Dialogue judéo-chrétien: Pour que la croix n’éclipse plus l’étoile (Let not the cross eclipse the star)

30 Mai, 2012
Le salut vient des Juifs. Jésus (Jean 4:22)
J’éprouve une grande tristesse, et j’ai dans le coeur un chagrin continuel. Car je voudrais moi-même être anathème et séparé de Christ pour mes frères, mes parents selon la chair, qui sont Israélites, à qui appartiennent l’adoption, et la gloire, et les alliances, et la loi, et le culte, et les promesses, et les patriarches, et de qui est issu, selon la chair, le Christ, qui est au-dessus de toutes choses, Dieu béni éternellement. Amen! Ce n’est point à dire que la parole de Dieu soit restée sans effet. Car tous ceux qui descendent d’Israël ne sont pas Israël, et, pour être la postérité d’Abraham, ils ne sont pas tous ses enfants; mais il est dit: En Isaac sera nommée pour toi une postérité, c’est-à-dire que ce ne sont pas les enfants de la chair qui sont enfants de Dieu, mais que ce sont les enfants de la promesse qui sont regardés comme la postérité. Paul (Romans 9: 2-8)
Je dis donc: Dieu a-t-il rejeté son peuple? Loin de là! Car moi aussi je suis Israélite, de la postérité d’Abraham, de la tribu de Benjamin. Dieu n’a point rejeté son peuple, qu’il a connu d’avance. Ne savez-vous pas ce que l’Écriture rapporte d’Élie, comment il adresse à Dieu cette plainte contre Israël: Seigneur, ils ont tué tes prophètes, ils ont renversé tes autels; je suis resté moi seul, et ils cherchent à m’ôter la vie? Mais quelle réponse Dieu lui fait-il? Je me suis réservé sept mille hommes, qui n’ont point fléchi le genou devant Baal. De même aussi dans le temps présent il y a un reste, selon l’élection de la grâce. Or, si c’est par grâce, ce n’est plus par les oeuvres; autrement la grâce n’est plus une grâce. Et si c’est par les oeuvres, ce n’est plus une grâce; autrement l’oeuvre n’est plus une oeuvre. Quoi donc? Ce qu’Israël cherche, il ne l’a pas obtenu, mais l’élection l’a obtenu, tandis que les autres ont été endurcis, selon qu’il est écrit: Dieu leur a donné un esprit d’assoupissement, Des yeux pour ne point voir, Et des oreilles pour ne point entendre, Jusqu’à ce jour. Paul (Romans 11: 1-8)
C’est dur d’être juif. Proverbe yiddish
Si le judaïsme n’avait qu’à résoudre la  question juive, il aurait beaucoup à faire, mais il serait peu de chose. Lévinas
La principale opposition de frères ennemis dans l’Histoire, c’est bien les juifs et les chrétiens. Mais le premier christianisme est dominé par l’Epître aux Romains qui dit : la faute des juifs est très réelle, mais elle est votre salut. N’allez surtout pas vous vanter vous chrétiens. Vous avez été greffés grâce à la faute des juifs. On voit l’idée que les chrétiens pourraient se révéler tout aussi indignes de la Révélation chrétienne que les juifs se sont révélés indignes de leur révélation. (…)  Il faut reconnaître que le christianisme n’a pas à se vanter. Les chrétiens héritent de Saint Paul et des Evangiles de la même façon que les Juifs héritaient de la Genèse et du Lévitique et de toute la Loi. Mais ils n’ont pas compris cela puisqu’ils ont continué à se battre et à mépriser les Juifs. (…) ils ont recréé de l’ordre sacrificiel. Ce qui est historiquement fatal et je dirais même nécessaire. Un passage trop brusque aurait été impossible et impensable. Nous avons eu deux mille ans d’histoire et cela est fondamental. (…) la religion doit être historicisée : elle fait des hommes des êtres qui restent toujours violents mais qui deviennent plus subtils, moins spectaculaires, moins proches de la bête et des formes sacrificielles comme le sacrifice humain. Il se pourrait qu’il y ait un christianisme historique qui soit une nécessité historique. Après deux mille ans de christianisme historique, il semble que nous soyons aujourd’hui à une période charnière – soit qui ouvre sur l’Apocalypse directement, soit qui nous prépare une période de compréhension plus grande et de trahison plus subtile du christianisme. René Girard
Il y a deux grandes attitudes à mon avis dans l’histoire humaine, il y a celle de la mythologie qui s’efforce de dissimuler la violence (…) la plus répandue, la plus normale, la plus naturelle à l’homme et (…) l ’autre (…) beaucoup plus rare et (…) même unique au monde (…) réservée tout entière aux grands moments de l’inspiration biblique et chrétienne [qui]  consiste non pas à pudiquement dissimuler mais, au contraire, à révéler la violence dans toute son injustice et son mensonge, partout où il est possible de la repérer. C’est l’attitude du Livre de Job et c’est l’attitude des Evangiles. […]. C’est l’attitude qui nous a permis de découvrir l’innocence de la plupart des victimes que même les hommes les plus religieux, au cours de leur histoire, n’ont jamais cessé de massacrer et de persécuter. C’est là qu’est l’inspiration commune au judaïsme et au christianisme, et c’est la clef, il faut l’espérer, de leur réconciliation future. C’est la tendance héroïque à mettre la vérité au-dessus même de l’ordre social. René Girard
Le Messie a été représenté dans les écritures hébraïques et dans la tradition juive comme une étoile, une étoile isolée, la dernière étoile qui annonce la venue du jour: l’étoile de David, celle-là même qui est représentée sur le drapeau israélien.  Les chrétiens ont si souvent mis l’accent sur l’événement passé de la crucifixion qu’ils se sont souvent arrêtés à la croix. Ils n’attendent plus. Ils sont déjà sauvés. La croix a éclipsé l’étoile. Jacques Doukhan
Because of the painful and shameful history (…), the name of Jesus has been associated in the Jewish consciousness with the memory of massacre, discrimination, and rejection for 2,000 years, the systematic « teaching of contempt » all climaxing at Auschwitz. Many Christians still do not realize the nature of that connection; and, consciously or not, they keep nurturing their mentalities with the old poison teaching and preaching the curse against the Jews who are charged with the most horrible crime of humanity, deicide: the killing of God. Meanwhile, there is the supersession theology, which denies the Jews and Israel the right even to be Israel, since the « true Israel » is another people. (This theory has been denounced as « a spiritual holocaust. ») This goes along with all kinds of strange ideas that Christians still entertain about the Jews: the myth of the Jewish plot, the association of the Jew with deception and money, etc. I am here referring to the old beast called « anti-Semitism. » You asked me if there is hope of reconciliation after Auschwitz. As long as Christians, whoever they are and whatever community they belong to, do not understand and recognize their responsibility at Auschwitz; as long as they are still fueling the fire and pushing in the same direction; as long as they keep in their heart anti-Semitic ideas and feelings there is no hope of reconciliation. With Auschwitz, Jewish-Christian history has reached a point of no return. After Auschwitz, it is no more decent to think or act or feel in the ways that have produced Auschwitz. To hope for a reconciliation after Auschwitz amounts then to hope in a genuine « conversion » on the part of the Christians. As long as Christians will not take this sin of anti-Semitism seriously, as long as they are not ready to turn back, repent, and recognize the Jewish roots that bear them, there is no hope for reconciliation. As a result, we can even say that there is no hope for any other reconciliation, and I mean here especially the Christian reconciliation with the God of Israel Himself.
 According to the Jewish law (Halakhah), a Jew always remains a Jew whatever he does, even if he identifies himself as a Christian. Ironically, the Nazis have demonstrated the truth of this observation. The anti-Semite Drumont used to say, « When a Jew becomes Christian, we have one more Christian, but we don’t have one less Jew. » (…) Today, after the Holocaust and centuries of Christian effort to eliminate the Jews from the scene of history, any open at tempt to « convert » Jewish people will trigger strong reactions. Christians who want to share with Jews « the hope of Jesus » should, therefore, first of all ask themselves a question about their real motives. Why do they want to « convert » Jews? Do they intend to transform them into their image and thus erase their Jewish identity? (…) In other words, the conversion of the Christian is a prerequisite for the conversion of the Jew. (…) But in saying that, he does not imply that we have to change our identity in order to be able to reach out to Jews. A man does not need to become a woman in order to be able to reach out to women, and vice versa.  (…)  Jews and Seventh-day Adventists are not aware of the common ground they share with each other. In addition to the Shabbat (Sabbath), there is the holistic view of life, the dietary rules, the importance of the Scriptures, etc. 
Avoid the use of pictures of Jesus and of « crosses. » These signs are often interpreted by Jews as marks of idolatry. As for the cross, it is always associated in the Jewish mind with the painful memory of oppression. Remember that it is the cross reminding of the crucifixion that inspired the Crusades (derived from the word cross) and the pogroms. Besides, the traditional Christian taste for « crosses » can suggest a morbid preoccupation with death that hurts the natural Jewish sensitivity about affirming the value of life.
Paradoxically after the Holocaust and the creation of the State of Israel, more and more Jews are able to disassociate Jesus from the offensive Christian testimony. It is interesting that much more has been written about Jesus in Hebrew in the last thirty years than in the eighteen previous centuries. Along with Christians who begin to reconsider their Jewish roots and learn to love the law of the God of Israel, many Jews begin to realize that Jesus belongs to their Jewish heritage and as such deserves their attention. Jacques B. Doukhan
The festivals are nothing but a pedagogical or evangelistic tool to be used, just as we sometimes do when we use the model of the sanctuary to witness through this object lesson to our unique message. It should be descriptive and instructive, not prescriptive. If we desire to mark the festival, it would therefore be advisable to do it during its season, not because we want or need to be faithful to agricultural, ritualistic, and legalistic norms, but rather as an opportune moment when other people think about it, just as we traditionally do for Christmas, Easter, or Thanksgiving (although these festivals contain some elements of pagan origin, such as Santa Claus, the Christmas tree, and the Easter bunny). Outside of the season, this practice will look awkward for all, be offensive towards others, and lose its communicative and signifying/ semantic power. (…) Festivals have lost their normative quality as they have essentially been fulfilled in Christ and are no longer dependent on the categories of biblical revelation. The laws of the feasts are distinct from other laws such as the Sabbath and the dietary laws, which are not related to sacrifices or dependent on time, and are universal in character. It is indeed important to note and realize that God has not provided us with any instruction, any law regarding the way those festivals should be observed outside of the temple. If God has not indicated to us how to observe them in these conditions, how could He then require the observance of these laws? We are here dependent only on human traditions outside of biblical revelation. (…) Jewish Adventists, like the early Jewish Christians, should not feel obligated to abandon the enjoyment of festivals; and no one should discourage them from doing so. Not only do the feasts belong to their cultural heritage, but they also provide them with an appropriate means of reaching out to other Jews. In this particular instance, in the light of the prophetic and theological dimensions of the Seventh-day Adventist message, their experience of the feasts may still become even more meaningful than in the past. These practices will be implemented, however, with a clear understanding that these laws and traditions are not prophetic revelation and no longer normative. Jacques B. Doukhan

Attention: un symbole peut en cacher un autre!

Suite à notre précédent billet sur les funestes conséquences de l’abandon du Sabbat pour les relations judéo-chrétiennes …

Et à l’heure où les personnes comme les biens marqués  juifs continuent dans nos contrées comme ailleurs à subir leur lot de violence presque ordinaire …

Pendant que, sous l’étiquette antisioniste, l’antisémitisme s’offre à nouveau en France la vitrine électorale des législatives …

Retour, toujours avec le chercheur franco-américain Jacques Doukhan, sur l’impact négatif que peuvent avoir, pour lesdites relations, certains symboles chrétiens tels que la croix.

Mais aussi la différence entre le Sabbat qui en tant qu’objet du quatrième commandement n’a rien perdu de sa normativité et les autres fêtes juives qui, bien qu’ayant perdu avec la destruction du Temple et la venue du Messie leur caractère obligatoire, peuvent néanmoins conserver un intérêt pédagogique notamment pour les juifs chrétiens …

Comme, avec la création de l’Etat d’Israël et même Auszchwitz, la possibilité d’un dialogue renouvelé entre l’Eglise et la Synagogue …

Christians and Jews: Mission impossible?

Jacques B. Doukhan , John Graz

Ministry

October 1998

In this interview, Jacques Doukhan exposes important insights for Christians as they relate to Jewish people.

John Graz: You have dedicated your life to a better understanding between Jews and Christians. Isn’t this a « Mission Impossible »?

Jacques Doukhan: I do feel a particular burden for Jewish-Christian relations. Is it a « Mission Impossible »? I don’t know.

It is certainly a challenge for many reasons: because of the painful and shameful history between them; because of so many prejudices and so much ignorance; and worst of all, because of so much indifference on both sides. The fact that I have dedicated my life to that effort, however, implies that I believe it is worthwhile. There is always hope that it is not a « Mission Impossible. »

It is also my profound conviction that, to a certain extent, the nature and destiny of both Judaism and Christianity depend on the quality of their relationship. It is significant that both have often built themselves in relation to each other. Through this relationship, Jews and Christians may therefore not only learn to love and respect each other but also discover from each other something important in regard to their own identity. This is not only important for historical and psychological reasons but also important to the more vital question of salvation. I suppose the main reason for devoting my life to this relationship is not merely theological or academic. For me it is an existential matter. I have carried the Jewish-Christian tension in my flesh.

JG: You grew up in a Jewish family, but you and your father accepted Jesus as your Messiah. This means that you personally experienced in your life the tensions between these two strong identities. Is it possible to be Jewish and Christian?

JD: My father was on his way to becoming a rabbi when a number of dramatic circumstances confronted us with the possibility that Jesus was the Jewish Messiah.

For him and also for me, this discovery was traumatic. It was a shock for all our family and the Jewish Sephardic community of our little town of Constantine (Algeria). My mother never followed. She was very opposed and fought against it forcefully. Many members of the family from both sides intervened. Several friends and the rabbis came and talked with us. It was not an easy choice. My father struggled all the more, because he remained faithful to his Jewish identity. He still attended the synagogue and observed the Jewish festivals. My father always considered himself a Jew.

It is in that context that I was exposed to the Christian message. It is through my father and with my father through his questions and through his suffering that I learned to discover the figure of Jesus the Messiah. Like my father, I never rejected my roots. I immersed myself in Jewish tradition, and my father insisted on maintaining in me the Jewish values, the intense study of the Hebrew Scriptures, the importance of ethics, the reverence of the Sabbath, the affirmation of life, etc. As a Jewish boy, I attended the Hebrew school from the age of five. But I wanted to go further, so I extensively studied the Hebrew language, rabbinics, and even modern Hebrew literature at the University of Strasbourg, where I obtained a doctorate in Hebrew and Jewish studies under the direction of the Jewish philosopher Andre Neher. I even attended a yeshiva for several years. I wanted to learn as much as I could in order to ensure that I was making the right choice. In the course of this spiritual journey, I not only learned from my father, but I also understood the passion of my mother’s fight.

So to your question « Is it possible to be Jewish and Christian? » I am at first tempted to respond Yes. Remember, the first Christians were Jews, and for them the two identities were not mutually exclusive. Jesus, Paul, Peter, and John never rejected their Jewish roots. As far as the content is concerned the value, the truth, so to speak yes, it is possible to be Jewish and Christian. It may even be considered as a valuable asset, however difficult. There is a Yiddish proverb, « Shwer zu sein hayid » (« It is difficult to be a Jew »), but it is more difficult to be a Jew and a Christian. And that’s because it is difficult, and to some extent unbearable, to recognize and embrace the values and the truth from a people when those people happened also to be your oppressors.

JG: I suppose that when a Jew hears the word Jesus he does not think of the person of Jesus but of what the « Christians » have done: pogroms and concentration camps. In other words, is there any hope of reconciliation after Auschwitz?

JD: You just hit at the most sensitive cord. As American President Bill Clinton once said: « It is difficult to disassociate the message from the messenger. » Because of the painful and shameful history you just evoked, the name of Jesus has been associated in the Jewish consciousness with the memory of massacre, discrimination, and rejection for 2,000 years, the systematic « teaching of contempt » all climaxing at Auschwitz. Many Christians still do not realize the nature of that connection; and, consciously or not, they keep nurturing their mentalities with the old poison teaching and preaching the curse against the Jews who are charged with the most horrible crime of humanity, deicide: the killing of God.

Meanwhile, there is the supersession theology, which denies the Jews and Israel the right even to be Israel, since the « true Israel » is another people. (This theory has been denounced as « a spiritual holocaust. ») This goes along with all kinds of strange ideas that Christians still entertain about the Jews: the myth of the Jewish plot, the association of the Jew with deception and money, etc. I am here referring to the old beast called « anti-Semitism. »

You asked me if there is hope of reconciliation after Auschwitz. As long as Christians, whoever they are and whatever community they belong to, do not understand and recognize their responsibility at Auschwitz; as long as they are still fueling the fire and pushing in the same direction; as long as they keep in their heart anti-Semitic ideas and feelings there is no hope of reconciliation. With Auschwitz, Jewish-Christian history has reached a point of no return. After Auschwitz, it is no more decent to think or act or feel in the ways that have produced Auschwitz. To hope for a reconciliation after Auschwitz amounts then to hope in a genuine « conversion » on the part of the Christians. As long as Christians will not take this sin of anti-Semitism seriously, as long as they are not ready to turn back, repent, and recognize the Jewish roots that bear them, there is no hope for reconciliation. As a result, we can even say that there is no hope for any other reconciliation, and I mean here especially the Christian reconciliation with the God of Israel Himself.

The relation between the two connections is such that a Christian theologian has gone so far as to denounce anti-Semitism as a sin against the Holy Spirit, i.e., an unforgivable sin. This may sound exaggerated for many who have not come to comprehend the hideous nature of this sin and its implications, and that’s simply because they have gotten so used to it.

JG: In one of your books, you explain how it is difficult for a Jew who believes in Jesus to be accepted as a Jew by the Jews. What about the Christians? Is it easy for a Jew to become a member of the Christian family? Do you feel well-accepted among us?

JD: It is true that for the last few years some Jews who identified themselves as Christians have had their application for Israeli citizenship turned down. This has not always been the case; and some political experts think that this law may change in the near future. I must also add that according to the Jewish law (Halakhah), a Jew always remains a Jew whatever he does, even if he identifies himself as a Christian. Ironically, the Nazis have demonstrated the truth of this observation. The anti-Semite Drumont used to say, « When a Jew becomes Christian, we have one more Christian, but we don’t have one less Jew. »

As far as I am concerned—and you asked me a personal question—I must say that, in spite of their disapproval, my family and my Jewish friends never rejected me as a Jew. They consider me as a little marginal, but they respect me even when angry with me at times.

When it comes to my integration into Christian society, this is more complex. I have never hidden my Jewish identity; I have ever affirmed it in my lectures, my writings, and my private conversations. And it is clearly recognized in my professional life: I have chosen to teach Hebrew and Jewish studies; I am involved in Jewish-Christian dialogue and am a member of the Society of Jewish Studies. I am the director of the newly created Institute of Jewish-Christian Studies at Andrews University. I am the editor of two Jewish-Christian journals (Shabbat Shalom, L’Olivier). All this speaks loudly of my Jewish identity.

Yet the very fact that you are asking me this question in those terms suggests that to some degree I have remained a foreigner. So my answer to your question must be ambivalent. Yes, I feel well-accepted; I feel that I am one of you. Yet being a Jew in a Christian society, I am constantly, at each step of my life, reminded of the Jewish-Christian problem: « innocent » jokes, theologically sweeping statements, suggestive smiles, and also some unpleasant experiences always reviving the same wound. But I have many good friends, and you are one of them, with whom I feel at ease being myself, whatever that may mean, and with whom this question becomes irrelevant.

JG: The public lectures that you give around the world are very successful. Eighty percent of the attendees are Jews. How can you explain that?

JD: I have lectured all over the world in many cities in France, Switzerland, Canada, and, more recently, in Australia. I am always amazed by the great interest many Jews and also Christians have nowadays in the issues I am debating. It is always difficult to explain success, especially if you are personally involved. I think, however (speaking in human terms), that the attendance of so many Jews is perhaps due to my personal as well as my academic back ground, my studies in Jerusalem, my writings. The people are intrigued.

It is also true that my presentations as a university professor give me a more neutral, and therefore less suspect, image. I also think that many Jews attend my lectures precisely because of the topics I choose to speak of and because I am discussing issues that are theirs as well as mine. And yet, in my lectures, I am not addressing Jews only; I am also speaking to Christians. Because the issues are interrelated, I have found that the most effective way to communicate with this one group is through relating to the other group.

My lectures revolve around the Jewish- Christian tension, and I confront the two parties. Speaking just to the Jews would end up being offensive and is always suspect. At the same time, this method is not a shrewd strategy for attracting the Jews. I present my findings and my message with honesty and candor but also with passion and deep conviction. I also do it in such a way that new perspectives and fresh insights are suggested. Although I remain respectful to various cultural and religious sensitivities, I bring up hot theological issues such as the Torah, the Sabbath, the Messiah, the condition of people in death, but I also touch on human issues such as anti-Semitism, the Holocaust, Israel, the interconfessional dialogue.

I remember at one of my lectures a Roman Catholic theology doctoral student who came to me in shock. She had never heard what I was saying, and she wanted to hear more. I also remember a young Israeli man who was puzzled by my explanations and asked for some literature through which he could pursue the issues further. Then there was a Polish Jewish lady, an Auschwitz survivor, who was moved to tears and with whom I had a long conversation. I also recall a Presbyterian lady who was surprised and « so disappointed » that my lectures had not been more broadly advertised in Jewish-Christian associations.

JG: How does the Jewish community react to your lectures?

JD: I must say that the acceptance is ambivalent. At first, they are suspicious. Some are angry. But after the first lecture and private conversations, I have discovered that they become more attentive and interested. At Marseilles, I was even invited to speak on the Jewish radio. I was not only interviewed, but my book was advertised there, and some of my lectures were broadcast. A rabbi bought several tapes of my lectures about « Sabbath and Hope. » In Melbourne, I was interviewed on the Israeli station and could speak in Hebrew on the very issues about which I was lecturing. The conversation was broadcast throughout the country where many Israelis live.

JG: Several Christian organizations are trying to convert Jews. The reaction of the Jews is very strong against this. Is it possible to share the hope of Jesus without hurting their sensitivities?

JD: Today, after the Holocaust and centuries of Christian effort to eliminate the Jews from the scene of history, any open at tempt to « convert » Jewish people will trigger strong reactions. Christians who want to share with Jews « the hope of Jesus » should, therefore, first of all ask themselves a question about their real motives. Why do they want to « convert » Jews? Do they intend to transform them into their image and thus erase their Jewish identity?

So, to your difficult question, I will simply answer: Yes, it is possible for Christians to share this hope with the Jews. But, as you say, it must be done without threatening their Jewish identity. The richness and the beauty of their Jewish heritage should be respected.

Another question Christians should honestly ask themselves relates to the content of this hope we are talking about. Am I really bringing to the Jews something that will enrich them or impoverish them? Do they really need what I intend to share with them? This question may shock some Christians who hardly see any other values and truths outside of their own set of values and habits of thinking. This question is important, however, for it is a way of testing whether or not we have the right approach. Through that question, the Christian is compelled to resituate himself/herself, to test his/her convictions to make sure that his/her Christian faith is not a mere veneer of culture; that it is, indeed, a rich, vital, and profound experience that has a universal quality. In other words, the conversion of the Christian is a prerequisite for the conversion of the Jew.

JG: Do we have to become Jewish to be accepted by the Jews?

JD: No, this is not what I mean. Of course, the apostle Paul suggests that approach: « Greek with the Greeks and Jew with the Jews. » But in saying that, he does not imply that we have to change our identity in order to be able to reach out to Jews. A man does not need to become a woman in order to be able to reach out to women, and vice versa. The Greeks knew that Paul was a Jew. He could not hide it. But at least he could try to speak their language and understand their culture and start from where they were even if it meant referring to a pagan god, as was the case at Athens. But again, he did not play the Greek; he did not disguise himself into a Greek nobleman. He remained a Jew and addressed the people while taking into consideration their culture and social context

JG: Are you referring to the « missiological » principle of contextualization?

JD: Yes. But there is often confusion when it comes to this principle: You cannot be naturally what you are not. Otherwise, it becomes a comedy, often not a well-played comedy, and then the message does not pass; or if it does, it is received as a fake. It will not be taken seriously. I have observed that very quickly the game is unmasked, and the result is catastrophic. As for the Jews, the intended audience, you can be sure that they have easily detected what is phony about it. Either they will be offended and angry with you, or they will laugh.

This attitude has nothing to do with the principle of contextualization as understood by the apostle Paul, not to mention the ethical problem. You cannot witness to the truth while not being true. This is common sense. Remain yourself, but at the same time do not force them to become a mechanical duplication of yourself. Respect their difference; let them remain Jews in themselves. Then, true communication will work, and you will be able to listen to each other and receive from each other.

JG: What can be done to improve the connection between Jews and Christians?

JD: There is so much to be done. And this work, of course, concerns both Jews and Christians. This is why we have the journal Shabbat Shalom. The title of the journal is already suggestive of the program and the philosophy behind it. We want to promote a better understanding between us and Jews. It aims at the Jewish reconciliation, the Shalom, the peace. And it roots this ideal in the common anchor of Shabbat. Shabbat Shalom is a journal sponsored by the Seventh-day Adventist Church. Jews and Seventh-day Adventists are not aware of the common ground they share with each other. In addition to the Shabbat (Sabbath), there is the holistic view of life, the dietary rules, the importance of the Scriptures, etc.

Jews and Seventh-day Adventists need to know more about each other. This is the reason Shabbat Shalom contains interviews with rabbis and famous Jewish personalities, such as Nobel Prize recipient Elie Wiesel, as well as Christians and especially Seventh-day Adventist personalities such as Dr. B. B. Beach. This journal treats various topics such as « Suffering, » the « Sabbath, » « the Law, » « Hope, » etc., from a Jewish- Christian perspective. Not only Jews but also Christians, and especially Seventh-day Adventists, should read the journal and then share it with a Jewish or Christian friend. This common reading will help to create a framework for further discussion.

JG: Could you suggest a few measures to help us in this enterprise?

JD: I have at least seven:

1. Work seriously within your soul and mind and mouth to purify yourself from any kind of anti-Semitic prejudice. Become friends with a Jew.

2. Create opportunities for interaction. Set up cultural events of Jewish-Christian interest on special occasions, such as a Jewish festival, a Friday night, a national anniversary (Holocaust Day). From time to time attend events organized by the Jewish community. Be the member of a Jewish- Christian association.

3. Introduce into your liturgy songs and even readings of Jewish inspiration. These will often enhance your understanding and communication of your truth. Invite Jewish friends.

4. Avoid the use of pictures of Jesus and of « crosses. » These signs are often interpreted by Jews as marks of idolatry. As for the cross, it is always associated in the Jewish mind with the painful memory of oppression. Remember that it is the cross reminding of the crucifixion that inspired the Crusades (derived from the word cross) and the pogroms. Besides, the traditional Christian taste for « crosses » can suggest a morbid preoccupation with death that hurts the natural Jewish sensitivity about affirming the value of life.

5. Organize workshops in your community to create a « Jewish awareness » (invite a specialist; see no. 7).

6. Promote Shabbat Shalom. Read, enjoy, and share it with your Jewish and Christian friends (see ad on p. 19).

7. Call upon the services of the recently created Institute of Jewish-Christian Studies at Andrews University. Workshops, books, pamphlets, and tapes will be available soon.

JG: Dr. Doukhan, do you think that one day a good Jew will be able to use the name of Jesus without feeling deeply hurt?

JD: Definitely yes. And I believe the day has already come. Of course, I am one example among many others. Paradoxically after the Holocaust and the creation of the State of Israel, more and more Jews are able to disassociate Jesus from the offensive Christian testimony. It is interesting that much more has been written about Jesus in Hebrew in the last thirty years than in the eighteen previous centuries. Along with Christians who begin to reconsider their Jewish roots and learn to love the law of the God of Israel, many Jews begin to realize that Jesus belongs to their Jewish heritage and as such deserves their attention. Yes, I believe that there is reason to hope that our task isn’t, indeed, a « Mission Impossible. »

See also:

Should we observe the Levitical festivals?: A Seventh-day Adventist perspective – Part 1

Jacques B. Doukhan

Ministry

 April 2010

What does the significance of feasts and festivals of the Old Testament hold for Christians today? How should Seventh-day Adventist theology, that recognizes the validity of the Seventh-day Sabbath, view the Levitical feasts?

Arguments in support of and against the observance of the feasts have been debated in church circles recently, including Adventist churches. Therefore, this issue must be addressed. This article proposes to take up this task in two parts. The first part will examine five arguments generally employed with respect to observing the feasts: (1) the pedagogical value of the typological interpretation of the feasts; (2) the usefulness of being reminded of the historical connection between Israel’s feasts and Christian proclamation; (3) the relationship of the feasts to the Sabbath; (4) the relationship of the Feast of the New Moon to the Sabbath; and (5) the potential for better Jewish-Christian relations. In dealing with each issue, I propose to examine the problems raised by the Christian observance of the feasts and then discuss the negative arguments that oppose such practice. The second part of the article will suggest “a proper way,” further directions to take, along with some practical applications for the life of the church.

Jewish festivals as a teaching tool

The biblical festivals were intricately linked to the sacrificial system. Indeed, the sacrifices were not mere rituals or cultural expressions of piety; they were central to the very meaning of the festivals. The Feast of Passover, for example, did not just require the slaughter and eating of a lamb (Exod. 12:3–10); in fact, the lamb gave Passover its fundamental meaning and raison d’être. The Passover was specifically designed as a reminder of the sacrifice of the lamb offered in the Exodus event: God’s passing over the blood of the slaughtered animal, thereby granting redemption (Exod. 12:13). This connection is so strong that Passover is actually identified with the lamb itself. Pesah (Passover) is the lamb (2 Chron. 30:15).

Not only Passover, but also all the other festivals revolved around sacrifices in connection to atonement. The biblical texts dealing with the feasts stipulate the sacrifice of a goat as a sin offering to make atonement for the people (Num. 28:15, 22, 30; 29:5, 11, 28). In the New Testament, the sacrifices point to the coming and function of Christ. Jesus is identified with the Passover lamb (John 1:36; cf. 1 Cor. 5:7), with the whole sacrificial system seen as the shadow of “things to come” (Heb. 10:1; cf. Col. 2:16, 17). The sacrifices convey a prophetic message concerning the process of salvation: God will come down and offer Himself as a sacrifice in order to atone for sin and redeem humanity.

The effect of Christ’s sacrifice is definitive and perpetual. In that sense, we have to understand the phrase “ ‘ “statute forever throughout your generations” ’ ” (Lev. 23:14, NKJV). The phrase “statute forever” does not mean a perpetual stipulation; otherwise this would mean that we still have to do all the sacrifices. Indeed, the same phrase “statute forever” is also used for the sacrifices (Lev. 3:17) and all the other rituals associated with the tabernacle: the ablutions (Exod. 30:21), the priestly garments (Exod.28:43), the lamps (Exod. 27:20, 21), etc. In other words, the use of the expression “forever” does not mean a perpetual obligation but should be understood within the context of the temple—that is, as long as the temple was standing. Now that the sacrifices are no longer possible because of the absence of the temple, and because prophecy contained within the sacrifices has been fulfilled in Christ, it follows that sacrifices and related rituals, such as Levitical festivals, are no longer mandatory. The type has met the Antitype. To engage in festivals with the idea that they are compulsory for our own salvation makes the Antitype, the Messiah, altogether irrelevant.

Also noted, the same expression “forever” is used for the covenant of the circumcision (Gen.17:13). Does this mean that circumcision continues as still valid today? If that were the case, this would then contradict the recommendation of the apostles in Acts 15. All these observations help us understand why the expression “forever” with respect to feasts does not support an everlasting requirement.

That argument aside, it is precisely this typological/prophetic function of the feasts that inspires those who support the keeping of the feasts. They argue that the observance of the feasts will help Christians gain a better and richer understanding of the plan of salvation. The profound meaning of the feasts was already attested to in the New Testament; they not only commemorated past events of salvation, especially the going out of Egypt and the miracles of Exodus, they also pointed to the cosmic and eschatological salvation. It is indeed significant that Jesus died and was resurrected during the time of Passover, which He not only celebrated, commemorating the Exodus, but also invested with fresh meaning, applying it to Himself (Matt. 26:17–30). Also meaningful is the event of the gift of the Spirit, associated with the proclamation of the gospel to the nations, taking place during Pentecost, the time of harvest. Basically, the spring festivals pointed to the first step of salvation: the first coming of Christ, His death, His resurrection, His enthronement at the right hand of the Father, and the universal broadening of the covenant through the global proclamation of the gospel. The fall festivals pointed to the second step of salvation: the judgment in heaven and the proclamation of the three angels’ messages on earth, preparing for the cosmic salvation and the second coming of Christ (Rev. 14:6–13). As Richard Davidson notes, “[T]he first and last feasts of Israel’s cultic calendar seem tied to the inauguration and consummation of Israel’s salvation history respectively.” 1 The progression of the feasts in the yearly calendar, following the progression of the historical plan of salvation, has then been used as an argument in favor of the adoption of these festivals as a part of our religious life. But the pedagogical function of the feasts does not imply that these feasts are divine laws to be perpetually observed.

The main problem remains, however, as to whether those feasts should be observed by Christians today.

The historical connection

One function of the feasts was its application to the historical life of Israel in Canaan. When the temple was destroyed and the Jews were exiled from the land, they were obliged to create and develop new traditions for the observance of the feasts adapted to the situation of the exile, that is, without the temple and the sacrifices.2 Also, the fact that Jesus and His disciples observed the festivals and, later, early Christians (Jewish Christians) as well, even without sacrifices, suggests that it is not inconceivable for Christians to celebrate the festivals.

Yet, this example cannot be used as an argument to justify the Christian celebration of the feasts since Jesus and the early Christians kept not only the Jewish festivals but also other cultural and ceremonial practices, such as circumcision, the wearing of the tallith (prayer shawl), etc., practices that were not adopted by Gentile Christians on the basis of Acts 15. Furthermore, Christians, especially Seventh-day Adventists, do not have a historical festival tradition showing how to celebrate those festivals. How, then, will they celebrate the festivals? On what grounds will they justify one practice over another? Their claim to observe the festivals the biblical way stumbles on the fact that the biblical way requires the offering of sacrifices in the temple (Deut. 16:5). Without the support of a historical and cultural tradition, the keeping of the feasts is bound to generate tensions and dissensions in the church. Moreover, since no specific biblical law exists indicating how these laws should be observed outside of the temple, they will have to produce laws and traditions of their own. Ángel Rodríguez is right when he warns, “Those who promote the observance of the festivals have to create their own personal way of celebrating the feasts and in the process create human traditions that are not based on an explicit expression of God’s will.”3

The Sabbath and the festivals

The practice of festivals may even affect our theology of the Sabbath. The Bible clearly explains the essential difference between the feasts and the Sabbath. Festivals are not like the weekly Sabbath. Unlike the festivals, the Sabbath, as a sign, reminds us of the creation of the universe and is therefore eternal in its relevance. God gave the Sabbath at the end of the Creation week when there was no sin on earth and hence no sacrifice and no feasts. The Sabbath, unlike the festivals, was a part of the Ten Commandments and given to all of humanity. In fact, its origin predates the gift of the Torah to Israel on Sinai (Exod.16:23–28). Furthermore, Leviticus 23:3, 4, which lists the festivals along with the Sabbath, clearly suggests that an essential difference exists between the two categories of holy days. In Leviticus 23, the Sabbath is mentioned at the beginning of the list (v. 3). Then the other holy days are listed under the designation “ ‘ “these are the feasts of the Lord” ’ ” (v. 4, NKJV), suggesting thereby that the Sabbath belongs to another category than the feasts. Although the Sabbath also implies sacrifices (Num. 28:9, 10), it is significant that the regular phrase “sin offering for atonement,” which always appears in relation to the festivals, is absent in reference to the Sabbath. This clear distinction suggests that the function of sacrifices in the context of the Sabbath is essentially different from their function in the context of the festivals. The Sabbath differs, not only from any other day of the week, but also from any feast day. It is noteworthy that this difference and even the superiority of the Sabbath over the festivals is systematically indicated in the liturgic reading of the Torah: we have more ‘alyot (ascents to the platform to read the Torah) on the day of Sabbath (seven) than on any festival day. To equate the Sabbath with the festivals is fundamentally wrong and affects the true meaning of Sabbath, ultimately compromising its mandatory character.

Realizing that the Sabbath differs from the festivals, and is even more important than them, will help us understand the nature of the connection between the two holy appointments. The fact that Leviticus 23 brings them together while marking the difference between them suggests, indeed, that the Sabbath is the crown, the climax of all festivals.

Paradoxically, this special connection between the Sabbath and the Levitical festivals brings out, in fact, a lesson about the relative value of the festivals versus the absolute value of the Sabbath. Instead of leading to the promotion of the observance of festivals, the study of the festivals should lead to a better understanding, appreciation, and experience of the Sabbath. For the Sabbath “is the foundation of all sacred time,”4 and thus contains and fulfills all the values and truths intimated by the festivals.

The Sabbath and the New Moon Festival

Within the festivals, the New Moon Festival occupies only a secondary place. Unlike other biblical holy days, the new moon never qualifies as a sacred day on which all labor is prohibited.5 During the period of the first temple, it was relegated to a “semi-festival” status, and its observance disappeared totally during the second temple period; thus, by the middle of the fourth century when the sages had established a permanent calendar, the proclamation of the new moon day was discontinued.6 Jewish tradition generally assigns a “minor” role to the New Moon Festival.7

Therefore, it is surprising that the New Moon Festival has received renewed attention, especially among Messianic Jews and even some Adventists. One justification for such observance is Isaiah 66:23 (NKJV), “ ‘It shall come to pass that from one New Moon to another, and from one Sabbath to another, all flesh shall come to worship before Me,’ says the Lord.” This text is used to suggest that the New Moon Festival will be observed in heaven along with the Sabbath. But the text does not speak so much about the observance of those two days, per se; rather, it emphasizes the continuity of worship, a characteristic of the new earth. For that purpose, the biblical author refers to the two extremities of time: “from . . . to.” What this verse actually says is that the worship continues as an activity of eternity—“from New Moon to New Moon” and “from Sabbath to Sabbath”; as if to say, from month to month, from week to week.

A second reason offered for the observance of the new moon feast is that the moon determines the Sabbath day. On the basis of biblical texts, such as Genesis 1:14 and Psalm 104:19, it is argued that the weekly Sabbath was originally tied to the lunar cycle. Indeed, both texts relate the moon to the seasons (mo‘adim). Since Leviticus 23 includes the Sabbath in the category of (“seasons,” “convocations”; see v. 2), and since the moon rules the seasons (Gen. 1:14), some conclude that the moon also rules the Sabbath. This argument raises a number of problems, including the following:

1. The meaning of the Hebrew word mo‘adim. This word relates to the verb y‘d with which it is also associated (Exod. 30:36; 2 Sam. 20:5). This verb means “to appoint” a time or a place (2 Sam. 20:5; Jer. 47:7). The word mo‘adim refers to “appointments,” “meetings,” or “convocations” in time or space. Now, not all the appointments (mo‘adim) are ruled by the moon. When Jeremiah 8:7 uses the word mo‘adim to refer to the migration times of the stork and other migratory birds, it does not imply that the migrations of the stork are governed by the moon, since the stork returns to Palestine regularly every spring. The word mo‘adim simply refers to a specific time or place appointed, either by humans (1 Sam. 20:35) or by God (Gen. 18:14), and could be weekly (1 Sam. 13:8), monthly, yearly (Gen. 17:21), or even prophetic (Dan. 12:7); and is not necessarily always dependent on the moon.

2. The idea that the Sabbath is dependent on the moon was in fact originally borrowed from the historical-critical presupposition of the Babylonian influence on the Bible. According to that view, the Sabbath was originally taken either from the Babylonian custom of the lunar days, evil/taboo days associated with lunar phases falling on days 7, 14, 19, 21, and 28 of the month, or from the monthly, full-moon day (shab/pattu). But this claim has no biblical support whatsoever and is no longer taken seriously by biblical scholars.8

3. The idea of the dependence of the Sabbath on the moon—placing the Sabbath on any day of the week, depending on the movements of the moon—goes against the testimony of history. First, it goes against the testimony of the Jews. Indeed, millions of Jews have kept the seventh-day Sabbath on Saturday for thousands of years, and this practice was never changed or lost by either the Julian or Gregorian calendar; the change only affected the number of the days and never the days of the week.9 The Jews still keep the same seventh-day Sabbath that was given at Creation, the same day that was commanded at Sinai and kept by Jesus and the apostles; that is, our Saturday. The claim that connects Sabbath to the moon and makes it fall on Tuesday, or any other moon-dependent day, is, indeed, a way of replacing the true Sabbath with another day, based on human speculation, just as human tradition replaced Sabbath with Sunday.

4. The argument that the day of the crucifixion of Jesus was Passover— that is, the 14th day from the new moon (Exod. 12:6; and, at the same time, the Sabbath day}—cannot be used to support the idea that the Sabbath depends on the moon. According to the testimony of the Gospels, Jesus was crucified on the preparation day (Friday) and not on Sabbath.

5. The fact that the function of the moon begins on the fourth day of Creation week (Gen. 1:14–19) makes it impossible to identify the Sabbath, coming three days later, as a moon day.

The Jewish-Christian relation

The Christian practice of the festivals may be counterproductive in regard to Jewish-Christian relations. Christians who engage in those festivals, adopting traditions that belong to another culture, will appear artificial and fake. They will also be offensive to Jews who will perceive in this endeavor a usurping intention in the line of supercessionism, 10 or a deceitful means to trap them into conversion. Christians, who imitate the Jews in the practice of the festivals, tend to do it in the context of a church liturgy, involving a whole community, as a public event. No need to say that this Christian adaptation of the Jewish custom totally misses the point and is shocking for the Jews, as traditionally those feasts were designed to be celebrated only at home, in the intimate circle of the family, and not in public. The Christian reproduction may, therefore, often become a caricature or a misrepresentation—at best, a pale imitation of the Jewish original. Instead of being a means of reaching out to the Jews, the Christian adaptations of the Jewish festivals may turn them away.

The marking of festivals may, on the other hand, draw Christians closer to the Jews, whom their tradition has taught them to despise. Indeed, anti-Semitism was the main motivation for the repudiation, not only of the Sabbath, but also of the feasts. It appears, then, that by marking the festivals, Christians could make a statement not only against the anti-Semitic voice of various groups but also, at the same time, produce a way of contextualization for reaching out to the Jews.

Yet, the situation is not this simple. As I have indicated earlier, the observance of festivals encounters serious theological, cultural, ethical, and practical problems that invite caution and serious reservations.

Notes:

1 Richard M. Davidson, “Sanctuary Typology,” in Symposium on Revelation–Book I, Daniel and Revelation Committee Series, vol. 6, ed. Frank B. Holbrook (Silver Spring, MD: Biblical Research Institute, 1992), 120.

2 See the Babylonian Talmud, Ber. 4:1, 7; 26b; 32b.

3 Ángel Rodríguez, Israelite Festivals and the Christian Church (Silver Spring, MD: Biblical Research Institute, 2005), 9.

4 Roy E. Gane, “Sabbath and Israelite Festivals,” Shabbat Shalom 50, no. 1 (2003): 28.

5 Ibid., 414.

6 The Oxford Dictionary of Jewish Religion (Oxford: Oxford University Press, 1997), 591; Encyclopaedia Judaica,

corrected ed. (Jerusalem: Keter Publishing House, 1994), 12:1039.

7 Irving Greenberg, The Jewish Way (New York: Simon & Schuster, 1993), 411.

8 Gerhard Hasel, “The Sabbath and the Pentateuch,” in The Sabbath in Scripture and History, ed. Kenneth A. Strand (Washington, DC : Review and Herald, 1982), 21; and id., “The Sabbath in the Prophetic and Historical Literature of the Old Testament,” in The Sabbath in Scripture and History, 45.

9 Wikipedia, The Free Encyclopedia, s.v. “Gregorian calendar,” http://en.wikipedia.org/wiki/Gregorian_calendar (accessed March 30, 2009).

10 On the meaning and dangers of supercessionism, the idea that the church has replaced, “superceded,” Israel, see ibid., 55–70; cf. id., The Mystery of Israel (Hagerstown, MD: Review and Herald, 2004), 11–47.

See also:

Should we observe the Levitical festivals?: A Seventh-day Adventist perspective (Part 2 of 2)

Jacques B. Doukhan

Ministry

June 2010

Editor’s note: In part one of this series, we reviewed the strengths and weaknesses of five arguments generally employed by Christians and some Adventists for celebrating the Levitical festivals of the Old Testament. In this issue we offer a possible proper approach toward such festivals.

Valuing the riches and blessings associated with festivals but also being aware of the problems that are implied in observing them, Christians, if they wish, may search for a proper way to engage in festivals. They could explore some way to mark the festivals. This practice should not only be conducted with theological lucidity but also with prudence and balanced wisdom, humility, openness, and a willingness to learn. A number of practical suggestions may help Christians find a meaningful implication of the festivals in their Christian life and worship.

The would versus the should

First of all, to understand the non-normative character of the festivals is important. The New Testament offers a good example of how Christians should relate to the festivals. Indeed many texts provide us with the typological function of the sacrifices and then warn against the idea that they are still normative and necessary for our salvation. On the other hand, nowhere in the New Testament do we hear that we should not observe them. Actually, Jesus and His disciples kept celebrating them; and, later, the early Christians (Jews themselves living within a Jewish environment) as well as Paul, himself, followed the same practice. But they never felt it necessary to enforce the observance of the feasts on the Gentiles who desired to join the community of believers (Acts 15).

Wisely, they came to the conclusion “that we should not trouble those from among the Gentiles who are turning to God, but that we write to them to abstain from things polluted by idols [idolatry], from sexual immorality [ethics], from things strangled, and from blood [Levitical dietary principles]. For Moses has had throughout many generations those who preach him in every city, being read . . . every Sabbath” (Acts 15:19–21, NKJV). Thus, the apostolic decree refers to three domains of the Law of Moses: idolatry, ethics, and the mosaic dietary laws. All these prescriptions were based on the reading of the books of Moses “every Sabbath,” suggesting that respect for the fourth commandment, “the Sabbath,” was also implied in the apostolic decree. No reference to the festivals is even implicitly given in the text. This attitude contains a principle of tolerance, not only towards the Gentiles who were not to be troubled by the new, unnecessary burden, but also implicitly towards the Jews who wanted to join the church. For if it was considered inappropriate by the apostles to trouble the Gentiles by imposing on them a new lifestyle implying the observance of the laws of circumcision and the Jewish festivals, it would also have been inappropriate to trouble the Jews by imposing on them a new lifestyle implying the abandonment of those customs. The word should should not be used either to impose the festivals or to defend them. We should not say, “You should observe them,” nor say, “You should not observe them.”

Wisely and significantly, Ellen White uses the word would and not should to express her rather positive view on that matter: “Well would it be,” she says, “to have a Feast of Tabernacles.”* Although her statement only refers to one festival, it suggests that Ellen White could have been in favor of exploring that possibility also for other festivals. For the reason she gives to justify this practice, “a joyous commemoration of the blessings of God to them,” could apply for the other festivals as well. At any rate, this remark shows not only an attitude of openness on the part of Ellen White—she was not afraid of exploring new avenues—but also an attitude of tolerance and wisdom. Indeed, the use of the word would rather than the word should not only denotes humility and openness but also shows respect for another point of view. Such an attitude of tolerance and prudence is to be commended, for it will avoid the risk of reaction and polarization, which has always degenerated into radicalization and fanaticism and ultimately led to divisions in the church.

A marking calendar

If we choose to mark the feast on the yearly calendar, we should do it with a clear understanding of what that feast means from a specific Seventh-day Adventist perspective. The choice of my words here, marking calendar rather than liturgical, and mark the festivals rather than do or keep or observe, is deliberate and intentional. The marking of the festivals should not be imposed as a doctrinal, liturgical/religious, or even an administrative obligation for the church as a whole entity. It should rather be suggested as a free opportunity to remind of God’s plan of salvation and of our prophetic identity and mission. It could serve as an opportunity to teach, learn, and proclaim at home, in the church, and in the world, the great dimensions of God’s plan of redemption.

The festivals are nothing but a pedagogical or evangelistic tool to be used, just as we sometimes do when we use the model of the sanctuary to witness through this object lesson to our unique message. It should be descriptive and instructive, not prescriptive. If we desire to mark the festival, it would therefore be advisable to do it during its season, not because we want or need to be faithful to agricultural, ritualistic, and legalistic norms, but rather as an opportune moment when other people think about it, just as we traditionally do for Christmas, Easter, or Thanksgiving (although these festivals contain some elements of pagan origin, such as Santa Claus, the Christmas tree, and the Easter bunny). Outside of the season, this practice will look awkward for all, be offensive towards others, and lose its communicative and signifying/ semantic power.

The main problem resides, however, in the way the festivals could be marked outside of the Bible, considering the absence of revealed instructions in this context and without the help of a developed tradition of observance as we have in Judaism. To avoid wild, creative initiatives, which may undermine and compromise the whole project, two fundamental principles should govern and guide any attempt to mark the festivals:

1. The respect of the original place from where the inspiration of the feasts has been taken, namely the Scriptures and the testimony of Israel. Learn about the genuine character of the feast and inform yourself about the Jewish traditions associated with it. Avoid deceitful and confusing misrepresentations. Make sure the feasts do not become occasions for the promotion of your personal ideas, fantasies, and hobbies that have nothing to do with the feasts, such as dances, spiritualistic and charismatic applications, inconsiderate blowing of the shofar, or putting on of exotic garments. Such expressions might be perceived as a disguising game and disrespectful behavior.

2. The respect of the new place where the inspiration of the feast has been imported, namely your church. Consult its leaders, including theological authorities and your friends (even and especially those who disagree with you), to make sure that your ideas of festivals and the information you have collected are well founded and consistent with the theology you profess as a Seventh-day Adventist. Make sure also that your experiment will not be misunderstood, will not hurt other members, and will, indeed, serve the good of the church. Avoid separate initiatives, remain humble and modest, and do not try to impose your views and practices upon other church members who may not share your perspective and spiritual sensitivity. Be prudent towards your sentimental and mystical emotions on these matters and your convictions, and do not confuse them with the divine truth or the gift of the Spirit.

Conclusion

To the question “Should we observe the festivals?” my answer is, on the basis of the above discussion, a clear and an unambiguous “No, we are not required to observe the festivals,” for the following reasons:

(1) Festivals have lost their normative quality as they have essentially been fulfilled in Christ and are no longer dependent on the categories of biblical revelation. The laws of the feasts are distinct from other laws such as the Sabbath and the dietary laws, which are not related to sacrifices or dependent on time, and are universal in character. It is indeed important to note and realize that God has not provided us with any instruction, any law regarding the way those festivals should be observed outside of the temple. If God has not indicated to us how to observe them in these conditions, how could He then require the observance of these laws? We are here dependent only on human traditions outside of biblical revelation.

(2) No Christian or Adventist historical tradition and/or custom exists about how these festivals have been and therefore could be observed.

(3) The specific mission and identity of the Seventh-day Adventist movement is not defined as a liturgical entity with a historical liturgical tradition to witness to. Instead, the Seventh-day Adventist Church identifies itself as a prophetic messenger with a universal scope and mission, transcending the variety of cultures and traditions, and pointing to the eschatological order.

On the other hand, this clarification should not exclude the following options:

(1) The pedagogical value of exploring and communicating (verbally or otherwise) the rich truths associated with the festivals, namely, their meaning in regard to the plan of salvation for the past, present, and future. Yet all this beauty and richness testified by the feasts does not make them normative laws to be imperatively followed. They remain just a pedagogical tool.

(2) The marking of the festivals may be used as a means of contextualization in order to reach out to the Jews, just as it is done for other cultural groups whether religious (Christmas, Easter) or secular (Thanksgiving). Even here, however, one may wonder about the efficiency and even the questionable ethics of this evangelistic method of contextualization.

(3) Jewish Adventists, like the early Jewish Christians, should not feel obligated to abandon the enjoyment of festivals; and no one should discourage them from doing so. Not only do the feasts belong to their cultural heritage, but they also provide them with an appropriate means of reaching out to other Jews. In this particular instance, in the light of the prophetic and theological dimensions of the Seventh-day Adventist message, their experience of the feasts may still become even more meaningful than in the past. These practices will be implemented, however, with a clear understanding that these laws and traditions are not prophetic revelation and no longer normative.

The last lesson to learn from the festivals is to relax and enjoy our religious life. All these tensions and discussions on whether we should observe the festivals, in fact, go against the very spirit of the feasts. Far from urging a serious and tense discussion and pressing obligation to observe or not observe, the message of the feasts is, on the contrary, a gracious invitation for joy and peace.

Notes:

* Ellen G. White, Patriarchs and Prophets (Mountain View, CA: Pacific Press Pub. Assn., 1958), 540, 541.


Chavouot/Pentecôte: Et si l’actuel rejet du Sabbat n’était que la continuation de la solution finale par d’autres moyens? (Remember the Sabbath day to keep it holy)

26 Mai, 2012
JesusUnrolls
portail-sud-cathedraleCathedrale_de_StrasbourgDieu acheva au septième jour son oeuvre, qu’il avait faite: et il se reposa au septième jour de toute son oeuvre, qu’il avait faite. Dieu bénit le septième jour, et il le sanctifia, parce qu’en ce jour il se reposa de toute son oeuvre qu’il avait créée en la faisant. Genèse 2: 2-3
Souviens-toi du jour du repos, pour le sanctifier.Tu travailleras six jours, et tu feras tout ton ouvrage. Mais le septième jour est le jour du repos de l’Éternel, ton Dieu: tu ne feras aucun ouvrage, ni toi, ni ton fils, ni ta fille, ni ton serviteur, ni ta servante, ni ton bétail, ni l’étranger qui est dans tes portes. Car en six jours l’Éternel a fait les cieux, la terre et la mer, et tout ce qui y est contenu, et il s’est reposé le septième jour: c’est pourquoi l’Éternel a béni le jour du repos et l’a sanctifié. Quatrième commandement (Exode 20: 8-11)
Observe le jour du repos, pour le sanctifier, comme l’Éternel, ton Dieu, te l’a ordonné. Tu travailleras six jours, et tu feras tout ton ouvrage. Mais le septième jour est le jour du repos de l’Éternel, ton Dieu: tu ne feras aucun ouvrage, ni toi, ni ton fils, ni ta fille, ni ton serviteur, ni ta servante, ni ton boeuf, ni ton âne, ni aucune de tes bêtes, ni l’étranger qui est dans tes portes, afin que ton serviteur et ta servante se reposent comme toi. Tu te souviendras que tu as été esclave au pays d’Égypte, et que l’Éternel, ton Dieu, t’en a fait sortir à main forte et à bras étendu: c’est pourquoi l’Éternel, ton Dieu, t’a ordonné d’observer le jour du repos. Deutéronome 5: 12-15
Depuis le lendemain du sabbat, du jour où vous apporterez la gerbe pour être agitée de côté et d’autre, vous compterez sept semaines entières. Vous compterez cinquante jours jusqu’au lendemain du septième sabbat; et vous ferez à l’Éternel une offrande nouvelle. (…) Ce jour même, vous publierez la fête, et vous aurez une sainte convocation: vous ne ferez aucune oeuvre servile. C’est une loi perpétuelle pour vos descendants, dans tous les lieux où vous habiterez. Lévitique 23: 15-21
Tu compteras sept semaines; dès que la faucille sera mise dans les blés, tu commenceras à compter sept semaines. Puis tu célébreras la fête des semaines, et tu feras des offrandes volontaires, selon les bénédictions que l’Éternel, ton Dieu, t’aura accordées. Deutéronome 16: 9-10
Vous circoncirez donc votre coeur (…) car l’Éternel, votre Dieu, est le Dieu des dieux, le Seigneur des seigneurs, le Dieu grand, fort et terrible, qui ne fait point acception des personnes et qui ne reçoit point de présent, qui fait droit à l’orphelin et à la veuve, qui aime l’étranger et lui donne de la nourriture et des vêtements. Deutéronome 10: 16-18
Vous observerez le sabbat, car il sera pour vous une chose sainte. Celui qui le profanera, sera puni de mort; celui qui fera quelque ouvrage ce jour-là, sera retranché du milieu de son peuple. On travaillera six jours; mais le septième jour est le sabbat, le jour du repos, consacré à l’Éternel. Celui qui fera quelque ouvrage le jour du sabbat, sera puni de mort. Les enfants d’Israël observeront le sabbat, en le célébrant, eux et leurs descendants, comme une alliance perpétuelle. Ce sera entre moi et les enfants d’Israël un signe qui devra durer à perpétuité; car en six jours l’Éternel a fait les cieux et la terre, et le septième jour il a cessé son oeuvre et il s’est reposé. Exode 31: 14-17

Je leur donnai aussi mes sabbats comme un signe entre moi et eux, pour qu’ils connussent que je suis l’Éternel qui les sanctifie. Ezechiel 20: 17

Je mettrai ma loi au dedans d’eux, Je l’écrirai dans leur coeur; Et je serai leur Dieu, Et ils seront mon peuple. Jérémie 31:33
Le salut vient des Juifs. Jésus (Jean 4:22)
Ne croyez pas que je sois venu pour abolir la loi ou les prophètes; je suis venu non pour abolir, mais pour accomplir.Car, je vous le dis en vérité, tant que le ciel et la terre ne passeront point, il ne disparaîtra pas de la loi un seul iota ou un seul trait de lettre, jusqu’à ce que tout soit arrivé.Celui donc qui supprimera l’un de ces plus petits commandements, et qui enseignera aux hommes à faire de même, sera appelé le plus petit dans le royaume des cieux;  Jésus (Mathieu 5: 17-19)
Jésus (…) enseignait dans les synagogues, et il était glorifié par tous. Il se rendit à Nazareth, où il avait été élevé, et, selon sa coutume, il entra dans la synagogue le jour du sabbat. Luc 4: 14-16
Pendant ce temps, les disciples le pressaient de manger, disant: Rabbi, mange… Jean 4: 31
Vous êtes manifestement une lettre de Christ, écrite, par notre ministère, non avec de l’encre, mais avec l’Esprit du Dieu vivant, non sur des tables de pierre, mais sur des tables de chair, sur les coeurs. Paul (2 Corinthiens 3: 3)
Le jour de la Pentecôte, ils étaient tous ensemble dans le même lieu. Tout à coup il vint du ciel un bruit comme celui d’un vent impétueux, et il remplit toute la maison où ils étaient assis. Des langues, semblables à des langues de feu, leur apparurent, séparées les unes des autres, et se posèrent sur chacun d’eux. Et ils furent tous remplis du Saint Esprit, et se mirent à parler en d’autres langues, selon que l’Esprit leur donnait de s’exprimer.  Actes 2: 1-4
J’éprouve une grande tristesse, et j’ai dans le coeur un chagrin continuel. Car je voudrais moi-même être anathème et séparé de Christ pour mes frères, mes parents selon la chair, qui sont Israélites, à qui appartiennent l’adoption, et la gloire, et les alliances, et la loi, et le culte, et les promesses, et les patriarches, et de qui est issu, selon la chair, le Christ, qui est au-dessus de toutes choses, Dieu béni éternellement. Amen! Ce n’est point à dire que la parole de Dieu soit restée sans effet. Car tous ceux qui descendent d’Israël ne sont pas Israël, et, pour être la postérité d’Abraham, ils ne sont pas tous ses enfants; mais il est dit: En Isaac sera nommée pour toi une postérité, c’est-à-dire que ce ne sont pas les enfants de la chair qui sont enfants de Dieu, mais que ce sont les enfants de la promesse qui sont regardés comme la postérité. Paul (Romans 9: 2-8)
Je dis donc: Dieu a-t-il rejeté son peuple? Loin de là! Car moi aussi je suis Israélite, de la postérité d’Abraham, de la tribu de Benjamin. Dieu n’a point rejeté son peuple, qu’il a connu d’avance. Ne savez-vous pas ce que l’Écriture rapporte d’Élie, comment il adresse à Dieu cette plainte contre Israël: Seigneur, ils ont tué tes prophètes, ils ont renversé tes autels; je suis resté moi seul, et ils cherchent à m’ôter la vie? Mais quelle réponse Dieu lui fait-il? Je me suis réservé sept mille hommes, qui n’ont point fléchi le genou devant Baal. De même aussi dans le temps présent il y a un reste, selon l’élection de la grâce. Or, si c’est par grâce, ce n’est plus par les oeuvres; autrement la grâce n’est plus une grâce. Et si c’est par les oeuvres, ce n’est plus une grâce; autrement l’oeuvre n’est plus une oeuvre. Quoi donc? Ce qu’Israël cherche, il ne l’a pas obtenu, mais l’élection l’a obtenu, tandis que les autres ont été endurcis, selon qu’il est écrit: Dieu leur a donné un esprit d’assoupissement, Des yeux pour ne point voir, Et des oreilles pour ne point entendre, Jusqu’à ce jour. Paul (Romans 10: 1-8)
Le Seigneur dit enfin aux Juifs:  » Je ne supporte pas vos néoménies ni vos sabbats  » (Is 1,13 ). Voyez bien ce qu’il veut dire: ce ne sont pas vos sabbats actuels qui me sont agréables, mais celui que j’ai fait moi-même et dans lequel, mettant toutes choses au repos, j’inaugurerai le huitième jour, c’est-à-dire un univers nouveau. Voilà pourquoi nous célébrons dans l’allégresse le huitième jour celui où Jésus est ressuscité des morts et où, après s’être manifesté, il est monté aux cieux. Epitre de Barnabé
Que tous les juges, les citadins et les artisans se reposent au jour vénérable du soleil. Mais que ceux qui habitent la campagne s’adonnent paisiblement et en toute liberté à la culture de leurs champs, attendu que souvent aucun autre jour n’est aussi propice pour faire les semailles ou planter les vignes ; il ne faut donc pas laisser passer le temps favorable, et frustrer ainsi, les intentions bienveillantes du ciel.  (321)
Il n’est pas propre pour les chrétiens de judaïser en chômant le Sabbat, mais ils doivent travailler en ce jour ; ils doivent se reposer le dimanche comme les chrétiens, préférant ce jour s’il veulent. Sous peine d’anathème. Concile de Laodicée (canon 29)
Que les chrétiens et les hérétiques périssent  en un moment, qu’ils soient effacés du livre de vie et qu’ils ne soient pas comptés parmi les justes. Béni sois-tu,  Seigneur, toi qui humilies les insolents! Malédiction des hérétiques
Le sabbat est le repos du Dieu des juifs ; jeunons donc ce jour-là afin que nous n’accomplissions pas ce qui est ordonné par le Dieu des juifs. Marcion
Il apparait comme une chose indigne que, dans la célébration de cette très sainte fête, nous suivions la pratique des Juifs qui avec impiété ont souillé leurs mains d’un grave pêché et sont donc affligés à juste tire de cécité de l’âme. (…) N’ayons donc rien en commun avec la détestable foule juive. Eusèbe de Césarée
Le jour qu’on appelle le jour du soleil, tous, qu’ils habitent les villes et les campagnes, se réunissent dans un même lieu. On lit les Mémoriaux des apôtres et les écrits des prophètes autant que le temps le permet. Justin (La Grande Apologie, mort vers 165)
Ô vous qui avez cru, quand on appelle à la prière du jour du Vendredi, accourez à l’invocation de Dieu et laissez tout commerce, cela est bien meilleur pour vous, si vous saviez. Le Coran (Sourate 62 – Verset 9)
Le jour du Vendredi est le maître des jours, le plus important auprès de Dieu. Il est plus important que le Jour du Sacrifice et le Jour de la rupture du jeûne. Il comprend cinq éléments distinctifs : C’est un Vendredi que Dieu a créé Adam, c’est un Vendredi que Dieu fit descendre Adam sur terre, c’est un Vendredi que Dieu se saisit de l’âme d’Adam, c’est dans la journée du Vendredi que se trouve une heure où Dieu exauce les demandes de son adorateur, quelles qu’elles soient, tant qu’il ne demande pas quelque chose d’inutile. Et c’est un Vendredi que viendra l’Heure dernière. Mahomet (d’après Ibn Maja et Ahmad)

Les hommes soumis à la loi mosaïque sont maudits et recouverts de la malédiction comme d’un vêtement, malédiction qui s’est infiltrée comme l’eau dans leurs entrailles et comme l’huile dans leurs os. Ils sont maudits à la ville et à la campagne, maudits à l’entrée et maudits à la sortie. Maudit soit le fruit de leurs entrailles, de leurs terres et de leurs troupeaux; maudits soient leurs celliers, leurs greniers, leurs boutiques,leur nourriture et les miettes de leurs repas! Evêque Agobard (Lettre à l’archévêque de Narbonne, 826-828)

