a time when I cannot shield him from the reality that he is surrounded by people who consider him a second-class citizen. Diana Buttu
En excluant ostensiblement le Hamas, l’administration Biden ne fait que perpétuer le mythe selon lequel le Hamas est le problème central (…) Nous savions que les roquettes décrépites tirées de Gaza étaient tout ce dont les Forces de défense israéliennes et le Premier ministre Benjamin Netanyahu avaient besoin pour rediriger l’attention du public sur la  légitime défense d’Israël et loin des préjudices infligés aux Palestiniens. (…) Le conflit concerne l’occupation israélienne. Se concentrer sur le Hamas, c’est aussi aseptiser le conflit, et ainsi en devenir complice. Cela permet aux gens d’exprimer leur sympathie pour les Palestiniens ordinaires tout en blâmant quelques personnes au sommet de la direction palestinienne. Mais le droit à la légitime défense contre l’agression continue d’Israël appartient à tous les Palestiniens; la résistance légitime ne peut être un droit que pour les Palestiniens qui croient exclusivement à la légitime défense non violente – pas face à la violence que nous endurons. (…) Qu’attendre d’une personne qui se fait tirer dessus alors qu’elle était enfant et qu’on ne lui donne qu’une prison ou un camp pour vivre en tant qu’adultes, plutôt que chez eux? C’est pas compliqué. Basma Ghalayini
There are two groups that attend anti-Israel rallies. One group styles themselves as being liberal, open-minded, very concerned about human rights, only wanting peace and so, so concerned over Palestinians who are killed during a war their side started. These people swear up and down that they are non-violent, against antisemitism and that they want Israel to go away quietly and peacefully as a result of world pressure and boycotts. The other are young Arab men who grew up with pure Jew-hatred. They are intolerant of women, of gays, they don’t care about the environment. They share none of the supposed principles of the kumbaya crowd, with the exception of wanting to see the Jewish state destroyed and of the role they take of eternal victims with no agency. The latter group is behind the torrent of antisemitic attacks we see happening every day in the West. They are the ones who are driving around in gangs, looking for Jews to intimidate or attack. They are directly threatening Jews on social media thousands of times a day. This is unprecedented. For decades, Jews have been able to walk around safely in most major cities without fear, without even considering hiding their kippot or Star of David necklaces. Jews used to be most afraid of being attacked by blacks, but over time that has become much less of an issue with the exception of the recent uptick of attacks in Brooklyn. Antisemitism has always been there but it definitely lessened. ADL statistics has seen it go down steadily since the 90s. But this is different than even the ’60s. Now Jews have to worry about gangs who are targeting them because they are Jews. Why have these Arab gangs suddenly become so emboldened to form posses to attack Jews? Because of the first group. The fine distinctions that Leftist Israel haters try to make between anti-Zionism and antisemitism are completely invisible to Arabs. They hate Israel because, not despite the fact, it is filled with Jews. Antisemitism is the entire source of the conflict. Their parents and preachers don’t teach them to hate Zionists but Jews. They look at their Jewish allies as tools and as dhimmis, not as role models. The attackers find strength in numbers, they see that they have the Left on their side, they are riled up by thousands of lies about Israel by speaker after speaker and tweet after tweet, they get validation from members of Congress and other liars and bigots who say that Israel is guilty of genocide and apartheid and ethnic cleansing, they are primed to violence from lurid and often faked photos of dead kids, they are whipped up into a frenzy from the hypnotic anti-Israel and antisemitic chants. And they are in large cities with lots of identifiable Jews all around, who must pay for these crimes. It is a recipe for violence. The Arab gangs are engaged in what they know best: terrorism. After all, the point of terrorism isn’t the attacks themselves but the feat that the attacks create among the targets. These Arabs are importing terror from their Middle Eastern cousins, doing everything they can to frighten Jews. They feel, correctly, that they have reached a critical mass with fellow Arabs in their respective Western countries. Crucially, they are being given cover by the secular Left, publishing articles that justify terror and the idea that Palestinians are justified in doing anything they want to Jews because all’s fair in « resistance. » Arabs are sensitive to being shamed. They have not acted like this before in America because the idea of wanton violence against Jews was shameful. Now, and their Leftist allies give them intellectual cover – and they will never, ever shame them. The Leftist anti-Zionists could shame them into stopping their attacks. They could make it clear that they want nothing to do with the antisemites. They could stand up and say that they will not be allies with Jew-haters and will not march with bigots. They could demand that mosques and Muslim leaders clearly denounce the attacks (they certainly will not do that on their own.) But these people who claim to speak truth to power will never, ever call out violence by Arabs They refuse to do that, because they are all about solidarity and allyship and, let’s face it, they don’t want to say anything negative about people of color who want to attack Jews. The Leftist enablers also know that the Arabs would turn on them next if they say anything negative about their antisemitism. Instead, the « progressives » issue weak statements against antisemitism and then return to their « From the river to the sea » chants to incite the next round of attacks. The only solution is to shame the attackers. The only people who can do that are tacitly condoning the attacks. This is a nearly perfect storm that is bringing up an entirely new class of Jew-hatred to America. Elder of zion
Aside from putting forward a peace proposal that was dead on arrival, we don’t think they did anything constructive, really, to bring an end to the longstanding conflict in the Middle East. Jen Psaki (Biden’s spokeswoman)
In the minds of the Iranian leadership and those of their Hamas proxies, the Abraham Accords represent the single greatest military and political threat to Iran’s nuclear and hegemonic ambitions. Destroying them is their strategic goal. The Abraham Accords provide a formal framework for the operational partnership that developed since 2006 between Israel and the Sunni Arab states that, like Israel, are threatened by Iran. In formalizing those ties, the Abraham Accords split the Arab/Islamic world into two camps. The first camp includes Iran and the states and terror groups Iran supports, controls and is allied with. Political forces hostile to Israel in the West support this camp. Members of the Iran camp and its supporters in the West insist the Jewish state is the greatest source of instability and the primary obstacle to peace in the Middle East. The second camp is comprised of Israel and the Arab states that understand that Iran is the greatest threat to peace and security in the Middle East. Arab members of this camp include Saudi Arabia, the UAE, Bahrain, Egypt, Sudan and Morocco. These Arab states believe that in alliance with Israel they will be able to contain and eventually defeat the Iranian regime. Until the Abraham Accords were formalized, only the Iranian camp had an international presence. The anti-Israel, pro-Iran narrative, which claims that Israel is the greatest threat to regional and world peace, had the stage to itself from Tehran to California. Since the Abraham Accords were signed last September, the Iranian camp has been on the defensive. In a press briefing on Tuesday, President Joe Biden’s spokeswoman Jen Psaki indicated that the administration is just as unhappy with the Abraham Accords as the Iranians and Palestinians are. In response to a reporter’s question about the Trump administration’s peace efforts, Psaki pretended that the Abraham Accords don’t exist. “Aside from putting forward a peace proposal that was dead on arrival,” she said derisively, “we don’t think they did anything constructive, really, to bring an end to the longstanding conflict in the Middle East.” This asinine statement put paid the notion that Biden will ever opt for an alliance with the Abraham Accords member nations over the Iran/Hamas axis. Just as the administration refuses to even utter the term “Abraham Accords,” so it insists on ignoring their political significance for the states of the region and their military capacity to contain Iran. Despite the massive pressure that has been exerted against Abraham Accords member states to disavow their ties with Israel since Hamas opened its offensive last week, so far they have not wavered. The UAE, Bahrain and Morocco have put out mild statements on the Hamas war. Morocco sent humanitarian aid to Gaza. There have been no anti-Israel demonstrations in the streets of any of the Abraham Accords member states. Sudan’s leader, Abdel Fattah Al-Burhan discussed the issue in an interview with France 24 in Arabic earlier this week. (…) In his words, “The normalization [of relations between Sudan and Israel] has nothing to do with the Palestinians’ right to establish their own state. The normalization is reconciliation with the international community, and with Israel as part of the international community.” (…) Since it is clear that Israel made clear from the outset that it had no interest in conquering Gaza, Hamas will declare victory no matter how much damage it sustained from Israeli airstrikes. So too, after the Biden administration placed the threat of condemning Israel at the UN Security Council on the table in the first days of the conflict, it was clear that Israel wouldn’t dare defy Biden for long once he publicly demanded a ceasefire. Caroline Glick
Ce que nous voulons, nous autres Arabes, c’est être, or nous ne pouvons être que si l’autre n’est pas. S’il n’y a pas d’autre solution, alors que cette guerre nucléaire ait lieu et qu’on en finisse une fois pour toutes ! Ben Bella (ancien premier président de l’Algérie, 1982)
La révolution iranienne fut en quelque sorte la version islamique et tiers-mondiste de la contre-culture occidentale. Il serait intéressant de mettre en exergue les analogies et les ressemblances que l’on retrouve dans le discours anti-consommateur, anti-technologique et anti-moderne des dirigeants islamiques de celui que l’on découvre chez les protagonistes les plus exaltés de la contre-culture occidentale. Daryiush Shayegan (1992)
L’antisionisme est une introuvable aubaine, car il nous donne la permission et même le droit et même le devoir d’être antisémite au nom de la démocratie ! L’antisionisme est l’antisémitisme justifié, mis enfin à la portée de tous. Il est la permission d’être démocratiquement antisémite. Et si les Juifs étaient eux-mêmes des nazis ? Ce serait merveilleux. Il ne serait plus nécessaire de les plaindre ; ils auraient mérité leur sort. Vladimir Jankélévitch (L’imprescriptible. Pardonner ? Dans l’honneur et dans la dignité, 1986)
Nous imaginons, parce que la Guerre froide est finie en Europe, que toute la série de luttes qui ont commencé avec la Première guerre mondiale et qui sont passées par différents mouvements totalitaires — fasciste, nazi et communiste — était finalement terminée. (…) Hors de la Première guerre mondiale est venue une série de révoltes contre la civilisation libérale. Ces révoltes accusaient la civilisation libérale d’être non seulement hypocrite ou en faillite, mais d’être en fait la grande source du mal ou de la souffrance dans le monde. (…) [Avec] une fascination pathologique pour la mort de masse [qui] était elle-même le fait principal de la Première guerre mondiale, dans laquelle 9 ou 10 millions de personnes ont été tués sur une base industrielle. Et chacun des nouveaux mouvements s’est mis à reproduire cet événement au nom de leur opposition utopique aux complexités et aux incertitudes de la civilisation libérale. Les noms de ces mouvements ont changé comme les traits qu’ils ont manifestés – l’un s’est appelé bolchévisme, et un autre s’est appelé fascisme, un autre s’est appelé nazisme. (…) À un certain niveau très profond tous ces mouvements étaient les mêmes — ils partageaient tous certaines qualités mythologiques, une fascination pour la mort de masse et tous s’inspiraient du même type de paranoïa. (…) Mon argument est que l’islamisme et un certain genre de pan-arabisme dans les mondes arabe et musulman sont vraiment d’autres branches de la même impulsion. Mussolini a mis en scène sa marche sur Rome en 1922 afin de créer une société totalitaire parfaite qui allait être la résurrection de l’empire romain. En 1928, en Egypte, de l’autre côté de la Méditerranée, s’est créée la secte des Frères musulmans afin de ressusciter le Califat antique de l’empire arabe du 7ème siècle, de même avec l’idée de créer une société parfaite des temps modernes. Bien que ces deux mouvements aient été tout à fait différents, ils étaient d’une certaine manière semblables. (…) La doctrine islamiste est que l’Islam est la réponse aux problèmes du monde, mais que l’Islam a été la victime d’une conspiration cosmique géante pour la détruire, par les Croisés et les sionistes. (le sionisme dans la doctrine de Qutb n’est pas un mouvement politique moderne, c’est une doctrine cosmique se prolongeant tout au long des siècles.) L’Islam est la victime de cette conspiration, qui est également facilitée par les faux musulmans ou hypocrites, qui feignent d’être musulmans mais sont réellement les amis des ennemis de l’Islam. D’un point de vue islamiste, donc, la conspiration la plus honteuse est celle menée par les hypocrites musulmans pour annihiler l’Islam du dedans. Ces personnes sont surtout les libéraux musulmans qui veulent établir une société libérale, autrement dit la séparation de l’église et de l’état. (…) Les socialistes français des années 30 (…) ont voulu éviter un retour de la première guerre mondiale; ils ont refusé de croire que les millions de personnes en Allemagne avaient perdu la tête et avaient soutenu le mouvement nazi. Ils n’ont pas voulu croire qu’un mouvement pathologique de masse avait pris le pouvoir en Allemagne, ils ont voulu rester ouverts à ce que les Allemands disaient et aux revendications allemandes de la première guerre mondiale. Et les socialistes français, dans leur effort pour être ouverts et chaleureux afin d’éviter à tout prix le retour d’une guerre comme la première guerre mondiale, ont fait tout leur possible pour essayer de trouver ce qui était raisonnable et plausible dans les arguments d’Hitler. Ils ont vraiment fini par croire que le plus grand danger pour la paix du monde n’était pas posé par Hitler mais par les faucons de leur propre société, en France. Ces gens-là étaient les socialistes pacifistes de la France, c’était des gens biens. Pourtant, de fil en aiguille, ils se sont opposés à l’armée française contre Hitler, et bon nombre d’entre eux ont fini par soutenir le régime de Vichy et elles ont fini comme fascistes! Ils ont même dérapé vers l’anti-sémitisme pur, et personne ne peut douter qu’une partie de cela s’est reproduit récemment dans le mouvement pacifiste aux Etats-Unis et surtout en Europe. Paul Berman
L’administration Trump avait ouvert une nouvelle voie vers la paix au Moyen-Orient. Les principes étaient simples: punir les acteurs malveillants avec des sanctions, encourager financièrement la paix et résoudre le conflit au Moyen-Orient de l’extérieur vers l’intérieur. L’Iran avait été sanctionné plus durement que n’importe quelle nation dans l’histoire. L’Autorité palestinienne, ainsi que les agences des Nations Unies qui soutenaient leur programme, comme l’UNRWA, s’étaient vu couper les vivres. Et des accords de normalisation avaient été signés entre Israël et les Émirats arabes unis, le Bahreïn, le Soudan et le Maroc. L’approche avait fonctionné. Les quatre années de l’administration Trump ont été dans l’ensemble parmi les années les plus calmes de l’histoire moderne d’Israël. Pourtant, l’approche était une gifle à l’encontre de l’establishment du département d’État américain qui avait depuis longtemps postulé qu’il ne pouvait y avoir de paix nulle part dans la région tant que le conflit palestinien n’était pas résolu. La dernière flambée a remis la question israélo-palestinienne sur le devant de la scène et dans le territoire familier des auteurs et partisans des Accords d’Oslo, qui commencent à revenir sur le devant de la scène après un bref exil de quatre ans. Le secrétaire d’État américain Antony Blinken se rend maintenant en Israël, en partie pour renouer les liens avec les dirigeants palestiniens. La communauté internationale promet maintenant des fonds pour «reconstruire Gaza». Quand les acteurs malveillants comme l’Iran, le P.A. et le Hamas étaient privés de fonds et que les modérés étaient financièrement incités à la poursuite de la normalisation, un certain clame était revenu. Maintenant que le flux de fonds s’est inversé, le terrorisme est de retour. (…) L’Iran a joué un rôle clé dans le conflit actuel. Au cours des dernières années, mois et semaines, Israël a frappé secrètement l’infrastructure nucléaire iranienne, attaqué des navires commerciaux et frappé des armes de fabrication iranienne transférées en Syrie. L’Iran a tenté à plusieurs reprises de riposter, ciblant récemment les navires commerciaux israéliens en mer. Malgré les récentes frappes aériennes israéliennes, l’Iran a déjà réussi à stocker plus de 150 000 roquettes et missiles pointés sur Israël par le Hezbollah au sud du Liban. Et contrairement à l’arsenal de roquettes du Hamas à Gaza, nombre des missiles détenus par le Hezbollah sont à longue portée et de haute précision. Dans un «discours de victoire», le chef du Hamas Ismail Haniyeh a publiquement félicité l’Iran pour son soutien pendant le conflit, déclarant: «Je ne peux que remercier ceux qui ont apporté de l’argent et des armes à la vaillante résistance, la République islamique d’Iran; qui ne nous a pas ménagé son argent, ses armes et son soutien technique. Merci. » Un rapport récent du Wall Street Journal a noté que les roquettes du Hamas sont fabriquées à partir de plans iraniens et que les Iraniens ont fourni une assistance supplémentaire au Hamas. Presque toutes les activités malveillantes au Moyen-Orient ont aujourd’hui les empreintes de l’Iran. L’Iran tente de négocier un retour à l’accord nucléaire avec les États-Unis et les puissances occidentales. Ce conflit qui vient de se terminer devrait faire réfléchir l’Occident sur les ambitions iraniennes. Malheureusement, ce ne sera probablement pas le cas. (…) Les Israéliens regardaient de loin et avec étonnement les violentes émeutes qui ont envahi les villes américaines cette année sous le hashtag #BlackLivesMatter. La race est devenue la question la plus importante. Les membres de la communauté anti-israélienne aux États-Unis avaient depuis longtemps des liens avec les causes progressistes – ce qui ne manque pas d’ironie étant donné à quel point la société palestinienne progressiste en est éloignée. Il semble que les Palestiniens ont adopté avec succès la mentalité BLM et y sont accueillis à bras ouverts. Peu importe qu’Israël soit de loin le pays le plus progressiste du Moyen-Orient et l’un des plus progressistes du monde. Selon ce récit, les Israéliens sont les colonialistes blancs et oppressifs, indépendamment du fait que plus de 50% des Israéliens sont d’origine moyen-orientale (c’est-à-dire à la peau brune) dont les familles ont été expulsées de force de leurs maisons hors de presque tous les pays musulmans de la région après avoir vécu dans ces pays en tant que citoyens dhimmis de seconde zone. De plus, il y a un nombre important d’immigrants éthiopiens (à la peau noire), dont beaucoup sont arrivés en tant que réfugiés. Parmi les Israéliens d’origine européenne restants, une grande partie sont des descendants de survivants de l’Holocauste – un véritable génocide. Pourtant, tant que les Palestiniens réussiront à rester la demi-soeur de #BlackLivesMatter, Israël sera dans une période cahoteuse devant le tribunal de l’opinion publique. Alex Traiman
It is certainly true that in the past, conflagrations in the Middle East between Israeli and the Palestinians or its neighbors have created an — or catalyzed an uptick in anti-Semitism in America. But what we are seeing now is more drastic and, frankly, more dangerous. The ADL track between the two weeks of the conflict and the two weeks before a 63 percent increase. And that surge is far greater than what we have seen in prior incidents, like 2014, for example. But what I would also note is not just the quantitative, but the qualitative. The span of these attacks, they spread like wildfire across the country. You mentioned a few, California, Arizona, Wisconsin, Illinois, Michigan, New York, New Jersey, South Carolina, Florida, acts of harassment and vandalism and violence. So, number one, the span is much greater than what we have seen, but secondly the tone, the brazenness, the audacity of these assaults in broad daylight. We have seen people basically say, if you are wearing a Jewish star, you must be a Zionist and you should be killed. We have seen people hurling bottles and objects at homes with mezuzot on the door that were identifiably Jewish. We have seen people driving cars or marauding through Jewish neighborhoods and yelling, « We’re going to rape your women, » right, or yelling things like « Allahu akbar, » and literally then wreaking physical violence on people. And one of the incidents that was captured was in broad daylight in Times Square, a group of people beating and bloodying a Jewish man whose only crime was he was wearing a kippah, to the point where he was left unconscious in the street while people kicked him, bloodied him with like crutches. It was really quite disgusting. And to think that this is happening in America is really unconscionable. The reality is, is, I do believe that political language can have real world consequences. But this is very different kind of political language. (…) today, we have unhinged, fictionalized conspiracies about Israel, that somehow the Jewish state is systematically slaughtering children or committing genocide. And then that leads to real-world attacks on Jewish people in the streets of America, on our campuses, in our communities. (…) And that’s why we think people, regardless of where you are on the spectrum, need to speak out clearly and firmly and forcefully and say, in an unambiguous way, that anti-Semitism is unacceptable, because, again, this isn’t activism. It’s hate, and it should be called out as such. (…) I have heard from Jewish people across the country, and they are feeling scared. They have extremists on the right. They have these, if you might say, radical voices from the left. And they are wondering, is it safe for me to go out wearing a kippah? Is it safe for me to walk to synagogue on a Saturday morning? Again, this is in America in 2021. So we think the leaders, not just President Biden, but members of Congress need to speak out and clearly and consistently call it anti-Semitism, without making equivalence or excuses for any other form of prejudice. You can have fierce debates about Middle East policy, but that is not an excuse to assault and victimize Jewish people in America, in Europe, anywhere. Jonathan Greenblatt (Anti-Defamation League)
Chaque fois que la France est menacée dans son existence et dans ses raisons d’être, il se forme dans ses marges un parti collabo. D’ordinaire, ce parti est d’extrême droite et se confond avec la réaction. Aujourd’hui, il est d’extrême gauche. Jacques Julliard
Sans doute, cette remarque de J. Julliard vaut-elle pour notre époque – disons qu’elle s’avère pertinente pour les années 2000-2020 ; pour autant, il me paraît risqué de soutenir que d’« ordinaire », le « parti collabo » était d’« extrême droite », dans la mesure où ladite extrême droite, si l’on pense à la période 39-45, se nourrissait de très nombreux transfuges de gauche, comme l’a démontré l’historien Simon Epstein dans Un paradoxe français. Pour ce qui est de la droite nationaliste, elle a su voir dans les Juifs des patriotes loyaux, je pense au Barrès des Familles spirituelles de la France, ou à l’engagement de son propre fils dans les rangs de la France libre. Le paradoxe dont rend compte S. Epstein c’est que les antisémites de l’Affaire Dreyfus ont été gaullistes et résistants pendant la Seconde Guerre, tandis que les partis de la collaboration se sont en grande partie recrutés parmi les dreyfusards et la gauche historique. Quant à la gauche demeurée à gauche, après la Seconde Guerre mondiale, elle n’avait pas grand-chose à envier à l’extrême droite sur le chapitre de l’antisémitisme, si l’on considère l’Union soviétique et ses satellites. (…) Il existe en effet une convergence significative entre l’islamisme et le gauchisme qui trouvent un véritable point d’entente sur le sujet de l’antisionisme. Cela paraît absurde, antinomique, et fondé sur un malentendu, puisque ce sont en principe des ennemis que doctrinalement tout oppose. Mais ils ont en commun la volonté d’en découdre avec la civilisation européenne, et communient aujourd’hui dans l’idéologie décoloniale. Leurs motivations initiales diffèrent du tout au tout : l’extrême gauche est antijuive par tradition voltairienne et marxiste, l’islamisme est antisioniste, en raison de la théologie politique de l’islam qui ne souffre pas de souveraineté non-musulmane sur le « dar al-islam ». L’extrême gauche est anticléricale et s’imagine que l’identité juive est « religieuse », tandis que l’islamisme reconduit le vieux débat de la théologie de la substitution en se proclament seule détenteur de la « vraie » révélation. Néanmoins la rencontre de ces deux souches allergiques aux Juifs pour ce qu’ils représentent, n’est somme toute pas récente. L’histoire de cette convergence, du point de vue des matrices doctrinales, remonte aux années 20 du XX siècle. C’est une partie d’échecs : il fallait mettre en échec la possibilité d’un sentiment de sympathie pour un Israël souverain. (…) le discours gaullien de 1967 marque un tournant dans les relations franco-israéliennes, le début d’un véritable renversement d’alliance. Les jeunes générations n’ont pas la moindre idée de la bonne entente qui régnait entre Paris et Jérusalem avant la Guerre des Six Jours. Ce renversement d’alliance a été largement expliqué par la situation géopolitique de la France par rapport au monde arabe : le Maghreb où elle a été longtemps présente, ainsi que le Proche- Orient. (…) Corrélativement, l’existence d’une immigration musulmane souvent peu éduquée, véhiculant le mépris du Juif (al yahoud), voilà qui fait subir une formidable involution à la mentalité issue de l’esprit des Lumières, quoique les Lumières soient elles-mêmes très divisées sur le chapitre de l’égale dignité de tous les hommes. Que de larges fractions de l’opinion soient désormais affectées par le prurit de l’antisémitisme n’a rien de surprenant, cela est le résultat d’une volonté politique, savamment distillée. En matière d’opinion, et de politique de l’opinion, il n’y a pas de génération spontanée. Les grands médias ont été chargés de diffuser la doxa antisioniste, depuis la fin des années 60 du XXe siècle, et trois générations de Français ont bu de ce lait. Cette nouvelle modalité de l’antisémitisme a été sciemment inculquée, et rares sont les esprits qui ont passé l’évidence antisioniste au tamis de l’esprit critique. L’expression antisioniste est d’autant plus désinhibée, qu’elle repose sur des motifs pleins de noblesse : l’antisionisme se présente comme un humaniste et un antiracisme. C’est au nom de l’humanisme et de l’antiracisme que l’on se dit antisioniste. (…) C’est dans la littérature nationale-socialiste que se trouve d’abord le point de mue de l’antisémitisme culturel de la fin du 19è siècle en antisémitisme racial et en antisionisme génocidaire. (…) cette littérature a été traduite en arabe et a trouvé de profonds échos, notamment dans le mouvement national palestinien, à l’époque du Mandat britannique sur la Palestine. C’est dans ce contexte que l’antisémitisme hitlérien entre en symbiose avec l’antijudaïsme des Frères Musulmans. Aujourd’hui la proximité des leaders du mouvement palestinien avec les Frères musulmans, ancêtre de l’OLP de Yasser Arafat, a été mise en exergue par de nombreux historiens (…) Au sortir de la Seconde Guerre mondiale, le mouvement palestinien, militairement vaincu, comme toute la coalition arabe qui s’était formée contre Israël, tombe dans l’escarcelle de l’Union Soviétique. À partir de ce moment, l’URSS écrit un nouveau chapitre de l’histoire de l’antisionisme. Ce n’est plus la conspiration juive que fustigent les staliniens, mais le sionisme allié de l’impérialisme américain, le sionisme incarnation du capital. Il s’agit d’une variante du même schéma. (…) L’antisionisme tel que nous le connaissons, et tel que les « progressistes » acquis à sa cause le pratiquent de nos jours, sort directement des officines du KGB. (…) À cela, il faut ajouter le rôle de vecteur de l’extrême gauche, notamment française, qui a battu des records de forgerie à partir de 1968. L’échec des révolutions prolétariennes, les désillusions du soviétisme ont entraîné dans ses rangs une radicalisation de la lutte anticapitaliste, et ses représentants ont joué un rôle considérable dans la promotion et la banalisation d’un antisionisme à visage humain, décorrélé de l’antisémitisme, devenu tabou en Europe, après la Shoah. Les Palestiniens en sont venus à occuper la place qu’occupait le prolétariat dans le marxisme classique. (…) L’extrême gauche a affiné, si je puis dire, le travail de mise en circulation de ce que j’ai appelé des « équation efficaces », destinées à présenter d’Israël une image répulsive. Ces équations idéologiques définissent une pseudo-logie : « sionisme = nazisme », « sionisme = apartheid », « sionisme= racisme », « sionisme=impérialisme », etc. Lorsque l’on connaît l’histoire, la réversibilité des termes sonne faux, et dénonce ces « équivalences » comme des aberrations, historiques aussi bien que sémantiques. Faut-il rappeler que les Sionismes sont nés en réponse à l’antisémitisme du 19è siècle: russe, allemand, français, et ottoman? (…) De plus, que veut dire « être antisioniste » après la Shoah ? Ces antisionistes au grand cœur, feignent d’oublier qu’il n’y avait plus de place sur terre pour le peuple juif. En somme, qu’est-ce que l’antisionisme propose aux Juifs ? Le retour à la situation d’exil, et d’exposition passive à toutes les formes de la persécution ? À quelle sorte de destin historique l’antisionisme promet-il les Juifs ? Au mieux, à leur disparition en tant que représentants d’une identité singulière, porteur d’un message universel, au pire à leur liquidation physique. (…) Pour autant, je ne confonds pas l’antisionisme islamo-gauchiste ou génocidaire avec l’asionisme de nombreux Juifs qui font le choix de l’intégration dans les sociétés démocratiques. Ceux-là ont affirmé un choix conséquent, en se détachant à titre individuel du destin collectif d’Israël. Pour moi, ils le font à leurs risques et périls. (…) Le fait est que l’État d’Israël représente un pôle identitaire affirmé, en tout cas dans les imaginaires collectifs. Et le signifiant « Israël » n’a jamais été compris, il a été combattu, mais pas compris. Le sionisme se trouve dans une situation paradoxale, du fait du caractère anormal ou atypique de l’histoire juive, au regard de la philosophie politique européenne. D’abord, le sionisme est la dernière expression du principe des nationalités, il s’est affirmé pour la première fois, avec un décalage de près d’une génération sur la dynamique d’auto-détermination née du printemps des peuples, en 1848. (…) Comment comprendre le sionisme, dans un contexte où l’idée de peuple suppose des critères précis : la base territoriale, la communauté de langue ? Or les Juifs ne sont nulle part chez eux, ils sont dispersés, n’ont plus de langue commune, et sont réduits depuis près de deux millénaires à supporter le carcan symbolique d’une entité théologique, ils sont « le peuple du Livre ». Voilà que sous la pression d’un mouvement antisémite international -pogromes en Russie, statut de dhimmi et violences antijuives dans l’empire ottoman, affaire Dreyfus en France, pétition des 200 000 en Allemagne, floraison des ligues et des partis antisémites, etc. – ils entendent reconstituer leur nation. (…) Il s’agit pour les penseurs sionistes de rendre au peuple juif sa dimension historico-politique, ni plus ni moins. Or ce n’est pas ainsi que l’entendent les nations, habituées, du fait de la polémique théologique contre le judaïsme, à considérer celui-ci comme une « religion ». (…) Le Judaïsme est une civilisation, qui a été déracinée par les empires. C’est à cette situation que le sionisme a entendu mettre fin. Le second paradoxe tient au fait que la souveraineté juive s’est surtout affirmée concomitamment à la fin de la Seconde Guerre mondiale, à une époque marquée par le reflux du nationalisme, et bientôt la critique de l’État Nation. Le reflux du nationalisme est forcément assimilé au refus du bellicisme et de la violence doctrinale dont ont fait preuve le national-socialisme et les fascismes. Quant à la critique de l’État-Nation, elle s’est peu à peu déduite de la formation de l’Europe supranationale, dans le contexte de la polarisation Est/Ouest, à l’époque de la guerre froide. Une nouvelle ère culturelle s’est épanouie, fortement favorisée par le développement du post-marxisme et du post-structuralisme, sous le rapport de ce que l’on appelle d’un terme assez vague la philosophie post-moderne. Or cette pensée post-moderne est paradoxalement très marquée par la philosophie de Heidegger, l’artisan de Abbau, la destruction/déconstruction de… l’humanisme européen. (…) Au-delà du champ philosophique, le principe de la déconstruction a fait souche dans le débat idéologique : l’idéologie décoloniale est une métastase du post-marxisme mâtiné de déconstruction. C’est là que les deux souches virulentes se rejoignent : d’un côté la mauvaise conscience de l’Occident, qui, pour s’exprimer, recycle follement les idées du plus grand penseur nazi du XXè siècle, d’autre part l’idéologie du djihad conquérant, qui révèle le principe historique de l’islam primitif. Ces deux souches culminent dans une posture inlassable de ressentiment, dont Max Scheler a explicité les mécanismes, il y a déjà un siècle. Néanmoins, la critique du néo-antisémitisme que représente sciemment l’antisionisme constitue un angle mort du débat public, comme s’il ne s’agissait que d’une « affaire juive ». Or c’est tout le contraire. Par leur complaisance et leur démagogie, les démocraties occidentales ont joué le jeu de la centrale palestinienne, elles l’ont financée, en relayant sa propagande anti-juive, depuis le milieu des années 60. Si des germes d’antisémitisme demeuraient vivaces en Europe, après la Libération, c’est à l’OLP que le monde actuel doit d’avoir été de nouveau submergé par cette vague d’antisémitisme. L’OLP (…) demeure le vecteur de propagation le plus virulent : elle a pris le relais de l’Église en matière de diffusion universelle de l’enseignement du mépris. Le discours canonique de l’antisionisme, sa charte internationale, c’est précisément celle de l’OLP. Par ce texte, l’OLP signe sa double filiation : d’abord nazie et stalinienne, mais aussi par sa tonalité tiers-mondiste qui lui a conféré sa « respectabilité », pendant des décennies, auprès des gauches européennes. A la souche totalitaire, l’OLP emprunte explicitement, le schème conspirationniste des Protocoles des Sages de Sion, au tiers-mondisme, l’OLP emprunte l’idéologie anticolonialiste et l’anti-américanisme. La charte du Hamas, plus récente, campe sur les mêmes positions. (…) De nos jours, dans les manifestations « pro-palestiniennes », les « antisionistes » exhibent de nouveau la croix gammée sur leurs banderoles aux couleurs de la Palestine, ce n’est pas l’expression d’un ‘’dérapage’’, mais la signature d’une authentique filiation…Il y a ensuite la connivence totalement inattendue, mais par un effet de conjoncture, du discours des grands médias et du discours de l’extrême gauche, qui ont servi de relais aux prétentions de l’OLP, en fabriquant un véritable catéchisme – en un mot une vulgate – à destination du grand public : les grands médias, en vertu de l’alignement pro-palestinien des gouvernements successifs, depuis 1967, l’extrême gauche par son action continue sur la société civile, et ses capacités d’entrisme à l’université notamment. (…) L’ensemble de ces paramètres, leur combinatoire historique, liée à des stratégies délibérées, gouvernementales mais aussi militantes – de niveau logique entièrement distinct- contribuent à définir l’espace massif de ce « point mort », de ce que j’appelle l’angle mort du débat public en France, mais pas seulement. (…) Vladimir Jankélévitch avait vu juste, en identifiant le principe génétique de l’antisionisme. L’antisionisme radical est une forgerie du nazisme et du stalinisme, reprise par le nationalisme islamiste des Palestiniens au début du Mandat britannique sur la Palestine, pour s’opposer à la progression du mouvement sioniste. (…) l’antisionisme est la dernière modalité historique connue de la judéophobie, après l’antijudaïsme théologique (chrétien puis musulman), et l’antisémitisme moderne (culturel, raciste et/ou nationaliste). Ces trois modalités sont liées par un même invariant : la criminalisation du fait juif, comme je l’ai écrit au début des années 2000 (…) À cet égard, l’antisionisme de Tarik Ramadan est congruent avec l’idéologie des Frères musulmans. Si nous savons généralement que son grand-père était le fondateur de la confrérie, l’on sait moins en revanche que son père était l’émissaire pour la Palestine du Grand Mufti de Jérusalem. Quant à Jean-Luc Mélenchon, son antisionisme est celui d’un communiste pro-soviétique reconverti dans le populisme islamo-gauchiste, rien que de très congruent là encore. (…) Ce sont des alliés objectifs du point de vue tactique, et des alliés subjectifs du point de vue de leurs convictions propres : l’islamisme radical du premier, le laïcardisme agressif et l’opportunisme électoraliste de l’autre. (…)  À côté de cela, il faut prendre en considération le cas de la gauche juive, critique du sionisme, modérée ou radicale, qui  s’explique autrement. Cette conception s’origine d’une part dans Marx lui-même, mais très certainement dans les élaborations ultérieures (…) On voit pointer là la perspective d’une résolution de la question juive dans le cadre d’un universalisme de sensibilité révolutionnaire. Un universitaire influent en son temps tel que Maxime Rodinson, a occupé une place central dans ce dispositif. Auteur de Question juive ou problème juif ?, il a fixé pour longtemps la norme de l’interprétation « coloniale » du sionisme, en donnant le ton par son article rédigé pour l’Encyclopaedia Universalis au début des années 70 du vingtième siècle. Simultanément, la descendance idéologique de communistes d’origine juive, tel que Henri Curiel, via Le Monde diplomatique, avec des vecteurs d’opinion comme son fils Alain Greisch, ou Dominique Vidal – tous deux passionnément antisionistes- a contribué et continue encore à brouiller les cartes sur la question de savoir qui est juif et surtout comment l’être. Ce sont ces intellectuels de gauche, « universalistes », qui ont contribué à ethniciser le sionisme, à le défigurer en présentant des versions controuvées de la révolution sioniste. Ces deux journalistes, experts auto-proclamés du Proche Orient ont consacré une bonne partie de leurs écrits et de leurs interventions à tâcher d’apporter la démonstration de l’indépendance de l’antisionisme et de l’antisémitisme. Au regard de la connaissance historique, ce sont des gesticulations sans pertinence, de pures théorisations polémiques qui servent des buts de conquête idéologique de l’espace public. Quant à leur collusion avec l’islamisme radical, elle est une caractéristique intrinsèque de leur engagement. En leur temps, cela ne les a pas empêchés de suggérer à l’OLP de se rapprocher de la gauche européenne, ni de s’aligner eux-mêmes sur le principe du « socialisme dans un seul pays », qui, après tout, est un ultra-nationalisme, un nationalisme impérial au sens obvie de ce terme. (…) Les communistes ont toujours hurlé avec les loups, au nom de l’anticolonialisme et de l’anti-impérialisme. Quant aux socialistes ils étaient divisés, ou ambivalents, ou dans le déni. On se souvient du retournement du Parti Socialiste, pour des motifs électoralistes, au début des années 2000 : il suffit de rappeler les positions d’un Pascal Boniface, auteur de : Est-il permis de critiquer Israël ?, mais aussi à l’attitude de Lionel Jospin, alors premier ministre, au moment de la deuxième intifada : il n’y avait pas d’antisémitisme dans les universités, et l’antisionisme était un non-sujet… Le cas des israéliens antisionistes est différent, même si leur discours entre en convergence avec celui des antisionistes radicaux, en leur conférant une précieuse justification (« si ce sont des Juifs qui le disent, alors il est illégitime de nous taxer d’antisémitisme », etc.). L’antisionisme israélien repose sur plusieurs composantes. Il a différentes sources : le Berit Chalom, le sionisme marxiste, le sionisme socialiste, pénétré de moralisme, les nouveaux historiens, et le post-sionisme, qui est la modalité israélienne du post-modernisme. Chez les militants du Berit Chalom, règne une certaine naïveté, qui se condense dans l’impératif d’une éthique sans politique, à l’heure des pogroms antijuifs déclenchés par le mouvement palestinien ! De cette posture, il reste l’essentiel chez les antisionistes israéliens, qui est un moralisme belliciste. Ainsi, le cas de Shlomo Sand est paradigmatique : il cumule la posture moraliste, le rejet de la tradition juive, comme prisme d’intelligibilité de la signification historique du sionisme, et l’adhésion crypto-communiste à la critique anticolonialiste, héritée du prisme de lecture marxiste. Quant à Elie Barnavi, ou à Abraham Bourg, ils sont représentatifs de l’élite du pays, installé, comme beaucoup d’intellectuels, dans la posture du donneur de leçon, également perméables au thème marxiste et post-marxiste de la prétendue culpabilité de l’Occident. Pour moi, ces esprits se leurrent, leur analyse est fausse, car elle prend pour référentiel les catégories de l’historiographie hégélienne : les Juifs ne sauraient avoir d’État, et s’ils en ont un, il ne faut surtout pas que celui-ci se distingue par des traits de caractère juifs. Mais le sionisme, c’est précisément cela. Il a été pensé par le peuple juif dans un moment de grand péril, pour rétablir la souveraineté juive, en assumant l’histoire juive. Le sionisme authentique n’est pas en rupture avec le messianisme juif, il le vivifie mais ne l’abolit pas. Les antisionistes juifs, on peut le présumer, expriment d’abord un besoin de normalisation, qui cache une demande d’amour : « ’Acceptez-nous, aimez-nous, nous ne sommes pas différents de vous, nous sommes comme vous ». (…) On serait tenté, dans le cas de Sand, d’arguer de la haine de soi, dont Théodore Lessing a fait l’analyse.. Mais je ne suis pas favorable à cette analyse psychologique. Il s’agit pour moi d’un problème idéologique qui a sans doute des conséquences psychiques. (…) L’antisionisme d’une partie des Israéliens n’a plus grand-chose à voir avec ce phénomène individuel. Il est le symptôme partiellement collectif d’une volonté de normalisation. (…) Il y a enfin le cas d’intellectuels dont on ne peut pas dire qu’ils soient antisionistes, mais qui du fait de leur adhésion au schéma de l’analyse marxiste de l’histoire tendent à ignorer la singularité de l’histoire juive, en projetant sur l’histoire du sionisme les mécanismes coloniaux. Il est symptomatique que lorsqu’ils sont francophones, ces intellectuels fourbissent leur critique en usant de références qui sont celles de la colonisation française. Ils seront ainsi enclins à analyser le conflit palestino-israélien dans les mêmes termes que des militants du F.L.N analysaient la nécessité de l’indépendance algérienne. (…) Voilà le fonds de commerce idéologique de la gauche israélienne, à l’heure du débat sur l’identité nationale… (…) À partir de ce schème, plusieurs générations d’Israéliens déculturés, ont été éduqués par de mauvais maîtres avec la conviction d’être issus d’une nation d’envahisseurs et de colons, au sens des impérialismes européens. Mais un Juif ne sera jamais un « colon » en Judée ! L’inculcation de ce même schéma dans les universités, et le développement de deux discours concomitants, à partir de grilles de lecture complètement inappropriées, à quoi se sont ajoutées les thèses analogues des « nouveaux historiens » (exception faite de Benny Morris) procède d’une erreur de jugement, qu’il est aisé de repérer. (…)  Ce sont moins les universités en tant que telles que certains universitaires, militants actifs de la cause palestinienne, qui ont considérablement pesé dans la politisation des universités. Au fil des décennies, celles-ci sont devenues des foyers significatifs de promotion de l’antisionisme. Une fois encore cela remonte à la fin des années soixante, lorsque l’extrême gauche a inventé de toute pièce la cause palestinienne, comme un motif clef de la mobilisation du monde étudiant. D’année en année, il s’est créé un profil type de l’universitaire progressiste, nécessairement hostile à Israël, précisément sur le thème anticolonialiste, ce qui en dit long sur l’ignorance ou la mauvaise foi partisane de ces individus. (…) Au début des années 2000, ces mêmes collègues ont été des acteurs actifs du BDS, et nous avions dû faire beaucoup d’efforts pour enrayer une première fois ce mouvement. (…) à bien considérer les positions politiques en jeu, ces mêmes universitaires-militants forment la 5e colonne de l’islam radical. Ils représentent un certain dévoiement de la gauche, puisque par la nature même de leurs actions, ils fédèrent la nouvelle internationale antisémite, en lui offrant une caution académique. (…) Comment des gens qui se prétendent démocrates peuvent cautionner un mouvement dont l’idéologie de référence est celle des Frères musulmans ? Il y a là une sorte de dissociation philosophique que je m’explique mal, puisqu’à tout prendre, ces fonctionnaires de la République cautionnent quand même un projet – si on peut encore user de ce terme – profondément rétrograde : le refus de la souveraineté juive, la diffusion de l’agenda politique du terrorisme, et bien entendu le rejet de la société ouverte. Le discours de cette clique est celui d’une nouvelle forme de  fascisme: désignation de l’ennemi (« l’entité sioniste », « les sionistes »), suivi de son essentialisation (« colons », « occupants », avec toutes les connotations inhérentes à ces termes en Europe), le simplisme idéologique, le révisionnisme historique, l’esprit de délation, etc. Il s’agit d’une véritable institutionnalisation de la délinquance, fondée sur la diffusion d’un nouvel enseignement du mépris qui fait lien avec le modus operandi de l’antisémitisme classique. La péjoration constante du sionisme, ainsi que la délégitimation morale de l’État d’Israël, les mensonges régulièrement distillés n’ont pas peu contribué à la subversion du débat public. En ce sens, le nouvel antisémitisme se trouve alimenté par le discours des ennemis d’Israël entré en convergence avec celui que véhicule, pour des raisons économiques ou électoralistes, les élites gouvernementales. Ce climat fait chorus avec la désinformation qui prévaut en France, si bien que ces enseignants portent une grande part de responsabilité dans l’effondrement du niveau culturel et le décervelage des étudiants dont ils ont la charge. Il y a enfin un paradoxe qui ne laisse de me faire méditer : l’antisionisme s’affirme au nom de l’amour de la paix, mais il faut bien dire qu’en tant que pacifisme de principe, il constitue la forme la plus sournoise du bellicisme. (….) Les intérêts géopolitiques de la France ont amené les régimes et les gouvernements successifs à considérer que le monde arabe était un débouché et un allié naturel : sous la  monarchie, l’empire, la République, c’est un invariant. Au sortir de la Seconde Guerre mondiale, nous savons que la France a offert l’asile au Mufti de Jérusalem, qu’elle a aussi permis sa fuite, sous une fausse identité, ce qui lui a permis d’échapper au Procès de Nuremberg. La France savait ce qu’elle faisait, mais elle l’a fait en songeant au bénéfice qu’elle pourrait un jour tirer de ce geste. Après le renversement d’alliance, le tournant anti-israélien pris par De Gaulle, la France a choisi de s’impliquer en faveur de la cause palestinienne : Arafat, qui avait été l’émule du Mufti (il comptait au nombre de ses proches à l’époque de l’alliance entre le mouvement national palestinien et la diplomatie nazie), est devenu un allié fiable et fidèle. Elle lui a témoigné son soutien, et l’a accueilli dans ses deniers jours à l’hôpital des armées du Val de Grâce, tout un poème. Mais c’est aussi la France, qui a offert l’hospitalité à l’imam Khomeini, en chemin vers Téhéran, au moment de la révolution islamique. C’est cela la realpolitik…C’est encore la France républicaine qui a doté l’Irak antisioniste de Saddam Hussein d’un réacteur nucléaire que l’aviation israélienne a détruit pour ne pas permettre qu’Israël vive sous la menace d’une extermination nucléaire. N’eusse-t-il pas été plus cohérent que la France des Lumières, persiste à s’affirmer l’alliée naturelle d’Israël, après Vichy, après des siècles de présence des communautés juives en France ? C’est aussi la France républicaine qui a délibérément pris le parti de désinformer les citoyens français, en distillant via l’AFP les contre-vérités les plus grossières. Realpolitik, une fois de plus. Selon la même ligne de cohérence diplomatique, c’est encore la France qui détient à l’ONU le record des condamnations d’Israël, aux côtés de la majorité automatique, traditionnellement hostile à Israël (en vertu de la théologie politique de l’islam). Ceci étant, j’attends le moment où les paix d’Abraham, récemment conclues entre Israël et ses principaux ennemis arabes, porteront de tels fruits, que certains secteurs de l’Europe seront les derniers tenants de l’antisionisme, tandis que l’antisionisme sera devenu minoritaire parmi ses principaux tenants historiques. Aujourd’hui le gouvernement de Khartoum demande la « normalisation » avec Israël, alors que c’est à Khartoum que fut proclamé par la Ligue Arabe, en 1967, le programme des « 3 non à Israël » : non à la reconnaissance, non à la négociation, non à la paix… La topologie internationale sera entièrement modifiée : il y aura d’un côté les anciens ennemis ligués dans des alliances de coopération, et de l’autre les antisionistes has been, décoloniaux et post-modernes, emmenés par la France, avec ses mantras du Quai d’Orsay (« la solution à deux États »…). La position intangible de la France participe d’une longue tradition de réalisme politique et de pusillanimité, très bien analysée par David Pryce-Jones (…) À mes yeux, cela est impardonnable, car la France – précisément en tant que puissance impériale et coloniale- a été présente dans le monde arabo-musulman pendant près d’un siècle et demi. N’a-t-elle rien retenu de cette si longue présence ? N’a-t-elle tiré aucune leçon du jusqu’auboutisme du FLN, dont les historiens admettent seulement aujourd’hui les racines islamistes ? En un sens nous avons là le même phénomène qu’avec l’OLP, qui est en réalité une émanation des Frères Musulmans palestiniens, mais qui a eu l’intelligence tactique de se couler dans le tiers-mondisme pour rendre acceptable son antisionisme. Le véritable point de mue se situe là, c’est cela la convergence des luttes… (…) La prétendue « solution à deux États » est la traduction diplomatique du narratif palestinien, de la contre-vérité selon laquelle « le » sionisme, et l’État d’Israël sont fondés sur l’exclusion et l’expulsion des Arabes de Palestine. (…) Lorsqu’ensuite, au sortir de la Seconde Guerre mondiale, l’ONU vote le partage de la Palestine, en deux États – l’un juif, l’autre arabe-, les Arabes palestiniens, ont la possibilité d’affirmer leur dignité nationale. Non seulement ils rejettent cette décision internationale, mais ils se lancent avec la Ligue Arabe, dans une guerre d’extermination contre l’État d’Israël, car le mouvement sioniste, quant à lui, a dit « oui » à ce partage, et s’en contente. La possibilité d’un État palestinien faisait donc partie de l’agenda international, et il a été refusé au mépris du droit international. Après la défaite militaire, les Arabes de Palestine, emmenés par le Fatah, ont inventé le terrorisme international, c’était leur alternative au droit international, précisément. Il faut encore rappeler, et cela ne choque personne et n’a jamais choqué personne, que les Britanniques ont créé la « Trans-Jordanie » (l’actuelle Jordanie) en …1922, pour trouver justement une solution nationale au « problème palestinien ». Tout cela est oublié. À la suite de la guerre d’indépendance, les portions territoriales allouées à l’État Arabe de Palestine, ont été annexées, respectivement par l’Égypte (la bande de Gaza) et la Jordanie (la Cisjordanie). Ce n’est qu’à la fin des années soixante-dix que l’Égypte et la Jordanie ont renoncé à leurs annexions, obligeant Israël à se débrouiller avec les populations de ces territoires. Il s’est produit dans l’intervalle deux autres guerres d’extermination – celle de 1967 et celle de 1973- que la Ligue arabe a encore perdues. Puis, l’État d’Israël a cru bon d’engager des négociations avec la centrale palestinienne (OLP), ce qui a conduit aux Accords d’Oslo, parce que depuis la création du Fatah et le ralliement international à « la cause palestinienne », la terre entière exigeait à l’unisson une « solution à deux États ». Nous connaissons la suite : aux termes des Accords de 1993 (Oslo), les « Palestiniens » ont obtenu l’autonomie politique graduelle. C’est la vague d’attentats des années suivantes qui a enrayé ce processus, et l’irrédentisme des mêmes « Palestiniens », bientôt rejoints par la faction plus radicale du Hamas. Depuis 2006, les « Palestiniens » sont gouvernés par deux entités politiques : le Hamas dans la Bande de Gaza, l’Autorité palestinienne en « Judée-Samarie », c’est-à-dire sur le territoire qui est le berceau historique du peuple juif. Voilà pourquoi le principe de « la solution à deux États » est un mantra hypnotique, parce qu’en vérité il existe déjà trois entités nationales palestiniennes : une monarchie (la Jordanie), un mini-État islamique (la Bande de Gaza), et une dictature tiers-mondiste (Jéricho et ses dépendances). En sorte que l’État palestinien que revendique l’antisionisme coïncide avec l’exigence inacceptable de la disparition de l’État d’Israël en tant qu’État du peuple juif. À cet égard, alors que les antisionistes et leurs émules moutonniers se sont fait une spécialité de dénoncer les « crimes de guerre » d’Israël, et les entorses au droit, ce sont eux en vérité qui incarnent le parangon du non- respect du droit international, et ceci depuis le début de l’histoire d’un conflit, dont ils sont les uniques responsables. Si l’antisionisme ainsi compris triomphait, la solution à « deux États », serait en vérité une solution à quatre États : l’État d’Israël, devenu binational, la Bande de Gaza, la Jordanie, et les territoires de l’Autorité palestinienne de M. Abbas. Le principe de la « solution à deux États » est une formule qui n’a qu’une portée et qu’une valeur idéologique, dans un monde désymbolisé. Il est le symptôme manifeste de ce que l’Europe, mais aussi une partie des États-Unis, et par extension tous les partisans de la « solution à deux Etats » ignorent avec l’histoire les rudiments du calcul mental, en se convertissant massivement au narratif palestinien, qui est la version laïque de la sha’ada – la formule religieuse de la conversion à l’Islam. (…) il suffit de ne pas être aveugle pour lire sans le moindre risque d’erreur la signification du logo de l’OLP, ou celui du Hamas. Le logo de l’OLP représente la géographie de l’actuel État d’Israël, couverte par deux fusils croisés, tandis que celui du Hamas, représente la Mosquée d’El Aqsa, auréolée de deux sabres : un beau mélange des deux versions de l’islam, radical avec les cimeterres  de l’expansion des premiers siècles, et « modéré » avec les fusils vendus par la Russie, et la Chine. On ne peut mieux établir le caractère substitutif de la « cause palestinienne », qui est le nouveau cri de ralliement des antisémites, pour toutes les raisons que j’ai dites. (…) Le narratif palestinien donne à reconnaître quelque chose qui ressemble à la passion du Christ. Les « Palestiniens » sont les nouveaux crucifiés… Leur propagande victimaire a su exploiter tous les ressorts de l’âme occidentale, et de la culpabilité européenne. Quoi de plus apaisant pour des nations qui ont été le théâtre de la Shoah de se convaincre, à l’unisson avec les faussaires du Hamas et les négationnistes de l’OLP que « les victimes d’hier, sont les bourreaux d’aujourd’hui », en faisant accroire qu’Israël a mis en œuvre « le génocide du Peuple palestinien » ? Le narratif palestinien reprend mot pour mot les éléments de langage de la mémoire juive : la clef de la maison que l’on a dû abandonner, le thème de l’exil et de la diaspora, celui de la spoliation, des massacres, de la résistance « héroïque » (des « combattants palestiniens »), analogue de celle du ghetto de Varsovie. (…) l’antisionisme a aussi su faire oublier qu’un million de Juifs ont été expulsés des pays arabes, entre 1948 et 1975, et qu’à ce jour il ne subsiste plus une seule communauté juive d’importance significative sous ces latitudes. (…) Quant aux comparaisons outrancières, elles sont des lieux communs bien connus de la presse de gauche et d’extrême gauche, depuis que l’AFP, s’est mise au service de la « cause palestinienne », et qu’elle diffuse journellement les contes et légendes de Palestine à l’intention de populations anesthésiées. On conçoit aisément la part de distorsion, de manipulation et de cynisme qui entre dans cette réécriture intégrale de l’histoire. (…)  pour la coalition islamo-gauchiste, la destruction de l’État-Nation, et le harcèlement d’Israël sont de bonnes et saintes causes. (…) [ aujourd’hui les propagateurs essentiels des idées anti-juives sont] tous ceux qui les diffusent, mais aussi tous ceux qui sont indifférents à leur diffusion et ne s’y opposent pas explicitement ni publiquement. (…) Cela me rappelle le mot du pasteur Niemöller : «  Quand les nazis sont venus chercher les communistes, je n’ai rien dit, je n’étais pas communiste ; Quand ils ont enfermé les sociaux-démocrates, je n’ai rien dit, je n’étais pas social-démocrate ; Quand ils sont venus chercher les syndicalistes, je n’ai rien dit, je n’étais pas syndicaliste ; Quand ils sont venus me chercher, il ne restait plus personne pour protester.  »  (…) En agissant comme elles le font, toutes ces personnalités [du néo-féminisme radical] ont la conviction de témoigner publiquement de leur engagement humaniste et universaliste. (…) elles ont intériorisé les équations efficaces dont je parlais tout à l’heure. Mais au fond de leur engagement, il se joue pour elles, un combat éthique de premier plan, très caractéristique de la post-modernité : c’est la lutte contre la civilisation patriarcale. Mieux, c’est la volonté d’en découdre avec le fantasme du patriarcat oppressif. De ce seul point de vue, le féminisme radical se déduit de l’antijudaïsme qui sous-tend l’antisionisme. Le signifiant Israël agrège toutes les figures de l’autorité : le père, le juge, le maître, le guerrier… Ce radicalisme est la marque de l’intolérance à ce que représente la figure archétype du juif. Il n’est donc pas étonnant que la convergence des luttes s’articulent également sur un substrat symbolique qu’il s’agit de contester à sa racine. (…) Il s’agit toujours de tuer le juif symbolique. C’est le principe même de la désymbolisation contemporaine, qui consiste à s’attaquer au cadre du moralisme judéo-chrétien présumé. (…) Le discours que tient J. Butler procède d’une posture typiquement juive, caractéristique de l’Amérique du Nord. N. Chomsky l’a précédée, au nom de la critique de l’impérialisme. Le propre de ces « intellectuels juifs » est précisément de ne plus se rallier au judaïsme au sens historique et culturel de ce terme. (…) Il s’agit d’intellectuels d’origine juive, entièrement déjudaisés. Ils ont été littéralement aspirés par la logique centrifuge du narratif victimaire, distinctif du palestinisme. Ils sont également très représentatifs, à ce titre, des effets clivants de la judéophobie : la culpabilisation des Juifs par la propagande palestinienne, a poussé nombre de bons esprits à se désolidariser du peuple juif et du destin national du peuple juif, en préférant un choix individualiste, plus fortement valorisé dans le contexte d’une culture académique-universaliste. Autrement dit, c’est un ethos. À cet égard, ils sont des incarnations de l’universalisme abstrait, sans se rendre compte qu’en tant qu’idéologie dominante de l’impérium Nord-américain, cette posture est un ethnocentrisme qui s’ignore. Il en résulte que toute identité singulière collective, devient la cible de leur péjoration. Dans la droite ligne de leur choix philosophique, ils naturalisent leur choix existentiel, qui est celui  d’une assimilation provocatrice qui les exonère de toute compromission avec l’Israël historique qu’ils appellent à discriminer. De manière tendancielle, ce sont des figures héroïques de l’identification à l’agresseur, de solides cautions de l’antisionisme, puisque si ce sont des Juifs qui le diffusent, alors c’est que ce doit être « vrai ». Cette façon de donner le change les installe comme des porte-parole de la justice, alors qu’ils pêchent contre l’esprit. Mais ces choix les protègent de l’hostilité d’ennemis inconciliables, puisqu’ils les devancent et les justifient. (…)  La plupart des adversaires doctrinaux d’Israël s’entêtent à critiquer son « particularisme », son « exclusivisme », etc. Notez-bien que cette objection est en phase avec une caractéristique originaire de la judéophobie historique, puisque l’Église, aussi bien que l’Islam visent justement le « séparatisme » juif, son entêtement à refuser de se fondre dans la majorité, en reconnaissant la vérité théologique des deux autres monothéismes. Cette même disposition a conditionné la conception de l’universalisme des sociétés sécularisées. (…) Les présupposés théologiques de la philosophie de l’histoire, ont fait apparaître que la modernité est en effet une sécularisation de la théologie de l’histoire : c’est le principe même de la généralisation d’un modèle de société qui se comprend lui-même comme impliquant l’uniformisation idéologique des membres qui la constituent, même lorsque ces sociétés se fondent sur la séparation des pouvoirs, et que de ce fait elle garantissent les libertés individuelles (de conscience, de religion, notamment). Il est également remarquable, que la plupart des penseurs postmodernistes ont appuyé leur critique socio-politique de la mondialisation capitaliste sur un retour à l’universalisme paulinien, dont l’allergie au « particularisme » juif est emblématique. D’autant qu’il s’agit d’un particularisme coupable (historiquement lié au rejet de la messianité de Jésus). Le thème théologique de la perfidie des Juifs – c’est-à-dire de leur « infidélité »- est constitutif de cette conception. Or, sans la moindre exception, les principaux théoriciens du postmodernisme professent une position antisioniste, en reconduisant à l’encontre d’Israël, l’objection de particularisme, et pour ce faire, ils articulent leur conception sur une référence explicite à l’universalisme de St Paul ! Le tournant altermondialiste des penseurs post-modernes Toni Negri, Alain Badiou, Giorgio Agamben, Slavoj Zižek, signe l’appartenance de leur vues à cette double dépendance matricielle : la promotion de ce que j’appelle « l’universalisme abstrait » coïncidant avec la dénonciation du « particularisme juif », qui s’exprime sous le rapport du « sionisme », notamment chez les trois premiers. Une fois de plus, sous la plume de ces auteurs, Israël s’est rendu coupable de déroger à cette conception d’un universalisme allergique à la différence, d’un universalisme assimilateur. Mais à notre époque, la critique du « particularisme sioniste » étaye une accusation sous-jacente : ce particularisme serait « raciste », et l’État d’Israël formerait une « ethno-démocratie ». Ces thèmes sont des invariants du postmodernisme politique : cette conception de l’universalisme sous-tend la péjoration de l’identité juive, depuis la plus haute antiquité. Le particularisme est toujours l’expression d’une dérogation, l’indice constant du refus d’adhérer à l’ordre de la majorité. Comme tel, il est ressenti comme un pôle d’adversité. Il y a là quelque chose d’un résidu de la mentalité primitive qui consiste à poser a priori que l’autre – du fait de sa différence- représente un danger, qu’il est aussi un ennemi. Le même ethos caractérise le grand nombre d’intellectuels juifs qui se sont éloignés de la culture juive, et qui au nom du post-sionisme font chorus avec leurs homologues non-juifs. Ils ne sont plus ni juifs, ni sionistes – ils dénoncent l’un et l’autre au nom de « l’universalisme », ce sont des « alter-juifs ». (…) En regard de cet activisme qui n’a de juif que le nom, depuis la plus haute antiquité, la tradition hébraïque a affirmé une conception fort différente de l’universalisme. La tradition biblique développe une vision originale qui tranche avec les mythologies des autres civilisations : la diversité humaine procède d’une même souche appelée à se différencier en peuples distincts, chacun ayant une vocation spécifique. Le thème hébraïque du particularisme est toujours l’indice d’un trait positif, puisque la différence est constitutive de l’identité humaine. (…) Dans cette perspective, l’universalisme hébraïque, qui continue d’informer à la fois le Judaïsme, la pensée et l’histoire du peuple juif est un universalisme différentialiste. Ce n’est ni le signe d’un exclusivisme, ni le signe d’une hostilité, mais au contraire la marque distinctive d’une distinction culturelle. La Bible hébraïque est de ce point de vue un modèle de tolérance et de respect des différences personnelles et collectives. Dans le narratif biblique, celui de la Torah (du Premier Testament), il n’existe qu’un peuple indigne, c’est Amalek. Amalek dont toute la spécificité est de haïr Israël et de rechercher sa destruction. Il n’a pas d’autre raison d’être. C’est littéralement un non-peuple, qui se nourrit d’une fausse identité, laquelle n’est que négative et négativité. L’antisionisme mime à s’y méprendre la dialectique du positionnement archétype d’Amalek : il ne dit pas ce qu’il est, il dit seulement qu’Israël ne doit pas être, il projette sur Israël sa propre négativité. Par ailleurs, l’ignorance de la conception hébraïque et juive de la forme différentialiste de l’universalisme ne saurait excuser cette charge permanente contre le sionisme, elle est aussi l’indice de ce que le concept de tolérance, si cher aux « universalistes éclairés » n’est qu’un slogan creux quand il s’agit des Juifs, et d’Israël. (…) Cette incompréhension fondamentale trouve sa principale origine dans ce que j’appelle la conception exogène de l’identité juive, qui est la conception commune, selon laquelle le judaïsme est une religion. J’oppose à cette conception ce que je nomme la conception endogène du fait juif, et qui désigne la manière dont les Juifs qui connaissent leur histoire se conçoivent eux-mêmes, et comprennent leur identité historique. Pour ces derniers – et j’y inclus les Juifs israéliens- ce qu’il est convenu de désigner du terme de « religion » n’est que l’un des paramètres de l’identité juive. C’est sous le coup de la polémique théologique – chrétienne et musulmane – contre le judaïsme, que la civilisation juive, dans une situation prolongée d’exil – c’est-à-dire de perte de souveraineté et de déterritorialisation- s’est trouvée réduite à sa dimension spirituelle et cultuelle. (…) Il s’agit d’une véritable assignation aux catégories théologiques dominantes, en sorte que pour assurer sa pérennité, le peuple juif a en effet tendanciellement intériorisé cette identification. (…) À partir du moment où s’affirme un sentiment national juif – à travers le sionisme, dès la fin du 19è siècle, un certain nombre de questions se posent, qui témoignent de la perturbation que fait naître cet éveil : comment une collectivité « religieuse » peut-elle prétendre à se constituer en État, et de surcroît en État-nation moderne ? L’idée d’un « État juif » n’est-elle pas une contradiction dans les termes ? L’existence d’un tel État n’est-il pas l’indice d’une affirmation théocratique ? Le sionisme est-il autre chose qu’un colonialisme ? Ces questions, qui expriment toutes le point de vue exogène, ignorent de fait la continuité effective du sentiment national juif, inhérent au messianisme juif. Tout l’enseignement du judaïsme repose sur la perspective du retour des enfants d’Israël sur la terre d’Israël, dont le centre se trouve à Sion/Jérusalem. Il faut tout ignorer de l’histoire juive, mais aussi de l’histoire universelle qui a imposé ses rythmes au peuple juif, pour tenir ces questions pour des questions pertinentes. Ce point de cécité est une caractéristique majeure d’une mentalité qui a été façonnée par une écriture de l’histoire universelle qui est celle des vainqueurs. C’est en effet le point de vue de l’empire Romain qui depuis deux millénaires commande aux catégories de l’analyse historique. À commencer par le nom de « Palestine », dont nous savons qu’il a été donné par l’empereur Hadrien en 135 de l’ère commune à la terre d’Israël, pour effacer le nom de la Judée. L’Europe chrétienne a hérité de cette vision, et à sa suite l’historiographie scientifique « laïque ». Cela est passé dans le catéchisme de l’Église de Rome, mais pas seulement, où l’on peut lire que « Jésus est né en Palestine », cela a été naturalisé par les chroniqueurs, les cartographes, les diplomates, les juristes, les biblistes (à commencer par la plupart des spécialistes de « l’Ancien Testament » (sic)), les analystes politiques, et bien entendu les journalistes, etc. (…) Qui sait en ce début du XXIème siècle que les premiers sionistes possédaient un passeport estampillé « Palestine », et qu’ils étaient avant la création de l’État d’Israël ceux auxquels s’appliquaient de manière exclusive, la désignation de « Palestiniens » ? Le sionisme dérange aussi parce qu’il fait voler en éclat les catégories théologico-politiques sur lesquelles se sont édifiées aussi bien le christianisme que l’islam, ainsi que la modernité séculière : le sionisme accomplit l’espérance du Retour à Sion, et de ce fait il met en échec le christianisme – et dans une moindre mesure l’islam-  dont toute la théologie politique s’est édifiée sur l’hypothèse de la disparition des Juifs de la scène de l’histoire. Le sionisme dérange d’autant plus dans un monde sécularisé, puisque dans le contexte de son émergence endogène, il déroge aux conditions de formation des États nations. L’idée d’un Israël national tranche avec l’idée d’un Israël entendu comme catégorie liturgique, « peuple du Livre », ou « peuple témoin », etc. Israël peuple historique de nouveau territorialisé et souverain, cela connote l’archaïsme et suscite une haine archaïque. (…) L’émergence, puis le développement du sionisme, et enfin sa concrétisation dans une réalisation nationale, cela s’apparente à un immense retour du refoulé. C’est l’histoire d’un spectre revenu à la vie, et cela est des plus dérangeants. L’ordre symbolique occidental mais aussi oriental procédait de ce refoulement. Rien n’y a fait, le peuple juif a survécu, non seulement il a survécu, mais de surcroît il a regagné son indépendance. Comment ne pas entrer en guerre contre cette présence que l’on croyait réduite, et sur laquelle nombre d’identité se sont construites ? (…) Le philosophe Eliezer Berkovits a écrit que la survie inexplicable d’Israël a inspiré les théories du complot, et notamment les deux versions les plus délétères : au Moyen Age, l’Église expliquait la persistance du Judaïsme par l’hypothèse théologique que ce dernier était une incarnation du Diable, avec l’essor de la modernité, c’est le mythe des Protocoles des Sages de Sion, qui s’est efforcé d’ « expliquer » par l’existence d’une « conspiration juive », les grandes mutations de l’histoire récente (la Révolution française, la Révolution bolchévique, la première et la seconde guerre mondiales, etc.) Si après tout ce qu’ils ont subi, les Juifs n’ont pas disparu, c’est qu’ils détiennent des pouvoirs occultes, qu’ils sont protégés par une puissance surnaturelle. L’antisionisme, comme les autres formes de la judéophobie, s’alimente à une haine métaphysique. Seule une haine métaphysique a pu inspirer le projet satanique de la Solution finale, et seule une haine métaphysique peut encore et toujours inspirer – après la Shoah- la reviviscence de l’antisémitisme. Cette dimension de l’antisionisme doit être soulignée, elle éclaire ce qu’il y a d’irrationnel et d’irrédentiste dans l’antisémitisme.  (…) L’agression du Hamas, et la réplique entièrement justifiée d’Israël s’inscrivent dans la droite ligne du refus palestinien de l’existence de l’État juif. Contrairement aux antisémites « classiques », habitués à bafouer les Juifs sans qu’ils aient les moyens de se défendre, les nouveaux antisémites que sont les « antisionistes » connaissent le prix de leur propre violence. Quant à ce qui s’est produit à l’intérieur même d’Israël, dans ce que la presse appelle les « villes mixtes », les violences entre Arabes et Juifs sont de précieux indicateurs de la persistance du refus de la souveraineté juive parmi les citoyens israéliens arabes. (…) À mon sens, après la fin de ces violences, il conviendra de mener une réflexion politique très sérieuse, et de tirer les leçons de la situation. Outre qu’elle est résolument révélatrice de l’attitude d’une partie de la population arabe à l’égard de l’État d’Israël, elle est aussi révélatrice de l’échec d’une classe politique qui s’est détournée depuis quelques années des principes du sionisme : un certain irénisme, un certain angélisme avait convaincu les gouvernements successifs – aussi bien de gauche, que de droite- de faire évoluer le pays vers une modèle européen. Les intellectuels post-sionistes ont leur part de responsabilité – la responsabilité des intellectuels est toujours significative, même si elle est discrète. Nous savons que les partisans du post-sionisme sont favorables à un État d’Israël déjudaïsé, un État d’Israël qui renoncerait à son caractère juif. L’expérience historique nous a enseigné à ne pas sous-estimer la virulence du refus palestinien ; et la naïveté de la classe politique et des intellectuels des post-sionistes a été de s’imaginer que leur option favoriserait l’émergence d’une harmonie définitive entre citoyens israéliens d’origine juive et d’origine arabe. Voilà des années que nous entendons parler de la nécessité de transformer Israël en « état de tous ses citoyens », encore l’un de ces mantras à l’efficience hypnotique. Comme si ce n’était pas déjà le cas depuis 1948. Seulement, dans la bouche de ceux qui utilisent cette formule, elle signifie de faire évoluer l’État d’Israël vers la forme d’un État binational, qui serait appelé de surcroît à coexister avec un État palestinien, qui lui, bien entendu, serait judenrein (vide de Juifs).  (…) Or, contrairement à ce que l’opinion majoritaire s’imagine – encore une fois sous les effets de discours du post-sionisme (Sand en est une bonne illustration)-, c’est le fait que l’État d’Israël soit déjà l’État de «tous ses citoyens » qui a permis à ceux qui n’en veulent pas de le faire savoir violemment, à l’occasion de l’agression du Hamas, en mai 2021. Il faudra en tirer les conséquences : condamner les émeutiers – y compris juifs- à de lourdes peines, et rappeler les citoyens arabes récalcitrants à la nature du contrat social du sionisme démocratique : « Vivez en paix et dans la pleine égalité de droits avec vos concitoyens juifs, ou bien quittez le pays, choisissez entre les trois entités nationales palestiniennes qui existent déjà : la Jordanie, depuis 1922, la Bande de Gaza, depuis le coup d’État du Hamas, en 2007, ou la Cisjordanie de l’Autorité palestinienne, consacrée par les Accords d’Oslo, depuis 1993, parce qu’ici vous êtes dans un État à caractère juif. »  Le vote de la « Loi Israël, État nation du peuple juif », adoptée par la Knesset le 19 Juillet 2018 va justement dans ce sens. Elle consiste à rappeler trois principes fondamentaux, et de ce point de vue, elle ne fait que réitérer les grandes thèmes de la Déclaration d’indépendance de 1948, proclamée par David Ben Gourion : (1) Israël est la patrie historique du peuple juif, dans laquelle l’État d’Israël a été établi ;(2) L’État d’Israël est le foyer national du peuple juif dans lequel il satisfait son droit naturel, culturel, religieux et historique à l’autodétermination ; (3) Le droit à exercer l’auto-détermination nationale dans l’État d’Israël est propre au peuple juif. D’aucuns – laminés par l’état d’esprit de l’antisionisme- pourraient m’objecter que c’est là un discours « raciste », et bien entendu « fasciste », mais je leur rappellerai une simple prémisse : l’État d’Israël a été fondé par le mouvement sioniste pour garantir la souveraineté et la sécurité du peuple juif, sur un territoire où jamais aucun état palestinien n’a existé, et l’État d’Israël a offert la citoyenneté, avec parité de droits, à tous ses citoyens, depuis sa création. Nous savons, par ailleurs, que pour rien au monde, la majorité des citoyens israéliens arabes ne voudraient vivre sous domination palestinienne. Il est donc aberrant de construire toute une rhétorique, fondée sur la criminalisation de l’État juif, au prétexte qu’il procède du sionisme, puisqu’ainsi conçu il est en effet le fruit du sionisme, et qu’il a été conçu pour les Juifs, avec l’assentiment de la majorité des Nations Unies, par voie de droit. La guerre a été la conséquence du refus arabe, et depuis 1948, la conséquence du refus persistant des « Palestiniens », qui se sont fait une spécialité de violer le droit international. Mais si l’on considère que le caractère juif de l’État d’Israël constitue une discrimination des non-Juifs, c’est que l’on n’a pas l’intelligence élémentaire d’en comprendre la raison d’être. L’originalité et la grandeur de l’État d’Israël réside en effet dans ceci : tout en étant l’État édifié pour garantir la souveraineté et la sécurité du peuple juif, ses lois fondamentales garantissent les droits individuels de tous ses citoyens, sans exception d’origine, de religion, de conviction, etc. C’est un État démocratique : la licence de la violence palestinienne aussi bien que la prospérité du discours post-sioniste en sont deux preuves éloquentes. Les troubles à l’ordre public sont les indices du refus de la loi d’Israël dans l’État d’Israël. Ce n’est pas tolérable. (…) Je crois pour ma part que la meilleure façon de combattre la judéophobie, quelle qu’elle soit, repose sur différentes formes d’enseignement et de processus éducatifs. Il faut commencer par l’enseignement de textes, ceux de la Bible hébraïque, qui ont enseigné au monde le principe de l’unité du genre humain, mais aussi l’égale dignité des êtres humains, et surtout l’idéal universaliste bien compris. L’ironie de l’histoire, c’est que les grands principes de la fonction critique qui sont forgés par l’hébraïsme sont instrumentalisés contre le peuple qui les porte ! (…) La République est un cadre vide si aucune transmission ne garantit la défense et l’inculcation philosophique, culturelle, et citoyenne de ses raisons d’être. Georges-Elia Sarfati
Ce que l’Allemagne nazie avait testé en Espagne en 1936, l’Iran vient de le tester à Gaza : expérimenter ses armes, mettre au point ses méthodes et sa tactique de guerre, autant qu’évaluer la riposte de son ennemi. Le grand allié du Hamas fonctionne à l’identique. L’Allemagne nazie avait aussi pris la mesure de la mollesse des démocraties à se mobiliser en faveur de la République espagnole. Malgré le décalage historique, malgré, les différences politiques, il reste une constante : les régimes totalitaires connaissent les couardises des démocraties, leur lenteur à comprendre l’enjeu pour elles-mêmes. Au conseil de sécurité de l’ONU, qualifier les termes du conflit, nommer l’agresseur a été impossible. À l’Assemblée nationale, le Premier ministre Jean Castex a prioritairement exprimé son souci pour les malheurs de Gaza. Des salves de roquettes tirées indistinctement sur Israël, il ne fit pas mention. Ici s’arrête la comparaison. À la différence de la République espagnole, Israël a non seulement su contenir son agresseur, il a aussi réussi à l’affaiblir durablement sans pour autant le détruire. Rien n’est donc réglé. Un autre ennemi bien plus redoutable fourbit ses armes qu’il espère définitives. La pluie de roquettes tirées indistinctement sur tout le territoire israélien témoignait d’un projet guerrier exterminateur : sans la protection du dôme de fer, il y aurait eu des milliers de victimes civiles en Israël. Ces attaques indistinctes du Hamas révèlent un modèle stratégique dont on peut tirer la leçon : l’Iran n’hésitera pas à utiliser l’arme nucléaire contre Israël, dès qu’il en aura la capacité. Le djihad nucléaire sera l’étape suivante de l’affrontement. Cette perspective ne procède en rien d’un souci quelconque pour la Palestine. Le sort du peuple palestinien est le dernier souci du pouvoir iranien et de ses créatures Hamas, Hezbollah et autre djihad islamique. Cette rente idéologique n’est que l’alibi de son projet. La vision apocalyptique iranienne obéit à un projet messianique que les ayatollahs au pouvoir n’ont jamais dissimulé : détruire cette enclave juive incrustée au cœur d’un espace tout entier supposé appartenir à la sphère de l’islam. Toutes les démocraties le savent, tous les dirigeants du monde occidental connaissent les données de l’enjeu. Ce qui vient de se dérouler à Gaza sert de test pour elles autant que pour le mentor du Hamas. Sont-elles prêtes à reconnaître que l’idéologie du Hamas est le variant islamisé d’un projet qui a sa source dans un nazisme oriental ? Sont-elles prêtes à l’affronter ? Ou bien estiment-elles au contraire que l’on peut négocier avec cette puissance et sacrifier Israël pour une paix illusoire ? En 1938, à Munich, la France et l’Angleterre estimèrent que sacrifier les Sudètes à l’Allemagne nazie allait sauver la paix. On connaît la suite et le mot de Churchill sur Daladier et Chamberlain : « Ils ont eu le choix entre le déshonneur et la guerre, ils ont choisi le déshonneur et ils auront la guerre ». Les négociations de Vienne sur le nucléaire iranien seront-elles de la même veine ? Ce conflit en annonce un autre qui ne saurait tarder entre Israël et un Iran nucléaire dont la Palestine est l’alibi. (…) Tandis qu’Israël protège sa population des roquettes du Hamas, à la fois par les abris et son système de défense anti-missiles, le Hamas se protège des frappes israéliennes en s’abritant derrière sa population civile pour tirer ses roquettes. Grace à un réseau de souterrains bétonné, le Hamas a enterré ses structures militaires au cœur des villes, au milieu des immeubles civils. Les millions de dollars de l’aide internationale récoltés depuis 2014 ont été utilisés pour bâtir ce « métro » abritant ses armes. (…) Au-delà de sa seule dimension locale, proche-orientale, la récurrence de cette affaire nous concerne, en Europe, en France particulièrement, parce que son écho déchaîne d’autres passions enfouies, nées d’un passé pas si lointain. Le poids de la Shoah d’une part, des culpabilités et d’autre part le poids des relations entre l’Occident et le monde arabo-musulman, entre la France et ses anciennes colonies surdéterminent le regard porté sur le conflit. C’est dans la trace de Vichy, de ses effets mémoriels, autant que dans le reflet de la guerre d’Algérie, de ce qu’elle implique des deux côtés de la Méditerranée, des affects nés de cette mémoire, de ses souffrances, qu’il faut fouiller pour se prémunir, ici, des guerres civiles à venir. Ce Proche-Orient par procuration nous oblige ici même. C’est peut-être en France, à Sarcelles, à Trappes, à Bondy, que pourraient s’imaginer d’autres constructions intellectuelles indispensables pour sortir de ces schizophrénies identitaires qui annoncent le pire. Pour le moment, nous en sommes très loin : ce sont des manifestations de fureur haineuse qui ont déferlé dans les rues de Londres, Montréal, New York, Paris. Cette ivresse répétée apparaît davantage relever d’une pathologie collective inscrite au cœur de l’imaginaire arabo-musulman. Ce ressentiment, cette frustration, vise aussi la France quand la pensée dite décoloniale perpétue ici une guerre d’Algérie jamais finie. Pourtant d’autres voix existent dans le monde arabo-musulman. En Algérie, le Hirak exprime un refus de cette fatalité. Ces voix sont minoritaires, mais elles osent dirent la vérité. Kamel Daoud, Riad Sattouf, Boualem Sansal osent briser cette pensée magique qui dit que son malheur vient d’Israël et des Juifs. « Israël est l’aphrodisiaque le plus puissant pour les arabes », aimait rappeler judicieusement Hassan II, l’ancien roi du Maroc. Ce pré-pensé idéologique qui enferme le monde arabe dans la régression, la gauche l’a entretenu, en Occident, en France, en particulier. Cette gauche porte une lourde responsabilité dans l’entretien de ce récit, car c’est encore et toujours à travers la grille de lecture de la guerre d’Algérie que s’interprète le conflit israélo-arabe. Dans une surenchère aveugle, la gauche de la gauche fait sienne la rhétorique indigéniste et décoloniale. Jacques Julliard a parfaitement résumé les choses : « Chaque fois que la France est menacée dans son existence et dans ses raisons d’être, il se forme dans ses marges un parti collabo. D’ordinaire, ce parti est d’extrême droite et se confond avec la réaction. Aujourd’hui, il est d’extrême gauche ». Bien pire, la nazification d’Israël permet simultanément de délégitimer le droit d’Israël à être : en renversant les termes de l’histoire, en identifiant les Palestiniens comme les nouveaux Juifs et Israël comme le nouveau nazi, le gauchisme retrouve en Palestine une cause exemplaire. Ces banderoles affichant un signe = entre la svastika et l’étoile de David, resteront pour la gauche de la gauche, comme une obscénité symbolique majeure. Jacques Tarnero
Israël emprisonne des enfants – Mohammed Kleib 14 ans, condamné à 15 ans de prison pour jets de pierres présumés. En prison depuis 8 ans. Affiche parisienne (Résistance Palestine, mai 2021)
Mon passe-temps, c’est de jeter des pierres: dans une culture du conflit en Cisjordanie, les garçons se défendent comme ils peuvent. Titre du New York Times (2013)
It was Muhammad’s fourth arrest in three years for throwing stones at Israeli soldiers and settlers. His five brothers — three older and two younger — have all faced similar charges. Last year, three Abu Hashem boys, and their father, were in prison at the same time. “Children have hobbies, and my hobby is throwing stones,” Muhammad explained weeks before his most recent arrest. “A day with a confrontation is better than a free day.” (…) Youths hurling stones has long been the indelible icon — some call it a caricature — of Palestinian pushback against Israel: a recent United Nations report said 7,000 minors, some as young as 9, had been detained between 2002 and 2012. Here in Beit Ommar, a village of 17,000 between Bethlehem and Hebron that is surrounded by Jewish settlements, rock throwing is a rite of passage and an honored act of defiance. The futility of stones bouncing off armored vehicles matters little: confrontation is what counts. (…) Beit Ommar, a farm town with roots in the Roman era, is a hot spot because of its perch off Road 60, the main thoroughfare from Jerusalem south to the settlements of Gush Etzion, which the Palestinians say have taken up to one-third of the village’s original 13 square miles. The military, which since May has been joined by a company of border police to crack down, focuses on 11 prime stone-throwing points along the village’s mile-long stretch of the road. There are “the duo,” two houses teenagers hide between; “the stage,” a raised area; “the triangle,” an open field; and “the Molotov bend.” And then there is the 200-year-old cemetery that slopes up from the road just north of the village entrance. On Thursday, after the burial of a 63-year-old retired teacher, a teenager hurled a rock at a passing car with yellow Israeli plates: whack. Another teenager, two more stones: another direct hit. The settlers stopped their car, got out, and began shouting at the small crowd. Soon, there were soldiers, rifles raised and tear gas at the ready, who eventually hauled a Palestinian taxi driver into a waiting army jeep. Menuha Shvat, who has lived in a settlement near here since 1984, long ago lost count of the stones that have hit her car’s reinforced windows. “It’s crazy: I’m going to get pizza, and I’m driving through a war zone,” said Ms. Shvat, who knew a man and his 1-year-old son who died when their car flipped in 2011 after being pelted with stones on Road 60. “It’s a game that can kill.” For as long as anyone here can remember, the cemetery has been a field for that game. Residents said it was often surrounded by soldiers and filled with tear gas, though the military commander said he stations his troops across the road and instructs them to unleash riot-control measures only if violence erupts. (…) The youths, and their parents, say they are provoked by the situation: soldiers stationed at the village entrance, settlers tending trees beyond. They throw because there is little else to do in Beit Ommar — no pool or cinema, no music lessons after school, no part-time jobs other than peddling produce along the road. The New York Times
Les pierres tuent, mutilent, blessent et changent la vie des gens pour toujours. Des nourrissons israéliens ont été tués, des tout-petits grièvement blessés et des adultes ont également été tués, ont subi de graves blessures à la tête ou ont été hospitalisés pour des blessures plus légères, toutes dues à des lanceurs de pierres palestiniens. Mais l’histoire des victimes israéliennes n’est pas celle que le New York Times préfère raconter et n’est certainement pas celle que Jodi Rudoren, correspondante au Moyen-Orient, a choisi de raconter dans son dernier article en première page sur les lanceurs de pierres palestiniens, intitulé « Mon passe-temps est de lancer des pierres: Dans une culture de conflit en Cisjordanie, les garçons manient l’arme qui leur est la plus accessible. » Bien au contraire, c’était une histoire qui romançait et héroïsait les auteurs palestiniens. Ce sont eux – et non les Israéliens morts et blessés – qui sont présentés comme des victimes, « provoqués par la situation », contraints à ce type de passe-temps « futile », pour être ensuite arrêtés et incarcérés par de féroces et puissants soldats israéliens. Selon Rudoren, les jeunes Palestiniens « jettent [des pierres] parce qu’il n’y a pas grand-chose d’autre à faire dans [leur village] – pas de piscine ni de cinéma, pas de cours de musique après l’école, pas d’emplois à temps partiel autres que le colportage de produits le long de la route ». Son article se concentre sur les excuses des auteurs, les justifications et la fierté de leurs actions, ainsi que les difficultés qu’ils endurent lorsqu’ils sont arrêtés pour leurs activités. (…) Ici, les jets de pierres sont glorifiés en tant que « repoussée contre Israël », un « rite de passage » et un « acte de défi honoré ». Ses résultats violents sont minimisés, blanchis à la chaux. Selon Rudoren, « la futilité des pierres qui rebondissent sur les véhicules blindés importe peu [aux lanceurs de pierres] : la confrontation est ce qui compte ». Mais les pierres ne se contentent pas de « rebondir inutilement sur les véhicules blindés ». Qu’en est-il de Yehuda Shoham, 5 mois, dont le crâne a été écrasé par des pierres lancées sur sa voiture et qui est mort après une lutte pour la vie de six jours en 2001 ? Qu’en est-il d’Adele Biton, 3 ans, qui a passé quatre mois dans l’unité de soins intensifs d’un hôpital à se battre pour sa vie et qui est maintenant confinée dans un hôpital de réadaptation, réapprenant à manger, à parler et à marcher après que des pierres palestiniennes ont heurté la voiture de sa mère en mars passé ? Qu’en est-il de Yonatan Palmer, 1 an, et de son père de 25 ans qui ont été tués en septembre 2011 lorsque leur voiture a été touchée lors d’une attaque à la pierre palestinienne ? Bien que les Palestiniens ne soient presque jamais reconnus coupables de meurtre pour avoir lancé des pierres sur des véhicules israéliens, l’agent de sécurité palestinien Walal al Araja a avoué et a été reconnu coupable des meurtres de Palmer, ainsi que d’une série de tentatives de meurtre similaires impliquant des jets de pierres. Dans le récit de Rudoren, cependant, il n’y a pas de place pour les histoires de nourrissons et de tout-petits malheureux qui sont la cible du « rite de passage » ou du « passe-temps » des Palestiniens, comme leurs auteurs qualifient leurs jets de pierres. L’article ne mentionne le meurtre des Palmer qu’en passant, sans nom, le relayant comme ouï-dire de victimes anonymes (…) En effet, ce bref commentaire est la seule mention d’enfants israéliens victimes des lanceurs de pierres palestiniens. Dans un article de près de 2000 mots, le New York Times ne trouve même pas la place de mentionner Yehuda Shoham ou Adele Biton, et encore moins de raconter leurs histoires. (…) Les photos et les légendes qui accompagnent l’article cachent également la violence et le danger du « passe-temps » palestinien et se concentrent plutôt sur le sport juvénile des Palestiniens et les mesures punitives sévères de la part des soldats israéliens. Tout le monde n’a pas une vision aussi bénigne des adolescents lanceurs de pierres et le traitement sévère des auteurs de telles attaques n’est pas critiqué partout. En 1986, un adolescent américain a été condamné à la prison à vie pour avoir lancé depuis un viaduc une pierre  qui a tué un enfant dans une voiture en contrebas. En 2010, deux adolescents de Caroline du Sud ont été inculpés de meurtre au premier degré après avoir tué une femme assise sur le siège avant d’une voiture avec une pierre lancée depuis un viaduc. Et, en 2002, même lorsque les jets de pierres n’ont fait aucun blessé, les adolescents ont été accusés de coups et blessures avec intention de tuer et d’atteinte malveillante à des biens personnels. (…) Yisrael Medad, sur son blog, « My Right Word », fournit un résumé documentant le nombre d’attaques de jets de pierres palestiniens de janvier à juin de cette année. En plus des 5 144 lapidations, il y a eu 611 attaques au cocktail molotov, 8 coups de feu et 3 coups de couteau. Mais les seules statistiques fournies par Rudoren concernent le nombre d’enfants palestiniens (lanceurs de pierres) incarcérés par Israël. C’est la seule partie de l’histoire que le New York Times veut raconter.  Camera

