Vous avez dit réflexe de Semmelweis ? (Rediscovering a flawed pioneer of patient safety)

23 août, 2011
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SemmelweisQuoi ! Ces mains, ne seront-elles jamais propres ? Lady Macbeth
Il sent maintenant ses meurtres secrets blesser ses propres mains. Angus
Il s’agit de comprendre ma destination, de voir ce que Dieu veut proprement que je fasse. Il s’agit de trouver une vérité qui soit vérité pour moi, de trouver l’idée pour laquelle je veux vivre et mourir. Søren Kierkegaard
Oses-tu prétendre que les hommes pris en foule sont aussi prompts à rechercher la vérité au goût parfois amer que le mensonge toujours appétissant, quand, par surcroît, cette recherche de la vérité comporte l’aveu qu’on s’est laissé tromper! Søren Kierkegaard (1849)
Le destin m’a choisi pour être le missionnaire de la vérité quant aux mesures qu’on doit prendre pour éviter et combattre le fléau puerpéral. J’ai cessé depuis longtemps de répondre aux attaques dont je suis constamment l’objet ; l’ordre des choses doit prouver à mes adversaires que j’avais entièrement raison sans qu’il soit nécessaire que je participe aux polémiques qui ne peuvent désormais servir en rien le progrès de la vérité. Semmelweis (in Céline)
Mus par la quête de la connaissance et le désir de sauver des vies, des médecins ont pratiqué des milliers d’autopsies qui ont causé, en retour, la perte de milliers d’autres vies. Steven D. Levitt et Stephen J. Dubner (SuperFreakonomics)
Le réflexe Semmelweis ou effet Semmelweis est une métaphore qui désigne la tendance à rejeter de nouvelles données ou de nouveaux savoirs car ils contredisent les normes, croyances ou paradigmes établis. Wikipedia
Un autre problème idéologique était que les idées de Semmelweis paraissaient s’appuyer sur une conception religieuse de la mort, qui contraignait les médecins à se purifier les mains après les autopsies ; tout cela sentait le «religieux », le « superstitieux » dans l’environnement intellectuel qui dominait à l’époque dans les cercles scientifiques et qui était directement issu de l’âge des Lumières. Wikipedia
On cherche des boucs émissaires : on va jusqu’à expulser les étudiants étrangers désignés comme responsables de la fièvre ! On supprime la clochette qui précède le prêtre apportant le viatique à la mourante !  René Roué
There was presumably a moment when everything changed for Ignác Philipp Semmelweis (1818—65)—a moment of awful clarity in which he realised the truth about the cause of childbed fever. His later descriptions suggest that any initial sense of achievement was soon overshadowed by a sinking, overwhelming guilt. It must have quickly dawned on him that while he had diligently been keeping precise records of maternal mortality rates—rates that he found disturbingly high, and inadequately investigated—the devastating “contagion” was being carried to his patients on his own hands and those of the medical students under his direct supervision. Perhaps he never fully recovered, and the zeal with which he later stripped layers of skin from his hands with chlorinated lime solution recalls the words of Shakespeare’s Lady Macbeth when she despaired, “What, will these hand ne’er be clean?” (…) But while his careful approach was able to refute—at least in his own mind—other current explanations, it was the death of his friend, pathologist Jakob Kolletschka that allowed Semmelweis to connect the dots leading to the true cause of the disease. While supervising an autopsy, Kolletschka sustained a laceration from a stray scalpel wielded by a medical student. He subsequently succumbed to a febrile illness that resembled childbed fever. (…) Semmelweis was the bearer of an inconvenient truth. Did Semmelweis hesitate before setting off with this burden down the path that would end, after years of struggle with his death in an asylum? We suspect not. As he later wrote “the facts cannot be changed, and denying the truth only increases guilt”. As is well known, the path of least resistance for many of his colleagues was to dismiss the legitimacy of his ideas. (…) Semmelweis was seen to be pointing an uncomfortable finger of blame at his colleagues at a time of wider sociopolitical tensions. As a Hungarian belonging to a German-speaking ethnic minority in Vienna, Semmelweis witnessed his nation’s dissatisfaction towards the Austrian Empire result in the Hungarian War of Independence of 1848—49. Against this historical backdrop, Semmelweis also faced other obstacles. He lacked an explanatory model on which to base his claims. While bacteria had first been observed some 200 years earlier, Louis Pasteur—who cultured Streptococcus pyogenes from the blood of a woman with childbed fever in 1879—had not yet proposed the germ theory of disease, and Robert Koch’s postulates were 30 years away. Rather than pathological, Semmelweis’s proof was epidemiological, a perceived failing in a medical school leading a revolution in anatomical pathology. Another problem in our view is that his intervention wasn’t exactly benign. According to Semmelweis’s protocol, a hand hygiene action took an interminable 5 minutes. Worse still, chlorinated lime caused much irritation to hands. Moreover, when Semmelweis’s magnum opus, The Aetiology, Concept and Prophylaxis of Childbed Fever, finally appeared in 1861, it was a formidable tome of more than 500 pages. Within its pages, Semmelweis oscillates between measured epidemiological discourse and bitter, caustic ranting. With almost evangelical fervour, he still invokes truth as his unconquerable ally. Our interpretation is that Semmelweis’s monograph—the ultimate product of his fanaticism—sought to recreate in others his own moment of realisation by sheer weight of evidence. According to him, the facts should speak for themselves. But he overplayed his hand. Despite strong evidence of a clearly lifesaving intervention, his uncompromising message generated anger and rejection rather than behaviour change. Andrew Stewardson and Didier Pittet

Découvert au détour de l’épilogue du dernier livre, pas exactement mémorable, de Franz-Olivier Giesbert (M. Le Président) …

La dernière découverte d’un président, largement disqualifié, tentant apparemment de se sauver par la littérature …

Le sujet du premier livre de l’écrivain, fameusement dévoyé, Céline dont il avait fait sa thèse de doctorat de médecine …

Le fameux médecin hongrois et précurseur failli de la lutte contre les infections nosocomiales (il finira sa vie dans un asile d’aliénés) Ignaz Semmelweis …

Et  qui tentant en vain de convaincre les médecins de son temps qu’ils pouvaient par leurs mains sales entrainer la mort des  malades qu’ils pensaient guérir …

Donna son nom au réflexe ou effet de Semmelweis

Qui désigne aujourd’hui la tendance des hiérachies scientifiques à rejeter toute nouvelle étude ou découverte qui remet en question les normes, croyances ou paradigmes établis

Semmelweis

Pr René Roué Membre du HCSP

adsp

mars 2002

Ce dossier sur les infections liées aux soins est rédigé par des spécialistes parmi les plus qualifi és sur le sujet. Ils montrent bien toute la dimension actuelle de ce problème de santé publique. En dehors des aspects épidémiologiques, préventifs, juridiques, etc., abordés dans ce numéro sous différents angles, trois points méritent d’être soulignés.

● Les infections nosocomiales sont inhérentes aux activités de soins, notamment en milieu hospitalier. Elles ne datent pas d’aujourd’hui ; elles ont été une préoccupation bien avant le 11 mars 1878, jour de naissance du mot « microbe », proposé à l’Académie des sciences par un chirurgien militaire, Charles Sédillot. Au milieu du XIXe siècle, Tarnier constatait avec effroi que la mortalité pour une femme en couches était dix sept fois supérieure en maternité qu’à domicile… Ces infections ne sont pas pour autant une fatalité. C’est en 1874 que les chirurgiens français commencèrent à appliquer les méthodes d’asepsie proposées par Lister en 1867. Au début du XXe siècle, les taux de mortalité chez les accouchées à l’hôpital et à domicile se sont inversés. De 1885 à 1900, la mortalité opératoire en chirurgie abdominale va passer de 50 % à 2 %*.

● Si les facteurs de risque d’infections nosocomiales ont totalement changé en un siècle, les piliers de la lutte restent l’asepsie et l’antisepsie, notamment par la désinfection des mains. J’ai le souvenir que les traités de chirurgie et de médecine de mes études médicales débutaient par un chapitre sur ces deux concepts fondamentaux et que le premier apprentissage en stage de chirurgie était de se laver les mains avec brossage, selon les règles, pendant de longues minutes… Il faut ajouter qu’à l’école primaire le lavage des mains était obligatoire avant de passer à table… Aujourd’hui, nous avons curieusement besoin de nouvelle preuves, statistiques de préférence, de la nécessité d’avoir un comportement qui a longtemps été naturel, évident… , social autant que sanitaire.

● Les infections nosocomiales sont très souvent iatrogènes, c’est-à-dire provoquées par les soignants et le médecin en particulier. Cette situation est paradoxale et même ambiguë ; en effet, il est diffi cilement concevable que celui dont on attend la guérison pour une maladie puisse être le vecteur d’une autre, l’infection, dont le nom évoque plutôt le XIXe siècle que les temps actuels… Où est la marge entre la négligence ou la faute et l’inévitable aléatoire ?

Sur ce point, on ne peut s’empêcher d’être frappé par la résistance, non pas celle des microbes aux anti-infectieux, mais des esprits et des comportements à admettre la réalité ; elle se rencontre chez les patients et plus largement chez tous les « usagers », réels ou potentiels, du système de soins refusant l’« inadmissible ». Elle s’observe aussi chez les personnels soignants, que ce soit individuellement, par exemple en négligeant de modifi er un comportement à risque, ou collectivement en se réfugiant d’une certaine façon derrière des comités, des règlements, des procédures, certes nécessaires mais qui dispenseraient de l’action et de la responsabilité personnelles avec des moyens simples. Le lavage des mains a été cité, mais ne peut-on encore rester perplexe devant les faibles taux de vaccination, contre la grippe par exemple chez les personnels de santé, alors que cette vaccination leur est recommandée pour éviter la transmission nosocomiale ?

L’histoire exemplaire de Philippe Ignace Semmelweis devrait être connue du plus grand nombre. Hongrois, né à Budapest en 1818, il fit ses études médicales à Vienne. C’était encore l’époque des miasmes. « Dans l’étendue du microscope, aucune vérité n’allait alors bien loin sur la route de l’infi ni, les forces du chercheur le plus audacieux, le plus précis, s’arrêtaient à l’Anatomie pathologique. Au-delà de ces quelques broderies colorées sur la route de l’infection, il n’y avait plus que la mort et des mots… »**

À son corps défendant, il s’orienta vers l’obstétrique. L’hospice général de Vienne comportait deux pavillons d’accouchement, identiques, contigus, l’un dirigé par le professeur Klin, l’autre par le professeur Bartch. Les femmes enceintes y viennent des quartiers populeux de la ville pour accoucher ; elles font tout pour éviter d’être admises dans le premier pavillon, de sinistre réputation : « On meurt plus chez Klin que chez Bartch. » La fièvre puerpérale y règne, entraînant jusqu’à 30 % de décès. Klin reçoit les étudiants en médecine en stage, Bartch des élèves sages-femmes ; la permutation des stagiaires fait passer l’infection d’un pavillon à l’autre… On cherche des boucs émissaires : on va jusqu’à expulser les étudiants étrangers désignés comme responsables de la fièvre ! On supprime la clochette qui précède le prêtre apportant le viatique à la mourante ! Après la mort de l’anatomiste Kolletchka des suites d’une piqûre « cadavérique », Semmelweis affirme que « ce sont les doigts des étudiants, souillés au cours des récentes dissections, qui vont porter les fatales particules cadavériques dans les organes génitaux des femmes enceintes et surtout au niveau du col utérin ». « Désodoriser les mains, décide-t-il, tout le problème est là. » Il fait laver les mains des étudiants en médecine au chlorure de chaux et la mortalité puerpérale devient presque nulle. Cette découverte, antérieure à l’ère pastorienne, fit des vagues dans toute l’Europe, où elle fut rejetée par la plupart des scientifiques et médecins de l’époque. Le tempérament et les méthodes de Semmelweis ne facilitèrent pas les discussions. Il rentra à Budapest où il mourut dans la folie.

Notre confrère le docteur Destouches, alias Céline, a consacré sa thèse de doctorat en médecine en 1924 à la biographie de Semmelweis, précurseur de la lutte contre l’infection nosocomiale par l’antisepsie. Ce travail réédité se lit avec passion : l’observation des faits et la détermination dans l’application des mesures de lutte sont toujours d’actualité ; il devrait être lu par tous les acteurs de la santé, valant tous les discours sur le sujet !

* Nathalie Mikaïloff. Les Manières de propreté. Paris : Maloine, 1990, 214 p.

** Louis-Ferdinand Céline. Semmelweis. Paris : Gallimard, 1990, 132 p.

Voir aussi:

Mettre un enfant au monde dans l’Europe du XIXe siècle était une entreprise périlleuse. Quelque 10 à 15% des accouchées mouraient en couches. Les causes de cette hécatombe restaient mystérieuses. On l’attribuait, comme d’autres épidémies, à un «Genius epidemicus» soumis à d’obscures infuences environnementales.
Jusqu’au jour où un médecin assistant, Ignaz Philipp Semmelweis (1819-1865), se rendit compte que le taux de mortalité de la clinique d’obstétrique de l’hôpital général de Vienne, en particulier celui du service qui formait les futurs praticiens, était anormalement élevé. Près de trois fois supérieur à celui de la maternité mitoyenne qui formait les sages-femmes.
Longtemps, M. Semmelweiss ne put s’expliquer la différence entre « … deux services si proches l’un de l’autre, ayant même une salle d’attente commune, et qui par conséquent étaient nécessairement soumis aux mêmes influences atmosphériques et cosmo-telluriques». La seule différence tangible était que les étudiants en médecine menaient des études anatomo-pathologiques sur des défuntes dans le cadre de leur formation, mais quel pouvait bien être le rapport?
M. Semmelweis eut la réponse lorsqu’en mars 1847, un professeur de médecine qui s’était blessé lors d’une dissection mourut en présentant les mêmes symptômes que les accouchées. Il en déduisit que «la cause inconnue de cette incroyable hécatombe se trouvait dans les molécules cadavériques restées collées aux mains des ausculteurs (…), qui pénétraient dans la circulation sanguine».
Dès 1847, M. Semmelweis obtint que tous les médecins se lavent les mains et les désinfectent au chlorure de chaux avant d’ausculter les futures mères, et le taux de mortalité ne tarda pas à rejoindre celui de la maternité. Pourtant, cette solution aussi simple qu’efficace de se laver les mains ne put s’imposer à l’époque. Une étude TA aurait pu débusquer les causes de cet échec et suggérer des mesures pour lutter contre cette résistance: les médecins accueillirent cette recommandation de se laver les mains comme une grave ingérence et craignirent une atteinte à leur réputation. Ses collègues ne pardonnèrent jamais à M. Semmelweis d’avoir rendu la profession directement et publiquement responsable de la mort de si nombreuses femmes. Sa carrière initialement prometteuse tourna court et en 1865, celui qui restera à jamais le «Sauveur des mères» mourut à l’asile des fous de Vienne.
Aujourd’hui encore, on parle de «réflexe de Semmelweis» lorsqu’une découverte scientifique ou une innovation est confrontée à un rejet farouche qui ne souffre aucune vérification pratique. Phénomène que les vastes études objectives et argumentées de TA ne manqueraient pas de contrer.
Source: http://www.austria-lexikon.at et F. Povacz: Geschichte der Unfallchirurgie (Histoire de la chirurgie traumatologique), Springer 2007

Ignác Semmelweis—celebrating a flawed pioneer of patient safety

Andrew Stewardson and Didier Pittet

The Lancet

2 July 2011

There was presumably a moment when everything changed for Ignác Philipp Semmelweis (1818—65)—a moment of awful clarity in which he realised the truth about the cause of childbed fever. His later descriptions suggest that any initial sense of achievement was soon overshadowed by a sinking, overwhelming guilt. It must have quickly dawned on him that while he had diligently been keeping precise records of maternal mortality rates—rates that he found disturbingly high, and inadequately investigated—the devastating “contagion” was being carried to his patients on his own hands and those of the medical students under his direct supervision. Perhaps he never fully recovered, and the zeal with which he later stripped layers of skin from his hands with chlorinated lime solution recalls the words of Shakespeare’s Lady Macbeth when she despaired, “What, will these hand ne’er be clean?”

From this moment, we think that hand hygiene became the central motivation in Semmelweis’s career. A decade earlier, Danish theologian and philosopher Søren Kierkegaard had written, “the crucial thing is to find a truth which is truth for me, to find the idea for which I am willing to live and die”. In the cause and prevention of childbed fever, Semmelweis found this truth. His life until that point had not been characterised by single-minded focus. Graduating second in his school class in Buda—then a part of the Austrian Empire—Semmelweis began studying law in Vienna in accordance with his father’s desire for him to become a military judge. After a year, however, he transferred to medicine, and graduated in 1844 with a botanical thesis, Tractatus de Vita Plantarum. Failing in his attempts to enter the renowned pathology department, Semmelweis settled on a post as professor’s assistant in the obstetrics department. While awaiting this position, he spent 2 years mentored by anatomical pathologist Carl von Rokitansky and internist Joseph Škoda. But it was not until his next move that Semmelweis found himself, by chance, in the midst of a problem for which he was willing to live and die.

When he gained the position as assistant in obstetrics at the Vienna General Hospital in 1846, Semmelweis was appalled by the “horrible devastations” caused by childbed fever. This very human reaction is the first lesson we can take from him. At the time, childbed fever was endemic in Europe and elsewhere and was widely attributed to miasma (an illness-carrying vapour) or intrinsic factors related to the patient. Seemingly beyond human control, these theories fostered a resigned acceptance and allowed their proponents, in Semmelweis’ unforgiving opinion, to “escape all responsibility for the devastations of the disease”. But Semmelweis was not content to succumb to contemporary lassitude, and launched a careful inquiry that led him to develop, as he later described, the “unshakable conviction [that childbed fever] consists entirely of instances of infection from external sources which could have been prevented”.

Semmelweis was faced with four key facts. First, of the two clinics (or wards) in the maternity hospital, ward one had a consistently higher maternal mortality rate compared with ward two. Second, women in labour were allocated to one of the two wards on the basis of the day of the week of their presentation to the hospital (what we might regard today as quasi-randomisation). To Semmelweis, this method of ward allocation made factors related to individual patients—emotional disturbance of the patient was sometimes blamed—an unlikely culprit. “I was convinced that the greater mortality rate at the first clinic was due to an endemic but as yet unknown cause”, he wrote. Third, both wards were essentially identical with regard to layout and infrastructure, and were “separated”, as Semmelweis observed, “only by a common anteroom”. Semmelweis did not believe that miasma could distinguish between two such proximal and similar wards. Finally, ward one was staffed by doctors and medical students, whereas ward two was run by midwives. Semmelweis began to suspect that it was in this major difference that the answer must be found.

But while his careful approach was able to refute—at least in his own mind—other current explanations, it was the death of his friend, pathologist Jakob Kolletschka that allowed Semmelweis to connect the dots leading to the true cause of the disease. While supervising an autopsy, Kolletschka sustained a laceration from a stray scalpel wielded by a medical student. He subsequently succumbed to a febrile illness that resembled childbed fever. “Suppose cadaverous particles adhering to hands”, wrote Semmelweis, aware that the medical staff of ward one participated in autopsies while the midwives of ward two did not, “cause the same disease among maternity patients that cadaverous particles adhering to the knife caused in Kolletschka”. Indeed, mortality rates had first increased when Johann Klein introduced student participation in autopsies as a flagship initiative of his professorship on gaining the position in 1823.

Thinking himself armed with the unbeatable backing of truth, Semmelweis set out to diffuse his theory and institute change in 1847. “Do you dare to claim that human beings, in a crowd”, wrote Kierkegaard in the same year that Semmelweis introduced mandatory hand washing with chlorinated lime, “are just as quick to reach for truth, which is not always palatable, as for untruth, which is always deliciously prepared, when in addition this must be combined with an admission that one has let oneself be deceived!” Semmelweis was the bearer of an inconvenient truth. Did Semmelweis hesitate before setting off with this burden down the path that would end, after years of struggle with his death in an asylum? We suspect not. As he later wrote “the facts cannot be changed, and denying the truth only increases guilt”. As is well known, the path of least resistance for many of his colleagues was to dismiss the legitimacy of his ideas.

Despite a dramatic reduction in mortality, Semmelweis and his theory were met with tolerance at best and, at worst, with derision. His contract did not survive the renewal process in 1849. Truth, it might have seemed to him, does not always triumph after all. In one sense, this was predictable. He was a young and fairly inexperienced physician whose idea challenged the views of his colleagues. Much has been written about the extent to which Semmelweis’s intemperate personality may have influenced the way his contemporaries reacted to his work. Yet despite the controversy that surrounds his personal conduct, medical history provides examples of such stories being overcome. Only a decade earlier, for example, Škoda’s clinical responsibilities had been transferred to the ward for the “insane” in an expression of the medical faculty’s disapproval of his unconventional and invasive new methods of examination: percussion and auscultation. After 9 years of increasingly influential publications, however, not only was this slap on the wrist forgotten, Škoda was elected professor of medicine. Semmelweis was not so fortunate.

Semmelweis was seen to be pointing an uncomfortable finger of blame at his colleagues at a time of wider sociopolitical tensions. As a Hungarian belonging to a German-speaking ethnic minority in Vienna, Semmelweis witnessed his nation’s dissatisfaction towards the Austrian Empire result in the Hungarian War of Independence of 1848—49. Against this historical backdrop, Semmelweis also faced other obstacles. He lacked an explanatory model on which to base his claims. While bacteria had first been observed some 200 years earlier, Louis Pasteur—who cultured Streptococcus pyogenes from the blood of a woman with childbed fever in 1879—had not yet proposed the germ theory of disease, and Robert Koch’s postulates were 30 years away. Rather than pathological, Semmelweis’s proof was epidemiological, a perceived failing in a medical school leading a revolution in anatomical pathology. Another problem in our view is that his intervention wasn’t exactly benign. According to Semmelweis’s protocol, a hand hygiene action took an interminable 5 minutes. Worse still, chlorinated lime caused much irritation to hands. Moreover, when Semmelweis’s magnum opus, The Aetiology, Concept and Prophylaxis of Childbed Fever, finally appeared in 1861, it was a formidable tome of more than 500 pages. Within its pages, Semmelweis oscillates between measured epidemiological discourse and bitter, caustic ranting. With almost evangelical fervour, he still invokes truth as his unconquerable ally. Take this, for example, “the ground, the unshakable rock, in which I erect my teaching is the fact that from May 1847 until the present day, 19 April 1859, that is for over twelve years, in three different institutions, I succeeded in limiting childbed fever to isolated cases.” Nevertheless, given that this work provides evidence that adequate hand hygiene can lower inpatient mortality from healthcare-associated infections, we regard it as a groundbreaking publication, and its sesquicentenary deserves celebration.

Our interpretation is that Semmelweis’s monograph—the ultimate product of his fanaticism—sought to recreate in others his own moment of realisation by sheer weight of evidence. According to him, the facts should speak for themselves. But he overplayed his hand. Despite strong evidence of a clearly lifesaving intervention, his uncompromising message generated anger and rejection rather than behaviour change. In 2011, 150 years after this milestone publication, his unsuccessful attempt to implement a patient safety initiative remains as instructive as his great achievements.

AS and DP received partial financial support for hand hygiene research activities from the Swiss National Science Foundation (Subside 3200B0-122324/1) and WHO’s Patient Safety Programme. WHO takes no responsibility for the information provided or the views expressed in this report.

Further reading

Bjørneboe, 1968 Bjørneboe J. Semmelweis. Los Angeles: Sun and Moon Classics, 1968.

Céline, 1977 Céline L-F. Semmelweis. Paris: Gallimard, 1977.

Nuland, 2003 Nuland SB. The doctor’s plague: germs, childbed fever, and the strange story of Ignác Semmelweis. New York: WW Norton & Company, 2003.

Pittet and Boyce, 2001 Pittet D, Boyce J. Hand hygiene and patient care: pursuing the Semmelweis legacy. Lancet Infect Dis 2001; 1: 9-20. PubMed

Semmelweis, 1861 Semmelweis I. Die aetiologie, der begriff und die prophylaxis des kindbettfiebers. Pest, Wien und Leipzig: CA Hartleben’s Verlag-Expedition, 1861.

WHO, 2009 WHO. WHO guidelines on hand hygiene in healthcare. Geneva: WHO, 2009.

a Infection Control Programme and WHO Collaborating Centre on Patient Safety, University of Geneva Hospitals and Faculty of Medicine, 1211 Geneva 14, Switzerland

Other Articles of Interest

Department of Medical History Puerperal priority more information Gerald Weissmann. The Lancet 11 January 1997; Volume 349, Issue 9045: Page 122

Historical Review Alexander Gordon, puerperal sepsis, and modern theories of infection control—Semmelweis in perspective more information Ian M Gould. The Lancet Infectious Diseases 1 April 2010; Volume 10, Issue 4: Page 275

Media Watch Media watch more information Val Curtis. The Lancet Infectious Diseases 1 June 2004; Volume 4, Issue 6: Page 383

Dissecting Room The crusade against puerperal fever more information Didier Pittet. The Lancet 17 April 2004; Volume 363, Issue 9417: Page 1331

Review Hand hygiene and patient care: pursuing the Semmelweis legacy more information Didier Pittet,John M Boyce. The Lancet Infectious Diseases 1 April 2001; Volume 1, Issue 0: Page 9

Voir aussi:

History

« The contagiousness of childbed fever »: a short history of puerperal sepsis and its treatment

Caroline M De Costa

MJA 2002 177 (11/12): 668-671

The death of a friend solved a centuries-old, oft-fatal mystery

My doctrine is produced in order to banish the terror from lying-in hospitals, to preserve the wife to the husband, and the mother to the child… — Ignaz Semmelweis, 1861

Today, a very large proportion of women giving birth receive antibiotics, potent and sometimes in combination, during their accouchement. Routine prophylaxis is widely accepted for caesarean sections, which account for 20%–25% of deliveries.1 Of course, any pregnant woman presenting with an obvious infection will automatically receive an antibiotic. Further, so will most pregnant women with membranes ruptured for any length of time, either before or after labour begins, and any woman in labour with a raised temperature. There is also a more relaxed approach to many former midwifery routines — for example, the abandoning of masks and gowns and the admission of several support people to the delivery scene — which could diminish both younger obstetricians’ and midwives’ appreciation of the potentially deadly risk of puerperal infection. However, until relatively recently in developed countries, and still in many developing countries, puerperal sepsis was and is a killer.2

Fatal fever

Immediately postnatally, the placental site is a large open wound — easily invaded by ascending bacteria. For thousands of years, it was recognised that puerperal women were at risk of a fever that could be fatal. The Hippocratic writings contain references to childbed fever, as do some Hindu texts dating back to 1500 bc.3 Moreover, the potential for birth attendants to initiate such infections seems to have been comprehended by some of the ancient writers, including the Greek physician Soranus, and the Hindus, since advice on hygiene for birth attendants was offered.3,4

Triptych showing the Hôtel Dieu in Paris, about ad 1500. The comparatively well patients (on the right) were separated from the very ill (on the left). Note there were always two patients to a bed.