Les quinze premiers évêques de Jérusalem étaient tous des Juifs circoncis, et la congrégation sur laquelle ils présidaient associait la loi de Moïse avec la doctrine du Christ. Il était naturel que la tradition primitive d’une Eglise, fondée quarante jours seulement après la mort du Christ, et longtemps dirigée sous la surveillance directe de ses apôtres, fût perçue comme le standard de l’orthodoxie. Les Eglises éloignées faisaient fréquemment appel à l’autorité de leur vénérable Mère. Edward Gibbon
Jusqu’à aujourd’hui nous ne savons pas quel démon les a amenés dans notre pays (..) A part le diable, vous n’avez pas d’ennemi plus venimeux, plus acharné, plus amer qu’un vrai juif. Luther
Si je trouve un juif à baptiser, je le conduirai sur le pont de l’Elbe, lui pendrai une pierre au cou et le pousserai dans l’eau en le baptisant au nom d’Abraham. Luther
Pour qui a observé la tenue insolente et l’indifférence de l’assemblée de fidèles à la synagogue, pendant un service divin en musique, il est facile de comprendre qu’un compositeur d’opéra juif ne se sente pas blessé de retrouver la même chose chez un public de théâtre… […] Le judaïsme est la mauvaise conscience de la civilisation moderne […] Réfléchissez qu’il existe un seul moyen de conjurer la malédiction qui pèse sur vous : la rédemption d’Assuerus – l’anéantissement. Richard Wagner
Luther (…) a commencé le combat que nous allons continuer maintenant. Hans Hinkel (propagandiste nazi)
 J’agis dans le sens du Créateur tout-puissant; en écartant les Juifs, j’agis pour l’oeuvre du Seigneur. Hitler (Mein Kampf)
Ce furent des libres penseurs, des savants, des médecins juifs qui maintinrent le drapeau des lumières et de l’indépendance d’esprit sous la contrainte personnelle la plus dure ; c’est à leurs efforts que nous devons en grande partie qu’une explication du monde plus naturelle, plus raisonnable, et en tout cas affranchie du mythe, ait enfin pu ressaisir la victoire, et que la chaîne de la civilisation gréco-romaine soit restée ininterrompue. Si le christianisme a tout fait pour orientaliser l’Occident, c’est le judaïsme qui a surtout contribué à l’occidentaliser à nouveau : ce qui revient à dire en un certain sens, à rendre la mission et l’histoire de l’Europe une continuation de l’histoire grecque. Nietszche
Prions aussi pour les Juifs perfides afin que Dieu Notre Seigneur enlève le voile qui couvre leurs cœurs et qu’eux aussi reconnaissent Jésus, le Christ, Notre-Seigneur. Prière du Vendredi saint
Prions pour les Juifs à qui Dieu a parlé en premier : qu’ils progressent dans l’amour de son Nom et la fidélité de son Alliance. Prière du vendredi saint
Que faut-il penser alors de l’institution du dimanche et d’autres rites et règlements de ce genre ? Voici la réponse des nôtres : Il est permis aux évêques et aux pasteurs d’établir certaines règles pour maintenir l’ordre dans l’Église, — mais non pour obtenir la grâce, ni pour faire satisfaction pour les péchés, ni pour imposer ces règles aux consciences comme si c’était un culte nécessaire, et comme si l’infraction à ces règles était un péché, même si elle se fait sans scandale pour le prochain. Ainsi, par exemple, saint Paul, dans la première Épître aux Corinthiens (ch. 11, 5-6 ; ch. 14, 27), établit la règle que dans l’assemblée les femmes aient la tête couverte, et que les prédicateurs, dans l’assemblée, ne parlent pas tous à la fois, mais dans l’ordre, chacun à son tour. L’amour chrétien et l’intérêt de la paix obligent l’assemblée chrétienne à observer ces sortes de règlements, et à obéir dans ces cas aux évêques et aux pasteurs, afin d’éviter tout scandale ainsi que le désordre et la confusion dans l’Église ; mais il faut observer ces règles de manière à ce qu’elles ne deviennent pas un fardeau pour les consciences, qu’on ne les considère pas comme nécessaires au salut, et qu’on ne regarde pas comme un péché l’infraction à ces règles, lorsqu’elle se fait sans scandaliser le prochain (…) Il en est de même de la célébration du dimanche, de la fête de Pâques, de la Pentecôte, et d’autres fêtes. Ceux qui pensent que l’observation du dimanche au lieu du sabbat a été introduite pour être obligatoire, se trompent fort. Car les Saintes Écritures ont aboli le sabbat, et elles enseignent que toutes les cérémonies de l’ancienne Loi peuvent être supprimées depuis que l’Évangile est survenu. Néanmoins, puisqu’il était nécessaire d’établir un jour déterminé pour que le peuple pût savoir quand il devait s’assembler, l’Église chrétienne à désigné à cet effet le dimanche ; et elle a fait ce changement d’autant plus volontiers qu’elle désirait donner aux gens un exemple de liberté chrétienne, afin qu’on sût qu’il n’est pas obligatoire d’observer soit le sabbat, soit un autre jour. Il y a un grand nombre de vaines discussions sur les modifications de la Loi, sur les cérémonies du Nouveau Testament, sur le déplacement du sabbat, qui toutes sont nées de l’erreur que voici : On croyait que la chrétienté devait posséder un culte semblable au culte lévitique des Juifs, et que le Christ avait ordonné aux apôtres et aux évêques de créer de nouveaux rites, qui seraient nécessaires au salut. Ces erreurs se sont infiltrées dans la chrétienté à partir du moment où l’on cessait d’enseigner et de prêcher purement et correctement la Justification par la Foi. Voici comment quelques-uns discutent au sujet du dimanche : L’observation du dimanche, disent- ils, n’est pas de droit divin, mais presque de droit divin ; puis ils prescrivent le genre et la quantité de travail permis un jours de fête. Que sont toutes ces subtilités, sinon des pièges qu’on tend aux consciences ? Il est vrai qu’ils cherchent à atténuer la rigueur des ordonnances humaines. Mais en réalité, aucun adoucissement n’est efficace tant que persiste l’opinion que l’observation de ces ordonnances est indispensable ; or, cette opinion persistera forcément aussi longtemps qu’on ignore la doctrine de la Justice par la foi et de la liberté chrétienne. Les apôtres ont prescrit qu’il faut s’abstenir du sang et des viandes étouffées. Qui donc observe aujourd’hui cette règle ? Et pourtant ceux qui ne l’observent pas ne commettent pas de péché ; car les apôtres eux-mêmes n’ont pas voulu accabler les consciences avec une telle servitude : ils n’ont établi cette règle que provisoirement et pour que les chrétiens évitent de scandaliser leurs frères. Confession d’Augsburg (canon 28, 1530)
Encore que des autorités juives, avec leurs partisans, aient poussé à la mort du Christ, ce qui a été commis durant sa passion ne peut être imputé ni indistinctement à tous les Juifs vivant alors, ni aux Juifs de notre temps. S’il est vrai que l’Église est le Nouveau Peuple de Dieu, les Juifs ne doivent pas, pour autant, être présentés comme réprouvés par Dieu ni maudits, comme si cela découlait de la Sainte Écriture. Que tous donc aient soin, dans la catéchèse et la prédication de la parole de Dieu, de n’enseigner quoi que ce soit qui ne soit conforme à la vérité de l’Évangile et à l’esprit du Christ. En outre, l’Église qui réprouve toutes les persécutions contre tous les hommes, quels qu’ils soient, ne pouvant oublier le patrimoine qu’elle a en commun avec les Juifs, et poussée, non pas par des motifs politiques, mais par la charité religieuse de l’Évangile, déplore les haines, les persécutions et toutes les manifestations d’antisémitisme, qui, quels que soient leur époque et leurs auteurs, ont été dirigées contre les Juifs.  Déclaration Nostra Ætate
 L’Israël selon la chair, cheminant dans la solitude, prend déjà le nom d’Eglise de Dieu (II Esdr. 13, 1; cf. Nombr. 20, 4; Deut. 23, 1 et suiv.); de même le nouvel Israël, celui de l’ère présente en quête de la cité future et qui ne finit pas (cf. Hébr. 13, 14), s’appelle également l’Eglise du Christ (cf. Mt. 16, 18). Car le Christ lui-même l’a acquise au prix de son sang (cf. Act. 20, 28), remplie de son Esprit et pourvue de moyens aptes à procurer une union visible et sociale. Dieu a convoqué ta communauté de ceux qui regardent avec foi Jésus, auteur du salut, principe d’unité et de paix, et il en a fait l’Eglise, afin qu’elle soit pour tous et pour chacun le sacrement visible de cette unité salvifique. Cette Eglise qui doit s’étendre à toute la terre et entrer dans l’histoire humaine, domine en même temps les époques et les frontières des peuples. Au milieu des embûches et des tribulations qu’elle rencontre, elle est soutenue, dans sa marche, par le secours de la grâce divine que lui a promise le Seigneur, afin que, dans la condition de l’humaine faiblesse, elle ne laisse pas d’être parfaitement fidèle, mais demeure la digne épouse de son Seigneur et se renouvelle sans cesse elle-même, sous l’action de l’Esprit-Saint; jusqu’à ce que, par la croix, elle parvienne à la lumière qui ne connaît pas de déclin. Constitution conciliaire dogmatique Lumen Gentium (sur l’Église, 21 novembre 1964)
Les chrétiens considéraient initialement le dimanche comme premier jour de la semaine, et le rapportaient au premier jour de la création. Ils le célébraient aussi sous l’appellation de huitième jour, le jour de la Création qui n’a pas encore eu lieu, c’est-à-dire le symbole d’une création nouvelle. La symbolique chrétienne associe fréquemment le sept au judaïsme, et le huit au christianisme, considéré comme le dépassement du judaïsme. La majorité des pays musulmans font commencer la semaine le samedi, car selon la religion musulmane la journée de prière correspond au vendredi qui est le jour saint de l’islam ce qui est conforme à la semaine chaldéenne originelle. Wikipedia
La norme ISO code le samedi par le chiffre 6 (6e jour) Wikipedia
Mais pourquoi donc le christianisme est-il devenu une religion non-juive ?  Gilles Bernheim
Les Juifs témoignent de l’absolue transcendance sur laquelle est fondée toute morale: la loi. Les chrétiens témoignent de l’incarnation de la Parole. deux voix pour le même Dieu! Deux voix différentes, dont  l’harmonie a été promise au-delà du temps. Mark Fressler
L’Histoire juive a été arrachée de son cadre étroit de la Palestine; par l’intermédiaire du christianisme, le Juif a cessé d’être un provincial insignifiant se pavanant sur l’étroite scène de la Judée; il a pénétré dans l’importance de la scène mondiale et est devenu une bénédiction pour toute l’humanité. Sans le christianisme, le judaïsme et le Juif auraient pu rester aussi insignifiants que l’ont été les disciples de Zoroastre. Maurice S. Eisendrath
Est-ce vraiment la volonté de Dieu qu’il n’existe plus aucun judaïsme dans le monde? Serait-ce vraiment le triomphe de Dieu si les rouleaux n’étaient plus sortis de l’arche  et si la Torah n’était plus lue dans les synagogues, si nos anciennes prières hébraïques, que Jésus lui-même utilisa pour adorer Dieu , n’étaient plus récitées, si le Seder de la Pâque n’était plus célébré dans nos vies, si la loi de Moïse n’était plus observée dans nos foyers?  Serait-ce vraiment ad majorem Dei gloriam d’avoir un monde sans Juifs? Abraham Heschel
Au travers des siècles, la communauté juive a interprété la décision de l’Eglise d’adorer Dieu le dimanche comme un rejet du coeur même de l’expérience juive: le rejet de la loi. Ce transfert du jour d’adoration au dimanche a rendu excessivement difficile, sinon virtuellement impossible, , pour le juif, d’accorder une considération sérieuse au message chrétien. R. Marvin Wilson
Au IVe siècle, on disait aux Juifs; « Vous n’avez pas le droit de vivre parmi nous en tant que juifs ». A partir du Moyen-Age jusqu’au XIXe siècle, on disait aux Juifs; « Vous n’avez pas le droit de vivre parmi nous. » A l’époque nazie, on disait aux Juifs: « Vous n’avez pas le droit de vivre. » Paul Hillburg
Il a fallu la « solution finale » des nazis allemands pour que les chrétiens commencent à prendre conscience que le prétendu problème juif est en réalité un problème chrétien et qu’il l’a toujours été. Alice L. Eckardt
Après Auschwitz, (…) demander aux juifs de devenir chrétiens est une manière spirituelle de les effacer de l’existence et ne fait donc que renforcer les conséquences de l’Holocauste. (…)  Après Auschwitz et la participation des nations à ce massacre, c’est le monde chrétien qui a besoin de conversion. Gregory Baum
Tant que l’Eglise chrétienne se considère comme le successeur d’Israël, comme le nouveau peuple de Dieu, aucun espace théologique n’est laissé aux autres confessions et surtout à la religion juive. Gregory Baum
Si la loi du sabbat appartient au cérémoniel et n’est plus obligatoire, pourquoi remplacer le sabbat par un autre jour? Jacques Doukhan
Si la grâce chrétienne a mis fin à la loi juive, si le dimanche chrétien a abrogé le sabbat juif, si la notion d’un Dieu invisible indéfiniment suspendu à une croix a remplacé la notion du Tout-puissant invisible, si le salut et son emphase sur le spirituel l’a emporté sur la création, sur la nature et sur le corps, si le Nouveau Testament a supprimé l’Ancien, si les païens ont remplacé Israël; alors les juifs ont eu théologiquement raison, et ont encore raison aujourd’hui, de rejeter la religion chrétienne. Jacques Doukhan

Et si l’actuel rejet du Sabbat n’était que la continuation de la solution finale par d’autres moyens?

Shabbat (hébreu), savvato (grec), saturnus dies/sabbatum dies (latin),  sabato (italien), sàbatu (corse), sábado (espagnol, philippin), ŝabato (portugais), sîmbata (roumain), samedi (français), dissabte (catalan), Samstag (allemand), szombat (hongrois), subotta (russe), subota (bulgare, bosniaque, serbe, croate, ukrainien), sobota (polonais, tchèque, slovaque, slovène), sabati (georgien), shabat (arménien), sabet (arabe), sabtu (indonésien), est-Sibt (maltais), sabti (somalien), saptu (soudanais), shanbe (farsi) …

En cette fête de Chavouot où, avec le don des dix commandements, le monde juif se remémore son acte fondateur …

Et où, dans son propre évènement fondateur de la Pentecôte, le monde chrétien célèbre l’Esprit saint qui, en en gravant les paroles dans les coeurs, devait en universaliser la portée à la planète entière …

En ces temps étranges où, entre la défense syndicale du Jour du seigneur et l’appel écolo à la création de nouveaux jours fériés juif et musulman et après le mariage polygame (pardon: le “concubinage multiple”) et le “mariage homosexuel”, on verra peut-être un jour prôner le droit au ”mariage inter-espèce” …

Mais où, avec la création de l’Etat d’Israël, les juifs ne sont plus, pour la première fois dans leur histoire, « sous la menace quotidienne de l’antisémitisme chrétien » …

Comment ne pas s’étonner, avec le chercheur franco-américain Jacques Doukhan, de ce curieux oubli de l’héritage de la Synagogue par l’Eglise?

Qui, avec le funeste abandon du quatrième commandement, devait non seulement précipiter leur séparation …

Mais, au terme d’une histoire de persécutions millénaire et au nom d’une idéologie de la substitution à la fois théologique et matérielle, préparer, selon le mot de Wagner, « la rédemption d’Assuérus – l’anéantissement » comme ultime moyen de résoudre le  « problème juif » ?

La synagogue et l’église

Jacques B. Doukhan

Dialogue universitaire

Selon sa coutume, il entra dans la synagogue le jour du sabbat.  (Luc 4 : 16.)

Sur cette pierre je bâtirai mon Eglise.  (Matthieu 16 : 18.)

Le premier passage décrit une coutume de Jésus quand il était sur la terre, une coutume de tous les sabbats. Il rendait un culte à son Père à la synagogue juive ou au temple. C’est là une coutume que ses disciples ont plus tard suivie en allant de ville en ville lors de leurs voyages missionnaires, comme on le voit dans le livre des Actes.

Le deuxième passage contient une promesse : Jésus lui-même édifiera l’Eglise là où il sera adoré comme Seigneur et Sauveur du monde. Les apôtres, tout en célébrant leur culte dans les synagogues, parlaient beaucoup de l’Eglise en tant que corps du Christ et en tant que communauté de croyants en Christ, envoyée par Dieu.

C’était l’époque apostolique. Mais depuis, l’histoire ne parle que de luttes et de conflits entre la synagogue et l’église, entre les juifs et les chrétiens.

Cette lutte est-elle nécessaire ? La haine devrait-elle marquer les relations entre ces deux communautés ? Pouvons-nous essayer de nous comprendre et d’apprendre les uns des autres ? La réponse doit être « oui » pour trois raisons : les deux communautés ont énormément en commun ; le christianisme peut beaucoup apprendre du judaïsme ; et le judaïsme peut beaucoup apprendre du christianisme.

Les points communs

Le christianisme et le judaïsme partagent les mêmes racines. D’abord les Ecritures. Jésus et les disciples n’avaient qu’une seule Bible : l’Ancien Testament. En effet, le Nouveau Testament continue l’Ancien et l’amplifie.

Puis la théologie. Le christianisme et le judaïsme partagent tous deux le concept d’un Dieu personnel ayant créé le monde. Le récit de la chute, l’appel d’Abraham, la nature de l’alliance, les dix commandements et l’insistance des prophètes sur l’éthique, tout cela fait partie de l’héritage commun des deux groupes religieux.

Enfin, il y a l’histoire. La philosophie de l’histoire selon laquelle Dieu est aux commandes, selon laquelle l’histoire va vers son apogée en un mode linéaire, est commune aux deux religions. L’Eglise fait remonter son histoire à l’église dans le désert ; elle tire son énergie et son inspiration des promesses faites aux enfants d’Israël. De plus, l’Eglise a grandi sur le sol d’Israël. Les premiers chrétiens étaient tous des juifs fidèles. Jésus était juif. L’Ancien Testament, ainsi que le midrashim, les paraboles juives, faisaient partie de ses enseignements. Tous ses disciples étaient juifs. La plus grande partie — sinon l’ensemble — du Nouveau Testament a été écrite par des juifs qui se référaient constamment aux Ecritures et traditions juives.

Avec tant en commun, pourquoi devrait-il y avoir conflit entre les deux religions ? Ne devraient-elles pas au contraire apprendre l’une de l’autre ?

Ce que le christianisme peut apprendre du judaïsme

L’Eglise peut établir une connexion avec Israël et apprendre de lui son amour des Ecritures. Les Ecritures hébraïques ont été préservées par le travail tenace des scribes juifs, qui ont recopié les anciens manuscrits avec soin, et aussi par les juifs fidèles, qui les ont lus à la synagogue au cours des siècles. Moïse, Esaïe, les Psaumes et le Cantique des cantiques sont encore psalmodiés dans la langue originale. Grâce aux juifs, les chrétiens ont accès au texte hébreu de l’Ancien Testament, à la pensée hébraïque des auteurs du Nouveau, et même aux prières hébraïques, par lesquelles Jésus lui-même a adoré son Père. Le rôle des Ecritures dans la vie et dans les services de culte des juifs peut être chéri également par les chrétiens.

L’Eglise peut aussi apprendre du judaïsme la signification plus profonde de la loi, des dix commandements, des lois alimentaires, du sabbat et de tout le code éthique. Les juifs n’ont pas seulement préservé tout cela par écrit, mais ils en sont aussi des témoins par leur façon de vivre. L’Eglise a besoin des juifs pour repenser la théologie de la loi. Les chrétiens ont une telle tendance à insister sur la grâce qu’ils ont souvent ignoré la valeur de la justice et de l’obéissance. On a trop souligné l’importance des émotions, des sentiments et des expériences subjectives aux dépens de la fidélité, de la volonté et du devoir objectif d’obéissance.

Dans le même ordre d’idée, l’Eglise a besoin des juifs pour redécouvrir la valeur et la beauté intrinsèques de l’étude de la Parole de Dieu, qui vient d’en haut et qui recèle sa propre vérité, prête à être découverte. Trop souvent, la Bible est utilisée comme preuve dans une dispute théologique, ou comme une inspiration sentimentale et creuse lors d’une méditation religieuse. Il est vrai que le chrétien peut s’attendre à l’illumination et aux directives de l’Esprit pour comprendre les Ecritures, mais il est naïf de le substituer à leur étude personnelle.

Les chrétiens peuvent aussi apprendre de la manière d’adorer des juifs : leur révérence pour le Dieu souverain, leur respect des Ecritures et leurs chants collectifs, qui impliquent des efforts intellectuels, de la sensibilité esthétique, une profonde émotion, ainsi que le mouvement du corps. En y prêtant attention, les chrétiens pourraient être inspirés à rendre leurs services d’adoration plus créatifs et plus satisfaisants.

Une autre valeur religieuse que les chrétiens peuvent apprendre des juifs est la joie de vivre, le goût de la fête et la capacité à recevoir le don de Dieu dans la création. Dès les débuts, avec l’influence du gnosticisme, surtout celui de Marcion, le christianisme s’est opposé à la foi en un Dieu de la création, de la beauté et des sens. On a essayé d’établir une distinction entre le Dieu de l’Ancien Testament et celui du Nouveau. Elle se reflète parfois dans la théologie chrétienne du dimanche, interprété comme signe du salut, à l’opposé du sabbat, signe de la création. Ce dualisme a influencé des générations de chrétiens et a produit une religion triste qui trouve suspects le rire et le plaisir. Les chrétiens peuvent apprendre des juifs comment veiller à leur vie physique autant qu’à leur vie spirituelle. Ils peuvent apprendre d’eux leur vue holistique de la vie. Ce qu’ils mangent, ce qu’ils boivent — tout ce qu’ils font affecte l’ensemble de leur être. Les chrétiens, comme les juifs, peuvent affirmer que la religion est un mode de vie et pas simplement une tournure d’esprit.

Ce que les juifs peuvent apprendre du christianisme

L’histoire montre qu’Israël a besoin de l’Eglise. Ce sont les chrétiens qui ont fait connaître le Dieu d’Israël à travers le monde. Ils ont traduit la Bible hébraïque et transmis son message au monde entier. De l’Amazone en Afrique, de l’Alaska en Australie, on a raconté l’histoire de Joseph et les psaumes de David aux gens simples et aussi aux moins simples. La théologie juive du particularisme a été complétée par l’universalisme chrétien, ce dernier ayant apporté la vérité biblique aux confins de la terre. L’une des conséquences de cette mission chrétienne est la connaissance de l’Ancien Testament et de l’existence d’Israël. C’est l’un des paradoxes de l’histoire les plus ironiques et les plus intéressants. Sans l’Eglise, le judaïsme serait peut-être resté une religion insignifiante et obscure qui aurait bien pu disparaître.

Les juifs ont ignoré le Nouveau Testament délibérément, bien qu’il ait été écrit par des juifs avant même l’époque de la composition du Talmud. Ils tireraient un grand bienfait de la lecture de ces textes, car ces derniers ne rendent pas seulement témoignage de la vie et des croyances des juifs du premier siècle, mais ils contiennent aussi de précieuses vérités qui pourraient renforcer et enrichir leurs racines juives.

En fait, des juifs bien au courant de leurs propres Ecritures et traditions sont à même de comprendre le Nouveau Testament mieux que les chrétiens eux-mêmes, qui y projettent souvent leur propre vision des choses. Les juifs découvriraient que le Nouveau Testament n’est pas aussi étrange qu’ils ne le croient. Après tout, il a été écrit dans le cadre d’une conception du monde moulée par l’Ancien Testament. Dans cette optique, ils pourraient même mieux saisir leur propre héritage. Le sens et la beauté des Ecritures hébraïques sont souvent mis en valeur par les explications du Nouveau Testament. Les récits du rabbi de Nazareth, ses paraboles et ses enseignements, les surprendront par leur couleur juive et par les grands idéaux juifs qu’ils transmettent.

La grâce (hesed) n’est pas unique au message chrétien. Le judaïsme la chérit aussi. Les juifs peuvent toutefois apprendre des chrétiens que le salut n’est pas par mitzwoth (loi), mais par Dieu qui descend dans l’histoire et agit en faveur de son peuple. Ils ont besoin d’en apprendre davantage sur la proximité de Dieu, le Dieu qui va jusqu’à entrer dans le processus complexe de l’incarnation de façon à parler avec les hommes, être avec eux et les sauver. Abraham Heschel avait certainement pensé à cette réalité quand il observait que « la Bible n’est pas la théologie de l’homme mais l’anthropologie de Dieu ».*

En s’instruisant sur l’incarnation de Dieu, les juifs comprendront mieux le Dieu d’Abraham, d’Isaac et de Jacob — le Dieu qui parla face à face avec Moïse, le Dieu qui combattit pour Israël à Jéricho et qui parla à travers les prophètes. Et cette perspective apportera même un nouveau souffle à leur mitzwoth. La loi ne sera plus accomplie comme une corvée obligatoire, mais elle se développera et jaillira du cœur comme un fruit résultant de leur relation personnelle avec Dieu.

La mission adventiste

La mission du reste eschatologique, qui doit rendre témoignage au monde, ne pourrait être complète sans une référence à ses racines. La fleur ne peut pas s’ouvrir si l’arbre n’a pas de racines : on ne peut préparer l’avenir sans ce souvenir. Cette exigence contient toute une philosophie du témoignage. La responsabilité d’apporter le message aux juifs et à d’autres chrétiens implique qu’on les respecte. Il est impossible de prêcher aux juifs si on est antisémite ; de la même manière, il n’est pas possible de prêcher aux catholiques si on est hostile envers eux. L’aventure adventiste se rapporte aux juifs, aux chrétiens, à tous.

En adventistes du septième jour, nous sommes héritiers à la fois de l’histoire juive et de l’histoire chrétienne. Nous sommes aussi chargés du mandat de l’Evangile éternel d’Apocalypse 14. Notre message n’est pas seulement unique parce que nous proclamons pleinement Jésus et la loi, la grâce et l’obéissance, mais aussi parce que nous parlons d’un avenir bien précis. Notre mission n’est pas d’une nature simplement historique — proclamer un événement passé — elle est aussi de nature eschatologique — proclamer un événement à venir.

Nous devrions donc accomplir notre mission avec humilité, ouverture et sensibilité, en restant conscients qu’il y a toujours quelque chose à apprendre et à recevoir d’autrui pour pouvoir toucher des hommes et des femmes de tous horizons, gentils ou juifs.

Les dix points de Seelisberg

Juste après la Seconde Guerre mondiale, des écclésiastiques catholiques et protestants, conscients de la terrible force de l’antisémitisme qui atteignit son apogée sous le IIIe Reich, se réunirent avec leurs collègues juifs pour préciser 10 points dans le but d’éviter « des présentations ou des conceptions fausses, inadéquates ou erronées… de la doctrine chrétienne ».

Souvenez-vous qu’un seul Dieu s’adresse à nous tous par l’Ancien et le Nouveau Testament.

Souvenez-vous que Jésus est né de mère juive, de la descendance de David et du peuple d’Israël, et que son amour et son pardon éternels embrassent son propre peuple et le monde entier.

Souvenez-vous que les premiers disciples, les apôtres et les premiers martyrs étaient juifs.

Souvenez-vous que le commandement fondamental du christianisme — aimer Dieu et son prochain, déjà proclamé dans l’Ancien Testament et confirmé par Jésus — concerne et les chrétiens et les juifs dans toutes les relations humaines sans exception.

Evitez de donner une distorsion ou une mauvaise représentation du judaïsme biblique ou post-biblique dans le but de faire l’éloge du christianisme.

Evitez d’utiliser le mot « juifs » dans un sens exclusif pour désigner les ennemis de Jésus, et les mots « les ennemis de Jésus » pour désigner l’ensemble du peuple juif.

Evitez de présenter la Passion d’une manière qui attribue le caractère odieux de la mort de Jésus à tous les juifs ou à eux seulement. Seule une faction des juifs de Jérusalem ont exigé la mort de Jésus, et le message du christianisme a toujours été que ce sont les péchés de l’humanité qui étaient représentés par ces juifs, et que ce sont les péchés de tous les hommes qui ont conduit Christ à la croix.

Evitez de faire allusion aux malédictions scripturales, ou au cri d’une foule en colère : « Que son sang retombe sur nous et sur nos enfants ! » sans garder à l’esprit que ce cri ne compte pas face aux mots infiniment plus lourds de notre Seigneur : « Père, pardonne-leur, car ils ne savent ce qu’ils font. »

Evitez de promouvoir la notion superstitieuse que le peuple juif est réprouvé, maudit et destiné à la souffrance.

Evitez de parler des juifs comme si les premiers membres de l’Eglise n’avaient pas été des juifs.

Publié en 1947 par l’International Council of Christians and Jews

Né en Algérie de parents juifs, Jacques Doukhan (doctorat de l’Université de Strasbourg et Th.D. d’Andrews University) enseigne l’hébreu et l’exégèse de l’Ancien Testament à Andrews University. Il est aussi rédacteur en chef de Shabbat Shalom/L’Olivier, une revue juive et chrétienne publiée en anglais et en français. Parmi ses livres : Drinking at the Sources, Daniel et Hebrew for Theologians. Son adresse : Andrews University ; Berrien Springs, Michigan 49104-1500 ; U.S.A.

Référence

* Abraham Heschel, Man Is Not Alone : A Philosophy of Religion (New York : Octagon Books, 1972), p. 129.

Voir aussi:

La substitution dans la littérature patristique, la liturgie et des documents-clé de l’Église catholique

M. Macina

Rivtsion

16 juin 2011

Pour mémoire, la thèse chrétienne de la substitution pose que, suite au refus juif de croire à la messianité et à la divinité du Christ, l’Église a supplanté la Synagogue. La paternité de cette conception est généralement attribuée à Saint Paul, sur base d’une lecture « orientée » de Ga 6, 16, dans laquelle l’Apôtre parle de « l’Israël de Dieu », expression que, de nos jours, la quasi-totalité des chrétiens considèrent comme désignant les chrétiens, au point que le Lectionnaire catholique s’arroge le droit de lui donner, par l’adjonction d’un adjectif discriminant, le sens substitutionniste de « véritable Israël de Dieu » (1). Le premier écrivain ecclésiastique à avoir émis cette conception semble être le philosophe païen converti à la foi chrétienne, Justin (103-165), qui écrivait :

[…] la race israélite véritable, spirituelle, celle de Juda, de Jacob, d’Isaac et d’Abraham […], c’est nous qui, par ce Christ crucifié, avons été conduits à Dieu […] (2).

Quel qu’en soit le mode d’expression, la connotation de substitution, qui n’apparaît pas dans le texte de Paul, est manifeste chez les Pères et dans la tradition ecclésiale subséquente. Dès les premiers siècles de notre ère et par la suite, la certitude qu’a toujours eue la chrétienté d’être l’héritière de la vocation initialement confiée aux juifs, l’a conduite à lire l’Ancien Testament comme préfigurant exclusivement le Christ et l’Église (conçue comme le nouveau peuple de Dieu). Cet à priori a comme inhibé la perception chrétienne des perspectives eschatologiques que recèle l’Écriture et le rôle messianique du peuple juif qui y est prophétisé.

On se fût attendu à un changement au moins sémantique, suite au Concile Vatican II, réputé avoir tourné la page de la théorie de la substitution. Ce n’est pourtant pas le cas, comme l’attestent deux textes conciliaires.

· La constitution Lumen Gentium énonce clairement, dans le droit fil d’une tradition multiséculaire, la certitude qu’a l’Église de constituer le « nouveau peuple de Dieu » :

Cette alliance nouvelle, le Christ l’a instituée : c’est la Nouvelle Alliance dans son sang (cf. 1 Co 11, 25), il appelle la foule des hommes de parmi les Juifs et de parmi les Gentils, pour former un tout selon la chair mais dans l’Esprit et devenir le nouveau Peuple de Dieu. Ceux, en effet, qui croient au Christ, qui sont « re-nés » non d’un germe corruptible mais du germe incorruptible qui est la parole du Dieu vivant (cf. 1 P 1, 23), non de la chair, mais de l’eau et de l’Esprit Saint (cf. Jn 3, 5-6), ceux-là constituent finalement « une race élue, un sacerdoce royal, une nation sainte, un peuple que Dieu s’est acquis, ceux qui autrefois n’étaient pas un peuple étant maintenant le Peuple de Dieu » (1 P 2, 9-10) (3).

· C’est également le cas du chapitre 4 de la Déclaration Nostra Aetate, consacré à définir la nature du lien entre l’Église et le peuple juif, et dans lequel on peut lire ce qui suit :

Du fait d’un si grand patrimoine spirituel, commun aux chrétiens et aux Juifs, le saint Concile veut encourager et recommander la connaissance et l’estime mutuelles, qui naîtront surtout d’études bibliques et théologiques, ainsi que d’un dialogue fraternel. Encore que des autorités juives, avec leurs partisans, aient poussé à la mort du Christ [Jn 19, 6], ce qui a été commis durant sa Passion ne peut être imputé ni indistinctement à tous les Juifs vivant alors, ni aux Juifs de notre temps. S’il est vrai que l’Église est le nouveau Peuple de Dieu, les Juifs ne doivent pas, pour autant, être présentés comme réprouvés par Dieu ni maudits, comme si cela découlait de la Sainte Écriture. Que tous donc aient soin, dans la catéchèse et la prédication de la Parole de Dieu, de n’enseigner quoi que ce soit qui ne soit conforme à la vérité de l’Évangile et à l’esprit du Christ (4).

· Il en va de même du Catéchisme de l’Église Catholique, qui, dans un chapitre intitulé « L’Église et les non-chrétiens », énonce ceci :

Par ailleurs, lorsque l’on considère l’avenir, le Peuple de Dieu de l’Ancienne Alliance et le nouveau Peuple de Dieu tendent vers des buts analogues : l’attente de la venue (ou du retour) du Messie. Mais l’attente est d’un côté du retour du Messie, mort et ressuscité, reconnu comme Seigneur et Fils de Dieu, de l’autre de la venue du Messie, dont les traits restent voilés, à la fin des temps, attente accompagnée du drame de l’ignorance ou de la méconnaissance du Christ Jésus (5).

· Signalons enfin une locution étrange – le peuple de Dieu de l’ancienne et de la nouvelle Alliance – qui figure dans un document de 1985 intitulé « Notes pour une correcte présentation des juifs et du judaïsme » ; elle n’a pas, sauf erreur, de précédent ni d’équivalent. Mais le contexte indique clairement, semble-t-il, qu’il s’agit d’une juxtaposition-fusion des deux formules : « peuple de Dieu de l’Ancienne Alliance » et « Peuple de Dieu de la nouvelle Alliance », et que l’on a donc affaire à la même théorie de la substitution :

En […] soulignant la dimension eschatologique du christianisme, on arrivera à une plus grande conscience que, lorsqu’il considère l’avenir, le peuple de Dieu de l’ancienne et de la nouvelle Alliance tend vers des buts analogues: la venue ou le retour du Messie — même si c’est à partir de deux points de vue différents. Et on se rendra compte plus clairement que la personne du Messie à propos de laquelle le peuple de Dieu est divisé, est aussi un point de convergence pour lui […]. On peut dire ainsi que juifs et chrétiens se rencontrent dans une espérance comparable, fondée sur une même promesse, faite à Abraham (cf. Gen 12, 1-3; Hébr 6, 13-18) (6).

Exemple de confusion grave engendrée par cette mentalité substitutionniste

Le paragraphe 674 du Catéchisme, cité plus haut, s’achève sur ces considérations, plus homilétiques que théologiques :

L’entrée de la plénitude des juifs (cf. Rm 11, 12) dans le salut messianique, à la suite de la plénitude des païens (cf Rm 11, 25 ; Lc 21, 24) donnera au Peuple de Dieu de « réaliser la plénitude du Christ » (Ep 4, 13) dans laquelle « Dieu sera tout en tous » (1 Co 15, 28) (7).

Cet hymne à la « plénitude » cache mal la faiblesse exégétique du propos, outre qu’il comporte une grave erreur d’interprétation. Pour la clarté, voici le contenu des trois références citées par le Catéchisme :

1. Et si leur faux pas a fait la richesse du monde et leur amoindrissement la richesse des païens, que ne fera pas leur totalité [plèrôma]! (Rm 11, 12).

2. […] une partie d’Israël s’est endurcie [ou : un endurcissement partiel est advenu à Israël] jusqu’à ce que soit entrée la totalité [plèrôma] des païens. (Rm 11, 25).

3. Ils tomberont sous le tranchant du glaive et ils seront emmenés captifs dans toutes les nations, et Jérusalem sera foulée aux pieds par des païens jusqu’à ce que soient accomplis [verbe plèroô] les temps des païens. (Lc 21, 24).

Pour quiconque a quelques notions de grec, il est facile de repérer la source du glissement sémantique et du contresens qui en est la conséquence. Les mêmes termes grecs se retrouvent dans les trois versets : ethnè (nations [païennes]), un substantif dérivé du verbe plèroô (accomplir) : plèrôma (plénitude, totalité), et une forme dérivée du même verbe : plèrôthôsin (que soient accomplis). Il est clair que le rédacteur du paragraphe 674 du Catéchisme, a cru voir dans ces trois citations la même connotation théologique : « accomplissement » et « plénitude », d’autant que, dans chacun d’eux, il est question des juifs et des nations. Et de fait, ce parallélisme se vérifie pour les deux premiers passages. Par contre, il est totalement inexistant pour le troisième.

En effet, l’ « accomplissement » dont il est question en Lc 21, 24 – qui décrit prophétiquement la prise de Jérusalem, dans un contexte visiblement eschatologique –, est celui du « temps des nations » ; il ne connote pas leur « plénitude », au sens d’épanouissement qu’a cru y voir le rédacteur de ces considérations, mais au contraire la « fin » du temps qui avait été imparti à ces nations pour nuire à Jérusalem. On peut s’étonner d’un tel contresens, car l’expression d’« accomplissement », au sens de fin d’un processus, est classique dans l’Écriture, comme en témoignent, entre autres, ces versets :

Et quand tes jours seront accomplis et que tu seras couché avec tes pères (2 S 7, 12).

[…] et les jours de ton deuil seront accomplis (Is 60, 20).

Or il advint, comme ils étaient là, que les jours furent accomplis où elle devait enfanter. (Lc 2, 6).

Et lorsque furent accomplis les jours pour leur purification. (Lc 2, 22).

Il ne s’agit pas d’une erreur minime. Le texte du Catéchisme de l’Église Catholique, même s’il n’entre pas dans le cadre dogmatique des définitions de foi, fait partie intégrante de l’enseignement ordinaire de l’Église et constitue, selon la Constitution Apostolique qui le promulgue,

[…] un exposé de la foi de l’Église et de la doctrine catholique, attestées ou éclairées par l’Écriture sainte, la Tradition apostolique et le Magistère ecclésiastique […] un instrument valable et autorisé au service de la communion ecclésiale et comme une norme sûre pour l’enseignement de la foi (8).

Il est à espérer qu’une prochaine édition du Catéchisme, corrigera au moins l’erreur manifeste exposée ci-dessus, et qu’elle en profitera pour esquisser les grandes lignes d’une reconsidération de la compréhension qu’a l’Église des événements de la Fin des temps, dont les modalités et les signes sont abondamment évoqués par les Écritures.

(1) Sur le site de l’Association Épiscopale Liturgique Française.

(2) Dialogue, 11, 5 et 135, 3, cité ici d’après Philippe Bobichon (éd.), Justin Martyr, Dialogue avec Tryphon, Academic Press, vol. I, Fribourg, 2003, p. 213 et 547.

(3) Lumen Gentium, II, 9. « La Nouvelle Alliance et le Peuple nouveau ».

(4) Nostra Aetate, § 4, texte en ligne sur le site du Vatican.

(5) Catéchisme de l’Eglise catholique, 1997-1998, chapitre 840.

(6) « Notes pour une correcte présentation des Juifs et du judaïsme dans la prédication et la catéchèse de l’Eglise catholique », II, 10, publiées le 24 juin 1985 (en ligne sur le site du Vatican).

(7) Catéchisme de l’Eglise catholique, op. cit. p. 149.

(8) Jean-Paul II, Constitution Apostolique Fidei depositum, pour la publication du Catéchisme de l’Église catholique rédigé à la suite du Concile œcuménique du Vatican, cité ici d’après le Catéchisme de l’Église catholique, op. cit., p. 8.

Voir également:

Les 18 propositions présentées par Jules Isaac à Seelisberg en 1947

ISAAC, JULES MARX (1877 -1963)

Historien français né à Rennes, il devint inspecteur en chef de l’enseignement d’histoire au ministère de l’éducation nationale.

Il fut cruellement éprouvé par la mort en déportation de sa femme et de sa fille.

Auteur de nombreux ouvrages, il publie en 1946 : « Jésus et Israël ».

Dans ce livre « qui est le cri d’une conscience indignée, d’un cœur déchiré », Jules ISAAC révèle les racines chrétiennes de l’anti-judaïsme et réclame l’instauration d’un dialogue véritable entre Juifs et Chrétiens.

En annexe du livre (pages 575-578), il propose 18 points comme base pour corriger l’enseignement chrétien sur les Juifs.

Cruellement éprouvé par la mort en déportation de sa femme et de sa fille, l’historien français Jules Isaac publie en 1846 un livre intitulé « Jésus et Israël », dans lequel il révèle les racines chrétiennes de l’anti-judaïsme et réclame l’instauration d’un dialogue véritable entre Juifs et Chrétiens. En annexe du livre (pages 575-578), il propose 18 points comme base pour corriger l’enseignement chrétien sur les Juifs.

Un enseignement chrétien digne de ce nom devrait :

donner à tous les chrétiens une connaissance au moins élémentaire de l’Ancien Testament ; insister sur le fait que l’Ancien Testament, essentiellement sémitique – fond et forme, était l’Écriture sainte des Juifs, avant de devenir l’Écriture sainte des chrétiens ;

rappeler qu’une grande partie de la liturgie chrétienne lui est empruntée ; et que l’Ancien Testament, œuvre du génie juif (éclairé par Dieu), a été jusqu’à nos jours une source permanente d’inspiration pour la pensée, la littérature et l’art chrétiens ;

se garder d’omettre le fait capital que c’est au peuple juif, élu par Lui, que Dieu s’est révélé d’abord dans sa Toute-Puissance ; que c’est par le peuple juif que la croyance fondamentale en Dieu a été sauvegardée, puis transmise au monde chrétien ;

reconnaître et dire loyalement, en s’inspirant des enquêtes historiques les plus valables, que le christianisme est né d’un judaïsme non pas dégénéré mais vivace, comme le prouvent la richesse de la littérature juive, la résistance indomptable du judaïsme au paganisme, la spiritualisation du culte dans les synagogues, le rayonnement du prosélytisme, la multiplicité des sectes et des tendances religieuses, l’élargissement des croyances ; se garder de tracer du pharisaïsme historique une simple caricature ;

tenir compte du fait que l’histoire donne un démenti formel au mythe théologique de la Dispersion – châtiment providentiel (de la Crucifixion), puisque la dispersion du peuple juif était un fait accompli au temps de Jésus et qu’à cette époque, selon toute vraisemblance, la majorité du peuple juif ne vivait plus en Palestine ; même après les deux grandes guerres de Judée (1er et 2ème siècles), il n’y a pas eu dispersion des Juifs de Palestine ;

mettre en garde les fidèles contre certaines tendances rédactionnelles des Évangiles, notamment dans le quatrième Évangile l’emploi fréquent du terme collectif « les Juifs » dans un sens limitatif et péjoratif – les ennemis de Jésus : les grands prêtres, scribes et pharisiens, – procédé qui a pour résultat non seulement de fausser les perspectives historiques, mais d’inspirer l’horreur et le mépris du peuple juif dans son ensemble, alors qu’en réalité ce peuple n’est nullement en cause ;

dire très explicitement, afin que nul chrétien ne l’ignore, que Jésus était juif, de vieille famille juive, qu’il a été circoncis (selon la Loi juive) huit jours après sa naissance ; que le nom de Jésus est un nom juif (Yeschouha) grécisé, et Christ l’équivalent grec du terme juif Messie ; que Jésus parlait une langue sémitique, l’araméen, comme tous les juifs de Palestine ; et qu’à moins de lire les Évangiles dans leur texte original qui est en langue grecque, on ne connaît la Parole que par une traduction de traduction ;

reconnaître – avec l’Écriture – que Jésus, né « sous la Loi » juive, a vécu « sous la Loi » ; qu’il n’a cessé de pratiquer jusqu’au dernier jour les rites essentiels du judaïsme ; que, jusqu’au dernier jour, il n’a cessé de prêcher son Évangile dans les synagogues et dans le Temple ;

ne pas omettre de constater que, durant sa vie humaine, Jésus n’a été que « le ministre des circoncis » (Romains, XV,8) ; c’est en Israël seul qu’il a recruté ses disciples ; tous les apôtres étaient des juifs comme leur Maître ;

bien montrer, d’après les textes évangéliques, que, sauf de rares exceptions, et jusqu’au dernier jour, Jésus n’a cessé d’obtenir les sympathies enthousiastes des masses populaires juives, à Jérusalem aussi bien qu’en Galilée ;

se garder d’affirmer que Jésus en personne a été rejeté par le peuple juif, que celui-ci a refusé de le reconnaître comme Messie et Fils de Dieu, pour la double raison que la majorité du peuple juif ne l’a même pas connu, et qu’à cette partie du peuple qui l’a connu, Jésus ne s’est jamais présenté publiquement et explicitement comme tel ; admettre que, selon toute vraisemblance, le caractère messianique de l’entrée à Jérusalem à la veille de la Passion n’a pu être perçu que d’un petit nombre ;

se garder d’affirmer qu’à tout le moins Jésus a été rejeté par les chefs et représentants qualifiés du peuple juif ; ceux qui l’ont fait arrêter et condamner, les grands-prêtres, étaient les représentants d’une étroite caste oligarchique, asservie à Rome et détestée du peuple ; quant aux docteurs et aux pharisiens, il ressort des textes évangéliques eux-mêmes qu’ils n’étaient pas unanimes contre Jésus ; rien ne prouve que l’élite spirituelle du judaïsme se soit associée à la conjuration ;

se garder de forcer les textes pour y trouver la réprobation globale d’Israël ou une malédiction qui n’est prononcée nulle part explicitement dans les Évangiles ; tenir compte du fait que Jésus a toujours pris soin de manifester à l’égard des masses populaires des sentiments de compassion et d’amour ;

se garder par-dessus tout de l’affirmation courante et traditionnelle que le peuple juif a commis le crime inexpiable de déicide, et qu’il en a pris sur lui, globalement, toute la responsabilité ; se garder d’une telle affirmation non seulement parce qu’elle est nocive, génératrice de haines et de crimes, mais aussi parce qu’elle est radicalement fausse ;

mettre en lumière le fait, souligné par les quatre Évangiles, que les grands-prêtres et leurs complices ont agi (contre Jésus) à l’insu du peuple et même par crainte du peuple ;

pour ce qui est du procès juif de Jésus, reconnaître que le peuple juif n’y est pour rien, n’y a joué aucun rôle, n’en a même probablement rien su ; que les outrages et brutalités qu’on met à son compte ont été le fait des policiers ou de quelques oligarques ; qu’il n’y a nulle mention d’un procès juif, d’une réunion du sanhédrin dans le quatrième Évangile ;

pour ce qui est du procès romain, reconnaître que le procurateur Ponce Pilate était entièrement maître de la vie et de la mort de Jésus ; que Jésus a été condamné pour prétentions messianiques, ce qui était un crime aux yeux des Romains, non pas des Juifs ; que la mise en croix était un supplice spécifiquement romain ; se garder d’imputer au peuple juif le couronnement d’épines qui est, dans les récits évangéliques, un jeu cruel de la soldatesque romaine ; se garder d’identifier la foule ameutée par les grands-prêtres avec le peuple juif tout entier ou même avec le peuple juif de Palestine dont les sentiments antiromains ne font pas de doute ; noter que le quatrième Évangile met en cause exclusivement les grands-prêtres et leurs gens ;

en dernier lieu, ne pas oublier que le cri monstrueux : « Son sang soit sur nous et sur nos enfants » ne saurait prévaloir contre la Parole : « Père, pardonnez-leur, car ils ne savent ce qu’ils font ».

Voir également:

LES DIX POINTS DE SEELISBERG

Du 30 juillet au 5 août 1947 eut lieu à SEELISBERG (Suisse) une conférence internationale extraordinaire du COUNCIL OF CHRISTIANS AND JEWS, pour étudier les causes de l’anti-sémitisme chrétien et tenter d’y porter remède. Parmi les soixante-dix personnalités venues de dix-sept pays, on comptait vingt-huit juifs (dont Jules ISAAC), vingt-trois protestants, neuf catholiques et deux orthodoxes grecs. Lors de cette conférence, les Chrétiens prirent conscience de l’état de l’enseignement chrétien à l’égard des Juifs et du judaïsme. Ils mesurèrent l’étendue de la responsabilité chrétienne dans le génocide hitlérien et comprirent qu’il fallait d’urgence corriger l’enseignement chrétien. Ils élaborèrent dix points, largement inspirés des dix-huit propositions de l’historien Jules ISAAC pour éradiquer les préjugés contre les Juifs.

1. Rappeler que c’est le même Dieu vivant qui nous parle à tous, dans l’Ancien comme dans le Nouveau Testament.

2. Rappeler que Jésus est né d’une Vierge juive, de la race de David et du Peuple d’Israël, et que Son amour éternel et Son pardon embrassent son propre peuple et le monde entier.

3. Rappeler que les premiers disciples, les Apôtres et les premiers martyrs étaient juifs.

4. Rappeler que le précepte fondamental du Christianisme, celui de l’amour de Dieu et du prochain, promulgué déjà dans l’Ancien Testament, et confirmé par Jésus, oblige « Chrétiens et Juifs » dans toutes les relations humaines, sans aucune exception.

5. Éviter de rabaisser le judaïsme biblique ou post-biblique dans le but d’exalter le Christianisme.

6. Éviter d’user du mot « juifs » au sens exclusif de « ennemis de Jésus » ou de la locution « ennemis de Jésus » pour désigner le peuple juif tout entier.

7. Éviter de présenter la Passion de telle manière que l’odieux de la mise à mort de Jésus retombe sur les juifs seuls. Ce ne sont pas les Juifs qui en sont responsables, car la Croix, qui nous sauve tous, révèle que c’est à cause de nos pêchés à tous que le Christ est mort. (Rappeler à tous les parents et éducateurs chrétiens la grave responsabilité qu’ils encourent du fait de présenter l’Evangile et surtout le récit de la Passion d’une manière simpliste.

En effet, ils risquent par là d’inspirer, qu’ils le veuillent ou non, l’aversion dans la conscience ou le subconscient de leurs enfants ou auditeurs. Psychologiquement parlant, chez des âmes simples, mues par un amour ardent et une vive compassion pour le Sauveur crucifié, l’horreur qu’ils éprouvent tout naturellement envers les persécuteurs de Jésus, tournera facilement en une haine généralisée des Juifs de tous les temps, y compris ceux d’aujourd’hui.)

8. Éviter de rapporter les malédictions, scripturaires et le cri d’une foule excitée : « Que son sang retombe sur nous et sur nos enfants », sans rappeler que ce cri ne saurait prévaloir contre la prière infiniment plus puissante de Jésus : « Père, pardonnez-leur, car ils ne savent pas ce qu’ils font. »

9. Éviter d’accréditer l’opinion impie que le peuple juif est réprouvé, maudit, réservé pour une destinée de souffrances.

10. Éviter de parler des Juifs comme s’ils n’avaient pas été les premiers à être de l’Église.

Ce message a été rédigé par les membres chrétiens de la Commission religieuse à l’intention des chrétiens. Afin d’éviter tout malentendu, les délégués juifs de cette Commission ont précisé dans une déclaration écrite, qu’ils ne prenaient aucune position quant aux implications théologiques et historiques du texte.

Les participants à cette conférence : le premier assis à gauche, le Grand Rabbin de Roumanie, Alexandre Safran ; derrière lui, debout : le Grand Rabbin adjoint de France, Jacob Kaplan ; l’écrivain Josué Jéhouda, de Genève ; le professeur Selig Brodetzki, président du Conseil représentatif des Juifs d’Angleterre. (L’antisémitisme. Résultats d’une conférence internationale de chrétiens et juifs. Seelisberg, Suisse 1947. Edité par le Conseil International de Chrétiens et Juifs, Genève).

Voir enfin:

Voir enfin:

On the Name of the Weekly Day of Rest

Michael Falk

Canada

Abstract

In antiquity, Jews developed the concept of a seven-day week with the seventh day, named ‘Shabbat’, devoted to rest and worship. This concept was later borrowed by other religions and cultures but the day of rest was shifted to other days of the week. When the name ‘Shabbat’ was transmitted through Islam, it continued to denote the name of the seventh day of the week, but no longer the day of rest. When the name was transmitted through Christianity, however, a more complicated situation developed. Some day names derived from ‘Shabbat’ now denote the seventh day of the week, but no longer the day of rest and worship, while other names derived from ‘Shabbat’ denote the day of rest, but no longer the seventh day of the week. Many terms derived from ‘Shabbat’ denote new and unrelated concepts. This paper discusses the etymology and the range of meanings of the root ‘sh-b-t’ in biblical and modern Hebrew. It then traces the semantic changes that the day name ‘Shabbat’ has undergone upon being borrowed into other languages and cultures. In addition, it examines the names of Saturday obtained from sources other than Shabbat.

***

Introduction

In Hebrew, both biblical and modern, the first six days of the week have no names, only numbers.

Saturday, the seventh day and the Jewish day of rest and worship, is the only day of the week that

has a name, Shabbat. This paper is about that name, Shabbat, and what happened to it as the use

of the seven-day week spread out about the world.

The name Shabbat in Hebrew

The origin of the Biblical word Shabbat is uncertain. Many linguists bring up the likely

connection with the Babylonian sapattu ‘feast of the full moon’ (Wilson 1937: 242; O’Neil 1978:

35). A possible evidence of an ancient connection of Shabbat with the phases of the moon is the

command to observe “Sabbaths and new moons”, recurring thirteen times in the Hebrew Bible.

The root שׂבּתּ sh-b-t occurs in the Bible as a verb and as a noun. In the English translation the

noun is rendered as ‘Sabbath’ while the verb is usually translated as ‘rest’, but its basic sense is

not simple rest but deliberate desisting from work. In Modern Hebrew one of the meanings of this

verb is ‘to be on strike’.

Spread of the use of the seven-day week

The use of the seven-day week started with the Jews, probably before 10th century B.C.E.

However, its spread over the world was not due to Jews. The modern week was picked up by the

Romans in Egypt in the first century B.C.E. in somewhat uncertain circumstances and brought to

Rome from where it proliferated throughout the Roman Empire one step ahead of the spread of

Christianity (Zerubavel 1989:14).

Later, it was spread farther by the Christians, and later still by the Moslems. Therefore,

historically most of the names of the seven days of the week in modern languages fall into three

categories:

1. Names of pre-Christian origin.

2. Names of Christian origin.

3. Names of Moslem origin.

We shall examine the present-day names for Saturday that belong to these three categories.

Pre-Christian Names for Saturday

The Roman Empire adopted the seven-day week before the spread of Christianity, using names of

the days of the week based on seven Roman deities. The Roman week had no day of rest but Dies

Saturni, which happened to coincide with the Jewish Shabbat, survives today as the name of

Saturday in many European languages, including English (Table 1).

Table 1.

Names for Saturday derived directly from Latin Dies Saturni

—————————————————————————————————–

English Saturday

Frisian Saterdei

Dutch Zaterdag

Afrikaans Saterdag

Scots Gaelic Di-Sathairne

Irish Gaelic De-Sathairn

Manx Gaelic Jesarn

Breton De Sadorn

Welsh Dydd Sadwrn

Cornish Dy Sadorn

Albanian Shtunë

From the Roman Empire the names of the seven days of the week made their way eastward. In

many of today’s languages of South and South-East Asia, the name for Saturday is derived from

the Sanskrit Shani, Hindu deity corresponding to Roman Saturn (Table 2).

Michael Falk, Canada 358

Table 2.

Names for Saturday derived from the Sanskrit Shani

————————————————————————————————

Hindi, Marathi Shanivaar

Bengali Shonibaar

Punjabi Shanicharvaar

Nepali Sansarbaar

Dhivehi Honihiruduvas

Gujarati Shanivaar

Assamese Honibaar

Sinhalese Sinasurada

Oriya Shonibaar

Tamil Chani

Telugu Shanivaaram

Kannada, Konkani Shanivaar

Malayalam Shani

Myanmar Sáne

Thai Wun-sao

Lao Wan sao

Cambodian Tngay-saow

In Central Asia and Eastern Asia we find names for Saturday derived from Dies Saturni via the

medieval Chinese term ‘earth day’, earth being the element associated with the planet Saturn

(Table 3). These names are not used in modern Chinese, but Japanese retains the Chinese

characters 土曜日 for ‘earth day’.

Table 3.

Names for Saturday meaning ‘earth day’, the medieval Chinese element associated with the planet Saturn

———————————————————————————————————–

Japanese Do-yoobi

Korean To-yo-il

Tibetan Spen-pa

Mongolian Byamba

Kalmyk Bembä

In Scandinavian languages, the names for Saturday are derived from Old Norse laugardagr

‘bathing day’ (Table 4).

Table 4.

Names for Saturday derived from the pagan ‘bathing day’ (Old Norse ‘laugardagr ‘)

————————————————————————————————————

Icelandic Laugardagur

Faroese Leygardagur

Norwegian, Swedish Lördag

Norwegian (Nynorsk) Laurdag

Danish Lørdag

Finnish Lauantai

Estonian Laupäev

Saami Lavvardat

Michael Falk, Canada 359

Bathing day was a pagan concept, designating the day preceding major pagan festivals, on which

ritual bathing was common. However, the designation of Saturday as ‘bathing day’ has Christian

undertones, because Saturday was the day before the Christian weekly day of worship. It is

interesting that the Maori name for Saturday is Rahoroi, with ra = ‘clean’, horoi = ‘day’. While

this name, clearly signifying ‘bathing day’, was introduced by 18th century Christian missionaries,

their choice of name confirms that the custom of bathing before a holy day was common to many

pagan societies.

Some of the pre-Christian names for Saturday are of considerable antiquity. However, none

of them have any connection with Shabbat and convey no connotation of rest.

Christian Names for Saturday

The earliest Christians celebrated the Jewish Sabbath on the seventh day of the week but soon

they began to celebrate the first day of the week, Sunday, as Lord’s Day. A short-lived

intermediate stage, when both days were celebrated, is preserved in the naming of Saturday and

Sunday in languages of Ethiopia. Ethiopian Christians were isolated early in their history from

major centers of Christianity in Constantinople and Rome and traditionally use the same name,

Senbet ‘Sabbath’, for both Saturday and Sunday (Table 5). In several languages of the region

these two days of the week are now distinguished by the use of qualifiers such as ‘first’/ ‘second’,

‘Jewish’/ ‘Christian’ or ‘small’/ ‘great’. When used without a qualifier, Senbet means ‘Sunday’.

Table 5.

The use of the name Senbet for Saturday and Sunday in Ethiopian languages

————————————————————————————————————

Language Saturday Sunday

Amharic (Ethiopia) Senbete Ayhud Senbete Krestyan

‘Jewish Sabbath’ ‘Christian Sabbath’

Kedam Senbet

‘earlier’ ‘Sabbath’

Gurage (Ethiopia) Kedam Senbet Wir Senbet

‘earlier Sabbath’ ‘major Sabbath’

Tigre (Ethiopia) Senbet N’ish Senbet Abay

‘small Sabbath’ ‘big Sabbath’

Oromo (Ethiopia, Kenya) Sanbata Tinno Sanbata Guddaa

‘small Sabbath’ ‘full-size Sabbath’

Tigrinya (Eritrea) Kedam Senbet

‘earlier’ ‘Sabbath’

When the day of worship and rest was shifted to Sunday, the majority of Christian churches chose

a new name for that day: Greek Kyriake, Latin Dominicus (both meaning ‘Lord’s Day’), Old

Bulgarian Nedelja (meaning ‘no work’ or ‘no activity’). However, they kept the Hebrew name

Shabbat (Greek Sabbaton, Latin Sabbatum, Syriac Shabta) for Saturday. Many of the names of

Saturday in European languages today are therefore derived indirectly from the Hebrew Shabbat

(Table 6).

Michael Falk, Canada 360

Table 6.

Names for Saturday derived from Hebrew Shabbat via Greek, Latin or Syriac

————————————————————————————————————

Derived via Latin Sabbatum, Sabbata and Dies Sabbati or Greek Sabbaton:

Spanish, Portuguese Sábado

Italian Sabato

Sardo Sappadu

Catalan, Occitan Dissabte

Provençal Disapte

Tagalog Sabado

Russian/Ukrainian/Belarus Subbota

Polish, Czech, Slovak, Slovene Sobota

Serb, Croatian, Macedonian Subota

Bulgarian Sybota

Modern Greek Sàvvaton

Derived via Greek Sambaton or possibly via Latin Sambatum (note the epenthetic ‘m’):

Southern German Samstag

Swabian Samschdich

Romanian Sîmbătă

Hungarian Szombat

French Samedi

Amharic Senbet (Saturday or Sunday)

Derived via Syriac Shabta (note the preservation of the original ‘sh’ of Shabbat):

Georgian Shabati

Armenian Shabat

Chechen Shot

Ingush Shoatta

————————————————————————————————————

A few names for Saturday were derived from other sources than Hebrew Shabbat (Table 7).

Michael Falk, Canada 361

Table 7.

Names for Saturday derived from sources other than Shabbat

————————————————————————————————————

‘Day before Sunday’ (early medieval coinage)

German Sonnabend

Frisian Sneon

Romany Dives- maŋkā- kūrkē

‘Sixth day’ (13th to 18th century coinages)

European Languages

Lithuanian Seštādienis

Latvian Sestdiena

Languages of Asia and the Pacific

Mandarin Xīngqīliǘ

Taiwanese Pài-gō

Hmong (Laos) Hnub rau

Hawaiian Pō’aono

‘Day that completes the week’ (18th century coinage)

Bantu Languages (Southern Africa)

Shona (Zimbabwe) Mugovera

Zulu (Southern Africa) iMigqibelo

Xhosa (Southern Africa) uMgqibelo

Tonga (Zimbabwe) Mujibelo

Sesotho (Lesotho) Moqebelo

We may note that in early Christian coinages Saturday is denoted as day seven, following the

Bible. In later coinages, however, it is denoted as day six. This change appears to have been

brought about by a natural tendency to consider the celebrated special day of the weekly cycle as

ending the cycle rather than beginning it. So, after about the tenth century for most Christians

Sunday replaced Saturday as day seven. An analogous change occurred in the Islamic world

where Friday began as day six but later became counted as day seven.

Michael Falk, Canada 362

Islamic names for Saturday

Moslems took over the seven-day week from the Jews but shifted the day of weekly worship to

the sixth day of the week, our Friday. The choice of Friday was said to be because God created

man on the sixth day, but it must have been strongly motivated by the desire to distance the

followers of Islam from both Jews and Christians.

Like Jews, Moslems gave the first five days of the week numerical names (in Arabic or in

Persian), but chose a special Arabic name for the sixth day, Youm al-Joum’a ‘day of assembly’.

For the seventh day, they kept the Hebrew designation, Shabbat (Youm as-Sabt in Arabic,

Shambe in Persian) but without retaining the underlying notion of rest. In fact, early Moslems had

no day of rest. The Koran specifies Friday only as a day of public assembly and worship, leading

to a tradition of work stopping only during the time of communal prayer, not for the entire day.

However, in modern times Friday in many Moslem societies also began to function as a day of

rest. Moreover, a Thursday-Friday “weekend” has emerged in countries such as Iran and Kuwait,

the equivalent of the Saturday-Sunday weekend celebrated in the West (Bloom and Blair,

2000:109).

Thus, for most Moslem communities around the world Saturday is denoted by a name derived

from the Hebrew name Shabbat, although that day does not represent to them a day of rest (Table

8).

Table 8.

Names for Saturday derived from Hebrew Shabbat via Arabic or Persian

————————————————————————————————————

A. Via the Arabic As-sabt

Syrian Issabt

Egyptian Essabt

Maltese Issibt

Hausa Subdu, Assabit

Fula Aset

Tuareg Essebtin

Tamasheq Essebbet

Kabyle Sebt

Malagasy Asabotsy

Malay, Indonesian Sabtu

Javanese Setu

Maranao Sabtoo

Fulfulde Assebdu

Teda Essebdu

Harari, Somali Sabti

Michael Falk, Canada 363

B. Via the Persian Shambe

Farsi, Pashto Shanbe

Kirghiz Ishembi

Azeri, Turkmen Shenbe

Uzbek Shanba

Kurdish Shemme

Kazakh Senbi

Baluchi Shembe

Tajik Shanbe

Uyghur Shänbä

Kazakh Senbi

Bashkir Shämbe

In some of the languages which use the name for Saturday derived through the Persian Shambe,

that same word also functions to denote ‘week’. Not all of the Islamic names for Saturday are

derived from Hebrew Shabbat. In Turkish, Azeri, and Crimean Tatar, the name for Saturday is

Cumartesi, Turkish for ‘day after Friday’. In Punjabi, Pashto, Dari, and Urdu the name is Hafta,

Persian for ‘seventh’, while the more recently coined Swahili name is Jumamosi, ‘first of the

week’.

Lexical developments of the name Shabbat

In most European languages we find words derived from the Hebrew Shabbat, with a wide

variety of meanings. These words fall into two categories: those that preserve the notion of rest

and those that do not. In the first category we find words like English Sabbatarian (one who

keeps the Sabbath) and Sabbatical (Research leave given to University professors). In the second

category we find words like Yiddish shabbes-shtekh (hasty stitches sown in a hurry as on the eve

of Sabbath), Polish sobótka (bonfire, such as were laid on the eve of Pagan holidays), or

Ukrainian subitka (whipping of schoolchildren carried out on Saturdays). An extreme example of

this category is witches’ sabbath, a term used in all European languages, e.g., German and Dutch

Hexensabbat, Russian shabash vyed’m, Slovene sabat čarovnic, French sabbat de sorcières, or

Italian sabba di streghe. Witches’ sabbath denotes a midnight orgy, the very opposite of a day of

rest.

The expression witches’ sabbath has its roots in the European Middle Ages, which were

permeated by the general belief in the evil power of witches and in the malevolence of Jews and

heretics. Witches’ sabbath is based on the supposed nocturnal gatherings of witches and their

consorting with the devil. Referring to such imagined gatherings as ‘Sabbaths’ stems from the

intermingling of witches and Jews in the popular mind.

Summary

The concept of the weekly day of rest has become entrenched in the modern world. The original

Hebrew name for this concept, Shabbat, found its way into most modern languages, but in many

cases it no longer denotes rest or the day of rest.

Michael Falk, Canada 364

Note

The names of Saturday and Sunday in modern languages were gleaned from dictionaries available in print

or from on-line dictionaries on the Internet. Linguists specializing in many of the languages were also

consulted, and some of their names are listed in two previous publications in Onomastica Canadiana (Falk

2003, 2004). In addition, the author wishes to acknowledge the help from Dr. Adrian Koopman (Zulu day

names), Dr. Philip W. Matthews (Maori day names), and his wife, Dr. Lilian Falk (Modern Hebrew usage).

References

Bloom, Jonathan, and Sheila Blair. 2000. Islam: A thousand years of faith and power. New York: TV

Books.

Falk, Michael. 2003. Names of the Seven Days of the Week in the Languages of Western Europe.

Onomastica Canadiana 85: 43–57.

Falk, Michael. 2004. Names of the seven days of the week in the languages of Europe, Part II. Onomastica

Canadiana 86: 17–40.

O’Neil, William Matthew. 1978. Time and the Calendars. Sydney: Sydney University Press.

Wilson, Philip Whitwell. 1937. The Romance of the Calendar. New York: W.W. Norton.

Zerubavel, Eviatar. 1989. The Seven Day Circle. The History and Meaning of the Week. Chicago:

University of Chicago Press.

Michael Falk

1591 Conrose Avenue

Halifax, Nova Scotia

B3H 4C4

CANADA

mlfalk@ns.sympatico.ca


Hollandomanie: Et si l’on donnait à Hollande son prix Nobel tout de suite ? (How long can an exceptional nation ignore the laws of economic gravity?)