Condamné à 15 ans de prison pour jets de pierres présumés …

En ces temps de désinformation généralisée …

Où après l’assassinat politique du président Trump

Nos médias en sont à réécrire leurs articles passés

Et au lendemain d’une énième agression du Hamas contre les civils israéliens …

Qui profitant de la complaisance de la nouvelle administration américaine

Obsédée par sa nouvelle religion de  l’antiracisme anti-blanc et anti-occidental

Rien de  moins en fait qu’une véritable « blacklivesmatterisation » de ce conflit comme de tous les autres …

Avec la reprise, pour détricoter, en une sorte de troisième mandat Obama, l’avancée historique des Accords d’Abraham du Président Trump, du calamiteux accord nucléaire avec les génocidaires de Téhéran …

A vu comme d’habitude tant nos médias que nos responsables politiques

Dans des états par ailleurs incapables de protéger leur propre population ou même leurs forces de sécurité

Rivaliser, remettant une nouvelle pièce dans le jukebox antisémite, de désinformation et de remontrances aux autorités israéliennes pour réponse prétendument « disproportionnée » …

Fausses cartes, en une du New York Times, de la « Palestine » comprises…

Comme si une pluie de plus de 4 000 roquettes en 11 jours sur Paris ou New York …

Qui aurait fait 12 morts du côté parisien ou newyorkais …

Et peut-être de l’autre côté, une trentaine directement pour celles qui retombaient sur place …

Aurait pu se terminer autrement …

Sans compter les quelques 200 terroristes éliminés …

Que par la mort, certes regrettable et malheureuse, d’une dizaine de non-combattants utilisés par lesdits terroristes comme boucliers humains …

Retour sur une affiche placardée dans les rues de Paris et probablement de toute l’Ile de France et du reste du pays …

Où Israël n’est plus cette fois représenté comme un Etat tueur d’enfants …

Mais, pour de simples jets de pierres présumés, comme un Etat qui emprisonne les enfants …

Oubliant commodément au passage de préciser non seulement la taille desdites pierres …

Mais la réalité de leur lancement …

Quand on sait les dommages que celles-ci peuvent occasionner …

Lancées, en Israël comme aux Etats-unis ou en France, sur les pare-brises des véhicules passant sous un pont autoroutier …

Et surtout, dans le cas précis, la mort, deux ans plus tard, d’une petite fille alors âgée de 2 ans

Etrangement oubliée d’ailleurs, comme le rappelait alors le site de ré-information Camera

Par un article en une du New York Times de l’époque …

Chantant tranquillement les louanges de ladite pratique …

Sous le titre original quelque peu cavalier de « Mon passe-temps, c’est de jeter des pierres » …

Comme… « rite de passage » et « vénérable acte de défiance » !