Nevertheless, in ancient and medieval times, mortality from puerperal sepsis was apparently relatively low, as women generally gave birth at home.

Peculiar to the puerperium?

The 17th century saw the establishment of « lying-in » hospitals in many European cities. While these institutions were, in some ways, an advance — in particular, by relieving obstructed labour with forceps or intrauterine manipulation — the crowding of patients, frequent vaginal examinations and the use of contaminated instruments, dressings and bedlinen spread infection in an era when there was no knowledge of antisepsis.

The first recorded epidemic of puerperal fever occurred at the Hôtel Dieu in Paris in 1646. Subsequently, maternity hospitals all over Europe and North America reported intermittent outbreaks, and even between epidemics the death rate from sepsis reached one woman in four or five of those giving birth.5

Numerous bizarre theories as to the cause of childbed fever were expounded — among them that it was due to a « miasma », or the labouring woman’s disturbed state of mind, or mechanical pressure from the distended uterus. Certainly, childbed fever was universally regarded as a condition peculiar to women in labour.6

Sepsis suspected

Contagion as the basis for childbed fever was first suspected by a number of British physicians in the late 18th and early 19th centuries.7 The name of Thomas Watson, Professor of Medicine at King’s College Hospital, London, is not well known, but in 1842 he wrote: « Wherever puerperal fever is rife, or when a practitioner has attended any one instance of it, he should use most diligent ablution. » Watson recommended handwashing with chlorine solution and changes of clothing for obstetric attendants — everything, he said, « to prevent the practitioner becoming a vehicle of contagion and death between one patient and another. »

Unfortunately, Watson’s advice seems to have been largely ignored by obstetric practitioners of the time — the contagion theory is completely absent from contemporary obstetric texts.7

Oliver Wendell Holmes

Across the Atlantic, in Boston, Dr Oliver Wendell Holmes — pathologist, physician and president of the Boston Society for Medical Improvement — developed an interest in the condition after two related cases were presented to his society. A physician and a medical student both died of septicaemia after performing an autopsy on a woman who died of puerperal fever.

Holmes read the existing literature, and became convinced that the condition was highly contagious, and that doctors, nurses and midwives were the active agents of its spread. He began to speak and write on the subject, and in 1843 published his classic essay The Contagiousness of Puerperal Fever.8-10 The essay contains eight rules for the obstetrician, which included not only handwashing and changes of clothing, but also the avoidance of autopsies if obstetric cases were being managed.

Holmes’ conclusions were ridiculed by many of his prominent contemporaries. For example, Charles Meigs, a well-known obstetrician, was incensed at the suggestion he may himself be transmitting disease. « Doctors, » he said, « are gentlemen, and gentlemen’s hands are clean. »10

Connection comprehended

Meanwhile, in Vienna, Dr Ignaz Semmelweis, a native of Hungary, was beginning a life-long obsession with finding the cause of, and preventing, puerperal fever. However, knowing no English, and far from North America, Semmelweis was unaware of the work of Holmes.

Ignaz Semmelweis

In 1844, Semmelweis was appointed assistant lecturer in the First Obstetric Division of the Vienna Lying-In Hospital, the division in which medical students received their training. He was appalled by the division’s high mortality rate from puerperal fever — 16% of all women giving birth in the years 1841–1843. In contrast, in the Second Division, where midwives or midwifery students did the deliveries, the mortality rate from the fever was much lower, at about 2%. Semmelweis also noted that puerperal sepsis was rare in women who gave birth before arriving at the hospital.6,11

Over the next few years, Semmelweis studied and rejected numerous hypotheses. He did note that medical students and doctors from the First Division performed autopsies each morning on women who had died in the hospital the previous day and that midwives were not required to perform such autopsies. However, he did not immediately appreciate the connection between the two observations.6,11

In March 1847, Jakob Kolletschka — professor of forensic pathology, colleague and friend of Semmelweis — died of septicaemia after sustaining an accidental wound to the hand during an autopsy. On reading the report of Kolletschka’s autopsy, Semmelweis was struck by the similarity of the pathological findings to those of women who had died of puerperal fever. He later wrote: « Suddenly a thought crossed my mind: childbed fever and the death of Professor Kolletschka were one and the same. His sepsis and childbed fever must originate from the same source . . . the fingers and hands of students and doctors, soiled by recent dissections, carry those death-dealing cadavers’ poisons into the genital organs of women in childbirth . . . ».6,11,12

Semmelweis began experimenting with various cleansing agents and, from May 1847, ordered that all doctors and students working in the First Division wash their hands in chlorinated lime solution before starting ward work, and later before each vaginal examination. The results were extraordinary — the mortality rate from puerperal fever in the division fell from 18% in May 1847 to less than 3% in June–November of the same year.11

Doctrine dismissed

Like Holmes, Semmelweis found that his conclusions did not receive immediate acclaim from his colleagues and superiors. Indeed, he was treated with scepticism and ridicule by many in the Viennese and wider European medical establishments, including his own professor, Johann Klein.

In 1849, Semmelweis’ contract with the Lying-In Hospital was not renewed and he returned to Hungary, joining the University of Pest. He presented his findings to the Medical Society of Vienna in 1850. They were not well received, other opponents at that time including the famous pathologist Rudolph Virchow and the prominent obstetrician Friedrich Scanzoni.

Semmelweis did not publish his observations until 1861; again, they were greeted dismissively. Embittered, Semmelweis wrote a series of « open letters » to his former professors, accusing them — rightly, as it turned out — of being « medical Neros » and « murderers ».11,12

Sadly, his last years were affected by depression and mental disturbance. In July 1865, he was committed to a psychiatric institution in Vienna, and died there two weeks later — ironically, probably from septicaemia following a cut to a finger.3,6

Acceptance of antisepsis

Paradoxically, within a few years of his death, Semmelweis’ doctrine began to be accepted by the wider medical community. In 1874, Billroth demonstrated streptococci in pus from wound infections, and in 1879 Louis Pasteur identified the haemolytic streptococcus in the blood of a woman with puerperal sepsis.3 Joseph Lister, learning of Pasteur’s work and germ theory, began to apply antiseptic principles to the practice of surgery, with a dramatic fall in postoperative deaths from infection. As with Semmelweis’, Lister’s ideas were also greeted with scepticism and it took nearly 30 years for « Listerism » to be universally accepted by medical practitioners.13

By the end of the 19th century, the need for obstetric asepsis was well appreciated. An authoritative text of 1905 gives detailed instructions for the personal hygiene of physicians and nurses attending confinements and instructions on the performance of internal examinations. The importance of « inculcating in the student the principles of obstetrical cleanliness, mechanical and chemical » is emphasised. The need for meticulous antiseptic care during operative vaginal deliveries and manipulations — more frequent then than now — is reiterated.14

Australian medical practitioners were apparently quick to follow the lead of their overseas colleagues in the application of hygienic measures in obstetrics, and of self-regulation when puerperal fever occurred in their practices. Most stopped attending midwifery cases for a time after one or two deaths among their patients.15

Surprisingly though, despite the new understanding of the importance of antisepsis, puerperal sepsis still occurred frequently in developed countries in which figures were kept. It appears the principles of antisepsis were not universally applied.

In England and Wales, in the period 1870 to 1890, the maternal death rate in hospital births was around 1 : 20, of which about 40% were due to infection. In the United States, in the 1890s, 20 000 women a year died in childbirth.14,16,17 In New South Wales, in 1894–1896, among confinements of married women, both at home and in hospital, the government statistician found a death rate of 1 : 148, and he commented on the negligence of medical men in filling the certificates required by law. Up to that point, causes of death had been supposedly accurately recorded for more than 40 years, but, in fact, the puerperal nature of fatal infections in women was frequently omitted.14,15

Globally, the most common and most feared infecting organism at the time was the Group A haemolytic streptococcus, whose virulence appears to have diminished in recent years, possibly due to improved socioeconomic conditions and the use of antibiotics. Normally found on the skin, in the nose and throat, and in the vagina, as well as in skin lesions, the streptococcus was introduced into the genital tract during examinations and deliveries. Lacerations, blood loss and exhaustion from prolonged labour increased the possibility of postpartum infection. Staphylococci, gonococci, coliforms and other bowel flora, as well as anaerobes, were less likely culprits, but have assumed greater importance in recent years, as have Group B streptococci.3,7,15

Debating deliveries

In Australia overall, as elsewhere overseas, the maternal mortality rate (MMR) actually remained steady from 1900 until the late 1930s (5.95 per 1000 women delivered in 1903; 5.13 in 1933). Among developed nations, the United States had the highest MMR and the Netherlands and Scandinavia the lowest, although there were some individual hospitals with remarkably low rates, including the Rotunda in Dublin, Ireland, and Crown Street Women’s Hospital in Sydney, Australia.15,17

Causes of the continuing fatal role of puerperal sepsis were widely debated. The medical profession tended to blame untrained midwives, and moved towards their training and registration, which was achieved by the 1930s. Some attributed the rates of sepsis to high levels of interference in labour and delivery, especially forceps deliveries.

In Australia, the « lodge » system of practice — whereby families purchased medical services through lodge or friendly society membership — was held to blame. Busy general practitioners contracted under this system were allegedly likely to try to conduct confinements hurriedly.15-17 There were moves both to increase instruction in obstetrics for general practitioners and to encourage specialist obstetricians to do deliveries.15

Antibiotic arsenal

After 1935, the situation improved rapidly in developed countries. Early that year « a startling therapeutic success » was announced by Domagk in Germany — the prevention of septicaemia in mice experimentally infected with streptococci after the administration of prontosil, a sulfonamide dye.18

In June 1936, Colebrook and Kenny, in a landmark paper, reported their success in treating established puerperal sepsis in women using prontosil — the death rate in apparently similar cases dropped from around 27% to 8%. Colebrook and Kenny wrote (cautiously): « . . . the very low death rate, taken together with the spectacular remission of fever and symptoms observed in so many of the cases, does suggest that the drug has exerted a beneficial effect ».18 History was to prove them correct, and in 1939 Domagk was awarded the Nobel Prize in Medicine and Physiology for his work.

Prontosil and other sulfonamides were followed by penicillin, to which streptococci causing puerperal sepsis still remain sensitive, and the arsenal of antibiotics used for all other forms of postpartum fever today.3,19

Today, in Australia, deaths from puerperal sepsis are extraordinarily rare (the MMR is currently about 0.1 per 1000 births).2 However, infection and fever are not rare, and the microbes causing them are omnipresent. In caring for pregnant women, especially the many who have some intervention in labour or delivery, we would be wise to reflect that it is only the use of increasingly complex antibiotic regimens which prevents a return to « the terror of the lying-in hospitals ».

Acknowledgement

I would like to thank Dr John Doherty of Vienna for assistance in preparing this article.

References

1. Mead PB. Infections of the female pelvis. In: Mandell G, Bennett J, Dolin R, editors. Principles and Practice of Infectious Diseases. 4th ed. New York: Churchill Livingstone, 1995.

2. Donnay F. Maternal survival in developing countries: what has been done, what can be achieved in the next decade. Int J Gynaecol Obstet 2000; 70(1): 89-97. <PubMed>

3. Adriaanse AH, Pel M, Bleker OP. Semmelweis: the combat against puerperal fever. Eur J Obstet Gynecol Reprod Biol 2000; 90: 153-158.

4. Ricci JV. The genealogy of gynecology: history of the development of gynaecology through the ages. Philadelphia: Blakiston, 1943.

5. Loudon I. Deaths in childbed from the eighteenth century to 1935. Med History 1986; 30: 1-41.

6. Gortvay G, Zoltan I. Semmelweis: his life and work. Budapest: Akademiai Kiado, 1968.

7. McCormick CO. A Textbook on Pathology of Labor, the Puerperium and the Newborn. St Louis: Mosby, 1947.

8. Hoyt EP. The Improper Bostonian: Dr Oliver Wendell Holmes. New York: William Morrow, 1979.

9. Tilton EM. Amiable Autocrat: a biography of Dr Oliver Wendell Holmes. New York: Henry Schuman, 1947.

10. Wertz RM, Wertz DC. Lying-in: a history of childbirth in America. New York: New York Free Press, 1977.

11. Raju TN. Ignac Semmelweis and the etiology of fetal and neonatal sepsis. J Perinatol 1999; 19(4): 307-310.

12. Sinclair WJ. Semmelweis: his life and his doctrine. Manchester: Manchester University Press,1909.

13. Lister J. The antiseptic system of treatment in surgery. Lancet 1870; 2: 287.

14. Edgar JC. The practice of obstetrics. Philadelphia: Blakiston, 1905.

15. Lewis M. Doctors, midwives, puerperal infection and the problem of maternal mortality in late nineteenth and early twentieth century Sydney. Occas Pap Med Hist Aust 1984; 1: 85-107.

16. Cullingworth CJ. On the undiminished mortality from puerperal fever in England and Wales. Trans Obstet Soc Lond 1898; 40: 91-114.

17. Loudon I. Maternal mortality: secular trends in England and Wales, 1850-1970. In: Kiple KF, editor. The Cambridge world history of human disease. New York: Cambridge, 1993.

18. Colebrook L, Kenny M. Treatment of human puerperal infections, and of experimental infections in mice, with prontosil. Lancet 1936; 2: 1279-1286.

19. Codell Carter K. Puerperal fever. In: The Cambridge world history of human disease. New York: Cambridge, 1993.

(Received 4 Jun 2002, accepted 8 Aug 2002)

History

« The contagiousness of childbed fever »: a short history of puerperal sepsis and its treatment

Caroline M De Costa
MJA 2002 177 (11/12): 668-671

Introduction

Fatal fever

Peculiar to the puerperium?

Sepsis suspected

Connection comprehended

Doctrine dismissed

Acceptance of antisepsis

Debating deliveries

Antibiotic arsenal

Acknowledgement

References

Author details

The death of a friend solved a centuries-old, oft-fatal mystery

My doctrine is produced in order to banish the terror from lying-in hospitals, to preserve the wife to the husband, and the mother to the child… — Ignaz Semmelweis, 1861

Today, a very large proportion of women giving birth receive antibiotics, potent and sometimes in combination, during their accouchement. Routine prophylaxis is widely accepted for caesarean sections, which account for 20%–25% of deliveries.1 Of course, any pregnant woman presenting with an obvious infection will automatically receive an antibiotic. Further, so will most pregnant women with membranes ruptured for any length of time, either before or after labour begins, and any woman in labour with a raised temperature. There is also a more relaxed approach to many former midwifery routines — for example, the abandoning of masks and gowns and the admission of several support people to the delivery scene — which could diminish both younger obstetricians’ and midwives’ appreciation of the potentially deadly risk of puerperal infection. However, until relatively recently in developed countries, and still in many developing countries, puerperal sepsis was and is a killer.2

Fatal fever

Immediately postnatally, the placental site is a large open wound — easily invaded by ascending bacteria. For thousands of years, it was recognised that puerperal women were at risk of a fever that could be fatal. The Hippocratic writings contain references to childbed fever, as do some Hindu texts dating back to 1500 bc.3 Moreover, the potential for birth attendants to initiate such infections seems to have been comprehended by some of the ancient writers, including the Greek physician Soranus, and the Hindus, since advice on hygiene for birth attendants was offered.3,4

Triptych showing the Hôtel Dieu in Paris, about ad 1500. The comparatively well patients (on the right) were separated from the very ill (on the left). Note there were always two patients to a bed.

Nevertheless, in ancient and medieval times, mortality from puerperal sepsis was apparently relatively low, as women generally gave birth at home.

Peculiar to the puerperium?

The 17th century saw the establishment of « lying-in » hospitals in many European cities. While these institutions were, in some ways, an advance — in particular, by relieving obstructed labour with forceps or intrauterine manipulation — the crowding of patients, frequent vaginal examinations and the use of contaminated instruments, dressings and bedlinen spread infection in an era when there was no knowledge of antisepsis.

The first recorded epidemic of puerperal fever occurred at the Hôtel Dieu in Paris in 1646. Subsequently, maternity hospitals all over Europe and North America reported intermittent outbreaks, and even between epidemics the death rate from sepsis reached one woman in four or five of those giving birth.5

Numerous bizarre theories as to the cause of childbed fever were expounded — among them that it was due to a « miasma », or the labouring woman’s disturbed state of mind, or mechanical pressure from the distended uterus. Certainly, childbed fever was universally regarded as a condition peculiar to women in labour.6

Sepsis suspected

Contagion as the basis for childbed fever was first suspected by a number of British physicians in the late 18th and early 19th centuries.7 The name of Thomas Watson, Professor of Medicine at King’s College Hospital, London, is not well known, but in 1842 he wrote: « Wherever puerperal fever is rife, or when a practitioner has attended any one instance of it, he should use most diligent ablution. » Watson recommended handwashing with chlorine solution and changes of clothing for obstetric attendants — everything, he said, « to prevent the practitioner becoming a vehicle of contagion and death between one patient and another. »

Unfortunately, Watson’s advice seems to have been largely ignored by obstetric practitioners of the time — the contagion theory is completely absent from contemporary obstetric texts.7

Oliver Wendell Holmes

Across the Atlantic, in Boston, Dr Oliver Wendell Holmes — pathologist, physician and president of the Boston Society for Medical Improvement — developed an interest in the condition after two related cases were presented to his society. A physician and a medical student both died of septicaemia after performing an autopsy on a woman who died of puerperal fever.

Holmes read the existing literature, and became convinced that the condition was highly contagious, and that doctors, nurses and midwives were the active agents of its spread. He began to speak and write on the subject, and in 1843 published his classic essay The Contagiousness of Puerperal Fever.810 The essay contains eight rules for the obstetrician, which included not only handwashing and changes of clothing, but also the avoidance of autopsies if obstetric cases were being managed.

Holmes’ conclusions were ridiculed by many of his prominent contemporaries. For example, Charles Meigs, a well-known obstetrician, was incensed at the suggestion he may himself be transmitting disease. « Doctors, » he said, « are gentlemen, and gentlemen’s hands are clean. »10

Connection comprehended

Meanwhile, in Vienna, Dr Ignaz Semmelweis, a native of Hungary, was beginning a life-long obsession with finding the cause of, and preventing, puerperal fever. However, knowing no English, and far from North America, Semmelweis was unaware of the work of Holmes.

Ignaz Semmelweis

In 1844, Semmelweis was appointed assistant lecturer in the First Obstetric Division of the Vienna Lying-In Hospital, the division in which medical students received their training. He was appalled by the division’s high mortality rate from puerperal fever — 16% of all women giving birth in the years 1841–1843. In contrast, in the Second Division, where midwives or midwifery students did the deliveries, the mortality rate from the fever was much lower, at about 2%. Semmelweis also noted that puerperal sepsis was rare in women who gave birth before arriving at the hospital.6,11

Over the next few years, Semmelweis studied and rejected numerous hypotheses. He did note that medical students and doctors from the First Division performed autopsies each morning on women who had died in the hospital the previous day and that midwives were not required to perform such autopsies. However, he did not immediately appreciate the connection between the two observations.6,11

In March 1847, Jakob Kolletschka — professor of forensic pathology, colleague and friend of Semmelweis — died of septicaemia after sustaining an accidental wound to the hand during an autopsy. On reading the report of Kolletschka’s autopsy, Semmelweis was struck by the similarity of the pathological findings to those of women who had died of puerperal fever. He later wrote: « Suddenly a thought crossed my mind: childbed fever and the death of Professor Kolletschka were one and the same. His sepsis and childbed fever must originate from the same source . . . the fingers and hands of students and doctors, soiled by recent dissections, carry those death-dealing cadavers’ poisons into the genital organs of women in childbirth . . . ».6,11,12

Semmelweis began experimenting with various cleansing agents and, from May 1847, ordered that all doctors and students working in the First Division wash their hands in chlorinated lime solution before starting ward work, and later before each vaginal examination. The results were extraordinary — the mortality rate from puerperal fever in the division fell from 18% in May 1847 to less than 3% in June–November of the same year.11

Doctrine dismissed

Like Holmes, Semmelweis found that his conclusions did not receive immediate acclaim from his colleagues and superiors. Indeed, he was treated with scepticism and ridicule by many in the Viennese and wider European medical establishments, including his own professor, Johann Klein.

In 1849, Semmelweis’ contract with the Lying-In Hospital was not renewed and he returned to Hungary, joining the University of Pest. He presented his findings to the Medical Society of Vienna in 1850. They were not well received, other opponents at that time including the famous pathologist Rudolph Virchow and the prominent obstetrician Friedrich Scanzoni.

Semmelweis did not publish his observations until 1861; again, they were greeted dismissively. Embittered, Semmelweis wrote a series of « open letters » to his former professors, accusing them — rightly, as it turned out — of being « medical Neros » and « murderers ».11,12

Sadly, his last years were affected by depression and mental disturbance. In July 1865, he was committed to a psychiatric institution in Vienna, and died there two weeks later — ironically, probably from septicaemia following a cut to a finger.3,6

Acceptance of antisepsis

Paradoxically, within a few years of his death, Semmelweis’ doctrine began to be accepted by the wider medical community. In 1874, Billroth demonstrated streptococci in pus from wound infections, and in 1879 Louis Pasteur identified the haemolytic streptococcus in the blood of a woman with puerperal sepsis.3 Joseph Lister, learning of Pasteur’s work and germ theory, began to apply antiseptic principles to the practice of surgery, with a dramatic fall in postoperative deaths from infection. As with Semmelweis’, Lister’s ideas were also greeted with scepticism and it took nearly 30 years for « Listerism » to be universally accepted by medical practitioners.13

By the end of the 19th century, the need for obstetric asepsis was well appreciated. An authoritative text of 1905 gives detailed instructions for the personal hygiene of physicians and nurses attending confinements and instructions on the performance of internal examinations. The importance of « inculcating in the student the principles of obstetrical cleanliness, mechanical and chemical » is emphasised. The need for meticulous antiseptic care during operative vaginal deliveries and manipulations — more frequent then than now — is reiterated.14

Australian medical practitioners were apparently quick to follow the lead of their overseas colleagues in the application of hygienic measures in obstetrics, and of self-regulation when puerperal fever occurred in their practices. Most stopped attending midwifery cases for a time after one or two deaths among their patients.15

Surprisingly though, despite the new understanding of the importance of antisepsis, puerperal sepsis still occurred frequently in developed countries in which figures were kept. It appears the principles of antisepsis were not universally applied.

In England and Wales, in the period 1870 to 1890, the maternal death rate in hospital births was around 1 : 20, of which about 40% were due to infection. In the United States, in the 1890s, 20 000 women a year died in childbirth.14,16,17 In New South Wales, in 1894–1896, among confinements of married women, both at home and in hospital, the government statistician found a death rate of 1 : 148, and he commented on the negligence of medical men in filling the certificates required by law. Up to that point, causes of death had been supposedly accurately recorded for more than 40 years, but, in fact, the puerperal nature of fatal infections in women was frequently omitted.14,15

Globally, the most common and most feared infecting organism at the time was the Group A haemolytic streptococcus, whose virulence appears to have diminished in recent years, possibly due to improved socioeconomic conditions and the use of antibiotics. Normally found on the skin, in the nose and throat, and in the vagina, as well as in skin lesions, the streptococcus was introduced into the genital tract during examinations and deliveries. Lacerations, blood loss and exhaustion from prolonged labour increased the possibility of postpartum infection. Staphylococci, gonococci, coliforms and other bowel flora, as well as anaerobes, were less likely culprits, but have assumed greater importance in recent years, as have Group B streptococci.3,7,15

Debating deliveries

In Australia overall, as elsewhere overseas, the maternal mortality rate (MMR) actually remained steady from 1900 until the late 1930s (5.95 per 1000 women delivered in 1903; 5.13 in 1933). Among developed nations, the United States had the highest MMR and the Netherlands and Scandinavia the lowest, although there were some individual hospitals with remarkably low rates, including the Rotunda in Dublin, Ireland, and Crown Street Women’s Hospital in Sydney, Australia.15,17

Causes of the continuing fatal role of puerperal sepsis were widely debated. The medical profession tended to blame untrained midwives, and moved towards their training and registration, which was achieved by the 1930s. Some attributed the rates of sepsis to high levels of interference in labour and delivery, especially forceps deliveries.

In Australia, the « lodge » system of practice — whereby families purchased medical services through lodge or friendly society membership — was held to blame. Busy general practitioners contracted under this system were allegedly likely to try to conduct confinements hurriedly.1517 There were moves both to increase instruction in obstetrics for general practitioners and to encourage specialist obstetricians to do deliveries.15

Antibiotic arsenal

After 1935, the situation improved rapidly in developed countries. Early that year « a startling therapeutic success » was announced by Domagk in Germany — the prevention of septicaemia in mice experimentally infected with streptococci after the administration of prontosil, a sulfonamide dye.18

In June 1936, Colebrook and Kenny, in a landmark paper, reported their success in treating established puerperal sepsis in women using prontosil — the death rate in apparently similar cases dropped from around 27% to 8%. Colebrook and Kenny wrote (cautiously): « . . . the very low death rate, taken together with the spectacular remission of fever and symptoms observed in so many of the cases, does suggest that the drug has exerted a beneficial effect ».18History was to prove them correct, and in 1939 Domagk was awarded the Nobel Prize in Medicine and Physiology for his work.

Prontosil and other sulfonamides were followed by penicillin, to which streptococci causing puerperal sepsis still remain sensitive, and the arsenal of antibiotics used for all other forms of postpartum fever today.3,19

Today, in Australia, deaths from puerperal sepsis are extraordinarily rare (the MMR is currently about 0.1 per 1000 births).2 However, infection and fever are not rare, and the microbes causing them are omnipresent. In caring for pregnant women, especially the many who have some intervention in labour or delivery, we would be wise to reflect that it is only the use of increasingly complex antibiotic regimens which prevents a return to « the terror of the lying-in hospitals ».

Acknowledgement

I would like to thank Dr John Doherty of Vienna for assistance in preparing this article.

