Fêtes nationales: Les sionistes ont même inventé la fête nationale ! (Zionists even invented national days !)

14 juillet, 2014
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Le salut vient des Juifs. Jésus (Jean 4: 22)
Tu compteras sept semaines; dès que la faucille sera mise dans les blés, tu commenceras à compter sept semaines. Puis tu célébreras la fête des semaines, et tu feras des offrandes volontaires, selon les bénédictions que l’Éternel, ton Dieu, t’aura accordées. Deutéronome 16: 9-10
Le jour de la Pentecôte, ils étaient tous ensemble dans le même lieu. Tout à coup il vint du ciel un bruit comme celui d’un vent impétueux, et il remplit toute la maison où ils étaient assis. Des langues, semblables à des langues de feu, leur apparurent, séparées les unes des autres, et se posèrent sur chacun d’eux. Et ils furent tous remplis du Saint Esprit, et se mirent à parler en d’autres langues, selon que l’Esprit leur donnait de s’exprimer.  Actes 2: 1-4
Dans le calendrier juif, Chavouot se déroule « sept semaines entières » ou cinquante jours jusqu’au lendemain du septième sabbat » après la fête de Pessa’h. De là son nom de Fête des Semaines (Chavouot, en hébreu) et celui de Pentecôte (cinquantième [jour], en grec ancien) dans le judaïsme hellénistique. Fête à considérer comme un sursaut de la tradition prophétique qui tend à s’estomper dans le judaïsme du Second Temple au profit d’une religion sacerdotale, elle puise ses origines dans une fête célébrant les moissons qui devient progressivement la célébration de l’Alliance sinaïtique entre Dieu et Moïse et de l’instauration de la Loi mosaïque. Vers le début du Ier siècle, elle devient l’un des trois grands pèlerinages annuels, surtout célébré par certains juifs hellénisés et par certaines sectes juives tout en conservant hors de ces groupes minoritaires sa dimension agricole jusqu’au Ier siècle de notre ère. Ce n’est qu’à partir du IIe siècle que le pharisianisme liera la fête de la moisson à la commémoration du don de la Loi au Sinaï. Les Actes des Apôtres situent explicitement lors de cette fête juive le récit où les premiers disciples de Jésus de Nazareth reçoivent l’Esprit Saint et une inspiration divine dans le Cénacle de Jérusalem : des langues de feu se posent sur chacun d’eux, formalisant la venue de l’Esprit dans un épisode de communication inspirée qui permet aux disciples de s’exprimer dans d’autres langues que le galiléen sans qu’on sache s’il s’agit plutôt de polyglottisme ou de glossolalie. L’image du feu — conforme à la tradition juive de l’époque sur l’épisode de la révélation sinaïtique que l’épisode entend renouveler — matérialise la Voix divine. La tradition chrétienne perçoit et présente la Pentecôte comme la réception du don des langues qui permet de porter la promesse du salut universel aux confins de la terre1 ainsi que semble en attester l’origine des témoins de l’évènement, issus de toute la Diaspora juive. Wikipedia
Dans l’ancien Orient, lors d’une alliance entre deux puissances, on disposait, dans le temple des partenaires, un document écrit devant être lu périodiquement, il n’est donc pas surprenant que les Tables de la Loi soit le témoignage concret de l’Alliance entre Dieu et son peuple. C’est la raison pour laquelle, les images des tables sont souvent présentes sur le fronton des synagogues. (…) Dans les temples protestants, une représentation des Tables de la Loi remplaçait, jusqu’au XVIIe siècle, la croix des églises catholiques. Wikipedia
Le deuxième jour de sera le jour le plus mémorable de l’histoire des États-Unis. J’ai tendance à croire que ce jour sera fêté par les générations à venir comme la grande fête commémorative. Il mérite d’être célébré comme le jour de la délivrance, par des actes solennels de dévotion à Dieu Tout-Puissant. Il mérite d’être célébré en grande pompe et avec des parades, avec des spectacles, des jeux, du sport, des coups de feu, des cloches, des feux de joie, et des illuminations, d’un bout à l’autre du continent, à partir de maintenant et pour toujours. John Adams (3 juillet 1776)
L’Assemblée Nationale reconnaît et déclare, en présence et sous les auspices de l’Être suprême, les droits suivants de l’Homme et du Citoyen… Préambule de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen (26 août 1789)
La fête nationale est une pratique récente. Elle remonte à la deuxième moitié du XIXe siècle seulement. (…) Auparavant, on célébrait simplement l’anniversaire du souverain régnant ou de son accession au trône. Cette tradition perdure dans la plupart des monarchies actuelles, au Royaume-Uni et aux Pays-Bas aussi bien qu’au Maroc, en Thaïlande, au Népal ou au Japon. Aujourd’hui, la plupart des États consacrent une journée par an – parfois deux – à leur autocélébration en commémorant un événement fondateur (indépendance ou révolution). L’émergence des nationalismes au XIXe siècle a conduit les Européens à se doter de rituels d’essence religieuse, propres à renforcer les liens civiques, comme la fête nationale mais aussi l’hymne national et l’allégeance au drapeau. Ce phénomène a débuté dans les régimes et les États issus d’une révolution, aux États-Unis, en Belgique, en France… Aux États-Unis, le 4 juillet, anniversaire de la proclamation d’indépendance, a été proclamé fête nationale dès 1781 par le petit État du Massachusetts mais c’est seulement en 1870 que le Congrès américain a fait de cet anniversaire un jour férié. La République française a fait du 14 juillet sa fête nationale en 1880 en lui donnant d’emblée une tonalité très militaire car chacun a en tête la défaite de Sedan, dix ans plus tôt. Nul doute qu’il y a aussi chez les gouvernants français la volonté de concurrencer les rituels chrétiens traditionnels. Ils y réussissent plutôt bien. André Larané
Le texte s’inscrit sur deux registres, dont la forme évoque celles des Tables de la Loi rapportées par Moïse du mont Sinaï. Il est accompagné de figures allégoriques personnifiant la France et la Renommée, et de symboles comme le faisceau (unité), le bonnet « phrygien » (liberté), le serpent se mordant la queue (éternité), la guirlande de laurier (gloire), les chaînes brisées (victoire sur le despotisme) ; l’ensemble étant placé sous l’œil du Dieu créateur, rayonnant d’un triangle à la fois biblique et maçonnique. Philippe de Carbonnières
Les journées les plus décisives de la Révolution française sont contenues, sont impliquées dans ce premier fait qui les enveloppe : le 14 juillet 1789. Et voilà pourquoi aussi c’est la vraie date révolutionnaire, celle qui fait tressaillir la France ! On comprend que ce jour-là notre Nouveau Testament nous a été donné et que tout doit en découler. Léon Gambetta (14 juillet 1872)
La Fête de la Fédération: Il s’agit de la fête la plus célèbre de la Révolution française. Fête emblématique, au point qu’aujourd’hui encore notre fête nationale réunit en elle deux adversaires : la prise de la Bastille, le 14 juillet 1789, et la Fédération du 14 juillet 1790. L’intention primitive de la fête n’était pourtant pas celle d’une célébration unanime. L’idée était née en province, dans cet hiver 1790 où les alliances défensives, hantées par les souvenirs de la Grande Peur, n’avaient cessé de se nouer entre les gardes nationales et l’armée tout entière. Des fêtes locales et toutes militaires scellaient ces pactes. Paris s’inquiète alors de l’agitation qui risque de gagner les troupes régulières et choisit de la contrôler en convoquant dans la capitale, pour le 14 juillet, les députations provinciales. Mais le caractère conservateur d’une fête destinée à garantir l’ordre est vite débordé par l’enthousiasme collectif d’où la Fédération tire son prestige légendaire. Mona Ozouf
Les légitimistes s’évertuent alors à démonter le mythe du 14 Juillet, à le réduire à l’expression violente d’une foule (pas du peuple) assoiffée de sang (les meurtres des derniers défenseurs de la Bastille malgré la promesse de protection) allant jusqu’au sacrilège du cadavre (des têtes dont celle du gouverneur Launay parcourant Paris plantée au bout d’une pique) (…) la Bastille n’était pas un bagne, occupée qu’elle était par quelques prisonniers sans envergure, elle n’était pas la forteresse du pouvoir royal absolu tourné contre le peuple à travers l’instrumentalisation des canons, elle n’était pas la forteresse à partir de laquelle la reconquête de la ville pouvait être envisagée puisqu’elle n’était défendue que par quelques soldats qui du reste se sont rendus en fin d’après-midi. Le mythe de la prise de la Bastille tombe de lui-même pour les monarchistes et même plus il est une création politique construisant artificiellement le mythe du peuple s’émancipant, plus encore il apparaît comme annonciateur de la Terreur, justifiant les surnoms de « saturnales républicaines », de « fête de l’assassinat »… Pierrick Hervé
Le 14 juillet 1935: La SFIO se rallient aux communistes et acceptent une grande alliance avec les Radicaux. Un « Congrès international des écrivains pour la défense et la culture », réuni à Paris , rassemble des humanistes et des anti-fascistes allemands. Le mouvement Amsterdam-Pleyel propose de manifester le 14 juillet 1935 dans toute la France contre le fascisme. Le jour de la fête nationale, des délégués venus de tous les départements jurent de « défendre les libertés démocratiques, de donner du pain aux travailleurs, du travail à la jeunesse et au monde la grande paix humaine ». 500 000 personnes défilent de la Bastille à Vincennes avec Léon Blum à leur tête. Le leader de la SFIO est accompagné de Maurice Thorez (PC), de Benoît Frachon (CGTU) et Léon Jouhaux (CGT) ainsi que Edouard Daladier (Parti Radical). En Province, les manifestations atteignent également du 12 février 1934. On entend en même temps l’Internationale et la Marseillaise, on mêle le drapeau tricolore au drapeau rouge. Cette fois, l’unité est en marche pour de bon. Et dès le lendemain, on crée le comité national du Rassemblement populaire pour le pain la paix et la liberté. L’expression Front Populaire s’impose dans le langage. David Martin
La France, patrie des Lumières et des Droits de l’Homme, terre d’accueil et d’asile, la France, ce jour-là, accomplissait l’irréparable. Manquant à sa parole, elle livrait ses protégés à leurs bourreaux»… Jacques Chirac (16 juillet 1995)
La France appelle au cessez-le feu immédiat (…) Nous condamnons les tirs de roquettes qui se sont produits de la part du Hamas sur la population civile israélienne mais nous demandons aussi à Israël de faire preuve de mesure dans sa riposte et en particulier de respecter le droit international et de faire en sorte que les victimes civiles soient épargnées. Jean-Yves Le Drian (ministre de la Défense français)
Les tirs de roquettes aveugles sur Israël à partir de la bande de Gaza sont des actes terroristes, pour lesquels il n’existe aucune justification. Il est évident que le Hamas utilise délibérément des boucliers humains pour faire avancer le terroriste dans la région. L’incapacité de la communauté internationale à condamner ces actes répréhensibles encouragera les terroristes à poursuivre leurs actions épouvantables. Le Canada demande à ses alliés et partenaires de reconnaître que ces actes terroristes sont inacceptables et que la solidarité avec Israël est la meilleure façon d’arrêter le conflit. Le Canada est sans équivoque derrière Israël. Nous soutenons son droit à se défendre, par lui-même, contre ces attaques terroristes, et exhortons le Hamas à cesser immédiatement leurs attaques aveugles contre des civils israéliens innocents. Le Canada réitère son appel au gouvernement palestinien à désarmer le Hamas et les autres groupes terroristes palestiniens opérant à Gaza, y compris le mandataire iranien, le Djihad Islamique palestinien. Steven Harper (Premier-ministre canadien)

Après Thanksgiving, le panier à trois points, l’Amérique, Superman, le soft power, le génocide, les sionistes ont même inventé la fête nationale ! …

Anniversaire du souverain ou de son accession au trône,  saint patron, explorateur, poète, poème, indépendance, proclamation de la République, victoire du Parti, victoire sur le nazisme, réunification …

En ce 14 juillet où la Patrie autoproclamée des droits de l’homme se joint comme prévu au reste du Monde libre, Canada excepté …

Pour faire la leçon de la « mesure », elle qui deux jours après sa fête nationale il y a 72 ans livrait aux nazis et à l’extermination les juifs qui l’avaient choisie comme refuge, à la seule véritable démocratie du Moyen-Orient alors que, depuis sa (re)création il y a 64 ans, celle-ci ne fait que défendre l’existence que ses voisins lui refusent …

Pendant que dans nos rues nos chères têtes blondes défilent avec tous les drapeaux imaginables excepté le tricolore …

Retour, avec un excellent papier du site Hérodote, sur l’invention des fêtes nationales ..

Où l’on apprend qu’avec les révolutions et les indépendances qui les ont apportées, elles n’ont guère plus d’un siècle …

Et que mis à part les quelques monarchies ou républiques qui ont conservé pour ce faire l’anniversaire de leur souverain ou de son accession au trône voire la fête de leur saint patron …

Elles sont pour l’essentiel, reconnaissant de fait la nécessité d’une certaine sacralisation en ces temps de déchristianisation avancée, la tentative de laïciser des fêtes auparavant religieuses …

Dont l’archétype n’est probablement nul autre que la petite nation d’Israël …

Qui d’une simple fête des moissons fit avec la Fête des semaines (sept semaines après la Pâque, devenue en grec Pentecôte puis, pour les chrétiens avec la réception de l’Esprit-Saint, fête de la fondation de l’Eglise) la célébration de sa Torah fondatrice (dont les fameuses tables inspireront d’ailleurs nos propres Droits de l’homme) …

Au moment même où, avec l’exil et la déportation, il avait perdu à la fois son roi et son temple ..

Avant de rejoindre, à son tour avec sa propre fête de l’indépendance il n’y a guère plus de 60 ans,  le reste des grandes démocraties …

Symboles nationaux

Les fêtes nationales dans le monde

La fête nationale est une pratique récente. Elle remonte à la deuxième moitié du XIXe siècle seulement et recouvre des réalités très diverses.

Auparavant, on célébrait simplement l’anniversaire du souverain régnant ou de son accession au trône. Cette tradition perdure dans la plupart des monarchies actuelles, au Royaume-Uni et aux Pays-Bas aussi bien qu’au Maroc, en Thaïlande, au Népal ou au Japon.

Aujourd’hui, la plupart des États consacrent une journée par an – parfois deux – à leur autocélébration en commémorant un événement fondateur (indépendance ou révolution).

André Larané
Lithographie évoquant la revue de Longchamp du 14 juillet 1880 (Centre historique des Archives nationales)

Rituels civiques et populaires

L’émergence des nationalismes au XIXe siècle a conduit les Européens à se doter de rituels d’essence religieuse, propres à renforcer les liens civiques, comme la fête nationale mais aussi l’hymne national et l’allégeance au drapeau. Ce phénomène a débuté dans les régimes et les États issus d’une révolution, aux États-Unis, en Belgique, en France…

Aux États-Unis, le 4 juillet, anniversaire de la proclamation d’indépendance, a été proclamé fête nationale dès 1781 par le petit État du Massachusetts mais c’est seulement en 1870 que le Congrès américain a fait de cet anniversaire un jour férié.

La République française a fait du 14 juillet sa fête nationale en 1880 en lui donnant d’emblée une tonalité très militaire car chacun a en tête la défaite de Sedan, dix ans plus tôt. Nul doute qu’il y a aussi chez les gouvernants français la volonté de concurrencer les rituels chrétiens traditionnels. Ils y réussissent plutôt bien.

En 1890, la Belgique s’est à son tour dotée d’une fête nationale, le 21 juillet, anniversaire de l’accession au trône de son premier monarque, Léopold 1er. Pour ne pas être en reste, la Confédération helvétique a fait l’année suivante de l’anniversaire du pacte de Grütli (1er août 1291) la fête nationale suisse.

L’Irlande indépendante et le Québec, nations profondément catholiques, du moins jusqu’à la fin du XXe siècle, ont choisi d’honorer leur saint patron en guise de fête nationale. La Saint-Patrick (17 mars) est fêtée à grand renfort de chopines et de chansons dans tous les pubs irlandais de la planète (qui sait combien il y en a !). La Saint-Jean-Baptiste (24 juin) donne lieu au Québec à des agapes très joyeuses autour des traditionnels feux de la Saint-Jean et, dit-on, dans des effluves de cannabis caractéristiques.

Le jour de l'Hispanité ou Dia de la Raza au Mexique (DR)

L’Espagne, tiraillée entre des visions contraires de son Histoire nationale, a choisi depuis 1958 d’honorer ce qui fait consensus : les Descubridores (« Explorateurs »). C’est ainsi qu’elle célèbre la Fête de l’Hispanité le 12 octobre, jour anniversaire de l’arrivée de Christophe Colomb en Amérique. Cette fête est aussi célébrée avec danses et carnavals dans l’Amérique espagnole mais elle est de plus en plus contestée par les mouvements amérindiens qui y voient un reliquat de l’ère coloniale.

Dans une démarche similaire, le Portugal a choisi de célébrer le Jour du Portugal, de Camões et des communautés portugaises le 10 juin, jour anniversaire de la mort de son grand poète épique Luís Vaz de Camões (1525-1580).

La Finlande, en bonne républicaine, commémore son indépendance le 6 décembre mais elle célèbre aussi le Jour du Kalevala et de la culture finlandaise le 28 février, jour anniversaire de la publication de son grand poème national (1835).

Une « tradition » très contemporaine

Défilé du 9 mai 2014 sur la place Rouge à Moscou (DR)De façon plus conventionnelle, la plupart des républiques issues de la décolonisation et des révolutions du XIXe et du XXe siècles ont fixé leur fête nationale au jour anniversaire de leur indépendance ou de leur révolution.

C’est le cas des États latino-américains et balkaniques comme des États asiatiques ou africains. Le défilé militaire est à peu près partout au programme des festivités… Les bals populaires sont plus rares.

L’Uruguay célèbre tout à la fois sa Constitution (18 juillet) et son Indépendance (15 août). Anticlérical à la manière hispano-américaine, ce petit pays a laïcisé par ailleurs les fêtes catholiques sous des noms aussi pittoresques que Jour de la Famille (25 décembre), Jour de l’Enfant (6 janvier) ou Semaine du Tourisme (Semaine Sainte).

L’Histoire de la Chine se lit dans ses fêtes nationales. La Chine nationaliste (Taiwan) célèbre l’anniversaire de la proclamation de la République, le 10 octobre 1911 (c’est le « Double Dix ») tandis que la Chine populaire préfère la victoire du parti communiste, le 1er octobre 1949.

Depuis la chute de l’URSS, la Russie ne célèbre évidemment plus la Révolution d’Octobre. Elle lui préfère la victoire sur le nazisme au terme de la « Grande Guerre patriotique ». Elle est commémorée le 9 mai.

Il semblerait que la version peace and love des fêtes nationales ait du mal à s’imposer… La nouvelle Allemagne a fixé au 3 octobre, jour anniversaire de sa réunification en 1990, sa fête nationale, dite « Jour de l’Unité allemande ». Il ne s’agit que d’un jour chômé ordinaire, avec quelques discours officiels et convenus, sans festivités populaires d’aucune sorte. Même sort pour la Fête de l’Europe, fixée le 9 mai, jour anniversaire de la création en 1950 de la CECA (Communauté européenne du charbon et de l’acier, tout un programme !).

La première fête nationale serait-elle hébraïque ?

Les anciens Hébreux ont institué la fête des semaines, ainsi nommée parce qu’elle vient sept semaines après Pessah, la Pâque juive (aussi appelée Chavouot, cette fête a été quelque peu reprise par les chrétiens sous le nom de Pentecôte).

À cette occasion, ils se devaient d’offrir au Temple de Jérusalem les premiers fruits de la saison, ce que l’on appelle les « prémices ». Et ils profitaient de ce pèlerinage pour raconter devant leurs congénères l’histoire de leur famille, de la fuite d’Égypte à l’installation sur la Terre Sainte de Palestine.

Selon l’historien franco-israélien Alain Michel, on peut y voir un rituel destiné à souder la communauté et lui rappeler les combats menés pour conquérir sa place au soleil. En quelque sorte la première « fête nationale » !

Après la destruction du Temple, les juifs de la diaspora ont réduit ce « devoir de mémoire » à une lecture des livres sacrés de la Torah. C’est pourquoi cette fête s’appelle aussi aujourd’hui Fête de promulgation de la Torah.

Voir aussi:

1er août 1291
Le serment de Grütli

Hérodote

Le 1er août 1291, une trentaine de rudes montagnards se réunissent dans la prairie de Grütli (ou Rütli selon l’orthographe alémanique), au-dessus du lac des Quatre-Cantons. Ils se prêtent serment d’assistance mutuelle contre les exactions de leur seigneur.

De ce jour date selon la tradition la naissance de la Suisse indépendante…
André Larané
Fête nationale

En 1891, en souvenir de cet événement, les Suisses ont fait du 1er août leur fête nationale. Ce jour est chômé depuis 1994.
Des montagnards attachés à leurs libertés

Le col du Saint-Gothard, au coeur des Alpes, est une voie commerciale de première importance entre l’Allemagne et l’Italie. Au cours du XIIIe siècle, son franchissement en est facilité par la construction d’un pont dans le défilé des Schöllenen, le «pont du Diable» (cet ouvrage a défié les siècles jusqu’en 1888).

Les communautés paysannes des «pays forestiers» (Waldstaten), au nord du massif du Saint-Gothard et sur les bords du lac des Quatre-Cantons, profitent des droits de passage générés par le trafic commercial. Elles s’enrichissent et consolident leur autonomie. Mais celle-ci ne tarde pas à être menacée par le comte Rodolphe 1er de Habsbourg, dont les domaines cernent les «pays forestiers» et mordent de plus en plus à l’intérieur.

Pour se défendre contre ses empiètements, les montagnards obtiennent de l’empereur germanique Frédéric II de Hohenstaufen l’«immédiateté». Par ce privilège féodal, ils dépendent directement (ou immédiatement) de l’empereur (lointain donc peu gênant) et ne doivent rien au comte.

Mais voilà que le 1er octobre 1273, plus de vingt ans après la mort de Frédéric II, Rodolphe 1er de Habsbourg est à son tour élu empereur d’Allemagne. Il se croit dès lors en mesure de réduire les libertés dont bénéficient ses sujets montagnards. Il en a d’autant plus besoin qu’il mène de coûteuses expéditions dans les régions danubiennes et manque d’argent.

Prenant exemple sur les villes italiennes qui ont réussi à conquérir leur autonomie, trois communautés décident de faire front. Il s’agit des cantons d’Uri et de Schwyz ainsi que du demi-canton de Nidwald, qui fait partie avec Obwald du canton d’Unterwald (ou Unterwalden).
Tous contre un…

Les montagnards mettent à profit le passage à vide qui suit la mort de l’empereur Rodolphe 1er, survenue à Spire le 15 juillet 1291, pour réunir leurs forces.

Leurs représentants (Walter Fürst, Werner Stauffacher et Arnold de Melchtal si l’on en croit la tradition) se retrouvent dans la prairie de Grütli «en l’an du Seigneur 1291 au début du mois d’août». Là, ils font le serment de se défendre ensemble contre les empiètements des Habsbourg.

Rédigé en latin, le serment de Grütli prévoit que les confédérés se prêteraient secours en cas d’attaque, n’accepteraient aucun juge étranger, trancheraient leurs différends par l’arbitrage des plus sages, puniraient les criminels, incendiaires et voleurs.

Le pacte est conclu pour l’éternité mais ses signataires n’entendent en rien fonder une Nation… Il n’empêche que la commémoration de ce jour sera plus tard fête nationale.
Guillaume Tell

Depuis le XVe siècle, les Suisses se délectent de l’histoire de Guillaume Tell, qui est à vrai dire un condensé de différents récits oraux, la réalité historique du héros national n’étant en rien attestée.

Cet habile archer est originaire du village d’Altdorf, capitale du canton d’Uri. Son bailli, Hermann Gessler, gère avec dureté les intérêts des Habsbourg. Il plante sur la place du village un pieu surmonté de son chapeau et ordonne à chacun de s’incliner en passant devant lui.

Guillaume Tell refuse d’obéir. Le bailli le fait arrêter et lui impose en guise de sanction de tirer avec son arbalète sur une pomme placée… sur la tête de son fils Walter. C’est ça ou la mort immédiate pour le père et le fils !

L’affaire se serait déroulée le 18 novembre 1307. Prenant deux «carreaux» (flèches d’arbalète) entre les doigts, Guillaume Tell vise la pomme et la fend en deux. Le bailli, qui assiste à la scène, lui demande pourquoi il a pris deux carreaux. Et lui de répondre que s’il avait touché son fils, il aurait aussitôt dirigé le second carreau vers le bailli.

Ce dernier, n’appréciant pas la plaisanterie, ordonne qu’on emmène l’archer dans sa forteresse, de l’autre côté du lac de Lucerne. Mais le rebelle réussit à s’enfuir en sautant de la barque et, gagnant par ses propres moyens la forteresse, tue pour de bon le méchant bailli.

Voir encore:

«Guillaume Tell est un véritable mythe»

Roger Sablonier, historien médiéviste, ne veut ni casser les mythes ni démolir les traditions. Mais il démontre que l’histoire fondatrice de l’Etat suisse par le serment des trois Confédérés sur la prairie du Grütli est une invention.

Swiss info

01. août 2008

Cet expert du Moyen Age évoque pour swissinfo cette histoire mythique de la Suisse vers 1300, sur laquelle il vient de publier un livre en allemand.
swissinfo: Pas de Guillaume Tell, pas de serment du Grütli. Faut-il alors supprimer aussi la Fête nationale du 1er Août?

Roger Sablonier: Pas du tout. La Fête nationale a été célébrée pour la première fois en 1891. L’arrière-fond historique avec la signature du Pacte fédéral de 1291 par les trois Confédérés sur le Grütli a été créé de toutes pièces, et surtout au 19e siècle.

Cela ne change rien au fait que la tradition du 1er Août est devenue importante et que, faisant partie d’une culture historique populaire, elle appartient à la culture politique de la Suisse. Du point de vue de l’histoire des mentalités, elle peut être considérée comme ayant joué un rôle important dans le processus d’unification nationale d’un pays constitué de plusieurs minorités.
swissinfo: La Suisse primitive n’a donc jamais existé, pas plus que les «cantons primitifs» d’Uri, Schwyz et Unterwald?

R. S.: La croyance populaire qui voudrait qu’Uri, Schwyz et Unterwald existaient déjà en tant que «cantons» autour de 1300 est effectivement fausse. La notion de «Suisse primitive» est imputable à l’idée que la Suisse centrale aurait formé le «noyau», la «racine», de la future Confédération, voire même de la Suisse actuelle.

Les recherches historiques des dernières décennies ont permis de montrer que la formation de cet Etat est un processus de longue durée, sur lequel la ville de Berne a pesé de manière importante aux 14e et 15e siècles, mais qui s’explique surtout par la situation politique dans les pays environnants.
swissinfo: Votre livre s’intitule «Gründungszeit ohne Eidgenossen» (une fondation sans Confédérés). Il n’y a donc pas de Confédération non plus?

R. S.: C’est un malentendu flagrant. Quelque chose s’est bien évidemment construit au fil du temps dans l’espace de la Suisse actuelle, qui peut être décrit comme la Confédération.

Mais cela ne s’est fait qu’au 15e, et surtout au 19e siècle. Si la Suisse moderne veut se qualifier de Confédération, elle n’a aucun besoin de se prévaloir de l’histoire de la fin du 13e siècle.
swissinfo: Le Pacte fédéral, qui a servi de modèle à de nombreuses chartes, notamment aux Etats-Unis, ne date donc pas de 1291. Mais de quand, alors?

R. S.: Ce n’est pas nouveau de dire que la Suisse n’a pas été fondée par la Charte fédérale. Ce texte «de 1291» n’est pas un document fondateur, parce qu’au Moyen Age, on était bien incapable de fonder un Etat.

C’est un document qui assure le pouvoir aux dirigeants locaux, entre autres les nobles, sous forme de contrat écrit antidaté.

Il est le produit d’une situation particulière et ne parle ni de liberté, ni de résistance contre la domination des Habsbourg, ni même de la fondation d’un Etat.
swissinfo: Qui est Guillaume Tell selon vous? Faut-il encore mentionner son nom?

R. S.: Bien sûr que oui. L’histoire de Tell est, à mon avis, la seule part de la tradition de libération que je considérerais comme un véritable mythe, même si notre vision est d’abord influencée par celle de Schiller.

L’image de Tell est un symbole de courage civil et d’aspiration à la liberté, mais elle a une importance plus politique que scientifique.
swissinfo: Votre livre veut-il faire table rase de légendes dépassées?

R. S.: Non. A part certaines choses qu’on pourrait peut-être éliminer, comme par exemple la bataille de Morgarten, je ne veux rien démolir, mais je veux reconstruire.

Mon but est de prouver qu’une fois démontré le rôle de ces légendes pour l’histoire de la Suisse centrale des environs de 1300, il ne reste pas un simple trou noir.

On ne peut pas se contenter de dire ce qu’il n’y avait pas, mais au contraire que cette région a indubitablement sa propre histoire qui, même sans «lunettes confédérales», peut se montrer bien plus passionnante et riche en enseignements que celle des héros nationaux.
swissinfo: Les nationalistes de droite de l’UDC se sont toujours réclamés des anciens Confédérés qui se sont battus courageusement contre l’ennemi extérieur pour défendre la liberté et l’indépendance. Vous tirez le tapis sous les pieds du premier parti de Suisse…

R. S.: Là, vous exagérez beaucoup le rôle et l’importance de la recherche historique. Cette manière d’instrumentaliser l’histoire fait partie de la culture politique de ce pays et sert les intérêts de la politique au quotidien.
swissinfo: Votre livre détruit des mythes. Mais un pays n’a-t-il pas besoin de mythes pour renforcer son sentiment national?

R. S.: Je ne suis pas du tout d’accord avec cette idée de destruction de mythes. A part dans le cas de Tell, je ne parle pas volontiers de mythes, mais plutôt de légendes fondatrices, comme le serment du Grütli, qui a donné une légitimité historique à l’Etat constitutionnel libéral et démocratique fondé au 19e siècle.

Il n’y a pas besoin de détruire les mythes. On ne le peut pas non plus, car ils ont un rôle à jouer dans la recherche scientifique. La discussion sur leur supposée authenticité historique n’a pas de sens, parce que les mythes n’ont pas besoin d’être authentiques pour avoir un impact sur les humains.

Mythes et légendes ne sont pas mauvais en soi. Mais si on les utilise pour titiller les émotions nationalistes en se servant de la xénophobie et du racisme, c’est une autre histoire.

