Virus de Wuhan: Le SARS-CoV-2 a des capacités de mutation hors norme (Guess why the Chinese Army super virus designed in a French laboratory with US funds is so virulent ?)

24 juillet, 2021
COVID lab-leak theory: 'rare' genetic sequence doesn't mean the virus was engineeredCoronavirus : aux origines françaises du laboratoire P4 de Wuhan - Le Parisienhttps://img.buzzfeed.com/buzzfeed-static/static/2020-04/30/13/campaign_images/4409ddeddc8f/past-coronavirus-research-grants-are-being-used-t-2-450-1588254389-6_dblbig.jpg?resize=1200:*Le retour à la normale, c’est peut-être 2022, 2023, mais nous aurons probablement un autre variant qui arrivera dans le courant de l’hiver, car le SARS-CoV-2 a des capacités de mutation hors norme. (…) On aurait pu tout fermer ou tout rouvrir, ça n’aurait rien changé, à cause des particularités du virus Delta. Jean-François Delfraissy (président du Conseil scientifique)
Comme dans toute controverse en science, il faut identifier les points de consensus afin de pouvoir étudier les désaccords. Côté consensus, toute la communauté scientifique reconnaît qu’il existe des Sars coronavirus circulant chez les chauves-souris apparentés au Sars-CoV-2 : ces virus sont des cousins. On trouve une petite dizaine d’entre eux, mais ils sont tous trop distants, génétiquement, pour être le parent direct de l’épidémie. Ces virus circulent majoritairement dans la province du Yunnan, au sud de la Chine, mais également dans des régions limitrophes de la province du Yunnan colonisées par les mêmes espèces de chauves-souris. Il est également établi que l’émergence de cas de pneumonie sévère traduisant la flambée épidémique du virus ont d’abord été détectés dans la ville de Wuhan, début janvier 2020, dans la province du Hubei. Des premiers cas sont décrits en décembre de manière absolument claire et incontestable, ce qui suggère une origine d’épidémie un peu plus précoce – et donc les experts datent le début de l’épidémie entre début septembre et fin octobre 2019. Voilà pour les points d’accord. En revanche, les points de divergence portent sur la succession d’évènements qui ont permis à des virus de chauves-souris d’acquérir, d’une part, la capacité de reconnaître efficacement les récepteurs présents sur les cellules humaines, et d’autre part, la capacité de transmission interhumaine, donc d’homme à homme. On sait que ces deux étapes constituent un goulot d’étranglement important mais, lorsque qu’un virus passe ces barrières successives, il peut alors se propager largement dans les populations humaines, donc devenir éventuellement épidémique ou pandémique. Le débat porte sur les mécanismes ayant permis ce franchissement de la barrière des espèces. Certains l’expliquent par la thèse zoonotique que j’ai évoquée précédemment. Mais d’autres suggèrent que l’épidémie pourrait être liée à la collecte d’échantillons de ces coronavirus dans les grottes du Yunnan où ils circulent. En effet, plusieurs laboratoires chinois travaillaient sur ce virus, afin de comprendre les mécanismes moléculaires permettant à ces derniers des franchissements de la barrière des espèces pour devenir des pathogènes humains. D’où l’hypothèse d’un accident de laboratoire contaminant éventuellement des personnels… et donnant les premiers patients. Cette hypothèse est sous-tendue par plusieurs arguments : d’abord, cette ville concentre les plus gros centres d’étude des coronavirus dans le monde. Par ailleurs, il est paradoxal de voir émerger une épidémie dans une ville de onze millions d’habitants environ, dont les experts chinois sur les coronavirus affirmaient depuis des années que celle-ci, Wuhan, était typiquement une ville où ce type d’émergence zoonotique ne pourrait pas avoir lieu parce qu’il n’y a pas ces contacts indispensables entre espèces sauvages, espèces domestiques et l’homme. (…) [L’hypothèse de l’accident de laboratoire] est basée, entre autres, sur le fait que le virus le plus proche actuellement connu, donc le RaTG13, a été échantillonné par un laboratoire de virologie localisé dans la zone où les premiers cas de Sars-CoV-2 ont été détectés, et où des travaux sur ces coronavirus émergents sont conduits. Des projets de recherche importants visaient à comprendre le mécanisme de franchissement de barrières d’espèces, c’est-à-dire justement à collecter des virus chez les chauves-souris, récolter des échantillons de manière à séquencer ces virus, essayer de mettre en culture ces virus dans des cellules et essayer de comprendre comment ces virus sont potentiellement capables d’infecter des cellules d’autres mammifères, incluant des cellules humaines. (…) Quand on fait de la construction moléculaire, on part évidemment de séquences naturelles dans un premier temps. Une fois qu’on a construit l’existant, on peut éventuellement, modifier une partie du génome ou échanger des morceaux de génome d’un virus avec le génome d’un autre virus, donc faire ce qu’on appelle des chimères – ou virus recombinant – pour essayer de comprendre quelles sont les fonctions spécifiques de tel ou tel fragment de génome, ou comment tel ou tel morceau de génome confère ou ne confère pas la capacité à infecter d’autres types cellulaires. Chez les coronavirus, par exemple, il y a une protéine qui joue un rôle majeur dans le franchissement de la barrière des espèces, c’est la protéine Spike qui est à la surface de la particule virale et donne l’aspect en couronne des virus. Il se trouve que les laboratoires de virologie de Wuhan ont démontré, à partir de 2016, qu’il existe chez certaines chauves-souris des virus avec des protéines Spike potentiellement capables d’infecter directement des cellules humaines sans nécessiter pour autant de passer par des hôtes intermédiaires. C’est ce qui fait qu’aujourd’hui, quand on parle de zoonose, les deux possibilités sont explorées par les scientifiques : soit une infection directe de l’homme par des virus de chauve-souris, qui donnent naissance à l’épidémie, soit une zoonose qui est liée à un mécanisme de débordement via l’infection d’une espèce intermédiaire. (…) Bien sûr, c’est compliqué. De tels travaux ne sont pas à la portée de n’importe quel laboratoire. Cela réclame d’abord de travailler dans des conditions de sécurité suffisantes. Les recommandations européennes sur les coronavirus (Sars-CoV-1 & 2 et Mers-CoV) imposent de travailler en laboratoire de type L3. Mais les méthodologies de modification des génomes avancent à une vitesse tout à fait incroyable, ce qui fait que des expériences qui duraient des mois, il y a encore dix ans, sont réalisables aujourd’hui en moins d’un mois par les laboratoires qui ont l’expertise – d’ailleurs, les autorités chinoises ont publié les premières séquences du Sars-CoV-2 vers le 12 janvier 2020, et un mois plus tard, un laboratoire suisse avait reconstruit un Sars-CoV-2 rigoureusement identique, juste sur la base de ces séquences récupérées dans une base de donnée… (…) Il est crucial, de mon point de vue, de comprendre l’origine de cette pandémie, parce qu’il y a des décisions collectives et mondiales à prendre qui seront complètement différentes si l’origine est zoonotique ou accidentelle. S’il y a eu passage par tel ou tel hôte intermédiaire, il faudra prendre des mesures de surveillance chez les animaux potentiellement infectés, donc potentiellement vecteurs de ces virus, avec à la clef des abattages systématiques, comme c’est le cas régulièrement pour la grippe aviaire. Et s’il s’avère que c’est un accident dû à des manipulations, alors il faut mieux encadrer les conditions expérimentales dans lesquelles sont faites les expériences dont on vient de parler. Par ailleurs, quelle que soit l’origine du virus, avec l’avancée rapide des nouveaux outils de biologie moléculaires, il est peut-être urgent de réfléchir de manière collective aux expériences qu’il est nécessaire de faire dans les laboratoires et à celles qu’il ne faut pas faire parce qu’elles sont trop dangereuses. Est-il raisonnable de construire dans des laboratoires, des virus potentiellement pandémiques chez l’homme qui, au départ, n’existent pas naturellement ? Ce débat éthique existe depuis les années 2010-12, quand des équipes américaines et hollandaises ont cherché à construire des virus de la grippe, potentiellement pandémiques, et cette fois-ci à partir d’un virus qui n’était pas particulièrement adapté à la transmission par aérosol. Le bénéfice qu’on escomptait de ces expériences était-il si important qu’on pouvait s’affranchir du risque de sa diffusion ? Ou, est-ce que, éthiquement, ces travaux devaient être considérés comme trop dangereux et donc interdits ? Voilà ce qui a conduit les États-Unis à décréter à partir de 2014 un moratoire sur ce type d’expérience. Ces arbitrages sont complexes, et il est nécessaire d ’évaluer les risques et les bénéfices potentiels des expériences, afin de définir des limites sans stériliser la recherche. (…) Le cœur du débat est là : les scientifiques sont peu habitués aux limitations a priori de leur domaine de recherche, et encore moins à ce que la société civile scrute leurs travaux. Cette manière de faire change progressivement, car il y a de plus en plus de comités d’éthique – en tout cas, pour tout ce qui concerne le domaine d’expérimentation humain et, désormais, les expérimentations animales. Mais il y a d’autres domaines de la science qui devraient être considérés comme critiques du point de vue éthique, c’est-à-dire dans lesquels on renoncerait éventuellement à la conduite de certaines expériences, ou alors où l’on favoriserait des stratégies alternatives moins dangereuses. Les virus n’ont pas de passeports ! Et donc, la gestion des risques biologiques ne peut plus être envisagée uniquement au niveau national. Cette question doit se traiter de manière internationale, si l’on veut la traiter correctement. Regardez le moratoire américain que j’évoquais : l’une des conséquences de cette nouvelle politique a été l’arrêt des expériences sur les coronavirus par les grands laboratoires sur le territoire américain. Ce qui a conduit, à la place, à l’intensification de ces recherches dans les laboratoires de Wuhan, par exemple, avec des financements américains… notamment, entre autres, via la EcoHealth Alliance ! Paradoxalement, le moratoire américain, qui pourrait être jugé comme une décision limitant les risques biologiques, a donc peut-être eu des effets pervers, en favorisant le déploiement de recherche dans des pays ou le contrôle des risque biologiques est moindre… (…) via l’association que je viens de mentionner. Il y a eu financement d’abord des collectes de virus, pour essayer d’échantillonner davantage les virus présents chez les chauves-souris, entre autres dans le Sud asiatique, mais il y a également eu financement d’expériences visant à être en capacité de cultiver ces virus, en cellules et dans des modèles animaux, pour comprendre les mécanismes de transfert zoonotique et pour essayer concevoir des vaccins permettant de protéger des futures zoonoses. L’intention de telles recherches est donc de prévoir les nouveaux virus potentiellement pandémiques pour mieux s’en prémunir… Sauf que justement, les expériences réalisées comportent des risques potentiels. Quand on réfléchit aux problèmes de pandémies et aux études sur les virus émergents, on ne peut, je le répète, pas envisager la problématique du seul point de vue national ou même continental – il faut nécessairement une vision globale et mondiale. Dans son Destin des maladies infectieuses, le microbiologiste Charles Nicolle écrivait en 1933 que « la connaissance des maladies infectieuses enseigne aux hommes qu’ils sont frères et solidaires. Nous sommes frères parce que le même danger nous menace, solidaires parce que la contagion nous vient le plus souvent de nos semblables. » Cette analyse reste étonnamment d’actualité – et l’avenir ne manquera pas de nous rappeler cette vérité dans le contexte du déploiement des vaccins, avec les variants du Covid-19 qui se multiplient actuellement… Sans une stratégie globale et mondiale, on court après le virus avec des vaccinations éventuellement successives permettant de protéger une partie de la population, alors même que l’autre partie de la population, qui serait incorrectement vaccinée, constituerait finalement un réservoir de nouveaux variants. (…) Évidemment, la surpopulation mondiale a des conséquences… La pression sur les écosystèmes et la densification de la population aussi, avec pour répercussions l’augmentation des élevages d’animaux industriels, sources potentielles également de zoonose. On sait aussi que l’évolution des moyens de transport et de communication favorise la dissémination des épidémies, et nous avons vu la dissémination mondiale du Sars-CoV-2 en quelque mois. Donc l’ensemble de ces facteurs favorise l’intensification des zoonoses et la diffusion des maladies infectieuses nouvelles. On peut agir en régulant mieux les élevages industriels et les voyages internationaux. Mais il est également nécessaire d’interroger les pratiques de la biologie moléculaire moderne, qui nous permet de mieux lutter contres les maladies mais qui comporte, comme on vient de le voir, également des risques biologiques. On peut conclure à ce stade que même si l’origine de l’épidémie n’est pas encore élucidée – et même si l’identification risque de prendre du temps –, nous disposons déjà d’informations importantes sur des mécanismes potentiels d’émergence de pandémies. Il est par conséquent possible, dès aujourd’hui, de limiter ces risques en adaptant nos pratiques. Étienne Decroly

Devinez pourquoi le super virus de l’Armée chinoise conçu dans le laboratoire français de Wuhan et financé par les Américains est si virulent ?

Étienne Decroly : “Est-il raisonnable de construire en laboratoire des virus potentiellement pandémiques chez l’homme qui n’existent pas dans la nature ?”
Étienne Decroly, propos recueillis par Sven Ortoli
Philo mag
13 avril 2021

Pour le virologue spécialiste du VIH, directeur de recherche au CNRS et membre de la Société française de virologie Étienne Decroly, la question de l’origine du Covid-19 n’est pas résolue. Et la thèse de la transmission par les chauves-souris (ou par un hôte intermédiaire, tel que le désormais tristement fameux pangolin) souffre de plusieurs incohérences. Le virus se serait-il bel et bien échappé d’un laboratoire de Wuhan ? Entretien sur un mystère toujours non résolu.

L’Organisation mondiale de la santé a rendu son rapport sur l’origine de la pandémie. Qu’en pensez-vous ? Que dit ce rapport – et que ne dit-il pas ?

Étienne Decroly : C’est une bonne nouvelle qu’un premier rapport soit enfin disponible. En un an de pandémie, l’OMS a pu envoyer une équipe en Chine pour essayer de comprendre ce qui s’est passé et découvrir les origines du virus. 17 experts mandatés par l’OMS ont rejoint 17 experts chinois pour analyser les résultats de l’enquête chinoise. La commission conclut que le mystère reste entier… et suggère que l’origine zoonotique – c’est-à-dire liée à la transmission d’un virus existant dans des espèces animales à l’espèce humaine – est la plus probable. Le virus se serait transmis à l’espèce humaine soit à partir des chauves-souris, qui sont un réservoir important de ces virus, soit en passant par une espèce intermédiaire (chat, lapin, vison, pangolin, civette, etc.). Toutefois, il faut noter que l’échantillonnage massif réalisé par les autorités chinoises n’a pas permis de confirmer cette présomption, ce qui a conduit le directeur de l’OMS à rappeler que toutes les hypothèses restaient sur la table – incluant celle d’un accident de laboratoire – et à proposer de constituer une nouvelle commission dont le pouvoir d’enquête serait élargi. Le processus d’enquête doit donc se poursuivre.

Concernant l’espèce primordiale, on a immédiatement pensé aux chauves-souris ?

L’analyse des émergences précédentes de coronavirus a permis d’identifier les chauves-souris comme un réservoir jouant un rôle clé dans l’origine zoonotique des coronavirus. Dans la nature, des populations importantes de chauves-souris (dont il existe plus de 1 400 espèces) partagent les mêmes grottes, et différentes souches de coronavirus peuvent alors infecter simultanément le même animal, ce qui favorise les recombinaisons génétiques entre virus et décuple les possibilités d’évolution. Certaines souches ainsi générées sont parfois aptes à franchir la barrière des espèces et infectent d’autres espèces animales davantage au contact des population humaines. La transmission ultérieure aux humains est facilitée car ces « hôtes intermédiaires » sont d’une part génétiquement plus proche de l’homme, et d’autre part souvent des animaux d’élevage en contact direct avec les humains. Les virologistes sont capables de comprendre les mécanismes de transmission zoonotique par des analyses « phylogéniques » permettant de reconstruire l’arbre généalogique des virus. En comparant les séquences génomiques d’échantillons viraux de malades infectés par le Sars-CoV-2 [la dénomination officielle du Covid-19] au début de l’épidémie, on a observé un taux d’identité de 99,98 % entre les différents échantillons, ce qui signifiait que le virus avait récemment émergé chez l’humain. On a également constaté que ce génome était à 96 % identique à celui d’un virus de chauve-souris (RaTG13) collecté en 2013 à partir de fèces de l’animal et dont les séquences ne sont connues que depuis le mois de mars 2020. Le virus RaTG13, un cousin du Sars-CoV-2 (mais pas son parent direct) provient d’une mine de la province du Yunnan, où trois mineurs avaient succombé à une pneumonie sévère en 2012. Pour faire bref, le Sars-CoV-2 est génétiquement plus proche de souches virales qui ne se transmettaient jusqu’alors qu’entre chauves-souris. Il ne descend pas de souches humaines connues et n’a acquis que récemment la capacité de sortir de son réservoir animal naturel, donc, en l’occurrence, très probablement de la chauve-souris.

Alors pourquoi est-ce que le rapport n’écarte pas d’autres hypothèses ?

Le rapport évoque en mode mineur la possibilité d’une transmission via de la viande surgelée, infectée on ne sait trop comment, mais qui aurait l’avantage, vu de Chine, d’exonérer l’origine locale. Enfin, il considère l’hypothèse d’un accident de laboratoire comme très improbable. Toutefois, comme mentionné à l’instant, c’est le directeur général de l’OMS lui-même qui a pris le contrepied de la mission OMS-Chine, en déclarant à deux reprises que toutes les hypothèses restaient sur la table, y compris celle d’un virus échappé d’un labo.

Que traduit cette contradiction ?

Elle est le reflet d’une controverse géopolitique, bien sûr, mais également scientifique. Lorsque l’épidémie a émergé, la communauté scientifique a rapidement penché vers l’hypothèse d’une zoonose passant par un intermédiaire animal entre la chauve-souris et l’homme. D’abord, parce qu’aucune épidémie liée à une transmission directe de la chauve-souris à l’homme n’a jamais été démontrée. Ensuite, parce que l’histoire de l’interaction entre l’espèce humaine et les animaux témoigne de nombreux cas de transmissions de virus de certaines espèces animales vers l’espèce humaine en passant par des hôtes intermédiaires – à savoir, des animaux d’élevage ou des animaux sauvages en contact avec les populations. D’où l’hypothèse principale d’une transmission à l’humain via une espèce d’un hôte intermédiaire dans laquelle les virus peuvent évoluer puis être sélectionnés vers des formes susceptibles d’infecter des cellules humaines.

Comment fait-on pour identifier l’hôte et son espèce? 

Habituellement, on analyse les relations phylogénétiques entre le nouveau virus et ceux provenant d’espèces animales vivant dans les régions proches de l’émergence ; cette méthode a permis d’établir que la civette, une sorte de petit félin, a été l’hôte intermédiaire du Sars-CoV en 2002, et que le dromadaire a été celui du Mers-CoV dix ans plus tard en Arabie Saoudite. Il était donc logique de supposer des mécanismes similaires pour le Sars-CoV-2.

Alors, où se situe la controverse que vous évoquiez ?

Comme dans toute controverse en science, il faut identifier les points de consensus afin de pouvoir étudier les désaccords. Côté consensus, toute la communauté scientifique reconnaît qu’il existe des Sars coronavirus circulant chez les chauves-souris apparentés au Sars-CoV-2 : ces virus sont des cousins. On trouve une petite dizaine d’entre eux, mais ils sont tous trop distants, génétiquement, pour être le parent direct de l’épidémie. Ces virus circulent majoritairement dans la province du Yunnan, au sud de la Chine, mais également dans des régions limitrophes de la province du Yunnan colonisées par les mêmes espèces de chauves-souris. Il est également établi que l’émergence de cas de pneumonie sévère traduisant la flambée épidémique du virus ont d’abord été détectés dans la ville de Wuhan, début janvier 2020, dans la province du Hubei. Des premiers cas sont décrits en décembre de manière absolument claire et incontestable, ce qui suggère une origine d’épidémie un peu plus précoce – et donc les experts datent le début de l’épidémie entre début septembre et fin octobre 2019. Voilà pour les points d’accord. En revanche, les points de divergence portent sur la succession d’évènements qui ont permis à des virus de chauves-souris d’acquérir, d’une part, la capacité de reconnaître efficacement les récepteurs présents sur les cellules humaines, et d’autre part, la capacité de transmission interhumaine, donc d’homme à homme. On sait que ces deux étapes constituent un goulot d’étranglement important mais, lorsque qu’un virus passe ces barrières successives, il peut alors se propager largement dans les populations humaines, donc devenir éventuellement épidémique ou pandémique. Le débat porte sur les mécanismes ayant permis ce franchissement de la barrière des espèces. Certains l’expliquent par la thèse zoonotique que j’ai évoquée précédemment. Mais d’autres suggèrent que l’épidémie pourrait être liée à la collecte d’échantillons de ces coronavirus dans les grottes du Yunnan où ils circulent. En effet, plusieurs laboratoires chinois travaillaient sur ce virus, afin de comprendre les mécanismes moléculaires permettant à ces derniers des franchissements de la barrière des espèces pour devenir des pathogènes humains. D’où l’hypothèse d’un accident de laboratoire contaminant éventuellement des personnels… et donnant les premiers patients. Cette hypothèse est sous-tendue par plusieurs arguments : d’abord, cette ville concentre les plus gros centres d’étude des coronavirus dans le monde. Par ailleurs, il est paradoxal de voir émerger une épidémie dans une ville de onze millions d’habitants environ, dont les experts chinois sur les coronavirus affirmaient depuis des années que celle-ci, Wuhan, était typiquement une ville où ce type d’émergence zoonotique ne pourrait pas avoir lieu parce qu’il n’y a pas ces contacts indispensables entre espèces sauvages, espèces domestiques et l’homme.

Y compris sur les marchés ?

Le marché de Wuhan n’est pas un marché où l’on trouve beaucoup d’animaux sauvages. Mais au-delà de ce constat, on a comparé le sérum de personnes habitant à Wuhan avec d’autres dans la province du Yunnan, à 1 500 km de là, pour comparer la présence ou non d’anticorps capables de reconnaître des coronavirus tels que le Sars-CoV-1 [le « premier Sras », soit le syndrome respiratoire aigu sévère de 2002]. Ces études ont montré l’absence d’anticorps contre les Sars-CoV dans les sérums prélevés dans la région de Wuhan – alors que dans la province de Yunnan, on trouve selon les endroits entre 0,6% et 2,7% de sérums positifs. Cette observation indique qu’il y a des franchissements réguliers de la barrière d’espèce dans la province de Yunnan, mais pas à Wuhan. C’est d’ailleurs logique, puisque le Yunnan est une région agricole où les populations sont au contact des animaux sauvages et des chauves-souris. Et pour autant, ces franchissements réguliers de la barrière des espèces ne donnent pas lieu à des épidémies, probablement parce que ces virus ne sont pas adaptés à la transmission interhumaine : c’est le goulot d’étranglement que j’évoquais précédemment. D’où le mystère de cette naissance de l’épidémie à Wuhan puisque, primo, il n’y a pas de chauve-souris porteuses de coronavirus à Wuhan, et secundo, on ne trouve pas l’animal intermédiaire.

Et le pangolin, alors ?

Il est vrai que la découverte dans le génome de coronavirus infectant des pangolins d’une courte séquence génétique apparentée à celle qui permet au Sars-CoV-2 de reconnaître spécifiquement le récepteur ACE2 [l’enzyme de conversion de l’angiotensine 2] afin pénétrer les cellules humaines (mécanisme dit de clé-serrure), a un temps fait penser qu’on tenait un possible hôte intermédiaire… mais le restant de son génome est trop distant du Sars-CoV-2 pour être un ancêtre direct. En effet, le taux d’identité entre les séquences de Sars-CoV-2 et celles issues du pangolin n’atteint que 90,3 %, ce qui est très inférieur aux taux habituellement observés entre les souches infectant l’humain et celles infectant l’hôte intermédiaire. En d’autres termes, le virus parental de l’épidémie pourrait être une sorte de chimère entre le virus de pangolin et les virus proches du RaTG13 présent dans les provinces du sud de la chine. Mais ces virus n’ont pas été identifiés à ce jour. Par ailleurs, il y a des inconsistances géographiques : les échantillons viraux de chauves-souris ont été recueillis dans le Yunnan, à près de 1 500 km de Wuhan, où a éclaté la pandémie, donc. Et des inconsistances écologiques : chauves-souris et pangolins évoluent dans des écosystèmes différents. Et l’on se demande bien à quelle occasion leurs virus auraient pu se recombiner.

Exit le pangolin, donc. D’autres espèces pourraient-elles donc constituer le chaînon manquant ? 

En tout cas, on ne l’a pas identifiée jusqu’ici, malgré un échantillonnage assez important ! Pour vous donner une idée, le rapport de l’OMS évoque environ 80 000 prélèvements faits entre octobre 2019 et février 2020. Sur l’ensemble de ces prélèvements, aucun n’a été positif au Sars-CoV-2. Ce qui, évidemment, questionne l’hypothèse de l’origine zoonotique, parce qu’on s’attendrait à trouver quelques échantillons positifs au Sars-CoV-2 et soutenant cette hypothèse. Or pour l’instant, ce n’est pas le cas. L’absence de preuve n’est pas une preuve, mais cela invite à regarder avec plus d’attention d’autres hypothèses qui, au départ, étaient considérées comme moins favorables.

Dont le passage par de la viande congelée ?

En effet, il y a cette hypothèse dans le rapport de la Commission OMS-Chine, mais il y a peu d’arguments scientifiques « raisonnables » qui la soutiennent, dans la mesure où, à ma connaissance, il n’y a pas d’épidémie documentée de CoV passant par de la viande congelée. Disons qu’elle permet d’expliquer l’énigme d’une épidémie dans une ville de onze millions d’habitants dans laquelle les animaux infectés potentiellement ne sont pas particulièrement présents… Cela suggère que le virus a été « gelé » à un endroit, éventuellement en dehors de la Chine, avant d’être transporté jusqu’à Wuhan. Cette hypothèse est toutefois étayée par le fait qu’au moment où le CoV-2 circulait très largement dans la population humaine en 2020, des traces de CoV-2 ont été retrouvées sur des emballages de viande congelée… C’est une hypothèse politiquement satisfaisante, vue de Chine, mais scientifiquement, nous manquons d’éléments probants.

Reste l’hypothèse d’un accident ?

Cette hypothèse est basée, entre autres, sur le fait que le virus le plus proche actuellement connu, donc le RaTG13, a été échantillonné par un laboratoire de virologie localisé dans la zone où les premiers cas de Sars-CoV-2 ont été détectés, et où des travaux sur ces coronavirus émergents sont conduits. Des projets de recherche importants visaient à comprendre le mécanisme de franchissement de barrières d’espèces, c’est-à-dire justement à collecter des virus chez les chauves-souris, récolter des échantillons de manière à séquencer ces virus, essayer de mettre en culture ces virus dans des cellules et essayer de comprendre comment ces virus sont potentiellement capables d’infecter des cellules d’autres mammifères, incluant des cellules humaines.

On peut en quelque sorte, passez-moi l’expression, bâtir un virus de toutes pièces ?

Quand on fait de la construction moléculaire, on part évidemment de séquences naturelles dans un premier temps. Une fois qu’on a construit l’existant, on peut éventuellement, modifier une partie du génome ou échanger des morceaux de génome d’un virus avec le génome d’un autre virus, donc faire ce qu’on appelle des chimères – ou virus recombinant – pour essayer de comprendre quelles sont les fonctions spécifiques de tel ou tel fragment de génome, ou comment tel ou tel morceau de génome confère ou ne confère pas la capacité à infecter d’autres types cellulaires. Chez les coronavirus, par exemple, il y a une protéine qui joue un rôle majeur dans le franchissement de la barrière des espèces, c’est la protéine Spike qui est à la surface de la particule virale et donne l’aspect en couronne des virus. Il se trouve que les laboratoires de virologie de Wuhan ont démontré, à partir de 2016, qu’il existe chez certaines chauves-souris des virus avec des protéines Spike potentiellement capables d’infecter directement des cellules humaines sans nécessiter pour autant de passer par des hôtes intermédiaires. C’est ce qui fait qu’aujourd’hui, quand on parle de zoonose, les deux possibilités sont explorées par les scientifiques : soit une infection directe de l’homme par des virus de chauve-souris, qui donnent naissance à l’épidémie, soit une zoonose qui est liée à un mécanisme de débordement via l’infection d’une espèce intermédiaire.

C’est compliqué, en labo, de transformer un virus pour qu’il puisse franchir des barrières ?

Oui, bien sûr, c’est compliqué. De tels travaux ne sont pas à la portée de n’importe quel laboratoire. Cela réclame d’abord de travailler dans des conditions de sécurité suffisantes. Les recommandations européennes sur les coronavirus (Sars-CoV-1 & 2 et Mers-CoV) imposent de travailler en laboratoire de type L3. Mais les méthodologies de modification des génomes avancent à une vitesse tout à fait incroyable, ce qui fait que des expériences qui duraient des mois, il y a encore dix ans, sont réalisables aujourd’hui en moins d’un mois par les laboratoires qui ont l’expertise – d’ailleurs, les autorités chinoises ont publié les premières séquences du Sars-CoV-2 vers le 12 janvier 2020, et un mois plus tard, un laboratoire suisse avait reconstruit un Sars-CoV-2 rigoureusement identique, juste sur la base de ces séquences récupérées dans une base de donnée…

Est-ce si important de déterminer l’origine du virus ?

Il est crucial, de mon point de vue, de comprendre l’origine de cette pandémie, parce qu’il y a des décisions collectives et mondiales à prendre qui seront complètement différentes si l’origine est zoonotique ou accidentelle. S’il y a eu passage par tel ou tel hôte intermédiaire, il faudra prendre des mesures de surveillance chez les animaux potentiellement infectés, donc potentiellement vecteurs de ces virus, avec à la clef des abattages systématiques, comme c’est le cas régulièrement pour la grippe aviaire. Et s’il s’avère que c’est un accident dû à des manipulations, alors il faut mieux encadrer les conditions expérimentales dans lesquelles sont faites les expériences dont on vient de parler. Par ailleurs, quelle que soit l’origine du virus, avec l’avancée rapide des nouveaux outils de biologie moléculaires, il est peut-être urgent de réfléchir de manière collective aux expériences qu’il est nécessaire de faire dans les laboratoires et à celles qu’il ne faut pas faire parce qu’elles sont trop dangereuses. Est-il raisonnable de construire dans des laboratoires, des virus potentiellement pandémiques chez l’homme qui, au départ, n’existent pas naturellement ? Ce débat éthique existe depuis les années 2010-12, quand des équipes américaines et hollandaises ont cherché à construire des virus de la grippe, potentiellement pandémiques, et cette fois-ci à partir d’un virus qui n’était pas particulièrement adapté à la transmission par aérosol. Le bénéfice qu’on escomptait de ces expériences était-il si important qu’on pouvait s’affranchir du risque de sa diffusion ? Ou, est-ce que, éthiquement, ces travaux devaient être considérés comme trop dangereux et donc interdits ? Voilà ce qui a conduit les États-Unis à décréter à partir de 2014 un moratoire sur ce type d’expérience. Ces arbitrages sont complexes, et il est nécessaire d ’évaluer les risques et les bénéfices potentiels des expériences, afin de définir des limites sans stériliser la recherche.

D’où la nécessité d’une autorité transnationale ?

Le cœur du débat est là : les scientifiques sont peu habitués aux limitations a priori de leur domaine de recherche, et encore moins à ce que la société civile scrute leurs travaux. Cette manière de faire change progressivement, car il y a de plus en plus de comités d’éthique – en tout cas, pour tout ce qui concerne le domaine d’expérimentation humain et, désormais, les expérimentations animales. Mais il y a d’autres domaines de la science qui devraient être considérés comme critiques du point de vue éthique, c’est-à-dire dans lesquels on renoncerait éventuellement à la conduite de certaines expériences, ou alors où l’on favoriserait des stratégies alternatives moins dangereuses. Les virus n’ont pas de passeports ! Et donc, la gestion des risques biologiques ne peut plus être envisagée uniquement au niveau national. Cette question doit se traiter de manière internationale, si l’on veut la traiter correctement. Regardez le moratoire américain que j’évoquais : l’une des conséquences de cette nouvelle politique a été l’arrêt des expériences sur les coronavirus par les grands laboratoires sur le territoire américain. Ce qui a conduit, à la place, à l’intensification de ces recherches dans les laboratoires de Wuhan, par exemple, avec des financements américains… notamment, entre autres, via la EcoHealth Alliance ! Paradoxalement, le moratoire américain, qui pourrait être jugé comme une décision limitant les risques biologiques, a donc peut-être eu des effets pervers, en favorisant le déploiement de recherche dans des pays ou le contrôle des risque biologiques est moindre…

Les recherches dans les laboratoires de Wuhan étaient soutenues par des fonds américains ?

Oui, via l’association que je viens de mentionner. Il y a eu financement d’abord des collectes de virus, pour essayer d’échantillonner davantage les virus présents chez les chauves-souris, entre autres dans le Sud asiatique, mais il y a également eu financement d’expériences visant à être en capacité de cultiver ces virus, en cellules et dans des modèles animaux, pour comprendre les mécanismes de transfert zoonotique et pour essayer concevoir des vaccins permettant de protéger des futures zoonoses. L’intention de telles recherches est donc de prévoir les nouveaux virus potentiellement pandémiques pour mieux s’en prémunir… Sauf que justement, les expériences réalisées comportent des risques potentiels. Quand on réfléchit aux problèmes de pandémies et aux études sur les virus émergents, on ne peut, je le répète, pas envisager la problématique du seul point de vue national ou même continental – il faut nécessairement une vision globale et mondiale. Dans son Destin des maladies infectieuses, le microbiologiste Charles Nicolle écrivait en 1933 que « la connaissance des maladies infectieuses enseigne aux hommes qu’ils sont frères et solidaires. Nous sommes frères parce que le même danger nous menace, solidaires parce que la contagion nous vient le plus souvent de nos semblables. » Cette analyse reste étonnamment d’actualité – et l’avenir ne manquera pas de nous rappeler cette vérité dans le contexte du déploiement des vaccins, avec les variants du Covid-19 qui se multiplient actuellement… Sans une stratégie globale et mondiale, on court après le virus avec des vaccinations éventuellement successives permettant de protéger une partie de la populatio, alors même que l’autre partie de la population, qui serait incorrectement vaccinée, constituerait finalement un réservoir de nouveaux variants.

Et d’ailleurs – cataloguez-vous le virus dans le règne du vivant ?

C’est, effectivement, aussi un débat scientifique actuel, et la réponse à la question dépend de la définition du vivant. Personnellement, je considère les virus comme vivants, parce qu’ils font partie de l’ensemble des processus biologiques qui sont soumis aux contraintes évolutives de la sélection naturelle. Et donc, ils sont capables d’évoluer sous contrainte.

Quand vous pensez aux dix, vingt ans à venir, comment imaginez-vous la coexistence avec les virus ?

L’espèce humaine a toujours coexisté avec des zoonoses et avec des pathogènes, et nous allons continuer à coexister. Cela fait partie des grands équilibres. Évidemment, la surpopulation mondiale a des conséquences… La pression sur les écosystèmes et la densification de la population aussi, avec pour répercussions l’augmentation des élevages d’animaux industriels, sources potentielles également de zoonose. On sait aussi que l’évolution des moyens de transport et de communication favorise la dissémination des épidémies, et nous avons vu la dissémination mondiale du Sars-CoV-2 en quelque mois. Donc l’ensemble de ces facteurs favorise l’intensification des zoonoses et la diffusion des maladies infectieuses nouvelles. On peut agir en régulant mieux les élevages industriels et les voyages internationaux. Mais il est également nécessaire d’interroger les pratiques de la biologie moléculaire moderne, qui nous permet de mieux lutter contres les maladies mais qui comporte, comme on vient de le voir, également des risques biologiques. On peut conclure à ce stade que même si l’origine de l’épidémie n’est pas encore élucidée – et même si l’identification risque de prendre du temps –, nous disposons déjà d’informations importantes sur des mécanismes potentiels d’émergence de pandémies. Il est par conséquent possible, dès aujourd’hui, de limiter ces risques en adaptant nos pratiques.


Covid-19: Ralliez-vous à mon panache blanc ! (The coronavirus crisis has shown the limits of brio in a French high administration and political class where scientific culture cruelly shines by its absence)

18 septembre, 2020

Agnes C. Poirier on Twitter: "Great double issue of #Marianne ...on French # panache… "

 Benjamin Netanyahu a parlé d’une « nouvelle ère » entre Israël et les pays arabes et appelé les voisins des EAU à suivre le même chemin. Opinion | Black Voters Are Coming for Trump - The New York TimesDemocrats attacked for cultural appropriation, publicity stunt after Kente cloth kneeling - Tampa Dispatch

Une nation fatiguée de longs débats consent volontiers qu’on la dupe, pourvu qu’on la repose.Tocqueville
Pour un colonel en retraite qui, avec brio, a commandé un régiment devant l’ennemi, rien n’est plus démoralisant ni plus déprimant que de se voir réduit à commander une choucroute avec un demi dans une brasserie. Pierre Dac
La grande histoire du panache français Au fil de notre histoire, beaucoup de femmes et d’hommes, réels ou fictifs, ont incarné le brio à la française. Le courage, le sens de l’honneur et l’élégance ne leur ont jamais fait défaut. « Marianne » leur consacre son numéro double de fin d’année, disponible en kiosques du 21 décembre au 4 janvier. Marianne
Il est tout à fait naturel qu’on ressente la nostalgie de ce qui était l’Empire, tout comme on peut regretter la douceur des lampes à huile, la splendeur de la marine à voile, le charme du temps des équipages. Mais, quoi ? Il n’y a pas de politique qui vaille en dehors des réalités. Charles de Gaulle (1960)
La situation est tragique mais les forces en présence au Moyen-Orient font qu’au long terme, Israël, comme autrefois les Royaumes francs, finira par disparaître. Cette région a toujours rejeté les corps étrangers. Dominique de Villepin (Paris, automne 2001)
Je ne le regarde pas et je conseille vivement à l’ensemble des responsables européens de ne même pas ouvrir ce dossier pour une raison simple, on n’achète pas l’indépendance d’un peuple, on n’achète pas la dignité d’un peuple, 50 milliards pourquoi faire, pour fermer sa gueule et accepter d’être dépouillé de ses droits, c’est ignoble. Dominique de Villepin (25.06.2019)
Il n’y aura pas de paix séparée entre Israël et le monde arabe. Je veux que cela soit très clair avec vous tous. J’ai entendu plusieurs politiciens de premier plan en Israël dire parfois: ‘Eh bien, le monde arabe est dans un endroit différent maintenant Nous devons juste leur tendre la main. Nous pouvons travailler certaines choses avec le monde arabe et nous traiterons avec les Palestiniens. Non, non et non. Je peux vous dire que, comme l’ont confirmé les conversations que j’ai eues avec des dirigeants de la communauté arabe la semaine dernière, il n’y aura pas de paix avancée et séparée avec le monde arabe sans le processus palestinien et la Paix palestinienne. Tout le monde doit comprendre cela. C’est une dure réalité. John Kerry
« Il n’y a pas de politique qui vaille en dehors des réalités », a dit Charles de Gaulle. Cette maxime guide la politique des États-Unis à l’égard de la République islamique d’Iran. Nous reconnaissons ce régime pour ce qu’il est: le premier État commanditaire du terrorisme au monde et la principale source d’instabilité au Moyen-Orient. (…) Malheureusement, la France refuse de désigner l’ensemble du Hezbollah comme une organisation terroriste, comme l’ont fait d’autres pays européens, et freine les progrès de l’Union européenne dans ce sens. Au lieu de cela, Paris s’en tient à cette fiction qu’il existe une «aile politique» du Hezbollah, alors que celui-ci est entièrement contrôlé par un seul terroriste, Hassan Nasrallah. Je partage la frustration des vingt-sept personnalités publiques françaises qui, dans une tribune collective publiée dans Le Figaro , ont récemment appelé la France à adopter cette désignation. (…) Les calculs politiques entrent également en jeu dans les prises de position de l’Europe, où plusieurs dirigeants refusent d’agir avant l’issue de la prochaine élection présidentielle américaine. Cette manœuvre cynique considère les mutilations et les massacres commis par l’Iran comme des dommages collatéraux acceptables, et estime que Washington, ce qui est regrettable, est plus dangereux pour le monde que Téhéran. Je me demande si les habitants de Beyrouth, de Riyad ou de Jérusalem, les villes les plus exposées à l’Iran, seraient d’accord. Comment est-il possible que la France vote contre l’embargo sur les armes, et que la semaine suivante le président Macron rencontre un haut représentant du Hezbollah à Beyrouth? (…)  Le scepticisme manifesté par de nombreux dirigeants français à l’égard de l’accord durant les négociations semble aujourd’hui plus justifié que jamais. Mike Pompeo (2020)
Cinq minutes pour comprendre l’accord « historique » entre Israël et les Emirats arabes unis Le Parisien
Nous sommes en guerre. J’appelle tous les acteurs politiques, économiques, sociaux, associatifs, tous les Français à s’inscrire dans cette union nationale qui a permis à notre pays de surmonter tant de crises par le passé. Nous sommes en guerre et la Nation soutiendra ses enfants qui, personnels soignants en ville, à l’hôpital, se trouvent en première ligne dans un combat qui va leur demander énergie, détermination, solidarité. Ils ont des droits sur nous. Nous leur devons évidemment les moyens, la protection. Nous serons là. Nous leur devons, des masques, du gel, tout le matériel nécessaire. Et nous y veillons et y veillerons. (…) Nous sommes en guerre, oui. Le pays accompagnera dans cette période les régions les plus touchées aujourd’hui, comme celles qui le seront demain. A ce titre, je veux assurer les habitants, les personnels soignants du Grand-Est que nous serons au rendez-vous pour les appuyer face à l’afflux de patients et à la saturation des hôpitaux. Je sais ce qu’ils vivent depuis des jours et des jours. Nous sommes avec eux. J’ai décidé pour cela qu’un hôpital de campagne du service de santé des armées serait déployé dans les jours à venir en Alsace. Les armées apporteront aussi leur concours pour déplacer les malades des régions les plus affectées et ainsi réduire la congestion des hôpitaux de certains territoires. Nous sommes en guerre. Aussi, comme je vous l’ai dit jeudi, pour nous protéger et contenir la dissémination du virus, mais aussi préserver nos systèmes de soins, nous avons pris ce matin, entre Européens, une décision commune. Dès demain midi, les frontières à l’entrée de l’Union européenne et de l’espace Schengen seront fermées. Concrètement, tous les voyages entre les pays non européens et l’Union européenne seront suspendus pendant trente jours. (…) Mes chers compatriotes, en étant unis, solidaires, je vous demande d’être responsables tous ensemble et de ne céder à aucune panique, d’accepter ces contraintes, de les porter, de les expliquer, de vous les appliquer à vous-mêmes. Nous nous les appliquerons tous, il n’y aura pas de passe-droits. Mais là aussi de ne céder ni à la panique ni au désordre. Nous gagnerons, mais cette période nous aura beaucoup appris. Beaucoup de certitudes, de convictions seront balayées, seront remises en cause. Beaucoup de choses que nous pensions impossibles adviennent. Ne nous laissons pas impressionner, agissons avec force, mais retenons cela, le jour d’après, quand nous aurons gagné, ce ne sera pas un retour aux jours d’avant. Nous serons plus forts moralement. Nous aurons appris et je saurai aussi avec vous en tirer toutes conséquences, toutes les conséquences. Hissons-nous, individuellement et collectivement, à la hauteur du moment. Je sais, mes chers compatriotes, pouvoir compter sur vous. Vive la République ! Vive la France ! Emmanuel Macron
Je salue la décision courageuse des Émirats arabes unis et souhaite qu’elle contribue à l’établissement d’une paix juste et durable entre Israéliens et Palestiniens. Je l’ai dit au Président Trump, au Premier ministre Netanyahou et au Prince héritier Mohamed bin Zayed. Emmanuel Macron
Je me suis entretenu avec le président de l’Autorité palestinienne, Mahmoud Abbas. Je lui ai dit ma détermination à oeuvrer pour la paix au Proche-Orient. La reprise des négociations pour parvenir à une solution juste et respectueuse du droit international reste une priorité. Emmanuel Macron
Les manifestations ne sont pas (autorisées) dans les faits car il y a un décret du premier ministre dans le cadre de la deuxième phase du déconfinement qui interdit les rassemblements de plus de dix personnes. Mais je crois que l’émotion mondiale, qui est une émotion saine sur ce sujet, dépasse au fond les règles juridiques qui s’appliquent. Il n’y aura pas de sanction et de procès-verbal. Nous ne souhaitons pas réaffirmer l’interdiction qui est de droit, qui est de fait. Je sais que ceux qui vont ne considèrent pas, dans leur très grande majorité, qu’il y a une police raciste, antisémite ou homophobe», a souligné le ministre qui voit avant tout dans ces rassemblements un «combat contre le racisme. Je crois que la politique est faite de symbole. Si ce symbole [poser un genou à terre] est utile pour combattre le racisme, je serai particulièrement à l’aise de le faire. François Castaner
Je pense que c’est dramatique d’apporter du désespoir. (…) Quand vous dites aux gens qu’ils vont mourir, on voit des zones qui s’éteignent dans le cerveau, ça s’appelle l’effet nocebo. Et donc quand on dit ça tous les soirs à la télévision, on crée de l’effet nocebo, qui est visible radiologiquement. L’anxiété n’est pas de mon côté. Ce n’est pas moi qui affole les populations. Il n’y a pas vraiment de raison d’être affolé, et ce depuis le début. Regardez les données de l’INED (Institut National de la Démographie) qui vous disent quelle est, actuellement, la perte d’espérance de vie, et non pas la mortalité. Pr Raoult
[Je n’exclus pas que] ce qui se passe en France [aujourd’hui] s’y produise dans un mois. (…) Le modèle suédois, basé sur des mesures moins drastiques qu’ailleurs, mais qui restent les mêmes et s’inscrivent dans la durée, commence à fonctionner. Les dispositifs un peu moins drastiques prennent plus de temps à agir. Peut-être aussi que nous avions une telle propagation du virus qu’il a fallu attendre avant de voir une réponse importante aux mesures que nous avions mis en place dans les régions les plus touchées par le virus, celle de Stockholm et de Göteborg. Le virus ne va pas disparaître. A l’avenir, il sera sans doute plus facile à gérer, notamment quand nous aurons un vaccin. Mais nous allons devoir vivre longtemps avec et il est important que les mesures que nous prenons fonctionnent sur le long terme, sans avoir de conséquences trop négatives sur d’autres aspects de la santé. (…) [Quant au masque] Garder ses distances est bien plus important [mais je n’exclus pas] pour une courte période, dans un endroit spécifique, si les cas augmentent et que les mesures habituelles ne fonctionnent pas. [Mais] on voit bien que dans les pays qui l’ont rendu obligatoire, les contaminations ne baissent pas de façon drastique. Anders Tegnell
Notre stratégie repose sur une relation de confiance entre les autorités et les citoyens. Plutôt que de donner des ordres ou de pointer du doigt, nous faisons des recommandations, mais c’est à eux d’agir, sur la base des informations que nous leur fournissons. Et même si tous ne suivent pas les recommandations en permanence, la plupart des Suédois ont changé leur comportement. Dan Eliasson
On voit une augmentation en Europe et en France de sujets positifs, je ne parle pas de malades, et cette pente est quinze fois plus faible qu’en mars. (…) Le nombre de décès ne réaugmente pas de manière significative alors qu’on nous le promet tous les quinze jours depuis le début du mois d’avril. En France, la réaugmentation que l’on perçoit a une pente 300 fois inférieure à celle du tsunami du mois de mars (…) [En Europe] nous sommes depuis début juillet entre 200 et 250 décès par jour sans augmentation, alors que nous étions à 5.000 décès mi-avril. Il n’y a aucune réaugmentation significative par rapport à l’ensemble des données européennes (…). Il y a eu une seule vague, celle de mars-avril qui a augmenté à peu près 115.000 décès surnuméraires par rapport à 2019 et 2018 sur l’ensemble des pays européens. Sur les 30.000 décès [attribués au Covid], il faut voir que l’excès de mortalité en France n’est compris qu’entre 12.000 et 15.000 par rapport aux autres années. (…) L’institut national des études démographiques divise par deux le nombre total de décès attribués actuellement au Covid, on n’est pas à 30.000 décès, on est à 12.000 à 15.000 décès supplémentaires. En réalité, le confinement est un instrument sociétal majeur, c’est la seule arme de destruction massive qui a été utlisée au 21ème siècle puisque c’est la seule qui a concerné quasiment la moitié de l’humanité. (…) Les conséquences socio-économiques qui vont maintenant se dégager vont concerner non pas les conseillers qui sont assis sur leurs certitudes, mais les jeunes générations qui vont devoir ramer. (…) Et quand on n’est pas capable d’assumer ces conséquences, alors on continue à faire croire à une crise sanitaire qui n’est plus présente. Pr Jean-François Toussaint
Tout le monde s’est mis à s’intéresser aux débats! (…) Les gens ne sont pas contre les migrants, mais nous voulons un processus légal. On n’a pas le droit d’avoir une opinion. On est tout de suite des nazis, des déplorables non éduqués… C’est franchement la raison pour laquelle Donald Trump a été élu. Les gens en ont marre d’être méprisés. Ils ne cessent de l’attaquer, quoiqu’il fasse. Nous appelons ça le syndrome de dérangement trumpien. Il ne fait «que se défendre» et j’adore ses tweets« parce qu’ils lui permettent de contourner le mur médiatique. Nous, les partisans de Trump, ne prenons pas ses paroles de manière littérale. Il faut regarder ses actes. Mais la presse, elle, s’attache à chaque mot. Elle ne comprend pas son humour! Les enfants ne peuvent même plus porter un costume de Halloween en se peignant le visage en noir sans être soupçonnés de racisme… C’est comme ce mouvement #MeToo. Ça va trop loin. On a tous des maris, des fils, voudrions-nous les voir accusés sans preuves? (…) C’est la première fois que je peux imaginer comment la guerre civile a commencé en Amérique. Les passions sont tellement fortes. Lynette Vilano (activiste républicaine de Pennsylvanie)
Depuis le premier jour, ils ne lui donnent aucune chance. Alors nous n’écoutons plus. Lynette Vilano
Bien sûr, il y a le Covid, les 200.000 morts, les masques, le virus qui continue de courir, les frontières fermées, le business qui souffre. Toutes ces circonstances qui font de l’élection qui approche un défi gigantesque pour le président sortant. Mais pour l’essentiel, la musique de fond de cette drôle de campagne 2020, où les démocrates mobilisent en ligne pour montrer qu’ils sont «responsables» et «respectueux des experts», tandis que Trump s’en va en chair et en os chez ses électeurs pour leur dire que l’Amérique est vivante et «toujours grande», ressemble à s’y tromper à celle de 2016: pour ou contre Trump, jusqu’à la caricature. D’un côté, une polyphonie orchestrée par tout ce que l’élite compte de sommités monte au créneau, avec tambours et trompettes médiatiques, pour affirmer que le président est «inapte à gouverner». De l’autre, les chœurs du peuple trumpien scandent «quatre ans de plus» sans prêter la moindre attention à la cascade de livres et de révélations censés accabler leur héros. Du coup, le pays vit en schizophrène, dans deux salles de «concert électoral» qui ne communiquent pas, comme c’est le cas depuis quatre ans. Dans la première – journaux, télés, Twitter – on parle des dernières révélations du livre Rage du journaliste Bob Woodward, ancien «tombeur de Nixon». Il est sorti de ses 17 conversations avec le président «effaré», notamment après que ce dernier lui ait confié avoir «sous-estimé» publiquement la dangerosité du Covid, parce qu’il ne voulait pas semer la panique. Preuve de son incapacité et de son amoralité, dénoncent les éditorialistes. «Un mélange de couard, raciste, menteur, frimeur, narcisse, arnaqueur et vantard», écrit notamment Roger Cohen à la une du New York Times. Mais cette propension à diaboliser Trump pourrait paradoxalement s’avérer contre-productive, les démocrates donnant le sentiment de n’avoir tiré aucune leçon de l’échec essuyé en 2016. Pour l’instant, l’essentiel des analystes parient toujours sur Joe Biden. La plus singulière surprise de 2020 est en effet que, malgré le Covid, les ratages, les innombrables défauts de Trump, et les grincements de dents de l’élite, il continue de porter les espoirs de quelque 45 % de la population! Les démocrates s’acharnent sur l’homme. Mais lui chevauche une colère réelle qui ne passe pas. C’est ainsi que dans les provinces profondes, personne ou presque ne prête attention à la charge de la cavalerie antitrumpiste. (…) Même le fait que Trump ait fait la paix entre Israël, les Émirats arabes unis et Bahreïn, n’a été pas mis à son crédit, regrette l’activiste, qui affirme que «CNN a totalement sous-couvert» la percée diplomatique car elle ne colle pas à leur discours sur le désastre de sa politique étrangère. Lynette Vilano affirme que le soutien à Trump dans son comté, «ne cesse de grandir» et que «de nombreux démocrates continuent de migrer vers le Parti républicain». Comme en 2016. Un constat intéressant mais qui reste à l’échelle locale, se hâte-t-elle de dire. Pour l’instant, l’essentiel des analystes parient toujours sur Joe Biden qui, selon la militante républicaine, ressemble à son mari «quand il s’est mis à vieillir et à ne plus trop s’orienter». Mais les sondages se resserrent. Les débats seront sans doute déterminants. Laure Mandeville
Quand Emmanuel Macron dramatisait les enjeux et en appelait à l’union nationale, Angela Merkel emportait la conviction en expliquant aux Allemands comment agir pour ralentir la progression du virus. La crise sanitaire a montré que la capacité d’analyse, la rigueur et la pédagogie sont des qualités plus utiles que le brio. C’est une leçon dont nous devrons nous souvenir. Annick Steta

Derrière le brio des formules, la démission du politique !

Fiasco du confinement aveugle, économie dévastée, ensauvagement de la population, immigration hors de contrôle, ingérence au Liban, collusion avec des Etats et mouvements terroristes, refus de soutenir ses alliés …

A l’heure où après la relative insouciance de l’été …

La psychose, entre annonces catastrophistes et obligation aussi liberticide qu’inepte du masque en extérieur, a repris à tous les étages …

Où après deux mois de restriction sévèrement sanctionnée des libertés de mouvement, réunion et  manifestation, l’on a vu un ministre de l’Intérieur renoncer publiquement, au nom s’il vous plait de l’émotion, à sa mission de maintien de l’ordre face à des mouvements racialistes …

Et où l’on découvre qu’un président français qui avait avait pris des airs si martiaux au début de la crise sanitaire et avait au Liban même appelé à un réveil du peuple libanais …

Avait au même moment eu un rendez-vous secret avec le mouvement terroriste du Hezbollah et, à l’instar de la presse hexagonale,  a réduit au service minimum sa réaction à l’accord proprement historique entre Israël et plusieurs pays arabes …

Pendant que fatiguée par les effets conjugués du virus chinois et du chaos générés par les racialistes de Black lives matter de l’autre côté de l’Atlantique, une Amérique semble tentée par la non-candidature d’un vieux gâteux à la limite de la sénilité et son parti de génuflecteurs

Comment ne pas voir avec ce début de bilan de l’épidémie …

Dans le dernier numéro de la Revue des deux mondes

Derrière le panache si facile et si français des formules …

Non seulement les limites du brio en une haute administration et une classe politique françaises où la culture scientifique brille cruellement par son absence …

Mais la véritable démission et l’épuisement de tout un système politique …

Et peut-être même d’une nation ou d’un Occident tout entier ?

Annick Steta
Revue des deux mondes
septembre 2020

Il est encore trop tôt pour faire le bilan de la pandémie de Covid-19. Nul ne peut exclure qu’une nouvelle vague de contaminations se produise à l’automne. Peut-être même devrons-nous apprendre à vivre avec le SARS-CoV-2 jusqu’à ce que ce virus disparaisse. Le temps n’est pas non plus venu d’établir la responsabilité individuelle des dirigeants politiques et administratifs français dans la réponse apportée à une crise sanitaire d’une brutalité et d’une gravité inédites depuis l’émergence de la grippe espagnole(… Mais il est impossible de nier que cette réponse a été tardive et qu’elle a manqué de pertinence durant les premières semaines de la pandémie, c’est-à-dire au stade où les mesures destinées à casser les chaînes de transmission d’un virus sont les plus efficaces. D’autres pays ont réagi dès que la République populaire de Chine a confirmé, le 31 décembre 2019, l’existence de douzaines de cas graves de pneumonie d’origine inconnue à Wuhan, la capitale de la province du Hubei. La République de Chine (Taïwan) a affirmé avoir soulevé le jour même auprès de l’Organisation mondiale de la santé (OMS) – dont elle n’est pas membre en raison de l’opposition de Pékin – la possibilité d’une transmission interhumaine de l’agent pathogène en cause. Sans attendre la réponse de l’OMS, Taïwan a imposé des contrôles sanitaires à bord des avions en provenance de Wuhan. Elle a également demandé le 6 janvier que les personnels soignants portent des masques filtrant au moins 95 % des particules de diamètre égal ou supérieur à 0,3 micron. La population taïwanaise, qui a gardé un souvenir cuisant de l’épidémie de SARS-CoV-1 de 2003, a par ailleurs rapidement adopté le port du masque. Grâce à ces mesures, Taïwan a enrayé la progression du SARS-CoV-2 : fin juin 2020, ce pays de 23 millions d’habitants dénombrait 447 cas d’infection et sept décès. Plus près de nous, l’Allemagne s’est préparée dès janvier 2020 à l’arrivée du nouveau coronavirus sur son territoire. L’hôpital universitaire de la Charité de Berlin a développé dès la mi-janvier un test diagnostique du SARS-CoV-2. À partir de la fin janvier, les médecins de ville ont commencé à tester les personnes présentant des symptômes d’infection par ce virus ainsi que les individus avec lesquels elles avaient été en contact. Cette campagne de dépistage a permis d’isoler les personnes infectées et de limiter la propagation du virus, en particulier aux sujets les plus vulnérables. Durant la seconde quinzaine de mars, les laboratoires allemands ont réalisé entre 350 000 et 500 000 tests par semaine. En France, où le matériel permettant de procéder aux prélèvements et de les analyser manquait cruellement, environ 225 000 tests ont été effectués entre le 24 février et le 27 mars. Plus de 85 % d’entre eux ont été réalisés par des laboratoires hospitaliers. L’Allemagne, où la population a eu largement accès au dépistage du SARS-CoV-2 et où le confinement a été moins strict qu’en France, recensait fin juin 194 864 cas d’infection et 9 029 décès pour une population de 83 millions d’habitants. À la même époque, la France, qui compte un peu moins de 67 millions d’habitants, dénombrait 162 936 cas d’infection et 29 778 décès. Le retard avec lequel les autorités françaises ont réagi à la menace représentée par le nouveau coronavirus est d’autant plus surprenant que le premier décès dû au Covid-19 hors d’Asie a eu lieu le 14 février dans un hôpital parisien. En Allemagne, cette maladie a fait ses deux premières victimes le 9 mars, soit trois semaines plus tard. À l’évidence, les autorités françaises ont tardé à prendre la mesure des conséquences potentielles de la propagation du SARS-CoV-2. Durant de longues semaines, les responsables politiques et administratifs se sont efforcés de rassurer la population en minorant les risques encourus et en affirmant que les moyens nécessaires pour enrayer une telle épidémie étaient disponibles. Le débat entourant la question du port du masque a été particulièrement révélateur à cet égard. Le 26 janvier, Agnès Buzyn, qui était alors ministre des Solidarités et de la Santé, a affirmé que la France disposait de stocks de dizaines de millions de masques destinés à être distribués en cas d’épidémie. Moins de deux mois plus tard, son successeur, Olivier Véran, a reconnu qu’il ne restait que 110 millions de masques dans les stocks de l’État alors qu’il y en avait plus d’un milliard dix ans plus tôt. Il s’est ensuivi une longue polémique, ponctuée par la publication dans la presse d’enquêtes détaillées consacrées à l’évolution de la stratégie nationale de réponse aux épidémies. Peu à peu, le grand public a compris que les mesures prises par le gouvernement français pour faire face à l’irruption du SARS-CoV-2 avaient été dictées par la pénurie de masques, de matériel de prélèvement, de réactifs et d’instruments de laboratoire permettant de réaliser les tests diagnostiques. Dans ce contexte, le confinement de l’ensemble de la population durant près de deux mois, du 17 mars au 11 mai 2020, est apparu comme le seul moyen de ralentir la progression de l’épidémie.L’exécutif a tenté de rejeter la responsabilité du défaut de préparation de la France sur les gouvernements précédents. Les données disponibles n’appuient pas cette thèse. La réduction des stocks étatiques de masques chirurgicaux s’est en effet accélérée à partir de 2017. La destruction de centaines de millions de masques jugés périmés a été décidée en 2018 – mais les stocks n’ont pas été reconstitués. Les débats sur la nécessité de relocaliser la production de matériel médical et de produits pharmaceutiques ont par ailleurs occulté une question essentielle : celle de la raison pour laquelle la France a, comme d’autres pays, renoncé dans les années soixante-dix à utiliser des masques de protection réutilisables, dont les performances étaient au moins équivalentes à celles des masques jetables. Quelques jours avant sa mort, le 6 avril 2020, l’économiste de la santé Claude Le Pen avait évoqué le rôle de l’administration dans ce désarmement sanitaire. Son analyse rejoignait celle du professeur Philippe Juvin, chef du service des urgences de l’hôpital européen Georges-Pompidou et membre du parti Les Républicains. Celui-ci a mis en cause « la médiocrité de la haute administration, avec des hauts fonctionnaires qui sont dans l’entre-soi, et une classe politique qui manque de caractère pour s’opposer ». En dépit de leur brutalité, les propos du professeur Juvin ne sauraient être écartés d’un revers de main. Ils conduisent à s’interroger sur les raisons profondes qui ont porté les responsables publics français à ne pas prendre suffisamment au sérieux ceux qui mettaient en garde contre la survenue d’une pandémie majeure. De la difficulté à mobiliser face à une menace lointaine L’idée qu’un tel phénomène était appelé à se produire s’est diffusée après l’épidémie de SARS-CoV-1 de 2003. En 2005, Michael T. Osterholm, directeur du Center for Infectious Disease Research and Policy de l’université du Minnesota, publia un article dans lequel il soulignait que la probabilité d’une pandémie dévastatrice s’était significa-tivement accrue. Il appelait les pays avancés à s’y préparer en stockant du matériel de protection et des médicaments antiviraux, en augmentant le nombre de respirateurs disponibles, en développant la capacité de production de vaccins, mais aussi en anticipant les conséquences de la survenue d’une pandémie sur les processus de production (4). Un an plus tôt, l’historien américain John M. Barry, professeur à l’École de santé publique et de médecine tropicale de l’université Tulane (La Nouvelle-Orléans), avait fait paraître un essai consacré à la pandémie de grippe espagnole de 1918-1919. La lecture de The Great Influenza conduisit le président George W. Bush à demander à ses collaborateurs de concevoir une stratégie permettant de répondre à une pandémie comparable. Le souvenir du 11 septembre 2001 facilita leur mobilisation : ils savaient par expérience que des événements totalement inattendus aux conséquences extrêmement graves pouvaient survenir. Dans un discours prononcé en novembre 2005 au National Institutes of Health, l’agence du gouvernement des États-Unis qui supervise la recherche biomédicale, le président Bush dévoila leurs premières conclusions en décrivant de façon très précise la façon dont une épidémie progresserait sur le territoire national et en identifiant les problèmes auxquels les pouvoirs publics seraient confrontés. Pendant trois ans, des moyens financiers importants furent consacrés à ce projet. Celui-ci fut toutefois délaissé après le second mandat du président Bush. L’essai de John M. Barry convainquit également Bill Gates qu’une pandémie de grande ampleur se produirait presque certainement. Le fondateur de Microsoft, qui consacre désormais le meilleur de son temps à la fondation qu’il a créée afin d’améliorer l’accès aux soins de santé et de réduire la pauvreté, exhorta à plu-sieurs reprises les responsables publics du monde entier à développer des moyens de lutte contre des agents pathogènes encore inconnus. Il tint le même discours lors d’une conférence TED de mars 2015, dont l’enregistrement a été abondamment partagé sur les réseaux sociaux lors de la pandémie de Covid-19. Ses appels sont restés lettre morte.Michael T. Osterholm et Mark Olshaker, qui ont mis en garde dans un livre paru en 2017 contre la menace grandissante représentée par différents agents pathogènes, ont récemment analysé dans Foreign Affairs la réponse des autorités américaines à l’émergence du SARS-CoV-2. Ils utilisent pour ce faire une notion issue de l’économie comportementale : la dévaluation hyperbolique (hyperbolic discounting), qui désigne l’augmentation brutale de l’évaluation d’une récompense lorsqu’on s’en rapproche. Le cas d’un individu impatient qui préfère une petite récompense proche dans le temps à une récompense importante mais lointaine en constitue une illustration. L’existence d’un tel phénomène explique la difficulté qu’éprouvent les responsables publics à placer la possibilité d’une pandémie au premier rang de leurs préoccupations. Michael T. Osterholm et Mark Olshaker constatent par ailleurs que le gouvernement des États-Unis n’a pas interprété correctement les signes indiquant que le SARS-CoV-2 pourrait provoquer une pandémie – signes qui, selon eux, étaient présents dès le début de l’année 2020. L’ampleur des ravages causés par la pandémie de Covid-19 contraint les pouvoirs publics à réviser en profondeur la manière dont ils appréhendent l’incertitude. Dans un ouvrage intitulé « Risque, incertitude et profit », publié en 1921, l’économiste américain Frank Knight a proposé de distinguer les situations risquées, où la distribution de probabilité des cas possibles est connue, des situations incertaines, où les cas possibles ne sont pas connus. Or le risque est beaucoup plus facile à gérer que l’incertitude. Il est par exemple nettement plus aisé de concevoir les dégâts susceptibles d’être provoqués par une tempête ou une marée noire que de se projeter dans une situation où la présence d’un agent pathogène fait courir un risque potentiellement létal à une partie de la population. De façon à se préparer à une telle éventualité, il est indispensable que les pouvoirs publics – qu’il s’agisse de l’administration ou des responsables politiques – renforcent leurs liens avec la communauté scientifique. En France, l’absence quasi totale de culture scientifique aux échelons les plus élevés de l’administration comme au sein de la classe politique constitue un frein majeur à un tel rapprochement. Pour ce qui concerne la fonction publique, les conditions de recrutement des hauts fonctionnaires expliquent largement ce qui apparaît désormais comme une faiblesse dangereuse. Le rapport de la Mission haute fonction publique remis au Premier ministre le 18 février 2020 contient à cet égard des informations et des propositions très révélatrices. Les diplômés de Sciences Po Paris représentent les trois quarts des candidats admis au concours externe de l’École nationale d’administration (ENA). Or les disciplines scientifiques sont presque totalement étrangères au cursus de Sciences Po. Cet établissement ne dote pas davantage les étudiants ayant choisi la filière « Affaires publiques » d’une véritable formation disciplinaire. La formation par la recherche y est enfin réservée aux étudiants s’engageant dans la préparation d’un master recherche ou d’un doctorat. Autre-ment dit, les trois quarts des admis au concours externe de l’ENA – et une proportion plus importante encore si l’on tient compte des admis issus des autres instituts d’études politiques – n’ont pas bénéficié d’une formation intellectuelle rigoureuse permettant d’apprendre à chercher et à identifier des informations pertinentes, à les hiérarchiser, à quantifier et qualifier les liens unissant des variables, et, in fine, à bâtir une pensée originale sur des bases solides. Si les membres de la Mission haute fonction publique soulignent les vertus de la formation par la recherche, « qui développe la créativité, la ténacité, voire l’humilité », ils jugent toutefois préférable que la voie de recrutement réservée aux titulaires d’un doctorat soit limitée à quelques postes par an dans l’école d’administration publique dont ils préconisent la création. Cette conclusion est d’autant plus stupéfiante que le doctorat est, comme le souligne ce rapport, le diplôme de référence dans les organisations internationales. Pour tenter de résoudre cette contradiction, les membres de la Mission haute fonction publique proposent d’encourager les hauts fonctionnaires à préparer un doctorat, par exemple en aménageant leurs premières affectations de façon à ce qu’ils puissent mener une recherche en parallèle. Ceux qui connaissent le mode de fonctionnement de l’administration française savent que la diffusion à dose homéopathique de la formation par la recherche ne changera pas la donne. Pour préparer l’administration à répondre aux défis d’un monde de plus en plus incertain, il est devenu nécessaire de procéder à une révolution culturelle consistant à réduire la place accordée aux gestionnaires et à accroître celle attribuée aux « têtes chercheuses ». La formation par la recherche a une vertu supplémentaire : elle produit des esprits indépendants, qui placent la quête de la vérité scientifique avant toute autre considération. François Mitterrand aurait dit qu’il fallait avoir la nuque raide pour ce que l’on estime juste. Quand le monde devient dangereux, les « nuques raides » sont plus précieuses que les adeptes du consensus mou. Là encore, la comparaison de la façon dont les responsables politiques français et allemands ont répondu à la crise sanitaire du Covid-19 est éclairante. En France, une classe politique déboussolée n’a guère trouvé d’arguments à opposer à la rhétorique guerrière embrassée par le président de la République. En Allemagne, la chancelière s’est appuyée sur son expérience de physicienne pour comprendre les risques associés à la propagation du SARS-CoV-2 et concevoir une stratégie permettant d’enrayer l’épidémie. Quand Emmanuel Macron dramatisait les enjeux et en appelait à l’union nationale, Angela Merkel emportait la conviction en expliquant aux Allemands comment agir pour ralentir la progression du virus. La crise sanitaire a montré que la capacité d’analyse, la rigueur et la pédagogie sont des qualités plus utiles que le brio. C’est une leçon dont nous devrons nous souvenir.