24 Mai, 2012
Le grand mystère français, c’est comment une nation peut être témoin de ce qui arrive aux pays qui vivent au-dessus de leurs moyens et insister pour continuer à faire de même. La dette publique de la France atteindra 90% cette année contre 59% il y a dix ans.  Elle dépense plus de son PIB en versements sociaux (28.4%) que n’importe quel autre état du monde développé. Elle a un taux d’emploi de 62.8% par rapport à 76.5% pour l’Allemagne ou 82.9% pour la Suisse. Ce genre de statistiques pouvaient encore passer pour ésotériques au temps où avant la crise économique la politique pouvait être l’art de ne pas faire des choix. Aujourd’hui, il faudrait des boules quies, un casque et une burqa pour ne pas voir l’évidence. Les nations, comme les personnes, ne peuvent pas dépenser beaucoup plus que ce qu’elles gagnent ; sinon elles risquent de perdre leur solvabilité et se retrouver sans le sou. La concurrence dans une économie globale est une réalité, pas une option. La richesse ne peut pas être transférée si les transferts détruisent également la richesse. Les riches peuvent toujours prendre leur argent (et leurs paiements d’impôts) ailleurs. L « arbitrage » entre le travail et les loisirs est toujours au bout du compte un choix entre la richesse et la pauvreté. Bret Stephens
On passe de 15 ministres, 4 secrétaires d’Etat et 1 Haut commissaire à 34 ministres et ministres délégués, soit une hausse de 65%. La baisse des salaires de 30% ne peut pas masquer cette réalité: le gouvernement de François Hollande va coûter beaucoup plus cher au contribuable. D’autant qu’aux 14 ministres de plus, il faut ajouter les dizaines de collaborateurs en plus, les moyens de fonctionnement. Jean-François Copé
C’est à peine si Hollande ne marche pas sur l’eau. Tout le monde se pâme devant lui. Moi, je remarque surtout qu’il a maintenu une promesse électorale — retirer les soldats français d’Afghanistan d’ici décembre 2012 — au mépris de l’intérêt national et du respect de la parole donnée par la France à ses alliés. A un moment, il faut savoir passer du statut de président du conseil général de la Corrèze à celui de président de la République. (…)  Par ailleurs, il faudra bien rapatrier notre matériel. Cela va prendre du temps. Des troupes non combattantes, environ 2000 soldats, seront bien obligées de rester après 2012. On voit que cette décision est avant tout un habillage politique que nos militaires sur place vivent très mal. Pierre Lellouche
La croissance, comme disent les Américains, c’est comme la tarte aux pommes et la patrie : tout le monde est pour. Pierre Lellouche
Confronté à une crise sans précédent, François Hollande nous dit aujourd’hui qu’il connaît la recette pour nous en sortir sans douleur, deux doigts (voire quatre ou cinq…) de hausse d’impôts et un zeste de croissance. Qu’il y croie vraiment ou – hypothèse plus probable – qu’il entretienne les Français dans l’illusion le temps d’une élection législative, il ne rend pas service au pays. Plus cet état d’apesanteur économique et sociale durera, plus il sera difficile à François Hollande de faire accepter une politique de rigueur et de diminution substantielle de la dépense publique. Le précédent de 1981 nous apprend que les états de grâce finissent par se payer. Cash. Guillaume Roquette
C’est incontestable, on gaspille beaucoup dans le social. Les prestations finissent par enfermer les populations en difficulté. Ce sont par exemple ces chômeurs qui choisissent des formations rémunérées mais qui n’apporteront rien à leur projet professionnel. On continue ainsi à former des secrétaires alors que tout le monde sait que ce métier est en voie de disparition. Les entreprises, petites ou grandes, n’en embauchent plus. Même les PDG écrivent eux-mêmes leurs mails. Autre exemple bien connu des assistantes sociales, l’allocation de rentrée scolaire versée en septembre permet souvent aux familles de s’équiper d’un écran plat. Pourquoi ne pas verser ces sommes aux écoles, qui achèteraient elles-mêmes livres et fournitures scolaires aux enfants ? On pourrait malheureusement multiplier les exemples de ce type, de dépenses inefficaces ou détournées. Directrice d’un centre d’information sur les droits des femmes et des familles
Quand on se penche sur l’aide réelle aux SDF, on s’aperçoit que 90 % des sommes engagées financent les brancardiers, les brancards, bref les professionnels de l’action sociale. Bel exemple d’inefficacité, où l’argent sert à entretenir la réparation plutôt qu’à faire de la prévention en s’attaquant aux vraies causes de l’exclusion. Il faut aider ceux qui sont à la rue à s’en sortir plutôt que les y maintenir dans des tentes régulièrement renouvelées. Parmi les SDF, 40 % sont issus de la Dass. Ce sont des blessés de la route familiale. Les responsables sont les parents défaillants et non la société, qui doit cependant s’en occuper. Les 60% restant sont souvent des hommes seuls, très peu qualifiés et qui ont rencontré un problème de santé. Un tableau qui conduit à être éjecté du monde du travail et à produire des individus inemployables. Pourquoi, au lieu d’imposer des examens de santé pour entrer à la RATP (par exemple) pour travailler derrière un guichet, on ne réserverait pas justement ces emplois à ces personnes accidentées de la vie, quitte à les faire travailler en binôme ? (…) Face à toutes ces femmes qui élèvent seules leurs enfants, que fait-on pour retrouver les pères et les contraindre à participer réellement à l’éducation de leurs enfants ? Rien. Alors que celui qui fait un excès de vitesse de 5 kilomètres heure sur l’autoroute est retrouvé dans les dix jours. Récemment, j’ai croisé une femme qui élève seule un enfant, avec 900 euros. Le père de l’enfant est policier et lui verse seulement 90 euros par mois de pension alimentaire. Il serait quand même simple de le retrouver et de le mettre face à ses responsabilités. Mais non, on préfère dire à la mère qu’elle va bénéficier de l’allocation parent isolé. En réalité, les travailleurs sociaux entretiennent une politique de guichet. Parce qu’ils ne savent pas faire autre chose, alors qu’il faudrait accompagner les individus en difficulté dans une dynamique de projet et non les assister. Nos systèmes sociaux sont suffisants pour que ceux qui sont au bas de l’échelle s’en sortent. Le problème vient de ceux qui en profitent de façon abusive. Comme les parents qui touchent des allocations sans même s’assurer que leurs enfants vont à l’école. Ils n’ont pas que des droits, mais aussi un devoir d’éducation. Si les parents ne le remplissent pas, il faut placer les enfants dans des internats, en leur donnant des bourses. Pourquoi n’a-t- on jamais de difficultés avec les enfants d’origine asiatique ? Tout simplement parce que leur éducation est restée stricte, sans déficit d’autorité. La famille remplit son devoir premier, celui d’éduquer les enfants. (…)   L’exemple du RSA et de ses effets pervers est symptomatique. Une fois de plus, l’enfer est pavé de bonnes intentions. La généreuse idée de ce dispositif consistait à dire que celui qui reprenait un emploi rémunéré au smic ne devait plus perdre d’argent en se remettant à travailler, par le jeu des aides qu’il perdait automatiquement. Mais on a construit le dispositif de telle manière que celui qui travaille 26 heures par semaine et touche le RSA bénéficie de plus d’avantages et de revenus que le travailleur, au smic, à plein temps. En voulant inciter les gens à retravailler, on décourage les smicards, avec en plus des dispositifs tellement complexes qu’il a fallu recruter des milliers de personnes et fermer les CAF débordées par les dossiers dignes de notre “modèle soviétique réussi”. (…) Le schéma social français, c’est assurer l’assistance puis ensuite attendre que les individus reviennent vers le monde économique. On s’en sort d’autant moins que les personnes en difficulté sont entre les mains de travailleurs sociaux qui fondamentalement pensent qu’ils ne sont pas là pour panser les plaies du capitalisme. Ce sont des nostalgiques du mur de Berlin. Ils ne sont pas mécontents d’entretenir l’image d’un mauvais système. Il est certes perfectible, mais n’oublions pas que notre espérance de vie a augmenté de quarante-quatre ans depuis 1900 et le revenu par habitant de 50% depuis 1980. (…)  Que voit-on quand on analyse la précarité ? On découvre une première pauvreté, monétaire : tous ceux qui ont moins de 1900 euros par mois, pour une famille avec deux enfants. C’est peu, mais en province, vous avez des familles qui, avec ce niveau de vie, s’en sortent, élèvent bien leurs enfants, partent en vacances en caravane. La deuxième catégorie, ce sont tous ceux qui ont des fins de mois difficiles parce qu’ils dépensent plus que ce qu’ils gagnent. Une catégorie comprenant aussi des personnes à qui il reste deux euros par jour, une fois payés les téléphones portables, les cigarettes et Canal Plus. (…) La France, qui se vantait d’être un modèle soviétique réussi, risque d’échouer. La socialisation de l’économie française a commencé sous Giscard d’Estaing : la dépense publique a augmenté d’un point de PIB par an, durant son septennat. C’était les débuts de la dérive des dépenses, trajectoire dont nous n’avons jamais dévié. Depuis dix ans, la France est le seul pays de la zone euro où le PIB augmente moins vite que le revenu distribué. On a vécu au-dessus de nos moyens en prenant dans la poche de nos enfants. ‘…) On est à un tournant où la France doit arrêter de vivre dans l’illusion, cesser de penser qu’il est possible de travailler moins que les autres, (trois semaines de moins, par habitant, très exactement, que la moyenne communautaire). Avec un coût du travail devenu 10 % supérieur à celui de l’Allemagne, une tendance logique puisque l’on paye les gens trente-neuf heures pour travailler trente-cinq heures. L’Allemagne représente 40 % de notre déficit industriel, elle n’est pourtant pas un pays à bas salaires. Michel Godet

Hausse de la dette publique de quelque 50% en 10 ans (bientôt 90% contre 59% du PIB), record mondial de versements sociaux  (28.4%), augmentation du PIB plus faible que celle du revenu distribué, employabilité de  62.8% contre 76.5% pour l’Allemagne et 82.9% pour la Suisse, temps de travail par habitant de trois semaines de moins que la moyenne communautaire, coût du travail de 10 % supérieur à celui de l’Allemagne

Et si l’on donnait à Hollande son prix Nobel tout de suite ?

A l’heure où, avec l’arrivée précoce du père Noël, nos heureux bénéficiaires de l’allocation de rentrée scolaire se préparent à renouveler ou se racheter un écran plat de plus …

Et où, pour un président américain en pleine campagne de réélection ravi, notre Obama blanc à nous (dont, comme pour son prédécesseur et modèle il y a quatre ans, certains en sont à se demander s’il ne marche pas sur l’eau) vient, Allemagne peut-être exceptée, devant nos médias ébahis de nous refaire le coup de  l’apesanteur …

Pendant qu’à la veille d’élections législatives où, pour un pays cinq fois moins peuplé et sept fois moins riche, la France « modeste » aux 267 représentations diplomatiques (contre 261) va, sans compter ses 343 sénateurs (contre 100), se choisir la bagatelle de 577 députés (contre 343) …

Et qu’entre un préposé au « redressement productif » (sic) et une responsable de « l’égalité des territoires » (resic) et derrière l’écran de fumée de la parité parfaite comme de la réduction des salaires, la « présidence modeste » accouche en fait en s’alignant sur le dernier gouvernement Filllon de quatorze ministres de plus que le premier

Sans parler d’un front afghan où on nous refait, comme l’Habilleur politique en chef de la Maison blanche quatre ans plus tôt, le coup de l’Irak (plus de « troupes combattantes » – tout étant bien sûr dans le « combattantes ») ou de Guantanamo (demain on ferme gratis) …

Retour, avec des articles de Valeurs actuelles d’il y a deux ans (!), sur cette merveilleuse exception française que le monde entier nous envie.

A savoir une couverture sociale qui ferait pâlir d’envie nos amis suédois même.

Mais qui, à force d’empilement d’aides et de découragement du travail productif depuis près de 40 ans,  nous rapproche en fait chaque jour un peu plus de ce qu’est devenu le fameux régime crétois …

580 milliards d’euros par an

Dépenses sociales : la grande dérive

Josée Pochat

Valeurs actuelles

15/07/2010

 Le “modèle” social français se fissure : on dépense beaucoup, toujours plus et mal. Cette situation peut-elle durer, à l’heure de la rigueur ?

Cette fois, c’est parti. Le 6 juillet, François Baroin, le ministre du Budget, a annoncé très clairement l’intention du gouvernement de réduire les dépenses sociales.

Rigueur oblige. Bercy évoque, pour commencer, la fin du cumul de l’aide personnalisée au logement, perçue par les étudiants, et de la demi-part fiscale pour enfant à charge, dont bénéficient leurs parents, la suppression des allégements de charges pour les emplois à domicile et de la déduction de l’impôt sur le revenu des intérêts d’un crédit immobilier (aide promise et accordée par Nicolas Sarkozy en 2007, au lendemain de son élection). La France vient de s’engager auprès de Bruxelles à réaliser des économies de 100 milliards d’euros en trois ans, pour réduire ses déficits. Après les promesses de remise en ordre de nos comptes publics, et alors que les pays européens annoncent les uns après les autres des plans de rigueur drastiques, n’était-il pas illusoire d’imaginer que la France, pays champion du monde des dépenses sociales, résoudrait sa propre équation sans douleur ?

« Aides sociales, dépenses de santé, retraites, assurance chômage… la France redistribue chaque année 580 milliards d’euros, souligne Pierre Méhaignerie, président de la commission des affaires sociales de l’Assemblée.

C’est le prix de ce que l’on nomme l’État-providence. Certes, ces dépenses sont un formidable réducteur d’inégalités, puisque les 20 % de Français les plus pauvres voient leurs revenus augmenter de 50 % grâce à l’aide sociale, mais, dans le même temps, ce niveau de prestation peut étouffer l’emploi », reconnaît – timidement – l’ancien ministre, en soulignant que Jérôme Vignon, le président des Semaines sociales de France, partage cette analyse quand il constate que « la France n’a pas de résultats à la mesure de ses dépenses sociales ». L’économiste Michel Godet aussi, quand il affirme que « notre système de protection est certes nécessaire, mais inefficace et contrecontreproductif ». Même les travailleurs sociaux ne défendent plus le schéma social français : « C’est incontestable, on gaspille beaucoup dans le social, confie une directrice d’un centre d’information sur les droits des femmes et des familles. Les prestations finissent par enfermer les populations en difficulté. Ce sont par exemple ces chômeurs qui choisissent des formations rémunérées mais qui n’apporteront rien à leur projet professionnel. On continue ainsi à former des secrétaires alors que tout le monde sait que ce métier est en voie de disparition. Les entreprises, petites ou grandes, n’en embauchent plus. Même les PDG écrivent eux-mêmes leurs mails. Autre exemple bien connu des assistantes sociales, poursuit-elle, l’allocation de rentrée scolaire versée en septembre permet souvent aux familles de s’équiper d’un écran plat. Pourquoi ne pas verser ces sommes aux écoles, qui achèteraient elles-mêmes livres et fournitures scolaires aux enfants ? On pourrait malheureusement multiplier les exemples de ce type, de dépenses inefficaces ou détournées », regrette-t-elle.

Le constat finit presque par faire l’unanimité : le social, c’est beaucoup d’argent dépensé, mais mal. «Et cette somme de 580 milliards d’euros augmente de 4,5 % chaque année », précise Pierre Méhaignerie. Ce que la Fondation pour la recherche sur les administrations et les politiques publiques (Ifrap) appelle « le dérapage incontrôlé », le « toujours plus » de la protection sociale française qui ne résout pas pour autant les problèmes.

La Fondation a analysé cette “exception française”. Selon Eurostat, l’institut statistique de l’Union européenne, les dépenses de notre système redistributif ont augmenté de 24% en euros constants depuis 1997. Avec des dépenses sociales qui dépassent 30% du PIB, la France est le pays européen (et même probablement le pays au monde) où les dépenses sociales sont les plus élevées. Entre 1997 et 2007, les aides accordées sous conditions de ressources se sont envolées : +48% pour les prestations pauvreté et exclusion, +43% pour les aides aux familles (hors allocations familiales), +115 % pour le minimum vieillesse et l’APA (allocation personnalisée d’autonomie), +32% pour les prestations invalidité… Pour un total qui avoisine les 90 milliards d’euros.

La faute à la gauche ? Une idée reçue. Si on doit à des gouvernements socialistes la CMU, l’APA et la PPE (prime pour l’emploi), la droite n’est pas en reste. Sous les présidences de Jacques Chirac et de Nicolas Sarkozy, on a vu successivement le développement de la CMU, l’augmentation de la PPE et des prestations liées aux jeunes enfants et surtout la création du RSA. Ces prestations sont venues s’ajouter aux aides plus anciennes, comme le minimum vieillesse (1956), les exonérations de taxes locales (1965), les aides aux adultes handicapés (1975), l’allocation spécifique de solidarité (1984), l’allocation de rentrée scolaire (1986), le RMI (1988)…

Problème, note l’Ifrap, « l’empilement des aides auquel les gouvernements successifs ont procédé depuis trente ans devient incompréhensible pour leurs bénéficiaires. Elles ne répondent quasiment jamais aux mêmes conditions, certaines sont forfaitaires, d’autres dégressives en fonction des revenus et les règles de cumul entre elles sont infiniment compliquées ».

«Politiques de droite comme politiques de gauche ont en réalité conduit la France à un niveau de protection sociale monétaire qui ne peut guère connaître de nouveaux développements sans redéfinition des missions sociales publiques », résume la Fondation. Il ne reste plus grand monde pour le contester. Reste à passer à l’acte…

Voir aussi:

Entretien. L’économiste Michel Godet dénonce les mauvaises dépenses de la protection sociale.

Michel Godet : « Assez d’assistanat sans contrepartie »

Josée Pochat

Valeurs actuelles
15/07/2010

La France est le pays champion du monde de la dépense sociale… et de l’insatisfaction. Encore une “exception française”, analysée sans concession par ce professeur au Conservatoire national des arts et métiers.

La dérive de nos dépenses de protection sociale est largement financée par la dette. Cette situation peut-elle durer ?
Méfions-nous de l’amalgame entre déficit public et dépenses sociales. Je ne suis pas sûr que les prestations sociales doivent être montrées du doigt comme source d’économies. En revanche, il est clair qu’il faut les affecter de façon plus efficace. Nous dépensons beaucoup pour la solidarité et c’est normal, mais ces dépenses sont trop souvent inefficaces et c’est anormal.

Quand on se penche sur l’aide réelle aux SDF, on s’aperçoit que 90 % des sommes engagées financent les brancardiers, les brancards, bref les professionnels de l’action sociale. Bel exemple d’inefficacité, où l’argent sert à entretenir la réparation plutôt qu’à faire de la prévention en s’attaquant aux vraies causes de l’exclusion.

Il faut aider ceux qui sont à la rue à s’en sortir plutôt que les y maintenir dans des tentes régulièrement renouvelées.

Parmi les SDF, 40 % sont issus de la Dass. Ce sont des blessés de la route familiale. Les responsables sont les parents défaillants et non la société, qui doit cependant s’en occuper. Les 60% restant sont souvent des hommes seuls, très peu qualifiés et qui ont rencontré un problème de santé. Un tableau qui conduit à être éjecté du monde du travail et à produire des individus inemployables. Pourquoi, au lieu d’imposer des examens de santé pour entrer à la RATP (par exemple) pour travailler derrière un guichet, on ne réserverait pas justement ces emplois à ces personnes accidentées de la vie, quitte à les faire travailler en binôme ?

Comment agir sur les défaillances familiales ?
Face à toutes ces femmes qui élèvent seules leurs enfants, que fait-on pour retrouver les pères et les contraindre à participer réellement à l’éducation de leurs enfants ? Rien. Alors que celui qui fait un excès de vitesse de 5 kilomètresheure sur l’autoroute est retrouvé dans les dix jours. Récemment, j’ai croisé une femme qui élève seule un enfant, avec 900 euros. Le père de l’enfant est policier et lui verse seulement 90 euros par mois de pension alimentaire. Il serait quand même simple de le retrouver et de le mettre face à ses responsabilités.

Mais non, on préfère dire à la mère qu’elle va bénéficier de l’allocation parent isolé. En réalité, les travailleurs sociaux entretiennent une politique de guichet. Parce qu’ils ne savent pas faire autre chose, alors qu’il faudrait accompagner les individus en difficulté dans une dynamique de projet et non les assister.

Nos systèmes sociaux sont suffisants pour que ceux qui sont au bas de l’échelle s’en sortent. Le problème vient de ceux qui en profitent de façon abusive. Comme les parents qui touchent des allocations sans même s’assurer que leurs enfants vont à l’école. Ils n’ont pas que des droits, mais aussi un devoir d’éducation. Si les parents ne le remplissent pas, il faut placer les enfants dans des internats, en leur donnant des bourses. Pourquoi n’a-t- on jamais de difficultés avec les enfants d’origine asiatique ? Tout simplement parce que leur éducation est restée stricte, sans déficit d’autorité. La famille remplit son devoir premier, celui d’éduquer les enfants.

Je crois qu’il est temps d’être plus interventionniste dans les quartiers sensibles pour en tirer les jeunes qui sont condamnés si on ne les sort pas de leur cité. C’est pour cela que je suis un libéral interventionniste, libéral parce que social. Le marché est dominé par le court terme et la mixité sociale ne se construit pas sans intervention publique. Dans le XVIe arrondissement de Paris, les gens ne s’aperçoivent de rien, partent dans leur maison de campagne le week-end, leurs enfants se fréquentent en circuit fermé dans des rallyes. On est en train de fabriquer une société de ghetto, à la sud-africaine. En Île-de-France, c’est déjà fait.

À l’inverse, l’action sociale est inapte à remettre les gens tombés à terre en selle de façon économiquement viable.

Vous dites que l’on entretient une politique de guichet, signifiez-vous par là que l’on a développé l’assistanat ?
Bien sûr. Les politiques n’ont jamais eu le courage d’accorder une aide en exigeant une contrepartie d’activité. Ce devrait pourtant être une règle d’or : pas de revenu sans contrepartie d’activité. C’est une question de dignité pour les individus et d’efficacité pour la société.

L’exemple du RSA et de ses effets pervers est symptomatique. Une fois de plus, l’enfer est pavé de bonnes intentions. La généreuse idée de ce dispositif consistait à dire que celui qui reprenait un emploi rémunéré au smic ne devait plus perdre d’argent en se remettant à travailler, par le jeu des aides qu’il perdait automatiquement. Mais on a construit le dispositif de telle manière que celui qui travaille 26 heures par semaine et touche le RSA bénéficie de plus d’avantages et de revenus que le travailleur, au smic, à plein temps. En voulant inciter les gens à retravailler, on décourage les smicards, avec en plus des dispositifs tellement complexes qu’il a fallu recruter des milliers de personnes et fermer les CAF débordées par les dossiers dignes de notre “modèle soviétique réussi”.

Comment sortir de cette logique de l’assistanat?
En remettant les individus dans une dynamique de projet. Sur le terrain, il y a une guerre de religion entre ceux qui pensent qu’il faut partir du soutien social par les aides pour accompagner les individus vers l’économique, et ceux qui croient au contraire, comme moi, que l’insertion se fait grâce à l’économique. On s’est rendu compte qu’en confiant à un chômeur la responsabilité, au sein d’une entreprise, de réveiller un projet dormant, on le remet en situation de travail. Même si le projet n’aboutit pas, la personne est redevenue employable, notamment parce qu’elle est sortie de l’assistanat.

On lui a fait ce cadeau de lui dire : « Lève-toi et marche. » La clef est là. C’est la même chose avec le handicap. Dans sa thèse, Bachir Kerroumi, lui même aveugle, a montré que le handicap était une différence à positiver. Quand on embauche un handicapé, la productivité globale du service où il a été placé augmente. Pourquoi ? Parce que tout le monde se met à l’aider et que cela crée du sens et du lien. Il faut redonner des responsabilités aux gens, les mettre en situation. L’insertion est en soi formatrice. Il ne faut pas former les gens pour leur donner un emploi, il faut les insérer pour leur donner une formation qui débouchera sur un emploi. On ne forme pas pour l’emploi, mais par l’emploi. En France, on préfère malheureusement donner aux chômeurs des formations bidon. En maintenant les personnes en difficulté dans l’assistance, on les condamne à y rester.

Nous sommes très éloignés du concept social que vous défendez ?
Le schéma social français, c’est assurer l’assistance puis ensuite attendre que les individus reviennent vers le monde économique. On s’en sort d’autant moins que les personnes en difficulté sont entre les mains de travailleurs sociaux qui fondamentalement pensent qu’ils ne sont pas là pour panser les plaies du capitalisme. Ce sont des nostalgiques du mur de Berlin. Ils ne sont pas mécontents d’entretenir l’image d’un mauvais système. Il est certes perfec – tible, mais n’oublions pas que notre espérance de vie a augmenté de quarante-quatre ans depuis 1900 et le revenu par habitant de 50% depuis 1980. Si les Français qui vivaient au moment de la guerre de 1914 revenaient, ils nous diraient : «Vous pleurez la bouche pleine. » Au lieu d’être conscient de ces avancées, de ce que l’on possède, on est frustré de ce que l’on n’a pas.

Comment expliquer justement qu’en étant le pays qui dépense le plus en redistribution sociale, on ressente un tel sentiment d’insatisfaction ?
Je reprends cette image parlante : « Quand mon voisin s’achète une grosse voiture, mon niveau de vie relatif baisse.» Que voit-on quand on analyse la précarité ? On découvre une première pauvreté, monétaire : tous ceux qui ont moins de 1900 euros par mois, pour une famille avec deux enfants. C’est peu, mais en province, vous avez des familles qui, avec ce niveau de vie, s’en sortent, élèvent bien leurs enfants, partent en vacances en caravane. La deuxième catégorie, ce sont tous ceux qui ont des fins de mois difficiles parce qu’ils dépensent plus que ce qu’ils gagnent. Une catégorie comprenant aussi des personnes à qui il reste deux euros par jour, une fois payés les téléphones portables, les cigarettes et Canal Plus.

La France est le seul pays où depuis vingt ans, la moitié de la population a peur de tomber dans l’exclusion, où les jeunes sont aussi pessimistes face à l’avenir. Non, en réalité, il n’y a pas de raison d’être inquiet pour les jeunes, ils vivront plus longtemps et seront rares et donc convoités par les entreprises, à condition qu’ils aient envie de travailler. On ne leur rend pas service en les assistant. Cette idée saine, de simple bon sens en réalité, n’est pas nouvelle. Sous Jean le Bon, en 1351, on disait que faire l’aumône à un bien-portant était un délit. On distinguait les valides des invalides. Les premiers devaient travailler, les seconds être aidés. On se lamente toujours devant le taux communément admis de 25 % de jeunes au chômage. Ce n’est pas si simple. Il s’agit de la part des 16 à 25 ans qui se présentent sur le marché du travail. On oublie les 60 % de jeunes qui font des études. En réalité, ce sont seulement 10 jeunes sur 100 que nous croisons dans la rue qui sont au chômage.

C’est-à-dire la moitié des 20 % d’une classe d’âge en échec scolaire non employable, faute de “savoirêtre” minimal,

Au fond, vous êtes plutôt optimiste ?
Oui, parce qu’entre un bateau qui coule et un bateau qui flotte, il n’y a pas un grand écart. Ce qui me réjouit, c’est que nous connaissons l’ampleur de nos gaspillages. Nos dépenses publiques (54 % du PIB) sont plus élevées de 6 points que la moyenne de l’Union européenne. Soit 120 milliards d’euros. Le montant des économies réalisables est à la hauteur de nos gaspillages.

On n’arrête pas d’entendre que l’ascenseur social est en panne. C’est encore une bêtise. Si l’ascenseur par les diplômes ne fonctionne plus parce qu’ils sont dévalués, on peut toujours se construire un escalier par ses compétences et ses efforts. Je pourrais raconter dix, vingt, cinquante belles his toires de jeunes ou de moins jeunes qui se sont battus, ont entrepris, en partant d’un projet qu’ils ont défendu, et qui ont réussi.

Comme celle de ce jeune agriculteur de Machecoul, Pascal Beillevaire. Ses parents avaient 60 vaches, ils vendaient du lait caillé au marché. Avec le développement de la grande distribution, l’exploitation était condamnée. Ce jeune a décidé de se battre, il a réfléchi. Il avait la bosse du commerce. Trente ans après, il est devenu producteur et premier affineur français de fromage au lait cru. Il est à la tête de plusieurs dizaines de magasins, dont 18 à Paris.

Nicolas Sarkozy nous promettait la rupture, où la voyez-vous dans nos pratiques sociales et dans l’évolution de la dé pense publique ?J’ai été un déçu du socialisme, je suis maintenant un déçu du sarkozysme. La France, qui se vantait d’être un modèle soviétique réussi, risque d’échouer. La socialisation de l’économie française a commencé sous Giscard d’Estaing : la dépense publique a augmenté d’un point de PIB par an, durant son septennat. C’était les débuts de la dérive des dépenses, trajectoire dont nous n’avons jamais dévié. Depuis dix ans, la France est le seul pays de la zone euro où le PIB augmente moins vite que le revenu distribué. On a vécu au-dessus de nos moyens en prenant dans la poche de nos enfants.

C’est irresponsable. On ne s’est pas rendu compte que l’on était comme la Grèce, anesthésiés par l’euro. Maintenant, on n’a plus le choix, si on ne veut pas être relégués par les Allemands dans les “pays du Club Med”. Ils nous laisseraient l’euro comme un “sous-mark”.

On est à un tournant où la France doit arrêter de vivre dans l’illusion, cesser de penser qu’il est possible de travailler moins que les autres, (trois semaines de moins, par habitant, très exactement, que la moyenne communautaire). Avec un coût du travail devenu 10 % supérieur à celui de l’Allemagne, une tendance logique puisque l’on paye les gens trente-neuf heures pour travailler trente-cinq heures. L’Allemagne représente 40 % de notre déficit industriel, elle n’est pourtant pas un pays à bas salaires.

Demain, il faudra remettre la France au boulot, et dans certains cas, travailler plus pour ne pas gagner moins.

Propos recueillis par Josée Pochat

À lire
Le Courage du bon sens. Pour construire l’avenir autrement, Odile Jacob, 464 pages, 22 €.

Voir encore:

Pierre Lellouche : « C’est à peine si Hollande ne marche pas sur l’eau »

Propos recueillis par Frédéric Gerschel

20.05.2012

Pour Pierre Lellouche, François Hollande devrait «savoir passer du statut de président du conseil général de la Corrèze à celui de président de la République.

Spécialiste des questions franco- américaines, l’ancien ministre de Sarkozy chargé des Affaires européennes critique la décision de François Hollande de retirer les troupes françaises d’Afghanistan fin 2012.

Comment jugez-vous les premiers pas de Hollande sur la scène internationale ?

Pierre Lellouche. En ce moment, nous vivons une phase d’euphorie en France.

C’est à peine si Hollande ne marche pas sur l’eau. Tout le monde se pâme devant lui. Moi, je remarque surtout qu’il a maintenu une promesse électorale — retirer les soldats français d’Afghanistan d’ici décembre 2012 — au mépris de l’intérêt national et du respect de la parole donnée par la France à ses alliés. A un moment, il faut savoir passer du statut de président du conseil général de la Corrèze à celui de président de la République. Sur ce point précis, je constate que ce n’est pas le cas.

En quoi ce retrait anticipé pose-t-il problème ?

Il oblige les Etats-Unis à envoyer une brigade à la place des soldats français qui opéraient en Kapisa, une région clé puisqu’il s’agit d’un verrou entre le Pakistan et Kaboul. Par ailleurs, il faudra bien rapatrier notre matériel. Cela va prendre du temps. Des troupes non combattantes, environ 2000 soldats, seront bien obligées de rester après 2012. On voit que cette décision est avant tout un habillage politique que nos militaires sur place vivent très mal. Car, comme l’a dit Angela Merkel : « Nous sommes entrés ensemble, nous repartons ensemble. » C’est la ligne que François Hollande aurait dû suivre.

Hollande et Obama demandent à Merkel plus de croissance en Europe…

La croissance, comme disent les Américains, c’est comme la tarte aux pommes et la patrie : tout le monde est pour. Eux, ils peuvent imprimer des dollars pour financer la dette énorme du pays et les importations. En Europe, c’est interdit. Si on pense qu’on va sauver l’économie française en embauchant des fonctionnaires, en boostant la demande par l’emprunt, en augmentant les impôts comme le propose Hollande, nous allons à la catastrophe.

Voir de même:

Saint François marchant sur l’eau…

Franz-Olivier Giesbert

Le Point

24/05/2012

Pas encore de fausse note. Jusqu’à présent, François Hollande a fait un zéro faute. Ses premiers pas de président ont été placés sous le signe du professionnalisme, comme s’il s’était préparé depuis longtemps à ce moment : ce fut vrai pour la formation du gouvernement comme pour ses premiers pas à l’étranger. Respect.

Il y a pourtant une ombre au tableau: l’état énamouré de nos chers médias, au comble de la félicité, qui nous rapportent les faits et gestes de François Hollande comme s’il s’agissait d’une épopée du Moyen Age. Ce n’est plus l’état de grâce, c’est l’état de béatitude, j’allais dire de bêtise.

Résumons ce qu’on nous raconte. Saint François marchant sur l’eau, multipliant les pains et terrassant les dragons. La pauvre Angela Merkel n’a qu’à bien se tenir. La preuve, Barack Obama et le monde entier se sont alignés sans discuter sur les positions du président français, leur nouveau maître spirituel. Grâce à lui, ils viennent de redécouvrir les bienfaits de la croissance, qu’ils ont aussitôt décrétée, il suffisait d’y penser.

A en croire ces chers médias, il ne resterait plus qu’à attendre les résultats de l’effet Hollande pour que la zone euro renoue avec la croissance. C’est ce qu’on dit chez nous après chaque élection présidentielle et, avouons-le, on risque d’attendre encore longtemps…

Saint François marchant sur l’eau…

Voir par ailleurs:

As Goes France

Bret Stephens

The Wall Street Journal

April 23, 2012

Even exceptional nations cannot ignore the laws of economic gravity.

The first round of France’s presidential election is getting plenty of attention in the U.S., and it’s easy to see why: It challenges the proposition that a free society, knowing that it stands at the edge of an abyss, will not persuade itself that it has learned to fly.

Political scientists sometimes speak of the concept of the rational voter, which is the idea that each person will typically make an intelligent political choice given his interests and options. In France—where Sunday’s electoral menu consisted of quasi-fascism, quasi-Marxism, soft socialism and the bouillabaisse ideology of a failed and desperate incumbent—the rational choice for voters was to stay home.

Instead, the French came out in huge numbers, 80%-plus, to show their enthusiasm for their preferred recipe for disaster. As expected, Socialist Party challenger François Hollande came out slightly ahead of President Nicolas Sarkozy—27.9% to 26.7%—and the two will now go head-to-head in the May 6 runoff.

So this is the « responsible » choice now before the French. On the one hand, there is a man-child president who will one day serve as a second object lesson in the perils of raising to high office hyperactive but diminutive men. On the other hand, there is his laid-back, congenial challenger, about whom the worst that can be said is that his ideas are crazy. Again, rational French voters should probably stay home. Again, they’ll probably turn out in big numbers.

What is the matter with France?

Like everything in life, national politics always look different from the inside looking out than the outside looking in, and France’s real problems aren’t necessarily what they seem to the rest of the world. The talk of the day is the strong third-place finish of National Front candidate Marine Le Pen, which suggests that fascism, in heels, is again becoming fashionable in Europe.

But every Western democracy has a sizeable (if often submerged) constituency that supports some combination of xenophobia and economic nationalism, and Ms. Le Pen did only slightly better than her father’s second-place, first-round, finish in 2002. France is not slouching toward 1933.

Nor can the French be faulted for wanting to throw Mr. Sarkozy out. Incumbents everywhere in Europe are getting the voters’ boot, and the president’s performance has been particularly disappointing given the pledges he made five years ago to break radically with the stagnation-inducing policies of the previous decades. Mr. Sarkozy, like Barack Obama, committed the original political sin of overpromising and underdelivering.

Still, the mystery of France is how a nation can witness what happens to countries that live beyond their means and yet insist on living beyond its means. France’s debt-to-GDP ratio will rise to 90% this year from 59% a decade ago. It spends more of its GDP on welfare payments (28.4%) than any other state in the developed world. It has an employment rate of 62.8%, as compared to Germany’s 76.5% or Switzerland’s 82.9%.

These sorts of statistics may have been obscure before the economic crisis, when politics could still be the art of not making choices. Today you would need earplugs, a helmet and a burqa for the message not to get through. Nations, like people, cannot spend too much more than they make; otherwise they can lose their creditworthiness and go broke. Competition in a global economy is a reality, not an option. Wealth cannot be transferred if transfers also destroy wealth. Rich people can always take their money (and their tax payments) elsewhere. The « trade-off » between work and leisure is ultimately a choice between wealth and poverty.

Now the French have stared all this in the face and said: Ça n’a rien à voir avec nous. It has nothing to do with us.

No candidate in the contest has suggested the country ought to attract foreign investment or nurture its native entrepreneurs. No candidate seems to think a tax cut—whether on consumers, producers or wage-earners—might be a good idea. Is France capable of nurturing a Steve Jobs or a Mark Zuckerberg? The idea seems to have crossed none of the candidates’ minds.

And how will France get out of its debts? Not through a more productive private sector and a more frugal public one, but in a flood of ever-cheaper currency, courtesy of a pliant ECB. That’s something on which both Mr. Sarkozy and Mr. Hollande firmly agree. Inflation is the windy updraft the falling man often mistakes as a force more powerful than gravity.

The U.S. differs from France in having a much more robust distrust of the state’s power and its claims to wisdom, and an equally powerful faith in the regenerative powers of the free market. Federalism also creates opportunities for policy experiment—on school choice, for instance, or lower taxes—not always available to the French.

Yet Americans should also take note that we aren’t so different from France, either: in our debt-to-GDP ratio, our employment rate, our credit rating. Above all, both in France and in America there’s a belief that, as exceptional nations, we are impervious to the forces that make other nations fall. It’s the conceit that, sooner or later, brings every great nation crashing to earth.

Voir aussi:

 Jerry Brown vs. Chris Christie

More states are realizing that the road to fiscal hell is paved with progressive intentions.

 William McGurn

The Wall Street Journal

May 14, 2012

In his January 2011 inaugural address, California Gov. Jerry Brown declared it a « time to honestly assess our financial condition and make the tough choices. » Plainly the choices weren’t tough enough: Mr. Brown has just announced that he faces a state budget deficit of $16 billion—nearly twice the $9.2 billion he predicted in January. In Sacramento Monday, he coupled a new round of spending cuts with a call for some hefty new tax hikes.

In his own inaugural address back in January 2010, New Jersey Gov. Chris Christie also spoke of making tough choices for the people of his state. For his first full budget, Mr. Christie faced a deficit of $10.7 billion—one-third of projected revenues. Not only did Mr. Christie close that deficit without raising taxes, he is now plumping for a 10% across-the-board tax cut.

It’s not just looks that make Mr. Brown Laurel to Mr. Christie’s Hardy. It’s also their political choices.

When the Obama administration’s Transportation Department called on California to cough up billions for a high-speed bullet train or lose federal dollars, Mr. Brown went along. In sharp contrast, when the feds delivered a similar ultimatum to Mr. Christie over a proposed commuter rail tunnel between New York and New Jersey, he nixed the project, saying his state just couldn’t afford it.

On the « millionaire’s » tax, Mr. Brown says that California desperately needs to approve one if the state is to recover. The one on California’s November ballot kicks in at income of $250,000 and would raise the top rate to 13.3% from 10.3% on incomes above $1 million. Again in sharp contrast, when New Jersey Democrats attempted to embarrass Mr. Christie by sending a millionaire’s tax to his desk, he called their bluff and promptly vetoed it.

On public-employee unions, Mr. Brown can talk a good game—at Monday’s press conference, he announced a 5% pay cut for state workers, and he has proposed pension reform. Yet for all his pull with unions (the last time he was governor, he gave California’s public-sector unions collective-bargaining rights), Gov. Brown, a Democrat, has not been able to accomplish what Republican Gov. Christie has: persuade a Democratic legislature to require government workers to kick in more for their health care and pensions.

Now, no one will confuse New Jersey with free-market Hong Kong. Still, because the challenges facing the Golden and Garden States are so similar, the different paths taken by their respective governors are all the more striking. And these two men are by no means alone.

Our states today are conducting a profound and contentious rethink about the right level of taxes, spending and government. Most obvious is the battle for Wisconsin. There Republican Gov. Scott Walker finds himself pitted against public-sector unions that successfully forced a recall election for June 5 after the legislature adopted the governor’s package of labor reforms last spring.

Amid the turmoil—Democratic legislators fled the state to prevent a vote, while union-backed protesters occupied the Capitol—Mr. Walker looked weakened. Now he has taken the lead in polls. More than that, voters have taken the lesson: A recent Marquette University Law School poll showed only 12% of Wisconsin voters listing « restoring collective bargaining rights for public employees » as their priority.

Indeed, the American Midwest today is home to some of the biggest experiments in government. Republicans now hold both the governorships and the legislatures in Michigan, Indiana and Ohio, and in Wisconsin they control all but the Senate. In each they are pushing for smaller, more accountable government. The outlier is Illinois, where Democratic Gov. Pat Quinn and his Democratic legislature pushed through a tax increase on their heavily indebted state.

Now ask yourself this. Can anyone look at Illinois and say to himself: I have seen the future and it works?

Indiana’s Mitch Daniels, a Republican, is probably the only governor who can truly claim to have turned around a failing state. That may change if we get eight years of Mr. Christie in New Jersey. Louisiana’s Bobby Jindal, also a Republican, may be another challenger for the title, having just succeeded in pushing through arguably the most far-reaching reform of any state public-school system in America.

Hard economic times bring their own lessons. Though few have been spared the ravages of the last recession and the sluggish recovery, those in states where taxes are light, government lives within its means, and the climate is friendly to investment have learned the value of the arrangement they have. They are not likely to give it up.

Meanwhile, leaders in some struggling states have taken notice. They know the road to fiscal hell is paved with progressive intentions. The question regarding the sensible ones is whether they have the will and wherewithal to impose the reforms they know their states need on the interest groups whose political and economic clout is so closely tied with the public purse.

Mr. Brown’s remarks Monday suggest the answer to this question is no.

 Voir enfin:


Médias: Pallywood pour les nuls (Leading French newsmagazine falls in big for Palestinian street theater)

21 Mai, 2012

Pendant 24 mn à peu près on ne voit que de la mise en scène … C’est un envers du décor qu’on ne montre jamais … Mais oui tu sais bien que c’est toujours comme ça ! Entretien Jeambar-Leconte (RCJ)
Au début (…) l’AP accueillait les reporters à bras ouverts. Ils voulaient que nous montrions des enfants de 12 ans se faisant tuer. Mais après le lynchage, quand des agents de l’AP firent leur possible pour détruire et confisquer l’enregistrement de ce macabre événement et que les Forces de Défense Israéliennes utilisèrent les images pour repérer et arrêter les auteurs du crime, les Palestiniens donnèrent libre cours à leur hostilité envers les Etats-Unis en harcelant et en intimidant les correspondants occidentaux. Après Ramallah, où toute bonne volonté prit fin, je suis beaucoup plus prudent dans mes déplacements. Chris Roberts (Sky TV)
La tâche sacrée des journalistes musulmans est, d’une part, de protéger la Umma des “dangers imminents”, et donc, à cette fin, de “censurer tous les matériaux” et, d’autre part, “de combattre le sionisme et sa politique colonialiste de création d’implantations, ainsi que son anéantissement impitoyable du peuple palestinien”. Charte des médias islamiques de grande diffusion (Jakarta, 1980)
Il s’agit de formes d’expression artistique, mais tout cela sert à exprimer la vérité… Nous n’oublions jamais nos principes journalistiques les plus élevés auxquels nous nous sommes engagés, de dire la vérité et rien que la vérité. Haut responsable de la Télévision de l’Autorité palestinienne
Je suis venu au journalisme afin de poursuivre la lutte en faveur de mon peuple. Talal Abu Rahma (lors de la réception d’un prix, au Maroc, en 2001, pour sa vidéo sur al-Dura)
Karsenty est donc si choqué que des images truquées soient utilisées et éditées à Gaza ? Mais cela a lieu partout à la télévision, et aucun journaliste de télévision de terrain, aucun monteur de film, ne seraient choqués. Clément Weill-Raynal (France 3)
Nous avons toujours respecté (et continuerons à respecter) les procédures journalistiques de l’Autorité palestinienne en matière d’exercice de la profession de journaliste en Palestine… Roberto Cristiano (représentant de la “chaîne de télévision officielle RAI, Lettre à l’Autorité palestinienne)
La mort de Mohammed annule, efface celle de l’enfant juif, les mains en l’air devant les SS, dans le Ghetto de Varsovie. Catherine Nay (Europe 1)
Dans la guerre moderne, une image vaut mille armes. Bob Simon
Oh, ils font toujours ça. C’est une question de culture. Représentants de France 2 (cités par Enderlin)
L’image correspondait à la réalité de la situation, non seulement à Gaza, mais en Cisjordanie. Charles Enderlin (Le Figaro, 27/01/05)
J’ai travaillé au Liban depuis que tout a commencé, et voir le comportement de beaucoup de photographes libanais travaillant pour les agences de presse m’a un peu troublé. Coupable ou pas, Adnan Hajj a été remarqué pour ses retouches d’images par ordinateur. Mais, pour ma part, j’ai été le témoin de pratique quotidienne de clichés posés, et même d’un cas où un groupe de photographes d’agences orchestraient le dégagement des cadavres, donnant des directives aux secouristes, leur demandant de disposer les corps dans certaines positions, et même de ressortir des corps déjà inhumés pour les photographier dans les bras de personnes alentour. Ces photographes ont fait moisson d’images chocs, sans manipulation informatique, mais au prix de manipulations humaines qui posent en elles-mêmes un problème éthique bien plus grave. Quelle que soit la cause de ces excès, inexpérience, désir de montrer de la façon la plus spectaculaire le drame vécu par votre pays, ou concurrence effrénée, je pense que la faute incombe aux agences de presse elles-mêmes, car ce sont elles qui emploient ces photographes. Il faut mettre en place des règles, faute de quoi toute la profession finira par en pâtir. Je ne dis pas cela contre les photographes locaux, mais après avoir vu ça se répéter sans arrêt depuis un mois, je pense qu’il faut s’attaquer au problème. Quand je m’écarte d’une scène de ce genre, un autre preneur de vue dresse le décor, et tous les autres suivent… Brian X (Journaliste occidental anonyme)
Pour qui nous prenez-vous ? Nous savons qui vous êtes, nous lisons tout ce que vous écrivez et nous savons où vous habitez. Hussein (attaché de presse du Hezbollah au journaliste Michael Totten)
L’attaque a été menée en riposte aux tirs incessants de ces derniers jours sur des localités israéliennes à partir de la zone visée. Les habitants de tous les villages alentour, y compris Cana, ont été avertis de se tenir à l’écart des sites de lancement de roquettes contre Israël. Tsahal est intervenue cette nuit contre des objectifs terroristes dans le village de Cana. Ce village est utilisé depuis le début de ce conflit comme base arrière d’où ont été lancées en direction d’Israël environ 150 roquettes, en 30 salves, dont certaines ont atteint Haïfa et des sites dans le nord, a déclaré aujourd’hui le général de division Gadi Eizenkot, chef des opérations. Tsahal regrette tous les dommages subis par les civils innocents, même s’ils résultent directement de l’utilisation criminelle des civils libanais comme boucliers humains par l’organisation terroriste Hezbollah. (…) Le Hezbollah place les civils libanais comme bouclier entre eux et nous, alors que Tsahal se place comme bouclier entre les habitants d’Israël et les terroristes du Hezbollah. C’est la principale différence entre eux et nous. Rapport de l’Armée israélienne
Après trois semaines de travail intense, avec l’assistance active et la coopération de la communauté Internet, souvent appelée “blogosphère”, nous pensons avoir maintenant assez de preuves pour assurer avec certitude que beaucoup des faits rapportés en images par les médias sont en fait des mises en scène. Nous pensons même pouvoir aller plus loin. À notre avis, l’essentiel de l’activité des secours à Khuraybah [le vrai nom de l’endroit, alors que les médias, en accord avec le Hezbollah, ont utilisé le nom de Cana, pour sa connotation biblique et l’écho du drame de 1996] le 30 juillet a été détourné en exercice de propagande. Le site est devenu en fait un vaste plateau de tournage, où les gestes macabres ont été répétés avec la complaisance des médias, qui ont participé activement et largement utilisé le matériau récolté. La tactique des médias est prévisible et tristement habituelle. Au lieu de discuter le fond de nos arguments, ils se focalisent sur des détails, y relevant des inexactitudes et des fausses pistes, et affirment que ces erreurs vident notre dossier de toute valeur. D’autres nous étiquètent comme de droite, pro-israéliens ou parlent simplement de théories du complot, comme si cela pouvait suffire à éliminer les éléments concrets que nous avons rassemblés. Richard North (EU Referendum)
Lorsque les médias se prêtent au jeu des manipulations plutôt que de les dénoncer, non seulement ils sacrifient les Libanais innocents qui ne veulent pas que cette mafia religieuse prenne le pouvoir et les utilise comme boucliers, mais ils nuisent aussi à la société civile de par le monde. D’un côté ils nous dissimulent les actes et les motivations d’organisations comme le Hamas ou le Hezbollah, ce qui permet aux musulmans ennemis de la démocratie, en Occident, de nous (leurs alliés progressistes présumés) inviter à manifester avec eux sous des banderoles à la gloire du Hezbollah. De l’autre, ils encouragent les haines et les sentiments revanchards qui nourrissent l’appel au Jihad mondial. La température est montée de cinq degrés sur l’échelle du Jihad mondial quand les musulmans du monde entier ont vu avec horreur et indignation le spectacle de ces enfants morts que des médias avides et mal inspirés ont transmis et exploité. Richard Landes
Nous avons commis une terrible erreur, un texte malencontreux sur l’une de nos photos du jour du 18 avril dernier (à gauche), mal traduit de la légende, tout ce qu’il y a de plus circonstanciée, elle, que nous avait fournie l’AFP*: sur la « reconstitution », dans un camp de réfugiés au Liban, de l’arrestation par de faux militaires israéliens d’un Palestinien, nous avons omis d’indiquer qu’il s’agissait d’une mise en scène, que ces « soldats » jouaient un rôle et que tout ça relevait de la pure et simple propagande. C’est une faute – qu’atténuent à peine la précipitation et la mauvaise relecture qui l’ont provoquée. C’en serait une dans tous les cas, ça l’est plus encore dans celui-là: laisser planer la moindre ambiguïté sur un sujet aussi sensible, quand on sait que les images peuvent être utilisées comme des armes de guerre, donner du crédit à un stratagème aussi grossier, qui peut contribuer à alimenter l’exaspération antisioniste là où elle s’enflamme sans besoin de combustible, n’appelle aucun excuse. Nous avons déconné, gravement. J’ai déconné, gravement: je suis responsable du site de L’Express, et donc du dérapage. A ce titre, je fais amende honorable, la queue basse, auprès des internautes qui ont été abusés, de tous ceux que cette supercherie a pu blesser et de l’AFP, qui n’est EN AUCUN CAS comptable de nos propres bêtises. Eric Mettout (L’Express)
Comment expliquer qu’une légende en anglais qui dit clairement qu’il s’agit d’une mise en scène (la légende, en anglais, de la photo fournie par l’AFP: « LEBANON, AIN EL-HELWEH: Palestinian refugees pose as Israeli soldiers arresting and beating a Palestinian activist during celebrations of Prisoners’ Day at the refugee camp of Ain el-Helweh near the coastal Lebanese city of Sidon on April 17, 2012 in solidarity with the 4,700 Palestinian inmates of Israeli jails. Some 1,200 Palestinian prisoners held in Israeli jails have begun a hunger strike and another 2,300 are refusing food for one day, a spokeswoman for the Israel Prisons Service (IPS) said. »), soit devenue chez vous « Prisonnier palestinien 18/04/2012. Mardi, lors de la Journée des prisonniers, des centaines de détenus palestiniens ont entamé une grève de la faim pour protester contre leurs conditions de détention », étonnant non ? David Goldstein
A l’heure où des rédacteurs en chef d’un magazine à la réputation établie de longue date laissent passer des bavures aussi mahousses que celle que vient de nous pondre le tout nouveau blog de l’Express d’Eric Mettout …
.
Dans un pays où une importante exposition parisienne sur les photos controversées du siècle peut tranquillement faire l’impasse sur l’un des plus grands faux de l’histoire récente …
.
Petit cours de rattrapage, avec le site Arrêts sur images, pour nos journalistes distraits ou pressés
.
Qui via notamment quelques uns des cas de la flopée de photomontages qui avait marqué la 2e Guerre du Liban de 2006 et que nous avions évoquée ici
.
Et malgré quelques dument douteuses plaisanteries de potache (sur les « Amerlocains »?) …
.
A le mérite de rappeler le relatif degré de sophistication que permettent les technologies numériques actuelles ???
.
Et surtout la véritable guerre d’information et d’image dont semblent souvent peu conscients non seulement le grand public mais ceux qui sont censés l’informer …
.
souvenirs souvenirs

Avant les missiles iraniens, les fumées sur Beyrouth

Alain Korkos

Arrêts sur images

11/07/2008

L’art éternel de la retouche-photo

Bien avant l’affaire des missiles iraniens, Alain Korkos avait traité de l’art de la retouche des photos d’actualité sur son ancien blog, La boîte à images.

Pour ceux qui l’auraient manqué, ce cours magistral du professeur Korkos, donné le 8 septembre 2006, reste d’actualité !

Que ce soit pour lisser la peau tavelée du jeune marié ou pour truquer une image à des fins politiques, la retouche photographique existe depuis l’invention de la photographie – ou presque.

J’avais publié, dans le Manuel à l’usage des petites Staline de banlieue, des photographies truquées datant de la Commune de 1871 et j’avais rappelé que ce genre de manipulation existait avant même l’invention de la photographie, en citant pour exemple le Sacre de Napoléon peint par David.

La manipulation d’images à des fins politiques ne date pas d’hier, et il n’est pas étonnant qu’elle fleurisse de nos jours avec le perfectionnement des techniques. Avec parfois quelques couac aussi, dont la récente affaire Adnan Hajj nous fournit une belle illustration.

Le 5 août dernier, l’agence Reuters diffuse cette image du bombardement de Beyrouth par les Israéliens :

beyrouth-01petit
La tricherie est éventée le jour même par Charles Johnson sur son blogue littlegreenfootballs.com. Il nous révèle que l’auteur de la photo a utilisé la fonction « tampon » de Photoboutique pour dupliquer la fumée, sans oublier quelques immeubles par la même occasion :

beyrouth-02

Et l’on voit par là que Adnan Hajj ne maîtrise pas bien l’objet. N’importe quel photoboutiquier un tant soit peu expérimenté eût fait beaucoup mieux ! Résultat des courses : le photographe bidouilleur s’est fait virer de Reuters.

L’affaire avait également été dévoilée par le blogue The Jawa Report qui prouva aussi que Adnan Hajj avait truqué d’autres photos le 2 août dernier :


> Cliquez sur l’image pour un gros plan <

> Cliquez sur l’image pour un gros plan <

Nous sommes censés voir trois missiles alors qu’il n’y en a qu’un, dupliqué deux fois.

Au risque de choquer, je dirai que l’affaire du bombardement de Beyrouth – dont on peut lire les très intéressants développements sur cette page de la Wikipedia, est tristement banale. Nous sommes abreuvés de vidéos et de photos truquées, vingt-quatre heures sur vingt-quatre. Que l’on songe, par exemple, aux photos publiées par la presse à emballer le poisson qui nous montrent régulièrement des couples illégitimes de vedettes n’existant que sur le papier. Que l’on songe à toutes ces photos de chanteuses auxquelles on a ajouté des seins, allongé les jambes, gommé les bourrelets.

De nos jours, la manipulation naît dans les bas-fonds de la presse pour grandir dans ses étages. Une foule d’exemples amerlocains relevant de la politique ou du pipeule est fournie sur cette page de l’indispensable Dartmouth College.

Souvenons-nous de l’affaire Brian Walski, par exemple. En avril 2003, ce photographe du Los Angeles Times livra cette image d’un soldat britannique à Basra, en Irak :

beyrouth-05

Image bidon qui raconte une histoire inventée grâce à la compilation de deux photos :

beyrouth-06 beyrouth-07

Rien que de très banal, disais-je.

Nous vivons une époque où il est impératif de ne plus croire en la véracité d’une image, une époque où l’on nous ment à tout bout de champ. Apprenons à faire avec en aiguisant notre regard, cultivons la suspicion au risque de sombrer dans la paranoïa, et tout ira presque bien dans le pire des mondes.

Sauf que…

Sauf que certains veulent se croire encore plus malins que les trafiquants d’images. Profitant de leur confortable position de chevalier blanc, ils abusent le monde ou s’abusent eux-mêmes.

Rien qu’un exemple éclairant, toujours à propos de cette affaire Adnan Hajj.

Fort de sa découverte concernant le bidonnage du bombardement de Beyrouth, le ouèbemaistre de littlegreenfootballs.com publie peu après une photo qui, selon lui, serait l’image originale trafiquée par Adnan Hajj. Il s’agit d’un cliché pris le 26 juillet 2006 par Ben Curtis pour Associated Press :

beyrouth-08

Et ledit ouèbemaistre, de mettre en ligne une animation prouvant qu’il s’agit bien de la même image :

beyrouth-09

Sauf que voilà, seul un tiers de la photo est commun, et bizarrement, la petite maison sur la hauteur n’est pas dans le même axe vertical si l’on prend comme point de référence l’immeuble entouré d’un carré rouge :

beyrouth-10

Ce seul point nous indique que nous n’avons pas affaire à la même photo. La chose se confirme si l’on se réfère à la ligne verte du bas nous montrant que la position de l’immeuble encadré de rouge est différente. La ligne verte du haut nous indique, elle, que la hauteur de la colline a considérablement varié ! Elle a grandi à un point tel que c’est impossible et l’on va bientôt comprendre pourquoi (voir plus bas les points 1. et 4.).

Un peu plus tard dans la journée, l’agence Reuters reconnaissait « l’erreur ». Elle publiait le lendemain la photo originale d’Adnan Hajj, avant retouche :


> Cliquez sur l’image pour un gros plan < Photo originale

> Cliquez sur l’image pour un gros plan < Photo retouchée

Peut-on accorder du crédit à Reuters, qui diffusa plusieurs photos bidon d’Adnan Hajj sans jamais sourciller ? Oui. Ces deux photos n’en sont qu’une, en voici une preuve parmi d’autres :

beyrouth-12

À gauche, un extrait de la photo originale ; à droite la photo retouchée. S’il est une chose que l’appareil photographique le plus rapide au monde ne peut capter de manière absolument identique sur deux prises de vues différentes, c’est bien la fumée qui a la mauvaise habitude de se déplacer plus vite que son ombre. Ici, on s’aperçoit que la découpe du panache est absolument identique. Il s’agit bien de la même photo. Les immeubles au-dessous sont différents, certes. L’explication est fournie quelques lignes plus bas, aux points 1 et 4.

On voit par là que le ouèbemaistre de littlegreenfootballs.com s’était un peu emballé, avait pris ses désirs pour des réalités. L’erreur est humaine, ne lui jetons pas la pierre. Il publia ensuite la photo originale divulguée par Reuters, sans un mot d’excuse à l’attention de ses lecteurs.

Dommage.

PETIT EXAMEN DES RETOUCHES EFFECTUÉES PAR ADNAN HAJJ


> Cliquez sur l’image pour un gros plan <

1. Cette partie de la colline a été déplacée vers le haut afin d’exagérer le côté tapi, vulnérable de la ville.
2. et 3. La fumée a été dupliquée au tampon.
4. et 5. Les immeubles ont été dupliqués au tampon.
6. Le bas de la photo a été coupé, afin d’enfoncer encore un peu plus la ville. Pour s’en convaincre, il suffit de regarder à nouveau la photo originale ci-dessous. La partie encadrée de rouge est celle qui a été ôtée :

beyrouth-14

Enfin, le contraste a été accentué sur toute la surface de l’image afin de la rendre plus dramatique.

CADEAU BONUS

L’École des Hautes Études en Sciences Sociales, académique institution s’il en est, dispose d’un blog intitulé Actualités de la recherche en histoire visuelle. À propos de l’affaire Adnan Hajj, on peut y lire ceci en date du 8 août :
Pendant plus d’une dizaine d’années, pour montrer les manipulations permises par l’image numérique, les manuels de visual studies n’ont eu recours qu’à une seule illustration: l’altération du visage d’O. J. Simpson en couverture de Time. [1994](…) A en juger par les effets produits par l’affaire Adnan Hajj, nous disposons maintenant du premier exemple emblématique de manipulation de l’ère de la photographie numérique.

L’auteur de ces lignes semble avoir oublié l’affaire Brian Walski de 2003, qui fit pourtant bien du bruit dans le landerneau. Le même auteur publie un dessin de presse résumant l’affaire, sans en comprendre tout le sel :

beyrouth-15

Source.

Allusion au fait qu’un cliché peut être photoboutiqué, mais aussi rappel d’une autre photographie d’Adnan Hajj qui fit couler quelques filets d’encre une poignée de jours plus tôt :

beyrouth-16

A rescuer carries the body of a toddler victim of an Israeli air raid on Qana that killed more than 60 people, the majority of them women and children, in south Lebanon, July 30, 2006. REUTERS/Adnan Hajj (LEBANON)

Cette image honteuse d’un sauveteur exhibant un gamin sous les objectifs des reporters évoque – involontairement – une célèbre photographie de guerre prise par Eugene Smith en 1944 à Saipan. Cette île, qui fait partie de l’archipel des Mariannes dans le Pacifique, avait été investie par les Amerlocains pour y déloger les Japonais.

beyrouth-eugenesmith

Voir aussi:

Le mea culpa de l’Express, qui s’excuse, mais qui n’a rien compris !

David Goldstein

Haabir-haisraeli

Beaucoup ont vu la vraie photo publiee par l’Express : de faux soldats israéliens qui maltraitent un pseudo prisonnier palestinien, et le menacent cruellement de leurs armes. Cette photo a créé un scandale, justifié, sur le net et ailleurs parce que même si elle existe, cette photo ne montre qu’une comédie de très mauvais goût montée par des Palestiniens du Liban – sauf que l’Express n’a pas mentionné que c’était une mise en scène et l’a montrée comme une preuve de la cruauté inhumaine de Tsahal et d’Israel. Le 18 mai, l’Express, par l’intermediaire du responsable du site Eric Mettout, s’excuse de la bavure et écrit un pamphlet appelé : « Non, nous ne sommes pas antisémites ». Extrait et analyse.

« Nous avons commis une terrible erreur, un texte malencontreux sur l’une de nos photos du jour du 18 avril dernier (à gauche), mal traduit de la légende, tout ce qu’il y a de plus circonstanciée, elle, que nous avait fournie l’AFP*: sur la « reconstitution », dans un camp de réfugiés au Liban, de l’arrestation par de faux militaires israéliens d’un Palestinien, nous avons omis d’indiquer qu’il s’agissait d’une mise en scène, que ces « soldats » jouaient un rôle et que tout ça relevait de la pure et simple propagande.

C’est une faute – qu’atténuent à peine la précipitation et la mauvaise relecture qui l’ont provoquée.

C’en serait une dans tous les cas, ça l’est plus encore dans celui-là : laisser planer la moindre ambiguïté sur un sujet aussi sensible, quand on sait que les images peuvent être utilisées comme des armes de guerre, donner du crédit à un stratagème aussi grossier, qui peut contribuer à alimenter l’exaspération antisioniste là où elle s’enflamme sans besoin de combustible, n’appelle aucune excuse. Nous avons déconné, gravement. J’ai déconné, gravement : je suis responsable du site de L’Express, et donc du dérapage.

A ce titre, je fais amende honorable, la queue basse, auprès des internautes qui ont été abusés, de tous ceux que cette supercherie a pu blesser et de l’AFP, qui n’est EN AUCUN CAS comptable de nos propres bêtises.

Cela dit – et que les choses soient claires, ce que j’écris ci-dessous n’enlève rien à ce que j’ai écrit ci-dessus ».

Merci monsieur Mettout pour ces excuses, sûrement motivées par l’incendie allumé par votre rédaction irresponsable (eh oui, même si vous en êtes le responsable, vous n’êtes pas seul). Bien sûr, on ne peut qu’accepter vos excuses, mais cela ne suffit pas monsieur Mettout pour vous débarasser du reste de cette boulette. Vous avez fait une erreur, soit. Vous vous excusez, bien. Vous n’êtes pas antisémite, ou anti-israélien, cela reste a voir !

Comment vous expliquez monsieur Mettout que l’Express publie une photo legendee avec de telles accusations ? Moi j’ai deux explications:

– La premiere : vous et vos collaborateurs êtes des gens manquant de professionalisme, et ça vous l’avez prouvé, vous devriez donc en tirer les conséquences et agir en conséquence – mais j’ai bien compris que vous pensez que votre lettre d’excuse soit suffisante !? Vos lecteurs prendront donc leur décision en conséquence ; s’ils pensent pouvoir continuer d’accorder leur confiance à un journal géré par des gens qui font de telles erreurs…

– La deuxième (qui n’exclut pas la première) : vous et vos collaborateurs êtes bel et bien des journalistes anti-israéliens (voir antisémites puisque vous vous en défendez) et je m’en explique. Comment expliquer que vous ayez décidé de publier une photo aussi grave sans même vérifier correctement ce que vous alliez publier ? Comment expliquer qu’une légende en anglais qui dit clairement qu’il s’agit d’une mise en scene (la légende, en anglais, de la photo fournie par l’AFP: « LEBANON, AIN EL-HELWEH: Palestinian refugees pose as Israeli soldiers arresting and beating a Palestinian activist during celebrations of Prisoners’ Day at the refugee camp of Ain el-Helweh near the coastal Lebanese city of Sidon on April 17, 2012 in solidarity with the 4,700 Palestinian inmates of Israeli jails. Some 1,200 Palestinian prisoners held in Israeli jails have begun a hunger strike and another 2,300 are refusing food for one day, a spokeswoman for the Israel Prisons Service (IPS) said. »), soit devenue chez vous « Prisonnier palestinien 18/04/2012. Mardi, lors de la Journée des prisonniers, des centaines de détenus palestiniens ont entamé une grève de la faim pour protester contre leurs conditions de détention », etonnant non ?

Vous et votre rédaction vous vous êtes précipités sur une photo sans intérêt pour pouvoir accuser Israel et Tsahal, vous l’avez légendé de vos propres phantasmes, de votre haine latente de ce pays – exutoire de vos esprits malades.

Et que dire de votre agressivité envers ceux qui vous critiquent…

Monsieur Mettout, vous et vos collègues faites bel et bien partie des journalistes engagés contre Israel, tout comme le triste sieur Enderlin. Vous avez saisi l’occasion de prendre une photo truquée et d’en modifier la légende originale pour faire un coup contre l’armée la plus morale du monde et la seule démocratie du Proche-Orient, sans vous soucier du mal que vous pouviez faire – ou peut-être en l’espérant. Alors antisémite ou non ? Moi je ne sais pas vraiment comment vous qualifier, vous ne m’inspirez en fait pas grand chose.

