Un semeur sortit pour semer. Comme il semait, une partie de la semence tomba le long du chemin: les oiseaux vinrent, et la mangèrent. Une autre partie tomba dans les endroits pierreux, où elle n’avait pas beaucoup de terre: elle leva aussitôt, parce qu’elle ne trouva pas un sol profond; mais, quand le soleil parut, elle fut brûlée et sécha, faute de racines. Une autre partie tomba parmi les épines: les épines montèrent, et l’étouffèrent. Une autre partie tomba dans la bonne terre: elle donna du fruit, un grain cent, un autre soixante, un autre trente. Que celui qui a des oreilles pour entendre entende. Jésus (Matthieu 3: 3-9)
Ne croyez pas que je sois venu apporter la paix sur la terre; je ne suis pas venu apporter la paix, mais l’épée. Car je suis venu mettre la division entre l’homme et son père, entre la fille et sa mère, entre la belle-fille et sa belle-mère; et l’homme aura pour ennemis les gens de sa maison. Jésus (Matthieu 10 : 34-36)
Il n’est rien de plus fécond en merveilles que l’art d’être libre ; mais il n’y a rien de plus dur que l’apprentissage de la liberté. Tocqueville
The revolution will not be televised, the revolution will be no re-run brothers; the revolution will be live.Gil Scott-Heron
En fait, la Révolution française n’est qu’un aspect d’une révolution occidentale, ou plus exactement atlantique, qui a commencé dans les colonies anglaises d’Amérique peu après 1763, s’est prolongée par les révolutions de Suisse, des Pays-Bas, d’Irlande avant d’atteindre la France en 1787 et 1789.Jacques Godechot
Les droits de l’homme n’ont pas commencé avec la Révolution française. Ils remontent à la tradition judéo-chrétienne qui a proclamé l’importance de l’individu et le caractère sacré de la personne humaine et de certains droits des individus qu’aucun gouvernement ne peut leur retirer. Nous avons eu ensuite la Grande Charte en 1215, et la Déclaration des droits au dix-septième siècle, et notre révolution tranquille de 1688, lorsque le Parlement a imposé sa volonté à la monarchie. Nous avons d’ailleurs célébré, mais discrètement, cet événement l’an dernier. Bien sûr, ce n’était pas une révolution, mais un changement dans le calme, sans bain de sang. Liberté, Egalité, Fraternité ! C’est la fraternité qui a manqué pendant longtemps. Il n’y avait que sept prisonniers lorsque la Bastille a été prise… C’est incroyable que la Terreur ait pu suivre. Certains arguments qui ont été utilisés alors, par exemple que les contre-révolutionnaires doivent être exterminés, rendent un son familier aujourd’hui. C’est le langage des communistes. Et après, vous avez eu Napoléon, un homme remarquable, dont on ne célèbre pas assez les innovations administratives et juridiques, et qui a essayé d’unifier l’Europe par la force. On ne s’en est débarrassé qu’en 1815. Non, les droits de l’homme n’ont pas commencé en France. La Révolution a été un tournant fantastique, mais aussi une période de terreur. Quand on relit les livres d’histoire, on est horrifié par de nombreux aspects de cette époque, et certains Français sont tout autant horrifiés que nous. Margaret Thatcher
Les Israéliens ont eu leur propre guerre civile en 1948, bien qu’elle n’ait duré que dix minutes. L’artillerie du premier ministre de l’époque David Ben-Gourion a coulé le transporteur d’armes Altalena avec le futur premier ministre Menachem Begin à son bord. L’Altalena appartenait au groupe d’opposition Irgun, qui a alors placé ses forces armées sous le commandement de Ben Gourion.Spengler
Un des grands problèmes de la Russie – et plus encore de la Chine – est que, contrairement aux camps de concentration hitlériens, les leurs n’ont jamais été libérés et qu’il n’y a eu aucun tribunal de Nuremberg pour juger les crimes commis.Thérèse Delpech
Il est alarmant que l’intervention militaire dans les conflits internes à l’étranger soit devenue chose ordinaire pour les États-Unis. Est-ce dans l’intérêt de l’Amérique à long terme ? J’en doute. Des millions de personnes à travers le monde considèrent de plus en plus l’Amérique non comme un modèle de démocratie, mais un modèle reposant uniquement sur la force, fabriquant artificiellement des coalitions sous le slogan du « vous êtes avec nous ou contre nous ». Vladimir Poutine
Alors que les politiciens américains des deux partis politiques continuent à faire des aller-retour entre la Maison Blanche et le Capitole, sans parvenir à un accord viable pour apporter la normalité au corps politique, et qu’ils s’en vantent, c’est peut-être le bon moment pour le monde embrouillé de commencer à envisager la construction d’un monde dé-américanisé. (…) Des jours aussi inquiétants où les destinées des autres pays sont entre les mains d’une nation hypocrite doivent prendre fin. Un nouvel ordre mondial doit être mis en place dans lequel toutes les nations, grandes ou petites, riches ou pauvres, verront leurs intérêts clés respectés et protégés sur un pied d’égalité. (…) À cette fin, plusieurs mesure fondamentales doivent être prises pour soutenir un monde dé-américanisé. (…) Pour commencer, toutes les nations doivent respecter les principes fondamentaux du droit international, y compris le respect de la souveraineté et ne pas s’ingérer dans les affaires intérieures des autres. (…) En outre, l’autorité de l’ Organisation des Nations Unies dans la gestion des points chauds du monde doit être reconnue. Cela signifie que nul n’a le droit de mener toute forme d’action militaire contre d’autres sans un mandat de l’ONU. (…) En plus de cela, le système financier mondial doit également faire l’objet de certaines réformes importantes. (…) Les économies émergentes et en développement doivent avoir davantage leur mot à dire dans les grandes institutions financières internationales, y compris la Banque mondiale et le Fonds monétaire international, afin qu’ils puissent mieux refléter les transformations du paysage économique et politique mondial. (…) Autre élément clé d’une réforme efficace, l’introduction d’une nouvelle monnaie de réserve internationale qui doit être créée pour remplacer le dollar américain dominant afin que la communauté internationale puisse s’éloigner définitivement de la contagion de la crise politique intérieure des États-Unis qui s’intensifie. (…) Bien sûr, l’objectif de ces changements n’est pas de mettre complètement de coté les États-Unis, ce qui est également impossible » conclu l’éditorialiste. « Il s’agit plutôt d’encourager Washington à jouer un rôle plus constructif dans la lutte contre les affaires mondiales.Agence Xinhua
How does a nation become self-governing when so much of « self » is so rotten? Run-of-the-mill analyses that Ukraine is a « young democracy » with corrupt elites, an ethnic divide and a bullying neighbor don’t suffice. Ukraine is what it is because Ukrainians are what they are. The former doesn’t change until the latter does. (…) that’s what people said about Ukraine during the so-called Orange Revolution in 2004, or about Lebanon’s Cedar Revolution in 2005, or about the Arab Spring in 2011. The revolution will be televised—and then it will be squandered. (…) The homo Sovieticus Ukrainians should fear the most may not be Vladimir Putin after all. Bret Stephens
The son of the Ukrainian president, Viktor Yushchenko, has been fined approximately £2 for a minor traffic violation, in an attempt by the fledgling administration to defuse a row over the 19-year-old’s conduct. Andriy Yushchenko has been criticised in the Ukrainskaya Pravda internet newspaper – which helped foment protests in support of his pro-western father during the orange revolution last year – for his allegedly luxurious lifestyle. A series of articles entitled « the Son of God » claimed that the university student drove a rare BMW M6 car costing £90,000, employed a private bodyguard, and had a luxury platinum Vertu mobile phone worth up to £20,000. The paper also said Andriy, whose father fired the entire traffic police for widespread corruption and rudeness, acted « arrogantly », and parked his car illegally. They added that he drank French champagne at a nightclub called Decadance, and paid expensive restaurant bills with a roll of cash.The Guardian
Western countries almost all extended the right to vote long after the establishment of sophisticated political systems, with powerful civil services and entrenched constitutional rights, in societies that cherished the notions of individual rights and independent judiciaries. The Economist
Les révolutions télévisées sont-elle nécessairement condamnées ?
Révolution des Roses (Géorgie, 2003), révolution orange (Ukraine, 2004), révolution des Tulipes (Kirghizistan, 2005), révolution du Cèdre (Liban, 2005), révolution pourpre (Irak, 2005), révolution bleue (Koweit, 2005), révolution verte (Iran, 2009), printemps arabe (Tunisie: 2010, Egypte et Syrie: 2011) …
A l’heure où, dix ans à peine après la déception de la Révolution orange, une Ukraine plus divisée mais aussi plus corrompue que jamais semble repartie pour un tour …
Pendant qu’en Chine comme en Russie les successeurs des auteurs toujours impunis du plus grand massacre de l’histoire se paient le luxe d’ironiser sur les limites du modèle démocratique …
Democracy was the most successful political idea of the 20th century. Why has it run into trouble, and what can be done to revive it?
The Economist
March 1, 2014
THE protesters who have overturned the politics of Ukraine have many aspirations for their country. Their placards called for closer relations with the European Union (EU), an end to Russian intervention in Ukraine’s politics and the establishment of a clean government to replace the kleptocracy of President Viktor Yanukovych. But their fundamental demand is one that has motivated people over many decades to take a stand against corrupt, abusive and autocratic governments. They want a rules-based democracy.
It is easy to understand why. Democracies are on average richer than non-democracies, are less likely to go to war and have a better record of fighting corruption. More fundamentally, democracy lets people speak their minds and shape their own and their children’s futures. That so many people in so many different parts of the world are prepared to risk so much for this idea is testimony to its enduring appeal.
Yet these days the exhilaration generated by events like those in Kiev is mixed with anxiety, for a troubling pattern has repeated itself in capital after capital. The people mass in the main square. Regime-sanctioned thugs try to fight back but lose their nerve in the face of popular intransigence and global news coverage. The world applauds the collapse of the regime and offers to help build a democracy. But turfing out an autocrat turns out to be much easier than setting up a viable democratic government. The new regime stumbles, the economy flounders and the country finds itself in a state at least as bad as it was before. This is what happened in much of the Arab spring, and also in Ukraine’s Orange revolution a decade ago. In 2004 Mr Yanukovych was ousted from office by vast street protests, only to be re-elected to the presidency (with the help of huge amounts of Russian money) in 2010, after the opposition politicians who replaced him turned out to be just as hopeless.
Between 1980 and 2000 democracy experienced a few setbacks, but since 2000 there have been many
Democracy is going through a difficult time. Where autocrats have been driven out of office, their opponents have mostly failed to create viable democratic regimes. Even in established democracies, flaws in the system have become worryingly visible and disillusion with politics is rife. Yet just a few years ago democracy looked as though it would dominate the world.
In the second half of the 20th century, democracies had taken root in the most difficult circumstances possible—in Germany, which had been traumatised by Nazism, in India, which had the world’s largest population of poor people, and, in the 1990s, in South Africa, which had been disfigured by apartheid. Decolonialisation created a host of new democracies in Africa and Asia, and autocratic regimes gave way to democracy in Greece (1974), Spain (1975), Argentina (1983), Brazil (1985) and Chile (1989). The collapse of the Soviet Union created many fledgling democracies in central Europe. By 2000 Freedom House, an American think-tank, classified 120 countries, or 63% of the world total, as democracies.
Representatives of more than 100 countries gathered at the World Forum on Democracy in Warsaw that year to proclaim that “the will of the people” was “the basis of the authority of government”. A report issued by America’s State Department declared that having seen off “failed experiments” with authoritarian and totalitarian forms of government, “it seems that now, at long last, democracy is triumphant.”
Such hubris was surely understandable after such a run of successes. But stand farther back and the triumph of democracy looks rather less inevitable. After the fall of Athens, where it was first developed, the political model had lain dormant until the Enlightenment more than 2,000 years later. In the 18th century only the American revolution produced a sustainable democracy. During the 19th century monarchists fought a prolonged rearguard action against democratic forces. In the first half of the 20th century nascent democracies collapsed in Germany, Spain and Italy. By 1941 there were only 11 democracies left, and Franklin Roosevelt worried that it might not be possible to shield “the great flame of democracy from the blackout of barbarism”.
The progress seen in the late 20th century has stalled in the 21st. Even though around 40% of the world’s population, more people than ever before, live in countries that will hold free and fair elections this year, democracy’s global advance has come to a halt, and may even have gone into reverse. Freedom House reckons that 2013 was the eighth consecutive year in which global freedom declined, and that its forward march peaked around the beginning of the century. Between 1980 and 2000 the cause of democracy experienced only a few setbacks, but since 2000 there have been many. And democracy’s problems run deeper than mere numbers suggest. Many nominal democracies have slid towards autocracy, maintaining the outward appearance of democracy through elections, but without the rights and institutions that are equally important aspects of a functioning democratic system.
Faith in democracy flares up in moments of triumph, such as the overthrow of unpopular regimes in Cairo or Kiev, only to sputter out once again. Outside the West, democracy often advances only to collapse. And within the West, democracy has too often become associated with debt and dysfunction at home and overreach abroad. Democracy has always had its critics, but now old doubts are being treated with renewed respect as the weaknesses of democracy in its Western strongholds, and the fragility of its influence elsewhere, have become increasingly apparent. Why has democracy lost its forward momentum?
The return of history
THE two main reasons are the financial crisis of 2007-08 and the rise of China. The damage the crisis did was psychological as well as financial. It revealed fundamental weaknesses in the West’s political systems, undermining the self-confidence that had been one of their great assets. Governments had steadily extended entitlements over decades, allowing dangerous levels of debt to develop, and politicians came to believe that they had abolished boom-bust cycles and tamed risk. Many people became disillusioned with the workings of their political systems—particularly when governments bailed out bankers with taxpayers’ money and then stood by impotently as financiers continued to pay themselves huge bonuses. The crisis turned the Washington consensus into a term of reproach across the emerging world.
Meanwhile, the Chinese Communist Party has broken the democratic world’s monopoly on economic progress. Larry Summers, of Harvard University, observes that when America was growing fastest, it doubled living standards roughly every 30 years. China has been doubling living standards roughly every decade for the past 30 years. The Chinese elite argue that their model—tight control by the Communist Party, coupled with a relentless effort to recruit talented people into its upper ranks—is more efficient than democracy and less susceptible to gridlock. The political leadership changes every decade or so, and there is a constant supply of fresh talent as party cadres are promoted based on their ability to hit targets.
China says its model is more efficient than democracy and less susceptible to gridlock
China’s critics rightly condemn the government for controlling public opinion in all sorts of ways, from imprisoning dissidents to censoring internet discussions. Yet the regime’s obsession with control paradoxically means it pays close attention to public opinion. At the same time China’s leaders have been able to tackle some of the big problems of state-building that can take decades to deal with in a democracy. In just two years China has extended pension coverage to an extra 240m rural dwellers, for example—far more than the total number of people covered by America’s public-pension system.
Many Chinese are prepared to put up with their system if it delivers growth. The 2013 Pew Survey of Global Attitudes showed that 85% of Chinese were “very satisfied” with their country’s direction, compared with 31% of Americans. Some Chinese intellectuals have become positively boastful. Zhang Weiwei of Fudan University argues that democracy is destroying the West, and particularly America, because it institutionalises gridlock, trivialises decision-making and throws up second-rate presidents like George Bush junior. Yu Keping of Beijing University argues that democracy makes simple things “overly complicated and frivolous” and allows “certain sweet-talking politicians to mislead the people”. Wang Jisi, also of Beijing University, has observed that “many developing countries that have introduced Western values and political systems are experiencing disorder and chaos” and that China offers an alternative model. Countries from Africa (Rwanda) to the Middle East (Dubai) to South-East Asia (Vietnam) are taking this advice seriously.
China’s advance is all the more potent in the context of a series of disappointments for democrats since 2000. The first great setback was in Russia. After the fall of the Berlin Wall in 1989 the democratisation of the old Soviet Union seemed inevitable. In the 1990s Russia took a few drunken steps in that direction under Boris Yeltsin. But at the end of 1999 he resigned and handed power to Vladimir Putin, a former KGB operative who has since been both prime minister and president twice. This postmodern tsar has destroyed the substance of democracy in Russia, muzzling the press and imprisoning his opponents, while preserving the show—everyone can vote, so long as Mr Putin wins. Autocratic leaders in Venezuela, Ukraine, Argentina and elsewhere have followed suit, perpetuating a perverted simulacrum of democracy rather than doing away with it altogether, and thus discrediting it further.
The next big setback was the Iraq war. When Saddam Hussein’s fabled weapons of mass destruction failed to materialise after the American-led invasion of 2003, Mr Bush switched instead to justifying the war as a fight for freedom and democracy. “The concerted effort of free nations to promote democracy is a prelude to our enemies’ defeat,” he argued in his second inaugural address. This was more than mere opportunism: Mr Bush sincerely believed that the Middle East would remain a breeding ground for terrorism so long as it was dominated by dictators. But it did the democratic cause great harm. Left-wingers regarded it as proof that democracy was just a figleaf for American imperialism. Foreign-policy realists took Iraq’s growing chaos as proof that American-led promotion of democratisation was a recipe for instability. And disillusioned neoconservatives such as Francis Fukuyama, an American political scientist, saw it as proof that democracy cannot put down roots in stony ground.
A third serious setback was Egypt. The collapse of Hosni Mubarak’s regime in 2011, amid giant protests, raised hopes that democracy would spread in the Middle East. But the euphoria soon turned to despair. Egypt’s ensuing elections were won not by liberal activists (who were hopelessly divided into a myriad of Pythonesque parties) but by Muhammad Morsi’s Muslim Brotherhood. Mr Morsi treated democracy as a winner-takes-all system, packing the state with Brothers, granting himself almost unlimited powers and creating an upper house with a permanent Islamic majority. In July 2013 the army stepped in, arresting Egypt’s first democratically elected president, imprisoning leading members of the Brotherhood and killing hundreds of demonstrators. Along with war in Syria and anarchy in Libya, this has dashed the hope that the Arab spring would lead to a flowering of democracy across the Middle East.
Meanwhile some recent recruits to the democratic camp have lost their lustre. Since the introduction of democracy in 1994 South Africa has been ruled by the same party, the African National Congress, which has become progressively more self-serving. Turkey, which once seemed to combine moderate Islam with prosperity and democracy, is descending into corruption and autocracy. In Bangladesh, Thailand and Cambodia, opposition parties have boycotted recent elections or refused to accept their results.
All this has demonstrated that building the institutions needed to sustain democracy is very slow work indeed, and has dispelled the once-popular notion that democracy will blossom rapidly and spontaneously once the seed is planted. Although democracy may be a “universal aspiration”, as Mr Bush and Tony Blair insisted, it is a culturally rooted practice. Western countries almost all extended the right to vote long after the establishment of sophisticated political systems, with powerful civil services and entrenched constitutional rights, in societies that cherished the notions of individual rights and independent judiciaries.
“Nothing is more wonderful than the art of being free, but nothing is harder to learn how to use than freedom.” Alexis de Tocqueville, “Democracy in America”
Yet in recent years the very institutions that are meant to provide models for new democracies have come to seem outdated and dysfunctional in established ones. The United States has become a byword for gridlock, so obsessed with partisan point-scoring that it has come to the verge of defaulting on its debts twice in the past two years. Its democracy is also corrupted by gerrymandering, the practice of drawing constituency boundaries to entrench the power of incumbents. This encourages extremism, because politicians have to appeal only to the party faithful, and in effect disenfranchises large numbers of voters. And money talks louder than ever in American politics. Thousands of lobbyists (more than 20 for every member of Congress) add to the length and complexity of legislation, the better to smuggle in special privileges. All this creates the impression that American democracy is for sale and that the rich have more power than the poor, even as lobbyists and donors insist that political expenditure is an exercise in free speech. The result is that America’s image—and by extension that of democracy itself—has taken a terrible battering.
Nor is the EU a paragon of democracy. The decision to introduce the euro in 1999 was taken largely by technocrats; only two countries, Denmark and Sweden, held referendums on the matter (both said no). Efforts to win popular approval for the Lisbon Treaty, which consolidated power in Brussels, were abandoned when people started voting the wrong way. During the darkest days of the euro crisis the euro-elite forced Italy and Greece to replace democratically elected leaders with technocrats. The European Parliament, an unsuccessful attempt to fix Europe’s democratic deficit, is both ignored and despised. The EU has become a breeding ground for populist parties, such as Geert Wilders’s Party for Freedom in the Netherlands and Marine Le Pen’s National Front in France, which claim to defend ordinary people against an arrogant and incompetent elite. Greece’s Golden Dawn is testing how far democracies can tolerate Nazi-style parties. A project designed to tame the beast of European populism is instead poking it back into life.
The democratic distemper
EVEN in its heartland, democracy is clearly suffering from serious structural problems, rather than a few isolated ailments. Since the dawn of the modern democratic era in the late 19th century, democracy has expressed itself through nation-states and national parliaments. People elect representatives who pull the levers of national power for a fixed period. But this arrangement is now under assault from both above and below.
From above, globalisation has changed national politics profoundly. National politicians have surrendered ever more power, for example over trade and financial flows, to global markets and supranational bodies, and may thus find that they are unable to keep promises they have made to voters. International organisations such as the International Monetary Fund, the World Trade Organisation and the European Union have extended their influence. There is a compelling logic to much of this: how can a single country deal with problems like climate change or tax evasion? National politicians have also responded to globalisation by limiting their discretion and handing power to unelected technocrats in some areas. The number of countries with independent central banks, for example, has increased from about 20 in 1980 to more than 160 today.
From below come equally powerful challenges: from would-be breakaway nations, such as the Catalans and the Scots, from Indian states, from American city mayors. All are trying to reclaim power from national governments. There are also a host of what Moisés Naim, of the Carnegie Endowment for International Peace, calls “micro-powers”, such as NGOs and lobbyists, which are disrupting traditional politics and making life harder for democratic and autocratic leaders alike. The internet makes it easier to organise and agitate; in a world where people can participate in reality-TV votes every week, or support a petition with the click of a mouse, the machinery and institutions of parliamentary democracy, where elections happen only every few years, look increasingly anachronistic. Douglas Carswell, a British member of parliament, likens traditional politics to HMV, a chain of British record shops that went bust, in a world where people are used to calling up whatever music they want whenever they want via Spotify, a popular digital music-streaming service.
The biggest challenge to democracy, however, comes neither from above nor below but from within—from the voters themselves. Plato’s great worry about democracy, that citizens would “live from day to day, indulging the pleasure of the moment”, has proved prescient. Democratic governments got into the habit of running big structural deficits as a matter of course, borrowing to give voters what they wanted in the short term, while neglecting long-term investment. France and Italy have not balanced their budgets for more than 30 years. The financial crisis starkly exposed the unsustainability of such debt-financed democracy.
With the post-crisis stimulus winding down, politicians must now confront the difficult trade-offs they avoided during years of steady growth and easy credit. But persuading voters to adapt to a new age of austerity will not prove popular at the ballot box. Slow growth and tight budgets will provoke conflict as interest groups compete for limited resources. To make matters worse, this competition is taking place as Western populations are ageing. Older people have always been better at getting their voices heard than younger ones, voting in greater numbers and organising pressure groups like America’s mighty AARP. They will increasingly have absolute numbers on their side. Many democracies now face a fight between past and future, between inherited entitlements and future investment.
Adjusting to hard times will be made even more difficult by a growing cynicism towards politics. Party membership is declining across the developed world: only 1% of Britons are now members of political parties compared with 20% in 1950. Voter turnout is falling, too: a study of 49 democracies found that it had declined by 10 percentage points between 1980-84 and 2007-13. A survey of seven European countries in 2012 found that more than half of voters “had no trust in government” whatsoever. A YouGov opinion poll of British voters in the same year found that 62% of those polled agreed that “politicians tell lies all the time”.
Meanwhile the border between poking fun and launching protest campaigns is fast eroding. In 2010 Iceland’s Best Party, promising to be openly corrupt, won enough votes to co-run Reykjavik’s city council. And in 2013 a quarter of Italians voted for a party founded by Beppe Grillo, a comedian. All this popular cynicism about politics might be healthy if people demanded little from their governments, but they continue to want a great deal. The result can be a toxic and unstable mixture: dependency on government on the one hand, and disdain for it on the other. The dependency forces government to overexpand and overburden itself, while the disdain robs it of its legitimacy. Democratic dysfunction goes hand in hand with democratic distemper.
Democracy’s problems in its heartland help explain its setbacks elsewhere. Democracy did well in the 20th century in part because of American hegemony: other countries naturally wanted to emulate the world’s leading power. But as China’s influence has grown, America and Europe have lost their appeal as role models and their appetite for spreading democracy. The Obama administration now seems paralysed by the fear that democracy will produce rogue regimes or empower jihadists. And why should developing countries regard democracy as the ideal form of government when the American government cannot even pass a budget, let alone plan for the future? Why should autocrats listen to lectures on democracy from Europe, when the euro-elite sacks elected leaders who get in the way of fiscal orthodoxy?
The financial crisis has starkly exposed the unsustainability of debt-financed democracy
At the same time, democracies in the emerging world have encountered the same problems as those in the rich world. They too have overindulged in short-term spending rather than long-term investment. Brazil allows public-sector workers to retire at 53 but has done little to create a modern airport system. India pays off vast numbers of client groups but invests too little in infrastructure. Political systems have been captured by interest groups and undermined by anti-democratic habits. Patrick French, a British historian, notes that every member of India’s lower house under the age of 30 is a member of a political dynasty. Even within the capitalist elite, support for democracy is fraying: Indian business moguls constantly complain that India’s chaotic democracy produces rotten infrastructure while China’s authoritarian system produces highways, gleaming airports and high-speed trains.
Democracy has been on the back foot before. In the 1920s and 1930s communism and fascism looked like the coming things: when Spain temporarily restored its parliamentary government in 1931, Benito Mussolini likened it to returning to oil lamps in the age of electricity. In the mid-1970s Willy Brandt, a former German chancellor, pronounced that “western Europe has only 20 or 30 more years of democracy left in it; after that it will slide, engineless and rudderless, under the surrounding sea of dictatorship”. Things are not that bad these days, but China poses a far more credible threat than communism ever did to the idea that democracy is inherently superior and will eventually prevail.
Yet China’s stunning advances conceal deeper problems. The elite is becoming a self-perpetuating and self-serving clique. The 50 richest members of the China’s National People’s Congress are collectively worth $94.7 billion—60 times as much as the 50 richest members of America’s Congress. China’s growth rate has slowed from 10% to below 8% and is expected to fall further—an enormous challenge for a regime whose legitimacy depends on its ability to deliver consistent growth.
At the same time, as Alexis de Tocqueville pointed out in the 19th century, democracies always look weaker than they really are: they are all confusion on the surface but have lots of hidden strengths. Being able to install alternative leaders offering alternative policies makes democracies better than autocracies at finding creative solutions to problems and rising to existential challenges, though they often take a while to zigzag to the right policies. But to succeed, both fledgling and established democracies must ensure they are built on firm foundations.
Getting democracy right
THE most striking thing about the founders of modern democracy such as James Madison and John Stuart Mill is how hard-headed they were. They regarded democracy as a powerful but imperfect mechanism: something that needed to be designed carefully, in order to harness human creativity but also to check human perversity, and then kept in good working order, constantly oiled, adjusted and worked upon.
The need for hard-headedness is particularly pressing when establishing a nascent democracy. One reason why so many democratic experiments have failed recently is that they put too much emphasis on elections and too little on the other essential features of democracy. The power of the state needs to be checked, for instance, and individual rights such as freedom of speech and freedom to organise must be guaranteed. The most successful new democracies have all worked in large part because they avoided the temptation of majoritarianism—the notion that winning an election entitles the majority to do whatever it pleases. India has survived as a democracy since 1947 (apart from a couple of years of emergency rule) and Brazil since the mid-1980s for much the same reason: both put limits on the power of the government and provided guarantees for individual rights.
Robust constitutions not only promote long-term stability, reducing the likelihood that disgruntled minorities will take against the regime. They also bolster the struggle against corruption, the bane of developing countries. Conversely, the first sign that a fledgling democracy is heading for the rocks often comes when elected rulers try to erode constraints on their power—often in the name of majority rule. Mr Morsi tried to pack Egypt’s upper house with supporters of the Muslim Brotherhood. Mr Yanukovych reduced the power of Ukraine’s parliament. Mr Putin has ridden roughshod over Russia’s independent institutions in the name of the people. Several African leaders are engaging in crude majoritarianism—removing term limits on the presidency or expanding penalties against homosexual behaviour, as Uganda’s president Yoweri Museveni did on February 24th.
Foreign leaders should be more willing to speak out when rulers engage in such illiberal behaviour, even if a majority supports it. But the people who most need to learn this lesson are the architects of new democracies: they must recognise that robust checks and balances are just as vital to the establishment of a healthy democracy as the right to vote. Paradoxically even potential dictators have a lot to learn from events in Egypt and Ukraine: Mr Morsi would not be spending his life shuttling between prison and a glass box in an Egyptian court, and Mr Yanukovych would not be fleeing for his life, if they had not enraged their compatriots by accumulating so much power.
Even those lucky enough to live in mature democracies need to pay close attention to the architecture of their political systems. The combination of globalisation and the digital revolution has made some of democracy’s most cherished institutions look outdated. Established democracies need to update their own political systems both to address the problems they face at home, and to revitalise democracy’s image abroad. Some countries have already embarked upon this process. America’s Senate has made it harder for senators to filibuster appointments. A few states have introduced open primaries and handed redistricting to independent boundary commissions. Other obvious changes would improve matters. Reform of party financing, so that the names of all donors are made public, might reduce the influence of special interests. The European Parliament could require its MPs to present receipts with their expenses. Italy’s parliament has far too many members who are paid too much, and two equally powerful chambers, which makes it difficult to get anything done.
But reformers need to be much more ambitious. The best way to constrain the power of special interests is to limit the number of goodies that the state can hand out. And the best way to address popular disillusion towards politicians is to reduce the number of promises they can make. The key to a healthier democracy, in short, is a narrower state—an idea that dates back to the American revolution. “In framing a government which is to be administered by men over men”, Madison argued, “the great difficulty lies in this: you must first enable the government to control the governed; and in the next place oblige it to control itself.” The notion of limited government was also integral to the relaunch of democracy after the second world war. The United Nations Charter (1945) and the Universal Declaration of Human Rights (1948) established rights and norms that countries could not breach, even if majorities wanted to do so.
The most successful new democracies managed to avoid the temptation of majoritarianism
These checks and balances were motivated by fear of tyranny. But today, particularly in the West, the big dangers to democracy are harder to spot. One is the growing size of the state. The relentless expansion of government is reducing liberty and handing ever more power to special interests. The other comes from government’s habit of making promises that it cannot fulfil, either by creating entitlements it cannot pay for or by waging wars that it cannot win, such as that on drugs. Both voters and governments must be persuaded of the merits of accepting restraints on the state’s natural tendency to overreach. Giving control of monetary policy to independent central banks tamed the rampant inflation of the 1980s, for example. It is time to apply the same principle of limited government to a broader range of policies. Mature democracies, just like nascent ones, require appropriate checks and balances on the power of elected government.
Governments can exercise self-restraint in several different ways. They can put on a golden straitjacket by adopting tight fiscal rules—as the Swedes have done by pledging to balance their budget over the economic cycle. They can introduce “sunset clauses” that force politicians to renew laws every ten years, say. They can ask non-partisan commissions to propose long-term reforms. The Swedes rescued their pension system from collapse when an independent commission suggested pragmatic reforms including greater use of private pensions, and linking the retirement age to life-expectancy. Chile has been particularly successful at managing the combination of the volatility of the copper market and populist pressure to spend the surplus in good times. It has introduced strict rules to ensure that it runs a surplus over the economic cycle, and appointed a commission of experts to determine how to cope with economic volatility.
Isn’t this a recipe for weakening democracy by handing more power to the great and the good? Not necessarily. Self-denying rules can strengthen democracy by preventing people from voting for spending policies that produce bankruptcy and social breakdown and by protecting minorities from persecution. But technocracy can certainly be taken too far. Power must be delegated sparingly, in a few big areas such as monetary policy and entitlement reform, and the process must be open and transparent.
And delegation upwards towards grandees and technocrats must be balanced by delegation downwards, handing some decisions to ordinary people. The trick is to harness the twin forces of globalism and localism, rather than trying to ignore or resist them. With the right balance of these two approaches, the same forces that threaten established democracies from above, through globalisation, and below, through the rise of micro-powers, can reinforce rather than undermine democracy.
Tocqueville argued that local democracy frequently represented democracy at its best: “Town-meetings are to liberty what primary schools are to science; they bring it within the people’s reach, they teach men how to use and enjoy it.” City mayors regularly get twice the approval ratings of national politicians. Modern technology can implement a modern version of Tocqueville’s town-hall meetings to promote civic involvement and innovation. An online hyperdemocracy where everything is put to an endless series of public votes would play to the hand of special-interest groups. But technocracy and direct democracy can keep each other in check: independent budget commissions can assess the cost and feasibility of local ballot initiatives, for example.
“You must first enable the government to control the governed; and in the next place oblige it to control itself.”James Madison, America’s fourth president
Several places are making progress towards getting this mixture right. The most encouraging example is California. Its system of direct democracy allowed its citizens to vote for contradictory policies, such as higher spending and lower taxes, while closed primaries and gerrymandered districts institutionalised extremism. But over the past five years California has introduced a series of reforms, thanks in part to the efforts of Nicolas Berggruen, a philanthropist and investor. The state has introduced a “Think Long” committee to counteract the short-term tendencies of ballot initiatives. It has introduced open primaries and handed power to redraw boundaries to an independent commission. And it has succeeded in balancing its budget—an achievement which Darrell Steinberg, the leader of the California Senate, described as “almost surreal”.
Similarly, the Finnish government has set up a non-partisan commission to produce proposals for the future of its pension system. At the same time it is trying to harness e-democracy: parliament is obliged to consider any citizens’ initiative that gains 50,000 signatures. But many more such experiments are needed—combining technocracy with direct democracy, and upward and downward delegation—if democracy is to zigzag its way back to health.
John Adams, America’s second president, once pronounced that “democracy never lasts long. It soon wastes, exhausts and murders itself. There never was a democracy yet that did not commit suicide.” He was clearly wrong. Democracy was the great victor of the ideological clashes of the 20th century. But if democracy is to remain as successful in the 21st century as it was in the 20th, it must be both assiduously nurtured when it is young—and carefully maintained when it is mature.
The turmoil in Ukraine is a chance for the West to prove that it is still a force for good
The Economist
Mar 1st 2014
A MAN goes bankrupt, Ernest Hemingway wrote, gradually, then suddenly. Autocrats lose office the same way, as the fate of Viktor Yanukovych, Ukraine’s deposed president, dramatically illustrates. His authority had ebbed since popular protests against his spectacularly corrupt regime erupted last November. After the savage shooting of scores of his own people in Kiev, Ukraine’s capital, once-supportive tycoons and generals abandoned him, and his power evaporated. Mr Yanukovych fled, pursued this week by a charge of mass murder.
His countrymen celebrated—some of them, at least (see article). The relief is understandable: with Mr Yanukovych gone, Ukraine has a chance at last to ditch its ersatz, post-Soviet version of democracy for the genuine kind. Equally—and terrifyingly for both Ukraine and its neighbours—this country of 46m people could implode. Averting that outcome is an urgent task for the West; for the European Union, in particular, this is a chance to show that, for all its internal fissures and foreign-policy quiescence, it is more than a busted flush.
By any historical measure, Ukraine is part of Europe. It borders four EU nations. Its great cities—Kiev, Lviv, Odessa—are ornaments of European civilisation. So its problems are Europe’s problems, too. Many Ukrainians already live and work in the EU, legally and otherwise. Economic or political turmoil could drive many more to emigrate.
And the turmoil bequeathed by Mr Yanukovych (reportedly in Russia, perhaps having fled on his unfortunately named yacht, the Bandido), is acute. Tension is crackling between Ukrainians who welcome the revolution, and those who repudiate it: in Kiev its victims are mourned as martyrs, yet elsewhere the riot police who battled them are lionised. Even with the unadulterated goodwill of outsiders, the situation would be perilous—and goodwill is not conspicuous in the Kremlin, which propped up Mr Yanukovych’s presidency and now denounces those who ousted him as terrorists. Meanwhile, this perennially mismanaged nation is almost broke.
First and foremost, Ukraine needs a legitimate, national government. The interim leaders installed by the Rada, its parliament, may be more palatable than Mr Yanukovych; but the Rada is a nest of crooks and placemen, and scarcely more legitimate than he was, as some protesters, and Russia, have pointed out. It is vital that the presidential election in May is clean, and seen to be: Western monitors must help to ensure that. And the new president should be untainted by the score-settling and nest-feathering that have blighted Ukraine’s politics. That is one lesson from the Orange revolution of 2004—an event that seemed to herald a democratic future, but instead merely reshuffled an entrenched elite. Yulia Tymoshenko, the Orange veteran and two-time prime minister, who was sprung from jail as Mr Yanukovych fled, should keep out of it.
Whoever wins will need help, and not just the financial kind. When he wasn’t pillaging his country, Mr Yanukovych undermined its courts, suborned its constitution and harassed its media, institutions that are as much a part of an enduring democracy as elections (see essay). That is another warning from the Orange revolution: without a proper underpinning, emerging democracies can slip back into misrule. The West must lend its expertise and resources to restore it.
But Ukraine needs money too—lots of it, and urgently. Its finances are dire: its hard-currency reserves are dwindling, the current-account deficit is widening and around $13 billion of debt repayments are due this year. Russia is unlikely to honour the $15 billion bail-out it agreed with Mr Yanukovych in December. Ukraine needs around $25 billion to stay afloat. That should come in two parts: first, several billion dollars in emergency loans to tide the country over until after its election, then a big multi-year package, financed largely through the IMF.
Of course, IMF support will come with conditions, such as a clean-up of Ukraine’s Augean corruption, a depreciation of its overvalued currency and a curtailment of its lavish energy subsidies. The interim government should begin these reforms, to take some of the heat off the elected one. And the Europeans can help, too, both with technical assistance and by holding out the best inducement to reform they can offer: the prospect (however distant) of full EU membership. That idea will alarm some member states, not to mention their voters. They should see that incentivising democratic change in this pivotal country, and welcoming it to the European club if that is accomplished, is as much in their interests as Ukraine’s.
Right and wrong, not west and east
The EU and its allies should do all this because it is right, rather than to rile Vladimir Putin. All the same, Mr Putin will be outraged. Russia is already destabilising—perhaps even preparing to annex—the Crimea, a peninsula transferred to Soviet Ukraine in 1954. Pro-Russian gunmen seized administrative buildings there on February 27th. Even if Mr Putin restrains himself for now, he is sure to respond eventually: he nurtures grudges for years, and the Potemkin democracy he has engineered in Russia lets him stick around long enough to avenge them. He exorcised his grievance over the Kosovo war of 1999 by invading Georgia in 2008. Ukraine is much more important to him than Georgia, for without it Russia’s sphere of influence looks paltry. Even in Mr Putin’s warped view of Russia’s interests, a civil war there would be undesirable—but, short of fomenting one, he will doubtless do his best to stop the country becoming an independent democracy.
All the more reason for the EU and its allies to help generously now. At root the real division among Ukrainians is not between east and west, but between hope and cynicism: between those who believe a better kind of government is possible and those who understandably think that, in their troubled post-Soviet nation, corrupt paternalism is the best they can do. Creating an honest, competent government, devoted to the well-being of its people, is the best way to persuade all Ukrainians that they are better off without the kleptocrats—and, incidentally, to show that the West is still a force for good
The revolution in Kiev was televised. Will it now be squandered?
Bret Stephens
WSJ
Feb. 24, 2014
How hard can it be to change $60 into a foreign currency? On a visit to Ukraine last fall I found out.
This was in Yalta, the Black Sea resort where Churchill, Stalin and FDR met in 1945 to sort out the future of Europe. The two ATMs I tried, both with the familiar Cirrus logo, wouldn’t dispense cash. So I walked into a bank and went to the teller, who was reading.
Izvinite, excuse me, I said in my phrase-book Russian, since Yalta is a Russian-speaking town. He kept reading. Vybachte I offered in Ukrainian, no doubt badly pronounced. He ignored me. Excuse me, this time in English. Apparently I didn’t exist. I left.
A few blocks away I spotted an old building with a currency-exchange sign. Inside, about a dozen women sat at their desks behind inch-thick windows. I was the only customer. I went to the first window, took three $20 bills from my wallet, and showed them to the woman behind the glass. Wordlessly, she pointed at the woman at the next desk. That woman pointed at another.
At the third desk, the woman said, « Passport! » I handed it over, along with the money. She vanished into a back room. A while later she reappeared with four separate documents, all of which I was required to sign before I could get my 500 Ukrainian hryvnia. I got a lousy exchange rate, but it seemed pointless to argue.
Yes, this is just a personal anecdote from which nobody should draw firm conclusions. And yes, every society has its share of Bartlebys who would prefer not to.
Yet the hard question that hovers over Ukraine now that President Viktor Yanukovych has been abruptly deposed is just how representative those homo Sovieticus scrivener types I encountered that day in Yalta are of the country as a whole. A lot, I suspect.
Keep this in mind: However courageous and determined the protesters who occupied Kiev’s Maidan Square these past few months, the president they brought down had been freely elected just four years ago, in a vote international observers described as an « impressive display of democracy. »
Keep in mind, too, that however brutal and venal Mr. Yanukovych proved to be, he isn’t exactly outside the norm of Ukrainian politics.
« It was further part of the conspiracy, » alleged then-U.S. Attorney and future FBI Director Robert Mueller in a May 2000 indictment, « that [former Ukrainian Prime Minister Pavlo] Lazarenko received money by companies owned by Ukrianian [sic] business woman Yulia Tymoshenko . . . in exchange for which Lazarenko exercised his official authority in favor of Tymoshenko’s companies, and that Lazarenko failed to disclose to the people and government of Ukraine that he was receiving significant amounts of money from these companies. »
Mr. Lazarenko wound up spending six years in a U.S. prison for stealing more than $100 million. Ms. Tymoshenko was never charged with a crime in the case and denies all wrongdoing; she went on to become a prime minister in her own right before being imprisoned by Mr. Yanukovych on separate, trumped-up charges. Now she’s free and offering herself as a tribune of the people, and she may yet return to power. If she does, her political comeback will be a kind of mirror image of Mr. Yanukovych’s, who was elected after he had tried to steal the previous election.
Whatever else one might say about the uprising in Kiev, then, a revolt against naked tyranny it was not. More like a revolt against self. How does a nation become self-governing when so much of « self » is so rotten? Run-of-the-mill analyses that Ukraine is a « young democracy » with corrupt elites, an ethnic divide and a bullying neighbor don’t suffice. Ukraine is what it is because Ukrainians are what they are. The former doesn’t change until the latter does.
Over the weekend I traded emails with young Ukrainian friends active in the uprising. It was encouraging. « Bringing back to power people who already were accused of corruption would be a betrayal to those 88 people who died, » one wrote me. « Maidan is not ready to compromise for what we were fighting [for]: freedom, responsibility for action, and honesty. » Another friend wrote: « What I can say for sure [is that] Ukrainians started to identify themselves as a nation. And we don’t want ‘new’ politicians [to] continue acting in the same way: corruption, nepotism, impunity. »
These are the sorts of voices we’d all like to believe are the authentic ones—the winning ones. Then again, that’s what people said about Ukraine during the so-called Orange Revolution in 2004, or about Lebanon’s Cedar Revolution in 2005, or about the Arab Spring in 2011. The revolution will be televised—and then it will be squandered.
I hope I’m wrong. I want to keep faith with my brave and idealistic friends who risked their necks at the barricades. Then I think of the bank teller, indifferent to the presence of another human being the way a mule is indifferent to a fly, and I wonder. The homo Sovieticus Ukrainians should fear the most may not be Vladimir Putin after all.
The western media’s view of Ukraine’s election is hopelessly biased
John Laughland
The Guardian
27 November 2004
There was a time when the left was in favour of revolution, while the right stood unambiguously for the authority of the state. Not any more. This week both the anti-war Independent and the pro-war Telegraph excitedly announced a « revolution » in Ukraine. Across the pond, the rightwing Washington Times welcomed « the people versus the power ».
Whether it is Albania in 1997, Serbia in 2000, Georgia last November or Ukraine now, our media regularly peddle the same fairy tale about how youthful demonstrators manage to bring down an authoritarian regime, simply by attending a rock concert in a central square. Two million anti-war demonstrators can stream though the streets of London and be politically ignored, but a few tens of thousands in central Kiev are proclaimed to be « the people », while the Ukrainian police, courts and governmental institutions are discounted as instruments of oppression.
The western imagination is now so gripped by its own mythology of popular revolution that we have become dangerously tolerant of blatant double standards in media reporting. Enormous rallies have been held in Kiev in support of the prime minister, Viktor Yanukovich, but they are not shown on our TV screens: if their existence is admitted, Yanukovich supporters are denigrated as having been « bussed in ». The demonstrations in favour of Viktor Yushchenko have laser lights, plasma screens, sophisticated sound systems, rock concerts, tents to camp in and huge quantities of orange clothing; yet we happily dupe ourselves that they are spontaneous.
Or again, we are told that a 96% turnout in Donetsk, the home town of Viktor Yanukovich, is proof of electoral fraud. But apparently turnouts of over 80% in areas which support Viktor Yushchenko are not. Nor are actual scores for Yushchenko of well over 90% in three regions, which Yanukovich achieved only in two. And whereas Yanukovich’s final official score was 54%, the western-backed president of Georgia, Mikhail Saakashvili, officially polled 96.24% of the vote in his country in January. The observers who now denounce the Ukrainian election welcomed that result in Georgia, saying that it « brought the country closer to meeting international standards ».
The blindness extends even to the posters which the « pro-democracy » group, Pora, has plastered all over Ukraine, depicting a jackboot crushing a beetle, an allegory of what Pora wants to do to its opponents.
Such dehumanisation of enemies has well-known antecedents – not least in Nazi-occupied Ukraine itself, when pre-emptive war was waged against the Red Plague emanating from Moscow – yet these posters have passed without comment. Pora continues to be presented as an innocent band of students having fun in spite of the fact that – like its sister organisations in Serbia and Georgia, Otpor and Kmara – Pora is an organisation created and financed by Washington.
It gets worse. Plunging into the crowd of Yushchenko supporters in Independence Square after the first round of the election, I met two members of Una-Unso, a neo-Nazi party whose emblem is a swastika. They were unembarrassed about their allegiance, perhaps because last year Yushchenko and his allies stood up for the Socialist party newspaper, Silski Visti, after it ran an anti-semitic article claiming that Jews had invaded Ukraine alongside the Wehrmacht in 1941. On September 19 2004, Yushchenko’s ally, Alexander Moroz, told JTA-Global Jewish News: « I have defended Silski Visti and will continue to do so. I personally think the argument … citing 400,000 Jews in the SS is incorrect, but I am not in a position to know all the facts. » Yushchenko, Moroz and their oligarch ally, Yulia Tymoshenko, meanwhile, cited a court order closing the paper as evidence of the government’s desire to muzzle the media. In any other country, support for anti-semites would be shocking; in this case, our media do not even mention it.
Voters in Britain and the US have witnessed their governments lying brazenly about Iraq for over a year in the run-up to war, and with impunity. This is an enormous dysfunction in our own so-called democratic system. Our tendency to paint political fantasies on to countries such as Ukraine which are tabula rasa for us, and to present the west as a fairy godmother swooping in to save the day, is not only a way to salve a guilty conscience about our own political shortcomings; it also blinds us to the reality of continued brazen western intervention in the democratic politics of other countries.
I wish it were as easy as goodies against baddies, students against secret policemen, democrats against autocrats. In the early stages of an uprising – what we might call the Arab Spring Phase – Western media, wanting to simplify things for their readers, gloss over the complexities. Later, when things turn tragic, those readers can be left baffled.
Don’t get me wrong. Viktor Yanukovych was a nasty piece of work, whose goons carried out unspeakable crimes. My sympathies were with the protesters, both in general (the vision of a pluralist, market-oriented Ukraine is more wholesome than that of a country tied to Putin) and on the specific issue that triggered the demonstrations (a free trade agreement is better than a customs union, because it is non-exclusive).
But the ousting of a thug doesn’t mean that “all shall be well / and all manner of thing shall be well”. This is, after all, not the first time that Yanukovych has been toppled by street protests. Ten years ago, crowds in the same places pushed him from office and, in new elections, installed their candidate, Viktor Yuschenko. Years of corruption and failure followed, and Yanukovych came back, in an election that observers agreed had been free and fair, in 2010.
Ukraine means “edge” or “borderland” (Krajina in the former Yugoslavia shares its etymology). To Russian nationalists, Kiev is the cradle of Russian nationhood, and Ukrainians are the Little Russians who, along with the White Russians and the Great Russians, comprised the historic motherland. Plenty of Russians will tell you that Ukrainian is a Russian dialect and Ukrainian national identity a creation of, first, Polish and, later, Austrian occupiers. They point to the many famous Russians who might as easily be called Ukrainian – Gogol, Tchaikovsky, Brezhnev – arguing that the distinction is synthetic and pointless.
Ukrainian patriots respond by pointing to the result of their 1991 referendum, when 92.3 per cent of voters, including a clear majority of Russian-speakers, voted for independence. There were majorities for separation in every region – even Crimea, which had always historically been part of Russia until whimsically given to Ukraine by Khruschev (another Russian with Ukrainian connections) in 1954.
These two views – Ukrainians as a historic people, Ukrainians as a strain of Russians – frame the present quarrel. Most Russian nationalists allow, albeit reluctantly, that Ukrainian national consciousness exists. Alexander Solzhenitsyn grumpily accepted that western Ukrainians, after the horrors of the Soviet era, had been permanently alienated from Mother Russia; but he insisted that the frontiers were arbitrarily drawn under Lenin. If Ukrainians claimed independence on grounds of having a separate national identity, he argued, they must extend their own logic to the Russian-speakers east of the Dnieper.
Look at the two maps below: the first showing the linguistic division, the second the result of the last presidential election. The Slavophile-Westerniser split (to borrow nineteenth-century Russian terminology) is not only about language, of course. There are always complexities: Russian-speakers who are fiercely anti-Moscow, Western Ukrainians who associate the Tymoshenko years with cronyism and sleaze. Still, 13 years after independence, there are few signs that the two sides of the country are melding.
Plainly a pro-Russian regime can’t govern the whole country: the recent uprising has put that fact beyond doubt. If the Slavophiles can’t rule the West, might the Westernisers win the East? The way of life they propose ought to be more attractive. But we should not underestimate the importance, in such a region, of blood and speech. Nor should we underestimate how much more Ukraine matters to Moscow than it does to Brussels. Vladimir Putin has mobilised troops on the border. Does anyone imagine any EU government, with the possible exception of Poland’s, contemplating a military response?
If neither the Slavophiles nor the Westernisers can carry the entire territory, some kind of separation starts to look inevitable. Such a separation might come about as paramilitary groups establish local supremacy. Or it might happen as a result of Russian intervention, as in Armenia, Moldova and, later, South Ossetia. It is easy enough to imagine Russian security forces crossing the border at the request of local proxies and establishing a de facto Russophone state. The Trans-Dniester Republic still exists, unrecognised but very much in force, on Ukraine’s western border; why not a Trans-Dnieper Republic to its east?
Does Nato have the will to prevent such a development? If not, what are our options? If a partition is coming anyway, might it not be better to take ownership of the process: to see that the border is decided peacefully and by referendum rather than by military occupation? To ensure that the two new entities recognise each other, that free movement of goods and people is guaranteed, that we avoid another frozen conflict in which families are separated and the economy is wrecked. It might be that negotiations would not result in the destruction of the Ukrainian state, but in the development of a loose confederation.
To put it another way, if a cleavage is coming in any event, it is surely better for it to happen through reluctant agreement than through war and ethnic cleansing. I may be wrong about all this. I hope I am. But the prospect of a Korea-style military division, of thousands left stranded on the wrong side, of a bristling Russian armistice line cutting through a European state, of a lasting military confrontation between Moscow and the West, ought to make us cast around for alternatives.
Un des grands problèmes de la Russie – et plus encore de la Chine – est que, contrairement aux camps de concentration hitlériens, les leurs n’ont jamais été libérés et qu’il n’y a eu aucun tribunal de Nuremberg pour juger les crimes commis.Thérèse Delpech
Ne donne-t-on pas des médailles aussi bien aux dieux du stade qu’aux soldats tombés au front?L’Express
Je crois que c’est deux nouvelles qu’on peut appeler bonnes et mauvaises. La bonne nouvelle, c’est que je serai à Times Square. La mauvaise, c’est que je n’ai aucun vêtement sur moi. Je pense qu’elle va mourir. Nadia Comaneci (sur la réaction probable de sa mère encore au pays à l’annonce de son contrat publicitaire avec un fabricant de sous-vêtements américain, 1992)
Je viens d’un pays où il est très difficile de trouver des sous-vêtements et maintenant je viens ici et vous choisissez quel genre de sous-vêtements vous voulez porter : c’est pas bon, c’est du coton, c’est du lycra. Et je pense que je vais faire venir ma mère pour Noël. Et la première fois qu’elle va venir ici à New York, je vais la mettre dans une limousine – elle n’a jamais vu une limousine de sa vie – et je vais arrêter la voiture ici à Times Square : je pense qu’elle va mourir complètement. Nadia Comaneci
Il y a une chose qui intriguait le public: Comaneci ne souriait jamais, ne flirtait jamais avec la foule comme Korbut le faisait toujours. Il y avait des applaudissements fervents pour son brio, mais aucune histoire d’amour. « C’est pas sa nature de sourire », avait dit un juge roumaine, et Karolyi avait ajouté, « C’est son caractère grave ». Sports Illustrated
Comaneci’s large brown eyes, hidden under long bangs, are solemn, perhaps too solemn for a 14-year-old. She answered questions crisply, without elaboration. Has she ever been afraid? « Never. » Has she ever cried? « Never. » What was the happiest moment in her life? « When I won the European Championship. » What is the secret of her success? « I am so good because I work very hard for it. » What is her favorite event? « The uneven bars. I can put in more difficulties. It is more challenging. » How did she rate her performance in the American Cup? « It was a preparatory step toward the Olympics. » Does she enjoy being famous? « It is all right, but I don’t want to get too excited about it. » After a crash course in English, she was interviewed for ABC’s Wide World of Sports. How are you, Nadia? « Yes, I’m fine. » Are you looking forward to the Olympics? « I want for myself gold medal. » How many? « Five. » Does it bother you to be constantly compared to Olga Korbut? « I’m not Olga Korbut. I’m Nadia Comaneci. » Some say that Comaneci is not human enough, that she is a machine, that she has no emotions. But when she is not the center of attention and feels unwatched, she looks human, all right. She can grin like a child. She can get excited. Her favorite place in the U.S. is Disneyland. And she collects dolls. She has 60 of them, all in national costumes, lined up neatly on a shelf in her room at home. Four years ago, when Korbut started the little girls on this path, the Secretary General of the International Gymnastics Federation, Max Bangerter, branded her style « dangerous acrobatics which could lead to pelvic fractures. » The IGF at one point even considered having Korbut’s routine banned in an effort to halt the revolution she had so clearly begun. Obviously, it was less than successful. But how much danger does Karolyi feel Comaneci is in, really? « Ah, » he says, « but Comaneci never falls. » Sports Illustrated
What I found was a story about legal, even celebrated, child abuse. In the dark troughs along the road to the Olympics lay the bodies of the girls who stumbled on the way, broken by the work, pressure and humiliation. I found a girl who felt such shame at not making the Olympic team that she slit her wrists. A father who handed custody of his daughter over to her coach so she could keep skating. A coach who fed his gymnasts so little that federation officials had to smuggle food into their hotel rooms. A mother who hid her child’s chicken pox with makeup so she could compete. Coaches who motivated their athletes by calling them imbeciles, idiots, pigs and cows. (…) Whether we see any changes instituted to protect these young athletes hinges on our willingness to sacrifice a few medals for the sake of their health and well-being. (…) « I’m not suggesting that all elite gymnasts and figure skaters emerge from their sports unhealthy and poorly adjusted. Joan Ryan
The book’s strongest moments come from the sport of gymnastics, where judges reward the work of sleek, supple girls able to perform the hardest maneuvers and give poorer marks to those who have slipped toward womanhood and must rely on grace and form. Countless hours of intensive training, combined with dangerous eating patterns, lower the percentage of body fat to such extreme levels that natural maturation cannot take place. The risks include stunted growth, broken bones and premature osteoporosis, according to Ryan. The physiological effects are only one part of this problem. The psychological effects of growing up as a gymnast can lead to eating disorders, such as the anorexia that eventually killed former gymnast Christy Heinrich. Amy Jackson, pushed by a parent, was training heavily at 6. By the time she was a high school senior, she had tried to commit suicide. The sections on figure skating pale in comparison to the reporting on gymnastics, but Ryan makes it clear that the impact on girls is similarly grim: Once the skaters mature, gaining the hips and breasts that make them aerodynamically inferior to the younger skaters, their careers are effectively shot. Ryan has suggestions for cleaning up the mess in gymnastics and figure skating: The minimum-age requirements should be raised. There should be mandatory licensing of coaches and careful scrutiny by the usually feckless national governing bodies. And athletes should be required to remain in regular schools at least until they are 16. The Chicago Tribune
In January, Romanian gymnastics coach Florin Gheorghe was sentenced to eight years in prison by a Bucharest court for having beaten an 11-year-old athlete so severely during a 1993 practice session she died two days later of a broken neck. Gheorghe’s attorney admitted his client slapped the young woman but said such physical abuse was common practice in Romanian gymnastics. « This kind of punishment is a heritage from Bela Karolyi, » the attorney said, referring to the martinet coach who drove Nadia Comaneci and Mary Lou Retton to Olympic gold medals. Karolyi has denied the charge. – Aurelia Okino, a native Romanian whose daughter, Betty, trained with Karolyi a decade after his defection to the U.S., said in a 1992 interview she had become scared to answer the phone in her Elmhurst home. Aurelia Okino worried it would be Betty, then 17, calling from Karolyi’s gym in Houston with news of another injury, There had been serious elbow, back and knee injuries before Okino made the 1992 Olympic team and helped the U.S. women win a bronze medal in the team event. « Gymnastics is a brutal sport, » Betty Okino said matter-of-factly. Asked why she had let her daughter go that far, Okino said, « How do you deny a child her dream? »- In 1985, a few days before her enormously talented daughter, Tiffany, would win her only U.S. figure skating title, Marjorie Chin accepted the offer of a ride back to her Kansas City hotel from a reporter she had first met 20 minutes before. Tiffany, then 17, took a back seat to Marjorie in the reporter’s car. For 30 minutes, Mrs. Chin delivered relentless criticism of her daughter’s performance in practice that day. « If you keep it up, you’re not going to be the star of the ice show, you’re going to be just part of the supporting cast, » Mrs. Chin said, over and over. – Several times in the last few years, officials of the U.S. Figure Skating Association have spoken to a prominent ice dancer about her eating habits. The ice dancer, 32 years old, still looks like a wraith. One of those stories came from a wire service. The other three are personal recollections–mine, not Ryan’s. Her book, subtitled « the making and breaking of elite gymnasts and figure skaters » (Doubleday, 243 pp., $22.95), has much more frightening tales to tell. Ryan recounts in compelling detail the stories of Julissa Gomez and Christy Henrich, gymnasts whose pursuit of glory proved fatal; of figure skater Amy Grossman, whose mother said, « Skating was God »; of coaches like Karolyi and one of his disciples, Rick Newman, whose ideas of motivating adolescent girls include demeaning them at a time when their egos are most fragile; and of parents who hide their irresponsibility behind the notion of « trying to get the best for my child. » Such is the sordid underbelly of the Olympics’ two most glamorous sports. Only in the last three years has the nation begun to have a vague awareness of this life under the sequins and leotards. Ryan began to get a clear view of these problems while doing research for a newspaper story before the 1992 Olympics. That led her to write this book, in which the villains are both coaches and parents. She lets Karolyi skewer himself with his own words. She shows how parents lose sight of the fundamental notion of protecting their children from harm, so blinded are they by possible fame and fortune. The cause of such intemperate adult behavior is partly the peculiar competitive demands to jump higher and twirl faster, particularly in gymnastics, that favor girls with tiny bodies over young women developing hips and breasts. That puts them in a race against puberty, creating a window of opportunity so narrow it leads to foolhardiness. Neither figure skating nor gymnastics is without athletes whose experiences are positive, a point that needed more attention in Ryan’s book than the disclaimer, « I’m not suggesting that all elite gymnasts and figure skaters emerge from their sports unhealthy and poorly adjusted. » A better balance might have been struck if the author had given voice to the likes of Olympic champions Retton and Kristi Yamaguchi. Ryan’s basic premise about child abuse still is thoroughly supported by interviews, anecdotes and factual evidence. « Little Girls in Pretty Boxes » should be a manifesto for change in the rules of these two sports, so that women with adult bodies still can compete. It should be a wakeup call to parents who have abdicated their responsibility for their childrens’ well-being. Mamas, don’t let your babies grow up hooked on sports that don’t let them grow up . Philip Hersch
La réalité de sa Russie … est à l’opposé des idéaux olympiques et des droits de l’Homme les plus élémentaires. Il n’est pas possible d’ignorer le côté obscur de son régime – la répression qui broie les âmes, les nouvelles lois cruelles contre le blasphème et l’homosexualité, ou encore le système juridique corrompu qui permet de condamner des dissidents politiques à de longues peines sur la foi de fausses accusations.The New York Times
Les Jeux Olympiques, créés dans le but de rapprocher les pays autour du sport, semble avoir eu l’effet inverse sur les relations américano-russes. L’animosité grandissante entre les deux anciens protagonistes de la Guerre froide était visible lors de l’ouverture des Jeux, lors de laquelle une ex-patineuse artistique qui avait tweeté une photo à connotation raciste du président Obama a été choisie pour l’allumage symbolique de la vasque olympique. Cela s’est produit au lendemain de la fuite via YouTube de l’enregistrement d’un appel téléphonique entre l’ambassadeur américain à Kiev et Victoria Nuland, une responsable du Département d’État, dans lequel on entend cette dernière prononcer les mots « Fuck the European Union ». L’administration Obama avait immédiatement accusé Moscou d’avoir intercepté et fuité l’appel, ce que les Russes n’ont qu’à peine démenti. [ … ] Alors qu’il entame sa 15ème année au pouvoir, le président Vladimir Poutine avait espéré que ces Jeux, les premiers sur le sol russe depuis les Jeux olympiques de Moscou en 1980 que les Etats-Unis avaient boycotté, mettrait en valeur la « nouvelle Russie » émergeant des cendres de l’Union soviétique. Au lieu de cela, les États-Unis et leurs alliés occidentaux ont systématiquement dépeint la Russie sous les traits d’une autocratie corrompue. [ … ] Membre Démocrate de la commission du renseignement de la Chambre des Représentants, Dutch Ruppersberger a déclaré à CNN jeudi qu’il craignait que « l’ego » de Poutine mettrait en danger les athlètes et les visiteurs. Pour sa part, le Département d’Etat a conseillé aux membres de l’équipe olympique des États-Unis de ne pas porter leurs tenues officielles aux couleurs de « Team USA » en dehors des sites olympiques officiels, pour leur propre sécurité. Les tensions entre les deux pays ont été les plus fortes sur la question des droits des homosexuels. [ … ] Mais ce n’est pas tout ce qui les divise. Le donneur d’alerte de la NSA Edward Snowden se trouve encore en Russie, qui lui a accordé l’asile temporaire l’an dernier. Sa présence à Moscou est une source d’embarras persistant pour l’administration Obama, et les responsables du renseignement américain ont ouvertement exprimé leurs inquiétudes quant à la possibilité qu’il soit désormais sous l’influence de leurs homologues russes. [ … ] Les deux pays s’affrontent également sur comment gérer le programme nucléaire de l’Iran et sur ce qu’il faut faire par rapport à la Syrie, cette dernière étant un proche allié de la Russie. La crise en Ukraine, où les manifestants cherchent à évincer le président pro-russe Viktor Ianoukovitch, ne fait qu’ajouter aux tensions.The Hill
How does a nation become self-governing when so much of « self » is so rotten? Run-of-the-mill analyses that Ukraine is a « young democracy » with corrupt elites, an ethnic divide and a bullying neighbor don’t suffice. Ukraine is what it is because Ukrainians are what they are. The former doesn’t change until the latter does. (…) that’s what people said about Ukraine during the so-called Orange Revolution in 2004, or about Lebanon’s Cedar Revolution in 2005, or about the Arab Spring in 2011. The revolution will be televised—and then it will be squandered. (…) The homo Sovieticus Ukrainians should fear the most may not be Vladimir Putin after all. Bret Stephens
Avec la même vigueur que ses compatriotes, cependant, le cinéaste filme un pays où les passe-droits pèsent aussi lourd que la terreur politique, jadis. Nul, en effet, ne résiste aux prébendes de Cornelia, pas même le flic présenté comme un modèle incorruptible : il résiste, il résiste, mais il cède comme tous les autres… Télérama
Quand tu prends le train en Roumanie, personne n’achète son ticket au guichet. Tu montes, tu t’assois et tu donnes la moitié de ce que tu aurais dû payer au contrôleur.Rasvan (28 ans)
A la fin des années 1970, le corps enfantin fait fantasmer. Brooke Shields, 13 ans prostituée dans La Petite de Louis Malle et en une de magazine, nue et outrageusement maquillée; Jodie Foster elle aussi pute sous la caméra de Martin Scorsese dans Taxi Driver nous rappellent qu’une certaine forme de pédophilie artistique était alors acceptable. Le traitement médiatique de Nadia Comaneci à cette époque fait écho à cette «mode». Cette fascination pour les corps androgynes et pourtant dénudés est-elle un signe du passé ou cette marchandisation de l’enfance est-elle encore de mise? C’est très troublant le passage que j’ai écrit sur les petites filles de l’Ouest et celles de l’Est. Ces petites filles chargées de maquillage un peu comme des petites esclaves et elle, Nadia, qui arrive le visage pâle, un peu comme une guerrière. J’adore cette image, j’adore le fait qu’elle était entre fille et garçon, elle échappe à son genre pendant un moment. Le titre par exemple, c’est la première phrase que j’ai écrite. Les journalistes occidentaux à Montréal lui demandaient de sourire mais elle ne souriait pas parce que c’est difficile et qu’elle n’avait pas que cela à faire. Sa réponse était «je sais sourire mais une fois que j’ai accompli ma mission». Il y a eu beaucoup de commentaires sur son visage triste, sobre. Pour moi, elle leur a fait un pied de nez, du genre je ne suis pas une petite poupée. (…) Ça a longtemps fait partie de mon adolescence. Quand je suis arrivée en France, ayant été élevée dans un autre système, j’ai été très brutalisée par la consommation. Ce n’est pas une pose, ça m’a pris de front. J’avais 13 ans et je n’avais jamais vu quelqu’un dormir dehors. Ça m’a bouleversée. Pendant des années, quand je disais aux gens qu’il y avait des trucs bien en Roumanie, c’était un discours impossible à entendre. Soit je passais pour une débile, soit on me disait que je ne savais pas de quoi je parlais. Evidemment le système était dévoyé, et la Roumanie n’était pas un système communiste, le communisme n’y a jamais été réellement appliqué. C’est comme quand on parle de la surveillance. Ça me fait mourir de rire. Les gens me disent, il y avait la Securitate en Roumanie. Oui c’est vrai. Mais c’était des baltringues. Des gens qui en suivaient d’autres. Ici votre pass navigo vous localise partout. On a votre nom, votre date de naissance, c’est une atteinte à votre liberté. Pareil pour les caméras vidéo, mais c’est accepté. On pense que ça va être plus pratique! Le succès du capitalisme, c’est d’arriver à faire accepter des choses qui dans le communisme étaient considérées comme horribles. Le capitalisme est nettement mieux marketé. (…) J’étais en France à ce moment-là et comme tous les Roumains, bouche bée. Plus que ça: j’étais sidérée. Parce que pour moi ça ne pouvait pas changer, c’était éternel. J’ai été élevée sous le portrait de Ceausescu. Mais cette sensation de malaise incroyable parce qu’on ne voit pas ses juges. Ça ne commence pas bien un procès où on ne voit pas les juges. Le truc que les gens qui l’arrêtent ratent, c’est qu’ils ont l’air d’un couple de petits vieux. Ils sont pathétiques. Ils ne font pas peur. On a pitié. Lui tremblote, elle a l’air usé, avec son fichu. Ils sont fatigués. Force de l’image mais qui est ratée selon moi. A cette période, il y a eu beaucoup de morts en Roumanie, le contraire de la révolution de velours. Les gens ne savaient plus qui était qui et se tirait dessus. Il n’y a eu aucun procès des sécuristes. Inclure des passages sur la Roumanie dans le roman, ça ne s’est pas décidé tout de suite, ça a pris plusieurs mois. J’étais en Roumanie à ce moment-là. Quand je voyais mes amis là-bas, ce qu’ils me racontaient me semblait tellement contredire ma documentation que je l’ai mis en scène. Moi j’étais armée avec tous mes bouquins et je rencontre des gens de moins de 30 ans qui n’ont pas vraiment vécu cette époque et qui en ont une nostalgie incroyable. On a toujours la nostalgie de son enfance, mais surtout ils en bavent tellement aujourd’hui. Ils me disent «moi mes parents ils partaient en vacances, ils allaient au resto, nous on doit payer nos études et on n’a pas les moyens, on peut pas sortir de toutes façons parce qu’on n’a pas d’argent». Il y a un énorme H&M au centre de Bucarest, j’ai l’impression qu’il est tout le temps vide.Lola Lafon
Attention: un refus de sourire peut en cacher un autre !
Au lendemain de la chute, payée au prix fort mais pas gagnée d’avance étant donné la corruption généralisée, de la maison Ianoukovitch et de la découverte populaire de son Neverland qui 25 ans après les époux Ceausescu avait un étrange air de déjà vu …
Et de Jeux olympiques dignes des plus beaux jours de la Guerre froide …
Comme avec le roman que vient de sortir Lola Lafon sur la gymnaste prodige roumaine Nadia Comaneci, passée d’un seul coup de Héros du Travail Socialiste à femme-sandwich d’une marque de sous-vêtements américaine …
Et un excellent dossier du site Slate.fr sur l’ancienne terre des ogres Ceausescu …
Comment ne pas repenser à toute une époque aujourd’hui largement oubliée où, a l’instar des Brooke Shields et autres Jodie Foster dans le cinéma, le corps de nos enfants était non seulement légal mais célébré ?
Mais aussi ne pas voir au-delà de l’image d’épinal que nous pouvons en avoir de travailleurs bon marché et de voleurs de poules voire de châteaux de buveurs de sang …
La frustration d’une population écartelée entre d’un côté les nécessaires perfusions du FMI et une corruption, comme le rappelle un film roumain sorti en France le mois dernier, effectivement aussi endémique que phénoménale d’où une perte démographique de 13% depuis la fin du communisme (soit quelque 3 millions pour une population à l’origine de 23 millions à destination principalement de l’Italie, de l’Allemagne et de l’Espagne) …
Et de l’autre les craintes de voir leur sol et sous-sol pollués et bradés à des intérêts étrangers par des dirigeants tous aussi véreux les uns que les autres suite à la découverte du plus grand gisement d’or et d’argent d’Europe (300 tonnes et 1.600 tonnes respectivement pour une dizaine de milliards d’euros en jeu) et du troisième gisement européen de gaz de schiste après la Pologne et la France (quelque 1.444 milliards de mètres cubes) ?
Autrement dit, le dépit tout particulier mais probablement pas si rare en ces contrées autrefois martyrisées par le communisme (dont d’ailleurs comme en Chine on attend toujours les procès de Nuremberg) et pas vraiment gâtées par leurs successeurs …
De se retrouver avec ce que les Roumains appellent eux-mêmes un « pauvre pays riche » ?
Dans «La Petite communiste qui ne souriait jamais», la romancière raconte l’histoire de la gymnaste Nadia Comaneci, mais surtout à travers elle aborde les questions du genre, du corps féminin, de l’Europe de la guerre froide .
Ursula Michel
Slate.fr
04/02/2014
A l’occasion de la sortie de son nouveau roman, Lola Lafon s’est prêtée à l’exercice de l’entretien tablette de Slate.fr, où les questions sont remplacées par des vidéos, des images, des photos ou encore des dessins. Une autre manière d’aborder l’univers de l’artiste.
A vec ce quatrième roman, La Petite communiste qui ne souriait jamais, Lola Lafon exhume de nos mémoires Nadia Comaneci, la jeune gymnaste roumaine qui a affolé les compteurs, les journalistes et le public aux Jeux olympiques de Montréal en 1976. Ce «perfect 10», note que personne n’avait jusque-là acquise, la gamine s’en empare et fait découvrir par la même à l’Occident ce petit pays inconnu derrière le rideau de fer. Produit d’un système totalitaire, Comaneci fascine mais l’histoire la rattrape et la chute du mur de Berlin scellera son destin de star déchue.
De Bucarest à Miami, des années 1970 à cet hiver 1989, Lola Lafon revisite le mythe, sonde les fantasmes que ce corps androgyne a provoqués et interroge le manichéisme est/ouest qui a façonné la conception du monde du siècle dernier.
Pendant une poignée de secondes, le monde a retenu son souffle en cet été 1976. La minuscule Roumaine a fait vaciller les championnes russes, elle a transfiguré les possibles de la gymnastique et a donné à la Roumanie une notoriété internationale. Mais comment décide-t-on d’en faire un personnage de roman?
Je ne sais pas quand est arrivée l’idée du personnage de Nadia mais ça faisait un moment que ça traînait dans ma tête. Au bout de quelques mois de documentation, j’ai réalisé que ce n’était pas un roman sur le sport mais que ça réunissait toutes mes thématique: le genre et le mouvement, le corps féminin dans l’espace au sens large, l’espace qu’on s’autorise et celui qui est autorisé, le bloc de l’est et de l’ouest.
Dans le roman précédent [Nous sommes les oiseaux de la tempête qui s’annonce], il y avait déjà beaucoup de choses sur la danse, le corps et le mouvement. Après, des difficultés et d’obstacles sont apparus: six mois de documentation en trois langues qui ont fini par m’ensevelir. Il a fallu arrêter d’ingurgiter.
J’ai alors commencé à écrire une première moitié, mais ça n’allait pas. Il fallait épouser le corps de Nadia, être avec elle, acérée. Pas développer des millions de phrases, avec des adjectifs. Je cherchais la langue, cette fluidité, le passage d’un geste à l’autre comme d’une phrase à l’autre. J’ai coupé dans le texte comme jamais avant.
Et puis j’ai vécu en Roumanie, donc il y avait ma subjectivité assumée. Je voulais faire revivre l’Europe. C’est une métaphore énorme, mais les dix centimètres de la poutre, je les ai ressentis tout du long en évoquant le thème politique. Je me suis dit qu’il fallait rendre compte de Ceausescu et de ses décrets (j’en ai d’ailleurs découverts beaucoup après, j’étais trop jeune à l’époque). Sur le corps des femmes et l’avortement, c’était terrible. On voit aujourd’hui que Ceausescu n’a pas l’apanage de ce genre de décisions… Je voulais rendre compte sans nostalgie ni apologie de cette époque, et ne pas oublier qu’on a idolâtré cette gamine et elle était le pur produit d’un système communiste.
J’ai écrit plusieurs mois sans la voix de la narratrice. C’est mon premier roman à la 3e personne. Et à un moment donné, cet échange épistolaire entre elle et Nadia s’est imposé. Je me suis demandé si c’était juste un retour vers une habitude d’écriture mais en fait non, c’était nécessaire pour lui redonner la parole, pour qu’elle ne reste pas qu’un corps, un corps extraordinaire soit, mais sinon j’étais du côté de ceux qui la regardaient et je voulais lui redonner le pouvoir sur le texte, même fictivement.
A aucun moment, je n’ai envisagé de contacter Nadia. Ce roman est une rêverie, pas une biographie. Je me suis arrêtée en 1990 dans le roman parce qu’après, c’est le réel, c’est sa vie qui lui appartient. J’essaie de rendre compte de la fin d’une époque, d’un parcours qui s’arrête avec le mur qui s’écroule.
A la fin des années 1970, le corps enfantin fait fantasmer. Brooke Shields, 13 ans prostituée dans La Petite de Louis Malle et en une de magazine, nue et outrageusement maquillée; Jodie Foster elle aussi pute sous la caméra de Martin Scorsese dans Taxi Driver nous rappellent qu’une certaine forme de pédophilie artistique était alors acceptable. Le traitement médiatique de Nadia Comaneci à cette époque fait écho à cette «mode». Cette fascination pour les corps androgynes et pourtant dénudés est-elle un signe du passé ou cette marchandisation de l’enfance est-elle encore de mise?
C’est très troublant le passage que j’ai écrit sur les petites filles de l’Ouest et celles de l’Est. Ces petites filles chargées de maquillage un peu comme des petites esclaves et elle, Nadia, qui arrive le visage pâle, un peu comme une guerrière. J’adore cette image, j’adore le fait qu’elle était entre fille et garçon, elle échappe à son genre pendant un moment.
Le titre par exemple, c’est la première phrase que j’ai écrite. Les journalistes occidentaux à Montréal lui demandaient de sourire mais elle ne souriait pas parce que c’est difficile et qu’elle n’avait pas que cela à faire. Sa réponse était «je sais sourire mais une fois que j’ai accompli ma mission». Il y a eu beaucoup de commentaires sur son visage triste, sobre. Pour moi, elle leur a fait un pied de nez, du genre je ne suis pas une petite poupée. Aujourd’hui, avec les mini-miss, les mannequins de 15 ans, la représentation est plus subtile, mais d’une telle agressivité envers les femmes. Les filles de 15 ans sont photoshopées et celles de 30 ans s’en veulent de ne pas leur ressembler. C’est presque un complot contre les femmes.
Si les questions de genre sont au cœur de l’écriture de Lola Lafon, la dimension féministe tient une place tout aussi importante. Comment celle qui attaque les représentations machistes et le commerce du corps dans son travail romanesque se situe-t-elle face au nouveau féminisme incarné par les Femen?
Je n’aime pas l’idée des féministes qui s’entre-déchirent. Mais je trouve bizarre d’adopter un langage qui plaise tant aux hommes pour dénoncer les injustices faites aux femmes. Et puis adopter un langage de pub… je me demande ce qu’il en reste. Finalement, ces interventions ne sont pas si dérangeantes. Les religieux sont choqués, mais on s’en fout. Je crois que la leader, Inna Shevchenko avait dit «les anciennes féministes ce sont des femmes qui lisaient des livres». Mais un livre, c’est parfois beaucoup plus dérangeant qu’une photo. Les Femen, c’est du pop féminisme. C’est digérable. Si grâce à elles d’autres femmes ailleurs se sont libérées, s’il y a eu des prises de conscience, tant mieux. Tous les moyens sont bons finalement.
Son premier roman Une fièvre impossible à négocier arborait le symbole anarchiste. Au-delà d’une pose, cette implication politique irrigue ses autres romans, comme c’est encore le cas dans La petite communiste qui ne souriait jamais où la narratrice, capitaliste de culture (comme on peut l’être pour une religion), dialogue avec Nadia Comaneci, symbole d’un certain communisme. Un discours comparatif entre Est et Ouest, capitalisme et communisme qui fait voler en éclat les idées reçues et la bien-pensance occidentale. Un roman anarchiste peut-être, iconoclaste sans aucun doute.
Ça a longtemps fait partie de mon adolescence. Quand je suis arrivée en France, ayant été élevée dans un autre système, j’ai été très brutalisée par la consommation. Ce n’est pas une pose, ça m’a pris de front. J’avais 13 ans et je n’avais jamais vu quelqu’un dormir dehors. Ça m’a bouleversée.
Pendant des années, quand je disais aux gens qu’il y avait des trucs bien en Roumanie, c’était un discours impossible à entendre. Soit je passais pour une débile, soit on me disait que je ne savais pas de quoi je parlais. Evidemment le système était dévoyé, et la Roumanie n’était pas un système communiste, le communisme n’y a jamais été réellement appliqué. C’est comme quand on parle de la surveillance. Ça me fait mourir de rire. Les gens me disent, il y avait la Securitate en Roumanie. Oui c’est vrai. Mais c’était des baltringues. Des gens qui en suivaient d’autres.
Ici votre pass navigo vous localise partout. On a votre nom, votre date de naissance, c’est une atteinte à votre liberté. Pareil pour les caméras vidéo, mais c’est accepté. On pense que ça va être plus pratique! Le succès du capitalisme, c’est d’arriver à faire accepter des choses qui dans le communisme étaient considérées comme horribles. Le capitalisme est nettement mieux marketé.
Ayant passé une grande partie de son enfance en Roumanie sous le régime Ceausescu, Lola Lafon est fortement critique à l’égard de ce système mort en 1989. Quelques jours avant Noël, une révolution balaie le pouvoir en place, un simulacre de procès est organisé et le couple dirigeant est exécuté. Ces images, d’une violence inouïe, ont tourné en boucle sur les écrans du monde entier à l’époque. L’occasion de les commenter avec la romancière était trop belle.
J’étais en France à ce moment-là et comme tous les Roumains, bouche bée. Plus que ça: j’étais sidérée. Parce que pour moi ça ne pouvait pas changer, c’était éternel. J’ai été élevée sous le portrait de Ceausescu. Mais cette sensation de malaise incroyable parce qu’on ne voit pas ses juges. Ça ne commence pas bien un procès où on ne voit pas les juges. Le truc que les gens qui l’arrêtent ratent, c’est qu’ils ont l’air d’un couple de petits vieux. Ils sont pathétiques. Ils ne font pas peur. On a pitié. Lui tremblote, elle a l’air usé, avec son fichu. Ils sont fatigués. Force de l’image mais qui est ratée selon moi. A cette période, il y a eu beaucoup de morts en Roumanie, le contraire de la révolution de velours. Les gens ne savaient plus qui était qui et se tirait dessus. Il n’y a eu aucun procès des sécuristes.
Inclure des passages sur la Roumanie dans le roman, ça ne s’est pas décidé tout de suite, ça a pris plusieurs mois. J’étais en Roumanie à ce moment-là. Quand je voyais mes amis là-bas, ce qu’ils me racontaient me semblait tellement contredire ma documentation que je l’ai mis en scène. Moi j’étais armée avec tous mes bouquins et je rencontre des gens de moins de 30 ans qui n’ont pas vraiment vécu cette époque et qui en ont une nostalgie incroyable. On a toujours la nostalgie de son enfance, mais surtout ils en bavent tellement aujourd’hui. Ils me disent «moi mes parents ils partaient en vacances, ils allaient au resto, nous on doit payer nos études et on n’a pas les moyens, on peut pas sortir de toutes façons parce qu’on n’a pas d’argent». Il y a un énorme H&M au centre de Bucarest, j’ai l’impression qu’il est tout le temps vide. Ces propos venaient contredire la narratrice, c’est vraiment la mise en scène du processus d’écriture. La confrontation entre la documentation et le réel. Et la voix de Nadia, c’est un peu la mienne. Je lui prends la main.
En plus de son activité romanesque, Lola Lafon s’adonne aussi à la chanson, avec deux albums à son actif. Loin de la culture rock qu’on pouvait imaginer, son admiration se porte sur une chanteuse à texte dont elle a eu l’occasion de reprendre un titre marquant: Göttingen de Barbara.
Je reviens toujours à elle. C’est une rebelle, une iconoclaste. J’ai découvert son œuvre très tard. Ma grande sœur l’écoutait, mais c’est un journaliste qui a titillé ma curiosité bien après. Je m’y suis alors plongée. Elle incarne le genre de femme qui me subjugue. Elle est intemporelle et d’une indépendance incroyable. Jean Corti m’a invité sur scène à interpréter ce titre, Göttingen. Je le chantais à un moment où des enfants sans papiers étaient arrêtés dans des écoles. J’étais totalement bouleversée.
A l’heure où les romans finissent souvent sur grand écran, Lola Lafon ne fait pas exception à la règle. La réalisatrice de Sur la planche, Leïla Kilani, travaillerait à l’adaptation de son précédent ouvrage Nous sommes les oiseaux de la tempête qui s’annonce. Info ou intox?
J’adore ce film, extraordinaire de poésie de brutalité et de rigueur. On s’est rencontrées avec Leïla Kilani et on a travaillé sur un découpage de Nous sommes les oiseaux de la tempête qui s’annonce. Puis, je me suis lancée dans l’écriture de La Petite communiste qui ne souriait jamais, elle dans son nouveau film donc le projet en suspens pour l’instant. Mais je pense que ça se fera. Mais c’est mieux que je reste à distance. Le roman ne m’appartient plus. Quand on vit deux ans avec un livre, il faut savoir s’en détacher à un moment. Et je suis tellement une control freak que sur un tournage, les gens craqueraient.
Propos recueillis par Ursula Michel
• La Petite communiste qui ne souriait jamais de Lola Lafon, Actes Sud.
Malgré des condamnations médiatisées et des progrès indéniables en matière d’indépendance de la justice, la corruption reste solidement ancrée en Roumanie. Et les rapports de Bruxelles n’y changent rien.
Marianne Rigaux
25/02/2014
D’après le rapport publié le 3 février par la Commission européenne, un Roumain sur 4 a été confronté à un pot-de-vin dans l’année écoulée. Une économie parallèle qui représenterait 31% du PIB national. Alarmant, mais pas nouveau.
En Roumanie, il y a la haute corruption, celle qui implique des représentants politiques et des magistrats, parfois condamnés. Et puis, celle, tenace, quotidienne, qui relève presque du mode de vie.
Pour Valentin, 30 ans, pas besoin de lui suggérer deux fois.
«Un policier qui te trouve saoul au volant commence par annoncer le prix de l’amende, 700 lei par exemple (155 euros). Tu protestes pour la forme. Tu es sûr qu’il va proposer de ”payer la moitié maintenant”. C’est le signe qu’il faut lui glisser un billet de 100 lei (22 euros).»
