Bourdieu SA: Le sociologue et sa griffe (Behind the label: How Bourdieu Inc progressively edged out its many collaborators)

30 septembre, 2009
PoisonFriendsSi nous pouvons montrer que, dans toute l’étendue de la magie, règnent des forces semblables à celles qui agissent dans la religion, nous aurons par là démontré que la magie a le même caractère collectif que la religion. Il ne nous restera plus qu’à faire voir comment ces forces collectives se sont produites, malgré l’isolement où nous paraissent se tenir les magiciens, et nous serons amenés à l’idée que ces individus n’ont fait que s’approprier des forces collectives. Marcel Mauss (Esquisse d’une théorie de la magie », exergue du « Couturier et sa griffe – contribution à une théorie de la magie », Pierre Bourdieu et Yvette Delsaut, ARSS, 1975)
Par un processus analogue à celui qui fait que, dans le champ universitaire (ou a fortiori scientifique), la concurrence entre les dominants et les prétendants pour le monopole des relations autorisées avec le grand public aboutit à une forme de contrôle de toutes les formes de monnayage de l’autorité spécifique (vulgarisation, journalisme, etc.), la concurrence pour le monopole de la légitimité prend la forme d’un contrôle croisé qui, comme on le voit à propos de la commercialisation de la ‘griffe’, n’a rien à voir avec l’imposition externe ou interne d’une norme éthique: les vertus qu’honore chaque champ – ‘amour du métier’ et ‘désintéressement’ ici, ‘esprit scientifique’ et ‘objectivité’ là – ne sont que la forme que prend la soumission à la nécessité propre du champ, c’est-à-dire la poursuite d’intérêts que la logique même du champ interdit de reconnaître autrement que sous la forme méconnaissable de valeurs. (…) Rien ne montre mieux que les stratégies de commercialisation de la ‘griffe’ combien il est vain de chercher dans la seule rareté de l’objet symbolique, dans son unicité, le principe de la valeur de cet objet, qui réside fondamentalement dans la rareté du producteur. C’est en produisant la rareté du producteur que le champ de production symbolique produit la rareté du produit: le pouvoir magique du créateur, c’est le capital d’autorité attaché à une position qui ne peut agir que s’il est mobilisé par une personne autorisée ou mieux s’il est identifié à une personne, à son charisme et garanti par sa signature. Ce qui fait du Dior, ce n’est pas l’individu biologique Dior, ni la maison Dior, mais le capital de la maison Dior agissant sous les espèces d’un individu singulier qui ne peut être que Dior. (…) L’imposition de valeur que symbolise la ‘griffe’ est un cas particulier de toutes les opérations de transfert de capital symbolique (préfaces écrites par un auteur célèbre pour un livre de débutant, sigle d’une maison d’édition prestigieuse, etc.) par lesquelles un agent, ou plus exactement une institution agissant par l’intermédiaire d’un agent dument mandaté, investissent de valeur un produit. Pierre Bourdieu et Yvette Delsaut
On ne fait pas son salut scientifique tout seul. De même que l’on n’est pas artiste tout seul, mais à condition seulement de participer au champ artistique, de même c’est le champ scientifique qui rend possible la raison scientifique. Bourdieu
Bourdieu est soit soliste, soit un grand chef d’orchestre. Il n’a joué, semble-t-il, jamais de duo, ni de trio. François de Singly
[Les défauts, les excès de l’écriture dans La Reproduction], ce n’est ni la faute à Bourdieu, ni la faute à Passeron, mais pour le meilleur et pour le pire, la faute à la trop longue réécriture du texte, aggravée par les possibilités de buissonnement qu’encourage la coécriture, sans parler des compromis entre co-auteurs qui soldaient diplomatiquement les négociations théoriques en ajoutant inévitablement les restrictions mentales aux circonlocutions. Jean-Claude Passeron
Il croisa le fer une seule fois avec moi. Il avait écrit un grand article dans La Recherche en m’accusant d’être à la solde du grand capital. J’y répondis par un article de fond mesuré et serein. Mais je n’avais pas compris que s’il m’avait ainsi attaqué, c’était parce qu’il cherchait à me décourager de me présenter contre lui au Collège de France. Une fois élu, il allait faire de son poste au Collège une forteresse personnelle, et se lancer dans une quête de pouvoir intellectuel que j’avais peine à imaginer. Michel Crozier (« A contre-courant », 2004)

Après la question de l’occultation des dimensions familiale et matrimoniale chez Bourdieu dont, à l’occasion de la sortie de sa première biographie officielle, nous avions rappelé la singulière absence dans les écrits de l’auteur d’ « Esquisse pour une auto-analyse »

Oublis surprenants – jusqu’au refus de traduction! – de grands noms auquels il emprunte (Veblen dans le lexique de « La Distinction », Elias dans celui du « Sens pratique »!), silence radio pendant longtemps même en note ou en annexe sur les noms de ses nombreux collaborateurs du Centre de sociologie européenne (les Grignon ou Chamboredon comme les petites mains des enquêtes empiriques ou de la lecture d’ouvrages), réduction dans les bibliographies des co-écritures à des collaborations (le « Bourdieu/Chamboredon/Passeron » d’un livre à trois comme « Le Métier de sociologue » transformé en « ouvrage de Pierre Bourdieu (en collaboration avec J.C. Passeron et J.C. Chamboredon) », non-citation hors parenthèses ou renvois voire effacement à la soviétique d’auteurs de même niveau (eg. Passeron ou Chamboredon après leur séparation), « purisme monomaniaque privilégiant une composante », « limites d’une vision sociologique qui repose, presque exclusivement, sur une logique de la domination », réduction de l’art à « l’exclusive recherche d’un profit de distinction ou l’expression d’une bonne volonté culturelle », trop grande généralité et déshistorisation de la sociologie (à la « tout change pour que rien ne change »), diabolisation du « sens commun » comme « bête noire du sociologue » …

Retour, avec le sociologue François de Singly (merci Gilles Pradeau) sur une autre dimension occultée de son œuvre, à savoir « la dimension collective du laboratoire bourdieusien ».

Tous ces anonymes ou grands oubliés (les Boltanski, Chamboredon, Passeron, Castel, Grignon, Saint-Martin, Delsaut, Heinich) cachés derrière la raison sociale et la griffe du Maitre pour faire progressivement, de l’œuvre du dénonciateur de l’intellectuel total sartrien et auteur de ‘L’illusion biographique’ « dénonçant l’inclinaison à se faire l’idéologue de sa propre vie », « une croyance dont la valeur est telle que même ses détracteurs peuvent en tirer profit »

Extraits:

Pourquoi les énoncés justes de Bourdieu —« On ne fait pas son salut scientifique tout seul. De même que l’on n’est pas artiste tout seul, mais à condition seulement de participer au champ artistique, de même c’est le champ scientifique qui rend possible la raison scientifique… » (…) sont-ils contredits par de tels silences ? Entre l’individu et le champ, il existe des intermédiaires, des laboratoires, des équipes mobilisées, d’autres individus qui ont le droit d’être évoqués. Au-delà sans doute du sentiment d’injustice que peuvent éprouver ceux de la première période qui connaissent une telle occultation, ce qui est en jeu c’est la représentation sociale du travail scientifique. Faire croire que l’œuvre est personnelle revient à renforcer le sens commun que le grand savant est seul à avoir de grandes idées, et qu’il est entouré de « collaborateurs » ou de « collaboratrices » qui peuvent au mieux les mettre en application dans le cadre des enquêtes de terrain. Pour l’exprimer autrement, et en reprenant un concept de Bourdieu — celui de « capital social de relations » (…) — les stratégies, conscientes ou non, mises en œuvre par Bourdieu pour se présenter seul (y compris sous la figure de l’incompris, de l’injustement attaqué) font que ce sociologue sait utiliser comme il faut les biens de famille, accumulés par les autres en les convertissant en capital symbolique : une célébrité quasi monopolisée.

À ce niveau, Pierre Bourdieu ne chercherait-il pas à appartenir à la catégorie des « grands inspirés » qui, « par ce qu’ils ont de plus original et de plus singulier, c’est-à-dire par leur génie propre… se donnent aux autres et servent le bien commun » (…) ? Avec son engagement dans la sphère politique, l’évolution actuelle de Bourdieu serait alors, selon mon interprétation, moins en rupture avec la période précédente qu’on le prétend.

On peut regretter que l’auteur de « L’illusion biographique » (Actes de la Recherche, n° 62-63, 1986) dénonçant l’inclinaison « à se faire l’idéologue de sa propre vie en sélectionnant en fonction d’une intention globale certains événements significatifs et en établissant entre eux des connections propres à leur donner cohérence » y succombe aussi bien.

Bourdieu: nom propre d’une entreprise collective.
François De Singly
Magazine littéraire
octobre 1998

Professeur de sociologie à la faculté des Sciences sociales de la Sorbonne (Université Paris V), François de Singly a notamment publié Le soi, le couple et la famille (éd. Nathan, 1996).

L’œuvre de Bourdieu résulte, pour une large part, d’une intense mobilisation d’un groupe, le Centre de Sociologie Européenne. Or cette dimension collective a été singulièrement occultée. Visite du laboratoire bourdieusien et de ses oubliettes.

Pierre Bourdieu déclare que « la sociologie de la sociologie est une dimension fondamentale de l’épistémologie de la sociologie », en « réponse » à une question de Loïc Wacquant remarquant qu’il insiste « sur la nécessité d’un retour réflexif sur le sociologue et son univers de production » (1992, p. 48). On voudrait prendre au sérieux ce principe en effectuant une lecture de l’ouvrage Réponses qui propose explicitement au lecteur « d’entrer, en quelque sorte, dans son atelier, ce laboratoire où s’élabore une œuvre » (quatrième de couverture). Pour faire cette visite, on ne suivra pas le guide, commentant l’œuvre (lecture au premier degré), on procédera à l’objectivation du discours du guide sur lui-même, suivant ainsi le principe central de la méthode sociologique, exposée dans Le Métier de sociologue (1). L’attention est portée à la manière dont sont effectuées les références aux travaux antérieurs, à la bibliographie des travaux de Bourdieu, à l’usage du « je » et du « nous » collectif (ne se confondant pas à l’autre forme de « je », le nous de majesté).

Ce qui frappe, c’est l’amnésie d’une dimension décisive de l’œuvre de Bourdieu, à savoir la dimension collective. Toute œuvre en sociologie comporte cette dimension, au moins sous la forme des emprunts, des inspirations. La faible propension de Pierre Bourdieu à citer certaines des grandes œuvres auxquelles il emprunte est connue — ainsi, pour ne prendre qu’un exemple significatif, Veblen n’est pas mentionné dans La Distinction ! Reproche si fréquent que Loïc Wacquant l’évoque. La défense est bizarre concernant Norbert Elias : « Ce n’est pas le lieu de dire ici tout ce qui me sépare d’Elias, en dehors d’un accord fondamental sur un certain nombre de principes, souvent empruntés d’ailleurs à Durkheim et Weber » (p. 69). Aucun élément pour comprendre les raisons de son silence sur Elias dans certains des grands textes sur l’habitus. Ainsi pourquoi Elias ne figure-t-il pas dans l’index du Sens pratique (1980) ?

Mais l’œuvre de Bourdieu diffère de nombreux autres travaux dans la discipline sociologique par son ampleur (qu’il est ridicule de réduire, comme veulent le faire croire certains, à une suite d’évidences sociologiques au service unique d’un projet politique) qui résulte, pour une large part, d’une intense mobilisation de tout un groupe, le centre de Sociologie Européenne. Je pourrais analyser le travail empirique — passation des questionnaires, codage, exploitation des données, etc., mais aussi lecture d’ouvrages — inhérent au métier de sociologue. On constaterait alors que même en note ou en annexe, figurent rarement les noms des collaborateurs, des collaboratrices qui ont assuré ce travail au sein du Centre. Je ne signalerai qu’en passant le silence sur les individus qui ont fait que la revue Actes de la Recherche en Sciences Sociales ait une certaine homogénéité de ton. Pendant longtemps — plus précisément pendant les 87 premiers numéros, soit seize années — le seul nom inscrit a été celui de Pierre Bourdieu. Rien sur Claude Grignon et Jean-Claude Chamboredon qui ont joué un grand rôle dans la « reprise » des articles, ou sur d’autres. Pierre Bourdieu était nettement le nom d’une instance de production collective, instance qui acceptait de se plier à cette règle de l’anonymat (on sait d’après la théorie de la domination, chère à l’auteur, que le consentement est un signe classique de la dépendance des dominés). Ou pour reprendre un article de l’auteur, son œuvre est devenue progressivement une croyance dont la valeur est telle que même ses détracteurs peuvent en tirer profit.

Le plus important est, du point de vue d’une œuvre et surtout de sa mémorisation, le problème des publications. Le reste n’est que coulisses. Nous sommes là sur la scène publique. Bourdieu a écrit cinq types de livres (ou d’articles) : les livres écrits individuellement, les livres écrits avec un autre auteur de même statut que lui, cela étant marqué sur la couverture par le « et » (les deux livres les plus célèbres de cette catégorie qui ont lancé Bourdieu sont Les Héritiers, et La Reproduction), les livres que Bourdieu a dirigés, comme Un art moyen, ou plus récemment La Misère du monde, les livres collectifs sans direction officielle (ainsi Travail et travailleurs en Algérie), les livres à plusieurs, au sein desquels Bourdieu est nettement l’auteur principal : Réponses (sur la couverture, le nom de Wacquant, plus petit, est précédé de « avec »).

Or surprise, dans la bibliographie de Réponses ou dans celle de La Domination masculine (1998), ces livres de statut différent sont rangés dans une catégorie unique ! Dans le premier, sur l’étiquette de classement c’est le « et » qui sert de référence. Ainsi par exemple Boltanski, Castel et Chamboredon, pour Un art moyen (1965), sont sur le même plan que Passeron pour Les Héritiers (1964) ou La Reproduction (1970) ! Or dans le premier cas, chacun reste dans son chapitre, sous la direction de Bourdieu alors que dans le second, c’est une autre affaire. Pour Jean-Claude Passeron, il s’agit d’une écriture « à deux », d’une « co-écriture » — il pense que les défauts, les excès de l’écriture dans La Reproduction « ce n’est ni la faute à Bourdieu, ni la faute à Passeron, mais pour le meilleur et pour le pire, la faute à la trop longue réécriture du texte, aggravée par les possibilités de buissonnement qu’encourage la coécriture, sans parler des compromis entre co-auteurs qui soldaient diplomatiquement les négociations théoriques en ajoutant inévitablement les restrictions mentales aux circonlocutions » (2).

Dans la seconde bibliographie, la préposition change, c’est « avec », mais le brouillage des catégories objectives est le même : une seule sorte de livres lorsque Bourdieu n’est pas seul. On a même connu une troisième version, encore moins innocente, celle d’Homo academicus (1984), où là, tous les livres « collectifs » portent la mention « en collaboration ». Le Métier de sociologue (l968), livre à trois, dont la tranche est presque familièrement composée d’un « Bourdieu / Chamboredon / Passeron » est transformé en ouvrage de Pierre Bourdieu (en collaboration avec J.C. Passeron et J.C. Chamboredon).

Bref, ces biographies ne nient pas la dimension collective, ne peuvent pas la nier. Elles minimisent le statut des livres publiés avec un vrai « et », à égalité, en les novant avec les autres, de nature différente. À la fin, les lecteurs les plus jeunes, les lecteurs pressés ont l’impression d’une grande œuvre composée de livres écrits à une main, et d’ouvrages dirigés « par ». Bourdieu est soit soliste, soit un grand chef d’orchestre. Il n’a joué, semble-t-il, jamais de duo, ni de trio. La production d’une telle liste, mélangeant les types d’association, a au moins deux effets, celui d’accroître la taille du groupe dirigé, et celui de considérer celui-ci regroupé autour de la figure du « chef » du Centre. Il n’existe qu’une seule structure, un maître et ses disciples. Le mélange, « savant », produit un ordre qui ressemble à une forme de domination.

Cette solitude des grands est confirmée par un autre indicateur, puisé dans Réponses. Jamais dans une phrase, Pierre Bourdieu ne cite, avec lui, un autre des auteurs de même niveau (ceux qui, lors de la publication, ont été rangés avec « et »). Le couple « Bourdieu et Passeron », du fait de leur séparation dès le début des années 1970, est passé aux oubliettes. L’« ex » Passeron, animateur avec lui pendant quelques années du séminaire du Centre, n’existe que dans les parenthèses, lorsqu’il y a renvoi à un de leurs travaux. La gomme fonctionne bien. On peut même lire en réponse à une question portant sur la critique d’une théorie trop « statique » ou « fermée » les mots suivants : « J’accorde volontiers que mes écrits peuvent contenir des formulations malheureuses… Je dois aussi avouer que, dans beaucoup de cas, je trouve certaines critiques terriblement superficielles et je ne peux m’empêcher de penser que leurs auteurs ont été victimes des titres de mes livres : je pense en particulier à La Reproduction » (Bourdieu, avec Wacquant, p. 58 ; souligné par moi). Quelques pages plus loin, Pierre Bourdieu prend l’exemple d’un peintre voulant présenter dans une exposition « un tableau statistique tiré de mon livre L’Amour de l’art (idem, p. 62). »

L’effacement prend encore une autre modalité. Alors que dans Homo Academicus (1984), il y a renvoi explicite dans les notes à La Reproduction, au Métier de sociologue, par exemple, dans l’index complet — et toujours bien établi dans la collection du Sens commun, ne figurent ni Passeron, ni Chamboredon. Ou encore dans La Noblesse d’Etat (1989), en page 8, est cité Rapport pédagogique et communication (cosigné en 1965 par Bourdieu, Passeron et Saint-Martin). Dans l’index, à Saint-Martin, il y a renvoi à cette note. À Passeron, rien, son nom ne figure pas dans l’index. Disparus à quel champ d’honneur et pour quelle cause ?

Pourquoi les énoncés justes de Bourdieu —« On ne fait pas son salut scientifique tout seul. De même que l’on n’est pas artiste tout seul, mais à condition seulement de participer au champ artistique, de même c’est le champ scientifique qui rend possible la raison scientifique… » (avec Wacquant, p. 163) sont-ils contredits par de tels silences ? Entre l’individu et le champ, il existe des intermédiaires, des laboratoires, des équipes mobilisées, d’autres individus qui ont le droit d’être évoqués. Au-delà sans doute du sentiment d’injustice que peuvent éprouver ceux de la première période qui connaissent une telle occultation, ce qui est en jeu c’est la représentation sociale du travail scientifique. Faire croire que l’œuvre est personnelle revient à renforcer le sens commun que le grand savant est seul à avoir de grandes idées, et qu’il est entouré de « collaborateurs » ou de « collaboratrices » qui peuvent au mieux les mettre en application dans le cadre des enquêtes de terrain. Pour l’exprimer autrement, et en reprenant un concept de Bourdieu — celui de « capital social de relations » (Actes de la Recherche, 1980, n°31) — les stratégies, conscientes ou non, mises en œuvre par Bourdieu pour se présenter seul (y compris sous la figure de l’incompris, de l’injustement attaqué) font que ce sociologue sait utiliser comme il faut les biens de famille, accumulés par les autres en les convertissant en capital symbolique : une célébrité quasi monopolisée.

Ou pour l’écrire dans une théorie, concurrente, élaborée par un ancien membre du premier cercle, Luc Boltanski (L’Amour et la Justice comme compétences, éd. Métailié, 1990), on peut penser qu’il s’agit là d’une des techniques pour se grandir. Certaines sont utilisées par des individus peu dotés et qui tendent, selon l’expression courante à « en rajouter » pour paraître plus sérieux, pour être entendus. D’autres manœuvres existent pour augmenter sa taille sociale, par exemple celles que l’on vient d’objectiver, notamment en se présentant comme un auteur seul, entouré de collaborateurs nombreux et variés.

Face à cette occultation de la mémoire collective du Centre de sociologie européenne, une objection pourrait être lancée : tous ces individus — comme Boltanski, Chamboredon, Passeron — qui ont signé livre ou article avec un « et » égalitaire (il faudrait ajouter au moins à ce premier cercle Robert Castel, Claude Grignon, Monique de Saint-Martin, Yvette Delsaut), ne doivent-ils pas leur existence à la seule chance d’avoir côtoyé le maître ? Il est impossible d’établir un bilan après coup des contributions à l’œuvre mixte, personnelle et collective, de chacun des membres du premier cercle, d’autant plus que le silence de Bourdieu n’est guère brisé par les déclarations des autres, y compris ceux qui ont quitté le Centre (c’est le cas, à des dates différentes, avec des modalités différentes, au moins de Boltanski, Castel, Chamboredon, Grignon, Passeron, de Saint-Martin).

En revanche, ce qui est certain, c’est la fécondité des travaux menés ensuite à l’extérieur par les sortants. Un peu arbitrairement, sans doute, on en retiendra quatre : Le Savant et le populaire (Hautes Etudes, Gallimard-Seuil, 1989) de Grignon et Passeron ; Le Raisonnement sociologique de Passeron (éd. Nathan, 1991) ; De la justification. Les économies de la grandeur de Boltanski (et Thévenot, éd. Gallimard, 1991) ; Les Métamorphoses de la question sociale de Castel (éd. Fayard, 1995). Il s’agit non pas de les résumer, mais de souligner, en quelques lignes, la pertinence des travaux construits « à côté » de l’œuvre élaborée par tous et chacun, pendant la première période du Centre de Sociologie Européenne :

Avec Le Savant et le populaire, Grignon et Passeron appréhendent les limites d’une vision sociologique qui repose, presque exclusivement, sur une logique de la domination. Il affirment que la culture populaire ne peut être comprise uniquement en référence à ce schème. C’est dire que la théorie de la légitimité culturelle, aussi intéressante soit elle, occulte certaines dimensions des conduites qui ne renvoient pas à un axe vertical, mais à un axe horizontal, comme les cultures de métier, les cultures régionales, les cultures religieuses, les cultures générationnelles. On pourrait aussi prendre le cas de la réception des œuvres dans les musées. Non, la visite d’un musée ne peut pas se résumer à l’exclusive recherche d’un profit de distinction, ou à l’expression d’une bonne volonté culturelle. Elle est aussi la source de plaisirs que le sociologue se doit d’analyser. Passeron (3) lutte ainsi contre « le purisme monomaniaque privilégiant une composante », plaidant pour une sociologie de l’hétérogénéité sociale des comportements, permettant de comprendre la place, variable selon les pratiques, les groupes sociaux, les moments, de la domination.

Au-delà de leurs façons de faire différentes, Passeron et Castel ont un objectif commun : réhabiliter au sein de la sociologie la place de l’histoire. Passeron (1991) le réalise dans une perspective épistémologique en désignant le raisonnement sociologique comme un « entre-deux », avec le langage des variables qui s’inscrit dans des procédures quasi expérimentales (comme l’enquête par questionnaire) d’un côté, et avec la prise en compte de la comparaison historique, du contexte de l’autre. De manière autocritique, il montre que dans La Reproduction le modèle proposé pêche surtout par sa généralité, par l’occultation du fait qu’il s’agit d’une théorie d’une période pendant laquelle l’institution scolaire occupe une position particulière dans la production et la reproduction des individus et de la structure sociale. Le souci de la trop grande généralité (qui n’est pas une pratique désintéressée) conduit alors le sociologue à considérer le contexte comme une simple conjoncture, comme un élément secondaire, et à se centrer sur ce que l’on affirme être des invariants.

Pour écrire son plaidoyer d’une sociologie historique, Castel s’y prend autrement, il établit « une chronique du salariat ». Il y a bien des homologies de position entre les paumés de la terre aujourd’hui et hier, il y a bien homologie des processus qui conduisent à devenir ces paumés. Mais ces constantes n’engendrent pas pour autant une absence d’histoire : ont surgi « des discontinuités, des bifurcations, des innovations » (p.16), après une période caractérisée par « une puissante synergie entre la croissance économique avec son corollaire, le quasi plein emploi, et le développement des droits du travail et de la protection sociale » (p.384). Ainsi se trouvé dépassée une conception du changement social qui, dans la perspective de la domination, se limite trop souvent à « tout change pour que rien ne change ».

C’est peut-être Boltanski (et Thévenot) qui rompt le plus explicitement avec le passé de la théorie « Bourdieu » (désignée ici comme le nom singulier de l’entreprise collective). Le « sens commun » ne désigne plus la bête noire du sociologue. Ce que les gens disent de ce qu’ils font est un objet légitime de la sociologie, et pas seulement au titre de l’illusion. Il existe ainsi « une similarité entre la façon dont une personne, pour rendre compréhensible sa conduite, s’identifie en se rapprochant d’autres personnes sous un rapport qui lui semble pertinent et la façon dont le chercheur place dans la même catégorie des êtres disparates pour pouvoir expliquer leurs conduites par une même loi » (1991, p.15). Cette équivalence requiert un travail de mesure de la grandeur des personnes (et de leurs comportements). Dans certaines situations, les acteurs se disputent, n’appliquant ni les mêmes principes d’équivalence, ni les mêmes justifications du choix de ces derniers. Les uns peuvent, par exemple, s’appuyer sur un monde marchand ou sur un monde industriel (au sein duquel priment la compétence et l’efficacité), les autres sur un monde domestique (au sein duquel comptent les relations interpersonnelles), ou sur un monde de l’opinion (avec le poids de la reconnaissance sociale).

Pour reprendre l’hypothèse que j’ai proposée, à savoir que la manière dont Pierre Bourdieu rend compte du passé du Centre est une manœuvre pour se grandir, on peut se demander à quel monde se rattache ce type de justification qui consiste à élaborer une présentation rétrospective de soi. Ne s’agit-il pas du monde de l’inspiration, monde « d’une grandeur qui se soustrait à la mesure et d’une forme d’équivalence qui privilégie la singularité » (Boltanski, Thévenot, p.200) ? À ce niveau, Pierre Bourdieu ne chercherait-il pas à appartenir à la catégorie des « grands inspirés » qui, « par ce qu’ils ont de plus original et de plus singulier, c’est-à-dire par leur génie propre… se donnent aux autres et servent le bien commun » (idem, p.203) ? Avec son engagement dans la sphère politique, l’évolution actuelle de Bourdieu serait alors, selon mon interprétation, moins en rupture avec la période précédente qu’on le prétend.

Objectivement il y a cohérence entre la première phase de construction de la singularité et la seconde, la mise à la disposition de cet être singulier et inspiré — et de sa pensée — au service de l’intérêt général, et plus précisément, pour que l’identité puisse être pensée et représentée comme unité de soi, au service des « dominés ». À ceci près que pendant la première phase, Bourdieu dénonçait l’intellectuel « total », notamment sous les traits de Sartre (dans Le Sens pratique et dans London Review of Books, vol.2, 22,1980) qu’aujourd’hui il cherche à incarner. Cette contradiction entre dessein objectif et commentaires subjectifs de l’auteur le contraindra, sans nul doute, à une nouvelle actualisation de la mémoire de ses textes et de ses prises de position antérieurs, tentant d’occulter ses critiques précédentes. On peut regretter que l’auteur de « L’illusion biographique » (Actes de la Recherche, n° 62-63, 1986) dénonçant l’inclinaison « à se faire l’idéologue de sa propre vie en sélectionnant en fonction d’une intention globale certains événements significatifs et en établissant entre eux des connections propres à leur donner cohérence » y succombe aussi bien.

(1) Les références complètes de tous les ouvrages de Pierre Bourdieu cités dans cet article figurent dans notre bibliographie « Bourdieu en 30 livres ». N.D.L.R..

(2) Jean-Claude Passeron répond à des questions de Raymonde Moulin et de Paul Veyne (Moulin R., Veyne P., 1996, « Entretien avec Jean-Claude Passeron. Un itinéraire de sociologue ». Revue Européenne des Sciences Sociales, n° 103, pp.275-304).

(3) Dans « L’œil et ses Maîtres », postface à Les jolis paysans peints, catalogue, Imerec, Marseille, 1990).


Présidence Obama: Les ennemis de nos ennemis ne sont pas nos amis (Turning friends into expendables and enemies into friends)

29 septembre, 2009
Obama courting ChavezIl vaut mieux par les temps qui courent être un adversaire de l’Amérique que son ami. Le Président Obama a promis qu’il gagnerait des amis de l’Amérique là où, sous George W. Bush, elle avait des adversaires. La réalité est que les États-Unis travaillent dur pour créer des adversaires là où ils avaient précédemment des amis. The WSJ

Après les numéros particulièrement réussis du zoo onusien orchestrés par le Pleurnicheur en chef …

Comme les incessantes reculades du Monde libre devant les provocations à répétition des mollahs …

Assassinats de dissidents en Russie même ou à l’étranger, intimidations et chantages aux gaz sur des pays entiers, invasion de ses voisins, soutien et armement de pays voyous, piègeages de diplomates occidentaux …

Retour, avec Victor Davis Hanson et alors que la Russie retrouve les bonnes vieilles méthodes de la Guerre froide et du KGB dont est issu l’autocrate qui lui sert de président, sur l’étrange renversement de la politique étrangère américaine depuis l’accession au pouvoir de l’auteur du hold up de novembre 2008.

Qui, avant toute négociation, vient d’offrir sur un plateau à l’Ours mal léché russe l’abandon du bouclier anti-missile destiné à protéger l’Europe d’éventuels missiles iraniens.