Interview swissinfo: Gaby Ochsenbein
(Traduction de l’allemand: Isabelle Eichenberger)


Albertin-Cahuzac: Le secret bancaire suisse verra-t-il ses 80 printemps ? (As by one single French socialist deputy Swiss bank secrecy entered into the world …)

5 mai, 2013
https://i0.wp.com/biblepic.com/55/28060.jpgCe projet a causé la désertion de 80 à 100 000 personnes de toutes conditions, qui ont emporté avec elles plus de trente millions de livres ; la mise à mal de nos arts et de nos manufactures. (…) Sire, la conversion des cœurs n’appartient qu’à Dieu … Vauban (1689)
Si vous voyez un banquier suisse sauter d’une fenêtre, sautez derrière lui, il y a sûrement de l’argent à gagner. Voltaire
Neutres dans les grandes révolutions des Etats qui les environnaient, les Suisses s’enrichirent des malheurs d’autrui et fondèrent une banque sur les calamités humaines. Chateaubriand
Qu’ils s’en aillent! Car nous sommes en France et non en Allemagne!” … Notre République est menacée d’une invasion de protestants car on choisit volontiers des ministres parmi eux., … qui défrancise le pays et risque de le transformer en une grande Suisse, qui, avant dix ans, serait morte d’hypocrisie et d’ennui. Zola (1881)
Dès que nous avons connu l’étendue du déficit, dès que nous avons vu que nous serions dans l’obligation de demander des sacrifices à toutes les catégories de la nation… nous avons pensé qu’il faudrait obtenir la répression de la fraude fiscale. Louis Germain-Martin (ministre des Finances)
Le peuple ne comprendrait pas que l’on n’épargnât qui que ce fût au moment où, en effet, il va falloir demander des sacrifices aux uns et aux autres. Edouard Herriot
Il y a des fraudeurs parce que les taxes sont trop lourdes. Charles Maurras
Monsieur Albertin’s modern-day counterpart is Gerard Ryle, an Irish-Australian journalist whose International Consortium of Investigative Journalists has been flogging information from a purloined hard-drive containing details of the mostly Caribbean accounts of 130,000 depositors from 170 countries. Among Mr. Ryle’s collaborators is the Guardian newspaper, last seen decrying invasions of privacy in Britain’s phone hacking scandal. Another collaborator is the Washington Post, which insisted on Sunday: « Among the 4,000 U.S. individuals listed in the records, at least 30 are American citizens accused in lawsuits or criminal cases of fraud, money laundering or other serious financial misconduct. » That’s a ratio of 0.75%. One wonders what percentage of account holders in domestic banks would have to be accused of something in a lawsuit to justify all account holders having their records ransacked by the media. Holman W. Jenkins Jr.
C’est la grande différence avec les États-Unis, où, au contraire, on parle beaucoup d’argent et où il n’est pas inhabituel qu’on vous demande dans la conversation combien vous gagnez. (…) Il y a trois raisons principales. La première tient à la culture paysanne. À une, deux, ou trois générations, nous sommes tous issus du monde paysan, où l’argent n’était pas à la banque, mais restait caché à la maison. On ne devait pas en parler, pour ne pas se le faire voler et ne pas attiser les convoitises. La seconde raison est la prégnance de la culture catholique, dans laquelle l’Église doit être tournée vers les pauvres. L’argent et la richesse ne doivent en aucun cas être la préoccupation première. Et puis, il existe une empreinte du marxisme sur toute une frange de la population de gauche. Il est resté, dans l’esprit des gens, l’idée que le profit, « ce n’est pas bien ». (…) Aux États-Unis, par exemple, il y a une obsession de l’argent beaucoup plus forte que chez nous, dans la mesure où les Américains doivent se préoccuper en permanence d’en trouver, non seulement pour vivre, mais aussi pour se soigner ou pour assurer les études de leurs enfants. Toutes choses qui sont accessibles gratuitement chez nous. (…) L’hypothèse qu’on peut devenir riche en travaillant beaucoup est rarement avancée. Janine Mossuz-Lavau
Quand il monte à la tribune de l’Assemblée nationale, ce 10 novembre 1932, le député socialiste Fabien Albertin ne sait pas qu’il va devenir l’un des maillons de la longue chaîne qui fera de la Suisse l’un des principaux paradis bancaires et fiscaux du monde. Son intervention, qui dénonce les bénéficiaires d’un vaste réseau d’évasion fiscale organisé par une banque helvétique, va en effet contribuer à la rédaction d’une nouvelle loi bancaire suisse, en 1934. Une loi qui donnera naissance à l’un des instruments essentiels à l’évasion fiscale et à la circulation de l’argent sale dans le monde: le secret bancaire. L’affaire commence à 16 h 10, le 26 octobre 1932 … Alternatives économiques
En révoquant (l’Edit de Nantes) en 1685, Louis XIV a provoqué la fuite de nombreux huguenots français (près de 300.000), affaiblissant ainsi l’économie française au profit de pays protestants qui les ont accueillis comme l’Angleterre, l’Allemagne, les Pays-Bas et bien évidemment la Suisse, pays neutre depuis 1516 suite à la défaite des troupes de la Confédération helvétique lors de la bataille de Marignan. Quasiment dès leur arrivée, les huguenots français exilés ont donné à nouvel élan à Genève en acceptant de financer la monarchie française malgré les persécutions qu’ils avaient subies. Ce comportement quasi schizophrène s’explique par une réciprocité d’intérêts, apparemment contradictoires. D’une part, la monarchie française avait un besoin insatiable de financement, alors même qu’elle venait de perdre une part importante de ses richesses en raison la fuite des huguenots. D’autre part, ces mêmes huguenots ne pouvaient rêver de placement plus sûr que la monarchie française aux capacités d’emprunt et de remboursement quasiment illimitées. Sébastien Vannerot
Il est à remarquer que c’est l’espionnage intensif exercé sur les avoirs juifs qui a forcé la Suisse, en 1934, à définir plus rigoureusement le secret bancaire […] et à rendre toute violation passible de sanctions pénales, et ce afin de protéger les persécutés. Sans exagérer, on peut affirmer que la détermination avec laquelle le secret bancaire a été défendu a sauvé la vie et la fortune de milliers de personnes. Bulletin du crédit suisse
À l’époque, le régime nazi avait décrété que tout citoyen allemand en possession d’avoirs financiers à l’étranger devait les déclarer. S’ils ne le faisaient pas, ils étaient passibles de la peine de mort. Les banquiers suisses seraient-ils de Bons Samaritains, ayant voté le secret bancaire pour protéger les juifs persécutés ? Pas si sûr, puisqu’ils ont utilisé ce même secret bancaire pour justifier la réticence qu’ils avaient à restituer aux survivants de l’Holocauste et à leurs héritiers les avoirs qu’ils détenaient dans leurs coffres depuis la guerre … Cyril Bernard
La Suisse est prête à avancer s’il y a un standard global ; si ce standard est appliqué par tous les pays, surtout les grands centres financiers internationaux comme Londres, New York, Dubaï ou Singapour et les centres offshore anglo-saxons (Jersey, Guernesey, îles Vierges britanniques… NDLR); et enfin si les bénéficiaires des trusts et autres véhicules financiers sont identifiés. (Mais) Nous n’avançons aucune date. Mario Tuor (porte-parole du secrétariat d’État suisse aux questions financières internationales)

De même que par un seul député socialiste français, le secret bancaire suisse est entré dans le monde …

Alors qu’avec l’Affaire du député et ministre socialiste Jérome Cahuzac un secret bancaire suisse déjà bien mal en point suite aux pressions du fisc américain pourrait bien ne pas voir ses 80 printemps

Comment ne pas repenser à ses origines il y a à peine 79 ans lorsque le député socialiste Fabien Albertin brandissait du haut de la tribune une liste de noms de sénateurs, anciens ministres, généraux, magistrats ou évêques ?

Et ce même si, de la révocation de l’Édit de Nantes à la Révolution française ou du Congrès de Vienne à la première guerre mondiale ou de la crise de 1929 à la Grande Dépression, il en a vu bien d’autres et remonte à bien plus loin …

Lui qui de la haine si française de l’argent de la fille aînée de l’Eglise, fit de si nombreux petits et n’hésita pas, suite à la 2e guerre mondiale, à revendiquer la protection des avoirs juifs… des mains mêmes de leurs survivants !

Banquiers suisses : un secret pas si bien gardé

Cyril Berard

Europa

02.05.2011

Le secret bancaire fait partie des «mythes» suisses présents dans l’inconscient collectif. Au début du XXe siècle, il donne naissance et inspiration aux paradis fiscaux. Un secret controversé, que le pays défend corps et âme, même s’il a fallu inventer une légende pour s’en légitimer.

Si vous voyez un banquier suisse sauter d’une fenêtre, sautez derrière lui, il y a sûrement de l’argent à gagner.» Voilà toute l’estime qu’avait Voltaire pour les banquiers suisses du temps de la Révolution française. Déjà, en cette fin de XVIIIe, les banquiers suisses offraient la possibilité aux aristocrates français d’effectuer des transactions confidentielles.

Ce n’est qu’un siècle plus tard que les comptes anonymes sont mis en place en Suisse. Un secret bancaire qui se base sur le devoir de discrétion entre contractants, couvert par le droit des obligations, et la protection de la sphère privée, couverte par le droit civil.Après la Première Guerre mondiale, l’économie européenne devient instable. Les impôts augmentent dans les grands pays européens et les contrôles de mouvement de capitaux s’intensifient. C’est dans ce contexte que la Suisse, pays stable et neutre, va devenir le refuge des grands capitaux français, allemands, italiens et autrichiens.

Consciente de sa position stratégique, la Suisse va alors opérer une stratégie de séduction pour attirer à elle les grands capitaux européens, et se spécialiser dans le «sauvetage» de capitaux en quête de refuge fiscal. Alain Vernay, journaliste au Figaro et auteur d’un ouvrage sur les paradis fiscaux, ironise de cette situation et compare les banquiers suisses à la Croix-Rouge : «La Suisse est l’infirmerie de l’argent malade : il vient y trouver les soins et le repos qui hâteront sa convalescence avant un nouveau départ»1.

Fraudeurs

Le secret bancaire est alors garanti par le droit civil, c’est-à-dire que les banquiers suisses devaient être discrets quant aux informations qu’ils possédaient sur leurs clients, car sur plainte de la partie lésée, ils pouvaient être poursuivis civilement, et contraints à payer des dommages et intérêts. Plusieurs affaires, au début des années 1930, vont faire prendre conscience à la Suisse du danger qu’elle encourt à ne pas bien protéger ses clients.

En 1932, le commissaire français Barthelet, sur bénéfice d’une dénonciation, démantèle un vaste réseau d’évasion fiscale. 2 000 noms sont mis à nu : ceux des fraudeurs français qui ouvrent des comptes en Suisse pour ne pas payer la taxe de 20% sur les revenus des placements à l’étranger. Et comme les comptes sont généralement ouverts de manière jointe, avec les noms de femmes et enfants, cela permet également d’échapper à l’impôt sur les successions. Le député socialiste Fabien Albertin estime alors à 4 milliards de francs le manque à gagner de l’État français (2,25 milliards d’euros actuels). Les noms de fraudeurs sont cités par le député devant l’Assemblée nationale. Des sénateurs, des anciens ministres, des généraux, magistrats, évêques, etc2.

La presse française donne une ampleur magistrale à l’évènement, des députés demandent qu’on organise des extraditions fiscales. L’affaire fait tâche d’huile dans toute l’Europe. Affolés, certains clients étrangers retirent leurs fonds des banques suisses. La presse helvétique s’inquiète alors de ces retraits massifs. L’affaire Albertin et les procès qui s’en suivent ne sont pas esseulés en Europe, des enquêteurs des finances et du fisc français et allemands commencent à empiéter sur le territoire helvétique.

Le président du Conseil français, Edouard Herriot, se lance dans une politique drastique de réduction des coûts budgétaires, et ne voit pas d’un bon œil la politique des banques suisses qui favorisent l’évasion fiscale. Ainsi, des perquisitions ont lieu dans des succursales de trois banques suisses à Paris, la banque commerciale de Bâle est contrainte à rembourser de grosses sommes, et la banque d’escompte de Genève doit mettre la clef sous la porte.

Et le secret bancaire fut

L’économie bancaire est en danger, il faut la protéger. C’est ainsi que naît l’idée d’un projet de loi sur le secret bancaire. Comme le dit le député français Albertin : « les capitaux de l’évasion fiscale sont à l’époque le profit principal, voire exclusif, des banques suisses. » Mais les banquiers suisses vont réagir : « Suite à des jugements spectaculaires, des voix se sont fait entendre revendiquant le renforcement et la protection pénale du secret bancaire. »

C’est ainsi que le 8 novembre 1934, la «loi fédérale sur les banques et les caisses d’épargne» est adoptée. L’article 47 marque un tournant dans l’histoire du secret bancaire puisqu’il le place sous la protection du droit pénal. C’est-à-dire qu’un employé de banque suisse qui livrerait des informations sur un de ses clients, y compris à son propre gouvernement, serait poursuivi pour «acte criminel». La sanction encourue alors ne serait plus un simple dommage et intérêt, mais une peine de prison et une lourde amende3. Cette loi, qui a ensuite inspiré d’autres territoires devenus des paradis fiscaux, est la première du genre de la période contemporaine. Elle offre une protection juridique complète, y compris contre le gouvernement suisse, aux étrangers qui viennent déposer leurs avoirs dans les banques helvétiques. Le secret bancaire est né.

L’article 47 constitue évidemment un attrait commercial redoutable. Selon l’historien Peter Hug, les fortunes gérées par les banques suisses auraient augmenté de 28% en trois ans suite à l’adoption de cette loi4. Oui mais voilà, les autres pays européens ne l’entendent pas tous de la même oreille. En effet, les capitaux qui fuient en Suisse ne sont plus assujettis aux impôts nationaux, ce qui constitue un manque à gagner considérable pour les États. L’Espagne va jusqu’à condamner à la prison tout ressortissant propriétaire d’une société en Suisse5. Les Etats-Unis exercent alors une grande pression sur l’État helvétique, mais sans succès. Plus tard, le Liechtenstein, les Bahamas, Montevideo et d’autres, copieront les fondements de cette loi, qui signa l’acte de naissance des paradis fiscaux6.

Pour la légende

Mais le secret bancaire, élaboré à des fins commerciales, est lourdement remis en cause dans les années 1960 par le Congrès américain, qui tient des auditions régulières sur l’évasion fiscale et le crime organisé. Pour justifier la législation sur le secret bancaire et redorer le blason suisse, un auteur anonyme publie, en 1966, un article dans le Bulletin du crédit suisse, intitulé À propos du secret bancaire suisse.

Il évoque le vote de la loi de 1934 en ces termes : « Il est à remarquer que c’est l’espionnage intensif exercé sur les avoirs juifs qui a forcé la Suisse, en 1934, à définir plus rigoureusement le secret bancaire […] et à rendre toute violation passible de sanctions pénales, et ce afin de protéger les persécutés. Sans exagérer, on peut affirmer que la détermination avec laquelle le secret bancaire a été défendu a sauvé la vie et la fortune de milliers de personnes. »7

À l’époque, le régime nazi avait décrété que tout citoyen allemand en possession d’avoirs financiers à l’étranger devait les déclarer. S’ils ne le faisaient pas, ils étaient passibles de la peine de mort. Les banquiers suisses seraient-ils de Bons Samaritains, ayant voté le secret bancaire pour protéger les juifs persécutés ? Pas si sûr, puisqu’ils ont utilisé ce même secret bancaire pour justifier la réticence qu’ils avaient à restituer aux survivants de l’Holocauste et à leurs héritiers les avoirs qu’ils détenaient dans leurs coffres depuis la guerre (8)…

Que fait l’Europe ?

Légitimée ou pas, l’évasion fiscale existe, et l’Union européenne entend bien lutter contre. Ainsi, en octobre 2008, la France et l’Allemagne ont invité 15 pays occidentaux à réfléchir ensemble sur les moyens de renforcer l’offensive contre les paradis fiscaux. Cette réunion a fait suite à une charge diplomatique du ministre allemand des Finances, Peer Steinbrück, qui avait, quelques semaines auparavant, sonné le clairon : « La Suisse mérite de figurer sur la liste noire des paradis fiscaux de l’OCDE, car elle propose des conditions de placement qui incitent certains contribuables allemands à pratiquer l’évasion fiscale. » Le Premier ministre français, François Fillon, prenait alors un ton plus diplomate en déclarant, lors d’une visite à Lucens, que « la Suisse n’est pas un paradis fiscal, elle n’est pas considérée comme telle par l’OCDE, elle n’est pas considérée comme telle par la France »9, voulant par là couper court à tout malentendu entre Berne et Paris.

Pour limiter la fraude et l’évasion fiscales sur le continent européen, l’UE a promulgué, en 2003, une directive sur la fiscalité de l’épargne (10). Cette directive, entrée en vigueur le 1er juillet 2005, instaure un échange automatique d’informations entre les administrations fiscales des vingt-sept sur les revenus de l’épargne perçus par des non-résidents. Elle ambitionne à terme la levée du secret bancaire. Mais les États membres qui l’ont longtemps pratiqué, comme le Luxembourg, la Belgique et l’Autriche, ont obtenu une dérogation. Ils se sont engagés, en contrepartie, à taxer les revenus des non-résidents, à hauteur de 15 % jusqu’en juin 2008 (puis de 20% de 2008 à 2010 et de 35% après 2010), et à reverser 75% de ces montants aux pays concernés. Les pays aux portes de l’UE offrant les mêmes services bancaires – Suisse, San-Marin, Monaco, Andorre et Liechtenstein – ont finalement accepté d’appliquer la même retenue dans des accords bilatéraux passés avec l’Union. Le secret bancaire existe, mais désormais il s’achète.

1. Alain Vernay, Les paradis fiscaux, Seuil, 1968.

2. Secret bancaire : une légende helvétique, par Christian Chavagneux, Alternatives économiques n°188, janvier 2001.

3. Art. 47 de la loi fédérale sur les banques et les caisses d’épargne. 50 000 francs suisses d’amende et 6 mois d’emprisonnement pour incitation volontaire, 30 000 francs sans emprisonnement si la personne a agi par négligence.

4. Les vraies origines du secret bancaire, Peter Hug, Le Temps, 27 avril 2000.

5. Les banques suisses, Fehrenbach, Seuil, 1966.

6. Rapport d’information, déposé en application de l’article 145 du Règlement par la mission d’information commune sur les obstacles au contrôle et à la repression de la délinquance financière et du blanchiment d’argent en Europe. Assemblée Nationale n°2311, 21 février 2001 .

7. Les paradis fiscaux, Christian Chavagneux, La Découverte, 2007.

8. La Suisse lave plus blanc, Jean Ziegler, Seuil, 1990.

9. Paradis fiscaux: la Suisse mérite d’être sur la «liste noire» selon Steinbrück .

10. Fiscalité de l’épargne: la Commission européenne propose des modifications pour mettre fin à l’évasion fiscale , 13 novembre 2008.

Fraude ou évasion ? ———————————————————————-

Toute la subtilité de la loi suisse sur le secret bancaire réside dans le flou juridique qui entoure l’évasion fiscale, qui se rapproche souvent de la fraude fiscale. Mais alors, quelle différence ? L’évasion fiscale consiste à éluder ou réduire l’impôt en déplaçant un patrimoine ou des capitaux d’un pays à un autre, et en ne déclarant pas les revenus qu’ils génèrent, utilisant légalement les failles d’un système fiscal ; la fraude réside en un détournement illégal d’un système fiscal pour ne pas contribuer aux charges publiques. Subtile nuance, qui prend tout son sens quand on sait que la Suisse ne considère pas la simple évasion fiscale comme un délit méritant la levée du secret bancaire.

La Suisse est-elle un paradis fiscal ? ———————————————————————-

Un rapport de l’OCDE de 1987 relatif à la fiscalité internationale précisait dès son introduction qu’« il n’existe pas de critère unique, clair et objectif permettant d’identifier un pays comme étant un paradis fiscal ». Pourtant plusieurs critères, à géométrie variable, nous permettent de définir les grandes caractéristiques des paradis fiscaux.

Selon Christian Chavagneux, auteur d’un ouvrage sur les paradis fiscaux7, il y aurait une dizaine de critères permettant de les définir :

1/ une taxation faible ou nulle pour les non-résidents,

2/ un secret bancaire renforcé,

3/ un secret professionnel étendu à différentes professions (avocats, comptables, employés, etc.),

4/ une procédure d’enregistrement relâchée (grande souplesse quant aux informations fournies à la banque par les contractants),

5/ une liberté totale des mouvements de capitaux internationaux,

6/ une rapidité d’exécution,

7/ le support d’un grand centre financier,

8/ une stabilité économique et politique,

9/ une bonne image de marque,

10/ un réseau d’accords bilatéraux.

La Suisse est «positive» à ces critères, pourtant, elle n’est pas reconnue par l’OCDE comme paradis fiscal, car c’est un territoire «coopératif», en ce sens qu’il fait preuve d’une relative transparence et de dialogue avec les instances internationales. Ainsi l’OCDE juge qu’«en ce qui concerne les échanges de renseignements en matière fiscale, [elle] invite les pays à adopter un système d’échanges de renseignements “à la demande”. Il s’agit du cas où les autorités compétentes d’un pays demandent à celles d’un autre pays des informations concernant une vérification fiscale spécifique, en général en application d’un accord bilatéral d’échange de renseignements entre les deux pays. L’un des éléments essentiels de ces échanges de renseignements est la mise en œuvre de garanties appropriées pour assurer une protection suffisante des droits des contribuables et de la confidentialité de leur situation fiscale ». Officiellement donc la Suisse n’est pas un paradis fiscal, même si elle en présente les principales caractéristiques.

Voir aussi:

Dans les banques suisses, le silence est d’or

Sacralisé en 1934, le secret bancaire a fait de la fédération helvétique un gigantesque coffre-fort (quasiment) inviolé depuis. Par ici les valises…

Olivier Milot

Télérama

Le 11/08/2012

Tout commence par une descente de police, le 27 octobre 1932, dans un appartement loué, Hôtel de la Trémoille, par l’une des plus grandes banques suisses de l’époque, la Ban­que commerciale de Bâle (BCB). Les inspecteurs sont loin de se douter alors des répercussions de leur perquisition. Rien de moins qu’un scandale national, une crispation des relations diplomatiques franco-suisses et le vote d’une loi bétonnant pour des décennies ce monument national helvète qu’est le secret bancaire.

Excusez du peu. Ce jour-là, les inspecteurs tombent, il est vrai, sur une mine : des listes contenant les numéros de compte et les noms d’un bon millier de Français qui ont placé une part de leur fortune de l’autre côté des Alpes, en omettant de le signaler au fisc. Fatale négligence.

Gotha mondain

Comme un air de déjà-vu, la France est alors confrontée à de sérieuses difficultés économiques. Contraint à une cure d’austérité, le gouvernement de centre gauche du radical Edouard Herriot tolère mal l’évasion fiscale et cherche un dérivatif au mécontentement de l’opinion publique : la chasse aux fraudeurs fera l’affaire.

La descente de nos pandores n’est donc pas tout à fait le fruit du hasard, même si la saisie des listes de la BCB relève, elle, de la pêche miraculeuse. « L’ampleur de la fraude était gigantesque, raconte l’historien suisse Sébastien Guex, environ 2 milliards d’actuels francs suisses [1,7 milliard d’euros, NDLR]. » Et, surtout, ces listes réunissent « le gotha mondain de l’époque. »

Un inventaire à la Prévert de la classe dirigeante : d’anciens ministres, trois sénateurs, un député, une douzaine de généraux, des patrons de journaux, de prestigieux capitaines d’industrie et même… deux évêques. Rapidement l’affaire s’ébruite. Le 10 novem­bre, à l’Assemblée nationale, le député socialiste Fabien Albertin révèle une dizaine de noms soigneusement sélectionnés.

Effet garanti. La presse s’enflamme. Le gouvernement, lui, s’active. Il gèle les avoirs de la BCB en France, place deux de ses dirigeants en détention, exige l’envoi d’inspecteurs au siège de la banque à Bâle et présente une demande d’entraide judiciaire au Conseil fédéral suisse. De l’autre côté des Alpes, la réplique est contrastée. Sans équivoque du côté des autorités, qui rejettent la demande d’entraide. Plus hésitante à la BCB, qui envisage un temps de satisfaire aux exigences des Français en échange du déblocage de ses avoirs et de la libération de ses dirigeants. L’épisode fait frémir l’establishment financier helvète et provoque une fuite des capitaux dans l’autre sens.

Quoi, l’accueillante Suisse, refuge discret des fortunes d’Europe, ne serait pas aussi sûre qu’imaginé ? Les épais murs des banques de Genève ou de Berne pas suffisants pour protéger les précieux dépôts de l’inquisition d’un gouvernement étranger ? Insupportable. La valeur du secret bancaire tient à son étanchéité, une seule fuite et c’est toute la confiance qui s’évapore.

Histoire du secret bancaire

Le gouvernement suisse se charge lui-même d’écrire l’épilogue de l’histoire. Le 8 novembre 1934, il fait adopter une loi sur les banques, dont l’article 47 verrouille à double tour le secret bancaire. Il est désormais pénalement interdit à une banque suisse de divulguer la moindre information concernant l’un de ses clients sous peine d’amende ou d’emprisonnement. Plus fort encore, en cas d’infraction, les poursuites sont automatiques, même si la partie lésée n’a pas porté plainte. Le message à la riche clientèle étrangère est clair : à l’avenir, le secret bancaire helvète sera aussi inviolable que ses coffres.

Si l’ancrage légal du secret bancaire et son bétonnage remontent à 1934, son existence est, elle, plus ancienne. Certains auteurs (1) la font même remonter au XVIIIe siècle. Il serait une conséquence directe de la révocation de l’édit de Nantes, en 1685. Par cet acte, Louis XIV provoque la fuite des protestants, dont une partie trouve refuge à Genève. Persécutés mais pragmatiques, les huguenots exilés acceptent de continuer à financer la dispendieuse monarchie française. Un comportement un rien schizophrène qui s’explique par une réciprocité d’intérêts.

D’un côté, le roi a d’insatiables besoins financiers, de l’autre, les huguenots fortunés peuvent difficilement imaginer client plus solvable du fait de sa capacité à honorer ses dettes. Mais pour être parfaite, cette communauté d’intérêts ne pouvait qu’être discrète. Il ne saurait être dit que le roi de France emprunte avec intérêt à d’hérétiques protestants qu’il a lui-même chassés. Cette discrétion aurait été formalisée par le Grand Conseil genevois en 1713 dans un texte qui stipule que les créanciers doivent « tenir un registre de leur clientèle et de leurs opérations, mais il leur est interdit de divulguer ces informations à quiconque autre que le client concerné, sauf accord exprès du conseil de la ville ».

Secret des affaires

Sébastien Guex, qui écrit actuellement une histoire du secret bancaire suisse, livre, lui, une tout autre genèse. « On ne peut pas exactement dater la création du secret bancaire. L’expression elle-même n’apparaît qu’à la toute fin du XIXe siècle, explique ce professeur d’histoire à l’université de Lausanne. Le secret bancaire est en fait une pratique non codifiée qui se développe en Europe avec la révolution industrielle au cours de la seconde moitié du XIXe siècle. A cette époque, les banques commencent à jouer un rôle important dans le financement des entreprises, dont elles connaissent souvent les moindres rouages pour s’assurer de leur solvabilité. Du fait de cette position dans la division du travail, secret des affaires et secret bancaire deviennent vite inséparables.

A cette dimension économique va bientôt s’en ajouter une autre : la dimension fiscale. Elle naît au tournant du XXe siècle quand les Etats européens commencent à imposer les couches aisées de la population sur leurs revenus et les successions. Parallèlement, ils se dotent de services fiscaux modernes pour s’assurer de la bonne rentrée de l’impôt. La question des rapports entre banques et fisc devient alors centrale car l’accès aux données bancaires s’impose comme le principal moyen de lutte contre la fraude fiscale. C’est ce qui va donner toute son explosivité au secret bancaire. »

D’autant que si, au début du XXe siècle, les taux d’imposition sont faibles, ils augmentent crescendo partout en Europe au lendemain de la Première Guerre mondiale. En France, le taux marginal d’imposition sur le revenu passe ainsi de 4 % en 1914 à 94 % en 1924 sous le gouvernement Poincaré.

A l’époque, la Suisse comprend vite tout le bénéfice qu’elle peut tirer de cette hausse de la fiscalité en Europe en attirant les capitaux étrangers cherchant à fuir un fisc très gourmand. Elle a pour elle de nombreux atouts : sa stabilité politique, sa neutralité, une fiscalité faible et, surtout, une pratique du secret bancaire déjà bien ancrée dans ses usages. Alors ses banques ne se gênent pas et draguent sans relâche la clientèle fortunée. Avec succès. Les capitaux étrangers affluent et la petite Suisse devient entre les deux guerres une place financière internationale de premier plan. Avec cette conséquence : plus le pays s’enrichit de la fraude fiscale, plus la défense du secret bancaire devient vitale. La loi de 1934 s’inscrit dans cette évolution.

Réputation ternie

L’infaillibilité du secret bancaire suisse aurait pu devenir aussi éternelle que celle du pape pour les catholiques sans les soubresauts de l’Histoire. En entraînant le monde dans une deuxième guerre mondiale et en exterminant 6 millions de Juifs, Hitler en décida autrement.

A la sortie de la guerre, la Suisse est plus riche que jamais mais comme elle a trop ostensiblement collaboré sur le plan économique avec l’Allemagne nazie, sa réputation internationale est ternie. Elle se retrouve sous la double pression des Américains, qui ont gelé ses avoirs aux Etats-Unis, et de l’ensemble des Alliés, qui exigent la livraison sans contrepartie des avoirs allemands détenus sur son territoire.

Inconfortable. D’autres auraient joué profil bas, pas elle. Sébastien Guex raconte qu’à peine débarqué aux Etats-Unis, en mars 1946, le chef de la délégation suisse chargée de négocier un accord global déclara sans rire : « C’est maintenant que nous entrons réellement en guerre. » On mène les combats qu’on peut… Ironie de l’Histoire, les Suisses vont pourtant réussir à gagner cette guerre en cédant sur l’accessoire pour mieux préserver l’essentiel : leur secret bancaire. Ils convainquent les Américains de débloquer leurs avoirs en échange de la rétrocession d’une partie des avoirs allemands déposés dans leurs banques. Surtout, ils obtiennent d’identifier eux-mêmes ces avoirs et de ne livrer aucun nom.

Dans une lettre annexée à cet accord, la Suisse s’engage également à examiner « avec sympathie » la question des comptes en déshérence des victimes juives des nazis que les héritiers tentent de récupérer. Une « sympathie » très limitée tant les banquiers suisses traînent des pieds pour retrouver ces fonds, certains n’hésitant pas, semble-t-il, à exiger desdits héritiers un impossible certificat de décès du titulaire du compte, mort à Auschwitz ou à Treblinka.

Cyniques ou inconscients (ou les deux), ils ne pensent qu’à gagner du temps dans l’espoir de ne pas perdre un argent qui ne leur appartient pas. On atteindra l’abject quand dans les années 1950 commence à se répandre l’idée que le secret bancaire n’a été instauré avant guerre que pour mieux protéger les Juifs de l’inquisition nazie. « Cette thèse est totalement erronée. C’est une réécriture de l’Histoire parfois encore utilisée aujour­d’hui, tant elle est utile au milieu bancaire », explique Sébastien Guex.

Peu d’entorses au règlement

La bombe à retardement des comptes en déshérence finira par exploser en 1995, lors du 50e anniversaire de la Shoah. Sous la pression des organisations juives, les Suisses devront renoncer par deux fois à leur précieux secret bancaire. Une première afin de permettre à une commission internationale (la commission Volcker) d’auditer une soixantaine de banques pour faire enfin toute la lumière sur ces comptes. Une seconde pour permettre à une commission d’historiens de clarifier le rôle de la Suisse pendant la Secon­de Guerre mondiale, en ayant accès à toutes les archives bancaires.

Publié en 1999, le rapport Volcker révélera que le nombre de comptes en déshérence s’élève à 53 886 pour un montant de l’ordre de 271 millions à 411 millions de francs suis­ses. En échange de l’abandon de toutes poursuites, les ban­ques helvétiques acceptent de payer 1,25 milliard de dollars pour solde de tout compte aux ayants droit. Le passif est épuré mais le passé fait toujours tache.

Sans l’arrogance de quelques banquiers, le secret bancaire aurait pu passer le XXe siècle sans encombre. Les banques suisses ont en effet longtemps profité de la passivité des gouvernements étrangers. Durant les décennies d’après-guerre, la forte croissance rendait la lutte contre la fraude fiscale moins nécessaire, sans compter que l’évasion fiscale était une pratique assez largement répandue dans les plus hautes sphères économiques et politiques.

Cette apathie n’empêche pas certains Etats de mener des attaques ponctuelles, mais elles restent isolées, en ordre dispersé et donc sans portée réelle. La crise financière de 2008 change radicalement la donne. De nombreux pays ont englouti des sommes astronomiques pour sauver leur système financier. Pour renflouer leurs caisses, les gouvernements décident de se lancer dans une chasse sans merci aux fraudeurs.