Un billet contre des draps propres
Idem pour obtenir une autorisation ou pour éviter un contrôle des normes. «Le pot-de-vin est la règle partout, on a laissé les Roumains aller top loin», déplore Valentin. Lui qui a travaillé pendant deux ans dans les marchés publics l’affirme:
«Ils sont tous biaisés.»
Quel que soit le sujet abordé avec un interlocuteur roumain, la conclusion sera toujours la même:
«Le problème de ce pays, c’est la corruption.»
Elle touche tous les secteurs: justice, politique, économie, médias, santé.
Un expatrié relativise.
«Les pots-de-vin pour accélérer un dossier administratif reculent à Bucarest, mais c’est vrai qu’ils restent de rigueur en milieu hospitalier.»
Lui-même n’a pas hésité lors d’une hospitalisation. Pour être bien traité, passer avant les autres ou avoir des draps propres, glissez votre bakchich dans la blouse.
L’habitude est si tenace que les personnes donnent parfois avant même qu’on ne leur demande. Rasvan, 28 ans, explique.
«Quand tu prends le train en Roumanie, personne n’achète son ticket au guichet. Tu montes, tu t’assois et tu donnes la moitié de ce que tu aurais dû payer au contrôleur.»
Le contrôle annuel de Bruxelles
Toute l’économie marche ainsi. C’est là l’héritage d’un demi-siècle de communisme bouleversé depuis les années 1990 par un capitalisme débridé, dans un Etat permissif, dont la tête est elle-même touchée. En Roumanie, la corruption part d’en haut et infuse toute la société.
«En 2007, les Roumains pensaient que la haute corruption allait baisser, mais le gouvernement n’écoute pas Bruxelles», constate Valentin. Lorsque la Roumanie a rejoint l’UE il y a 7 ans, Bruxelles a imposé un Mécanisme de coopération et de vérification (MCV) pour contrôler les efforts du pays en matière de réformes judiciaires et de lutte contre la corruption. Une première dans l’histoire de l’Union.
A chaque contrôle annuel, la Roumanie reçoit généralement un «peut mieux faire». Le dernier rapport MCV rendu en janvier attribuait à Bucarest un bon point pour les récentes condamnations de dirigeants hauts placés, mais pointait aussi une tentative inquiétante.
Tranquille, le Parlement se vote une «super-immunité»
Ainsi, en décembre le Parlement roumain a voté une «super-immunité» afin que les députés, les sénateurs, le président de la République, mais aussi des professions libérales ne puissent plus être poursuivis pour des crimes comme la corruption ou les abus de pouvoir commis dans l’exercice de leurs fonctions.
Autrement dit, une amnistie, sans que Bruxelles ne puisse intervenir. Pratique, mais aussi ironique, quand 28 membres du Parlement –dont certains qui ont voté cette immunité– sont actuellement jugés ou en train de purger des peines de prison pour corruption. Cristina Guseth, présidente de l’ONG de défense de l’Etat de droit Freedom House Roumanie parle de «mardi noir de la démocratie roumaine».
Un mois plus tard, l’amendement a été retoqué par la Cour constitutionnelle roumaine, mais la tentative a été consignée dans l’évaluation de la Commission européenne. L’avertissement n’a pourtant pas empêché début février l’entrée en vigueur d’un nouveau code pénal très controversé, plutôt conciliant avec les auteurs de corruption. Là encore, la Commission européenne ne peut contraindre Bucarest à revoir ses ajustements.
La seule vraie punition, c’est Schengen. Faute de véritables progrès dans la lutte contre la corruption, l’adhésion de la Roumanie à l’espace de libre circulation est sans cesse reportée depuis plusieurs années. Avec la tendance des douaniers à se faire graisser la patte, impossible de confier la gestion des frontières extérieures à la Roumanie.
Un «M. anti-corruption» détesté
Présentée ainsi, la Roumanie ne semble guère avoir évolué depuis 1989. Malgré tout, Horia Georgescu reste optimiste. Ce juriste de 36 ans dirige l’Agence nationale pour l’intégrité (ANI) qui a la lourde tâche de faire respecter l’intégrité des élus et des hauts fonctionnaires publics roumains.
«Les hommes politiques me détestent, me menacent parfois, mais je ne me laisse pas intimider. La société civile fait confiance à l’agence.»
Son équipe de 35 «inspecteurs de l’intégrité» vérifie actuellement la situation de plus de 2.700 élus et fonctionnaires publics.
Créée en 2008 à la demande de Bruxelles, l’ANI est régulièrement citée en exemple d’efficacité. Ses investigations ont permis de faire tomber 10 ministres, 65 parlementaires et 700 élus locaux pour conflits d’intérêts, incompatibilités ou avoirs non justifiés. Ce qui est à la fois rassurant et inquiétant. La justice roumaine fonctionne, mais la tâche semble immense.
«On fait ce qu’on peut. On espère que la Roumanie va devenir un modèle pour d’autres pays qui s’inspireraient de nos méthodes. Parce que c’est facile de dire ”chez nous, il n’y a pas de corruption” si on n’a pas les outils pour enquêter sur cette corruption.»
Alors, quand la Commission européenne a révélé que la corruption touchait l’ensemble des pays européens, Horia Georgescu s’est senti tout de même un peu rassuré.
«Maintenant, on attend que Bruxelles mette en place des outils pour les membres de l’UE, mais la lutte contre la corruption est d’abord une question de confiance dans les institutions nationales.»
4 ans ferme pour l’ancien Premier ministre
Une autre institution affiche de beaux tableaux de chasse en la matière: la Direction nationale anticorruption (DNA). Depuis 2002, ce parquet financier a fait traduire en justice plus de 5.000 personnes pour corruption moyenne et haute, dont 2.000 condamnées définitivement. Ses experts sont régulièrement invités dans les pays voisins pour présenter l’efficacité du «modèle roumain».
Parmi les personnalités condamnées à de la prison ferme figurent un ancien Premier ministre (4 ans), un patron du club de foot (3 ans), deux anciens ministres de l’Agriculture (3 ans), une ancienne ministre des Sports (5 ans) et de nombreux parlementaires.
La condamnation à quatre ans ferme d’Adrian Nastase est celle qui a le plus intéressé les médias. Premier ministre de 2000 à 2004, négociateur de l’adhésion de la Roumanie à l’Otan et à l’UE, il a plongé pour avoir détourné plus de 1,5 million d’euros pour sa campagne électorale.
D’après Livia Sapaclan, porte parole de la DNA, «le nombre de condamnés définitifs pour corruption de haut niveau (soit plus de 10.000 euros reçus en pots-de-vin) est passé de 155 en 2006 à plus de 1.000 en 2013». Des chiffres encore une fois aussi satisfaisants qu’alarmants sur l’état de corruption du pays.
Réveiller le citoyen
Les jeunes Roumains rencontrés restent mitigés devant ces chiffres. «Les résultats de la DNA, c’est juste des exemples sur-médiatisés. Pour un ancien ministre attrapé, combien font des trucs plus graves sans être condamnés?», s’interroge Valentin.
Andrei et Romana, deux jeunes journalistes d’investigation pour Rise Project, préfèrent en rire.
«Au moins, on ne manque pas de travail! La plupart des médias roumains enquêtent, mais aucun ne le fait avec notre sérieux.»
Rise project a vu le jour en 2011. Il compte aujourd’hui 10 journalistes bénévoles et quelques jolies révélations à son actif, mais Romana veut rester modeste.
«Tu ne sais jamais si untel est condamné parce que tu as écrit un article sur ses conflits d’intérêt ou s’il l’aurait été quoi qu’il en soit.»
Le rapport de la Commission européenne sur la corruption? «Du blabla lointain», juge Andrei. Pour eux, la lutte contre la corruption ne part pas de Bruxelles, mais du citoyen, celui qu’il faut réveiller. Dommage que peu de médias roumains aient cette même envie. Peut-être sont-ils corrompus eux aussi…
Contrairement aux idées reçues, la Roumanie est riche. Mais elle se fait piller. Et si les Roumains ont remporté une victoire contre un projet de mine d’or potentiellement nocif pour l’environnement, la mobilisation continue contre l’exploration des gaz de schiste.
Marianne Rigaux
Slate
01/10/2013
Dimanche 6 octobre, des milliers de Roumains sont descendus dans les rues de Bucarest pour protester contre le gouvernement de centre gauche accusé de favoriser un projet canadien de mine d’or contesté par les scientifiques.
Contrairement aux idées reçues, la Roumanie n’est pas dépourvue de richesses. Mais ce n’est pas elle qui en profite le plus. A l’ouest, il y a l’or convoité par des Canadiens. A l’est, les gaz de schiste promis aux Américains. Et au milieu, les manifestations des Roumains.
En autorisant des compagnies étrangères à exploiter son sous-sol dans l’espoir d’en tirer des bénéfices, le gouvernement a fait exploser la colère des citoyens. Il doit aujourd’hui faire machine à arrière.
Prenons les habitants de Rosia Montana par exemple. S’ils creusaient sous leurs maisons, ils seraient les plus riches de Roumanie. Sous ce village de Transylvanie se trouve le plus grand gisement d’or (300 tonnes) et d’argent (1.600 tonnes) d’Europe. Que tente d’extraire et d’exploiter depuis 1995 une société canadienne, Gabriel Resources.
Le projet prévoit désormais une exploitation intensive à ciel ouvert pendant seize ans, le recours à de grandes quantités de cyanure pour séparer l’or de la boue. Une pratique controversée, interdite dans certains pays d’Europe. Pendant des années, le dossier a connu peu d’avancées concrètes. Sollicité en 2011 pour donner son feu vert, le ministère roumain de l’Environnement n’a même jamais donné de réponse, tandis que la mobilisation contre le projet restait assez locale.
Qui n’en profiterait pas?
Mais voilà: Bucarest a besoin d’argent pour remplir ses caisses vidées par la crise. Car la Roumanie vit depuis trois ans sous perfusion du FMI. Les retombées économiques attendues pour ce pays en crise ont poussé le Premier ministre Victor Ponta –contre ce projet il y a encore quelques mois lorsqu’il était dans l’opposition– à mettre cet été le dossier sur le haut de la pile. Le gouvernement a déposé un projet de loi déclarant la mine «d’utilité publique et d’intérêt exceptionnel». Ce statut autoriserait la compagnie minière à exproprier les villageois qui refusent de quitter le site, au nom de l’Etat roumain.
Des mesures exceptionnelles à la hauteur de l’enjeu? La valeur de Rosia Montana a augmenté au même rythme que le cours de l’or: 10.000 euros le kilo en 2005, plus de 31.000 euros aujourd’hui. Le gisement est aujourd’hui estimé à 10 milliards d’euros.
«Quel pays disposant d’une telle richesse ne chercherait pas de solutions pour en profiter?», avait lancé le président roumain Traian Basescu en 2011, alors que le cours de l’or atteignait un pic historique. Victor Ponta devenu Premier ministre tient à peu près le même discours:
«En tant que député, je ne peux être que contre, mais en tant que Premier ministre, je ne peux être que pour, car je me dois d’attirer de nouveaux investissements en Roumanie.»
Problème: l’Etat roumain est minoritaire au sein de Rosia Montana Gold Corporation (RMGC), la compagnie chargée de l’exploitation du filon. Les profits iront surtout à la société canadienne Gabriel Resources, actionnaire à hauteur de 75%.
Le site d’investigation roumain Rise Project a publié le 31 août le contrat liant l’Etat roumain à RMGC. Il était resté secret pendant toutes ces années, malgré la promesse récurrente du Premier ministre de le publier. Selon ce document, RMGC, qui possède les droits d’exploitation, versera une redevance de 6% sur la production à l’Etat roumain. Pour les manifestants, le gouvernement a tout simplement vendu le pays.
Dans le village de Rosia Montana, les réactions sont mitigées. Il y a ceux qui résistent encore, comme Ani et Andrei, jeune couple d’altermondialistes, qui refusent toujours de vendre leur auberge aux Canadiens.
Et ceux qui se sont résignés: avec 75% de chômage dans la région, «toutes les personnes sensées sont pour la mine», confie Catalin, accoudé au bar. Il faut dire que le lobbying de RMGC ne leur laisse guère le choix.
Dans la cantine du village, financée par RMGC, le porte-parole des Canadiens Catalin Hosu promet que «la mine créera 3.600 emplois directs et indirects durant les 16 années d’exploitation». La compagnie emploie déjà 500 habitants, dont 22 qui se sont enfermés dans une galerie minière à l’annonce du coup de frein au projet.
En décembre, la population locale avait approuvé par référendum la réouverture de la mine à 78%. La consultation, boycottée par les opposants, avait été annulée, faute de participation suffisante. Au fil des années, la majorité des 2.000 habitants a vendu sa maison et fuit.
12.000 tonnes de cyanure par an
«Le prix à payer pour créer quelques emplois est trop élevé», juge Sorin Jurca, l’un des irréductibles opposants. Employé par la mine d’Etat jusqu’à sa fermeture en 2006, il a créé la fondation culturelle Rosia Montana pour défendre le patrimoine menacé.
«Le prix à payer», c’est 900 familles expropriées, 4 montagnes décapitées, 7 églises rasées, 7 cimetières déplacés, des galeries romaines classées au patrimoine national endommagées et surtout 250 millions de tonnes de déchets cyanurés stockés dans un bassin retenu par un barrage, en amont de Rosia Montana.
C’est ce danger environnemental qui a lancé la mobilisation à Bucarest. «Nous ne voulons pas de cyanure, nous ne voulons pas de dictature», ont scandé quotidiennement, pendant les 10 premiers jours de septembre, les manifestants, à Bucarest et dans les grandes villes du pays, mais aussi à Paris, Londres et Bruxelles. Les anti ne sont pas inquiets sans raison: en 2000, à Baia Mare (nord-ouest de la Roumanie), la rupture d’un barrage similaire a déversé 100.000 tonnes de cyanure dans le Danube, tuant 100 tonnes de poissons et empoisonnant l’eau de 2,5 millions de Hongrois.
Depuis, l’Union européenne a durci sa législation sur le cyanure. Environ 1.000 tonnes de cyanure sont utilisées chaque année dans les mines d’or d’Europe, notamment en Suède. En Roumanie, Gold corporation prévoit d’en utiliser 12 fois plus.
Devant la pression populaire, le Premier ministre fait machine arrière à la mi-septembre, retire son soutien au projet de loi et assure qu’il sera rejeté par le Parlement. Bien que le projet ne soit pas définitivement enterré, c’est une victoire pour les opposants.
Et une double défaite pour Victor Ponta qui, à force de changer d’avis, a perdu la confiance de la population. Et sa crédibilité auprès de Gabriel Resources. L’investisseur canadien menace de poursuivre l’Etat roumain «pour violations multiples des traités internationaux d’investissement» si le projet est définitivement abandonné. La presse parle de 4 milliards de dollars (3 milliards d’euros) de dommages et intérêts.
Le soir du 9 septembre, jour du recul du gouvernement roumain, l’action de Gabriel Resources a perdu la moitié de sa valeur à la Bourse de Toronto. Une dépréciation peu du goût des actionnaires, parmi lesquels des fonds spéculatifs, comme celui de John Paulson, qui s’est enrichi en spéculant sur la faillite de la Grèce.
Si les opposants au projet ont accueilli favorablement le recul du gouvernement roumain, ils ont bien l’intention de poursuivre leur mobilisation jusqu’au rejet du projet de loi par le Parlement et promis de revenir touts les jours, jusqu’à ce que le cyanure soit interdit dans l’industrie minière en Roumanie et le site de Rosia Montana classé au patrimoine de l’Unesco.
Les manifestants anti-mine d’or font aussi le lien avec les anti-gaz de schiste. A Bârlad, nord-est du pays, les protestations se multiplient depuis que le Premier ministre a autorisé cet été la compagnie américaine Chevron à explorer les gaz de schiste de la région.
D’après l’Agence américaine d’information sur l’énergie (EIA), le sous-sol roumain renfermerait quelque 1.444 milliards de mètres cubes de gaz de schiste, le troisième gisement européen après la Pologne et la France.
Si le gisement se confirme, Chevron prévoit une extraction par fracturation hydraulique à l’horizon 2017-2018. Une technique controversée, placée par la France sous moratoire, car elle polluerait les nappes phréatiques, fragiliserait les sols, voire favoriserait les tremblements de terre.
Mais en contrepartie de la fracturation de son sol, la région de Bârlad se voit promettre des dizaines de millions de dollars d’investissement dans les infrastructures locales, ainsi que dans le développement de la zone.
Rosia Montana, Bârlad: même combat
Pendant sa campagne électorale, le Premier ministre disait pourtant refuser qu’une entreprise étrangère explore le gaz de schiste roumain. C’était là encore avant d’être nommé et de faire volte-face en ouvrant la porte aux investissements étrangers en ces termes:
«Je veux que nous soyons un pays qui comprenne où sont ses intérêts.»
Comme à Rosia Montana, le profit que pourraient tirer les habitants de Bârlad, une ville désindustrialisée et appauvrie de 60.000 habitants, reste inconnu, car le contrat entre l’Etat et Chevron demeure secret. Et comme à Rosia Montana, le mécontentement dépasse largement les milieux écologistes.
Les Roumains se dressent aussi contre la manière de gouverner, la corruption, les entorses à la démocratie. Ils veulent défendre l’environnement, mais surtout empêcher leur pays de brader son sous-sol. Un réveil démocratique inédit en Roumanie depuis 1989.
Pas plus de Roumains et de Bulgares, d’ailleurs, au 1er janvier 2014 comme le font craindre certains. Pourquoi? Ceux qui auraient pu venir sont déjà là et ils ne sont pas très nombreux.
Marianne Rigaux
Slate
26/09/2013
Deux échéances font revenir en force les Roms dans les médias: l’accès libre au marché du travail à partir du 1er janvier 2014 et les élections municipales de mars, avec leur lot de surenchère verbale. Au 1er janvier prochain, Roumains et Bulgares pourront librement travailler en France. Depuis leur entrée dans l’UE en 2007, ils sont libres de circuler et de s’installer où ils le veulent, mais ne peuvent pas exercer n’importe quel métier.
Pour l’instant, ils doivent obtenir une autorisation de travail délivrée par une préfecture française, ce qui peut prendre plusieurs mois, même avec une solide promesse d’embauche. L’employeur doit aussi prouver qu’il n’a pas trouvé de candidat français pour le poste, sauf pour une liste de 291 métiers pour lesquels le pays manque de main d’œuvre. Jusqu’en octobre 2012, cette liste ne contenait encore que 150 métiers dits «sous tension».
Avant même la fin de ces mesures transitoires, certains pays comme les Pays-Bas, l’Allemagne, la France et le Royaume-Uni pointent le risque d’une «invasion» de ressortissants roumains et bulgares. Et parmi eux, de nombreux Roms.
Spéculations et fantasmes
Au Royaume-Uni, le leader de l’United Kingdom Independence Party (UKIP) Nigel Farage l’affirme: «Nous allons ouvrir nos portes à 29 millions de Bulgares et Roumains pauvres. Il est temps de reprendre le contrôle de nos frontières». «Ils ont peur que les travailleurs roumains dérèglent leur marché du travail avec nos salaires plus faibles», constate Ilie Serbanescu, économiste et ancien ministre roumain.
Une étude de l’Observatoire des migrations de l’université d’Oxford relativise pourtant ces fantasmes. Après avoir analysé le «raz-de-marée» migratoire suscité par l’élargissement de l’UE en 2004, les auteurs concluent que les ressortissants des nouveaux pays membres ne représentent qu’un tiers de l’immigration totale au Royaume-Uni.
En France, c’est le Front National qui agite le chiffon rouge. «Je vous annonce que dans le courant de l’année 2014, il viendra à Nice 50.000 Roms au moins puisqu’à partir du 1er janvier, les 12 millions de Roms qui sont situés en Roumanie, en Bulgarie et en Hongrie auront la possibilité de s’établir dans tous les pays d’Europe», a lancé Jean-Marie Le Pen cet été.
Il y a entre 15.000 et 20.000 Roms en France, originaires de Roumanie et de Bulgarie pour la plupart, mais aussi de Macédoine, du Kosovo, de Slovaquie… Un chiffre stable depuis des années. De tous ses voisins, la France est le pays qui compte le moins de Roms: ils sont 750.000 en Espagne et 150.000 en Italie.
L’immigration a déjà eu lieu
Pour la politologue roumaine Irène Costelian, il n’y aura pas de raz-de-marée à l’horizon. «Les Roumains [Roms ou non] sont déjà partis depuis longtemps», affirme-t-elle. Il n’y aura pas de nouveau rush comme il y en a eu en 2004 à la suppression des visas ou en 2007 à l’entrée dans l’Union européenne». Ni comme en 1990, après la chute du dictateur Ceausescu.
D’après le recensement réalisé en 2011, la Roumanie a perdu 13% de sa population depuis la fin du communisme, passant de 23,21 millions en 1990 à 20,12 millions d’habitants en 2011. En cause, une forte émigration, principalement vers l’Italie, l’Allemagne et l’Espagne, et dans une moindre mesure vers la France, où le nombre de ressortissants roumains est estimé à 200.000 personnes.
Et puis partir n’a plus la cote, selon Edith Lhomel, analyste à la documentation française. «En 2011 et 2012, les revenus envoyés au pays par les Roumains expatriés ont baissé. On commence à se rendre compte qu’immigrer dans un pays d’Europe occidentale en crise n’est pas si rentable».
«Le pauvre fait peur»
Reste que les spéculations font douter, à quelques mois des élections municipales en France. Le trio Rom/immigration/insécurité refait surface dans les discours politiques et les médias. «Il ne faut vraiment pas craindre la Roumanie», écrivait le Premier ministre roumain Victor Ponta dans une tribune publiée dans le Times en février.
Oui mais voilà, «le pauvre fait peur», reconnaît Irène Costelian, elle-même née en Roumanie. «Le Roumain traîne l’image du travailleur pauvre qui va casser les prix». Un thème de campagne idéal pour le Front National, mais aussi pour la droite.
Depuis quelques semaines, les Roms et les amalgames sont partout: articles, petites phrases, carte pour localiser les camps, Une racoleuse. Ils ne sont que 20.000, soit la population du Puy-en-Velay, mais ils arrivent à éclipser les 3,2 millions de chômeurs.
Avec Luminita Gheorghiu , Bogdan Dumitrache , Natasa Raab …
Mère et Fils – Bande Annonce – VOST
SYNOPSIS
A 60 ans, Cornelia fait partie de la haute bourgeoisie de Bucarest. Son argent lui permet de connaître tous les puissants et la bonne société de la capitale roumaine. Tout irait pour le mieux si seulement ses relations avec son fils étaient moins tendues. Alors que médecins, musiciens, avocats se pressent à son anniversaire, il a refusé de venir. Lorsque celui-ci tue un enfant dans un accident de voiture, elle utilise son carnet d’adresse et consacre sa fortune pour lui éviter la prison. Un bon moyen, pense-t-elle, pour regagner l’amour de son fils. Or, elle a beau se démener, son fils refuse de se laisser amadouer…
LA CRITIQUE LORS DE LA SORTIE EN SALLE DU 15/01/2014
Plus il la repousse, plus Cornelia intervient dans la vie de son fils quadragénaire. Lorsqu’il tue un gamin au volant de sa voiture, elle fait jouer toutes ses relations pour lui éviter le pire… Depuis quelque temps, le cinéma roumain est au top : sujets brûlants, mises en scène jouant avec brio sur la durée. On se souvient de La Mort de Dante Lazarescu (Cristi Puiu), il y a quelques années, d’Un mois en Thaïlande (Paul Negoescu), l’an dernier, et, bien sûr, de 4 Mois, 3 semaines, 2 jours (Cristian Mungiu), Palme d’or à Cannes en 2007. Couronné à Berlin l’année dernière, Mère et fils n’a pas la même intensité. Durant la première heure, le réalisateur semble se gargariser de la virtuosité de sa caméra. Et le personnage du fils est beaucoup trop faible : brutal, borné, sans envergure ni démesure. On ne comprend pas sa rancoeur. Sa (fausse ?) rédemption indiffère.
Avec la même vigueur que ses compatriotes, cependant, le cinéaste filme un pays où les passe-droits pèsent aussi lourd que la terreur politique, jadis. Nul, en effet, ne résiste aux prébendes de Cornelia, pas même le flic présenté comme un modèle incorruptible : il résiste, il résiste, mais il cède comme tous les autres… Et Luminita Gheorghiu (déjà remarquable dans La Mort de Dante Lazarescu) fait de son personnage une sorte de monstre shakespearien, ne pouvant s’empêcher de distiller le poison dont son fils se sert pour la détruire.
The Making and Breaking of Elite Gymnasts and Figure Skaters
By Joan Ryan
Doubleday, 243 pages, $22.95
The lights come on, the audience is hushed and the athletes spin, flip and pirouette before us, china dolls performing their routines with grace and joy.
The little girls who form the core of our national gymnastics and figure-skating teams are the stuff of gossamer dreams as they compete against the world for Olympic medals and patriotic glory.
But for every girl who makes it into the brightest spotlight, there are hundreds left in the shadows of the sport, used and discarded. It is the other side of the American dream and one that has long needed a closer look.
As part of a series of newspaper articles on female athletes, Joan Ryan, a San Francisco journalist, began this investigation of the price exacted in the quest for youthful success. The series grew into « Little Girls in Pretty Boxes, » which is as vital and troubling a work as the sports world has seen in a long time.
« What I found, » writes Ryan, « was a story about legal, even celebrated, child abuse. In the dark troughs along the road to the Olympics lay the bodies of the girls who stumbled on the way, broken by the work, pressure and humiliation.
« I found a girl who felt such shame at not making the Olympic team that she slit her wrists. A skater who underwent plastic surgery when a judge said her nose was distracting. A father who handed custody of his daughter over to her coach so she could keep skating. A coach who fed his gymnasts so little that federation officials had to smuggle food into their hotel rooms. A mother who hid her child’s chicken pox with makeup so she could compete. Coaches who motivated their athletes by calling them imbeciles, idiots, pigs and cows. »
Ryan lets the facts clearly indicate the damage that can be done to young girls by overbearing parents, obsessive coaches and the elusive dream of stardom.
The book’s strongest moments come from the sport of gymnastics, where judges reward the work of sleek, supple girls able to perform the hardest maneuvers and give poorer marks to those who have slipped toward womanhood and must rely on grace and form. Countless hours of intensive training, combined with dangerous eating patterns, lowers the percentage of body fat to such extreme levels that natural maturation cannot take place.
The psychological effects of growing up as a gymnast can lead to eating disorders, such as the anorexia that eventually killed former gymnast Christy Heinrich, and mental illness.
Ryan goes hard after Bela Karolyi, the former Romanian national team coach whose star rose in 1976 with the success of his student, Nadia Comaneci. The methods of Karolyi, now a coach in this country, include verbal abuse, Ryan asserts, and she also alleges that the gymnasts starve themselves to stay in his good graces. Karolyi does his job of producing winners well, however, and Ryan points out that until society changes its priorities for athletes, the situation will not change.
The sections on figure skating are cobbled in artfully by Ryan, but the material pales in comparison to the reporting on gymnastics. She carefully documents the pressure and the politics involved in skating and observes, once again, that judges are usually unwilling to grade a graceful woman as highly as a triple-jumper. Once the skaters mature, gaining the hips and breasts that make them aerodynamically inferior to the younger skaters, their careers are effectively shot. Getting to the top of the pack is a race against time, and the corners cut to get there can scar the athletes forever.
Ryan suggests changes involving gymnastics and figure skating: The minimum-age requirements should be raised. There should be mandatory licensing of coaches and careful scrutiny by the national governing bodies. And athletes should be required to remain in regular schools at least until they are 16.
Few sports books can truly be called important. This book, beautifully written and painstakingly researched, is one of those few.
Joan Ryan comes right to the point in the introductory chapter of her book, « Little Girls in Pretty Boxes, » which hits this stores this month.
Ryan, a San Francisco Chronicle columnist, undertook the book to learn about the effects of subjecting young girls to the training demands of figure skating and gymnastics, especially the latter.
« What I found, » Ryan writes, « was a story about legal, even celebrated, child abuse. »
The following anecdotes should illustrate why Ryan came to such a conclusion:
– In January, Romanian gymnastics coach Florin Gheorghe was sentenced to eight years in prison by a Bucharest court for having beaten an 11-year-old athlete so severely during a 1993 practice session she died two days later of a broken neck.
Gheorghe’s attorney admitted his client slapped the young woman but said such physical abuse was common practice in Romanian gymnastics.
« This kind of punishment is a heritage from Bela Karolyi, » the attorney said, referring to the martinet coach who drove Nadia Comaneci and Mary Lou Retton to Olympic gold medals. Karolyi has denied the charge.
– Aurelia Okino, a native Romanian whose daughter, Betty, trained with Karolyi a decade after his defection to the U.S., said in a 1992 interview she had become scared to answer the phone in her Elmhurst home.
Aurelia Okino worried it would be Betty, then 17, calling from Karolyi’s gym in Houston with news of another injury, There had been serious elbow, back and knee injuries before Okino made the 1992 Olympic team and helped the U.S. women win a bronze medal in the team event.
« Gymnastics is a brutal sport, » Betty Okino said matter-of-factly.
Asked why she had let her daughter go that far, Okino said, « How do you deny a child her dream? »
– In 1985, a few days before her enormously talented daughter, Tiffany, would win her only U.S. figure skating title, Marjorie Chin accepted the offer of a ride back to her Kansas City hotel from a reporter she had first met 20 minutes before. Tiffany, then 17, took a back seat to Marjorie in the reporter’s car.
For 30 minutes, Mrs. Chin delivered relentless criticism of her daughter’s performance in practice that day. « If you keep it up, you’re not going to be the star of the ice show, you’re going to be just part of the supporting cast, » Mrs. Chin said, over and over.
– Several times in the last few years, officials of the U.S. Figure Skating Association have spoken to a prominent ice dancer about her eating habits. The ice dancer, 32 years old, still looks like a wraith. One of those stories came from a wire service. The other three are personal recollections–mine, not Ryan’s.
Her book, subtitled « the making and breaking of elite gymnasts and figure skaters » (Doubleday, 243 pp., $22.95), has much more frightening tales to tell.
Ryan recounts in compelling detail the stories of Julissa Gomez and Christy Henrich, gymnasts whose pursuit of glory proved fatal; of figure skater Amy Grossman, whose mother said, « Skating was God »; of coaches like Karolyi and one of his disciples, Rick Newman, whose ideas of motivating adolescent girls include demeaning them at a time when their egos are most fragile; and of parents who hide their irresponsibility behind the notion of « trying to get the best for my child. »
Such is the sordid underbelly of the Olympics’ two most glamorous sports.
Only in the last three years has the nation begun to have a vague awareness of this life under the sequins and leotards. Ryan began to get a clear view of these problems while doing research for a newspaper story before the 1992 Olympics.
That led her to write this book, in which the villains are both coaches and parents. She lets Karolyi skewer himself with his own words. She shows how parents lose sight of the fundamental notion of protecting their children from harm, so blinded are they by possible fame and fortune.
The cause of such intemperate adult behavior is partly the peculiar competitive demands to jump higher and twirl faster, particularly in gymnastics, that favor girls with tiny bodies over young women developing hips and breasts. That puts them in a race against puberty, creating a window of opportunity so narrow it leads to foolhardiness.
Neither figure skating nor gymnastics is without athletes whose experiences are positive, a point that needed more attention in Ryan’s book than the disclaimer, « I’m not suggesting that all elite gymnasts and figure skaters emerge from their sports unhealthy and poorly adjusted. » A better balance might have been struck if the author had given voice to the likes of Olympic champions Retton and Kristi Yamaguchi.
Ryan’s basic premise about child abuse still is thoroughly supported by interviews, anecdotes and factual evidence.
« Little Girls in Pretty Boxes » should be a manifesto for change in the rules of these two sports, so that women with adult bodies still can compete. It should be a wakeup call to parents who have abdicated their responsibility for their childrens’ well-being. Mamas, don’t let your babies grow up hooked on sports that don’t let them grow up.
‘Avoir la paix’, le grand mot de toutes les lâchetés civiques et intellectuelles.Charles Péguy
Le pacifisme est objectivement pro-fasciste. C’est du bon sens élémentaire. Si vous entravez l’effort de guerre d’un côté, vous aidez automatiquement l’autre.George Orwell
Il est parfaitement normal que la Russie veuille défendre ses intérêts ainsi que ceux des Russes en Russie et des russophones à l’extérieur de la Russie. Il est normal également que la communauté internationale veuille garantir l’intégrité, la souveraineté et l’indépendance de la Géorgie.Nicolas Sarkozy (Entretien avec son homologue Dmitri Medvedev au Kremlin, 11 août, 2008)
C’est ma dernière élection. Après mon élection, j’aurai davantage de flexibilité. Obama
Je comprends. Je transmettrai l’information à Vladimir. Medvedev
The real conundrum is why the president seems so compelled to take both sides of every issue, encouraging voters to project whatever they want on him, and hoping they won’t realize which hand is holding the rabbit. That a large section of the country views him as a socialist while many in his own party are concluding that he does not share their values speaks volumes — but not the volumes his advisers are selling: that if you make both the right and left mad, you must be doing something right. As a practicing psychologist with more than 25 years of experience, I will resist the temptation to diagnose at a distance, but as a scientist and strategic consultant I will venture some hypotheses. The most charitable explanation is that he and his advisers have succumbed to a view of electoral success to which many Democrats succumb — that “centrist” voters like “centrist” politicians. Unfortunately, reality is more complicated. Centrist voters prefer honest politicians who help them solve their problems. A second possibility is that he is simply not up to the task by virtue of his lack of experience and a character defect that might not have been so debilitating at some other time in history. Those of us who were bewitched by his eloquence on the campaign trail chose to ignore some disquieting aspects of his biography: that he had accomplished very little before he ran for president, having never run a business or a state; that he had a singularly unremarkable career as a law professor, publishing nothing in 12 years at the University of Chicago other than an autobiography; and that, before joining the United States Senate, he had voted « present » (instead of « yea » or « nay ») 130 times, sometimes dodging difficult issues.Drew Westen (Emory university, Aug. 2011)
First and foremost, stop “expressing deep concern”. All protestors on the Maidan have an allergy to this phrase, which in these circumstances has become senseless especially as all of the gangsters in the Ukrainian governmental gang enjoy mocking the helplessness of the EU. Apply sanctions. Don’t waste time in searching for their Achilles’ heel: it is the money deposited in your banks. Execute your own laws and stop money laundering. The Europe we want to be part of can never degrade the absolute value of human lives in favor of an absolute importance of money. Also cancel Western visas for all governmental gangsters and their families. It is a scandal that ordinary Ukrainians, living their simple lives, have to provide their ancestors’ family trees to obtain a visa, while ruling criminals guilty of murder, “disappearances”, and fraud in the eyes of the whole world, enjoy virtually free-entry status in Europe.Myroslav Marynovych
There are many things that Vladimir Putin doesn’t understand, but geopolitics isn’t one of them. His ability to identify and exploit the difference between the West’s rhetoric and its capabilities and intentions has allowed him to stop NATO expansion, split Georgia, subject Washington to serial humiliations in Syria and, now, to bring chaos to Ukraine. Mr. Putin is a master of a game that the West doesn’t want to play, and as a result he’s won game after game with weak cards. He cannot use smoke and mirrors to elevate Russia back into superpower rank, and bringing a peaceful Ukraine back into the Kremlin’s tight embrace is also probably beyond him. But as long as the West, beguiled by dreams of win-win solutions, fails to grapple effectively in the muddy, zero-sum world of classic geopolitics, Mr. Putin and his fellow revisionists in Beijing and Tehran will continue to wreak havoc with Western designs. Walter Russel Meade
Mr. Putin’s agenda in Ukraine is part of his larger plans to solidify his own authoritarian control and revive Greater Russia. Without Ukraine, the most important of the former Soviet satellites, a new Russian empire is impossible. With Ukraine, Greater Russia sits on the border of the EU. If Ukraine moves toward Europe with a president who isn’t a Russian satrap, it also sets a democratic example for Russians. The world is seeing that Mr. Putin will do what it takes to stop such an event, even if it risks a civil war in Ukraine. The Russian is willing to play this rough because he sees Western weakness. The EU is hopeless, led by a Germany so comfortable in its pacifism that it won’t risk even a diplomatic confrontation. As for the U.S., it’s no coincidence that Mr. Putin asserted himself in Ukraine not long after Mr. Obama retreated in humiliating fashion from his « red line » in Syria. As always in history, such timidity invites the aggression it purports to prevent. If this American President won’t even bomb Damascus airfields to stop the use of chemical weapons, why would Mr. Putin think Mr. Obama would do anything for eastern Europe?The WSJ
How does a nation become self-governing when so much of « self » is so rotten? Run-of-the-mill analyses that Ukraine is a « young democracy » with corrupt elites, an ethnic divide and a bullying neighbor don’t suffice. Ukraine is what it is because Ukrainians are what they are. The former doesn’t change until the latter does. (…) that’s what people said about Ukraine during the so-called Orange Revolution in 2004, or about Lebanon’s Cedar Revolution in 2005, or about the Arab Spring in 2011. The revolution will be televised—and then it will be squandered. (…) The homo Sovieticus Ukrainians should fear the most may not be Vladimir Putin after all. Bret Stephens
Le gaz russe, le pétrole saoudien ou iranien, le soja argentin (justement surnommé « pétrole vert ») confèrent une richesse provisoire, et plus encore l’illusion de la richesse. Cette illusion et l’argent facile que génère la rente minérale, dissuadent gouvernements et entrepreneurs d’innover et de se diversifier. En Russie, depuis que le prix du gaz monte, le pays ne cesse de se désindustrialiser : au pays de Poutine, il ne reste que des oligarques branchés sur les matières premières et de vastes supermarchés où tous les produits de consommation sont importés. La rente conduit aussi à des effets politiques notoires : en concentrant la richesse au sommet, elle perpétue les régimes autoritaires. Ceux qui sont assez astucieux pour redistribuer une partie de la rente (Poutine, la monarchie saoudienne, Chavez naguère, au Vénézuela, Nestor Kirchner, puis Cristina Fernandez en Argentine) se constituent une clientèle populaire qui soutient le despotisme redistributeur. Jusqu’au jour où les prix se retournent : ce qui, en ce moment même, est le cas sur le marché du soja et du gaz. Soudain, les gouvernements brésilien et argentin, privés de suffisamment de ressources à redistribuer, n’ont d’autres expédients que de fabriquer de la monnaie : avec l’inflation qui en résulte, leur chute est imminente. Un sort identique guette Poutine. La raison en est que les États-Unis, grâce à la technique de fracturation, mise au point par des entrepreneurs américains, sont en passe de devenir le premier producteur de gaz au monde. Partout, les prix commencent à baisser et ils baisseront plus encore quand les Américains exporteront ce gaz vers l’Europe. En Europe même, la Pologne, la Grande-Bretagne, la France (quand son gouvernement aura fait taire ses écologistes) deviendront des producteurs majeurs au détriment, là encore, de Gasprom. La « malédiction des ressources naturelles » est cependant une théorie ambigüe : elle laisserait supposer que leur absence est une bénédiction. S’il est vrai que la Corée du Sud ou Israël, par exemple, sont des succès économiques entièrement fondés sur l’absence de ressources naturelles, la Norvège, les États-Unis ou la Grande-Bretagne combinent habilement ressources naturelles et esprit d’entreprise. C’est donc l’esprit d’entreprise et la bonne gestion de l’État qui transforment les ressources naturelles soit en malédiction, soit en vitamines. S’il fallait parier sur l’avenir du modèle russo-poutinien, il me paraît condamné en moins de dix ans : Sotchi, à terme, apparaîtra comme la dernière fête avant l’extinction des feux et l’Histoire russe disqualifiera probablement Poutine pour dopage.Guy Sorman
Le manque de soutien des Américains aux Français est, en vérité, la marque de fabrique de Barack Obama (…) Le Président américain avait trouvé une stratégie d’évitement pour ne pas intervenir, à condition que le gouvernement syrien renonce à son arsenal chimique : toutes les autres formes d’assassinat de masse restaient donc tolérées par le Président américain. Un million de morts et deux millions de réfugiés plus tard n’empêchent apparemment pas Barack Obama de dormir la nuit : il a d’autres priorités, tel lutter contre un hypothétique déréglement du climat ou faire fonctionner une assurance maladie, moralement juste et pratiquement dysfonctionnelle. On connaît les arguments pour ne pas intervenir en Syrie : il serait difficile de distinguer les bons et les mauvais Syriens, les démocrates authentiques et les islamistes cachés. Mais ce n’est pas l’analyse du sénateur John Mc Cain, plus compétent qu’Obama sur le sujet : lui réclame, en vain, que les États-Unis arment décemment les milices qui se battent sur les deux fronts, hostiles au régime de Assad et aux Islamistes soutenus par l’Iran. Par ailleurs, se laver les mains face au massacre des civils, comme les Occidentaux le firent naguère au Rwanda – et longtemps en Bosnie et au Kosovo – n’est jamais défendable. Il est parfaitement possible, aujourd’hui encore en Syrie, d’interdire le ciel aux avions de Assad qui bombardent les civils, de créer des couloirs humanitaires pour évacuer les civils, d’instaurer des zones de sécurité humanitaire. C’est ce que Obama refuse obstinément à Hollande. Comment expliquer cette obstination et cette indifférence d’Obama : ne regarde-t-il pas la télévision ? Il faut en conclure qu’il s’est installé dans un personnage, celui du Président pacifiste, celui qui aura retiré l’armée américaine d’Irak, bientôt d’Afghanistan et ne l’engagera sur aucun autre terrain d’opérations. Obama ignorerait-il qu’il existe des « guerres justes » ? Des guerres que l’on ne choisit pas et qu’il faut tout de même livrer, parce que le pacifisme, passé un certain seuil, devient meurtrier. « À quoi sert-il d’entretenir une si grande armée, si ce n’est pas pour s’en servir ? », avait demandé Madeleine Albright, Secrétaire d’État de Bill Clinton, au Général Colin Powell, un militaire notoirement frileux. Les États-Unis sont le gendarme du monde, la seule puissance qui compte : les armées russes et chinoises, par comparaison, sont des nains. On posera donc à Obama – si on le pouvait – la même question que celle de Madeleine Albright : « À quoi sert l’armée américaine et à quoi sert le Président Obama ? ». Il est tout de même paradoxal que Hollande, un désastre en politique intérieure, pourrait passer dans l’Histoire comme celui qui aura dit Non à la barbarie et Barack Obama, Prix Nobel de la Paix, pour celui qui se sera couché devant les Barbares.Guy Sorman
Quand le pacifisme devient meurtrier …
Alors que, profitant des Jeux de Sotchi et au prix d’on ne sait encore combien de victimes et, sans compter la généralisation de la corruption ambiante, pour combien de temps …
Le chef de l’État français n’est pas le meilleur économiste de son temps ; il n’est ni Don Juan ni Casanova ; mais nul ne contestera sa détermination guerrière. Quand le Mali faillit tomber aux mains de bandes se réclamant de l’Islamisme, il n’hésita pas un instant à dépêcher l’armée française. L’opération était risquée, improvisée, appuyée par une logistique américaine insignifiante : mais ce fut un succès. De nouveau, en République Centre africaine, François Hollande a dépêché, sans tergiverser, des militaires français qui ont interdit un génocide des musulmans par des chrétiens. Les gouvernements européens furent spectateurs et Barack Obama, pesant le pour et le contre, restait l’indécis permanent.
L’Afrique serait-elle l’arrière-cour de l’armée française au point que les Américains considèrent qu’il lui appartient d’y maintenir l’ordre pour l’éternité ? Cette analyse passéiste n’est pas tenable parce que l’armée américaine, qu’on le veuille ou non, est seule au monde à disposer de la logistique nécessaire pour intervenir massivement, en tout lieu. Et l’armée américaine est déjà fort infiltrée en Afrique, au Sénégal en particulier, profitant d’un recul des moyens de la France.
Le manque de soutien des Américains aux Français est, en vérité, la marque de fabrique de Barack Obama : lui seul décide. Son comportement laisse plus pantois encore face au massacre des Syriens. On rappellera que, le 25 août 2013, François Hollande annonçait que l’armée française était au seuil d’une intervention en Syrie pour stopper les massacres. Il avait, à ce moment-là, l’aval de la Maison Blanche et les états-majors français et américains s’étaient concertés, les rôles étaient distribués. Hélas, une semaine plus tard, Barack Obama trahissait François Hollande – ce qui est commun dans les relations internationales – mais, bien pire, abandonnait le peuple syrien. Le Président américain avait trouvé une stratégie d’évitement pour ne pas intervenir, à condition que le gouvernement syrien renonce à son arsenal chimique : toutes les autres formes d’assassinat de masse restaient donc tolérées par le Président américain. Un million de morts et deux millions de réfugiés plus tard n’empêchent apparemment pas Barack Obama de dormir la nuit : il a d’autres priorités, tel lutter contre un hypothétique déréglement du climat ou faire fonctionner une assurance maladie, moralement juste et pratiquement dysfonctionnelle.
On connaît les arguments pour ne pas intervenir en Syrie : il serait difficile de distinguer les bons et les mauvais Syriens, les démocrates authentiques et les islamistes cachés. Mais ce n’est pas l’analyse du sénateur John Mc Cain, plus compétent qu’Obama sur le sujet : lui réclame, en vain, que les États-Unis arment décemment les milices qui se battent sur les deux fronts, hostiles au régime de Assad et aux Islamistes soutenus par l’Iran. Par ailleurs, se laver les mains face au massacre des civils, comme les Occidentaux le firent naguère au Rwanda – et longtemps en Bosnie et au Kosovo – n’est jamais défendable. Il est parfaitement possible, aujourd’hui encore en Syrie, d’interdire le ciel aux avions de Assad qui bombardent les civils, de créer des couloirs humanitaires pour évacuer les civils, d’instaurer des zones de sécurité humanitaire. C’est ce que Obama refuse obstinément à Hollande. Comment expliquer cette obstination et cette indifférence d’Obama : ne regarde-t-il pas la télévision ? Il faut en conclure qu’il s’est installé dans un personnage, celui du Président pacifiste, celui qui aura retiré l’armée américaine d’Irak, bientôt d’Afghanistan et ne l’engagera sur aucun autre terrain d’opérations. Obama ignorerait-il qu’il existe des « guerres justes » ? Des guerres que l’on ne choisit pas et qu’il faut tout de même livrer, parce que le pacifisme, passé un certain seuil, devient meurtrier. « À quoi sert-il d’entretenir une si grande armée, si ce n’est pas pour s’en servir ? », avait demandé Madeleine Albright, Secrétaire d’État de Bill Clinton, au Général Colin Powell, un militaire notoirement frileux. Les États-Unis sont le gendarme du monde, la seule puissance qui compte : les armées russes et chinoises, par comparaison, sont des nains. On posera donc à Obama – si on le pouvait – la même question que celle de Madeleine Albright : « À quoi sert l’armée américaine et à quoi sert le Président Obama ? ». Il est tout de même paradoxal que Hollande, un désastre en politique intérieure, pourrait passer dans l’Histoire comme celui qui aura dit Non à la barbarie et Barack Obama, Prix Nobel de la Paix, pour celui qui se sera couché devant les Barbares.
Au long des Jeux Olympiques de Sotchi, seuls les athlètes auront été contrôlés pour dopage. Les chefs d’État ne devraient-ils pas également l’être ? Certains Jeux ne coutèrent rien au pays d’accueil, comme ceux d’Atlanta en 1996 ou de Salt Lake City en 2002, car entièrement autofinancés par le secteur privé. À l’inverse, des nations peu fortunées comme la Chine en 2008, la Grèce en 2004 et la Russie cette fois-ci, auront pulvérisé le record de la dépense publique pour épater le monde : 50 milliards de dollars pour Sotchi. Ne devrait-on pas fixer aux États les mêmes règles de bonne conduite qu’aux sportifs ? Car, un athlète qui se dope nuit peu, tandis qu’un Poutine appauvrit des millions de Russes ; de même que le gouvernement grec avait déclenché la faillite publique de son pays.
Déduire du succès logistique des Jeux de Sotchi, comme le souhaiterait Poutine, que la Russie a renoué avec la puissance et la prospérité, serait une grave erreur de jugement. Le financement de ces Jeux comme la croissance soutenue de l’économie russe depuis quinze ans, reposent entièrement sur une aubaine : une constante hausse du prix du gaz au bénéfice du Gasprom, une entreprise qui se confond avec l’État. Poutine est dopé au gaz. La Russie bénéficie d’une rente gazière, accessoirement pétrolière, à la manière de l’Arabie saoudite, du Qatar ou du Vénézuela. On rappellera d’ailleurs – ce fait reste peu connu – que la relative prospérité de l’Union soviétique dans les années 1960, dérivait aussi de cette rente minérale : quand, dans les années 1980, les prix des matières premières et de l’énergie exportée déclinèrent, ne permettant plus à l’URSS d’importer suffisamment pour nourrir le peuple, l’URSS s’effondra. Vladimir Poutine et nous tous, devrions nous souvenir de ce passé si proche et, plus généralement, nous remémorer ce que les économistes appellent la « malédiction des ressources naturelles ».
Le gaz russe, le pétrole saoudien ou iranien, le soja argentin (justement surnommé « pétrole vert ») confèrent une richesse provisoire, et plus encore l’illusion de la richesse. Cette illusion et l’argent facile que génère la rente minérale, dissuadent gouvernements et entrepreneurs d’innover et de se diversifier. En Russie, depuis que le prix du gaz monte, le pays ne cesse de se désindustrialiser : au pays de Poutine, il ne reste que des oligarques branchés sur les matières premières et de vastes supermarchés où tous les produits de consommation sont importés. La rente conduit aussi à des effets politiques notoires : en concentrant la richesse au sommet, elle perpétue les régimes autoritaires. Ceux qui sont assez astucieux pour redistribuer une partie de la rente (Poutine, la monarchie saoudienne, Chavez naguère, au Vénézuela, Nestor Kirchner, puis Cristina Fernandez en Argentine) se constituent une clientèle populaire qui soutient le despotisme redistributeur. Jusqu’au jour où les prix se retournent : ce qui, en ce moment même, est le cas sur le marché du soja et du gaz. Soudain, les gouvernements brésilien et argentin, privés de suffisamment de ressources à redistribuer, n’ont d’autres expédients que de fabriquer de la monnaie : avec l’inflation qui en résulte, leur chute est imminente. Un sort identique guette Poutine. La raison en est que les États-Unis, grâce à la technique de fracturation, mise au point par des entrepreneurs américains, sont en passe de devenir le premier producteur de gaz au monde. Partout, les prix commencent à baisser et ils baisseront plus encore quand les Américains exporteront ce gaz vers l’Europe. En Europe même, la Pologne, la Grande-Bretagne, la France (quand son gouvernement aura fait taire ses écologistes) deviendront des producteurs majeurs au détriment, là encore, de Gasprom.
La « malédiction des ressources naturelles » est cependant une théorie ambigue : elle laisserait supposer que leur absence est une bénédiction. S’il est vrai que la Corée du Sud ou Israël, par exemple, sont des succès économiques entièrement fondés sur l’absence de ressources naturelles, la Norvège, les États-Unis ou la Grande-Bretagne combinent habilement ressources naturelles et esprit d’entreprise. C’est donc l’esprit d’entreprise et la bonne gestion de l’État qui transforment les ressources naturelles soit en malédiction, soit en vitamines. S’il fallait parier sur l’avenir du modèle russo-poutinien, il me paraît condamné en moins de dix ans : Sotchi, à terme, apparaîtra comme la dernière fête avant l’extinction des feux et l’Histoire russe disqualifiera probablement Poutine pour dopage.
I write to you as a former prisoner of conscience of the Brezhnev era. All other titles are rapidly losing sense in light of the bleeding Ukrainian Maidan.
All my life I admired Western civilization as the realm of values. Now I am close to rephrasing Byron’s words: “Frailty, thy name is Europe!” But the strength of bitterness here is matched by the strength of our love for Europe.
If it still concerns anybody in decision-making circles, I will answer the question in the title.
First and foremost, stop “expressing deep concern”. All protestors on the Maidan have an allergy to this phrase, which in these circumstances has become senseless especially as all of the gangsters in the Ukrainian governmental gang enjoy mocking the helplessness of the EU.
Apply sanctions. Don’t waste time in searching for their Achilles’ heel: it is the money deposited in your banks. Execute your own laws and stop money laundering. The Europe we want to be part of can never degrade the absolute value of human lives in favor of an absolute importance of money.
Also cancel Western visas for all governmental gangsters and their families. It is a scandal that ordinary Ukrainians, living their simple lives, have to provide their ancestors’ family trees to obtain a visa, while ruling criminals guilty of murder, “disappearances”, and fraud in the eyes of the whole world, enjoy virtually free-entry status in Europe.
Do not listen to Yanukovych’s and Putin’s propagandistic sirens. Just put cotton in your ears. Be able to decode their lies; otherwise they will decode your ability to defend yourself.
Listen instead to the Ukrainian media sacrificing their journalists’ lives to get credible information. Do not rely so much upon the information provided by your special correspondents from other countries who come to Ukraine for a day or two. Hire Ukrainians who live in this country to translate the Ukrainian cry of pain. Secure money for that right now instead of waiting for funds from next year’s budget.
Come to Ukrainian hospitals and talk to the so-called “extremists” who want to “subvert the legitimately elected government,” those who have allegedly “cruelly beaten” policemen and “deliberately” blasted explosives to wound themselves. Yes, the face of war is cruel. But, arriving at the Maidan, these people repeated almost literally what King George VI said to his people on September 3, 1939: “We have been forced into a conflict, for we are called … to meet the challenge of a principle which, if it were to prevail, would be fatal to any civilized order in the world.”
Go out of your comfort zones! Just recall the coddled ancient Romans who refused to do that in time. Politely cajoling Putin won’t bring you security. Letting him take control over Ukraine could make world peace even more vulnerable. A Ukraine divided by force won’t bring the world peace, just as a Poland and Germany divided by force didn’t bring peace to the world.
Let us conclude in solidarity with the King and the Ukrainian people: “The task will be hard. There may be dark days ahead, and war can no longer be confined to the battlefield, but we can only do the right as we see the right, and reverently commit our cause to God. If one and all we keep resolutely faithful to it, ready for whatever service or sacrifice it may demand, then with God’s help, we shall prevail.”
Obama might like to pretend that geopolitics don’t matter, but the slaughter in Kiev shows how mistaken he is.
Walter Russel Meade
The WSJ
Feb. 20, 2014
The Ukrainian government’s assault on protesters in Kiev’s Independence Square over the past 48 hours shocked Europe and the world. The turmoil is also forcing both the European Union and the United States to re-examine some of their deepest assumptions about foreign policy in the post Cold War environment.
The Ukrainian crisis started last fall, when EU ministers thought Ukraine was about to sign an Association Agreement that would have begun the process of economic integration between Europe’s second-largest country and the European Union. This would have been a decisive step for Ukraine. Long hesitating between Moscow and Brussels, Ukraine would have seen the Association Agreement put it firmly on a Western path. That Ukrainian President Viktor Yanukovych, whose political support is rooted in the Russia-leaning half of the country, seemed prepared to take this step was particularly significant. It looked as if both halves of Ukraine had reached a consensus that the future lay with the West.
But the diplomats in Brussels and Washington forgot to factor one man into their calculations. For Russia’s President Vladimir Putin, the prospect that a united Ukraine might desert Russia and join Europe is completely unacceptable. Mr. Putin saw the West’s overtures to Ukraine as an existential threat to Russia’s great power status and his own political position. Sensing that the West was unprepared and unfocused, he moved quickly and effectively to block the wedding by offering Mr. Yanukovych $15 billion to leave the Europeans standing at the altar.
European diplomats were flummoxed. Far from anticipating Putin’s intervention, they thought Mr. Yanukovych was hungry enough for an EU agreement that they could force him to free his imprisoned political rival, Yulia Tymoshenko, as the price of the trade deal. These days, nothing much is heard about Ms. Tymoshenko—who was jailed in 2011 on charges of abusing power and embezzlement, after what many observers say was a politicized process—and the Europeans are scrambling, in their slow and bureaucratic way, to sweeten their offer and lure Ukraine back to the wedding chapel.
Washington was no better prepared. Between pivoting to Asia and coping with various crises in the Middle East, the Obama administration hadn’t deigned to engage seriously until Mr. Putin knocked the EU plan off course.
Inside Ukraine, Mr. Yanukovych’s reversal on Europe broke the fragile national consensus. Few countries had as wretched a 20th century as Ukraine. World War I, the Russian Civil War, the mass starvation and political purges of the Stalin era, the genocidal violence of World War II: wave after wave of mass death rolled over the land. The western half of the country sees Moscow as a hostile, rapacious power and believes—correctly—that Mr. Putin’s vision for their country will involve the loss of democratic freedoms and destroy any hope of establishing the rule of law and transparent institutions, or of joining the EU.
The eastern half is not so sure. Trade and cultural connections with Russia are stronger than they are with Europe, and while the EU is a good market for Ukrainian raw materials, Russia is willing to buy Ukrainian manufactured and consumer goods that Europe doesn’t much want.
Meanwhile, given Ukraine’s tormented history and the post-Soviet legacy of criminal oligarchs and corruption, the country’s weak institutions lack the legitimacy and perhaps the competence to manage deep conflicts like the one now shaking the nation. Political movements in both halves of the country have ties to shady figures, and the horrors of the past have left a residue of ethnic hatreds and conspiracy theories on both sides of the current divide.
For Mr. Putin, this is of little moment. With Ukraine, Russia can at least aspire to great power status and can hope to build a power center between the EU and China that can stand on something approaching equal terms with both. If, on the other hand, the verdict of 1989 and the Soviet collapse becomes final, Russia must come to terms with the same kind of loss of empire and stature that Britain, France and Spain have faced. Mr. Putin’s standing at home will be sharply, and perhaps decisively, diminished.
Both the EU and the U.S. made a historic blunder by underestimating Russia’s reaction to the Ukrainian trade agreement. Mr. Putin cannot let Ukraine slip out of Russia’s sphere without throwing everything he has into the fight. As I wrote last fall, the EU brought a baguette to a knife fight, and the bloody result is on the streets of Kiev.
The policy of detaching Ukraine from Russia should either have been pursued with enormous determination and focus—and an irresistible array of economic and political instruments of persuasion—or it should not have been pursued at all. While Mr. Putin and the Ukrainian government have turned a problem into a crisis, some responsibility for the deaths in Ukraine lies at the doors of those who blithely embarked on a dangerous journey without assessing the risks.
Neither the American policy makers nor the European ones who stumbled into this bear trap are stupid, but this episode is confirmation that the problem that has haunted Western statesmanship since 1989 is still with us. Both President Obama and the many-headed collection of committees that constitutes the decision-making apparatus of the EU believe that the end of the Cold War meant an end to geopolitics.
This helps explain why American diplomacy these days is about order and norms. The objectives are global: an environmental climate treaty, the abolition of nuclear weapons, the creation of new global governance mechanisms like the G-20, the further expansion of free trade agreements, and so on. When the U.S. voices its objections—to Bashar Assad’s slaughter in Syria, say, or to the Ukrainian crackdown this week—they are stated in terms of global norms. And so U.S. diplomacy with Russia has focused on order-building questions like nonproliferation, while gravely underestimating the degree to which Russia’s geopolitical interests conflict with those of the U.S.
This is not so much an intellectual error as a political miscalculation. For American and European policy makers, the 1989 geopolitical settlement of the Cold War seemed both desirable and irreversible. Powers like Russia, China and Iran, who might be dissatisfied with either the boundaries or the legal and moral norms that characterized the post-Cold War world, lacked the power to do anything about it. This outlook is Francis Fukuyama’s « The End of History » on steroids: Humanity had not only discovered the forms of government and economic organization under which it would proceed from here on out, it had found the national boundaries and the hierarchy of states that would last indefinitely.
There are many things that Vladimir Putin doesn’t understand, but geopolitics isn’t one of them. His ability to identify and exploit the difference between the West’s rhetoric and its capabilities and intentions has allowed him to stop NATO expansion, split Georgia, subject Washington to serial humiliations in Syria and, now, to bring chaos to Ukraine.
Mr. Putin is a master of a game that the West doesn’t want to play, and as a result he’s won game after game with weak cards. He cannot use smoke and mirrors to elevate Russia back into superpower rank, and bringing a peaceful Ukraine back into the Kremlin’s tight embrace is also probably beyond him.
But as long as the West, beguiled by dreams of win-win solutions, fails to grapple effectively in the muddy, zero-sum world of classic geopolitics, Mr. Putin and his fellow revisionists in Beijing and Tehran will continue to wreak havoc with Western designs.
Mr. Mead is a professor of foreign affairs and humanities at Bard College and editor at large of the American Interest.
He sees a timid West and the chance to rebuild Greater Russia.
The WSJ
Feb. 21, 2014
The Sochi Olympics have showcased the face of Russia that President Vladimir Putin wants the world to see—spanking new, an international crossroads, and a revived global power. This is a comely veneer. The real Russia is on display this week in Kiev, where Ukraine’s government prodded by the Kremlin is attacking peaceful protestors with guns and truncheons. This is the Russia that the West needs to understand and resist.
The central fact of the Ukraine crisis is that it has been created and stoked from Moscow. Last autumn Russia’s President leaned on Ukraine President Viktor Yanukovych to reject a trade association with the European Union in favor of one with Russia. After protests broke out in response, Mr. Putin offered the Ukraine government a $15 billion bailout. Russia then prodded the pro-Russian parliament in Kiev to pass antiprotest laws.
As the protests escalated and Mr. Yanukovych wavered, Russia froze its aid. Last week Mr. Yanukovych met Mr. Putin in Sochi, Russia released $2 billion on Monday, and Ukrainian forces began their violent crackdown on the protestors in Independence Square on Tuesday. Mr. Putin’s response was to blame the opposition for « an attempt to carry out a coup » and encourage the regime.
None of this Russian behavior should be a surprise. Mr. Putin’s regional ambitions have been apparent since the middle of the last decade. Yet Western leaders have refused to face this reality, offering displays of pleading and pliancy that have only encouraged Mr. Putin to press his agenda.
President George W. Bush looked into Mr. Putin’s soul and tried to charm him into mutual cooperation. In 2008 the West bent to Moscow by letting NATO shelve its « membership action plan » for Ukraine and Georgia. Mr. Bush and Europe were rewarded with Russia’s invasion of pro-Western Georgia and the confiscation of part of Georgian territory that it still hasn’t returned.
President Obama entered office blaming Mr. Putin’s behavior on Mr. Bush and pushing his famous « reset » of U.S.-Russian relations. A short era of forced good feeling led to an arms-control deal that failed to address Russia’s short-range tactical missiles, even as Russia began to cheat on the medium-range missile accord from the Reagan years.
Mr. Putin’s foreign policy goal has been to undermine U.S. interests at every turn. He has sought to stop missile defenses in Europe that are aimed at Iran. He has blocked United Nations action against Syria, armed Bashar Assad, and then leapt on Mr. Obama’s political panic over bombing Damascus to guarantee no U.S. attack in return for a promise to remove Assad’s chemical weapons. The chemical weapons are still there, and Assad has accelerated his military offensive.
Mr. Putin’s agenda in Ukraine is part of his larger plans to solidify his own authoritarian control and revive Greater Russia. Without Ukraine, the most important of the former Soviet satellites, a new Russian empire is impossible. With Ukraine, Greater Russia sits on the border of the EU. If Ukraine moves toward Europe with a president who isn’t a Russian satrap, it also sets a democratic example for Russians. The world is seeing that Mr. Putin will do what it takes to stop such an event, even if it risks a civil war in Ukraine.
The Russian is willing to play this rough because he sees Western weakness. The EU is hopeless, led by a Germany so comfortable in its pacifism that it won’t risk even a diplomatic confrontation. As for the U.S., it’s no coincidence that Mr. Putin asserted himself in Ukraine not long after Mr. Obama retreated in humiliating fashion from his « red line » in Syria. As always in history, such timidity invites the aggression it purports to prevent. If this American President won’t even bomb Damascus airfields to stop the use of chemical weapons, why would Mr. Putin think Mr. Obama would do anything for eastern Europe?
Perhaps the Moscow veil is now falling from White House eyes, with Mr. Obama’s vow on Wednesday of « consequences » if Ukraine continues its crackdown. That was a day before at least 50 more were killed as a truce collapsed. The U.S. has revoked the visas of 20 Ukrainian officials without releasing the names. But this will not deter the Kremlin.
The U.S. also needs to freeze the assets of Ukraine’s regime and of its oligarch supporters. Even a month ago it might have been possible to wait until elections scheduled for 2015, but at this stage early elections are also needed to resolve the standoff and restore legitimacy to the Ukraine government.
The point is to make the regime’s supporters choose. Side with Russia and your prospects in the West will be limited. Push for free elections and the opening to Europe, and greater prosperity will be possible.
No one wants a new Cold War, but no one should want a civil war in Eastern Europe either. Yet that is where Mr. Putin’s intervention and Western passivity are leading. Mr. Obama may still be able to stop it if he finally admits Vladimir Putin’s deep hostility to a free and democratic Europe and clearly tells protesting Ukrainians that we’re on their side.
It’s often hard to determine whether a series of bad policies results from stupidity or malicious intent. Occam’s razor suggests that the former is the more likely explanation, as conspiracies assume a high degree of intelligence, complex organization, and secrecy among a large number of people, qualities that usually are much less frequent than the simple stupidity, disorganization, and inability to keep a secret more typical of our species. Yet surveying the nearly 6 years of Obama’s disastrous foreign policy blunders, I’m starting to lean towards Goldfinger’s Chicago mob-wisdom: “Once is happenstance. Twice is coincidence. Three times, it’s enemy action.”
Obama’s ineptitude started with his general foreign policy philosophy. George Bush, so the narrative went, was a trigger-happy, unilateralist, blundering, “dead or alive” cowboy who rushed into an unnecessary war in Iraq after alienating our allies and insulting the Muslim world. Obama pledged to be different. As a Los Angeles Times editorial advised him in January 2009, “The Bush years, defined by ultimatums and unilateral actions around the world, must be brought to a swift close with a renewed emphasis on diplomacy, consultation and the forging of broad international coalitions.” Obama eagerly took this advice, reaching out not just to our allies, but also to sworn enemies like Syria, Venezuela, and Iran, and serially bowing to various potentates around the globe. He went on the apology tour, in which he confessed America’s “arrogant, dismissive, derisive” behavior and the “darker periods in our history.” And he followed up by initiating America’s retreat from international affairs, “leading from behind,” appeasing our enemies, and using rhetorical bluster as a substitute for coherent, forceful action. Here follow 3 of the many mistakes that suggest something other than inexperience and a lack of knowledge is driving Obama’s policies.
Russia
Remember the “reset” button Obama offered to Russia? In September 2009 he made a down payment on this policy by reversing George Bush’s plan to station a radar facility in the Czech Republic and 10 ground-based missile interceptors in Poland. Russia had complained about these defensive installations, even though they didn’t threaten Russian territory. So to appease the Russians, Obama abandoned Poland and the Czech Republic, who still live in the dark shadow of their more powerful former oppressors, while Russia’s Iranian clients were emboldened by their patron’s ability to make the superpower Americans back down. As George Marshall Fund fellow David J. Kramer prophesized at the time, Obama’s caving “to Russian pressure . . . will encourage leaders in Moscow to engage in more loud complaining and bully tactics (such as threatening Iskander missiles against the Poles and Czechs) because such behavior gets desired results.”
Obama followed up this blunder with the New START arms reduction treaty with Russia signed in 2010. This agreement didn’t include tactical nuclear weapons, leaving the Russians with a 10-1 advantage. Multiple warheads deployed on a missile were counted as one for purposes of the treaty, which meant that the Russians could exceed the 1550 limit. Numerous other problems plague this treaty, but the worst is the dependence on Russian honesty to comply with its terms. Yet as Keith B. Payne and Mark B. Schneider have written recently, for years Russia has serially violated the terms of every arms-control treaty it has signed, for obvious reasons: “These Russian actions demonstrate the importance the Kremlin attaches to its new nuclear-strike capabilities. They also show how little importance the Putin regime attaches to complying with agreements that interfere with those capabilities. Russia not only seems intent on creating new nuclear- and conventional-strike capabilities against U.S. allies and friends. It has made explicit threats against some of them in recent years.” Busy pushing the reset button, Obama has ignored all this cheating. Nor did Obama’s 2012 appeasing pledge to outgoing Russian President Dmitri Medvedev–– that after the election he would “have more flexibility” about the proposed European-based anti-missile defense system angering Russia––could convince Vladimir Putin to play ball with the U.S. on Iran and Syria. Obama’s groveling “reset” outreach has merely emboldened Russia to expand its influence and that of its satellites like Iran and Syria, at the expense of the interests and security of America and its allies.
Syria
Syria is another American enemy Obama thought his charm offensive could win over. To do so he had to ignore Syria’s long history of supporting terrorists outfits like Hezbollah, murdering its sectarian and political rivals, assassinating Lebanon’s anti-Syrian Prime Minister Rafiq Hariri in 2005, and facilitating the transit of jihadists–– during one period over 90% of foreign fighters–– into Iraq to kill Americans. Yet Obama sent diplomatic officials on 6 trips to Syria in an attempt to make strongman Bashar al Assad play nice. In return, in 2010 Assad hosted a cozy conference with Hezbollah terrorist leader Hassan Nasrallah and the genocidal Iranian president Mahmoud Ahmadinejad, where they discussed “a Middle East without Zionists and without colonialists.” Despite such rhetoric, even as the uprising against Assad was unfolding in March 2011, Secretary of State Clinton said, “There’s a different leader in Syria now. Many of the members of Congress of both parties who have gone to Syria in recent months have said they believe he’s a reformer.”
In response to the growing resistance against the “reformer” Assad, Obama once again relied on blustering rhetoric rather than timely action to bring down an enemy of the U.S. Sanctions and Executive Orders flew thick and fast, but no military aid was provided to Assad’s opponents, the moderates soon to be marginalized by foreign terrorists armed by Iran. As time passed, more Syrians died and more terrorists filtered into Syria, while Obama responded with toothless tough rhetoric, proclaiming, “For the sake of the Syrian people, the time has come for President Assad to step aside.” Equally ineffective was Obama’s talk in 2012 of a “red line” and “game-changer” if Assad used chemical weapons. Assad, obviously undeterred by threats from the world’s greatest military power, proceeded to use chemical weapons. Obama threatened military action, only to back down on the excuse that he needed the permission of Congress. Instead, partnering with the Russian wolf his own weakness had empowered, he brokered a deal that in effect gave Assad a free hand to bomb cities and kill civilians at the price of promising to surrender his chemical stockpiles. The butcher Assad magically changed from a pariah who had to go, into a legitimate partner of the United States, one whose cooperation we depend on for implementing the agreement. Given such cover, he has continued to slaughter his enemies and provide invaluable battlefield experience to tens of thousands of terrorist fighters.
Of course, without the threat of military punishment for violating the terms of the agreement––punishment vetoed by new regional player Russia––the treaty is worthless. Sure enough, this month we learned that Assad is dragging his feet, missing a deadline for turning over his weapons, while surrendering so far just 5% of his stockpiles. And those are just the weapons he has acknowledged possessing. In response, Secretary of State John Kerry has blustered, “Bashar al-Assad is not, in our judgment, fully in compliance because of the timing and the delays that have taken place contrary to the [Organization for the Prohibition of Chemical Weapons]’s judgment that this could move faster. So the options are all the options that originally existed. No option has been taken off the table.” You can hear Assad, Rouhani, Nasrallah, and Putin rolling on the ground laughing their you-know-what’s off over that empty threat.
Iran
Now we come to the biggest piece of evidence for divining Obama’s motives, Iran. The Islamic Republic has been an inveterate enemy of this country since the revolution in 1979, with 35 years of American blood on its hands to prove it. Even today Iranian agents are facilitating with training and materiel the killing of Americans in Afghanistan. The regime is the biggest and most lethal state sponsor of terrorism, and proclaims proudly a genocidal, anti-Semitic ideology against Israel, our most loyal ally in the region. And it regularly reminds us that we are its enemy against whom it has repeatedly declared war, most recently in February when demonstrations celebrated the anniversary of the revolution with signs reading, “Hey, America!! Be angry with us and die due to your anger! Down with U.S.A.” At the same time, two Iranian warships crowded our maritime borders in the Atlantic, and state television broadcast a documentary simulating attacks on U.S. aircraft carriers.
Despite that long record of murder and hatred, when he first came into office, Obama made Iran a particular object of his diplomatic “outreach.” He “bent over backwards,” as he put it, “extending his hand” to the mullahs “without preconditions,” going so far as to keep silent in June 2009 as they brutally suppressed protests against the stolen presidential election. But the mullahs contemptuously dismissed all these overtures. In response, Obama issued a series of “deadlines” for Iran to come clean on its weapons programs, more bluster the regime ignored, while Obama assured them that “We remain committed to serious, meaningful engagement with Iran.” Just as with Russia and Syria, still more big talk about “all options are on the table” for preventing the mullahs from acquiring nuclear weapons has been scorned by the regime.
Doubling down on this failed policy, Obama along with the Europeans gambled that sanctions would bring Iran to its knees before it reached breakout capability for producing a weapon. Odds of success were questionable, but just as the sanctions appeared to be pushing the Iranian economy, and perhaps the regime, to collapse, in November of last year Obama entered into negotiations that resulted in a disastrous agreement that trades sanction relief for empty promises. This deal ensures that Iran will become a nuclear power, since the agreement allows Iran to continue to enrich uranium in violation of numerous U.N. Security Council Resolutions. Finally, in an act of criminal incoherence, Obama threatened to veto any Congressional legislation imposing meaningful economic punishment for future Iranian cheating and intransigence.
Given this “abject surrender,” as former U.N. Ambassador John Bolton called it, it’s no surprise that the Iranians are trumpeting the agreement as a victory: “In this agreement, the right of Iranian nation to enrich uranium was accepted by world powers,” the “moderate reformer” Iranian president Hassan Rouhani bragged. “With this agreement … the architecture of sanctions will begin to break down.” Iranian foreign minister Mohammed Javad Zarif, agreed: “None of the enrichment centers will be closed and Fordow and Natanz will continue their work and the Arak heavy water program will continue in its present form and no material (enriched uranium stockpiles) will be taken out of the country and all the enriched materials will remain inside the country. The current sanctions will move towards decrease, no sanctions will be imposed and Iran’s financial resources will return.” Memo to Mr. Obama: when the adversary loudly brags that the agreement benefits him, you’d better reexamine the terms of the deal.
As it stands today, the sanction regime is unraveling even as we speak, while the Iranians are within months of nuclear breakout capacity. Meanwhile the economic pain that was starting to change Iranian behavior is receding. According to the International Monetary Fund, Iran’s economy is projected to grow 2% in fiscal year 2014-15, compared to a 2% contraction this year. Inflation has dropped over 10 points since last year. Global businesses are flocking to Tehran to cut deals, while Obama blusters that “we will come down on [sanctions violators] like a ton of bricks.” Add that dull cliché to “red line,” “game-changer,” and the other empty threats that comprise the whole of Obama’s foreign policy.
These foreign policy blunders and numerous others––especially the loss of critical ally Egypt–– reflect ideological delusions that go beyond Obama. The notion that aggressors can be tamed and managed with diplomatic engagement has long been a convenient cover for a political unwillingness to take military action with all its dangers and risks. Crypto-pacifist Democrats are particularly fond of the magical thinking that international organizations, summits, “shuttle diplomacy,” conferences, and other photogenic confabs can substitute for force.
But progressive talk of “multilateralism” and “diplomatic engagement” hides something else: the Oliver Stone/Howard Zinn/Noam Chomsky/Richard Falk self-loathing narrative that the United States is a force of evil in the world, a neo-colonialist, neo-imperialist, predatory capitalist oppressor responsible for the misery and tyranny afflicting the globe. Given that America’s power is corrupt, we need a foreign policy of withdrawal, retreat, and apologetic humility, with our national sovereignty subjected to transnational institutions like the U.N., the International Court of Justice, and the European Court of Human Rights ––exactly the program that Obama has been working on for the last 5 years. Given the damage such policies are serially inflicting on our security and interests, it starts to make sense that inexperience or stupidity is not as cogent an explanation as enemy action.
Les Jeux Olympiques de Sotchi inaugurés le 7 février se veulent une démonstration de puissance pour la Russie, qui déploie aussi sa force sur le plan diplomatique. Mais, entre démographie en déclin, économie fragile et crise sociale, la Russie a-t-elle vraiment les moyens de son ambition ?
Atlantico
10 février 2014
Atlantico : Les jeux olympiques de Sotchi, suivis par la coupe de monde de football de 2018 en Russie marquent-ils le retour de l’ancien empire soviétique sur le devant de la scène internationale ? Après l’effondrement de l’URSS, l’ancien empire russe a-t-il vraiment retrouvé sa puissance ?
Alexandre Melnik : Relativisons les choses. Je vais inscrire votre question dans un large contexte géopolitique, en ce début du XXIe siècle.
Ces deux événements sportifs à résonance planétaire, dont l’organisation a été attribuée par ce qu’on appelle la « communauté internationale » à la Russie – au même titre que la Coupe du monde de football de l’été prochain et les JO de 2016 qui se dérouleront au Brésil – marquent, avant tout, un bouleversement des équilibres globaux dans un monde, où l’Occident perd son « monopole de l’Histoire » (qu’il détenait depuis la Renaissance de la fin XVe siècle), et cela, à la faveur des nouveaux « pôles d’excellence ». Oublions le vocable, déjà obsolète, « pays émergents », et apprenons à utiliser, en anticipant le cours des événements, l’expression qui correspond mieux à la réalité – « nouveau leadership du XXIe siècle ». Au fond, il s’agit des nouvelles puissances montantes (Brésil, Russie, Inde, Chine, Afrique du Sud, etc.) qui, assoiffées de succès après une longue période de bridage de leurs moteurs économiques et géopolitiques, dotées d’un fort potentiel de développement, s’installent graduellement aux manettes décisionnelles de la globalisation en cours, sans pour autant adopter les modes de pensée et de fonctionnement, ainsi que des valeurs, propres aux pays occidentaux, en perte de vitesse. C’est une nouvelle tendance lourde de l’évolution du monde, dont profite la Russie actuelle – nationaliste, volontariste, alliant une certaine opulence économique et l’évidente indigence démocratique. Deux décennies après la chute du communisme, elle revient en force sur l’arène internationale, en profitant du reflux de l’Occident et de la mollesse de ses dirigeants politiques.
Dans cette optique, les JO de Sotchi ne font que confirmer son rôle d’un incontournable global player – une évidence déjà éclatée au grand jour au cours de l’année passée – sur les dossiers internationaux majeurs : la Syrie, l’Iran, l’Ukraine. Et ce, à un moment où le sport, ce traditionnel vecteur de rassemblement de l’Humanité à l’occasion des Olympiades, devient un langage universel, dont parle en direct toute notre planète, de plus en plus interconnectée et aplatie par les nouvelles technologies qui effacent les frontières. La réunion des meilleurs sportifs au bord de la Mer Noire s’apparente donc aujourd’hui à une caméra loupe braquée sur les nouvelles métamorphoses géopolitiques, favorables à la Russie. Un phénomène tout récent, à ne pas confondre avec le « retour de l’empire soviétique », car l’idéologie communiste, qui cimentait cet empire, appartient déjà aux archives d’une époque définitivement révolue, avec son vocabulaire archaïque, qui ne correspond plus aux nouveaux enjeux.
Jean-Sylvestre Mongrenier : Je commencerai par deux remarques préalables. Quand bien même l’URSS avait-elle recouvré, à l’issue de la Seconde Guerre mondiale, l’enveloppe spatiale de la Russie des tsars, elle ne constituait pas pour autant un empire stricto sensu. Au sens traditionnel du terme, l’Empire désigne une forme d’autorité spirituelle qui transcende les souverainetés temporelles (voir le Saint Empire), l’Empereur étant un « roi des rois ». Or, l’URSS était une idéocratie fondée sur la négation de toute vraie spiritualité, le marxisme-léninisme prétendant que les activités humaines d’ordre supérieur ne sont que le simple reflet des rapports de production au sein des sociétés humaines. D’autre part, s’il y a bien des éléments de continuité entre la « Russie-Soviétie » d’avant 1991 et la « Russie-Eurasie » de Vladimir Poutine, cette dernière n’est pas continuatrice pure et simple de l’ex-URSS. Au total, quinze Etats sont issus de la dislocation de l’URSS et chacun d’entre eux a sa légitimité propre. Quant à la Russie, si elle est effectivement marquée par une forme d’« ostalgie » et de dangereuses rémanences soviétiques, elle n’est pas l’URSS.
Retour sur le plan international ? En fait, la Russie des années 1990 n’avait pas disparu de la scène. Ne serait-ce que par l’ampleur des défis soulevés par la dislocation de l’URSS, les rebondissements de la vie politique russe et le pouvoir d’empêchement de Moscou, sur le plan international, la Russie conservait une visibilité certaine. La « transition » de la Russie post-soviétique vers la démocratie libérale et l’économie de marché était un thème important de l’époque dans les rubriques internationales et les négociations entre Moscou et le FMI étaient attentivement suivies par les médias. Au milieu des années 1990, Boris Eltsine avait même obtenu que la Russie soit associée au G-7, celui-ci devenant alors le G-8. Des partenariats spécifiques avaient été négociés avec l’UE et l’OTAN. C’est aussi dès le début des années 1990 que les dirigeants russes mettent en avant la notion d’« étranger proche » (1992) et sur ce thème, Eltsine admonestait son ministre des Affaires étrangères. Il ne faut donc pas exagérer l’effacement de la Russie des années Eltsine.
De fait, les Jeux olympiques de Moscou ont été pensés comme la mise en scène du retour de la Russie sur la scène internationale. Le thème est martelé par Poutine depuis le milieu des années 2000, alors que l’unité avec l’Occident sur la question du terrorisme international s’efface derrière d’autres enjeux, plus prégnants pour la direction russe : la guerre en Irak, l’élargissement à l’Europe centrale et orientale des instances euro-atlantiques (UE et OTAN), les « révolutions de couleur » en Géorgie puis en Ukraine… Les « révolutions de couleur » ont été essentielles dans le processus. De ces mouvements de contestation civique contre les manipulations électorales des pouvoirs en place en Géorgie et en Ukraine, certains officiels russes ont pu dire que c’était leur « 11 septembre » !
C’est à la suite du discours de Munich (février 2007) et de la guerre russo-géorgienne (août 2008) que ce « retour » s’est fait offensif. Ces derniers mois, l’accord américano-russe sur le désarmement chimique de la Syrie (septembre 2013), puis la volte-face de Ianoukovitch et la signature d’un « partenariat stratégique » entre l’Ukraine et la Russie (décembre 2013) ont même été à l’origine de discours sur le « triomphe » de Poutine. Si l’on va au-delà des apparences (Obama hésitant, Poutine impassible), ce n’est guère évident. Au Proche-Orient, on peut se demander si la diplomatie Obama, guère empressée d’intervenir en Syrie, ne s’appuie pas sur la Russie pour « geler » cette question et se concentrer sur des défis d’une autre ampleur. Quant à l’Ukraine, il suffit de considérer la situation du pays : pressions occultes, manœuvres et coups tactiques ne font pas une victoire stratégique et politique. Le cas de l’Ukraine montre qu’il sera difficile de restaurer une domination russe sur l’« étranger proche ».
Alexandre Del Valle : Je ne pense pas que les Jeux Olympiques marquent en soi le retour d’un pays sur la scène internationale, mais cela constitue sans aucun doute un passage obligé dans le monde hyperconnecté qui est le nôtre pour tout pays qui tente d’améliorer son image et de prouver qu’il fait partie des puissances de poids. Dans le cas russe, le fait d’organiser les Jeux olympiques les plus chers du monde est bien entendu pour Poutine, qui a été très sévèrement critiqué depuis le début de son règne et surtout depuis l’affaire syrienne, une façon de montrer que le monde doit tenir compte de la Russie, qu’elle renaît de ses cendres et que son leader est un homme incontournable, comme on l’a bien vu dans le cas de la crise syrienne. De plus, le fait d’accueillir les jeux est toujours une occasion unique pour promouvoir son pays, quel qu’il soit et pour profiter d’une tribune “universelle”, planétaire, unique. Une occasion à ne pas manquer, qui explique que le Président Poutine ait tout fait pour que son pays soit élu.
La Russie a-t-elle vraiment les moyens de son ambition ? D’un point de vue économique ? Du point de vue de sa production industrielle ? Du point de vue militaire ? Diplomatique ? De sa démographie en déclin ? De l’espérance de vie de sa population ?
Jean-Sylvestre Mongrenier : Dopés par l’affolement des marchés pendant les années 2000, les revenus provenant des exportations de pétrole et de gaz ont permis une forte augmentation du PIB global et du revenu per capita. Cette rente a été mise à profit pour désendetter le pays, ce qui est bien avisé et méritoire. Cependant, les réformes structurelles requises pour assurer un développement durable et se projeter dans le nouveau siècle n’ont pas été menées. Pour parler comme les marxistes des années 1960-1970, le système économique russe est une forme de « capitalisme monopolistique d’Etat » dans lequel la richesse et la puissance sont confisquées par les clans qui gravitent autour du Kremlin. Cet « autoritarisme patrimonial » est animé par une logique de prédation qui nuit à l’efficacité économique et les caractéristiques de ce système de pouvoir excluent toute réforme un tant soit peu ambitieuse (les hommes au pouvoir ne vont pas scier la branche sur laquelle ils sont assis). Le peu de consistance des droits de propriété dans ce système, la corruption et le déplorable climat des affaires entraînent la fuite des capitaux hors de Russie. L’an passé, la crise financière de Chypre a mis en évidence ce phénomène.