The New York Times Romanticizes Palestinian Stone Throwers and Ignores Their Victims
Ricki Hollander
Camera
August 5, 2013

Stones kill, maim, wound and change people’s lives forever. Israeli infants have been slain, toddlers critically wounded and adults too have been killed, sustained severe head injuries or were hospitalized with lighter injuries, all due to Palestinian stone throwers.

But the story of Israeli victims is not the one the New York Times prefers to tell and is certainly not the one Middle East correspondent Jodi Rudoren chose to recount in her latest front page, above-fold article about Palestinian stone throwers, entitled “‘My Hobby Is Throwing Stones’: In a West Bank Culture of Conflict, Boys Wield the Weapon at Hand.”

Quite the contrary, this was a story that romanticized and heroized the Palestinian perpetrators. It is they – not the Israeli dead and injured – who are presented as the victims, “provoked by the situation,” forced into this type of “futile” hobby, only to be arrested and incarcerated by fierce, powerful Israeli soldiers.

According to Rudoren, Palestinian youths “throw [stones] because there is little else to do in [their village] – no pool or cinema, no music lessons after school, no part-time jobs other than peddling produce along the road.”

Her article focuses on the perpetrators’ excuses, justifications for and pride in their actions, as well as the hardships they endure when arrested for their activities. For example:

Youths hurling stones has long been the indelible icon – some call it a caricature – of Palestinian pushback against Israel: a recent United Nations report said 7,000 minors, some as young as 9, had been detained between 2002 and 2012.

Here, stone throwing is glorified as “pushback against Israel,”  a “rite of passage,” and an  “honored act of defiance.” Its violent results are played down, whitewashed. According to Rudoren, “The futility of stones bouncing off armored vehicles matters little [to the stone throwers]: confrontation is what counts.”

But stones do not merely “bounce off armored vehicles” futilely. What about 5-month old Yehuda Shoham whose skull was crushed by stones hurled at his car and who died after a six day struggle for life in 2001?

What about 3-year-old Adele Biton who spent four months in the intensive care unit of a hospital fighting for her life and is now confined at a rehabilitation hospital, relearning how to eat, talk and walk after Palestinian rocks struck her mother’s car this past March?

What about 1-year-old Yonatan Palmer and his 25-year old father who were killed in September 2011 when their car was struck in a Palestinian stone attack? Although Palestinians are almost never convicted of murder for hurling stones at Israeli vehicles, Palestinian security officer Walal al Araja, confessed to and was convicted of the Palmer murders, as well as a series of similar attempted murders involving stone throwing.

In Rudoren’s telling, however, there is no place for the stories of the unfortunate infants and toddlers who are targets of the Palestinians’ “rite of passage” or “hobby,” as the perpetrators view their stone throwing. The article mentions the murder of the Palmers only in passing, without names, relaying it as hearsay about anonymous victims:

“…I’m driving through a war zone,” said Ms. Shvat, who knew a man and his 1-year-old son who died when their car flipped in 2011 after being pelted with stones on Road 60.

Indeed, this brief comment is the only mention of Israeli children who have fallen victim to Palestinian stone-throwers. In a nearly 2000-word article, The New York Times can find no room to even mention Yehuda Shoham or Adele Biton, let alone tell their stories.

And while Israeli children’s funerals and hardship find no place in Rudoren’s article, the funeral of a Palestinian 2-year-old is presented as the event “that led to [Muhammed Abu Hashem’s] most recent arrest,” Abu Hashem being a 17-year-old Palestinian who is the main protagonist of the article, with some 20 paragraphs devoted to his story of self-justification and arrest.

Other elements of the picture are similarly missing. For example, Rudoren describes “Beit Ommar,” the town from which Abu Hashem and other Palestinian stone throwers she interviews are from as “a farm town with roots in the Roman era” that has become

a hot spot because of its perch off Road 60, the main thoroughfare from Jerusalem south to the settlements of Gush Etzion which the Palestinians say have taken up to one-third of the village’s original 13 square miles.

Beit Ummar is actually believed to be the site of the biblical town of Maarath, in the country of Judah, between Gedor and Beth-anoth (Joshua, 15:59).  Of course, the mention of biblical roots may suggest a Jewish history in a place where Rudoren is trying to convey a sense of encroachment by settlements. Accordingly, those “roots” are ignored as she fast-forwards to the village’s supposed roots “in the Roman era.”

Likewise, Rudoren conceals the fact that a red flag with a swastika, reminiscent of the Nazis and their plan to annihilate the Jewish people, was flown in Beit Omar just a couple of months ago. That might evoke the impression of anti-Semitic villagers and undermine the notion that stone throwing is merely a child’s sport or “hobby.”

Flag in Beit Omar flying flag adorned with a swastika. Photo: Shneior Nachum Sochat/ Tazpit News Agency. (From The Algemeiner)

 

The photos and captions that accompany the article, too, hide the violence and danger of the Palestinian “hobby” and focus instead on youthful sport on the part of Palestinians and harsh punitive measures on the part of Israeli soldiers.

1) First photograph: A large colored photo of a boy clutching a stone.

A smaller photo beneath it shows Palestinians teenagers lined up in the act of pitching.

The caption on the two photographs:
 Ready for a target. Below, Palestinian boys in Beit Ommar play Arabs and Army, re-enacting clashes with Israeli soldiers.

2) Third photograph:  A large colored photo of a teenager dressed in a black undershirt and jeans is shown being held by two armed Israeli soldiers.

Fourth photograph: A  large colored photo of a family with children citing on a sofa.

The caption on these photographs:

Recent Arrests in the Abu Hashem Family
The arrest of Ahmad Abu Hashem and his son Muhammad on July 8 was almost routine for a family in which few months have passed recently without at least one member behind bars. Mr. Abu Hashem, an activist in Beit Ommar, and all six of his sons have served time for throwing stones at Israeli soldiers and settlers.

Not everyone takes such a benign view of rock throwing teenagers and not everywhere is the harsh treatment of the perpetrators of such attacks criticized.

In 1986, a U.S. teenager was sentenced to life in prison for throwing a stone from an overpass that killed a toddler in a car below.  In 2010, two South Carolina teenagers were indicted on first degree murder charges after killing a woman sitting in the front seat of a car with a stone hurled from an overpass.  And, in 2002, even when stone throwing resulted in no injuries, the teenaged perpetrators were charged with assault and battery with intent to kill and malicious injury to personal property. As the Sheriff’s Department explained, throwing rocks “is not a prank. This is extremely dangerous. You could kill somebody doing this.”

Yisrael Medad, on his blog, “My Right Word,”  provides a summary documenting the number of Palestinian stone throwing attacks from January-June of this year. In addition to 5,144 stonings, there were 611 molotov cocktail attacks, 8 shootings and 3 stabbings.  But the only statistics provided by Rudoren pertain to the number of Palestinian children (stone throwers) incarcerated by Israel. That  is the only part of the story The New York Times wants to tell.

Last year, CAMERA criticized The New York Times for featuring two separate, front-page stories about Israeli teenagers who had beaten (but not killed) an Arab teenager, but never publishing a front-page story about deadly attacks by Arab teenagers against Jews.

And while the newspaper has now published a front-page article about Arab teenagers who throw stones, the story is completely reframed to remove Israeli victims,  romanticize the Palestinian perpetrators and implicitly criticize their arrests by Israeli police.

The stories last year about the criminal activities of Jewish teenagers focused on the general decline of morals among Israeli youth. The story about the Arab teenagers focuses on their self-declared heroism and victimhood. The disparate coverage provides yet another example of the type of misleading and biased reporting readers have come to expect from The New York Times.

Voir également:

The Death of Adele Biton and The New York Times’ Justification of Lopsided Reporting
Ricki Hollander
Camera
February 20, 2015

In March 2013, three-year-old Adele Biton was travelling with her two sisters in a car driven by their mother, when a Palestinian rock-throwing attack caused the car to slam into a truck ahead. Two of the girls suffered moderate wounds, while Adele was left in critical condition with serious neurological injuries. She underwent extensive treatment in acute and rehabilitation care facilities, but never fully recovered.

Nearly two years later, on Feb. 17, 2015, the pre-schooler died as a result of complications of pneumonia. Her mother told the Israeli newspaperYediot Aharonotthat there was no doubt that Adele’s illness was part of the progression of her neurological injuries “that complicated her ability to cope with medical issues.”

The following day, Voice of Israel’s Josh Hasten interviewed New York Times Jerusalem bureau chief Jodi Rudoren. Asked what she knew about Adele, Rudoren responded:

In any society, I suppose, and certainly here, there are certain individual cases among the victims who become somewhat iconic and I think Adele was one of those. She was two years old, critically injured, spent more than a year, maybe a year and a half, in rehab. Many, many articles were written about her. Her parents, her family, captured Israeli attention, so I was aware of that. Obviously, a two-year-old girl critically injured in the conflict is heart-tugging for any observer and because of that, she had become somewhat iconic. That’s why we wrote a brief item about her death.

But it was not until after Adele had succumbed to her illness that Jodi Rudoren referred to Adele and the stone throwing attack that had maimed her. The reporter wrote about Adele’s death in a 169-word “world briefing” that appeared only in the newspaper’s online edition.

Indeed, in a more than 1900-word feature article about Palestinian stone throwers that was published both online (“In a West Bank Culture of Conflict, Boys Wield the Weapon at Hand“) and prominently on the front page of the print edition (“My Hobby is Throwing Stones,” Aug. 5, 2013), Jodi found no room to mention the attack that had critically injured Adele. Nor did she mention an earlier stone throwing attack that had crushed the skull of 5-year-old Yehuda Shoham, an only child. And her only mention of a similar attack that resulted in the deaths of a young father and his infant son, Asher and Yonatan Palmer, was in passing, presented as hearsay about unnamed victims.

Instead the reporter devoted her feature piece to Palestinian stone throwers’ justifications for, and expressions of pride in, their actions, as well as their hardship in being arrested by Israeli police for these activities. At the time, CAMERA posted a sharp media critique about the article, entitled “The New York Times Romanticizes Palestinian Stone Throwers and Ignores Their Victims.” In it, Rudoren was criticized for explaining the stone throwing by Palestinians as “pushback against Israel,” a “rite of passage,” and an “honored act of defiance” while downplaying the impact of this Palestinian “hobby” on its Israeli victims. The critique pointed out that while the reporter emphasized “the futility of stones bouncing off armored vehicles,” and interviewed one Israeli who had been frightened but uninjured by stone-throwing attacks, she provided almost no information about the deadlier and more injurious results of such attacks.

In the Voice of Israel interview, host Josh Hasten brought up CAMERA’s criticism of Rudoren’s feature. The reporter defended and justified her treatment of the subject matter, dismissing her critics out of hand. According to Rudoren, CAMERA was “not criticizing or scrutinizing or reviewing coverage based on any journalistic values. They’re doing it based on a scorecard of what they think makes their side look good or bad. It’s not based on the kind of building blocks of mainstream journalism that is where our coverage comes from and that most of our vast global readership needs from us.”

But it should be obvious to anyone who claims to understand the “building blocks of journalism” that to downplay and give such short shrift to the catastrophic and sometimes fatal results of stone-throwing is to deprive readers of the context necessary to understand the conflict. Neither Rudoren nor The New York Times provided readers with a parallel feature story about the impact of Palestinian stone throwing on their Israeli victims. So what Rudoren left readers with — what she apparently felt they “needed” — was a one-sided piece about Palestinian victims “provoked by the situation,” and forced into a “futile” hobby (of throwing stones), only to be arrested and incarcerated by fierce Israeli soldiers.

Rudoren’s justification for this lopsided reporting was to claim she was on a “journalistic mission” whose agenda was “to unpack the caricature of Palestinian stone-throwers.” To that end, she asserted, the story “really wasn’t about their victims.”
“Not every story looks at everybody in equal depth because that’s just not how journalism works and it doesn’t need to be that way,” Rudoren declared. But how can a journalist tell the story about stone throwing without thoroughly exploring the consequences? Without any comparative story about the Israeli victims, those victims remained voiceless, their side of the story left untold. Even while she acknowledged that “it was important to make sure that it was clear that people did get killed and that there were victims,” Rudoren justified the virtual absence of this information from her article, apparently deeming her fleeting hearsay reference to two anonymous fatalities sufficient.

As to the article’s misleading implication that the “situation” that provokes Palestinian stone-throwers is one of Israel’s making, Rudoren ignored the fact that hate rhetoric and incitement against Israelis is also a significant factor in encouraging the stone throwers. Nowhere in the article does she even hint at the atmosphere of incitement by Palestinian leaders to attack Israelis by any means.

This type of reporting is characteristic of Rudoren’s “journalistic values.” She routinely conceals relevant information, selectively quotes or cites those whose perspective she agrees with, while downplaying, ignoring or misrepresenting the viewpoints of those with whom she disagrees. In news articles, she tends to cast aspersions on or use pejoratives to discredit those with whom she disagrees. (See, for example, “A Guide to NYT Advocacy Journalism: Focus on Jodi Rudoren.”) And she uses these same tactics in dealing with legitimate criticism of her reporting. Instead of directly addressing the specific complaints about her reporting, she dismisses her critics with wholesale contempt. Those cri
ticizing her articles, she argues, are just checking off a list “of who’s winning the story.” Here, too, Rudoren misrepresents. What CAMERA and many critics of The New York Times demand is that both sides’ perspectives be given voice — something the Society of Professional Journalists urges, but which Rudoren is apparently unwilling to do.

The Society of Professional Journalist’s code of ethics calls on journalists, among other things, to recognize their own cultural values and avoid imposing them on readers, to distinguish between advocacy and news reporting, and to give voice to the voiceless. In addition, it urges journalists to be accountable to their readers, clarify and explain news coverage, invite dialogue and encourage readers to voice their grievances about news reporting.

Many prominent and respected journalists adhere to this code, even when criticized. And they are better journalists for it. But as long as Rudoren continues to wear blinders, block her ears, and insist that it is not necessary to explore both sides of a conflict in equal depth, non-partisan readers who want to genuinely learn about the situation fully and fairly should continue to avoid the New York Times and its partisan Jerusalem bureau chief.

Voir de même:

In a West Bank Culture of Conflict, Boys Wield the Weapon at Hand

The rooftop of the home of Bilal Ayad Awad, 17, was decorated with flags for his release in June after 16 months in prison.

Credit…Rina Castelnuovo for The New York TimesJodi Rudoren
The New York Times
Aug. 4, 2013

BEIT OMMAR, West Bank — Muhammad Abu Hashem, 17, was sleeping in a sleeveless undershirt when the Israeli soldiers stormed into his home here at 4 a.m. on the second Monday in July. As they led him away moments later, Muhammad’s mother rushed after with a long-sleeved shirt: they both knew it would be cold in the interrogation room.

It was Muhammad’s fourth arrest in three years for throwing stones at Israeli soldiers and settlers. His five brothers — three older and two younger — have all faced similar charges. Last year, three Abu Hashem boys, and their father, were in prison at the same time.

“Children have hobbies, and my hobby is throwing stones,” Muhammad explained weeks before his most recent arrest. “A day with a confrontation is better than a free day.”

As Israeli and Palestinian negotiators resumed peace talks last week in Washington, the stone throwers of Beit Ommar are a reminder of the abiding tensions that animate relations between the two peoples that would populate the imagined two states living side by side.

Youths hurling stones has long been the indelible icon — some call it a caricature — of Palestinian pushback against Israel: a recent United Nations report said 7,000 minors, some as young as 9, had been detained between 2002 and 2012. Here in Beit Ommar, a village of 17,000 between Bethlehem and Hebron that is surrounded by Jewish settlements, rock throwing is a rite of passage and an honored act of defiance. The futility of stones bouncing off armored vehicles matters little: confrontation is what counts.

When they are not actually throwing stones, the children here play Arabs and Army, re-enacting the clashes and arrests. And when 17-year-old Bilal Ayad Awad was released in June after 16 months in prison, he was welcomed like a war hero with flags and fireworks, women in wedding finery lining the streets to cheer his motorcade.

Image
Credit…The New York Times

The Israeli Army commander in the area counts 5 to 15 stone-throwing incidents per week, and the July 8 arrest of Muhammad and his father, Ahmad, brought to 45 the number of Beit Ommar residents taken into custody since the beginning of 2013, 35 of them ages 13 to 19. A teacher at the local high school said 20 boys missed class while in prison last year. A few, including Muhammad, were out more than 60 days, forcing them to repeat a grade.

“Here, it is as if the intifada never stopped,” said Musa Abu Hashhash, a field worker for the Israeli human rights group B’tselem.

Beit Ommar, a farm town with roots in the Roman era, is a hot spot because of its perch off Road 60, the main thoroughfare from Jerusalem south to the settlements of Gush Etzion, which the Palestinians say have taken up to one-third of the village’s original 13 square miles.

The military, which since May has been joined by a company of border police to crack down, focuses on 11 prime stone-throwing points along the village’s mile-long stretch of the road. There are “the duo,” two houses teenagers hide between; “the stage,” a raised area; “the triangle,” an open field; and “the Molotov bend.” And then there is the 200-year-old cemetery that slopes up from the road just north of the village entrance.

On Thursday, after the burial of a 63-year-old retired teacher, a teenager hurled a rock at a passing car with yellow Israeli plates: whack. Another teenager, two more stones: another direct hit.

The settlers stopped their car, got out, and began shouting at the small crowd. Soon, there were soldiers, rifles raised and tear gas at the ready, who eventually hauled a Palestinian taxi driver into a waiting army jeep.

Menuha Shvat, who has lived in a settlement near here since 1984, long ago lost count of the stones that have hit her car’s reinforced windows. “It’s crazy: I’m going to get pizza, and I’m driving through a war zone,” said Ms. Shvat, who knew a man and his 1-year-old son who died when their car flipped in 2011 after being pelted with stones on Road 60. “It’s a game that can kill.”

For as long as anyone here can remember, the cemetery has been a field for that game. Residents said it was often surrounded by soldiers and filled with tear gas, though the military commander said he stations his troops across the road and instructs them to unleash riot-control measures only if violence erupts.

Muhammad sees it as his Islamic duty to help bury the dead, and he has his own funeral-preparation ritual. He pulls on boots. He sprays his hands with perfume to counteract the gas. He grabs a face mask, to protect his identity, and his muqlaa — a homemade slingshot.

It was the June funeral of a 2-year-old girl accidentally crushed by a relative’s bulldozer that led to his most recent arrest. “They were shooting gas, and I was with my mother in the car while the soldiers’ jeep was entering the town,” Muhammad admitted to a police officer after the arrest. “So I got out and threw stones at them.”

Musa Awad, a teacher at Beit Ommar’s high school, said that eight generations of his family are buried in the cemetery, but that he is one of many village residents who have stopped following funeral processions there because of the inevitable clashes. Two years ago, Mr. Awad said, he and his brothers offered to donate a patch of land for a new cemetery, far from the main road, but the Islamic authorities declined.

Mr. Awad, like many here, views the stone throwers with a mixture of pride at confronting Israel and fear for their safety. “Nobody dares to criticize them and say, ‘Why are you doing this?”

The youths, and their parents, say they are provoked by the situation: soldiers stationed at the village entrance, settlers tending trees beyond. They throw because there is little else to do in Beit Ommar — no pool or cinema, no music lessons after school, no part-time jobs other than peddling produce along the road. They do it because their brothers and fathers did.

Nasri Sabarna, an English professor who was Beit Ommar’s mayor for much of the past five years, remembers his first arrest vividly, despite the passage of four decades.

He was 14. Israeli soldiers had installed a plaque on his school saying it had been built under their supervision. He took the coins his mother had given him for food and bought black spray paint to cover the Hebrew letters.

A Rite of Passage, an Act of Defiance

Rina Castelnuovo for The New York Times

“When I saw their language, it is not easy to stay and do nothing,” Mr. Sabarna recalled. “When they came on the second day, we have nothing except stones. You revenge for yourself.”

Of Mr. Sabarna’s eight children, only Ahmad, a 21-year-old engineering student, has been arrested: he is serving a six-month sentence that started in May, his fourth prison stay. When the youngest boy, Abdullah, started skipping school and throwing stones at age 7, after a night raid on the family home, his parents took him to see a psychiatrist to work out the anger.

“I want him to go to school, to study and to look for his future, but they are pushing us in the corner,” Mr. Sabarna said, referring to the Israelis.

Now 10, Abdullah uses binoculars a relative bought him for bird watching to monitor military movement. “I feel happy when I throw stones on the soldiers,” he said. “They occupy us.”

One Friday in July, two soldiers stood sentry on a hilltop several hundred yards inside the village. Five border police officers were stationed under an olive tree near the wholesale fruit market. More soldiers were on nearby rooftops, army jeeps in the middle of a road.

Three young men with slingshots crouched between trees, sending a little brother out to scout. They whipped the woven-string contraptions over their shoulders one, two, three, four times, then the stones disappeared in the distance. Two stones, five, seven. The boy reported that soldiers were coming closer. The young men retreated to a lower ridge.

Two soldiers with riot helmets and rifles appeared on a rock wall a few feet from where the stone throwers had been. Too late.

Three people from Beit Ommar were arrested in the wee hours of the following Sunday. That night, Muhammad Abu Hashem slept, while his father and younger siblings sat a vigil on worn couches on their roof.

The patriarch, Ahmad Abu Hashem, is an activist who videotapes arrests and clashes for the Center for Freedom and Justice, an advocacy group. His cellphone rang at 3:45 a.m.: 13 jeeps were entering the village. He was heading out to follow them when the alley filled with shouts of “Soldiers, soldiers!” They were coming for him — and his son.

It had been only a few weeks before when a gaggle of neighborhood children were scurrying around the same alley playing Arabs and Army.

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Muhammad Abu Hashem participates in a role-playing game constructed around being arrested for throwing stones.CreditCredit…Rina Castelnuovo

Boys wearing fatigues and toting toy guns kicked on the front door and Mr. Abu Hashem opened it, smiling. While one of the “soldiers” checked his green ID card, another imitated a defensive military maneuver to secure the house. “It is a wrong ID,” a boy said in a mixture of Arabic and Hebrew. “Where is Muhammad Abu Hashem?”

Muhammad appeared at the doorway, and was blindfolded with a black sweatshirt. “Come with us,” the soldier-boy ordered. “You are under arrest.” Girls’ screams of mock horror were punctuated with giggles as Muhammad vanished into the midnight darkness.

“You are lucky if you meet Muhammad here next week,” his father said. “He can be arrested for real any moment.”

That was what Muhammad told the girl he talks to daily by telephone and sneaks glances at on evening ambles through the village: “ ‘Be careful, I am maybe one month outside and 10 months in prison.’ She said, ‘O.K., I am waiting for you.’ ” He did not tell the girl, in June, when his left leg was sprayed with five rubber-bullet fragments as his stones smacked an army jeep carting away a beloved cousin.

Muhammad captures the contradictions of growing up here. He was tickled at the first salon-slicking of his short hair for a relative’s recent wedding. But he shunned a snack of popcorn outside: prison food.

He recently sneaked into a settlement before dawn to steal apricots he finds especially delicious because they grow on land he sees as stolen from his people. One of his hobbies is rescuing abandoned bird eggs and nurturing them in cages warmed by light bulbs until they hatch.

“When they fly,” he said, “it’s like a person in prison, and he will take his freedom.”

Muhammad’s first arrest was in October 2010: his family paid a fine of about $1,400. He was jailed from April to June of 2012, then returned to prison that September for another seven months. Graffiti welcoming him back remained on the outer wall of the family home as a dozen soldiers arrived July 8.

Video

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Excerpts from Muhammad Abu Hashem’s interrogation by the Israeli police along with photos of his arrest.

Two soldiers crouched in the driveway and 10 crowded the living room. Muhammad crammed on a couch with his two younger brothers and a cousin while the soldiers examined his father’s identification. Then they asked for his.

The whole operation took eight minutes. The jeeps had not left the alley when it erupted in stones.

Defense for Children International, an advocacy group that last year documented 360 cases of arrested Palestinian youths, found that many were blindfolded, beaten and threatened during interrogations. Most confessed, and 90 percent received jail sentences in Israel’s military system, according to the report, compared with 6.5 percent of arrested Israeli children, who are prosecuted in a civil system.

When Muhammad and his father appeared for their first hearing, they raised their wrists — handcuffed together — in something of a salute. The teenager’s face was a mixture of triumph and terror: he could face up to 10 months after a trial scheduled to start Aug. 18.

Their lawyer, Nery Ramati, soon discovered that Muhammad had already admitted throwing a stone during the girl’s funeral.

“I have nothing to do for him now,” Mr. Ramati sighed.

Voir de plus:

Letters

The New York Times
Aug. 5, 2013

To the Editor:

Re “ ‘My Hobby Is Throwing Stones’: In a West Bank Culture of Conflict, Boys Wield the Weapon at Hand” (front page, Aug. 5):

Stones are a lethal weapon, and stone throwers engage in what can be premeditated murder.

My perspective is that of a social worker who worked for 20 years with youths with violent tendencies.

What violent youths seek, more than anything else, are people who will reinforce their tendency to violence.

This article will be posted in Palestinian youth clubs as a badge of encouragement for Palestinian youths and as an incentive to continue their efforts to murder people on the roads. That is a tragedy.

I cannot fathom how and why The New York Times can describe the stoning of people on the roads as a “rite of passage.”

DAVID BEDEIN
Jerusalem, Aug. 5, 2013

The writer is director of the Israel Resource News Agency.

To the Editor:

Having personally been the uniformed target, during the first intifada, of Molotov cocktails and many, many stones, one of which produced a lifetime annuity for my dentist, I know that these clashes are hardly a game for either side.

As peace talks resume, reversing the poisonous effects of the “culture of conflict” is as important as any land compromises in achieving lasting peace.

DANIEL WOLF
Teaneck, N.J., Aug. 5, 2013

To the Editor:

Thank you for the excellent reporting and photography.

As someone who escaped the Holocaust as a child and who saw the conditions in the Palestinian territories more than 20 years ago, I think that it’s way past time to let American Jews especially know what is really going on there.

YVONNE BYRON
Oakland, Calif., Aug. 5, 2013

Voir encore:

Life sentence answers tears over I-75 death

The Associated press
March 31, 1999

An 18-year-old has been arrested and charged with second-degree murder in the death of a driver who was killed on Sunday by a rock that had been tossed from an overpass on Interstate 75 west of Tampa.

The teen-ager Juan G. Cardenas, was arrested on Monday by Highway Patrol officers after they received a tip from someone who told of overhearing him talk about the incident.

The driver, Julie Catherine Laible, 32, was hit in the head by the rock, about the size of a bowling ball, after it smashed the windshield of her Honda Civic, the authorities said.

Voir par ailleurs:

La guerre des dix jours
Jacques Tarnero
La Revue des deux mondes
Mai 26, 2021

Ce que l’Allemagne nazie avait testé en Espagne en 1936, l’Iran vient de le tester à Gaza : expérimenter ses armes, mettre au point ses méthodes et sa tactique de guerre, autant qu’évaluer la riposte de son ennemi. Le grand allié du Hamas fonctionne à l’identique. L’Allemagne nazie avait aussi pris la mesure de la mollesse des démocraties à se mobiliser en faveur de la République espagnole. Malgré le décalage historique, malgré, les différences politiques, il reste une constante : les régimes totalitaires connaissent les couardises des démocraties, leur lenteur à comprendre l’enjeu pour elles-mêmes. Au conseil de sécurité de l’ONU, qualifier les termes du conflit, nommer l’agresseur a été impossible. À l’Assemblée nationale, le Premier ministre Jean Castex a prioritairement exprimé son souci pour les malheurs de Gaza. Des salves de roquettes tirées indistinctement sur Israël, il ne fit pas mention.
Ici s’arrête la comparaison.

À la différence de la République espagnole, Israël a non seulement su contenir son agresseur, il a aussi réussi à l’affaiblir durablement sans pour autant le détruire. Rien n’est donc réglé. Un autre ennemi bien plus redoutable fourbit ses armes qu’il espère définitives. La pluie de roquettes tirées indistinctement sur tout le territoire israélien témoignait d’un projet guerrier exterminateur : sans la protection du dôme de fer, il y aurait eu des milliers de victimes civiles en Israël. Ces attaques indistinctes du Hamas révèlent un modèle stratégique dont on peut tirer la leçon : l’Iran n’hésitera pas à utiliser l’arme nucléaire contre Israël, dès qu’il en aura la capacité. Le djihad nucléaire sera l’étape suivante de l’affrontement.

Cette perspective ne procède en rien d’un souci quelconque pour la Palestine. Le sort du peuple palestinien est le dernier souci du pouvoir iranien et de ses créatures Hamas, Hezbollah et autre djihad islamique. Cette rente idéologique n’est que l’alibi de son projet. La vision apocalyptique iranienne obéit à un projet messianique que les ayatollahs au pouvoir n’ont jamais dissimulé : détruire cette enclave juive incrustée au cœur d’un espace tout entier supposé appartenir à la sphère de l’islam.

« Ce conflit en annonce un autre qui ne saurait tarder entre Israël et un Iran nucléaire dont la Palestine est l’alibi. »

Toutes les démocraties le savent, tous les dirigeants du monde occidental connaissent les données de l’enjeu. Ce qui vient de se dérouler à Gaza sert de test pour elles autant que pour le mentor du Hamas. Sont-elles prêtes à reconnaître que l’idéologie du Hamas est le variant islamisé d’un projet qui a sa source dans un nazisme oriental ? Sont-elles prêtes à l’affronter ? Ou bien estiment-elles au contraire que l’on peut négocier avec cette puissance et sacrifier Israël pour une paix illusoire ? En 1938, à Munich, la France et l’Angleterre estimèrent que sacrifier les Sudètes à l’Allemagne nazie allait sauver la paix. On connaît la suite et le mot de Churchill sur Daladier et Chamberlain : « Ils ont eu le choix entre le déshonneur et la guerre, ils ont choisi le déshonneur et ils auront la guerre ». Les négociations de Vienne sur le nucléaire iranien seront-elles de la même veine ? Ce conflit en annonce un autre qui ne saurait tarder entre Israël et un Iran nucléaire dont la Palestine est l’alibi.

Après dix jours d’intenses combats entre le Hamas et Israël, un cessez-le-feu a été imposé aux belligérants. Deux cent quarante-huit tués côté palestinien dont soixante-six enfants, dix-neuf morts dont un enfant, côté israélien. Comment interpréter ces chiffres si différents ? Tandis qu’Israël protège sa population des roquettes du Hamas, à la fois par les abris et son système de défense anti-missiles, le Hamas se protège des frappes israéliennes en s’abritant derrière sa population civile pour tirer ses roquettes. Grace à un réseau de souterrains bétonné, le Hamas a enterré ses structures militaires au cœur des villes, au milieu des immeubles civils. Les millions de dollars de l’aide internationale récoltés depuis 2014 ont été utilisés pour bâtir ce « métro » abritant ses armes.

Cet affrontement entre un mouvement islamiste et l’État juif ajoute un nouveau chapitre sanglant à l’histoire déjà longue de cette guerre de cent ans ou de mille ans selon qu’on lise cette histoire dans le registre de la rivalité entre Ismaël et Isaac ou dans celle de l’histoire du siècle dernier et de celui qui commence. Au-delà de sa seule dimension locale, proche-orientale, la récurrence de cette affaire nous concerne, en Europe, en France particulièrement, parce que son écho déchaîne d’autres passions enfouies, nées d’un passé pas si lointain. Le poids de la Shoah d’une part, des culpabilités et d’autre part le poids des relations entre l’Occident et le monde arabo-musulman, entre la France et ses anciennes colonies surdéterminent le regard porté sur le conflit. C’est dans la trace de Vichy, de ses effets mémoriels, autant que dans le reflet de la guerre d’Algérie, de ce qu’elle implique des deux côtés de la Méditerranée, des affects nés de cette mémoire, de ses souffrances, qu’il faut fouiller pour se prémunir, ici, des guerres civiles à venir.

« La nazification d’Israël permet simultanément de délégitimer le droit d’Israël à être : en renversant les termes de l’histoire, en identifiant les Palestiniens comme les nouveaux Juifs et Israël comme le nouveau nazi, le gauchisme retrouve en Palestine une cause exemplaire. »

Ce Proche-Orient par procuration nous oblige ici même. C’est peut-être en France, à Sarcelles, à Trappes, à Bondy, que pourraient s’imaginer d’autres constructions intellectuelles indispensables pour sortir de ces schizophrénies identitaires qui annoncent le pire. Pour le moment, nous en sommes très loin : ce sont des manifestations de fureur haineuse qui ont déferlé dans les rues de Londres, Montréal, New York, Paris. Cette ivresse répétée apparaît davantage relever d’une pathologie collective inscrite au cœur de l’imaginaire arabo-musulman. Ce ressentiment, cette frustration, vise aussi la France quand la pensée dite décoloniale perpétue ici une guerre d’Algérie jamais finie.

Pourtant d’autres voix existent dans le monde arabo-musulman. En Algérie, le Hirak exprime un refus de cette fatalité. Ces voix sont minoritaires, mais elles osent dirent la vérité. Kamel Daoud, Riad Sattouf, Boualem Sansal osent briser cette pensée magique qui dit que son malheur vient d’Israël et des Juifs. « Israël est l’aphrodisiaque le plus puissant pour les arabes », aimait rappeler judicieusement Hassan II, l’ancien roi du Maroc.

Ce pré-pensé idéologique qui enferme le monde arabe dans la régression, la gauche l’a entretenu, en Occident, en France, en particulier. Cette gauche porte une lourde responsabilité dans l’entretien de ce récit, car c’est encore et toujours à travers la grille de lecture de la guerre d’Algérie que s’interprète le conflit israélo-arabe. Dans une surenchère aveugle, la gauche de la gauche fait sienne la rhétorique indigéniste et décoloniale. Jacques Julliard a parfaitement résumé les choses : « Chaque fois que la France est menacée dans son existence et dans ses raisons d’être, il se forme dans ses marges un parti collabo. D’ordinaire, ce parti est d’extrême droite et se confond avec la réaction. Aujourd’hui, il est d’extrême gauche ». Bien pire, la nazification d’Israël permet simultanément de délégitimer le droit d’Israël à être : en renversant les termes de l’histoire, en identifiant les Palestiniens comme les nouveaux Juifs et Israël comme le nouveau nazi, le gauchisme retrouve en Palestine une cause exemplaire. Ces banderoles affichant un signe = entre la svastika et l’étoile de David, resteront pour la gauche de la gauche, comme une obscénité symbolique majeure.

« Depuis plus de vingt ans, la Palestine est sortie de ses frontières au profit du choix de la guerre sainte et du djihad dont se nourrit l’imaginaire arabe. Si ces fantasmes mortifères prennent le pas sur la raison, la guerre des dix jours durera encore mille ans. »

Le pouvoir israélien a ses responsabilités dans l’illusion d’un statu quo dont les effets n’annoncent rien de bon pour l’avenir ; mais ça n’est pas de la politique du gouvernement israélien dont il est question dans ce qui vient de se produire et les cris de victoire du Hamas annonçant sa victoire à venir du fleuve à la mer reprennent tous les slogans matriciels de la rhétorique arabe contre l’entité sioniste. Dans un entretien à Politique Internationale, l’été 1982, Ben Bella, ancien premier président de l’Algérie, signifiait l’importance symbolique de ce conflit pour le monde arabe : « Ce que nous voulons, nous autres Arabes, c’est être, or nous ne pouvons être que si l’autre n’est pas » et il précisait : « S’il n’y a pas d’autre solution, alors que cette guerre nucléaire ait lieu et qu’on en finisse une fois pour toutes ! »

Depuis la visite de Sadate en 1977, et assassiné pour cela en 1981, c’est toujours le pire qui a eu le dernier mot. Dans un symétrique effrayant, Yitzhak Rabin a aussi été assassiné par un fanatique juif et avec lui, le rêve de la paix d’Oslo. N’était-elle qu’une illusion ?

Le malheur palestinien est réel et il n’y a dans ces mots aucun misérabilisme compassionnel artificiel, mais il faut se poser une autre question : que préfèrent les Palestiniens ? Quel est leur désir majeur : détruire Israël ou avoir un État ? Depuis plus de vingt ans, des opportunités d’arriver à un accord avec l’OLP ont été refusées par le leadership palestinien qui a toujours choisi la surenchère. Depuis plus de vingt ans, la Palestine est sortie de ses frontières au profit du choix de la guerre sainte et du djihad dont se nourrit l’imaginaire arabe. Si ces fantasmes mortifères prennent le pas sur la raison, la guerre des dix jours durera encore mille ans. Tant que dans la sphère musulmane on n’aura pas eu le courage de rompre avec ses mythes régressifs, tant que sera considéré comme une trahison le fait d’oser regarder en face les raisons de l’incurie qui préside aux destinées de ces peuples, le malheur de ce monde deviendra le bien commun de tous.

Voir encore:

La gauche, la droite, l’islamisme et l’antisionisme : entretien avec Georges-Elia Sarfati

Présenté par Yana Grinshpun

La gauche, la droite, l’islamisme et l’antisionisme : entretien avec Georges-Elia Sarfati

Georges-Elia Sarfati est un philosophe, linguiste et psychanayste franco-israélien, auteur de nombreux ouvrages dans les domaines de l’analyse du discours, de l’éthique, de la pensée juive, de la critique sociale. Il est également traducteur de Viktor Frankl, et fondateur de l’EFRATE (École Française d’Analyse et de thérapies existentielles). G.-E. Sarfati est l’un des rares intellectuels français, avec Léon Poliakov, Pierre-André Taguieff et Shmuel Trigano à analyser les ressorts culturels, théologiques, historiques et politiques de ce qu’on appelle le « nouvel antisémitisme ». En tant que spécialiste du discours, Sarfati s’est très tôt intéressé à l’expression contemporaine de la  judéophobie. Pour lui, l’antisémitisme se nourrit surtout de ses enracinements dans l’histoire des mentalités et des discours et forme une sorte de sous-culture qui accompagne depuis quelques décennies le pseudo-progressisme se réclamant de la pensée post-moderniste. Georges-Elia Sarfati est l’auteur d’un ouvrage consacré à la rhétorique antisioniste, LAntisionisme. Israël Palestine : aux miroirs d’Occident (Berg, 2002), et de très nombreux articles sur la perception des Juifs dans l’espace occidental. Le philosophe et linguiste explique que l’essentiel de la rhétorique de la désinformation et de la propagande, qu’elle soit « totalitaire » ou « publicitaire », repose sur l’inversion des valeurs, l’inculcation des mensonges historiques et l’élaboration des mécanismes psycho-affectifs chez les cibles du discours idéologiques anti-juif. Il est aussi le co-fondateur de ce blog.