Voir aussi:

Mike Pompeo: « Ce que veut vraiment le président Donald Trump au sujet du nucléaire iranien »

TRIBUNE EXCLUSIVE – Dans Le Figaro, le secrétaire d’État des États-Unis défend la politique «dure» adoptée par Washington à l’égard de l’Iran.

Mike Pompeo

«Il n’y a pas de politique qui vaille en dehors des réalités», a dit Charles de Gaulle. Cette maxime guide la politique des États-Unis à l’égard de la République islamique d’Iran. Nous reconnaissons ce régime pour ce qu’il est: le premier État commanditaire du terrorisme au monde et la principale source d’instabilité au Moyen-Orient. Je pense que nos amis français perçoivent eux aussi la véritable nature de Téhéran. Reste à savoir si la France est disposée à se joindre à nous pour s’opposer à l’Iran afin d’assurer la paix et la stabilité de la région.

La brutalité du régime actuel frappe en premier lieu le peuple iranien lui-même. Au cours de la seule année dernière, les forces de sécurité ont tué au moins 1500 manifestants pacifiques descendus dans les rues de tout le pays après une augmentation du prix des carburants. Le harcèlement, la discrimination et l’emprisonnement abusif sont choses courantes pour les membres de minorités religieuses, les femmes qui refusent de porter le hijab, les homosexuels et ceux qui dénoncent les autorités.

On compte également parmi les victimes de Téhéran certains de mes compatriotes américains. Le Hezbollah, soutenu par l’Iran, a tué des centaines d’Américains (et de nombreux ressortissants français) au cours d’attaques menées au Liban dans les années 1980, notamment lors de l’attentat à la bombe contre la caserne des marines à Beyrouth en 1983. Dix-neuf autres Américains ont péri en Arabie saoudite dans l’attentat des tours de Khobar commis par le Hezbollah en 1996. Et plus de 600 militaires américains ont été tués par des militants soutenus par les Iraniens au cours de la deuxième guerre d’Irak. Aujourd’hui, Téhéran retient trois Américains en otage.

Et cependant, les attentats qui ont fait couler le sang américain et commandités par l’Iran ne sont qu’une des formes de malveillance dans l’histoire de l’Iran au Moyen-Orient. En 2015, les pays libres espéraient que le Plan d’action global commun (PAGC) mettrait fin au comportement néfaste du régime – et en particulier à ses activités nucléaires illicites. Ils espéraient que le renforcement économique de l’Iran modérerait la violence subversive du régime.

Loin de rejoindre la communauté des nations, l’Iran a réagi à l’apaisement de l’Ouest par des massacres et une défiance accrus. Ce sont, l’an dernier, des missiles iraniens qui ont frappé des installations pétrolières saoudiennes, et des mines iraniennes qui ont explosé sur des navires marchands dans le golfe Persique. Au Yémen, les rebelles houthis appuyés par l’Iran alimentent l’une des pires crises humanitaires mondiales. Les milices chiites soutenues par l’Iran, telles que les Kataeb Hezbollah, portent atteinte à la souveraineté nationale et étouffent la démocratie en Irak. Les sables de Syrie sont gorgés du sang d’innocents à cause des forces iraniennes, du régime Assad appuyé par l’Iran et du Hezbollah.

Aucun pays n’a autant souffert que le Liban sous le talon de l’Iran. Le Hezbollah, mercenaire de l’Iran, y est depuis quelque trois décennies le principal acteur politique. Aujourd’hui, à Beyrouth, la corruption règne, le système financier et politique délabré fonctionne à peine, et les jeunes Libanais manifestent dans les rues au son de slogans comme «Iran dehors!».

Malheureusement, la France refuse de désigner l’ensemble du Hezbollah comme une organisation terroriste, comme l’ont fait d’autres pays européens, et freine les progrès de l’Union européenne dans ce sens. Au lieu de cela, Paris s’en tient à cette fiction qu’il existe une «aile politique» du Hezbollah, alors que celui-ci est entièrement contrôlé par un seul terroriste, Hassan Nasrallah. Je partage la frustration des vingt-sept personnalités publiques françaises qui, dans une tribune collective publiée dans Le Figaro , ont récemment appelé la France à adopter cette désignation.

Les faits sont les suivants: une fois le PAGC en place, le budget militaire de l’Iran est monté en flèche et les milices et terroristes soutenus par le pays ont obtenu davantage de fonds pour tuer et affermir leur présence dans tout le Moyen-Orient. L’Iran s’est doté de la plus grande force de missiles balistiques de la région et a enfreint de multiples dispositions de l’accord concernant les questions nucléaires. Le scepticisme manifesté par de nombreux dirigeants français à l’égard de l’accord durant les négociations semble aujourd’hui plus justifié que jamais.

Le président Trump pense que seule une pression maximale exercée sur le régime, et non l’apaisement, peut induire les changements de comportement que nous recherchons tous. C’est pourquoi les États-Unis ont imposé à l’Iran des sanctions économiques sans précédent et rétabli les mesures de dissuasion militaires à son encontre, notamment par l’élimination de Qassem Soleimani.

Notre campagne vise également à nous assurer que l’Iran ne puisse ni acheter ni vendre des armes conventionnelles – chars d’assaut lourds, avions de combat, missiles et autres. C’est ce qu’a fait le Conseil de sécurité de l’ONU en imposant à l’Iran des limites de transferts d’armes durant les treize dernières années. Mais les auteurs du PAGC ont commis une terrible erreur en fixant à ces dispositions une date d’expiration: le 18 octobre de cette année.

Les conséquences d’une levée d’embargo sont évidentes: le premier État commanditaire mondial du terrorisme fournira des armes à des terroristes ou à des tyrans. Les infrastructures de transports et d’énergie du Moyen-Orient – qui sont cruciales pour les économies de l’Europe et d’autres régions du monde – tomberont sous le coup d’une menace encore plus forte. Et les populations de la région seront exposées à des souffrances encore plus grandes aux mains des ayatollahs.

Rarement une évolution aussi dangereuse a-t-elle été aussi évitable. Mais le 14 août dernier, la France, et avec elle le Royaume-Uni et l’Allemagne, s’est abstenue d’appuyer la résolution visant la prorogation de l’embargo sur les armes introduite au Conseil de sécurité par les États-Unis.

Le prolongement de l’embargo aurait servi la mission de «maintien de la paix et de la sécurité internationales» qui est celle du Conseil de sécurité, la coopération transatlantique et plus généralement le multilatéralisme. Alors pourquoi nos amis européens n’ont-ils pas soutenu la proposition raisonnable qui était émise, ou au moins proposé une alternative? Pourquoi m’ont-ils affirmé en privé les dangers de la fin de l’embargo, mais n’ont pas agi en public?

Concernant la politique appliquée, il s’agit d’un problème de peur. Nos alliés européens craignent que, s’ils considèrent l’Iran comme responsable de son comportement déstabilisateur, Téhéran réagisse par des violations encore plus nombreuses de l’accord. Cette stratégie d’apaisement ne joue qu’en faveur de la grande stratégie de l’Iran. C’est une campagne d’extorsion diplomatique efficace, forgée par mon prédécesseur, le secrétaire d’État Kerry.

Les calculs politiques entrent également en jeu dans les prises de position de l’Europe, où plusieurs dirigeants refusent d’agir avant l’issue de la prochaine élection présidentielle américaine. Cette manœuvre cynique considère les mutilations et les massacres commis par l’Iran comme des dommages collatéraux acceptables, et estime que Washington, ce qui est regrettable, est plus dangereux pour le monde que Téhéran. Je me demande si les habitants de Beyrouth, de Riyad ou de Jérusalem, les villes les plus exposées à l’Iran, seraient d’accord. Comment est-il possible que la France vote contre l’embargo sur les armes, et que la semaine suivante le président Macron rencontre un haut représentant du Hezbollah à Beyrouth?

Le 20 août, j’ai fait appel à l’autorité des États-Unis afin de rétablir presque toutes les sanctions de l’ONU contre l’Iran que la résolution 2231 du Conseil de sécurité avait suspendues. Le rétablissement de ces sanctions n’a jamais été le premier choix des États-Unis, mais elles seront bientôt en vigueur pour de bon. Tous les pays sont tenus de les appliquer ; ne pas le faire porterait gravement atteinte à l’autorité et à la crédibilité du Conseil de sécurité et risquerait de normaliser une application sélective de ses résolutions. Comment les pays pourraient-ils alors se prétendre légitimement défenseurs du multilatéralisme?

Voir également:

« Nous sommes en guerre » : le verbatim du discours d’Emmanuel Macron

Tandis que l’épidémie due au coronavirus progresse chaque jour en France, le président de la République a annoncé lundi soir une stricte restriction des déplacements pendant au moins quinze jours.

Le Monde

16 mars 2020

Pendant que l’épidémie de Covid-19 progresse chaque jour en France, le président de la République, Emmanuel Macron, s’est exprimé, lundi 16 mars à 20 heures, dans une allocution télévisée. Nous retranscrivons ci-dessous ses propos.

« Françaises, Français, mes chers compatriotes. Jeudi soir, je me suis adressé à vous pour évoquer la crise sanitaire que traverse le pays. Jusqu’alors, l’épidémie de Covid-19 était peut-être pour certains d’entre vous une idée lointaine. Elle est devenue une réalité immédiate, pressante. Le gouvernement a pris, comme je vous l’avais annoncé, des dispositions fermes pour freiner la propagation du virus. Les crèches, les écoles, les collèges, les lycées, les universités sont fermées depuis ce jour. Samedi soir, les restaurants, les bars, tous les commerces non essentiels à la vie de la nation ont également clos leurs portes. Les rassemblements de plus de 100 personnes ont été interdits. Jamais la France n’avait dû prendre de telles décisions, évidemment exceptionnelles, évidemment temporaires en temps de paix. Elles ont été prises avec ordre, préparation, sur la base de recommandations scientifiques avec un seul objectif : nous protéger face à la propagation du virus.

Dans la journée de jeudi, un consensus scientifique et politique s’est formé pour maintenir le premier tour des élections municipales et j’ai pris, avec le premier ministre, la décision de maintenir le scrutin. Hier dimanche, les opérations de vote ont donc pu se tenir. Je veux ce soir remercier les services de l’Etat, les maires, l’ensemble des services des mairies, tous ceux qui ont tenu les bureaux de vote et qui ont donc permis l’organisation de ce scrutin. Je veux aussi saluer chaleureusement les Françaises et les Français qui, malgré le contexte, se sont rendus aux urnes dans le strict respect des consignes sanitaires, des gestes barrières contre le virus. Je veux aussi ce soir adresser mes félicitations républicaines aux candidats élus au premier tour. Environ 30 000 communes sur 35 000 ont après ce premier tour un conseil municipal.

Mais dans le même temps, alors même que les personnels soignants des services de réanimation alertaient sur la gravité de la situation, nous avons aussi vu du monde se rassembler dans les parcs, des marchés bondés, des restaurants, des bars qui n’ont pas respecté la consigne de fermeture. Comme si, au fond, la vie n’avait pas changé.

A tous ceux qui, adoptant ces comportements, ont bravé les consignes, je veux dire ce soir, très clairement, non seulement vous ne vous protégez pas, vous, et l’évolution récente a montré que personne n’est invulnérable, y compris les plus jeunes, mais vous ne protégez pas les autres, même si vous ne présentez aucun symptôme, vous pouvez transmettre le virus. Même si vous ne présentez aucun symptôme, vous risquez de contaminer vos amis, vos parents, grands-parents, de mettre en danger la santé de ceux qui vous sont chers. Dans le Grand-Est, dans les Hauts-de-France, en Ile-de-France, nos soignants se battent pour sauver des vies avec dévouement, avec force.

Au moment où la situation sanitaire se dégrade fortement, où la pression sur nos hôpitaux et nos soignants s’accentue, tout notre engagement, toute notre énergie, toute notre force doivent se concentrer sur un seul objectif : ralentir la progression du virus. Je vous le redis avec force ce soir : respectons les gestes barrières, les consignes sanitaires. C’est le seul moyen de protéger les personnes vulnérables, d’avoir moins de concitoyens infectés et ainsi de réduire la pression sur les services de réanimation pour qu’ils puissent mieux accueillir, mieux soigner. Sans signes graves, contactons notre médecin traitant, n’appelons le SAMU et ne nous rendons à l’hôpital qu’en cas de fortes fièvres, de difficultés à respirer, sans quoi ils ne pourront faire face à la vague de cas graves qui déjà se profile dans certaines régions. Faisons preuve, au fond, d’esprit solidaire et de sens des responsabilités. Chacun d’entre nous doit à tout prix limiter le nombre de personnes avec qui il est en contact chaque jour. Les scientifiques le disent, c’est la priorité absolue.

C’est pourquoi, après avoir consulté, écouté les experts, le terrain et en conscience, j’ai décidé de renforcer encore les mesures pour réduire nos déplacements et nos contacts au strict nécessaire. Dès demain midi et pour quinze jours au moins, nos déplacements seront très fortement réduits. Cela signifie que les regroupements extérieurs, les réunions familiales ou amicales ne seront plus permises. Se promener, retrouver ses amis dans le parc, dans la rue, ne sera plus possible. Il s’agit de limiter au maximum ses contacts au-delà du foyer. Partout sur le territoire français, en métropole comme outre-mer, seuls doivent demeurer les trajets nécessaires. Nécessaire pour faire ses courses avec de la discipline et en mettant les distances d’au moins un mètre, en ne serrant pas la main, en n’embrassant pas. Les trajets nécessaires pour se soigner, évidemment. Les trajets nécessaires pour aller travailler quand le travail à distance n’est pas possible et les trajets nécessaires pour faire un peu d’activité physique mais sans retrouver, là encore, des amis ou des proches. Toutes les entreprises doivent s’organiser pour faciliter le travail à distance. Et quand cela ne sera pas possible, elles devront adapter dès demain leur organisation pour faire respecter ces gestes barrières contre le virus, c’est-à-dire protéger leurs salariés ou, quand il s’agit d’indépendants, se protéger eux-mêmes.

Le gouvernement précisera les modalités de ces nouvelles règles dès ce soir, dès après mon allocution. Toute infraction à ces règles sera sanctionnée. Je vous le dis avec beaucoup de solennité ce soir. Ecoutons les soignants qui nous disent « si vous voulez nous aider, il faut rester chez vous et limiter les contacts ». C’est le plus important, évidemment. Ce soir, je pose des règles nouvelles. Nous posons des interdits. Il y aura des contrôles, mais la meilleure règle, c’est celle qu’en tant que citoyens, vous vous appliquez à vous-mêmes et une fois encore, j’en appelle à votre sens des responsabilités et de la solidarité.

Dans ce contexte, après avoir consulté le président du Sénat, le président de l’Assemblée nationale, mais également mes prédécesseurs, j’ai décidé que le second tour des élections municipales serait reporté. Le premier ministre en a informé aujourd’hui même les chefs de partis représentés au Parlement. Cette décision a fait l’objet d’un accord unanime.

Mes chers compatriotes, je mesure l’impact de toutes ces décisions sur vos vies. Renoncer à voir ses proches, c’est un déchirement. Stopper ses activités quotidiennes, ses habitudes, c’est très difficile. Cela ne doit pas nous empêcher de garder le lien, d’appeler nos proches, de donner des nouvelles, d’organiser aussi les choses avec nos voisins. D’inventer de nouvelles solidarités entre générations. De rester, comme je vous l’ai dit jeudi dernier, profondément solidaires et d’innover là aussi sur ce point. Je sais que je vous demande de rester chez vous.

Je vous demande aussi de garder le calme dans ce contexte. J’ai vu ces dernières heures des phénomènes de panique en tous sens. Nous devons tous avoir l’esprit de responsabilité. Il ne faut pas que les fausses informations circulent à tout-va et en restant chez vous, occupez-vous des proches qui sont dans votre appartement, votre maison ; donnez des nouvelles, prenez des nouvelles, lisez. Retrouvez aussi ce sens de l’essentiel. Je pense que c’est important dans les moments que nous vivons. La culture, l’éducation, le sens des choses est important. Evitez l’esprit de panique, de croire dans les fausses rumeurs. Les demi-experts ou les faux-sachants. La parole est claire, l’information est transparente et nous continuerons de la donner. Mais croyez-moi, cet effort que je vous demande, je sais qu’il est inédit mais les circonstances nous y obligent.

Nous sommes en guerre, en guerre sanitaire certes. Nous ne luttons ni contre une armée ni contre une autre nation, mais l’ennemi est là, invisible, insaisissable, et qui progresse. Et cela requiert notre mobilisation générale. Nous sommes en guerre. Toute l’action du gouvernement et du Parlement doit être désormais tournée vers le combat contre l’épidémie, de jour comme de nuit. Rien ne doit nous en divertir. C’est pourquoi j’ai décidé que toutes les réformes en cours seraient suspendues, à commencer par la réforme des retraites.

Dès mercredi, en conseil des ministres, sera présenté un projet de loi permettant au gouvernement de répondre à l’urgence et, lorsque nécessaire, de légiférer par ordonnance dans les domaines relevant strictement de la gestion de crise. Ce projet sera soumis au Parlement dès jeudi. J’ai vu tout à l’heure les présidents de l’Assemblée nationale et du Sénat afin que ces textes soient votés le plus finement possible, afin aussi que la vie démocratique et le contrôle du Parlement continuent dans cette période. Je les en remercie et je remercie tous nos parlementaires en cet instant.

Nous sommes en guerre. J’appelle tous les acteurs politiques, économiques, sociaux, associatifs, tous les Français à s’inscrire dans cette union nationale qui a permis à notre pays de surmonter tant de crises par le passé. Nous sommes en guerre et la Nation soutiendra ses enfants qui, personnels soignants en ville, à l’hôpital, se trouvent en première ligne dans un combat qui va leur demander énergie, détermination, solidarité. Ils ont des droits sur nous. Nous leur devons évidemment les moyens, la protection. Nous serons là. Nous leur devons, des masques, du gel, tout le matériel nécessaire. Et nous y veillons et y veillerons.

Nous avons décidé avec les scientifiques de réserver les masques en priorité pour l’hôpital et la médecine de ville et de campagne, en particulier les généralistes et les infirmières, désormais en première ligne aussi dans la gestion de la crise. Des masques seront livrés dans les pharmacies dès demain soir, dans les vingt-cinq départements les plus touchés, mercredi pour le reste du territoire national. J’ai aussi entendu le message des spécialistes, en particulier les chirurgiens-dentistes et beaucoup d’autres. Des solutions seront trouvées avec le ministre de la santé dans les prochaines heures.

Nous devons aussi aux soignants la garde de leurs enfants. Un service minimum de garde est en place depuis ce jour dans les crèches et dans les écoles. Nous leur devons aussi sérénité, dans leurs déplacements, et repos. C’est pourquoi j’ai décidé que dès demain les taxis et les hôtels pourront être mobilisés à leur profit. L’Etat paiera.

Nous sommes en guerre, oui. Le pays accompagnera dans cette période les régions les plus touchées aujourd’hui, comme celles qui le seront demain. A ce titre, je veux assurer les habitants, les personnels soignants du Grand-Est que nous serons au rendez-vous pour les appuyer face à l’afflux de patients et à la saturation des hôpitaux. Je sais ce qu’ils vivent depuis des jours et des jours. Nous sommes avec eux. J’ai décidé pour cela qu’un hôpital de campagne du service de santé des armées serait déployé dans les jours à venir en Alsace. Les armées apporteront aussi leur concours pour déplacer les malades des régions les plus affectées et ainsi réduire la congestion des hôpitaux de certains territoires.

Nous sommes en guerre. Aussi, comme je vous l’ai dit jeudi, pour nous protéger et contenir la dissémination du virus, mais aussi préserver nos systèmes de soins, nous avons pris ce matin, entre Européens, une décision commune. Dès demain midi, les frontières à l’entrée de l’Union européenne et de l’espace Schengen seront fermées. Concrètement, tous les voyages entre les pays non européens et l’Union européenne seront suspendus pendant trente jours. Les Françaises et les Français qui sont actuellement à l’étranger et souhaitent rentrer pourront bien entendu rejoindre leur pays. Nous devons prendre cette décision parce que je vous demande ce soir d’importants efforts et que nous devons, dans la durée, nous protéger. Et je veux dire à tous nos compatriotes qui vivent à l’étranger que là aussi, en bon ordre, ils doivent se rapprocher des ambassades et consulats et que nous organiserons pour celles et ceux qui le souhaitent, et là où c’est nécessaire, le rapatriement.

Vous l’aurez compris, vous le pressentez, cette crise sanitaire sans précédent aura des conséquences humaines, sociales, économiques majeures. C’est aussi ce défi que nous devons mener. Je vous demande des sacrifices pour ralentir l’épidémie. Jamais ils ne doivent mettre en cause l’aide aux plus fragiles, la pérennité d’une entreprise, les moyens de subsistance des salariés comme des indépendants.

Pour les plus précaires, pour les plus démunis, pour les personnes isolées, nous ferons en sorte, avec les grandes associations, avec aussi les collectivités locales et leurs services, qu’ils puissent être nourris, protégés, que les services que nous leur devons soient assurés. Pour la vie économique, pour ce qui concerne la France, aucune entreprise, quelle que soit sa taille, ne sera livrée au risque de faillite. Aucune Française, aucun Français ne sera laissé sans ressources.

S’agissant des entreprises, nous mettons en place un dispositif exceptionnel de report de charges fiscales et sociales, de soutien au report d’échéances bancaires et de garanties de l’Etat à hauteur de 300 milliards d’euros pour tous les prêts bancaires contractés auprès des banques. Pour les plus petites d’entre elles, et tant que la situation durera, celles qui font face à des difficultés n’auront rien à débourser ni pour les impôts, ni pour les cotisations sociales. Les factures de gaz ou d’électricité ainsi que les loyers devront être suspendus.

En outre, afin que personne ne soit laissé sans ressources, pour les salariés le dispositif de chômage partiel sera massivement élargi, comme je vous l’avais annoncé jeudi dernier, et comme le gouvernement a commencé à le préciser. Pour les entrepreneurs, commerçants, artisans, un fonds de solidarité sera créé, abondé par l’Etat, et auquel le premier ministre proposera aux régions aussi de contribuer.

Le gouvernement, dès demain, précisera toutes ces mesures. Elles seront en fonction des besoins, des réalités économiques, des nécessités secteur par secteur, évidemment adaptées. Nous serons au rendez-vous pour que notre économie soit préservée dans cette période si dure et pour que l’ensemble des travailleuses et des travailleurs puissent avoir cette sécurité aussi en termes de pouvoir d’achat, de continuité de leur vie.

Mes chers compatriotes, la France vit un moment très difficile. Nul ne peut en prévoir précisément la durée et à mesure que les jours suivront les jours, que les problèmes succéderont aux problèmes, il faudra en lien avec les éclairages donnés par les scientifiques, des expériences de terrain, il faudra nous adapter. Nous allons continuer aussi pendant cette période de travailler, de progresser sur les traitements et je sais le dévouement de plusieurs équipes partout sur notre territoire avec les premiers espoirs qui naissent, et nous continuerons aussi d’avancer sur le vaccin.

Régulièrement, je m’adresserai à vous. Je vous dirai à chaque fois, comme je l’ai fait, comme le gouvernement le fait, la vérité sur l’évolution de la situation. J’ai une certitude : plus nous agirons ensemble et vite, plus nous surmonterons cette épreuve. Plus nous agirons en citoyens, plus nous ferons preuve de la même force d’âme, de la même abnégation patriote que démontrent aujourd’hui nos personnels soignants, nos sapeurs-pompiers, l’ensemble des acteurs de la sécurité civile, plus vite nous sortirons de cette vie au ralenti. Nous y arriverons.

Mes chers compatriotes, en étant unis, solidaires, je vous demande d’être responsables tous ensemble et de ne céder à aucune panique, d’accepter ces contraintes, de les porter, de les expliquer, de vous les appliquer à vous-mêmes. Nous nous les appliquerons tous, il n’y aura pas de passe-droits. Mais là aussi de ne céder ni à la panique ni au désordre. Nous gagnerons, mais cette période nous aura beaucoup appris. Beaucoup de certitudes, de convictions seront balayées, seront remises en cause. Beaucoup de choses que nous pensions impossibles adviennent. Ne nous laissons pas impressionner, agissons avec force, mais retenons cela, le jour d’après, quand nous aurons gagné, ce ne sera pas un retour aux jours d’avant. Nous serons plus forts moralement. Nous aurons appris et je saurai aussi avec vous en tirer toutes conséquences, toutes les conséquences. Hissons-nous, individuellement et collectivement, à la hauteur du moment. Je sais, mes chers compatriotes, pouvoir compter sur vous. Vive la République ! Vive la France ! »

Voir encore:

Présidentielle américaine: cette campagne de 2020 dont la musique rappelle étrangement 2016

ANALYSE – Dans les provinces profondes, personne ou presque ne prête attention à la charge de la cavalerie antitrumpiste.

Laure Mandeville
Le Figaro
17 septembre 2020

Bien sûr, il y a le Covid, les 200.000 morts, les masques, le virus qui continue de courir, les frontières fermées, le business qui souffre. Toutes ces circonstances qui font de l’élection qui approche un défi gigantesque pour le président sortant. Mais pour l’essentiel, la musique de fond de cette drôle de campagne 2020, où les démocrates mobilisent en ligne pour montrer qu’ils sont «responsables» et «respectueux des experts», tandis que Trump s’en va en chair et en os chez ses électeurs pour leur dire que l’Amérique est vivante et «toujours grande», ressemble à s’y tromper à celle de 2016: pour ou contre Trump, jusqu’à la caricature. D’un côté, une polyphonie orchestrée par tout ce que l’élite compte de sommités monte au créneau, avec tambours et trompettes médiatiques, pour affirmer que le président est «inapte à gouverner».

De l’autre, les chœurs du peuple trumpien scandent «quatre ans de plus» sans prêter la moindre attention à la cascade de livres et de révélations censés accabler leur héros. Du coup, le pays vit en schizophrène, dans deux salles de «concert électoral» qui ne communiquent pas, comme c’est le cas depuis quatre ans.

Dans la première – journaux, télés, Twitter – on parle des dernières révélations du livre Rage du journaliste Bob Woodward, ancien «tombeur de Nixon». Il est sorti de ses 17 conversations avec le président «effaré», notamment après que ce dernier lui ait confié avoir «sous-estimé» publiquement la dangerosité du Covid, parce qu’il ne voulait pas semer la panique. Preuve de son incapacité et de son amoralité, dénoncent les éditorialistes. «Un mélange de couard, raciste, menteur, frimeur, narcisse, arnaqueur et vantard», écrit notamment Roger Cohen à la une du New York Times. Mais cette propension à diaboliser Trump pourrait paradoxalement s’avérer contre-productive, les démocrates donnant le sentiment de n’avoir tiré aucune leçon de l’échec essuyé en 2016.

Pour l’instant, l’essentiel des analystes parient toujours sur Joe Biden. Mais les sondages se resserrent. Les débats seront sans doute déterminants

La plus singulière surprise de 2020 est en effet que, malgré le Covid, les ratages, les innombrables défauts de Trump, et les grincements de dents de l’élite, il continue de porter les espoirs de quelque 45 % de la population! Les démocrates s’acharnent sur l’homme. Mais lui chevauche une colère réelle qui ne passe pas. C’est ainsi que dans les provinces profondes, personne ou presque ne prête attention à la charge de la cavalerie antitrumpiste. C’est ce que confie au téléphone Lynette Vilano, activiste républicaine de Pennsylvanie, dégoûtée par la manière dont les médias traitent «son président». «Depuis le premier jour, ils ne lui donnent aucune chance. Alors nous n’écoutons plus», dit-elle.

Même le fait que Trump ait fait la paix entre Israël, les Émirats arabes unis et Bahreïn, n’a été pas mis à son crédit, regrette l’activiste, qui affirme que «CNN a totalement sous-couvert» la percée diplomatique car elle ne colle pas à leur discours sur le désastre de sa politique étrangère. Lynette Vilano affirme que le soutien à Trump dans son comté, «ne cesse de grandir» et que «de nombreux démocrates continuent de migrer vers le Parti républicain». Comme en 2016. Un constat intéressant mais qui reste à l’échelle locale, se hâte-t-elle de dire. Pour l’instant, l’essentiel des analystes parient toujours sur Joe Biden qui, selon la militante républicaine, ressemble à son mari «quand il s’est mis à vieillir et à ne plus trop s’orienter». Mais les sondages se resserrent. Les débats seront sans doute déterminants.

Voir enfin:

La Suède défend une stratégie « durable » contre le Covid-19

Alors que le spectre d’une deuxième vague se profile en Europe, la propagation du coronavirus reste limitée dans le royaume scandinave, convaincu de l’efficacité de sa méthode.

Anne-Françoise Hivert

Le Monde

17 septembre 2020

La rentrée des classes – non masquée – a eu lieu il y a près d’un mois en Suède. Et pour le moment, les nouvelles sont plutôt bonnes sur le front du Covid-19. Le nombre de contaminations reste stable et rien n’indique qu’une reprise de la pandémie se prépare. Mardi 15 septembre, le gouvernement a même suspendu l’interdiction des visites en maison de retraite, en vigueur depuis le 1er avril.

Elles resteront tout de même strictement encadrées. Pas question de risquer une nouvelle propagation du virus dans les établissements d’hébergement pour personnes âgées dépendantes, dont les résidents comptent pour près de la moitié des victimes du Covid-19. « Nous nous trouvons toujours au milieu d’une pandémie, a rappelé la ministre des affaires sociales, Lena Hallengren. Même si la plupart des chiffres pointent dans la bonne direction, nous pouvons être frappés par une recrudescence des cas. »

En attendant, la Suède, très critiquée pour ne pas avoir confiné sa population au printemps, savoure l’accalmie, en espérant éviter une seconde vague. Si la situation semblait hors de contrôle au début de l’été, alors que le pays de 10 millions d’habitants affichait un des taux d’incidence les plus élevés du monde, le reflux observé depuis se maintient.

Selon les chiffres de l’agence de la santé publique Folkhälsomyndigheten, publiés le 16 septembre, 1 584 nouveaux cas ont été enregistrés sur les sept derniers jours. Au total, 130 malades sont soignés à l’hôpital et 13 patients se trouvent en réanimation. Depuis près d’un mois, la Suède n’enregistre plus qu’un ou deux décès journaliers.

« Des mesures moins drastiques qu’ailleurs »

Avec 5 860 morts (soit 58 décès pour 100 000 habitants) depuis le début de la pandémie, le pays reste toutefois le onzième le plus touché au monde. Un bilan particulièrement lourd si on le compare à celui de ses voisins nordiques, qui ont tous opté pour un semi-confinement : en Suède, le virus a tué cinq fois plus qu’au Danemark et dix fois plus qu’en Finlande ou en Norvège.

Alors comment expliquer l’embellie de ces dernières semaines, au moment même où le Covid-19 regagne du terrain presque partout en Europe, y compris au Danemark et en Norvège ? La stratégie suédoise, tellement décriée à l’étranger, serait-elle enfin en train de faire ses preuves ?

Contrairement au quotidien Svenska Dagbladet, qui titrait récemment sur « la revanche » du modèle suédois, son principal architecte, l’épidémiologiste en chef, Anders Tegnell, interrogé par Le Monde, se garde bien de faire preuve de triomphalisme. Il n’exclut pas que l’évolution de l’épidémie dans son pays soit décalée et que « ce qui se passe en France [aujourd’hui] s’y produise dans un mois ».

Anders Tegnell, cependant, penche plutôt pour une autre explication. Il veut croire que « le modèle suédois, basé sur des mesures moins drastiques qu’ailleurs, mais qui restent les mêmes et s’inscrivent dans la durée, commence à fonctionner ». S’il a fallu patienter plusieurs mois pour en voir les résultats, c’est en raison de deux facteurs, explique-t-il : « Les dispositifs un peu moins drastiques prennent plus de temps à agir. Peut-être aussi que nous avions une telle propagation du virus qu’il a fallu attendre avant de voir une réponse importante aux mesures que nous avions mis en place » dans les régions les plus touchées par le virus, celle de Stockholm et de Göteborg.

Concernant le confinement, qu’il a qualifié « d’expérimentation » par le passé, l’épidémiologiste « peut comprendre » que des gouvernements aient fait ce choix « quand les systèmes de santé ont atteint la saturation ». Mais « cela n’a jamais été le cas en Suède », rappelle-t-il.

Malgré le nombre élevé de morts, qu’il attribue aux failles dans la gestion des maisons de retraite plutôt qu’à la stratégie mise en place par le pays, Anders Tegnell est convaincu que la Suède a fait le bon choix : « Le virus ne va pas disparaître. A l’avenir, il sera sans doute plus facile à gérer, notamment quand nous aurons un vaccin. Mais nous allons devoir vivre longtemps avec et il est important que les mesures que nous prenons fonctionnent sur le long terme, sans avoir de conséquences trop négatives sur d’autres aspects de la santé ».

Le dépistage est monté en puissance cet été

Si le royaume scandinave n’a pas confiné, il n’a pas non plus déconfiné. Les recommandations et les quelques restrictions, imposées depuis mars, n’ont jamais changé. Elles continuent d’être répétées lors des conférences de presse, organisées deux fois par semaine au siège de Folkhälsomyndigheten. Retransmises en direct sur la chaîne publique SVT et sur YouTube, « elles sont suivies par 1 million de personnes, soit 1 Suédois sur 10 », selon Dan Eliasson, le directeur général de l’Agence de la protection civile.

Les Suédois sont priés de rester chez eux au moindre symptôme, de se laver régulièrement les mains et de garder leur distance, notamment avec les personnes de plus de 70 ans. Le dépistage, qui avait pris du retard à l’allumage, est monté en puissance cet été. Désormais, même les enfants sont invités à se faire diagnostiquer en cas de maladie, ce qui provoque des files d’attente, malgré 142 000 tests atteints la deuxième semaine de septembre.

Prohibés depuis le 27 mars, les rassemblements publics de plus de 50 personnes restent interdits, y compris à l’intérieur des théâtres, des cinémas ou des stades. Des assouplissements sont envisagés, mais l’agence de la santé publique a déjà fait savoir qu’elle exigerait une distance d’au moins un mètre et n’autoriserait pas plus de 500 spectateurs.

Le télétravail continue d’être recommandé, jusqu’au 31 décembre au moins. Les Suédois sont également priés d’éviter les transports en commun, et de privilégier la marche et le vélo aux heures de pointe. A Stockholm, la compagnie locale de bus et de métro SL a constaté une baisse de près de 50 % du nombre de passagers. La société ferroviaire SJ, pour sa part, ne permet plus de réserver qu’un siège sur deux, dans ses trains.

« Relation de confiance entre les autorités et les citoyens »

Une des décisions les plus controversées, mi-mars, avait été de maintenir les crèches, les écoles et les collèges ouverts. Les lycées et les universités avaient fermé. Ils ont rouvert mi-août. Le bilan provisoire est en demi-teinte : plusieurs établissements ont dû repasser en l’enseignement à distance, après des cas de contamination, même si le taux d’incidence reste stable chez les moins de 18 ans.

Le masque, lui, n’est toujours pas recommandé. « Garder ses distances est bien plus important », argue Anders Tegnell. Cependant, l’épidémiologiste n’exclut plus de l’imposer « pour une courte période, dans un endroit spécifique, si les cas augmentent et que les mesures habituelles ne fonctionnent pas ». Mais les exemples, ailleurs en Europe, ne le convainquent pas : « On voit bien que dans les pays qui l’ont rendu obligatoire, les contaminations ne baissent pas de façon drastique », remarque-t-il.

Selon la dernière enquête d’opinion réalisée par l’agence de la protection civile, 60 % des Suédois ont confiance dans la gestion de la pandémie par leur pays et 70 % approuvent le choix des mesures prises. Pour Dan Eliasson, les chiffres montrent que « la stratégie suédoise est bien ancrée au sein de la société ». Il y voit la condition de son efficacité : « Notre stratégie repose sur une relation de confiance entre les autorités et les citoyens. Plutôt que de donner des ordres ou de pointer du doigt, nous faisons des recommandations, mais c’est à eux d’agir, sur la base des informations que nous leur fournissons. » Et même si tous ne suivent pas les recommandations en permanence, admet-il, « la plupart des Suédois ont changé leur comportement ».

Est-ce que cela sera suffisant pour éviter une seconde vague ? L’agence de la santé publique n’exclut pas qu’une certaine immunité de la population puisse être en partie responsable du ralentissement de la propagation du virus. En Suède, plus de 87 575 personnes ont été testées positive au Covid-19 depuis le début de la pandémie. Mais le nombre de contaminés pourrait être bien plus élevé.


Coronavirus: Et si nous avions suivi l’exemple suédois ? (As Sweden has shown, what’s the point of shutting down if the countries that shut down the most see rates shoot up when they open up again?)

3 septembre, 2020

Le but de la politique est de garder la population inquiète et donc en demande d’être mise en sécurité, en la menaçant d’une série ininterrompue de monstres, tous étant imaginaires. H.L. Mencken (Défense des femmes, 1918)
La prophétie de malheur est faite pour éviter qu’elle ne se réalise; et se gausser ultérieurement d’éventuels sonneurs d’alarme en leur rappelant que le pire ne s’est pas réalisé serait le comble de l’injustice: il se peut que leur impair soit leur mérite. Hans Jonas
Quiconque tient une guerre imminente pour certaine contribue à son déclenchement, précisément par la certitude qu’il en a. Quiconque tient la paix pour certaine se conduit avec insouciance et nous mène sans le vouloir à la guerre. Seul celui qui voit le péril et ne l’oublie pas un seul instant se montre capable de se comporter rationnellement et de faire tout le possible pour l’exorciser. Karl Jaspers
Annoncer que la catastrophe est certaine, c’est contribuer à la rendre telle. La passer sous silence ou en minimiser l’importance, à la façon des optimistes béats, conduit au même résultat. Ce qu’il faudrait, c’est combiner les deux démarches : annoncer un avenir destinal qui superposerait l’occurrence de la catastrophe, pour qu’elle puisse faire office de dissuasion, et sa non-occurrence, pour préserver l’espoir. C’est parce que la catastrophe constitue un destin détestable dont nous devons dire que nous n’en voulons pas qu’il faut garder les yeux fixés sur elle, sans jamais la perdre de vue. Jean-Pierre Dupuy
Environ 40 millions de personnes sont mortes lors de l’épidémie de grippe espagnole de 1918. Il y a six fois plus de personnes sur la planète aujourd’hui, ce qui fait qu’on pourrait probablement atteindre 200 millions de personnes. » Neil Ferguson (pire des scénarios pour l’épidémie de grippe aviaire, août 2005)
L’épidémie [en Suède] (…) a clairement ralenti sa propagation grâce à l’instauration d’une distance sociale volontaire. Et nous pensons que c’est ce qui a conduit le taux de reproduction à passer d’environ 3, à 1,5 ou 1,4. Neil Ferguson
This post originally claimed that Ferguson had predicted that 150,000 people could die from foot-and-mouth disease. In fact, that figure was Ferguson’s upper-bound estimate of deaths for mad-cow disease by 2080. It has been corrected and we regret the error. National review (Editor’s Note)
L’accent mis sur l’exactitude de la modélisation est une mauvaise compréhension de ce qu’est la modélisation. La modélisation ne peut pas prédire les nombres exacts. Elle peut les prédire seulement à court terme ou si vous avez eu de la chance. L’objectif de la modélisation est plutôt de comprendre la situation dans son ensemble». Si des critiques ont été faites sur la valeur des paramètres pris en compte par l’équipe de Neil Ferguson, les principales conclusions de ce document étaient conformes à ce que d’autres personnes avaient trouvé. En Allemagne, de nombreux groupes sont arrivés aux mêmes conclusions : nous devions arrêter l’épidémie. Car même si on changeait les paramètres, en les baissant de 10% ou 20%, le risque de submerger le système de santé était très élevé avec cette épidémie. Rafael Mikolajczyk (Halle-Wittenberg)
Certes, une surestimation du nombre de décès est également associée à une surestimation du nombre d’admissions à l’hôpital, et il est possible que le modèle de Ferguson ait tendance à surestimer ces nombres. Cependant, supposer que le modèle est faux parce qu’il surestime une ou quelques observations est épistémologiquement incorrect. Cela équivaut à dire que les modèles météorologiques sont faux parce que la prédiction pour aujourd’hui était un jour ensoleillé et qu’il a plu. Les modèles épidémiologiques devraient être systématiquement accompagnés de la probabilité de se réaliser ou non. Fernando Peruani (Université Côte-d’Azur
Il faut distinguer deux formes de prévisions en épidémiologie : le nowcasting (prédire aujourd’hui) et le forecasting (prédire l’avenir). Et la deuxième est à considérer avec précaution : Personne n’est devin. Les mathématiques ne permettent pas de prédire l’avenir. Elles permettent en revanche de simuler différents scénarios sous différentes hypothèses, qui peuvent être du domaine du plausible. Antoine Flahault (Université de Genève)
La phase initiale d’une épidémie, c’est une fonction mathématique exponentielle. Or une exponentielle, ça va à l’infini. On sent très bien qu’en fonction des scénarios que vous allez avoir, certains paramètres vont laisser courir l’exponentielle beaucoup plus loin que d’autres, et donc vous allez avoir une forme de catastrophisme presque inhérent à ces modèles mathématiques. (…) Livrer des chiffres de morts prévisionnels, même en précisant que c’est un scénario du possible seulement, cela revient à dire : « Il y aura possiblement 100 000 morts en Suède au mois de juin ». Comme on n’en sait absolument rien, le mieux est de ne jamais évoquer de tels chiffres dans les médias. Le faire, c’est se décrédibiliser, même si on assortit cette annonce du terme de scénario. Parce qu’en fin de compte, on finit par n’écouter que ce qui va probablement se passer. Alors qu’en fait, on ne sait absolument pas, aujourd’hui, évaluer la probabilité pour que cette prévision se réalise. Antoine Flahault
La polémique remonte au 16 mars, date à laquelle Neil Ferguson et son équipe ont publié un document indiquant qu’en l’absence de mesures pour freiner la propagation de l’épidémie, le virus était susceptible de causer 510 000 morts au Royaume-Uni et plus de 2,2 millions aux Etats-Unis. Dans ce rapport, l’Imperial College testait les stratégies de mitigation (ralentir la propagation du virus sans forcément la stopper) et de suppression (confinement strict), afin d’en déduire leurs effets. Ferguson et son équipe estimaient alors que la stratégie de mitigation pouvait entraîner jusqu’à 250 000 morts au Royaume-Uni, et qualifiaient l’autre stratégie, celle du confinement, d’«option politique privilégiée» pour réduire le nombre de décès liés au Covid-19. Le document du 16 mars de l’Imperial College est, depuis, considéré comme ayant eu un impact important sur les décideurs politiques, puisqu’il aurait fait changer de stratégie le Premier ministre britannique, Boris Johnson (qui visait d’abord l’immunité collective), et aurait poussé d’autres chefs d’Etat à mettre en place des mesures de distanciation sociale et de confinement strict. Dans le texte de National Review, publié après la démission de Neil Ferguson du conseil du gouvernement pour lutter contre le Covid-19 (il avait fait venir sa maîtresse à deux reprises chez lui malgré les restrictions de déplacement), l’auteur demande : «Pourquoi [?] a-t-on jamais écouté ce type ?» Et met en avant trois éléments censés décrédibiliser le travail de l’Imperial College de Londres : 1) le modèle est inexact puisqu’il a mal prédit la situation en Suède, où il y a eu moins de morts que prévus sans confinement ; 2) Neil Ferguson n’est pas fiable parce que ses prédictions pour d’autres épidémies ont souvent été fausses ; 3) le code informatique utilisé pour prédire les effets de la pandémie date d’il y a treize ans. (…) Dans l’article de National Review, l’auteur écrit qu’ «il a été prouvé que le modèle de l’Imperial College de Ferguson est totalement inexact. Pour ne citer qu’un exemple, ce modèle voyait la Suède payer cher pour l’absence de confinement, avec 40 000 décès par Covid-19 au 1er mai et 100 000 au mois de juin. La Suède compte maintenant 2 854 décès et a atteint un sommet il y a deux semaines. Comme le fait remarquer Fraser Nelson, rédacteur en chef du journal britannique Spectator : « Le modèle de l’Imperial College se trompe de façon très importante ».» Le média américain va également reprendre la critique de Johan Giesecke, l’ancien responsable scientifique du Centre européen de contrôle et de prévention des maladies, et ex-épidémiologiste en chef de Suède, pays qu’il continue de conseiller. (…) Giesecke indique notamment que le modèle ne prend pas en compte le fait que les hôpitaux se sont renforcés, en multipliant les lits de réanimation. Il reproche aussi au document de n’avoir jamais été publié scientifiquement : «Il n’a pas fait l’objet d’un examen par les pairs, ce qui devrait être le cas. C’est juste un rapport interne du département de l’Impérial College. C’est fascinant : aucune autre entreprise scientifique n’a fait une telle impression sur le monde que ce document, plutôt discutable.» (…) Neil Ferguson, lui, a répondu à sa critique lors d’une interview à Unherd le 25 avril. (…) Concernant la Suède : «L’épidémie […] a clairement ralenti sa propagation grâce à l’instauration d’une distance sociale volontaire. Et nous pensons que c’est ce qui a conduit le taux de reproduction à passer d’environ 3, à 1,5 ou 1,4.» Autrement dit, même sans confinement, la vie dans le royaume n’est plus la même que dans le scénario où le virus circulerait sans changement d’habitudes. Pour les épidémiologistes ou mathématiciens contactés par CheckNews, reprocher au modèle présenté par Neil Ferguson d’être inexact est un mauvais argument. Pour l’épidémiologiste Rafael Mikolajczyk, de la faculté de médecine allemande Martin-Luther de Halle-Wittenberg, «l’accent mis sur l’exactitude de la modélisation est une mauvaise compréhension de ce qu’est la modélisation. La modélisation ne peut pas prédire les nombres exacts. Elle peut les prédire seulement à court terme ou si vous avez eu de la chance. L’objectif de la modélisation est plutôt de comprendre la situation dans son ensemble». S’il note que des critiques ont été faites sur la valeur des paramètres pris en compte par l’équipe de Neil Ferguson, il estime que «les principales conclusions de ce document étaient conformes à ce que d’autres personnes avaient trouvé». «En Allemagne, ajoute-t-il, de nombreux groupes sont arrivés aux mêmes conclusions : nous devions arrêter l’épidémie. Car même si on changeait les paramètres, en les baissant de 10% ou 20%, le risque de submerger le système de santé était très élevé avec cette épidémie.» Un avis partagé par Fernando Peruani, physicien au laboratoire de mathématiques J.A Dieudonné de l’Université Côte-d’Azur, qui considère que la prédiction importante est le nombre de patients devant être admis à l’hôpital : «Certes, une surestimation du nombre de décès est également associée à une surestimation du nombre d’admissions à l’hôpital, et il est possible que le modèle de Ferguson ait tendance à surestimer ces nombres. Cependant, supposer que le modèle est faux parce qu’il surestime une ou quelques observations est épistémologiquement incorrect. Cela équivaut à dire que les modèles météorologiques sont faux parce que la prédiction pour aujourd’hui était un jour ensoleillé et qu’il a plu.» Le chercheur estime que les modèles épidémiologiques devraient être systématiquement accompagnés de la probabilité de se réaliser ou non. Egalement joint par CheckNews, Antoine Flahault, directeur de l’Institut de Santé Publique à l’Université de Genève, distingue deux formes de prévisions en épidémiologie : le nowcasting (prédire aujourd’hui) et le forecasting (prédire l’avenir). Et estime que la deuxième forme est à considérer avec précaution : «Personne n’est devin. Les mathématiques ne permettent pas de prédire l’avenir. Elles permettent en revanche de simuler différents scénarios sous différentes hypothèses, qui peuvent être du domaine du plausible.» Quant au fait que le modèle de l’Imperial College aurait surévalué le nombre de morts en Suède, les chercheurs contactés par CheckNews considèrent, comme Ferguson, que le pays n’a jamais été dans un scénario où la vie continuait comme avant. Ce changement, certes moins brutal que le confinement dans d’autres Etats d’Europe, ne correspond donc pas au scénario du laisser-faire simulé par l’Imperial College. Le deuxième point soulevé dans l’article de National Review est la crédibilité de Neil Ferguson, qui «s’est trompé si souvent que certains de ses collègues modélistes l’appellent « Le maître du désastre »». Le magazine détaille en effet les erreurs de l’épidémiologiste britannique : «En 2002, Ferguson a prédit que, d’ici 2080, jusqu’à 150 000 personnes pourraient mourir d’une exposition à l’encéphalopathie spongiforme bovine (ESB) (la maladie de la vache folle). Au Royaume-Uni, il n’y a eu que 177 décès dus à l’ESB» ; «En 2005, Ferguson a prédit jusqu’à 150 millions morts de la grippe aviaire. Au final, seules 282 personnes sont décédées de la maladie dans le monde entre 2003 et 2009». Et enfin : «En 2009, une estimation du gouvernement, basée sur les conseils de Ferguson, prévoyait, dans le « pire scénario raisonnable », que la grippe porcine entraînerait la mort de 65 000 Britanniques. Au final, la grippe porcine a tué 457 personnes au Royaume-Uni.» Certes, ces chiffres cités par National Review correspondent bien aux calculs de Neil Ferguson. Mais le média américain omet [au départ] de préciser qu’il s’agit à chaque fois de la fourchette haute ou du pire scénario. Ainsi, pour la maladie de la vache folle, l’étude correspondante notait que «l’intervalle de confiance à 95% pour la mortalité future due à la variante de la maladie de Creutzfeldt-Jakob est de 50 à 50 000 décès humains si l’on considère l’exposition à la seule ESB bovine, la limite supérieure passant à 150 000 si l’on tient compte de l’exposition au pire scénario d’ESB ovine». Les 177 décès constatés entrent bien dans la fourchette très large évoquée par le chercheur britannique. Concernant la mort de 150 millions de personnes à cause de la grippe aviaire, Neil Ferguson avait déclaré, en août 2005 au Guardian : «Environ 40 millions de personnes sont mortes lors de l’épidémie de grippe espagnole de 1918. Il y a six fois plus de personnes sur la planète aujourd’hui, ce qui fait qu’on pourrait probablement atteindre 200 millions de personnes.» A l’époque, Neil Ferguson considérait que la moitié de la population pourrait être atteinte par l’épidémie en l’espace d’un an, ce qui expliquerait ce nombre important de morts. Mais le Guardian précisait aussi que «le professeur Ferguson est arrivé à cette conclusion après que son équipe de scientifiques a étudié le pire des scénarios pour la grippe aviaire.» L’estimation citée est donc la prévision la plus catastrophiste. Le même raisonnement s’applique à la grippe porcine de 2009, où National Review note qu’il s’agit du «pire scénario raisonnable» envisagé par l’Imperial College. Interrogé sur la crédibilité de Neil Ferguson, attaqué sur ces anciens scénarios, le professeur Antoine Flahault explique : «La phase initiale d’une épidémie, c’est une fonction mathématique exponentielle. Or une exponentielle, ça va à l’infini. On sent très bien qu’en fonction des scénarios que vous allez avoir, certains paramètres vont laisser courir l’exponentielle beaucoup plus loin que d’autres, et donc vous allez avoir une forme de catastrophisme presque inhérent à ces modèles mathématiques.» Dans son document du 16 mars, Neil Ferguson et son équipe de chercheurs font d’ailleurs figurer les différents scénarios selon les mesures prises, comme fermer uniquement les écoles, ou appliquer les règles de distanciation sociale aux plus vieux ou à l’ensemble de la population. Antoine Flahault s’interroge cependant sur l’utilité de tels scénarios et leur médiatisation : «Livrer des chiffres de morts prévisionnels, même en précisant que c’est un scénario du possible seulement, cela revient à dire : « Il y aura possiblement 100 000 morts en Suède au mois de juin ». Comme on n’en sait absolument rien, le mieux est de ne jamais évoquer de tels chiffres dans les médias. Le faire, c’est se décrédibiliser, même si assortit cette annonce du terme de scénario. Parce qu’en fin de compte, on finit par n’écouter que ce qui va probablement se passer. Alors qu’en fait, on ne sait absolument pas, aujourd’hui, évaluer la probabilité pour que cette prévision se réalise.» Dernier argument de National Review : «En mars, Ferguson a admis que son modèle de la maladie Covid-19 de l’Imperial College était basé sur un code informatique vieux de 13 ans, non documenté, destiné à être utilisé pour une pandémie de grippe redoutée, plutôt que pour un coronavirus. Ferguson a refusé de divulguer son code original pour que d’autres scientifiques puissent vérifier ses résultats. Il n’a publié une série de codes fortement révisés que la semaine dernière, après un délai de six semaines.» Dans son document du 16 mars, Neil Ferguson écrit noir sur blanc, en indiquant sa source, qu’il a modifié un modèle de simulation développé en 2006 pour étudier une grippe pandémique afin d’explorer des scénarios pour le Covid-19 en Grande-Bretagne. Il a réitéré cette indication dans un tweet posté le 22 mars 2020, où il note : «Je suis conscient que beaucoup de gens aimeraient voir et exécuter le code de simulation de pandémie que nous utilisons pour modéliser les mesures de contrôle contre Covid-19. Pour expliquer le contexte – j’ai écrit le code (des milliers de lignes de C non documentées) il y a plus de treize ans pour modéliser les pandémies de grippe…» Pour le journaliste de National Review, Ferguson avouerait ainsi avoir utilisé un code obsolète pour analyser la pandémie actuelle. Cet argument n’a pas convaincu nos interlocuteurs. Pour Laurent Dumas, professeur de Mathématiques à l’Université de Versailles-Saint-Quentin et auteur d’un article publié dans The Conversation au sujet des modèles mathématiques en épidémiologie, au vu des connaissances que l’on avait du virus au 15 mars, «il n’est pas du tout illlogique de se fier à quelque chose qui a déjà eu lieu, que ce soit il y a 13 ans ou même plus. Ce n’est pas gênant en soi parce que c’est ainsi qu’on travaille. […] Ce n’est pas choquant que le modèle ait 13 ans parce que ces modèles ont plus que 13 ans, ils ont 100 ans». Une version confirmée par l’épidémiologiste Antoine Flahault : «Tous les modèles mathématiques qui sont aujourd’hui développés pour le coronavirus ne remontent pas à 13 ans mais à la théorie mathématique des épidémies, qui a été développée en 1927.» Quant au reproche sur le manque de transparence et de documentation du code, Laurent Dumas explique : «Il n’y a aucune obligation de fournir son code de calcul dans une publication […] Il me paraît tout aussi transparent que tous les autres que j’ai pu voir. Il n’y a pas de reproche à faire sur ce point-là.» Au vu des conséquences politiques et de l’impact sur la vie de millions de personnes qu’a pu avoir ce premier rapport, on peut néanmoins comprendre qu’une forme de transparence était attendue de la part du grand public. Mais cette exigence n’apparaissait alors pas nécessaire pour les chercheurs de l’équipe de l’Imperial College, qui a depuis indiqué se faire aider par Microsoft pour mettre de l’ordre dans le code et le rendre disponible. Jacques Pezet
L’événement déterminant dans l’histoire des confinements de Covid en Occident s’est produit le 16 mars 2020, avec la publication du désormais tristement célèbre rapport Covid de l’Imperial College London, qui prévoyait qu’en «l’absence de toute mesure de contrôle ou de changement spontané du comportement individuel», il serait de 510 000 morts Covid en Grande-Bretagne et 2,2 millions aux États-Unis. Cette prédiction a provoqué des ondes de choc dans le monde entier. Dès le lendemain, les médias britanniques annonçaient que le pays allait se confiner. L’impact du rapport a été amplifié par la machine à sof power du Royaume-Uni, la BBC. Sa portée n’a pas d’égal : diffusant en 42 langues, touchant 468 millions de personnes dans le monde chaque semaine et diffusant efficacement son message. Avec la BBC en plein cri et le public véritablement alarmé, pas de place pour la dissidence. Une cascade d’imitations s’est alors installée, les États-Unis et d’autres pays adoptant le message et les mesures de Londres. Le résultat a été une politique basée sur un modèle défectueux qui a pris naissance à l’Imperial College sous la direction de Neil Ferguson. Le principal défaut du modèle est son hypothèse selon laquelle les gens seraient insensibles aux dangers qui accompagnent une pandémie. Cette hypothèse comportementale est irréaliste. Si on dit aux gens qu’ils risquent de contracter une maladie potentiellement mortelle, la plupart prendront des mesures pour réduire leur exposition. L’équipe impériale a bouleversé le monde avec des chiffres fantaisistes sur un scénario qui ne pouvait jamais se matérialiser. Avant de se précipiter dans des décisions politiques de panique, les décideurs politiques britanniques auraient dû savoir que l’équipe de l’Imperial College de Neil Ferguson avait des antécédents de modélisation défectueuse. Avec un minimum d’efforts, les décideurs auraient rapidement découvert que cette équipe avait un bilan qui rendrait l’astrologie respectable. Ce terrible bilan a commencé avec l’épidémie de fièvre aphteuse du Royaume-Uni en 2001, au cours de laquelle les modélisateurs de l’Imperial College ont persuadé le gouvernement d’adopter une politique d’abattage massif d’animaux. Leur modèle prévoyait que l’incidence quotidienne des cas culminerait à environ 420. À l’époque, le nombre d’incidences avait déjà culminé à un peu plus de 50 et était en baisse. La prédiction a raté sa cible et pas moins de 10 millions d’animaux, dont la plupart auraient pu être vaccinés, ont été inutilement tués. Peu de temps après, en janvier 2002, l’équipe impériale a suggéré que jusqu’à 150 000 personnes au Royaume-Uni pourraient mourir de la maladie de la vache folle. Il s’est avéré que le nombre total de décès au Royaume-Uni n’a pas dépassé 178 – un autre raté pour l’équipe impériale. Puis, en 2005, Neil Ferguson a suggéré que « jusqu’à environ 200 millions de personnes » pourraient mourir de la grippe aviaire dans le monde. Il a justifié cette affirmation en comparant la létalité de la grippe aviaire à celle de l’épidémie de grippe espagnole de 1918, qui a tué 40 millions de personnes. En 2021, la grippe aviaire avait tué 456 personnes dans le monde, ce qui en faisait le plus grand raté de l’Impérial à ce jour. Neil Ferguson et son équipe étaient de retour en 2009 lorsqu’ils ont affirmé que 65 000 personnes pouvaient mourir de la grippe porcine au Royaume-Uni. Fin mars 2010, l’épidémie avait tué moins de 500 personnes avant de disparaître. Le scénario du «pire cas raisonnable» de Neil Ferguson était plus de 130 fois trop élevé – encore un autre gros raté. Dans chaque cas, il y avait le même schéma : modélisation défectueuse, prédictions ébouriffantes de catastrophe qui ratent leur cible et aucune leçon apprise. Les mêmes erreurs ont été répétées maintes et maintes fois et n’ont jamais été contestées par les autorités. Pourquoi? Peut-être que les modèles de l’Imperial College sont des machines génératrices de peur idéales pour les politiciens et les gouvernements en quête de toujours plus de pouvoir. H. L. Mencken avait mis le doigt sur ce phénomène lorsqu’il écrivait que « tout le but de la politique pratique est de maintenir la population alarmée (et donc pressée d’être conduite en lieu sûr) par une série interminable de monstres, pour la plupart imaginaires ». L’équipe de modélisation de l’Imperial College aurait dû subir un audit de ses modèles et de ses pratiques après la débâcle de la fièvre aphteuse il y a plus de 20 ans. Si cela avait été fait, les fiascos ultérieurs auraient pu être évités. Quoi qu’il en soit, l’Impérial devrait certainement faire l’objet d’un audit maintenant, et celui-ci devrait se concentrer sur les insuffisances des modèles de l’équipe et sur la façon dont des recommandations politiques erronées en ont été tirées. Les gouvernements du monde entier devraient également lancer leurs propres enquêtes publiques pour tirer des leçons et prendre les mesures nécessaires pour protéger leurs citoyens contre les modèles de santé publique imprudents. Plus jamais les « scientifiques » armés de modèles défectueux ne devraient s’en tirer en criant « Pandémie ! » dans un théâtre rempli de politiciens et de bureaucrates désireux de saisir encore plus de pouvoir. Steve H. Hanke et Kevin Dowd (2022)
La Covid est terminée en Suède. Les gens sont revenus à leur vie normale et presque personne n’est plus infecté. Je suis prêt à parier que les pays qui ont complètement fermé verront leurs taux monter en flèche lorsqu’ils ouvriront. Si tel est le cas, alors c’est qu’il n’y avait aucune raison de se confiner en premier lieu … Arrêter complètement pour réduire le nombre total de décès n’a de sens que si vous êtes prêt à rester fermé jusqu’à ce qu’un vaccin soit disponible. Ce qui pourrait prendre des années. Aucun pays n’est prêt à attendre aussi longtemps. Sebastian Rushworth (médecin suédois, 04.08.2020)
Obliger les gens des plus grandes villes bas-rhinoises à promener leur chien à deux heures du matin avec un masque porte atteinte aux libertés fondamentales. Maintenant, la préfète va devoir prendre des mesures plus restreintes en termes de zones et de plages horaires. J’insiste : mes deux clients ne sont pas des anti-masque mais ils veulent qu’il soit porté de manière utile. Marc Jantkowiak (avocat de Vincent Feireisen, psychologue hospitalier, et Christian Chartier, médecin)
On veut nous faire croire que la deuxième vague arrive, je l’ai toujours pas vu arriver. (…) Les personnes hospitalisées sont de moins en moins nombreuses. (…) Ce qui compte, c’est les hospitalisations et les décès. (…) Les décès, il y en avait 500 par jour il y a quelques mois. Maintenant, c’est entre 10 et 20. Quand je vois des personnes qui décèdent à l’hôpital, ce sont des gens extrêmement âgés qui ont beaucoup de maladies sous-jacentes qui les fragilisent. (…) L’épidémie est en train de se terminer et on nous fait peur, on nous fait peur pourquoi ? (…)Au départ, on avait pas de tests quand il en fallait. Maintenant que l’épidémie se termine, ils en font 700 000, 800 000 par semaine. Et Olivier Véran était tout fier d’annoncer l’autre jour: ‘on va passer à un million de tests par semaine’.  (…) Un test PCR, il y a environ 3% de faux positifs. (…) donc on va inventer des gens qui sont en pleine forme, qui n’ont aucun symptôme (…) Si Olivier Véran est suivi et qu’il y a vraiment un million de tests par semaine, on aura 30 000 faux positifs par semaine. Sans compter  les vrais positifs (…) qui ont pratiquement pas de symptômes. C’est des sujets jeunes qui ont un petit rhume, une petite grippe ou une bronchite. (…) C’est du délire total. (…) C’est un non-sens scientifique de faire d’un test comme ça un dépistage de masse. (…) Ils entretiennent la peur en disant ‘regardez l’épidémie repart à la hausse !’ Tout ça, c’est bidon. (…) On a vraiment pris les Français pour des cons, pardonnez-moi l’expression. On a voulu les culpabiliser. (…) À chaque fois, on a rejeté la faute sur les Français qui faisaient pas bien. (…) Les décisions politiques étaient mauvaises, ce n’est pas la faute des Français. On les a vraiment pris pour des enfants, on leur a fait la leçon… (…) Les Français ont eu très peur, après ils ont eu moins peur, maintenant on leur refait peur, je n’ai jamais vu une nouvelle peur comme ça alors qu’il n’y a plus de maladie quasiment. Tout ça, c’est un peu de la manipulation de masse, (…) je trouve qu’il y a une dérive grave. (…) Le coup des masques aujourd’hui, c’est totalement débile. Qu’on garde le masque chez les soignants, quand il y a des personnes qui vraiment sont malades, qui projettent des sécrétions contaminantes pour leur entourage, dans certains lieux clos, il y a un risque, c’est très bien, je suis pas contre le masque en soi. Mais dire à tous ces gens dans les open spaces où tout le monde est en pleine forme, de porter le masque toute la journée, ils étouffent, les pauvres… (…)  Les écoles, c’est complètement délirant. (…) On culpabilise tout le monde et le masque dans la rue, c’est du grand délire »… (…) Il y a aucune base scientifique. Pr Christian Perronne
Le but des gouvernements était à l’origine d’éviter de saturer les systèmes de santé, mais il s’est ensuite déplacé vers un objectif de zéro transmission, avec l’objectif de préserver quasiment toute vie à n’importe quel prix. (…) C’est un mauvais moment pour quiconque est porteur du virus, mais c’est aussi un mauvais moment pour tout ceux qui préféraient ne pas se faire dicter leur conduite par les autorités, aussi bien intentionnées soient-elles. (…) Dans ce climat de peur, il était difficile pour les gouvernements de poser la question « combien vaut une vie ? » parce que chaque vie est précieuse, et chaque mort est triste, mais cela n’a jamais empêché des familles de parfois faire le choix d’accompagner leurs proches âgés au mieux tout en laissant la nature suivre son cours. (…) Il n’est pas possible de maintenir 40% de notre main-d’œuvre sur une sorte d’allocation gouvernementale, et d’accumuler un déficit inédit depuis la Seconde Guerre Mondiale, alors que le monde entre dans un marasme jamais vu depuis la Grande Dépression, causé autant par la réponse du gouvernement que par le virus lui-même. (…) Du point de vue de la santé, cette pandémie a été grave. D’un point de vue économique, elle a été désastreuse. Mais je soupçonne que c’est du point de vue du bien-être général que cela se révélera le pire de tout : parce que c’est ce qui arrive quand, pendant bien plus qu’un simple instant, nous laissons la peur de tomber malade nous empêcher d’être pleinement en vie. (…) Chaque jour qui passe risque de voir se mettre en place un nouveau normal (…) d’autant plus si la crise ajoute à leur autorité ou renforce leur position. Après 6 mois de pandémie, le but dans la plupart des pays est toujours de préserver presque chaque vie à n’importe quel prix, avec le confinement comme réponse instinctive des gouvernements à chaque regain du virus. (…) En cours de route, leur objectif est passé d’aplatir la courbe pour que les hôpitaux ne soient pas débordés, à la suppression du virus, puis à zéro transmission au sein de la communauté. (…) Maintenant que chacun de nous a eu six mois pour considérer cette pandémie et se faire son propre jugement à ce sujet, il est sûrement temps d’assouplir les règles afin que les individus puissent prendre plus de responsabilités personnelles et prendre davantage leurs propres décisions quant aux risques qu’ils sont prêts à courir. (…) La génération de la Seconde Guerre mondiale était prête à risquer sa vie pour préserver la liberté. Cette génération est prête à risquer sa liberté pour préserver la vie. Tony Abbott
Six months into the pandemic, the aim in most countries is still to preserve almost every life at almost any cost; with renewed lockdown most governments’ instinctive response to any increase in the virus. The New Zealand government has locked down Auckland after just four new cases, and postponed the national election with under 100 active cases. When new cases peaked at about 700 a day, the Victorian government put five and half million Melburnians into virtual house arrest, under nighttime curfew, and banned at other times from leaving home for more than an hour a day, or from travelling more than five kilometres. For more than six months now in Victoria, under disaster and emergency declarations, homes can be entered, people can be detained, and the ordinary law of the land suspended; and the Premier now wants to extend this health dictatorship for at least another six months. As with the Spanish Flu state border closures, only worse, it’s been every jurisdiction for itself, in a form of “pandemic protectionism”. One Australian state with virtually no corona cases won’t admit people from another state with virtually no corona cases. States that want to admit foreign students, because they need the money, don’t want to admit Australians from another state. And every day, premiers and their chief health officers front the media with casualty lists, and stern warnings that it could easily get worse unless people stay in their homes and avoid each other. It’s a bad time, obviously, for anyone with the virus. It’s also a bad time for anyone who would rather not be dictated to by officials, however well-meaning; or who instinctively chafes under a policy that’s clearly unsustainable yet may be kept up indefinitely in the absence of an effective vaccine. Given that lockdowns can reduce disease but hardly eliminate it, the result is not just a stop-start economy, but a stop-start life. In this climate of fear, it was hard for governments to ask: “how much is a life worth?” because every life is precious,and every death is sad; but that’s never stopped families sometimes electing to make elderly relatives as comfortable as possible while nature takes its course. Likewise, people anticipating serious health problems sometimes elect not to be resuscitated. When a trauma victim comes into an emergency department, almost no effort is spared to keep that person alive. But when a cancer patient wants access to very expensive new drugs, governments normally ask tough questions about how much good life will be gained before making it available; and what the alternative might be. So far, with Sweden the most notable exception, governments have approached the pandemic like trauma doctors; instead of thinking like health economists, trained to pose uncomfortable questions about a level of deaths we might have to live with. So far, Australia’s national government has committed some $300 billion to soften the economic consequences of state governments’ enforced social distancing. Even if mandatory shut-down really was all that avoided the initially-predicted 150,000 deaths, that still works out at about $2 million per life saved. If the average age of those who would have died is 80, even with roughly 10 years of expected life left, that’s still $200,000 per quality life year –or substantially beyond what governments are usually prepared to pay for life-saving drugs. Once it was clear that a 60 per cent infection rate and a 1 per cent death rate was unlikely, shouldn’t we have started to ask whether the cure was proportionate to the disease? Based on the anti-bodies present in blood tests, the NSW Chief Health Officer has recently said that up to a half million Australians could already have been infected, most of them asymptomatic. On that basis, while our case fatality rate is close to two per cent, our infection fatality rate, would be more like one in a thousand, or zero point one per cent. Of course, there is still much that we don’t know (like why infections haven’t increased that much in Europe as restrictions have eased; why deaths haven’t ticked up as infections have; and why death rates seem to have fallen everywhere despite little agreement on the most effective treatments). And it’s sensible to err on the side of caution. Sometimes though, officials get trapped in crisis mode longer than they need to, especially if the crisis adds to their authority or boosts their standing. One of the surprising features of this pandemic has been the lack of published modelling from government and the dearth of officially-accepted epidemiological data, after the daunting initial predictions from the Imperial College team in London changed most governments’ strategy from herd immunity to preventing infections via drastic, compulsory social distancing. Along the way, official objectives have shifted from “flattening the curve”, so hospitals wouldn’t be overwhelmed, to “suppression”, to “zero-community transmission”.  Governments have justified it as following “the expert advice”, as if this has always been clear; or as if we should be ruled, rather than merely guided, by unaccountable experts. Inevitably, much of the media has spread virus-hysteria with the occasional virus-linked death of a younger person highlighted to show that deadly threat isn’t confined to the very old or the already-very-sick or those exposed to massive viral loads. As Sweden demonstrates, you can cop both the corona deaths and the economic costs even without the government-imposed lockdowns as people choose to travel less, to go out less and to spend less. But for a free people, there’s a world of difference between a course of conduct that individuals choose for themselves and one that government orders them to adopt, even if turns out to be much the same. There’s no doubt that lockdowns, at least initially, reassured worried populations that governments had their well-being at heart. A recent poll showed that only 7 per cent of Australians thought that COVID restrictions were “too tough”, while 33 per cent thought them “too lenient”. Only 11 per cent thought that “getting the economy moving” was more important than “stopping the virus’ spread”, hence most governments’ tendency to make rules rather than let people make their own judgments. Faced with an unprecedented challenge, governments were always going to be damned if they do, and damned if they don’t. Or perhaps: damned now if they didn’t lock down and damned later if they did.  Because it’s clearly not possible indefinitely to keep 40 per cent of the workforce on some kind of government benefit, and to accumulate debt and deficit on a scale not seen since the Second World War, while the world goes into a slump not seen since the great depression –caused as much by governments’ response as by the virus itself. Almost a million people in Victoria, close to 20 per cent of the workforce, still technically have a job but aren’t actually working due to the lockdown. In the absence of effective treatment or a vaccine that may never come, at some point, we just have to learn to live with this virus, in ways that can be kept-up more or less indefinitely: with borders managed but open; businesses vigilant but otherwise fully operational; and normal life continuing, with more precautions, more humane ones, for the sick and elderly. Sadly, most of the elderly victims have died alone –without the solace of family and friends –because of the measures put in place to protect them. It’s this psychic damage, I fear, that will be at least as bad as the pandemic’s toll on health and wealth: people once sturdily self-reliant looking to government more than ever for support and sustenance, a “something for nothing” mindset reinforced among young people spared the need of searching for jobs, and magic pudding economics entrenched under the guise of “modern monetary theory”. Governments paying businesses’ wages bill for them, borrowers freed from mortgage repayments, and tenants no longer having to pay rent: none of this can last, yet every day it goes on risks establishing a new normal. The sooner citizens don’t have to offer police an explanation for their movements, the less anxious we will feel. The sooner the airwaves are not filled by officials telling us not to go out, not to see people, and not to shake anyone’s hand, the more resilient we will be, even if there may be some modest uptick in corona cases. From a health perspective, this pandemic has been serious; and from an economic perspective it’s been disastrous; but I suspect that it’s from an overall wellbeing perspective that it will turn out worst of all: because this is what happens when, for much more than a mere moment, we let fear of falling sick stop us from being fully alive. Now that each one of us has had six months to consider this pandemic and to make our own judgments about it, surely it’s time to relax the rules, so that individuals can take more personal responsibility and make more of their own decisions about the risks they’re prepared to run.  For me, the recent 75th anniversary of the end of World War Two prompted this reflection: that generation: ready to risk life to preserve freedom; this generation: ready to risk freedom to preserve life. Yet we don’t think of our parents and our grandparents as too brave, do we; I wonder what judgment history will pass on us? Tony Abbott
Des études séparées menées par le Karolinska Institutet (KI) de Suède, un institut de recherche médicale indépendant, et le Réseau européen des médiateurs pour les enfants et l’Unicef, ont montré que les enfants suédois se sont mieux comportés que les enfants d’autres pays pendant la pandémie, à la fois en termes d’éducation et de santé mentale. Reuters
The world should have followed Sweden’s example. That country never locked down and has even kept children under 16 in school the entire time. As Reuters reported on July 15, the number of Swedish children between 1 and 19 years of age who have died of COVID-19 is zero. And the percentage of children who contracted the illness was the exact same in Sweden as it was in Finland, which locked down its schools. As regards teachers, Sweden’s Public Health Agency reported that “a comparison of the incidence of COVID-19 in different professions suggested no increased risk for teachers.” Nevertheless, with few exceptions, teachers in Los Angeles and elsewhere refuse to enter a classroom that has students in it. Their disdain for their profession has been superseded only by that of the Los Angeles teachers union, which announced that teachers will not resume teaching until the police are defunded. People who defend lockdowns and closing schools point out that Sweden has the eighth-highest death rate per million in the Western world. But, needless to say, this has no bearing at all on the issue of whether Sweden was right to keep schools open or whether our country was wrong to close them, let alone keep them closed now. The overwhelming majority of deaths from COVID-19 in Sweden were among people over 70 years of age, and most of those were people over 80 and with compromised immune systems. Reuters reported that three separate studies, including one by UNICEF, “showed that Swedish children fared better than children in other countries during the pandemic, both in terms of education and mental health.” For more than a month, Sweden has had almost no deaths from COVID-19 while the entire society remains open and almost no one wears masks. (In Holland, too, almost no one wears masks.) For all intents and purposes, the virus is over in Sweden. I live in California, a state governed by that most dangerous of leaders: a fool with unlimited power. Despite the fact that California ranks 28th among the 50 states in deaths per million, Gov. Gavin Newsom has destroyed and continues to destroy tens of thousands of small businesses and untold numbers of livelihoods. His continuing to forbid — a half-year after the onset of the pandemic — indoor dining in restaurants is leading to a projected permanent closure of approximately 1 in every 3 restaurants in the state. The same catastrophic destruction will likely affect retail businesses and services such as hair and nail salons. But all this human tragedy — not to mention increased depression and suicides among the young and increased abuse of children and partners — means nothing to Newsom, to Los Angeles Mayor Eric Garcetti or to the Los Angeles Times, whose editors and columnists continue to advocate for the lockdown while they receive their salaries. Why can people eat with no mask in an airplane — inches, not six feet, from strangers — but cannot eat in a California restaurant, which is so much bigger than the inside of an airplane, while sitting six feet from others? Because Newsom ordered it, the Los Angeles Times supports it and, like sheep, Californians have accepted it. According to the California Association of Museums, “Museums are losing over $22 million a day due to the statewide quarantine. As of August 1, 2020, California museums have lost more than $2.9 billion in revenue. Museums have a $6.55 billion financial impact on California’s economy, support 80,722 jobs, and generated $492 million in tax revenues for the State of California in 2017 and over $1 billion in federal taxes.” And the American Alliance of Museums issued results from a survey on July 22, 2020, that warned 1 out of every 3 museums may shutter forever as funding sources and financial reserves run dry. On Aug. 3, The Wall Street Journal wrote, “In March … There was broad public support for the prudent goals of preventing hospitals from being overwhelmed and buying scientists time to develop therapies.” But the left — the media and Democratic governors and mayors — immediately moved the goalposts to “bending the curve” and “saving one life,” enabling them to get away with destroying lives and livelihoods. (…) The lockdown is a crime. But even more upsetting is that it is supported by so many Americans. This country is unrecognizable to those of us who lived through the 1968-1970 pandemic, which killed, according to the Centers for Disease Control and Prevention, approximately 100,000 Americans — the 2020 equivalent of 170,000 Americans. Nothing shut down. Not one mask was worn. Dennis Prager
Dans quelle mesure les masques peuvent-ils limiter la propagation de l’infection dans la société? C’est très difficile à mesurer. D’abord parce que les études et les preuves scientifiques sont étonnamment faibles. Ensuite parce qu’il peut y avoir des effets pervers induits par le port du masque, qui peut être contaminé, et que l’on touche. Nous pensons que la distanciation sociale, le fait que les gens ne se regroupent pas, qu’ils restent chez eux quand ils sont malades, sont des mesures beaucoup plus efficaces. Anders Tegnell (épidémiologiste en chef suédois)
Pendant qu’en France, et dans le reste du monde, le port du masque se généralise jusque dans la rue, un pays d’Europe résiste encore et toujours à cette mesure pour lutter contre la pandémie : la Suède. Le pays scandinave s’était déjà fait remarquer au printemps en refusant de confiner sa population pour éviter une crise économique trop importante. Aujourd’hui, il continue de rejeter le port du masque, qui n’apparaît nulle part dans les recommandations sanitaires de l’agence de santé publique suédoise. Le bilan humain de la pandémie en Suède est pourtant loin d’être le meilleur : au 27 août, 5 820 personnes y sont mortes du Covid-19, soit 57 décès pour 100 000 habitants. Un chiffre, certes, loin des 86 morts pour 100 000 habitants en Belgique, ou des bilans espagnol et britannique (62), mais proche de celui des États-Unis (55) et de l’Italie (59), deux pays fortement touchés. En France, l’épidémie a fait 46 décès pour 100 000 habitants. (…) La stratégie suédoise repose en fait quasi exclusivement sur la distanciation physique – ainsi que sur l’hygiène – quand, en France par exemple, elle est souvent assouplie et complétée par le port du masque. Les rassemblements de plus de 50 personnes y sont notamment toujours interdits, et le télétravail doit être favorisé jusqu’à la fin de l’année pour ne pas engorger les transports. L’épidémiologiste en chef de l’agence de santé publique suédoise, Anders Tegnell, a estimé le 24 août sur LCI qu’il était « dangereux de voir les masques comme la solution à cette pandémie ». Dans Le Figaro, il se justifie et pointe « les études et les preuves scientifiques » sur l’efficacité du port du masque, qui, selon lui, « sont étonnamment faibles ». Anders Tegnell estime surtout que le masque pourrait conduire à un relâchement de la distanciation et des gestes barrières. « Il peut y avoir des effets pervers induits par le port du masque, qui peut être contaminé et que l’on touche. » Un discours étonnant aujourd’hui, mais qui était celui de l’OMS – et des autorités françaises – il y a encore quelques mois, au début de la pandémie, avant que la connaissance scientifique sur la transmission du virus n’évolue. Si, au début du mois, ses voisins étaient encore sur la même ligne, le Danemark, la Finlande et la Norvège ont finalement décidé, mi-août, d’imposer ou de recommander le port du masque dans les transports publics. Pas de quoi faire douter les autorités suédoises, qui mettent en avant le ralentissement des contaminations dans le pays depuis l’été. Le Point
Que ce soit dans le bus, les trains ou les aéroports, dans les magasins ou dans les rues, le constat est le même: les Suédois, en temps de coronavirus, portent peu le masque, voire pas du tout. Et les quelques illuminés qui se couvrent la bouche courent même le risque de voir les regards devenir suspicieux, ou leur voisin changer de place. «Je n’ai qu’un passager sur dix avec un masque, assure un chauffeur de bus, et le plus souvent c’est un touriste, ou une personne très âgée.» Seuls les employés des hôpitaux et des maisons de retraite ne vaquent pas à leurs occupations à visage découvert. Alors que la France commence à rendre le masque obligatoire dans certaines rues fréquentées, et que dans la plupart des pays européens il est devenu l’arme privilégiée de la lutte contre le coronavirus, les Suédois continuent de l’ignorer. Certes, le télétravail est encouragé, les plus de 70 ans sont invités à limiter leurs contacts et les rassemblements de plus de 50 personnes restent interdits, mais l’Agence suédoise de santé ne mentionne même pas le masque dans les mesures de protection que pourrait adopter la population. Elle reste de même sourde aux recommandations de l’OMS qui le préconise en complément du lavage des mains ; ou du Centre européen de prévention et de contrôle des maladies infectieuses (ECDC), basé à Stockholm, favorable au port du masque quand la distanciation physique n’est pas possible, comme dans les transports publics. Ce désintérêt est d’ailleurs similaire dans tous les pays scandinaves, avec cependant une différence de taille: la circulation du virus y est beaucoup moins élevée qu’en Suède. (…) L’épidémiologiste en chef Anders Tegnell reste cependant sur la même position: «Dans quelle mesure les masques peuvent-ils limiter la propagation de l’infection dans la société? C’est très difficile à mesurer, estime-t-il. D’abord parce que les études et les preuves scientifiques sont étonnamment faibles. Ensuite parce qu’il peut y avoir des effets pervers induits par le port du masque, qui peut être contaminé, et que l’on touche. Nous pensons que la distanciation sociale, le fait que les gens ne se regroupent pas, qu’ils restent chez eux quand ils sont malades, sont des mesures beaucoup plus efficaces.»Une position reprise par le premier ministre, Stefan Löfven, mais qui ne fait pas l’unanimité. Régulièrement, des militants «pro-masque» manifestent devant le siège de l’Agence de santé pour dénoncer les près de 6000 morts du coronavirus tombés selon eux à cause du non-confinement et de «l’inaction» du gouvernement social-démocrate. Les médias se sont aussi fait l’écho du travail mené par des chercheurs suédois de l’Institut Karolinska et des collègues canadiens qui ont compilé vingt-cinq études publiées dans le monde entier sur les masques faciaux. Selon leurs conclusions, si «l’efficacité de filtration varie», les masques «offrent toujours un degré non négligeable de protection» en stoppant notamment les larges particules émises lorsque l’on parle, tousse ou éternue. Mais, pour Anders Tegnell, le port du masque est d’autant moins une priorité que la situation épidémiologique ne le justifie pas. À la fin du printemps, la Suède était certes le pays où l’on avait le plus de chance de succomber au coronavirus, et son taux de mortalité par million d’habitants a alors dépassé celui de la France. Mais, aujourd’hui, la situation s’est stabilisée, et l’épidémiologiste parle même de «tendance positive»: «Les admissions en soins intensifs ont considérablement baissé, et certains jours il n’y en a même pas une seule. Le constat est le même pour la mortalité.» La Suède n’ayant pas eu à déconfiner, et donc à assouplir les règles de distanciation sociale, elle ne craint pas non plus cette deuxième vague qui semble naître ailleurs, même si une reprise légère des contaminations chez les jeunes adultes a été observée ces derniers jours. Signe que la situation s’améliore, les Suédois peuvent depuis le 1er août se rendre librement chez leurs voisins danois, qui jusqu’à cette date leur avaient fermé la porte. Mais Anders Tegnell, figure de la lutte contre le coronavirus en Suède, reste vigilant: «Si cette évolution se poursuit, avec un niveau très faible de contamination, je ne pense pas que nous introduirons l’usage du masque. Si la contamination s’accélère, si nous avons des problèmes dans les bus et les trains, c’est bien sûr une solution que nous regarderons de près.» Le Figaro