Au total, la Russie n’est donc pas une « puissance émergente » et son économie ne repose guère que sur l’exportation des produits de base, auxquels il faut toutefois ajouter les ventes d’armes et le nucléaire civil. Alors que le baril de pétrole reste à des niveaux élevés, la croissance économique russe est tombée à 1,3 % en 2013 (7 à 8 % l’an dans les années qui précèdent 2008). La situation pourrait s’aggraver avec la crise des devises des pays dits « émergents », la restriction des liquidités injectées par la Fed (la banque centrale des Etats-Unis) et ses effets révélant les faiblesses des modèles de croissance de ces pays. Dans le cas russe, cela pourrait avoir un impact sur la vie politique. En effet, l’apathie politique russe s’explique par un contrat tacite entre la population et le système de pouvoir : les Russes acceptent le pouvoir de Poutine, pour autant que la croissance économique assure l’amélioration du niveau de vie et l’accès à la « société d’abondance ». Sur le plan de la puissance, le « système russe » repose sur une sorte de triangle entre l’énergie, l’armée et le statut international : les pétro-dollars financent les dépenses militaires qui contribuent à restaurer le rôle international de la Russie et son prestige. Aussi le fort ralentissement de la croissance économique pourrait-il menacer ce « système ». Enfin, la démographie et l’état sanitaire du pays révèlent l’ampleur des défis à relever, mais il a été décidé de baisser ce type de dépenses, au bénéfice du budget militaire.
Sur le plan militaire, précédemment évoqué, Poutine a lancé une réforme des armées, en 2008, avec pour objectifs la professionnalisation des personnels et la restauration des capacités d’intervention. En 2011, il a tranché entre les « civilniki » et les « siloviki », au bénéfice des seconds, et il a décidé un vaste programme de réarmement censé mobiliser 600 milliards de dollars d’ici 2020. L’enjeu est tout à la fois de renouveler l’arsenal nucléaire stratégique et de moderniser l’appareil militaire classique (conventionnel). Cet appareil militaire est dimensionné pour permettre des interventions dans l’ « étranger proche », en cohérence avec le projet politique d’Union eurasienne. Notons à ce propos que les sites militaires russes à l’étranger sont tous situés dans l’aire post-soviétique, à l’exception du port syrien de Tartous, seule empreinte militaire permanente dans l’« étranger lointain » (ladite base navale se résume à un bateau-atelier avec quelque 100-200 militaires et techniciens russes). Le budget militaire russe (près de 80 milliards d’euros en 2013) est conséquent et il dépasse largement celui de la France (la loi de programmation militaire prévoit 31,4 milliards d’euros par an pour la période 2014-2020). S’il faut être vigilant sur la reconstitution d’une certaine puissance militaire russe, il est nécessaire d’avoir en tête l’immensité du territoire et l’extrême longueur des frontières (plus de 20. 000 km de frontières terrestres, auxquels il faut ajouter les délimitations maritimes). Dans notre âge global et hyper-technologique, l’espace géographique peut aussi être un réducteur de puissance.
Alexandre Melnik : Dans la suite de mon raisonnement, qui vise à transcender le diktat de l’immédiat et à tracer une perspective à long terme, je pense que, pour imprimer de son empreinte le XXIe siècle, à la (de)mesure de son ambition quasi-messianique, la Russie doit affronter, en toute lucidité et sans plus tarder, sept défis clés.
1. Inverser la courbe démographique défavorable, car, malgré quelques signes d’amélioration observés ces deux dernières années dans les villes les plus dynamiques (Moscou, Saint-Pétersbourg, Samara, Ekaterinbourg), la Russie, bien que devenue un pays d’immigration (et non d’émigration), continue à perdre une partie importante de sa population, à l’échelle nationale. Alors qu’aucun pays ne peut réussir sans avoir une démographie saine et équilibrée.
2. Sortir de son auto-isolement international, dans lequel l’enfonce son actuel mode de gouvernance, en proie à une mentalité de la forteresse assiégée qui confine à la psychose obsidionale. La Russie n’avancera pas tant elle restera crispée dans sa diabolisation de l’Occident et sa virulente rhétorique anti-américaine, à la limite de la provocation ; les esprits du leadership politique russe sont pollués par la théorie d’un complot d’un autre âge.
3. Dissiper le brouillard de la confusion identitaire qui handicape la visibilité de son avenir, depuis des siècles : la Russie est-elle occidentale ou orientale ? Européenne ou Asiatique ? Eurasienne ? Ou… « unique », se complaisant dans sa prétendue « exception » ? Ces dichotomies, lancinantes, de la Russie, qualifiée de « torn country » (pays à identité déchirée) par Samuel Huntington dans son livre culte « Choc des civilisations », n’ont jamais été clairement tranchées au fil de son histoire plus que millénaire, ce qui inhibe constamment l’évolution russe.
4. Diversifier son économie « unijambiste », addicte aux exportations d’hydrocarbures. Comprendre que la seule matière première qui ne s’épuise pas en s’utilisant, c’est la matière grise, le cerveau humain. Privé d’innovation, le secteur industriel russe se délite.
Dans le même ordre d’idée, la Russie a besoin de s’ouvrir résolument au management moderne, qui repose sur le seul modèle qui fonctionne actuellement, à savoir le « bottom – up », en tirant la leçon du contre-exemple de Skolkovo, un « cluster » aux environs de Moscou, qui était censé devenir le pôle le plus avancé des technologies de pointe russes, à l’exemple de Silicon Valley en Californie, mais qui s’est vite mué, en réalité, en un repaire « top-down » d’apparatchiks « new look » et en un nouveau foyer de corruption. Est-il normal que les dépenses dans le R&D d’un pays qui dégage un taux de croissance avoisinant les 5% par an, depuis une dizaine d’année, plafonnent à hauteur de 1% de son PIB, soit un quinzième de celles des Etats-Unis et un quart de la Chine ? Faut-il alors s’étonner que la fuite de cerveaux frappe de plus en plus la Russie, vidée de ses meilleurs talents ?
5. A travers la réforme radicale du système éducatif, qui, à l’heure actuelle, continue, globalement, à fonctionner « à la soviétique », en faisant fi des changements intervenus dans le monde, donner l’envie de réussite (« race to the top ») aux jeunes générations russes, leur ouvrir un nouvel horizon global, grâce au mérite, à l’ambition individuelle, à un travail libre et créatif qui tire vers le haut. A titre d’exemple : la Chine consacre actuellement 13% de son budget à l’éducation, donc 21% aux études supérieures, contre 6% en Russie, un pays pourtant connu et reconnu pour sa tradition universitaire. De même, la Chine est déjà en deuxième position, après les Etats-Unis, dans le classement de Shanghai, qui note les meilleures universités du monde, et 42 institutions chinoises figurent dans le top 500, tandis que la Russie, elle, n’en compte que deux.
6. Mettre en valeur l’immense potentiel de la Sibérie et de l’Extrême-Orient, actuellement dormant dans cet immense pays qui s’étend sur 9 fuseaux horaires. Climat trop rude ? Conditions météorologiques insupportables ? Mais pourquoi la ville norvégienne Kirkenes, située sur la même latitude, à une centaine de kilomètres de Mourmansk, étale une prospérité et une qualité des infrastructures qui sont inimaginables pour son proche voisin russe ?
7. Moderniser son système politique non-adapté aux impératifs de la globalisation. Les trois piliers du système Poutine (Etat – patriotisme – orthodoxie), introduits dès 2011, se sont transformés, en 2014, au contraire de leur vocation initiale :
– l’Etat, proclamé « fort », est devenu obèse, inopérant, premier corrupteur et pillard des richesses naturelles (selon un récent classement de Transparency International, la Russie se trouve, en termes de corruption, en 143-ème place sur 178, en talonnant le Nigeria) ;
– le patriotisme, véhiculé, via des événements à grand renfort de propagande, comme les rituelles commémorations de la « Grande Victoire » soviétique en 1945, ou encore les fastes ostentatoires de Sotchi, vire souvent au panslavisme menaçant, à la haine d’un étranger qui n’est pas doté de faciès slave, ou, d’une façon plus générale, au rejet de l’Autre qui est construit différemment ;
– enfin, l’orthodoxie « vendue » comme la base de l’identité nationale, anéantit la capacité des Russes à agir et érige le fatalisme en vertu.
En conclusion, pour réussir pleinement dans le XXIe siècle, la Russie doit s’ouvrir au monde, en bâtissant l’avenir, au lieu de s’arc-bouter sur son modèle ultra-protectionniste, en ressassant la nostalgie de son passé. Les Jeux de Sotchi sont donc révélateurs de son potentiel, considérable et incontestable, plutôt que de son résultat, déjà obtenu, qui reste en deçà de ses capacités. Dans ce contexte, le président Poutine, prisonnier de sa vision atavique du monde, n’est plus une solution, mais un problème pour la Russie de demain, qui piétine dans l’antichambre de la globalisation, alors que la Chine rythme déjà son tempo.
Alexandre Del Valle : La Russie a sans aucun doute les moyens de son ambition. Mais sa plus grande vulnérabilité, selon moi, est le caractère non suffisamment libéral et non assez transparent de son économie et de ses structures économiques, pas assez ouvertes aux investissements extérieurs et trop étroitement contrôlées par des oligarchies opaques liées au pouvoir politique, puis , bien sûr, la trop grande dépendance de l’économie envers les énergies hydrocarbures. Le problème de pétro ou gazostratégie de Vladimir Poutine est de ne compter que sur l’énergie dont la Russie recèle, sans investir dans la diversification.
Du point de vue militaire, il est clair que la Russie demeure une grande puissance détenant le feu nucléaire, des milliers d’ogives nucléaires, de très bons systèmes anti-missiles et une industrie aéronautique assez performante, quoi que en retard vis-à-vis des Etats-Unis, mais les moyens de l’armée russe sont insignifiants par rapport à ceux des Etats-Unis avec qui Moscou feint de vouloir jouer à armes égales. Donc la Russie est un acteur géostratégique majeur, certes, doté d’un immense territoire, d’énergies, de savoir-faire technologique et de matières premières, mais elle n’a pas les moyens de briguer la première place, contrairement à son allié et ex-ennemi voisin chinois qui aura dans quelques décennies les moyens de concurrencer les Etats-Unis dans tous les domaines de la puissance.
A peine arrivés à Sotchi, les journalistes ont pu constater que seuls quatre des cinq anneaux olympiques se sont allumés lors de la cérémonie d’ouverture. Les médias s’en sont donné à cœur joie pour fustiger le manque d’hygiène et de confort des hôtels, l’opacité de l’eau du robinet… Ces critiques sont-elles seulement le reflet des préjugés des médias occidentaux, ou dénotent-elles un réel écart entre les prétentions de la Russie et ses moyens véritables ?
Jean-Sylvestre Mongrenier : La question géopolitique russe requiert une analyse de type géographique qui distingue méthodiquement les ordres de grandeur et les niveaux d’analyse. Cet Etat-continent, le plus vaste à la surface de la Terre, a des ambitions mondiales. Le discours de la multipolarité tient surtout de la « polémique » anti-occidentale et les dirigeants russes raisonnent dans les termes d’un monde tripartite (dans un monde à trois, il faut être l’un des deux). Ils voient la Russie comme une puissance tierce, entre les Etats-Unis et l’Occident d’une part, la République populaire de Chine d’autre part. Ils redoutent l’écartèlement du territoire russe et de l’aire post-soviétique entre les champs d’attraction de ces deux systèmes de puissance. La possession du deuxième arsenal nucléaire mondial et leur rôle diplomatique permettent aux dirigeants russes de poser la Russie tout à la fois en rivale et en alter ego des Etats-Unis. Pourtant, l’activisme diplomatique (surtout marqué par des pratiques d’obstruction) et la « surface » nucléaire ne doivent pas occulter le fait que la Russie n’est pas une puissance globale d’envergure planétaire, soit une puissance première. Le budget militaire chinois est une fois et demie supérieur à la Russie et cela aura des conséquences sur le plan opérationnel.
Au niveau de l’Ancien Monde, la Russie est présentée par un certain nombre d’idéologues russes comme le « Heartland », un concept emprunté à MacKinder et à aux théories géopolitiques du début du XXe siècle, pour combler le vide idéologique résultant de la déroute du marxisme-léninisme. Cette représentation géopolitique est faussement exposée comme une loi du monde, la géopolitique étant ramenée à une sorte de scientisme mêlé de géomancie (un cocktail très « dix-neuvième »). L’idée de manœuvre, selon certains discours tenus au sommet du pouvoir russe, est de jouer l’Asie contre l’Europe. Concrètement, il s’agirait de sanctionner l’UE et ses Etats membres – ceux-ci refusant le monopole de Gazprom et son instrumentalisation politique ainsi que la satellisation de l’Est européen et du Sud-Caucase -, en détournant les flux de pétrole et de gaz russes vers l’Asie-Pacifique. Pourtant, les volumes exportés ne sont en rien comparables. Aussi et surtout, le développement d’une politique active en Asie-Pacifique est limité par la faible présence humaine et économique russe à l’est de l’Oural. Enfin, les ambitions russes dans la région se heurtent à celles de la Chine, qui dispose d’une base de puissance autrement plus consistante, et aux positions solidement constituées des Etats-Unis dans le bassin du Pacifique.
In fine, l’aire privilégiée de la puissance russe demeure l’aire post-soviétique, considérée à Moscou comme son « étranger proche ». Le néo-eurasisme n’est jamais que la projection idéologique des ambitions russes dans la région et de sa volonté de regrouper autour de Moscou la plus grande partie de l’URSS. C’est la raison d’être de l’Union douanière Russie-Biélorussie-Kazakhstan, une structure censée être élargie et transmutée en une Union eurasienne. Le projet est parfois présenté comme le cadre institutionnel à visée économique et commerciale, mais il est éminemment géopolitique. Poutine veut passer à la postérité comme le restaurateur d’une sorte d’union post-soviétique, centrée sur la Russie. Pourtant, le cas de l’Ukraine montre que ce « réunionisme » ne sera pas aisé. L’aire post-soviétique est un pluriversum géopolitique et, si certains des hommes au pouvoir dans les Etats successeurs de l’URSS sont intéressés par des garanties de sécurité, ils n’entendent pas redevenir des commissaires politiques aux ordres du « centre » moscovite. Il sera difficile d’aller au-delà du « club » de régimes autoritaires-patrimoniaux. Jusque dans l’aire post-soviétique, la Russie souffre d’une certaine solitude stratégique, ce que la reconnaissance unilatérale de l’Abkhazie et de l’Ossétie du Sud, en août 2008, a bien montré, aucun Etat de la CEI (Communauté des Etats indépendants) ou de l’OCS (Organisation de coopération de Shanghaï) ne la suivant sur ce chemin. Au vrai, les dirigeants russes en sont conscients et ils en tirent la conclusion suivante : puisqu’ils ne nous aimeront jamais, il faut leur faire peur.
Alexandre Del Valle : Je pense que globalement, on n’observe pas plus de dysfonctionnements dans l’organisation logistique des jeux en Russie qu’ailleurs, car nombre de pays ont eu bien plus de difficultés que la Russie dans le passé, mais ce qui extraordinaire dans la presse occidentale et dans la façon dont les intellectuels, les politiques et les journalistes des pays atlantiques perçoivent et décrivent la Russie de Poutine, est toujours l’absence totale de nuance, le parti-pris, l’a priori systématiquement sceptique ou moqueur, la critique exacerbée. En matière de moyens, il est difficile de dire que la Russie n’a pas eu les moyens de son ambition puisque ces jeux sont les plus chers de l’histoire. Aussi la Russie est-elle dans une situation économique à bien des égards plus favorable que nombre de pays occidentaux, notamment européens, non seulement appauvris par la dette et le chômage mais même à certains égards en voie de tiersmondisation…
Alexandre Melnik : Je comprends qu’en notre époque, noyée dans l’océan des informations instantanées, les médias sont enclins à un tropisme compulsif qui les amène à « zoomer » sur les détails, faciles à visualiser immédiatement, qui peuvent faire le buzz sur les réseaux sociaux. Ce ne sont pas des « préjugés des médias occidentaux » que vous évoquez, mais un nouveau logiciel de fonctionnement de l’ensemble des producteurs et diffuseurs de nouvelles et de commentaires, à l’échelle globale. Dans ce contexte où les flux d’informations s’accélèrent et se télescopent, un anneau qui ne s’allume pas ou l’eau jaunâtre qui coule dans le robinet d’une chambre d’hôtel éclipsent, logiquement, toute réflexion qui exige un recul conceptuel. Or celui-ci est indispensable pour mieux comprendre l’ensemble de la situation ! Car pour s’en forger une idée, il est important de distinguer l’accessoire, qui saute souvent aux yeux, de l’essentiel, plus difficile à décrypter. En l’occurrence, il faut rappeler que l’organisation d’aucun événement d’une ampleur comparable aux Jeux Olympiques, n’est jamais exempte de couacs. La perfection zéro, à ce niveau, n’existe pas. Tous les JO précédents le prouvent. En revanche, ce qui compte, en dernier ressort, c’est le ratio des points forts et faibles, qui doit nous servir de critère final. D’où deux conclusions concernant les jeux de Sotchi.
Primo, le début de ses compétitions démontre un haut niveau des infrastructures sportives, construites en un laps d’un temps historiquement court, avec un évident effort de modernité, au diapason des attentes des athlètes. Sans oublier que la cérémonie d’ouverture, calibrée au millimètre, a réussi à sublimer le temps, l’espace et les aléas idéologiques trop prononcés, en s’inscrivant dans l’esprit de la Russie éternelle, dotée d’une âme, particulièrement colorée et exubérante.
Secundo, il serait erroné, à partir d’une manifestation sportive, d’extrapoler que la Russie d’aujourd’hui possède tous les moyens technologiques de ses ambitions – gigantesques et démesurées, à mon avis – dans la course à la performance globalisée, engagée dans le monde moderne. Ainsi, je note que la quasi-totalité des installations sportives à Sotchi a été réalisée sur la base des technologies occidentales, avec l’implication décisive des architectes et designers étrangers. Ce qui place la Russie devant un défi crucial, somme toute, similaire à celui, auquel sont actuellement confrontés les autres nouveaux challengers de la globalisation (Chine, Brésil, Inde, Turquie, Corée du Sud, etc.), à savoir – comment passer du stade d’imitation des recettes occidentales à celui de réelle innovation, gisement d’une valeur ajoutée radicalement nouvelle. Cette disruptive innovation, la seule qui vaille, est-elle possible dans un pays autoritaire, comme la Russie, qui réduit les libertés publiques et bride l’individu dans son élan créateur ? La réponse à cette question reste ouverte.
Gold Coast slave ship bound for cotton fields Sold in the market down in New Orleans Scarred old slaver knows he’s doin’ all right Hear him whip the women just around midnight Brown Sugar, how come you taste so good Brown Sugar, just like a young girl should…Mick Jagger (1971)
Many listeners were disturbed to find a lyric describing, to most appearances, a Colonial slave owner having sex with a black slave girl, in terms strongly suggestive of oral sex no less. One could take the position that the Stones were being ironic, but the giddy enthusiasm with which they whoop it up seems to belie that interpretation. Muddying the waters even more, Keith Richards told NME, « Brown sugar was in fact a term for Mexican smack. Mick [Jagger] just wrote it for a chick. » The brilliance of the track is that it is so musically powerful and irresistible that the most PC-conscious listener will find it hard not to dance to it before getting around to pondering the lyrics. But it can’t be denied that the words are among the most troubling evocations of evil and sexploitation that Jagger and Richards devised, whether that was a conscious or subconscious effect. Richie Unterberger
Il faut avoir le courage de vouloir le mal et pour cela il faut commencer par rompre avec le comportement grossièrement humanitaire qui fait partie de l’héritage chrétien. (..) Nous sommes avec ceux qui tuent. André Breton
Bien avant qu’un intellectuel nazi ait annoncé ‘quand j’entends le mot culture je sors mon revolver’, les poètes avaient proclamé leur dégoût pour cette saleté de culture et politiquement invité Barbares, Scythes, Nègres, Indiens, ô vous tous, à la piétiner.Hannah Arendt (1949)
Après Auschwitz, nous pouvons affirmer, plus résolument que jamais auparavant, qu’une divinité toute-puissante ou bien ne serait pas toute bonne, ou bien resterait entièrement incompréhensible (dans son gouvernement du monde, qui seul nous permet de la saisir). Mais si Dieu, d’une certaine manière et à un certain degré, doit être intelligible (et nous sommes obligés de nous y tenir), alors il faut que sa bonté soit compatible avec l’existence du mal, et il n’en va de la sorte que s’il n’est pas tout-puissant. C’est alors seulement que nous pouvons maintenir qu’il est compréhensible et bon, malgré le mal qu’il y a dans le monde.Hans Jonas
Christs, Vierges, Pietàs, Crucifixions, enfers, paradis, offrandes, chutes, dons, échanges: la vision chrétienne du monde semble revenir en force. Où? Dans le domaine de l’art le plus contemporain. (…) L’homme y est réinterprété comme corps incarné, faible, en échec. Cette religion insiste sur l’ordinaire et l’accessible, elle est hantée par la dérision, la mort et le deuil. Après une modernité désincarnée proposant ses icônes majestueuses, on en revient à une image incarnée, une image d’après la chute. En profondeur, il se dit là un renversement des modèles de l’art lui-même: A Prométhée succède Sisyphe ou mieux le Christ souffrant, un homme sans modèle, sans lien, inscrit dans une condition humaine à laquelle il ne peut échapper.Yves Michaud (4e de couverture, L’art contemporain est-il chrétien, Catherine Grenier)
C’est comme une fête foraine, les jeux avec les pinces… Le monde est atroce, mais il y a bien pire : c’est Dieu. On ne peut pas comprendre Haïti. On ne peut même pas dire que Dieu est méchant, aucun méchant n’aurait fait cela. Christian Boltanski
Le grand ennemi de la vérité n’est très souvent pas le mensonge – délibéré, artificiel et malhonnête – mais le mythe – persistant, persuasif et irréaliste. John Kennedy
Cette Administration met en avant un faux choix entre les libertés que nous chérissons et la sécurité que nous procurons… Je vais donner à nos agences de renseignement et de sécurité les outils dont ils ont besoin pour surveiller et éliminer les terroristes sans nuire à notre Constitution et à notre liberté. Cela signifie l’arrêt des écoutes téléphoniques illégales de citoyens américains, l’arrêt des lettres de sécurité nationale pour espionner les citoyens américains qui ne sont pas soupçonnés d’un crime. L’arrêt de la surveillance des citoyens qui ne font rien de plus que protester contre une mauvaise guerre. L’arrêt de l’ignorance de la loi quand cela est incommode.Obama (août 2007)
Qu’est donc devenu cet artisan de paix récompensé par un prix Nobel, ce président favorable au désarmement nucléaire, cet homme qui s’était excusé aux yeux du monde des agissements honteux de ces Etats-Unis qui infligeaient des interrogatoires musclés à ces mêmes personnes qu’il n’hésite pas aujourd’hui à liquider ? Il ne s’agit pas de condamner les attaques de drones. Sur le principe, elles sont complètement justifiées. Il n’y a aucune pitié à avoir à l’égard de terroristes qui s’habillent en civils, se cachent parmi les civils et n’hésitent pas à entraîner la mort de civils. Non, le plus répugnant, c’est sans doute cette amnésie morale qui frappe tous ceux dont la délicate sensibilité était mise à mal par les méthodes de Bush et qui aujourd’hui se montrent des plus compréhensifs à l’égard de la campagne d’assassinats téléguidés d’Obama.Charles Krauthammer
Les drones américains ont liquidé plus de monde que le nombre total des détenus de Guantanamo. Pouvons nous être certains qu’il n’y avait parmi eux aucun cas d’erreurs sur la personne ou de morts innocentes ? Les prisonniers de Guantanamo avaient au moins une chance d’établir leur identité, d’être examinés par un Comité de surveillance et, dans la plupart des cas, d’être relâchés. Ceux qui restent à Guantanamo ont été contrôlés et, finalement, devront faire face à une forme quelconque de procédure judiciaire. Ceux qui ont été tués par des frappes de drones, quels qu’ils aient été, ont disparu. Un point c’est tout.Kurt Volker
L’abolition est due au grand réveil religieux: sous l’impulsion des pasteurs, des centaines de milliers d’Anglais signent des pétitions contre l’esclavage. (…) Le système esclavagiste était rentable et il aurait pu s’adapter à la nouvelle période. On a même calculé que la productivité d’un esclave pouvait être équivalente, voire supérieure, à celle d’un salarié.Olivier Pétré-Grenouilleau
La traite n’avait pas pour but d’exterminer un peuple. L’esclave était un bien qui avait une valeur marchande qu’on voulait faire travailler le plus possible. Olivier Pétré-Grenouilleau
« Cargaison » précieuse face au risque financier que prenait l’armateur, leurs conditions de détention s’améliorèrent au cours des siècles, leur taux de mortalité étant de 10 % à 20 %, avec des pics à 40 %. Pour les historiens, l’estimation la plus probable s’établit à 13 % sur les quatre siècles que dure la traite alors que la mortalité moyenne d’un équipage était tout juste inférieure. Wikipedia
On dispose de peu d’éléments sur le nombre de captifs décédés sur le sol africain. (…) Raymond L. Cohn, un professeur d’économie dont les recherches sont centrées sur l’histoire économique et les migrations internationales estime que 20 à 40 % des captifs mouraient au cours de leur transport à marche forcée vers la côte, et que 3 à 10 % disparaissaient en y attendant les navires négriers. On arrive à un total compris entre 23 et 50 %. (…) À la fin du XVIIIe siècle, en Guadeloupe, le taux de mortalité des esclaves oscillait entre 30 et 50 pour mille. En métropole, le taux de mortalité était compris entre 30 et 38 pour mille. (…) Pour les négriers nantais, la mortalité moyenne était de 17,8 %. Il ne s’agit que d’une moyenne. Certaines traversées pouvaient se faire sans aucun décès tandis que d’autres pouvaient enregistrer une mortalité de 80 % voire davantage. Wikipedia
Pour le XVIe siècle, le nombre des esclaves chrétiens razziés par les musulmans est supérieur à celui des Africains déportés aux Amériques. Il est vrai que la traite des Noirs ne prendra vraiment son essor qu’à la fin du XVIIe siècle, avec la révolution sucrière dans les Antilles. Mais, selon Davis, il y aurait eu environ un million de Blancs chrétiens réduits en esclavage par les barbaresques entre 1530 et 1780. Mais il ne faut pas se focaliser sur la question des chiffres, afin d’établir une sorte d’échelle de Richter des esclavages. Ce que le travail de Davis permet d’affirmer, c’est que cet esclavage des chrétiens entre le XVIe et le XVIIIe siècle renvoie à une réalité non négligeable. Rien de plus. S’il est resté pour une large part ignoré, c’est qu’il n’a pas laissé beaucoup de traces. Les esclaves blancs étaient en effet principalement, à 90%, des hommes, qui ne faisaient pas souche en terre d’Islam, à l’inverse des Africains aux Amériques. C’est aussi que le questionnement est souvent premier en histoire (on se pose des questions, puis l’on recherche les sources permettant éventuellement d’y répondre) et que cet esclavage n’a pas beaucoup intéressé les historiens. (…) Il est différent à plusieurs titres. Tout d’abord, cet esclavage ne répond pas à la même logique. Au départ, les barbaresques se livrent à des opérations de course et de piraterie sur les côtes de la Méditerranée, comme c’est l’usage chez certains peuples marins depuis la plus Haute Antiquité. On avait pris l’habitude depuis l’époque byzantine de rédiger des traités prévoyant l’échange réciproque d’esclaves. Puis, les chrétiens se mobilisant pour «racheter» leurs proches tombés en esclavage, l’affaire devint plus rentable pour les razzieurs. C’est paradoxalement cette perspective financière qui accentua les raids musulmans à partir du XVIe siècle. En devenant directement et assez facilement monnayables, les esclaves devinrent des proies plus séduisantes que les navires ou les cargaisons. Les barbaresques se mirent alors à multiplier leurs razzias sur les côtes de la Méditerranée, notamment en Italie du Sud. Dans le cas de la traite transatlantique, l’esclavage répondait à un autre but : fournir une main-d’oeuvre bon marché aux colonies. Les Noirs ne pouvaient être rachetés mais seulement – rarement – se racheter eux-mêmes. Ils firent souche en Amérique, ce qui ne fut jamais le cas des chrétiens. (…) On ne devrait pas en effet parler d’une «traite» des Blancs car les musulmans cherchaient de l’argent plus ou moins rapidement, ils ne se sont pas livrés à un trafic de main-d’oeuvre. Au bout de quelques années, les esclaves chrétiens étaient soit rachetés et ils rentraient chez eux, ou ils disparaissaient. Le taux de mortalité était assez fort. Autour de 15%, selon Davis.Olivier Pétré-Grenouilleau
A la différence de l’islam, le christianisme n’a pas entériné l’esclavage. Mais, comme il ne comportait aucune règle d’organisation sociale, il ne l’a pas non plus interdit. Pourtant, l’idée d’une égalité de tous les hommes en Dieu dont était porteur le christianisme a joué contre l’esclavage, qui disparaît de France avant l’an mil. Cependant, il ressurgit au XVIIe siècle aux Antilles françaises, bien que la législation royale y prescrive l’emploi d’une main-d’oeuvre libre venue de France. L’importation des premiers esclaves noirs, achetés à des Hollandais, se fait illégalement. (…) Le mouvement part d’Angleterre, le pays qui a déporté au XVIIIe siècle le plus de Noirs vers l’Amérique. La force du mouvement abolitionniste anglais repose principalement sur la prédication des pasteurs évangélistes. Il en résulte une interdiction de la traite par l’Angleterre (1806) et les autres puissances occidentales (France, 1817), puis une abolition de l’esclavage lui-même dans les colonies anglaises (1833) et françaises (1848). Décidée par l’Europe, la suppression de la traite atlantique est imposée par elle aux Etats pourvoyeurs d’esclaves de l’Afrique occidentale. (…) Cependant, rien de pareil n’a eu lieu dans le monde musulman. L’esclavage étant prévu par l’islam, il eût été impie de le remettre en cause. Aussi, l’autre grande forme de la traite vers l’Afrique du Nord et le Moyen-Orient continua de plus belle au XIXe siècle, qui correspondit à son apogée. Et, parallèlement, des Européens continuaient d’être razziés en Méditerranée et réduits en esclavage à Alger, Oran, Tunis ou Salé (Rabat). D’où l’expédition de 1830 à Alger. Finalement, ce fut la colonisation qui mit presque entièrement fin à la traite musulmane. Jean-Louis Harouel
How likely is it that the chief White House butler not only witnessed his mother raped and his father murdered by a plantation owner’s racist son but also had an intermittently estranged son of his own who became, first, one of the Fisk University student heroes of the Nashville lunch-counter sit-ins; second, one of the original Freedom Riders; third, so close an aide to King that he was in the Memphis motel room with Ralph Abernathy, Andrew Young, and Jesse Jackson when King was assassinated; fourth, a beret-wearing Black Panther in Oakland; fifth, an unsuccessful candidate for Congress; sixth, a leader of the South Africa divestment movement; and, seventh, a successful candidate for Congress? Hendrik Hertzberg
The Butler is fiction, although its audience may assume otherwise. Those cagey words “inspired by a true story” can be deceptive. The script was triggered by Wil Haygood’s 2008 Washington Post article “A Butler Well Served by This Election.” Published after Obama’s landmark victory, and later spun into a book, it unearthed the story of former White House butler Eugene Allen, who served American presidents for 34 years. But screenwriter Danny Strong (HBO’s Game Change) has created a fictional butler named Cecil Gaines (Forest Whitaker), whose life mirrors the drama of the civil rights movement with cut-glass symmetry. Straining to serve an overcharged agenda, The Butler is a broadly entertaining, bluntly inspirational history lesson wrapped around a family saga that gives new resonance to the term “domestic drama.” Director Lee Daniels (Precious, The Paperboy) is not known for subtlety, and this movie is no exception. But at the heart of its sprawling narrative, he has corralled some fine performances. Whitaker navigates gracefully between his public and private personae—White House butlers he says, have two faces: their own “and the ones we got to show the white man.” As Cecil stoically weathers the upheavals of history, and his splintered family, we can feel him being gradually crushed under the weight of his own quiet dignity, yet mustering shy increments of resistance over the decades. Between his role as a virtually mute servant/sage in the White House and a beleaguered patriarch trying to hold together his middle-class family, this a character with a lot on his plate. The story’s long march begins with Cecil’s boyhood on a cotton plantation in the South in 1926, where he sees his father shot dead in a field for looking the wrong way at a white man. Cecil is adopted by a thin-lipped matriarch who tells him, “I’m going to teach you how to be a house nigger.” Which sounds strange coming from the mouth of Vanessa Redgrave. The term “house nigger,” and the n-word in general, recurs again and again, shocking us each time, and never letting us forget that there’s no higher house than the White House. A model of shrewd obedience, Cecil learns to make the perfect martini, to be invisible in a room, and to overhear affairs of estate in stony silence—unless asked for his opinion, which he’ll pretend to offer with a wry, Delphic diplomacy that makes the questioner feel validated. The script goes out of its way to ennoble Cecil’s work, plucking a quote from Rev. Martin Luther King Jr. —”the black domestic defies racial stereotyping by being hardworking and trustworthy … though subservient, they are subversive without even knowing it.” The Uncle Tom issue is front and centre, especially in Cecil’s feud with his radicalized son Louis (David Oyelowo), who rejects his father as a race traitor. The conflict comes to a head amid a family debate about the merits of Sidney Poitier, a legendary actor brashly dismissed by Louis as “a white man’s fantasy of what he wants us to be.” The fondly nostalgic references to In the Heat of the Night and Guess Who’s Coming to Dinner may fly over the heads of younger viewers. But it’s a lovely scene, mixing rancour and wit and a deft touch. Although this is a movie on a mission, it does have a sense of humour. When Cecil’s eldest son, shows up to dinner in his Black Panther beret and black leather, with a girlfriend sporting a vast Angela Davis Afro, it’s pure caricature as Daniels presents a whole other take on Guess Who’s Coming to Dinner, played as both drama and farce. Brian D. Johnson
The best aspect about America is its egalitarianism. The country respects and rewards the talented and the sincere. And despite serious racial issues, we saw America electing a black President, creating history. And as Hollywood runs up to the Academy Awards on March 2, one of the questions is, will Steve McQueen be the first black director to win the Oscar. Interestingly, his 12 Years A Slave is all about the struggle of one black man to escape humiliating captivity he faces in the white man’s den. At the moment, McQueen – though with an emotionally engaging film behind him – is not the favourite to walk away with the best director statuette. But if he does, he would be the first black helmer to actually clinch this Oscar, although there have been two other black directors who were nominated in the past. One of them was John Singleton for the 1992 Boyz n the Hood, and the other was Lee Daniels in 2009 for Precious. McQueen’s win could be as historic as Kathryn Bigelow’s 2009 triumph with The Hurt Locker. She was the first woman director to have won the best director Oscar. In a way, McQueen’s nomination comes in a year when black moviemakers have done exceedingly well. Fruitvale Station – about a real incident where a black teenager was killed by the police in Oakland — got the big prize at the Sundance Film Festival. And works like 42 (the black baseball player, Jackie Robinson biopic) and The Butler (probing the African American role in U.S. history) have been, along with 12 Years A Slave, lauded by critics. On top of this, Hollywood and the Academy of Motion Picture Arts and Sciences have been talking about lack of diversity in the race for the Oscars.The Hindustan Times
Cheryl Boone Isaacs … est la première Afro-américaine à prendre la direction de la prestigieuse Académie des Arts et des Sciences du Cinéma à Hollywood, et la troisième femme choisie pour le job. Cheryl Boone Isaacs vient d’être élue au poste suprême du comité des Oscars. Gala
12 Years a Slave a définitivement enterré Le Majordome L’une des surprises des Oscars 2014, c’est l’absence du Majordome qui n’a donc aucune nomination. Eliminé des Golden Globes, on pouvait encore imaginer que le film de Lee Daniels soit présent dans la course aux Oscars. Raté. Le Majordome est peut-être sorti trop tôt (en août aux USA) et surtout, il s’est fait enterrer par le drame de Steve McQueen. Sur un sujet proche (l’esclavage et le combat pour les droits civiques), la fresque de Lee Daniels semble bien sage face au déchaînement de violence, de conscience et de surcinéma du film de McQueen. Avec son sujet édifiant, ses performances intenses et sa mise en scène puissante, 12 Years a Slave a le profil type du « film à Oscars ». Mais on sait que certains votants risquent d’être rebutés par sa violence. Finalement, Lee Daniels aurait été un bon compromis avec ses prestations moins agressives et ses stars plus facilement oscarisables (Oprah Winfrey, ignoré pour son retour au ciné après Beloved et quinze ans d’absence, et surtout Forest Whitaker).Première
Avec ce grand spectacle typiquement hollywoodien (les oscars vont pleuvoir !), le cinéaste réussit l’osmose délicate entre le film commercial et le cinéma d’auteur. Depuis Hunger, par exemple, on sait qu’à l’instar de Theo Angelopoulos ou Andreï Tarkovski il adore les plans fixes démesurément étirés, mais calculés à la seconde près, qui créent une réalité parallèle, plus vraie que la vraie. On en a plusieurs ici, dont celui, totalement incongru dans un film américain, où le héros, lynché, est suspendu à une corde, ses pieds touchant le sol par intermittence. Il attend. Il entend des enfants jouer et rire au loin. La durée même de cette séquence magnifique fait naître la peur. On dirait un suspense à la Hitchcock… Question sadisme, Steve McQueen est un orfèvre : dans Hunger, on le sentait radieux de détailler, une à une, les plaies sur le corps meurtri de Michael Fassbender. Il ne semble pas mécontent, ici, de filmer un à un les coups de fouet reçus par la bien-aimée du frustré. Mais curieusement, ce pointillisme lui permet, à chaque film, de fuir le réalisme. Son art repose sur l’artifice. Sous sa caméra, le destin de Solomon Northup n’est plus un fait divers, mais une abstraction lyrique. Presque un opéra. Télérama
Je peux dire que j’aimé ce film. Bien sur il est très didactique et manichéen ( les gentils blancs du nord, le héros Brad Pitt quand même très gonflé de se donner le rôle du sauveur en tant que producteur du film!!!!) mais c est un film qui reste très fort , tres beau et plein d humanités , avec une belle réalisation , de bons acteurs, une lenteur assumée et salutaire . L intérêt de ce film pour moi est surtout que j y ai emmené ma fille de 14 ans et qu elle a beaucoup aimé. Ce genre de film est un bon rappel de ce dont est capable l humanité lorsqu il n y a pas d égalité entre les gens, lorsque les lois permettent à certains de se croire supérieur , nul est à l abris de devenir un bourreau lorsque l on le laisse faire !!! Cela paraît évident mais dans un contexte mondial de montée des intolérances , du racisme, dans un pays Côme la France où certains trouvent comique de comparer une ministre à une guenon , je pense malheureusement que ce film à encore un rôle à jouer!!! Un film scolaire disent certains, c est vrai! A faire voire au scolaire!! Oui Paulineeliane | 21/02/2014 à 11h51
Difficile de trouver plus contradictoire que Django Unchained de Quentin Tarantino et 12 Years A Slave de Steve McQueen : les deux films – dans lesquels figurent d’ailleurs Brad Pitt et Michael Fassbender – revisitent la même histoire sombre (l’esclavagisme) avec une approche si différente qu’ils se révèlent complémentaires. Autrement dit, ici, chez Steve McQueen, on n’est pas venu pour rire. Chose que l’on savait déjà pour avoir vu ses précédents films, Hunger et Shame qui avaient autant à voir avec des spectacles de Florence Foresti que Véronique Sanson avec un groupe de métal allemand. (…) Comme dans Hunger et Shame, qui parlaient d’oppression et de claustration – l’univers carcéral pour le premier, l’addition sexuelle pour le second -, la mise en scène de Steve McQueen se révèle aussi virtuose que discutable comme lors de ce plan-séquence qui semble durer une vie et qui nous rapproche de la mort. On y voit Solomon pendu à une corde, sur la pointe des pieds, pataugeant dans la boue pour éviter l’asphyxie. McQueen obtient sur la durée un vrai malaise. Tout circule, tout y est montré, dénoncé : le voyeurisme, la passivité, l’indifférence, l’exploitation, l’obscénité, la cruauté ordinaire etc. On est bien loin de la fresque académique, policée. Et, en même temps, il y a un tour de force ostentatoire, une volonté de s’afficher en grand cinéaste rétif aux normes et aux conventions, au-dessus de ce qu’il doit filmer. Steve McQueen avoue dans le dossier de presse : « Je ne voulais pas minimiser ce qui lui est arrivé. Il ne s’agit pas de choquer les gens – cela ne m’intéresse pas -, mais il s’agit de faire preuve de responsabilité face à cette histoire. » TF1
Fidèle à ses motifs favoris, le dolorisme et l’incarcération, physique ou mentale (l’agonie de l’activiste irlandais Bobby Sands dans Hunger, l’aliénation au sexe dans Shame), McQueen concentre son propos sur la réalité crue des sévices dont étaient quotidiennement victimes des millions d’individus. Passages à tabac, viols, tortures, assassinats ou travail forcé entraînant la mort, séparation des familles, humiliation permanente sans oublier le maintien systématique dans l’analphabétisme. Le cinéaste joue sur toute la gamme de la révulsion, alternant chocs brutaux (long plan séquence d’une flagellation) et insoutenable immobilisme (scène de pendaison où, tandis que l’homme agonise en se hissant sur les orteils, une normalité écœurante bourdonne autour de lui). Toutefois, McQueen a pris le parti de faire de cette addition d’horreurs l’exclusif argument de son réquisitoire. Cette virulence rageuse finit par occulter involontairement une dimension essentielle. L’ignominie de l’esclavage est tout entière contenue dans son caractère institutionnel, dans le fait qu’il répondait à des besoins économiques précis. Le droit des planteurs à disposer des individus à leur guise, pour se remplir les poches ou pour assouvir leurs pires pulsions, en est la conséquence. Or, représenter les esclavagistes comme des sadiques compulsifs (Michael Fassbender en roue libre) revient à faire le procès de l’anomalie, d’une folie sanguinaire dont cette institution a toléré l’existence. Comme si la dénonciation de la mécanique d’un système abominable ne suffisait pas, et que pour susciter l’émotion – une vertu américaine -, il fallait renoncer à pointer du doigt la source du mal pour n’en montrer que les effets pervers.Libération
12 Years a Slave uses sadistic art to patronize history Brutality, violence and misery get confused with history in 12 Years a Slave, British director Steve McQueen’s adaptation of the 1853 American slave narrative by Solomon Northup, who claims that in 1841, away from his home in Saratoga Springs, N.Y., he was kidnapped and taken South where he was sold into hellish servitude and dehumanizing cruelty. For McQueen, cruelty is the juicy-arty part; it continues the filmmaker’s interest in sado-masochistic display, highlighted in his previous features Hunger and Shame. Brutality is McQueen’s forte. As with his fine-arts background, McQueen’s films resemble museum installations: the stories are always abstracted into a series of shocking, unsettling events. With Northup (played by Chiwetel Ejiofor), McQueen chronicles the conscious sufferance of unrelenting physical and psychological pain. A methodically measured narrative slowly advances through Northup’s years of captivity, showcasing various injustices that drive home the terrors Black Africans experienced in the U.S. during what’s been called “the peculiar institution.” Depicting slavery as a horror show, McQueen has made the most unpleasant American movie since William Friedkin’s1973 The Exorcist. That’s right, 12 Years a Slave belongs to the torture porn genre with Hostel, The Human Centipede and the Saw franchise but it is being sold (and mistaken) as part of the recent spate of movies that pretend “a conversation about race.” (…) For commercial distributor Fox Searchlight, 12 Years a Slave appears at an opportune moment when film culture–five years into the Obama administration–indulges stories about Black victimization such as Precious, The Help, The Butler, Fruitvale Station and Blue Caprice. (What promoter Harvey Weinstein has called “The Obama Effect.”) This is not part of social or historical enlightenment–the too-knowing race-hustlers behind 12 Years a Slave, screenwriter John Ridley and historical advisor Henry Louis Gates, are not above profiting from the misfortunes of African-American history as part of their own career advancement. But McQueen is a different, apolitical, art-minded animal. The sociological aspects of 12 Years a Slave have as little significance for him as the political issues behind IRA prisoner Bobby Sands’ hunger strike amidst prison brutality visualized in Hunger, or the pervy tour of urban “sexual addiction” in Shame. McQueen takes on the slave system’s depravity as proof of human depravity. (…) It proves the ahistorical ignorance of this era that 12 Years a Slave’s constant misery is excused as an acceptable version of the slave experience. McQueen, Ridley and Gates’ cast of existential victims won’t do. Northup-renamed-Platt and especially the weeping mother Liza (Adepero Oduye) and multiply-abused Patsey (Lupita Nyong‘o), are human whipping posts–beaten, humiliated, raped for our delectation just like Hirst’s cut-up equine. (…) These tortures might satisfy the resentment some black people feel about slave stories (“It makes me angry”), further aggravating their sense of helplessness, grievance–and martyrdom. It’s the flipside of the aberrant warmth some blacks claim in response to the superficial uplift of The Help and The Butler. And the perversion continues among those whites and non-blacks who need a shock fest like 12 Years a Slave to rouse them from complacency with American racism and American history. But, as with The Exorcist, there is no victory in filmmaking this merciless. The fact that McQueen’s harshness was trending among Festivalgoers (in Toronto, Telluride and New York) suggests that denial still obscures the history of slavery: Northup’s travail merely makes it possible for some viewers to feel good about feeling bad (as wags complained about Spielberg’s Schindler’s List as an “official” Holocaust movie–which very few people wanted to see twice). McQueen’s fraudulence further accustoms moviegoers to violence and brutality.The very artsiness of 12 Years a Slave is part of its offense. The clear, classical imagery embarrasses Quentin Tarantino’s attempt at visual poetry in Django Unchained yet this “clarity” (like Hans Zimmer’s effective percussion score) is ultimately depressing. McQueen uses that art staple “duration” to prolong North’s lynching on tiptoe and later, in endless, tearful anticipation; emphasis on a hot furnace and roiling waves adds nature’s discomfort; an ugly close-up of a cotton worm symbolizes drudgery; a slave chant (“Run, Nigger, Run,”) contrasts ineffectual Bible-reading; and a shot of North’s handwritten plea burns to embers. But good art doesn’t work this way. Art elates and edifies–one might even prefer Q.T.’s jokey ridiculousness in Django Unchained, a different kind of sadism. (…) Steve McQueen’s post-racial art games and taste for cruelty play into cultural chaos. The story in 12 Years a Slave didn’t need to be filmed this way and I wish I never saw it.Armand White
As is the case with “Django Unchained”, McQueen’s film is a vehicle for his preoccupations. With Tarantino, these primarily revolve around revenge, a theme common to so many of the Hong Kong gangster or samurai movies that he has absorbed. For McQueen, the chief interest is in depicting pain with some of the most dramatic scenes involving whippings and other forms of punishment. I was expecting the worst after seeing McQueen’s “Hunger”, a film about the Provo IRA hunger strike led by Bobby Sands that was more about bedsores and beatings than politics. Thankfully, the latest film is a lot more restrained than I had expected but still mostly focused on the physical torments of being a slave. I found myself wondering if the casting of Sarah Paulson as the sadistic wife of a sadistic plantation owner was deliberate since she is part of the company of actors featured on “American Horror Story”, the AMC cable TV show that pushes the envelope in terms of graphic scenes of torture, dismemberment, etc. This season Paulson is playing a witch, as part of a series on Black witches taking revenge on their white witch enemies who had tormented them during slavery. I half expected Paulson’s character to stick a pin in a Solomon Northup voodoo doll. While one cannot gainsay the importance of Solomon Northup’s memoir that was used by the abolitionist movement in the same way that “Uncle Tom’s Cabin” was, I have to wonder whether McQueen’s film was hampered by a story that was essentially one-dimensional. If you take the opportunity to read “12 Years a Slave” , you will be struck by the underdeveloped relationships between Northup and other characters. Both Parks and McQueen take liberties with the memoir to flesh out the film with such relationships but there is still something missing. In the memoir and in the films, there is never any sense of the emotional pain of being separated from your family—something that cuts far deeper than a whip. Louis Proyect
When the abolitionists invited an ex-slave to tell his story of experience in slavery to an antislavery convention, and when they subsequently sponsored the appearance of that story in print, they had certain clear expectations, well understood by themselves and well understood by the ex-slave, too. (…) We may think it pretty fine writing and awfully literary, but the fine writer is clearly David Wilson rather than Solomon Northup. (…) The dedication, like the pervasive style, calls into serious question the status of ‘Twelve Years a Slave’ as autobiography and/or literature. James Olney
The prominent New York politician and abolitionist, Henry Northup, sensed an opportunity. Henry had helped Solomon escape from Louisiana, and as a descendant of the family that originally owned Solomon’s ancestors, perhaps felt personally responsible for him as well. But Henry was also a politician with an agenda. He wanted to promote the abolitionist cause and gain media attention for a lawsuit he hoped to file against Solomon’s kidnappers. Put simply, the book was written “with a purpose,” as the historian Ira Berlin puts it in his introduction to the new Penguin edition. (The media strategy worked, though only partially: The kidnappers were soon arrested but acquitted four years later after the media had moved on.) Perhaps more cynically, some people wanted to cash in on Northup’s story. Henry asked a lawyer and fledging poet, David Wilson, if he’d be willing to interview Solomon and turn his story into a book. Though a respected legal figure, the 32-year-old Wilson had little success as a writer and jumped at the chance. Thus, “12 Years a Slave” wasn’t even written by Solomon Northup but by a white amanuensis. Eric Herschthal
There were four million slaves in the U.S. in 1860 and several hundred thousand slave owners. It wasn’t just a homogeneous system. It had every kind of human variation you can imagine. There were black plantation owners in Louisiana, black slave owners. (…) Remember, this book is one of the most remarkable first-person accounts of slavery. But it’s also a piece of propaganda. It’s written to persuade people that slavery needs to be abolished. He doesn’t say anything about sexual relations he may have had as a slave. There’s no place for such a discussion because of the purpose of the book. (…) Harriet Jacobs was condemned by many people for revealing this, even antislavery people. (…) Obviously, it wasn’t a best seller. Maybe it will be now. But it’s widely known. It’s used all over the place in history courses. Along with Frederick Douglass and Harriet Jacobs, this is probably the most widely read of what we call the slave narratives. (…) The daddy, I suppose, of all this was “Glory,” which came out in the late ‘80s. “Roots,” of course, comes before that. All of them suffer from what I see as the problem of Hollywood history. Even in this movie, there’s a tendency toward: You’ve got to have one hero or one figure. That’s why historians tend to be a little skeptical about Hollywood history, because you lose the sense of group or mass. (…) I think this movie is much more real, to choose a word like that, than most of the history you see in the cinema. It gets you into the real world of slavery. That’s not easy to do. Also, there are little touches that are very revealing, like a flashback where a slave walks into a shop in Saratoga. Yes, absolutely, Southerners brought slaves into New York State. People went on vacation, and they brought a slave. Foner
La Seconde Guerre mondiale a duré cinq ans, mais il y a des centaines et des centaines de films sur cette guerre et sur l’Holocauste. L’esclavage a duré quatre siècles, mais moins de 20 films y sont consacrés. Steve McQueen
I am British. My parents are from Grenada. My mother was born in Trinidad. Grenada is where Malcolm X’s mother comes from. Stokely Carmichael is Trinidadian. We could go on and on. It’s about that diaspora. (…) I made this film because I wanted to visualize a time in history that hadn’t been visualized that way. I wanted to see the lash on someone’s back. I wanted to see the aftermath of that, psychological and physical. I feel sometimes people take slavery very lightly, to be honest. I hope it could be a starting point for them to delve into the history and somehow reflect on the position where they are now.(…) I think people are ready. With Trayvon Martin, voting rights, the 150th anniversary of the abolition of slavery, 50th anniversary of the March on Washington and a black president, I think there’s a sort of perfect storm of events. I think people actually want to reflect on that horrendous recent past in order to go forward. Steve McQueen
When I was in Savannah, Ga., they were telling me how they used to have special chains for the Igbos [a Nigerian ethnic group]. I told the man, “I’m Igbo.” Not having any sense of the internationalism of this event is a bad thing. I loved the fact that there were people from different places coming together to tell this story. Chiwetel Ejiofor
We’re talking about the reduction of truth to accuracy. What matters ultimately in a work of narrative is if the world and characters created feels true and complete enough for the work’s purposes. Isaac Butler
This is a minor point, but I felt the film possibly over-emphasised Solomon Northup’s social standing in New York state prior to his enslavement. In the film, Northup appears as a wealthy, successful individual, making a good living as a carpenter and musician. He wears smart clothes and appears to live in a tolerant, racially integrated community where skin colour does not matter. But in reality, Northern black people were everyday victims of white racism and discrimination, and in the free states of the North, black people were typically the ‘last hired and first fired’. Notably, in his autobiography Northup himself describes the everyday “obstacle of color” in his life prior to his kidnapping and subsequent enslavement. Nevertheless, I can understand why the filmmakers wanted to present a strong juxtaposition between Northup’s life as a free man in the North and the physical and mental trauma he endured while enslaved in the South. Emma McFarnon
At the beginning of 12 Years a Slave, the kidnapped freeman Solomon Northup (Chiwetel Ejiofor), has a painful sexual encounter with an unnamed female slave in which she uses his hand to bring herself to orgasm before turning away in tears. The woman’s desperation, Solomon’s reserve, and the fierce sadness of both, is depicted with an unflinching still camera which documents a moment of human contact and bitter comfort in the face of slavery’s systematic dehumanization. (…) And yet, for all its verisimilitude, the encounter never happened. It appears nowhere in Northup’s autobiography, and it’s likely he would be horrified at the suggestion that he was anything less than absolutely faithful to his wife. Director Steve McQueen has said that he included the sexual encounter to show « a bit of tenderness … Then after she’s climaxes, she’s back … in hell. » The sequence is an effort to present nuance and psychological depth — to make the film’s depiction of slavery seem more real. But it creates that psychological truth by interpolating an incident that isn’t factually true. This embellishment is by no means an isolated case in the film. For instance, in the film version, shortly after Northup is kidnapped, he is on a ship bound south. A sailor enters the hold and is about to rape one of the slave women when a male slave intervenes. The sailor unhesitatingly stabs and kills him. This seems unlikely on its face—slaves are valuable, and the sailor is not the owner. And, sure enough, the scene is not in the book. A slave did die on the trip south, but from smallpox, rather than from stabbing. Northup himself contracted the disease, permanently scarring his face. It seems likely, therefore, that in this instance the original text was abandoned so that Ejiofor’s beautiful, expressive, haunting features would not go through the entire movie covered with artificial Hollywood scar make-up. Instead of faithfulness to the text, the film chooses faithfulness to Ejiofor’s face, unaltered by trickery. Other changes seem less intentional. Perhaps the most striking scene in the film involves Patsey, a slave who is repeatedly raped by her master, Epps, and who as a consequence is jealously and obsessively brutalized by Mistress Epps. In the movie version, Patsey (Lupita Nyong’o) comes to Northup in the middle of the night and begs him, in vivid horrific detail, to drown her in the swamp and release her from her troubles. (…) in the book, it is Mistress Epps who wants to bribe Northup to drown Patsey. Patsey wants to escape, but not to drown herself. The film seems to have misread the line, attributing the mistress’s desires to Patsey. (…) In short, it seems quite likely that the single most powerful moment in the film was based on a misunderstood antecedent. (…) Often published by abolitionist presses or in explicit support of the abolitionist cause, slave narratives represented themselves as accurate, first-person accounts of life under slavery. Yet, as University of North Carolina professor William Andrews has discussed in To Tell a Free Story: The First Century of Afro-American Autobiography, the representation of accuracy, and, for that matter, of first-person account, required a good deal of artifice. To single out just the most obvious point, Andrews notes that many slave narratives were told to editors, who wrote down the oral account and prepared them for publication. Andrews concludes that « It would be naïve to accord dictated oral narratives the same discursive status as autobiographies composed and written by the subjects of the stories themselves. » 12 Years a Slave is just such an oral account. Though Northup was literate, his autobiography was written by David Wilson, a white lawyer and state legislator from Glens Falls, New York. While the incidents in Northup’s life have been corroborated by legal documents and much research, Andrews points out that the impact of the autobiography—its sense of truth—is actually based in no small part on the fact that it is not told by Northup, but by Wilson, who had already written two books of local history. Because he was experienced, Andrews says, Wilson’s « fictionalizing … does not call attention to itself so much » as other slave narratives, which tend to be steeped in a sentimental tradition « that often discomfits and annoys 20th-century critics. » Northup’s autobiography feels less like fiction, in other words, because its writer is so experienced with fiction. Similarly, McQueen’s film feels true because it is so good at manipulating our sense of accuracy. The first sex scene, for example, speaks to our post-Freud, post-sexual-revolution belief that, isolated for 12 years far from home, Northup would be bound to have some sort of sexual encounters, even if (especially if?) he does not discuss them in his autobiography. The difference between book and movie, then, isn’t that one is true and the other false, but rather that the tropes and tactics they use to create a feeling of truth are different. The autobiography, for instance, actually includes many legal documents as appendices. It also features lengthy descriptions of the methods of cotton farming. No doubt this dispassionate, minute accounting of detail was meant to show Northup’s knowledge of the regions where he stayed, and so validate the truth of his account. To modern readers, though, the touristy attention to local customs can make Northup sound more like a traveling reporter than like a man who is himself in bondage. Some anthropological asides are even more jarring; in one case, Northup refers to a slave rebel named Lew Cheney as « a shrewd, cunning negro, more intelligent than the generality of his race. » That description would sound condescending and prejudiced if a white man wrote it. Which, of course, a white man named David Wilson did. A story about slavery, a real, horrible crime, inevitably involves an appeal to reality—the story has to seem accurate if it is to be accepted as true. But that seeming accuracy requires artifice and fiction—a cool distance in one case, an acknowledgement of sexuality in another. And then, even with the best will in the world, there are bound to be mistakes and discrepancies, as with Mistress Epps’s plea for murder transforming into Patsey’s wish for death. Given the difficulties and contradictions, one might conclude that it would be better to openly acknowledge fiction. From this perspective, Django Unchained, which deliberately treats slavery as genre, or Octavia Butler’s Kindred, which acknowledges the role of the present in shaping the past through a fantasy time-travel narrative, are, more true than 12 Years a Slave or Glory precisely because they do not make a claim to historical accuracy. But refusing to try to recapture the experience and instead deciding to, say, treat slavery as a genre Western, can be presumptuous in its own way as well. The writers of the original slave narratives knew that to end injustice, you must first acknowledge that injustice exists. Accurate stories about slavery—or, more precisely, stories that carried the conviction of accuracy, were vital to the abolitionist cause. And, for that matter, they’re still vital. Outright lies about slavery and its aftermath, from Birth of a Nation to Gone With the Wind, have defaced American cinema for a long time. To go forward more honestly, we need accounts of our past that, like the slave narratives themselves, use accuracy and art in the interest of being more true. That’s what McQueen, Ejiofor, and the rest of the cast and crew are trying to do in 12 Years a Slave. Pointing out the complexity of the task is not meant to belittle their attempt, but to honor it. Noah Berlatsky
Réalisateur plasticien d’avant garde britannique récemment venu au cinéma avec deux films célébrant le martyre des prisonniers de l’IRA en grève de la faim (« Hunger« ) et les joies tristes de l’addiction à la pornographie (« Shame« ), radicalité et sauvagerie digne des meilleures installations ou vidéos d’avant-garde (masturbation à deux, flagellations esquisement dolorisantes à la Mel Gibson, viol en plan jouissivement subjectif, pendaison lente à souhait), film tournant rapidement entre morceaux de bravoure et interminables plans séquences au concours de sévices, adaptation du même titre d’une célèbre histoire d’esclave en fuite (Douze ans d’esclavage, brûlot abolitionniste écrit en fait par un avocat blanc (un certain David Wilson) un an après et avec le même succès que La Case de l’Oncle Tom), infortuné héros passant d’une improbable bourgeoisie à un monde de dégénérés où l’on massacre au moindre caprice des hommes et des femmes qu’il avait alors coûté une petite fortune de faire venir d’Afrique, étiquette de rigueur « inspirée d’une histoire vraie », dérision systématique du christianisme sans lequel il n’y aurait pas eu d’abolition, omerta systématique des fournisseurs africains et arabes de la traite sans parler des razzias en Europe, réalisateur et acteurs d’origine africaine ou habitués des films d’horreur ou de perversion, brève et ultime caution de l’acteur-producteur Brad Pitt en sauveur venu de nulle part, nouvelle présidente noire des oscars …
Alors qu’avec la pluie de récompenses qui, à une semaine d’oscars pour la première fois dirigés par une personne de couleur, continue à pleuvoir sur le chef d’oeuvre absolu sur l’esclavage que nous ont annoncé les critiques, la pression monte sur Hollywood pour consacrer le premier réalisateur noir de l’histoire …
Et qu’un an après après les deux oscars du western spaghetti de l’esclavage de Tarantino (et deux des mêmes acteurs: Pitt et Fassbender), le pauvre « Majordome » n’a toujours pas récolté la moindre nomination …
Comment ne pas voir avec l’auteur même de ce véritable concours de sévices de deux heures qu’il va désormais falloir infliger aux enfants de nos écoles …
L’ultime effet de la présidence d’un homme qui, dès avant même sa prise de fonction, avait non seulement déjà donné au monde le prix Nobel de la paix le plus rapide de l’histoire …
Mais réussi à reprendre et amplifier, des liquidations ciblées à la mise sur écoutes de la planète entière, à peu près l’ensemble des mesures politiques de son prédécesseur honni ?
McQueen résume l’esclavage américain à un concours de sévices.
Bruno Icher
Libération
21 janvier 2014
En un peu plus d’un an, le cinéma américain aura donc produit trois films de grande envergure consacrés à ce pan d’histoire toujours incandescent qu’est la monstruosité de l’esclavage : Django Unchained de Quentin Tarantino, Lincoln de Steven Spielberg et, enfin, 12 Years a Slave de Steve McQueen. Un curieux triptyque, hétérogène et discordant, mais dont la proximité tient davantage du symptôme que de la coïncidence, comme pour souligner que la question est loin d’être réglée dans le pays dont Barack Obama est le président depuis cinq ans.
Cible. Cette lacune mémorielle relève, du moins dans la représentation populaire qui en a été faite, de l’évidence. Depuis près d’un siècle, en gros depuis le révisionniste Naissance d’une nation de David Wark Griffith, et même en comptant le très aimable Autant en emporte le vent et l’Esclave libre de Raoul Walsh, le cinéma s’obstine à regarder ailleurs, vouant à l’oubli, voire au déni, cette honte nationale, contrairement au génocide indien, l’autre péché originel de l’Amérique.
La liste est longue des événements et des personnalités dont l’industrie s’est toujours pudiquement détournée, depuis les grandes révoltes d’esclaves en Virginie ou en Louisiane (Nat Turner, Charles Deslondes, Denmark Vesey…) jusqu’aux pionniers de l’abolitionnisme dont Frederick Douglass, premier homme politique noir américain. Steve McQueen a d’ailleurs parfaitement résumé le contexte dans une interview au Guardian : «Hollywood a fait plus de films sur les esclaves romains que sur les esclaves américains.»
C’est donc probablement avec le désir de pulvériser un des derniers tabous du cinéma que le réalisateur britannique s’est lancé dans le projet, mettant tant de force dans ses coups qu’il a pris le risque de manquer sa cible. Il a adapté le livre de Solomon Northup, charpentier et musicien noir de l’Etat de New York, kidnappé et vendu en 1841 par deux escrocs. Miraculeusement sauvé en 1853, l’homme a passé le reste de son existence à raconter le calvaire de ces douze années de captivité dans des plantations de Louisiane où il fut la victime et le témoin de l’atroce condition des esclaves.
Fidèle à ses motifs favoris, le dolorisme et l’incarcération, physique ou mentale (l’agonie de l’activiste irlandais Bobby Sands dans Hunger, l’aliénation au sexe dans Shame), McQueen concentre son propos sur la réalité crue des sévices dont étaient quotidiennement victimes des millions d’individus. Passages à tabac, viols, tortures, assassinats ou travail forcé entraînant la mort, séparation des familles, humiliation permanente sans oublier le maintien systématique dans l’analphabétisme. Le cinéaste joue sur toute la gamme de la révulsion, alternant chocs brutaux (long plan séquence d’une flagellation) et insoutenable immobilisme (scène de pendaison où, tandis que l’homme agonise en se hissant sur les orteils, une normalité écœurante bourdonne autour de lui).
Sadiques.
Toutefois, McQueen a pris le parti de faire de cette addition d’horreurs l’exclusif argument de son réquisitoire. Cette virulence rageuse finit par occulter involontairement une dimension essentielle. L’ignominie de l’esclavage est tout entière contenue dans son caractère institutionnel, dans le fait qu’il répondait à des besoins économiques précis. Le droit des planteurs à disposer des individus à leur guise, pour se remplir les poches ou pour assouvir leurs pires pulsions, en est la conséquence.
Or, représenter les esclavagistes comme des sadiques compulsifs (Michael Fassbender en roue libre) revient à faire le procès de l’anomalie, d’une folie sanguinaire dont cette institution a toléré l’existence. Comme si la dénonciation de la mécanique d’un système abominable ne suffisait pas, et que pour susciter l’émotion – une vertu américaine -, il fallait renoncer à pointer du doigt la source du mal pour n’en montrer que les effets pervers.
Les États-Unis, quelques années avant la guerre de Sécession. Solomon Northup, jeune homme noir originaire de l’État de New York, est enlevé et vendu comme esclave. Face à la cruauté d’un propriétaire de plantation de coton, Solomon se bat pour rester en vie et garder sa dignité. Douze ans plus tard, il va croiser un abolitionniste canadien et cette rencontre va changer sa vie…
La critique : Puissant mais forcément douteux.
Difficile de trouver plus contradictoire que Django Unchained de Quentin Tarantino et 12 Years A Slave de Steve McQueen : les deux films – dans lesquels figurent d’ailleurs Brad Pitt et Michael Fassbender – revisitent la même histoire sombre (l’esclavagisme) avec une approche si différente qu’ils se révèlent complémentaires. Autrement dit, ici, chez Steve McQueen, on n’est pas venu pour rire. Chose que l’on savait déjà pour avoir vu ses précédents films, Hunger et Shame qui avaient autant à voir avec des spectacles de Florence Foresti que Véronique Sanson avec un groupe de métal allemand.
En effet, le parcours de Solomon Northup, soutenu par l’interprétation émotionnelle de Chiwetel Ejiofor, mari et père de famille riche, vivant dans un état de New York, drogué, kidnappé puis réduit à travailler comme esclave dans des champs de coton en Louisiane, met sens dessus dessous. Comme dans Hunger et Shame, qui parlaient d’oppression et de claustration – l’univers carcéral pour le premier, l’addition sexuelle pour le second -, la mise en scène de Steve McQueen se révèle aussi virtuose que discutable comme lors de ce plan-séquence qui semble durer une vie et qui nous rapproche de la mort. On y voit Solomon pendu à une corde, sur la pointe des pieds, pataugeant dans la boue pour éviter l’asphyxie. McQueen obtient sur la durée un vrai malaise. Tout circule, tout y est montré, dénoncé : le voyeurisme, la passivité, l’indifférence, l’exploitation, l’obscénité, la cruauté ordinaire etc. On est bien loin de la fresque académique, policée. Et, en même temps, il y a un tour de force ostentatoire, une volonté de s’afficher en grand cinéaste rétif aux normes et aux conventions, au-dessus de ce qu’il doit filmer. Steve McQueen avoue dans le dossier de presse : « Je ne voulais pas minimiser ce qui lui est arrivé. Il ne s’agit pas de choquer les gens – cela ne m’intéresse pas -, mais il s’agit de faire preuve de responsabilité face à cette histoire. »
McQueen ne cherche pas l’apitoiement, le pleurnichage. Il préfère intimider. C’est exactement ce que Abdellatif Kechiche recherchait avec Vénus Noire, le film qu’il avait réalisé avant La vie d’Adèle et qui, moins linéaire, plus complexe, affichait une radicalité et une sauvagerie encore plus inouïes. Kechiche proposait une expérience infiniment plus forte, plus métaphysique, que celle, plus physique, de McQueen. Comme la Vénus Hottentote de Kechiche, Solomon plante ses yeux dans les nôtres. Le passé regarde le présent, en lambeaux.
Romain LE VERN
12 Years a Slave
Bien des livres et des films, depuis longtemps, ont raconté l’esclavage en Amérique. On sait moins, cependant, ou pas assez, qu’avant même la guerre de Sécession, à la frontière invisible entre Etats abolitionnistes et esclavagistes (fifty-fifty, semble-t-il), des hommes de main, sortes de marchands de sommeil de l’époque, kidnappaient des Blacks, libres citoyens américains, et les vendaient à des propriétaires terriens sans scrupule. Solomon Northup (Chiwetel Ejiofor) a réellement existé (1) . Son sort est d’autant plus tragique qu’il se croit, non sans inconscience, à l’abri de l’horreur. Il vit dans l’Etat de New York, s’habille comme les bourgeois blancs qu’il fréquente et savoure, avec femme et enfants, sa renommée naissante de musicien. D’où sa stupéfaction de se retrouver, soudain, victime d’un piège ourdi en Louisiane par deux tristes sires et plongé dans un cauchemar qu’il pensait réservé aux autres. Un corps, il n’est plus que ce corps anonyme sans la moindre parcelle d’âme, balancé d’une plantation l’autre, selon les revers de fortune de ses divers propriétaires. Son calvaire va durer douze ans, de 1841 à 1853…
C’est ce temps immobile que filme le cinéaste, cette lente chute du héros à travers plusieurs cercles de l’enfer. Il observe, surtout, les ravages du mal sur des esprits dits civilisés. L’inconscience des bourreaux le trouble et leurs failles le fascinent. Le film faiblit, d’ailleurs, lorsqu’il s’attarde sur des silhouettes à la psychologie simplette : saint Brad Pitt, archange miraculeux qui libère le héros, ou Paul Dano, jeune démon sans nuances, qui l’enfonce. C’est à son comédien favori, Michael Fassbender, que le cinéaste réserve le rôle le plus soigné, le plus ambigu, le plus maléfique. Après en avoir fait un nouveau Messie (dans Hunger) et un pharisien moderne ( dans Shame), il le métamorphose en nid à complexes, en paratonnerre de frustrations : un patient du Dr Freud avant la lettre. Un être apeuré de ne pas se montrer à la hauteur d’une classe sociale qu’il méprise. Et totalement dominé par des pulsions sexuelles qui le poussent à se punir en châtiant l’objet de ses désirs — une jeune esclave noire qu’il adore et détruit. Il est clair, pour Steve McQueen, que c’est la frustration qui engendre le mal : l’aveuglement sur soi et la haine de l’autre sont indissolublement liés, comme le couteau et la plaie.
Avec ce grand spectacle typiquement hollywoodien (les oscars vont pleuvoir !), le cinéaste réussit l’osmose délicate entre le film commercial et le cinéma d’auteur. Depuis Hunger, par exemple, on sait qu’à l’instar de Theo Angelopoulos ou Andreï Tarkovski il adore les plans fixes démesurément étirés, mais calculés à la seconde près, qui créent une réalité parallèle, plus vraie que la vraie. On en a plusieurs ici, dont celui, totalement incongru dans un film américain, où le héros, lynché, est suspendu à une corde, ses pieds touchant le sol par intermittence. Il attend. Il entend des enfants jouer et rire au loin. La durée même de cette séquence magnifique fait naître la peur. On dirait un suspense à la Hitchcock…
Question sadisme, Steve McQueen est un orfèvre : dans Hunger, on le sentait radieux de détailler, une à une, les plaies sur le corps meurtri de Michael Fassbender. Il ne semble pas mécontent, ici, de filmer un à un les coups de fouet reçus par la bien-aimée du frustré. Mais curieusement, ce pointillisme lui permet, à chaque film, de fuir le réalisme. Son art repose sur l’artifice. Sous sa caméra, le destin de Solomon Northup n’est plus un fait divers, mais une abstraction lyrique. Presque un opéra. — Pierre Murat
(1) Solomon Northup a relaté son aventure dans un livre, Twelve Years a slave.
Entretien | Il enflamme Hollywood en réveillant la violence d’histoires vraies enfouies dans les mémoires. Rencontre avec Steve McQueen, réalisateur de “12 Years a slave”.
Télérama
25/01/2014
Propos recueillis par Frédéric Strauss – Télérama n° 3341
Son homonymie avec un acteur célèbre aurait pu lui sembler malencontreuse, ou simplement peu pratique. Mais Steve McQueen ignore superbement la star qui l’a précédé. « Question suivante », répond-il quand on l’invite à nous parler de son patronyme. Et quand on s’enquiert de sa famille, originaire de la Grenade : « Question suivante. » On ose demander ce que faisaient ses parents : « Ils travaillaient ! »
Massif, ce cinéaste britannique de 44 ans impressionne aussi par un tempérament étonnamment irascible. L’atmosphère est tendue ; la rencontre, dans un hôtel parisien, un mauvais moment à passer… Mais, au fond, qu’importe, puisque la parole malgré tout se livre, aussi réfléchie, généreuse et profonde qu’elle se plaît à être cassante et lapidaire.
L’intransigeance de ce Steve McQueen pas du tout séducteur exprime aussi une attitude envers le cinéma. Il n’y est venu qu’en 2008, alors qu’il était depuis plusieurs années un créateur reconnu dans le domaine des installations vidéo, un artiste d’envergure célébré par le prix Turner en 1999. C’est avec cette autorité qu’il a abordé la réalisation. Montrant d’emblée une maîtrise impressionnante. Et s’attaquant à des sujets ambitieux, chargés de vérité, de souffrance : dans Hunger, la grève de la faim de l’Irlandais Bobby Sands, membre de l’IRA ; dans Shame, l’addiction maladive à la pornographie.
Et aujourd’hui, l’esclavage dans 12 Years a slave, adaptation d’un récit publié aux Etats-Unis en 1853 (et désormais disponible sous le titre Douze Ans d’esclavage, aux éditions Entremonde). Avec ce nouveau film, qui a touché aux Etats-Unis un large public, Steve McQueen laisse sa grande rigueur formelle évoluer vers une forme de cinéma plus classique. Mais il ne relâche en rien la tension de son regard, qui continue à nous faire voir la réalité en face. Avec une dureté salutaire, naturelle chez lui.
Il semble que vous ayez gardé un souvenir assez dur de votre scolarité à Londres : est-ce parce que vous avez été victime d’attitudes racistes ?
Pas d’attaques personnelles, non. Mais les élèves étaient encore prisonniers de leur classe sociale. Quand je suis retourné dans mon lycée, pour une remise de prix, il y a onze ans, le directeur a fait un discours disant que, dans les années 80, à l’époque où j’y étais, ce lycée était institutionnellement raciste, car les seuls élèves dont on se préoccupait vraiment étaient ceux qui, venant de milieux favorisés, avaient des chances d’aller à Cambridge. Les élèves noirs ou de milieux défavorisés ne comptaient pas. C’était quelque chose que je savais, mais de l’entendre dit à voix haute et très officiellement, c’était à la fois étrange et très intéressant.
Quand avez-vous compris que vous pourriez trouver votre voie dans l’expression visuelle ?
Depuis le tout premier jour ! J’ai toujours dessiné, c’était dans mes gènes. Il n’y a pas eu de révélation me faisant soudain comprendre que j’étais un artiste. J’ai simplement fait ce que j’aimais, toujours. Après le lycée, je suis entré dans une école d’art, j’ai passé une année pendant laquelle tout le monde était libre d’imaginer devenir photographe, graphiste, peintre… J’ai choisi les beaux-arts. Je voulais peindre. Mais du jour où j’ai mis la main sur une caméra, tout a changé. Je n’ai plus pensé qu’à faire des films, faire de l’art avec le langage du cinéma.
“Le cinéma, c’est le pouvoir du récit, comme le roman.”
Vous avez tourné trois films de cinéma après avoir réalisé, quinze années durant, des films d’art et des installations vidéo. Votre regard change-t-il d’une discipline à l’autre ?
Non, je suis un artiste, c’est tout. La différence, c’est que l’art est abstrait, comme la poésie, qui se sert du langage d’une manière fragmentée. Le cinéma, c’est le pouvoir du récit, comme le roman. On utilise donc les mêmes mots, qu’on fasse des films d’art ou des films commerciaux, mais on utilise ces mots différemment. Les écrivains qui sont aussi des poètes ont la même expérience que moi.
Dans une de vos créations les plus connues, Charlotte (2004), vous filmez en gros plan l’œil de Charlotte Rampling et votre doigt qui le touche. Est-ce une volonté de déranger, justement, le regard ?
Mon envie n’était pas de déranger. Je n’avais jamais rencontré Charlotte Rampling. Je l’avais bien sûr vue au cinéma et dans les magazines, mais toujours dans des images. Ce qui m’intéressait, c’était d’accéder à son visage directement, comme si je retraversais à l’envers toutes les images d’elle, pour arriver à sa présence réelle. Quand j’ai touché son œil, j’ai eu une décharge électrique, et Charlotte aussi. C’était très étrange. La peau autour de l’œil de Charlotte était lourde. C’était comme un bijou dont la beauté se cachait sous un voile.
Tous vos films de cinéma racontent des expériences humaines extrêmes. Il y a quand même là une envie de défi ?
Oui et non. Pour que je tourne un film de cinéma, et que j’accepte donc tous les sacrifices que ça représente, il me faut une raison très forte. Par exemple, l’histoire de Bobby Sands et des grévistes de la faim, que je racontais dans Hunger. Une histoire forte parce qu’elle n’avait jamais été racontée. Dix hommes étaient morts dans une prison britannique après avoir cessé de s’alimenter en signe de protestation, et tout le monde faisait comme si ça n’avait jamais existé. Voilà pourquoi il fallait faire ce film. Ça a peut-être quelque chose d’un défi, mais il s’agit d’abord pour moi d’exprimer ce qui fait surgir des émotions violentes.
Vos films donnent le sentiment que vous montrez des choses jusque-là invisibles…
Effectivement. Quand Hunger est sorti, les Anglais ont reconnu pour la première fois les atrocités commises dans la prison de Maze, en Irlande du Nord. Le film a permis de libérer une parole, des gens ont admis ce qu’ils avaient toujours refusé de reconnaître. La même chose se produit avec 12 Years a slave, qui ouvre une discussion sur l’esclavage qui n’avait jamais eu lieu. C’est comme une pierre qu’on jette à la surface d’un lac et qui déclenche un effet de vague.
“Je veux raconter les histoires qu’on cache sous le tapis.”
Le pouvoir du cinéma est de nous obliger à voir ?
Le pouvoir du cinéma est énorme. Mais je ne suis pas engagé dans une croisade. Je suis un cinéaste, un conteur d’histoires. Je participe à l’industrie du divertissement. Avec la volonté de raconter les histoires qu’on cache sous le tapis.
Montrer l’esclavage, c’est faire apparaître ce qui était caché ?
Je n’avais vu aucun film montrant vraiment la réalité de l’esclavage, qui a pourtant duré quatre cents ans. La Seconde Guerre mondiale n’a duré que cinq ans, et les films sur cette guerre et sur l’Holocauste sont devenus un genre à part entière, et des classiques du cinéma. Mais des films sur l’esclavage, il y en a eu si peu, à peine une vingtaine. Les gens ont toujours eu peur de cette période de l’Histoire, et c’est compréhensible car c’était horrible, violent, infâme. Ça ne peut qu’embarrasser tout le monde, mais il faut pourtant regarder les choses en face, montrer ce passé pour comprendre notre présent et comprendre aussi, possiblement, notre avenir.
Michael Fassbender et Chiwetel Ejiofor, dans le dernier film
Comment en êtes-vous venu à raconter l’histoire vraie que retrace 12 Years a slave ?
Je voulais parler d’un Noir américain qui vivait libre dans le Nord des Etats-Unis et était arraché à la vie normale qu’il menait pour être réduit à l’état d’esclave, dans le Sud. Un homme auquel tout le monde pouvait s’identifier. Mon idée n’était pas de raconter le destin d’un Noir venu d’Afrique, car cela avait été fait dans la série télé Racines, en 1977. Le scénario n’était pas facile à développer.
Ma femme, Bianca Stigter, qui est historienne, a commencé des recherches et a découvert ce livre, 12 Years a slave, de Solomon Northup. Elle me l’a apporté en me disant :« Je crois que j’ai trouvé ce que tu veux. » C’était vraiment un euphémisme, car chaque page de ce livre racontait exactement ce que j’avais voulu faire sans y parvenir. Les détails donnés, le sentiment d’un récit lyrique, tout était à couper le souffle. Quand j’ai terminé cette lecture, je m’en suis voulu de n’avoir pas eu connaissance de l’existence d’un tel livre. Et puis j’ai réalisé que personne, autour de moi, ne le connaissait.
Un téléfilm adapté du même livre avait été diffusé en 1984 par la télé américaine, mais il a été oublié, aussi…
Sans même s’arrêter à ce téléfilm de Gordon Parks, Solomon Northup’s Odyssey, on doit souligner que le livre a été publié il y a cent soixante ans. Et pendant tout ce temps, il est resté dans l’ombre. Pourquoi est-ce que je connais Anne Frank et pas Solomon Northup ? Pour moi, ce livre était l’équivalent, dans l’histoire de l’Amérique, du Journal d’Anne Frank.
“L’esclavage était une industrie mondiale qui dépassait largement les Etats-Unis.”
Il fallait donc un cinéaste extérieur aux Etats-Unis pour dire toute l’importance de ce livre ?
Je ne me considère pas comme quelqu’un d’extérieur aux Etats-Unis. Mes parents sont venus des Antilles, et je fais partie de cette diaspora. La seule différence entre moi et des Noirs américains, c’est que leurs ancêtres ont pris le chemin qui partait à droite et les miens, celui qui partait à gauche. La mère de Malcom X venait de la Grenade, où mes parents sont nés. Colin Powell, Sidney Poitier, Marcus Garvey, Harry Belafonte, tous ces gens-là sont issus de familles des Antilles. L’esclavage était une industrie mondiale qui dépassait largement les Etats-Unis.
Votre film montre un monde où les sentiments n’ont plus leur place : tout est haine ou indifférence, endurcissement…
Non, il y a des sentiments très profonds dans ce film ! Bien sûr, pour survivre, Solomon doit mettre ses sentiments de côté. Mais il ne peut pas devenir aussi inhumain que le monde où il se retrouve. S’endurcir totalement lui est impossible. Il reste un être humain. Les forces de l’esprit lui permettent de tenir. C’était, de toute façon, le seul choix qui restait aux esclaves, mes ancêtres : décider de ne pas mourir. Subir des situations inhumaines, endurer la souffrance, mais vivre. Tenir bon, pour l’amour de leurs enfants.
Une scène très impressionnante montre Solomon pendu, ses pieds touchant à peine le sol, et les autres esclaves obligés de l’ignorer…
S’ils décident de l’aider, ils seront pendus à côté de lui. Avec cette scène, je voulais montrer l’esclavage comme une torture physique et mentale. Je me souviens d’avoir tourné un film dans une mine en Afrique du Sud et ressenti ce climat de terreur : les gens faisaient comme s’ils ne nous voyaient pas, ils avaient été habitués à obéir à une loi. C’est quelque chose qui a existé dans tous les pays où la terreur a régné, dans les régimes fascistes, dans la France occupée. Et ça existe encore.
Vous semblez avoir voulu éviter le sentimentalisme d’un certain cinéma américain…
Oui, ce qui m’intéresse, c’est la réalité, montrer ce qu’elle était et ne pas utiliser cette reconstitution à une autre fin. Soit on fait vraiment un film sur l’esclavage, soit on ne fait rien. Je ne voulais pas d’une vision édulcorée. Pourtant, l’histoire semble un conte. Un conte très sombre qu’auraient pu écrire les frères Grimm. Solomon est jeté dans un monde tellement terrible que ça ne semble pas réel. Quand j’ai lu le livre, je me disais : est-ce de la science-fiction ? Cela a-t-il bel et bien eu lieu ?
Votre film arrive après Le Majordome et d’autres films signés par des cinéastes noirs abordant la question des discriminations raciales. Le signe d’un vrai changement ?
Absolument, quelque chose s’est produit. Je ne sais pas combien de temps cela durera. On ne peut mésestimer, dans ce phénomène, le rôle du président Obama. Avec ce président noir, une autre perspective est apparue, le droit à une expression nouvelle a été donné. Ceux qui ne voulaient pas soutenir ce genre de projets le font. Et peut-être même que certains se disent que ces histoires ont aujourd’hui des atouts commerciaux. Il y a encore beaucoup de films à faire sur l’esclavage. Non pas que ce soit une obligation morale. Mais il s’agit d’histoires très prenantes, très fortes, voilà pourquoi il faut les raconter. Parce que les gens voudront aller au cinéma pour voir quelque chose de jamais vu.
Le retentissement de 12 Years a slave aux Etats-Unis vous ouvre les portes de Hollywood : êtes-vous intéressé par cette opportunité ?
Les gens pensent qu’il n’y a que cette voie, Hollywood. C’est une illusion. Ma motivation n’est pas là. Je veux seulement faire les meilleurs films possibles. A Hollywood ou ailleurs. De toute façon, je ne sais pas ce que c’est, Hollywood. J’y suis peu allé. J’y ai rencontré des gens très bien, curieusement. Mais ça reste loin de moi, car je n’ai jamais mêlé l’art au monde des affaires. Sinon, je porterais des chemises à rayures avec des bretelles, je travaillerais à Wall Street ou à la City de Londres. Mais l’argent est la dernière chose à laquelle je pense. Le fait que 12 Years a slave soit devenu un tel succès est une surprise. Je comprends que ça intéresse beaucoup de gens, qui me voient comme un cinéaste capable de faire un succès au box-office. Mais je veux faire des films, pas de l’argent.