Dans cet entretien, il propose de revenir sur les jalons historiques et conceptuels essentiels qui ont structuré la nouvelle forme d’antisémitisme appelée « antisionisme », qui est brandie par une partie des membres de l’intelligentsia comme son « droit sacré à la liberté d’opinion et d’expression ». Cet entretien montre implacablement que le roi est toujours antisémite sous la robe antisioniste, même s’il prétend être démocrate et progressiste.

Y.G : En 2016, J. Julliard écrivait « Chaque fois que la France est menacée dans son existence et dans ses raisons d’être, il se forme dans ses marges un parti collabo. D’ordinaire, ce parti est d’extrême droite et se confond avec la réaction. Aujourd’hui, il est d’extrême gauche ».  Est-ce que vous êtes d’accord avec ce pronostic ?

GES : Sans doute cette remarque de J. Julliard vaut-elle pour notre époque – disons qu’elle s’avère pertinente pour les années 2000-2020 ; pour autant, il me paraît risqué de soutenir que d’ « ordinaire », le « parti collabo » était d’ « extrême droite », dans la mesure où ladite extrême droite, si l’on pense à la période 39-45, se nourrissait de très nombreux transfuges de gauche, comme l’a démontré l’historien Simon Epstein dans Un paradoxe français. Pour ce qui est de la droite nationaliste, elle a su voir dans les Juifs des patriotes loyaux, je pense au Barrès des Familles spirituelles de la France, ou à l’engagement de son propre fils dans les rangs de la France libre. Le paradoxe dont rend compte S. Epstein c’est que les antisémites de l’Affaire Dreyfus ont été gaullistes et résistants pendant la Seconde Guerre, tandis que les partis de la collaboration se sont en grande partie recrutés parmi les dreyfusards et la gauche historique. Quant à la gauche demeurée à gauche, après la Seconde Guerre mondiale, elle n’avait pas grand-chose à envier à l’extrême droite sur le chapitre de l’antisémitisme, si l’on considère l’Union soviétique et ses satellites.

YG : Depuis le début des années 2000, l’année de la deuxième Intifada, on observe une montée d’antisémitisme décomplexé qui n’a pas de précédent depuis la deuxième guerre mondiale. Cet antisémitisme est corrélatif à l’antisionisme affiché de l’extrême gauche pour qui l’existence de l’État d’Israël constitue une offense suprême. Ce qui est aussi le cas pour les islamistes qui prônent ouvertement sa destruction. De quand date la rencontre de ces deux idéologies haineuses ?

GES : Il existe en effet une convergence significative entre l’islamisme et le gauchisme qui trouvent un véritable point d’entente sur le sujet de l’antisionisme. Cela paraît absurde, antinomique, et fondé sur un malentendu, puisque ce sont en principe des ennemis que doctrinalement tout oppose. Mais ils ont en commun la volonté d’en découdre avec la civilisation européenne, et communient aujourd’hui dans l’idéologie décoloniale. Leurs motivations initiales diffèrent du tout au tout : l’extrême gauche est antijuive par tradition voltairienne et marxiste, l’islamisme est antisioniste, en raison de la théologie politique de l’islam qui ne souffre pas de souveraineté non-musulmane sur le « dar al-islam ». L’extrême gauche est anticléricale et s’imagine que l’identité juive est « religieuse », tandis que l’islamisme reconduit le vieux débat de la théologie de la substitution en se proclament seule détenteur de la « vraie » révélation. Néanmoins la rencontre de ces deux souches allergiques aux Juifs pour ce qu’ils représentent, n’est somme toute pas récente. L’histoire de cette convergence, du point de vue des matrices doctrinales, remonte aux années 20 du XX siècle . C’est une partie d’échecs : il fallait mettre en échec la possibilité d’un sentiment de sympathie pour un Israël souverain. Aussi, je serai réservé à l’idée de mêler les sentiments à tout cela. Parler d’idéologie haineuse porte à psychologiser les affaires politiques. Or en politique, il n’entre que des calculs, et des intérêts bien compris. Au niveau des élites politiques, en tout cas. Le reste en effet sera une affaire de sentiment où les propagandes prennent le relais pour forger une opinion passionnée ainsi qu’un sens commun sur mesure.

Y.G : Raymond Aron appelle la période qui a suivi la fameuse allocution de De Gaulle après la victoire dans la guerre de 6 jours (1967), où il parle des Juifs comme « d’un peuple d’élite, sûr de lui-même et dominateur », l’ère de soupçon. Or, depuis quelques années, on entend lors des manifestations « anti-racistes » : « Mort aux Juifs », on entend aussi des appels à la haine d’Israël sur les réseaux sociaux, des discours antisémites assumés du PIR et de la gauche radicale (je pense à la fameuse phrase de Mélenchon sur la crucifixion de Jésus)[1]. Comment expliquer cette disparition de limites et cette prolifération de discours antijuifs ?

GES : Comme vous le rappelez en évoquant les mots de Raymond Aron, le discours gaullien de 1967 marque un tournant dans les relations franco-israéliennes, le début d’un véritable renversement d’alliance. Les jeunes générations n’ont pas la moindre idée de la bonne entente qui régnait entre Paris et Jérusalem avant la Guerre des Six Jours. Ce renversement d’alliance a été largement expliqué par la situation géopolitique de la France par rapport au monde arabe : le Maghreb où elle a été longtemps présente, ainsi que le Proche- Orient. Cet intérêt proprement français, lié à la position de la France, avait déjà été affirmé, aussi bien par François 1er que Napoléon III. François Ier a fondé le Collège de France, introduisant la connaissance de l’arabe, dans un contexte de rivalité avec le monde ottoman. Napoléon III rêvait de faire jouer à la France un rôle de premier plan dans le monde arabo-musulman. Aujourd’hui, l’existence de l’État d’Israël change la donne. Corrélativement, l’existence d’une immigration musulmane souvent peu éduquée, véhiculant le mépris du Juif (al yahoud), voilà qui fait subir une formidable involution à la mentalité issue de l’esprit des Lumières, quoique les Lumières soient elles-mêmes très divisées sur le chapitre de l’égale dignité de tous les hommes. Que de larges fractions de l’opinion soient désormais affectées par le prurit de l’antisémitisme n’a rien de surprenant, cela est le résultat d’une volonté politique, savamment distillée. En matière d’opinion, et de politique de l’opinion, il n’y a pas de génération spontanée. Les grands médias ont été chargés de diffuser la doxa antisioniste, depuis la fin des années 60 du XXe siècle, et trois générations de Français ont bu de ce lait. Cette nouvelle modalité de l’antisémitisme a été sciemment inculquée, et rares sont les esprits qui ont passé l’évidence antisioniste au tamis de l’esprit critique. L’expression antisioniste est d’autant plus désinhibée, qu’elle repose sur des motifs pleins de noblesse : l’antisionisme se présente comme un humaniste et un antiracisme. C’est au nom de l’humanisme et de l’antiracisme que l’on se dit antisioniste.

YG : Pourquoi, dans le discours commun, le « sionisme » est-il présenté comme une idéologie criminelle ?

GES : Votre question me donne l’occasion de faire retour sur la genèse de ce phénomène idéologique. Je viens d’éclairer le versant français de cette affaire. Il faut maintenant éclairer le rôle des principaux vecteurs de cette péjoration. À proprement parler, l’antisionisme est une forgerie des propagandes totalitaires. C’est dans la littérature nationale-socialiste que se trouve d’abord le point de mue de l’antisémitisme culturel de la fin du 19è siècle en antisémitisme racial et en antisionisme génocidaire. Cela est exprimé en toutes lettres dans Mein Kampf. Hitler appuie son « raisonnement » sur l’argumentaire des Protocoles des Sages de Sion ; tout en appelant au gazage des Juifs (dès 1924), il fustige le mouvement sioniste, l’accusant de vouloir susciter un État juif qui sera la tête de pont de la conspiration juive mondiale. Comme nous le savons, cette littérature a été traduite en arabe et a trouvé de profonds échos, notamment dans le mouvement national palestinien, à l’époque du Mandat britannique sur la Palestine. C’est dans ce contexte que l’antisémitisme hitlérien entre en symbiose avec l’antijudaïsme des Frères Musulmans. Aujourd’hui la proximité des leaders du mouvement palestinien avec les Frères musulmans, ancêtre de l’OLP de Yasser Arafat, a été mise en exergue par de nombreux historiens, notamment par Cuppers et Mallmann dans leur étude Croissant fertile et croix gammée[2]. Cette part significative, et toujours vivace, de l’archive judéophobe, ne peut plus être refoulée.

Au sortir de la Seconde Guerre mondiale, le mouvement palestinien, militairement vaincu, comme toute la coalition arabe qui s’était formée contre Israël, tombe dans l’escarcelle de l’Union Soviétique. À partir de ce moment, l’URSS écrit un nouveau chapitre de l’histoire de l’antisionisme. Ce n’est plus la conspiration juive que fustigent les staliniens, mais le sionisme allié de l’impérialisme américain, le sionisme incarnation du capital. Il s’agit d’une variante du même schéma. Léon Poliakov, qui fut mon maître en matière d’analyse des figures de discours de la judéophobie, a été sans doute le premier intellectuel de langue française à souligner cette évolution : De l’antisionisme à l’antisémitisme, ainsi que De Moscou à Beyrouth demeurent des petits chefs-d’oeuvre,  des livres pionniers[3]. Poliakov montre aussi la manière dont la propagande stalinienne reprend purement et simplement les caricatures du Sturmer pour « nazifier » Israël. Comble de l’ironie, Poliakov montre aussi comment les services de la propagande communiste ont utilisé les compétences d’anciens nazis. L’antisionisme tel que nous le connaissons, et tel que les « progressistes » acquis à sa cause le pratiquent de nos jours, sort directement des officines du KGB. Le savent-ils ? Connaissent-ils les différentes étapes de cette évolution ? Peut-être que la plupart l’ignorent. Souhaitons-le ! Ils auraient alors le bénéfice du doute, celui que l’on peut accorder à l’ignorance, qui n’est pas forcément une fatalité… À cela, il faut ajouter le rôle de vecteur de l’extrême gauche, notamment française, qui a battu des records de forgerie à partir de 1968. L’échec des révolutions prolétariennes, les désillusions du soviétisme ont entraîné dans ses rangs une radicalisation de la lutte anticapitaliste, et ses représentants ont joué un rôle considérable dans la promotion et la banalisation d’un antisionisme à visage humain, décorrélé de l’antisémitisme, devenu tabou en Europe, après la Shoah. Les Palestiniens en sont venus à occuper la place qu’occupait le prolétariat dans le marxisme classique. C’est de la part de la gauche un phénomène que l’on pourrait qualifier de colonisation des territoires de l’imaginaire politique européen. L’extrême gauche a affiné, si je puis dire, le travail de mise en circulation de ce que j’ai appelé des « équation efficaces », destinées à présenter d’Israël une image répulsive. Ces équations idéologiques définissent une pseudo-logie : « sionisme = nazisme », « sionisme = apartheid », « sionisme= racisme », « sionisme=impérialisme », etc. Lorsque l’on connaît l’histoire, la réversibilité des termes sonne faux, et dénonce ces « équivalences » comme des aberrations, historiques aussi bien que sémantiques. Faut-il rappeler que les Sionismes sont nés en réponse à l’antisémitisme du 19è siècle: russe, allemand, français, et ottoman?

YG : Qu’en déduisez-vous sur la nature de cet antisionisme, qui se porte si bien aujourd’hui ?

GES : Une compréhension très accessible : lorsque quelqu’un fait profession de foi d’antisionisme, il ne peut s’agir que d’un ignorant, ou d’un crypto-antisémite. D’un ignorant parce que son antisionisme sincère témoigne de sa méconnaissance complète de sa propre histoire, celle de l’Europe – d’Est en Ouest-, et plus grave de son incompréhension foncière de la raison d’être du sionisme, qui fut unanimement conçu par les Juifs qui s’y sont ralliés, comme une issue à l’antisémitisme. De plus, que veut dire « être antisioniste » après la Shoah ? Ces antisionistes au grand cœur, feignent d’oublier qu’il n’y avait plus de place sur terre pour le peuple juif. En somme, qu’est-ce que l’antisionisme propose aux Juifs ? Le retour à la situation d’exil, et d’exposition passive à toutes les formes de la persécution ? À quelle sorte de destin historique l’antisionisme promet-il les Juifs ? Au mieux, à leur disparition en tant que représentants d’une identité singulière, porteur d’un message universel, au pire à leur liquidation physique. L’antisionisme est la nostalgie d’une société où l’on pouvait poursuivre un Juif au cri de Hip ! Hip ! Hip ! (Hieroslima est perdita !/Jérusalem est perdue !), l’humilier et le tuer impunément. Voilà le programme de l’antisionisme. Pour autant, je ne confonds pas l’antisionisme islamo-gauchiste ou génocidaire avec l’asionisme de nombreux Juifs qui font le choix de l’intégration dans les sociétés démocratiques. Ceux-là ont affirmé un choix conséquent, en se détachant à titre individuel du destin collectif d’Israël. Pour moi, ils le font à leurs risques et périls.

YG : La popularisation du terme « islamo-gauchisme » qui désigne la convergence entre certains mouvements de gauche et de l’islam politique permet, pour la première fois depuis des décennies, d’aborder le problème de la désintégration de l’État-Nation à laquelle aspirent les islamistes, les décoloniaux et la gauche radicale. Le sionisme a un statut spécial dans cette constellation. Pourquoi ? Pourquoi n’en parle-t-on pas ou si peu ? Cela semble être le point mort des discussions dans les médias ou entre intellectuels, quand il ne s’agit pas de Pierre-André Taguieff ou de Shmuel Trigano.

GES : Vous avez entièrement raison. Le fait est que l’État d’Israël représente un pôle identitaire affirmé, en tout cas dans les imaginaires collectifs. Et le signifiant « Israël » n’a jamais été compris, il a été combattu, mais pas compris. Le sionisme se trouve dans une situation paradoxale, du fait du caractère anormal ou atypique de l’histoire juive, au regard de la philosophie politique européenne. D’abord, le sionisme est la dernière expression du principe des nationalités, il s’est affirmé pour la première fois, avec un décalage de près d’une génération sur la dynamique d’auto-détermination née du printemps des peuples, en 1848. C’est du reste ainsi que son premier théoricien, Moses Hess, dans Rome et Jérusalem, explicite le titre de son livre en 1862: la dernière question des nationalités. Hess est le premier théoricien du sionisme, en ce sens qu’il renoue avec l’idée du caractère national du peuple juif, idée qui s’est perdue en terre chrétienne. Comment comprendre le sionisme, dans un contexte où l’idée de peuple suppose des critères précis : la base territoriale, la communauté de langue ? Or les Juifs ne sont nulle part chez eux, ils sont dispersés, n’ont plus de langue commune, et sont réduits depuis près de deux millénaires à supporter le carcan symbolique d’une entité théologique, ils sont « le peuple du Livre ». Voilà que sous la pression d’un mouvement antisémite international -pogromes en Russie, statut de dhimmi et violences antijuives dans l’empire ottoman, affaire Dreyfus en France, pétition des 200000 en Allemagne, floraison des ligues et des partis antisémites, etc. – ils entendent reconstituer leur nation. En Allemagne notamment 200000 signataires réclament que les Juifs soient déchus de leurs droits, récemment acquis ; cela se passe plus d’un siècle avant la Shoah, c’est déjà un évènement annonciateur…La dynamique du sionisme est à cet égard constante, depuis Moses Hess, jusqu’à Théodore Herzl, en passant par Léo Pinsker. Il s’agit pour les penseurs sionistes de rendre au peuple juif sa dimension historico-politique, ni plus ni moins.

Or ce n’est pas ainsi que l’entendent les nations, habituées, du fait de la polémique théologique contre le judaïsme, à considérer celui-ci comme une « religion ». Récemment, les travaux de Philippe Borgeaud – en particulier son étude : L’histoire des religions[4], a bien mis en évidence que cette notion de « religion » ne saurait s’appliquer à quelque culture que ce soit, en dehors du christianisme, parce que celui-ci va faire corps avec la « religion impériale » de Rome, et s’en approprier les formes symboliques, en tant que « religion d’État ». Le Judaïsme est une civilisation, qui a été déracinée par les empires. C’est à cette situation que le sionisme a entendu mettre fin. Le second paradoxe tient au fait que la souveraineté juive s’est surtout affirmée concomitamment à la fin de la Seconde Guerre mondiale, à une époque marquée par le reflux du nationalisme, et bientôt la critique de l’État Nation. Le reflux du nationalisme est forcément assimilé au refus du bellicisme et de la violence doctrinale dont ont fait preuve le national-socialisme et les fascismes. Quant à la critique de l’État-Nation, elle s’est peu à peu déduite de la formation de l’Europe supranationale, dans le contexte de la polarisation Est/Ouest, à l’époque de la guerre froide. Une nouvelle ère culturelle s’est épanouie, fortement favorisée par le développement du post-marxisme et du post-structuralisme, sous le rapport de ce que l’on appelle d’un terme assez vague la philosophie post-moderne. Or cette pensée post-moderne est paradoxalement très marquée par la philosophie de Heidegger, l’artisan de Abbau, la destruction/déconstruction de… l’humanisme européen. À cet égard, les analyses de Jean-Pierre Faye (Le Piège[5], mais aussi la Lettre sur Derrida[6]) et celles de son fils Emmanuel Faye (L’introduction du nazisme dans la philosophie[7]) gagnent à être mieux connues. Au-delà du champ philosophique, le principe de la déconstruction a fait souche dans le débat idéologique : l’idéologie décoloniale est une métastase du post-marxisme mâtiné de déconstruction. C’est là que les deux souches virulentes se rejoignent : d’un côté la mauvaise conscience de l’Occident, qui, pour s’exprimer, recycle follement les idées du plus grand penseur nazi du XXè siècle, d’autre part l’idéologie du djihad conquérant, qui révèle le principe historique de l’islam primitif. Ces deux souches culminent dans une posture inlassable de ressentiment, dont Max Scheler a explicité les mécanismes, il y a déjà un siècle[8]. Néanmoins, la critique du néo-antisémitisme que représente sciemment l’antisionisme constitue un angle mort du débat public, comme s’il ne s’agissait que d’une « affaire juive ». Or c’est tout le contraire. Par leur complaisance et leur démagogie, les démocraties occidentales ont joué le jeu de la centrale palestinienne, elles l’ont financée, en relayant sa propagande anti-juive, depuis le milieu des années 60. Si des germes d’antisémitisme demeuraient vivaces en Europe, après la Libération, c’est à l’OLP que le monde actuel doit d’avoir été de nouveau submergé par cette vague d’antisémitisme. L’OLP dont j’ai naguère analysé la Charte[9], demeure le vecteur de propagation le plus virulent : elle a pris le relais de l’Église en matière de diffusion universelle de l’enseignement du mépris. Le discours canoniquede l’antisionisme, sa charte internationale, c’est précisément celle de l’OLP. Par ce texte, l’OLP signe sa double filiation : d’abord nazie et stalinienne, mais aussi par sa tonalité tiers-mondiste qui lui a conféré sa « respectabilité », pendant des décennies, auprès des gauches européennes. A la souche totalitaire, l’OLP emprunte explicitement, le schème conspirationniste des Protocoles des Sages de Sion, au tiers-mondisme, l’OLP emprunte l’idéologie anticolonialiste et l’anti-américanisme.

La charte du Hamas, plus récente, campe sur les mêmes positions. Voilà comment Y. Arafat, le jeune loup du Mufti, a refait surface, dans les années soixante, sous la guise de l’agnus dei au moment de la création du Fatah. Les anciennes connivences se sont manifestées ouvertement au moment du massacre des athlètes israéliens aux jeux olympiques de Munich : cet attentat avait été rendu possible grâce à la caution logistique d’anciens nazis. De nos jours, dans les manifestations « pro-palestiniennes », les « antisionistes » exhibent de nouveau la croix gammée sur leurs banderoles aux couleurs de la Palestine, ce n’est pas l’expression d’un ‘’dérapage’’, mais la signature d’une authentique filiation…Il y a ensuite la connivence totalement inattendue, mais par un effet de conjoncture, du discours des grands médias et du discours de l’extrême gauche, qui ont servi de relais aux prétentions de l’OLP, en fabriquant un véritable catéchisme – en un mot un vulgate– à destination du grand public : les grands médias, en vertu de l’alignement pro-palestinien des gouvernements successifs, depuis 1967, l’extrême gauche par son action continue sur la société civile, et ses capacités d’entrisme à l’université notamment. Voilà très précisément l’origine de la doxa antisioniste. Ceci tisse une trame très complexe, que l’absence totale de connaissance historique rend difficile à dénouer. D’où l’existence d’un phénomène idéologique globalement très structuré, qui constitue du point de vue cognitif une structure de piège, à laquelle il est presque impossible d’échapper. Lorsque la répétition s’en mêle, cela donne un mécanisme psycho-affectif qui court-circuite la possibilité même de la pensée, et impose au tout venant des conduites-réflexes. Cette doxa crée les conditions d’une véritable inhibition cognitive. L’ensemble de ces paramètres, leur combinatoire historique, liée à des stratégies délibérées, gouvernementales mais aussi militantes – de niveau logique entièrement distinct- contribuent à définir l’espace massif de ce « point mort », de ce que j’appelle l’angle mort du débat public en France, mais pas seulement.

YG : Nous savons depuis l’heureuse formule de Jankélévitch que « l’antisionisme est une incroyable aubaine pour les antisémites. L’antisionisme est l’antisémitisme justifié, mis enfin à la portée de tous. Il est permission d’être démocratiquement antisémite ». Nous avons Tariq Ramadan ou encore  Jean-Luc Mélenchon comme exemples d’antisionisme radical. Mais il existe aussi des Juifs antisionistes en France, et des Israéliens antisionistes aussi : cela va de Shlomo Sand jusqu’à Elie Barnavi. Pourriez-vous faire la distinction entre ces formes d’antisionisme ? Qu’est-ce que c’est d’être antisioniste ?

GES : Vladimir Jankélévitch avait vu juste, en identifiant le principe génétique de l’antisionisme. L’antisionisme radical est une forgerie du nazisme et du stalinisme, reprise par le nationalisme islamiste des Palestiniens au début du Mandat britannique sur la Palestine, pour s’opposer à la progression du mouvement sioniste. Jankélévitch, tout comme Poliakov, qui avaient la mémoire des choses, appartiennent à cette génération qui a été témoin de la mue de la judéophobie traditionnelle. Selon moi, l’antisionisme est la dernière modalité historique connue de la judéophobie, après l’antijudaïsme théologique (chrétien puis musulman), et l’antisémitisme moderne (culturel, raciste et/ou nationaliste). Ces trois modalités sont liées par un même invariant : la criminalisation du fait juif, comme je l’ai écrit au début des années 2000 dans mon essai L’antisionisme. Israël/Palestine aux miroirs d’Occident, que Pierre-André Taguieff avait accueilli dans la collection qu’il dirigeait alors aux éditions Berg. À cet égard, l’antisionisme de Tarik Ramadan est congruent avec l’idéologie des Frères musulmans. Si nous savons généralement que son grand-père était le fondateur de la confrérie, l’on sait moins en revanche que son père était l’émissaire pour la Palestine du Grand Mufti de Jérusalem. Quant à Jean-Luc Mélenchon, son antisionisme est celui d’un communiste pro-soviétique reconverti dans le populisme islamo-gauchiste, rien que de très congruent là encore. Il existe donc bien ce que j’appelle une archive judéophobe, très étayée, dont la matrice est recyclée au gré des conjonctures. Sous ce rapport, l’antisionisme est un phénomène idéologique très structuré, qui permet de donner le change, sous le prétexte de faire valoir un point de vue anticolonialiste, aujourd’hui « décolonial ».T. Ramadan et J.-L. Mélenchon, sont des incarnations des souches idéologiques que je viens d’évoquer et de situer l’une par rapport à l’autre. Ce sont des alliés objectifs du point de vue tactique, et des alliés subjectifs du point de vue de leurs convictions propres : l’islamisme radical du premier, le laïcardisme agressif et l’opportunisme électoraliste de l’autre. Il existe aussi une genèse intellectuelle de gauche de l’antisionisme français, qui est lié à certaines lectures juives du marxisme, dans le contexte de l’après-guerre mais aussi de la décolonisation. Je vous propose d’examiner cet éventail de positons. Indépendamment d’une affiliation marxiste, pour beaucoup, le sionisme a été vécu comme une assignation, et la réponse élémentaire a consisté à opposer un refus, en cherchant à théoriser une alternative.

Ce fut le cas d’un intellectuel comme Richard Marienstrass, l’auteur d’Etre un peuple en diaspora (1977), qui reconduisait les conceptions diasporistes de l’historien Simon Dubnov, assassiné au moment de la liquidation du ghetto de Riga. À côté de cela, il faut prendre en considération le cas de la gauche juive, critique du sionisme, modérée ou radicale, qui  s’explique autrement. Cette conception s’origine d’une part dans Marx lui-même, mais très certainement dans les élaborations ultérieures – notamment autonomistes (le Bund) spécifiquement juives, ou internationalistes (trotskystes). L’opusculed’Abraham Léon : La conception matérialiste de ma question juive[10], a exercé une influence notable dans de nombreux milieux juifs détachés du judaïsme traditionnel. On voit pointer là la perspective d’une résolution de la question juive dans le cadre d’un universalisme de sensibilité révolutionnaire. Un universitaire influent en son temps tel que Maxime Rodinson, a occupé une place central dans ce dispositif. Auteur de Question juive ou problème juif ? ,il a fixé pour longtemps la norme de l’interprétation « coloniale » du sionisme, en donnant le ton par son article rédigé pour l’Encyclopaedia Universalis au début des années 70 du vingtième siècle. Simultanément, la descendance idéologique de communistes d’origine juive, tel que Henri Curiel, via Le Monde diplomatique, avec des vecteurs d’opinion comme son fils Alain Greisch, ou Dominique Vidal – tous deux passionnément antisionistes- a contribué et continue encore à brouiller les cartes sur la question de savoir qui est juif et surtout comment l’être. Ce sont ces intellectuels de gauche, « universalistes », qui ont contribué à ethniciser le sionisme, à le défigurer en présentant des versions controuvées de la révolution sioniste. Ces deux journalistes, experts auto-proclamés du Proche Orient ont consacré une bonne partie de leurs écrits et de leurs interventions à tâcher d’apporter la démonstration de l’indépendance de l’antisionisme et de l’antisémitisme.

Au regard de la connaissance historiques, ce sont des gesticulations sans pertinence, de pures théorisations polémiques qui servent des buts de conquête idéologique de l’espace public. Quant à leur collusion avec l’islamisme radical, elle est une caractéristique intrinsèque de leur engagement[11]. En leur temps, cela ne les a pas empêchés de suggérer à l’OLP de se rapprocher de la gauche européenne, ni de s’aligner eux-mêmes sur le principe du « socialisme dans un seul pays », qui, après tout, est un ultra-nationalisme, un nationalisme impérial au sens obvie de ce terme. Quelque chose de cette fibre est passé dans la gauche française parlementaire, laquelle entre socialisme et communisme a longtemps balancé pour adopter une position claire sur ce sujet. Les communistes ont toujours hurlé avec les loups, au nom de l’anticolonialisme et de l’anti-impérialisme. Quant aux socialistes ils étaient divisés, ou ambivalents, ou dans le déni. On se souvient du retournement du Parti Socialiste, pour des motifs électoralistes, au début des années 2000 : il suffit de rappeler les positions d’un Pascal Boniface, auteur de : Est-il permis de critiquer Israël ?, mais aussi à l’attitude de Lionel Jospin, alors premier ministre, au moment de la deuxième intifada : il n’y avait pas d’antisémitisme dans les universités, et l’antisionisme était un non-sujet… Le cas des israéliens antisionistes est différent, même si leur discours entre en convergence avec celui des antisionistes radicaux, en leur conférant une précieuse justification (« si ce sont des Juifs qui le disent, alors il est illégitime de nous taxer d’antisémitisme », etc.). L’antisionisme israélien repose sur plusieurs composantes. Il a différentes sources : le Berit Chalom[12], le sionisme marxiste, le sionisme socialiste, pénétré de moralisme, les nouveaux historiens, et le post-sionisme, qui est la modalité israélienne du post-modernisme. Chez les militants du Berit Chalom, règne une certaine naïveté, qui se condense dans l’impératif d’une éthique sans politique, à l’heure des pogroms antijuifs déclenchés par le mouvement palestinien ! De cette posture, il reste l’essentiel chez les antionistes israéliens, qui est un moralisme belliciste. Ainsi, le cas de Shlomo Sand est paradigmatique : il cumule la posture moraliste, le rejet de la tradition juive, comme prisme d’intelligibilité de la signification historique du sionisme, et l’adhésion crypto-communiste à la critique anticolonialiste, héritée du prisme de lecture marxiste. Quant à Elie Barnavi, ou à Abraham Bourg, ils sont représentatifs de l’élite du pays, installé, comme beaucoup d’intellectuels, dans la posture du donneur de leçon, également perméables au thème marxiste et post-marxiste de la prétendue culpabilité de l’Occident. Pour moi, ces esprits se leurrent, leur analyse est fausse, car elle prend pour référentiel les catégories de l’historiographie hégélienne : les Juifs ne sauraient avoir d’État, et s’ils en ont un, il ne faut surtout pas que celui-ci se distingue par des traits de caractère juifs. Mais le sionisme c’est précisément cela. Il a été pensé par le peuple juif dans un moment de grand péril, pour rétablir la souveraineté juive, en assumant l’histoire juive. Le sionisme authentique n’est pas en rupture avec le messianisme juif, il le vivifie mais ne l’abolit pas.

Les antisionistes juifs, on peut le présumer, expriment d’abord un besoin de normalisation, qui cache une demande d’amour : « ’Acceptez-nous, aimez-nous, nous ne sommes pas différents de vous, nous sommes comme vous ». À ce compte, il était inutile de se défendre contre la judéophobie, ou de chercher à affirmer une indépendance nationale. Les nations avaient envisagé tout ce qui pouvait convenir à ces Juifs-malgré-eux : depuis l’universalisme-assimilationniste des Lumières, jusqu’à la solution finale des nazis. C’est ce malaise, ce refus d’être soi-même qui explique l’histrionisme pathétique d’un Shlomo Sand, et avant lui d’un Michel Warshawski.  Que l’ENS-Ulm accueille Sand en conférencier est un signe marquant de décadence culturelle. Je crois qu’étant donné le peu de rigueur intellectuel de Sand, même Louis Althusser ne l’aurait pas toléré … On serait tenté, dans le cas de Sand, d’arguer de la haine de soi, dont Théodore Lessing a fait l’analyse.. Mais je ne suis pas favorable à cette analyse psychologique. Il s’agit pour moi d’un problème idéologique qui a sans doute des conséquences psychiques. Lessing parlait pour une certaine catégorie de Juifs cruellement atteints par le malaise identitaire dans une société qui les rejetait, en dépit de leur volonté d’assimilation et de leur loyalisme. Tout cela c’était avant la Shoah, et avant la création de l’État d’Israël. L’antisionisme d’une partie des israéliens n’a plus grand-chose à voir avec ce phénomène individuel. Il est le symptôme partiellement collectif d’une volonté de normalisation. Volonté très marquée à gauche notamment : « Être un peuple comme les autres », mais sans la fierté patriotique des premiers sionistes. N’est-ce pas l’écrivain A. B. Yehoshua qui a publié un essai au titre éloquent : Pour une normalité juive. Selon cet auteur, la normalité juive, c’est la normalité des nations, mais dans un contexte historico-politique, où à l’heure des nations précisément, la judaïté cesserait d’être un point de reconnaissance identitaire. Cette tendance s’explique encore justement par le poids rétrospectif mais toujours pesant que représente le double héritage de l’histoire juive, sous son versant négatif avec la Shoah, dont il ne faut pas sous-estimer la gravité en matière de traumatisme collectif, et sous son versant biblique non pas « particulariste », mais singulier. Ce double héritage est très lourd à porter. Comme l’a montré E. Yakira dans : Sionisme, post-modernisme, Shoah[13], l’État d’Israël s’est en partie construit contre l’histoire du judaïsme diasporique. Les fondateurs ont voulu apurer les comptes, et bâtir une nation israélienne qui ne serait plus comptable de ce passé qui était aussi un passif. Ce sionisme déraciné de son historicité -positive (la tradition du judaïsme historique) et négative (la Shoah, rançon de la judéophobie diasporique)- c’est cela qui a fait le lit du post-sionisme. Il y a enfin le cas d’intellectuels dont on ne peut pas dire qu’ils soient antisionistes, mais qui du fait de leur adhésion au schéma de l’analyse marxiste de l’histoire tendent à ignorer la singularité de l’histoire juive, en projetant sur l’histoire du sionisme les mécanismes coloniaux. Il est symptomatique que lorsqu’ils sont francophones, ces intellectuels fourbissent leur critique en usant de références qui sont celles de la colonisation française. Ils seront ainsi enclins à analyser le conflit palestino-israélien dans les mêmes termes que des militants du F.L.N analysaient la nécessité de l’indépendance algérienne. Je me souviens ainsi d’une soirée thématique, au début des années 90, à la cinémathèque de Tel-Aviv, organisée par Denis Charbit et Elie Barnavi, autour de la projection du film : La bataille d’Alger. Voilà le fonds de commerce idéologique de la gauche israélienne, à l’heure du débat sur l’identité nationale… Après la projection, tout l’échange avec la salle a tourné autour de l’argumentaire selon lequel les Israéliens agissaient dans les « territoires » comme les bérets rouges de Bigeard avec le F.L.N. Ce jugement faux n’est pas de nature à enrichir la compréhension des véritables enjeux du refus palestinien. À partir de ce schème, plusieurs générations d’Israéliens déculturés, ont été éduqués par de mauvais maîtres avec la conviction d’être issus d’une nation d’envahisseurs et de colons, au sens des impérialismes européens. Mais un Juif ne sera jamais un « colon » en Judée ! L’inculcation de ce même schéma dans les universités, et le développement de deux discours concomitants, à partir de grilles de lecture complètement inappropriées, à quoi se sont ajoutées les thèses analogues des « nouveaux historiens » (exception faite de Benny Morris) procède d’une erreur de jugement, qu’il est aisé de repérer.

Y.G. : Vous avez fait allusion au climat qui règne dans les universités françaises. Quel rôle jouent-elles dans la diffusion de l’antisionisme ?

G.-E.S. : Ce sont moins les universités en tant que telles que certains universitaires, militants actifs de la cause palestinienne, qui ont considérablement pesé dans la politisation des universités. Au fil des décennies, celles-ci sont devenues des foyers significatifs de promotion de l’antisionisme. Une fois encore cela remonte à la fin des années soixante, lorsque l’extrême gauche a inventé de toute pièce la cause palestinienne, comme un motif clef de la mobilisation du monde étudiant. D’année en année, il s’est créé un profil type de l’universitaire progressiste, nécessairement hostile à Israël, précisément sur le thème anticolonialiste, ce qui en dit long sur l’ignorance ou la mauvaise foi partisane de ces individus. Ils n’ont aucune autonomie de pensée, puisqu’ils participent par leurs discours consensuel d’une culture du psittacisme qui leur donne forcément raison… Au début des années 2000, ces mêmes collègues ont été des acteurs actifs du BDS, et nous avions dû faire beaucoup d’efforts pour enrayer une première fois ce mouvement. Ce sont les mêmes qui ont érigé en spécialité professionnelle l’analyse du discours des candidats à la présidence de la République, ou bien l’analyse du discours du Front national, pensant ainsi faire acte de résistance. Comme si l’histoire se répétait. Mais voilà une conception bien pauvre de la fonction critique, aussi bien que de la résistance, puisqu’à bien considérer les positions politiques en jeu, ces mêmes universitaires-militants forment la 5è colonne de l’islam radical. Ils représentent un certain dévoiement de la gauche, puisque par la nature même de leurs actions, ils fédèrent la nouvelle internationale antisémite, en lui offrant une caution académique. En admettant qu’il y ait quelque chose de progressiste à défendre la cause palestinienne, je pense avoir rappelé ce que cette cause avait de sujette à caution à sa racine même. Comment des gens qui se prétendent démocrates peuvent cautionner un mouvement dont l’idéologie de référence est celle des Frères musulmans ? Il y a là une sorte de dissociation philosophique que je m’explique mal, puisqu’à tout prendre, ces fonctionnaires de la République cautionnent quand même un projet – si on peut encore user de ce terme – profondément rétrograde : le refus de la souveraineté juive, la diffusion de l’agenda politique du terrorisme, et bien entendu le rejet de la société ouverte. Le discours de cette clique est celui d’une nouvelle forme de  fascisme: désignation de l’ennemi (« l’entité sioniste », « les sionistes »), suivi de son essentialisation (« colons », « occupants », avec toutes les connotations inhérentes à ces termes en Europe), le simplisme idéologique, le révisionnisme historique, l’esprit de délation, etc. Il s’agit d’une véritable institutionnalisation de la délinquance, fondée sur la diffusion d’un nouvel enseignement du mépris qui fait lien avec le modus operandi de l’antisémitisme classique. La péjoration constante du sionisme, ainsi que la délégitimation morale de l’État d’Israël, les mensonges régulièrement distillés n’ont pas peu contribué à la subversion du débat public. En ce sens le nouvel antisémitisme se trouve alimenté par le discours des ennemis d’Israël entré en convergence avec celui que véhicule, pour des raisons économiques ou électoralistes, les élites gouvernementales. Ce climat fait chorus avec la désinformation qui prévaut en France, si bien que ces enseignants portent une grande part de responsabilité dans l’effondrement du niveau culturel et le décervelage des étudiants dont ils ont la charge. Il y a enfin un paradoxe qui ne laisse de me faire méditer : l’antisionisme s’affirme au nom de l’amour de la paix, mais il faut bien dire qu’en tant que pacifisme de principe, il constitue la forme la plus sournoise du bellicisme.

YG : La France soutient l’OLP, organisation terroriste dirigée aujourd’hui par un négationniste, Mahmoud Abbas, couronné par l’Académie des Science russe pour sa thèse qui met en doute la Shoah. Elle a aussi soutenu son prédécesseur, Arafat, auteur de nombreux actes terroristes, organisateur de massacres génocidaires au Liban dont peu de français ont entendu parler. Quel est l’intérêt de la France dans ce soutien ?

GES : Les intérêts géopolitiques de la France ont amené les régimes et les gouvernements successifs à considérer que le monde arabe était un débouché et un allié naturel : sous la  monarchie, l’empire, la République, c’est un invariant. Au sortir de la Seconde Guerre mondiale, nous savons que la France a offert l’asile au Mufti de Jérusalem, qu’elle a aussi permis sa fuite, sous une fausse identité, ce qui lui a permis d’échapper au Procès de Nuremberg. La France savait ce qu’elle faisait, mais elle l’a fait en songeant au bénéfice qu’elle pourrait un jour tirer de ce geste. Après le renversement d’alliance, le tournant anti-israélien pris par De Gaulle, la France a choisi de s’impliquer en faveur de la cause palestinienne : Arafat, qui avait été l’émule du Mufti (il comptait au nombre de ses proches à l’époque de l’alliance entre le mouvement national palestinien et la diplomatie nazie), est devenu un allié fiable et fidèle. Elle lui a témoigné son soutien, et l’a accueilli dans ses deniers jours à l’hôpital des armées du Val de Grâce, tout un poème. Mais c’est aussi la France, qui a offert l’hospitalité à l’imam Khomeini, en chemin vers Téhéran, au moment de la révolution islamique. C’est cela la realpolitik…C’est encore la France républicaine qui a doté l’Irak antisioniste de Saddam Hussein d’un réacteur nucléaire que l’aviation israélienne a détruit pour ne pas permettre qu’Israël vive sous la menace d’une extermination nucléaire. N’eusse-t-il pas été plus cohérent que la France des Lumières, persiste à s’affirmer l’alliée naturelle d’Israël, après Vichy, après des siècles de présence des communautés juives en France ? C’est aussi la France républicaine qui a délibérément pris le parti de désinformer les citoyens français, en distillant via l’AFP les contre-vérités les plus grossières. Realpolitik, une fois de plus. Selon la même ligne de cohérence diplomatique, c’est encore la France qui détient à l’ONU le record des condamnations d’Israël, aux côtés de la majorité automatique, traditionnellement hostile à Israël (en vertu de la théologie politique de l’islam). Ceci étant, j’attends le moment où les paix d’Abraham, récemment conclues entre Israël et ses principaux ennemis arabes, porteront de tels fruits, que certains secteurs de l’Europe seront les derniers tenants de l’antisionisme, tandis que l’antisionisme sera devenu minoritaire parmi ses principaux tenants historiques. Aujourd’hui le gouvernement de Khartoum demande la « normalisation » avec Israël, alors que c’est à Khartoum que fut proclamé par la Ligue Arabe, en 1967, le programme des « 3 non à Israël » : non à la reconnaissance, non à la négociation, non à la paix… La topologie internationale sera entièrement modifiée : il y aura d’un côté les anciens ennemis ligués dans des alliances de coopération, et de l’autre les antisionistes has been, décoloniaux et post-modernes, emmenés par la France, avec ses mantras du Quai d’Orsay (« la solution à deux États »…). La position intangible de la France participe d’une longue tradition de réalisme politique et de pusillanimité, très bien analysée par David Pryce-Jones, dans son ouvrage : Un siècle de trahison, la diplomatie française, les Juifs et Israël (1894-2007). À mes yeux, cela est impardonnable, car la France – précisément en tant que puissance impériale et coloniale- a été présente dans le monde arabo-musulman pendant près d’un siècle et demi. N’a-t-elle rien retenu de cette si longue présence ? N’a-t-elle tiré aucune leçon du jusqu’auboutisme du FLN, dont les historiens admettent seulement aujourd’hui les racines islamistes ? En un sens nous avons là le même phénomène qu’avec l’OLP, qui est en réalité une émanation des Frères Musulmans palestiniens, mais qui a eu l’intelligence tactique de se couler dans le tiers-mondisme pour rendre acceptable son antisionisme. Le véritable point de mue se situe là, c’est cela la convergence des luttes…

YG : Pourquoi qualifiez-vous de mantra la position française et européenne de « la solution à deux États » ?