Nous aurions dû suivre l’exemple suédois!

A l’heure où après un confinement aussi aveugle que catastrophique

Effrayée comme les autres pays par les hypothèses les plus folles du « Maitre es désatre » de l’Imperial college de Londres Neil Ferguson…

La France est repartie dans le délire du masque partout, y compris à l’extérieur …

Retour sur le cas du seul pays

Qui a su ménager aussi bien son économie que la liberté et l’intelligence de ses citoyens …


Bienvenue au meilleur des mondes sanitaire ! (Building Jerusalem: As with post-war Britain, will the current coronavirus pandemic make us again forget Hayek and Churchill’s warnings about the road to serfhood ?)

19 mai, 2020

Knock, Jules Romains (théâtre en prose) - La Chanson GriseMülheim (Allemagne), 29 mars 2020 : des malades du coronavirus sont transportés de Metz vers L’Allemagne, par des hélicoptères militaires françaishttps://headtopics.com/images/2020/5/18/yahoonews/over-4-7-million-people-worldwide-have-tested-positive-for-the-coronavirus-and-more-than-315-000-peo-1262357506157948933.webp

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Comme ils continuaient à marcher en parlant, voici, un char de feu et des chevaux de feu les séparèrent l’un de l’autre, et Élie monta au ciel dans un tourbillon. Élisée pria, et dit: Éternel, ouvre ses yeux, pour qu’il voie. Et l’Éternel ouvrit les yeux du serviteur, qui vit la montagne pleine de chevaux et de chars de feu autour d’Élisée. 2 Rois 6: 16-17
Bien des gens qui se considèrent très au-dessus des aberrations du nazisme et qui en haïssent très sincèrement toutes les manifestations, travaillent en même temps pour des idéaux dont la réalisation mènerait tout droit à cette tyrannie abhorrée. Friedrich Hayek (La Route de la servitude, 1944)
Aucun système socialiste ne peut être établi sans une police politique, quelque forme de Gestapo. Winston Churchill (04.06. 1945)
Avançons dans ce combat dans l’esprit de William Blake: ‘Je ne cesserai jamais mon combat intérieur, et jamais mon épée ne dormira dans ma main, jusqu’à ce que nous ayons bâti Jérusalem sur les terres vertes et plaisantes d’Angleterre.’ Clement Attlee
Un État totalitaire vraiment « efficient » serait celui dans lequel le tout-puissant comité exécutif des chefs politiques et leur armée de directeurs auraient la haute main sur une population d’esclaves qu’il serait inutile de contraindre, parce qu’ils auraient l’amour de leur servitude. La leur faire aimer – telle est la tâche assignée dans les Etats totalitaires d’aujourd’hui aux ministères de la propagande, aux rédacteurs en chef des journaux et aux maîtres d’école. Aldous Huxley
Dans les temps anciens, ces pieds ont-ils foulé les vertes montagnes d’Angleterre ? Et le saint Agneau de Dieu a-t-il été Vu sur les prairies agréables de l’Angleterre ? Et la Face Divine a-t-elle Brillé sur nos collines couvertes de nuages ? Et Jérusalem a-t-elle été bâtie ici Parmi ces usines sombres et sataniques ? (…) Apportez-moi mon chariot de feu ! Je ne cesserai jamais mon combat intérieur, Et jamais mon épée ne dormira dans ma main, Jusqu’à ce que nous ayons bâti Jérusalem Sur les terres vertes et plaisantes d’Angleterre. William Blake
When Keynes died, Keynes and I were the best known economists. Then two things happened. Keynes died and was raised to sainthood, and I discredited myself by publishing The Road to Serfdom. And that changed the situation completely. And for the following 30 years, it was only Keynes who counted, and I was gradually almost forgotten. Friedrich von Hayek
Well, I came back in a troop ship in the summer of 1945, and I was a pilot in the Royal Air Force, and I was picked as a 19-year-old to be the Labor candidate. All these soldiers said, « Never again. We’re never going back to unemployment, the Great Depression, to fascism, to rearmament. We want to build a new society. Tony Benn (Labor candidate, 1945)
Churchill (..) got carried away with this Gestapo. And this, of course, was carrying things to absurdity — Gestapo in Britain. Ralph Harris (Institute of Economic Affairs, 1957-1987)
And did those feet in ancient time est un poème de William Blake, issu de la préface de Milton, et connu de nos jours sous le titre Jerusalem qui provient de son adaptation en hymne par Hubert Parry. Il est devenu l’un des plus fameux airs patriotiques anglais, au même titre que Rule Britannia et Land of Hope and Glory ; ensemble, ce sont les trois chants qui sont entonnés par l’assistance lors de la « Last Night of the Proms » et, en certaines occasions, font quasiment office d’hymne national anglais (l’Angleterre n’ayant pas d’hymne officiel). Il s’agit d’une référence à une visite qu’aurait faite, selon un récit apocryphe, Jésus, accompagné de Saint Joseph d’Arimathie, à Glastonbury, en Grande-Bretagne. Le « chariot of fire » (chariot de feu) auquel il est fait allusion est une référence biblique à la montée au ciel du prophète Élie (2 Rois 2:11). Cet hymne est souvent chanté dans les stades. (…) La phrase « Bring me my chariot of fire » a inspiré le titre du film Les Chariots de feu. Une chorale chante Jerusalem à la fin du film et une version apparaît dans la bande originale de ce film, chantée par les Ambrosian Singers superposée partiellement à une composition de Vangelis. Le titre du film devait être initialement Running jusqu’à ce que le scénariste vît une émission télévisée, Songs of Praise, incluant l’hymne, et décidât de changer le titre du film. L’hymne figure dans le film Quatre mariages et un enterrement, chanté par l’assistance lors du premier mariage. L’hymne est utilisé aussi dans La Solitude du coureur de fond. Dans le film Calendar Girls, les membres du Women’s Institute chantent Jerusalem à chacune de leurs réunions. Dans la série télévisée britannique The Casual Vacancy, les habitants de Pagford chantent Jerusalem lors de l’enterrement de Barry Fairbrother. (…) Le groupe de rock progressif britannique Emerson, Lake and Palmer en fait l’ouverture de leur album Brain Salad Surgery (1973). (…) Le roi George VI préférait Jerusalem à God Save the King. Wikipedia
Jerusalem is more than a hymn. It is almost our national anthem; as popular at rugby internationals as it is at earnest Labour party conferences; it is universal in its appeal. It’s also more than just the name of a magical place. It represents the British nation itself. Which is curious, when you consider the story of Jerusalem the place. The reason a hymn called Jerusalem stirs such patriotic fervour with us is because the city is not only the Holy City: on the one hand, everyone feels it belongs to them; on the other, it has a clearly defined special relationship to the British which is expressed in the hymn. But on purely geographical terms, no corner of the globe has seen such bloodshed, such fanaticism, such glory and such tragedy. Its history is that of the great religions and visions of mankind, Christian, Muslim and Jewish; and it symbolises the aspirations of the British to rule their empire. Yet how did it become the symbol of a perfect paradise? And more pertinently for us, how did it become so British? Don’t forget that by the 19th century, when William Blake wrote those now famous words, many were starting to regard Jerusalem as British – just as the Bible itself had somehow become a British classic. (…) By 70AD, the Romans under the Emperor Vespasian and his son Titus had ransacked Jerusalem, the assault culminating in the destruction of the Temple. The Jews became a despised and defeated people and the Christians separated forever from Judaism. Henceforth the Christians saw themselves as the new Israel, and Jerusalem not as a heap of ruins in Judaea but as the New Jerusalem, the perfect kingdom that would descend when Jesus returned for the Second Coming. To that end, when the Roman emperor Constantine the Great adopted Christianity, he restored a Christian Jerusalem, building the Church of the Holy Sepulchre around 329AD. From then on across Christian Europe, Jerusalem was no longer just a place. It was an idea, a vision, even a paradise that people read about in their Bibles. This impressive feat of clever marketing was so powerful that by 1096 hundreds of thousands of Christians travelled thousands of miles across Europe to conquer Jerusalem in the First Crusade. The city remained Christian for almost 100 years. In London, the Knights Templar built the Temple Church (seen in the film The Da Vinci Code) in the City based on their headquarters: the Dome of the Rock on Jerusalem’s Temple Mount – or Mount Moriah. Yet the Siege of Jerusalem in 1187, which resulted in the recapture of the city by the great Muslim leader Saladin, only intensified the Christian love of the city: Richard the Lionheart tried to rescue it, and Ye Olde Trip To Jerusalem in Nottingham, which claims to be the oldest pub in Britain, is said to date from Richard’s Third Crusade in 1189. He failed but all across the world people built their own Jerusalems: the king of Ethiopia built his, as did the tsars of Russia. Most towns had their own Jerusalem chapels and every knight dreamed of liberating the city or making the pilgrimage (this was probably the time that the village of Jerusalem in Lincolnshire got its name). Many Britons, King Henry IV among them, made the pilgrimage. In Chaucer’s Canterbury Tales the promiscuous Wife of Bath had been there several times When, in 1520, Martin Luther raised his protest against the Catholic church, his new Protestants returned to the fundamentals of the Bible with the result that British Protestants revered Jerusalem even more intensely. Oliver Cromwell and his Puritans saw themselves as the New Israelites and their sacred and pure Britain as a new Jerusalem. Meanwhile, the 1611 King James Bible gradually became a classic of English literature. After Cromwell’s death in 1658 these views survived. Puritans such as the Pilgrim Fathers sailed for America and saw the country as a New Jerusalem – John Winthrop, the first governor of Massachusetts, told the future Massachusetts Bay colonists that their new community would be a ‘city upon a hill’, a phrase taken from the Sermon on the Mount. Hence there are so many Jerusalems – or Salems – in America. In the late 18th century, Jerusalem, now a poverty-stricken but grandiose village ruled by the Ottoman Sultans, once again became fashionable: Napoleon Bonaparte tried to conquer it but was defeated with the help of the Royal Navy and the British hero, Sir Sidney Smith, who marched his men through the city. This was exactly the moment when Protestant Evangelism was spreading and rising again, not only in America but in Britain. In 1804, a brilliant engraver, poet and radical named William Blake opened his poem Milton with the prefatory verse that started, ‘And did those feet in ancient time’. Printed in 1808, the poem praised the brief heyday of a heavenly Jerusalem in pre-industrial England but it was inspired by a myth that the boy Jesus had once visited Britain with Joseph of Arimithea. It’s unlikely Jesus did visit Britain but the old myth was popular precisely because British Christians increasingly sought a direct link between Britain’s mission to civilise the world and Jerusalem. The Authorised Version of the Bible was now learned by every British schoolchild, who felt they knew more about King David than recent English history. During the 19th century British imperialists joined forces with British evangelists, an alliance personified by Lord Palmerston and his evangelical son-in-law Lord Shaftesbury, who wanted Britain to sponsor the return of the Jews to Jersusalem to accelerate the Second Coming and a Protestant Zion. Yet Blake’s poem, increasingly admired, was not widely known until World War I, when all these strands – the hymn, the British love of Jerusalem, the imperial British mission and evangelical vision of Jewish Return and Second Coming – came together. In 1916 the Poet Laureate Robert Bridges asked the composer Sir Hubert Parry to set Blake to music. Sir Edward Elgar orchestrated it and it was performed at a patriotic meeting, immediately becoming a hit. At this point, David Lloyd George, wartime Prime Minister, was ordering General Allenby to advance into Palestine and conquer Jerusalem as a ‘Christmas present for the British nation’. Lloyd George admitted that ‘I was taught more in school about the history of the Jews than about my own land.’ He and his Foreign Secretary Arthur Balfour backed the Jewish dream of a Jewish homeland – under British auspices. Indeed, cabinet minister Lord Curzon noted that ‘the Prime Minister talks about Jerusalem with almost the same enthusiasm as about his native Welsh hills!’ In December 1917, Britain conquered Jerusalem, which remained under its control until 1948. The British sponsored the Zionist dream of a Jewish homeland by encouraging Jewish immigration, but by the end of the Thirties, the increasing conflict between Zionists and Palestinians led to a British cap on Jewish immigration to Palestine. By then, Jerusalem the hymn, no longer linked to Blake’s radical sacred vision but a popular anthem, was adopted by Clement Attlee and his Labour Party in the 1945 election when he promised Britain as a New Jerusalem – an ideal socialistic sanctuary – for the working man. And while he won the election aided by the hymn, he failed to manage the real Jerusalem, which sank into civil war and saw the end of British rule. Attlee handed Palestine to the United Nations; Jerusalem descended into war out of which arose Israel. But Attlee did create his imperfect New Jerusalem – the welfare state and the NHS that we know today. And the hymn? Jerusalem remains, separate from its history, as the alternative British national anthem, beloved by rugby fans, Labour activists and patriots. One small irony is that Blake actually never entitled it Jerusalem, because he was working on another poem at the time called Jerusalem: The Emanation Of The Giant Albion. But no one remembers that one. Simon Sebag Montefiore
For anyone with what used to be called “progressive tendencies,” the best, if largely overlooked, book of last year was surely John Bew’s biography of Clement Attlee, the leader of the British Labour Party through the Second World War, and then Prime Minister in the first great postwar Labour government. Titled “Citizen Clem” in Britain (Oxford University Press published it here as “Clement Attlee: The Man Who Made Modern Britain”), it is a study in actual radical accomplishment with minimal radical afflatus—a story of how real social change can be achieved, providing previously unimaginable benefits to working people, entirely within an embrace of parliamentary principles as absolute and as heroic as any in the annals of democracy. Attlee was an unprepossessing man. “A modest man with much to be modest about,” Winston Churchill said of him once. Attlee had a modest mustache and came from a modest family, and had a modest demeanor—so much so that his modesty made him almost a joke figure. Even when he was Prime Minister, one wit noted that “an empty taxi drew up to 10 Downing Street and Attlee got out.” He was always regarded impatiently, even patronizingly, by his more charismatic colleagues on the left. (…) After the war, Attlee went to work as what would now be called a community organizer in the London slum of Stepney, which remained his spiritual home for the rest of his life. (…) Attlee came of age at a time when Marx was seen as only one, and not the most important, of the fathers of the socialist ideal. Attlee, who saw through and rejected the Soviet totalitarian model early, schooled himself on the British alternatives—on the works of William Morris and Edward Bellamy, who dreamed of rebelling against the regimentation that was implicit in the industrialized system rather than of simply switching around the hands that controlled it. William Blake was one of the names that Attlee most often cited. (It was he, as much as anyone, who made Blake’s mystic poem “Jerusalem” the anthem of the Labour Party.) This vision was in many ways unreal, but the unreality blossomed in practical terms: Attlee saw socialism as the pursuit of a nameably better life, not as a search for another master. “Citizenship” was his key term, and the ideal, as Bew explains, was one in which “the state and the individual needed to serve in the name of a broader democratic community.” (…) It was in the darkest days of 1940, though, that Attlee’s heroism and acuity came most to note. Attlee’s Labour Party had entered into a coalition government with Churchill’s Conservative Party when the Second World War broke out. Then, in late May of 1940, when the Conservative grandee Lord Halifax challenged Churchill, insisting that it was still possible to negotiate a deal with Hitler, through the good offices of Mussolini, it was the steadfast anti-Nazism of Attlee and his Labour colleagues that saved the day—a vital truth badly underdramatized in the current Churchill-centric film, “Darkest Hour,” as it has been in many a history book. (There were many, perhaps even a majority, on the Tory right more interested in preserving the peace and the British Empire than in opposing Hitler.) Had Labour been narrower in outlook, or implicitly pro-Soviet—at a time when Stalin was still tightly allied with Hitler—as were so many on the French left, the history of European civilization would be very different. Attlee remained Churchill’s chief ally throughout the war, but he was far from a complaisant one. When Churchill and Roosevelt were considering their declaration of the Atlantic Charter, it was Attlee, acting with a celerity and a clarity of purpose that belied his reputation for caution, who insisted on including “freedom from want” as one of its aims, making economic rights and, with them, a decent life for all, one of the official aims of the war. He was a mumbler, but he was no ditherer. In 1945, he led Labour to a stunning victory over Churchill, not ceasing for a moment in his admiration for his wartime role, nor ceding for a moment to what he perceived as his partner’s reactionary vision. (Churchill had the very bad idea in the campaign of attacking Labour as a quasi-totalitarian party, which everyone knew was nonsense.) The achievements of the first Labour government are still rightly legendary: a government that actually contained as ministers seven men who had begun their adult lives as working coal miners, brought in national health insurance, made the provision of housing central to its ends, and fought and mostly won the battle against unemployment. Imperfect as its accomplishments were—the virtues of nationalization proved less absolute than the ideologues imagined—it nonetheless empowered the working classes and, Bew writes, “set the ethical terms on which Britain’s new social contract was founded.” It is still a social contract in many ways intact, and was the background for the extraordinary cultural renaissance of working-class Britain in the nineteen-sixties and beyond. (…) At a moment when, for the first time in several generations, social democracy and even socialism itself are not dirty words but possible currents in American life, Attlee’s life recalls what real socialism is and can accomplish. After reading Bew’s book, one can’t help but think about the number of T-shirts sold here over the years bearing an image of Che (innumerable), compared with those bearing an image of Clem (presumably zero.) Yet one was a fanatic who helped make an already desperately violent and impoverished region still more violent and impoverished—and who believed in “hatred as an element of struggle”—and the other a quiet man who helped make a genuine revolution, achieving almost everything that Marx had dreamed of for the British working classes without a single violent civil act intervening. Adam Gopnik
Author Aldous Huxley once said, “A thoroughly scientific dictatorship will never be overthrown.” Even as we try to battle the COVID-19 pestilence, we may be contracting a more dangerous virus — hygienic fascism. This involves a process when our political leaders defer to a handful of “experts,” amid what Dr. Joseph Ladopo, an associate professor at the UCLA School of Medicine, describes as an atmosphere of “COVID-19-induced terror.” Ideologically, hygienic fascism is neither right nor left, nor is it simply a matter of taking necessary precautions. It is about imposing, over a long period of time, highly draconian regulations based on certain assumptions about public health. In large part, it regards science not so much as a search for knowledge but as revealed “truth” with definitive “answers.” Anyone opposed to the conventional stratagem, including recognized professionals, are largely banished as mindless Trumpistas, ignoramuses, or worse. Experience may show that debate and diversity of choices serve the public’s health and general well-being better than unchallenged rule by a few, largely unaccountable individuals. Even some non-Trumpians — like Elon Musk — see this as less an adherence to scientific standards than a “fascist” attempt to impose often impossible conditions on society and the economy, and without popular recourse. That these orders are often issued by the executive, and in the vast majority of states without legislative recourse, certainly follows an authoritarian pattern. The degree of social control being proposed often reveals staggering tunnel vision. Former Vice President Joe Biden’s adviser, Dr. Ezekiel Emmanuel, suggests that eradication of the virus will require a year or even 18 months of lockdown policies. This likely would catapult an already steep recession into something approaching a depression. Scientists and academics, it appears, may be less vulnerable to such a policy than, say, hotel workers, retail clerks or small business owners. Sometimes the controls being implemented are reminiscent of Orwell’s “1984.” People are being handcuffed for walking alone, playing catch with a child in a closed park or riding the waves alone at a closed beach. Officials, from Harris County, Texas, to New York, are urging neighbors to spy on and report each other. Some police departments are even experimenting with using drones to monitor adherence to stay-at-home orders, while Baltimore, one of the nation’s most crime-ridden cities, proposes using aircraft to control inappropriate behaviors. The current pandemic builds on a political tradition with origins in the writings of early 19th century philosopher Henry St. Simon. The French aristocrat considered scientists to be “superior to all other men” and the natural leaders of society. Such ideas later informed many progressives in that century, including H.G. Wells’s idea of a new elite that would replace democracy with “a higher organism,” which he called “the New Republic.” Contrary to the idea of Italy’s « Black Shirts » as being mere mindless brutes, science-fueled “futurism” constituted a critical part of the Italian fascist mythology, offering the prospect of merging the elements of “science and faith.” In the 1920s, Benito Mussolini was widely considered not a buffoon but, as the London Times suggested, a leader of a “spiritual revolution” uniting his historically fractious nation. Hitler’s regime, his armaments minister Albert Speer claimed, was the first dictatorship of a fully modern industrial state that used “instruments of technology” to impose a single ideology on its populace. Speer identified himself as the “the top representative of technocracy” that “used all its know-how in an assault on humanity.” Communists took a similar tack, espousing what they called “scientific socialism.” Lenin specifically wished to eradicate the last vestiges of “individualism” with the kind of conditioning perfected for dogs by Russian scientist I.P. Pavlov on Soviet workers and factories. These same ideas later were adopted by China, where the notion of rule by an educated elite — “an aristocracy of intellect” — has deep historical roots. China has used its growing  technical prowess both to monitor and to persecute dissenters, sometimes assisted by U.S. tech firms. It has applied technology both to suppress unapproved information about the infection and to control behaviors that could spread it. Privacy concerns are, of course, utterly ignored. Other authoritarian regimes, such as Russia and Turkey, have done the same.  Remarkably, despite China’s disastrous role in the pandemic’s evolution, many Westerners, such as some at CNN, increasingly consider China’s approach as superior to our predictably poorly coordinated, chaotic response. Oligarchs such as Bill Gates also apparently endorse China’s authoritarian approach. Others, particularly in our academic establishment, endorse censorship as superior to Western freedoms. Writing in The Atlantic, two law professors suggested that in the “debate over freedom or control,” China “was largely correct and the U.S. was wrong.” Still others have suggested, due to Trump’s often bumbling or ill-informed remarks, that networks not cover presidential press conferences. This same spirit is being embraced by some of the internet’s moguls — Twitter, Facebook, Google and YouTube — to monitor and censor comments, even those of medical professionals, that are not considered congruent with the accepted iteration of “science.” Although these efforts generally are aimed at the right, some liberals as well as many conservatives are frightened by the new drive for censorship. The notion of “brainwashing” the public already has been raised by climate-crusaders like former California governor Jerry Brown. Some environmentalists even see the nation’s lockdown as a “test run” for the kind of highly managed, centrally controlled society they consider necessary to preserve the planet’s health. We are entering a very dangerous time. The digital oligarchs and their allies continue to expand their sway over the struggling remnants of the analog economy. The pandemic offers them an unprecedented opportunity, as in China, to monitor citizens to an extent never before possible. Google and Apple already are working on a venture to track social distancing and contact tracing, and both separately are interested in collecting our medical records. Granting power to the “expert class” and to the technology elite represents a distinct peril for our democracy and constitutional order. Ultimately the issue comes down to human nature and the dangers of assuming that education, or erudition, make for better people, or smarter judgments. In the end, as Huxley noted, society has to answer the old Latin phrase, quis custodiet custodes — who watches the watchers? Joel Kotkin
It may be that the famous epidemiologist Neil Ferguson, who, until recently, was an important member of SAGE, has felt such pressures in his career. At one point in the pandemic he told a columnist for the New York Times that 1.1 million deaths was the “best case” for the US. In 2001 he blasted as “unjustifiably optimistic” a study suggesting that mad cow disease deaths “may peak at 100 cases per year in Britain and kill no more than a few thousand people in coming decades.” Rejecting this relatively optimistic view, he said deaths are in the long-term likely to be much higher at something only slightly less than 136,000. The true number as of June 2014 seems to have been 177. In 2005, he was alarmed by bird flu (H5N1). “Around 40 million people died in 1918 Spanish flu outbreak,” he told the Guardian. “There are six times more people on the planet now so you could scale it up to around 200 million people probably.” That’s a lot more than the World Health Organisation’s estimate for cumulative worldwide deaths, 2003-2020 of, ahem, 455. (…) Governments should recognise that their experts are, all of them, giving a partial perspective. Apparently, British and American policy was driven primarily by a report whose lead author was Neil Ferguson. That report seems to have considered only one danger: Covid. The one-sided analysis of that report may have left governments in the US and UK insensitive to the possibility that that lockdown itself might create its own fatalities, which might even end up larger than the number of Covid deaths. As economists never tire of reminding us, we are always facing tradeoffs and must adjust along all margins. Governments should also be more diligent in the pursuit of competing opinions. In his essay, “What is science?” Richard Feynman remarked “Science is the belief in the ignorance of experts.” A government that respects science should be sceptical of experts and, perhaps, more diligently seek out multiple viewpoints. In other words, when governments cannot leave the matters in the hands of the people, it should do what it can to simulate a competitive market for expert advice. A simulation is not the real thing, and we may grimly expect that in future crises governments will again fall victim to expert failure. But a greater effort to engage diversity of expert opinion within and across areas of expertise and a livelier scientific scepticism toward experts and their expertise may at least make expert failure less frequent and less severe. Roger Koppl
Vous me donnez un canton peuplé de quelques milliers d’individus neutres, indéterminés. Mon rôle, c’est de les déterminer, de les amener à l’existence médicale. Je les mets au lit, et je regarde ce qui va pouvoir en sortir : un tuberculeux, un névropathe, un artério-scléreux, ce qu’on voudra, mais quelqu’un, bon Dieu! quelqu’un! Rien ne m’agace comme cet être ni chair ni poisson que vous appelez un homme bien portant. (…) Votre objection me fait penser à ces fameux économistes qui prétendaient qu’une grande guerre moderne ne pourrait pas durer plus de six semaines. La vérité, c’est que nous manquons tous d’audace, que personne, pas même moi, n’osera aller jusqu’au bout et mettre toute une population au lit, pour voir, pour voir! Mais soit! Je vous accorderai qu’il faut des gens bien portants, ne serait-ce que pour soigner les autres, ou former, à l’arrière des malades en activité, une espèce de réserve. Ce que je n’aime pas, c’est que la santé prenne des airs de provocation, car alors vous avouerez que c’est excessif. Nous fermons les yeux sur un certain nombre de cas, nous laissons à un certain nombre de gens leur masque de prospérité. Mais s’ils viennent ensuite se pavaner devant nous et nous faire la nique, je me fâche. Dr. Knock
« Les “gilets jaunes”, c’était une crise sociopolitique. Là, on a affaire à une crise sanitaire qui débouche sur une énorme crise économique et sociale, c’est donc différent. Le point commun, c’est qu’il y a une mise en visibilité, un coup de projecteur sur des catégories qui étaient jusque-là invisibles : les “soutiers”, ceux qui occupent le compartiment machine de la France ou ce que Denis Maillard appelle le « back office ». La France les a découverts comme elle avait découvert les “gilets jaunes” de novembre 2018, avec leur vêtement (très justement nommé “vêtement de haute visibilité”) sur ces ronds-points de zone logistique où bien souvent ils travaillaient. Le coup de projecteur est comparable mais, en dépit d’un certain recouvrement sociologique (personnel soignant, chauffeurs, agents de maintenance, de logistique, d’entretien), ce ne sont pas forcément exactement les mêmes personnes. (…) Ceux qu’on a appelés les “premières” et les “secondes lignes” ont bénéficié d’une forte reconnaissance médiatique, politique et symbolique. La question est de savoir si cela va s’arrêter ou si cela va être pérenne. Je suis, hélas, assez sceptique. En 1945, on a demandé un énorme effort aux mineurs ; le Parti communiste, alors très puissant, avait été mis à contribution ; une affiche proclamait : “Mineur ! le sort de la France est entre tes mains”. Des records de production ont été battus ; et puis dès 1947-1948, la bataille du charbon ayant été gagnée, plus personne ne pensait à eux, la parenthèse s’est refermée et des grèves très dures ont éclaté dans les bassins houillers car on commençait à rogner les acquis que les mineurs avaient obtenus. Je pense que ça va se terminer de la même manière, d’autant qu’à l’époque la croissance allait revenir tandis qu’aujourd’hui nous sommes engagés dans une grave récession. Pour les primes et les revalorisations salariales, à mon avis, les salariés vont devoir attendre… Il y aura donc du ressentiment, notamment chez tous ceux qui “ont tenu leur poste” pendant l’épidémie. (…) La déception des mineurs avait donné lieu à des mouvements très durs, et durement réprimés. Là, on peut faire l’hypothèse que cela sera différent. Je lisais récemment le témoignage d’une employée de boulangerie qui se disait très amère : « Nous, nous n’avons pas de masques et personne ne pense à nous applaudir », se plaignait-elle. Elle se comparait à ses collègues des grandes surfaces, qui sont mieux protégés, aux soignants, qui ont été acclamés partout : je ne suis pas sûr qu’elle irait défiler demain avec eux. C’est ce que François Dubet appelle la « tyrannie des petites différences ». Malgré cela, deux choses sont certaines. La première est que le contexte global va être très dur ; il y aura de la frustration vis-à-vis des efforts consentis, des risques pris. Chez ceux qui sont restés en première ligne, la crainte de la contamination grimpait à 75 % (contre 35 % pour ceux qui télétravaillaient) : c’est énorme ! C’est vraiment le salaire de la peur. On se souvient que la grande distribution avait promis 1000 euros aux valeureux salariés qui avaient permis aux Français de continuer de s’approvisionner. Quand on regarde dans le détail, ça s’est assez rapidement enlisé dans les sables du concret. La prime dépendra du temps passé sur site, tout le monde ne pourra pas y être éligible, etc. Les “soutiers” se diront forcément qu’ils ont risqué leur peau et qu’on les paye avec des clopinettes. La seconde chose, qui dégonfle un peu l’idée d’une révolte à venir, est : quel mot d’ordre, justement, pour cette révolte ? “Tous unis contre le virus” ? C’est fait. “La France va mal” ? D’accord. “Le gouvernement a mal géré la crise” ? Très bien, et puis ? Ensuite, quelle structuration – cette fameuse structuration qui a tant manqué aux “gilets jaunes” ? Les mineurs que j’évoquais tout à l’heure constituaient une classe en soi mais aussi pour soi (pour reprendre la terminologie marxiste), très solidaire, alors que les déçus de demain seront très divers. Par ailleurs ce n’est jamais au pic de la crise que le mouvement se déploie. C’est trop tôt. Tout le monde a la tête dans le seau. Politiquement, on a payé 1929 en 1933 ou en 1936. (…) Je pense que de très nombreuses personnes seront surtout obnubilées par la question : comment sauver mon emploi ? comment sauver mon entreprise ? Cette urgence va s’imposer à tout le monde, de près ou de loin, et va reléguer au second plan toutes les grandes constructions intellectuelles sur le “jour d’après”. Tout le monde va être obnubilé par ça : comment traverser cette crise ? comment survivre à cette crise ? Les précédents historiques nous montrent d’ailleurs que ce n’est jamais au cœur d’une crise économique que se produisent les mouvements sociaux mais plutôt en sortie de crise. (…) Ce que l’on constate en premier lieu, c’est que cette crise sanitaire induit une gigantesque crise économique et sociale. Chaque matin voit un dirigeant de grand groupe (Air France, la Fnac, la SNCF ou d’autres) solliciter l’aide de l’État – donc des Français – pour atténuer les effets de pertes très lourdes que lui occasionne cet arrêt quasiment complet de l’économie. Donc il est certain qu’il y aura un avant et un après, ne serait-ce que pour cette raison : la France est gravement dans le rouge. On assistera sans doute à des changements dans certains domaines (recours plus fréquent au télétravail ou à l’e-commerce, par exemple) mais qui n’affecteront pas spectaculairement la physionomie de notre pays. (…) Je crois que nous nous trouvons dans un cycle d’évolution à long terme et que cette crise du Covid-19 ne fera qu’amplifier des tendances qui étaient déjà à l’œuvre. Prenons le cas de la consommation, qui est très révélatrice des imaginaires. Que distingue-t-on ? Les produits bio et les circuits courts, qui se portaient déjà bien, ont vu leurs ventes bondir lors du confinement. Les couches plutôt supérieures et urbaines de la société sont sensibles aux discours des écologistes, qui soutiennent que ce qui nous arrive valide leurs thèses, qu’il faut consommer “moins mais mieux”, qu’il faut prendre de la distance avec la vie d’avant, que le bonheur n’est pas dans l’accumulation de biens. Mais parallèlement, il existe une autre composante importante de la société, disons, pour faire simple, le bas des classes moyennes et les milieux populaires, dont la question est plutôt : comment rester dans le rythme de la consommation alors que mon budget va se trouver rogné par la crise ? Eux n’ont pas changé de philosophie mais ils vont devoir arbitrer entre un vouloir d’achat intact et un pouvoir d’achat en baisse. (…) Les files d’attente de voitures devant les restaurants McDonald’s drive qui avaient rouvert me semblent bien illustrer cette volonté de continuation. Toute une partie de la société veut que ça reprenne comme avant. Pour elle, la consommation est statutaire, elle signe son appartenance à la grande classe moyenne, alors que les “bobos” (pour faire court) ont un rapport différent à la consommation. Ces deux parties risquent d’entrer en conflit car ceux qui considèrent qu’il faut changer le monde, et qui dominent le débat public, voudront certainement convaincre les autres qu’il est criminel de continuer comme avant, ce à quoi ces derniers rétorqueront qu’ils ne se sentent pas coupables. Et dans la mesure où beaucoup d’entre eux ont continué à aller bosser malgré la menace du virus (quand les autres télétravaillaient en sécurité depuis chez eux), ils n’accepteront certainement pas de recevoir de leçons. N’oublions pas que l’étincelle pour les “gilets jaunes” a été la taxe carbone, c’est-à-dire le refus d’être sacrifiés sur l’autel du “sauvetage de la planète”. Il y aura un conflit de classes sur fond de vision de la société, et je crois qu’il peut être très dur. (…) J’imagine plutôt des quiproquos. On constate aujourd’hui un fort engouement pour le local, et aussi une forte demande de national. Les deux mouvements se ressemblent, mais on a d’un côté Pierre Rabhi, la sobriété heureuse, les néoruraux et les circuits courts, de l’autre le Rassemblement national, la protection des frontières, le “produisons français”… Il ne faut pas oublier que Marine Le Pen a fait du localisme le cœur de son discours aux européennes. Bien sûr, je ne vois pas ces mouvements se rejoindre et s’entendre mais les deux vont pousser vers “plus de local”. (…) Il y aura des bouffées de colère plus ou moins violentes, dans certains secteurs, dans certaines entreprises, à chaque mesure prise, à chaque avantage supprimé. On se souvient des cadres séquestrés, des menaces de destruction de sites, ces gestes ultimes de gens au bout du rouleau, dopés à l’énergie du désespoir, mais ce sera localisé, sporadique… Je me trompe peut-être mais je ne crois pas que ça puisse coaguler, ne serait-ce que parce que tout le monde n’aura pas vécu la même chose. Je ne parierais donc pas sur un bouleversement politique, plutôt sur la poursuite d’une lente aggravation de la situation. (…) Ce qui est certain, c’est que le jugement des Français est sévère, la confiance en chute libre, bien davantage qu’en Italie ou en Espagne, qui ont pourtant beaucoup souffert, elles aussi. En termes de popularité, Macron est bien en dessous de Conte, par exemple… En dépit des grands appels du genre « Nous sommes en guerre », cette idée de rassemblement derrière le drapeau, cette notion d’union nationale, en vérité, a beaucoup moins bien fonctionné chez nous que chez nos voisins. Déjà très contestés, l’exécutif et la majorité n’ont donc pas du tout capitalisé sur cette crise, bien au contraire. Leur chance est que le balancier qui oscillait traditionnellement de la majorité à l’opposition est lui aussi cassé. Les oppositions n’ont pas prouvé qu’elles auraient été plus pertinentes, plus à la hauteur. Marine Le Pen a conforté ses propres troupes, elle est toujours l’opposante en chef, à 20-25 %, ce qui n’est pas rien mais pas suffisant pour s’imposer. Les écologistes sont les seuls qui peuvent espérer capitaliser, si une partie de la population accepte l’idée que ce qui nous arrive est la preuve qu’ils avaient raison mais ça ne se verra que dans un ou deux ans et encore, ce n’est pas sûr. (…) Chacun voit dans cette crise ce qu’il veut y voir : ça ne serait pas arrivé “s’il y avait eu des frontières” (RN) ; “si l’hôpital public n’avait pas été cassé” (PS et LFI) ; “si nos finances publiques étaient saines” (LR) ; “si l’Europe avait été plus intégrée” (les pro-Union européenne) ; “si le monde était plus écolo” (EELV) ; etc. Aucun scénario ne se dessine. Celui de l’union derrière le président n’a pas eu lieu ; l’idée d’un gouvernement de salut public n’a généré de l’appétit que chez quelques personnes qui ne représentent qu’elles-mêmes. Le scénario du dévissage complet ne s’est pas produit, celui voyant l’émergence d’un leader populiste raflant la mise non plus. Je parie sur la persistance du statu quo instable de ‘l’archipel français’. Jérôme Fourquet
La Banque centrale européenne (BCE) souhaite que les banques de la zone euro sous sa supervision évaluent et rendent publics leurs risques climatiques, a annoncé ce mercredi l’institution de Francfort. Christine Lagarde estime que la BCE, qu’elle préside, doit elle aussi participer à la lutte contre le changement climatique, y compris via son pouvoir de supervision. Dans un guide relatif à sa consultation, en cours jusqu’au 25 septembre, la BCE indique que les établissements de crédit doivent communiquer leurs risques liés à l’environnement et au climat et inclure explicitement ces expositions dans leur structure de risques. Elles doivent aussi assigner une responsabilité à leur management sur ces sujets et soupeser ces risques dans l’élaboration de leur stratégie et en termes de réputation, lorsqu’elles sont associés à des secteurs polluants. La BCE souhaite que les banques se conforment à ces nouvelles orientations dès qu’elles seront finalisées, en fin de l’année. Elle leur demandera des comptes à partir de 2021, sans pour autant imposer dans l’immédiat des sanctions telles que des exigences de fonds propres supplémentaires. AGEFI
Je pense qu’avec Valentin, on a déjà eu le coronavirus, enfin le Covid-19. On était à Wuhan pour les Jeux mondiaux militaires fin octobre. Et, en fait, il s’avère qu’après on est tous tombés malades. Valentin a loupé trois jours d’entraînement. Moi j’ai été malade aussi. […] J’ai eu des trucs que je n’avais pas eus avant. On ne s’est pas plus inquiété que ça parce qu’on n’en parlait pas encore. Il y a beaucoup d’athlètes des Jeux mondiaux militaires qui ont été très malades. On a eu un contact avec le médecin militaire récemment qui nous a dit : je pense que vous l’avez eu parce qu’il y a beaucoup de gens de cette délégation qui ont été malades. Elodie Clouvel
Dans le village ils nettoyaient tout deux fois par jour et à minuit ils passaient au nettoyage des rues. Bob Bertemes
Ce sont des mots qui n’ont pas fait de bruit sur le moment. Pourtant, ils pourraient offrir un éclairage capital dans la difficile recherche des origines du Covid-19. Lors d’un entretien accordé le 25 mars au JT de la chaîne locale Télévision Loire 7, pour évoquer l’actualité liée au report des Jeux olympiques de Tokyo, Elodie Clouvel, la championne du monde de pentathlon moderne, a glissé une réponse précieuse. Ce témoignage pourrait s’avérer tout aussi troublant que l’analyse rétroactive de tests conservés à l’hôpital de Bondy qui a permis d’identifier un porteur du virus dès le 27 décembre en France. (…) Pour rappel, jusqu’à aujourd’hui, le premier cas reconnu de Covid-19, en Chine, remonte au 17 novembre. Les Jeux mondiaux militaires – près de 10 000 athlètes représentant 100 nations – se sont, eux, déroulés du 18 au 27 octobre. Ils étaient déjà apparus dans la chronologie des événements lorsque Zhao Lijian, porte-parole du ministère chinois des Affaires étrangères, avait laissé entendre sur Twitter, le 12 mars, que le coronavirus pourrait avoir été introduit par la délégation américaine y ayant participé. Ce mardi, BFMTV a aussi fait état, sous couvert d’anonymat, du témoignage d’un des 281 athlètes français présents à Wuhan et « tombé malade tout comme plusieurs membres de la délégation française » à son retour. Elodie Clouvel, de son côté, n’a pas souhaité donner suite à nos sollicitations pour reparler du sujet. Sa sortie médiatique du 25 mars n’aurait pas forcément été du goût de la hiérarchie militaire. Depuis, il a été d’ailleurs été demandé à la plupart des athlètes de ne plus répondre aux journalistes sur le sujet. Comme plusieurs nous l’ont confié : consigne leur a été donnée de renvoyer les questions à la direction de la communication des armées. (…) Dans un tel contexte, les Français n’ont aucune raison d’avoir été les seuls athlètes potentiellement contaminés. De nombreux malades ont ainsi été répertoriés au sein de la délégation suédoise forte d’une centaine de membres, dont certains victimes de fortes fièvres à leur retour. « Mais aucune des personnes testées n’a donné de résultat positif » a précisé mi-avril, au site NSD, le service de communication des forces armées suédoises. Le site de L’essentiel, rapporte, lui, les témoignages de certains sportifs luxembourgeois. Le nageur Julien Henx se souvient d’un contrôle infrarouge de température corporelle à la descente de l’avion. Le lanceur de poids Bob Bertemes se souvient que « dans le village ils nettoyaient tout deux fois par jour et à minuit ils passaient au nettoyage des rues ». Avant d’ajouter, au sujet du nageur Raphaël Stacchiotti : « Il a été malade là-bas. Depuis on le chambre en lui disant que c’était lui le premier cas. » Le Parisien
Ce pourrait être l’armée américaine qui a apporté l’épidémie à Wuhan. Soyez transparents. Les Etats-Unis nous doivent une explication. Zhao Lijian (porte-parole du ministère des Affaires étrangère chinois, 12 mars 2020)
Dans cette guerre de l’information, tout argument est bon à prendre. Déjà en février, des articles de presse faisant état de cinq cas d’hospitalisation d’athlètes étrangers lors de leur séjour à Wuhan avaient été exhumés. Zhang Dingyu, le directeur d’un grand hôpital de la ville, avait alors dû préciser qu’ils avaient fait des crises de paludisme.Désormais, ce sont les témoignages de sportifs étrangers qui ressortent. Plusieurs d’entre eux se demandent s’ils n’ont pas été contaminés lors de leur séjour dans la capitale du Hubei. Pas impossible, puisque la Chine a rétrospectivement tracé un cas remontant au 17 novembre, dont rien ne dit qu’il était le premier. Dans un entretien passé inaperçu et accordé fin mars à la chaîne locale Télévision Loire 7, la pentathlète française Elodie Clouvel racontait être tombée malade dans la foulée des Jeux mondiaux militaires, qui se sont tenus du 18 au 27 octobre, et avoir ressenti des symptômes inédits pour elle. Son compagnon, le champion du monde de pentathlon Valentin Belaud, s’est aussi senti mal à cette période. « Il y a beaucoup d’athlètes des Jeux mondiaux militaires qui ont été très malades, disait alors Elodie Clouvel. On a eu un contact avec le médecin militaire récemment qui nous a dit : “Je pense que vous l’avez eu, parce qu’il y a beaucoup de gens de cette délégation qui ont été malades.” » Depuis, l’athlète garde le silence et Télévision Loire 7 a supprimé l’interview de son site Internet « pour la préserver ». Les sportifs français ayant participé aux Jeux mondiaux militaires que Le Monde a pu contacter ont tous dit avoir reçu des consignes en ce sens. Ils renvoient au service de communication des armées et affirment n’être pas tombés malades pendant ou après la compétition. En Italie, la consigne de ne pas parler à la presse a également été formulée aux athlètes présents aux Jeux mondiaux militaires. Trop tard pour l’escrimeur Matteo Tagliariol, qui a assuré à la Gazzetta dello Sport que l’équipe nationale est « quasiment toute tombée malade ». « La maladie ne passait pas avec les antibiotiques, je n’ai été guéri que trois semaines plus tard et l’état de fatigue a duré plus longtemps encore. » Selon l’ancien champion olympique, l’infirmerie des Jeux militaires « ne délivrait plus d’aspirine. Les stocks étaient vides tant il y avait eu de demandes ». Jeudi, la section sportive de l’armée italienne a fait savoir qu’aucun cas suspect de Covid-19 n’avait été recensé parmi ses athlètes de retour de Chine. Aucun test n’a, dès lors, été pratiqué. En Suède, c’est de la base de Boden, près du cercle arctique, qu’est venue l’alerte, dès la mi-avril. Une médecin du régiment signale dans la presse locale que plusieurs athlètes, fiévreux, sont restés fatigués et incapables de s’entraîner plusieurs semaines au retour de Wuhan. D’autres bases suédoises ont rapporté le même phénomène. Cinq athlètes ont alors passé des tests sérologiques. Un seul a été diagnostiqué positif. Anders Nystedt, infectiologue en charge de l’épidémie de Covid-19 dans le nord de la Suède, a dit accueillir ces résultats avec précaution compte tenu des incertitudes quant aux tests sérologiques − ils permettent de dire qu’une personne a été contaminée, mais pas à quelle période. (…) La question est piégeuse pour l’armée. Réaliser des tests sérologiques sur l’ensemble des athlètes de la délégation permettrait seulement d’établir si certains ont été infectés, sans pouvoir définir la date de survenue. Or le virus a largement circulé dans la population française ces derniers mois, il est donc très probable, sur une délégation de quatre cents personnes, que plusieurs aient été infectées en France depuis, et non à Wuhan. Le doute subsisterait mais la désinformation chinoise ne se gênerait certainement pas pour y voir un nouvel élément à exploiter pour appuyer sa théorie d’une transmission étrangère. Au contraire, refuser de réaliser des tests malgré les interrogations posées publiquement par ses propres athlètes peut donner le sentiment qu’on ne veut pas aller au bout de l’histoire. Au risque de nourrir ainsi les thèses complotistes. Le Monde
Il convient de rappeler que lorsque le SRAS (également causé par un coronavirus) est apparu dans le sud de la Chine à la fin de l’année 2002, l’épidémie a été tenue secrète pendant plus d’un mois avant que les autorités chinoises reconnaissent le sérieux de la menace. De même, dans les premiers jours de l’épidémie de COVID-19, la police de Wuhan a fait taire les professionnels de la médecine qui tentaient de sonner l’alerte, et les rassemblements publics en grand nombre sont restés permis longtemps après que le danger de l’épidémie soit devenu évident.Selon une étude récente, si les autorités chinoises avaient publiquement reconnu la menace, et réagi correctement seulement trois semaines plus tôt, la propagation du COVID-19 aurait pu être réduite jusqu’à 95 %. Mais à cause de la négligence, de l’ignorance et de la censure qui prévalaient à ce moment crucial, le monde entier paye aujourd’hui un très lourd tribut.Si l’OMS a incontestablement joué un rôle important dans la lutte contre les menaces sanitaires mondiales au fil des années, elle aussi s’est vu reprocher son excès de bureaucratie et sa lenteur dans les réponses apportées. En effet, lors de la crise d’Ebola, ce sont les États-Unis, et pas l’OMS, qui sont intervenus pour empêcher un désastre encore plus étendu. (…) Dans le cas de la crise actuelle, même une fois apparu évident que le COVID-19 atteindrait un niveau de pandémie, la Chine a jugé utile d’empêcher Taïwan de participer aux discussions internationales sur la réponse à apporter. De même, les États-Unis continuent d’asséner des sanctions à l’Iran, compliquant la tâche du gouvernement iranien dans la gestion de l’épidémie au sein de ses frontières. Ces comportements sont tout simplement inacceptables, tant d’un point de vue humanitaire que macroéconomique. Qu’adviendra-t-il si le prochain virus inconnu et hautement contagieux apparaît à Taïwan ou en Iran ? Si des obstacles inutiles empêchent une réponse immédiate, nous ne retrouverons au stade auquel nous sommes aujourd’hui. Carl Bildt (ancien Premier ministre suédois)
Pour être honnête, je ne suis pas submergée et je ne l’ai jamais été. Pourtant, j’étais au « front », en « première ligne », comme on dit aujourd’hui. À l’hôpital, beaucoup considèrent qu’ils n’ont fait que leur boulot. Ils l’ont très bien fait, certains ont pris des risques, mais, à un moment, il faut dire les choses : on fait le job, et c’est normal. D’une certaine façon, c’est une chance que de pouvoir travailler, gagner sa vie et sortir de chez soi. Certains médecins, détournent à présent leur savoir et leur pouvoir pour alimenter une psychose collective qui va nous coûter cher sur le plan médical, social, psychologique et économique. » Et j’en veux à ceux qui diffusent des informations complexes, encore non abouties scientifiquement, contribuant à entretenir des peurs irrationnelles face à la maladie et à la mort. Notre boulot de médecin, c’est aussi de rassurer les gens. En tout cas, ce n’est certainement pas d’affoler la population au moment où beaucoup hésitent à renvoyer leurs enfants à l’école et à reprendre le travail. Tous les jours, je vois défiler dans mon cabinet des gens angoissés. L’autre jour, un étudiant en panique m’a confié ne pas être sorti de son studio durant six semaines, pas même pour aller faire ses courses. Des profs, des salariés me demandent des certificats pour ne pas retourner travailler. Je vois des patients effrayés, renfermés sur leurs angoisses de mort, qui préfèrent tout arrêter, garder leurs enfants à la maison plutôt que de ressortir, vivre, bosser, retrouver leurs proches et leurs amis. Je trouve ça triste. Quand on est en bonne santé, on ne devrait pas se complaire dans le confinement, le repli et la docilité. C’est pourquoi l’urgence est peut-être de redonner confiance aux gens, de les aider à retrouver le goût de vivre et d’être ensemble, plutôt que de dépendre d’un système lui-même à bout de souffle. (…) On apprend ça à la fac : la santé est un tout. Ce n’est pas seulement se prémunir d’une maladie ou d’une infirmité, c’est être bien dans son corps, sa tête, son environnement social et familial. On a sacrifié tout ça, et c’était nécessaire pour lutter contre cette fichue maladie, mais ça ne peut plus durer. Aujourd’hui, nous devons être raisonnables et ne pas oublier cette vision globale de la santé, si nous voulons tenir dans la durée. Le combat contre ce virus n’est pas terminé et nous allons continuer à faire de notre mieux pour protéger, dépister et soigner les personnes à risque atteintes du Covid-19. Mais notre boulot, c’est aussi de faire en sorte que la vie redémarre. Pas de faire peur aux gens à la télévision. Nous devons être des filtres, pas des générateurs d’angoisse. Je trouve ça triste cet endormissement généralisé, cette docilité, ce manque de révolte. Car quand on vous prend votre liberté, qu’on vous oblige à mettre un masque dans les transports, même si c’est indispensable, ce n’est pas quelque chose de normal, ni d’anodin. On a le droit de dire qu’on n’est pas content, qu’on est en colère, que c’est dur. On a le droit de se plaindre, ça fait du bien. Je déplore que certains médecins exagèrent en leur faveur la situation réelle dans les hôpitaux pour renforcer leur pouvoir, leur ego, et obtenir un intéressement financier. Or, il y a un décalage entre ce que rapportent certains médias et la réalité du terrain. Les internes que je côtoie me racontent leur stage hospitalier : les services qui ont été réorganisés pour accueillir les patients atteints du Covid ont été pleins durant deux ou trois semaines, au plus fort de la vague. Mais, depuis un mois, ce n’est plus du tout le cas. Les urgences sont désertes ; en tout cas, ceux qui, parmi mes patients, y ont fait un passage ont été traités plus rapidement que jamais. Je regrette donc de voir certains de mes confrères inquiéter davantage une population déjà à cran pour arriver à leurs fins, aussi légitimes soient-elles. Si ça continue, un jour, les gens nous diront : vous nous avez fait flipper pendant des semaines et ça se retournera contre nous ! certains urgentistes médiatiques qui en font des tonnes ; certains professeurs, souvent les mêmes, que l’on voit tout le temps à la télé, au point de se demander quand est-ce qu’ils sont dans leur service ». En même temps, je les comprend: quand on a hérité du statut de héros, on n’est pas pressé d’en sortir !. Elle dit : « Nous ne sommes peut-être que de petits généralistes, mais les patients, nous les voyons vivre, travailler, évoluer en famille. Et ce que je peux dire, c’est que beaucoup sont atrophiés par ce qu’ils vivent. Notre rôle est de les aider à en sortir. Le risque zéro n’existe pas. Certains patients viennent nous voir pour éviter d’avoir à en prendre en nous demandant un arrêt, par exemple. Ce que j’aimerais, c’est qu’ils assument ce risque, en tout cas quand leur santé le leur permet. À nous de faire en sorte que ce risque soit limité au maximum.Oui, il y aura sans doute une deuxième vague, mais je pense que les mesures mises en place permettront d’y faire face. De toute façon, on ne pourra pas s’empêcher de vivre indéfiniment. Il y a un équilibre à trouver entre le risque lié au virus et les risques que l’on prend en prolongeant l’enfermement. Dr Laurence Peignot
Ce qui m’inquiète, (…) c’est la disproportion entre la gravité – réelle mais limitée – de cette pandémie et l’espèce d’affolement qui semble s’être emparée des médias et, par eux, d’une partie de la population. « L’espoir renaît », dit-on depuis quelques jours. Mais quand avait-il disparu ? Faut-il rappeler que le taux de létalité du Covid-19 semble être de 1 ou 2 % et sans doute moins, si l’on tient compte des cas non diagnostiqués ? Le moins que l’on puisse dire, c’est que cela laisse bon espoir à la plupart d’entre nous ! Tout se passe comme si nos journalistes découvraient soudain que nous sommes mortels. Vous parlez d’un scoop ! Les médias audiovisuels nous font le décompte, jour après jour, des victimes de la pandémie. Nous en sommes à 15 000 morts en France. C’est beaucoup. C’est trop. Mais enfin, faut-il rappeler qu’il meurt dans notre pays 600 000 personnes par an, dont, par exemple, 150 000 d’un cancer et, parmi ces derniers, plusieurs milliers d’enfants, d’adolescents et de jeunes adultes ? En quoi les 15 000 morts du Covid-19, dont la moyenne d’âge est de 81 ans, méritent-ils davantage notre compassion ou notre intérêt que les 600 000 autres ? Tous les humains sont égaux en droits et en dignité, mais toutes les morts ne se valent pas. Il est plus triste de mourir à 20 ou 30 ans que de mourir après 60 ans, ce qui est le cas de 95 % des décès liés à cette pandémie. Les jeunes n’osent pas trop en parler, de peur de sembler se désintéresser de leurs aînés. Mais moi, qui ai 68 ans, je peux le dire, et même je dois le dire : je me fais plus de soucis pour l’avenir de nos enfants – et pour la dette que nous allons leur laisser – que pour ma santé de presque septuagénaire ! Cela ne condamne pas le confinement, qui était sans doute nécessaire et que je respecte soigneusement. Mais cela veut dire que ses conséquences économiques, qui seront extrêmement lourdes, doivent aussi être prises en considération, notamment dans la détermination de sa durée. (….) La misère tue aussi, et plus que les virus. 9 millions de personnes meurent chaque année de malnutrition, dont 3 millions d’enfants. Imaginez que la crise économique qui s’annonce fasse augmenter ce chiffre de seulement 10 % : cela ferait 900 000 morts en plus, qui n’auront pas besoin d’un virus pour agoniser. Et dans notre pays, où le chômage commençait à reculer, quels seront les dégâts sociaux, politiques, humains de cette crise ? Je comprends que les médecins privilégient la santé, c’est leur boulot et leur vocation. Mais, quand je vois, sur nos écrans de télévision, dix médecins, voire plus, pour un économiste, je m’inquiète. La médecine coûte cher. Si nous avons l’une des meilleures médecines du monde, c’est parce que nous sommes un pays riche. Croire qu’on va pouvoir augmenter les dépenses de santé en ruinant notre économie, c’est un évident contresens. La médecine a besoin de moyens, souvent onéreux. Opposer médecine et économie est donc une sottise. Il faut, au contraire, les articuler et, dans toute la mesure du possible, les concilier. (…) Tout être humain mérite attention et respect. Il se trouve que les soignants sont en ce moment confrontés à des difficultés et à des risques fortement augmentés. Il est donc normal de s’en soucier davantage. Cela dit, le métier des enseignants, spécialement en collège, des policiers, des militaires, des éboueurs, des ouvriers, des paysans, des employés de supermarchés, etc. n’est pas non plus toujours facile ou gratifiant. Et les chômeurs, vous ne croyez pas qu’ils méritent aussi un peu plus d’attention ? Nous avons peut-être les meilleurs hôpitaux du monde. Qui oserait dire que nous avons les meilleures écoles, la meilleure formation professionnelle, le plus faible taux de chômage ? (…) C’est ce que j’appelle le pan-médicalisme : une idéologie, voire une civilisation, qui fait de la santé la valeur suprême (à la place, par exemple, de la justice, de la liberté ou de l’amour) et qui tend, dès lors, à déléguer à la médecine la gestion non seulement de nos maladies, ce qui est normal, mais de nos vies et de nos sociétés, ce qui est beaucoup plus inquiétant ! Ne tombons pas dans « l’ordre sanitaire » ni dans le « sanitairement correct » ! Dans une démocratie, c’est le peuple qui est souverain, ce sont ses élus qui font la loi, pas les experts. J’en viens à craindre une « chiraquisation » de la politique : éviter les sujets qui fâchent, renoncer à toute réforme impopulaire, ne plus s’occuper que de la santé et de la protection des Français – plan anticancer, plan pour la sécurité routière, plan contre Alzheimer, plan contre les épidémies… Contre quoi il faut rappeler que la politique est conflictuelle par essence. Quand tout le monde est d’accord pour dire que la santé vaut mieux que la maladie, ce n’est plus de la politique ! Attention de ne pas prendre modèle sur la Chine. Quand la politique se dissout dans la technocratie, qui est le règne des experts, la démocratie se meurt. (…) Quoi de plus naturel qu’un virus ? Ceux qui accusent les sciences et les techniques de tous les maux devraient y réfléchir. La peste noire, au XIVe siècle, a tué la moitié de la population européenne ; la grippe espagnole, en 1918-1919, a fait 50 millions de victimes dans le monde. Il est vraisemblable que le Covid-19, grâce au progrès scientifique, en fera beaucoup moins. Bref, adorons un peu moins la nature et félicitons un peu plus nos chercheurs. Mais n’oublions pas que le réchauffement climatique, qui est, lui, bien d’origine humaine, risque de faire beaucoup plus de morts que le coronavirus ! André Comte-Sponville
Ce qui est sûr, c’est que vu la gravité du moment, les réponses ne peuvent plus être celles d’avant. Je le dis comme un défi à la classe politique et à moi-même : les vraies solutions ne seront pas confortables. Elles remettent en cause une forme de lâcheté collective sur les dernières années. Cette lâcheté a consisté à ne pas changer grand-chose, à éviter certaines questions fondamentales. Elle a été partagée par tous les partis politiques, y compris le mien, et à certains égards par les citoyens. Personne, à aucun moment, n’a dit : il faut renverser la table. (…) On n’évitera pas d’interroger le libéralisme, c’est une évidence. Je le fais depuis un moment, quitte à passer pour un communiste. La question fondamentale est là : l’idée que l’argent serait la seule échelle de valeur, et que l’Etat n’a plus aucun rôle à jouer. On a tué l’idée d’Etat. On a dit qu’il était un problème, on l’a dépouillé et disqualifié. La crise le démontre, par exemple avec la  question des masques. Ensuite, il y a la question budgétaire : si on a détruit le système de santé, c’est parce qu’on a fait de cette question un dogme. Les valeurs ont été inversées : on s’est demandé comment tenir une doctrine budgétaire avant de se demander ce qu’il fallait faire pour le pays. Enfin, il y a le libre-échange non régulé. Peut-on parler d’«économie de guerre» et continuer d’acheter nos aliments à l’étranger ? Le vote du Ceta [traité de libre-échange entre le Canada et l’UE, ratifié par la France en 2019, ndlr] a été un moment de bascule. La politique a démissionné. Je me suis interrogé : depuis quand n’a-t-elle pas changé le cours de l’Histoire ? (…) En réinventant l’Etat, on fixera les secteurs stratégiques de la Nation : l’alimentation, la santé, la sécurité, la défense. Ces secteurs, qu’on a réduits à l’état de squelettes, ne peuvent pas être soumis au marché, ni à une doctrine budgétaire. Dans ces domaines, on ne joue pas aux contrôleurs de gestion : ils sont «hors limites» et doivent faire l’objet d’une stratégie nationale. Je crois à la planification : c’est un point d’accord avec la pensée communiste, qui l’a d’ailleurs appliquée avec les gaullistes. (…) Personne n’imagine d’ouvrir sans maîtrise les vannes budgétaires. On finance ces secteurs en revoyant notamment notre fiscalité et nos priorités. Ce que cette crise révèle, c’est que ce qui semblait impossible devient possible. Loger les sans-abri, cela fait des années qu’on nous dit qu’on ne sait pas faire. Et là, en quelques jours, on trouve des solutions. On redécouvre les salaires de misères des caissières, des infirmières, à côté des salaires fous dans certaines entreprises purement spéculatives. Je ne dis pas : «Prenons l’argent là où il est», mais… Cette crise va nous coûter des milliards d’euros. Tout l’argent public que nous avions économisé par étroitesse d’esprit sera effacé en quelques semaines. (…) Aujourd’hui, j’ai autant de questions que de réponses. Chez LR, cela fait tout de même quelques années qu’on s’interroge sur la question des salaires. C’est un grand mal de notre époque que de ne pas rémunérer à la bonne hauteur ceux qui mériteraient de l’être. Il faudra sur ce sujet une pensée radicalement révolutionnaire. Si des secteurs sont reconnus comme stratégiques, leurs travailleurs devront l’être aussi, avec la rémunération appropriée. On peut le faire en fonction du revenu d’activité de l’entreprise, des enjeux stratégiques du métier… Le gaullisme a des éléments de réponse, par exemple avec la grande idée de la participation. Une certitude : cela doit aller au-delà de la prime de 1 000 euros qui peut être distribuée ponctuellement. Ce n’est pas avec une petite prime qu’on s’en sortira. (…) Quand on pose la question de l’Etat, on pose forcément celle des frontières aussi. Il faut la relier, pas seulement aux enjeux migratoires, mais aussi aux mouvements de biens et des capitaux. Certes, si demain nous les fermions, nous ne pourrions plus nous alimenter. Mais le cœur du libre-échange, c’est la liberté du prix. Et sur les questions alimentaires, on doit pouvoir mettre en question cette liberté du prix. (…) Quand je me pose ces questions, je me dis : suis-je en train de me perdre dans mes valeurs politiques ? Ce qui est sûr, c’est que le confort serait de la boucler et de me passionner pour les petites mesures conjoncturelles. Ce serait une lâcheté coupable : si dire les choses doit me coûter un engagement politique, peu importe. Du reste, j’observe que cette doxa perd du terrain depuis quelques mois. Plus personne chez nous n’ignore que la société a changé, et je ne désespère pas de convaincre. Tout ce que je vous dis fait l’objet d’échanges avec notre président Christian Jacob et d’autres. On est nombreux à se dire que la politique est devenue minuscule. Même les plus réticents comprennent qu’on ne peut pas tout ramener à un tableur Excel. (…) Pour un chantier aussi grand, il va nous falloir un peu de temps. Quand le confinement sera terminé, on réunira des experts, des philosophes, des sociologues pour tout repenser autour d’une idée nouvelle, celle de l’Etat, et l’imaginer plus fort, plus protecteur. Avec deux urgences : la santé et l’alimentation. On doit en finir avec les petites mesurettes et autres «observatoires». (…) On en revient en fait à une idée fondamentale : le gaullisme, qui avait théorisé l’Etat protecteur et stratège. Un gaullisme moderne, car ce qui valait en 1940 ne vaut plus forcément aujourd’hui. Un des effets de cette crise est de me faire beaucoup relativiser l’esprit de clan. La droite à laquelle je crois sera capable de rassembler la grande majorité des Français, qu’ils soient foncièrement de droite et pas. L’enjeu, au fond, c’est la survie du politique, tous bords confondus. Mais cela ne pourra pas être porté par Emmanuel Macron. Ce qui est mort, c’est le «nouveau monde», il va disparaître avec l’eau du bain. Il ne pourra survivre à la crise de son propre modèle. C’est sa dernière lueur. Aurélien Pradié (secrétaire général du parti Républicain)
Depuis quelque temps, une petite musique socialisante retentit au sein du parti Les Républicains. Plusieurs de ses responsables avancent des propositions auxquelles même certains membres du Parti socialiste ne croient plus. Au nom de la supposée reconquête du politique sur l’économique, nous assistons à des idées qui décoiffent autant qu’elles posent question sur les objectifs poursuivis. Énième plan de relance, forte augmentation du SMIC, protectionnisme fermé, etc., sont autant de propositions qui sont justifiées au nom de la résolution des crises sociales et sanitaires que nous traversons, faisant fi des réalités que ces dernières décennies ont pourtant largement confirmées, et au risque de perdre définitivement toute crédibilité auprès d’une partie restante de son électorat. Le jeune député Aurélien Pradié, numéro 3 de LR, s’est fait récemment remarquer dans une interview donnée à Libération , en faisant part de sa «croyance en la planification, un point d’accord avec la pensée communiste», puis en proposant sur Twitter de «réfléchir à fixer un prix maximal pour 100 produits alimentaires de première nécessité». Soit ces propositions, aussi séduisantes puissent-elles être au premier abord, sont faites dans l’ignorance des principes fondamentaux d’économie et de l’histoire récente que le XXe siècle nous a enseigné ; soit elles sont le fruit d’une opposition mécanique à la majorité actuelle, considérant que le macronisme représente un «ultralibéralisme mondialisé dérégulé», aussi fantasmé que faux. Dans les deux cas, cela relève d’une grave erreur d’appréciation dans laquelle la droite doit à tout prix éviter de tomber. Nous nageons dans les confusions, la première d’entre elle consistant à penser qu’un peu de socialisme nous donnerait une bonne image sociale. Mais qui peut encore prétendre que le socialisme génère de bons résultats sociaux, à part ses derniers militants shootés à la dépense publique? La droite française, qui avait intellectuellement perdu dans bien des domaines ces dernières décennies, doit absolument abandonner ses derniers oripeaux socialistes, plutôt que de vouloir s’y rhabiller dans un anachronisme incompréhensible. Une autre erreur consiste à confondre État et étatisme, ou en d’autres termes l’État-régalien dont les droites occidentales sont culturellement et historiquement imprégnées, avec l’État-providence, dont nous voyons bien qu’il échoue lamentablement à l’aune de la crise du Coronavirus. À force de vouloir s’occuper de tout, l’État est partout sauf là où nous en avons besoin. Nul besoin de rajouter de nouvelles règles, contraintes et dépenses. Au contraire, nous devons nous en affranchir. Cadre et élu local LR (et auparavant UMP, depuis sa création), je ne peux laisser le parti politique auquel j’appartiens prendre le risque de s’éloigner de l’un des piliers fondamentaux qui est censé constituer toutes les droites occidentales, à savoir la défense des libertés économiques. Regardons autour de nous, il n’est nul besoin d’aller très loin. Qui s’en sort le mieux, à la fois en matière de politique économique et sociale, et particulièrement dans la gestion de la crise sanitaire que nous traversons actuellement? Qui nous envie notre fameux «modèle français», le meilleur au monde claironnait-on il n’y a pas si longtemps? Rapporté à son coût, il est devenu parmi les moins efficaces. Si l’on avait davantage fait confiance «aux forces du marché», nous ne serions pas arrivés dans cette situation. Nous le constatons bien à la lumière de la crise que nous traversons aujourd’hui. Notre système économique ne souffre pas de trop de libéralisme et de trop de libertés. Bien au contraire. Nous sommes victimes d’un État omnipotent, centralisé, suradministré, et incapable de répondre à la crise. Depuis maintenant 45 ans, nous sommes en déficit public structurel, faisons face à une dette publique qui ne cesse d’augmenter, avec à la clef un chômage élevé et une richesse qui s’accroît moins vite chez nous que chez nombre de nos voisins. Nos prélèvements obligatoires battent des records, et il faudrait que le confinement se prolonge davantage pour avoir le temps de lire entièrement notre Code du travail. Les protocoles sanitaires pour la réouverture des écoles, aussi anxiogènes qu’inadaptés à la situation, que les maires et directeurs d’écoles viennent de recevoir de l’Éducation nationale, sont à l’image de cette haute administration en décalage total avec les réalités locales. Laissons les initiatives privées et locales s’exprimer. On le constate d’ailleurs bien aujourd’hui. Qui réagit avec le plus d’agilité et d’adaptation à la crise sanitaire, dans un esprit de solidarité concrète, si ce ne sont les entreprises, les associations, et les collectivités locales? Si nous avons à défendre un patriotisme économique, celui-ci devra être offensif, et non pas défensif. Moins de règles, moins de contraintes, moins de lois, moins de dépenses publiques et moins d’impôts permettront à l’entrepreneuriat de se libérer des chaînes dont lesquels on l’enferme, à nos entreprises de gagner en souplesse et en compétitivité, et ainsi de mieux sortir durablement de l’importante crise économique et budgétaire qui nous attend. Quant aux propositions qui sentent bon le soviétisme, abandonnons-les immédiatement. Contrôler les prix ne fera qu’accroître la pénurie, comme la gestion piteuse des masques par l’Exécutif vient de nous le prouver. Et qui payera la facture in fine, si ce n’est le contribuable français, déjà le plus lourdement taxé au monde? Quant à planifier l’économie, quels qu’en soient les secteurs sélectionnés, certains s’y sont essayés, avec le succès que l’on sait. Oui, nous avons besoin d’un État fort, qui retrouve ses fondamentaux, et défende les Français, à commencer par leur sécurité. Non, nous n’avons plus besoin de cet État énarchique, impuissant à gérer la crise sanitaire actuelle, comme il est incapable de nous sortir de nos difficultés sociales qui se sont accumulées depuis des décennies. Il y va de la reconquête de notre électorat, et surtout du redressement de la France. Rémi Martial
Le plus dur à vivre, dans cette crise sanitaire, et le plus difficile à gérer, est l’état permanent d’incertitude qu’elle ne cesse d’entretenir. On apprend tous les jours des choses qu’on ignorait la veille sur ce virus ingouvernable qui rôde d’un pays à l’autre suivant un itinéraire capricieux et une cadence imprévisible. Au confinement total succède un confinement partiel. On ignore tout de ses lendemains, si ce n’est les présages d’une crise économique d’ampleur inédite et des drames qu’elle va entraîner. Ce déconcertant purgatoire à la durée indéterminée n’a pas empêché les professeurs de certitudes de proférer en rafales des prédictions définitives. Sur la fin de la mondialisation, comme si l’éradication du virus allait faire disparaître des systèmes de production étroitement connectés parce qu’il y va de leurs intérêts. Sur le naufrage programmé de l’Union européenne, dont les mesures d’urgence, pourtant, et le plan de sauvetage économique éclipsent de loin les pesanteurs et les divisions. Sur la nécessité de refonder l’«État jacobin», alors qu’une stratégie nationale en matière sanitaire n’est affaire ni de centralisation ni de système fédéral mais de prévoyance et de méthode. Et, bien sûr, sur la faillite du libéralisme, sans préciser lequel: le «néolibéralisme» nihiliste que la crise a durement éprouvé en effet ; ou le libéralisme inspiré de Montesquieu et de Tocqueville, qui fait des forces vives de la société le ressort de la vie nationale – à lire les sondages, ce sont surtout les maires et les entreprises que plébiscitent aujourd’hui les Français. Plus téméraire, Nicolas Hulot annonce carrément «un monde d’après» radicalement différent, dont il esquisse les contours par l’énumération rhapsodique d’une kyrielle de prévisions nébuleuses. Et de préciser: «Concilier fin du mois et fin du monde est un exercice très délicat.» Qui oserait le contredire? Au sortir d’une grande crise, l’espoir de savoir en tirer les leçons et de faire perdurer l’esprit de sacrifice et les solidarités qu’elle avait cimentés se heurte tôt ou tard à la grisaille des vieilles habitudes et à de nouvelles épreuves. En France, on s’était juré au moment de la Libération de ne pas retomber dans les errements du système politique d’avant-guerre, rendu largement responsable de la défaite. Deux ans plus tard, François Mauriac consigne dans son Journal cette note mélancolique: «Tout recommence. Tout demeure désespérément pareil […]. La IIIe République continue ; c’est la IVe qui est morte […]» Pendant les longues semaines d’autoréclusion, frustrés de nos libertés élémentaires, parfois dans des conditions très dures, les guerres culturelles qui occupaient hier notre quotidien paraissaient soudain dérisoires, picrocholines: les lamentations victimaires, la criminalisation de notre passé, l’interdit moral de prononcer des vérités décrétées incommodes et jusqu’aux débats homériques sur les droits des transgenres de choisir librement les vestiaires des hommes ou des femmes… On verra bientôt si tout va rester en effet «désespérément pareil». Aux vaticinateurs du «rien ne sera plus comme avant» fait écho le peloton des procureurs qui n’ont pas besoin de tout comprendre pour tout expliquer, puisque la crise valide ce qu’ils savent depuis toujours. Leur verdict est sans appel: ovation du corps médical qui brave l’épidémie, proscription des responsables qui n’ont su la contenir à défaut de l’empêcher. Et, déjà, des associations d’indignés dressent des listes de suspects et commencent à instruire leur procès politique. Le bilan des anomalies et des défaillances qui auront marqué cette crise sera établi le moment venu. Mais tant qu’on ignore comment opère le virus, que gouvernements et experts continuent de naviguer au jour le jour, il est prématuré de jouer bénévolement les épurateurs. Reste l’énigme de l’impréparation de nos pouvoirs publics, qui avaient pourtant mis en place tout un dispositif pour parer à une pandémie virale avant de l’abandonner. Le phénomène n’est pas aussi inhabituel qu’on imagine. Il renvoie à un trait inhérent à nos habitudes de penser et d’agir: nous privilégions le visible du court terme à l’«infamilier» d’un avenir insaisissable, surtout quand il engage des dépenses onéreuses. Des exemples? En 2004, une tempête tropicale cause de terribles destructions à l’île de Grenade en évitant de justesse le sud des États-Unis. L’alerte laisse de marbre les responsables américains. Huit mois plus tard, l’ouragan Katrina va dévaster La Nouvelle-Orléans avec les conséquences que l’on sait. En 1993, un attentat terroriste avorté visant les tours du World Trade Center provoque finalement peu de dégâts. L’émotion passée, les autorités baissent la garde malgré l’accumulation des renseignements alarmants qui peinent à se faire entendre: le 11 Septembre ne prendra par surprise, en haut lieu, que ceux qui ont refusé d’y croire. La même cécité volontaire a frappé le gouvernement israélien à la veille de la guerre du Kippour en octobre 1973. Depuis des mois, les alertes s’étaient multipliées sur une attaque conjointe des armées égyptienne et syrienne. Mais Jérusalem n’y voyait que des manœuvres. Politiques et militaires méprisaient les capacités de l’ennemi, sous-estimaient sa détermination et s’obstinaient à méconnaître les informations qui décrivaient en temps réel ce qui allait se produire. On observe le même genre de déni avec le coronavirus. Tant qu’il frappait ailleurs, même à nos portes, on a trouvé toujours une explication plausible pour croire les Français à l’abri: la Chine est bien loin, le système sanitaire en Italie est défaillant et sa population plus âgée que la nôtre, l’Espagne est trop décentralisée pour faire face à l’épidémie, l’Angleterre est une île… Là où n’existe plus l’empreinte mémorielle d’une expérience précédente, vécue ne serait-ce que par association, le déni continue d’aveugler jusqu’aux mieux avertis. En 2017, deux «behaviouristes» américains, Robert Meyer et Howard Kunreuther, ont publié une enquête au titre qui résume notre situation: Le Paradoxe de l’autruche: pourquoi on se prépare mal aux désastres. C’est ce syndrome de l’autruche qui pousse à construire des maisons dans des secteurs exposés aux calamités, à n’acheter des assurances qu’après avoir subi le fléau qu’elles devaient indemniser, à braver des mesures de sécurité en se croyant immunisés contre le malheur, à abandonner telle politique préventive parce que le désastre qu’elle est censée endiguer tarde à se produire. Les auteurs énumèrent les six «constituants» du «préjugé cognitif» qui travaille autant les individus que les gouvernements: myopie, amnésie, optimisme, inertie, simplifications sélectives, suivisme. La crise sanitaire que nous sommes en train de vivre ne fait qu’accuser ces traits familiers, auxquels notre humeur nationale ajoute, comme de juste, ses attributs propres. Ran Halévi
Nous avons aujourd’hui une notion très parcellaire de ce qu’est la démocratie. Nous disons qu’une nation est démocratique si le vote est conduit de manière équitable et juste, et si les gens sont représentés. Mais le vote et la représentation, aussi importants soient-ils, ne sont pas suffisants pour assurer la bonne santé de la démocratie. Il doit y avoir un esprit de la démocratie, qui ne peut être développé et maintenu que si les citoyens, dans leurs vies quotidiennes, travaillent chaque jour à construire un monde avec leurs compatriotes. La «distanciation sociale» est de ce point de vue le grand ennemi de l’esprit de la démocratie. Je comprends le besoin immédiat de «distanciation sociale», pour empêcher le coronavirus de se propager, mais n’oublions pas que la «distanciation sociale» est un virus politique qui tue l’esprit de la démocratie. (…) Tocqueville (…) est l’un des esprits les plus clairvoyants du XIXe siècle. Pour comprendre la sorte de tyrannie que nous devons craindre pour le futur, lisez ce qu’il a écrit en 1840, dans De la démocratie en Amérique. Sa prédiction était incroyablement prophétique. Il avait compris qu’avec l’effondrement de l’âge aristocratique, les rôles sociaux qui nous étaient assignés et nos obligations par rapport aux autres, allaient disparaître, et qu’il y aurait de moins en moins de liens susceptibles de nous relier les uns aux autres. Il avait deviné que nous serions hantés par la solitude et que nous rechercherions le soutien du seul pouvoir visible, l’État, pour nos besoins. En Europe, les citoyens tournent notamment leurs regards vers l’Union européenne, qui leur promet la sécurité économique et aussi l’autosatisfaction de «la fin de l’Histoire». C’est «le despotisme sous un autre nom» (pour paraphraser Tocqueville), il ne soumet pas et ne démoralise pas en portant atteinte à notre corps ; il s’en prend directement à notre âme – en promettant la sécurité physique et en encourageant le divertissement incessant pour nous distraire de l’ennui et de l’anxiété. Mais cet État, ou ce super-État, fait autre chose, que Tocqueville n’avait pas anticipé: il nous soulage de la dette irremboursable que tant d’Occidentaux ressentent à cause de leur histoire nationale. Il leur dit, venez à moi, renoncez à vos nations, et en échange, je vous donnerai la paix de l’esprit. En achetant cette paix que le christianisme aurait pu offrir à travers la notion de pardon, mais qu’il ne peut fournir aujourd’hui (parce qu’il n’est plus en vogue), les citoyens renoncent à leur chance de construire un monde national ensemble et regardent vers le haut, au lieu de regarder vers leur voisin. (…) Les amis des réseaux sociaux sont des suppléments à l’amitié authentique, pas des substituts. Pour comprendre ce qu’ils peuvent faire ou ne pas faire, pensez à la relation entre un repas et des vitamines. Les vitamines peuvent compléter un repas, mais elles ne peuvent s’y substituer. Aujourd’hui, alors que nous vivons toujours dans le souvenir des interactions de la vraie vie dans nos esprits et nos cœurs, les réseaux sociaux apparaissent comme une vraie chance. Mais si nous continuons sur ce chemin de la distanciation trop longtemps, nous tomberons malades. L’homme se renforce avec des compléments, mais meurt s’il en fait des substituts. Les réseaux sociaux – c’est-à-dire la vie vécue de manière digitale -, ne peut se substituer à la vie qui se vit sur le sol, dans le monde humain que nous construisons ensemble en temps réel. (…) Ce qui est remarquable est la rapidité avec laquelle notre attention a été reportée sur la pandémie du coronavirus et à quel point nous avons volontairement abandonné toutes nos libertés, afin d’empêcher la mort d’entrer dans nos maisons. On nous dit que le virus met plusieurs semaines à incuber, qu’il est mortel, et que pour cette raison nous devons transformer notre monde, et user de toutes les ressources technologiques, y compris la surveillance de l’intelligence artificielle, pour nous protéger. Mais imaginez le scénario suivant: nous découvrons qu’il existe un virus qui prend 70 ans à incuber, et qui est 100 % mortel. Transformerions-nous complètement notre monde pour tenir la mort à distance? Vous avez peut-être anticipé où je veux en venir. Chaque être humain qui a vécu a contracté ce virus. C’est notre «destin de mortel». Nous acceptons cette mortalité. Nous ne devons pas la braver inutilement, nous devons chérir la vie qui est un don, mais ce n’est pas la valeur suprême. Si c’était le cas, nous ferions ce que nous sommes en train de faire face au Covid-19, et plus, pour garder la mort hors de nos maisons. Or il y a d’autres choses, auxquelles nous avons la chance de contribuer, parfois de belle manière, même si nous avons tous contracté «le virus de 70 ans». Nous venons au monde et nous périssons, mais nous passons quelque chose à nos enfants, en sus de la malédiction du virus de 70 ans. Sinon, il n’y aurait ni civilisation, ni enfants. C’est ce qui me préoccupe. Nous sommes si effrayés par la mort aujourd’hui, que nous sommes prêts à tout, oui à tout, pour l’écarter. Même à renoncer à la civilisation que des centaines de générations qui sont venues avant nous – et qui avaient toutes contracté le virus de 70 ans, avaient construite, alors même qu’elles savaient qu’elles allaient mourir. Peut-être la meilleure réflexion du XXe siècle sur ce thème peut-elle être trouvée dans les dernières pages du Meilleur des mondes, le roman d’Aldous Huxley écrit en 1931. La conversation se déroule entre le contrôleur du monde, Mustapha Mond, et John Savage, un outsider qui rejette la société globale administrée que Mustapha Mond contrôle. Mond lui explique en termes clairs que s’il veut la liberté, l’amitié, l’amour et des enfants, il devra aussi vivre avec la douleur et la mort. Laissez-moi répéter ce que je vous ai dit, car je ne veux pas être mal compris. Je ne propose pas que nous acceptions la mort par le coronavirus et que nous agissions imprudemment face à ce danger. Je propose plutôt que dans tout ce que nous ferons, demain, et dans le futur plus lointain, nous agissions sans oublier que nous avons déjà contracté le virus de 70 ans. Je suppose, sans pouvoir le prouver, que cela nous permettra de penser plus clairement à la mort que nous ne pourrons éviter en nous mettant en quarantaine, et de mieux vivre dans l’intérim. (…) Quand Tocqueville écrivait en 1840, la plus grande entité qu’il puisse envisager était l’État nation. Mais aujourd’hui, beaucoup de personnes, sur la gauche du spectre politique, rêvent d’un État supranational, qu’il s’agisse de l’Union européenne ou de quelque chose de plus large encore, peu discernable à l’horizon, qui pourrait gérer et coordonner les vies de tous les habitants de la planète. Je pense que si Tocqueville était de retour, il dirait sans se contredire que l’homme a besoin d’une maison, et que la plus grande maison que nous puissions avoir est l’État nation. Il ajouterait immédiatement que l’État doit développer des arrangements fédéraux, afin que les citoyens puissent construire leur monde au plan local. Si les citoyens reçoivent une part de la gestion de la «cité», même modeste, ils aimeront leur nation de manière saine. Depuis 1989, nous avons trop renoncé à l’État nation, dans l’espoir qu’un super-État nous sauverait. Cela signifie que les muscles des États nations sont terriblement atrophiés. Or la catastrophe actuelle nous montre que nos États, pas l’Union européenne, sont en première ligne pour tenter désespérément de faire face. Le problème, comme vous le notez, est bien plus large que la pandémie actuelle. Les grandes corporations aiment le globalisme, qui affaiblit le seul mécanisme capable de contenir leur pouvoir, c’est-à-dire l’État. Adam Smith, dont le grand classique, La Richesse des nations, est souvent présenté comme la justification du capitalisme global, avait écrit sur ce sujet, même si peu de gens connaissent ce passage de son ouvrage. Sans État, pas de capitalisme, expliquait-il. L’État doit accomplir un certain nombre de missions, pour que le capitalisme fonctionne correctement. Il est temps que nous nous souvenions de cette leçon. (…) La vie n’est pas la valeur suprême. Si elle ne l’est pas, cela signifie qu’il n’y a pas de choix moraux faciles. Nos parents ont besoin de nous. Allons-nous les laisser mourir seuls, surtout s’ils veulent recevoir les derniers sacrements? Les prêtres prononcent des vœux. Leurs vœux présupposent que la mort éternelle doit être crainte beaucoup plus que la mort humaine. Ont-ils reculé face à la mort, pendant les guerres et les épidémies, pendant les 1800 ans qui ont suivi l’installation du christianisme comme religion de l’Empire romain par Constantin? Je ne suggère pas que cette considération soit la seule que l’Église doive prendre en compte. Mais je pense qu’elle doit l’avoir en tête. Sinon, elle cesse d’être l’Église. (…) Le débat économique croise l’argument moral, mais ce n’est pas la même chose. L’argumentation économique du président est influencée par un chercheur nommé Richard Epstein, qui a été l’un des pionniers du mouvement «Droit et économie». Il a étudié à l’université de Chicago, enseigne aujourd’hui à la faculté de droit de l’université de New York, et a écrit récemment un article publié par la Hoover Institution. La Maison-Blanche a été très influencée par ce texte. L’argument central en est que les gens meurent tout le temps de tas de causes, et que pour peser de manière appropriée les décisions d’une quarantaine globale pour cause de coronavirus, vous devez prendre en compte le nombre de vies additionnelles que vous allez perdre par suicide, réallocation des ressources hospitalières, ou en raison de la pauvreté que l’effondrement de l’économie mondiale pourrait générer… Quand vous faites ce calcul, vous réalisez que «sauver des vies» ne peut simplement signifier que nous ne prêtons attention qu’au coronavirus. (…) Les crises semblent toujours révéler un futur qui pourrait aller bien si nous changeons nos manières de faire, ou au contraire, qui pourrait tourner très mal, si nous persistons dans les pathologies dont nous souffrons déjà. Le fait d’être un philosophe politique fait que j’ai passé ma vie à lire les grands auteurs qui nous ont alertés sur la séduction douce de la tyrannie et la difficulté de défendre la liberté. Quand le monde déclare que cette crise est médicale et ignore les implications de la «distanciation sociale», j’ai peur que cette crise ne devienne le prétexte à l’érosion toujours plus grande du monde humain dont nous avons tant besoin – celui des voisins, des amis, des amours, des associations informelles, et de nos nations – au prétexte de repousser la mort. Mon espoir toutefois est que nous émergions de cette crise, avides d’un monde pleinement humain, avec la conscience que pour y vivre et le transmettre à nos enfants, nous nous résignerons à vivre avec la vérité, qui est que nous avons déjà contracté le virus de 70 ans, dont aucune quarantaine ne nous sauvera. Joshua Mitchell (Georgetown)
Face au virus, un spectre hante le monde : le gouvernement des experts. Les politiques ont cédé leur pouvoir à une technocratie médicale aux moyens titanesques. Les totalitarismes en rêvaient, nos démocraties l’ont fait. Le péril dont on s’effraie est rarement celui qui nous terrasse. Beaucoup d’entre nous s’inquiétaient de voir poindre dans nos pays une dictature du politiquement correct. D’autres dénonçaient la dictature des instances supranationales, du marché, de l’écologie ou de la précaution. Et puis, tout à coup, c’est une dictature sanitaire qui est en train de mettre la société au pas. En vérité, le totalitarisme peut prendre bien des formes, se développer pour bien des raisons. La raison sanitaire en est une, et semble-t-il des plus convaincantes. En ce début de XXIe siècle, elle a remplacé la mobilisation générale à visée guerrière dont nos ancêtres ont usé et abusé. Bien sûr, il ne faut pas nous laisser abuser par les mots, ni comparer l’incomparable. Le totalitarisme d’hier brisait les corps en même temps que les âmes. Celui d’aujourd’hui se contente de confisquer le pouvoir à son profit. Et notamment le pouvoir politique, qui est de plus en plus confié à des « experts » au prétexte de l’incompétence des populations. On est loin ici des tyrans assoiffés de sang que le siècle passé nous a appris à détester. Ce qui se profile à l’occasion de la crise du Covid-19, c’est plutôt le despote éclairé. Et éclairé par les savants en blouse blanche, cela va sans dire. Le président nous annonce solennellement que nous sommes en guerre… Le gouvernement renchérit dans la gravité de la situation… Les partis font taire leurs divisions… Les institutions installent des cellules de crise, qui publient à tout-va communiqués et recommandations… Les sociétés savantes s’alignent… Les policiers se répandent dans les rues et les gares pour contrôler les visas de sortie… Les journalistes sont au cœur de ce tintamarre qu’ils mettent en scène pour entretenir la ferveur populaire. Ils dénoncent les égoïsmes, appellent à l’unité nationale, morigènent les récalcitrants. Quant aux soignants, ils sont devenus les soldats d’un pouvoir qui prêche l’« effort de guerre », les nouveaux bergers traquant les brebis égarées – le Bien ! Pour sa propre protection, ils recommandent de mettre le peuple, pétrifié, au congélateur. Extatiques, ils apparaissent régulièrement sur les chaînes d’information en continu pour supplier la population : « Restez chez vous ! » Chaque soir à 20 heures sonnantes, on les applaudit en cadence. Voilà pourtant qu’on rappelle ces héros au « devoir de réserve » (en toutes lettres dans les dernières recommandations d’une des « cellules de crise » au plus haut niveau de l’AP-HP). La discipline, la discipline, la discipline, vous dit-on ! L’engouement est tel qu’il fait taire les rivalités traditionnelles au sein même de la corporation médicale. Personne pour remarquer le gigantesque transfert de moyens, et donc de pouvoir, qui s’opère au bénéfice de deux spécialités : la réanimation respiratoire et l’infectieux. (…) Bref, c’est la guerre, et la guerre demande des sacrifices à tout le monde, répète-t-on en boucle. Mais il faut voir plus loin que le dévouement admirable des soignants à une population en panique. Sans doute sont-ils des soldats… et le propre du soldat, c’est d’aspirer à monter en grade. Les médecins, prenant à cœur leur rôle d’officier, retrouvent l’espoir de renverser en leur faveur la « gouvernance » qui avait été confisquée par le corps administratif. Depuis des années ils souffraient de l’oppression d’une bureaucratie devenue toute-puissante, qui leur dictait ses réquisits : T2A, CCAM, management, business plan, rentabilité, économies, gestion des flux, compression du personnel… Avec la crise du Covid-19, aucune de ces vilaines contraintes économiques n’a plus cours. Le pouvoir médical est de retour. Terrifiés par une responsabilité qu’ils ne veulent surtout pas endosser (une responsabilité de vie et de mort), les administrateurs filent doux. Ils sont revenus à l’intendance, rôle qu’ils n’auraient jamais dû quitter. Ils ne prêchent plus la discipline budgétaire. Au contraire, ils renchérissent dans les offres pour faciliter la vie de ceux qui montent au front. Masques, respirateurs, pousse-seringues, médicaments, personnel supplémentaire : c’est le moment de tout demander, ils lâcheront tout ! Quant aux décisions en temps réel, elles sont prises par l’état-major médical. (…) Et puisque les médecins ont repris le contrôle sur l’administration, ils n’hésitent pas à s’attaquer à la strate supérieure, le politique. Ils renversent les priorités à leur avantage : l’État social devient État sanitaire. Les naïfs qui se sont reposés sur notre infatigable vaillance vont apprendre à la connaître. On ne parlera pas coup d’État, mais l’idée d’un 18-Brumaire habite sans doute nos généraux, promus maréchaux par la force du chaos. Remarquons ainsi qu’Olivier Véran et son adjoint Jérôme Salomon ont complètement éclipsé les autres ministres, qui doivent ronger leur frein. S’il y en a une qui n’a pas eu le sens de l’histoire, c’est bien Agnès Buzyn ! Elle s’est repliée à l’arrière juste avant la bataille décisive. Dommage de se limoger soi-même pour une femme qui aspire manifestement au pouvoir… Passé le premier choc de l’épidémie, passés la sidération et l’engagement comme un seul homme, les citoyens se réveillent peu à peu. Ils essayent de comprendre. Comme toujours, les livres sont nos meilleurs alliés dans cette quête de sens. (…) Les Origines du totalitarisme d’Hannah Arendt nous aide à éclairer notre condition d’homme moderne, soumis aux pressions d’une dictature qui déborde la sphère politique pour étendre son emprise à la sphère privée, quadrillant la société tout entière. (…) Hayek (La Route de la servitude) nous enseigne comment le planisme tente, maintenant et toujours, de supplanter l’initiative individuelle, au prétexte d’établir une organisation supérieure et supérieurement efficace, c’est-à-dire supérieurement oppressive. Avec Jacques Ellul et son Système technicien, nous frémissons devant la puissance du Système, rendu irrésistible par ses caractéristiques cardinales : autonomie, unité, universalité, totalisation. Illich, dont la Nemesis médicale est si prémonitoire, nous avait déjà mis en garde contre le gouvernement des experts, la confiscation de la décision par la force publique, la tendance de l’État à gouverner bien au-delà du régalien pour régenter tous les aspects de notre vie, au mépris du principe de subsidiarité. Pour finir, nonobstant les immenses différences entre le totalitarisme d’hier et celui d’aujourd’hui, pris de vertige, n’hésitant pas à pousser à l’extrême les analogies guerrières, nous méditons avec Vassili Grossman sur le destin atroce du valeureux peuple russe qui, par sa lutte grandiose contre l’oppresseur nazi, forgea lui-même ses chaînes vis-à-vis du tyran stalinien (Vie et Destin)… Sommes-nous en train de renforcer nos propres chaînes, tenues bien serrées par un pouvoir plus souriant, mais non moins absolu ? Notons que toutes ces références analysent un système moderne, qui dispose de la technique et de la science, ce qu’on appelle la technoscience. Sans ces moyens matériels gigantesques, nés de la révolution scientifique qui prétend faire de l’homme le maître et possesseur de la nature, le totalitarisme serait bien incapable d’exercer une emprise illimitée sur les existences individuelles et collectives. La « révolution de l’information » ne fait qu’amplifier un mouvement déjà décrit par ces auteurs actifs au siècle précédent. (…) Le totalitarisme sanitaire peut compter pour se développer sur les moyens qui ont fait le succès des totalitarismes guerriers. Sa force de frappe, c’est la technoscience. Elle est chez elle dans nos hôpitaux, devenus, dans le dernier demi-siècle, des « plateaux techniques », c’est-à-dire des hauts lieux de la technologie. Ironie de la crise actuelle : elle frappera moins durement les pays les moins développés, où les échanges sont moins mondialisés, où le système de soin est moins organisé, où les gens sont moins dépendants des infrastructures lourdes. Dans ces pays, la maladie suivra son cours naturel : bénigne pour l’immense majorité de la population, qui est jeune et solide, mortelle pour les personnes âgées et fragiles, qui sont déjà en forte minorité du fait de l’absence de soutien médical sophistiqué. L’épidémie de Covid-19 se révélera probablement un formidable réducteur des inégalités entre les économies de la planète. Les pays les plus avancés s’effondreront les premiers… ou se confieront tout entiers à leurs bons pasteurs. Anne-Laure Boch