Steve McQueen en quelques dates
1969 Naissance à Londres
1993 Bear, premier film d’art qui le fait connaître.
2003 Exposition au musée d’Art moderne de la Ville de Paris.
2008 Hunger, premier film de cinéma, Caméra d’or au festival de Cannes.
2013 Grande rétrospective de ses créations d’art contemporain au Schaulager de Bâle.
Un blanc au cou tanné par le soleil explique à une douzaine d’esclaves comment récolter la canne à sucre. Un homme ingère mécaniquement un repas frugal, avant de tenter une expérience calligraphique à l’aide de jus de mûres. Dans l’obscurité du cabanon où lui et ses semblables s’entassent pour dormir, une compagne d’infortune essaie de lui soutirer une affection tarie depuis longtemps. Les images s’entrechoquent, s’affrontent et s’annulent, difficile d’en retirer un sens, une temporalité, leur unité se dérobe à nos yeux. En quelques plans et moins de cinq minutes, Steve McQueen se casse volontairement les dents sur un impossible défi : retranscrire la réalité de l’esclavage. Puisque nous ne pouvons appréhender les tenants et aboutissants de cette condition, le réalisateur effectue un retour en arrière pour faire sien le dispositif du texte autobiographique dont s’inspire 12 Years a slave, soit l’histoire d’un homme libre, parfaitement étranger au concept de servitude, transformé du jour au lendemain en simple objet amputé de sa moindre parcelle d’humanité.
Ce principe, très loin de n’être qu’un simple dispositif articulant le récit, s’avère le moteur essentiel de son sens. Car le caractère et la personnalité de Solomon Northup permettent au spectateur de s’identifier tout à fait à cet individu libre, heureux, qui a tout fait pour préserver son quotidien des turpitudes de l’époque. Il y est parvenu et autorise le public, quelque soit ses connaissances du sujet abordé, son rapport à l’histoire ou à son propre passé d’embarquer à ses côtés. Steve McQueen et son œuvre se situent ainsi aux antipodes d’un Majordome désireux de flatter le public, de lui infliger une caresse de cathéchèse qui n’a d’universelle que le nom.
Le film n’en deviendra que plus terrible et impitoyable. Nous ne sommes pas ici face à un simple drame historique, ni même à une tragédie brillamment construite et exécutée. Ce qui se joue sous nos yeux est la déconstruction systématique du rêve américain. Ce rêve que Solomon vit sans en être tout à fait conscient, dont toutes les figures se retrouveront brisées à ses pieds. D’abord convaincu que le piège dans lequel il est tombé ne se refermera pas tout à fait sur lui, il se persuadera ensuite que son instruction pourra le prémunir des pires traitements, il lui faudra enfin accepter que son courage, son humanité comme sa persévérance ne pourront rien contre ceux qui le possèdent désormais. Cet itinéraire d’une noirceur absolue, le métrage le balise de séquences simultanément splendides et implacables, à l’image de cet homme tout juste lynché puis pendu, dont les orteils s’étirent pour lui offrir un sursis de vie, alors qu’autour de lui celle de la plantation se déroule imperturbable. On pense bien évidemment au Strange Fruit de Billie Holliday, tétanisé par une horreur cristalline, dont l’acuité pure nous saisit à la gorge.
Mais McQueen, non content de parsemer son film de nombreux morceaux de bravoure et autres plans séquences, n’oublie jamais qu’il traite de personnages avant de manier concepts et figures mythologiques. À la manière de Hunger ou Shame, ce sont l’enfermement et les rapports de domination qui innervent le scénario, les relations éminemment perverses de déprédation qui motivent cette étude d’une période aussi ténébreuse que mal connue. Servi par des acteurs magnétiques, baignés dans la lumière crue et irréelle de Louisiane, le récit explore pour mieux les révéler les tréfonds d’un mal sans fin, dont on ne se relève pas. Car, et c’est là le plus terrible message délivré par 12 Years a slave, on ne sort pas de l’esclavage. Si Solomon sera ultimement sauvé des griffes de l’ogre Epps (impérial Fassbender), il ne retrouvera jamais sa fierté d’homme ou sa dignité de citoyen. En témoigne la dernière réplique du personnage, réduit à s’excuser d’être une victime intégrale. La phagotrophie de l’homme par l’homme est une plaie qui ne se referme pas, une indignité qui ne connaît pas l’oubli. Point de commémoration ou de réconciliation chez McQueen, mais le dévoilement impudique d’une cicatrice véritable.
12 Years a Slave uses sadistic art to patronize history
Brutality, violence and misery get confused with history in 12 Years a Slave, British director Steve McQueen’s adaptation of the 1853 American slave narrative by Solomon Northup, who claims that in 1841, away from his home in Saratoga Springs, N.Y., he was kidnapped and taken South where he was sold into hellish servitude and dehumanizing cruelty.
12-years-a-slave-filmFor McQueen, cruelty is the juicy-arty part; it continues the filmmaker’s interest in sado-masochistic display, highlighted in his previous features Hunger and Shame. Brutality is McQueen’s forte. As with his fine-arts background, McQueen’s films resemble museum installations: the stories are always abstracted into a series of shocking, unsettling events. With Northup (played by Chiwetel Ejiofor), McQueen chronicles the conscious sufferance of unrelenting physical and psychological pain. A methodically measured narrative slowly advances through Northup’s years of captivity, showcasing various injustices that drive home the terrors Black Africans experienced in the U.S. during what’s been called “the peculiar institution.”
Depicting slavery as a horror show, McQueen has made the most unpleasant American movie since William Friedkin’s1973 The Exorcist. That’s right, 12 Years a Slave belongs to the torture porn genre with Hostel, The Human Centipede and the Saw franchise but it is being sold (and mistaken) as part of the recent spate of movies that pretend “a conversation about race.” The only conversation this film inspires would contain howls of discomfort.
For commercial distributor Fox Searchlight, 12 Years a Slave appears at an opportune moment when film culture–five years into the Obama administration–indulges stories about Black victimization such as Precious, The Help, The Butler, Fruitvale Station and Blue Caprice. (What promoter Harvey Weinstein has called “The Obama Effect.”) This is not part of social or historical enlightenment–the too-knowing race-hustlers behind 12 Years a Slave, screenwriter John Ridley and historical advisor Henry Louis Gates, are not above profiting from the misfortunes of African-American history as part of their own career advancement.
But McQueen is a different, apolitical, art-minded animal. The sociological aspects of 12 Years a Slave have as little significance for him as the political issues behind IRA prisoner Bobby Sands’ hunger strike amidst prison brutality visualized in Hunger, or the pervy tour of urban “sexual addiction” in Shame. McQueen takes on the slave system’s depravity as proof of human depravity. This is less a drama than an inhumane analysis–like the cross-sectional cut-up of a horse in Damien Hirst’s infamous 1996 museum installation “Some Comfort Gained From the Acceptance of the Inherent Lies in Everything.”
hirst some comfort gained
Because 12 Years of Slave is such a repugnant experience, a sensible viewer might be reasonably suspicious about many of the atrocities shown–or at least scoff at the one-sided masochism: Northup talks about survival but he has no spiritual resource or political drive–the means typically revealed when slave narratives are usually recounted. From Mandingo and Roots to Sankofa, Amistad, Nightjohn and Beloved, the capacity for spiritual sustenance, inherited from the legacy of slavery and survival, was essential (as with Baby Sugg’s sermon-in-the-woods in Beloved and John Quincy Adams and Cinque’s reference to ancestors in Amistad) in order to verify and make bearable the otherwise dehumanizing tales.
It proves the ahistorical ignorance of this era that 12 Years a Slave’s constant misery is excused as an acceptable version of the slave experience. McQueen, Ridley and Gates’ cast of existential victims won’t do. Northup-renamed-Platt and especially the weeping mother Liza (Adepero Oduye) and multiply-abused Patsey (Lupita Nyong‘o), are human whipping posts–beaten, humiliated, raped for our delectation just like Hirst’s cut-up equine. Hirst knew his culture: Some will no doubt take comfort from McQueen’s inherently warped, dishonest, insensitive fiction.
These tortures might satisfy the resentment some Black people feel about slave stories (“It makes me angry”), further aggravating their sense of helplessness, grievance–and martyrdom. It’s the flipside of the aberrant warmth some Blacks claim in response to the superficial uplift of The Help and The Butler. And the perversion continues among those whites and non-Blacks who need a shock fest like 12 Years a Slave to rouse them from complacency with American racism and American history. But, as with The Exorcist, there is no victory in filmmaking this merciless. The fact that McQueen’s harshness was trending among Festivalgoers (in Toronto, Telluride and New York) suggests that denial still obscures the history of slavery: Northup’s travail merely makes it possible for some viewers to feel good about feeling bad (as wags complained about Spielberg’s Schindler’s List as an “official” Holocaust movie–which very few people wanted to see twice). McQueen’s fraudulence further accustoms moviegoers to violence and brutality.
The very artsiness of 12 Years a Slave is part of its offense. The clear, classical imagery embarrasses Quentin Tarantino’s attempt at visual poetry in Django Unchained yet this “clarity” (like Hans Zimmer’s effective percussion score) is ultimately depressing. McQueen uses that art staple “duration” to prolong North’s lynching on tiptoe and later, in endless, tearful anticipation; emphasis on a hot furnace and roiling waves adds nature’s discomfort; an ugly close-up of a cotton worm symbolizes drudgery; a slave chant (“Run, Nigger, Run,”) contrasts ineffectual Bible-reading; and a shot of North’s handwritten plea burns to embers. But good art doesn’t work this way. Art elates and edifies–one might even prefer Q.T.’s jokey ridiculousness in Django Unchained, a different kind of sadism.
Chiwetel Ejiofor in AmistadMcQueen’s art-world background recalls Peter Greenaway’s high-mindedness; he’s incapable of Q.T.’s stupid showmanship. (He may simply be blind to American ambivalence about the slave era and might do better focusing on the crimes of British imperialism.) Instead, every character here drags us into assorted sick melancholies–as Northup/Platt, Ejiofor’s sensitive manner makes a lousy protagonist; the benevolent intelligence that worked so well for him as the translator in Amistad is too passive here; he succumbs to fate, anguish and torment according to McQueen’s pre-ordained pessimism. Michael Fassbender’s Edwin Epps, a twisted slaveholder (“a nigger-breaker”) isn’t a sexy selfish lover as Lee Daniels flirtatiously showed in The Butler; Epps perverts love in his nasty miscegenation with Patsey (whose name should be Pathos).
And Alfre Woodard as a self-aware Black plantation mistress rapidly sinks into unrescuable psychosis. Ironically, Woodard’s performance is weird comic relief–a neurotic tribute to Butterfly McQueen’s frivolous Hollywood inanity but from a no-fun perspective. By denying Woodard a second appearance, director McQueen proves his insensitivity. He avoids any hopefulness, preferring to emphasize scenes devoted to annihilating Nyong’o’s body and soul. Patsey’s completely unfathomable longing for death is just art-world cynicism. McQueen’s “sympathy” lacks appropriate disgust and outrage but basks in repulsion and pity–including close-up wounds and oblivion. Patsey’s pathetic corner-of-the-screen farewell faint is a nihilistic trope. Nothing in The Exorcist was more flagrantly sadistic.
***
Some of the most racist people I know are bowled over by this movie. They may have forgotten Roots, never seen Sankofa or Nightjohn, disliked Amistad, dismissed Beloved and even decried the violence in The Passion of the Christ, yet 12 Years a Slave lets them congratulate themselves for “being aghast at slavery.” This film has become a new, easy reproof to Holocaust deniers. But remember how in Public Enemy’s “Can’t Truss It,” pop culture’s most magnificent account of the Middle Passage, Chuck D warned against the appropriation of historical catastrophe for self-aggrandizement: “The Holocaust /I’m talkin’ ‘bout the one still goin’ on!”
The egregious inhumanity of 12 Years a Slave (featuring the most mawkish and meaningless fade-out in recent Hollywood history) only serves to perpetuate Hollywood’s disenfranchisement of Black people’s humanity. Brad Pitt, one of the film’s producers, appears in a small role as a helpful pacifist—as if to save face with his real-life multicultural adopted family. But Pitt’s good intentions (his character promises “There will be a reckoning”) contradict McQueen, Ridley and Gates’ self-serving motives. The finite numeral in the title of 12 Years a Slave compliments the fallacy that we look back from a post-racial age, that all is in ascent. But 12 Years a Slave is ultimate proof that Hollywood’s respect for Black humanity is in absurd, patronizing, Oscar-winning decline.
Steve McQueen’s post-racial art games and taste for cruelty play into cultural chaos. The story in 12 Years a Slave didn’t need to be filmed this way and I wish I never saw it.
In a podcast discussion between veteran film critic Armond White and two younger film journalists focused on their differences over “12 Years a Slave” (White, an African-American with a contrarian bent hated it), White argued in favor of benchmarks. How could the two other discussants rave about Steve McQueen’s film without knowing what preceded it? That was all the motivation I needed to see the two films White deemed superior to McQueen’s—“Beloved” and “Amistad”—as well as other films about slavery that I had not seen before, or in the case of Gillo Pontecorvo’s “Queimada” and Kenji Mizoguchi’s “Sansho the Bailiff” films I had not seen in many years. This survey is not meant as a definitive guide to all films about the “peculiar institution” but only ones that are most familiar. Even if I characterize a film as poorly made, I still recommend a look at all of them since as a body of work they shed light on the complex interaction of art and politics, a topic presumably of some interest to CounterPunch readers.
“Django Unchained”
Since I walked out of Tarantino’s film after twenty minutes at a press screening last year, I only decided to watch it in its entirety to complete this survey. As is the case with “12 Years a Slave”, which was voted best film of 2013 by my colleagues in New York Film Critics Online, Tarantino’s film was considered a Major Statement about slavery a year earlier.
As I sat through the first twenty minutes last year, I found myself growing increasingly uneasy with the frequency of the word “nigger”. Yes, I understood that the Old South was full of racists but I could not help but feel that it was just Tarantino up to his old tricks of using the word in a kind of “bad boy” gesture to ramp up his mostly young, white, and male audience especially when the word was used by white characters, including ones played by Tarantino himself. This year I could not help but be reminded of Miami Dolphins Richie Incognito’s bullying messages to teammate Jonathan Martin.
I say this as someone who has enjoyed Tarantino’s past work, with their trademark mash-up of pop culture and ultra-violence. This time around the jokes seemed stale and the violence gratuitous. For example, there’s a scene in which a posse of racists led by plantation owner Don Johnson advance on Django and his fellow bounty-hunter played by Christoph Waltz. The posse is wearing KKK-type hoods for reasons not exactly clear to me. Why would there be a need in a Slavocracy to conceal your identity when lynchings took place in broad daylight, often administered by the cops? Apparently the hoods were a comic prop for Jonah Hill, who in a cameo role complained about not being able to see properly through the eyeholes. This Mel Brooks type shtick went on for what seemed an eternity. If I had been one of Tarantino’s trusted advisers, I would have told him that it was bad enough to use such a lame joke and even worse to keep it going so long. But when you have generated millions of dollars for Harvey Weinstein, nobody is in such a position. What Tarantino wants, Tarantino gets.
Having sat through the entire film this go-round, I could devote thousands of words to what was wrong but will just offer just one brief observation. Samuel Jackson played a “house Negro”, who as Malcolm X used to put it “loved the master more than they loved themselves.” What Tarantino has done is transform this into “hating Black people more than he hates himself”. As Stephen, Leonard DiCaprio’s servant, Jackson demonstrates a sadistic pleasure in seeing “niggers” beaten and killed. Is there any evidence from the history of slave society that any Black servant ever descended into such a degraded and psychopathic state? Tarantino’s excuse, of course, is that he is not making history—only a movie. I could buy this if the movie was wittier and more quickly paced. At 165 minutes, it is sixty minutes too long. But as a Major Statement on slavery, it is not.
“12 Years a Slave”
Despite the perception that Steve McQueen was the first to make a film based on his “discovery” of a neglected memoir by the main character, there was an earlier version made by Gordon Parks for PBS American Playhouse in 1985 titled “Solomon Northup’s Odyssey” that can be seen on Amazon.com. Parks took greater liberties with Solomon Northup’s memoir than McQueen but essentially they tell the same story.
Parks is best known for “Shaft”, the 1971 “blaxploitation” classic. His version of Solomon Northup is somewhat evocative of the genre since his hero is heavily muscled and equal to any man, Black or white, in a fist fight. Adding his own concerns to the memoir, Parks depicts Northup as the object of resentment from other slaves for his literacy, vocabulary, and generally sounding like a white man. They want to drag him down to their level, something he resists.
McQueen takes similar liberties, transforming Harriet Shaw, the Black wife of a cruel plantation owner, into someone with snarling contempt for her own people in the absence of any such evidence in Northup’s memoir.
As is the case with “Django Unchained”, McQueen’s film is a vehicle for his preoccupations. With Tarantino, these primarily revolve around revenge, a theme common to so many of the Hong Kong gangster or samurai movies that he has absorbed. For McQueen, the chief interest is in depicting pain with some of the most dramatic scenes involving whippings and other forms of punishment.
I was expecting the worst after seeing McQueen’s “Hunger”, a film about the Provo IRA hunger strike led by Bobby Sands that was more about bedsores and beatings than politics. Thankfully, the latest film is a lot more restrained than I had expected but still mostly focused on the physical torments of being a slave. I found myself wondering if the casting of Sarah Paulson as the sadistic wife of a sadistic plantation owner was deliberate since she is part of the company of actors featured on “American Horror Story”, the AMC cable TV show that pushes the envelope in terms of graphic scenes of torture, dismemberment, etc. This season Paulson is playing a witch, as part of a series on Black witches taking revenge on their white witch enemies who had tormented them during slavery. I half expected Paulson’s character to stick a pin in a Solomon Northup voodoo doll.
While one cannot gainsay the importance of Solomon Northup’s memoir that was used by the abolitionist movement in the same way that “Uncle Tom’s Cabin” was, I have to wonder whether McQueen’s film was hampered by a story that was essentially one-dimensional. If you take the opportunity to read “12 Years a Slave” , you will be struck by the underdeveloped relationships between Northup and other characters. Both Parks and McQueen take liberties with the memoir to flesh out the film with such relationships but there is still something missing. In the memoir and in the films, there is never any sense of the emotional pain of being separated from your family—something that cuts far deeper than a whip. Northup comes across as someone completely outraged by the injustice of being kidnapped and sold into slavery and little else. Who can blame him? But much more is needed to create the kind of drama found in “Sansho the Bailiff” that is discussed later.
“Beloved”
Just 8 minutes short of three hours, this Jonathan Demme film based on a Toni Morrison novel is as overextended and self-indulgent as “Django Unchained” but much worse. It was produced by Oprah Winfrey and features her in the role of Sethe, a former slave living in the outskirts of Cincinnati. In the opening scene, household utensils are hurled about by poltergeists in a manner now familiar from films like…like “Poltergeist” actually.
Not long afterwards Paul D. (Danny Glover) shows up to save the day. As a former slave from the same plantation as Sethe, he is looking for work and to rekindle a relationship with her. It helps that he is able to quell the poltergeists, the answer to a haunted woman’s dreams.
But that’s not the end of Sethe’s woes. About an hour into the film, Sethe and Paul D. return home to discover a young woman has materialized on their front lawn out of nowhere. Essentially she takes over from the poltergeists creating a strange bond with Sethe based on a kind of craving for attention so extreme that Sethe’s teenaged daughter Denver is tempted to run away, just as her two younger brothers did after the poltergeist intervention of the opening scene.
Eventually we discover that Beloved, the name of the mysterious young woman, is a supernatural presence spawned by a tragic event that took place on the plantation Sethe fled. Although the screenwriter and the director did not intend it as such, I found Beloved so weird that it was hard for me to get deeper into the troubled relationship between Sethe and her new quasi-adopted daughter.
Perhaps that’s a function of a misbegotten adaptation of Morrison’s novel but just as likely it is my reaction to a heavy dose of magical realism that suffuses the novel and the film. As anybody who has read my critique of “Beasts of the Southern Wild” understands, magical realism makes me break out in hives even when it is the work of Nobelists like Toni Morrison or Gabriel García Márquez.
The overripe aesthetics, however, cannot compensate for what is essentially the same fare as “12 Years a Slave”, namely a horror show about beatings, degradation, and racism. Unlike “Django Unchained” and “12 Years a Slave”, “Beloved” was not hailed as a great film when it came out. Some critics viewed it as a sign of Jonathan Demme’s decline; others saw it as the result of Oprah Winfrey’s vanity. With such an enormous emotional and financial commitment to the film, Winfrey underwent a major bout of depression when it bombed at the box office and in the press. People like Jeff St. Clair, whose film savvy I hold in high regard, are fans of “Beloved”. That’s reason enough to give it a shot on Amazon.com. I can’t imagine myself watching it again, however.
“Amistad”
If you are looking for evidence that Stephen Spielberg is one of the few genuine auteurs on the scene today (a term coined by François Truffaut to describe how certain directors shape their films according to a unique creative vision), there’s no better place to look than this 1997 film based on an historical event, the slave revolt of 1839 that led to a historic trial with a happy ending.
The slaves function pretty much as ET did, strange creatures only wishing to go home while John Quincy Adams, the ex-president who argued their case before the Supreme Court, is a kind of prequel to Abraham Lincoln—an enlightened white politician who frees the slaves. What’s missing, however, is the viewpoint of the slaves. Unlike ET, they are capable of seeing the world just like us. But David Franzoni’s script treats them as exotic objects, all the more unknowable through their use of a native language that frequently goes un-subtitled. This is all the more egregious in the opening scene of the film when they commandeer the ship, murdering the entire crew except for the captain and his mate who are ordered to sail them back to Africa. In this scene, not a single word comes out of the slaves’ mouths except at the maximum volume and accompanied by grimacing of the sort seen on the faces of arch-villains in the silent movies of the 1920s. One imagines Spielberg directing his Black actors, “Louder…and arch your eyebrows higher”. I suspect that Paul Greenglass, the director of “Captain Phillips”, must have studied the film carefully in order to develop an approach to his Somali pirate characters.
“Amistad” is basically courtroom drama with Matthew McConaughey as the defense attorney (upon appeal, John Quincy Adams played by Anthony Hopkins takes over.) He argues on strictly legalistic grounds that the slaves were taken from Sierra Leone, a colony of Great Britain that had declared slavery illegal. It has all the dramatic intensity of the debate in the House of Representatives that occupied the final hour of “Lincoln”. If that is your cup of tea, the film is worth watching.
“Sansho the Bailiff”
Despite the fact that this film took place under feudalism, the major characters were slaves rather than peasants paying tribute of the sort dramatized in “The Seven Samurai” and other classics. Furthermore, even if they were Japanese, they had much in common with Solomon Northup insofar as they were free people kidnapped and sold into slavery.
The film was made by Kenji Mizoguchi in 1954 and is regarded as one of the greatest ever made in Japan. I would include it in my list of the ten greatest ever made.
After a feudal governor is banished to a far-off province because of his too generous treatment of the serfs, his wife Tamaki, his young son Zushio, and Zushio’s younger sister Anju proceed on foot to the distant home of a family relative. On their way, they are delivered by a supposedly well-meaning older woman into the arms of slavers who sell the two children to Sansho the Bailiff and the mother to a remote brothel on an island. They were victims just as was Solomon Northup who went to Washington, DC to play his fiddle for good wages at a circus but ended up on the auction block.
Unlike “12 Years a Slave”, the relationships between brother and sister are extremely well-developed. That, of course, is the license afforded by fiction. You are not bounded by the need to be accurate. Imagination rules. There’s a scene that mirrors the one in McQueen’s film in which Northup is forced to whip Patsey for a trivial offense. In “Sansho the Bailiff”, Zushio is ordered to brand the forehead of a seventy-year old slave who tried to run away. Unlike Northup, he has become so hardened by the punishment meted out to him by Sansho’s thugs that he follows this order unflinchingly. Afterwards Anju cries out to him that he has forsaken the values that their father taught them: “Without mercy, man is not a human being.”
Throughout their ordeal, brother and sister never forget their mother. They (and we) pine for their reunion. Eventually Zushio escapes Sansho’s compound, and makes his way to a feudal lord who felt remorse over his father’s treatment, so much so that he promotes him governor over Sansho as repentance. Zushio’s first act is to free all the slaves, even if this means violating feudal laws and resigning from his post.
Apart from the human drama, Mizoguchi was a great visual poet who made the Japanese countryside his greatest protagonist alongside the enslaved children and their long-lost mother. Although I am not that impressed with Anthony Lane’s film reviews in the New Yorker magazine, I am happy to repeat his words about “Sansho the Bailiff” as reported in Wikipedia: “I have seen Sansho only once, a decade ago, emerging from the cinema a broken man but calm in my conviction that I had never seen anything better; I have not dared watch it again, reluctant to ruin the spell, but also because the human heart was not designed to weather such an ordeal.”
“Queimada”
That’s the title of the 1969 Italian film directed by Gillo Pontecorvo, best known for “Battle of Algiers”, that can now be seen for free on Youtube. The English version is titled “Burn!” and though unfortunately missing about 20 minutes from the uncut version still fairly serviceable.
There is probably no other film that conveys the complexity of the colonial revolution than “Queimada”, which means burned in Italian. This is the name of a fictional Caribbean island that bears a striking resemblance to Cuba and Haiti even if it is ruled by Portuguese rather than the Spanish or French. It got its name from the peasant revolts that frequently led to sugar crops being burned.
Sir William Walker, played by Marlin Brando as if he was reprising his Fletcher Christian role, is a functionary of a British sugar company sent to Queimada to manipulate the slaves into overthrowing their masters. Unlike his American Filibuster namesake who went to Nicaragua to reinstate slavery, the British mercenary saw the benefits of abolishing slavery just as Great Britain did long before Lincoln. In a meeting with Portuguese plantation owners, Walker makes the case for free labor in distinctly non-abolitionist terms:
Gentlemen, let me ask you a question. Now, my metaphor may seem a trifle impertinent, but I think it’s very much to the point. Which do you prefer – or should I say, which do you find more convenient – a wife, or one of these mulatto girls? No, no, please don’t misunderstand: I am talking strictly in terms of economics. What is the cost of the product? What is the product yield? The product, in this case, being love – uh, purely physical love, since sentiments obviously play no part in economics.
Quite. Now, a wife must be provided with a home, with food, with dresses, with medical attention, etc, etc. You’re obliged to keep her a whole lifetime even when she’s grown old and perhaps a trifle unproductive. And then, of course, if you have the bad luck to survive her, you have to pay for the funeral!
It’s true, isn’t it? Gentlemen, I know it’s amusing, but those are the facts, aren’t they? Now with a prostitute, on the other hand, it’s quite a different matter, isn’t it? You see, there’s no need to lodge her or feed her, certainly no need to dress her or to bury her, thank God. She’s yours only when you need her, you pay her only for that service, and you pay her by the hour! Which, gentlemen, is more important – and more convenient: a slave or a paid worker?
This is mostly a film about the villainous but charismatic Sir William Walker but there is also a lot more of the viewpoint and agency of the slaves than in “Amistad”. That is to be expected when the screenwriter is somebody like Franco Solinas, who was a partisan during WWII and a long-time member of the CP. But one certainly would have not suspected that Solinas also wrote Spaghetti Westerns of the sort that inspired “Django Unchained”. In an eye-opening profile of “un-American Westerns” by J. Hoberman in the New York Review of Books, we learn that these were Spaghetti Westerns with a difference:
Déclassé, outlandish, and brutal, The Big Gundown has the standard Spaghetti Western virtues; its originality lay in making its true protagonist the fugitive. The irrepressible Cuchillo (played by Tomas Milian) turns out to be a disillusioned supporter of Benito Juarez with a class analysis (he is in fact an innocent witness to the crime). Van Cleef’s character realizes that he is the tool of ruthless plutocrats and capitalist running dogs. Thus, Solinas would use the Western as an arena in which to play out the struggle dramatized in The Battle of Algiers. “Political films are useful on the one hand if they contain a correct analysis of reality and on the other if they are made in such a way to have that analysis reach the largest possible audience,” he told an interviewer in 1967.
Too bad this angle was missing in “Django Unchained”. It would have made for a better film as well as better politically.
“Quilombo”
This amounts to saving the best for last. Like “Burn!”, this subtitled 1984 Brazilian film can be watched for free on Youtube. Quilombo is the word for escaped slave settlement. After seeing this joyous celebration of African freedom, I feel like presenting a petition to the Hollywood studios that they make movies about slave revolts or liberation struggles next year rather than another Major Statement about how terrible slavery was.
Based on historical events, the escape of slaves to the mountains of Palmares in 17th century Brazil, the film is a celebration of Afro-Brazilian culture with children using the capoeira against their would-be Portuguese captors. This high-kicking form of martial arts was disguised as a dance in order to prevent its practitioners being punished for developing combat skills.
The escaped slaves reconstitute themselves as African communities in the highlands and freely choose kings to lead them in struggle against a much better armed foe. The finale of the film depicts a battle in the Palmares that is as exciting as anything I have seen in a Japanese or American costume drama like “Braveheart” or “Seven Samurai”.
And throughout, there is the film score by Gilberto Gil that contains some of the greatest music he ever composed, including the song “Quilombo.”
Your first reaction to “Quilombo” is to question whether such a scenario could apply to the United States since we never saw a Palmares, or did we? While the immediate post-Civil War period under Reconstruction was not an attempt to recreate African life in the wilderness, the net effect was even more emancipating—to use the right word.
Hollywood has never made a single film about Black Power in the Deep South until 1873 when the Democrats and Republicans cut a deal to put the racists back into power in Dixie. Well, I take that back. There were a couple, now that I remember, one called “Gone with the Wind” and the other “Birth of a Nation”. Isn’t it about time that we had a movie with sympathetic major characters that are Black legislators in Mississippi or Alabama to atone for the racist crap of the past? Someone get Oprah Winfrey on the phone and line up a couple of million dollars or so. That’s all we need to make a great movie, since the reality it is based on is so inspiring.
Louis Proyect blogs at http://louisproyect.org and is the moderator of the Marxism mailing list. In his spare time, he reviews films for CounterPunch.
The much-heralded “12 Years a Slave” takes the most brutal and dehumanizing acts of the antebellum American South and displays them in an unrelenting fashion, making it both an incredibly uncomfortable and unforgettable movie.
But the question remains: To what end are these events depicted?
Devoid of any meaningful psychological analysis of either the slave owners who perpetuated unspeakable atrocities or of the slaves who were their victims, “12 Years a Slave” serves primarily as a graphic, suffocating sad collection of horrendous images that pummels the audience for over two hours.
For that you can bet there will be many industry accolades–the film is already the frontrunner to take home the best picture Oscar at next month’s Academy Awards. Hollywood, after all, loves to recognize those films it deems IMPORTANT.
For its shock value and the subject material involved, “12 Years” is groundbreaking and worthy of discussion. But shouldn’t there be more to the “hard truth” than simply being hard to watch?
Director Spike Jonze is known for his art-house films that often portray the myriad indignities a human body can suffer, and it appears he’s culled from Solomon Northrup’s 1853 memoir all the lynchings, beatings, rapings, and other abominations and made a well-crafted, superbly-acted horror show.
Northrup is portrayed nobly and sensitively by terrific British actor Chiwetel Ejiofor, (Outstanding in “Dirty Pretty Things”) and the screenplay written by John Ridley describes how the New York-born “free negro” was kidnapped in 1841 and sold into slavery to work on the plantations of Louisiana. Forced to take another name and not reveal his true identity or details about his wife and family, Northrup works for several plantation owners, including a malevolent sadist (Michael Fassbender) and another who is less cruel (Benedict Cumberbatch). Northrup decides to (mostly) cooperate, incredulously witnessing that this is by no means a guarantee of mercy.
No doubt “12 Years a Slave” will provoke comparison to films like “Schindler’s List” that have attempted to make a visceral statement about evil men perpetrating vile acts against other men. But while Spielberg weaved a complex story with layered emotional complexity around his occasionally graphic imagery, Jonze’s film appears obsessed with the gruesomeness of the act itself. Many scenes go on so long that the initial shock wears off and the viewer’s attention is distracted from the grotesque nature of the scene itself to the unbridled determination of the filmmakers to make a statement.
Indeed, “12 Years a Slave” is an unsettling film to watch. Sometimes challenging, even shocking material can have profound merit in the realm of artistic endeavor. Examining an important topic like slavery, an adaptation of Northrup’s memoir could have had remarkable educational, even inspirational value.
But “12 Years a Slave” is generally more concerned with making its audience wince than with forging an indelible imprint on the soul.
Rated R for violence/cruelty, some nudity and sexuality.
Grade: C+
Bruce Bennett has been the primary contributor to Mad About Movies since it began in 2003. He is an award winning film and theater critic who, since 2000, has been writing a weekly column in The Spectrum daily newspaper in southern Utah as well as serving as a contributing editor of “The Independent,” a monthly entertainment magazine. He is also the co-host of “Film Fanatics” a movie review show which earned a Telly in 2009. Bruce is also a featured contributor at: RottenTomatoes.com
His motto: « I see bad movies so you don’t have to. »
The best aspect about America is its egalitarianism. The country respects and rewards the talented and the sincere. And despite serious racial issues, we saw America electing a black President, creating history.
And as Hollywood runs up to the Academy Awards on March 2, one of the questions is, will Steve McQueen be the first black director to win the Oscar. Interestingly, his 12 Years A Slave is all about the struggle of one black man to escape humiliating captivity he faces in the white man’s den.
At the moment, McQueen – though with an emotionally engaging film behind him – is not the favourite to walk away with the best director statuette. But if he does, he would be the first black helmer to actually clinch this Oscar, although there have been two other black directors who were nominated in the past. One of them was John Singleton for the 1992 Boyz n the Hood, and the other was Lee Daniels in 2009 for Precious.
McQueen’s win could be as historic as Kathryn Bigelow’s 2009 triumph with The Hurt Locker. She was the first woman director to have won the best director Oscar.
In a way, McQueen’s nomination comes in a year when black moviemakers have done exceedingly well. Fruitvale Station – about a real incident where a black teenager was killed by the police in Oakland — got the big prize at the Sundance Film Festival. And works like 42 (the black baseball player, Jackie Robinson biopic) and The Butler (probing the African American role in U.S. history) have been, along with 12 Years A Slave, lauded by critics.
On top of this, Hollywood and the Academy of Motion Picture Arts and Sciences have been talking about lack of diversity in the race for the Oscars.
Curiously, while black American helmers have done poorly, black actors have fared very well.
Chiwetel Ejiofor plays the protagonist Solomon Northup in 12 Years A Slave.
Solomon Northup (played by Ejiofor) was a free man who was abducted and sold into slavery.
Benedict Cumberbatch will also be seen in this film portraying the role of the benevolent slave master William Ford.
A shocking still with Sarah Paulson and Lupita Nyong’o.
Lupita Nyong’o has been appreciated for her stellar performance in the film.
Hattie McDaniel was the first black actor to win an Oscar in a supporting role way back in 1939 for Gone with the Wind – that brilliant movie on the American Civil War adapted from Margaret Mitchell’s only novel.
During the 1960s, Sidney Poitier took the best actor Oscar for Lilies of the Field. He was remarkable as a handyman helping some nuns to raise a chapel in a desert. Black actors, however, had to wait 40 long years before the Oscar went to Denzel Washington – Training Day in 2001. That year came as double whammy for black artists. Halle Berry became the first black to win the best actress Oscar for Monster’s Ball.
More recently, the likes of Morgan Freeman, Forest Whitaker and Viola Davis have been nominated for Academy Awards, and have won in some cases.
But no Oscar has ever rolled on to a black producer’s lap. Ditto, a black director. Will McQueen change this by beating his rivals?
LOS ANGELES — In the age of “Argo” and “Zero Dark Thirty,” questions about the accuracy of nonfiction films have become routine. With “12 Years a Slave,” based on a memoir published 160 years ago, the answers are anything but routine.
Written by John Ridley and directed by Steve McQueen, “12 Years a Slave,” a leading contender for honors during the coming movie awards season, tells a story that was summarized in the 33-word title of its underlying material.
Published by Derby & Miller in 1853, the book was called: “Twelve Years a Slave: Narrative of Solomon Northup, a Citizen of New-York, Kidnapped in Washington City in 1841, and Rescued in 1853, From a Cotton Plantation Near the Red River, in Louisiana.”
The real Solomon Northup — and years of scholarly research attest to his reality — fought an unsuccessful legal battle against his abductors. But he enjoyed a lasting triumph that began with the sale of some 30,000 copies of his book when it first appeared, and continued with its republication in 1968 by the historians Sue Eakin and Joseph Logsdon.
Speaking on Friday, Mr. Ridley said he decided simply to “stick with the facts” in adapting Northup’s book for the film, which is set for release on Oct. 18 by Fox Searchlight Pictures. Mr. Ridley said he was helped by voluminous footnotes and documentation that were included with Ms. Eakin’s and Mr. Logsdon’s edition of the book.
For decades, however, scholars have been trying to untangle the literal truth of Mr. Northup’s account from the conventions of the antislavery literary genre.
The difficulties are detailed in “The Slave’s Narrative,” a compilation of essays that was published by the Oxford University Press in 1985, and edited by Charles T. Davis and Henry Louis Gates Jr. (Mr. Gates is now credited as a consultant to the film, and he edited a recent edition of “Twelve Years a Slave.”)
“When the abolitionists invited an ex-slave to tell his story of experience in slavery to an antislavery convention, and when they subsequently sponsored the appearance of that story in print, they had certain clear expectations, well understood by themselves and well understood by the ex-slave, too,” wrote one scholar, James Olney.
Mr. Olney was explaining pressures that created a certain uniformity of content in the popular slave narratives, with recurring themes that involved insistence on sometimes questioned personal identity, harrowing descriptions of oppression, and open advocacy for the abolitionist cause.
In his essay, called “I Was Born: Slave Narratives, Their Status as Autobiography and as Literature,” Mr. Olney contended that Solomon Northup’s real voice was usurped by David Wilson, the white “amanuensis” to whom he dictated his tale, and who gave the book a preface in the same florid style that informs the memoir.
“We may think it pretty fine writing and awfully literary, but the fine writer is clearly David Wilson rather than Solomon Northup,” Mr. Olney wrote.
In another essay from the 1985 collection, titled “I Rose and Found My Voice: Narration, Authentication, and Authorial Control in Four Slave Narratives,” Robert Burns Stepto, a professor at Yale, detected textual evidence — assurances, disclaimers and such — that Solomon Northup expected some to doubt his story.
“Clearly, Northup felt that the authenticity of his tale would not be taken for granted, and that, on a certain peculiar but familiar level enforced by rituals along the color line, his narrative would be viewed as a fiction competing with other fictions,” wrote Mr. Stepto.
Mr. Stepto did not question Mr. Northup’s veracity; but he spotted one prominent example of a story point that conformed neatly to expectations. Mr. Northup’s account of being saved with the help of a Canadian named Samuel Bass (played in the film by Brad Pitt), wrote Mr. Stepto, “represents a variation on the archetype of deliverance in Canada.”
In an interview by phone on Friday, David A. Fiske — who recently joined Clifford W. Brown Jr. and Rachel Seligman in writing “Solomon Northup: The Complete Story of the Author of Twelve Years a Slave” — said he believed he had now identified an Ontario-born man as the actual Samuel Bass to whom Northup referred.
Mr. Fiske, who did some paid research for the film, said that overall he had high confidence in the accuracy of Northup’s account. “He had a literalist approach to recording events,” he said.
Both Mr. Olney and Mr. Stepto had a further reservation, however. Each noted that a dedication page added to “Twelve Years a Slave” — which devoted the book to Harriet Beecher Stowe, and called it “another key” to her novel, “Uncle Tom’s Cabin” — helped blur the line between literal and literary truth.
“The dedication, like the pervasive style, calls into serious question the status of ‘Twelve Years a Slave’ as autobiography and/or literature,” Mr. Olney wrote.
Still, Mr. Ridley said the heavily documented story, with its many twists and turns, had an unpredictability that is a hallmark of the real.
“Life happens, it’s a lot stranger than the false beats that occur when people try to jam a narrative” into an expected framework, he said.
Steve McQueen’s film fudges several details of Solomon Northup’s autobiography—both intentionally and not—to more completely portray the horrors of slavery.
Noah Berlatsky
Oct 28 2013
At the beginning of 12 Years a Slave, the kidnapped freeman Solomon Northup (Chiwetel Ejiofor), has a painful sexual encounter with an unnamed female slave in which she uses his hand to bring herself to orgasm before turning away in tears. The woman’s desperation, Solomon’s reserve, and the fierce sadness of both, is depicted with an unflinching still camera which documents a moment of human contact and bitter comfort in the face of slavery’s systematic dehumanization. It’s scenes like these in the film, surely, that lead critic Susan Wloszczyna to state that watching 12 Years a Slave makes you feel you have « actually witnessed American slavery in all its appalling horror for the first time. »
And yet, for all its verisimilitude, the encounter never happened. It appears nowhere in Northup’s autobiography, and it’s likely he would be horrified at the suggestion that he was anything less than absolutely faithful to his wife. Director Steve McQueen has said that he included the sexual encounter to show « a bit of tenderness … Then after she’s climaxes, she’s back … in hell. » The sequence is an effort to present nuance and psychological depth — to make the film’s depiction of slavery seem more real. But it creates that psychological truth by interpolating an incident that isn’t factually true.
This embellishment is by no means an isolated case in the film. For instance, in the film version, shortly after Northup is kidnapped, he is on a ship bound south. A sailor enters the hold and is about to rape one of the slave women when a male slave intervenes. The sailor unhesitatingly stabs and kills him. This seems unlikely on its face—slaves are valuable, and the sailor is not the owner. And, sure enough, the scene is not in the book. A slave did die on the trip south, but from smallpox, rather than from stabbing. Northup himself contracted the disease, permanently scarring his face. It seems likely, therefore, that in this instance the original text was abandoned so that Ejiofor’s beautiful, expressive, haunting features would not go through the entire movie covered with artificial Hollywood scar make-up. Instead of faithfulness to the text, the film chooses faithfulness to Ejiofor’s face, unaltered by trickery.
It seems quite likely that the single most powerful moment in the film was based on a misunderstood antecedent.
Other changes seem less intentional. Perhaps the most striking scene in the film involves Patsey, a slave who is repeatedly raped by her master, Epps, and who as a consequence is jealously and obsessively brutalized by Mistress Epps. In the movie version, Patsey (Lupita Nyong’o) comes to Northup in the middle of the night and begs him, in vivid horrific detail, to drown her in the swamp and release her from her troubles. This scene derives from the following passage at the end of Chapter 13 of the autobiography:
Nothing delighted the mistress so much as to see [Patsey] suffer, and more than once, when Epps had refused to sell her, has she tempted me with bribes to put her secretly to death, and bury her body in some lonely place in the margin of the swamp. Gladly would Patsey have appeased this unforgiving spirit, if it had been in her power, but not like Joseph, dared she escape from Master Epps, leaving her garment in his hand.
As you can see, in the book, it is Mistress Epps who wants to bribe Northup to drown Patsey. Patsey wants to escape, but not to drown herself. The film seems to have misread the line, attributing the mistress’s desires to Patsey. Slate, following the lead of scholar David Fiske (see both the article and the correction) does the same. In short, it seems quite likely that the single most powerful moment in the film was based on a misunderstood antecedent.
Critic Isaac Butler recently wrote a post attacking what he calls the « realism canard »—the practice of judging fiction by how well it conforms to reality. « We’re talking about the reduction of truth to accuracy, » Butler argues, and adds, « What matters ultimately in a work of narrative is if the world and characters created feels true and complete enough for the work’s purposes. » (Emphasis is Butler’s.)
His point is well-taken. But it’s worth adding that whether something « feels true » is often closely related to whether the work manages to create an illusion not just of truth, but also of accuracy. Whether it’s period detail in a costume romance or the brutal cruelty of the drug trade in Breaking Bad, fiction makes insistent claims not just to general overarching truth, but to specific, accurate detail. The critics Butler discusses may sometimes reduce the first to the second, but they do so in part because works of fiction themselves often rely on a claim to accuracy in order to make themselves appear true.
This is nowhere more the case than in slave narratives themselves. Often published by abolitionist presses or in explicit support of the abolitionist cause, slave narratives represented themselves as accurate, first-person accounts of life under slavery. Yet, as University of North Carolina professor William Andrews has discussed in To Tell a Free Story: The First Century of Afro-American Autobiography, the representation of accuracy, and, for that matter, of first-person account, required a good deal of artifice. To single out just the most obvious point, Andrews notes that many slave narratives were told to editors, who wrote down the oral account and prepared them for publication. Andrews concludes that « It would be naïve to accord dictated oral narratives the same discursive status as autobiographies composed and written by the subjects of the stories themselves. »
12 Years a Slave is just such an oral account. Though Northup was literate, his autobiography was written by David Wilson, a white lawyer and state legislator from Glens Falls, New York. While the incidents in Northup’s life have been corroborated by legal documents and much research, Andrews points out that the impact of the autobiography—its sense of truth—is actually based in no small part on the fact that it is not told by Northup, but by Wilson, who had already written two books of local history. Because he was experienced, Andrews says, Wilson’s « fictionalizing … does not call attention to itself so much » as other slave narratives, which tend to be steeped in a sentimental tradition « that often discomfits and annoys 20th-century critics. » Northup’s autobiography feels less like fiction, in other words, because its writer is so experienced with fiction. Similarly, McQueen’s film feels true because it is so good at manipulating our sense of accuracy. The first sex scene, for example, speaks to our post-Freud, post-sexual-revolution belief that, isolated for 12 years far from home, Northup would be bound to have some sort of sexual encounters, even if (especially if?) he does not discuss them in his autobiography.
We can’t « actually witness … American slavery » on film or in a book. You can only experience it by experiencing it. Pretending otherwise is presumptuous.
The difference between book and movie, then, isn’t that one is true and the other false, but rather that the tropes and tactics they use to create a feeling of truth are different. The autobiography, for instance, actually includes many legal documents as appendices. It also features lengthy descriptions of the methods of cotton farming. No doubt this dispassionate, minute accounting of detail was meant to show Northup’s knowledge of the regions where he stayed, and so validate the truth of his account. To modern readers, though, the touristy attention to local customs can make Northup sound more like a traveling reporter than like a man who is himself in bondage. Some anthropological asides are even more jarring; in one case, Northup refers to a slave rebel named Lew Cheney as « a shrewd, cunning negro, more intelligent than the generality of his race. » That description would sound condescending and prejudiced if a white man wrote it. Which, of course, a white man named David Wilson did.
A story about slavery, a real, horrible crime, inevitably involves an appeal to reality—the story has to seem accurate if it is to be accepted as true. But that seeming accuracy requires artifice and fiction—a cool distance in one case, an acknowledgement of sexuality in another. And then, even with the best will in the world, there are bound to be mistakes and discrepancies, as with Mistress Epps’s plea for murder transforming into Patsey’s wish for death. Given the difficulties and contradictions, one might conclude that it would be better to openly acknowledge fiction. From this perspective, Django Unchained, which deliberately treats slavery as genre, or Octavia Butler’s Kindred, which acknowledges the role of the present in shaping the past through a fantasy time-travel narrative, are, more true than 12 Years a Slave or Glory precisely because they do not make a claim to historical accuracy. We can’t « actually witness … American slavery » on film or in a book. You can only experience it by experiencing it. Pretending otherwise is presumptuous.
But refusing to try to recapture the experience and instead deciding to, say, treat slavery as a genre Western, can be presumptuous in its own way as well. The writers of the original slave narratives knew that to end injustice, you must first acknowledge that injustice exists. Accurate stories about slavery—or, more precisely, stories that carried the conviction of accuracy, were vital to the abolitionist cause.
And, for that matter, they’re still vital. Outright lies about slavery and its aftermath, from Birth of a Nation to Gone With the Wind, have defaced American cinema for a long time. To go forward more honestly, we need accounts of our past that, like the slave narratives themselves, use accuracy and art in the interest of being more true. That’s what McQueen, Ejiofor, and the rest of the cast and crew are trying to do in 12 Years a Slave. Pointing out the complexity of the task is not meant to belittle their attempt, but to honor it.
12 Years a Slave We’ve sorted out what’s fact and what’s fiction in the new Steve McQueen movie.
Forrest Wickman
Slate
Steve McQueen’s devastating new movie, 12 Years a Slave, begins with the words “based on a true story” and ends with a description of what happened to Solomon Northup and his assailants after he was restored to freedom. What happens in between, as Northup is kidnapped into 12 years of slavery in the South, frequently beggars the imagination. Should you believe even the most incredible details of its story?
With a few rare exceptions, yes. 12 Years a Slave is based on the book of the same name, which was written by Northup with the help of his “amanuensis” and ghostwriter, David Wilson. Aspects of the story’s telling have been questioned by some historians for matching the conventions of the slave narrative genre a little too neatly, but its salient facts were authenticated by the historian Sue Eakin and Joseph Logsdon for their landmark 1968 edition of the book. (They were also reported at the time of the book’s release—in the New York Times and elsewhere.)
As adapted by screenwriter John Ridley from Northup’s book and Eakin and Logsdon’s footnotes, the film adaptation hews very closely to Northup’s telling. While much of the story is condensed, and a few small scenes are invented, nearly all of the most unbelievable details come straight from the book, and many lines are taken verbatim. As Frederick Douglass wrote of the book upon its release in 1853, “Its truth is stranger than fiction.”
Solomon Northup was the son of Mintus Northup, who was a slave in Rhode Island and New York until his master freed him in his will. Solomon was born a free man and received an unusually good education for a black man of his time, eventually coming to work as a violinist and a carpenter. As in the movie, he was married to Anne Hampton, who was of mixed race, and they had three children—Elizabeth, Margaret, and Alonzo. His wife and children were away when he was offered an unusually profitable gig from his eventual kidnappers, who called themselves Hamilton and Brown.
The movie prefaces its scenes of Northup in New York with a flash-forward that is McQueen and Ridley’s invention: Solomon, while enslaved, turns to find an unidentified woman in bed with him. She grabs his hand and uses it to bring herself to orgasm. McQueen has said of the scene: “I just wanted a bit of tenderness—the idea of this woman reaching out for sexual healing in a way, to quote Marvin Gaye. She takes control of her own body. Then after she’s climaxed, she’s back where she was. She’s back in hell, and that’s when she turns and cries.
In his book, Northup refused to say whether Hamilton and Brown were guilty of his kidnapping. He notes that he got extraordinary headaches after having a drink with them one night, and became sick and delirious soon afterward, but cannot conclude with assurety that he was poisoned. “Though suspicions of Brown and Hamilton were not unfrequent,” he writes, “I could not reconcile myself to the idea that they were instrumental to my imprisonment.”
Northup came around to accepting their role in his kidnapping and unlawful sale—an unusual occurrence, but not unique to Northup—soon after the book was published. “Hamilton” and “Brown” weren’t even their real names. A judge, Thaddeus St. John of New York, read the book soon after its release, and realized that he himself had run into the two kidnappers when they were with Northup. Their real names were Alexander Merrill and Joseph Russell, but they asked that St. John, who knew them, not use their real names around Northup. The next time St. John saw them, they had come into some newfound wealth: They carried ivory canes and sported gold watches. Northup and St. John eventually met up, recognized each other immediately, and brought their case against Merrill and Russell. (A note about the case appeared in the New York Times.) Merrill and Russell apparently got off unpunished, after their case was dropped on technicalities.
The Journey Into Slavery
The movie’s telling of Northup’s journey into slavery in Louisiana matches Northup’s account almost exactly. Northup says he was beaten with a paddle until the paddle broke, only to be whipped after that, all just for asserting his true identity. We see this in the movie. But an attempted mutiny by Northup and others ends much differently in the film than it does in his own account.
Northup did hatch an elaborate plan to take over a ship with a freeman named Arthur and a slave named Robert (played in the movie by Michael K. Williams). But that plan did not end with Robert coming to the defense of Eliza (Adepero Oduye) against an apparent rape attempt by a sailor, and then being stabbed by that sailor. What foiled their plans was simpler: Robert got smallpox and died.
Northup gives a more charitable account of his onetime master, William Ford, than the movie does. “There never was a more kind, noble, candid, Christian man than William Ford,” Northup writes, adding that Ford’s circumstances “blinded [Ford] to the inherent wrong at the bottom of the system of Slavery.” The movie, on the other hand, frequently undermines Ford, highlighting his hypocrisy by, for example, overlaying his sermons with the mournful screams of his slave Eliza.
Northup actually had two violent encounters with Tibeats. The first scuffle, over a set of nails, is shown in the movie: According to Northup, Tibeats tried to whip him, Northup resisted, and eventually Northup grabbed Tibeats’ whip and beat his aggressor. Afterward, Northup was left bound and on the point of hanging for several hours, before Ford rescued him.
In the book, there is a second brawl over another of Tibeats’ unreasonable demands. According to Northup, he again prevailed, but was afraid of the repercussions, and so this time attempted to run away. Unable to survive on his own in the surrounding swamps, he eventually returned in tatters to Ford, who had mercy on him.
Judging from Northup’s book, Epps was even more villainous and repulsive than the movie suggests. In addition to his cruel “dancing moods”—during which he would force the exhausted slaves to dance, screaming “Dance, niggers, dance,” and whipping them if they tried to rest—Epps also had his “whipping moods.” When he would come home drunk and overcome with one of these moods, he would drive the slaves around the yard, whipping them for fun.
There’s another small change. The scene that introduces Epps—his reading of Luke 12:47 as a warning to slaves—is actually borrowed from another of the book’s characters: Ford’s brother-in-law, Peter Tanner. In the movie, Northup’s time with Tanner—with whom he lived after his first fight with Tibeats—is omitted.
Northup does not portray the relationship between Epps and Patsey as explicitly as the movie does, but he does refer to Epps’ “lewd intentions” toward her. As we see in the film, Mistress Epps encourages Master Epps to whip her, out of her own jealousy. This culminates in the horrible whipping shown in the movie, which Northup describes as “the most cruel whipping that ever I was doomed to witness,” saying she was “literally flayed.” Her request afterward that Northup kill her, to put her out of her misery, is the movie’s own invention, but it’s a logical one: Patsey is described as falling into a deep depression and, it’s implied, dreaming of the relief death would offer her.*
As in the book, Mistress Shaw is the black wife of a plantation owner. However, Patsey’s conversation with Shaw is invented. McQueen and Ridley said they wanted to give Woodard’s character a voice.
As unlikely as his character is—an abolitionist in Louisiana, and a contrarian who everyone likes—Bass is drawn straight from the book’s account. His argument with Epps (“but begging the law’s pardon, it lies,” “There will be a reckoning yet”) is reproduced almost verbatim.
The real Bass, in fact, did more for Northup, sending multiple letters on his behalf, meeting with him in the middle of the night to hear his story, and—when they initially got no response from their letters—vowing to travel up to New York himself, to secure Northup’s freedom. The process took months, and Northup’s freedom eventually came from Bass’s first letter after all, so the movie understandably chooses to elide all this.
The Return Home
Northup’s return home is much as it is in the book, including Solomon’s learning that his daughter Margaret (who was 7 years old when he last saw her) now had a child of her own, named Solomon Northup. One devastating detail is left out: After 12 years apart, Margaret did not recognize her father.
*Correction, Nov. 4, 2013: This post was corrected to suggest a scene from the movie 12 Years a Slave was drawn from the book. The original article was accurate: Patsey’s plea for Northup to kill her was an invention of the movie. The original language has been restored.
As part of our new series, Dr Emily West, an associate professor of history at the University of Reading, reviews 12 Years a Slave – a true story about a free black man from upstate New York who is abducted and sold into slavery
Q: Did you enjoy the film?
A: The subject matter made 12 Years a Slave a very uncomfortable film to watch, although some of the actors gave astonishing performances.
I thought Chiwetel Ejiofor (as Solomon Northup) acted with incredible intensity, as did Michael Fassbender, who played Northup’s violent and sadistic master, Edwin Epps.
Steve McQueen’s unique direction used lingering close ups and poignant imagery of rural Louisiana in the days of slavery, which only added to the great tragedy of Northup’s harrowing story.
Enslaved people commonly described having ‘trees of scars’ on their backs – the result of brutal whippings they received from their masters or other people, and this film shockingly displayed the regularity of such treatment.
Moreover, we also witnessed, in truly horrific fashion, the myriad of circumstances under which enslaved men and women’s ‘trees of scars’ came into being. In one incident, Edwin Epps forces Solomon Northup at gunpoint to whip another slave, Patsey, until she collapses from pain. Yet Patsey’s only ‘crime’ was to leave her plantation in search of a bar of soap to clean herself.
Overall, I was pleased to see the highly realistic depictions of enslaved women’s lives in this film, especially the often-brutal sexual assaults they endured at the hands of white men. For example, Edwin Epps rapes Patsey and takes a sadistic pleasure in seeing her whipped. Mrs Epps, the plantation mistress, reacts in a typically jealous fashion by ‘blaming the victim’, and lashing out violently against Patsey.
White women rarely sought to help their enslaved women enduring sexual abuse.
Q: Was the film historically accurate?
A: I have never seen a film represent slavery so accurately. The film starkly and powerfully unveiled the sights and sounds of enslavement – from slaves picking cotton as they sang in the fields, to the crack of the lash down people’s backs.
I found the scene in the New Orleans slave market especially moving because of the juxtaposition between the refined, mid-19th-century house, from which a trader sold enslaved people, and the raw nakedness and commodification of the black bodies within it.
The trader made men and women strip naked for potential purchasers who looked inside slaves’ mouths to check the quality of their teeth. Buyers also ran their hands down slaves’ backs and arms to check for physical strength and agility, and no doubt they also viewed the naked enslaved women in terms of their sexual attractiveness and childbearing ability.
It was heartbreaking to see Solomon Northup’s friend, Eliza, so cruelly separated from her two children, Emily and Randall, as they were all sold to different owners.
We also heard a lot about the ideology behind enslavement. Masters such as William Ford (played by Benedict Cumberbatch) and Edwin Epps, although very different characters, both used an interpretation of Christianity to justify their ownership of slaves. They believed the Bible sanctioned slavery, and that it was their ‘Christian duty’ to preach the scriptures to their slaves.
Q: What did the film get right?
A: The film depicted the overall slave regime and all its horrors extremely well, but it also added depth and nuance to our understanding of slavery’s complexities. Masters such as Edwin Epps commonly hired out their slaves in times of economic need, and in the film we see Solomon Northup and other enslaved men being hired to a man to chop sugar cane – a crop grown primarily in Louisiana in the United States.
I was also impressed by the film’s awareness of social class: Solomon Northup comes into contact with various white men of lower social standing, some of whom are paid by Epps to labour alongside slaves. Indeed, it is one of these men, known only as ‘Bass’ (played by Brad Pitt), who helps Northup escape his ordeal. Bass brings an acquaintance of Solomon Northup to the plantation to confirm his free status, after which Northup returns to his family.
The film also got the smaller details right. For example, all enslaved people leaving their plantations had to have a written pass, in case they came across white patrollers (people employed to track down runaway slaves). When Solomon Northup leaves his plantation on an errand for Mrs Epps, he wore such a pass around his neck.
The film also succeeded in highlighting the stark visual contrast between the opulence of plantations mansions and the dingy, cramped, over-crowded quarters of the enslaved.
Q: What did it miss?
A: This is a minor point, but I felt the film possibly over-emphasised Solomon Northup’s social standing in New York state prior to his enslavement. In the film, Northup appears as a wealthy, successful individual, making a good living as a carpenter and musician. He wears smart clothes and appears to live in a tolerant, racially integrated community where skin colour does not matter.
But in reality, Northern black people were everyday victims of white racism and discrimination, and in the free states of the North, black people were typically the ‘last hired and first fired’. Notably, in his autobiography Northup himself describes the everyday “obstacle of color” in his life prior to his kidnapping and subsequent enslavement.
Nevertheless, I can understand why the filmmakers wanted to present a strong juxtaposition between Northup’s life as a free man in the North and the physical and mental trauma he endured while enslaved in the South.
A Discussion of Steve McQueen’s Film ‘12 Years a Slave’
Interviews by NELSON GEORGE
The NYT
October 11, 2013
Amid comic book epics, bromantic comedies and sequels of sequels, films about America’s tortured racial history have recently emerged as a surprisingly lucrative Hollywood staple. In the last two years, “The Help,” “Lincoln, » »Django Unchained, » »42” and “Lee Daniels’ The Butler” have performed well at the box office, gathering awards in some cases and drawing varying degrees of critical acclaim.
The latest entry in this unlikely genre is “12 Years a Slave,” the director Steve McQueen’s adaptation of Solomon Northup’s 1853 memoir. A free black man living in Saratoga, N.Y., Northup (played by Chiwetel Ejiofor) was kidnapped in 1841 and sold into brutal servitude in the Deep South. During his ordeal, he labors at different plantations, including the one owned by the sadistic Edwin Epps (Michael Fassbender), who has a tortured sexual relationship with the slave Patsey (Lupita Nyong’o).
Following a buzzed-about preview screening at the Telluride Film Festival and the audience award at the Toronto International Film Festival, “12 Years a Slave” arrives in theaters Friday amid much online chatter that it may be headed for Oscar nominations. But Mr. Ejiofor, who portrays Northup, and Mr. McQueen, known for the bracingly austere “Hunger” and “Shame,” both say that getting audiences to see an uncompromisingly violent and quietly meditative film about America’s “peculiar institution” is still a challenge even with the presence of a producer, Brad Pitt, in a small role.
While the material was developed by Americans (including the screenwriter John Ridley) the director and most of the major cast members are British, a topic of concern among some early black commentators.
On a sweltering afternoon in SoHo last month, the author and filmmaker Nelson George led a round-table discussion at the Crosby Street Hotel with Mr. Ejiofor and Mr. McQueen. Joining them to provide a wider historical and artistic context were the Columbia University professor Eric Foner, author of the Pulitzer Prize-winning “Fiery Trial: Abraham Lincoln and American Slavery,” among other books; and the artist Kara Walker, whose room-size tableaus of the Old South employing silhouettes have redefined how history and slavery are depicted in contemporary art and influenced many, including the “12 Years a Slave” production team. Current civil rights issues including the New York police practice of stop and frisk, recently declared unconstitutional; sexuality and slavery; Hollywood’s version of American history; and the themes of Obama-era cinema were among the topics of the sharp but polite dialogue. These are excerpts from the conversation.
Mr. Ejiofor, center, in the film “12 Years a Slave.”
Jaap Buitendijk/Fox Searchlight Pictures
Mr. Ejiofor, center, in the film “12 Years a Slave.”
Q. I wanted to start with contemporary analogues. One thing that came to mind was stop and frisk, a way the New York City police could stop a black or Latino male. I thought of Solomon as a character who, for a lot of contemporary audiences, would be that young black person. [To Mr. McQueen and Mr. Ejiofor] When you were seeking a way into the slave story, was what happens now part of that?
Steve McQueen Absolutely. History has a funny thing of repeating itself. Also, it’s the whole idea of once you’ve left the cinema, the story continues. Over a century and a half to the present day. I mean, you see the evidence of slavery as you walk down the street.
What do you mean?
McQueen The prison population, mental illness, poverty, education. We could go on forever.
Chiwetel, how did you balance what’s going on in the world with [Northup’s] reality?
Chiwetel Ejiofor That wasn’t the approach for me. I was trying to tell the story of Solomon Northup as he experienced his life. He didn’t know where all this was going. My journey started finishing a film in Nigeria. The last day, I went to the slave museum in Calabar, which was four or five rooms and some books, some interesting drawings of what they thought happened to people when the boats took them over. I left the following day and came to Louisiana. In my own way, I traveled that route.
Professor, your reaction to the film, its place in the contemporary discussion about slavery.
Eric Foner I believe this is a piece of history that everybody — black, white, Asian, everybody — has to know. You cannot understand the United States without knowing about the history of slavery. Having said that, I don’t think we should go too far in drawing parallels to the present. Slavery was a horrific institution, and it is not the same thing as stop and frisk. In a way, putting it back to slavery takes the burden off the present. The guys who are acting in ways that lead to inequality today are not like the plantation owner. They’re guys in three-piece suits. They’re bankers who are pushing African-Americans into subprime mortgages.
Kara, what are your thoughts on this?
Kara Walker There’s a uniquely American exuberance for violence or an exuberance for getting ahead in the world and making a name for themselves. I’m talking about the sort of plantation class that fought for the entrenchment of the slave system. That’s not something that can be overlooked when you think about the mythology of what it means to be an American, that one can become a self-made man if one is white and male and able.
Foner One of the things I liked about the movie and the way it portrayed violence, it’s pretty hard to take sometimes. But what it really highlights is the capriciousness of it. The owners, at one moment they’re trying to be pleasant, and the next moment they’re whipping you. You’re always kind of on this edge of not knowing. In fact slavery is like that at large. You don’t know when you’re going to be sold away from your family. People like to have some kind of stability in their life, but you can’t as a slave.
Servitude and Sexuality
There’s a lot of things to say about sex in the film, but one of the things that is going to leap out is Alfre Woodard’s character [Mistress Shaw, described in the book as the black wife of a white plantation owner].
McQueen In the book, she doesn’t say anything. I had a conversation with John Ridley, and I said: “Look, we need a scene with this woman. I want her to have tea.” It was very simple. Give her a voice.
Walker It’s not that it was that uncommon. That planter would be sort of the crazy one, the eccentric one, and she’s getting by.
Ejiofor It was against the law to marry, but it did happen.
Foner There were four million slaves in the U.S. in 1860 and several hundred thousand slave owners. It wasn’t just a homogeneous system. It had every kind of human variation you can imagine. There were black plantation owners in Louisiana, black slave owners.
Walker I was going to ask a question about a black woman who appears, a mysterious woman Solomon has sex with. She has sex with him, rather. I thought she was going to be a character in the film, and then she wasn’t.
McQueen Slaves are working all day. Their lives are owned, but those moments, they have to themselves. I just wanted a bit of tenderness — the idea of this woman reaching out for sexual healing in a way, to quote Marvin Gaye. She takes control of her own body. Then after she’s climaxed, she’s back where she was. She’s back in hell, and that’s when she turns and cries.
Solomon has a wife beforehand. In the film it seems as if he lived with Eliza [a fellow slave]. Then obviously [he has] some kind of relationship with Patsey, a friendship. But I wondered about Solomon’s own sexual expression.
Ejiofor His sexuality felt slightly more of a tangent. I think the real story is where sex is in terms of power.
Foner Remember, this book is one of the most remarkable first-person accounts of slavery. But it’s also a piece of propaganda. It’s written to persuade people that slavery needs to be abolished. He doesn’t say anything about sexual relations he may have had as a slave. There’s no place for such a discussion because of the purpose of the book.
Walker But in “Incidents in the Life of a Slave Girl” [by Harriet Ann Jacobs] and other slave narratives written by women, that’s always kind of the subtext, because there are children that are produced, relationships that are formed or allegiances that are formed with white men in order to have freedom.
Foner Harriet Jacobs was condemned by many people for revealing this, even antislavery people.
Walker Yes, but it’s always the subtext. Even “Uncle Tom’s Cabin.” It’s like, there’s little mulatto children, and that’s the evidence.
Unlike most American directors, you’re not cutting all over the place. You put the camera there, and you let us experience the moment that is part of the lore of America, the slave master raping the black female slave [Patsey].
McQueen I didn’t want people to get out of it. Within that you see his actual love for her in a way. Obviously, the love isn’t given back to him, and it’s a horrendous rape.
Walker Staying on that scene and coming back to Patsey over and over, she is abused and deteriorating and wanting to die. We don’t need to see that scene over and over again.
McQueen I have huge sympathy for Epps, though. He’s in love with this woman and he doesn’t understand it. Why is he in love with this slave? He goes about trying to destroy his love for her by destroying her. The madness starts.
A View From Abroad
One of the things that has come up in early response to the film is a question from some black folks in America about the perspective, the fact that you are both foreigners, as it were.
Walker It will never be right for the black folks in America, I’m sorry. You can say it’s a historical document ——
McQueen Can I jump in there, please? I am British. My parents are from Grenada. My mother was born in Trinidad. Grenada is where Malcolm X’s mother comes from. Stokely Carmichael is Trinidadian. We could go on and on. It’s about that diaspora.
Ejiofor When I was in Savannah, Ga., they were telling me how they used to have special chains for the Igbos [a Nigerian ethnic group]. I told the man, “I’m Igbo.” Not having any sense of the internationalism of this event is a bad thing. I loved the fact that there were people from different places coming together to tell this story.
McQueen The only thing you can say about it is: Why was this book lost in America?
Foner Obviously, it wasn’t a best seller. Maybe it will be now. But it’s widely known. It’s used all over the place in history courses. Along with Frederick Douglass and Harriet Jacobs, this is probably the most widely read of what we call the slave narratives.
The Past in Hollywood’s Lens
Foner [To McQueen] I think it’s good that you are not a Hollywood director. Most Hollywood history is self-important in a way that this movie is not.
Walker The audience is intelligent. They could actually stand in Solomon’s shoes and go through the adventure together instead of the kind of voice-over Hollywood black Americana thing. That’s what I’m talking about with ownership. Over the years, you have this kind of heavy-handed style of narration. Cicely Tyson comes out with the makeup on and tells her story in “The Autobiography of Miss Jane Pittman.”
Can I bring up those heavy-handed Hollywood movies, since we’re on that topic? “Lincoln” as well as, obviously, “Django.” It seems like in the last few years, there have been black historical dramas that have been made out of Hollywood. We can throw in “The Help,” “The Butler.” There’s one theory that this is all a reaction to Obama’s presidency.
Ejiofor There’s probably not one cause. I’d say that’s true for a couple of those movies. Obama gets elected. People think we haven’t done the Jackie Robinson story yet. And some of these stories are great stories. The received idea has been it doesn’t sell well. But you have a couple of movies do incredibly good business.
Walker But Obama also wrote his autobiography. I think that might be a part of it, not just that there’s a person in power, but that he’s a best-selling author, getting large portions of America — black, white and other — to become a part of his story.
Foner The daddy, I suppose, of all this was “Glory,” which came out in the late ‘80s. “Roots,” of course, comes before that. All of them suffer from what I see as the problem of Hollywood history. Even in this movie, there’s a tendency toward: You’ve got to have one hero or one figure. That’s why historians tend to be a little skeptical about Hollywood history, because you lose the sense of group or mass.
Ejiofor But that’s movies as well.
Walker I was going to disagree a little bit. I didn’t find him particularly heroic, in that Frederick Douglass sense. He’s a little bit more compromised by more than just slavery. There’s this past, what he does or doesn’t do for Patsey. All of that makes him a much more complicated figure in a way.
McQueen I don’t think we should underplay Obama’s presidency and the effect of these films coming to fruition. The problem is: When he’s not the president anymore, will these films still exist?
The Historical Moment
[To the filmmakers] There’s a lot of talk about awards for the film. Is that relevant to you?
Ejiofor I’m always nervous when people start talking about hype and heat. It’s a story about a man who went through something remarkable. I feel like that still deserves its own reflection.
McQueen I made this film because I wanted to visualize a time in history that hadn’t been visualized that way. I wanted to see the lash on someone’s back. I wanted to see the aftermath of that, psychological and physical. I feel sometimes people take slavery very lightly, to be honest. I hope it could be a starting point for them to delve into the history and somehow reflect on the position where they are now.
[To Walker and Foner] What are your feelings about the impact it will have on people?
Walker I’m a sponge for historical images of black people and black history on film. It doesn’t happen often enough, and it doesn’t happen artfully enough most of the time when it does happen. I came away with this really kind of awful sense that I didn’t want to leave. The texture of the film made me want to stay in this space that would not be hospitable to me. Thinking also about who would see the film, I think about my parents, in Georgia. I think about the theater where they will see the film. People will go to the mall to see one of those Tyler Perry films and action films. Would this film make it there, and if it did, would it translate? My hope was that this film would reach that audience down there and have that sort of complicated space open up for them that wasn’t just an easy laugh or an easy cry.
Foner I think this movie is much more real, to choose a word like that, than most of the history you see in the cinema. It gets you into the real world of slavery. That’s not easy to do. Also, there are little touches that are very revealing, like a flashback where a slave walks into a shop in Saratoga. Yes, absolutely, Southerners brought slaves into New York State. People went on vacation, and they brought a slave.
McQueen I think people are ready. With Trayvon Martin, voting rights, the 150th anniversary of the abolition of slavery, 50th anniversary of the March on Washington and a black president, I think there’s a sort of perfect storm of events. I think people actually want to reflect on that horrendous recent past in order to go forward.
THR’s awards analyst breaks down how this year’s top contenders are being targeted for accuracy — and how they’re fighting back.
How do you know it’s awards season in Hollywood? When people start trash-talking good movies! As this year’s race to the Dolby gets underway, here are five examples of how contenders are being targeted — and defended.
FILM: 12 Years a Slave
CRITICISM: The best picture frontrunner is always targeted, and this one is no exception. No one disputes its central facts — in mid-19th century America, a free black man from the north named Solomon Northup was kidnapped and sold into slavery in the south — which were recounted in Northup’s autobiography and substantiated by historians. But an article in The New York Times on Sept. 22 dredged up and highlighted a 1985 essay by another scholar, James Olney, that questioned the « literal truth » of specific incidents in Northup’s account and suggested that David Wilson, the white « amanuensis » to whom Northup had dictated his story, had taken the liberty of sprucing it up to make it even more effective at rallying public opinion against slavery.
BACKLASH: Henry Louis Gates, one of America’s most well-known and respected scholars of black history and a co-editor of the 1985 compilation of essays in which Olney’s piece was included, served as a paid consultant on the film and spoke out in its defense after the Times article. « I know Northup’s narrative like the back of my hand and [the filmmakers] followed the text with great fidelity, » he told Mother Jones. « There’s no question about the historical accuracy. They did a wonderful job. »
FILM: Captain Phillips
CRITICISM: The New York Post ran a story on Oct. 13 with the headline « Crew Members: ‘Captain Phillips’ Is One Big Lie, » wherein it quoted several people who served under Richard Phillips on the cargo ship that he was captaining when it was hijacked — who were not named — ridiculing the film’s heroic portrayal of him. According to them, Phillips had a reputation for recklessness, disregarded warnings about piracy that could have prevented the incident and has since reframed the facts to make himself appear more heroic. The Post reported that crewmembers who cooperated with the film « were paid as little as $5,000 for their life rights by Sony and made to sign nondisclosure agreements — meaning they can never speak publicly about what really happened on that ship. »
BACKLASH: Many dismissed the Post story because it didn’t identify the crewmembers, who might be among the nine currently suing the cargo company for not better protecting them. Additionally, director Paul Greengrass wrote during a Reddit « Ask Me Anything » session that he and former 60 Minutes producer Michael Bronner, a colleague, « researched the background of the Maersk Alabama hijacking in exhausting detail over many months » and are « 100 percent satisfied that the picture we present of these events in the film … is authentic. I stand by the picture I give in the film, absolutely. » Phillips’ chief mate Shane Murphy also told a reporter emphatically, « The movie is accurate. »
FILM: Gravity
CRITICISM: Critics have cheered the drama for portraying space so convincingly, but some scientists have received it less kindly. On Oct. 6, noted astrophysicist Neil deGrasse Tyson fact-checked it on Twitter in a series of 20 late-night tweets, pointing out, among other things, that satellites orbit Earth west to east so it’s strange that their debris orbited east to west; that the Hubble, the International Space Station and a Chinese Space Station are actually too far apart to be within sightlines of one another; and that, in zero-gravity conditions, a person would not drift away just because a tether is disconnected.
BACKLASH: On Oct. 10, Tyson posted a long note to Facebook remarking that he was « stunned » by the amount of media attention that his tweets received and stating, for the record, that he actually enjoyed the film. « For a film « to ‘earn’ the right to be criticized on a scientific level is a high compliment indeed, » he insisted, and he said that he regretted « not first tweeting the hundred things the movie got right. » Additionally, astronaut Buzz Aldrin wrote a guest column in the Oct. 11 issue of THR in which he asserted, « I was so extravagantly impressed by the portrayal of the reality of zero gravity. Going through the space station was done just the way that I’ve seen people do it in reality. » He acknowledged that the film was not devoid of scientific errors, but wrote that he was overall « very, very impressed » with it.
FILM: Lee Daniels’ The Butler
CRITICISM: The film revolves around one Cecil Gaines, a black man who worked in the White House under each president from Eisenhower to Reagan. The character is based on Eugene Allen, a black man who worked in the White House under each president from Truman through Reagan. In addition to that minor discrepancy, critics have highlighted the fact that the real man had one son, not two; that the son he had was neither killed in Vietnam, as one fictional son is, nor a radical member of the Black Panther party who later ran for elected office, as the other is; that he did not leave his job out of displeasure with Reagan’s Apartheid policy, but was actually particularly fond of the Reagans and just retired; and that there is no record of him ever meeting President Obama, although he did attend Obama’s first inauguration.
BACKLASH: The film advertises itself as being « inspired by true events, » not faithfully re-creating them, so those associated with it suggest that these creative liberties should be non-issues. To this end, the WGA has officially classified Danny Strong’s script as an original screenplay, not one adapted from Wil Haygood’s 2008 Washington Post article that it acknowledges in its credits, and The Weinstein Co. is pushing it for a best original screenplay Oscar nomination.
FILM: Saving Mr. Banks
CRITICISM: Critics of the drama about the making of Mary Poppins say that it presents a sanitized, whitewashed version of Walt Disney (played by Tom Hanks), noting that Disney’s movie studio, which financed and is distributing the film, would never associate itself with anything else. Disney was, in fact, not just a happy-go-lucky dreamer, but also a somewhat controversial figure: a hardcore right-winger who clashed bitterly with labor unions and whose views toward racial and religious minorities were not always admirable — facts that are, of course, not touched upon in Banks. According to Hanks, Disney wouldn’t even allow the filmmakers to show three-packs-a-day smoker Disney with a cigarette in his hands.
BACKLASH: The film has been wholeheartedly endorsed by composer Richard Sherman, who was one of only two songwriters ever under contract to Disney — the other was his late brother and collaborator Robert, with whom he co-wrote the score for Mary Poppins — and who knew Walt better than just about anyone who is alive today. It’s hard to imagine that he would so closely align himself with a film that misrepresented Disney’s essence.
The root of the word is ligare. It is the same root as the word ligature, the stuff that holds the skeleton together. At its best, religion helps us to see the spiritual ligature that connects us, and shows us that the notion that we are individual particles floating separate and apart in a beam of sunlight is a deception. We are tied together by the breath of life.
When religion rips, tears, breaks, fractures, it leaves our fragile humanity broken, dazed, confused, and dangerous. From this brokenness true horrors are born. One such abomination was the slave system in the United States depicted in the recently-released movie “12 Years a Slave.” This movie, based on a true story, follows Solomon Northup from his comfortable life as a free African American musician living with this wife and two children in New York state to a life in slavery after he is kidnapped in Washington, D.C. It is a powerful film that tells a powerful story that many people in the United Sates do not want to remember.
The movie shows us a fractured Christianity. People take their Bible in pieces. A slave owner uses a tiny fragment of Scripture to justify torture. An African American woman who has found favor with her master, who lives well with servants serving her, finds solace in the story of the Exodus of the Hebrew slaves from Egypt. She believes that God in God’s own time will deliver an epic punishment for the sin of slavery. Another fragment. Then there is the white itinerant worker who tells the slave owner that there is no justice in slavery, that there are laws that apply to all human beings equally.
Did the slave system break religion or did a broken religion allow the slave system?
In the movie we see how the songs of faith —Roll Jordan Roll— gave enslaved people the strength to endure the degradations of slavery. And those indignities were numerous: children sold away from parents causing ceaseless lamentation, the humiliation of losing sovereignty over one’s own body. Someone else can use your body for work, sex, revenge, physical and psychological torture, and the satisfaction of their own insane will-to-power.
We see the sad fact that oppression oppresses everyone—slave master, mistress, all classes and all races. Everyone is afraid.
Thomas Jefferson knew this to be true about slavery. In his “Notes on the State of Virginia,” he describes African Americans through the lens of white supremacy. His prediction on the possibility of the races ever living together in harmony in the United States is thoroughly pessimistic. However he is clear-eyed when he sees the harm slavery does to both master and slave. He writes: “The whole commerce between master and slave is a perpetual exercise of the most boisterous passions, the most unremitting despotism on the one part, and degrading submissions on the other.” (Query XVIII) He writes further: “Indeed I tremble for my country when I reflect that God is just: that his justice cannot sleep for ever: that considering numbers, nature and natural means only, a revolution of the wheel of fortune, an exchange of situation, is among possible events: that it may become probable by supernatural interference! The Almighty has no attribute which can take side with us in such a contest.”
The fear of such retribution has kept white supremacy in place all these years. The fear that if oppressed people ever get power that they will perpetrate the same oppression as was perpetrated against them forces people to continue living inside delusions of race, class, sex, sexual orientation. And we too often use religion as a justification for this fear.
I say: 12 Years a Slave is a difficult movie to watch, but an important movie to see. It is important to see so that we may knit together the various strands of our religious faith and let it bind us back to true human unity, back to our own humanity, back to justice and even to love.
Valerie Elverton Dixon is the founder of JustPeaceTheory.com and author of Just Peace Theory Book One: Spiritual Morality, Radical Love, and the Public Conversation.
I’d be skeptical of any review of 12 Years a Slave (which won the People’s Choice Award at the Toronto International Film Festival last weekend and releases to theaters next month) that does not begin and end with « Lord, have mercy on us. » For all its technical merits, the film stands or falls as a moral argument: « Slavery is an evil that should befall no one, » says Bass, played by the film’s producer – Brad Pitt – in a small but crucial role.
12 Years a Slave makes plenty of assertions. Some are subtle; most are painfully simple. But all of them come in an immersive experience that operates from the inside out, that moves the viewer by engaging the whole person – body, mind, and soul.
The story is based on the narrative of Solomon Northrup (Chiwetel Ejiofor), a free black citizen from New York who is kidnapped while on a trip to Washington, D.C. and sold into slavery. We’re meant to assume that he is drugged by his white performing partners.
When he awakes in a basement cell, the camera pans slowly upward to the Washington skyline, juxtaposing icons of freedom and democracy with the painful image of imprisonment and oppression. It is a forceful shot, perhaps the most on-the-nose of the film, and I wouldn’t be surprised if less sympathetic reviewers accuse McQueen of being too heavy handed.
Except how can one be too heavy handed about slavery? Isn’t part of our irritation because we want, need, and have come to expect our individual and corporate failures to be forgiven as soon as they are acknowledged and glossed over in safe abstractions and historical generalizations?
In many ways, Northrup, an educated free man, is the ideal avatar for the modern audience. He, like us, does not come to slavery naturally or easily. Also like us, he tries and fails to understand slavery, master its internal logic, and use his intelligence to do the right things in order to survive. Solomon frequently replies with some form of « just as instructed » when confronted by power, as though perfectly following instructions gives some modicum of protection in a world where nobody forces the rich and powerful to be fair and reasonable.
But what if there is no rhyme or reason, no logic, no right move to be played? How can someone find protection in being a perfect slave, when slavery itself is a series of irreconcilable orders and impossible commands? We all like to believe that we could transcend these circumstances, that the values and beliefs instilled in us could equip us to make the right decisions. But what about when one must always do more with less – with, for instance, a quota system that calls for whipping a man at the end of each day if he picks less than average? When the demands of a mistress and those of a master are in conflict, how can one please them both? What about when the choice is between picking up a lash or consigning others to the noose?
It’s also convenient to think that we would be like Bass, aware of the evils of slavery and willing to risk our own safety to confront it. But Bass acts out of a sense of duty, not personal goodness. In a scene that may resonate the most with modern audiences, Master Ford (Benedict Cumberbatch) gives in to evil against his own inclination for the most prosaic of reasons – debt – and the film shines here, and throughout, when it illustrates and explores different kinds of bondage without undercutting the place of total enslavement in the hierarchy of evils.
Of course, we would all rather be in debt than enslaved. But perhaps by seeing how going against conscience chips away at our humanity (rather than simply blasting it to smithereens), we begin to understand how some of the conflicts faced by the characters are primal and eternal, not just political or of the moment. Because 12 Years a Slave frames its moral conundrums in these terms, it feels the most contemporarily relevant of all the depictions of slavery we see at the movies.
It seems important here to understand how the film depicts religion and, specifically, Christianity. McQueen often lets the sound or dialogue from one scene continue after the visuals have transferred to the next, and this device is used pointedly when the words of sermons given by Master Ford are superimposed onto the reality of the lives his slaves live. And Master Epps’s (Fassbinder) theology is openly repugnant to modern sensibilities—he uses the language of the Bible (« that’s scripture ») to insist that God has appointed the order of slave and master. After one brutal act of torture, he proclaims that « there is no sin, » since a man may do as he pleases with his property.
Yet the film is not simply and only anti-Christian. Certainly, Pitt’s character speaks and acts in moral terms. But more than that, 12 Years doesn’t shy away from showing the inexpressibly complicated relationship the slaves have with the God of their oppressors. Embittered by the hypocrisy and sanctimony of the slave-owners and angry at God’s seeming abandonment of him and his fellow slaves, Solomon often rages silently, as all his doubts and anger must be repressed.
Others are able to find solace in furtive expression of faith. One prays, « God love him; God bless him; God keep him » over a buried comrade. Even that moment comes with some bitterly cynical overtones: God keep him better than he kept him in this life.
Yet the film’s emotional zenith comes in a cathartic moment when Solomon participates in a spiritual. Ejiofor is able to convey so much in his vocal inflections: anger, despair, renewal, and, finally hope. Hope for what? Earlier he has said, « I don’t want to survive; I want to live. » The spiritual, I would argue, indicates that he can hope to survive until one day he will live again.
The other masterful scene in the film is Solomon’s farewell to Patsy, a fellow slave whom the film painfully but rightly never mentions again. The resolution to Solomon’s story is laced with pain, not triumph, as he comes to realize that with new life comes survivor’s guilt—and grief for all those still waiting to live again.
God have mercy on us all until they do.
Caveat Spectator
12 Years a Slave is rated R, as it should be. It contains multiple usages of painful language, depictions of lynching, murder, and torture. There is nudity and depictions of human sexuality. A major theme of the film is the dehumanizing effects of slavery. In presenting such a theme, it is often painful to watch, as it should be.
Kenneth R. Morefield is an Associate Professor of English at Campbell University. He is the editor of Faith and Spirituality in Masters of World Cinema, Volumes I & II, and the founder of 1More Film Blog.
(UPDATE: Hello Dish readers and others who have been sent here from various corners of the internet. Welcome! This is Parabasis, a blog about culture and politics. I’m Isaac Butler, an erstwhile theater director and writer. I write most (but not all) of this site. You all might be particularly interested in The Fandom Issue, a special week-long series we did devoted to issues of fandom in popular culture.)