Face aux pressions conjuguées des Etats-Unis et des Etats membres de l’OCDE, la Suisse doit accepter d’importantes concessions qui reviennent à assouplir son secret bancaire sans toutefois le remettre en cause. Pourrait-il disparaître un jour ? Pas sûr, même si à l’intérieur du pays, la question n’est plus taboue. Et puis, la fin du se­cret bancaire serait-elle à ce point un drame pour la riche Suisse ? Un ancien parlementaire socialiste, l’économiste Rudolf Strahm, a estimé que sa disparition coûterait 1 à 2 % du produit intérieur brut (PIB) (2) . Serait-ce si insupportable pour un pays dont les banques gèrent, selon Sébastien Guex, « près de 30 % de la fortune privée mondiale, soit un pactole de l’ordre de 2 500 milliards d’euros qui privent les Etats d’où sont issus ces fonds de quelque 40 à 50 milliards de ressources fiscales ? »

Et en France ?

En France, le secret bancaire est relatif et s’apparente plutôt au secret professionnel. Pas question que votre banquier clame le montant de vos comptes à tous les vents, vous pourriez l’attaquer en justice. En revanche, il est tenu de lever ce « secret » à la demande de certaines administrations (le fisc, les douanes, la Banque de France…) ou de la justice dans le cadre d’une procédure pénale. Ces limitations sont justifiées par la lutte contre la fraude fiscale et le blanchiment de l’argent sale.

A lire

(1) Un article de Sébastien Vannerot « Les origines du secret bancaire suisse », sur le site du Cercle Alexis de Tocqueville.

(2) Dans « L’agonie du secret bancaire suisse », L’Economie politique, 2010/2, nº 46.

Voir également:

LES ORIGINES DU SECRET BANCAIRE SUISSE

Sébastien Vannerot (Vice – Président du Cercle Alexis de Tocqueville)

Cercle Alexis de Tocqueville

Jul. 24, 2009

La crise économique et financière actuelle a récemment mis en lumière, sans en expliquer ni l’histoire ni les fondements, la notion de secret bancaire, particulièrement le secret bancaire suisse. Le présent article tente d’en dresser sommairement l’histoire. Comme souvent, l’histoire se répète et nous verrons que ce sont justement ces mêmes crises financières et internationales qui ont conduit à ériger et à forger le secret bancaire suisse, tant contesté aujourd’hui.

La confédération helvétique est depuis fort longtemps – tant en raison de sa situation géographique que de son histoire – une place financière internationale reconnue pour sa compétence mais aussi pour sa discrétion. De toutes les influences, c’est l’histoire de France qui a le plus fortement contribué à la genèse du secret bancaire suisse, fruit de coïncidences de l’histoire.

Parallèlement à la montée en puissance des Lombards et des Templiers, le XVIème siècle voit naître la Réforme au cours de laquelle Jean Calvin légitime notamment l’esprit d’entreprise et le prêt à intérêts, ce dernier étant interdit par l’église catholique et le droit canon conformément à l’adage latin « Pecunia pecuniam non parit (1). Le droit canon et le Vatican n’ont définitivement reconnu l’usage et la licéité du prêt à intérêts respectivement qu’en 1830 et 1917…

A cette époque, Lyon était la première place financière européenne grâce notamment au privilège des « Quatre Foires Annuelles » (2), au transfert du comptoir des Médicis de Genève à Lyon ou encore au privilège royal du tissage des draps d’or et de soie.

La révocation de l’Édit de Nantes va tout bouleverser.

En révoquant celui-ci en 1685, Louis XIV a provoqué la fuite de nombreux huguenots français (près de 300.000), affaiblissant ainsi l’économie française au profit de pays protestants qui les ont accueillis comme l’Angleterre, l’Allemagne, les Pays-Bas et bien évidemment la Suisse, pays neutre depuis 1516 suite à la défaite des troupes de la Confédération helvétique lors de la bataille de Marignan.

Quasiment dès leur arrivée, les huguenots français exilés ont donné à nouvel élan à Genève en acceptant de financer la monarchie française malgré les persécutions qu’ils avaient subies. Ce comportement quasi schizophrène s’explique par une réciprocité d’intérêts, apparemment contradictoires.

D’une part, la monarchie française avait un besoin insatiable de financement, alors même qu’elle venait de perdre une part importante de ses richesses en raison la fuite des huguenots. D’autre part, ces mêmes huguenots ne pouvaient rêver de placement plus sûr que la monarchie française aux capacités d’emprunt et de remboursement quasiment illimitées.

Cette discrétion de fait a été formalisée en 1713 par l’adoption par le Grand Conseil Genevois du premier texte connu concernant le secret bancaire

La pérennité d’un tel arrangement entre le Roi de France et les huguenots n’était possible que sous le sceau impérieux d’une discrétion absolue. Ii était impossible au Roi de France de reconnaître qu’il empruntait avec intérêts à des hérétiques protestants qu’il venait de chasser hors de France et aux protestants de dévoiler un tel arrangement sans risquer de tout perdre.

Cette discrétion de fait a été formalisée en 1713 par l’adoption par le Grand Conseil Genevois du premier texte connu concernant le secret bancaire, lequel stipule que les banquiers doivent « tenir un registre un leur clientèle et de leur opérations, mais il leur est interdit de divulguer ces informations à quiconque autre que le client concerné, sauf accords exprès du Conseil de la Ville ».

Par la suite, les agitations politiques de la fin du XVIIIème siècle transformèrent définitivement la Suisse, et Genève en particulier, en un asile politique et financier pour ceux qui, notamment, fuyaient les conséquences de la Révolution Française. Il se dit même que Napoléon 1er fut un client assidu des banques suisses.

Le devoir de discrétion qui fut d’abord imposé pour la survie même de la place financière de Genève est très rapidement rentré dans les mœurs et est devenu, au fil des années, une marque de fabrique attirant de nombreux capitaux et ce, plus encore depuis la (nouvelle) neutralité perpétuelle imposée à la Suisse le 20 mars 1815 au Congrès de Vienne.

Jusqu’en 1934, le secret bancaire relevait de la sphère civile et était régi par le Code Civil suisse de 1907 pour la protection de la sphère privée et le Code des Obligations de 1911 pour le devoir de discrétion entre cocontractants.

Ces derniers offraient des garanties civiles qui, alors, étaient considérées comme suffisantes car interprétées de manière très extensive, et permettaient d’attribuer des dommages-intérêts aux victimes de banquiers fautifs.

La jurisprudence suisse a confirmé à plusieurs reprises la base légale du secret bancaire, d’abord en 1930 en indiquant que « la discrétion du banquier constitue une obligation contractuelle implicite », puis de manière plus précise en 1932 à l’occasion de l’affaire Charpiot v. Caisse d’Épargne de Bassecourt : « le secret de banque n’est pas autre chose que le droit que possède chaque client d’une banque d’exiger de la part de cette dernière la plus stricte discrétion sur les affaires qui lui sont confiées ; c’est également et inversement, le devoir qu’a la banque de garder le silence le plus complet sur ces affaires. Et pour le banquier en particulier, cette obligation est indépendante du rapport de droit existant entre lui et son client. Si aucun contrat n’est intervenu, la violation du secret constitue un acte illicite dans le sens des articles 41 et suivants du Code des Obligations ».

La sacralisation et la pénalisation de la violation du secret bancaire n’interviendra qu’en 1934 avec l’adoption le 8 novembre de la « Loi fédérale sur les banques et les caisses d’épargne ».

Ce renforcement du cadre légal du secret bancaire trouve son origine dans les nombreuses crises économiques et politiques qui ont secoué l’Europe au cours de la première partie du XXème siècle.

Tout d’abord, l’augmentation des assiettes et taux d’imposition dans un certain nombre de pays européens (dont notamment la France en 1901 avec l’augmentation de l’impôt sur les successions puis sur les hauts revenus) puis ensuite la première guerre mondiale ont provoqué un afflux massif de capitaux en Suisse, attirés par la stabilité économique, la neutralité politique, la stabilité de la monnaie et naturellement le secret bancaire qu’offrait la Suisse.

le secret de banque n’est pas autre chose que le droit que possède chaque client d’une banque d’exiger de la part de cette dernière la plus stricte discrétion sur les affaires qui lui sont confiées

Les pays concernés ne virent évidemment pas d’un bon œil cette évasion de leurs capitaux nationaux. Pour la France et la Belgique, ces capitaux manquaient à la reconstruction de la France, que ce soit sous forme d’investissements directs ou de manque à gagner en matière fiscale. Pire encore concernant les capitaux allemands que la France et la Belgique considéraient comme l’inexécution de l’obligation de réparation des dommages de guerre imposés à l’Allemagne par le traité de Versailles.

Puis virent la crise de 1929 et la Grande Dépression qui ont notamment engendré en 1931 la plus grande crise bancaire que la Suisse n’ait jamais connu et, dans le reste de l’Europe, la montée des fronts populaires d’un côté et du fascisme de l’autre, aboutissant dans les deux cas à une augmentation du besoin de financement des États et donc de la pression fiscale.

Les années trente ont également été le théâtre de faits divers marquants impliquant directement ou indirectement le secret bancaire suisse : la perquisition en 1932 des locaux parisiens de la Banque Commerciale de Bâle ou encore de la Banque d’Escompte Suisse et le scandale qui s’en est suivi, la condamnation à mort en 1934 de trois allemands en raison de l’interdiction faite aux ressortissants allemands de détenir des capitaux hors d’Allemagne, l’espionnage bancaire nazi en vue d’identifier et de rapatrier des actifs allemands déposés en Suisse.

D’autres facteurs endogènes ont également participé à l’adoption de la loi du 8 novembre 1934 en premier lieu desquels figurent un renversement de jurisprudence du Tribunal Fédéral sur un des cas de levée du secret bancaire en 1930 et la poussée des socialistes en Suisse dans les années 30, lesquels étaient favorables à la levée du secret bancaire notamment pour des raisons fiscales internes à la Confédération.

C’est donc la conjonction de facteurs exogènes (pressions française et allemande) mais aussi endogènes (conséquences de la crise bancaire de 1931 et risque de changement intempestif de législation en cas de changement de majorité politique) qui a poussé la Suisse a adopter le 8 novembre 1934 la « Loi fédérale sur les banques et les caisses d’épargne » qui organise le secteur bancaire en Suisse et qui, dans son article 47, consacre l’inviolabilité du secret bancaire, le faisant basculer de la sphère civile vers la sphère pénale, de l’intérêt privé vers l’intérêt public.

Contrairement à une idée largement répandue après-guerre, le secret bancaire suisse n’a pas été créé en vue de protéger les actifs juifs de la menace fasciste ou nazie (même si ce même texte a pu tout aussi bien servir que desservir des milliers de juifs qui ont déposés leurs avoirs en Suisse dans les années 30 et 40) mais pour défendre l’avenir du secteur financier suisse qui représentait la majorité du PIB du pays.

La législation suisse en vigueur concernant le secret bancaire est demeurée quasiment inchangée depuis cette date, hormis une aggravation des peines encourues.

Le dispositif pénal en vigueur aujourd’hui est complet et cohérent avec l’histoire.

L’article 273 du Code Pénal suisse dispose que « Celui qui aura cherché à découvrir un secret de fabrication ou d’affaires pour le rendre accessible à un organisme officiel ou privé étranger, ou à une entreprise privée étrangère, ou à leurs agents, celui qui aura rendu accessible un secret de fabrication ou d’affaires à un organisme officiel ou privé étranger, ou à une entreprise privée étrangère, ou à leurs agents, sera puni d’une peine privative de liberté de trois ans au plus ou d’une peine pécuniaire ou, dans les cas graves, d’une peine privative de liberté d’un an au moins. En cas de peine privative de liberté, une peine pécuniaire peut également être prononcée. »

Dans le cadre du dispositif législatif suisse, cela signifie que même si le client autorise la banque à donner des informations, cette dernière ne peut – par la loi même – divulguer aucune information sur son client. Cette disposition a pour objectif de prévenir toute pression ou chantage comme celle de l’enlèvement Berthold Jacob en 1935.

Contrairement à une idée largement répandue après-guerre, le secret bancaire suisse n’a pas été créé en vue de protéger les actifs juifs de la menace fasciste ou nazie

Cette disposition a été introduite dans le Code Pénal suisse en 1937 suite à cette affaire.

L’article 271 du Code Pénal suisse dispose que « Celui qui, sans y être autorisé, aura procédé sur le territoire suisse pour un État étranger à des actes qui relèvent des pouvoirs publics, celui qui aura procédé à de tels actes pour un parti étranger ou une autre organisation de l’étranger , celui qui aura favorisé de tels actes, sera puni d’une peine privative de liberté de trois ans au plus ou d’une peine pécuniaire et, dans les cas graves, d’une peine privative de liberté d’un an au moins. Celui qui, en usant de violence, ruse ou menace, aura entraîné une personne à l’étranger pour la livrer à une autorité, à un parti ou à une autre organisation de l’étranger, ou pour mettre sa vie ou son intégrité corporelle en danger, sera puni d’une peine privative de liberté d’un an au moins. Celui qui aura préparé un tel enlèvement sera puni d’une peine privative de liberté ou d’une peine pécuniaire. »

Il est intéressant de noter que ces articles du Code Pénal suisse qui trouvent application concernant notamment le secret bancaire se situent dans le titre 13 du Code Pénal concernant les « Crimes ou délits contre l’état et la défense nationale ».

Enfin, l’article 47 de la loi fédérale sur les banques et les caisses d’épargne dispose ce qui suit : « Est puni d’une peine privative de liberté de trois ans au plus ou d’une peine pécuniaire celui qui, intentionnellement: en sa qualité d’organe, d’employé, de mandataire ou de liquidateur d’une banque, ou encore d’organe ou d’employé d’une société d’audit, révèle un secret à lui confié ou dont il a eu connaissance en raison de sa charge ou de son emploi; incite autrui à violer le secret professionnel. Si l’auteur agit par négligence, il est puni d’une amende de 250 000 francs au plus. En cas de récidive dans les cinq ans suivant une condamnation entrée en force, la peine pécuniaire est de 45 jours-amende au moins. La violation du secret professionnel demeure punissable alors même que la charge, l’emploi ou l’exercice de la profession a pris fin. Les dispositions de la législation fédérale et cantonale sur l’obligation de renseigner l’autorité et de témoigner en justice sont réservées. La poursuite et le jugement des infractions réprimées par la présente disposition incombent aux cantons. Les dispositions générales du code pénal sont applicables. »

Pour aller plus loin, je vous suggère de lire les excellents travaux de Sébastien Guex, disponibles notamment sur le site Persée.fr.

(1) Traduit en français par : « L’argent ne fait pas l’argent ».

(2) Au XVe siècle Lyon dispose par privilège royal, de la possibilité d’organiser quatre (4) foires franches annuelles. Les foires de Lyon ont été créées en 1419 par le Dauphin, futur Charles VII. Elles sont au nombre de deux (2) et durent six (6) jours. Elles sont portées au nombre de trois (3) en 1443 et à quatre (4) en 1463.

Voir encore:

Un scandale suisse à Paris en 1932

Joëlle Kuntz

Le Temps

14 mars 2009

Premier épisode d’une série sur l’histoire du secret bancaire, avec le professeur Sébastien Guex

Le secret bancaire suisse a provoqué des protestations étrangères dès sa généralisation dans les pratiques financières helvétiques au début du XXe siècle, au fur et à mesure que se développait dans les pays européens le principe de la redistribution par l’impôt sur le revenu et les successions. Les attaques américaines actuelles contre UBS ont plusieurs précédents. Le plus ressemblant est celui de la Banque commerciale de Bâle, prise en flagrant délit d’incitation à la fraude fiscale en 1932 à Paris. Sébastien Guex, professeur d’histoire à l’Université de Lausanne, en a retracé les épisodes dans un article de la revue Alternatives économiques (2007, No 33). La France était alors dans le rôle des Etats-d’Unis d’aujourd’ hui, en position de faire sauter le secret bancaire. Au final, elle ne l’a pas voulu. Elle a préféré faire sauter le gouvernement Herriot qui y avait touché. Une leçon pour Obama? Pour Sarkozy? Pour la banque suisse? Suivons le guide Guex dans l’affaire.

Le 27 octobre 1932, le Ministère des finances ordonne la perquisition des locaux discrets qu’occupe la Banque commerciale de Bâle (BCB) dans un hôtel parisien. Les trois occupants, deux directeurs et un employé, sont interrogés. Des documents sont saisis. Ils permettent d’identifier un millier de titulaires de comptes appartenant à la haute bourgeoisie française: des parlementaires, des évêques, des industriels, des propriétaires de journaux… Ils permettent surtout de dévoiler le mécanisme d’une fraude qui a commencé des années plus tôt: les banquiers suisses sont à Paris pour payer directement à leurs clients les intérêts et dividendes de leurs titres déposés à Bâle. La fortune qui échappe ainsi au fisc se situe entre 1 et 2 milliards de francs français de l’époque.

L’affaire est révélée en novembre par une interpellation à l’Assemblée du député socialiste Fabien Albertin. Des noms sont cités. Scandale. La Chambre demande alors «la vérité complète» au gouvernement présidé par le radical socialiste Edouard Herriot. Celui-ci réclame l’ouverture des registres bâlois aux inspecteurs du fisc français. Le 23 novembre, le Parquet livre à la presse une liste des 130 premiers inculpés dont les noms sont publiés dans plusieurs quotidiens.

L’indignation est générale mais contradictoire. Elle s’exprime selon le clivage classique sur ce thème: la gauche est indignée par la fraude, qui contrevient au principe d’égalité devant l’impôt. La droite est indignée par les méthodes «inquisitoriales» de l’Etat, elle justifie la fraude par le caractère «confiscatoire» de l’impôt. «Il y a des fraudeurs parce que les taxes sont trop lourdes», s’écrie Charles Maurras. Le vrai voleur, c’est donc l’Etat. On se croirait en 2009.

En amont de l’affaire: la crise économique. Herriot a été reconduit à la présidence du Conseil suite à la victoire de son parti aux élections de mai 1932. Il préconise le rééquilibrage du budget par la diminution des dépenses publiques. Les salariés, les agriculteurs, les petits commerçants, les anciens combattants protestent. En juillet, sa popularité est très entamée. Son parti lui-même est divisé. Il sait à l’automne son cabinet menacé par son projet de budget 1933 qui sera combattu par les socialistes et nombre de députés du centre. Ce pourquoi, affirme Sébastien Guex, il lance le député socialiste Albertin à l’assaut des fraudeurs. Il en escompte un milliard de francs pour le Trésor.

«Dès que nous avons connu l’étendue du déficit, explique le ministre des Finances devant la Chambre, dès que nous avons vu que nous serions dans l’obligation de demander des sacrifices à toutes les catégories de la nation… nous avons pensé qu’il faudrait obtenir la répression de la fraude fiscale.» Et Herriot d’ajouter: «Le peuple ne comprendrait pas que l’on n’épargnât qui que ce fût au moment où, en effet, il va falloir demander des sacrifices aux uns et aux autres.»

L’attaque contre la Banque commerciale de Bâle ne sauve pas le cabinet Herriot. Peut-être même, suggère l’historien, la précipite-t-elle en ajoutant le mécontentement de la droite à celui de la gauche.

Le gouvernement suivant enterre en tout cas l’affaire. Il a le souci de ne pas se priver du concours des banques et du marché financier suisses. Le pouvoir judiciaire s’adapte. La procédure est infirmée pour vice de forme. Seuls un petit nombre de fraudeurs seront condamnés à des amendes, entre 1935 et 1944. En 1948, les directeurs de la BCB-Paris se verront infliger des peines de prison avec sursis, puis amnistiés.

Voir aussi:

Histoire des Paradis Fiscaux

Paradis fiscal

Les Paradis Fiscaux sont indissociables du fonctionnement de l’économie mondiale. Comment sont-ils parvenus à occuper une place aussi importante ? Leur origine et leur développement s’effectueront durant deux grandes périodes de mondialisation économique, celle du XIX siècle et celle de la fin du XX siècle.

C’est au XIXe siècle que la séparation nette du monde en Etats-nations s’impose. Chaque pays crée ses propres lois et nous assistons au développement d’une mondialisation économique marquée par une forte mobilité des capitaux internationaux. La question qui se pose alors est de savoir comment les Etats vont affirmer leur souveraineté nationale au moment où des acteurs économiques privés se mettent à sauter allègrement les frontières ? Deux principes s’imposent alors : la souveraineté exclusive de chaque Etat sur son territoire et le soutien des pays industrialisés à leurs entreprises phares et à leur internationalisation.

La notion de gouvernance mondiale naît alors pour permettre de répondre au double objectif de soutenir la construction des Etats-nations et l’expansion internationale du capitalisme. Quatre solutions naissent alors progressivement :

Développer le droit national traitant des affaires économiques extérieures ainsi qu’un droit public international portant sur la façon de traiter les contrats signés dans des territoires étrangers hors de leur juridiction d’origine.

Prolifération des traités commerciaux bilatéraux dans le but d’harmoniser les législations traitant des investissements étrangers. Citons l’exemplaire traité franco-britannique dit Cobden-Chevalier signé en 1860.

Laisser les entreprises privées régler entre elles les problèmes pouvant surgir des implantations internationales des unes et des autres permettant la croissance de la lex mercatoria (loi des marchands).

La création d’une économie offshore, espace dans lequel les lois ne s’appliquent pas, évitant ainsi les conflits entre les lois nationales et les échanges de capitaux internationaux. La réconciliation entre la souveraineté de droit des Etats et de l’internationalisation du capital passe par la remise en cause de l’unité juridique Etat-nation.

L’émergence de l’offshore se développe dans le temps et passe par trois étapes :

Fin du XIXè siècle : les états américains comme le Delaware pour attirer des entreprises uniquement pour des motifs fiscaux en réponse à leurs contraintes budgétaires, ont bâti le premier pilier des paradis fiscaux.

Le Royaume-Uni dans les années 20 donne naissance au principe d’un enregistrement fictif des entreprises pour des raisons fiscales au niveau internationale et par le biais des juges britanniques.

La Suisse après la première mondiale attire massivement les capitaux français, allemands, italiens, et autrichiens et devient un place financière spécialisée dans le sauvetage des capitaux en quête de refuge fiscal. Les banquiers suisses proposant déjà l’anonymat des comptes bancaires sont conscient des avantages que représente leur place financière dans un contexte économique européen instable. La loi bancaire de 1934 dans son article 47 place le secret bancaire sous la protection du droit pénal. Ainsi, un employé d’une banque suisse livrant des informations concernant l’identité de ses client y compris à son propre gouvernement commet un acte criminel. Ainsi, une fois les frontières passée, les capitaux entraient dans un sanctuaire inviolable.

Pourquoi les autorités suisses ont ainsi renforcé le secret bancaire grâce à la loi bancaire de 1934 ?

Les banquiers suisses entretiennent le mythe selon lequel cette loi fut créée pour protéger les avoirs des juifs et des autres minorités persécutées par l’Allemagne nazie. Il en est finalement tout autrement et la France y joue un rôle déterminant…

La crise de 29 n’épargne pas le système financier helvétique qui connaît sa plus grave crise. Sur les huit « grandes banques », une a fait faillite, une a survécu grâce à une aide massive de l’Etat fédéral et d’autres ont du être réorganisées. Les autorités politiques suisses décident alors en janvier 1933 d’élaborer une nouvelle loi bancaire visant à un renforcement du contrôle des activités des établissements financiers.

Les banquiers du monde entier en général et suisses en particulier craignent alors deux choses : 1/ l’accroissement du pouvoir donné aux représentants publiques et 2/ la divulgation des informations de leurs clients aux autorités fiscales suisses ou étrangères. C’est pourquoi l’article 47 de la future loi bancaire se trouve dans le projet de loi de février 1933.

En France, Edouard Herriot arrive au pouvoir en 1932 et décide de s’attaquer aux déficits budgétaires, la fraude fiscale devient un enjeu national et le rôle de la suisse pour la faciliter inacceptable. L’affaire Albertin éclate…

Résumé de l’affaire Albertin : suite à une dénonciation et enquête menée par le commissaire Barthelet dans les locaux de la banque commerciale de Bâle à Paris, une liste de 2 000 noms est découverte : ceux de fraudeurs qui ont recours à la banque pour échapper au paiement de la taxe de 20% sur les plus-value de placement à l’étranger.

La presse s’empare de l’affaire mais le ministre de l’intérieur de l’époque, Camille Chautemps, refuse de la divulguer. Quant au ministre des finances, Louis Germain-Martin, celui-ci jure qu’il ne les connaît pas. Le député socialiste Fabien Albertin, ancien avocat de la cour d’appel de Paris, dispose d’une copie de cette fameuse liste et la rend publique : sénateurs, généraux, magistrats, évêques, propriétaires de grands journaux et des industriels y figurent. La banque d’escompte suisse et une banque genevoise sont également confondues et entraînées dans la tourmente.

Dans le cadre de cette enquête sans précédent, des poursuites judiciaires sont entamées et les avoirs des trois banques suisses bloqués. Les autorités françaises convoquent deux administrateurs de la banque commerciale de Bâle et leur demandent l’accès aux comptes de leurs clients au siège. Suite à leur refus, les deux administrateurs sont emprisonnés et feront deux mois de détention. La France demande alors aux autorités suisses l’entraide judiciaire qui est refusée par le gouvernement fédéral.

Les clients étrangers de ces trois banques suisses paniquent et demandent le remboursement de leurs avoirs. La banque d’escompte de Genève n’y survivra pas.

Les milieux financiers suisses savent que d’autres scandales sont possibles et cette affaire a eu pour conséquence de mettre en évidence un danger important : celui de la perte de confiance des clients étrangers à l’égard des institutions financières suisses qui peuvent donner accès à leurs registres face à des pressions d’un gouvernement étranger puissant. En faisant de la violation du secret bancaire un délit poursuivi d’office, en principe, par les autorités suisses, la loi de 1934 atténuait ce danger.

Plusieurs territoires comme Beyrouth, Tanger, les Bahamas, le Liechtenstein et Montevideo copient la loi suisse, devenue la référence. Dans le cadre des auditions du Congrès américain sur l’évasion fiscale et le crime organisé, le secret bancaire des banques helvétiques revient souvent et les banquiers suisses inventent en 1966 la légende de la protection des avoirs juifs. Ironie de l’histoire, les banques suisses ont longtemps utilisé le secret bancaire pour justifier la lenteur de la procédure de restitution des fonds aux survivants de l’holocauste et à leurs héritiers.

Après le moins-disant fiscal des avocats de New-York et la résidence fictive pour raison fiscale inventée involontairement par les juges londoniens, la loi bancaire suisse de 1934 rendant inviolable, sous peine de poursuites pénales, le secret bancaire, apporte la dernière pierre à l’édifice dans la construction des paradis fiscaux.

Voir de plus:

Secret bancaire, 1934 – 2015?

Yves Genier

L’Hebdo

05.05.13

L’agonie du secret bancaire ancienne formule, créé en 1934, a toutes les chances de s’achever en 2015. Dans moins de deux ans. Le délai donné par le Luxembourg il y a un mois a donc toutes ses chances de se réaliser en Suisse aussi, quoiqu’en disent les principales associations de banquiers.

C’est en tout cas ce qu’a laissé entendre la ministre des Finances Eveline Widmer-Schlumpf samedi lors du congrès de son parti, le minuscule BDP, répétant ce qu’elle avait esquissé en décembre dernier. Mais c’est aussi vers quoi convergent tous les indicateurs.

Il paraît certain que l’UE déterminera son mandat de négociation avec la Suisse le 23 mai prochain lors du prochain Sommet des ministres des Finances. De son côté, la ministre suisse des Finances se dit prête. La voie des discussions est donc dégagée et leur base sera claire: la reprise du modèle européen, sans autres discussions côté helvétique.

La principale objection suisse à une instauration de l’échange automatique, les paradis fiscaux offshore sous souveraineté britannique, est tombée. Jeudi, le chancelier de l’Echiquier britannique, George Osborne, a indiqué qu’une demi-douzaine de territoires britanniques d’Outre-mer (îles Caïmans, BVI, Jersey, etc.) étaient prêts à échanger des informations précises avec cinq grands pays européens. A noter, au passage, que les autres en sont exclu. Et que rien n’est fait pour améliorer l’application de l’obligation internationale sur l’identification de l’ayant-droit économique ultime des avoirs dans les banques, si mal appliquée en maints territoires à “common law” et aux Etats-Unis. Bonjour la transparence! Mais c’est un pas important.

Enfin, les grandes banques se sont converties à l’échange automatique, qu’elles appliquent, se préparent à appliquer ou réclament de leurs voeux pour garantir l’accès de leurs produits financiers au grand marché européen. UBS, Credit Suisse, Julius Bär, Pictet et Lombard Odier se débarrassent de leurs clients à problèmes dans le but d’en être débarrassés dans deux ans.

Bien sûr, les associations bancaires, ASB et banquiers privés, restent opposés à l’échange automatique et plaident encore pour le système “Rubik”. Leurs petits membres voient encore la fin du secret bancaire comme une menace et non pas comme une opportunité et s’accrochent encore aux branches du passé. tout ce qu’elles réussissent à faire, c’est de prolonger la belle confusion dont les banquiers ont abreuvé le public depuis quatre ans et qui a acculé la Suisse dans une impasse.

Voir de même:

La Suisse prête à lever le secret bancaire en 2015

Anne Cheyvialle

Le Figaro

23/04/2013

Berne accepte, sous conditions, d’appliquer l’échange automatique d’informations prôné par l’OCDE et le G20.

Un nouveau séisme se prépare sur les bords du lac Léman. À la suite du coup de force du week-end dernier au G20 de Washington, la Suisse serait prête à accepter le principe de l’échange automatique d’informations, à partir de 2015, d’après le quotidien suisse Le Temps, ce qui signerait l’arrêt de mort du secret bancaire pour les comptes de résidents étrangers en Suisse.

Une fois encore, c’est la pression internationale qui fait plier la Confédération. Berne est pris en étau entre les États-Unis, qui imposent l’échange automatique d’informations avec la Suisse ­depuis le 1er janvier 2013, et la récente volte-face du Luxembourg, prêt à lever le secret bancaire en 2015 dans le cadre de la directive ­épargne européenne. La volonté ­unanime, affichée au G20, à Washington, de faire de l’échange auto­matique d’informations fiscales un nouveau standard international, élaboré par l’OCDE, achève le tableau.

Fini, donc, le transfert laborieux et parcellaire des données bancaires sur demande dans le cadre des traités fiscaux actuels. Qui dit échange automatique d’informations dit règle de transparence comme c’est déjà le cas dans l’Union européenne, Autriche et Luxembourg mis à part.

La Suisse cherche toutefois à gagner du temps. Elle refuse d’être acculée, comme elle le fut en 2009, lorsqu’elle dut ouvrir une première brèche sur le secret bancaire après avoir été placée, pour la première fois de son histoire, sur une «liste noire» de paradis fiscaux.

Trusts anglo-saxons

Cette fois, Berne veut imposer des conditions à sa reddition. «La Suisse est prête à avancer s’il y a un standard global ; si ce standard est appliqué par tous les pays, surtout les grands centres financiers internationaux comme Londres, New York, Dubaï ou Singapour et les centres offshore anglo-saxons (Jersey, Guernesey, îles Vierges britanniques… NDLR); et enfin si les bénéficiaires des trusts et autres véhicules financiers sont identifiés », explique au Figaro Mario Tuor, porte-parole du secrétariat d’État suisse aux questions financières internationales. Mais Berne refuse de confirmer la date de 2015, avancée par la presse suisse. «Nous n’avançons aucune date», assure le porte-parole suisse.