References

  1. Mead PB. Infections of the female pelvis. In: Mandell G, Bennett J, Dolin R, editors. Principles and Practice of Infectious Diseases. 4th ed. New York: Churchill Livingstone, 1995.
  2. Donnay F. Maternal survival in developing countries: what has been done, what can be achieved in the next decade. Int J Gynaecol Obstet 2000; 70(1): 89-97. <PubMed>
  3. Adriaanse AH, Pel M, Bleker OP. Semmelweis: the combat against puerperal fever. Eur J Obstet Gynecol Reprod Biol 2000;90: 153-158.
  4. Ricci JV. The genealogy of gynecology: history of the development of gynaecology through the ages. Philadelphia: Blakiston, 1943.
  5. Loudon I. Deaths in childbed from the eighteenth century to 1935. Med History 1986; 30: 1-41.
  6. Gortvay G, Zoltan I. Semmelweis: his life and work. Budapest: Akademiai Kiado, 1968.
  7. McCormick CO. A Textbook on Pathology of Labor, the Puerperium and the Newborn. St Louis: Mosby, 1947.
  8. Hoyt EP. The Improper Bostonian: Dr Oliver Wendell Holmes. New York: William Morrow, 1979.
  9. Tilton EM. Amiable Autocrat: a biography of Dr Oliver Wendell Holmes. New York: Henry Schuman, 1947.
  10. Wertz RM, Wertz DC. Lying-in: a history of childbirth in America. New York: New York Free Press, 1977.
  11. Raju TN. Ignac Semmelweis and the etiology of fetal and neonatal sepsis. J Perinatol 1999; 19(4): 307-310.
  12. Sinclair WJ. Semmelweis: his life and his doctrine. Manchester: Manchester University Press,1909.
  13. Lister J. The antiseptic system of treatment in surgery. Lancet 1870; 2: 287.
  14. Edgar JC. The practice of obstetrics. Philadelphia: Blakiston, 1905.
  15. Lewis M. Doctors, midwives, puerperal infection and the problem of maternal mortality in late nineteenth and early twentieth century Sydney. Occas Pap Med Hist Aust 1984; 1: 85-107.
  16. Cullingworth CJ. On the undiminished mortality from puerperal fever in England and Wales. Trans Obstet Soc Lond 1898; 40: 91-114.
  17. Loudon I. Maternal mortality: secular trends in England and Wales, 1850-1970. In: Kiple KF, editor. The Cambridge world history of human disease. New York: Cambridge, 1993.
  18. Colebrook L, Kenny M. Treatment of human puerperal infections, and of experimental infections in mice, with prontosil. Lancet 1936; 2: 1279-1286.
  19. Codell Carter K. Puerperal fever. In: The Cambridge world history of human disease. New York: Cambridge, 1993.

(Received 4 Jun 2002, accepted 8 Aug 2002)

Voir par ailleurs:

La foule c’est le mensonge

(Note 1 – Sur la dédicace « à l’individu »)

Point de vue explicatif de mon œuvre

Søren Kierkegaard

1849

Cher! Accepte cette dédicace ; elle est donnée comme à l’aveuglette, mais aussi en toute sincérité, sans se laisser troubler par quelque considération! Je ne sais qui tu es, où tu es, quel est ton nom. Pourtant, tu es mon espoir, ma joie, mon orgueil et, dans mon ignorance à ton sujet, mon honneur. Il me réconforte de penser que l’occasion favorable t’est maintenant donnée ; en bonne foi, je l’ai eue en vue au cours de mon travail et dans mon travail. Car, à supposer que s’établisse dans le monde l’usage de lire mes écrits ou de prétendre les avoir lus, en espérant y gagner quelque avantage mondain, l’on n’aurait pas alors l’occasion opportune, puisque au contraire l’incompréhension aurait pris le dessus en me dupant aussi, si je n’avais pris soin de la prévenir.

D’une part, c’est là en moi, comme je le désire d’ailleurs, un changement possible tenant à la disposition de mon âme et de mon esprit, changement sans aucune prétention et qui, loin d’en élever une, témoigne plutôt d’une concession ; et d’autre part, il s’agit là d’une conception soigneusement méditée, et bien méditée, de « la Vie », de « la Vérité », du « Chemin[19] ».

Il est une conception de la vie pour laquelle là où est la foule, là aussi est la vérité ; la vérité est dans la nécessité d’avoir pour elle la foule[20]. Mais il en est une autre ; pour elle, partout où est la foule, là aussi est le mensonge, si bien que – pour porter un instant la question à l’extrême – si tous les Individus détenaient chacun séparément et en silence la vérité, néanmoins, s’ils se réunissaient en foule (qui prendrait alors une signification décisive quelconque, par le vote, par le tapage, par la parole), l’on aurait aussitôt le mensonge[21].

Car « la foule » est le mensonge. La parole de l’apôtre Paul a une valeur éternelle, divine, chrétienne : « Un seul atteint le but »[22] ; et elle ne tient pas sa valeur de la comparaison, où entrent aussi « les autres ». En d’autres termes, chacun peut être ce seul, et Dieu l’y aidera – mais un seul atteint le but ; et cela veut dire encore que chacun doit se mêler aux « autres » avec prudence et ne parler pour l’essentiel qu’à Dieu et qu’à soi – car un seul atteint le but ; et cela signifie de plus que l’homme est en parenté avec la divinité, ou qu’être homme, c’est être de race divine. – Dans le monde, la temporalité, l’agitation, la société et l’amitié, on dit : « Quelle absurdité qu’un seul atteigne le but ; il est beaucoup plus probable que plusieurs y parviennent ensemble ; et si nous sommes nombreux, la chose sera plus certaine et en même temps plus facile pour chacun.» À coup sûr, la chose est beaucoup plus vraisemblable ; et elle est vraie aussi à l’égard de tous les buts terrestres et sensibles ; et elle est la seule vérité quand cette manière de voir finit par prévaloir, car elle abolit alors Dieu, l’éternité et la parenté de « l’homme » avec la divinité ; elle abolit tout cela ou le réduit à la fable pour y substituer la conception moderne (du reste la même que celle de l’ancien paganisme), de sorte qu’être homme, c’est appartenir à titre d’exemplaire à une espèce douée de raison, et que l’espèce est supérieure à l’individu, ou encore, qu’il n’y a que des exemplaires et non des individus. – Mais l’éternité s’élève bien au-dessus de la temporalité, paisible comme le firmament, et Dieu qui de la sublime et calme félicité du ciel embrasse du regard sans le moindre vertige ces innombrables millions d’hommes dont il connaît chacun, Dieu, le grand examinateur, déclare : un seul atteint le but ; c’est-à-dire que chacun devrait devenir ce seul, mais un seul atteint le but. – Où donc il y a foule, là où elle prend une importance décisive, on ne travaille pas, on ne vit pas, on ne tend pas vers le but suprême, mais uniquement vers tel ou tel but terrestre ; car pour l’éternel – le décisif – il ne peut y avoir de travail que là où se trouve un seul homme ; et devenir ce seul que tous peuvent être, c’est vouloir accepter l’aide de Dieu – « la foule », c’est le mensonge.

La foule, non celle-ci ou celle-là, actuelle ou de jadis, composée d’humbles ou de grands, de riches ou de pauvres, etc., mais la foule envisagée dans le concept [23], la foule, c’est le mensonge ; car ou bien elle provoque une totale absence de repentir et de responsabilité ou, du moins, elle atténue la responsabilité de l’individu en la fractionnant. Aucun simple soldat n’osa porter la main sur Caius Marius [24] ; cette conduite fut la vérité. Mais que trois ou quatre femmes eussent eu conscience d’être la foule ou se fussent imaginé l’être, tout en nourrissant l’espoir de l’impossibilité pour personne de dire qui a commencé : elles en auraient alors eu le courage ; quel mensonge! Le mensonge, c’est d’abord que « la foule » ferait, soit ce que fait seul l’Individu au sein de la foule, soit en tout cas ce que fait chacun pris isolément. Car la foule est une abstraction et n’a pas de mains ; par contre, tout homme en a ordinairement deux, et quand, isolément, il les porte sur Caius Marius, ce sont bien les siennes et non celles du voisin et encore moins celles de la foule qui n’en a pas. Le mensonge, c’est ensuite que la foule aurait « le courage » de le faire, puisque jamais même le plus lâche de tous les lâches pris individuellement ne l’est comme l’est toujours la foule. Car tout homme qui se réfugie dans la foule et fuit ainsi lâchement la condition de l’Individu (qui, ou bien a le courage de porter la main sur Caius Marius, ou bien du moins celui d’avouer qu’il en manque), contribue pour sa part de lâcheté à « la lâcheté » qui est : foule. – Prends le plus sublime exemple, imagine Christ – et toute l’humanité, tous les hommes nés et à naître ; suppose encore que la situation soit celle de l’Individu seul avec Christ dans un milieu solitaire, s’avançant vers lui et lui crachant au visage : jamais n’est né ni ne naîtra l’homme ayant ce courage ou cette impudence ; et cette attitude est la vérité. Mais quand ils furent en foule, ils eurent ce courage [25] – effroyable mensonge!

La foule, c’est le mensonge. C’est pourquoi, au fond, nul ne méprise plus la condition de l’homme que ceux qui font profession d’être à la tête de la foule. Que l’un de ces meneurs voie un homme venir le trouver : certes, il ne s’en soucie pas ; c’est beaucoup trop peu ; il le renvoie orgueilleusement ; il ne reçoit pas à moins de centaines. Et s’il y en a mille, il s’incline alors devant la foule et distribue force courbettes ; quel mensonge! Non, quand il s’agit d’un homme isolé, on doit exprimer la vérité en respectant la condition humaine ; et si peut-être suivant le langage cruel, il s’agit d’un pauvre diable d’homme, on a le devoir de l’inviter chez soi dans la meilleure pièce et, si l’on a plusieurs voix, de prendre la plus charitable et la plus amicale : cette conduite est la vérité. En revanche, si l’on a une assemblée de milliers de personnes sinon davantage, et qu’on mette « la vérité » aux voix, on a le devoir – à moins de préférer dire en silence le « délivre-nous du mal » de Notre Père – on a le devoir d’exprimer dans la crainte de Dieu que la foule comme tribunal éthique et religieux est le mensonge, tandis qu’il est éternellement vrai que chacun peut être le seul. Cela est la vérité. [26]

La foule, c’est le mensonge. Christ fut crucifié parce que, tout en s’adressant à tous, il ne voulut pas avoir affaire avec la foule, ne voulut pas son secours, s’en détourna à cet égard inconditionnellement, ne voulut pas fonder de parti, n’autorisa pas le vote, mais voulut être ce qu’il était, la Vérité qui se rapporte à l’Individu. – Et c’est pourquoi tout homme qui veut en vérité servir la Vérité est eo ipso [par celà même] martyr de façon ou d’autre ; si, dès le sein de sa mère, un homme pouvait prendre la résolution de vouloir en vérité servir « la Vérité », il serait eo ipso martyr dès le sein de sa mère, quel que fût d’ailleurs son supplice. Car il ne faut pas un grand art pour gagner la foule ; il suffit d’un peu de talent, d’une certaine dose de mensonge, et d’un peu de connaissance des passions humaines. Mais nul témoin de Vérité – et chacun de nous, toi et moi, nous devrions l’être – ne doit mêler sa voix à celle de la foule. Le témoin de la Vérité est bien entendu complètement étranger à la politique et il doit surtout veiller avec la dernière énergie à ne pas être confondu avec un politicien ; il a pour tâche, dans la crainte de Dieu, de se commettre si possible avec tous, mais toujours individuellement, de parler à chacun isolément, dans la rue et sur la place – pour disperser, ou de parler à la foule non pour la former, mais pour que tel ou tel s’en retourne chez lui de l’assemblée pour devenir l’Individu. En revanche, le témoin de la vérité a « la foule » en horreur quand on en fait le tribunal de « la vérité » et voit dans son verdict le jugement ; elle lui répugne plus qu’à une honnête jeune fille une salle de danse. Quant à ceux qui s’adressent à « la foule » comme à un tribunal, il les considère comme les instruments du mensonge. Car, pour le redire encore : ce qui se justifie en partie et parfois entièrement en politique et dans les domaines semblables, devient le mensonge quand on le reporte sur le terrain de l’intellectualité, de l’esprit, de la religiosité. Et par un surcroît peut-être exagéré de précaution, j’ajouterai ce simple mot : par « Vérité », j’entends constamment « la Vérité éternelle ». Mais la politique, etc., n’ont rien à faire avec « la Vérité éternelle ». Une politique qui voudrait sérieusement introduire dans la réalité « la Vérité éternelle » en ce sens strict, se révélerait à la même seconde et au plus haut degré comme la plus « contraire à la politique » qu’on pût concevoir.

La foule, c’est le mensonge. Et je me prendrais à pleurer, en tout cas à soupirer après l’éternité en songeant à la misère de notre temps, même si on le compare simplement à l’immense détresse de l’antiquité, quand je vois la presse quotidienne et anonyme accroître cette démence grâce au « public », l’abstraction proprement dite, qui se prétend le tribunal de « la vérité » ; car les assemblées qui émettent cette prétention ne se rencontrent certes pas ; quand je vois qu’un anonyme peut faire dire par la presse jour après jour (et même en matière intellectuelle, éthique et religieuse) tout ce qu’il veut des choses dont il n’aurait peut-être nullement le courage de faire, personnellement, la moindre mention en tant qu’Individu ; quand je vois que, chaque fois qu’il ouvre – je ne saurais dire sa bouche, mais sa gueule, en s’adressant en une seule fois, mille fois à mille personnes, il peut avoir dix mille fois dix mille personnes pour répéter ce qu’il a dit – sans que nul n’ait de responsabilité ; je soupire quand je vois qu’à la différence de l’Antiquité où elle ignorait relativement le repentir, la foule est cet être tout-puissant, mais absolument dénué de repentir, qu’on appelle : personne ; qu’on a un être anonyme pour auteur, qu’un résidu anonyme constitue le public, parfois même composé d’abonnés anonymes, c’est-à-dire de personne. Personne! Dieu du ciel, et les États se disent chrétiens. Qu’on ne soutienne pas qu’en revanche « la vérité » peut réparer le mensonge et l’erreur par le même moyen de la presse. Toi qui parles ainsi, pose-toi la question : oses-tu prétendre que les hommes pris en foule sont aussi prompts à rechercher la vérité au goût parfois amer que le mensonge toujours appétissant, quand, par surcroît, cette recherche de la vérité comporte l’aveu qu’on s’est laissé tromper! Ou bien oses-tu seulement prétendre que « la Vérité » est d’une intelligence aussi facile que le mensonge qui n’exige aucune connaissance préalable, aucune étude, aucune discipline, aucune abstinence, aucune renonciation à soi, aucun honnête souci de soi, aucun lent travail! Non, « la Vérité » qui a aussi en horreur la fausseté selon laquelle elle n’aurait d’autre but que de se répandre, n’est pas aussi vite sur pied. En premier lieu, elle ne peut agir par le fantastique, lequel est le faux ; elle n’est transmise que par un homme en sa qualité d’Individu. Par suite, sa communication s’adresse encore à l’Individu ; car cette manière de considérer la vie que représente l’Individu est justement la vérité. Elle ne peut être transmise ni reçue sinon sous le regard de Dieu, sinon par le secours de Dieu, sinon par Dieu qui est l’intermédiaire comme il est la Vérité. Elle ne peut donc être transmise et reçue que par « l’Individu » qui, au fond, pourrait être un chacun des vivants ; la vérité ne se détermine qu’en s’opposant à l’abstrait, au fantastique, à l’impersonnel, à « la foule » au « public » qui exclut Dieu comme intermédiaire (car le Dieu personnel ne peut être intermédiaire dans un rapport impersonnel), et par là aussi la Vérité, car Dieu est la Vérité et son intermédiaire.

Et honorer absolument tout homme pris isolément, c’est pratiquer la vérité, c’est craindre Dieu et aimer « le prochain » ; mais au point de vue éthique et religieux, voir dans « la foule » le tribunal de « la vérité », c’est nier Dieu et se mettre dans l’impossibilité d’aimer « le prochain ». Et « le prochain » est le terme d’une vérité absolue qui exprime l’égalité humaine ; si chacun aimait en vérité son prochain comme soi-même [27], on aurait inconditionnellement atteint la parfaite égalité humaine ; quiconque aime le prochain en vérité exprime inconditionnellement l’égalité humaine : tout homme qui, avouant comme je le fais, la faiblesse et l’imperfection de son effort, s’aperçoit pourtant que sa tâche consiste à aimer le prochain, reconnaît aussi en quoi consiste l’égalité humaine. Mais jamais je n’ai lu dans l’Écriture ce commandement : tu aimeras la foule, et encore moins celui-ci : dans la vie éthique et religieuse, tu reconnaîtras dans la foule le tribunal de « la vérité ». Mais, cela va de soi, aimer le prochain, c’est renoncer à soi ; aimer la foule ou feindre de l’aimer, c’est en faire le tribunal de « la vérité » ; ce chemin conduit toujours à l’obtention du pouvoir et à toutes les sortes d’avantages temporels et mondains – et il est en même temps le mensonge ; car la foule, c’est le mensonge.

COMPLEMENT:

Petit guide exhaustif des biais cognitifs

Buster Benson

J’ai passé de nombreuses années à consulter la liste Wikipedia des biais cognitifs chaque fois que j’ai eu le pressentiment qu’une forme de pensée était un biais cognitif « officiel » mais que je ne m’en rappellais pas en détail. Cela a toujours été une référence inestimable pour m’aider à identifier les failles cachées de mon propre raisonnement. Rien d’autre de ce sur quoi j’ai pu tomber ne m’a semblé aussi compréhensif et succinct.

Cependant, honnêtement, la page Wikipedia est légèrement bordélique. En dépit du fait d’avoir essayé d’absorber les informations de cette page, bien peu semble m’en rester. Je la parcours souvent en ayant le sentiment que je n’arrive pas à trouver le biais que je recherche et oublie rapidement ce que j’ai appris.

Cet article est une traduction de : Cognitive bias cheat sheet

NDT : le web anglophone étant bien plus fourni que son équivalent à baguette sous le bras, certains biais ne sont pas sourcés dans la langue de Molière, ils sont marqué d’un (?),  et d’autres sont parfois simplement définis, ils sont indiqués par un (-). Toute aide est la bienvenue pour compléter/améliorer la liste des sources.

Au jour de parution, on retrouve donc : Wikipedia (sous forme de liens WikiWand), Persée, Cairn, Memovocab, La Toupie, l’Université Lumière de Lyon II, le dictionnaire des Sceptiques du Québec, Google Book ainsi que de nombreux sites et blogs de marketings ou de management, deux sites d’actualité… et un site pour adulte.

Les professionnels prêts à se servir des failles de votre cerveau sont nombreux, contrez-les : bookmarkez cette page et suivez les conseils en bas de page !

Je pense que ça a à voir avec la façon dont la page a évolué organiquement ces dernières années. Aujourd’hui, elle regroupe 175 biais dans des catégories vagues (biais de prise de décision, biais sociaux, erreurs de mémoire, etc) – qui ne me semblent pas vraiment mutuellement exclusives – et les liste ensuite par ordre alphabétique à l’intérieur de ces catégories. Il y a foultitude de doublons et de nombreux biais similaires avec de différents noms, éparpillés bon an mal an.

J’ai pris du temps ces quatre dernières semaines (je suis en congé paternité) pour essayer de comprendre et intégrer plus profondément cette liste et pour tenter de parvenir à une organisation plus simple et plus claire pour épingler ces biais. Avoir beaucoup lu à propos de nombreux biais a donné à mon cerveau de quoi se mettre sous la dent pendant que je berçais petit Louie pour le dodo.

J’ai commencé avec la liste brute des 175 biais et les ai ajouté à une feuille de calcul, puis les ai passé en revue pour supprimer les doublons et grouper les biais similaires (comme l’effet de bizarrerie et d’humour) ou complémentaire (comme les biais de pessimisme et d’optimisme). La liste est redescendue à environ 20 stratégies mentales biaisées que nous utilisons tous pour une certaine raison précise.

J’ai fait quelques tentatives pour réussir à regrouper ces 20 finalistes à un plus haut niveau et ai finalement réussi à parvenir à les regrouper en fonction du problème mental général qu’ils tentent de résoudre. Chaque biais cognitif est là pour une raison – primitivement pour permettre à notre cerveau d’économiser du temps ou de l’énergie. Si vous les observez sous l’angle du problème qu’ils abordent, il devient bien plus simple de comprendre le pourquoi de leur existence, en quoi ils sont utiles et les compromis (et erreurs intellectuelles résultantes) qu’ils introduisent.

Quatre problèmes que les biais nous aident à régler :

La surcharge d’information, le manque de sens, le besoin d’agir vite et comment savoir de quoi on doit se rappeler plus tard.

Problème 1 : trop d’information

Il y a tout simplement trop d’informations dans le monde, nous n’avons pas d’autre choix que d’en filtrer la quasi-totalité. Notre cerveau utilise quelques trucs simples pour choisir les bouts d’informations qui sont les plus susceptibles de finir par être utiles.

  • Nous remarquons les failles plus facilement chez les autres que chez nous-même. Et oui, avant de considérer cette article comme une liste de choses qui vous énervent chez les autres, prenez conscience que vous y êtes sujet aussi.
    Voir : biais du point aveugle, réalisme naïf, cynisme naïf (?).

Problème 2 : pas assez de sens

Le monde est très déconcertant et nous ne sommes capables que d’en percevoir une petite partie alors qu’il nous est nécessaire d’en tirer du sens afin de survivre. Une fois que le flot réduit d’information nous est parvenu, nous relions les points, comblons les blancs avec ce que nous
pensons déjà savoir et mettons à jour nos modèles mentaux du monde.

Problème 3 : le besoin d’agir vite

Nous sommes contraints par le temps et l’information, et nous ne pouvons pas nous permettre de les laisser nous paralyser. Sans la capacité à agir vite face à l’incertitude, notre espèce aurait certainement disparu il y a bien longtemps. Chaque fois que survient un nouveau bout d’information, nous devons faire de notre mieux pour évaluer notre capacité à agir sur la situation, l’utiliser pour modifier nos décisions, s’en servir pour simuler ce qui pourra advenir dans le futur et, à tout le moins, travailler à modifier notre point de vue sur le monde.

  • Afin de rester concentré, nous favorisons ce qui nous est immédiat, ce qui nous fait face au détriment de ce qui est plus loin, moins flagrant. Nous accordons plus de valeur aux choses du présent qu’à celles du fuur et nous sentons plus concernés par les histoires impliquant un individu en particulier qu’à celles de groupes ou d’anonymes. Je suis surpris qu’il n’y ait pas plus de biais relatifs à cette tendance étant donné l’impact qu’elle a sur la façon dont nous voyons le monde.
    Voir : actualisation hyperbolique, appel à la nouveauté, effet de la victime identifiable (dans les médias : mort kilométrique NDT).

Problème 4 : de quoi devons-nous nous rappeler ?

Il y a trop d’informations dans l’Univers. Nous ne pouvons nous permettre que de nous occuper des morceaux qui sont les susceptibles de nous être utiles dans le futur et nous devons constamment faire des compromis et des paris en ce qui concerne ce dont nous allons nous rappeler ou oublier.

Par exemple, nous préférons généraliser plutôt que de s’occuper de cas spécifiques car cela prend moins d’espace de stockage et lorsqu’il y a vraiment trop de détails, nous en piochons quelques uns et ignorons
le reste. Ce que nous gardons est ce qui est le plus susceptible de nous servir pour les filtres du problème 1 (l’excès d’information disponible) ainsi que de nourrir ce qui nous vient à l’esprit dans le cadre du problème 2 (le besoin de sens et de remplir les blancs).

Cela s’appelle auto-renforcement.

Cool, comment je suis censé me rappeler tout ça ?

Vous n’êtes pas obligé, mais vous pouvez commencer par vous rappeler les quatre grands problèmes auxquels nos cerveau doivent faire face et qui ont évolué en conséquence ces derniers millions d’années (et aussi mettre cette page dans vos favoris si vous voulez vous y référez plus tard en cherchant le biais particulier que vous cherchez) :

  • le trop-plein d’information est nocif, donc on filtre en masse
  • le manque d’information rend confus, donc on remplit les trous
  • il faut agir vite pour ne pas rater son tour, alors nous sautons directement aux conclusions
  • ça ne va pas en s’arrangeant, alors on ne s’encombre que du strict nécessaire.

Afin d’éviter de se noyer dans un trop-plein d’information, notre cerveau doit écrémer et filtrer un montant incroyable d’informations et rapidement, sans trop d’effort, décider quelles sont les nouvelles choses à tirer de ce pucier et les en extraire.

Pour nous aider à construire du sens à partir des bouts et morceaux d’information qui nous parviennent, nous devons remplir les trous et assembler le tout pour créer nos modèles mentaux du monde. Dans le même temps, nous avons également besoin de nous assurer qu’ils restent aussi stables et efficaces que possible.

Dans le but d’agir vite, notre cerveau doit prendre des décisions en une fraction de seconde afin d’augmenter nos chances de survie, de sécurité ou de succès. Il doit également avoir confiance en sa (notre) capacité à agir sur le monde.

Et pour que tout cela se fasse aussi efficacement que possible, notre cerveau doit se rappeler des parties les plus importantes et utiles des informations qu’il rencontre et en informer ses systèmes afin qu’ils puissent s’adapter et s’améliorer au cours du temps, mais rien de plus.

Ça a l’air plutôt utile ! C’est quoi les revers ?

En plus des quatre principaux problèmes, il serait utile de se rappeler de ces quatre vérités à propos de comment nos solutions ont leur propres défaut :

  • Nous ne voyons pas tout. Et certaines des informations que nous écartons/filtrons sont en fait utiles et importantes.

  • Notre quête de sens peut générer des illusions. Nous imaginons parfois des détails qui ont été placés là par nos suppositions, et construisons des intentions et des histoires qui n’existent pas vraiment.

  • Les décisions rapides peuvent être complètement nulles. Certaines des conclusions auxquelles nous sautons sont injustes, égoïstes et contre-productives.

  • Notre mémoire renforce les erreurs. Une partie des choses dont nous nous rappelons le plus tard rendent juste les systèmes cités ci-dessus encore plus biaisés, et plus dommageables pour nos processus de pensée.

En gardant à l’esprit nos quatre problèmes avec le monde et les conséquences qu’ont les stratégies que notre cerveau utilise pour les résoudre, l’heuristique de disponibilité (et le phénomène de Baader-Meinhof en particulier) fera que nous remarquerons nos biais plus souvent. Si vous visitez cette page pour vous rafraîchir la mémoire assez souvent, l’effet d’espacement vous aidera à souligner certains des motifs les plus forts ce qui tiendra à l’écart point aveugle et réalisme naïf.

Rien de ce que nous pouvons faire ne peut éliminer les quatre problèmes (à moins de trouver un moyen d’améliorer la façon dont notre cerveau fonctionne pour mieux le faire coller à la réalité) mais si nous acceptons le fait que nous en permanence biaisé – mais qu’il y a de la marge pour s’améliorer – le biais de confirmation nous aidera à trouver des preuves allant dans ce sens, ce qui, au final, nous permettra de mieux nous comprendre nous-même.

Depuis que je connais le biais de confirmation, je le trouve partout.