Et pour qui, sous prétexte de leur proximité avec le cowboy Bush et de la Pologne au Honduras et à la Columbie ou d’Israel à l’Irak, les alliés d’hier se voient systématiquement traités en proscrits au profit de leurs pires ennemis …

The Past Is Not Quite Past
Victor Davis Hanson
Pajamas Media
September 29, 2009

World War II Thoughts

We can learn a lot about our present dilemmas through looking at the past. This month I’m teaching an intensive class on World War II, and again reminded how history is never really history. One lesson: do not judge past decisions by present considerations or post facto wisdom from a Western point of view, but understand them given the knowledge and thinking of the times from an enemy perspective.

We ridicule the disastrous Japanese decision to go to war against the American colossus on December 7, 1941. But that correct analysis enjoys the benefit of hindsight, and does not explain why rather intelligent militarists for some reason believed that they could win, or at least within six months of aggrandizement obtain a truce. That they could not, and destroyed their country in the bargain, is not the point. Nor is “fanaticism” a completely adequate exegesis for Pearl Harbor; logic of a sort is.

Why Did Japan Attack (or Rather Why Not)?

Let us count the ways: 1) The U.S. had not intervened in Europe, despite over two years of seeing Nazi Germany overrun its democratic allies in Western Europe and blitz London. The Japanese were convinced that we simply could not be provoked, or did not have it in us to fight for long under any circumstances;

2) It had just signed a non-aggression neutrality pact with Russia (tit-for-tat payback to Hitler’s earlier perfidy). That April 1941 deal ensured there would not again be a bloody August, 1939-like border war in which thousands of Japanese (50,000?) perished. So Japan would now have a one-front war against the U.S. and Britain; but the latter would have a two-front war against Germany (and Italy) and Japan;

3) The Japanese coveted oil, rubber, tin, rice, and other strategic commodities. And now the Dutch East Indies were without their colonial masters after the fall of Western Europe. Vichy France was compliant in Southeast Asia. In other words, a world of raw materials was at last at Japan’s doorstep, much of modern-day Malaysia, Indonesia and Southeast Asia, ready for the taking if it had a convenient short war. Britain was tied down in North Africa (soon to lose Tobruk), and Burma and then India were also ripe for the picking;

4) By late November 1941 Germany was at the gates of Moscow, Leningrad was cut off; the Crimea was to fall. German U-boats were reaching records in destroying British convoys. Not only would Hitler certainly win the European war, but there was a good chance that the Japanese might meet him either through Suez or in the Persian Gulf. And why fight Russia, when soon Russia would be no more?

5) The Chinese front was mostly quiet, long-term occupation either run by puppet governments or made easier by Nationalist-communist rivalries;

6) The U.S. was still in a depression, its industry under-utilized and its military infrastructure largely embryonic. It had a bad habit of lecturing Japan, embargoing Japan, but not proving to Japan that it had the force to deter Japan and the willingness to enforce its edicts;

Almost all six calculations within a few months (say after the pivotal Midway and Guadalcanal battles) proved flawed. But that again is not the lesson. At the time, the Japanese, being aggressive militarists, drew logical conclusions about their self-interests, which only in hindsight seem preposterous, and largely because of the phenomenal, but easily unforeseen response of the United States.

And Today?

We should remember the past these last few weeks as we watch U.S. foreign policy turned topsy-turvy.

Consider Obama’s outreach to Russia. He assumes Bush gratuitously polarized Russia, a state that otherwise had few post-Cold War preexisting problems with the U.S., despite its oil wealth, autocratic government, policy of serially assassinating dissidents at home and abroad, and loss of face with the breakup of the former Soviet republics. So we blamed Bush with the monotonous “reset” refrain. Then we threw the eastern Europeans under the bus with the vague “we have a better mobile missile system anyway” defense. Then we claimed a thankful Putin will appreciate such magnanimity and help on Iran.

Thinking Like a Russian

But we are looking at all this from our postmodern eyes. Try, as in the case of 1941 Japan, seeing it from theirs. Bush’s friends are now America’s expendables — whether a Poland, Israel, Honduras, Columbia, or Iraq’s Maliki. Bush’s enemies are now its friends or neutrals — suggesting that Obama agrees that to be angry with America, as Russia was, was once understandable, and during 2001-9 to be friendly with it logically suspect. All the past Russian sins from assassination to oil leveraging of Europe are now washed away as “Bush did it.”

So Putin starts off with the idea that his past trouble-making was understandable in Obama’s eyes, given they share a Bush antipathy. And given Obama’s U.N. speech that the powerful not only will not, but cannot dominate the weak, the Russians must smile “But why not?” or better, “Pray God, that this naïf really believes this!” (The U.N., remember, cannot even enforce a 15-minute limit for the crazy Gaddafi who rambled for 90 minutes without a single, “Stop!”)

Win, Win, Win!

So what will stop Russian aggrandizement, bullying, or even reincorporation of former republics? Only their own notion of self-interest, dangers, and cost-benefit analysis. It surely is not regional military deterrence. Most states in the way like Georgia or Latvia are small and weak. And Eastern Europe is essentially defenseless. NATO is toothless and would only be embarrassed if it promised guarantees of Article V protection to a Ukraine, since no Belgian or Italian would be willing to die for Kiev. The U.N. is not only irrelevant, but even more irrelevant the more Obama praises its human rights council, and chest-thumps about its importance. And the U.S? Well, well.

We are desperate to court Russia. But nothing they have done with Iran had anything to do with Bush, but everything to do with the idea that whatever is bad for the U.S. is good for an ascendant Russia.

Here’s what the Asia Times quotes a Russian expert about our recent courtship, “An influential voice in the Russian strategic community, Sergei Karaganov, head of the Council on Foreign and Defense Policy, forewarned not to expect anything very much. ‘The US, of course, has a right to hope for various compromises on this issue, but I do not think Russia will make them. We are not interested in spoiling relations with the rising power of the region [meaning Iran]. Breakthroughs cannot be expected yet,’ he said.”

And here’s what the Asia Times quotes of those administration hopes, “A delighted Michael McFaul, the White House’s senior advisor on Russia, trumpeted, ‘We’re at a different place in US-Russia relations.‘”

In other words, we think Russia in the past was offended by Bush, unfairly ostracized, and simply needed rapprochement to reenter the family of nations as a good actor, and now we have a different, and much better relationship.

But the notion of not spoiling “relations with the rising power of the region” seems better to explain why Putin would sell reactor materials to a Holocaust-denying nut intent on getting a bomb. It may be that in the Russian view, now that an unpredictable Bush is gone, things are looking up.

Consider Russian calculation: A nuclear Iran causes the U.S. all sorts of headaches, along with its Sunni Arab allies. There is money to be made in arms and nuclear sales. Nuclear Iran — or the efforts to stop it — will cause havoc in the oil-exporting region, and such uncertainty can only help raise the price of oil for what is now the world’s largest oil exporter (7.4 million Putin barrels sold per day abroad).

In other words, Iran is a win/win/win deal for a Russian dictatorship, always was and probably will be. We wonder why is Putin causing trouble, or why did Bush offend him? The only proper question is why not cause trouble without much risk if you’re an ex-KGB thug?

Trouble means lucrative trade with rogue oil states that want to buy blow-‘em-up stuff from Russia.

Trouble shuts up the self-important, moralizing Western Europeans.

Trouble sends a message to former subjects.

Trouble means the U.S. is tied down with a nuclear power threatening Israel and the pro-U.S. Arabs.

Trouble means billions of dollars in new oil profits as global prices soar.

Trouble means showing the world’s onlookers that the Obama hope-and-change rhetoric is a good way to get yourself in a lot of trouble, and reminds others that Russia is a dependable if not thuggish regime to have on your side. (When the Wehrmacht approached Moscow in late 1941, “civilized” European neutrals like Sweden, Switzerland, Turkey, Spain and Portugal all started to horse-trade with the sure winner Hitler, angling for trade, cash, borderland, the clearing of old grudges, etc — without a whit of care that he was killing millions of Russian civilians and murdering on sight the Jews of Poland and the Ukraine.[By late 1944 these same “civilized” states were damning Hitler and now angling with the allies.]). So yes, the past is helpful.

Footnote on World War II

There are plenty of inexplicable things about WWII, especially the Pacific “second” theater. If one were to examine in depth the First Marine Division, it is almost inexplicable that a mere few months after Pearl Harbor it could go head-to-head with battle-hardened Japanese brigades in Guadalcanal, without adequate air and naval support, and beat the Japanese on their own turf. Where did such men come from? For the answer about the Old Breed, read E.B. Sledge.

And where in just a few months, by say late 1943, did all these brilliant designs and new planes come from? The Hellcat, Corsair, Helldiver, Lightning, etc., that were not just as good as Japanese head-start models, but suddenly far better? How did an American aeronautical industry, without wartime experience, design and produce the world’s best fighters (cf. the Thunderbolt and Mustang) in less than 30 months? And more amazingly, how does a peacetime country in a little over two years begin to produce hundreds of B-29s and an entire fleet of Essex carriers ex nihilo? It’s quite inexplicable. Each time I restudy the Pacific theater it become even more mysterious, absolutely inexplicable. I wish only that Obama had not spent his Sundays lapping up liberation theology from Rev. Wright but had read instead With the Old Breed, Guadalcanal Diary, or Goodbye, Darkness to understand why his country is what it is, and why it ensures him such a forum of respect and influence.

Footnote on Guantanamo

Now that Obama has apparently broken his promise and won’t close Guantanamo within the year, a kindergarten question arises: did he think Bush/Cheney dreamed up a Stalag to torture people and win them leftwing hysteria?

Is it just possible that after 9/11 they quickly learned there were no good choices in dealing with the epigones of Mohammed Atta — they were neither criminals to be tried nor soldiers in uniform to be accorded the Geneva protections (as Eric Holder once himself chest-thumped)? In such a nether world, Guantanamo was always a bad choice among worse alternatives. That is proven by Obama’s failed nine-month long quest to dream up something better. Now that Guantanamo has no more campaign value, Obama apparently has thrown the old Close-the-Gulag under the bus too.

Yet Obama did a lot of damage in the meantime, demagoguing the facility and besmirching the careful work of those who must guard the sort of people who, as we saw the last week in the U.S., are trying to kill us.

Voir aussi:

Droits inhumains

Ibn Warraq et Michael Weiss
Traduction Poste de veille
le 26 juin 2009

Nous avons traduit un article d’Ibn Warraq et Michael Weiss qui explique comment l’Organisation de la conférence islamique a réussi de manière spectaculaire à infiltrer le Conseil des droits de l’homme de l’ONU et à affaiblir de l’intérieur les instruments de défense des libertés.
Les États-Unis qui avaient quitté ce conseil, y font actuellement un retour. S’ils n’arrivent pas à faire une différence, des voix s’élèveront pour réclamer son abolition.
Warrak et Weiss préconisent la création d’une Ligue des démocraties qui agirait en parallèle.

Ibn Warraq est senior fellow du Center for Inquiry Transnational. Il est l’auteur de cinq livres sur l’islam et la critique du coran, dont Why I am not a Muslim. Michael Weiss est éditeur pour Nextbook. Ses écrits ont été publiés dans Slate, The Weekly Standard, The New Criterion, Standpoint, le New York Sun et ailleurs.

Le Conseil des droits de l’homme de l’ONU, l’ami des islamistes et des tyrans partout dans le monde

En décembre 2006, l’Organisation de la conférence islamique (OCI), un groupe international fondé en 1971 et représentant 57 pays, a réuni un sommet d’urgence à La Mecque. L’événement est resté de triste mémoire depuis que deux imams en colère venus du Danemark ont présenté un dossier de dessins publiés dans le journal danois Jyllands-Posten et se moquant du prophète Mahomet. Dans le tumulte qui s’en est suivi, les musulmans ont assassiné plusieurs personnes en Europe et incendié l’ambassade danoise de Beyrouth.

Pourtant, à ce sommet, l’épisode des caricatures n’a pas été le pire exemple des attaques musulmanes contre la liberté d’expression. La décision essentielle de l’OCI à La Mecque a été d’adopter une politique de tolérance zéro à l’égard de tout ce qui pouvait être perçu comme des insultes contre l’islam. Dans son « Programme d’action décennal » l’OCI annonçait qu’elle allait créer un « observatoire » de surveillance des actes « d’islamophobie ». Elle allait également « agir pour que les Nations unies adoptent une résolution internationale contre l’islamophobie, et demandent à tous les états de promulguer des lois en ce sens, avec sanctions dissuasives », ce qui était pour l’essentiel l’objectif de la résolution non contraignante adoptée en mars 2008 par l’assemblée générale de l’ONU pour la lutte contre la diffamation des religions. Et elle allait « participer à tous les forums régionaux et internationaux et les coordonner efficacement pour protéger et promouvoir les intérêts collectifs de l’Umma islamique, y compris par réforme des Nations unies [et] élargissement du nombre de membres du Conseil de sécurité ».

L’objectif était simple : infiltrer et affaiblir de l’intérieur les conventions et institutions démocratiques, d’une manière qui rappelle « l’entrisme » des groupes marxistes dans le parti travailliste britannique au cours des années 70 et 80. Le plan de l’OCI n’a pas atteint tous ses objectifs, bien sûr. Mais il a réussi de manière spectaculaire pour l’un d’entre eux : le Conseil des droits de l’homme de l’ONU (ou CDH).

Organe subsidiaire de l’Assemblée générale, et basé à Genève, le Conseil des droits de l’homme est né des cendres de l’ancienne Commission des droits de l’homme. Âgée de 60 ans, la commission était critiquée depuis longtemps pour avoir ignoré des atrocités et accueilli comme membres des pays notoirement auteurs de violations des droits de l’homme – le cas le plus marquant étant celui du Soudan au point culminant du génocide du Darfour. En 2006, l’Assemblée générale, soutenue par le secrétaire général d’alors, Kofi Annan, a voté la suppression de la commission.

Le CDH a été créé en mars de la même année par une résolution de l’ONU, malgré l’opposition des États-Unis, d’Israël, des îles Marshall et de Palau. Les États-Unis n’y occupent actuellement pas de siège parce que l’administration Bush, sceptique, estimait que le CDH serait tout aussi inefficace et partial que la défunte commission. Bush a autorisé le versement d’une aide américaine au CDH, mais en septembre 2007 un vote du Sénat américain a mis fin à cette subvention.

Fin mars dernier, néanmoins, l’administration Obama a annoncé que les États-Unis postuleraient à un siège aux élections du CDH, prévues en mai. Selon Susan Rice, ambassadeur des États-Unis aux Nations unies, « les États-Unis demandent un siège au conseil parce que nous pensons qu’en travaillant de l’intérieur nous ferons de cet organisme un forum plus efficace pour promouvoir et protéger les droits de l’homme ».

Mais la tâche s’annonce décourageante, peut-être même sans espoir. En trois années d’existence, le CDH n’a montré aucune amélioration par rapport à son prédécesseur – et cela n’a rien d’étonnant puisque les critères pour devenir membre sont restés tout aussi laxistes. Sur les 47 états membres du CDH, seuls 23 répondent à la définition de « pays libres » selon Freedom House. Quatorze peuvent être considérés comme « partiellement libres », et dix ne sont « pas libres », dont trois – la Chine, Cuba et l’Arabie saoudite – ont leur place dans le rapport spécial de Freedom House, The Worst of the Worst : The World’s Most Repressive Societies (Le pire du pire : les sociétés les plus répressives du monde). La Chine, Cuba et le Pakistan n’ont même pas ratifié le Pacte international relatif aux droits civils et politiques, le plus important des instruments juridiques internationaux ayant force contraignante en matière de droits de la personne.

Le CDH n’a pas de pouvoirs coercitifs. Il adopte des résolutions non contraignantes sur ce qu’il décide constituer des violations de droits de l’homme et ne peut adresser à l’Assemblée générale que des recommandations. Mais ses résolutions bénéficient de l’imprimatur des Nations unies et le CDH peut donc légitimer des barbaries simplement en les ignorant. Si un dictateur peut proclamer devant les médias internationaux que le CDH n’a adopté aucune résolution contre lui, son travail pour maintenir le statu quo et plaider contre une intervention dans les affaires de son pays s’en trouve facilité d’autant.

Les délégués à l’Assemblée générale élisent les états membres du CDH au scrutin secret. Mais, comme des « groupes » régionaux, comme les états africains ou asiatiques, obtiennent automatiquement un certain nombre de sièges au CDH, il en résulte que les pays islamiques, alliés aux membres non islamiques du mouvement des non alignés, contrôlent toujours environ les deux tiers des sièges. Comme le dit Roy Brown, de l’Union internationale humaniste et éthique : « Quand il y a vote, les démocraties libérales sont invariablement battues par 2 à 1 ».

Pas étonnant, donc, que le CDH ait ignoré quelques unes des pires atrocités commises dans le monde. En 2007, il a voté pour retirer de Cuba et de Biélorussie ses propres rapporteurs spéciaux sur les droits de l’homme, et se fie désormais aux données officielles de l’état – et, lorsque c’est possible, aux preuves en sens contraire présentées par les ONG – pour décider s’il y a ou non violations dans ces pays tristement célèbres. Le CDH a pris la même décision de négligence mal intentionnée en 2006 lorsque la Biélorussie, sous la dictature de l’ancien soviétique Alexander Lukashenko, a emprisonné les dissidents et truqué ses élections nationales. En décembre 2007, le CDH a réagi au génocide du Darfour en rappelant de la région son équipe d’observateurs, une trahison méprisable qui faisait suite aux pressions exercées au cours des sessions du conseil par les principaux complices du Soudan, l’Egypte et la Chine. Une proposition canadienne demandant l’inculpation pour crimes de guerre des responsables du génocide a été rejetée l’an dernier par le CDH, malgré les rapports objectifs des Nations unies impliquant le régime de Khartoum dans des meurtres de masse, des tortures et des viols. La seule reconnaissance du génocide par le CDH a consisté à rappeler les justifications des criminels de guerre à travers l’histoire et à condamner « toutes les parties ».

Il est intéressant de noter que cinq des dix sessions extraordinaires du conseil ont été consacrées aux actions d’Israël, alors qu’aucune résolution n’a été adoptée condamnant les crimes perpétrés par la Chine, le Zimbabwé, l’Arabie saoudite ou, d’ailleurs, le Hamas et le Hezbollah. En fait, l’une des actions du CDH qui ont le plus fait les gros titres remonte à mars 2007, lorsque Hillel Neuer, de UN Watch, une organisation basée à Genève, a présenté une accusation féroce du conseil lui-même pour sa curieuse focalisation sur l’état juif. Cette allocution a été la première où le CDH a refusé de remercier un orateur pour sa déclaration, comme l’a fièrement fait remarquer son président de l’époque, le Mexicain Luis Alfonso de Alba. (Parmi les orateurs à qui ont été adressés des remerciements figurent les représentants cubains affirmant que les rapports sur la persécution de dissidents étaient des faux ; un représentant nigérian déclarant que « la lapidation selon la charia pour actes sexuels contre nature ne doit pas être assimilée à un assassinat extrajudiciaire » ; et une représentante iranienne défendant la conférence organisée par son pays sur la négation de l’Holocauste.)

Mais les actes les plus destructeurs commis jusqu’à présent par le CDH, qui sapent toute sa raison d’être, sont les conséquences du sommet de l’OCI à La Mecque. En mars dernier, par exemple, le CDH a adopté une résolution proposée par le Pakistan et soutenue par l’OCI, intitulée « Lutte contre la diffamation des religions ». Adoptée par 23 voix pour, 11 contre et 13 abstentions, cette résolution définit toute critique morale ou intellectuelle de la religion – en l’occurrence, l’islam – comme une violation des droits de l’homme, en expliquant que depuis le 11 septembre le monde assiste à « une intensification de la campagne globale de diffamation des religions et des incitations à la haine religieuse en général ». La résolution exprime « une profonde inquiétude » sur le fait que des « organisations et groupes extrémistes » cherchent à créer et perpétuer des « stéréotypes sur certaines religions ». Elle poursuit en pressant les états de « refuser l’impunité » à ceux qui sont trouvés coupables de mots ou d’actes que le CDH considère comme trop critiques de la religion, et en exigeant des états de garantir que les symboles religieux « soient pleinement respectés et protégés ».

La résolution du CDH fait, de manière inquiétante, une application faussée du mot « diffamation », le fait de nuire à une réputation par calomnie. Les corpus de croyances, les opinions et les symboles ne peuvent être « diffamés » aux yeux d’aucun tribunal ; seuls peuvent l’être des individus. L’Union européenne, avec l’Inde et le Canada, a vivement réagi contre cette officialisation de la censure, comme 207 organisations non gouvernementales, dont trois issues de pays musulmans.

La résolution avait été anticipée dans une autre action du HRC en 2008, et là encore sous l’impulsion de l’OCI. À la septième session de l’organisme, le Canada avait proposé de renouveler le mandat du rapporteur spécial du CDH sur la liberté d’expression, un responsable chargé de protéger la liberté de parole et de dresser une liste d’exemples des cas où elle est refusée. Le 28 mars 2008, tous les membres de l’OCI siégeant au CDH – rejoints par la Chine, la Russie et Cuba – ont proposé un amendement au mandat initial de ce personnage. Le rapporteur spécial devrait désormais, selon la proposition de ces pays, non seulement signaler les violations de la liberté d’expression mais aussi les cas où l’abus de la liberté d’expression constitue un acte de discrimination raciale ou religieuse (c’est nous qui soulignons). L’islam se trouverait ainsi placé hors de portée de toute enquête ou censure alors que les gens livrés aux mains de ses éléments les plus réactionnaires – si encore ils restent vivants pour pouvoir se plaindre – se trouveraient notés dans le petit livre noir du Rapporteur spécial.

Pendant la discussion qui a suivi, certains états islamiques ont prétexté que s’ils refusaient de limiter la liberté d’expression, les extrémistes locaux déclencheraient des émeutes et l’agitation consécutive aux caricatures danoises deviendrait quotidienne. Naturellement, les opposants à l’amendement ont défendu le principe d’universalité de la loi et de la liberté : les membres de l’Union européenne, le Canada, le Royaume-Uni, l’Inde, le Brésil, le Guatemala et la Suisse. Mais l’amendement a été adopté par 27 voix contre 17 et trois abstentions. La résolution amendée a ensuite été votée par 32 voix contre zéro, et 15 abstentions.

Ce qui est remarquable, c’est que la communauté internationale a réagi vivement et défavorablement. « Il est très préoccupant, dans un Conseil qui devrait être . . . le gardien de la liberté d’expression, de voir s’instaurer des contraintes ou des tabous, ou de constater que la discussion de certains sujets devient tabou », a déclaré la haut commissaire de l’ONU aux droits de l’homme sortante, la canadienne Louise Arbour. Quarante organisations ont signé une pétition protestant contre l’amendement. Parmi les signataires figuraient des groupes travaillant au sein de pays islamiques, dont l’Institut du Caire pour l’étude des droits de l’homme, l’association du barreau du Darfour, l’association égyptienne pour le soutien au développement démocratique, et la Fondation de la presse du Pakistan.

Comme le notait la pétition, les Nations unies disposent déjà, avec le Comité pour l’élimination de toutes formes de discrimination raciale, d’un organisme chargé de la fonction désormais attribuée de manière redondante au rapporteur spécial. De plus, l’amendement jetait une lumière négative sur un principe sacro-saint des Lumières. La liberté d’expression est souvent la condition essentielle pour permettre l’égalité raciale et religieuse, et pourtant il était interprété comme un obstacle à cette égalité. Enfin, le caractère verbeux de l’amendement venait troubler la signification de conventions antérieures, comme la convention internationale sur les droits civils et politiques, qui n’autorise les restrictions à la liberté d’expression que pour protéger les individus, et non pour protéger des philosophies, des traditions religieuses ou des dogmes abstraits. « Les croyants ont le droit de n’être pas discriminés en raison de leur croyance, notait la pétition, mais la religion elle-même ne peut pas être interdite de critique ». Il n’est stipulé nulle part, dans aucun document légitime sur les droits de l’homme, qu’offenser ou contester la sagesse classique soit interdit dans l’art oratoire, le journalisme, la littérature ou l’art.

La promotion par le CDH de ce qui se résume à des tabous sur le blasphème constitue un prolongement logique de sa politique interne. Le CDH est géré comme une oligarchie gouvernée par des codes oratoires orwelliens, toute critique du comportement de cet organisme étant immédiatement étouffée en session. Dans son témoignage de mars 2008 au CDH, par exemple, Roy Brown avait noté que la Déclaration du Caire sur les droits de l’homme dans l’islam – votée et ratifiée par l’OCI en 1990 – prenait la charia comme base légale et s’opposait à la Déclaration universelle des droits de l’homme. Brown contestait une déclaration du Pakistanais Masood Khan, ambassadeur de son pays aux Nations unies, qui avait affirmé au conseil, au nom de l’OCI, que la déclaration du Caire était un « complément » et non une alternative à la Déclaration universelle. Immédiatement, Imran Ahmen Siddiqui, délégué du Pakistan au CDH, avait soulevé un point de règlement réduisant Brown au silence et annoncé : « il est insultant pour notre foi de discuter de la charia ici, dans ce forum ». Le président du Conseil à l’époque, le Roumain Doru Costea, avait donné raison à Siddiqui.

Une autre personne a été harcelée : David Littman, de l’Organisation pour une éducation mondiale (Association for World Education). En juin de l’année dernière, pendant la huitième session du CDH, Littman devait parler des droits des femmes dans certains pays, dont des pays musulmans. Le témoignage de Littman critiquait entre autres choses les violations des droits résultant de l’application de la charia, et en particulier le mariage forcé de jeunes filles musulmanes parfois à peine âgées de neuf ans et la lapidation de femmes pour adultère, toutes pratiques qu’il n’est pas possible de décrire correctement sans faire référence au Coran. En violation flagrante des règles aux termes desquelles aucun délégué ne peut recevoir de transcription des témoignages qui vont être présentés, l’Egyptien Amr Roshdy Hassan s’était arrangé pour obtenir à l’avance une copie de l’allocution de Littman. Lui et d’autres ont interrompu Littman au total 16 fois. Le témoignage, qui aurait dû ne demander que quelques minutes, a été prolongé jusqu’à deux heures pour diverses questions de rappel au règlement et une pause prolongée de 40 minutes.

Hassan était soutenu par Siddiqui, qui a prétendu que la déclaration de Littman « équivalait à instiller de la haine entre certains membres de ce conseil ». À la reprise après les 40 minutes de pause, Costea a tranché en affirmant que « le conseil n’est pas prêt à discuter . . . les sujets religieux en profondeur » et il a repris, dans une grammaire étrange et avec une logique encore plus bizarre, une décision d’une session antérieure : « Tant que la déclaration ne comporte pas de jugement ou d’évaluation d’un domaine particulier de législation ne relevant pas du thème de notre discussion, l’orateur est autorisé à poursuivre ».

Et Littman a poursuivi, en notant qu’en Iran et au Soudan, on enterre des femmes jusqu’à la taille et on les lapide à mort avec des pierres rondes pour le crime d’infidélité, et que 96 pour cent des femmes égyptiennes sont encore soumises à des mutilations sexuelles bien que la loi les interdise formellement (notons que le CDH autorise un « jugement » ou une « évaluation » des lois séculières relevant de la violation des droits de l’homme). Mais aussitôt que Littman a suggéré que seule une fatwa émise par Muhammad Sayyid Tantawi, un religieux égyptien influent, serait susceptible d’inverser cette horrible réalité, Hassan est encore une fois intervenu, exigeant un vote sur le témoignage de Littman. « Je ne laisserai pas crucifier l’islam dans ce conseil », a-t-il clamé. Pourtant, il est difficile de considérer comme une crucifixion de l’islam le fait de demander qu’un religieux musulman intervienne pour mettre fin à une violation des droits humains.

Les membres de l’OCI ont raison d’étouffer au CDH toute allusion à leurs propres documents sur les « droits de l’homme ». Si des orateurs comme Brown étaient autorisés à fouiller un peu dans les détails de la Déclaration du Caire sur les droits de l’homme en Islam pendant une session du conseil, il n’aurait pas de mal à montrer à quel point elle interdit bien davantage qu’elle ne permet. L’article 22 de cette déclaration, qui définit la liberté d’expression, stipule :

*
(a) Tout homme a le droit d’exprimer librement son opinion pourvu qu’elle ne soit pas en contradiction avec les principes de la Charria.
*
(b) Tout homme a le droit d’ordonner le bien et de proscrire le mal, conformément aux préceptes de la Charria.
*
(c) L’information est un impératif vital pour la société. Il est prohibé de l’utiliser ou de l’exploiter pour porter atteinte au sacré et à la dignité des prophètes ou à des fins pouvant nuire aux valeurs morales et susceptibles d’exposer la société à la désunion, à la désintégration ou à l’affaiblissement de la foi.
*
(d) Il est interdit d’inciter à la haine ethnique ou sectaire ou de se livrer à un quelconque acte de nature à inciter à la discrimination raciale, sous toutes ses formes.

Un lettré musulman qui soumettrait le Coran à un examen critique ne trouverait pas grand chose dans la déclaration du Caire pour protéger sa liberté d’expression et beaucoup pour la brider. Un agnostique qui douterait de la nature de prophète de Mahomet ou de sa vertu serait lui aussi en situation de risque.