Ce terme semble néanmoins crédible aux experts. «En 2015, tout le monde peut être au rendez-vous», estime Daniel Lebègue, président de Transparency International. «Le grand changement cette année, c’est la volonté unanime du G20, notamment de la Chine qui ne cherche plus à épargner Hongkong et Singapour: cette fois, la digue a vraiment cédé, le calendrier est en marche», assure-t-il.

Prochain rendez-vous, en juin, au sommet du G8, sous présidence du Royaume-Uni. Faisant fi des ­intérêts de la City, le premier ­ministre David Cameron a fixé comme priorité la lutte contre l’évasion fiscale. Puis ce sera le G20, en septembre, à Saint-Pétersbourg, en Russie. L’OCDE, cheville ou­vrière de l’échange automatique d’informations, mettra sur la table un nouveau standard international.

Afin d’accélérer le processus, l’Organisation internationale travaille à la mise en place d’une convention multilatérale. Les pays pourraient y adhérer directement sans passer par des renégociations bilatérales des traités. Ce qui pourrait se faire d’ici à 2015.

Bruxelles met la pression sur Berne dans la lutte contre l’évasion fiscale

L’Union européenne attend de la Suisse une réelle coopération pour lutter contre l’évasion fiscale, qui passe par un échange automatique «ambitieux», a précisé ce mardi le commissaire en charge de la fiscalité Algirdas Semeta. La première étape dans cette bataille est d’obtenir au prochain sommet européen, en mai, un mandat pour entamer les négociations avec les partenaires que sont la Suisse, Andorre, Monaco et le Liechtenstein. La partie est loin d’être gagnée car il faut l’unanimité. Le Luxembourg et surtout l’Autriche, qui reste arc-boutée contre l’échange automatique d’information, pourraient faire capoter l’initiative. «L’objectif, a complété Algirdas Semeta, est de parvenir à des accords ambitieux de partage d’informations couvrant de nombreux aspects.» Il s’agit notamment de s’attaquer aux sociétés écrans qui dissimulent le réel bénéficiaire. Et la coopération avec la Suisse doit couvrir les comptes «omnibus» ouverts par des ressortissants suisses pour des étrangers, en référence au compte caché de Jérôme Cahuzac à la banque Reyl.

Pour faire plier la Suisse, Bruxelles brandit la menace d’un accès plus restreint au marché européen. «La Suisse est au cœur de l’Europe et profite largement de son accès au marché unique. Il est évident qu’elle doit donner le même traitement aux pays européens que celui accordé aux autres pays, dont les États-Unis», argumente le commissaire à la fiscalité. L’accord (Fatca) entre la Suisse et les États-Unis est très exigeant.» Alors que Washington a repoussé l’échéance à janvier 2014 pour la mise en place de ces accords, le calendrier a été avancé à début 2013 pour la Suisse et le Luxembourg.

Voir enfin:

An Oldie—The ‘Offshore’ Witch Hunt

What public interest is served by invading the financial privacy of innocent citizens?

Holman W. Jenkins Jr.

The WSJ

April 9, 2013

Anyone collecting similarities between our times and the 1930s might pin a photo of Fabien Albertin to his bulletin board.

Monsieur Albertin, a French deputy, appeared on the floor of the National Assembly claiming to have received details of secret Swiss bank accounts held by French politicians, celebrities and industrialists. Not long after, the Swiss made a point of enacting a law to impose criminal penalties on bankers who betray client secrets. As Europe descended into chaos and war, the Swiss knew a business opportunity when they saw one.

Monsieur Albertin’s modern-day counterpart is Gerard Ryle, an Irish-Australian journalist whose International Consortium of Investigative Journalists has been flogging information from a purloined hard-drive containing details of the mostly Caribbean accounts of 130,000 depositors from 170 countries.

Among Mr. Ryle’s collaborators is the Guardian newspaper, last seen decrying invasions of privacy in Britain’s phone hacking scandal.

Another collaborator is the Washington Post, which insisted on Sunday: « Among the 4,000 U.S. individuals listed in the records, at least 30 are American citizens accused in lawsuits or criminal cases of fraud, money laundering or other serious financial misconduct. »

That’s a ratio of 0.75%. One wonders what percentage of account holders in domestic banks would have to be accused of something in a lawsuit to justify all account holders having their records ransacked by the media.

Mr. Ryle has said he’s still deciding whether to release his data generally. Let’s presume journalists are not interested in invading the financial privacy of innocent citizens. Oh wait. The Post describes the Cook Islands holdings of a Baltimore real-estate family, « a transfer they disclosed to the IRS. » Why is the family’s data fair game? Apparently only because they were once victimized by a swindler.

The Post’s logic: If you were ever mugged in an alley, the paper can publish your stolen bank records.

The implicit tone of all such reporting, of course, is that anyone who uses offshore accounts must be a criminal. But this cannot be sustained as an intellectual matter. « There’s nothing illegal per se about owning an entity in a tax haven, » Mr. Ryle himself has said.

« Many people use the offshore world for legitimate purposes, » the Post acknowledges.

One who appears cheerfully to have answered questions is author and Gulf Oil heir James Mellon, who tells Mr. Ryle he once used a « whole bunch » of offshore accounts for tax and liability reasons.

Another rationale also lurks behind the lines of stories based on the stolen records appearing in the media from Germany and Ireland to the Far East: Governments everywhere are hard-up for money. This gets causation nearly backwards. The paranoid rich are assumed to be too cheap and greedy to pay the taxes they are assumed to be dodging. In fact, many are obviously prepared to incur considerable cost to keep a pot of money somewhere they hope it will be safe. These fearful rich are in search of jurisdictional diversification, and willing to pay for it.

Why? Maybe because populist attacks on the wealthy, predatory government and sleazy lawsuits are not unknown in our world. It’s true criminals often use offshore accounts to hide their loot. Criminals also use onshore accounts and brown paper bags to hide their loot. But notice that the « investigative » method used by reporters here apparently consisted of Googling the names of account holders to see if they were linked to questionable activities. That is, those whom the media found an excuse to name could be named precisely because the existence of an overseas account hadn’t stopped them being prosecuted for crimes at home.

And what is the solution? To ban transactions across borders would be to restore the world to medieval poverty. To require all governments to adopt identical tax laws would be to lose an important incentive for governments to tax responsibly.

What should really disturb readers is the number of politicians and civil servants named in the secret files. One is the campaign finance chief of French President François Hollande, last seen canvassing for populist votes by promising confiscatory taxes on millionaires.

What should disturb readers is the number of governments now not trying to protect the rights of violated account holders, but trying to get their hands on Mr. Ryle’s data for tax-fishing purposes.

Mr. Ryle has said he obtained the secret cache in connection with his exposure of the Firepower fraud in Australia, involving investors and politicians who were bamboozled by promises of a magic pill to increase fuel mileage.

The scamster allegedly stashed some of his loot offshore. Surely, though, the larger lesson is that everyone in Australia should move their money offshore to get it away from politicians and regulators who can’t see through a scam as shopworn as the magic fuel-mileage pill.


Cryptomnésie: Empreintes dans le sable (On the shoulders of giants: The mind works in mysterious ways indeed)

20 janvier, 2013

Jeremiah carrying St Luke on his shoulders; Isaiah carrying St Matthew; the Virgin and Child; Ezekiel carrying St John; and Daniel carrying St Mark (Chartres Cathedral)

QuotesGod moves in a mysterious way, His wonders to perform; He plants his footsteps in the sea, And rides upon the storm. William Cowper (1779)
Lives of great men all remind us we can make our lives sublime, and, departing, leave behind us footprints on the sands of time. Longfellow (“A Psalm of Life »)
Bernard de Chartres avait l’habitude de dire que nous sommes comme des nains sur les épaules de géants, afin que nous puissions voir plus qu’eux et les choses plus éloignées, pas en vertu d’une netteté de la vue de notre part, ou d’une distinction physique, mais parce que nous sommes portés haut et soulevé vers le haut par leur taille gigantesque. John de Salisbury (1159)
Si Josué, le fils de Nun, approuvait une position erronée, je la rejetterais d’emblée, je n’hésite pas à exprimer mon opinion sur ces questions conformément au minimum d’intelligence qui m’est imparti. Je n’ai jamais été arrogant en affirmant « Ma La sagesse m’a bien servi ». Au lieu de cela, je me suis appliqué la parabole des philosophes. Car j’ai entendu ce qui suit des philosophes, On a demandé au plus sage des philosophes : « Nous admettons que nos prédécesseurs étaient plus sages que nous. En même temps, nous critiquons leurs commentaires, les rejetant souvent et prétendant que la vérité nous appartient. Comment est-ce possible ? » Le sage philosophe répondit : « Qui voit de plus loin un nain ou un géant ? Sûrement un géant car ses yeux se situent à un niveau supérieur à ceux du nain. Mais si le nain est placé sur les épaules du géant qui voit plus loin ? … Nous aussi, nous sommes des nains sur les épaules de géants. Nous maîtrisons leur sagesse et allons au-delà. Grâce à leur sagesse, nous devenons sages et sommes capables de dire tout ce que nous disons, mais pas parce que nous sommes plus grands qu’eux. Isaiah di Trani (vers 1180 – vers 1250)
Si j’ai vu plus loin que les autres, c’est parce que j’ai été porté par des épaules de géants. Isaac Newton (1676)
Byron’s tragedy, Manfred, was to me a wonderful phenomenon, and one that closely touched me. This singular intellectual poet has taken my Faustus to himself, and extracted from it the strangest nourishment for his hypochondriac humour. He has made use of the impelling principles in his own way, for his own purposes, so that no one of them remains the same; and it is particularly on this account that I cannot enough admire his genius. Goethe (1820)
I am now upon a painful chapter. No doubt the parrot once belonged to Robinson Crusoe. No doubt the skeleton is conveyed from Poe. I think little of these, they are trifles and details; and no man can hope to have a monopoly of skeletons or make a corner in talking birds. The stockade, I am told, is from Masterman Ready. It may be, I care not a jot. These useful writers had fulfilled the poet’s saying: departing, they had left behind them Footprints on the sands of time, Footprints which perhaps another — and I was the other! It is my debt to Washington Irving that exercises my conscience, and justly so, for I believe plagiarism was rarely carried farther. I chanced to pick up the Tales of a Traveller some years ago with a view to an anthology of prose narrative, and the book flew up and struck me: Billy Bones, his chest, the company in the parlour, the whole inner spirit, and a good deal of the material detail of my first chapters — all were there, all were the property of Washington Irving. But I had no guess of it then as I sat writing by the fireside, in what seemed the spring-tides of a somewhat pedestrian inspiration; nor yet day by day, after lunch, as I read aloud my morning’s work to the family. It seemed to me original as sin; it seemed to belong to me like my right eye … Stevenson
Our unconsciousness (…) swarms with strange intruders. Jung
An author may be writing steadily to a preconceived plan, working out an argument or developing the line of a story, when he suddenly runs off at a tangent. Perhaps a fresh idea has occurred to him, or a different image, or a whole new sub-plot. If you ask him what prompted the digression, he will not be able to tell you. He may not even have noticed the change, though he has now produced material that is entirely fresh and apparently unknown to him before. Yet it can sometimes be shown convincingly that what he has written bears a striking similarity to the work of another author — a work that he believes he has never seen. (…) The ability to reach a rich vein of such material [of the unconscious] and to translate it effectively into philosophy, literature, music or scientific discovery is one of the hallmarks of what is commonly called genius. (…) We can find clear proof of this fact in the history of science itself. For example, the French mathematician Poincaré and the chemist Kekulé owed important scientific discoveries (as they themselves admit) to sudden pictorial ‘revelations’ from the unconscious. The so-called ‘mystical’ experience of the French philosopher Descartes involved a similar sudden revelation in which he saw in a flash the ‘order of all sciences.’ The British author Robert Louis Stevenson had spent years looking for a story that would fit his ‘strong sense of man’s double being,’ when the plot of Dr. Jekyll and Mr. Hyde was suddenly revealed to him in a dream. Jung
One of the most disheartening experiences of old age is discovering that a point you just made—so significant, so beautifully expressed—was made by you in something you published long ago. B. F. Skinner
I had bought that book in my youth, skimmed through it, realized that it was exceptionally soiled, and put it somewhere and forgot it. But by a sort of internal camera I had photographed those pages, and for decades the image of those poisonous leaves lay in the most remote part of my soul, as in a grave, until the moment it emerged again (I do not know for what reason) and I believed I had invented it. Umberto Eco
“Though He were a Son, yet learned He obedience by the things which He suffered.” Hebrews 5:8. Were you ever in a new trouble, one which was so strange that you felt that a similar trial had never happened to you and, moreover, you dreamt that such a temptation had never assailed anybody else? I should not wonder if that was the thought of your troubled heart. And did you ever walk out upon that lonely desert island upon which you were wrecked and say, “I am alone—alone—ALONE—nobody was ever here before me”? And did you suddenly pull up short as you noticed, in the sand, the footprints of a man? I remember right well passing through that experience—and when I looked, lo, it was not merely the footprints of a man that I saw, but I thought I knew whose feet had left those imprints. They were the marks of One who had been crucified, for there was the print of the nails. So I thought to myself, “If He has been here, it is no longer a desert island. As His blessed feet once trod this wilderness-way, it blossoms now like the rose and it becomes to my troubled spirit as a very garden of the Lord!” My objective, in this discourse, will be to try to point out the footprints of Jesus in the sands of sorrow so that others of the children of God may have their hearts lifted up within them while they observe that “though He were a Son, yet learned He,” as well as the rest of us who are in the Lord’s family, “obedience by the things which He suffered.” I ask your attention, first of all, to that which, I doubt not, you would have observed in the text without any help from me, namely, that OUR REDEEMER’S SONSHIP DID NOT EXEMPT HIM FROM SUFFERING. C. H. Spurgeon ( The Education of sons of God, June 10, 1880)
One night I dreamed I was walking along the beach with the Lord. Many scenes from my life flashed across the sky. In each scene I noticed footprints in the sand. Sometimes there were two sets of footprints, other times there were one set of footprints. This bothered me because I noticed that during the low periods of my life, when I was suffering from anguish, sorrow or defeat, I could see only one set of footprints. So I said to the Lord, « You promised me Lord, that if I followed you, you would walk with me always. But I have noticed that during the most trying periods of my life there have only been one set of footprints in the sand. Why, when I needed you most, you have not been there for me? » The Lord replied, « The times when you have seen only one set of footprints, is when I carried you. » Anonymous (« Footprints in the Sand »)
We’ve lost “our memory for things learnt, read, experienced, or heard. Andrew Keen (The Cult of the Amateur, 2007)
In a case of cryptomnesia well known to psychologists, when Wilhelm Fliess first proposed to Freud a theory of initial bisexuality in explaining neuroses, the father of psychoanalysis rejected the idea – only to write approvingly about the concept in the early 1900s. Freud later confessed that, when he hit on the theory, he mistakenly considered it a sound « new » idea, forgetting that it was Fliess’s. Freud even wrote about his inadvertent act in his book, The Psychopathology of Everyday Life. Conrad McCallum
In false recognition people misattribute a feeling of familiarity to a novel event, whereas in cryptomnesia, people misattribute novelty to something that should be familiar. Daniel Schacter

Qui n’a pas un jour ou l’autre croisé une personnalité dans la rue et eu envie de la saluer comme une vieille connaissance?

En ces temps hypermédiatiques où, bombardés en continu par télé, radio, internet ou cinéma, on a souvent l’impression de mieux connaitre les visages de nos vedettes que ceux de nos proches …

Et où, dans les domaines notamment de la musique, se mutliplient les poursuites judiciaires pour plagiat

Retour, avec The Star, sur l’une des branches les moins connues de la psychologie baptisée cryptomnésie par l’un des fondateurs de l’école psychologique suisse mais aussi, via son disciple Jung, de la psychanalyse Théodore Flournoy

Qui, à partir de ses recherches sur une médium de son époque, avait repéré la forte incidence dans son psychisme de « souvenirs latents qui ressortent, parfois grandement défigurés par une œuvre subliminale de l’imagination ou du raisonnement, comme cela arrive si souvent dans nos rêves ordinaires » …

Et qui expliqueraient, bien plus fréquents qu’on ne le croit, ces sortes de déjà vu inversés que sont le plagiat ou même l’auto-plagiat involontaire …

MEMORY’S MIND GAMES

Plagiarism shocker: Blame your brain

Conrad McCallum

The Star

September 18, 2007

It’s early yet for the warnings to be considered threats, but they are nonetheless serious: plagiarists will face consequences.

With a new school term now truly underway, students are looking at looming deadlines and those who turn in papers and reports not of their own creation face visits to the dean, suspension and, in some cases, expulsion. Even scarier, perhaps, are studies showing how easy it is to inadvertently steal other’s ideas.

« It’s inherently difficult for people to identify the sources of their ideas, so I think we’re inevitably vulnerable to phenomena such as inadvertent plagiarism, » says Steve Lindsay, a professor of psychology at the University of Victoria.

Psychologist Tobi Lubinsky suspects that while the phenomenon is reviled, it’s also « more common than we’re aware of. »

Many people have committed, or have been victims of, unconscious plagiarism. It’s done unknowingly – that is, until your chanteuse girlfriend says you took her bon mots.It happens when we mistake memories of another person’s notions as new ideas of our own.

Swiss psychologist Theodore Flournoy, a mentor of Carl Jung, dubbed the phenomenon « cryptomnesia » back in 1900, but it’s been the subject of empirical studies for only about the past 15 years.

George Harrison, in his post-Beatles solo career, was at the centre of a landmark plagiarism case. Soon after his song « My Sweet Lord » topped the charts, its similarities to The Chiffons’ hit « He’s So Fine » became obvious, prompting a lengthy copyright battle. In 1976, a U.S. court ruled against Harrison, although it accepted the possibility he had plagiarized unconsciously.

Daniel Schacter, a Harvard-based memory expert, has called cryptomnesia a kind of « mirror image » of phenomena such as false recognition, the cause of eyewitness misidentifications.

In false recognition « people misattribute a feeling of familiarity to a novel event, whereas in cryptomnesia, people misattribute novelty to something that should be familiar, » Schacter wrote in his seminal 2001 book, The Seven Sins of Memory: How the Mind Forgets and Remembers.

Psychologists say the confusion arises because we have to use perceptual and temporal cues to identify sources. Recalling last week’s staff meeting, for example, you recollect that a bad idea came from Lana by virtue of a temporal cue: it came after Beth’s presentation.

Reading is especially prone to memory glitches, because it involves « abstracting away meaning » from concrete cues – things like the colour and position of text – that aren’t very memorable, adds Lindsay, the author of a chapter on source monitoring in a forthcoming textbook, Cognitive Psychology of Memory.

York University’s Lubinsky, who just completed her PhD dissertation on source memory in adults who are at a transition stage between normal aging and Alzheimer’s disease, says people make fewer source memory errors when they have less to remember, and also when told to remember sources.

When it comes to creative problem solving, Piotr Winkielman, a psychology professor at the University of California at San Diego, says, « In order to come up with a creative and novel idea, you have to have articulated elements of the process, and that’s what gives you the sense of authorship, » he explains.

But the feeling can be misplaced. A British study last year found that when someone elaborates on another’s idea, they’re more likely to mistake it for their own idea.

Lindsay says that’s an important finding because it suggests the process that a person uses to follow the argument of someone else « has a lot of overlap with the work that that person would do if they were generating the idea on their own. »

Something similar may have happened to Sigmund Freud. In a case of cryptomnesia well known to psychologists, when Wilhelm Fliess first proposed to Freud a theory of initial bisexuality in explaining neuroses, the father of psychoanalysis rejected the idea – only to write approvingly about the concept in the early 1900s.

Freud later confessed that, when he hit on the theory, he mistakenly considered it a sound « new » idea, forgetting that it was Fliess’s. Freud even wrote about his inadvertent act in his book, The Psychopathology of Everyday Life.

Another intriguing aspect of the way we stumble onto ideas is the mental and physical effort involved, according to some researchers who see the two as closely related experiences.

Assistant psychology professor Jesse Preston, a Canadian at the Universtiy of Illlinois, recently extended this idea and reasoned brain effort followed by its release could create the impression that a mental task is complete.

She and a colleague tested the theory by having people solve anagrams in pairs as they expended effort on incidental tasks such as squeezing a hand grip, or working harder to read the anagrams when the experimenters displayed them in a difficult-to-read font.

The results, published in the Journal of Personality and Social Psychology last April, showed that increased effort while thinking about a problem – and reduced effort coinciding with a solution – increased plagiarism, with people claiming credit for their partners’ answers more often. In other words, the change in physical effort was akin to having a flash of insight.

How worried should we be? Preston suggests people are « generally pretty good » at identifying which thoughts they authored; cryptomnesia reportedly occurs between 3 to 9 per cent of the time in labstudies.

She’s quick to add, however, that if even five out of every 100 ideas are plagiarized, that’s « still probably too often for your liking if someone else is taking your idea and not giving you credit for it. »

Voir aussi:

Enter Sandman

Who wrote “Footprints”?

Rachel Aviv

Poetry foundation

I. The pencil had a life of its own

A few years ago Burrell Webb, a retired landscape artist living in Oregon, discovered that a poem he wrote and never copyrighted had become one of the most widely circulated verses in the English language. He says he composed the lines in 1958, after leaving the navy and being dumped by his girlfriend. “I was stressed, distressed, and single,” he says. “When I received those divine words, I broke up the lines and made a kind of poem out of it.” The finished product, which he published anonymously in a local newspaper—he felt it was God’s work, not his—tells the story of a man who has a dream that he and God are walking along the beach. When the man asks why sometimes there is one set of footprints and other times there are two, the Lord says he has been carrying him through his struggles.

Forty years later, Webb was alarmed when his son informed him that the poem was on napkins, calendars, posters, gift cards, and teacups. Usually “Footprints” was signed “Author Unknown,” but other times the credit was given to Mary Stevenson, Margaret Fishback Powers, or Carolyn Joyce Carty, who have all registered copyrights for the poem. (Registration does not require proof of originality.) The three versions differ mostly in tense, word order, and line breaks. With no way to prove that the work was actually his, Webb paid $400 to take a polygraph test. Now he routinely sends the results (“No deception indicated”) to those who question his claim.

Although several people have suggested to Webb, as consolation, that God gave the idea to multiple authors in order to more efficiently spread His Word, Webb is unsettled by the idea that “the Lord would be the author of confusion.” However the verse came into being, its message has reached all over the world. “Footprints” is the kind of poem we all seem to know without remembering when or where we first saw it. We’ve read it dozens of times, never paying attention. The verse is dislocated from context, so familiar and predictable that the boundary between writing and reading seems to disappear.

Yet the authors who claim to have composed « Footprints » have memories of the precise moment when they dreamed up these lines. Mary Stevenson, a former showgirl and nurse, said she composed the verse in 1936, following the death of her mother and brother. According to Gail Giorgio’s 1995 biography Footprints in the Sand: The Life Story of Mary Stevenson, Author of the Immortal Poem, Stevenson was inspired by a cat’s footprints in the snow and scrawled out twenty lines, as if the « pencil had a life of its own. » She was so pleased with her work that she handed out the poem heedlessly, jotting it down for anyone she met without thinking to sign her name. (Early in the book her father tells her, “Poetry’s nice to read, but essentially it’s just rambling words on a piece of paper.”)

Powers, a Baptist children’s evangelist, was more savvy about licensing the verse—she sold it to HarperCollins Canada in 1993—and she describes “Footprints” as the culmination of a life of religious devotion. In her memoir, Footprints: The True Story behind the Poem That Inspired Millions, she enthusiastically recounts all the tragedies she endured while never losing her belief in the Lord. In the course of 100 pages, she gets struck by lightning, develops spinal meningitis, gets hit by a truck, and has a near-death experience with a bumblebee. Her daughter gets crushed by a motorcycle and later slips down a 68-foot waterfall while her husband, watching, has a heart attack. In the hospital room a nurse pulls out “a little piece I have here in my pocket” and recites “Footprints” to ease the family’s pain. When she casually mentions what a shame it is that no one knows the poem’s author, Powers’ husband croaks from his bed, “It’s my wife.”

Far from dead, Powers currently travels around the world giving sermons about the power of faith. She has licensed the poem to nearly 30 companies, including Hallmark Cards and Lenox Gifts. Her lawyer, John A. Hughes, a self-described atheist, won’t say how much Powers has earned from her publications, except to guess that “Footprints” might be the “best-remunerated poem in history.” When pressed, he compares its success to that of “The Star-Spangled Banner.” He has written more than 100 companies, requesting that they replace “Author Unknown” with his client’s name. “I am completely satisfied factually that Margaret is telling the truth,” he says. He acknowledges that “Footprints” is not entirely consistent with Powers’ other poems, which are composed of rhyming couplets, but he’s confident it’s within her range. (To prove that “Footprints” couldn’t be written by Stevenson, he contemplated hiring Donald Foster, the forensic literary analyst who studied the letters of the Unabomber.)

« Footprints » is far less of a stylistic aberration for Powers than it is for Mary Stevenson, who wrote sporadically, or Carolyn Joyce Carty, who struggles with punctuation and spelling. Carty is the most hostile of the contenders and she frequently issues error-ridden cease-and-desist letters to those who post the poem online. (She signs her e-mails “World Renowned Poet.”)

Carty wrote “Footprints” in 1963, when she was six. She says she based the idea on a poem written by her great-great-aunt, a Sunday school teacher. More than 20 years later, she copyrighted the verse as part of an 11-page document of stream-of-consciousness prose (“the gift, who are you, where have you come from, where are you going! I am a writers inkhorn that stands beside the sea”), which concluded with the text of “Footprints.” She declined to be interviewed but characterized her writing style in an e-mail: “I like common denominators in subjects, I always look for the common bond when trying to create a universal message.”

In describing her literary taste, Carty also articulates the intangible draw of “Footprints.” The poem reads as if it were written by consensus. Light, peppy, and moderately Christian, “Footprints” succinctly dramatizes an idea that will never be original: When we think we’re alone, we’re not. God is here. The footprints metaphor is so ubiquitous that perhaps the authors absorbed the message at some point without realizing it, then later sat down and wrote it out again, seeking to appeal to the largest number of people.

II. Do I know you?

In “Cryptomnesia” (1905), a paper about accidental plagiarism, Carl Jung argues that it’s impossible to know for certain which ideas are one’s own. “Our unconsciousness . . . swarms with strange intruders,” he writes. He accuses Nietzsche of unwittingly copying another’s work, and urges all writers to sift through their memories and locate the origin of every idea before putting it to paper: “Ask each thought: Do I know you, or are you new?”

In the realm of Christian poetry, the process of distinguishing which ideas are original is significantly harder—the same body of collective epiphanies has been passed down for years. When artists open themselves up to the inspiration of the Lord, it’s not surprising that sometimes they produce sentences that sound as if they’ve been uttered before. The first line of “Footprints,” which varies slightly among versions, seems to announce the authors’ access to the collective unconscious: “I had a dream,” “One night a man had a dream,” “One night I dreamed a dream.”

One of the earliest articulations of the poem’s premise—the idea that God reveals his presence through marks in the sand—comes from an 1880 sermon by Charles Haddon Spurgeon, a noted Baptist preacher.

And did you ever walk out upon that lonely desert island upon which you were wrecked, and say, “I am alone, — alone, — alone, — nobody was ever here before me”? And did you suddenly pull up short as you noticed, in the sand, the footprints of a man? I remember right well passing through that experience; and when I looked, lo! it was not merely the footprints of a man that I saw, but I thought I knew whose feet had left those imprints; they were the marks of One who had been crucified, for there was the print of the nails. So I thought to myself, “If he has been here, it is a desert island no longer.”

Spurgeon’s formulation, more nuanced than the Footprints poem, rehearses the same fear of being “alone, — alone, —alone,” and then happily resolves it.

In other uses of the metaphor, the footprints image speaks to man’s omnipresence, not God’s. This seemingly banal metaphor has become a truism in secular writing as well. In an 1894 essay about composing his first book, Robert Louis Stevenson (whom Mary Stevenson, coincidentally, claims as a relative, and whom Carty cites as an influence) refers to footprints in the sand when acknowledging how hard it is to avoid borrowing from previously published work. After admitting adopting characters from Washington Irving (“But I had no guess of it then as I sat writing by the fireside”), as well as “trifles and details” from Daniel Defoe and Edgar Allan Poe, he invokes the footprints image. It’s as if he already associates the phrase with authorial confusion:

I am now upon a painful chapter. No doubt the parrot once belonged to Robinson Crusoe. No doubt the skeleton is conveyed from Poe. . . . These useful writers had fulfilled the poet’s saying: departing, they had left behind them Footprints on the sands of time, Footprints which perhaps another—and I was the other!

The “poet’s saying,” which Stevenson refers to, is Henry Wadsworth Longfellow’s “A Psalm of Life”: “Lives of great men all remind us / We can make our lives sublime, / And, departing, leave behind us / Footprints on the sands of time.” It’s fitting that in defending himself against plagiarism, Stevenson deploys a quote that has spawned so many interpretations. “Footprints on the sands of time” is a perfect image for cliché: terrain trod over and retraced, flattened with overuse.

But those claiming to have written “Footprints” argue that the image came to them as suddenly and surprisingly as a new gift. Burrell Webb rejects the notion that he somehow inherited an existing metaphor. It’s far more likely, he says, that people are trying to profit from his work. “I’ve never heard of the fellow [Spurgeon], so he couldn’t have possibly inspired me,” Webb says. “That allegorical poem was strictly a prayer relationship with myself and the Lord when I was feeling bad and crying for help and whining a little bit, which everybody goes through.”

Although nearly all of these authors claim they wrote the poem in longhand, dictated by God, the controversy didn’t surface until everyone began putting their versions online. There are hundreds of “Footprints”-inspired Web sites. One has a soundtrack of waves lapping against the shore; another features lines of the poem jiggling to the beat of Christmas songs. In Andrew Keen’s 2007 book The Cult of the Amateur, he writes that the Internet has induced a state of communal amnesia; we’ve lost “our memory for things learnt, read, experienced, or heard.” Perhaps the « Footprints » writers are living a version of this peculiar situation. There’s not only an abundance of amateur authors, but they’ve all written the exact same thing.

Along with Webb, Carty, Stevenson, and Powers, at least a dozen other people have claimed, less rigorously, to have penned this poem. None of their accounts are particularly convincing, yet they all seem to genuinely believe they wrote the poem. They describe the words coming out effortlessly, even uncontrollably, as if they were finally articulating something they’d always known.