Les biais cognitifs ne sont que des outils, utiles dans le bon contexte, néfastes dans d’autres. Ce sont également les seuls outils que nous ayons à disposition et ils ne sont pas si mauvais pour faire ce qu’ils sont censés faire. Autant se les rendre familiers et apprenons à apprécier le fait, qu’au moins, nous avons quelques capacité pour essayer de comprendre le monde qui nous entoure.
Illustration de John Manoogian III, une version française serait grandement appréciée, si un graphiste passe dans le coin…🙂


Plagiat: Pascal Boniface ou l’arroseur arrosé (People who live in glass houses shouldn’t throw stones)

11 août, 2011
[Vous refuse-t-on des livres écrits ? demande une jeune femme.] Non, malheureusement pour moi. Mon éditeur ne me refuse rien. Il me faut deviner si le livre est mauvais ou non, parce qu’il ne me le dira pas. Beigbeder (réponse à une admiratrice)
Je ne crois guère au développement d’un terrorisme de masse. (…) Je ne pense donc pas, contrairement à certains, que nous verrons des actes terroristes entraînant des milliers de victimes. Pascal Boniface (in « Les guerres qui menacent le monde », Béatrice Bouvet et Patrick Dernaud, Kiron – Editions du Félin, mai 2001)
Pourquoi les «faussaires» ne sont-ils pas démasqués mais bénéficient, au contraire, d’un avantage comparatif par rapport à ceux qui sont trop scrupuleux pour oser s’affranchir des règles de l’honnêteté intellectuelle ? Pascal Boniface
Je ne parlerai pas non plus d’Éric Zemmour, qui doit sa fortune médiatique à ses propos, dont certains, sur les Noirs et les Arabes, ont été condamnés en justice. Ses affirmations me paraissent répréhensibles, ses idées malsaines, et lui qui se dit attaché à la France renvoie plutôt à une France moisie et rabougrie. Mais il est sincère, y compris dans ses excès. Pascal Boniface
C’est]  l’éditeur qui a dû faire sauter des notes de bas de page, [car il ne souhaitait pas faire de ce livre un] ouvrage universitaire. Pascal Boniface
Je défie quiconque de  me prendre en défaut de mensonges volontaires. Il a pu m’arriver de  commettre des erreurs, comme tout un chacun, mais moins que certains que  je cite en exemple. Cela me mortifie à chaque fois que je m’en rends  compte. Mais je ne pourrais jamais émettre un argument auquel je ne  crois pas, uniquement parce qu’il me permettrait de mieux convaincre le  public. Pascal Boniface

Nouvelle victime, après BHL et PPDA, de non assistance à auteur en danger!

Comme le rappelait il y a quelques années Beigbeder, comment résister à un éditeur qui vous laisse la bride sur le cou?

C’est l’amère expérience que vient de faire à ses dépens, lui qui s’était déjà fait piéger pour avoir notamment pointé le secret de polichinelle du poids nouveau de l’électorat musulman pour son parti d’origine à savoir socialiste, notre Pascal Boniface national.

Emporté qu’il était par sa volonté de jouer les redresseurs de torts solitaires contre les « intellecteurs faussaires » (et surtout en fait de régler ses comptes avec ses concurrents directs), il est hélas tombé sur le 15e éditeur qui, lui, a accepté de publier un bouquin manifestement baclé (un comble pour un auteur qui prétendait rappeler ses concurrents aux hautes règles de l’échange intellectuel!) …

Et il se retrouve non seulement avec un torchon  (refusé, on comprend vite pourquoi, par 14 autres éditeurs, comme l’auteur le clame partout, mais, entre nous, mettre dans le même bateau du « mensonge » (qui se réduit le plus souvent dans son livre à des prédictions qui s’avèrent fausses – comme sa propre estimation, à quatre mois du 11/9 – du peu de probabilité de l’éventualité d’actes de terrorisme de masse? –  un mélange hétérogène de poids lourds et de poids plumes manifestes de l’analyse géopolitique aussi divers qu’Adler, Fourest, Sifaoui, Delpech, Encel, Heisbourg, Val ou BHLlui qui s’était déjà fait piéger pour avoir notamment pointé le secret de polichinelle du poids nouveau de l’électorat musulman pour son parti d’origine à savoir socialiste, n’était-ce pas déjà courir au désastre? Et du coup se voir réduit à en exclure d’autres du champ de son analyse comme Zemmour ou Finkielkraut au nom de… la « sincérité »?) …

Mais se fait piéger lui-même (ou, comme PPDA ou BHL avant lui, par son éditeur ou son nègre de service – pardon: son « documentaliste » qui  « a su efficacement rechercher les documents et textes utiles » ?)

et, comble de malchance, prendre en flagrant délit de… contrefaçon!

Pascal Boniface, un copiste solitaire contre les « intellectuels faussaires »

Alain Thorens, Mathias Reymond

Acrimed

le 4 juillet 2011

La critique voire la dénonciation des impostures intellectuelles et médiatiques est une œuvre de salubrité publique. Mais sous prétexte qu’un intellectuel – en l’occurrence Pascal Boniface – pointe sa plume vers quelques-uns de nos adversaires les plus connus, devrait-on rester silencieux sur la méthode utilisée, quand celle-ci revient à reprendre nos travaux, en les déformant et sans les citer ?

Dans son livre que nous aurions aimé défendre [1], Pascal Boniface brosse le portrait de quelques intellectuels de télévision. Il s’intéresse en particulier à ceux qui s’expriment sur des sujets qu’il semble bien connaître : le Moyen-Orient, l’islam, etc. [2]. Et comme Boniface annonçait partout que « quatorze éditeurs » avait refusé d’éditer son manuscrit, aucun doute n’était permis : l’ouvrage devait être sulfureux. Pourtant, à la lecture de la quatrième de couverture et du sommaire, on a d’emblée un sentiment de déjà vu…

Un « travail rarement fait » ?

Dès les premières pages, la déception est grande. Arguant que personne ou presque ne se préoccupe de l’honnêteté intellectuelle de quelques « faussaires » qui envahissent les médias, l’auteur proclame dans son avant-propos : « Le travail de recherche est très rarement fait. Il exige du temps et induit le risque de se faire des ennemis puissants. Celui qui dénoncera les mensonges d’intellectuels médiatiques n’aura pas toujours accès aux médias, ces derniers ne voulant pas se critiquer eux-mêmes ! J’ai longtemps hésité à rédiger cet ouvrage. En fait, j’ai attendu qu’un autre s’attelle à la tâche. » (p. 11).

« Un travail de recherche » ? Un « travail très rarement fait » ? Accompli après avoir, en vain, « attendu qu’un autre s’attelle à la tâche » ?

C’est oublier un peu vite que nous sommes nombreux à avoir entrepris depuis quinze ans ce labeur ingrat et nécessaire, sans trop nous préoccuper, il est vrai, de notre improbable accès aux grands médias. Comment l’auteur d’un livre qui use (et abuse) de la première personne peut-il ignorer ou mépriser, à ce point le travail collectif effectué par Acrimed et des journaux comme PLPL (2000-2005) et Le Plan B (2006-2010), Les Nouveaux Chiens de garde, de Serge Halimi, les très nombreux articles publiés par Le Monde diplomatique (mentionnés seulement à deux reprises) et les livres édités chez Agone sur ce sujet ?

Et pour nous en tenir à l’ouvrage le plus récent qui aborde le même thème, comment peut-on omettre de mentionner – simplement de mentionner ! – Les Éditocrates d’Olivier Cyran, Mona Chollet, Sébastien Fontenelle et Mathias Reymond [3] publié il y a à peine un an et demi ?

Le simple fait que La Découverte – qui n’est pas vraiment une maison d’édition marginalisée ou subversive – ait édité Les Éditocrates montre, même si les exceptions sont rares, que la critique des « intellectuels médiatiques » ne fait pas fuir tous les éditeurs pour peu que… l’ouvrage soit éditable ! Or le livre collectif édité par La Découverte prend notamment pour cibles Alexandre Adler, Bernard-Henri Lévy et Philippe Val, qui bénéficient chacun d’un chapitre dans le livre de Pascal Boniface.

Enfin, pourquoi ne pas signaler les rubriques consacrées par Acrimed à ces trois phares médiatiques de la pensée contemporaine ? Précisément : « Philippe Val, fabuliste et patron » (22 articles), « Les aventures de Bernard-Henri Lévy »(11 articles) et « Les facéties d’Alexandre Adler » (12 articles). Et pourquoi ne pas ajouter également le dossier sur Bernard-Henri Lévy disponible sur le site du Monde diplomatique ?

Acrimed ne bénéficie que d’une note de bas de page, et seulement comme source, très vague, d’une citation. Interrogé par nos soins, Pascal Boniface nous a assuré « ne pas nier le travail antérieur accompli notamment par Acrimed », qui est l’une de « [ses] principales sources ». De même qu’il nous a expliqué, de façon plus générale, que c’est « l’éditeur qui a dû faire sauter des notes de bas de page », car il ne souhaitait pas faire de ce livre un « ouvrage universitaire. »

Pourtant, lors de ses (nombreux) passages dans les médias, Pascal Boniface est présenté (et se laisse volontiers présenter) comme un pionnier du genre. On ne l’entend jamais évoquer « le travail antérieur » que son éditeur aurait effacé. Ainsi, dans l’émission « On n’est pas couché » (diffusée sur France 2, le 18 juin 2011), il se félicite de l’accueil des lecteurs : « Jamais pour un bouquin que j’ai fait, je n’ai eu autant de retours du public qui disent merci, merci de dire des choses que l’on sait en fait, mais que l’on ne voyait pas noir sur blanc de cette façon, merci de confirmer l’intuition que l’on savait sur l’une des personnes et d’avoir fait ce bouquin. » Tant mieux ! Ces remerciements iront droit au cœur des acteurs du « travail antérieur » que Pascal Boniface n’a toujours pas eu le loisir de mentionner publiquement…

Copier n’est pas plagier ?

La critique radicale des médias, parce qu’elle se nourrit de citations précises et sourcées, attire naturellement (et malheureusement) les paresseux, les copistes et les plagiaires.

Or, tout au long de son livre, l’auteur éclaire ses propos par des citations des intellectuels ou experts qu’il critique : des citations qu’il aurait dénichées lui-même ? Il est rare, trop rare, qu’il mentionne où il les a trouvées. Nous nous refusons de lancer à la légère, parce qu’elle est trop grave, l’accusation de plagiat. Peut-être ne s’agit-il après tout que d’une utilisation désinvolte du travail approximatif du documentaliste qui, déclare Pascal Boniface dans ses remerciements, « a su efficacement rechercher les documents et textes utiles ». Une utilisation désinvolte puisque, comme Pascal Boniface nous l’a affirmé, il « écrit les livres qu’[il] signe ». Mais les coïncidences sont trop nombreuses pour qu’on les passe sous silence, dans un livre qui se présente comme un ouvrage-pionnier… comme s’il avait trouvé toutes les références et citations lui-même.

Le chapitre consacré à Alexandre Adler (pp. 93-104), intitulé « Les merveilleuses histoires de l’oncle Alexandre » (mais nous aurions pu faire la même analyse avec ceux sur Val, Lévy ou Fourest), abonde de coïncidences troublantes et de citations glanées ici et là.

Ce passage dénonce les mensonges récurrents et les erreurs factuelles du chroniqueur multicarte. Très bien. Mais c’est exactement l’angle qu’avait adopté Mathias Reymond dans l’article « Portrait d’un omniscient », publié dans Le Monde diplomatique en juin 2005 puis reproduit sur notre site. De nombreux exemples sont identiques, et les citations semblables fourmillent. Or l’article dont il reprend l’esprit n’est jamais cité…

Certes, personne ne détient le monopole des citations. Et recopier n’est pas toujours plagier à condition de ne pas tout mélanger et de citer ses sources. Voici, à titre d’exemple, quelques passages inspirés de l’article du Monde diplomatique (d’autres sont présentés en annexe).

(1) Dans le livre de Pascal Boniface, on peut lire (p. 101) : « Dans la même veine, au micro de France Culture, le 11 mai 2005, il compare Hugo Chávez à un “gorille ou un primate“. […] » Or la référence de Pascal Boniface est inexacte. Le 11 mai 2005, sur France Culture, Adler consacrait sa chronique matinale au « Tournant chinois », et ne faisait pas allusion à Chávez. Et dans l’article publié par Le Monde diplomatique (juin 2005), on pouvait lire ceci : « M. Hugo Chávez ne serait, lui, qu’un “populiste quasi fasciste” (France Culture, 3 mai 2005) [4], un “gorille” ou un “primate” (Le Figaro, 11 mai 2005) […] »

Entre l’original et la copie, que s’est-il passé ? Pascal Boniface a contracté le passage du Diplo et fusionné les deux sources – (France Culture (3 mai 2005) et Le Figaro (11 mai 2005)) – en une seule… De plus, Adler n’écrit pas dans Le Figaro l’expression « gorille ou un primate » (comme chez Boniface) mais « le primate ou le gorille », Boniface a ainsi transformé les « le » en « un » et a inversé l’ordre des mots. Or l’article du Diplo avait commis la même inversion.

Sur la même page (p. 101) que celle de l’exemple que nous venons de relever, Pascal Boniface enchaîne sur l’accusation adlérienne portée contre Hugo Chávez d’être un « semi-dictateur », sous prétexte qu’il a incarcéré plusieurs opposants dont l’ancien président social-démocrate Carlos Andrés Pérez. Or le passage correspondant occupe la même place dans le livre de Pascal Boniface que dans l’article du Monde diplomatique, et les formulations sont étrangement similaires (voir annexe a).

(2) Dans l’article du Monde diplomatique (juin 2005), on pouvait lire ceci :

Notre spécialiste assure, en juin 2004, que la création d’un État en Cisjordanie et à Gaza « va représenter pour les Palestiniens un objectif qui fera baisser la tension au Proche-Orient, mais pas énormément puisque la majorité des Palestiniens continue à souhaiter la destruction totale d’Israël [note de bas de page : Interview pour le Fonds social juif unifié.] ». La revue L’Arche, qui n’a pas d’hostilité à l’égard d’Israël comme marque de fabrique, rendait pourtant compte, en janvier 2005, d’une étude réalisée par le Jerusalem Media and Communication Center (JMCC) auprès de 1 200 adultes de la population palestinienne. Elle indiquait que 57 % des personnes interrogées étaient favorables à l’instauration de deux États côte à côte. Et, en juin 2004, le JMCC soulignait déjà que le nombre souhaitant « la destruction totale d’Israël » ne s’élevait qu’à 11 % [note de bas de page : http://www.jmcc.org/publicpoll/opinion%5D. Une « majorité des Palestiniens » toute relative donc…

Traduit par Pascal Boniface, cela donne (p. 102)

Le Jerusalem Media and Communications Centre avait réalisé un sondage en 2004 selon lequel le nombre de Palestiniens souhaitant la destruction totale d’Israël était de 11 %, 57 % des Palestiniens se disant favorables à l’instauration de deux États voisins. Au même moment, Alexandre Adler déclarait : « La majorité des Palestiniens continue à souhaiter la destruction totale d’Israël. »

Questions :

– Où Pascal Boniface a-t-il déniché la sentence d’Adler (« la majorité des Palestiniens continue à souhaiter la destruction totale d’Israël ») ? S’il ne précise pas la source, c’est pour la simple raison que celle-ci est – depuis des années – introuvable. À l’époque (en 2005) l’auteur du Monde diplomatique l’avait téléchargée sur le site du Fonds social juif unifié. Aujourd’hui, il est sans doute l’un des seuls à être en possession de cet enregistrement.

– À quel sondage Pascal Boniface fait-il référence ? En réalité, à deux sondages distincts, que l’article du Monde diplomatique mentionne tour à tour et que Pascal Boniface fusionne. Selon le premier sondage du JMCC, réalisé en juin 2004, 11,1 % (et non 11 %) des « Palestiniens » sondés souhaiteraient un État palestinien unique et 44,5 % (et non 57 %) des Palestiniens seraient pour deux États, et 26,5 % pour un État binational. Selon un second sondage du JMCC, réalisé en décembre 2004 (publié en janvier 2005 dans L’Arche), 56,7 % (et non 57 %) des sondés seraient favorable à l’existence deux États, et 8,6 % pour un État palestinien. Non content de fusionner les résultats de deux sondages successifs, Pascal Boniface reprend les chiffres arrondis dans l’article du Monde diplomatique, sans mentionner ce dernier. Ajoutons qu’il était pourtant simple de se rendre sur le site du JMCC, qui réalise cette étude tous les six mois environ et tient à jour un graphique avec les évolutions des tendances…

– Qui parle enfin de « la destruction totale de l’État d’Israël » ? Alors que Le Monde diplomatique reprend simplement l’expression d’Alexandre Adler, Pascal Boniface présente cette expression comme si c’était elle qui figurait dans la question posée par le sondage et comme si c’était à cette question que 11 % des Palestiniens avaient répondu positivement.

Ce chapitre regorge de passages du même acabit et nous renvoyons le lecteur courageux aux annexes pour contempler le travail du copiste [5].

Un intellectuel collectif

Les exemples que nous avons prélevés sur seulement onze pages dédiées à Alexandre Adler sont consternants, et un travail approfondi consacré aux autres chapitres (notamment ceux sur Philippe Val et Bernard-Henri Lévy) ne ferait que renforcer notre propos : le travail de Pascal Boniface relève pour une large part de la réappropriation privée de travaux collectifs.

Chacun l’aura compris : ce ne sont pas des attestations d’antériorité ou de paternité que nous revendiquons ici (encore que…), mais la rupture avec ces pratiques fort répandues dans les milieux intellectuels où des notoriétés consacrées s’approprient le travail d’inconnus sans l’évoquer. Et c’est surtout là que le bât blesse, puisque Boniface pérore un peu partout dans les médias (France Culture, Politis, France 2, etc.), affirmant qu’il a fait un travail héroïque que personne n’avait fait jusqu’alors et qu’aucun éditeur ne souhaitait éditer. Certains journaux ont même promu – sans doute sincèrement – le livre de Boniface (Politis, Témoignage chrétien, etc.) sans connaître les défaillances de son travail…

Inquiet de notre réaction, Pascal Boniface nous a prévenus : « rédiger un tel article va réjouir les personnes mises en cause dans mon livre. » Peut-être. Mais garder le silence aurait été pire. Surtout au regard du travail accompli depuis tant d’années par le pôle de la critique radicale des médias constitué en collectifs (Acrimed, Le Plan B, Agone…). Des collectifs avec une certaine idée de la transgression des normes dominantes : respectueuse de l’individualité des chercheurs, certes, mais attachée à soutenir d’autres intellectuels collectifs qui, sous diverses formes et dans divers domaines, militent dans les arènes des combats d’idées et des combats sociaux.

Mathias Reymond et Alain Thorens

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Annexes : Coïncidences, coïncidences…

(a) Pascal Boniface (p. 101) : « […] Il n’hésite pas à l’accuser d’être un semi-dictateur, pour avoir incarcéré plusieurs opposants, dont l’ancien président social-démocrate Carlos Andrés Pérez (3 mars 2005). Faut-il rappeler que celui-ci vivait en exil à Saint-Domingue et avait été destitué de la présidence de la République du Venezuela en 1993 pour des malversations financières aggravées. »

Article du Monde diplomatique (juin 2005) : « […] ou un “semi-dictateur”… qui “vient de passer une nouvelle frontière en inculpant et en incarcérant plusieurs de ses opposants les plus notoires comme l’ancien président social-démocrate Carlos Andrés Pérez” (France Culture, 3 mars 2005). Quand il qualifie cet acte d’“arbitraire”, Alexandre Adler n’indique pas que M. Pérez a été destitué de la présidence de la République du Venezuela en 1993, poursuivi par la justice pour malversation financière aggravée, ni, surtout, qu’il n’a nullement été incarcéré, pour la bonne et simple raison qu’il vit en exil (doré), faisant la navette entre Saint-Domingue et Miami ».

(b) Plus troublantes encore sont les coïncidences entre les citations assorties de commentaires transcrites à partir des chroniques de France Culture, qu’il est difficile, voire impossible, de retrouver longtemps après. Tel est le cas, par exemple, du « traficotage » effectué à partir d’une chronique d’Alexandre Adler consacrée, cette fois, à Evo Moralès.

Dans un article, publié sur le site d’Acrimed le 19 mai 2006 (« Un « complot » fomenté par Philippe Val et Alexandre Adler ? »), nous écrivions : « France Culture, 2 mai 2006. Alexandre Adler commente une décision d’Evo Morales, nouveau président de Bolivie : “Le nouveau président bolivien, le trafiquant de coca Evo Morales, vient d’annoncer la nationalisation totale des hydrocarbures en Bolivie […].” » Dans le livre de Pascal Boniface, on peut lire (p. 102) : « Sur France Culture, le 2 mai 2006, commentant une décision d’Evo Morales, nouveau président bolivien, il lançait : “Le trafiquant de drogue Morales vient d’annoncer la nationalisation totale des hydrocarbures en Bolivie.” »

La similitude des formulations est troublante. Mais quel est l’auteur de cette transcription curieusement… « trafiquée », puisque le « trafiquant de coca » est transformé en « trafiquant de drogue » ? Selon Pascal Boniface, c’est l’éditeur – ou le correcteur – qui aurait procédé à cette modification.

(c) Pascal Boniface écrit (p. 96) : « Dans Le Figaro du 8 mars 2003, il [Alexandre Adler] écrivait en effet : “La guerre n’aura peut-être tout simplement pas lieu. Cette conviction que nous avons repose sur une observation minutieuse de certains faits, sur certaines hypothèses que tout le monde ne partage pas, mais aussi sur des intuitions et des appréciations psychologiques.” » La même citation figure en ces termes dans « Portait d’un omniscient » (Le Monde diplomatique, juin 2005) : « Un mois avant le déclenchement des opérations anglo-américaines en Irak, l’expert avait suggéré : “La guerre n’aura peut-être tout simplement pas lieu” (Le Figaro, 8 mars 2003). L’explication suivait : “Cette conviction que nous avons repose sur une observation minutieuse de certains faits, sur certaines hypothèses que tout le monde ne partage pas, mais aussi sur des intuitions et des appréciations psychologiques, qui, elles, pourront s’avérer erronées.” » Or la proposition exacte de l’article d’Alexandre Adler est la suivante : « elle n’aura peut-être tout simplement pas lieu », le « elle » faisant référence à la guerre. Mais, dans le cadre d’une citation, le terme substitué aurait du être mis entre crochets : « [La guerre] n’aura… » Pascal Boniface aurait dû corriger… pour ne pas être piégé.

Notes

[1] Les intellectuels faussaires – Le triomphe médiatique des experts en mensonge, édité chez Jean-Claude Gawsewitch (2011).

[2] On peut être étonné toutefois qu’il décerne des labels de « sincérité » à des auteurs comme Alain Finkielkraut ou Éric Zemmour, comme si cette sincérité les exonérait de leurs impostures. Comme si, de tous les auteurs cités, ils étaient les seuls à être sincères. Dans son livre, p. 92, il écrit par exemple : « Je ne parlerai pas non plus d’Éric Zemmour, qui doit sa fortune médiatique à ses propos, dont certains, sur les Noirs et les Arabes, ont été condamnés en justice. Ses affirmations me paraissent répréhensibles, ses idées malsaines, et lui qui se dit attaché à la France renvoie plutôt à une France moisie et rabougrie. Mais il est sincère, y compris dans ses excès. »

[3] La Découverte, 2009.

[4] Les passages en gras sont soulignés par nous.

[5] Ajoutons que quand Pascal Boniface cite ses sources, c’est trop souvent de façon incomplète (et approximative). Un exemple, puisé cette fois dans le chapitre sur Philippe Val : « Mathias Raymond, dans un article publié le 8 septembre 2008 [où ?], rappelle que Olivier Cyran, François Came, Anne Kerloch, Michel Boujut et Mona Chollet ont dû quitter le journal après l’arrivée de Philippe Val. Un dessin de Lefred Thourond sur Patrick Font […] » (p. 189). Complétons la source puisqu’ici encore, on n’est jamais si bien servi que par soi-même, l’article vaguement mentionné est paru sur le site d’Acrimed sous le titre : « Une histoire de Charlie Hebdo ». Et passons (quoique…) sur quatre fautes de frappes en quelques lignes : Reymond (avec un ‘e’) ; Camé (avec un ‘é’) ; Kerloc’h (apostrophe h) ; Thouron (sans ‘d’).

Voir aussi:

Le club des “ intellos faussaires”

Frédéric Pons

Valeurs actuelles

30/06/2011

Directeur de l’Institut de relations internationales et stratégiques (Iris), engagé à gauche, Pascal Boniface décape des idoles médiatiques, qu’il appelle des “experts en mensonge”. Un réjouissant jeu de massacre.

On ne peut guère soupçonner Pascal Boniface d’avoir, lui aussi, retourné sa veste, comme tant de ces “intellectuels faussaires” qu’il décrypte avec alacrité dans son dernier ouvrage éponyme. Après sa thèse d’État en droit international public sur les sources du droit international du désarmement, il fait très tôt partie des jeunes conseillers en affaires stratégiques proches de Charles Hernu, le premier ministre de la Défense de François Mitterrand, après mai 1981. Expert pour les questions de défense auprès du groupe socialiste de l’Assemblée nationale, il travaille aussi sur ces sujets aux cabinets de Jean-Pierre Chevènement, ministre de la Défense, puis de Pierre Joxe, d’abord à l’Intérieur puis à nouveau à la Défense.

Boniface est resté fidèle à cet engagement socialiste, tout en menant une brillante carrière d’universitaire (il est aujourd’hui enseignant à l’Institut d’études européennes de l’université Paris-VIII) et de consultant. Passé par l’université Paris-I, l’École spéciale militaire de Saint-Cyr Coëtquidan et l’Institut d’études politiques de Paris et de Lille, il crée en 1990 l’Institut de relations internationales et stratégiques (Iris), l’un des meilleurs think tanks français. Il en est le directeur. Auteur d’une quarantaine d’ouvrages, responsable de l’Année stratégique et du trimestriel la Revue internationale et stratégique, il est aussi, pour une autre passion, le secrétaire général de la Fondation du football.

On peut discuter son analyse du conflit israélo-palestinien : en 2003, son livre Est-il permis de critiquer Israël ? avait déjà suscité de vives controverses (lire dans « Valeurs actuelles »). Sa galerie des “experts en mensonge” est sans doute un peu polémique, parfois injuste. Sa liste – Bernard-Henri Lévy, Caroline Fourest, Alexandre Adler, François Heisbourg, Philippe Val et quelques autres – est sans doute incomplète. Mais les citations qu’il fait, les rappels de quelques énormités et de concepts creux assénés par tous ces intellectuels courtisés par tant de médias font mouche. Pascal Boniface s’est sans doute fait des ennemis pour longtemps. Il nous explique les raisons de cette charge, à gauche toute…

Pourquoi avoir écrit ce livre maintenant sur les « intellectuels faussaires » ? Il est vrai qu’il aurait pu être écrit de puis longtemps. J’attendais que quelqu’un s’en charge. Cela n’est pas venu. J’étais de plus en plus agacé de voir ces mensonges et contre vérités défiler en boucle, ne pas être contredits. Voir ces faussaires triompher médiatiquement, alors que nombreux étaient ceux qui connaissaient leurs failles, devenait difficile à supporter ; je me suis donc attelé à la tâche. Les multiples réactions positives que je reçois montrent que, pour le public également, le moment était venu.

Est-il exact que vous avez essuyé le refus de nombreux éditeurs ? Quatorze éditeurs ont rejeté le livre ; et encore, je ne l’avais envoyé ni à Grasset, ni à Denoël, ni à quelques autres dont je connaissais par avance la réponse, forcément négative. Cela montre bien le poids des connivences dans le milieu éditorial et, d’un certain côté, le non-respect du public auquel on dénie une variété de choix. Il y a là un vrai problème sur le plan démocratique.