Quant aux apostats sincères, la déclaration du Caire ne leur fait pas de quartier. « L’Islam est la religion de l’innéité », écrit l’article 10. « Aucune forme de contrainte ne doit être exercée sur l’homme pour l’obliger à renoncer à sa religion pour une autre ou pour l’athéisme ; il est également défendu d’exploiter à cette fin sa pauvreté ou son ignorance ». Dans l’islam, on considère que seules la violence ou l’ignorance peuvent conduire un croyant à abandonner sa foi ou à se convertir à une autre religion, deux crimes punissables de mort. La déclaration du Caire revient donc à donner d’avance aux gouvernements musulmans le permis de tuer les missionnaires ou les avocats de l’agnosticisme ou de l’athéisme.

Il n’est pas nécessaire d’être spécialiste en droit international ou exégète du Coran pour mesurer la pauvreté de ces préceptes par comparaison à la langue claire et précise de la Déclaration universelle des droits de l’homme qui fêtait l’an dernier son 60ème anniversaire. Les articles 18 et 19 de ce document, le plus traduit au monde (selon le bureau du haut commissaire aux droits de l’homme) disent :

– Toute personne a droit à la liberté de pensée, de conscience et de religion ; ce droit implique la liberté de changer de religion ou de conviction ainsi que la liberté de manifester sa religion ou sa conviction seule ou en commun, tant en public qu’en privé, par l’enseignement, les pratiques, le culte et l’accomplissement des rites.

– Tout individu a droit à la liberté d’opinion et d’expression, ce qui implique le droit de ne pas être inquiété pour ses opinions et celui de chercher, de recevoir et de répandre, sans considérations de frontières, les informations et les idées par quelque moyen d’expression que ce soit.

Toute personne qui chercherait à exposer devant le conseil que la déclaration du Caire, qui prétend compléter ces nobles idéaux en est en fait l’opposé, ou qu’elle ne peut en aucune manière les compléter puisqu’elle se fonde sur la charia qui affirme l’infériorité des femmes et des non musulmans, se verra désormais imposer le silence.

La candidature de l’administration Obama à un siège au conseil pourrait se révéler utile en exposant davantage le CDH au regard des médias. Mais la participation des États-Unis pourrait impliquer l’Amérique dans chacune des sinistres résolutions du conseil et donner à celui-ci une plus grande légitimité sur la scène mondiale.
Comment remédier au scandale du CDH ? Une solution pourrait être d’imposer des conditions plus strictes aux éventuels membres du conseil, comme d’être signataire du Pacte international relatif aux droits civils et politiques et de participer à la théorie et à la pratique du libre arbitre et de la liberté de parole, ce qui signifie également la liberté à l’égard des injonctions religieuses. On pourrait aussi exiger des états membres qu’ils conduisent des enquêtes internes transparentes et indépendantes sur les violations de droits de l’homme survenant à l’intérieur de leurs frontières.

Pendant sa campagne présidentielle, le sénateur républicain John McCain avait préconisé la constitution d’une Ligue des démocraties qui agirait indépendamment de l’ONU (sans la remplacer) pour demander des comptes aux régimes dictatoriaux ou totalitaires, imposer des sanctions économiques aux états voyous, et porter secours aux victimes des nettoyages ethniques ou génocides. Avec ses règles de composition strictes, une telle assemblée multinationale n’aurait pas à souffrir d’obstruction interne de la part d’états comme la Russie ou la Chine, et elle serait donc en meilleure position pour faire respecter les droits de l’homme.

Cette Ligue, en faveur de laquelle se prononce aussi Anthony Lake, qui a conseillé Obama, pourrait même par son existence faire contrepoids au CDH, et constituer un organisme où pourraient avoir lieu des victoires symboliques en faveur des droits de l’homme, hors de la zone d’ombre de l’interférence avec l’islam.

À la fin de la Deuxième guerre mondiale, Bertrand Russell avait observé qu’historiquement l’espèce humaine était réticente à accepter sa propre survie. Ce pacte suicidaire qui continue encore trouve sûrement un complice dans le relativisme culturel, une invention du libéralisme occidental que des réactionnaires non occidentaux ont utilisée comme permis de tuer et massacrer des gens en toute tranquillité. Aucun exemple de cette tendance mortelle n’est pire que le Conseil des droits de l’homme de l’ONU.

Version originale : City-Journal traduction Poste de Veille


Iran: A quoi joue Obama? (New dog, old tricks)

27 septembre, 2009
Magic obamaA quoi jouent les dirigeants iraniens? Le Figaro
Certains aspects du débat rappellent l’Irak. Le Monde
Le fond du problème est que ce régime ne veut pas reprendre ses négociations avec les Occidentaux car au bout de compte, il devrait accepter des compromis contraires à ses intérêts. Ces intérêts résident dans le fait d’être l’adversaire idéologique de l’Occident pour demeurer dans le rôle intéressant d’agitateur régional arbitre du conflit israélo-arabe. Pour cela, il doit séduire la rue arabe avec des slogans anxiogènes et disposer de milices armées. S’il faisait le moindre geste d’apaisement, il perdrait l’appui de la rue arabe et de ces milices qui peuvent aller proposer leurs services à d’autres protecteurs qui souhaitent contrôler cette force de nuisance (Syrie, Russie ou Chine). Iran Resist
A chaque fois que les Six par leurs efforts réunissent les conditions pour un dialogue apaisé sur le programme nucléaire iranien: le régime des mollahs évoque l’installation d’une nouvelle génération de centrifugeuses, l’installation d’un grand nombre de centrifugeuses ou encore il annonce de tirs de missiles de nature à laisser un doute sur une déclinaison nucléaire militaire. Iran-Resist

Attention: un tour de passe-passe peut en cacher bien d’autres!

Défilé de vieux missiles nord-coréens portant les inscriptions « Mort à Israël » ou « Mort à l’Amérique » (avec chute d’un avion hérité de Saddam – pour le mettre à l’abri et jamais rendu ! – d’avant la première guerre du Golfe), discours habituels sur la disparition prochaine d’Israël et due mise en cause négationniste du génocide juif, proposition d’inspections du nouveau centre d’enrichissement par l’AIEA, annonce de nouveaux essais de missiles, proposition de « supervision » dudit centre par l’agence onusienne …

Alors qu’après le dernier lapin sorti du sac des mollahs à la veille comme par hasard d’une énième « négociation de la dernière chance » (rappelant chaque jour un peu plus le dangereux poker menteur d’un certain dictateur irakien avant sa chute), nos chers dirigeants et leur claque médiatique nous jouent la surprise et la fermeté …

On découvre, entre deux provocations iraniennes et reculades occidentales, que la dramatique révélation au monde par le Pleurnicheur en chef lui-même de l’existence d’un prétendu nouveau centre d’enrichissement iranien avait non seulement été communiquée à l’AIEA, dont le dernier rapport annonçait triomphalement le gel volontaire des activités nucléaires iraniennes, par les mollahs eux-mêmes dès le 21 septembre, soit quatre jours auparavant

Mais que la construction dudit centre, caché sous une montagne près de la ville sainte de Qom, date en fait d’il y a quatre ans c’est-à-dire avant la première élection du pantin qui sert de président aux véritables tireurs de ficelles du régime …

De même que les services secrets américains, dont un rapport de 2007 avait vanté les faibles progrès du programme nucléaire iranien, étaient comme leurs homologues occidentaux au courant depuis le début

Et qu’enfin en avait été notifié, dès son élection et donc deux mois avant son arrivée à la Maison Blanche le Pleurnicheur en chef en personne par ailleurs fortement contraint de réviser sa copie sur le conflit afghan.

A quand maintenant la reconnaissance, comme s’épuisent à l’expliquer depuis des années nos amis d’Iran-Resist et s’ingénient à la fuir nos propres dirigeants, de l’impossibilité, pour un régime fondé sur l’opposition révolutionnaire au reste du monde, de toute discussion apaisée avec l’Occident qui signerait par là l’arrêt de mort de leur pouvoir?

Iran: Plus d’enrichissement pour désespérer les Six!
Iran-Resist
26.09.2009

Hier matin, avant le début du sommet du G20, Obama, Sarkozy et Brown ont ensemble dénoncé, la construction en secret d’un second centre d’enrichissement en Iran. Tous affirment qu’ils avaient connaissance de cette construction, gênés par le fait que l’information ait été divulguée par le régime des mollahs lui-même ! Les Six cherchent à minimiser ce nouveau stratagème de Téhéran pour faire capoter le dialogue.

La construction en Iran d’un second centre d’enrichissement est une véritable bombe à retardement. CNN s’interrogeait hier sur les raisons de cette divulgation, la jugeant mystérieuse. Cette constatation résulte d’une double méconnaissance de la crise nucléaire iranienne, mais aussi du régime des mollahs. Ce n’est pas la première fois que Téhéran diffuse des informations sur ses progrès nucléaires qui sont de nature à nuire à un apaisement avec les Six : ceci est même le composant de base de cette crise.

Provocations

A chaque fois que les Six par leurs efforts réunissent les conditions pour un dialogue apaisé sur le programme nucléaire iranien : le régime des mollahs évoque l’installation d’une nouvelle génération de centrifugeuses, l’installation d’un grand nombre de centrifugeuses ou encore il annonce de tirs de missiles de nature à laisser un doute sur une déclinaison nucléaire militaire.

Motivations

Comme nous l’avons précisé dans toutes nos dernières analyses, Téhéran agit ainsi avec les Six car il ne peut en aucun cas avoir un dialogue apaisé avec les Etats-Unis car cet Etat est l’allié et le protecteur par excellence d’Israël. Cet apaisement serait interprété comme une trahison par la rue arabe dont a besoin Téhéran pour déstabiliser la région. Si ce lien idéologique arrivait à rompre, Téhéran aurait du mal à conserver le Hezbollah, son bras armé régional, bien qu’il l’ait créé et largement financé depuis 26 ans. Sans le Hezbollah, le régime des mollahs n’a aucune puissance militaire.

Surenchère

Il en résulte une nécessité absolue pour le régime de demeurer fermé à tout apaisement et aussi d’exagérer ses forces militaires pour séduire la rue arabe. Cette amplification délibérée de la crise permet aussi à l’Iran de pousser à l’escalade afin que par la peur d’une guerre touchant le détroit d’Ormuz, tous les grands pays industriels qui dépendent du pétrole du Golfe Persique fassent pression sur les Etats-Unis afin qu’ils cessent de sanctionner l’Iran.

Sanctions

En refusant toute coopération, le régime s’expose à des sanctions financières. Ces sanctions le privent d’entrées de devises. Cette baisse de revenus est dramatique pour le régime des mollahs : il y a deux ans, le régime a supprimé les subventions sur l’essence, on vient d’apprendre que depuis 3 ans, le métro de Téhéran n’arrive plus à acheter des pièces détachées pour entretenir les machines. Ce pays va vers la paralysie sans même que l’on adopte les sanctions sur le carburant.

Pour éviter de plus amples sanctions, il suffirait que le régime capitule de ses positions en acceptant le dialogue avec les Etats-Unis. Conscient de l’impossibilité de ce dialogue et le danger des sanctions, le 9 septembre 2009 Téhéran a accepté une rencontre avec les Six, mais avec la ferme intention de pousser ses adversaires –en particulier les Américains- à claquer la porte des négociations.

Prétextes

La première piste a été de proposer un ordre de jour très polémique et sans lien avec le contentieux : le 13 septembre, les Six ont accepté pour l’engager dans l’apaisement forcé. Téhéran a alors essayé de les énerver avec une date au-delà de la date limite préalablement fixée par les Six : ces derniers ont encore accepté et le rendez-vous a été pris pour le 1er octobre. La prochaine difficulté a été l’endroit : Genève a été finalement désigné.

Ne sachant que faire pour pousser les six et parmi eux surtout les Américains à claquer la porte le régime a renoué avec les déclarations négationnistes à l’occasion de la Journée de Qods, cela n’a rien donné malgré une surenchère des propos.

Le 21 septembre, Téhéran a sorti sa Grosse Bertha avec l’annonce dans la presse d’une nouvelle génération de centrifugeuse 5 fois plus puissantes en test à Natanz (c’est-à-dire en contradiction avec le dernier rapport de l’AIEA évoquant un ralentissement délibéré pour marquer la bonne foi de Téhéran), annonce suivie par une lettre à l’AIEA faisant état d’un second centre d’enrichissement. Avec de vieilles centrifugeuses d’aspect identique au modèle courant en activité à Natanz que l’on prétend différente à l’intérieur et un bâtiment encore vide, Téhéran a fait monter la tension d’un cran.

Le lendemain, le régime a fait défiler des vieux missiles Nord-Coréens portant les inscriptions « Mort à Israël » ou « Mort à l’Amérique ». Etant donné que tous les Etats signataires du TNP ont des ambassadeurs à l’AIEA, Téhéran s’attendait à ce que cette bombe médiatique à retardement explose pendant la visite d’Ahmadinejad à New-York pour l’Assemblée Générale de l’ONU, qu’elle donne lieu à des déclarations enflammées de renforcement de sanctions avant la rencontre du 1er octobre offrant ainsi au régime des mollahs un prétexte pour boycotter la rencontre.

Esquive

Conscients de cette ruse de Téhéran, les Six et en particulier les Américains se sont gardés de tout commentaire et finalement quand ils en ont parlé au point de presse avant le début du Sommet des G20, ils ont évité toute déclaration intempestive pour ne donner aucune satisfaction aux mollahs.

Analyse de cette réaction

Cette esquive a cependant un autre aspect car le Président américain qui a dénoncé cette construction a dit qu’il savait depuis longtemps pour ce second centre d’enrichissement ! Ce qui pose la question de son silence ! Pourquoi n’avait-il pas parlé de ce centre secret quand il parle si souvent de la menace nucléaire iranienne ? La réponse est simplissime : ce centre fictif inventé par les mollahs pour amplifier la crise contredit le rapport 2007 des services secrets américains (NIE 2007). Le rapport avait minimisé le danger du nucléaire iranien, rendant inutiles des sanctions trop lourdes. Washington a ainsi évité des sanctions susceptibles de renverser les mollahs qu’il souhaite avoir comme alliés régionaux pour pénétrer l’Asie Centrale.

Téhéran a réellement mis dans l’embarras Washington avec ce centre d’enrichissement sorti de nulle part. Ce scud médiatique des mollahs est une vraie calamité pour Washington car il a remis aussi en cause la fiabilité de l’AIEA juste au moment où cette agence onusienne venait enfin de rompre avec une direction anti-américaine.

C’est ce qui explique le silence de 3 jours de l’AIEA : on cherchait une pirouette pour sauver le dernier rapport de l’Agence sur le gel volontaire des activités et aussi le rapport américain sur les faibles progrès du programme nucléaire iranien. Cette pirouette est digne de la crise nucléaire entre Téhéran et Washington : on demande à Téhéran d’ouvrir le centre aux inspecteurs de l’AIEA. En fait, on demande aux mollahs de laisser Washington décider s’il faut valider cette rumeur pour permettre l’adoption de nouvelles sanctions ou l’invalider en minimisant le danger de ce site pour éviter à ce régime si utile d’écoper de nouvelles sanctions fatales.

En guise d’avertissement aux mollahs, nos amis Américains ont sorti de leurs étuis leurs marionnettes : les Moudjahiddines du peuple qui ont dans le délai accordé par l’AIEA sorti un communiqué de révélations sur les caractéristiques de ce centre, mais aussi sur les caractéristiques d’un troisième centre d’enrichissement grâce aux sources de la Résistance !

Ces sources sont probablement célestes puisque cette organisation qui n’a aucun satellite a, encore et sans respect pour notre intelligence, publié des photos satellites des bâtiments vides dont les coordonnées ont été transmises par les mollahs à l’AIEA.

La crise nucléaire iranienne stagne sur place. On répète toujours les mêmes schémas car à la base on ne retrouve pas la volonté d’en finir avec les mollahs et ce parce que Washington ne veut reconnaître l’impossibilité d’une entente avec ce régime. Notre seule satisfaction est que ce régime est incorrigible : il est l’architecte de sa déchéance.


Politiquement correct: Couvrez ce passé arabe nazi que je ne saurais voir! (Arab-Nazi collaboration is a taboo topic in the West)

26 septembre, 2009
Mufti meets Hitler
Tuez les Juifs partout où vous les trouverez. Cela plaît à Dieu, à l’histoire et à la religion. Cela sauve votre honneur. Dieu est avec vous. (…) [L]es Allemands n’ont jamais causé de tort à aucun musulman, et ils combattent à nouveau contre notre ennemi commun […]. Mais surtout, ils ont définitivement résolu le problème juif. Ces liens, notamment ce dernier point, font que notre amitié avec l’Allemagne n’a rien de provisoire ou de conditionnel, mais est permanente et durable, fondée sur un intérêt commun. Haj Amin al-Husseini (mufti de Jérusalem, discours sur Radio Berlin, le 1er mars 1944)
Je ne suis pas un expert du Moyen-Orient, mais je me demande pourquoi les personnes qui considèrent si unilatéralement Israël comme le problème principal de la région ne se posent jamais la question de savoir comment le conflit du Moyen-Orient se serait développé s’il n’avait pas été influencé par les fascistes, les antisémites et les frais exilés du nazisme. Karl Rössel

Au lendemain d’un des plus atterrants rapports de l’ONU sur une intervention militaire israélienne …

Et en attendant le prochain sur l’intervention de l’OTAN en Afghanistan …

Orchestration des émeutes anti-juives de Palestine de 1920/1921 et du pogrom d’Hébron de 1929, subventionné par Hitler comme les Frères musulmans pour sa révolte palestinienne de 1936-1939 qui massacra des centaines de soldats britanniques, juifs et opposants palestiniens, participation à un coup d’Etat fasciste manqué en Irak, fuite à Berlin en 1941 en tant qu’invité personnel du Fürher, recrutement de milliers de musulmans bosniaques pour les Waffen SS, intervention auprès des nazis pour empêcher la fuite en palestine de milliers de juifs européens, collaboration avec les nazis pour un projet de solution finale en Palestine, incitation au meurtre de juifs sur Radio Berlin …

Le brillant CV du Moufti de Jérusalem sous le nazisme avait tout, on le voit, pour intéresser le commissaire d’une exposition allemande rappelant les nombreuses complicités du monde arabe avec les Nazis.

Et faire reculer la directrice bien-pensante germano-camerounaise du Centre multiculturel de Berlin où elle devait se tenir …

The Mufti of Berlin
Arab-Nazi collaboration is a taboo topic in the West.
Daniel Schwammenthal
WSJ
September 24, 2009

Berlin

One widespread myth about the Mideast conflict is that the Arabs are paying the price for Germany’s sins. The notion that the Palestinians are the « second victims » of the Holocaust contains two falsehoods: It suggests that without Auschwitz, there would be no justification for Israel, ignoring 3,000 years of Jewish history in the land. It also suggests Arab innocence in German crimes, ignoring especially the fascist past of Palestinian leader Haj Amin al Husseini, who was not only Grand Mufti of Jerusalem but also Waffen SS recruiter and Nazi propagandist in Berlin. When a German journalist recently tried to shed some light on this history, he encountered the wrath of the Arab collaborators’ German apologists.

Karl Rössel’s exhibition « The Third World in the Second World War » was supposed to premier on Sept. 1 in the « Werkstatt der Kulturen, » a publicly funded multicultural center in Berlin’s heavily Turkish and Arab neighborhood of Neukölln. Outraged by the exhibition’s small section on Arab complicity in Nazi crimes, Philippa Ebéné, who runs the center, cancelled the event. Among the facts Ms. Ebéné didn’t want the visitors of her center to learn is that the Palestinian wartime leader « was one of the worst and fanatical fascists and anti-Semites, » as Mr. Rössel put it to me.

The mufti orchestrated the 1920/1921 anti-Jewish riots in Palestine and the 1929 Arab pogroms that destroyed the ancient Jewish community of Hebron. An early admirer of Hitler, Husseini received Nazi funding—as did Egypt’s Muslim Brotherhood—for his 1936-1939 Palestinian revolt, during which his thugs killed hundreds of British soldiers, Jews and also Arabs who rejected his Islamo-Nazi agenda. After participating in a failed fascist coup in Iraq, he fled to Berlin in 1941 as Hitler’s personal guest. In the service of the Third Reich, the mufti recruited thousands of Muslims to the Waffen SS. He intervened with the Nazis to prevent the escape to Palestine of thousands of European Jews, who were sent instead to the death camps. He also conspired with the Nazis to bring the Holocaust to Palestine. Rommel’s defeat in El Alamein spoiled these plans.

After canceling the exhibition, Ms. Ebéné clumsily tried to counter the impression that she had pre-emptively caved to Arab pressure. As a « non-white » person (her father is Cameroonian), she said, she didn’t have to fear Arabs, an explanation that indirectly suggested that ordinary, « white, » Germans might have reason to feel less safe speaking truth to Arabs.

Berlin’s integration commissioner, Günter Piening, initially seemed to defend her. « We need, in a community like Neukölln, a differentiated presentation of the involvement of the Arabic world in the Second World War, » Der Tagesspiegel quoted him as saying. He later said he was misquoted and following media criticism allowed a smaller version of the exhibit to be shown.

Mr. Rössel says this episode is typical of how German historians, Arabists and Islam scholars deny or downplay Arab-Nazi collaboration. What Mr. Rössel says about Germany applies to most of the Western world, where it is often claimed that the mufti’s Hitler alliance later discredited him in the region. Nothing could be further from the truth. In the Mideast, Nazis were not only popular during but also after the war—scores of them found refuge in the Arab world, including Eichman’s deputy, Alois Brunner, who escaped to Damascus. The German war criminals became trusted military and security advisers in the region, particularly of Nazi sympathizer Gamal Nasser, then Egypt’s president. The mufti himself escaped to Egypt in 1946. Far from being shunned for his Nazi past, he was elected president of the National Palestinian Council. The mufti was at the forefront of pushing the Arabs to reject the 1948 United Nations partition plan and to wage a « war of destruction » against the fledgling Jewish state. His great admirer, Yasser Arafat, would later succeed him as Palestinian leader.

The other line of defense is that Arab collaboration with the Nazis supposedly wasn’t ideological but pragmatic, following the old dictum that « the enemy of my enemy is my friend. » This « excuse » not only fails to consider what would have happened to the Jews and British in the Mideast had the Arabs’ German friends won. It also overlooks the mufti’s and his followers’ virulent anti-Semitism, which continues to poison the minds of many Muslims even today.

The mufti « invented a new form of Jew-hatred by recasting it in an Islamic mold, » according to German scholar Matthias Küntzel. The mufti’s fusion of European anti-Semtism—particularly the genocidal variety—with Koranic views of Jewish wickedness has become the hallmark of Islamists world-wide, from al Qaeda to Hamas and Hezbollah. During his time in Berlin, the mufti ran the Nazis’ Arab-language propaganda radio program, which incited Muslims in the Mideast to « kill the Jews wherever you find them. This pleases God, history and religion. » Among the many listeners was also the man later known as Ayatollah Khomeini, who used to tune in to Radio Berlin every evening, according to Amir Taheri’s biography of the Iranian leader. Khomeini’s disciple Mahmoud Ahmadinejad still spews the same venom pioneered by the mufti as do Islamic hate preachers around the world.

Muslim Judeophobia is not—as is commonly claimed—a reaction to the Mideast conflict but one of its main « root causes. » It has been fueling Arab rejection of a Jewish state long before Israel’s creation.

« I am not a Mideast expert, » Mr. Rössel told me, but « I wonder why the people who so one-sidedly regard Israel as the region’s main problem never consider how the Mideast conflict would have developed had it not been influenced by fascists, anti-Semites and people who had just returned from their Nazi exile. »

Mr. Rössel may not be a « Mideast expert » but he raises much more pertinent questions about the conflict than many of those who claim that title.

Mr. Schwammenthal is an editorial writer for The Wall Street Journal Europe.

Voir aussi:

The U.N.’s Anti-Antiterror Report
A biased ‘finding’ on Gaza could also apply to Afghanistan.
WSJ
September 23, 2009

When it comes to the U.N. and Israel, our thoughts often turn to those East German Olympic judges during the Cold War: Their bias was so transparent it could almost pass without notice. But a new report from a U.N. « fact finding mission » about January’s war in the Gaza Strip marks a new low, employing logic and arguments that will be felt wherever the West confronts terrorism.

The Goldstone report—named after principal author, South African jurist Richard Goldstone—is a creature of the U.N.’s Human Rights Council, which in its three short years has condemned Israel more often than the U.N.’s other 191 member states combined, according to Hudson Institute scholar Anne Bayefsky. Mr. Goldstone’s report devotes the bulk of its 575 pages to denouncing Israel for what it calls « a deliberately disproportionate attack designed to punish, humiliate and terrorize a civilian population. » For this, it adds, Israeli soldiers could be individually liable for criminal prosecution in international courts, while Israel itself is held guilty of « a crime against humanity. »

To arrive at these conclusions, Mr. Goldstone and his fellow panelists were forced to make some astonishing claims of fact. For example, they assert that the Gaza police force was a « civilian » agency, though it merged with Hamas’s own paramilitary « Executive Force » after Hamas took over Gaza in 2007. The report also says it could not « establish the use of mosques for military purposes or to shield military activity, » despite widely available real-time video evidence to the contrary.

The argument seems to be that Hamas can surround its combatants with civilians, and for Israel to strike back is a war crime. The report holds Israel culpable for pursuing a strategy essential in war, which is to break the enemy’s will to fight. By this logic, FDR and Churchill could have been charged because the bombing of German industries and cities killed civilians in World War II.

The U.N. also holds Israel accountable as Gaza’s « occupying power, » never mind that former Prime Minister Ariel Sharon uprooted all of Gaza’s Jewish settlements in 2005. As for the « blockade » it accuses Israel of inflicting on the Strip, one wonders why Egypt, which has also sealed its border with Gaza, doesn’t come in for similar condemnation.

The report treats Israel as the aggressor in the conflict, though the Israeli government sat still for more than three years as Hamas transformed Gaza into a terrorist enclave while firing rockets at Israeli towns and cities. At exactly what point, if any, does Mr. Goldstone believe Israel is entitled to self defense? His co-panelist, international law professor Christine Chinkin, offered a clue in January when she wrote that Hamas’s rocket attacks on Israeli civilians did not « amount to an armed attack entitling Israel to rely on self defense. »

The Goldstone report includes some pro forma condemnation of Hamas’s behavior, but Hamas leaders quickly endorsed the findings because they know they have nothing to fear from the International Criminal Court or any other special tribunal. Hamas violates the laws of war as a matter of daily routine, not least in the murder of Palestinian dissenters. The U.N. report can only hurt a Western nation like Israel that cares about world, or at least American, opinion.

If it is taken seriously, the Goldstone logic could (and eventually will) be applied to NATO tactics in Afghanistan, where civilians are also sometimes killed in the course of anti-Taliban operations. This may well be a U.N. goal—the preamble in a process that could lead to, say, Director Leon Panetta in the dock at the Hague.

As for the Obama Administration, it has rightly made it clear that it will not allow the report to reach the level of the Security Council, much less the International Criminal Court. But having now joined the Human Rights Council—a point the President underscored, to applause, in his speech yesterday at the U.N.—it now has an obligation to police that body and call it out on its charades, lest it become complicit.

Voir enfin:

At the U.N., Terrorism Pays
It was my duty as defense minister to stop Hamas rockets.
Ehud Barak
WSJ
September 25, 2009

This week the United Nation’s Human Rights Council produced a 600-page report alleging that Israel carried out war crimes in Gaza. The Goldstone Report—named for its chief investigator Richard Goldstone—also asserts that Israel’s motives for its operation against Hamas nine months ago were purely political. I am outraged by these accusations. Let me explain why.

It is the duty of every nation to defend itself. This is a basic obligation that all responsible governments owe their citizens. Israel is no different.

After enduring eight years of ongoing rocket fire—in which 12,000 missiles were launched against our cities, and after all diplomatic efforts to stop this barrage failed—it was my duty as defense minister to do something about it. It’s as simple and self-evident as the right to self-defense.

While such logic eluded Mr. Goldstone and his team, it was crystal clear to the thousands of Israeli children living in southern Israel who had to study, play, eat and sleep while being preoccupied about the distance to the nearest bomb shelter. When I accompanied then-presidential candidate Barack Obama on his visit to the shelled city of Sderot, he said « If somebody was sending rockets into my house where my two daughters sleep at night, I’m going to do everything in my power to stop that. And I would expect Israelis to do the same thing. » Too bad the Human Rights Council wasn’t listening.

Whenever we are forced to defend our own lives, it is our obligation to do so in a way that ensures that the lives of innocent civilians on the other side are protected. This duty becomes extremely difficult when we have to face an enemy that intentionally deploys its forces in densely populated areas, stores its explosives in private homes, and launches rockets from crowded school yards and mosques. In Gaza, we reached out to the civilians via millions of leaflets, telephone calls and text messages urging them to leave areas before we acted.

So when the Goldstone mission gathers testimony from local residents in Hamas-ruled Gaza, but forgets to ask them whether they happened to notice any armed Palestinians during the Israeli operation, or didn’t realize that its impartially chosen witnesses happened to be known Hamas operatives according to Israeli intelligence, I begin to question the methodology of such a « fact-finding » effort.

Although I am incensed by the Goldstone Report, I must admit that I was not surprised. It is, more than anything else, a political statement—not a legal analysis.

This shameful document was produced by the Human Rights Council, a body whose obsession with Israel has led it to produce more resolutions condemning Israel than all other countries combined. By its lights, the evils of Israel far outweigh those of countries like Burma, Sudan and North Korea.

In its blind zeal to demonize Israel, the council has produced a document that undermines every other democracy struggling to defend itself against terrorism. The message broadcast by this report to the new world order? Terrorism pays.