Originally Published: March 19, 2008


Bacille de Yersin/117e: La peste ne meurt jamais (The plague never dies, it just lies dormant)

20 juin, 2011
 
Jésus vit, en passant, un homme aveugle de naissance. Ses disciples lui firent cette question: Rabbi, qui a péché, cet homme ou ses parents, pour qu’il soit né aveugle? Jésus répondit: Ce n’est pas que lui ou ses parents aient péché … Jean (9: 1-3)
Il savait que cette foule en joie ignorait, et qu’on peut lire dans les livres, que le bacille de la peste ne meurt ni ne disparaît jamais, qu’il peut rester pendant des dizaines d’années endormi dans les meubles et le linge, qu’il attend patiemment dans les chambres, les caves, les malles, les mouchoirs et les paperasses, et que, peut-être, le jour viendrait où, pour le malheur et l’enseignement des hommes, la peste réveillerait ses rats et les enverrait mourir dans une cité heureuse. Albert Camus (La Peste)
(Au XVIIIe) la catastrophe-châtiment reste bien l’idée directrice : elle est un message à déchiffrer. Une catastrophe n’est jamais dépourvue de signification. Elle est un message à déchiffrer. Un message envoyé par Dieu. La divinité utilise l’arme de la peur pour rappeler les humains à la relativité de la vie terrestre et à l’absolu du salut et de la damnation éternels.  Anne-Marie Mercier-Faivre, Chantal Thomas (L’invention de la catastrophe au XVIIIe siècle: du châtiment divin au désastre naturel, 2008)
En 1662, Colbert introduit la technique de la «ligne» en France. Un corps de médecins est spécialement chargé de détecter l’épidémie et l’armée se doit d’isoler avec rigueur les zones contaminées. C’est un succès et l’on n’entend bientôt plus parler de foyers d’infection. Mais, au fil des années, la vigilance se relâche et c’est ainsi que va survenir le drame de Marseille en 1720, dernière manifestation du fléau en Europe. André Larané
 Le 25 mai 1720, un navire, le Grand-Saint-Antoine, entre dans le port de Marseille. Il ramène de Syrie un passager clandestin, le bacille de la peste ! En deux mois, la ville de Marseille va perdre la moitié de ses 100.000 habitants et la peste va tuer dans l’ensemble de la région pas moins de 220.000 personnes !Les Français du «Siècle des Lumières», qui vivaient dans l’insouciance de la Régence (le roi Louis XV a alors 10 ans) et se croyaient à l’abri des grandes épidémies, vont devoir en catastrophe restaurer une sévère prévention. Camille Vignolle.
En définitive, si la peste portait un autre nom, il n’est pas certain que les touristes s’en seraient inquiétés. Alain Lallemand
Une gifle pour l’image de marque de l’Inde, aggravée par les rancoeurs inter-États: la province accuse Delhi d’avoir cédé à la panique, et Delhi reproche aux États du Maharashtra et du Gujarat d’avoir fait peu de cas des impératifs sanitaires. Entre les deux, la grande presse indienne entretient l’incendie, tout en accusant les médias étrangers, notamment britanniques, de porter une part de responsabilité dans ce gâchis. Si la peste ne fait plus guère de victime, le spectre de la peste, lui, n’a pas fini d’effondrer les marchés. Et c’est aujourd’hui le véritable drame de l’Inde. C’est ici que la peste pneumonique s’est déclarée le 19 septembre avec une telle rapidité qu’on a pu croire pendant dix jours aux prémices d’une épidémie continentale. Il n’en a rien été puisque les courbes de mortalité se sont effondrées dès le 28 septembre et qu’aucune souche de peste pneumonique ne sera relevée dans les autres États de la fédération. Mais la panique trouvera à s’alimenter par une accumulation d’erreurs: la première est commise par certains médecins privés de la ville qui, aux premières alertes, conseillent l’exil à leurs patients et fuient eux-mêmes la ville. La seconde erreur est publique: alors qu’un mouvement de population se dessine au départ de Surat, l’administration nationale des transports mettra plusieurs centaines de bus supplémentaires à destination des fuyards. Conséquence: au risque de propager la maladie, l’administration du Gujarat confortait un mouvement irrationnel de panique. On estime que plus de 600.000 personnes ont quitté à ce moment la ville, plusieurs dizaines de milliers ne l’ayant pas encore réintégrée à l’heure actuelle. Delhi ne s’en tirera guère mieux: alors que les médias indiens relèvent les premiers cas suspects de peste – et même au moment des premières confirmations de la maladie – le gouvernement apparaît moins bien informé que les correspondants locaux des grands journaux. Erreur fatale, la suspicion ne tardera guère: le «Times of India» et l’«Indian Express», pour ne citer que les plus réservés, se chargeront d’alimenter la chronique à satiété, provoquant une réaction politique double et contradictoire: pour conserver la confiance des tour-operateurs, Bombay prend des mesures de prévention immédiates et spectaculaires, dressant un cordon sanitaire entre la mégapole et le Gujarat d’une part, entre son aéroport et le monde extérieur d’autre part. Le Gujarat semble avoir eu un comportement inverse, tentant de rassurer la population, tout en accusant un retard technique quant aux mesures réactives face à l’épidémie. Conséquence: l’Inde a cassé son image. Arrivera-t-elle demain, sans moyens, à la reconstruire tout en relevant le niveau de ses exigences sanitaires? Cent vingt-cinq cas de peste au Gujarat dont 118 pour Su-rat, 81 dans le Maharashtra dont 46 pour le seul district de Beed, 60 à Delhi, 10 en Uttar Pradesh, en tout quelques 288 cas confirmés de peste bubonique ou pulmonaire – dont 55 étaient mortels – ont été effectivement répertoriés jusqu’au 9 octobre inclus. Selon la dernière évaluation de l’OMS, disait cette dernière le 11 octobre, la flambée actuelle [de peste] touche à sa fin, et sa propagation en dehors des zones initialement touchées (…) est très limitée. S’il est possible que la transmission locale de la peste pulmonaire se poursuive encore un peu en dehors des districts de Beed et de Su-rat, il s’agit là de toute évidence d’un phénomène qui, même s’il est confirmé, reste strictement limité et qui n’a pas de caractère épidémique. Dont acte. Ne soyons pas dupe, ce communiqué de l’OMS peut être démenti demain dans les faits, et le directeur général Hiroshi Nakajima n’a pas eu matériellement le temps, lors de sa visite éclair du 8 octobre à Surat, de réellement mesurer la situation. Il n’empêche que nous voilà fort loin des près de 200 morts pesteuses du Zaïre relevées en 1992 et 1993, et que, par ailleurs, Bombay se rappelle avoir perdu plus de 100.000 personnes, dans une «véritable» épidémie de peste cette fois, aux dernières années du 19e siècle… Ce serait un lieu commun de rappeler qu’une vie humaine n’a pas le même poids politique en Inde qu’en Occident, et cela releverait en outre d’un orientalisme presque insultant. Mais force est de constater que la peste n’est, d’un point de vue intérieur, qu’une des préoccupations sanitaires du pays. Au moment où la presse britannique faisait les gorges chaudes de la peste naissante, Bombay enregistrait – pour deux quartiers seulement de la ville – quelque 5.000 cas de malaria chaque mois. Parmi ces cas – qui ne reflètent que les statistiques des hôpitaux publics, le «rapportage» des médecins privés étant défaillant – on trouve notamment des patients souffrant de malaria cérébrale, une affection potentiellement mortelle. La malaria n’est donc pas une préoccupation mineure. (…) Cette multiplication des affections possibles a pour effet de relativiser l’importance de la peste, tout en compliquant passablement le travail des intervenants: aucun diagnostic préétabli n’est possible. On lira ailleurs comment l’hôpital de Surat a pu confondre un moment peste pulmonaire et malaria. En définitive, si la peste portait un autre nom, il n’est pas certain que les touristes s’en seraient inquiétés. (…) Alors, critiquer éventuellement l’action indienne suppose qu’on tienne compte de l’incroyable complexité de la tâche: par exemple, dans un pays où le lassi est boisson nationale, il faut expliquer à un public majoritairement illettré que les capsules de tétracycline ne peuvent se prendre avec du lait, sous peine d’annuler l’effet du médicament. Plus ardu encore: dans les jours qui ont suivi l’épidémie, le public s’est mis à chasser le rat pour le plus grand bonheur des quincaillers et droguistes. Une réaction compréhensible mais dangereuse, eu égard à la menace que constitue le corps de l’animal, même mort. Il ne suffisait pas d’expliquer que le cadavre du rat doit, pour bien faire, être désinfecté puis brûlé. Il fallait au même moment tenter de briser cette chasse au rongeur en expliquant que, si le rat disparaissait, la puce chercherait d’autres mammifères susceptibles d’être parasités, en l’occurrence les animaux domestiques et l’être humain lui-même. Comme on le voit, ces obstacles n’ont rien à voir avec un prétendu obscurantisme religieux, comme cela a pu s’écrire. D’ailleurs, le Zaïre a-t-il fait mieux? Et si le cycle de la maladie s’était inversé? Haut fonctionnaire du ministère de l’Industrie de l’État du Gujarat, K.V. Bhanujan est l’un des deux piliers de la cellule de crise nationale chargée de gérer l’épidémie. Il était début octobre à Surat: pour lui, pas de mystère, l’immigration ouvrière a été trop importante dans cette ville, les services publics n’ont pas pu suivre le rythme. Même les services de base ne sont plus assurés. D’où l’échec sanitaire qui a précédé l’épidémie. Mise en cause du pouvoir municipal? C’est de la responsabilité du corps social. La municipalité de Surat devait réagir, mais aussi la population. La grande leçon qu’il faut en tirer, c’est de demander à chacun de nettoyer son propre environnement. C’est en définitive la responsabilité de tout un chacun. Bien sur, on peut toujours charger la municipalité et ne rien faire. Mais en définitive c’est la population qui en souffrira. Durant la dernière semaine de septembre, une récolte extraordinaire de 15.000 tonnes de détritus a été réalisée au centre-ville de Surat. Et ce, bien que l’autre pilier de la cellule nationale de crise S. Jagadeesan, directeur du département financier du Gujarat, affirme pour sa part qu’aucun lien n’existe entre l’état particulièrement crasseux de la ville et l’épidémie. Ce n’est pas la seule déclaration surprenante qu’il nous fera: – Vous connaissez le cycle pesteux traditionnel: le rat sauvage transmet la puce infectée au rat «domestique», lequel en meurt. La puce se rabat alors sur l’homme, puis l’épidémie se transmet à chaque être humain notamment par les postillons, etc… La peste bubonique, elle, lorsque mal soignée, peut dégénérer en peste pulmonaire. Dans le cas de Surat, il existe deux hypothèses: soit la peste nous vient de l’extérieur. Soit le cycle classique de la maladie se serait renversé, ou à tout le moins modifié. Cela nécessite une enquête scientifique: dans ce cadre, l’OMS et le NICD (Institut national des maladies contagieuses) ont trouvé un accord pour mener une enquête conjointe. Cette théorie a le grand avantage de disculper l’État du Gujarat de toute accusation de laxisme: le mal aurait été incontrôlable, en quelque sorte. Une autre rumeur, du même tonneau, faisait dire à un grand hebdomadaire de Kerala que l’origine de la peste était peut-être due aux agents de guerre bactériologique d’une grande puissance étrangère… (…) Limitant l’importance de l’épidémie à trois quartiers particuliers de la ville, S. Jagadeesan ne peut envisager désormais autre chose qu’un éventuel isolement sanitaire de ces quartiers – en mouroirs? – et le renforcement de mesures antirats, dont on sait ce qu’il faut en penser (…). La vérité est qu’il n’y a en fait aucun moyen financier véritable. La Libre Belgique (1994)
La peste est considérée par l’OMS comme une maladie réémergente. De 1987 à 2009, 53 417 cas de peste humaine ayant causé 4 060 décès ont été notifiés à travers le monde (soit une moyenne de 2 322 cas et de 177 décès par an), 95 % des cas étant africains. Un foyer malgache est responsable de 31 % des cas mondiaux et de 37 % des décès7. Il s’agit essentiellement de peste bubonique (entre 80 et 95 % des cas) avec une mortalité comprise entre 4 et 10 % des cas (9,1 % à Madagascar) (…) D’après l’OMS, l’Afrique est le continent le plus touché (hauts plateaux du centre de l’île de Madagascar, Mozambique, Tanzanie, République démocratique du Congo), suivie de l’Asie (Inde). Ces deux continents regroupent près de 99 % des cas rapportés dans le monde en 1997. 13 cas de peste ont été détectés en Libye à la mi-juin 2009, mais l’épidémie a été enrayée immédiatement. L’Amérique du Sud et l’Ouest des États-Unis ont répertorié quelques cas en 1997. La peste est actuellement inexistante en Europe. Wikipedia
L’époque de la médecine triomphante est bel et bien derrière nous. La  révolution antibiotique nous a conduits à baisser la garde et à ne plus  enseigner les vieux principes de l’hygiène dans les écoles, en pensant qu’on  allait facilement venir à bout de toutes les maladies infectieuses. Il faut  réapprendre les gestes simples de la salubrité. (…) Et il va sans doute falloir abandonner nos  traditionnelles poignées de  main. Cette coutume fraternelle remonte aux premiers chrétiens, qui prouvaient  ainsi leur solidarité en bravant le péril oro-fécal (déjà connu). Mais  aujourd’hui, nous sommes trop nombreux, nous croisons trop de monde à longueur de journée et les maladies émergentes sont potentiellement trop graves pour ne  pas remettre notre comportement en question. D’ailleurs, ni les Américains ni les Asiatiques ne se touchent autant que les Français. Frédéric Saldmann

A l’heure où, entre la suppression de certains insecticides, la généralisation des voyages et la baisse de vigilance,  nos villes retrouvent avec les punaises de lit certains hôtes qu’on croyait à tout jamais disparus …

Retour, en ce 117e anniversaire de l’identification  du bacille qui en était responsable par le Vaudois et héros national du Vietnam Alexandre Yersin

Et avec le site d’histoire Hérodote …

Sur  la longue et terrifiante marche,  des steppes d’Asie aux ports de notre Méditerranée et à intervalles réguliers du VIe au XVIIIe siècles, d’un des pires fléaux (« pestis » en latin) de l’histoire humaine, à savoir la peste.

Longtemps terme générique pour toutes sortes d’épidémies comme le typhus mais responsable, avec la fuite des populations qui avant qu’on ne comprenne qu’il fallait au contraire isoler les zones touchées en accéléraient la diffusion,  de véritables hécatombes (jusqu’à 40% de la population de certaines zones pour un total de dizaines de millions de victimes pour la seule « Peste noire » européenne du XIVe siècle) mais aussi par contrecoup de jacqueries et de pogroms sur les habituels boucs émissaires juifs accusés d’empoisonner les puits …

Ce n’est qu’en 1894 et à Hong Kong en effet que l’on comprit finalement que Yersinia pestis (du nom de son découvreur suisse dépêché sur place par l’Institut Pasteur de Paris) était en fait une maladie de rongeurs asiatiques transmis à l’homme via les puces.

Mais  qui, comme le rappelait Camus à la toute fin de son roman éponyme et l’OMS tout récemment, nous attend toujours prête à repartir, véritable épée de Damocles au-dessus de nos têtes en ces temps de voyages de masse intercontinentaux, états faillis et oubli occidental des règles de base de l’hygiène, dans des sortes d’immenses « réservoirs naturels » entre l’Afrique, l’Amérique ou l’Asie …

Sans compter les nouvelles « pestes » modernes dites aujourd’hui « pandémies » telles que la grippe de 1918  dite « espagnole » (plus de victimes, avec quelque 60 millions – sur 1 milliard de malades soit la moitié de la population mondiale de l’époque – que la Grande Guerre, issue de Chine mais apportée vraisemblablement en Europe par les soldats américains et, censure militaire oblige, révélée d’abord dans la seule Espagne neutre) ….

Ou, plus récemment, le SIDA et autres grippes aviaire ou porcine

Des origines à 1894

Histoire d’un fléau immémorial, la peste

René Castillon

Hérodote

La peste, dont le nom vient du latin pestis (fléau), n’a été identifiée qu’en 1894 par le médecin Aexandre Yersin. Elle provient d’un microbe très résistant qui porte le nom de son découà la toute fin de vreur : le bacille de Yersin. Il existe à l’état naturel chez certains rongeurs d’Asie et peut être transmis par l’intermédiaire de puces à des rats et, de là, à l’homme. La puce en question est rebutée par l’odeur des moutons et des chevaux, de là le fait que les bergers et les palefreniers n’étaient pas contaminés par la maladie.

Signalons que la peste a souvent été confondue avec d’autres maladies. Ainsi c’est le typhus qui a emporté Périclès à Athènes en 329 avant JC et Saint Louis devant Tunis en 1270.

René Castillon.

Peste bubonique, peste pulmonaire

La peste proprement dite est de deux sortes. On distingue :

– la peste bubonique avec des pustules qui se nécrosent et des bubons dans le cou, des accès de fièvre, des vertiges et des délires, et néanmoins quelques guérisons quasi-miraculeuses,

– la peste pulmonaire, occasionnée par la présence du bacille dans la salive et entraînant une mort inéluctable dans les trois jours.

Premières apparitions du fléau

La peste apparaît pour la première fois en Europe et dans le bassin de la Méditerranée en 541-542, au temps des rois mérovingiens et de l’empereur Justinien. Chaque année, elle prélève son lot de victimes dans la population, affaiblie par la misère et l’insécurité propres aux temps barbares. Puis, à partir de 767, au temps de Charlemagne, les chroniques en perdent la trace… mais elle reste endémique en Orient, en Inde et en Chine.

La peste bubonique (avec apparition de «bubons» ou tumeurs à l’aine) fait sa réapparition en 1320 en Mongolie. De là, elle se répand alentour et atteint la mer Noire fréquentée par les Génois. Ceux-ci vont imprudemment l’amener jusqu’à Marseille.

En accostant à Marseille le 1er novembre 1347, ils vont ouvrir au fléau les portes de l’Occident.

L’épidémie se développe d’autant mieux et plus vite que la population est épuisée. Après trois siècles d’expansion démographique, l’Europe est saturée d’hommes que les sols peinent à nourrir. Les disettes, famines et «chertés» se font plus fréquentes et à ces pénuries alimentaires s’ajoute la guerre entre Français et Anglais.

Les Européens croient au début que les miasmes de la peste se répandent par voie aérienne. Aussi n’ont-ils rien de plus pressé, lorsque l’épidémie atteint une ville, que de fuir celle-ci. Le poète Boccace raconte cela dans le Décaméron, son recueil de contes écrit après que Florence ait été atteinte par la Grande Peste de 1347. Cette fuite est la pire attitude qui soit car elle a pour effet d’accélérer la diffusion de l’épidémie.

La «Grande Peste» ou «Peste noire» va ainsi tuer en quelques mois jusqu’à 40% de la population de certaines régions, ressurgissant par épisodes ici ou là. En quatre ans, 25 à 40 millions d’Européens vont en mourir. Par milliers, des villages sont désertés. Les friches, la forêt et les bêtes sauvages regagnent le terrain perdu au cours des deux siècles précédents qui avaient vu les campagnes se développer et se peupler à grande vitesse…

Mais, dès la génération suivante, la vie reprend le dessus. Paysans et manouvriers, profitant de la raréfaction de la main-d’oeuvre, imposent aux seigneurs et aux employeurs des libertés nouvelles et des augmentations de salaires. Ces revendications s’accompagnent de graves crises sociales, la plus célèbre étant la Grande Jacquerie de 1358.

Les débuts de la prévention

Au début du XVIe siècle, l’Italien Jérôme Fracastor conteste que la maladie se propage par voie aérienne et suggère une contagion d’homme à homme ou d’animal à homme.

Dans ces conditions, il importe avant tout d’isoler les villes et les régions atteintes. En 1478, en Catalogne, pour la première fois, on a l’idée d’isoler les villes contaminées par des cordons de soldats. Cette technique dite de la «ligne» est peu à peu perfectionnée par les Espagnols avec un réel succès : l’armée coupe les communications et tire à vue sur les personnes qui tentent de passer !

Cela n’empêche pas la peste de refaire son entrée en France sous le règne de Louis XIII, toujours par le port de Marseille. En 1628-1631, elle touche plusieurs dizaines de cités, de Toulouse à Dijon, et tue encore quelques centaines de milliers de victimes.

En 1662, Colbert introduit la technique de la «ligne» en France. Un corps de médecins est spécialement chargé de détecter l’épidémie et l’armée se doit d’isoler avec rigueur les zones contaminées. C’est un succès et l’on n’entend bientôt plus parler de foyers d’infection. Mais, au fil des années, la vigilance se relâche et c’est ainsi que va survenir le drame de Marseille en 1720, dernière manifestation du fléau en Europe.

La peste proprement dite est de deux sortes. On distingue :

– la peste bubonique avec des pustules qui se nécrosent et des bubons dans le cou, des accès de fièvre, des vertiges et des délires, et néanmoins quelques guérisons quasi-miraculeuses,

– la peste pulmonaire, occasionnée par la présence du bacille dans la salive et entraînant une mort inéluctable dans les trois jours.

Voir aussi :

20 juin 1894

Alexandre Yersin isole le bacille de la peste

Gabriel Vital-Durand

Hérodote

20 juin 2011

Le 20 juin 1894, Alexandre Yersin, un jeune médecin militaire formé à l’institut Pasteur, isole à Hong-Kong le bacille de la peste

Un Franco-Suisse aimé des Vietnamiens

Le jeune homme est né en 1863 dans une famille puritaine de la région de Lausanne. Il s’intéresse très jeune à la flore et à la faune, avant de se déterminer à étudier la médecine, d’abord à Marbourg, puis à Paris. Engagé comme préparateur par Roux, il effectue à l’Institut Pasteur une thèse sur la tuberculose tout en contribuant à l’isolement de la toxine diphtérique.

Faisant preuve d’une indépendance d’esprit singulière pour l’époque, il suit le cours de bactériologie de Koch à l’Institut d’hygiène de Berlin.

À partir de 1890, il profite d’un séjour en Indochine pour explorer les hauts plateaux de Cochinchine et d’Annam.

En 1894, une épidémie de peste ravage la Chine méridionale.

Alexandre Yersin se rend à Hong-Kong et, pourvu de moyens dérisoires, réussit à identifier et isoler en trois semaines le responsable de ce fléau immémorial qui terrorise les hommes de toutes conditions et de tous pays.

Il s’agit d’un microbe très résistant qui porte depuis lors le nom de son découvreur : le bacille de Yersin («Yersinia pestis»).

Il existe à l’état naturel chez certains rongeurs d’Asie et peut être transmis par l’intermédiaire de puces à des rats et, de là, à l’homme.

Le docteur teste avec succès le bacille sur des chevaux puis sur ses serviteurs, dans la paillotte ci-contre.

Revenu à Paris l’année suivante, Alexandre Yersin met au point avec Calmette et Roux un vaccin et un sérum contre la peste. De retour à Canton, il démontre l’efficacité de ces remèdes sur un séminariste promis à la mort.

Le médecin porte dès lors ses efforts sur le développement des Instituts Pasteur fondés à Hanoi, Saigon, Nha Trang et Dalat (sérums, vaccins, travaux d’hygiène). Il encourage en parallèle l’introduction dans le pays de l’arbre à caoutchouc et de l’arbre à quinine. Il élève des chevaux pour la fabrication du sérum et implante des races de vaches laitières.

Il promeut l’extraction industrielle de la quinine et choisit Dalat pour y établir des sanatoria. Yersin devient le premier doyen de la faculté de médecine de Hanoï en 1902, mais il renonce bientôt aux honneurs pour défendre les intérêts du peuple annamite fort méprisé et exploité, vivant au sein de la population dans le village de Soui Dau, près du port de Nha Trang (Annam).

Selon les termes d’une lettre écrite vers 1890, «demander de l’argent pour soigner un malade, c’est un peu lui dire la bourse ou la vie !»

Alexandre Yersin meurt en 1943, pendant l’occupation japonaise. C’est à peu près la seule figure de l’époque coloniale qui n’a pas cessé d’être vénérée au Viet-Nam, où toutes les villes ont un lycée à son nom. Paradoxalement, la Suisse et la France (dont il avait adopté la nationalité) l’ont en revanche bien délaissé…

Voir également:

1er novembre 1347

La peste entre à Marseille

Le 1er novembre 1347, les responsables du port de Marseille acceptent un bateau génois dont ils savent pourtant qu’il est porteur de la peste…

André Larané

Une si longue absence…

Après plusieurs siècles d’absence, la peste bubonique (avec apparition de «bubons» ou tumeurs à l’aine) fait sa réapparition en 1320 en Mongolie. De là, elle se répand alentour et atteint la mer Noire fréquentée par les Génois.

Comme les Mongols assiègent la ville de Caffa (aujourd’hui Féodossia, en Ukraine), ils envoient des cadavres contaminés par-dessus les murailles. Des marins génois arrivent à fuir la ville mais en emportant avec eux le terrible bacille. En accostant à Marseille, ils vont ouvrir au fléau les portes de l’Occident.

Un mois plus tard, la peste atteint la Corse et Aix-en-Provence. En janvier 1348, elle est à Arles et Avignon où, en six semaines, elle fait onze mille morts. En avril, la voilà en Auvergne, à Toulouse et Montauban. En juin à Lyon, en juillet à Bordeaux et dans le Poitou. Le 20 août 1348, on la signale à Paris. En décembre, elle atteint Metz…

Durant les premiers mois, le fléau progresse à une moyenne de 75 km par jour en profitant des circuits d’échanges, en particulier fluviaux et maritimes. Sa diffusion est favorisée par le surpeuplement des villes et aussi le goût des habitants pour les bains publics, lesquels vont devoir être fermés les uns après les autres. La peste fait 100.000 morts à Florence. À Paris, on compte 500 morts par jour.

Selon Froissart, un tiers de la population française décède mais sans doute s’agit-il d’une exagération manifeste. Les estimations varient selon les régions d’1/8 à 1/3 de la population

L’épidémie va tuer en quelques mois jusqu’à 40% de la population de certaines régions européennes, ressurgissant par épisodes ici ou là. En quatre ans, 25 à 40 millions d’Européens vont néanmoins mourir de la «Grande Peste» ou «Peste noire».

Impuissance de la médecine

Les médecins médiévaux attribuent la peste aux humeurs ou à l’empoisonnement de l’air. Ils pratiquent la saignée et les purges avec des résultats catastrophiques et récusent l’idée pourtant évidente de la contagion. Les citadins n’ont rien de plus pressé, lorsque l’épidémie atteint une ville, que de fuir celle-ci. Le poète Boccace raconte cela dans le Décaméron, son recueil de contes écrit après que Florence ait été atteinte par la Grande Peste de 1347. Cette fuite est la pire attitude qui soit car elle a pour effet d’accélérer la diffusion de l’épidémie.

La population, en de nombreux endroits, soupçonne les juifs d’empoisonner les puits ! Dès 1348, une quarantaine sont massacrés à Toulouse.

En 1349 apparaît le mouvement des flagellants ; c’est la résurgence d’un mouvement localisé en Italie au XIe siècle. Il se répand dans toute la chrétienté occidentale et ne tarde pas à se structurer. Ses membres s’engagent à se flageller pendant 33 jours et demi (autant que d’années passées sur terre par le Christ). Les flagellants finissent par s’en prendre à l’Église institutionnelle à laquelle ils reprochent son comportement indigne. Le mouvement s’éteint néanmoins en quelques mois, aussi vite qu’il est apparu.

Un ordre social boulevers

L’épidémie se développe d’autant mieux et plus vite que la population est épuisée. Après trois siècles d’expansion démographique, l’Europe est saturée d’hommes que les sols peinent à nourrir. Les disettes, famines et «chertés» se font plus fréquentes et à ces pénuries alimentaires s’ajoute la guerre entre Français et Anglais. Par milliers, des villages sont désertés. Les friches, la forêt et les bêtes sauvages regagnent le terrain perdu au cours des deux siècles précédents qui avaient vu les campagnes se développer et se peupler à grande vitesse…

Les prix des céréales qui avaient chuté dans les premiers mois de l’épidémie, du fait du manque de consommateurs, remontent très vite dans les années suivantes du fait du manque de bras !

Dès la génération suivante, la vie reprend le dessus. Paysans et manouvriers, profitant de la raréfaction de la main-d’œuvre, imposent aux seigneurs et aux employeurs des libertés nouvelles et des augmentations de salaires. Ces revendications s’accompagnent de graves crises sociales, la plus célèbre étant la Grande Jacquerie de 1358. Le servage achève de disparaître et les petites seigneuries rurales sont ruinées.

Un monde nouveau émerge suite à la Grande Peste. Après une rémission, l’épidémie revient en 1360 puis de façon erratique jusqu’en 1721. Chaque retour entraîne une hystérie collective mais aussi, après une brutale mortalité, une forte reprise de la nuptialité et de la natalité.

L’épidémie a des répercussions aussi sur l’art avec l’apparition des premières représentations de la mort dans l’art occidental. Les danses macabres se développent dès 1380. Les riches défunts sont représentés sur les sarcophages non plus dans leurs plus beaux atours mais dans l’état de décomposition qui suit la mort : ce sont les «transis».

Voir encore:

25 mai 1720

Le retour de la peste à Marseille

Le 25 mai 1720, un navire, le Grand-Saint-Antoine, entre dans le port de Marseille. Il ramène de Syrie un passager clandestin, le bacille de la peste !

En deux mois, la ville de Marseille va perdre la moitié de ses 100.000 habitants et la peste va tuer dans l’ensemble de la région pas moins de 220.000 personnes !

Les Français du «Siècle des Lumières», qui vivaient dans l’insouciance de la Régence (le roi Louis XV a alors 10 ans) et se croyaient à l’abri des grandes épidémies, vont devoir en catastrophe restaurer une sévère prévention.

Camille Vignolle.

Victimes de l’oubli et du relâchement

Parti de Marseille le 22 juillet 1719, le Grand-Saint-Antoine gagne les escales ou ports du Levant. Or la peste sévit à ce moment-là en Syrie.

Un passager turc embarqué à Tripoli le 3 avril 1720 meurt deux jours après sur des cordages. Puis, sur le chemin du retour, le voilier perd successivement sept matelots et le chirurgien de bord. Un huitième matelot tombe malade peu avant l’arrivée à Livourne, en Italie. À chaque fois, on trouve de bonnes raisons pour se dissimuler la vérité sur l’épidémie. À l’escale de Livourne (Italie), les médecins ne font rien pour retenir le navire.

Le capitaine Jean-Baptiste Chataud a lui-même hâte de livrer sa cargaison (des ballots de tissus d’une valeur de 100.000 écus) avant la foire de Beaucaire. Il amarre son voilier au Brusc, près de Marseille, et fait discrètement prévenir les armateurs ou propriétaires du navire.

Ceux-ci font jouer leurs relations. Ils en appellent aux échevins de Marseille pour éviter une quarantaine brutale qui consisterait à isoler le navire (et sa cargaison) en pleine mer pendant quarante jours. Les uns et les autres considèrent que la peste est une histoire du passé et prennent l’affaire avec détachement.

Finalement, ils demandent au capitaine de repartir à Livourne chercher une «patente nette», certificat attestant que tout va bien à bord. Les autorités de Livourne, qui n’ont pas envie de s’encombrer du navire, ne font pas de difficultés pour délivrer ledit certificat.

C’est ainsi que le Grand-Saint-Antoine est mis en quarantaine «douce» : les marins sont débarqués et enfermés dans un lazaret ou dispensaire, près de l’île de Pomègues. Mais les hommes, une fois à terre, n’entendent plus s’occuper de leur linge sale. Ils en font des ballots et le jettent à des lavandières par-dessus la palissade du lazaret…

Le retour du fléau

Le 20 juin, rue Belle-Table, dans un misérable quartier de la ville, une lavandière de 58 ans, Marie Dunplan, meurt après quelques jours d’agonie. Elle a un charbon sur les lèvres. Les médecins n’y prennent pas garde. Comment feraient-ils le rapprochement avec la Peste noire des temps médiévaux ? Le 28 juin, dans le même quartier, meurt à son tour un tailleur de 45 ans, Michel Cresp. Deux jours plus tard, c’est au tour de sa femme…

Le 9 juillet enfin, deux médecins, les Peyronnel père et fils, se rendent au chevet d’un enfant de treize ans, rue Jean-Galant. Et là, tout de suite, ils comprennent : la peste ! Ces deux excellents médecins avertissent les autorités. Il faut aller vite… Le 22 juillet, un gros orage, accompagné de chaleur et d’humidité, accélère la prolifération du bacille. Bientôt, l’épidémie fait un millier de morts par jour dans la ville. Les victimes de la contagion meurent en moins de deux jours.

On mure les maisons des victimes. On poudre les cadavres de chaux… L’évêque de Marseille, Henri-François-Xavier de Belsunce de Castelmoron, conseiller du roi et éminent personnage du royaume, se signale par son dévouement exceptionnel. Il met le palais épiscopal au service du corps médical en veillant à la propreté du linge. Lui-même parcourt les rues, assiste et secourt les malades, au mépris de la mort qui finalement l’épargnera. Le cours Belsunce et le lycée du même nom rappellent son héroïsme.