Voir enfin:

Non, nous ne sommes pas antisémites

le 18 mai 2012 15H48 | par

Eric Mettout

Nous avons commis une terrible erreur, un texte malencontreux sur l’une de nos photos du jour du 18 avril dernier (à gauche), mal traduit de la légende, tout ce qu’il y a de plus circonstanciée, elle, que nous avait fournie l’AFP*: sur la « reconstitution », dans un camp de réfugiés au Liban, de l’arrestation par de faux militaires israéliens d’un Palestinien, nous avons omis d’indiquer qu’il s’agissait d’une mise en scène, que ces « soldats » jouaient un rôle et que tout ça relevait de la pure et simple propagande.

C’est une faute – qu’atténuent à peine la précipitation et la mauvaise relecture qui l’ont provoquée.

C’en serait une dans tous les cas, ça l’est plus encore dans celui-là: laisser planer la moindre ambiguïté sur un sujet aussi sensible, quand on sait que les images peuvent être utilisées comme des armes de guerre, donner du crédit à un stratagème aussi grossier, qui peut contribuer à alimenter l’exaspération antisioniste là où elle s’enflamme sans besoin de combustible, n’appelle aucun excuse. Nous avons déconné, gravement. J’ai déconné, gravement: je suis responsable du site de L’Express, et donc du dérapage.

A ce titre, je fais amende honorable, la queue basse, auprès des internautes qui ont été abusés, de tous ceux que cette supercherie a pu blesser et de l’AFP, qui n’est EN AUCUN CAS comptable de nos propres bêtises.

Cela dit – et que les choses soient claires, ce que j’écris ci-dessous n’enlève rien à ce que j’ai écrit ci-dessus:

– Il arrive, quand nous nous trompons – parce que ça arrive, personne n’est parfait – que nous en soyons avertis directement, que celle ou celui qui a repéré une erreur nous envoie un mail, nous passe un coup de téléphone, nous écrive pour nous demander de nous expliquer, de corriger, de supprimer – il est assez facile de nous contacter si on le souhaite vraiment. J’attends toujours. Dès que j’ai eu connaissance, par le patron du service Monde de L’Express, de cette bourde, j’ai fait supprimer l’image et sa légende.

– Sur de nombreux sites pro-israéliens où l’affaire (!) a pris son envol et son ampleur, elle a servi à nourrir de vieilles rancœurs. Pour résumer: les médias français dans leur ensemble désinforment sciemment, s’acharnant sur Israël en toute (mé)connaissance de cause – quand nous ne sommes pas tout bonnement accusés d’encourager le terrorisme; j’ai lu tout à l’heure que nous aurions « fabriqué » Mohamed Merah…

Naturellement, ont resurgi à cette occasion d’autres incidents, au premier rang desquels figure, comme d’habitude, la mort du petit Mohamed Al-Durah, filmée par l’équipe du correspondant de France 2 à Jérusalem, Charles Enderlin – formidable journaliste, dont le courage n’a d’égal que le professionnalisme, j’en profite pour le répéter ici. Il faut avoir le cuir épais pour résister aux pressions brutales et inqualifiables dont il est la cible depuis ce jour-là. Il l’a, fait toujours bien son métier, rend coup pour coup, malgré les attaques infamantes et les calomnies dont il est l’objet, respect.

C’est d’ailleurs un regret supplémentaire: en manquant de rigueur, nous avons involontairement contribué à discréditer nos confrères qui font bien leur travail, qui relatent les emprisonnements arbitraires des uns, l’extrémisme religieux et les diatribes antisémites des autres, les opérations militaires implacables comme les tirs de roquettes, les colonies illégales comme les attentats aveugles – et rappellent aussi, ne serait-ce que par leur liberté d’y travailler, qu’Israël est la seule véritable démocratie de la région, qu’on y vote sans contrainte, qu’on y lit des journalistes indépendants, qu’on peut y manifester et s’y opposer sans risquer la torture et la mort.

– Marre de lire que tous autant que nous sommes, nous, journalistes français, nous cultivons non seulement un antisionisme atavique (ce qui est faux), mais aussi un antisémitisme historique – ce qui, pour le coup, me fait hurler. Evoquer, comme je l’ai lu ici ou là, « la connotation antisémite » de ce qui, encore une fois, n’est rien d’autre qu’une bévue, ce n’est pas seulement disproportionné et inutilement insultant, ce n’est pas seulement banaliser le Mal, c’est aussi un avertissement à peine déguisé.

J’ai utilisé le mot propagande au début de ce post, à propos de l’image qui l’a motivé. Il n’y en a pas d’autre pour qualifier les méthodes d’intimidation mises en oeuvre pour nous empêcher de parler librement du conflit israélo-palestinien. Et si reconnais bien volontiers, et bien tristement, notre erreur, je tiens à confirmer que nous continuerons, malgré elle et les réactions qu’elle a provoquées, à le faire.

PS qui a tout à voir: le sujet de ce post est éminemment sensible. Je ne vais être épargné par personne, ni par les défenseurs les plus intransigeants de la politique israélienne, ni par ceux qui dénoncent sans nuance le vil « colonisateur ». J’aimerais simplement que tous les autres, et j’espère qu’ils sont majoritaires, liront ce que j’ai écrit et pas ce que ces jusqu’au-boutistes en auront dit.

*PS qui a tout à voir aussi: pour information, la légende, en anglais, de la photo fournie par l’AFP: « LEBANON, AIN EL-HELWEH: Palestinian refugees pose as Israeli soldiers arresting and beating a Palestinian activist during celebrations of Prisoners’ Day at the refugee camp of Ain el-Helweh near the coastal Lebanese city of Sidon on April 17, 2012 in solidarity with the 4,700 Palestinian inmates of Israeli jails. Some 1,200 Palestinian prisoners held in Israeli jails have begun a hunger strike and another 2,300 are refusing food for one day, a spokeswoman for the Israel Prisons Service (IPS) said. »


Présidence Hollande: Mais qui était le type à côté de Manuel Valls? (We could have had a French Blair and we got stuck with a white Obama)

20 Mai, 2012
Mais qui était le type à côté de Manuel Valls ? Soutiens de François Hollande (Montauban, 21.03.12)
François, on avait dit que tu pouvais enlever la cravate ! Obama
C’est un Corrézien qui avait succédé en 1995 à François Mitterrand. Je veux croire qu’en 2012, ce sera aussi un autre Corrézien qui reprendra le fil du changement. François Hollande
Ségolène Royal n’a qu’un seul défaut, c’est son compagnon. Montebourg
François Hollande, le cynisme, c’est maintenant. Clip UMP
Je pense que la journée d’une passation de pouvoirs, ce n’est pas le moment de faire des annonces. On peut annoncer des intentions, je crois que c’est ce qu’il a fait. Il n’a pas annoncé que les choses allaient être faites du jour au lendemain (…) C’est la démonstration qu’il faut faire très attention dans les annonces gouvernementales et respecter, comme l’a demandé Jean-Marc Ayrault et comme c’est inscrit dans la charte de déontologie, les démarches de consultation sur des sujets extrêmement sensibles qui mettent en cause beaucoup de choses. (…) La vraie question, c’est celle des rythmes scolaires, donc c’est une question un peu plus complexe. Sur le fond, ça va dans la bonne direction ce qu’il a dit, mais il faut respecter la phase de consultation et l’arbitrage du Premier ministre. Une décision comme ça ne se décide pas tout seul par un ministre. Ségolène Royal
Nous sommes à un tournant identitaire car nous sommes devenus minoritaires, nous, les Guyanais. En fait, nous payons aujourd’hui les plans de peuplement lancés dans les années 1970 pour noyer les mouvements indépendantistes d’alors et sécuriser le centre spatial. Jacques Chirac, le ministre de l’Agriculture de l’époque, a joué les apprentis sorciers.explique Christiane Taubira (députée PRG de Guyane, 2005)
Nous sommes à un tournant identitaire. Les Guyanais de souche sont devenus minoritaires sur leur propre terre. Christiane Taubira (2007)
La France doit arrêter ses conneries, les élites politiques françaises doivent arrêter de ne voir que des Noirs dans les banlieues. Lors des émeutes de 2005 au lieu de voir ça comme un grand mouvement d’insurrection sociale, ils y ont vu un mouvement de protestation de Noirs, d’Arabes etc. (…) [Dans Noirs de France vous dites que, étant jeune, vous étiez indépendantiste…] Pas seulement jeune, je le suis encore. (…) Moi je n’ai pas un discours indépendantiste, j’ai une pratique militante indépendantiste, ce n’est pas la même chose. J’ai vécu en clandestinité. Tous les deux jours je devais changer de lieu, tout en trimbalant un bébé de deux mois. J’ai pris des risques, mon époux a été en prison pendant un an et demi. Mes autres camarades ont été emprisonnés. Donc ce n’est pas une question de discours, c’est une pratique politique. Ça c’était jusqu’en 1982. Pourquoi ? Parce qu’en 1981, quand la gauche est arrivée au pouvoir les Guyanais ont dit qu’ils laissaient tomber les histoires d’indépendance. Les gens n’étaient pas indépendantistes mais ils acceptaient le débat. Régulièrement ici, le gouvernement emprisonnait les indépendantistes et les gens étaient solidaires. Ils n’étaient pas d’accord mais ils étaient solidaires. En 1981, ils ont dit: « C’est bon, la gauche ce n’est pas colonial, c’est fini ». On a tenu pendant un an et en 1982 moi j’ai arrêté de militer. Ce n’est pas une question de discours chez moi. (…) Il y a un mouvement indépendantiste, il va plus souvent aux élections que moi: vous parliez de contradictions ? En 1992 lorsque je me lance dans la campagne des législatives, c’est parce que les gens ont organisé un mouvement populaire autour de moi, me demandant d’aller me présenter. La première fois de ma vie que j’ai voté, c’était pour moi en 1993. J’étais indépendantiste, anti-électoraliste. Mais quand on a une demande d’un peuple… J’aurais pu dire « je suis indépendantiste, j’ai raison, je reste chez moi ». J’étais directeur de société avant d’être élue député. Je n’ai pas besoin de notoriété. Je donnais des conférences internationales. Je venais de signer un contrat de professeur-chercheur avec l’Université de Montréal. Je ne suis pas dans une contradiction politique. En 1992 cela faisait dix ans que nous avions arrêté de militer. Christiane Taubira (06.12.11)
Lorsque vous êtes d’une nationalité étrangère mais installé en France, vous pouvez aussi constituer une sorte de passerelle entre votre pays d’origine et votre pays de citoyenneté. Najat Belkacem
 A qualité égale, priorité au beur puisqu’il a eu plus d’obstacles à franchir qu’un blanc de souche. Yamina Benguigui (2004)
Belle image de la ville d’Evry… Tu me mets quelques blancs, quelques whites, quelques blancos. Manuel Valls (maire d’Evry en balade sur une brocante avec son directeur de cabinet et de la communication,  juin 2009)
Je l’assume totalement. Je veux lutter contre le ghetto. C’est quoi le ghetto? On met les gens les plus pauvres, souvent issus de l’immigration – et pas seulement – dans les mêmes villes, dans les mêmes quartiers, dans les mêmes cages d’escalier, dans les mêmes écolesJe l’assume parce que je suis républicain et que je lutte contre tous les communautarismes. Ca arrange beaucoup de gens qu’il y ait des ghettos (…) moi, je veux les casser, c’est ça l’émancipation de ces quartiers qui méritent de représenter demain l’avenir de ce pays. Manuel Valls (interrogé par Valérie Trierweiler)
Je vous saurai gré de bien vouloir rétablir le fonctionnement normal de ce magasin se prévalant de l’enseigne Franprix ­ que j’ai également saisie du dossier ­ dans les plus brefs délais. Dans le cas contraire, j’utiliserai, dans les prochains jours, tous les pouvoirs de police dont je dispose. Manuel Valls

Mais où était donc Valls à Camp David?

Champion de la rupture de l’intérieur (avec ou sans majuscule!), blairiste et clintonien, débaptiseur du PS, soutien contre son camp de certaines initiatives gouvernementales (eg. loi sur le voile intgral, TVA sociale), omniprésent et étatiste forcené …

A l’heure où après le terrifiant coup de vieux mitterrandien du 6 mai (30 ans d’un coup!) …

Nombre d’entre nous ont du mal à se remettre du véritable cauchemar éveillé  que cete lancinante impression d’avoir rempilé pour cinq nouvelles années de corrézianisme

Et entre le cumulard condamné, la resquilleuse au logement social, l’écolo d’opérette qui ne prend le train que pour les caméras, l’ex-indépendantiste (?) auteure de loi liberticide et tombeuse de Jospin en 2002 à la Justice, la porte-parole binationale émargeant au conseil d’une puissance étrangère, la championne de l’absentéisme et le héraut de la démondialisation préposé au redressement productif (sic!) …

Ne se sentent pas franchement rassurés par la « belle image » (tu me mets quelques blacks, quelques beurettes – 14 de plus quand même, pour une « présidence plus modeste » – que le premier gouvernement Fillon!) du gouvernement d’ « exemplaires » et d’ « irréprochables » que vient de nous bricoler, juste avant sa rencontre – dument cravatée et complet-vestonnée – avec son mentor de Chicago, le maitre manipulateur et auteur du holdup du siècle …

Comment ne pas voir en creux ce qu’aurait pu être un vrai président de gauche un peu synchrone avec son temps?

Quelqu’un qui, à l’instar d’un autre champion de la » rupture de l’intérieur » lui aussi (surprise!) ministre de l’intérieur ayant piaffé pendant x années sous la royauté fainéante d’un autre Corrézien, pourrait peut-être avec un peu de chance (on peut toujours rêver) l’être dans cinq (ou – gasp! -dix?) ans?

Un président qui aurait quelque chose d’un … Manuel Valls ?

Manuel Valls, l’omniprésent

David Revault d’Allonnes et Thomas Wieder

M le magazine du Monde

13.04.2012

« Il ne lâche jamais François. Jamais », s’amuse un cacique du PS. Dans l’équipe de campagne de François Hollande, on ne voit que lui. Ou presque. Toujours là, à l’affût, juste à côté du candidat socialiste à l’élection présidentielle. Surtout quand les circonstances l’exigent. Comme ce mardi 13 mars, au lendemain du premier sondage donnant son champion derrière le président sortant au premier tour. Manuel Valls annule tous ses rendez-vous et saute dans le TGV pour Valence (Drôme) afin de déminer le terrain. A grands coups de « ce n’est pas une surprise » et « on pouvait s’y attendre », distillés dans la voiture-bar aux journalistes qui suivent le déplacement.

Autre morceau choisi : au lendemain du massacre de Toulouse, mardi 20 mars. François Hollande vient observer dans une école du Pré-Saint-Gervais (Seine-Saint-Denis) la minute de silence en hommage aux enfants assassinés du collège Ozar-Hatorah. Le directeur de la communication du candidat PS est là, bien sûr. En cette vraie-fausse trêve électorale, il souhaite éviter la moindre image de liesse populaire. Mâchoires serrées, il marque à la culotte son poulain dans les rues de la ville. Lâche des « Chut ! Chut ! » nerveux quand les militants lui décernent des « François président ! ». Et écarte discrètement la nuée d’écoliers rigolards qui suivent le candidat : « Les enfants, vous allez où comme ça ? »

Combien de fois les journalistes affectés au suivi de la campagne de M. Hollande l’ont-ils vu, regard noir, tenter d’abréger un de ces « off » qu’une fois de plus le candidat prenait plaisir à faire durer ? Les formules sont toujours les mêmes : « C’est fini » ou « Il faut y aller, maintenant… » Même François Hollande s’en amuse. Le 29 février, dans l’Eurostar qui le ramène de Londres, il délaisse pendant plus d’une heure son directeur de campagne Pierre Moscovici, plongé dans un roman policier, pour rejoindre les journalistes à la voiture-bar. « Ce soir, je peux y aller, je ne suis pas sous surveillance », se gausse le candidat.

Entre Manuel Valls et la presse, il y a de l’électricité dans l’air. « Je veux être en tension », confirme l’intéressé qui, en matière de communication et d’image, nourrit des idées précises. Et n’a pas l’intention d’y déroger. « Il faut toujours tendre à la perfection, même si on sait qu’il est difficile d’obtenir une image totalement nette », assène-t-il. D’autant que le maire d’Evry (depuis 2001) et député de l’Essonne (depuis 2002) se sait cerné par des dangers d’un type nouveau, tweets et chaînes d’info en continu, qu’il a par ailleurs théorisé : « Ce n’est plus seulement le journal de 20 heures. Aujourd’hui, vous avez plus d’un million de personnes qui regardent l’info en continu. L’instant CNN est arrivé », explique-t-il. Le show électoral se déroule désormais vingt-quatre heures sur vingt-quatre. « La pression de la télé nous oblige à intégrer des éléments de spectacle, dit-il, notamment la lumière. La politique est toujours un spectacle, dans tous les sens du terme. » Manuel Valls, pour sa part, a pris le parti d’en être le sourcilleux – et unique – metteur en scène.

Dans le subtil échiquier que constitue une équipe de campagne, le directeur de la communication place ses pions avec soin. A commencer par Christian Gravel, avec lequel il a travaillé à Matignon (Manuel Valls s’occupe alors de la communication de Lionel Jospin) avant d’en faire son directeur de cabinet et de la communication à la mairie d’Evry. Carrure trahissant une pratique régulière des sports de combat et du free fight, cheveux ras et barbe taillée au couteau, il est de tous les déplacements du candidat, l’oreille aux aguets. « C’est l’espion qui informe Manuel du moindre fait et geste de François, lui rapportant les on, les off, les appels. Christian, c’est l’oeil de Moscou », persifle un membre du staff.

Son assistant parlementaire, Tangi Le Nevé Ricordel a, lui aussi, rejoint le service de presse du candidat. Comme Sébastien Gros et Harold Hauzy qui, le temps de la campagne, ont déserté la mairie d’Evry pour prendre position au troisième étage du QG de l’avenue de Ségur, à Paris. Celui de « l’empire » de la communication, comme l’avait initialement présenté le directeur de campagne Pierre Moscovici. A l’époque, c’était une boutade. Pas sûr que le mot le fasse encore rire aujourd’hui…

En s’emparant de la « com », Manuel Valls a-t-il du même coup pris le pouvoir ? « La com renvoie à l’organisation, à l’expression d’un discours, à l’image du candidat. Quand vous confiez ça à quelqu’un, vous lui confiez les clés de la maison », confirme Aquilino Morelle, directeur adjoint de la campagne et plume du candidat Hollande. Vieux routier du parti et des campagnes électorales, le député de Paris Jean-Christophe Cambadélis confirme : « Il a vu tout l’intérêt que représente la fonction dans une campagne présidentielle : sa visibilité. »

MANUEL VALLS, DE FAIT, EST PARTOUT. « Une annonce de com, un tract, un événement : il suit tous les dossiers du début à la fin, dans le moindre petit détail. Il fait très bien le boulot », constate Faouzi Lamdaoui, chef de cabinet du candidat. « Il assume une présence physique forte, c’est le moins qu’on puisse dire », concède Bruno Le Roux, fidèle et porte-parole de François Hollande, qui souligne son efficacité : « Quand j’arrive chez Bourdin, sur RMC, et que je veux vérifier un truc sur le projet juste avant de passer à l’antenne, je l’ai dans les quinze secondes. »Voilà pour la version officielle. Sous couvert d’anonymat en revanche, ce don d’ubiquité exaspère. Surtout chez les « hollandais » historiques, où il fait des jaloux. « Il est en permanence collé à François. Quand François est au QG, il est dans son bureau, tout le temps », enrage l’un. « Valls a monopolisé le candidat. Il est possessif comme j’ai rarement vu quelqu’un l’être », peste l’autre, pour qui « le dircom doit être discret, ne pas être devant la caméra tout le temps, au contraire ». Beaucoup, offusqués de la présence du patron de la communication au côté de leur candidat, le 21 mars, à Montauban, lors de la cérémonie d’hommage aux militaires tués, ont ainsi résumé d’un quolibet cruel : « Mais qui était le type à côté de Manuel Valls ? » Un rien, en réalité, suffit à ulcérer les vieux amis du député de Corrèze, comme lorsqu’il invite Manuel Valls à monter dans sa voiture. Un geste en apparence insignifiant, mais qui, au sein de la cour, témoigne de la confiance accordée au nouvel homme fort de la « Hollandie ».

Le patron, c’est donc lui, assurent nombre d’habitués du « 59 », le QG de l’avenue de Ségur. Manuel Valls y a pris le pas sur Stéphane Le Foll, responsable de l’organisation et bras droit historique de M. Hollande, et sur Pierre Moscovici, directeur de campagne et strauss-kahnien rallié. « C’est Valls, le vrai directeur de campagne, ce n’est plus Mosco », constate un membre de l’équipe. Bruno Le Roux le concède joliment : « On a deux personnalités différentes, dont l’une emporte quasiment tout sur son passage… » Un membre de l’équipe raconte : « Un jour, Mosco devait partir avec François dans la voiture. Valls lui propose de monter dans la sienne… et finalement, le plante pour monter dans la bagnole de François ! » Dans la petite géopolitique du staff, Manuel Valls use du rapport de force, mais aussi de la ruse. Voire de la diplomatie du coeur. Le député de l’Essonne s’est ainsi rapproché de Valérie Trierweiler, la compagne de François Hollande, laquelle entretient des rapports d’amitié avec sa seconde épouse, la violoniste Anne Gravoin. Détail significatif : au QG, le bureau de Valérie Trierweiler se trouve au troisième étage, comme celui de l’équipe Valls. Comme, aussi, celui de Nathalie Mercier, ancienne d’Euro RSCG et en congé de la direction de la communication du Musée du quai Branly. Autrefois chargée de la communication de Manuel Valls, celle-ci s’occupe désormais de polir l’image de la potentielle future première dame. Un axe Valls-Trierweiler qui ne manque pas, là encore, d’exaspérer les fidèles. « Il fait copain avec madame pour être bien avec monsieur », s’agace un vieil ami du candidat. L’intéressé, lui, nie en bloc. « La campagne présidentielle, c’est un moment important pour la compagne du candidat. C’est important d’avoir sa sensibilité, son avis », se justifie Manuel Valls, qui parle efficacité et mise en confiance du candidat. « Manuel se donne à fond, sans état d’âme. Ce sont des gens comme ça qu’il faut dans une campagne », se félicite Valérie Trierweiler.

La confiance, paramètre essentiel dans une équipe de campagne où chausse-trapes et manoeuvres de placement sont une activité à plein temps, se révèle un atout maître. François Hollande, qui se méfie de ses camarades pour en avoir éprouvé, au fil des onze années passées à la tête de la rue de Solférino, la fidélité et la solidité, a pourtant accordé la sienne à son nouveau bras droit. Sans réserve. Aquilino Morelle résume : « François l’a dit à ses proches : dans une campagne, il y a deux choses importantes, les mots et les images. François a confiance en Manuel. Il sait que Manuel est très bon et il lui a donc confié ça. » Valérie Trierweiler va plus loin : « Entre Manuel et François, la confiance s’est très vite installée après la primaire. Mais depuis, on est passé à autre chose : de la complicité. »Dans le premier cercle, certains font contre mauvaise fortune bon coeur, concédant au directeur de la com un bilan globalement positif. « Tout ce qui sécurise François est bon », affirme Bruno Le Roux. Manuel Valls, lui, décline toute emprise sur son candidat. « François Hollande est le vrai stratège de cette campagne », assure-t-il, s’appliquant à battre en brèche la thèse d’une trop grande proximité : « Ça se passe très bien avec Hollande, avec sérieux mais sans jamais de familiarité. »L’affaire, pourtant, n’était pas entendue. S’ils ont partagé le même bureau entre 1995 et 1997 au siège du PS, François Hollande, comme porte-parole du parti, et Manuel Valls, en tant que secrétaire national à la communication ; s’ils ont oeuvré de concert, à partir de 1997, au côté de Lionel Jospin, l’un comme premier secrétaire, l’autre comme porte-parole de Matignon, les deux camarades n’ont pas toujours été bons amis. En décembre 2004, François Hollande tire les conséquences du « non » défendu par Manuel Valls au référendum interne organisé par le PS sur le Traité constitutionnel européen, et l’évince du secrétariat national. « La confiance était rompue », se rappelle le député de l’Essonne.

A PARTIR DE L’ÉLECTION DE NICOLAS SARKOZY, EN 2007, Manuel Valls et la direction de son parti s’éloignent encore davantage. L’ambitieux parlementaire s’illustre en soutenant certaines initiatives gouvernementales, comme la loi sur la burqa. Et en s’en prenant systématiquement aux canons de l’orthodoxie solférinienne. En juin 2009, un reportage diffusé sur Direct 8 met le feu aux poudres. On y voit Manuel Valls et Christian Gravel cheminant dans les allées d’une brocante à Evry, le premier glissant à l’oreille du second : « Belle image de la ville… Tu me mets quelques Blancs, quelques white, quelques blancos. » Manuel Valls a beau s’expliquer sur le sens de cette formule en affirmant son souci de lutter contre la « ghettoïsation », le mal est fait. Un ancien secrétaire national du PS à l’égalité dénonce publiquement un « dérapage scandaleux » qui « conforte des thèses chères à l’extrême droite [et] prône une hiérarchie absurde entre les « races » ». L’homme en question s’appelle Faouzi Lamdaoui, fidèle parmi les fidèles de François Hollande. Ironie de l’histoire : le reportage a été diffusé dans une émission présentée à l’époque par… Valérie Trierweiler !

De cette période où Manuel Valls joue les francs-tireurs, un hiérarque solférinien conserve un souvenir ému : « Il multiplie les scandales. Il attaque les 35 heures, les délires de la gauche du parti, il estime que Sarko n’a pas tort sur la sécurité et l’immigration… On s’est dit qu’il allait rejoindre le gouvernement », décrypte ce vieux routier du PS, qui voit là la patte de l’ami de près de trente ans du député de l’Essonne : Stéphane Fouks, patron de l’agence Euro RSCG, que Manuel Valls a connu dans les rangs de l’UNEF, puis fréquenté au cabinet du premier ministre Michel Rocard à la fin des années 1980. « Euro RSCG l’a poussé à faire ce qu’ils avaient déjà appris à NKM : une communication de rupture », poursuit ce socialiste. La démarcation érigée en stratégie de communication ? L’intéressé dément et, pour expliquer ses coups d’éclat en série, brandit l’éthique de conviction. « Il fallait être sévère. Quelque chose n’allait pas », persiste aujourd’hui Manuel Valls.

C’EST SOUS LA MANDATURE DE MARTINE AUBRY que l’affrontement avec la tête du parti a atteint son paroxysme. Manuel Valls, qui a soutenu Ségolène Royal jusqu’au bout de la nuit du congrès de Reims, dénonce des bourrages d’urnes massifs en faveur de Martine Aubry, lors de l’élection de la première secrétaire. Et menace de porter l’affaire devant le tribunal correctionnel. Ses écarts de conduite lui vaudront à l’été 2009 une incendiaire missive de la première secrétaire. En substance : le parti, tu l’aimes ou tu le quittes. L’intéressé fera alors la « une » de Libération, sous le titre « Wanted », qu’il a d’ailleurs, pas peu fier, affiché dans son bureau à la mairie d’Evry. « Mes prises de position intéressaient car elles allaient à rebrousse-poil. Elles jetaient de l’huile sur le feu. Je ne le regrette pas. Le PS aurait dû aller plus loin », assume le député de l’Essonne. Alors qu’il faut souvent un GPS pour suivre les évolutions idéologiques de ses amis socialistes, « Manuel », depuis son engagement au PS derrière Michel Rocard, n’a pas changé de ligne. « C’est un des rares à n’avoir jamais dévié : droitier pour toujours », décrypte Jean-Christophe Cambadélis. C’est donc sous le maillot de l’ailier droit, flirtant en permanence avec la limite du hors-jeu, tonitruant quoique exaspérant l’immense majorité de ses camarades, « repéré car radical, mais isolé dans l’appareil du parti », selon un dirigeant socialiste, que ce fan du Barça aborde la grande compétition de la primaire.

Avec Arnaud Montebourg et Benoît Hamon, Pierre Moscovici et Vincent Peillon, il fait partie de la génération des « quadras », qui, pour beaucoup, basculent en fait déjà dans la cinquantaine. Et qui piaffent, enrageant de voir leurs aînés, la génération des anciens ministres de Lionel Jospin, monopoliser encore le devant de la scène. A l’orée de la primaire, Manuel Valls, qui se tâte, est travaillé par les agents de Dominique Strauss-Kahn. Et se range derrière le directeur du Fonds monétaire international. Jusqu’à la vertigineuse et stupéfiante disparition du favori de la présidentielle, le 14 mai 2011 dans la suite 2806 du Sofitel de Times Square.

ALORS QU’IL S’APPRÊTAIT À JOUER LES FIDÈLES DE DSK, comme il l’avait fait pour Ségolène Royal, Manuel Valls se retrouve sans champion, en rase campagne. Et, à 48 ans, se lance dans le grand bain, porté par les exemples Obama, Cameron et autres Zapatero, tous parvenus au sommet avant cet âge. « Quand Dominique Strauss-Kahn est tombé, j’ai décidé d’être candidat, explique-t-il. Mais j’ai vu Hollande pour l’informer que je le soutiendrais au soir du premier tour. Je pensais qu’il allait gagner. Je lui ai dit que ma candidature pouvait lui être utile. » Le maire d’Evry a de la suite dans les idées. Le deal, passé au mois de juin 2011, tiendra la route. « Il n’y a pas eu un mot de ma part contre lui », rappelle Manuel Valls qui, dès le soir du premier tour, sera le premier des éliminés à rallier l’ancien premier secrétaire.

Cette compétition interne, le député de l’Essonne en sort avec une exposition et une visibilité démultipliées. Et la ferme intention de capitaliser. « La primaire m’a donné une légitimité. Elle m’a recentré au coeur du jeu et du dispositif politique », dit-il. Malgré ses modestes 5 %, qui le classent avant-dernier devant le radical de gauche Jean-Michel Baylet, « Manuel », en intégrant le cockpit de l’équipe Hollande, a su, bien davantage que son vis-à-vis sur l’aile gauche Arnaud Montebourg, en faire fructifier les dividendes politiques. « L’idée, plutôt que de se positionner sur une aile, était d’être totalement intégré dans l’équipe de campagne. Pour moi, la primaire était terminée. Ce qu’Arnaud Montebourg n’a pas compris tout de suite », analyset-il. Alors que le héraut de la démondialisation, fort de sa troisième place et de ses 17 %, entreprend de mener une campagne parallèle, créant son propre mouvement politique et jouant l’électron libre, l’ailier droit, lui, s’installe au coeur du réacteur. Ce qui l’oblige à « faire beaucoup de sacrifices », concède un de ses collaborateurs : « Lorsqu’il a fallu monter au créneau contre la TVA sociale, ou quand il s’est trouvé face à Bayrou sur France 2, Manuel a mangé son chapeau, c’est clair. Mais il a décidé au soir de la primaire de se mettre au côté de François, et il s’y tient coûte que coûte. »

Contrairement à d’autres anciens candidats à la primaire qui, lors de leurs interventions aux quatre coins de la France pour soutenir François Hollande, continuent, en réalité, de défendre leur propre programme, Manuel Valls joue les bons petits soldats. Nulle référence à ses propositions sur les quotas d’immigration ou la TVA sociale. Nul écho à ses critiques contre la « douce illusion » du retour à 60 ans de l’âge de la retraite ou des emplois d’avenir. Il va même jusqu’à faire la promotion du contrat de génération, dont il ne pensait pourtant pas le plus grand bien quand François Hollande en vantait les mérites durant la primaire…

JOUER SANS LA MOINDRE AMBIGUÏTÉ LES MISSI DOMINICI DE LA « HOLLANDIE » ne l’empêche pas de penser à son propre avenir. L’enfant terrible de la Rue de Solférino, qui est allé jusqu’à proposer de débaptiser le PS « parce que le mot socialiste ne veut plus rien dire », sait qu’il doit, pour cela, développer ses réseaux. Dépourvu de soutiens militants, contrairement à Arnaud Montebourg, Manuel Valls cultive ses relations avec des élus de sa génération qui partagent ses idées, notamment sa fermeté sur les questions de laïcité et de sécurité. Samedi 24 mars, il était ainsi au côté de Christophe Rouillon, maire de Coulaines et candidat aux législatives dans la 5e circonscription de la Sarthe. L’occasion pour lui de montrer un autre visage, plus détendu et plus rieur que celui qu’il arbore au côté de François Hollande, où sa nervosité extrême – visible notamment aux plaques rouges qui ont envahi son visage durant l’hiver – peut lui faire pousser des coups de gueule homériques. L’occasion de goûter, dans les allées d’une foire aux bestiaux ou d’une fête foraine, sa notoriété récente auprès du grand public. De savourer, en se contentant d’un « peut-être », les « la prochaine fois, vous reviendrez comme ministre » des passants. L’occasion, enfin, de tenter de pousser son avantage dans le complexe champ socialiste. De ce point de vue, venir soutenir Christophe Rouillon est lourd de sens, compte tenu des relations tendues que celui-ci entretient avec Stéphane Le Foll, premier fédéral de la Sarthe. La mine renfrognée du fidèle hollandais, durant la brève conférence de presse organisée par Christophe Rouillon, puis son absence remarquée au banquet républicain, dont l’invité d’honneur était Manuel Valls, en disaient long, ce soir-là, sur la fragilité des liens de circonstance tissés pendant la campagne présidentielle…

Alors, qu’est-ce qui fait courir l’infatigable député de l’Essonne ? Quel maroquin ? Lui prend soin d’évacuer : « Rien. Je me refuse à en parler. Si je commence à penser à l’après et à m’organiser, à calculer, à vouloir plaire pour être sur tel ou tel sujet, je perdrai de mon équilibre et de mon efficacité », nie M. Valls, qui préfère s’abriter derrière un dessein idéologique. « Ce qu’il faudra faire, si nous l’emportons, c’est renouveler la doctrine. Ce qui doit identifier la gauche, c’est le rôle de l’Etat. Et ce rôle doit être réhabilité », assène le seul socialiste à citer plus volontiers Clemenceau que Jaurès. L’ambitieux parlementaire est pourtant obligé d’en convenir : « Il y a des pensées, des ambitions. » Notamment en direction de la Place Beauvau, convoitée aussi par François Rebsamen, le sénateur et maire de Dijon, vieil ami de François Hollande et chargé de la sécurité dans l’équipe de campagne. Entre ces deux-là, la tension monte. Un mardi matin, lors d’une réunion du comité politique, « Rebs » émet des réserves sur la communication du candidat. « Ils sont en train de se battre comme des chiens », s’amuse un dirigeant socialiste.

Manuel Valls, assurément, a le sens du combat. « Je ne suis pas un artiste, moi », explique-t-il en référence à son père, peintre catalan, et à sa femme, chambriste, qui joue aussi avec Julien Clerc, Laurent Voulzy ou Johnny Hallyday.

Pas question de concéder la moindre faiblesse personnelle. Il assure : « Je ne suis pas d’un naturel angoissé. Je peux être tendu, fatigué, et il arrive que mes émotions se ressentent. Ma seule angoisse est celle du résultat. » Et sa hantise, laisser le moindre détail lui échapper.

Voir aussi:

Vous avez aimé Claude Guéant ? Vous adorerez Manuel Valls

Alain Gresh

Nouvelles d’Orient

Les blogs du Diplo

16 mai 2012

Non, Manuel Valls, le nouveau ministre de l’intérieur, ne fera sans doute pas de déclaration sur l’inégalité entre les civilisations. Il ne faudrait donc pas lui faire de procès d’intention. Il faudrait se garder de toute caricature.

Le problème est que Manuel Valls est sa propre caricature, même s’il s’abstiendra, du moins faut-il l’espérer, d’affirmer comme son prédécesseur qu’il y a trop de musulmans en France. C’est tout de même lui qui, se promenant sur un marché de sa bonne ville d’Evry, le 7 juin 2009, interpellait ses collaborateurs : « Belle image de la ville d’Evry… Tu me mets quelques Blancs, quelques White, quelques Blancos ! »

Manuel Valls ne représente pas grand-chose dans son parti : il n’a récolté que 5,7 % des voix lors de la primaire d’octobre 2011. Il est vrai que cet admirateur de Dominique Strauss-Kahn et de Tony Blair aurait sans doute plus sa place au Nouveau centre ou au Modem de François Bayrou, dont il reprend les thèses économiques et sociales. Nicolas Sarkozy avait tenté de le débaucher en 2007 et Martine Aubry lui avait écrit une lettre ouverte en juillet 2009 : « Si les propos que tu exprimes reflètent profondément ta pensée, alors tu dois en tirer pleinement les conséquences et quitter le Parti socialiste. »

Mais Valls a su faire le bon choix : rester au PS tout en combattant tous les principes de la gauche et, finalement, accéder à un poste où il pèsera lourd dans les choix gouvernementaux des prochains mois sur la sécurité, l’immigration, l’islam. Concédons-lui donc le fait qu’il est un habile politicien, mais mettons entre parenthèses l’idée qu’il serait de gauche.

C’est sur le terrain de la sécurité que Valls a voulu se faire un nom, en montrant que la gauche pouvait être aussi répressive, voire plus, que la droite. Il a multiplié les articles et les livres sur le sujet, dont Sécurité, la gauche peut tout changer (Editions du Moment, Paris, 2011). Cet ouvrage rend un hommage appuyé et répété aux forces de l’ordre, sans jamais évoquer les violences policières, les jeunes assassinés dans les quartiers, les procès de policiers qui débouchent toujours sur des non-lieux. En revanche, il est impitoyable avec le terrorisme, ayant été l’un des seuls socialistes à exiger l’extradition de Cesare Battisti. Et aussi avec les délinquants, ces classes dangereuses dont la bourgeoisie a toujours eu peur. Valls ne regrette-t-il pas, dans son livre, que la gauche n’ait pas assez rendu justice à Clemenceau, l’homme qui n’hésitait pas, entre 1906 et 1908, à faire tirer sur les ouvriers au nom, bien sûr, de l’ordre républicain ?

Lors du soulèvement des banlieues de 2005, il a été l’un des trois députés socialistes à ne pas voter contre la prolongation de l’état d’urgence, une décision qui ramenait la France à l’époque de la guerre d’Algérie. En octobre 1961, s’il avait été ministre de l’intérieur, Valls n’aurait certainement pas hésité à faire appliquer l’ordre républicain à tous ces Algériens qui osaient défier le couvre-feu (lire Sylvie Thénault, « L’état d’urgence (1955-2005). De l’Algérie coloniale à la France contemporaine : destin d’une loi »)…

Pour Valls, la violence dans nos villes « augmente de manière constante » depuis plus de trente ans. Il reprend les arguments de son ami Alain Bauer (lire Les marchands de peur. La bande à Bauer et l’idéologie sécuritaire), l’homme qui a imposé à la gauche comme à la droite le thème de l’insécurité — avec l’aide active du Front national et de Jean-Marie et Marine Le Pen. Conseiller de Sarkozy, Bauer est aussi proche de Manuel Valls car, pour lui, la sécurité n’est ni de gauche ni de droite (l’économie non plus, sans doute…). Et personne ne sera trop regardant sur les médecines du docteur Bauer, l’homme qui propage la peur dans les villes et en profite pour leur vendre, à travers sa société AB conseils, et à prix d’or, les remèdes à l’insécurité. Un peu comme si un responsable de l’industrie pharmaceutique établissait les prescriptions pour les malades…

Nous ne reviendrons pas ici sur la critique détaillée de ses théories de la sécurité. Laurent Mucchielli, l’un des meilleurs spécialistes de la question et qui est plusieurs fois cité de manière élogieuse par Valls, a un diagnostic ravageur (« La posture autoritaire et populiste de Manuel Valls », Lemonde.fr, 5 juin 2011). Critiquant Sécurité, la gauche peut tout changer, qui vient alors de sortir, il fait deux remarques :

« La première est que M. Valls n’a pas un niveau de connaissance suffisant des problèmes. Nous l’avons vu, son diagnostic est globalement plutôt superficiel. Ses propos ressemblent étrangement aux discours de certains syndicats de police et parfois même d’un certain café du commerce. La violence explose, les délinquants rajeunissent sans cesse, il n’y a plus de valeurs et plus de limites, la justice ne fait pas son boulot, on les attrape le soir ils sont remis en liberté le lendemain… etc. En cela, M. Valls est proche d’un certain terrain politique : celui des plaintes de ses administrés, des courriers de protestation reçus en mairie, des propos entendus en serrant des mains sur le marché le samedi matin ou encore de ce que lui racontent les policiers municipaux de sa ville. Mais il est totalement éloigné de ce que peut-être le diagnostic global d’un problème de société et l’approche impartiale d’une réalité complexe. Telle est sans doute la condition ordinaire d’un responsable politique de haut niveau, dont on imagine l’agenda très rempli. Mais l’on attendrait alors de lui qu’il ait l’intelligence de comprendre les biais et les limites de sa position pour s’entourer de personnes capables de lui donner le diagnostic de base qui fait ici défaut. Encore faut-il toutefois le vouloir et ne pas se satisfaire de ce niveau superficiel d’analyse, au nom d’une posture volontairement très politique pour ne pas dire politicienne. C’est la deuxième hypothèse. »

Voici donc pour la compétence du nouveau ministre de l’intérieur. Par ailleurs, poursuit Mucchielli :

« C’est bien une posture politique qui irrigue fondamentalement la pensée de Manuel Valls, une posture politicienne même dans la mesure où elle vise manifestement à se distinguer en politique, en particulier vis-à-vis d’autres personnalités du parti socialiste. Cette posture, on la retrouve d’abord dans les pages consacrées à une sorte d’éloge de l’ordre comme “socle des libertés” (p. 58), comme on la retrouve à la fin du livre dans l’éloge de « l’autorité » qui serait aujourd’hui « bafouée » et « attaquée de toutes parts » (p. 156-157). De nouveau, c’est exactement aussi la posture qui traverse toutes les lois votées ces dernières années par ses adversaires politiques. »

Valls n’est pas seulement un défenseur de la sécurité, mais aussi un contempteur du communautarisme et un pseudo-partisan de la laïcité (c’est évidemment tout à fait par hasard que les cibles de ses attaques sont les populations des quartiers populaires).

On ne compte plus les exemples de ces attaques contre un soi-disant communautarisme, c’est-à-dire contre les musulmans, de sa volonté d’interdire à un Franprix de ne vendre que des produits halal — aurait-il interdit des magasins qui ne vendraient que des produits casher ? — à l’affaire de la crèche Baby Loup et au licenciement d’une employée qui portait le foulard. Après l’absurde décision de Nicolas Sarkozy d’interdire à des théologiens musulmans d’intervenir au congrès de l’UOIF, il a fait de la surenchère, non seulement en approuvant la décision mais en écrivant :

« Tariq Ramadan, leader européen de l’Internationale des Frères Musulmans, présenté par ailleurs comme un “intellectuel” muni d’un passeport suisse, doit s’exprimer le week-end prochain à Bagnolet. Il propagera les mêmes idées extrémistes que ceux qui ont déjà été interdits de territoire français. » Quelques jours plus tard, le candidat Nicolas Sarkozy à son tour, mettait en doute les qualités d’intellectuel de Tariq Ramadan. Quant à ces déclarations sur les idées « extrémistes » défendues par Ramadan, il devrait plutôt lire ses textes et écouter ses interventions.

On ne peut s’étonner alors que Manuel Valls fasse l’éloge du dernier livre de Hugues Lagrange, qui met en avant l’origine culturelle des immigrés pour expliquer les difficultés de l’intégration — rappelons que le même argument culturel était avancé pour expliquer les difficultés des immigrés juifs d’Europe centrale, italiens ou portugais à s’intégrer dans les années 1930, 1940 ou 1950 (lire Gérard Mauger, « Eternel retour des bandes de jeunes », Le Monde diplomatique, mai 2011). Aucune idée de droite n’est vraiment étrangère à M. Valls.

Une dernière question : Manuel Valls est aussi signataire d’un appel indigne appelant à poursuivre les militants qui prônent le boycott des produits israéliens. Parmi eux, Stéphane Hessel ou Alima Boumediene. Que fera le ministre de l’intérieur, alors que plusieurs de ces militants ont été relaxés par la justice, mais que certains restent poursuivis ?

Ajout 17 mai. Voici comment le pourfendeur du communautarisme parle :

« Par ma femme, je suis lié de manière éternelle à la communauté juive et à Israël » (vidéo). Imaginons un responsable français ayant épousé une femme d’origine algérienne ou marocaine et disant « Par ma femme, je suis lié de manière éternelle à la communauté musulmane et à l’Algérie (ou au Maroc). »

 Voir encore:

Exemplarité

Charte de déontologie : Hollande a (presque) tout piqué à Fillon

François Krug

Rue89

18/05/2012

Mesure par mesure, Rue89 a fait la comparaison : le nouveau gouvernement reprend les engagements… du précédent.

Fini, les conflits d’intérêts, les vacances au soleil chez des dictateurs, les motards qui renversent des piétons ou les voyages en avion non justifiés !

Ce jeudi, pour le premier conseil des ministres, François Hollande a accueilli ses ministres avec une charte déontologique à signer illico. Un texte très contraignant, au point qu’un des signataires confie à Libération :

« On a senti un blanc dans l’assistance […]. Je me demande, du coup, si tout le monde a signé. »

Si cette charte devait marquer les esprits – et les médias –, c’est réussi. Si elle devait marquer un tournant, ça l’est moins : pour l’essentiel, elle reprend des contraintes déjà imposées à ses ministres par François Fillon.

Dès l’entrée en fonction de son gouvernement, en mai 2007, le Premier ministre de Nicolas Sarkozy avait fixé les règles du jeu dans une série de circulaires – d’obscurs textes administratifs qui n’ont pas l’impact symbolique d’une charte…

Rue89 a passé en revue les principales règles de la charte.

1

Conflits d’intérêts

« [Les ministres] remplissent et signent une déclaration d’intérêts lors de leur entrée en fonctions, déclaration qui est rendue publique, à l’exception des informations concernant des tiers. »

La loi impose déjà aux ministres de déclarer leur patrimoine à la Commission pour la transparence financière de la vie politique, en deux fois : lorsqu’ils prennent leurs fonctions et lorsqu’ils les quittent. Ces déclarations restent confidentielles.

Pourtant, en imposant une « déclaration d’intérêts » et en la rendant publique, François Hollande et Jean-Marc Ayrault ne font que reprendre une mesure de François Fillon.

En mars 2011, le Premier ministre écrivait à ses ministres pour leur imposer cette déclaration, portant notamment sur leurs investissements personnels. Un mois plus tard, chaque ministère présentait le document sur son site.

Comme l’avait déjà noté Rue89 à l’époque, ces déclarations marquaient un progrès, mais laissaient à désirer. Notamment parce qu’elles laissaient chaque ministre libre de déclarer – ou non – les intérêts de ses proches. Une lacune que la charte du gouvernement Ayrault ne comble pas.

2

Gestion du patrimoine personnel

« [Les ministres] confient la gestion de leur patrimoine mobilier à un intermédiaire agréé, sur la base d’un mandat garantissant qu’ils ne pourront intervenir directement dans cette gestion. »

Les ministres ne pourront donc pas être suspectés d’agir de manière à augmenter le rendement de leurs placements, actions, assurances-vie.

Une précaution louable… et déjà prise par François Fillon dans une circulaire du 18 mai 2007, dès l’entrée en fonctions de son premier gouvernement.

Le Premier ministre indiquait à ses ministres :

« Vous voudrez bien confier à un intermédiaire agréé un mandat de gestion du patrimoine ainsi défini […].

Ce mandat devra vous interdire de donner, même verbalement, un ordre au gérant, sauf pour vendre, pour un montant que vous fixerez, une partie, qu’il choisira, du portefeuille détenu. »

3

Invitations et voyages

« Les membres du gouvernement s’abstiennent de donner suite à toute invitation pour un séjour privé qui émanerait d’un gouvernement étranger ou de personnes physiques ou morales dont l’activité est en relation avec leur département ministériel. »

Difficile, ici, de ne pas penser à la baignade de Jean-François Copé dans la piscine de Ziad Takieddine ou aux vacances de Michèle Alliot-Marie en Tunisie facilitées par le clan Ben Ali…

Cette dernière affaire avait contraint MAM, ministre des Affaires étrangères, à démissionner – et François Fillon, Premier ministre, à livrer une justification peu convaincante : selon lui, la ministre n’avait « pas commis de faute au sens moral en utilisant un avion d’un ami de longue date […] ».

Désormais, « faute au sens moral » ou pas, de telles vacances seront officiellement contraires à la déontologie. Sur ce point, le nouveau gouvernement clarifie les choses.

4

Cadeaux

« [Les ministres] remettent au service des domaines, soit immédiatement, soit à l’issue de leurs fonctions, les cadeaux d’une valeur supérieure à 150 euros. »

Encore une décision louable… et qui n’a rien de nouveau. Le 18 mai 2007, une des circulaires destinées à encadrer les pratiques des ministres était justement consacrée aux cadeaux.

François Fillon rappelait à ses ministres que ces cadeaux leur étaient remis uniquement parce qu’ils représentaient l’Etat, et qu’ils n’en étaient donc pas propriétaires. Cette circulaire n’évoquait pas le seuil des 150 euros, au-dessous duquel un cadeau est considéré comme une simple babiole.

Mais ce seuil était une des suggestions du rapport sur la « déontologie de la vie publique », remis à François Fillon en janvier 2011. Et il est déjà entré dans les moeurs.

La semaine dernière, un ministre sortant a ainsi accueilli Rue89 dans son bureau, au milieu de ses cartons, une assiette assez kitsch dans les bras :

« Je ne sais plus qui m’avait offert ça, vous croyez que ça vaut plus de 150 euros ? Sinon, je l’offre à mes collaborateurs… »

5

Activités extérieures

« [Les ministres] renoncent à toute participation à un organisme, même à but non lucratif, dont l’activité intéresse leur ministère. »

Cette interdiction est déjà prévue par la Constitution elle-même, dont l’article 23 interdit notamment aux ministres l’exercice de « tout emploi public ou de toute activité professionnelle ».

Et le 18 mai 2007, à l’entrée en fonction de son gouvernement, François Fillon avait décidément été très productif. Une autre de ses circulaires évoquait en effet les « incompatibilités entre les fonctions de membre du gouvernement et certaines activités professionnelles ».

Le Premier ministre de l’époque y rappelait l’article 23, et dressait la liste des fonctions sur lesquelles pouvaient planer un doute – par exemple, la présidence d’un organisme HLM par un maire également membre du gouvernement. Il recommandait à ses ministres d’abandonner ces fonctions.

6

Pistons et coups de pouce

« Ils s’abstiennent absolument de toute intervention concernant la situation d’un membre de leur famille ou d’un proche. »

La loi proscrit déjà, évidemment, ce genre d’interventions. Rappelons, par exemple, que la Cour de justice de la République s’intéresse à la vente de l’hippodrome de Compiègne par Eric Woerth, l’ancien ministre du Budget.

7

Cumul des mandats

« Les membres du gouvernement consacrent tout leur temps à l’exercice de leurs fonctions ministérielles. Ils doivent, de ce fait, renoncer aux mandats exécutifs locaux qu’ils peuvent détenir. »

C’est la principale innovation, mais ce n’est pas une surprise : le candidat François Hollande s’était en effet engagé à mettre fin au cumul des mandats. Jean-Marc Ayrault va abandonner la mairie de Nantes, ou Arnaud Montebourg, la présidence du conseil général de Saône-et-Loire.

Ce n’est qu’une première étape. Contrairement à Nicolas Sarkozy, François Hollande s’est aussi engagé à interdire le cumul des mandats aux parlementaires. Cette fois-ci, une charte ne suffira pas : il faudra modifier la loi.

8

Prise en charge des dépenses

« Les moyens mis à la disposition des ministres sont réservés à l’accomplissement de leur mission. Seules les dépenses directement liées à l’exercice des fonctions sont prises en charge par l’Etat. »

Comme l’interdiction de toute intervention en faveur d’un proche, cette règle est à classer dans la catégorie, au choix, « enfonçage de porte ouverte » ou « ça va mieux en le disant »…

D’ailleurs, François Fillon l’avait également rappelée à ses ministres, dans une autre de ses circulaires du 18 mai 2007, consacrée aux « dépenses susceptibles d’être prises en charge par l’Etat ». Il expliquait notamment :

« Les dépenses à caractère personnel ou familial (réceptions privées, repas personnels et familiaux, habillement personnel…) ne peuvent être prises en charge par l’Etat. »

Cela n’avait, certes, pas empêché Christian Blanc, par exemple, d’acheter des cigares aux frais de son secrétariat d’Etat…

9

Train plutôt qu’avion

« Les membres du gouvernement privilégient le train pour les déplacements d’une durée inférieure à trois heures. »

Le candidat Hollande s’était déjà engagé, en fin de campagne, à privilégier le train une fois élu. Ses ministres devront donc suivre son exemple.

Le 31 mars 2010, le directeur de cabinet de François Fillon avait justement envoyé aux « dir cab » de tous les ministres une note sur « l’utilisation des moyens aériens pour le déplacement des membres du gouvernement » :

« Le recours aux lignes ferroviaires et aux lignes aériennes régulières doit être privilégiée. Force est de constater que cette exigence est trop souvent perdue de vue. »

Cette note s’intéressait davantage à l’avion qu’au train : elle faisait suite à une série de polémiques sur les déplacements de ministres en jets privés. Et en fixant un seuil en-dessous duquel le train doit être privilégié – trois heures de voyage –, le nouveau gouvernement clarifie une bonne fois pour toutes les choses.

10

Motards et code de la route

« Sauf contrainte particulière justifiant une escorte motocycliste, leurs déplacements en automobile se font dans la discrétion et le respect des règles du code de la route. »

En janvier, un motard escortant la voiture de Nadine Morano avait percuté un piéton. La ministre de l’Apprentissage et de la Formation professionnelle filait à grande vitesse vers l’aéroport de Villacoublay.

Le 18 mai 2007 – toujours –, François Fillon avait pourtant adressé à ses ministres une circulaire sur les « escortes motocyclistes ». Extrait :

« Les déplacements en véhicule automobile des membres du gouvernement doivent revêtir un caractère exemplaire.

Ces déplacements doivent s’effectuer dans le strict respect des règles du code de la route, sans utilisation d’un gyrophare ou d’un avertisseur sonore spécial.

De façon tout à fait exceptionnelle, et seulement lorsqu’une urgence caractérisée et directement liée à vos fonctions ministérielles le justifie, une escorte motocycliste pourra être autorisée. Le recours à ces escortes doit demeurer exceptionnel. »

11

Ce qui manque encore

Les nombreuses affaires ayant marqué le quinquennat l’ont démontré. Imposer des règles, c’est bien. Faire en sorte qu’elles soient respectées, c’est mieux.

Comme les nombreuses circulaires de François Fillon, la charte du gouvernement Ayrault n’évoque aucune sanction en cas de violation des règles. Elle doit seulement, explique le texte, « guider le comportement » des ministres.

Mais au cours de sa campagne, François Hollande a promis une grande loi de moralisation de la vie politique. Un chantier que le gouvernement Fillon a abandonné : il avait bien préparé un projet de loi sur la question, mais faute de temps – et de volonté politique –, le texte n’avait pas été soumis au Parlement.

C’est donc à l’usage qu’on saura si cette charte est plus qu’un symbole, et si la République exemplaire annoncée par François Hollande vaut mieux que celle qu’on nous promettait en 2007.

Voir enfin:

Top 10 des casseroles et gaffes du gouvernement Ayrault

Héros de la « République exemplaire » pendant la campagne, favorable à une loi sur la « moralisation de la vie politique », François Hollande s’est malgré tout entouré d’une équipe de ministres et de secrétaires d’Etat qui trainent casseroles, boulettes et autres gaffes. Top 10.

 Pierre Bohm

Metro

17-05-2012

1/ Jean-Marc Ayrault, le cumulard condamné :

A tout seigneur, tout honneur. Le Premier des ministres, Jean-Marc Ayrault, est le roi du cumul des mandats. Respirez un grand coup et lisez plutôt : Premier ministre, maire de Nantes, président de Nantes Métropole, député de la 3e circonscription de Loire-Atlantique, président du groupe Socialiste, radical, citoyen et divers gauche à l’Assemblée nationale française. Ouf. Épinglé par Le Monde sur le sujet, il avait déclaré « assumer pleinement » même s’il reconnaissait que la limitation du cumul des mandats allait « dans le sens de l’histoire ».

Autre casserole, que la droite s’était empressée d’exploiter quand le nom de Jean-Marc Ayrault a été évoqué pour le poste de Premier ministre, sa condamnation en 1997 à six mois de prison avec sursis et 30 000 francs (4 600 euros) d’amende, pour des faits de favoritisme dans l’attribution d’un marché public. « Ma probité personnelle n’a jamais été mise en cause. Il n’a jamais été question d’enrichissement personnel ou de financement politique »(…) « C’est une affaire qui ne me concernait pas intuitu personae, mais que j’ai assumée en tant que maire », a déclaré le principal interessé. Et de conclure : « C’était il y a quinze ans. Je n’ai jamais rien caché, surtout pas aux Nantais, qui m’ont depuis réélu deux fois. » Aucun appel n’en ayant été fait, la réhabilitation est effective dix ans plus tard, en 2007.

2/ Delphine Batho et son loyer modéré

108 m2 pour 1 524 euros par mois à Paris. Soit, très en dessous des prix du marché. Ce prix comprend un surloyer censé équilibrer la situation. Selon la député PS à l’indemnité mensuelle de 7 000 € brut, elle n’habite pas dans un logement social mais dans un « logement intermédiaire pour les salariés de catégorie moyenne, comme le système du 1% patronal ». Pour cette raison, la nouvelle ministre déléguée a la Justice, a toujours refusé de quitter ce logement au loyer très avantageux.

3/ Manuel Valls et le manque de « white » à Evry

En juin 2009, Manuel Valls n’est pas encore ministre de l’intérieur mais maire d’Evry en banlieue parisienne. Il se balade sur une brocante de sa ville avec Christian Gravel, son directeur de cabinet et directeur de la communication à la mairie : « Belle image de la ville d’Evry… Tu me mets quelques blancs, quelques whites, quelques blancos », déclare t-il. Avant d’expliquer sa phrase ambigüe à une journaliste politique qui paraît tout à fait « normale » :

4/ Arnaud Montebourg et le principal défaut de Ségolène Royal

En 2007, Arnaud Montebourg est porte-parole de Ségolène Royal, candidate à l’élection présidentielle. Quand Ariane Massenet lui demande quel est le principal défaut de sa candidate il répond : « Ségolène Royal n’a qu’un seul défaut, c’est son compagnon ». A l’époque François Hollande, premier secrétaire du PS. Il y a fort à parier que depuis que celui-ci l’a nommé ministre du Redressement productif, il lui trouve au moins quelques qualités.

5/ Pierre Moscovici et le droit à l’image ou l’histoire de l’arroseur arrosé :

« Pierre Moscovici a décidé d’entamer une procédure judiciaire à l’encontre des magazines Voici et Elle, suite à la publication d’articles et de clichés portant gravement atteinte à l’intimité de sa vie privée et à son droit à l’image dans les parutions de ce week-end », déclarait son avocate en juillet 2011 après que ces magazines ont publié des photos le montrant avec sa compagne. Ironie de l’histoire, Pierre Moscovici, aujourd’hui ministre de l’Économie et des Finances, a lui même été condamné en décembre 2001, pour atteinte au droit à l’image à une amende de 1 220 euros. Lors de la campagne pour les municipales dans sa ville de Montbéliard, il est attaqué par un employé municipal qui lui reproche d’avoir utilisé son image sur une brochure de campagne sans son accord.

6/ Cécile Duflot, une écolo qui prend le train, surtout quand elle est filmée :

En janvier 2010, Cécile Duflot prend le train pour aller au sommet de Copenhague sur le climat. Elle se vante devant les caméras qui l’accompagnent : « Vous ne me verrez jamais dans un avion lorsqu’il m’est possible de prendre le train. » Un voyage de 15 heures bon pour la planète. Problème, pour le voyage retour elle avait décidé de prendre l’avion, sans caméra cette fois-ci. En effet, la nouvelle ministre de l’Égalité des territoires et du Logement, devait parler au journal de 13h de France 2 le même jour. Et avait donc préféré l’avion alors qu’un train partant le matin de Copenhague l’aurait déposée le soir à Paris. Entre écologie et présence médiatique, il faut parfois choisir…

7/ Christiane Taubira condamnée pour licenciement injustifié :

En septembre 20045, Christiane Taubira, nouvelle ministre de la Justice, est condamnée par le conseil des prud’hommes de Paris pour « licenciement injustifié » et « rupture de CDD abusive ». Alors députée de Guyane, elle avait été attaquée par son attachée parlementaire entre octobre 2002 et avril 2003. Ses deux CDD avaient été requalifiés en CDI. Christiane Taubira avait dû verser 5 300 euros à son ex-attachée parlementaire.

8/ Valérie Fourneyron préfère Roland Garros aux questions au gouvernement

L’affaire, racontée par le Petit Journal, pourrait se résumer ainsi : la député-maire de Rouen défend le monopole à l’Assemblée Nationale de la Française des Jeux lors des discussions sur l’ouverture à la concurrence des jeux d’argent et de hasard en ligne en 2009. Elle dépose ou co-dépose 310 amendements en ce sens. Ascenseur renvoyé quand elle est surprise dans une loge de… la Française des Jeux à Roland Garros alors que se tient à l’Assemblée les questions au gouvernement. Un bel échange de fond de court.

9/ Jérome Cahuzac vote le plan d’austérité du gouvernement Fillon

Le nouveau ministre délégué chargé du Budget a commis une boulette en votant le plan d’austérité du gouvernement Fillon en septembre 2011. Mieux, à cause de lui, le député de Corrèze François Hollande, qui lui avait confié sa procuration, a aussi voté pour. « Une erreur » selon Cahuzac. Une erreur d’autant plus voyante qu’à part le gaffeur, tout le groupe socialiste avait voté « contre ».

10/ Yamina Benguigui, championne de l’absentéisme

L’adjointe au maire de Paris chargée de la lutte contre les discriminations est réputée pour son absentéisme. En mai 2010, un papier du Monde.fr notait qu’en 44 séances, l’adjointe avait été absente 10 fois. Elle était alors qualifiée par le « journal de référence » de « championne de l’absentéisme ».

Taubira condamnée pour licenciement injustifié


Médias: Attention, une censure peut en cacher une autre (Who needs violence or threats when you’ve got self-censorship or libel courts?)