Vous reprendrez bien un peu de planification ?

A l’heure où après deux mois d’assignation à résidence …

Qui entre drones et hélicos, pistolet et caméras thermiques, ausweis et dénonciations …

Ressemblait si furieusement à de la résidence surveillée …

Avec en prime entre deux mensonges d’Etat et le chantage à la peur à jet continu de nos experts des plateaux télé …

L’abandon de la plupart de nos libertés fondamentales

Pour un nouveau virus chinois qui malgré les mensonges de Pékin (y compris sur les Jeux militaires de Wuhan d’octobre 2019) et la complicité de l’OMS …

Epargne 95% de ses victimes …

Et sur la base apparemment d’un seul rapport dont le principal chercheur s’était non seulement déjà magistralement trompé sur deux épidémies précédentes mais faisait aussi cette fois-ci l’impasse complète sur les dégâts collatéraux du confinement proposé …

Nous commençons à découvrir …

Derrière les prédictions tout aussi définitives les unes que les autres de nos professeurs de certitudes …

Sur cet avenir qui ne sera « plus jamais comme avant » …

Les catastrophiques conséquences qui s’annoncent …

D’un fiasco bureaucratique en train de virer au suicide économique

Sur fond de la lutte inévitable qui revient …

Quand  la France de la fin du monde qui a télétravaillé en sécurité depuis chez eux …

Va à nouveau tenter d’imposer à la France de la fin du mois qui a « continué à aller bosser malgré la menace du virus » …

Leur auto-sacrifice sur l’autel du “sauvetage de la planète” …

Comment ne pas voir …

Avec la neurochirurgienne Anne-Laure Boch

Mais cette fois avec un nouveau totalitarisme sanitaire …

Véritable « dictature du sanitariat » …

Avant celle du « climatoriat » …

Comme un étrange rappel de cette fin d’une autre guerre …

Où oubliant les avertissements conjugués d’Hayek comme de Churchill …

Et entreprenant à leur tour de rebâtir, contre les » usines sombres et sataniques », la Nouvelle Jérusalem de Blake …

Tant d’états à la suite de la Grande-Bretagne de Clement Attlee …

Reprirent en fait derrière les indéniables bienfaits de l’Etat Providence …

Donnant au passage à son pays la majestueuse beauté d’un quasi hymne national

La « route de la servitude » prophétisée par Hayek … ?

Le putsch des blouses blanches
Un nouveau totalitarisme sanitaire
Anne-Laure Boch
Causeur
26 avril 2020

Face au virus, un spectre hante le monde : le gouvernement des experts. Les politiques ont cédé leur pouvoir à une technocratie médicale aux moyens titanesques. Les totalitarismes en rêvaient, nos démocraties l’ont fait.

Le péril dont on s’effraie est rarement celui qui nous terrasse. Beaucoup d’entre nous s’inquiétaient de voir poindre dans nos pays une dictature du politiquement correct. D’autres dénonçaient la dictature des instances supranationales, du marché, de l’écologie ou de la précaution. Et puis, tout à coup, c’est une dictature sanitaire qui est en train de mettre la société au pas. En vérité, le totalitarisme peut prendre bien des formes, se développer pour bien des raisons. La raison sanitaire en est une, et semble-t-il des plus convaincantes. En ce début de XXIe siècle, elle a remplacé la mobilisation générale à visée guerrière dont nos ancêtres ont usé et abusé.

Bien sûr, il ne faut pas nous laisser abuser par les mots, ni comparer l’incomparable. Le totalitarisme d’hier brisait les corps en même temps que les âmes. Celui d’aujourd’hui se contente de confisquer le pouvoir à son profit. Et notamment le pouvoir politique, qui est de plus en plus confié à des « experts » au prétexte de l’incompétence des populations. On est loin ici des tyrans assoiffés de sang que le siècle passé nous a appris à détester. Ce qui se profile à l’occasion de la crise du Covid-19, c’est plutôt le despote éclairé. Et éclairé par les savants en blouse blanche, cela va sans dire.

Le président nous annonce solennellement que nous sommes en guerre… Le gouvernement renchérit dans la gravité de la situation… Les partis font taire leurs divisions… Les institutions installent des cellules de crise, qui publient à tout-va communiqués et recommandations… Les sociétés savantes s’alignent… Les policiers se répandent dans les rues et les gares pour contrôler les visas de sortie… Les journalistes sont au cœur de ce tintamarre qu’ils mettent en scène pour entretenir la ferveur populaire. Ils dénoncent les égoïsmes, appellent à l’unité nationale, morigènent les récalcitrants.

Quant aux soignants, ils sont devenus les soldats d’un pouvoir qui prêche l’« effort de guerre », les nouveaux bergers traquant les brebis égarées – le Bien ! Pour sa propre protection, ils recommandent de mettre le peuple, pétrifié, au congélateur. Extatiques, ils apparaissent régulièrement sur les chaînes d’information en continu pour supplier la population : « Restez chez vous ! » Chaque soir à 20 heures sonnantes, on les applaudit en cadence.

Voilà pourtant qu’on rappelle ces héros au « devoir de réserve » (en toutes lettres dans les dernières recommandations d’une des « cellules de crise » au plus haut niveau de l’AP-HP). La discipline, la discipline, la discipline, vous dit-on !

L’engouement est tel qu’il fait taire les rivalités traditionnelles au sein même de la corporation médicale. Personne pour remarquer le gigantesque transfert de moyens, et donc de pouvoir, qui s’opère au bénéfice de deux spécialités : la réanimation respiratoire et l’infectieux. À l’hôpital, siège d’éternelles luttes entre spécialités, les réanimateurs ont tout simplement le dessus – mettant en veille, au passage, le vieil antagonisme entre réanimateurs médicaux et anesthésistes-réanimateurs. Les chirurgiens, d’ordinaire si remuants, restent muets face à la réquisition des personnels, des respirateurs et des salles de surveillance postinterventionnelles indispensables à leur activité, réquisition qui les met au chômage, ipso facto. Les blocs opératoires ferment, les salles d’hospitalisation aussi, les interventions non urgentes sont déprogrammées… Sans qu’on sache quand on pourra reprendre une activité normale, ni comment on absorbera alors le gigantesque surplus accumulé. Personne n’ose défendre le droit des « autres patients » à être soignés, eux aussi. Il ne fait pas bon aujourd’hui être atteint d’une autre pathologie que le Covid-19. À peine entend-on murmurer le mot de « perte de chance » par les médecins des « autres spécialités » qui errent, désœuvrés, dans les couloirs vides de leurs services. Certains sont enrôlés dans d’autres domaines que le leur, en dépit de leur moindre compétence, et surtout au risque d’une contamination qui priverait « leurs » patients pour de bon.

Masques, respirateurs, médicaments, personnel : c’est le moment de tout demander, ils lâcheront tout !

Bref, c’est la guerre, et la guerre demande des sacrifices à tout le monde, répète-t-on en boucle.

Mais il faut voir plus loin que le dévouement admirable des soignants à une population en panique. Sans doute sont-ils des soldats… et le propre du soldat, c’est d’aspirer à monter en grade. Les médecins, prenant à cœur leur rôle d’officier, retrouvent l’espoir de renverser en leur faveur la « gouvernance » qui avait été confisquée par le corps administratif. Depuis des années ils souffraient de l’oppression d’une bureaucratie devenue toute-puissante, qui leur dictait ses réquisits : T2A, CCAM, management, business plan, rentabilité, économies, gestion des flux, compression du personnel… Avec la crise du Covid-19, aucune de ces vilaines contraintes économiques n’a plus cours. Le pouvoir médical est de retour. Terrifiés par une responsabilité qu’ils ne veulent surtout pas endosser (une responsabilité de vie et de mort), les administrateurs filent doux. Ils sont revenus à l’intendance, rôle qu’ils n’auraient jamais dû quitter. Ils ne prêchent plus la discipline budgétaire. Au contraire, ils renchérissent dans les offres pour faciliter la vie de ceux qui montent au front. Masques, respirateurs, pousse-seringues, médicaments, personnel supplémentaire : c’est le moment de tout demander, ils lâcheront tout ! Quant aux décisions en temps réel, elles sont prises par l’état-major médical. L’extraordinaire réorganisation de l’hôpital, qui voit des services entiers apparaître en une journée, des transferts inédits de personnel et de matériel se concrétiser avant même qu’ils soient en projet, cet effort admirable doit tout aux médecins, rien aux administratifs.

Et puisque les médecins ont repris le contrôle sur l’administration, ils n’hésitent pas à s’attaquer à la strate supérieure, le politique. Ils renversent les priorités à leur avantage : l’État social devient État sanitaire. Les naïfs qui se sont reposés sur notre infatigable vaillance vont apprendre à la connaître. On ne parlera pas coup d’État, mais l’idée d’un 18-Brumaire habite sans doute nos généraux, promus maréchaux par la force du chaos. Remarquons ainsi qu’Olivier Véran et son adjoint Jérôme Salomon ont complètement éclipsé les autres ministres, qui doivent ronger leur frein. S’il y en a une qui n’a pas eu le sens de l’histoire, c’est bien Agnès Buzyn ! Elle s’est repliée à l’arrière juste avant la bataille décisive. Dommage de se limoger soi-même pour une femme qui aspire manifestement au pouvoir…

Passé le premier choc de l’épidémie, passés la sidération et l’engagement comme un seul homme, les citoyens se réveillent peu à peu. Ils essayent de comprendre. Comme toujours, les livres sont nos meilleurs alliés dans cette quête de sens. Sortons-en quelques-uns des rayons de notre bibliothèque – en ces temps de confinement, le président de la République lui-même nous y a encouragés.

Les Origines du totalitarisme d’Hannah Arendt nous aide à éclairer notre condition d’homme moderne, soumis aux pressions d’une dictature qui déborde la sphère politique pour étendre son emprise à la sphère privée, quadrillant la société tout entière. Avec Les Frères Karamazov de Dostoïevski nous vient l’idée que la crise actuelle signifie peut-être la victoire du Grand Inquisiteur. Hayek (La Route de la servitude) nous enseigne comment le planisme tente, maintenant et toujours, de supplanter l’initiative individuelle, au prétexte d’établir une organisation supérieure et supérieurement efficace, c’est-à-dire supérieurement oppressive. Avec Jacques Ellul et son Système technicien, nous frémissons devant la puissance du Système, rendu irrésistible par ses caractéristiques cardinales : autonomie, unité, universalité, totalisation. Illich, dont la Nemesis médicale est si prémonitoire, nous avait déjà mis en garde contre le gouvernement des experts, la confiscation de la décision par la force publique, la tendance de l’État à gouverner bien au-delà du régalien pour régenter tous les aspects de notre vie, au mépris du principe de subsidiarité. Pour finir, nonobstant les immenses différences entre le totalitarisme d’hier et celui d’aujourd’hui, pris de vertige, n’hésitant pas à pousser à l’extrême les analogies guerrières, nous méditons avec Vassili Grossman sur le destin atroce du valeureux peuple russe qui, par sa lutte grandiose contre l’oppresseur nazi, forgea lui-même ses chaînes vis-à-vis du tyran stalinien (Vie et Destin)… Sommes-nous en train de renforcer nos propres chaînes, tenues bien serrées par un pouvoir plus souriant, mais non moins absolu ?

Notons que toutes ces références analysent un système moderne, qui dispose de la technique et de la science, ce qu’on appelle la technoscience. Sans ces moyens matériels gigantesques, nés de la révolution scientifique qui prétend faire de l’homme le maître et possesseur de la nature, le totalitarisme serait bien incapable d’exercer une emprise illimitée sur les existences individuelles et collectives. La « révolution de l’information » ne fait qu’amplifier un mouvement déjà décrit par ces auteurs actifs au siècle précédent. Ce qu’il faut comprendre, c’est que la médecine est partie prenante de l’arraisonnement de la nature et de la société par la technoscience. Entièrement, passionnément, la médecine moderne est technoscientifique. Elle est peut-être même la technoscience par excellence. À ce titre, ses serviteurs, les soignants et notamment les médecins, n’ont rien à redire aux méthodes qui ont fait de la technoscience l’alpha et l’oméga de la puissance politique moderne. Le totalitarisme sanitaire peut compter pour se développer sur les moyens qui ont fait le succès des totalitarismes guerriers. Sa force de frappe, c’est la technoscience. Elle est chez elle dans nos hôpitaux, devenus, dans le dernier demi-siècle, des « plateaux techniques », c’est-à-dire des hauts lieux de la technologie.

Ironie de la crise actuelle : elle frappera moins durement les pays les moins développés, où les échanges sont moins mondialisés, où le système de soin est moins organisé, où les gens sont moins dépendants des infrastructures lourdes. Dans ces pays, la maladie suivra son cours naturel : bénigne pour l’immense majorité de la population, qui est jeune et solide, mortelle pour les personnes âgées et fragiles, qui sont déjà en forte minorité du fait de l’absence de soutien médical sophistiqué. L’épidémie de Covid-19 se révélera probablement un formidable réducteur des inégalités entre les économies de la planète. Les pays les plus avancés s’effondreront les premiers… ou se confieront tout entiers à leurs bons pasteurs.

Autre ironie : devenus politiques, les médecins devront accepter les compromis voire les compromissions qui vont avec cette charge. Eux qui renâclaient contre le management ne pourront faire l’économie d’un petit cours… d’économie ! Tu me tiens, je te tiens par la barbichette… Espérons qu’ils n’y perdront pas leur âme, cette âme valeureuse qu’un grand chirurgien, René Leriche, nous avait appris à aimer (Philosophie de la chirurgie).

Cette crise se résoudra. L’effort de recherche est si monumental qu’il aboutira sans doute très vite à la mise au point d’un traitement, curatif ou préventif (un vaccin). D’ici là les morts seront bien morts, hélas. Et le pouvoir sera passé un peu plus aux mains d’une technocratie d’experts. Appartenant moi-même au corps médical, je ne peux être juge et partie. Les citoyens décideront si cette technocratie sanitaire est meilleure que l’autre, ou plus pesante encore.

Voir aussi:

GRAND ENTRETIEN – Le professeur de théorie politique de l’université de Georgetown*, à Washington, met en garde contre les risques de la distanciation sociale, un «virus politique qui tue l’esprit de la démocratie» en poussant les individus isolés à s’en remettre à un super-État omnipotent.

LE FIGARO. – Vous soupesez les risques, dans un récent article, de la distanciation sociale, et vous vous demandez si la démocratie survivra à une pratique qui touche désormais plus de 3 milliards d’individus. Que craignez-vous?

Joshua MITCHELL. – Nous avons aujourd’hui une notion très parcellaire de ce qu’est la démocratie. Nous disons qu’une nation est démocratique si le vote est conduit de manière équitable et juste, et si les gens sont représentés. Mais le vote et la représentation, aussi importants soient-ils, ne sont pas suffisants pour assurer la bonne santé de la démocratie. Il doit y avoir un esprit de la démocratie, qui ne peut être développé et maintenu que si les citoyens, dans leurs vies quotidiennes, travaillent chaque jour à construire un monde avec leurs compatriotes. La «distanciation sociale» est de ce point de vue le grand ennemi de l’esprit de la démocratie. Je comprends le besoin immédiat de «distanciation sociale», pour empêcher le coronavirus de se propager, mais n’oublions pas que la «distanciation sociale» est un virus politique qui tue l’esprit de la démocratie.

La perspective de la mort, écrivez-vous, pourrait nous mener à nous retirer en notre propre monde, et à nous appuyer, par le télétravail, les réseaux sociaux et l’isolement, sur le «despotisme doux» de l’État, que Tocqueville redoutait. Devons-nous relire Tocqueville pour comprendre les défis du Coronavirus?

J’ai étudié et écrit sur l’œuvre d’Alexis de Tocqueville toute ma vie professionnelle – c’est-à-dire à peu près quarante ans. C’est l’un des esprits les plus clairvoyants du XIXe siècle. Pour comprendre la sorte de tyrannie que nous devons craindre pour le futur, lisez ce qu’il a écrit en 1840, dans De la démocratie en Amérique. Sa prédiction était incroyablement prophétique. Il avait compris qu’avec l’effondrement de l’âge aristocratique, les rôles sociaux qui nous étaient assignés et nos obligations par rapport aux autres, allaient disparaître, et qu’il y aurait de moins en moins de liens susceptibles de nous relier les uns aux autres. Il avait deviné que nous serions hantés par la solitude et que nous rechercherions le soutien du seul pouvoir visible, l’État, pour nos besoins. En Europe, les citoyens tournent notamment leurs regards vers l’Union européenne, qui leur promet la sécurité économique et aussi l’autosatisfaction de «la fin de l’Histoire». C’est «le despotisme sous un autre nom» (pour paraphraser Tocqueville), il ne soumet pas et ne démoralise pas en portant atteinte à notre corps ; il s’en prend directement à notre âme – en promettant la sécurité physique et en encourageant le divertissement incessant pour nous distraire de l’ennui et de l’anxiété. Mais cet État, ou ce super-État, fait autre chose, que Tocqueville n’avait pas anticipé: il nous soulage de la dette irremboursable que tant d’Occidentaux ressentent à cause de leur histoire nationale. Il leur dit, venez à moi, renoncez à vos nations, et en échange, je vous donnerai la paix de l’esprit. En achetant cette paix que le christianisme aurait pu offrir à travers la notion de pardon, mais qu’il ne peut fournir aujourd’hui (parce qu’il n’est plus en vogue), les citoyens renoncent à leur chance de construire un monde national ensemble et regardent vers le haut, au lieu de regarder vers leur voisin.

Vous craignez la disparition des interactions directes, mais les réseaux sociaux ne nous fournissent-ils pas temporairement des possibilités d’interactions salutaires en ce temps d’isolement forcé?

Les amis des réseaux sociaux sont des suppléments à l’amitié authentique, pas des substituts. Pour comprendre ce qu’ils peuvent faire ou ne pas faire, pensez à la relation entre un repas et des vitamines. Les vitamines peuvent compléter un repas, mais elles ne peuvent s’y substituer. Aujourd’hui, alors que nous vivons toujours dans le souvenir des interactions de la vraie vie dans nos esprits et nos cœurs, les réseaux sociaux apparaissent comme une vraie chance. Mais si nous continuons sur ce chemin de la distanciation trop longtemps, nous tomberons malades. L’homme se renforce avec des compléments, mais meurt s’il en fait des substituts. Les réseaux sociaux – c’est-à-dire la vie vécue de manière digitale -, ne peut se substituer à la vie qui se vit sur le sol, dans le monde humain que nous construisons ensemble en temps réel.

L’un des aspects menaçants du gentil despote dont vous parlez est sa propension à utiliser l’intelligence artificielle pour surveiller ses citoyens au nom du combat contre la pandémie. En Asie, les gens semblent prêts à accepter l’abandon de leur vie privée à cette fin. La puissance montante de l’État de surveillance pourrait-elle être une conséquence durable de la crise?

C’est une question difficile, non pas parce que la réponse est difficile à trouver, mais parce que la réponse que je vais y donner est difficile à accepter. Je ne peux parler de manière informée de ce qui se passe en Asie. Mes observations ont plutôt trait à l’Europe et au monde anglo-saxon. Ce qui est remarquable est la rapidité avec laquelle notre attention a été reportée sur la pandémie du coronavirus et à quel point nous avons volontairement abandonné toutes nos libertés, afin d’empêcher la mort d’entrer dans nos maisons. On nous dit que le virus met plusieurs semaines à incuber, qu’il est mortel, et que pour cette raison nous devons transformer notre monde, et user de toutes les ressources technologiques, y compris la surveillance de l’intelligence artificielle, pour nous protéger. Mais imaginez le scénario suivant: nous découvrons qu’il existe un virus qui prend 70 ans à incuber, et qui est 100 % mortel. Transformerions-nous complètement notre monde pour tenir la mort à distance? Vous avez peut-être anticipé où je veux en venir. Chaque être humain qui a vécu a contracté ce virus. C’est notre «destin de mortel». Nous acceptons cette mortalité. Nous ne devons pas la braver inutilement, nous devons chérir la vie qui est un don, mais ce n’est pas la valeur suprême. Si c’était le cas, nous ferions ce que nous sommes en train de faire face au Covid-19, et plus, pour garder la mort hors de nos maisons. Or il y a d’autres choses, auxquelles nous avons la chance de contribuer, parfois de belle manière, même si nous avons tous contracté «le virus de 70 ans». Nous venons au monde et nous périssons, mais nous passons quelque chose à nos enfants, en sus de la malédiction du virus de 70 ans. Sinon, il n’y aurait ni civilisation, ni enfants. C’est ce qui me préoccupe.

Nous sommes si effrayés par la mort aujourd’hui, que nous sommes prêts à tout, oui à tout, pour l’écarter. Même à renoncer à la civilisation que des centaines de générations qui sont venues avant nous – et qui avaient toutes contracté le virus de 70 ans, avaient construite, alors même qu’elles savaient qu’elles allaient mourir. Peut-être la meilleure réflexion du XXe siècle sur ce thème peut-elle être trouvée dans les dernières pages du Meilleur des mondes, le roman d’Aldous Huxley écrit en 1931. La conversation se déroule entre le contrôleur du monde, Mustapha Mond, et John Savage, un outsider qui rejette la société globale administrée que Mustapha Mond contrôle. Mond lui explique en termes clairs que s’il veut la liberté, l’amitié, l’amour et des enfants, il devra aussi vivre avec la douleur et la mort. Laissez-moi répéter ce que je vous ai dit, car je ne veux pas être mal compris. Je ne propose pas que nous acceptions la mort par le coronavirus et que nous agissions imprudemment face à ce danger. Je propose plutôt que dans tout ce que nous ferons, demain, et dans le futur plus lointain, nous agissions sans oublier que nous avons déjà contracté le virus de 70 ans. Je suppose, sans pouvoir le prouver, que cela nous permettra de penser plus clairement à la mort que nous ne pourrons éviter en nous mettant en quarantaine, et de mieux vivre dans l’intérim.

N’est-il pas trop tôt pour s’inquiéter de l’émergence d’un État trop envahissant? En Europe, nous en sommes plutôt à critiquer la faiblesse et le manque de vision des gouvernements qui avaient sacrifié les responsabilités stratégiques qui relèvent des États au nom du commerce. Les États ne devraient-ils pas récupérer les pouvoirs et responsabilités qu’ils avaient abandonnés à un marché devenu fou?

Quand Tocqueville écrivait en 1840, la plus grande entité qu’il puisse envisager était l’État nation. Mais aujourd’hui, beaucoup de personnes, sur la gauche du spectre politique, rêvent d’un État supranational, qu’il s’agisse de l’Union européenne ou de quelque chose de plus large encore, peu discernable à l’horizon, qui pourrait gérer et coordonner les vies de tous les habitants de la planète. Je pense que si Tocqueville était de retour, il dirait sans se contredire que l’homme a besoin d’une maison, et que la plus grande maison que nous puissions avoir est l’État nation. Il ajouterait immédiatement que l’État doit développer des arrangements fédéraux, afin que les citoyens puissent construire leur monde au plan local. Si les citoyens reçoivent une part de la gestion de la «cité», même modeste, ils aimeront leur nation de manière saine.

Depuis 1989, nous avons trop renoncé à l’État nation, dans l’espoir qu’un super-État nous sauverait. Cela signifie que les muscles des États nations sont terriblement atrophiés. Or la catastrophe actuelle nous montre que nos États, pas l’Union européenne, sont en première ligne pour tenter désespérément de faire face. Le problème, comme vous le notez, est bien plus large que la pandémie actuelle. Les grandes corporations aiment le globalisme, qui affaiblit le seul mécanisme capable de contenir leur pouvoir, c’est-à-dire l’État. Adam Smith, dont le grand classique, La Richesse des nations, est souvent présenté comme la justification du capitalisme global, avait écrit sur ce sujet, même si peu de gens connaissent ce passage de son ouvrage. Sans État, pas de capitalisme, expliquait-il. L’État doit accomplir un certain nombre de missions, pour que le capitalisme fonctionne correctement. Il est temps que nous nous souvenions de cette leçon.

Dans un article récent, qui devrait provoquer la polémique, le penseur catholique américain Rusty Reno critique le «sentimentalisme» qui place la vie au centre de tout. Il estime qu’il y a des choses plus précieuses que la vie physique, comme l’honneur ou la justice, et se dit horrifié que les prêtres ne peuvent visiter les malades et consoler ceux qui pleurent leurs morts, pendant le coronavirus. Pour lui, il y a un aspect diabolique dans cette attitude qui, en voulant sauver des vies à n’importe quel prix, finit par nous priver de notre courage. Si on peut comprendre son point de vue, n’y a-t-il pas aussi de la noblesse à vouloir faire des anciens et des personnes fragiles une priorité?

Je connais Rusty Reno et j’ai un immense respect pour lui. Ce qu’il a écrit devait être dit, et personne ne l’a fait avant lui. La vie n’est pas la valeur suprême. Si elle ne l’est pas, cela signifie qu’il n’y a pas de choix moraux faciles. Nos parents ont besoin de nous. Allons-nous les laisser mourir seuls, surtout s’ils veulent recevoir les derniers sacrements? Les prêtres prononcent des vœux. Leurs vœux présupposent que la mort éternelle doit être crainte beaucoup plus que la mort humaine. Ont-ils reculé face à la mort, pendant les guerres et les épidémies, pendant les 1800 ans qui ont suivi l’installation du christianisme comme religion de l’Empire romain par Constantin? Je ne suggère pas que cette considération soit la seule que l’Église doive prendre en compte. Mais je pense qu’elle doit l’avoir en tête. Sinon, elle cesse d’être l’Église.

L’approche de Reno, bien que ses motivations soient morales et non économiques, fait écho au dilemme que Donald Trump met sur la table, quand il suggère que nous devrions retourner au travail, même si cela signifie un grand nombre de morts. Le fil commun est que la vie n’est pas la valeur ultime. Mais cela est difficile à avaler, surtout dans des sociétés qui sont habituées à l’idée de la jeunesse éternelle, voire de la quasi-immortalité (avec le rêve technologique de l’homme agrandi).

Rusty Reno pense en termes moraux. Le débat économique croise l’argument moral, mais ce n’est pas la même chose. L’argumentation économique du président est influencée par un chercheur nommé Richard Epstein, qui a été l’un des pionniers du mouvement «Droit et économie». Il a étudié à l’université de Chicago, enseigne aujourd’hui à la faculté de droit de l’université de New York, et a écrit récemment un article publié par la Hoover Institution. La Maison-Blanche a été très influencée par ce texte. L’argument central en est que les gens meurent tout le temps de tas de causes, et que pour peser de manière appropriée les décisions d’une quarantaine globale pour cause de coronavirus, vous devez prendre en compte le nombre de vies additionnelles que vous allez perdre par suicide, réallocation des ressources hospitalières, ou en raison de la pauvreté que l’effondrement de l’économie mondiale pourrait générer… Quand vous faites ce calcul, vous réalisez que «sauver des vies» ne peut simplement signifier que nous ne prêtons attention qu’au coronavirus.