Yet, an accusation, however ludicrous, is still an accusation, and it mustn’t remain unanswered.

If the U.N. or anyone else has complaints, they should direct them towards the Israeli government. I have in-depth knowledge about the extent of the Israel Defense Forces’ (IDF) efforts to reduce civilian casualties, and I am convinced that the actions our government took are equal to or exceed actions taken by the armed forces of any other democratic nation. Strikes against extremely valuable Hamas targets were aborted in mid-operation due to the unexpected presence of civilians.

Hundreds of thousands of warnings of impending IDF activity were provided to the population by leaflet, radio, telephone and text messages. Humanitarian supplies were allowed to flow into Gaza despite the fact that Hamas shelled the convoys and confiscated the aid they carried.

Israel is not perfect. As much as we as a society try to uphold the IDF’s ethical code, mistakes sometimes happen and deviations from procedure occur. Whether we like it or not, Israel is one of the most scrutinized countries in the world. And when we are told that things may not be right, we check it out and, when necessary, prosecute those involved. We are now pursuing two dozen criminal investigations regarding events that occurred in Gaza. We don’t need the Human Rights Council, Richard Goldstone, or anyone else to teach us how to maintain the democratic principles which are our lifeblood.

As sobering as the thought may be, terrorists will welcome this report. It has made their work much easier, and the work of their potential victims more difficult.

I believe that the time has come for us to put an end to this calculated erosion of common sense. The nations that share democratic values must not allow themselves to be handcuffed by the abusive application of lofty ideals. Democracies should be concentrating on defending themselves from extremism—not from accusations by kangaroo courts.

Mr. Barak is Israel’s defense minister.


Rapport de l’ONU sur Gaza: Prime à l’agresseur! (International law gives the advantage to unlawful aggressors)

25 septembre, 2009
You'll never guess the identity of our mystery super villain!Aucune disposition de la présente Charte ne porte atteinte au droit naturel de légitime défense, individuelle ou collective, dans le cas où un Membre des Nations Unies est l’objet d’une agression armée, jusqu’à ce que le Conseil de sécurité ait pris les mesures nécessaires pour maintenir la paix et la sécurité internationales. (…) Article 51 (Chapitre VII, Charte de l’ONU)
Suite au récent et atterrant rapport de l’ONU sur Gaza
.
Et aux déclarations d’un conseiller du Pleurnicheur en chef menaçant d’abattre les avions israéliens qui tenteraient d’empêcher l’Iran de se doter, en flagrante violation des traités signés, de l’arme de la solution finale …
.
Retour, avec le juriste américain Paul H. Robinson dans le WSJ, sur la totale inadéquation du droit international concernant le droit à l’auto-défense …

Retirer des mines d’une voie maritime internationale (comme la Grande-Bretagne avec les mines albaniennes du Détroit de Corfou en 1946), libérer des otages victimes d’un détournement d’avion (comme Israël à Entebbe en 1976), se défendre contre une attaque en préparation (comme Israël contre ses voisins égyptiens, syriens et jordaniens à la veille de la Guerre des six jours en 1967 ou comme le Salvador contre les soutiens sandinistes de ses insurgés en 1979-81), attaquer les plate-formes pétrolières servant de bases pour des attaques contre les navires internationaux (comme les Etats-Unis contre l’Iran en 1987), expulser les talibans d’Afghanistan (après leur refus de livrer les terroristes du 11/9 2001) …

Autant d’actions de légitime défense que n’aurait jamais autorisé l’application stricte de l’article 51 de la Charte de l’ONU.

Qui, avec sa restriction de l’usage de la force aux seuls cas d’attaque armée et son légendaire immobilisme, interdit de fait tout exercice du « droit naturel à la légitime défense » qu’elle prétend justement défendre, favorisant ainsi unilatéralement l’agresseur

Israel and the Trouble With International Law
Many restrictions on the use of force against aggressors make no moral sense.
Paul H. Robinson
The Wall Street Journal
September 22, 2009

Last week the United Nations issued a report painting the Israelis as major violators of international law in the three-week Gaza war that began in December 2008. While many find the conclusion a bit unsettling or even bizarre, the report’s conclusion may be largely correct.

This says more about international law, however, than it does about the propriety of Israel’s conduct. The rules of international law governing the use of force by victims of aggression are embarrassingly unjust and would never be tolerated by any domestic criminal law system. They give the advantage to unlawful aggressors and thereby undermine international justice, security and stability.

Article 51 of the U.N. Charter forbids all use of force except that for « self-defense if an armed attack occurs. » Thus the United Kingdom’s 1946 removal of sea mines that struck ships in the Strait of Corfu was held to be an illegal use of force by the International Court of Justice, even though Albania had refused to remove its mines from this much used international waterway. Israel’s raid on Uganda’s Entebbe Airport in 1976—to rescue the victims of an airplane hijacking by Palestinian terrorists—was also illegal under Article 51.

Domestic criminal law restricts the use of defensive force in large part because the law prefers that police be called, when possible, to do the defending. Force is authorized primarily to keep defenders safe until law enforcement officers arrive. Since there are no international police to call, the rules of international law should allow broader use of force by victims of aggression. But the rules are actually narrower.

Imagine that a local drug gang plans to rob your store and kill your security guards. There are no police, so the gang openly prepares its attack in the parking lot across the street, waiting only for the cover of darkness to increase its tactical advantage. If its intentions are clear, must you wait until the time the gang picks as being most advantageous to it?

American criminal law does not require that you wait. It allows force if it is « immediately necessary » (as stated in the American Law Institute’s Model Penal Code, on which all states model their own codes), even if the attack is not yet imminent. Yet international law does require that you wait. Thus, in the 1967 Six Day War, Israel’s use of force against Egypt, Syria and Jordan—neighbors that were preparing an attack to destroy it—was illegal under the U.N. Charter’s Article 51, which forbids any use of force until the attack actually « occurs. »

Now imagine that your next-door neighbor allows his house to be used by thugs who regularly attack your family. In the absence of a police force able or willing to intervene, it would be quite odd to forbid you to use force against the thugs in their sanctuary or against the sanctuary-giving neighbor.

Yet that is what international law does. From 1979-1981 the Sandinista government of Nicaragua unlawfully supplied arms and safe haven to insurgents seeking to overthrow the government of El Salvador. Yet El Salvador had no right under international law to use any force to end Nicaragua’s violations of its sovereignty. The U.S. removal of the Taliban from Afghanistan in 2001 was similarly illegal under the U.N. Charter (although it earned broad international support).

An aggressor pressing a series of attacks is protected by international law in between attacks, and it can take comfort that the law allows force only against its raiders, not their support elements. In 1987, beginning with a missile strike on a Kuwaiti tanker, the Iranians launched attacks on shipping that were staged from their offshore oil platforms in the Persian Gulf. While it was difficult to catch the raiding parties in the act (note the current difficulty in defending shipping against the Somali pirates), the oil platforms used to stage the attacks could be and were attacked by the U.S. Yet these strikes were held illegal by the International Court of Justice.

Social science has increasingly shown that law’s ability to gain compliance is in large measure a product of its credibility and legitimacy with its public. A law seen as unjust promotes resistance, undermines compliance, and loses its power to harness the powerful forces of social influence, stigmatization and condemnation.

Because international law has no enforcement mechanism, it is almost wholly dependent upon moral authority to gain compliance. Yet the reputation international law will increasingly earn from its rules on the use of defensive force is one of moral deafness.

True, it will not always be the best course for a victim of unlawful aggression to use force to defend or deter. Sometimes the smart course is no response or a merely symbolic one. But every state ought to have the lawful choice to do what is necessary to protect itself from aggression.

Rational people must share the dream of a world at peace. Thus the U.N. Charter’s severe restrictions on use of force might be understandable—if only one could stop all use of force by creating a rule against it. Since that’s not possible, the U.N. rule is dangerously naive. By creating what amount to « aggressors’ rights, » the restrictions on self-defense undermine justice and promote unlawful aggression. This erodes the moral authority of international law and makes less likely a future in which nations will turn to it, rather than to force.

Mr. Robinson, a professor of law at the University of Pennsylvania, is the co-author of « Law Without Justice: Why Criminal Law Does Not Give People What They Deserve » (Oxford, 2006).


Unesco: Nouvelle victime du lobby juif? (Is Farouk Hosni the latest victim of the Jewish lobby?)

24 septembre, 2009
Farouk Hosni
Je suis sémite, comment serais-je antisémite? Farouk Hosni
Hosni n’arrêtera pas sa cour du lobby juif pour obtenir le siège de l’Unesco. Wael Kandil ‘critique égyptien)
.
Au lendemain de l’échec de la candidature de l ‘Egyptien Farouk Hosni à la présidence de l’UNESCO face à la candidate bulgare Irina Bokova …

Et de la dénonciation quasi-unanime du « lobby juif » par la presse et les intellectuels de son pays …

Retour sur un article de Haaretz qui révélait dès janvier dernier la redoutable et machiavélique stratégie du Premier ministre israélien Benyamin Nethanyaou.

Qui, on l’oublie trop souvent, avait levé son opposition à l’élection de l’ancien ministre de la Culture égyptien, poussant ce dernier à s’excuser profusément pour ses écarts de langage antisémites.

Et assurant, de ce fait même (pour cause d’antisémitisme trop tiède),… la non-élection de celui-ci!

Maybe Netanyahu really does understand Arabs
Zvi Bar’el

Haaretz

01/01/2009

Enough said. Netanyahu really does understand Arabs. Especially Egyptians. Look what happened to Farouk Hosni, the Egyptian culture minister who longed to head UNESCO.

The beginning of the story is well-known. All of Israel’s ambassadors and attaches wasted no effort to sabotage the Egyptian minister’s appointment to the desirable post. Every anti-Israeli remark, every word he mouthed critical of Israeli books and writers and every pronouncement against normalizing ties with Israel were meticulously gathered in a file of evidence against him. Indeed, how could an Egyptian minister, a painter and intellectual, be awarded this international post when he had announced he would burn Israeli books?

While it is difficult to find an independent Egyptian intellectual, as opposed to those in the establishment, who would put in a good word for Hosni? His declarations had made him a local hero for building a wall, with his own hands, against normalization. That is, until Netanyahu came along to fix things for him in a conversation with Egyptian President Hosni Mubarak. Haaretz political correspondent Barak Ravid uncovered the fact that Netanyahu agreed to drop Israel’s objections to the appointment in exchange for a gesture of normalization on Egypt’s part. The gestures followed immediately.
Hosni apologized for his remarks and even announced he had ordered the translation of books by David Grossman and Amos Oz into Arabic. Heaven forbid, not from the original Hebrew, but from English and French versions. Such translations have, by the way, existed for years in Egypt’s university libraries, and Egyptian scholars have written numerous research papers on Israeli authors.

But then there was an uproar. The culture minister became the object of derision. « Hosni will not stop short of courting Zionist influence to reach the UNESCO seat, » wrote the critic Wael Kandil. MP Abbas Abd al-Aziz, representing the Suez region, called for Hosni to be removed from office and his way to UNESCO blocked, because he was willing to do anything to get the position, even at the expense of the history of the city of Suez. Aziz was angry; Hosni had agreed to invite Israeli representatives to a literary festival in Suez, nicknamed « the city of opposition. »

Intellectuals and academics from Suez announced they would campaign against the invitations and even created an Internet site detailing Hosni’s crimes and submission to Zionism.

But the Egyptian opposition contains several voices, and one of them is particularly original. The translator and Hebrew scholar Mohammed Aboud wrote his doctoral dissertation at Ain Shams University on Hebrew literature. Israeli poet and writer Almog Bahar turned my attention to an article by Aboud last week in the Almasry Alyoum newspaper in which he explains why he opposes translating Hebrew works into Arabic through the Egyptian Culture Ministry:

« I personally have great appreciation for those who reject translating Hebrew literature into Arabic through the offices of the Culture Ministry, because this is the apparatus that inherited the slogan ‘know your enemy,’ under whose shadow Hebrew language departments at Egyptian universities developed. These departments participated and still take part in anti-Israeli efforts on the information, ideological and military fronts. They swallow every piece of paper translated from Hebrew so as to be armed with the knowledge to continue the confrontation with the enemy from the east.

« I understand the reason for the Culture Ministry’s haste to translate Hebrew literature at this moment in time, » Aboud writes. « Rather than taking this important step in the framework of a national undertaking – to become familiar with Israel, and methodically and intensively gather information on the ideological and cultural currents there – it aspires to attain an international office, which may or may not be reached. »

Aboud’s voice isn’t enough to change the official, ideological allegiance to opposing normalizing ties with Israel. Farouk Hosni now understands very well he will pay too high a price in public opinion for what is seen as reconciliation with Israeli literature. The national hero directly fighting the Zionists has turned into a traitor, according to the principles of those intellectuals warring against normalization.


Environnement: Les Français sont-ils les mieux placés pour donner des leçons aux Américains? (We even stopped eating starch so we won’t produce methane)

24 septembre, 2009
Thoreau's Walden (1854)Rachel Carson's Silent spring (1962)Je gagnai les bois parce que je voulais vivre suivant mûre réflexion, n’affronter que les actes essentiels de la vie, et voir si je ne pourrais apprendre ce qu’elle avait à enseigner, non pas, quand je viendrais à mourir, découvrir que je n’avais pas vécu. Henry David Thoreau (1854)
La conservation des ressources naturelles est le problème fondamental. A moins que nous résolvions ce problème, il nous servira pas à grand chose de résoudre tous les autres. Theodore Roosevelt (1907)
« Printemps silencieux » [Rachel Carson, 1962) a changé l’équilibre des forces dans le monde. Personne ne peut plus présenter aussi facilement la pollution comme un effet secondaire et nécessaire du progrès sans être critiqué. H. Patricia Hynes
Bons écolos depuis longtemps, (…) nous avons même arrêté de consommer des féculents pour ne pas rejeter de méthane. Couple de lecteurs de L’Indépendant du 16/9/09 (cité par le Canard enchainé)
Nos émissions comparativement plus basses sont le fruit de la géographie, de la géologie, et surtout de plusieurs siècles d’histoire; le leur reprocher moralement n’a pas plus de sens que de reprocher à mes concitoyens de parler français ou d’aimer le fromage. Il faut souhaiter que les Américains diminuent aussi vite que possible leurs émissions, mais notre comportement récent ne nous donne hélas aucune légitimité pour le leur demander au nom de la morale. Jean-Marc Jancovici

Villes denses à parcours réduits construites à une époque où les seules énergies disponibles étaient les énergies renouvelables (traction animale, bois, soleil…) …

Contre villes américaines étalées et à déplacements longs construites après la découverte du charbon et du pétrole rendant les transports en commun plus problématiques …

Augmentation de 40% depuis Kyoto du linéaire autoroutier, annonces depuis 1993 de 12 projets autoroutiers ou routiers « importants » (genre 2×2 voies) pour le futur, baisse en 2001 de la TIPP ainsi que les taxes sur le fioul domestique, le carburant agricole et routier, suppression de la vignette automobile, décision en 1997 du doublement des pistes de Roissy voire d’un 3e aéroport parisien …

Croissance continue du parc de grandes surfaces aspirateurs à voitures situées en périphérie de ville (induisant 2 à 10 fois plus de transports que le commerce de centre ville), omniprésent appel à la croissance de la consommation de produits manufacturés dans la bouche de nos dirigeants…

Augmentation régulière depuis 1992 de la taille de nos logements (de 34 à 37 m2 entre 1992 et 2002), hausse 67% du trafic aérien (émissions équivalentes à celles de la moitié des automobiles), croissance continue des déchets ménagers (+10% en 10 ans), achat de voitures de plus en plus lourdes et puissantes roulant toujours plus …

Alors que, face au premier président américain dhimmi  dont l’entourage en est à présent à menacer, dans son obsession de se démarquer de l’Administration précédente, d’abattre les avions israéliens qui tenteraient d’empêcher l’Iran de violer les lois internationales, notre Sarko national a repris son bâton de donneur de leçons pour flatter les nostalgiques du pigovisme hier à New York et ceux du « Glass-Steagall Act » aujourd’hui à Pittsburgh …

Retour avec le fameux vulgarisateur français du changement climatique et de la crise énergétique Jean-Marc Jancovici

Sur la réelle position de la France dans la « course au changement climatique » face à une Amérique que nous passons notre temps à diaboliser au nom des principes et d’un mouvement écologique mêmes dont nous lui sommes redevables.

Focalisant de plus notre hargne sur un président (Bush) dont on oublie commodément qu’il n’a fait que refuser de ratifier un texte (Kyoto – d’ailleurs toujours pas appliqué par nous) que ses parlementaires avaient déjà désavoué sous son prédécesseur (Clinton) …

Les Américains sont-ils les rois des affreux?
Jean-Marc Jancovici

Manicore

décembre 2003 – révisé mars 2006

Incontestablement, nos amis d’outre -Atlantique sont très mal placés dans la « course au changement climatique » : non seulement leur pays est le premier émetteur de gaz à effet de serre au monde, avec 25% des émissions planétaires à eux tous seuls (pour moins de 5% de la population mondiale), mais en outre ils ont des émissions par habitant qui sont parmi les premières au monde.

Emissions de CO2 par habitant en 1999, puits inclus, en tonnes équivalent carbone Les Etats-Unis occupent la seconde place des émissions par habitant pour les « grands » pays, c’est-à-dire ceux qui comportent plus de 10 millions d’habitants, derrière l’Australie (non représentée sur le graphique).

Il est donc fréquent de considérer que nous sommes de « bons élèves », ayant déjà fait de gros efforts, et pouvant nous proposer en exemple dans la lutte contre les émissions de gaz à effet de serre à des Américains qui seraient des fumistes rétifs à toute discipline en la matière. La réalité est-elle aussi simple ?

Les Américains sont-ils plus désireux que nous de « polluer le climat » ?

Pour en vouloir fortement aux Américains, il faudrait que non seulement ils soient de gros « empoisonneurs du climat », ce qu’ils sont objectivement, mais aussi qu’ils soient heureux de l’être et n’aient aucune intention de changer les choses. Au moment où George « Dubiou » Bush a déclaré que « le mode de vie américain n’était pas négociable », et que son pays ne ratifierait pas le protocole de Kyoto, qu’en pensaient les citoyens ? Ont-ils considéré, comme leur président du moment, que la diminution de 7% des émissions américaines (objectif pour les Etats-Unis dans le protocole de Kyoto) était un sacrifice excessif ?

Bien évidemment, de multiples sondages ont été faits sur la question. En voici les résultats d’un, réalisé en avril 2001 par Gallup pour l’université de Princeton :

Question posée en avril 2001

oui

non
Comme vous le savez, George W. Bush a décidé que les Etats Unis devaient se retirer de l’accord sur le réchauffement global adopté en 1997 à Kyoto. Approuvez vous cette décision ?

25%

47%

En voici les résultats d’un autre sondage, réalisé en juin 2002 pour le Chicago Council on Foreign Relations et le German Marshall Fund of the United States :

Question posée en juin 2002

oui

non
Sur la base de vos connaissances, pensez vous que les Etats-Unis devraient participer au Protocole de Kyoto ?

64%

21%

Enfin si pose aux Américains la question suivante (en 2002) : « Comment considérez vous la manière dont l’administration de George Bush gère la question du changement climatique ? », voici ce qu’ils répondent (la même question a été posée à des européens, pour donner un élément de comparaison).

Niveau d’appréciation

Etats-Unis

Europe
Excellent

6%

2%
Bien

19%

11%
Acceptable

32%

27%
Mauvais

33%

50%
Sans opinion

10%

10%

Un sondage plus récent (mars 2006) montre que l’état de l’opinion, par certains côtés, est identique à ce qu’il est en France, même si on admirera l’aptitude de l’institut de sondage à laisser penser que « sortir du pétrole » c’est nécessairement « développer des sources d’énergie alternatives », c’est-à-dire conserver les avantages de la trajectoire actuelle sans les inconvénients (pas question d’économies dans cette affaire !). En outre il est impossible de déduire de certaines questions la cause première de la réponse (la crainte de manquer de pétrole, ou celle de polluer le climat ?).

Bref les questions ci-dessous sont finalement aussi mal ficelées que celles des instituts de sondage français (par exemple la substitution fossiles -> renouvelables est supposée se faire à consommation constante, croissante ou décroissante ?) mais les réponses sont probablement le reflet de « quelque chose » quand même.

Pensez-vous que le gouvernement fédéral en fait assez pour s’occuper du problème du changement climatique et pour développer des sources d’énergie alternatives afin de diminuer notre dépendance au pétrole importé ?

% des réponses
Nettement moins que le nécessaire

45%
Un peu moins que le nécessaire

30%
Un peu plus que le nécessaire

5%
Beaucoup plus que le nécessaire

2%
Il fait le nécessaire

12%

Seriez vous pour ou contre une volonté plus affirmée du gouvernement fédéral de diminuer la pollution liée au réchauffement global, d’encourager de nouvelles approches pour promouvoir l’efficacité énergétique, et accélérer le développement des énergies renouvelables ?

% des réponses
Je suis fortement pour

48%
Je suis plutôt pour

35%
Je suis plutôt contre

7%
Je suis fortement contre

6%
Sans opinion

4%

Que pensez-vous de l’affirmation suivante : « développer des sources alternatives d’énergie et diminuer la dépendance des Etats Unis au pétrole importé devrait être la première priorité de Bush pour le reste de ses années aux pouvoir. »

% des réponses
Je suis tout à fait d’accord

45%
Je suis plutôt d’accord

32%
Je suis plutôt en désaccord

11%
Je suis tout à fait en désaccord

9%
Sans opinion

3%

Enfin en novembre 2006 le MIT a demandé aux Américains quel était pour eux le premier problème d’environnement, et, surprise !, c’est le changement climatique qui arrive en tête.

Question posée : Quel est le plus important problème d’environnement pour les USA aujourd’hui ? Notez la hausse spectaculaire en 3 ans des Américains qui répondent « le changement climatique ».

Source : Laboratory for Energy and the Environment, MIT, novembre 2006

Et voici maintenant le clou du spectacle : les USA seraient le pays des anti-taxes ? Voire…

Question posée : Une proposition est actuellement déposée devant le Congrès qui propose : de diminuer les impôts d’une famille typique de 1000 $, d’augmenter la facture mensuelle d’électricité de 25$ [NDR : ca fait 300 $ de plus par an], de taxer l’essence de 60 cents par gallon [NDR : ca fait 600 $ de plus par véhicule et par an en chiffres ronds], et tout cela pour baisser les émissions de 50%. Etes vous pour ou contre ?

Source : Laboratory for Energy and the Environment, MIT, novembre 2006

Le résultat ci-dessus est parfaitement clair : un tiers des Américains sont favorables à un tel transfert fiscal, un tiers y sont défavorables, et un tiers ne savent pas. En d’autres termes, si cette loi était votée, il n’y aurait qu’un tiers d’opposants déclarés. Pour un nouvel impôt, ce n’est pas beaucoup !

Bref, en 3 ans les Américains sont devenus « inquiets » sur ce sujet à peu près à l’égal des Français ; que ce soit il y a 4 ans ou maintenant, seuls 20% à 25% des Américains approuvent franchement l’action de George W. Bush en la matière, les autres étant tièdes ou franchement opposés ; ils sont peut-être plus favorables aux taxes que nous !

Dès lors, est-il juste d’assimiler l’ensemble d’un pays à son dirigeant du moment, qui manifestement n’est pas en phase avec son opinion sur ce point ?

Les Français récoltent-ils aujourd’hui les fruits d’un « effort climatique » soutenu ?

Après la mauvaise volonté éventuelle (qui n’est pas plus caractérisée que chez nous si nous nous basons sur les déclarations d’intention de la population américaine), un deuxième élément pourrait nous permettre de nous poser en donneurs de leçons : que nous récoltions dès aujourd’hui les fruits d’un effort soutenu pour réduire nos émissions.

Or, si nous avons effectivement des émissions par habitant qui sont quasiment 3 fois moindres que celles des Américains, il s’avère en fait que cela doit bien peu à notre « conscience du changement climatique », et aux efforts considérables que nous aurions effectués de manière volontaire, et beaucoup à l’histoire. La relative faiblesse de nos émissions par habitant constitue en effet le « produit dérivé » d’un certain nombre d’initiatives qui n’ont pas été prises à cause du changement climatique, et dont certaines sont fort anciennes ! :

les villes européennes – donc françaises – ont été construites pour l’essentiel à une époque où les seules énergies disponibles étaient les énergies renouvelables (la traction animale, le bois, le soleil…..), et nos ancêtres ont donc fait des cités denses, où les déplacements étaient courts, donc économes en énergie. Au contraire, l’essentiel des villes américaines ont été construites après la découverte du charbon et du pétrole, et la limitation des déplacements n’a pas été un élément pris en compte. De ce fait leur urbanisme a été plus « étalé », ce qui allonge les parcours et rend les transports en commun moins envisageables, toutes choses qui font rapidement grimper la consommation d’énergie, donc les émissions des transports. Mais pouvons nous nous prévaloir, comme une action de lutte contre le changement climatique, du fait d’hériter de villes construites il y a des siècles ?

Il saute aux yeux que les villes européennes denses ont une « efficacité énergétique » 5 à 6 fois meilleure que celle des villes « étalées » américaines.

la France n’a plus de charbon, et surtout n’a jamais produit de pétrole ou de gaz en quantités significatives comparées à sa consommation (en 2002 la France a produit moins de 2% du pétrole et moins de 1% du gaz qu’elle a consommé). Notre consommation étant importée en quasi-totalité, les pouvoirs publics ont toujours pris des mesures qui conduisent de fait à en économiser l’usage, comme par exemple les taxes sur les carburants. Là aussi, la raison première des économies n’avait rien à voir avec la question climatique : il s’agissait surtout de ne pas alourdir la facture pétrolière.

A l’opposé, les USA ont longtemps eu la place de premier producteur de pétrole au monde (c’est fini maintenant), et sont assis sur les premières réserves de charbon de la planète. Ils n’ont donc jamais considéré le pétrole ou le charbon comme des ressources rares, et n’ont jamais éprouvé le sentiment d’en limiter l’usage. Nous ne pouvons pas leur reprocher de ne pas avoir bâti des villes économes à une époque où les limites de la planète ne se posaient pas pour beaucoup de monde…

le programme électronucléaire français, qui nous permet l’économie de 20 à 40% d’émissions à consommation d’énergie totale comparable, a été décidé dans les années 70, soit bien avant la « montée en puissance » de la question climatique à la fin des années 1980. C’est certes une excellente chose à mon sens d’avoir fait ce programme, mais nous pouvons difficilement le présenter comme une action volontaire de lutte contre les émissions de gaz à effet de serre ! Nous « héritons » là aussi d’une vertu qui n’était pas dans le cahier des charges de l’époque ; à ce moment c’était l’indépendance énergétique qui était en jeu. Les pays qui n’avaient pas de problème d’indépendance énergétique, comme les USA, et ont eu recours au charbon, au fioul ou au gaz pour leur production électrique, ont aujourd’hui des émissions nationales 20 à 40% supérieures à celles de la France pour une même consommation électrique. Mais encore une fois l’enjeu en France était l’économie de pétrole, de gaz et de charbon, pas la baisse des émissions !

Les dirigeants Français peuvent-ils donner des leçons à ceux des Etats-Unis ?

La Convention des Nations Unies sur le changement climatique (et dont le protocole de Kyoto est un « appendice ») a été signée en 1992 puis ratifiée par la France, comme par tous les pays du monde. Cette convention a pour objectif ultime de « stabiliser les concentrations de gaz à effet de serre dans l’atmosphère à un niveau qui empêche toute perturbation anthropique dangereuse du système climatique » (anthropique signifie « due à l’homme »).

Cette formulation ne fournit pas la valeur des concentrations maximales en gaz à effet de serre dans l’atmosphère qu’il faudrait ne pas dépasser, mais enfin il y a au moins une chose que cette formulation contient implicitement : il faudra que, « un jour », ces concentrations cessent d’augmenter (une augmentation indéfinie sera clairement dangereuse à un moment ou à un autre !), et pour cela TOUS les pays industrialisés, France compris, devront baisser leurs émissions de CO2 de 75% à 92%.