GES : Pour plusieurs raisons. Tout d’abord, parce que cette formulation, aujourd’hui dotée d’une efficience quasi-hypnotique, n’est qu’un argument d’autorité, dans la mesure où elle fait écho avec les pseudo-arguments de la sous-culture antisioniste. La prétendue « solution à deux États » est la traduction diplomatique du narratif palestinien, de la contre-vérité selon laquelle « le » sionisme, et l’État d’Israël sont fondés sur l’exclusion et l’expulsion des Arabes de Palestine. Or il faut ici rappeler un certain nombre de faits, que la propagande et la Realpolitik méprisent sans reste. Tout d’abord la Palestine, qui est le cadre de référence géopolitique à l’intérieur duquel se sont développés les deux nationalismes – juif et arabe- n’a jamais été le cadre de la moindre entité nationale palestinienne. « La » Palestine fait alors partie de la grande Palestine, qui inclut alors la Syrie et le Liban. Du reste, les congrès nationalistes ne se tiennent pas en « Palestine » (ni à Gaza, ni à « Jérusalem-Est », ni à Jéricho), mais à Damas. Pendant la période du Mandat britannique sur la Palestine (une autre partie de la Palestine est confiée à l’administration française…), les « Palestiniens » du Mufti de Jérusalem n’auront pas le moindre respect pour les communautés juives religieuses, ce dont témoigne le massacre de Hébron, notamment. Lorsqu’ensuite, au sortir de la Seconde Guerre mondiale, l’ONU vote le partage de la Palestine, en deux États – l’un juif, l’autre arabe-, les Arabes palestiniens, ont la possibilité d’affirmer leur dignité nationale. Non seulement ils rejettent cette décision internationale, mais ils se lancent avec la Ligue Arabe, dans une guerre d’extermination contre l’État d’Israël, car le mouvement sioniste, quant à lui, a dit « oui » à ce partage, et s’en contente. La possibilité d’un État palestinien faisait donc partie de l’agenda international, et il a été refusé au mépris du droit international. Après la défaite militaire, les Arabes de Palestine, sous la emmenés par le Fatah, ont inventé le terrorisme international, c’était leur alternative au droit international, précisément. Il faut encore rappeler, et cela ne choque personne et n’a jamais choqué personne, que les Britanniques ont créé la « Trans-Jordanie » (l’actuelle Jordanie) en …1922, pour trouver justement une solution nationale au « problème palestinien ». Tout cela est oublié. À la suite de la guerre d’indépendance, les portions territoriales allouées à l’État Arabe de Palestine, ont été annexées, respectivement par l’Égypte (la bande de Gaza) et la Jordanie (la Cisjordanie). Ce n’est qu’à la fin des années soixante-dix que l’Égypte et la Jordanie ont renoncé à leurs annexions, obligeant Israël à se débrouiller avec les populations de ces territoires. Il s’est produit dans l’intervalle deux autres guerres d’extermination – celle de 1967 et celle de 1973- que la Ligue arabe a encore perdues. Puis, l’État d’Israël a cru bon d’engager des négociations avec la centrale palestinienne (OLP), ce qui a conduit aux Accords d’Oslo, parce que depuis la création du Fatah et le ralliement international à « la cause palestinienne », la terre entière exigeait à l’unisson une « solution à deux États ». Nous connaissons la suite : aux termes des Accords de 1993 (Oslo), les « Palestiniens » ont obtenu l’autonomie politique graduelle. C’est la vague d’attentats des années suivantes qui a enrayé ce processus, et l’irrédentisme des mêmes « Palestiniens », bientôt rejoints par la faction plus radicale du Hamas. Depuis 2006, les « Palestiniens » sont gouvernés par deux entités politiques : le Hamas dans la Bande de Gaza, l’Autorité palestinienne en « Judée-Samarie », c’est-à-dire sur le territoire qui est le berceau historique du peuple juif. Voilà pourquoi le principe de « la solution à deux États » est un mantra hypnotique, parce qu’en vérité il existe déjà trois entités nationales palestiniennes : une monarchie (la Jordanie), un mini-État islamique (la Bande de Gaza), et une dictature tiers-mondiste (Jéricho et ses dépendances). En sorte que l’État palestinien que revendique l’antisionisme coïncide avec l’exigence inacceptable de la disparition de l’État d’Israël en tant qu’État du peuple juif. À cet égard, alors que les antisionistes et leurs émules moutonniers se sont fait une spécialité de dénoncer les « crimes de guerre » d’Israël, et les entorses au droit, ce sont eux en vérité qui incarnent le parangon du non- respect du droit international, et ceci depuis le début de l’histoire d’un conflit, dont ils sont les uniques responsables.

Si l’antisionisme ainsi compris triomphait, la solution à « deux États », serait en vérité une solution à quatre États : l’État d’Israël, devenu binational, la Bande de Gaza, la Jordanie, et les territoires de l’Autorité palestinienne de M. Abbas. Le principe de la « solution à deux États » est une formule qui n’a qu’une portée et qu’une valeur idéologique, dans un monde désymbolisé. Il est le symptôme manifeste de ce que l’Europe, mais aussi une partie des États-Unis, et par extension tous les partisans de la « solution à deux Etats » ignorent avec l’histoire les rudiments du calcul mental, en se convertissant massivement au narratif palestinien, qui est la version laïque de la sha’ada – la formule religieuse de la conversion à l’Islam. Du reste si les analphabètes ne savent pas lire, ils ont à tout le moins la possibilité de s’informer par des supports visuels : il suffit de ne pas être aveugle pour lire sans le moindre risque d’erreur la signification du logo de l’OLP, ou celui du Hamas. Le logo de l’OLP représente la géographie de l’actuel État d’Israël, couverte par deux fusils croisés, tandis que celui du Hamas, représente la Mosquée d’El Aqsa, auréolée de deux sabres : un beau mélange des deux versions de l’islam, radical avec les cimeterres  de l’expansion des premiers siècles, et « modéré » avec les fusils vendus par la Russie, et la Chine. On ne peut mieux établir le caractère substitutif de la « cause palestinienne », qui est le nouveau cri de ralliement des antisémites, pour toutes les raisons que j’ai dites. À tous égards, c’est l’antisionisme qui est intrinsèquement hors la loi.

YG : Vous faites apparaître le caractère pervers de ce narratif, banalisé à l’extrême

GES: Pour le moins, puisque le narratif palestinien est un narratif de substitution du narratif de l’histoire juive. La différence entre les deux narratifs, c’est que le narratif juif articule une mémoire historique, alors que le narratif palestinien est un leurre idéologique, l’un des aspects du caractère spéculaire de toute idéologie. Le narratif palestinien donne à reconnaître quelque chose qui ressemble à la passion du Christ. Les « Palestiniens » sont les nouveaux crucifiés… Leur propagande victimaire a su exploiter tous les ressorts de l’âme occidentale, et de la culpabilité européenne. Quoi de plus apaisant pour des nations qui ont été le théâtre de la Shoah de se convaincre, à l’unisson avec les faussaires du Hamas et les négationnistes de l’OLP que « les victimes d’hier, sont les bourreaux d’aujourd’hui », en faisant accroire qu’Israël a mis en œuvre « le génocide du Peuple palestinien » ? Le narratif palestinien reprend mot pour mot les éléments de langage de la mémoire juive : la clef de la maison que l’on a dû abandonner, le thème de l’exil et de la diaspora, celui de la spoliation, des massacres, de la résistance « héroïque » (des « combattants palestiniens »), analogue de celle du ghetto de Varsovie. C’était la rhétorique du journal Libération, à l’issue de la première guerre du Liban, au moment où l’OLP a quitté Beyrouth, sous escorte internationale. En leur temps, les combattants du Ghetto de Varsovie, qui étaient sionistes, et qui ont livré leur combat dans l’indifférence générale, n’ont pas eu cette chance…

Le motif de « la clef de la maison », est un emprunt aux récits des Juifs sépharades et orientaux expulsés des pays arabes après les indépendances. De ce seul point de vue, l’antisionisme a aussi su faire oublier qu’un million de Juifs ont été expulsés des pays arabes, entre 1948 et 1975, et qu’à ce jour il ne subsiste plus une seule communauté juive d’importance significative sous ces latitudes. Je suis moi-même issue d’une famille sépharade, et à ma connaissance, aucun Juif issu de ces contrées n’a été élevé dans la haine de ses anciens voisins, ni envisagé de demander un statut de réfugié héréditaire…Quant aux comparaisons outrancières, elles sont des lieux communs bien connus de la presse de gauche et d’extrême gauche, depuis que l’AFP, s’est mise au service de la « cause palestinienne », et qu’elle diffuse journellement les contes et légende de Palestine à l’intention de populations anesthésiées. On conçoit aisément la part de distorsion, de manipulation et de cynisme qui entre dans cette réécriture intégrale de l’histoire. En vérité la progression de l’antisionisme, lorsque l’on évoque la profondeur de son arrière-plan historique, se confond avec l’histoire d’une catastrophe culturelle de très grande ampleur : déshistorisation, naturalisation de contre-vérités, standardisation des mentalités, dégradation de la vie politique, subversion militante des institutions, polarisation extrême des adversaires, langue de bois et langue de coton, nivellement des « élites »,  « rationalisme morbide », au sens de la psychopathologie.

YG : La cause palestinienne est la raison d’entente entre tous les mouvements destructeurs qu’on appelle depuis une vingtaine d’années « islamogauchistes ». Si la France et l’Europe soutiennent cette cause contre Israël, comment espérer venir à bout de la haine d’Israël et comment arrêter la destruction de l’État Nation dont Israël donne l’image exemplaire et si détestée par les décoloniaux ?

GES: Notez bien que pour la coalition islamo-gauchiste, la destruction de l’État-Nation, et le harcèlement d’Israël sont de bonnes et saintes causes. Il n’y a que ceux qui se reconnaissent dans la forme de l’État-Nation, ceux qui mesurent la vie politique à l’aune des prérogatives et des devoirs de l’État-Nation – notamment démocratique- qui se sentent affectés par ce que vous qualifiez de destructivité. Il y a également ceux pour lesquels la souveraineté d’Israël est indiscutable, qui ont encore conscience du danger que représente l’islamo-gauchisme, pas seulement sur le plan politique, mais également culturel et sociétale. Une Europe des nations, qui exprimerait formellement son attachement à la démocratie, aux principes de la société ouverte, sans rien concéder à ses ennemis, serait sans doute la première étape de ce nécessaire redressement. Ensuite, un sérieux examen de conscience de la classe politique, de la gauche en particulier, aujourd’hui éclatée et divisée. Les fractions de droite aussi doivent se poser des questions, tout particulièrement la droite mondialiste, qui n’a eu de cesse pour des motifs économistes de contribuer à l’affaiblissement des identités nationales. Un débat sérieux doit se mener en Europe sur l’identité et la raison d’être de ce que Husserl appelait le telos de l’humanité européenne. Mais le problème est que les États-Nations européens n’ont pas fait le choix de défendre l’État d’Israël, et cela apparaît finalement comme leur talon d’Achille : comment concilier l’universalisme abstrait avec l’engagement soutenu qu’exigerait la défense d’Israël, qui, après tout, se situe dans le même camp politique et culturel qu’eux-mêmes ? Les élites européennes doivent cesser de se montrer pusillanimes et d’encourager à l’abdication de tout patriotisme. Cela me paraît d’autant plus nécessaire que l’État-nation laïc et universaliste est une forme historique, comme telle susceptible de passer. Or du point de vue historique, les identités ont été contenues et justifiées par deux sortes d’ensembles : étatiques ou impériaux. À quoi ressemblerait l’Europe fondée sur le principe de l’État-nation, en cas de victoire de l’islamo-gauchisme ?

YG : Quel rôle jouent les intellectuels dans la propagation des idées antisémites et antisionistes ? Qui sont aujourd’hui les propagateurs essentiels des idées anti-juives ?

GES : Tous ceux qui les diffusent, mais aussi tous ceux qui sont indifférents à leur diffusion et ne s’y opposent pas explicitement ni publiquement. Le spectre est assez large, il peut inclure nombre de nos collègues pour lesquels l’antisionisme, sa banalisation, font partie des naturalités de la vie politique et civique française avec lesquelles il est possible de composer. Par leur inaction, ils y contribuent. Qui ne dit mot consent. Je crois discerner quelques sursauts en ce moment, mais ils se sont tus longtemps, optant pour la posture de la majorité silencieuse en temps de crise. En sorte que là comme naguère l’antisémitisme était une affaire juive, aujourd’hui l’antisionisme est-il l’affaire de ce que la propagande désigne comme les « sionistes », avec cette tonalité d’invective qui entache aujourd’hui l’usage de ce signe. Cela me rappelle le mot du pasteur Niemöller : «  Quand les nazis sont venus chercher les communistes, je n’ai rien dit, je n’étais pas communiste ; Quand ils ont enfermé les sociaux-démocrates, je n’ai rien dit, je n’étais pas social-démocrate ; Quand ils sont venus chercher les syndicalistes, je n’ai rien dit, je n’étais pas syndicaliste ; Quand ils sont venus me chercher, il ne restait plus personne pour protester.  » Puissent nos collègues n’avoir pas réagi trop tard. Mais c’est une loi toute humaine, démentie par un nombre infime d’intellectuels – je pense à François Rastier. Les gens ne réagissent, s’ils le peuvent encore, que lorsqu’ils se sentent inquiétés dans leurs intérêts immédiats, ce sont des mécanismes corporatistes. Les intellectuels anti-décolonialistes réagissent aujourd’hui, parce qu’ils ont fini par se sentir concernés par les attaques du décolonialisme. Comme la plupart sont aujourd’hui gênés pour faire leur travail – la grande majorité sont des professeurs d’universités, et mieux encore des professeurs en retraite, presque au sens militaire du mot ! – eh bien ils réagissent, et pour les plus âgés, ils se désolent de voir les outrages que l’on fait subir à leur Alma Mater. Où étaient-ils depuis les premiers coups de boutoir de l’islamo-gauchisme ? Étaient-ils sourds, ou aveugles, ou naïvement persuadés que ce mouvement ne sortirait pas des marges ? Quant à s’impliquer pour réfuter la xénophobie antisioniste, à ce jour, et depuis 20 ans je n’ai pas lu une ligne de l’un d’entre eux sur ce sujet. Cela doit faire partie de ce qui est supportable, et peut être normal, voire éthiquement acceptable. Ils sont aussi comptables d’un clivage que toute la gauche, disons respectable, de Mitterand à Hollande, mais aussi la droite – de De Gaulle à Macron- a fortement inculquée : il faut protéger les Juifs, sanctuariser les victimes de la Shoah- mais il est nécessaire de participer aux pogroms médiatiques et diplomatiques contre Israël. Au mieux, ils s’abstiennent. C’est proprement le fait d’une cécité, aussi bien en matière de connaissance historique que de façonnement du « citoyen français ». Mais à leur décharge, je dois admettre qu’il était peut-être difficile d’interpréter que l’antisionisme des années 2000 était le signe avant-coureur de l’idéologie décolonialiste protéiforme qu’ils combattent aujourd’hui. Ceux qui le font, tous les collègues qui se sont aujourd’hui fédérés dans l’Observatoire du décolonialisme ne manquent ni de courage ni d’acuité pour le combattre et le réfuter avec une belle intelligence, et l’engagement dont ils témoignent les honorent. À côté de cela, la naturalisation de l’antisionisme, radical puis distingué, sous couvert de critique de la politique israélienne, est un tropisme caractéristique de la mentalité européenne, l’une de ses figures obligées. Or tout est là, sur l’échelle du préjugé, où situer le degré d’acceptabilité d’un énoncé ? Par leur non-interventionnisme, par leur silence – embarrassé ou complice- les intellectuels jouent donc un rôle majeur, celui de vecteurs d’opinion, même quand ils ne font rien, du moment qu’ils ne s’y opposent pas. Tout dépend, au-delà de la sphère académique, ce que l’on entend par « intellectuel » : les journalistes qui sont aujourd’hui des militants pro-palestiniens, et qui ont contribué à désinformer la population sur Israël, en relayant le narratif de l’OLP sont-ils des intellectuels ? Qu’est-ce qu’un porte-parole alphabétisé mais entièrement ignorant, et entièrement conditionné par le Zeitgeist de son aire culturelle ?

YG : Des personnalités phares du néo-féminisme radical se distinguent par leur antisionisme affiché. Judith Butler soutient ouvertement le mouvement BDS et signe régulièrement les pétitions anti-israéliennes, elle n’hésite pas à déclarer que les Frères Musulmans sont une organisation démocratique et qu’Israël est un état colonisateur. Angela Davis est une illustre antisioniste, la très décoloniale Françoise Vergès n’hésite pas à parler de l’état colonial, militariste, machiste et indifférent à l’autre. Pourquoi ces féministes radicales se fixent sur Israël à l’instar des décoloniaux, de la gauche radicale et des islamistes ?

GES : En agissant comme elles le font, toutes ces personnalités ont la conviction de témoigner publiquement de leur engagement humaniste et universaliste. Autrement, elles ne le feraient pas. C’est donc qu’elles ont intériorisé les équations efficaces dont je parlais tout à l’heure. Mais au fond de leur engagement, il se joue pour elles, un combat éthique de premier plan, très caractéristique de la post-modernité : c’est la lutte contre la civilisation patriarcale. Mieux, c’est la volonté d’en découdre avec le fantasme du patriarcat oppressif. De ce seul point de vue, le féminisme radical se déduit de l’antijudaïsme qui sous-tend l’antisionisme. Le signifiant Israël agrège toutes les figures de l’autorité : le père, le juge, le maître, le guerrier… Ce radicalisme est la marque de l’intolérance à ce que représente la figure archétype du juif. Il n’est donc pas étonnant que la convergence des luttes s’articulent également sur un substrat symbolique qu’il s’agit de contester à sa racine. C’est une expression de ce que les psychanalystes Bella Grumberger et Jeanine Chasseguet-Smirgelont appelé L’univers contestationnaire. Il s’agit toujours de tuer le juif symbolique. C’est le principe même de la désymbolisation contemporaine, qui consiste à s’attaquer au cadre du moralisme judéo-chrétien présumé. Il y a au fond de cette posture un fantasme parricide. Les psychanalystes les plus avisés ont identifié et dénoncé le danger d’une telle geste : la contestation de la tradition est au cœur de la destruction des généalogies que garantit le nom du père. Or le monde d’après Auschwitz se distingue justement par ce que A. Mitscherlich a appelé « la société sans père », et Lacan après lui le « déclin de la fonction paternelle ». Le mal est profond, et ce même diagnostic reconduit par des auteurs plus récents : Charles Melman, Jean-Pierre Winter, etc. Il y a peut-être une corrélation entre la destruction des Juifs d’Europe et la poursuite du fantasme parricide. Ce même fantasme commande d’abord les polémiques théologiques, il s’agit toujours de détrôner le père, de le remplacer. L’antisionisme est une figure freudienne, la horde des fils lancés dans la reconduction inlassable du meurtre du père, et revendiquant pour eux une infinité de droit, une jouissance infinie.

YG : Y-a-t-il une particularité de l’antisionisme de certains intellectuels juifs, comme J. Butler que j’évoquais à l’instant, ou bien N. Chomsky ?

GES : Le discours que tient J. Butler procède d’une posture typiquement juive, caractéristique de l’Amérique du Nord. N. Chomsky l’a précédée, au nom de la critique de l’impérialisme. Le propre de ces « intellectuels juifs » est précisément de ne plus se rallier au judaïsme au sens historique et culturel de ce terme. Ce profil intellectuel s’analyse en termes très particuliers. Ces intellectuels appartiennent à la tradition du radicalisme américain, assez proche de la philosophie libertaire, quoique Butler ait évoluée vers la déconstruction, ce que n’a pas fait Chomsky, lequel campe sur des positions qui sont celles du paradigme anti-impérialiste « classique ». Il s’agit d’intellectuels d’origine juive, entièrement déjudaisés. Ils ont été littéralement aspirés par la logique centrifuge du narratif victimaire, distinctif du palestinisme. Ils sont également très représentatifs, à ce titre, des effets clivants de la judéophobie : la culpabilisation des Juifs par la propagande palestinienne, a poussé nombre de bons esprits à se désolidariser du peuple juif et du destin national du peuple juif, en préférant un choix individualiste, plus fortement valorisé dans le contexte d’une culture académique-universaliste. Autrement dit, c’est un ethos. À cet égard, ils sont des incarnations de l’universalisme abstrait, sans se rendre compte qu’en tant qu’idéologie dominante de l’impérium Nord-américain, cette posture est un ethnocentrisme qui s’ignore. Il en résulte que toute identité singulière collective, devient la cible de leur péjoration. Dans la droite ligne de leur choix philosophique, ils naturalisent leur choix existentiel, qui est celui  d’une assimilation provocatrice qui les exonère de toute compromission avec l’Israël historique qu’ils appellent à discriminer. De manière tendancielle, ce sont des figures héroïques de l’identification à l’agresseur, de solides cautions de l’antisionisme, puisque si ce sont des Juifs qui le diffusent, alors c’est que ce doit être « vrai ». Cette façon de donner le change les installe comme des porte-parole de la justice, alors qu’ils pêchent contre l’esprit. Mais ces choix les protègent de l’hostilité d’ennemis inconciliables, puisqu’ils les devancent et les justifient.

YG : Vous revenez souvent sur l’idée que l’hostilité vis-à-vis du principe de l’État juif trouve aussi sa source dans une conception abstraite de l’universalisme. Que voulez-vous dire ?

GES : Il s’agit en effet d’un point important. La plupart des adversaires doctrinaux d’Israël s’entêtent à critiquer son « particularisme », son « exclusivisme », etc. Notez-bien que cette objection est en phase avec une caractéristique originaire de la judéophobie historique, puisque l’Église, aussi bien que l’Islam visent justement le « séparatisme » juif, son entêtement à refuser de se fondre dans la majorité, en reconnaissant la vérité théologique des deux autres monothéismes. Cette même disposition a conditionné la conception de l’universalisme des sociétés sécularisées. Un certain nombre de penseurs, dont Karl Lowith dans Histoire et salut. Les présupposés théologiques de la philosophie de l’histoire, ont fait apparaître que la modernité est en effet une sécularisation de la théologie de l’histoire : c’est le principe même de la généralisation d’un modèle de société qui se comprend lui-même comme impliquant l’uniformisation idéologique des membres qui la constituent, même lorsque ces sociétés se fondent sur la séparation des pouvoirs, et que de ce fait elle garantissent les libertés individuelles (de conscience, de religion, notamment). Il est également remarquable, que la plupart des penseurs postmodernistes ont appuyé leur critique socio-politique de la mondialisation capitaliste sur un retour à l’universalisme paulinien, dont l’allergie au « particularisme » juif est emblématique. D’autant qu’il s’agit d’un particularisme coupable (historiquement lié au rejet de la messianité de Jésus). Le thème théologique de la perfidie des Juifs – c’est-à-dire de leur « infidélité »- est constitutif de cette conception. Or, sans la moindre exception, les principaux théoriciens du postmodernisme professent une position antisioniste, en reconduisant à l’encontre d’Israël, l’objection de particularisme, et pour ce faire, ils articulent leur conception sur une référence explicite à l’universalisme de St Paul ! Le tournant altermondialiste des penseurs post-modernes Toni Negri, Alain Badiou, Giorgio Agamben, Slavoj Zižek, signe l’appartenance de leur vues à cette double dépendance matricielle : la promotion de ce que j’appelle « l’universalisme abstrait » coïncidant avec la dénonciation du « particularisme juif », qui s’exprime sous le rapport du « sionisme », notamment chez les trois premiers. Une fois de plus, sous la plume de ces auteurs, Israël s’est rendu coupable de déroger à cette conception d’un universalisme allergique à la différence, d’un universalisme assimilateur. Mais à notre époque, la critique du « particularisme sioniste » étaye une accusation sous-jacente : ce particularisme serait « raciste », et l’État d’Israël formerait une « ethno-démocratie ».

Ces thèmes sont des invariants du postmodernisme politique : cette conception de l’universalisme sous-tend la péjoration de l’identité juive, depuis la plus haute antiquité. Le particularisme est toujours l’expression d’une dérogation, l’indice constant du refus d’adhérer à l’ordre de la majorité. Comme tel, il est ressenti comme un pôle d’adversité. Il y a là quelque chose d’un résidu de la mentalité primitive qui consiste à poser a priori que l’autre – du fait de sa différence- représente un danger, qu’il est aussi un ennemi. Le même ethos caractérise le grand nombre d’intellectuels juifs qui se sont éloignés de la culture juive, et qui au nom du post-sionisme font chorus avec leurs homologues non-juifs. Ils ne sont plus ni juifs, ni sionistes – ils dénoncent l’un et l’autre au nom de « l’universalisme », ce sont des « alter-juifs ». Aujourd’hui, le mouvement alter-juif forme une nébuleuse pro-active, sympathisante du lobby de Georges Sorros : The New Israël Found, qui a pour vocation de dévitaliser le caractère juif de l’État d’Israël, en menant des campagnes de diffamation, et en soutenant des politiques d’ingérence (JSreet, JCall). En Israël, c’est l’association Im Tirtzu qui a dévoilé la structure et les agissements de ce lobby. Dans de nombreux cas, leur accointance avec l’antisionisme et leur sympathie affichée pour « la cause palestinienne » est une figure obligée de leur propagande. En regard de cet activisme qui n’a de juif que le nom, depuis la plus haute antiquité, la tradition hébraïque a affirmé une conception fort différente de l’universalisme. La tradition biblique développe une vision originale qui tranche avec les mythologies des autres civilisations : la diversité humaine procède d’une même souche appelée à se différencier en peuples distincts, chacun ayant une vocation spécifique. Le thème hébraïque du particularisme est toujours l’indice d’un trait positif, puisque la différence est constitutive de l’identité humaine. Au 20è siècle, c’est à Elie Benamozheg – l’auteur de : Israël et l’humanité, que nous devons le plus bel exposé de cette conception. Dans cette perspective, l’universalisme hébraïque, qui continue d’informer à la fois le Judaïsme, la pensée et l’histoire du peuple juif est un universalisme différentialiste. Ce n’est ni le signe d’un exclusivisme, ni le signe d’une hostilité, mais au contraire la marque distinctive d’une distinction culturelle. La Bible hébraïque est de ce point de vue un modèle de tolérance et de respect des différences personnelles et collectives. Dans le narratif biblique, celui de la Torah (du Premier Testament), il n’existe qu’un peuple indigne, c’est Amalek. Amalek dont toute la spécificité est de haïr Israël et de rechercher sa destruction. Il n’a pas d’autre raison d’être. C’est littéralement un non-peuple, qui se nourrit d’une fausse identité, laquelle n’est que négative et négativité. L’antisionisme mime à s’y méprendre la dialectique du positionnement archétype d’Amalek : il ne dit pas ce qu’il est, il dit seulement qu’Israël ne doit pas être, il projette sur Israël sa propre négativité. Par ailleurs, l’ignorance de la conception hébraïque et juive de la forme différentialiste de l’universalisme ne saurait excuser cette charge permanente contre le sionisme, elle est aussi l’indice de ce que le concept de tolérance, si cher aux « universalistes éclairés » n’est qu’un slogan creux quand il s’agit des Juifs, et d’Israël.

YG : Vous disiez que le sionisme a été combattu, mais qu’il n’a jamais été compris. Qu’est-ce qui fait obstacle à sa compréhension ?

GES. : Cette incompréhension fondamentale trouve sa principale origine dans ce que j’appelle la conception exogène de l’identité juive, qui est la conception commune, selon laquelle le judaïsme est une religion. J’oppose à cette conception ce que je nomme la conception endogène du fait juif, et qui désigne la manière dont les Juifs qui connaissent leur histoire se conçoivent eux-mêmes, et comprennent leur identité historique. Pour ces derniers – et j’y inclus les Juifs israéliens- ce qu’il est convenu de désigner du terme de « religion » n’est que l’un des paramètres de l’identité juive. C’est sous le coup de la polémique théologique – chrétienne et musulmane – contre le judaïsme, que la civilisation juive, dans une situation prolongée d’exil – c’est-à-dire de perte de souveraineté et de déterritorialisation- s’est trouvée réduite à sa dimension spirituelle et cultuelle. J’ai naguère minutieusement analysé ce processus dans mon livre : Discours ordinaire et identité juive, dans lequel j’ai fait la démonstration des étapes successives de la « réduction cléricale » du judaïsme. Il s’agit d’une véritable assignation aux catégories théologiques dominantes, en sorte que pour assurer sa pérennité, le peuple juif a en effet tendanciellement intériorisé cette identification. Il en est résulté que l’identité juive s’est trouvée prise dans une série de partages, qui ont été fondateurs de la civilisation occidentale: l’opposition ancien/nouveau (à partir de la distinction chrétienne entre l’ancien et le nouveau testament) s’avère ici déterminante. À partir du moment où s’affirme un sentiment national juif – à travers le sionisme, dès la fin du 19è siècle, un certain nombre de questions se posent, qui témoignent de la perturbation que fait naître cet éveil : comment une collectivité « religieuse » peut-elle prétendre à se constituer en État, et de surcroît en État-nation moderne ? L’idée d’un « État juif » n’est-elle pas une contradiction dans les termes ? L’existence d’un tel État n’est-il pas l’indice d’une affirmation théocratique ? Le sionisme est-il autre chose qu’un colonialisme ? Ces questions, qui expriment toutes le point de vue exogène, ignorent de fait la continuité effective du sentiment national juif, inhérent au messianisme juif. Tout l’enseignement du judaïsme repose sur la perspective du retour des enfants d’Israël sur la terre d’Israël, dont le centre se trouve à Sion/Jérusalem. Il faut tout ignorer de l’histoire juive, mais aussi de l’histoire universelle qui a imposé ses rythmes au peuple juif, pour tenir ces questions pour des questions pertinentes. Ce point de cécité est une caractéristique majeure d’une mentalité qui a été façonnée par une écriture de l’histoire universelle qui est celle des vainqueurs. C’est en effet le point de vue de l’empire Romain qui depuis deux millénaires commande aux catégories de l’analyse historique. À commencer par le nom de « Palestine », dont nous savons qu’il a été donné par l’empereur Hadrien en 135 de l’ère commune à la terre d’Israël, pour effacer le nom de la Judée. L’Europe chrétienne a hérité de cette vision, et à sa suite l’historiographie scientifique « laïque ». Cela est passé dans le catéchisme de l’Église de Rome, mais pas seulement, où l’on peut lire que « Jésus est né en Palestine », cela a été naturalisé par les chroniqueurs, les cartographes, les diplomates, les juristes, les biblistes (à commencer par la plupart des spécialistes de « l’Ancien Testament » (sic)), les analystes politiques, et bien entendu les journalistes, etc. Sous ce rapport, l’histoire du peuple juif, à laquelle appartient l’histoire du sionisme, est dans la situation du sujet minoritaire : son existence n’est acceptée que s’il accepte de se soumettre, sa parole n’est entendue qu’à la condition qu’il parle la langue du maître, etc. C’est ce qu’a exigé l’Église triomphante pendant des siècles, c’est ce qu’exige toujours l’islam, religion d’État, partout où les Musulmans gouvernent. Qui sait en ce début du XXIème siècle que les premiers sionistes possédaient un passeport estampillé « Palestine », et qu’ils étaient avant la création de l’État d’Israël ceux auxquels s’appliquaient de manière exclusive, la désignation de « Palestiniens » ? Le sionisme dérange aussi parce qu’il fait voler en éclat les catégories théologico-politiques sur lesquelles se sont édifiées aussi bien le christianisme que l’islam, ainsi que la modernité séculière : le sionisme accomplit l’espérance du Retour à Sion, et de ce fait il met en échec le christianisme – et dans une moindre mesure l’islam-  dont toute la théologie politique s’est édifiée sur l’hypothèse de la disparition des Juifs de la scène de l’histoire. Le sionisme dérange d’autant plus dans un monde sécularisé, puisque dans le contexte de son émergence endogène, il déroge aux conditions de formation des États nations. L’idée d’un Israël national tranche avec l’idée d’un Israël entendu comme catégorie liturgique, « peuple du Livre », ou « peuple témoin », etc. Israël peuple historique de nouveau territorialisé et souverain, cela connote l’archaïsme et suscite une haine archaïque. Le philosophe israélien, Israël Eldad, dans son essai sur la souveraineté d’Israël  – intitulé : La révolution juive, décrit très bien ces réactions.

YG : Quel lien faites-vous entre cette hantise archaïque et la virulence de l’antisionisme ?

GES. : Le lien est direct. L’émergence, puis le développement du sionisme, et enfin sa concrétisation dans une réalisation nationale, cela s’apparente à un immense retour du refoulé. C’est l’histoire d’un spectre revenu à la vie, et cela est des plus dérangeants. L’ordre symbolique occidental mais aussi oriental procédait de ce refoulement. Rien n’y a fait, le peuple juif a survécu, non seulement il a survécu, mais de surcroît il a regagné son indépendance. Comment ne pas entrer en guerre contre cette présence que l’on croyait réduite, et sur laquelle nombre d’identité se sont construites ? C’est une vision spectrale. Cette surprise questionne la vérité de l’histoire. Le sionisme résonne comme une instance qui dément le « jugement de l’histoire », Israël semble juger l’histoire. Le philosophe Eliezer Berkovits a écrit que la survie inexplicable d’Israël a inspiré les théories du complot, et notamment les deux versions les plus délétères : au Moyen Age, l’Église expliquait la persistance du Judaïsme par l’hypothèse théologique que ce dernier était une incarnation du Diable, avec l’essor de la modernité, c’est le mythe des Protocoles des Sages de Sion, qui s’est efforcé d’ « expliquer » par l’existence d’une « conspiration juive », les grandes mutations de l’histoire récente (la Révolution française, la Révolution bolchévique, la première et la seconde guerre mondiales, etc.) Si après tout ce qu’ils ont subi, les Juifs n’ont pas disparu, c’est qu’ils détiennent des pouvoirs occultes, qu’ils sont protégés par une puissance surnaturelle. L’antisionisme, comme les autres formes de la judéophobie, s’alimente à une haine métaphysique. Seule une haine métaphysique a pu inspirer le projet satanique de la Solution finale, et seule une haine métaphysique peut encore et toujours inspirer – après la Shoah- la reviviscence de l’antisémitisme. Cette dimension de l’antisionisme doit être soulignée, elle éclaire ce qu’il y a d’irrationnel et d’irrédentiste dans l’antisémitisme. L’on voit aussi comment l’antisionisme qui est une formation du sens commun (de la « sagesse des nations »…) peut-aussi opérer comme un principe d’identité sur lequel s’articule cette violence.

YG : Comment interprétez-vous la situation de guerre qui prévaut entre le Hamas et l’État d’Israël, mais aussi les violences internes, entre Juifs et Arabes ? Et quelle solution entrevoyez-vous ?

GES. : L’agression du Hamas, et la réplique entièrement justifiée d’Israël s’inscrivent dans la droite ligne du refus palestinien de l’existence de l’État juif. Contrairement aux antisémites « classiques », habitués à bafouer les Juifs sans qu’ils aient les moyens de se défendre, les nouveaux antisémites que sont les « antisionistes » connaissent le prix de leur propre violence. Quant à ce qui s’est produit à l’intérieur même d’Israël, dans ce que la presse appelle les « villes mixtes », les violences entre Arabes et Juifs sont de précieux indicateurs de la persistance du refus de la souveraineté juive parmi les citoyens israéliens arabes. Je n’ai aucune disposition pour la mantique, mais je peux seulement vous donner mon avis. À mon sens, après la fin de ces violences, il conviendra de mener une réflexion politique très sérieuse, et de tirer les leçons de la situation. Outre qu’elle est résolument révélatrice de l’attitude d’une partie de la population arabe à l’égard de l’État d’Israël, elle est aussi révélatrice de l’échec d’une classe politique qui s’est détournée depuis quelques années des principes du sionisme : un certain irénisme, un certain angélisme avait convaincu les gouvernements successifs – aussi bien de gauche, que de droite- de faire évoluer le pays vers une modèle européen. Les intellectuels post-sionistes ont leur part de responsabilité – la responsabilité des intellectuels est toujours significative, même si elle est discrète. Nous savons que les partisans du post-sionisme sont favorables à un État d’Israël déjudaïsé, un État d’Israël qui renoncerait à son caractère juif. L’expérience historique nous a enseigné à ne pas sous-estimer la virulence du refus palestinien ; et la naïveté de la classe politique et des intellectuels des post-sionistes a été de s’imaginer que leur option favoriserait l’émergence d’une harmonie définitive entre citoyens israéliens d’origine juive et d’origine arabe. Voilà des années que nous entendons parler de la nécessité de transformer Israël en « état de tous ses citoyens », encore l’un de ces mantras à l’efficience hypnotique. Comme si ce n’était pas déjà le cas depuis 1948. Seulement, dans la bouche de ceux qui utilisent cette formule, elle signifie de faire évoluer l’État d’Israël vers la forme d’un État binational, qui serait appelé de surcroît à coexister avec un État palestinien, qui lui, bien entendu, serait judenrein (vide de Juifs). C’est déjà le cas de la Jordanie, et des territoires autonomes où l’existence juive est assimilée à un état de fait délictueux. Ceci est un effet pratique de la législation de ces entités, fondamentalement hétérophobes.

Or, contrairement à ce que l’opinion majoritaire s’imagine – encore une fois sous les effets de discours du post-sionisme (Sand en est une bonne illustration)-, c’est le fait que l’État d’Israël soit déjà l’État de «tous ses citoyens » qui a permis à ceux qui n’en veulent pas de le faire savoir violemment, à l’occasion de l’agression du Hamas, en mai 2021. Il faudra en tirer les conséquences : condamner les émeutiers – y compris juifs- à de lourdes peines, et rappeler les citoyens arabes récalcitrants à la nature du contrat social du sionisme démocratique : « Vivez en paix et dans la pleine égalité de droits avec vos concitoyens juifs, ou bien quittez le pays, choisissez entre les trois entités nationales palestiniennes qui existent déjà : la Jordanie, depuis 1922, la Bande de Gaza, depuis le coup d’État du Hamas, en 2007, ou la Cisjordanie de l’Autorité palestinienne, consacrée par les Accords d’Oslo, depuis 1993, parce qu’ici vous êtes dans un État à caractère juif. »  Le vote de la « Loi Israël, État nation du peuple juif », adoptée par la Knesset le 19 Juillet 2018 va justement dans ce sens. Elle consiste à rappeler trois principes fondamentaux, et de ce point de vue, elle ne fait que réitérer les grandes thèmes de la Déclaration d’indépendance de 1948, proclamée par David Ben Gourion : (1) Israël est la patrie historique du peuple juif, dans laquelle l’État d’Israël a été établi ;(2) L’État d’Israël est le foyer national du peuple juif dans lequel il satisfait son droit naturel, culturel, religieux et historique à l’autodétermination ; (3) Le droit à exercer l’auto-détermination nationale dans l’État d’Israël est propre au peuple juif. D’aucuns – laminés par l’état d’esprit de l’antisionisme- pourraient m’objecter que c’est là un discours « raciste », et bien entendu « fasciste », mais je leur rappellerai une simple prémisse : l’État d’Israël a été fondé par le mouvement sioniste pour garantir la souveraineté et la sécurité du peuple juif, sur un territoire où jamais aucun état palestinien n’a existé, et l’État d’Israël a offert la citoyenneté, avec parité de droits, à tous ses citoyens, depuis sa création. Nous savons, par ailleurs, que pour rien au monde, la majorité des citoyens israéliens arabes ne voudraient vivre sous domination palestinienne. Il est donc aberrant de construire toute une rhétorique, fondée sur la criminalisation de l’État juif, au prétexte qu’il procède du sionisme, puisqu’ainsi conçu il est en effet le fruit du sionisme, et qu’il a été conçu pour les Juifs, avec l’assentiment de la majorité des Nations Unies, par voie de droit. La guerre a été la conséquence du refus arabe, et depuis 1948, la conséquence du refus persistant des « Palestiniens », qui se sont fait une spécialité de violer le droit international. Mais si l’on considère que le caractère juif de l’État d’Israël constitue une discrimination des non-Juifs, c’est que l’on n’a pas l’intelligence élémentaire d’en comprendre la raison d’être. L’originalité et la grandeur de l’État d’Israël réside en effet dans ceci : tout en étant l’État édifié pour garantir la souveraineté et la sécurité du peuple juif, ses lois fondamentales garantissent les droits individuels de tous ses citoyens, sans exception d’origine, de religion, de conviction, etc. C’est un État démocratique : la licence de la violence palestinienne aussi bien que la prospérité du discours post-sioniste en sont deux preuves éloquentes. Les troubles à l’ordre public sont les indices du refus de la loi d’Israël dans l’État d’Israël. Ce n’est pas tolérable.

YG : Est-il possible de lutter contre l’antisionisme ?

GES : Après avoir consacré sa vie à écrire une Histoire de l’antisémitisme, Léon Poliakov me disait qu’on ne lutte pas contre la judéophobie avec des arguments rationnels. C’est cependant une nécessité politique, culturelle et civique de s’impliquer dans cette lutte. Mais elle ne fait pas tout ; cet engagement doit s’affirmer comme le corrélat d’initiatives éducatives. Je crois pour ma part que la meilleure façon de combattre la judéophobie, quelle qu’elle soit, repose sur différentes formes d’enseignement et de processus éducatifs. Il faut commencer par l’enseignement de textes, ceux de la Bible hébraïque, qui ont enseigné au monde le principe de l’unité du genre humain, mais aussi l’égale dignité des êtres humains, et surtout l’idéal universaliste bien compris. L’ironie de l’histoire, c’est que les grands principes de la fonction critique qui sont forgés par l’hébraïsme sont instrumentalisés contre le peuple qui les porte ! Voilà pourquoi, selon moi, la transmission est ici le maître-mot, celle de l’histoire et des systèmes de pensée, mais aussi l’exercice de la psychanalyse, car analyser c’est aussi questionner le préjugé, stimuler le désir de savoir… Aujourd’hui, la lutte contre la judéophobie s’inscrit dans le cadre de la réfutation sans concession des thèses « décolonialistes ». Il convient aussi d’enseigner et de défendre les valeurs de la République, pas seulement en polémiquant contre les décoloniaux, mais également en en faisant une priorité de l’Éducation nationale, qui est l’un des lieux de cette guerre psycho-idéologique, avant qu’elle ne bascule entièrement dans la liste des territoires perdus de la République.  Pour ma part, après avoir consacré ¼ de siècle à « lutter contre l’antisionisme », je me suis résolu à développer ma théorie du sens commun, tout en enseignant les études bibliques et la pensée juive, ce qui est une autre forme de don quichotisme, pas moins nécessaire cependant. Si l’état des mentalités sur le chapitre des Juifs n’étaient pas aujourd’hui ce qu’il était sans doute au Moyen Age, peut-être que l’antisionisme serait hors la loi…Quand notre ami et collègue Xavier-Laurent Salvador déclare que : « Notre attachement, c’est la lutte contre la justification de l’antisémitisme et du racisme par la pseudoscience, et la défense des institutions de la République qui dépendent de nous en tant qu’enseignants (la langue, l’école, ses enseignants, la laïcité) », je ne peux que lui donner entièrement raison. Cependant, c’est l’immense majorité des cadres enseignants de la République, et de ses représentants élus, qui a laissé s’installer la situation délétère que nous connaissons. La République est un cadre vide si aucune transmission ne garantit la défense et l’inculcation philosophique, culturelle, et citoyenne de ses raisons d’être.


[1] « Je ne sais pas si Jésus était sur La Croix, je sais qui l’y a mis, paraît-il, ce sont ses propres compatriotes »   (15 juillet BFMtélé)

[2] M. Cuppers et K.-M.  Mallmann (2009), Croissant fertile et croix gammée, éd. Verdier, Paris. Traduit de l’allemand par Barbara Fontaine

[3] Poliakov, L. De l’antisémitisme à l’antisionisme,  (1969), Calmann-Levy, Paris ; De Moscou à Beyrouth. Essai sur la désinformation, 1983), Calman-Lévy.