Et dans les médias ? Si je ne peux pas parler d’un silence médiatique, il est vrai que je n’ai guère d’illusions sur les comptes-rendus de nombreux grands médias. Mais des journaux d’opinion à droite comme à gauche en font part et, surtout, le bouche à oreille fonctionne fort bien.

N’êtes-vous pas vous-même, comme quelques journalistes de Valeurs actuelles, un habitué des plateaux de télévision ? Je suis en effet régulièrement invité dans des médias. Il y en a également où je suis interdit, uniquement sur la base de mes positions sur le conflit au Proche-Orient.

Vous vous êtes aussi trompé… Mais je défie quiconque de me prendre en défaut de mensonges volontaires. Il a pu m’arriver de commettre des erreurs, comme tout un chacun, mais moins que certains que je cite en exemple. Cela me mortifie à chaque fois que je m’en rends compte. Mais je ne pourrais jamais émettre un argument auquel je ne crois pas, uniquement parce qu’il me permettrait de mieux convaincre le public.

Homme de gauche, vous brisez des idoles qui sont pour la plupart issues de la gauche ou engagées à gauche. Ne tirez-vous pas contre votre propre camp, et peut-on être débatteur de droite sans être automatiquement un faussaire ? Je suis malheureusement parvenu à un âge où je n’ai plus d’illusions sur le fait que le monopole du coeur ou de la vertu serait à gauche. Je me sens toujours de gauche mais je connais des gens de droite d’une parfaite intégrité et animés par des convictions sincères et l’envie de servir l’intérêt général, et des gens qui se disent de gauche qui ne sont que des opportunistes sans foi ni loi et qui, au-delà des déclarations généreuses, ne pensent qu’à leur carrière personnelle.

Qu’appelez-vous exactement « le bain amniotique de la pensée dominante » ? C’est le fait de croire que le monde occidental est supérieur aux autres civilisations, qu’il a le monopole de la vertu, qu’il serait en danger parce que justement il est plus vertueux, qu’Israël est la seule démocratie du Proche-Orient et que l’opposition à sa politique ne s’explique que par ce facteur, qu’il est l’avant-garde de la lutte contre le terrorisme islamiste, et que donc, au lieu de le critiquer pour sa politique à l’égard des Palestiniens, il faudrait plutôt le soutenir. Enfin, c’est aussi penser que l’islam en tant que tel est un danger. Et puis surtout, par rapport aux périls stratégiques, se concentrer sur la dénonciation des effets sans jamais réfléchir aux causes.

Que reprochez-vous précisément à « l’entrée en force de la morale dans l’agenda international », phénomène que vous disséquez et qui permettrait à certains intellectuels de « nous faire avaler des couleuvres » ? Je serais ravi que la morale entre en force dans les relations internationales. Malheureusement, on l’évoque pour ne pas la mettre en pratique. Trop souvent son évocation conduit à un manichéisme qui divise le monde en deux : le bien d’un côté, le mal de l’autre. Par ailleurs, si on tranche les situations stratégiques au nom de la morale, on parvient vite à une situation où celui qui s’oppose à vous n’est pas un contradicteur mais un être immoral. Si votre opposant est contre la morale, pas la peine d’argumenter, il suffit d’excommunier. C’est une insulte à l’intelligence. Trop souvent, ceux qui se réclament d’une approche morale le font de façon sélective.

Pourquoi dites-vous que BHL est de venu le « seigneur et maître des faussaires » ? Il a bâti autour de lui un réseau dont il est le centre. Membre du conseil de surveillance du Monde, président de celui d’Arte, actionnaire de Libération, proche d’Arnaud Lagardère et de François Pinault, il occupe une place médiatique absolument incroyable. Fort de cette position, il peut raconter n’importe quoi sans que jamais cela ne remette en question sa visibilité. Sur sa proximité avec le commandant Massoud, avec la famille de Daniel Pearl, il a multiplié les contrevérités. Par connivence ou par peur, on n’ose pas le contredire si on fait partie du milieu médiatique.

Comment caractériseriez-vous le portrait type d’une « sérial-menteuse », telle que vous la décrivez sous les traits de Caroline Fourest ? Elle est la Marion Jones du débat public : apparence impeccable, bonnes performances, mais qui ne sont pas basées sur l’honnêteté. Simplement, la lutte antidopage est plus efficace dans le domaine du sport que la lutte antimensonges dans le domaine intellectuel. Sa caractéristique principale est d’attribuer à ses adversaires des propos qu’ils n’ont jamais tenus pour s’en offusquer.

En êtes-vous sûr ? Encore récemment, pour répondre au portrait que je dresse d’elle, elle disait que j’avais toujours soutenu “des régimes peu recommandables” (ce qui est plutôt le cas de nombre de ses amis), que je combattais tous ceux qui défendaient la laïcité et le droit des femmes, et elle s’interrogeait par ailleurs de façon calomnieuse sur les financements de l’Iris (en clair, elle sous-entendait que j’étais financé par les pays arabes). Bien sûr elle ne répondait en rien sur le fond à ma démonstration, qu’elle confirmait plutôt par ses propos.

Peut-on dire qu’Israël et l’islamisme sont devenus des facteurs clivants entre intellectuels, notamment à gauche, transformant certains en “faussaires” ? Je n’irai pas jusque-là. Il y a d’autres éléments, mais il est vrai que le soutien d’Israël et la stigmatisation de l’islam permettent une certaine impunité aux faussaires.

Est-il possible, dans les médias, d’échapper aux “vents dominants” ou aux modes intellectuelles ? Malgré un battage médiatique digne des régimes autoritaires, Bernard-Henri Lévy n’aurait vendu que 3 500 exemplaires de son dernier livre. Cela prouve que le public est moins idiot que ne le pense une partie de ces élites faussaires. La connivence ne crée pas forcément le succès. En revanche, elle éloigne une grande partie de l’opinion de ces élites, ce qui est dangereux pour la démocratie. Propos recueillis par Frédéric Pons

Les Intellectuels faussaires, de Pascal Boniface, Jean-Claude Gawsewitch Éditeur, 272 pages, 19,90 €


Diplomatie française: Ne vous inquiétez pas de ma vie, j’irai droit au ciel (For France’s diplomacy Jerusalem is well worth a mass)

10 août, 2011
https://i0.wp.com/upload.wikimedia.org/wikipedia/commons/b/b3/Old_Jerusalem_Saint-Anne_church_french_flag.jpghttps://i0.wp.com/upload.wikimedia.org/wikipedia/commons/3/3b/Old_Jerusalem_Domaine_National_Fran%C3%A7ais_de_Saint-Anne_sign.jpgRelated imageErrare humanum est, perseverare diabolicum. Proverbe médiéval
Vers l’Orient compliqué, je volais avec des idées simples. Je savais que, au milieu de facteurs enchevêtrés, une partie essentielle s’y jouait. Il fallait donc en être. Charles de Gaulle (avril 1941)
On ne saurait comprendre l’obsession constante d’une instrumentalisation des sionistes par le Royaume-uni (jusqu’à la naissance de l’Etat d’Israël) développée par le Quai d’Orsay sans prendre en compte l’élément catholique. Comme l’écrit l’ambassadeur Puaux : « Tandis que nous nous complaisions dans le rôle d’héritiers des croisés obscurément remués par la conscience de je ne sais quel devoir envers la chrétienté, les Britanniques ne songeaient qu’à occuper des bastions pour protéger l’Egypte, le canal et les Indes. » David Pryce-Jones
Il faut rompre avec cette hypocrisie qui consiste à croire que la France a une quelconque sympathie pour İsraël, cela nous gêne dans notre raisonnement. Nous sommes, il faut le savoir, un pays allié aux pays arabes qui est hostile à la politique d’İsraël et qui la combat l’action de ses agents diplomatiques. Alexandre Adler (information juive, 2002)
Pour de nombreux diplomates français, ne pas accabler Israël, c’est déjà faire le jeu des Etats-Unis et s’aliéner le monde arabe. La « politique arabe » du Quai d’Orsay , bien avant d’être anti-israélienne, est antiaméricaine. David Pryce-Jones
Ne vous inquiétez pas de ma vie, j’irai droit au ciel. Chirac (au service de sécurité israélien, Jérusalem, 22.10.96)
Le président Chirac a dû subir ce que la population palestinienne subit tous les jours depuis 29 ans. Leila Chahid (déléguée générale de la Palestine)
Ce protectorat chrétien fait, en quelque sorte, partie de notre domaine méditerranéen (…) une tradition sérieuse, une puissance morale. Jules Ferry
D’après l’Apocalypse, la reconstitution du royaume de Jérusalem sera le signal de la fin du monde. Paul Cambon (1919)
Il serait inadmissible que le « pays du Christ » devienne la proie de l’hérésie juive et anglosaonne. Il doit demeurer l’héritage inviolable de la France et de l’Eglise. L’Oeuvre d’orient (journal catholique)
Nos communautés (…) fondent (…) maintenant tout leur espoir sur le maintien du protectorat catholique français pour sauvegarder le catholicisme appelé à être battu en brèche par l’élément juif ou protestant. Consul de France (Haïfa, 1921)
Nous devrions sans aucun doute profiter des circonstances pour accroitre la portée de ce protectorat et l’étendre aux musulmans que nous ne pouvons laisser seuls et sans armes face aux sionistes. Henri Gouraud (1920)
Notre auto a été portée par la population criant « Vive la France ! » « A bas les Juifs »! Durieux (consul de Haïfa, suite à des émeutes antijuives, 1921)
Se basant sur des conceptions plus raciales que religieuses, les Juifs aspirent à instaurer sur les deux rives du Jourdain un Etat juif conçu sur le modèle fasciste. Jules Laroche (ambassadeur de France en Pologne, 1935)
Antisioniste quand je suis arrivé en Orient, je suis devenu sioniste, ou plutôt jaloux du haut-commissaire britannique en Palestine de ce que lui apportent les sionistes. Henry de Jouvenel (haut-commissaire en Syrie, après une visite à Jérusalem, 1926)
Le nationalisme juif est une erreur et Israël ne peut trouver la paix que dans l’assimilation. Louis Canet (Quai d’Orsay, après un entretien avec Chaim Weismann, 1927)
Nous autres chrétiens ne pourront jamais pardonner aux Juifs la crucifixion de Jésus. Clémenceau (à Chaïm Weizmann, 1919)
Le bec de l’aigle allemand , c’est notre nez. Personnage juif d’une œuvre de Jean Giraudoux (commissaire de l’information sous Vichy)
Et nous sommes d’accord avec Hitler pour proclamer qu’une politique avec Hitler pour proclamer qu’une politique n’atteint sa forme supérieure que si elle est raciale. Jean Giraudoux (De pleins pouvoirs à sans pouvoirs, 1950)
Je comprends difficilement que vous niiez l’action de la juiverie dans cette affaire. J’ai vécu dans tous les pays du monde et et partout j’ai vu les journaux et l’opinion dans les mains des Juifs. J’étais à Jérusalem en décembre 1899 et j’ai vu, au moment de la seconde condamnation us], la rage de ces punaises à face humaine qui vivent en palesine des azzias que leurs congénères opèrent sur la chrétienté. Paul Claudel (lettre à Charles Péguy, 1910)
Me voici qui représente la République française dans cette capitale de la juiverie internationale. Claudel (consul, Francfort, 1910)
L’horrible Israël des cosmopolites, des banquiers sans patrie, qui se sont servis de l’impérialisme anglo-saxon (Sassoon, sir Herbert Samuel, lord Reading, lord Rothschild, Schiff, etc.), vous ronge jusqu’aux os. Louis Massignon (membre de la mission Georges Picot à Jérusalem, 1920)
Ce sont des Ashkenazim germanisés qui on pris en main l’affaire palestinienne, avec la technique parfaite et implacable du plus exaspérant  des colonialismes : refoulant les « indigène » arabes vers le désert. Massignon (1939)
Ma patrie, c’est le monde arabe. Massignon
C’est en arabe, sans doute, qu’Il lui plait que je Le serve. Massigon (lettre à Claudel)
Le monde n’aura pas de paix dans la justice tant qu’Israël ne révisera pas le procès de la mère de Jésus. Massignon
Le grand mufti a certainement trahi la cause des Alliés, mais il a surtout trahi celle de l’Angleterre sans nous atteindre directement. Rien ne nous oblige donc – semble-t-il – à entreprendre nous mêmes une action à son encontre qui ne pourrait que nous nuire dans les pays arabes. Jean Lécuyer (ambassadeur de France, Le Caire, 1945)
[Les villes de Saint Jean d’Acre et de Nazareh] ne sont que rien que deux camps de concentration pour les Arabes et même les étrangers. Pierre Landy
Israël, démocrate chez les autres, est chez lui le plus raciste et le plus totalitaire des gouvernants. René Neuville (1948)
Est-ce que tenter de remettre les pieds chez soi constitue une agression imprévue ? Michel Jobert («3 jours après le déclenchement de la guerre du Kippour, 1973)
Chacun ses choix, je n’irai jamais à Jérusalem. Michel Jobert
Idi Amin est un chef d’état souverain et Israël n’avait pas le droit de violer son territoire. Jean-François-Poncet (ministre des affaires étrangères, après l’opération israélienne de libération des pasagers d’un avion d’Air France détourné par le groupe teroriste palestinien FPLP sur l’aéroport d’Entebee, 1976)
Cet attentat odieux a voulu frapper les israélites qui se rendaient à la synagogue, il a frappé des Français innocents qui traversaient la rue Copernic. Raymond Barre (le 3 octobre 1980, TFI, suite à l’attentat de la synagogue parisienne de la rue Copernic, 4 morts, 20 blessés)
La situation est tragique mais les forces en présence au Moyen-Orient font qu’au long terme, Israël, comme autrefois les Royaumes francs, finira par disparaître. Cette région a toujours rejeté les corps étrangers. Dominique de Villepin (Paris, automne 2001)
Israël est un petit pays de merde … Pourquoi accepterions-nous une troisième guerre mondiale à cause de ces gens? Daniel Bernard (ambassadeur de France, ancien porte-parole du Quai d’Orasy et directeur de cabinet de Roland Dumas,  à l ‘épouse du magnat de la presse Conrad Black, Londres, décembre 2001)
C’est un moment génial de l’histoire de France. Toute la communauté issue de l’immigration adhère complètement à la position de la France. Tout d’un coup, il y a une espèce de ferment. Profitons de cet espace de francitude nouvelle. Jean-Louis Borloo (ministre délégué à la Ville, au moment où nos chères têtes blondes communiaient en défilant dans les rues contre la guerre en Irak aux cris de « Mort aux Juifs! », avril 2003)
Les Israéliens se sont surarmés et en faisant cela, ils font la même faute que les Américains, celle de ne pas avoir compris les leçons de la deuxième guerre mondiale, car il n’y a jamais rien de bon à attendre d’une guerre. Et la force peut détruire, elle ne peut jamais rien construire, surtout pas la paix. Le fait d’être ivre de puissance et d’être seul à l’avoir, si vous n’êtes pas très cultivé, enfant d’une longue histoire et grande pratique, vous allez toujours croire que vous pouvez imposer votre vision. Israël vit encore cette illusion, les Israéliens sont probablement dans la période où ils sont en train de comprendre leurs limites. C’était Sharon le premier général qui s’est retiré de la bande de Gaza car il ne pouvait plus la tenir. Nous défendons absolument le droit à l’existence d’Israël et à sa sécurité, mais nous ne défendons pas son droit à se conduire en puissance occupante, cynique et brutale … Michel Rocard (Al Ahram, 2006)
A l’encontre des annonces claironnées depuis trois ans, l’Europe est impuissante, l’Afrique nous échappe, la Méditerranée nous boude, la Chine nous a domptés et Washington nous ignore ! Dans le même temps, nos avions Rafale et notre industrie nucléaire, loin des triomphes annoncés, restent sur l’étagère. Plus grave, la voix de la ance a disparu dans le monde. Notre suivisme à l’égard des Etats-Unis déroute beaucoup de nos partenaires. Pendant la guerre froide, nous étions dans le camp occidental, mais nous pesions sur la position des deux camps par une attitude originale. Aujourd’hui, ralliés aux Etats-Unis comme l’a manifesté notre retour dans l’OTAN, nous n’intéressons plus grand monde car nous avons perdu notre visibilité et notre capacité de manœuvre diplomatique. Collectif de diplomates français
Nous sommes inquiets des conséquences pour la France d’un affaiblissement sans précédent de ses réseaux diplomatiques et culturels. (…) l’instrument est sur le point d’être cassé, cela se voit dans le monde entier. Tous nos partenaires s’en rendent compte. Pourtant, dans la compétition multipolaire, où tout se négocie en permanence avec un grand nombre d’interlocuteurs qu’il faut connaître avec précision, la France a plus que jamais besoin de moyens d’information et d’analyse. (…) Les autres grands pays ne détruisent pas leur outil diplomatique: les effectifs du département d’Etat américain augmentent de 4 % à 5 % par an. Ceux du Foreign Office sont désormais supérieurs aux nôtres. Les pays émergents, pour leur part, construisent et consolident rapidement leur réseau: le Brésil, sous le président Lula, a ainsi ouvert une trentaine d’ambassades. Alain Juppé et Hubert Védrine (anciens ministres des affaires étrangères d’un pays qui, avec 267 représentations diplomatiques dans le monde, ne dispose en effet que de 8 postes de moins qu’une première puissance mondiale 17 fois plus grande et près de 5 fois plus peuplée)
Le Quai d’Orsay gère au début du XXIe siècle 267 ambassades et consulats, soit huit postes de moins seulement que les Etats-Unis – un chiffre qui indique l’importance donnée à sa recherche d’une influence internationale, au Moyen-Orient en particulier. Comme le notent deux journalistes incisifs: « Outre le coût financier, cette présence a une conséquence néfaste: elle entretient l’illusion. Puisque la Franc est présente partout, c’est donc qu’elle doit être importante … » David Pryce-Jones (citant R. Gubert et E Saint Martin, « L’Arrogance française », 2003)

Jérusalem vaut bien une messe!

A la veille du dépôt, par des Palestiniens dont les chartes appellent toujours à l’élimination d’Israël, de leur demande de reconnaissance pour un Etat indépendant le mois prochain à une ONU qui disposera pour l’occasion d’une double présidence arabe (le Liban à la présidence du Conseil de sécurité et le Qatar à celui de l’Assemblée générale) …

Comme peut-être d’une nouvelle intifada prétendument pacifique via les marches de soutien annoncées de la demande palestinienne à l’ONU aussi bien en Cisjordanie et à Jérusalem-Est que probablement aux frontières avec le Liban et la Syrie voire l’Egypte …

Alors que, remis de leur coup de blues du printemps (arabe), nos ambassadeurs se réjouissent du retour au Quai d’Orsay du chiraquien Juppé qui vient d’annoncer que la France allait désormais discuter avec les courants islamiques qui ne prônent pas la violence dans les pays arabes et imposer la reconnaissance d’Israël comme préalable à la reconnaissance de l’Etat palestinien …

Pendant que, neuf ans après le tristement célèbre scandale du programme « Pétrole contre nouriture », la justice fait enfin mine de s’occuper du cas certains de leurs ex-collègues au plus haut niveau

Comment ne pas repenser, devant une telle persévérance dans l’erreur et cette sorte d’ « attraction fatale » pour les leaders du Moyen-Orient les plus délétères (grand moufti de Jérusalem, Khomeyni, Saddam, Arafat, Assad, Khadafi, Abbas, le Hamas), à la lumineuse analyse de David Pryce-Jones de la diplomatie française depuis un siècle (« Un siècle de trahison. La diplomatie française et les Juifs, 1894-2007 », 2006) ?

Qui, contre ceux qui faisaient remonter la politique arabophile de la France au Général de Gaulle, en démontrait brillamment l’antériorité dès le Second Empire avec l’idée d’une France « destinée à accomplir le destin des musulmans » ou le rêve d’un « empire franco-arabe« .

Mais qui surtout, en en rappelant aussi la dimension souvent négligée de la religion (catholique jusqu’à la création de l’Etat d’Israël ou son succédané tiers-mondiste plus tard), permettait de comprendre, au-delà d’un certain antisémitisme résiduel et incompressible d’une partie de son personnel diplomatique ou des profits plus terre à terre de certains en popularité ou en enrichissement personnel, des gestes aussi aberrants que le tristement célèbre incident du souk mis en scène par le président Chirac dans la vieille ville de Jérusalem un an à peine après le début de son premier mandat en octobre 1996 pour s’imposer définitivement aux yeux du monde comme le défenseur attitré des Arabes en général et des Palestiniens en particulier .

Car comment comprendre autrement en effet cette sorte de démonstration par l’action de la violence supposée des forces de sécurité israéliennes contre les Palestiniens à laquelle s’était alors livré le président français devant les caméras de télévision que ses services avaient pris soin de faire venir, faisant vivre au public en direct et via sa propre personne (une véritable Via Dolorosa! – « Ne vous inquiétez pas de ma vie, j’irai droit au ciel », se serait-il un moment écrié avant de menacer de rentrer immédiatement en France) ce que, selon les mots de la déléguée générale de la Palestine Leila Chahid dont il n’avait pas manqué de se faire accompagner, « la population palestinienne subit tous les jours depuis 29 ans »?

Puis peu après lors de la visite, apparemment non-prévue au programme et d’ailleurs jamais montrée à la télévision, de l’Eglise Sainte-Anne, cette invraisemblable démonstration à la fois du rôle de la France comme protecteur historique des « Lieux saints » et du statut hors norme de cette véritable petite enclave française en plein Jérusalem reçue (comme il nous a tout récemment été donné de le découvrir, intrigué que nous étions par le drapeau français – le seul endroit du monde probablement où le 14 juillet se fête avec une messe, mais imagine-t-on le tollé que soulèverait, flottant en plein Paris sur le toit de la synagogue de la place de la Victoire par exemple, un drapeau israélien? – et la plaque « Domaine National Français République Française » apposée à l’entrée) des mains mêmes du Sultan Abd-al-Majid après la guerre de Crimée en 1856 en remerciement de l’aide de la France à la Turquie, en refusant de rentrer pendant 10 longues minutes tant que les soldats israéliens ne l’auraient pas quittée  et contraignant au bout du compte le gouvernement Netanyahou, ultime cerise sur le gâteau pendant que lui-même engrangeait les félicitations de l’ensemble du Monde arabe mais aussi de l’opinion publique française et mondiale, à se confondre en excuses pour un comportement qui avait en fait largement dépassé les limites de la goujaterie?

Comme une sorte d’écho fossile de la problématique proprement religieuse (mais que l’on qualifierait aujourd’hui d’idéologique, voir son indifférence pour la situation actuellement désespérée des chrétiens en « terre d’Islam »), si bien décrite par Pryce-Jones mais souvent oubliée, sans laquelle on ne peut comprendre « l’obsession d’une France républicaine (mais travaillée de surcroit aujourd’hui de l’intérieur par une population croissante issue de l’immigration musulmane) pour la protection des Lieux saints » …

Cette inconsolable nostalgie pour le temps béni  d’avant le funeste mandat britannique et surtout la plaie apparemment jamais refermée de la création d’Israël  où « la Fille aînée de l’Eglise » s’affrontait entre deux querelles de sacristie sur ce « poste avancé de la France en Orient » avec les autres puissances européennes prises à leur tour dans l’emballement mimétique (voir l’entrée en grande pompe de Guillaume II dans la vieille ville de Jérusalem en 1898 qui se verra offrir pour l’occasion le démontage d’une partie du mur de la Porte de Jaffa) à coup de fondations, constructions religieuses, communautés, hôpitaux, dispensaires, écoles et instituts de recherche …

D’où l’on comprend mieux cette autrement incompréhensible propension à l’échec et à l’aveuglement, comme ce véritable acharnement, jusqu’à s’allier systématiquement avec ceux qui en prônent la disparition, contre la seule démocratie pluraliste du Moyen-Orient qualifiée au sein même du Quai d’Orsay de « parenthèse » mais aussi de « faux nez de l’impérialisme anglo-saxon ».

Et ce, comme le montre bien Pryce-Jones, bien avant le fameux renversement d’alliances du Général De Gaulle de 1967 qui, à l’instar de l’alliance de revers de François Ier avec Soliman le magnifique contre Charles Quint au XVIe siècle, avait tant choqué l’Occident …

Un livre à découvrir : « Un siècle de trahison, La diplomatie française et les Juifs, 1894-2007 » de David Pryce-Jones

Pierre Itshak Lurçat

Israel magazine n° 86

2008

« La Politique arabe de la France » : cette expression désigne une ligne constante de la diplomatie française depuis plusieurs décennies, qui se traduit par un soutien appuyé aux régimes les plus rétrogrades du monde arabo-musulman et par une hostilité presque permanente envers Israël et le sionisme. A quand remonte cette politique ? Certains font de la guerre des Six Jours le grand « tournant » de la politique française envers l’Etat juif, autrefois considéré comme l’ami et l’allié de la France, et soudainement devenu l’empêcheur de tourner en rond… Depuis la fameuse déclaration du général De Gaulle sur le « peuple .sûr de lui et dominateur », jusqu’aux propos de table d’un ambassadeur de France sur le « petit Etat de m…», l’opposition à Israël est devenue un élément central de la politique étrangère française. Pourquoi ? Le livre de David Pryce-Jones apporte un éclairage inédit et passionnant sur cette question qui taraude de nombreux Juifs et amis d’Israël. Il montre que la «politique arabe de la France» est bien antérieure à la création de l’Etat juif, et qu’elle s’inscrit dans une tradition anti-juive profondément ancrée chez les acteurs de la diplomatie française. Historien, né à Vienne en 1936, Pryce-Jones a en effet choisi d’aborder ce thème sous un angle nouveau : celui des relations entre le Quai d’Orsay et les Juifs. Comme il l’explique dans son introduction, « la notion de politique arabe de la France a pris une importance démesurée dans la conduite de la diplomatie française depuis De Gaulle », mais « rien n’a été écrit sur la manière don! les diplomates français ont perçu les Juifs en tant que Juifs ». C’est cette lacune étonnante que comble le livre de Pryce-Jones : au-delà des considérations de « Realpolitik » et des intérêts économiques de la France dans le monde arabe, il montre que la politique française dans notre région obéit aussi – et peut-être surtout – à des choix dictés par l’image négative que les hommes du Quai d’Orsay ont des Juifs et du peuple d’Israël. L’auteur dresse ainsi des portraits stupéfiants (et peu flatteurs) des hommes qui font la politique étrangère de la France depuis un siècle.