19 Mai, 2012
C’est une attaque contre la démocratie et non contre ma personne. Edwy Plenel
Nous avons commis une terrible erreur, un texte malencontreux sur l’une de nos photos du jour du 18 avril dernier (à gauche), mal traduit de la légende, tout ce qu’il y a de plus circonstanciée, elle, que nous avait fournie l’AFP*: sur la « reconstitution », dans un camp de réfugiés au Liban, de l’arrestation par de faux militaires israéliens d’un Palestinien, nous avons omis d’indiquer qu’il s’agissait d’une mise en scène, que ces « soldats » jouaient un rôle et que tout ça relevait de la pure et simple propagande. C’est une faute – qu’atténuent à peine la précipitation et la mauvaise relecture qui l’ont provoquée. C’en serait une dans tous les cas, ça l’est plus encore dans celui-là: laisser planer la moindre ambiguïté sur un sujet aussi sensible, quand on sait que les images peuvent être utilisées comme des armes de guerre, donner du crédit à un stratagème aussi grossier, qui peut contribuer à alimenter l’exaspération antisioniste là où elle s’enflamme sans besoin de combustible, n’appelle aucun excuse. Nous avons déconné, gravement. J’ai déconné, gravement: je suis responsable du site de L’Express, et donc du dérapage. A ce titre, je fais amende honorable, la queue basse, auprès des internautes qui ont été abusés, de tous ceux que cette supercherie a pu blesser et de l’AFP, qui n’est EN AUCUN CAS comptable de nos propres bêtises. Eric Mettout (L’Express)
LEBANON, AIN EL-HELWEH: Palestinian refugees pose as Israeli soldiers arresting and beating a Palestinian activist during celebrations of Prisoners’ Day at the refugee camp of Ain el-Helweh near the coastal Lebanese city of Sidon on April 17, 2012 in solidarity with the 4,700 Palestinian inmates of Israeli jails. Some 1,200 Palestinian prisoners held in Israeli jails have begun a hunger strike and another 2,300 are refusing food for one day, a spokeswoman for the Israel Prisons Service (IPS) said. Légende AFP
Belle carrière politique que celle de Najat Vallaud-Belkacem, née au Maroc en 1977. Elle était déjà porte-parole de Ségolène Royal durant la campagne de l’élection présidentielle de 2007. Moins connue est sa double carrière politique simultanée, l’une en France et l’autre au Maroc. Depuis décembre 2007, elle fait partie des 37 membres du Conseil de la communauté marocaine à l’étranger (CCME) directement nommés par le roi Mohammed VI. Une Information confirmée par l’ambassade du Maroc en France, ainsi que par le site du CCME. Najat Belkacem assume totalement cette double allégeance politique et bi-nationale dans une interview à Bladi.net, où elle expliquait que ce conseil «s’exprimera d’abord sur les sujets dont [il] sera saisie par Sa Majesté en faisant valoir un point de vue de Marocains de l’étranger, et pour ce qui me concerne de Franco-Marocaine engagée dans la vie politique française». Alors que la thématique de l’immigration focalise le débat en France, on comprendra que la jeune pousse socialiste devenue porte-parole de François Hollande soit désormais si discrète sur le sujet… Slate
Le faible écart avec M. Hollande montre que la France n’est pas de gauche. Celle-ci ne peut gagner que par effraction : Chirac a fait perdre Giscard en 1981 ; la dissolution a fait perdre la droite en 1997 ; aujourd’hui, la gauche a gagné du fait de la crise. Une victoire de M. Sarkozy aurait été meilleure pour l’économie française, mais elle aurait suscité une immense aigreur à gauche. Pour la société française, peut-être fallait-il l’alternance. (…) Quand, au mois de janvier, M. Sarkozy fait la campagne que j’aime – sur le rattrapage de l’Allemagne, la compétitivité, la TVA sociale -, il ne gagne pas 1 point. Quand il fait la campagne « buissonnière », il en gagne 5 à 6. Cela me désole, mais cela en dit long sur la France. Le diagnostic de M. Buisson n’est pas complètement faux. Le candidat PS a fait la même chose en se gauchisant au fur et à mesure : la taxation à 75 %, ce n’est pas le Hollande de la primaire PS. Alain Minc
Célébrer l’histoire du communisme ou de la Terreur, c’est tout de même bien plus tolérant que de refuser l’entrée du territoire à un étranger qui ne s’est pas conformé à la loi. Théophane Le Méné
It is an irony of fate that the most serious recent setback to freedom of speech in the West occurred in the same year when the fall of the Berlin Wall – soon followed by that of the Iron Curtain – liberated the Eastern half of Europe after decades of totalitarianism. Salman Rushdie’s The Satanic Verses was published in 1988 and Ayatollah Khomeini issued a fatwa calling for Rushdie’s death in 1989. This call for murder as a punishment for blasphemy was unprecedented because even though Rushdie was born to an Indian Muslim family, he was a Cambridge-educated British citizen living in London, meaning that the harsh Qu’ranic blasphemy laws, still valid in stronger or weaker versions in many Muslim-majority countries, were for the first time applied globally, with nothing less than death as the punishment for violating them. The Rushdie affair, which Cohen calls ‘the Dreyfus affair of our time’, ‘redrew the boundaries of the free world’, or rather, it dissolved the borders that had framed and protected a zone where the right to have free, playful and provocative discussions about any issue had become self-evident. The fatwa ‘ensured that London, New York, Paris, Copenhagen and Amsterdam could no longer be places of safety for writers tackling religious themes’. It was not just Rushdie who was threatened. Cohen gives a good overview of the reactions of publishers, book sellers and translators to the threats they, too, had received. (…) In twenty years, violence and threats on the one hand, and misplaced attempts at respect on the other, have had a profound effect. When the American author Sherry Jones wrote an innocent novel about the life of Muhammad’s favourite wife, it took just a hint from an American academic that it could possibly ‘be offensive to some in the Muslim community’ and ‘incite acts of violence by a small, radical segment’ for Random House to cancel the contract and pull the book. Violence or threats are no longer needed: we have learned to censor ourselves. Paintings are removed from exhibitions and plays are cancelled as soon as someone hints that they could ‘offend’ someone. Self-censorship does not mean so much that existing books get banned as that possibly provocative books remain unwritten. Since the fatwa, Cohen writes, Western culture has changed: “No young artist of Rushdie’s range and gifts would dare write a modern version of The Satanic Verses today, and if he or she did, no editor would dare publish it.” A quite different form of censorship is the one that has brought dubious international fame particularly to England – it threatens those who break the rules not with physical violence, but with unbearable financial losses. English libel courts are well known for making writers pay for smearing someone’s good name, regardless of whether what they write is factually true or not, and even whether they end up winning or losing their cases in court. Even though this method of pressure is different, its end result is the same: preventive self-censorship. Knowing that they can always be outdone by rich claimants, individual writers and smaller papers prefer not to write about certain persons and topics. This modern form of censorship also has a global reach: the British courts have protected, among others, Saudi sheiks and Ukrainian oligarchs from uncomfortable revelations or critical remarks. To sue writers for ‘smearing their name’, it is enough that the material, even if published abroad, is available in Britain. In the era of the Internet and global markets, this could include virtually anything. Iivi Anna Masso
Ben Laden s’inquiète que ses ennemis «ont très largement cessé d’utiliser l’expression de “guerre contre le terrorisme” afin d’éviter de provoquer les musulmans, car ils considèrent que cette expression apparaît, aux yeux de la plupart, comme une guerre contre l’Islam, particulièrement depuis qu’ils ont fait couler le sang de Musulmans innocents en Irak et en Afghanistan.» Et voilà donc la confirmation de la critique formulée par de nombreux Démocrates (et spécialistes des questions internationales) à l’égard de l’approche des Républicains relative à la guerre contre le terrorisme de la décennie passée –car leurs phrases-totems («Islamo-fascisme», «Islamo-terrorisme» et même «Guerre contre le terrorisme») ont servi al-Qaïda, donnant encore plus de poids au cri de ralliement lancé par Ben Laden et ses fidèles, affirmant que l’Amérique fait la guerre à l’Islam. Il faut tout de même porter au crédit du président Bush qu’il a fait quelques efforts pour faire taire cette critique, affirmant lors de plusieurs discours qu’al-Qaïda était une perversion, et pas un reflet, de l’Islam. Mais il a également utilisé tout un vocabulaire à base d’Islamo-quelque chose qui –nous le savons à présent, ravissait Ben Laden. Et les activistes républicains qui ont le plus fidèlement vanté son bilan dans cette guerre contre le terrorisme – Dick Cheney, Newt Gringrich, John Bolton, Rudoph Giuliani, pour n’en citer que quelques-uns – ont souvent montré du doigt ceux qui refusaient d’utiliser les termes «Islam» ou «Islamiste» pour caractériser ce terrorisme de l’après 11-Septembre. Leur argument consistait à dire que ceux qui refusaient d’utiliser ces mots étaient victimes du politiquement correct. Mais les lettres de Ben Laden suggèrent qu’ils s’adonnaient, en fait, au correctement politique. Ben Laden désirait que l’Occident fasse un lien entre l’Islam et al-Qaïda, car ce faisant, l’Occident donnait un certain poids à l’un de ses arguments: non seulement l’Occident menait une guerre contre l’Islam (et l’Occident devait donc être combattu) mais que l’Islam et al-Qaïda ne faisaient qu’un (et que les Musulmans devaient donc rejoindre al-Qaïda). En entrant à la Maison blanche, Obama souhaitait le plus possible isoler l’un de l’autre. Plusieurs personnes (…) tiré des fusées d’alarme lorsqu’il abandonna cette expression de «guerre contre le terrorisme.» Cheney déclara notamment qu’Obama n’avait pas la bonne «tournure d’esprit» pour faire face aux menaces d’un monde dangereux (même après qu’Obama ait triplé le nombre des drones frappant des cibles d’al-Qaïda au Pakistan). Nous voyons aujourd’hui qu’Obama avait vu juste et que Ben Laden fut horrifié par ce changement de politique. Ben Laden avait parfaitement compris que ce virage rhétorique nuisait à sa stratégie de diffusion du message d’al-Qaïda à travers le monde musulman, une stratégie que Cheney avait approuvée sans relâche durant ses huit années de vice-président (dont six au cours desquels il fut, de fait, le responsable de la politique étrangère américaine) (…) Ben Laden a accueilli la rhétorique et la politique de Bush avec joie, car elles permettaient de gonfler ses effectifs; il craignait que celles d’Obama ne les diminuent. Sur ce dernier point, au moins, il ne se trompait pas. Fred Kaplan
Avec Jean Luc Mélenchon, c’est le style brutal qui ressurgit en politique, un style qui avait disparu en Europe depuis la deuxième guerre mondiale et qui, aujourd’hui trouve à s’exprimer dans un discours qui appelle à « prendre le pouvoir » et à prôner la violence envers « les riches », un discours qui, joignant le geste à la parole, fait de l’occupation de la rue la répétition d’on ne sait quelle prise de la Bastille à venir. Mélenchon promet tout et joue avec l’inquiétude sociale et économique. Comme tout leader prophétique, il accomplira des miracles, si vous prenez le pouvoir. Son clip de campagne commence sur une musique messianique annonçant la frénésie des lendemains qui chantent. Son charisme est foudroyant au vu de sa popularité mais aussi l’indulgence des commentateurs politiques, au fond séduits et émerveillés, et qui ne soufflent mot de l’inanité de son programme politique et économique. On ne peut s’empêcher de contraster cette indulgence – dont bénéficie aussi le pathétique Poutou – avec l’acrimonie rituelle envers certains candidats, dont Marine Le Pen est la figure principale. S’ils étaient conséquents avec eux-mêmes, ils devraient mettre en demeure Hollande de ne passer aucun accord avec ce « populisme » qui est, comme on le voit « politiquement correct », ce qu’explique sans doute un reste de la nostalgie de l’idéologie soixante-huitarde… Marine Le Pen ne se trompe pas quand elle prétend être le centre de gravité de la campagne sauf qu’elle enfonce une porte ouverte car c’est bien le cas depuis 20 ans, depuis que Mitterrand a créé de toutes pièces Le Pen comme un épouvantail autour duquel toute la vie politique française allait se structurer. Néanmoins, elle ne dit qu’une demi-vérité car on peut voir dans le phénomène Mélenchon une métastase du lepénisme, un lepénisme d’extrême gauche. N’a-t-il pas récupéré l’électorat populaire que Jean Marie Le Pen avait ravi à un PC en décomposition ? Son inimitié violente avec le FN en dit long sur la concurrence des deux « populismes » qui sévissent désormais en France et annoncent des lendemains qui déchantent pour la paix sociale. Ce développement pourrait bien être en effet le produit incontrôlé de la réforme imposée à son parti par la présidente du FN, dans sa quête d’une respectabilité et d’une légitimité républicaines. Shmuel Trigano
Il me semble qu’il faut voir dans cette prégnance des procès intellectuels l’effet « d’épidémie de politiquement correct », au sens exact de l’expression, c’est-à-dire considérer comme répréhensible de donner une mauvaise image d’une communauté minoritaire, marginale, ou longtemps opprimée. Mais également l’effet du « respect universel », ce phénomène nouveau qui fait que tout est respectable, que toute différence est bonne en soi, que tout espèce de choix, de singularité, d’individualité, est bonne en soi. (…) Il en résulte une situation pour l’écrivain où rien ne lui est fondamentalement interdit ; il est plutôt recommandé de transgresser, de tout dire c’est sa liberté. (…) Ce « scandale » ou cet « interdit artificiellement mis en place et rituellement transgressé permet à la littérature de se donner l’illusion de rapport à la réalité. On est en face d’œuvres dépourvues de travail de la langue et de travail artistique mais qu’on agrémente de certains dispositifs qui vont créer du langage, qui vont créer un évènement. Et le journaliste littéraire, quelque soit la qualité de l’œuvre proposée va en parler dès lors où il considère que c’est un évènement, donc qu’il est de son devoir de journaliste d’en parler et que « l’évènement » dira-t-il « interroge notre société ». La boucle est bouclée. Vous créez un évènement, cet évènement représente la réalité et donc il est de notre devoir à nous journalistes d’en parler. On dit qu’il se créé des bulles économiques, il se créé des bulles littéraires ! Une espèce de bulle de fausse réalité qui sont des bulles de langage journalistique où le faux interdit devient, pour la littérature, une sorte d’assistance respiratoire qui donne à l’écrivain l’impression qu’il existe encore, que la littérature attaque la réalité. Par ailleurs, cette bulle confère à « l’intellectuel qui dénonce » une légitimité. Beaucoup d’intellectuels sont désespérément à la recherche de leur « affaire Dreyfus ». Ils voudraient bien être Zola donc ils la traquent partout leur affaire Dreyfus. « On attaque un juif, on attaque un juif, on attaque un juif, je pourrais être Zola, je vais pouvoir publier J’ACCUSE ». (…)  Jusqu’à présent nous nous représentons, écrivains et journalistes, luttant pour leur liberté contre les interdits de la morale et du pouvoir. Nous en sommes encore là : la liberté de la presse contre le pouvoir. En réalité, les interdits, et la censure dans le champ littéraire touchent les artistes et les créateurs mais le vrai pouvoir contemporain est le pouvoir médiatique. (…) En gros, le discernement est devenu impossible dans la production artistique et littéraire contemporaine. Dès lors que certains se sont risqué à dire: « bon.. ça c’est bien et ça ça l’est moins, et vous allez penser que je caricature mais je ne caricature pas » on les a immédiatement traité de « réactionnaire », terme le plus courant, « populiste » est assez pratique parce que ça veut dire un certain nombre de choses sans les dire directement, ca veut dire de « nazi ». (…) Cela me semble typique de la pensée soviétique : les journaux sont absolument convaincus d’incarner la liberté, la pensée vraie, la pensée juste. Cette censure-là, qui à mon sens, est la censure réelle est d’autant plus efficace qu’elle est invisible. Si vous faites un procès c’est visible ça fait du bruit. Si vous ne parlez pas, personne ne le saura. Et c’est même plus subtil que ça: si vous parvenez à publier et à exister, c’est mon cas, on vous dit deux choses possibles :«Vous n’êtes pas censuré puisque vous publiez ! ». « Vous êtes comme les autres, vous êtes intégré au système puisque vous publiez, donc comment pouvez-vous être critique ? »(…) Je crois que la tendance est au renversement de la situation par rapport au XIXe siècle. On avait d’un côté le pouvoir politique, de l’autre la liberté de la presse et des écrivains. Je crois de plus en plus que ce paradigme-là se modifie en pouvoir médiatique contre liberté critique. Le mythe de l’interdit servant à masquer ce renversement – bien qu’il s’appuie sur quelques réalités, de sorte qu’on se trouve dans un champ littéraire qui pratique d’un côté des provocations sans contenu, des rebellions de confort, des protestations rituelles ; avec ce qui manque par-dessus-tout une absence de critique. Le véritable interdit, je crois que c’est la mainmise de l’industrie médiatique sur nos représentations, en ce sens, c’est la littérature qui est une lutte pour la complexité. Pierre Jourde

Attention: une censure peut en cacher une autre!

Au lendemain de l’auto-sabordage d’une droite française pourtant majoritaire dans le pays sur l’autel du politiquement correct et au profit d’une gauche qui avec la complicité médiatique que l’on sait ne s’est jamais embarrassée, elle, de ses alliances avec les thuriféraires du communisme ou de la Terreur

Et à l’heure où, sur sa lancée du holdup électoral d’il y a dix jours et la nomination au poste stratégique de la justice de l’auteure – dument colorée – d’une des lois les plus liberticides comme aux Droits des femmes d’une binationale marocaine (pardon: « de nationalité étrangère mais installée en France ») l’Obama  français et véritable obsédé de la rupture (largement symbolique) avec son prédécesseur rencontre son propre modèle qui lui-même vient, à son tour avec le mariage homosexuel, de nous faire du Hollande

Pendant qu’à l’occasion de la publication partielle des papiers du feu chef d’alQaeda, nos journalistes nous réécrivent l’histoire et tentent de faire passer pour clairvoyance politique le refus obamien de nommer son adversaire ou même la guerre dans laquelle on est engagé tout en s’attribuant comme en Irak (on n’est plus à une contradiction près) les mérites de la victoire qu’avait précisément rendu possible la fermeté de son prédécesseur honni …

Et que, pour défendre les nouveaux damnés de la terre, nos médias de révérence se prêtent plus que jamais aux pires manipulations et bidonnages ou, plus invisiblement mais non moins efficacement, rétentions d’information …

Retour, avec une conférence de l’écrivain  Pierre Jourde, sur la censure invisible qui, derrière les toujours plus bruyantes dénonciations d’une censure d’Etat de plus en plus mythique, empêche en littérature comme ailleurs toute discussion des véritables problèmes …

A savoir, via le pouvoir économico-médiatique et ses conseillers juridiques, celle de la bien-pensance et du politiquement correct qui peut, au niveau de l’édition, arrêter à la source toute publication non conforme ou, à celui de la critique,  se contenter de n’en point parler …

Conférence de Pierre Jourde à l’Ecole Normale Supérieure

14 mars 2011

Jean-Baptiste Amadieu : Nous avons reçu beaucoup d’universitaires jusqu’à présent dans ce séminaire, des interventions sur la censure, également comme critiques littéraires et comme écrivains.

Par rapport à la censure c’est trois fois intéressant, puisque nous avions reçu en dehors de ces interventions scientifiques Emmanuel Pierrat , qui donne un témoignage d’avocat, et nous avons donc aujourd’hui un témoignage d’écrivain sur l’importance que peut avoir la censure dans la création d’une œuvre, et par une certaine ironie du sort, il se fait que tu as été victime d’un début de censure, d’une mise en demeure par Emmanuel Pierrat.

Donc ça sera intéressant d’avoir tous ces points de vue. Mais je ne veux pas en même temps donc dévoiler ton intervention, d’ailleurs je ne sais pas quel sera le contenu exact et j’attends avec grande impatience et à l’issue donc nous aurons comme d’habitude une séance de questions avec Pierre Jourde.

Pierre Jourde : Je ne suis pas un spécialiste universitaire de la censure ; en tant que polémiste j’ai eu à affronter une certaine forme de censure il y a quelques années, d’ailleurs ca continue.

Mon intervention sera à la fois d’analyse et de témoignage. Il s’agira exclusivement de la censure, cela ne nous interdit pas de faire petits débordements, mais de la censure du monde de la littérature, dans le domaine de la littérature. Et je crois que le titre si je me souviens bien c’était « censure imaginaire, censure réelle » quelque chose comme ça.

« Censure mythique, censure réelle ».

Le titre pourrait aussi bien être « censure visible, censure invisible » car le grand public semble vivre sur une sorte de représentation datée de la censure (étatique, relevant du domaine de la puissance publique), et cela arrange un certain nombre de gens.

Or il me semble que les choses ont commencé à changer et que ce mythe de la censure étatique sert en partie à cacher une censure bien réelle mais qui n’est pas étatique. Dans ce cas, la censure se passe dans le domaine juridique avec des procès contre des oeuvres. Or, le plus souvent, ces procès n’aboutissent pas à une condamnation.

Posons d’abord le cadre juridique qu’Emmanuel Pierrat a fait dans son «[le] livre noir de la censure » où il parle d’une société bardée d’interdits. Quid de la littérature ?

La censure légale est en grande partie basée sur ce qui reste de la loi de 1881 (loi qui avait assoupli le cadre juridique précédent) et pour l’essentiel de la loi du 16 juillet 1949 (sur les publications destinées à la jeunesse).

Cette loi de 1949 sert le plus souvent à attaquer un texte littéraire et des livres présentant sous un jour favorable le banditisme, le vol, la paresse, etc… Son cadre est très large mais très peu appliqué sauf dans le cadre d’ouvrages directement pornographiques.

Ensuite, il y a la loi Gayssot qui condamne négationnisme, le racisme, etc

La loi Perben 2 est assez pernicieuse car elle permet de condamner non pas les livres criminels pour leur contenu mais les livres de criminels (de quelqu’un qui sort de prison ou y est encore) parce qu’on considère qu’il peut faire de la publicité à l’individu criminel qui l’a publié.

En réalité, l’initiative de la censure n’est pratiquement plus prise par les pouvoirs publics, par le Parquet.

3 Exemples:

1) « Rose bonbon » de Jones-Gorlin.

Nicolas Sarkozy, alors ministre de l’Intérieur avait décidé de ne pas attaquer ce livre. Celui-ci montre, certes, les fantasmes et difficultés d’un pédophile mais il ne peut, à mon avis, être présenté comme l’apologie de la pédophilie.

Ce n’est pas l’État qui l’a attaqué en justice mais des associations (de protection de l’enfance pour l’essentiel, très actives sur le front de la littérature).

2) « Plateforme » de Michel Houellebecq.

A été attaqué non pas sur son contenu mais pour des propos tenus à l’extérieur du livre. Ici, le Parquet a renoncé à attaquer et ce sont des associations (la Ligue Islamique notamment) qui ont attaqué Houellebecq.

3) « Il entrerait dans la légende » Louis Skorecki, publié aux Editions Léo Scheer.

raconte le parcours d’un tueur en série qui s’en prend particulièrement aux enfants de manière notamment atroce.

Là encore ce sont des associations qui ont poursuivi. La cour de Carpentras a condamné Skorecki, la condamnation a été infirmée en cour d’Appel.

Conclusion de partie :

La censure visible provient des associations : « l’Enfant Bleu » et « Promouvoir » pour la protection de l’enfance, ou la « Ligue Islamique Mondiale » qui fait des procès chaque fois que l’ombre de l’islamophobie se profile quelque part, et même, la « Ligue des Droits de l’Homme », qui intente des procès dès qu’elle estime, par exemple, qu’une œuvre peut être qualifiée de racisme, d’antisémite, etc…

La législation sur le respect de la vie privée, elle, peut donner lieu à un certain nombre de procès.

D’après la loi du 17 juillet 1970, elle concerne le respect de la vie privée auquel s’est ajouté la notion de droit à l’image.

De cette loi de 1970 proviennent les procès intentés à des autobiographes ou « autofictifs » qui mettent en scène des personnes qu’elles connaissent…

2 Exemples :

1) le dernier roman de Christine Angot, est attaqué par un personnage qui s’est reconnu…

2)Régis Jauffret ayant repris dans ses vers un récit à partir de l’histoire de ce banquier [Edouard Stern, note du relecteur] retrouvé en combinaison de latex, attaché et tué par sa maîtresse.

Ce livre a été attaqué par la famille de la famille Stern au nom de la vie privée et du droit à l’image.

3) L’ex-époux de Camille Laurens l’a attaqué en référé et a été débouté. (le référé est une procédure qui permettait de bloquer le livre très rapidement).

Conclusion de partie:

Vous voyez que même en littérature, le droit à l’image le respect de la vie privée est quelque chose, à partir de quoi il est encore difficile d’aboutir à une condamnation, même si la fiction ne constitue en aucun cas une protection.

La loi prévoit que, même si les noms, les lieux sont modifiés, dès lors que la personne est reconnaissable, vous êtes en principe condamnable.

Enfin il faut noter que si des associations musulmanes ou chrétiennes poursuivent des ouvrages, en revanche en France, l’Église officielle, la plupart du temps ne prend guère l’initiative de poursuites.

La demande d’opposition, le désir d’être interdit.

Je pense donc que pour penser le champ culturel, il faut tenir compte de cette évolution, et faire attention à ne pas avoir une guerre de retard, à ne pas se croire au XIXème siècle. On a parfois l’impression, dans la manière dont les questions de censure paraissent dans la Presse, que nous en sommes encore à l’époque du Procureur Pinard, c’est-à-dire l’Etat prenant l’initiative d’attaquer, et de faire condamner ou pas Flaubert et Baudelaire.

Au XIXème siècle nous avons raté un certain nombre d’écrivains maudits: les impressionnistes, refusés, brocardés par la critique officielle, et à cause de cela, nous sommes terrifiés à l’idée de rater un génie. Julien Gracq le disait déjà dans « LA LITTERATURE A L’ESTOMAC » en 1950, qu’il ne fallait pas qu’on prenne le risque de rater quelque chose qui pourrait se produire aujourd’hui.

Donc toute critique à l’égard d’un artiste contemporain sera assimilée à du conservatisme, et inversement, la marginalité devient signe de l’élection artistique. Donc l’interdiction, la censure, la critique vont plutôt faire l’objet d’une sorte de désir, pour être dans certains cas recherchées comme des signes de la qualité littéraire.

D’où chez certains une recherche systématique de la provocation, une quête de l’interdit qui fait si désespérément défaut dans le champ de la littérature. D’où le paradoxe central de l’art contemporain et de la littérature, l’idéologie de la rébellion est devenu un fond de commerce et un académisme, c’est le nouvel académisme.

Il y a un certain vocabulaire de la rébellion qui règne dans tout le discours qui est tenu sur l’œuvre contemporaine ; elle est censée déranger, interroger, être rebelle.

Cela est assez curieux car cette idéologie est le plus souvent en contradiction avec la position sociale des artistes, lesquels sont soutenus par l’État d’innombrables manières : étant à la Villa Médicis, étant dans des résidences d’écrivains, étant soutenus par le CNL, ou bien étant, – c’est de plus en plus le cas – fonctionnaires, professeurs de collège, de lycée, d’université mais néanmoins rebelles. De sorte qu’on se trouve dans cette situation abondamment décrite par Philippe Muray dans ses œuvres, où l’artiste conscient d’une manière qu’il ne dérange plus personne ou qui que ce soit, conscient qu’il est parfaitement intégré dans un système de reconnaissance symbolique, est désespérément en demande d’interdits, un peu comme un sale gosse en demande de la claque qui ne vient jamais.

Exemples:

1) Louis Skorecki tel que l’évoque Philippe Muray : « les livres de Skorecki ou de Nicolas Jones-Gorlin sont si remarquablement dépourvus de toute réalité artistique et tout attrait et de tout charme qu’ils ne peuvent recevoir de l’extérieur, c’est-à-dire de la sanction juridique qu’ils recherchent désespérément. Ce ne sont que des demandes pathétiques de censure, ce qu’ils écrivent avec tant de peine se ramène à : « j’ai une provocation, qui a une persécution ? » On nous raconte tout maintenant, on lit que ces efforts psychopathiques sont à leur insu isomorphes à l’état concret de l’époque dont ils deviennent alors l’apologie et non le revers maudit comme l’espère encore leurs auteurs par je-ne-sais-quelle naïveté superlative. »

2) « L’étoile des amants » de Philippe Sollers.

Philippe Sollers y raconte une sorte de bluette d’un monsieur un peu âgé qui va au bord de la mer avec une jeune femme beaucoup moins âgée. Et toute la particularité du texte de Sollers consiste à dire que ce qu’il écrit est scandaleux et à intégrer à l’intérieur de son roman les huées d’un public imaginaire.

C’est-à-dire que Sollers intègre à son livre précisément l’interdit, la critique, l’opposition qui lui fait si désespérément défaut, puisqu’au fond nul n’est plus notable dans le monde des Lettres que lui.

Mais il a besoin de ça pour se croire en effet un interdit, un marginal. Il a soin de dire d’ailleurs qu’il écrit pour les fous, les rebelles, les prostituées, etc, qui comme on sait sont de grands lecteurs de Sollers, bien entendu.

3) « Éloge des voleurs de feu » de Dominique de Villepin.

Dont tout le discours consiste à présenter l’histoire de la Poésie comme l’histoire de marginaux, de révoltés, de sécessionnistes qui prennent dans leur vie des risques mortels.

Le livre de DDV lui-même se présente comme un allumeur d’incendie. Je rappelle qu’à l’époque où DDV a sorti ce livre, Nicolas Sarkozy était ministre de l’intérieur. On se demande donc pourquoi il n’a pas immédiatement arrêté DDV pour rébellion, sécession, mise-à-sac de la société, qui est quand même le discours dans lequel s’exprime constamment l’auteur.

Une exposition de Buren au Centre Pompidou.

qui a eu lieu il y a quelques années et Buren avait accroché des panneaux, tout au fond de la salle, pour expliquer à quel point il était un artiste maudit, ce qui était amusant pour quelqu’un qui expose au Centre Pompidou, c’est-à-dire le temple de la reconnaissance étatique, il avait besoin lui aussi d’attaques.

Les prétendues victimes de lynchage.

Ce qui est caractéristique également de cette demande d’opposition alors même qu’elle existe très peu et de moins en moins dans le champ littéraire, c’est que dès qu’un homme important dans ce champ littéraire est attaqué (par « attaqué » comprendre: fait l’objet de quelques critiques alors même qu’il est invité partout, reçu partout)

c’est qu’il est victime d’un complot et d’un lynchage.

Exemples:

1) Bernard-Henry Levy publie un ouvrage [« De la guerre en philosophie » 2010 ; note du relecteur] et cite un philosophe qui s’appelle « Botul », Jean-Baptiste Botul, auteur de « LA VIE SEXUELLE D’EMMANUEL KANT ».

Or il se trouve que ce livre est un canular, de ces petits livres amusants qu’on fait en inventant un auteur.

Et BHL ne l’a pas compris et l’a cité très sérieusement.

Par la suite, quelqu’un l’a déclaré dans le Nouvel Observateur et, non seulement BHL lui-même mais toute sortes d’éditorialiste ont crié au complot, à l’acharnement, etc. C’est-à-dire qu’il y a cette espèce de besoin d’opposition alors même qu’elle fait pratiquement défaut.

Existe-t-il encore des interdits en littérature ?

Non je crois notamment du point de vue de l’interdit moral. On peut dire qu’on transgresse encore comme on va se coucher, perversions, cruautés, bizarreries de toute sorte sont aussi communes en littérature qu’au cinéma.

Mais juridiquement nous n’en sommes plus aux procès de [ Ardelet à 19 :19] et au procès de Nicolas Genka.

1) Nicolas Genka, dont le livre « L’EPI MONSTRE » avait été interdit en 1961 a vu cet interdit levé vers 2000.

On avait oublié Genka, en 2005, donc « L’EPI MONSTRE » est à nouveau en principe disponible, les poursuites pour des problèmes de mœurs on l’a vu restent rares, et d’ailleurs elles sont paradoxales, d’une certaine manière.

2) Dans l’affaire Nicolas Jones-Gorlin, celui-ci décide finalement de le sortir sous enveloppe plastique pour respecter la loi sur les publications destinées à la jeunesse (au cas où un enfant de huit ans, voyez, entrant là prenne le livre et le feuillette.)

Paradoxe ! Car on a interdit Bataille, autrefois, au non de cette loi mais à côté, en « Pocket », vous avez les oeuvres de Sade. Etrange rapport à l’interdit !

On a l’impression qu’au fond, dès lors qu’un écrivain est devenu institutionnel, tout est permis. Et dès lors qu’il est vivant, alors le problème commence, même si ce qu’il écrit est infiniment moins fort que ce qu’écrit Musset dans «GAMIANI » par exemple.

Je crois qu’en grande partie, d’abord ce sont les journalistes qui sont en recherche de scandale, qui sont en recherche de judiciarisations de littérature, on essaiera de voir pourquoi, et j’en vois un exemple très patent dans le destin de l’ouvrage «PLATEFORME» de Michel Houllebecq.

3) « Plateforme » de Michel Houellebecq

se passe en grande partie en Thaïlande, et le narrateur de Houllebecq fait l’éloge des amours tarifés en Thaïlande.

Après la sortie du livre, le journal « le Monde » écrit : « A l’occasion de la sortie du livre de Michel Houllebecq, le Monde a choisi de.. » dans le Monde il y a toujours « ..a choisi de… » quand il y a quelque chose de douteux après. « ..le Monde a choisi d’évoquer le problème de la prostitution enfantine en Extrême-Orient ».

Or il n’y a absolument pas de prostitution enfantine dans « PLATEFORME ». C’était bien donc, consciemment ou inconsciemment de la part du journalisme le fait de chercher le scandale, pour créer un problème là où il n’y en avait pas.

Par ailleurs, « PLATEFORME » contenait une diatribe sur l’Islam. Pierre Assouline dans la revue « Lire » interviewe Houellebecq – peut-être pas absolument a jeun à ce moment-là mais ça lui arrive – et lui fait dire des choses pendables sur les Musulmans, bien pire que ce qui était dans le livre et ce sont ces propos qui vont conduire au procès Houellebecq.

Conclusion de partie:

On constate une démarche concertée dans le journalisme pour créer un certain nombre de problèmes.

Si les affaires de mœurs ne font plus l’essentiel des interdits, des points de résistances demeurent. Reste à savoir s’il s’agit vraiment de zones d’interdits persistants (aujourd’hui c’est l’atteinte à la vie privée, du racisme, de l’antisémitisme, négationnisme, de l’islamophobie et plus généralement critique de communautés minoritaires et cette cristallisation sur les enfants, la pédophilie.)

Les points de résistances à la « censure visible »

Pour la vie privée, disons-le, la littérature n’est concernée que relativement accessoirement. A l’inverse, ce sont les ouvrages de souvenir qui font massivement l’objet de procédures. Mais le développement considérable du genre auto-biographique ou autofictionnel à notre époque, évidemment, aboutie à ce que cette question de la vie privée et des problèmes qu’elle peut entraîner concerne directement la littérature. Même si là encore les plaintes n’aboutissent guère. Reste que de plus en plus de personnes réelles sont concernées, ce lien est médiatiquement traqué à chaque fois, c’est-à-dire qu’on va le chercher même alors qu’il est discutable, d’où une tendance en effet au recours judiciaire pour se protéger.

Je crois qu’il y a là moins un interdit qu’un résultat pervers de la médiatisation de l’intime, du commerce de l’exhibition. Dans certains cas, il me semble que la littérature s’aligne sur le média qui fait commerce de l’exhibition. L’exhibition tient lieu de sens comme une illusion de réalité.

Donc il y a là à mon avis plus de demande que d’interdit et des textes qui ne fonctionnement pas forcément sur l’exhibition se retrouvent pris dans le mouvement.

Exemples:

1) « PAYS PERDU » que j’ai publié en 2003

qui concerne le village dont je suis originaire et que je décrivais en déguisant les lieux et en déguisant les noms.

Les gens du village se sont reconnus, se sont estimés diffamés ce qui n’était pas le cas, donc qu’il y avait atteinte à la vie privée, droit à l’image, diffamation, etc. et ont cherché à intenter un procès. Ils ont consulté le bâtonnier d’Aurillac pour voir si on pouvait faire interdire le livre ou faire couper un certain nombre de choses dans le livre. Ce qui à mon avis était jouable dans la mesure où la loi prévoit que même le fait de déguiser les noms, je vous l’ai dit, dès lors que les gens sont reconnaissables, peut donner lieu à procès. Cela dit, ils étaient reconnaissables à peu près dans l’espace du canton. En dehors ce çà c’était assez difficile. Simplement.. comme le livre a mis un an à arriver dans ces campagnes, c’était trop tard. Je crois que si je me souviens on ne peut pas poursuivre sur cette base au-delà de 6 mois, [3 mois, note du relecteur] donc c’était trop tard, de sorte que la question s’est réglée non pas juridiquement mais physiquement, et là il y a eu procès mais pour d’autres raisons qui tiennent plus aux coups et blessures qu’à la question de la censure.

2) « Pogrom » de Eric Bénier-Bürckel , (2004)

Dans ce roman, un personnage tient des propos antisémites.

Ce texte a été attaqué non pas par des associations, non pas par le Parquet, mais par deux écrivains : Olivier Rolin (ex-éditeur au SEUIL) et Bernard Comment qui ont publié une tribune où ils demandaient la condamnation et l’interdiction du livre. Lequel n’a pas été interdit.

On en arrive donc à une situation, je vais développer cette idée, où ce sont cette fois des intellectuels et des écrivains qui se font des auxiliaires et les fourriers de la censure, et qui la demandent.

3) Renaud Camus

Même chose en ce qui concerne Renaud Camus, écrivain à l’œuvre multiforme, mais en grande partie autobiographique. Dans son journal il publie en quelque sorte les pensées qui le travaillent, qu’il appelle lui-même en grande partie ses mauvaises pensées. C’est un homme qui est en débat avec lui-même, et il a dit à un moment donné qu’à l’émission « PANORAMA » il y avait « trop de juifs », ce qui a fait bondir.

Pour lui, le fait qu’il y avait trop de juifs faisait qu’il était difficile d’accorder foi à une émission qui parlait de toutes sortes de problèmes, notamment des problèmes du Moyen-Orient à partir d’un panel de journalistes où tout le monde était juif.

Il faut quand même savoir que, aussi discutables que soient les propos de Renaud Camus, il a écrit des textes par ailleurs passionnant sur des artistes juifs, et que la Shoah était le plus grand crime du XXème siècle, ce qui tient de l’évidence. Ce qui l’ennuyait c’était le communautarisme et non pas la judéité.

Il a fait l’objet d’une véritable campagne médiatique et d’une pétition. Pétition qui a été signée par presque tout ce que compte le monde d’intellectuels de figures : Jacques Derrida, Philipe Sollers…Il n’a guère été défendu que par son éditeur et par Alain Finkielkraut, juif.

Le résultat de cette pétition et de ce cas a été que finalement Claude Durand a cédé et a fait supprimer les passages incriminés de l’édition de Renaud Camus.

Nous sommes là devant un cas bien concret de censure qui aboutit, qui ne passe pas par voie judiciaire, qui passe uniquement par pression médiatique et qui fait justement supprimer des passages d’un ouvrage.

Que traduisent ces procès intellectuels ?

Il me semble qu’il faut voir dans cette prégnance des procès intellectuels l’effet « d’épidémie de politiquement correct », au sens exact de l’expression, c’est-à-dire considérer comme répréhensible de donner une mauvaise image d’une communauté minoritaire, marginale, ou longtemps opprimée.

Mais également l’effet du « respect universel », ce phénomène nouveau qui fait que tout est respectable, que toute différence est bonne en soi, que tout espèce de choix, de singularité, d’individualité, est bonne en soi.

Le plus souvent, on a affaire à un phénomène journalistique (campagne de presse, pétition, demande d’interdiction) , donc à une sorte de police de la pensée qui est assurée par un certain nombre de personnes.

Avec quand même des situations très paradoxales, parce que l’un des signataires de l’appel contre Renaud Camus, Phillipe Sollers venait de publier dans la collection « l’Infini » , qu’il dirige, « Au régal des vermines » de Marc-Edouard Nabe où vous avez des pages entières de diatribes sur les juifs. Comment peut-on à la fois publier Nabe et signer une pétition contre Renaud Camus ?

Je crois qu’ici les attaques sont beaucoup moins fondées sur le fond de l’affaire que sur la position stratégique des uns et des autres dans le champ littéraire.

La pédophilie

La pédophilie est récemment devenu le nouveau tabou littéraire. Pourtant, il s’agissait peut-être du crime le plus ordinaire. Mais il reste une confusion permanente entre les amours adolescentes et le crime sexuel.

La pédophilie est un sujet banal en littérature et qui est poursuivi aujourd’hui. A une certaine époque il me semble que ce thème-là était à la fois plus provocateur mais faisait l’objet de moins d’interdits.

Exemples:

1) Tony Duvert publiait des choses très très violentes il y a quarante ans, beaucoup plus violentes que Nicolas Jones-Gorlin. Cependant, il demeure une résistance curieuse de la part des tenants des amours adolescentes qui, moi, me gêne parfois.

2) Gabriel Matzneff, qui se prétend marginal et rejeté alors qu’il a pignon sur rue littérairement, déclare que « ceux qui [l]’attaquent aujourd’hui » sur ses amours adolescentes « sont les mêmes qui dénonçaient les juifs pendant l’Occupation». Il y a toujours cette espèce de recours à l’extrême pour justifier sa position.

3) Robbe-Grillet constitue le cas ultime selon moi.

A l’époque, une émission du « Masque et la plume » traitait d’un de ses livres qui était une anthologie de fantasmes sadiques et pédophiles.

Selon les critiques littéraires le livre était, sur le fond, assez pauvre littérairement, pas très intéressant. Pour sa défense, un critique a fait valoir le fait que c’était la « loi morale » [i.e. des réactionnaires, note du relecteur] qui attaquait Robbe-Grillet.

Aujourd’hui, on se trouve dans la situation perverse où l’on peut à peu près tout dire.

Lorsqu’on attaque un livre qui exprime un certain nombre de fantasmes uniquement sur un aspect littéraire, la défense est toute prête: demande de censure, respectabilité bourgeoise, etc.

La manipulation de l’idée de censure permet de ne pas rendre compte de la qualité de son œuvre artistique.

En résumé, certains livres font l’objet d’attaque de groupes de la société civile et de groupes religieux. Mais on observe une relative neutralité du pouvoir étatique. Le plus important étant, bien plus qu’au niveau judiciaire, l’évènement médiatique et l’agitation journalistique qui aura des conséquences réelles sur le livre et l’écrivain.

L’évènement médiatique et les « bulles littéraires »

Ce sont toujours les mêmes sujets qui reviennent périodiquement : la littérature peut-elle tout dire ? Peut-on interdire … ? etc… L’écrivain sera jugé médiatiquement, il défendra son droit absolu à la différence. S’il est sadique et pédophile, ce sera l’expression de sa différence sexuelle ; en revanche, s’il exprime des réserves sur les juifs, il sera condamnable pour avoir refusé la différence et parce qu’il est accusé d’exprimer la pensée secrète de Monsieur Toutlemonde, de ce qu’on a appelé « la France moisie ».

Il en résulte une situation pour l’écrivain où rien ne lui est fondamentalement interdit ; il est plutôt recommandé de transgresser, de tout dire c’est sa liberté. Il est essentiellement jugé à l’aune de son rapport au réel ou de ce que les médias appellent « la réalité ».

Vous remarquerez qu’aujourd’hui, toutes les critiques d’œuvres littéraires sont à la recherche d’un élément politique, d’un élément intime contenu dans telle ou telle œuvre.

Au final, l’écrivain peut tout dire mais en fait il ne peut rien dire. En d’autres termes, rien ne se passe.

Ce « scandale » ou cet « interdit artificiellement mis en place et rituellement transgressé permet à la littérature de se donner l’illusion de rapport à la réalité. On est en face d’œuvres dépourvues de travail de la langue et de travail artistique mais qu’on agrémente de certains dispositifs qui vont créer du langage, qui vont créer un évènement.

Et le journaliste littéraire, quelque soit la qualité de l’œuvre proposée va en parler dès lors où il considère que c’est un évènement, donc qu’il est de son devoir de journaliste d’en parler et que « l’évènement » dira-t-il « interroge notre société ». La boucle est bouclée. Vous créez un évènement, cet évènement représente la réalité et donc il est de notre devoir à nous journalistes d’en parler. On dit qu’il se créé des bulles économiques, il se créé des bulles littéraires !

Une espèce de bulle de fausse réalité qui sont des bulles de langage journalistique où le faux interdit devient, pour la littérature, une sorte d’assistance respiratoire qui donne à l’écrivain l’impression qu’il existe encore, que la littérature attaque la réalité.

Le travail du romancier

Par ailleurs, cette bulle confère à « l’intellectuel qui dénonce » une légitimité. Beaucoup d’intellectuels sont désespérément à la recherche de leur « affaire Dreyfus ». Ils voudraient bien être Zola donc ils la traquent partout leur affaire Dreyfus. « On attaque un juif, on attaque un juif, on attaque un juif, je pourrais être Zola, je vais pouvoir publier J’ACCUSE ».

Je crois que le travail du romancier consiste à montrer non pas cette évidence du réel, mais plutôt la difficulté à faire advenir ce réel. Non à justifier la singularité -ce qu’on voudrait qu’il fasse- (« c’est bon parce que c’est moi, c’est moi qui suis moi, et je le publie donc vous ne pouvez pas l’attaquer puisque c’est moi ».) mais plutôt à montrer l’universel dans le singulier.

Écrivains et journalistes : contre-pouvoir ou Pouvoir contemporain ?

Jusqu’à présent nous nous représentons, écrivains et journalistes, luttant pour leur liberté contre les interdits de la morale et du pouvoir. Nous en sommes encore là : la liberté de la Presse contre le pouvoir. En réalité, les interdits, et la censure dans le champ littéraire touchent les artistes et les créateurs mais le vrai pouvoir contemporain est le pouvoir médiatique.

On considère les artistiques et les écrivains comme respectables en soi, respectables à priori.

Bertrand Leclair, critique littéraire, a publié « Verticalité de la littérature , pour en finir avec le « jugement » critique » où il déclare que toute critique négative était ipso facto condamnable et qu’elle n’avait pas lieu d’être.

En gros, le discernement est devenu impossible dans la production artistique et littéraire contemporaine. Dès lors que certains se sont risqués à dire: « bon.. ça c’est bien et ça ça l’est moins, et vous allez penser que je caricature mais je ne caricature pas » on les a immédiatement traité de « réactionnaire », terme le plus courant, « populiste » est assez pratique parce que ça veut dire un certain nombre de choses sans les dire directement, ca veut dire de « nazi ».

Point Godwin / indignocratie

Exemples:

1) Mon cas personnel [i.e. Pierre Jourde, note du relecteur]

J’ai publié une sorte d’attaque contre certains poètes contemporain en disant qu’ils exprimaient une sorte d’académisme notamment dans leur forme et j’ai reçu une lettre très circonstanciée de l’un de ces poètes m’expliquant que déjà à Berlin dans les années trente les nazis brûlaient des livres.

2) « Requiem pour une avant-garde » Benoit Duteurtre (1995)

L’auteur s’en prenait à ce que lui (et Baudrillard) estimaient être les impasses d’une certaine avant-garde.

Réaction du journal « Le Monde » ? Sachant que Duteurtre était tout sauf un fasciste, un gaulliste à la rigueur:

« Faurisson a lui-même commencé par critiquer Lautréamont ».

3) « Artistes sans art ?» et « Qui a peur de la littérature? » de Jean-Philippe Domecq

a) Dans « Qui a peur de la littérature? » Domecq disait qu’on peut tout critiquer aujourd’hui sauf le champ artistique et littéraire contemporain et que si vous le faites vous serez:

 premièrement, attaqué sur vos intentions supposées,

 deuxièmement, qualifié « d’extrême droite »,

 troisièmement, accusé d’avoir critiqué parce que vous êtes un raté, un aigri, etc.

L’extraordinaire, c’est que les réactions à son livre furent exactement fidèles à ces trois points annoncés et décrits.

b) Dans « Artistes sans art ?» , un livre extrêmement modéré et très circonstancié, Domecq disait que Buren n’était pas un artiste intéressant. Alors que Domecq est un socialiste tendance Jospin, la revue « Art presse » a titré sur Domecq sur « le retour du nazisme, l’attaque de l’extrême-droite contre l’art contemporain ».

De même que Jean Clair, qui était quand même directeur du musée Picasso, disait que certains aspects de l’art contemporain, notamment la merde de l’artiste en bocal n’étaient pas forcément intéressants. Le débat qui s’ensuivit était argumenté. Mais, ici, Domecq n’a pas été discuté.

4) Lorsque j’ai publié « La littérature sans estomac » [Pierre JOURDE (2002) , note du relecteur]

dix ans après Domecq, j’ai attaqué des écrivains, j’en ai défendu d’autres – écrivains d’avant-garde. En défendant Valère Novarina, qui vient de la revue « TXT », j’avais l’impression de défendre un écrivain d’avant-garde. En attaquant Frédéric Beigbeder, je n’avais pas l’impression d’attaquer un écrivain d’avant-garde.

Une fois encore, les réactions furent bien celles prévues par Domecq : j’écrivais ça parce que:

 j’était un écrivain raté,

 pour me faire une place parmi les écrivains,

 parce j’étais populiste et que je faisais de la « lepénisation des esprits », etc.

En résumé, on a affaire à un champ artistique et littéraire où une certaine avant-garde ne pense plus et ne « se » pense plus. Par conséquent, son unique défense consiste à porter le débat sur ce terrain-là, parce qu’elle ne sait plus dire quoi d’autre sur ses propres productions.

5) L’exposition Jeff KOONS à Versailles

Rappelons que Jeff Koons est un ancien trader, il est aussi bien un commerçant qu’un artiste qui figure dans les plus grandes collections: les collections Pineau. Ses productions ont été présentées sur le grand canal de Venise.

On a assisté à une sorte de levée de bouclier du genre «Comment ! Exposer ces horreurs à Versailles! C’est terrible! etc.. »

La commissaire de l’exposition est intervenu à l’antenne et l’on sentait qu’elle était heureuse d’avoir ces réactions qui pouvait enfin faire passer Jeffs Koons pour Cézanne. Pour Cézanne attaqué et vilipendé. A ceci près que le champ artistique a complètement changé. Cézanne était complètement hors de la reconnaissance officielle alors que Jeff Koons est en plein dedans.

Et qu’il y a, je crois, à la fois tromperie et illusion sur ce déplacement du champ, c’est que du point de vue de son rapport aux institutions Jeff Koons c’est pas du tout Cézanne, c’est un pompier en réalité. C’est quelqu’un qui est absolument reconnu, adoubé, c’est quelqu’un qui figurera dans les salles d’art pompier des siècles futur et pas du tout dans les Cézanne. En tout cas il est dans ce rapport-là. A la fois aux mécènes et à la fois à l’art officiel.

Ce qui au fond est assez étonnant, c’est qu’on en arrive à un point où un certain nombre de personnes, artistiquement, sont un peu comme certains calvinistes. Ce ne sont pas leurs œuvres qui comptent, ils sont justifiés en eux-même et en soi. Et par conséquent toute attaque contre eux est injustifiable. Je vais vous donner trois exemples qui me semblent assez parlants.

6) Julia KRISTEVA

Il y a quelques années, un livre de Julia Kristeva a fait l’objet d’une critique élogieuse mais nuancée dans le magazine « Lire ». Je connaissais la journaliste à l’origine de cette critique et elle m’a dit que la direction de « Lire » avait reçu, de la part de Julia Kristeva, une lettre demandant le renvoi de la journaliste qui avait osé émettre une réserve sur son livre.

7) Philippe SOLLERS

A peu près à la même époque, la responsable du rayon livre du Bon Marché rencontre Philippe Sollers dans un cocktail chez Gallimard et lui dit « j’ai moins aimé votre dernier livre, etc. ».

Cette même journaliste m’a expliqué que Sollers, rapportant la chose à la directrice littéraire de Gallimard de l’époque, laquelle écrit immédiatement au Bon Marché demandant le renvoi de l’insolente ou l’obtention d’une lettre d’excuse.

Au final, Sollers a eu sa lettre d’excuse.

8) un autre cas cas personnel [i.e. Pierre JOURDE, note du relecteur]

J’ai été mis en cause directement, lors d’une tribune au festival «Étonnants voyageurs» de Saint Malo où j’ai évoqué les conflits d’intérêts au sein du journal « Le Monde ».

Deux journalistes du journal « Le Monde » sont intervenus sans se présenter pour me dire à quel point j’étais un raté et un aigri qui se rattrapait de ses échecs. Le modérateur de la tribune était Jean-Marie Laclavetine, directeur littéraire chez Gallimard.

Dans la semaine, Antoine Gallimard a reçu une lettre de la directrice du « Monde des Livres » lui demandant le renvoi de Jean-Marie Laclavetine.

Le cas du journal « Le Monde »

1) Edwy Plenel a bien résumé l’idée de cette censure sous forme de slogan, suite à des attaques contre le journal « Le Monde » : «Les gens qui attaquent « Le Monde » sont des ennemis de la Liberté » …

Cela me semble typique de la pensée soviétique : les journaux sont absolument convaincus d’incarner la liberté, la pensée vraie, la pensée juste.

Je me souviens d’une conversation dans un train avec une connaissance qui voulait m’inviter et tout-à-coup s’exclame: « Ah zut ! Je ne vais plus avoir d’articles dans Le Monde ». Réaction de peur.

 J’avais un livre qui devait sortir en édition Pocket, je reçois un mail des éditions Pocket en disant «On ne va pas sortir votre livre tout de suite.»

 Ensuite je devais donner à la revue « Les Temps Modernes », la revue de Sartre, « chemin de la liberté », un article alors sur l’université sans rapport avec la question et j’apprends par un membre du comité des « Temps Modernes » que Claude Lanzmann a téléphoné au journal « Le Monde » et a immédiatement fait retirer – sur épreuve – l’article que je devais donner aux « Temps Modernes ».

3) Encore récemment un journaliste du Monde est venu chez moi pour tirer mon portrait et m’interroger.

Trois jours après il me téléphone pour me dire « ça ne va pas être possible parce qu’il y a eu une intervention du « Monde des livres » qui a dit que…voilà..on ne ferait pas cet article ».

4) Une attachée de presse des éditions Balland (même maison que « L’esprit des péninsules » où j’ai publié la plupart de mes textes jusqu’à présent) va voir Claire Devarrieux (responsable littéraire du journal Libération) pour lui proposer un roman publié aux éditions Balland. Et Claire Devarrieux lui répond: « Balland et nous nous ne partageons pas les mêmes valeurs, votre maison publie quelqu’un comme Pierre Jourde et on ne va pas parler de ses livres ».

En vingt ans, j’ai publié une quarantaine de livres et je n’ai jamais eu une ligne dans le supplément littéraire de Libération. Pourquoi? Une des raisons en a été donnée à la sortie de « La littérature sans estomac » par un journaliste de Libération s’exprimant en réunion publique, Jean-Didier Wagneur, disant: « on ne va quand même pas parler de quelqu’un qui attaque Le Monde ».

Aujourd’hui, Léo Ferré ne chanterait plus « Poètes, vos papiers » mais « Critiques, vos papiers ».

Cette censure-là, qui à mon sens, est la censure réelle est d’autant plus efficace qu’elle est invisible.

Si vous faites un procès c’est visible ça fait du bruit. Si vous ne parlez pas, personne ne le saura. Et c’est même plus subtil que ça: si vous parvenez à publier et à exister, c’est mon cas, on vous dit deux choses possibles :

 «Vous n’êtes pas censuré puisque vous publiez ! ».

 « Vous êtes comme les autres, vous êtes intégré au système puisque vous publiez, donc comment pouvez-vous être critique ? »

Le mot de l’histoire a été donné par Nicolas Bourriaud, cofondateur de la «Revue Perpendiculaire » dont Houellebecq a été renvoyé pour ‘pensée divergente’. Nicolas Bourriaud est intervenu sur Jean Clair, Domecq, etc, dans « Les Inrockuptibles » en 1997 disant: « peu importe les opinions qu’ils affichent, Clair, Domecq ou Fumaroli sont les meilleurs amis du FN ». Tout est dit.

Les médias et le Pouvoir.

Je crois que les médias orientent toute la question de la liberté d’expression autour de leur rapport au pouvoir politique, ils ont tendance à occulter leurs relations au pouvoir économique, de sorte qu’on en arrive à des discours oxymoriques et monstrueux.

1) Quand le banquier Pigasse devient propriétaire des Inrockuptibles, il dit qu’il va créer un ‘news rebelle’.

Donc c’est la banque qui donne des certificats de rebellitude à ce qu’elle achète.

2) Pierre Bergé et Pigasse viennent de s’offrir Le Monde.

3) Pierre Bergé est le mécène du « Prix décembre » où figure Philippe Sollers, dirigeant la collection L’Infini

4) Le Prix décembre 2007 a été attribué à Yannick Haenel dont l’éditeur était Philippe Sollers.

5) Lorsque j’ai critiqué la directrice du journal Le Monde, elle a répondu à mon éditeur, Eric Naulleau, que c’était normal parce qu’elle était lesbienne, et qu’il y avait des homosexuels qui détestaient les lesbiennes et que je devais être homosexuel et sidéen. Là-dessus un journaliste de « Tétu », journal homosexuel, va l’interroger et lui demande de s’expliquer sur cette question. Et le papier, à la demande de la directrice du Monde, a été retiré de « Tétu » par Pierre Bergé.

L’autocensure

Autre forme invisible de la censure que je ressens plus forte depuis quelques années. Le conseil juridique prend de l’importance chez les éditeurs et de moins en moins de textes arrivent à passer sans qu’un avocat ait mis le nez dedans.

Certaines autocensures sont « permanentes ».

Le cas de l’Islam :

Certains journaux se sont interdit de publier les caricatures de Mahomet, des opéras où figurait Mahomet se sont autocensurés, des dessins érotiques en 2006 ont été écartés d’une exposition d’une galerie londonienne, d’elle-même on ne leur a pas demandé, hein, pour ne pas heurter les musulmans qui habitent le quartier.

Cas personnel [i.e. Pierre Jourde, note du relecteur] En ce qui me concerne, je me suis autocensuré dans «C’est la culture qu’on assassine » dans laquelle je disais ce que je vous ai dit sur Pierre Bergé mais j’employais le mot ‘maffieux’ et le conseil juridique de mon éditeur a refusé.

Le cas Emmanuel Pierrat:

Je le connais un peu, c’est un type très sympathique, comme avocat il se trouve au cœur des ces problèmes et de ces ambigüités de la censure contemporaine.

D’un côté, il est quelqu’un qui défend des écrivains, qui défend des journalistes, il a défendu Houellebecq.

Dans « Le livre noir de la censure », il se présente comme contempteur de la censure et dénonce « une société bardée d’interdits », il déclare que « l’autocensure est la forme suprême de la censure ».

Et en même temps il est conseil de certains éditeurs. Il est conseil de certains éditeurs pour leur éviter des problèmes judiciaires. Et pour leur éviter des problèmes judiciaires, il leur fait supprimer en amont un certain nombre de choses.

C’est-à-dire qu’il est censeur. Il est censeur en amont. Il est un des maîtres aujourd’hui de l’autocensure éditoriale.

Il se trouve que j’ai eu maille à partir avec lui dans deux points :

1) à la suite de cette divergence avec Le Monde, j’avais écrit, ironiquement que: Jean-Luc Douin (à l’époque, journaliste au Monde) était un modèle de rigueur.Et je donnais des exemples évidemment qui montraient qu’il ne l’était pas: fausses citations, etc. Et que Josyane Savigneau faisait un usage maximal de ses capacités intellectuelles.

Puis, Maître Pierrat, avocat du Monde, m’envoie une mise-en-demeure, me demandant de supprimer de l’article incriminé, ces deux expressions qui constituent des diffamations au terme de la loi..etc..etc.

Je lui réponds et je publie ma réponse dans un petit livre où je parlais de la réception de «La littérature sans estomac» qui s’appelle «Petit déjeuner chez tyrannie » que j’ai publié avec Eric Naulleau.

Je publie cette réponse et je dis « écoutez maître Pierrat, je suis absolument d’accord, vous avez tout à fait raison, mais plutôt que de retirer, je vous propose de reformuler ces diffamations et j’écrirai donc : Jean-Luc Douin n’est pas un modèle de rigueur et Josyane Savigneau fait un usage minimal de ses capacités intellectuelles » et évidemment l’affaire en est restée là.

2) Le magazine Chronic’art nous interviewe Eric Naulleau et moi [Pierre Jourde] toujours à propos du Monde.

Or Chronic’art appartient à l’éditeur Léo Scheer. Léo Scheer est une personne qui a besoin d’articles dans Le Monde il ne peut pas accepter que Chronic’art remette en cause Le Monde. Donc sur le conseil de Maître Pierrat, il fait supprimer les deux pages d’interview qu’il devait faire paraître dans Chronic’art. Mais, comme il est malin, il veut que ça fasse vendre et qu’on en parle. Donc voilà ce que ça a donné dans Chronic’art. [Pierre Jourde montre au public une double page barrée du mot en rouge et grand de censure] …Usage publicitaire et commercial de la censure !

Vous ne dites rien mais vous dites que vous ne le dites pas. De sorte que j’en finis par me demander si le rôle pervers de maître Pierrat ne serait pas de surestimer l’importance des interdits, je pense que c’est ce qu’il fait en permanence, pour justifier son rôle. Dans la mesure où très souvent les choses qu’il fait interdire [n’ont] pas des chances énormes d’être condamnées mais il faut qu’il fasse peur. Donc qu’il fasse peur à l’éditeur, c’est son travail.

Conclusion:

Je crois que la tendance est au renversement de la situation par rapport au XIXème siècle. On avait d’un côté le pouvoir politique, de l’autre la liberté de la presse et des écrivains. Je crois de plus en plus que ce paradigme-là se modifie en pouvoir médiatique contre miberté critique.

Le mythe de l’interdit servant à masquer ce renversement – bien qu’il s’appuie sur quelques réalités, de sorte qu’on se trouve dans un champ littéraire qui pratique d’un côté des provocations sans contenu, des rebellions de confort, des protestations rituelles ; avec ce qui manque par-dessus-tout une absence de critique.

Le véritable interdit, je crois que c’est la mainmise de l’industrie médiatique sur nos représentations, en ce sens, c’est la littérature qui est une lutte pour la complexité.

Voir aussi:

Le retour de la brutalité en politique

Shmuel Trigano

20 avril 2012

Avec Jean Luc Mélenchon, c’est le style brutal qui ressurgit en politique, un style qui avait disparu en Europe depuis la deuxième guerre mondiale et qui, aujourd’hui trouve à s’exprimer dans un discours qui appelle à « prendre le pouvoir » et à prôner la violence envers « les riches », un discours qui, joignant le geste à la parole, fait de l’occupation de la rue la répétition d’on ne sait quelle prise de la Bastille à venir.

Mélenchon promet tout et joue avec l’inquiétude sociale et économique. Comme tout leader prophétique, il accomplira des miracles, si vous prenez le pouvoir. Son clip de campagne commence sur une musique messianique annonçant la frénésie des lendemains qui chantent. Son charisme est foudroyant au vu de sa popularité mais aussi l’indulgence des commentateurs politiques, au fond séduits et émerveillés, et qui ne soufflent mot de l’inanité de son programme politique et économique. On ne peut s’empêcher de contraster cette indulgence – dont bénéficie aussi le pathétique Poutou – avec l’acrimonie rituelle envers certains candidats, dont Marine Le Pen est la figure principale. S’ils étaient conséquents avec eux-mêmes, ils devraient mettre en demeure Hollande de ne passer aucun accord avec ce « populisme » qui est, comme on le voit « politiquement correct », ce qu’explique sans doute un reste de la nostalgie de l’idéologie soixante-huitarde…

Marine Le Pen ne se trompe pas quand elle prétend être le centre de gravité de la campagne sauf qu’elle enfonce une porte ouverte car c’est bien le cas depuis 20 ans, depuis que Mitterrand a créé de toutes pièces Le Pen comme un épouvantail autour duquel toute la vie politique française allait se structurer.

Néanmoins, elle ne dit qu’une demi-vérité car on peut voir dans le phénomène Mélenchon une métastase du lepénisme, un lepénisme d’extrême gauche. N’a-t-il pas récupéré l’électorat populaire que Jean Marie Le Pen avait ravi à un PC en décomposition ? Son inimitié violente avec le FN en dit long sur la concurrence des deux « populismes » qui sévissent désormais en France et annoncent des lendemains qui déchantent pour la paix sociale. Ce développement pourrait bien être en effet le produit incontrôlé de la réforme imposée à son parti par la présidente du FN, dans sa quête d’une respectabilité et d’une légitimité républicaines.

La trajectoire de Mélenchon est désormais à observer. Son pouvoir s’annonce considérable car il ne dépend d’aucun parti, tout en s’appuyant sur les ruines d’un parti que l’histoire a déchu. Gageons qu’il drainera vers lui d’autres lambeaux d’autres courants politiques, rassemblant une masse disparate que sa seule magie personnelle réunira. Comme toujours, dans l’histoire, ces masses désorientées et en rupture de banc avec le système et le marché attendaient depuis longtemps un semblable guide suprême. Jusqu’alors, les candidats ne se pressaient pas dans une galerie d’hommes politiques sans envergure ni verbe puissant. Mélenchon pourrait bien devenir l’homme providentiel d’une situation historique.

Toutes proportions gardées et sur le plan de la politologie, nous avons connu une semblable situation dans les années 20 et 30 en Italie. «Prendre le pouvoir », partir à l’assaut du pouvoir, parce que tout est possible au « peuple », fut un thème typique du fascisme italien. N’oublions pas qu’il se crût aussi socialiste…

Quel que soit le résultat de ces élections, rendez vous dans 5 ans pour le duel entre Marine Le Pen et Jean Luc Mélenchon, les futurs leaders de la droite et de la gauche. Ils sont les 2 pôles de la recomposition inattendue de la scène politique française. Le centre de gravité va devenir la poutre maîtresse du système.

Par Shmuel Trigano – tiré d’une tribune sur Radio J (20/04/2012) – JSSNews

Voir également:

Le silence de l’Islam français

Shmuel Trigano

12 mai 2012

L’échec patent et immense de la manifestation des musulmans modérés que le courageux imam Chalghoumi a tenté de réunir marque un tournant et appelle à des conclusions sévères. Elle visait notamment à marquer la désapprobation de(s) musulmans français vis à vis de la violence fondamentaliste en général mais aussi et surtout de l’antisémitisme qui fait rage dans l’opinion musulmane mondiale et qui venait de faire des morts, en France, de la main d’un natif du pays et au nom de l’islam : un acte d’une gravité extrême qui signe le déchirement du lien de la citoyenneté car on ne peut plus avancer (pour « excuser » ? « désamorcer » ?) l’explication de « l’importation du conflit du Moyen Orient ». Cet antisémitisme violent est bien objectivement français.

Il y a bien eu des condamnations de personnalités musulmanes officielles sur le perron de l’Élysée après les assassinats de l’École juive de Toulouse mais force est de constater qu’on ne les a pas entendues appeler à rejoindre en masse la manifestation ratée, et qu’on ne les y a pas vues. Si je me souviens bien, le recteur de la Mosquée de Paris n’a même pas eu à ouvrir la bouche sur ces sujets : c’est le grand Rabbin Bernheim qui, en sa présence et sur le perron de l’Élysée, devant toutes les télévisions a appelé à « ne pas faire d’amalgame ». Était-ce à lui de le faire ? C’est aux musulmans seuls à se mesurer à cette violence qui a surgi au sein d’eux-mêmes et de leur religion pour démontrer leurs intentions pacifiques. Il n’est pas clair à qui le grand Rabbin s’adressait. Aux Juifs qu’il représente, sur le plan du Consistoire ? Cela laissait-il entendre (fâcheusement) qu’ils pouvaient exercer des « représailles » alors qu’il n’y a jamais eu aucun acte de violence juive à l’encontre des musulmans, bien au contraire? Si c’est au grand public, c’était le rôle du président de la République.

Nous attendons toujours une parole de l’islam français officiel condamnant clairement l’antijudaïsme théologique et l’antisémitisme politique. Aucune ventriloquie ne peut y satisfaire. Le mythe d’un « islam modéré » de masse, à la crédibilité duquel les représentants juifs n’ont cessé de contribuer, est désormais éventé. Qu’ont-ils reçu en contrepartie ? Le renvoi d’ascenseur fut très timide et ne concerna que quelques personnalités. Quand des intellectuels musulmans avaient publié une tribune, il y a une dizaine d’années, pour condamner les actes antisémites, ils avaient senti le besoin de se livrer à une violente diatribe anti-israélienne, comme s’ils avaient dû « équilibrer » leur propos en « faveur » des Juifs et alors que les mythes arabes sur ce qui se passe au Moyen Orient font office de « justificatifs » de la violence commises par des Français musulmans envers des Français juifs qui sont leurs concitoyens. C’est aux cris de « Gaza » que des Juifs sont agressés aujourd’hui dans la rue.

Il y a un moment où il faut dire les choses telles qu’elles sont. Une violence d’origine musulmane contre les Juifs s’est installée dans ce pays. Depuis 12 ans, des centaines d’agressions dont la liste est consultable ont été commises. Après le massacre de Toulouse, les organes de veille de la communauté juive constatent une recrudescence d’agressions violentes commises aux cris de célébration de l’assassin. Jusqu’à quand ?

On ne peut ni ne doit accepter la banalisation de cet état de fait. La violence n’est pas le fait de tous les musulmans mais de certains milieux parmi eux, certes, mais cela ne dispense pas la communauté musulmane officielle de s’en désolidariser officiellement et formellement et surtout de récuser explicitement toute justification religieuse de la haine. Elle aura fort à faire car ce sont des autorités de l’islam officiel, parlant depuis le Moyen Orient et l’AFN, qui appellent à « tuer les Juifs » (cf. l’appel, sur la place Tahrir, de l’imam Qaradawi, président du Conseil de la fatwa pour les musulmans européens et qui était, fait gravissime, l’invité d’honneur de l’UOIF à son congrès). Une telle déclaration constituerait le meilleur rempart contre l’islamophobie. Le combat antiraciste contre sa progression, qui est aussi un fait, ne peut servir d’écran à l’antisémitisme. Il y a là un test qui vérifie l’assomption ou non par les autorités de l’islam du contrat de la citoyenneté.

On ne peut accepter l’idée qu’une guerre civile, larvée et erratique, s’installe dans le quotidien, que les Juifs, par « abnégation » civique, supporteraient dans le silence, dans le désintérêt de l’autorité publique. A moins qu’ils ne quittent les lieux.

Par Shmuel Trigano – JSSNews – Article paru dans Actualité Juive du 10 mai 2012

Voir enfin:

La «guerre contre le terrorisme», le cadeau de Bush à Ben Laden

Fred Kaplan

Traduit par Antoine Bourguilleau

Slate

Pourquoi le leader d’al-Qaïda a regretté la disparition des mots comme «guerre contre le terrorisme» ou «islamo-facisme» employés par les Républicains.