Si les Etats-Unis devront fournir un effort relatif supérieur au nôtre, la France devra néanmoins diviser ses émissions de CO2 par 4 pour se conformer à cet objectif, ce qui est loin d’être une plaisanterie, et justifiera aussi chez nous des réorientations majeures. Or, si nous oublions les beaux discours tenus par nos dirigeants et regardons les faits, nous constatons que non seulement ces réorientations n’ont pas été décidées, mais que c’est souvent l’exact inverse qui est fait, et ce quelle que soit la couleur politique du pouvoir en place :

le linéaire autoroutier, qui était de 6.680 km en 1990, soit 2 ans avant Rio, est passé à 9.300 km en 2000, soit 40% d’augmentation depuis les beaux discours, et augmente actuellement de 200 à 300 km par an, malgré la signature de Kyoto. Les annonces du gouvernement en 2003 comprennent 12 projets autoroutiers ou routiers « importants » (genre 2×2 voies) pour le futur. Il serait étonnant de construire ces infrastructures pour ne pas s’en servir, or s’en servir fera augmenter le trafic donc les émissions ; il est donc parfaitement incohérent de construire ce genre de chose et de souhaiter faire baisser le trafic en même temps….

en 2001, la TIPP a baissé, ainsi que les taxes sur le fioul domestique (le chauffage est un poste très important des émissions), sur le carburant agricole, et un dégrèvement sur les carburants pour le transport routier,

en 2001 toujours, la vignette automobile a été supprimée,

en 1997, le gouvernement a décidé du doublement des pistes de Roissy (le même gouvernement souhaitait en fait la création d’un 3è aéroport parisien), et en 2003 le gouvernement a considéré comme souhaitable, même s’il n’a plus d’argent à y mettre, la création de l’aéroport de ND des Landes dans l’Ouest et la réalisation sous une autre forme d’une nouvelle infrastructure aéroportuaire pour desservir Paris,

le parc de grandes surfaces, qui sont des aspirateurs à voitures situées en périphérie de ville (à chiffre d’affaires équivalent, les grandes surfaces induisent 2 à 10 fois plus de transports – pour les clients et les marchandises – que le commerce de centre ville), et induisent aussi une consommation d’énergie accrue – par rapport au petit commerce et aux marchés – pour le chauffage du magasin et la fabrication des produits vendus, a continué à croître, avec la bénédiction des pouvoirs publics :

l’appel à la croissance de la consommation de produits manufacturés est omniprésent dans la bouche de nos dirigeants…

***

Les citoyens Français peuvent-ils donner des leçons à ceux des Etats-Unis ?

Admettons que, comme aux Etats-Unis, nos dirigeants prennent des décisions qui ne soient pas conformes à ce que nous souhaitons vraiment, et que nous soyons en proie à une impérieuse envie de « déconsommer » (je pense que le lecteur acceptera volontiers qu’en fait ce n’est pas du tout le cas !). Pour nous poser néanmoins en donneur de leçons, il conviendrait, alors, que nous soyons en train de suivre « la bonne voie » au niveau individuel. Or si nous regardons ce que nous faisons concrètement quand nous prenons des décisions d’achat ou de consommation qui ont une incidence sur les émissions de gaz à effet de serre, voici ce que cela donne :

depuis 1992 nous avons continué d’augmenter la taille de nos logements, qu’ensuite il faut bien chauffer l’hiver (et de plus en plus climatiser l’été), avec des émissions de gaz à effet de serre à la clé : la surface habitable par personne est passée de 34 à 37 m2 (soit 10% d’augmentation) entre 1992 et 2002, et nous continuons d’augmenter le parc de logements de quelques centaines de milliers d’unités tous les ans (qu’il faudra aussi bien chauffer etc). De ce fait, malgré une réglementation thermique de plus en plus « dure » pour les logements neufs, et des températures hivernales en hausse sur les dernières décennies, la quantité totale d’énergie de chauffage est restée constante (alors qu’il faudrait la diviser par 2 à 4).

nous avons pris de plus en plus l’avion : le trafic aérien en France a augmenté de 67% pendant la décennie 1992-2001. Le transport aérien est un contributeur très important aux émissions de gaz à effet de serre : les avions qui décollent d’un aéroport français engendrent (sur toute la durée du vol) des émissions équivalentes à celles de la moitié des automobiles françaises. Une partie de cette hausse du trafic aérien est certes due aux étrangers venant en en France, mais par ailleurs nous avons aussi fait tout ce que nous pouvions pour entretenir ce flux touristique aéroporté !

nous avons continué à jeter toujours plus de déchets ménagers : +10% en 10 ans.

Or ces déchets représentent autant de matériaux qu’il a fallu produire, ce qui a conduit à de grandes émissions de gaz à effet de serre, et autant de déchets qu’il faudra gérer ensuite, ce qui conduira à des émissions supplémentaires (même avec le tri sélectif ou le recyclage), quoiqu’inférieures à celles liées à la fabrication de ce qui est jeté.

nous avons – comme consommateurs, personne ne nous y oblige ! – continué d’acheter des voitures de plus en plus lourdes,

de plus en plus puissantes,

et auxquelles nous faisons faire de plus en plus de kilomètres par an.
nous avons continué à manger beaucoup de viande, alors que la production de cette dernière engendre autant d’émissions que les voitures particulières en France,

et je pourrais reproduire les courbes des achats de frigos, de plats surgelés, de cadeaux à Noël, d’achats de fruits exotiques (transportés par avion) ou de fruits hors saison, de viande, etc ; toutes ces courbes ayant leur contrepartie en termes de consommation d’énergie fossile et d’émissions de gaz à effet de serre. En clair, nous ne trouverions pas beaucoup d’exemples pour illustrer un éventuel désir de vertu des Français !

***

En guise de conclusion

Il me semble donc que, avant de donner des leçons de morale aux Américains, nous devrions balayer un peu devant notre porte : certes, nous partons de plus bas, et, certes, nos amis Yankees ont des efforts autrement plus considérables que nous à faire si la planète doit diviser ses émissions par deux de manière volontaire, mais ces dernières années nous n’avons pas plus pris le tournant de la décroissance volontaire des émissions qu’eux.

Il ne s’agit pas, bien évidemment, de considérer que les Américains ne doivent rien faire parce que nous sommes incapables de montrer le chemin : ils seraient bien inspirés de s’y mettre avec un peu plus d’ardeur si NOUS voulons éviter l’augmentation des conséquences désagréables dans notre pays. Mais placer le débat sur le terrain de la morale ne fait pas avancer les choses, car notre comportement ne nous donne aucune légitimité pour ce faire.

Nos émissions comparativement plus basses sont le fruit de la géographie, de la géologie, et surtout de plusieurs siècles d’histoire ; le leur reprocher moralement n’a pas plus de sens que de reprocher à mes concitoyens de parler français ou d’aimer le fromage. Il faut souhaiter que les Américains diminuent aussi vite que possible leurs émissions, mais notre comportement récent ne nous donne hélas aucune légitimité pour le leur demander au nom de la morale.


Antifrancisme: Le peuple français n’existe pas (How the French people was invented)

21 septembre, 2009
The Invention of the jewish people (Shlomo Sand, 2008)Et puis, je crois que ce n’est pas le seul cas d’invention d’un peuple. Je pense par exemple qu’à la fin du XIXe siècle, on a inventé le peuple français. Le peuple français n’existe pas en tant que tel depuis plus de 500 ans, comme on a alors essayé de le faire croire. Shlomo Sand

En ce 5770e Nouvel An juif …

Retour sur un entretien particulièrement éclairant  de l’historien franco-israélien Shlomo Sand.

Qui, du fond de son long et difficile exil en Israël, évoque avec une émotion non contenue l’invention de sa patrie française

Morceaux choisis:

Et puis, je crois que ce n’est pas le seul cas d’invention d’un peuple. Je pense par exemple qu’à la fin du XIXe siècle, on a inventé le peuple français. Le peuple français n’existe pas en tant que tel depuis plus de 500 ans, comme on a alors essayé de le faire croire. (…) si vous et moi n’étions pas allés à l’école, nous ne connaîtrions pas l’existence de Louis XVI. Pour parler de la Révolution française, cette mémoire des noms de Danton et de Robespierre, vous ne l’avez pas reçue spontanément mais dans une structure, à l’école, dans le cadre d’un savoir que quelqu’un a créé et organisé pour vous le transmettre. Quelqu’un a décidé que vous deviez connaître x et pas y. Je ne trouve pas cela forcément critiquable. Chaque mémoire collective est une mémoire greffée, dans le sens où quelqu’un a décidé de la transmettre à d’autres. (…) En tant qu’historien, je pense que la nation est une invention très moderne. Je ne crois pas qu’il y a 500 ans, il y avait une nation française.

comme citoyen israélien je trouvais déjà fou que quelqu’un qui était sur une terre il y a deux mille ans puisse prétendre avoir des droits historiques sur cette même terre. Ou alors il faudrait faire sortir tous les Blancs des Etats-Unis, faire rentrer les Arabes en Espagne, etc.

Je n’essaie pas de détruire l’Etat d’Israël. J’affirme que la légitimité idéologique et historique sur laquelle se fonde aujourd’hui l’existence d’Israël est fausse.

D’un point de vue historique, je vous dis aussi : non, il n’y a pas de droit historique des juifs sur la terre de Palestine, qu’ils soient de Jérusalem ou d’ailleurs. Mais je dis aussi, d’un point de vue plus politique : vous ne pouvez réparer une tragédie en créant une autre tragédie. Nier l’existence d’Israël, cela veut dire préparer une nouvelle tragédie pour les juifs israéliens. Il y a des processus historiques que l’on ne peut pas changer.

Plus juste aurait été pour vous donner un exemple, et élargir nos horizons, de créer un Etat juif… aux Sudètes. En 1945, les Tchèques ont chassé 3 millions d’Allemands des Sudètes, qui sont restées «vides» quelques mois. Le plus juste aurait été de donner les Sudètes à tous les réfugiés juifs en Europe. Pourquoi aller ennuyer une population qui n’avait rien à voir avec la tragédie juive ? Les Palestiniens n’étaient pas coupables de ce que les Européens avaient fait. Si quelqu’un avait dû payer le prix de la tragédie, ça aurait dû être les Européens, et évidemment les Allemands. Mais pas les Palestiniens.

Hitler, écrasé militairement en 1945, aurait en fin de compte remporté la victoire au plan conceptuel et mental dans l’Etat « juif ». Qu’avez-vous essayé de démontrer ?

La majorité des Israéliens croient que, génétiquement, ils sont de la même origine. C’est absolument incroyable. C’est une victoire de Hitler. Lui a cherché au niveau du sang. Nous, nous parlons de gènes. Mais c’est pareil. C’est un cauchemar pour moi de vivre dans une société qui se définit, du point de vue de l’identité nationale, sur des bases biologiques. Hitler a gagné dans le sens où c’est lui qui a insufflé la croyance que les juifs sont une race, un «peuple-race». Et trop de gens en Israël, trop de juifs, ici, à Paris, croient vraiment que les juifs sont un «peuple-race». Il n’y a donc pas seulement les antisémites, il y a aussi ces juifs qui eux-mêmes se considèrent comme une race à part.

Dans mon livre, une chose importante que j’ai essayé de montrer est que, du point de vue historique, je dis bien historique, car je ne m’occupe pas ici de religion, les juifs ne sont pas des juifs. Ce sont des Berbères, des Arabes, des Français, des Gaulois, etc. J’ai essayé de montrer que cette vision essentialiste, profonde, que les sionistes partagent avec les antisémites, cette pensée qu’il y a une origine spéciale pour les juifs, cette pensée est fausse. Il y a au contraire une richesse extraordinaire, une diversité d’origines fabuleuse. J’ai essayé de montrer ça avec des matériaux historiques. Sur ce point, la politique a nourri mes recherches, de même que la recherche a nourri ma position politique.

Le sionisme est exceptionnel uniquement parce que, pour se réaliser, il doit coloniser une terre.

Entretien avec l’historien israélien Shlomo Sand: « Le peuple juif n’existe pas »
Mediapart
le 01 octobre 2008

«Je n’ai rien découvert de nouveau, j’ai simplement organisé autrement le savoir existant», assure Shlomo Sand. Ce professeur d’histoire à l’université de Tel-Aviv, né en 1946, est en France cette semaine pour présenter son dernier livre, paru le 3 septembre chez Fayard. Dans Comment le peuple juif fut inventé, il défend la thèse selon laquelle les juifs du monde entier ne sont pas tous issus du grand exil de l’an 70 mais bénéficient au contraire d’origines les plus diverses.

En Israël, où il a été publié au printemps, le livre a trouvé un excellent écho du côté des journalistes, et notamment auprès du quotidien Haaretz. Un accueil qui n’a que peu surpris Shlomo Sand. «Plus que les gens de gauche et les orthodoxes, qui ont plutôt un regard bienveillant sur mon travail, affirme-t-il, mon livre va déranger ces juifs qui vivent à Paris, à New York, et pensent que l’Etat d’Israël leur appartient davantage qu’à mon collègue arabe israélien.»

Pourquoi avoir choisi ce titre, qui sonne comme une provocation ?

Au début je craignais un peu cet effet provocant mais, en fait, le titre reflète parfaitement le contenu de mon livre. Et puis, je crois que ce n’est pas le seul cas d’invention d’un peuple. Je pense par exemple qu’à la fin du XIXe siècle, on a inventé le peuple français. Le peuple français n’existe pas en tant que tel depuis plus de 500 ans, comme on a alors essayé de le faire croire.

Le peuple juif, c’est encore plus compliqué, parce qu’on le considère comme un peuple très ancien, qui a cheminé de par le monde pendant 2000 ans, avant de retourner chez lui. Je crois au contraire que le peuple juif a été inventé.

Quand je dis peuple juif, j’utilise le sens moderne du mot peuple. Quand on évoque aujourd’hui le peuple français, on parle d’une communauté qui a une langue commune, des pratiques, des normes culturelles et laïques communes. Donc je ne pense pas que l’on puisse dire qu’il y a un peuple juif au sens moderne du terme. Je ne crois pas qu’il y a 500 ans, les juifs de Kiev et ceux de Marrakech avaient ces pratiques, ces normes culturelles communes. Ils avaient une chose importante en commun : une croyance, une foi commune, des rituels religieux communs. Mais si les seules affinités entre des groupes humains sont de nature religieuse, j’appelle cela une communauté religieuse et non un peuple.

Est-ce que vous savez par exemple que durant le Moyen Age, on a utilisé l’expression «peuple chrétien» ? Pourtant, aujourd’hui, aucun historien ne parlerait de «peuple chrétien». Avec la même logique, je ne pense pas qu’on puisse parler de peuple juif.

Je ne le pense pas en outre parce que les origines historiques des juifs sont très variées. Je ne crois pas en effet que les juifs ont été exilés par les Romains en l’an 70.

Je me souviens, il y a quelques années, alors que je m’interrogeais sur l’histoire du judaïsme, d’avoir ressenti un véritable choc: tout le monde est d’avis que l’exil du peuple juif est l’élément fondateur de l’histoire du judaïsme, et pourtant, cela paraît incroyable, mais il n’y a pas un livre de recherche consacré à cet exil. Il est pourtant considéré comme l’«événement» qui a créé la diaspora, l’exil permanent de 2000 ans. Rendez-vous compte : tout le monde «sait» que le peuple juif a été exilé mais personne n’a fait de recherche, ou n’a en tout cas écrit un livre pour faire savoir si c’est vrai ou non.

Avec mes recherches, j’ai découvert que c’est dans le patrimoine spirituel chrétien, au IIIe siècle, que le mythe du déracinement et de l’expulsion a été entretenu, avant d’infiltrer plus tard la tradition juive. Et que le judaïsme n’adopte cette notion d’exil permanent.

L’instrumentalisation de la mémoire

Sur ce point, vous évoquez dans votre ouvrage la notion de «mémoire greffée».

«Greffée» est un mot un peu fort. Mais vous savez, si vous et moi n’étions pas allés à l’école, nous ne connaîtrions pas l’existence de Louis XVI. Pour parler de la Révolution française, cette mémoire des noms de Danton et de Robespierre, vous ne l’avez pas reçue spontanément mais dans une structure, à l’école, dans le cadre d’un savoir que quelqu’un a créé et organisé pour vous le transmettre. Quelqu’un a décidé que vous deviez connaître x et pas y. Je ne trouve pas cela forcément critiquable. Chaque mémoire collective est une mémoire greffée, dans le sens où quelqu’un a décidé de la transmettre à d’autres.

Je ne parle pas ici de conspiration mais c’est cela l’éducation moderne. C’est-à-dire que ce n’est pas quelque chose qui coule de père en fils. La mémoire greffée, c’est la mémoire que l’éducation nationale a décidé que vous deviez recevoir.

Si vous aviez vécu en France dans les années 50, en tant qu’écolier, que lycéen, vous auriez su très peu de chose sur la Shoah. En revanche, dans les années 90, chaque lycéen a une notion de ce qu’est la Shoah. Mémoire greffée n’implique donc pas qu’il s’agisse nécessairement d’un mensonge.

Vous dites néanmoins que les autorités israéliennes ont «greffé» une mémoire pour justifier l’existence d’Israël.

Il faut comprendre que transmettre une mémoire, créer une mémoire, ou façonner une mémoire, une conscience du passé, cela a pour finalité d’être instrumentalisé, dans le sens où cela doit servir un intérêt, particulier ou collectif. Chaque mémoire collective, étatique, nationale, est instrumentalisée. Même la mémoire personnelle, qui est certes beaucoup plus spontanée et qui ne peut pas être dominée aussi facilement, est instrumentalisée : vous faites une bêtise, cela rentre dans votre expérience, et vous ne refaites pas la même. Toute mémoire nationale est instrumentalisée. Car sinon, pourquoi la mémoriserait-on ?

Le point central des mémoires nationales, c’est qu’elles sont instrumentalisées pour servir la nation. En tant qu’historien, je pense que la nation est une invention très moderne. Je ne crois pas qu’il y a 500 ans, il y avait une nation française. Et il n’y avait pas de nation juive. Donc je crois que ceux qui ont voulu façonner une nation juive israélienne ont commencé par réfléchir sur ce passé, en l’instrumentalisant pour faire émerger une dimension de continuité.

Dans le cas du sionisme, il fallait s’investir lourdement car il fallait acquérir une terre qui ne nous appartenait pas. Il fallait une histoire forte, une légitimité historique. Mais au final, cela demeure absurde.

Il y a dix ans, je n’avais pas ces idées, ce savoir que j’ai mis dans ce livre. Mais comme citoyen israélien je trouvais déjà fou que quelqu’un qui était sur une terre il y a deux mille ans puisse prétendre avoir des droits historiques sur cette même terre. Ou alors il faudrait faire sortir tous les Blancs des Etats-Unis, faire rentrer les Arabes en Espagne, etc. Je ne pensais pas que j’eusse, moi, juif israélien, un droit historique sur la terre de Palestine. Après tout, pourquoi deux mille ans oui et mille non ?

Mais je pensais cependant que j’appartenais à ce peuple, parti il y a deux mille ans, qui a erré, erré… qui est arrivé à Moscou, a fait demi-tour et est rentré chez lui. En faisant ce livre, je me suis rendu compte que cela aussi, c’était un mythe, qui est devenu une légende.

D’un point de vue politique cependant, ce livre n’est pas très radical. Je n’essaie pas de détruire l’Etat d’Israël. J’affirme que la légitimité idéologique et historique sur laquelle se fonde aujourd’hui l’existence d’Israël est fausse.

«Il n’y a pas de droit historique des juifs sur la terre de Palestine»

Vous citez néanmoins Arthur Koestler, qui disait à propos de son ouvrage La Treizième Tribu : « Je n’ignore pas qu’on pourrait l’interpréter [le livre] avec malveillance comme une négation du droit à l’existence de l’Etat d’Israël. » Cette remarque ne s’applique-t-elle pas à votre livre ?

Certes. Vous savez, j’essaie d’être un historien mais je suis aussi un citoyen, et un homme qui pense politiquement. D’un point de vue historique, je vous dis aussi : non, il n’y a pas de droit historique des juifs sur la terre de Palestine, qu’ils soient de Jérusalem ou d’ailleurs.

Mais je dis aussi, d’un point de vue plus politique : vous ne pouvez réparer une tragédie en créant une autre tragédie. Nier l’existence d’Israël, cela veut dire préparer une nouvelle tragédie pour les juifs israéliens. Il y a des processus historiques que l’on ne peut pas changer.

On ne peut donc pas éliminer Israël par la force mais on peut changer Israël. Une chose est importante : pour donner la chance à Israël d’exister, la condition est double : réparer, dans la mesure du possible, la tragédie palestinienne. Et créer en Israël un Etat démocratique. Le minimum pour définir un Etat démocratique est de dire qu’il appartient à l’ensemble de ses citoyens. C’est la base : on ne dira jamais par exemple que l’Etat français appartient uniquement aux catholiques.

L’Etat d’Israël se définit pourtant comme l’Etat du peuple juif. Pour vous donner un exemple, ça veut dire que l’Etat d’Israël appartient davantage à Alain Finkielkraut, citoyen français, qu’à un collègue qui travaille avec moi à l’université de Tel-Aviv, qui est originaire de Nazareth, qui est citoyen israélien mais qui est arabe. Lui ne peut pas se définir comme juif, donc l’Etat d’Israël ne lui appartient pas. Mais il est israélien, point. Il ne devrait pas être contraint de chanter un hymne national qui contient les paroles «Nous les juifs». La vérité, c’est qu’il n’a pas d’Etat.

On doit davantage parler de ce problème de démocratie, pour espérer conserver l’Etat Israël. Pas parce qu’il serait éternel, mais parce qu’il existe, même s’il existe mal. Cette existence crée de facto le doit des juifs israéliens de vivre là-bas. Mais pas d’être raciste, et ségrégationniste : cet Etat n’a pas le droit d’exister comme ça.

D’un autre côté, je demande à tout le monde, aux pays arabes et aux Palestiniens de reconnaître l’Etat d’Israël. Mais seulement l’Etat des Israéliens, pas l’Etat des juifs !

Les tragédies d’hier ne vous donnent pas le droit d’opprimer un peuple aujourd’hui. Je crois que la Shoah, les pogroms, que tout ce qu’ont subi les juifs au XXe siècle nous donne droit à une exception : que l’Etat d’Israël demeure, et continue à offrir un refuge pour les juifs qui sont pourchassés à cause de leurs origines ou de leur foi. Mais dans le même temps, Israël doit devenir l’Etat de ses citoyens. Et pas celui d’Alain Finkielkraut, qui demeure toutefois le bienvenu s’il se sent menacé, bien sûr.

Dans la suite de la citation d’Arthur Koestler que vous proposez, celui-ci justifie l’existence de l’Etat d’Israël en ces termes : «Mais ce droit n’est pas fondé sur les origines hypothétiques des juifs ni sur l’alliance mythologique entre Abraham et Dieu; il est fondé sur la législation internationale, et précisément sur la décision prise par les Nations unies en 1947.»

Ce que vous dites, vous, c’est qu’en 1947, l’ONU s’est trompée ?

Pas exactement. Peut-être le partage des terres était-il injuste : il y avait 1,3 million de Palestiniens et 600.000 juifs, et pourtant on a fait moitié-moitié. Plus juste aurait été pour vous donner un exemple, et élargir nos horizons, de créer un Etat juif… aux Sudètes. En 1945, les Tchèques ont chassé 3 millions d’Allemands des Sudètes, qui sont restées «vides» quelques mois. Le plus juste aurait été de donner les Sudètes à tous les réfugiés juifs en Europe. Pourquoi aller ennuyer une population qui n’avait rien à voir avec la tragédie juive ? Les Palestiniens n’étaient pas coupables de ce que les Européens avaient fait. Si quelqu’un avait dû payer le prix de la tragédie, ça aurait dû être les Européens, et évidemment les Allemands. Mais pas les Palestiniens.

En outre, il faut bien voir qu’en 1947, ceux qui ont voté pour la création de l’Etat juif n’ont pas pensé que la définition pour y être accepté serait aussi exclusive, c’est-à-dire nécessairement avoir une mère juive. On était au lendemain de la Shoah, l’idée était simplement d’offrir un refuge.

Une «victoire» de Hitler?

Dans votre livre, vous posez la question suivante : « Les juifs seraient-ils unis et distingués par les « liens » de sang ?», avant d’en conclure que « Hitler, écrasé militairement en 1945, aurait en fin de compte remporté la victoire au plan conceptuel et mental dans l’Etat « juif » ? » Qu’avez-vous essayé de démontrer ?

Vous savez, la majorité des Israéliens croient que, génétiquement, ils sont de la même origine. C’est absolument incroyable. C’est une victoire de Hitler. Lui a cherché au niveau du sang. Nous, nous parlons de gènes. Mais c’est pareil. C’est un cauchemar pour moi de vivre dans une société qui se définit, du point de vue de l’identité nationale, sur des bases biologiques. Hitler a gagné dans le sens où c’est lui qui a insufflé la croyance que les juifs sont une race, un «peuple-race». Et trop de gens en Israël, trop de juifs, ici, à Paris, croient vraiment que les juifs sont un «peuple-race». Il n’y a donc pas seulement les antisémites, il y a aussi ces juifs qui eux-mêmes se considèrent comme une race à part.

Dans mon livre, une chose importante que j’ai essayé de montrer est que, du point de vue historique, je dis bien historique, car je ne m’occupe pas ici de religion, les juifs ne sont pas des juifs. Ce sont des Berbères, des Arabes, des Français, des Gaulois, etc. J’ai essayé de montrer que cette vision essentialiste, profonde, que les sionistes partagent avec les antisémites, cette pensée qu’il y a une origine spéciale pour les juifs, cette pensée est fausse. Il y a au contraire une richesse extraordinaire, une diversité d’origines fabuleuse. J’ai essayé de montrer ça avec des matériaux historiques. Sur ce point, la politique a nourri mes recherches, de même que la recherche a nourri ma position politique.

Un de vos chapitres évoque à ce propos l’énigme que constituent pour vous les juifs d’Europe de l’Est.

Au début du XXe siècle, 80% des juifs dans le monde résidaient en Europe de l’Est. D’où viennent-ils ? Comment expliquer cette présence massive de juifs croyants en Europe de l’Est ? On ne peut pas expliquer cela par l’émigration de Palestine, ni de Rome, ni même d’Allemagne. Les premiers signes de l’existence des juifs en Europe datent du XIIIe siècle. Et justement, un peu avant, au XIIe siècle, le grand royaume de Khazar (judaïsé entre le VIIIe et le IXe siècle) a complètement disparu. Avec les grandes conquêtes mongoles, il est probable qu’une grande partie de cette population judaïsée a dû s’exiler. C’est un début d’explication.

L’histoire officielle sioniste affirme qu’ils ont émigré d’Allemagne. Mais en Allemagne, au XIIIe siècle, il y avait très peu de juifs. Comment se fait-il alors que, dès le XVIIe siècle, un demi-million de juifs résident en Europe de l’Est ? À partir de travaux historiques et linguistiques, j’ai essayé de montrer que l’origine des juifs d’Europe de l’Est n’est pas seulement due à une poussée démographique, comme on le dit aussi. Leur origine est khazar mais aussi slave. Car ce royaume de Khazar a dominé beaucoup de peuples slaves, et, à certaines époques, a adopté le yiddish, qui était la langue de la bourgeoisie germanique qui a existé en Lituanie, en Pologne, etc.

On en revient à la thèse de base de mon livre, un élément que j’ai essayé de démontrer, avec succès je pense : c’est qu’entre le IIe siècle av. J.-C. et le IIIe siècle apr. J.-C., le monothéisme juif était la première religion prosélyte. C’était quelque chose de parfaitement connu, notamment des spécialistes des religions de la fin du XIXe siècle, comme Ernest Renan.

À partir de la seconde partie du XXe siècle pourtant, on a tout «bloqué». On croit tout d’un coup que le judaïsme a toujours été une religion fermée, comme une secte qui repousserait le converti. Ce n’est pas vrai, ce n’est pas juste du point de vue historique.

Le sionisme, un «mouvement national»

Zeev Sternhell, dans son livre célèbre Aux origines d’Israël, considère que le sionisme a évacué la dimension socialiste pour se résumer à une révolution nationale. Etes-vous d’accord avec lui ?

Le sionisme, c’est un mouvement national. Je ne dis pas que c’est bien, ou pas bien, car je ne suis pas anti-national. Ce n’est pas la nation qui a créé le sionisme, c’est l’inverse. Définir cela comme une révolution fonctionne du point de vue des individus, mais ne m’intéresse pas beaucoup. Parce que je me demandece qu’est une révolution. De plus, parler de révolution nationale en France, c’est un peu compliqué car ces termes étaient employés en 1940 pour désigner un phénomène historique pas très sympathique.

Quant à opposer révolution nationale et révolution socialiste au sein du sionisme, je ne crois pas que cela soit juste. Dès le début, le socialisme était un instrument très important pour réaliser le but national. Donc, ce n’est pas quelque chose qui, soudain, n’aurait plus fonctionné. Dès le début, l’idée de communautarisme, l’idée des kibboutz, a servi à une colonisation. C’est-à-dire
que, dès le début, l’égalité n’était pas entre tous les êtres humains, l’égalité était seulement entre les juifs, qui colonisent une terre.

L’idée nationale, dans la modernité, a toujours dû être liée à une autre idée. En l’occurrence, pour le XXe siècle, la démocratie ou le socialisme. Tout le monde s’est servi des idées égalitaristes socio-économiques pour bâtir une nation. Le sionisme n’est pas exceptionnel en cela. On peut citer l’exemple du FLN algérien et de beaucoup d’autres mouvements du tiers-monde.

Le sionisme est exceptionnel uniquement parce que, pour se réaliser, il doit coloniser une terre.

Ne me faites cependant pas dire que je suis antisioniste. Parce qu’aujourd’hui, quand quelqu’un se dit antisioniste, tout le monde pense qu’il est contre l’existence de l’Etat d’Israël. De ce point de vue, mon livre est certes radical dans la démarche historiographique, mais pas tellement dans sonaspect politique, parce que j’exige la reconnaissance d’Israël par les Etats arabes. Mais, encore une fois, comme l’Etat des Israéliens, de tous les Israéliens.

Source : http://www.mediapart.fr


Israël/5770: Je n’ignore pas qu’on pourrait l’interpréter comme une négation de l’existence de l’Etat d’Israël (With friends like these, who needs enemies?)