Les préjugés anti-juifs de l’élite française

On reste abasourdi en lisant les descriptions des Juifs sous la plume des plus illustres diplomates français, qui «aiment à se piquer de littérature» -comme fait remarquer Pryce-Jones avec ironie – mais dont le ton évoque plus celui de Gringoire et de la presse vichyste que les classiques des Lettres françaises. Ainsi, Jules Laroche, ambassadeur de France à Varsovie dans les années 1930, parle des « Juifs malpropres » qui « grouillent dans chaquee bourg polonais », et affirme qu’en Pologne. « le seul moyen contre les Juifs parait être le pogrome »… On pourrait multiplier les citations de ce genre. Cette prose nauséabonde n’est pas, précisons-le, l’œuvre de sous-fifres ou d’employés subalternes, mais celle d’éminents représentants du Quai d’Orsay, qui occupent des postes clés et se considèrent comme l’élite de la France.

Le tour de force de l’auteur – qui confère à son livre la valeur d’un document exceptionnel – est de montrer comment les préjugés antijuifs des hommes du « Quai » ont joué un rôle essentiel dans la fixation des grandes lignes de la politique française au Moyen-Orient, depuis la fin du 19e siècle et jusqu’à nos jours. On pourrait croire en effet que les ministres des Affaires étrangères savent mettre de côté leurs préjugés et leurs opinions personnelles, lorsqu’il est question des intérêts supérieurs de la France… Or il n’en est rien : ces préjugés anti-juifs entrent en ligne de compte de manière déterminante dans la prise de décisions qui vont souvent à l’encontre des intérêts bien compris de la France. Pryce-Jones démontre notamment comment cette hostilité aux Juifs explique l’attitude de la diplomatie française à l’égard du mouvement sioniste, considéré avec circonspection, sinon avec mépris, alors même que l’Angleterre parvient à jouer un rôle important dans la région, en utilisant son soutien – très éphémère – au sionisme, lors de la Déclaration Balfour. Aveuglés par leurs sentiments et par la piètre opinion qu’ils ont des Juifs, les diplomates français privent la France de sa place légitime dans les affaires du Moyen-Orient. Cette remarque reste valable après la création de l’Etat d’Israël, que la France – après une brève « lune de miel » – considérera toujours comme un Etat voué à disparaître, rejoignant ainsi la conception arabe et islamiste de l’Etat croisé.

La lecture de ce livre est indispensable pour comprendre la politique française à l’endroit d’Israël et du sionisme, et pour apprécier les motivations de ceux qui ont toujours soutenu les pires ennemis de l’Etat juif, du Mufti pronazi AI-Husseini à Arafat et Abou Mazen.

Voir aussi:

Une messe pour la République !

Catherine Dupeyron

27 juillet 2009

La tradition est immuable. A Jérusalem, le consul fête le 14 juillet dans la magnifique église Sainte-Anne au cœur de la vieille ville, un édifice croisé qui fait partie du domaine national français. Après tout la République vaut bien une messe ! Après tout la Fête Nationale, qui commémore la Révolution de 1789 contre la noblesse et le clergé, vaut bien une célébration eucharistique ! C’est là, dans le paisible jardin où se déroule la garden-party de la Fête Nationale, qu’avait eu lieu l’incident entre le Président de la République Jacques Chirac et les forces de l’ordre israéliennes en 1996.

La nef de Sainte-Anne est toujours pleine le 14 juillet ! Il y a des rendez-vous qui ne se manquent pas. Cette année n’a pas fait exception. Les fidèles rassemblés sont essentiellement des Français expatriés et des religieux catholiques appartenant aux communautés de Terre Sainte. Au premier rang, le Consul de France à Jérusalem, Alain Rémy et son épouse, assis dans de larges fauteuils Louis XV. L’office, qui fait partie d’un programme annuel de vingt deux messes consulaires, est l’un des vestiges de la longue et influente présence française en Terre Sainte. Pour certains diplomates, c’est un plaisir, pour d’autres c’est une corvée, mais quelles que soient les convictions personnelles il est impossible aux consuls d’échapper à cette tâche républicaine baignée d’encens !

Monseigneur Michel Sabbah, ancien Patriarche Latin de Jérusalem, parfait francophone, dirigeait l’office de ce cru 2009. A l’issue de la messe, empruntant l’allée centrale, il a salué tous ces visages qu’il n’avait pas vu depuis longtemps. L’évêque, patriarche pendant 21 ans, déclare être désormais « en retrait du monde » installé entre Jérusalem et Taybe, un village palestinien totalement chrétien au nord-est de la ville sainte.

La France, « la Fille aînée de l’Eglise »

Dans son sillage, un cortège de religieux représentant les différentes communautés catholiques dont la France est officiellement la puissance protectrice depuis plusieurs siècles. Franciscains, Dominicains, Bénédictins, Pères Blancs, … ils étaient tous là. Tout ce petit monde, religieux et laïcs, s’est retrouvé dans le jardin de Sainte-Anne à l’ombre des cyprès pour boire à la santé de la République française qui est aussi la Fille aînée de l’Eglise même si le terme n’est plus guère revendiqué par les représentants de la France laïque et républicaine.

« Une messe pour le 14 juillet c’est surprenant ! Mais de toute façon, ici tout est étonnant », remarque en souriant Hervé Ponsot, directeur de l’Ecole biblique de Jérusalem. Vêtu de sa bure blanche, le Dominicain, originaire de la région de Toulouse et ancien HEC, sait de quoi il parle. L’Ecole Biblique créée en 1890 et devenue l’Ecole archéologique française en 1922 dont il a la charge depuis l’été 2008 est installée au couvent Saint-Etienne et elle est subventionnée par le Ministère des Affaires étrangères. Amusé de ce paradoxe, il commente : « Une école religieuse à la charge de la république, cela n’est pas banal non plus ! »

Sainte-Anne : domaine national français

Quant à Sainte-Anne, son sort est lui aussi hors du commun. La magnifique église croisée transformée en madrasa (école religieuse musulmane) par Saladin au 12ème siècle, retombe dans le giron de la France en 1856. C’est un cadeau du Sultan pour remercier Paris de son soutien pendant la Guerre de Crimée contre les Russes. Dès lors, Sainte-Anne devient un ‘domaine national français’ ce qu’elle reste jusqu’à aujourd’hui – statut réservé à trois autres lieux (le Tombeau des Rois et l’Eléona à Jérusalem, plus connu sous le nom du Pater ainsi que l’abbaye bénédictine à Abou Gosh) – mais qui n’a pas pour autant le statut d’extra-territorialité d’une représentation diplomatique. Depuis la fin du 19ème siècle, elle a été confiée à la communauté des Pères Blancs.

C’est dans les jardins de Sainte-Anne que Jacques Chirac avait eu, en 1996, une altercation avec les services de sécurité israéliens trop présents au goût du Président, soucieux de préserver les privilèges de la France. Car la France laïque conserve en Terre Sainte quelques traditions aussi vivaces que surprenantes de sa grandeur catholique passée. Ainsi, chaque Consul de France de Jérusalem lorsqu’il prend ses fonctions est accueilli par le Custode de Terre Sainte devant le Tombeau du Christ dans la basilique du Saint-Sépulcre. Cette « entrée au Saint-Sépulcre » marque formellement la prise de fonctions du fonctionnaire de la République à Jérusalem ! Pas très laïc tout ça ! Un nouveau Consul étant attendu à la fin de l’été, cette cérémonie étonnante ne saurait plus tarder …

Voir enfin:

FRANCE AND THE JEWISH HERITAGE IN JERUSALEM

Elliott A. Green

THINK-ISRAEL

Nov-Dec 2005

A brass plaque rested for many years on the wall of an imposing stone building just inside the Lion’s Gate in Jerusalem’s Old City. Israeli troops came through this gate when they recaptured the Old City in the 1967 Six Day War. The plaque read « Domaine National Français République Française, » French National Domain, French Republic. In other words, the French state has been claiming that certain real estate within Jerusalem is part of France. The label National Domain asserts that this is French sovereign territory. Un morceau de notre pays en Terre Sainte (a piece of our country in the Holy Land), as Jacques Chirac put it when he addressed an audience at the location, known as Saint Anne’s Church, during his visit in 1996 (22 October).[1]

Lionel Jospin, the socialist prime minister, met local Arab leader Faisal Husseini there in 2000 (25 February). He was meeting Husseini and other prominent Arabs on French soil — in French eyes at least — rather than at Husseini’s Orient House headquarters, which might be considered a victory for Israeli diplomacy. On the other hand, Chirac had wanted to show Israel « that France was mistress ‘in her own country’ when … on his official visit to Jerusalem, » he « demanded that Israeli troops » guarding him at Saint Anne’s « evacuate this national domain during his meeting with the Latin Patriarch. »[2] The site is not a consulate or embassy, and thus should not have diplomatic exterritoriality, if that was in anyone’s mind. According to Christian tradition, Mary’s parents’ home was here, and this is where Mary was born. Be that as it may, the monks who administer the site on behalf of the French state have conscientiously excavated, so it seems, what were two massive pools built by Jews in Second Temple times, together called Beit Hisda (Bethesda). Now, Saint Anne’s is only one of four sites in and around Jerusalem claimed as French. Each one has its story of how it became Domaine National. Saint Anne’s was a Crusader church 850 years ago, then a Muslim school. After the Crimean War (1854) in which Britain and France defended the Ottoman Empire against Russia, the sultan of the day gave the ruined Saint Anne’s site as a reward to his European ally (1856).

Tomb of the Kings, where Queen Helene is buried.

Another site, however, has no Christian associations. And it came into the hands of the French state in a different manner. This is the Tombeau des Rois (Tomb of the Kings), believed by archeologists to be the tomb of Queen Helen of Adiabene in Kurdistan, and her family, converts to Judaism in the first century. The Talmud describes them as generous benefactors of the Temple and the Jerusalem poor. The tomb and the surrounding construction are impressive. Stone beautifully carved in floral and vegetal patterns — like that below the surface of the Temple Mount, and on some remnants outside the Mount — adorns the stage-like entryway to the tomb. The tomb is unique too in its engineering. In fact, identification of the tomb as Helen’s was made through a match between the hydraulic system for moving the round stone block that closed the entrance (not working today) and that described by the second century Greek Pausanias: « The Hebrews have a grave, that of Helen… in the city of Jerusalem, which the Roman Emperor razed to the ground.

Entrance stone to Tomb of the Kings

There is a contrivance in the grave whereby … the mechanism, unaided, opens the door… » (Description of Greece, Loeb ed., 8:16:4-5). The tomb’s beauty was recognized long ago and has been depicted in eighteenth century etchings and often since. Regrettably, the sharpness and beauty of the stone carving is less today than then. The tomb goes down two levels below ground and contains dozens of burial niches.

Whereas Jerusalem Jews called the site Kalba Savua after the father-in-law of Rabbi Akiba, the traditional Arabic name was Qubur al-Mulk, meaning graves of the kings. Some investigators thought that the kings referred to were the House of David, increasing the site’s importance in their eyes. The French archeologist, Félicien de Saulcy, held this view. He was able to get the agreement of the Sultan and the Arab real estate owner to his excavating the site and removing his findings. It was on this aspect that De Saulcy ran into opposition from the local Jews. They objected to his removal of Jewish sarcophagi from the site.

Significantly, if we judge by our own time, the local Jews won the support of the local Muslim leaders for their position, much to the annoyance of De Saulcy. The governing pasha arrived at the location, « accompanied by the mufti, the qadi, and a rabbi » representing the Jews.[3]

In other words, Muslim political and religious leaders recognized the tomb as a Jewish site. Today, few Muslim clergy anywhere would recognize any Jerusalem site as Jewish. It may be that the Muslims at that time saw the Jews as allies against encroaching European Christian powers, whose influence in the Holy City had dramatically increased after the Crimean War, as above. Indeed, Chirac pointed out in his speech at Saint Anne’s that France, whether under a monarchy or empire or republic, had « an age-old tradition of active participation in the life of this part of the world, » protecting the holy places, etc. This goes back to the medieval Charlemagne and through the Crusades and France’s Capitulations agreements with the Ottoman Empire starting in 1535, which made France the protector of Roman Catholic persons in Ottoman lands and of Catholic interests in the Christian holy places in Jerusalem.

De Saulcy called his Jewish opponents « scoundrels » and other pejoratives. Especially since they were blocking his schemes. Nevertheless, he extracted several ornate sarcophagi from the tomb, sending them to the Louvre in Paris, where they are to this day. One intact sarcophagus bore similar inscriptions in two scripts, Hebrew and Palmyrene, both in the Aramaic language, which strengthen the link of the tomb to Helen for several reasons. The inscription says: « TSada the Queen, » presumably Helen’s non-Greek, Aramaic name.

De Saulcy decided to use the natural Jewish interest in the site to his own advantage. He came back to France and persuaded the Jewish banking family, the Péreires, to buy the site from the Arab real estate owner. The purchase was made in 1874.

Several years after the Péreires bought the site, they were apparently persuaded that they could not care for and protect it from their home in France. They agreed to transfer it to the French state. Nevertheless, the transfer was made contingent on several stipulations. It was of utmost importance to the Péreires that reverence be shown for « the faithful of Israel. » In fact, a brass plaque at the site proclaims this purpose. The deed of assignment (1886) states: « Article B. The French government commits itself hereby to a) not bring about in the future any change in the present purpose of this memorial monument… c) to maintain forever the abovementioned inscription, the text of which will be in French, Hebrew, and Arabic: ‘Tombs of the Kings of Judah’ and underneath this text will be written: ‘This site was purchased… for the sake of science, for the sacred memory of those perfect in the faith of Israel, Amiel and Isaac Péreire »[4]

The transfer of possession to the French state was a conditional one.

How has France kept its commitments to the Péreire family? In recent years, France has used the site to promote — Arab nationalism, obviously violating the conditions of the transfer. In this endeavor, the Arab group enjoying the French consulate’s favor disregarded any Jewish connection to Kings’ Tomb — indeed to anywhere in Jerusalem. The group’s director told Le Monde that Jerusalem had an « Arab and international heritage. »[5]

No Jewish heritage in Jerusalem was acknowledged. This stance is in line with PLO/Palestinian Authority practice of course. On the other hand, the consulate states on its own website: « Tomb of… Helen of Adiabene… Converted to Judaism 30 years after J.C. »[6]

Yet the Tomb of the Kings has been used to promote Arab nationalism by allowing an Arab body, apparently associated with the PLO and PA, to hold an « Arab Music Festival » every summer starting in 1997 at this ancient Jewish tomb and archeological site. The festival (renamed « Jerusalem Festival ») has enjoyed broad support over the years, not only from France, but from the European Union, various European governmental agencies, international organizations, « non-governmental » bodies, etc. The 2002 festival brochure lists funding support from Swedish International Development Agency, UN Development Program, Swiss Agency for Development and Cooperation, South African Representative Office, Ford Foundation, Pontifical Mission for Palestine, etc.

The festival brochures that I have seen avoid any explicit mention of Jews or Israel. Thus, the 2002 brochure writes as follows: « The history of the Tombs of the Kings goes back to 45 AD when Queen Helen, Queen of Adiabin [sic!] or Mesopotamia, came to this region accompanied by her children. She chose the site 500 meters north of the the Old City and ordered the digging of the tombs so that she could bury her son… » Helen is presented as coming to Jerusalem for no particular reason, nor is her Judaism disclosed in any way. Note that the queen’s Kurdistan origin is not specified either, also in keeping with Arab nationalist sentiment.

To be sure, the brochures and web site of the festival are shot through with hostile remarks about Israel, although it is not mentioned by name — only by insinuation — nor is the presence of Jews in Jerusalem at any time in history acknowledged. The Jewish majority in Jerusalem in Helen’s time as now, just as when the Péreires bought the site in 1874, cannot be mentioned.

Indeed, one-sided complaints suffuse the material written by the festival’s organizers and supporters. One complaint, made by an Arab public relations man, is that Israeli checkposts made it difficult for Arabs to come to Jerusalem for the festival.[7]

Of course, between 1948 and 1967, Jews could not get to the Tomb of the Kings (or the Temple Mount/Western Wall or other Jewish religious and archeological sites under Jordanian control) because Arabs excluded Jews in principle, not merely blocking them according to the security situation. This obviously cannot be mentioned.

Further, the glossy covered 1998 brochure states: « The difficult situation of Jerusalem envisaged in dispossession and usurpation… » The gripe about « dispossession and usurpation » stands reality on its head, particularly in the historical and geographical context of this tomb.

This context includes three nearby Jewish residential quarters whence the Jewish residents were driven out in the early months of the War of Independence when the Arabs had the upper hand. Of course, the festival organizers do not mention these neighborhoods, and they are regularly forgotten even by Israeli historians, so a brief review is relevant. Mere hours after the UN General Assembly Partition Plan recommendation (29 November 1947), Arab irregular forces began shooting at Jewish civilian targets in Jerusalem, Tel Aviv, and elsewhere in the country. Automobile travelers were murdered in Sh’khem (Nablus) that night; and an ambulance was shot at on its way to Hadassah Hospital on Mount Scopus. Throughout December 1947, the Shimon haTsadiq and Nahalat Shimon neighborhoods, close to the Tomb, on the way to Mount Scopus, came under attack, as did south Tel Aviv and elsewhere in the country.

The Tomb is located in what became « East Jerusalem » after Israel’s War of Independence. It is about 40 meters west of the Orient House compound, the erstwhile PLO headquarters in Jerusalem. The American Colony Hotel is some 60 meters to the north, whereas Nahalat Shimon is about 160 meters north of the Tomb, and Shimon haTsadiq less than a kilometer to the northeast. They are also in the area from which the Jews were driven out by Jordan early in the 1948 war, becoming Jewish refugees before there were Arab refugees. The Arab « squatters » who dispossessed the Jews and usurped their homes in 1948 have continued to live in them even though Israel took control of the eastern part of Jerusalem in 1967.

Only about 50 meters to the west were the Siebenbergen Houses (where three new hotels are now located) along the Mt Scopus route. On their ruins to the west was built the later Mandelbaum Gate, the famous passage between Israeli Jerusalem and the Jordanian-held eastern sector in the armistice period between 1949 and 1967.

Residents fled or were compelled by Arab and British forces to evacuate all three Jewish neighborhoods early in the war. Arab attacks with knives and guns were assisted, in the case of Nahalat Shimon, by British troops who forced the Jews to give up their weapons after the Jews had repelled an Arab attack. All but one of the Jewish families fled Shimon haTsadiq on the night of 29 December 1947. The remaining family fled on 7 or 8 January 1948 (exactly which day is missing from a diary shown to me by a family member). The British evacuated the now defenseless Jews from Nahalat Shimon on 17 January. Shimon haTsadiq became the first neighborhood in the country from which the population was driven out and did not return after the War. Jews had likewise fled south Tel Aviv in December 1947, but returned after the War, whereas Shimon haTsadiq remained under Arab control, as did Nahalat Shimon and the Siebenbergen Houses. Hence, precisely in the surroundings of the Tomb, Arabs and British dispossessed Jews from their homes in late 1947 and early 1948. This history does not appear among the suffering featured in the publicity of Yabous Productions, the Arab body organizing the music festival.

Rather, advocating political militancy, if not violence by insinuation, the 2002 brochure exhorts in somewhat Stalinist tones: « Let Art & Culture be a weapon for the future! » Consider too: « The fight for the freedom of a country… » and « …this international event, where the music and songs ring out the messages of love and hate, fear and strength… »

Now, holding any entertainment at a tomb seems offensive — violating the dignity of the dead — as well as somewhat macabre. But the music festival at Kings’ Tomb is all the more repugnant. It is clearly an Arab nationalist celebration at a Jewish tomb of much historical interest. A Jewish site is used for an anti-Jewish call to arms, thus violating the site’s deed of transfer to France. Moreover, France (and other Western states and agencies) have tolerated or collaborated with — if not sponsored — several Arab falsifications of history in the Festival publicity, even if not agreeing with these falsifications.

Furthermore, the French state has caused damage to antiquities on its self-proclaimed National Domain sites, thus violating the Israeli Antiquities Law. Jon Seligman, Jerusalem Regional Archeologist of the Antiquities Authority, notified Israel’s Foreign Ministry (22 January 2001): « The French Consulate has conducted works at these sites, causing irreversible damage to antiquities and contravening the provisions of the law governing the right to conduct archeological work, using the claim that the sites are under French ‘sovereign’ control. » A consular representative told Seligman that « the decision to restart the works without documenting the damaged ancient remains had been taken in the Foreign Ministry in Paris. » Concerning Kings’ Tomb, Seligman had complained directly to the consulate on 4 August 1996, about incorrect installation of a lighting system (perhaps for the purpose of the Festival) that had « damaged the rock » and might cause « progressive but intensive deterioration of the rock over time. »

He again complained to the consulate about work at Kings’ Tomb on 4 September 2000. « The ancient tombs and miqva’ot (ritual baths) excavated by de Saulcy in 1863 are some of the most significant tombs found in the city of Jerusalem. Careful preservation and maintenance of these finds is important for the conservation of a site which clearly is of universal significance… » He mentioned the « severe damage » to the tombs caused by the electrical work in 1996. This scoffing at the antiquities law by the French consulate occurred not only at Kings’ Tomb, St. Anne’s, and the Pater Noster (Eleona) Church on the Mount of Olives — all under Jordanian control from 1948 to 1967 — but at a monastery in Abu Ghosh within the Green Line, under Israel’s jurisdiction since 1948, and also claimed as French National Domain.

On the other hand, the French consulate has not always been hostile to Jews, and this too should be remembered. In 1948, Arab forces — local Arab irregulars, Transjordan’s Arab Legion, and Iraqi troops (Iraq then ruled by a Hashemite, like Transjordan) joined later by Egyptians — besieged the Jewish majority in Jerusalem. Food could not be brought in by road. Hunger was increasing. During the first truce (June 11 to July 9, 1948), « the Arabs prevented the flow of fresh water to Jerusalem, » in violation of the truce.[8]

As to the amount of food to be allowed through the Arab blockade for Jerusalem Jews, « Jewish representatives had to conduct weary negotiations with Count Bernadotte and the Consular Truce Commission (made up of the US, French and Belgian consuls in the city), who wished to ensure at all costs that Jerusalem would be no stronger at the end of the truce than at its beginning. »[9]

In this spirit, the US consul considered that 2,800 calories per day per Jewish inhabitant would be sufficient. On this issue, the French consul (and the Belgian) agreed with Dov Joseph, the Jewish Agency delegate to the Commission, that each Jewish inhabitant was entitled to 3,400 calories per day. Conversely, the US consul, John MacDonald, justified his position by pointing out that millions of Chinese were living on the verge of starvation. MacDonald’s demand for only 2,800 calories won over the Frenchman and Belgian in the end (June 25). However, after protests, the daily ration permitted the Jews was raised to 3,100 calories per day a week later (July 1).[10]

In this instance, the French consul momentarily supported the Jews against representatives of other powers. One sometimes wonders if the French since De Gaulle have been trying to live down this episode in Arab eyes

On the issue of respecting archeological sites, France today is clearly hypocritical. The French government finances Patrimoine sans Frontières (Heritage without Borders), a body whose objective is « to perform operations to save the international cultural heritage, material or immaterial, and in particular, neglected, even forgotten, buildings, objects, skills, [and] sites. »[11]

In fulfilling its purpose, this agency has undertaken salvage projects in Albania, Lebanon, Belarus, and Afghanistan. Yet sites under French government control have been abused, particularly the Tomb of the Kings.

France has claimed a special status in Jerusalem going back to rights granted to Emperor Charlemagne by Caliph Harun al-Rashid. Today it claims four sites in and around the Holy City, on both sides of the Green Line, as National Domain, that is, French sovereign territory. This tells us that France has symbolic interests embodied in territory — albeit token — in Jerusalem where « our roots are deep, » as Chirac remarked at St Anne’s. These roots are felt as part of France’s national identity, That attitude might interfere with Israel’s needs and interests even without the Arab element. Further, at Kings’ Tomb, France seems to again pander to Arab prejudices, as in the 1840 Damascus Affair, whether because of interests — realpolitik or intangible — or its own prejudices.

We learn several lessons from France’s treatment of the Tomb. France has interests in the Holy City other than « peace » between Jews and Arabs. It too makes territorial claims in Jerusalem. Now, by encouraging Arabs who demonstrate a refusal to make peace with Israel by denying any Jewish heritage in Jerusalem, the EU (which has also collaborated in the Arab Festivals at Kings’ Tomb) shows that it too is driven by interests beyond bringing peace (or human rights, self-determination, etc.). It favors one side at the expense of respect for the dignity of the other side and respect for that side’s history and heritage. Finally, Israel and the Jewish people cannot rely on solemn agreements, as France showed (with EU and other Western help) by its violation of the terms of transfer of Kings’ Tomb to the French state.

Footnotes

1. http://www.elysee.fr/documents/discours/1996/ISRA9607.htm

2. Dominique Trimbur, « Sainte Anne: lieu de mémoire et lieu de vie française à Jérusalem, » http://www.univ-lyon3.fr/ihc/publicat/bulletin/2000/trimbur.pdfTrimbur is a researcher at the French Research Center in Jerusalem

3. Félicien de Saulcy, Voyage en Terre Sainte (Paris 1865), pp 190, 364, 394, 401-402, 406-409; Idem., Carnets de Voyage en Orient (Paris: PUF, 1955), pp 163, 165

4. Reuben Kashani, Historic Sites in Source and Tradition throughout the Ages (Jerusalem: BaMa`arakhah, 1968; Heb.) pp 74-75.

5. Rania Elias of Yabous Productions, interviewed in Le Monde, 23 August 2001; p 22.

6. http://www.consulfrance-jerusalem.org/religieux/domaines.ht

7. Daoud Kuttab in Jerusalem Post, 15 July 1999

8. Menahem Kaufman, America’s Jerusalem Policy: 1947-1948 (Jerusalem: Institute of Contemporary Jewry, 1982), p 58.

9. Ibid

10. Kaufman, p 59-60. Dov Joseph, Faithful City: The Siege of Jerusalem, 1948 (London: Hogarth, 1962), pp 228-230

11. Figaro, 6 June 2004; see under « Culture — Patrimoine.

Documentation added after publication in Midstream:

Yehoshu`a ben Arieh, Painting the Holy Land (Jerusalem: Ben Zvi Institute, 1997), Etchings of Tomb of the Kings appear on pp13 & 16, painting of it on p 267.

Yonah Cohen, Hakham Gershon miNahalat Shim`on (Jerusalem: Reuben Mas, 1968).

M. Gabrieli, Gabrieli’s Jerusalem Guide (Jerusalem: Marcus 1978). For Saint Anne’s Church and Kings’ Tombs.

Levi, Yits’haq (Levitsah), Tish`ah Qabin: Yerushalayim b’Qrabot Milhemet ha`Atsma’ut (Jerusalem 1986 or 1987)

Palestine Post [forerunner of Jerusalem Post], read through issues for December 1947 and January 1948 for information on attacks on and flight from Shimon haTsadiq, Nahalat Shimon, Siebenbergen Houses.

Ze’ev Vilna’i, Entsiklopedyat Vilna’i l’Yrushalayim (Jerusalem: Ahiever, 1993; in Heb.), see articles on « Qivrey haM’lakhim, » « Knesiyat Sent An, » « Shim`on haTsadiq, » « Nahalat Shim`on, » etc.