Parmi les nombreux documents que les Seals ont capturé lors de leur raid contre la résidence d’Obama l’an dernier, l’un d’eux devrait pousser de nombreux conseillers en politique étrangère républicains à reconsidérer le bilan global de la «guerre contre le terrorisme».

C’est dans la lettre n°9 (des 17 lettres que l’administration a rendues publiques fin avril par l’intermédiaire du West Point Combatting Terrorism Center) que Ben Laden évoque ce qu’il appelle le «sujet très important»: changer le nom d’al-Qaïda.

Contrairement au ton de certains résumés, cette lettre n’est en rien une sorte de réflexion à la Mad Men du terroriste le plus recherché du globe sur une question de «branding.» Il s’agit au contraire d’une analyse relativement sophistiquée sur la manière dont une cooptation culturelle peut aider un mouvement politique – et constitue une sorte de justification de l’approche actuelle du président Barack Obama relative à la lutte contre ce mouvement.

Dans cette lettre, Ben Laden regrette que le nom original de son organisation «al-Qaïda Jihad» soit désormais abrégé en «al-Qaïda.» Cette abréviation, écrit-il, «atténue le sentiment des Musulmans que nous faisons partie de leur communauté et permet à l’ennemi d’affirmer faussement qu’il n’est pas en guerre contre l’Islam et les Musulmans.»

Les Etats-Unis peuvent au contraire proclamer qu’ils ne sont en guerre que contre l’organisation al-Qaïda, décrite comme «une entité en rupture avec les enseignements de l’Islam.» Ben Laden se plaint qu’Obama a «régulièrement» utilisé cet argument.

Il suggère donc qu’al-Qaïda adopte un nouveau nom, avec une référence à l’Islam, ce qui «lui (Obama) rendrait plus difficile d’affirmer qu’il n’est pas en guerre avec l’Islam.» Il fait même quelques suggestions de nouveaux noms possibles, dont «le Groupe d’unité musulmane», le «Parti de l’Unification de la Nation islamique» ou le «Groupe de la Restauration du Califat.»

De la même manière, Ben Laden s’inquiète que ses ennemis «ont très largement cessé d’utiliser l’expression de “guerre contre le terrorisme” afin d’éviter de provoquer les Musulmans, car ils considèrent que cette expression apparaît, aux yeux de la plupart, comme une guerre contre l’Islam, particulièrement depuis qu’ils ont fait couler le sang de Musulmans innocents en Irak et en Afghanistan.»

Et voilà donc la confirmation de la critique formulée par de nombreux Démocrates (et spécialistes des questions internationales) à l’égard de l’approche des Républicains relative à la guerre contre le terrorisme de la décennie passée –car leurs phrases-totems («Islamo-fascisme», «Islamo-terrorisme» et même «Guerre contre le terrorisme») ont servi al-Qaïda, donnant encore plus de poids au cri de ralliement lancé par Ben Laden et ses fidèles, affirmant que l’Amérique fait la guerre à l’Islam.

Il faut tout de même porter au crédit du président Bush qu’il a fait quelques efforts pour faire taire cette critique, affirmant lors de plusieurs discours qu’al-Qaïda était une perversion, et pas un reflet, de l’Islam. Mais il a également utilisé tout un vocabulaire à base d’Islamo-quelque chose qui –nous le savons à présent, ravissait Ben Laden.

Et les activistes républicains qui ont le plus fidèlement vanté son bilan dans cette guerre contre le terrorisme – Dick Cheney, Newt Gringrich, John Bolton, Rudoph Giuliani, pour n’en citer que quelques-uns – ont souvent montré du doigt ceux qui refusaient d’utiliser les termes «Islam» ou «Islamiste» pour caractériser ce terrorisme de l’après 11-Septembre.

Leur argument consistait à dire que ceux qui refusaient d’utiliser ces mots étaient victimes du politiquement correct. Mais les lettres de Ben Laden suggèrent qu’ils s’adonnaient, en fait, au correctement politique. Ben Laden désirait que l’Occident fasse un lien entre l’Islam et al-Qaïda, car ce faisant, l’Occident donnait un certain poids à l’un de ses arguments: non seulement l’Occident menait une guerre contre l’Islam (et l’Occident devait donc être combattu) mais que l’Islam et al-Qaïda ne faisaient qu’un (et que les Musulmans devaient donc rejoindre al-Qaïda).

En entrant à la Maison blanche, Obama souhaitait le plus possible isoler l’un de l’autre. Plusieurs personnes furent horrifiées que le premier voyage du Président américain ait eu lieu en Egypte, où il fit un discours devant des étudiants – majoritairement musulmans – à l’Université du Caire. Certains éditorialistes l’accusèrent alors de faire preuve de mollesse et de faire repentance pour l’Amérique.

Ils ont également tiré des fusées d’alarme lorsqu’il abandonna cette expression de «guerre contre le terrorisme.» Cheney déclara notamment qu’Obama n’avait pas la bonne «tournure d’esprit» pour faire face aux menaces d’un monde dangereux (même après qu’Obama ait triplé le nombre des drones frappant des cibles d’al-Qaïda au Pakistan).

Nous voyons aujourd’hui qu’Obama avait vu juste et que Ben Laden fut horrifié par ce changement de politique. Ben Laden avait parfaitement compris que ce virage rhétorique nuisait à sa stratégie de diffusion du message d’al-Qaïda à travers le monde musulman, une stratégie que Cheney avait approuvée sans relâche durant ses huit années de vice-président (dont six au cours desquels il fut, de fait, le responsable de la politique étrangère américaine).

Il ne s’agit pas de dire que la politique d’Obama dans ce domaine a été un succès complet, ni qu’al-Qaïda et ses affiliés n’ont perdu toute leur puissance (qui a tout de même été sérieusement entamée). Sur ce point également, les documents de Ben Laden sont édifiants.

Le Printemps arabe de l’an dernier avait ainsi, tant chez les Républicains que les Démocrates, laissé croire que les révolutions en Tunisie, en Egypte et ailleurs au Proche-Orient venaient de porter un coup fatal à al-Qaïda, en démontrant que des révoltes populaires pouvaient être couronnées de succès dans le monde arabe, sans recours à la violence ni au sectarisme religieux.

Ben Laden voyait manifestement les choses autrement. Dans une lettre en date du 26 avril 2011 (n°10 dans le dossier de West Point), il décrit le Printemps Arabe comme «un événement grand et glorieux» qui va permettre aux Musulmans de toute la région d’échapper «au contrôle de l’Amérique» et aux agents d’al-Qaïda de répandre «la bonne parole».

Ben Laden prend manifestement ses désirs pour des réalités. Il a pourtant compris que l’effondrement d’un régime autoritaire ouvre de très nombreuses opportunités –et pas seulement aux jeunes démocrates qui ont contribué à le faire tomber– et notamment, dans les pays majoritairement musulmans, à des organisations islamiques bien organisées, comme le montre la tournure des évènements en Egypte.

Dans l’allégresse des premiers jours du Printemps arabe, Obama et ses conseillers ont manifestement sous-estimé cette possibilité (comme bon nombre de leurs critiques). Mais sa vision globale – consistant, à la grande consternation de Ben Laden, à distinguer entre les musulmans et à ne pas tous les considérer comme des ennemis– semble plus adaptée pour traiter avec des partis islamiques relativement modérés (comme il en existe aussi en Egypte).

Voilà qui semble avisé dans un monde peuplé d’1,6 milliard de musulmans dont une infime fraction est sympathisante d’al-Qaïda et encore moins adepte ou membre. Mais une petite fraction d’1,6 milliard d’individus est encore un nombre important.

Ben Laden a accueilli la rhétorique et la politique de Bush avec joie, car elles permettaient de gonfler ses effectifs; il craignait que celles d’Obama ne les diminuent. Sur ce dernier point, au moins, il ne se trompait pas.

Voir enfin:

Invisible Censorship

There are limits to free speech in free societies too.

Iivi Anna Masso

Diplomaatia

Nick Cohen. You Can’t Read This Book: Censorship in an Age of Freedom. Fourth Estate, 2012. 330 lk.

We Estonians – at least those of us born in the 1960s and 1970s (and earlier) – remember too well the time when freedom of speech was just an abstract dream and ubiquitous official censorship was an unpleasant reality; when there was no slightest hope of having a normal, open public debate about anything remotely political (or interpretable as political) – there was just one and only one possible position on those issues, that of the leaders of the one and only political party. At that time, writers, poets, musicians and playwrights were glad when they sometimes managed to smuggle a hidden message into their texts and plays, a thought everyone had on their minds but no one dared to express – provided that the censors were too lenient or ignorant to notice the forbidden message in time.

That experience of real and habitual censorship – in fact, a censorship that prevented most of us from even trying to ever say anything inappropriate (which, for many, meant not trying to say anything at all in public) – distinguishes us from the people in the ‘old West’, who have got used to enjoying freedom of speech at best for centuries. The relatively fresh memory of not having had this precious freedom may be a reason why we have quite a lot of it today – Reporters without Borders listed Estonia the third freest country in the world after Norway and Finland. Therefore, even though our own ACTA protests recently brought thousands of people to the streets, some of the problems assessed by the British journalist and author Nick Cohen in his new book, You Can’t Read This Book, are not very familiar to us. Still, it is good for us to be reminded that even in the ‘old West’ freedom of expression is not always as self-evident as we might think it is in the 21st century, long after the ‘end of history’.

Just like the late Christopher Hitchens (to whom the book was dedicated), Cohen, who is a columnist for the Observer, belongs to the rare class of thinkers who position themselves politically on the left, but have the capacity to rise above ideologies when assessing any particular topic at hand, and who is therefore hard to categorise politically to the confusion of those who desperately try to do so. Cohen can harshly criticise economic inequality and the bankers’ greed, but he does not share the view, popular among left-wing thinkers, that everything bad comes from capitalism and ‘American imperialism’, and consequently nothing bad can come from cultural ‘non-West’ that is seen as their opposite. Cohen opposes the repression of freedom regardless who and where it comes from – in his own backyard and out in the world.

This intellectual integrity helps Cohen to detect and condemn the lack of freedom of speech also in an area where many of his (often, but not always, left-wing) colleagues prefer tactful silence to show their respect for ‘differences’ – be it about the anti-Rushdie campaign, the Muhammad cartoons, a play staged in Birmingham offending (some) Sikhs, or Ayaan Hirsi Ali’s fight for the rights of Muslim women. Cohen understands that just as Western liberals had supported the Soviet dissidents who had defected to the West, they should support the liberals and freedom fighters who emerge from culturally defined minorities and who defy the taboos and dogmas of their own traditional background societies. But it is not easy to find this kind of support today.

You Can’t Read This Book is a book about censorship in free societies – and very much about self-censorship caused by different methods of pressure – from violence and threats of violence by religious fanatics to libel courts with a capacity to ruin your economy. The book is, in spite of its title, recommended reading for anyone who is interested in preserving and protecting free speech as a necessary pillar of free society. The book is divided into three parts, each describing one major factor that can be used, in one way or another, to limit free speech: God, money and the state. The first and longest part is dedicated mostly, but not only, to the challenges posed to free speech by Islamic fundamentalism. The ‘Money’ part deals with the (in)famous English libel courts, but also with the meaning of privacy protection, the anatomy of some aspects of the financial crisis and even workplace democracy. The censoring potential of the state is assessed in the third part, in connection with the new methods of spreading information in the wake of the IT revolution.

Godly revenge

It is an irony of fate that the most serious recent setback to freedom of speech in the West occurred in the same year when the fall of the Berlin Wall – soon followed by that of the Iron Curtain – liberated the Eastern half of Europe after decades of totalitarianism. Salman Rushdie’s The Satanic Verses was published in 1988 and Ayatollah Khomeini issued a fatwa calling for Rushdie’s death in 1989. This call for murder as a punishment for blasphemy was unprecedented because even though Rushdie was born to an Indian Muslim family, he was a Cambridge-educated British citizen living in London, meaning that the harsh Qu’ranic blasphemy laws, still valid in stronger or weaker versions in many Muslim-majority countries, were for the first time applied globally, with nothing less than death as the punishment for violating them.

The Rushdie affair, which Cohen calls ‘the Dreyfus affair of our time’, ‘redrew the boundaries of the free world’, or rather, it dissolved the borders that had framed and protected a zone where the right to have free, playful and provocative discussions about any issue had become self-evident. The fatwa ‘ensured that London, New York, Paris, Copenhagen and Amsterdam could no longer be places of safety for writers tackling religious themes’. It was not just Rushdie who was threatened. Cohen gives a good overview of the reactions of publishers, book sellers and translators to the threats they, too, had received. Some were more prone to give in to the threats than others who chose to defend the writer and the principles of free speech, sometimes paying a high price for that. It is most amazing that not all intellectuals rushed to Rushdie’s defence – there were those, both on the right and on the left, who did not share the instinctive reaction of people like Hitchens and Cohen who immediately took the side of the threatened novelist against those who threatened him. Some blamed Rushdie for his lack of ‘respect’ for the sacred, instead of condemning the religious fanatics who wanted to kill him for writing a novel.

Cohen argues that this apparently benevolent understanding of ‘other cultures’ was, and still is, based on a similar mistaken conception of ‘a clash of civilisations’, like ‘neo-conservative’, or even plain racist, denunciations of the cultural (or racial) ‘other’ as essentially different and incapable of moral responsibility. Cohen rejects this essentialist perspective. “The Rushdie affair was not ‘a clash of civilisations’ but a struggle for civilisation,” he asserts. Nevertheless, after the Rushdie affair, the Western liberal proponents of ‘understanding’ have demonstrated over and over again an incapacity (or unwillingness) to seriously stand for liberal values when these are threatened by religious fanatics coming from non-Western cultures – in addition to Muslims, the book contains examples where Sikhs and Hindus are involved. For Cohen, such reluctance to stand by dissidents and liberals from other cultures is itself a form of racism. ‘The others’ are seen as homogenous groups, not individuals who can disagree with each other within (and beyond) those cultural groups.

In twenty years, violence and threats on the one hand, and misplaced attempts at respect on the other, have had a profound effect. When the American author Sherry Jones wrote an innocent novel about the life of Muhammad’s favourite wife, it took just a hint from an American academic that it could possibly ‘be offensive to some in the Muslim community’ and ‘incite acts of violence by a small, radical segment’ for Random House to cancel the contract and pull the book. Violence or threats are no longer needed: we have learned to censor ourselves. Paintings are removed from exhibitions and plays are cancelled as soon as someone hints that they could ‘offend’ someone. Self-censorship does not mean so much that existing books get banned as that possibly provocative books remain unwritten. Since the fatwa, Cohen writes, Western culture has changed: “No young artist of Rushdie’s range and gifts would dare write a modern version of The Satanic Verses today, and if he or she did, no editor would dare publish it.”

The bankrupting truth

A quite different form of censorship is the one that has brought dubious international fame particularly to England – it threatens those who break the rules not with physical violence, but with unbearable financial losses. English libel courts are well known for making writers pay for smearing someone’s good name, regardless of whether what they write is factually true or not, and even whether they end up winning or losing their cases in court. Even though this method of pressure is different, its end result is the same: preventive self-censorship. Knowing that they can always be outdone by rich claimants, individual writers and smaller papers prefer not to write about certain persons and topics. This modern form of censorship also has a global reach: the British courts have protected, among others, Saudi sheiks and Ukrainian oligarchs from uncomfortable revelations or critical remarks. To sue writers for ‘smearing their name’, it is enough that the material, even if published abroad, is available in Britain. In the era of the Internet and global markets, this could include virtually anything.

Just like Part I, the part about the censoring power of money is a multi-layered story consisting of history, arguments and detailed examples. It does not simply demonstrate how rich people living far away have managed, with the help of English libel courts, to silence papers published far away. It also offers an interesting insight into the history of libel law not just in Britain, but in the USA, the country whose free speech law, the First Amendment, is in Cohen’s opinion the one law that everyone should enact to protect free speech, if they can enact just one law. Cohen recalls the situation in the South of the United States in the 1960s where the civil rights movement was initially silenced by the same libel laws, inherited from England – civil rights activists who criticised racist officials and policemen were sued for libel. Cohen draws a parallel between the people who tried to preserve segregation then and the people who buy the media’s silence today – both of them could shut their critics up by appealing to generous interpretations of libel law. However, the American courts fixed this problem in 1964: the Supreme Court decided that libel law could not be interpreted so as to punish citizens for freely expressing their opinions. Sadly, it is still not equally obvious everywhere.

Cohen even sees a connection between the repression of free speech and the financial crisis. Criticising the corporate culture as the ‘cult of the supreme manager’, he pays attention to a fact that also should stop us up here to think: democracy often ends at the office door. Today, in the Western world, it is quite risk free to criticise political leaders. As seen above, criticising religious authorities is trickier. But if you publicly criticise your employer, you run a very high risk of losing not just your job and livelihood, but also a chance to be hired by any employer in your field. Even though it is justified to keep some information secret within companies and institutions, suppressing all internal criticism may have disastrous results. Cohen believes that the financial crisis was predictable and that there were experts in the banking sector who warned their employers about the risks. But more often than not, the whistleblowers were fired by their bosses who wanted to keep the status quo in the hope of rapid profits. And others preferred to remain silent.

Freedom is political

In Part III of the book, Cohen reminds the reader that there are still plenty of states in the world that do not grant their citizens even the most basic freedoms. He warns against an overwhelming IT optimism – in spite of the Arab Spring which demonstrated the power of the Internet and the social media to help mobilise democratic protests, authoritarian governments have learned to restrict Internet freedom and, worse still, to use new technologies in their own interests.

“Cyber-utopians do not study history. If they did, they would not be utopians,” says Cohen and turns to the past again to find parallels between today’s Net enthusiasm and the introduction of new printing presses in the 1450s. Then, too, the possibilities of spreading information improved at a revolutionary speed. Then, too, there were people worried about the harmful effects of the new technology, people who would have preferred to restrict the availability of information to the masses. And there were those who believed in the enlightening power of the new technology. Cohen reminds us that even though parallels are gladly drawn today, anyone who would have predicted in the 15th century that the ‘Gutenberg Revolution’ would bring a ‘new age of transparency’ to late medieval Europe would have been wrong in their assumption that the ease of spreading information in itself would make wars and massacres less likely to occur.

Today’s technological developments are also radically changing the speed and nature of the exchange of information. Cohen offers an illuminating example by painting a picture of a Xerox-era Wikileaks: the people who leaked the information should have been able to make hundreds of thousands of photocopies and smuggle a truckload of them out of offices without anyone noticing. He concludes that the ease of the transfer of information certainly changes the world, but it does not contain an inherent value – Cohen is ironic about the Net radicals who treat transparency in itself as a positive and at the same time depoliticised value. For example, by exposing ‘non-political’ information Wikileaks revealed the identities of Belarusian dissidents to the oppressive regime. Cohen does not oppose the pursuit of transparency, but he insists that the activists who swear they act in the name of information freedom try to understand whether the free flow of information indeed benefits liberals or supports the enemies of freedom.

The book ends constructively with a dozen tips for all ‘free-speaking citizens’. Well argued, logical and even funny, You Can’t Read This Book is more than just a source of information about the limits to free speech in free societies. It invites the reader to think about the weaknesses of democracies today and it teaches citizens of the free world, who have got so used to freedom that they tend to take it for granted, how to notice and recognise attempts to suffocate their freedom.

Freedom of speech is not irrelevant to world politics. When Western courts use their libel laws to protect the strongmen of authoritarian states from criticism and when Western artists submit to pressures from foreign religious-political leaders and refrain from criticising the dogmas and ideologies professed by those leaders, it means that free societies implicitly support authoritarian governments abroad, instead of helping the dissidents who challenge them.

Cohen relies on John Stuart Mill’s good old Harm Principle when searching for justified limits to free speech: he subscribes to Mill’s view that no speech that does not constitute a direct incitement to violence should be prohibited. But he considers John Milton, an earlier thinker who fought for the right to criticise the dogmas of the Church of England in the mid-17th century, to be the father of the English freedom of speech. Cohen writes: “Milton’s advantage over modern writers and academics is that he had experienced censorship. He knew the humiliation of having to take work to a censor, and had a justifiable contempt for the type of man who would choose bowdlerising as a career.” That is an ‘advantage’ that we in Eastern Europe have over our fellow Europeans who have enjoyed liberty much longer. We should use this advantage to recognise and resist the hidden forms of censorship that our time has in store.

Voir par ailleurs:

Non, nous ne sommes pas antisémites

Eric Mettout

L’Express

18.05.12

Nous avons commis une terrible erreur, un texte malencontreux sur l’une de nos photos du jour du 18 avril dernier (à gauche), mal traduit de la légende, tout ce qu’il y a de plus circonstanciée, elle, que nous avait fournie l’AFP*: sur la « reconstitution », dans un camp de réfugiés au Liban, de l’arrestation par de faux militaires israéliens d’un Palestinien, nous avons omis d’indiquer qu’il s’agissait d’une mise en scène, que ces « soldats » jouaient un rôle et que tout ça relevait de la pure et simple propagande.

C’est une faute – qu’atténuent à peine la précipitation et la mauvaise relecture qui l’ont provoquée.

C’en serait une dans tous les cas, ça l’est plus encore dans celui-là: laisser planer la moindre ambiguïté sur un sujet aussi sensible, quand on sait que les images peuvent être utilisées comme des armes de guerre, donner du crédit à un stratagème aussi grossier, qui peut contribuer à alimenter l’exaspération antisioniste là où elle s’enflamme sans besoin de combustible, n’appelle aucun excuse. Nous avons déconné, gravement. J’ai déconné, gravement: je suis responsable du site de L’Express, et donc du dérapage.

A ce titre, je fais amende honorable, la queue basse, auprès des internautes qui ont été abusés, de tous ceux que cette supercherie a pu blesser et de l’AFP, qui n’est EN AUCUN CAS comptable de nos propres bêtises.

Cela dit – et que les choses soient claires, ce que j’écris ci-dessous n’enlève rien à ce que j’ai écrit ci-dessus:

– Il arrive, quand nous nous trompons – parce que ça arrive, personne n’est parfait – que nous en soyons avertis directement, que celle ou celui qui a repéré une erreur nous envoie un mail, nous passe un coup de téléphone, nous écrive pour nous demander de nous expliquer, de corriger, de supprimer – il est assez facile de nous contacter si on le souhaite vraiment. J’attends toujours. Dès que j’ai eu connaissance, par le patron du service Monde de L’Express, de cette bourde, j’ai fait supprimer l’image et sa légende.

– Sur de nombreux sites pro-israéliens où l’affaire (!) a pris son envol et son ampleur, elle a servi à nourrir de vieilles rancœurs. Pour résumer: les médias français dans leur ensemble désinforment sciemment, s’acharnant sur Israël en toute (mé)connaissance de cause – quand nous ne sommes pas tout bonnement accusés d’encourager le terrorisme; j’ai lu tout à l’heure que nous aurions « fabriqué » Mohamed Merah…

Naturellement, ont resurgi à cette occasion d’autres incidents, au premier rang desquels figure, comme d’habitude, la mort du petit Mohamed Al-Durah, filmée par l’équipe du correspondant de France 2 à Jérusalem, Charles Enderlin – formidable journaliste, dont le courage n’a d’égal que le professionnalisme, j’en profite pour le répéter ici. Il faut avoir le cuir épais pour résister aux pressions brutales et inqualifiables dont il est la cible depuis ce jour-là. Il l’a, fait toujours bien son métier, rend coup pour coup, malgré les attaques infamantes et les calomnies dont il est l’objet, respect.

C’est d’ailleurs un regret supplémentaire: en manquant de rigueur, nous avons involontairement contribué à discréditer nos confrères qui font bien leur travail, qui relatent les emprisonnements arbitraires des uns, l’extrémisme religieux et les diatribes antisémites des autres, les opérations militaires implacables comme les tirs de roquettes, les colonies illégales comme les attentats aveugles – et rappellent aussi, ne serait-ce que par leur liberté d’y travailler, qu’Israël est la seule véritable démocratie de la région, qu’on y vote sans contrainte, qu’on y lit des journalistes indépendants, qu’on peut y manifester et s’y opposer sans risquer la torture et la mort.

– Marre de lire que tous autant que nous sommes, nous, journalistes français, nous cultivons non seulement un antisionisme atavique (ce qui est faux), mais aussi un antisémitisme historique – ce qui, pour le coup, me fait hurler. Evoquer, comme je l’ai lu ici ou là, « la connotation antisémite » de ce qui, encore une fois, n’est rien d’autre qu’une bévue, ce n’est pas seulement disproportionné et inutilement insultant, ce n’est pas seulement banaliser le Mal, c’est aussi un avertissement à peine déguisé.

J’ai utilisé le mot propagande au début de ce post, à propos de l’image qui l’a motivé. Il n’y en a pas d’autre pour qualifier les méthodes d’intimidation mises en oeuvre pour nous empêcher de parler librement du conflit israélo-palestinien. Et si reconnais bien volontiers, et bien tristement, notre erreur, je tiens à confirmer que nous continuerons, malgré elle et les réactions qu’elle a provoquées, à le faire.

PS qui a tout à voir: le sujet de ce post est éminemment sensible. Je ne vais être épargné par personne, ni par les défenseurs les plus intransigeants de la politique israélienne, ni par ceux qui dénoncent sans nuance le vil « colonisateur ». J’aimerais simplement que tous les autres, et j’espère qu’ils sont majoritaires, liront ce que j’ai écrit et pas ce que ces jusqu’au-boutistes en auront dit.

*PS qui a tout à voir aussi: pour information, la légende, en anglais, de la photo fournie par l’AFP: « LEBANON, AIN EL-HELWEH: Palestinian refugees pose as Israeli soldiers arresting and beating a Palestinian activist during celebrations of Prisoners’ Day at the refugee camp of Ain el-Helweh near the coastal Lebanese city of Sidon on April 17, 2012 in solidarity with the 4,700 Palestinian inmates of Israeli jails. Some 1,200 Palestinian prisoners held in Israeli jails have begun a hunger strike and another 2,300 are refusing food for one day, a spokeswoman for the Israel Prisons Service (IPS) said. »

le 18 mai 2012


Présidentielles 2012: Quand Obama fait du Hollande (Wat About Di Working Claas?)

15 Mai, 2012
Comment Hollande a justifié l'expression des "sans dent" à Davet et Lhomme - YouTubeWat About Di Working Claas? Linton Kwesi Johnson
J’apprends que le gouvernement estime que le peuple a ‘trahi la confiance du régime’ et ‘devra travailler dur pour regagner la confiance des autorités’. Dans ce cas, ne serait-il pas plus simple pour le gouvernement de dissoudre le peuple et d’en élire un autre ? Bertold Brecht
75 !? Ah ouais ! Bon, là, c’est vrai que c’est pas pareil… 75 !!! Vous savez… Dieu bénisse l’Amérique de ne pas avoir une telle loi ! Will Smith
La vérité, c’est que c’est notre défi de persuader les gens que le progrès est possible, alors qu’ils n’en voient pas beaucoup de preuves dans leur vie quotidienne. Dans beaucoup de petites villes de la Pennsylvanie, comme dans beaucoup de petites villes du Midwest, cela fait 25 ans que les emplois sont partis et que rien ne les a remplacés. Elles ont été oubliées par l’administration Clinton et par l’administration Bush, et chaque administration successive promettait que, d’une façon ou d’une autre, ces villes allaient retrouver leur vitalité, alors qu’elles ne l’ont pas fait. Il n’est donc pas étonnant que les gens deviennent amers, qu’ils s’accrochent aux armes à feu et à la religion, à l’antipathie envers ceux qui ne leur ressemblent pas, aux discours anti-immigration ou au protectionnisme commercial, comme moyen de s’expliquer leur frustrations. Barack Obama (2008)
J’ai fait part de mon opposition à cela. Je pense que cela n’est pas nécessaire. Je crois que le mariage est l’union d’une homme et d’une femme. Je ne suis pas en faveur du mariage gay. Mais quand vous commencez à jouer avec les constitutions juste pour interdire à quelqu’un de prendre soin de quelqu’un d’autre, il me semble que cela n’est pas ce que veut l’Amérique. Habituellement, nos constitutions étendent les libertés, elles ne les réduisent pas. Barack Obama (MTV)
Je veux dialoguer directement avec l’Iran et la Syrie. Nous ne stabiliserons pas la région si nous ne parlons pas à nos ennemis. Lorsqu’on est en désaccord profond avec quelqu’un, il faut lui parler directement. Barack Obama (2008)
Si je suis demain président de la République, la justice ira jusqu’au bout sur toutes les affaires. Elle ne sera pas entravée, les parquets ne feront pas appel. Ils ne recevront aucune instruction individuelle de la chancellerie. Et si des élus, socialistes ou autres, sont condamnés pour des faits de corruption, ils ne pourront pas se présenter pendant dix ans. Je n’aurai pas autour de moi à l’Élysée des personnes jugées et condamnées. François Hollande
J’ouvrirai le droit au mariage et à l’adoption aux couples homosexuels. Hollande (Programme PS)
Les Israéliens se sont surarmés et en faisant cela, ils font la même faute que les Américains, celle de ne pas avoir compris les leçons de la deuxième guerre mondiale, car il n’y a jamais rien de bon à attendre d’une guerre. Et la force peut détruire, elle ne peut jamais rien construire, surtout pas la paix. Le fait d’être ivre de puissance et d’être seul à l’avoir, si vous n’êtes pas très cultivé, enfant d’une longue histoire et grande pratique, vous allez toujours croire que vous pouvez imposer votre vision. Israël vit encore cette illusion, les Israéliens sont probablement dans la période où ils sont en train de comprendre leurs limites. C’était Sharon le premier général qui s’est retiré de la bande de Gaza car il ne pouvait plus la tenir. Nous défendons absolument le droit à l’existence d’Israël et à sa sécurité, mais nous ne défendons pas son droit à se conduire en puissance occupante, cynique et brutale … Michel Rocard (Al Ahram, 2006)
Le Parti républicain est devenu le parti des hommes blancs. Ruy Texeira (Center for American progress)
Obama apparait moins comme un candidat en Pennsylvanie que comme un anthropologue à Bornéo. Sa mère a obtenu son doctorat d’anthropologie en étudiant la culture indonésienne. Et en courtisant l’électorat ouvrier blanc au pays de Voyage au bout de l’enfer et de Rocky, il donne souvent l’impression de quelqu’un qui observe les étranges habitudes des riverains exotiques, résistant aux indigènes qui essaient de l’engraisser comme un canard de foie gras, acceptant maladroitement le don de chaussures de bowling de Bob Casey [sénateur du Pennsylvanie], examinant le fromage et le salami du marché italien comme autant d’artéfacts ethniques intrigants. Maureen Dowd
Une statistique plus brutale marque pourtant mieux que les autres la marque de fabrique du vote républicain. C’est le vote du white male, de l’homme blanc. Seuls 37 % d’entre eux ont voté pour Kerry, contre 62 % pour Bush, un écart considérable qui est près du double de celui enregistré pour les femmes blanches. Bill Clinton avait lancé le concept des soccer moms, ces femmes qui emmènent leurs enfants au soccer(football au sens où nous l’entendons, mais qui est plus chic aux Etats-Unis que le football américain) et qui votent démocrate. Bush capture le vote du nascar dad, qu’on pourrait traduire par le « papa-bagnole, qui se passionne pour les courses automobiles d’Indianapolis et de Daytona. Dans le langage des stratèges électoraux, les nascar dads sont les électeurs mâles, sans études supérieures, qui votaient jadis pour les démocrates et votent désormais pour les républicains. Grâce au Watergate et à la diffusion des enregistrements faits à la Maison Blanche, on sait que Nixon avait clairement saisi l’opportunité de rallier à la cause républicaine les cols bleus choqués par Woodstock et autres manifestations du « déclin de la civilisation occidentale ». C’est Reagan qui pousse à son paroxysme cette capture du vote ouvrier, dont Bush junior récolte les fruits bien mieux que son père. Dans un article publié par la New York Review of Book, « The White Man Unburdened », l’homme blanc privé de son fardeau, l’écrivain Norman Mailer faisait la liste de tout ce que l’homme blanc a perdu au cours des trente dernières années : son statut, son salaire, son autorité, ses athlètes (blancs) préférés…, pour expliquer le ralliement à la guerre irakienne de Bush (voir aussi le texte d’Arlie Hochschild « Let them eat war » sur tomdispatch.com). Il n’est pas besoin d’une longue démonstration pour voir apparaître, derrière un langage différent (la religion, le droit au port d’armes…), les mêmes traits qui ont expliqué en France le vote ouvrier en faveur de Le Pen. Loin d’apparaître comme un continent bizarre, si loin désormais de l’Europe, l’Amérique est soumise à un processus identique. Les mots pour le dire ne sont pas les mêmes, mais c’est le même désamour entre la gauche et la classe ouvrière qui s’est joué des deux côtés de l’Atlantique, qui marque dans les deux cas l’aboutissement d’un long processus de déracinement du monde ouvrier. Daniel Cohen
Partout en Europe, en Amérique du Nord, en Australie, la coalition historique de la gauche, centrée sur la classe ouvrière, s’efface. Même dans les pays où existe un lien institutionnel, via les syndicats, entre la classe ouvrière et la gauche politique, le vote ouvrier déserte la gauche : Grande Bretagne, Allemagne, Suède. La social-démocratie perd sa base électorale. Si la coalition historique de la gauche est en déclin, une nouvelle coalition émerge.  (…) La nouvelle gauche a le visage de la France de demain : plus jeune, plus féminin, plus divers, plus diplômé, mais aussi plus urbain et moins catholique . Elle est en phase avec la gauche politique sur l’ensemble de ses valeurs. Contrairement à l’électorat historique de la gauche, coalisé par les enjeux socioéconomiques, cette France de demain est avant tout unifiée par ses valeurs culturelles, progressistes : elle veut le changement, elle est tolérante, ouverte, solidaire, optimiste, offensive. C’est tout particulièrement vrai pour les diplômés, les jeunes, les minorités . Elle s’oppose à un électorat qui défend le présent et le passé contre le changement, qui considère que « la France est de moins en moins la France », « c’était mieux avant », un électorat inquiet de l’avenir, plus pessimiste, plus fermé, plus défensif. Le facteur socioéconomique joue aussi. Car la France de demain réunit avant tout les « outsiders » de la société, ceux qui cherchent à y rentrer, notamment sur le marché du travail, mais n’y parviennent que difficilement : les jeunes, les femmes, les minorités, les chômeurs, les travailleurs précaires. Ils ont du mal car ils sont la principale variable d’ajustement face à la crise d’une société d’« insiders » qui, pour préserver les droits acquis, sacrifie les nouveaux entrants. Ces « outsiders » ont besoin de l’aide de la puissance publique pour surmonter les barrières qui se dressent devant eux : ils ont besoin d’un Etat qui les aide à s’émanciper, à briser le plafond de verre. Ils sont soutenus par les plus intégrés (les diplômés), solidaires de ces « exclus » par conviction culturelle. La nouvelle gauche qui émerge en France est la même que celle qui se dessine partout en Europe. Elle ressemble de près à la coalition qui a porté Barack Obama au pouvoir en 2008.  Terra Nova (think tank socialiste)
Aujourd’hui le clivage droite/gauche n’est plus idéologique, mais philosophique et moral. Hervé Bentégeat
Célébrer l’histoire du communisme ou de la Terreur, c’est tout de même bien plus tolérant que de refuser l’entrée du territoire à un étranger qui ne s’est pas conformé à la loi. Théophane Le Méné

Attention: un Américain peut en cacher un autre!

A l’heure où dans tout les pays industrialisés, les travailleurs blancs ont largement déserté la gauche pour rejoindre les Républicains aux Etats-Unis ou l’extrême-droite en Europe …

Et qu’après des années de tergiversations et sentant une élection serrée suite à un bilan calamiteux, le Louvoyeur en chef (pardon: « le premier président homosexuel« ) tente, avec le « mariage homosexuel« , la diversion comme la remobilisation de l’enthousiasme quelque peu vacillant de ses troupes sans compter les millions d’Hollywood

Pendant qu’en ce jour d’investiture et avec la nomination d’un « repris de justice » (certes dument réhabilité) comme premier ministre, notre Manipulateur en chef et tout récent champion de la République « exemplaire et irréprochable » commence, entre la rare mesquinerie des gestes et le remarquable sectarisme du discours, par fouler au pied l’une des règles avec laquelle il nous avait si longuement bassinés …

Et nous refait, via notre Rocky national (faut bien assurer les fins de mois!) et face aux champions de la solution finale de Téhéran, le coup obamien de la « remise à zéro »

Comment ne pas voir, avec un article du NYT de novembre dernier et de part et d’autre de l’Atlantique, l’étrange convergence des stratégies électorales du démocrate Obama comme du socialiste dont le camp avait tant critiqué « Sarko l’Américain« ?

A savoir, à coup de hochets sociétaux pour les uns (protection de l’environnement, démilitarisation, comportements sexuels, rôle des femmes) et d’aide sociale pour les autres (assurance-maladie, bons alimentaires, aides alimentaires pour les enfants, allocations chômage), l’abandon des travailleurs blancs (dénoncés, il y a quatre ans, par le candidat démocrate lui-même comme « cramponnés à Dieu et à leurs armes à feu ») au profit des plus diplômés (professeurs, artistes, créateurs, éditeurs, avocats, bibliothécaires, animateurs sociaux, enseignants) et des minorités (hispaniques et noirs ou maghrébins-africains) …

Avec, sur fond de problèmes d’intégration et sans compter le risque de s’aliéner le notoirement plus grand conservatisme desdites minorités sur ces questions-là,  le risque d’accroitre toujours un peu plus à terme,  comme on l’a vu tout récemment avec l’affaire Trayvon Martin aux Etats-Unis ou Mérah en France, les tensions entre des groupes dont les intérêts ne peuvent que diverger …

Et,comme on le voit aux Etats-Unis à l’instar de la mise à l’écart de certaines agences catholiques ou juives orthodoxes des services d’adoption pour cause de pensée non conforme, la tentation toujours plus forte d’user de la force publique pour imposer à tous les desiderata de quelques uns …

The Future of the Obama Coalition

Thomas B. Edsall

 The NYT

November 27, 201

For decades, Democrats have suffered continuous and increasingly severe losses among white voters. But preparations by Democratic operatives for the 2012 election make it clear for the first time that the party will explicitly abandon the white working class.

All pretense of trying to win a majority of the white working class has been effectively jettisoned in favor of cementing a center-left coalition made up, on the one hand, of voters who have gotten ahead on the basis of educational attainment — professors, artists, designers, editors, human resources managers, lawyers, librarians, social workers, teachers and therapists — and a second, substantial constituency of lower-income voters who are disproportionately African-American and Hispanic.

It is instructive to trace the evolution of a political strategy based on securing this coalition in the writings and comments, over time, of such Democratic analysts as Stanley Greenberg and Ruy Teixeira. Both men were initially determined to win back the white working-class majority, but both currently advocate a revised Democratic alliance in which whites without college degrees are effectively replaced by well-educated socially liberal whites in alliance with the growing ranks of less affluent minority voters, especially Hispanics.

The 2012 approach treats white voters without college degrees as an unattainable cohort. The Democratic goal with these voters is to keep Republican winning margins to manageable levels, in the 12 to 15 percent range, as opposed to the 30-point margin of 2010 — a level at which even solid wins among minorities and other constituencies are not enough to produce Democratic victories.

“It’s certainly true that if you compare how things were in the early ’90s to the way they are now, there has been a significant shift in the role of the working class. You see it across all advanced industrial countries,” Teixeira, a senior fellow at the Center for American Progress, said in an interview.

 In the United States, Teixeira noted, “the Republican Party has become the party of the white working class,” while in Europe, many working-class voters who had been the core of Social Democratic parties have moved over to far right parties, especially those with anti-immigration platforms.

Teixeira, writing with John Halpin, argues in “The Path to 270: Demographics versus Economics in the 2012 Presidential Election,” that in order to be re-elected, President Obama must keep his losses among white college graduates to the 4-point margin of 2008 (47-51). Why? Otherwise he will not be able to survive a repetition of 2010, when white working-class voters supported Republican House candidates by a record-setting margin of 63-33.

Obama’s alternative path to victory, according to Teixeira and Halpin, would be to keep his losses among all white voters at the same level John Kerry did in 2004, when he lost them by 17 points, 58-41. This would be a step backwards for Obama, who lost among all whites in 2008 by only 12 points (55-43). Obama can afford to drop to Kerry’s white margins because, between 2008 and 2012, the pro-Democratic minority share of the electorate is expected to grow by two percentage points and the white share to decline by the same amount, reflecting the changing composition of the national electorate.

The following passage from “The Path to 270” illustrates the degree to which whites without college degrees are currently cast as irrevocably lost to the Republican Party. “Heading into 2012,” Teixeira and Halpin write, one of the primary strategic questions will be:

Will the president hold sufficient support among communities of color, educated whites, Millennials, single women, and seculars and avoid a catastrophic meltdown among white working-class voters?

For his part, Greenberg, a Democratic pollster and strategist and a key adviser to Bill Clinton’s 1992 campaign, wrote a memorandum earlier this month, together with James Carville, that makes no mention of the white working class. “Seizing the New Progressive Common Ground” describes instead a “new progressive coalition” made up of “young people, Hispanics, unmarried women, and affluent suburbanites.”

In an interview, Greenberg, speaking of white working class voters, said that in the period from the mid-1960s to the early 1990s, “we battled to get them back. They were sizable in number and central to the base of the Democratic Party.” At the time, he added, “we didn’t know that we would never get them back, that they were alienated and dislodged.”

In his work exploring how to build a viable progressive coalition, Greenberg noted, he has become “much more interested in the affluent suburban voters than the former Reagan Democrats.” At the same time, however, he argues that Republican winning margins among white working-class voters are highly volatile and that Democrats have to push hard to minimize losses, which will not be easy. “Right now,” he cautioned, “I don’t see any signs they are moveable.”

Teixeira’s current analysis stands in sharp contrast to an article that he wrote with Joel Rogers, which appeared in the American Prospect in 1995. In “Who Deserted the Democrats in 1994?,” Teixeira and Rogers warned that between 1992 and 1994 support for Democratic House candidates had fallen by 20 points, from 57 to 37 percent among high-school-educated white men; by 15 points among white men with some college; and by 10 points among white women in both categories. A failure to reverse those numbers, Teixeira warned, would “doom Clinton’s re-election bid” in 1996.

Teixeira was by no means alone in his 1995 assessment; he was in agreement with orthodox Democratic thinking of the time. In a 1995 memo to President Clinton, Greenberg wrote that whites without college degrees were “the principal obstacle” to Clinton’s re-election and that they needed to be brought back into the fold.

In practice, or perhaps out of necessity, the Democratic Party in 2006 and 2008 chose the upscale white-downscale minority approach that proved highly successful twice, but failed miserably in 2010, and appears to have a 50-50 chance in 2012.

The outline of this strategy for 2012 was captured by Times reporters Jackie Calmes and Mark Landler a few months ago in an article tellingly titled, “Obama Charts a New Route to Re-election.” Calmes and Landler describe how Obama’s re-election campaign plans to deal with the decline in white working class support in Rust Belt states by concentrating on states with high percentages of college educated voters, including Colorado, Virginia and New Hampshire.

There are plenty of critics of the tactical idea of dispensing with low-income whites, both among elected officials and party strategists. But Cliff Zukin, a professor of political science at Rutgers, puts the situation plainly. “My sense is that if the Democrats stopped fishing there, it is because there are no fish.”

As a practical matter, the Obama campaign and, for the present, the Democratic Party, have laid to rest all consideration of reviving the coalition nurtured and cultivated by Franklin D. Roosevelt. The New Deal Coalition — which included unions, city machines, blue-collar workers, farmers, blacks, people on relief, and generally non-affluent progressive intellectuals — had the advantage of economic coherence. It received support across the board from voters of all races and religions in the bottom half of the income distribution, the very coherence the current Democratic coalition lacks.

A top priority of the less affluent wing of today’s left alliance is the strengthening of the safety net, including health care, food stamps, infant nutrition and unemployment compensation. These voters generally take the brunt of recessions and are most in need of government assistance to survive. According to recent data from the Department of Agriculture, 45.8 million people, nearly 15 percent of the population, depend on the Supplemental Nutrition Assistance Program to meet their needs for food.

The better-off wing, in contrast, puts at the top of its political agenda a cluster of rights related to self-expression, the environment, demilitarization, and, importantly, freedom from repressive norms — governing both sexual behavior and women’s role in society — that are promoted by the conservative movement.

While demographic trends suggest the continued growth of pro-Democratic constituencies and the continued decline of core Republican voters, particularly married white Christians, there is no guarantee that demography is destiny.

The political repercussions of gathering minority strength remain unknown. Calculations based on exit poll and Census data suggest that the Democratic Party will become “majority minority” shortly after 2020.

One outcome could be a stronger party of the left in national and local elections. An alternate outcome could be exacerbated intra-party conflict between whites, blacks and Hispanics — populations frequently marked by diverging material interests. Black versus brown struggles are already emerging in contests over the distribution of political power, especially during the current redistricting of city council, state legislative and congressional seats in cities like Los Angeles and Chicago.

Republican Party operatives are acutely sensitive to such tensions, hoping for opportunities to fracture the Democratic coalition, virtually assuring that neither party can safely rely on a secure path to victory over time.

 Voir aussi:

Obama and blue-collar voters: Take 2

Carrie Budoff Brown

Politico

December 1, 2011

SCRANTON, Pa. — They were never a natural fit.

President Barack Obama lost white working-class voters in this Rust Belt state during the 2008 Democratic primary, after describing them as bitter people who “cling” to God and guns. He didn’t do much better with them in the general election.

And now, three years into his presidency, Obama is still struggling, despite accomplishments that would seem to appeal to blue-collar workers: guaranteed health care, a crackdown on Wall Street and a rescue of the auto industry.

The stakes couldn’t be higher: If Obama loses a substantial chunk of his white working-class support, he probably can’t carry Pennsylvania.

And without Pennsylvania, he probably won’t win the White House.

So Obama touched down in the heart of Pennsylvania’s blue-collar territory Wednesday to mount what is shaping up to be, at least at this point, another tough sales job to working-class voters here and across the Rust Belt.

Not only have these voters been battered by the economic downturn, they always have lacked a sense of allegiance toward Obama. Rife with political dynasties, Pennsylvania doesn’t quickly warm to newcomers — a dynamic that helped propel Hillary Clinton, a familiar face after years of traveling the state with her husband, past Obama in the 2008 primary.

A spate of recent surveys show that a majority of Pennsylvania voters now disapprove of Obama’s job performance. A closer look at the numbers shows why.

Only 33 percent of white working-class voters in Pennsylvania say the president deserves reelection, compared with 47 percent of college graduates, according to a Franklin & Marshall College Poll from early November. And the latest Public Policy Polling survey of Pennsylvania found 59 percent of white voters disapprove of his job performance, while 36 percent approve, surprising the pollsters who said such a spread is more typical of southern states, not those in the Northeast.

Obama isn’t going to win the blue-collar crowd — he lost them in Pennsylvania by a wider margin, 15 percentage points, than John Kerry did in 2004. He lost the same vote nationwide by 18 points against Republican John McCain.

But he can’t risk bleeding much more of their support, even as his coalition of minorities, young people, educated whites and single women grows in population while the Republican base of older, whiter, more rural voters declines, said Ruy Teixera, the co-author of a new report from the liberal Center for American Progress on the demographics of the 2012 electorate.

“He knows he’s not starting out on the right foot with these voters,” Teixera said in an interview. “He is well aware that, given the structure of the electorate in the state, he doesn’t want that 15-point deficit to yawn into a widening gap.”

That means Obama will need to spend more time in Pennsylvania than recent presidential voting patterns, registration numbers and demographics would suggest. Every Democratic nominee since Bill Clinton in 1992 has won the state. Democrats enjoy a more than 1 million voter-registration edge. And Democratic operatives here and in the Obama campaign argue that weaknesses in the Republican field and the president’s latest push on jobs better position him to woo working-class voters.

But with dismal job approval numbers — and Republicans now holding the governor’s office, the Legislature and two-thirds of the state’s seats in Congress — Obama has work to do.

His two-hour sweep through Scranton, although an official presidential visit, had the distinct feel of a campaign swing.

Only a few hours before he jetted to New York for a trio of high-dollar fundraisers, Obama stopped first in the Southside neighborhood, where the modest homes are decked out in Christmas lights, wreaths and pumpkins, and windows display stickers supporting troops abroad.

Obama sat down with Patrick and Donna Festa in their dining room draped in holiday decorations, from the Christmas plates on the table to the red-and-green-speckled cookies served the president. A picture of the Festas’ son holding rosary beads watched over them as they discussed how the couple, a third-grade teacher and a graphic artist, would benefit from the payroll tax cut that Obama is pressing Congress to extend.

Minutes later, Obama stood on the stage at Scranton High School, talking tough with Congress for opposing the bulk of his jobs plan and positioning the fight over the payroll tax cut as an epic struggle between Republicans protecting millionaires and Democrats fighting for the middle class.

“When this jobs bill came to a vote, Republicans in the Senate got together and they blocked it,” Obama said. “But here is the good news, Scranton: Just like you don’t quit, I don’t quit. I’m going to do everything I can without Congress to get things done.”

The go-it-alone, anti-Congress rhetoric drew a roar of applause from the crowd of 1,900, although one older man in the audience later shouted out, “You got to get tougher!”

Obama’s move toward a populist jobs message could be what saves him in Pennsylvania, said former Gov. Ed Rendell, a Democrat. Contrary to conventional wisdom, Rendell said, Obama can actually make gains with the working class — not only because he is now speaking their language on jobs but also because Republicans have a record that won’t be easy to defend.

“The president has a real chance to pick up significant votes among the voters he lost and in the counties he lost,” Rendell said in an interview. “Republicans have made every mistake in the book.”

Former Massachusetts Gov. Mitt Romney poses the biggest threat to Obama here, in part because of his appeal to the moderate, vote-rich Philadelphia suburbs. Two polls in the past month found Obama tied with Romney, a better showing than anybody else in the Republican field.

But the Obama campaign and veteran Pennsylvania operatives see obvious weaknesses that they are prepared to exploit.

Romney has called Obama’s proposal to expand and extend the payroll tax cut a “Band-Aid” — a phrase the president has incorporated into his stump speech. He opposed the auto bailout and called Obama “out of touch” for encouraging young people go into manufacturing.

Obama supporters have also taken comfort in Romney’s fading popularity in Pennsylvania, as captured by Public Policy Polling, which showed his favorability rating drop from 52 percent to 46 percent over the past six months, while his unfavorable rating jumped from 25 percent to 39 percent.

“It is a question of who is on the side of the middle class,” said Jack Shea, president of the Allegheny County Labor Council, who is personally supporting Obama and spoke on the campaign’s behalf. “We’re going to look at who is out there fighting for us.”

Romney pushed back Wednesday via Twitter, saying then-Sen. Joe Biden was right when he said in 2007 that Obama wasn’t ready to be president.

“Half a million Pennsylvanians are out of a job today,” Romney tweeted.

Ahead of the 2008 election, John Dougherty, head of the International Brotherhood of Electrical Workers Local 98 in Philadelphia, made an unusual appeal on behalf of Obama. He sent MP3 players to all of his members, explicitly urging them to look beyond race and back Obama for his commitment to union households.

The pitch for 2012, Dougherty said, is similar: Look at what Obama has done and what he is trying to do now on jobs.

“When it is all said and done, he’s got to work at it,” Dougherty said. “People aren’t doing as well as they were.”

Rosemary Schirg, 72, a resident of the Southside neighborhood that Obama visited, said Scranton Democrats are looking at the Republican alternatives and that the president has ground to make up in the working-class town.

“Oh, yeah, he does,” said Schirg, a Democrat who voted for Obama in 2008.

But for now, he can still rely on her. She said she’s more frustrated with Congress for obstructing Obama’s initiatives.

“I may not agree with everything he has done, but I’m very strong in feeling he is our president and we should stand behind him,” Schirg said as she waited for a glimpse of Obama. “No president is going to do everything perfectly.”

Voir encore:

The Politics of Marriage in the Obama  Era

Jonathan S. Tobin

05.09.2012

Proponents of gay marriage will celebrate today’s statement by President Obama in which he put himself on the side of changing the traditional definition of marriage as a courageous stand that marks a turning point in the nation’s attitudes on the issue. But as with the case of his positions on human rights crises in Libya and Syria, the president was “leading from behind” as he is just the latest major figure in his party to jump on the gay marriage bandwagon. There is no question that support for greater acceptance of gays and even a willingness to contemplate some form of civil unions or gay marriage is widespread and not limited to the political left. Changing attitudes on the part of large sectors of the public who have more of a libertarian than a traditional approach have rendered Obama’s position more a function of the center than the margins.

The decision also reflects a belief among Democratic strategists that even the most divisive social issues work in their favor, because any debate on abortion, contraception or gay rights allows them to paint the entire GOP as intolerant. Just as they were able to turn a discussion about the way ObamaCare attacked the religious freedom of the Catholic Church into one about a bogus war on women, they may now think a gay marriage initiative will work the same way in convincing the people who voted for Obama in 2008 they must turn out to fend off the GOP this year. In making this statement in the middle of his re-election bid after years of dithering on the issue, the president is sending a signal he believes this is the sort of thing he needs to do to fire up his otherwise unenthusiastic base. Rather than a “profile in courage” moment, Obama’s gay marriage stand seems more like an attempt to rekindle the flagging passion of the “hope” and “change” fan base.

Acceptance of gays is now commonplace in much of American culture, especially in popular entertainment where the depiction of gay couples is not thoroughly uncontroversial. To the extent that this reflects the gradual dying out of prejudice against homosexuals, this is to be applauded. But the problem here is the consequent desire of some in government to impose their values on all Americans. Tolerance and acceptance of gays has often been translated into discrimination against religious institutions that differ on the legitimacy of same-sex marriage if not on the rights of gay individuals. That is why Catholic and some Orthodox Jewish agencies have been chased out of adoption services much to the detriment of children in need.

Once we strip away the political cynicism from the president’s statement what we find is an unbalanced approach that will, in the hands of all-powerful government agencies that Obama and the Democrats seek to make even more unaccountable, launch a new wave of discrimination against those who cannot for religious reasons accept gay marriage on these terms. It is on this point that many Americans who might otherwise be inclined to accept the president’s decision must demur.

As has been made apparent on many recent occasions when voters in states as diverse as North Carolina and California have been asked whether they wish to change the definition of marriage, the answer of the majority is no. Some may consider this a civil rights question in which the majority cannot be allowed to rule. But until this issue becomes one which cannot be employed to wage a kulturkampf against traditional religious believers, one suspects that many, if not most Americans will not be comfortable in throwing out existing laws. As Nate Silver notes in a blog post in the New York Times that supported Obama’s decision and considered it politically advantageous, though attitudes have shifted, as many Americans are strongly opposed to the measure as those who enthusiastically support it.

In this light, while it is possible the president’s statement will help with his base, a reasoned if low-key defense of traditional values will not hurt his opponent.

Voir encore:

Obama’s Marriage Act

The President has a pre-election change of heart.

 The WSJ

May 9, 2012

Congratulations to President Obama for matching his public policy with what everyone already knew were his private beliefs. His statement Wednesday that he supports same-sex marriage spared the public the ruse of waiting until after the election to state the inevitable.

First his Justice Department refused to defend the constitutionality of the Defense of Marriage Act, and then Mr. Obama had said his views on the subject were « evolving. » The Beltway chatter now is that Vice President Joe Biden’s public support this week for gay marriage had cornered Mr. Obama into his own change of heart. But as with pretty much all Presidential actions lately, you don’t have to be a cynic to wonder about Team Obama’s political re-election calculations.

Everyone agrees that the election’s number one issue is the U.S. economy. Insofar as it’s not really possible for Mr. Obama to change that subject, he can at least give the chattering classes something else to write about. This qualifies. During a political cycle when few besides Rick Santorum wanted to talk about social issues, Mr. Obama has now reinserted one of the hottest into the debate.

One school of political thought holds that gay-rights issues typically hurt the person who raises them first. But perhaps the Obama campaign calculates that in a close election he will need a passionate base and that this will drive liberal and youth turnout in such important and evolving states as Virginia, Colorado, New Hampshire and New Mexico. On the other hand, Mr. Obama looks like he has just solved that problem Mitt Romney supposedly has with rousing cultural conservatives.

The Obama endorsement also guarantees that the media will not allow Mr. Romney to go anywhere without being interrogated on this subject. The Republican could do worse than to say he supports the Defense of Marriage Act that President Bill Clinton signed less than two months before the 1996 Presidential election, adding that he believes the issue ought to be resolved democratically by the states. That has left New York and five other states plus the District of Columbia to sanction gay marriage, while North Carolina on Tuesday went in the opposite direction.

This has the advantage of not turning gay rights into another abortion debate, whose pre-emption by the Supreme Court in 1973 has produced little but cultural discord for four decades. This time, let’s put a divisive social issue with sincerely held personal beliefs where such matters can be settled by consensus over time—in the state legislatures.

American public opinion on unions between same-sex couples—whether civil or matrimonial—is changing, with support growing. Barack Obama and Mitt Romney won’t arrive at a marriage of the minds on this subject, but the issue shouldn’t decide the election and we doubt it will.

Voir aussi:

Obama face au Bittergate : les « élites » et le « peuple » dans la politique américaine

Dans toute campagne politique américaine, ce que les candidats craignent plus qu’autre chose, c’est de se voir accusés d’« élitisme. » Si John Kerry refusa de parler de sa maîtrise (parfaite, dit-on) de la langue française pendant la course de 2004, ce n’est pas seulement par crainte d’attirer sur lui la francophobie ambiante, mais surtout pour ne pas se voir reproché le snobisme intellectuel, auquel son image de « bon élève » et ses liens à Boston (ville élitiste par excellence, dans l’imaginaire américain) l’exposaient déjà. Certes, cet impératif ne va pas sans une certaine dose d’hypocrisie.

Ainsi, le locataire actuel de la Maison Blanche a le don de se poser en homme du peuple, mettant en valeur ses goûts résolument communs de manière à rendre suspect les grands airs de ses adversaires (tel Al Gore, qui eut la mauvaise idée de citer Stendhal comme sa lecture de prédilection) — en dépit du fait que son cursus scolaire (par exemple) est des plus huppés (il accrocha des diplômes à Yale et ensuite Harvard). De sorte que pour les Américains, l’« élitisme » correspond souvent moins à une situation sociale objective qu’à une manière de se comporter, un habitus par lequel est affirmé un sentiment de supériorité qui irrite la passion démocratique pour l’égalité.

Le « Bittergate »

C’est dans ce contexte que doit être situé ce que l’on baptise désormais le « Bittergate ». Le 11 avril, le blog The Huffington Post révèle que Barack Obama, devant des sympathisants à San Francisco, improvisa une sorte de profil sociologique de certains électeurs de la Pennsylvanie (où se tiendra le 22 avril un primaire décisif dans son affrontement avec Hillary Clinton). Si ces électeurs – blancs, ouvriers, ruraux, et dépourvus d’éducation universitaire – tendent depuis des années à favoriser les Républicains, notamment sur les questions dites « culturelles », c’est, soutient-il, par ce qu’ils sont « amers » [bitter, d’où le mot Bittergate].

Rappelons ses mots précis :

« La vérité, c’est que c’est notre défi de persuader les gens que le progrès est possible, alors qu’ils n’en voient pas beaucoup de preuves dans leur vie quotidienne. Dans beaucoup de petites villes de la Pennsylvanie, comme dans beaucoup de petites villes du Midwest, cela fait 25 ans que les emplois sont partis et que rien ne les a remplacé. Elles ont été oubliées par l’administration Clinton et par l’administration Bush, et chaque administration successive promettait que, d’une façon ou d’une autre, ces villes allaient retrouver leur vitalité, alors qu’elles ne l’ont pas fait. Il n’est donc pas étonnant que les gens deviennent amers, qu’ils s’accrochent aux armes à feu et à la religion, à l’antipathie envers ceux qui ne leur ressemblent pas, aux discours anti-immigration ou au protectionnisme commercial, comme moyen de s’expliquer leur frustrations ».

Ses critiques, ainsi que beaucoup d’éditorialistes de la presse, s’empressent aussitôt à dénoncer ces propos, dont ils laissant entendre qu’ils mettent en lumière l’élitisme dissimulé du sénateur de l’Illinois. Si Obama s’en excuse aussitôt, Clinton – qui doit impérativement gagner la Pennsylvanie pour pouvoir encore croire à l’investiture – déclenche l’assaut : « Les propos du Sénateur Obama sont élitistes et déconnectés de la réalité [out of touch]. Ils ne reflètent pas les valeurs et les croyances des Américains, surtout pas des Américains que je connais, ou des Américains avec lesquels j’ai grandi… » A l’accusation d’élitisme se mêle une mise en cause de la sensibilité religieuse de son rival (puisque naturellement seul un élitiste athée se trouverait exaspéré par la religiosité du peuple) : « Les gens de foi que je connais ne s’accrochent pas à la religion parce qu’ils sont amers. Les gens épousent la religion non parce qu’ils sont matériellement pauvres, mais parce qu’ils sont spirituellement riches. » Compliment qui vaut aussi bien, apparemment, par les amateurs d’armes à feu : selon Clinton, si la chasse est appréciée par ceux qui la pratiquent c’est qu’elle est « une partie importante de leurs vies », et non parce qu’ils sont pleins d’agressivité et de ressentiments (Lire ce discours ici)

La candidate ne manque pas, ces derniers jours, de mettre en scène ses goûts populaires : elle termina récemment une longue journée de campagne dans l’Indiana dans un bar fréquenté par des ouvriers, où elle savoura, sous le regard de tous, un « boilermaker » – une bière accompagné d’un petit whiskey –, comme pour prouver qu’en dépit de ses diplômes de Wellesley et de Yale, elle est bien une femme du peuple…

« Philosophie élitiste et libérale »

Dans une lettre où il appelle à ses sympathisants de le soutenir financièrement, John McCain profite de l’occasion pour comparer « la philosophie élitiste et libérale » (« libéral » au sens américain du terme) d’Obama avec sa propre « foi dans les valeurs des petites villes, qui continueront à contribuer à la grandeur de l’Amérique ». Mais le soupçon d’élitisme ne vient pas seulement des adversaires politiques d’Obama ; il s’exprime aussi chez certains journalistes qui, d’habitude, lui sont très favorables. En essayant d’« expliquer » l’électorat populaire de la Pennsylvanie, Obama s’est comporté, analyse par exemple Maureen Dowd, éditorialiste du New York Times, comme « un anthropologue à Bornéo. » Rappelant que la mère du candidat fut docteur d’anthropologie, Dowd poursuit, Obama : « En courtisant l’électorat ouvrier blanc au pays de Voyage au bout de l’enfer et de Rocky, il donne souvent l’impression de quelqu’un qui observe les étranges habitudes des riverains exotiques … acceptant maladroitement le don de chaussures de bowling de Bob Casey [sénateur du Pennsylvanie], examinant le fromage et le salami du marché italien comme autant d’artéfacts ethniques intrigants… ».

Bien qu’amusants, de tels commentaires font écho à un thème récurrent dans le débat actuel sur la vie politique américaine, à savoir la thèse que le Parti démocrate, tout en étant plus à gauche que les Républicains sur les questions économiques, adhère à un élitisme culturel qui le coupe des classes populaires. Ainsi, pour David Brooks, autre éditorialiste du Times, avec « Bittergate » le sens de la campagne d’Obama bascule : au début, Obama « semblait une figure transcendante capable de comprendre une grande variété de modes de vies. Mais dans les derniers mois, il s’est passé des choses qui font qu’il ressemble à mes anciens voisins de Hyde Park » (le quartier autour de la prestigieuse University of Chicago). En analysant de cette façon son propre électorat, le sénateur aurait avoué de ne pas se considérer comme un de ses membres… Naturellement, « les électeurs vont se demander s’il est des leurs. Obama doit dissiper ces doutes, mail il l’a fait mal jusqu’à maintenant. » Jay Cost renchérit : « Ce n’est pas le boulot du candidat d’analyser ses électeurs. Son boulot est de les courtiser, de former un lien avec eux. Il doit leur faire croire qu’il les comprend dans leurs propres termes, non sur la base de principes abstraits … » Un autre commentateur note : « Les démocrates ont perdus quand John Kerry, Al Gore, Michael Dukakis, Walter Mondale or George McGovern paraissaient trop hautains, ennuyeux, figés, déconnectés ou éloignés de la vie des gens ordinaires. Et, il faut le rappeler, les Démocrates ont gagnés lorsque les Clinton ont contribué à faire apparaître Bush le père sous des auspices aussi distantes ».

Le populisme culturel des Républicains

Certains défenseurs d’Obama contestent ce lieu commun qui ne voit d’élitisme que du coté démocrate, en assénant que cette manière de voir les choses ne contribue qu’à faire le jeu des Républicains. Obama avait raison, disent-ils, de faire le lien entre, d’un côté, le ressentiment social des classes populaires blanches ; de l’autre, leur attachement à la religion et au droit au port d’armes. Si Obama ne le cite pas nommément, ses remarques résumeraient d’une façon concise la thèse popularisée il y a quatre ans par le journaliste Thomas Frank, dans son essai What’s the Matter with Kansas ? Comment se fait-il, se demandait Frank, que les électeurs à revenus modestes dans les Etats du Midwest et du Sud votent désormais pour les Républicains, le parti des riches et des intérêts financiers ? Réponse : parce qu’ils sont attirés par le populisme culturel et les valeurs religieuses vantés par les Républicains, au point qu’ils votent contre leurs propres intérêts économiques. Pour ceux qui partagent cette analyse, Obama n’a pas commis une erreur embarrassante mais levé le tabou verrouille le discours politique courant. La journaliste Barbara Ehrenreich, qui a beaucoup écrit sur la précarité économique dans l’Amérique contemporaine, observe ainsi que «…beaucoup de gens, et pas seulement la classe ouvrière blanche, sont amers … Les salaires réels stagnent ou déclinent depuis des années, les prix du pétrole et maintenant de l’alimentation montent au ciel, les ordres de saisi de biens immobiliers abondent ». Pourquoi, en somme, un candidat devrait-il s’excuser pour avoir dit la vérité ?