21 septembre, 2009
Khazaria mapThe 13th tribe (Koestler, 1976)Malheur à vous, spécialistes de la Loi et pharisiens hypocrites! Vous parcourez terre et mer pour amener ne fût-ce qu’un seul païen à votre religion, et quand vous l’avez gagné, vous lui faites mériter l’enfer deux fois plus que vous. Rabbi Yeshoua (Matthieu 23: 15)
Celui qui est Sacré, béni soit il, n’a exilé les Juifs parmi les nations qu’afin de lui ajouter des convertis. Rabbi Eleazar (Pessa’him)
Les convertis sont à Israël comme le psoriasis. Rabbi Chelbo (Yevamot)
La grande majorité des juifs vient de l’Europe orientale et en conséquence elle est peut-être principalement d’origine khazare. Cela voudrait dire que les ancêtres de ces juifs ne venaient pas des bords du Jourdain mais des plaines de la Volga, non pas de Canaan mais du Caucase, où l’on a vu le berceau de la race aryenne : génétiquement ils seraient apparentés aux Huns, aux Ouigours, aux Magyars, plutôt qu’à la semence d’Abraham, d’Isaac et de Jacob. S’il en était bien ainsi, le mot « antisémitisme » n’aurait aucun sens : il témoignerait d’un malentendu également partagé par les victimes et les coupables. A mesure qu’elle émerge lentement du passé, l’aventure de l’empire khazar commence à ressembler à une farce, la plus cruelle que l’histoire ait perpétrée.
Je n’ignore pas qu’on pourrait l’interpréter avec malveillance, comme une négation de l’existence de l’Etat d’Israël. Mais ce droit n’est pas fondé sur les origines hypothétiques des juifs ni sur l’alliance mythologique entre Abraham et Dieu ; il est fondé sur la législation internationale, et précisément sur la décision prise par les Nations Unies en 1947 (…) Quelles que soient les origines raciales des citoyens d’Israël et quelles que soient les illusions qu’ils nourrissent à leur propos, leur Etat existe de jure et de facto, et il est impossible de le supprimer, sinon par génocide. Arthur Koestler (La Treizième Tribu, pp. 17-18 et 258)
La conclusion, proprement perverse, de son livre est d’attribuer au peuple palestinien ce qui a été dénié aux juifs, à savoir qu’ils sont – eux, les Palestiniens – les vrais descendants génétiques des Hébreux originaires ! Cet épilogue est le révélateur de la finalité du livre. On y trouve le principe mythologique de l’inversion dont le peuple juif est la victime coutumière : les juifs deviennent des non-juifs et les Palestiniens les juifs génétiques. On peut, dès lors, en déduire qui est l’occupant légitime du pays. En ne déconstruisant pas radicalement la notion d’héritage génétique, en en faisant, au contraire, bénéficier le peuple palestinien, Sand révèle tout l’impensé qui obscurément pourrit ce qu’il tient pour être une entreprise libératrice. Il montre que la méthode substitutive qu’il emploie est tout simplement mystificatrice, et ce d’autant plus qu’elle voudrait être au service de l’entente entre les ennemis. Eric Marty
L’essai de Koestler couvrait d’un vernis scientifique une profession de foi de type assimilationniste: les juifs devaient d’autant plus se fondre dans les nations européennes que l’écrasante majorité d’entre eux y plongeaient, à en croire Koestler, leur véritables racines. L’auteur de La Lie de la terre prétendait en effet, par une hypothèse, jamais corroborée depuis, que tous les juifs ashénazes – autrement dit la majorité des juifs dans le monde – étaient des descendants des Khazars, et non des émigrants venus du Moyen-Orient via l’ouest de l’Europe à la suites des expulsions médiévales – comme la plupart des historiens continuent à le penser. Nicolas Weill

Après la condamnation quasi-unanime de son intervention contre les missiles du Hamas …

Après le rapport de l’ONU le condamnant sans appel …

Après l’élection du premier président américain d’origine musulmane décidé à lui imposer les diktats de ses coreligionnaires …

Après, sans compter les incessants appels à la solution finale du pays co-organisateur, la conférence sur le racisme le désignant à l’opprobre international …

Après le boycott ou les menaces d’autodafé de ses livres ou de ses films

Après la tentative de déconstruction radicale de ses origines par l’un de ses propres historiens …

Retour, en ce 5770e Nouvel An juif, sur un autre exemple de cette bonne volonté fourvoyée prétendant promouvoir l’entente entre les ennemis.

A savoir la thèse d’un autre écrivain d’origine juive lui aussi (Arthur Koestler) qui souhaitait, à la veille de sa mort au milieu des années 70, enterrer définitivement l’antisémitisme et les théories raciales nazies.

Mais finissait pour ce faire, comme l’historien israélien Shlomo Sand qui le cite abondamment dans son livre et via son célèbre livre-enquête sur les Khazars (ce peuple du Caucase s’étant massivement converti au judaïsme au IXe siècle dont les juifs ashkénazes étaient censés uniquemen descendre – « La Treizième Tribu », 1976), d’imposer scientifiquement l’assimilation forcée des juifs aux nations européennes en leur déniant toute origine moyen-orientale.

Autrement dit, tout en ayant le mérite de ramener le projecteur sur l’importance et l’ancienneté des conversions dans les diasporas de Méditerranée et d’Europe centrale et donc sur l’origine partiellement mythique de l’idée d’exil et d’errance desdites populations, en profitait pour dénier toute réalité à la notion de peuple juif et partant toute légitimité à leurs revendications territoriales

Ne leur concédant, comme seule garantie de leur existence, que la législation internationale et notamment la décision de 1947 des mêmes Nations-Unies qui allaient assimiler le sionisme au racisme et s’apprêtent, comme chaque année, à prêter leurs tribunes au dernier champion de la solution finale

L’histoire retrouvée des Khazars
Nicolas Weill
Le Monde
09.07.99

Jusqu’à une date récente le destin de cette peuplade qui vécut au sud de la Russie et passa au Moyen Age du paganisme au judaïsme inspirait plus les romanciers que les historiens. La conférence de Jérusalem a pu redonner une identité historique à ce « peuple fantôme »

Parlerait-on autant des Khazars si cette peuplade qui vécut dans le sud de l’actuelle Russie n’avait suivi un itinéraire singulier, passant du paganisme au judaïsme en plein haut Moyen Age ? La conférence qui s’est tenue en Israël du 24 au 28 mai à l’institut Ben-Zvi – un centre rattaché à l’Université hébraïque de Jérusalem – a permis en tout cas, en rassemblant exceptionnellement des chercheurs russes, américains, israéliens et même français, de montrer que ce « peuple fantôme », comme l’appelait encore dans les années 30 un historien français d’origine russe, Alexandre Baschmakoff, n’était pas seulement un terreau pour romanciers comme il l’avait été à la fin des années 80 pour l’écrivain yougoslave, aujourd’hui proche du régime de Slobodan Milosevic, Milorad Pavic et son Dictionnaire khazar. Peuple de légende, les Khazars ont aussi une histoire.

En Israël même, le domaine khazar a été passablement laissé en friche depuis vingt ans, depuis la mort d’un universitaire de Tel-Aviv du nom d’Abraham Poliak. Ce fut pourtant le livre de Poliak, Khazarie : histoire d’un royaume juif en Europe (1951, en hébreu) qui servit de caution savante à l’un des derniers ouvrages d’Arthur Koestler : La Treizième Tribu (Calmann-Lévy), dont la parution en 1976 fit grand bruit. L’essai de Koestler couvrait d’un vernis scientifique une profession de foi de type assimilationniste : les juifs devaient d’autant plus se fondre dans les nations européennes que l’écrasante majorité d’entre eux y plongeaient, à en croire Koestler, leur véritables racines. L’auteur de La Lie de la terre prétendait en effet, par une hypothèse, jamais corroborée depuis, que tous les juifs ashénazes – autrement dit la majorité des juifs dans le monde – étaient des descendants des Khazars, et non des émigrants venus du Moyen-Orient via l’ouest de l’Europe à la suites des expulsions médiévales – comme la plupart des historiens continuent à le penser.

FAIBLES TRACES

Très récemment, un linguiste de l’université de Tel-Aviv, Paul Wexler, a cherché à renflouer cette théorie où politique et science s’entremêlent. Dans ses Juifs ashkénazes. Un peuple turco-slave en quête d’une identité juive (Slavica, 1993, en anglais), ce spécialiste, assez isolé parmi ses confrères, entendait démontrer que la langue yiddish, parlée par les juifs d’Europe de l’Est, était en réalité une « langue slave », malgré son vocabulaire germanique (et hébreu), puisque sa syntaxe serait proche du russe. Quoi qu’il en soit, si la présence de fortes communautés juives à l’est est attestée dès le XIVe siècle, on situe la fin du kaghanat khazar ( kaghan étant le titre du roi chez les peuples d’origine turque), sous les coups de boutoir de la puissance russe émergente, dès 965. Un espace vide et mystérieux reste à combler…

Car, depuis lors, la trace des Khazars se perd. Leur langue et leur écriture ont livré aux philologues moins d’une centaine de mots, et il n’est pas certain que ce lexique lacunaire ne puisse être rapporté aux autres dialectes turcs parlés à cette époque dans la région. On trouve aussi quelques inscriptions dites « turco-runiques », encore à déchiffrer. Quant aux frontières même de ce royaume semi-nomade, entre la basse Volga, la Crimée et la Transcaucasie, elles ne sont pas fixées avec plus de précision. De cette accumulation d’inconnues, il ne faudrait pas conclure que l’on ne sait rien des Khazars. Près de huit cents sites archéologiques ont été ou fouillés, ou repérés, parmi lesquels une centaine de tombes ainsi que des forteresses comme celle de Sarkel, sur le Don, édifiée peut-être pour se garder des Hongrois, alors proches. Tous attestent la puissance passée des Khazars, dont un des souverains alla jusqu’à marier sa fille avec l’empereur de Byzance Constantin V, au VIIIe siècle. Aucun, en revanche, ne permettait d’y distinguer une culture spécifique, a fortiori une culture juive, jusqu’à ce que la très récente reconstitution par le Musée de l’Ermitage, à Saint-Pétersbourg (Russie), de fragments d’ustensiles, mis au jour en 1901, ait révélé quatre fois le mot « Israël » en lettres hébraïques. Certains érudits paraissent par ailleurs beaucoup attendre des tests génétiques sur l’ADN des ossements prélevés pour l’étude des migrations et l’authentification des sites. D’autres sont plus sceptiques sur ce genre de pratiques qui évoquent fâcheusement celle de la Rassengeschichte d’avant-guerre (l’histoire raciale à l’allemande).

Les test ADN ne donneront sans doute guère de renseignements sur la conversion du royaume au judaïsme, phénomène inédit dans un haut Moyen Age dominé par l’émergence de l’islam et la christianisation des peuples païens d’Europe. C’est aussi un thème qui a fait peser sur l’érudition un certain malaise, jusqu’à une période fort récente. Celui qui fut le recteur de l’université de Leningrad (redevenue Saint-Pétersbourg), Mikhaïl Artamonov, mort au début des années 70, était pourtant un grand spécialiste de l’histoire khazare. Mais celui-ci tenait à la thèse, aujourd’hui rejetée par la plupart des spécialistes, selon laquelle seule l’élite aurait été convertie, pour des raisons « économiques » – la masse du « bon peuple » demeurant extérieure à ce mouvement, dont les « coupables », selon les termes d’Artamonov, auraient pu être des juifs venus du Daghestan.

CONVERSION PAR ÉTAPES

Aujourd’hui, l’historien américain Peter Golden, de l’université de Rutgers (Etats-Unis), dont les ouvrages sur la question font autorité, penche plutôt pour la thèse d’une conversion par étapes. L’adoption par une peuplade païenne de l’« empire des steppes » d’une religion certes monothéiste, mais marginale, n’avait rien d’exceptionnel. Les Ouïgours, un autre rameau de la branche turque, ne sont-ils pas passés du paganisme à un christianisme dissident : le manichéisme ? Du reste, avant l’adoption du judaïsme ou, pour certains, de l’islam (l’armée khazare comprenait plusieurs milliers de soldats musulmans), les Khazars révéraient une sorte de dieu-ciel plus ou moins unique, du nom de Tengri.

Norman Golb, de l’université de Chicago, a publié en 1982 dans la traduction anglaise quelques éléments d’une correspondance datant du milieu du Xe siècle entre un ministre juif du calife de Cordoue, Hasdaï ibn Shaprout, et un certain roi khazar du nom de Joseph. Avec les récits des ambassadeurs, missionnaires ou voyageurs arabes, byzantins et même chinois, ces documents demeurent à ce jour la principale source écrite de l’histoire de la Khazarie. Pour Norman Golb, un prosélytisme juif avait bien cours au Moyen Age même en Occident, et pouvait même obéir à des motifs purement religeux, et non économiques ni géopolitiques.

Une conversion qui, d’après les sources, aurait été plus tardive qu’on ne le pensait. En 1995, relisant la correspondance entre Hasdaï ibn Shaprout et le « roi Joseph », un chercheur du Collège de France, Constantin Zuckerman, dans un article paru dans la Revue des études byzantines (tome 53, en anglais), a bouleversé la chronologie traditionnelle, qui la situait aux alentours de 740. Pour Zuckerman, c’est en 861 seulement, soit juste un siècle avant la destruction du royaume khazar, que le judaïsme serait devenu religion officielle alors que les liens avec l’allié byzantin se relâchaient. « Cette amitié se transforma en une immense haine, dit-il, entièrement due au choix religieux des Khazars. Qui oserait soutenir que la religion peut être distinguée de la politique ? »


Hommage à Irving Kristol: Pas de beurre sans canons (There Is no military free lunch)

19 septembre, 2009
Guns for butter
Un néoconservateur est un homme de gauche qui s’est fait braquer par la réalité. Un néolibéral est un homme de gauche qui s’est fait lui aussi agresser par la réalité, mais n’a pas porté plainte. Irving Kristol
Les Soviétiques font passer les canons au-dessus du beurre, mais nous plaçons presque tout au-dessus des canons. (…) Mais (…) la puissance militaire soviétique ne disparaîtra pas juste parce que nous refusons de la regarder. Margaret Thatcher (1976)
There is good reason — perhaps even right reason — for the administration’s position. It has to do with our definition of the American national interest in the Gulf. This definition does not imply a general resistance to ‘aggression.’ … And this definition surely never implied a commitment to bring the blessings of democracy to the Arab world. … [No military] alternative is attractive, since each could end up committing us to govern Iraq. And no civilized person in his right mind wants to govern Iraq. Irving Kristol
The only innovative trend in our foreign-policy thinking at the moment derives from a relatively small group, consisting of both liberals and conservatives, who believe there is an « American mission » actively to promote democracy all over the world. This is a superficially attractive idea, but it takes only a few moments of thought to realize how empty of substance (and how full of presumption!) it is. In the entire history of the U.S., we have successfully « exported » our democratic institutions to only two nations — Japan and Germany, after war and an occupation. We have failed to establish a viable democracy in the Philippines, or in Panama, or anywhere in Central America. Irving Kristol
Neo-conservatism is not at all hostile to the idea of a welfare state, but it is critical of the Great Society version of this welfare state. In general, it approves of those social reforms that, while providing needed security and comfort to the individual in our dynamic, urbanized society, do so with a minimum of bureaucratic intrusion in the individual’s affairs. Such reforms would include, of course, social security, unemployment insurance, some form of national health insurance, some kind of family assistance plan, etc. In contrast, it is skeptical of those social: programs that create vast and energetic bureaucracies to “solve social problems.” In short, while being for the welfare state, it is opposed to the paternalistic state. It also believes that this welfare state will best promote the common good if it is conceived in such a way, as not to go bankrupt. Irving Kristol (« What Is a ‘Neo-Conservative’?”, Newsweek, January 19, 1976)
La question légitime à se poser au sujet de n’importe quel programme, c’est: « cela marchera-t-il »? Irving Kristol
Car il y a une chose que le peuple américain sait au sujet du sénateur McCarthy: il est, comme eux, irrévocablement anti-communiste. Conviction qu’ils ne partagent en aucune façon concernant les porte-paroles de la gauche américaine. Et avec une certaine justification. Irving Kristol (1952)
C’est l’engagement pleinement assumé des néoconservateurs d’expliquer au peuple américain pourquoi il a raison et aux intellectuels pourquoi ils ont tort.
Aux Etats-Unis aujourd’hui, la loi insiste sur le fait qu’une fille de 18 ans a le droit à la fornication publique dans un film pornographique – mais seulement si elle est payée le salaire minimum. Irving Kristol
Aussi loin que je me souvienne, j’ai été néo-quelque chose: néo-marxiste, néo-trotskyste, néo-gauchiste, néo-conservateur et, en religion, toujours néo–orthodoxe, même quand j’étais néo-trotskyste et néo-marxiste. Je vais finir néo-. Juste néo-, c’est tout. Néo-tiret-rien. Irving Kristol
Qui sait si la déliaison des individualités ne nous réserve pas des épreuves qui n’auront rien à envier, dans un autre genre, aux affres des embrigadements de masse? Marcel Gauchet
In April 1991, in the fallout of the Gulf War, Iraqi leader Saddam Hussein brutally suppressed Kurds and Shiites who were answering U.S. President George H.W. Bush’s call to overthrow him. With America standing by, Saddam used his Army helicopters to ensure the perpetuation of his bloody rule. Although many in the United States protested, one observer forcefully supported the White House’s decision not to intervene at that moment. (…) The observer was Irving Kristol, the so-called « godfather » of neoconservatism. But if that doesn’t sound like neoconservatism, it’s because, well, it isn’t. Kristol’s pronouncement was, in fact, plain realpolitik, as far as possible from the pro-intervention hawkishness that characterizes neoconservatism today. This doesn’t mean Kristol, who died Sept. 18 at 89, wasn’t a neoconservative. Rather, it shows how much Kristol’s neoconservatism — the movement he invented, or at least successfully branded and marketed — differed from its descendents today. In fact, the original strand of neoconservatism didn’t pay any attention to foreign policy. Its earliest members were veterans of the anti-communist struggles who had reacted negatively to the leftward evolution of American liberalism in the 1960s. They were sociologists and political scientists who criticized the failures and unintended consequences of President Lyndon Johnson’s « Great Society » programs, especially the war on poverty. They also bemoaned the excesses of what Lionel Trilling called the « adversary culture » — in their view, individualistic, hedonistic, and relativistic — that had taken hold of the baby-boom generation on college campuses. Although these critics were not unconditional supporters of the free market and still belonged to the liberal camp, they did point out the limits of the welfare state and the naiveté of the boundless egalitarian dreams of the New Left. These thinkers found outlets in prestigious journals like Commentary and The Public Interest, founded in 1965 by Kristol and Daniel Bell (and financed by Warren Demian Manshel, who helped launch Foreign Policy a few years later). Intellectuals like Nathan Glazer, Seymour Martin Lipset, Daniel Patrick Moynihan, James Q. Wilson, and a few others took to the pages of these journals to offer a more prudent course for American liberalism. They were criticized for being too « timid and acquiescent » by their former allies on the left, among them Michael Harrington, who dubbed them « neoconservatives » to ostracize them from liberalism. Although some rejected the label, Kristol embraced it. He started constructing a school of thought, both by fostering a network of like-minded intellectuals (particularly around the American Enterprise Institute) and by codifying what neoconservatism meant. This latter mission proved challenging, as neoconservatism often seemed more like an attitude than a doctrine. Kristol himself always described it in vague terms, as a « tendency » or a « persuasion. » Even some intellectuals branded as part of the movement were skeptical that it existed. « Whenever I read about neoconservatism, » Bell once quipped, « I think, ‘That isn’t neoconservatism; it’s just Irving.’ » Regardless of what it was, neoconservatism started to achieve a significant impact on American public life, questioning the liberal take on social issues and advancing innovative policy ideas like school vouchers and the Laffer Curve. If the first generation of neoconservatives was composed of New York intellectuals interested in domestic issues, the second was formed by Washington Democratic operatives interested in foreign policy. This strand gave most of its DNA to latter-day neocons — and Kristol played only a tangential role. The second wave of neoconservatives came in reaction to the nomination of George McGovern as the 1972 Democratic presidential candidate. Cold War liberals deemed McGovern too far to the left, particularly in foreign policy. He suggested deep cuts in the defense budget, a hasty retreat from Vietnam, and a neo-isolationist grand strategy. New neocons coalesced around organizations like the Coalition for a Democratic Majority and the Committee on the Present Danger, journals like Norman Podhoretz’s Commentary (the enigmatic Podhoretz being the only adherent to neoconservatism in all its stages), and figures like Democratic Sen. Henry « Scoop » Jackson — hence their alternative label, the « Scoop Jackson Democrats. » These thinkers, like the original neoconservatives, had moved from left to right. Many of them, even if members of the Democratic Party, ended up working in the Reagan administration. Others joined the American Enterprise Institute and wrote for Commentary and the editorial pages of the Wall Street Journal. Moreover, some original neoconservatives, like Moynihan, became Scoop Jackson Democrats. Thus, the labels became interchangeable and the two movements seemed to merge. But this elided significant differences between them. On domestic issues, Scoop Jackson Democrats remained traditional liberals. In the 1970s, while Jackson was advocating universal health care and even the control of prices and salaries in times of crisis, Kristol was promoting supply-side economics and consulting for business associations and conservative foundations. On foreign-policy issues, Scoop Jackson Democrats emphasized human rights and democracy promotion, while Kristol was a classical realist. They agreed, however, on the necessity of a hawkish foreign and defense policy against the Soviet empire. (…) Although a few other neoconservatives followed Kristol’s realist line (Glazer and, to some extent, Jeane Kirkpatrick), for most of the others the idea of retrenching and playing a more modest international role disturbingly looked like the realpolitik that had led to détente and other distasteful policies. The vast majority of Scoop Jackson Democrats advocated a more assertive and interventionist posture and continued to favor at least a dose of democracy promotion (most notably Joshua Muravchik, Ben Wattenberg, Carl Gershman, Michael Ledeen, Elliott Abrams, Podhoretz, and others). Their legacy would prevail. Thus, the neocons — the third wave — were born in the mid-1990s. Their immediate predecessors, more so than the original neoconservatives, provided inspiration. But they developed their ideas in a new context where America had much more relative power. And this time, they were firmly planted on the Republican side of the spectrum. Kristol’s son, Bill, played a leading role, along with Robert Kagan, in this resurrection through two initiatives he launched — the Weekly Standard magazine and the Project for the New American Century (PNAC), a small advocacy think tank. Bill Kristol and Kagan initially rejected the « neoconservative » appellation, preferring « neo-Reaganism. » But the kinship with the second age, that of the Scoop Jackson Democrats, was undeniable, and there was a strong resemblance in terms of organizational forms and influence on public opinion. Hence the neoconservative label stuck. The main beliefs of the neocons — originated in a 1996 Foreign Affairs article by Kagan and Bill Kristol, reiterated by PNAC, and promulgated more recently by the Foreign Policy Initiative — are well-known. American power is a force for good; the United States should shape the world, lest it be shaped by inimical interests; it should do so unilaterally if necessary; the danger is to do too little, not too much; the expansion of democracy advances U.S. interests. But what was Irving Kristol’s view on these principles and on their application? Toward the end of his life, the elder Kristol tried to triangulate between his position and that of most neocons, arguing in 2003 that there exists « no set of neoconservative beliefs concerning foreign policy, only a set of attitudes » (including patriotism and the rejection of world government), and minimizing democracy promotion. But at this point, the movement’s center of gravity was clearly more interventionist and confident of the ability to enact (democratic) change through the application of American power than Kristol could countenance. He kept silent on the 2003 invasion of Iraq, while the Scoop Jackson Democrats and third-wave neocons cheered. Thus, ironically, when most people repeat the line about Kristol being « the godfather of neoconservatism, » they assume he was a neocon in the modern sense. But this ignores his realist foreign policy — while also obscuring the impressive intellectual and political legacy he leaves behind him on domestic issues. Justin Vaïsse
Pour beaucoup d’analystes, le néoconservatisme est un phénomène spécifiquement américain: affirmation vigoureuse des «valeurs américaines» face au relativisme, opposition au libéralisme progressiste, défense du rôle social de la religion et de la tradition, souverainisme et promotion d’une politique étrangère «musclée» – autant de traits qui n’auraient pas cours dans notre «vieille Europe». Pourtant l’observation de l’évolution de la vie intellectuelle française au cours des vingt dernières années conduit à se rendre à l’évidence: il existe bel et bien des convergences frappantes entre une partie significative de notre intelligentsia – qui n’est d’ailleurs pas la moins influente – et les thèses de ces «neocons» qui ont fait couler tant d’encre ces dernières années. Plusieurs ouvrages récents argumentent dans ce sens: Les Maoccidents de Jean Birnbaum (Stock, 2009) est un réquisitoire implacable contre la «Génération» des ex-maoïstes soixante-huitards. La pensée anti-68 de Serge Audier (La Découverte, 2008), qui s’intéresse à la lecture de mai 1968, en général d’une grande sévérité, qui s’est peu à peu imposée dans le débat d’idées en France. (…) Daniel Lindenberg, qui publie ces jours-ci Le procès des Lumières (Seuil, 2009), va plus loin: le néoconservatisme serait un phénomène mondialisé, voire majoritaire dans le monde intellectuel. (…) On retrouve dans de telles analyses les grands thèmes de la pensée néoconservatrice américaine. Comme le montre Serge Audier, l’analyse de l’individualisme contemporain par Manent et Gauchet, caractérisée par son pessimisme extrême, reprend les conclusions d’une certaine sociologie américaine – celle d’un Daniel Bell ou d’un Christopher Lasch, auteur de La Culture du Narcissisme – qui a nourri la charge anti-libérale des «neocons». Pierre Manent se réfère fréquemment à leur maître à penser, le philosophe Leo Strauss, qui mettait en garde contre le caractère relativiste et donc nihiliste des Lumières et de la modernité. On retrouve chez des auteurs comme Manent et Gauchet la critique, caractéristique du néoconservatisme, de la «culture des droits». Même si elle est moins dirigée contre l’Etat-Providence qu’outre-Atlantique, on y retrouve la même focalisation sur le bilan négatif des mouvements des années 1960 et notamment de l’héritage de mai 1968, interprété comme un triomphe du narcissisme et du culte des jouissances matérielles. L’importance de la religion pour cimenter la communauté des citoyens n’est pas oubliée: il y a lieu de s’inquiéter de la «radicalisation fondamentaliste et universaliste de l’idée démocratique» qu’entraîne la disparition des derniers «vestiges de la forme religieuse» (Gauchet) et de «la vacuité spirituelle de l’Europe indéfiniment élargie» (Manent). (…) De façon surprenante, du moins à première vue, la vision du monde de certaines figures emblématiques de Mai 1968 n’est pas très éloignée. Elle est même plus radicale encore. Comme le raconte Jean Birnbaum, les têtes pensantes de la «Génération», formée à Normale Sup dans les séminaires de Louis Althusser et Jacques Lacan avant de s’engager avec ferveur, le «petit livre rouge» à la main, dans les rangs de la Gauche prolétarienne (GP), sont bien loin de la foi progressiste de leur jeunesse. En témoigne ce colloque organisé au théâtre Hébertot le 10 novembre 2003, «La question des Lumières», véritable rassemblement d’anciens militants (ou compagnons de route) de la GP, qui voit l’ensemble des participants (à la notable exception de Bernard-Henri Lévy) communier dans une remise en cause radicale de l’héritage des Lumières. Le thème du débat: l’œuvre de Benny Lévy, ex-leader de la GP sous le nom de Pierre Victor, décédé quelques jours auparavant, et le livre réquisitoire de Jean-Claude Milner, Les Penchants Criminels de l’Europe démocratique. La thèse de ce dernier est terrible, extrême: l’Europe doit son unification à la Shoah, «solution» à la question juive posée par la modernité rationaliste et universaliste elle-même. Birnbaum rappelle le soutien actif apporté à l’entreprise de Milner par Benny Lévy, ancien secrétaire de Sartre passé du maoïsme au judaïsme orthodoxe, fondateur avec Alain Finkielkraut et Bernard-Henri Lévy de l’Institut d’études lévinassiennes – personnage à l’influence restée intacte parmi ses anciens camarades. L’Europe des Lumières est selon Milner le «régime de l’illimité»: à l’intérieur, son souci essentiel est la satisfaction sans fin des intérêts de l’individu abstrait; à l’extérieur, son obsession est de favoriser l’expansion sans limites du droit et de la paix. Elle cherche ainsi à étendre son type de société à l’humanité entière. Un obstacle, pourtant, se dresse sur sa route: les porteurs du nom juif, incarnation par excellence du «limité», de la singularité, de la filiation. Cette Europe-là ne peut souhaiter que la destruction d’Israël, Etat juif à l’heure où règne l’universalisme abstrait; Etat qui incarne, par excellence, la «frontière» à une époque où l’Europe les abolit – en bref un Etat-Nation «à l’ancienne», incarné, charnel. C’est de cette Europe que provient aujourd’hui le danger principal pour les Juifs. Le vieux nationalisme européen, celui qu’a pu incarner un Charles Maurras, reprochait autrefois aux Juifs d’être les agents du cosmopolitisme, errant à la surface de la terre sans patrie ni frontières. Mais aujourd’hui, c’est l’Europe qui incarne cet «illimité», ce cosmopolitisme destructeur des singularités que dénonçait Maurras. Et c’est elle qui menace les Juifs, car ils disposent maintenant d’une patrie. (…) La critique, ici, est culturelle autant que politique. Dans cette veine, se distingue une autre figure de notre paysage intellectuel: Alain Finkielkraut. Sans appartenir pleinement à l’une des chapelles, il mène une réflexion personnelle qui puise abondamment aux deux sources néo-tocquevillienne et néo-lévinassienne (on en croise fréquemment les représentants dans son émission «Ripostes»). Ce qui le préoccupe au plus haut point, c’est le déclin de la «haute culture». «Tout est devenu culture, culture de la drogue, culture rock, culture des gangs de rue et ainsi de suite sans la moindre discrimination»: cette phrase n’est pas extraite de La Défaite de la Pensée mais de The Closing of the American Mind le best-seller du «neocon» Allan Bloom, le plus illustre disciple de Leo Strauss. La proximité de l’argumentation des deux ouvrages saute aux yeux. Le relativisme généralisé, nous dit «Finkie» à longueur d’émissions, le triomphe d’une «culture de masse» abêtissante, reflète et accentue le déchaînement narcissique et l’atomisation de la société. Il sécrète une nouvelle barbarie qui prospère sur les ruines de la Culture et détruit la politique. Cette argumentation arendtienne et tocquevillienne – mais aussi, donc, straussienne – a bel et bien des implications politiques: il faut résister au multiculturalisme, expression du relativisme, et surtout lutter à tout prix pour restaurer la transmission des valeurs et le respect de l’autorité – c’est-à-dire prendre le parti du «survivant», qui reçoit et transmet un héritage, contre le «moderne» qui sacralise l’individu. (…) «Un néoconservateur», clamait Irving Kristol, «c’est un homme de gauche qui a été agressé par la réalité». La réalité sociale contemporaine est en effet ce qui consterne au plus haut point les néoconservateurs à la française. Cette réalité, c’est d’abord l’absence du peuple. Ce peuple dans lequel ils plaçaient autrefois tous leurs espoirs s’est désagrégé en une «société d’individus», s’est vautré dans les jouissances matérielles, il a perdu la «common decency» dont parlait George Orwell. Il ne porte plus la promesse d’une nouvelle société; à en croire certains propos d’un Finkielkraut, il porte plutôt en lui une nouvelle forme de barbarie, celle qui sévit aujourd’hui dans nos banlieues. Nos intellectuels sont passés de l’antitotalitarisme, avec sa critique de l’optimisme historique et de l’idéologie du progrès, à la désillusion envers toute perspective progressiste.  (…) Contrairement à leurs homologues américains, ils se tiennent à bonne distance de la politique partisane: ils ont tiré les leçons des errements des intellectuels français au XXème siècle, et affichent pour certains un certain fatalisme. Ils n’ont pas lancé de vaste offensive politique, avec think tanks, revues et relais dans le monde politique et l’administration. La thèse de Daniel Lindenberg selon laquelle l’hégémonie du néoconservatisme aurait accouché du sarkozysme n’est pas entièrement convaincante. Mais l’influence que leur procure leur magistère intellectuel est réelle: on en trouve la trace dans les discours contre l’égalitarisme à l’école, le communautarisme, la «repentance» face au passé national, etc… (…) On a parfois présenté les néoconservateurs américains comme des «nouveaux jacobins» (au sens originel du terme) ou comme des «wilsoniens bottés», mus par le messianisme des Lumières. C’est tout le contraire. Ils croient certes qu’il faut défendre avec vigueur la liberté contre la tyrannie (contre le relativisme, la «douceur» et l’esprit de faiblesse caractéristiques de l’esprit démocratique même). Mais ils croient d’abord et surtout à la vérité de leurs traditions et valeurs nationales. (…) La seule vraie différence est l’obsession des «neocons», que ne partagent pas les Français, pour la politique étrangère. Sans doute la puissance des Etats-Unis leur attribue-t-elle à leurs yeux une mission particulière dans la défense de l’Occident en péril contre ses ennemis extérieurs. Les néoconservateurs français les retrouvent toutefois dans la dénonciation de la tendance européenne au pacifisme munichois (Finkielkraut, Milner) et dans l’appel à «des nations qui se comportent comme des nations» contre l’angélisme démocratique (Gauchet). Sans oublier le combat contre l’illusion dangereuse d’un «gouvernement mondial». Car là où leurs cousins américains fustigent l’ONU, les Français ont trouvé leur bête noire: cette Union européenne «sans corps», sans identité et sans frontières définies, triomphe «anti-politique» du règne du marché et du droit, pointe avancée du «patriotisme constitutionnel» d’Habermas et du projet kantien de paix perpétuelle. (…) Au bout du compte, malgré la valeur intellectuelle indéniable de leur réflexion, malgré le nombre des références, malgré la sophistication du propos, les réalités socio-économiques sont évacuées au profit d’un discours essentiellement moralisant. Telle est, selon Zeev Sternhell (Les Anti-Lumières, Fayard, 2006), la source du succès du néoconservatisme: il «a réussi à convaincre la grande majorité des Américains que les questions essentielles dans la vie d’une société ne sont pas les questions économiques, et que les questions sociales sont en réalité des questions morales». Contre leurs contempteurs (on se souvient de la violente controverse qui a suivi la publication du pamphlet, il est vrai très polémique, de Daniel Lindenberg sur «les nouveaux réactionnaires», et qui ne manquera pas d’être ravivée par le dernier ouvrage de son auteur), les néoconservateurs à la française défendront toujours le devoir de l’intellectuel de mener une critique lucide de la modernité et d’avertir leur contemporains des dangers qu’ils courent, et crieront toujours à la police de la pensée. Il n’empêche que leur discours doit continuer d’être examiné et critiqué, car il met en jeu la conception même que l’on se fait de la démocratie. Pour eux en effet, la démocratie n’est pas un projet inachevé, sans cesse à construire et à parfaire: il s’agit d’un legs, certes précieux, mais dont la fuite en avant menace d’entraîner la perte. Une dynamique à contenir, voire à bloquer, plutôt qu’à approfondir. Robert Landy