Every work of fictional narrative art takes place within its own world. That world may resemble our world. But it is never our world. It is always the world summoned into being in the gap between its creators and its audience.
Yet at the same time, the art we experience shapes our view of the world. As Oscar Wilde puts it in the Decay of Lying:
Life imitates Art far more than Art imitates Life. This results not merely from Life’s imitative instinct, but from the fact that the self-conscious aim of Life is to find expression, and that Art offers it certain beautiful forms through which it may realise that energy. It is a theory that has never been put forward before, but it is extremely fruitful, and throws an entirely new light upon the history of Art.
Wilde discusses this in terms of appreciating sunsets through the lens of Turner; perhaps our modern day equivalent is juries being incapable of understanding that real world evidence gathering isn’t like CSI.
This odd tension– that narrative art creates its own world yet helps shape our view of ours– has given birth to (or at least popularity to) a new brand of criticism that measures a story against real life to point out all the ways that it is lacking. You’ve seen it before, right? « Five Things Parks & Rec gets right about small town budgeting bylaws. » Now with Gravity busting box office records, we’re getting astronauts and scientists telling us that there are many points where the film departs from real life. Entire critical careers are now founded on churning out « What X Gets Right/Wrong About Y » blog posts, posts that often completely ignore issues of aesthetics, construction, theme or effect to simply focus on whether in « real life » a given circumstance of a story would be possible.
In real life, people don’t talk the way they do in movies or television or (especially) books. Real locations aren’t styled, lit, or shot the way they are on screen. The basic conceits of point of view in literature actually make no sense and are in no way « realistic. » Realism isn’t verisimilitude. It’s a set of stylistic conventions that evolve over time, are socially agreed upon, and are hotly contested. The presence of these conventions is not a sign of quality. Departure from them is not a sign of quality’s absence.
The Realism Canard is the most depressing trend in criticism I have ever encountered. I would rather read thousands of posts of dismissive snark about my favorite books than read one more blog post about something that happened in a work of fiction wasn’t realistic or factually accurate to our world as we know it. Dismissive snark, after all, just reflects badly on whomever wrote it (at best) and (at worst) cheapens the work it is written about. The Realism Canard gradually cheapens art itself over time. It’s worse that the reduction of art to plot, or to « content. » Those can still form the basis of interesting conversations. Instead, we’re talking here not only about the complete misreading of what something is (fiction vs. nonfiction), but the holding of something to a standard it isn’t trying to attain and often isn’t interested in (absolute verisimilitude). We’re talking about the reduction of truth to accuracy. We’re talking about reducing the entire project of fiction so that we can, as Grover Norquist said of the Federal Government, get it to the size where it can be drowned in the bathtub.
And I suspect on some level this is part of the point of the The Realism Canard. That art in its size and complexity is too much to handle sometimes, and too troubling. That even though we say fiction’s job is to take us out of ourselves, we don’t really want to be pushed. So we must take it down a peg, to a point where it is beneath us and thus can be put in its place. And the easiest way to do this is to cross check it against « real life » and find it lacking.
Take this piece about Breaking Bad in The New Inquiry. It has some interesting points to make about the show’s racial politics, but before it can get there it, it must shrink the show to manageable size by trying to come up with ways that its depiction of the drug trade isn’t « realistic, » landing on the show’s overemphasis on the purity of Walter’s meth. Set aside that the author’s critique of the show’s purity emphasis on realism grounds is wrong (purity matters because Walt is a wholesaler and the purer his product is the more that it can be stepped on by the people he sells it to), and set aside that the purity matters for character reasons (no one has ever been able to do what Walt figures out). The accuracy question with regard to Breaking Bad is a complete sideshow. Breaking Bad is not a work of realism. Its aesthetic and language is highly stylized, and its plotting is all clockwork determinism, as anyone who has watched the second season can attest. It’s not trying to exist in our world. It’s trying to exist in its world. You might as well criticize it for having a sky that’s yellower than ours.
I don’t mean to pick on that TNI piece, it just happened to be the latest one I’d read. At least it has something beyond factchecky questions to ask. Once you get through that bit, it’s well written and eye opening to some racial dynamics I’m ashamed to admit I hadn’t fully considered. But still. The Realism Canard is a problem, and it’s everywhere (here’s another one from Neil deGrasse Tyson about Gravity) and I feel it spreading more than ever over the internet’s criticosphere.
Are there exceptions to this? Obviously. There are works where the idea that what you are watching is a fictional representation of things fairly close to our own world is part of the works’ value, whether it be « based on a true story » films like Zero Dark Thirty and The Fifth Estate or social issue (and agit prop) works like Won’t Back Down. And there are ways of discussing the differences between art and life that illuminate rather than reduce. That ask the question « what does it mean that they changed this thing about our world? » rather than assuming some kind of cheating or bad faith. Or ways that treat these differences not as a form of criticism, but rather a form of interesting trivia. Or, in the case of Mythbusters, edutainment.
There is also the issue of representational politics, particularly in light of what we know of narrative’s deep intertwining with the processes of stereotype formation in the brain. But I do not think it’s inconsistent to argue for diverse representations of the underrepresented– and more characters that are fully rounded– and the imaginative power of art.
What matters ultimately in a work of narrative is if the world and characters created feels true and complete enough for the work’s purposes. It does not matter, for example, that the social and economic structure of The Hunger Games makes absolutely no sense. What matters is whether or not the world works towards the purposes of the novel rather than undermining them. People praise August Wilson’s portrayal of poor and working class African American life in Pittsburgh, but many of his plays feature an off stage character who is over three hundred years old and has magic powers. One of them ends with a cat coming back from the dead.
The Wire’s « realism » and « accuracy » are both shouted from the rooftops, but, for all of its deeply known and felt and researched world-building, it abandons both when it needs to. There is no way that Hamsterdam would exist in present day Baltimore. It’s a thought experiment, an attempt to game out what drug legalization might be like. No one really cares, because it works within the confines of the show. Season 5’s fake serial killer plotline is not actually any more preposterous than Hamsterdam. But it doesn’t work largely because the shortened episode order left Simon et al without enough time to adequately set it up and the tonal shift in Season 5 to a more satirical, broadly-painted mode feels abrupt and off-putting. The problem, in other words, has nothing to do with whether it would really happen, or how journalism or policing really work. It’s about the world the show has created and its integrity.
As Steve McQueen’s Oscar favourite 12 Years a Slave opens at cinemas, Sarah Churchwell returns to the 1853 memoir that inspired it – one of many narratives that exposed the brutal truth about slavery, too long ignored or sentimentalised by Hollywood
Sarah Churchwell
The Guardian
10 January 2014
In 1825 a fugitive slave named William Grimes wrote an autobiography in order to earn $500 to purchase freedom from his erstwhile master, who had discovered his whereabouts in Connecticut and was trying to remand Grimes back into slavery. At the end of his story the fugitive makes a memorable offer: « If it were not for the stripes on my back which were made while I was a slave, I would in my will, leave my skin a legacy to the government, desiring that it might be taken off and made into parchment, and then bind the constitution of glorious happy and free America. » Few literary images have more vividly evoked the hypocrisy of a nation that exalted freedom while legitimising slavery.
12 Years a Slave: A True Story of Betrayal, Kidnap and Slavery (Hesperus Classics)
by Solomon Northup
The Life of William Grimes was the first book-length autobiography by a fugitive American slave, in effect launching a new literary genre, the slave narrative. (The Interesting Narrative of the Life of Olaudah Equiano, published in 1789, is widely regarded as the first ever, but Equiano published his book in Britain.) Scholars have identified about 100 American slave narratives published between 1750 and 1865, with many more following after the end of the civil war. The most famous are those by Frederick Douglass and Harriet Jacobs, but the release of a new film has stirred interest in the account of a man named Solomon Northup. His book, Twelve Years a Slave, one of the longest and most detailed slave narratives, was a bestseller when it appeared in 1853. Directed by Steve McQueen and starring Chiwetel Ejiofor, Michael Fassbender, Brad Pitt and Benedict Cumberbatch, the film version, which opens in the UK today, has already been hailed as an Oscars front-runner.
This is something of an accomplishment for the first major Hollywood film to be inspired by a slave’s account of his own suffering. America’s vexed relationship with its legacy of slavery has always been reflected in its cinema; landmark films such as the virulently racist Birth of a Nation (1915), the first film ever screened at the White House, and the blockbuster apologia for slavery that was Gone With the Wind (1939), whitewashed in every sense popular images of institutionalised slavery. Slave narratives are the most powerful corrective we have to such distortions and evasions, firsthand accounts from some of the people who suffered the atrocities of slavery.
Gone with the Wind Vivien Leigh and Hattie McDaniel in Gone With the Wind. Photograph: Everett Collection / Rex Feature
Unlike most authors of slave narratives, Northup was not a fugitive when he co-authored his book with a white man named David Wilson: he was a free man who had been kidnapped as an adult and sold into slavery. In 1841 the 33-year-old son of a former slave was living in upstate New York with his wife and children. He could read and write, was a skilled violinist, had done some farming and was working as a carpenter. One day he was approached by two white men who made him a generous financial offer to join a travelling music show. Without telling his wife or friends (thinking, he wrote, that he would be back before he was missed), Northup travelled to Washington DC with them, where he was drugged, had his free papers stolen, and awoke in chains on the floor of the notorious Williams Slave Pen (ironically now the site of the Air and Space Museum). Protesting that he was a free man, Northup was beaten nearly to death and warned that he would be killed if he ever spoke up again. He was a slave now, and had no rights. Describing his march through the nation’s capital in chains, Northup delivers an embittered denunciation in the same spirit as that of William Grimes: « So we passed, handcuffed and in silence, through the streets of Washington – through the capital of a nation, whose theory of government, we were told, rests on the foundation of man’s inalienable right to life, liberty, and the pursuit of happiness! Hail! Columbia, happy land, indeed! »
Taken to New Orleans, Northup was sold at auction, and sent to the plantations of Louisiana bayou country. For the next 12 years, along with several hundred other local slaves, Northup was beaten, whipped, starved, and forced to work six days a week (with three days off at Christmas, « the carnival season with the children of bondage »), for a series of increasingly venal masters. Only on Sundays were slaves permitted to work for themselves, earning a few pennies to purchase such necessities as eating utensils. (Good Christian slave-owners would whip a slave and pour salt into the wounds, but wouldn’t dream of breaking the sabbath.)
At first, Northup found himself in the comparatively benign hands of William Ford, a minister who never questioned the slave system he had inherited, but never abused his slaves either. But soon Ford was in financial difficulties, and sold Northup to the vicious John Tibeats, an irrational, violent man who nearly killed Northup more than once. After attempting to run away, and being passed to another merciless owner, Northup was sold to Edwin Epps, a drunken, sadistic bully, who ran the plantation where Northup would work until he was finally rescued.
Along the way Northup chronicles in some detail life on a plantation, cataloguing everything from the method for cultivating cotton and sugar cane to the proper handles for various axes. And he explains the penal system of torture and threat that all slaves endured. The barbarity of slave life was not limited to the large structural injustice of bondage: it also licensed masters to behave as unreasonably as they pleased. The daily unfairnesses that resulted were, in Northup’s telling, often the most intolerable aspect of slavery. Once Tibeats flew at Northup with an axe, threatening to cut off his head for using the wrong nails, although the nails had been given to Northup by the overseer. He tells of a young slave doing a task as instructed, then sent on another task, only to be whipped for not finishing the first, despite having been ordered to interrupt it. « Maddened at such injustice, » the young slave seized an axe and « literally chopped the overseer in pieces »; he continued to justify his action even as the rope was put around his neck.
12 YEARS A SLAVE Michael Fassbender and Chiwetel Ejiofor in 12 Years a Slave. Photograph: Sportsphoto Ltd/Allstar
For female slaves, bondage often included another agony: rape. Rape is a theme in most slave narratives; the 1857 autobiography of William Anderson (comprehensively subtitled Twenty-four Years a Slave; Sold Eight Times! In Jail Sixty Times!! Whipped Three Hundred Times!!! or The Dark Deeds of American Slavery Revealed) goes further, addressing the incest that often ensued: the slave south, he writes, « is undoubtedly the worst place of incest and bigamy in the world ». Northup does not mention the endemic incest of slavery, but he does dwell on the torment of a fellow slave named Patsey, who was repeatedly raped by Epps. The narrative euphemises Epps’s assaults with conventionally acceptable phrases such as « lewd intentions ». But the implications are clear: « If she uttered a word in opposition to her master’s will, the lash was resorted to at once, to bring her to subjection. » Meanwhile Patsey was constantly attacked by her mistress, for « seducing » her husband. Northup tried to reason with Mrs Epps: « She being a slave, and subject entirely to her master’s will, he alone was answerable. » But Mrs Epps continued to persecute Patsey, resorting to such petty tyrannies as denying her soap. When Patsey ran to a neighbouring plantation to borrow some, Epps accused her of meeting a lover. He had her stripped naked, turned face down, tied hand and foot to four stakes, and whipped until she was flayed, at which point brine was poured upon her back. Patsey survived, but Northup writes that the ordeal broke her.
Eventually a Canadian named Bass came to Epps’s plantation and was heard voicing abolitionist sentiments, a dangerous heresy in the slaveholding south. Northup’s narrative stages a debate between Bass and Epps: Epps offers the standard justification for slavery, that black people were naturally bestial and ignorant, and thus deserved subjugation. Bass counters with the circular nature of this argument: « You’d whip one of them if caught reading a book, » Bass points out. « They are held in bondage, generation after generation, deprived of mental improvement, and who can expect them to possess much knowledge? … If they are baboons, or stand no higher in the scale of intelligence than such animals, you and men like you will have to answer for it … Talk about black skin, and black blood; why, how many slaves are there on this bayou as white as either of us? And what difference is there in the colour of the soul? Pshaw! The whole system is as absurd as it is cruel. »
This is one of the most surprising aspects of Northup’s narrative: its clarity about the workings of the « peculiar institution » as a system. Chattel slavery, Northup writes, « brutalised » master and slave alike; this is why slave-owners behaved so monstrously, even against their best financial interests (a dead slave, after all, was lost money). Surrounded by appalling human suffering on a daily basis, slave-owners became inured and desensitised to it, « brutified and reckless of human life ». Northup goes further, declaring: « It is not the fault of the slaveholder that he is cruel, so much as it is the fault of the system under which he lives. » In the same spirit, he repeatedly insists that not all slave-owners were depraved, defending William Ford and others he encountered. These people were not inherently evil; rather, « the influence of the iniquitous system necessarily fosters an unfeeling and cruel spirit ». Equally modern is the book’s cogency about the madness of a race-based slavery in which so-called « black » slaves could in fact be lighter skinned than their owners. Northup pointedly describes one slave, who was « far whiter than her owner, or any of his offspring. It required a close inspection to distinguish in her features the slightest trace of African blood. »
It was Bass who came to Northup’s aid, risking his own life to get a letter to Northup’s family and friends in New York. They took the letter to a white man named Henry Northup, a relative of the man who had owned and freed Solomon’s father. Henry Northup travelled to Louisiana in early 1853, where he was assisted by the local authorities, who offered their support on the basis that the whole slave system depended on the « good faith » of distinguishing between free men and slaves. This is one way of putting it, although there was not much good faith evident in chattel slavery. A far more likely explanation relates back to the fact that many slaves had white skin: it was in the best interests of any free person in a slave country to protect the rights of other free people. Solomon Northup was liberated, and the two Northup men (sharing a name only by virtue of the system they were engaged in fighting), travelled together to Washington DC, where they tracked down the men who had sold Solomon into slavery and brought them to trial.
The defence offered by the slave-traders comes as a shock to the reader: they argued that Solomon Northup had voluntarily sold himself into slavery. As defences go, this may not sound convincing, but the argument was actually that Northup had agreed to engage in a scam with his « kidnappers »: they would sell Northup into slavery, secure his release with his free papers, and then divide the proceeds. The case was never argued in the nation’s capital, however: Northup was unable to testify in court because he was black.
The trial made it into the newspapers, fanning the flames of a heated national debate about the Fugitive Slave Law of 1850. Designed to mediate between the demands of slaveholders and the rights recognised by free states in the struggle over the status of runaway slaves, the law criminalised helping runaways and declared that if a person were accused of being a fugitive slave, an affidavit by the claimant was sufficient to establish title. Those identified as fugitive slaves had no right to a jury trial and could not testify on their own behalf, which unsurprisingly led to a great surge in the number of free black people who were conscripted into slavery. Like Solomon Northup, they could not testify in their own defence.
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Beloved Kimberly Elise, Oprah Winfrey and Thandie Newton in Beloved.
The blatant injustice of the new law, and the widespread feeling that slave states’ rights had trumped those of free states, led to a great outcry. For the next decade, the papers were filled with stories such as that of Margaret Garner, an escaped slave who in 1856 murdered her baby rather than see it forced into slavery (the true story that inspired Toni Morrison’s novel Beloved). When Garner was brought to trial, abolitionists used the case to argue that the Fugitive Slave Law was not only unconstitutional; it was so twisted that it had driven a mother to murder her own child in order to save it from « the seething hell of American slavery ». But the law was clear: Garner and her family were returned to slavery. The presiding commissioner ruled that « it was not a question of feeling to be decided by the chance current of his sympathies; the law of Kentucky and of the United States made it a question of property ».
Reading countless such stories in the newspapers, an abolitionist teacher named Harriet Beecher Stowe began writing a novel, which she based in part on an 1849 slave narrative called The Life of Josiah Henson. In June 1851 the first instalment of Uncle Tom’s Cabin appeared in the Nationalist Era, an abolitionist magazine. Readers were gripped, and when the book was published in 1852 its sales were spectacular: 20,000 copies were sold in the first three weeks, 75,000 in the first three months; 305,000 in the first year. By 1857 Uncle Tom’s Cabin was still selling 1,000 copies a week, and during the civil war the (probably apocryphal) story circulated that when Abraham Lincoln met Stowe he greeted her by saying, « So this is the little lady who started this great war. »
Uncle Tom’s Cabin was calculated to appeal to the conflicted emotions of 19th-century Americans, making them feel the suffering and injustice of slavery, rather than offering philosophical or legal arguments against it. Stowe uses the techniques of sentimental fiction to show the devastating effects of slavery on family life, charging that it is the Christian duty of every good woman in the nation to fight against it. In one key chapter, a senator’s wife, « a timid, blushing little woman », challenges her husband explicitly on the Fugitive Slave Law, informing him that it’s « downright cruel and unchristian » and chastising him for his support of it: « You ought to be ashamed, John! Poor, homeless, houseless creatures! It’s a shameful, wicked, abominable law, and I’ll break it, for one, the first time I get a chance … I can read my Bible; and there I see that I must feed the hungry, clothe the naked, and comfort the desolate; and that Bible I mean to follow. » It was a brilliantly effective strategy, cutting across the divided heart of antebellum America and persuading white Christians across the country to join the abolitionist cause.
Unsurprisingly, Uncle Tom’s Cabin was excoriated in the south as malicious propaganda; slavery advocates argued that theirs was a benign, paternalistic system. No one had ever heard of such viciousness as that shown, for example, by Stowe’s villain, the cruel Simon Legree, who owns a cotton plantation in the Red River region of Louisiana. Determined to vindicate her depiction of American slavery, Stowe published A Key to Uncle Tom’s Cabin in 1853, in which she listed a number of documentary sources that corroborated her account. One slave she contacted was the runaway Harriet Jacobs, who had been giving abolitionist speeches in the north-east; instead of letting Stowe tell her story, Jacobs decided to write her own, which was published in 1861 as Incidents in the Life of a Slave Girl. An account that Stowe did use in her Key was the story of Northup, which she had read about in the New York Times, and whose experience on a plantation near the Red River closely resembled her portrait of life on Legree’s fictional plantation.
That same year, Northup and David Wilson, a white lawyer and aspiring author, published Twelve Years a Slave, which was dedicated to Stowe and marketed as « another Key to Uncle Tom’s Cabin ». It was a huge success, selling 30,000 copies in its first two years, three times as many as had The Narrative of the Life of Frederick Douglass when it appeared in 1845. Several more editions followed, and the press continued to cover the story of Northup’s ultimately fruitless efforts to prosecute the men who had kidnapped him. Meanwhile, he may have been working with the Underground Railroad to help fugitive slaves escape to Canada, and began travelling around the north-east making speeches in support of abolition. He was also involved in several theatre productions based on his book, but none were successful.
Over the years, Northup’s book fell into obscurity; when slave narratives began to enter the American curriculum in the 1980s, they were generally represented by those of Douglass and Jacobs, which are both self-authored and stylistically superior to Northup’s ghost-written account. There is some irony to this latter point, as both Jacobs and Douglass were initially accused of being incapable of writing such fine books, an assumption that owed something to racism but more to the denial of literacy to American slaves. As Henry Louis Gates Jr, an expert on slave narratives and consultant on the film 12 Years a Slave, has noted, literacy « was the very commodity that separated animal from human being, slave from citizen ». Douglass writes in My Bondage of the moment when, having learned to read, he realised that his illiteracy was itself « the bloody whip, for my back, and here was the iron chain; and my good, kind master, he was the author of my situation ». With literacy Douglass « now understood what had been to me a most perplexing difficulty – to wit, the white man’s power to enslave the black man … From that moment, I understood the pathway from slavery to freedom. »
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Slave-owners understood this, too, and responded savagely to any slave’s attempts to learn to read or write; a common punishment was amputation. As a result, literacy among slaves was very low and most fugitive slaves relied on white « amanuenses » to record their stories for them. Even the few who could write were still edited or endorsed by white abolitionists such as William Lloyd Garrison or Lydia Maria Child, a patronage system that offered insufficient challenge to the pro-slavery argument that slaves were incapable of learning. When slave narratives were rediscovered in the 20th century, the fact that most had been ghosted or edited by white people once again raised the question of their authenticity: many historians repeated the century-old charge that the narratives were exaggerated or fabricated by abolitionists. Unfortunately, much of the US coverage of McQueen’s film has rehearsed these invidious questions, but the underlying truths of the atrocities of slavery are beyond dispute, and not altered by the fact that any narrative is, by definition, constructed.
In the case of Northup, his account was verified by the historian who recovered his story, a woman named Sue Eakin. Twelve years old when she discovered a copy of Northup’s narrative in a local plantation in 1930, Eakin was intrigued to find it described the area in which she lived. Six years later, as a student at Louisiana State University, she found a copy of the book in a local bookstore. The owner sold it to her for 25 cents, telling her it was worthless: « There ain’t nothing to that old book. Pure fiction. » Eakin would devote her life, she later said, to proving him wrong.
Eakin set about discovering everything she could about Northup’s life, tracking down its details, using the legal and financial records of the men who owned him to corroborate his account of his enslavement. (Northup himself quotes more than once from such records: « The deed of myself from Freeman to Ford, as I ascertained from the public records in New-Orleans on my return, was dated June 23d 1841. »)
Unlike many slave narratives, Northup’s named names: the people who mistreated him were still alive, and their own records substantiate the facts of his story. Eakin died in 2009; three years later amateur historian David Fiske published Solomon Northup: His Life Before and After Slavery. Between them, Eakin and Fiske established that Northup played a significant role in his book’s composition, working closely with Wilson over the three months they wrote it. Fiske even found reports of corroboration made by Edwin Epps himself, from union soldiers who met him in Louisiana during the civil war: « Old Mr Epps yet lives, and told us that a greater part of the book was truth, » they reported in 1866.
In her extensive notes to Twelve Years a Slave, Eakin adds some fascinating details to Northup’s story. He alludes early in his narrative to habits of « shiftlessness and extravagance » into which he had fallen before his capture; Eakin remarks that such habits might help explain the court records showing he was convicted of three incidences of assault, as well as arrests for public drunkenness. His capricious decision to accompany his kidnappers to Washington also seems characteristic, and Eakin even hints that the conspiracy theory of Northup’s abduction may not have been entirely implausible. She was unable to ascertain what happened to Northup after 1863; there were rumours that he was kidnapped again, or murdered, but Fiske found evidence that Northup was in Vermont in the 1860s, and reports that his lectures may have become viewed as a local nuisance. Northup may have « given up, resorted to drink, and sunk below the surface ». Or perhaps he lit out like Huck Finn for the territory of the west.
These less than hagiographic details have not made their way into McQueen’s film, and given that it was produced as a corrective to a century of Hollywood sentimentalising and glorifying slavery, this is neither surprising nor objectionable. It seems McQueen also underplayed Northup’s insistence that not all his owners were cruel – again this is understandable, especially given that Northup’s protestations may have been designed to placate white readers. But slaves don’t have to be saints or their masters monsters in order for slavery to be an atrocity: our stories will remain trapped in simplistic pieties until we can admit that a man could be a rogue and still have been martyred by a barbaric system in a land that has yet to accept the terms of William Grimes’s offer, and admit how bound its constitution is by the flayed skin of its victims.
Starring Chiwetel Ejiofor, Brad Pitt, Michael Fassbender, Benedict Cumberbatch
based on the 1853 autobiography ‘Twelve Years a Slave’ by Solomon Northup
This is no fiction, no exaggeration. If I have failed in anything, it has been in presenting to the reader too prominently the bright side of the picture. I doubt not hundreds have been as unfortunate as myself; that hundreds of free citizens have been kidnapped and sold into slavery, and are at this moment wearing out their lives on plantations… -Solomon Northup, 1853, Twelve Years a Slave
Questioning the Story:
During what years was Solomon Northup a slave?
Like in the movie, the real Solomon Northup was tricked and sold into slavery in 1841 and did not regain his freedom until January 3, 1853.
Was Solomon Northup married with two children?
In researching the 12 Years a Slave true story, we discovered that Solomon Northup married Anne Hampton on Christmas Day, 1828. Unlike the movie, they had three children together, not two. Their daughter Margaret and son Alonzo are portrayed in the movie, while their other child, Elizabeth, was omitted. At the time of the kidnapping, Elizabeth, Margaret and Alonzo were 10, 8 and 5, respectively.
Solomon Northup with Wife Anne and Children
Left: From back to front, actors Kelsey Scott, Chiwetel Ejiofor, Quvenzhané Wallis and Cameron Zeigler portray the Northup family in the movie. Right: Solomon Northup is reunited with his wife and children at the end of his 1853 memoir.
While enslaved, did Solomon Northup pleasure a woman he discovered was in bed with him?
No, the flash-forward scene that unfolds early in the 12 Years a Slave movie is entirely fictitious and was created by director Steve McQueen and screenwriter John Ridley. « I just wanted a bit of tenderness—the idea of this woman reaching out for sexual healing in a way, to quote Marvin Gaye. She takes control of her own body. Then after she’s climaxed, she’s back where she was. She’s back in hell, and that’s when she turns and cries. »
Did Solomon Northup really play the violin?
Yes. During our investigation into the 12 Years a Slave true story, we learned that Solomon began playing the violin during the leisure hours of his youth, after he finished his main duty of helping his father on the farm. In his memoir, he calls the violin « the ruling passion of my youth, » going on to say, « It has also been the source of consolation since, affording pleasure to the simple beings with whom my lot was cast, and beguiling my own thoughts, for many hours, from the painful contemplation of my fate. »
Did two men really trick Solomon into going to Washington, D.C. with them?
Yes. Solomon met the two men in the village of Saratoga Springs, New York. The men had heard that Solomon was an « expert player of the violin ». They identified themselves using fake names and told him that they were part of a circus company that was looking for someone with his precise musical talent. The two men, later identified as Joseph Russell and Alexander Merrill, asked Solomon to accompany them on a short journey to New York City and to participate with them in performances along the way. They only delivered one performance to a sparse crowd, and it consisted of Russell and Merrill performing somewhat elementary feats like tossing balls, frying pancakes in a hat, ventriloquism and causing invisible pigs to squeal.
Once in New York City, Russell and Merrill encouraged Solomon to go to Washington, D.C. with them, reasoning that the circus would pay him high wages, and since it was the summer season, the troupe would be traveling back north anyway.
Did Solomon’s kidnappers really drug him?
As he indicated in his autobiography, the real Solomon Northup is not positive that he was in fact drugged, however, he remembers various clues that led him to that conclusion. He had spent the day with Alexander Merrill and Joseph Russell making stops at a number of saloons in Washington, D.C. They were observing the festivities that were part of the great funeral procession of General Harrison. At the saloons, the two men would serve themselves, and they would then pour a glass and hand it to Solomon. As he states in his memoir, he did not become intoxicated.
By late afternoon, he fell ill with a severe headache and nausea. His sickness progressed until he was insensible by evening. He was unable to sleep and was stricken with severe thirst. He recalls several people entering the room where he had been staying. They told him that he needed to come with them to see a physician. Shortly after leaving his room and heading into the streets, his memory escapes him and the next thing he remembers is waking up handcuffed and chained to the floor of the Williams Slave Pen in Washington, D.C.
Solomon Northup Washington Slave Pen
Left: Solomon Northup (Chiwetel Ejiofor) wakes up handcuffed and chained to the floor of a Washington, D.C. slave pen in the movie. Right: An 1860s photograph of a real Alexandria, Virginia slave pen.
Why didn’t Solomon tell anyone that he was a free man?
Shortly after his kidnapping, Solomon did try to tell the slave dealer James H. Birch (spelled « Burch » in the book and movie) that he was a free man. Like in the movie, he also told Birch where he was from and asked Birch to remove the irons that were shackling him. The slave dealer refused and instead called upon another man, Ebenezer Rodbury, to help hold Solomon down by his wrists. To suppress Solomon’s claims of being a free man, Birch whipped him with a paddle until it broke and then with a cat-o’-nine tails, delivering a severe number of lashes. Solomon addresses the lashings in his memoir, « Even now the flesh crawls upon my bones, as I recall the scene. I was all on fire. My sufferings I can compare to nothing else than the burning agonies of hell! » Following the lashings, Birch told Solomon that he would kill him if he told anyone else that he was a free man.
Below is a picture of Birch’s slave pen in Alexandria, Virginia, circa 1865. It had been used to house slaves being shipped from Northern Virginia to Louisiana. The building still stands today and is currently home to the offices of the Northern Virginia Urban League. It should be noted again that this is not the D.C. slave pen where Solomon was held. Solomon was held at the Williams Slave Pen (aka The Yellow House), which was the most notorious slave pen in the capital. The Williams Slave Penn was located at roughly 800 Independence Avenue SW, one block from the Capitol, and is now the site of the headquarters of the Federal Aviation Administration.
James H. Birch
Left: The real James H. Birch’s slave pen in Alexandria, Virginia, circa 1865. Right: Actor Christopher Berry portrays slave dealer Birch (spelled « Burch » in the movie).
Did a sailor really murder one of the slaves on the ship?
No. The real Solomon Northup did come up with a plan to take over the brig Orleans along with two other slaves, Arthur and Robert. However, unlike what happens in the film, Robert did not die after being stabbed when he came to the defense of Eliza, who in the movie is on the verge of being raped by a sailor. Instead, Robert died from smallpox and the plan to take over the ship was scrapped.
Was Solomon Northup’s name really changed?
Yes. Evidence discovered while researching the true story behind 12 Years a Slave confirmed that Solomon Northup’s name was in fact changed to Platt Hamilton. An official record of the name appears on the April 1841 manifest of the brig Orleans, the ship that carried Northup southward from the Port of Richmond, Virginia to the Port of New Orleans, Louisiana. The portion of the ship’s manifest that displays the name « Platt Hamilton » is pictured below. -Ancestry.com
Brig Orleans Manifest
Solomon Northup’s slave name Platt Hamilton appears on the April 1841 ship manifest of the brig Orleans, supporting his story.
Is William Ford (Benedict Cumberbatch) accurately portrayed in the movie?
No. The movie paints William Ford (Benedict Cumberbatch) as a hypocrite, contradicting his Christian sermons by overlaying them with his slave Eliza’s agonizing screams. In his memoir, Solomon Northup offers the utmost words of kindness for his former master, stating that « there never was a more kind, noble, candid, Christian man than William Ford. » Northup blames William Ford’s circumstances and upbringing for his involvement in slavery, « The influences and associations that had always surrounded him, blinded him to the inherent wrong at the bottom of the system of Slavery. » He calls the real William Ford a « model master », going on to write, « Were all men such as he, Slavery would be deprived of more than half its bitterness. »
Did Northup really get into a scuffle with Tibeats over a set of nails?
Yes. Like in the movie, the scuffle over the nails resulted in a carpenter named John M. Tibeats trying to whip Northup, but Northup fended off the attack, grabbed the whip, and began to strike his attacker. Afterward, Tibeats fetched two overseers that he knew on neighboring plantations. The men bound Northup and put a noose around his neck. They led him out to a tree where they were going to hang him, but were stopped and chased off by Mr. Chapin, a just overseer who worked for William Ford. When Ford returned from a trip later that day, he personally cut the cord from Northup’s wrists, arms, and ankles, and he slipped the noose from Northup’s neck.
Not depicted in the movie, the 12 Years a Slave true story brings to light a second scuffle that Northup got into with Tibeats while Ford and Chapin were away, resulting in Tibeats chasing Northup with an axe. Fearing impending retaliation from Tibeats, that time he ran away. However, Northup returned to the plantation after being unable to survive on his own in the harshness of the surrounding swamps. Even though he was forgiven by Ford, the plantation owner decided to sell Northup in part to prevent any more feuds with Tibeats. To Northup’s misfortune, he ended up being bought by a much crueler master, Edwin Epps.
Was Edwin Epps really as cruel as the movie portrays?
Yes. In fact, the real Edwin Epps was crueler than actor Michael Fassbender portrays him to be in the movie. In addition to Edwin Epps being overcome by « dancing moods », where he would force the exhausted slaves to dance, in real life, Epps also had his « whipping moods ». Epps usually found himself in a « whipping mood » when he was drunk. He would drive the slaves around the yard and whip them for fun.
Edwin Epps House
The real Edwin Epps house (left) prior to its restoration and relocation. The single story Louisiana cottage was less grand than the house shown in the movie. Northup helped to build the home for Epps’ family.
Did Edwin Epps really obsess over his female slave Patsey?
Yes, but the movie puts more focus on Edwin Epps’s alternating passion for and disgust with Patsey (Lupita Nyong’o) than Northup’s memoir. In his book, the real Solomon Northup refers to Epps’s « lewd intentions » toward Patsey, especially when he was intoxicated.
Did Edwin Epps really chase after Solomon with a knife?
Yes. In the movie, after Solomon Northup (Chiwetel Ejiofor) fetches Patsey (Lupita Nyong’o), he tells her not to look in Epps direction and to continue on walking. Edwin Epps (Michael Fassbender), who was half intoxicated and contemplating satisfying his lewd intentions toward Patsey, demands to know exactly what Solomon said to Patsey. When Solomon refuses to tell him, he chases after Solomon with a knife, eventually tripping over the fence of a pig pen. In the book, he does chase after Solomon with a knife, but there is no mention of him tripping over the fence.
Did Mistress Epps really encourage her husband to whip Patsey?
Yes. Despite Patsey having a remarkable gift for picking cotton quickly, she was one of the most severely beaten slaves. This was mainly due to Mistress Epps encouraging her husband Edwin to whip Patsey because, as Northup writes, Patsey had become the « slave of a licentious master and a jealous mistress. » Northup goes on to describe her as the « enslaved victim of lust and hate », with nothing delighting Mistress Epps more than seeing Patsey suffer. Northup states that it was not uncommon for Mistress Epps to hurl a broken bottle or billet of wood at Patsey’s face.
As portrayed in the 12 Years a Slave movie, in his book Northup describes one of the whippings that Patsey received as being « the most cruel whipping that ever I was doomed to witness—one I can never recall with any other emotion than that of horror ». It was during this whipping that Epps forced Northup to deliver the lashings. After Northup pleaded and reluctantly whipped Patsey more than forty times, he threw down the whip and refused to go any further. It was then that Epps picked up the whip and applied it with « ten-fold » greater force than Northup had.
Edwin Epps and Patsey
Left: Patsey (Lupita Nyong’o) pleads with her master, Edwin Epps (Michael Fassbender). Right: A drawing in Northup’s 1853 memoir depicts the « staking out and flogging » of Patsey, who can be seen on the ground. Epps is shown directing Solomon to continue the lashings after Solomon throws down the whip and refuses.
Did Patsey really beg Solomon to end her life?
No. This pivotal, emotionally-charged scene is perhaps the movie’s biggest blunder with regard to the true story. It was most likely unintentional and is the result of the filmmakers misreading a line in Northup’s autobiography. In the book, Northup is discussing the suffering of Patsey, who was lusted for by her master and hated by his jealous wife.
« Nothing delighted the mistress so much as to see [Patsey] suffer, and more than once, when Epps had refused to sell her, has she tempted me with bribes to put her secretly to death, and bury her body in some lonely place in the margin of the swamp. Gladly would Patsey have appeased this unforgiving spirit, if it had been in her power, but not like Joseph, dared she escape from Master Epps, leaving her garment in his hand. »
It is rather obvious that it is Mistress Epps who wants to bribe Northup to kill Patsey. Patsey wants to escape like Joseph, not kill herself. It seems that the filmmakers misread the line, attributing Mistress Epps’ wishes to Patsey. It is a little discouraging to realize that this crucial scene was likely the result of a misunderstood antecedent. -TheAtlantic.com
Did Patsey and Mistress Shaw really talk over tea?
No. In the movie, Patsey (Lupita Nyong’o) and Mistress Shaw (Alfre Woodard), the black wife of a plantation owner, have a conversation over tea. This scene was invented for the film. Director Steve McQueen wanted to give Mistress Shaw (Alfre Woodard) a voice.
Did Armsby betray Northup by letting Epps know about Northup’s letter to his friends in New York?
Yes. In his memoir, Northup describes Armsby as a man who came to the plantation looking to fill the position of overseer but was reduced to labor with the slaves. In an effort to better his role on the plantation, he divulged Northup’s secret to Edwin Epps. When Epps confronted Northup, he denied ever writing the letter and Epps believed him.
Although it is not shown in the movie, this was not the first time that Solomon Northup tried to have someone help him send a letter home. When he was on the ship that brought him south, a sailor helped him mail a letter he’d written. That letter actually made it home to New York and was obtained by attorney Henry B. Northup, a relative of Solomon’s father’s former master. Since Solomon was not yet aware of his final destination, he could not provide a location in the letter. Officials in New York told Henry that no action would be taken until they knew where to look for Solomon.
Was Brad Pitt’s character, Samuel Bass, based on a real person?
Yes. Samuel Bass’s portrayal in the 12 Years a Slave movie is very accurate to how Northup describes him in the book, including his argument with Edwin Epps. Much of what Bass (Brad Pitt) says during that scene is taken almost verbatim from the book, « …but begging the law’s pardon, it lies. … There’s a sin, a fearful sin, resting on this nation, that will not go unpunished forever. There will be a reckoning yet—yes, Epps, there’s a day coming that will burn as an oven. It may be sooner or it may be later, but it’s a coming as sure as the Lord is just. »
Did the real Samuel Bass help to free Northup?
Yes. Like in the movie, Samuel Bass, who also appears in Northup’s autobiography, was influential in Northup’s release. As the movie indicates, Samuel Bass was a Canadian who was in Louisiana doing carpentry work for Northup’s owner, Edwin Epps. Northup began assisting Bass and eventually decided to confide in him after he learned that Bass was against slavery. After Solomon shared his story of being tricked and kidnapped into slavery, Samuel Bass became determined to help him, even vowing to travel to New York himself. Bass wrote letters on Solomon’s behalf to various individuals back in New York. The first of these letters ended up being the one that set in motion the events that led to Solomon’s release from slavery in early 1853. -Solomon Northup: The Complete Story of the Author of Twelve Years a Slave
Henry B. Northup
Attorney Henry B. Northup, a relative of Solomon’s father’s former master, rescued Solomon from slavery.
Who was responsible for Solomon Northup’s release?
The letters written by Samuel Bass that were sent to New York eventually caught the attention of New York Whig attorney Henry B. Northup, who was a relative of Solomon’s father’s former master. Henry was a part of the family that took in Solomon’s father Mintus after he was freed.
Realizing the injustice, Henry made the long journey south to Louisiana and successfully brokered a deal for Solomon’s release. After he rescued Solomon, he returned home with him and fought to bring Solomon’s kidnappers to justice. Henry was also instrumental in securing a publisher for the memoir that would tell Solomon’s story, and in finding the ghost writer, David Wilson, who lived within five miles of Henry’s home. Henry hoped that the book would alert the public to his case against Solomon’s two kidnappers.
Were Solomon Northup’s parents slaves?
Our exploration into the true story behind 12 Years a Slave brought to light the fact that Solomon’s father Mintus Northup was a former slave who had been emancipated in approximately 1798. His mother had never been a slave. She was a mulatto and was three quarters white (her name is never mentioned in the book). Solomon was therefore born a free man in 1807, at a time when slavery still existed in New York. Solomon’s father had been a slave to Capt. Henry Northup, a Loyalist who freed Mintus around 1798 as part of a provision in his will. Mintus took his master’s surname.
What happened to Solomon Northup after he was freed?
Ghost Writer David Wilson
With input from Northup, ghost writer David Wilson, an attorney and great orator, wrote the memoir.
Upon his return home to Saratoga Springs, New York, Northup shared his story and gave interviews to the local press. His story became well known in the North and he started to speak at abolitionist rallies. An 1855 New York State Census confirms that he had indeed returned to his wife Anne, as the two were together again. He also lists himself as a land owner and a carpenter.
In the hands of a ghost writer by the name of David Wilson (pictured), Northup started to provide input for his book. It was published around the middle of July, 1853, after just three and a half months of research, writing, and interviews by the white ghost writer Wilson, who was himself a prominent New York lawyer and author of two books about local history. Henry Northup, the attorney who helped to free Solomon, also contributed to the production of the book and encouraged its speedy publication in an effort to garner public interest in bringing Northup’s kidnappers to trial.
Were Solomon Northup’s kidnappers ever brought to justice?
No. With the help of public interest in Northup, partially as the result of his book, attorney Henry Northup set his sights on two men, Alexander Merrill and Joseph Russell, who were believed to have played pivotal roles in the kidnapping. The two men were arrested but never convicted. Disagreements over where the case should be tried, New York or the District of Columbia, led to the decision over jurisdiction to be sent to the New York Supreme Court and then to the New York Court of Appeals. This was after three of the four counts against the two men had already been dropped since it was determined that these counts originated in Washington, D.C., not the state of New York.
During this time, the men in custody applied for release. Joseph Russell’s bail was nominal and Alexander Merrill’s bail was set at $800. The New York Court of Appeals reversed the decision of the lower courts, citing that the indictment legally could not be split, with one count being valid while the other three were ruled invalid due to issues over jurisdiction. In May of 1857, the case was discharged and the two men were never brought to trial. -Twelve Years a Slave – Dr. Sue Eakin Edition
When and how did Solomon Northup die?
The last known details about Solomon Northup’s life are mostly speculative and no one is certain of his exact fate. It is believed that he might have been involved with the Underground Railroad up until the start of the American Civil War. There are also reports of angry mobs disrupting speeches that he gave at abolitionist rallies. This includes speeches that he was giving in Canada in the summer of 1857. Some believe that this could have led to him being murdered, while others have conjectured that it’s possible he was kidnapped again, or that his two former kidnappers who had been on trial went looking for Northup and killed him. Certain members of his family have passed down the story that he had been killed in Mississippi in 1864, but there is no evidence to support that claim. An 1875 New York State Census lists his wife Anne’s marital status as « Widowed ». No grave of Solomon Northup has ever been found. -Solomon Northup: The Complete Story of the Author of Twelve Years a Slave
Is it possible that Solomon Northup planned his kidnapping with the two men in order to split the profits?
Though the idea might seem far-fetched, there has always been some conjecture that Solomon Northup was a willing accomplice to his kidnappers, Alexander Merrill and Joseph Russell. The theory was that Northup planned to split with Merrill and Russell the profits from being sold into slavery after he would either escape or have Merrill and Russell subsequently arrange for him to be freed. In a response to reader inquiries, a newspaper column that appeared in The Saratoga Press at the time goes as far as to raise the possibility that the case against Merrill and Russell was thrown out for such reasons.
« We would answer by saying that since the indictment was found, the District Attorney was placed in possession of facts that whilst proving their guilt in a measure, would prevent a conviction. To speak more plainly, it is more than suspected that Sol Northup was an accomplice in the sale, calculating to slip away and share the spoils, but that the purchaser was too sharp for him, and instead of getting the cash, he got something else. »
According to the testimony of John S. Enos, Alexander Merrill had attempted this scenario earlier in his kidnapping career. Yet, with regard to Northup, no evidence was ever found to prove that he was involved in his own kidnapping and the events chronicled in his book Twelve Years a Slave have been widely accepted as being none other than the true story. -Twelve Years a Slave – Dr. Sue Eakin Edition
Voir aussi:
ADDITIONAL HISTORICAL BACKGROUND
by historian David Fiske
David Fiske’s interest in Solomon Northup began in the 1990s, when he visited the Old Fort House Museum in Fort Edward, New York. This house is possibly the only structure still standing in which Northup resided. An exhibit at the museum mentioned Northup’s book, Twelve Years a Slave, and Fiske became curious and slowly began researching N orthup’s life after his rescue. He recently worked with several other researchers, Professor Clifford Brown and Rachel Seligman to write a full biography of Northup: Solomon Northup: The Complete Story of the Author of Twelve Years a Slave.
Q: Solomon Northup was not the only free black pers on who was kidnapped and sold as a slave – can you talk about how much of a problem kidnapping was before the Civil War and if black people in the North were aware of the threat of bei ng kidnapped? Blacks (both free persons and slaves) were kidnappe d and sold as slaves even in colonial times. The despicable practice was carried on with greater fre quency after 1808, the year that the federal government banned the importation of slaves. Slaves could no longer be brought into the U.S. from other countries–a very good thing–but there was an unfortunate side-effect. The supply of additional slave labor (much desired by plantation owners in t he South) was reduced, causing the value of slaves to rise–which made it very profitable for criminals to kidnap black people and transport them to a sla ve market where they could be sold. Slave traders, anx ious to acquire slaves to send to the South, probably did not ask questions about where these bl ack people had come from. In New York State, the law recognized that kidnappi ng could be accomplished by trickery, because the statute against kidnapping included an old word “in veigling,” which meant the same thing. The law further provided that those accused of kidnapping c ould not argue as a defense that their victims had left with them willingly. Citizens in the northern states, including blacks, had some idea of the possibility of black people be ing lured away and sold as slaves. An acquaintance of S olomon Northup, Norman Prindle, claimed, after Northup’s return to the North, that back in 1841 he had warned Northup that the men he met in Saratoga might have other plans for him once they g ot him south. However, Northup either trusted the men or was so much in need of money that he decided to take the risk.
Q: What did Solomon Northup do after he was rescued from slavery? Northup was reunited with his family (who had reloc ated from Saratoga to Glens Falls) a few weeks after being freed. Remarkably, in the first few day s of February 1853, he appeared at anti-slavery 32 meetings with several famous abolitionists (includi ng Frederick Douglass). Just one month earlier, he had still been a slave! The general public was very interested in his story of kidnapping, slavery, and rescue, and he worked with David Wilson, an attorney and author, to compo se a book, Twelve Years a Slave . The book was quite popular, and Northup traveled around giving l ectures and selling copies of his book. He was also involved with some theatrical productions based on his narrative. One newspaper noted that, during Northup’s travels, he was generous toward fugitive slaves he encountered. Given his personal experience as a sla ve, it is understandable (predictable, even) that h e would want to help others who had escaped from a li fe of servitude. There is evidence that he participated in the Underground Railroad, working w ith a Vermont minister to help escaped slaves reach freedom in Canada. The last reference to Northup’s presence was a reco llection by the minister’s son, who said that Northup had visited his father once after the Emanc ipation Proclamation in 1863. After that, no newspaper articles or personal papers have been fou nd that mention contact with Northup. Neither the circumstances of his death, nor his burial site, ar e known.
Q: What did Northup’s family do while he was a slav e in Louisiana? As Northup mentioned in Twelve Years a Slave , his wife Anne had a successful career as a cook a t various dining establishments in the Saratoga/Glens Falls area of New York. After the disappearance of her husband–along with his earnings–she probably needed additional income. In the fall of 1841 she moved to New York City with her family. She worked there for the wealthy woman, Madame Eliza Jumel (who was once the wife of Vice President Aaro n Burr). Anne was Madame Jumel’s cook and resided at her mansion in Washington Heights (which is today open to the public as the Morris-Jumel Mansion). Her children filled other roles: Elizabe th assisted at the mansion, Margaret served as a playmate for a young girl who was related to Jumel, and Alonzo was a footman and did minor chores. The family’s stay with Jumel lasted from one to tw o years, after which mother and children returned to Saratoga. After a few years, the family moved to Glens Falls, a bit north of Saratoga, where Anne ran the kitchen at the Glens Falls Hotel. The famil y (which now included Margaret’s husband Philip Stanton and their children) was living in Glens Fal ls in 1853 when Northup was rescued and rejoined his family. In the 1860s, the family (though apparently not Nor thup himself) moved to nearby Moreau (to a neighborhood known as Reynolds Corners). Anne proba bly still worked as a cook locally, and during the summers she would work at a hotel at Bolton Lan ding on Lake George. Anne died in 1876 at Reynolds Corners.
Q: Why was the book Twelve Years a Slave so popular before the Civil War? Northup’s book was not the only one that gave a fir st-hand account of slavery, but his had a unique perspective because he was a free man who had becom e a slave, whereas other writers had grown up as slaves. Northup was able to make comparisons bet ween his life as a free person and his life as a slave. In addition, Northup’s book was surprisingly even-handed. He did not condemn all Southerners–he mentions how several of them, such a s Master Ford and overseer Chapin (whose name 33 in real life was Chafin), had treated him kindly. A s one review of the book in a northern newspaper said at the time: “Masters and Overseers who treat ed slaves humanely are commended; for there, as here, were good and bad men.” Authors of slave narratives who had escaped slavery by running away had an extra motivation to portray slavery in a very bad light–they had to jus tify why they had become fugitives. Northup, however, should never have been a slave in the firs t place (“if justice had been done,” he told Samuel Bass, “I never would have been here”). Northup ther efore had little motivation to exaggerate the evils of slavery. He surely describes the many sufferings endured by slaves, but he also tells about their everyday life, the ways they supported one another, and the few occasional sources of pleasure they had. By telling the good as well as the bad, Northu p’s account came across as authentic and convincing.
Q: Did Solomon Northup help with the Underground Ra ilroad once he was free again and how did he get involved? In the early 1860s (and possibly earlier) he worked on the Underground Railroad in Vermont. The Underground Railroad was a system run by anti-slave ry advocates which helped slaves who had run away from the South. Northup, Tabbs Gross (another black man) and Rev. John L. Smith energetically helped fugitives make their way north, to Canada an d freedom. The details of how Northup became involved are not known, but it seems likely that, during his lecture tours, he at some point met Gross, a former slave w ho traveled around New York and New England at the same time as Northup, and who also gave lecture s. At any rate, the minister’s son recalled later o n that Northup and Gross were constantly at work aidi ng fugitives. Northup no doubt tackled this mission with his customary initiative and competenc e, and ended up keeping many fugitives from being returned to servility.
Q: What became of Northup’s slave masters — Willia m Prince Ford, Edwin Epps and Mistress Epps? William Prince Ford was forced to sell Northup afte r he experienced financial difficulties The man he sold him to, John M. Tibaut (called Tibeats in Nort hup’s book and in the film) could not afford to pay Northup’s full value, so Ford was in a way still a part-owner. This is why Ford was able to prevent Tibaut from murdering Northup. Ford was a prominent Baptist minister, serving several congregations. One of them, the Springhill Baptist Church, expelle d him for heresy, partly because he had allowed a Methodist to take communion at the church (an examp le of his generous spirit). Ford wore several other hats: in addition to operating the lumber mi ll where Northup worked, Ford manufactured bricks and mattresses. The woman Ford was married to while Northup was his slave, Martha (Tanner) Ford passed away in 1849, and he got married a second time, to Mary Daw son. Rev. Ford passed away on August 23, 1866 and was buried in a cemetery known as the Old Chene y Cemetery in Cheneyville, Louisiana. Edwin Epps had wanted to contest Northup’s removal from his possession, but his legal counsel 34 advised him that the case was so clear-cut (due to documents presented in court in Marksville, Louisiana, which proved Northup had been born free) , that he should simply give up Northup rather than incur pointless legal expenses, and he did so. Epps gave up drink while Northup was still his slav e, since Northup mentions that in his book. Epps continued working his plantation after Northup’s de parture. The 1860 Federal Census shows that he had assets amounting to over $20,000. During the Civil War some northern soldiers sought out the Epps plantation as the army worked its way through Louisiana. They found many people, both black and white, who remembered Northup and his fiddle-playing, and they even located Epps. Wha t Northup wrote in his book, Epps told the soldiers, was mostly true, and in a back-handed com pliment to Northup he told them that he was an “unusually smart nigger.” Epps died on March 3, 186 7. His place of burial is uncertain. The house that Northup and carpenter Samuel Bass wo rked on for Epps still exists. It has avoided destruction several times, and has also been moved several times. It is now located on the campus of the Louisiana State University at Alexandria, and i t has been declared a historic structure. Mistress Epps, whose maiden name was Mary Robert, b ecame the “Natural Tutrix” (or guardian) of her and her husband’s minor children following Epps ’ death. However she died soon afterward. Many, if not all, of the children left Louisiana and relo cated to various places in Texas.
Q: Were the men involved in Solomon Northup’s kidna pping ever brought to justice? The slave trader in Washington, D.C. who purchased Northup from the men who lured him away from Saratoga was identified as James H. Birch, and was brought up on charges in that city when Northup was on his way home from Louisiana. In Washington, the law at that time did not permit black people to testify in court, and without Northup’s testimo ny, there was little evidence of the crime, so Birc h was not convicted. It surely helped that Birch had some influential friends in the city. In 1854, over a year after Northup was freed, a man who had read Twelve Years a Slave helped to identify the two men who had taken Northup to Washi ngton. (Their real names were Alexander Merrill and Joseph Russell–they had given Northup aliases. They were arrested, jailed, indicted, and put on trial. After various delays and appeals, the case a gainst them was dropped without explanation in 1857 . Their only punishment was the seven months they spe nt in jail while awaiting trial before they were released on bail.
Q: Solomon Northup was able to read and write–how d id he get his education? In New York State, blacks had never been formally e xcluded from the schools. In the city of Albany, slave children in colonial times attended school al ongside white children. Even when slavery was still allowed in New York, a state law specified that sla ve owners had to teach their slaves to read, so tha t they could read the Bible. As time went on, some large cities had separate sch ools for black students (which was permitted under state law). During his childhood, Northup lived in small towns in Washington County, which would not have had enough money to establish separate sch ools for blacks, so he probably attended school with white pupils from his neighborhood. Acquaintan ces of Northup and his father (who was illiterate 35 but whom Northup wrote made sure his sons received an education) were Quakers, to whom education was very important, so that may have offered extra encouragement for him to learn. Northup tells of his love of reading as a boy, so he probably built on what basic, formal schooling he received due to his curiosity and intelligence.
Q: Is it true that 12 Years a Slave was actually written by a ghost writer named David Wilson, who was an abolitionist? David Wilson certainly assisted Northup with his bo ok, but he was not a ghost writer. Ghost writers typically write behind the scenes on behalf of some one else, implying that a book was actually authored by that person. When the book was first pu blished in 1853, Wilson was clearly identified as its editor–he even wrote an Editor’s Preface. Ther e was nothing furtive about Wilson having been helped with the writing of the book. The precise method of Wilson’s and Northup’s collab oration is not known, but based on Wilson’s preface, newspaper reports at the time, and a lette r written later on by a relative of one of the prin cipals in Northup’s story, Wilson extensively interviewed Northup, undoubtedly taking copious notes. Northup, who during his years of slavery had no way to record information, must have constantly reviewed in his head the events he had experienced, committing to memory the details of people he had met and places he had been. Wilson wrote that h e was entirely convinced of the authenticity of Northup’s recounting, because Northup had « invariab ly repeated the same story without deviating in the slightest particular. » Even Edwin Epps, located by Union soldiers when the y reached Louisiana during the Civil War, admitted that Northup had pretty much told the trut h in his book. After Wilson had put the words onto paper, Northup reviewed them closely. He « carefully perused the manuscript, dictating an alteration wherever the mo st trivial inaccuracy has appeared, » Wilson says. I t is likely that the writing style–with its literary flourishes and turns of phrase–can be attributed to Wilson, but Northup was clearly satisfied that Wils on got all the facts right and he was also comfortable with the final wording. Though Wilson has sometimes been described as an ab olitionist, there is no evidence of that. One newspaper at the time said of Wilson: « I believe he never was suspected of being an Abolitionist–he may be anti-slavery–somewhat conservative. » A few y ears after Twelve Years a Slave was published, Wilson was identified as a member of the American P arty (called the “Know-Nothings”), which had no strong stance concerning slavery. In Wilson’s ow n words, in his preface to the book, he writes « Unbiased, as he conceives, by any prepossessions o r prejudices, the only object of the editor has bee n to give a faithful history of Solomon Northup’s lif e, as he received it from his lips. » 36 SHIP MANIFEST FOR THE BRIG ORLEANS, THE VESSEL THAT TRANSPORTED NORTHUP TO LOUISIANA AFTER HIS CAPTURE 37
Anyone who sets about reading a single slave narrative or even two or three slave narratives might be forgiven the natural assumption that such a narrative will be, or ought to be, a unique production; for – so would go the unconscious argument – are not slave narratives autobiography, and is not every autobiography the unique tale, uniquely told, of a unique life ? If such a reader should proceed to take up another half dozen narrative show ever (and there is a great lot of them from which to choose the half dozen), a sense not of uniqueness but of overwhelming sameness is almost certain to be the result. And if our reader continues through two or three dozen more slave narratives, still having hardly begun to broach the whole body of material (one estimate puts the number of extant narratives at over six thousand), he is sure to come away dazed by the mere repetitiveness of it all: seldom will he discover anything new or different but only, always more and more of the same. This raises a number of difficult questions both for the student of autobiography and the student of Afro-American literature. Should the narrative be so cumulative and so invariant ? Why so repetitive and so much alike ? Are the slave narratives classifiable under some larger grouping (are they history or literature or autobiography or polemical writing ? and what relationship do these larger groupings bear to one another?); or do the narratives represent a mutant development really different in kind from any other mode of writing that might initially seem to relate to them as parent, as sibling, as cousin, or as some other formal relation? What narrative mode, what manner of do we find in the slave narratives, and story-telling, what is the place of memory both in this particular variety of narrative and in autobiography more generally? What is the relationship of the slave narratives to later narrative modes and later thematic complexes of Afro-American writing? The questions are multiple and manifold. I propose to come at them and to offer some tentative answers by first making some observations about autobiography and its special nature as a memorial, creative act; then outlining some of the common themes and nearly invariable conventions of slave narratives; and finally attempting to determine the place of the slave narrative 1) in the spectrum of autobiographical writing 2) in the historyof American literaturea, and 3) in the making of an Afro-American literary tradition.
I have argued elsewhere that there are many different ways that we can legitimately understand the word and the act of autobiography; here, however, I want to restrict myself to a fairly conventional and common-sense understanding of autobiography. I will not attempt to define autobiography but merely to describe a certain kind of autobiographical performance – not the only kind by any means but the one that will allow us to reflect most clearly on what goes on in slave narratives. For present purposes, then, autobiography may be understood as a recollective/narrative act in which the writer, from a certain point in his life – the present -, looks back over the events of that life and recounts them in such a way as to show how that past history has led to this present state of being. Exercising memory, in order that he may recollect and narrate, the autobiographer is not a neutral and passive recorder but rather a creative and active shaper.
Recollection, or memory, in this way a most creative faculty, goes backward so that narrative its twin and counterpart may go forward: memory and narration move along the same line only in reverse direc tions. Or as in Heraclitus, the way up and the way down, the way back and the way forward, are one and the same. When I say that memory is immensely creative I do not mean that it creates for its events that never occurred (of course this can happen too, but that is another matter). What I mean instead is that memory creates the significance of events in discovering the pattern into which those events fall. And such a pattern, in the kind of autobiography where memory rules, will be at eleologic alone bringing us,in and through narration and asit were by an inevitable process, to the end of all past moments which is the present. It is in the inter lay of past and resent,of present memory over on its to reflecting past experience way becoming present being, that events are liftedout of time to be resituated not in mere chronological sequence but in patterned significance.
Paul Ricoeur,in apaper on « Narrative and Hermeneutics,makes the ina different but in a that allows us to sort point slightly way way out theplace of timeand memoryboth in autobiographyin general and in theAfro-Americanslave narrative in particular. »Poiesis, »according to Ricoeur’s analysis, »bothreflectasnd resolvestheparadox of time »;and he continues: »It reflects it to the extent that the act of combinesinvarious two emplotment proportions temporal and theother The first be chronological non-chronological. may one called theepisodicdimension.It characterizesthestoryas made out ofevents.The secondis the dimension thanks to which dimensions, configurational the plot construessignificantwholes out of scatteredevents. »‘ In autobiographyit is memory that in there collecting and retelling of events,effects »emplotment »it is memory that,shaping the past act is for »thecon- cording configuration present, responsible to the ofthe dimension »that »construes wholesout of scat- figurational significant teredevents. »Itisforthisreasonthatina classicofautobiographical literature like for is not Augustine’s Confessions, example, memory only I should verysubject writing. imagine, the mode but becomes the ofthe however,thatanyreaderofslavenarrativeiss mostimmediatelystruck by thealmostcompletedominanceof « theepisodicdimension, »the totallack of dimension, »and thevirtual nearly any « configurational absence of any referenceto memoryor any sense thatmemorydoes anythingbut make the past factsand eventsof slaveryimmediately presentto thewriterand his reader.(Thus one oftengets, »I can see evennow …. I can stillhear. .. ., » etc.) Thereis a verygood reason forthis,butitsbeinga verygood reasondoes notaltertheconsequence thattheslave narrative,witha veryfewexceptions,tendsto exhibit a highlyconventionalr,igidlyfixedformthatbearsmuchthesamerela- tionshiptoautobiographyina fullsenseas paintingbynumbersbears to paintingas a creativeact.
I say there is a good reason for this, and there is: The writerof a slave narrative finds himself in an irresolvably tight bind as a result of the very intention and premise of his narrative, which is to give a picture of »slavery as it is. »Thus it is the writer’s claim, it must be his claim, that he is not he is not and he is not emplotting, fictionalizing, performinagnyactofpoiesis(=shaping, making).To givea truepic- tureof slaveryas it it reallyis, he mustmaintainthathe exercises a clear-glassn,eutralmemorythatisneithercreativenorfaulty-indeed, ifitwerecreativeitwould be eo ipso faulty for »creative »would be understood by skeptical readers as a synonym for »lying. »Thus the ex-slave narrator is debarred from use of a memory that would make anything of his narrative beyond or other than the purely, merely episodic, and he is denied access, by the very nature and intent of his venture, to the configuration a dimension of narrative.
Of the kind of memorycentralto the act of autobiographyas I describeditearlier,ErnstCassirerhas written: »Symbolicmemoryis theprocessby whichmannotonlyrepeatshispastexperiencebutalso
reconstructshisexperienceI.maginationbecomesa necessaryelement oftruerecollection.I »n thatword »imagination,h »owever,liesthejoker foran ex-slavewho would writethenarrativeof his lifein slavery.
Whatwe findAugustinedoinginBook X oftheConfessions-offering up a disquisitionon memorythatmakesbothmemoryitselfand the narrativethatitsurroundsfullysymbolic-would be inconceivablein aslavenarrativeO.fcourseex-slavesdoexercisememoryintheirnar- ratives,buttheynevertalkaboutitas Augustinedoes,as Rousseau does, as Wordsworthdoes, as Thoreau does, as HenryJamesdoes, as
a hundredother (notto novelistslike do. autobiographers say Proust)
Ex-slavescannot talk about it because of the premisesaccordingto
whichtheywrite,one of thosepremisesbeingthatthereis nothing
doubtfulor about on the it is assumed mysterious memory: contrary,
to be a clear,unfailingrecordof eventssharpand distincthatneed
onlybe transformeidntodescriptivelanguagetobecomethesequen- tialnarrativeofa lifeinslavery.Inthesameway,theex-slavewriting his narrativecannotaffordto put thepresentin conjunctionwiththe past (again withveryrarebut significanetxceptionsto be mentioned later)forfearthatin so doinghe will appear, fromthepresent,to be
and so and the As a theslave reshaping distorting falsifying past. result,
narrativeis most oftena non-memorialdescriptionfittedto a pre- formedmold,a moldwithregulardepressionshereandequallyregular prominencetshere-virtuallyobligatoryfiguress,cenes,turnsofphrase, observances,and authentications-thatcarryoverfromnarrativeto narrativeand giveto themas a groupthespeciescharacterthatwe designateby thephrase »slave narrative. »
an engravedportraitor photographof the subjectof the narrative; authenticatintgestimonialsp,refixedor postfixed;poeteicpigraphss,nat- chesofpoetryin thetext,poemsappended;illustrationbsefore,in the middleof,orafterthenarrative ofthenarrative
itself;2interruptions
properby way of declamatoryaddressesto the readerand passages thatas to stylemightwell come froman adventurestory,a romance,
ora novelof a ofdocuments-letters sentiment; bewilderingvariety
to and fromthe narrator,bills of sale, newspaperclippings,notices
of slave auctionsand of escaped slaves, certificateosf marriage,of
ters and to slave thenone thinks prefatory appended narratives, quickly
of thelettersat thedivideof Franklin’sAutobiography,whichhave muchthesameextra-textueaxlistenceasletterastoppositeendsofslave narratives.But all thissaid, we mustrecognizethatthenarrativelet-
all themixed, elementsinslavenarratives heterogeneoush,eterogeneric
come to be so regular,so constant,so indispensableto themode that theyfinallyestablisha setofconventions-a seriesofobservancesthat become virtuallyde riguer-for slave narrativesunto themselves.
The conventionsforslave narrativeswereso earlyand so firmly establishedthatone can imaginea sortof masteroutlinedrawnfrom thegreatnarrativesand guidingthelesserones. Such an outlinewould look somethinglike this:
A. Anengravedportrait,signedbythenarrator.
B. A titlepage thatincludestheclaim,as an integralpartoftheti- tle, »WrittenbyHimself »(orsomeclosevariant: »Writtenfroma state- mentof FactsMade by Himself »;or « Writtenby a Friend,as Related to Him by BrotherJones »;etc.)
C. A handfulof testimonialsand/orone or moreprefacesor in-
theday, travellingby nightguidedby theNorthStar,receptionin a freestatebyQuakerswho offera lavishbreakfastand muchgenial
thee/thouconversation;
11. takingofa newlastname(frequentlyonesuggestedbya white abolitionistt)oaccordwithnewsocialidentityas a freeman,butreten- tionoffirstnameas a markofcontinuityofindividualidentity;
12. reflectionosn slavery.
F. Anappendixorappendicescomposedofdocumentarymaterial-
neitherunintentionanlor twoobservations ing being insignificant)
shouldbe made: First,thatitnotonlydescribesratherlooselya great manylessernarrativebsutthatitalso describesquitecloselythegreatest ofthemall, NarrativeoftheLifeofFrederickDouglass, An American Slave, WrittenbyHimself,3whichparadoxicallytranscendstheslave narrativemode whilebeingat thesame timeitsfullest,mostexact representativeS;econd, thatwhat is beingrecountedin thenarratives is nearlyalways therealitiesof theinstitutionof slavery,almostnever
ofthenarrator(here,as often, emotional, growth
theintellectual, moral
Douglass succeedsin beingan exceptionwithoutceasingto be thebest
example:he goesbeyondthesingleintentionofdescribingslavery,but he also describesitmoreexactlyand moreconvincinglythananyone else). The lives of thenarrativesare never,or almostnever,therefor themselveasnd fortheirown intrinsic, interesbtut
one sensethenarrativelivesoftheex-slaveswereas muchpossessed
and used by the abolitionistsas theiractual lives had been by
slaveholders.This is why JohnBrown’sstoryis titledSlave Lifein
unique nearlyalways
and subtitled »A NarrativeoftheLife, and only Sufferings,
Georgia
EscapeofJohnBrown,A FugitiveSlave, »anditiswhyCharlesBall’s story (which reads like historicalfictionbased on very extensive research)is called Slaveryin theUnitedStates,withthesomewhatex- tendedsubtitle »A NarrativeoftheLifeand AdventureosfCharlesBall, A BlackMan, who livedfortyearsinMaryland,SouthCarolinaand Georgia,as a slave, undervariousmasters,and was one yearin the
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an organizedgroup of « sponsors, »and theyare possessed of very specificmotives,intentionsa,ndusesunderstoodbynarratorss,pon- sors,and audiencealike: to revealthetruthof slaveryand so to bring about itsabolition.How, then,could thenarrativesbe anythingbut verymuchlike one another?
thistriangularelationshipofnarratora,udience,and sponsorsand the logicthatdictatesdevelopmentofthoseconventionswillbearand will reward closer scrutiny.The conventionsI have in mind are both thematicand formaland theytendto turnup as oftenin theparapher- naliasurroundingthenarrativesas inthenarrativesthemselvesI.have alreadyremarkedontheextra-textualelttersocommonlyassociated
withslavenarrativeasndhave that
suggested they logic
havea different about themfromthelogicthatallows or impelsFranklinto include similarlyaliendocumentsinhisautobiographyt;hesameistrueofthe
signedengravedportraitsor photographso frequentlyto be foundas
inslavenarrativesT.he andthe
frontispieces portrait signature(which
one mightwell findin othernineteenth-centurayutobiographical documentsbutwithdifferenmtotivation),liketheprefatoryandap-
begin.And how do mostofthemactuallybegin?Theybeginwiththe existentiacllaimrepeated. »I was born »are thefirstwordsofMoses Roper’sNarrativea,nd theyarelikewisethefirstwordsofthenarratives ofHenryBibband HarrietJacobs,ofHenryBox Brown4and William
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Wells Brown,of FrederickDouglass5and JohnThompson,of Samuel RinggoldWardandJamesW. C. Penningtono,fAustinStewardand JamesRoberts,ofWilliamGreenand WilliamGrimes,ofLevinTilmon and PeterRandolph,ofLouis Hughesand LewisClarke,ofJohnAn- drewJacksonandThomasH. Joneso,fLewisCharltonandNoahDavis, ofJamesWilliamsand WilliamParkerand Williamand EllenCraft (wheretheopeningassertionis variedonlyto theextentofsaying, »My wifeand myselfwereborn »).6
We can see thenecessityforthisfirstand mostbasic assertionon thepartoftheex-slaveinthecontrarysituationofan autobiographer likeBenjaminFranklinW.hileanyreaderwasfreetodoubtthemotives ofFranklin’msemoir,noonecoulddoubthis andsoFranklin
existsbutwithan explanationofwhyhe has chosento writesucha
documentas theone in hand. Withtheex-slave,however,it was his
existenceand his nothisreasonsfor thatwerecalled identity, writing,
intoquestion:iftheformercould be establishedthelatterwould be obviousand thesamefromone narrativeto another.Franklincitesfour motivesforwritinghisbook(tosatisfydescendantsc’uriosityt;ooffer an exampleto others;to providehimselfthepleasureofrelivingevents inthetelling;tosatisfyhisownvanity),andwhileonecanfindnar- rativesby ex-slavesthatmighthave in themsomethingofeach ofthese motives-JamesMars, forexample,displaysin partthefirstof the motives,Douglass inpartthesecond,JosiahHensoninpartthethird, and SamuelRinggoldWardinpartthefourth-thetruthis thatbehind everyslave narrativethatis in any way characteristiocr representative thereis the one same persistentand dominantmotivation,which is determinedbytheinterplayofnarrator,sponsors,and audienceand whichitselfdeterminetshenarrativeintheme,content,and form.The themeis therealityof slaveryand thenecessityof abolishingit; the contentisa seriesofeventsanddescriptiontshatwillmakethereader see and feeltherealitiesofslavery;and theformis a chronological, episodicnarrativebeginningwithan assertionof existenceand sur- roundedby various testimonialevidencesforthatassertion.
In thetitleand subtitleofJohnBrown’snarrativecitedearlier-Slave
in A Narrative the
Life Georgia: of Life,Sufferings, Escape of
and John Brown,AFugitiveSlave-we seethatthethemepromisestobetreated on two levels, as it were titularand subtitular:the social or institu-
tionaland thepersonalor individual.What typicallyhappensin the
acquiredsimultaneously according Douglass, thelattertwo would neverhave been. The dual factof literacyand
identity(« written »and »himself »r)eflectbsackontheterribleironyof the phrase in apposition, »An AmericanSlave »: How can both of these-« American »and « Slave »-be true?And thisin turncarriesus back to thename, « FrederickDouglass, » whichis writtenall around thenarrativei:n thetitle,on the and as thelastwords
of the text:
Sincerelyand earnestlyhopingthatthislittlebook may do somethingtowardthrowinglighton theAmericanslave system, andhasteningthegladdayofdeliverancetothemillionsofmy
brethrenin bonds-faithfullyrelyingupon the power of truth, love, and justice,forsuccessin myhumbleefforts-andsolemn-
lypledgingmyselfanew to thesacredcause,–I subscribemyself, FREDERICK DOUGLASS
« Isubscribemyself »-IwritemyselfdowninlettersI,underwritmey identityand myverybeing,as indeedI have done in and all through theforegoingnarrativethathas broughtmeto thisplace,thismoment, thisstateof being.
The to utterhis and more to utterit in ability name, significantly
insilenceso as readerscontinuetoconstruethe iswhat long characters,
Douglass’ Narrativeis about, forin thatletteredutteranceis assertion ofidentityand inidentityisfreedom-freedomfromslavery,freedom fromignorance,freedomfromnon-being,freedomeven fromtime. WhenWendellPhillips,ina standardletterprefatorytoDouglass’Nar- rative,says thatin thepast he has always avoided knowingDouglass’ « real name and birthplace » because it is « still dangerous, in Massachusetts,forhonestmentotelltheirnames, »oneunderstands wellenoughwhathe meansby « yourrealname »and thedangerof tellingit-« Nobody knowsmyname, »JamesBaldwinsays.Andyet
in a veryimportantway Phillipsis profoundlywrong,forDouglass had beensayinghis »realname »eversinceescapingfromslaveryin
engravedportrait,
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theway in whichhe wentabout creatingand assertinghis identityas a freeman:FrederickDouglass.IntheNarrativehesayshisrealname notwhenhe revealsthathe « was born »FrederickBaileybutwhenhe putshissignaturbeelowhisportraibteforethebeginningand subscribes himselfagain aftertheend of thenarrative.Douglass’ name-changes and self-namingare highlyrevealingat each stage in his progress: « FrederickAugustusWashingtonBailey »by thenamegivenhimby hismotherh,ewasknownas »FrederickBailey »orsimply »Fred »while growingup; heescapedfromslaveryunderthename »Stanley, »but whenhe reachedNew York took thename « FrederickJohnson. »(He wasmarriedinNewYorkunderthatname-and givesacopyofthe marriagecertificatien thetext-by theRev. J.W. C. Penningtonwho had himselfescapedfromslaverysometenyearsbeforeDouglass and who wouldproducehisown narrativesomefouryearsafterDouglass.) Finally,in New Bedford,he foundtoo manyJohnsonsand so gave to
hishost( one ofthetoo the many-Nathan Johnson) privilege
Imustholdontothat,topreservea senseofmyidentity.T »husa new social identitybut a continuityof personalidentity.
In narratingtheeventsthatproducedbothchangeand continuity in his life,Douglass regularlyreflectsback and forth(and herehe is verymuchtheexception)fromthepersonwrittenabout to theperson writingf,romanarrativeofpasteventstoapresentnarratorgrown out of thoseevents.In one marvellouslyrevealingpassage describing thecoldhesufferefdromas a child,Douglasssays,’My feethavebeen so crackedwiththefrost,thatthepen withwhichI am writingmight belaidinthegashes. »One mightbeinclinedtoforgethatitisa vastly
writtenabout,butitis a personwriting person very
different fromthe
and effectivreeminderto referto the in- significant immensely writing
strumentas a way ofrealizingthedistancebetweentheliterate,ar- ticulatewriterand the illiterate,inarticulatesubjectof the writing. Douglasscouldhavesaidthatthecoldcausedlesionsinhisfeeta quarter ofan inchacross,butinchoosingthewritinginstrumenhteldat the presentmoment-« the pen withwhichI am writing »-by one now known to the world as FrederickDouglass, he dramatizeshow far removedhe is fromtheboy once called Fred(and other,worsenames, of course)withcracksin his feetand withno moreuse fora pen than foranyoftheothersignsand appendagesoftheeducationthathehad beendeniedand thathewouldfinallyacquireonlywiththegreatest
success,as we feelin difficulty greatest, telling
butalso withthe most thequalityofthenarrativenow flowingfromtheliteraland symbolic
theomnipresenthematictrioof themostimportantslave narratives, all conveyedin a singlestartlingimage.8
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Thereis, however,onlyone FrederickDouglass amongtheex-slaves who told theirstoriesand the storyof slaveryin a singlenarrative, and in even the best known, most highlyregardedof the other narratives-those,forexample,by WilliamWellsBrown,CharlesBall, HenryBibb,JosiahHenson,SolomonNorthup,J.W. C. Pennington, and Moses Roper–all theconventionsare observed-conventionsof content,theme,form,and style-but theyremainjustthat:conven- tionsuntransformeadndunredeemedT.hefirsthreeoftheseconven- tionalaspectsofthenarrativesare,as I have alreadysuggested,pretty clearlydeterminebdy therelationshibpetweenthenarratorhimselfand thoseI have termedthesponsors(as wellas theaudience)ofthenar- rative.Whentheabolitionistsinvitedan ex-slaveto tellhisstoryof
experiencein slaveryto an anti-slaveryconvention,and when they
had certainclear wellunderstood themselveasnd well expectations, by
understoodby theex-slavetoo, about thepropercontento be observ- ed, theproperthemeto be developed,and theproperformto be follow- ed. Moreover,content,theme,and formdiscoveredearlyon an ap-
propriatestyleand thatappropriatestylewas also thepersonalstyle displayedby thesponsoringabolitionistsin thelettersand introduc- tionstheyprovidedso generouslyforthenarrativesI.tisnotstrange, ofcourse,thatthestyleofan introductionand thestyleofa narrative shouldbe one and thesame in thosecases whereintroductionand nar- rativewerewrittenbythesameperson-CharlesStears writingin- troductionandnarrativeofBoxBrown,forexample,orDavid Wilson writingprefaceand narrativeof Solomon Northup.What is strange,
and a deal more is theinstancein whichthe perhaps, good interesting,
itveryunclearjustwhatis beingclaimedabout authorshipand stylistic responsibilityforthenarrative.Presumablythe »remarksupon the remedyforslavery »are by CharlesStearns(who was also, at 25 Cor- nhill,Boston,thepublisherof theNarrative),but thistitle-pagecould wellleavea readerindoubtaboutthepartyresponsibleforthestylistic mannerofthenarration.Such doubtwillsoon be dispelled,however, ifthereaderproceedsfromCharlesStearns' »preface »to Box Brown’s « narrativet »o CharlesStearns' »remarksupon theremedyforslavery. » The is a most most most
preface poetic, high-flown, grandiloquent perorationthat,oncecrankedup, carriesrightoverintoand through thenarrativetoissueintheappendedremarkswhichcometoan end in a REPRESENTATION OF THE BOX in whichBox Brownwas
seesomenewthing,n’ortogratifyanyinclinationonthepartofthe hero of thefollowingstoryto be honoredby man, is thissimpleand touchingnarrativeoftheperilsofa seekerafterthe’boon ofliberty,’ introducedto thepubliceye . … , » etc.-the sentencegoes on three timeslongerthanthisextractd,escribingasitproceeds »thehorridsuf-
ofone as, ina shutoutfromthe ofheaven, ferings portableprison, light
and nearly deprived of its balmy air, he pursued his fearful journey….. » As is usual in suchprefaces,we are addresseddirectly
« Not forthe of to a desireto ‘hearand purpose administering prurient
by
theauthor: »O reader,as this tale,letthe you peruse heart-rending
shallflowtherefromon to thesurroundingworld,ofso invigorating
and a nature,as toarousefromthe’deathofthesin’of purifying slavery,
and cleansefromthepollutionsthereof,all withwhom you may be connected. »We maynotbe overwhelmedbythesenseofthissentence but surelywe mustbe by its richrhetoricalmanner.
have that ofthelaborofan effectuallpyerformed portion exposer
of the enormitiesof slavery. Sufficeittosayofthispieceoffinewritingthatthepen-than which therewereothersfarabler-was heldnotbyBoxBrownbutbyCharles Stearnsand thatitcouldhardlybe furtheremovedthanitisfromthe penheldbyFrederickDouglass,thatpenthatcouldhavebeenlaidin thegashesin his feetmade by thecold. At one pointin his narrative Box Brownis made to say (afterdescribinghow his brotherwas turn- ed away froma streamwiththeremark »We do not allow niggersto fish »), »Nothingdaunted,however,by thisrebuffm, ybrotherwent
successfulin his obtain- undertaking,
to another and was place,
quite
inga plentifuslupplyofthefinnytribe. » »It maybe thatBox Brown’s
thanthe of thebox itself)thatremainsin thenarrative. representation
And indeed for everyfact thereare pages of self-conscious,self-
gratifyings,elf-congratulatorpyhilosophizingby CharlesStearns,so thatifthereis any lifehereat all it is thelifeof thatman expressed in his veryown overheatedand foolishprose.12
David Wilsonis a good deal morediscreethanCharlesStearns,and
the relationshipof prefaceto narrativein Twelve Years a Slave is
thereforae deal more butalso more than great questionable, interesting,
intheNarrativeofHenryBox Brown.Wilson’sprefaceis a page and a halflong; Northup’snarrative,witha song at theend and threeor
fourappendices,is threehundredthirtypages long. In the preface Wilsonsays, « Many of thestatementcsontainedin thefollowingpages are corroboratedby abundantevidence-othersrestentirelyupon Solomon’sassertionT.hathehasadheredstrictlytothetrutht,heeditor, at least, who has had an opportunityof detectingany contradiction or discrepancyin his statementsi,s well satisfied.He has invariably repeated the same story without deviating in the slightest particular…. « 13 Now Northup’snarrativeis not only a verylong onebutisfilledwitha vastamountofcircumstantial andhence
detail,
itstrainsa reader’scredulitysomewhatto be toldthathe « invariably
repeatedthesame storywithoutdeviatingin theslightestparticular. » Moreover,sincethestyleofthenarrative(as I shallargueina mo-
authorfeelsthe need to acknowledgeresponsibilityand apologize. Neverthelessp,uttingthisambiguityaside,thereisno doubtaboutwho isresponsibleforwhatinthissentence,which,ifI mightreplacepro- nounswithnames,would read thus: »In theaccomplishmenotf that object,David Wilsontruststhathe [David Wilson]has succeeded,not-
thenumerousfaultsof and of which
withstanding
David Wilsonassumes
style expression[for
it be found thereader responsibility] may by
penetrableboth in syntaxand in the assertiontheyare presumably designedto make. Castingthefirststatementas a passive one (« It is
believed.. . ») and danglinga participlein the second (« Unbias- ed . . . « ), so thatwe cannotknowineithercase towhomthestate- mentshould be attached,Wilson succeeds in obscuringentirelythe authoritybeingclaimedforthenarrative.1I4t would take too much
to the the (one however, space analyze syntax, psychology might, glance
at thefamiliaruse ofNorthup’sgivenname),and thesenseofthese
affirmationsb,ut I would challengeanyone to diagramthe second sentence(« Unbiased . . . « ) withany assuranceat all.