À quoi ressemblera le monde quand nous nous réveillerons de ce cauchemar?

Les crises semblent toujours révéler un futur qui pourrait aller bien si nous changeons nos manières de faire, ou au contraire, qui pourrait tourner très mal, si nous persistons dans les pathologies dont nous souffrons déjà. Le fait d’être un philosophe politique fait que j’ai passé ma vie à lire les grands auteurs qui nous ont alertés sur la séduction douce de la tyrannie et la difficulté de défendre la liberté. Quand le monde déclare que cette crise est médicale et ignore les implications de la «distanciation sociale», j’ai peur que cette crise ne devienne le prétexte à l’érosion toujours plus grande du monde humain dont nous avons tant besoin – celui des voisins, des amis, des amours, des associations informelles, et de nos nations – au prétexte de repousser la mort. Mon espoir toutefois est que nous émergions de cette crise, avides d’un monde pleinement humain, avec la conscience que pour y vivre et le transmettre à nos enfants, nous nous résignerons à vivre avec la vérité, qui est que nous avons déjà contracté le virus de 70 ans, dont aucune quarantaine ne nous sauvera.

*À notamment publié: «Tocqueville in Arabia», Chicago University Press, 2013.

Ran Halévi: «Pourquoi les professeurs de certitudes sur le “monde d’après” vont être démentis»

CHRONIQUE – Analyser en termes doctrinaux et péremptoires la crise que nous vivons est le meilleur moyen de ne pas la comprendre, car c’est notre imprévoyance qui est en cause et non un «système», argumente l’historien*.
Ran Halévi
Le Figaro
18 mai 2020

Le plus dur à vivre, dans cette crise sanitaire, et le plus difficile à gérer, est l’état permanent d’incertitude qu’elle ne cesse d’entretenir. On apprend tous les jours des choses qu’on ignorait la veille sur ce virus ingouvernable qui rôde d’un pays à l’autre suivant un itinéraire capricieux et une cadence imprévisible. Au confinement total succède un confinement partiel. On ignore tout de ses lendemains, si ce n’est les présages d’une crise économique d’ampleur inédite et des drames qu’elle va entraîner.

Ce déconcertant purgatoire à la durée indéterminée n’a pas empêché les professeurs de certitudes de proférer en rafales des prédictions définitives. Sur la fin de la mondialisation, comme si l’éradication du virus allait faire disparaître des systèmes de production étroitement connectés parce qu’il y va de leurs intérêts. Sur le naufrage programmé de l’Union européenne, dont les mesures d’urgence, pourtant, et le plan de sauvetage économique éclipsent de loin les pesanteurs et les divisions. Sur la nécessité de refonder l’«État jacobin», alors qu’une stratégie nationale en matière sanitaire n’est affaire ni de centralisation ni de système fédéral mais de prévoyance et de méthode. Et, bien sûr, sur la faillite du libéralisme, sans préciser lequel: le «néolibéralisme» nihiliste que la crise a durement éprouvé en effet ; ou le libéralisme inspiré de Montesquieu et de Tocqueville, qui fait des forces vives de la société le ressort de la vie nationale – à lire les sondages, ce sont surtout les maires et les entreprises que plébiscitent aujourd’hui les Français. Plus téméraire, Nicolas Hulot annonce carrément «un monde d’après» radicalement différent, dont il esquisse les contours par l’énumération rhapsodique d’une kyrielle de prévisions nébuleuses. Et de préciser: «Concilier fin du mois et fin du monde est un exercice très délicat.» Qui oserait le contredire?

Au sortir d’une grande crise, l’espoir de savoir en tirer les leçons et de faire perdurer l’esprit de sacrifice et les solidarités qu’elle avait cimentés se heurte tôt ou tard à la grisaille des vieilles habitudes et à de nouvelles épreuves. En France, on s’était juré au moment de la Libération de ne pas retomber dans les errements du système politique d’avant-guerre, rendu largement responsable de la défaite. Deux ans plus tard, François Mauriac consigne dans son Journal cette note mélancolique: «Tout recommence. Tout demeure désespérément pareil […]. La IIIe République continue ; c’est la IVe qui est morte […]» Pendant les longues semaines d’autoréclusion, frustrés de nos libertés élémentaires, parfois dans des conditions très dures, les guerres culturelles qui occupaient hier notre quotidien paraissaient soudain dérisoires, picrocholines: les lamentations victimaires, la criminalisation de notre passé, l’interdit moral de prononcer des vérités décrétées incommodes et jusqu’aux débats homériques sur les droits des transgenres de choisir librement les vestiaires des hommes ou des femmes… On verra bientôt si tout va rester en effet «désespérément pareil».

Aux vaticinateurs du «rien ne sera plus comme avant» fait écho le peloton des procureurs qui n’ont pas besoin de tout comprendre pour tout expliquer, puisque la crise valide ce qu’ils savent depuis toujours. Leur verdict est sans appel: ovation du corps médical qui brave l’épidémie, proscription des responsables qui n’ont su la contenir à défaut de l’empêcher. Et, déjà, des associations d’indignés dressent des listes de suspects et commencent à instruire leur procès politique.

Le bilan des anomalies et des défaillances qui auront marqué cette crise sera établi le moment venu. Mais tant qu’on ignore comment opère le virus, que gouvernements et experts continuent de naviguer au jour le jour, il est prématuré de jouer bénévolement les épurateurs.

Tant que le coronavirus frappait ailleurs, même à nos portes, on a trouvé toujours une explication plausible pour croire les Français à l’abri

Reste l’énigme de l’impréparation de nos pouvoirs publics, qui avaient pourtant mis en place tout un dispositif pour parer à une pandémie virale avant de l’abandonner. Le phénomène n’est pas aussi inhabituel qu’on imagine. Il renvoie à un trait inhérent à nos habitudes de penser et d’agir: nous privilégions le visible du court terme à l’«infamilier» d’un avenir insaisissable, surtout quand il engage des dépenses onéreuses.

Des exemples? En 2004, une tempête tropicale cause de terribles destructions à l’île de Grenade en évitant de justesse le sud des États-Unis. L’alerte laisse de marbre les responsables américains. Huit mois plus tard, l’ouragan Katrina va dévaster La Nouvelle-Orléans avec les conséquences que l’on sait. En 1993, un attentat terroriste avorté visant les tours du World Trade Center provoque finalement peu de dégâts. L’émotion passée, les autorités baissent la garde malgré l’accumulation des renseignements alarmants qui peinent à se faire entendre: le 11 Septembre ne prendra par surprise, en haut lieu, que ceux qui ont refusé d’y croire.

La même cécité volontaire a frappé le gouvernement israélien à la veille de la guerre du Kippour en octobre 1973. Depuis des mois, les alertes s’étaient multipliées sur une attaque conjointe des armées égyptienne et syrienne. Mais Jérusalem n’y voyait que des manœuvres. Politiques et militaires méprisaient les capacités de l’ennemi, sous-estimaient sa détermination et s’obstinaient à méconnaître les informations qui décrivaient en temps réel ce qui allait se produire.

On observe le même genre de déni avec le coronavirus. Tant qu’il frappait ailleurs, même à nos portes, on a trouvé toujours une explication plausible pour croire les Français à l’abri: la Chine est bien loin, le système sanitaire en Italie est défaillant et sa population plus âgée que la nôtre, l’Espagne est trop décentralisée pour faire face à l’épidémie, l’Angleterre est une île…

Là où n’existe plus l’empreinte mémorielle d’une expérience précédente, vécue ne serait-ce que par association, le déni continue d’aveugler jusqu’aux mieux avertis. En 2017, deux «behaviouristes» américains, Robert Meyer et Howard Kunreuther, ont publié une enquête au titre qui résume notre situation: Le Paradoxe de l’autruche: pourquoi on se prépare mal aux désastres. C’est ce syndrome de l’autruche qui pousse à construire des maisons dans des secteurs exposés aux calamités, à n’acheter des assurances qu’après avoir subi le fléau qu’elles devaient indemniser, à braver des mesures de sécurité en se croyant immunisés contre le malheur, à abandonner telle politique préventive parce que le désastre qu’elle est censée endiguer tarde à se produire. Les auteurs énumèrent les six «constituants» du «préjugé cognitif» qui travaille autant les individus que les gouvernements: myopie, amnésie, optimisme, inertie, simplifications sélectives, suivisme.

La crise sanitaire que nous sommes en train de vivre ne fait qu’accuser ces traits familiers, auxquels notre humeur nationale ajoute, comme de juste, ses attributs propres.

*Directeur de recherche au CNRS. Professeur au Centre d’études sociologiques et politiques Raymond-Aron.

Voir également:

« La droite française doit faire le choix de la liberté économique »

FIGAROVOX/TRIBUNE – L’avenir de la droite ne passera pas par le socialisme et la planification, prévient le maire LR de Lèves Rémi Martial. La France doit selon lui faire davantage confiance au marché et rompre avec les dérives de l’étatisme et de la suradministration.

Rémi Martial

Rémi Martial est maire (LR) de Lèves, conseiller départemental d’Eure-et-Loir et professeur d’économie.

Le Figaro

Depuis quelque temps, une petite musique socialisante retentit au sein du parti Les Républicains. Plusieurs de ses responsables avancent des propositions auxquelles même certains membres du Parti socialiste ne croient plus. Au nom de la supposée reconquête du politique sur l’économique, nous assistons à des idées qui décoiffent autant qu’elles posent question sur les objectifs poursuivis.

Énième plan de relance, forte augmentation du SMIC, protectionnisme fermé, etc., sont autant de propositions qui sont justifiées au nom de la résolution des crises sociales et sanitaires que nous traversons, faisant fi des réalités que ces dernières décennies ont pourtant largement confirmées, et au risque de perdre définitivement toute crédibilité auprès d’une partie restante de son électorat.

Nous assistons à des idées qui décoiffent autant qu’elles posent question sur les objectifs poursuivis.

Le jeune député Aurélien Pradié, numéro 3 de LR, s’est fait récemment remarquer dans une interview donnée à Libération , en faisant part de sa «croyance en la planification, un point d’accord avec la pensée communiste», puis en proposant sur Twitter de «réfléchir à fixer un prix maximal pour 100 produits alimentaires de première nécessité».

Soit ces propositions, aussi séduisantes puissent-elles être au premier abord, sont faites dans l’ignorance des principes fondamentaux d’économie et de l’histoire récente que le XXe siècle nous a enseigné ; soit elles sont le fruit d’une opposition mécanique à la majorité actuelle, considérant que le macronisme représente un «ultralibéralisme mondialisé dérégulé», aussi fantasmé que faux. Dans les deux cas, cela relève d’une grave erreur d’appréciation dans laquelle la droite doit à tout prix éviter de tomber.

Arrêtons de faire la confusion entre socialisme et social, et entre étatisme et État

Nous nageons dans les confusions, la première d’entre elle consistant à penser qu’un peu de socialisme nous donnerait une bonne image sociale. Mais qui peut encore prétendre que le socialisme génère de bons résultats sociaux, à part ses derniers militants shootés à la dépense publique? La droite française, qui avait intellectuellement perdu dans bien des domaines ces dernières décennies, doit absolument abandonner ses derniers oripeaux socialistes, plutôt que de vouloir s’y rhabiller dans un anachronisme incompréhensible.

La droite française doit absolument abandonner ses derniers oripeaux socialistes.

Une autre erreur consiste à confondre État et étatisme, ou en d’autres termes l’État-régalien dont les droites occidentales sont culturellement et historiquement imprégnées, avec l’État-providence, dont nous voyons bien qu’il échoue lamentablement à l’aune de la crise du Coronavirus. À force de vouloir s’occuper de tout, l’État est partout sauf là où nous en avons besoin. Nul besoin de rajouter de nouvelles règles, contraintes et dépenses. Au contraire, nous devons nous en affranchir.

La liberté économique est l’un des piliers des droites occidentales

Cadre et élu local LR (et auparavant UMP, depuis sa création), je ne peux laisser le parti politique auquel j’appartiens prendre le risque de s’éloigner de l’un des piliers fondamentaux qui est censé constituer toutes les droites occidentales, à savoir la défense des libertés économiques.

Regardons autour de nous, il n’est nul besoin d’aller très loin. Qui s’en sort le mieux, à la fois en matière de politique économique et sociale, et particulièrement dans la gestion de la crise sanitaire que nous traversons actuellement? Qui nous envie notre fameux «modèle français», le meilleur au monde claironnait-on il n’y a pas si longtemps? Rapporté à son coût, il est devenu parmi les moins efficaces. Si l’on avait davantage fait confiance «aux forces du marché», nous ne serions pas arrivés dans cette situation.

Nous sommes victimes d’un État omnipotent, centralisé, suradministré, et incapable de répondre à la crise.

Nous le constatons bien à la lumière de la crise que nous traversons aujourd’hui. Notre système économique ne souffre pas de trop de libéralisme et de trop de libertés. Bien au contraire. Nous sommes victimes d’un État omnipotent, centralisé, suradministré, et incapable de répondre à la crise.

Depuis maintenant 45 ans, nous sommes en déficit public structurel, faisons face à une dette publique qui ne cesse d’augmenter, avec à la clef un chômage élevé et une richesse qui s’accroît moins vite chez nous que chez nombre de nos voisins. Nos prélèvements obligatoires battent des records, et il faudrait que le confinement se prolonge davantage pour avoir le temps de lire entièrement notre Code du travail.

Les protocoles sanitaires pour la réouverture des écoles, aussi anxiogènes qu’inadaptés à la situation, que les maires et directeurs d’écoles viennent de recevoir de l’Éducation nationale, sont à l’image de cette haute administration en décalage total avec les réalités locales.

Faisons confiance et donnons de l’air aux initiatives privées

Laissons les initiatives privées et locales s’exprimer. On le constate d’ailleurs bien aujourd’hui. Qui réagit avec le plus d’agilité et d’adaptation à la crise sanitaire, dans un esprit de solidarité concrète, si ce ne sont les entreprises, les associations, et les collectivités locales?

Si nous avons à défendre un patriotisme économique, celui-ci devra être offensif, et non pas défensif. Moins de règles, moins de contraintes, moins de lois, moins de dépenses publiques et moins d’impôts permettront à l’entrepreneuriat de se libérer des chaînes dont lesquels on l’enferme, à nos entreprises de gagner en souplesse et en compétitivité, et ainsi de mieux sortir durablement de l’importante crise économique et budgétaire qui nous attend.

Nous avons besoin d’un État fort, qui retrouve ses fondamentaux et défende les Français.

Quant aux propositions qui sentent bon le soviétisme, abandonnons-les immédiatement. Contrôler les prix ne fera qu’accroître la pénurie, comme la gestion piteuse des masques par l’Exécutif vient de nous le prouver. Et qui payera la facture in fine, si ce n’est le contribuable français, déjà le plus lourdement taxé au monde? Quant à planifier l’économie, quels qu’en soient les secteurs sélectionnés, certains s’y sont essayés, avec le succès que l’on sait.

Oui, nous avons besoin d’un État fort, qui retrouve ses fondamentaux, et défende les Français, à commencer par leur sécurité. Non, nous n’avons plus besoin de cet État énarchique, impuissant à gérer la crise sanitaire actuelle, comme il est incapable de nous sortir de nos difficultés sociales qui se sont accumulées depuis des décennies. Il y va de la reconquête de notre électorat, et surtout du redressement de la France.

Voir de même:

Relance

Planification, « révolution des salaires » : les idées-choc du numéro 3 de LR

Député du Lot et secrétaire général du parti Les Républicains, Aurélien Pradié appelle son parti à «renverser la table» pour l’après-épidémie.

Dominique Albertini

A 34 ans, il est l’un de ces nouveaux visages de LR, éclos dans l’une des périodes les plus incertaines de l’histoire de la droite. Nommé en octobre secrétaire général par le nouveau président de LR Christian Jacob, Aurélien Pradié s’est fait l’avocat d’une «droite sociale». Capable, prône-t-il, de s’adresser aux Français les plus fragiles, quitte à réviser plusieurs de ses certitudes traditionnelles. Dans un entretien à Libération, le député du Lot voit dans l’épidémie de coronavirus une occasion de précipiter cet aggiornamento. Traçant des pistes promises à de passionnés débats au sein du parti.

Centralité de l’Etat, critique de la mondialisation, relance budgétaire… Ces enjeux de la crise du coronavirus, la droite est-elle la mieux outillée pour les penser ?

Ce qui est sûr, c’est que vu la gravité du moment, les réponses ne peuvent plus être celles d’avant. Je le dis comme un défi à la classe politique et à moi-même : les vraies solutions ne seront pas confortables. Elles remettent en cause une forme de lâcheté collective sur les dernières années. Cette lâcheté a consisté à ne pas changer grand-chose, à éviter certaines questions fondamentales. Elle a été partagée par tous les partis politiques, y compris le mien, et à certains égards par les citoyens. Personne, à aucun moment, n’a dit : il faut renverser la table.

Quelles sont ces «questions» ?

On n’évitera pas d’interroger le libéralisme, c’est une évidence. Je le fais depuis un moment, quitte à passer pour un communiste. La question fondamentale est là : l’idée que l’argent serait la seule échelle de valeur, et que l’Etat n’a plus aucun rôle à jouer. On a tué l’idée d’Etat. On a dit qu’il était un problème, on l’a dépouillé et disqualifié. La crise le démontre, par exemple avec la question des masques.

Ensuite, il y a la question budgétaire : si on a détruit le système de santé, c’est parce qu’on a fait de cette question un dogme. Les valeurs ont été inversées : on s’est demandé comment tenir une doctrine budgétaire avant de se demander ce qu’il fallait faire pour le pays. Enfin, il y a le libre-échange non régulé. Peut-on parler d’«économie de guerre» et continuer d’acheter nos aliments à l’étranger ? Le vote du Ceta [traité de libre-échange entre le Canada et l’UE, ratifié par la France en 2019, ndlr] a été un moment de bascule. La politique a démissionné. Je me suis interrogé : depuis quand n’a-t-elle pas changé le cours de l’Histoire ?

Vous dites que certains services publics devraient échapper aux règles budgétaires ?

En réinventant l’Etat, on fixera les secteurs stratégiques de la Nation : l’alimentation, la santé, la sécurité, la défense. Ces secteurs, qu’on a réduits à l’état de squelettes, ne peuvent pas être soumis au marché, ni à une doctrine budgétaire. Dans ces domaines, on ne joue pas aux contrôleurs de gestion : ils sont «hors limites» et doivent faire l’objet d’une stratégie nationale. Je crois à la planification : c’est un point d’accord avec la pensée communiste, qui l’a d’ailleurs appliquée avec les gaullistes

On vous demandera, surtout dans votre parti, comment le financer.

Personne n’imagine d’ouvrir sans maîtrise les vannes budgétaires. On finance ces secteurs en revoyant notamment notre fiscalité et nos priorités. Ce que cette crise révèle, c’est que ce qui semblait impossible devient possible. Loger les sans-abri, cela fait des années qu’on nous dit qu’on ne sait pas faire. Et là, en quelques jours, on trouve des solutions. On redécouvre les salaires de misères des caissières, des infirmières, à côté des salaires fous dans certaines entreprises purement spéculatives. Je ne dis pas : «Prenons l’argent là où il est», mais… Cette crise va nous coûter des milliards d’euros. Tout l’argent public que nous avions économisé par étroitesse d’esprit sera effacé en quelques semaines.

Soignants, caissières, livreurs… La crise révèle à quel point notre société repose sur ces professions souvent mal reconnues et mal rémunérées. Mais que peuvent-ils attendre de la droite ?

Aujourd’hui, j’ai autant de questions que de réponses. Chez LR, cela fait tout de même quelques années qu’on s’interroge sur la question des salaires. C’est un grand mal de notre époque que de ne pas rémunérer à la bonne hauteur ceux qui mériteraient de l’être. Il faudra sur ce sujet une pensée radicalement révolutionnaire. Si des secteurs sont reconnus comme stratégiques, leurs travailleurs devront l’être aussi, avec la rémunération appropriée. On peut le faire en fonction du revenu d’activité de l’entreprise, des enjeux stratégiques du métier… Le gaullisme a des éléments de réponse, par exemple avec la grande idée de la participation. Une certitude : cela doit aller au-delà de la prime de 1 000 euros qui peut être distribuée ponctuellement. Ce n’est pas avec une petite prime qu’on s’en sortira.

Faut-il repenser le rôle des frontières ?

Quand on pose la question de l’Etat, on pose forcément celle des frontières aussi. Il faut la relier, pas seulement aux enjeux migratoires, mais aussi aux mouvements de biens et des capitaux. Certes, si demain nous les fermions, nous ne pourrions plus nous alimenter. Mais le cœur du libre-échange, c’est la liberté du prix. Et sur les questions alimentaires, on doit pouvoir mettre en question cette liberté du prix.

Comment faire valoir vos propositions dans un parti qui soutenait, il n’y a pas si longtemps, le programme très libéral de François Fillon ?

Quand je me pose ces questions, je me dis : suis-je en train de me perdre dans mes valeurs politiques ? Ce qui est sûr, c’est que le confort serait de la boucler et de me passionner pour les petites mesures conjoncturelles. Ce serait une lâcheté coupable : si dire les choses doit me coûter un engagement politique, peu importe. Du reste, j’observe que cette doxa perd du terrain depuis quelques mois. Plus personne chez nous n’ignore que la société a changé, et je ne désespère pas de convaincre. Tout ce que je vous dis fait l’objet d’échanges avec notre président Christian Jacob et d’autres. On est nombreux à se dire que la politique est devenue minuscule. Même les plus réticents comprennent qu’on ne peut pas tout ramener à un tableur Excel.

Comment LR va-t-il travailler sur l’après-crise ?

Pour un chantier aussi grand, il va nous falloir un peu de temps. Quand le confinement sera terminé, on réunira des experts, des philosophes, des sociologues pour tout repenser autour d’une idée nouvelle, celle de l’Etat, et l’imaginer plus fort, plus protecteur. Avec deux urgences : la santé et l’alimentation. On doit en finir avec les petites mesurettes et autres «observatoires».

Mais que serait l’identité de la droite après un tel aggiornamento ?

On en revient en fait à une idée fondamentale : le gaullisme, qui avait théorisé l’Etat protecteur et stratège. Un gaullisme moderne, car ce qui valait en 1940 ne vaut plus forcément aujourd’hui. Un des effets de cette crise est de me faire beaucoup relativiser l’esprit de clan. La droite à laquelle je crois sera capable de rassembler la grande majorité des Français, qu’ils soient foncièrement de droite et pas. L’enjeu, au fond, c’est la survie du politique, tous bords confondus. Mais cela ne pourra pas être porté par Emmanuel Macron. Ce qui est mort, c’est le «nouveau monde», il va disparaître avec l’eau du bain. Il ne pourra survivre à la crise de son propre modèle. C’est sa dernière lueur.

Voir de plus:

André Comte-Sponville : « Ne tombons pas dans le sanitairement correct »
ENTRETIEN. Le philosophe, auteur du « Petit Traité des grandes vertus », tempère l’affolement autour du coronavirus et redoute l’avènement des experts.
Propos recueillis par Catherine Golliau
Le Point
16/04/2020

La volonté de protéger la santé des plus âgés justifie-t-elle de mettre en danger l’avenir des plus jeunes, premières victimes d’une récession catastrophique due au confinement ? Avec son franc-parler habituel, le philosophe André Comte-Sponville (Traité du désespoir, La Vie humaine, Du tragique au matérialisme, etc.) pose la question qui fâche : la peur de la mort n’est-elle pas en train de condamner l’essor de la vie ?

Le Point : Que pensez-vous de la manière dont nos sociétés réagissent à cette pandémie de coronavirus ?

André Comte-Sponville : Elles réagissent fortement, efficacement, démocratiquement, et c’est plutôt rassurant. Les prévisions les plus pessimistes laissaient craindre 300 000 morts en France, plusieurs millions en Europe, et tout laisse penser que, grâce aux mesures qui ont été prises, les chiffres seront très inférieurs. Tant mieux !

Ce qui m’inquiète, en revanche, c’est la disproportion entre la gravité – réelle mais limitée – de cette pandémie et l’espèce d’affolement qui semble s’être emparée des médias et, par eux, d’une partie de la population. « L’espoir renaît », dit-on depuis quelques jours. Mais quand avait-il disparu ? Faut-il rappeler que le taux de létalité du Covid-19 semble être de 1 ou 2 % et sans doute moins, si l’on tient compte des cas non diagnostiqués ? Le moins que l’on puisse dire, c’est que cela laisse bon espoir à la plupart d’entre nous ! Tout se passe comme si nos journalistes découvraient soudain que nous sommes mortels. Vous parlez d’un scoop ! Les médias audiovisuels nous font le décompte, jour après jour, des victimes de la pandémie. Nous en sommes à 15 000 morts en France. C’est beaucoup. C’est trop. Mais enfin, faut-il rappeler qu’il meurt dans notre pays 600 000 personnes par an, dont, par exemple, 150 000 d’un cancer et, parmi ces derniers, plusieurs milliers d’enfants, d’adolescents et de jeunes adultes ? En quoi les 15 000 morts du Covid-19, dont la moyenne d’âge est de 81 ans, méritent-ils davantage notre compassion ou notre intérêt que les 600 000 autres ? Tous les humains sont égaux en droits et en dignité, mais toutes les morts ne se valent pas. Il est plus triste de mourir à 20 ou 30 ans que de mourir après 60 ans, ce qui est le cas de 95 % des décès liés à cette pandémie. Les jeunes n’osent pas trop en parler, de peur de sembler se désintéresser de leurs aînés. Mais moi, qui ai 68 ans, je peux le dire, et même je dois le dire : je me fais plus de soucis pour l’avenir de nos enfants – et pour la dette que nous allons leur laisser – que pour ma santé de presque septuagénaire ! Cela ne condamne pas le confinement, qui était sans doute nécessaire et que je respecte soigneusement. Mais cela veut dire que ses conséquences économiques, qui seront extrêmement lourdes, doivent aussi être prises en considération, notamment dans la détermination de sa durée.

Certains vous diront qu’il est obscène de parler d’économie quand la santé est en jeu.

Ils auront tort ! La misère tue aussi, et plus que les virus. 9 millions de personnes meurent chaque année de malnutrition, dont 3 millions d’enfants. Imaginez que la crise économique qui s’annonce fasse augmenter ce chiffre de seulement 10 % : cela ferait 900 000 morts en plus, qui n’auront pas besoin d’un virus pour agoniser. Et dans notre pays, où le chômage commençait à reculer, quels seront les dégâts sociaux, politiques, humains de cette crise ? Je comprends que les médecins privilégient la santé, c’est leur boulot et leur vocation.

Mais, quand je vois, sur nos écrans de télévision, dix médecins, voire plus, pour un économiste, je m’inquiète. La médecine coûte cher. Si nous avons l’une des meilleures médecines du monde, c’est parce que nous sommes un pays riche. Croire qu’on va pouvoir augmenter les dépenses de santé en ruinant notre économie, c’est un évident contresens. La médecine a besoin de moyens, souvent onéreux. Opposer médecine et économie est donc une sottise. Il faut, au contraire, les articuler et, dans toute la mesure du possible, les concilier.

Nos contemporains sont-ils plus sages que les anciens face à la mort ?

Cela dépend lesquels, comme toujours ! Pourtant, la plupart sont plus sages au moins en ceci qu’ils ont moins peur de l’enfer. C’est d’ailleurs très caractéristique du moment : dans notre vieux pays chrétien, personne ne compte sur la prière pour faire reculer le virus, personne, ou presque personne, n’y voit un châtiment divin et la plupart de ceux qui ont peur de la mort craignent davantage le néant qu’une éventuelle damnation. J’y vois un progrès, qui est celui des Lumières. Pour le reste, la sagesse est toujours l’exception. Mais elle ne va pas, quelle que soit l’époque, sans acceptation de la mort. Montaigne l’a dit en une phrase : « Tu ne meurs pas de ce que tu es malade, tu meurs de ce que tu es vivant. » Plus nous verrons cette vérité en face, plus nous aimerons la vie, parce que nous prendrons davantage conscience de sa brièveté, de sa fragilité, de sa valeur.

Et les chômeurs, vous ne croyez pas qu’ils méritent aussi un peu plus d’attention ?

Pensez-vous que l’attention portée aujourd’hui aux soignants va durer ?

Tout être humain mérite attention et respect. Il se trouve que les soignants sont en ce moment confrontés à des difficultés et à des risques fortement augmentés. Il est donc normal de s’en soucier davantage. Cela dit, le métier des enseignants, spécialement en collège, des policiers, des militaires, des éboueurs, des ouvriers, des paysans, des employés de supermarchés, etc. n’est pas non plus toujours facile ou gratifiant. Et les chômeurs, vous ne croyez pas qu’ils méritent aussi un peu plus d’attention ? Nous avons peut-être les meilleurs hôpitaux du monde. Qui oserait dire que nous avons les meilleures écoles, la meilleure formation professionnelle, le plus faible taux de chômage ?

La santé va-t-elle devenir une valeur phare ?

Je le crains ! C’est ce que j’appelle le pan-médicalisme : une idéologie, voire une civilisation, qui fait de la santé la valeur suprême (à la place, par exemple, de la justice, de la liberté ou de l’amour) et qui tend, dès lors, à déléguer à la médecine la gestion non seulement de nos maladies, ce qui est normal, mais de nos vies et de nos sociétés, ce qui est beaucoup plus inquiétant ! Ne tombons pas dans « l’ordre sanitaire » ni dans le « sanitairement correct » ! Dans une démocratie, c’est le peuple qui est souverain, ce sont ses élus qui font la loi, pas les experts. J’en viens à craindre une « chiraquisation » de la politique : éviter les sujets qui fâchent, renoncer à toute réforme impopulaire, ne plus s’occuper que de la santé et de la protection des Français – plan anticancer, plan pour la sécurité routière, plan contre Alzheimer, plan contre les épidémies… Contre quoi il faut rappeler que la politique est conflictuelle par essence. Quand tout le monde est d’accord pour dire que la santé vaut mieux que la maladie, ce n’est plus de la politique ! Attention de ne pas prendre modèle sur la Chine. Quand la politique se dissout dans la technocratie, qui est le règne des experts, la démocratie se meurt.

Adorons un peu moins la nature et félicitons un peu plus nos chercheurs.

Le rapport à la nature va-t-il changer aussi ?

Quoi de plus naturel qu’un virus ? Ceux qui accusent les sciences et les techniques de tous les maux devraient y réfléchir. La peste noire, au XIVe siècle, a tué la moitié de la population européenne ; la grippe espagnole, en 1918-1919, a fait 50 millions de victimes dans le monde. Il est vraisemblable que le Covid-19, grâce au progrès scientifique, en fera beaucoup moins. Bref, adorons un peu moins la nature et félicitons un peu plus nos chercheurs. Mais n’oublions pas que le réchauffement climatique, qui est, lui, bien d’origine humaine, risque de faire beaucoup plus de morts que le coronavirus !

Voir encore:

Laurence Peignot, généraliste : « J’ai arrêté d’applaudir mes confrères »

TÉMOIGNAGE. Cette jeune médecin s’agace de voir certains collègues s’ériger en héros et entretenir la peur. « Redonnons à nos patients le goût de vivre. »

Nicolas Bastuck

Le Point

« On fait le job, et c’est normal »

« Ça va sûrement choquer que je dise ça, mais ceux qui se font passer pour des héros abusent », juge-t-elle. Ils seraient d’ailleurs minoritaires, parmi ses collègues, à prendre ces applaudissements vespéraux pour argent comptant. À l’écouter, ils seraient au contraire nombreux, comme elle, à être « un peu gênés avec ça ». « Personnellement, je n’ai juste pas fait grand-chose, par rapport à d’habitude. Pour être honnête, je ne suis pas submergée et je ne l’ai jamais été. Pourtant, j’étais au « front », en « première ligne », comme on dit aujourd’hui. » Elle poursuit : « À l’hôpital, beaucoup considèrent qu’ils n’ont fait que leur boulot. Ils l’ont très bien fait, certains ont pris des risques, mais, à un moment, il faut dire les choses : on fait le job, et c’est normal. D’une certaine façon, c’est une chance que de pouvoir travailler, gagner sa vie et sortir de chez soi. » Ça pique, on vous avait prévenus !

Mais pour le Dr Peignot, là n’est pas l’essentiel. « Certains médecins, pense-t-elle, détournent à présent leur savoir et leur pouvoir pour alimenter une psychose collective qui va nous coûter cher sur le plan médical, social, psychologique et économique. » Et pour le coup, elle « trouve ça dégueulasse ». Elle en veut à ceux qui « diffusent des informations complexes, encore non abouties scientifiquement, contribuant à entretenir des peurs irrationnelles face à la maladie et à la mort ».

« Notre boulot de médecin, c’est aussi de rassurer les gens. En tout cas, ce n’est certainement pas d’affoler la population au moment où beaucoup hésitent à renvoyer leurs enfants à l’école et à reprendre le travail. » « Tous les jours, s’inquiète-t-elle, je vois défiler dans mon cabinet des gens angoissés. L’autre jour, un étudiant en panique m’a confié ne pas être sorti de son studio durant six semaines, pas même pour aller faire ses courses. Des profs, des salariés me demandent des certificats pour ne pas retourner travailler. Je vois des patients effrayés, renfermés sur leurs angoisses de mort, qui préfèrent tout arrêter, garder leurs enfants à la maison plutôt que de ressortir, vivre, bosser, retrouver leurs proches et leurs amis. Je trouve ça triste. Quand on est en bonne santé, on ne devrait pas se complaire dans le confinement, le repli et la docilité. » C’est pourquoi, dit-elle, « l’urgence est peut-être de redonner confiance aux gens, de les aider à retrouver le goût de vivre et d’être ensemble, plutôt que de dépendre d’un système lui-même à bout de souffle ».

Elle évoque ses « cours de médecine ». « On apprend ça à la fac : la santé est un tout. Ce n’est pas seulement se prémunir d’une maladie ou d’une infirmité, c’est être bien dans son corps, sa tête, son environnement social et familial. On a sacrifié tout ça, et c’était nécessaire pour lutter contre cette fichue maladie, mais ça ne peut plus durer. Aujourd’hui, nous devons être raisonnables et ne pas oublier cette vision globale de la santé, si nous voulons tenir dans la durée. Le combat contre ce virus n’est pas terminé et nous allons continuer à faire de notre mieux pour protéger, dépister et soigner les personnes à risque atteintes du Covid-19. Mais notre boulot, c’est aussi de faire en sorte que la vie redémarre. Pas de faire peur aux gens à la télévision. Nous devons être des filtres, pas des générateurs d’angoisse. »

Angoisses et insomnies

Elle « commence seulement » à mesurer les conséquences insoupçonnées que deux mois de confinement ont produites chez ses patients. Elle cite, pêle-mêle, la dépression, la douleur physique, les insomnies, la peur de se faire soigner, les retards de diagnostic, l’isolement, les angoisses massives, « y compris chez les enfants ». « Le pire, c’est que personne n’ose se plaindre alors que ce qu’on vit est très difficile, même quand on n’est pas malade. »

Elle ne milite dans rien, si ce n’est dans un cours de théâtre ; elle n’est encartée à aucun parti. Mais elle trouve ça « triste », cet « endormissement généralisé, cette docilité, ce manque de révolte ». Car « quand on vous prend votre liberté, qu’on vous oblige à mettre un masque dans les transports, même si c’est indispensable, ce n’est pas quelque chose de normal, ni d’anodin. On a le droit de dire qu’on n’est pas content, qu’on est en colère, que c’est dur. On a le droit de se plaindre, ça fait du bien. C’est ce que je fais avec ma petite bafouille. »

Tout le monde a compris que nous étions indispensables. N’en rajoutons pas !

Hier, elle a « vu passer un tweet » dans lequel un urgentiste de l’AP-HP réclamait des fonds pour acheter des stéthoscopes. « Je me suis dit : il abuse carrément, ce mec. Des tas de gens sont dans la panade et attendent de pouvoir rebosser et, nous, on est en train de demander des sous en jouant sur la peur des gens. » Là encore, du haut de ses 33 ans et de son statut de « généraliste », elle a trouvé ça « dégueulasse ». Elle ironise : « Tout le monde a compris que nous étions indispensables. Ce n’est peut-être pas la peine d’en rajouter et d’en profiter ! »

Le calme aux urgences

« Je déplore que certains médecins exagèrent en leur faveur la situation réelle dans les hôpitaux pour renforcer leur pouvoir, leur ego, et obtenir un intéressement financier », poursuit-elle. « Or, il y a un décalage entre ce que rapportent certains médias et la réalité du terrain. Les internes que je côtoie me racontent leur stage hospitalier : les services qui ont été réorganisés pour accueillir les patients atteints du Covid ont été pleins durant deux ou trois semaines, au plus fort de la vague. Mais, depuis un mois, ce n’est plus du tout le cas. Les urgences sont désertes ; en tout cas, ceux qui, parmi mes patients, y ont fait un passage ont été traités plus rapidement que jamais. Je regrette donc de voir certains de mes confrères inquiéter davantage une population déjà à cran pour arriver à leurs fins, aussi légitimes soient-elles. Si ça continue, un jour, les gens nous diront : vous nous avez fait flipper pendant des semaines et ça se retournera contre nous ! »

Le risque zéro n’existe pas, aidons les patients à l’assumer.

Elle dit souvent « ils », mais de qui parle-t-elle, au juste ? « De certains urgentistes médiatiques qui en font des tonnes » ; de « certains professeurs, souvent les mêmes, que l’on voit tout le temps à la télé, au point de se demander quand est-ce qu’ils sont dans leur service ». En même temps, elle « les » comprend » « Quand on a hérité du statut de héros, on n’est pas pressé d’en sortir ! » ironise-t-elle. Elle dit : « Nous ne sommes peut-être que de petits généralistes, mais les patients, nous les voyons vivre, travailler, évoluer en famille. Et ce que je peux dire, c’est que beaucoup sont atrophiés par ce qu’ils vivent. Notre rôle est de les aider à en sortir. »

Deuxième vague

Les risques ? « Le risque zéro n’existe pas. Certains patients viennent nous voir pour éviter d’avoir à en prendre en nous demandant un arrêt, par exemple. Ce que j’aimerais, c’est qu’ils assument ce risque, en tout cas quand leur santé le leur permet. À nous de faire en sorte que ce risque soit limité au maximum. »

« Oui, il y aura sans doute une deuxième vague », mais le Dr Laurence Peignot pense que les mesures mises en place permettront d’y faire face. « De toute façon, on ne pourra pas s’empêcher de vivre indéfiniment. Il y a un équilibre à trouver entre le risque lié au virus et les risques que l’on prend en prolongeant l’enfermement. »

« Voilà, c’était mon petit coup de gueule », conclut-elle, soudainement un peu stressée par « les retombées » qu’il pourrait susciter. Elle soupire : « Ça vaut ce que ça vaut, mais il fallait que ça sorte. Il fallait que je le dise. »

Voir aussi:

La responsabilité d’informer
Carl Bildt
Conversation
Mar 25, 2020

STOCKHOLM – Une menace sans précédent exige une réponse sans précédent. Rarement les gouvernements, si ce n’est jamais, n’ont été contraints d’entrer en phase de gestion de crise aussi rapidement qu’ils l’ont fait ces dernières semaines. Jusqu’à présent, et à juste titre, l’effort se concentre sur les difficultés médicales, politiques et économiques les plus immédiates que soulève la pandémie de COVID-19. Peu à peu, l’attention des gouvernements devra néanmoins s’axer sur les conséquences à plus long terme de la crise, et sur la nécessité d’éviter que de telles catastrophes se reproduisent à l’avenir.

Plusieurs menaces sanitaires graves sont survenues au cours des vingt dernières années. Les épidémies de SRAS en 2003, de MERS en 2012, et d’Ebola en 2014-2016 ne sont que trois exemples d’épidémies qui ont nécessité une réponse multilatérale soutenue. Chaque épisode présente ses propres spécificités : le SRAS est apparu en Chine, le MERS en Arabie saoudite, et l’Ebola en Afrique de l’Ouest. Les leçons que nous en tirons sont néanmoins les mêmes. Les épidémies et l’apparition de nouvelles maladies deviennent de plus en plus probables à mesure de la croissance démographique, de l’urbanisation, de la déforestation, ainsi que des processus de production et de distribution qui voient s’agglutiner de nombreuses espèces différentes. Par ailleurs, l’expansion des chaînes d’approvisionnement mondiales et du commerce international, sans parler de la croissance du trafic aérien international, permettent aux maladies contagieuses de se propager à travers le monde plus rapidement que jamais.Au cours de la dernière décennie seulement, l’Organisation mondiale de la santé a été contrainte de déclarer l’état d’urgence sanitaire pas moins de six fois. De toute évidence, nous n’avons pas mis en œuvre les mesures nécessaires pour répondre aux nouvelles épidémies via une forme d’action rapide et décisive qui aurait pu empêcher l’épidémie de coronavirus de s’aggraver jusqu’à échapper à tout contrôle.Il convient de rappeler que lorsque le SRAS (également causé par un coronavirus) est apparu dans le sud de la Chine à la fin de l’année 2002, l’épidémie a été tenue secrète pendant plus d’un mois avant que les autorités chinoises reconnaissent le sérieux de la menace. De même, dans les premiers jours de l’épidémie de COVID-19, la police de Wuhan a les professionnels de la médecine qui tentaient de sonner l’alerte, et les rassemblements publics en grand nombre sont restés permis longtemps après que le danger de l’épidémie soit devenu évident.Selon une étude récente, si les autorités chinoises avaient publiquement reconnu la menace, et réagi correctement seulement trois semaines plus tôt, la propagation du COVID-19 aurait pu être réduite jusqu’à 95 %. Mais à cause de la négligence, de l’ignorance et de la censure qui prévalaient à ce moment crucial, le monde entier paye aujourd’hui un très lourd tribut.Si l’OMS a incontestablement joué un rôle important dans la lutte contre les menaces sanitaires mondiales au fil des années, elle aussi s’est vu reprocher son excès de bureaucratie et sa lenteur dans les réponses apportées. En effet, lors de la crise d’Ebola, ce sont les États-Unis, et pas l’OMS, qui sont intervenus pour empêcher un désastre encore plus étendu.

Quoi qu’il en soit, et même si nous choisissions de considérer cette fois l’intervention de l’OMS comme irréprochable, il est d’ores et déjà évident que nous avons besoin d’un mécanisme mondial beaucoup plus solide dans la gestion des menaces de pandémie. Avancer en vacillant d’une crise à une autre n’est tout simplement plus possible. Le COVID-19 est la pire pandémie observée depuis la grippe espagnole de 1918, et rien ne permet de penser que la prochaine ne sera pas encore plus effroyable.

Entre autres impératifs, il est indispensable qu’une nouvelle institution mondiale dispose de l’autorité et des moyens lui permettant d’intervenir de manière aussi intrusive que nécessaire pour tuer dans l’œuf toute épidémie contagieuse. Il sera politiquement difficile de trouver un accord autour de ce mécanisme, mais c’est clairement nécessaire pour empêcher les querelles diplomatiques insignifiantes d’entraver les efforts mondiaux de réponse aux pandémies.Dans le cas de la crise actuelle, même une fois apparu évident que le COVID-19 atteindrait un niveau de pandémie, la Chine a jugé utile d’empêcher Taïwan de participer aux discussions internationales sur la réponse à apporter. De même, les États-Unis continuent d’asséner des sanctions à l’Iran, compliquant la tâche du gouvernement iranien dans la gestion de l’épidémie au sein de ses frontières.Ces comportements sont tout simplement inacceptables, tant d’un point de vue humanitaire que macroéconomique. Qu’adviendra-t-il si le prochain virus inconnu et hautement contagieux apparaît à Taïwan ou en Iran ? Si des obstacles inutiles empêchent une réponse immédiate, nous ne retrouverons au stade auquel nous sommes aujourd’hui.Dans le cadre actuel, le devoir de rapporter les nouvelles menaces contagieuses aux autorités internationales telles que l’OMS incombe aux gouvernements nationaux. Une réforme essentielle pourrait ainsi consister à étendre cette obligation au personnel médical et de santé publique à tous les niveaux – en replaçant cette responsabilité de l’État dans les mains des individus. En plus de réduire le délai nécessaire à la mise en œuvre d’une réponse multilatérale, l’adoption d’un principe universel de « responsabilité d’informer » compliquerait la tâche des autorités nationales désireuses d’étouffer des informations considérées comme embarrassantes.Les frontières nationales se refermant actuellement en réaction à la crise du COVID-19, certains commentateurs parlent déjà de fin de la mondialisation. Or, les tendances de croissance démographique et d’urbanisation se poursuivront, et les virus ne s’arrêteront jamais aux considérations de passeports ou de frontières nationales. Au cours de la seule décennie écoulée, des menaces virales pour la stabilité et la prospérité mondiale ont émané de Chine, d’Afrique et de la péninsule arabique, ce qui démontre combien la prochaine pourrait apparaître n’importe où.L’heure est venue pour le monde de se rassembler pour convenir d’un nouveau système plus efficace de mise en garde et de réponse précoce. L’actuelle pandémie aurait pu être évitée. Il serait inexcusable que nous ne fournissions pas tous les efforts possibles pour prévenir l’apparition de la prochaine.

Traduit de l’anglais par Martin Morel

Voir encore:

Commanding heights

The Battle of ideas (episode one)

Chapter 6: Worldwide War

FRIEDRICH VON HAYEK: When Keynes died, Keynes and I were the best known economists. Then two things happened. Keynes died and was raised to sainthood, and I discredited myself by publishing The Road to Serfdom. And that changed the situation completely. And for the following 30 years, it was only Keynes who counted, and I was gradually almost forgotten.

Chapter 7: Planning the Peace

TONY BENN, Labor Candidate, 1945: Well, I came back in a troop ship in the summer of 1945, and I was a pilot in the Royal Air Force, and I was picked as a 19-year-old to be the Labor candidate. All these soldiers said, « Never again. We’re never going back to unemployment, the Great Depression, to fascism, to rearmament. We want to build a new society. »

RALPH HARRIS, Institute of Economic Affairs, 1957-1987: He got carried away with this Gestapo. And this, of course, was carrying things to absurdity — Gestapo in Britain!

Let’s go forward into this fight in the spirit of William Blake: « I will not cease from mental fight, nor shall the sword sleep in my hand, till we have built Jerusalem in England’s green and pleasant land.

Clement Attlee

JOHN MAYNARD KEYNES: If expenditure on armaments really does cure unemployment, a grand experiment has begun. Good may come out of evil. We may learn a trick or two which will come in useful when the day of peace comes.

NARRATOR: Now teaching at the London School of Economics, Hayek feared that Keynes’s brave new world was a big step in the wrong direction. He attacked the growing consensus by writing The Road to Serfdom. Sarcastically dedicated to « socialists of all parties, » it was a popular success. There was even a cartoon version of it.

Its message was simple and direct: Too much government planning means too much government power, and too much government power over the economy destroys freedom and makes men slaves. For Hayek, central planning was the first step to a totalitarian state.

GEOFFREY HARCOURT: Well, Hayek thought that since freedom was an absolute, you must let a competitive system just work itself out. And if at times that meant there was considerable unemployment, well, that’s what you had to put up with

ROBERT SKIDELSKY: Hayek always rejected macroeconomics. He rejected any government intervention during the Great Depression itself, whereas Keynes was an activist. He said in the long run we’re all dead, and in the long run if we allow things to go on without remedy, we get lots of Hitlers, lots of wars, and lots of Stalins. And who was right?

NARRATOR: Most people would have agreed with Keynes when he wrote this to Hayek.

JOHN MAYNARD KEYNES: What we want is not no planning, or even less planning. We almost certainly want more.

NARRATOR: In the battle of ideas, Hayek was on the losing side.

FRIEDRICH VON HAYEK: I had a fairly good reputation as an economic theorist in 1944 when I published The Road to Serfdom, and it was treated even by the academic community very largely as a malicious effort by a reactionary to destroy high ideals.

NARRATOR: With the world at war, Keynes traveled to Bretton Woods and a grand resort hotel. Here, delegates gathered from all over the world to organize the postwar economy.

The Bretton Woods Conference created the World Bank and the International Monetary Fund. They were designed to bring stability to the world economy and prevent the unemployment and the depression of 1930s.

Keynes’s idealism and humanity were an inspiration.

JOHN MAYNARD KEYNES: There has never been such a far-reaching proposal on so great a scale to provide employment in the present and increase productivity in the future. And I doubt if the world understands how big a thing we are bringing to birth.

NARRATOR: Keynes did not have long to live. Ill and overworked, his health gave way, but his reputation and influence outlived him.

FRIEDRICH VON HAYEK: When Keynes died, Keynes and I were the best known economists. Then two things happened. Keynes died and was raised to sainthood, and I discredited myself by publishing The Road to Serfdom. And that changed the situation completely. And for the following 30 years, it was only Keynes who counted, and I was gradually almost forgotten.

NARRATOR: The war was over, and the troops came marching home.

The final summit conference of the three wartime allies took place in a palace in the Berlin suburb of Potsdam. Truman, Churchill, and Stalin came to plan the peace and to redraw the map of Europe. Their different economic systems offered alternative paths to prosperity. But the Great Depression continued to cast its long shadow.

JEFFREY SACHS: There’s no doubt that at the end of World War II there was a tremendous loss of faith in the market economy. You had a feeling in large parts of the world, « We don’t want to go that way. We want to go a better way. »

NARRATOR: In Britain, the troops were coming home to a general election.

TONY BENN, Labor Candidate, 1945: Well, I came back in a troop ship in the summer of 1945, and I was a pilot in the Royal Air Force, and I was picked as a 19-year-old to be the Labor candidate. All these soldiers said, « Never again. We’re never going back to unemployment, the Great Depression, to fascism, to rearmament. We want to build a new society. »

NARRATOR: During the dark war years, Britain had been governed by a coalition of conservatives and socialists. Winston Churchill, the great wartime leader and head of the Conservative Party, expected an easy victory. Everywhere he went, huge crowds turned out to cheer the nation’s hero.

Heading the campaign against Churchill was Clement Attlee, leader of the Labor Party. Attlee argued that Britain had planned the war, and now planning would win the peace.

BARBARA CASTLE, Labor MP, 1945-1979: We knew that our people would never have withstood the bombardments and the loss of life and the hardship if they hadn’t been confident that their government was operating a policy of fair shares. We set out to ensure that this system of fair shares and the planning and controls continued after the war.

NARRATOR: Churchill, who was influenced by Hayek’s book The Road to Serfdom, opposed planning and controls.

WINSTON CHURCHILL: No socialist system can be established without a political police, some form of Gestapo.

RALPH HARRIS, Institute of Economic Affairs, 1957-1987: He got carried away with this Gestapo. And this, of course, was carrying things to absurdity — Gestapo in Britain!

NARRATOR: Attlee, a mild-mannered Christian Socialist, gave Churchill’s gaffe a sinister spin.

RALPH HARRIS: Attlee actually went out of his way to refer to this foreign professor with this august [name], Friedrich August von Hayek — this foreign chap with a slightly German accent.

NARRATOR: Britain went to the polls. The result was sensational.

BBC RADIO NEWS: Here is the state of the parties up to 3:00, in detail: Conservatives 180, Labor 364.

NARRATOR: Churchill was out. The people had voted for a new socialist Britain.

BARBARA CASTLE: The Labor Party swept to power simply because the vast majority of people, particularly those men and women in the fighting forces who’d lived through the dreadful Depression years of the ’30s, just said, « Churchill’s done a fine job of war leader, but we don’t trust him to win the peace. »

CLEMENT ATTLEE: What kind of society do you want?

NARRATOR: Attlee promised his party that they would build a new Jerusalem.

CLEMENT ATTLEE: Let’s go forward into this fight in the spirit of William Blake: « I will not cease from mental fight, nor shall the sword sleep in my hand, till we have built Jerusalem in England’s green and pleasant land. »

NARRATOR: William Blake’s hymn « Jerusalem » became an anthem for the Labor movement.

Voir aussi:

Never Mind Churchill, Clement Attlee Is a Model for These Times

Adam Gopnik
The New Yorker

January 3, 2018

For anyone with what used to be called “progressive tendencies,” the best, if largely overlooked, book of last year was surely John Bew’s biography of Clement Attlee, the leader of the British Labour Party through the Second World War, and then Prime Minister in the first great postwar Labour government. Titled “Citizen Clem” in Britain (Oxford University Press published it here as “Clement Attlee: The Man Who Made Modern Britain”), it is a study in actual radical accomplishment with minimal radical afflatus—a story of how real social change can be achieved, providing previously unimaginable benefits to working people, entirely within an embrace of parliamentary principles as absolute and as heroic as any in the annals of democracy.

Attlee was an unprepossessing man. “A modest man with much to be modest about,” Winston Churchill said of him once. Attlee had a modest mustache and came from a modest family, and had a modest demeanor—so much so that his modesty made him almost a joke figure. Even when he was Prime Minister, one wit noted that “an empty taxi drew up to 10 Downing Street and Attlee got out.” He was always regarded impatiently, even patronizingly, by his more charismatic colleagues on the left. Yet what emerges from this biography is a figure fully as admirable in his way—and, in some significant ways, more so—as the much-portrayed Churchill, who, teasing aside, came to admire Attlee as much as Attlee admired him. (Attlee actually fought at Gallipoli during the First World War, following Churchill’s maligned strategic initiative there—one that Attlee, though he saw it fail firsthand, always thought sound and daring, and undermined by its execution.)

After the war, Attlee went to work as what would now be called a community organizer in the London slum of Stepney, which remained his spiritual home for the rest of his life. Bew, a professor of history and foreign policy at King’s College, London, reminds us that Attlee came of age at a time when Marx was seen as only one, and not the most important, of the fathers of the socialist ideal. Attlee, who saw through and rejected the Soviet totalitarian model early, schooled himself on the British alternatives—on the works of William Morris and Edward Bellamy, who dreamed of rebelling against the regimentation that was implicit in the industrialized system rather than of simply switching around the hands that controlled it. William Blake was one of the names that Attlee most often cited. (It was he, as much as anyone, who made Blake’s mystic poem “Jerusalem” the anthem of the Labour Party.) This vision was in many ways unreal, but the unreality blossomed in practical terms: Attlee saw socialism as the pursuit of a nameably better life, not as a search for another master. “Citizenship” was his key term, and the ideal, as Bew explains, was one in which “the state and the individual needed to serve in the name of a broader democratic community.” Working his way through Labour’s already madly factional squabbles and splits, Attlee became leader by virtue of his obvious integrity and his ability to talk to all sides. (Then as now, purism was the affliction of the progressive-minded, with instant annihilation and excommunication promised for anyone who departed from what was seen at that moment as the true dogma; against this, Attlee denounced anyone who would “criticize and condemn all methods of social advance that do not directly square with his formulae.”)

It was in the darkest days of 1940, though, that Attlee’s heroism and acuity came most to note. Attlee’s Labour Party had entered into a coalition government with Churchill’s Conservative Party when the Second World War broke out. Then, in late May of 1940, when the Conservative grandee Lord Halifax challenged Churchill, insisting that it was still possible to negotiate a deal with Hitler, through the good offices of Mussolini, it was the steadfast anti-Nazism of Attlee and his Labour colleagues that saved the day—a vital truth badly underdramatized in the current Churchill-centric film, “Darkest Hour,” as it has been in many a history book. (There were many, perhaps even a majority, on the Tory right more interested in preserving the peace and the British Empire than in opposing Hitler.) Had Labour been narrower in outlook, or implicitly pro-Soviet—at a time when Stalin was still tightly allied with Hitler—as were so many on the French left, the history of European civilization would be very different.

Attlee remained Churchill’s chief ally throughout the war, but he was far from a complaisant one. When Churchill and Roosevelt were considering their declaration of the Atlantic Charter, it was Attlee, acting with a celerity and a clarity of purpose that belied his reputation for caution, who insisted on including “freedom from want” as one of its aims, making economic rights and, with them, a decent life for all, one of the official aims of the war. He was a mumbler, but he was no ditherer.

In 1945, he led Labour to a stunning victory over Churchill, not ceasing for a moment in his admiration for his wartime role, nor ceding for a moment to what he perceived as his partner’s reactionary vision. (Churchill had the very bad idea in the campaign of attacking Labour as a quasi-totalitarian party, which everyone knew was nonsense.) The achievements of the first Labour government are still rightly legendary: a government that actually contained as ministers seven men who had begun their adult lives as working coal miners, brought in national health insurance, made the provision of housing central to its ends, and fought and mostly won the battle against unemployment. Imperfect as its accomplishments were—the virtues of nationalization proved less absolute than the ideologues imagined—it nonetheless empowered the working classes and, Bew writes, “set the ethical terms on which Britain’s new social contract was founded.” It is still a social contract in many ways intact, and was the background for the extraordinary cultural renaissance of working-class Britain in the nineteen-sixties and beyond. The Beatles begin here.

Of course, Attlee, like any leader in a democracy, was far from perfect. He was as baffled about what to do in the Middle East as everyone else, but his eventual insistence on a parliamentary model in an independent India did mean that India, with all its vagaries and ups and downs, emerged into modernity with a stable polity and what are, by historical standards, minimal civil violence, at least since the war of partition that was part of its birth—certainly compared to the massacres and imposed famines of the Chinese experiment.

At a moment when, for the first time in several generations, social democracy and even socialism itself are not dirty words but possible currents in American life, Attlee’s life recalls what real socialism is and can accomplish. After reading Bew’s book, one can’t help but think about the number of T-shirts sold here over the years bearing an image of Che (innumerable), compared with those bearing an image of Clem (presumably zero.) Yet one was a fanatic who helped make an already desperately violent and impoverished region still more violent and impoverished—and who believed in “hatred as an element of struggle”—and the other a quiet man who helped make a genuine revolution, achieving almost everything that Marx had dreamed of for the British working classes without a single violent civil act intervening. It reminds one that the true progressive giants are radicals of the real—those who accept that democracy implies pluralism, and that a plural society is self-evidently made up of many people and kinds, only a few of them truly exploitative and criminal, most just pursuing their own version of the good life as tradition and conviction has offered it to them. The oscillation of power among them is not a sign of failure; it is a sign of life. Attlee’s example reminds us that it is possible to hold to moral absolutes—there was no peace possible with Hitler, and it was better to go down fighting than to try to make one—alongside an appetite for conciliation so abundant as to be more prolific, in William Blake’s positive sense, than merely pragmatic. This might be a good year to start selling T-shirts with a picture of this modest man, and the word “Clem!” upon them.

Adam Gopnik, a staff writer, has been contributing to The New Yorker since 1986. He is the author of, most recently, “A Thousand Small Sanities: The Moral Adventure of Liberalism.”

Voir de même:

And was Jerusalem builded here

(With help from Constantine the Great, the Knights Templar, the Labour Party…and the most stirring hymn of them all)

‘Jerusalem is more than a hymn. It is almost our national anthem,’ said Simon Sebag Montefiore

And did those feet in ancient time

Walk upon England’s mountains green

And was the holy lamb of God

On England’s pleasant pastures seen

Jerusalem is more than a hymn. It is almost our national anthem; as popular at rugby internationals as it is at earnest Labour party conferences; it is universal in its appeal. It’s also more than just the name of a magical place. It represents the British nation itself. Which is curious, when you consider the story of Jerusalem the place.
The reason a hymn called Jerusalem stirs such patriotic fervour with us is because the city is not only the Holy City: on the one hand, everyone feels it belongs to them; on the other, it has a clearly defined special relationship to the British which is expressed in the hymn.

But on purely geographical terms, no corner of the globe has seen such bloodshed, such fanaticism, such glory and such tragedy. Its history is that of the great religions and visions of mankind, Christian, Muslim and Jewish; and it symbolises the aspirations of the British to rule their empire. Yet how did it become the symbol of a perfect paradise? And more pertinently for us, how did it become so British?

Don’t forget that by the 19th century, when William Blake wrote those now famous words, many were starting to regard Jerusalem as British – just as the Bible itself had somehow become a British classic. This is how it happened.

And did the countenance divine

Shine forth upon our clouded hills

And was Jerusalem builded here

Among those dark satanic mills

First there is the word itself: in about 1900BC, the name Urasalim appears for the first time in some Egyptian inscriptions found in Luxor. It is the first version of the name. It may mean that Salem – the god of the evening star – has founded this place. What is likely is that this mountain site, remote and obscure, but with a sacred spring, was from the very start a shrine.

Centuries later, in about 1350BC, the name appears again as the Land of Jerusalem in letters from the king of Jerusalem to the Egyptian pharoah, his overlord.

But Jerusalem really owes its universal appeal to the Bible. For the Bible is, among other things, a biography of the city. The Old Testament tells how around 1000BC King David conquered Jerusalem, made it the capital of his united monarchy of Israelite tribes – and founded the Temple on Mount Moriah. This was the Temple where Jesus expelled the money-lenders, and it was Jesus who turned Jerusalem into a universal symbol.

Jesus saw himself as a Jewish prophet and radical reformer. He revered Jerusalem and regularly prayed in the Temple. He was meticulous in playing out the prophecies of the Jewish prophets during his last three days in Jerusalem that Christians call the Passion. The Gospels constantly cited Jerusalem and the Jewish scriptures as proof of the truth of his message.

By 70AD, the Romans under the Emperor Vespasian and his son Titus had ransacked Jerusalem, the assault culminating in the destruction of the Temple. The Jews became a despised and defeated people and the Christians separated forever from Judaism. Henceforth the Christians saw themselves as the new Israel, and Jerusalem not as a heap of ruins in Judaea but as the New Jerusalem, the perfect kingdom that would descend when Jesus returned for the Second Coming.

To that end, when the Roman emperor Constantine the Great adopted Christianity, he restored a Christian Jerusalem, building the Church of the Holy Sepulchre around 329AD. From then on across Christian Europe, Jerusalem was no longer just a place. It was an idea, a vision, even a paradise that people read about in their Bibles.

This impressive feat of clever marketing was so powerful that by 1096 hundreds of thousands of Christians travelled thousands of miles across Europe to conquer Jerusalem in the First Crusade. The city remained Christian for almost 100 years.

In London, the Knights Templar built the Temple Church (seen in the film The Da Vinci Code) in the City based on their headquarters: the Dome of the Rock on Jerusalem’s Temple Mount – or Mount Moriah.

Yet the Siege of Jerusalem in 1187, which resulted in the recapture of the city by the great Muslim leader Saladin, only intensified the Christian love of the city: Richard the Lionheart tried to rescue it, and Ye Olde Trip To Jerusalem in Nottingham, which claims to be the oldest pub in Britain, is said to date from Richard’s Third Crusade in 1189. He failed but all across the world people built their own Jerusalems: the king of Ethiopia built his, as did the tsars of Russia.

Most towns had their own Jerusalem chapels and every knight dreamed of liberating the city or making the pilgrimage (this was probably the time that the village of Jerusalem in Lincolnshire got its name). Many Britons, King Henry IV among them, made the pilgrimage. In Chaucer’s Canterbury Tales the promiscuous Wife of Bath had been there several times.

Bring me my bow of burning gold

Bring me my arrows of desire

Bring me my spear, O clouds unfold

Bring me my chariot of fire

When, in 1520, Martin Luther raised his protest against the Catholic church, his new Protestants returned to the fundamentals of the Bible with the result that British Protestants revered Jerusalem even more intensely. Oliver Cromwell and his Puritans saw themselves as the New Israelites and their sacred and pure Britain as a new Jerusalem. Meanwhile, the 1611 King James Bible gradually became a classic of English literature.

After Cromwell’s death in 1658 these views survived. Puritans such as the Pilgrim Fathers sailed for America and saw the country as a New Jerusalem – John Winthrop, the first governor of Massachusetts, told the future Massachusetts Bay colonists that their new community would be a ‘city upon a hill’, a phrase taken from the Sermon on the Mount. Hence there are so many Jerusalems – or Salems – in America.

In the late 18th century, Jerusalem, now a poverty-stricken but grandiose village ruled by the Ottoman Sultans, once again became fashionable: Napoleon Bonaparte tried to conquer it but was defeated with the help of the Royal Navy and the British hero, Sir Sidney Smith, who marched his men through the city.

This was exactly the moment when Protestant Evangelism was spreading and rising again, not only in America but in Britain. In 1804, a brilliant engraver, poet and radical named William Blake opened his poem Milton with the prefatory verse that started, ‘And did those feet in ancient time’. Printed in 1808, the poem praised the brief heyday of a heavenly Jerusalem in pre-industrial England but it was inspired by a myth that the boy Jesus had once visited Britain with Joseph of Arimithea. It’s unlikely Jesus did visit Britain but the old myth was popular precisely because British Christians increasingly sought a direct link between Britain’s mission to civilise the world and Jerusalem.

The Authorised Version of the Bible was now learned by every British schoolchild, who felt they knew more about King David than recent English history. During the 19th century British imperialists joined forces with British evangelists, an alliance personified by Lord Palmerston and his evangelical son-in-law Lord Shaftesbury, who wanted Britain to sponsor the return of the Jews to Jersusalem to accelerate the Second Coming and a Protestant Zion.

I will not cease from mental fight

Nor shall my sword sleep in my hand

Til we have built Jerusalem

In England’s green and pleasant land

Yet Blake’s poem, increasingly admired, was not widely known until World War I, when all these strands – the hymn, the British love of Jerusalem, the imperial British mission and evangelical vision of Jewish Return and Second Coming – came together. In 1916 the Poet Laureate Robert Bridges asked the composer Sir Hubert Parry to set Blake to music. Sir Edward Elgar orchestrated it and it was performed at a patriotic meeting, immediately becoming a hit.

Clement Attlee

Clement Attlee and his Labour Party adopted Jerusalem the hymn, in the 1945 election

At this point, David Lloyd George, wartime Prime Minister, was ordering General Allenby to advance into Palestine and conquer Jerusalem as a ‘Christmas present for the British nation’. Lloyd George admitted that ‘I was taught more in school about the history of the Jews than about my own land.’

He and his Foreign Secretary Arthur Balfour backed the Jewish dream of a Jewish homeland – under British auspices. Indeed, cabinet minister Lord Curzon noted that ‘the Prime Minister talks about Jerusalem with almost the same enthusiasm as about his native Welsh hills!’

In December 1917, Britain conquered Jerusalem, which remained under its control until 1948. The British sponsored the Zionist dream of a Jewish homeland by encouraging Jewish immigration, but by the end of the Thirties, the increasing conflict between Zionists and Palestinians led to a British cap on Jewish immigration to Palestine.

By then, Jerusalem the hymn, no longer linked to Blake’s radical sacred vision but a popular anthem, was adopted by Clement Attlee and his Labour Party in the 1945 election when he promised Britain as a New Jerusalem – an ideal socialistic sanctuary – for the working man. And while he won the election aided by the hymn, he failed to manage the real Jerusalem, which sank into civil war and saw the end of British rule.

Attlee handed Palestine to the United Nations; Jerusalem descended into war out of which arose Israel. But Attlee did create his imperfect New Jerusalem – the welfare state and the NHS that we know today.

And the hymn?

Jerusalem remains, separate from its history, as the alternative British national anthem, beloved by rugby fans, Labour activists and patriots.

One small irony is that Blake actually never entitled it Jerusalem, because he was working on another poem at the time called Jerusalem: The Emanation Of The Giant Albion. But no one remembers that one.

‘Jerusalem: The Biography’ by Simon Sebag Montefiore is published by Weidenfeld & Nicolson, priced at £25

Voir de plus:

God Save the Queen: MPs vote to introduce bill on new English anthem

Labour MP Toby Perkins proposes public consultation to choose national anthem for England, with Jerusalem the leading contender

MPs have voted to introduce a bill to parliament on whether or not England should be given its own official national anthem.

Using a 10-minute rule motion in parliament, the Labour MP Toby Perkins proposed that a public consultation be launched to decide which song would be best. MPs agreed on Wednesday that the bill should be given its second reading in parliament in March.

While Scotland and Wales have their own anthems, England does not, and God Save the Queen is usually sung at sporting events when an English team is playing. Northern Irish sports teams also usually sing the UK national anthem.

“I would like to say at the outset that I am neither a republican, nor an atheist nor an English nationalist … Members should detect no hostility in me towards God, her majesty the Queen, to God Save the Queen or to the United Kingdom,” said Perkins, MP for Chesterfield.

“Indeed it is precisely out of respect to preserving many of these things that I believe the time has come to consider the question of an English national anthem.”

Perkins added: “The level of interest in this confirms to me that an anthem for England is a movement whose time has come and, as is often the case, it is for us in this parliament to catch up with public opinion and allow the voice of England to be heard.”

David Cameron has previously said that Jerusalem – the musical setting of a William Blake poem – would be his choice for an English national anthem.

Jerusalem has proved the most popular choice in recent polls, and was chosen to be played for English athletes competing in the 2010 Commonwealth Games in Delhi following a month-long public vote. Edward Elgar’s Land of Hope and Glory often comes second in polls, and was used at the Commonwealth Games before 2010.