Au lendemain de l’annonce, dans son obsession à se démarquer du néo-conservatisme de son prédécesseur, de l’abandon du bouclier antimissile et à nouveau (contre les promesses faites mais ils doivent avoir l’habitude!) des pays de l’Europe centrale et de l’est comme la Tchécoslovaquie ou la Pologne par le nouveau Chamberlain de la Maison Blanche …

Et de la disparition, à 89 ans bien remplis, d’Irving Kristol, parrain du néoconservatisme et de tous les gens de gauche qui comme lui avaient, selon son mot fameux, été « braqués par la réalité » et avaient dès lors décidé de placer le pragmatisme au-dessus de l’idéologie et du mépris des aspirations des gens ordinaires.

Retour, en guise d’hommage et d’avertissement renouvelé à la fois, sur sa tribune classique de février 1990 (que le NYT venait d’ailleurs de ressortir).

Rappelant les faux calculs de ceux qui critiquaient la très faible hausse des dépenses militaires présentées par le ministre de la défense de Bush père Dick Cheney.

Au moment où revenait sur le tapis avec la fin de la guerre froide (comme aujourd’hui avec la fin de la guerre en Irak et la crise financière) le vieux débat (déjà à la veille de l’entrée en guerre des Etats-Unis en 1917 suite à la démission du Secrétaire d’Etat pacifiste William Bryan Jennings et au sujet notamment de la construction d’usines de nitrates en Alabama « pour l’engrais en temps de paix et la poudre à canon en temps de guerre ») sur les « dividendes de la paix » et du « beurre contre les canons » …

There Is No Military Free Lunch
Irving Kristol
The New York Times
February 2, 1990

Now that the cold war is over and I need worry less about my personal safety and welfare, I find myself contemplating with pleasure all the money I shall save and be able to spend. These savings are of a peculiar kind: they represent expenditures I had thought of making but that no longer seem necessary.

To cope with the prospect of nuclear war, I had wondered about the advisability of purchasing a large country estate, which would shelter my wife, children, grandchildren and perhaps the families of a few nieces and nephews. To reach this refuge, I would need a large, fast station wagon, perhaps two. There would be other expenses, too, and I have calculated the total cost in the vicinity of $1.5 million, with maintenance costs of about $25,000 a year.

What a blessing to be relieved of such expenditures! There are so many needs I can satisfy with this saving. We can at last have our kitchen redone; we can take a long-delayed, unhurried holiday in Europe; we can double our contributions to charity – and more. We shall, of course, pay for these expenditures with a credit card. We shall also, of course, end up filing for bankruptcy.

A combination of hypothetical savings with actual spending is a clear path to financial ruin. Nevertheless, much of the discussion of a peace dividend, and the uses to which it might be put, revolves around exactly such a combination.

Those hypothetical savings are enormous. If we simply forget about providing ourselves with new land-based nuclear missiles, consigning the MX and Midgetman to oblivion, we would save $10 billion annually in the years ahead. That’s a lot of money, and under present circumstances a sensible idea. But while forgetting the MX and the Midgetman, we ought to remember that they barely exist. This is a hypothetical saving of a hypothetical expenditure. It gives us no cash in hand. Surely, however, there are real cash savings, in addition to such hypothetical savings, that will be available from a reduction in the Pentagon’s budget? Yes, there are – but they will be far more modest than one realizes. The villain is inflation.

Let us assume that we insist the Pentagon’s budget should remain exactly at its current level, with no adjustment for inflation. Let us further assume that we can look forward to economic growth of 3 percent a year, with inflation at 4 percent. Neither assumption seems particularly radical, and both allow more of the resources created by economic growth to be allocated to nonmilitary purposes. What’s wrong with that? Is it not a prudent and responsible reaction to the end of the cold war? Indeed, might we not think of a real (inflation-adjusted) cut in the military budget of another 3 percent, which would provide us with far more  »extra » money? Many liberals in Congress have exactly such thoughts.

Well, we had better not think too seriously along any such lines, because the interaction of these  »modest » assumptions will engender immodest results. This flows from the compounding effect of inflation, which can be devastating to anyone or anything with a static or declining income. If we take the more ambitious cut of 7 percent annually (4 percent inflation plus 3 percent cash), in 10 years we shall have a military budget, in 1990 dollars, of less than one-half the present size.

Even with fixing that budget at its current level, and with no further cuts, a decade from now it will be about 33 percent smaller (in 1990 dollars) than is the case today. We are talking about a truly radical shrinkage in our military establishment.

One does not wish to exaggerate. After any combination of these projected paths for the military budget, we shall still have a military establishment that will be more than negligible. It will probably be slightly superior to Japan’s, though perhaps not quite a match for Syria’s tanks and air power. It ought to be sufficient to deter a hostile power from invading our territory. Our military condition would be comparable to Sweden’s today.

Will we tolerate such a diminution of our position as a world power? Are we willing to relinquish the possibility of intervening anywhere, ever, to help shape a world order in flux? Will we count on our nursing homes and day care centers, rather than our Navy, Air Force and Marines, to deter foreign nations from taking actions offensive and hostile to us? Are we content to become a larger Sweden, existing comfortably, if a bit precariously, on the margin of world affairs?

I don’t believe it. Such a prospect goes too profoundly against the grain. Even Congress, which would dearly love to spend every penny of that dividend – if it existed – is likely to find such a future intolerable.

So we shall discover, after the dust has cleared, that there is a consensus in the vicinity of Defense Secretary Dick Cheney’s proposal to increase the defense budget, but only by a couple of percentage points below the inflation rate. If we have decent growth, we’ll end up with a small cash dividend next year, maybe $6 billion to $8 billion. If we have a period of slow growth, the dividend will not materialize. Meanwhile, our military establishment will experience a moderate (though real) decline – one that does not disarm us precipitously.

The odd thing is that since 1985 the military budget has been experiencing, under Congressional pressure, almost exactly the nominal increase and real cut Secretary Cheney proposes.

So where has the  »peace dividend » gone? In part, it has been spent on social programs, and in part it has been used to keep the budget deficit from getting even larger than it is. All in all, it has been virtually invisible. It would take at least a decade for this  »peace dividend » simply to pay for the bailout of the savings and loan industry.

Discussion of the  »peace dividend » is a distraction from the main debate taking place in Washington: To what degree should the fruits of economic growth, represented by increased Government revenues, be spent on social programs as against reducing the budget deficit? Conservatives will say that reducing the deficit must take priority. Liberals may not deny the importance of reducing the deficit but will demand a tax increase to cope with our social problems and social needs.

That is the real debate. As it proceeds, you will not hear serious people in Congress or the executive branch chattering about a  »peace dividend, » which has already been swallowed up by the deficit and mandated outlays on the environment, the drug war, medical services to the elderly and other popular programs.

Irving Kristol was publisher of The National Interest and co-editor of The Public Interest, quarterly journals.

Voir aussi:

Irving Kristol, Godfather of Conservatism, Dies
Barry Gewen
The New York Times
September 19, 2009

Irving Kristol, the political commentator who, as much as anyone, defined modern conservatism and helped revitalize the Republican Party in the late 1960s and early ’70s, setting the stage for the Reagan presidency and years of conservative dominance, died Friday in Arlington, Va. He was 89 and lived in Washington.

His son, William Kristol, the commentator and editor of the conservative magazine The Weekly Standard, said the cause of death was complications of lung cancer.

Mr. Kristol exerted an influence across generations, from William F. Buckley to the columnist David Brooks, through a variety of positions he held over a long career: executive vice president of Basic Books, contributor to The Wall Street Journal, professor of social thought at New York University, senior fellow at the American Enterprise Institute.

He was commonly known as the godfather of neoconservatism, even by those who were not entirely sure what the term meant. In probably his most widely quoted comment — his equivalent of Andy Warhol’s 15 minutes of fame — Mr. Kristol defined a neoconservative as a liberal who had been “mugged by reality.”

It was a description that summarized his experience in the 1960s, along with that of friends and associates like Daniel Bell, Nathan Glazer and Daniel Patrick Moynihan. New Deal Democrats all, they were social scientists who found themselves questioning many of President Lyndon B. Johnson’s Great Society ideas.

Mr. Kristol translated his concerns into a magazine. In 1965, with a $10,000 contribution from a wealthy acquaintance, he and Daniel Bell started The Public Interest. Its founding is generally considered the beginning of neoconservatism. “Something like a ‘movement’ took shape,” Mr. Kristol wrote, “with The Public Interest at (or near) the center.”

The Public Interest writers did not take issue with the ends of the Great Society so much as with the means, the “unintended consequences” of the Democrats’ good intentions. Welfare programs, they argued, were breeding a culture of dependency; affirmative action created social divisions and did damage to its supposed beneficiaries. They placed practicality ahead of ideals. “The legitimate question to ask about any program,” Mr. Kristol said, “is, ‘Will it work?’,” and the reforms of the 1960s and ’70s, he believed, were not working.

For more than six decades, beginning in 1942, when he and other recent graduates of City College founded Enquiry: A Journal of Independent Radical Thought, his life revolved around magazines. Besides The Public Interest, Mr. Kristol published, edited and wrote for journals of opinion like Commentary, Encounter, The New Leader, The Reporter and The National Interest.

All were “little magazines,” with limited circulations, but Mr. Kristol valued the quality of his readership more than the quantity. “With a circulation of a few hundred,” he once said, “you could change the world.”

Small circles and behind-the-scenes maneuverings suited him. He never sought celebrity; in fact, he was puzzled by writers who craved it. Described by the economics writer Jude Wanniski as the “hidden hand” of the conservative movement, he avoided television and other media spotlights; he was happier consulting with a congressman like Jack Kemp about the new notion of supply-side economics and then watching with satisfaction as Mr. Kemp converted President Ronald Reagan to the theory. Mr. Kristol was a man of ideas who believed in the power of ideas, an intellectual whose fiercest battles were waged against other intellectuals.

A major theme of The Public Interest under Mr. Kristol’s leadership was the limits of social policy; he and his colleagues were skeptical about the extent to which government programs could actually produce positive change.

Neoconservatism may have begun as a dispute among liberals about the nature of the welfare state, but under Mr. Kristol it became a more encompassing perspective, what he variously called a “persuasion,” an “impulse,” a “new synthesis.” Against what he saw as the “nihilistic” onslaught of the ’60s counterculture, Mr. Kristol, in the name of neoconservatism, mounted an ever more muscular defense of capitalism, bourgeois values and the aspirations of the common man that took him increasingly to the right.

For him, neoconservatism, with its emphasis on values and ideas, had become no longer a corrective to liberal overreaching but an “integral part” of conservatism and the Republican Party, a challenge to liberalism itself, which, in his revised view, was a destructive philosophy that had lost touch with ordinary people.

Neoconservatism maintained a lingering sympathy for certain aspects of Roosevelt’s New Deal, but its focus had shifted to the culture wars and to upholding traditional standards. Liberalism led to “moral anarchy,” Mr. Kristol said, arguing the point with one of his wisecracking encapsulizations: “In the United States today, the law insists that an 18-year-old girl has the right to public fornication in a pornographic movie — but only if she is paid the minimum wage.”

Mr. Kristol’s rightward drift, though it brought him new allies like Buckley and Robert Bartley, the head of The Wall Street Journal’s editorial board, broke up the original Public Interest family. Mr. Moynihan went on to a celebrated career as a Democratic senator from New York, and Mr. Bell gave up the coeditorship of the magazine in the early ’70s, declaring himself a socialist in economics, a liberal in politics and a conservative in culture. (He was replaced by Nathan Glazer.)

But neoconservatism turned quite literally into a family affair for Mr. Kristol. His wife, Gertrude Himmelfarb, a distinguished historian of 19th-century England, wrote books and articles critical of modern permissiveness and urged a return to Victorian values. His son, William, who had been Vice President Dan Quayle’s chief of staff, became a leading spokesman for neoconservatism in his own right as a television commentator, the editor of The Weekly Standard and briefly a columnist for The New York Times. Friends referred to them as America’s first family of neoconservatism.

Mr. Kristol’s weapon of choice was the biting polemical essay of ideas, a form he mastered as part of the famed circle of writers and critics known as the New York Intellectuals, among them the ferocious literary brawlers Mary McCarthy and Dwight Macdonald. Mr. Kristol once described feeling intimidated at a cocktail party when he was seated with Ms. McCarthy on one side, Hannah Arendt on the other and Diana Trilling across from him.

He learned the hard way that he was not destined to be an author of books. In the late 1950s he spent three months researching a study of the evolution of American democracy, only to abandon the project, he said, once he realized “it was all an exercise in futility.” An attempted novel was consigned to his incinerator. “I was not a book writer,” he said.

The four volumes published under his name — “On the Democratic Idea in America” (1972), “Two Cheers for Capitalism” (1978), “Reflections of a Neoconservative” (1983) and “Neoconservatism: The Autobiography of an Idea” (1995) — are collections of previously published articles.

As an essayist, Mr. Kristol was sharp, witty, aphoristic and assertive. “Equivocation has never been Irving Kristol’s long suit,” his friend Robert H. Bork said of him. Before achieving his reputation as a writer on political and social affairs, he was a wide-ranging generalist. In the 1940s and ’50s, his subjects included Einstein, psychoanalysis, Jewish humor and the Marquis de Sade.

His erudition could burst out at unexpected moments. An attack on environmental extremists uses a quotation from Auden; a passage about American men’s obsession with golf cites T.S. Eliot. But he could be a verbal streetfighter as well. John Kenneth Galbraith, he wrote, “thinks he is an economist and, if one takes him at his word, it is easy to demonstrate that he is a bad one.” After it was revealed that Magic Johnson had tested HIV positive, Mr. Kristol wrote: “He is a foolish, reckless man who does not merit any kind of character reference.”

Mr. Kristol seemed to need enemies: the counterculture, the academic and media professionals who made up what he called the New Class, and finally liberalism in its entirety. And he certainly made enemies with his harsh words.

Yet underlying the invective was an innate skepticism, even a quality of moderation and self-mockery, which was often belied by his single-mindedness. This stalwart defender of free enterprise could manage only two cheers for capitalism. “Extremism in defense of liberty,” he declared, taking issue with Barry Goldwater, “is always a vice because extremism is but another name for fanaticism.” And the two major intellectual influences on him, he said, were Lionel Trilling, “a skeptical liberal,” and Leo Strauss, “a skeptical conservative.”

“Ever since I can remember,” he said in summing himself up, “I’ve been a neo-something: a neo-Marxist, a neo-Trotskyist, a neo-liberal, a neo-conservative and, in religion, always a neo-orthodox, even while I was a neo-Trotskyist and a neo-Marxist. I’m going to end up a neo. Just neo, that’s all. Neo-dash-nothing.”

Irving William Kristol was born on Jan. 20, 1920, in Brooklyn into a family of low-income, nonobservant Jews. His father, Joseph, a middleman in the men’s clothing business, went bankrupt several times; his mother, Bessie, died of cancer when he was 16. “We were poor, but then everyone was poor, more or less,” Mr. Kristol recalled.

In the late 1930s he attended City College, the highly politicized, overwhelmingly Jewish New York institution where his indignation at the injustices of the Great Depression pushed him to the left, but not the far left. In the large, dingy school cafeteria were a number of alcoves where students could gather with like-minded colleagues. There was an athlete’s alcove, a Catholic alcove, a black alcove, an ROTC alcove. But the alcoves that later became famous were Numbers One and Two.

Alcove One held leftists of various stripes; Alcove Two housed the Stalinists, including a young Julius Rosenberg. The Stalinists outnumbered the anti-Stalinists by as much as 10-1, but among the anti-Stalinists were Mr. Bell as well as the future sociologist Seymour Martin Lipset and the future literary critic Irving Howe.

Mr. Howe recruited Mr. Kristol into the Trotskyists, and though Mr. Kristol’s career as a follower of the apostate Communist Leon Trotsky was brief, it lasted beyond his graduation from City College, long enough for him to meet Ms. Himmelfarb at a Trotskyist gathering in Bensonhurst, Brooklyn. He fell in love, and the two were married in 1942, when she was 19 and he was just short of his 22nd birthday. Besides William, they also had a daughter, Elizabeth. They, along with their mother and five grandchildren, survive him.

After marrying, Mr. Kristol followed his wife to Chicago, where she was doing graduate work and where he had what he called “my first real experience of America.” Drafted into the Army with a number of Midwesterners who were street-tough and often anti-Semitic, he found himself shedding his youthful radical optimism. “I can’t build socialism with these people,” he concluded. “They’ll probably take it over and make a racket out of it.”

In his opinion, his fellow GI’s were inclined to loot, rape and murder, and only Army discipline held them in check. It was a perception about human nature that would stay with him for the rest of his life, creating a tension with his alternative view that ordinary people were to be trusted more than intellectuals to do the right thing.

After the war he and Ms. Himmelfarb spent a year in Cambridge, England, while she pursued her studies. When they returned to the United States in 1947, he took an editing job with Commentary, then a liberal anti-Communist magazine. In 1952, at the height of the McCarthy era, he wrote what he called the most controversial article of his career: “ ‘Civil Liberties,’ 1952 — A Study in Confusion.” It criticized many of those defending civil liberties against the government inquisitors, saying they failed to understand the conspiratorial danger of Communism. Though he called Senator McCarthy a “vulgar demagogue,” the article was remembered for a few lines: “For there is one thing that the American people know about Senator McCarthy: he, like them, is unequivocably anti-Communist. About the spokesmen for American liberalism, they feel they know no such thing. And with some justification.”

After leaving Commentary, Mr. Kristol spent 10 months as executive director of the anti-Communist organization the American Committee for Cultural Freedom, and in 1953 he removed to England to help found Encounter magazine with the poet Stephen Spender. They made an unlikely pair: Mr. Spender, tall, artsy, sophisticated; Mr. Kristol, short, brash, still rough around the edges. Together, they made Encounter one of the foremost highbrow magazines of its time.

But another explosive controversy awaited Mr. Kristol. It was later revealed that the magazine had been receiving financial support from the C.I.A. Mr. Kristol always denied any knowledge of the connection. But he hardly appeased his critics when he added that he did not disapprove of the C.I.A.’s secret subsidies.

Back in New York at the end of 1958, Mr. Kristol worked for a year at another liberal anti-Communist magazine, The Reporter, then took a job at Basic Books, rising to executive vice president. In 1969 he left for New York University, and while teaching there he became a columnist for The Wall Street Journal.

It was during this time that Mr. Kristol became uncomfortable with liberalism, his own and others’. He supported Vice President Hubert H. Humphrey in his 1968 presidential campaign against Richard M. Nixon, saying that “the prospect of electing Mr. Nixon depresses me.” But by 1970 he was dining at the Nixon White House, and in 1972 he came out in favor of Nixon’s re-election. By the mid-’70s he had registered as a Republican.

Always the neoconservative, however — aware of his liberal, even radical, roots and his distance from traditional Republicanism — he was delighted when another Democratic convert, President Ronald Reagan, expressed admiration for Franklin D. Roosevelt. In 1987 he left New York University to become the John M. Olin Distinguished Fellow at the American Enterprise Institute.

By now Mr. Kristol was battling on several fronts. He published columns and essays attacking liberalism and the counterculture from his perches at The Wall Street Journal and The Public Interest, and in 1978 he and William E. Simon, President Nixon’s secretary of the treasury, formed the Institute for Educational Affairs to funnel corporate and foundation money to conservative causes. In 1985 he started The National Interest, a journal devoted to foreign affairs.

But Mr. Kristol wasn’t railing just against the left. He criticized America’s commercial class for upholding greed and selfishness as positive values. He saw “moral anarchy” within the business community, and he urged it to take responsibility for itself and the larger society. He encouraged businessmen to give money to political candidates and help get conservative ideas across to the public. Republicans, he said, had for half a century been “the stupid party,” with not much more on their minds than balanced budgets and opposition to the welfare state. He instructed them to support economic growth by cutting taxes and not to oppose New Deal institutions.

Above all, Mr. Kristol preached a faith in ordinary people. . “It is the self-imposed assignment of neoconservatives,” he wrote, “to explain to the American people why they are right, and to the intellectuals why they are wrong.”

Mr. Kristol saw religion and a belief in the afterlife as the foundation for the middle-class values he championed. He argued that religion provided a necessary constraint to antisocial, anarchical impulses. Without it, he said, “the world falls apart.” Yet Mr. Kristol’s own religious views were so ambiguous that some friends questioned whether he believed in God. In 1996, he told an interviewer: “I’ve always been a believer.” But, he added, “don’t ask me in what.”

“That gets too complicated,” he said. “The word ‘God’ confuses everything.”

In 2002, Mr. Kristol received the Presidential Medal of Freedom, often considered the nation’s highest civilian honor. It was another satisfying moment for a man who appears to have delighted in his life or, as Andrew Sullivan put it, “to have emerged from the womb content.”

He once said that his career had been “one instance of good luck after another.” Some called him a cheerful conservative. He did not dispute it. He had had much, he said, “to be cheerful about.”

COMPLEMENT:

Was Irving Kristol a Neoconservative?

In April 1991, in the fallout of the Gulf War, Iraqi leader Saddam Hussein brutally suppressed Kurds and Shiites who were answering U.S. President George H.W. Bush’s call to overthrow him. With America standing by, Saddam used his Army helicopters to ensure the perpetuation of his bloody rule.

Although many in the United States protested, one observer forcefully supported the White House’s decision not to intervene at that moment. « There is good reason — perhaps even right reason — for the administration’s position, » he wrote. « It has to do with our definition of the American national interest in the Gulf. This definition does not imply a general resistance to ‘aggression.’ … And this definition surely never implied a commitment to bring the blessings of democracy to the Arab world. … [No military] alternative is attractive, since each could end up committing us to govern Iraq. And no civilized person in his right mind wants to govern Iraq. »

The observer was Irving Kristol, the so-called « godfather » of neoconservatism. But if that doesn’t sound like neoconservatism, it’s because, well, it isn’t. Kristol’s pronouncement was, in fact, plain realpolitik, as far as possible from the pro-intervention hawkishness that characterizes neoconservatism today. This doesn’t mean Kristol, who died Sept. 18 at 89, wasn’t a neoconservative. Rather, it shows how much Kristol’s neoconservatism — the movement he invented, or at least successfully branded and marketed — differed from its descendents today.

In fact, the original strand of neoconservatism didn’t pay any attention to foreign policy. Its earliest members were veterans of the anti-communist struggles who had reacted negatively to the leftward evolution of American liberalism in the 1960s. They were sociologists and political scientists who criticized the failures and unintended consequences of President Lyndon Johnson’s « Great Society » programs, especially the war on poverty. They also bemoaned the excesses of what Lionel Trilling called the « adversary culture » — in their view, individualistic, hedonistic, and relativistic — that had taken hold of the baby-boom generation on college campuses. Although these critics were not unconditional supporters of the free market and still belonged to the liberal camp, they did point out the limits of the welfare state and the naiveté of the boundless egalitarian dreams of the New Left.

These thinkers found outlets in prestigious journals like Commentary and The Public Interest, founded in 1965 by Kristol and Daniel Bell (and financed by Warren Demian Manshel, who helped launch Foreign Policy a few years later). Intellectuals like Nathan Glazer, Seymour Martin Lipset, Daniel Patrick Moynihan, James Q. Wilson, and a few others took to the pages of these journals to offer a more prudent course for American liberalism. They were criticized for being too « timid and acquiescent » by their former allies on the left, among them Michael Harrington, who dubbed them « neoconservatives » to ostracize them from liberalism.