As to thenarrativeto whichtheseprefatorysentencesrefer:When
we get a sentencelike this one describingNorthup’sgoing into a
swamp-« My midnightintrusionhad awakenedthefeatheredtribes
hismannered overthefaithful as receivedfromNor- laying style history
thup’slipsistobefoundinthisdescriptionofa Christmascelebration wherea huge meal was providedby one slaveholderforslaves from surroundingplantations: »Theyseat themselvesat therustictable- themaleson one side,thefemaleson theother.The twobetweenwhom theremayhavebeenan exchangeoftendernessi,nvariablymanageto sitopposite;fortheomnipresenCtupid disdainsnottohurlhisarrows into the simpleheartsof slaves » (p. 215). The entirepassage should be consultedto get the fulleffectof Wilson’s stylisticextravagances whenhepullsthestopsout,butanyreadershouldbe forgivenwho declinestobelievethatthislastclause,withitsreferencteo « thesimple heartsofslaves »and its inverted
self-conscious, syntax(« disdainsnot »), was writtenby someonewho had recentlybeen in slaveryfortwelve
years. »Red, »we aretoldbyWilson’sNorthup, »isdecidedlythefavorite coloramongtheenslaveddamselsofmyacquaintance.Ifa redribbon does notencircletheneck,you willbe certainto findall thehairoftheir wooly heads tiedup withred stringsof one sortor another »(p. 214). In the light of passages like these, David Wilson’s apology for « numerousfaultsof styleand of expression »takes on all sortsof in- terestingnew meaning.The rustictable, the omnipresentCupid, the simpleheartsofslaves,and thewoollyheadsofenslaveddamsels,like thefinnyand featheredtribes,mightcomefromanysentimentanlovel ofthenineteenthcentury-one,say,byHarrietBeecherStowe;and so it comes as no greatsurpriseto read on the dedicationpage the following: »To HarrietBeecherStowe:WhoseName,Throughouthe World,IsIdentifiedwiththeGreatReformT:hisNarrative,Affording AnotherKey to UncleTom’s Cabin, Is RespectfullyDedicated. » While notsurprisingg,iventhestyleofthenarrative,thisdedicationdoes lit- tleto clarifytheauthoritythatwe are asked to discoverin and behind thenarrative,and thededication,like thepervasivestyle,calls into seriousquestionthestatusof Twelve Yearsa Slave as autobiography and/orliterature.15
we findin or as-told-tonarrativesand also in ghostwritten prefaces
suchas thoseby CharlesStearns,Louis AlexisChamerovzow,and LuciusMatlackhimselfC.onsidertheaccountBibbgivesofhiscourt- shipandmarriage.Havingdeterminedbya hundredsignsthatMalin- dalovedhimevenashelovedher-« I couldreaditbyheralwaysgiv- ingme thepreferencoef hercompany;by herpressinginvitationsto visiteven in oppositionto her mother’swill. I could read it in the languageofherbrightand sparklingeye,penciledby theunchangable fingerofnature,thatspakebutcouldnotlie »(pp. 34-35)-Bibb decid- ed to speak and so, as he says, « broachedthe subjectof marriage »:
I said, »I neverwillgivemyheartnorhandtoanygirlinmar-
untilI firstknowhersentiments the sub- riage, upon all-important
jectsof Religionand Liberty.No matterhow well I mightlove her,norhow greatthesacrificein carryingout theseGod-given principles.And I herepledgemyselffromthiscourseneverto be shakenwhilea singlepulsationofmyheartshallcontinueto throbforLiberty. »
WiththisideaMalindaappearedtobewellpleased,andwith a smileshelookedmeinthefaceandsaid, »Ihavelongenter- tained the same views, and this has been one of the greatest reasonswhyI havenotfeltinclinedtoenterthemarriedstatewhile a slave;Ihavealwaysfelta desiretobefree;Ihavelongcherish- ed a hope thatI shouldyetbe free,eitherby purchaseor running away.InregardtothesubjectofReligion,Ihavealwaysfeltthat itwas a good thing,and somethingthatI would seekforat some futureperiod. »
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beentheproductofthepenofLuciusMatlack.Butthecombination ofthesentimentarlhetoricofwhitefictionand whitepreface-writing witha realisticpresentationofthefactsofslavery,all paradingunder the bannerof an authentic-and authenticated-personalnarrative, producessomethingthatis neitherfishnorfowl.A textlikeBibb’sis committedtotwoconventionaflormst,heslavenarrativeandthenovel ofsentimenta,nd caughtbybothitis unableto transcendeither.Nor
Considerone smallbutrecurrenatnd tellingdetailin therelation- shipofwhitesponsorto black narrator.JohnBrown’snarrative,we are toldby Louis AlexisChamerovzow,the »Editor »(actuallyauthor) of Slave Lifein Georgia,is « a plain, unvarnishedtale of real Slave- life »;EdwinScrantom,inhisletter »recommendatoryw, »ritesto Austin Stewardofhis Twenty-TwoYearsa Slave and FortyYearsa Freeman, « Letitsplain,unvarnishedtalebe sentout,and thestoryofSlavery and its abominations,again be told by one who has feltin his own personitsscorpionlash,and theweightofitsgrindingheel »;thepreface writer(« W. M. S. ») forExperienceofa Slave inSouthCarolinacalls it « theunvarnished,but ower truetale of JohnAndrewJackson,the
ofhis »ex-slave, »saysof TheNarrativeofJamesWilliams, »Thefollow- ingpagescontainthesimpleand unvarnishedstoryofan AMERICAN SLAVE »; RobertHurnardtellsus thathe was determinedto receive and transmitSolomon Bayley’sNarrative »in his own simple,unvar- nished style »; and HarrietTubman too is given the « unvarnished » honorifibcySarahBradfordinherprefaceto ScenesintheLifeofHar- rietTubman: »Itisproposedinthislittlebooktogivea plainandun- varnishedaccountofsomescenesandadventureisnthelifeofa woman who, thoughone of earth’slowly ones, and of dark-huedskin,has shownan amountofheroisminhercharacterarelypossessedbythose ofanystationinlife. »Thefactthatthevarnishislaidonverythickly indeedin severalof these(Brown,Jackson,and Williams,forexam-
is but it is not theessential whichis to ple) perhapsinteresting, point,
be foundin therepeateduse of just thisword-« unvarnished »-to describeall thesetales.The OxfordEnglishDictionarywilltellus (which we shouldhave surmisedanyway)thatOthello,anotherfigureof »dark- huedskin »butvastlyheroiccharacterf,irstusedtheword »unvarnish- ed »-« I willa roundunvarnish’dtaledeliver/Of mywholecourseof love »;andthat,atleastsofarastheOED recordgoes,theworddoes notturnup againuntilBurkeuseditin1780,some175yearslater(« This
UncleTom’sCabin sensibility produced
is thereasonfarto seek:the that
was closelyalliedto theabolitionistsensibilitythatsponsoredtheslave narrativesand largelydeterminedthe formthey should take. The master-slaverelationshipmightgo undergroundor itmightbe turned insideout but it was not easily done away with.
Carolinianslave »;JohnGreenleafWhittier, the escaped apparently dupe
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is a true,unvarnished,undisguisedstateoftheaffair »).I doubtthat anyonewould imaginethatwhiteeditors/amanuensehsad an obscure passagefromBurkeinthebackoftheircollectivemind-or deepdown inthatmind-when theyrepeatedlyusedthiswordtocharacterizethe narrativeoftheirex-slaves.No, itwas certainlya Shakespeareanhero theywereunconsciouslyevoking,and notjustany Shakespeareanhero but always Othello, theNoble Moor.
Various narratorsof documents »writtenby himself »apologize for
theirlack of grace or styleor writingability,and again various nar-
rators thattheirsare factual,realistic but say simple, presentations;
nothingexaggeratedn,othingdrawnfromtheimagination…. « 18We can be sure that it is entirelyunconscious,this regularallusion to
Othello,butitsaysmuchaboutthepsychologicarlelationshipofwhite patronto black narratorthattheformershouldinvariablysee thelat- ter not as Hamlet, not as Lear, not as Antony, or any other Shakespeareanhero but always and only as Othello.
When you shall theseunluckydeeds relate,
Speak of themas theyare. Nothingextenuate,
Nor set down aughtin malice. Then mustyou speak Of one thatlov’d not wiselybut too well;
Of one not easily jealous, but, beingwrought, Perplex’din the extreme….
was also a creatureofunreliablecharacterand irrational passion-such,
at least,seemsto havebeenthelogicoftheabolitionistsa’ttitudetoward
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theirex-slavespeakersand narrators-and it was just as well forthe whitesponsorto keep him,ifpossible,on a prettyshortleash. Thus itwas thattheGarrisonians-thoughnotGarrisonhimself-wereop- posed to theidea (and lettheiroppositionbe known)thatDouglass and WilliamWellsBrownshouldsecurethemselveasgainsttheFugitive Slave Law by purchasingtheirfreedomfromex-mastersa;nd because it mightharmtheircause theGarrisoniansattemptedalso to prevent WilliamWellsBrownfromdissolvinghismarriage.The reactionfrom theGarrisoniansand fromGarrisonhimselfwhenDouglass insisted
ongoinghisownwayanyhowwasbothexcessiveandrevealing,sug- gestingthatforthemtheMoor had ceased to be noble whilestill,un-
fortunatelyr,emaininga Moor. My Bondageand My Freedom,Gar-
to thelast and malevolentin the is clear: degree spirit, »20 picture pretty
forGarrison,Douglass had becomeOthellogonewrong,Othellowith all his dark-huedskin,his impulsivenessand passion but none of his nobilityof heroism.
TherelationshiopfsponsortonarratordidnotmuchaffecDtouglass’ ownNarrative:hewas capableofwritinghisstorywithoutaskingthe Garrisoniansl’eave or requiringtheirguidance.ButDouglass was an
manand an writera,nd othernar- extraordinary altogetherexceptional
rativesby ex-slaves,even thoseentirely »Writtenby Himself, »scarce- ly riseabove thelevel of thepreformedi,mposedand acceptedcon- ventional.Of thenarrativesthatCharlesNicholsjudgesto have been writtenwithoutthehelpofan editor-thoseby »FrederickDouglass, WilliamWells Brown,JamesW. C. Pennington,Samuel Ringgold Ward, Austin Steward and perhaps Henry Bibb »21-none but Douglass’ has any genuineappeal in itself,apartfromthetestimony itmightprovideaboutslavery,oranyrealclaimtoliterarymeritA.nd whenwegobeyondthisbarehandfulofnarrativestoconsiderthose writtenunderimmediateabolitionistguidanceand control,we find, as we mightwell expect,even less of individualdistinctionor distinc- tivenessas thenarratorshow themselvesmoreor less contentto re- main slaves to a prescribed,conventional,and imposed form; or
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perhapsitwould be morepreciseto say thattheywerecaptiveto the abolitionistintentionsand so thequestionof theirbeingcontentor
otherwisheardlyenteredin.Justasthetriangularelationshiepmbracing sponsor,audience,and ex-slavemadeofthelattersomethingotherthan an entirelyfreecreatorinthetellingofhislifestory,so also itmade
ofthenarrativperoduced(alwayskeepingtheexceptionaclase inmind) somethingotherthanautobiographyinanyfullsenseand something otherthanliteraturein any reasonableunderstandingof thattermas
an act of creativeimagination.An autobiographyor a piece of im- aginativeliteraturemay of courseobservecertainconventions,but it cannotbe only,merelyconventionalwithoutceasingto be satisfac- toryas eitherautobiographyor literaturea,nd thatis thecase, I should say, withall theslave narrativesexceptthegreatone by Frederick Douglass.
and whilewe mayargue,againstJohnBaylissand GilbertOsofskyand others,thattheyhave no realplace inAmericanLiterature(justas we mightargue,and on thesame grounds,againstEllenMoers thatUncle Tom’sCabinisnota greatAmericannovel),yettheundeniablefact is thattheAfro-American traditiontakesitsstart,in themecer-
literary
tainlybut also oftenin contentand form,fromtheslave narratives.
RichardWright’sBlack Boy, whichmanyreaders(myselfincluded) would take to be his supremeachievementas a creativewriter,pro- videstheperfectcase inpoint,thougha hostofotherscouldbe adduc- ed thatwouldbe nearlyas exemplary(DuBois’ variousautobiographical works;Johnson’sAutobiographyofan Ex-ColouredMan; Baldwin’s autobiographicalfictionand essays; Ellison’sInvisibleMan; Gaines’ AutobiographyofMissJanePittman;MayaAngelou’swritinge;tc.). In effectW, rightlooks back to slave narrativesat thesame timethat he projectsdevelopmentsthatwould occurin Afro-Americanwriting afterBlackBoy(publishedin1945).ThematicallyB,lackBoyreenacts boththegeneral,objectiveportrayaloftherealitiesofslaveryas an institution(transmutedto whatWrightcalls « The EthicsofLivingJim Crow » in thelittlepiece thatlies behindBlack Boy) and also thepar-
ticular,individualcomplexof literacy-identity-freedtohmatwe find at the thematicenterof all of the most importantslave narratives. IncontentandformaswellBlackBoyrepeats,mutatismutandism,uch of thegeneralplan givenearlierin thisessaydescribingthetypicalslave narrativeW:rightl,iketheex-slave,afteramoreorlesschronological, episodicaccountof theconditionsof slavery/JimCrow, includinga
itis differenftromits and ancestors.It is ofmore crucially predecessors
thantrivial that narrativedoes not with insignificance Wright’s begin
« Iwasborn, »norisitundertheguidanceofanyintentionorimpulse otherthanitsown, and whilehis book is largelyepisodicin structure, itis also-precisely by exerciseofsymbolicmemory-« emplotteda »nd
insucha as toconstrue wholesout « configurational » way « significant
and freeto exercisethatcreativememorythatwas peculiarlyhis. On
thepenultimatpeageofBlackBoyWrightsays, »I was leavingtheSouth to flingmyselfintotheunknown,to meetothersituationsthatwould
perhapselicitfromme otherresponses.And ifI could meetenough
ofa different and I learn life,then,perhaps,gradually slowly might
who I was, whatI mightbe. I was notleavingtheSouthto forgethe South,butso thatsomedayI mightunderstandit,mightcometoknow whatitsrigorshaddonetome,toitschildrenI. fledso thatthenumb- nessofmydefensivelivingmightthawout and letmefeelthepain- yearslaterandfaraway-of whatlivingintheSouthhadmeant. »Here Wrightnotonlyexercisesmemorybutalso talksaboutit,reflecting
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on itscreative,therapeuticr,edemptivea,nd liberatingcapacities.In his conclusionWrightharksback to thethemesand theformof the
slavenarrativesa,ndatthesametimeheanticipatesthemeandform in a greatdeal of morerecentAfro-Americanwriting,perhapsmost notablyinInvisibleMan. BlackBoyislikea nexusjoiningslavenar- rativesof thepast to themostfullydevelopedliterarycreationsof the presentt:hroughthepowerofsymbolicmemoryittransformtsheearlier narrativemodeintowhateveryonemustrecognizeas imaginative, creativeliteratureb,othautobiographyand fiction.In theirnarratives we mightsay, theex-slavesdid thatwhich,all unknowinglyon their partandonlywhenjoinedtocapacitiesandpossibilitiesnotavailable to them,led righton to the traditionof Afro-Americanliteratureas we know it now.
theengraveddrawingofa torturemachinereproducedon p. 47 ofA Narrativeof the Adventuresand Escape of Moses Roper, from
AmericanSlavery(Philadelphia:Merrihew& Gunn, 1838); and the « REPRESENTATION OF THE BOX, 3 feet1 inchlong,2 feetwide, 2 feet6 incheshigh, »in whichHenryBox Browntravelledby freight fromRichmondto Philadelphia,reproducedfollowingthetextof the Narrativeof HenryBox Brown,Who Escaped fromSlaveryEnclosed in a Box 3 FeetLong and 2 Wide. Writtenfroma Statementof Facts Made by Himself.WithRemarksupon theRemedyforSlavery.By CharlesSteams. (Boston: Brown& Stearns,1849). The verytitleof Box Brown’sNarrativedemonstratesomethingof themixedmode of slavenarrativesO.nthequestionofthetextofBrown’snarrativesee also notes4 and 12 below.
3 Douglass’NarrativedivergesfromthemasterplanonE4(hewas himselftheslave who refusedto be whipped),E8 (slave auctionshap- penednottofallwithinhisexperienceb,uthedoestalkofthesepara- tionof mothersand childrenand thesystematicdestructionof slave families),and E10 (he refusesto tellhow he escaped because to do so would close one escape routeto thosestillin slavery;in theLifeand TimesofFrederickDouglass he revealsthathis escape was different fromtheconventionalone). Forthepurposesofthepresentessay-
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and also, I think,in general-the Narrativeof 1845 is a much more
and a betterbook than twolater
interesting Douglass’ autobiographical
texts:My Bondage and My Freedom(1855) and Lifeand Timesof
FrederickDouglass (1881). These lattertwo are diffuseproductions
(Bondage and Freedomis threeto fourtimeslongerthanNarrative,
of RichardWright’sautobiographypublishedas AmericanHunger (orginallyconceivedas partofthesametextas BlackBoy).
4 This is true of the version labelled « firstEnglish edition »-
NarrativeoftheLifeofHenryBox Brown,WrittenbyHimself(Man- chesterL:ee&Glynn,1851)-butnotoftheearlierAmericanedition- NarrativeofHenryBox Brown,Who EscapedfromSlaveryEnclosed ina Box3 FeetLongand2 Wide.Writtenfroma StatementofFacts Made by Himself.WithRemarksupon theRemedyforSlavery.By
CharlesSteams. (Boston:Brown& Stearns,1849). On thebeginning of theAmericaneditionsee thediscussionlaterin thisessay, and on therelationshipbetweenthetwo textsof Brown’snarrativesee note 12 below.
5 Douglass’ Narrative begins this way. Neither Bondage and FreedomnorLifeand Timesstartswiththeexistentiaalssertion.This
is one thing,thoughby no meanstheonlyor themostimportantone,
thirtysuchinthecollectionofBenjaminDrewpublishedas TheRefugee: A North-SideViewofSlavery.I havenottriedtomultiplytheinstances by citingminorexamples;thoselistedin thetextincludethemostim- portantofthenarratives-Roper,Bibb,W. W. Brown,Douglass, Thompson, Ward, Pennington,Steward, Clarke, the Crafts-even JamesWilliams,thoughitisgenerallyagreedthathisnarrativiesa fraud perpetratedon an unwittingamanuensis,JohnGreenleafWhittierI.n additionto thoselistedin thetext,thereare a numberof othernar- rativesthatbeginwithonlyslightvariationson theformulaictag-
that with »I was born »;thereare,for or begin example,twenty-five
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drew was Elizabeth lifehas beenan event- Jackson, born »; Keckley: »My
fulone. I was born »; Thomas L. Johnson: »Accordingto information
receivedfrommymotheri,fthereckoningis correctI, was born… «
more thantheseis thevariation Solomon Perhaps interesting playedby
Northup,who was born a freeman in New York State and was kid- nappedand sentintoslaveryfortwelveyears;thushe commencesnot with »I was born »butwith »Havingbeenborna freeman »-as itwere theparticipialcontingencythatendowshisnarrativewitha special poignancyand a markeddifferencferomothernarratives.
Thereis a niceand ironicturnon the »I was born »insistencein the
by HenryBibb, changingonly thename in theformulaand inserting « Adventures,p »resumablyto attractspectacle-lovinrgeaders:Narrative oftheLifeand AdventuresofHenryBibb,An AmericanSlave, Writ-
tenby Himself.Douglass’ Narrativewas publishedin 1845, Bibb’s in 1849.I suspectthatBibbderivedhistitledirectlyfromDouglass. That ex-slaveswritingtheirnarrativeswereaware ofearlierproductionsby fellowex-slaves(and thuswereimpelledto samenessin narrativeby outrightimitationas well as by theconditionsof narrationadduced inthetextabove) ismadeclearintheprefaceto TheLifeofJohnThomp- son,A FugitiveSlave; ContainingHis Historyof25 YearsinBondage, andHisProvidentialEscape.WrittenbyHimself(WorcesterP:ublish- edbyJohnThompson,1856),p. v: « Itwas suggestedtomeabouttwo yearssince,afterrelatingto manythemainfactsrelativeto mybon- dage and escape to theland of freedom,thatit would be a desirable thingtoputthesefactsintopermanentform.I firstsoughttodiscover whathadbeensaidbyotherpartnersinbondageonce,butinfreedom now…. » Withthisforewarningthereadershouldnotbe surprised to discoverthatThompson’snarrativefollowstheconventionsof the formverycloselyindeed.
8 However much Douglass changed his narrativein successive incarnations-theopeningparagraph,forexample,underwentcon- siderabletransformation-hcehose to retainthissentenceintact.It oc- curson p. 52 oftheNarrativeoftheLifeofFrederickDouglass . . . ed. BenjaminQuarles (Cambridge,Mass., 1960); on p. 132 ofMy Bon-
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dageandMyFreedom,intro.PhilipS. Foner(NewYork,1969);and on p. 72 ofLifeand TimesofFrederickDouglass, intro.RayfordW.
Logan (New York, 1962).
9 For convenienceI have adopted thislistfromJohnF. Bayliss’in-
troductiontoBlackSlaveNarratives(NewYork,1970),p. 18.Aswill be apparent,however,I do notagreewiththepointBaylisswishesto
make withhis list. Having quoted fromMarion Wilson Starling’sun- publisheddissertation, »The Black Slave Narrative:Its Place in AmericanLiteraryHistory, »to theeffecthattheslave narrativese,x- cept those fromEquiano and Douglass, are not generallyvery distinguishedasliteratureB,aylisscontinues: »Starlingisbeingunfair heresincethenarrativesdo showa diversityofinterestinsgtyles… Theleadingnarratives,uchas thoseofDouglass,WilliamWellsBrown, Ball,Bibb,Henson,Northup,Penningtona,nd Roperdeservetobe con- sideredfora in American a the
place literature, place beyond historical. »Since Ball’s narrativewas writtenby one « Mr. Fisher »and
Northup’sbyDavid Wilson,andsinceHenson’snarrativsehowsa good
toincludethemamongthoseslavenarrativesaidtoshowthegreatest literarydistinctionT.o putitanotherway,itwouldbeneithersurpris- ingnorspeciallymeritoriouisfMr. Fisher(a whiteman),David Wilson (a whiteman),andJosiahHenson(TheOriginalUncleTom)wereto display »a diversityofinterestinsgtyles »whentheirnarrativesareput alongsidethoseby Douglass, W. W. Brown,Bibb, Penningtona,nd
Butthe fact,as I shall in thetext,is that Roper. reallyinteresting argue
theydo not show a diversityof interestinsgtyles.
10Here we discoveranotherminorbut revealingdetailof thecon-
agree,is that »TheautobiographieosfFrederickDouglass,HenryBibb,
and SolomonNorthupfuseimaginativestylewithkeennessofinsight.
They are penetratingand self-criticasl,uperiorautobiographyby any standards »(p. 10).
15 To anticipateone possibleobjection,I would arguethatthecase is essentiallydifferenwtithTheAutobiographyofMalcolmX, written
byAlexHaley. To putitsimply,thereweremanythingsincommon between Haley and Malcolm X; between white ama- nuenses/editors/authoransdex-slaves,ontheotherhand,almost nothingwas shared.
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16 Narrative of the Life and Adventures of Henry Bibb, An AmericanSlave, WrittenbyHimself.Withan IntroductionbyLucius C. Matlack (New York: Publishedby the Author; 5 Spruce Street, 1849), p. i. Page citationsin the textare fromthisfirstedition.
133 of two naked slaves on whom some infernal is be- p. punishment
ingpractisedsaysmuchabout(inMatlack’sphrase)thereader’sfeverish thirstforgushingbeautifulfountains »startedfrombeneaththerod of violence. »
17 Or 1852, thedate of Uncle Tom’s Cabin. HarrietBeecherStowe recognizeda kindrednovelisticspiritwhenshereadone (justas David Wilson/SolomonNorthupdid). In 1851,whenshewas writingUncle Tom’s Cabin, Stowe wroteto FrederickDouglass sayingthatshe was seekinginformationabout lifeon a cottonplantationforhernovel: « I have beforeme an able paper writtenby a southernplanterin which thedetails& modusoperandiaregivenfromhispointofsight-I am anxioustohavesomemorefromanotherstandpoint-Iwishtobe able tomakea picturethatshallbegraphic& truetonatureinitsdetails- Such a personas HenryBibb, ifin thiscountry,mightgive me just thekindofinformationI desire. »Thisletteris datedJuly9, 1851and has been transcribedfroma photographicopy reproducedin Ellen Moers, HarrietBeecherStowe and AmericanLiterature(Hartford, Conn.: Stowe-DayFoundation,1978),p. 14.
18 Sincewritingtheabove, I discoverthatinhisLifeand Times
A contemporaryreviewerofTheInterestingNarrativeoftheLife of Olaudah Equiano, or Gustavus Vassa, theAfricanwrote,in The GeneralMagazineandImpartialReview(July1789), »Thisis’a round unvarnishedtale’ofthechequeredadventuresofan African …. « (see
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appendixto vol. I of The Lifeof Olaudah Equiano, ed. Paul Edwards [London: Dawsons of Pall Mall, 1969].
University1,948), « A Studyof theSlave Narrative, »p. 9. 22BlackBoy:A RecordofChildhoodandYouth(NewYork,1966),
p. 282.
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That, the integrity of the piece and of the world it creates, of its internal logics and rules, is what matters. My hope was always that as genre gestures got more integrated into mainstream literature and television and film, the overreliance on realism-based critiques would fade. Instead, it’s intensified and is becoming a major mode of critical discourse. It’s sad, really. There’re so many more riches to be discovered in fiction if we could just let ourselves see them and not be so afraid that it might take us somewhere new.
Les ouvriers bien rémunérés ont plus de loisirs, et ces loisirs deviennent des besoins. Ces désirs de loisirs vont bientôt devenir des besoins. Bien gérée, une entreprise paie des salaires élevés et vend à bas prix. Ses ouvriers ont le loisir de profiter de la vie et ont les moyens pour financer cette jouissance. L’industrie de ce pays ne pourra exister longtemps si nombre d’entreprises reviennent à la journée de dix heures de travail, car alors les gens n’auront plus de temps pour consommer les biens produits. Par exemple, le travailleur devrait avoir accès à l’automobile pour aller faire du shopping de l’aube jusqu’au crépuscule. Et cela aura des conséquences innombrables, pour l’automobile, en permettant aux gens de se déplacer rapidement et facilement, on leur donne une chance de découvrir ce qui se passe dans le monde – ce qui les conduit à une vie plus riche qui nécessite plus de nourriture, plus et de meilleurs produits, plus de livres, plus de musique – plus de tout. (…) Il est grand temps de nous débarrasser de l’idée que les loisirs pour les ouvriers sont soit “du temps perdu”, soit un privilège de classe. (…) c’est l’influence des loisirs sur la consommation qui rend si nécessaire la journée de travail courte et la semaine courte. Les personnes qui consomment la majeure partie des marchandises sont les gens qui les fabriquent. C’est un fait que nous ne devons jamais oublier. Et qui est le secret de notre prospérité. La valeur économique des loisirs n’a pas trouvé sa place dans la pensée des dirigeants industriels à une grande échelle. Alors que la vieille idée de ”temps perdu” nous a quittés, et qu’on ne croit plus que la réduction de la journée de travail de douze heures à huit heures diminue la production, la valeur positive industrielle – la valeur des dollars et des centimes – issue des loisirs, n’est toujours pas comprise. (…) nous devons prendre en considération (…) la valeur industrielle positive du temps libre, car elle augmente la consommation. Lorsque les gens travaillent plus longtemps et ont moins de loisirs, ils achètent donc moins de marchandises. Aucune de nos villes n’était aussi pauvre que celles de l’Angleterre où les gens, jusqu’aux enfants, travaillaient de quinze à seize heures par jour. Ils étaient pauvres parce que ces gens, surchargés de travail, étaient rapidement usés – ils ont eu de moins en moins de valeur en tant que travailleurs. C’est pourquoi, ils ont gagné de moins en moins et pouvaient acheter de moins en moins. Les affaires sont pour nous des échanges de marchandises. Les marchandises sont achetées uniquement quand elles répondent aux besoins. Ces besoins ne sont remplis que lorsqu’ils se font sentir. Ils se font principalement sentir durant les heures de loisir. L’homme qui a travaillé de quinze à seize heures par jour ne souhaite seulement qu’un coin où être à l’abri et un peu de nourriture. Il n’a pas le temps de cultiver de nouveaux besoins. Aucune industrie ne pourrait jamais être mise en place pour combler ses besoins, parce qu’il n’y en a aucun, sauf les plus primitifs. Pensez à la façon dont les affaires sont restreintes en ces terres où hommes et les femmes travaillent encore tous les deux toute la journée! Ils n’ont pas le temps de laisser les besoins de leurs vies se faire sentir. Ils n’ont pas de loisirs à acheter. Ils ne se développent pas. Quand, dans l’industrie américaine, les femmes ont été libérées de la nécessité du travail en usine et sont devenues les acheteurs pour la famille, les entreprises ont commencé à se développer. La femme américaine, en tant qu’agent d’achat des ménages, possède à la fois des loisirs et de l’argent, et les premiers sont tout simplement aussi importants que le second dans le développement de l’entreprise américaine. Les personnes ayant une semaine de cinq jours consommeront davantage de biens que les personnes ayant une semaine de six jours. Les gens qui ont plus de loisirs doivent avoir plus de vêtements. Ils doivent avoir une plus grande variété de nourriture. Ils doivent disposer de plus d’installations de transport. Ils doivent naturellement avoir plus de services de toutes sortes. Cette augmentation de la consommation exigera une plus grande production que celle dont nous disposons maintenant. Au lieu d’entreprises tournant au ralenti parce que les gens sont “hors travail”, elles seront en augmentation, parce que les gens consomment plus durant leurs loisirs que pendant leur temps de travail. Cela va conduire à plus de travail. Et cela pour plus de profits. Et cela pour des salaires plus élevés. Le résultat de plus de loisirs sera l’exact opposé de ce que la plupart des gens pourraient le supposer.Henry Ford (1926)
La révolution agricole et industrielle a fait disparaître les chevaux. La révolution numérique et l’ère de l’information feront-elles disparaître les conducteurs ?Albert Wenger (Union Square Ventures)
L’automatisation commence à détruire l’emploi, comme si la vieille peur du XIXe siècle devenait la réalité. A l’époque, il y avait cette inquiétude énorme que l’emploi des gens ordinaires était menacé par le progrès des machines. Quand les voitures ont remplacé les chevaux, les gens pensaient que cela devenait tellement facile de conduire qu’il n’y aurait plus de raison de payer pour le transport. Tous ceux qui travaillaient avec les chevaux allaient perdre leur emploi. Mais les syndicats étaient encore puissants. Ils ont imposé l’idée qu’il est normal de payer quelqu’un, même si le travail est moins pénible et qu’il est plus facile de conduire un taxi que de s’occuper de chevaux. Avec l’Internet, les choses deviennent tellement faciles que les gens rejettent cet arrangement payant. C’est une erreur. Cela a commencé avec Google, qui a dit : on vous donne un moteur de recherche gratuit ; en contrepartie, votre musique, vos photos, vos articles vont aussi être gratuits. Avec l’idée d’un équilibre : vous avez moins de revenus mais vous avez accès à des services gratuits. Mais ce n’est pas équilibré. Bientôt, les consommateurs vont accéder aux produits grâce aux imprimantes 3D. Graduellement, les choses physiques deviennent contrôlées par les logiciels, et tout devient gratuit. (…) L’objectif, au début de l’Internet, était que l’on donne du pouvoir à tout le monde parce que tout le monde aurait accès à l’information. En fait, Google, et tous ceux qui collectent les informations au sujet des autres parce qu’ils offrent ces services gratuits, deviennent de plus en plus puissants. Plus leurs ordinateurs sont gros, plus ils sont puissants. Même si vous regardez la même information que Google, Google en retire beaucoup plus de pouvoir que vous. L’autre remarque à faire est que, dès que quelqu’un prétend avoir une technologie qui peut remplacer les gens, c’est faux. Exemple : la traduction automatique. Vous pouvez prendre un document en anglais, l’entrer dans un ordinateur et le ressortir en français. Cela ne sera pas du bon français, mais quelque chose va ressortir. (…) les sociétés qui font de la traduction automatique collectent des millions d’exemples de documents qui ont été traduits par des vraies personnes. Ils repèrent des morceaux de phrases qui sont semblables à ceux de votre document, les traduisent paquet par paquet et assemblent le puzzle. Cela ressemble à un cerveau électronique gigantesque mais, en fait, il s’agit du travail de tonnes de gens qui ne sont pas payés et ne savent même pas qu’ils sont utilisés. Pour chaque nouvelle technologie qui prétend remplacer l’humain, il y a en réalité des gens derrière le rideau. Il faut garder trace de ceux qui fournissent un vrai travail et leur permettre d’être indemnisés. L’automatisation dépend systématiquement des informations produites par un nombre élevé de gens, ce qu’on appelle le « Big Data ». Ces données ne viennent pas des anges ou de phénomènes surnaturels : elles viennent des hommes ! Si on les payait pour ces données, on pourrait soutenir l’emploi. (…) les sociétés qui possèdent les puissants ordinateurs créent des modèles de chacun d’entre nous. Google a un modèle de vous. De même que l’Agence nationale de la sécurité américaine (NSA), Facebook, et même certaines organisations criminelles. Elles collectent des données sur vous et les utilisent pour faire des projections. Le but est de modifier les comportements.(…) les manipulations sont infimes. Cela peut être trouver le moyen de vous faire accepter un prêt qui n’est peut-être pas aussi intéressant qu’un autre. Ou comment vous inciter à faire tel ou tel achat. C’est un système froid, fondé seulement sur les statistiques. Il travaille très lentement. Mais, sur la durée, cela fait beaucoup d’argent. C’est comme cela que Google est devenu si riche : les gens qui paient Google peuvent obtenir une toute petite modification du modèle de comportement. C’est un système géant de modification comportementale. Un système différent du modèle traditionnel de publicité, qui a toujours été une forme de rhétorique, de persuasion, de style. Ici, il n’y a aucune créativité. C’est une forme de manipulation sans esthétique, mais très graduelle et très fiable, parce que ce sont juste des statistiques. Il s’agit aussi de manipuler le type d’informations que vous recevez. Si vous allez sur la Toile, vous ne voyez plus les mêmes informations qu’un autre : celles que vous voyez sont organisées spécifiquement pour vous par ces algorithmes. C’est un monde où tout est ouvert et où, en même temps, la plupart de ce que les gens voient est manipulé. Les gens qui manipulent ont des ordinateurs bien plus puissants que la plupart d’entre nous. (…) Le problème n’est pas qui a accès à l’information, mais qui fait quoi avec cette information. Si certains ont des ordinateurs beaucoup plus puissants, cela ne peut pas créer une société équitable. Au lieu d’essayer de plaider pour la transparence et le respect de la vie privée, nous devrions nous préoccuper de ce qui est fait avec les données accumulées. Nous vivons à une époque où il y a deux tendances contradictoires. D’un côté, tout le monde dit : n’est-ce pas formidable, cette décentralisation du pouvoir, grâce à Twitter, etc. De l’autre, la richesse est de plus en plus centralisée. Comment est-il possible que le pouvoir soit décentralisé et la richesse de plus en plus centralisée ? En fait, le pouvoir qui est décentralisé est un faux. Quand vous tweetez, vous donnez de vraies informations aux gros ordinateurs qui traquent vos mouvements. (…) je préconise un système universel de micropaiement. Les gens toucheraient une rémunération – fût-elle minime – pour l’information qui n’existerait pas s’ils n’existaient pas. Cette idée circulait déjà dans les années 1960, avant même que l’Internet soit inventé. C’est juste un retour aux origines. Si on arrivait à savoir combien les entreprises sont prêtes à payer pour avoir des informations, cela serait utile… Les gens pensent que le montant serait infime. Mais si on regarde en détail, c’est faux. Les données concernant M. Tout-le-Monde ont beaucoup de valeur. Cela serait un soutien économique puissant pour la nouvelle classe moyenne. Chaque donnée individuelle aurait une valeur différente. Certaines seraient plus cotées parce qu’elles sortent de l’ordinaire. (…) il faut regarder les résultats dans le monde réel. J’avais pensé que l’âge de l’Internet permettrait une augmentation fantastique de la richesse et des opportunités. A la place, on voit une concentration intense des richesses. C’est un phénomène mondial. Si la technologie concentre les richesses, elle va devenir l’ennemi de la démocratie, peu importe le nombre de tweets. Je refuse l’autosatisfaction quand je vois tous ces gens ordinaires qui perdent pied alors que leur situation ne devrait que s’améliorer grâce aux progrès technologiques. Jaron Lanier
Pourquoi la stagnation des salaires des classes moyennes fait du mal à l’économie ? Parce que les gens des classes moyennes dont les salaires sont stagnants sont les plus gros dépensiers de l’économie mondiale. Et quand ils n’ont pas d’argent à dépenser, leur manque de dépenses fait mal non seulement à eux mais à toutes les entreprises qui dépendent d’eux pour leurs recettes. Autrement dit, les dépenses d’une entreprise (salaires) sont les revenus d’une autre. Ainsi, collectivement, lorsque les entreprises réduisent les salaires, elles réduisent aussi leur propre croissance de revenus futurs. À l’heure actuelle, les entreprises sont tellement concentrées sur la réduction des salaires — en payant leurs employés aussi peu que possible et en les remplaçant par la technologie dans la mesure du possible — que les salaires en proportion de l’économie sont désormais s’approchent de leur plus bas niveau. Et cette faiblesse des salaires est la grande raison pour laquelle la demande est si faible dans l’économie. Eric Schmidt
Si nous ne voulons pas devenir demain une nation de caristes et de manutentionnaires pour les géants du Net, il est urgent de réagir. (…) « Les géants américains du Net opèrent tous de la même façon. Facebook offre le système de reconnaissance faciale le plus abouti au monde à faire pâlir d’envie les services de renseignements américains. Et Google pousse son avantage pour organiser le commerce du monde en avançant masqué. Pascal Perri
La mondialisation a dévasté nos classes populaires, l’internet va dévorer nos classes moyennes. Pierre Bellanger
L’ordinatisation des métiers va à la fois toucher les métiers «simples» et «complexes», ce sont les métiers qui allient travail manuel et réflexion qui seront plus difficilement remplaçables. (…) Nous sommes évidemment à un stade avancé! Aux alentours de l’an 2000 s’est opéré un basculement où les machines ont effectivement pu être en mesure de mieux faire le travail que les hommes…. Et depuis, cela va très vite. Les ordinateurs s’imposent peu à peu, sans que nous ne nous en rendons forcément compte. Dans 5 à 10 ans maximum, nous ne pourrons plus nier cette mutation, et la domination des machines. Pour le moment, nous ne voulons pas admettre que nous sommes remplaçables. Et plus notre métier est prestigieux, plus l’on gagne de l’argent, et plus l’on a l’impression d’être irremplaçable! (…) Le métier de trader, par exemple! Pour l’assister dans ses tâches, le trader dispose de logiciels qui peuvent effectuer plus de 2000 opérations à la seconde… Il pourrait aussi faire ces opérations lui-même , mais beaucoup plus lentement. Aujourd’hui, le rôle du trader se limite donc à superviser ses machines, et ne comporte plus aucune part d’intuition, comme c’était le cas il y a quelques années… (…) Travailler moins. L’emploi et le travail sont voués à disparaître. Des questions essentielles se poseront alors: comment donner un revenu aux gens qui ne soit pas lié au travail? Comment occuper les gens? Au XIXe siècle déjà un philosophe émettait l’hypothèse suivante: si l’homme est un jour remplacé par une machine, alors il devrait avoir droit à la moitié des gains engendrés par la machine qui l’a remplacé. C’est un schéma auquel nous pouvons aujourd’hui penser. (…) La domination de la machine est impossible à éviter… Aujourd’hui, la seule chose qui manque aux logiciels et aux programmes informatiques est un facteur essentiel pour remplacer l’humain: il s’agit de l’émotion et de l’affect. Mais ce «manque» sera résolu dans 5 ans maximum.Paul Jorion
« L’automatisation peut faire disparaître des emplois. Mais quand elle rend l’entreprise compétitive et quand l’écoulement des produits est boosté par le processus d’automatisation, la production augmente. Ce qui peut plus que compenser les emplois qui ont été supprimés à l’origine», explique Norbert Irsch, économiste en chef de la banque d’Etat allemande KfW, qui publie chaque année une étude sur le lien entre innovation et emploi. Les petites et moyennes entreprises qui innovent créent donc plus d’emplois que celles qui s’intéressent moins à la recherche et au progrès. Forte de 230.000 emplois, l’industrie de l’automatisation allemande a vu son rôle changer au cours des dernières décennies, explique le Welt. Dans les années 1970, les robots ont d’abord pris la place des emplois manuels, ce qui a enfoncé leur réputation de tueurs de jobs. « L’automatisation est depuis longtemps une machine à jobs. Elle crée de nouvelles industries et pousse les anciennes à rester en Allemagne», explique Gunther Kegel, patron de l’entreprise Pepperl+Fuchs Allemagne, spécialisée dans le matériel de sécurité. Sans elle, l’industrie des semi-conducteurs, qui concerne la fabrication d’ordinateurs, de radios et de téléviseurs, n’existerait pas. Pas un seul des 1.000 éléments qui composent un iPad ne peut par exemple être soudé à la main. Même dans le domaine des économies d’énergie, l’automatisation joue également un rôle de taille. Elle permet de réduire jusqu’à 25% des coûts énergétiques, selon une étude publiée par la ZVEI, la fédération de l’industrie électronique et électrotechnique.Slate
Dans les années 2000, plusieurs grandes d’entreprises de la Silicon Valley se sont entendues pour ne pas démarcher leurs salariés en vue de les recruter, afin de ne pas faire monter les prix des salaires. Les preuves révélées par la justice américaines accablent en particulier Steve Jobs, l’ancien patron d’Apple, et le président de Google, Eric Schmidt. Numerama
Privé de tout mandat opérationnel, le président de Google, qui se contente désormais d’assurer les relations publiques à haut niveau du moteur de recherche, vient d’empocher 106 millions de dollars de gratifications au titre de l’année 2013. Une manne liée plus à son intéressement aux résultats, exceptionnels l’an dernier, qu’à ses mérites propres, et qui va grossir une fortune estimée à 8 milliards de dollars ! Qui plus est, le milliardaire Schmidt est un riche exhibitionniste. Il s’est acheté deux yachts, l’un à 12 et l’autre à 14 millions de dollars, en plus de son jet personnel, un Gulfstream à 20 millions. Il collectionne les demeures les plus luxueuses, ce qui ne l’a pas empêché de débourser 22 autres millions pour s’offrir la maison paradisiaque de la veuve de Gregory Peck à Los Angeles. Son penthouse à New York est si bluffant qu’il a fourni le décor de l’appartement de Gordon Gekko dans la suite de « Wall Street », le film d’Oliver Stone.Les Echos
Attention: un baron voleur peut en cacher un autre !
Alors qu’emportés par leur course à l’innovation technologique et à la robotisation toujours plus destructrice d’emplois, les nouveaux barons voleurs du numérique commencent, 88 ans après Henry Ford et à l’instar de l’ancien patron de Google prêt à toutes les ententes pour conserver ses yachts, jet personnel et autres petits palais, à se rendre compte qu’ils sont en train de scier la branche sur laquelle ils sont assis …
Pendant qu’après les rémunérations, le temps de travail et les excès de communication, l’on redécouvre au détour d’un énième rapport de la Cour des comptes que l’entreprise nationale de chemins de fer en déficit perpétuel dépense entre 50 et 100 millions annuels pour assurer le transport gratuit ou quasi-gratuit de plus d’un million d’ayant droits entre retraités, concubins et pacsés, enfants, parents, grands-parents et arrière-grands-parents, enfants étudiants jusqu’à 28 ans, enfants à charge ou handicapés à vie sans compter les quelque 3360 médecins à temps complet ou partiel et leurs familles ainsi que certaines personnalités n’ayant aucun rapport avec l’entreprise pour seulement 15% de cheminots en activité …
Et qu’un député socialiste admiratif décrit par le menu le gigantesque jeu de rôle auquel se réduit la dernière trouvaille de ce qui tient lieu de gouvernement à la cinquième puissance commerciale du monde, à savoir un plan de 50 milliards d’économies supplémentaires dont personne, et à commencer par son principal instigateur, ne croit réellement à la possiblité de réalisation …
Comment ne pas voir l’étrange convergence de deux modèles de société apparemment diamètralement opposés où …
Entre la réduction des revenus de ses employés-clients entrainant la réduction de ses propres revenus …
Et la garantie de l’emploi à vie et l’augmentation toujours plus grande des avantages générant toujours plus de dépenses et de charges pour ses employés-contribuables …
L’on aboutit, jusqu’à la prochaine crise, à la même confiscation toujours plus grande des revenus des uns par les autres ?
Eric Schmidt a profité du Forum économique de Davos pour mettre en garde les leaders économiques du monde entier sur l’asphyxie générée par la rigueur salariale. Il souhaite que l’économie soit relancée par l’augmentation du pouvoir d’achat dans les classes moyennes.
Les entreprises et les gouvernements ont-ils tiré trop fort sur la corde des salaires, en étant tellement préoccupés par la recherche des bénéfices et de la capacité d’investissement qu’ils n’ont pas vu qu’ils en asphyxiaient l’économie tout entière ? C’est l’hypothèse qu’aurait soutenue le président de Google Eric Schmidt lors d’une déclaration au forum économique de Davos, rapportée par Business Insider.
Reprenant au moins pour partie la logique keynésiasiste de l’économie, qui était passée de mode, Eric Schmidt aurait mis en garde les acteurs de l’économie libérale sur la stagnation voire la baisse des niveaux de rémunération de la classe moyenne, qui se révèle contre-productive pour l’ensemble de la chaîne économique, et pour Google. Pour lui, ce serait même l’une des principales causes du ralentissement global de la croissance, et de la durée particulièrement longue de la crise.
En effet, les salaires sont l’oxygène de l’économie. Ce sont eux qui permettent aux employés d’acheter les produits qui permettent aux entreprises d’en créer de nouveaux et donc de recruter les employés qui devront concevoir, fabriquer, transporter et vendre ces produits. Or si les salaires stagnent, il n’y a aucune raison que la croissance reparte.
Concrètement pour Google, ça ne sert à rien d’avoir un modèle économique basé sur la publicité, si les clients visés par les annonceurs n’ont pas les moyens de s’offrir les produits et services vantés par les publicités.
Dans son rapport mondial sur les salaires 2012/2013, l’Organisation Mondiale du Travail (OIT) pointait aussi du doigt le rétrécissement de « la part des salariés dans le revenu national », et l’impact sur l’économie.
« Dans 16 économies développées, la part moyenne du travail est tombée de 75% du revenu national au milieu des années 1970 à 65% dans les années qui ont précédé la crise. Elle a ensuite quelque peu rebondi pour décliner à nouveau après 2009 », constatait l’OIT :
La relance de l’économie par la hausse des salaires semble ainsi d’une logique implacable, mais c’est admettre que les entreprises doivent au moins temporairement rogner sur leurs marges bénéficiaires pour moins rémunérer les actionnaires, et mieux rémunérer les salariés. Ou c’est au minimum augmenter les investissements, donc là aussi rogner sur les dividendes, pour injecter de nouveaux consommateurs sur le marché par l’embauche d’actuels chômeurs.
Malgré tout conscients du problème, les représentants des entreprises veulent surtout actuellement que les salaires puissent augmenter par la baisse du coût du travail, hors salaire net. C’est, au moins en France, tout l’objet du débat sur la baisse des charges salariales et patronales, qui doit permettre d’augmenter le pouvoir d’achat des employés ou la capacité d’investissement sans altérer la marge des entreprises. Mais c’est aussi alors, sauf à considérer qu’une optimisation des coûts soit possible, sacrifier une part des prestations sociales, et faire qu’une partie du pouvoir d’achat soit consacrée au rachat de ces prestations dans le secteur privé. Ce qui pose alors d’autres problèmes d’inégalité d’accès aux prestations.
« Réduire les coûts du travail pour stimuler la compétitivité sur le marché de l’export semble être une option de plus en plus séduisante pour les pays frappés par la crise, mais rien ne garantit que cela évite la stagnation économique ou le déficit actuel de la balance des transactions courantes », prévenait l’OIT dans son rapport.
Dans les années 2000, plusieurs grandes d’entreprises de la Silicon Valley se sont entendues pour ne pas démarcher leurs salariés en vue de les recruter, afin de ne pas faire monter les prix des salaires. Les preuves révélées par la justice américaines accablent en particulier Steve Jobs, l’ancien patron d’Apple, et le président de Google, Eric Schmidt.
Guillaume Champeau
Numerama
27 Janvier 2014
L’affaire remonte à 2005, mais elle prend une sonorité particulière huit ans plus tard, au moment où Eric Schmidt se rend à Davos pour expliquer qu’il faut relancer la croissance par la hausse des salaires dans les classes moyennes.
La semaine dernière, la juge Lucy Koh a ordonné la déclassification partielle de pièces à conviction dans l’enquête menée depuis 2010 par le Département de la Justice (DoJ) américain, relative à une entente sur les salaires entre sept géants de la Silicon Valley : Google, Apple, Intel, Adobe, Intuit, LucasFilm et Pixar. Elles montrent qu’effectivement, plusieurs grands dirigeants d’entreprises technologiques américaines s’étaient mises d’accord dans les années 2000 pour ne pas recruter les ingénieurs des sociétés concurrentes, afin de ne pas provoquer une mise aux enchères chez les employés tentés de partir négocier meilleur salaire ailleurs.
Les documents mis en ligne par Techcrunch accablent en particulier Steve Jobs, dont l’entreprise apparaît centrale dans l’organisation de l’entente illicite. Le fondateur d’Apple, décédé en 2011, semble même avoir usé de menaces pour parvenir à ses fins et recruté de gré ou de force de nouveaux conspirateurs.
Ainsi le 24 août 2007, l’ancien PDG de Palm Edward Colligan avait refusé de faire partie de la conspiration, et l’avait fait savoir dans un courriel à Steve Jobs. « Votre proposition selon laquelle nous acceptons qu’aucune des deux entreprises ne recrute les employés de l’autre, quelles que soient les volontés de l’individu, est non seulement mauvaise, mais aussi illégale », avait-il prévenu. Lors de son témoignage au tribunal, Colligan a affirmé que Steve Jobs avait menacé Palm de faire crouler le fabricant de tablettes et smartphones sous les procès en contrefaçon de brevets s’il n’acceptait pas se joindre à l’accord, ce que Palm aurait refusé. Depuis, Palm a été racheté par HP… pour exploiter ses brevets.
Un « Gentleman’s Agreement »
Entre autres éléments compromettants, les documents judiciaires montrent un extrait de courrier électronique daté 28 mai 2005, dans lequel le PDG d’Adobe Bruce Chizen écrit à Steve Jobs en citant un message de sa directrice des ressources humaines : « Bruce et Steve Jobs ont un accord selon lequel nous ne démarchons AUCUN employé d’Apple, et vice versa…. Merci de vous assurer que tous vos recruteurs à travers le monde sachent que nous ne démarchons aucun employé d’Apple. Je sais que Jerry en démarche un actuellement, donc il faudra qu’il fasse marche arrière ».
L’accord était essentiellement tacite, avec la volonté de ne pas laisser de traces écrites. Souvent, il est désigné sous le terme « Gentleman’s agreement », sans plus de précisions. Selon RT, le président de Google Eric Schmidt aurait demandé à sa directrice opérationnelle Shona Brown de ne mentionner l’accord que « verbalement, parce que je ne veux pas créer de traces écrites qui pourraient nous valoir un procès après ».
Les documents judiciaires font aussi remarquer que souvent, les présidents des sociétés concernées siègent dans les conseils d’administration des autres. Par exemple, Eric Schmidt était administrateur d’Apple, et Steve Jobs de Pixar, tandis que le PDG d’Intuit était au conseil de Google, tout comme celui d’Intel.
En 2010, le Département de la Justice américain a annoncé la conclusion d’un accord avec les parties concernées, dans lesquelles elles acceptaient de mettre fin à toute pratique d’entente sur les recrutements, même si elles ne reconnaissaient aucune faute. Le volet pénal est donc clos.
Mais le volet civil, qui permettra aux employés de réclamer des dommages et intérêts dans une procédure de class action, sera ouvert lors d’une première audience le 27 mai 2014.
Propos recueillis par Corine Lesnes (Washington, correspondante)
Qui possède le futur ? » C’est la question-titre du livre de Jaron Lanier, Who Owns the Future ? (Simon & Schuster, 416 p., 28 dollars, soit environ 20,60 euros), publié en mai par ce gourou de l’Internet, créateur à répétition de start-up et inventeur des termes de « réalité virtuelle ». Il décrit un phénomène qu’il n’avait pas anticipé : la concentration des richesses dans un univers de réseaux censé aplanir les inégalités. L’économie, dit-il, repose de plus en plus sur l’information. Celle-ci n’étant pas assez monétisée, la richesse collective se dilue. Le tout-gratuit est sur le point de ruiner la classe moyenne et l’économie de marché.
Vous affirmez dans votre ouvrage que l’Internet détruit la classe moyenne. Que voulez-vous dire ?
Jaron Lanier : l’automatisation commence à détruire l’emploi, comme si la vieille peur du XIXe siècle devenait la réalité. A l’époque, il y avait cette inquiétude énorme que l’emploi des gens ordinaires était menacé par le progrès des machines. Quand les voitures ont remplacé les chevaux, les gens pensaient que cela devenait tellement facile de conduire qu’il n’y aurait plus de raison de payer pour le transport. Tous ceux qui travaillaient avec les chevaux allaient perdre leur emploi. Mais les syndicats étaient encore puissants. Ils ont imposé l’idée qu’il est normal de payer quelqu’un, même si le travail est moins pénible et qu’il est plus facile de conduire un taxi que de s’occuper de chevaux.
Avec l’Internet, les choses deviennent tellement faciles que les gens rejettent cet arrangement payant. C’est une erreur. Cela a commencé avec Google, qui a dit : on vous donne un moteur de recherche gratuit ; en contrepartie, votre musique, vos photos, vos articles vont aussi être gratuits. Avec l’idée d’un équilibre : vous avez moins de revenus mais vous avez accès à des services gratuits. Mais ce n’est pas équilibré. Bientôt, les consommateurs vont accéder aux produits grâce aux imprimantes 3D. Graduellement, les choses physiques deviennent contrôlées par les logiciels, et tout devient gratuit.
Mais certains s’enrichissent…
Jaron Lanier : l’objectif, au début de l’Internet, était que l’on donne du pouvoir à tout le monde parce que tout le monde aurait accès à l’information. En fait, Google, et tous ceux qui collectent les informations au sujet des autres parce qu’ils offrent ces services gratuits, deviennent de plus en plus puissants. Plus leurs ordinateurs sont gros, plus ils sont puissants. Même si vous regardez la même information que Google, Google en retire beaucoup plus de pouvoir que vous.
Lire : Google rejoint le club très select des actions à plus de 1 000 dollars
L’autre remarque à faire est que, dès que quelqu’un prétend avoir une technologie qui peut remplacer les gens, c’est faux. Exemple : la traduction automatique. Vous pouvez prendre un document en anglais, l’entrer dans un ordinateur et le ressortir en français. Cela ne sera pas du bon français, mais quelque chose va ressortir.
C’est gratuit. Quel est le problème ?
Jaron Lanier : les sociétés qui font de la traduction automatique collectent des millions d’exemples de documents qui ont été traduits par des vraies personnes. Ils repèrent des morceaux de phrases qui sont semblables à ceux de votre document, les traduisent paquet par paquet et assemblent le puzzle. Cela ressemble à un cerveau électronique gigantesque mais, en fait, il s’agit du travail de tonnes de gens qui ne sont pas payés et ne savent même pas qu’ils sont utilisés.
Pour chaque nouvelle technologie qui prétend remplacer l’humain, il y a en réalité des gens derrière le rideau. Il faut garder trace de ceux qui fournissent un vrai travail et leur permettre d’être indemnisés. L’automatisation dépend systématiquement des informations produites par un nombre élevé de gens, ce qu’on appelle le « Big Data ». Ces données ne viennent pas des anges ou de phénomènes surnaturels : elles viennent des hommes ! Si on les payait pour ces données, on pourrait soutenir l’emploi.
Quelles sont ces données qui ont tant de valeur ?
Jaron Lanier : les sociétés qui possèdent les puissants ordinateurs créent des modèles de chacun d’entre nous. Google a un modèle de vous. De même que l’Agence nationale de la sécurité américaine (NSA), Facebook, et même certaines organisations criminelles. Elles collectent des données sur vous et les utilisent pour faire des projections. Le but est de modifier les comportements.
Lire : Bataille géante autour du magot des données
Pour vous manipuler ?
Jaron Lanier : les manipulations sont infimes. Cela peut être trouver le moyen de vous faire accepter un prêt qui n’est peut-être pas aussi intéressant qu’un autre. Ou comment vous inciter à faire tel ou tel achat. C’est un système froid, fondé seulement sur les statistiques. Il travaille très lentement. Mais, sur la durée, cela fait beaucoup d’argent. C’est comme cela que Google est devenu si riche : les gens qui paient Google peuvent obtenir une toute petite modification du modèle de comportement. C’est un système géant de modification comportementale.
Un système différent du modèle traditionnel de publicité, qui a toujours été une forme de rhétorique, de persuasion, de style. Ici, il n’y a aucune créativité. C’est une forme de manipulation sans esthétique, mais très graduelle et très fiable, parce que ce sont juste des statistiques.
Il s’agit aussi de manipuler le type d’informations que vous recevez. Si vous allez sur la Toile, vous ne voyez plus les mêmes informations qu’un autre : celles que vous voyez sont organisées spécifiquement pour vous par ces algorithmes. C’est un monde où tout est ouvert et où, en même temps, la plupart de ce que les gens voient est manipulé. Les gens qui manipulent ont des ordinateurs bien plus puissants que la plupart d’entre nous.
Qui possède les plus gros ordinateurs ?
Jaron Lanier : personne ne le sait. Ils sont conservés dans des « villes » gigantesques d’ordinateurs. Ils sont en général placés dans des endroits isolés, près de rivières, qui permettent de refroidir les systèmes. Peut-être appartiennent-ils à Google, peut-être à la NSA. Personne ne le sait. En Europe, la plupart de ces ordinateurs se trouvent en Scandinavie.
Visuel interactif : Plongée dans la « pieuvre » de la cybersurveillance de la NSA
Le problème n’est pas qui a accès à l’information, mais qui fait quoi avec cette information. Si certains ont des ordinateurs beaucoup plus puissants, cela ne peut pas créer une société équitable. Au lieu d’essayer de plaider pour la transparence et le respect de la vie privée, nous devrions nous préoccuper de ce qui est fait avec les données accumulées. Nous vivons à une époque où il y a deux tendances contradictoires. D’un côté, tout le monde dit : n’est-ce pas formidable, cette décentralisation du pouvoir, grâce à Twitter, etc. De l’autre, la richesse est de plus en plus centralisée. Comment est-il possible que le pouvoir soit décentralisé et la richesse de plus en plus centralisée ? En fait, le pouvoir qui est décentralisé est un faux. Quand vous tweetez, vous donnez de vraies informations aux gros ordinateurs qui traquent vos mouvements.
Comment rémunérer nos tweets ?
Jaron Lanier : je préconise un système universel de micropaiement. Les gens toucheraient une rémunération – fût-elle minime – pour l’information qui n’existerait pas s’ils n’existaient pas.
Cette idée circulait déjà dans les années 1960, avant même que l’Internet soit inventé. C’est juste un retour aux origines. Si on arrivait à savoir combien les entreprises sont prêtes à payer pour avoir des informations, cela serait utile… Les gens pensent que le montant serait infime. Mais si on regarde en détail, c’est faux. Les données concernant M. Tout-le-Monde ont beaucoup de valeur. Cela serait un soutien économique puissant pour la nouvelle classe moyenne. Chaque donnée individuelle aurait une valeur différente. Certaines seraient plus cotées parce qu’elles sortent de l’ordinaire.
Vous êtes devenu antitechnologie ?
Jaron Lanier : pas du tout ! J’ai participé à l’arrivée des technologies de l’Internet, que je critique maintenant ! Mais il faut regarder les résultats dans le monde réel. J’avais pensé que l’âge de l’Internet permettrait une augmentation fantastique de la richesse et des opportunités. A la place, on voit une concentration intense des richesses. C’est un phénomène mondial.
Si la technologie concentre les richesses, elle va devenir l’ennemi de la démocratie, peu importe le nombre de tweets. Je refuse l’autosatisfaction quand je vois tous ces gens ordinaires qui perdent pied alors que leur situation ne devrait que s’améliorer grâce aux progrès technologiques.
Le pacte de Responsabilité fait désormais l’actualité.
A ce stade, il faut saluer l’habileté tactique du Président qui a su imposer son agenda et reprendre ainsi la main.
Mais il est surprenant de voir tant de responsables et de commentateurs le prendre aussi au mot et s’inquiéter des conditions de la mise en œuvre de ce grand projet…..puisqu’il n’a pas été conçu pour l’être.
L’attitude du Président du Medef qui a failli par ses maladresses vendre la mèche l’autre jour aux États-Unis en dit long. S’il n’a jamais été question pour lui de véritables contreparties, c’est qu’il sait que le Pacte, et ce n’est déjà pas mince, n’a d’autre objet que de pérenniser sous une forme différente le CICE, mis en place voici plus d’un an sans exigence de réciprocité à l’égard du patronat.
Le Président n’a en effet ni les moyens, ni plus encore la volonté de dégager 50 milliards d’économies supplémentaires.
La méthode, très centralisée qu’il a choisi, en témoigne. En créant un Conseil stratégique à l’Elysée on donne un maximum de visibilité à une opération qui, sur le terrain , ne débouchera que sur des ersatz. Et ceci pour une raison simple : social – démocrate, le Président appartient toujours à la Gauche et n’a nullement l’intention d’infliger au pays une diète supplémentaire. Le voudrait-il, il sait que celui-ci ne le supporterait pas. Il s’agit donc d’un leurre visant à enfumer la Commission avec laquelle la France a rendez-vous en Avril. Passé cette date, le gouvernement n’oubliera pas les engagements pris, l’Exécutif étant bien conscient de la nécessité de ne pas laisser dériver les comptes, mais il les limitera au strict nécessaire. Un accord européen en Juin sur un début de relance par l’Investissement devrait clôturer cette remarquable opération de communication.
Mais il existe une double faille dans cette ingénieuse machine : ne suppose-t-elle pas d’abord pour réussir de ne pas être comprise ? Mais elle risque alors de devenir source de malentendu et de susciter l’opposition farouche de tous ceux qui, à gauche, n’auront pas vu le sens de la manœuvre. Ce qui ne manquera pas d’arriver….
L’opération suppose ensuite pour aboutir que la reprise tant attendue finisse par pointer le bout de son nez. Or, celle-ci ne pourra pas venir d’une relance des exportations permise par les baisses de charges, celles-ci restant au niveau actuel ( 20 mds) trop limitées. Elle ne viendra pas non plus de la demande, que le Président cherche en réalité à ne pas trop maltraiter, mais qui est déjà trop faible pour servir de moteur. Enfin, le compromis franco-allemand qui s’esquisse pour le printemps n’aura qu’un effet marginal et retardé. Si bien que le Président ne sera peut-etre à terme que parvenu à gagner du temps, ce qui, je le concède, dans ce contexte, n’est pas si mince..
Pour autant, une alternative existe-t-elle ? Non, si l’on renonce à pousser le débat aussi loin que possible à Bruxelles. Or, c’est précisément la voie choisie. Hollande cherche à épargner aux Français, et on lui en sait gré, une rigueur trop brutale mais ne croit manifestement pas, et on peut le lui reprocher, dans la capacité de la France à faire bouger le rapport de forces en Europe. C’est pourtant cette option qu’il faudrait privilégier en défendant à Bruxelles nos intérêts vitaux qui sont ceux de l’industrie et de l’emploi que nous ne pourrons sauver sans une relance par l’Investissement. C’est celle-ci qu’il faut proposer et promouvoir par tous moyens, sinon à quoi rime une Union dans laquelle le deuxième plus grand pays n’aurait d’autre choix que de sacrifier son avenir en tant que puissance économique? Cette question ne pourra être indéfiniment différée.
Si bien qu’à l’habileté du Président, qu’il faut saluer (au lieu de le dénigrer platement), je préférerais, comme beaucoup d’autres, un sursaut de volonté ! A l’évidence, tout est fait aujourd’hui pour que la question ne soit pas posée. F. Hollande fait du mieux qu’il peut avec les cartes qu’il a en mains. Quand c’est la règle du jeu qu’il faudrait changer !
106 millions de dollars de gratifications au titre de l’année 2013. Une manne liée plus à son intéressement aux résultats, exceptionnels l’an dernier, qu’à ses mérites propres, et qui va grossir une fortune estimée à 8 milliards de dollars ! Qui plus est, le milliardaire Schmidt est un riche exhibitionniste. Il s’est acheté deux yachts, l’un à 12 et l’autre à 14 millions de dollars, en plus de son jet personnel, un Gulfstream à 20 millions. Il collectionne les demeures les plus luxueuses, ce qui ne l’a pas empêché de débourser 22 autres millions pour s’offrir la maison paradisiaque de la veuve de Gregory Peck à Los Angeles. Son penthouse à New York est si bluffant qu’il a fourni le décor de l’appartement de Gordon Gekko dans la suite de « Wall Street », le film d’Oliver Stone.
les pays riches se réindustrialiser, mais sans créations d’emplois
Les Lois de Moore prévoient que la puissance des microprocesseurs double environ tous les 18 mois ou deux ans.
Tous les géants du numérique, forts de leurs immenses fermes de serveurs, sont aujourd’hui engagés dans une course vers l’intelligence artificielle, l’automatisation, via les algorithmes,
De plus en plus d’économistes pensent que les révolutions technologiques à venir auront un impact structurel plus important que les précédentes, et pourraient réduire de manière permanente le nombre d’emplois disponibles. Après les emplois peu qualifiés qui ont été laminés depuis les années 1970, ce sont des emplois qualifiés d’une partie de la classe moyenne qui pourraient ainsi disparaître dans les prochaines décennies, si de nouveaux métiers ne sont pas inventés rapidement.
Dérive du nombre de bénéficiaires, sous-estimation du coût… la Cour des comptes épingle dans son rapport public annuel le système de facilités de circulation dont bénéficient les personnels de la SNCF et leurs familles.
Billets gratuits de la SNCF: la Cour des comptes dénonce une facture trop salée
Plus de 1,1 million de personnes bénéficient de facilités de circulation sur le réseau de la SNCF, dont seulement 15% de cheminots en activité
REUTERS/Charles Platiau
La SNCF est régulièrement épinglée par la Cour des comptes dans son rapport public annuel. L’entreprise publique est de nouveau sur le grill cette année. Après avoir dénoncé en 2010 les rémunérations et le temps de travail des cheminots, en 2013 les excès de com’ de l’entreprise, la haute juridiction financière critique, dans son rapport public annuel 2014 publié ce mardi 11 février, le système de billets gratuits ou quasi-gratuits accordés aux salariés de la SNCF et à leurs proches.
Quels sont ces avantages?
Depuis sa création en 1938, la SNCF accorde à ses personnels et à leur famille des « facilités de circulation » sur son réseau. Les personnels de l’entreprise, actifs et retraités, bénéficient de la gratuité, avec quelques réserves: restrictions d’usage pendant les périodes de forte affluence, participation aux frais de réservation sur les lignes TGV. Cette participation, déjà modeste (par exemple, en 2013, 13,40 euros pour un billet TGV en première classe en période de pointe, 1,50 euro en période normale), est allégée par un quota annuel de 8 dispenses de paiement.
Les conjoints et enfants de moins de 21 ans des actifs et retraités bénéficient de 16 voyages gratuits par an et au-delà d’une réduction de 90% sur le prix des billets. Les ascendants (parents et grands-parents) des agents, actifs et retraités, ainsi que ceux de leurs conjoints, ont droit à 4 voyages gratuits par an.
Combien de personnes en bénéficient?
En cinquante ans, le champ des bénéficiaires a été considérablement élargi : aux concubins et partenaires de PACS ainsi qu’à leurs enfants, aux parents, grands-parents et arrière, aux enfants étudiants jusqu’à 28 ans, aux enfants à charge, aux enfants handicapés à vie. Par ailleurs, les quelque 3360 médecins exerçant à temps complet ou partiel pour la SNCF bénéficient, pour eux-mêmes et leurs familles, des mêmes facilités de circulation que les cheminots.
En 2011, le nombre de bénéficiaires automatiques de facilités de circulation s’élevait à 756.576, dont seulement 163.000 cheminots en activité (21,5% des bénéficiaires), derrière les retraités (24,3%) et largement derrière les ayants droit, qui, avec 409.000 personnes, en constituaient 54,1%. Ces chiffres ne concernent que les ayants droit qui reçoivent automatiquement leur dotation en titres de circulation, à savoir les partenaires de couple et les enfants de moins de 21 ans. Il faut y ajouter les bénéficiaires qui doivent faire une demande de transport gratuit ou à prix réduit (droit qualifié de « quérable »), soit plus de 340.000 personnes.
Le total des bénéficiaires des facilités de circulation s’établissait donc, à la fin de 2011, à plus de 1,1 million de personnes, dont seulement environ 15% de cheminots en activité. « Le grand nombre, parmi les bénéficiaires, de personnes dont les liens avec le chemin de fer sont pour le moins ténus, pose un problème au regard de l’égalité d’accès au service public ferroviaire », estime la Cour des comptes.
Quel est le coût pour la SNCF?
L’entreprise évalue ce coût à 9,7 millions d’euros en 2011 et considère ainsi qu’il est largement couvert par les contributions versées par les bénéficiaires (participation aux frais de réservation et part non couverte par les 90% de réduction, soit 19,8 millions d’euros au total en 2011). La Cour des comptes dénonce une « sous-estimation manifeste ». En effet, la SNCF ne compte pas les cotisations sociales (part patronale et salariale) dont elle s’acquitte sur ces avantages en nature que constituent les facilités de circulation, soit entre 13 et 15 millions d’euros. Le coût direct du dispositif se situe ainsi à près de 25 millions d’euros par an, presque le triple du chiffre fourni par la SNCF, calcule la Cour.
Surtout, une bonne estimation de l’impact de ce dispositif sur les comptes de l’entreprise ne doit pas se limiter au seul coût direct: elle doit inclure le manque à gagner commercial qu’il entraîne. La SNCF évalue le manque à gagner à 21 millions en 2010. La Cour des comptes juge ce chiffre « minimaliste ». Les Sages de la rue Cambon évaluent l’impact total des facilités de circulation du personnel et des ayants droit sur les comptes de la SNCF entre une cinquantaine de millions d’euros à plus de 100 millions d’euros par an. Les résultats financiers pour 2013 de la compagnie seront publiés le 13 février, mais on sait déjà qu’elle sera en perte.
Que recommande la Cour des comptes?
Il n’est pas interdit à une entreprise de faire bénéficier ses salariés d’avantages en nature et de tarifs préférentiels sur ses propres produits ou services. La Cour ne préconise donc pas la suppression des facilités de circulation que la SNCF accorde à ses personnels, mais d’en maîtriser l’ampleur et le coût. Elle appelle la SNCF à procéder à une remise à plat du système avec les institution représentatives du personnel.
La Cour formule plusieurs recommandations pour réduire le nombre de bénéficiaires : supprimer les facilités de circulation pour les ascendants, rendre quérables les facilités accordées aux autres ayants droit, ou encore augmenter le nombre de lignes et les périodes/plages horaires interdites à l’usage des facilités personnelles de circulation. La haute juridiction financière invite par ailleurs l’entreprise publique à se mettre en conformité avec le droit social et fiscal concernant ces facilités: l’assiette de calcul des charges sociales est largement sous-évaluée (seuls sont comptés les voyages avec réservation obligatoire) et ces avantages en nature ne sont pas déclarés à l’administration fiscale, donc exemptés d’impôt sur le revenu.
Le pacte de Responsabilité fait désormais l’actualité.
A ce stade, il faut saluer l’habileté tactique du Président qui a su imposer son agenda et reprendre ainsi la main.
Mais il est surprenant de voir tant de responsables et de commentateurs le prendre aussi au mot et s’inquiéter des conditions de la mise en œuvre de ce grand projet…..puisqu’il n’a pas été conçu pour l’être.
L’attitude du Président du Medef qui a failli par ses maladresses vendre la mèche l’autre jour aux États-Unis en dit long. S’il n’a jamais été question pour lui de véritables contreparties, c’est qu’il sait que le Pacte, et ce n’est déjà pas mince, n’a d’autre objet que de pérenniser sous une forme différente le CICE, mis en place voici plus d’un an sans exigence de réciprocité à l’égard du patronat.
Le Président n’a en effet ni les moyens, ni plus encore la volonté de dégager 50 milliards d’économies supplémentaires.
La méthode, très centralisée qu’il a choisi, en témoigne. En créant un Conseil stratégique à l’Elysée on donne un maximum de visibilité à une opération qui, sur le terrain , ne débouchera que sur des ersatz. Et ceci pour une raison simple : social – démocrate, le Président appartient toujours à la Gauche et n’a nullement l’intention d’infliger au pays une diète supplémentaire. Le voudrait-il, il sait que celui-ci ne le supporterait pas. Il s’agit donc d’un leurre visant à enfumer la Commission avec laquelle la France a rendez-vous en Avril. Passé cette date, le gouvernement n’oubliera pas les engagements pris, l’Exécutif étant bien conscient de la nécessité de ne pas laisser dériver les comptes, mais il les limitera au strict nécessaire. Un accord européen en Juin sur un début de relance par l’Investissement devrait clôturer cette remarquable opération de communication.
Mais il existe une double faille dans cette ingénieuse machine : ne suppose-t-elle pas d’abord pour réussir de ne pas être comprise ? Mais elle risque alors de devenir source de malentendu et de susciter l’opposition farouche de tous ceux qui, à gauche, n’auront pas vu le sens de la manœuvre. Ce qui ne manquera pas d’arriver….
L’opération suppose ensuite pour aboutir que la reprise tant attendue finisse par pointer le bout de son nez. Or, celle-ci ne pourra pas venir d’une relance des exportations permise par les baisses de charges, celles-ci restant au niveau actuel ( 20 mds) trop limitées. Elle ne viendra pas non plus de la demande, que le Président cherche en réalité à ne pas trop maltraiter, mais qui est déjà trop faible pour servir de moteur. Enfin, le compromis franco-allemand qui s’esquisse pour le printemps n’aura qu’un effet marginal et retardé. Si bien que le Président ne sera peut-etre à terme que parvenu à gagner du temps, ce qui, je le concède, dans ce contexte, n’est pas si mince..
Pour autant, une alternative existe-t-elle ? Non, si l’on renonce à pousser le débat aussi loin que possible à Bruxelles. Or, c’est précisément la voie choisie. Hollande cherche à épargner aux Français, et on lui en sait gré, une rigueur trop brutale mais ne croit manifestement pas, et on peut le lui reprocher, dans la capacité de la France à faire bouger le rapport de forces en Europe. C’est pourtant cette option qu’il faudrait privilégier en défendant à Bruxelles nos intérêts vitaux qui sont ceux de l’industrie et de l’emploi que nous ne pourrons sauver sans une relance par l’Investissement. C’est celle-ci qu’il faut proposer et promouvoir par tous moyens, sinon à quoi rime une Union dans laquelle le deuxième plus grand pays n’aurait d’autre choix que de sacrifier son avenir en tant que puissance économique? Cette question ne pourra être indéfiniment différée.
Si bien qu’à l’habileté du Président, qu’il faut saluer (au lieu de le dénigrer platement), je préférerais, comme beaucoup d’autres, un sursaut de volonté ! A l’évidence, tout est fait aujourd’hui pour que la question ne soit pas posée. F. Hollande fait du mieux qu’il peut avec les cartes qu’il a en mains. Quand c’est la règle du jeu qu’il faudrait changer !
Comment trouver 50 milliards d’économies ? La question revient, comme une ritournelle, depuis que François Hollande a réaffirmé l’objectif – qui figurait déjà dans la trajectoire des finances publiques tracée en 2013 – de dégager « au moins 50 milliards d’euros » d’économies supplémentaires entre 2015 et 2017, en sus des 15 milliards déjà prévus au budget 2014.
Le problème étant que le « au moins » peut se transformer en « beaucoup plus » si ces économies doivent aussi couvrir une baisse des charges des entreprises dans le cadre du pacte de responsabilité sans que cela se traduise par un transfert vers les ménages ; si le gouvernement veut parvenir à dégager des marges pour arriver à baisser les impôts des ménages ; si, comme le laisse craindre le rapport annuel de la Cour des comptes, le rendement des mesures fiscales en 2014 était inférieur de 3 à 6 milliards d’euros aux prévisions.
Le président de la République, pour tenir l’engagement de ramener le déficit public en deçà de 3 % en 2015, a fait de la limitation de la dépense publique un objectif prioritaire. Il a constitué à cet effet un conseil stratégique de la dépense, dont il assume la présidence et qui s’est déjà réuni à deux reprises. Dans un entretien au Monde, le ministre de l’économie et des finances, Pierre Moscovici, en définissait la fonction : « Il devra dire où sont les grands gisements d’économies, par fonction transversale, comme l’organisation des pouvoirs publics ou la masse salariale globale. Il ne s’agit pas de réduire les salaires mais de voir comment la masse salariale globale – effectifs, salaires, primes – peut être redéployée. »
Lire aussi : Santé : des pistes d’économies très sensibles
Comment le gouvernement va-t-il arriver à contenir la masse salariale globale des fonctions publiques ? Le premier président de la Cour des comptes, Didier Migaud, enfonce le clou : « Cela suppose d’engager enfin des réformes de fond dans les différentes administrations publiques », presse-t-il. Reprenant au bond l’intention affichée par le gouvernement de « maîtriser la masse salariale », il lui met les cartes en main : « Cela implique un certain nombre de choix : soit des baisses d’effectifs, soit le gel du point d’indice, soit une pause dans les mesures catégorielles, soit un étalement dans le temps des mesures d’avancement, explique-t-il dans son entretien au Monde du 12 février. C’est au politique d’arbitrer, de décider, d’expliquer et d’assumer ses choix. »
Les choix, pour l’heure, sont loin d’être arrêtés. Le gouvernement marche sur des oeufs. Pour tenir la feuille de route, il a été décidé d’avancer la procédure budgétaire, qui habituellement débute en avril. Depuis le début du mois de février, le ministre délégué chargé du budget, Bernard Cazeneuve, reçoit un à un l’ensemble des membres du gouvernement, pour étudier avec eux les économies structurelles qui peuvent être réalisées dans leurs ministères respectifs.
M. Cazeneuve garde sur ces entretiens un silence de tombe. Des consignes strictes – à peine écornées par Vincent Peillon – ont été passées au niveau de l’exécutif pour que rien ne fuite, tant des entretiens ministériels que des conseils stratégiques de la dépense. Une discrétion qui laisse place à toutes les supputations. « C’est un processus très encadré et très maîtrisé. Nous n’en sommes qu’au début, pas à la fin. Donc, ce qui est raconté ne correspond pas à la réalité », prévient l’entourage de M. Cazeneuve.
« ON TRAVAILLE, VOUS LE SAUREZ EN AVRIL »
Le ministre devrait rendre fin mars une synthèse de ses travaux et, dès avril, les membres du gouvernement recevront une lettre de cadrage individualisée. Les économies, cependant, ne porteront pas, loin de là, que sur la sphère de l’Etat, qui représente 33 % de l’ensemble des dépenses publiques mais, en 2014, a déjà contribué pour 47 % des économies réalisées. La sphère sociale, qui pèse pour 47 % dans les dépenses publiques, et les collectivités territoriales (20 %) devraient être davantage mises à contribution.
Lire également : « Sécu » : la droite et la gauche font-elles les mêmes économies ?
Jean-Marc Ayrault, a rappelé, jeudi 13 février sur Europe 1, que les trois secteurs seront sollicités. « Mais je ne veux pas couper brutalement, je veux engager des réformes de structure », a indiqué le premier ministre, sans donner plus de précisions sur les 50 milliards. « On travaille, vous le saurez en avril », a-t-il promis. C’est aussi le rendez-vous fixé pour la conclusion du pacte de responsabilité.
Une étude mesure le coût social de l’activité de Google pour la France. Devenu commerçant, il fragilise comparateurs de prix, e-marchands, agences de voyages.
Le JDD
9 février 2014
Google menace-t-il l’emploi en France? C’est la thèse de l’économiste Pascal Perri. Dans une étude menée par son cabinet PNC*, il chiffre la casse sociale provoquée par la multinationale entre 4.000 et 12.000 emplois à l’horizon 2017. « Si nous ne voulons pas devenir demain une nation de caristes et de manutentionnaires pour les géants du Net, il est urgent de réagir », assure Pascal Perri, qui a remis les résultats de son enquête aux ministres Arnaud Montebourg, Fleur Pellerin et Benoît Hamon.
Pour arriver à ces chiffres alarmants, l’auteur part du principe que Google n’est plus un simple moteur de recherche, mais un commerçant qui prélève un péage de plus en plus élevé sur tous ceux qu’il référence. Désormais, le moteur de recherche organise des enchères d’accès aux consommateurs pour les entreprises et opére comme une boutique en ligne, via Google Shopping et Google Flights. Cette stratégie a un effet appauvrissant. Pis, elle va avoir un coût social sur les entreprises qui n’existent que sur la Toile ou pure players, les entreprises dites cross canal, présentes sur Internet et dans les réseaux de distribution classiques et enfin dans les points de vente physiques traditionnels. On y trouve des sociétés comme Rue du commerce, Groupon, Vente-privée, des agences de voyages comme Opodo, Go Voyage et des comparateurs de produits ou services comme Twenga ou LeGuide. com. Mais aussi des acteurs comme La Redoute, la Fnac ou Darty, et un réseau des 5.000 agences de voyages.
Une logique de prédateur
« Nous pouvons estimer que 25 % des agences de voyages vont disparaître », juge Pascal Perri. Dans le scénario le plus noir, où 12.000 emplois seraient perdus, 20 % des effectifs dans le cross canal seraient touchés et autant dans le commerce physique. Méga leader du Net, Google est animé par une logique de prédation économique, selon l’auteur. « Les géants américains du Net opèrent tous de la même façon. Facebook offre le système de reconnaissance faciale le plus abouti au monde à faire pâlir d’envie les services de renseignements américains. Et Google pousse son avantage pour organiser le commerce du monde en avançant masqué », poursuit-il. Pour lui, la menace est claire : l’hyperpuissance de Google met désormais en jeu la souveraineté économique et fiscale des États.
Dans cette interview avec Samuel Crowther, publiée dans la revue World’s Work en octobre 1926 (p. 613-616), Henry Ford (1863-1947) revient sur sa position socialement innovante de réduction du temps de travail.
Ce grand industriel récidivait 12 ans après avoir doublé les salaires de ses ouvriers le 5 juin 1914 – le fameux “Five Dollars a Day” (5 $ par jour).
Il avait bien compris le fonctionnement du capitalisme, qui a besoin d’entreprises qui produisent, mais surtout de consommateurs qui achètent… Je trouve fascinant l’aveuglement idéologique un siècle plus tard, où toute la nomenklatura prône des baisses de salaires, puis s’étonne ensuite de l’arrivée de la récession…
Cette traduction exclusive a été réalisée par Valérie Courteau pour http://www.les-crises.fr, que je remercie pour son aide.
Le constructeur automobile dans cette interview raconte à M. Crowther pourquoi il a réduit la semaine de travail dans les usines Ford du monde entier, à quarante heures sans diminution de salaire
Il y a juste douze ans, Henry Ford faisait une annonce qui, à l’époque, a révolutionné l’industrie et amené des ouvriers par dizaines de milliers à prendre d’assaut les emplois offerts par Ford. Son annonce stipulait que, désormais, le salaire minimum dans ses industries serait de cinq dollars pour une journée de huit heures. À cette époque, un bon salaire était de deux dollars et demi pour une journée de dix heures. À la suite de cela, il a fait une autre annonce beaucoup plus importante que celle-ci, laquelle a ensuite fait le tour du monde.
« Nous avons », a-t-il dit, « décidé et à la fois mis en vigueur dans toutes les branches de nos industries la semaine de cinq jours. Il n’y aura donc plus de travail chez nous le samedi et le dimanche. Ceux-ci seront des jours libres, mais les travailleurs, en fonction du mérite, recevront la même rémunération que pour une semaine complète de six jours par semaine. Une journée continuera d’être de huit heures, sans heures supplémentaires. »
« Pour l’instant, cela ne s’appliquera pas au chemin de fer, et bien sûr elle ne peut s’appliquer aux gardiens ou à certains emplois où les processus doivent être continus. Certains de ces hommes auront à travailler le samedi et le dimanche. Cependant ils représentent moins de un pour cent de notre force de travail et chacun d’eux aura deux jours de repos consécutifs au cours de la semaine. En bref, nous avons changé notre calendrier qui compte désormais une semaine de cinq jours ou de quarante heures. »
« La semaine de travail effective des usines sera également réduite à cinq jours. Mais bien sûr, une journée de huit heures pour un travailleur n’est pas la même chose qu’une journée de huit heures pour l’usine. Afin de rendre optimale l’utilisation de nos usines, nous devons au préalable organiser le travail des hommes en quarts, en équipes. Nous avons constaté il y a longtemps, toutefois, que cela n’est pas rentable de mettre les hommes au travail, à l’exception des opérations continues, de minuit jusqu’au matin. En tant qu’élément de la production à faible coût – et seule la production à faible coût peut permettre des salaires élevés – de gros investissements dans les usines et des machines puissantes sont nécessaires. Des outils coûteux ne peuvent pas rester inactifs. Ils doivent travailler vingt-quatre heures par jour, mais ici l’élément humain intervient. Bien que beaucoup d’hommes aiment travailler toute la nuit et avoir une partie de leur journée libre, ils ne travaillent pas aussi bien et ce n’est donc pas rentable, ou du moins pour ce qui est de notre expérience, de passer aux vingt-quatre heures de travail continu. Mais une usine moderne doit fonctionner plus de huit heures par jour. Elle ne peut pas rester inactive les deux tiers du temps, sinon cela aura un coût. »
« Cette décision de mettre en vigueur la semaine de travail courte n’est pas soudaine. Nous allons vers elle depuis trois ou quatre ans. Nous avons marché à tâtons. Nous avons, pendant une grande partie de ce temps, fonctionné sur une base de cinq jours. Mais nous avons alors payé seulement pour cinq jours de travail et non pas pour six. Et à chaque fois qu’un atelier de l’usine a été particulièrement sous pression, nous sommes retournés aux six jours – à quarante-huit heures. Maintenant, nous savons, par nos expériences de passage de six à cinq jours et vice et versa, que nous pouvons obtenir une production aussi importante en cinq jours qu’en six. Nous obtiendrons probablement une plus grande production car de la pression naissent de meilleures méthodes. Une semaine complète de salaire pour une semaine de travail de courte durée sera rentable. »
« Est-ce que cela signifie, » demandai-je, « que le salaire minimum actuel que vous proposez de six dollars par jour pour six jours atteindra-t-il plus de sept dollars par jour, le minimum pour cinq jours de travail restant à trente-six dollars ? »
« Nous travaillons actuellement sur les grilles de salaires», a répondu M. Ford. « Nous avons cessé de penser en termes de salaire minimum. Cela appartient à hier, avant que nous sachions exactement ce que signifiait le paiement de salaires élevés. Actuellement si peu de personnes reçoivent le salaire minimum que nous ne nous en préoccupons pas du tout. Nous essayons de payer l’homme ce qu’il vaut et nous ne sommes pas enclins à garder un homme qui ne vaut pas plus que le salaire minimum. »
« Le pays est prêt pour la semaine de cinq jours. Cela va se généraliser à toute l’industrie. En l’adoptant nous-mêmes, nous la plaçons de fait dans une cinquantaine de secteurs, car nous sommes des mineurs de charbon, des mineurs de fer, des bûcherons, et ainsi de suite. La semaine courte sera généralisée, parce que, sans elle, le pays ne sera pas en mesure d’absorber sa production et de rester prospère. »
« Les ouvriers bien rémunérés ont plus de loisirs, et ces loisirs deviennent des besoins. Ces désirs de loisirs vont bientôt devenir des besoins. Bien gérée, une entreprise paie des salaires élevés et vend à bas prix. Ses ouvriers ont le loisir de profiter de la vie et ont les moyens pour financer cette jouissance. »
« L’industrie de ce pays ne pourra exister longtemps si nombre d’entreprises reviennent à la journée de dix heures de travail, car alors les gens n’auront plus de temps pour consommer les biens produits. Par exemple, le travailleur devrait avoir accès à l’automobile pour aller faire du shopping de l’aube jusqu’au crépuscule. Et cela aura des conséquences innombrables, pour l’automobile, en permettant aux gens de se déplacer rapidement et facilement, on leur donne une chance de découvrir ce qui se passe dans le monde – ce qui les conduit à une vie plus riche qui nécessite plus de nourriture, plus et de meilleurs produits, plus de livres, plus de musique – plus de tout. Les avantages du voyage ne sont plus limités à ceux qui peuvent se payer un coûteux voyage à l’étranger. Il y a plus à apprendre dans ce pays qu’il n’y en a à l’étranger. »
« Tout comme la journée de huit heures a inauguré notre chemin vers la prospérité, la semaine de cinq jours va ouvrir le chemin d’une prospérité encore plus grande. »
« Bien sûr, il y a un côté humaniste à la réduction du temps de travail quotidien et hebdomadaire. Cependant s’attarder sur ce point est susceptible de nous mettre dans l’embarras car alors les loisirs pourraient devenir prioritaires sur le travail au lieu de se situer après le travail – où ils doivent se situer. Il y a vingt ans, l’introduction de la journée de huit heures généralisée aurait créé de la pauvreté et non de la richesse. Il y a cinq ans, l’introduction de la semaine de cinq jours aurait eu le même résultat. Les heures de travail sont régies par l’organisation du travail et par rien d’autre. C’est l’augmentation du nombre de grands trusts et de leur capacité à utiliser l’énergie, à utiliser des machines conçues avec précision, et plus généralement à réduire les déchets, les matériaux et l’énergie humaine qui a permis d’arriver à la journée de huit heures. Puis, aussi, il y a le gain par le biais de la fabrication de précision. À moins que les pièces ne soient réalisées avec précision, les avantages de la production en quantité seront perdus à l’assemblage. Des progrès supplémentaires dans le même sens ont permis la semaine de cinq jours. La progression a été naturelle. »
« La loi relative aux huit heures de travail par jour ne fait que confirmer ce que l’industrie avait déjà découvert. S’il en était autrement, la loi créerait de la pauvreté au lieu de de la richesse. Un homme ne peut être payé un salaire supérieur à sa production. Dans le passé, avant que nous n’ayons le management et l’énergie, un homme devait travailler de longues journées dans le but d’obtenir une vie simple. Maintenant, les journées longues ne feraient que retarder la production et la consommation. À l’heure actuelle, la fixation par la loi d’une semaine de cinq jours serait imprudente dans un délai relativement court car l’industrie n’y est pas prête même si une grande partie l’est. C’est pourquoi je crois que la pratique sera généralisée dans l’industrie qui la rendra universelle.