La religion et les classes moyennes

A moins qu’il ne se trompe dans son analyse – non à cause de ses prétendus préjugés élitistes, mais par les défauts de son diagnostic. C’est l’argument de Larry Bartels, professeur de science politique à l’Université de Princeton (auteur d’un livre récent réfutant la thèse de Frank). Dans une tribune récente, Bartels soutient que, comparé à il y a quelques décennies, la religion pèse effectivement de plus en plus sur les choix politiques des Américains ; or ce sont moins les classes populaires, ajoute-t-il, que les électeurs aisés, urbains, et diplômés qui s’en préoccupent davantage. Selon Bartels, « Dans la politique américaine contemporaine, les questions sociétales [ comme celles de la religion et du droit au port d’armes] sont l’opium des élites. » Les propos d’Obama reprennent la thèse que si les Démocrates continuent de perdre les élections, c’est parce que les électeurs blancs, ruraux, et ouvriers ont abandonné le parti à cause de ses prises de positions « culturelles » (avortement, mariage gai…). Pourtant, note Bartels, John Kerry a gagné (certes de justesse) dans ces catégories en 2004, alors que John F. Kennedy en 1960 et Hubert Humphrey en 1968 avaient perdus. La leçon qu’il faut en tirer ? S’il obtient l’investiture, Obama devra en principe remporter les voix de ces électeurs, éventuellement par une marge significative, en novembre. « Mais s’il n’y parvient pas, ce n’est pas parce les Américains des petites villes sont susceptibles, mais parce qu’il a adopté un stéréotype trompeur quant à ce qu’ils sont et ce qui les préoccupent. »

Malgré les attaques de Hillary Clinton, le « Bittergate » ne semble pas avoir, pour le moment, entamé le score d’Obama : selon un sondage national du Washington Post (réalisé après la polémique), il est soutenu par 51% des électeurs démocrates, tandis que 41% lui préférant Clinton. Selon le même sondage, 62% pensent qu’il est le mieux placé pour gagner en novembre, une nette augmentation par rapport à 47% recensées en début février. Une fois encore, l’opinion semble donc sanctionner la campagne négative de Clinton, d’autant plus qu’en assumant la bannière de l’antiélitisme, elle n’est pas plus crédible qu’Obama… Certains observent, sans doute à juste titre, que cette controverse autour des Blancs, ruraux et ouvriers préoccupent davantage les faiseurs d’opinion que les catégories sociales concernées. En somme, que c’est le débat lui-même qui est plutôt élitiste…

Si il y a une tendance qui se dégage de cette polémique, c’est peut-être celle-ci : le charisme qui au cœur de l’« effet Obama » devient problématique. Tout son discours politique s’articule autour du lien qu’il souhaite établir entre la diversité de la population américaine et la diversité qu’il incarne lui-même. Par conséquent, ne lie-t-il pas un discours populiste à un discours qui est, ne serait-ce qu’un brin, élitiste, dans la mesure où Obama s’offre comme l’image d’une « réconciliation » que le pays frôle sans y parvenir tout à fait ? Comme le remarque finement le journaliste Michael Gerson : « L’obamisme semble consister dans la croyance que le candidat transcende la colère, compréhensible mais confuse, des Américains blancs et noirs. … Aussi l’« obamisme » demande-t-il au peuple américain de se comparer à son désavantage à Obama lui-même ».

Notes:

« People of faith » – expression attrape-tout pour parler des croyants, toute religion confondue, modelé sur « people of color », vocable politiquement correct pour parler de tous les non-blancs. L’ironie du sort, c’est dans les pages du journal américain le plus associé à une certaine arrogance intellectuelle que l’on dénonce ce prétendu dérapage élitiste…

Voir également:

Eggheads and Cheese Balls
Maureen Dowd
The New York Times
April 16, 2008

PHILADELPHIA

I’m not bitter.

I’m not writing this just because I grew up in a house with a gun, a strong Catholic faith, an immigrant father, brothers with anti-illegal immigrant sentiments and a passion for bowling. (My bowling trophy was one of my most cherished possessions.)

My family morphed from Kennedy Democrats into Reagan Republicans not because they were angry, but because they felt more comfortable with conservative values. Members of my clan sometimes were overly cloistered. But they weren’t bitter; they were bonding.

They went to church every Sunday because it was part of their identity, not because they needed a security blanket.

Behind closed doors in San Francisco, elitism’s epicenter, Barack Obama showed his elitism, attributing the emotional, spiritual and cultural values of working-class, “lunch pail” Pennsylvanians to economic woes.

The last few weeks have not been kind to Hillary, but the endless endgame has not been kind to the Wonder Boy either. Obama comes across less like a candidate in Pennsylvania than an anthropologist in Borneo.

His mother got her Ph.D. in anthropology, studying the culture of Indonesia. And as Obama has courted white, blue-collar voters in “Deer Hunter” and “Rocky” country, he has often appeared to be observing the odd habits of the colorful locals, resisting as the natives try to fatten him up like a foie gras goose, sampling Pennsylvania beer in a sports bar with his tie tight, awkwardly accepting bowling shoes as a gift from Bob Casey, examining the cheese and salami at the Italian Market here as intriguing ethnic artifacts, purchasing Utz Cheese Balls at a ShopRite in East Norriton and quizzing the women working in a chocolate factory about whether they could possibly really like the sugary doodads.

He hasn’t pulled a John Kerry and asked for a Philly cheese steak with Swiss yet, but he has maintained a regal “What do the simple folk do to help them escape when they’re blue?” bearing, unable to even feign Main Street cred. But Hillary did when she belted down a shot of Crown Royal whiskey with gusto at Bronko’s in Crown Point, Ind.

Just as he couldn’t knock down the bowling pins, he can’t knock down Annie Oakley or “the girl in the race,” as her husband called her Tuesday — the self-styled blue-collar heroine who reluctantly revealed a $100 million fortune partially built on Bill’s shady connections.

Even when Hillary’s campaign collapsed around her and her husband managed to revive the bullets over Bosnia, Obama has still not been able to marshal a knockout blow — or even come up with a knockout economic speech that could expand his base of support.

Even as Hillary grows weaker, her reputation for ferocity grows stronger. A young woman in the audience at a taping of “The Colbert Report” at Penn Tuesday night asked Stephen Colbert during a warm-up: “Are you more afraid of bears or Hillary Clinton?”

Even though Democratic elders worry that the two candidates will terminally bloody each other, they each seem to be lighting their own autos-da-fé.

At match points, when Hillary fights like a cornered raccoon, Obama retreats into law professor mode. The elitism that Americans dislike is not about family money or connections — J.F.K. and W. never would have been elected without them. In the screwball movie genre that started during the last Depression, there was a great tradition of the millionaire who was cool enough to relate to the common man — like Cary Grant’s C.K. Dexter Haven in “The Philadelphia Story.”

What turns off voters is the detached egghead quality that they tend to equate with a wimpiness, wordiness and a lack of action — the same quality that got the professorial and superior Adlai Stevenson mocked by critics as Adelaide. The new attack line for Obama rivals is that he’s gone from J.F.K. to Dukakis. (Just as Dukakis chatted about Belgian endive, Obama chatted about Whole Foods arugula in Iowa.)

Obama did not grow up in cosseted circumstances. “Now when is the last time you’ve seen a president of the United States who just paid off his loan debt?” Michelle Obama asked Tuesday at Haverford College, referring to Barack’s student loans while speaking in the shadow of the mansions depicted in “The Philadelphia Story.”

But his exclusive Hawaiian prep school and years in the Ivy League made him a charter member of the elite, along with the academic experts he loves to have in the room. As Colbert pointed out, the other wonky Ivy League lawyer in the primary just knows how to condescend better.

Michelle did her best on “The Colbert Report” Tuesday to shoo away the aroma of elitism.

Growing up, she said: “We had four spoons. And then my father got a raise at the plant and we got five spoons.”

Voir enfin:

« C’est la morale, idiot  ! »

Daniel Cohen

Le Monde

04.12.2004

La société américaine est déchirée depuis plus de vingt ans par une montée irrésistible des inégalités. Une statistique fulgurante résumera la situation. Le groupe formé des 1 % les plus riches gagne aujourd’hui autant que les 40 % les plus pauvres, et chacun environ 15 % du revenu total.

Laissant ici de côté la question de la justice sociale ou même de l’efficacité économique, le mystère à élucider est celui de l’arithmétique politique : pourquoi, au vu de tels chiffres, une coalition des déshérités ne parvient-elle pas à s’imposer électoralement ? Comment un candidat démocrate peut-il perdre les élections, alors même que son adversaire républicain met en œuvre une politique exceptionnellement favorable au groupe le plus étroit ?

La réponse assenée depuis la réélection de Bush est que les « valeurs morales » ont commandé l’élection. On se souvient du directeur de campagne de Bill Clinton qui avait affiché au-dessus de son bureau le célèbre « C’est l’économie, stupide ! » pour rappeler aux démocrates où était leur point fort. Le stratège de Bush, Karl Rove, en a manifestement conclu que pour les républicains : « C’est la morale, idiot ! »

Rien ne paraît en effet plus tranché que le vote des électeurs selon l’importance donnée à l’une ou l’autre des questions. Ceux qui ont placé l’économie en tête de leurs préoccupations ont voté Kerry à 80 %. Ceux qui se sont déterminés en fonction des moral values ont voté Bush dans la même proportion.

L’idée selon laquelle l’élection s’est jouée sur un raz de marée moral est pourtant très exagérée. Si 22 % des Américains déclaraient, à la sortie des urnes, avoir voté pour les moral values, ils étaient 20 % à avoir placé l’économie en tête de leurs choix. Quelques lignes ont certes bougé. Que les évangélistes votent républicain n’est pas surprenant, même si leur participation a crû lors de la dernière élection. Plus neuf est le fait que les catholiques aient voté pour la première fois majoritairement républicain, alors même que Kerry était lui-même catholique. Au total, le jeu désormais est à peu près équilibré, 52 % de catholiques votant Bush.

Le vote catholique explique néanmoins que les Latinos, qui sont l’un des gros contingents des 40 % les plus pauvres et a priori terre de mission des démocrates, n’aient voté Kerry qu’à 53 %. Il ne reste en fait, parmi les « minorités », que les Noirs, les juifs et les homosexuels à voter démocrate à plus de 75 %.

Une statistique plus brutale marque pourtant mieux que les autres la marque de fabrique du vote républicain. C’est le vote du white male, de l’homme blanc. Seuls 37 % d’entre eux ont voté pour Kerry, contre 62 % pour Bush, un écart considérable qui est près du double de celui enregistré pour les femmes blanches.

Bill Clinton avait lancé le concept des soccer moms, ces femmes qui emmènent leurs enfants au soccer(football au sens où nous l’entendons, mais qui est plus chic aux Etats-Unis que le football américain) et qui votent démocrate. Bush capture le vote du nascar dad, qu’on pourrait traduire par le « papa-bagnole, qui se passionne pour les courses automobiles d’Indianapolis et de Daytona. Dans le langage des stratèges électoraux, les nascar dads sont les électeurs mâles, sans études supérieures, qui votaient jadis pour les démocrates et votent désormais pour les républicains.

Grâce au Watergate et à la diffusion des enregistrements faits à la Maison Blanche, on sait que Nixon avait clairement saisi l’opportunité de rallier à la cause républicaine les cols bleus choqués par Woodstock et autres manifestations du « déclin de la civilisation occidentale ». C’est Reagan qui pousse à son paroxysme cette capture du vote ouvrier, dont Bush junior récolte les fruits bien mieux que son père.

SOLVABILITÉ

Dans un article publié par la New York Review of Book, « The White Man Unburdened », l’homme blanc privé de son fardeau, l’écrivain Norman Mailer faisait la liste de tout ce que l’homme blanc a perdu au cours des trente dernières années : son statut, son salaire, son autorité, ses athlètes (blancs) préférés…, pour expliquer le ralliement à la guerre irakienne de Bush (voir aussi le texte d’Arlie Hochschild « Let them eat war » sur tomdispatch.com). Il n’est pas besoin d’une longue démonstration pour voir apparaître, derrière un langage différent (la religion, le droit au port d’armes…), les mêmes traits qui ont expliqué en France le vote ouvrier en faveur de Le Pen.

Loin d’apparaître comme un continent bizarre, si loin désormais de l’Europe, l’Amérique est soumise à un processus identique. Les mots pour le dire ne sont pas les mêmes, mais c’est le même désamour entre la gauche et la classe ouvrière qui s’est joué des deux côtés de l’Atlantique, qui marque dans les deux cas l’aboutissement d’un long processus de déracinement du monde ouvrier.

Au vu de cette évolution, la question initiale de l’arithmétique politique tendrait plutôt à s’inverser. Comment, forts de leur nouveau potentiel électoral, les républicains font-ils pour l’emporter de justesse (cette élection s’étant finalement jouée comme la précédente sur un seul Etat) ? La réponse est, en boucle, dans « L’économie, stupide ! ». Le problème des républicains est de se laisser porter en matière économique par la même « irresponsabilité » dont ils accusent la gauche en matière culturelle. A la « faillite morale » des démocrates, incarnée aux yeux des républicains par les années Clinton, correspond la « faillite financière » des républicains, incarnée par les années Reagan et Bush.

L’opposition entre les deux camps n’est plus en effet entre une gauche distributrice et irresponsable en matière économique et une droite rigoureuse. Elle est devenue inverse. La droite « dé-distribue », sans plus hésiter à mettre en péril les finances publiques. Reagan, qui fut le grand inspirateur du nouveau républicanisme, a retrouvé spontanément les recettes du populisme latino-américain. Pour baisser les impôts des plus riches sans décourager le peuple, il emprunte la seule issue qui reste : laisser se creuser les déficits, au risque de la crise financière.

Le paradoxe est qu’il est revenu aux démocrates, sous Clinton, de réparer les dégâts des années républicaines et de restaurer la solvabilité de l’Etat. Chaque camp s’est ainsi trouvé spécialisé dans un rôle bien précis : la rigueur financière compensant le laxisme culturel pour la gauche, la rigueur morale compensant le laxisme économique pour la droite. La gauche garantit les droits des minorités sexuelles ou raciales, mais compense le handicap électoral ainsi créé auprès des nascar dadspar une rigueur économique qui séduit le centre modéré. La droite garantit à ses minorités fortunées des impôts abaissés, et compense par les valeurs morales le handicap électoral d’une politique pour les riches.

Le scénario semble prêt à se répéter. George Bush a déclaré qu’il comptait bien « dépenser » son capital électoral. C’est, hélas pour l’économie américaine, une remarque à prendre au sens littéral. Si Bush mettait en œuvre ses programmes, notamment en matière de privatisation partielle de la sécurité sociale, une apocalypse budgétaire est possible. Sans aller jusqu’à suivre Paul Krugman, qui n’hésite plus à comparer les Etats-Unis à l’Argentine, le projet de Bush pourrait bien pousser un dollar qui se tient aujourd’hui au bord de l’abîme à faire un grand pas en avant. Une reprise de l’inflation, entraînant une hausse des taux d’intérêt, un effondrement de l’immobilier et autres calamités, ne pourrait être exclue.

Les républicains comprendraient alors que les questions morales et sociales sont bien plus liées entre elles que ne le pensent leurs stratèges électoraux.


Hollandomanie: Le père noël était une ordure et nous ne le savions pas! (France’s new president-elect: Champagne socialist and impostor, too!)

11 Mai, 2012
Ce sont eux et eux seuls qui meurent de froid et de faim pendant que vous et moi bien au chaud à l’étage faisons la causette sur le socialisme entre pâtisseries et champagne. Alexandre Herzen (De l’autre bord, 1855)
Barack Obama est un amateur L’économie est une catastrophe (…) Les États-Unis ont perdu leur triple  A. (…) Il ne sait pas ce que c’est que d’être président. (…) C’est un incompétent. Bill Clinton
On aurait avec François Hollande, le Père Noël toute l’année. (…) Sur tous les registres de la vie humaine, il nous fait le cadeau de Noël. Jean-François Copé
François Hollande, le cynisme, c’est maintenant. Clip UMP
Il faut reconnaître également à la gauche d’avoir su, elle, mener cinq années un combat culturel que son camp adverse n’aura finalement mené qu’un trimestre. (…) A ce stade, il faut, encore et encore, écrire que la droite française aura été la victime docile d’une escroquerie intellectuelle légale que je n’aurais cessé de dénoncer vainement. Alors que le camp des droites, le premier tour l’aura encore montré, est plus nombreux que son antipode, c’est un président de gauche qui l’aura emporté. L’explication réside toute entière dans le surmoi qu’aura réussi à imposer la classe médiatique à une partie de la droite française tout en décomplexant la gauche de ses propres liaisons autrement moins platoniques. Alors que Gérard Longuet aura été tancé pour avoir suggéré que Marine Le Pen, contrairement à son père, était une interlocutrice possible, François Hollande remercie publiquement et impunément son interlocuteur Mélenchon et s’apprête à mener campagne avec un PCF, dans le cadre d’une alliance que même les représentants de la droite démocratique ont oublié hier soir de critiquer dans son principe. Lorsque la victime est aussi sottement dupe, ce n’est plus, juridiquement, une escroquerie. Gilles William Goldnadel
Tout le monde a triché comme toujours. Guillaume Bachelay (plume  Martine Aubry, 2011)
La vérité, c’est tout simplement que le pouvoir socialiste ne tombera pas comme un fruit mûr. Et ceux qui laissent entendre que nous pouvons, c’est-à-dire nous la droite, revenir au pouvoir dans les mois qui viennent, ou même dans les deux années qui viennent se trompent, et trompent les Français. François Hollande (France inter, 1983)
Il y a trop d’immigrés en situation irrégulière. François Hollande (2012)
Celui qui aurait dit ça dans un congrès se serait fait étriper. Jamais personne n’aurait osé, même pas Manuel Valls. Responsable de la rue de Solferino
François est un pragmatique. Il n’avait pas développé ces positions avant de s’apercevoir que les taux de report des électeurs FN vers Sarko étaient passés de 45 % à 55 %. Dirigeant socialiste
François Hollande (…) a été élevé chez les frères De 4 à 11 ans, Hollande est élève chez les Frères des écoles chrétiennes Saint Jean-Baptiste de La Salle à Rouen. Son père était d’extrême droite George, qui dirige une clinique ORL, a été candidat malheureux en 1959 et en 1965 aux élections municipales de Rouen, sur une liste d’extrême droite. Il soutient l’avocat Jean-Louis Tixier-Vignancour, ancien camelot du roi, croix-de-feu. Il a affiché des sympathie pro-OAS et déteste le général de Gaulle. « Georges, en 1944, a été mobilisé quelques mois et garde de cette période une certaine fidélité au maréchal Pétain », écrit Raffy. La mère de François Hollande se sent, elle, proche de la gauche. (…) A 14 ans, il déménage de Rouen vers Neuilly-sur-Seine. Au lycée Pasteur, il compte parmi ses bons copains de classe Christian Clavier et Thierry Lhermitte. En première, Gérard Jugnot et Michel Blanc rejoindront la classe. Quand ils montent une troupe lycéenne, Hollande ne les suit pas. Il est trop sérieux pour cela. La troupe deviendra « Le Splendid ». Hollande, avec un autre choix, aurait peut-être terminé dans « Les Bronzés »… (…) Il entre à l’Elysée comme conseiller fantôme de Jacques Attali En mai 1981, Jacques Attali, sherpa de Mitterrand pour les sommets internationaux, a droit à deux conseillers officiels, des quadras rémunérés sur le budget de l’Elysée, Jean-Louis Bianco et Pierre Morel ; et à deux conseillers officieux : de jeunes hauts fonctionnaires rémunérés par leurs corps d’origine, tribunal administratif et Cour des comptes : Ségolène Royal et François Hollande. (…) Il se fait passer pour Caton, auteur d’un pamphlet téléguidé En 1983, Hollande a 29 ans, il est directeur de cabinet de Max Gallo, porte-parole du gouvernement de Pierre Mauroy. Mitterrand a une idée machiavélique : faire écrire un pamphlet par un prétendu leader de droite, mais qui se cacherait derrière un pseudonyme, Caton, et qui en réalité discréditerait la droite. Le journaliste André Bercoff accepte de tenir la plume ; le livre s’appelle ‘De la reconquête’. Pour ne pas qu’on reconnaisse Bercoff, Hollande accepte de prêter sa voix pour une interview de ‘Caton’ à France Inter. Rue 89
Le candidat normal doit avoir des qualités exceptionnelles, et en portant l’enjeu plus haut, avec la formule d’une présidence normale. (…)  Au-delà d’une botte redoutable, le mot capte un moment historique. (…) Le candidat normal est un candidat proche, mais en même temps un caractère exceptionnel s’il peut rester comparable à l’homme ordinaire au niveau de tentations où le placent son statut et son ambition. Le président normal assumera une forme d’hypo-présidence, qu’il faut deviner comme plus constante mais moins intrusive. Dans le chemin qu’il trace, beaucoup d’hommes normaux (plus que les femmes, selon les sondages) découvrent avec plaisir une force cachée qui permet de rattraper les géants et de défaire les monstres. (…) Quelle est cette force ? La patience, la perspicacité, le sang-froid, la maîtrise de soi ? A chacun de s’y projeter, étant entendu qu’elle a à voir avec le temps de l’expérience plus qu’avec les dons de la naissance. Michel Marian (Le Monde, 31.05.11)
L’inconnu dans la maison France ! Au gouvernail de la Nation, une énigme. Hollande atterrit à l’Élysée porté par la magie du changement et sa fatalité dans les démocraties des temps de crise. Porté surtout par le rejet acharné et quasi maniaque de Sarkozy. Hollande n’eut qu’à planer sur son vent dominant. Claude Imbert (remplacer Hollande par Obama et Sarkozy par Bush)
Nous venons de vivre une fable : le 6 mai, un homme normal a vaincu un personnage d’exception, à l’énergie ébouriffante, qui s’est battu jusqu’au dernier sang. Olivier Giesbert
La question se pose alors, jusqu’où François Hollande, qui a menti pour Caton, est-il prêt aujourd’hui à travestir la vérité pour atteindre ses objectifs et comment un peuple peut sereinement confier le pouvoir suprême entre les mains d’un menteur? Misha Uzan

Fraude électorale, trafic du suffrage électoral, manipulation, mystification …

Attention: une imposture peut en cacher une autre!

A l’heure où, quatre ans après le holdup du siècle et devant la remontée de son adversaire républicain et les millions d’Hollywood, l’Imposteur en chef de Chicago nous sort le coup du « mariage homosexuel » …

Et où, dans un étrange remake français, une « gauche champagne »  alliée avec une extrême gauche ouvertement totalitaire tente de faire passer pour victoire l’auto-sabordage d’une droite divisée  par le plus violent des terrorismes intellectuels

Pendant qu’après l’obamanie d’il y a quatre ans, nos médias sont repartis dans la Hollandomanie la plus convenue

Retour sur une imposture qu’après l’avoir ressortie il y a quatre ans, nos journaux et médias de révérence, un certain Aphatie en tête, se sont courageusement empressés de réenterrer

A savoir la fameuse Opération Caton où, il y a vingt ans presque tout juste, le même Imposteur en chef de l’Elysée (celui-là même des faux attentat et vraies écoutes, francisque et amitiés vichystes, fille et maladie cachées) faisait monter la mystification du siècle contre à la fois la droite et une partie de la gauche elle-même via un livre de déballage des turpitudes de la droite prétendument écrit par un homme politique de droite …

Mais en fait piloté par l’homme des basses oeuvres de l’Elysée (du même président des faux attentat, francisque, fille et maladie cachées, vraies écoutes, etc.), un certain Jacques Attali et le concours d’un journaliste de gauche André Berkoff (sous le pseudonyme de Caton) et (je vous le donne en mille)…

La matière grise et la voix d’un jeune énarque de 28 ans, plus connu aujourd’hui, outre ses trois résidences sur la Côte d’azur et son bilan calamiteux de Corrèze,  sous le titre de « président normal » ou exemplaire » !!!

Quand François Hollande se faisait passer pour un leader de la droite

Vincent Glad

20 minutes

6 juin 2008

VIDEO – L’incroyable histoire d’une manipulation politique de la gauche mitterrandienne pour déstabiliser la droite…

L’histoire est incroyable et pousse la manipulation politique au rang d’art. En 1983, alors que la droite pleure la présidentielle perdue de 1981, un mystérieux Caton, présenté comme «un grand dirigeant de la droite», jette un pavé dans la mare avec un violent pamphlet contre son propre camp, «De la reconquête».

Le livre est un véritable best-seller. L’auteur finit par faire son coming out sur le plateau de Bernard Pivot. Et surprise, il ne s’agit pas d’un dirigeant de la droite mais d’André Bercoff, un journaliste alors étiqueté à gauche. Jacques Attali, conseiller de François Mitterrand, reconnaîtra plus tard qu’il s’agissait d’une manœuvre politique orchestrée par sa cellule à l’Elysée.

Mais oui, c’est bien la voix de François Hollande…

Cette vieille affaire a rebondi cette semaine sur le plateau de Canal + quand le chroniqueur politique Jean-Michel Apathie a révélé les bandes d’une interview radio donnée par le mystérieux «Caton». André Bercoff n’avait pas souhaité passer sur France Inter, de peur que ses confrères journalistes reconnaissent sa voix. Il envoie donc au front un jeune inconnu, membre de la cellule Attali à l’Elysée, un certain François Hollande…

L’anecdote était connue des spécialistes de la politique, mais c’est la première fois que l’on retrouve cette interview où François Hollande, facilement reconnaissable, trompe son auditoire avec aplomb: «Ceux qui pensent que, nous la droite, pouvons revenir au pouvoir se trompent», dit-il notamment.

Dans son livre, «La madone et le culbuto», la journaliste Marie-Eve Malouines relate le savoureux épisode. «Le livre de Caton était une idée de Jacques Attali, qui avait mis au courant François Mitterrand de l’opération. François Hollande, qui venait de sortir de l’ENA, quelques années plus tôt, était chargé de rédiger les notes préparatoires du livre», explique l’auteur à 20minutes.fr. 25 ans plus tard, François Hollande doit cette fois préparer un Congrès socialiste. Une tâche peut-être encore plus ingrate.

>> Qu’en pensez-vous ? François Hollande est-il crédible dans son rôle de dirigeant de la droite?

 Voir aussi:

Comment François Hollande est devenu le porte-parole de Caton, pseudonyme d’André Bercoff

 André Bercoff

18 octobre 2011

Depuis que François Hollande a été désigné plus que nettement comme candidat socialiste à la présidentielle de 2012, une avalanche d’articles biographiques a légitimement déferlé sur les ondes, le papier et le Web. On a ressorti notamment l’un des enregistrements de François Hollande à France Inter, où il disait : « Nous autres gens de droite ».

Toutes sortes de versions plus ou moins tronquées, partielles ou partiales ont été données de l’épisode Caton. Je crois être pas trop mal placé pour en parler, étant l’auteur, en 1983, des deux livres signés sous le pseudonyme de Caton : « De la Reconquête » et « De la Renaissance » parus aux éditions Fayard.

En fait, il s’est agi d’un détournement de commande avec l’accord des protagonistes. Flash back : à l’automne 1982, mon ami Jacques Attali, alors conseiller spécial de François Mitterrand, me dit que le président avait pensé à moi pour un livre de politique-fiction qui pourrait sortir à l’occasion des municipales de l’année suivante. En effet, j’avais écrit en 1977, sous le pseudonyme de Philippe de Commines, « Les 180 jours de Mitterrand » qui racontait ce qui se serait passé en cas de victoire de la gauche aux législatives de 1978. Dans ce cas – à l’époque considéré comme fort probable – Mitterrand aurait été le Premier ministre de Giscard. Le livre fut à l’époque un best-seller. Cinq ans plus tard, je réfléchis ; je n’avais nulle envie de refaire un livre du même genre : on ne se baigne pas deux fois dans le même fleuve. Deux jours plus tard, je propose à Attali un pamphlet où un homme de droite, après la défaite de 1981, fait le bilan d’un an et demi de la gauche au pouvoir, et flingue à la Kalachnikov, la droite qui a permis que cela se fasse. Je trouve le pseudonyme de Caton, le titre « De la Reconquête » et le slogan : « Pour vaincre la gauche, il faudra se débarrasser de la droite ». Je l’écris en octobre-novembre 1982 ; le livre sort en janvier 1983.Une précision à ce propos : « De la Reconquête » démontre bien que le tournant de la rigueur n’a pas eu lieu en 1983 comme le prétend la quasi-totalité des historiens et des journalistes, mais bien en été 1982, quand Jacques Delors annonce « la pause des réformes ». Ce que disait Caton le censeur et le cynique, entre autres, c’est qu’il fallait se débarrasser de ces leaders de droite incapables et que, contrairement aux grands discours mitterrandiens et gouvernementaux, la gauche allait admirablement gérer l’économie de marché, ce qu’elle fit. Le livre devint un best-seller et pendant un an, tout le monde se demandait qui était Caton, devenu l’auberge espagnole des fantasmes politiques de l’époque.

J’avais demandé à Attali que quelqu’un m’aide pour les chiffres : ce fut François Hollande qui travaillait alors, de même que Ségolène Royal, dans son équipe rue de l’Elysée : je rencontrai un jeune homme brillant, plein d’humour, que je vis très souvent dans les dix années qui suivirent. Fin 1983, toutes les radios demandent des interviews de Caton : pas question pour moi d’intervenir, puisqu’un certain nombre de journalistes connaissaient ma voix. J’ai donc demandé à François Hollande de se faire le porte-parole de Caton, ce qu’il fit avec brio. D’où l’allusion à la droite. Mais, je peux évidemment certifier que ni à l’époque, ni a fortiori aujourd’hui, François Hollande ne pouvait être qualifié d’homme de droite. Il s’est agi, tout au long, d’une analyse – la première en date – de la réconciliation de la gauche avec le capitalisme et Caton a eu du succès parce qu’il la décrivait en détail. Tout le reste est « litres et ratures » comme disait Antoine Blondin…

Voir de même:

Douze trucs à savoir sur la jeunesse de François Hollande

Pascal Riché

Rue89

16/10/2011

Le journaliste du Nouvel Observateur Serge Raffy dresse un portrait riche du candidat à l’Elysée dans « François Hollande : itinéraire secret » (Fayard, septembre 2011).

Il l’attaque par son versant humain plus que par son versant politique. Et raconte notamment ses débuts, qui éclairent en partie sa course politique.

Voici douze épisodes peu connus sur les origines et la jeunesse du candidat.

1 Sa famille vient de Hollande

D’où vient le nom de François Hollande ? Il descend de rebelles calvinistes hollandais, réprimés par Madrid au XVIe siècle et qui se sont installés à Plouvain, dans le Pas-de-Calais. Les généalogistes locaux ont retrouvé un « Hollande » dès 1569 : il était valet de meunier.

2 Il a été élevé chez les frères

De 4 à 11 ans, Hollande est élève chez les Frères des écoles chrétiennes Saint Jean-Baptiste de La Salle à Rouen.

3 Son père était d’extrême droite

George, qui dirige une clinique ORL, a été candidat malheureux en 1959 et en 1965 aux élections municipales de Rouen, sur une liste d’extrême droite. Il soutient l’avocat Jean-Louis Tixier-Vignancour, ancien camelot du roi, croix-de-feu.

Il a affiché des sympathie pro-OAS et déteste le général de Gaulle. « Georges, en 1944, a été mobilisé quelques mois et garde de cette période une certaine fidélité au maréchal Pétain », écrit Raffy.

La mère de François Hollande se sent, elle, proche de la gauche.

4 Ses copains de lycée : Christian Clavier, Thierry Lhermitte…

A 14 ans, il déménage de Rouen vers Neuilly-sur-Seine. Au lycée Pasteur, il compte parmi ses bons copains de classe Christian Clavier et Thierry Lhermitte. En première, Gérard Jugnot et Michel Blanc rejoindront la classe. Quand ils montent une troupe lycéenne, Hollande ne les suit pas. Il est trop sérieux pour cela. La troupe deviendra « Le Splendid ». Hollande, avec un autre choix, aurait peut-être terminé dans « Les Bronzés »…

5 L’étudiant Hollande a flirté avec les communistes

A Sciences-Po, François devient militant à l’Unef-Renouveau, proche du PC, et se présente comme sympathisant de l’Union des étudiants communistes. Il est le parfait « compagnon de route » du PC. Mais son grand homme est François Mitterrand, qui prépare le programme commun.

6 Il a approché le PS via l’oncle de sa petite amie

Sa fiancée à Sciences-Po s’appelle Dominique Robert. C’est la nièce du député du Calvados Louis Mexandeau, un proche de François Mitterrand. Il se rapproche de lui ; il a 19 ans.

7 Il refuse d’être exempté de service militaire

Lors de ses « trois jours “ au Fort de Vincennes, en 1976, il est exempté de service militaire à cause de sa myopie. Mais il refuse cet état de fait, qui pourrait bloquer sa carrière politique. Il fait des pieds et des mains pour que cette décision soit annulée, allant jusqu’à saisir le ministère de la Défense. Il a finalement gain de cause.

8 Sa chambrée à Coëtquidan était pleine de futures célébrités

En janvier 1977, il doit faire ses classes (deux mois) à l’école des officiers de Coëtquidan, dans le Morbihan. Sa chambrée de dix lits comptait, entre autres :

Jean-Pierre Jouyet, futur secrétaire d’Etat chargé des Affaires européennes des gouvernements François Fillon, aujourd’hui directeur de l’Autorité des marchés financiers ;

Michel Sapin, futur ministre des Finances, aujourd’hui conseiller économique de Hollande ;

Henri de Castries, aujourd’hui président de l’assureur AXA, proche de Nicolas Sarkozy ;

Jean-Michel Lambert, qui sera le juge d’instruction controversé de l’affaire Grégory, actuellement vice-président du tribunal d’instance du Mans.

9 A l’ENA, il surnomme Ségolène Royal ‘Miss Glaçon’

Hollande et Royal se rencontrent à l’ENA. Elle refuse de participer à une caisse de péréquation au profit des étudiants les plus désavantagés. Il la prend alors pour une ‘nantie’, ce qu’elle n’est pas, loin de là. Avec ses copains, ils la surnomment ‘Miss Glaçon’. Ce n’est qu’au cours d’un stage réalisé avec elle dans une cité HLM de banlieue, ‘La Noé’, à Chanteloup-les-Vignes, qu’ils vont devenir amis.

10 Il entre à l’Elysée comme conseiller fantôme de Jacques Attali

En mai 1981, Jacques Attali, sherpa de Mitterrand pour les sommets internationaux, a droit à deux conseillers officiels, des quadras rémunérés sur le budget de l’Elysée, Jean-Louis Bianco et Pierre Morel ; et à deux conseillers officieux : de jeunes hauts fonctionnaires rémunérés par leurs corps d’origine, tribunal administratif et Cour des comptes : Ségolène Royal et François Hollande.

11 Chirac l’a comparé au labrador de Mitterrand

En juin 1981, il est envoyé comme candidat contre Jacques Chirac aux élections législatives en Corrèze. Autant dire au casse-pipe. Il a 26 ans. Chirac déclare alors que son adversaire est encore moins connu que ‘le labrador de Mitterrand’. Hollande est éliminé au premier tour, mais, à la surprise générale, d’assez peu.

Hollande affronte Chirac en 1981

12 Il se fait passer pour Caton, auteur d’un pamphlet téléguidé

En 1983, Hollande a 29 ans, il est directeur de cabinet de Max Gallo, porte-parole du gouvernement de Pierre Mauroy. Mitterrand a une idée machiavélique : faire écrire un pamphlet par un prétendu leader de droite, mais qui se cacherait derrière un pseudonyme, Caton, et qui en réalité discréditerait la droite.

Le journaliste André Bercoff accepte de tenir la plume ; le livre s’appelle ‘De la reconquête’. Pour ne pas qu’on reconnaisse Bercoff, Hollande accepte de prêter sa voix pour une interview de ‘Caton’ à France Inter. Il déclare :

‘La vérité, c’est tout simplement que le pouvoir socialiste ne tombera pas comme un fruit mûr. Et ceux qui laissent entendre que nous pouvons, c’est-à-dire nous la droite, revenir au pouvoir dans les mois qui viennent, ou même dans les deux années qui viennent se trompent, et trompent les Français.’

Un extrait sonore déterré par ‘Le Grand Journal’ de Canal+ en 2008.

Voir de même:

Hollandolâtrie : à candidat normal, qualités exceptionnelles

Daniel Schneidermann

Rue 89

31/05/2011

Qu’on se le dise, l’autoportrait de François Hollande en « candidat normal » est un coup de génie. Et bien plus qu’un coup de génie. Ce « normal » est une « botte redoutable » qui « capte un moment historique ».

Beaucoup d’hommes y découvriront « avec plaisir » une « force cachée ». Quelle force ? Attention, voici la recette de la potion magique : « patience, perspicacité, sang froid, maitrise de soi », permettent de « rattraper les géants, et de défaire les monstres ».

Et surtout si, génie suprême, le « candidat normal » est doté de « qualités exceptionnelles ». C’est un politologue de Sciences-Po qui passe ainsi, dans Le Monde, ce qu’on appelle chez nos confrères du Canard « le mur du çon », comme nous le signalions hier.

Il est le premier, mais il ne sera pas le seul. Aucun doute que médias et sites de gauche, sitôt rangés les habits de deuil de DSK, vont mobiliser tout ce que le pays compte de sondeurs, de politologues, de psychologues, de psychologues comportementaux, de professeurs de psychologie, de sociologues de l’image, de psychologues de la sociologie et de sociologues de la psychologie, pour chanter les louanges de la normalité (si vous en voulez un échantillon, ça commence ici).

A l’inverse, on peut compter sur la droite pour sortir son dictionnaire des équivalents péjoratifs (creux, terne, plat, sans relief, quotidien, banal, Dugenou, etc).

Une tendance très française à la courtisanerie

La seule chose que révèle cette soudaine glorification de la normalité, c’est la tendance persistante de la bulle politico-médiatique française à la courtisanerie. Voler au secours du succès lui est consubstantiel (c’est dès janvier dernier, que Hollande se proclama « candidat normal », sans susciter autre chose, à l’époque, que quelques levers de sourcils sceptiques).

Aux plus vieux des matinautes, cela rappellera l’époque de leur jeunesse. En quelques semaines, en 1981, ayant gagné sa bataille interne contre Rocard, Mitterrand passa du statut de politicard usagé de la IVe République à celui de produit d’exception des terroirs français, de vieux sage régionaliste.

Tout ce que comptait alors le pays de chroniqueurs politiques défila dans sa bergerie de Latche, pour populariser ses augures sur le vent, la pluie, la régénération des forêts landaises, et le braiement des ânes. En somme, dans la chronique politique française, la hollandolâtrie naissante ne manifeste rien que de très… normal.

Voir par ailleurs:

Qu’est-ce qu’un candidat « normal » à la présidence de la République ?

Michel Marian

Le Monde

31.05.11

Efficace, cette référence à la norme se fait au risque d’un conservatisme

Les élections se gagnent, souvent, avec des mots. Celui qui a fait mouche dans cette phase de précampagne, est l’adjectif « normale », dont François Hollande a qualifié sa candidature, pendant toute la période où Dominique Strauss-Kahn s’obligeait au silence et où Martine Aubry s’évertuait en vain à traduire le « care ». Depuis quelques jours, ce mot est sur la sellette. Pour Nathalie Kosciusko-Morizet, il est « creux », comme un slogan de communicant, pour François Bayrou, il y manque la « vision » ; pour Martine Aubry il va de soi, mais « il faut un peu plus », une ambition pour le pays.

Et les doctes rappellent à l’envi le besoin monarchique des Français, présumé inaltérable. Son auteur l’a pourtant maintenu, en l’accompagnant d’une précision : le candidat normal doit avoir des qualités exceptionnelles, et en portant l’enjeu plus haut, avec la formule d’une présidence normale. Le « normal » de 2011 pourrait-il rejoindre dans les annales, mais comme son opposé, le « Kärcher » de 2005 du futur candidat Sarkozy ?

Le premier ressort de cette réussite sémantique est qu’il donne une cohérence, minimaliste, aux autres choix du précandidat : le régime amaigrissant et le sacrifice de l’humour sur l’autel de la gravité se sont cristallisés dans ce petit mot qui a accompagné et accéléré la progression de plus de dix points de popularité enregistrée par M. Hollande entre janvier et début mai, et d’une demi-douzaine de points supplémentaires pris après la sortie de course de DSK. Car depuis la tragédie strauss-kahnienne, où la magie blanche espérée du directeur général du Fonds monétaire international (FMI) pour l’économie française s’est retournée en magie noire autodestructrice, le mot de M. Hollande résonne aussi comme une prémonition.

Mais ce mot est plus gênant encore pour Nicolas Sarkozy. Le candidat normal qui aspire publiquement à devenir un président normal ne remet pas en cause la santé psychique de son adversaire, comme l’avait fait l’hebdomadaire Marianne en 2007. Mais il critique, au nom d’une présidence du quotidien, le candidat exceptionnel qui devient chef d’Etat irrégulier et abusif. Cet angle d’attaque va représenter une gêne durable pour la droite dont le calcul repose, pour une grande partie, sur l’espoir de faire oublier le président impopulaire grâce au retour du candidat miraculeux.

Au-delà d’une botte redoutable, le mot capte un moment historique. Chaque élection présidentielle, en France, produit un correctif par rapport à la précédente, au point qu’on peut observer, depuis trente ans, un cycle d’alternance entre élections de rupture et de pacification.

L’année 2007, par l’ampleur de la mobilisation et le caractère des candidats, en contraste avec la léthargie chiraquienne, a potentialisé la Ve République, lui a fait atteindre un summum de personnalisation et de rhétorique volontariste.

La perspective de 2012 provoque certes un frémissement d’excitation, mais mâtiné cette fois de scepticisme. La candidature normale intègre ce zeste de lassitude. Elle vise le retour à la normale, à l’équilibre dans la pratique des institutions, ce qui dépouille le candidat Bayrou de ses flèches et appelle les soutiens centristes. De même les vibrations tranquillisantes, véhiculées par les images de bonne entente avec Bernadette Chirac, commencent à dérober à M. Sarkozy une partie de son électorat âgé.

Dans les joutes présidentielles, on distingue les stratégies de premier tour (rassembler son camp) et celles de second tour (le dépasser). Hollande entreprend une manoeuvre inédite : si, voter pour lui, c’est revenir à la normale, alors le tenant du titre se trouve « déprésidentialisé », privé de son passé. La stratégie du Corrézien ne « saute » pas seulement le premier tour, mais même le premier quinquennat. Il est subliminalement déjà président : sa référence à Mitterrand est celle de la réélection de 1988, pas de l’alternance de 1981. Un peu comme Philippe Noiret, qui n’a décroché de grands rôles qu’après 50 ans, François Hollande a un profil de second mandat.

Le message est double. Le candidat normal est un candidat proche, mais en même temps un caractère exceptionnel s’il peut rester comparable à l’homme ordinaire au niveau de tentations où le placent son statut et son ambition. Le président normal assumera une forme d’hypo-présidence, qu’il faut deviner comme plus constante mais moins intrusive.

Dans le chemin qu’il trace, beaucoup d’hommes normaux (plus que les femmes, selon les sondages) découvrent avec plaisir une force cachée qui permet de rattraper les géants et de défaire les monstres. Car la grande polysémie d’un adjectif si populaire et si élastique a permis de légitimer une candidature qui n’était ni « naturelle » comme celle du favori des sondages DSK, ni institutionnelle comme celle de la première secrétaire, et, une fois installée, de rendre étrange et mal intentionnée la pression du « Tout sauf Hollande ».

Quelle est cette force ? La patience, la perspicacité, le sang-froid, la maîtrise de soi ? A chacun de s’y projeter, étant entendu qu’elle a à voir avec le temps de l’expérience plus qu’avec les dons de la naissance.

La référence à la norme et à la normalité offre aussi des ressources qui vont au-delà de la tactique. Elle peut surprendre, de la part d’un candidat de la gauche, comme l’avait fait l’« ordre juste » de Royal dans sa précampagne victorieuse de 2006. Elle suggère la réponse à une attente du rétablissement des bases du « vivre-ensemble » et elle suppose une éthique partagée, accessible largement, sinon à tous.

Elle induit aussi une philosophie politique proche d’Aristote, quand il critique Platon. Gouverner normalement, ce serait composer avec la société, rechercher l’équilibre, faire preuve de modération et obtenir la durée.

Dans le débat des think tanks socialistes, entre ceux qui prônent une alliance des globalisés et des minorités et ceux qui réclament la reconquête de l’électorat prioritaire, le choix du normal témoigne d’une inclination au moins sémantique vers la seconde option. C’est sans doute une position de départ plus forte, mais à condition de ne pas s’y enfermer.

Car son risque évident est celui d’une forme de conservatisme, d’une sorte de confucianisme : chacun à sa place, la tranquillité par l’arrangement entre les pouvoirs, la normalité des partitions attendues, le ritualisme, l’immobilisme.

Pour démentir cette dérive et parler par exemple aux jeunes, qu’il souhaite mettre au coeur de son projet, le candidat Hollande ne pourra se contenter de proposer un contrat entre générations encourageant une période de tutorat en entreprise par un senior. Les jeunes doivent certes être aidés à entrer dans le monde du travail et ses normes, mais ils ont aussi envie d’entendre que leur besoin de s’évader des normes et d’en créer de nouvelles peut être pris en compte et façonner la société de demain.

De même, la normalité ne peut être l’objet d’une simple aspiration à un retour. L’appui sur la normalité doit permettre de déceler ce qui est anormal, pas seulement en haut, mais aussi en bas. Les priorités que le candidat Hollande a reprochées au Parti socialiste de ne pas assez hiérarchiser peuvent être identifiées et traitées à travers la dénonciation des situations les plus anormales, avec pour visée de faire entrer dans les cercles de la normalité ceux qui en sont exclus, ou simplement éloignés par l’indifférence.

Voir également:

La droite vaincue parce que victime docile et consentante d’une escroquerie intellectuelle ?

Gilles William Goldnadel

Atlantico

7 mai 2012

Retour sur une campagne faite d’erreurs de timing et de casting mais aussi d’un dénigrement sans précédent et d’une intimidation intellectuelle médiatique qu’une partie de la droite a fini par intérioriser.

L’UMP victime de ses erreurs de casting et de timing durant la campagne

Ainsi, le président vilipendé aura été battu sur le fil du rasoir. Ainsi, c’était pour rire, Nicolas Pétain, ne méritait pas, finalement, autant d’indignité, mais du respect, comme l’a indiqué hier soir son victorieux rival dans un discours dont la hauteur n’était pas qu’habileté.

Ceux qui, surtout à gauche, veulent, évidemment pour son bien, empêcher la droite d’être la droite, expliquent doctement sa défaite par l’ignoble « droitisation » et les clins d’œil aux électeurs du Front National, auront du mal à le faire croire au regard du résultat final.

En dépit d’une campagne de dénigrement rarement observé depuis le général De Gaulle, en dépit d’une crise économique et financière qu’il serait euphémique de qualifier d’exceptionnelle et qui a sanctionné tous les sortants en Europe, le nouveau président élu l’aura été à la minorité des électeurs votants.

Bien au rebours, si ce retour au peuple avait été à la fois moins tardif et plus franc, donc plus crédible, il est permis de penser que le pari impossible aurait été tenu.

Si l’on décide d’organiser un débat sur l’identité nationale, on ne choisit pas pour le tenir un transfuge du PS qui en avait honte.

Si l’on décide de mener une campagne électorale décomplexée, on ne choisit pas comme porte-parole une femme, certes gracieuse et élégante, mais dont le principal titre littéraire aura été de morigéner la représentante de la droite extrêmement décomplexée.

Il est des erreurs de casting et de timing que comprend le Français.

Il n’empêche, le petit homme tant raillé, y compris pour sa taille, n’aura pas été dégagé par la fenêtre, mais sorti par la porte.

La grande.

Avec la bienveillance qui la caractérise, on peut imaginer, sans grande spéculation intellectuelle, la réflexion de la gauche et de ses relais, si d’aventure le président sortant l’avait emporté avec une majorité aussi étroite : « un président légal sans doute, mais vraiment légitime ? »

Fort heureusement, ce qui caractérise le camp vaincu, c’est précisément, son légitimisme démocratique qui fait de François Hollande, désormais, le président de tous les Français.

Il faut lui reconnaitre une habileté politique dont le mérite est à peine diminué par la complicité de la classe médiatique idéologisée.

Il faut reconnaître également à la gauche d’avoir su, elle, mener cinq années un combat culturel que son camp adverse n’aura finalement mené qu’un trimestre.

François Hollande, il l’a dit, ne pratiquera pas d’ouverture à droite.

A l’aune de l’intelligence politique et de la cohérence intellectuelle, sa victoire est méritée.

A ce stade, il faut, encore et encore, écrire que la droite française aura été la victime docile d’une escroquerie intellectuelle légale que je n’aurais cessé de dénoncer vainement.

Alors que le camp des droites, le premier tour l’aura encore montré, est plus nombreux que son antipode, c’est un président de gauche qui l’aura emporté.

L’explication réside toute entière dans le surmoi qu’aura réussi à imposer la classe médiatique à une partie de la droite française tout en décomplexant la gauche de ses propres liaisons autrement moins platoniques.

Alors que Gérard Longuet aura été tancé pour avoir suggéré que Marine Le Pen, contrairement à son père, était une interlocutrice possible, François Hollande remercie publiquement et impunément son interlocuteur Mélenchon et s’apprête à mener campagne avec un PCF, dans le cadre d’une alliance que même les représentants de la droite démocratique ont oublié hier soir de critiquer dans son principe.

Lorsque la victime est aussi sottement dupe, ce n’est plus, juridiquement, une escroquerie.

Mais il est une autre escroquerie, récidivante, qui aura été commise délibérément et impunément dans la dernière quinzaine : celle de dénoncer la dérive vichyssoise du président aujourd’hui battu.

J’aurais passé une bonne partie de ma vie d’homme à dénoncer et démonter cette escroquerie trentenaire en bande organisée.

Dans sa dernière séquence, il a été reproché à Nicolas Sarkozy de marcher sur les plates-bandes minées de Marine Le Pen.

Le Monde, alors que les jeux étaient faits, dans un article du samedi 5 mai, a reconnu, mais sans le critiquer le « glissement idéologique du PS ». : « Force est de constater que sous la double pression du score de Marine Le Pen au premier tour et d’un Nicolas Sarkozy décidé à faire de cette question le champs majeur de l’affrontement présidentiel, les socialistes, depuis le premier tour, usent d’un registre lexical jusqu’ici plutôt inhabituel ».

« Il y a trop d’immigrés en situation irrégulière » a déclaré le candidat socialiste « celui qui aurait dit ça dans un congrès se serait fait étriper. Jamais personne n’aurait osé, même pas Manuel Valls » déclare un responsable de la rue de Solferino.

Et pourtant, qui a osé dire que Hollande devrait désormais s’appeler Allemagne ?

Un dernier mot : Il ne s’est pas trouvé, un journaliste, un commentateur, un responsable politique pour protester contre la sortie de nombreux drapeaux turcs, marocains et algériens, à la Bastille.

Je le fais. En Français et en républicain.

Voir encore:

Élections 2012
Hollande, l’effort tranquille
Matthieu Ecoiffier , Laure Breton , Antoine Guiral et Paul Quinio

Libération

17 octobre 2011

François Hollande le 26 mai 1981 à Paris, et en octobre 2011, entre les deux tours de la primaire socialiste. (AFP/Michel Clément et Rudy Waks)
PORTRAIT+VIDÉODe son enfance rouennaise à la primaire en passant par sa formation politique, la Corrèze et Solférino, retour sur l’ascension du candidat socialiste.

«Il faut savoir d’où l’on est et avoir le sens du parcours.» Ce 5 octobre à Rouen, quelques heures avant de rentrer à Paris pour le troisième débat télévisé de la primaire, François Hollande se confie. Il revient de Bois-Guillaume, faubourg cossu de l’agglomération rouennaise pour laquelle il garde «une affection particulière». Normal : il y est né le 12 août 1954 et y a été scolarisé jusqu’à la troisième, chez les Frères catholiques de Jean-Baptiste-de-La-Salle. Ce jour-là, «après la rencontre avec la presse, je me suis dit : « Il faut que j’aille voir la maison où j’ai passé mon enfance. » J’ai eu de la chance, la personne qui y vit m’a fait rentrer», raconte celui qui est désormais le candidat du PS à la présidentielle de 2012.
A l’extérieur de la maison, tout a changé. «Il y avait des granges, il y avait des vaches et des chevaux. Il ne reste plus rien. La maison existe toujours, la même, mais dans une autre géographie.» Disparu, le champ du voisin où François jouait au foot avec son frère Philippe, de deux ans son aîné. Disparu, le poulailler expérimental inventé par son père. A l’intérieur, en revanche, les murs changent moins vite que les hommes.

Ce qu’il a ressenti à 57 ans, ce 5 octobre, François Hollande le garde pour lui. Des souvenirs et des images. Celle de Nicole, sa mère assistante sociale à TRT, une entreprise d’électronique, femme vivante et aimante. Aussi lumineuse que son père, médecin ORL, était ombrageux et autoritaire. Imposant, selon Serge Raffy, son biographe, des «diktats aussi martiaux qu’incompréhensibles» à ses deux fils.

Georges Hollande était fils d’instituteurs, originaires d’une famille de paysans volaillers installée près de la frontière belge, à Plouvain, un village martyr bombardé en 1917. La ferme n’y échappera pas. Ils portent le patronyme du pays que leurs ancêtres, des protestants venus de Hollande au XVIe siècle pour échapper aux bûchers de l’Inquisition, avaient pris pour se reconnaître entre eux. Les débuts du couple Hollande sont modestes. Le cabinet d’ORL est aussi le domicile conjugal, et les patients opérés des végétations récupèrent parfois dans le salon ou sur le lit des garçons. Le jeune François alterne des années scolaires chez les frères, où il est bon élève mais un peu turbulent. Un premier communiant un peu rebelle. Il lit Pif Gadget, publication communiste, en cachette. Un jour qu’il prend la défense d’un groupe de camarades pour atténuer une sanction, il se retrouve collé comme les autres. Ce sera sa première expérience de leader. Les jeudis après-midi, le petit François les passe avec Gustave, son grand-père paternel. Directeur d’école et ancien poilu, il l’initie aux ravages de la guerre et aux mots du dictionnaire. Côté maternel, on est plus chaleureux et ouvert. Son grand-père, lui aussi gazé dans les tranchées, est tailleur de métier, chante Tino Rossi et loue chaque été des maisons pour sa tribu. «Mon meilleur souvenir d’enfance, c’était les vacances avec eux. On se retrouvait avec les cousins et les cousines à Carnac, au Canadel, au Chambon-sur-Lignon et à La Franqui.» (voir la vidéo)

Et puis, c’est la rupture. Brutale. Son père, qui a réussi – il possède des parts dans une clinique -, est convaincu que Mai 68 est le prélude à l’invasion soviétique. Il vend tout et déménage sa famille à Neuilly-sur-Seine (Hauts-de-Seine), où il se lance dans les affaires immobilières. Il s’éloigne aussi. Et quand il vide la maison familiale, il envoie à la décharge les petites voitures Dinky Toys de François et les disques de jazz de son frère. C’est la fin de l’enfance. «C’est douloureux, ces moments-là, confie François Hollande. Mon père aimait changer de domicile. C’était un nomade. Moi, je suis attaché aux lieux. Enfin, je l’étais. Maintenant, c’est moins vrai, il ne faut jamais vivre dans la nostalgie. La vie passe.»

Les racines politiques
François Hollande ne vient pas d’une famille de gauche. Chez les Hollande, les hommes sont des gaullistes, des «conservateurs modérés», jugera François Hollande. Son père admire l’avocat Tixier-Vignancour et ne cache pas ses sympathies pour l’OAS et l’Algérie française. Anticoco viscéral, il sera, en 1959 et 1965, candidat malheureux sur une liste d’extrême droite aux municipales de Rouen. C’est le goût politique des femmes de la famille qui impressionne le jeune François. L’hiver 1965, il remarque que sa mère écoute attentivement François Mitterrand lorsqu’il apparaît sur l’écran en noir et blanc du téléviseur. Sa grand-mère Antoinette fait aussi partie des fans du député de la Nièvre. Premier déclic. «Pour moi, il n’existait que le général de Gaulle. Et puis, d’un coup, j’ai vu surgir de nouveaux visages : Jean Lecanuet et François Mitterrand, qui venaient de s’inviter comme opposants.» Au lycée Pasteur de Neuilly, où il rencontre Thierry Lhermitte et Christian Clavier, le jeune homme s’affiche SFIO, tendance Union de la gauche. Reçu à Sciences-Po, il milite pour l’Unef-Renouveau, proche du PCF. En 1972, il a 18 ans et assiste, Porte de Versailles, à un grand meeting de Mitterrand. Le voilà emporté par la geste tribunitienne de celui qui soulève son auditoire par ses évocations des hauts fourneaux et du Front populaire. Mitterrand sera son candidat. Tant pis pour Rocard, qu’il juge idéologiquement moderne, mais stratégiquement naïf. «Je n’étais pris ni par la phraséologie révolutionnaire qui avait cours à l’époque ni par le conformisme qui reconduisait la droite pour toujours au pouvoir.»

Hollande n’est pas PCF, mais c’est une tête. La même année, en 1975, il est diplômé de Sciences-Po, de droit et d’HEC. Réformé pour cause de myopie sévère, il se bat pour être réintégré dans l’armée. A l’ENA, il côtoie Dominique de Villepin, se lie d’amitié avec Michel Sapin, Jean-Pierre Jouyet et Jean-Maurice Ripert. Et séduit Ségolène Royal. Il propose au PS, en vain, de créer une section du parti au sein de l’école. «François a une capacité d’entraînement que je lui ai toujours connue. Lorsqu’on était à l’armée ou quand on a créé le comité d’action pour une réforme de l’ENA, il s’est retrouvé naturellement leader. Pas par autoritarisme, mais parce que le charme de son intelligence donne envie de le suivre», témoigne Michel Sapin.

Les premiers pas
Sorti huitième de la promotion Voltaire de l’ENA, François Hollande choisit la Cour des comptes. Il veut se dégager du temps pour sa vocation, la politique. Avec Royal, il rencontre à l’automne 1980 Jacques Attali, chargé par François Mitterrand de monter une cellule secrète d’experts pour sa future campagne. «Nous faisions des notes, préparions des argumentaires. Nous ne savions pas très bien ce que François Mitterrand en faisait.» Aux législatives de 1981, Jacques Delors refuse d’être candidat dans sa fédération de Corrèze. Hollande y est parachuté. Il réussit à évincer le rocardien local pour obtenir l’investiture du PS, mais se heurte au clientélisme chiraquien. Mitterrand élu, Hollande devient un collaborateur de Jean-Louis Bianco, conseiller politique du Président. «Attali m’a dit : « On va être une petite équipe de quatre, avec Pierre Morel, le grand diplomate, et deux jeunes qui sont formidables, François Hollande et Ségolène Royal », raconte Bianco. On était au 2, rue de l’Elysée, dans deux bureaux dont on laissait les portes ouvertes. C’était heureux et inventif. On recevait plein de gens parfois un peu givrés mais plein d’idées.» Bianco se souvient que Hollande se focalisait sur l’économie, avec des idées qu’on retrouve aujourd’hui au PS, mais qui n’étaient guère en vogue à l’époque. Selon Serge Raffy, Hollande se voit aussi confier la mission de viser les comptes de l’association France Libertés de Danielle Mitterrand, puis de SOS Racisme. Et celle, plus délicate, de contenir l’écrivain Jean-Edern Hallier, qui menace de dévoiler l’existence de Mazarine, la fille cachée du Président.

En 1983, les indicateurs économiques virent au rouge, le gouvernement Mauroy est impopulaire. Pour redresser l’image de la gauche et faire passer la rigueur, Mitterrand nomme l’historien Max Gallo porte-parole du gouvernement. Hollande quitte l’Elysée pour devenir son directeur de cabinet. Il pousse notamment son patron à alerter l’Elysée sur la déferlante qui se prépare contre la loi Savary et pour «l’école libre». Mais trop tard. C’est aussi à cette époque que François Hollande se constitue un solide carnet d’adresses parmi les journalistes, notamment de Libération. Il est une source vivante, précise et précieuse pour les chroniqueurs du Palais. En 1984, lorsque Laurent Fabius devient, à 38 ans, le plus jeune Premier ministre de la Ve République, François Hollande suit Max Gallo au Matin de Paris. Le voilà «éditorialiste économique». Sans carte de presse, mais aux côtés d’Alexandre Adler ou de Christine Bravo…

Delors pour sortir de l’ombre
En 1984, François Hollande a 30 ans. Ségolène Royal vient de donner naissance à leur premier fils, Thomas. Mais il reste un techno, toujours pas élu en Corrèze, pas encore dirigeant socialiste de premier plan. Il ne roule ni pour Rocard ni pour Jospin et encore moins pour Fabius. Lors d’un dîner à quatre avec l’avocat Jean-Pierre Mignard, le député du Morbihan Jean-Yves Le Drian et Jean-Michel Gaillard, un ami conseiller auprès d’Hubert Védrine, ils inventent les «transcourants». Objectif : «Dépasser la vieille dichotomie entre mitterrandiens et rocardiens», rappelle Michel Sapin. Jean-Louis Bianco les soutient. Ils publient une tribune dans le Monde en décembre 1984, «Pour être modernes, soyons démocrates» et, un an plus tard, un livre, La gauche bouge. De quoi sortir de l’ombre et s’attirer les foudres de Lionel Jospin, qui convoque les transcourants rue de Solférino : «Mon club, c’est le parti.» Pour tenir face aux éléphants, il leur faut un poids lourd. Jean-Pierre Jouyet suggère le nom de Jacques Delors, qui vient d’être désigné président de la Commission européenne et dont il est le directeur de cabinet. Le 22 août 1985, ce dernier accepte de devenir la figure de ce mouvement, dont le nom, Démocratie 2000, est tout un programme… «François Hollande est très politique. Il était mitterrandiste pour la stratégie de conquête du pouvoir, tout en étant sensible à beaucoup d’idées de Rocard. Il pensait que Delors était l’homme qui pouvait dépasser ce clivage entre la première et la deuxième gauche pour aller vers la troisième gauche», relate Jean-Pierre Mignard. Martine Aubry, la fille de Jacques Delors, rejoint un court temps l’aventure. Mais elle n’aurait pas supporté que Hollande, élu en 1988 député sur les terres corréziennes de son père, soit très vite présenté comme le fils spirituel du président de la Commission européenne. «Peut-être que Martine a estimé qu’il y avait une opération de captation de son père au profit de quelques-uns. Le malentendu est né de ces deux sincérités», analyse encore Mignard. Le pari de François Hollande est politique. Il le perd en quelques minutes en décembre 1994, lorsque Delors renonce à se présenter à la présidentielle sur le plateau de 7 sur 7.

La Corrèze et Chirac
Hollande-Chirac… Depuis trente ans, ces deux-là se sont beaucoup reniflés, affrontés et sans aucun doute respectés. Dès 1981, le jeune socialiste s’en va défier le patron du RPR sur ses terres corréziennes aux législatives. Il prend une veste, 26%, tandis que son adversaire est élu dès le premier tour. Mais le petit conseiller de François Mitterrand va s’accrocher à ce département. En 1983, Hollande décroche son premier mandat à Ussel comme simple conseiller municipal. Cinq ans plus tard, il change de circonscription et remporte un siège de député. Début d’un partage du territoire avec Chirac. Au gré des résultats de la gauche au plan national, Hollande perd (1993) puis reconquiert (1997) son fauteuil à l’Assemblée nationale. Sa prise de la mairie de Tulle en 2001 marque le véritable début de sa conquête du département. La Corrèze vient de se trouver un nouveau champion, même si la popularité du président Chirac reste ici intacte.

Les deux hommes se croisent chaque année en janvier, aux traditionnels vœux du chef de l’Etat à ses chers Corréziens. La scène est immuable. Dans un gymnase sur les hauteurs de Tulle, le chef de l’Etat discourt avec Hollande à ses côtés. A chaque fin de discours, le socialiste applaudit par politesse quelques secondes. Puis, pendant que Chirac s’en va serrer des mains, celui qui est alors patron du PS et donc opposant en chef au président de la République passe à la moulinette devant les micros toute la politique du gouvernement. Ce qui n’empêche pas les fans du couple Chirac de venir le saluer chaleureusement. Chacun sait ici qu’il entretient les meilleures relations avec la conseillère générale Bernadette Chirac. L’Elysée, de son côté, ne se montre jamais chiche avec la ville de Tulle et la circonscription législative de son édile. En 2008, Hollande est élu président du conseil général. Son emprise sur la Corrèze devient totale. Seule Bernadette résiste dans son canton, où Hollande ne cherche pas vraiment à la faire battre.

Avec l’âge, le vieux fond rad-soc de Chirac, qui a quitté l’Elysée, finit par ressortir. Jusqu’à cette fameuse visite d’une exposition d’art chinois à Sarran, en juin 2011, où l’ancien président déclare : «Je voterai Hollande [en 2012].» Fureur de Sarkozy, qui contraindra la famille Chirac à venir lui présenter des excuses à l’Elysée en expliquant que «Jacques n’a plus toute sa tête». Mais politiquement, le mal est fait. Hollande s’en tire par une pirouette en expliquant qu’il s’agissait d’une plaisanterie. Mais il sait désormais que toute une frange de la droite centriste, rurale et cocardière peut se reporter sur lui.

Le premier secrétaire
Hollande l’avoue lui-même : «Je suis devenu premier secrétaire sans vraiment l’avoir recherché.» Il le restera plus de onze ans. Un record de longévité le classant juste derrière Mitterrand. Ou comment l’ancien transcourant, petit à petit et aidé par les statuts du PS qui l’obligent à composer en permanence avec les rapports de force internes, devient un homme de parti et un expert hors pair des courants et sous-courants du PS. Il passe maître, congrès après congrès, dans l’art de la synthèse. «Molle», comme disent rapidement ses détracteurs. Bureau national après bureau national, il devient aussi expert dans l’art du compromis. Le festival des sobriquets commence. De «fraise des bois» (sous laquelle ne peut sommeiller un éléphant) à «Flanby»… Lui n’en a cure. Il répète inlassablement : «Ma cohérence, c’est l’unité des socialistes.»

Au nom de cette cohérence-là, François Hollande premier secrétaire est également celui qui, jour après jour, semaine après semaine, mois après mois, année après année, avale les kilomètres, tisse sa toile dans le parti, mais sillonne aussi la France. Pour honorer une Fête de la rose, soutenir un candidat là le matin, un autre ici le soir, ou pour rentrer à Tulle. Ces déplacements, François Hollande les effectue en voiture, les pieds parfois au-dessus de la boîte à gants. Les journaux – à commencer par l’Equipe – sont toujours à portée de main. Et le sommeil jamais très loin.

Entre 1997 et 2002, le premier secrétaire joue parfaitement son rôle de porte-parole de l’action gouvernementale et de copilote de la gauche plurielle. Il est associé à tous les grands projets de la dream team de Jospin, qu’il voit deux fois par semaine, le mardi matin lors du petit-déjeuner de la majorité et le mercredi en tête à tête : Pacs, 35 heures, CMU, emplois-jeunes… Il a alors les pleins pouvoirs sur le parti, mais pas l’autorité. Et, au lieu de faire table rase du passé, il réintègre dans les instances les anciens ministres, qui n’auront alors de cesse de lui contester son leadership. Derrière l’homme du consensus, plus accaparé par les alliances internes que le travail programmatique, se profile un général en chef électoral quand les victoires sont là, un apparatchik enfermé dans des querelles qui lassent les Français quand l’ambiance vire à l’aigre. Porté par une série de succès éclatants (régionales et européennes), il est élu homme politique de l’année fin 2004. Tout lui sourit alors. Il fait voter le PS sur la Constitution européenne : 60% de «oui» en décembre 2004. Sur son nuage – il pose en mars 2005 à la une de Paris Match en alter ego de Nicolas Sarkozy -, il ne voit pas venir le «non» du 29 mai, qui brisera net son ascension. François Hollande récupère le parti en lambeaux, divisé comme jamais sur un sujet, l’Europe, constitutif de l’ADN hollandais.