It was not the first time the issue has been heard in parliament. In April 2007 the Liberal Democrat MP Greg Mulholland introduced an early day motion calling for English sporting associations to “adopt an appropriate song that English sportsmen and women, and the English public, would favour when competing as England”.

And in 2006 the Conservative MP Daniel Kawczynski introduced an early day motion calling for Jerusalem to be given official status as the national anthem of England.

The 10-minute rule allows a backbench MP to make their case for a new bill in a speech lasting up to 10 minutes. MPs then vote on whether or not the bill should be introduced and, if successful, it goes on to have its second reading. Such bills rarely make it into the statute books.

The Queen’s cousin, Margaret Rhodes, told the Sunday Express: “We have been happily singing God Save the Queen for ever – I don’t see the need to change it. The Queen has always said she’s only there for as long as people want her, but I should think they’d think it’s rather rude. As far as I’m concerned it’s a silly idea.”

Opposing Perkins’s proposal, Conservative MP Jacob Rees-Mogg said: “What greater pleasure can there be for a true-born English man or true-born English woman to listen to our own national anthem?

“A national anthem for our whole country, for our whole United Kingdom, of which England is but a part, but an important part. And to listen to those words that link us to our sovereign, who is part of that chain that takes us back to our immemorial history.”

Ahead of Perkins’s speech to MPs, a protester in a white van adorned with England flags spent the morning driving around Parliament Square playing Jerusalem over a loudspeaker.

Perkins said that Jerusalem seemed to be an early favourite among members of the public who had engaged with him on the subject.

“I have no way of knowing whether there is a way of putting people off William Blake’s classic tune, but if there is I suspect driving round and round Parliament Square with a van blaring it out might be precisely the way to achieve that,” said Perkins. “I have to say you can’t always chose your friends in these matters.”

Voir encore:

Hygienic fascism: Turning the world into a ‘safe space’ — but at what cost?

Even as we try to battle the COVID-19 pestilence, we may be contracting a more dangerous virus — hygienic fascism. This involves a process when our political leaders defer to a handful of “experts,” amid what Dr. Joseph Ladopo, an associate professor at the UCLA School of Medicine, describes as an atmosphere of “COVID-19-induced terror.”

Ideologically, hygienic fascism is neither right nor left, nor is it simply a matter of taking necessary precautions. It is about imposing, over a long period of time, highly draconian regulations based on certain assumptions about public health. In large part, it regards science not so much as a search for knowledge but as revealed “truth” with definitive “answers.” Anyone opposed to the conventional stratagem, including recognized professionals, are largely banished as mindless Trumpistas, ignoramuses, or worse. Experience may show that debate and diversity of choices serve the public’s health and general well-being better than unchallenged rule by a few, largely unaccountable individuals.

Even some non-Trumpians — like Elon Musk — see this as less an adherence to scientific standards than a “fascist” attempt to impose often impossible conditions on society and the economy, and without popular recourse. That these orders are often issued by the executive, and in the vast majority of states without legislative recourse, certainly follows an authoritarian pattern.

Big Brother, the ‘Great Helmsman’ and us

The degree of social control being proposed often reveals staggering tunnel vision. Former Vice President Joe Biden’s adviser, Dr. Ezekiel Emmanuel, suggests that eradication of the virus will require a year or even 18 months of lockdown policies. This likely would catapult an already steep recession into something approaching a depression. Scientists and academics, it appears, may be less vulnerable to such a policy than, say, hotel workers, retail clerks or small business owners.

Sometimes the controls being implemented are reminiscent of Orwell’s “1984.” People are being handcuffed for walking aloneplaying catch with a child in a closed park or riding the waves alone at a closed beach. Officials, from Harris County, Texas, to New York, are urging neighbors to spy on and report each other. Some police departments are even experimenting with using drones to monitor adherence to stay-at-home orders, while Baltimore, one of the nation’s most crime-ridden cities, proposes using aircraft to control inappropriate behaviors.

The current pandemic builds on a political tradition with origins in the writings of early 19th century philosopher Henry St. Simon. The French aristocrat considered scientists to be “superior to all other men” and the natural leaders of society. Such ideas later informed many progressives in that century, including H.G. Wells’s idea of a new elite that would replace democracy with “a higher organism,” which he called “the New Republic.”

Contrary to the idea of Italy’s « Black Shirts » as being mere mindless brutes, science-fueled “futurism” constituted a critical part of the Italian fascist mythology, offering the prospect of merging the elements of “science and faith.” In the 1920s, Benito Mussolini was widely considered not a buffoon but, as the London Times suggested, a leader of a “spiritual revolution” uniting his historically fractious nation. Hitler’s regime, his armaments minister Albert Speer claimed, was the first dictatorship of a fully modern industrial state that used “instruments of technology” to impose a single ideology on its populace. Speer identified himself as the “the top representative of technocracy” that “used all its know-how in an assault on humanity.”

Communists took a similar tack, espousing what they called “scientific socialism.” Lenin specifically wished to eradicate the last vestiges of “individualism” with the kind of conditioning perfected for dogs by Russian scientist I.P. Pavlov on Soviet workers and factories. These same ideas later were adopted by China, where the notion of rule by an educated elite — “an aristocracy of intellect” — has deep historical roots.

The media is the messenger

China has used its growing  technical prowess both to monitor and to persecute dissenters, sometimes assisted by U.S. tech firms. It has applied technology both to suppress unapproved information about the infection and to control behaviors that could spread it. Privacy concerns are, of course, utterly ignored. Other authoritarian regimes, such as Russia and Turkey, have done the same.  Remarkably, despite China’s disastrous role in the pandemic’s evolution, many Westerners, such as some at CNN, increasingly consider China’s approach as superior to our predictably poorly coordinated, chaotic response. Oligarchs such as Bill Gates also apparently endorse China’s authoritarian approach.

Others, particularly in our academic establishment, endorse censorship as superior to Western freedoms. Writing in The Atlantic, two law professors suggested that in the “debate over freedom or control,” China “was largely correct and the U.S. was wrong.” Still others have suggested, due to Trump’s often bumbling or ill-informed remarks, that networks not cover presidential press conferences. This same spirit is being embraced by some of the internet’s moguls — Twitter, Facebook, Google and YouTube — to monitor and censor comments, even those of medical professionals, that are not considered congruent with the accepted iteration of “science.”

Although these efforts generally are aimed at the right, some liberals as well as many conservatives are frightened by the new drive for censorship. The notion of “brainwashing” the public already has been raised by climate-crusaders like former California governor Jerry Brown. Some environmentalists even see the nation’s lockdown as a “test run” for the kind of highly managed, centrally controlled society they consider necessary to preserve the planet’s health.

We are entering a very dangerous time. The digital oligarchs and their allies continue to expand their sway over the struggling remnants of the analog economy. The pandemic offers them an unprecedented opportunity, as in China, to monitor citizens to an extent never before possible. Google and Apple already are working on a venture to track social distancing and contact tracing, and both separately are interested in collecting our medical records.

Granting power to the “expert class” and to the technology elite represents a distinct peril for our democracy and constitutional order. Ultimately the issue comes down to human nature and the dangers of assuming that education, or erudition, make for better people, or smarter judgments. In the end, as Huxley noted, society has to answer the old Latin phrase, quis custodiet custodes — who watches the watchers?

Joel Kotkin is the Presidential Fellow in Urban Futures at Chapman University, Orange, Calif., and executive director of the Urban Reform Institute. He is the author of eight books, including “The Coming of Neo-Feudalism,” available May 12 from Encounter Books. You can follow him on Twitter @joelkotkin.

Voir enfin:

And did those feet in ancient time

Dans les temps anciens, ces pieds ont-ils
Foulé les vertes montagnes d’Angleterre ?
Et le saint Agneau de Dieu a-t-il été
Vu sur les prairies agréables de l’Angleterre ?

Et la Face Divine a-t-elle
Brillé sur nos collines couvertes de nuages ?
Et Jérusalem a-t-elle été bâtie ici
Parmi ces usines sombres et sataniques ?

Apportez-moi mon arc d’or flamboyant ;
Apportez-moi mes flèches de désir ;
Apportez-moi ma lance ; O nuées déployées !
Apportez-moi mon chariot de feu !

Je ne cesserai jamais mon combat intérieur,
Et jamais mon épée ne dormira dans ma main,
Jusqu’à ce que nous ayons bâti Jérusalem
Sur les terres vertes et plaisantes d’Angleterre

COMPLEMENT:

Jérôme Fourquet : “La France se dirige vers un conflit de classes sur fond de vision de la société

Directeur du département opinion de l’Ifop, auteur de l’Archipel français (Seuil), Jérôme Fourquet prédit un affrontement entre ceux qui veulent changer le monde et ceux qui souhaitent simplement que la vie reprenne son cours. Ce choc, qui pourra être brutal, se déroulera en outre dans un contexte dégradé où toutes les failles qui traversent la société se verront agrandies.

Valeurs actuelles. Vous avez beaucoup travaillé sur la crise des “gilets jaunes”. Quels points communs voyez-vous entre cette crise et celle que nous traversons aujourd’hui ?
Jérôme Fourquet. Les “gilets jaunes”, c’était une crise sociopolitique. Là, on a affaire à une crise sanitaire qui débouche sur une énorme crise économique et sociale, c’est donc différent. Le point commun, c’est qu’il y a une mise en visibilité, un coup de projecteur sur des catégories qui étaient jusque-là invisibles : les “soutiers”, ceux qui occupent le compartiment machine de la France ou ce que Denis Maillard appelle le « back office ». La France les a découverts comme elle avait découvert les “gilets jaunes” de novembre 2018, avec leur vêtement (très justement nommé “vêtement de haute visibilité”) sur ces ronds-points de zone logistique où bien souvent ils travaillaient. Le coup de projecteur est comparable mais, en dépit d’un certain recouvrement sociologique (personnel soignant, chauffeurs, agents de maintenance, de logistique, d’entretien), ce ne sont pas forcément exactement les mêmes personnes.

Les “premières” et “secondes lignes” ont bénéficié d’une forte reconnaissance médiatique. Est-ce que cela va s’arrêter ou être pérenne ? Je suis, hélas, assez sceptique.

Quelle va être l’attitude de ces nouveaux “gilets jaunes” ?
Ceux qu’on a appelés les “premières” et les “secondes lignes” ont bénéficié d’une forte reconnaissance médiatique, politique et symbolique. La question est de savoir si cela va s’arrêter ou si cela va être pérenne. Je suis, hélas, assez sceptique. En 1945, on a demandé un énorme effort aux mineurs ; le Parti communiste, alors très puissant, avait été mis à contribution ; une affiche proclamait : “Mineur ! le sort de la France est entre tes mains”. Des records de production ont été battus ; et puis dès 1947-1948, la bataille du charbon ayant été gagnée, plus personne ne pensait à eux, la parenthèse s’est refermée et des grèves très dures ont éclaté dans les bassins houillers car on commençait à rogner les acquis que les mineurs avaient obtenus. Je pense que ça va se terminer de la même manière, d’autant qu’à l’époque la croissance allait revenir tandis qu’aujourd’hui nous sommes engagés dans une grave récession. Pour les primes et les revalorisations salariales, à mon avis, les salariés vont devoir attendre… Il y aura donc du ressentiment, notamment chez tous ceux qui “ont tenu leur poste” pendant l’épidémie.

Pensez-vous que l’automne puisse être “chaud” ?
La déception des mineurs avait donné lieu à des mouvements très durs, et durement réprimés. Là, on peut faire l’hypothèse que cela sera différent. Je lisais récemment le témoignage d’une employée de boulangerie qui se disait très amère : « Nous, nous n’avons pas de masques et personne ne pense à nous applaudir », se plaignait-elle. Elle se comparait à ses collègues des grandes surfaces, qui sont mieux protégés, aux soignants, qui ont été acclamés partout : je ne suis pas sûr qu’elle irait défiler demain avec eux. C’est ce que François Dubet appelle la « tyrannie des petites différences ». Malgré cela, deux choses sont certaines. La première est que le contexte global va être très dur ; il y aura de la frustration vis-à-vis des efforts consentis, des risques pris. Chez ceux qui sont restés en première ligne, la crainte de la contamination grimpait à 75 % (contre 35 % pour ceux qui télétravaillaient) : c’est énorme ! C’est vraiment le salaire de la peur. On se souvient que la grande distribution avait promis 1000 euros aux valeureux salariés qui avaient permis aux Français de continuer de s’approvisionner. Quand on regarde dans le détail, ça s’est assez rapidement enlisé dans les sables du concret. La prime dépendra du temps passé sur site, tout le monde ne pourra pas y être éligible, etc. Les “soutiers” se diront forcément qu’ils ont risqué leur peau et qu’on les paye avec des clopinettes.
La seconde chose, qui dégonfle un peu l’idée d’une révolte à venir, est : quel mot d’ordre, justement, pour cette révolte ? “Tous unis contre le virus” ? C’est fait. “La France va mal” ? D’accord. “Le gouvernement a mal géré la crise” ? Très bien, et puis ? Ensuite, quelle structuration – cette fameuse structuration qui a tant manqué aux “gilets jaunes” ? Les mineurs que j’évoquais tout à l’heure constituaient une classe en soi mais aussi pour soi (pour reprendre la terminologie marxiste), très solidaire, alors que les déçus de demain seront très divers. Par ailleurs ce n’est jamais au pic de la crise que le mouvement se déploie. C’est trop tôt. Tout le monde a la tête dans le seau. Politiquement, on a payé 1929 en 1933 ou en 1936.

Vous ne croyez pas à la possibilité d’un “Grand Soir” ?
Je pense que de très nombreuses personnes seront surtout obnubilées par la question : comment sauver mon emploi ? comment sauver mon entreprise ? Cette urgence va s’imposer à tout le monde, de près ou de loin, et va reléguer au second plan toutes les grandes constructions intellectuelles sur le “jour d’après”. Tout le monde va être obnubilé par ça : comment traverser cette crise ? comment survivre à cette crise ? Les précédents historiques nous montrent d’ailleurs que ce n’est jamais au cœur d’une crise économique que se produisent les mouvements sociaux mais plutôt en sortie de crise.

Plus que par le grand soir, de très nombreuses personnes vont être obnubilées par la question “comment sauver mon emploi ?”

Pensez-vous néanmoins que cette pandémie aura changé le visage de la France ?
Ce que l’on constate en premier lieu, c’est que cette crise sanitaire induit une gigantesque crise économique et sociale. Chaque matin voit un dirigeant de grand groupe (Air France, la Fnac, la SNCF ou d’autres) solliciter l’aide de l’État – donc des Français – pour atténuer les effets de pertes très lourdes que lui occasionne cet arrêt quasiment complet de l’économie. Donc il est certain qu’il y aura un avant et un après, ne serait-ce que pour cette raison : la France est gravement dans le rouge. On assistera sans doute à des changements dans certains domaines (recours plus fréquent au télétravail ou à l’e-commerce, par exemple) mais qui n’affecteront pas spectaculairement la physionomie de notre pays.

Au-delà du travail, comment voyez-vous notre société évoluer dans les semaines, les mois à venir ?
Je crois que nous nous trouvons dans un cycle d’évolution à long terme et que cette crise du Covid-19 ne fera qu’amplifier des tendances qui étaient déjà à l’œuvre. Prenons le cas de la consommation, qui est très révélatrice des imaginaires. Que distingue-t-on ? Les produits bio et les circuits courts, qui se portaient déjà bien, ont vu leurs ventes bondir lors du confinement. Les couches plutôt supérieures et urbaines de la société sont sensibles aux discours des écologistes, qui soutiennent que ce qui nous arrive valide leurs thèses, qu’il faut consommer “moins mais mieux”, qu’il faut prendre de la distance avec la vie d’avant, que le bonheur n’est pas dans l’accumulation de biens. Mais parallèlement, il existe une autre composante importante de la société, disons, pour faire simple, le bas des classes moyennes et les milieux populaires, dont la question est plutôt : comment rester dans le rythme de la consommation alors que mon budget va se trouver rogné par la crise ? Eux n’ont pas changé de philosophie mais ils vont devoir arbitrer entre un vouloir d’achat intact et un pouvoir d’achat en baisse.

Quel fait vous a semblé significatif de cette volonté de permanence ?
Les files d’attente de voitures devant les restaurants McDonald’s drive qui avaient rouvert me semblent bien illustrer cette volonté de continuation. Toute une partie de la société veut que ça reprenne comme avant. Pour elle, la consommation est statutaire, elle signe son appartenance à la grande classe moyenne, alors que les “bobos” (pour faire court) ont un rapport différent à la consommation. Ces deux parties risquent d’entrer en conflit car ceux qui considèrent qu’il faut changer le monde, et qui dominent le débat public, voudront certainement convaincre les autres qu’il est criminel de continuer comme avant, ce à quoi ces derniers rétorqueront qu’ils ne se sentent pas coupables. Et dans la mesure où beaucoup d’entre eux ont continué à aller bosser malgré la menace du virus (quand les autres télétravaillaient en sécurité depuis chez eux), ils n’accepteront certainement pas de recevoir de leçons. N’oublions pas que l’étincelle pour les “gilets jaunes” a été la taxe carbone, c’est-à-dire le refus d’être sacrifiés sur l’autel du “sauvetage de la planète”. Il y aura un conflit de classes sur fond de vision de la société, et je crois qu’il peut être très dur.

Il y aura des bouffées de colère plus ou moins violentes, des gestes dopés à l’énergie du désespoir.

Ne peut-on imaginer néanmoins des points de convergence entre ces deux camps ?
J’imagine plutôt des quiproquos. On constate aujourd’hui un fort engouement pour le local, et aussi une forte demande de national. Les deux mouvements se ressemblent, mais on a d’un côté Pierre Rabhi, la sobriété heureuse, les néoruraux et les circuits courts, de l’autre le Rassemblement national, la protection des frontières, le “produisons français”… Il ne faut pas oublier que Marine Le Pen a fait du localisme le cœur de son discours aux européennes. Bien sûr, je ne vois pas ces mouvements se rejoindre et s’entendre mais les deux vont pousser vers “plus de local”.

Si elle ne donne pas naissance à un véritable mouvement, quelles formes pourra prendre la frustration que vous évoquiez plus haut ?
Il y aura des bouffées de colère plus ou moins violentes, dans certains secteurs, dans certaines entreprises, à chaque mesure prise, à chaque avantage supprimé. On se souvient des cadres séquestrés, des menaces de destruction de sites, ces gestes ultimes de gens au bout du rouleau, dopés à l’énergie du désespoir, mais ce sera localisé, sporadique… Je me trompe peut-être mais je ne crois pas que ça puisse coaguler, ne serait-ce que parce que tout le monde n’aura pas vécu la même chose. Je ne parierais donc pas sur un bouleversement politique, plutôt sur la poursuite d’une lente aggravation de la situation.

Pensez-vous que cette colère, pour sporadique qu’elle soit, puisse se retourner contre le gouvernement ?
Ce qui est certain, c’est que le jugement des Français est sévère, la confiance en chute libre, bien davantage qu’en Italie ou en Espagne, qui ont pourtant beaucoup souffert, elles aussi. En termes de popularité, Macron est bien en dessous de Conte, par exemple… En dépit des grands appels du genre « Nous sommes en guerre », cette idée de rassemblement derrière le drapeau, cette notion d’union nationale, en vérité, a beaucoup moins bien fonctionné chez nous que chez nos voisins. Déjà très contestés, l’exécutif et la majorité n’ont donc pas du tout capitalisé sur cette crise, bien au contraire. Leur chance est que le balancier qui oscillait traditionnellement de la majorité à l’opposition est lui aussi cassé. Les oppositions n’ont pas prouvé qu’elles auraient été plus pertinentes, plus à la hauteur. Marine Le Pen a conforté ses propres troupes, elle est toujours l’opposante en chef, à 20-25 %, ce qui n’est pas rien mais pas suffisant pour s’imposer. Les écologistes sont les seuls qui peuvent espérer capitaliser, si une partie de la population accepte l’idée que ce qui nous arrive est la preuve qu’ils avaient raison mais ça ne se verra que dans un ou deux ans et encore, ce n’est pas sûr.

Vous ne voyez donc pas les cartes politiques être redistribuées ?
Chacun voit dans cette crise ce qu’il veut y voir : ça ne serait pas arrivé “s’il y avait eu des frontières” (RN) ; “si l’hôpital public n’avait pas été cassé” (PS et LFI) ; “si nos finances publiques étaient saines” (LR) ; “si l’Europe avait été plus intégrée” (les pro-Union européenne) ; “si le monde était plus écolo” (EELV) ; etc. Aucun scénario ne se dessine. Celui de l’union derrière le président n’a pas eu lieu ; l’idée d’un gouvernement de salut public n’a généré de l’appétit que chez quelques personnes qui ne représentent qu’elles-mêmes. Le scénario du dévissage complet ne s’est pas produit, celui voyant l’émergence d’un leader populiste raflant la mise non plus. Je parie sur la persistance du statu quo instable de “l’archipel français”…

Voir par ailleurs:

Ce que l’on sait des Jeux mondiaux militaires de Wuhan, après lesquels plusieurs athlètes disent être tombés malades

Les questions autour de la rencontre sportive, qui a eu lieu en octobre 2019, posent un dilemme à l’armée française et viennent renforcer une campagne de désinformation chinoise pour nourrir l’hypothèse d’une origine américaine du coronavirus.

Harold Thibault, Nathalie Guibert et Clément Guillou

Le Monde
12 mai 2020

Les interrogations d’athlètes européens sur leur hypothétique contamination au Covid-19 lors des Jeux mondiaux militaires à Wuhan, qui se sont tenus en octobre 2019, posent un dilemme pour l’armée française et viennent renforcer une campagne de désinformation chinoise.

Au départ, il y a ce Tweet du porte-parole du ministère chinois des affaires étrangères, Zhao Lijian : « Ce pourrait être l’armée américaine qui a apporté l’épidémie à Wuhan. Soyez transparents, écrivait-il le 12 mars. Les Etats-Unis nous doivent une explication. » La presse nationaliste lui emboîte aussitôt le pas. « Zhao se référait aux Jeux militaires de Wuhan », explique le Global Times, dans un article titré « L’armée américaine, victime ou transmetteur du virus ? ».

Une tentative un peu grossière de retourner les accusations, quand l’administration Trump parle de « virus chinois » et que Pékin se voit reprocher d’avoir fait taire les médecins qui avaient tenté de lancer l’alerte puis d’avoir tardé à informer le monde de la transmission interhumaine du Covid-19. Mais cette méthode n’est pas vaine : en Chine, le message passe. Les citoyens qui se demandent si le virus n’est pas une tentative de déstabilisation des Américains ne sont pas rares.

Crises de paludisme

Dans cette guerre de l’information, tout argument est bon à prendre. Déjà en février, des articles de presse faisant état de cinq cas d’hospitalisation d’athlètes étrangers lors de leur séjour à Wuhan avaient été exhumés. Zhang Dingyu, le directeur d’un grand hôpital de la ville, avait alors dû préciser qu’ils avaient fait des crises de paludisme.

Désormais, ce sont les témoignages de sportifs étrangers qui ressortent. Plusieurs d’entre eux se demandent s’ils n’ont pas été contaminés lors de leur séjour dans la capitale du Hubei. Pas impossible, puisque la Chine a rétrospectivement tracé un cas remontant au 17 novembre, dont rien ne dit qu’il était le premier.

Dans un entretien passé inaperçu et accordé fin mars à la chaîne locale Télévision Loire 7, la pentathlète française Elodie Clouvel racontait être tombée malade dans la foulée des Jeux mondiaux militaires, qui se sont tenus du 18 au 27 octobre, et avoir ressenti des symptômes inédits pour elle. Son compagnon, le champion du monde de pentathlon Valentin Belaud, s’est aussi senti mal à cette période. « Il y a beaucoup d’athlètes des Jeux mondiaux militaires qui ont été très malades, disait alors Elodie Clouvel. On a eu un contact avec le médecin militaire récemment qui nous a dit : Je pense que vous l’avez eu, parce qu’il y a beaucoup de gens de cette délégation qui ont été malades. »

Depuis, l’athlète garde le silence et Télévision Loire 7 a supprimé l’interview de son site Internet « pour la préserver ». Les sportifs français ayant participé aux Jeux mondiaux militaires que Le Monde a pu contacter ont tous dit avoir reçu des consignes en ce sens. Ils renvoient au service de communication des armées et affirment n’être pas tombés malades pendant ou après la compétition.

Visite de la ville

Pour la première fois de l’histoire des Jeux mondiaux militaires – créés en 1995 pour les sportifs rattachés à l’armée −, les quelque 10 000 participants étaient logés dans un ersatz de village olympique, composé d’une quinzaine de tours et d’infrastructures d’entraînement et de restauration. La délégation française, forte d’environ quatre cents personnes, logeait dans deux de ces bâtiments.

Certains ont profité du voyage pour visiter Wuhan. D’autres n’ont fait qu’un simple aller-retour pour cette compétition d’une importance relative. Alexis Bodiot, médaillé de bronze en cyclisme sur route, se souvient d’avoir visité la ville et pris le métro. Il dit n’avoir pas contracté de maladie sur place, pas plus que le reste de l’équipe de France de cyclisme. Il a ensuite regagné sa base de Creil… où le Covid-19 s’est répandu en février. « C’est dans mes bureaux qu’il y a eu le plus de cas, dit l’ex-cycliste professionnel. J’attends les résultats des tests sérologiques. Je n’ai pas eu de symptômes mais si jamais j’ai été contaminé, c’est à Creil, pas en octobre à Wuhan. »

En Italie, la consigne de ne pas parler à la presse a également été formulée aux athlètes présents aux Jeux mondiaux militaires. Trop tard pour l’escrimeur Matteo Tagliariol, qui a assuré à la Gazzetta dello Sport que l’équipe nationale est « quasiment toute tombée malade ». « La maladie ne passait pas avec les antibiotiques, je n’ai été guéri que trois semaines plus tard et l’état de fatigue a duré plus longtemps encore. » Selon l’ancien champion olympique, l’infirmerie des Jeux militaires « ne délivrait plus d’aspirine. Les stocks étaient vides tant il y avait eu de demandes ». Jeudi, la section sportive de l’armée italienne a fait savoir qu’aucun cas suspect de Covid-19 n’avait été recensé parmi ses athlètes de retour de Chine. Aucun test n’a, dès lors, été pratiqué.

Incapables de s’entraîner

En Suède, c’est de la base de Boden, près du cercle arctique, qu’est venue l’alerte, dès la mi-avril. Une médecin du régiment signale dans la presse locale que plusieurs athlètes, fiévreux, sont restés fatigués et incapables de s’entraîner plusieurs semaines au retour de Wuhan. D’autres bases suédoises ont rapporté le même phénomène. Cinq athlètes ont alors passé des tests sérologiques. Un seul a été diagnostiqué positif. Anders Nystedt, infectiologue en charge de l’épidémie de Covid-19 dans le nord de la Suède, a dit accueillir ces résultats avec précaution compte tenu des incertitudes quant aux tests sérologiques − ils permettent de dire qu’une personne a été contaminée, mais pas à quelle période.

Ces témoignages sont largement repris sur les réseaux sociaux chinois, où l’on y voit le commencement de preuve tant recherché. « Si, pour la France, cela a également débuté avec les Jeux militaires… alors [le virus] pourrait réellement avoir été apporté par l’armée américaine », extrapole un internaute, Zuo Luofu, sur Weibo, équivalent local de Twitter.

L’armée française a fait savoir, le 6 mai, que les athlètes de sa délégation n’avaient pas été testés et ne le seraient pas. « Il n’y a pas eu, au sein de la délégation française de cas déclarés auprès du Service de santé des armées (SSA) de grippe ou d’hospitalisation pendant et au retour des [Jeux], pouvant s’apparenter, a posteriori, à des cas de Covid-19 », faisait valoir le ministère.

La question est piégeuse pour l’armée. Réaliser des tests sérologiques sur l’ensemble des athlètes de la délégation permettrait seulement d’établir si certains ont été infectés, sans pouvoir définir la date de survenue. Or le virus a largement circulé dans la population française ces derniers mois, il est donc très probable, sur une délégation de quatre cents personnes, que plusieurs aient été infectées en France depuis, et non à Wuhan. Le doute subsisterait mais la désinformation chinoise ne se gênerait certainement pas pour y voir un nouvel élément à exploiter pour appuyer sa théorie d’une transmission étrangère. Au contraire, refuser de réaliser des tests malgré les interrogations posées publiquement par ses propres athlètes peut donner le sentiment qu’on ne veut pas aller au bout de l’histoire. Au risque de nourrir ainsi les thèses complotistes.


Virus de Wuhan: L’espèce ne survit que grâce aux sacrifices (Guess who just got pilloried for calling out the false dilemma of lives vs. money?)