« Il est grand temps de nous débarrasser de l’idée que les loisirs pour les ouvriers sont soit “du temps perdu”, soit un privilège de classe. »
« La nature a fixé les premières limites de travail, nous avons besoin des suivantes. L’inhumanité de l’homme envers l’homme a été liée à cela pendant une longue période, mais maintenant nous pouvons dire que le droit économique va finir le travail. »
« Les employeurs à l’ancienne ont l’habitude de s’opposer à nombre de jours fériés dans ce pays. Ils disent que les gens abusent des loisirs et seraient mieux sans en avoir autant. »
« Ce n’est que récemment qu’un professeur de français a parlé de la consommation accrue d’alcool en pointant la journée de huit heures, la dénonçant comme un dispositif qui donne plus le temps de boire aux ouvriers. »
« Il est généralement admis que si les hommes boivent, leurs familles sombrent dans la pauvreté et eux-mêmes dans la dégénérescence, donc moins ils ont de temps libre à y consacrer mieux c’est. Mais ce n’est pas valable pour les États-Unis. Nous sommes prêts pour les loisirs. La loi sur la prohibition, à travers la plus grande partie du pays, a permis aux hommes et à leurs familles de vraiment profiter de leur temps libre. Un jour de congé n’est plus un jour en état d’ébriété. Mais aussi un jour de congé n’est pas chose si rare qu’il doit être célébré. »
« Cela ne veut pas dire que le loisir ne peut pas être dangereux. Tout ce qui est bon est aussi dangereux. Quand cela est mal géré. Lorsque nous avons mis en vigueur notre salaire minimum de cinq dollars pour une journée de huit heures il y a quelques années, nous avons dû observer beaucoup de nos hommes pour voir ce qu’ils faisaient de leur temps libre et comment ils utilisaient leur argent. Quelques hommes ont pris des emplois supplémentaires – certains travaillant la journée avec nous et de nuit dans une autre usine ; certains autres ont bu leur rémunération supplémentaire. D’autres encore ont mis à la banque le surplus et ont continué de vivre comme auparavant. Mais en quelques années, tous se sont autorégulés et nous avons arrêté notre supervision devenue inutile. »
« Il n’est pas nécessaire du tout de mettre du sentiment dans cette question des loisirs des travailleurs. Le sentiment n’a pas sa place dans l’industrie. Dans les temps anciens, ceux qui pensaient que les loisirs étaient néfastes avaient généralement un intérêt dans les produits de l’industrie. Le propriétaire du moulin a rarement vu le bénéfice du temps de loisir pour ses employés, à moins qu’il ait pu contrôler ses émotions. Maintenant nous pouvons considérer à froid les loisirs comme une composante des affaires. »
« Il n’est pas facile alors de défendre les loisirs, vu la coutume qui les considère comme “du temps perdu”, du temps retiré à la production. C’était une suspension de l’activité du monde. Les considérations sur les loisirs étaient généralement axées sur le fait que les gens qui travaillent dur devraient avoir un peu de répit pour se remettre de leurs fatigues. Le motif est purement humaniste. Il n’y avait rien de concret à ce sujet. Les loisirs sont une perte qu’un bon employeur pourrait prendre sur ses profits. »
« Que le diable trouve du travail pour les mains oisives est probablement vrai. Mais il y a une différence profonde entre les loisirs et l’oisiveté. Nous ne devons pas confondre loisirs avec fainéantise. Nos employés sont parfaitement capables d’utiliser à bon escient le temps libre qu’ils ont après le travail. Cela a déjà été démontré par nos expériences au cours de ces dernières années. Nous constatons que les hommes reviennent, après un repos de deux jours, frais et dispos et qu’ils sont capables de mettre leur esprit ainsi que leurs mains immédiatement au travail. »
« Peut-être n’utilisent-ils pas leur temps libre au mieux. Ce n’est pas à nous de le dire, à condition que leur travail soit meilleur qu’il ne l’était lorsqu’ils n’avaient pas de temps libre. Nous ne sommes pas de ceux qui prétendent être en mesure de dire aux gens comment utiliser leur temps dans les commerces. Nous avons foi en ce que l’homme moyen trouvera de lui-même le meilleur chemin, même si cette façon de faire peut ne pas correspondre exactement avec les programmes des réformateurs sociaux. Nous savons que beaucoup d’hommes ont entrepris la construction de leurs propres maisons, et pour répondre à leur demande en bois de bonne qualité et pas cher, nous avons créé une scierie où ils peuvent acheter le bois de nos propres forêts. Les hommes s’entraident dans ce bâtiment et par conséquent répondent par eux-mêmes à l’un des problèmes de la cherté de la vie. »
« Nous pensons que, compte tenu de cette possibilité, les gens vont devenir de plus en plus experts dans l’utilisation efficace de leur temps libre. Et nous donnons cette chance. »
« Mais c’est l’influence des loisirs sur la consommation qui rend si nécessaire la journée de travail courte et la semaine courte. Les personnes qui consomment la majeure partie des marchandises sont les gens qui les fabriquent. C’est un fait que nous ne devons jamais oublier. Et qui est le secret de notre prospérité. »
« La valeur économique des loisirs n’a pas trouvé sa place dans la pensée des dirigeants industriels à une grande échelle. Alors que la vieille idée de ”temps perdu” nous a quittés, et qu’on ne croit plus que la réduction de la journée de travail de douze heures à huit heures diminue la production, la valeur positive industrielle – la valeur des dollars et des centimes – issue des loisirs, n’est toujours pas comprise. »
« La durée des journées de travail vient d’augmenter en Allemagne, dans l’illusion que la production pourrait augmenter. Elle est très probablement en train de diminuer. Avec la diminution de la durée de la journée de travail aux États-Unis, une augmentation de la production est advenue, parce de meilleures méthodes d’utilisation du temps des hommes ont été accompagnées par de meilleures méthodes consistant à utiliser leur énergie. Et c’est ainsi qu’une bonne chose en a apporté une autre. »
« Ces points de vue sont très familiers. Mais il y a un autre angle, cependant, que nous devons prendre en considération – la valeur industrielle positive du temps libre, car elle augmente la consommation. »
« Lorsque les gens travaillent plus longtemps et ont moins de loisirs, ils achètent donc moins de marchandises. Aucune de nos villes n’était aussi pauvre que celles de l’Angleterre où les gens, jusqu’aux enfants, travaillaient de quinze à seize heures par jour. Ils étaient pauvres parce que ces gens, surchargés de travail, étaient rapidement usés – ils ont eu de moins en moins de valeur en tant que travailleurs. C’est pourquoi, ils ont gagné de moins en moins et pouvaient acheter de moins en moins. »
« Les affaires sont pour nous des échanges de marchandises. Les marchandises sont achetées uniquement quand elles répondent aux besoins. Ces besoins ne sont remplis que lorsqu’ils se font sentir. Ils se font principalement sentir durant les heures de loisir. L’homme qui a travaillé de quinze à seize heures par jour ne souhaite seulement qu’un coin où être à l’abri et un peu de nourriture. Il n’a pas le temps de cultiver de nouveaux besoins. Aucune industrie ne pourrait jamais être mise en place pour combler ses besoins, parce qu’il n’y en a aucun, sauf les plus primitifs. »
« Pensez à la façon dont les affaires sont restreintes en ces terres où hommes et les femmes travaillent encore tous les deux toute la journée! Ils n’ont pas le temps de laisser les besoins de leurs vies se faire sentir. Ils n’ont pas de loisirs à acheter. Ils ne se développent pas. »
« Quand, dans l’industrie américaine, les femmes ont été libérées de la nécessité du travail en usine et sont devenues les acheteurs pour la famille, les entreprises ont commencé à se développer. La femme américaine, en tant qu’agent d’achat des ménages, possède à la fois des loisirs et de l’argent, et les premiers sont tout simplement aussi importants que le second dans le développement de l’entreprise américaine. »
« La semaine de cinq jours porte simplement cette réflexion plus avant. »
« Les personnes ayant une semaine de cinq jours consommeront davantage de biens que les personnes ayant une semaine de six jours. Les gens qui ont plus de loisirs doivent avoir plus de vêtements. Ils doivent avoir une plus grande variété de nourriture. Ils doivent disposer de plus d’installations de transport. Ils doivent naturellement avoir plus de services de toutes sortes. »
« Cette augmentation de la consommation exigera une plus grande production que celle dont nous disposons maintenant. Au lieu d’entreprises tournant au ralenti parce que les gens sont “hors travail”, elles seront en augmentation, parce que les gens consomment plus durant leurs loisirs que pendant leur temps de travail. Cela va conduire à plus de travail. Et cela pour plus de profits. Et cela pour des salaires plus élevés. Le résultat de plus de loisirs sera l’exact opposé de ce que la plupart des gens pourraient le supposer. »
« Le management doit suivre le rythme de cette nouvelle demande – et il le fait. Cela correspond à l’intersection de la puissance et des machines dans les mains de dirigeants, connexion qui a rendu plus courte la journée et la semaine de travail la plus réduite possible C’est un fait qu’il est bon de ne pas oublier. »
« Naturellement, les services ne peuvent pas fonctionner sur la base de cinq jours. Certains doivent être continus et d’autres ne sont pas encore organisés de telle sorte qu’ils puissent fonctionner cinq jours par semaine. Mais si l’objectif fixé est de produire plus en cinq jours que ce que nous faisons maintenant en six, alors le management trouvera le moyen de le réaliser. »
« La semaine de cinq jours n’est pas le but ultime, pas plus que la journée de huit heures. Il suffit de gérer ce que nous sommes en mesure de gérer et de laisser l’avenir prendre soin de lui-même. C’est ce qui se passera de toute façon. C’est habituel. Mais le prochain mouvement sera sans doute à la baisse du nombre d’heures travaillées par jour au lieu de la baisse du nombre de jours travaillés par semaine. »
A la résurrection des morts, les hommes ne prendront point de femmes, ni les femmes de maris, mais ils seront comme les anges dans les cieux. Jésus (Marc 12: 25)
S’ils se taisent, les pierres crieront!Jésus (Luc 19 : 40)
Par la bouche des enfants et de ceux qui sont à la mamelle Tu as fondé ta gloire, pour confondre tes adversaires, Pour imposer silence à l’ennemi et au vindicatif. Psaumes 8:2
N’avez-vous jamais lu ces paroles: Tu as tiré des louanges de la bouche des enfants et de ceux qui sont à la mamelle?Jesus (Matthieu 21:16)
Le monde moderne n’est pas mauvais : à certains égards, il est bien trop bon. Il est rempli de vertus féroces et gâchées. Lorsqu’un dispositif religieux est brisé (comme le fut le christianisme pendant la Réforme), ce ne sont pas seulement les vices qui sont libérés. Les vices sont en effet libérés, et ils errent de par le monde en faisant des ravages ; mais les vertus le sont aussi, et elles errent plus férocement encore en faisant des ravages plus terribles. Le monde moderne est saturé des vieilles vertus chrétiennes virant à la folie. G.K. Chesterton
L’inauguration majestueuse de l’ère « post-chrétienne » est une plaisanterie. Nous sommes dans un ultra-christianisme caricatural qui essaie d’échapper à l’orbite judéo-chrétienne en « radicalisant » le souci des victimes dans un sens antichrétien. René Girard
On a commencé avec la déconstruction du langage et on finit avec la déconstruction de l’être humain dans le laboratoire. (…) Elle est proposée par les mêmes qui d’un côté veulent prolonger la vie indéfiniment et nous disent de l’autre que le monde est surpeuplé.René Girard
L’esprit des Lumières a récupéré le Salut pour le transformer en progrès en le laïcisant. En ce sens, il a repris le christianisme, mais il l’a perverti en le dépouillant de la transcendance, ce qui change tout : le processus devient impatient et matérialiste. Mais on ne peut certainement pas dire que l’esprit des Lumières a évincé le christianisme en l’avalant. Les seules Lumières qui aient tenté d’évincer la religion sont les Lumières françaises (ni les Lumières américaines, ni les Lumières écossaises, n’en ont fait autant, au contraire). Ensuite parce qu’après les déceptions de la première modernité, on aperçoit clairement que le progrès est corrélé à l’espérance, ou alors n’est plus. Privées de transcendance, les Lumières françaises cessent de croire au progrès et se résignent au temps circulaire : c’est-à-dire qu’elles s’éteignent. Nous sauverons les libertés démocratiques si nous cessons de transformer l’émancipation des Lumières en religion intolérante et inquisitoriale. Pour l’instant, la folie du consensus traduit un despotisme technocratique. Chantal Delsol
À l’époque, et notamment aux États-Unis, on lit ce texte comme un pamphlet anti-stalinien et un roman désenchanté sur les dérives inéluctables de la révolution. Or, il est tout à fait intéressant de voir qu’Orwell conteste très explicitement cette lecture, qui est encore largement répandue aujourd’hui. Le propos du livre, précise-t-il, consiste avant tout à mettre en lumière ce fait inattendu que les idées totalitaires naissent très souvent chez des intellectuels. 1984, c’est, au fond, le rêve secret des intellectuels de gauche britanniques !… (…) Quand on pense à 1984, on pense d’abord à Big Brother, au télécran, aux procédures de contrôle – et c’est, bien entendu, parfaitement légitime. Mais le cœur du livre, ce sont avant tout les mécanismes intellectuels à l’œuvre dans ces procédures. (…) Bref, le totalitarisme, selon Orwell, ce n’est pas seulement la police et le contrôle, c’est d’abord l’ambition de former les consciences et de façonner les corps. Et ce fantasme est bien, selon lui, un fantasme d’intellectuel. (…) Ceux que dénonce Orwell, ce sont les intellectuels cyniques ou ceux qu’on appelle les « compagnons de route », tous ceux qui, par fascination du pouvoir, trahissent leur fonction consistant d’abord à réfléchir à partir des faits qu’on a sous les yeux. (…) Si Winston s’accroche à des vérités apparemment insignifiantes comme « 2+2=4 » ou « L’eau est mouillée », c’est parce que le totalitarisme vise justement à couper les individus de cette expérience ordinaire, de ce qu’on peut vérifier par soi-même, et qui constitue le socle de notre rapport au monde et aux autres. Ce que visent les mécanismes totalitaires, c’est l’introduction d’un écran de mots et d’images entre les individus et cette expérience du sens commun. Et il s’agit bien là d’un projet qui mobilise des intellectuels. (…) C’est aussi pourquoi je pense qu’on a tort de rabattre le propos de 1984 sur celui tenu, par exemple, par Huxley dans Le Meilleur des mondes, où il s’agit essentiellement d’une dénonciation des risques que nous font courir le progrès des technologies. Il me semble que ce que dit Orwell, c’est que les progrès technologiques ne suffisent pas pour établir un régime policier. Un tel régime suppose aussi certains mécanismes qui sont très souvent pensés et voulus par des intellectuels. (…) Parce qu’en traitant les faits de manière désinvolte on supprime toute forme d’expérience personnelle sur laquelle s’appuyer ; et on laisse alors libre cours aux purs rapports de forces et de langage, ce qui est l’assurance de voir les plus puissants et les plus habiles triompher au détriment de tous les autres.Jean-Jacques Rosat
Chacun peut se prévaloir de tous les droits et de toutes les libertés proclamés dans la présente Déclaration, sans distinction aucune, notamment de race, de couleur, de sexe, de langue, de religion, d’opinion politique ou de toute autre opinion, d’origine nationale ou sociale, de fortune, de naissance ou de toute autre situation.Déclaration universelle des droits de l‘homme (Article 2, 1948)
La France est une République indivisible, laïque, démocratique et sociale. Elle assure l’égalité devant la loi de tous les citoyens sans distinction d’origine, de race ou de religion. Elle respecte toutes les croyances. Son organisation est décentralisée. Constitution de la république française (Article 1, 1958)
L’inscription du terme « race », dans l’article même qui dispose des valeurs fondamentales de la République, est inadmissible même dans une « phrase qui a pour objet de lui dénier toute portée ». Proposition de loi du groupe socialiste (Assemblée nationale, nov. 2004)
Oui [je suis favorable à l’ouverture de la procréation médicale assistée (PMA) aux couples de lesbiennes], je l’ai dit. Aux conditions d’âge bien sûr. Je suis très précis là-dessus. Il faut que ce soit un projet parental. Et je suis aussi très soucieux du respect de l’anonymat du don des gamètes. En revanche, je suis hostile à la gestation pour autrui, la GPA. François Hollande (Têtu, 27 février 2012)
Le Parti socialiste s’engage pour garantir l’égalité des droits et construire l’égalité réelle, sans discrimination de genre ou d’orientation sexuelle, • Tous les citoyennes et c itoyens, tous les couples, toutes les familles, doivent pouvoir avoir accès aux même droits, êtres reconnus et protégés par les mêmes institutions. Il s’agit de défendre nos principes républicains et de garantir l’égalité au sein de notre société • Nous ouvrirons le mariage à tous les couples et renforcerons le Pacs (concernant notamment les congés pour évènements familiaux, la protection sociale complémentaire, le droit au séjour, l’enregistrement à la mairie). • Nous ouvrirons l’adoption aux couples de même sexe et l’assistance médicale à la procréation à toutes les femmes , sans condition de couple ou d’infertilité. • Nous reconnaîtrons aux homosexuels le droit de donner leur sang. • Nous affirmons qu’il revient à chaque personne de déterminer son identité de genre . • Nous formerons tous les acteurs éducatifs pour éviter les stéréotypes et les assignations de genre. Tract du parti socialiste
Les questions dites « de société » sont pour moi tout aussi importantes que les questions économiques ou sociales. Elles mettent en lumière les valeurs que nous portons (la liberté, l’égalité, la solidarité, la laïcité, etc.) et les réponses que nous y apportons doivent donner du sens au « vivre ensemble » apaisé et optimiste que nous appelons de nos voeux. Le thème principal de ma campagne est clair : donner une priorité à la jeunesse. Or, cette jeunesse pour laquelle je souhaite mobiliser l’action publique est aussi celle qui aborde le plus simplement et avec la plus grande ouverture les questions de genre parmi lesquelles se trouvent les questions LGBT. Pour en venir au fond de votre demande et avant d’entrer dans le détail des propositions qui sont déjà très largement intégrées au projet du Parti socialiste (notamment grâce aux amendements portés par votre association), je vais m’attacher à vous indiquer la méthode de travail qui sera la mienne et le planning de mise en œuvre de ces propositions. En préambule, je ne cacherai pas que j’ai un réel désaccord avec l’une d’elles : l’autorisation encadrée de la gestation pour autrui (GPA). De nombreuses associations féministes s’opposent à cette légalisation de la GPA et leurs arguments portant sur la marchandisation et l’instrumentalisation du corps humain m’ont convaincu. S’agissant de vos autres propositions, celles-ci se décomposent, me semble-t- il, en deux groupes : celles qui relèvent d’une évolution législative et celles qui nécessitent de simples changements réglementaires ou la mise en œuvre de politiques publiques. Pour ce qui est des évolutions législatives, sur le fondement des propositions de loi déposées par le groupe socialiste dès 2006 (et dont j’étais le premier signataire au nom de tous les socialistes), plusieurs textes seront proposés au 5 vote du Parlement dans le courant de l’année 2012. Ces textes permettront, notamment, l’ouverture du mariage aux couples de même sexe et la possibilité d’adopter pour tous. Ils seront complétés par l’ouverture de l’assistance médicale à la procréation (AMP) à toutes les femmes. Un dernier ensemble de dispositions viendront traduire notre vision moderne et ouverte de la famille en re – connaissant le statut des beaux-parents. Quant au PaCS, il sera amélioré. Un autre texte sera présenté dans le courant de l’année 2013 pour faciliter le parcours de vie des personnes trans. Enfin, après avoir évalué l’efficacité et la pertinence du dispositif actuel de « Défenseur des droits », nous mettrons en place une Autorité indépendante chargée de lutter contre les discriminations et de promouvoir l’égalité. François Hollande
Introduire, dès la maternelle, des séances consacrées à la mixité et au respect hommes/femmes 190 Proposition UMP. Le premier objectif de la promotion de l’égalité des sexes et du respect hommes/femmes dès la maternelle est d’amener les enfants à se sentir autorisés à adopter des conduites non stéréotypées. Il faut aider les filles et les garçons à percevoir positivement leur genre et celui du sexe opposé. Le second objectif est d’accroître les capacités des enfants à résoudre de façon non violente et coopérative des conflits qui mettent en cause l’appartenance à l’un ou l’autre sexe ainsi que de promouvoir le respect entre les hommes et les femmes. Agir sur une population jeune reste en effet le meilleur moyen d’endiguer la naissance de comportements inacceptables chez les adolescents puis chez les adultes. Tract UMP
Je n’ai jamais défendu la théorie du genre. Nous avons, en 2009, revu l’organisation et le contenu des programmes, notamment de SVT, et nous avons effectivement travaillé sur l’égalité hommes-femmes. C’était la première étape de ce que le gouvernement est en train de vouloir faire aujourd’hui. Luc Chatel
Après les attaques de Jean-François Copé le 9 février au sujet d’un ouvrage intitulé Tous à poil et recommandé selon lui aux enseignants des classes de primaire, Vincent Peillon a fait venir la presse à la dernière minute dans son ministère ce 10 février pour riposter. Son argumentaire tient en deux points : 1) il n’a rien à redire sur le contenu de cet ouvrage et 2) le livre n’est de toutes façons que la recommandation d’une lointaine association ardéchoise. Factuellement, le ministre a raison. Tous à poil fait partie d’une liste de 92 albums jeunesse recommandés par L’Atelier des Merveilles, association du Teil, en Ardèche, qui établit ces listes avec des familles depuis 2009. Le livre en question a été ajouté en 2012. Les missions départementales aux droits des femmes et à l’égalité ont soutenu la création de cette liste qui a fini par être diffusée par le Centre régional de documentation pédagogique de l’Académie de Grenoble. Comme l’indique Vincent Peillon, les listes diffusées par ce centre font office de recommandations que les enseignants sont libres de suivre, ou pas. Mais la présentation du ministre ne va pas jusqu’au bout. Vincent Peillon semble en effet vouloir cantonner à un niveau local, et presque anecdotique, ce qui a été récemment diffusé à une échelle nationale via les ABCD de l’égalité. Ces derniers, qui proposent des ressources aux enseignants pour mieux appréhender les inégalités filles-garçons dès la maternelle, reprennent les bibliographies diffusées par six académies. Celle de l’Ardèche avec Tous à Poil en fait partie, au milieu de six autres listes tout aussi fournies. On peut concrètement trouver un lien vers cette liste dans la rubrique « outils pédagogiques » du site des ABCD de l’égalité – décrit comme le site de référence par le gouvernement – en se rendant dans la sous-partie « littérature jeunesse ». Le Lab Europe 1
« Tous à poil » ou « Papa porte une robe », ne relèvent pas de l’imaginaire et du fantasmatique mais du « modèle identificatoire » proche, c’est-à-dire du personnage réel, auquel l’enfant peut s’identifier et ces livres sont justement conçus pour que le phénomène du « modèle identificatoire » y soit puissant, sous couvert de rigolade bien entendu. Les objectifs sous-jacents sont bien sûr l’abattage de la barrière des générations, donc la négation d’une certaine forme d’autorité honnie du gauchiste libéral, dans le fait de se retrouver tous à poil. Mais au second degré, figure aussi une forme de « sexualité » dont les enfants ne seraient pas exclus puisqu’eux aussi sont « à poil », ce qui relève de ce qu’on appelle « l’implicite » et dans lequel l’enfant est poussé à imaginer qu’il « est » ce qu’il n’est pas et qu’il « fait » ce qu’il ne fait pas en réalité. (…) Et quand « papa » porte une robe, c’est bien de manière possible dans la tête de l’enfant, c’est « mon » papa et peut-être que ce sera moi aussi quand je serai grand : je porterai une robe. Ou même, « mais alors, si je grandis, je risque moi aussi de porter une robe », d’où le trouble. L’implicite est dans l’incertitude créée dans l’idée que l’on se fait de devenir un garçon ou une fille et surtout la conviction d’avoir le choix de devenir un garçon ou une fille, choix que nous n’avons pas en réalité. (…) Ces livres ne sont évidemment que l’un des aspects de l’offensive libérale-libertaire, il ne faut pas les brûler puisque ce faisant ce serait la dictature politico-policière classique bien connue, qui ne vaut pas mieux que l’autre, mais on n’est pas obligé de les acheter et de les lire à ses enfants. Pierre Duriot
Chez Judith Butler, la grande théoricienne du gender, la définition du genre est une construction sociale et culturelle au service de cette domination. Son livre, traduit en 2005 en français, s’intitule Trouble dans le genre, pour un féminisme de la subversion. Judith Butler affirme vouloir penser ensemble « le féminisme et la subversion de l’identité ». En d’autres termes, elle entreprend de définir une politique féministe qui ne soit pas fondée sur l’identité féminine et précise, dans son introduction, son objectif : déstabiliser « l’hétérosexualité obligatoire » pour repenser l’organisation sociale selon les modèles homosexuels et transsexuels. L’hétérosexualité sert la domination de l’homme. Il faut y mettre fin en supprimant les concepts d’homme et de femme et imposer un nouveau genre fondé sur les orientations sexuelles et non sur l’identité sexuelle : « Les femmes ne seraient pas opprimées s’il n’existait pas un concept de femme. » Le deuxième point d’appui de la théorie, c’est l’opposition entre nature et culture. La société de la personne capable de créer des relations avec son semblable est remplacée par la société de l’individu qui se choisit ses vérités, ses intérêts et ses plaisirs. L’individu postmoderne doit se créer lui-même. C’est son droit le plus fondamental : « le droit à être moi ». Or la nature lui impose d’être homme ou femme. Accepter cette dictature, c’est refuser d’être libre. Se considérer comme homme ou femme, c’est refuser de se construire soi-même. Et pour la femme, c’est refuser de s’affranchir de la domination de l’homme. Ainsi, l’individu serait mieux caractérisé par son orientation sexuelle choisie que par son identité sexuelle comme donnée biologique, donc de nature. On entrevoit aisément les conséquences de cette idéologie pour notre vie sociale. Après avoir déconstruit la différence sexuelle, il est nécessaire de déconstruire le couple, la famille et la reproduction. Pour les gender feminists, le couple doit être choisi. La famille fondée sur le mariage monogamique, comme survivance de la domination de l’hétérosexualité, devient polymorphe (bi, pluri, homo, monoparentalité…). La filiation se décline : filiation biologique, intentionnelle, juridique, sociale. L’individu fait son choix dans ce grand marché libertaire. Et enfin, la reproduction doit évoluer. Les techniques permettent une reproduction asexuée (AMP, mères porteuses, utérus artificiel…) et les révisions des lois de bioéthique sont une opportunité pour obtenir satisfaction. Dans ce grand bouleversement, la loi enregistre les revendications individuelles et crée de nouveaux droits arbitraires et déconnectés du bien commun et de la stabilité de notre communauté humaine. Elisabeth Montfort
« Les mères produisent des recettes biologiques différentes pour un garçon et pour une fille », a expliqué Katie Hinde, une biologiste de l’Université de Harvard. Des études sur des humains, des singes et d’autres mammifères ont révélé une variété de différences dans le contenu du lait et la quantité produite. Ainsies petits garçons ont du lait plus riche en graisse et en protéines donc énergétique tandis que les petites filles obtiennent de plus grande quantités de lait. Plusieurs théories ont été avancées pour expliquer ce phénomène, a relevé Katie Hinde lors d’une présentation à la conférence annuelle de l’Association américaine pour l’avancement de la science (AAAS) réunie à Chicago du 13 au 17 février. Chez les singes rhésus par exemple, la femelle a tendance à produire plus de calcium dans son lait destiné à des progénitures femelles qui héritent du statut social de leur mère. « Cela permet aux mères de donner plus de lait à leurs filles ce qui va permettre d’accélerer leur développement pour commencer à se reproduire plus jeune », a expliqué la biologiste de l’évolution. Les mâles n’ont pas besoin de parvenir à la maturité sexuelle aussi vite que les femelles car leur seule limite sur la fréquence de leur reproduction dépend du nombre de femelles qu’ils peuvent conquérir. Les femelles chez les singes sont nourries au lait maternel plus longtemps que les mâles qui passent plus de temps à jouer et qui ont de ce fait besoin d’un lait plus énergétique. Mais on ne sait pas vraiment encore pourquoi chez les humains les mères produisent des laits différents pour leur nourrissons selon leur sexe, admet la scientifique. Il y a des indications montrant que tout est déjà programmé quand le bébé est encore dans le ventre de sa mère.AFP
Les garçons se développent plus vite que les filles, et ce, dès le début de la grossesse. Les médecins spécialistes des fécondations in vitro sont souvent capables de deviner si l’embryon sera mâle ou femelle rien qu’en se basant sur le nombre de divisions cellulaires qui se sont produites en un certain nombre d’heures depuis la fécondation: les embryons mâles ont un métabolisme plus élevé, qui accélère le début de leur croissance et la multiplication des cellules. L’évolution semble avoir favorisé cette croissance plus rapide afin que les embryons mâles passent la période critique de la différenciation testiculaire avant que les œstrogènes de leur mère, dont les niveaux grimpent régulièrement au début de la grossesse, ne perturbent le développement de leur appareil uro-génital. Conséquence de leur développement plus rapide, les garçons sont plus grands, plus lourds et physiquement plus vigoureux que les filles au moment de la naissance – avec des crânes plus épais et, oui, des cerveaux plus gros. Si les corps des garçons grandissent et grossissent plus vite, ceux des filles mûrissent plus rapidement. Et cette différence se traduit par un avantage net en faveur des fœtus féminins à la fin de la grossesse. Selon la plupart des critères de mesure, les filles sont plus capables de relever le défi de la vie en dehors de l’utérus ; les garçons sont davantage vulnérables à tout un éventail de maladies, de problèmes cognitifs et comportementaux, et même à la mort, à la fin de la grossesse et après l’accouchement. (…) Quand une femme enceinte fait une fausse couche, il est environ 30 % plus probable que le fœtus était celui d’un garçon. Les garçons ont aussi environ 7 % de chances de plus que les filles de naître prématurément. Même les garçons nés à terme courent davantage de risques que les filles. Le taux de mortalité infantile global, aux Etats-Unis, est 22% plus élevé chez les garçons que chez les filles. (…) Tous ces facteurs expliquent comment le surplus d’embryons mâles conçus à la fécondation diminue peu à peu, jusqu’à ce qu’il ne reste qu’un nombre de fœtus masculins presque égal à celui des fœtus de filles. Après la naissance, néanmoins, la vulnérabilité des garçons reste un thème dominant du début de leur croissance. Ils risquent davantage que les filles de succomber à un nombre impressionnant de problèmes physiques et mentaux. Cela fait d’eux, par bien des aspects, le sexe le plus difficile à élever au début de l’enfance. (…) Deux études récentes – une sur les jolis petits vervets, l’autre sur les singes rhésus -ont révélé que les mâles et les femelles se différenciaient comme les garçons et les filles en matière de choix de jouets. La première étude, menée à l’université de Californie à Los Angeles (UCLA) par Gerianne Alexander et Melissa Hines, s’est penchée sur les préférences de vervets âgés de 1 an pour divers jouets humains conventionnels. Les mâles consacrèrent davantage de temps à manipuler la balle ou la petite voiture de police qu’aux autres jouets, tandis que les femelles préférèrent une poupée de chiffon et, plus mystérieusement, une casserole rouge. Cependant, les deux sexes passèrent autant de temps à examiner deux jouets unisexes (un chien en peluche et un livre d’images). Les résultats sont similaires dans l’étude des singes rhésus menée au Centre Yerkes de recherche sur les primates de l’université Emory. Dans les deux études, les singes ignoraient sans aucun doute le sens du concept de «jouet de garçon ou de jouet de fille». Aussi, ces résultats donnent bien à penser que ces préférences ont quelque chose d’inné. Les garçons, plus actifs, sont peut-être davantage séduits par les objets mobiles qu’ils peuvent manipuler et contrôler en utilisant leur corps. Les filles trouvent peut-être les poupées plus plaisantes parce qu’elles ont davantage propension à nouer des liens avec les personnes de leur entourage, voire, parce qu’elles ont une attitude véritablement instinctive pour les bébés. (…) L’attirance des femelles vervets pour les bébés pourrait aussi expliquer leur intérêt bien étrange pour la casserole de l’étude. Il se trouve simplement que le rouge de cette casserole était proche de celui de la peau des nourrissons vervets. Lise Eliot
Il est tout simplement aberrant de nier les preuves que, dans l’espèce humaine comme dans toutes les autres espèces, les différences génétiques entre mâles et femelles entraînent des différences moléculaires, cellulaires, physiologiques, et comportementales. Principalement, un gène localisé sur le chromosome Y entraîne la synthèse d’en moyenne sept fois plus de testostérone chez les hommes que chez les femmes. Or, comme chez les autres vertébrés, cette molécule possède des récepteurs dans le cerveau, qui, lorsqu’ils sont activés par la testostérone, influencent d’une part la construction du cerveau (au cours du développement embryonnaire mais aussi post-natal), et d’autre part le comportement (préférences, décisions, réactions, interactions sociales, performances cognitives, etc., à tous les âges de la vie). Sachant cela, il paraît indispensable de comprendre pourquoi et comment l’évolution a conduit à de telles différences, c’est-à-dire quelles sont les pressions sélectives qui ont façonné et maintenu ces différences au cours de l’histoire évolutive. Ceux qui nient ces faits, et donc rejettent leurs explications, le font pour des raisons idéologiques et affectives – non-scientifiques. Charlotte Faurie
La position qui consiste à dire que les différences entre les cerveaux d’hommes et de femmes est uniquement d’origine culturelle est fondée sur une idéologie, mais elle est reprise en boucle par les médias, car elle est décrétée politiquement correcte. Étant donné que, chez tous les animaux étudiés, la différence est très forte entre les cerveaux mâles et femelles, pour des raisons génétiques, il faudrait proposer un mécanisme particulier expliquant pourquoi et comment cette différence s’est effacée dans la lignée conduisant à l’espèce humaine. À ma connaissance, il n’en existe aucun de crédible, parce qu’aucun n’a été proposé. Les cerveaux sont biologiquement différents vu que les forces sélectives agissant sur les mâles et sur les femelles ne sont pas les mêmes, ce qui fait que les comportements sélectionnés depuis des centaines de millions d’années sont, eux aussi, différents. Les contraintes et les enjeux liés à la reproduction des hommes et des femmes sont aussi différents, dans tous les groupes culturels connus. À la naissance, les nouveaux nés garçons et filles ont déjà des comportements différents, donc des cerveaux biologiquement différents. Évidemment, l’environnement familial et social va aussi contribuer à augmenter ou atténuer ces différences, et le résultat sera une différence aux bases biologiques et culturelles. L’égalité sociale entre hommes et femmes peut évidemment se construire sans nier des différences biologiques, y compris dans les cerveaux. Ignorer ou nier une contribution biologique est une aberration, l’aveuglement idéologique ne peut conduire à rien de bon. Michel Raymond
Enfin, niveau éducation, Faurie et Raymond sont d’accord pour dire que « l’évolution et la biologie évolutive, y compris en ce qui concerne l’espèce humaine, doivent être enseignées dès le collège, afin de donner aux élèves des outils adéquats pour une véritable compréhension du monde biologique, de la même façon qu’on leur propose la gravité pour comprendre le monde physique ». Et en ce sens, ils s’inscrivent dans la droite ligne du prix Nobel François Jacob, pour qui « cela simplifierait beaucoup la compréhension des enfants si l’on commençait l’étude du monde vivant par l’étude de l’évolution ». Peggy Sastre
Attention: un obscurantisme peut en cacher un autre !
A l’heure où, entre deux concubinats et interviews à Têtu, notre Marieur pour tous en chef en oublie jusqu’à ses (premières) promesses de campagne en faveur de la PMA …
Et où, après avoir projeté d’introduire la théorie du genre en maternelle puis l’avoir effectivement introduite au lycée avec la controverse que l’on a déjà oubliée, le précédent gouvernement sarkozyste se défend un peu trop fort d’avoir lancé « la première étape de ce que le gouvernement est en train de vouloir faire aujourd’hui » …
Que, du côté de la recherche, le lait même dès le sein maternel et la bouche des enfants crie la vérité de la différentiation sexuelle …
Et que, sous prétexte de mauvaises fréquentations supposées avec la sociobiologie et l’antiféminisme, la psychologie évolutionnaire, c’est-à-dire l’application de la théorie de l’évolution aux comportements humains, a tant de mal à se faire accepter en France …
Et à l’instar de ces idées chrétiennes devenues folles contre lesquelles nous avait averti dès avant Orwell l’un des plus grands prophètes de notre monde moderne …
Le totalitarisme bien-pensant de nos nouveaux faiseurs d’anges …
Les meilleurs extraits du livre événement de la neurobiologiste Lise Eliot , Cerveau rose, cerveau bleu (Robert Laffont).
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Garçons et filles sont différents. Cette donnée, évidente pour toutes les générations qui nous ont précédés, fait aujourd’hui l’effet d’une révélation étonnante à de nombreux parents. Nous qui avons été élevés dans l’idée de l’égalité des sexes, nous considérons ou nous espérons, à tout le moins, que les différences entre les sexes ne sont pas innées, mais fabriquées par la société. Nous nous côtoyons sans difficulté entre personnes des deux sexes, nous échangeons nos points de vue aussi bien sur le sport que sur la cuisine et nous sommes joyeusement en compétition les uns avec les autres sur nos lieux de travail en faisant constamment semblant de considérer qu’hommes et femmes sont plus ou moins identiques. Jusqu’à ce que nous ayons à notre tour des enfants et que les différences entre les sexes deviennent impossibles à ignorer! (…)
Oui, garçons et filles sont différents. Ils ont des centres d’intérêt différents, des niveaux d’activité différents, des seuils sensoriels différents, des forces physiques différentes, des styles relationnels différents, des capacités de concentration différentes et des aptitudes intellectuelles différentes ! Les différences ne sont pas quantitativement très importantes et, dans de nombreux cas, bien plus modestes que celles, parfois énormes, qui existent entre hommes et femmes adultes. Les petits garçons pleurent, les petites filles tapent et donnent des coups de pied. Mais les différences s’additionnent -et c’est cela qui provoque l’apparition de certaines statistiques alarmantes qui influencent notre façon de penser l’éducation des enfants. (…) Ces différences entre les sexes ont de réelles conséquences et posent d’énormes défis aux parents. Comment soutenir aussi bien nos fils que nos filles, les protéger et continuer de les traiter de manière équitable, alors que leurs besoins sont manifestement si différents?
Déjà, dans le ventre de la mère…
Les tests de grossesse vendus dans le commerce sont excellents, mais ils ne sont pas encore capables d’annoncer le sexe du futur bébé. Cette limitation est en partie due au fait que plus on est tôt dans la grossesse, moins il est possible de différencier les fœtus. Les bébés des deux sexes sont identiques pendant les six premières semaines de leur développement intra-utérin. Le processus de différenciation sexuelle s’enclenche vers le milieu du premier trimestre, mais il n’apparaît pas clairement à l’échographie avant la fin du troisième mois (au plus tôt). Les fœtus prennent leur temps pour révéler leurs organes génitaux au monde extérieur. Et à l’intérieur de leurs toutes petites têtes, la différenciation est encore plus lente.
Cependant, il y a des différences qui s’impriment dans le cerveau, et sans doute dans l’esprit, avant la naissance. Vous ne pouvez ni les voir à l’échographie ni les entendre dans les battements de cœur du fœtus, mais elles sont bien là: garçons et filles sont influencés dans l’utérus par différents gènes et différentes hormones qui leur sont propres. (…)
Parmi toutes ces influences, celle que les chercheurs connaissent le mieux est celle de la testostérone, la célébrissime hormone stéroïde contre laquelle les mères adorent se lamenter quand elles surprennent leurs fils à se pourchasser à travers la maison ou à se bagarrer trop près de la table basse du salon.
Les parents, en général, ne savent pas à quel point la testostérone intervient tôt dans le développement de leur enfant. La première poussée de testotérone démarre six semaines après la conception, pour se terminer avant la fin du second trimestre. Ensuite, et jusqu’au moment de la naissance, le niveau de testostrérone des garçons n’est guère différent de celui des filles. Une autre poussée survient alors, plus modeste que la première, qui s’étend sur les six premiers mois de la vie. En tout état de cause, la brève période de quatre mois, avant la naissance, durant laquelle les fœtus sont exposés à la testostérone, suffit à les masculiniser entre les jambes et, dans une certaine mesure, dans leurs cerveaux embryonnaires. (…)
Les garçons se développent plus vite que les filles, et ce, dès le début de la grossesse. Les médecins spécialistes des fécondations in vitro sont souvent capables de deviner si l’embryon sera mâle ou femelle rien qu’en se basant sur le nombre de divisions cellulaires qui se sont produites en un certain nombre d’heures depuis la fécondation: les embryons mâles ont un métabolisme plus élevé, qui accélère le début de leur croissance et la multiplication des cellules. L’évolution semble avoir favorisé cette croissance plus rapide afin que les embryons mâles passent la période critique de la différenciation testiculaire avant que les œstrogènes de leur mère, dont les niveaux grimpent régulièrement au début de la grossesse, ne perturbent le développement de leur appareil uro-génital. Conséquence de leur développement plus rapide, les garçons sont plus grands, plus lourds et physiquement plus vigoureux que les filles au moment de la naissance – avec des crânes plus épais et, oui, des cerveaux plus gros.
Si les corps des garçons grandissent et grossissent plus vite, ceux des filles mûrissent plus rapidement. Et cette différence se traduit par un avantage net en faveur des fœtus féminins à la fin de la grossesse. Selon la plupart des critères de mesure, les filles sont plus capables de relever le défi de la vie en dehors de l’utérus ; les garçons sont davantage vulnérables à tout un éventail de maladies, de problèmes cognitifs et comportementaux, et même à la mort, à la fin de la grossesse et après l’accouchement. (…)
Quand une femme enceinte fait une fausse couche, il est environ 30 % plus probable que le fœtus était celui d’un garçon. Les garçons ont aussi environ 7 % de chances de plus que les filles de naître prématurément. Même les garçons nés à terme courent davantage de risques que les filles. Le taux de mortalité infantile global, aux Etats-Unis, est 22% plus élevé chez les garçons que chez les filles. (…)
Tous ces facteurs expliquent comment le surplus d’embryons mâles conçus à la fécondation diminue peu à peu, jusqu’à ce qu’il ne reste qu’un nombre de fœtus masculins presque égal à celui des fœtus de filles. Après la naissance, néanmoins, la vulnérabilité des garçons reste un thème dominant du début de leur croissance. Ils risquent davantage que les filles de succomber à un nombre impressionnant de problèmes physiques et mentaux. Cela fait d’eux, par bien des aspects, le sexe le plus difficile à élever au début de l’enfance.
A la naissance: si semblables… et si différents
Comme les chatons, les nouveau-nés se ressemblent à peu près tous. (…). N’empêche, il existe quelques différences entre les sexes, constantes et fiables, qui influencent sans doute réellement le démarrage de chaque garçon et de chaque fille dans la vie. Les bébés filles devancent les garçons par le nombre de gestes qu’elles produisent. En moyenne, elles commencent quelques semaines avant eux à pointer du doigt, à saluer de la main et à lever les bras vers les adultes pour être soulevées. Mais là encore, leur avantage est assez réduit: dans une importante étude suédoise, il est apparu que les filles de 18 mois produisaient… 5% de gestes en plus que les garçons. D’un autre côté, les gestes ne sont pas tout à fait les mêmes. Certains des gestes des bébés sont déjà marqués sexuellement: les filles de 8 à 16 mois ont davantage tendance à imiter les comportements parentaux (par exemple, elles étreignent ou bercent leurs poupées); les garçons de la même tranche d’âge font le geste de lire un journal, de conduire une voiture ou de donner des coups de marteau.
Après les gestes vient la prononciation des mots, premiers outils d’expression verbale des bébés. Les filles conservent leur modeste avancée, tout au long de la petite enfance, pour produire en moyenne trois cents mots à l’âge de 22 mois, tandis que les garçons atteignent ce seuil à 23 ou 24 mois.
Passé l’âge de 2 ans, les enfants commencent à parler pour de bon. Ils se mettent à associer les mots en petites phrases simples telles que Maman maison, Encore lait ou Aller parc. Là encore, les filles prennent la tête: huit mots consécutifs d’un souffle, à deux ans et demi, contre environ six mots pour les garçons. Et à l’émergence des phrases grammaticalement justes, celles des filles sont plus longues et plus complexes que celles des garçons – une différence qui se maintient durant toute la période préscolaire. (…)
Les écarts entre garçons et filles se creusent énormément entre 2 et 6 ans -et certains sont plus marqués à cette période qu’à aucun autre moment de la vie. Les coupables ne sont pas les hormones, puisque les gonades des enfants se sont calmées et resteront tranquilles jusqu’à la puberté. Mais il est vrai, comme nous l’avons vu, que certaines influences génétiques et hormonales pré et postnatales ont projeté les enfants sur des trajectoires légèrement différentes. Longtemps avant qu’ils n’entrent en contact avec notre culture très codifiée entre masculin et féminin, leurs cerveaux sont préparés à ne pas réagir tout à fait de la même manière à certains aspects de notre environnement. Et une fois le processus amorcé, ils s’épanouissent selon un modèle rose ou bleu qui caractérisera de bien des façons la suite de leur développement. (…)
Jouets: Barbie vs camion-benne
La plupart des parents ont des récits (…) sur les activités ludiques «typiques de leur sexe» de leurs très jeunes enfants. Et les recherches confirment que cette différence est remarquablement universelle. Qu’ils grandissent aux Etats-Unis, en Europe, au Japon et probablement n’importe où dans le monde, les garçons de 2 à 5 ans choisissent à une écrasante majorité le camion, la petite voiture, le ballon ou tout autre jouet « masculin » quand on leur offre le choix entre ces objets et une poupée. Les fillettes du même âge sélectionnent la poupée, les ustensiles de cuisine ou le nécessaire à maquillage (surtout si l’un de ces jouets est rose). (…) «Il doit y avoir un gène de la bagnole sur le chromosome Y!» Voilà comment de nombreux parents expliquent le fait indéniable, universel. (…)
Bien sûr, ni les camions ni les poupées n’existaient il y a cent mille ans, quand le génome humain s’est stabilisé sur la séquence qu’il a aujourd’hui. Mais il ne paraît pas absurde de croire que certaines propriétés intrinsèques des jouets «garçons» et des jouets «filles» séduisent profondément, et différemment, les garçons et les filles.
L’argument contraire, c’est que non, non, trois fois non, il n’y a strictement rien d’inné à tout cela. C’est nous, les parents, qui imbibons les enfants de ces préférences à travers les choix que nous faisons très consciemment quand nous leur achetons des jouets et à travers les présupposés inconscients sur les garçons et les filles. Cette théorie de la prééminence de l’acquis sur l’inné, des facteurs culturels sur la nature, n’a plus autant la cote qu’il y a quelques décennies, notamment parce qu’elle est contredite par les tentatives des parents pour intéresser leurs fils aux poupées et leurs filles aux camions. Mais la vérité est quelque part entre les deux idées: les préférences des garçons et des filles pour telle ou telle sorte de jouets sont clairement biaisées par certaines tendances innées, mais elles sont amplifiées par divers facteurs sociaux au premier chef desquels la prise de conscience qui s’impose à l’enfant qu’il est un garçon ou une fille. (…)
Deux études récentes – une sur les jolis petits vervets, l’autre sur les singes rhésus -ont révélé que les mâles et les femelles se différenciaient comme les garçons et les filles en matière de choix de jouets. La première étude, menée à l’université de Californie à Los Angeles (UCLA) par Gerianne Alexander et Melissa Hines, s’est penchée sur les préférences de vervets âgés de 1 an pour divers jouets humains conventionnels. Les mâles consacrèrent davantage de temps à manipuler la balle ou la petite voiture de police qu’aux autres jouets, tandis que les femelles préférèrent une poupée de chiffon et, plus mystérieusement, une casserole rouge. Cependant, les deux sexes passèrent autant de temps à examiner deux jouets unisexes (un chien en peluche et un livre d’images). Les résultats sont similaires dans l’étude des singes rhésus menée au Centre Yerkes de recherche sur les primates de l’université Emory. Dans les deux études, les singes ignoraient sans aucun doute le sens du concept de «jouet de garçon ou de jouet de fille». Aussi, ces résultats donnent bien à penser que ces préférences ont quelque chose d’inné.
Les garçons, plus actifs, sont peut-être davantage séduits par les objets mobiles qu’ils peuvent manipuler et contrôler en utilisant leur corps. Les filles trouvent peut-être les poupées plus plaisantes parce qu’elles ont davantage propension à nouer des liens avec les personnes de leur entourage, voire, parce qu’elles ont une attitude véritablement instinctive pour les bébés. (…) L’attirance des femelles vervets pour les bébés pourrait aussi expliquer leur intérêt bien étrange pour la casserole de l’étude. Il se trouve simplement que le rouge de cette casserole était proche de celui de la peau des nourrissons vervets. (…)
L’école: elles écrivent, ils comptent
S’ils insistent parfois pour porter des robes bien roses ou des jeans bien bleus pour l’école, ils ont beaucoup de choses en commun une fois en classe. Oui, les filles sont plus précoces sur le plan verbal. Mais en réalité, il s’agit là d’une des différences entre les sexes les moins importantes: elle se traduit par un simple écart de deux points de QI avant 6 ans et elle diminue beaucoup au cours des premières années du primaire (sans aucun doute parce que les enfants se mettent tous à parler énormément une fois qu’ils sont scolarisés). En d’autres termes, il y a des tas de petits garçons très loquaces. Et s’il est vrai que davantage de garçons que de filles ont des difficultés à apprendre à lire, il ne faut pas en conclure que tous les garçons peineront dans ce domaine ou, pis, qu’aucune fille n’a besoin d’aide supplémentaire pour apprendre à s’exprimer ou à lire. En outre, les filles ne sont pas en avance dans toutes les mesures de l’aptitude verbale. Pour le vocabulaire, en particulier, on n’observe pas de différence entre les sexes à partir de l’âge de 6 ans, en tout cas, et pendant toutes les années qui suivent.
Les garçons ont l’avantage dans d’autres domaines. Dès le primaire, ils ont des résultats un peu supérieurs aux tests d’aptitudes visio-spatiales et ils distancent de plus en plus les filles tout au long de l’enfance et de l’adolescence. Ils sont également tout aussi bons, sinon meilleurs qu’elles en maths. (…) En maths et en sciences, à vrai dire, les filles démarrent tout à fait du bon pied. Au début du primaire, elles connaissent leurs nombres et savent compter aussi bien que les garçons. Les filles et les femmes sont même meilleures que les garçons et les hommes en calcul mental. Au bout du compte, pourtant, ce sont les garçons qui obtiennent les meilleurs résultats dans la plupart des examens de mathématiques, dont ceux de géométrie, de mesures, de probabilités et pour les très redoutés «problèmes».
Considérons les données des tests d’évaluation passés par des centaines de milliers d’élèves américains. Les filles ont des résultats inférieurs à ceux des garçons, en maths comme en sciences, dans les classes de CM1 et de quatrième quoique la différence (deux à trois points) soit considérablement moindre que la différence, au désavantage des garçons, relevée aux tests de lecture et d’écriture. Les filles sont encore un peu plus en retard en terminale. A cet âge, cependant, il est encourageant de constater que les écarts se sont réduits presque de moitié par rapport à ce qu’ils étaient il y a dix ou vingt ans.
Ne pleure pas, mon fils!
A vrai dire (…), les garçons seraient plutôt plus émotifs que les filles: les nouveau-nés sont plus irritables, ils pleurent plus tôt s’ils ont un problème et ils sont moins faciles à consoler que les nouveau-nées. Les choses s’égalisent assez vite, mais, comme le savent tous les parents de garçons, ceux-ci manifestent beaucoup, beaucoup leurs émotions. Pour eux comme pour les filles, le début de la vie est un méli-mélo de périodes de bonne humeur et de chutes dans la déprime la plus noire, de crises de colère et de sourires exubérants, sans oublier les poignantes déclarations d’amour qu’ils adressent à leurs parents, leurs frères et sœurs et leurs animaux domestiques. Les visages des garçons, comme ceux des filles, sont très, très expressifs (voilà pourquoi les parents aiment tellement les photographier). Arrivés à l’âge de 4 ou 5 ans, les garçons pleurent peut-être un peu moins que les filles, mais ils versent encore bien assez de larmes pour vous donner envie de les prendre dans vos bras, de les bercer et de faire tout votre possible pour les réconforter.
Si les garçons éprouvent sans l’ombre d’un doute les mêmes émotions que les filles, ils apprennent cependant bien vite à ne pas les montrer. Le cliché du mâle stoïque est assez juste – en apparence, du moins. Les hommes adultes manifestent effectivement moins d’expressions faciales, ils pleurent moins et, de manière générale, ils dissimulent leurs sentiments davantage que les femmes. Mais cela ne signifie pas qu’ils ne ressentent rien, bien au contraire! Dans les études en laboratoire, les hommes réagissent d’ailleurs plus intensément que les femmes aux stimuli émotionnels frappants comme le visionnage d’un film violent ou la peur de recevoir une décharge électrique. Le truc, c’est que leurs réactions sont essentiellement internes: dans les situations émotionnellement troublantes, ils connaissent de plus fortes accélérations de leur rythme cardiaque, de plus fortes élévations de leur pression artérielle et davantage de suées que les femmes. Mais leurs émotions, même si elles sont moins visibles en surface, sont tout aussi puissantes que celles des femmes.» (…)
Les intertitres sont de la rédaction.
Cerveau rose, cerveau bleu. Les neurones ont-ils un sexe?, de Lise Eliot, Robert Laffont, 504p., 22€.
LE PLUS. Les comportements des femmes sont-ils différents de ceux des hommes pour des raisons génétiques ? Le décryptage de la vie humaine par Darwin est bien une révolution, selon Peggy Sastre, auteur de « No Sex » et « Ex utero ». Ceux qui la critiquent peuvent aussi mal comprendre ou sous-estimer son importance.
Édité et parrainé par Mélissa Bounoua
La théorie darwinienne de l’évolution est l’une des plus importantes découvertes de tous les temps et peut se résumer en quatre propositions fondamentales :
1. Il existe une compétition entre les individus car les ressources de leur environnement sont limitées et les organismes produisent en général plus d’individus qu’il ne peut en survivre.
2. Il existe une variabilité interindividuelle au sein de chaque population. Certaines de ces variations sont héréditaires.
3. Il existe, dans un environnement donné, un avantage adaptatif (« fitness ») associé à certaines variations, certains individus étant en conséquence plus efficaces (« fittest ») que d’autres dans la lutte pour la survie et la reproduction.
4. En vertu des deux premières propositions, les individus porteurs de traits avantageux se reproduisent plus que les autres et transmettent leurs traits héritables à leur descendance. La population se trouve donc graduellement modifiée au fil des générations. Ce processus est appelé sélection naturelle, l’adaptation en est la conséquence.
À côté d’autres révolutions scientifiques (Copernic, Galilée, Newton ou Einstein), la force de Darwin est double : d’une part, c’est la vie et l’homme qu’il décrypte, pas des lois abstraites d’organisation de la matière et, d’autre part, sa théorie répond d’un seul mouvement à la question du « pourquoi » (l’adaptation) et à celle du « comment » (la sélection).
Mais l’idée darwinienne est peut-être l’un des paradigmes scientifiques les plus détestés de tous les temps, ne serait-ce que par tout le mal qu’elle fait et a fait aux religions. En France, tout particulièrement, elle est aussi l’une des plus sous-estimées, mal connues et mal comprises. Je ne compte plus les fois où, en essayant de l’exposer et de l’utiliser, on m’a répondu des trucs du genre « ce n’est qu’une théorie, rien ne la prouve », « on ne peut pas l’appliquer aux humains », « c’est juste un gros délire anglo-saxon », « en voilà des idées odieuses qui justifient l’extermination des plus faibles, on va tous finir dans un stade avec un numéro sur le bras à ce rythme-là ! », etc.
Le royaume pourri de Darwin ?
Dernièrement, je suis ainsi tombée sur trois articles qui, bien que très différents dans leur forme comme dans leurs attendus, véhiculaient, globalement, le message selon lequel il y aurait quelque chose de fondamentalement pourri au royaume de Darwin :
– Le premier (le plus « sérieux »), publié sur un jeune blog qui se donne comme mission, somme toute honorable, d’être une sorte d’observatoire critique de la vulgarisation scientifique, mettait en garde contre les travers supposés de la « psychologie évolutionniste », « discipline idéologiquement suspecte du fait de ses accointances avec la sociobiologie et l’antiféminisme » [1] ;
– Le second, rédigé par Mona Chollet en réponse au dernier livre de Nancy Huston (sur lequel je reviendrai bientôt), voyait dans l’application de la théorie de l’évolution aux comportements humains en général, et sexuels en particulier, des « thèses réactionnaires et indigentes » ;
– Enfin, le troisième, écrit par Agnès Giard, n’y allait pas par quatre chemins : pour elle, toutes ces histoires ne sont qu’une « théorie douteuse, voire foireuse ». On aura bien saisi : avant même de tenter de le comprendre, le dangereux Darwin, il faut s’en méfier, voire s’en détourner.
Un peu lasse d’avoir à combattre ces idées reçues (pour parler poliment) avec mes petits bras d’autodidacte, j’ai voulu m’entretenir avec quelques spécialistes estampillés « officiels » pour voir si la situation était réellement aussi désespérée qu’elle m’en avait l’air, ou si c’était, encore une fois, mon esprit malade qui me jouait des tours.
Pour couper l’herbe sous le pied de ceux pour qui la théorie de l’évolution et la France sont incompatibles (j’en suis parfois, je l’avoue, quand je suis très très énervée), je me suis orientée vers Michel Raymond, directeur de recherche au CNRS, responsable d’une équipe de recherche en biologie évolutive humaine à l’Institut des sciences de l’évolution de Montpellier [2]. Au sein de son laboratoire, j’ai aussi posé quelques questions à Charlotte Faurie, spécialiste, entre autres, de l’évolution de la latéralité dans les populations humaines.
Pour eux, la situation commence tout juste à se débloquer, en particulier depuis 2009, la fameuse « année Darwin », qui célébrait les deux cents ans de sa naissance et les cent cinquante ans de la première édition de « De l’origine des espèces ».
Mais pour autant, m’ont-ils expliqué, « les mécanismes qui sous-tendent l’évolution sont généralement mal connus, peu enseignés, et mal vulgarisés. Souvent caricaturé, le principe de la sélection naturelle est aussi parfois rejeté pour des raisons idéologiques. Il est pourtant nécessaire de s’accommoder des règles qui régissent le monde, puisque nos opinions ne les changeront pas. Ainsi, si l’on projette d’aller sur la Lune, quelles que soient nos opinions personnelles, il est prudent de ne pas s’inventer sa propre la loi de la gravité. Il en est de même en biologie. La compréhension du monde vivant passe par la connaissance des règles de l’évolution, et la sélection naturelle est l’une d’elles, la seule qui puisse rendre compte des adaptations du vivant et de l’existence d’organes complexes. »
Et l’espèce humaine ? Elle n’y échappe évidemment pas : « la culture humaine ne fait pas sortir notre espèce du large champ de l’évolution », poursuivent Faurie et Raymond. Certes, « l’espèce humaine a des spécificités, comme un langage extrêmement développé et une culture complexe », mais « de nombreuses espèces animales possèdent une culture, parfois pas si rudimentaire que cela et, là encore, la sélection naturelle est indispensable pour en comprendre l’évolution ».
Des blocages idéologiques et institutionnels
C’est pourtant ce genre de mantra – que l’humain super complexe échappe à l’évolution, d’aucuns disent même que l’humain n’évolue plus – qu’on se ressasse ici ou là, et en particulier dans les articles mentionnés ci-dessus. Pour Faurie et Raymond, cela s’explique par des « blocages, d’ordre idéologique et institutionnel. Les sciences sociales, au XXe siècle, ont défendu et construit des paradigmes scientifiques fondés essentiellement sur des déterminants purement environnementaux. Les effets biologiques dans les comportements étaient inconcevables (et restent inconcevables pour certains). Évidemment, la position opposée – tout s’explique biologiquement – est aussi extrême et fausse. »
Selon les chercheurs, « le véritable problème est que la culture humaine est étudiée dans nos institutions comme une particularité qui échappe aux règles du vivant, particulièrement en France : les universités de sciences humaines ont des campus séparés des autres, cette séparation se retrouve également au sein du CNRS… Comme un dualisme conforté de façon institutionnelle. Mais rien ne vient appuyer scientifiquement une telle séparation. Au contraire, on sait maintenant que ce sont les interactions entre la biologie et la culture qui ont façonné ce que nous sommes, des interactions très fortes : chaque changement d’un côté modifiant les sélections de l’autre, qui en retour change la trajectoire initiale, et ainsi de suite. Les exemples sont de plus en plus nombreux. Avec cette coupure institutionnelle, on est mal équipé pour aborder sereinement ce genre d’interaction. »
Blocage d’entre les blocages : les différences sexuelles. Pour Charlotte Faurie, ce sujet fait même « l’objet d’un obscurantisme ahurissant » :
« Il est tout simplement aberrant de nier les preuves que, dans l’espèce humaine comme dans toutes les autres espèces, les différences génétiques entre mâles et femelles entraînent des différences moléculaires, cellulaires, physiologiques, et comportementales. Principalement, un gène localisé sur le chromosome Y entraîne la synthèse d’en moyenne sept fois plus de testostérone chez les hommes que chez les femmes. Or, comme chez les autres vertébrés, cette molécule possède des récepteurs dans le cerveau, qui, lorsqu’ils sont activés par la testostérone, influencent d’une part la construction du cerveau (au cours du développement embryonnaire mais aussi post-natal), et d’autre part le comportement (préférences, décisions, réactions, interactions sociales, performances cognitives, etc., à tous les âges de la vie). Sachant cela, il paraît indispensable de comprendre pourquoi et comment l’évolution a conduit à de telles différences, c’est-à-dire quelles sont les pressions sélectives qui ont façonné et maintenu ces différences au cours de l’histoire évolutive. Ceux qui nient ces faits, et donc rejettent leurs explications, le font pour des raisons idéologiques et affectives – non-scientifiques. »
Ce que Michel Raymond confirme :
« La position qui consiste à dire que les différences entre les cerveaux d’hommes et de femmes est uniquement d’origine culturelle est fondée sur une idéologie, mais elle est reprise en boucle par les médias, car elle est décrétée politiquement correcte. Étant donné que, chez tous les animaux étudiés, la différence est très forte entre les cerveaux mâles et femelles, pour des raisons génétiques, il faudrait proposer un mécanisme particulier expliquant pourquoi et comment cette différence s’est effacée dans la lignée conduisant à l’espèce humaine.
À ma connaissance, il n’en existe aucun de crédible, parce qu’aucun n’a été proposé. Les cerveaux sont biologiquement différents vu que les forces sélectives agissant sur les mâles et sur les femelles ne sont pas les mêmes, ce qui fait que les comportements sélectionnés depuis des centaines de millions d’années sont, eux aussi, différents. Les contraintes et les enjeux liés à la reproduction des hommes et des femmes sont aussi différents, dans tous les groupes culturels connus. À la naissance, les nouveaux nés garçons et filles ont déjà des comportements différents, donc des cerveaux biologiquement différents.
Évidemment, l’environnement familial et social va aussi contribuer à augmenter ou atténuer ces différences, et le résultat sera une différence aux bases biologiques et culturelles. L’égalité sociale entre hommes et femmes peut évidemment se construire sans nier des différences biologiques, y compris dans les cerveaux. Ignorer ou nier une contribution biologique est une aberration, l’aveuglement idéologique ne peut conduire à rien de bon. »
Comment pourrait-on s’en sortir ?
Encore, et toujours, les meilleurs ennemis de l’obscurantisme sont l’éducation et l’information. Pour Charlotte Faurie, la vulgarisation doit être mise avant tout entre les mains des chercheurs, qui devraient « être incités à une implication dans des actions de vulgarisation, par une valorisation de ce travail par le CNRS et les universités (actuellement c’est plutôt considéré comme un loisir et/ou une perte de temps, qui doit être fait en dehors du temps de travail) ».
Quant aux journalistes, c’est en étroite collaboration avec les universitaires qu’ils devraient travailler, sans se contenter de « passer un coup de fil de dix minutes à un chercheur avant d’écrire à la va-vite et de publier sans relecture un article sur une question scientifique ».
Enfin, niveau éducation, Faurie et Raymond sont d’accord pour dire que « l’évolution et la biologie évolutive, y compris en ce qui concerne l’espèce humaine, doivent être enseignées dès le collège, afin de donner aux élèves des outils adéquats pour une véritable compréhension du monde biologique, de la même façon qu’on leur propose la gravité pour comprendre le monde physique ». Et en ce sens, ils s’inscrivent dans la droite ligne du prix Nobel François Jacob, pour qui « cela simplifierait beaucoup la compréhension des enfants si l’on commençait l’étude du monde vivant par l’étude de l’évolution ».
Il ne reste plus qu’à mettre tout cela en œuvre. Est-ce vraiment difficile ?
—-
[1] C’est ici une spécialité française et très signifiante que de souvent choisir des suffixes (-isme, -iste) marquant une couleur idéologique et politique (parle-t-on de physique quantiste?) pour mentionner les disciplines scientifiques nées avec Darwin. Pour ma part, j’insisterai toujours pour l’emploi de formules neutres comme « évolutionnaire » (la traduction est d’ailleurs plus fidèle à l’anglais « evolutionary ») ou « évolutif ».
[2] Auteur, entre autres, de deux ouvrages de vulgarisation bien malins dont je ne saurais que trop vous conseiller la lecture.
Les mères produisent un lait différent selon qu’elles donnent naissance à un garçon ou à une fille, selon une étude britannique.
Il n’est pas rose ou bleu en fonction du sexe, mais sa constitution diffère : le lait des mères n’est pas le même selon qu’elles donnent naissance à un garçon ou à une fille, révèle une recherche publiée vendredi. « Les mères produisent des recettes biologiques différentes pour un garçon et pour une fille », a expliqué Katie Hinde, une biologiste de l’Université de Harvard. Des études sur des humains, des singes et d’autres mammifères ont révélé une variété de différences dans le contenu du lait et la quantité produite.
Ainsi les petits garçons ont du lait plus riche en graisse et en protéines donc énergétique tandis que les petites filles obtiennent de plus grande quantités de lait. Plusieurs théories ont été avancées pour expliquer ce phénomène, a relevé Katie Hinde lors d’une présentation à la conférence annuelle de l’Association américaine pour l’avancement de la science (AAAS) réunie à Chicago du 13 au 17 février.
Accélerer le développement
Chez les singes rhésus par exemple, la femelle a tendance à produire plus de calcium dans son lait destiné à des progénitures femelles qui héritent du statut social de leur mère. « Cela permet aux mères de donner plus de lait à leurs filles ce qui va permettre d’accélerer leur développement pour commencer à se reproduire plus jeune », a expliqué la biologiste de l’évolution.
Les mâles n’ont pas besoin de parvenir à la maturité sexuelle aussi vite que les femelles car leur seule limite sur la fréquence de leur reproduction dépend du nombre de femelles qu’ils peuvent conquérir. Les femelles chez les singes sont nourries au lait maternel plus longtemps que les mâles qui passent plus de temps à jouer et qui ont de ce fait besoin d’un lait plus énergétique.
Mais on ne sait pas vraiment encore pourquoi chez les humains les mères produisent des laits différents pour leur nourrissons selon leur sexe, admet la scientifique. Il y a des indications montrant que tout est déjà programmé quand le bébé est encore dans le ventre de sa mère.
Améliorer le lait maternisé
Une étude de Katie Hinde publiée la semaine dernière montre que le sexe du foetus influence la production de lait des vaches longtemps après la séparation de leurs veaux, le plus souvent dans les heures après avoir mis bas. Cette recherche menée sur 1,49 million de vaches a montré qu’au cours de deux cycles de lactation de 305 jours, elles ont produite en moyenne 445 kilos en plus de lait quand elles donnaient naissances à des femelles comparativement à des mâles. Ces chercheurs n’ont pas non plus constaté de différences dans le contenu de protéines ou de graisse dans le lait produit pour une progéniture femelle ou mâle.
Comprendre les différences dans le lait maternel humain et l’impact sur le développement de l’enfant pourrait aider à améliorer les formules de lait pour enfant destinées aux mères n’allaitant pas. « Si la valeur nutritionnelle du lait maternel est bien reproduite dans les formules, les facteurs favorisant l’immunité du nourrisson ainsi que les signaux hormonaux sont absents », a expliqué la chercheuse.
Pouvoir mieux comprendre comment le lait est « personnalisé » selon chaque enfant permettrait également d’aider les hôpitaux à trouver du lait provenant du sein donné pour aider à mieux nourrir des enfants malades et nés prématurément, a-t-elle ajouté.
Avec la théorie du gender, une véritable déferlante s’abat sur la France et l’Europe, dans une indifférence quasi générale. En juin dernier, l’IEP de Paris annonçait un enseignement obligatoire sur les gender studies pour septembre 2011. Début janvier, l’IUFM de Nice organisait un colloque sur “Filles et garçons au sein de l’institution scolaire” avec une place de choix pour ces études.
Cette théorie née aux États-Unis s’est développée dans les années 1990. Mais c’est vraiment la 4e conférence mondiale sur les femmes, organisée par l’Onu en 1995, qui a imposé ce concept dans le vocabulaire international, largement relayé au Parlement européen. Cette théorie est une véritable révolution anthropologique dont l’objectif est de repenser les rapports homme-femme à partir d’une déconstruction de leur identité. Ce mouvement succède à deux courants féministes : l’égalitarisme où la femme prend comme modèle l’homme pour s’affranchir de sa domination, et le différentialisme qui exalte les différences entre les sexes au mépris de ce qui est commun, c’est la revendication des droits de la femme et la guerre des sexes. Ces deux courants avaient encore un aspect pratique car leur but était d’obtenir par la loi l’égalité des droits (droit de vote, égalité salariale…).
Avec la théorie du gender, un nouveau courant idéologique apparaît. Une partie des féministes radicales, notamment dans leur composante lesbienne, ne sont pas satisfaites de l’égalité des sexes et de la parité. Pour elles, l’égalité et la parité sont un leurre car elles supposent une distinction entre les sexes, synonyme d’inégalité et de la domination de l’homme sur la femme. Leur féminisme s’inspire d’un mélange de néomarxisme, de structuralisme et d’existentialisme : d’une part, la dialectique dominants-dominés ; d’autre part, la déconstruction des stéréotypes imposés par la culture. Admettre la différence des sexes, c’est admettre la complémentarité des sexes, la domination patriarcale, donc l’oppression et l’aliénation de la femme.
Chez Judith Butler, la grande théoricienne du gender, la définition du genre est une construction sociale et culturelle au service de cette domination. Son livre, traduit en 2005 en français, s’intitule Trouble dans le genre, pour un féminisme de la subversion. Judith Butler affirme vouloir penser ensemble « le féminisme et la subversion de l’identité ». En d’autres termes, elle entreprend de définir une politique féministe qui ne soit pas fondée sur l’identité féminine et précise, dans son introduction, son objectif : déstabiliser « l’hétérosexualité obligatoire » pour repenser l’organisation sociale selon les modèles homosexuels et transsexuels. L’hétérosexualité sert la domination de l’homme. Il faut y mettre fin en supprimant les concepts d’homme et de femme et imposer un nouveau genre fondé sur les orientations sexuelles et non sur l’identité sexuelle : « Les femmes ne seraient pas opprimées s’il n’existait pas un concept de femme. »
Le deuxième point d’appui de la théorie, c’est l’opposition entre nature et culture. La société de la personne capable de créer des relations avec son semblable est remplacée par la société de l’individu qui se choisit ses vérités, ses intérêts et ses plaisirs. L’individu postmoderne doit se créer lui-même. C’est son droit le plus fondamental : « le droit à être moi ». Or la nature lui impose d’être homme ou femme. Accepter cette dictature, c’est refuser d’être libre. Se considérer comme homme ou femme, c’est refuser de se construire soi-même. Et pour la femme, c’est refuser de s’affranchir de la domination de l’homme. Ainsi, l’individu serait mieux caractérisé par son orientation sexuelle choisie que par son identité sexuelle comme donnée biologique, donc de nature.
On entrevoit aisément les conséquences de cette idéologie pour notre vie sociale. Après avoir déconstruit la différence sexuelle, il est nécessaire de déconstruire le couple, la famille et la reproduction. Pour les gender feminists, le couple doit être choisi. La famille fondée sur le mariage monogamique, comme survivance de la domination de l’hétérosexualité, devient polymorphe (bi, pluri, homo, monoparentalité…). La filiation se décline : filiation biologique, intentionnelle, juridique, sociale. L’individu fait son choix dans ce grand marché libertaire. Et enfin, la reproduction doit évoluer. Les techniques permettent une reproduction asexuée (AMP, mères porteuses, utérus artificiel…) et les révisions des lois de bioéthique sont une opportunité pour obtenir satisfaction. Dans ce grand bouleversement, la loi enregistre les revendications individuelles et crée de nouveaux droits arbitraires et déconnectés du bien commun et de la stabilité de notre communauté humaine.
Il est urgent de réagir. C’est la mission que s’est donnée l’Alliance pour un nouveau féminisme européen : analyser et informer pour construire une société pacifiée, fondée sur le respect et la coopération plutôt que sur la rivalité et la compétition. Il s’agit bien de nouveaux rapports entre les hommes et les femmes, égaux en droits et d’une égale dignité.
Elizabeth Montfort, ancien député européen, présidente de l’Alliance pour un nouveau féminisme européen
Milk composition differs based on a baby’s sex and a mother’s wealth
Marissa Fessenden
Scientific American
Nov 13, 2012
mother with babies, breast milk, breastfeeding
Thomas Fuchs
Mother’s milk may be the first food, but it is not created equal. In humans and other mammals, researchers have found that milk composition changes depending on the infant’s gender and on whether conditions are good or bad. Understanding those differences can give scientists insights into human evolution.
Researchers at Michigan State University and other institutions found that among 72 mothers in rural Kenya, women with sons generally gave richer milk (2.8 percent fat compared with 0.6 percent for daughters).* Poor women, however, favored daughters with creamier milk (2.6 versus 2.3 percent). These findings, published in the American Journal of Physical Anthropology in September, echo previous work that showed milk composition varying with infant gender in gray seals and red deer and with infant gender and the mother’s condition in rhesus macaques. The new study also follows findings that affluent, well-nourished moms in Massachusetts produced more energy-dense milk for male infants.
Together the studies provide support for a 40-year-old theory in evolutionary biology. The Trivers-Willard hypothesis states that natural selection favors parental investment in daughters when times are hard and in sons when times are easy. The imbalance should be greatest in polygamous societies, in which men can father offspring with multiple wives, such as the Kenyan villages. In those societies, a son can grow to be a strong, popular male with many wives and children, or he can end up with neither. Well-off parents who can afford to invest in sons should do so because their gamble could give them many grandchildren. Conversely, poor parents should not heavily invest in sons because it is unlikely to pay off—their offspring start at the bottom of the socioeconomic ladder. For those families, daughters are a safer bet because as long as they survive to adulthood, they are likely to produce young.
The new study is “exciting and enthralling,” says Robert Trivers, an evolutionary biologist at Rutgers University and co-author of the hypothesis, who was not involved in the recent work. “It is a Trivers-Willard effect I wouldn’t have the guts to predict.”
Even beyond fat and protein, other milk components might vary in humans, says Katie Hinde, an assistant professor in human evolutionary biology at Harvard University. She has found higher levels of cortisol, a hormone that regulates metabolism, in rhesus macaque milk for male infants. Her work shows that milk differences could change infant behavior and might affect growth and development. “Only half the story is what the mom’s producing,” Hinde says. “The other [half] is how the infant uses the milk.” These findings could have implications for formula, which could be tweaked to optimize development for both boys and girls.
Il le soutient mais ne veut pas en endosser la responsabilité. Après les attaques de Jean-François Copé le 9 février au sujet d’un ouvrage intitulé Tous à poil et recommandé selon lui aux enseignants des classes de primaire, Vincent Peillon a fait venir la presse à la dernière minute dans son ministère ce 10 février pour riposter.
Son argumentaire tient en deux points : 1) il n’a rien à redire sur le contenu de cet ouvrage et 2) le livre n’est de toutes façons que la recommandation d’une lointaine association ardéchoise.
Le ministre de l’Education nationale prend en effet toutes ses distances avec Tous à poil en le décrivant ainsi :
Il y a un livre recommandé par une association de lecture de la Drôme et de l’Ardèche, dans une liste d’une centaine d’ouvrages pour enfants qui existe depuis des années. (…)
Il y a beaucoup de parents dans cette association. (…)
Ce sont des associations qui justement cherchent à développer la lecture, font un travail avec les enfants et les parents et recommandent un certain nombre d’ouvrages.
Ces livres sont des livres d’éditeur dont on peut faire un usage pédagogique, ensuite c’est au libre choix des enseignants de le faire ou pas.
Et ajoute :
Si on commence à faire ça sur l’ensemble de ce que les associations de parents ou de lectures peuvent faire en France, on va partir dans une inquisition qui sera tout à fait regrettable.
Factuellement, le ministre a raison. Tous à poil fait partie d’une liste de 92 albums jeunesse recommandés par L’Atelier des Merveilles, association du Teil, en Ardèche, qui établit ces listes avec des familles depuis 2009. Le livre en question a été ajouté en 2012.
Les missions départementales aux droits des femmes et à l’égalité ont soutenu la création de cette liste qui a fini par être diffusée par le Centre régional de documentation pédagogique de l’Académie de Grenoble.
Comme l’indique Vincent Peillon, les listes diffusées par ce centre font office de recommandations que les enseignants sont libres de suivre, ou pas.
Mais la présentation du ministre ne va pas jusqu’au bout. Vincent Peillon semble en effet vouloir cantonner à un niveau local, et presque anecdotique, ce qui a été récemment diffusé à une échelle nationale via les ABCD de l’égalité.
Ces derniers, qui proposent des ressources aux enseignants pour mieux appréhender les inégalités filles-garçons dès la maternelle, reprennent les bibliographies diffusées par six académies.
Celle de l’Ardèche avec Tous à Poil en fait partie, au milieu de six autres listes tout aussi fournies. On peut concrètement trouver un lien vers cette liste dans la rubrique « outils pédagogiques » du site des ABCD de l’égalité – décrit comme le site de référence par le gouvernement – en se rendant dans la sous-partie « littérature jeunesse ».
Notons que, le nom de domaine ayant migré, le lien n’est plus valide sur le site officiel. Voici la nouvelle adresse de la bibliographie qui se présente ainsi :
Bref, comme le relève Le Monde, Tous à poil n’est présent sur aucune liste de livres officiellement proposés aux enseignants et la constitution de la liste est particulièrement singulière puisqu’elle a été réalisée par les parents d’élève d’une association. En revanche, l’ouvrage a bien été promu sur un site institutionnel national à la faveur des ABCD de l’égalité.
Interrogé à ce sujet par le Lab ce 10 février, Vincent Peillon n’a pas caché la promotion par les ABCD de l’égalité de cette liste d’une « association de lecture dans la Drôme et l’Ardèche ».
Il a tenu à préciser que ces programmes n’étaient pas nouveaux et que les remettre en question serait néfaste pour le travail sur les stéréotypes :
– Le Lab : Reconnaissez-vous que cet ouvrage est recommandé, parmi d’autres, par le site des ABCD de l’égalité ?
– Vincent Peillon : Absolument. C’était d’ailleurs en 2009 déjà une recommandation des personnes qui travaillent à la lutte contre les stéréotypes.
Il ne faudrait pas que l’on mette en question– car c’est ce qui se cache derrière tout ça – la nécessité de faire un travail entre les hommes et les femmes. Ce n’est pas nier les différences mais au contraire les reconnaître et considérer qu’elles ne doivent pas empêcher certains d’avoir accès à un certain nombre de métiers.
Sans rentrer dans le débat sur le contenu de l’ouvrage (en quoi montrer des dessins de personnes se déshabillant à des enfants est-il un problème, en fait ?), l’information donnée par Jean-François Copé le 9 février sur RTL n’est donc pas factuellement inexacte. Amplifiée mais pas inexacte. Tous à poil fait bien partie des livres que les ABCD de l’égalité voient d’un bon œil et conseillent aux enseignants qui seraient intéressés.
Une première pour l’UMP qui multiplie depuis quelques jours les fausses rumeurs telle que l’existence d’un document promouvant la théorie du genre que le gouvernement voudrait cacher (document pourtant diffusé dans un premier temps par l’UMP au pouvoir) ou la diffusion de films à des enfants de primaire montrant des scènes de sexe entre personnes homosexuelles, affirmation intégralement fausse.
ÉVÉNEMENT. A une semaine du second tout de l’élection présidentielle, TÊTU.com* publie l’nterview accordée par François Hollande au magazine TÊTU le mois dernier.
Propos recueillis pour le numéro d’avril du magazine TÊTU, mis en vente le 21 mars 2012.
TÊTU : Le 23 février dernier, un auditeur de France Inter vous a interpellé pour savoir s’il pourrait se marier avec son compagnon d’ici à la fin de l’année. Quel sera votre calendrier concernant l’ouverture aux homosexuels du mariage et de l’adoption ?
Au plus tard au printemps 2013. _ Pourquoi cette date ? Parce que je sais que les premiers mois de la session parlementaire vont être essentiellement consacrés aux éléments de programmation financière, donc je préfère être honnête : si on veut un bon débat, mieux vaut qu’il puisse commencer au début de l’année 2013 et se terminer au printemps. Le printemps, ce n’est pas une mauvaise saison pour se marier ! [Sourire.]
Lors des primaires socialistes, vous aviez confié « en off » lors d’une interview à Libération : « Attention, ce ne sera pas simple de faire passer ces textes. »
Oui, et je continue de le dire. Vous avez vu ce qu’a dit le candidat sortant dans Le Figaro Magazine ?
Si l’on songe que la droite n’a jamais accepté le pacs durant de nombreuses années…
Concevoir qu’elle accepte maintenant facilement le mariage pour les homosexuels, c’est une vue de l’esprit.
Aucune loi de conquête n’a été arrachée sans combat parlementaire mais aussi citoyen, et c’est bien qu’il en soit ainsi. Les libertés, elles s’arrachent toujours.
Vous escomptez donc que ce projet rassemble au-delà d’une majorité de gauche ?
Je le souhaite ! Pour le pacs, à part quelques parlementaires courageux, dont madame Bachelot, nous n’avions eu guère de soutien.
Après, des regrets ont été exprimés, y compris de la part de Nicolas Sarkozy, qui en a fait le reproche à ses propres amis. Je n’ai pas le sentiment qu’il soit aujourd’hui dans la même philosophie…
La droite est très offensive sur le sujet, mais en même temps 63 % des Français soutiennent l’ouverture du mariage aux couples de même sexe. On peut se demander si ce ne sont pas les responsables politiques qui sont en retard par rapport aux évolutions de la société…
Ça peut arriver que la politique soit en retard par rapport à la société. L’inverse aussi. Mais il y a des minorités qui sont très agissantes.
Il y a des forces culturelles, spirituelles, qui vont également se mettre en mouvement.