[4]Ph. Borgeaud, L’histoire des religions, (2013), Paris, Infolio.

[5] Faye, J.P. (1994) Le piège, Balland, Paris.

[6] Faye, J .P.(2013) Lettre sur Derrida. Combat au-dessus du vide, éd. Germinia, Paris.

[7] Faye, E. (2005) , L’introduction du nazisme dans la philosophie, Albin Michel, Paris.

[8] Scheler, M.(1933/1970) L’Homme du ressentiment, Gallimard, Paris.

[9] Sarfati, G. E. (1997), « La charte de l’OLP en instance d’abrogation » in Mot. Les langages du politique, n°50, pp. 23-39.

[10] Leon, A. (1942),La conception matérialiste de la question juive. Consultable ici https://www.marxists.org/francais/leon/CMQJ00.htm

[11]Par exemple : D. Vidal : Antisionisme= Antisémitisme. Réponse à Emmanuel Macron, Libertalia, 2018 ; A. Gresh-T. Ramadan, L’islam en question, Actes Sud, 2000, ou encore : De quoi la Palestine est-elle le nom ? , Les liens qui libèrent, 2010.

[12] En hébreu : « Association pour la paix », fondée en 1925 par un groupe d’intellectuels juifs fraîchement établis en Palestine mandataire. Son but était de  « promouvoir la compréhension entre Juifs et Arabes, en vue d’une vie commune sur la Terre d’Israël, et ce dans un esprit de complète égalité des droits politiques des deux entités. »

[13] Yakira, E.  (2010) ost-sionisme, post-shoah, PUF.

Voir enfin:

The Mendacious Maps of Palestinian “Loss”

Anti-Israel activists often use doctored maps to show Israel’s supposed malfeasance over the past century. Such claims are made by people who, in the best case, have no knowledge of the facts, and in the worst case, have no moral compass.

Shany Mor

Writer based in Paris; former director for foreign policy, Israeli National Security Council

January 2015

You can’t walk very far on an American or European university campus these days without encountering some version of the “Palestinian Land Loss” maps. This series of four—occasionally five—maps purports to show how rapacious Zionists have steadily encroached upon Palestinian land. Postcards of it can be purchased for distribution, and it has featured in paid advertisements on the sides of buses in Vancouver as well as train stations in New York. Anti-Israel bloggers Andrew Sullivan and Juan Cole have both posted versions of it, and it occasionally creeps into supposedly reputable media sources, like Al Jazeera English.

Indeed, it recently appeared as a “Chart of the Day” in the UK’s respected magazine New Statesman. Beneath it was a tiny line of text listing its sources as the UN Office for the Coordination of Humanitarian Affairs and a CIA atlas from 1973. Given that the maps included information far more recent than 1973, the source struck me as slightly dubious. I contacted the staff writer who created the feature and asked him about it. He was very reluctant to admit that he had lifted it from anti-Israel propaganda sources, so he directed me to the 1973 CIA atlas. Unfortunately, nothing like the series appears in the CIA World Factbook and nothing like it could have appeared in an atlas published decades before several of the events it claims to portray. The writer then apologized for not being able to track down his sources any further and explained that he no longer works at New Statesman. He has moved on to The Guardian, and given that particular publication’s attitude toward Israel, he should have no trouble fitting in.

There is a reason why those who make use of these maps avoid examining their provenance or proving their accuracy: The maps are egregiously, almost childishly dishonest. But they have become so ubiquitous that it is worth taking the time to examine them, and what their dishonesty can teach us about the Palestinian cause and its supporters.

In whatever form they take, the “Land Loss” maps show very little variation. The standard version looks something like this:

001_Shany_Mor_Palestinian_Propoganda_Map

Sometimes, a fifth map is added, this one dated 1920, showing the entirety of what was once British Mandatory Palestine in a single solid color, labeled “Palestinian.” This accomplishes the seemingly impossible and makes the series of maps even more dishonest than before.

Whether made up of four or five maps, the message of the series is clear: The Jews of Palestine have been assiduously gobbling up more and more “Palestinian land,” spreading like some sort of fungal infection that eventually devours its host.

There are some outright lies in these maps, to be sure. But the most egregious falsehoods transcend mere lies. They emerge from a more general and quite deliberate refusal to differentiate between private property and sovereign land, as well as a total erasure of any political context.

This final point is especially crucial. It goes to the question of whether the Palestinians actually “lost” this land and the context of that alleged “loss.” We could quite easily, for example, make a panel of maps showing German “land loss” in the first half of the 20th century. It would be geographically accurate but, without the political context, it would tell a completely misleading story amounting to a flat-out lie. And that is precisely what these maps are: A lie.

Taking each map in turn, it is easy to demonstrate that the first one is by far the most dishonest of the lot. As far as I have been able to determine, it is based on a map of Jewish National Fund (JNF) land purchases dating roughly from the 1920s. The JNF was founded to purchase land for Jewish residents and immigrants in then-Palestine, and was partly funded through charity boxes that were once found in almost every Jewish school and organization in the West. Ironically, this map often adorned those ubiquitous boxes.

The dishonesty of using an out-of-date map for pre-1948 Jewish land purchases is actually relatively minor. So is not omitting the political context: After 1939, Jews were forbidden from making any further land purchases by British authorities, a measure taken as a sop to Arab terrorism. Even the deceptive use of JNF land and only JNF land as a proxy for the entire Palestinian Jewish presence is but a trifle compared to the epic lie represented by this map: It deliberately conflates private property with political control.

They are not at all the same thing. The simple fact is that none of pre-1948 Palestine was under the political authority of Arabs or Jews. It was ruled by the British Mandatory government, established by the League of Nations for the express purpose of creating a “Jewish National Home.” It was also—contrary to the claims of innumerable pro-Palestinian activists—the first time a discrete political entity called “Palestine” existed in modern history. And this entity was established in order to fulfill a goal that was essentially Zionist in nature.

But this lie is compounded by another that is even more epic in scope: Labeling every single patch of land not owned by the JNF as Arab or Palestinian. This was quite simply not the case. We have incomplete data on land ownership in modern Palestine, and even less on Arab property than Jewish property, partly due to the very complicated nature of property law in Ottoman times. But anyone’s map of private property in Mandatory Palestine from this period would be mostly empty—half the country is, after all, desert. It would show small patches of private Jewish land—as this map does—alongside small patches of private Arab land, as this map shamelessly does not.

The next map is labeled 1947. This is inaccurate, as any other date would be, because the map does not represent the situation on the ground in 1947 or at any other time. Instead, it represents the partition plan adopted by the United Nations General Assembly in 1947 as UN Resolution 181. It called for two independent states to be formed after the end of the British Mandate, one Jewish and one Arab.

Needless to say, the resolution was never implemented. It was rejected by a Palestinian Arab leadership that just two years before had still been allied with Nazi Germany. The day after its passage, Arab rioting began against Jewish businesses, followed by deadly Arab attacks against Jewish civilians. Events quickly escalated into all-out war, with Arabs laying siege to major Jewish population centers—cutting off all supplies, including food and water. In some places, the siege worked, but for the most part, it was resisted successfully.

At this point, with partition rejected by the Arabs and no help from the international community in sight, the Jews declared independence and formed what would become the Israel Defense Forces. The Arab states promptly launched a full-scale invasion, whose aims—depending on which Arab leader you choose to quote—ranged from expulsion to outright genocide. And the Arabs lost. At war’s end in 1949, the situation looked roughly like the third map in the series—the first of the lot that even comes close to describing the political reality on the ground.

I say “close” because it too is remarkably dishonest. It is only because one’s standards of dishonesty have been stretched so far by its predecessors that it almost seems true. But, alas, it is not. The map is dated 1967. What it shows are the so-called “armistice lines,” i.e., the borders where the Israeli and Arab armies stopped fighting in 1949. These lines held more or less until 1967. As far as Israel’s borders are concerned, then, the map accurately presents the situation over those 19 years.

But what lies on the other side of the line, in the territories that are today called the West Bank and the Gaza Strip, is again presented in radically dishonest fashion. These lands were not—not before, during, or after 1967—“Palestinian” in the sense of being controlled by a Palestinian Arab political entity. Both territories were occupied by invading Arab armies when the armistice was declared in 1949, the Gaza Strip by Egypt and the West Bank by Jordan. The latter was soon annexed, while the former remained under Egyptian military administration. This status quo lasted until 1967, when both were captured by Israel.

In the 1967 Six Day War, which was marked by Arab rhetoric that was sometimes even more genocidal than 1948, Israel also took the Golan Heights from Syria and the Sinai Peninsula from Egypt, more than trebling the amount of land under its control. Israel has since withdrawn from more than 90 percent of the land it occupied—mostly in the Sinai withdrawal that led to peace with Egypt. Unsurprisingly, there are no heartfelt “Israeli Land Loss” maps representing this.

The first three maps, then, confuse ethnic and national categories (Jewish and Israeli, Arab and Palestinian), property and sovereignty, and the Palestinian national movement with Arab states that ruled over occupied territory for a generation. They are a masterpiece of shameless deception.

As we move to the fourth map, shameless deception is the only thing that remains consistent. This map, usually labeled either 2005 or “present,” purports to show the distribution of political control following the Oslo process and the Israeli withdrawal from Gaza. The patches of Palestinian land in the West Bank are areas handed over to the Palestinian Authority in the 1990s, mostly under the 1995 Oslo II agreement. Expanding upon the autonomy put in place after previous agreements in the Oslo process since 1993, this agreement created a complex patchwork of administrative and security zones, splitting the West Bank into areas of exclusive Palestinian control, joint control, and Israeli control. It was meant as a five-year interim arrangement, after which a final status agreement would be negotiated.

Final status talks did indeed take place. But no agreement was reached. As in 1947, the principal reason was Palestinian rejectionism. This time, the Palestinian leadership rejected a state on over 90 percent of the West Bank and 100 percent of the Gaza Strip. They then broke their pledge not to return to the “armed struggle” and embarked on a campaign of suicide bombings and other terrorist atrocities that were not only morally indefensible but lost them the trappings of sovereignty they had gained over the previous decade.

After tamping down the worst of the violence, Israel decided to leave the areas of the Gaza Strip it had not evacuated a decade before. The withdrawal took place in 2005. Two years later, the Islamist group Hamas took over the Strip in a violent coup d’etat. Since then, there have been two Palestinian governments—the Hamas regime in Gaza and the Fatah-led regime in the West Bank.

Both of these regimes are marked with the same color on this fourth map, thus failing to acknowledge the split between the two regimes, though it is the first map in the series to correctly label areas under Palestinian Arab political control. Nonetheless, it does not distinguish between the sovereign territory of the State of Israel—or, in the case of East Jerusalem, territory that Israel claims as sovereign without international recognition—and territories in the West Bank that, according to agreements endorsed by both sides, are under Israeli control until a final status agreement.

Taken together, what we have is not four maps in a chronological series, but four different categories of territorial control presented with varying degrees of inaccuracy. Those categories are private property (“1946”), political control (“1967” and “2005”), and international partition plans (“1947”). They are presented in a fashion that is either tendentiously inaccurate (“2005”), essentially mendacious (“1947” and “1967”), or radically untrue (“1946”).

An honest approach would look very different. It would take each of these categories and depict how they developed over time. For example, basing ourselves on the most blatantly deceitful map, 1946, we might want to show the chronological development of private property distribution. But we’d first have to adjust the original series’ 1946 map by labeling only Arab property as Arab, rather than simply filling in the entire country with the desired color. It would be a lot of data to collect, and then we’d then have to repeat the effort for other years appropriate to the discussion: Perhaps 1950, after Israel and Jordan both instituted Absentee Property Laws; 1993, just before Palestinian self-rule began; or 2005, just after the disengagement from Gaza and the northern West Bank. The maps would have to be consistent as well, showing Arab property inside Israel as well as Jewish property in the West Bank and Gaza. I don’t know if anyone has bothered to collect all this data, and I’m not sure what it would show in any case. What argument would it advance? That Jews and Arabs should be forbidden to buy land from each other?

On the other hand, the categories of political control and international partition plans are quite easy to map out over time. Since the concern of those publicizing the maps above is Palestinian control of land, we can illustrate this with a more honest series of maps showing areas of political control, using the same years as the original—adding one for clarity.

002_Shany_Mor_Political_Control_Map

As seen above, 1946 has exactly zero land under Palestinian Arab control—not autonomous, not sovereign, not anything—as it was all under British authority. We could go further back in time, to the Ottoman era, for example, and the map wouldn’t change in the slightest. 1947 sees no changes to the map, as Palestine was still under British control. Before the war in June 1967, control is divided between three states, and none of them is Palestinian. The 2005 map would be exactly as it is presented in the original series, showing the very first lands ever be ruled by Palestinian Arabs qua Palestinian Arabs. To clarify this a bit more, I have added a map from 1995, showing the withdrawals undertaken during the first two years of the Oslo process, just up to but not including the 1997 Hebron Protocol.

In fact, if we zoomed in a bit more, we would see how the peace process of the 1990s resulted in the first time a Palestinian Arab regime ruled over any piece of land. This occurred in 1994 with the establishment of the Palestinian Authority in Gaza and Jericho. That control steadily expanded over more and more land during the years leading up to the failed final status talks. Much of it was then lost during the second intifada, but eventually regained as violence died down, and the Gaza disengagement even expanded it slightly. All of these Palestinian land gains have taken place in the last 20 years and every square meter of it came not from Turkey or Britain or Jordan or Egypt, but from Israel alone; and nearly all of it through peace negotiations.

It is true that this is a smaller amount of land than that controlled by Israel—which is nonetheless an extremely small country by global standards. More importantly, however, it is small compared to what could have been ruled by a Palestinian state had the Palestinians not rejected partition and peace in 1947 and again in 2000. That is, had the Palestinians been motivated by the interests of their own people rather than the wish to destroy another people.

One could very easily create a theoretical series of maps that would begin in 1947 and show the distribution of political control, not as it existed, but as it could have existed. In contrast to the previous series charting political control over the years, this series would map out the international proposals to partition the country. It would begin with the Peel Commission’s 1937 partition plan, through the United Nations Special Committee on Palestine (UNSCOP) partition resolution, and end with the Clinton Parameters of 2000—which were very close to the rejected offers made by Israeli Prime Ministers Ehud Barak earlier that same year at Camp David and Ehud Olmert eight years later. But these international efforts to partition the land would be incomplete without a word or two about each side’s reaction to the proposal.

003_Shany_Mor_Intl_Proposals_Map

Here too there is a continuing trend of losses for the Palestinian side. Not loss of land, but loss of potential. Each successive rejection left the Palestinians with less and less to bargain with. Surely, there is a lesson in this. But it seems that, if the Palestinians are ever to learn it, it will not be with the help of their Western supporters.

We could also make a set of maps that would present a story of Jewish “land loss.” It would begin with the first iteration of the British Mandate, before Transjordan was split off and Jewish land purchases and immigration banned. We are forever being reminded that the Palestinians have supposedly conceded 77 percent of their historic claims already, implicitly saying that all of Israel proper somehow belongs to them. But territorial maximalists on the Israeli side are not wrong when they use the same standards to claim that they have given up 73 percent of what was promised to them, including Transjordan. It is the business of pro-Palestinian activists to privilege one of these claims over the other; but in fact, both are equally wrong: The idea that the Israeli “concession” of Transjordan entitles Israel to 100 percent of the West Bank is as absurd as the Palestinians’ claim that their “concession” of Haifa entitles them to the same.

A series of actual Israeli withdrawals, however, could fill a rather long series of maps. It would include the 1957 withdrawal from Sinai, the Disengagement of Forces agreements in 1974 and 1975, the staged withdrawals stemming from the Israeli-Egyptian peace treaty in 1979 and 1982, the withdrawal from most of Lebanon in 1985, the staged withdrawals undertaken according to the Oslo Accords from 1994 to 1997, the unilateral withdrawal from southern Lebanon in 2000, and the complete withdrawal from Gaza in 2005. These maps, unlike those used by pro-Palestinian activists, have the benefit of being accurate, but I am not sure the case for “Israeli Land Loss” would convince anyone but the most partisan and ignorant of Israel’s supporters.

Perhaps the best way to illustrate the bankruptcy of the “Palestinian Land Loss” myth is to compare it to a similar situation elsewhere.

An equally absurd set of maps could be drawn up of the Indian subcontinent before and after the end of British rule. It could start with a 1946 map of the entire subcontinent, labeling any private property owned by Hindus as “Indian” and the rest as “Pakistani.” Hindus, after all, are 80 percent of India’s population today, just as Jews are 80 percent of Israel’s. It is absurd to consider anything not privately owned by Hindus under British rule as “Pakistani” when the state of Pakistan did not yet exist, but that is roughly the same as labeling anything not privately owned by Jews under the Mandate as “Palestinian.”

We could then put up a partition map from 1947, with West and East Pakistan next to a much larger India; as well as a post-partition map—perhaps from 1955—showing the land losses along the Radcliffe Line. Finally, we could draw a map from 1971 with East Pakistan shorn off into Bangladesh. A fervently dishonest person might call this series “Pakistani Land Loss,” but it would be such an obvious piece of fiction that no one could possibly take it seriously.

And no thinking person can take “Palestinian Land Loss” seriously. It is just as absurd and just as much a fiction. But it is also, in its own way, extremely destructive. Because these maps and the lies they propagate only encourage Palestinian rejectionism and violence; and as illustrated above, these have always left the Palestinians with less than they had before.

Voir par ailleurs:

Mr. Sanders is a senator from Vermont.

“Israel has the right to defend itself.”These are the words we hear from both Democratic and Republican administrations whenever the government of Israel, with its enormous military power, responds to rocket attacks from Gaza.

Let’s be clear. No one is arguing that Israel, or any government, does not have the right to self-defense or to protect its people. So why are these words repeated year after year, war after war? And why is the question almost never asked: “What are the rights of the Palestinian people?”

And why do we seem to take notice of the violence in Israel and Palestine only when rockets are falling on Israel?

In this moment of crisis, the United States should be urging an immediate cease-fire. We should also understand that, while Hamas firing rockets into Israeli communities is absolutely unacceptable, today’s conflict did not begin with those rockets.

Palestinian families in the Jerusalem neighborhood of Sheikh Jarrah have been living under the threat of eviction for many years, navigating a legal system designed to facilitate their forced displacement. And over the past weeks, extremist settlers have intensified their efforts to evict them.

And, tragically, those evictions are just one part of a broader system of political and economic oppression. For years we have seen a deepening Israeli occupation in the West Bank and East Jerusalem and a continuing blockade on Gaza that make life increasingly intolerable for Palestinians. In Gaza, which has about two million inhabitants, 70 percent of young people are unemployed and have little hope for the future.

Further, we have seen Benjamin Netanyahu’s government work to marginalize and demonize Palestinian citizens of Israel, pursue settlement policies designed to foreclose the possibility of a two-state solution and pass laws that entrench systemic inequality between Jewish and Palestinian citizens of Israel.

None of this excuses the attacks by Hamas, which were an attempt to exploit the unrest in Jerusalem, or the failures of the corrupt and ineffective Palestinian Authority, which recently postponed long-overdue elections. But the fact of the matter is that Israel remains the one sovereign authority in the land of Israel and Palestine, and rather than preparing for peace and justice, it has been entrenching its unequal and undemocratic control.

Over more than a decade of his right-wing rule in Israel, Mr. Netanyahu has cultivated an increasingly intolerant and authoritarian type of racist nationalism. In his frantic effort to stay in power and avoid prosecution for corruption, Mr. Netanyahu has legitimized these forces, including Itamar Ben Gvir and his extremist Jewish Power party, by bringing them into the government. It is shocking and saddening that racist mobs that attack Palestinians on the streets of Jerusalem now have representation in its Knesset.

These dangerous trends are not unique to Israel. Around the world, in Europe, in Asia, in South America and here in the United States, we have seen the rise of similar authoritarian nationalist movements. These movements exploit ethnic and racial hatreds in order to build power for a corrupt few rather than prosperity, justice and peace for the many. For the last four years, these movements had a friend in the White House.

At the same time, we are seeing the rise of a new generation of activists who want to build societies based on human needs and political equality. We saw these activists in American streets last summer in the wake of the murder of George Floyd. We see them in Israel. We see them in the Palestinian territories.

With a new president, the United States now has the opportunity to develop a new approach to the world — one based on justice and democracy. Whether it is helping poor countries get the vaccines they need, leading the world to combat climate change or fighting for democracy and human rights around the globe, the United States must lead by promoting cooperation over conflict.

In the Middle East, where we provide nearly $4 billion a year in aid to Israel, we can no longer be apologists for the right-wing Netanyahu government and its undemocratic and racist behavior. We must change course and adopt an evenhanded approach, one that upholds and strengthens international law regarding the protection of civilians, as well as existing U.S. law holding that the provision of U.S. military aid must not enable human rights abuses.

This approach must recognize that Israel has the absolute right to live in peace and security, but so do the Palestinians. I strongly believe that the United States has a major role to play in helping Israelis and Palestinians to build that future. But if the United States is going to be a credible voice on human rights on the global stage, we must uphold international standards of human rights consistently, even when it’s politically difficult. We must recognize that Palestinian rights matter. Palestinian lives matter.

Voir la traduction:

Israël a le droit de se défendre. » sont les mots que nous entendons des gouvernements démocrates et républicains chaque fois que le gouvernement israélien, avec son énorme puissance militaire, réagit aux tirs de roquette de Gaza.
Soyons clairs. Personne ne soutient qu’Israël, ou aucun gouvernement, n’a pas le droit de se défendre ou de protéger son peuple. Alors pourquoi ces mots se répètent-ils année après année, guerre après guerre ? Et pourquoi la question n’est-elle presque jamais posée : ′′ Quels sont les droits du peuple palestinien ? ′′Et pourquoi semblons-nous prendre note de la violence en Israël et en Palestine uniquement lorsque des roquettes tombent sur Israël ?
En ce moment de crise, les États-Unis devraient demander instamment un cessez-le-feu immédiat. Nous devrions également comprendre que, même si le Hamas tire des roquettes sur les communautés israéliennes est absolument inacceptable, le conflit d’aujourd’hui n’a pas commencé avec ces roquettes.
Les familles palestiniennes dans le quartier de Jérusalem de Sheikh Jarrah vivent sous la menace d’expulsion depuis de nombreuses années, naviguant dans un système juridique conçu pour faciliter leur déplacement forcé. Et au cours des dernières semaines, les colons extrémistes ont intensifié leurs efforts pour les expulser.
Et, tragiquement, ces expulsions ne sont qu’une partie d’un système plus large d’oppression politique et économique.
Depuis des années, nous avons assisté à une aggravation de l’occupation israélienne en Cisjordanie et à Jérusalem-Est et à un blocus continu sur Gaza qui rend la vie de plus en plus intolérable À Gaza, qui compte environ deux millions d’habitants, 70 % des jeunes sont au chômage et n’ont guère d’espoir pour l’avenir.
En outre, nous avons vu le gouvernement de Benjamin Netanyahu travailler à marginaliser et diaboliser les citoyens palestiniens d’Israël, à mener des politiques de colonisation conçues pour exclure la possibilité d’une solution à deux États et adopter des lois qui engendrent les inégalités systémiques entre les citoyens juifs et palestiniens israéliens.
Rien de tout cela n’excuse les attaques du Hamas, qui ont été une tentative d’exploiter les troubles à Jérusalem, ou les échecs de l’Autorité palestinienne corrompue et inefficace, qui a récemment reporté les élections en retard depuis longtemps. Mais le fait est qu’Israël reste la seule autorité souveraine au pays d’Israël et de Palestine, et plutôt que de se préparer à la paix et à la justice, il a été enraciné son contrôle inégal et antidémocratique.
Plus d’une décennie de sa règle de droite en Israël, M. Netanyahu a cultivé un nationalisme raciste de plus en plus intolérant et autoritaire. Dans son effort effréné pour rester au pouvoir et éviter les poursuites judiciaires pour corruption, M. Netanyahu a légitimé ces forces, dont Itamar Ben Gvir et son parti extrémiste du pouvoir juif, en les faisant entrer dans le gouvernement. C’est choquant et attristant que les mensonges racistes qui attaquent les Palestiniens dans les rues de Jérusalem soient maintenant représentés à la Knesset.
Ces tendances dangereuses ne sont pas propres à Israël. Partout dans le monde, en Europe, en Asie, en Amérique du Sud et ici aux États-Unis, nous avons vu la montée de mouvements nationalistes autoritaires similaires. Ces mouvements exploitent la haine ethnique et raciale pour construire le pouvoir pour un peu de corrompus plutôt que la prospérité, la justice et la paix pour les plus nombreux. Ces quatre dernières années, ces mouvements avaient un ami à la Maison Blanche.
En même temps, nous assistons à la montée d’une nouvelle génération d’activistes qui veulent construire des sociétés basées sur les besoins humains et l’égalité politique. Nous avons vu ces militants dans les rues américaines l’été dernier à la suite du meurtre de George Floyd. Nous les voyons en Israël. Nous les voyons dans les territoires palestiniens.
Avec un nouveau président, les États-Unis ont maintenant la possibilité de développer une nouvelle approche du monde – fondée sur la justice et la démocratie. Qu’ils aident les pays pauvres à obtenir les vaccins dont ils ont besoin, conduisent le monde à lutter contre le changement climatique ou à lutter pour la démocratie et les droits de l’homme partout dans le monde, les États-Unis doivent montrer l’exemple et favoriser la coopération en cas de conflit.
Au Moyen-Orient, où nous fournissons une aide de près de 4 milliards de dollars par an à Israël, nous ne pouvons plus être des apologistes du gouvernement de droite de Netanyahu et son comportement antidémocratique et raciste.
Nous devons changer de cap et adopter une approche impartiale, une approche qui respecte et renforce le droit international concernant la protection des civils, ainsi que la législation américaine actuelle en vigueur, selon laquelle la fourniture d’aide militaire américaine ne doit pas permettre de respecter les droits de l’homme.
Cette approche doit reconnaître qu’Israël a le droit absolu de vivre dans la paix et la sécurité, tout comme les Palestiniens.
Je suis fermement convaincu que les États-Unis ont un rôle important à jouer pour aider les Israéliens et les Palestiniens à construire cet avenir. Mais si les États-Unis veulent être une voix crédible sur les droits de l’homme sur la scène mondiale, nous devons respecter les normes internationales en matière de droits de l’homme de manière cohérente, même lorsque c’est politiquement difficile. Nous devons reconnaître que les droits palestiniens sont importants. La vie palestinienne compte.
Le sénateur Bernie Sanders est un sénateur du Vermont.

Voir aussi:

Israel-Gaza: The Democrats’ ‘tectonic’ shift on the conflict
Anthony Zurcher
BBC
21 May 2021

The latest clashes between Israel and the Palestinians have revealed exactly how much the political centre of gravity in the Democratic Party has moved on the conflict in recent years.
« The shift is dramatic; it’s tectonic, » says pollster John Zogby, who has tracked US views on the Middle East for decades. In particular, younger generations are considerably more sympathetic to the Palestinians – and that age gap has been on full display with the Democratic Party.
While President Joe Biden has expressed a more traditional view, repeatedly emphasising that Israel has the right to defend itself against Hamas rocket attacks, he’s finding himself out of step in a party that is now at least as concerned with the conditions on the ground for the Palestinians in Gaza and the West Bank – and Israeli policies viewed as contributing to their plight.
Democratic diversity in Congress
To track the shift within the Democratic Party on Israel and the Palestinians, one can start by looking at that most representative US political institution, Congress. In the national legislature, US foreign policy sympathies have tended to tilt historically toward Israel’s perspective in Middle East conflicts – in part because of the preferences of both Jewish voters (a key Democratic constituency) and evangelicals (important for Republicans).
As the US Congress has become an increasingly diverse body, however, that has had some serious consequences for US policy toward Israel. In 2021, a record 23% of members of the House and Senate were people of black, Hispanic, Asian/Pacific Islander or Native American heritage, according to a Pew Foundation study.
Two decades earlier, that number was 11%. In 1945, it was 1%.

A diversity of backgrounds has led to a wider diversity of viewpoints and a diffusion of power. The influential group of young liberal congresswomen, known informally as « The Squad », includes Palestinian-American Rashida Tlaib of Michigan and Somalian refugee Ilhan Omar of Minnesota, for instance.
image copyrightCQ Roll Call via Getty Images
image captionReps Ilhan Omar, Alexandria Ocasio-Cortez, and Rashida Tlaib are members of ‘The Squad’
The most prominent member of this group, Alexandria Ocasio-Cortez of New York, won her congressional seat by ousting a senior member of the Democratic congressional leadership, Joe Crowley, who consistently sided with Israel in past conflicts in the occupied territories.
How social media is fuelling US Israel-Gaza debate
The Israel-Palestinian conflict explained
Overall, the party – and its voters – look a lot more like the Puerto Rican descended 31-year-old Ocasio-Cortez than the 59-year-old Crowley – and that is making a difference.
« There is a non-white population, particularly among Democrats, who are very sensitive to the treatment of fellow non-whites, » Zogby said during a recording of the BBC podcast Americast. « They see Israel as an aggressor. »
They don’t know Israel’s early history and odds-defying triumph over adversity, he says.
« They know post-Intifada; they know the various wars, the asymmetrical bombing that have taken place, the innocent civilians that have been killed. »

The Bernie factor
If the growing diversity in Congress is in part the result of the left-wing progressive movement that elected politicians like Ocasio-Cortez, that progressive movement owes a considerable debt to one man, Vermont democratic socialist Bernie Sanders.
Early in his career, Sanders – who was raised Jewish and spent time in Israel in the 1960s – was generally sympathetic toward Israel’s policies. By the time he first ran for president in 2016, however, he was expressing more support for Palestinian concerns – a view that set him apart from the rest of the Democratic field.
In a primary debate with Hillary Clinton, held during a March 2016 outbreak of Hamas rocket attacks on Israel, Sanders spoke directly about the plight of Palestinians – their high unemployment, « decimated houses, decimated healthcare, decimated schools ».
As noted by the Guardian’s Ed Pilkington at the time, this broke an « unwritten rule » that talking about Palestinian suffering was a losing issue for politicians seeking higher office.
image copyrightPool via Getty Images
Sanders lost both his presidential bids, of course. The popularity of his expressed views, however, opened the door for down-ballot Democrats to take up the issue – as they also took up other parts of his progressive platform, including expanded healthcare, free college education, a higher minimum wage and environmental reform.
Since then, Sanders has hardened his condemnations of Israeli Prime Minister Benjamin Netanyahu, whom he called a « desperate, racist authoritarian ». And last week, he penned an opinion column in the New York times that, while pulling no punches, no longer seems a fringe Democratic view.

« The fact of the matter is that Israel remains the one sovereign authority in the land of Israel and Palestine, » Sanders wrote, « and rather than preparing for peace and justice, it has been entrenching its unequal and undemocratic control. »
Palestinian lives matter
In that Times column, Sanders concludes by heralding the rise of « a new generation of activists » in the US.
« We saw these activists in American streets last summer in the wake of the murder of George Floyd, » he writes. « We see them in Israel. We see them in the Palestinian territories. »
A major foreign policy headache for Biden
The child victims of the Israel-Gaza conflict
His final words lift a direct line from the Black Lives Matter movement: « Palestinian lives matter ».
Sanders is noting what has become obvious during clashes between Israel forces and Palestinians over the past two weeks. Americans who found their political voice during last summer’s activism in US cities are now turning their focus, and their rhetoric, on what they see as similar unchecked oppression in the Middle East.

media captionWatch: Biden accelerates away when asked about Israel
« St Louis sent me here to save lives, » Congresswoman Cori Bush of St Louis – who unseated a long-time Democratic politician in a primary last year – said on the floor of the House on Thursday.
« That means we oppose our money going to fund militarised policing, occupation and systems of violent oppression and trauma. We are anti-war, we are anti-occupation, and we are anti-apartheid. Period. »
That has translated into growing calls to cut off US military aid to Israel – or at least use the threat of doing so to pressure Netanyahu to move away from his aggressive policies in the occupied territories.
The « defund the police » slogan now has a foreign policy companion: « defund the Israeli military ».
Donald and Bibi
Complicating matters for Israel’s traditional backers in the Democratic Party is that US policy toward the Jewish state, like almost everything in national politics, has become increasingly polarised on partisan lines.
image copyrightPool via Getty Images
That, in no small part, has been helped along by long-time Israeli Prime Minister Netanyahu, who has forged closer ties with the American right over recent years. Obama-era Democrats have not forgotten Netanyahu’s address to a joint session of Congress in 2015 at the invitation of Republicans, during which he made an unsuccessful attempt to torpedo congressional approval of the administration’s signature diplomatic initiative, the Iran nuclear agreement.
Meanwhile, Donald Trump spent four years trumpeting his close relationship with Netanyahu and Israel’s political right. He cut off humanitarian aid to the Palestinian authority, moved the US embassy from Tel Aviv to Jerusalem, and bypassed the Palestinians in his Middle East diplomatic negotiations.
That one-two political punch from Trump and Netanyahu was more than enough to have even some centrist Democrats rethinking their views on the Palestinian situation.
That trend could continue, in part because, Zogby says, Trump’s efforts to cater to Israeli interests haven’t translated into shifting support among Jewish voters for Republican candidates.
« That is wishful thinking on their part, » Zogby says. « American Jews are fundamentally a liberal to progressive voting entity. »
If Democrats can satisfy their progressive base without alienating their traditional Jewish voters, it becomes a much more comfortable political move.
Old-school Biden
If the Israel debate among Democrats in Washington is changing, the direction from the White House has only just begun to reflect that.
Biden and his top officials were slow to call for a ceasefire between Israel and Hamas – lagging behind even traditional Israel backers like Senate Majority Leader Chuck Schumer.
image copyrightAnadolu Agency via Getty Images
image captionSmoke rises over Gaza City
They repeatedly blocked a UN Security Council resolution that also endorsed a ceasefire. The readouts of Biden’s calls with Netanyahu have repeatedly noted that the president has emphasised Israel’s right to self-defence, with little hint of criticism.
There’s been no talk of putting conditions on US military aid to Israel – and, in fact, before the most recent outbreak of violence, Biden authorised the sale of $735m (£518m) in arms to the Jewish state, much to the dismay of his party’s progressives. During the 2020 presidential primary, he said calls to add conditions to US aid to Israel by Sanders and others were « bizarre ».
The risk for Biden on this issue is clear, however. The president needs the backing of left-wing progressives in his coalition if he wants to pass his legislative agenda, including an ambitious infrastructure and social safety-net package.
Up until now, that support has been there. But if the Democratic left believes Biden is turning his back on what they view as Israel’s gross human rights abuses, they could abandon him.
« We’ve seen a steady growth in support for Palestinians, but it’s never really been a high-intensity issue, » Zogby says. « It’s becoming that. It’s becoming a major wedge issue, particularly among Democrats, driven by non-white voters and younger voters, by progressives in general. »
That this might happen in a foreign policy area, the Middle East, that has been a low priority for Biden so far in his presidency would be particularly stinging – and it’s one of the reasons why Israel’s advocates in the Democratic Party are concerned that Biden’s support, which has been largely unwavering over decades of public service, may end up shaky.
Politicians can only stay out of step with their political base for so long.

Voir encore:

The Realignment
In the Middle East, Biden is finishing what Obama started. And his top advisers are all on board.
Michael Doran and Tony Badran
Tablet magazine
May 11, 2021

On Sunday, National Security Adviser Jake Sullivan phoned his Israeli counterpart and turned back the hands of time. According to the American readout of the conversation, Sullivan called “to express the United States’ serious concerns” about two things: the pending eviction, by court order, of a number of Palestinian families from their homes in the Sheikh Jarrah neighborhood of Jerusalem, and the weekend’s violent clashes on the Temple Mount between Israeli police and Palestinian rioters. The Biden administration, in other words, publicly asserted an American national interest in preventing the Sheikh Jarrah evictions, regardless of the dictates of Israeli law—just as Hamas was sending rockets and incendiary devices into Israel with the same message. This conscious effort to put “daylight” between the United States and Israel marked a clear return to the approach of President Barack Obama.

Sullivan’s call invites us to reopen an unresolved debate that began even before President Joe Biden took the oath of office. Is the new president forging his own path in the Middle East, or is he following in the footsteps of Obama? Until now, those who feared that his presidency might become the third term of Obama fixed their wary eyes on Robert Malley, the president’s choice as Iran envoy. When serving in the Obama White House, Malley helped negotiate the Iran nuclear deal, which sought accommodations with Tehran that came at the expense of America’s allies in the Middle East. In a revealing Foreign Affairs article, written in 2019, Malley expressed regret that Obama failed to arrive at more such accommodations. The direction of Obama’s policy was praiseworthy, Malley wrote, but his “moderation” was the enemy of his project. Being “a gradualist,” he presided over “an experiment that got suspended halfway through.”

Malley, the article leads one to assume, is now advising Biden to go all the way—and fast. But surely it is the president, not his Iran envoy, who determines the direction and pace of policy. Over the course of a career in Washington spanning nearly half a century, Biden has never cut a radical profile. Nor have Sullivan or Secretary of State Antony Blinken. The presence of this pair at Biden’s side signaled to many that Malley would not drive Iran policy. Shortly after the election, a veteran Washington insider noted to a journalist that “Blinken and Sullivan are certainly from the more moderate wing of the party, and that is reassuring.”

At his Senate confirmation hearing in January, Blinken continued to reassure by expressing his intention to fix the defects of the Joint Comprehensive Plan of Action (JCPOA), as the Iran nuclear deal is known. The following month, Foreign Policy reported that a split had opened up inside the government, with Sullivan and Blinken fulfilling the hopes placed on them. When Malley argued in favor of giving “inducements” to Iran to convince it to return quickly to the JCPOA, Sullivan and Blinken “dominated the discussion” by “toeing a harder line.”

Over the past month, that line became even harder—as in harder to see. On April 2, Malley gave an interview to PBS that raised eyebrows in Jerusalem, Riyadh, and in Congress. Ahead of nuclear talks in Vienna, where the Europeans were about to host indirect negotiations between Biden officials and Iranian representatives about resurrecting the JCPOA, Malley expressed an eagerness to lift American sanctions on Iran and ensure “that Iran enjoys the benefits that it was supposed to enjoy under the deal.” About the interview, an anonymous senior Israeli official said, “If this is American policy, we are concerned.”

Israeli intelligence operatives put an exclamation point on that sentence when they (it seems clear) sabotaged a power generator at the Iranian nuclear enrichment facility in Natanz. While damaging Iran’s nuclear program, the operation also signaled Israeli opposition to the American position in the Vienna talks, now underway.

The alarm in Jerusalem is justified, if the May 1 statement by Abbas Araghchi, Iran’s lead negotiator in Vienna, is anything to go by. The American negotiators, he claimed, had already agreed in principle to remove sanctions on Iran’s energy sector, automotive industry, financial services, banking industry, and ports—to eliminate, in other words, all of the most significant economic sanctions ever imposed on Iran. Recent statements from Biden administration officials give us no reason to disbelieve Araghchi, and the smart money is now on a full resurrection of the JCPOA in relatively short order.

But even the Israelis have yet to absorb the full scope and magnitude of Biden’s accommodation of Iran. The problem is not that Sullivan and Blinken are failing to restrain Malley, but that they are marching in lockstep with him. A consensus reigns inside the administration, not just on the JCPOA but on every big question of Middle East strategy: Everyone from the president on down agrees about the need to complete what Obama started—which means that the worst is yet to come.

If the control that Obama’s project exercises over every mind in the Biden administration is not already obvious, it is because confusion still reigns about the project’s true nature. Doubt us? Then take the following one-question quiz: To what, precisely, was Robert Malley referring when he spoke of Obama’s half-completed “experiment”?

If you answered “the JCPOA,” you got it wrong.

If you said “improving relations with Iran,” you scored much higher, but you still failed.

The president’s “ultimate goal,” Malley wrote, was “to help the [Middle East] find a more stable balance of power that would make it less dependent on direct U.S. interference or protection.” That is a roundabout way of saying that Obama dreamed of a new Middle Eastern order—one that relies more on partnership with Iran.

And the dream lives on. In May 2020, six months after Malley penned his Foreign Affairs essay, Jake Sullivan, writing as an adviser to Biden’s presidential campaign, co-authored his own article laying out a Middle East strategy. The goal, he explained, is to be “less ambitious” militarily, “but more ambitious in using U.S. leverage and diplomacy to press for a de-escalation in tensions and eventually a new modus vivendi among the key regional actors.” If we substitute the word “balance” for “modus vivendi,” and if we recognize that “de-escalation” and “diplomacy” require cooperation with Iran, then Sullivan’s vision is identical to Obama’s “ultimate goal” as described by Malley. Sullivan emphasized that equivalence when he defined the objective of his plan as “changing the United States’ role in a regional order it helped create.”

This project to create a new Middle Eastern order, which now spans two presidential administrations, deserves a name. The “Obama-Biden-Malley-Blinken-Sullivan initiative” is quite a mouthful. Instead, we hereby dub it “the Realignment.” That it should fall to us, and at this late date, to name a project on which many talented people have been working for the better part of a decade is more than a little odd. Typically, presidents launch initiatives as grand as this one with a major address, and they further embroider their vision with dozens of smaller speeches and interviews. One searches in vain for Obama’s speech, “A New Order in the Middle East.”

Obama, it seems clear, felt his project would advance best with stealth and misdirection, not aggressive salesmanship. Biden, while keeping Obama’s second-term foreign policy team nearly intact, is using the same playbook. He and his aides recognize that confusion about the “ultimate goal” makes achieving it easier. Indeed, confusion is the Realignment’s best friend.

“Calculated to confuse” would make a fitting epitaph for the JCPOA—if ever it were to shuffle off this mortal coil. At 159 pages, containing five annexes, and replete with secret side deals, it packed into one binder enough smoke and mirrors to keep the American public confused for the past six years. Although the JCPOA is only one component of Obama’s grand project, its role is indispensable.

Let’s start with what the JCPOA does not do. Contrary to what its architects have claimed since 2015, the JCPOA does not block all the pathways to an Iranian nuclear weapon. How could it? The deal’s so-called “sunset provisions”—the clauses that eliminate all meaningful restrictions on Iran’s nuclear program—will all have taken effect in less than a decade; some of the most significant restrictions will disappear by 2025. By 2031, the Islamic Republic will have, with international protection and assistance, an unfettered nuclear weapons program resting on an industrial-scale enrichment capability. On the basis of this fact alone, the best one can possibly say about the deal is that it buys a decade of freedom from Iranian nuclear extortion.

But even that modest claim does not withstand scrutiny. The deal permits a robust research and development program, and it does not destroy facilities (such as the fortified bunker in the mountains at Fordow) that are indisputably part of a military, not a civilian, nuclear program. In other words, Iran is pursuing its nuclear weapons ambitions even during this period of supposed restrictions, and its program is continuing, as any newspaper reader can see, to serve as a tool of extortion.

So blatant are the deal’s failings that Biden officials do not deny the problem. Instead, they pretend to have a fix. Their plan? A “follow-on accord.” The JCPOA, they claim, is stage one in a multistage process, like a Silicon Valley product awaiting an upgrade.

It was Sullivan, in his Foreign Affairs article, who first floated the “follow-on” idea. Blinken then promised, at both his Senate confirmation hearing in January and a press conference on his first day on the job, to work for a “longer and stronger agreement.”