31 mars, 2020


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Puis ils prirent Jonas, et le jetèrent dans la mer. Et la fureur de la mer s’apaisa. Jonas 1: 15
Une génération méchante et adultère demande un miracle; il ne lui sera donné d’autre miracle que celui du prophète Jonas. Car, de même que Jonas fut trois jours et trois nuits dans le ventre d’un grand poisson, de même le Fils de l’homme sera trois jours et trois nuits dans le sein de la terre. Les hommes de Ninive se lèveront, au jour du jugement, avec cette génération et la condamneront, parce qu’ils se repentirent à la prédication de Jonas; et voici, il y a ici plus que Jonas. Jésus (Matthieu 12: 39-41)
Le roi dit: Coupez en deux l’enfant qui vit, et donnez-en la moitié à l’une et la moitié à l’autre. Alors la femme dont le fils était vivant sentit ses entrailles s’émouvoir pour son fils, et elle dit au roi: Ah! mon seigneur, donnez-lui l’enfant qui vit, et ne le faites point mourir. Jugement de Salomon (I Rois 3: 25-26)
Il n’y a pas de plus grand amour que de donner sa vie pour ses amis. Jésus (Jean 15: 13)
Gardez-vous de mépriser un seul de ces petits; car je vous dis que leurs anges dans les cieux voient continuellement la face de mon Père qui est dans les cieux. Car le Fils de l’homme est venu sauver ce qui était perdu. Que vous en semble? Si un homme a cent brebis, et que l’une d’elles s’égare, ne laisse-t-il pas les quatre-vingt-dix-neuf autres sur les montagnes, pour aller chercher celle qui s’est égarée Et, s’il la trouve, je vous le dis en vérité, elle lui cause plus de joie que les quatre-vingt-dix-neuf qui ne se sont pas égarées. De même, ce n’est pas la volonté de votre Père qui est dans les cieux qu’il se perde un seul de ces petits. Jésus (Matthieu 18: 10-14)
Vous ne réfléchissez pas qu’il est dans votre intérêt qu’un seul homme meure pour le peuple, et que la nation entière ne périsse pas. Caïphe (Jean 11: 50)
Une nation ne se régénère que sur un  monceau de cadavres. Saint-Just
Qu’un sang impur abreuve nos sillons! Air connu
L’arbre de la liberté doit être revivifié de temps en temps par le sang des patriotes et des tyrans. Jefferson
Dionysos contre le ‘crucifié’ : la voici bien l’opposition. Ce n’est pas une différence quant au martyre – mais celui-ci a un sens différent. La vie même, son éternelle fécondité, son éternel retour, détermine le tourment, la destruction, la volonté d’anéantir pour Dionysos. Dans l’autre cas, la souffrance, le ‘crucifié’ en tant qu’il est ‘innocent’, sert d’argument contre cette vie, de formulation de sa condamnation.  (…) L’individu a été si bien pris au sérieux, si bien posé comme un absolu par le christianisme, qu’on ne pouvait plus le sacrifier : mais l’espèce ne survit que grâce aux sacrifices humains… La véritable philanthropie exige le sacrifice pour le bien de l’espèce – elle est dure, elle oblige à se dominer soi-même, parce qu’elle a besoin du sacrifice humain. Et cette pseudo-humanité qui s’institue christianisme, veut précisément imposer que personne ne soit sacrifié. Nietzsche
Où est Dieu? cria-t-il, je vais vous le dire! Nous l’avons tué – vous et moi! Nous tous sommes ses meurtriers! Mais comment avons-nous fait cela? Comment avons-nous pu vider la mer? Qui nous a donné l’éponge pour effacer l’horizon tout entier? Dieu est mort! (…) Et c’est nous qui l’avons tué ! (…) Ce que le monde avait possédé jusqu’alors de plus sacré et de plus puissant a perdu son sang sous nos couteaux (…) Quelles solennités expiatoires, quels jeux sacrés nous faudra-t-il inventer? Nietzsche
Le christianisme est une rébellion contre la loi naturelle, une protestation contre la nature. Poussé à sa logique extrême, le christianisme signifierait la culture systématique de l’échec humain. Adolf Hitler
Le marxisme doit mourir pour que la nation renaisse. Banderole de la Grand messe nazie de Berlin (1933)
Nul ne peut ne pas mourir, mais l’homme seul peut donner sa vie. André Malraux
La vérité, dit-on, est la première victime de la guerre. Philip Snowden (1916)
Un jeune homme à cheveux longs grimpait le Golgotha. La foule sans tête était à la fête. Pilate a raison de ne pas tirer dans le tas. C’est plus juste en somme d’abattre un seul homme. Ce jeune homme a dit la vérité. Il doit être exécuté. Guy Béart (1968)
L’éthique de la victime innocente remporte un succès si triomphal aujourd’hui dans les cultures qui sont tombées sous l’influence chrétienne que les actes de persécution ne peuvent être justifiés que par cette éthique, et même les chasseurs de sorcières indonésiens y ont aujourd’hui recours. La même force culturelle et spirituelle qui a joué un rôle si décisif dans la disparition du sacrifice humain est aujourd’hui en train de provoquer la disparition des rituels de sacrifice humain qui l’ont jadis remplacé. Tout cela semble être une bonne nouvelle, mais à condition que ceux qui comptaient sur ces ressources rituelles soient en mesure de les remplacer par des ressources religieuses durables d’un autre genre. Priver une société des ressources sacrificielles rudimentaires dont elle dépend sans lui proposer d’alternatives, c’est la plonger dans une crise qui la conduira presque certainement à la violence. Gil Bailie
Les banlieues ont inventé une nouvelle forme de sacrifice : la destruction de l’objet symbolique fondamental de la société de consommation qu’est l’automobile. On se passe les nerfs en détruisant des automobiles. C’est très mauvais. Je ne suis pas du tout partisan de cela, mais on ne s’en prend pas aux personnes. René Girard
Voici quelques semaines, nous connûmes en France, pour la seconde fois, des révoltes sans morts, des violences déchaînées sans victimes humaines. Avons-nous vu, nous, vieillards, témoins des horreurs de la guerre et à qui l’histoire enseigna, contre le message d’Abraham et de Jésus, le bûcher de Jeanne d’Arc ou celui de Giordano Bruno ; avons-nous vu les révoltés en question ne brûler, par mimétisme, que des automobiles ; avons-nous observé la police, postée devant eux, épargner aussi les vies humaines ? Je vois ici une suite immanquable de votre anthropologie, où la violence collective passa, jadis, de l’homme à l’animal et, maintenant, de la bête, absente de nos villes, à des objets techniques. Parmi ces révoltes fument des chevaux-vapeur. Michel Serres
Jésus s’appuie sur la Loi pour en transformer radicalement le sens. La femme adultère doit être lapidée : en cela la Loi d’Israël ne se distingue pas de celle des nations. La lapidation est à la fois une manière de reproduire et de contenir le processus de mise à mort de la victime dans des limites strictes. Rien n’est plus contagieux que la violence et il ne faut pas se tromper de victime. Parce qu’elle redoute les fausses dénonciations, la Loi, pour les rendre plus difficiles, oblige les délateurs, qui doivent être deux au minimum, à jeter eux-mêmes les deux premières pierres. Jésus s’appuie sur ce qu’il y a de plus humain dans la Loi, l’obligation faite aux deux premiers accusateurs de jeter les deux premières pierres ; il s’agit pour lui de transformer le mimétisme ritualisé pour une violence limitée en un mimétisme inverse. Si ceux qui doivent jeter » la première pierre » renoncent à leur geste, alors une réaction mimétique inverse s’enclenche, pour le pardon, pour l’amour. (…) Jésus sauve la femme accusée d’adultère. Mais il est périlleux de priver la violence mimétique de tout exutoire. Jésus sait bien qu’à dénoncer radicalement le mauvais mimétisme, il s’expose à devenir lui-même la cible des violences collectives. Nous voyons effectivement dans les Évangiles converger contre lui les ressentiments de ceux qu’ils privent de leur raison d’être, gardiens du Temple et de la Loi en particulier. » Les chefs des prêtres et les Pharisiens rassemblèrent donc le Sanhédrin et dirent : « Que ferons-nous ? Cet homme multiplie les signes. Si nous le laissons agir, tous croiront en lui ». » Le grand prêtre Caïphe leur révèle alors le mécanisme qui permet d’immoler Jésus et qui est au cœur de toute culture païenne : » Ne comprenez-vous pas ? Il est de votre intérêt qu’un seul homme meure pour tout le peuple plutôt que la nation périsse » (Jean XI, 47-50) (…) Livrée à elle-même, l’humanité ne peut pas sortir de la spirale infernale de la violence mimétique et des mythes qui en camouflent le dénouement sacrificiel. Pour rompre l’unanimité mimétique, il faut postuler une force supérieure à la contagion violente : l’Esprit de Dieu, que Jean appelle aussi le Paraclet, c’est-à-dire l’avocat de la défense des victimes. C’est aussi l’Esprit qui fait révéler aux persécuteurs la loi du meurtre réconciliateur dans toute sa nudité. (…) Ils utilisent une expression qui est l’équivalent de » bouc émissaire » mais qui fait mieux ressortir l’innocence foncière de celui contre qui tous se réconcilient : Jésus est désigné comme » Agneau de Dieu « . Cela veut dire qu’il est la victime émissaire par excellence, celle dont le sacrifice, parce qu’il est identifié comme le meurtre arbitraire d’un innocent — et parce que la victime n’a jamais succombé à aucune rivalité mimétique — rend inutile, comme le dit l’Épître aux Hébreux, tous les sacrifices sanglants, ritualisés ou non, sur lesquels est fondée la cohésion des communautés humaines. La mort et la Résurrection du Christ substituent une communion de paix et d’amour à l’unité fondée sur la contrainte des communautés païennes. L’Eucharistie, commémoration régulière du » sacrifice parfait » remplace la répétition stérile des sacrifices sanglants. René Girard
Le christianisme (…) nous a fait passer de l’archaïsme à la modernité, en nous aidant à canaliser la violence autrement que par la mort.(…) En faisant d’un supplicié son Dieu, le christianisme va dénoncer le caractère inacceptable du sacrifice. Le Christ, fils de Dieu, innocent par essence, n’a-t-il pas dit – avec les prophètes juifs : « Je veux la miséricorde et non le sacrifice » ? En échange, il a promis le royaume de Dieu qui doit inaugurer l’ère de la réconciliation et la fin de la violence. La Passion inaugure ainsi un ordre inédit qui fonde les droits de l’homme, absolument inaliénables. (…) l’islam (…) ne supporte pas l’idée d’un Dieu crucifié, et donc le sacrifice ultime. Il prône la violence au nom de la guerre sainte et certains de ses fidèles recherchent le martyre en son nom. Archaïque ? Peut-être, mais l’est-il plus que notre société moderne hostile aux rites et de plus en plus soumise à la violence ? Jésus a-t-il échoué ? L’humanité a conservé de nombreux mécanismes sacrificiels. Il lui faut toujours tuer pour fonder, détruire pour créer, ce qui explique pour une part les génocides, les goulags et les holocaustes, le recours à l’arme nucléaire, et aujourd’hui le terrorisme. René Girard
Il me semblait que la définition traditionnelle de la Passion en termes de sacrifice fournissait des arguments supplémentaires à ceux qui voulaient assimiler le christianisme à une religion archaïque , et je l’ai longtemps rejetée. (…) Je voulais seulement dissiper chez les non-chrétiens et, de nos jours, chez les chrétiens eux-mêmes, l’équivoque entretenue par l’ambivalence du terme de ‘sacrifice’. Ce souci reste légitime à mes yeux mais il ne faut pas l’absolutiser. (…) le recours au même mot pour les deux types de sacrifice, si trompeur qu’il soit à un premier niveau, suggère, il me semble, quelque chose d’essentiel, à savoir l’unité paradoxale du religieux d’un bout à l’autre de l’histoire humaine. (…) Plus les extrêmes sont éloignés l’un de l’autre et plus leur union en un même mot, paradoxalement, suggère un au-delà de l’opposition. Le jugement de Salomon suggère cet au-delà. (…) Nous disons très bien nous-mêmes que la seconde femme sacrifie la rivalité à son enfant, alors que la première acceptait de sacrifier l’enfant à sa rivalité. Ce que dit le texte, c’est qu’on ne peut renoncer au sacrifice première manière, qui est sacrifice d’autrui, violence contre l’autre, qu’en assumant le risque du sacrifice deuxième manière, le sacrifice du Christ qui meurt pour ses amis. Le recours au même mot coupe court à l’illusion d’un terrain neutre complètement étranger à la violence. René Girard
L’inauguration majestueuse de l’ère ‘post-chrétienne’ est une plaisanterie. Nous sommes dans un ultra-christianisme caricatural qui essaie d’échapper à l’orbite judéo-chrétienne en ‘radicalisant’ le souci des victimes dans un sens antichrétien. (…) Jusqu’au nazisme, le judaïsme était la victime préférentielle de ce système de bouc émissaire. Le christianisme ne venait qu’en second lieu. Depuis l’Holocauste , en revanche, on n’ose plus s’en prendre au judaïsme, et le christianisme est promu au rang de bouc émissaire numéro un. (…) Le mouvement antichrétien le plus puissant est celui qui réassume et ‘radicalise’ le souci des victimes pour le paganiser. (…) Comme les Eglises chrétiennes ont pris conscience tardivement de leurs manquements à la charité, de leur connivence avec l’ordre établi, dans le monde d’hier et d’aujourd’hui, elles sont particulièrement vulnérables au chantage permanent auquel le néopaganisme contemporain les soumet. René Girard
Le monde moderne n’est pas mauvais : à certains égards, il est bien trop bon. Il est rempli de vertus féroces et gâchées. Lorsqu’un dispositif religieux est brisé (comme le fut le christianisme pendant la Réforme), ce ne sont pas seulement les vices qui sont libérés. Les vices sont en effet libérés, et ils errent de par le monde en faisant des ravages ; mais les vertus le sont aussi, et elles errent plus férocement encore en faisant des ravages plus terribles. Le monde moderne est saturé des vieilles vertus chrétiennes virant à la folie.  G.K. Chesterton
Rappelons que, selon la tradition chinoise, les catastrophes naturelles peuvent annoncer que la dynastie régnante a perdu le « mandat du Ciel » et doit donc laisser la place. Jean-Philippe Béja
The world is in your debt. The people of that city have gone through an extraordinary period and they’re still going through it. Bruce Aylward (WHO)
Governments, citizens, media, key influencers and communities have an important role to play in preventing and stopping stigma surrounding people from China and Asia in general. WHO
Social stigma in the context of health is the negative association between a person or group of people who share certain characteristics and a specific disease. In an outbreak, this may mean people are labelled, stereotyped, discriminated against, treated separately, and/or experience loss of status because of aperceived linkwith a disease. Such treatment can negatively affect those with the disease, as well as their caregivers, family, friends and communities. People who don’t have the disease but share other characteristics with this group may also suffer from stigma. The current COVID-19 outbreak has provoked social stigma and discriminatory behaviours against people of certain ethnic backgrounds as well as anyone perceived to have been in contact with the virus. The level of stigma associated with COVID-19 is based on three main factors: 1) it is a disease that’s new and for which there are still many unknowns; 2) we are often afraid of the unknown; and 3) it is easy to associate that fear with ‘others’. It is understandable that there is confusion, anxiety, and fear among the public. Unfortunately, these factors are also fueling harmful stereotypes. Stigma can undermine social cohesion and prompt possible social isolation of groups, which might contribute to a situation where the virus is more, not less, likely to spread. This can result in more severe health problems and difficulties controlling a disease outbreak. WHO
When we give talks we’re careful to call it 1918 influenza – there’s no way its origin was Spain. There’s a joke that when an epidemic is said to emerge first in a place, it almost certainly didn’t. Except Wuhan might actually be right. Prof Julia Gog (Cambridge)
When did patient zero begin in US? How many people are infected? What are the names of the hospitals? It might be US army who brought the epidemic to Wuhan. Be transparent! Make public your data! US owe us an explanation! Zhao Lijian (Chinese foreign ministry spokesman)
It is highly irresponsible for some media to dub it « China virus ». We firmly oppose that. I want to stress two points. First, no conclusion has been reached yet on the origin of the virus, as relevant tracing work is still underway. The WHO has said many times that what we are experiencing now is a global phenomenon with its source still undetermined, and we should focus on containing it and avoid stigmatizing language toward certain places. The name COVID-19 was chosen by the WHO for the purpose of making no connections between the virus and certain places or countries. Dr. Zhong Nanshan, respiratory specialist and member of the Chinese Academy of Engineering, said that the epidemic was first reported in China but was not necessarily originated in China. Second, we should all say no to « information virus » and « political virus ». By calling it « China virus » and thus suggesting its origin without any supporting facts or evidence, some media clearly want China to take the blame and their ulterior motives are laid bare. The epidemic is a global challenge. The right move should be working together to fight it, which means no place for rumors and prejudice. We need science, reason and cooperation to drive out ignorance and bias.  Zhao Lijian (Chinese Foreign Ministry Spokesperson, March 4, 2020)
As China spares no efforts and makes huge sacrifices to fight the novel coronavirus (COVID-19) outbreak, some U.S. individuals and media outlets have alleged the virus « originated in China » and demanded an apology from the country. This kind of absurd argument smears the Chinese people and runs counter to the urgent need of international collaboration in the face of the epidemic. Such an argument, like a « political virus, » is even more dangerous than COVID-19. It reveals nothing but prejudice, arrogance and ignorance. The epidemic was first reported in China but that does not mean it necessarily originated in China, specialists have explained. The World Health Organization (WHO) has said many times that COVID-19 is a global phenomenon with its source still undetermined. The name COVID-19 was chosen by the WHO for the purpose of making no connections between the virus and certain places or countries. Moreover, no matter where the origin is, China and other countries hit by the epidemic are all victims of the virus and are faced with a serious battle against the outbreak. What is the point of blaming the victim and arguing that someone should apologize for it? However, there are people who ignore the facts, put political interests above public interests and science, spread rumors and incite ideological prejudices, even racial discrimination and xenophobia. What are they up to? Viruses know no borders. To protect the health and safety of the people across the world, the Chinese people have made huge sacrifices and major contributions. Since the outbreak, China has been fighting at the forefront against the epidemic. The country has taken the utmost effort to contain the epidemic and shared information and experience with the rest of the world. As WHO Director-General Tedros Adhanom Ghebreyesus said, China’s containment of the outbreak has bought time for the rest of the world. Bruce Aylward, an epidemiologist who recently headed the WHO-China Joint Mission on COVID-19, spelled out the impact of aggressive containment measures adopted by the Chinese government. He told reporters following his visit to Wuhan, the epicenter of the outbreak and an 11-million-metropolis that has been under lockdown for more than a month, that it is important to recognize the people of Wuhan. « The world is in your debt. » COVID-19 is a virus of humanity, not of any certain country. WHO has published data that over 17,000 cases have been confirmed in 88 countries and regions outside China by Friday, calling for early and aggressive measures to break the chain of transmission worldwide. As the saying goes, a small leak will sink a great ship. What we need in the face of the epidemic is not stigmatizing a country or attacking a country, but science, rationality and solidarity. These are the most powerful weapons against our common enemy. If there is anyone who owes the world an apology, it must be those who spread « political virus » that smears China. Xinhua
Despite the fact that the WHO has officially named this novel type of coronavirus, (a) certain American politician, disrespecting science and the WHO decision, jumped at the first chance to stigmatize China and Wuhan with it. We condemn this despicable practice. Geng Shuang
Given China’s relatively limited medical resources – its per capita number of intensive care beds and ventilators is far too small – Beijing can’t afford to fight a prolonged battle with the coronavirus. The county can only concentrate its fight on one front, and thus is transporting all the medical equipment it can there, and sending all the medical personnel it can as well. China can only mobilize its national medical resources to tackle the virus head-on in Wuhan. If this battle fails, the fate of the country is at stake. People in Wuhan and Hubei had no choice but to sacrifice themselves. This is the luck of the Chinese people and the misfortune of the people of Wuhan and Hubei. People blessed with luck need to be grateful. Wang Shuo
No less authority than the Chinese Communist Party said it came from Wuhan. So don’t take Mike Pompeo’s word for it. We have pretty high confidence that we know where this began. Mike Pompeo
We might be heading into first global recession caused by CCP mismanagement. Previous manmade disasters in China since 1949 never really spread outside the PRC’s borders in meaningful ways. This time looks to be different, and being the proximate cause of a global recession may not be helpful to the PRC’s global image and aspirations. And that is likely one of the reasons the propaganda apparatus and PRC officials are pushing so hard the idea that virus may not have originated in China. Now is not the time for apportioning blame, and the PRC government does deserve credit for its brutal, herculean and effective efforts to arrest the outbreak inside China, once it got past the initial coverup and missteps that allowed the epidemic to explode into something that threatens people everywhere. Bill Bishop
I think the consensus is still clearly that the virus did originate in China. This would appear to be a nationalist narrative aimed at countering criticism of the Chinese government for not better managing the outbreak in its early stages. Jane Duckett (University of Glasgow)
This is a propaganda effort aimed at the domestic audience. Among the Chinese public, there is a general awareness that delays in notifying the public led to many more infections in Wuhan. This campaign is aimed at distracting the public from the party’s delayed response. Victor Shih (UC, San Diego)
Tout ça, ce n’est pas de ma faute, c’est la faute de ceux d’en haut qui ne m’avaient pas donné le feu vert. Zhou Xianwang (maire de Wuhan)
Le point de départ de cette pandémie, c’est un marché ouvert de Wuhan dans lequel s’accumulent des animaux sauvages, serpents, chauves-souris, pangolins, conservés dans des caisses en osier. En Chine, ces animaux sont achetés pour la fête du Rat. Ils coûtent assez cher et ce sont des aliments de choix. Sur ce marché, ils sont touchés par les vendeurs, dépecés, alors qu’ils sont maculés d’urine et que les tiques et les moustiques font une sorte de nuage autour de ces pauvres animaux, par milliers. Ces conditions ont fait que quelques animaux infectés ont forcément infecté d’autres animaux en quelques jours. On peut faire l’hypothèse qu’un vendeur s’est blessé ou a touché des urines contaminantes avant de porter la main à son visage. Et c’est parti ! Ce qui me frappe toujours, c’est l’indifférence au point de départ. Comme si la société ne s’intéressait qu’au point d’arrivée : le vaccin, les traitements, la réanimation. Mais pour que cela ne recommence pas, il faudrait considérer que le point de départ est vital. Or c’est impressionnant de voir à quel point on le néglige. L’indifférence aux marchés d’animaux sauvages dans le monde est dramatique. On dit que ces marchés rapportent autant d’argent que le marché de la drogue. Au Mexique, il y a un tel trafic que les douaniers retrouvent même des pangolins dans des valises… (…) Les animaux sont (…) à l’origine de la plupart des crises épidémiques depuis toujours : le VIH, les grippes aviaires type H5N1, Ebola. Ces maladies virales viennent toujours d’un réservoir de virus animal. Et on ne s’y intéresse pratiquement pas. C’est la même chose pour la dengue. (…) C’est exactement comme le travail qui reste à faire sur les chauves-souris. Elles sont elles-mêmes porteuses d’une trentaine de coronavirus ! Il faut que l’on mène des travaux sur ces animaux. Evidemment, ce n’est pas très facile : aller dans des grottes, bien protégé, prendre des vipères, des pangolins, des fourmis, regarder les virus qu’ils hébergent, ce sont des travaux ingrats et souvent méprisés par les laboratoires. Les chercheurs disent : ‘Nous préférons travailler dans le laboratoire de biologie moléculaire avec nos cagoules de cosmonautes. Aller dans la jungle, ramener des moustiques, c’est dangereux.’ Pourtant, ce sont de très loin les pistes essentielles. Par ailleurs, on sait que ces épidémies vont recommencer dans les années à venir de façon répétée si on n’interdit pas définitivement le trafic d’animaux sauvages. Cela devrait être criminalisé comme une vente de cocaïne à l’air libre. Il faudrait punir ce crime de prison. Je pense aussi à ces élevages de poulet ou de porc en batterie que l’on trouve en Chine. Ils donnent chaque année de nouvelles crises grippales à partir de virus d’origine aviaire. Rassembler comme cela des animaux, ce n’est pas sérieux. C’est comme si l’art vétérinaire et l’art médical humain n’avaient aucun rapport. L’origine de l’épidémie devrait être l’objet d’une mobilisation internationale majeure. Il faut essayer de reconstituer le parcours épidémiologique qui fait que la chauve-souris tolère des coronavirus depuis des millions d’années, mais aussi qu’elle les disperse. Elle contamine ainsi d’autres animaux. Lorsque les chauves-souris sont accrochées dans les grottes et meurent, elles tombent par terre. Alors les serpents, les vipères en particulier, qui raffolent de leurs cadavres, les mangent. Tout comme les petits chauves-souriceaux enfants qui tombent et sont dévorés immédiatement par ces serpents qui sont donc probablement des hôtes intermédiaires des virus. En plus, il y a dans ces grottes des nuages de moustiques et de tiques et il faudrait essayer de voir quels sont les insectes qui sont aussi éventuellement transmetteurs du virus. Une autre hypothèse porte sur la transmission qui se produit quand les chauves-souris sortent la nuit manger des fruits, en particulier dans les bégoniacées. Elles ont un réflexe quasiment automatique, dès qu’elles déglutissent, elles urinent. Elles vont donc contaminer les fruits de ces arbres et les civettes, qui adorent les mêmes fruits, se contaminent en les mangeant. Les fourmis participent aux agapes et les pangolins – pour lesquels la nourriture la plus merveilleuse est constituée de fourmis – dévorent les fourmis et s’infectent à leur tour. C’est toute cette chaîne de contamination qu’il faut explorer. Les réservoirs de virus les plus dangereux sont probablement les serpents, car ce sont eux qui se nourrissent perpétuellement des chauves-souris, elles-mêmes porteuses des coronavirus. Il se pourrait donc que les serpents hébergent ces virus en permanence. Mais c’est justement cela qu’il faut savoir et vérifier. Il faudrait donc que des chercheurs capturent des chauves-souris, mais aussi qu’ils fassent le même travail sur les fourmis, les civettes, les pangolins et essayent de comprendre leur tolérance au virus. C’est un peu ingrat, mais essentiel. (…) Ce qui m’a frappé au Laos, où je vais souvent, c’est que la forêt primaire est en train de régresser parce que les Chinois y construisent des gares et des trains. Ces trains, qui traversent la jungle sans aucune précaution sanitaire, peuvent devenir le vecteur de maladies parasitaires ou virales et les transporter à travers la Chine, le Laos, la Thaïlande, la Malaisie et même Singapour. La route de la soie, que les chinois sont en train d’achever, deviendra peut-être aussi la route de propagation de graves maladies. Sur place, les grottes sont de plus en plus accessibles. Les humains ont donc tendance à s’approcher des lieux d’habitation des chauves-souris, qui sont de surcroît des aliments très recherchés. Les hommes construisent aussi désormais des parcs d’arbres à fruit tout près de ces grottes parce qu’il n’y a plus d’arbres en raison de la déforestation. Les habitants ont l’impression qu’ils peuvent gagner des territoires, comme en Amazonie. Et ils construisent donc des zones agricoles toutes proches de zones de réservoir de virus extrêmement dangereuses. (…) Le réseau des Instituts Pasteurs – qui existent dans plusieurs pays – est une structure que le monde nous envie. Mais des instituts comme celui du Laos ont besoin d’être aidé beaucoup plus qu’il ne l’est actuellement. Ces laboratoires ont du mal à boucler leur budget et ils ont aussi de la peine à recruter des chercheurs. La plupart d’entre eux préfèrent être dans leur laboratoire à l’Institut Pasteur à Paris ou dans un laboratoire Sanofi ou chez Merieux, mais se transformer en explorateur dans la jungle, il n’y a pas beaucoup de gens qui font cela. Or c’est ce que faisait Louis Pasteur, il allait voir les paysans dans les vignes, il allait voir les bergers et leurs moutons. Il sortait de son laboratoire. Tout comme Alexandre Yersin qui était sur le terrain, au Vietnam, quand il a découvert le bacille de la peste. (…) Parce que ce qui fascine les candidats au Prix Nobel, c’est de trouver un traitement ou un nouveau virus en biologie moléculaire et pas de reconstituer les chaînes épidémiologiques. Or les grandes découvertes infectieuses sont nées ainsi : l’agent du paludisme, le Plasmodium, a été découvert par un Français, Alphonse Laveran sur le terrain, en Tunisie. Et ce sont des recherches qui sont fondamentales et qui sont faites à une échelle qu’on a un peu oubliée. Comme si la vision micro avait fini par faire disparaître l’importance du macro. (…) La peste reste un exemple passionnant. Le réservoir de la peste, ce sont les rats. Il y a des populations de rats qui sont très résistantes et qui transmettent le bacille de la peste, mais s’en fichent complètement. Et puis, il y a des populations de rats très sensibles. Il suffit qu’un jour, quelques individus de la population de rats sensible rencontrent la population de rats qui est résistante pour qu’ils se contaminent. Les rats sensibles meurent. A ce moment là, les puces qui se nourrissent du sang des rats, désespérées de ne plus avoir de rats vivants, vont se mettre à piquer les hommes. Reconstituer ce tout début de la chaîne de transmission permet d’agir. Dans les endroits où la peste sévit encore, en Californie, à Madagascar, en Iran ou en Chine, lorsque l’on constate que quelques rats se mettent à mourir, c’est exactement le moment où il faut intervenir : c’est extrêmement dangereux car c’est le moment où les puces vont se mettre à vouloir piquer les humains. Dans les régions pesteuses, lorsque l’on voit des centaines de rats morts, c’est une véritable bombe. Heureusement, la peste est une maladie du passé. Il doit y avoir encore 4 000 ou 5 000 cas de peste dans le monde. Ce n’est pas considérable et puis les antibiotiques sont efficaces. Mais c’est un exemple, pour montrer que l’origine animale est fondamentale et toujours difficile à appréhender. Elle est néanmoins essentielle pour la compréhension et permet de mettre en place des politiques de prévention. Aujourd’hui, si l’on continue à vendre des animaux sauvages sur un marché, on est dans une situation délirante. Il faut appliquer le principe de précaution. (…) en Chine, notamment, cette convention internationale n’est pas respectée. Il faudrait créer une sorte de tribunal sanitaire international. On voit bien que si on demande à chaque pays de s’organiser nationalement, rien ne changera. La Chine a fait pression au début sur l’OMS pour qu’on ne dise pas qu’il s’agissait d’une pandémie. Elle a tenté de bloquer les choses, car elle contribue fortement au financement de l’OMS. Il serait donc important que ce soit un tribunal sanitaire totalement indépendant, comme un tribunal international pour les crimes de guerre, avec des inspecteurs indépendants qui vérifient ce qui se passe sur le terrain. Au Laos, dans la campagne, il y a beaucoup de marchés où les animaux sauvages sont vendus comme des poulets ou des lapins. Dans l’indifférence générale, car c’est la culture locale. Or la culture est la chose la plus difficile à faire évoluer dans un pays. Didier Sicard
Nous, les Cantonais, nous sommes convaincus depuis toujours que la viande de serpent guérit les maladies. En plus de cela, elle est nutritive et protège du rhume”. M. Qiu
L’appétit toujours plus grand des Cantonais pour les plats à base d’espèces rares pourrait bien entraîner l’éradication des pangolins, des serpents sauvages et autres salamandres géantes. (…) De nombreux Cantonais n’aiment rien tant que de prendre un bol de soupe au serpent bien chaude au petit déjeuner pour lutter contre le froid. (…) Le marché de la viande d’animaux sauvages est en plein essor. Ainsi, les restaurants font de bonnes affaires, même s’ils flirtent avec l’illégalité. Des espèces protégées comme les varans ou les pangolins sont chassées et vendues illégalement, puis finissent dans les assiettes des clients. La réputation qu’ont les Cantonais de manger des animaux sauvages n’est pas usurpée : cette tradition ancrée fait partie de la culture du Lingnan (la zone comprenant Canton et les provinces avoisinantes). Un salarié du bureau chinois de la Wildlife Conservation Society (WCS) affirme que les Cantonais “mangent absolument de tout” – les mets les plus recherchés étant des espèces en voie de disparition. Parmi les espèces les plus consommées à Canton, on trouve le varan, la salamandre géante de Chine, des serpents sauvages, des hiboux et le bruant auréole. Une fois préparé, un hibou entier peut valoir environ 1 800 yuans [221 euros]. Les pangolins se vendent à 500 yuans [61 euros] le jin [env. 500 grammes], les varans à environ 100 yuans [12 euros]. (…) Préparer ces mets délicats est une activité des plus sanguinaires. Un cuisinier d’un restaurant de Shenzhen (province de Canton), nous explique comment on tue et on prépare le pangolin : d’abord, on l’assomme d’un coup de marteau sur la tête, puis on le suspend au bout d’une corde, et on l’égorge à l’aide d’un couteau pour le saigner. Ensuite, on le plonge dans l’eau bouillante pour enlever les écailles – comme on plume un poulet. Puis, il faut le passer à feu doux pour enlever les poils fins. Enfin, on le vide, on le lave et on le cuit. La viande peut ensuite être braisée, cuite à la vapeur dans une soupe claire ou cuite en ragoût. “La plupart des habitués ne paient pas eux-mêmes la note, explique un patron de restaurant. Les hommes d’affaires qui doivent leur demander une faveur invitent lesdits habitués à dîner, soit pour étaler leur cash, soit pour régaler un fonctionnaire”. Et ce sont ces mêmes fonctionnaires qui protègent les restaurants où l’on vend de la viande illégale. La passion des Chinois pour la consommation d’animaux sauvages est liée aux propriétés médicinales qu’ils prêtent à ces aliments. D’anciens écrits médicaux attribuent de telles vertus à presque toutes les plantes et animaux – et même aux organes d’animaux, à leurs excréments, leurs humeurs, leur peau ou leurs plumes. La médecine chinoise considère que l’art médical et la nourriture puisent aux mêmes sources. Ces conceptions sont encore extrêmement répandues, et même les illettrés peuvent citer un certain nombre de “prescriptions” pour diverses affections : des alcools faits à partir de pénis de tigre ou de testicules de bélier pour la virilité, ou encore des os de tigre pour un squelette solide et des muscles vigoureux. Et il est généralement admis qu’on préserve mieux sa santé par son régime que par la médecine. Mais ces idées sont poussées de plus en plus loin. Presque toutes les plantes et les animaux rares ou inhabituels se voient maintenant conférer des propriétés médicinales ou nutritionnelles extraordinaires. (…) Feng Yongfeng, journaliste spécialisé dans l’environnement au Quotidien de Guangming, fait valoir que la plupart des bienfaits de ces aliments sont psychologiques. Il n’en reste pas moins que ces idées d’un autre âge entraînent encore l’abattage d’animaux sauvages. M. Luo, un habitant de Guangzhou avec qui nous nous sommes entretenus, reconnaît qu’il mange de la viande de ces animaux, mais qu’il aurait dû mal à changer ses habitudes du jour au lendemain. Par ailleurs, il estime que les autorités devraient davantage communiquer sur l’interdiction de consommer des espèces protégées. “Les pouvoirs publics et les médias ont incité les gens à ne pas manger d’aileron de requin, de pénis de tigre et de patte d’ours, alors je n’en mange pas”, concède-t-il. Mais il ajoute qu’il a mangé du pangolin pendant dix ans avant d’apprendre qu’il s’agissait d’une espèce protégée. A l’en croire, il faudrait dire clairement aux citoyens ce qu’ils peuvent et ce qu’ils ne peuvent pas manger.
La récente plainte déposée par Huawei France contre Valérie Niquet, chercheuse à la FRS et experte reconnue du monde asiatique, vient opportunément souligner la sensibilité du sujet et le caractère devenu épidermique de la question abordée par Antoine Izambard, journaliste au magazine économique Challenges. La Chine mène une politique expansionniste directement sous le contrôle de Xi Jinping et du Parti communiste chinois visant à établir un leadership mondial incontesté, et la France constitue une cible de choix de par sa puissance économique, industrielle et scientifique, même si celle-ci est en relatif déclin. Et ce n’est pas la reconnaissance historique de la RPC par le général de Gaulle en 1964 qui préserve encore notre pays des ambitions de Pékin et de l’emploi de méthodes plutôt discutables pour piller nos pépites technologiques. D’où l’intérêt de ce livre plutôt corrosif et remettant en cause certaines pratiques où l’aveuglement français laisse sans voix. S’appuyant sur des exemples et des faits très concrets, le constat est sévère en dévoilant de véritables failles sécuritaires. Les enjeux sont importants, car Pékin dispose d’une arme quasi absolue : sa puissance financière sans limites, lui permettant de financer toutes ses acquisitions et pouvant acheter une clientèle aveugle sur leurs compromissions potentielles. Antoine Izambard propose ainsi plusieurs approches illustrant ce rouleau compresseur chinois utilisant toutes les ressources du soft power, dont l’espionnage à outrance, notamment via l’envoi d’étudiants « bien sous tout rapport », mais qui permettent à Pékin de siphonner notre technologie. Le cas de Toulouse et de ses universités scientifiques en est une illustration. Pékin s’appuie aussi sur un réseau d’influenceurs, mêlant politiques, diplomates et hommes d’affaires souhaitant favoriser les échanges entre les deux pays, mais souvent à la naïveté confondante face à la prédation quasi systémique pilotée par la Chine. Le mirage du grand marché chinois a tant fasciné que les principes de précaution face à une future concurrence n’ont pas été respectés. Ainsi, nos laboratoires de recherche et nos universités accueillent pléthore d’étudiants et étudiantes dont certains sont très avides d’informations et pillent sans vergogne les travaux effectués. Curieusement, les universités à dominante SHS (sciences humaines et sociales) sont peu concernées, le risque étant pour le Parti communiste chinois d’avoir alors de futurs contestataires potentiels. Et si le rachat de grands crus bordelais peut contribuer à rééquilibrer notre balance commerciale, d’autres pratiques sont plus douteuses comme l’a démontré le fiasco autour de l’aéroport de Toulouse dont les propriétaires chinois ont pratiqué une gouvernance pour le moins baroque. Parmi les autres points soulevés par l’auteur, il y a l’intérêt suspect pour la Bretagne avec une présence importante dans les universités dont particulièrement l’UBO (université de Bretagne occidentale), mais aussi la présence d’un institut Confucius à Brest sur les 14 présents en France, deuxième port militaire de France avec notamment la Force océanique stratégique (Fost) basée dans la rade à l’île Longue. Cette coïncidence n’est pas due au hasard et soulève bien des interrogations. Il y a également le rachat du groupe Demos faisant de la formation professionnelle continue et qui possède entre autres la Revue d’études préparant les militaires à différents concours, avec environ 2 000 élèves par an, et dont le fichier pourrait être intéressant à exploiter. Faut-il pour autant cesser toute activité avec Pékin ? Ce serait impossible et inutile tant l’interdépendance est désormais irréversible. Par contre, il est urgent de faire preuve de plus de réalisme et d’exercer un contrôle accru sur les investissements chinois. Cela signifie également une réponse européenne plus solide et consciente des enjeux de souveraineté actuellement remis en cause par Pékin. En effet, les efforts chinois sont tous azimuts et visent également les instances internationales avec un succès certain favorisé par la candeur de nombreux États devenus « clients ». Ainsi, les Chinois sont à la tête de l’Organisation de l’aviation civile internationale (2015), de l’Union internationale des télécommunications (2018) et de l’Organisation des Nations unies pour l’alimentation et l’agriculture (2019), pouvant d’ores et déjà influer sur les normes de régulation internationales de demain dans des domaines clés. Cette mainmise sur ces organisations doit désormais inquiéter. (…) La lucidité est indispensable alors que la naïveté de certains dirigeants politiques et économiques est une faute, et fragilise notre indépendance et notre souveraineté. Jérôme Pellistrandi
Décidément la Chine est placée sous le signe des catastrophes sanitaires à répétition. En 2003, ce fut l’épidémie du SRAS [syndrome respiratoire aigu sévère] qui se répandit à travers le monde et fit plus de huit cents morts. Durant l’année du cochon, qui vient de se terminer ce 24 janvier, ce sont plus de trois cents millions de porcs qui ont dû être abattus dans le pays, et maintenant que l’année du rat débute, on se demande si ce n’est pas la mauvaise habitude des gourmets chinois de rechercher des aliments « exotiques » comme le rat des bambous ou la chauve-souris qui ont provoqué l’irruption d’un nouveau virus mortel à Wuhan. Déjà en 2003, l’épidémie du SRAS avait été provoquée dans la province du Guangdong par la consommation de civettes qui avaient été infectées par les chauves-souris qui pullulent dans la province voisine du Yunnan. Quelles que soient les causes de l’épidémie, ce qui frappe le plus les observateurs, c’est la façon dont les autorités chinoises ne parviennent pas à se défaire d’un vieux réflexe bureaucratique issu de la tradition communiste : cacher les problèmes aussi longtemps que possible, afin d’éviter de porter la responsabilité du drame. La catastrophe de Tchernobyl est évoquée sur les réseaux chinois par les internautes qui discutent fiévreusement de l’évolution de ce qui ressemble de plus en plus à une pandémie. Si le gouvernement avait pris les mesures requises à temps, en serions-nous là aujourd’hui, se demandent-ils. L’épidémie du SRAS avait commencé à la fin de l’année 2002, mais il a fallu attendre que des victimes soient reconnues à Hongkong avant que Pékin ne décide de prendre des mesures à l’échelle nationale en février 2003. Depuis l’arrivée au pouvoir de Xi Jinping en 2012, la liberté d’expression a été mise à rude épreuve. Aujourd’hui le seul média qui s’autorise encore à communiquer quelques informations est le journal en ligne Caixin. D’après ce média, le premier cas avéré de malade atteint par le coronavirus a été découvert à Wuhan le 8 décembre 2019. Les autorités locales ont choisi de ne pas transmettre l’information à la direction du Parti. A la fin du mois de décembre 2019, les autorités centrales commencent à s’inquiéter. Une information interne circule à Pékin, et des fuites parviennent à informer quelques Chinois actifs sur les réseaux. Le pot aux roses est dévoilé et c’est le 31 décembre seulement que les autorités de Wuhan envoient le virus pour le faire analyser à Pékin. Le 2 janvier, le virus est identifié et les annonces commencent : il y a bien une épidémie à Wuhan, mais « tout est sous contrôle ». Réaction locale ? Huit internautes sont accusés de « transmettre des rumeurs » et sont arrêtés à Wuhan. Aujourd’hui, l’exaspération de la population chinoise est à son comble. La décision de fermer la ville de Wuhan, ainsi qu’une dizaine de villes avoisinantes, c’est-à-dire à isoler près de soixante millions de Chinois passe d’autant plus mal qu’elle a été prise du jour au lendemain, et sans avertir au préalable la population. Et ceci dans les pires conditions, puisque le réveillon du Nouvel an était le 24 janvier et c’est le moment de l’année où plusieurs centaines de millions de migrants retournent dans leur village, et où de nombreux habitants de Wuhan sont en vacances. Les voyageurs dont la plaque d’immatriculation montrait qu’ils venaient de Wuhan ont été aussitôt interdits de séjour partout où ils passaient : ni les hôtels, ni les restaurants n’acceptaient de les laisser entrer dans leur établissement ! (…) Le problème fondamental en Chine aujourd’hui, c’est que plus personne ne croit en la parole officielle. Il existe du coup un nouveau type d’information privée créée par des intellectuels émigrés : des émissions sur YouTube commentent l’actualité chinoise avec un professionnalisme qui convainc le public chinois. Décryptant les reportages et l’actualité en Chine, ils parviennent à en donner une lecture objective. Désormais les seules informations non censurées viennent des réseaux sociaux. Avec des faits mais aussi des rumeurs même si colportées de bonne foi. Le nombre des contaminations n’en parait pas moins déjà beaucoup plus important que celui reconnu par les autorités. Le directeur de la faculté de médecine de Hongkong University assure que les malades se comptent par dizaine de milliers et non par milliers. Sans être démenti. Il a fallu attendre le 24 janvier pour que le gouvernement chinois se réunisse en urgence. Un groupe de commandement national a été créé pour gérer la crise, et le premier ministre Li Keqiang en a pris la direction. Il ne s’est rendu à Wuhan que le 27 janvier. Quelques jours plus tôt, le 20 janvier, le maire de Wuhan, qui n’a pourtant pas l’habitude de s’exprimer devant les médias, a accepté une interview de la chaîne officielle, CCTV 13, où il explique maladroitement pourquoi il n’a pas pu s’exprimer plus tôt. Traduction : « Tout ça, ce n’est pas de ma faute, c’est la faute de ceux d’en haut qui ne m’avaient pas donné le feu vert ». Comme l’écrivit en 2003 Liu Xiaobo [Prix Nobel de la paix 2010 mort en prison en juillet 2017] : « Les services de la santé du Parti communiste chinois ont caché des nouvelles déterminantes. Ce que ce genre de censure provoque, ce n’est pas seulement la mort de la presse, mais c’est aussi la vie des citoyens qui est mise en danger. » Cette déclaration n’a rien perdu de son actualité. Marie Holzman
La fête des morts en Chine, c’est le 5 avril. Il faut que les gens soient enterrés, qu’ils puissent pleurer leurs morts. Les autorités avaient décidé que, pendant le pic de l’épidémie, il n’était pas question de remettre les urnes des morts aux familles parce que tout cela était en pleine épidémie. Les gens ne pouvaient pas venir chercher les urnes, donc elles ont été empilées et ils n’ont commencé à les distribuer que là, il y a quelques jours.  Marie Holzman
I wondered if [the municipal health authority] got it wrong. I had never expected this kind of thing to happen in Wuhan, in central China.  If coronaviruses were the culprit, could they have come from our lab? (…) The Wuhan outbreak is a wake-up call.” (…) What we have uncovered is just the tip of an iceberg. Bat-borne coronaviruses will cause more outbreaks. We must find them before they find us. Dr. Shi Zhengli
A Chinese doctor who exposed the cover-up of China’s SARS outbreak in 2003 has been barred from traveling to the United States to collect a human rights award, a friend of the doctor and a human rights group said this week. The doctor, Jiang Yanyong, a retired surgeon in the People’s Liberation Army, was awarded the Heinz R. Pagels Human Rights of Scientists Award by the New York Academy of Sciences. (…) Dr. Jiang rose to international prominence in 2003, when he disclosed in a letter circulated to international news organizations that at least 100 people were being treated in Beijing hospitals for severe acute respiratory syndrome, or SARS. At the time, the Chinese medical authorities were asserting that the entire nation had only a handful of cases of the disease. The revelation prompted China’s top leaders to acknowledge that they had provided false information about the epidemic. The health minister and the mayor of Beijing were removed from their posts. SARS eventually killed more than 800 people worldwide, and the government came under international scrutiny for failing to provide timely information that medical experts said might have saved lives. Dr. Jiang was initially hailed as a hero in Chinese and foreign news media. He used his new prestige in 2004 to press China’s ruling Politburo Standing Committee to admit that the leadership had made a mistake in ordering the military to shoot unarmed civilians on June 3 and 4, 1989, when troops were deployed to suppress democracy protests that began in Tiananmen Square in Beijing. Dr. Jiang, who treated Beijing residents wounded in the 1989 assault, contended that the official line that the crackdown was necessary to put down a rebellion was false. His statement antagonized party leaders, who consider the crackdown a matter of enormous political sensitivity. Jiang Zemin, then the leader of the military, ordered the detention of Dr. Jiang, who spent several months in custody, people involved in his defense say. Dr. Jiang was eventually allowed to return to his home but remained under constant watch. He has not been allowed to accept press requests for interviews or to visit family members who live in the United States, friends and human rights groups say. NYT (2007)
The Chinese government locked down Wuhan on Jan. 23, halting all public transportation going in and out of the city. The following day an order was issued suspending group travel within China. But in a blunder that would have far reaching consequences, China did not issue an order suspending group travel to foreign countries until three days later, on Jan. 27. In retrospect, it was a painful mistake. This is what happened in those critical three days: The weeklong Lunar New Year string of holidays began on Jan. 24, with the outbound traffic peak lasting through Jan. 27. The Chinese government let the massive exodus of group travelers continue despite the public health crisis. No explanation has been given. Furthermore, while suspending group travel, China did nothing to limit individuals traveling overseas. Groups account for less than half of all Chinese tourists heading abroad. Chinese travelers journeyed to Japan, South Korea, Italy, Spain, France, the U.K., Australia, North America and South America, one planeload after another. This was happening while many restaurants in China were unable to open for business due to the outbreak. It is said that once abroad, many Chinese prolonged their vacations as much as possible to avoid having to return home. The number of infections gradually increased at popular winter destinations, such as Japan’s Hokkaido. In other destinations like Thailand, cases have surged in recent days. A considerable number of Chinese individual travelers were staying put in the Hokkaido capital of Sapporo in mid-February, even after the annual Snow Festival ended. (…) And as the doctor predicted, infections spread to many people, and across the world. Now we are seeing the « second wave » that the team talked about. After the first wave hit China, the outbreak went on a second wave across the world, especially in Europe. The number of deaths from the coronavirus in Italy, home to many Chinese residents, has topped 2,100. The delay in the Chinese government’s ban on group travel to foreign countries may have helped to double or possibly triple the number of people infected. In the days before Wuhan was locked down on Jan. 23, as many as 5 million of its 11 million citizens had already left the city, as the mayor and others have testified.
Nous ne savons pas quel sera le niveau de décès supplémentaires dans l’épidémie, à savoir, à la fin de l’année, quelle proportion de personnes décédées du coronavirus seraient décédées [de toute façon] ? Cela pourrait représenter jusqu’à la moitié ou les deux tiers des décès que nous voyons, car ce sont des personnes en fin de vie ou ayant des conditions sous-jacentes, donc ce sont des considérations à avoir. Les décès sont probablement peu susceptibles de dépasser 20 000 avec les stratégies de distanciation sociale, mais cela pourrait être considérablement inférieur à cela et c’est là qu’une analyse en temps réel sera nécessaire. Professeur Neil Ferguson
The situation is tough for young people. They were hit hard by the Great Recession, and their labour market situation has improved only little since. This is a problem we must address now urgently. Kicking it down the road will hurt our children and society as a whole. Current working-age, middle-class groups are increasingly concerned with their and their children’s job prospects. An increasing number of people think children in their country will be worse off financially than their parents. Angel Gurría (OECD)
We’ve never had, since the dawn of capitalism really, this situation of a population that is ageing so much and in some countries also shrinking, and we just don’t know whether we can continue growing the economy in the same way we once have. Prof Diane Coyle
La Génération Y (composée de ceux qui sont nés entre 1980 et 1995) est la grande oubliée des trente dernières années de croissance dans les pays développés. Les journalistes britanniques se sont penchés sur la vaste base de données du Luxembourg Income Study, et en ont tirés plusieurs enseignements très intéressants sur les niveaux de richesse des différentes générations dans huit pays développés (la France, le Royaume-Uni, les Etats-Unis, l’Allemagne, le Canada, l’Australie, l’Italie et l’Espagne). Dans tous ces pays, exceptés l’Australie, le revenu disponible (c’est à dire celui qui reste après avoir payé ses impôts) des vingtenaires a progressé beaucoup plus lentement que celui des Baby-boomers et retraités. Pire, dans certains pays comme la France et les Etats-Unis, le revenu disponible de la Génération Y est inférieur de 20% à la moyenne nationale. Alors qu’en 1978, les jeunes de cet âge avaient plutôt tendance à être plus riches que la moyenne ! La situation est complètement inédite et explique le sentiment croissant de déclassement ressentis par certains jeunes comme l’exprime Angel Gurria, secrétaire général de l’OCDE, au Guardian : “Un nombre croissant de gens pensent que dans leur pays les enfants gagneront moins bien leur vie que leurs parents”. Pour expliquer cette progression déséquilibrée du revenu disponible, le quotidien britannique avance plusieurs causes : la crise économique et le chômage bien sûr qui empêchent les jeunes d’accéder à un poste stable et rémunérateur, mais aussi le poids croissant de la dette, surtout pour les diplômés aux Etats-Unis, et la hausse des prix de l’immobilier. Les conséquences de ces inégalités entre générations pourraient se révéler dramatiques. D’abord parce qu’elles menacent la cohésion sociale mais aussi parce qu’elles aggravent les inégalités entre classes sociales, les jeunes étant de plus en plus dépendants de l’aide de leurs parents à un moment clé de leur vie, celui du passage à l’âge adulte. Enfin, la faiblesse des revenus des jeunes adultes peut les contraindre à rester plus longtemps chez leurs parents, les empêchant ainsi de fonder leur propre famille. En Espagne par exemple, 8 jeunes sur 10 vivent encore chez leurs parents à trente ans. Cela risque d’avoir un impact négatif plus large sur la natalité dans les pays développés déjà confrontés à une population vieillissante. Les Echos
I turn 70 next week. (…) So I’m automatically in the high risk pool. (…) I’m living smart. Listening to the president, the CDC guidelines like all people should. But I’m not living in fear of covid19. What I’m living in fear of is what’s happening to this country. And you know no one reached out to me and said: as a senior citizen, are you willing to take a chance for your survival in exchange for keeping the America that all America loves for your children and grandchildren? And if that’s the exchange, I’m all in. And that doesn’t make me nobler or braver or anything like that. I just think there are lots of grandparents out there in this country like me — I have 6 grandchildren — that, what we all care about, and what we love more than anything are those children. And I want to live smart and see through this, but I don’t want the whole country to be sacrificed. And that’s what I see. I’ve talked to hundreds of people in just the last week, making calls all the time. And everyone says pretty much the same thing. That we can’t lose our whole country. We’re having an economic collapse. I’m also a small businesman, I understand it. And I talk to business people all the time. My heart is lifted tonight by what I heard the president say, because we can’t do more than one thing at a time. We can’t do two things. So, my message is that, let’s get back to work. Let’s get back to living, let’s be smart about it, and those of us who are 70-plus, we’ll take care of ourselves. But don’t sacrifice the country. (…) Look, I’m going to do everything I can to live. But if you said, ‘Are you willing to take a chance’ — you know and if I get sick, I’ll go and try to get better. But if I don’t, I don’t. And I’m not trying to think in any kind of morbid way. But I’m just saying that we’ve got a choice here. We’re going to be in a total collapse, recession, depression, collapse in our society if this goes on another several months. There won’t be any jobs to come back to for many people. So I’m going to be smart. I think all of my fellow grand parents out there, they’re going be smart. We all want to live, we all want to live with our grand children as long as we can. But the point is, our biggest gift we give to our country and our children and our grand children is the legacy of a country. And right now that is at risk. And I feel, as the president said, the mortality rate is so low, do we have to shut down the whole country for this? I think we can get back to work. And I think we should wait out this time. And if he says we need we need another week, I trust his judgment. But we have to have a time certainty. We can’t say in three months or six months or twelve months. These businesses can’t wait that long.(…) I’m optimistic. We’re going to make it. Dan Patrick (Texas Lieutenant-governor)
Obviously we put life and this virus first, as the president does, but we also have to measure that and weigh that with people losing their jobs and losing their businesses. As a senior citizen, my focus is on my grandchildren and your grandchildren and the entire next generation, that we have an America to leave them. And on the path that we are on right now, if we close down America, that American dream is going to disappear very quickly. (…) If he needs more time, let’s trust his judgment. (…)  when people go back to work they will be smarter. Dan Patrick (Texas Lieutenant-governor)
Êtes-vous prêt à prendre le risque afin de conserver l’Amérique que tout le monde aime pour vos enfants et petits-enfants ? Si c’est le deal, je suis prêt à me lancer. Je ne veux pas que tout le pays soit sacrifié. Dan Patrick (vice-gouverneur du Texas)
Ce qui me gêne le plus, c’est que le confinement vise surtout à protéger les plus vieux (moyenne d’âge des décès liés au Covid-19 : 81 ans), alors le coût immense sera payé par les actifs et leurs enfants. Je me fais plus de soucis pour les jeunes, et pour la dette que nous allons leur laisser, que pour ma santé de presque septuagénaire ! André Comte-Sponville
Plus je vieillis, moins j’ai peur de la mort. Et c’est normal : il est moins triste de mourir à 68 ans, c’est mon âge, qu’à 20 ans. Ensuite, parce que mes enfants sont moins exposés que moi. Je n’arrive pas, enfin, à m’effrayer d’une maladie qui n’est mortelle que pour 1 % des cas (un peu plus pour les gens de mon âge). Il meurt, en France, 600 000 personnes par an, dont 150 000 de cancer. En vérité, je crains beaucoup plus la maladie d’Alzheimer, dont mon père est mort après des années d’une tristesse infinie. Il y a 225 000 nouveaux cas d’Alzheimer chaque année, avec un taux de guérison de 0 %. (…) Même à deux, le confinement reste une privation de liberté – la plus grave, de très loin, que les gens de ma génération aient jamais connue ! J’ai dit qu’il fallait respecter scrupuleusement le confinement, et je le fais. Mais, comme tout le monde, j’ai hâte d’en sortir ! Heureusement qu’Emmanuel Macron n’a pas suivi l’avis de certains médecins, qui voulaient nous confiner, nous les vieux, pour une durée indéterminée ! (…) Ce sont les politiques qui décident, et c’est bien ainsi ! Qu’ils demandent l’avis des médecins, c’est d’évidence nécessaire. Mais ils doivent aussi demander celui des économistes, des chefs d’entreprise et des syndicats de salariés. Ce qui m’a inquiété, c’est qu’on n’entendait plus, sur nos radios et télévisions, que des médecins. Comme si c’étaient eux seuls qui devaient décider. Il n’en est rien ! La démocratie, c’est le pouvoir du peuple et de ses élus, pas celui des experts ! Attention de ne pas tomber dans ce que j’appelle l’« ordre sanitaire » (au sens où l’on parle d’« ordre moral ») ! (…) L’État paiera », dit Macron, et ce, « quel qu’en soit le coût ». Il a raison. Mais l’État, c’est nous. « Il n’y a pas d’argent magique », disait le même Macron avant la pandémie. Les 100 milliards d’euros dépensés pour soutenir nos entreprises, il faudra les financer. Notre dette publique qui s’envole, il faudra la rembourser. Ce qui me gêne le plus, c’est que le confinement vise surtout à protéger les plus vieux (moyenne d’âge des décès liés au Covid-19 : 81 ans), alors le coût immense sera payé par les actifs et leurs enfants. Je me fais plus de soucis pour les jeunes, et pour la dette que nous allons leur laisser, que pour ma santé de presque septuagénaire ! (…) Ce n’est pas le principe de précaution qui me gêne, quand il est bien appliqué. C’est plutôt ce que j’appelle le « pan-médicalisme » : faire de la santé la valeur suprême (ce qu’elle n’est pas : je mets plus haut la justice, l’amour ou la liberté). Cela conduit à déléguer à la médecine la gestion non seulement de nos maladies, ce qui est normal, mais aussi de nos vies et de notre société, ce qui est beaucoup plus inquiétant ! Souvenez-vous de ce dessin de Sempé : dans une église vide, une femme, seule devant l’autel, est en train de prier : « Mon Dieu, mon Dieu, j’ai tellement confiance en vous que, des fois, je voudrais vous appeler Docteur ! » Dieu est mort, vive la Sécu ! C’est une boutade, mais qui dit quelque chose d’essentiel. Ne comptez pas sur la médecine pour tenir lieu de morale, de politique ou de spiritualité ! Pour résoudre les maux de notre société, je compte plus sur la politique que sur la médecine. Pour guider ma vie, je compte plus sur moi-même que sur mon médecin. André Comte-Sponville
Imaginez que tout le corps médical, les soignants, fassent une grève totale pendant un an. Qu’est-ce qui se passe pour l’économie ? De gros problèmes ! Mais enfin il y a quand même du pain chez votre boulanger, de la viande chez votre boucher et de l’essence dans votre voiture. Autrement dit, si toute la médecine s’arrête, la vie continue. Imaginez à l’inverse que tout le monde fasse grève pendant un an sauf les médecins et les soignants. Qu’est-ce qui se passe ? Il n’y a plus de patients, il n’y a plus de médecins, tout le monde est mort de faim. Autrement dit, arrêtons de dire la santé, c’est formidable, l’économie, c’est mal, c’est de l’argent, c’est pour les méchants. Il n’y a pas de santé sans économie. André Comte-Sponville
Coronavirus : sacrifier les personnes âgées pour sauver l’économie ? Les propos chocs du vice-gouverneur du Texas La Dépêche
Selon Trump et ses amis, qui veulent remettre les travailleurs au boulot dès avril, le ralentissement de l’économie américaine est aussi dangereuse que le coronavirus. C’est aussi ce que pense Dan Patrick, le vice-gouverneur du Texas, qui a appelé les personnes âgées à aller travailler. Autrement dit, se sacrifier pour « conserver l’Amérique que tout le monde aime ». C’est vrai que les plus âgés sont aussi les plus susceptibles d’être touchée par le virus, alors foutu pour foutu, autant qu’ils aillent se tuer à la tâche ! « L’Amérique qu’on aime » : celle où les plus faibles sont sacrifiés sur l’autel des profits ? Convergences révolutionnaires
Covid-19: les grands parents prêts à «se sacrifier» afin de sauver l’économie, affirme un vice-gouverneur du Texas Le vice-gouverneur du Texas s’est déclaré prêt à donner sa vie plutôt que de voir l’économie américaine sombrer à cause des mesures sanitaires liées à la pandémie de Covid-19. Selon lui, «beaucoup de grands-parents» à travers le pays partagent cette position. Nombreux sont les Américains âgés qui sont prêts à «se sacrifier» afin d’empêcher la pandémie de coronavirus de porter un grave préjudice à l’économie nationale et par conséquent au bien-être de leurs petits-enfants, estime le vice-gouverneur du Texas Dan Patrick. «Mon message est le suivant: reprenons le travail, reprenons la vie normale, soyons intelligents, et ceux d’entre nous qui ont plus de 70 ans, nous nous occuperons de nous», a confié le responsable dans un entretien avec un journaliste de la chaîne Fox News. Lui-même âgé de 69 ans, il s’est dit prêt à mourir plutôt que de voir l’économie américaine détruite par les mesures sanitaires décrétées sur fond de pandémie. D’après lui, cette position est partagée par «beaucoup de grands-parents» à travers le pays. Sputnik
La crise sanitaire est rude pour les démocraties libérales. Impréparées face à une telle onde de choc, le défi est immense pour ces nations plus que jamais ouvertes à une mondialisation où le rôle de l’Etat se réduit à peau de chagrin. Désormais, les démocraties doivent résoudre une équation complexe ; entre garantie des libertés individuelles et efficacité de la gestion de la crise. L’action trop tardive des gouvernements européens lors des premières semaines a provoqué une propagation non maitrisée du Covid-19 sur plusieurs pays avec un foyer très actif en Italie. En France, le discours affirmant que le pays était largement équipé et que le virus n’était pas plus dangereux qu’une grippe saisonnière dominait largement. Comme du temps de la ligne Maginot et de la guerre éclair (Blitzkrieg), les certitudes d’une protection totalement étanche ont été battues en brèche par les faits. Désormais, la crise est au cœur du Vieux Continent et la politique de rigueur budgétaire et ses 3% de déficit semble bien dérisoire face aux funestes conséquences des fermetures de lits, des délocalisations de la production de denrées médicales et des baisses de commandes de masques. Au pied du mur, le gouvernement fait le choix d’un comité scientifique sur lequel il fonde ses décisions. Le rôle du politique est pourtant, en consultation étroite avec les experts, d’arbitrer selon des valeurs et avec humanité, il est impensable en démocratie de déléguer le pouvoir démocratique aux mêmes experts. En parallèle de cette gouvernance des experts, la tentation de la surveillance de masse devient l’un des remèdes qui s’instille insidieusement dans les esprits depuis quelques jours. Des drones sont ainsi déployés dans les rues de Nice ou Paris afin de rappeler à l’ordre les citoyens. Si ce type d’usages reste circonscrit en France, en Asie son usage est bien plus contestable. En Corée du Sud, la stratégie numérique d’identification des citoyens est mise en place et les déplacements des individus sont tracés et contrôlés à distance à l’aide des smartphones. A la manière des récits de science-fiction des années 1980, l’Asie du sud-est devient un terrain d’expérimentation pour une surveillance orwellienne profitant du climat de pandémie. Là-bas, les individus se déplacent sous l’œil acéré d’un « big brother étatique ». Partout dans le monde, le e-commerce devient incontournable en temps de crise et se donne quasiment une mission de service public auprès des citoyens ; derrière cette image vertueuse et bienveillante reste pourtant un nouveau pouvoir désormais incontournable, aux capacités de surveillance immenses. La France est aujourd’hui tentée d’emprunter cette voie. Certains experts réclament au comité scientifique français d’explorer ces mesures venues d’Asie. (…) Faire croire aux Français que face à la crise sanitaire, il serait incontournable de recourir à de telles méthodes constitue une grave menace. Ouvrir la voie à de telles mesures, quand bien même nous soyons face à une pandémie, est la garantie de décennies bien plus funestes à l’issue de la crise. Outre la dimension liberticide de la surveillance de masse, son efficacité très limitée doit être relevée. Les premiers retours d’expérience étrangers montrent que le confinement strict et la distribution massive de masques sont les seules façons d’endiguer le mal en attendant un remède. Ceci réclame de la part de la France deux réponses ; logistique et juridique. Le basculement réel et profond de l’économie nationale afin de mobiliser pleinement l’appareil productif (réquisition de sites industriels notamment) et l’utilisation de l’arsenal juridique dont la constitution de 1958 voulut par le Général de Gaulle permet de disposer en cas de crise. La sortie de crise nécessite un Etat fort s’inscrivant dans le strict respect des libertés publiques et dans une action politique au service des citoyens. C’est dans les temps de crise que les démocraties doivent demeurer des lueurs d’espoir, sans jamais éteindre leur humanité au nom d’une hypothétique rationalité, fussent-elles professées par des « experts ». L’après crise ne pourra se passer d’une réflexion collective, pour choisir les nouveaux fondamentaux qui demain orchestreront notre quotidien. Demain, l’expertise devra être citoyenne ! Paul Melun et Philippe Dorthe
Le Covid-19 prendra des milliers de vies et chaque vie perdue trop tôt est une mort de trop. Il fallait lutter de manière déterminée contre cette épidémie. Mais ne faut-il pas aussi raison garder? Selon les propos de Monsieur Macron, la situation prouverait que «la santé gratuite sans condition de revenu, de parcours ou de profession, notre État-providence ne sont pas des coûts ou des charges mais des biens précieux, des atouts indispensables quand le destin frappe». N’est-ce pas l’inverse? Peut-être payons-nous aujourd’hui des décennies d’étatisation de la santé en France qui ont conduit à une insuffisance du nombre de généralistes et autres praticiens, des urgences en surchauffe permanente et des hôpitaux publics qui manquent de moyens par suite de quotas stupides imposés depuis des décennies aux examens de médecine, d’une sécurité sociale impotente et qui paupérise progressivement médecins et personnels hospitaliers, d’une politique centralisatrice, restrictive et néanmoins très onéreuse, représentant 11,2% du PIB en 2018, parmi les quatre pays dont le financement est le plus élevé de l’OCDE? Peut-on, doit-on faire confiance à cet État qui n’a pas prévu de stocks suffisants de masques et de tests, qui s’inquiète de l’insuffisance de lits respiratoire et tarde à en appeler aux lits inoccupés des hôpitaux privés? L’État ne sait pas tout! D’autres politiques étaient possibles. Sans confinement généralisé, la Corée du Sud et Taïwan, dont le système de santé est très largement privatisé, ont réussi à maîtriser la propagation de la maladie avec des distributions ou ventes massives de masques de protection et la multiplication des dépistages permettant un suivi des parcours du virus pour chaque patient. L’État pourtant s’institue désormais en grand ordonnateur. Puisqu’il a renvoyé les salariés chez eux et que d’autres utilisent leur droit de retrait, qui leur permet de quitter leur travail en cas de danger tout en étant payé, il lui faut venir au secours des entreprises en perdition. Va-t-il prendre en charge les loyers des commerces fermés, s’opposer aux cessations de paiement, réquisitionner… et à quel coût? Il a annoncé des dizaines de milliards et il en faudra peut-être des centaines… à la charge des contribuables bien sûr, car ce sont toujours eux qui payent à la fin. Pourtant, avec l’argent perdu par tant d’activités étouffées dans l’industrie et le commerce, combien d’autres vies aurions-nous pu sauver par la recherche, la découverte accélérée d’autres remèdes et vaccins? Et combien d’autres morts ou d’autres malades causeront indirectement ces faillites inévitables, le chômage qui s’ensuivra, la pauvreté et la détresse qui augmenteront? Il y a ce qui se voit et ce qui ne se voit pas! Mais l’État aura pris déjà soin des affaires de tous. Il se croira indispensable. Sûr que sa douce tyrannie est bonne, n’en profitera-t-il pas, comme en Chine, pour étendre son pouvoir sur les citoyens et bientôt sur leur esprit qu’il confinera aussi dans une pensée correcte? Pour le craindre, il suffit de lire le projet de loi d’urgence pour faire face à l’épidémie de Covid-19 selon lequel «la déclaration de l’état d’urgence sanitaire donne pouvoir au Premier ministre de prendre par décret pris sur le rapport du ministre chargé de la santé, les mesures générales limitant la liberté d’aller et venir, la liberté d’entreprendre et la liberté de réunion et permettant de procéder aux réquisitions de tout bien et services nécessaires (…)». Il s’agit de nos libertés essentielles, constitutionnelles. Et on les supprime dans une loi d’urgence qui sera adoptée en catimini dans des hémicycles désertés par la peur! Il n’est pas sûr que ce soit conforme à la Constitution, mais qui osera s’y opposer puisque nous sommes en guerre! (…) Une nouvelle religion de précaution se sera répandue pour croire que l’héroïsme conduit à vivre chez soi s’il est dangereux d’en sortir. Tous se seront accoutumés à une présence publique plus tutélaire que jamais. Patrons, indépendants et salariés garderont tendue la main qui réclame l’aumône que l’État leur consent après en avoir prélevé le montant sur leur dos. Les libertés dédaignées seront amoindries et difficiles à recouvrer. Jean-Philippe Delsol
I’m deeply concerned that the social, economic and public health consequences of this near total meltdown of normal life” could be “graver than the direct toll of the virus itself. Dr. David Katz (Yale-Griffin Prevention Research Center)
Essentially, what flattening the curb does is keep people away from one another and away from the virus so the virus doesn’t spread. But you also don’t cultivate any immunity. If you do a really, effective job of locking everybody in place and preventing viral transmission, there’s still some low level potential for viral exposure out in the world. But very few of us get that exposure. The minute you release those clams and let people back into the world, we’re all vulnerable, so most of the models suggest that flattening the curve makes sense in phase one so you don’t overwhelm medical systems, for example, but you ve got to have a phase two. If you dont transition to a phase two, whenever you release the clamps, the virus is out in the world waiting for you, everybody’s vulnerable and that big peak in cases – that big peak you’re trying to avoid – it really just happens at a later date. (…) So let let me start by saying essentially what I reject, because I think we’re very polarized society. I think the way media hype things up actually amplifies the extremes. So one extreme, we ve got the lock everything down, hunker in a bunker, until a) there’s a vaccine, eighteen months or years or whenever; b) forever or c) you die of something else whichever comes first. That’s just horrible, it’s inhumane, makes no sense. But at the other extreme, we ve got the liberate blank fill in the name of the state, which is basically everybody in the water, including grandma, and never mind the riptides and the sharks, every man for himself. That’s also absurd. So in the middle, what you do is you identify who is at risk of a severe case of this infection and who’s not. Who is at risk of dying of this with a pretty high frequency and who’s at extremely low risk. So, this is just like risks we take every day: some young people will die of this, but sadly, tragically some young people die crossing the street or in a car crash every day. There are risks we willingly take on every day. Sweden’s approach is a little too close to the everybody in the water, don’t worry about the riptide end of the spectrum for my taste. I think we can do a little better. We can kind of look around the world and say: okay, if you don’t lock this down at all, if you don’t protect the vulnerable, mortality in Sweden does look to me to be higher, not massively higher than every place else, but higher. Why put those lives at risk. On the other hand, if you lock everything down, you destroy livelihoods, you destroy jobs. And what I was saying, and what I didn’t really think was a controversial oped at the beginning, is there’s really more than one way, Bill, for this situation, to hurt people or even kill them, and all of them are bad. And there’s more than one way to protect people and save them, and all of those are good. So one thing we want to do is keep those vulnerable to severe infection away from this nasty bug, but we don’t want to destroy people’s lives and livelihoods and means of feeding their families. And interestingly, I’m just back from three days in an emergency department, in the Bronx, where I was volunteering as a physician to support my colleagues who I applaud. You know they’ve been in there from the beginning, they’ll be there through the end. But this is exactly the view that prevails there, you know, there might be the notion that the frontline people, they’re much more concerned about staying away from the virus than they are about can we open society up. Not true, they’re parents. You know, I was talking to my colleague, who say I’m really struggling to balance my clinical duties with home schooling my kids. And think of a scenario like this: dad is a nurse, mom’s a paramedic. They’ve got two kids at home, and there’s no school, no daycare, no nannies, no au pairs, nothing for them to do. One of these frontline people who really wants to be in the battle has to stay home to take care of the kids and they’re really torn. So there’s a middle path and the middle path essentially is high risk people are protected from exposure, low risk people go out in the world early and here’s the odd part, though, that I think people have a hard time confronting and accepting we actually kind of want to get this and get it over with and be immune, because that is the path to the all clear that doesn’t require us to make way for a vaccine which optimistically is eighteen months away, but could be much longer.(…) But the simple fact is: we should come together in common cause, on common ground. Maybe there’s a real opportunity here for an American moment. that’s between the extremes of left and right, where we all say, yeah, actually, we want to save as many lives as possible. And one of the interesting things, Bill, is sort of the left side of the spectrum, the liberal ideology, that seems to be so resistant to talking at all about unemployment and the economy. But that’s the very same camp that tends to appreciate that the single leading driver of bad health outcomes is poverty. Social determinants of health are massively important, so, frankly, thirty million people unemployed, that falls disproportionately hard on the people, who can least bear the unemployed, wo are at most risk of food insecurity, who are at most risk of depression and addiction. All that’s important too, so maybe there is a real opportunity here to say: hey, there’s a middle path we’ve been neglecting it, it’s the way through this thing, and it leads to total harm minimization. We want to minimize deaths and severe cases of the infection We also want to minimize the fall out. The health fall out of societal collapse and economic ruin. (…) So from the beginning, we ve been posting materials, my colleagues and I, under the rubric total harm minimization, this is we want to achieve here. (…) But on the testing front, we’re making a mistake, Bill, because we do have testing. It’s not great by the way, one day, one of these twelve hours in the emergency room in the Bronx we admitted, maybe twenty people we were sure had Covid. You know there is no doubt about it. They absolutely positively had covered and either nineteen or twenty of them tested negative so that the testing not great and the false negative rate is high. Some of the tasks were pretty well there, certainly better than nothing and here’s the thing. What we are going to have any time soon is the capacity to test the whole population, but we deal with at all the time the CDC routinely does what’s called representative random sampling, randomly select people and make sure that day first, the gamut of age and so economics and zip code and health status, and you extrapolate the whole population. We could do that with ten thousand people, and we have the tests for that. So we really need grown ups in charge, need federal oversight. We need a commitment to getting the critical data and frightening. That could happen fast as the work of seventy two hours, in the absence of that were turning to state, so, for example, we just heard there is widespread testing in New York. I think the governor is doing a great job there and it looks like at least twenty percent of the population in Europe may have antibodies. Well, that’s close. The four million people and what that means is the death toll in New York, tragic though it is in again, These tests are real people and my condolences to the families, but just looking at the statistics for a minute, twenty thousand deaths out of four million people- that’s half a percent- you know what we’re starting to see that the mortality toll of this when you get the denominator, really small and I think the denominators even bigger than that, so we’re not totally blind yet I think we do have to fly in a bit of a fog but we’re not totally blind. (…) First of all, I just want people to understand. Again, I’m a physician, I do public health, I’m trained in epidemiology. It really still looks to me as it did that month ago, when I wrote my piece for the New York Times: 98 to 99 % of the cases of this infection are mild. Most people don’t even seem to know they have it, and this is true even in the emergency department. A small portion of the cases are potentially severe and that’s what makes your point so important, Bill. The severe cases occur in people who are old and people who are sick. Now, those things go together, but sadly in America, they also splay apart. There are a lot of young people with coronary disease, obesity, type 2 diabetes, hypertension. And by and large, those are diseases of lifestyle. I’m a past president of the American College of Lifestyle medicine. That’s what we advocate. Lifestyle is medicine because it can fix all of that. Here’s the interesting bit: the stuff we can’t sell to people: eat well, exercise, don’t smoke, don’t drink excessively, get enough sleep, manage your stress because it’s such potent medicine, we can’t sell it because the timeline for harm is too long. Essentially, heart disease stalks you in slow motion, type two diabetes stalks you in slow motion and our DNA is wired to fight or flight: if it’s not coming at me in minutes or days, I’m sort of blind to it. Well, Covid is coming at you in minutes and days and everybody is alarmed and all the same things are risk factors. So essentially, what this pandemic has done has turned America’s chronic health liabilities into an acute threat. There is an opportunity, a crisis is an opportunity, the very things that we’re always telling people to do to promote their long term health actually do fortify your immunity against this virus. If you start eating right, start fitting physical activity into your routine, if you get enough sleep, it can effect your immune system to function in hours, certainly in days and a whole lot in a span of weeks, there’s been no better time for America to get healthy. If I were one of the grown ups in charge of this mess, I would have a national health promotion campaign as part of what we do in an organised way look we’re all social distancing sheltering placed. Let’s make lemonade from the lemons. Let’s turn this into an opportunity to get healthy, it will protect you in the short run. It will protect your loved ones and when this is over we’ll be a healthier nation into the bargain. Dr. David Katz
By now, commentators have noted the similarities between our coronavirus crisis and the classic “trolley problem,” first formulated by the late philosopher Philippa Foot. Imagine there’s a runaway trolley heading straight for five people who will be killed. You’re standing next to a lever. If you pull it, the trolley will switch to a different track where only one person will be killed. Most people say the moral choice is to spare the five and sacrifice the one. This may be akin to how many conceive of extreme measures to limit the spread of the novel coronavirus: The right thing to do is to issue and enforce stay-at-home orders and shutter businesses for as long as it takes to spare the maximum number of people at greatest risk from the virus. For many of those who are certain that this is the only moral solution, the choice seems crystal clear. It appears to be a tradeoff between lives and money — that is, between a sacred value and a secular interest. This is what social scientist Philip Tetlock calls a “taboo tradeoff.” When a tradeoff is taboo, there is no discussion or debate possible. Choosing the sacred value is entirely uncontroversial. As New York Governor Andrew Cuomo put it, “I’m not willing to put a price on a human life,” and “we’re not going to accept a premise that human life is disposable.” (…) using this lens, skeptics aren’t the cold-hearted monsters they’re made out to be. It’s not that they care more about money than your grandmother’s life. Instead, they are thinking about the people who will suffer from unemployment, poverty, loneliness, and despair. And they are imagining some point in the future when an unknown number could die from increases in child and domestic abuse, addiction and overdose, unmet medical needs, suicide, and so on. Dr. David Katz of the Yale-Griffin Prevention Research Center articulated this view when he wrote about the “unemployment, impoverishment, and despair likely to result” from a long-term economic shutdown. He is “deeply concerned that the social, economic and public health consequences of this near total meltdown of normal life” could be “graver than the direct toll of the virus itself.” From this perspective, the tradeoff is not taboo. We aren’t talking about substituting lives for money, but one set of lives for another. We aren’t talking about substituting lives for money, but one set of lives for another. In all of these trolley scenarios tragedy ensues regardless of the choice. There is no happy solution. There are no uncontroversial answers. These are the hallmarks of a classic moral dilemma. (…) This brings us to the larger point. We urgently need to reject the idea that these choices are uncontroversial. It is all too easy to cast some people as saints and others as knaves. And we must get past the false debate of lives-versus-money. The harder but truer and more productive debate rejects casting moral aspersions. It involves recognizing that we share common goals but have different views about how to achieve them, based on our different ways of conceptualizing unknowables and prioritizing immediate versus future dangers. In order to solve pressing problems, we need to free our minds from the constraints that drive us to interpret and represent our ideological opponents’ ideas as attacks from enemies. Instead, we need to be able to use their ideas to test, strengthen, and build on our own. This requires habits of mind that in recent times we have practiced too seldom and valued too little: Approaching dissenters’ views with curiosity, critical thinking, intellectual humility, and a willingness to be wrong; using the principle of charity when evaluating ideological opponents’ ideas; thoroughly considering views before rejecting them; refusing to assign malign intentions to those whose ideas we dislike; accepting that for some problems there are no risk-free solutions; and welcoming dissent and disagreement as necessary to a functioning liberal democracy. One of the chief reasons these habits of a free mind are so essential is that without exercising them, we cannot even get to the point of having the right conversations. Having the right conversation doesn’t guarantee that we will get to the right answer, but at least it gives us a fighting chance. Pamela Paresky
Nous poursuivons nos efforts de préparation à la survenue d’une éventuelle pandémie, grâce à la constitution de stocks de masques et de vaccins. Nous serions, d’après certains observateurs, parmi les pays les mieux préparés au monde. Xavier Bertrand (ministre de la santé et des solidarités, 22 janvier 2007)
A la suite de l’épidémie de grippe aviaire (H5N1) de 2006 et à l’initiative du sénateur Francis Giraud (1932-2010), le gouvernement de l’époque a fait adopter, en mars 2007, une loi au titre prémonitoire : « Loi relative à la préparation du système de santé à des menaces sanitaires de grande ampleur ». Elle comportait deux dispositions essentielles. D’abord, la création du fameux corps de réserve sanitaire, sur lequel on ne s’attardera pas ici, et, ensuite, celle d’un nouvel établissement public, l’établissement de préparation et de réponse aux urgences sanitaires (Eprus), dont la mission principale était « l’acquisition, la fabrication, l’importation, le stockage, la distribution et l’exportation des produits et services nécessaires à la protection de la population face aux mesures sanitaires graves », y compris bien sûr les vaccins et les fameux masques chirurgicaux et FFP2 ! La crise H5N1 avait en effet mis en évidence diverses faiblesses dans la réponse logistique de l’Etat. Les moyens dévolus à cette toute petite structure (17 agents en 2007 et 30 en 2015), cofinancée par l’Etat et l’Assurance-maladie, étaient considérables. On ne résiste pas à l’envie de citer l’inventaire estimé à un milliard d’euros qu’en fait l’exposé des motifs de la loi : 70 millions de vaccins antivarioliques et autant d’aiguilles, embouts et pipettes ; 81,5 millions de traitements d’antibiotiques en cas d’attaque bioterroriste de charbon, peste ou tularémie ; 11,7 millions de traitements antiviraux et 11,5 tonnes de substance active (oseltamivir) en cas de pandémie grippale ; 285 millions de masques de filtration de type FFP2 et 20 millions de boîtes de 50 masques chirurgicaux (soit le milliard de masques après lequel le ministre de la santé, Olivier Véran, court aujourd’hui) ; 2 100 respirateurs et bouteilles d’oxygène ; 20 équipements de laboratoires d’analyse (automates PCR et extracteurs ADN/ARN) ; 11 000 tenues de protection NRBC et accessoires. (…) Comment est-on passé de la pléthore à la pénurie ? L’événement majeur est, à mon sens, la crise du H1N1 de 2008-2009. Au-delà des critiques politiques virulentes et souvent injustes adressées à la ministre de l’époque, Roselyne Bachelot, elle a fait naître dans une partie de la haute administration de la santé le sentiment d’en avoir trop fait, d’avoir surestimé la crise et, finalement, d’avoir inutilement gaspillé des fonds publics au profit des laboratoires pharmaceutiques. L’horreur ! La Cour des comptes a estimé à près de 450 millions d’euros l’ensemble des dépenses d’achat spécifiquement liées à la lutte contre la grippe H1N1, y compris une indemnisation de 48,5 millions due aux laboratoires pour rupture unilatérale de contrat. L’Etat s’est ainsi convaincu qu’une réduction de la voilure était nécessaire, d’autant que le déficit de la Sécurité sociale avait atteint ces années-là des records « abyssaux » : 27 milliards d’euros en 2010 ! Le budget de l’Eprus a donc été drastiquement réduit, passant de 281 millions en 2007 – avant la crise H1N1 – à 25,8 millions en 2015 (10,5 pour l’Etat et 15,3 pour l’Assurance-maladie) selon un rapport du sénateur Francis Delattre. Parallèlement, les stocks ont été considérablement réduits en ne renouvelant pas, par exemple, des marchés concernant des biens arrivés à leur date de péremption. Estimée à 992 millions d’euros en 2010, la valeur du stock avait été réduite de moitié en 2014, à 472 millions, avant la disparition de l’établissement. (…) Outre ces questions économiques, la crise due au H1N1 a poussé à une réflexion sur la gouvernance du système de réponse aux crises sanitaire. Le ministère de la santé a toujours confiné l’Eprus dans une simple fonction logistique, sans aucune marge d’autonomie. La convention-cadre avec l’Etat précise que celui-ci ne peut réaliser aucune opération d’acquisition de produits de santé sans en avoir préalablement reçu l’ordre par le ministre chargé de la santé. (…) [soit] la disparition pure et simple de l’Eprus, qui est intégré en 2016 dans le nouvel Institut national de prévention, de veille et d’intervention en santé publique, plus connu sous son nom « commercial » de Santé publique France. Il rejoignait ainsi l’Institut de veille sanitaire (InVS) et l’Institut national de prévention et d’éducation pour la santé (Inpes). Claude Le Pen
Lorsqu’une question se pose, il faut toujours avoir la prudence de considérer attentivement la question qui est posée et le contexte dans lequel elle est posée. Très souvent, c’est là que se trouve la réponse. On s’interroge il est vrai à propos de la question de savoir ce qu’il faut sauver en priorité : l’économie ou les vies humaines ? Cette question appelle quatre remarques. – En premier lieu, formulée telle quelle, cette question date. Donald Trump aux États Unis et Boris Johnson en Angleterre se la sont posée il y a plus d’une semaine déjà en clamant haut et fort qu’il fallait penser avant tout à sauver l’économie. La réalité s’est chargée d’apporter elle même la réponse. Face à l’afflux des malades dans les hôpitaux, face à l’inquiétude des populations, face au fait pour Boris Johnson d’avoir été testé comme étant positif au virus du Covid 19, que ce soit Donald Trump ou bien encore Boris Johnson, tous deux ont fait machine arrière en décidant 1). de s’occuper des vies humaines en mettant les moyens pour cela, 2). de sauver l’économie autrement, par une intervention de l’État allant contre le dogme libéral de sa non intervention dans l’économie.- Par ailleurs, il importe de ne pas oublier le contexte. Qui pose la question de savoir ce qu’il faut sauver ? Les plus grands dirigeants de la planète à savoir le Président des Etats-Unis et le Premier Ministre de Grande Bretagne. Quand ils se posent cette question, comment le font ils ? Sous la forme d’une grande annonce extrêmement médiatisée. Pour qui ? Pour rassurer les milieux financiers. Sur le moment, ce coup d’éclat a l’effet de communication escompté. Il crée un choc psychologique qui rassure les milieux économiques avant de paniquer l’opinion publique. Moralité : la question de savoir s’il faut sauver les vies humaines ou l’économie est un coup politique qui commence sur le ton grandiloquent d’une tragédie cornélienne avant de s’effondrer lamentablement. On veut nous faire croire que certaines questions sont essentielles. Vu ceux qui la posent et le ridicule des réponses qui lui sont apportées qu’il soit permis d’en douter – Dans la façon dont la question et posée, quelque chose ne va pas. On oublie le temps. Lorsque l’épidémie du Corona virus a commencé, désireux de ne pas freiner l’économie, les autorités françaises ont reculé le plus possible la décision du confinement avant de ne pas pouvoir faire autrement. La nécessité économique a alors précédé l’urgence sanitaire. Aujourd’hui, l’urgence sanitaire est devenue première et l’urgence économique a été placée en second. Jusqu’au pic de l’épidémie cela va être le cas. Le temps sanitaire va l’emporter sur le temps économique. Dès que la décrue épidémiologique commencera, le temps économique va reprendre ses droits. En conséquence de quoi, qui décide de ce qui doit se faire ou pas ? Ce n’est pas l’économie ni la vie, mais l’opportunité et, derrière elle, c’est l’être humain capable de juger et d’avoir de la sagesse. – On oublie enfin les hommes. Dans le Cid de Corneille, Rodrigue le héros, se demande s’il doit choisir son amour contre l’honneur de sa famille ou l’honneur de sa famille contre son amour. Au théâtre, cette alternative est admirable. Elle crée le spectacle. Avec l’épreuve que l’humanité endure, on fera du bien à tout le monde en évitant de basculer dans le théâtre. Si on ne s’occupe pas des vies humaines, il y aura des morts et avec eux une inquiétude collective ainsi qu’un drame social qui pèsera sur l’économie. Si on ne s’occupe pas d’économie, il y aura des morts et un drame économique qui pèsera sur les vivants. Si on choisit l’économie contre la santé, il y aura des morts. Si on choisit la santé contre l’économie, il y aura des morts. De toute façon quoi que l’on choisisse et que l’on sacrifie, ne croyons pas qu’il n’y aura pas de morts. Il y en aura. Il est possible toutefois de limiter la casse. Entre la richesse et la mort, on oublie quelque chose d’énorme qui est plus riche que la richesse et plus vivant que la mort : il s’agit de nous. Il s’agit des hommes. Il s’agit des vivants. Si nous avons la volonté chevillée au corps de nous en sortir et si nous sommes solidaires, nous serons capables de surmonter cette crise. Nous devons être humains et forts comme jamais nous ne l’avons été. Nous avons la possibilité de l’être. La solidarité avec le personnel soignant tous les soirs à 20h montre que nous sommes capables de solidarité. L’humour qui circule montre que nous sommes capables de créativité. En ces temps de distanciation sociale, nous sommes en train de fabriquer des proximités inédites, totalement nouvelles et créatrices. Notre instinct de vie a parfaitement compris le message qui est lancé par ce qui se passe : soyez proches autrement. Là se trouve la richesse et la vie qui permettront de relever le défi économique et sanitaire qui est lancé. (…) Il y a deux façons de mesurer. La première se fait par le calcul et les mathématiques en appliquant des chiffres et des courbes à la réalité. La seconde se fait par l’émotion, la sensation, la sensibilité. Quand quelque chose plaît, je n’ai pas besoin de chiffres et de courbes pour savoir que cela plaît. Quand cela déplaît également. Lorsque Donald Trump a compris qu’il fallait s’occuper de la question sanitaire aux États-Unis et pas simplement d’économie, il n’a pas eu cette révélation à la suite d’un sondage. Il n’a pas utilisé les compétences d’instituts spécialisés. La réaction ne se faisant pas attendre, il a été plus rapide que les chiffres, les courbes et les sondages en changeant immédiatement son discours. Il a été découvert récemment que l’intelligence émotionnelle est infiniment plus rapide que l’intelligence mathématique, abstraite et calculatrice. On peut sur le papier démontrer que l’humain coûte trop cher. Lorsque dans la réalité concrète on ne s’en occupe pas assez et mal, on a immédiatement la réponse. Donald Trump s’en est très vite aperçu. (…) On veut des règles pour répondre à la question de savoir comment décider qui doit vivre ou pas et qui doit mourir ou pas. Les règles en la matière sont au nombre de deux : la première qui fonde toute notre civilisation consiste à dire que, par principe, on soigne tout le monde et on sauve tout le monde. Pour éviter la folie monstrueuse des régimes qui décident que telle classe de la population a le droit de vivre et pas telle autre, on n’a pas trouvé autre chose. La seconde règle est empirique. Tout médecin vous dira qu’en matière de vie et de mort aucun médecin ne sait. Ce qu’il faut faire est dicté par chaque malade, jour après jour. A priori, un médecin sauve tout le monde et soigne tout le monde, jusqu’au moment où, basculant du soin et du sauvetage dans l’acharnement et de l’acharnement dans l’absurde, il décide d’arrêter de soigner et de sauver. Ainsi, un médecin aujourd’hui soigne une vielle dame de quatre-vingt cinq ans grabataire et atteinte d’Alzheimer. Maintenant si dans une situation d’extrême urgence il faut choisir entre un jeune de vingt ans et cette vieille dame, le médecin choisira le jeune en plaçant la vie qui commence avant celle qui se termine. Il fera comme les médecins faisaient au XIXème siècle quand il s’agissait de savoir si, lors d’un accouchement qui se passe mal, il faut choisir la mère ou l’enfant. Il choisira l’enfant. Choix déchirant, tragique, insupportable, n’ayant aucune valeur de règle, la responsabilité face à la vie étant la règle. Et ce, parce qu’il ne faut jamais l’oublier : on choisit toujours la vie deux fois : la première contre la mort et la seconde contre la folie. D’où la complexité du choix, choisir la vie contre la folie n’allant jamais de soi. Relever la complexité de ce choix est risqué. On l’a par exemple vu sur tweeter, où de tels commentaires ont déchaîné la colère des internautes. Pourtant si la population grogne lorsqu’elle voit la courbe du chômage monter et les premières conséquences d’une économie au ralenti se concrétiser, n’est-ce pas également parce qu’elle est consciente que équation est impossible ? (…) L’expérience ne se transmet pas. Pour une raison très simple : c’est en ne se transmettant pas qu’elle transmet le message le plus essentiel qui soit afin de surmonter les crises : aucune crise ne ressemble à une autre. Chaque crise étant singulière, chaque crise a un mode de résolution qui lui est propre et qu’elle doit inventer. Quand une crise est résolue, cela vient de ce que ceux qui la traversent ont su inventer la solution qu’il faut pour cette crise précise. Le message des crises est de ce fait clair. Il convient de les étudier afin de comprendre l’originalité qui a été déployée pour sortir de la crise afin de cultiver sa propre originalité. Pour sortir de la crise que nous endurons, nous allons inventer une solution inédite et c’est cette invention qui nous permettra de sortir de cette crise. Bertrand Vergely
Le choix est tout sauf évident – même s’il s’impose d’une façon majoritaire en faveur d’un confinement. Un choix est fait, dont nous ne mesurons pas toutes les conséquences : étouffer l’économie, la mettre sous cloche, faire porter sur les générations futures la santé des contemporains, plutôt que de laisser la pandémie se dérouler comme toutes les pandémies en protégeant les individus. D’une certaine manière, nous nous donnons le choix, nous croyons avoir le choix, pour être des économies riches et pour faire porter par la solidarité collective une grosse partie du coût de cet étouffement économique. Et, dans des économies plus libérales que les nôtres, comme les pays anglo-saxons, ce choix, quand il est fait en faveur du confinement, pèse plus lourdement sur les individus eux-mêmes. Certains économistes vont même jusqu’à considérer que dans le monde cette crise va provoquer 25 millions de chômeurs. Je note que la Japon, par exemple, pour être plus prévoyant, pour avoir plus de masques, pour avoir une discipline sociale plus grande, ne pratique pas (du moins jusqu’à présent) ce confinement massif. De toute évidence, dans sa culture, comme dans celles de beaucoup de pays asiatiques, le souci du collectif prend le pas sur le souci individuel. Et le sens du sacrifice semble être accepté plus facilement. Dès lors, quatre facteurs semblent entrer en ligne de compte pour opter, ou non, pour une mise en quarantaine sur plusieurs semaines, des travailleurs et de l’activité économique : un niveau de protection social plus ou moins important pour prendre en charge le coût économique de cet arrêt d’activité ; un sens plus ou moins fort du collectif au détriment de l’individuel ; une discipline sociale plus ou moins naturelle qui fait que la population accepte plus aisément les « gestes-barrières » édictés par les autorités ; une anticipation (ou non) des Etats de ce genre de risques avec toute la panoplie des outils nécessaires pour y faire face. De toute évidence, en France, ces quatre facteurs nous ont conduits à choisir, sans hésiter pour le confinement et la mise à l’arrêt de l’économie. Nous misons sur l’Etat-Providence ; l’individu est privilégié ; nous manquons de discipline collective ; l’incurie de l’Etat est flagrante en matière de prévoyance d’un risque sanitaire pandémique. (…) Mourir d’une épidémie et les situations de détresse sociale qui peuvent pousser certains individus au désespoir, ne sont pas du même ordre. Ne confondons pas tout. Par contre, il est vrai que ce qui est fait d’un côté, avec des mesures d’urgence, pour tenter de gérer une épidémie, au point d’appuyer sur le frein de l’économie, avec l’espoir qu’une fois la crise passée, l’économie pourra repartir d’une bonne allure, aura, indéniablement, des conséquences lourdes, durables sur l’Economie – avec des conséquences catastrophiques sur bien des secteurs. Lesquels ? Affaiblissement de la santé des entreprises. Crise de trésorerie. Paupérisation des travailleurs. Augmentation du chômage. Diminution des revenus d’un grand nombre de salariés. Et tout cela aura pour conséquence, dans l’année 2020 et aussi dans les années à venir, d’exclure certains travailleurs, de les marginaliser, de les contraindre à une misère sociale accrue. La France des « gilets jaunes », des zones périphériques, des précaires, des auto-entrepreneurs, des indépendants, va trinquer plus que celle des grands groupes ou de la fonction publique. Si nous étions cyniques (ou d’une lucidité froide), (mais nos sociétés ne le sont plus), nous aurions pu, collectivement, examiner le « coût » de deux stratégies : le confinement avec une décroissance massive et des conséquences négatives en chaîne sur les années à venir ; le maintien au ralenti de l’économie avec des mesures de protection individuelle massive. Une question n’est jamais posée, quand on compare la stratégie du Japon et celle de l’Europe : les choix faits l’ont-ils été par souci des populations et de la pandémie (avec un virus que nous ne connaissons pas et qui évolue d’une manière plus incontrôe que ce que nous pouvions penser au début) ou pour suppléer l’incurie des politiques de santé publiques qui n’ont pas prévu ce genre de situation et n’ont rien fait pour nous donner les moyens d’y faire face. Nous sommes ravis que la médecine, en France, puisse apparaître excellente quand il faut faire des opérations extraordinaires comme, dernièrement, séparer deux sœurs siamoises ou faire des reconstructions faciales ou même dépenser beaucoup d’argent pour des recherches sur des maladies rares qui touchent peu de monde. Ces technologies médicales de haute précision sont superbes. Mais, en même temps, n’a-t-on pas oublié de faire provision d’outils simples qui nous auraient permis, aujourd’hui, d’envisager autrement cette pandémie : des centaines de millions de masques de protection, de tests de dépistages, de gels hydro-alcooliques, des équipements de protection, des respirateurs artificiels…. N’a-t-on pas oublié d’anticiper et d’établir, par avance, des « plans orsec » contre les pandémies ? N’a-t-on pas, en voulant faire des économies de bout de chandelle sur les stocks sanitaires, mis en danger des soignants et autres intervenants de première ligne ? (…) l’équation est impossible. Les choix tragiques. Qui pourrait dire qu’il « accepte » des morts aujourd’hui pour éviter du chômage demain ? Qui pourrait assumer de mettre la santé de l’Economie avant celle des Français ? Qui pourrait ne pas prendre les mesures adaptées aujourd’hui pour préserver les entreprises ? Qui ? Personne. Surtout dans nos démocraties compassionnelles. Surtout quand on croit que tout est possible et que « la santé n’a pas de prix » – pour reprendre les mots du président de la République. Surtout quand on croit que la générosité de l’État (et donc de la France de demain qui devra payer les dettes d’aujourd’hui) est sans limite, sans fond, sans contrainte. L’Etat se croit généreux pour les Français d’aujourd’hui en multipliant les amortisseurs sociaux, les prises en charge collectives, en creusant les déficits alors qu’il ne fait qu’arbitrer, sans le dire, entre la France d’aujourd’hui (qui se protège) et la France de demain qui devra payer, en remboursant la dette, les protections d’aujourd’hui. Si l’équation est impossible, n’est-elle pas, cependant, au cœur du politique et des choix à faire – qui, comme il se doit, ont de multiples composantes. Souvent, le « en même temps » est impossible pour, à terme, n’être gagnant sur aucun des deux tableaux. S’agit-il de déclarer une impossible guerre à un ennemi invisible que nous portons tous sans le savoir, ou d’arbitrer entre deux choix impossibles. Dura lex, sed lex. Dure est la loi politique, mais telle est la loi du politique : faire des choix tragiques, tous plus improbables, loin des évidences, pour le salut d’une nation. Si les responsables politiques se posent la question comme Donald Trump l’a mis en évidence et comme le gouvernement français l’exprime avec plus de subtilité, les citoyens seront probablement de moins en moins au clair sur leurs propres sentiments au fur et à mesure que les effets sociaux se feront sentir. Et que nous enseigne l’expérience des crises précédentes ? (…) Ce principe nous dit quelque chose qui est vrai sur le papier et inapplicable tel quel dans la réalité. Quand on a affaire aux êtres humains, rien ne se règle uniquement par un choix rationnel. La raison en est simple. Quand on fait un choix optimal, on sacrifie forcément un certain nombre de choses. Quand ce sont des hommes que l’on sacrifie pour faire exister ce choix optimal, les sacrifiés tôt ou tard vont réagir Et, réagissant, ils peuvent pourrir la vie. L’histoire a sacrifié beaucoup de monde. Aujourd’hui encore, les sacrifiés et la descendance de ces sacrifiés continue de crier sa colère et sa souffrance. On parle d’économie et de choix optimal. C’est bien. Il faut être rationnel. Mais il ne faut jamais oublier que l’on parle d’économie et de choix optimal dans un cadre humain et pour les hommes. Si on n’en tient pas compte, on est sûr à un moment ou à un autre de se retrouver avec une addition salée. C’est la raison pour laquelle l’économie est toujours associée à la politique. (…) La philosophie nous apprend la prudence. Les Grecs l’appelaient du nom de sophrosune. La prudence n’est pas la frilosité de la pensée et de l’action mais son acuité, c’est-à-dire son sens du détail. Quand il s’agit d’évaluer une situation, il convient de tenir compte de tout. Ainsi, dans les choix qui nous sont proposés, il importe de penser avec l’urgence sanitaire, avec l’économie, mais aussi avec le temps et avec les hommes ainsi que leurs ressources qui sont immenses. Quant à la théologie, elle nous enseigne à aller au plus profond en ne perdant jamais de vue que l’humanité est reliée à un plan céleste qui ne nous abandonne jamais, malgré les apparences qui peuvent laisser croire le contraire. Il y a eu par le passé une théologie accusatrice qui pensait d’abord à culpabiliser les hommes à propos de ce qui leur arrive. La véritable théologie pense non pas à accuser mais à dire et à redire en permanence que le monde peut être sauvé. Beaucoup de personnes aujourd’hui rentrent en elles-mêmes à l’occasion du confinement en faisant la découverte de ressources d’une force incroyable. Puisqu’il est demandé d’aller vers l’intérieur, elles vont vers l’intérieur et là où il y avait désespoir et colère montent force, confiance, solidarité. Cela va bientôt être Pâques pour les chrétiens, Pâques pour les juifs et le ramadan pour les musulmans. Pâques est la fête de la victoire de la vie sur l’enfer. Aujourd’hui, sans le savoir, toute l’humanité est en train de vivre une formidable marche vers la victoire de la vie sur les enfers. Aussi n’y a t-t-il qu’une seule chose qu’il importe de se dire et de dire parce qu’elle est la plus sage et la plus spirituelle qui soit : plus que jamais restons forts et unis. En ce sens, comment choisir ? Comment choisit-on de préférer une mort à une autre ? Comment justifier un tel choix auprès d’une population bouleversée par la crise sanitaire qu’elle traverse ? (…) Si l’art de gouverner est impossible, la critique est facile – et pourtant elle est nécessaire et ne doit en rien être étouffée sous une « union nationale » un peu trop martiale. Il est sûr que fermer les frontières de l’Europe en mars, en pleine crise sanitaire, semble risible, quand il eut été plus efficace de prendre cette même mesure mi-janvier. Il est sûr qu’envoyer dix-sept tonnes, prélevées sur les stocks français de masques, gel et autres matériels de protection (et plus de cinquante en Europe) mi-février pour la Chine, avec l’espoir, avéré faux, de « contenir » le Corona là-bas, semble une décision presque criminelle, quand on constate que depuis lors des médecins de premières ligne sont morts faute de protection et que nombreux sont les fonctionnaires ou les membres des équipes médicales qui n’arrivent toujours pas à se protéger autant qu’ils le devraient. Il est sûr que les atermoiements du discours gouvernemental, que les informations contradictoires de certains, que les promesses non-tenues, depuis des semaines, sur l’arrivée de masques de protection qui « arrivent » qui «seront-là à disposition », qui « vont être livrés », ne font rien pour renforcer l’autorité de la parole politique. Il est sûr que les déclarations de Madame Buzyn indiquant, après coup, qu’elle avait prévenu le Premier ministre, fin janvier, que la crise allait être gravissime, et qu’il fallait donc différer les élections municipales de mars, donnent l’impression d’un amateurisme au plus haut niveau de l’État. Alors, aujourd’hui, s’il fallait tenir un autre discours, mettant l’accent sur l’économie et la santé des entreprises, personne ne comprendrait pourquoi maintenant. Et donc malheureusement, nous aurons et la crise sanitaire et la crise économique – sans parler de la crise de l’épargne que nous avons déjà subie. Il n’est plus possible de faire machine arrière. Nous allons payer tout cela pendant des années – avec une reprise poussive, des déficits massifs, un chômage de masse, une épargne amputée durablement et le risque d’un retour de l’inflation. (…) Le problème (et nous le découvrons brutalement avec cette crise sanitaire) est que nous payons aujourd’hui une double défaillance : une défaillance stratégique de nos politiques publiques qui ont, en Europe, favorisé la mondialisation au détriment des intérêts stratégiques nationaux, sans définir des secteurs à protéger et sans mettre en place, au niveau des pays ou de l’Europe, des coordinations en cas de risques sanitaires ; une défaillance des entreprises pharmaceutiques et de santé publique qui ont cru qu’elles pouvaient se délester de secteurs entiers jugés « peu rentables », comme les systèmes de protections, la fabrication des médicaments génériques, les masques. La Chine, « usine du monde », détient ces marchés et ne peuvent répondre quand le monde entier passe d’énorme commande. La mondialisation se retourne contre les Nations en cas de crise. Elle se grippe avec une pandémie mondiale. Et les individus nationaux paient le prix de cette mondialisation défaillante. Pour toutes ces raisons, nous n’avons plus la possibilité d’avoir le choix. Nos défaillances collectives nous font faire des choix malgré nous. L’Etat imprévoyant, l’Europe tatillonne pour les détails et aveugle sur les grands défis de santé publique et, pour finir, les entreprises médicales inconséquentes, soucieuses d’augmenter leurs profits, ont décidé à notre place. Ils nous ont privés du choix d’avoir le choix. Damien Le Guay
Rappelons-nous tout d’abord que nous abordons la pandémie avec le regard d’une société individualiste. Nos ancêtres de 1914 ont accepté la mort pour la défense de la patrie parce qu’ils avaient le sentiment d’être un chaînon dans une lignée. Ils défendaient la terre de leurs ancêtres et ils la défendaient pour leurs enfants. Quelques générations plus tôt, quand il y avait encore des épidémies régulières, on prenait des mesures de précaution, on soignait, mais on acceptait la mort éventuelle parce qu’on avait le sentiment d’appartenir à une société. Aujourd’hui, il n’y a plus qu’un tout petit nombre de nos concitoyens qui a l’expérience de la guerre. Nous avons derrière nous 60 ans d’individualisme absolu. Le christianisme est devenu ultraminoritaire. Il s’agit donc, dans l’absolu, d’avoir « zéro mort ». Effectivement notre société semble prête à sacrifier l’économie. Sans se rendre compte que ce genre de mentalités n’amène pas le « zéro mort » mais une catastrophe sanitaire. Et qu’une crise économique aussi fait des morts. (…) L’une des leçons de la crise du COVID 19, c’est que nous avons sous nos yeux la preuve expérimentale des ravages causés par l’effondrement de l’Education Nationale. En particulier, l’enseignement de l’économie tel qu’il est dispensé dans nos lycées, depuis des années, très hostile à l’entreprise et incapable de faire comprendre la dynamique du capitalisme, aboutit aux discours que nous entendons aujourd’hui. Il y aurait des activités indispensables et d’autres qui ne le seraient pas ! En fait, une économie moderne repose sur un fonctionnement très complexe. Les fonctionnaires du Ministère de l’Economie ont pris peur quand ils ont vu le nombre de demandes de mise au chômage partiel ! Dans un Etat qui prélève et redistribue 57% du PIB, on redécouvre qu’il y a beaucoup plus d’emplois utiles que ce qu’on pensait ! Et l’on risque de découvrir, à ce rythme, qu’il y aura encore plus de personnes mourant du fait du ralentissement de l’économie qu’à cause de l’épidémie. On ne peut pas dire que l’histoire des crises et leur taux de mortalité ne soit pas connu: de la crise de 1929 à l’asphyxie de la Grèce par l’Eurogroupe depuis 2015, tout est documenté. (…) Nos gouvernants ne feront pas un choix, s’ils arbitrent entre deux maux. Actuellement, ils sont dans l’incapacité de choisir entre les personnes qu’ils doivent soigner quand elles arrivent à l’hôpital et qu’ils n’ont pas assez de lit. Donc ils appliquent une règle mécanique: au-dessus d’un certain âge, on n’est plus soigné. Ce n’est pas un choix, car choisir c’est faire exercice de sa liberté, c’est pouvoir se déterminer entre deux options. Pour pouvoir choisir, il faut « avoir le choix ». Nous pourrions choisir un type d’équilibre entre la lutte contre la pandémie et la protection de notre économie si nous avions agi en amont. Si nous avions fermé nos frontières, testé largement, distribué massivement des masques etc…Il ne peut pas y avoir, en bonne philosophie, de choix entre des catégories de morts qui seraient préférables. Quand on en est arrivé là c’est qu’on subit. En revanche, aujourd’hui, le gouvernement pourrait choisir d’autoriser la généralisation du traitement du Professeur Raoult. (…) En fait, je pense que le dilemme est entre le fatalisme et le désir d’échapper à un destin tracé. Rappelez-vous, il y a quelques semaines, Emmanuel Macron parlait des progrès « inexorables » de l’épidémie. Au contraire, Boris Johnson et Donald Trump, qui sont des lutteurs, des battants, des hommes de liberté, ont commencé par penser qu’il fallait laisser passer l’épidémie, en faisant confiance aux capacités d’immunisation de la population. Puis, ils ont compris que toutes les grippes ne se ressemblent pas et qu’il fallait prendre des mesures. Ils font passer leur société aux tests massifs et au confinement partiel. Le redémarrage de l’économie apparaîtra d’autant plus souhaitable à leurs concitoyens que l’épidémie aura été jugulée. Ce qui est à craindre en France, comme en Italie, c’est qu’on ait deux crises, sanitaire et économique, qui s’éternisent. (…) Si l’on se réfère à la tradition occidentale, née entre Jérusalem, Athènes et Rome, l’être humain est appelé à se libérer des déterminismes naturels ou sociaux. L’homme occidental est celui qui propose à toute l’humanité d’apprendre la liberté, c’est-à-dire le choix. De la Genèse, où l’homme se voit enjoindre de dominer la Création, à René Descartes (il nous faut devenir « comme maîtres et possesseurs de la nature »), on s’est efforcé d’émanciper l’individu. Le grand paradoxe du dernier demi-siècle a consisté dans l’introduction en Occident de philosophies profondément étrangères à la tradition de l’émancipation individuelle, des sagesses orientales à la vénération de la Terre-Mère. La crise du Coronavirus vient nous rappeler que la nature n’est pas cette force bienveillante envers l’humanité que décrivent les écologistes. Et le yoga et le New Age sont de peu de secours pour lutter contre la pandémie. Si j’avais à me tourner vers la théologie, pour dire la même pensée de l’émancipation individuelle, je citerais Saint Ignace: « Agis comme si tout dépendait de toi, en sachant qu’en réalité tout dépend de Dieu ». Quand on voit nos dirigeants avoir comme premier mouvement l’interdiction de la participation à un enterrement mais aussi la fermeture des églises, on se dit que ceux qui ne savent plus agir ne savent plus croire. (…) Tout doit être fait pour sortir du fatalisme ! C’est la seule possibilité de se garder une marge de manoeuvre. Le scénario le plus probable, actuellement dans notre pays est au contraire le cumul des crises, du fait de la passivité des gouvernants, qui prennent des décisions toujours trop tardives. Nous en revenons à la complexité des sociétés modernes. Elle peut être maîtrisée à condition, d’une part, de savoir traiter les innombrables données générées par chaque individu, chaque secteur d’activité; à condition, d’autre part, d’intégrer toutes les dimensions du problème à résoudre dans une stratégie unifiée. Réunir ces deux conditions, c’est commencer à pouvoir choisir ce qui servira le mieux la société et l’économie. Edouard Husson
Puisque les ressources sont rares (et pas seulement les FFP2 et le PQ), nous avons besoin de l’analyse économique (l’oral de rattrapage du pêché originel). Car une seule chose est sûre dans un monde qui (à cause d’Eve !) connait la rareté : l’absence de calcul économique tue. Vous savez déjà que l’absence de calcul conduit à des décisions à l’aveuglette, émotives, au petit bonheur la chance : car vous vous souvenez de la présidence de François Hollande. Il se trouve que l’inefficacité est aussi meurtrière, comme un satané virus, mais en pire : car il n’y a pas de pause dans ce genre d’épidémie, et le R0 est monstrueux, surtout en France où on observe une application très sporadique de l’analyse économique, n’incluant pas une véritable réflexion sur la valeur implicite donnée à la vie humaine au-delà de quelques calculs dans le domaine de l’évaluation de grands projets de transports publics. Il y a inefficacité (et donc des vies inutilement perdues) lorsque les moyens ne sont pas affectés aux actions qui apportent le meilleur « rendement » en termes de nombre de vies sauvées, quel que soit le domaine d’action. Le fait de ne pas adopter une valeur unique de la vie humaine, appliquée de manière cohérente dans tous les domaines de l’action, conduit à la mort de nombreux individus qui auraient pu être sauvés avec les mêmes moyens. (…) C’est particulièrement bien documenté pour l’action publique. En effet, nous ne sommes plus seulement des enfants de Dieu, mais aussi des citoyens-contribuables de l’Etat Providence, et vu l’état des ressources publiques, si vous dépensez des milliards sur un projet de radars qui sauve peu de vies (les 80km/h sur les départementales pour consoler un premier ministre qui ne sert à rien), vous ne pourrez pas les utiliser pour un projet qui en sauverait plus (des masques, des tests, au hasard) mais qui passait jusqu’ici sous les radars médiatiques. Il existe pourtant en France une valeur tutélaire, officielle, de la vie humaine : elle a été fixée en 2013 à 3 millions d’euros par tête (rapport Quinet : Commissariat Général à la Stratégie et à la Prospective, « Éléments pour une révision de la valeur de la vie humaine », 2013), et évolue depuis au rythme de la croissance du PIB par habitant. Je ne suis pas un spécialiste mais cette valeur me parait raisonnable, dans la lignée des chiffres antérieurs de Marcel Boiteux, proche de la médiane européenne et proche de ce que les agents économiques révèlent dans leurs choix concrets (par exemple, en matière d’assurance). Ce chiffre circule surtout dans les administrations pour évaluer les gains liés à un investissement. On dit souvent que c’est du cynisme (le cynique connait le prix de chaque chose et la valeur d’aucune), porté par des économistes impitoyables, mais quand une deux voies peut devenir une trois ou quatre voies plus sûre, mais que cela coûte cher, comment pourrez vous savoir si vous faîtes un bon choix, sans une approximation du prix du temps, et sans une valeur monétaire de la vie ? Notez qu’il existe sur le marché deux méthodes principales pour ce type de calcul, et que la 2e méthode tend à remplacer la première : 1/ la méthode du capital humain perdu par la société lors d’un décès : une mesure monétaire et tangible, la somme de la production future de l’individu (ici, l’analyste financier vaut plus que le laveur de carreaux, c’est dire si ce n’est pas incontestable). Elle reste à la base de la détermination de la valeur de la vie dans le contexte judiciaire, comme le montre les indemnités accordées aux familles des victimes des attentats du 11 septembre 2001 aux Etats-Unis (les indemnités ont varié en fonction des salaires espérés, de 300 000$ pour un individu de 65 ans qui gagnait 10 000$/an, à 4,35 millions de dollars pour un trentenaire gagnant 175.000$/an). On en reparlera peut-être lors du procès Buzin… 2/ la méthode du consentement à payer des individus pour éviter un accroissement de risque : la méthode moderne, qui gagne du terrain car elle part du terrain, des choix opérés par les agents. Aux Etats-Unis, les données issues du marché de l’emploi concluent à un prix de la vie d’environ 9 millions de dollars, c’est à dire qu’un emploi donnant une chance sur 10 000 de mourir dans l’année donnera lieu à une compensation de 900$/an (par rapport à un emploi équivalent sans risque). Cet ordre de grandeur est globalement repris par les agences de régulation US, sans que cela empêche un certain nombre d’incohérences (mais au moins peut-on trouver plus de données explicites chez eux que chez nous) (honte, soi dit en passant, sur notre Parlement, qui devrait s’occuper de l’évaluation des politiques publiques mais qui ne sait pas ce qu’est un taux d’actualisation ou une valeur implicite de la vie) (et honte à la « sécurité » routière, qui base le plus gros de sa propagande sur une étude ancienne et partielle, et fait fi des études nombreuses qui démontent la formule de Nilsson). Bref. Nous valons 3 millions, mais nous n’utilisons que très imparfaitement cette valeur pour améliorer nos décisions publiques. (…) Continuons notre tentative de réponse. Maintenant que nous savons ce que l’on vaut économiquement parlant (ou à peu près), nous pouvons nous faire une idée plus juste de certaines politiques publiques. Deux exemples. L’argent placé dans la protection nucléaire est largement excessif, depuis le début, et même en tenant compte de toutes les redondances nécessaires : l’atome provoquera toujours une peur irrationnelle. Il en va de même pour le Sida dans le domaine de la santé (nul besoin de suivre le professeur Raoult dans son idée que le vaccin est illusoire : la comparaison avec d’autres virus ou maladie moins richement dotés sur le plan budgétaire suffit largement). Comment se situe le Coronavirus dans cette échelle du nombre de vies sauvées par milliard dépensé ? Il nous faut dessiner les contours d’un arbitrage et d’un pic de protection (ce qui n’est pas évident à ce stade, répétons que notre approche est une TENTATIVE). Kip Viscusi est l’universitaire américain de référence sur le sujet du prix de la vie humaine, et son analyse défend l’existence d’une « borne haute » au-delà de laquelle les efforts de sécurité mandatés par la collectivité sont contre-productifs. Selon lui, la mise en œuvre d’une nouvelle régulation de sécurité s’assimile à une réaffectation de moyens, depuis des revenus privés « libres » vers une dépense contrainte visant au respect de la régulation. Or l’espérance de vie des individus s’améliore systématiquement avec leur niveau de revenus (en devenant plus riches, les hommes et les femmes allouent une part croissante de leurs moyens à la santé, réduisant leurs risques de mortalité ; la santé est un « bien supérieur »). Il existe dès lors un point au-delà duquel à trop réduire les revenus privés « libres », on aboutit à réduire l’espérance de vie de la population de l’équivalent d’une vie statistique : ce point se situerait entre 15 et 50 millions de dollars aux USA (donc autour de 15 millions d’euros chez nous, si j’applique les estimations officielles qui toutes considèrent qu’un Américain « vaut » entre deux et trois Français). Au moins une « vie statistique » serait perdue à chaque fois qu’une régulation imposerait 15 millions de dépenses contraintes par tête ; car toute régulation d’amélioration portant une valeur de la vie humaine supérieure à 15 millions d’euros va en fait augmenter le nombre de morts puisque la dépense contrainte de la régulation apporte moins de vies sauvées que la dépense « libre ». Appliquons ce raisonnement à la régulation en cours de division par 4 ou 5 des interactions sociales (le « confinement »). Je fais un vol de concept et de nombreuses approximations, mais ne sommes-nous pas dans l’urgence ?? Cette mesure de sécurité qu’est le confinement ne doit donc pas conduire à plus de 15 millions par mort, c’est-à-dire ne pas coûter à la fin plus de 15M x 20 000 (je suppose que c’est le nombre de morts que nous aurons, en scénario central, sous cette régulation, une fois comptabilisés les morts à domicile et dans les EPAD) = 300 milliards d’euros. Comme l’INSEE nous dit qu’un mois de confinement coûte à l’économie 3 points de PIB annuel, et que nous serons isolés disons 2 mois, le coût économique est de 6% de 2500 milliards, disons 150 milliards (je ne compte pas les atteintes à la croissance potentielle car ici le choc est de court terme, sans grand impact sur le capital humain ou sur le capital physique). Pour l’heure, nous respectons donc largement la norme de Viscusi. Mais de toute façon nous n’avons pas vraiment le choix : compte tenu de la nocivité du virus, de son caractère exponentiel et résilient, un confinement moindre n’allègerait pas du tout la note finale ; si un Français sur 3 chope le virus, et en appliquant une mortalité de 2% (hypothèse très conservatrice, car à ce moment là tout le système sanitaire et politique aura déjà sauté depuis longtemps…), cela donne 500 000 morts (dont au moins 100 000 appartenant à la force de travail, soit 5% de notre main d’œuvre), et alors le plafond de Viscusi se situerait à trois années de PIB pour le pays, c’est-à-dire plus que le coût de la dernière guerre mondiale (l’appareil industriel était encore là, il suffisait de demander à nos industriels de ne plus produire de chars pour les Allemands). En fait, sacrifier deux trimestres de croissance aujourd’hui est une OBLIGATION, pas seulement morale et religieuse, mais aussi économique, et encore plus si on factorise un peu la croissance de long terme. C’est comme ça. Il est vrai que vous avez dans l’autre sens trois fois plus de risques de décéder si vous êtes chômeur. Quand on nous dit que le chômage américain pourrait passer de 3% à 20% (c’est très exagéré mais cela vient du secrétaire mafieux au Trésor, Steven Mnuchin), cela doit peser dans la balance. La crise des opioïdes (qui pour la seule année 2016 a tué plus d’Américains que l’ensemble de leurs soldats morts au Vietnam) a eu pour base la désespérance d’une partie de l’Amérique qui ne bénéficiait pas de la reprise économique. Pierre Meneton de l’INSERM a conclu en 2015 à environ 14 000 décès par an dus au chômage en France (mais c’est surtout valable pour le chômage de longue durée, moins pour les chômeurs conjoncturels liés à une crise du type covid19). A cause des suicides, des addictions, d’un moindre recours au système de santé, etc. Pour mémoire, « on » a imposé de rouler à 80 km/h pour éviter (selon une règle de trois archi-contestable) 400 morts par an, mais passons. 14 000 morts chaque année multipliés par 1,5 millions (si la vie d’un chômeur vaut 50% de la vie d’un non-chômeur, je sens que je vais encore me faire des amis), cela donne une vingtaine de milliards d’euros : vous comprenez pourquoi je ne suis pas néo-autrichien en matière de politique monétaire, pourquoi je milite depuis des années pour une action contra-cyclique déterminée, et pour la fin d’une BCE sponsorisée par Dunlopilo. Car ce petit calcul morbide ne vaut que si les chômeurs conjoncturels se transforment massivement en chômeurs structurels : ce n’est pas un appel à ne pas respecter un confinement strict, c’est à appel à agir rapidement par la politique monétaire et par tous les canaux possibles. Et au final c’est bien ainsi qu’ont calculé les Chinois à la mi-janvier, eux qui n’ont pas trop lu le Talmud mais qui savent compter : ils auraient aimé réduire l’addition de court terme, qui les obligeait à renoncer à leur prévision de croissance 2020 (un 5,7% était nécessaire pour respecter l’engagement d’un doublement du produit national sur 2010-2020), qui les exposait à une crise sociale, et qui leur faisait perdre la face. Mais imaginez 20% de votre population atteinte d’un virus 30 fois plus mortel que la grippe, et sans pouvoir compter de façon sûre sur une solution vaccinale avant un an ou deux : ce n’est pas seulement l’économie qui aurait sauté, mais aussi le régime. Même embourgeoisé, le Parti a encore un certain sens de la conservation : après quelques hésitations, transactions et cafouillages (que nous reverrons en Europe puis aux USA dans les semaines suivantes…), il a tout arrêté pour que tout puisse repartir, façon Lampudesa. Si les responsables politiques se posent la question comme Donald Trump l’a mis en évidence et comme le gouvernement français l’exprime avec plus de subtilité, les citoyens seront probablement de moins en moins au clair sur leurs propres sentiments au fur et à mesure que les effets sociaux se feront sentir. (…) L’utilitarisme est vraiment une position dégueulasse, et conduit souvent à jouer avec le feu : tous les sociologues efféminés nous le disent à longueur de colonnes, de même que nos philosophes universitaires, qui n’ont jamais connu le moindre conflit en dehors de la dialectique et à qui on ne demande jamais de procéder à de vraies décisions en dehors de la notation des copies. Mais la situation pourrait devenir très tendue dans les jours à venir, et relever plus de Jack Bauer que de la revue du MAUSS. « La décision est l’art d’être cruel à temps ». Quand les choses tournent vraiment mal, à la guerre comme à la guerre : et l’utilitarisme revient, ce même utilitarisme qui vers 1945 a sauvé la vie d’un demi million de jeunes Américains, et des millions de Japonais sur des années, au prix de 150 000 morts japonais en 72 heures. Il n’y a pas beaucoup de belles plages sur les côtes nippones, et plein de jolies montagnes propices à la guérilla. Plaçons-nous toutefois dans le pire des scénarios pour nous rendre compte que l’utilitarisme et le calcul économique pur et dur auront bien du mal à passer, ou du moins que ce sera compliqué. Dans ce cadre du pire, et le temps que le vaccin soit produit à grande échelle (un temps considérable), on a deux solutions. Soit « on » choisit un principe de tirage au sort, soit « on » hiérarchise les individus en fonction de leur utilité sociale (c’est déjà ce que font nos réanimateurs, sans trop le dire). On retrouvera ce choix, au-delà des urgences, pour distribuer les doses de vaccin (ou de chloroquine) : la première méthode, le hasard, la file d’attente (disons la méthode soviético-athénienne) a le mérite d’être aveugle, et donc juste, puisque la justice est aveugle (en théorie). Mais ce n’est pas la méthode la plus efficace : ce rationnement par les quantités est très inférieur au rationnement par les prix ; et ce dernier est souvent aussi, au final, plus juste, tant il est vrai que certains dans la file d’attente seront « plus égaux que d’autres » (de nombreuses expériences, tout au long du XXe siècle…). Seulement voilà : un vaccin pricé, quoté ou mis aux enchères provoquerait des remous tels qu’il échouerait certainement. De plus, il faudra bien que tout le monde reçoive sa dose, au final : si la courbe épidémique a été maitrisée par le confinement, le vaccin n’aura qu’une valeur-temps, qui se prête plutôt bien à la file d’attente. Ajoutons que, dans nos sociétés, ce sont les vieux qui ont l’argent, ce qui reviendrait une nouvelle fois à les privilégier en cas de recours au marché, comme depuis 40 ans, sur tout, des finances publiques au combat contre une inflation qui n’existe plus ; rappelons qu’ils sont certes plus exposés, mais qu’ils incorporent moins de vie potentielle. (…) On sait par avance qu’une forme ou une autre de tirage au sort ou de file d’attente sera privilégiée, de sorte que l’espace du marché serait limité à un marché noir par internet où les plus riches, les plus averses au risque ou les plus impatients se soigneront (ou se feront rouler) sous les crachats des médias et du grand public. Ce n’est pas un optimum, au sens de Pareto ou de n’importe qui. Mais ce n’est qu’un scénario, ce n’est qu’une ébauche de réflexion sur ce thème délicat, et, après avoir commencé par le Talmud, finissons par le folklore yiddish : « on doit continuer de vivre, ne serait-ce que par curiosité’. Mathieu Mucherie