Un autre personnage, le chevalier Nicolas Roze, se détache des secouristes. Cet échevin offre la liberté à des galériens en échange de leur assistance. Sous sa conduite, les bagnards et 40 soldats volontaires s’entourent le visage de masques en tissu et enlèvent, puis incinèrent, les 8000 cadavres qui pourrissent sur la place de la Tourette et alentour.

Tâche indispensable et ô combien dangereuse ! Sur 200 bagnards libérés le 1er septembre, 12 sont encore en vie le… 6 septembre. Le chevalier Roze, renouvelant ses effectifs, poursuit inlassablement sa tâche. Lui-même est atteint par la peste mais il en réchappe par miracle (les chances de survie ne dépassent pas 1 pour mille).

Riposte et rémission

Monsieur de Langeron, chef de l’escadron des galères, est nommé commandant de la ville et, avec six compagnies de soldats, fait rapidement fermer les lieux de rassemblement (églises, tripots….) et arrêter les pilleurs. La mortalité dans la ville commence à baisser en décembre avec seulement un ou deux morts par jour. Enfin, le 29 septembre 1721, après 40 jours sans nouvelle victime, la population rend grâce à Dieu pour l’avoir enfin délivrée du fléau.

Mais on s’est décidé trop tard à boucler Marseille, début septembre, et le bacille a pu se répandre dans l’intérieur des terres de sorte qu’il faudra encore deux années de luttes pour éradiquer la peste du Languedoc et de la Provence.

Le Grand-Saint-Antoine est remorqué sur l’île Jarre, en face des calanques, et brûlé le 26 septembre 1720 sur ordre du Régent Philippe d’Orléans (on peut encore voir ses restes). Quant au capitaine Chataud, il est emprisonné sur l’île d’If.

Après cet épisode dramatique, on n’entendra plus jamais reparler de la peste en Europe… mais les sociétés prospères du continent auront hélas d’autres occasions de découvrir que l’on n’est jamais à l’abri d’une épidémie, de la grippe espagnole au sida.

Voir de plus:

Bubonic Plague in America, Part II: Undercover Science

mutantdragon

May 20, 2011

Summer in Hong Kong is often a time of high heat and torrential rain. It was no different in 1894, when colonial doctor Alexandre Yersin first arrived; a monsoon storm greeted his ship the day it docked. For Yersin, however, the inclement weather soon proved less irksome — and certainly less unexpected — than the recalcitrant English bureaucracy. He’d travelled from Saigon to hunt down a killer. And now the British bureaucrats wouldn’t even let him in the morgue.

Yersin was ill-equipped by temperament and experience to cope with this kind of problem. As a child, he was a shy introvert, and even as an adult he remained socially awkward; he never married and seemed uninterested in women. An accident during his medical training in 1886 brought him to the attention of none other than Louis Pasteur. He took up a position in Pasteur’s Institute later that year, writing an award-winning thesis and collaborating in the Institute’s famous work on diphtheria.

Despite this early success, Yersin remained dissatisfied, and in 1890, at the age of 27, he abandoned his promising career to become a ship’s doctor on a vessel bound for what is today the country of Vietnam. Pasteur and Roux tried to talk him out of it, but without success.

French colonial doctor Alexandre Yersin. Austere and dedicated, he abandoned a promising scientific career to work in Indochina instead.

Clearly this sudden departure was a momentous decision — a little like turning down a tenure-track position at Harvard to go work for a tiny nonprofit. Yersin’s reasons aren’t entirely clear. Perhaps he wanted adventure; maybe he found Paris life unbearable, or perhaps it was the idealistic streak in him. “I find great pleasure in taking care of those who come to me for help, but I do not want to make a profession of medicine,” he once wrote. “That is, I could never ask a sick human being to pay me for the care that I have given him. To ask for money for treating the sick is a bit like telling them, ‘Your money or your life!’ “

Whatever his motivations, it soon seemed he’d made the right choice; in Indochina, he turned into an unlikely hero. He quickly learned the local language and a talent for mapmaking. When his tour of duty as ship doctor ended in 1892, he secured a commission to explore the uncharted land towards the Mekong Delta and Phnom Penh. During his travels, he survived multiple adventures unlike any in Paris — a bout of dysentery, a scuffle with a band of pirates, torrential jungle rain.

Back home in Switzerland, his mother wasn’t too happy with her son’s choice of career. Really, she’d wanted him to stay at the Pasteur Institute. Yersin remained unmoved. “My firm intention is never again to work at the Pasteur Institute,” he wrote at one point. “Now that I am far away, I can judge it more objectively. Life in a laboratory would seem impossible to me after having tasted the freedom and life of the open air.”[2]

But Fate plays strange tricks, and when Yersin returned to Saigon from an expedition in 1894, he found interesting news and a cable from Paris awaiting him. An outbreak of plague was ravaging Hong Kong. And his old colleagues at the Pasteur Institute needed his help.

In through the Out Door

In June, Yersin set sail for Hong Kong on behalf of the French government and the Pasteur Institute, hoping to track down the deadly plague bacteria. Unfortunately, his British hosts proved uncooperative right from the start.

When Yersin asked Scottish hospital director James Lowson for access to cadavers of plague victims, Lowson told him it was out of the question. The Chinese were very superstitious, Lowson explained, and they believed it was sacrilegious to dissect dead bodies. Moreover, they mistrusted British colonial government, and there had already been a riot. If local Chinese people found out someone had dissected their relatives’ remains, there would be serious trouble.

This much was true, but it wasn’t the whole truth. Japanese scientist Shibasaburo Kitasato had arrived in Hong Kong 3 days before Yersin and been given everything he needed, cadavers included. To make matters worse, Lowson wouldn’t even let Yersin have any lab space of his own — and lab space had nothing to do with Chinese beliefs. So what was Lowson’s game?

Doctor and hospital director James Lowson, from [1].

No one can say for sure, but we can make a guess. Lowson had already tried to isolate the bacterium without any luck. Assisting Kitasato was an honor that might earn Lowson some credit; Kitasato was a big-name scientist with an international reputation, whereas outside French circles, Yersin was completely unknown. Besides, the British and French colonial governments were rivals at that time, so Lowson may have felt he was under no obligations to this Frenchman anyway. Whatever Lowson’s motives may have been, however, Yersin was stuck.

At this point an unlikely ally came to his aid. Yersin didn’t speak English, so an old Italian missionary named Father Vigano was acting as his interpreter. Vigano sympathized with Yersin’s predicament, and he suggested a solution that might seem a little odd coming from a priest. The hospital mortuary was guarded by British naval conscripts, Vigano pointed out. Why not bribe the sentries to let him into the morgue?

It was a dangerous gamble, but Yersin took him up on it. With Vigano as interpreter, Yersin approached the two sentries. The affable priest explained Yersin’s dilemma and offered the sentries a little money in exchange for a trivial favor. To Yersin’s surprise, they accepted.

While Vigano waited outside with the sentries, Yersin hastily searched among the corpses in the dark converted cellar that served as a morgue. He found the body of an epidemic victim, sliced out one of the buboes and hurried back to his makeshift workbench with his grisly prize. Later that day, he jotted the following in his notebook:

“June 20, 1894. The specimen is full of microbes, all looking alike, with rounded ends, staining very poorly (Gram-negative)”.[5]

Further experiments with rodents revealed that the bacteria he’d found were indeed the germs that caused plague.

Ironically, despite being denied nearly everything he needed for his research, Yersin beat his Japanese rival to the punch. True, Kitasato also claimed he’d found the plague bacteria, but the bacteria Kitasato initially described could move and were Gram-positive (definitely not Y. pestis, on both counts). Probably Kitasato’s samples were contaminated. At least one author speculates that Lowson, hoping for a share in the glory, persuaded Kitasato to rush to publication anyway.[1] In any event, even though Kitasato published first, his findings appear to have been flawed, and Yersin eventually received credit for the discovery.

Japanese scientist Shibasaburo Kitasato (from [1]) was already famous by the time he came to Hong Kong. He rushed his incomplete findings to publication — possibly on Lowson’s advice.

And Yersin had another contribution to make as well. The rats of Hong Kong were dying in large numbers. Intrigued, Yersin examined specimens from the dead rodents. When he did so, he found more of the same plague bacteria he’d isolated from human cadavers. He realized what no one else had until that time: bubonic plague was predominantly a disease of rodents, not humans.

Stowaway

Yersin had identified the bacterium that caused plague, but the Hong Kong outbreak was still far from under control. Shortly thereafter, plague bacteria embarked on a voyage halfway around the world.

No one knows for sure which boat(s) brought the plague to San Francisco. One ship, however, stands out as a prime suspect. The Japanese passenger liner Nippon Maru was carrying plague-infected rats when it arrived. It sailed from Hong Kong in 1899; two passengers died of plague during the trip, and San Fran authorities were on alert before the boat even came to port.

When it showed up in San Francisco in June, the Nippon Maru was placed in quarantine. Shortly thereafter, health officials transferred it to Angel Island, removed all the passengers and carefully inspected the whole ship. They found no fewer than 9 Japanese stowaways hidden aboard. Unfortunately, they didn’t realize that two stowaways were missing.

Several days later, the bodies of the two missing stowaways were found floating in the bay. Both of the two bodies contained plague bacteria.

San Francisco newspapers had a field day. “San Francisco is Endangered by the Federal Quarantine Officer,” headlines blared [7], and local officials blamed Federal officials for the escape of the two stowaways. In the end, owing to local mistrust, the ship was fumigated not once but twice.

Did infected rats from the Nippon Maru smuggle the plague ashore? Maybe so. Alternatively, another boat might have brought the plague to America instead; the ship Australia , for example, has been named as a possible culprit. Either way, the plague had definitely arrived by March of the following year, when a Chinese man was found dead in San Francisco’s Globe Hotel. Tests performed by Dr. Kinyoun of the Federal government’s Marine Hospital Service revealed the man had died of plague. The ensuing furore made the earlier plague scare seem tame by comparison.

Business interests, journalists and many politicians insisted the “plague death” was a hoax. Plague in San Francisco? Not possible. Besides, admitting the presence of the disease would be bad for business. The California governor, no less, accused Dr. Kinyoun of fabricating the autopsy results. Another city newspaper (this one owned by William Randolph Hurst) went to the opposite extreme, running hysterical articles that predicted impeding catastrophe. Soon, the straightforward task of controlling the outbreak bogged down into a two-party political battle.

As if this wasn’t controversial enough, racial bigotry reared its ugly head. Sinophobia was rampant in San Fran at that time, and some Americans blamed the outbreak on the Chinese. ” ‘The almond-eyed Mongolian is watching for his opportunity, waiting to assassinate you and your children with one of his many maladies,’ ” a union newspaper told its readers [6]. The authorities imposed a quarantine applying only to Asians. In response, the Chinese community filed a lawsuit alleging discrimination and won. At one point, the City Board of Health wanted to remove the entire Chinese population to Angel Island and demolish Chinatown; a judge ruled their plan was unconstitutional.

While bureaucrats, journalists, and health officials quarreled, one by one, plague victims began to die. At some point during this period, the plague quietly took root in the wild rodent populations of the Western US, where it has remained ever since.

 

Voir enfin:

QUEL SALAIRE LA PEUR ? (Si la peste ne fait plus guère de victime, le spectre de la peste, lui, n’a pas fini d’effondrer les marchés)

« En définitive, si la peste portait un autre nom, il n’est pas certain que les touristes s’en seraient inquiétés. »

Alain Lallemand

L’INDE A PAYE LE SALAIRE DE LA PEUR

Alain Lallemand

La Libre Belgique

17/10/1994

Seize heures moins dix, un rang de visiteurs de plus de deux cent cinquante mètres se presse à l’entrée du Taj Mahal (Agra, Uttar Pradesh). Signe de bonne santé touristique? Non pas: ces visiteurs-ci sont autochtones et savent que, passé seize heures, le ticket n’est plus de cent mais de… deux roupies seulement. Sur le bon millier de personnes présentes cet après-midi là sur le site le plus célèbre du continent indien, on cherchera avec peine une quinzaine d’Occidentaux: si les touristes britanniques semblent avoir très partiellement gardé leur confiance en l’ancienne colonie, les Américains, Français, Italiens, Allemands, Autrichiens, voire même les derniers visiteurs russes qui avaient survécu à la disparition des échanges culturels indo-soviétiques, ont massivement annulé leurs voyages pour cause de peste. Et encore sommes-nous en Uttar Pradesh, loin de l’épicentre: à Bombay, État du Maharashtra où ont été décelés la majorité des cas de peste bubonique, un guide nous affirme avoir perdu tout contrat jusqu’au 1er décembre; Amitabh Devendra, gérant de l’un des plus luxueux hôtels de la ville, fait état d’une activité minimale, d’une rentrée d’ores et déjà manquée sans réelle perspective de reprise. Maigre consolation: le flux ininterrompu de journalistes du monde entier venu rendre compte de la situation sanitaire. A l’Holiday Inn de Surat, quatre clients, quatre journalistes. Une gifle pour l’image de marque de l’Inde, aggravée par les rancoeurs inter-États: la province accuse Delhi d’avoir cédé à la panique, et Delhi reproche aux États du Maharashtra et du Gujarat d’avoir fait peu de cas des impératifs sanitaires. Entre les deux, la grande presse indienne entretient l’incendie, tout en accusant les médias étrangers, notamment britanniques, de porter une part de responsabilité dans ce gâchis. Si la peste ne fait plus guère de victime, le spectre de la peste, lui, n’a pas fini d’effondrer les marchés. Et c’est aujourd’hui le véritable drame de l’Inde.

C’est ici que la peste pneumonique s’est déclarée le 19 septembre avec une telle rapidité qu’on a pu croire pendant dix jours aux prémices d’une épidémie continentale. Il n’en a rien été puisque les courbes de mortalité se sont effondrées dès le 28 septembre et qu’aucune souche de peste pneumonique ne sera relevée dans les autres États de la fédération. Mais la panique trouvera à s’alimenter par une accumulation d’erreurs: la première est commise par certains médecins privés de la ville qui, aux premières alertes, conseillent l’exil à leurs patients et fuient eux-mêmes la ville. La seconde erreur est publique: alors qu’un mouvement de population se dessine au départ de Surat, l’administration nationale des transports mettra plusieurs centaines de bus supplémentaires à destination des fuyards. Conséquence: au risque de propager la maladie, l’administration du Gujarat confortait un mouvement irrationnel de panique. On estime que plus de 600.000 personnes ont quitté à ce moment la ville, plusieurs dizaines de milliers ne l’ayant pas encore réintégrée à l’heure actuelle.

Delhi ne s’en tirera guère mieux: alors que les médias indiens relèvent les premiers cas suspects de peste – et même au moment des premières confirmations de la maladie – le gouvernement apparaît moins bien informé que les correspondants locaux des grands journaux. Erreur fatale, la suspicion ne tardera guère: le «Times of India» et l’«Indian Express», pour ne citer que les plus réservés, se chargeront d’alimenter la chronique à satiété, provoquant une réaction politique double et contradictoire: pour conserver la confiance des tour-operateurs, Bombay prend des mesures de prévention immédiates et spectaculaires, dressant un cordon sanitaire entre la mégapole et le Gujarat d’une part, entre son aéroport et le monde extérieur d’autre part. Le Gujarat semble avoir eu un comportement inverse, tentant de rassurer la population, tout en accusant un retard technique quant aux mesures réactives face à l’épidémie. Conséquence: l’Inde a cassé son image. Arrivera-t-elle demain, sans moyens, à la reconstruire tout en relevant le niveau de ses exigences sanitaires?

Cent vingt-cinq cas de peste au Gujarat dont 118 pour Su-rat, 81 dans le Maharashtra dont 46 pour le seul district de Beed, 60 à Delhi, 10 en Uttar Pradesh, en tout quelques 288 cas confirmés de peste bubonique ou pulmonaire – dont 55 étaient mortels – ont été effectivement répertoriés jusqu’au 9 octobre inclus. Selon la dernière évaluation de l’OMS, disait cette dernière le 11 octobre, la flambée actuelle [de peste] touche à sa fin, et sa propagation en dehors des zones initialement touchées (…) est très limitée. S’il est possible que la transmission locale de la peste pulmonaire se poursuive encore un peu en dehors des districts de Beed et de Su-rat, il s’agit là de toute évidence d’un phénomène qui, même s’il est confirmé, reste strictement limité et qui n’a pas de caractère épidémique. Dont acte.

Ne soyons pas dupe, ce communiqué de l’OMS peut être démenti demain dans les faits, et le directeur général Hiroshi Nakajima n’a pas eu matériellement le temps, lors de sa visite éclair du 8 octobre à Surat, de réellement mesurer la situation.

Il n’empêche que nous voilà fort loin des près de 200 morts pesteuses du Zaïre relevées en 1992 et 1993, et que, par ailleurs, Bombay se rappelle avoir perdu plus de 100.000 personnes, dans une «véritable» épidémie de peste cette fois, aux dernières années du 19e siècle…

Ce serait un lieu commun de rappeler qu’une vie humaine n’a pas le même poids politique en Inde qu’en Occident, et cela releverait en outre d’un orientalisme presque insultant.

Mais force est de constater que la peste n’est, d’un point de vue intérieur, qu’une des préoccupations sanitaires du pays. Au moment où la presse britannique faisait les gorges chaudes de la peste naissante, Bombay enregistrait – pour deux quartiers seulement de la ville – quelque 5.000 cas de malaria chaque mois. Parmi ces cas – qui ne reflètent que les statistiques des hôpitaux publics, le «rapportage» des médecins privés étant défaillant – on trouve notamment des patients souffrant de malaria cérébrale, une affection potentiellement mortelle. La malaria n’est donc pas une préoccupation mineure.

Tout comme dans le cas de la peste pulmonaire, les experts indiens attribuent partiellement la responsabilité de ce problème aux coupes sombres effectuées ces dernières années dans les budgets gouvernementaux d’éradication.

Plus badin: en conférence à New Delhi, l’association médicale indienne (IMA) s’est penchée sur la montée de cas de leptospirose dans la région de Kerala, région suffisament structurée pour faire convenablement face à la maladie.

Cette multiplication des affections possibles a pour effet de relativiser l’importance de la peste, tout en compliquant passablement le travail des intervenants: aucun diagnostic préétabli n’est possible. On lira ailleurs comment l’hôpital de Surat a pu confondre un moment peste pulmonaire et malaria.

En définitive, si la peste portait un autre nom, il n’est pas certain que les touristes s’en seraient inquiétés.

Cinquante et un millions de roupies (1) à destination des conseils municipaux et intervenants locaux, 4 millions Rs consacrés par le ministère de l’Agriculture à l’achat de produits dératisants, 3 millions Rs en sur-salaire pour les équipes de désinfection et fumigation: tel est le tribut payé en quinze jours par le seul État du Maharashtra à la lutte contre la peste, chiffres arrêtés au 10 octobre. C’est cher payer, mais une excellente leçon de choses, pour avoir tenté en son temps de faire des économies: car en 1987 existait bien dans le Maharashtra une unité préventive de surveillance de la peste – endémique dans cette partie du pays – qui avait été supprimée à l’époque pour raison strictement budgétaire. L’État a annoncé la semaine dernière qu’il réactiverait en définitive cette unité, dégageant un budget de fonctionnement de 1,1 million Rs.

Pressée par les impératifs de redressement financier, l’Inde a commis un pas de trop, on peut espérer ne pas l’y reprendre de sitôt.

Bien entendu, nous confirmons («Le Soir» du 10 octobre) que la majorité des contrôles sanitaires que nous verrons dans les gares ou sur les axes routiers, que ce soit dans le Maharashtra ou le Gujarat, ne semblaient avoir aucune efficacité avérée si ce n’est le cas échéant de limiter l’effet de panique. Exception notable: seul le contrôle médical instauré aux départs internationaux de l’aéroport de New Delhi – où l’équipe se livrera effectivement à un palpage des ganglions, une prise de pouls et une auscultation au stéthoscope avant de nous laisser gagner l’avion – donnait un gage de crédibilité. Mais, à titre de comparaison, d’autres aéroports concernés comme celui de Franckfort n’ont instauré que des contrôles au jugé, vexatoires et de pure forme. Alors?

Alors, critiquer éventuellement l’action indienne suppose qu’on tienne compte de l’incroyable complexité de la tâche: par exemple, dans un pays où le lassi (2) est boisson nationale, il faut expliquer à un public majoritairement illettré que les capsules de tétracycline ne peuvent se prendre avec du lait, sous peine d’annuler l’effet du médicament.

Plus ardu encore: dans les jours qui ont suivi l’épidémie, le public s’est mis à chasser le rat pour le plus grand bonheur des quincaillers et droguistes. Une réaction compréhensible mais dangereuse, eu égard à la menace que constitue le corps de l’animal, même mort. Il ne suffisait pas d’expliquer que le cadavre du rat doit, pour bien faire, être désinfecté puis brûlé. Il fallait au même moment tenter de briser cette chasse au rongeur en expliquant que, si le rat disparaissait, la puce chercherait d’autres mammifères susceptibles d’être parasités, en l’occurrence les animaux domestiques et l’être humain lui-même.

Comme on le voit, ces obstacles n’ont rien à voir avec un prétendu obscurantisme religieux, comme cela a pu s’écrire. D’ailleurs, le Zaïre a-t-il fait mieux?

Et si le cycle de la maladie s’était inversé?

Haut fonctionnaire du ministère de l’Industrie de l’État du Gujarat, K.V. Bhanujan est l’un des deux piliers de la cellule de crise nationale chargée de gérer l’épidémie. Il était début octobre à Surat: pour lui, pas de mystère, l’immigration ouvrière a été trop importante dans cette ville, les services publics n’ont pas pu suivre le rythme. Même les services de base ne sont plus assurés. D’où l’échec sanitaire qui a précédé l’épidémie.

Mise en cause du pouvoir municipal? C’est de la responsabilité du corps social. La municipalité de Surat devait réagir, mais aussi la population. La grande leçon qu’il faut en tirer, c’est de demander à chacun de nettoyer son propre environnement. C’est en définitive la responsabilité de tout un chacun. Bien sur, on peut toujours charger la municipalité et ne rien faire. Mais en définitive c’est la population qui en souffrira.

Durant la dernière semaine de septembre, une récolte extraordinaire de 15.000 tonnes de détritus a été réalisée au centre-ville de Surat. Et ce, bien que l’autre pilier de la cellule nationale de crise S. Jagadeesan, directeur du département financier du Gujarat, affirme pour sa part qu’aucun lien n’existe entre l’état particulièrement crasseux de la ville et l’épidémie. Ce n’est pas la seule déclaration surprenante qu’il nous fera:

– Vous connaissez le cycle pesteux traditionnel: le rat sauvage transmet la puce infectée au rat «domestique», lequel en meurt. La puce se rabat alors sur l’homme, puis l’épidémie se transmet à chaque être humain notamment par les postillons, etc… La peste bubonique, elle, lorsque mal soignée, peut dégénérer en peste pulmonaire. Dans le cas de Surat, il existe deux hypothèses: soit la peste nous vient de l’extérieur. Soit le cycle classique de la maladie se serait renversé, ou à tout le moins modifié. Cela nécessite une enquête scientifique: dans ce cadre, l’OMS et le NICD (Institut national des maladies contagieuses) ont trouvé un accord pour mener une enquête conjointe.

Cette théorie a le grand avantage de disculper l’État du Gujarat de toute accusation de laxisme: le mal aurait été incontrôlable, en quelque sorte. Une autre rumeur, du même tonneau, faisait dire à un grand hebdomadaire de Kerala que l’origine de la peste était peut-être due aux agents de guerre bactériologique d’une grande puissance étrangère…

Les autres considérations de M. Jagadeesan sont moins contestables: Cette peste, c’est du jamais vu, et elle n’était pas prévisible. Pour la prévenir, il aurait fallu prendre des mesures proactives: élever le niveau d’hygiène, le niveau de santé, contrôler les rongeurs. Ce que nous avons fait, nous, est uniquement réactif. Imaginez que 800.000 personnes vivent ici dans des bidonvilles («slums conditions»), et 3 à 400.000 dans des conditions qui s’y apparentent («slums-like conditions»). Qu’est-ce que ces concepts signifient? La première catégorie vit sans infrastructure sociale, dans des conditions de vie sous-marginales. La seconde catégorie manque en tout cas de route, d’eau potable, d’égouts. L’État du Gujarat a effectivement un plan de logement destiné aux classes moyennes et inférieures. Mais à Surat, ce plan est inapproprié: il n’y a tout simplement ni revenu ni argent, à Surat…

Limitant l’importance de l’épidémie à trois quartiers particuliers de la ville, S. Jagadeesan ne peut envisager désormais autre chose qu’un éventuel isolement sanitaire de ces quartiers – en mouroirs? – et le renforcement de mesures antirats, dont on sait ce qu’il faut en penser (voir nos informations par ailleurs). La vérité est qu’il n’y a en fait aucun moyen financier véritable.

19 heures, Mansour va mieux: on peut donner l’alarme!

Tout s’est déclenché le 21 septembre avec deux patients que nous pensions atteints de malaria, se souvient le Dr B.D. Parmay, de l’hôpital civil de Surat. Bien qu’ils soient traités à la chloroquine, leur état évoluait défavorablement, ils souffraient de troubles respiratoires. Ils sont d’ailleurs morts sans qu’on puisse véritablement établir un diagnostic. Alors, en faisant ma tournée de l’hôpital, on m’a communiqué que deux patients étaient «morts de pneumonie». Mais pourquoi diable seraient-ils morts de pneumonie?

Le Dr Parmay pense bien à ce moment à une bactérie particulièrement virulente, mais le déclic lui vient de la lecture du «Times of India», lequel fait état de cas avérés de peste bubonique dans le district de Beed (Maharashtra). Comme cette variété de peste peut entraîner une peste pulmonaire, y avait-il une possibilité que tel soit le cas à Surat?

Un troisième patient, Mansour, souffrait des mêmes symptômes que les deux premiers. On a alors ciblé une pneumonie virale, et, sans certitude, nous lui avons administré de la tétracycline. Par ailleurs, le même jour à 16 h 00, j’ai convoqué à l’hôpital une réunion de mes principaux médecins, soit une dizaine de personnes. Je souhaitais qu’on examine ensemble si une série de signes ne se seraient pas manifestés indépendamment chez différents patients. C’était le cas, nous diagnostiquions à ce moment une peste pulmonaire. J’ai immédiatement averti le délégué adjoint à la santé du district.

A 18 h 00, j’appelle le laboratoire pour savoir si on aurait une confirmation par voie d’analyse. Il était trop tôt, le labo n’était pas encore certain du diagnostic. Mais à 19 h 00, le traitement à la tétracycline de Mansour avait déjà donné les premiers résultats positifs: il allait mieux. J’ai donné l’alarme.

Il était grand temps: à 20 h 30, on communique au Dr Parmay que des morts sont signalés en ville. Huit à neuf victimes. Et d’autres hôpitaux de la ville font état de cas similaires. Il a fallu alors aller très vite, prévoir l’isolement des pestiférés dès la première nuit. L’hôpital civil a été immédiatement réquisitionné pour traiter uniquement les cas de peste.

Aussi curieux que cela puisse paraître, un cordon militaire sera effectivement nécessaire pour éviter les évasions de malades: en date du 11 octobre, pas moins de 23 «évasions» avaient été signalées pour ce seul hôpital. Heureusement, la tétracycline ne fera jamais défaut et les soins auront été continus, sans défection dans les rangs de mes médecins, précise-t-il. Malgré la polémique entretenue à ce sujet dans les grandes agglomérations, nous sommes sûrs qu’il s’agit bien de peste pulmonaire. Des analyses post-mortem ont été réalisées par l’Institut national des maladies contagieuses (NICD) et sont positives. Dans les deux mois, nous arriverons à la fin totale de l’épidémie, au «zéro cas».

Si le Dr Parmay est sûr de son diagnostic, il est moins certain des conclusions et leçons qu’il faut tirer quant à l’origine de l’épidémie. Le docteur aime son pays, montre explicitement son embarras. Mais il ajoute: Notez bien que Mansour est vivant!

Alain Lallemand

(1) Au change officiel, tronqué, la roupie (Rs) équivaut grosso modo à un franc belge.

(2) Yaourt liquide rafraîchissant qui se consomme sucré ou salé.

https://www.lesoir.be/art/l-epidemie-de-peste-est-terminee-l-inde-a-paye-le-salai_t-19941017-Z08N4F.html


Bull Run/149e: Retour sur la première vraie bataille de la Guerre civile américaine

21 juillet, 2010
Manassas (Stephen Stills, album cover, 1972)https://jcdurbant.files.wordpress.com/2010/07/9782800115382-g.jpgMême la Suisse a eu droit à sa guerre civile. Edward Luttwak

En ce lendemain du 153e anniversaire de la dissolution de la ligue conservatrice du Sonderbund qui aboutit à la guerre civile hélvétique de novembre 1847 …

Et en ce jour où nos amis belges fêtent le 179e anniversaire de leur indépendance avec l’intronisation de leur 1er roi Léopold 1er un an après leur libération  sur un air d’opéra français relatant la révolte du peuple napolitain contre le joug espagnol deux siècles plus tôt …

Retour, avec le site Hérodote, sur le premier affrontement majeur de la guerre civile américaine (dite « de sécession » en une France alors pro-sudiste) entre l’Union (Nord) et la Confédération (Sud) …

A savoir la 1ère bataille de Bull Run et, comme d’ailleurs après la 1ère escarmouche de Fort Sumter 3 mois plus tôt (la reprise, par le sud au moment où le nord tentait de le ravitailler, d’une place forte à l’entrée de Charleston, la capitale d’une Caroline du sud qui venait de faire sécession) et la 2e bataille de Bull Run un an plus tard, le 1er échec de l’armée nordiste

Bataille baptisée du côté nordiste du nom d’une rivière de Virginie à quelque 60 km de la capitale fédérale mais Manassas (du nom de la petite ville dont elle était proche) du côté sudiste …

Entre un nord deux fois plus peuplé et armé (et donc tenté de gaspiller ses forces par ailleurs des plus hétéroclites, zouaves compris!) et un sud manquant d’hommes (et donc plus soucieux de les préserver) mais possédant au contraire les meilleurs officiers et notamment nombre de ralliés dont le généralissime Robert Lee …

Entre un nord industriel mais protectionniste et tourné vers un marché intérieur et un sud encore agricole et traditionaliste mais libre-échangiste et orienté vers l’Europe pour ses exportations de matières premières (coton, textile) …

Entre un nord dirigé par un Lincoln mal élu (39,9 % avec les seules voix des États du Nord et la grâce du jeu des grands électeurs) et un sud largement démocrate dont le parti avait eu le plus de suffrages (47,6 % mais divisé car présentant deux candidats) …

Entre un nord refusant non l’esclavage mais l’extension de l’esclavage aux nouveaux territoires et d’ailleurs allié lui-même à cinq Etats « frontaliers » esclavagistes (Maryland, Deleware, Kentucky, Missouri, Virginie occidentale) et un sud dont le généralissime était lui-même abolitionniste  …

Entre un sud à deux doigts de capturer Washington mais incapable d’en profiter sur le moment et un nord trop sûr de lui (avec ses parlementaires et civils venus au spectacle d’une victoire prétendument annoncée!), autrement dit deux armées aussi peu aguerries l’une que l’autre …

Et au bout du compte un nord comprenant enfin l’impossibilité d’une victoire rapide après une bataille décisive mais renforcé dans sa volonté et un sud un temps aveuglé par un improbable premier succès …

Pour un conflit qui, tout en aboutissant à l’abolition de l’esclavage et à la consolidation des institutions américaines, fera en 4 ans quelque 620 000 morts (dont seulement 200 000 au combat, les deux tiers restant mourant d’épidémies et de maladies), soit davantage que toutes les autres guerres du pays réunies …

21 juillet 1861

Début de la guerre de Sécession

Hérodote

Le 21 juillet 1861, pour la première fois de leur Histoire, les Américains s’affrontent sur un champ de bataille, à Bull Run.