Ze’ev Vilnay, Israel Guide (Jerusalem 1984), see on Tombs of the Kings, pp 152-154.

Elliott A Green is a translator, writer, and researcher. His blog

http://ziontruth.blogspot.com/ showcases significant passages from ancient sources relating to ancient Jewish history and from Jewish poets writing about the glory of Zion and their hatred of Arab oppression, etc.

This article was originally published in Midstream (New York) July-August 2005.


Attentats d’Oslo: Comment délivrer un temple qui n’a jamais existé? (Truth is the first victim)

4 août, 2011
Il n’y a jamais eu de temple ici. (…) C’est tous des menteurs. Gardien musulman de l’Esplanade du Temple (pardon: « des mosquées« , discussion avec l’auteur, Jérusalem, juillet 2011)
Il n’y a pas de preuve tangible qu’il y ait la moindre trace ou le moindre vestige juif que ce soit dans la vieille ville de Jérusalem ou dans le voisinage immédiat. Communiqué du ministère palestinien de l’Information (10 décembre 1997)
Le mur d’Al-Buraq [Mur des Lamentations] et sa place sont une propriété religieuse musulmane…[Il fait] partie de la mosquée Al Aqsa. Les Juifs n’ont aucun lien avec cet endroit. Mufti de Jérusalem (nommé par Yasser Arafat, Al Ayyam [journal de l’Autorité palestinienne], 22 novembre 1997)
Le mur d’Al-Buraq est une propriété musulmane et fait partie de la mosquée Al Aqsa. Hassan Tahboob (Ministre des Affaires religieuses de Yasser Arafat, dans interview accordée à l’agence de presse, IMRA, le 22 novembre 1997)
Ce n’est pas du tout le mur des Lamentations, mais un sanctuaire musulman. Yasser Arafat (Maariv, 11 octobre 1996)
Tous les événements liés au roi Saul, au roi David et au roi Rehoboam se sont déroulés au Yémen, et aucun vestige hébreu n’a été trouvé en Israël pour la bonne et simple raison qu’ils n’y ont jamais vécu. Jarid al-Kidwa (historien arabe, au cours d’un programme éducatif de l’OLP, juin 1997, cité dans Haaretz le 6 juillet 1997)
Jérusalem n’est pas une ville juive, en dépit du mythe biblique qui a été semé dans certains esprits…Il n’y a pas d’évidence tangible de l’existence juive d’un soi-disant « Temple du mont Era »…on doute de l’emplacement du mont du Temple…il se peut qu’il ait été situé à Jéricho ou ailleurs. Walid Awad (directeur des publications pour l’étranger du ministère de l’Information de l’OLP, interviewé par l’agence de presse IMRA, le 25 décembre 1996)
Abraham n’était pas juif, pas plus que c’était un Hébreu, mais il était tout simplement irakien. Les Juifs n’ont aucun droit de prétendre disposer d’une synagogue dans la tombe des patriarches à Hébron, lieu où est inhumé Abraham. Le bâtiment tout entier devrait être une mosquée. Yasser Arafat (Jerusalem Report, 26 décembre 1996)
[La Shoa] est un mensonge des Sionistes concernant de soi-disant massacres perpétrés contre les Juifs. Al Hayat Al Jadeeda ( journal de l’Autorité palestinienne, 3 septembre 1997)
[Notre but est] d’éliminer l’Etat d’Israël et d’établir un Etat qui soit entièrement palestinien. Yasser Arafat (session privée avec des diplomates arabes en Europe, 30 janvier 1996)
La lutte contre l’ennemi sioniste n’est pas une question de frontières, mais touche à l’existence même de l’entité sioniste. Bassam-abou-Sharif (porte-parole de l’OLP, Kuwait News Agency – Agence de presse koweïtienne, 31 mai 1996)
A document found in the Cairo Geniza describes the way in which Umar I brought a group of Jews to the site of the Temple in order to clean it. The Jewish elders were asked to identify the stone known as the Foundation Stone. When it was found and identified, Umar ordered « a sanctuary to be built and a dome to be erected over the stone and overlaid with gold. » As a reward, Umar permitted the Jews to return to Jerusalem and establish the Jewish Quarter. Reuven Hammer
C’était une cité fortement convoitée par les ennemis de la foi et c’est pourquoi, par une sorte de syndrome mimétique, elle devint chère également au cœur des Musulmans. Emmanuel Sivan
Le choix du lieu lui-même est extrêmement symbolique : lieu sacré juif, où restent encore des ruines des temples hérodiens, laissé à l’abandon par les chrétiens pour marquer leur triomphe sur cette religion, il est à nouveau utilisé sous l’Islam, marquant alors la victoire sur les Chrétiens et, éventuellement, une continuité avec le judaïsme. (…) Enfin, l’historien Al-Maqdisi, au Xe siècle, écrit que le dôme a été réalisé dans la but de dépasser le Saint-Sépulcre, d’où un plan similaire, mais magnifié. De cette analyse on a pu conclure que le dôme du Rocher peut être considéré comme un message de l’Islam et des Umayyades en direction des chrétiens, des Juifs, mais également des musulmans récemment convertis (attirés par les déploiements de luxe des églises chrétiennes) pour marquer le triomphe de l’Islam. Wikipedia 
Ce qui rend l’entreprise terroriste des islamistes aussi dangereuse, ce n’est pas tant la haine religieuse qu’ils puisent dans des textes anciens — souvent au prix de distorsions grossières —, mais la synthèse qu’ils font entre fanatisme religieux et idéologie moderne. Ian Buruma et Avishai Margalit
Si Israël commençait à parler et à évoquer des négociations à mener sur la base de la vérité historique , paroles et négociations pourraient commencer à avoir un sens et à ne plus ressembler à un jeu truqué dans lequel l’alternative est entre une forme de pile ou face digne d’un escroc de bas étage. Pile, les « Palestiniens » gagnent. Face : Israël perd. Guy Millière
Aucune avenue, aucune impasse ne sera nommée Breivik dans une capitale occidentale. Son acte fou ne sera jamais donné en exemple à des générations d’élèves. (…) Ce qui s’est passé la semaine dernière en Norvège est une horreur, mais quantitativement, ce n’est et ne peut être qu’un épiphénomène incapable de déstabiliser nos sociétés. (…) Le syndrome de Stockholm, en passe de devenir celui d’Oslo, n’existe que dans nos sociétés libérales. Pour le moment, nous continuons à nous auto-flageller, à nous reprocher de sécréter des Breivik, alors que nous nous abstenons de juger les sociétés musulmanes et leur islam médiéval qui encouragent le terrorisme de façon large et à ciel ouvert. Primo (août 2011)
 Behring Breivik ressemble à Ted Kaczynski, surnommé Unabomber, qui a utilisé la violence comme un moyen de promotion pour son manifeste de 1995 intitulé Industrial Society and Its Future (La société industrielle et son avenir). (…) Si on ajoute à ces deux cas, ceux de Timothy Mc Veigh (l’auteur des attentats à la bombe d’Oklahoma City en 1995) et Baruch Goldstein (l’auteur du massacre d’Hébron en 1994), on obtient les quatre exceptions marquantes à la règle quasi générale des massacres perpétrés par les islamistes. Un site internet, TheReligionOfPeace.com, dénombre 17 500 actes terroristes commis au nom de l’Islam ces dix dernières années ; en extrapolant, on arrive à 25 000 actes depuis 1994. Nous sommes donc en présence de deux phénomènes d’ampleurs très différentes. Comme l’observe David P. Goldman, « il y a un monde de différence entre l’usage organisé de l’horreur par les terroristes et les actions dépravées d’individus. » Certes, nous devons nous inquiéter aussi de la violence non-islamiste, mais l’islamisme dans toutes ses variantes est prédominant et le restera étant donné sa nature extrémiste. (…) Comme je le soutenais dans une analyse de 2007, (…) un mouvement d’irritation se fait jour en Europe, moins parmi les élites qu’au sein des masses, qui proteste bruyamment devant l’évolution en cours. » Bien qu’il ait attaqué des socialistes, et pas des musulmans, Behring Breivik s’inscrit clairement dans ce mouvement d’irritation. Daniel Pipes
Les Norvégiens se demandent aujourd’hui comment la Norvège, paradis policé du politiquement correct, a pu produire un Anders Breivik : je dirai que précisément, en étant un paradis policé du politiquement correct, de la pensée unique et de la bouillie susdite, et en se laissant gagner par des enclaves de non droit, par la développement de bandes ethniques et par des poussées islamistes sans pouvoir répondre, Norvège constituait un terrain fertile pour qu’un Anders Brevik puisse y émerger. Guy Millière
Public perceptions of crusading are still based on early 19th-century attitudes, epitomised by the novelist Sir Walter Scott and the historian Joseph-François Michaud. Scott’s The Talisman (1825), painted a picture of unsophisticated and fanatical crusaders encountering civilised and modern-minded Muslims, whose most attractive representative was the sultan, Saladin. On the other hand, Michaud’s Histoire (1812-22), portrayed the crusaders as imperialistic heroes whose achievements heralded the rebirth of the West. These attitudes passed into the Muslim world after the Ottoman sultan Abdulhamid II, under pressure from Russia, Austria, Britain and France, publicised in the 1890s his conviction that the West had re-embarked on the crusades. His argument was picked up by Arab nationalism, and in the past 30 years by a pan-Islamist revival which has globalised the nationalist conception of crusading. For jihadis like Osama bin Laden “crusaderism”, the ambition of the old Christian enemy to destroy the faithful, has been manipulating even surrogate aggression from Zionists and Marxists.
Kingdom of Heaven will feed the preconceptions of Arab nationalists and Islamists. The words and actions of the liberal brotherhood and the picture of Palestine as a Western frontier will confirm for the nationalists that medieval crusading was fundamentally about colonialism. On the other hand the fanaticism of most of the Christians in the film and their hatred of Islam is what the Islamists want to believe. At a time of inter-faith tension, nonsense like this will only reinforce existing myths. Jonathan Riley-Smith (professor of Ecclesiastical History at Cambridge)

Comment délivrer un temple qui n’a jamais existé ?

Colonialisme, fanatisme et haine de l’islam du croisé, tolérance, générosité et ouverture d’esprit du musulman …

A l’heure où, obsédés par la certes terrible et inquiétante exception du pétage de plombs meurtrier à la Kaczynski, Mc Veigh ou Goldstein que vient d’infliger à son pays le « chevalier » – autoproclamé – de l’Ordre des templiers d’Europe » norvégien Anders Breivik, nos belles âmes et nos médias oublient commodément, comme le rappelle Daniel Pipes, la règle quasi générale des massacres perpétrés par les islamistes (quelque 1000 actes par an depuis 25 ans, dont une nouvelle tentative heureusement avortée au sein même des forces armées américaines!) …

Comment ne pas repenser, au retour d’un voyage en « Terre sainte » où nous avons pu le (re)voir à l’oeuvre et de près dans les temples et les tombeaux dont il justifie l’occupation depuis des siècles, au négationnisme des représentants d’une religion et d’organisations appelant littéralement au génocide tout en en niant le précédent nazi avec lesquels nos belles âmes somment depuis des décennies Israël de négocier ?

Mais aussi, avec le professeur d’histoire ecclésiastique de Cambridge Jonathan Riley-Smith, à un exemple particulièrement illustratif de cette vision, systématiquement tronquée et issue de notre propre XIXe siècle, de l’histoire des relations entre l’Occident et l’Islam que sous prétexte de tolérance nos belles âmes comme nos islamistes eux-mêmes tentent de nous imposer jusque dans nos œuvres de fiction ou de divertissement ?

A savoir le film de Ridley Scott sur les croisades de 2005 (« Kingdom of heaven »).

Qui, au delà d’un savoir-faire certain et d’un non moins certain courage de toucher à un tel sujet en pleine guerre d’Irak comme hélas les nombreuses erreurs ou libertés factuelles, oublie systématiquement la nature essentiellement défensive des actes en question (le terme de « croisade » lui-même n’apparaissant d’ailleurs qu’à partir de la 7e et avant-dernière croisade) face à un expansionnisme musulman dont le jihad était une réalité permanente et qui avait non seulement conquis une bonne part de l’Europe avec notamment la péninsule ibérique mais détruit les lieux de culte non islamiques et sérieusement entravé le pèlerinage non islamique en « Terre sainte », la prétendue générosité ou tolérance des musulmans ayant pour l’essentiel, au gré des circonstances et des rapports de force, des motivations tactiques.

Tout comme, outre l’anachronisme inhérent à juger avec les valeurs d’aujourd’hui des actes et comportements près d’un millénaire après les faits, les coûts exhorbitants en argent comme en risques personnels et donc la dimension bien évidemment non prioritairement économique de l’entreprise, les croisés ne partant pas en Orient, comme il nous est constamment répété (y compris de la part de certains historiens dont hélas Riley-Smith lui-même), faire fortune (comme avaient tout à perdre les républiques maritimes italiennes à la désorganisation des marchés existants) et c’étaient d’ailleurs non les cadets sans terre, autre idée reçue, mais les ainés qui partaient soulignant justement l’importance tant honorifique que religieuse de l’entreprise …

Truth is the First Victim

Kingdom of Heaven has got it dramatically wrong, according to a professor of Ecclesiastical History at Cambridge

Jonathan Riley-Smith

The Times

May 5, 2005

Public perceptions of crusading are still based on early 19th-century attitudes, epitomised by the novelist Sir Walter Scott and the historian Joseph-François Michaud. Scott’s The Talisman (1825), painted a picture of unsophisticated and fanatical crusaders encountering civilised and modern-minded Muslims, whose most attractive representative was the sultan, Saladin. On the other hand, Michaud’s Histoire (1812-22), portrayed the crusaders as imperialistic heroes whose achievements heralded the rebirth of the West.

These attitudes passed into the Muslim world after the Ottoman sultan Abdulhamid II, under pressure from Russia, Austria, Britain and France, publicised in the 1890s his conviction that the West had re-embarked on the crusades. His argument was picked up by Arab nationalism, and in the past 30 years by a pan-Islamist revival which has globalised the nationalist conception of crusading. For jihadis like Osama bin Laden “crusaderism”, the ambition of the old Christian enemy to destroy the faithful, has been manipulating even surrogate aggression from Zionists and Marxists.

The actuality was different. If crusades to the Levant were imperialistic, they were expressing a form of imperialism very different from the 19th-century variety, because it was governed by the need to regain or hold the ruined fragments of a cave in the middle of Jerusalem. For most crusaders there was no prospect of material gain, only great expenditure on enterprises that were arduous and dangerous. Christian holy war is abhorrent to us, but we have to accept that fact that our ancestors were attracted by a vibrant ideology, based on a coherent theology which to some extent constrained it. Crusades cannot be defined solely in terms of inter-faith relations as many of them were waged against opponents who were not Muslim, but, what- ever the theatre of war, an expedition could not be launched to spread Christianity or Christian rule, but had to be a defensive reaction to an injury perpetrated by another.

Some of the arguments used by the propagandists look specious to us, but the fact remains that they had to make a good case, because crusading depended on the recruitment of volunteers and the public had to be convinced that a particular cause was worth while. No one could have got away with a justification as thin as that presented for the invasion of Iraq in 2003.

The makers of the Kingdom of Heaven follow a modified version of the constructs of Scott and Michaud. A cruel, avaricious and cowardly Christian clergy preaches hatred against the Muslims and most of the crusaders and settlers are equally stupid and fanatical. At the same time the Holy Land is portrayed as a kind of early America, a New World welcoming enterprising immigrants from an impoverished and repressive Europe. And in the midst of all the bigotry a brotherhood of liberal-minded men has vowed to create an environment in which all religions will co-exist in harmony and is in touch with Saladin, who shares its aim of peace.

This is invention. There was no brotherhood of free thinkers. There did not need to be, because within a decade or two of their occupation of Palestine the crusaders had adopted a policy of toleration, based on the Muslim treatment of subject Christians and Jews. Muslim and Jewish shrines, mosques and synagogues were open. Muslims worshipped even in Christian shrines and churches and there was at least one mosque-church. Of course the toleration was necessary if the natives were to be kept quiet, but it is a different reality from that portrayed in the film.

No one can object to romantic fiction, but the film-makers have boasted that “authenticity coloured every facet of the production”. If so, they have not had good advice; not even the city of Jerusalem is sacrosanct, with a non-existent mountain, supposedly denoting Calvary, rising incongruously out of the town. Worse, where they could have created fictional characters they have opted for real historical personalities whom they have distorted ruthlessly. The characters and careers of the hero, his lover, her husband, the king and Saladin have been re-manufactured to suit the needs of the script.

Kingdom of Heaven will feed the preconceptions of Arab nationalists and Islamists. The words and actions of the liberal brotherhood and the picture of Palestine as a Western frontier will confirm for the nationalists that medieval crusading was fundamentally about colonialism. On the other hand the fanaticism of most of the Christians in the film and their hatred of Islam is what the Islamists want to believe. At a time of inter-faith tension, nonsense like this will only reinforce existing myths.

HACKING THROUGH THE CRUSADER FACT AND FICTION

The Kingdom of Jerusalem

Fact: by the year 1186, when Kingdom of Heaven takes place, the crusaders had been in control of Jerusalem since 1099.

Fiction: The film opens with Muslims and crusaders coexisting in a fragile peace, but skirmishes were continuing in the region.

Balian of Ibelin (Orlando Bloom)

Fact: Balian served King Baldwin IV and helped to organise the city’s defence against Saladin.

Fiction: Balian is first depicted as a humble artisan, but he was an established lord. There is no evidence that he fell in love with Sibylla, played by Eva Green.

Godfrey of Ibelin (Liam Neeson)

Fact: Many French noblemen travelled to the Holy Land to make their fortune during the crusades.

Fiction: The man who is supposed to be Balian’s real father never actually existed.

King Baldwin IV (Edward Norton)

Fact: The ailing King of Jerusalem did indeed suffer from leprosy from childhood.

Fiction: Not only did Baldwin not cover his face in public, but he died a year before the events of the film take place.

Saladin (Ghassan Massoud)

Fact: The Muslim leader was generous to the enemies he respected, including Richard I.

Fiction: That didn’t stop him hacking off the heads of his Christian foes when it suited.

Voir aussi :

Le terrorisme norvégien en contexte

Daniel Pipes

National Review Online

27 juillet 2011

Version originale anglaise: Norway’s Terrorism in Context

Adaptation française: Johan Bourlard

Vue de loin, la Scandinavie, dont les familles royales et les Premiers ministres vivent pratiquement sans protection rapprochée, peut sembler idyllique. Toutefois, cette région a eu sa part de violence, notamment les assassinats, en Suède, du Premier ministre Olof Palme et de la ministre des Affaires étrangères Anna Lindh, ou encore les massacres dans deux écoles de Finlande, perpétrés en l’espace d’un an, l’un tuant huit personnes, l’autre dix. Pour le dire autrement, la folie meurtrière d’Anders Behring Breivik n’est pas tout à fait sans précédent.

Dans le passé, on savait, et c’était commode, que des actes fous tels que ceux de Breivik étaient le fait d’individus sous l’emprise d’idéologies extrémistes. Ce n’est pas le cas de Breivik. Ce terroriste compte parmi ses auteurs favoris George Orwell, Thomas Hobbes, John Stuart Mill, John Locke, Adam Smith, Edmund Burke, Ayn Rand et William James. La rupture entre le conservatisme politique classique de Breivik et sa démence présente un dilemme et un défi aussi neufs que choquants.

Behring Breivik a plagié Ted Kaczynski, surnommé Unabomber.

Ceci dit, il n’y a aucune raison de penser que Behring Breivik ait un quelconque émule ni qu’aucun autre conservateur classique cherche à l’imiter dans le massacre de socialistes. Cela n’est jamais arrivé et cela ne se reproduira probablement plus jamais. Cette folie macabre constitue une exception.

Et pourtant, cette exception nous montre, à nous conservateurs, que nous devons être conscients d’un danger auquel nous n’avions pas pensé. Nous pouvons certes nous opposer aux socialistes mais nous ne pouvons pas les dénigrer.

Compte tenu du soin méticuleux avec lequel Breivik a planifié non seulement ses attentats à la bombe et sa fusillade mais aussi la mise en ligne d’un manifeste et d’une vidéo et compte tenu de son projet de faire de son procès une mise en scène politique, son terrorisme apparaît finalement comme destiné surtout à attirer l’attention sur ses opinions politiques. En effet, lors de sa comparution initiale le 25 juillet, il a, selon l’Associated Press, présenté la violence « comme du « marketing » pour son manifeste » intitulé 2083 – A European Declaration of Independence (2083 – Une déclaration d’indépendance européenne).

En ce sens, Behring Breivik ressemble à Ted Kaczynski, surnommé Unabomber, qui a utilisé la violence comme un moyen de promotion pour son manifeste de 1995 intitulé Industrial Society and Its Future (La société industrielle et son avenir). En effet, le lien entre les deux est très étroit : Hans Rustad montre, documents à l’appui, à quel point Behring Breivik a plagié Kaczynski et n’en a changé que certains mots-clés.

Si on ajoute à ces deux cas, ceux de Timothy Mc Veigh (l’auteur des attentats à la bombe d’Oklahoma City en 1995) et Baruch Goldstein (l’auteur du massacre d’Hébron en 1994), on obtient les quatre exceptions marquantes à la règle quasi générale des massacres perpétrés par les islamistes. Un site internet, TheReligionOfPeace.com, dénombre 17 500 actes terroristes commis au nom de l’Islam ces dix dernières années ; en extrapolant, on arrive à 25 000 actes depuis 1994. Nous sommes donc en présence de deux phénomènes d’ampleurs très différentes. Comme l’observe David P. Goldman, « il y a un monde de différence entre l’usage organisé de l’horreur par les terroristes et les actions dépravées d’individus. » Certes, nous devons nous inquiéter aussi de la violence non-islamiste, mais l’islamisme dans toutes ses variantes est prédominant et le restera étant donné sa nature extrémiste.

Ravi Shankar, rédacteur en chef du New Indian Express, écrit que « ce qui s’est passé à Oslo vendredi peut être le germe d’une nouvelle guerre civile – opposant les Européens musulmans et chrétiens entre eux. » Il pourrait bien avoir raison. Comme je le soutenais dans une analyse de 2007, « Les options peu engageantes de l’Europe », l’avenir du continent consistera probablement soit en une islamisation soit en un conflit civil de longue durée. J’évoquais alors la possibilité selon laquelle « les Européens indigènes – qui constituent toujours 95% de la population du continent – se réveillent un jour et imposent leur volonté. « Basta ! », diront-ils, en restaurant leur ordre historique. Cela n’est pas si improbable ; un mouvement d’irritation se fait jour en Europe, moins parmi les élites qu’au sein des masses, qui proteste bruyamment devant l’évolution en cours. »

Bien qu’il ait attaqué des socialistes, et pas des musulmans, Behring Breivik s’inscrit clairement dans ce mouvement d’irritation. Plus largement, il s’inscrit dans le cadre d’une violence grandissante entre chrétiens et musulmans que l’on observe du Nigéria aux Philippines, en passant par l’Irak.

Comme on pouvait s’y attendre, Behring Breivik appartient à l’école de pensée selon laquelle « l’Islam est le mal », ce qu’il indique d’ailleurs à plusieurs reprises dans son manifeste :

« … un Islam tolérant est une contradiction et la « création » d’un passé tolérant de l’Islam en vue d’apaiser la position des musulmans libéraux est un leurre.

… pour extraire la violence de l’Islam il faudrait lui faire renoncer à deux choses : au Coran en tant que parole d’Allah et à Mahomet en tant que prophète d’Allah. En d’autres termes, pour pacifier l’Islam il faudrait le transformer en ce qu’il n’est pas.

L’Islam aujourd’hui est ce qu’il est depuis quatorze siècles : violent, intolérant et expansionniste. C’est une folie de croire que nous serons, en l’espace de quelques années ou décennies, en mesure de changer la conception fondamentale du monde qui est celle d’une civilisation étrangère. La nature violente de l’Islam doit être acceptée comme un fait.

Beaucoup, du côté des conservateurs modérés, ont suggéré que l’interdiction de la charia résoudrait tous nos problèmes et forcerait les musulmans à s’intégrer. Malheureusement, l’Islam est un peu plus résistant qu’on le pense souvent… Extraire la charia (et tous les aspects politiques) de l’Islam est tout simplement impossible. »

Cette position diffère fondamentalement de la mienne puisque selon moi « l’islam radical est le problème, l’islam modéré est la solution ». Bien qu’elles aient des adversaires communs, ces deux conceptions divergent sur la nature de l’islam, ses capacités de changement et la possibilité de s’allier à des musulmans.

Outre le fait d’avoir massacré des Norvégiens innocents, Behring Breivik a porté un coup au conservatisme, à l’antidjihad et (surtout) aux auteurs – dont je fais partie – qu’il cite dans ses écrits. Une lecture attentive de son manifeste laisse supposer qu’il y a eu préméditation. Observant que son ancienne affiliation au parti conservateur, le Parti du Progrès, nuirait à celui-ci, il se montre satisfait, pensant que cela favorisera ses objectifs révolutionnaires :

« Je me réjouis à l’idée que les médias norvégiens persécutent et enfoncent le Parti du Progrès pour le fait que j’ai adhéré à celui-ci par le passé. Ce n’est pas une chose négative de voir qu’un nombre croissant de Norvégiens verra alors ses « illusions de changement démocratique » brisées (si le Parti du Progrès est anéanti par les médias multiculturalistes) et préférera recourir à la résistance armée. »

Dans le même esprit, il écrit : « L’Amérique en tant qu’État est bai*ée, et que les dieux en soient remerciés. »

Par extension, Behring Breivik peut très bien avoir voulu faire du tort aux analystes de l’Islam cités dans son manifeste. Ainsi il me qualifie de « modéré », ce qui n’est bien sûr pas un compliment, et rejette jusqu’aux critiques de l’Islam les plus durs qu’il accuse de manquer de courage :

« Si les auteurs qui écrivent sur des sujets liés à Eurabia et à l’islamisation de l’Europe – Fjordman, Spencer, [Bat] Ye’or, Bostom, etc. – ne parlent pas ouvertement d’expulsion, c’est parce que cette méthode est jugée trop extrême (et pourrait dès lors ternir leur réputation)… Si ces auteurs ont trop peur de propager une révolution conservatrice et une résistance armée, alors c’est à d’autres auteurs qu’il reviendra de le faire. »

Behring Breivik espère nuire à toute personne qu’il perçoit comme un obstacle à la révolution dont il rêve. Pour le moment, du moins, il a réussi.

Voir également :

Le mal européen et la Norvège

Guy Millière

Drzz

1er août 2011

Une semaine après les faits, un regard d’ensemble sur la réaction des médias français et européens face aux actes abominables commis par Anders Breivik s’impose, et montre une cécité consternante et, hélas, significative.