“Lengthen and Strengthen with Sullivan and Blinken!” would make for a catchy slogan if JCPOA 2.0 actually had a chance in reality. But the Biden administration insists it will not raise the idea of a longer and stronger agreement until after the full restoration of JCPOA 1.0. However, as we noted, JCPOA 1.0 quickly expunges all significant limitations on Iran’s nuclear program—permanently, and with an international seal of approval. By giving Tehran everything it ever wanted up front, JCPOA 1.0 obviates JCPOA 2.0.

Sullivan and Blinken profess to recognize the hideous flaws of the JCPOA, even as they sweat and toil to resurrect it from the tomb where Trump had buried it. The comfort they offered worried minds only increased when, according to the February Foreign Policy report, they overruled Malley, refusing Iran’s demand that the United States lift all sanctions as a precondition for returning to the JCPOA. The men of understanding, we were led to believe, were also men with backbone.

But that report merely deflected watchful eyes from the real story: the bargaining between Washington and Tehran that started the minute the administration took office. Even before the Vienna negotiations began in April, messages were winging their way from Tehran to Washington, through intermediaries who interceded with ideas about how the United States could relax sanctions without formally lifting them.

As a result, Sullivan and Blinken delivered inducements to Tehran—and lots of them. To give just a few examples: The Biden administration dropped American objections to a $5 billion International Monetary Fund loan to Iran. It rescinded the Trump-era policy at the United Nations, which had triggered the so-called snapback mechanism—a move to reimpose international sanctions on Iran for its violation of the deal. It released frozen Iranian oil funds in South Korea, Iraq, and Oman. These steps portended the imminent end of the sanctions regime, thus encouraging the Chinese to buy Iranian oil at a much higher rate than at any time since 2017. Against this background came Malley’s April 2 interview on PBS, in which he expressed an eagerness to lift all sanctions as quickly as possible.

The administration’s enthusiasm for maximum accommodation of Iran came as a shock to many observers, among them Sen. James Inhofe of Oklahoma, the ranking Republican on the Senate Armed Services Committee, who released a statement accusing the administration of breaking its word. Inhofe, the Israelis, and countless others had mistaken Blinken’s rhetoric for an actual plan to use the leverage built up by Trump to “fix” the nuclear deal.

To be fair, Blinken always said the administration intended to return to the JCPOA. About that, neither he nor Sullivan nor any other administration official ever lied. But they did strategically encourage people to believe things they knew were not, and never would be, true.

Their deceptions have gone far beyond narrow nuclear questions. Contrary to the claims of the administration, the JCPOA ends all of the most damaging sanctions on Iran—nuclear and nonnuclear alike. Thanks to one of its early sunset clauses, the JCPOA already ended an international ban on conventional arms sales to Iran, thus offering Tehran avenues for expanding its defense cooperation with Russia and China. As the Islamic Revolutionary Guard Corps (IRGC) will grow richer from oil sales, its international partnerships will also grow stronger. The network of militias surrounding Israel and America’s Arab allies will expand, and their sting, delivered by precision-guided weaponry, will become more venomous. Compounded by the backing of powerful friends like Russia and China, the difficulty of containing Iran’s regional project will increase. This analysis is not a theory; it is common sense.

The deceptions surrounding the JCPOA have a clear purpose: to make the administration appear supportive of containment when, in fact, it is ending it. But why are officials like Blinken and Sullivan so comfortable with such duplicity? Answering this question requires entering the Realignment mentality. The Foreign Affairs articles certainly offer one way in, but the most direct route is through the mind of Barack Obama, the author of the policy that Blinken and Sullivan are glossing.

The deceptions surrounding the JCPOA have a clear purpose: to make the administration appear supportive of containment when, in fact, it is ending it.

The Realignment mentality fully crystalized on Aug. 31, 2013, the day Obama erased his red line on Syria’s use of chemical weapons. Obama first drew the red line for U.S. military action in the summer of 2012, after receiving reports indicating that Syrian dictator Bashar Assad was either using or preparing to use chemical weapons against civilians. Some of Obama’s advisers urged him, in response, to increase support for the rebels seeking to overthrow Assad. Instead, Obama drew his red line, hoping that Moscow and Tehran would restrain Assad and the White House would not be forced to take action. But almost exactly one year later, Assad dashed Obama’s hopes with a sarin gas attack that killed hundreds of civilians, perhaps over a thousand.

Nevertheless, Obama was as determined as ever to prevent American intervention in Syria—still with the assistance of Moscow and Tehran. What if, he asked himself, the United States were able to work in greater partnership with Russia and Iran to stabilize not just Syria but other trouble spots too? After all, a tacit U.S. arrangement with Iran already existed in Iraq, based on a supposed mutual hostility to Sunni jihadism. Couldn’t that model be expanded to cover the entire Middle East? A partnership with Russia and Iran could stabilize this vexed region. An attack on Syria, however, would alienate both Moscow and Tehran, damaging Obama’s dream of a new regional order.

As the American military readied a strike on Assad, Obama searched for a pretext to call it off. He found it by suddenly remembering his constitutional duty to seek congressional authorization for military operations. Republicans in Congress, Obama knew, would refuse to authorize military action, making them responsible for erasing his red line. The Republicans’ refusal to strike, Obama told Ben Rhodes, an aide and member of his inner circle, “will drive a stake through the heart of neoconservatism—everyone will see they have no votes.”

Obama had zero interest in weakening the Russian-Iranian entente. Instead, he sought to hobble the “correlation of forces” (to use the Soviet terminology) that he believed was boxing him in. Those forces included, in addition to a variety of groups in American domestic politics, traditional allies in the Middle East—Israel, Saudi Arabia, and Turkey—all of whom were alarmed, each for its own reasons, by the rising power of the Russian-Iranian entente.

For his part, Russian leader Vladimir Putin understood Obama’s dilemma. He quickly offered a fig leaf that Obama readily accepted. Together, the two pretended to strip Assad of his chemical weapons. We say “pretended,” because the joint Russian-American initiative was a Potemkin facade designed to put an honorable face on Obama’s retreat. In return for the prize of American abstention from Syria, Putin was more than happy to destroy some of Assad’s chemical weapons.

But only some. The Organization for the Prohibition of Chemical Weapons, the group that carried out the joint American-Russian policy, only destroyed the chemical weapons that Assad officially declared. Of course, he didn’t declare everything, a fact that became irrefutable in April 2017, when Assad conducted another sarin gas attack, this time killing almost 100 people.

For Obama, however, deterring Assad was always a secondary concern. He had now achieved what he saw as the biggest prize of all, namely, opening a path to a strategic accommodation with Iran, Russia’s ally in Syria. “If the U.S. had intervened more forcefully in Syria,” Rhodes told a reporter at the end of the Obama presidency, “it would have dominated Obama’s second term and the JCPOA would have been impossible to achieve.”

With the Syria example fixed in our minds, we are finally in a position to define what the JCPOA truly is rather than what it is not. As understood by its architects, the deal is two things at once. First, it is a vehicle for towing Iran’s nuclear program out of the main lanes of U.S.-Iranian relations and parking it off to one side, thereby creating political and diplomatic space for greater interaction between Washington and Tehran—a fundamental condition for building the new regional order to which the Realignment aspires.

Second, it is a tool for erasing the containment option in American foreign policy. Many analysts have interpreted the elimination of nonnuclear sanctions by the JCPOA as the product of inept bargaining. Wily Iranian negotiators, we have frequently been told, hoodwinked the naïve Obama, who, poor man, just can’t seem to get his head around the concept of leverage in negotiations.

On the contrary, a savvy Obama fooled the analysts by disguising the JCPOA as a nonproliferation agreement. In reality, the deal was a sneak attack on a traditional American foreign policy. It was and remains a Trojan horse designed to recast America’s position and role in the Middle East. Sullivan and Blinken’s task is to wheel the Trojan horse into the central square of American foreign policy and, by brandishing their “centrist” political credentials, sell it as an imperfect but valuable vehicle of containment.

The doctrine of Realignment builds on the erroneous assumption that Iran is a status quo power, one that shares a number of major interests with the United States. According to this doctrine, conservative Americans and supporters of Israel fixate on Iran’s ideology—which is steeped in bigotry toward non-Muslims in general, and which advertises its annihilationist aspirations toward the Jewish state in particular—but it is not useful as a practical guide to Tehran’s behavior. That’s what professor Obama taught us in a 2014 interview, when he claimed that Iran’s leaders “are strategic,” rational people who “respond to costs and benefits” and “to incentives.”

U.S. allies needed to learn “to share the neighborhood” with Iran, he said in another interview. Their hostility was preventing Washington from gaining access to the more pragmatic dimensions of the Iranian government’s character. Israel, Turkey, and Saudi Arabia nurture paranoid fears, outsize ambitions, and grubby sectarian agendas that draw them into shadow wars with Iran. Out of excessive loyalty to its allies, America has allowed itself to be dragged into supporting their wars, needlessly embittering U.S.-Iranian relations while simultaneously exacerbating local conflicts.

According to the Realignment doctrine, America will help its allies protect their sovereign territory from Iranian or Iranian-backed attacks, but not compete with Iran beyond their borders. In the contested spaces of Syria, Yemen, and Iraq, the United States will force others to respect Iran’s “equities,” a term Obama once used to describe Iran’s positions of power. Thus, in practical terms, America will use its influence to elevate the interests of Iran over those of U.S. allies in key areas of the Middle East.

At home, this policy is controversial, to say the least, and necessitates the development of tactics to camouflage the tilt toward Tehran. The presentation of the JCPOA as a narrow arms control agreement is the most important of these tactics, but two others are particularly noteworthy.

The first is the bear hug: a squeeze that can be presented to the outside world as a gesture of love, but which immobilizes its recipient. The Obama administration perfected the move on Israel during JCPOA negotiations. American officials routinely bragged that they had raised military-to-military relations between the United States and Israel to glorious new heights. To be fair, the claim is not entirely baseless, thanks to joint projects such as the Iron Dome missile defense system, which allows Israel to protect its territory from Iranian-sponsored rocket attacks. But if Iron Dome was the seemingly loving aspect of the bear hug, the immobilizing part was the strong discouragement of Israeli military and intelligence operations against Iran’s nuclear program and its regional military network. Obama made both seem less necessary by continually pointing to Iron Dome, which became a U.S. device for forcing Israel into a more passive posture in the face of Iran’s rising power and continued aggression.

The bear hug is also a tool for gaslighting critics who accurately claim that the Realignment guts the policy of containment. The ongoing provision of American security assistance to allies allows the administration to plausibly claim that containment is alive and well—that the United States is indeed “pushing back” against Iran’s “destabilizing activities,” and that far from discarding its old allies, it is committed to their welfare.

The second tactic is the values feint. When Washington tilts toward Iran, it disguises its true motivations with pronouncements of high-minded humanitarianism—ceasing to be a superpower and instead becoming a Florence Nightingale among the nations, decrying human suffering and repeating mantras like “There is no military solution to this conflict.” The values feint exhorts allies, in public, not to retreat before Iran but to engage in the “three D’s”: diplomacy, dialogue, and de-escalation. This trio, first deployed by Obama in Syria, now routinely rolls off the tongues of Biden officials who, in keeping with a plan presented in Sullivan’s Foreign Affairs article, are busy encouraging America’s allies to sit down and negotiate with the Iranians.

“We support any Iranian dialogue with international, regional, or Arab powers,” Hassan Nasrallah said last week. “We consider it as helpful to calming tension in the region.” The leader of Lebanon’s Hezbollah, the most lethal Iranian-backed militia in the Arab world, strongly approves of the Sullivan plan. And why wouldn’t he? The three D’s transform Iran and its proxies into America’s partners in “peace” diplomacy, and those seeking to contain them into bloodthirsty enemies of peace.

Now that we can see past the cute tricks that hide the Realignment’s true goals, we can state its four strategic imperatives in plain English: First, allow Tehran an unfettered nuclear weapons program by 2031; second, end the sanctions on the Iranian economic and financial system; third, implement a policy of accommodation of Iran and its tentacles in Iraq, Syria, Yemen, and Lebanon; and fourth, force that policy on America’s closest allies. If the United States follows those commandments, then a kind of natural regional balance will fall into place. The United States, so the thinking goes, will then finally remove itself from the war footing that traditional allies, with their anti-Iran agenda, have forced on it. Thereafter, diplomatic engagement with Iran will be the primary tool needed to maintain regional stability. (If you doubt us on this, give Malley’s and Sullivan’s Foreign Affairs articles a closer read.)

The Realignment rests on, to put it mildly, a hollow theory. It misstates the nature of the Islamic Republic and the scope of its ambitions. A regime that has led “Death to America” chants for the last 40 years is an inveterately revisionist regime. The Islamic Republic sees itself as a global power, the leader of the Muslim world, and it covets hegemony over the Persian Gulf—indeed, the entire Middle East. But the only instrument it has ever had to achieve its objectives is regional subversion.

Ayatollah Khamenei, the head of this colossal project, is a lord of chaos. After oil, the Islamic Republic’s major export item is the IRGC-commanded terrorist militia—the only export that Iran consistently produces at a peerless level. Malley and Sullivan got it exactly wrong when they argued, in effect, that allies are suckering the United States into conflict with Iran. It is not the allies but the Islamic Republic that is blanketing the Arab world with terrorist militias, arming them with precision-guided weapons, and styling the alliance it leads as “the Resistance Axis.” It does so for one simple reason: It is out to destroy the American order in the Middle East.

Iran’s militia network and nuclear program have made it strong enough to be a major factor in every troubled corner of the Middle East, but not strong enough to build an alternative order. Herein lies a curious contradiction in Khamenei’s project. Iran cannot actually hold or stabilize contested areas without a helpful American posture.

Iran is strong enough to be a major factor in every troubled corner of the Middle East, but not strong enough to build an alternative order.

This same contradiction bedevils the Realignment, whose architects think that partnership with Iran is the ticket to ending American military interventions in the Middle East. But the experiences of both Iraq and Syria proved the fallacy of this vision. On Obama’s watch, when the U.S. withdrew its troops from Iraq, Iran’s influence increased exponentially. And what happened? Iran-backed militias sprouted like weeds across the landscape. The ensuing chaos created the vacuum which the Islamic State filled, forcing Obama to re-intervene militarily—but now with the American military serving, in effect, as the air force of Iran’s militias. Obama didn’t end military interventions; he just switched sides.

An analogous process took place in Syria. In order to save the Assad regime, Iran needed not just the intervention of the Russian military to shore up its position against the Syrian opposition forces, but the assistance of the United States. Obama kept both Turkey and Israel at bay while the Russians, Iranians, and Iran’s militias slaughtered over 500,000 people and uprooted 10 million more from their homes.

Obama and his staffers, who are now Biden’s staffers, already tested the potential of Realignment. It brought only suffering and death, not to mention a general weakening of the American position.

Domestic politics partially explains the hold that this empty theory exercises over otherwise bright minds. The Realignment was the signature initiative of Barack Obama, who remains either the most powerful man in Democratic politics or a very close second. By winning the presidency, Biden is the leader of the party today, but he owes much of his personal popularity as well as his victory itself to his former boss.

The organizational chart of the State Department says that Malley reports to the secretary of state. What the chart does not reveal is that Malley, as the keeper of Obama’s Iran flame, reports to Blinken, in effect, through Obama. As for Sullivan, he reports to Biden directly, but his ability to deviate from Obama’s agenda is limited by a simple fact of life. As Sullivan himself observed in a December interview, “We’ve reached a point where foreign policy is domestic policy, and domestic policy is foreign policy.”

Biden won the electoral college by only 45,000 votes spread over three states—a razor thin margin. He still desperately needs the support of Obama, who alone can bridge the Democratic Party’s progressive and Clintonian wings. Moreover, if power is the ability to convince people that their success in the future requires keeping you happy in the present, then Obama has a lot of direct power over Sullivan. If Sullivan aspires to one day serve as secretary of state or secretary of defense, he knows that Obama will remain a power broker in Democratic politics long after Biden has left the scene.

The political heft of the Realignment derives not just from Obama’s personal support but also from the support of progressives whose cosmology it affirms. It equates a policy of containing Iran with a path to endless war, and transforms a policy of accommodating Iran into the path to peace. It reduces the complexities of the Middle East to a Manichean morality tale that pits the progressives against their mythological foes—Evangelical Christians, “neoconservatives,” and Zionists. The Realignment depicts these foes as co-conspirators with Saudi Crown Prince Mohammed bin Salman and Israeli Prime Minister Benjamin Netanyahu, plotting to keep America mired in the Middle East.

The role that the Realignment casts for Israel bears close scrutiny. Jake Sullivan’s Foreign Affairs article called for preventing U.S. allies from holding American policy “hostage to maximalist regional demands” regarding the JCPOA. Yet Sullivan all but abstained from mentioning Israel, the country that has been most vocal and effective at making such demands. This omission is, of course, no accident.

Contemporary progressivism is, shall we say, less than enthusiastic about Zionism. One of its cherished goals is to reduce American support for Israel, and the Realignment helps it realize that ambition—but it does so slyly. It refrains from making its anti-Zionism explicit for fear of stirring up opposition to the project among the largely pro-Israel American people. But by upgrading relations with Iran, the Realignment perforce downgrades the Jewish state.

How Israel responds to this downgrading will depend on how its prolonged domestic crisis, marked by four national elections in two years’ time, finally gets resolved. Netanyahu haters in the Biden administration will be sure to delight if he is toppled from power and succeeded by someone with less foreign policy experience, such as Yair Lapid, the chairman of the Yesh Atid party. The White House believes that a post-Netanyahu Israel will work to accommodate its main demands. If, however, Netanyahu remains in power (or if he is succeeded by someone with a similar disposition on Iran), then the Israelis will not readily accept the diminished role assigned to them by the Realignment.

As Biden moves swiftly to put Netanyahu (or a like-minded successor) in a bear hug, the Israeli prime minister will bend, twist, squirm, and occasionally throw a sharp elbow and kick a shin. Both Biden and Netanyahu, each for his own domestic reasons, will deny the depth of the conflict. Broad smiles, professions of friendship, and much fancy footwork, all produced for the benefit of the cameras, will turn this wrestling match into a contorted tango.

Their dance will move through five flashpoints—the five irresolvable tensions between Jerusalem and Washington that the Realignment creates. The first is, of course, the JCPOA. The Israelis, for their part, will try to prevent the quarrel from poisoning cooperation in general, but will not refrain from exposing the defects of the deal to the world, and especially to Congress. The JCPOA breathes an air of distrust into U.S.-Israel relations, which will thicken as Israel continues to conduct covert actions inside Iran. The Biden team’s response, as we have already seen, will be to urge restraint on Jerusalem, thus generating the second flashpoint.

The primary goal of Israeli covert operations has historically been to sabotage Iran’s nuclear program, but more recently, they have also served as a means to publicize the flaws of the JCPOA and to expose Iranian cheating. The covert Israeli campaign now also serves as propaganda by action, showcasing opposition to Biden’s Realignment. The recent sabotage of the Natanz nuclear facility’s power station, a case in point, coincided not just with the negotiations in Vienna over the JCPOA, but also with the visit of Secretary of Defense Lloyd Austin to Jerusalem. The operation embarrassed Washington, not least by refuting its contention that the only way to prevent war is to legitimize Iran’s nuclear program. If diminutive Israel can sabotage Iran’s most secure facilities on its own without sparking a war, how much more could it accomplish with the active assistance of the United States?

For its part, the Biden administration responded to the embarrassment by issuing a private rebuke to Jerusalem, while calling for more coordination and an agreed policy of “no surprises.” A similar dynamic is playing out over the third flashpoint—namely, the clash between Washington and Jerusalem over Israeli attacks on Iranian military targets in Syria and elsewhere in the region. A meeting in April between Sullivan and his Israeli counterpart, Meir Ben-Shabbat, established “an interagency working group” to focus on the threat of Iranian-produced precision-guided missiles, which Tehran provides to its regional assets. The White House will spin the working group as a united effort to “push back” on Iran, but it is actually a tool for monitoring and restraining Israel.

As the pressure from Washington to support the three D’s mounts, Jerusalem will search for partners who can assist it, both in containing Iran and in persuading the United States to abandon the Realignment. Impediments to effective coordination between Riyadh and Jerusalem abound, but the Saudis remain the most likely candidate, as there is still a chance that shared circumstances will force closer coordination between the two. But the Biden team will monitor relations between Riyadh and Jerusalem and interdict when necessary—thus creating the fourth flash point.

It was, once again, the Obama administration that fashioned the template for such interdiction. In 2012, when Washington grew fearful that Israel might launch an attack on Iran’s nuclear facilities, four senior U.S. diplomats and military intelligence officials briefed Foreign Policy on alleged cooperation between Azerbaijan and Israel in preparation for the attack. “The Israelis have bought an airfield,” one anonymous official said, “and the airfield is called Azerbaijan.” Officials in Baku categorically denied the report, which indeed was likely bogus. But the point was to intimidate Jerusalem and any of its potential anti-Iran partners, not to put out truthful information.

The final flashpoint will be the Palestinian question. As tensions with Jerusalem rise over Iran, the administration will execute its values feint, criticizing Israel for choosing the path of “war.” But it will be over the Palestinian issue that the Biden team will deliver the harshest public scolding. The issue helps camouflage American rage over Israel’s independent Iran policy, presenting it instead as a righteous fight over “values.”

The administration wasted no time in reviving this values conflict. On April 7, Blinken resumed U.S. funding for the Palestinian leadership that the Trump administration had cut, including for the controversial United Nations Relief and Works Agency, saying it “aligns with the values and interests of our allies” (as defined solely by the Biden administration, he neglected to add). Gilad Erdan, Israel’s ambassador to the United States and the United Nations, quickly clarified that “Israel is strongly opposed to the anti-Israel and antisemitic activity happening in UNRWA’s facilities.”

Elevating the Palestinian question to the top of U.S.-Israel relations will further reduce the chance of a bilateral Saudi-Israeli breakthrough. Any efforts to advance the Abraham Accords, or to thwart the White House’s Iran policy, will be met with rebukes that Israel is trying to detract from justice for the Palestinians. The launch of another round of Israeli-Palestinian negotiations might be one way for the Biden team to lend plausibility to this claim. Given the failure of previous rounds, however, Biden may instead choose to launch talks with Israelis and Palestinians about how to preserve the two-state solution in the absence of a peace process. From any such talks, demands on Israel to take impossible actions will flow like a gusher, allowing Washington to pose as the champion of Palestinian rights against the recalcitrant Israelis.

With the stage thus set, an echo chamber of “independent” voices in the media will deliver a harsh reproach to Israel, which the Biden team will have scripted but will prefer not to deliver directly. “The United States needs to tell Israeli leaders to cease provocative settlement construction and … oppressive security practices,” wrote Obama’s CIA director, John Brennan, in The New York Times on April 27. This was an early warning. As the tensions between Jerusalem and Washington mount, voices shriller than Brennan’s will decry the Israelis as corrupt and cruel warmongers, sabotaging not just peace diplomacy, but also mom and apple pie.

For the pro-Israel community, the Realignment represents both an intellectual and political challenge. Intellectually, it forces a rethinking of what constitutes a pro-Israel policy. Traditionally, a position passes this litmus test if it supports strong bilateral ties, including the provision of American military aid. But supporters of the Realignment—by guaranteeing Israel’s qualitative military edge and right to defend itself, and by verbally affirming the enduring strength of American-Israeli bonds—easily pass this test, even as they empower Iran across the Middle East and provide it with a pathway to a nuclear weapon. To give the term “pro-Israel” a definition that meets the challenge of the day requires advocating for the containment of Iran, not just the defense of Israel, and for a peace strategy that focuses on Saudi Arabia.

For Jewish Democrats especially, this definition poses a severe political challenge. Progressives and Biden surrogates will attack this definition of “pro-Israel” as the “Trumpist” version, which to them means repudiating American values, choosing war over diplomacy, whitewashing Saudi “crimes,” and helping Israeli settlers “colonize” the Palestinians.

Some supporters of the administration will not hesitate to accuse Jews of sending American men and women in uniform to die for Israel. In 2018, when the Mossad spirited the nuclear archive from Tehran, Colin Kahl, a Stanford professor and Biden’s former national security adviser, tweeted that the Israeli operation “sure has an eerie pre-2003 Iraq vibe to it.” In other words, the Israeli intelligence operation, a heroic feat straight out of a Hollywood movie, was a Jewish plot to sucker America into a war for Israel. Kahl is now Joe Biden’s undersecretary of defense for policy, the third most powerful person in the Pentagon. During his Senate confirmation process, Kahl’s supporters defended him against the accusation that he harbored an anti-Israel bias by noting that, under Obama, he helped advance American-Israeli cooperation on Iron Dome.

As the pro-Israel community debates what constitutes sensible policy, its right and left wings are gearing up for a fight. Enter: Sullivan and Blinken. They move between the bickering factions, holding up their arms in a plea for calm. The duo have exactly what it takes to forge a third way between Trump’s “maximum pressure” and Obama’s Realignment—a Clintonian way that will square the circle, thread the needle, and ride two horses at once. Don’t brawl with each other, they say. Don’t split your community. Rest assured, we have your back. We have no illusions about Iran. Our commitment to Israel’s security remains unyielding.

Wouldn’t it be nice to believe all that? Unfortunately, this third way is a myth—and a dangerous one at that. It is buying time and goodwill for an administration that, as it races hell-for-leather to finish what Obama started, deserves neither.

The Realignment is just clever enough to be stupid on a grand scale. When Malley refers to Obama’s presidency as a half-finished experiment, he means, more specifically, that the United States failed to compel its Middle Eastern allies to accommodate Iran. Washington, he explained in his Foreign Affairs article, must stop “giving its partners carte blanche” and “enabling their more bellicose actions” directed at Iran and its proxies. The ally who needs its blank check revoked most urgently, Malley explains, is Saudi Arabia, and the arena in which to start is Yemen. Washington, he wrote bluntly, must press Riyadh “to bring the conflict to an end.”

Sullivan’s Foreign Affairs article took this idea further, developing the plan for pressing Riyadh to end the war in Yemen. The United States, he explained, should tell the Saudis in no uncertain terms that a failure to end the intervention would put at risk the American security guarantee for Saudi Arabia. According to Sullivan, Washington must “insist on serious, good-faith Saudi diplomatic efforts to end the Yemen war and de-escalate with Iran as part of the terms under which it maintains a complement of U.S. troops deployed in Saudi Arabia.” To sustain this “de-escalation,” the U.S. must then press Riyadh to enter into “dialogue” with Tehran.

Clearly, the plan to give a rib-cracking bear hug to Saudi Arabia was in place long before the election of Biden. Once the new team took office, it lost no time in putting on the squeeze. On Jan. 27, the administration announced a freeze on arms sales. On Feb. 4, it declared an end to support for “offensive” operations in Yemen. On Feb. 5, it expressed its intentions to remove the Houthis, Iran’s proxy in Yemen, from the terrorism list, and on Feb. 16, it made good on its promise.

Taking a leaf from Obama’s Syria playbook, the Biden administration thus recognized Yemen as a de facto Iranian sphere of interest. However, the slogan of the Houthi movement—“Allah is Great, Death to America, Death to Israel, Curse on the Jews, Victory to Islam”—does not poll well among a majority of American voters. To disguise the fact that its policies are empowering the Houthis and the Iranians, the Biden administration deployed the values feint.

The Biden administration thus recognized Yemen as a de facto Iranian sphere of interest.

The goal of the decision to lift the terrorism designation on the Houthis, Blinken explained, was to alleviate “the dire humanitarian situation in Yemen.” The administration came to the decision, he said, because it listened to the United Nations, humanitarian groups, and bipartisan members of Congress, all of whom had warned that designating the Houthis as terrorists “could have a devastating impact on Yemenis’ access to basic commodities like food and fuel.”

The Yemen values feint is a full-spectrum affair, with America not just celebrating itself as Florence Nightingale, but disparaging Saudi Arabia as a malevolent beast. On Feb. 26, the Biden administration released a declassified intelligence report on the killing of Jamal Khashoggi, the columnist whom a team of Saudi operatives killed in Istanbul in 2018. The report, which concluded that the crown prince approved the assassination, came in response to no new developments. The administration dredged up the 2-year-old file purely in order to use it as fodder in a values barrage.

The crown prince, for his part, was in no doubt about the true reason for this salvo. “We are seeking to have good relations with Iran,” he said in a major television interview at the end of April. “We aim to see a prosperous Iran. We are working with our partners in the region to overcome our differences with Iran.”

But on March 7, two weeks after the release of the Khashoggi report, the administration’s values guns fell conspicuously silent. On that day, dozens of Ethiopian migrants in a detention center in Sanaa, Yemen, protested their unbearable living conditions. Their Houthi guards corralled the protesters into a hangar, told them to say their “final prayers,” and tossed explosive grenades into the structure. “[P]eople were roasted alive,” said one of the survivors. “I had to step on their dead bodies to escape.” Nary a peep was heard in Washington about this attack, let alone about the Houthi military campaign in Yemen which redoubled thanks to America’s green light.

By rewarding Iranian aggression, the Realignment’s faux humanitarianism only brings greater suffering to the people whose afflictions it pretends to alleviate. The sanctimonious policy simply ensures that Iran will enjoy a permanent Arabian base for launching strikes against America’s most important Arab ally, Saudi Arabia.

The tilt toward Iran in Yemen also has sinister implications for America’s rivalry with its greatest competitor in the world today. China and Iran recently signed a 25-year “strategic partnership” that funnels hundreds of millions of dollars into Iran, helping Tehran expand its nuclear power program, modernize its ports, and develop its energy sector. The deal also includes greater cooperation on defense and the transfer of Chinese military technology. Meanwhile, Beijing is upgrading its naval base in Djibouti, building a dock that can accommodate aircraft carriers 20 miles from Yemen across the Bab-el-Mandeb Strait, which controls the approaches to the Suez Canal from the Indian Ocean. With each passing day, the prospect of a Chinese-Iranian alliance capable of dominating the strait increases.

The expansion of Tehran’s strategic cooperation with Beijing immediately after the election of Biden mirrors the cooperation with Moscow that followed the completion of the JCPOA in 2015. Iran’s growing international partnerships, themselves a product of the Realignment, only strengthen Tehran’s resolve to destroy the American regional security system. The Islamic Republic is an unappeasable power. Khamenei will pocket every concession that America offers and then demand more—in blood.

Yet it is with supreme confidence that the supporters of Realignment present their policy. They make as if the superiority of their method has been proven—as if we can all see that their formula will take America off its war footing, and stabilize the Middle East, and protect America’s interests, and safeguard its closest allies. Not only is the claim too good to be true, but there is simply no evidentiary basis for it—zero. If any evidence did exist, the supporters of Realignment would make their argument honestly and forthrightly and stop hiding behind a high wall of cute deceptions.

The same supreme confidence also characterizes the Biden team’s attitude toward Trump’s “maximum pressure” campaign, which it derides as reckless, incoherent, and ineffective. On Trump’s watch, the Iranian economy suffered catastrophic losses. Not only did anti-regime demonstrations break out in every major Iranian city in 2019, but corresponding protests erupted in Iraq, aimed directly or indirectly at Iran’s proxies there. But Trump’s “maximum pressure” policy was much more than just the imposition of economic sanctions. It also included direct American military action, support for military action by allies, unilateral American covert operations, and support for the covert operations of allies—all of which the Realignment is bringing to an abrupt end.

Most impressive of all was the blow that Trump delivered to the IRGC, the most feared element in a regime that, increasingly, rules through fear alone. Trump ended the fiction, which had greatly benefited Iran, that its proxies were independent actors rather than direct arms of the IRGC. This policy of holding Iran directly responsible culminated in the killing of Qassem Soleimani, the head of the IRGC’s Quds Force and the second most powerful man in Iran.

Meanwhile, the Israelis (presumably) escalated their covert campaign of sabotage and intelligence collection against Iran’s nuclear program. Earlier in Trump’s presidency, they damaged dozens of sensitive Iranian facilities and captured its nuclear archive. In a dramatic operation, they killed Mohsen Fakhrizadeh, the head of Iran’s nuclear program. To the best of our knowledge, Iran has apprehended no Israeli operatives, who apparently have the run of the entire country.

By penetrating Iran’s defenses, Israel—with the support of the Trump administration—shredded Obama’s major justification for the JCPOA by demonstrating that the United States can manage the Iran challenge, including its nuclear dimension, with a relatively light American military commitment. The networks inside Iran sabotaging the nuclear program are not American; they are Israeli. By supporting America’s ally, Trump did not get suckered into unwanted conflicts; he empowered others to do America’s work for it.

Trump followed the example of all U.S. presidents prior to Obama, who conceived of the Middle East as a rectangular table, with America and its traditional allies seated on one side, and America’s rivals, including Iran and Russia, on the other. The job of the United States, in this time-honored conception, is twofold: to mediate among the allies, who are a fractious lot, and to support them against the opposing side.

“Maximum pressure” was a form of collective security. It encouraged closer cooperation between American allies, and therefore played a major role in the Abraham Accords, the peace agreements leading to expanded cultural, economic, and military ties between Israel and Bahrain, the United Arab Emirates, Morocco, and Sudan—all of which are close to Saudi Arabia. None would have normalized relations with Israel if Riyadh had opposed the move. The next logical step in the process, and the strategic prize of the effort, was for the next U.S. president to advance the Israeli-Saudi rapprochement.

It is impossible to exaggerate the value to the United States of a full-blown Saudi-Israeli peace agreement or even of significant steps in that direction. The 9/11 attacks announced that a doctrine of radical intolerance had taken deeper root inside the Muslim world than we had realized—a doctrine that seeks to wall off Muslim societies from non-Muslim influences. The Emiratis, the lead players in the Abraham Accords, see peace with Israel as part of a multipronged effort to refute this intolerant view of Islam and Muslim history. Saudi Arabia is the most powerful Arab country and, thanks to its guardianship of Mecca and Medina, one of the most influential countries in the entire Muslim world. It has also long been the fortress of conservative Islamic jurisprudence and Quranic literalism. If the country toward which all Muslims pray five times a day, and to which some 2 million make annual pilgrimages, develops openly friendly relations with the Jewish state, the implications for relations between Muslims and non-Muslims everywhere would be profound.

Yet the Biden administration has forbidden its officials from even using the term “Abraham Accords,” which, under the influence of the Realignment, it abhors. Because the accords are politically popular, even in Democratic circles, the administration will refrain from expressing its abhorrence frankly, and will look for every opportunity to claim that it looks favorably on the normalization of relations between Saudi Arabia and Israel.

In reality, however, the Biden team has no intention to expand the Abraham Accords, whose very existence is a blot on the Democrats’ record. It refutes the dogma preached by the Obama administration that peace between Israel and the Arab world must begin with a Palestinian-Israeli agreement.

More importantly, the accords are also a threat to the Realignment itself. The Saudi-Israeli thaw resulted in part from the sense of threat they share about the rise of Iran, and the increasing unreliability of the American security guarantee. A strong partnership between Riyadh and Jerusalem would inevitably become the primary node of opposition to the Realignment from within the American alliance system. A desire to end any unsupervised discussion of expanding the Abraham Accords is probably an additional reason why the Biden administration devoted its first days in office to publicly disparaging Mohammed bin Salman and privately pressing him to kowtow to Tehran. “Do not dare assist Israel” was another implicit command that the Khashoggi values barrage delivered to Riyadh.

When Biden took office, he faced a fork in the road. On one path stood a multilateral alliance designed to contain Iran. It had a proven track record of success and plans of even better things to come, as the recent act of sabotage at Natanz demonstrated. The alliance’s leading members were beckoning Biden to work against a common foe, but also to promote greater cooperation and possibly even an official peace agreement between Saudi Arabia and Israel. On the other path stood the Islamic Republic, hated by its own people and, indeed, by most people in the Middle East. It offered nothing but the same vile message it had always espoused. Standing with it were all of the most malignant forces in the Middle East, who either look directly to Tehran for leadership or thrive on the chaos it sows.

Biden chose Iran, fracturing the U.S. alliance system and setting back the cause of peace. His choice also delivered a victory to China and Russia, who are working with Iran, each in its own way, toward America’s undoing. In a perverse effort to liberate itself from its allies, the United States is soiling its own nest.

Michael Doran is a Senior Fellow at the Hudson Institute in Washington, D.C.

Tony Badran is Tablet magazine’s Levant analyst and a research fellow at the Foundation for Defense of Democracies. He tweets @AcrossTheBay.

Voir enfin:

Why the Middle East Is More Combustible Than Ever
Robert Malley
Foreign Affairs Magazine
November/December 2019

The war that now looms largest is a war nobody apparently wants. During his presidential campaign, Donald Trump railed against the United States’ entanglement in Middle Eastern wars, and since assuming office, he has not changed his tune. Iran has no interest in a wide-ranging conflict that it knows it could not win. Israel is satisfied with calibrated operations in Iraq, Lebanon, Syria, and Gaza but fears a larger confrontation that could expose it to thousands of rockets. Saudi Arabia is determined to push back against Iran, but without confronting it militarily. Yet the conditions for an all-out war in the Middle East are riper than at any time in recent memory.

A conflict could break out in any one of a number of places for any one of a number of reasons. Consider the September 14 attack on Saudi oil facilities: it could theoretically have been perpetrated by the Houthis, a Yemeni rebel group, as part of their war with the kingdom; by Iran, as a response to debilitating U.S. sanctions; or by an Iranian-backed Shiite militia in Iraq. If Washington decided to take military action against Tehran, this could in turn prompt Iranian retaliation against the United States’ Gulf allies, an attack by Hezbollah on Israel, or a Shiite militia operation against U.S. personnel in Iraq. Likewise, Israeli operations against Iranian allies anywhere in the Middle East could trigger a regionwide chain reaction. Because any development anywhere in the region can have ripple effects everywhere, narrowly containing a crisis is fast becoming an exercise in futility.

When it comes to the Middle East, Tip O’Neill, the storied Democratic politician, had it backward: all politics—especially local politics—is international. In Yemen, a war pitting the Houthis, until not long ago a relatively unexceptional rebel group, against a debilitated central government in the region’s poorest nation, one whose prior internal conflicts barely caught the world’s notice, has become a focal point for the Iranian-Saudi rivalry. It has also become a possible trigger for deeper U.S. military involvement. The Syrian regime’s repression of a popular uprising, far more brutal than prior crackdowns but hardly the first in the region’s or even Syria’s modern history, morphed into an international confrontation drawing in a dozen countries. It has resulted in the largest number of Russians ever killed by the United States and has thrust both Russia and Turkey and Iran and Israel to the brink of war. Internal strife in Libya sucked in not just Egypt, Qatar, Saudi Arabia, Turkey, and the United Arab Emirates (UAE) but also Russia and the United States.

There is a principal explanation for such risks. The Middle East has become the world’s most polarized region and, paradoxically, its most integrated. That combination—along with weak state structures, powerful nonstate actors, and multiple transitions occurring almost simultaneously—also makes the Middle East the world’s most volatile region. It further means that as long as its regional posture remains as it is, the United States will be just one poorly timed or dangerously aimed Houthi drone strike, or one particularly effective Israeli operation against a Shiite militia, away from its next costly regional entanglement. Ultimately, the question is not chiefly whether the United States should disengage from the region. It is how it should choose to engage: diplomatically or militarily, by exacerbating divides or mitigating them, and by aligning

ACT LOCALLY, THINK REGIONALLY

The story of the contemporary Middle East is one of a succession of rifts, each new one sitting atop its precursors, some taking momentary precedence over others, none ever truly or fully resolved. Today, the three most important rifts—between Israel and its foes, between Iran and Saudi Arabia, and between competing Sunni blocs—intersect in dangerous and potentially explosive ways.

Israel’s current adversaries are chiefly represented by the so-called axis of resistance: Iran, Hezbollah, Hamas, and, although presently otherwise occupied, Syria. The struggle is playing out in the traditional arenas of the West Bank and Gaza but also in Syria, where Israel routinely strikes Iranian forces and Iranian-affiliated groups; in cyberspace; in Lebanon, where Israel faces the heavily armed, Iranian-backed Hezbollah; and even in Iraq, where Israel has reportedly begun to target Iranian allies. The absence of most Arab states from this frontline makes it less prominent but no less dangerous.

For those Arab states, the Israeli-Palestinian conflict has been nudged to the sidelines by the two other battles. Saudi Arabia prioritizes its rivalry with Iran. Both countries exploit the Shiite-Sunni rift to mobilize their respective constituencies but are in reality moved by power politics, a tug of war for regional influence unfolding in Iraq, Lebanon, Syria, Yemen, and the Gulf states.

Finally, there is the Sunni-Sunni rift, with Egypt, Saudi Arabia, and the UAE vying with Qatar and Turkey. As Hussein Agha and I wrote in The New Yorker in March, this is the more momentous, if least covered, of the divides, with both supremacy over the Sunni world and the role of political Islam at stake. Whether in Egypt, Libya, Syria, Tunisia, or as far afield as Sudan, this competition will largely define the region’s future.

Together with the region’s polarization is a lack of effective communication, which makes things ever more perilous. There is no meaningful channel between Iran and Israel, no official one between Iran and Saudi Arabia, and little real diplomacy beyond rhetorical jousting between the rival Sunni blocs.

With these fault lines intersecting in complex ways, various groupings at times join forces and at other times compete. When it came to seeking to topple Syrian President Bashar al-Assad, Saudi Arabia and the UAE were on the same side as Qatar and Turkey, backing Syrian rebels—albeit different ones, reflecting their divergent views on the Islamists’ proper role. But those states took opposite stances on Egypt, with Doha and Ankara investing heavily to shore up a Muslim Brotherhood–led government that Riyadh and Abu Dhabi were trying to help bring down (the government fell in 2013, to be replaced by the authoritarian rule of Abdel Fattah el-Sisi). Qatar and Turkey fear Iran but fear Saudi Arabia even more. Hamas stands with Syria in opposition to Israel but stood with the Syrian opposition and other Islamists against Assad. The geometry of the Middle East’s internal schisms may fluctuate, yet one struggles to think of another region whose dynamics are as thoroughly defined by a discrete number of identifiable and all-encompassing fault lines.

One also struggles to think of a region that is as integrated, which is the second source of its precarious status. This may strike many as odd. Economically, it ranks among the least integrated areas of the world; institutionally, the Arab League is less coherent than the European Union, less effective than the African Union, and more dysfunctional than the Organization of American States. Nor is there any regional entity to which Arab countries and the three most active non-Arab players (Iran, Israel, and Turkey) belong.

Yet in so many other ways, the Middle East functions as a unified space. Ideologies and movements spread across borders: in times past, Arabism and Nasserism; today, political Islam and jihadism. The Muslim Brotherhood has active branches in Egypt, Iraq, Jordan, the Palestinian territories, Syria, Turkey, the Gulf states, and North Africa. Jihadi movements such as al Qaeda and the Islamic State, or ISIS, espouse a transnational agenda that rejects the nation-state and national boundaries altogether. Iran’s Shiite coreligionists are present in varying numbers in the Levant and the Gulf, often organized as armed militias that look to Tehran for inspiration or support. Saudi Arabia has sought to export Wahhabism, a puritanical strain of Islam, and funds politicians and movements across the region. Media outlets backed by one side or another of the Sunni-Sunni rift—Qatar’s Al Jazeera, Saudi Arabia’s Al Arabiya—have regional reach. The Palestinian cause, damaged as it may now seem, still resonates across the region and can mobilize its citizens in a way that arguably has no equivalent worldwide. Even subnational movements, such as Kurdish nationalism, which spreads across four countries, promote transnational objectives.