Hors du sacrifice point de salut !

En ces temps étranges …

Où pour faire la guerre, l’on se voit sommé par un gouvernement « En marche »… de rester chez soi !

Où, en un incroyable rituel 500 ans après les sanguinaires Aztèques, nos populations entières se voient conviées chaque soir à la même heure au décompte des victimes sacrificiées du jour …

Où reprenant les prédictions proprement apocalyptiques d’un expert britannique qui annonce à présent que du fait qu’elles étaient en fin de vie ou de leurs conditions sous-jacentes jusqu’à deux tiers des victimes du coronavirus seraient mortes n’importe comment à la fin de l’année

Le conseiller scientifique du président américain annonce à son pays et au monde entier la mort possible, pour sa propre nation, de l’équivalent des victimes combinées d’Hiroshima et de Nagasaki

Où la planète entière se lance au même moment dans la plus folle des surenchères au harakiri économique

Où l’origine géographique même d’un virus ne peut plus être mentionnée …

Alors qu’en un véritable  Etat voyou chinois prêt, comme la dernière fois après ses criminelles semaines de mensonges du départ, à reprendre ses pires habitudes

Et en train de régler définitivement à elle toute seule, en une sorte de potlatch proprement planétaire, le problème des espèces animales protégées

Un journal  confirme, ce qu’a pu représenter pour la ville-martyre de Wuhan, le prix du sauvetage des bouchers de Tiananmen

Comment ne pas voir …

Dans le scandale même qu’ont soulevé les propos chocs du vice-gouverneur du Texas …

Appelant non comme on l’a dit à sacrifier les personnes âgées sur l’autel des profits

Ni même à exiger que lesdites personnes âgées se sacrifient

Mais annonçant tout simplement sa résolution à lui et à d’autres membres de sa génération, à se battre, au prix de sa vie pour éviter le sacrifice de l’avenir de toute une génération

La vérité que tiennent tant à cacher, première victime de toute guerre comme on le sait, nos dirigeants les mieux-pensants …

Derrière la fausse alternative entre les vies et l’économie …

Et le véritable potlatch, en centaines de milliards d’euros sans compter nos libertés, qu’ils se préparent à faire …

A savoir comme le rappelait hier même le philosophe Damien Le Guay sur le site Atlantico …

Qu’une crise économique fait aussi des morts …

Et que derrière la générosité jour après jour exhibée de l’Etat pour ses citoyens peut aussi se cacher sans le dire …

Au-delà de la nécessité de dissimuler, à présent éclatante, l’incurie et l’imprévision de décennies …

Un « arbitrage entre la France d’aujourd’hui qui se protège et la France de demain qui devra payer, en remboursant la dette, les protections d’aujourd’hui » … ?

Mais surtout comment ne pas voir …

En cette veille de Pâques …

La vérité bien plus profonde enfin toute nue et crue …

Si brillamment redécouverte, cachée depuis la fondation du monde on s’en souvient, par le philosophe René Girard …

Et regrettée par à la fois Nietzche et Hitler …

Mais déjà évoquée bien avant tout au long des Ecritures sacrées juives…

Notamment dans le fameux jugement de Salomon …

Puis énoncée, sans le savoir nous dit le texte, par le sacrificateur Caïphe il y a 2 000 ans…

Et enfin parfaitement explicitée, en paroles comme dans le don suprême de sa propre vie, par le Christ lui-même …

A savoir contre « l’illusion d’un terrain neutre complètement étranger à la violence » …

L’incontournable fait …

Que l’ « on ne peut renoncer au sacrifice première manière, qui est sacrifice d’autrui, violence contre l’autre, qu’en assumant le risque du sacrifice deuxième manière, le sacrifice du Christ qui meurt pour ses amis »  ?

La palme du cynisme

Convergences révolutionnaires

30 mars 2020

Selon Trump et ses amis, qui veulent remettre les travailleurs au boulot dès avril, le ralentissement de l’économie américaine est aussi dangereuse que le coronavirus. C’est aussi ce que pense Dan Patrick, le vice-gouverneur du Texas, qui a appelé les personnes âgées à aller travailler. Autrement dit, se sacrifier pour « conserver l’Amérique que tout le monde aime ». C’est vrai que les plus âgés sont aussi les plus susceptibles d’être touchée par le virus, alors foutu pour foutu, autant qu’ils aillent se tuer à la tâche !

« L’Amérique qu’on aime » : celle où les plus faibles sont sacrifiés sur l’autel des profits ?

Voir aussi:

Sputnik

Le vice-gouverneur du Texas s’est déclaré prêt à donner sa vie plutôt que de voir l’économie américaine sombrer à cause des mesures sanitaires liées à la pandémie de Covid-19. Selon lui, «beaucoup de grands-parents» à travers le pays partagent cette position.

Nombreux sont les Américains âgés qui sont prêts à «se sacrifier» afin d’empêcher la pandémie de coronavirus de porter un grave préjudice à l’économie nationale et par conséquent au bien-être de leurs petits-enfants, estime le vice-gouverneur du Texas Dan Patrick.

«Mon message est le suivant: reprenons le travail, reprenons la vie normale, soyons intélligents, et ceux d’entre nous qui ont plus de 70 ans, nous nous occuperons de nous», a confié le responsable dans un entretien avec un journaliste de la chaîne Fox News

Lui-même âgé de 69 ans, il s’est dit prêt à mourir plutôt que de voir l’économie américaine détruite par les mesures sanitaires décrétées sur fond de pandémie. D’après lui, cette position est partagée par «beaucoup de grands-parents» à travers le pays.Selon les dernières évaluations de l’Université John-Hopkins, les États-Unis comptent pour le moment 46.450 cas confirmés d’infection au coronavirus, soit le troisième pays le plus touché au monde, ainsi que près de 600 décès.

Voir également:

Coronavirus : Le vice-gouverneur du Texas estime que les personnes âgées devraient se sacrifier pour l’économie

Dan Patrick, lieutenant-gouverneur du Texas (équivalent de vice-gouverneur), a estimé que les grands-parents, comme lui, devaient être prêts à mourir pour sauver l’économie du pays.

Invité lundi soir sur Fox News, il a assuré que le confinement de la population, et donc le ralentissement général de l’économie, était la plus grande menace pour les Etats-Unis.

«Êtes-vous prêt à prendre le risque [d’être malade] afin de conserver l’Amérique que tout le monde aime pour vos enfants et petits-enfants ?» a lancé celui qui est âgé de 69 ans et a six petits-enfants. «Si c’est le deal, je suis prêt à me lancer», a-t-il expliqué, assurant qu’il ne voulait pas «que tout le pays soit sacrifié».

Devant ce discours peu ordinaire, le journaliste a souhaité être sûr de ce que Dan Patrick pensait. «Donc, vous dites essentiellement que cette maladie pourrait vous tuer, mais que ce n’est pas la chose la plus effrayante pour vous. Il y a quelque chose qui serait pire que de mourir ?», a-t-il demandé. Ce à quoi le lieutenant-gouverneur répondu par l’affirmative.

Cette position du responsable républicain, qui peut paraître étonnante, est pourtant en accord avec celle de Donald Trump. Lundi, le président américain a exprimé des doutes sur les restrictions mises en place face au coronavirus, déplorant leur impact sur l’économie. «Nous ne pouvons laisser le remède être pire que le problème lui-même», a-t-il tweeté.

Voir de même:

Texas Lt. Gov. Dan Patrick spurns shelter in place, urges return to work, suggests grandparents should sacrifice

“My message is that let’s get back to work,” Patrick said on Fox News. “And those of us who are 70 plus, we’ll take care of ourselves. But don’t sacrifice the country.”

« Crise sanitaire: les libertés abandonnées ne seront pas retrouvées intactes »
Avec les meilleures intentions, l’Etat devient plus tutélaire que jamais, s’inquiète l’essayiste Jean-Philippe Delsol. Dans quel état sera, demain, la liberté en France?
Jean-Philippe Delsol
Le Figaro
30 mars 2020

Jean-Philippe Delsol est avocat et président de l’Institut de Recherches Économiques et Fiscales (think-tank libéral). Il a notamment publié Éloge de l’inégalité (Manitoba, 2019).


Le Covid-19 prendra des milliers de vies et chaque vie perdue trop tôt est une mort de trop. Il fallait lutter de manière déterminée contre cette épidémie. Mais ne faut-il pas aussi raison garder? Selon les propos de Monsieur Macron, la situation prouverait que «la santé gratuite sans condition de revenu, de parcours ou de profession, notre État-providence ne sont pas des coûts ou des charges mais des biens précieux, des atouts indispensables quand le destin frappe». N’est-ce pas l’inverse? Peut-être payons-nous aujourd’hui des décennies d’étatisation de la santé en France qui ont conduit à une insuffisance du nombre de généralistes et autres praticiens, des urgences en surchauffe permanente et des hôpitaux publics qui manquent de moyens par suite de quotas stupides imposés depuis des décennies aux examens de médecine, d’une sécurité sociale impotente et qui paupérise progressivement médecins et personnels hospitaliers, d’une politique centralisatrice, restrictive et néanmoins très onéreuse, représentant 11,2% du PIB en 2018, parmi les quatre pays dont le financement est le plus élevé de l’OCDE?

Taïwan, dont le système de santé est très largement privatisé, a réussi à maîtriser la propagation de la maladie sans confinement généralisé

Peut-on, doit-on faire confiance à cet État qui n’a pas prévu de stocks suffisants de masques et de tests, qui s’inquiète de l’insuffisance de lits respiratoire et tarde à en appeler aux lits inoccupés des hôpitaux privés? L’État ne sait pas tout! D’autres politiques étaient possibles. Sans confinement généralisé, la Corée du Sud et Taïwan, dont le système de santé est très largement privatisé, ont réussi à maîtriser la propagation de la maladie avec des distributions ou ventes massives de masques de protection et la multiplication des dépistages permettant un suivi des parcours du virus pour chaque patient.

L’État pourtant s’institue désormais en grand ordonnateur. Puisqu’il a renvoyé les salariés chez eux et que d’autres utilisent leur droit de retrait, qui leur permet de quitter leur travail en cas de danger tout en étant payé, il lui faut venir au secours des entreprises en perdition. Va-t-il prendre en charge les loyers des commerces fermés, s’opposer aux cessations de paiement, réquisitionner… et à quel coût? Il a annoncé des dizaines de milliards et il en faudra peut-être des centaines… à la charge des contribuables bien sûr, car ce sont toujours eux qui payent à la fin.

Pourtant, avec l’argent perdu par tant d’activités étouffées dans l’industrie et le commerce, combien d’autres vies aurions-nous pu sauver par la recherche, la découverte accélérée d’autres remèdes et vaccins? Et combien d’autres morts ou d’autres malades causeront indirectement ces faillites inévitables, le chômage qui s’ensuivra, la pauvreté et la détresse qui augmenteront? Il y a ce qui se voit et ce qui ne se voit pas!

Sûr que sa douce tyrannie est bonne, l’État n’en profitera-t-il pas pour étendre son pouvoir sur les citoyens et bientôt sur leur esprit?

Mais l’État aura pris déjà soin des affaires de tous. Il se croira indispensable. Sûr que sa douce tyrannie est bonne, n’en profitera-t-il pas, comme en Chine, pour étendre son pouvoir sur les citoyens et bientôt sur leur esprit qu’il confinera aussi dans une pensée correcte? Pour le craindre, il suffit de lire le projet de loi d’urgence pour faire face à l’épidémie de Covid-19 selon lequel «la déclaration de l’état d’urgence sanitaire donne pouvoir au Premier ministre de prendre par décret pris sur le rapport du ministre chargé de la santé, les mesures générales limitant la liberté d’aller et venir, la liberté d’entreprendre et la liberté de réunion et permettant de procéder aux réquisitions de tout bien et services nécessaires (…)». Il s’agit de nos libertés essentielles, constitutionnelles. Et on les supprime dans une loi d’urgence qui sera adoptée en catimini dans des hémicycles désertés par la peur! Il n’est pas sûr que ce soit conforme à la Constitution, mais qui osera s’y opposer puisque nous sommes en guerre!

Certes, je n’imagine pas que MM. Macron et Philippe instituent aujourd’hui un État totalitaire, mais ils habituent la politique française à ces mesures sur la base d’une situation décrétée d’urgence absolue dans des conditions qui ne le méritaient peut-être pas. Ils augurent mal de l’avenir pour lequel déjà ils parlent de nationaliser, de contrôler la production…

Les libertés dédaignées seront amoindries.

Une nouvelle religion de précaution se sera répandue pour croire que l’héroïsme conduit à vivre chez soi s’il est dangereux d’en sortir. Tous se seront accoutumés à une présence publique plus tutélaire que jamais. Patrons, indépendants et salariés garderont tendue la main qui réclame l’aumône que l’État leur consent après en avoir prélevé le montant sur leur dos. Les libertés dédaignées seront amoindries et difficiles à recouvrer. La puissance publique régnera et aura pris plaisir à son obésité. Sauf si nous savons réagir bien sûr et prendre mesure de toutes choses. Face au Coronavirus, gardons en tête ces mots de Corneille dans Polyeucte: «Je ne hais point la vie, et j’en aime l’usage, / Mais sans attachement qui sente l’esclavage.»

Voir encore:

Crise sanitaire : la dangereuse tentation de la surveillance de masse

Paul Melun et Philippe Dorthela mettent en garde contre la tentation de la surveillance de masse pour régler la crise en cours.

La crise sanitaire est rude pour les démocraties libérales. Impréparées face à une telle onde de choc, le défi est immense pour ces nations plus que jamais ouvertes à une mondialisation où le rôle de l’Etat se réduit à peau de chagrin. Désormais, les démocraties doivent résoudre une équation complexe ; entre garantie des libertés individuelles et efficacité de la gestion de la crise.

L’Europe en crise

L’action trop tardive des gouvernements européens lors des premières semaines a provoqué une propagation non maitrisée du Covid-19 sur plusieurs pays avec un foyer très actif en Italie. En France, le discours affirmant que le pays était largement équipé et que le virus n’était pas plus dangereux qu’une grippe saisonnière dominait largement. Comme du temps de la ligne Maginot et de la guerre éclair (Blitzkrieg), les certitudes d’une protection totalement étanche ont été battues en brèche par les faits.

Désormais, la crise est au cœur du Vieux Continent et la politique de rigueur budgétaire et ses 3% de déficit semble bien dérisoire face aux funestes conséquences des fermetures de lits, des délocalisations de la production de denrées médicales et des baisses de commandes de masques. Au pied du mur, le gouvernement fait le choix d’un comité scientifique sur lequel il fonde ses décisions. Le rôle du politique est pourtant, en consultation étroite avec les experts, d’arbitrer selon des valeurs et avec humanité, il est impensable en démocratie de déléguer le pouvoir démocratique aux mêmes experts.

Faire croire aux Français que face à la crise sanitaire il serait incontournable de recourir à de telles méthodes constitue une grave menace

En parallèle de cette gouvernance des experts, la tentation de la surveillance de masse devient l’un des remèdes qui s’instille insidieusement dans les esprits depuis quelques jours. Des drones sont ainsi déployés dans les rues de Nice ou Paris afin de rappeler à l’ordre les citoyens. Si ce type d’usages reste circonscrit en France, en Asie son usage est bien plus contestable. En Corée du Sud, la stratégie numérique d’identification des citoyens est mise en place et les déplacements des individus sont tracés et contrôlés à distance à l’aide des smartphones. A la manière des récits de science-fiction des années 1980, l’Asie du sud-est devient un terrain d’expérimentation pour une surveillance orwellienne profitant du climat de pandémie.

Là-bas, les individus se déplacent sous l’œil acéré d’un « big brother étatique ». Partout dans le monde, le e-commerce devient incontournable en temps de crise et se donne quasiment une mission de service public auprès des citoyens ; derrière cette image vertueuse et bienveillante reste pourtant un nouveau pouvoir désormais incontournable, aux capacités de surveillance immenses.

La France est aujourd’hui tentée d’emprunter cette voie. Certains experts réclament au comité scientifique français d’explorer ces mesures venues d’Asie. Face à cela Jacques Toubon le défenseur des droits appelle, à raison, à la plus grande prudence sur les libertés individuelles. Faire croire aux Français que face à la crise sanitaire il serait incontournable de recourir à de telles méthodes constitue une grave menace. Ouvrir la voie à de telles mesures, quand bien même nous soyons face à une pandémie, est la garantie de décennies bien plus funestes à l’issue de la crise.

Une tentation liberticide et inefficace

Outre la dimension liberticide de la surveillance de masse, son efficacité très limitée doit être relevée. Les premiers retours d’expérience étrangers montrent que le confinement strict et la distribution massive de masques sont les seules façons d’endiguer le mal en attendant un remède. Ceci réclame de la part de la France deux réponses ; logistique et juridique. Le basculement réel et profond de l’économie nationale afin de mobiliser pleinement l’appareil productif (réquisition de sites industriels notamment) et l’utilisation de l’arsenal juridique dont la constitution de 1958 voulut par le Général de Gaulle permet de disposer en cas de crise.

Demain, l’expertise devra être citoyenne !

La sortie de crise nécessite un Etat fort s’inscrivant dans le strict respect des libertés publiques et dans une action politique au service des citoyens. C’est dans les temps de crise que les démocraties doivent demeurer des lueurs d’espoir, sans jamais éteindre leur humanité au nom d’une hypothétique rationalité, fussent-elles professées par des « experts ». L’après crise ne pourra se passer d’une réflexion collective, pour choisir les nouveaux fondamentaux qui demain orchestreront notre quotidien. Demain, l’expertise devra être citoyenne !

Voir par ailleurs:

Two thirds of coronavirus victims may have died this year anyway, government adviser says

Professor Neil Ferguson said experts were now expecting around 20,000 deaths, although said it may turn out to be a lot less

Up to two thirds of people who die from coronavirus in the next nine months are likely to have died this year from other causes, a government advisor has said.

Professor Neil Ferguson, who is recovering at home from Covid-19, told the Science and Technology Committee that experts were now expecting around 20,000 deaths, although said it may turn out to be a lot less.

But he said that many of those deaths were likely to be old and seriously ill people who would have died from other conditions before the end of the year.

Appearing via videolink, and drinking from a Keep Calm and Carry On mug, Prof Ferguson said: “We don’t know what the level of excess deaths will be in the epidemic, in that, by the end of the year what proportion of people who died from covid would have died? It might be as much as half or two thirds of the deaths we see, because these are people at the end of their lives or have underlying conditions so these are considerations. Fatalities are probably unlikely to exceed 20,000 with social distancing strategies but it could be substantially lower than that and that’s where real time analysis will be needed.”

Prof Ferguson, who sits on the government’s Scientific Advisory Group for Emergencies (Sage) said that the decision to lockdown Britain had been taken because the NHS simply could not have coped with the surge in demand, which would have had a huge knock-on effect for other health services, potentially having unintended consequences.

He said that he expected the virus to peak within 2.5 to three weeks before tailing off and said that the warmer weather could also see transmision dip by up to 20 per cent.

The government’s strategy is to keep people apart to flatten the peak so that the health service can cope with the cases until a vaccine or anti-viral is ready, which is unlikely before the end of the year.

Prof Ferguson said that the new social distancing measures announced by Boris Johnson earlier in the week meant the NHS would now be able to handle the incoming cases of coronavirus.

“The strategy being done now in some areas ICUs will get close to capacity but it won’t be reached at a national level,” he said.

“We are reasonably confident that at a national level we will be within capacity.”

The government has faced widespread criticism for failing to test people in the community and trace the people they have come into contact with, unlike other countries such as South Korea, which managed to contain the virus far more quickly.

But Prof Ferguson said they were unable to adopt a similar strategy because Public Health England (PHE) had informed the Sage committee in January that there was not the capacity to test that number of people.

Instead, the current strategy aim is to suppress transmission indefinitely until other counter-measures are put in place, including a vaccine.

Prof Ferguson said it was clear that widespread testing was needed to help move the country from suppression measures and lockdown into something the country can manage longer-term.

He suggested that local areas may face lockdown if they have especially high rates of infection.

« There will be some resurgence of transmission but the hope is that by employing more focused policies to suppress those local outbreaks, we can maintain infection levels at low levels in the country as a whole indefinitely,” he said.

« It remains to be seen how we achieve this and how practical it proves to be. The long-term exit from this is clearly the hopes around a vaccine.”

However Sage was criticised for its slow response by the Editor of the medical journal the Lancet, who said experts had failed to appreciate just how serious the situation was in China by January, and the risk to Britain.

Richard Horton, said the group did not seem to have read important modelling papers that Chinese scientists had produced early in the epidemic.

There was a mismatch between the urgent warning that was coming from the frontline in China and the pedestrian evaluation of what the likely severity of the outbreak would be,” he told MPs.

“That suggests to me that we didn’t understand fully what was taking place. I think the perspective was largely on the UK but I haven’t seen an outreach to the scientists in China,

“China has top scientists who are doing cutting edge work and have responded in the most unbelievably rapid way so if I had been chair of sage I would have wanted to go to those scientists on the frontline to find out what is coming for us in the UK.”

Voir aussi:


21 000 MORTS !!!! (Is Europe ready to sacrifice its very lifeblood to save… its octogenerians ?)

20 mars, 2020

Grippe : 21 000 morts, « ça ne peut devenir la norme »La France compte 66,6 millions d'habitants: boom des décès et recul de l'espérance de vieGraphique: Les vagues de chaleur les plus meurtrières | StatistaImage result for longévité hommes europeImage result for loi sur l'euthanasie en Europe
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Les justes lui répondront: Seigneur, quand t’avons-nous vu avoir faim, et t’avons-nous donné à manger; ou avoir soif, et t’avons-nous donné à boire? Quand t’avons-nous vu étranger, et t’avons-nous recueilli; ou nu, et t’avons-nous vêtu? Quand t’avons-nous vu malade, ou en prison, et sommes-nous allés vers toi? Et le roi leur répondra: Je vous le dis en vérité, toutes les fois que vous avez fait ces choses à l’un de ces plus petits de mes frères, c’est à moi que vous les avez faites. Jésus (Matthieu 25: 44-45)
Une civilisation est testée sur la manière dont elle traite ses membres les plus faibles. Pearl Buck
Le monde moderne n’est pas mauvais : à certains égards, il est bien trop bon. Il est rempli de vertus féroces et gâchées. Lorsqu’un dispositif religieux est brisé (comme le fut le christianisme pendant la Réforme), ce ne sont pas seulement les vices qui sont libérés. Les vices sont en effet libérés, et ils errent de par le monde en faisant des ravages ; mais les vertus le sont aussi, et elles errent plus férocement encore en faisant des ravages plus terribles. Le monde moderne est saturé des vieilles vertus chrétiennes virant à la folie.  G.K. Chesterton
L’exigence chrétienne a produit une machine qui va fonctionner en dépit des hommes et de leurs désirs. Si aujourd’hui encore, après deux mille ans de christianisme, on reproche toujours, et à juste titre, à certains chrétiens de ne pas vivre selon les principes dont ils se réclament, c’est que le christianisme s’est universellement imposé, même parmi ceux qui se disent athées. Le système qui s’est enclenché il y a deux millénaires ne va pas s’arrêter, car les hommes s’en chargent eux-mêmes en dehors de toute adhésion au christianisme. Le tiers-monde non chrétien reproche aux pays riches d’être leur victime, car les Occidentaux ne suivent pas leurs propres principes. Chacun de par le vaste monde se réclame du système de valeurs chrétien, et, finalement, il n’y en a plus d’autres. Que signifient les droits de l’homme si ce n’est la défense de la victime innocente? Le christianisme, dans sa forme laïcisée, est devenu tellement dominant qu’on ne le voit plus en tant que tel. La vraie mondialisation, c’est le christianisme! René Girard
Je crois que le moment décisif en Occident est l’invention de l’hôpital. Les primitifs s’occupent de leurs propres morts. Ce qu’il y a de caractéristique dans l’hôpital c’est bien le fait de s’occuper de tout le monde. C’est l’hôtel-Dieu donc c’est la charité. Et c’est visiblement une invention du Moyen-Age. René Girard
Notre monde est de plus en plus imprégné par cette vérité évangélique de l’innocence des victimes. L’attention qu’on porte aux victimes a commencé au Moyen Age, avec l’invention de l’hôpital. L’Hôtel-Dieu, comme on disait, accueillait toutes les victimes, indépendamment de leur origine. Les sociétés primitives n’étaient pas inhumaines, mais elles n’avaient d’attention que pour leurs membres. Le monde moderne a inventé la « victime inconnue », comme on dirait aujourd’hui le « soldat inconnu ». Le christianisme peut maintenant continuer à s’étendre même sans la loi, car ses grandes percées intellectuelles et morales, notre souci des victimes et notre attention à ne pas nous fabriquer de boucs émissaires, ont fait de nous des chrétiens qui s’ignorent. René Girard
On a commencé avec la déconstruction du langage et on finit avec la déconstruction de l’être humain dans le laboratoire. (…) Elle est proposée par les mêmes qui d’un côté veulent prolonger la vie indéfiniment et nous disent de l’autre que le monde est surpeuplé. René Girard
L’idée d’une Chine naturellement pacifique et trônant, satisfaite, au milieu d’un pré carré qu’elle ne songe pas à arrondir est une fiction. L’idée impériale, dont le régime communiste s’est fait l’héritier, porte en elle une volonté hégémoniste. La politique de puissance exige de « sécuriser les abords ». Or les abords de la Chine comprennent plusieurs des grandes puissances économiques du monde d’aujourd’hui : la « protection » de ses abords par la Chine heurte de plein fouet la stabilité du monde. Et ce, d’autant qu’elle est taraudée de mille maux intérieurs qui sont autant d’incitations aux aventures extérieurs et à la mobilisation nationaliste. Que veut la République Populaire ? Rétablir la Chine comme empire du Milieu. (…) À cet avenir glorieux, à la vassalisation par la Chine, les Etats-Unis sont l’obstacle premier. La Chine ne veut pas de confrontation militaire, elle veut intimider et dissuader, et forcer les Etats-Unis à la reculade.  (…) Pékin a récupéré Hong-Kong – l’argent, la finance, les communications. L’étape suivante, c’est Taïwan – la technologie avancée, l’industrie, d’énormes réserves monétaires. Si Pékin parvient à imposer la réunification à ses propres conditions, si un « coup de Taïwan » réussissait, aujourd’hui, demain ou après-demain, tous les espoirs seraient permis à Pékin. Dès lors, la diaspora chinoise, riche et influente, devrait mettre tous ses œufs dans le même panier ; il n’y aurait plus de centre alternatif de puissance. La RPC contrôlerait désormais les ressources technologiques et financières de l’ensemble de la « Grande Chine ». Elle aurait atteint la masse critique nécessaire à son grand dessein asiatique. Militairement surclassés, dénués de contrepoids régionaux, les pays de l’ASEAN, Singapour et les autres, passeraient alors sous la coupe de la Chine, sans heurts, mais avec armes et bagages. Pékin pourrait s’attaquer à sa « chaîne de première défense insulaire » : le Japon, la Corée, les Philippines, l’Indonésie. La Corée ? Privée du parapluie américain, mais encore menacée par l’insane régime nord-coréen, elle ferait face à un choix dramatique : soit accepter l’affrontement avec le géant chinois, se doter d’armes nucléaires et de vecteurs balistiques, et d’une défense antimissiles performante, soit capituler, et payer tribut, tel un vassal, au grand voisin du sud. Elle pourrait théoriquement s’allier au Japon pour que les deux pays – dont les rapports ne sont jamais faciles – se réarment et se nucléarisent ensemble. Il est également possible – c’est le plan chinois – qu’ils se résolvent tous deux à capituler. Le Japon, géant techno-industriel, nain politico militaire, archipel vulnérable, serait confronté au même dilemme. L’Asie du Sud-Est, sans soutien américain ni contrepoids à la Chine en Asie du Nord, est désarmée. Tous montreraient la porte aux Etats-Unis, dont les bases militaires seraient fermées, en Corée et au Japon. Les Etats-Unis seraient renvoyés aux îles Mariannes, Marshall et à Midway – comme l’entendait le général Tojo, le chef des forces armées impériales du Japon et l’amiral Yamamoto, le stratège de l’attaque de Pearl Harbour en 1941. La Chine est-elle maîtresse de l’Asie ? Reste à neutraliser l’Inde, l’égale démographique, la rivale démocratique, anglophone, peu disposée à s’en laisser compter. Mais il faut la clouer sur sa frontière occidentale par l’éternel conflit avec le Pakistan islamiste et nucléaire. La Chine doit neutraliser l’Inde, ou l’attaquer, avant que ses progrès économiques et militaires ne lui confèrent une immunité stratégique. La Mongolie « extérieure » est récupérée, Pékin ne s’étant jamais accommodé de son indépendance ni de sa soumission à la Russie. Plus loin, le traité de Pékin de 1860, qui donna à la Russie les territoires de l’Extrême-Orient russe, pourra être effacé ou abrogé, la faiblesse russe allant s’aggravant. Au XXIe siècle, l’hégémonie asiatique, c’est le tremplin vers la domination mondiale. Harold Mackinder, le géopoliticien britannique, affirmait il y a un siècle que la domination du cœur de l’Eurasie, c’était la domination du monde. Les déplacements tectoniques intervenus dans l’économie et la politique mondiale font de l’Asie peuplée, riche et inventive, le pivot de la domination mondiale. Tel est le grand dessein chinois, à un horizon qui peut être placé entre 2025 et 2050. Pour qu’il réussisse, la condition nécessaire est l’élimination des Etats-Unis comme facteur stratégique majeur dans l’Asie-Pacifique. Objectera-t-on qu’il y a là une bonne dose d’irréalisme ? Le PNB du Japon de 1941 ne se montait guère qu’à 20 pour cent de celui des Etats-Unis. L’erreur de calcul est commune dans les affaires internationales, et fournit souvent la poudre dont sont faites les guerres. L’aptitude à se méprendre du tout au tout sur les rapports de force est caractéristique des dictatures. La Pax Sinica désirée par le nouvel hégémon bute sur bien d’autres obstacles. La course au nationalisme des dirigeants du régime est non seulement le produit atavique d’une tradition dont nous avons démonté les ressorts – « de même qu’il n’y a pas deux soleils dans le ciel, il ne peut y avoir qu’un empereur sur terre », dit le Livre des rites confucéen – elle est également le produit d’une fuite en avant provoquée par les multiples crises qui affligent la Chine. Le régime devrait résoudre la quadrature du cercle pour maîtriser ces crises : la perspective est improbable. L’échec probable rend possible l’ouverture d’un nouveau cycle de crise systémique. L’agressivité nationaliste du régime en serait aggravée. Jamais ses chefs n’ont été aussi isolés de la société, jamais la Chine n’a été aussi anomique qu’elle ne l’est devenue sous la férule de Jiang Zemin. L’absurde méga-projet de projet de barrage des Trois-Gorges sur le Yangzien en est l’éclatante démonstration : ce chantier pharaonique absorbe des investissements gigantesques au détriment de bien des projets plus réalistes, dans le but de résoudre en quelque sorte d’un seul coup la pénurie d’électricité nationale. Les études de faisabilité et d’impact environnemental ont été bâclées : nu ne sait ce qui adviendra de ce bricolage géant sur le géant fluvial de Chine du Sud. Les risques de catastrophe écologique sont considérables. Des millions de villageois ont été délogés. La corruption s’est emparée du projet, au point de menacer la stabilité et la solidité du barrage : le sable a remplacé le béton dans un certain nombre d’éléments du barrage. Une société moderne ne peut être gérée sur la base des choix arbitraires de quelques centaines de dirigeants reclus, opérant dans le secret et en toute souveraineté. Ce que les tenants, aujourd’hui déconfits, des « valeurs asiatiques », n’avaient pas compris, dans leurs plaidoyers pro domo en faveur d’un despotisme qu’ils prétendaient éclairé, c’est que les contre-pouvoirs, les contrepoids, que sont une opposition active, une presse libre et critique, des pouvoirs séparés selon les règles d’un Montesquieu, l’existence d’une société civile et de multitudes d’organisations associatives, font partie de la nécessaire diffusion du pouvoir qui peut ainsi intégrer les compétences, les intérêts et les opinions différentes. Mais, pour ce faire, il convient de renoncer au modèle chinois, c’est-à-dire au monolithisme intérieur. La renonciation au monolithisme extérieur n’est pas moins indispensable : la Chine doit participer à un monde dont elle n’a pas créé les règles, et ces règles sont étrangères à l’esprit même de sa politique multimillénaire. La Chine vit toujours sous la malédiction de sa propre culture politique. La figure que prendra le siècle dépendra largement du maintien de la Chine, ou de l’abandon par elle, de cette culture, et de sa malédiction. Laurent Murawiec (2000)
La «grippe de Hongkong» alias «grippe de 68» est pourtant la plus récente des pandémies grippales. Troisième du XXe siècle après la «grippe espagnole» (20 à 40 millions de morts en 1918-1920) et la «grippe asiatique» (2 millions de morts en 1957), elle a fait le tour du monde entre l’été 1968 et le printemps 1970, tuant environ un million de personnes, selon les estimations de l’Organisation mondiale de la santé (OMS). Combien en France ? Il a fallu la grande peur d’une nouvelle pandémie liée à l’émergence du virus H5N1 pour que l’on s’aperçoive que nul n’avait fait le compte. C’est ainsi que les statisticiens et épidémiologistes Antoine Flahault et Alain-Jacques Valleron viennent de découvrir, au terme d’une analyse encore inédite des fichiers de mortalité conservés par l’unité CEPIDC (Centre épidémiologique sur les causes médicales de décès) de l’Inserm, l’ampleur exacte de cette grippe «oubliée» : «25 068 morts en décembre 1969 et 6 158 en janvier 1970, soit 31 226 en deux mois, révèle Antoine Flahault. La grippe de Hongkong a tué en France deux fois plus que la canicule de 2003 ! Fait frappant, cette énorme surmortalité saisonnière est passée pratiquement inaperçue.» A la fin des sixties, la grippe, ses malades et ses morts n’intéressent pas. Ni les pouvoirs publics, ni le public, ni les médias. L’événement est sur la Lune avec l’équipage d’Apollo 12, au Vietnam où l’Amérique s’enlise, au Biafra qui agonise, en Chine où s’achève la Révolution culturelle, à l’Elysée où s’installe Pompidou avec mission de gérer l’après-68 et les grèves qui perlent toujours dans les entreprises, les universités et les lycées. Mais assurément pas dans les hôpitaux. Témoin la presse française qui, en cet hiver 1969, alors même que la grippe de Hongkong atteint son apogée dans l’Hexagone, consacre des articles sporadiques à l’«épidémie» ­ on n’use pas alors du mot «pandémie». (…) La grippe, dont nul ne signale les morts, est alors moins qu’un fait divers. C’est un «marronnier d’hiver», écrit France-Soir… Un marronnier pour tous, sauf pour les collaborateurs du réseau international de surveillance de la grippe créé par l’OMS dès sa fondation, en 1947. Un article du Times de Londres les a alertés, le 12 juillet 1968, en signalant une forte vague de «maladie respiratoire» dans le sud-est de la Chine, à Hongkong. C’est dans cette colonie britannique surpeuplée qu’avaient été recensées, en 1957, les premières victimes du virus de la «grippe asiatique». Depuis, Hongkong est devenu, pour les épidémiologistes, la sentinelle des épidémies dont la Chine communiste est soupçonnée d’être le berceau. Fin juillet 1968, le Dr W. Chang dénombre 500 000 cas dans l’île. La «grippe de Hongkong» est née. Le virus, expédié sur un lit de glace à Londres où siège l’un des deux centres internationaux de référence de la grippe, est identifié comme une «variante» du virus de la grippe asiatique, un virus de type A2 ­ on dirait aujourd’hui H2. Erreur : on établira bientôt, après de vifs débats d’experts, qu’il s’agit d’un virus d’un nouveau genre, baptisé ultérieurement H3. Qu’importe, il voyage. Et vite. Profitant de l’émergence des transports aériens de masse. Gagne Taiwan, puis Singapour et le Vietnam. Ironie de la guerre : en septembre, il débarque en Californie avec des marines de retour au pays. Ironie de la science : au cours de ce même mois, il décime les rangs d’un Congrès international qui réunit à Téhéran 1 036 spécialistes des maladies infectieuses tropicales. «C’était un gag», raconte le virologiste Claude Hannoun, pionnier du vaccin antigrippal français et futur directeur du centre de référence de la grippe à l’Institut Pasteur. «Le troisième jour, alors que j’étais cloué au lit, un confrère m’a dit qu’il y avait plus de monde dans les chambres qu’en session. Près de la moitié des participants sont tombés malades sur place ou à leur retour chez eux.» Une enquête montrera qu’ils ont contribué à l’introduction du virus non seulement en Iran, mais dans huit pays de trois continents, du Sénégal au Koweït en passant par l’Angleterre et la Belgique. Fin 1968, le virus a traversé les Etats-Unis, tuant plus de 50 000 personnes en l’espace de trois mois. En janvier 1969, il accoste l’Europe de l’Ouest, mais sans grands dégâts, et en mai il semble avoir disparu de la circulation. Tant et si bien qu’en octobre 1969, lorsque l’OMS réunit à Atlanta une conférence internationale sur la grippe de Hongkong, les scientifiques estiment que la pandémie est finie, et plutôt bien : «Il n’y a pas eu de grand excès de mortalité, excepté aux Etats-Unis», conclut alors l’Américain Charles Cockburn. «En décembre, ça a été la douche froide», dit Claude Hannoun. Le virus de Hongkong est revenu en Europe. Méchant, cette fois. D’autant plus que le Vieux Continent a négligé de préparer un vaccin adéquat. Certes, en France, on a vacciné. Quelques jours durant, le service de vaccination de Lyon a même été pris d’assaut. «Il y a eu un moment où les vaccinations se faisaient sur le trottoir, avec des étudiants en médecine recrutés dans les amphis et la police qui bloquait les accès de la rue», raconte le Pr Dellamonica. Hélas, à la différence des vaccins américains, les produits français, fabriqués alors de façon assez artisanale par Pasteur (Paris) et Mérieux (Lyon), n’incluent pas la souche de Hongkong, malgré un débat d’experts. «De fait, les vaccins ont été d’une efficacité très médiocre ­ 30 % au lieu de l’usuel 70 %», relève Claude Hannoun. Autres temps, autres moeurs : nul n’a alors accusé les experts de la grippe et/ou le ministre de la Santé, Robert Boulin, d’avoir négligé ce «marronnier d’hiver» qui a envoyé 31 000 personnes au cimetière. On est loin de la France du sang contaminé dénonçant les responsabilités des politiques et des scientifiques, loin de ce début de millénaire où gouvernements et experts égrènent avec angoisse le nombre de personnes mortes d’avoir été contaminées par des volailles excrétant le virus aviaire H5N1 (une soixantaine en deux ans), guettent les premiers frémissements d’une «humanisation» du virus et se préparent, à coups de millions de dollars, à affronter les retombées sanitaires, économique. «A la fin des années 60, on a confiance dans le progrès en général, et le progrès médical en particulier, analyse Patrice Bourdelais, historien de la santé publique à l’Ecole des hautes études en sciences sociales. Il y a encore beaucoup de mortalité infectieuse dans les pays développés, mais la plupart des épidémies y ont disparu grâce aux vaccins, aux antibiotiques et à l’hygiène. La grippe va donc, inéluctablement, disparaître.» Pour la communauté scientifique, la pandémie de Hongkong est cependant un choc. «Elle a sonné l’alarme, réveillé la peur de la catastrophe de 1918 et boosté les recherches sur le virus», dit Claude Hannoun. L’Institut Pasteur lui demande en effet dès 1970 de laisser ses travaux sur la fièvre jaune pour revenir à la grippe. «C’est elle aussi qui a dopé la production de vaccins, passée en France de 200 000 doses par an en 1968 à 6 millions en 1972.» Pour les épidémiologistes, «la grippe de Hongkong est entrée dans l’histoire comme la première pandémie de l’ère moderne. Celle des transports aériens rapides. La première, aussi, à avoir été surveillée par un réseau international, note Antoine Flahault. De fait, elle est la base de tous les travaux de modélisation visant à prédire le calendrier de la future pandémie». La grippe de Hongkong a bouclé son premier tour du monde en un an avant de revenir attaquer l’Europe. Elle nous dit que le prochain nouveau virus ceinturera la planète en quelques mois. Libération (2005)
Based on the data, I believe that the current dire models radically overestimate the ultimate death toll. There are three reasons for this. First, they underestimate the rate of adaptive responses, which should slow down the replication rate. Second, the models seem to assume that the vulnerability of infection for the older population—from 70 upward—gives some clue as to the rate of spread over the general population, when it does not. Third, the models rest on a tacit but questionable assumption that the strength of the virus will remain constant throughout this period, when in fact its potency should be expected to decline over time, in part because of temperature increases. As of March 16, the data from the United States falls short of justifying the draconian measures that are now being implemented. As of two days ago, 39 states have declared states of emergency, and they have been joined at the federal level with President Trump’s recent declaration to the same effect. These declarations are meant to endow governments with the power to impose quarantines and travel bans, close schools, restrict public gatherings, shut down major sporting events, stop public meetings, and close restaurants and bars. Private institutions are imposing similar restrictions. The one-two punch of public and private restrictions has caused a huge jolt to the economy. The irony here is that even though self-help measures like avoiding crowded spaces make abundant sense, the massive public controls do not. In light of the available raw data, public officials have gone overboard. To begin with, the word pandemic should not be lightly used. Recall that the Spanish influenza pandemic, fully worthy of the name, resulted in perhaps as many as a half-billion infections and between 50 and 100 million deaths, world-wide, of which some 675,000 were Americans, many coming back from Europe in the aftermath of the First World War. The World Health Organization recently declared coronavirus a pandemic at a time when the death count was at 4,000, presently being just over 6,500. It will surely rise no matter what precautions are taken going forward, but what is critical is some estimate of the rate. By way of comparison, the toll from the flu in the United States since October ran as follows: between 36 to 51 million infections, between 370 thousand to 670 thousand flu hospitalizations, and between 22 thousand to 55 thousand flu deaths. That works out to between roughly between 230,000 to 320,000 new infections per day, and between 140 to 350 deaths per day for an overall mortality rate of between 0.044 percent to 0.152 percent. As we think about the mortality rate of COVID-19, there are some important pieces of data to consider. (…) Washington state, with 676 reported cases and 42 deaths, has a mortality rate of 6.21 percent, which can be traced to a nursing facility in Kirkland Washington. While only contributing 57 cases, it was the source of 27 of the reported deaths, almost two-thirds of the fatalities. (We should expect, as has been the case, that the mortality rate in Washington will decline as the newer cases will not come exclusively from that high-risk population.) The next three states have 1,577 diagnosed cases and 11 deaths for a mortality rate of 0.69 percent, a number which has trended lower over the last few days. Unlike the deadly exposures in Kirkland, the exposures in New York state produced many documented illnesses, but only two deaths even after two weeks of exposure. And while it is easy to miss latent cases, it is harder to miss any virus-related death. Given that the incubation period is about two-weeks, the pool of cases before March 1 should be small. Many of the dire media accounts do not mention evolution. After the initial outburst in Kirkland, the target population was fitter. It is instructive therefore to look at the total number of cases, which spiked from 70 cases on March 5 to 672 cases on March 15. But those figures do not presage an increase into the thousands of daily cases that would be needed to reach the totals of the flu season. The current numbers are about 3 per cent of the rate of new flu cases in the 2019-2020 virus season. Even if there is some undercounting, it is highly unlikely, given the relatively short (two-week) incubation period, that the number of current cases will more than double or triple. It is also unlikely that most of the increase in reported cases (as opposed to deaths) will be in the population over age 70. More importantly, these numbers, as reported by the Centers for Disease Control, do not give any indication of heightened severity. What, then, does all of this portend for the future of COVID-19 in the United States? Good news is more likely than bad, notwithstanding the models that predict otherwise. The deaths in Washington have risen only slowly, even as the number of infections mount. The New York cases have been identified for long enough that they should have produced more deaths if the coronavirus was as dangerous as is commonly believed. (…) The theoretical answer to the question of how deadly the virus will turn out lies in part in a strong analytical relationship between the rate of spread and the strength of the virus. Start with the simple assumption that there is some variance in the rate of seriousness of any virus, just as there is in any trait for any species. In the formative stage of any disease, people are typically unaware of the danger. Hence, they take either minimal or no precautions to protect themselves from the virus. In those settings, the virus—which in this instance travels through droplets of moisture from sneezing and bodily contact—will reach its next victim before it kills its host. Hence the powerful viruses will remain dominant only so long as the rate of propagation is rapid. But once people are aware of the disease, they will start to make powerful adaptive responses, including washing their hands and keeping their distance from people known or likely to be carrying the infection. Various institutional measures, both private and public, have also slowed down the transmission rate. At some tipping point, the most virulent viruses will be more likely to kill their hosts before the virus can spread. In contrast, the milder versions of the virus will wreak less damage to their host and thus will survive over the longer time span needed to spread from one person to another. Hence the rate of transmission will trend downward, as will the severity of the virus. It is a form of natural selection. One key question is how rapidly this change will take place. There are two factors to consider. One is the age of the exposed population, and the other is the rate of change in the virulence of the virus as the rate of transmission slows, which should continue apace. By way of comparison, the virulent AIDS virus that killed wantonly in the 1980s crested and declined in the 1990s when it gave way to a milder form of virus years later once the condition was recognized and the bath houses were closed down. Part of the decline was no doubt due to better medicines, but part of it was due to this standard effect for diseases. Given that the coronavirus can spread through droplets and contact, the consequences of selection should manifest themselves more quickly than they did for AIDS. It is instructive to see how this analysis fares by taking into account the Korean data, which is more complete than the American data. South Korea has been dealing with the coronavirus since January 20. Since that time, the Korean government has administered a total of 261,335 tests to its citizens. In press releases updated every day, the Korean CDC is reporting (as of March 15) 8,162 total infections against 75 deaths for an overall mortality rate of 0.92 percent. But as shown in the table below, the age-disparity in outcome is striking: Clearly, the impact on elderly and immunocompromised individuals is severe, with nearly 90% of total deaths coming from individuals 60 and over. But these data do not call for shutting down all public and private facilities given the extraordinarily low rates of death in the population under 50. The adaptive responses should reduce the exposures in the high-risk groups, given the tendency for the coronavirus to weaken over time. My own guess is that the percentage of deaths will decline in Korea for the same reasons that they are expected to decline in the United States. It is highly unlikely that there will ever be a repetition of the explosive situation in Wuhan, where air quality is poorer and smoking rates are higher. So what then should be done? The first point is to target interventions where needed, toward high-risk populations, including older people and other people with health conditions that render them more susceptible to disease. But the current organized panic in the United States does not seem justified on the best reading of the data. In dealing with this point, it is critical to note that the rapid decline in the incidence of new cases and death in China suggests that cases in Italy will not continue to rise exponentially over the next several weeks. Moreover, it is unlikely that the healthcare system in the United States will be compromised in the same fashion as the Italian healthcare system in the wake of its quick viral spread. The amount of voluntary and forced separation in the United States has gotten very extensive very quickly, which should influence rates of infection sooner rather than later. Perhaps my analysis is all wrong, even deeply flawed. But the stakes are too high to continue on the current course without reexamining the data and the erroneous models that are predicting doom. Richard Epstein
In the earlier, March 16, 2020 version, of this essay, I made the single largest unforced intellectual error in my entire academic career, when I included numerical estimates about the possible impact of the coronavirus in terms of life and death. Those estimates were obviously ridiculously too low. Those mistakes brought on a torrent of criticism, pointing out the magnitude of those errors. Unfortunately, those responses detracted from the main purpose of that initial essay, which was to question some of the basic assumptions of the standard model. I regret those mistakes, and of course, I retract them. It is, however, important to stress that those errors were in no way essential to the central point that I made there, and continue to put forward—namely the serious overprojection of cases and deaths found in the New York Times graphic below, and in similar studies that predict tens of millions of coronavirus cases, and upwards of one million deaths. These proposals all rest on some version of the standard (“logistic”) models. In the constant efforts to criticize the incorrect numbers, little or no attention has been paid to my substantive queries as to the soundness of the standard models, by taking into account both the evolutionary forces of natural selection on the one side and the individual and institutional responses to incentives on the other. Adding those two elements into the mix led me to suggest that the estimates generated by the standard model would turn out to be far too high, perhaps by an order of magnitude. I have recently come across this extraordinary interview by Professor Knut Wittkowski, an epidemiologist which states in powerful form why the current policies of social distancing will prolong but not eliminate the disease. His insights go a long way toward explaining why, in the three weeks that have followed, the recent data has not come close to reaching those high estimates, and it seems unlikely that they will. The recent data shows that as of Monday morning April 6, 2020 the number of deaths in the United States stood at 9,655, and the total number of cases stood at 336,776, distributed as follows (where the sharp decline on April 5, 2020 may reflect some Sunday underreporting): These numbers are far below those predicted by the conventional models, and it is important to explain the discrepancy. As I mentioned in the initial version of this essay, I am fully aware that these views are contrary to the standard wisdom. But I hope that even my strongest critics will address the substantive arguments raised here against the conventional model, which seems systematically to have overpredicted the duration and severity of the current coronavirus pandemic. Richard Epstein
The immune system is a marvel of complexity and efficiency. It is designed to protect us from foreign invaders of all kinds, the most important of which are infectious agents, and from dangerous enemies that are generated within, like cancer. It is composed of a variety of defense strategies: it can generate chemicals to kill invaders; it can mobilize armies of cells to swallow them up; and it has an elaborate system whereby it can recognize thousands of substances that are foreign to our bodies and then neutralize them. For years it was thought by immunologists to be an autonomous system, though there were disconcerting stories about patients along the way that suggested that the mind might have something to do with the way it worked. For the most part these stories were discounted by the experts, but now there is concrete evidence that cannot be ignored that the brain is involved in the system. (…) there is a long history of awareness that the emotions have something to do with our susceptibility to or ability to fight off infection, but none of it is generally accepted by medical doctors and rarely applied in everyday practice. Frequent colds and genitourinary infections are among the most common but it is likely that psychological factors play a role in all infectious processes. As with cancer, it is the efficiency of the immune system to do its job of eradicating the infectious agent that is at issue. Stressful emotions can reduce that effectiveness and allow the infection to flourish but there is ample anecdotal evidence that people have the capacity to enhance immunologic efficiency by improving their emotional states. John E. Sarno (Healing back pain, 1991)
Selon un communiqué d