Anders Breivik est « chrétien », s’obstine-t-on à dire quasiment partout. En dehors d’une vague référence à l’ordre des Templiers, le rapport de Breivik au christianisme est pourtant très mince : il semble que la volonté d’incriminer un « chrétien », même s’il n’est pas chrétien soit la plus forte. Pourquoi cette haine du christianisme ? Le christianisme repose sur le respect de l’être humain, la compassion, l’éthique : tout ce que Breivik est venu fouler aux pieds.

Anders Breivik est d’« extrême-droite », continue-t-on à lire. Les références que Breivik donne dans le galimatias de mille cinq cent pages qu’il a rédigé sont hétéroclites, et vont d’Hitler à l’extrême gauche en passant par l’écologisme radical, mais, puisqu’il cite aussi des auteurs d’extrême droite, et divers auteurs conservateurs, il est clair que la volonté de pointer du doigt l’«extrême droite », et d’en profiter pour amalgamer extrême-droite et conservatisme, ressemble pour certains à une véritable aubaine. Pourquoi cette haine du conservatisme et cette volonté perverse de l’associer à l’« extrême-droite » ? Pourquoi, surtout, cette ignorance de ce qu’est le conservatisme du monde qui parle anglais (celui que cite Breivik) ? Le conservatisme du monde qui parle anglais respecte l’individu, la vie, est partisan d’un gouvernement limité à ses fonctions régaliennes : il n’a strictement rien à voir avec l’embrigadement militariste, collectiviste et belliciste du fascisme ou du national-socialisme que cite obsessionnellement Breivik.

Anders Breivik est « islamophobe », est-il ajouté sans cesse, et Breivik cite effectivement presque tous ceux qui ont écrit de manière critique sur l’islam dans le monde occidental aujourd’hui. Breivik dit aussi qu’il est prêt à passer des alliances avec les islamistes pour détruire l’ordre ancien et établir un ordre figé du chacun chez soi, les islamistes en terre d’islam et les Templiers en terre d’Europe : mais cela, les médias français et européens ne l’ont pas remarqué. Et ils ne disent, à ce jour, strictement rien des alliances que Breivik envisageait de passer avec les islamistes. Pourquoi cet aveuglement sur les alliances que Breivik évoquait avec les islamistes ? Et pourquoi ne pas dire que les islamologues cités par Breivik proposent d’adopter une démarche très différente, et qui n’a strictement rien à voir avec ce qu’écrit Breivik : combattre l’islam radical par la force s’il le faut, mais surtout par les idées, assumer la globalisation, dire que ce que sera l’islam en Europe dépendra de ce qu’est l’islam mondial. Breivik cite des islamologues dont il ne reprend fondamentalement en rien les analyses.

Anders Breivik s’en prend au « multiculturalisme », est-il noté enfin. Et c’est exact. Mais il tient aussi des propos antisémites et énonce un regret très explicite qu’Hitler n’ait pas expulsé tous les Juifs d’Europe, et ait commis « l’erreur » d’en tuer beaucoup, sans quoi il serait un « grand homme » : cela les médias français et européens ne l’ont pas vu. Certains journalistes le présentent, au contraire, comme un ami d’Israël, quasiment un « sioniste ». Y aurait-il chez eux une volonté d’assimiler « sionisme » à « extrême-droite » ? Je le pense. Y aurait-il une dimension antisémite dans la réaction médiatique française et européenne. Pourquoi, sinon, avoir décrit Breivik comme un ami de la cause israélienne ? Breivik est fondamentalement antisémite et accepte Israël comme un moyen de vider l’Europe de toute présence juive : il n’a rien d’un philosémite ou d’un ami d’Israël.

***

Il semble évident qu’Anders Brevik est mentalement malade et vecteur d’une forme de psychose paranoïaque : celle-ci ne l’empêchant pas du tout d’être très déterminé, et d’avoir une logique dans son délire et d’avoir écrit un galimatias. C’est ce qui se dit dans la presse conservatrice américaine, analyses à l’appui, et je pense que c’est exact.

Il semble évident qu’Anders Breivik est un homme isolé, qui a conçu son plan et rédigé son manuscrit tout seul, même s’il semble avoir rencontré des membres de la (plutôt fasciste) British Defense League. C’est ce qui se dit dans la presse conservatrice américaine toujours, analyses à l’appui, toujours. Et je pense que, jusqu’à preuve du contraire, cela correspond aux faits.

Il semble évident, ajouterai-je, que nul ne pourrait suivre la logique d’Anders Breivik, sauf, peut-être un autre homme atteint du même dérangement mental : nul, sauf un malade dans un état grave ne peut imaginer susciter un soulèvement de « Templiers » en massacrant des adolescents et en posant une bombe dans un centre ville.

Il semble que si on veut tenter de trouver un sens dans le galimatias écrit par Anders Breivik, ce sens soit à chercher dans une référence délirante aux Templiers, mais pas du tout dans le christianisme, dans des relents fascistes, nationaux socialistes, mais pas du tout dans le conservatisme (et surtout pas dans le conservatisme qu’il cite), dans une idée du chacun chez soi et d’alliances tactiques avec les islamistes, et pas du tout dans un rejet de l’islam en lui-même, dans une idée de la pureté des cultures teintée d’antisémitisme, et pas du tout dans le philosémitisme.

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Il semble évident aussi, ce doit être précisé en ce contexte, que le délire d’Anders Breivik s’est trouvé alimenté par une réalité : la dérive de l’Europe vers une police de la pensée généralisée qui annihile la réflexion, et la remplace par une bouillie informe, faite de détestations vagues vis-à-vis de tout ce qui serait extérieur à une pensée unique génériquement social-démocrate, et le glissement parallèle de l’Europe vers l’émergence de zones de non droit, de bandes ethniques et de poussées islamistes.

Dans une démocratie fonctionnant normalement, il existe une liberté de parole, des débats logiques et rationnels, et tous les problèmes peuvent être abordés en regardant la réalité en face.

Dans les sociétés européennes, qui n’ont plus rien de démocratique et qui ressemblent, comme vient de le rappeler à juste titre Caroline Glick, à la « démocratie totalitaire » décrite par Jacob Talmon dans ses analyses de la Terreur sous la Révolution française, la liberté de parole est asphyxiée, les débats disparaissent au profit des anathèmes et des amalgames, et il est impossible d’aborder certains problèmes sans recourir à une langue de bois, qui voile soigneusement certains faits et rend tabou de les évoquer. Cela n’incite pas ceux qui souffrent de cette situation d’ensemble, ou qu’elle révolte, à adopter un comportement violent.

Mais une telle situation d’ensemble, lorsqu’elle croise la trajectoire d’un malade mental peut alimenter certains délires et entraîner certains comportements.

Les Norvégiens se demandent aujourd’hui comment la Norvège, paradis policé du politiquement correct, a pu produire un Anders Breivik : je dirai que précisément, en étant un paradis policé du politiquement correct, de la pensée unique et de la bouillie susdite, et en se laissant gagner par des enclaves de non droit, par la développement de bandes ethniques et par des poussées islamistes sans pouvoir répondre, la Norvège constituait un terrain fertile pour qu’un Anders Brevik puisse y émerger.

Les médias français et européens se demandent gravement ce qui s’est passé, et leurs réponses biaisées, faussées, falsifiées par le politiquement correct, la pensée unique et la bouillie ne permettent pas de comprendre, au contraire. Elles témoignent de l’ampleur du mal européen qui plonge ce continent vers l’agonie et un lent chaos.

***

C’est en détruisant la démocratie et la liberté de parole, en installant une police de la pensée, une pensée unique, et une bouillie qui empêche de comprendre quoi que ce soit, qu’on produit des malades mentaux qui se conduisent comme Anders Breivik. Celui-ci est une abominable exception. Il pourrait y avoir d’autres exceptions, hélas.

Les médias français et européens, en continuant obstinément à aller dans la même direction, mettent en place les conditions faisant qu’il peut risquer effectivement d’y avoir d’autres abominables exceptions. Les dirigeants politiques parlent globalement comme les médias.

***

Au lendemain de la Deuxième Guerre Mondiale, des dirigeants européens ont construit, au nom du rejet du fascisme et du national-socialisme, un édifice absolutiste reposant fondamentalement sur la défiance vis-à-vis de la démocratie, sur la défiance vis-à-vis du marché, sur la remise du pouvoir à des technocrates censés être « éclairés » et avoir les « bonnes idées », sur des orientations de type social-démocrate.

La suite est connue : constitution d’Etats providence hypertrophiés, prise en main des médias, des universités, de tout le secteur de l’enseignement par les tenants des « bonnes idées », dissémination par ce biais d’un rejet graduel de tout ce que la civilisation occidentale a produit de plus fécond, et que christianisme, conservatisme au sens où je l’ai défini plus haut, et judaïsme, préservent et incarnent, diffusion d’un relativisme généralisé.

Les résultats sont là : la démocratie est très largement abolie en Europe, ce qui entraîne des révoltes des peuples, les marchés dirigés sont asthéniques, les « bonnes idées » des technocrates ont construit un château de carte en train de s’effondrer, les Etats providence sont en faillite, les « bonnes idées » sont hégémoniques, la haine du christianisme, du conservatisme, du judaïsme, se disséminent, le relativisme produit tout à la fois la non intégration de fragments vastes des communautés musulmanes, et la crispation symétrique de gens qui glissent vers l’extrémisme de droite, pour certains, vers l’extrémisme de gauche pour d’autres.

A l’intersection de la crispation et de la maladie mentale, il peut y avoir un Anders Breivik et des atrocités.

***

L’Europe qui s’est construite ressemble à une grande fuite en avant vers un précipice.

Dans cette fuite en avant, il y a d’autres ingrédients dont il faut parler : une attitude d’apaisement vis-à-vis de l’islam radical qui a pour pendant des réactions de haine globale pour les populations musulmanes. La montée d’un « antisionisme » qui n’est qu’un masque supplémentaire pour le nouvel antisémitisme européen et permet, au nom de l’apaisement, à cet antisémitisme de se mêler à l’antisémitisme islamique.

La Norvège est un pays qui incarne la quintessence de la fuite en avant européenne, même si elle n’est pas dans l’Union Européenne. L’économie y garde une apparence de prospérité parce qu’existe l’effet de rente venu d’exploitations pétrolières : ce n’est pas une prospérité reposant sur la création entrepreneuriale. La Norvège est aussi l’un des pays européens qui vont le plus loin dans la direction de l’apaisement vis-à-vis de l’islam radical. C’est l’un des pays les plus antisémites d’Europe, et c’est le pays le plus « antisioniste » d’Europe.

Les jeunes socialistes norvégiens sur lesquels Anders Breivik a tiré étaient réunis dans un camp de formation très politiquement correct, très « pensée unique », très porteur d’apaisement vis-à-vis de l’islam radical, et très imprégné d’antisémitisme déguisé en « antisionisme ».

Ces jeunes très politiquement corrects et très « pensée unique » rêvaient de soutien au terrorisme arabe pourvu qu’il tue des Juifs, et ne craignaient donc pas un attentat islamiste. C’est un autre type d’attentat auquel ils ne s’attendaient pas, qui a pris leur vie.

Avoir vu, quelques jours plus tard, l’ambassadeur de Norvège en Israël donner un entretien à un quotidien israélien, le Maariv, et justifier le terrorisme « palestinien », incriminer Israël, soutenir le Hamas, dire que les attentats d’Oslo n’étaient pas justifiés mais que ceux qui tuent des Juifs en Israël le sont, a montré ce qu’est la Norvège aujourd’hui, et ce que pourrait devenir l’Europe si on continue à y dire et à y écrire ce qu’on y dit et ce qu’on y écrit.

PS : Les « jeunes du Fatah » viennent de publier un communiqué condamnant les attentats d’Oslo. Perdre des compagnons de lutte est toujours triste. Ils ne pourront plus rêver ensemble de tuer des Juifs. Les « jeunes du Fatah » avaient été invités l’an dernier sur l’île d’Utoya par les jeunes travaillistes norvégiens. Aucun communiqué n’a été publié par les « jeunes » du Hamas.

Voir enfin :

« 2083, Une déclaration européenne d’indépendance » ou le petit manuel du néo-croisé

Libération

25/07/2011

Manifeste, pamphlet, utopie réactionnaire, ouvrage d’anticipation, guide pratique du terroriste ou délire narcissique? Le volumineux texte (1518 pages) envoyé à 5700 personnes par le tueur norvégien Anders Behring Breivik est un peu tout ça à la fois. Intitulé 2083, Une déclaration européenne d’indépendance, il se veut le manuel de référence du néo-croisé.

La couverture est ornée de la croix des Templiers et d’un incipit emprunté à Bernard Clairvaux, moine cistercien français du XIIe siècle, resté célèbre pour avoir joué un rôle actif dans la seconde croisade et dans le projet de guerre sainte de la chrétienté contre l’islam. Le texte daté de 2011 est signé d’Andrew Berwick, pseudo anglicisé du tueur norvégien.

Plagiant sans le citer un ouvrage du théoricien paléo-conservateur (par opposition à néo-conservateur) américain William.S.Lind, Breivik commence par définir l’ennemi, le «politiquement correct». Il est incarné par ce qu’il nomme le marxisme culturel et ses figures supposées que sont George Lukacs, Antonio Gramsci ou les membres de l’école de Francfort (Marcuse et Adorno). Leur tort présumé: avoir sapé les fondements de la civilisation européenne en favorisant l’émergence du multiculturalisme. Et avec lui de l’islam. Car c’est bien là l’obsession de Breivik et presque toutes les pages de son surnommé «compendium 2083» font part de l’inquiétude et de l’urgence de l’auteur à combattre «l’islamisation de l’Europe» et son allié le «marxisme culturel».

Guerre de reconquête

Toute la première partie est un amas de textes conservateurs plus ou moins bien articulés et empruntés à toutes les mouvances de la droite et de l’extrême droite. Un seul objectif: convaincre le lecteur que face à la menace islamiste, la guerre de reconquête est inéluctable. Et passe par des attaques ciblées contre les tenants du multiculturalisme accusé d’avoir orchestré une invasion et de nier la dangerosité de l’islam en Europe, aidés en cela par les gouvernement nationaux et européens.

Pour appuyer cette démonstration, sont notamment convoqués – de façon plus ou moins honnêtes, certaines libertés étant prises avec les textes d’origines et les auteurs n’étant pas toujours cités – l’orientaliste paganiste Koenrad Elst, le terroriste technophobe Theodor Kaczynski, le néoconservateur Daniel Pipes ou Robert Spencer. Ce dernier, tient un site, Jihad Watch, critiqué pour ces positions islamophobes, et auquel Breivik fait référence à de nombreuses reprises.

Un nom revient sans cesse au fil des pages, celui du blogueur norvégien anonyme Fjordman qui ressasse au fil de ses chroniques la menace que font peser l’immigration et l’islam sur la société occidentale et fait sien le concept d’Eurabia (emprunté à l’essayiste conservatrice anglaise Bat Ye’Or). Plusieurs médias se sont demandés si Fjordman et Breivik n’étaient pas une même personne, cela est démenti par l’auteur du Compendium 2083 à la fin de l’ouvrage. Combattant déclaré d’un négationnisme historique, Breivik revisite ensuite l’histoire ancienne et récente de l’islam sous le seul prisme du jihad. Il rappelle également les heures glorieuses de l’Europe; de Charles Martel aux croisades en passant par la Reconquista sans oublier les Vikings. Pour pointer la décadence occidentale, le tueur norvégien reprend à son compte de nombreux topoï de l’extrême droite: féminisme, disparition de la figure paternelle, baisse de la natalité, emprise d’une culture de masse, médiatique ou sociologique.

Breivik, qui se définit comme un libéral économique proche des idées de l’Ecole de Vienne (Friedrich Hayek) dénonce néanmoins le capitalisme globalisé qui ferait le jeu de l’immigration. On peut noter que la très grande majorité des textes cités sont consultables sur le net et circulent sur plusieurs sites ce qui laisse à penser que c’est en grande partie par ce biais que Behring s’est informé et a construit son idéologie meurtrière.

Cette idéologie part du constat que l’ère du dialogue avec les marxistes culturels est révolue et qu’il convient désormais de passer à la guerre. Le début des hostilités est fixé à 1999, date des bombardements de l’Otan sur la Serbie. Un événement considéré par Breivik comme déterminant dans son engagement. Il se présente comme un nouveau chevalier de l’Ordre du Temple qui aurait été refondé à Londres en 2002 et compterait entre 15 et 80 membres en 2008. Puis sont définis les objectifs et les cibles de cette organisation en vue d’une reconquête européenne.

Universitaires, journalistes, politiques, musulmans

Il s’agit dans un premier temps de mener des attaques ciblées visant à faire connaître la cause et à créer de la division au sein des sociétés européennes. Sont visés en premier chef les universitaires, les journalistes, les partis de gauche et plus globalement tous les politiques soupçonnés d’adhésion à l’idéologie multiculturaliste. Les musulmans sont également une cible mais il faut, écrit-il, que les attaques soient massives de sorte qu’ils soient nombreux s’engager dans le jihad. Prétendant agir au nom de la seule efficacité de sa cause, Breivik préconise de s’attaquer en priorité à ce qu’ils ont de plus cher, leurs femmes.

Dans une espèce de délire de classification, présent tout au long du manifeste, le terroriste liste les pays les plus exposés en fonction du pourcentage de musulmans dans la population; la France arrive en tête avec une évaluation à 13,5% (bien au-delà des estimations du ministère de l’Intérieur qui évoque 5 à 6 millions de musulmans en France soit 8 à 10%). Cette phase d’attaques ciblées n’est qu’une première étape avant des actions de plus grande ampleur qui doivent conduire à une guerre civile qu’il voit synonyme de libération. Laquelle promet Breivik, aura lieu avant 2083.

Le texte se révèle être une véritable déclaration de guerre qui fixe à l’avance les conditions de la capitulation et la mise en place de tribunaux pour les traîtres multiculturalistes. Il prévoit également la déportation des musulmans d’Europe moyennant 25.000 euros par personne. Un peu plus loin, Breivik évoque 1 kilo d’or par personne. Mais ce manifeste se veut surtout un guide pour les néo-croisés. Des centaines de pages sont consacrées à la préparation des attentats, à l’armement souhaitable ou à la préparation psychologique du chevalier. Breivik suggère notamment d’écouter la chanteuse nationaliste Suédoise Saga ou de réciter…des Sourates du Coran pour discipliner son esprit sur la durée.

Le «chevalier» va jusqu’à détailler les marques d’anabolisants à prendre pour la préparation physique et envisage comme une solution crédible d’avoir un jour accès à l’arme nucléaire grâce à l’aide de nationalistes russes, serbes ou israéliens. Le choix de l’armure (différents gilets pare-balles) est détaillé sur plusieurs dizaines de pages. Soit presque autant que les passages consacrés à l’Europe libérée où Breivik convoque de nouveau des auteurs pour proposer une utopie qui prévoit la destruction des mosquées et l’abandon de la langue arabe. Il envisage aussi la refonte de l’Eglise (par une réintégration du protestantisme dans le catholicisme).

On peut d’ailleurs noter que le tueur norvégien initialement présenté comme un fondamentaliste religieux confesse une foi timide mais une croyance forte dans l’ordre incarné par l’Eglise. Autre point étonnant de la société idéale selon Breivik, la place des immigrés qui auraient le droit de venir exercer certains métiers (jardinage, bâtiment, taxis…) pour des contrats de six à douze mois et vivraient dans des quartiers communautaires. Malgré une conception martiale de la société, Breivik se défend de tout fascisme ou nazisme (se déclarant notamment allié des Juifs) et dit s’inspirer de la démocratie russe et des modèles monoculturels japonais ou sud-coréens.

Enfant privilégié, icône hip hop, ancien graffeur

La dernière partie, plus personnelle, retrace la vie de l’auteur sous la forme de questions/réponses. Breivik se présente comme un enfant privilégié, né dans une famille divorcée. Le portrait qu’il fait de son père qu’il n’a pas vu depuis 16 ans ou de son beau père, ancien militaire qui passe son temps à visiter la Thaïlande et ses prostituées, a des accents Houellebecquiens. On découvre aussi que le tueur fou est une ancienne icône du milieu hip-hop osloïte, ex graffeur, engagé à 16 ans aux jeunesse du Progress party.

Ses convictions d’extrême droite seraient nées très tôt. Il relate notamment l’histoire d’un de ses amis d’enfance, d’origine pakistanaise qui a toujours rejeté la culture norvégienne. Et mentionne aussi des filles, camarades de classe, qui auraient été renvoyées dans leur pays d’origine par leurs parents. Etrangement (ou pas), Breivik liste et décrit dans le détail les 8 agressions plutôt mineures dont il a été victime. Il évoque à chaque fois des «bandes musulmanes». Lui qui a abandonné ses études d’économie au bout de deux ans, se déclare autodidacte et calcule le nombre d’heures qu’il a consacré à la lecture dans sa vie…

Télé-opérateur puis chef d’une entreprise d’import export, il détaille ses revenus afin de ne pas passer pour un «loser nazi, malade, consanguin et pédophile». De même, Breivik tient à démentir une homosexualité que lui prêtent certains de ces amis et s’autorise même un «LOL, je suis 100 % hétéro». Cet autoportrait est très surprenant car plusieurs fiches sur l’auteur y sont compilées où il mentionne son admiration pour Churchill, Bismarck ou Radovan Karadzic et se qualifie d’ambitieux, optimiste, créatif et travailleur. Parmi ses livres de chevet: 1984 de George Orwell et le Léviathan de Thomas Hobbes.

Le manifeste s’achève par le journal de bord du tueur qui, depuis plusieurs mois, notait scrupuleusement ses pensées et ses actions quotidiennes jusqu’au jour fatidique. Sur les dernières pages, des photos couleur d’Anders Behring Breivik. La dernière le représente, accompagné de deux femmes, un collier de fleurs autour du cou.

Voir enfin:

Oslo and the Dangers of Moral Equivalence

Bruce Thornton

Frontpage Magazine

July 31, 2011

The revelation that the perpetrator of the terrorist attacks in Oslo, Anders Behring Breivik, is a self-described Christian and conservative is sure to provoke an outburst of the moral equivalence favored by apologists for jihadism. Ever since 9/11, those unwilling to confront the theology of violence in Islam have relied on the tu quoque fallacy — “you do it too” — to dismiss the role of Islamic doctrine in Muslim terrorism. In this argument, all religions have violent extremists, and so it is irrational bigotry to suggest that there’s something in Islam that makes such violence more acceptable and legitimate.

After 9/11, for example, the fact that the Oklahoma City bomber Timothy McVeigh was a nominal Methodist was presented as evidence for Christian terrorism — even though he died a self-professed unrepentant agnostic — or used as an example of how religious affiliation had nothing to do with Muslim violence, as Greg Easterbrook did in his book The Progress Paradox. The tendentious depiction of the Crusades in popular culture, as in Ridley Scott’s historically ignorant Kingdom of Heaven, went even further, suggesting that Christianity’s record of religiously inspired violence was worse than Islam’s. More recently, during Representative Pete King’s hearings into Muslim extremism in America, Representative Sheila Jackson Lee scolded King for ignoring “Christian militants.”

 Or consider the six-hour CNN documentary, God’s Warriors, which appeared in 2007. Its host Christine Amanpour not only equated the tiny number of Christian and Jewish terrorists with the vastly greater number of jihadists, but also implied that Jewish militants were the cause of Muslim violence: “The impact of God’s Jewish warriors goes far beyond these rocky hills [i.e. Jewish West Bank settlements]. The Jewish settlements have inflamed much of the Muslim world.” So, too, historian of religion Philip Jenkins, who told NPR that “the Islamic scriptures in the Quran [concerning war] were actually far less bloody and less violent than those in the Bible.” The serial apologist for jihad John Esposito wrote in his book Unholy War, “Terrorists can attempt to hijack Islam and the doctrine of jihad, but that is no more legitimate than Christian and Jewish extremists committing their acts of terrorism in their own unholy wars in the name of Christianity and Judaism.” An atheist Richard Dawkins makes the same argument, alleging that Christian fundamentalists “fuel their tanks at the same holy gas station” as Muslim terrorists.

The absurdity of these arguments is patent. First, the number of attacks attributable to self-professed Christian terrorists is miniscule compared to the toll of Islamic jihadists — 17,489 since 9/11, as counted and documented by Religion of Peace. More important, though the former terrorists may call themselves Christian, only a tiny handful of Christians would accept that label, contrary to the wide acceptance and approval of jihadist terrorism that can be found throughout the Muslim world. For example, a recent Pew survey found that one in five people in Egypt view al Qaeda favorably, the same percentage in supposedly moderate Indonesia, figures representing over 60 million people. It is unimaginable that a similar survey about Breivik would generate anything more than a rounding-error’s worth of Christians supporting him.

This fact reflects the most obvious fallacy behind the moral equivalence argument: the complete lack of anything remotely resembling a theology of violence in the Bible. Yes, there is plenty of blood and guts in the Old Testament, but as Raymond Ibrahim points out, the references to those battles are “descriptive, not prescriptive,” and reflect history rather than theology. There is nothing in the Bible remotely similar to the numerous commands to wage war against the infidel that can be found in the Koran, the hadiths, the biographies of Mohammed, and 14 centuries of Islamic jurisprudence, commentary, history, and theology.

Nor can one find Christian clerics or scholars praising and justifying religious violence, whereas numerous respected Muslim religious leaders do so on a regular basis, for the obvious reason that it is doctrinally legitimate and traditional. The continuity of this 14-century-long tradition can be traced starting with Mohammed’s farewell address in 642, when he said, “I was ordered to fight all men until they say, ‘There is no god but Allah.’” This incitement to religious violence was repeated by the Ayatollah Khomeini in 1979: “Until the cry ‘There is no God but God’ resounds over the whole world, there will be struggle.” It was repeated by bin Laden in 2001: “I was ordered to fight the people until they say there is no god but Allah, and his prophet Muhammed.” And it was quoted by the Fort Hood murderer Nidal Malik Hassan, in a power-point presentation at Walter Reed Hospital. No such tradition exists in Christianity or Judaism, because theological violence is not part of those faiths.

This reliance on moral equivalence not only obscures the causes of Muslim violence. It also leads to misunderstanding the true significance of European extremism. Rather than the expression of Christian or conservative pathology, acts like the Oslo bombing expose the bankruptcy of the EU utopian dream and its notion that nationalist loyalty and Christian identity are at best passé, at worst an expression of xenophobia or racism. EUtopia has marginalized legitimate nationalist and religious identity and exalted in its place some mythic transnational cosmopolitanism and sentimentalized multiculturalism alien to the lives of most ordinary Europeans. As such it creates the conditions in which extremist, if not neo-fascist varieties of nationalism, can flourish, particularly given the growing problems of marginalized and unassimilated Muslim immigrants.

This is not to suggest that anything is responsible for the Oslo bombing other than the actions of the bomber. But it is important to understand the correct context of those actions. As EUtopia continues to unravel, both economically and as a politico-social ideal, we can expect to see extremist parties in Europe grow larger, and violence be increasingly regarded as a legitimate response to the EUtopian assaults against national identity and cultural traditions.


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