Accordingly, local struggles quickly take on regional significance—and thus attract weapons, money, and political support from the outside. The Houthis may view their fight as being primarily about Yemen, Hezbollah may be focused on power and politics in Lebanon, Hamas may be a Palestinian movement advancing a Palestinian cause, and Syria’s various opposition groups may be pursuing national goals. But in a region that is both polarized and integrated, those local drivers inevitably become subsumed by larger forces.

The fate of the Arab uprisings that began in late 2010 illustrates the dynamic well, with Tunisia, where it all began, being the lone exception. The toppling of the regime there happened too swiftly, too unexpectedly, and in a country that was too much on the margins of regional politics for other states to react in time. But they soon found their bearings. Every subsequent rebellion almost instantaneously became a regional and then international affair. In Egypt, the Muslim Brotherhood’s fortunes and the future of political Islam were at stake, and so Qatar, Saudi Arabia, Turkey, and the UAE dove in. The same was true in Libya, where Egypt, once Sisi had prevailed and the Brotherhood had been pushed out, joined the fray. Likewise for Syria, where the civil war drew in all three regional battles: Israel’s confrontation with the “axis of resistance,” the Iranian-Saudi struggle, and the intra-Sunni competition. A similar scenario has played out in Yemen, too.

STATES OF CHAOS

Along with the Middle East’s polarization and integration, its dysfunctional state structures present another risk factor. Some states are more akin to nonstate actors: the central governments in Libya, Syria, and Yemen lack control over large swaths of their territories and populations. Conversely, several nonstate actors operate as virtual states, including Hamas, the Houthis, the Kurds, and the Islamic State before it was toppled. And these nonstate actors often must contend with nonstate spoilers of their own: in Gaza, Hamas vies with jihadi groups that sometimes behave in ways that undermine its rule or contradict its goals. Even in more functional states, it is not always clear where the ultimate policymaking authority lies. Shiite militias in Iraq and Hezbollah in Lebanon, for example, engage in activities that their titular sovereigns don’t control, let alone condone.

Weak states cohabiting with powerful nonstate actors creates the ideal circumstances for external interference. It’s a two-way street—foreign states exploit armed groups to advance their interests, and armed groups turn to foreign states to promote their own causes—that is all too open to misinterpretation. Iran almost certainly helps the Houthis and Iraqi Shiite militias, but does it control them? The People’s Protection Units, a movement of Kurdish fighters in Syria, are affiliated with the Kurdistan Workers’ Party in Turkey, but do they follow its command?

The fact that nonstate actors operate as both proxies and independent players makes it hard to establish accountability for violence or deter it in the first place. Iran might wrongly assume that it will not be held responsible for a Houthi drone attack on Saudi Arabia, a Palestinian Islamic Jihad attack on Israel, or an Iraqi Shiite militia strike on a U.S. target. Saudi Arabia might misguidedly blame Iran for every Houthi attack, just as Iran might blame Saudi Arabia for any violent incident on its soil perpetrated by internal dissident groups. The United States might be convinced that every Shiite militia is an Iranian proxy doing Tehran’s bidding. Israel might deem Hamas accountable for every attack emanating from Gaza, Iran for every attack emanating from Syria, the Lebanese state for every attack launched by Hezbollah. In each of these instances, the price of misattribution could be high.

This is no mere thought exercise: After the attack on Saudi oil facilities in September, the Houthis immediately claimed responsibility, possibly in the hope of enhancing their stature. Iran, likely seeking to avoid U.S. retaliation, denied any involvement. Who conducted the operation and who—if anyone—is punished could have wide-ranging implications.

Even in seemingly well-structured states, the locus of decision-making has become opaque. In Iran, the government and the Islamic Revolutionary Guard Corps, the branch of the military that answers directly to the country’s supreme leader, at times seem to go their separate ways. Whether this reflects a conscious division of labor or an actual tug of war is a matter of debate, as is the question of who exactly pulls the strings.

THREAT MULTIPLIERS

A series of global, regional, and local transitions has made these dynamics even more uncertain. The global transitions include a newly present China, a resurgent Russia, and a United States in relative decline. There are also the aftershocks of the recent Arab uprisings, notably the dismantling of the regional order and the propagation of failed states. These are exacerbated by domestic political changes: a new, unusually assertive leadership in Saudi Arabia and a new, unusual leadership in the United States. All these developments fuel the sense of a region in which everything is up for grabs and in which opportunities not grabbed quickly will be lost for good.

The United States’ key regional allies are simultaneously worried about the country’s staying power, heartened by the policies of the Trump administration, and anxious about them. The president made it a priority to repair relations with Egypt, Israel, Saudi Arabia, and the UAE, all of which had frayed under his predecessor. But Trump’s reluctance to use force has been equally clear, as has his willingness to betray long-standing allies in other parts of the world.

That combination of encouragement and concern helps explain, for example, Saudi Arabia’s uncharacteristic risk-taking under the leadership of Saudi Crown Prince Mohammed bin Salman, or MBS: its continuing war in Yemen, its blockade of Qatar, its kidnapping of the Lebanese prime minister, its killing of the dissident Jamal Khashoggi. MBS perceives the current alignment with Washington as a fleeting opportunity—because Trump might not win reelection, because he is capable of an abrupt policy swing that could see him reach a deal with Iran, and because the United States has a long-standing desire to extricate itself from Middle Eastern entanglements. The feeling in Israel is similar. The United States’ partners in the region are both seeking to take advantage of Trump’s tenure and hedging against one of his sudden pivots and the possibility of a one-term presidency, an attitude that makes the situation even more fluid and unpredictable.

Meanwhile, growing Chinese and Russian influence have given Iran some encouragement, but hardly real confidence. In the event of an escalation of tensions between Tehran and Washington, would Moscow stand with Iran or, hoping to benefit from regional disruption, stand on the sidelines? Will China ignore American threats of sanctions and buy Iranian oil or, in the wake of a potential trade deal with the United States, abide by Washington’s demands? Uncertainty about American intentions could be even more dangerous. Iran senses Trump’s distaste for war and is therefore tempted to push the envelope, pressuring Washington in the hope of securing some degree of sanctions relief. But because Tehran does not know where the line is, it runs the risk of going too far and paying the price.

TWO CAUTIONARY TALES

To understand how these dynamics could interact in the future, it is instructive to look at how similar dynamics have interacted in the recent past, in Syria. Saudi Arabia and others seized on a homegrown effort to topple the Assad regime as an opportunity to change the regional balance of power. They banked on the opposition prevailing and thereby ending Damascus’ longtime alliance with Tehran. Iran and Hezbollah, fearful of that outcome, poured resources into the fight on the regime’s behalf, at huge human cost. Israel also stepped in, seeking to roll back Iran’s growing presence at its borders. Qatar and Turkey backed one set of Islamist-leaning rebel groups, and Saudi Arabia and its allies backed others. Russia—concerned about a shift in Syria’s orientation and sensing American hesitation—saw a chance to reassert itself in the Middle East and also intervened, placing it directly at odds with the United States and, for a time, Turkey. And Turkey, alarmed at the prospect of U.S.-backed Kurdish forces enjoying a safe haven in northern Syria, intervened directly while also supporting Syrian Arab opposition groups that it hoped would fight the Kurds.

With Syria an arena for regional tensions, clashes there, even inadvertent ones, risk becoming flash points for larger confrontations. Turkey shot down one Russian fighter jet (Moscow blamed Israel for the downing of another), and U.S. forces killed hundreds of members of a private Russian paramilitary group in eastern Syria. Turkey has attacked U.S.-backed Kurds, raising the prospect of a U.S.-Turkish military collision. And Israel has struck Iranian or Iranian-linked targets in Syria hundreds of times.

Syria also illustrates why it is so difficult for the United States to circumscribe its involvement in Middle Eastern conflicts. During the Obama administration, Washington backed rebel groups fighting both the Assad regime and ISIS but claimed not to be pursuing regime change (despite supporting forces that wanted exactly that), not to be seeking a regional rebalance (despite the clear impact Assad’s downfall would have on Iran’s influence), not to be boosting Turkey’s foes (despite supporting a Kurdish movement affiliated with Turkey’s mortal enemy), and not to be seeking to weaken Russia (despite Moscow’s affinity for Assad). But the United States could not, of course, back rebel groups while distancing itself from their objectives, or claim purely local aims while everyone else involved saw the Syrian conflict in a broader context. Washington became a central player in a regional and international game that it purportedly wanted nothing to do with.

A similar scene has played out in Yemen. Since 2004, the north of the country had been the arena of recurring armed conflict between the Houthis and the central government. Government officials early on pointed to supposed Iranian financial and military aid to the rebels, just as Houthi leaders claimed Saudi interference. After the Houthis seized the capital and marched southward in 2014–15, Saudi Arabia—dreading the prospect of an Iranian-backed militia controlling its southern neighbor—responded. Its reaction was magnified by the rise of MBS, who was distrustful of the United States, determined to show Iran the days of old were over, and intent on making his mark at home. Faced with intense pushback, the Houthis increasingly turned to Iran for military assistance, and Iran, seeing a low-cost opportunity to enhance its influence and bog down Saudi Arabia, obliged. Washington, still in the midst of negotiations over a nuclear deal with Tehran, which Riyadh vehemently opposed, felt it could not afford to add another crisis to the brittle relations with its Gulf ally.

Despite its misgivings about the war, Washington thus threw its weight behind the Saudi-led coalition, sharing intelligence, providing weapons, and offering diplomatic support. As in Syria, the Obama administration looked to limit U.S. aims. It would help defend Saudi territorial integrity but not join Riyadh’s anti-Houthi fight or get sucked into an Iranian-Saudi battle. As in Syria, this effort largely was in vain. The United States could not cherry-pick one part of the war: if it was with Saudi Arabia, that meant it was against the Houthis, which meant it would be against Iran.

WASHINGTON ADRIFT

President Barack Obama’s largely fruitless attempt to confine U.S. involvement in the region reveals something about the unavoidable linkages that bind various Middle Eastern conflicts together. It also reveals something about the choices now facing the United States. Obama (in whose administration I served) had in mind the United States’ extrication from what he considered the broader Middle Eastern quagmire. He withdrew U.S. troops from Iraq, tried to resolve the Israeli-Palestinian conflict, expressed sympathy for Arab popular uprisings and for a time distanced himself from autocratic leaders, shunned direct military intervention in Syria, and pursued a deal with Iran to prevent its nuclear program from becoming a trigger for war. Libya doesn’t fit this pattern, although even there he apparently labored under the belief that the 2011 NATO-led intervention could be tightly limited; that this assumption proved wrong only reinforced his initial desire to keep his distance from regional conflicts. His ultimate goal was to help the region find a more stable balance of power that would make it less dependent on direct U.S. interference or protection. Much to the Saudis’ consternation, he spoke of Tehran and Riyadh needing to find a way to “share” the region.

But Obama was a gradualist; he was persuaded that the United States could neither abruptly nor radically shift gears and imperil regional relationships that had been decades in the making. As he once put it to some of us working in the White House, conducting U.S. policy was akin to steering a large vessel: a course correction of a few degrees might not seem like much in the moment, but over time, the destination would differ drastically. What he did, he did in moderation. Thus, while seeking to persuade Riyadh to open channels with Tehran, he did so gently, carefully balancing continuity and change in the United States’ Middle East policy. And although he wanted to avoid military entanglements, his presidency nonetheless was marked by several costly interventions: both direct, as in Libya, and indirect, as in Syria and Yemen.

In a sense, his administration was an experiment that got suspended halfway through. At least when it came to his approach to the Middle East, Obama’s presidency was premised on the belief that someone else would pick up where he left off. It was premised on his being succeeded by someone like him, maybe a Hillary Clinton, but certainly not a Donald Trump.

Trump has opted for a very different course (perhaps driven in part by a simple desire to do the opposite of what his predecessor did). Instead of striving for some kind of balance, Trump has tilted entirely to one side: doubling down on support for Israel; wholly aligning himself with MBS, Sisi, and other leaders who felt spurned by Obama; withdrawing from the Iran nuclear deal and zealously joining up with the region’s anti-Iranian axis. Indeed, seeking to weaken Iran, Washington has chosen to confront it on all fronts across much of the region: in the nuclear and economic realms; in Syria, where U.S. officials have explicitly tied the continued U.S. presence to countering Iran; in Iraq, where the United States wants a fragile government that is now dependent on close ties to Tehran to cut those ties; in Yemen, where the administration, flouting Congress’ will, has increased support for the Saudi-led coalition; and in Lebanon, where it has added to sanctions on Hezbollah.

Iran has also chosen to treat the region as its canvas. Besides chipping away at its own compliance with the nuclear deal, it has seized tankers in the Gulf; shot down a U.S. drone; and, if U.S. claims are to be believed, used Shiite militias to threaten Americans in Iraq, attacked commercial vessels in the Strait of Hormuz, and struck Saudi oil fields. In June of this year, when the drone came down and Trump contemplated military retaliation, Iran was quick to warn Qatar, Saudi Arabia, and the UAE that they would be fair game if they played any role in enabling a U.S. attack. (There is no reason to trust that the domino effect would have ended there; Iraq, Israel, Lebanon, and Syria could well have been drawn into the ensuing hostilities.) And in Yemen, the Houthis have intensified their attacks on Saudi targets, which may or may not be at Iran’s instigation—although, at a minimum, it is almost certainly not over Tehran’s objections. Houthi leaders with whom I recently spoke in Sanaa, Yemen’s capital, denied acting at Iran’s behest yet added that they would undoubtedly join forces with Iran in a war against Saudi Arabia if their own conflict with the kingdom were still ongoing. In short, the Trump administration’s policies, which Washington claimed would moderate Iran’s behavior and achieve a more stringent nuclear deal, have prompted Tehran to intensify its regional activities and ignore some of the existing nuclear deal’s restraints. This gets to the contradiction at the heart of the president’s Middle East policies: they make likelier the very military confrontation he is determined to avoid.

WHAT MATTERS NOW

A regional conflagration is far from inevitable; none of the parties wants one, and so far, all have for the most part shown the ability to calibrate their actions so as to avoid an escalation. But even finely tuned action can have unintentional, outsize repercussions given the regional dynamics. Another Iranian attack in the Gulf. An Israeli strike in Iraq or Syria that crosses an unclear Iranian redline. A Houthi missile that kills too many Saudis or an American, and a reply that, this time, aims at the assumed Iranian source. A Shiite militia that kills an American soldier in Iraq. An Iranian nuclear program that, now unshackled from the nuclear deal’s constraints, exceeds Israel’s or the United States’ unidentified tolerance level. One can readily imagine how any of these incidents could spread across boundaries, each party searching for the arena in which its comparative advantage is greatest.

With such ongoing risks, the debate about the extent to which the United States should distance itself from the region and reduce its military footprint is important but somewhat beside the point. Should any of these scenarios unfold, the United States would almost certainly find itself dragged in, whether or not it had made the strategic choice of withdrawing from the Middle East.

The more consequential question, therefore, is what kind of Middle East the United States will remain engaged in or disengaged from. A polarized region with intersecting rifts, where local disputes invariably take on broader significance, will remain at constant risk of combusting and therefore of implicating the United States in ways that will prove wasteful and debilitating. De-escalating tensions is not something the country can do on its own. Yet at a minimum, it can stop aggravating those tensions and, without abandoning or shunning them, avoid giving its partners carte blanche or enabling their more bellicose actions. That would mean ending its support for the war in Yemen and pressing its allies to bring the conflict to an end. It would mean shelving its efforts to wreck Iran’s economy, rejoining the nuclear deal, and then negotiating a more comprehensive agreement. It would mean halting its punishing campaign against the Palestinians and considering new ways to end the Israeli occupation. In the case of Iraq, it would mean no longer forcing Baghdad to pick a side between Tehran and Washington. And as far as the Iranian-Saudi rivalry is concerned, the United States could encourage the two parties to work on modest confidence-building measures—on maritime security, environmental protection, nuclear safety, and transparency around military exercises—before moving on to the more ambitious task of establishing a new, inclusive regional architecture that would begin to address both countries’ security concerns.

An administration intent on pursuing this course won’t be starting from scratch. Recently, some Gulf states—the UAE chief among them—have taken tentative steps to reach out to Iran in an effort to reduce tensions. They saw the growing risks of the regional crisis spinning out of control and recognized its potential costs. Washington should, too, before it is too late.

Voir par ailleurs:

How Many Jews Need to Be Attacked in America Before Progressives Speak Up
Seffi Kogen, Global Director of Young Leadership at the American Jewish Committee
Newsweek
5/21/21

Perhaps it’s fitting that May is Jewish American Heritage Month. After all, despite our success in America and the richness and beauty of our faith and culture, there may be no more consistent part of our heritage as Jews than to be violently attacked, viciously demeaned, and utterly disregarded as we cry out for support. In that respect, some of our fellow Americans have been doing an excellent job marking the month.

On May 10, after years of relative quiet between Israel and Gaza, the Hamas terrorists who rule that enclave exploited a long-running legal dispute in Jerusalem as a pretext to launch a barrage of rockets at Israel, unprecedented in its size. The Israel Defense Forces responded with air strikes to knock out terror targets, and one of those micro-wars that periodically spring up in this conflict ensued. As of Thursday night, May 20, a ceasefire had begun; the worst of the fighting is hopefully over.

At least, it was in Israel and Gaza. But around the world, Jews were paying the price.

At a trendy sushi place on La Cienega in Los Angeles, a group of men whose faces were wrapped in kefiyyehs hopped out of a car flying a Palestinian flag, asked the diners who was Jewish, and then proceeded to physically assault them in what L.A. mayor Eric Garcetti called « an organized, antisemitic attack. »

Another such attack took place outside a bagel place (speaking of Jewish American heritage!) in Manhattan’s Midtown East. Video shows two men, one of whom is holding an Israeli flag, get clobbered in broad daylight by a mob of at least a dozen people wielding fists, Palestinian flags, and more than a couple glass bottles.

A different video from Manhattan shows Palestinian activists attacking Jews, again in midday, in the Diamond District, this time adding some kind of incendiary device to their arsenal of weapons.

Synagogues across the country have been vandalized. Rallies in support of the Palestinian cause in Michigan, Florida, Washington, D.C., and elsewhere have turned anti-Semitic. Attendees have waved signs with messages like « Jesus was Palestinian and you killed him too » or « one Holocaust doesn’t justify another, » indiscriminately turning ancient, blood-soaked religious canards and recent Jewish trauma into verbal weapons with which to bludgeon American Jews who are not, of course, responsible for the actions of another set of Jews 5,000 miles away.

And almost as bad as the violence is the silence around it from major publications. The New York Times hasn’t deemed news of these attacks on New York Jews « fit to print, » though it did run a short story about the similarly horrific spate of attacks across Europe, including one incident in London in which a caravan of cars draped in Palestinian flags drove through a Jewish neighborhood as its passengers chanted « rape Jewish daughters. »

But surely, you might be thinking, regardless of their opinion on how Israel prosecutes its defense war against Hamas terrorists, all political leaders in the U.S. can speak up against these attacks on Jews in American cities, right?

Alas, wrong.

While anti-Zionist gangs beat up Jews in her city, Rep. Alexandria Ocasio-Cortez was providing a quasi-intellectual basis for their actions, defaming Israel as an apartheid state employing indiscriminate force in what she seems to think is a capricious quest to murder as many Palestinian children as possible, instead of a highly restrained military operation tightly targeted on terrorists.

Rep. Ocasio-Cortez didn’t call for violence, but she carved out an area of respectability for a certain type of anti-Semitism, and others were only too happy to rush in, fists flying.

It turns out, if you ignore all evidence, turn Israel into the villain in your morality play, and insist that Americans have a « responsibility » to do something about Israel, the thing that they will do is beat up American Jews, throw rocks through the windows of American synagogues, and harass Jews who try to speak up on social media.

And it’s not like Rep. Ocasio-Cortez doesn’t know that anti-Semitism is out there. In the midst of her sustained anti-Israel Twitter diatribe, she found time to retweet CNN‘s Jake Tapper objecting to a right-wing Newsmax host’s anti-Semitic comment. She’s capable of seeing anti-Semitism—but only when she wants to.

She also knows that words matter. Ocasio-Cortez has correctly expressed concern in the past that political rhetoric could endanger her and her colleagues. Unfortunately, her view that overheated demagoguery puts people at risk doesn’t extend to Jews.

This puts me in danger every time.

Almost every time this uncalled for rhetoric gets blasted by conserv. grps, we get a spike in death threats to refer to Capitol Police.

Multiple ppl have been arrested trying to harm me, Ilhan, & others.@GOP, what’s it going to take to stop? https://t.co/vpous77RbT

— Alexandria Ocasio-Cortez (@AOC) April 10, 2019

And AOC is not the only one struck blind by partisanship. Sen. Bernie Sanders published his own dangerous anti-Israel harangue in an Op-Ed which began, « No one is arguing that Israel… does not have the right to self-defense or to protect its people, » even as his own supporters were arguing just that on social media.

Comedians John Oliver and Trevor Noah made the same case into their media megaphones, arguing that Israel was wrong to attack the terrorists aiming for Israeli civilians because Israel’s Iron Dome missile defense system can prevent most (but not all) civilian deaths from Hamas rockets.

There’s more: Rep. Mark Pocan and Rep. Betty McCollum are laser-focused on spreading the contemporary blood libel that Israel indiscriminately murders children. And in the same week that the Pew Research Center found that 80 percent of Jews believe caring about Israel to be an « important » or « essential » part of being Jewish, Rep. Ilhan Omar called support for Israel « disgusting and immoral. »

I have always been vocal about calling out anti-Semitism when it comes from the political right wing. But now I’m seeing it surge on the American left and I have to ask: Where is the outrage?

Palestinian mobs attack Jews
Twitter Screenshot

People like Rep. Ocasio-Cortez and Sen. Sanders (and too many other progressive members of Congress, unfortunately) are greatly concerned about whether Israel’s response to Palestinian terror meets a standard of acceptable « proportionality. » But what are the acceptable numbers in America of Jews assaulted and synagogues vandalized? How many Jewish victims before these progressive leaders see the error of their incitement and speak up against anti-Jewish hate?

And why is it that now, every time I hear loud noises from the street outside my apartment on Manhattan’s extremely Jewish Upper West Side, I have to wonder whether there’s an anti-Semitic mob gathered below, attacking my neighbors?

Happy Jewish American Heritage Month, I guess.

Seffi Kogen is the Global Director of Young Leadership at the American Jewish Committee.

When the New York Times finally reported on the plague of nationwide street vio-lence against Jews in the spring of 2021, more than a week after the attacks began in the wake of Hamas using rockets to strike Israel, the tone it took was less one of outrage than of bewilderment. “Until the latest surge,” read a May 26 story, “anti-Semitic violence in recent years was largely considered a right-wing phenomenon, driven by a white supremacist movement emboldened by rhetoric from former President Donald J. Trump, who often trafficked in stereotypes.” This was nonsense: The most common street violence against Jews took place in New York and New Jersey, and it had nothing at all to do with Trump or “right-wing” politics. Par for the course for the Gray Lady, perhaps, but far more concerning was where the reporters seemed to be getting the misinformation. “This is why Jews feel so terrified in this moment,” Anti-Defamation League CEO Jonathan Greenblatt told the paper. “For four years it seemed to be stimulated from the political right, with devastating consequences.” At the scenes of Jew-hunting that began in May, during the war between Israel and Hamas, Greenblatt lamented, “No one is wearing MAGA hats.”

If there’s one organization whose responsibility it is to prepare not just the Jewish community but the wider United States public and its government for emerging anti-Semitic threats, it’s the ADL. Instead, the head of the ADL has been spreading a cynical left-wing myth about anti-Semitism while threats to the Jewish community fester.

And it’s even worse than it looks, because while there’s long been a willful blindness toward anti-Semitism from the left, the ADL and other partisan groups aren’t the ones experiencing this blindness. They’re the blinders.

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THE ADL TRACKS various kinds of anti-Israel extremism when Israel is at war. It issued a list during the latest flare-up with Hamas on May 20 titled “Prominent Voices Demonize Israel Regarding the Conflict.” Demonizing rhetoric, the ADL warned, can “enable an environment whereby hateful actions against Jews and supporters of Israel are accepted more freely, and where anti-Jewish tropes may be normalized.” One category the list featured was of those “Accusing Israel of ‘Attacking al-Aqsa,’” a hoary libel falsely claiming that Jews want to destroy the central Mosque in Jerusalem. It has been used to incite anti-Jewish riots for a century. What was notable here was one name missing from the list, and arguably the worst offender.

 

On May 12, Representative Alexandria Ocasio-Cortez had castigated President Joe Biden on Twitter for expressing Israel’s right to defend itself while noting what supposedly was to blame for the violence: “the expulsions of Palestinians and the attacks on Al Aqsa.” Her name and her statement were missing from the ADL’s list of slanders and slanderers. (…) A day later, on May 13, came a chilling session of the House of Representatives, with dark echoes of Jewish history. Several Democratic members of the House took turns standing next to blown-up photos of bloodied Palestinian children and gave fiery speeches denouncing Zionist perfidy—the sorts of words and charges that, since the age of the czars, have been followed by the spilling of Jewish blood. This time was no different, except it wasn’t a Russian backwater or a Munich beer hall. It was on the floor of the United States Congress. One by one, these members of Congress, Democrats all, sought to make the Jewish state the stand-in for “systems of oppression here in the United States and globally,” as Representative Ayanna Pressley of Massachusetts put it. (…) In the days and weeks that followed, even after an Israel–Hamas cease-fire was in place, Jews in America were physically attacked with abandon—diners at restaurants in Los Angeles and Manhattan, Jews on the streets of New York, families in Florida attending synagogue services. The ADL saw a 75 percent uptick in reported incidents. In one typical attack, a group of men reportedly drove around Brooklyn assaulting Jews in the open while yelling, “Free Palestine!” When called out for their silence, progressive Democratic lawmakers condemned “anti-Semitism and Islamophobia” as one, knowing that their audience would interpret any specific denunciation of anti-Semitism as a statement in support of Israel. (…) Throughout this whole affair, not a single congressional Democrat would criticize any of his colleagues by name. (…) Neither the ADL nor the JDCA uttered a peep. As usual, one exceptional voice in all this was that of the American Jewish Committee, whose young leadership director, Seffi Kogen, noted in Newsweek that “while anti-Zionist gangs beat up Jews in her city, Rep. Alexandria Ocasio-Cortez was providing a quasi-intellectual basis for their actions.” But for a large part of the organized Jewish community, the outburst of violence was met with inexcusable surprise.

 

Events in early June then gave the dwindling band of Democratic anti-Corbynistas one more bite at the apple. On June 7, Omar tweeted a summary of a question she had for Secretary of State Antony Blinken: “We must have the same level of accountability and justice for all victims of crimes against humanity. We have seen unthinkable atrocities committed by the U.S., Hamas, Israel, Afghanistan, and the Taliban. I asked @SecBlinken where people are supposed to go for justice.”

 

 

What happened in between the release of the letter and Pelosi’s public declaration of Omar’s righteousness was instructive: The Squad went nuclear. Ocasio-Cortez accused her Jewish colleagues of “targeting” Omar and putting her in “danger.” Cori Bush said her Jewish colleagues were motivated by “anti-Blackness and Islamophobia.” Jamaal Bowman, who ousted the pro-Israel stalwart Eliot Engel in a 2020 primary and who represents a New York district with a large Jewish contingent, likewise suggested that the complaints from his colleagues were due to Omar’s being a Muslim black woman. Omar herself complained of the “constant harassment and silencing” by her Jewish colleagues and the “Islamophobic tropes” they supposedly used.

 

It was an astonishingly vile and aggressive coordinated attack against the Jewish group. The ADL was silent. JDCA was silent. The Democratic Party sided with the Squad. The Jewish community had been abandoned to the rise of the dominant left-of-center ideology according to which Jews are part of a white power structure of which Israel is a prime example. (…) The New Yorker’s Helen Rosner suggested it would be a good tactic not to beat up Jews, as part of an overall strategy to undermine Israel’s legitimacy. (This after the New Yorker’s union put out a statement of solidarity with the Palestinians that included the phrase “from the river to the sea.”) Michelle Goldberg of the New York Times wrote a column with a headline so instantly infamous that the Times eventually and quietly changed it: “Attacks on Jews Over Israel Are a Gift to the Right.” Meanwhile, the comedian Sarah Silverman objected to attacks on Jews in Los Angeles not on the grounds that they were evil acts of anti-Semitic violence but rather because “WE ARE NOT ISRAEL.” For his part, Kenneth Roth, the obsessively anti-Israel executive director of Human Rights Watch, declared, “It is WRONG to equate the Jewish people with the apartheid and deadly bombardment of Prime Minister Netanyahu’s government.”

 

Throwing fellow Jews to the wolves is abominable moral behavior. Delicately excising the name and words of a chic Democratic politician from a list of anti-Semitic statements to protect her—or to protect the organization you run from her wrath—constitutes an act of complicity in the violence that ensued in whatever small measure from her remarks. And the man who was thus complicit—Jonathan Greenblatt—had the nerve to act surprised. The anti-Semitic street violence in America is “literally happening from coast to coast, and spreading like wildfire,” Greenblatt told the Times. “The sheer audacity of these attacks feels very different.”

 

It feels different because it feels so familiar. And if the American Jewish community is to survive, it must start acting like it. And we must start by cleaning our own corrupted house.

 

 

 

 

 

 

THE ADL TRACKS various kinds of anti-Israel extremism when Israel is at war. It issued a list during the latest flare-up with Hamas on May 20 titled “Prominent Voices Demonize Israel Regarding the Conflict.” Demonizing rhetoric, the ADL warned, can “enable an environment whereby hateful actions against Jews and supporters of Israel are accepted more freely, and where anti-Jewish tropes may be normalized.” One category the list featured was of those “Accusing Israel of ‘Attacking al-Aqsa,’” a hoary libel falsely claiming that Jews want to destroy the central Mosque in Jerusalem. It has been used to incite anti-Jewish riots for a century. What was notable here was one name missing from the list, and arguably the worst offender.

 

On May 12, Representative Alexandria Ocasio-Cortez had castigated President Joe Biden on Twitter for expressing Israel’s right to defend itself while noting what supposedly was to blame for the violence: “the expulsions of Palestinians and the attacks on Al Aqsa.” Her name and her statement were missing from the ADL’s list of slanders and slanderers. The Jerusalem Post’s Lahav Harkov asked Greenblatt why.

 

He answered: “We’ve been speaking out pretty regularly, calling out individuals and examples of these crazed—the things I’m talking about right now.”

 

“Any members of Congress, lately?” Harkov responded.

 

“I’ll have to go back and look,” Greenblatt said.

 

He didn’t have to go back and look. It’s likely that the omission was at his explicit direction. He came to the ADL after serving in the Obama administration. His fellow ex-Obama official, Halie Soifer, who served as a national-security adviser to Kamala Harris before she became vice president, took over the flagship Democratic Jewish organization, the Jewish Democratic Council of America. The JDCA’s executive committee is loaded up with current or former presidents and executives of such mainstream Jewish groups as AIPAC, the Jewish Federations, and the American-Jewish Joint Distribution Committee. After pressure built to respond to AOC’s tweet and the others like it, Soifer wrote: “Proud to be a Democrat in this moment when leaders recognize there is no binary choice to be made between Israel’s security & right to self-defense, and Palestinian rights & safety. We can do both at the same time, while rejecting the forced false dichotomy & narrative of divide.” Thus did Soifer give a seal of approval to the effort to dress up hateful anti-Zionism as merely legitimate criticism of Israel’s government.

 

As Harkov noted, “the ADL’s voice hasn’t been heard on some of these members of Congress who have been calling Israel an apartheid state, who have claimed that Israel has raided al Aqsa, who have also said that Israel is killing too many children, implying that it’s intentional.” Indeed, Ocasio-Cortez’s tweet was just the opening salvo. A day later, on May 13, came a chilling session of the House of Representatives, with dark echoes of Jewish history.

 

Several Democratic members of the House took turns standing next to blown-up photos of bloodied Palestinian children and gave fiery speeches denouncing Zionist perfidy—the sorts of words and charges that, since the age of the czars, have been followed by the spilling of Jewish blood. This time was no different, except it wasn’t a Russian backwater or a Munich beer hall. It was on the floor of the United States Congress.

 

One by one, these members of Congress, Democrats all, sought to make the Jewish state the stand-in for “systems of oppression here in the United States and globally,” as Representative Ayanna Pressley of Massachusetts put it. Everyone in the world, according to these diatribes, had something to fear from Jerusalem. Ocasio-Cortez, whose family is from Puerto Rico, talked about the U.S. naval exercises held on the Puerto Rican island of Vieques for decades until the Navy left in 2003. The Navy stands accused of testing bombs and other weapons using napalm, depleted uranium, and Agent Orange, sickening the local population. Ocasio-Cortez offered a bizarre conspiratorial accusation: “When I saw those [Israeli] airstrikes that are supported with U.S. funds, I could not help but wonder if our communities were practice for this.”

 

Pressley equated crowd dispersal conducted by Israeli police at a riot on the Temple Mount to “students protesting to end poverty and oppression in the streets of Bogota [being] shot dead,” white supremacists storming the U.S. Capitol, and “police brutality and state-sanctioned violence” against black Americans.

 

Missouri Representative Cori Bush made a point of referring to the holy city as “Jerusalem, Palestine,” and suggested that the U.S. was following an Israeli playbook when it “brutalized” black protesters.

 

Minnesota Representative Ilhan Omar, who has in the past accused American Jews of disloyalty and shared anti-Semitic content on social media, insisted that the source of the conflict was Jewish settlers uprooting Palestinian Arabs and taking nearly all their land—in 1948, in the “Nakba.”

 

Rashida Tlaib, the Michigan-born congresswoman of Palestinian descent who has also relentlessly targeted Jews during her few years in the House, spoke that day, but she had laid the groundwork for it at an anti-Israel protest two days earlier. “What they are doing to the Palestinians is what they are doing to our black brothers and sisters here,” Tlaib told the crowd May 11. As she left the stage, the crowd chanted, “Long live Palestine, down down Israel.”

 

In the days and weeks that followed, even after an Israel–Hamas cease-fire was in place, Jews in America were physically attacked with abandon—diners at restaurants in Los Angeles and Manhattan, Jews on the streets of New York, families in Florida attending synagogue services. The ADL saw a 75 percent uptick in reported incidents. In one typical attack, a group of men reportedly drove around Brooklyn assaulting Jews in the open while yelling, “Free Palestine!”

 

When called out for their silence, progressive Democratic lawmakers condemned “anti-Semitism and Islamophobia” as one, knowing that their audience would interpret any specific denunciation of anti-Semitism as a statement in support of Israel. That’s what happened at Rutgers University, the school with the largest Jewish undergraduate population in the country. Its provost and chancellor put out a statement decrying anti-Semitism and then were bullied into apologizing for it by a pro-Palestinian group on campus that claimed the statement was insensitive to Palestinians.

 

Throughout this whole affair, not a single congressional Democrat would criticize any of his colleagues by name. That includes Chuck Schumer, now the Senate majority leader (whose former top aide is also on the executive committee of the National Jewish Democratic Council), who couldn’t be roused from his cowardly torpor even when explosive devices were thrown at Jews in his own city.

 

The closest anyone came was Representative Josh Gottheimer of New Jersey. He and three other Jewish Democrats wrote a public letter to their leadership referencing the types of hateful comments made by their progressive colleagues—without naming them—in an attempt to get support from Democratic Party leadership. The bid failed. House Speaker Nancy Pelosi stuck with the purveyors of anti-Semitism in her caucus and threw the Jewish Democrats under the bus. Neither the ADL nor the JDCA uttered a peep.

 

As usual, one exceptional voice in all this was that of the American Jewish Committee, whose young leadership director, Seffi Kogen, noted in Newsweek that “while anti-Zionist gangs beat up Jews in her city, Rep. Alexandria Ocasio-Cortez was providing a quasi-intellectual basis for their actions.” But for a large part of the organized Jewish community, the outburst of violence was met with inexcusable surprise.

 

As I wrote in these pages in March 2020, after watching mainstream Jewish organizations and political figures bash President Donald Trump’s peace proposal because they deemed it too biased in favor of Israel’s security: “What’s happening here is more than a skirmish over a peace plan, or a distressing glimpse into the way American Jewry’s leaders privilege their partisan leanings over the fact that their leadership roles in American society are due to their Judaism and not their Democratic Party membership. What we are seeing is the way American Jewish leaders fail to take seriously the rising tide of anti-Semitism that masquerades as ‘anti-Zionism’—and even the way progressive groups enable it.”1

 

Ocasio-Cortez and Tlaib, I explained, elevated leftist Jewish groups such as IfNotNow to new prominence by using them to shield the Squad from accusations of anti-Semitism. With their endorsements, in turn, IfNotNow and the New Israel Fund launched a frontal assault on the Jewish Federations because the latter wouldn’t accept a donation earmarked for IfNotNow. The Jewish establishment was trying to hold the line on support for the Jewish state even as progressive politicians were helping foment a rebellion against these very basic Jewish values. The Squad entered a similar alliance with Jewish Voice for Peace, which had pushed one of the anti-Zionist conspiracy theories that reportedly motivated the perpetrators of the 2019 shooting at a Jewish shop in Jersey City.

 

Nothing has changed. In May 2021, IfNotNow used the occasion of the outbreak of anti-Jewish street violence to launch an invitation to a seminar on “Zionism and Apartheid.” Jewish Democrats in Congress who made general statements against anti-Semitism were accused by Jewish Voice for Peace of “using anti-Semitism as a political weapon to shield the Israeli government from accountability.”

 

Last year, Sean Cooper of Tablet exposed how the Jewish organization Bend the Arc deliberately turned the group’s work away from the Jewish community and toward various liberal and Democratic Party causes, shaping the activism of its member synagogues along the way. Rabbi David Saperstein, who for years led the Reform movement’s political arm, was listed as a Bend the Arc board member and served as President Obama’s religious-freedom ambassador. During the recent spate of violence, Bend the Arc’s political arm took the time to oppose police protection at synagogues on racial grounds, while also blaming the increase in anti-Semitism during the conflict on “white nationalists.”

 

Perhaps the most consequential of the progressive left’s alliances has been with Bernie Sanders, the senator from Vermont and former presidential candidate who arguably has achieved more political success and visibility than any American Jewish politician other than near-miss vice-presidential candidate Joseph Lieberman. Sanders is a mentor and trailblazer for young progressives in Congress, and he made a point of putting the Squad and other anti-Israel activists in visible roles on his 2020 presidential campaign. His moves have scrambled the Jewish community’s response to Sanders’s politics and those of his protégés. That is a feature, not a bug, of this alliance, as far as Sanders and the Squad see it.

 

“What does it look like when a national Jewish community understands what’s at stake?” I asked here last year. My answer then was the united front the UK Jewish community put up to oppose Jeremy Corbyn, the since-deposed Labour leader who had turned his party into a thoroughly anti-Semitic organization that harassed the Jews in its ranks and incited London’s streets against its Jewish community. Nearly nine of out ten UK Jews agreed that Corbyn was an anti-Semite, and before the election that finally sealed Corbyn’s doom, the country’s chief rabbi was moved to speak out against him.

 

Sanders and Corbyn were mutual admirers. Ocasio-Cortez backed Corbyn in his election. The warnings that Sanders and Ocasio-Cortez were openly modeling the future of their party on Corbyn’s Labour went ignored or dismissed. The events of May have made the Democratic Party’s Corbynization indisputable.

 

Events in early June then gave the dwindling band of Democratic anti-Corbynistas one more bite at the apple. On June 7, Omar tweeted a summary of a question she had for Secretary of State Antony Blinken: “We must have the same level of accountability and justice for all victims of crimes against humanity. We have seen unthinkable atrocities committed by the U.S., Hamas, Israel, Afghanistan, and the Taliban. I asked @SecBlinken where people are supposed to go for justice.”

 

The comparison of the U.S. and Israel to Hamas and the Taliban seemed a typically gratuitous demonstration of Omar’s untouchable status. Twelve Jewish Democrats wrote a letter finally naming her while refraining from calling her an anti-Semite.

 

The response to the letter revealed the depressing reality at the core of American Jewish life: the complete abandonment of the Jews by their own supposed watchdogs and the merger of those groups into semiofficial arms of the very political party now enabling their torment. Greenblatt merely retweeted one of the signatories’ tweets of the letter, adding his own comment: “Well said.” His me-tooing of the statement added insult to injury: Not only were the congressmen given no cover by the ADL, but once they ventured into the breach they were given no reinforcement by it. The following morning, the JDCA tweeted: “Jewish Dems will be meeting with Rep. Omar during our Week of Action to discuss her recent comments on Israel, as well as other priorities of Jewish Dems in Minnesota. There is no equivalence between Israel and terrorist organizations such as Hamas.” The organization sounded more annoyed at having to say something than outraged by what Omar had said.

 

The final blow came from Pelosi, who told CNN days later: “We did not rebuke her. We thanked—acknowledged that she made a clarification… Congresswoman Omar is a valued member of our caucus.”

 

What happened in between the release of the letter and Pelosi’s public declaration of Omar’s righteousness was instructive: The Squad went nuclear. Ocasio-Cortez accused her Jewish colleagues of “targeting” Omar and putting her in “danger.” Cori Bush said her Jewish colleagues were motivated by “anti-Blackness and Islamophobia.” Jamaal Bowman, who ousted the pro-Israel stalwart Eliot Engel in a 2020 primary and who represents a New York district with a large Jewish contingent, likewise suggested that the complaints from his colleagues were due to Omar’s being a Muslim black woman. Omar herself complained of the “constant harassment and silencing” by her Jewish colleagues and the “Islamophobic tropes” they supposedly used.

 

It was an astonishingly vile and aggressive coordinated attack against the Jewish group. The ADL was silent. JDCA was silent. The Democratic Party sided with the Squad. The Jewish community had been abandoned to the rise of the dominant left-of-center ideology according to which Jews are part of a white power structure of which Israel is a prime example.

 

Corbyn’s attempt to separate the Jews from the Jewish state in the UK failed miserably. But the Squad’s efforts to do the same here are not failing. And it’s not just in the halls of Congress. The New Yorker’s Helen Rosner suggested it would be a good tactic not to beat up Jews, as part of an overall strategy to undermine Israel’s legitimacy. (This after the New Yorker’s union put out a statement of solidarity with the Palestinians that included the phrase “from the river to the sea.”) Michelle Goldberg of the New York Times wrote a column with a headline so instantly infamous that the Times eventually and quietly changed it: “Attacks on Jews Over Israel Are a Gift to the Right.”

 

Meanwhile, the comedian Sarah Silverman objected to attacks on Jews in Los Angeles not on the grounds that they were evil acts of anti-Semitic violence but rather because “WE ARE NOT ISRAEL.” For his part, Kenneth Roth, the obsessively anti-Israel executive director of Human Rights Watch, declared, “It is WRONG to equate the Jewish people with the apartheid and deadly bombardment of Prime Minister Netanyahu’s government.”

 

Throwing fellow Jews to the wolves is abominable moral behavior. Delicately excising the name and words of a chic Democratic politician from a list of anti-Semitic statements to protect her—or to protect the organization you run from her wrath—constitutes an act of complicity in the violence that ensued in whatever small measure from her remarks. And the man who was thus complicit—Jonathan Greenblatt—had the nerve to act surprised. The anti-Semitic street violence in America is “literally happening from coast to coast, and spreading like wildfire,” Greenblatt told the Times. “The sheer audacity of these attacks feels very different.”

 

It feels different because it feels so familiar. And if the American Jewish community is to survive, it must start acting like it. And we must start by cleaning our own corrupted house.

 

1 “The Rot Inside American Jewish Organizations,” March 2020