Although some rejected the label, Kristol embraced it. He started constructing a school of thought, both by fostering a network of like-minded intellectuals (particularly around the American Enterprise Institute) and by codifying what neoconservatism meant. This latter mission proved challenging, as neoconservatism often seemed more like an attitude than a doctrine. Kristol himself always described it in vague terms, as a « tendency » or a « persuasion. » Even some intellectuals branded as part of the movement were skeptical that it existed. « Whenever I read about neoconservatism, » Bell once quipped, « I think, ‘That isn’t neoconservatism; it’s just Irving.’ » Regardless of what it was, neoconservatism started to achieve a significant impact on American public life, questioning the liberal take on social issues and advancing innovative policy ideas like school vouchers and the Laffer Curve.

If the first generation of neoconservatives was composed of New York intellectuals interested in domestic issues, the second was formed by Washington Democratic operatives interested in foreign policy. This strand gave most of its DNA to latter-day neocons — and Kristol played only a tangential role.

The second wave of neoconservatives came in reaction to the nomination of George McGovern as the 1972 Democratic presidential candidate. Cold War liberals deemed McGovern too far to the left, particularly in foreign policy. He suggested deep cuts in the defense budget, a hasty retreat from Vietnam, and a neo-isolationist grand strategy. New neocons coalesced around organizations like the Coalition for a Democratic Majority and the Committee on the Present Danger, journals like Norman Podhoretz’s Commentary (the enigmatic Podhoretz being the only adherent to neoconservatism in all its stages), and figures like Democratic Sen. Henry « Scoop » Jackson — hence their alternative label, the « Scoop Jackson Democrats. »

These thinkers, like the original neoconservatives, had moved from left to right. Many of them, even if members of the Democratic Party, ended up working in the Reagan administration. Others joined the American Enterprise Institute and wrote for Commentary and the editorial pages of the Wall Street Journal. Moreover, some original neoconservatives, like Moynihan, became Scoop Jackson Democrats. Thus, the labels became interchangeable and the two movements seemed to merge.

But this elided significant differences between them. On domestic issues, Scoop Jackson Democrats remained traditional liberals. In the 1970s, while Jackson was advocating universal health care and even the control of prices and salaries in times of crisis, Kristol was promoting supply-side economics and consulting for business associations and conservative foundations. On foreign-policy issues, Scoop Jackson Democrats emphasized human rights and democracy promotion, while Kristol was a classical realist. They agreed, however, on the necessity of a hawkish foreign and defense policy against the Soviet empire.

These differences became most visible at the end of the Cold War. Now that the « evil empire » had fallen, what was America to do? Was the defense and promotion of democracy and human rights the reason for fighting the Soviets — or was it the other way round, just a useful tool in this fight? Kristol, who had always taken the second view, logically advocated restraint and pragmatism for post-Cold War America and had these words for some of his « fellow » neoconservatives:

The only innovative trend in our foreign-policy thinking at the moment derives from a relatively small group, consisting of both liberals and conservatives, who believe there is an « American mission » actively to promote democracy all over the world. This is a superficially attractive idea, but it takes only a few moments of thought to realize how empty of substance (and how full of presumption!) it is. In the entire history of the U.S., we have successfully « exported » our democratic institutions to only two nations — Japan and Germany, after war and an occupation. We have failed to establish a viable democracy in the Philippines, or in Panama, or anywhere in Central America.

Although a few other neoconservatives followed Kristol’s realist line (Glazer and, to some extent, Jeane Kirkpatrick), for most of the others the idea of retrenching and playing a more modest international role disturbingly looked like the realpolitik that had led to détente and other distasteful policies. The vast majority of Scoop Jackson Democrats advocated a more assertive and interventionist posture and continued to favor at least a dose of democracy promotion (most notably Joshua Muravchik, Ben Wattenberg, Carl Gershman, Michael Ledeen, Elliott Abrams, Podhoretz, and others). Their legacy would prevail.

Thus, the neocons — the third wave — were born in the mid-1990s. Their immediate predecessors, more so than the original neoconservatives, provided inspiration. But they developed their ideas in a new context where America had much more relative power. And this time, they were firmly planted on the Republican side of the spectrum.

Kristol’s son, Bill, played a leading role, along with Robert Kagan, in this resurrection through two initiatives he launched — the Weekly Standard magazine and the Project for the New American Century (PNAC), a small advocacy think tank. Bill Kristol and Kagan initially rejected the « neoconservative » appellation, preferring « neo-Reaganism. » But the kinship with the second age, that of the Scoop Jackson Democrats, was undeniable, and there was a strong resemblance in terms of organizational forms and influence on public opinion. Hence the neoconservative label stuck.

The main beliefs of the neocons — originated in a 1996 Foreign Affairs article by Kagan and Bill Kristol, reiterated by PNAC, and promulgated more recently by the Foreign Policy Initiative — are well-known. American power is a force for good; the United States should shape the world, lest it be shaped by inimical interests; it should do so unilaterally if necessary; the danger is to do too little, not too much; the expansion of democracy advances U.S. interests.

But what was Irving Kristol’s view on these principles and on their application? Toward the end of his life, the elder Kristol tried to triangulate between his position and that of most neocons, arguing in 2003 that there exists « no set of neoconservative beliefs concerning foreign policy, only a set of attitudes » (including patriotism and the rejection of world government), and minimizing democracy promotion. But at this point, the movement’s center of gravity was clearly more interventionist and confident of the ability to enact (democratic) change through the application of American power than Kristol could countenance. He kept silent on the 2003 invasion of Iraq, while the Scoop Jackson Democrats and third-wave neocons cheered.

Thus, ironically, when most people repeat the line about Kristol being « the godfather of neoconservatism, » they assume he was a neocon in the modern sense. But this ignores his realist foreign policy — while also obscuring the impressive intellectual and political legacy he leaves behind him on domestic issues.

Voir aussi:

Idéologie: les néoconservateurs français n’ont pas disparu

A l’image de leurs inspirateurs américains, ils dénoncent la dérive de nos démocraties marquées par le triomphe du narcissisme et de la «culture des droits».

La guerre d’Irak, qu’ils ont ardemment souhaitée et préparée, a fait pâlir leur étoile. Mais les néoconservateurs américains, ce groupe d’intellectuels partis de la gauche (souvent du trotskisme) pour occuper, pour certains d’entre eux, des positions de premier plan dans les administrations de Ronald Reagan puis de George W. Bush, auront exercé une influence profonde sur la vie intellectuelle et politique outre-Atlantique. Leur éminence grise, Irving Kristol, est mort il y a quelques jours à l’âge de quatre-vingt neuf ans, moins d’un an après le retour triomphal au pouvoir du «libéralisme» (la gauche au sens américain) honni que représente l’investiture de Barack Obama.

Pour beaucoup d’analystes, le néoconservatisme est un phénomène spécifiquement américain: affirmation vigoureuse des «valeurs américaines» face au relativisme, opposition au libéralisme progressiste, défense du rôle social de la religion et de la tradition, souverainisme et promotion d’une politique étrangère «musclée» – autant de traits qui n’auraient pas cours dans notre «vieille Europe». Pourtant l’observation de l’évolution de la vie intellectuelle française au cours des vingt dernières années conduit à se rendre à l’évidence: il existe bel et bien des convergences frappantes entre une partie significative de notre intelligentsia – qui n’est d’ailleurs pas la moins influente – et les thèses de ces «neocons» qui ont fait couler tant d’encre ces dernières années.

Plusieurs ouvrages récents argumentent dans ce sens: Les Maoccidents de Jean Birnbaum (Stock, 2009) est un réquisitoire implacable contre la «Génération» des ex-maoïstes soixante-huitards. La pensée anti-68 de Serge Audier (La Découverte, 2008), qui s’intéresse à la lecture de mai 1968, en général d’une grande sévérité, qui s’est peu à peu imposée dans le débat d’idées en France.

Le premier passe au crible la trajectoire de ces normaliens «passés du culte de l’Orient rouge à la défense de l’Occident». Le deuxième décrypte, entre autres développements, les thèses d’un courant qui se réclame de Tocqueville pour mettre en garde contre les dangers de l’évolution de nos démocraties – évolution dont mai 1968 constitue un moment clé. A première vue tout devrait opposer ces deux groupes. Pourtant, leurs conclusions sur la nature et les dangers de la modernité démocratique se recoupent largement – et rejoignent la vision du monde propagée par les néo-conservateurs outre-Atlantique. Daniel Lindenberg, qui publie ces jours-ci Le procès des Lumières (Seuil, 2009), va plus loin: le néoconservatisme serait un phénomène mondialisé, voire majoritaire dans le monde intellectuel.

L’angoisse des néo-tocquevilliens

On ne présente plus Marcel Gauchet, l’influent directeur de la revue Le Débat, autrefois proche de Claude Lefort et Cornelius Castoriadis. Son recueil d’articles publiés depuis une vingtaine d’années, La démocratie contre elle-même (Gallimard, 2002), dresse un tableau particulièrement sombre de la société contemporaine. En se débarrassant des éléments archaïques avec lesquels elle coexistait – la survivance de traditions préétablies –  la démocratie est revenue à sa source: les principes des Lumières, c’est-à-dire d’abord les droits de l’homme. La dynamique individualiste et égalitaire de la société démocratique qu’avait décrite Tocqueville a conduit au déchaînement incontrôlé des individualités narcissiques, au détriment de tout sens du collectif.

Le «droits-de-l’hommisme» en est l’expression: devenu l’idéologie dominante, il vient accentuer ce phénomène, favoriser son extension sans limites. Ainsi la démocratie est-elle conduite à saper ses propres fondements. D’un régime politique fondé sur l’auto-gouvernement, la délibération collective, elle se réduit progressivement à la gestion des multiples demandes individuelles à satisfaire. La politique est remplacée par le droit et le marché. La nation, cadre de la délibération collective, se vide de sa substance sous la pression d’une «embardée non-politique, voire anti-politique», la construction européenne, qui se réduit à un «territoire d’expérimentation de l’idéologie des droits de l’individu».

Cette analyse rejoint celle de Pierre Manent, un disciple de Raymond Aron qui, lui, ne vient pas de la gauche mais de la mouvance conservatrice. Il résume sa lecture de la situation politique contemporaine dans La Raison des Nations (Gallimard, 2006): le culte démocratique de la pitié – de la «douceur» pour reprendre un terme employé par Tocqueville – conduit à l’indifférenciation entre le moi et l’autre. Cette «passion de la ressemblance» a atteint son paroxysme en mai 1968, véritable «explosion de douceur» qui a cherché – et réussi – à effacer toutes les distances. «Entre gouvernants et gouvernés, c’est la fin de la hauteur gaullienne; entre enseignants et enseignés, c’est la fin de la discipline napoléonienne».

L’abolition de la peine de mort dans les démocraties européennes est la manifestation la plus éclatante de ce renversement du rapport entre l’individu et l’Etat. Mais la dynamique égalitaire et universaliste inhérente à la démocratie ne produit que nivellement et atomisation. Au nom de l’unification de l’humanité, elle finit même par s’attaquer à la Nation elle-même, pourtant le cadre de toute existence politique, le «principe unificateur de nos vies»: la construction européenn, qui ne crée aucune nouvelle «forme politique»  de gouvernement, est toute entière tendue vers la l’absolutisation de la garantie des droits individuels.

On retrouve dans de telles analyses les grands thèmes de la pensée néoconservatrice américaine. Comme le montre Serge Audier, l’analyse de l’individualisme contemporain par Manent et Gauchet, caractérisée par son pessimisme extrême, reprend les conclusions d’une certaine sociologie américaine – celle d’un Daniel Bell ou d’un Christopher Lasch, auteur de La Culture du Narcissisme – qui a nourri la charge anti-libérale des «neocons». Pierre Manent se réfère fréquemment à leur maître à penser, le philosophe Leo Strauss, qui mettait en garde contre le caractère relativiste et donc nihiliste des Lumières et de la modernité.

On retrouve chez des auteurs comme Manent et Gauchet la critique, caractéristique du néoconservatisme, de la «culture des droits». Même si elle est moins dirigée contre l’Etat-Providence qu’outre-Atlantique, on y retrouve la même focalisation sur le bilan négatif des mouvements des années 1960 et notamment de l’héritage de mai 1968, interprété comme un triomphe du narcissisme et du culte des jouissances matérielles. L’importance de la religion pour cimenter la communauté des citoyens n’est pas oubliée: il y a lieu de s’inquiéter de la «radicalisation fondamentaliste et universaliste de l’idée démocratique» qu’entraîne la disparition des derniers «vestiges de la forme religieuse» (Gauchet) et de «la vacuité spirituelle de l’Europe indéfiniment élargie» (Manent).

Le retour au Livre des ex-maos

De façon surprenante, du moins à première vue, la vision du monde de certaines figures emblématiques de Mai 1968 n’est pas très éloignée. Elle est même plus radicale encore. Comme le raconte Jean Birnbaum, les têtes pensantes de la «Génération», formée à Normale Sup dans les séminaires de Louis Althusser et Jacques Lacan avant de s’engager avec ferveur, le «petit livre rouge» à la main, dans les rangs de la Gauche prolétarienne (GP), sont bien loin de la foi progressiste de leur jeunesse.

En témoigne ce colloque organisé au théâtre Hébertot le 10 novembre 2003, «La question des Lumières», véritable rassemblement d’anciens militants (ou compagnons de route) de la GP, qui voit l’ensemble des participants (à la notable exception de Bernard-Henri Lévy) communier dans une remise en cause radicale de l’héritage des Lumières. Le thème du débat: l’œuvre de Benny Lévy, ex-leader de la GP sous le nom de Pierre Victor, décédé quelques jours auparavant, et le livre réquisitoire de Jean-Claude Milner, Les Penchants Criminels de l’Europe démocratique.

La thèse de ce dernier est terrible, extrême: l’Europe doit son unification à la Shoah, «solution» à la question juive posée par la modernité rationaliste et universaliste elle-même. Birnbaum rappelle le soutien actif apporté à l’entreprise de Milner par Benny Lévy, ancien secrétaire de Sartre passé du maoïsme au judaïsme orthodoxe, fondateur avec Alain Finkielkraut et Bernard-Henri Lévy de l’Institut d’études lévinassiennes – personnage à l’influence restée intacte parmi ses anciens camarades.

L’Europe des Lumières est selon Milner le «régime de l’illimité»: à l’intérieur, son souci essentiel est la satisfaction sans fin des intérêts de l’individu abstrait; à l’extérieur, son obsession est de favoriser l’expansion sans limites du droit et de la paix. Elle cherche ainsi à étendre son type de société à l’humanité entière. Un obstacle, pourtant, se dresse sur sa route: les porteurs du nom juif, incarnation par excellence du «limité», de la singularité, de la filiation.

Cette Europe-là ne peut souhaiter que la destruction d’Israël, Etat juif à l’heure où règne l’universalisme abstrait; Etat qui incarne, par excellence, la «frontière» à une époque où l’Europe les abolit – en bref un Etat-Nation «à l’ancienne», incarné, charnel. C’est de cette Europe que provient aujourd’hui le danger principal pour les Juifs. Le vieux nationalisme européen, celui qu’a pu incarner un Charles Maurras, reprochait autrefois aux Juifs d’être les agents du cosmopolitisme, errant à la surface de la terre sans patrie ni frontières. Mais aujourd’hui, c’est l’Europe qui incarne cet «illimité», ce cosmopolitisme destructeur des singularités que dénonçait Maurras. Et c’est elle qui menace les Juifs, car ils disposent maintenant d’une patrie. Milner, commente Birnbaum, établit une forme d’équivalence entre Maurrassiens et Juifs. Il semble bien dire qu’il faut désormais choisir Maurras contre Voltaire.

Ce discours radical contient bien une critique de la raison démocratique proche de celle des néo-tocquevilliens – menée ici aussi au nom de l’Etat-Nation traditionnel. Chez Milner comme chez Manent et Gauchet, son caractère «charnel», son «épaisseur» culturelle et religieuse, socle d’une communauté véritable, s’opposent en tous points à la logique des droits individuels et à l’unification européenne. Birnbaum résume ainsi le credo politique qui était devenu celui de Benny Lévy, passé du petit livre rouge à l’étude de la Torah: «toute politique digne de ce nom est d’abord une pastorale; le Pasteur garde et guide chacun de ses moutons».

La démocratie moderne, qui a «mis le peuple à la place du souverain pour faire du pouvoir un lieu vide, est une impasse». Lévy la qualifie «d’empire du rien», règne d’une «transcendance vide»: «absence de pasteur et règne du troupeau, ignorance de la Loi et prolifération des droits, oubli des hauteurs et bassesse de l’individu-roi». Face à ce relativisme et à ce nihilisme propres à la modernité, qui se sont radicalisés à l’époque contemporaine, l’auteur d’Etre Juif prône le retour au Livre (un judaïsme «d’affirmation», qui ne ménage pas ses critiques contre les Juifs «assimilés») et la rupture avec l’Europe.

Les deux Occidents

Nos pourfendeurs de la modernité, qu’ils se réclament plutôt de Tocqueville ou plutôt de Lévinas, sont en phase avec Leo Strauss lorsque ce dernier déclare que «l’homme occidental est devenu ce qu’il est et est ce qu’il est par la conjonction de la foi biblique et de la pensée grecque». La grande faute des Lumières, fondées sur la croyance en la toute-puissance de la Raison, est d’avoir méprisé «Athènes et Jérusalem», introduit le scepticisme et le relativisme alors qu’il fallait voir dans les textes des Anciens des vérités éternelles.

«A cet Occident-là, issu des Lumières, qui prétend débarrasser l’individu des contraintes de la tradition», note Jean Birnbaum, «ils en opposent un autre, respectueux de son héritage et qui affirme le primat de la communauté culturelle». «Etre d’Occident, ici, ce n’est pas appartenir à une même ethnie, encore moins à une même race, c’est partager des symboles, incarner une langue, reconnaître les événements spirituels par quoi cette civilisation s’est construite: miracle grec, droit romain, éthique biblique, révolution chrétienne, voire pensée libérale».

La critique, ici, est culturelle autant que politique. Dans cette veine, se distingue une autre figure de notre paysage intellectuel: Alain Finkielkraut. Sans appartenir pleinement à l’une des chapelles, il mène une réflexion personnelle qui puise abondamment aux deux sources néo-tocquevillienne et néo-lévinassienne (on en croise fréquemment les représentants dans son émission «Ripostes»). Ce qui le préoccupe au plus haut point, c’est le déclin de la «haute culture». «Tout est devenu culture, culture de la drogue, culture rock, culture des gangs de rue et ainsi de suite sans la moindre discrimination»: cette phrase n’est pas extraite de La Défaite de la Pensée mais de The Closing of the American Mind le best-seller du «neocon» Allan Bloom, le plus illustre disciple de Leo Strauss.

La proximité de l’argumentation des deux ouvrages saute aux yeux. Le relativisme généralisé, nous dit «Finkie» à longueur d’émissions, le triomphe d’une «culture de masse» abêtissante, reflète et accentue le déchaînement narcissique et l’atomisation de la société. Il sécrète une nouvelle barbarie qui prospère sur les ruines de la Culture et détruit la politique. Cette argumentation arendtienne et tocquevillienne – mais aussi, donc, straussienne – a bel et bien des implications politiques: il faut résister au multiculturalisme, expression du relativisme, et surtout lutter à tout prix pour restaurer la transmission des valeurs et le respect de l’autorité – c’est-à-dire prendre le parti du «survivant», qui reçoit et transmet un héritage, contre le «moderne» qui sacralise l’individu.

Cette lutte, pourrait-on dire, commence à l’Ecole. On peut en effet oser le parallèle avec le célèbre «notre route commence à Bagdad» de Richard Perle, car les deux sont considérés – où l’ont été, en ce qui concerne l’Irak – comme la «mère de toutes les batailles» dans le grand combat pour la restauration des valeurs de l’Occident.

La grande cause de l’institution scolaire en péril rassemble tous les néoconservateurs français, qu’ils se définissent comme tocquevilliens, arendtiens ou lévinassiens. Elle obsède Finkielkraut et reçoit l’appui de Gauchet. Milner, quant à lui, est l’auteur de la première grande charge intellectuelle contre le «pédagogisme», De l’Ecole, publié en 1984. L’évolution de l’école en France depuis quelques décennies, disent-ils, c’est le triomphe d’un égalitarisme niveleur, d’une pédagogie destructrice de l’autorité, l’alignement sur le niveau des plus faibles, le dénigrement de l’excellence. L’idéologie fallacieuse qui conduit à placer l’élève – et non le Savoir – «au centre du système» est le symptôme et le principal agent d’une grave dérive de notre démocratie. Cette idéologie détruit la Culture et le sens civique – elle menace donc la civilisation occidentale, mais aussi la démocratie elle-même.

Quelle politique?

«Un néoconservateur», clamait Irving Kristol, «c’est un homme de gauche qui a été agressé par la réalité». La réalité sociale contemporaine est en effet ce qui consterne au plus haut point les néoconservateurs à la française. Cette réalité, c’est d’abord l’absence du peuple. Ce peuple dans lequel ils plaçaient autrefois tous leurs espoirs s’est désagrégé en une «société d’individus», s’est vautré dans les jouissances matérielles, il a perdu la «common decency» dont parlait George Orwell. Il ne porte plus la promesse d’une nouvelle société; à en croire certains propos d’un Finkielkraut, il porte plutôt en lui une nouvelle forme de barbarie, celle qui sévit aujourd’hui dans nos banlieues.

Nos intellectuels sont passés de l’antitotalitarisme, avec sa critique de l’optimisme historique et de l’idéologie du progrès, à la désillusion envers toute perspective progressiste. Ainsi, leur critique de l’individualisme contemporain s’est-elle éloignée de celle que formulait autrefois l’Ecole de Francfort pour rejoindre les contours familiers de la vieille pensée antimoderne de droite. Toute trace des acquis positifs de la modernité démocratique, particulièrement lorsqu’ils sont récents, disparaît de leurs écrits.

Les promesses encore en partie inaccomplies des Lumières – l’émancipation et l’autonomie de l’individu, les avancées de l’égalité sociale, les progrès vers le règne du droit et de la paix à l’échelle mondiale – les préoccupent beaucoup moins que les dangers que nous courons en continuant à les poursuivre. Il faut défendre la démocratie contre elle-même en sauvant ce qui peut l’être: l’Ecole, la Nation, la Culture, voire la Religion. Ne subsiste, en somme, que la hantise de la décadence.

«Pour bien aimer la démocratie, il faut l’aimer modérément», nous dit Pierre Manent. Les néoconservateurs à la française ne préparent certes aucune contre-révolution. Si «nous ne pouvons garder le silence sur les dangers auxquels la démocratie s’expose elle-même et expose l’excellence humaine», elle doit être préservée, ne serait-ce que parce qu’en donnant à tous la liberté, elle l’accorde aussi à ceux qui recherchent cette excellence, disait Strauss. Toutefois, laisser libre cours à la dynamique individualiste, égalitaire et universaliste inhérente à la démocratie expose à de très graves périls. Gauchet va même jusqu’à affirmer: «Qui sait si la déliaison des individualités ne nous réserve pas des épreuves qui n’auront rien à envier, dans un autre genre, aux affres des embrigadements de masse?»

Contrairement à leurs homologues américains, ils se tiennent à bonne distance de la politique partisane: ils ont tiré les leçons des errements des intellectuels français au XXème siècle, et affichent pour certains un certain fatalisme. Ils n’ont pas lancé de vaste offensive politique, avec think tanks, revues et relais dans le monde politique et l’administration. La thèse de Daniel Lindenberg selon laquelle l’hégémonie du néoconservatisme aurait accouché du sarkozysme n’est pas entièrement convaincante. Mais l’influence que leur procure leur magistère intellectuel est réelle: on en trouve la trace dans les discours contre l’égalitarisme à l’école, le communautarisme, la «repentance» face au passé national, etc…

Les autres implications politiques de leur discours sont en général moins explicites mais ne se déduisent pas moins aisément: nos sociétés, disent-ils en somme, ne souffrent pas d’un excès d’inégalité sociale mais d’une fuite en avant de «l’esprit d’égalité extrême» (Finkielkraut); et s’il faut s’inquiéter du règne du néolibéralisme, c’est surtout en tant que conséquence du «droits de l’hommisme», du règne sans partage de l’individu-roi émancipé des traditions: «la consécration des droits de chacun débouche sur la dépossession de tous» (Gauchet).

On a parfois présenté les néoconservateurs américains comme des «nouveaux jacobins» (au sens originel du terme) ou comme des «wilsoniens bottés», mus par le messianisme des Lumières. C’est tout le contraire. Ils croient certes qu’il faut défendre avec vigueur la liberté contre la tyrannie (contre le relativisme, la «douceur» et l’esprit de faiblesse caractéristiques de l’esprit démocratique même). Mais ils croient d’abord et surtout à la vérité de leurs traditions et valeurs nationales.

C’est ainsi que pour les «neocons » comme John Bolton ou Paul Wolfovitz, la Constitution des Etats-Unis était la seule source de légitimité possible, le droit international n’étant qu’une mascarade. S’il y a une vérité donc, c’est celle qu’incarnent les valeurs de l’Occident – cette civilisation occidentale dont la spécificité a été soulignée par Huntington, et qui est aussi celle du fameux diptyque «Athènes et Jérusalem» de Strauss – et non celle de l’universalité de la raison humaine. Les ex-maos néo-lévinassiens se réclament d’un universalisme «en intensité», qui part du particulier pour atteindre une portée universelle (celle, par exemple, de la Torah) contre l’universalisme «en extension», absorbant tout dans la généralité, qui est celui des Lumières.

La seule vraie différence est l’obsession des «neocons», que ne partagent pas les Français, pour la politique étrangère. Sans doute la puissance des Etats-Unis leur attribue-t-elle à leurs yeux une mission particulière dans la défense de l’Occident en péril contre ses ennemis extérieurs. Les néoconservateurs français les retrouvent toutefois dans la dénonciation de la tendance européenne au pacifisme munichois (Finkielkraut, Milner) et dans l’appel à «des nations qui se comportent comme des nations» contre l’angélisme démocratique (Gauchet). Sans oublier le combat contre l’illusion dangereuse d’un «gouvernement mondial».

Car là où leurs cousins américains fustigent l’ONU, les Français ont trouvé leur bête noire: cette Union européenne «sans corps», sans identité et sans frontières définies, triomphe «anti-politique» du règne du marché et du droit, pointe avancée du «patriotisme constitutionnel» d’Habermas et du projet kantien de paix perpétuelle.

Deux conceptions de la démocratie

Tout ce discours se déploie, comme disait Kristol, au nom de la réalité. Mais de quelle réalité parlent-ils? Narcissisme, vulgarité des mass media, indifférence à la sphère publique… : les réflexions de nos intellectuels néoconservateurs entrent bien évidemment en résonance avec notre expérience d’occidentaux du début du XXIème siècle. Mais le bilan de la «culture des droits» est-il si négatif? Le déclin des traditions n’a-t-il pas aussi mené à davantage d’autonomie? Le legs des années 1960-70 (féminisme, mouvements pour la reconnaissance des droits des homosexuels, des cultures minoritaires) n’a-t-il pas été un facteur de progrès? La culture populaire ne produit-elle que médiocrité et nihilisme? Le grand danger du monde dans lequel nous vivons est-il vraiment le règne du «droits de l’hommisme»? Les Juifs ont-ils été victimes de la philosophie d’Emmanuel Kant plus que du nationalisme du sang et du sol? La construction européenne représente-t-elle vraiment la mort du politique et la destruction de la nation? Et nos sociétés sont-elles réellement menacées par un trop-plein d’égalité?

Ce que traduit le discours sans nuance, à sens unique, des néoconservateurs made in France, c’est un certain mépris de la réalité politique, historique, économique, sociale. Ce mépris est flagrant lorsque l’on considère leur cheval de bataille favori: la question scolaire. Alors que toutes les études et comparaisons internationales soulignent le caractère particulièrement élitiste et inégalitaire du système éducatif français, le phénomène de la «baisse du niveau» sous l’effet d’un égalitarisme excessif est présenté comme une vérité établie. Les propos de Jean-Claude Milner sur Les Héritiers de Pierre Bourdieu et Jean-Claude Passeron («livre antisémite» car «les héritiers, ce sont les Juifs») ne sont que la pointe extrême de ce refus de se confronter aux faits.

Au bout du compte, malgré la valeur intellectuelle indéniable de leur réflexion, malgré le nombre des références, malgré la sophistication du propos, les réalités socio-économiques sont évacuées au profit d’un discours essentiellement moralisant. Telle est, selon Zeev Sternhell (Les Anti-Lumières, Fayard, 2006), la source du succès du néoconservatisme: il «a réussi à convaincre la grande majorité des Américains que les questions essentielles dans la vie d’une société ne sont pas les questions économiques, et que les questions sociales sont en réalité des questions morales».

Contre leurs contempteurs (on se souvient de la violente controverse qui a suivi la publication du pamphlet, il est vrai très polémique, de Daniel Lindenberg sur «les nouveaux réactionnaires», et qui ne manquera pas d’être ravivée par le dernier ouvrage de son auteur), les néoconservateurs à la française défendront toujours le devoir de l’intellectuel de mener une critique lucide de la modernité et d’avertir leur contemporains des dangers qu’ils courent, et crieront toujours à la police de la pensée. Il n’empêche que leur discours doit continuer d’être examiné et critiqué, car il met en jeu la conception même que l’on se fait de la démocratie. Pour eux en effet, la démocratie n’est pas un projet inachevé, sans cesse à construire et à parfaire: il s’agit d’un legs, certes précieux, mais dont la fuite en avant menace d’entraîner la perte. Une dynamique à contenir, voire à bloquer, plutôt qu’à approfondir.


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