C’est le début de la plus terrible guerre qu’eurent à subir les Américains : la guerre de Sécession, plus communément appelée en Amérique du Nord «Civil War» (guerre civile).

Une guerre de principes

Les causes profondes du conflit résident dans l’opposition entre le Sud esclavagiste et le Nord industriel du pays.

Onze États du Sud ont fait sécession et constitué une nouvelle Confédération suite à l’élection d’Abraham Lincoln, un anti-esclavagiste convaincu, à la présidence du pays.

Le 15 avril 1861, après un premier assaut des forces confédérées contre un fort dépendant du gouvernement fédéral, le président Lincoln lance un appel aux armes.

Dès le début, les Confédérés bénéficient du ralliement d’excellents officiers, issus de l’aristocratie des planteurs. Parmi eux le généralissime Robert Edward Lee, qui est pourtant un abolitionniste convaincu, c’est-à-dire partisan de l’abolition de l’esclavage !

Mais la défaite du Sud est inscrite dans les chiffres.

L’Union dispose en effet d’une confortable supériorité : 22 millions d’habitants contre 9 millions au Sud (dont 3,7 millions d’esclaves noirs), un budget militaire et des effectifs deux fois plus élevés, un équipement industriel et un réseau de transports développés, une marine puissante. Par-dessus tout, la foi du président Lincoln en la justesse de sa cause cimente la victoire du Nord.

Le 22 septembre 1862, Lincoln proclame l’émancipation des esclaves du territoire rebelle. Cette déclaration sépare encore davantage les camps en présence mais éloigne le risque d’une reconnaissance de la Confédération par les grandes puissances européennes.

Les Nordistes voient enfin le sort tourner à leur avantage…

La guerre de Sécession aura au total déchiré les États-Unis pendant 4 ans et fait 617.000 morts parmi les combattants, soit davantage qu’aucune autre des guerres qui ont impliqué le pays.

Elle s’achève par l’abolition de l’esclavage, la consolidation des institutions américaines… et la ruine du Sud.


Vote anti-minarets: Si la montagne ne vient pas à Mahomet (How the Muslim brothers took on Switzerland and the world)

17 décembre, 2009
Si la montagne ne vient pas à Mahomet, c’est Mahomet qui ira à la montagne. Mahomet
Est-ce que c’est une offense dans un pays de montagne, qu’il y ait une construction un peu plus élevée? Bernard Kouchner
C’est sur le modèle du centre islamique de Genève que se sont construits, à partir des années 1960, les centres islamiques de Milan, de Londres, de Rome et de nombreuses autres villes européennes, souvent financés par l’Arabie saoudite. Ces centres ont servi à la fois de bases avancées pour la da’wa – la propagande et le prosélytisme politico-religieux des Frères musulmans – mais aussi, comme cela a été révélé au lendemain du 11 septembre, de centres de recrutement des terroristes d’Al-Qaida et de leurs soutiens logistiques et financiers. Car il ne faut pas oublier que c’est en Europe, comme le rappelle le chercheur Lorenzo Vidino, qu’ont été minutieusement préparés les attentats du 11 septembre. (…) Dans ces circonstances, le résultat du référendum sur les minarets prend un sens symbolique important. Il ne s’agissait pas – comme voudraient le faire croire plusieurs commentateurs engagés au service de l’islamisation de l’Europe (camouflée derrière l’expression de « dialogue interculturel » euroméditerranéen), comme Caroline Fourest – de limiter la liberté de culte des Musulmans de Suisse, qui sont sans doute dans leur majorité des citoyens pacifiques. Il s’agissait de porter un coup d’arrêt à la vague d’islamisation de l’Europe, qui a commencé en Suisse dans les années 1960. Paul Landau

Où l’on comprend pourquoi Mahomet tenait tant à aller à la montagne …

A l’heure où la bien-pensance se déchaine contre le récent vote de nos voisins suisses pour l’interdiction de la construction de nouveaux minarets …

Et alors qu’après l’église aphone de Sartrouville et 13 interminables siècles, Poitiers va enfin avoir droit à son minaret de 20 mètres …

Intéressante mise en perspective de l’auteur de deux livres sur le Komintern islamiste des Frères musulmans en Europe (Le Sabre et le Coran – Tariq Ramadan et les Frères musulmans à la conquête de l’Europe) et les convertis (Pour Allah jusqu’à la mort – Enquête sur les convertis à l’islam radical) Paul Landau.

Qui montre la dimension stratégique du choix de la Suisse, de la part du gendre du fondateur du mouvement des Frères musulmans Said Ramadan (et père des Hani et Tariq qui squattent à longueur d’année nos plateaux télé), dans l’entreprise de conquête de l’Europe et du monde que se sont donnés les Frères musulmans dès les années 60.

A la fois comme modèle pour leurs actions de propagande et de prosélytisme politico-religieux avec la création du premier Centre islamique de Genève, bientôt suivi par de nombreux autres dans les grandes capitales européennes.

Et, du fait de son rôle de place financière mondiale et surtout de son secret bancaire, comme source de financement via leur banque (Al-Taqwa) devenue celle d’Al-Qaida.

D’où toute l’importance dudit vote comme un premier coup d’arrêt à la vague d’islamisation de l’Europe qui depuis plus de 40 ans a commencé en Suisse …

« Des Frères musulmans à Al-Qaida : les réalités méconnues de l’islam politique en Suisse

Paul Landau

mercredi 2 décembre 2009

Après le tsunami politique et médiatique que vient de vivre la Suisse – et avec elle l’Europe tout entière – il n’est pas inutile de replacer les événements récents dans le contexte historique et politique des dernières décennies, pour mieux comprendre les enjeux véritables du référendum suisse et ses conséquences possibles. L’histoire de l’islam en Suisse depuis la fin de la Deuxième Guerre mondiale ne correspond pas, en effet, à la vision idyllique qu’en ont donné de nombreux médias et hommes politiques (au premier rang desquels il faut citer le ministre des Affaires étrangères français, M. Kouchner, qui a déclaré que les minarets n’avaient rien de choquant dans un « pays de montagnes »…).

Or la Suisse n’est pas seulement, n’en déplaise à M. Kouchner, un pays de montagnes et un lieu de villégiature. Elle est aussi le bastion avancé de l’implantation de l’islam politique des Frères musulmans en Europe et le pays où fut créé le premier centre islamique – celui de Genève – qui servit de modèle aux nombreux centres islamiques implantés depuis le début des années 1960 en Europe, avec le soutien de l’Arabie saoudite et de ses pétrodollars. L’histoire des Frères musulmans en Europe est étroitement liée à la personnalité d’un homme qui a joué un rôle essentiel, en transformant la confrérie égyptienne en un réseau international, implanté sur les cinq continents, doté de ramifications multiples et d’une infrastructure financière très développée. Cet homme, Said Ramadan, gendre du fondateur du mouvement des Frères musulmans, Hassan al-Banna et père de Tariq Ramadan, est pour ainsi dire le créateur de l’Internationale islamiste *. Véritable globe-trotter du mouvement islamiste, Said Ramadan a en effet voyagé à travers tout le monde musulman, du Pakistan à l’Arabie saoudite, avant de se fixer en Europe. Après Cologne et Munich, il s’installe à Genève, où il crée le premier Centre islamique européen. Le choix de la Suisse n’est pas anodin : il s’explique principalement par son rôle de place financière et par la tradition suisse de secret bancaire. La Suisse va en effet assumer une double fonction dans le développement du mouvement islamiste : celle de pont avancé de la da’wa [c’est-à-dire la propagande politico-religieuse] et celle de « coffre-fort » de la mouvance islamiste. »

Concernant ce dernier point, l’histoire des Frères musulmans en Europe (qui sont parfois présentés trompeusement comme une organisation islamiste ’non-violente’ !) est étroitement liée à celle de la banque Al-Taqwa, institution créée par les Frères qui est devenue la banque d’Al-Qaida et est apparue au grand jour après le 11 septembre 2001. Un des actionnaires d’Al-Taqwa était Albert-Ahmed Huber, converti d’origine suisse, fervent admirateur de Nasser et de Hitler. Quant au président du « Charia-board » de la banque, il n’est autre que le fameux cheikh Yousouf Qaradawi, théoricien islamiste qui préside aux destinées de l’UOIE (Union des organisations islamiques européennes qui chapeaute l’UOIF).

C’est sur le modèle du centre islamique de Genève que se sont construits, à partir des années 1960, les centres islamiques de Milan, de Londres, de Rome et de nombreuses autres villes européenes, souvent financés par l’Arabie saoudite. Ces centres ont servi à la fois de bases avancées pour la da’wa – la propagande et le prosélytisme politico-religieux des Frères musulmans – mais aussi, comme cela a été révélé au lendemain du 11 septembre, de centres de recrutement des terroristes d’Al-Qaida et de leurs soutiens logistiques et financiers. Car il ne faut pas oublier que c’est en Europe, comme le rappelle le chercheur Lorenzo Vidino, qu’ont été minutieusement préparés les attentats du 11 septembre.
Un coup d’arrêt à l’expansion d’Eurabia ?

Cet exposé succinct permet de comprendre le rôle stratégique qu’a joué la Suisse dans l’implantation en Europe du mouvement islamiste, des Frères musulmans jusqu’à la nébuleuse Al-Qaida. Dans ces circonstances, le résultat du référendum sur les minarets prend un sens symbolique important. Il ne s’agissait pas – comme voudraient le faire croire plusieurs commentateurs engagés au service de l’islamisation de l’Europe (camouflée derrière l’expression de « dialogue interculturel » euroméditerranéen), comme Caroline Fourest – de limiter la liberté de culte des Musulmans de Suisse, qui sont sans doute dans leur majorité des citoyens pacifiques. Il s’agissait de porter un coup d’arrêt à la vague d’islamisation de l’Europe, qui a commencé en Suisse dans les années 1960.

La votation suisse contre les minarets a exposé au grand jour le gouffre qui sépare désormais les populations européennes de leurs gouvernants et de leurs élites politiques et médiatiques. Eurabia, on le sait, est un projet imposé aux peuples d’Europe (et du monde arabe) par leurs dirigeants, qui n’a jamais fait l’objet d’aucun vote ou consultation populaire. A cet égard, le référendum suisse était peut-être aussi, au-delà de la seule question des minarets, le premier vote sur le projet politique et culturel eurabien. L’avenir dira si la votation suisse aura marqué un coup d’arrêt à l’expansion d’Eurabia.

* Sur ce sujet, je renvoie le lecteur à mon livre Le Sabre et le Coran, ainsi qu’à celui de Sylvain Besson, La conquête de l’Occident.
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Voir aussi:

Paul Landau, écrivain: analyser l’itinéraire des convertis à l’islam radical
Propos recueillis par Roger Heurtebise
Riposte laïque
21 octobre 2008

Riposte Laïque : Paul Landau, pouvez-vous vous présenter à nos lecteurs ? Qu’est-ce qui motive votre intérêt personnel pour l’islamisme ?

Paul Landau : Je suis né aux Etats-Unis, j’ai grandi en France et je vis actuellement en Israël. Je me suis intéressé à l’islamisme après le 11 septembre 2001. J’ai voulu comprendre la genèse du phénomène Al-Qaida, ce qui m’a conduit à étudier le mouvement des Frères musulmans, leur histoire, leur stratégie et leur implantation en Europe, thème de mon premier livre.

RL : Votre premier ouvrage s’appelait Le Sabre et le Coran – Tariq Ramadan et les Frères musulmans à la conquête de l’Europe, et le second s’intitule Pour Allah jusqu’à la mort – Enquête sur les convertis à l’islam radical (http://www.ripostelaique.com/Pour-Allah-jusqu-a-la-mort-de-Paul.html). Vous prêtez donc une dimension essentiellement guerrière et mortifère à l’islamisme ?

P. Landau : Mon premier livre envisageait l’islamisme principalement sous l’angle de la « da’wa », c’est-à-dire la propagande et la propagation de l’islam par des moyens pacifiques en général (prosélytisme, médias, Internet…). Mais je montrais que ces moyens pacifiques étaient complémentaires des moyens de conquête guerriers : il s’agit en effet de deux armes complémentaires pour les mouvements islamistes, dont certains recourent principalement au djihad, tandis que d’autres préfèrent la da’wa. Mais tous partagent le même objectif de conquête de l’Occident et de prise du pouvoir dans les pays musulmans.

C’est pourquoi leur opposition est purement tactique : le cheikh Qaradawi, par exemple, est un ardent promoteur de la da’wa, notamment par le biais d’Internet auquel il a consacré des moyens financiers importants. Mais cela ne l’empêche nullement d’approuver les attentats-suicides commis contre des civils israéliens – y compris par des femmes kamikazes – comme il l’a affirmé dans des fatwas très diffusées dans le monde musulman.

Plus près de nous, Tariq Ramadan est lui aussi un partisan de la conquête de l’Occident par des moyens « pacifiques », ce qui ne l’empêche pas d’avoir une attitude très ambiguë à l’égard des attentats du 11 septembre, qu’il condamne du bout des lèvres et uniquement lorsqu’il s’adresse à un public occidental…

RL : Dans Pour Allah jusqu’à la mort, il n’est plus question de « musulmans de souche », puisque votre livre évoque principalement les convertis occidentaux à l’islam radical. Ces convertis sont-ils en général plus radicaux que les musulmans de souche ? Y a-t-il des différences de conviction ou de comportement entre les islamistes d’origine musulmane et ceux qui sont des convertis ?

P. Landau : C’est une des questions auxquelles je tente de répondre dans ce livre. Je me suis intéressé au phénomène des conversions à l’islam en général, et des conversions à l’islam radical en particulier. Ce phénomène touche presque tous les grands pays occidentaux (Etats-Unis, France, Angleterre, Allemagne…) mais il n’avait jusqu’à présent fait l’objet d’aucune étude. J’analyse les itinéraires de ces convertis, jeunes Occidentaux qui deviennent des musulmans fanatiques, prêts à tuer et à mourir au nom d’une conception très radicale de l’islam. Effectivement, on constate que ces convertis sont souvent plus extrémistes dans leurs convictions que les musulmans de souche. Les cas les plus frappants sont celui de Muriel Degauque, la première femme kamikaze européenne, et celui d’Adam Gadahn, jeune Américain né en Californie, devenu le porte-parole d’Al-Qaida.

RL : Dans votre livre, vous décrivez de nombreux itinéraires personnels. Ces convertis sont-ils des « autodidactes » de l’islamisme, ou ont-ils eu la malchance de croiser la route de prêcheurs intégristes ?

P. Landau : Pour décrire leur parcours, j’emploie le concept de « double conversion » : dans un premier temps, ils deviennent musulmans, comme beaucoup d’Occidentaux qui trouvent dans l’islam des réponses spirituelles, et aussi une communauté (la fameuse « Oumma »). La majorité des convertis occidentaux à l’islam en restent là. Mais pour une minorité d’entre eux, cela ne suffit pas : ils deviennent ensuite des islamistes radicaux et des djihadistes.

En général, la première étape de cette double conversion est la conséquence de rencontres avec des amis ou des collègues de travail musulmans, chose très banale en Occident aujourd’hui, où l’islam n’est plus du tout exotique, mais est au contraire devenu la religion dominante dans de nombreux quartiers… On trouve aussi des convertis « autodidactes », qui découvrent l’islam sur des forums Internet, comme ce fut le cas pour Adam Gadahn, l’Américain d’Al-Qaida.

La deuxième étape, qui les conduit de l’islam à l’islamisme radical et au djihad, est par contre le fruit d’une « prise en main » par des recruteurs, ou par des militants islamistes, croisés le plus souvent dans des mosquées, comme celle du Londonistan où se sont convertis les frères David et Jérôme Courtailler (surnommés les « Gaulois d’Al-Qaida »).

RL : Ces convertis proviennent-ils plutôt de milieux modestes ou de la bourgeoisie ? Par ailleurs, y a-t-il dans ces conversions à l’islam radical une part de déni de soi et de fragilité psychologique ?

P. Landau : Sociologiquement, leurs familles sont plutôt modestes dans le cas des convertis français et belges (Lionel Dumont, Muriel Degauque), alors que les convertis allemands et américains sont quant à eux issus de la « bourgeoisie libérale », ce qui montre qu’il n’y a pas de déterminisme social.

L’étude de leur profil psychologique se rattache à une vaste littérature spécialisée, qui traite des convertis aux nouvelles religions ou mouvements sectaires, et aussi des membres des organisations terroristes. Pour résumer, on peut dire qu’il n’existe pas de profil psychologique, même si l’on constate des tendances récurrentes, comme le passage par la drogue, à laquelle l’islam permet d’échapper, constituant ainsi aux yeux des convertis une forme de « rédemption ». L’islam est également vécu par beaucoup de convertis – y compris ceux à l’islam radical – comme un code moral et une religion « totale », qui leur apporte des réponses et leur permet de structurer leur existence.

RL : Des psychologues israéliens ont tenté de dresser le portrait-robot des candidats aux attentats-suicides. Y sont-ils arrivés ?

P. Landau : Non, pas vraiment. Je cite les résultats de plusieurs études, montrant que les terroristes kamikazes palestiniens sont issus de toutes les classes sociales, et que leurs motivations sont complexes et variées. C’est notamment le cas des femmes kamikazes, qui sont motivées par une volonté d’échapper au destin de la femme musulmane, tout en demeurant soumises à des codes sociaux très prégnants… Certaines sont ainsi devenues kamikazes après avoir été soupçonnées d’adultère, pour ne pas mettre en danger « l’honneur » de leur famille… Le Hamas et les autres organisations terroristes ont utilisé très cyniquement ces motivations pour recruter des femmes kamikazes, avec l’encouragement du cheikh Qaradawi que j’évoquais tout à l’heure.

RL : Combien y a-t-il de convertis radicaux en France ?

P. Landau : Le nombre des convertis à l’islam radical est difficile à évaluer, tout comme celui des convertis en général. On estime qu’il y aurait plusieurs centaines de convertis à l’islam radical en France, voire quelques milliers. Une chose est certaine : ce phénomène est en expansion, surtout depuis les attentats du 11 septembre, qui ont galvanisé les esprits et accéléré le rythme des conversions en Occident.

RL : Outre la lutte judiciaire et policière contre l’islamisme, que peuvent faire les gouvernements occidentaux pour endiguer le phénomène des conversions à l’islam radical ?

P. Landau : De manière générale, la lutte contre l’islamisme suppose que soient réunis trois éléments indispensables : des outils juridiques, une volonté politique et une vision stratégique. Dans le cas de la France et d’autres pays européens, l’appareil juridique existe, mais la volonté politique et la vision stratégique font souvent défaut. J’illustre cette carence politique par l’exemple du cheikh Qaradawi, qui demeure persona grata en Europe, et par celui du financement du Hamas par des associations implantées dans de nombreux pays, et notamment en France (CBSP).

RL : Pensez-vous, à l’instar de Mohammed Sifaoui et d’Eric Denécé, qu’on doive combattre l’islam radical sur le plan idéologique ? Et comment ? Faut-il seulement dénoncer les versets coraniques et les hadith inacceptables, ou réaffirmer les idéaux humanistes et progressistes du monde occidental ?

P. Landau : Je partage le diagnostic de Sifaoui et d’autres chercheurs et écrivains. Le combat idéologique est un front essentiel, sur lequel les musulmans modérés sont en première ligne. Car le phénomène des conversions à l’islam radical (et aussi, de manière différente, celui des conversions à l’islam en général) témoigne d’une crise profonde de l’Occident. Pour y remédier, il faut certainement réaffirmer les idéaux humanistes et progressistes qui constituent le socle commun sur lequel s’est édifiée notre civilisation, dont les deux piliers sont Athènes et Jérusalem. Ce combat doit réunir tous ceux qui s’opposent à l’islamisme conquérant, indépendamment de leurs divergences culturelles ou politiques.

Il faut bien entendu dénoncer certains versets du Coran ou hadith et l’usage qui en est fait (comme par exemple le hadith sur le « combat contre les Juifs », repris par le Hamas dans l’article 7 de sa Charte). Mais il faut également lutter pour la défense des acquis essentiels de notre civilisation, aujourd’hui remis en cause par l’islamisme militant : laïcité de l’espace public, liberté de penser, d’opinion, d’expression, égalité des sexes, et autres droits fondamentaux qui sont progressivement grignotés en Occident, en conséquence de l’offensive islamiste et aussi d’une certaine lâcheté occidentale – attitude que Bat Ye’or qualifie fort justement de dhimmitude – dont les conversions à l’islam radical sont aussi une des manifestations.


Diversité: J’aime que les choses soient bien rangées (Will Europe’s greater American-like diversity cause it to lower its civic engagement?)

16 décembre, 2009
Greetings from Heidi!Ce ne sont pas les différences qui provoquent les conflits mais leur effacement. René Girard
Robert Putnam a découvert que plus la diversité dans une communauté est grande, moins les gens votent et moins ils donnent à des associations caritatives et travaillent à des projets communautaires. (…) Dans une étude récente, Glaeser et son collègue Alberto Alesina ont démontré qu’à peu près la moitié de la différence dans les dépenses sociales entre les Etats-Unis et l’Europe — l’Europe dépense bien plus — peut être attribuée à la diversité ethnique plus grande de la population américaine. Michael Jonas
Les Suisses n’ont pas voté pour l’interdiction des mosquées, ni pour l’interdiction de l’islam. Ils ont uniquement voté pour la “discrétion” de l’islam. (…)[ils] n’ont pas raisonné en islamologues mais ils ont obéi au bon sens et exprimé ce qu’ils ressentaient. (…) ce qui est refusé, c’est une manifestation trop visible, trop triomphaliste de l’islam. En fait, ce vote traduit, de leur part, le refus de tout signe qui tend à rompre l’uniformité qu’ils jugent être de bon goût, surtout si ce signe appartient à une culture qui n’est pas la leur. Anne-Marie Delcambre
Et si la raison de cette honteuse préférence (autre nom de la discrimination) était que des années d’Act’Up (entre autres) ont ancré dans la tête du bon peuple l’idée que le sida c’est la maladie des homos et des toxicos ? Peut-être la France profonde des foules sentimentales qui donne librement et anonymement préfère-t-elle aider les rares enfants myopathes que les baiseurs qui ne mettent pas de capote et les drogués qui font tourner leur seringue. Cyril Bennasar
Si je veux voir la Mosquée bleue, je pousse jusqu’en Turquie car j’aime que les choses soient bien rangées. Je suis donc heureux que les paysages suisses soient encore dessinés par les Suisses. Cyril Bennasar

Les homos dans leurs chambres, les Helvètes dans leurs banques et leurs alpages, les Anglais dans leurs chapeaux melons-bottes de cuir, les Belges dans leurs frites-moules, la Mosquée bleue en Turquie …

Pour ceux qui, entre deux distributions de capotes réelles ou sur affiches murales (ou, jusque dans les écoles de nos enfants,… sur des dessous de table!), continuent à avoir du mal à distinguer campagne de lutte contre le sida et promotion de l’homosexualité …

Ou à comprendre pourquoi, au nom de l’intérêt supérieur des amis de Pierre Bergé, la liberté et la générosité des gens devraient nécessairement être kolkhozées …

Ou encore à saisir pourquoi une population n’aurait pas son mot à dire face à, si l’on en croit certains dirigeants musulmans, des « mosquées-casernes », des « minarets-baïonnettes », des « dômes-casques » ou des « croyants-soldats » …

Cette éclairante tribune, sur le site Causeur, qui, contre nos élites généralement protégées des effets réels de leurs idées généreuses et qui ont beau jeu de pointer les limites de l’expression populaire (et les Hitler et les Vichy qu’elle peut aussi effectivement produire à l’occasion), a le mérite, sur le mode humoristique de la défense de la couleur locale et du chacun chez soi, de montrer, y compris dans une société démocratique, les tout aussi réelles limites du relativisme culturel à tout va …

Salauds de peuples
Homophobes en France, islamophobes en Suisse. Changeons-les !
Cyril Bennasar
Causeur
le 02 décembre 2009

Ces temps-ci, le peuple a les oreilles qui sifflent. Si l’actualité s’acharne souvent sur quelques éléments perturbateurs, aujourd’hui c’est toute la classe qu’on réprimande. Malgré les moyens impressionnants mis en œuvre pour son éducation, on ne peut pas dire que le peuple se montre à la hauteur de la démocratie qu’on lui offre. Quand il donne, il se montre homophobe et quand il vote, il se révèle raciste.

Pierre Bergé l’a dit, c’est un scandale, c’est du populisme. Il y a de quoi être en colère. Par l’effet d’un racolage facile, le Téléthon rapporte dix fois plus que le Sidaction. Populisme ? Et si la raison de cette honteuse préférence (autre nom de la discrimination) était que des années d’Act’Up (entre autres) ont ancré dans la tête du bon peuple l’idée que le sida c’est la maladie des homos et des toxicos ? Peut-être la France profonde des foules sentimentales qui donne librement et anonymement préfère-t-elle aider les rares enfants myopathes que les baiseurs qui ne mettent pas de capote et les drogués qui font tourner leur seringue. Les familles modèle « papa-maman » qui fournissent la plus grande partie des dons se laissent plus facilement émouvoir par des enfants en fauteuils roulants avec leur nounours que par deux mecs qui se roulent une pelle. Et pour les responsables du Sidaction, c’est un problème.

Je suis passé récemment dans la rue devant un stand de l’association AIDES. Des jeunes gens faisaient appel à la générosité des passants et sur les murs de leur cabane, on pouvait voir ou plutôt on ne pouvait pas ne pas voir une affiche représentant deux hommes nus, beaux comme des footballeurs, allongés l’un sur l’autre, tendrement enlacés. Je dois l’avouer, j’aime le sexe entre les sexes mais ce spectacle-là, je préfère ne pas le voir. Je sais, c’est une phobie, quand j’aurai le temps, j’irai me faire soigner, en attendant je détourne le regard. La liberté règne pour tous dans les chambres à coucher et je m’en réjouis. Ce que je fais dans l’intimité avec mon amoureuse en dégoûte peut être certains et certaines et je le comprends. Voilà pourquoi, si j’avais besoin de faire appel à la générosité publique, à part pour des dons de vêtements, j’éviterais de m’afficher dans la rue, nu et en train de baiser.

Après des années de lutte contre le sida, on fait encore appel à notre générosité en nous montrant des hommes en pleins préliminaires. Au point qu’on finit par avoir l’impression qu’il s’agit de campagnes jumelées de lutte contre la maladie et de promotion de l’homosexualité. Après des années de luttes agressives, de distributions de capotes jusque devant les églises, d’invectives et d’accusation de non-assistance à personnes en danger, le plouc père de famille en province, vexé comme un imam à qui on refuse un minaret, ne donne pas assez pour le Sidaction. Quand on l’interpelle à travers sa télé, il fait comme moi l’autre jour, il détourne le regard. Et Pierre Bergé s’en étonne ?

L’Etat finance 70 % de la recherche médicale et les dons privés, 30%. Les deux tiers des sommes sont donc affectées selon les besoins de la recherche sur décisions ministérielles disons, réfléchies et responsables. Pour le tiers restant c’est le cœur des foules qui parle et pour Pierre Bergé, il ne bat pas assez pour les malades du sida.

Deux tiers de solidarité imposée, un tiers librement consentie mais ce tiers-là est encore de trop. Cruelle réalité mais qui n’est pas de taille à arrêter un progressiste. Ecartons le peuple ! La liberté de choix des donateurs produit de la discrimination. Supprimons la ! La solution est simple, il faut mutualiser. Un pot commun à tous les dons et puis quoi ? Un komintern qui redistribue ? Pierre Bergé nous a confié qu’il était myopathe, il est aussi allergique au populisme et socialiste et ce n’est pas le moindre de ses handicaps.

Mais nous, Français, ne sommes pas les plus à blâmer pour nos choix malheureux. Malgré les consignes pourtant claires venues des plus hautes sphères de la société, dimanche en Suisse, ce sont, selon les commentateurs, les plus bas instincts qui ont parlés. Le plus coupable étant ce parti à l’initiative du référendum qui les a réveillés. Les voix s’élèvent partout pour coller à l’UDC l’étiquette infamante de droite populiste.

Doit-on comprendre que les partis responsables, honorables et dignes de gouverner car purs de tout populisme, sont ceux qui montrent la voie, guident le peuple sur le chemin du progrès et des valeurs morales mais décident à sa place, à son insu ou contre son gré ? Doit-on en déduire qu’à l’inverse, les partis populistes sont ceux qui se contentent d’écouter les demandes, de donner la parole et de se soumettre aux résultats ?

Je ne reviendrai pas ici sur le symbole à peine voilé que représente le minaret. Il est habituel qu’en pays conquis ou sur une terre vierge, on érige un étendard mais les musulmans suisses sont allés un peu vite en besogne car il y a dans ces montagnes des gens qui ont autant envie de laisser l’islam dépasser les toits et les bornes que de tomber dans une crevasse. Et ces Suisses-là font mentir ce cher Philippe Muray : ils ne sont pas les plus morts.

J’en suis heureux d’abord pour la Suisse et pour l’Europe mais aussi égoïstement pour le touriste français que je suis. Quand je voyage, ce que j’aime, ce sont les frontières, l’exotisme, le typique. Si je vais faire un tour chez les Helvètes, je veux voir des banques, des alpages et avec de la chance, l’edelweiss ou même Heidi mais pas de minarets. En Angleterre, je veux des chapeaux melons même sur les musulmans et des bottes de cuir sur les filles, pas des burqas et en Belgique, des frites et des moules, pas des madrasas. Si je veux voir la Mosquée bleue, je pousse jusqu’en Turquie car j’aime que les choses soient bien rangées. Je suis donc heureux que les paysages suisses soient encore dessinés par les Suisses. Enfin ceux qui sont victimes des sirènes du populisme.

Un torrent d’insultes et de mépris international a déjà salué ce vote salutaire, les Verts parlent de le remettre en cause en appelant l’Europe à l’aide. Le monde somme les Suisses d’avoir honte, les élites leur répètent que la démocratie ce n’est pas fait pour ça. Sur France inter, Jean-Marc Four déclare sans rire : « Le résultat de ce vote est une insulte à la démocratie directe. » Je me demande si ce genre d’âneries fait sursauter beaucoup de monde.

Dans les démocraties où on hésite à soumettre au référendum les questions les plus préoccupantes, la majorité silencieuse a souvent le sentiment de vivre sous le règne du « Cause toujours ». Je conseille à nos amis suisses les plus populistes de répondre aux réprobations de l’élite internationale par un silencieux et déterminé : « Cause toujours ! »

Voir aussi:

Faut-il interdire les minarets
Anne-Marie Delcambre, docteur d’Etat en droit, docteur en islamologie.
Valeurs actuelles
le 10/12/2009

La question semble au premier abord étrange. Aurait-on l’idée de poser la question: faut-il interdire les clochers? Pourtant, il fut un temps, en France,au début du XXe siècle, où le Conseil d’État exigeait que les clochers demeurassent muets et, pour ce faire, cette juridiction suprême dans l’ordre administratif ne craignait pas, dans des arrêts célèbres, d’interdire que les cloches se mettent à carillonner, ceci au nom de la neutralité qu’exige la laïcité. Cette façon stricte de comprendre la laïcité semble aujourd’hui avoir totalement disparu dans la plupart des pays européens. C’est particulièrement regrettable car, alors que l’on assiste à un affaiblissement, voire à une totale absence du prosélytisme religieux dans les religions installées en Europe depuis longtemps, l’islam, lui, se présente avec un désir de conquérir du terrain et de s’imposer. La construction de mosquées est, pour la loi islamique (charia), une façon de rendre “musulman” le sol sur lequel elles sont construites car, pour le croyant musulman, la terre entière appartient à Allah.

Mais les minarets sont-ils vraiment comparables aux clochers ? Il semble que le symbolisme architectural ne soit pas du tout le même, sinon comment expliquer que le premier ministre turc, Recep Erdogan, ait jugé bon d’écrire: « Les mosquées sont nos casernes, les minarets nos baïonnettes, les dômes sont nos casques, les croyants sont nos soldats »?