Regardez ce qui se passe en Espagne avec la volonté du gouvernement conservateur de Mariano Rajoy de revenir sur la loi du gouvernement Zapatero qui a ouvert le mariage.
Mais je ne redoute rien, dès lors qu’il y a une volonté, la nôtre, et une compréhension affichée par une majorité de Français.
C’est un droit reconnu par de nombreux pays européens, nous ferons donc cette évolution tranquillement. Avec le souci de convaincre et de faire avancer la société française.
Nicolas Sarkozy justifie son opposition à l’ouverture du mariage aux couples de même sexe au nom, dit-il, des « valeurs », et il expliquait dans Le Figaro
Magazine que : « En ces temps troublés où notre société a besoin de repères, je ne crois pas qu’il faille brouiller l’image de cette institution sociale qu’est le mariage. » Que vous inspirent ces propos ?
Le mariage, au contraire, sera consacré s’il est ouvert à tous. Il sera même renforcé ! Ceux qui sont attachés au mariage doivent se féliciter de voir que des couples homosexuels comme hétérosexuels se battent pour qu’il soit ouvert à tous.
Actuellement à l’Assemblée nationale, il n’y a qu’un seul député ouvertement gay, Franck Riester, de l’UMP, qui a fait son coming out récemment. On n’en compte aucun dans les rangs de gauche. Comment l’expliquez-vous ?
Bertrand Delanoë avait fait ce choix avant sa première candidature à la mairie de Paris…
Mais Bertrand Delanoë reste un peu seul…
Je me souviens aussi qu’André Labarrère [ancien maire de Pau, décédé en 2006] l’avait fait, et avec quel fracas ! [Sourire.] Après, c’est une affaire personnelle.
C’est une décision personnelle, mais ne dépend-elle pas, aussi, du climat dans lequel les élus ou les militants évoluent dans leur famille politique ?
Oui, mais au PS, cette question n’a jamais fait débat… Et n’a jamais conduit à préférer une candidature plutôt qu’une autre.
Globalement, ne trouvez-vous pas que les partis politiques français ont des difficultés pour intégrer les minorités, les différences ?
Cela a pu être vrai. Ça l’est beaucoup moins aujourd’hui.
À gauche, les partis sont tout à fait conscients que la société est diverse et que c’est un facteur de richesse.
Au sujet des débats sur le pacs puis le mariage, beaucoup de militants se sont mobilisés qui n’étaient pas homosexuels, et c’est très bien.
De la même manière, le combat pour le pacs est venu de groupes réunis au nom de l’idée républicaine d’égalité.
Il ne faut surtout pas réduire le mariage ouvert à tous à une revendication portée par les seuls homosexuels.
Plusieurs enquêtes montrent que jusqu’à 20 % des gays et lesbiennes seraient prêts à voter pour Marine Le Pen…
Cette intention peut surprendre. Mais cela vaut pour tous les citoyens. Pourquoi y a-t-il des Français qui ont le sentiment d’être abandonnés, délaissés, méprisés, stigmatisés, discriminés, et qui ont envie d’un cri de colère en le poussant de la pire des façons à mes yeux ?
Et ne pensez-vous pas que certains partis réactionnaires développent des discours démagogiques et clivants en direction des gays et des lesbiennes, en agitant notamment la peur de l’islam ?
En Europe du Nord, la crainte d’un islam fondamentaliste ouvertement hostile aux libertés a pu conduire certains vers des votes extrémistes.
Il y a eu cette instrumentalisation.
Aux homosexuels qui, ici, peuvent avoir la même crainte, je dis que c’est la laïcité qui les protégera. Je fais de la laïcité un élément majeur de mon projet.
La laïcité, c’est à la fois la liberté de conscience, la liberté religieuse et la garantie de la liberté : liberté de vie personnelle, égalité homme-femme et orientation sexuelle pleinement assumée.
Je ne lâcherai rien là-dessus. Sinon, cela ferait effectivement le jeu d’une extrême droite qui a toujours stigmatisé les homosexuels, une extrême droite qui les a moqués, les a parfois pourchassés. Ce serait un comble que, pour être protégé d’une dérive fondamentaliste, on se réfugie dans une dérive antirépublicaine.
Êtes-vous favorable à l’ouverture de la procréation médicale assistée (PMA) aux couples de lesbiennes ?
Oui, je l’ai dit. Aux conditions d’âge, bien sûr. Je suis très précis là-dessus. Il faut que ce soit un projet parental.
Et je suis aussi très soucieux du respect de l’anonymat du don des gamètes. En revanche, je suis hostile à la gestation pour autrui, la GPA.
Seriez-vous néanmoins favorable à la reconnaissance des enfants nés par GPA à l’étranger ?
Vous imaginez bien que si j’ouvrais cette question-là, ça pourrait être finalement une facilité donnée à la gestation pour autrui. Et seul compte le droit de l’enfant.
Justement, des enfants nés ainsi se retrouvent actuellement en difficulté…
Je sais bien, et donc ce débat devra avoir lieu, mais il ne doit en aucun cas être considéré comme une façon d’accepter la marchandisation du corps.
Sur un autre point important, concernant le droit des personnes trans, quelles sont vos propositions ?
Je connais ce problème, des détresses immenses et parfois des suicides m’ont été signalés. Il faut également lutter contre cette discrimination-là.
Je suis pour la rectification de l’état civil lorsqu’il y a eu changement de sexe. Et également pour l’accès aux soins.
C’est-à-dire forcément une chirurgie ?
Pas nécessairement. C’est un processus qui peut, dans certaines hypothèses, être distinct du parcours médical accompagnant la transition vers l’autre sexe. C’est le sens des recommandations du Conseil de l’Europe notamment.
Et des expertises psychologiques ?
Oui. Ensuite, sur l’accès aux soins – car beaucoup de trans s’engagent dans un parcours médicalisé –, la situation actuelle n’est pas satisfaisante. Il conviendra de la corriger.
Êtes-vous pour un remboursement par la Sécurité sociale ?
Pour partie. Il n’y a pas de raison de donner une gratuité totale à ce qui est un choix individuel.
Quelles sont, au-delà des incantations, vos propositions concrètes pour lutter contre l’homophobie ?
Les grands principes comptent, déjà. D’abord commençons par l’école, car c’est là aussi que beaucoup se joue et que des personnes homosexuelles peuvent toute leur vie durant porter un fardeau fait d’humiliations, de mépris, de méconnaissances.
À quel âge pensez-vous que cela doit commencer ?
Au collège, parce que c’est à ce moment-là que ces questions se posent pour les adolescents.
Le dessin animé Le Baiser de la Lune, qui mettait en scène une histoire d’amour entre deux poissons de même sexe et était destiné aux classes de primaire, avait déclenché une polémique…
Oui, je me souviens. Je veux rétablir la formation des enseignants.
C’est très important qu’ils puissent savoir, aussi bien en primaire qu’au second degré, ce qu’il est possible de dire aux enfants.
On ne parle pas de la même manière à un enfant en primaire, où la connotation sexuelle n’est pas du tout présente, qu’en secondaire, où elle commence à apparaître.
C’est une forme à la fois d’enseignement de la réalité, et en même temps de pédagogie qui appelle de la sensibilité.
Les clichés, les insultes homophobes commencent très jeune, bien avant la sexualité…
Oui, c’est vrai. La lutte contre les clichés peut commencer très vite.
Il y aussi la situation dans le monde du travail qui doit être améliorée.
Le rôle des syndicats, des assistantes sociales et des médecins du travail, est très important.
Face à la polémique menée par la Droite populaire et des associations catholiques contre l’introduction des questions de genre dans les manuels scolaires de classe de première, le ministre Luc Chatel a tenu bon.
C’est bien qu’il ait tenu. C’était une offensive très idéologique, car elle niait même le fait qu’il existe des genres ! Donc, poursuivons ce mouvement de sensibilisation avec tous les moyens utiles.
Vous avez fait de la jeunesse un des axes centraux de votre campagne. Que proposez-vous pour améliorer l’autonomie des jeunes adultes ?
Des enquêtes ont démontré une surreprésentation des jeunes LGBT dans les populations en errance…
Effectivement, parfois des ruptures familiales peuvent avoir lieu beaucoup plus tôt encore que pour d’autres jeunes.
Et la recherche de logement devient la première préoccupation, car c’est une difficulté de plus pour une personne seule ou vivant en couple homosexuel.
Je suis favorable à un système de mutualisation des cautions, de façon que de plus en plus de jeunes ne puissent pas être empêchés de fonder un couple ou d’accéder à l’autonomie.
Deuxièmement, je souhaite que les jeunes puissent rentrer plus tôt dans l’emploi, c’est mon idée de « contrat de génération ».
Qu’il puisse y avoir, entre un senior et un jeune, une transmission d’expérience, et un soutien à l’employeur qui permettra à un jeune de rentrer dans le monde du travail en bénéficiant d’un CDI.
Enfin, je suis pour des parcours d’insertion, des systèmes de bourse, des contrats d’autonomie, qui puissent ouvrir des formations à ces jeunes.
Enfin, je suis très préoccupé par la déscolarisation de certains qui partent très tôt de chez leurs parents.
C’est la raison pour laquelle j’ai pris l’engagement qu’aucun jeune entre 16 et 18 ans ne se retrouve sans solution.
Le service civique peut en fournir une, par exemple. Que les jeunes ne se retrouvent pas dans la rue et dans la désespérance.
L’éducation sexuelle reste focalisée sur la reproduction. N’est-ce pas réducteur ?
L’éducation aux risques est une absolue nécessité. Elle a été relâchée ces dernières années. Le sida se diffuse encore, notamment chez les homosexuels. Malheureusement, l’idée que le fléau a été enrayé fait qu’il y a plus d’imprudences. Nous devons donner les éléments qui permettent à chacun d’avoir sa sexualité sans se faire contaminer un jour. Il y a toujours eu une réticence des pouvoirs publics en France à faire des campagnes de prévention VIH ciblées sur les populations homos… Je ne partage pas cette réticence qui peut être fondée sur de bons motifs de non discrimination… Mais dès lors que le risque est plus grand dans les populations homosexuelles masculines, mieux vaut le dire, parce que des jeunes peuvent l’ignorer encore.
Est-ce que vous imposeriez aux médecins généralistes l’utilisation des tests de dépistage rapides ? Que prévoyez-vous concernant une possible généralisation de ces tests, comme en Espagne dans les pharmacies ? Et troisièmement, allez-vous appliquer le « plan sida » proposé par Roselyne Bachelot, qui a promis un financement de 1,08 milliard d’euros, vu les circonstances budgétaires ?
En matière de prévention, le rôle des associations est déterminant. Je veux saluer ici tout ce qu’engagent Act Up, Aides, Sida Info Service…
Car ce sont elles qui permettent aujourd’hui de diffuser le dépistage, de donner l’information et d’accueillir. Le dépistage doit être généralisé. J’ai participé à une opération de cars de dépistage – c’était Aides qui l’organisait –, qui se rendaient au plus près de la vie des Français pour leur proposer ce test qui est très simple. À chaque fois qu’il y a une inquiétude, mieux vaut aller faire le test que de continuer à porter cette interrogation. Enfin, je suis attentif à certaines populations qui sont plus exposées, les personnes dans les prisons, où il est nécessaire de renforcer les dispositifs de dépistage, et les populations migrantes, notamment les sans-papiers qui, par crainte de se faire connaître, peuvent ne pas se faire dépister ou soigner. Je suis pour le retour de l’aide médicale d’État, l’AME, qui nous permettra, nous citoyens français ou résidents réguliers, d’être protégés plutôt que d’être exposés.
La situation aux Antilles vous paraît-elle préoccupante ? Oui, à plus d’un titre : 60 % des jeunes au chômage, vie chère, violence qui s’est aggravée dans les régions d’outre-mer, et encore des préjugés nombreux par rapport aux orientations sexuelles.
Vous évoquez l’AME, quelles seront vos priorités concernant la politique de santé ? Comptez-vous abolir les franchises médicales ? Je suis conscient que nous devons maîtriser les comptes publics et sociaux, et en même temps, l’hôpital public doit être renforcé dans ses missions. La médecine de ville doit mieux travailler à la fois avec l’hôpital et avec les autres professions de santé. Il est légitime de mieux rémunérer les médecins. Sur les franchises, nous en discuterons car nous avons plusieurs problèmes à régler : problèmes de dépassement d’honoraires, les mutuelles qui ont été taxées, les franchises, le prix des médicaments…
Au niveau international, quels sont vos engagements pour faciliter l’accès aux traitements dans les pays pauvres ?
Je suis favorable aux médicaments génériques. Nous avons besoin d’une politique internationale sur ce sujet.
Nous sommes tous concernés, quand un virus se développe dans une partie de la planète, nous finissons par être touchés.
Autre point important, la dépénalisation de l’homosexualité dans tous les pays du monde, c’est un enjeu essentiel en matière des droits de la personne.
Que pensez-vous de la proposition du Premier ministre britannique David Cameron de conditionner l’aide au développement au respect de tous les droits humains, y compris le respect des minorités LGBT ?
C’est un bon principe. Là encore, ça dépasse les frontières nationales et idéologiques.
Sans mettre en cause les règles de chacun de ces pays, car en définitive, nous ne leur demandons rien d’autre que de lever une pénalisation qui est tout à fait inadmissible puisqu’elle est fondée sur la négation d’une liberté. Nous devons être fermes sur ce principe-là.
Y aura-t-il une action diplomatique à l’ONU, comme l’ont fait Nicolas Sarkozy et Rama Yade ?
Nous n’aurons pas de mal à aller plus loin que ce qu’a fait Nicolas Sarkozy. Ce qu’il a commencé et pas terminé, nous l’amplifierons et j’espère que nous l’achèverons jusqu’à essayer de faire voter une résolution.
Au printemps dernier, Arnaud Montebourg nous expliquait qu’il ne faisait pas « de l’identification des questions sociétales l’enjeu majeur de l’élection présidentielle », sa priorité étant « d’apporter de nouvelles propositions pour transformer l’économie ». Séparer ces enjeux n’est-ce pas en réalité une erreur ?
Moi, je suis pour le progrès. Pour qu’une élection présidentielle puisse faire avancer la France. Puisque nous sommes confrontés à un choix, que cela soit celui qui nous donne la fierté de vivre ensemble, c’est mon ambition.
Qu’au bout de cinq ans, nous soyons encore plus fiers d’être Français que nous ne le sommes aujourd’hui.
Comment y parvenir ? D’abord en permettant à tous nos concitoyens de travailler, d’être autonomes, de pouvoir accéder à de meilleures conditions au logement, d’être mieux soignés.
Et le progrès, c’est aussi vivre en plus grande liberté, en plus grande sécurité, en plus grande sûreté, en harmonie. Et parmi ces progrès, il y a la reconnaissance de droits qui peuvent être une meilleure protection à l’égard d’un certain nombre de risques, que cela soit des risques sanitaires ou de violence. Je disais combien la laïcité et la liberté devaient être protégées, ce qui suppose de lutter contre toutes violences.
Une société avance globalement. Les plus belles périodes de notre histoire sont celles où les conquêtes ont été multiples : économiques, sociales, sociétales.
Je veux remettre le pays en mouvement pour que chacun se sente partie prenante. Les Français n’accepteront pas tout ce que je proposerai, mais dès lors qu’ils verront le but, qui est l’harmonie, la réconciliation, le rassemblement, ils y participeront.
* Têtu, le site du magazine gay ( sic).
Traduit de l’anglais (Etats-Unis) par Pierre Reignier.
Le futur est déjà là – il est juste encore inégalement réparti. William Gibson
J’ai senti que j’essayais de décrire un présent impensable, mais en réalité je sens que le meilleur usage que l’on puisse faire de la science-fiction aujourd’hui est d’explorer la réalité contemporaine au lieu d’essayer de prédire l’avenir… La meilleure chose à faire avec la science aujourd’hui, c’est de l’utiliser pour explorer le présent. La Terre est la planète alien d’aujourd’hui.William Gibson
Toute technologie émergente échappe spontanément à tout contrôle et ses répercussions sont imprévisibles.William Gibson
What we call technology in our science is almost always emergent technology. … They don’t mean the technology we’ve had for 50 years, which has already changed us more than we’re capable of knowing. When I say technology, I’m sort of thinking of the whole anthill we’ve been heaping up since we came out of the caves, really. So we’re living on top of a quite randomly constructed heap of technologies that were once new, and that now we don’t even think of as technology. « People think technology is something we bring home in a box from some kind of future shop.(…) When I watch my work sort of travel down the timeline of the real future, I just see it acquiring that beautiful, absolutely standard patina of wacky quaintness that any imaginary future will always acquire. That’s where your flying car and your food pills all live — and all the other stuff they promised our parents. (…) I’ve been writing stuff set in the 21st century since 1981. Now that I’ve actually arrived into the 21st century the hard way, the real 21st century is so much wackier and more perverse than anything I’ve been able to make up. I wake up in the morning, look at the newsfeed on my computer and away I go.William Gibson
Il est temps de rétablir ce grand principe qu’on semble méconnaître : que les enfants appartiennent à la République avant d’appartenir à leurs parents.Danton (1793)
Depuis que l’ordre religieux est ébranlé – comme le christianisme le fut sous la Réforme – les vices ne sont pas seuls à se trouver libérés. Certes les vices sont libérés et ils errent à l’aventure et ils font des ravages. Mais les vertus aussi sont libérées et elles errent, plus farouches encore, et elles font des ravages plus terribles encore. Le monde moderne est envahi des veilles vertus chrétiennes devenues folles. Les vertus sont devenues folles pour avoir été isolées les unes des autres, contraintes à errer chacune en sa solitude. G.K. Chesterton
L’inauguration majestueuse de l’ère « post-chrétienne » est une plaisanterie. Nous sommes dans un ultra-christianisme caricatural qui essaie d’échapper à l’orbite judéo-chrétienne en « radicalisant » le souci des victimes dans un sens antichrétien. René Girard
On a commencé avec la déconstruction du langage et on finit avec la déconstruction de l’être humain dans le laboratoire. (…) Elle est proposée par les mêmes qui d’un côté veulent prolonger la vie indéfiniment et nous disent de l’autre que le monde est surpeuplé.René Girard
Les progrès des biotechnologies nous annoncent la possibilité du clonage humain, promesse d’une transformation de l’espèce humaine, qui est très exactement ce sur quoi ont buté le xixe et le xxe siècles. Les philosophies de l’Histoire, le marxisme comme le fascisme et le nazisme, ont rêvé toutes les trois d’un homme nouveau, et recommandé sa production à partir d’une révolution sociale. Slotterdijk nous dit : attention, nous risquons de voir se réaliser ce fantasme et cette utopie qui ont nourri les philosophies de l’histoire et conduit aux catastrophes que l’on sait. (…)Je crois que c’est une très grande erreur d’isoler l’histoire actuelle des développements de la biologie moléculaire, de l’histoire actuelle du développement des théories de l’information et des nouveaux matériaux. C’est en fait la même révolution, et souvent avec les mêmes acteurs, passant de la physique ou de l’information à la biologie. Il ne faut pas dissocier les biotechnologies des autres avancées scientifiques, ce sont les mêmes, dans le même contexte des technosciences, livrées à l’empire de la physico-chimie ; et n’oublions pas les intérêts concurrentiels des entreprises privées et publiques. (…) Nous sommes entrés dans un monde nouveau, radicalement nouveau, ce qui explique que les utopies se réalisent effectivement, à force à la fois de science et de fantasmes. (…) Slotterdijk s’appuie sur le politique de Platon pour montrer que toute l’histoire de l’humanité se réduit à la manière dont, grâce à l’éducation, on a pu distinguer et choisir les meilleurs, parmi les élites, et que, à terme, la biologie permettra enfin une sélection autrement plus efficace que celle des belles lettres. (…)Le siècle que nous avons vécu, siècle court qui a commencé en 1914, 1917 ou 1918 et qui s’est terminé en 1991, a vécu d’utopies réalisées qui ont fort mal tourné. Les totalitarismes fondés sur l’exploitation et la servitude des masses consentantes en ont fait un siècle de terreur et de massacres d’une ampleur sans précédent. À des titres, dans un style et suivant des répercussions différents, communisme, fascisme et nazisme ont envahi la scène de l’Histoire en proposant chacun l’idée de la fabrique d’un homme nouveau appelé à succéder aux impostures de l’humanisme. Dans ce désaveu de l’humanisme, c’est d’abord le procès de la bourgeoisie que, de tous côtés, écrivains et philosophes du xixe siècle, de Flaubert ou Baudelaire à Marx ou à Nietzsche, ont dressé, procès que les idéologies totalitaires du xxe siècle ont repris à leur compte, jusqu’à revendiquer l’inhumanité comme moteur de l’Histoire, c’est-à-dire comme l’instrument de leur expansion. Je ne vais pas insister sur ce point, mais si on réfléchit à la question suivante – d’où vient la tragédie de ce siècle ? – je crois qu’elle vient de ce que le procès intellectuel fait à la bourgeoisie a nourri, sur les désastres de la Première Guerre mondiale, les passions révolutionnaires, celles de droite comme celles de gauche, toutes les formes de gauches ; celles qui ont précédé la fin du communisme et celles qui l’ont suivie s’en sont encore inspirées, des Brigades rouges à la bande à Baader, mais aussi à l’armée de purification prolétarienne organisée par Pol Pot en religion d’État au Cambodge. Je crois qu’il faut lire et relire François Furet pour comprendre combien ce procès de la bourgeoisie, dont l’instruction remonte au xixe siècle, s’est confondu, au lendemain de la Première Guerre mondiale, avec le procès de la démocratie. Dans la culture européenne, le mépris mêlé de haine dont la bourgeoisie a été l’objet se confond avec cette dénonciation de l’humanisme, paravent des abus et des crimes qui se commettent dans l’exploitation du prolétariat par le capitalisme, du Nègre et du Jaune par le colonialiste, des peuples par l’impérialisme. Déficit moral et politique. Tartufferie des régimes parlementaires. Hypocrisie des libertés formelles. Imposture des sociétés démocratiques qui prétendent diffuser la civilisation alors qu’elles imposent la domination de la classe bourgeoise sur toutes les autres et tirent parti de leur génie technique pour asservir le prolétariat ou détériorer la pureté de la race. C’est de ce procès que vont naître et s’alimenter les passions révolutionnaires. En termes de psychanalyse, je crois qu’il faut relever cette note de François Furet : ce trait sans doute unique de la démocratie moderne dans l’Histoire universelle, cette capacité infinie à produire des enfants et des hommes qui détestent le régime social et politique dans lequel ils sont nés, haïssent l’air qu’ils respirent alors qu’ils en vivent et qu’ils n’en ont pas connu d’autre. La scène fondamentale de cette société n’est pas, comme l’a cru Marx, la lutte de l’ouvrier contre le bourgeois, c’est celle qui fait d’un peu tout le monde, y compris du bourgeois lui-même, l’ennemi du bourgeois. Le grand secret de la complicité entre communisme, fascisme et nazisme, quelles que soient leurs différences, qui sont considérables, c’est l’existence de cet adversaire commun, le bourgeois que chacun d’entre eux entend dénoncer, exorciser et combattre dans une lutte à mort. À partir du xixe siècle, l’Histoire en place dans notre société laïcisée remplace Dieu dans la toute-puissance sur le destin des hommes, mais c’est bien au xxe siècle que se font voir les folies politiques nées de cette substitution. Nietzsche devient alors le repère fondamental de cette manière de considérer que l’Histoire peut transformer non seulement la société, mais aussi la nature humaine et produire l’homme nouveau. On aurait pu croire enterré ce fantasme de l’homme nouveau après l’écrasement du nazisme et l’implosion du communisme. On aurait pu croire précisément que la fin du communisme, ayant fait de celui-ci – je cite Furet – un objet historique offert à l’autopsie, que la dissection effectuée par les historiens ait suffi à démystifier tous les mythes que les grands monstres de ce siècle ont entretenu, rendant caduques les sensibilités, les passions et, finalement, les utopies qui ont conduit à professer que, sous les décombres de l’humanisme, il y a toujours place pour une fabrique de l’homme nouveau. Mais l’heure de vérité qui a dévoilé les désastres des États totalitaires n’y a pas mis fin. (…) Ça veut dire que l’on attend toujours d’une forme de la science, qu’elle soit historique ou biologique, un rebondissement éminemment révolutionnaire au sens où l’avenir peut être conditionné par la confrontation non plus entre sociétés, mais entre les sociétés et le progrès scientifique et technique. Les régimes totalitaires ont été vaincus non pas parce qu’ils ont insuffisamment malaxé la pâte humaine, mais parce que la résistance de la pâte humaine a eu raison de leur idéologie. Quand la science et la technologie interviennent en réduisant la pâte à ses composants physico-chimiques, là où les philosophies de l’Histoire ont échoué, le biopouvoir, associé aux technologies de l’information et de la communication, doit permettre de transformer la nature même de l’homme et de créer enfin l’espèce nouvelle que les dictateurs prophètes du xxe siècle ne sont pas parvenus à enfanter. Retrouvailles avec le xixe siècle, qui ne sont pas paradoxales, en apparence seulement. Ce n’était pas seulement le siècle des philosophies de l’Histoire, c’était aussi celui du positivisme. C’est aussi suggérer que nous entrons dans le xxie siècle avec une cohorte de repères radicalement différents qui annuleraient tous les principes, toutes les valeurs dont la civilisation occidentale s’est inspirée ou par rapport auxquels elle s’est définie jusqu’à présent. L’homme nouveau aurait définitivement pris le deuil de l’humanisme et l’utopie post-moderniste donnerait congé à toute morale qui fasse passer les impératifs de la conscience avec l’irrépressible poids des faits, des démonstrations et, surtout, des réalisations scientifiques. L’homme du xxie siècle serait voué, comme le héros des Particules élémentaires de Michel Houellebecq, à se satisfaire de la jubilation du désastre, c’est-à-dire à voir disparaître l’humanité en lui et autour de lui. Je ne cite pas Houellebecq au hasard. Il fait partie, dans l’ordre du roman, de cette cohorte de prophètes qui déclinent aujourd’hui la fabrique de l’homme nouveau dans l’ordre des essais philosophiques, et celui-là dans l’ordre des romans, en se réclamant des conquêtes et des promesses irrépressibles de la biologie moléculaire et plus généralement des progrès de la science la plus contemporaine, liée de part en part aux conquêtes de la technologie au point d’en être indissociable, avec ses fantasmes de domination et de pouvoir, qui permettraient enfin de réussir là où toutes les philosophies de l’Histoire ont échoué. Je n’évoquerai pas Fukuyama, qui a beaucoup parlé de la fin de l’Histoire, et qui finalement a découvert tout simplement comme Slotterdijk que la solution est précisément celle qui viendra du triomphe des biotechnologies. Pourquoi terminer sur la figure de Nietzsche ? Lorsque vous interprétez toutes ces philosophies, vous voyez bien qu’il y a un recours qui consiste à dénoncer dans la bourgeoisie le petit homme, l’homme qui est incapable de dominer l’Histoire et qui se soumet à tout, le contraire du surhomme. Fukuyama a terminé un article où il annonce précisément la soumission de l’humanité à venir à la biotechnologie, de la manière suivante : d’ici les deux prochaines générations, la biotechnologie nous donnera les outils qui nous permettront d’accomplir ce que les spécialistes d’ingénierie sociale n’ont pas réussi à faire. À ce stade, nous en aurons définitivement terminé avec l’histoire humaine, rien que cela ! parce que nous aurons aboli les êtres humains en tant que tels. Commencera alors une nouvelle histoire, au-delà de l’humain. Ainsi parlait Zarathoustra, qui n’est assurément pas étranger à cette vision du redémarrage de l’Histoire au prix du retour du surhomme. La même année, donc, dans un tout autre contexte que celui de la bonne et impériale conscience américaine, Slotterdijk présentait sa conférence en Allemagne sur le parc ou le zoo humain. La relance de la fabrique de l’homme nouveau, grâce aux interventions des biotechnologies, renvoie aux mêmes périls que ceux auxquels le siècle qui s’est terminé a été exposé par les utopies totalitaires.Jean-Jacques Salomon
Nous voulons nous assurer que chaque électeur qui se rendra aux urnes sache précisément ce que Barack Obama fera pour imposer un changement fondamental en tant que président.Bill Burton (porte-parole du candidat Obama, 29.10.08)
After decades of broken politics in Washington, and eight years of failed policies from George W. Bush, and 21 months of a campaign that’s taken us from the rocky coast of Maine to the sunshine of California, we are five days away from fundamentally transforming the United States of America. In five days, you can turn the page on policies that put greed and irresponsibility on Wall Street before the hard work and sacrifice of folks on Main Street. In five days, you can choose policies that invest in our middle class, and create new jobs, and grow this economy, so that everyone has a chance to succeed, not just the CEO, but the secretary and janitor, not just the factory owner, but the men and women on the factory floor. Barack Obama (Columbia, Missouri, October 30, 2008)
I don’t think we have to fundamentally transform the nation. (…) I think that what we have to do is make sure that here in America, if you work hard, you can get ahead. Bill, you and I benefited from this incredible country of ours, in part, because there were good jobs out there that paid a good wage, because you had public schools that functioned well, that we could get scholarships if we didn’t come from a wealthy family, in order to go to college. (…) That, you know, if you worked hard, not only did you have a good job, but you also had decent benefits, decent health care… (…) and for a lot of folks, we don’t have that. We’ve got to make sure that we’re doing everything we can to expand the middle class… (…) — and work hard and people who are working hard can get into the middle class.Barack Obama (February 2, 2014)
Je crois que l’homosexualité est un défaut, une erreur, une distorsion… et que l’on peut en être entièrement restauré. Je sais que ce point de vue va à l’encontre des discours politiques populaires de ce monde, et je suis conscient que ce point de vue me vaut d’être considéré comme ‘un fanatique de droite’ qui doit juste être anéanti. (…) Je prie Dieu tous les jours pour ma sécurité. J’aime mon Dieu. J’aime ma vie. Je souhaite vivre une vie qui honore Dieu. (…) Plutôt que de vouloir ma mort, je voudrais que vous puissiez envisager la possibilité que j’ai le droit légitime à la vie et le droit légitime de suivre mon propre chemin de foi. Michael Glatze
Je suis totalement abasourdi. Hier soir, lors de l’émission Des paroles et des actes, j’ai dit que face à une ultra droite nationaliste qui voulait réserver la civilisation française aux Français de sang et de vieille souche, la gauche a traditionnellement défendu l’intégration et l’offrande à l’étranger de cette civilisation. La gauche en se détournant de l’intégration abandonne de fait cette offrande. Manuel Valls a expliqué que nous avions tous trois -lui-même, David Pujadas et moi – des origines étrangères et que c’était tout à l’honneur de la France. J’ai acquiescé mais j’ai ajouté qu’il «ne fallait pas oublier les Français de souche». L’idée qu’on ne puisse plus nommer ceux qui sont Français depuis très longtemps me paraît complétement délirante. L’antiracisme devenu fou nous précipite dans une situation où la seule origine qui n’aurait pas de droit de cité en France, c’est l’origine française. Mes parents sont nés en Pologne, j’ai été naturalisé en même temps qu’eux en 1950 à l’âge de un an, ce qui veut dire que je suis aussi Français que le général de Gaulle mais que je ne suis pas tout à fait Français comme lui. Aujourd’hui, on peut dire absolument n’importe quoi! Je suis stupéfait et, je dois le dire, désemparé d’être taxé de racisme au moment où j’entonne un hymne à l’intégration, et où je m’inquiète de voir la gauche choisir une autre voie, celle du refus de toute préséance de la culture française sur les cultures étrangères ou minoritaires. L’hospitalité se définit selon moi par le don de l’héritage et non par sa liquidation. Alain Finkielkraut
Ses trois fils l’appellent toujours papa. Alors, évidemment, ça fait bizarre quand ils sont tous ensemble dans la rue, maintenant qu’elle a ces longs cheveux bouclés, ces créoles qui dansent aux oreilles, ces bagues et ces gestes gracieux qu’elle semble avoir esquissés toute sa vie. Pourtant, cela ne fait qu’un an que Chloé Avrillon, 42 ans, vit dans ce corps de femme dont elle avait toujours rêvé. (…) Presque un an après son opération, à Bangkok, qui a finalisé sa métamorphose, elle continue à s’émerveiller de sa toute nouvelle féminité : « J’en suis encore aux premières fois. » La première robe, le premier soutien-gorge, les premiers talons… Et, bientôt, ses nouveaux papiers : la semaine dernière [fin octobre 2012, NDLR], la cour d’appel de Rennes a donné à Wilfrid Avrillon le droit de changer d’état civil et de s’appeler enfin Chloé Avrillon. Alors qu’elle est toujours mariée à Marie, la mère de ses trois enfants. (…) c’est pourtant Marie qui va parler la première. Elle confesse ce qu’elle a caché si longtemps à son mari. Avant lui, elle n’avait aimé que des filles. Ses parents n’avaient jamais accepté son homosexualité, elle est tombée amoureuse de lui sans vraiment comprendre comment c’était possible. « Elle avait senti que j’étais une fille dans un corps de garçon. Mais pendant toutes ces années, on ne s’était rien dit. Elle avait peur de me perdre. Comme moi j’avais peur de la perdre. » (…) Pudiquement, elle avoue que Marie et elle ont désormais « repris leur liberté » : Chloé a rencontré une autre femme, Marie-Pierre, Marie aussi. » (…) Pourtant, Chloé et Marie se sont battues devant les tribunaux pour rester mariées, pour que le changement d’état civil de Chloé n’annule pas leur passé.Le Nouvel Observateur
Dans le texte de la pétition s’opposant au rapport Lunacek, les signataires estiment que le document « détourne une politique de non-discrimination pour créer des privilèges au profit de certains citoyens sur la base de leur sexualité ». « Le rapport Lunacek ne laissera aucun autre choix aux institutions de l’UE et aux Etats membres que d’incorporer l’agenda LGBTI à la conception de politiques publiques ». En réalité, les signataires confondent la feuille de route, qui reste de nature générale, avec une série d’amendements adoptés par la commission parlementaire des droits de la femme et de l’égalité des genres, qui effectivement, proposaient d’aller plus loin que le rapport initial. Parmi ces amendements figurent notamment une incitation à étendre les traitements de fertilité et de procréation médicalement assistée aux personnes LGBT ou la possibilité que les enfants aient plus de deux parents, mais aucun n’a été intégré au texte voté mardi au Parlement européen. « Nous avons voulu rester sur le document de consensus, approuvé par les cinq grandes familles politiques européennes », assure Ulrike Lunacek. Le Monde
C’est le sens de l’histoire (…) Pour la première fois en Occident, des hommes et des femmes homosexuels prétendent se passer de l’acte sexuel pour fonder une famille. Ils transgressent un ordre procréatif qui a reposé, depuis 2000 ans, sur le principe de la différence sexuelle.Evelyne Roudinesco
Le PACS est radicalement différent du mariage parce qu’il n’est pas question, ni aujourd’hui ni demain, que deux personnes physiques du même sexe, quel que soit leur sexe, puissent se marier. (…) Une famille ce n’est pas simplement deux individus qui contractent pour organiser leur vie commune. C’est bien plus que cela. C’est l’articulation et l’institutionnalisation de la différence des sexes. C’est la construction des rapports entre les générations qui nous précèdent et celles qui vont nous suivre. La famille c’est aussi la promesse et la venue de l’enfant. Celui-ci nous inscrit dans une histoire qui n’a pas commencé avec nous et qui ne se terminera pas avec nous. (…) Un enfant a droit à un père et une mère. Ce droit de l’enfant ne doit pas dépendre du statut juridique du couple de ses parents. (…) Enfin certains ajoutent encore une menace: le pacte ne serait qu’une première étape vers le droit à la filiation pour les couples homosexuels ! Ceux qui le prétendent sont libres d’exprimer leur opinion personnelle. Ils n’engagent qu’eux-mêmes. Le gouvernement a voulu, je l’ai dit, et c’est un choix réfléchi et déterminé, que le pacte ne concerne pas la famille. Comment pourrait-il avoir un effet sur la filiation ? Sur ce sujet je veux être parfaitement claire : Je reconnais totalement le droit de toute personne à avoir la vie sexuelle de son choix. Mais je dis avec la plus grande fermeté que ce droit ne doit pas être confondu avec un hypothétique droit à l’enfant. Un couple, qu’il soit hétérosexuel ou homosexuel, n’a pas de droit à avoir un enfant en dehors de la procréation naturelle qui, elle, implique nécessairement un homme et une femme. Les lois récentes sur la procréation médicalement assistée ont été l’occasion de tracer les limites du droit à l’enfant comme source de bonheur individualiste. Elles ont clairement indiqué, et je partage ce point de vue, que les procréations médicalement assistées ont pour but de remédier à l’infertilité pathologique d’un couple composé d’un homme et d’une femme. Elles n’ont pas pour but de permettre des procréations de convenance sur la base d’un hypothétique droit à l’enfant. (…) Pourquoi l’adoption par un couple homosexuel serait-elle une mauvaise solution ? Parce que le droit, lorsqu’il crée des filiations artificielles, ne peut, ni ignorer, ni abolir la différence entre les sexes. Cette différence est constitutive de l’identité de l’enfant et du sens de cette identité ; c’est-à-dire qu’est-ce qu’être un homme ou une femme ? Je soutiens comme de nombreux psychanalystes et psychiatres qu’un enfant a besoin pour sa structuration psychique, sociale et relationnelle d’avoir face à lui, pendant sa croissance, un modèle de l’altérité sexuelle, un référent homme et un référent femme. Un enfant adopté, déjà privé de sa famille d’origine, a d’autant plus besoin de stabilité sans que l’on crée pour lui, en vertu de la loi, une difficulté supplémentaire liée à son milieu d’adoption. Mon refus de l’adoption pour des couples homosexuels est fondé sur l’intérêt de l’enfant et sur ses droits à avoir un milieu familial où il puisse épanouir sa personnalité. C’est ce point de vue que je prends en considération et non le point de vue des couples qu’ils soient hétérosexuels ou homosexuels. Je n’ignore pas les procès d’intention sur un éventuel » après » de cette proposition de loi qui prépareraient des évolutions plus fondamentales de notre droit. Ce texte serait » une valise à double fond « . Je m’élève avec la plus grande énergie contre de telles insinuations. Les mots ont un sens. Ce vocabulaire de contrebande, qui fait croire que ce texte cacherait autre chose et que vos rapporteurs et le Gouvernement exerceraient une fraude à la loi, est inacceptable.Elisabeth Guigou (Assemblée nationale, 1998)
A l’époque, l’important était de faire passer le pacs. Il y avait une résistance farouche au pacs à l’Assemblée, mais aussi dans la société avec des manifestations, des débordements verbaux inadmissibles… Donc, l’important, c’était de dissocier le pacs du mariage, sur le plan légal et sur le plan symbolique. En 1998, il n’était pas possible de mettre sur la table la question du mariage homosexuel, même au sein du gouvernement, il a fallu que j’insiste. A l’époque c’était quelque chose qui était beaucoup moins admis dans la société, vous ne trouverez plus personne opposé au pacs aujourd’hui. Aujourd’hui, j’ai évolué sur le mariage, j’ai considéré, en parlant avec les associations que, dès lors qu’il s’agissait de consentement mutuel entre deux adultes, il n’était pas possible de refuser une égalité des droits. La société a beaucoup évolué, moi même je garde mes interrogations sur l’adoption ; il faut trouver comment écrire dans le code civil comment s’organise la filiation d’un enfant qui est adopté par un couple homo.Elisabeth Guigou (2012)
Eduquer pour changer les mentalités et transformer la société Devenue une obligation légale depuis 2001, l’ éducation à la sexualité à l’école est peu appliquée: les moyens comme la volonté manquent. Come nous le montrent des programmes expérimentés dans nos territoires, elle a pourtant comme conséquence à court terme une baisse des violences, une meilleure attention des élèves, une prévention accrue dans le domaine de la santé et à plus long terme une baisse des violences faites aux femmes, un recul du machisme, une baisse sensible des suicides chez les adolescents et une plus grande facilité d »émancipation des femmes et des hommes des rôles qui leurs ont assignés. Le poids des rôles sociaux, des préjugés qui, pèse sur la possibilité des individus à exprimer librement et vivre sereinement leur genre et leur sexualité, lorsqu’ils s’écartent des modèles dominants. L’éducation permettra de déconstruire les préjugés de genre, sexistes, et de lutter contre les violences et discriminations qu’ils engendrent. Nous formerons tous les acteurs éducatifs à la question de l’éducation aux rapports entre les sexes, à partir d’un travail sur les stéréotypes et les assignations de genre. Pour tous les élèves de la classe de CP à la terminale, et tous les ans, 6 heures d’éducation à la sexualité, à l’égalité et au respect mutuel, seront assurées. Les intervenants extérieurs devront nouer des liens avec les acteurs scolaires et extra-scolaires liés à l’établissement afin d’intégrer la question de l’égalité entre les sexes et les sexualités dans un projet global. Convention égalité réelle (page 36, PS, 11 décembre 2010)
La révolution française est l’irruption dans le temps de quelque chose qui n’appartient pas au temps, c’est un commencement absolu, c’est la présence et l’incarnation d’un sens, d’une régénération et d’une expiation du peuple français. 1789, l’année sans pareille, est celle de l’engendrement par un brusque saut de l’histoire d’un homme nouveau. La révolution est un événement méta-historique, c’est-à -dire un événement religieux. La révolution implique l’oubli total de ce qui précède la révolution. Et donc l’école a un rôle fondamental, puisque l’école doit dépouiller l’enfant de toutes ses attaches pré-républicaines pour l’élever jusqu’à devenir citoyen. C’est à elle qu’il revient de briser ce cercle, de produire cette auto-institution, d’être la matrice qui engendre en permanence des républicains pour faire la République, République préservée, république pure, république hors du temps au sein de la République réelle, l’école doit opérer ce miracle de l’engendrement par lequel l’enfant, dépouillé de toutes ses attaches pré-républicaines, va s’élever jusqu’à devenir le citoyen, sujet autonome. Et c’est bien une nouvelle naissance, une transsubstantiation qui opère dans l’école et par l’école, cette nouvelle église avec son nouveau clergé, sa nouvelle liturgie, ses nouvelles tables de la Loi. La société républicaine et laïque n’a pas d’autre choix que de «s’enseigner elle-même » (Quinet) d’être un recommencement perpétuel de la République en chaque républicain, un engendrement continu de chaque citoyen en chaque enfant, une révolution pacifique mais permanente. Vincent Peillon (« La Révolution française n’est pas terminée », 2008)
Le gouvernement s’est engagé à « s’appuyer sur la jeunesse pour changer les mentalités », notamment par le biais d’une éducation au respect de la diversité des orientations sexuelles. L’engagement de notre ministère dans l’éducation à l’égalité et au respect de la personne est essentiel et prend aujourd’hui un relief particulier. Il vous appartient en effet de veiller à ce que les débats qui traversent la société française ne se traduisent pas, dans les écoles et les établissements, par des phénomènes de rejet et de stigmatisation homophobes. (…) La lutte contre l’homophobie en milieu scolaire, public comme privé, doit compter au rang de vos priorités. J’attire à ce titre votre attention sur la mise en œuvre du programme d’actions gouvernemental contre les violences et les discriminations commises à raison de l’orientation sexuelle ou de l’identité de genre. Je souhaite ainsi que vous accompagniez et favorisiez les interventions en milieu scolaire des associations qui luttent contre les préjugés homophobes, dès lors que la qualité et la valeur ajoutée pédagogique de leur action peuvent être établies. Je vous invite également à relayer avec la plus grande énergie, au début de l’année, la campagne de communication relative à la « ligne azur », ligne d’écoute pour les jeunes en questionnement à l’égard de leur orientation ou leur identité sexuelles. Dans l’attente des conclusions du groupe de travail sur l’éducation à la sexualité, vous serez attentif à la mise en œuvre de la circulaire du 17 février 2003 qui prévoit cette éducation dans tous les milieux scolaires et ce, dès le plus jeune âge. La délégation ministérielle de prévention et de lutte contre la violence dirigée par Eric Debarbieux, permettra de mieux connaître la violence spécifique que constitue l’homophobie. Enfin, vous le savez, j’ai confié à Michel Teychenné une mission relative à la lutte contre l’homophobie, qui porte notamment sur la prévention du suicide des jeunes concernés. Je vous remercie de leur apporter tout le concours nécessaire à la réussite de leurs missions. Je souhaite que 2013 soit une année de mobilisation pour l’égalité à l’école.Vincent Peillon (minitre de l’Education nationale, Lettre aux Recteurs d’Académies, 4 janvier 2013)
Dans sa lettre du 4 janvier adressée aux recteurs, Vincent Peillon affirme sa volonté de révolutionner la société en se servant de l’école : « le gouvernement s’est engagé à s’appuyer sur la jeunesse pour changer les mentalités, notamment par le biais d’une éducation au respect de la diversité des orientations sexuelles », affirme-t-il en début de lettre. On remarque les termes : « s’appuyer sur la jeunesse » pour « changer les mentalités ». Qui ? Le gouvernement. En réalité, c’est donc lui qui choisit les orientations politiques et morales qui doivent prévaloir dans la société. Ce n’est plus la famille, l’école et la société adulte qui éduquent la jeunesse. Contrairement à la Déclaration universelle des Droits de l’Homme de 1948, c’est donc désormais l’État en France qui se pose en seul détenteur de la vérité. On assiste à une dérive théocratique de l’État républicain actuel. Et cette jeunesse, qui, par définition, ne possède pas encore les repères lui permettant de poser des choix par elle-même, il la mobilise dans le sens qu’il juge bon, selon le schéma de la révolution culturelle. La position de Vincent Peillon est vraiment choquante. Lorsqu’il s’appuie sur la jeunesse comme moteur révolutionnaire, renouant avec l’esprit de 1968, le gouvernement sort à l’évidence de son rôle : il instrumentalise la jeunesse à des fins politiques, pour changer les représentations sexuelles et morales dominantes. Ce faisant, il change les règles du jeu au sein de l’École publique en abandonnant ostensiblement l’exigence de neutralité. L’État sort également de son devoir de neutralité et de respect des droits éducatifs familiaux et de l’intimité des enfants lorsque le ministre demande aux recteurs de renforcer les campagnes d’information sur la ligne azur. Ainsi, contrairement à ce qui est affiché, il ne s’agit plus de lutter contre des stigmatisations homophobes en tant que telles, il s’agit bien plutôt d’inciter activement les jeunes en recherche d’identité (comme le sont par construction tous les adolescents) à explorer pour eux-mêmes la voie de l’homosexualité ou de la transsexualité. De même, lorsque le ministre encourage les recteurs à faire intervenir davantage les associations de lutte contre l’homophobie, il encourage en pratique l’ingérence dans l’enceinte de l’école d’associations partisanes engagées dans la banalisation et la promotion des orientations sexuelles minoritaires, si l’on se réfère à la liste des associations agréées par l’Éducation nationale pour intervenir sur ces thématiques dans les établissements. Il favorise donc des prises de paroles unilatérales auprès des jeunes, sur un sujet qui n’a pas encore été tranché par le législateur. (…) Durant la période soviétique, comme durant d’autres périodes totalitaires, il était habituel de se servir des enfants pour démasquer et sanctionner les opinions dissidentes des parents. C’était l’époque de la délation par ses propres enfants. Revenir à de telles pratiques inhumaines et profondément immorales serait une grave régression de l’État de droit. Non content enfin de mettre au pas les écoles publiques, le gouvernement entend aussi museler les écoles privées en bafouant clairement leur caractère propre. Il est évident que les écoles dont le projet éducatif et l’identité sont fondés sur la foi seront opposées à la légalisation du mariage homosexuel. Leur demander d’être neutres sur ce sujet n’a aucun sens, si ce n’est celui de leur faire renier purement et simplement leur vocation spécifique. Anne Coffinier
Je précise d’emblée que je ne soutiens en rien les mouvements qui appellent à boycotter l’école et qui manipulent les esprits. Mais il ne faut pas abandonner ce débat à l’extrême droite. Or, dans ce qui est dénoncé aujourd’hui, il y a une part de réalité. Certes, la théorie du genre en tant que telle n’est pas enseignée à l’école primaire mais plusieurs de ses postulats y sont diffusés. (…) Pour les tenants de cette théorie, l’identité sexuelle est, de part en part, construite. Selon eux, il n’y a pas de continuité entre le donné biologique – notre sexe de naissance – et notre devenir d’homme ou de femme. C’est, poussé à l’extrême, la formule de Simone de Beauvoir dans Le Deuxième sexe «On ne naît pas femme, on le devient». Et les théoriciens du genre poursuivent: à partir du moment où tout est «construit», tout peut être déconstruit. (…) Prenons les «ABCD de l’égalité», qui sont des parcours proposés aux élèves et accompagnés de fiches pédagogiques pour les enseignants. Ils sont supposés servir à enseigner l’égalité hommes-femmes. Qu’en est-il? Dans une fiche, intitulée «Dentelles, rubans, velours et broderies», on montre un tableau représentant Louis XIV enfant qui porte une robe richement ornée et des rubans rouges dans les cheveux. L’objectif affiché? Faire prendre conscience aux élèves de l’historicité des codes auxquels ils se soumettent et gagner de la latitude par rapport à ceux que la société leur impose aujourd’hui… (…) l’objectif est (…) d’«émanciper» l’enfant de tous les codes. Ce qui aboutit à l’abandonner à un ensemble de «possibles», comme s’il n’appartenait à aucune histoire, comme si les adultes n’avaient rien à lui transmettre. Or, il est faux de dire qu’on «formate» un enfant, on ne fait que l’introduire dans un monde qui est plus vieux que lui. (…) On n’est plus dans le simple apprentissage de la tolérance. (…) Sans scrupules, l’école est entraînée dans une politique d’ingénierie sociale. Tout en se donnant bonne conscience, le gouvernement encourage un brouillage très inquiétant. Savons-nous bien ce que nous sommes en train de faire? A l’âge de l’école primaire, les enfants ont besoin de s’identifier, et non pas de se désidentifier. A ne plus vouloir d’une éducation sexuée, on abandonne nos enfants aux stéréotypes les plus kitsch des dessins animés. (…) Il faudrait surtout en finir avec cette mise en accusation systématique du passé. Notre civilisation occidentale, et spécialement française, n’est pas réductible à une histoire faite de domination et de misogynie. Sur la différence des sexes, la France a su composer une partition singulière, irréductible à des rapports de forces. L’apparition d’une culture musulmane change-t-elle la donne? Elle nous confronte en tout cas à une culture qui n’a pas le même héritage en matière d’égalité des sexes. Ce qui me paraît dangereux dans cette «chasse aux stéréotypes» est le risque de balayer d’un revers de main tout notre héritage culturel. Dans un tel contexte, quelle œuvre littéraire, artistique ou cinématographique ne tombera pas sous le coup de l’accusation de «sexisme»? (…) Il existe une volonté de transformer la société, de sortir de toute normativité pour aboutir à un relativisme complet. Le gouvernement Ayrault est en pointe sur ce combat. On l’a vu lors du débat sur le Mariage pour tous. Il ne devrait pas être impossible de dire que l’homosexualité est une exception et que l’hétérosexualité est la norme. La théorie de l’interchangeabilité des sexes se diffuse. Or, nous avons un corps sexué qui est significatif par lui-même et qui ne compte pas pour rien dans la construction de soi. (…) Le principe de l’égalité est incontesté aujourd’hui. Certes, il existe encore ce fameux “plafond de verre” empêchant les femmes d’accéder aux plus hauts postes et des inégalités salariales. Mais les progrès sont inouïs. Doit-on, comme l’a fait récemment le gouvernement, imposer aux hommes de prendre un congé parental? On en arrive à punir la famille parce qu’un homme est récalcitrant à s’arrêter de travailler! Et puis, faut-il rappeler qu’il n’y a pas de cordon ombilical à couper entre un père et son enfant? (…) Je n’ai guère le goût des analogies historiques mais, s’il existe une leçon à retenir des totalitarismes nazi et stalinien, c’est que l’homme n’est pas un simple matériau que l’on peut façonner. Avec la théorie du genre, l’enjeu est anthropologique.Bérénice Levet
Les études sur le genre se sont créées une place dans l’enseignement primaire et secondaire aux États-Unis. Elles ne sont pas enseignées en tant que telles, mais elles ont, peu à peu, pris de l’importance dans la vie scolaire. Un exemple parmi d’autres: dans une école en Californie, cette inscription figure sur l’une des portes: « If you identify yourself as a boy, this is your toilet » (« Si tu te considères comme un garçon, ce sont tes toilettes »). Autre illustration, toujours en Californie, dans une classe de 5e, le cours d’éducation sexuelle est divisé en trois tiers: comment cela se passe entre deux hommes, deux femmes, un homme et une femme… D’ailleurs, dans la vie courante, sur les formulaires administratifs, on ne demande plus le sexe d’une personne mais son genre. (…) On ne peut pas mettre ces revendications sur le même plan que la politique d’égalité hommes-femmes ou que la lutte contre les discriminations raciales. Sous couvert de faire avancer l’égalité entre les sexes, on a diffusé ce concept du genre. Jusqu’à quel niveau faudra-t-il aller dans l’exception? Quand il faut gérer dix mille étudiants, avec tous les problèmes que cela suppose, est-il raisonnable de passer autant de temps sur les pratiques sexuelles de 0,1 % de la population? Pourtant, les revendications des LGBTQ focalisent encore l’attention. De plus, il existe une vraie censure. Personne n’ose vraiment remettre en question le bien-fondé de cette importance accordée au genre. il n’y a jamais eu, comme en France actuellement, une volonté de l’État d’imposer une doctrine du genre à toute la société… Contrairement à ce qui est prévu dans les ABCD de l’égalité, à aucun moment aux États-Unis il n’est demandé aux élèves ou aux étudiants de « rejuger » les œuvres littéraires ou artistiques du passé avec les référentiels du genre ou de l’égalité. Il n’y a jamais eu cette volonté – très communiste, voire stalinienne – de « réécrire » l’Histoire et de réinterpréter les contes (…) Mais ce n’est pas parce qu’on a beaucoup lutté, à juste titre, contre l’homophobie qu’il faut diffuser dans toute la population la problématique du genre. Ce n’est pas du tout pareil. On est passé d’une problématique « un homme peut aimer un homme » à l’idée que tout le monde peut être homme ou femme et qu’il n’y a pas de sexe biologique. Cette confusion me semble très perturbante. Elle participe de l’idée, répandue parmi, disons, la génération 2.0, d’une surpuissance de l’Homme sur la nature. (…) En vingt ans, les LGBTQ sont devenus puissants. Ils peuvent être procéduriers en cas de litige. L’université du Texas, à Houston, a dû ainsi se défendre dans un énorme procès sur l’absence de bourses destinées aux seuls étudiants LGBTQ. Ils sont également actifs dans les campagnes de levée de fonds et reçoivent beaucoup d’argent de Hollywood ou des entreprises high-tech de Californie. Jeff Bezos, le fondateur du site de distribution Amazon, figure ainsi parmi les gros donateurs de la cause homosexuelle, comme Larry Page ou le fondateur de Paypal, Peter Thiel. C’est un lobby influent, avec des capacités de financement très importantes. Les candidats aux élections présidentielles américaines ont tous reçu des subsides de ces groupes de pression. Ni l’Administration Obama, ni, avant, celle de Bush, n’ont pris leurs distances avec ces mouvements. Marie-Amélie Lombard
Depuis le 28 janvier, une affaire de catéchisme à l’école fait des ravages dans les médias. Il semble qu’un certain nombre de familles mettent en cause le catéchisme et les dogmes attenants, entendons le discours du genre. Il semble aussi que ces familles récalcitrantes ont été plus ou moins trompées par des messages excessifs ou même faux. Il y a donc des gens qui jouent de dérision pour tenter de subvertir les paroles du ministère de l’éducation. Or ces paroles sont sacrées. C’est péché de s’en moquer. Ledit discours du genre ressemble tellement à une religion qu’on ne peut s’empêcher d’utiliser, pour en décrire les aventures, du vocabulaire religieux. Elle relève de l’idéologie, dont elle porte le fanatisme et l’irréalité. Ses défenseurs sont des apôtres excités, jamais fatigués, toujours l’injure aux lèvres. Les textes du gouvernement concernant l’école précisent que les enfants appartiennent à l’Etat. (…) Nos gouvernants ne doivent pas s’imaginer qu’ils réduiront si facilement les familles françaises à croire que les garçons et les filles ne sont différents que là où le ministère le décide. Car dans la simple réalité, il n’en va pas ainsi. (…) La différence sexuelle engendre des hiérarchies, des discriminations et des inégalités injustes. Et ce sont les filles qui en font toujours les frais. Cela est historique. Faut-il donc supprimer les différences pour supprimer les discriminations ? On songe à cet anarchiste du XIXe siècle qui voulait rayer une ville de la carte pour supprimer la pauvreté qui y régnait. Lorsque tous les pauvres seront morts, lui répondait un autre, il n’y aura plus de pauvreté. Quand au lieu de garçons et de filles vous n’aurez plus qu’un sexe indéterminé, un Tomboy montré en modèle universel dans toutes les écoles de la République, alors il n’y aura plus de discrimination, mais il n’y aura plus de différences non plus. L’indétermination n’est pas l’idéal à poursuivre pour empêcher les inégalités injustes. Celles-ci, mieux vaudrait les combattre en mettant en valeur les différences et leur complémentarité. Pourtant les choses sont plus compliquées. Le discours sur le genre n’évince pas l’altérité en soi, mais il ne reconnaît que les altérités construites, voulues, légitimées par la culture dominante et par les individus eux-mêmes. Les différences ne sont pas reçues, elles doivent être voulues. Le gender est moins une volonté d’indétermination et de retour au chaos qu’une volonté de re-nommer les êtres et de re-programmer les différences que l’ordre naturel avait (mal) faits. On dirait bien que deux totalitarismes ne nous ont pas encore déniaisés, ni découragés de vouloir prendre la place du créateur. (…) Comment se préserver de l’extrémisme que déploient des discours comme celui du gender ? En prenant en compte, non seulement l’émancipation enviable, mais aussi l’enracinement nécessaire qui nous arrime à la condition humaine, à l’histoire, aux exigences naturelles élémentaires. Supprimer tout enracinement : c’est ce qu’avaient tenté les soviets, à ce point que Trotski disait à ce sujet : nous vivons à présent dans un bivouac. Une société humaine ne peut pas faire sa demeure dans un bivouac. Chantal Delsol
La philosophie et les enjeux que j’ai dénoncés au moment de la discussion sur le Pacs sont toujours les mêmes. Pour moi, le Pacs était l’antichambre de la revendication pour le mariage des homosexuels. On s’aperçoit douze ans plus tard que c’est ce qui se passe. Certes, à l’époque, toute la classe politique pensait que le Pacs s’adressait majoritairement aux homosexuels. Or, on s’aperçoit que ce sont majoritairement les hétérosexuels qui s’en sont servis. D’abord parce que je pense qu’il y a davantage d’hétérosexuels que d’homosexuels statistiquement. Il n’empêche que les ingrédients étaient là pour l’ouverture au mariage pour tous, à l’adoption et à la PMA. Là, nous avons ouvert une digue avec le Pacs. (…) L’amalgame qui est fait entre opposition au mariage pour tous et homophobie est un raisonnement qui n’est pas un raisonnement. C’est une qualification sans aucun fondement. C’est une façon de fermer le débat que d’enfermer les opposants au mariage pour tous dans la catégorie des homophobes, c’est une façon de ne pas entendre leurs arguments. Ceux qui sont contre le mariage homosexuel ne doivent pas avoir peur d’être mis dans cette case pour la simple raison de ne pas être pour le mariage homosexuel. Par ailleurs, je crois qu’une forte mobilisation pourra faire changer les choses. Je pense que l’opinion est en train d’évoluer mais ceux que l’on doit faire basculer c’est le gouvernement et le président de la République. Christine Boutin (16.12.12)
A l’heure où à la tête du Monde libre, un président-girouette qui après avoir tant critiqué la politique de son prédécesseur a intensifié tant les éliminations ciblées que la surveillance, jeux compris, des conversations téléphoniques de millions de gens ordinaires à travers le monde, nous annonce l’abandon de son rêve de « changement fondamental » de son pays …
Et qu’après avoir multiplié tant les déclaration que les ouvrages sur la nécessité de « s’appuyer sur la jeunesse pour changer les mentalités » et d’avoir appelé à l’intervention de militants homosexuels dans les écoles, les apprentis-sorciers de ce côté-ci de l’Atlantique nous assurent à présent que la théorie du genre n’existe tout simplement pas et que la procréation médicalement assistée n’avait jamais été envisagée dans la loi sur la famille qu’ils renoncent désormais, sous la pression de la rue comme il y a trente ans pour l’école libre, à présenter au Parlement …
A l’instar d’un Parlement européen qui après avoir fait voter une feuille de route anti-homophobie nous assure avoir renoncé aux amendements adoptés par la commission parlementaire des droits de la femme et de l’égalité des genres qui proposaient d’étendre les traitements de fertilité et de procréation médicalement assistée aux personnes LGBT ou la possibilité que les enfants aient plus de deux parents …
Alors que les partisans du mariage pour tous seront ce dimanche dans les rues, Christine Boutin, présidente du parti Chrétien-Démocrate et opposante du projet de loi, estime qu’il faut être prudent afin de ne pas heurter les sensibilités.
Atlantico
16 décembre 2012
Atlantico : En 1999, vous faisiez déjà partie des opposants aux Pacs, aujourd’hui vous êtes contre le mariage pour tous. Quelles sont les leçons que vous avez tiré du débat sur le Pacs ?
Christine Boutin : La philosophie et les enjeux que j’ai dénoncés au moment de la discussion sur le Pacs sont toujours les mêmes. Pour moi, le Pacs était l’antichambre de la revendication pour le mariage des homosexuels. On s’aperçoit douze ans plus tard que c’est ce qui se passe. Certes, à l’époque, toute la classe politique pensait que le Pacs s’adressait majoritairement aux homosexuels. Or, on s’aperçoit que ce sont majoritairement les hétérosexuels qui s’en sont servis. D’abord parce que je pense qu’il y a davantage d’hétérosexuels que d’homosexuels statistiquement. Il n’empêche que les ingrédients étaient là pour l’ouverture au mariage pour tous, à l’adoption et à la PMA. Là, nous avons ouvert une digue avec le Pacs. Je n’ai pas du tout changé d’avis.
Je n’ai pas l’impression d’avoir à l’époque eu des propos insultants à l’égard des homosexuels parce que c’est contraire à mon choix personnel. Le fait de m’être opposée au Pacs m’a valu d’être qualifiée d’homophobe par les militants minoritaires de la cause homosexuelle, je l’entends, mais je ne suis pas homophobe.
Quelles conclusions en tirez-vous pour le mariage pour tous ? Avez-vous choisi d’aborder le débat différemment ?
Il y a en effet eu dans l’hémicycle des propos inacceptables vis-à-vis des homosexuels, mais je ne les ai pas prononcés.
Le débat sur le Pacs m’a fait prendre conscience qu’il y avait une sensibilité très grande des personnes homosexuelles vis-à-vis du regard que l’on peut porter sur eux.
Le jour du Pacs, à 5 heures du matin des homosexuels sont venus hurler à mon portail : « Les pédés sont chez toi ». Le terme de pédé, je ne l’ai personnellement jamais utilisé parce que ce terme est pour moi choquant et blessant. Que l’on soit homosexuel ou hétérosexuel, il est toujours difficile de s’exprimer en étant certain de ne pas blesser l’autre.
Pour des personnes qui ont une hyper-sensibilité – je ne parle pas uniquement des homosexuels – il faut être d’autant plus attentif.
Par ailleurs, comment éviter les amalgames entre opposition au mariage pour tous et homophobie ?
L’amalgame qui est fait entre opposition au mariage pour tous et homophobie est un raisonnement qui n’est pas un raisonnement. C’est une qualification sans aucun fondement. C’est une façon de fermer le débat que d’enfermer les opposants au mariage pour tous dans la catégorie des homophobes, c’est une façon de ne pas entendre leurs arguments. Ceux qui sont contre le mariage homosexuel ne doivent pas avoir peur d’être mis dans cette case pour la simple raison de ne pas être pour le mariage homosexuel.
Serez-vous à la manifestation le 13 janvier et pourquoi ?
Bien sûr, j’irai manifester le 13 janvier. Je ne suis pas allée à la précédente manifestation car je suis tellement identifiée sur cette cause, je ne voulais pas que la mobilisation soit ramenée à ma personne. Ainsi, les personnes présentes n’ont aucunement pu être instrumentalisées.
Par ailleurs, je crois qu’une forte mobilisation pourra faire changer les choses. Je pense que l’opinion est en train d’évoluer mais ceux que l’on doit faire basculer c’est le gouvernement et le président de la République.
INTERVIEW – Les universités américaines doivent accorder une place toujours plus importante aux minorités sexuelles.
Chef d’entreprise, franco-iranienne, Shéhérazade Semsar a fait ses études supérieures aux États-Unis. Depuis juillet 2013, elle siège au conseil d’administration de l’université de Georgetown (Washington D.C.) après avoir occupé diverses fonctions au sein de ses instances dirigeantes.
LE FIGARO. – Quelle place occupe la question du «genre» aux États-Unis?
Shéhérazade Semsar. – Les études sur le genre se sont créées une place dans l’enseignement primaire et secondaire aux États-Unis. Elles ne sont pas enseignées en tant que telles, mais elles ont, peu à peu, pris de l’importance dans la vie scolaire. Un exemple parmi d’autres: dans une école en Californie, cette inscription figure sur l’une des portes: «If you identify yourself as a boy, this is your toilet» («Si tu te considères comme un garçon, ce sont tes toilettes»). Autre illustration, toujours en Californie, dans une classe de 5e, le cours d’éducation sexuelle est divisé en trois tiers: comment cela se passe entre deux hommes, deux femmes, un homme et une femme… D’ailleurs, dans la vie courante, sur les formulaires administratifs, on ne demande plus le sexe d’une personne mais son genre.
Qu’en est-il à l’université?
La totalité des universités est obligée d’accueillir un LGBTQ Center (un centre lesbien, gay, bisexuel, transsexuel, queer), de la plus connue, Harvard, à une petite faculté du fond de l’Ohio. Une université qui s’y refuserait verrait une partie de ses subventions fédérales coupées. C’est à la fin des années 1980 que des centres lesbiens-gays ont commencé à être institués. Puis, au cours de la décennie suivante, plusieurs procès ont été gagnés en ce sens. Quant au «Q» – pour «queer» – qu’on peut traduire par «ceux qui ne savent pas» ou aussi par «les tordus» – il a été ajouté dans les années 2000. Le «queer» s’oppose aux normes qu’il considère imposées par la majorité hétérosexuelle, il s’appuie sur l’exception pour définir les règles sociales.
Quel est le poids de ces LGBTQ Centers dans la vie universitaire?
Ces centres ont une vocation associative. Ils doivent permettre aux personnes se sentant appartenir aux communautés lesbienne, gay, etc., d’avoir un endroit pour être ensemble et discuter. Mais ils s’assurent aussi que ces catégories sont bien protégées et représentées au sein des différentes entités de l’université et de ses instances dirigeantes. Dans toutes les réunions de direction, il y a toujours un volet LGBTQ. Récemment Harvard a même dû accepter que la catégorie «sado-maso» soit aussi représentée sur son campus sous la dénomination «kinky» (pervers). Désormais, certains militent pour ajouter encore un «I» pour «intersexué» et un «A» pour «asexuel». C’est sans fin… Mais on commence à réaliser l’absurdité de ces revendications qui ne relèvent que de la pratique de la sexualité. Un mouvement, notamment universitaire, qui a pourtant soutenu les «gender studies», trouve que les choses vont trop loin et qu’on est en train de tomber dans un «nationalisme gay». Des associations de défense des droits des homosexuels ont même créé le «no homonationalism».
Rien de commun, selon vous, entre la volonté d’assurer l’égalité hommes-femmes et les revendications de ces minorités sexuelles?
On ne peut pas mettre ces revendications sur le même plan que la politique d’égalité hommes-femmes ou que la lutte contre les discriminations raciales. Sous couvert de faire avancer l’égalité entre les sexes, on a diffusé ce concept du genre. Jusqu’à quel niveau faudra-t-il aller dans l’exception? Quand il faut gérer dix mille étudiants, avec tous les problèmes que cela suppose, est-il raisonnable de passer autant de temps sur les pratiques sexuelles de 0,1 % de la population? Pourtant, les revendications des LGBTQ focalisent encore l’attention. De plus, il existe une vraie censure. Personne n’ose vraiment remettre en question le bien-fondé de cette importance accordée au genre. Cependant, une génération de jeunes a désormais vécu dans cet environnement. On commence à avoir le recul nécessaire pour mesurer ses conséquences.
Ces questions suscitent-elles la polémique aux États-Unis?
Dans l’enseignement, non. Car il n’y a jamais eu, comme en France actuellement, une volonté de l’État d’imposer une doctrine du genre à toute la société… Contrairement à ce qui est prévu dans les ABCD de l’égalité, à aucun moment aux États-Unis il n’est demandé aux élèves ou aux étudiants de «rejuger» les œuvres littéraires ou artistiques du passé avec les référentiels du genre ou de l’égalité. Il n’y a jamais eu cette volonté – très communiste, voire stalinienne – de «réécrire» l’Histoire et de réinterpréter les contes.
Pour certains, la question du genre prolonge la lutte contre l’homophobie.
Mais ce n’est pas parce qu’on a beaucoup lutté, à juste titre, contre l’homophobie qu’il faut diffuser dans toute la population la problématique du genre. Ce n’est pas du tout pareil. On est passé d’une problématique «un homme peut aimer un homme» à l’idée que tout le monde peut être homme ou femme et qu’il n’y a pas de sexe biologique. Cette confusion me semble très perturbante. Elle participe de l’idée, répandue parmi, disons, la génération 2.0, d’une surpuissance de l’Homme sur la nature.
Quelle est la puissance de ces associations?
En vingt ans, les LGBTQ sont devenus puissants. Ils peuvent être procéduriers en cas de litige. L’université du Texas, à Houston, a dû ainsi se défendre dans un énorme procès sur l’absence de bourses destinées aux seuls étudiants LGBTQ. Ils sont également actifs dans les campagnes de levée de fonds et reçoivent beaucoup d’argent de Hollywood ou des entreprises high-tech de Californie. Jeff Bezos, le fondateur du site de distribution Amazon, figure ainsi parmi les gros donateurs de la cause homosexuelle, comme Larry Page ou le fondateur de Paypal, Peter Thiel. C’est un lobby influent, avec des capacités de financement très importantes. Les candidats aux élections présidentielles américaines ont tous reçu des subsides de ces groupes de pression. Ni l’Administration Obama, ni, avant, celle de Bush, n’ont pris leurs distances avec ces mouvements.
En octobre 2012, la cour d’appel de Rennes a validé le changement d’identité d’une transsexuelle mariée et père de trois enfants.
(Article publié dans « le Nouvel Observateur » du 1er novembre 2012)
Ses trois fils l’appellent toujours papa. Alors, évidemment, ça fait bizarre quand ils sont tous ensemble dans la rue, maintenant qu’elle a ces longs cheveux bouclés, ces créoles qui dansent aux oreilles, ces bagues et ces gestes gracieux qu’elle semble avoir esquissés toute sa vie. Pourtant, cela ne fait qu’un an que Chloé Avrillon, 42 ans, vit dans ce corps de femme dont elle avait toujours rêvé.
Pendant quarante ans, j’ai vécu enfermée par erreur dans un corps d’homme que je haïssais. J’ai l’impression d’une seconde naissance. «
Chloé est une transsexuelle, comme on dit, même si elle déteste ce mot, lui préférant le terme « transidentitaire ».
Presque un an après son opération, à Bangkok, qui a finalisé sa métamorphose, elle continue à s’émerveiller de sa toute nouvelle féminité : « J’en suis encore aux premières fois. » La première robe, le premier soutien-gorge, les premiers talons… Et, bientôt, ses nouveaux papiers : la semaine dernière [fin octobre 2012, NDLR], la cour d’appel de Rennes a donné à Wilfrid Avrillon le droit de changer d’état civil et de s’appeler enfin Chloé Avrillon. Alors qu’elle est toujours mariée à Marie, la mère de ses trois enfants.
« Je me suis toujours sentie fille. Je détestais ce corps »
Chloé. C’était le nom qu’elle s’était donné dans son coeur. « Je me suis toujours sentie fille. La puberté, ce fut un déchirement. Je détestais ce corps qui s’éloignait de plus en plus de ce que je voulais être. » Elevé par une mère aimante, un beau-père présent – « les trans ne sont pas forcément des enfants délaissés ! » -, Wilfrid-Chloé est un jeune garçon efféminé, mal dans sa peau, fan de David Bowie et de Boy George, pour leur allure androgyne. A la fois obsédé par les filles, parce qu’il veut être comme elles et… qu’il est attiré par elles.
« Je ne rentrais dans aucune case. Un jour, j’ai appelé un numéro d’aide pour les ados homosexuels. La personne m’a dit : ‘Désolé, je ne peux rien pour vous.’ Moi, je voulais être une fille, c’est vrai, mais je n’ai jamais été attiré par les garçons. C’est ce que j’ai dit à ma mère, qui s’inquiétait, pensant que je niais mon homosexualité. »
« Des filles au masculin »
Les personnes dont Wilfrid tombe amoureux sont « toujours des filles au masculin, comme dans la chanson d’Indochine. Mon complément, en quelque sorte », dit-il. Quand, à 22 ans, il rencontre Marie, cheveux courts, garçon manqué, ils se trouvent tout de suite et tombent amoureux. Même si, dans l’intime, comme le confie pudiquement Chloé aujourd’hui, la fille égarée dans un corps de garçon reste dégoûtée par ses attributs d’homme et par l’acte sexuel : « Mais je voulais surmonter ce blocage pour Marie. J’avais trop peur de la perdre. »
Ils s’installent ensemble. Wilfrid travaille dur et réussit le concours de l’Ecole nationale de l’Aviation civile : « Pour moi, les trans étaient des gens qui se prostituaient au bois ou qu’on enfermait à l’asile. C’était une angoisse terrible pour moi d’avouer ce que j’étais. Je n’avais qu’une obsession : me construire une place stable dans la société. »
Détresse identitaire
Wilfrid-Chloé croit qu’il va pouvoir « oublier » tout cela. D’autant que Marie est enceinte. Il a 25 ans. « C’était un immense bonheur. Et en même temps, j’aurais tellement voulu porter cet enfant moi-même. Quel piège ! Je devais désormais m’interdire de penser à devenir une femme. Comment assumer tout cela avec un enfant ? » Alors Wilfrid enfouit tout. Avec Marie, ils ont un deuxième enfant. Puis un troisième. Ils déménagent dans la petite ville de Landerneau, dans le Finistère. Mais Wilfrid part à la dérive, rongé par cette détresse identitaire, soufrant de cette allure efféminée qui lui vaut d’être traité de « tarlouze » ou de « pédé ».
« J’hésitais à faire mon coming-out. J’avais si peur qu’on m’enferme dans un hôpital psychiatrique, qu’on me retire les enfants. Et puis, en 2009, Roselyne Bachelot, ministre de la Santé, a annoncé que les troubles identitaires ne seraient plus considérés comme des maladies mentales. Le décret est passé l’année d’après. J’étais mûr. »
« Elle avait senti que j’étais une fille dans un corps de garçon »
Ce 16 janvier 2010, c’est pourtant Marie qui va parler la première. Elle confesse ce qu’elle a caché si longtemps à son mari. Avant lui, elle n’avait aimé que des filles. Ses parents n’avaient jamais accepté son homosexualité, elle est tombée amoureuse de lui sans vraiment comprendre comment c’était possible. « Elle avait senti que j’étais une fille dans un corps de garçon. Mais pendant toutes ces années, on ne s’était rien dit. Elle avait peur de me perdre. Comme moi j’avais peur de la perdre. » Cette fois Wilfrid est décidé. Il devient Chloé.
De cet « après-coming-out », Chloé garde le souvenir d’une période en apesanteur. « Je m’attendais à tout perdre. Ma famille, mon job. Mais, Marie m’a beaucoup soutenue. Ma mère aussi. » « C’était un soulagement. Je savais enfin pourquoi Chloé allait si mal pendant toutes ces années », dit la mère. Et elle ajoute : « Oui, j’ai eu un fils et maintenant c’est une fille, mais je m’en fiche, c’est mon enfant, et il est encore en vie, alors que j’ai pensé le perdre. »
« J’aurais préféré être un père comme les autres »
Et les enfants de Wilfrid-Chloé, ces trois garçons chéris qui ont à l’époque 13, 11 et 6 ans, comment ont-ils vécu cette transformation ? « Les pédopsychiatres nous ont assuré que tant qu’on les entourait, ça irait… On ne le croyait pas, mais pourtant, c’est ce qui s’est passé. Quand j’ai commencé à me faire pousser les ongles, mon aîné l’a remarqué. J’étais gênée, je lui ai dit que je commençais la guitare. Il m’a dit : ‘Arrête papa, on ne me la fait pas.’ Bien sûr, j’aurais préféré être pour eux un père comme les autres. Mais que vaut-il mieux ? Un père qui se suicide, ou un père qui devient une femme ? »
Et quand Marie et Wilfrid-Chloé expliquent la situation au principal du collège privé catholique où est scolarisé Théo, ce sont eux qui tombent de leur chaise. Celui-ci leur annonce qu’un élève du même âge que Théo connaît une situation familiale identique : son père vient de se faire opérer pour devenir une femme… Et, l’an dernier au lycée, un garçon a vécu la même expérience.
« Certains collègues m’ont dit que cela les dégoûtait »
Au travail, à Brest, Wilfrid a en revanche eu du mal à faire admettre qu’il s’appellerait désormais Chloé. « Certains collègues m’ont dit que cela les dégoûtait, d’autres qu’ils refuseraient de me serrer la main. » Elle a donc été mutée à Paris en mars 2012. Pudiquement, elle avoue que Marie et elle ont désormais « repris leur liberté » : Chloé a rencontré une autre femme, Marie-Pierre, Marie aussi.
« Je suis devenue une femme, certes, mais pas la femme que Marie avait choisie. C’est compliqué de faire le deuil de la personne qu’on a connue et aimée. Marie a eu besoin d’aller voir ailleurs, au début, j’ai eu un pincement au coeur, mais j’étais heureuse pour elle. » Pourtant, Chloé et Marie se sont battues devant les tribunaux pour rester mariées, pour que le changement d’état civil de Chloé n’annule pas leur passé. « Marie, je la protégerai toute ma vie. On est liées pour toujours. Sans elle, je me serais flinguée. Elle m’a donné une famille, mes enfants. Et ça, nous nous battrons pour le préserver. »
Pour la philosophe Bérénice Levet, en menant «la chasse aux stéréotypes»,le gouvernement joue aux apprentis sorciers.
Marie-Amélie Lombard
Le Figaro
30/01/2014
Docteur en philosophie, Bérénice Levet travaille à un essai sur La théorie du genre ou le monde rêvé des anges, à paraître chez Grasset en septembre 2014. Elle est l’auteur de Le Musée imaginaire d’Hannah Arendt, Stock, 2012.
LE FIGARO. – L’Éducation nationale est-elle en train d’introduire «la théorie du genre» à l’école?
Bérénice LEVET. – Je précise d’emblée que je ne soutiens en rien les mouvements qui appellent à boycotter l’école et qui manipulent les esprits. Mais il ne faut pas abandonner ce débat à l’extrême droite. Or, dans ce qui est dénoncé aujourd’hui, il y a une part de réalité. Certes, la théorie du genre en tant que telle n’est pas enseignée à l’école primaire mais plusieurs de ses postulats y sont diffusés.
Avant tout, quelle définition donnez-vous de la théorie du genre?
Pour les tenants de cette théorie, l’identité sexuelle est, de part en part, construite. Selon eux, il n’y a pas de continuité entre le donné biologique – notre sexe de naissance – et notre devenir d’homme ou de femme. C’est, poussé à l’extrême, la formule de Simone de Beauvoir dans Le Deuxième sexe «On ne naît pas femme, on le devient». Et les théoriciens du genre poursuivent: à partir du moment où tout est «construit», tout peut être déconstruit.
Quels sont les exemples de l’application de cette théorie à l’école?
Prenons les «ABCD de l’égalité», qui sont des parcours proposés aux élèves et accompagnés de fiches pédagogiques pour les enseignants. Ils sont supposés servir à enseigner l’égalité hommes-femmes. Qu’en est-il? Dans une fiche, intitulée «Dentelles, rubans, velours et broderies», on montre un tableau représentant Louis XIV enfant qui porte une robe richement ornée et des rubans rouges dans les cheveux. L’objectif affiché? Faire prendre conscience aux élèves de l’historicité des codes auxquels ils se soumettent et gagner de la latitude par rapport à ceux que la société leur impose aujourd’hui…
N’est-ce pas une simple façon de montrer que la façon de s’habiller a évolué au fil du temps?
Non, l’objectif est bien d’«émanciper» l’enfant de tous les codes. Ce qui aboutit à l’abandonner à un ensemble de «possibles», comme s’il n’appartenait à aucune histoire, comme si les adultes n’avaient rien à lui transmettre. Or, il est faux de dire qu’on «formate» un enfant, on ne fait que l’introduire dans un monde qui est plus vieux que lui. Kierkegaard parle d’un «désespoir des possibles» qui ne se transforme jamais en nécessité.
Quels autres exemples vous semblent condamnables?
Le film Tomboy – «garçon manqué» en français -, de la réalisatrice Céline Sciamma, a été montré l’an dernier à 12 500 élèves parisiens, de la dernière année de maternelle au CM2. Quel est le propos du film? Une petite fille, Laure, se fait passer pour un garçon auprès des enfants avec qui elle joue et se fait appeler Michaël. Qu’est-il écrit dans le dossier pédagogique? «Laure semble pouvoir aller au bout de la possibilité Michaël»… On n’est plus dans le simple apprentissage de la tolérance.
Le danger n’est-il pas surtout d’imposer à l’école un fatras mal assimilé des études de genre qui sont un champ de la recherche universitaire? Le gouvernement joue-t-il aux apprentis sorciers?
Sans scrupules, l’école est entraînée dans une politique d’ingénierie sociale. Tout en se donnant bonne conscience, le gouvernement encourage un brouillage très inquiétant. Savons-nous bien ce que nous sommes en train de faire? A l’âge de l’école primaire, les enfants ont besoin de s’identifier, et non pas de se désidentifier. A ne plus vouloir d’une éducation sexuée, on abandonne nos enfants aux stéréotypes les plus kitsch des dessins animés.
N’est-ce pas pour autant utile d’affirmer l’égalité des sexes dès le plus jeune âge?
Il faudrait surtout en finir avec cette mise en accusation systématique du passé. Notre civilisation occidentale, et spécialement française, n’est pas réductible à une histoire faite de domination et de misogynie. Sur la différence des sexes, la France a su composer une partition singulière, irréductible à des rapports de forces. L’apparition d’une culture musulmane change-t-elle la donne? Elle nous confronte en tout cas à une culture qui n’a pas le même héritage en matière d’égalité des sexes. Ce qui me paraît dangereux dans cette «chasse aux stéréotypes» est le risque de balayer d’un revers de main tout notre héritage culturel. Dans un tel contexte, quelle œuvre littéraire, artistique ou cinématographique ne tombera pas sous le coup de l’accusation de «sexisme»?
Selon vous, sous couvert de lutter contre les stéréotypes, on peut bouleverser en profondeur la société?
Il existe une volonté de transformer la société, de sortir de toute normativité pour aboutir à un relativisme complet. Le gouvernement Ayrault est en pointe sur ce combat. On l’a vu lors du débat sur le Mariage pour tous. Il ne devrait pas être impossible de dire que l’homosexualité est une exception et que l’hétérosexualité est la norme. La théorie de l’interchangeabilité des sexes se diffuse. Or, nous avons un corps sexué qui est significatif par lui-même et qui ne compte pas pour rien dans la construction de soi.
L’égalité hommes-femmes n’est cependant pas acquise aujourd’hui. Comment s’y prendre pour la renforcer?
Le principe de l’égalité est incontesté aujourd’hui. Certes, il existe encore ce fameux “plafond de verre” empêchant les femmes d’accéder aux plus hauts postes et des inégalités salariales. Mais les progrès sont inouïs. Doit-on, comme l’a fait récemment le gouvernement, imposer aux hommes de prendre un congé parental? On en arrive à punir la famille parce qu’un homme est récalcitrant à s’arrêter de travailler! Et puis, faut-il rappeler qu’il n’y a pas de cordon ombilical à couper entre un père et son enfant?
A vous entendre, les dérives que vous dénoncez risquent de ne pas se limiter à l’école.
Je n’ai guère le goût des analogies historiques mais, s’il existe une leçon à retenir des totalitarismes nazi et stalinien, c’est que l’homme n’est pas un simple matériau que l’on peut façonner. Avec la théorie du genre, l’enjeu est anthropologique. Montesquieu écrivait: «Dans un temps d’ignorance, on n’a aucun doute, même lorsqu’on fait les plus grands maux. Dans un temps de lumière, on tremble encore lorsqu’on fait les plus grands biens».
Chantal Delsol (Philosophe, historienne des idées politiques)
Le Monde
30.01.2014
Depuis le 28 janvier, une affaire de catéchisme à l’école fait des ravages dans les médias. Il semble qu’un certain nombre de familles mettent en cause le catéchisme et les dogmes attenants, entendons le discours du genre. Il semble aussi que ces familles récalcitrantes ont été plus ou moins trompées par des messages excessifs ou même faux. Il y a donc des gens qui jouent de dérision pour tenter de subvertir les paroles du ministère de l’éducation. Or ces paroles sont sacrées. C’est péché de s’en moquer.
Ledit discours du genre ressemble tellement à une religion qu’on ne peut s’empêcher d’utiliser, pour en décrire les aventures, du vocabulaire religieux. Elle relève de l’idéologie, dont elle porte le fanatisme et l’irréalité. Ses défenseurs sont des apôtres excités, jamais fatigués, toujours l’injure aux lèvres.
Les textes du gouvernement concernant l’école précisent que les enfants appartiennent à l’Etat. Les textes concernant le genre, du même acabit, voudraient nous précipiter dans une société surr