Or, rappelons-le, les Suisses n’ont pas voté pour l’interdiction des mosquées, ni pour l’interdiction de l’islam. Ils ont uniquement voté pour la “discrétion” de l’islam. Des mosquées, oui, mais sans minarets.Mais où est donc le problème? Si le minaret n’est qu’un élément architectural de pure décoration et superflu, alors pourquoi cette levée de boucliers dans tout le monde musulman?

Seulement, pour l’islamologue que je suis comme pour les savants de l’islam, le minaret est tout autre chose qu’un simple ajout dans l’architecture de la mosquée. C’est la manifestation visible et triomphante de l’islam, religion qui estime être la dernière et la seule vraie religion.« La seule religion, aux yeux d’Allah (dieu des musulmans), c’est l’islam », dit le Coran (sourate 3, « La famille d’Imran », verset 19 « Inna ad-dîna ‘inda Allahi al-islâmu »). Et ce n’est pas un hasard si, dans le droit musulman (fiqh) (qui est la jurisprudence de la loi islamique – charia), il est interdit que les églises dépassent en hauteur les mosquées. Elles doivent rester modestes et discrètes.

Alors, c’est vrai, les Suisses n’ont pas raisonné en islamologues mais ils ont obéi au bon sens et exprimé ce qu’ils ressentaient.Pour ces tenants de la modération, de la retenue et du calme, ce qui est refusé, c’est une manifestation trop visible, trop triomphaliste de l’islam. En fait, ce vote traduit, de leur part, le refus de tout signe qui tend à rompre l’uniformité qu’ils jugent être de bon goût, surtout si ce signe appartient à une culture qui n’est pas la leur.

Le vote pour interdire les minarets sera peutêtre annulé mais il aura marqué, comme le fait remarquer l’islamologue américain Daniel Pipes (http://www.danielpipes.org/blog/2009/ 11/swiss-ban-minarets), un tournant décisif, aussi important que l’affaire Rushdie il y a vingt ans.

Le véritable raz de marée provoqué par ce vote suisse montre que, d’une certaine façon, toutes les digues de protection soigneusement érigées par les élites pour faire accepter une visibilité toujours plus grande d’une religion qui n’est pourtant pas encore la religion majoritaire, tous ces barrages ont volé en éclats. Le ras-le-bol ressenti par beaucoup de nonmusulmans nourris de laïcité et habitués aux luttes contre le pouvoir des religions, devant une islamisation croissante, s’est exprimé massivement dans ce vote.

Et,paradoxalement,ce peuple suisse,tranquille, ne cherchant pas à faire parler de lui, restera dans l’Histoire comme celui qui a osé dire halte à la progression des revendications islamiques ou islamistes, jamais freinées par des dirigeants frileux et insensibles à la résistance de ceux qui sont avides de stricte laïcité républicaine.Et puis, oser critiquer ce vote qui s’est déroulé selon la procédure régulière des votations, c’est critiquer le choix d’un peuple souverain. C’est penser que ce choix populaire n’est respectable que lorsqu’il va dans le sens exigé par les élites. C’est donc manifester le plus profond mépris pour la volonté du peuple. En d’autres termes, c’est imposer un vote politiquement correct et mettre, en quelque sorte, la démocratie sous tutelle.

Dernier ouvrage paru :
Mahomet, la parole d’Allah, Gallimard, coll. “Découvertes”, 160 pages, 14,50 €.


Histoire: Thomas Platter ou l’invention du tourisme culturel (Travel writing: The other Platters)

24 juillet, 2007
Thomas PlatterLes pèlerins avaient des guides, des agences de logement et de voyage, toute une gamme de petits souvenirs bon marché et presque toute la panoplie du tourisme actuel. Feifer (1985)
A cette cause, le commerce des hommes y est merveilleusement propre et la visite des pays estrangers, non pour en rappeler seulement, à la mode de nostre noblesse Françoise, combien de pas a Sanata Rotonda, ou la richesse des calessons de la Signora Livia, comme d’autres, combien le visage de Néron, de quelque vieille ruyne de là, est plus long ou plus large que celuy de quelque pareille medaille, mais pour en rapporter principalement les humeurs de ces nations et leurs façons, et pour frotter et limer notre cervelle contre celle d’autruy. Je voudrois qu’on commençast à le promener dès sa plus tendre enfance, et premierement, pour faire d’une pierre deux coups, par les nations voisines où le langage est le plus esloigné du nostre, et auquel, si vous ne la formez pas de bon’heure, la langue ne peut se plier. Montaigne (Essais I, XXV, 1580)
Il ne manque pas de signaler l’épitaphe d’un personnage mort ‘en prenant ses ébats sur le corps d’une demoiselle’, ajoutant ‘qu’on ne va pas en paradis par ce trou-là’. Jacques Duquesne

Pour ceux qui, comme moi, en étaient restés à « Only you » …

En cette saison privilégiée du voyage et pour ceux qui ne connaitraient que le célèbre groupe de pré-rock américain des années 50 et leur inoubliable slow …

Ou se demanderaient comment un aussi petit pays que la Suisse peut avoir autant de voyageurs partout …

Retour, avant même le Grand Tour anglais dont nous avons tout récemment parlé, sur l’un des grands ancêtres du voyage éducatif et véritable inventeur du tourisme culturel (cette forme sécularisée du pèlerinage traditionnel): le Suisse Thomas Platter.

Moins connu (du moins, manque de traductions oblige, en France – au point que le Figaro lui attribue la nationalité… anglaise!) que son illustre humaniste de père du même nom (l’ancien berger devenu, via son amitié avec le grand Réformateur et humaniste Zwingli, imprimeur puis professeur et notable) ou que son frère anatomiste et botaniste Félix (dont Montaigne lui-même vint voir les fameuses collections), le médecin bâlois (1574–1628) fait pourtant partie, comme le rappelle le grand historien du Collège de France Emmanuel Le Roy Ladurie qui a consacré toute une série d’ouvrages à la célèbre dynastie bâloise, (Le Siècle des Platter, 1599-1628, t. I, Le Mendiant et le Professeur, 1995), et t. II, Le Voyage de Thomas Platter, 1595-1599, 2000), des monuments de la culture française comme européenne, à l’époque de la Renaissance et du baroque.

Tout simplement parce que c’est en France qu’il commença ses pérégrinations à l’occasion de ses études de médecine (avec son frère) à Montpellier.

Et qu’il parcourut une bonne partie de l’Europe, des Pays-Bas (l’actuelle Belgique en fait) à l’Angleterre, où il assista notamment à l’une des premières représentations d’une pièce de Shakespeare dans son nouveau théâtre du Globe.

Mais aussi pour son précieux regard sur la société européenne de l’époque et notamment sur les mystères, pour le protestant éclairé qu’il était, de cette Europe encore sous le joug du papisme et de la Contre-Réforme (avec ses reliquats païens comme le si exotique culte des reliques ou les combats de coqs ou, comme Montaigne plus tard,… les circoncisions juives!) ou de la monarchie et sa terrifiante panoplie de châtiments mais aussi ses premières grandes entreprises industrielles (salines, moulins, arsenaux des galères, gigantesques ardoisières).

Thomas Platter (…) voyage pour achever sa formation intellectuelle, conformément au modèle du voyage éducatif théorisé par l’humanisme, notamment dans les régions réformées d’Allemagne et de Suisse.

Le journal de voyage de Thomas Platter marque un moment capital de l’histoire de la civilisation occidentale, celui de l’invention du tourisme culturel. Car c’est bien de cela qu’il s’agit : apprendre sur le mode empirique le monde, sa diversité et son histoire, grâce au vécu quotidien du voyage, à l’observation des individus, des moeurs, de la civilisation, et à la visite systématique des monuments et des oeuvres d’art. Tel est l’objectif proposé par l’humanisme à tout jeune homme soucieux de parfaire son instruction et son éducation.

Platter est le parfait touriste du voyage culturel. (…) Dans sa version humaniste, la civilisation chrétienne a inventé dans la seconde moitié du XVIe siècle le voyage instructif comme élément indispensable d’une éducation accomplie.

Mémoires d’un touriste
Jean-Louis HAROUEL
Le Figaro Littéraire
Le 22 juin 2006,
Au temps où les voyages culturels formaient la jeunesse, l’humaniste anglais [???] fit le tour de l’Europe. Un tableau incomparable de la civilisation au début du XVIIe siècle.

Heureux pays, l’Angleterre de 1599 n’avait pas de loups, tandis qu’en France ils décimaient les troupeaux et dévoraient fréquemment les gens. Le confort des coches assurant chaque jour un service régulier au départ de Paris vers de nombreuses grandes villes françaises faisait l’admiration des étrangers. Le trajet de Bruxelles à Anvers s’effectuait grâce à un canal où circulaient de jour comme de nuit des bateaux pouvant accueillir 400 passagers confortablement assis dans une salle vaste comme une église, et qu’un seul cheval suffisait à tirer. La grande route de Paris à Orléans était, par sa largeur, la qualité de son pavement et l’intensité de sa fréquentation, un axe routier sans rival en France. Telles sont quelques-unes des innombrables notations concrètes d’un jeune voyageur suisse qui a parcouru entre 1595 et 1600 divers pays de l’Europe occidentale.

Fils d’un humaniste bâlois réputé, Thomas Platter commence son tour d’Europe à 21 ans, après des études de médecine à Montpellier, haut lieu de la modernité médicale. Il voyage pour achever sa formation intellectuelle, conformément au modèle du voyage éducatif théorisé par l’humanisme, notamment dans les régions réformées d’Allemagne et de Suisse. Et, comme le prescrivent les doctrinaires humanistes, il va rédiger un récit méthodique et précis de ses pérégrinations, illustré de remarquables croquis. La traduction de ce document d’un intérêt historique exceptionnel le rend enfin accessible au public français. Constituant le troisième élément d’un ensemble, le présent ouvrage se lit de manière indépendante des deux volumes précédents, tout en donnant à ceux qui ne les connaissent pas encore le désir de s’y plonger.

Le journal de voyage de Thomas Platter marque un moment capital de l’histoire de la civilisation occidentale, celui de l’invention du tourisme culturel. Car c’est bien de cela qu’il s’agit : apprendre sur le mode empirique le monde, sa diversité et son histoire, grâce au vécu quotidien du voyage, à l’observation des individus, des moeurs, de la civilisation, et à la visite systématique des monuments et des oeuvres d’art. Tel est l’objectif proposé par l’humanisme à tout jeune homme soucieux de parfaire son instruction et son éducation.

Regard bienveillant d’un protestant

Certes, les musées n’existaient pas encore, mais les trésors des collections royales et princières, qu’on pouvait visiter moyennant autorisation et distribution de pourboires, en étaient la préfiguration, et en furent d’ailleurs historiquement l’amorce. Et puis il y avait les richesses des églises. Le protestant Thomas Platter n’en manque pas une seule. Bien que ne croyant aucunement en leur pouvoir miraculeux, il visite systématiquement les reliques, collationne les récits mythiques de fondation des sanctuaires et des villes, note les récits pieux des actions fabuleuses des saints locaux, décrit les tableaux et les statues, retranscrit scrupuleusement les inscriptions funéraires. Le zwinglien Platter consacre une grande partie de son temps à l’étude ethnographique et artistique des monuments et du culte catholiques.

Il porte sur eux un regard objectif et même a priori bienveillant, correspondant à une curiosité sécularisée, mue par une ambition scientifique, et étayée sur des lectures documentées. Il veut voir, savoir, comprendre. Son attitude n’est jamais critique : il observe, visite, décrit, accumule les informations. Et sa curiosité s’étend à tous les aspects des lieux visités : habitat, architecture, urbanisme, costume, mode de vie, cérémonies officielles, commerce, agriculture, industrie, formes de sociabilité, etc. Bref, Platter est le parfait touriste du voyage culturel. Et, là où le touriste actuel multiplie les photographies, il fait des croquis très évocateurs de personnages, de décors, de costumes, qui sont pour nous de précieux témoignages.

Dans sa version humaniste, la civilisation chrétienne a inventé dans la seconde moitié du XVI e siècle le voyage instructif comme élément indispensable d’une éducation accomplie. Le récit de Thomas Platter en est un magnifique exemple. Et il nous offre du même coup un matériau historique extraordinaire, un tableau incomparable de l’Europe vers 1600, une description précise, concrète et vivante, dont certains passages se lisent comme un roman.

L’Europe de Thomas Platter France, Angleterre, Pays-Bas : 1599-1600 (Le siècle des Platter III) présenté par Emmanuel Le Roy Ladurie (texte traduit par E. Le Roy Ladurie et F.-D. Liechtenhan) Fayard, 637 p., 28 €.

Voir aussi:

Tel Platter, tel fils
Michel Crépu
L’Express du 06/07/2000
Emmanuel Le Roy Ladurie suit une famille de protestants suisses sur plusieurs générations. Comme son père, Thomas II visite la France. Mais celle d’Henri IV

Tel fut le père, tel sera le fils. Thomas Ier, Thomas II, depuis Bâle la paisible vers le Sud français, Montpellier, Uzès, Avignon, Marseille, et même une petite pointe espagnole… Nous connaissions Platter dit le Vieux, narrateur du premier volume de cette «série» qui pourrait – idéalement… – en compter cinq. Nous avions assisté à l’irrésistible ascension de cet ancien berger devenu imprimeur, professeur, notable en vue dans sa propre cité. Un demi-siècle plus tard, son fils entreprend lui aussi un voyage à l’identique.

Etudiant en médecine à Montpellier, Thomas II n’a pas les yeux dans sa poche, il est le pur produit d’une culture protestante éclairée, «érasmienne», éprise de tolérance, d’intelligence des formes diverses de ce que l’on appellerait aujourd’hui le «social». C’est un plaisir d’observer ce huguenot pudique «mater» à son tour les jolies Marseillaises, «joyeuses et pétulantes» quoique souvent privées de leur époux. Bon marcheur, ne craignant pas d’embarquer sur les eaux parfois mouvementées du Rhône, Thomas fréquente les bonnes auberges, quand il ne se livre pas au descriptif minutieux des installations militaires, des mœurs commerciales d’une société française goûtant le repos à la mode d’Henri IV.

Pour le lecteur du XXIe siècle, ces pages saisissantes de réalisme montrent un homme posé, curieux, ouvert. Si les papistes lui font l’effet d’une tribu exotique au tralala sophistiqué, il ne témoigne d’aucune hostilité à leur égard. Il n’en est pas, voilà tout. Le choc est plus vif dans l’Espagne à fraise où veille l’œil de la Sainte Inquisition: on ne peut pas demander l’impossible à un fils d’Erasme. Mais même là, sur la route de Barcelone propre comme «un jeu de paume», notre homme est heureux de goûter à l’inconnu. Et l’on se prend d’amitié pour cet homme mort il y a quatre siècles, aux étonnements ingénus, d’une troublante fraternité.

Voir également:

Souvenirs d’un Européen
Jacques Duquesne
L’Express du 16/02/2006

C’est à la fin du XVIe siècle que l’on retrouve le benjamin des Platter. Du Val de Loire aux Pays-Bas, en passant par l’Angleterre, le voyage se poursuit

Les Platter reviennent tous les cinq ans. Voilà une bonne dizaine d’années, Emmanuel Le Roy Ladurie avait conté l’ascension sociale prodigieuse de l’humaniste bâlois Thomas, au XVIe siècle, et en 2000 il publia le journal de son fils, qui voyagea surtout en France du Sud et en Savoie. Voici aujourd’hui la France du Nord, mais aussi l’Angleterre et les Pays-Bas, visités par cet autre Thomas, le plus jeune, un étonnant garçon, auteur d’un récit passionnant qui est aussi un document d’histoire.

Un encyclopédiste qui écrit bien…
Car rien n’échappe à ce troisième Platter, apprenti médecin, protestant qui se passionne pour les catholiques (à Paris, il visite des dizaines d’églises, mais pas un seul temple), géographe qui mesure les distances entre chaque ville, économiste qui décrit les premières aventures industrielles et juriste avisé qui s’intéresse au fonctionnement des monarchies. Bref, c’est un encyclopédiste. Mais qui écrit bien. Et qui a beaucoup d’humour: il ne manque pas de signaler l’épitaphe d’un personnage mort «en prenant ses ébats sur le corps d’une demoiselle», ajoutant «qu’on ne va pas en paradis par ce trou-là».

C’est un monde rude qu’il décrit. A Paris, à Londres, dans les petites bourgades également, mendiants et prostituées abondent; le spectacle est presque quotidien, dans les capitales, de malfaiteurs décapités ou pendus. Reste que le vin est bon, que, même à Louvain, les raisins sont excellents, que les femmes sont belles (surtout à Valenciennes, «parmi toutes celles des Pays-Bas» …) et les paysages joliment décrits, sans que l’on puisse mesurer la part prise par les traducteurs à cette qualité littéraire.

Ceux-ci ont ajouté au texte un utile appareil de notes et Emmanuel Le Roy Ladurie aide à situer ce récit dans son contexte historique. Chaque lecteur dont la région a été traversée par Thomas Platter (du Val de Loire à l’actuelle Belgique, l’Angleterre, avec retour vers Bâle) aura plaisir – et parfois surprise – à découvrir ce qu’elle fut alors.

Voir enfin:

Excerpt from the Diary of Thomas Platter

Platter was a Swiss traveller who came to London in 1599:

This city of London is not only brimful of curiosities but so populous also that one simply cannot walk along the streets for the crowd.

Especially every quarter when the law courts sit in London and they throng from all parts of England for the terms to litigate in numerous matters which have occurred in the interim, for everything is saved up till that time; then there is a slaughtering and a hanging, and from all the prisons (of which there are several scattered about the town where they ask alms of the passers by, and sometimes they collect so much by their begging that they can purchase their freedom) people are taken and tried; when the trial is over, those condemned to the rope are placed on a cart, each one with a rope about his neck, and the hangman drives with them out of the town to the gallows, called Tyburn, almost an hour away from the city; there he fastens them up one after another by the rope and drives the cart off under the gallows, which is not very high off the ground; then the criminals’ friends come and draw them down by their feet, that they may die all the sooner. They are then taken down from the gallows and buried in the neighboring cemetery, where stands a house haunted by such monsters that no one can live in it, and I myself saw it. Rarely does a law day in London in all the four sessions pass without some twenty to thirty persons — both men and women — being gibbeted.

And since the city is very large, open, and populous, watch is kept every night in all the streets, so that misdemeanor shall be punished. Good order is also kept in the city in the matter of prostitution, for which special commissions are set up, and when they meet with a case, they punish the man with imprisonment and fine. The woman is taken to Bridewell, the King’s palace, situated near the river, where the executioner scourges her naked before the populace. And although close watch is kept on them, great swarms of these women haunt the town in the taverns and playhouses.

Ou:

THOMAS PLATTER VISITS LONDON THEATRES, 1599

Thomas Platter was a young Swiss from Basle, who visited London from 18 September to 20 October, 1599. This is fortunate dating, since the Globe was first erected in 1599, and Platter visited it to see Shakespeare’s Julius Caesar. Unfortunately he gives us only a glimpse of the performance, but he does provide some interesting details of the Globe and two other theatres, one of which seems to have been the Curtain. Platter’s discussion of performance practices, the collection of entrance money and the costuming of the actors is of great interest, even though, as with most documentary evidence of the period, it has to be treated with caution.

The transcription of the original German given here is taken from E.K. Chambers, The Elizabethan Stage, II, PP. 364-5. A less literal translation than the one offered here may be found in Peter Razzell, The Journals of Two Travellers in Elizabethan and Early Stuart England: Thomas Platter and Horatio Busino (London, 1995), PP. 166-7.

[On the 21St of September, after the mid-day meal, about two o’clock, I and my company went over the water [i.e. across the Thames] and saw in the house with the thatched roof [in dem streuwinen Dachhaus] the tragedy of the first Emperor Julius Caesar quite aptly performed. At the end of the play according to their custom they danced quite exceedingly finely, two got up in men’s clothing and two in women’s [dancing] wonderfully together.

At another time, not far from our inn in the suburbs, at Bishopsgate according to my memory, again after lunch, I saw a play where they presented different nations with which each time an Englishman struggled over a young woman, and overcame them all, with the exception of the German who won the girl in a struggle, sat down beside her, and drank himself tipsy with his servant, so that the two were both drunk, and the servant threw a shoe at his master’s head, and both fell asleep. In the meantime the Englishman crept into the tent, and carried off the German’s prize, and thus outwitted the German in turn. In conclusion they danced in English and Irish fashion quite skilfully. And so every day at two o’clock in the afternoon in the city of London sometimes two sometimes three plays are given in different places, which compete with each other and those which perform best have the largest number of listeners. The [playing places are so constructed that [the actors] play on a raised scaffold, and everyone can see everything. However there are different areas and galleries where one can sit more comfortably and better, and where one accordingly pays more. Thus whoever wants to stand below pays only one English penny, but if he wishes to sit, he enters through another door where he gives a further penny, but if he wants to sit in the most comfortable place on a cushion, where he will not only see everything but also be seen, he gives at another door a further English penny. And during each play things to eat and drink are brought round among the people, of which one may partake for whatever one cares to pay.

The actors are dressed in a very expensive and splendid fashion, since it is the custom in England when notable lords or knights die they bequeath and leave their servants almost the finest of their clothes which, because it is not fitting for them to wear such clothes, they offer [them] for purchase to the actors for a small sum of money.

How much time they can happily spend each day at the play, everyone knows who has seen them act or perform.]


Nouvelles parutions: Les années Chirac vues par les Suisses

25 avril, 2007

A signaler dans les bacs des librairies …

Et pour fêter le départ, après 12 longues années, de l’actuel squatter et kleptocrate de l’Elysée …

Cette compilation des meilleurs dessins de presse suisses …

Sur la République bananière qu’il nous a laissée …

« La France vue par les Suisses » …

La France vue par les Suisses

BDParadisio

1995-2007: les années Chirac en dessins La France comme les Français ne l’ont jamais vue… ou n’ont jamais voulu la voir ! On voit plus souvent la paille dans l’oeil du voisin que la poutre qu’on a dans le sien, prétend le proverbe. Ce qui est évidemment une légende. Prenons le simple exemple du dessin de presse. Qui mieux qu’un dessinateur français pourra croquer la grandeur et les mérites du peuple français, lumière du monde ? Hum ? Pour ce qui est des petits quintes de toux de la démocratie, des problèmes en banlieue, de la perte d’influence dans les anciennes colonies, du dopage sur le Tour, du coup de boule de Zizou, du coup de mou des 35 heures etc, etc là peut-être vaudrait-il mieux faire appel à un oeil extérieur, celui d’une douzaine de dessinateurs suisses par exemple, qui eux ne se gêneront pas pour dire – avec humour – ce qui va mal en France car comme le dit le proverbe, on voit plus souvent la paille dans l’oeil du voisin etc, etc Compilation des meilleurs dessins de presse suisse consacrés à la France, La France vue par les Suisses est une sorte de grand miroir réfléchissant qui devrait faire cogiter plus d’un français.. et le faire rire aussi!


Gastronomie: Scoop, la fondue ne serait pas savoyarde!

31 mars, 2007

Swiss FondueGonflés, quand même, ces Suisses!

Petite découverte sur l’excellent blog un swiss roll (qui cite le quotidien suisse Le Matin), la fondue ne serait pas… savoyarde!

Et donc en fait pas… italienne – la Savoie étant, on le sait, « italienne » (ou plutôt sarde) avant sa cession à la France (avec Nice) en 1860, même si elle eut un épisode français entre la Révolution et la fin du 1er Empire et que les populations y ont toujours été apparemment largement francophones …?

Pourtant, le « plat national suisse » ne se retrouve-t-il pas dans toute la région et donc à cheval sur les trois pays alpins, à savoir la Suisse, la France (Savoie) et l’Italie (Vallée d’Aoste et Piémont)?

Mais, pire encore, la fondue ne serait pas un plat typique et millénaire de montagnards (qui n’en avait tout simplement pas les moyens) mais (comme pour le beaujolais) le produit d’une vulgaire opération de marketing (destinée aux bourgeois des villes) de l’Union suisse des fromagers des années 30!

En tout cas, les Suisses (ou du moins les Bullois) ont bien de la chance, d’avoir pu écouter une si alléchante conférence avant-hier soir au Musée gruérien de Bulle (la capitale du gruyère) par l’ethnologue Isabelle Raboud-Schüle (« Comment la fondue vint aux Suisses: petite histoire d’un plat national »).

Mais le Centre culturel suisse pourrait peut-être nous la faire venir à Paris ?

Et même en bonus, elle pourrait nous parler de… l’invention du steak-frites ?

Ou plutôt du… couscous?

Et pourquoi pas aussi de ces autres et oubliés maitres à manger du monde que sont nos chers voisins suisses?

Qui, en plus des réformateurs (Zwingli), humanistes (Henri Dunant), théologiens (Hans Küng, Karl Barth), psychologues et pédagogues (Jung, Rorschach, Piaget), diététiciens (Bircher-Benner, le Kellogg suisse), linguistes (Saussure), écrivains (Mme de Stael, Benjamin Constant, Rousseau, Cendrars, Albert Cohen), historiens (Jacob Burckhardt), musiciens (Arthur Honneger), peintres et sculpteurs (Vallotton, Klee, Giacometti, Tinguely), architectes (Le Corbusier), sociologue (Jean Ziegler?), révolutionnaires (Marat?), financiers (Necker), stratèges (Jomini), hôteliers (Ritz), constructeurs automobiles (Chevrolet), cinéastes et acteurs (Godard, Ursula Andres), chanteurs (Stephan Eicher, Henri Dès, Patrick Juvet ?), blogueurs (Monnerat, Mairet, Leupin, Sisyphe, un swissroll), sans parler des innombrables et plus ou moins volontaires résidents ou naturalisés (Calvin, Voltaire, Napoléon III, les Dada, Lénine?, Einstein, Alain Delon, Johnny Halliday?) et des légendaires (Guillaume Tell) …

Nous ont donné et au monde tous ces mots magiques et ces saveurs qui ont bercé les enfances et adolescences de tant d’entre nous, Français (ou de nos parents ou grands-parents, et en tout cas du petit savoyard d’adoption que j’ai été)?

Nestlé (petit nid en allemand – ah ! les fameux tubes de lait condensé), Suchard, Lindt, Cailler, Milka (Milch und Kakao), Toblerone (avec ses petits prismes en forme de Mont Cervin), Nescafé (NEStlé CAFE, lancé par une crise de surpoduction de café brésilien, relancé par les GI’s en 44), Ovomaltine, Ricola et Sugus (bonbons), Rivella (boisson gazeuse), sans parler du célébrissime Birchermuesli et des fameux Bouillons Kub Maggi


La fondue: un coup marketing de 1930!

BULLE (FR) D’où vient la fondue? Qui la mangeait? Depuis quand? L’ethnologue Isabelle Raboud-Schüle brise le mythe
FABIAN MUHIEDDINE
Le Matin
27 mars 2007

Aujourd’hui, on a l’impression que la fondue est aussi vieille que la Suisse. Pour peu, on imaginerait les trois Suisses signataires du pacte de 1291 en train de partager une fondue sur le Grütli… Il n’en est rien, la fondue telle que nous la connaissons aujourd’hui ne date que des années 1930! L’ethnologue Isabelle Raboud-Schüle, valaisanne d’origine, actuellement cheffe du Musée gruérien à Bulle (FR), a planché sur la question. Voici donc la véritable histoire du plat national suisse.

Les origines
Le fait de faire fondre du fromage (on ne parle pas encore de fondue, un mélange de vin de fromage) est une habitude aussi vieille que le fromage. On trouve déjà des traces écrites de cette pratique dans «L’Illiade»!

La plus vielle fondue… est zurichoise!
La trace de la première recette d’un mélange de vin et de fromage en Suisse date de 1699. Et n’en déplaise aux Romands, elle a été écrite par une Zurichoise!Qui a inventé la fondue?
«Personne», insiste Isabelle Raboud-Schüle. Il ne faut pas imaginer une erreur de manipulation qui a conduit à une découverte géniale. Il existait plusieurs recettes qui circulaient et finalement une l’a emporté. C’est comme le mythe des soeurs Tatin, qui troublées par l’arrivée d’un visiteur de dernière minute, auraient confectionné leur tarte à l’envers. En fait, on sait que dans la région beaucoup de gens préparaient les tartes de la sorte.

Un plat de montagnards?
Absolument pas! A l’époque, le fromage gras, comme le gruyère était cher, un vrai produit de luxe qui s’exportait à Lyon ou à Turin… Les montagnards ne pouvaient se permettre de manger ce précieux gagne-pain. La fondue était donc un plat urbain et bourgeois. La fondue est d’abord citée en premier comme neuchâteloise, puis comme vaudoise.

50 grammes par personne!
Aujourd’hui, on calcule une portion de 250 grammes par personne. A l’époque, les livres de cuisine parlaient de 5 fois moins de fromage. Il faut savoir que les recettes compensaient le manque de fromage par des oeufs qui servaient d’ailleurs de liant.

Un coup marketing des années 30
Dans les années de l’entre-deux-guerres, l’Union suisse des fromagers a voulu relancer la consommation des fromages suisses. C’est alors que la recette de la fondue s’est figée. Jusqu’à cette époque, la fondue n’était vraiment connue qu’en Suisse romande. Voire en France. L’association envoyait même carrément à l’armée et au ski club des sets entiers de caquelons à fondue en expliquant aux fourriers que c’est vite fait et que les soldats adorent.

Une affaire d’hommes
Dans beaucoup de familles suisses, c’est l’homme qui prépare la fondue. «C’est comme pour le barbecue ou les grillades, ce n’est pas vraiment de la cuisine, explique l’ethnologue, on est dans un autre registre. Traditionnellement, ça vient peut-être d’un rapport particulier à la gestion du feu.»

Le caquelon
Aujourd’hui, le caquelon est intimement lié à la fondue. Mais à l’époque, cette casserole en terre cuite était simplement l’ustensile de base dans une cuisine. Les premières recettes ne citent pas le caquelon mais indiquent tout naturellement qu’il faut servir chaud. On utilisait des braises en guise de réchaud.

Remuer en formant un huit ou dans le sens contraire des aiguilles d’une montre.
Encore un mythe! « Les livres de cuisine donnent le même genre d’astuces pour la mayonnaise… C’est simplement une façon ingénieuse de transmettre qu’il faut remuer délicatement et sans oublier les bords. »

Fondue et coca-cola
Traditionnellement, avec la fondue, il faut boire du thé ou du vin au risque qu’une boule de fromage se forme dans le ventre. Pourtant, tous les jours, des touristes commandent des cocas dans les stations de ski. «Et personne n’en est jamais mort! C’est simplement une façon de dire, on mange local et donc on boit local!»

Pour les enfants
«Aucun problème! On fera simplement bouillir le vin pour que l’alcool s’évapore et on évitera de rajouter le kirsch.»

Et les étrangers?
«Sans tomber dans le cliché du film «Les faiseurs de Suisses», c’est un passage obligé, un rite initiatique. Quand un Suisse reçoit un étranger, il n’hésite pas à préparer la fondue. Pourtant, il sait que c’est un plat spécial et que beaucoup risquent de ne pas apprécier.»

L’avenir?
Aujourd’hui, on trouve pleins de nouvelles fondues et autres bizarreries: la fondue au chèvre, la portion individuelle à mettre au micro-ondes, la fondue où le pain est remplacé par des légumes… «Toutes ces nouveautés prouvent qu’il s’agit d’une tradition vivante et donc en perpétuel changement. Laissons l’histoire décider de ce qui restera!

Conférence publique
Isabelle Raboud-Schüle donne une conférence «Comment la fondue vint aux Suisses: petite histoire d’un plat national» demain 29 mars à 20h à la grande salle des Halles, Bulle.


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