Hollande raccommode à nouveau le PS au congrès du Mans : «Sinon, on partait à la présidentielle avec un parti coupé endeux. J’ai décidé de me sacrifier dans l’intérêt du parti.» Sa compagne, Ségolène Royal, s’engouffre dans la faille et marche sur la présidentielle. «Personne alors ne s’est levé pour lui dire « François, fais ton devoir »», déplore aujourd’hui un de ses alliés. Et surtout pas Lionel Jospin, qui rêve alors secrètement de retour. «L’un attendait d’être appelé par l’autre. Et l’autre d’être adoubé par l’un», résume Bernard Poignant, l’actuel maire de Quimper, soutien de Hollande et proche de Jospin. Résultat, Ségolène Royal s’est imposée aux deux. Mais plusieurs témoins l’assurent : «Jospin, à ce moment-là, en a voulu à François.»

Ses relations avec Jospin
En 1997, quand Jospin passe de Solférino à Matignon, il laisse les clés du PS à son ancien porte-parole. «Il cherchait quelqu’un de confiance, se souvient Manuel Valls. Car même si les deux hommes ne sont pas faits du même bois, Hollande, grâce à son «agilité politique», a séduit l’ancien ministre de l’Education de Mitterrand. «Jospin avait aussi repéré cette faculté qu’avait Hollande à parler sur les radios, avec cette pointe d’humour et de cruauté qu’il sait avoir», se souvient Bernard Poignant. Une relation de confiance en tout cas est née, même si l’humour hollandais agace parfois l’austère, qui ne se marre pas toujours de ses facéties…

Arrive le 21 avril 2002. Un traumatisme pour tout le monde. François Hollande se reprochera d’avoir craint le pire et de ne pas l’avoir dit. Ou pas assez tôt. Pas assez fort. Premier secrétaire, il aurait pu peser davantage pour remettre la campagne sur les rails. «Peut-être Jospin aurait-il dû nommer Hollande directeur de campagne», soupire un jospiniste en repensant à la cacophonie qui régnait à l’Atelier. «François m’a confié récemment qu’il ne s’était jamais engueulé avec Jospin, confie un proche. Peut-être aurait-ce été mieux s’il l’avait fait…»

François, Ségolène et Valérie
C’est au soir de la législative ratée dans la foulée de l’échec à la présidentielle de Ségolène Royal en 2007 que la nouvelle tombe. Via une dépêche AFP, la candidate défaite annonce qu’entre elle et lui, c’est fini. «J’ai demandé à François de quitter le domicile… Je lui ai rendu sa liberté… Je lui souhaite d’être heureux.» La phrase est reprise, commentée sur tous les plateaux télé de la soirée électorale. Beaucoup d’électeurs de gauche ont le sentiment désagréable d’avoir été pris en otage par les problèmes de couple entre l’ex-candidate à la présidentielle et son compagnon premier secrétaire du PS. Lequel, d’une nature réservée, voit sa vie privée surexposée sur la scène nationale. Après trente ans de vie commune, quatre enfants et une ascension publique ininterrompue, la PME politico-familiale licencie le patron. En fait, François Hollande est déjà parti. Pendant l’été 2005, sa relation avec Valérie Trierweiler, journaliste politique à Paris Match et Direct 8, a pris un tour plus personnel. Les deux se connaissent depuis longtemps, la quadragénaire à la chevelure de feu apprécie l’humour toxique et l’attention pour autrui du patron du PS. Ils sont tombés amoureux. A en croire Serge Raffy, si François a laissé Ségolène lui damer le pion en 2006, c’est en partie parce qu’il avait la tête ailleurs. «La plupart des proches utilisent une formule sibylline pour expliquer ce flottement : « Il était diverti. »»

Le désormais candidat et la journaliste habitent dans le XVe arrondissement, près du parc André-Citroën. «Un appart moderne, spacieux mais pas grand. Avec une terrasse petite et sans vue sur la Seine», précise l’entourage de Hollande. «Il y a eu des vies communes qui ne le sont plus. La politique emporte tout», disait François Hollande avant le premier tour dans Libération à propos de la concurrence inédite avec Ségolène Royal. Une situation «pas ordinaire», reconnaissait la semaine dernière l’ex-candidate, défaite au premier tour, venue sur France 2 apporter son soutien à François Hollande. «Mais je ne peux pas renier ma vie, avouez d’ailleurs que le bilan de ce couple n’est pas si mauvais que ça, avec quatre enfants et deux candidats présidentiels. […] Je fais la différence entre le corps privé et le corps public. Aujourd’hui, c’est le corps public qui parle.» La politique, décidément, emporte tout.

La mue
«Je m’y suis préparé.» Tel est le mantra de François Hollande, la phrase qu’il répète comme un sportif de haut niveau suit un programme d’entraînement en dix étapes. Etre candidat à l’Elysée puis exercer la fonction de président de la République – «normal» -, il s’y prépare «physiquement, mentalement et politiquement» depuis longtemps, dit-il. Depuis Lorient et le lancement de son pacte redistributif en 2009.

En fait, la mue de l’ex-premier secrétaire en futur candidat socialiste a commencé en 2008. Selon Michel Sapin, «le moment où il crée les conditions pour être président, c’est lorsqu’il décide de quitter la tête du PS et de ne pas présenter sa motion au congrès de Reims.» Eloigné des bisbilles qui culminent avec l’affrontement entre Martine Aubry et Ségolène Royal, le député de Corrèze quitte sa peau de premier secrétaire des synthèses molles. Il change d’image dans l’opinion. Celui qu’Arnaud Montebourg qualifiait de «Flanby» maigrit. Fini les fondants au chocolat et les frites. François Hollande perd entre «huit et douze kilos», selon sa capacité à résister aux tartelettes lors des Fêtes de la rose qu’il sillonne depuis deux ans. Un opticien de l’Odéon lui pose des lunettes sans montures sur le nez. Sa silhouette plus affûtée lui confère paradoxalement une gravité nouvelle. La sénatrice PS Frédérique Espagnac, qui fut longtemps sa collaboratrice, précise que «François n’a pas maigri pour montrer un changement. C’est parce qu’il a fait le travail de se confronter à lui-même qu’il a réussi. Pendant des années, on lui a dit : « Ne bouffe pas de gâteaux au chocolat » et ça ne servait à rien !»

Le Hollande 2.0 a aussi mis un bémol à son humour pour se sortir de la caricature de «monsieur petites blagues». C’est également parce qu’il a pris du plomb dans l’aile. Lorsque Lepoint.fr lui demande pendant la campagne quel est son plus grand regret, il répond : ne pas avoir pu être au côté de sa mère lorsqu’elle est morte. Nicole Hollande, qui l’adorait et qu’il adorait. Octogénaire, elle avait pris la carte du PS en 2005 pour le soutenir et croyait en son ambition présidentielle. Son décès, en 2009, intervient après la séparation d’avec Ségolène Royal et son départ de la rue de Solférino. «Quand t’as plus de boulot, que ta femme a été candidate, que tes amis t’ont lâché et que ta mère meurt, il y a un moment où il ne reste plus rien. Il a montré une capacité psychologique à faire face seul. C’est là que je l’ai vu en homme d’Etat», raconte un proche. Michel Sapin, son vieux pote depuis l’ENA et le service militaire, confirme : «Sa personnalité, sa sensibilité d’aujourd’hui sont celles qu’il avait il y a dix, vingt ou trente ans. Mais dans un itinéraire, il y a des choses qui changent un homme dans sa relation aux autres. François déteste faire de la peine, du mal. Il sait désormais qu’arrivé à un certain niveau, cette question ne se pose plus. Il faut faire ce qu’il y a à faire. Et là-dessus, il a changé.» Comme le déclarait un patron de PME après l’avoir écouté à la foire de Châlons-en-Champagne, François Hollande aurait donc «la moelle» pour l’Elysée.

Il lui reste désormais à en convaincre les Français. «Il faut que tu parles aux Français et que tu leur parles de la France, lui conseille Bernard Poignant. Un président, ce n’est pas un Premier ministre. Il doit montrer qu’il a écouté les Français, qu’il connaît bien leurs problèmes et peut les résoudre, mais aussi et surtout qu’il a embrassé leur histoire et leur géographie.»

Sources : «François Hollande, itinéraire secret», de Serge Raffy, éd. Fayard, 2011 ; «le Figaro» du 25 août 2010 ; «Droit d’inventaires», entretiens avec Pierre Favier, éd. du Seuil, 2009 ; «PS, les coulisses d’un jeu de massacre», de Nicolas Barotte et Sandrine Rigaud, éd. Plon, 2008 ; «Devoirs de vérité», dialogue avec Edwy Plenel, de François Hollande, éd. Stock, 2006.

Voir enfin:

New French president Francois Hollande, who claims to ‘dislike the rich’, has THREE homes on French Riviera

 Peter Allen

The Daily Mail

11 May 2012

France’s new Socialist president owns three holiday homes in the glamorous Riviera resort of Cannes, it emerged today.

The 57-year-old who ‘dislikes the rich’ and wants to revolutionise his country with high taxes and an onslaught against bankers is in fact hugely wealthy himself.

His assets were published today in the Official Journal, the gazette which contains verified information about France’s government.

Mixed messages: Socialist president Francois Hollande portrays himself as an enemy of the rich – and yet he holds assets worth almost £1million

Mixed messages: Socialist president Francois Hollande portrays himself as an enemy of the rich – and yet he holds assets worth almost £1million

To the undoubted embarrassment to the most left-wing leader in Europe and a man who styles himself as ‘Mr Normal’, they are valued at almost £1million.

It will also reinforce accusations that Hollande is a ‘Gauche Caviar’, or ‘Left-Wing Caviar’ – the Gallic equivalent of a Champagne Socialist.

Among other assets are three current accounts in French banks – two with global giant Societe Generale and one with the Postal Bank – and a life insurance policy.

More…

Only in France! New President-elect makes his ex and mother of his four children country’s most powerful woman (while still refusing to wed the ‘First Partner’)

‘Britain treats Europe like a self-service restaurant’ claims new French president Francois Hollande in swipe at Cameron

But it is the fabulous property portfolio which is causing the greatest stir among millions of ordinary French people who voted for Holland over the conservative Nicolas Sarkozy last Sunday.

Hollande regularly attacked the ‘Bling-Bling’ presidency of Sarkozy, whose multi-millionaire lifestyle with Italian-born heiress Carla Bruni contributed to his humiliating election defeat after just one term in office.

Bling-Bling and Mr Normal: Hollande’s campaign was helped by public disapproval of the multi-millionaire lifestyle enjoyed by his rival Nicolas Sarkozy (left)

 Bling-Bling and Mr Normal: Hollande’s campaign was helped by public disapproval of the multi-millionaire lifestyle enjoyed by his rival Nicolas Sarkozy (left)

As well as the spacious Paris apartment he shares with his lover Valerie Trierweiler, Hollande owns a palatial villa in Mougins, the prestigious hill-top Cannes suburb where the artist Pablo Picasso used to live.

It is valued by the Official Journal at €800,000 (£642,000), and is just a short drive from Hollande’s two flats in the Cannes. They are each priced at €230,000 (£185,000) and €140,000 (£112,000).

Hollande has promised to cut his pay by 30 per cent after he is officially sworn in as President next week, but he will still be on €156,000 (£125,000) a year, plus fabulous expenses and other perks.

He intends to set a top tax rate of 75 per cent, and to increase France’s controversial wealth tax – moves which have already seen wealthy people threatening to leave the country, and move abroad to places like the UK.

Meanwhile, Hollande wants to pour public money into France’s public service, creating thousands of new jobs.

He has has also threatened to block the eurozone’s new financial treaty unless Germany agrees to renegotiate its stringent austerity measures.

Hollande wants the treaty, seen as crucial to ensuring the survival of the single currency, to focus more on encouraging growth.

Benoit Hamon, spokesman for Hollande’s Socialist Party, said that the ‘politics of austerity’ was failing to improve the continent’s financial crisis.

He said the president-elect was determined to win a ‘trial of strength’ over the new fiscal pact, which aims to impose budgetary discipline on the 25 European Union countries who have signed up.


Présidentielles 2012: C’est le modèle Obama, imbécile! (Looking back at France’s Obama-inspired socialist plan for changing the math)

9 Mai, 2012
[Les élections de Bush et de Sarkozy] Bien sûr, il y a des différences. Mais il s’agit dans les deux cas d’un durcissement de la droite, dans un double contexte – la montée en puissance du néolibéralisme, et sur la scène internationale, celle du néoconservatisme après le 11 Septembre (période qui est aussi, en France, l’après-21 avril…). Eric Fassin
Lorsque vous êtes d’une nationalité étrangère mais installé en France, vous pouvez aussi constituer une sorte de passerelle entre votre pays d’origine et votre pays de citoyenneté », a-t-elle ajouté, relevant l’intérêt de « développer de meilleures relations culturelles » et « même économiques » avec « les pays qui nous entourent ». Najat Belkacem
Aujourd’hui plus que jamais, une pédagogie et une reconquête du sens des mots est nécessaire. Qualifier sous le même vocable « islamiste » le premier ministre turc Erdogan, les milices armées du GIA, voire l’assassin Ben Laden, est un abus insupportable. Personne ne tolèrerait de voir la chrétienne-démocrate Angela Merkel désignée sous le même vocable que divers extrémistes (Opus Déi, Tea party ou brigades anti-avortement…) ! (…) Il est important que le refus de ces instrumentalisations soit notamment porté par les musulmans. Ce positionnement n’équivaut pas à l’expression d’un communautarisme fermé. Bien au contraire, il participe d’une citoyenneté active, et donc souhaitable. De plus, des dynamiques « communautaires » peuvent aussi bénéficier à toute la société. Au début des années 1980, face à l’épidémie du sida, c’est bien la communauté gay qui pousse les pouvoirs publics à mettre en place des dispositifs de prévention, d’information et de prise en charge. Cet activisme profitera à tous, car l’épidémie, elle, n’épargnera personne… Une cause minoritaire – en apparence – est devenue un combat transversal, avec des retombées pour toute la communauté nationale. Plus tard, le Pacs (pacte civil de solidarité) suivra la même voie. Porté par la minorité gay, il devient une réponse à de nouveaux modes de vie, homos ou hétéros. (…) L’émergence en France et en Europe d’une puissante citoyenneté musulmane participerait, d’une part, à combattre, dans les sociétés musulmanes, les lectures d’un monde binaire : Occident contre islam. Dans un même temps, elle permettrait de refuser, ici, les assignations qui cantonnent les musulmans à être « un problème », voire « le problème », en les positionnant comme des acteurs incontournables, et non plus comme des sujets. Enfin, un rassemblement inédit de citoyens d’héritage islamique, croyants ou non, allant jusqu’aux représentants du culte, sur des positionnements communs, brise bien des barrières, conscientes et inconscientes, de celles qui bloquent les évolutions. Cette citoyenneté musulmane passe par une meilleure participation électorale – et à cet égard, le tour de France des Scouts musulmans pour encourager le vote des jeunes de quartier devrait être soutenu et mieux médiatisé. Elle passe aussi par un plus grand investissement des Français musulmans dans le débat public, débat qui ne doit pas être accaparé par les seules forces réactionnaires. La formation des journalistes – sur la diversité de la réalité musulmane, les différents visages des conservatismes, des fondamentalismes et de l’islam politique – est aussi un objectif prioritaire. L’avènement rapide d’une classe politique d’origine musulmane est également indispensable, et c’est aux partis, notamment progressistes, de s’en assurer. (…) Inscrire dans le calendrier républicain une fête qui ne soit pas strictement catholique, mais un jour des religions. Cette journée de fête commune sera, notamment, l’occasion de mieux faire connaître l’islam. Terra Nova
Partout en Europe, la social-démocratie est en crise. Elle ne gouverne plus que dans 6 pays sur 27. Elle n’a pas pu capitaliser politiquement sur la Grande Crise de 2008. Comment expliquer cette désaffection politique ? Il y a, bien sûr, la crise idéologique. Le modèle de société porté par la social-démocratie – l’économie sociale de marché, autour de la construction de l’Etat-providence – n’est plus compatible en l’état avec le nouveau monde globalisé. Il doit être refondé. Mais il y a une autre raison à la crise de la social-démocratie. Elle a trait à la sociologie électorale : la coalition historique qui a porté la gauche depuis près d’un siècle, fondée sur la classe ouvrière, est en déclin. C’est vrai en France, comme dans le reste de l’Europe et aux Etats-Unis. Depuis le Front populaire en 1936, la gauche en France (socialiste, mais surtout communiste) a accompagné la montée en puissance du monde ouvrier. La victoire de François Mitterrand à l’élection présidentielle de 1981 leur est intimement liée : la classe ouvrière est à son apogée démographique (37% de la population active) et vote massivement à gauche (72%, soit +20 points par rapport à la moyenne nationale). Autour de ce cœur ouvrier s’est constituée une coalition de classe : les classes populaires (ouvriers, employés) et les catégories intermédiaires (le cadres moyens). Ce socle historique de la gauche se dérobe aujourd’hui, à partir d’un double mouvement. D’abord, le rétrécissement démographique de la classe ouvrière : après un siècle d’expansion, la population ouvrière se contracte rapidement à partir de la fin des années 1970, pour ne plus représenter que 23% des actifs aujourd’hui – soit pour la gauche une chute de 40% de son socle électoral. (…) Second mouvement : les ouvriers votent de moins en moins à gauche. L’érosion est continue depuis la fin des années 1970 et prend des allures d’hémorragie électorale ces dernières années. Au premier tour de l’élection présidentielle, le différentiel de vote au profit de la gauche entre les ouvriers et la moyenne de l’électorat passe de +15 points en 1981 à 0 en 2002 : il n’y a plus de spécificité du vote ouvrier. Pire, le candidat Lionel Jospin n’a rassemblé que 13% des suffrages ouvriers : les ouvriers ont moins voté socialiste que l’ensemble des Français (16%). Au second tour de la présidentielle, le vote ouvrier passe de 72% en 1981 à 50% en 2007 : pour la première fois de l’histoire contemporaine, les ouvriers, qui ne votaient déjà plus à gauche au premier tour, ne votent plus à gauche au second.
A partir de la fin des années 1970, la rupture va se faire sur le facteur culturel. Mai 68 a entraîné la gauche politique vers le libéralisme culturel : liberté sexuelle, contraception et avortement, remise en cause de la famille traditionnelle… Ce mouvement sur les questions de société se renforce avec le temps pour s’incarner aujourd’hui dans la tolérance, l’ouverture aux différences, une attitude favorable aux immigrés, à l’islam, à l’homosexualité, la solidarité avec les plus démunis. En parallèle, les ouvriers font le chemin inverse. Le déclin de la classe ouvrière – montée du chômage, précarisation, perte de l’identité collective et de la fierté de classe, difficultés de vie dans certains quartiers – donne lieu à des réactions de repli : contre les immigrés, contres les assistés, contre la perte de valeurs morales et les désordres de la société contemporaine. Malgré cette discordance sur les valeurs culturelles, la classe ouvrière continue au départ de voter à gauche, qui la représente sur les valeurs socioéconomiques. Mais l’exercice du pouvoir, à partir de 1981, oblige la gauche à un réalisme qui déçoit les attentes du monde ouvrier. Du tournant de la rigueur en 1983 jusqu’à « l’Etat ne peut pas tout » de Lionel Jospin en 2001, le politique apparaît impuissant à répondre à ses aspirations. Les déterminants économiques perdent de leur prégnance dans le vote ouvrier et ce sont les déterminants culturels, renforcés par la crise économique, « hystérisés » par l’extrême droite, qui deviennent prééminents dans les choix de vote et expliquent le basculement vers le Front national et la droite. La France ne fait pas exception. Partout en Europe, en Amérique du Nord, en Australie, la coalition historique de la gauche, centrée sur la classe ouvrière, s’efface. Même dans les pays où existe un lien institutionnel, via les syndicats, entre la classe ouvrière et la gauche politique, le vote ouvrier déserte la gauche : Grande Bretagne, Allemagne, Suède. La social-démocratie perd sa base électorale. Si la coalition historique de la gauche est en déclin, une nouvelle coalition émerge. Sa sociologie est très différente : 1. Les diplômés. (…) 2. Les jeunes. (…) 3. Les minorités et les quartiers populaires. (…) 4. Les femmes (…) La nouvelle gauche a le visage de la France de demain : plus jeune, plus féminin, plus divers, plus diplômé, mais aussi plus urbain et moins catholique . Elle est en phase avec la gauche politique sur l’ensemble de ses valeurs. Contrairement à l’électorat historique de la gauche, coalisé par les enjeux socioéconomiques, cette France de demain est avant tout unifiée par ses valeurs culturelles, progressistes : elle veut le changement, elle est tolérante, ouverte, solidaire, optimiste, offensive. C’est tout particulièrement vrai pour les diplômés, les jeunes, les minorités . Elle s’oppose à un électorat qui défend le présent et le passé contre le changement, qui considère que « la France est de moins en moins la France », « c’était mieux avant », un électorat inquiet de l’avenir, plus pessimiste, plus fermé, plus défensif. Le facteur socioéconomique joue aussi. Car la France de demain réunit avant tout les « outsiders » de la société, ceux qui cherchent à y rentrer, notamment sur le marché du travail, mais n’y parviennent que difficilement : les jeunes, les femmes, les minorités, les chômeurs, les travailleurs précaires. Ils ont du mal car ils sont la principale variable d’ajustement face à la crise d’une société d’« insiders » qui, pour préserver les droits acquis, sacrifie les nouveaux entrants. Ces « outsiders » ont besoin de l’aide de la puissance publique pour surmonter les barrières qui se dressent devant eux : ils ont besoin d’un Etat qui les aide à s’émanciper, à briser le plafond de verre. Ils sont soutenus par les plus intégrés (les diplômés), solidaires de ces « exclus » par conviction culturelle. La nouvelle gauche qui émerge en France est la même que celle qui se dessine partout en Europe. Elle ressemble de près à la coalition qui a porté Barack Obama au pouvoir en 2008. Avec une différence d’importance : elle n’est pas majoritaire. La nouvelle coalition électorale de la gauche présente trois faiblesses structurelles : 1. Une dynamique démographique limitée. Les minorités constituent une population en expansion mais au poids démographique faible : seuls 5% des Français ont deux parents immigrés ; on peut estimer à 15% les Français issus de la diversité. Rien à voir avec les Etats-Unis, où la part des minorités atteint près de 30%. Surtout, les jeunes sont une population déclinante en France, alors que c’est le contraire aux Etats-Unis. 2. Une coalition électorale en construction. Le nouvel électorat de gauche vote, élection après élection, de plus en plus à gauche. C’est une excellente nouvelle pour la gauche, pour l’avenir. Cela souligne a contrario une faiblesse actuelle de la coalition : elle ne fait pas le plein. C’est vrai pour les diplômés, qui votent encore faiblement à gauche. Pour les jeunes : ils votent moins à gauche qu’aux Etats-Unis : ils donnent 16 points de plus à Ségolène Royal face à Nicolas Sarkozy en 2007 (58/42) contre 34 à Barack Obama face à John McCain (67/33). Mais c’est surtout chez les femmes que la gauche française ne fait pas encore le plein : elles ne donnent que 2 points de plus à Ségolène Royal par rapport aux hommes en 2007 (48/46), +5 points aux élections régionales de 2010, contre +12 points à Barack Obama (56/44).
Face à cette nouvelle coalition de gauche, la recomposition radicale du paysage politique français fait émerger deux blocs électoraux : L’électorat de droite, centré sur les séniors. Une abstention élevée. Les jeunes et les minorités votent moins que la moyenne nationale : respectivement -7 points pour les 18-24 ans et -4 points pour les zones urbaines sensibles (mais -34 dans les quartiers populaires) en 2007. Leur participation s’effondre dans les élections de faible intensité politique (européennes, régionales, cantonales). L’électorat de droite n’a guère changé ces dernières décennies : les séniors, les indépendants (artisans, commerçants), les agriculteurs, les catholiques. Lui aussi devient plus clivant : sa propension à voter à droite se renforce. Il est en opposition avec les valeurs de gauche dans toutes ses composantes, tant socioéconomiques que culturelles, et parfois de manière radicale comme les agriculteurs ou les séniors (sur les valeurs culturelles). Les séniors constituent le cœur de l’électorat de droite. Ils votent, on l’a vu, massivement à droite. Ils ont un taux de participation record : plus de 90% en 2007. Et il s’agit d’une catégorie en expansion démographique importante : elle représentait 27% de la population en 2005, elle représentera 38% en 2030. D’où un problème majeur pour la gauche : peut-elle gagner sans le vote des séniors ?
Quelle stratégie la gauche doit-elle adopter pour faire le plein de son nouvel électorat naturel ? Elle doit opter pour une stratégie de valeurs. L’électorat « France de demain » les partage. Il y a des marges de manœuvre. Les élections régionales de 2010 ont montré que le vote à gauche des femmes, des jeunes, des diplômés progressent plus fortement que la moyenne de l’électorat. Pour accélérer ce glissement tendanciel, la gauche doit dès lors faire campagne sur ses valeurs, notamment culturelles : insister sur l’investissement dans l’avenir, la promotion de l’émancipation, et mener la bataille sur l’acceptation d’une France diverse, pour une identité nationale intégratrice, pour l’Europe. La gauche doit également privilégier une stratégie de mobilisation. La « France de demain » vote fortement à gauche mais vote peu. Il est toutefois possible d’améliorer son taux de participation : les jeunes ou les minorités ne sont pas des abstentionnistes systématiques, ils votent par intermittence. L’objectif est donc de les mobiliser : cela passe par une campagne de terrain (porte-à-porte, phoning, présence militante sur les réseaux sociaux et dans les quartiers…), sur le modèle Obama. Terra Nova

Où l’on comprend mieux …

Tant l’importance cruciale, pour le PS, de ses propositions de naturalisations, vote des étrangers et « mariage homosexuel » …

Que la nécessité quasi-ontologique de la vacuité, à l’instar de son slogan, de son programme comme… du bilan de son candidat!

Pour ceux qui en doutaient encore …

Confirmation, à la lecture des deux récentes et fameuses notes du think tank socialiste Terra Nova (associé d’ailleurs à une fondation américaine), sur une « citoyenneté musulmane » (changée plus tard en « citoyenneté inclusive ») et le terrain des valeurs 

Du choix explicite, suite à la perte de son électorat ouvrier traditionnel, de l’équipe socialiste qui vient de profiter comme on le sait tant de la division de la droite que du rejet, crise aidant, du président sortant  …

D’une stratégie délibérée, sans compter bien entendu la création de dizaines de milliers de nouveaux postes ou d’emplois aidés, d’élargissement de sa base immigrée en vue d’une coalition diplômés-jeunes-minorités-quartiers populaires et femmes …

Et surtout, comme en témoignent les nombreuses références explicites, du modèle Obama

NOTE

Musulmans de France : pour une citoyenneté inclusive

Note Par Marc Cheb Sun, Ousmane Ndiaye.

Terra Nova

Le 09/03/2011

La communauté musulmane française n’en finit pas d’être renvoyée, par les médias et la classe politique, à un dualisme simpliste : d’un côté la figure du « musulman modéré », de l’autre « l’islamiste », prétexte à toutes les peurs et replis identitaires. Marc Cheb Sun et Ousmane Ndiaye, auteurs de l’appel « L’islam bafoué par les terroristes », lancé par Respect Magazine et relayé par Terra Nova en janvier dernier, plaident dans cette note en faveur d’une citoyenneté musulmane. Une parole citoyenne portée par les Français d’origine musulmane peut combattre efficacement la vision du monde binaire opposant Occident contre islam ; elle peut accompagner les mutations de notre identité nationale, qui n’est pas figée mais en mouvement, et qui s’enrichit de leurs apports.

SYNTHÈSE

Le débat sur l’identité nationale, relancé par une nouvelle polémique sur la place de l’islam dans la République, est un débat sain, en théorie. Il aide à prendre la mesure d’un enjeu majeur pour la France, la mutation profonde et rapide de son identité : la communauté nationale, hier blanche et d’origine judéo-chrétienne, s’enrichit aujourd’hui des apports des Français issus de l’immigration d’après-guerre, aux couleurs de la diversité et d’origine musulmane pour l’essentiel. A l’épicentre de cette mutation, il y a la question de l’islam, religion quasi-inexistante en France il y un siècle et référence aujourd’hui pour plus de 10% des Français.

Ce débat est malheureusement instrumentalisé ad nauseam à des fins politiciennes, jouant sur les peurs et les conservatismes. L’objectif y est inverse à l’intérêt général de notre pays : rejeter cette mutation, creuser le fossé entre « eux » et « nous », dresser la France contre la France. Le débat sur l’identité nationale a ainsi été transformé en panel islamophobe, et nul doute que celui sur la place de l’islam atteindra de nouveaux sommets dans la stigmatisation du « péril intérieur ». Le moyen mis en oeuvre pour y parvenir est l’amalgame. Amalgame entre islam conservateur et islamisme, entre pratique religieuse et fondamentalisme : en dehors des « musulmans modérés », catégorie dans laquelle on ne classe que l’aile la plus progressiste et laïque, le reste de la communauté musulmane est assimilé aux « islamistes ». On renvoie dès lors l’essentiel de la communauté musulmane à ses courants ultraminoritaires et à leurs dérives marginales (voile intégral, polygamie…). On nourrit ainsi les peurs des uns et le repli identitaire des autres.

Le rôle du politique est au contraire d’accompagner au mieux cette mutation en cours, d’en éviter les soubresauts racistes et d’en définir les nouveaux équilibres culturels. C’est aux Français « de souche » de porter cette mutation, mais aussi aux Français musulmans : meilleure participation électorale, investissement dans le débat public, avènement plus rapide d’une classe politique d’origine musulmane – l’émergence d’une puissante citoyenneté musulmane permettrait de transformer les musulmans, par trop assignés à être « l’objet du problème », en acteurs du changement.

NOTE

Etre musulman aujourd’hui en Europe, c’est être placé au cœur des mutations identitaires du monde. Des communautés nationales, hier blanches et d’origines judéo-chrétiennes, doivent intégrer de nouveaux citoyens issus de l’immigration récente, aux couleurs de la diversité et d’origine musulmane pour l’essentiel. Les tentatives désespérées pour empêcher la progression des métissages des pensées et des cultures installent les pays européens dans une tension identitaire, marquée par un repli qui n’offre aucune issue en termes de modèle de société.

L’épicentre sismique de la mutation, hier l’immigration, est aujourd’hui l’islam. Mais la finalité de l’instrumentalisation reste la même : la peur comme moteur d’une idéologie ou d’une identité. Le « danger musulman » est positionné au cœur du discours politique des partis d’extrême-droite. Mais pas seulement ! La méfiance, voire la défiance, dépassent les franges traditionnellement conservatrices de notre pays. Dès 2003, le chercheur Vincent Geisser mettait en lumière et dénonçait cette « nouvelle islamophobie ».

Depuis, la situation ne cesse de se dégrader. Sous prétexte de « débat identitaire », la communauté musulmane de France, hétérogène (de ce fait difficile à appréhender mais aussi riche de cette diversité) est constamment renvoyée à ses courants ultraminoritaires, et à leurs dérives (voile intégral, polygamie, etc.). Elle est constamment rappelée à l’ordre par une succession de lois qui, tout en ciblant des pratiques marginales, place l’ensemble de la composante musulmane au centre du problème identitaire français. Le cercle vicieux des extrêmes est entretenu par des cécités médiatiques et par des stratégies indécentes de récupération électorale. Depuis une décennie, la droite ne cesse de s’attaquer au « problème musulman ». Elle applique à cette religion la notion d’intégration. Erreur, car l’écrasante majorité des musulmans de ce pays sont des citoyens français. Quant à la gauche, elle renvoie, comme la droite, l’expression de cette minorité à une laïcité doctrinaire. Loin de faire vivre son principe qui, pourtant, crée les conditions d’un vivre ensemble. Cette approche incantatrice et figée ne permet notamment pas à la jeunesse de se réapproprier cette notion. Il est temps de penser cette question afin de proposer une alternative à la stratégie de tension orchestrée par la droite, et inspirée par l’extrême-droite.

Une grande faiblesse du traitement politique et médiatique réservé à la question de l’islam est la non prise en compte de sa diversité culturelle et cultuelle : diversité des héritages (Maghreb, Afrique sub-saharienne, Asie, Europe et désormais « franco-français ») ; diversité des interprétations et des pratiques ; diversité sociale – l’islam reste très lié à des quartiers populaires marginalisés et discriminés lorsque, dans un même temps, une classe moyenne émerge.

Les récits, médiatiques et politiques, ont construit un « islam imaginaire », fantasmé, et ont largement contribué à impulser l’idée d’un « péril intérieur ».

La figure du « musulman modéré », sorte d’exception qui confirmerait la règle, est entrée dans le langage courant. Les grilles de lecture dominantes proposées sont manichéennes… Les musulmans restent enfermés dans une assignation binaire : « modérés » (et les médias s’accordent le droit de choisir leurs représentants) ou « islamistes » (un spectre allant des mouvements violents jusqu’aux tendances conservatrices que l’on retrouve dans l’ensemble des monothéismes). La confusion entre la religion, ses courants conservateurs, et son instrumentalisation dans une idéologie violente est passée dans le langage courant. Et gagne l’inconscient des Français.

Aujourd’hui plus que jamais, une pédagogie et une reconquête du sens des mots est nécessaire. Qualifier sous le même vocable « islamiste » le premier ministre turc Erdogan, les milices armées du GIA, voire l’assassin Ben Laden, est un abus insupportable. Personne ne tolèrerait de voir la chrétienne-démocrate Angela Merkel désignée sous le même vocable que divers extrémistes (Opus Déi, Tea party ou brigades anti-avortement…) !

L’exigence de différenciation va plus loin. « En France, on associe souvent le fondamentalisme au degré de pratique religieuse. Or il est impératif de découpler les deux : des personnes très croyantes peuvent, dans le même temps, tenir un discours profondément ancré dans la modernité», argumentait fort justement le spécialiste Olivier Roy[1].

Ce harcèlement politique et médiatique, à force de concentrer l’attention sur des courants extrêmes, pousse les musulmans à s’afficher comme un bloc uniforme, à faire front et, de ce fait, à afficher des solidarités absurdes. Il développe, chez les jeunes notamment, une lecture paranoïaque du monde et sert de leitmotiv aux tenants des replis identitaires qui dissertent à longueur de temps sur une islamophobie, selon eux, inhérente à la société française. De toutes parts, l’idée du « nous » et « eux » gagne du terrain.

Le « débat » sur l’identité nationale, sous prétexte de libérer la parole, s’est transformé en panel islamophobe, lieu de tous les amalgames. Marine Le Pen en récolte aujourd’hui les fruits. Nous allons, ainsi, vers une campagne présidentielle où la question musulmane sera, une fois de trop, fortement manipulée.

Il est important que le refus de ces instrumentalisations soit notamment porté par les musulmans. Ce positionnement n’équivaut pas à l’expression d’un communautarisme fermé. Bien au contraire, il participe d’une citoyenneté active, et donc souhaitable.

De plus, des dynamiques « communautaires » peuvent aussi bénéficier à toute la société. Au début des années 1980, face à l’épidémie du sida, c’est bien la communauté gay qui pousse les pouvoirs publics à mettre en place des dispositifs de prévention, d’information et de prise en charge. Cet activisme profitera à tous, car l’épidémie, elle, n’épargnera personne… Une cause minoritaire – en apparence – est devenue un combat transversal, avec des retombées pour toute la communauté nationale. Plus tard, le Pacs (pacte civil de solidarité) suivra la même voie. Porté par la minorité gay, il devient une réponse à de nouveaux modes de vie, homos ou hétéros.

Une parole citoyenne portée par des musulmans (de confession, de culture ou d’héritage), de ce fait libres et affranchis des injonctions, les replacent comme acteurs de leur propre destin et, dans le même temps, dynamise une République inclusive.

Les sociétés de traditions musulmanes sont, elles-mêmes, en mutations, portées par une forte aspiration démocratique. Les révolutions arabes actuelles en sont la plus forte expression. Dans leur approche de l’islam, une grande partie des individus a su faire évoluer la pratique et les modes de pensée avec les aspirations nouvelles. Le besoin d’émancipation dans le monde musulman ne relève pas de « l’occidentalisation », mais d’une inscription dans le mouvement des sociétés, et d’un besoin de démocratisation. Il se heurte surtout aux résistances des pouvoirs en place, mais aussi au conservatisme de certaines franges. La peur de l’islamisation de nos sociétés a son écho : la crainte de l’occidentalisation des sociétés musulmanes, même si celle-ci est, aujourd’hui, occultée par les révoltes et les révolutions du monde arabe.

Islamisation / occidentalisation : leur grille de lecture commune est le rejet de l’évolution par le métissage des pensées, des modes de vie, et des identités. Dans le fond, le discours fondamentaliste reste, religieusement et spirituellement, très faible. Paradoxalement, ce n’est pas l’islam qui assure la cohérence de son rassemblement, mais l’esprit anti-occident.

La culture islamique n’est pas homogène. Chaque société l’a adaptée à son temps et son histoire. Et la présence de plus en plus importante des musulmans en Europe est, elle aussi, un facteur d’évolution de sa pensée. De part et d’autre, l’inscription dans ces mutations identitaires est une nécessité pour nourrir une pensée évolutive. On ne peut définitivement rester sur des identités figées et apeurées.

L’émergence en France et en Europe d’une puissante citoyenneté musulmane participerait, d’une part, à combattre, dans les sociétés musulmanes, les lectures d’un monde binaire : Occident contre islam. Dans un même temps, elle permettrait de refuser, ici, les assignations qui cantonnent les musulmans à être « un problème », voire « le problème », en les positionnant comme des acteurs incontournables, et non plus comme des sujets. Enfin, un rassemblement inédit de citoyens d’héritage islamique, croyants ou non, allant jusqu’aux représentants du culte, sur des positionnements communs, brise bien des barrières, conscientes et inconscientes, de celles qui bloquent les évolutions.

Cette citoyenneté musulmane passe par une meilleure participation électorale – et à cet égard, le tour de France des Scouts musulmans pour encourager le vote des jeunes de quartier devrait être soutenu et mieux médiatisé. Elle passe aussi par un plus grand investissement des Français musulmans dans le débat public, débat qui ne doit pas être accaparé par les seules forces réactionnaires. La formation des journalistes – sur la diversité de la réalité musulmane, les différents visages des conservatismes, des fondamentalismes et de l’islam politique – est aussi un objectif prioritaire. L’avènement rapide d’une classe politique d’origine musulmane est également indispensable, et c’est aux partis, notamment progressistes, de s’en assurer.

Ouvrir la porte d’un dialogue serait, ici comme là-bas, porteur de dynamisme et de changements. Il est temps de créer des dynamiques communes et des échanges constructifs.

Quelques propositions

Inclure dans le cursus des étudiants en journalisme, mais aussi dans les rédactions, y compris auprès des rédacteurs en chef, et également dans les partis politiques, des formations sur :

– les débats qui parcourent le monde musulman

– l’histoire, la sociologie et la diversité des musulmans de France

– les différents visages des conservatismes, des fondamentalismes et de l’islam politique

– la citoyenneté musulmane

– les nouveaux penseurs de l’islam.

Pourquoi ? Parce que la représentation dans les médias souffre d’une pratique courante des amalgames et de l’usage des stéréotypes, notamment celui de l’islamiste et du modéré. « L’islam positif » n’y est quasiment jamais représenté. Trois exemples parmi de nombreux autres :

– Les voyages des musulmans à Auschwitz, en mémoire aux victimes de la Shoah, rassemblent depuis des années des groupes importants et ne sont pas médiatisés.

– L’initiative lancée par Respect Magazine, et largement suivie, « L’islam bafoué par les terroristes » a, certes, été très relayée par la presse écrite et les radios, mais très peu par les télévisions.

– Enfin, le tour de France citoyen des Scouts musulmans pour encourager le vote des jeunes des quartiers souffre d’un déficit d’information.

Soutenir et développer des initiatives remarquables d’enseignants qui, en abordant, de près ou de loin, la question du fait religieux impulsent du vivre ensemble.

Inscrire dans le calendrier républicain une fête qui ne soit pas strictement catholique, mais un jour des religions. Cette journée de fête commune sera, notamment, l’occasion de mieux faire connaître l’islam.

[1] In Respect Magazine, numéro 28

Précision : modification du titre de la note (14 mars 2011)

Notre contribution suscite beaucoup de réactions. Bon nombre d’entre elles sont très positives, d’autres marquent de vrais désaccords de fond. Même si, malheureusement, certains flirtent avec la xénophobie et le racisme, voilà qui nourrit le débat sur cette question. Pour autant, il semble que le titre que nous avions choisi, « pour une citoyenneté musulmane » , puisse donner lieu à une interprétation erronée du propos, de nature communautariste. Par « citoyenneté musulmane » nous ne parlons pas d’une citoyenneté spécifique, à part, encore moins en contradiction avec la citoyenneté tout court. Nous voulons souligner que les Français d’origine musulmane ne sont pas encore pleinement citoyens : ils sont très peu reconnus dans la classe politique, et participent de ce fait peu au débat citoyen. L’abstention dans les quartiers populaires est massive. Sur l’islam comme sur la question des identités, notre rôle est d’impulser des débats citoyens qui incluent chacun (et chaque composante), au lieu de faire des musulmans « l’objet » d’un débat, qui accentue un sentiment de décrochage : le sentiment d’être non pas « des citoyens à part entière », mais « des individus totalement à part ». Acteurs et non objets, voilà ce que nous entendons par « citoyenneté musulmane ». A cet égard, nous avons souhaité en changer le titre pour que le contenu de la note, et seul son contenu, soit mis en débat : « Musulmans de France : pour une citoyenneté inclusive ».

Voir également:

ESSAI

Gauche : quelle majorité électorale pour 2012 ?

Essai Par Bruno Jeanbart, Olivier Ferrand, Romain Prudent. Terra Nova

Le 10/05/2011

En France, comme partout en Europe et en Amérique du Nord, l’électorat de la gauche est en mutation. La coalition historique de la gauche centrée sur la classe ouvrière est en déclin. Une nouvelle coalition émerge : « la France de demain », plus jeune, plus diverse, plus féminisée. Un électorat progressiste sur le plan culturel. Une population d’outsiders sur le plan économique, variable d’ajustement face à la crise d’une société qui a décidé de sacrifier ses nouveaux entrants. Il constitue le nouvel électorat « naturel » de la gauche mais il n’est pas majoritaire. Dans ces conditions, quelle stratégie électorale la gauche doit-elle retenir pour 2012 ? Tel est l’objet du rapport « Gauche : quelle majorité électorale pour 2012 ? », signé par Olivier Ferrand et Bruno Jeanbart. Cet exercice de sociologie électorale est issu d’un groupe de travail ayant réuni Alain Bergounioux, Gérard Le Gall, Romain Prudent (rapporteur), Alain Richard et Etienne Schweisguth. Il a été mené en parallèle dans 9 pays à l’initiative du Center for American progress (Etats-Unis) et de la Fundacion Ideas (Espagne) : Allemagne, Royaume-Uni, France, Pays-Bas, Suède, Hongrie, Australie, Canada, Etats-Unis. Il constitue la première contribution au « Projet 2012 » de Terra Nova.

SYNTHÈSE DU RAPPORT

Partout en Europe, la social-démocratie est en crise. Elle ne gouverne plus que dans 6 pays sur 27. Elle n’a pas pu capitaliser politiquement sur la Grande Crise de 2008.

Comment expliquer cette désaffection politique ? Il y a, bien sûr, la crise idéologique. Le modèle de société porté par la social-démocratie – l’économie sociale de marché, autour de la construction de l’Etat-providence – n’est plus compatible en l’état avec le nouveau monde globalisé. Il doit être refondé.

Mais il y a une autre raison à la crise de la social-démocratie. Elle a trait à la sociologie électorale : la coalition historique qui a porté la gauche depuis près d’un siècle, fondée sur la classe ouvrière, est en déclin. C’est vrai en France, comme dans le reste de l’Europe et aux Etats-Unis.

UNE COALITION HISTORIQUE EN DECLIN

LA FIN DE LA COALITION OUVRIERE

Depuis le Front populaire en 1936, la gauche en France (socialiste, mais surtout communiste) a accompagné la montée en puissance du monde ouvrier. La victoire de François Mitterrand à l’élection présidentielle de 1981 leur est intimement liée : la classe ouvrière est à son apogée démographique (37% de la population active) et vote massivement à gauche (72%, soit +20 points par rapport à la moyenne nationale). Autour de ce cœur ouvrier s’est constituée une coalition de classe : les classes populaires (ouvriers, employés) et les catégories intermédiaires (le cadres moyens).

Ce socle historique de la gauche se dérobe aujourd’hui, à partir d’un double mouvement.

D’abord, le rétrécissement démographique de la classe ouvrière : après un siècle d’expansion, la population ouvrière se contracte rapidement à partir de la fin des années 1970, pour ne plus représenter que 23% des actifs aujourd’hui – soit pour la gauche une chute de 40% de son socle électoral. Ce phénomène, corollaire de la désindustrialisation du pays, est amplifié par la dévitalisation du sentiment de classe : seul un quart des ouvriers se reconnaissent dans la classe ouvrière. L’explication est à trouver dans la recomposition interne du monde ouvrier. Le nombre d’ouvriers non qualifiés a fortement décru, au profit des ouvriers qualifiés, mieux rémunérés, qui accèdent à la société de consommation, et qui se reconnaissent davantage dans les classes moyennes. Par ailleurs, les ouvriers de l’industrie ne représentent plus que 13% des actifs : deux ouvriers sur cinq travaillent dans le secteur tertiaire, comme chauffeurs, manutentionnaires ou magasiniers. Ces ouvriers des services, qui travaillent dans l’isolement, ne bénéficient plus de l’identité ouvrière : le collectif de travail de l’usine, la tradition syndicale, la fierté du métier.

Second mouvement : les ouvriers votent de moins en moins à gauche. L’érosion est continue depuis la fin des années 1970 et prend des allures d’hémorragie électorale ces dernières années. Au premier tour de l’élection présidentielle, le différentiel de vote au profit de la gauche entre les ouvriers et la moyenne de l’électorat passe de +15 points en 1981 à 0 en 2002 : il n’y a plus de spécificité du vote ouvrier. Pire, le candidat Lionel Jospin n’a rassemblé que 13% des suffrages ouvriers : les ouvriers ont moins voté socialiste que l’ensemble des Français (16%). Au second tour de la présidentielle, le vote ouvrier passe de 72% en 1981 à 50% en 2007 : pour la première fois de l’histoire contemporaine, les ouvriers, qui ne votaient déjà plus à gauche au premier tour, ne votent plus à gauche au second.

A L’ORIGINE DU DIVORCE : UN CHANGEMENT DE VALEURS

Historiquement, la gauche politique porte les valeurs de la classe ouvrière, tant en termes de valeurs socioéconomiques que culturelles. Elle est la porte-parole de ses revendications sociales et de sa vision de l’économie : pouvoir d’achat, salaire minimum, congés payés, sécurité sociale, nationalisation des grandes entreprises, encadrement des prix… Et l’une comme l’autre restent relativement conservatrices sur le plan des mœurs, qui demeurent des sujets de second plan par rapport aux priorités socioéconomiques.

A partir de la fin des années 1970, la rupture va se faire sur le facteur culturel. Mai 68 a entraîné la gauche politique vers le libéralisme culturel : liberté sexuelle, contraception et avortement, remise en cause de la famille traditionnelle… Ce mouvement sur les questions de société se renforce avec le temps pour s’incarner aujourd’hui dans la tolérance, l’ouverture aux différences, une attitude favorable aux immigrés, à l’islam, à l’homosexualité, la solidarité avec les plus démunis. En parallèle, les ouvriers font le chemin inverse. Le déclin de la classe ouvrière – montée du chômage, précarisation, perte de l’identité collective et de la fierté de classe, difficultés de vie dans certains quartiers – donne lieu à des réactions de repli : contre les immigrés, contres les assistés, contre la perte de valeurs morales et les désordres de la société contemporaine.

Malgré cette discordance sur les valeurs culturelles, la classe ouvrière continue au départ de voter à gauche, qui la représente sur les valeurs socioéconomiques. Mais l’exercice du pouvoir, à partir de 1981, oblige la gauche à un réalisme qui déçoit les attentes du monde ouvrier. Du tournant de la rigueur en 1983 jusqu’à « l’Etat ne peut pas tout » de Lionel Jospin en 2001, le politique apparaît impuissant à répondre à ses aspirations. Les déterminants économiques perdent de leur prégnance dans le vote ouvrier et ce sont les déterminants culturels, renforcés par la crise économique, « hystérisés » par l’extrême droite, qui deviennent prééminents dans les choix de vote et expliquent le basculement vers le Front national et la droite.

UNE DYNAMIQUE IDENTIQUE DANS L’ENSEMBLE DU MONDE OCCIDENTAL

La France ne fait pas exception. Partout en Europe, en Amérique du Nord, en Australie, la coalition historique de la gauche, centrée sur la classe ouvrière, s’efface. Même dans les pays où existe un lien institutionnel, via les syndicats, entre la classe ouvrière et la gauche politique, le vote ouvrier déserte la gauche : Grande Bretagne, Allemagne, Suède. La social-démocratie perd sa base électorale.

UNE NOUVELLE COALITION EN VOIE DE STRUCTURATION

LE NOUVEL ELECTORAT DE LA GAUCHE : LA FRANCE DE DEMAIN

Si la coalition historique de la gauche est en déclin, une nouvelle coalition émerge. Sa sociologie est très différente :

1. Les diplômés. Ils votent plus à gauche que la moyenne nationale (+2 points en 2007). Le vote à gauche est désormais corrélé positivement au niveau de diplôme : plus on est diplômé, plus on vote à gauche ; moins on est diplômé, plus on vote à droite.

2. Les jeunes. C’est le cœur de l’électorat de gauche aujourd’hui : +11 points par rapport à la moyenne nationale au second tour de la présidentielle, en 2007 (58% contre 47%). L’orientation politique du vote est très fortement corrélée à l’âge : le vote à gauche baisse avec l’âge ; et les séniors votent massivement à droite – ils ont donné une avance de 30 points à Nicolas Sarkozy contre Ségolène Royal (65-35). S’il y a un facteur âge (on est idéaliste à 20 ans, et on devient plus conservateur en vieillissant), il y a surtout un facteur générationnel : les nouvelles générations votent de plus en plus à gauche.

3. Les minorités et les quartiers populaires. La France de la diversité est presqu’intégralement à gauche. L’auto-positionnement des individus révèle un alignement des Français d’origine immigrée, et plus encore de la deuxième génération, à gauche – de l’ordre de 80-20. On retrouve des scores de cette ampleur dans les bureaux de vote des quartiers populaires, et encore de 62-38 dans les zones urbaines sensibles.

4. Les femmes. Nous vivons un renversement historique : l’électorat féminin, hier très conservateur, a basculé dans le camp progressiste. En 1965, l’électorat féminin a assuré la victoire du Général de Gaulle ; François Mitterrand l’emportait chez les hommes. En 1981, les femmes votent encore 7 points de moins à gauche que les hommes (49% contre 56% au second tour). En 2007, pour la première fois, elles votent plus à gauche que les hommes, de 2 points (49-47)). La transition vers la gauche se poursuit à vive allure. En 2010, aux élections régionales, cet écart atteint désormais +7 points (58-51).

La nouvelle coalition de la gauche n’a plus rien à voir avec la coalition historique : seuls les jeunes appartiennent aux deux. L’identité de la coalition historique était à trouver dans la logique de classe, la recomposition en cours se structure autour du rapport à l’avenir. La nouvelle gauche a le visage de la France de demain : plus jeune, plus féminin, plus divers, plus diplômé, mais aussi plus urbain et moins catholique . Elle est en phase avec la gauche politique sur l’ensemble de ses valeurs.

Contrairement à l’électorat historique de la gauche, coalisé par les enjeux socioéconomiques, cette France de demain est avant tout unifiée par ses valeurs culturelles, progressistes : elle veut le changement, elle est tolérante, ouverte, solidaire, optimiste, offensive. C’est tout particulièrement vrai pour les diplômés, les jeunes, les minorités . Elle s’oppose à un électorat qui défend le présent et le passé contre le changement, qui considère que « la France est de moins en moins la France », « c’était mieux avant », un électorat inquiet de l’avenir, plus pessimiste, plus fermé, plus défensif.

Le facteur socioéconomique joue aussi. Car la France de demain réunit avant tout les « outsiders » de la société, ceux qui cherchent à y rentrer, notamment sur le marché du travail, mais n’y parviennent que difficilement : les jeunes, les femmes, les minorités, les chômeurs, les travailleurs précaires. Ils ont du mal car ils sont la principale variable d’ajustement face à la crise d’une société d’« insiders » qui, pour préserver les droits acquis, sacrifie les nouveaux entrants. Ces « outsiders » ont besoin de l’aide de la puissance publique pour surmonter les barrières qui se dressent devant eux : ils ont besoin d’un Etat qui les aide à s’émanciper, à briser le plafond de verre. Ils sont soutenus par les plus intégrés (les diplômés), solidaires de ces « exclus » par conviction culturelle.

LES LIMITES DE LA NOUVELLE COALITION

La nouvelle gauche qui émerge en France est la même que celle qui se dessine partout en Europe. Elle ressemble de près à la coalition qui a porté Barack Obama au pouvoir en 2008. Avec une différence d’importance : elle n’est pas majoritaire.

La nouvelle coalition électorale de la gauche présente trois faiblesses structurelles :

1. Une dynamique démographique limitée. Les minorités constituent une population en expansion mais au poids démographique faible : seuls 5% des Français ont deux parents immigrés ; on peut estimer à 15% les Français issus de la diversité. Rien à voir avec les Etats-Unis, où la part des minorités atteint près de 30%. Surtout, les jeunes sont une population déclinante en France, alors que c’est le contraire aux Etats-Unis.

2. Une coalition électorale en construction. Le nouvel électorat de gauche vote, élection après élection, de plus en plus à gauche. C’est une excellente nouvelle pour la gauche, pour l’avenir. Cela souligne a contrario une faiblesse actuelle de la coalition : elle ne fait pas le plein. C’est vrai pour les diplômés, qui votent encore faiblement à gauche. Pour les jeunes : ils votent moins à gauche qu’aux Etats-Unis : ils donnent 16 points de plus à Ségolène Royal face à Nicolas Sarkozy en 2007 (58/42) contre 34 à Barack Obama face à John McCain (67/33). Mais c’est surtout chez les femmes que la gauche française ne fait pas encore le plein : elles ne donnent que 2 points de plus à Ségolène Royal par rapport aux hommes en 2007 (48/46), +5 points aux élections régionales de 2010, contre +12 points à Barack Obama (56/44).

3. Une abstention élevée. Les jeunes et les minorités votent moins que la moyenne nationale : respectivement -7 points pour les 18-24 ans et -4 points pour les zones urbaines sensibles (mais -34 dans les quartiers populaires) en 2007. Leur participation s’effondre dans les élections de faible intensité politique (européennes, régionales, cantonales).

Face à cette nouvelle coalition de gauche, la recomposition radicale du paysage politique français fait émerger deux blocs électoraux :

L’électorat de droite, centré sur les séniors

L’électorat de droite n’a guère changé ces dernières décennies : les séniors, les indépendants (artisans, commerçants), les agriculteurs, les catholiques. Lui aussi devient plus clivant : sa propension à voter à droite se renforce. Il est en opposition avec les valeurs de gauche dans toutes ses composantes, tant socioéconomiques que culturelles, et parfois de manière radicale comme les agriculteurs ou les séniors (sur les valeurs culturelles).

Les séniors constituent le cœur de l’électorat de droite. Ils votent, on l’a vu, massivement à droite. Ils ont un taux de participation record : plus de 90% en 2007. Et il s’agit d’une catégorie en expansion démographique importante : elle représentait 27% de la population en 2005, elle représentera 38% en 2030. D’où un problème majeur pour la gauche : peut-elle gagner sans le vote des séniors ?

L’électorat intermédiaire, un no man’s land incertain et instable

Cet électorat regroupe tous les éléments du salariat : ouvriers, employés (la coalition historique de la gauche), professions intermédiaires, classes moyennes supérieures. Historiquement, la hiérarchie du salariat dictait l’orientation politique : plus on était en bas de l’échelle, plus on votait à gauche, et inversement. Ouvriers, employés, professions intermédiaires, classes moyennes supérieures s’étageaient selon une ligne politique linéaire, du plus à gauche au plus à droite. La logique de classe, hier principale grille de lecture électorale, s’est aujourd’hui brouillée. Toutes ces catégories se retrouvent à peu près au même niveau dans le rapport de forces droite/gauche. Leur vote est incertain. Il pourrait même s’inverser si les tendances, très rapides, se poursuivent : des classes moyennes supérieures votant le plus à gauche (comme les diplômés) jusqu’aux ouvriers votant le plus à droite.

L’électorat intermédiaire est divisé sur les valeurs : une partie le rattache à la gauche, l’autre à la droite. La grille de lecture pertinente oppose classes populaires et classes moyennes. Les classes populaires (ouvriers et employés) ont des valeurs socioéconomiques qui les rattachent à la gauche (Etat fort et protecteur, services publics, sécurité sociale) et des valeurs culturelles conservatrices (ordre et sécurité, refus de l’immigration et de l’islam, rejet de l’Europe, défense des traditions…). La division est inversée pour les classes moyennes (professions intermédiaires et classes moyennes supérieures) : des valeurs culturelles de gauche mais des valeurs socioéconomiques de droite.

L’électorat intermédiaire pose un double enjeu à la gauche : la classe ouvrière a-t-elle définitivement basculé ? Et quelle stratégie électorale adopter pour cet électorat, terrain de bataille privilégié, par son incertitude et sa mobilité, de l’affrontement droite/gauche ?

QUELLE STRATEGIE ELECTORALE POUR 2012 ?

LA STRATEGIE CENTRALE « FRANCE DE DEMAIN » : UNE STRATEGIE CENTREE SUR LES VALEURS

L’élection de 2012 se déroule dans une période de mutation profonde du paysage politique : la structuration d’hier est affaiblie mais n’a pas encore disparu ; celle de demain émerge mais ne s’est pas encore pleinement déployée. Cela laisse le champ à plusieurs options stratégiques.

Une ligne de conduite incontournable est toutefois de s’adosser à son nouvel électorat « naturel » : la France de demain. C’est d’autant plus nécessaire que la perspective d’un « nouveau 21 avril » représente un risque réel : le niveau électoral inédit du Front national et la fragmentation du camp progressiste menacent la gauche d’une élimination au premier tour de l’élection présidentielle. Il sera donc vital de rassembler son camp au premier tour.

Il n’est pas possible aujourd’hui pour la gauche de chercher à restaurer sa coalition historique de classe : la classe ouvrière n’est plus le cœur du vote de gauche, elle n’est plus en phase avec l’ensemble de ses valeurs, elle ne peut plus être comme elle l’a été le moteur entraînant la constitution de la majorité électorale de la gauche. La volonté pour la gauche de mettre en œuvre une stratégie de classe autour de la classe ouvrière, et plus globalement des classes populaires, nécessiterait de renoncer à ses valeurs culturelles, c’est-à-dire de rompre avec la social-démocratie. Le parti travailliste néerlandais (PvdA) a tenté une telle rupture sous la direction de Wouter Bos. Se définissant comme un parti de classes, le parti des classes populaires, et non de valeurs, il a accompagné son électorat dans le conservatisme culturel pour se positionner « anti-immigration », « anti-Europe », et « anti-impôts », basculant ainsi de la social-démocratie au social-populisme. L’échec électoral a été cuisant : le PvdA a terminé à 13% aux dernières élections locales, entraînant le remplacement de Wouter Bos par Job Cohen, maire d’Amsterdam, qui a repositionné le parti dans la mouvance sociale-démocrate.

Quelle stratégie la gauche doit-elle adopter pour faire le plein de son nouvel électorat naturel ?

Elle doit opter pour une stratégie de valeurs. L’électorat « France de demain » les partage. Il y a des marges de manœuvre. Les élections régionales de 2010 ont montré que le vote à gauche des femmes, des jeunes, des diplômés progressent plus fortement que la moyenne de l’électorat. Pour accélérer ce glissement tendanciel, la gauche doit dès lors faire campagne sur ses valeurs, notamment culturelles : insister sur l’investissement dans l’avenir, la promotion de l’émancipation, et mener la bataille sur l’acceptation d’une France diverse, pour une identité nationale intégratrice, pour l’Europe.

La gauche doit également privilégier une stratégie de mobilisation. La « France de demain » vote fortement à gauche mais vote peu. Il est toutefois possible d’améliorer son taux de participation : les jeunes ou les minorités ne sont pas des abstentionnistes systématiques, ils votent par intermittence. L’objectif est donc de les mobiliser : cela passe par une campagne de terrain (porte-à-porte, phoning, présence militante sur les réseaux sociaux et dans les quartiers…), sur le modèle Obama.

Une telle stratégie, sous les hypothèses du rapport, pourrait ramener 2.500.000 voix à la gauche au second tour, de quoi effacer les 2.200.000 d’avance obtenus en 2007 par Nicolas Sarkozy. Toutefois, le résultat demeurerait serré.

LA STRATEGIE COMPLEMENTAIRE AVEC LES « CLASSES MOYENNES »

L’électorat « France de demain » est le nouveau mole central à partir duquel la gauche doit rayonner pour constituer une majorité. L’électorat à conquérir – l’électorat intermédiaire – est divisé en deux : classes moyennes et classes populaires. La coalition « France de demain » les intègre déjà en partie et doit chercher à s’élargir aux deux. Mais la stratégie n’est pas la même selon que l’on cible les classes populaires ou les classes moyennes.

Une stratégie d’élargissement vers les classes moyennes se justifie sur un triple plan. C’est la plus compatible avec la stratégie « France de demain » : elle permet de faire campagne sur les valeurs culturelles, sur lesquelles les classes moyennes sont en phase avec la gauche, et qui sont la priorité du nouvel électorat de gauche. C’est un électorat disponible : les professions intermédiaires, les plus nombreuses (23% de l’électorat total, contre 15% pour les classes moyennes supérieures) et en expansion, ont voté 14 points de mieux pour la gauche aux régionales par rapport à la présidentielle (contre +7 points en moyenne), ce qui constitue l’évolution la plus spectaculaire vers la gauche sur la période. Cela consiste, enfin, à s’appuyer sur une tendance naturelle : les classes moyennes évoluent vers la gauche.

Une telle stratégie est toutefois risquée. Cet électorat n’a pas de tradition de vote à gauche : il demeure versatile tant qu’il n’a pas été fidélisé. Agrégeant des réalités différentes, il est composite, donc difficile à unifier. Il nécessite une adaptation du discours de gauche sur les questions économiques et sociales. Sur la fiscalité par exemple : les classes moyennes, par rapport aux classes populaires, se caractérisent notamment par l’accumulation d’une petite épargne sur le cycle de vie, qu’elles veulent protéger et transmettre.

LA STRATEGIE COMPLEMENTAIRE AVEC LES « CLASSES POPULAIRES »

C’est la tentation naturelle de la gauche, qui ne peut se résoudre, pour des raisons historiques, à perdre les classes populaires. La gauche doit dès lors axer sa campagne sur les priorités économiques et sociales, où elles sont en phase, et faire oublier ses convictions culturelles, notamment sur l’immigration et l’islam.

Une telle stratégie présente des atouts. Elle est en phase avec la conjoncture, qui place les réponses à la crise économique au cœur des priorités des Français. Et les classes populaires représentent toujours une part très importante de l’électorat : encore 23% pour les ouvriers et surtout 30% pour les employés, en expansion, soit au total plus de la moitié de l’électorat. La gauche y a des fidélités historiques, entretenues par un dense réseau d’élus locaux de terrain. Surtout, une partie de sa nouvelle base électorale, la « France de demain », appartient aux classes populaires : les Français issus des quartiers, les jeunes déclassés, les minorités…

Mais c’est une stratégie difficile. Elle va à contre-courant : les tendances sont au basculement des classes populaires à droite. Elle est compliquée à articuler avec la stratégie centrale vers l’électorat « France de demain » : elle nécessite de ne pas faire campagne sur les questions culturelles, alors qu’elles sont le ressort principal de ce dernier électorat ; et même sur le facteur socioéconomique, les propositions à développer ne sont pas les mêmes, entre la demande de protection des « insiders » fragilisés (protection des statuts, des droits sociaux) et la demande d’assistance des « outsiders ». Elle se heurte désormais à un obstacle de taille : le nouveau Front national. En voie de dédiabolisation, et donc bientôt fréquentable, le FN de Marine Le Pen a opéré un retournement sur les questions socioéconomiques, basculant d’une posture poujadiste néolibérale (anti-Etat, anti-fonctionnaires, anti-impôts) à un programme de protection économique et sociale équivalent à celui du Front de gauche. Pour la première fois depuis plus de trente ans, un parti entre à nouveau en résonnance avec toutes les valeurs des classes populaires : protectionnisme culturel, protectionnisme économique et social. Le FN se pose en parti des classes populaires, et il sera difficile à contrer.

Toutefois, il est possible d’identifier au sein des classes populaires des sous-catégories plus aisées à raccrocher à la gauche. Il y a d’abord les précaires, les chômeurs, les exclus : ceux-là votent à 70% à gauche – le problème de la gauche se situe avec les classes populaires au travail, qui sont en CDI mais qui ont peur du déclassement. Il y a ensuite les jeunes ouvriers : ils sont d’origine étrangère (maghrébine) et donc sensibles aux enjeux culturels liés à l’immigration et l’intégration, mais ils sont très peu nombreux dans cette période de désindustrialisation accélérée. Il y a surtout les employées. Il s’agit à l’inverse d’un contingent électoral très important (77% des employés sont des femmes, soit 5.8 millions d’électeurs). Elles votent anormalement à droite : +7 points par rapport aux employés hommes en 2007. C’est un angle mort du discours politique de gauche, ouvriériste, dont l’imaginaire est associé au travailleur homme à l’usine. Les employées sont pourtant sensibles aux orientations de la gauche : travaillant à temps partiel subi, souvent pauvres, éprouvant des conditions de travail pénibles en l’absence de couverture syndicale forte, en détresse du fait de situations personnelles souvent difficiles (célibataires avec enfants à charge), ces salariées précarisées ont beaucoup de points communs avec les « outsiders » exclus du marché du travail, qui sont au cœur de l’électorat de gauche.

LA CONQUETE DES SENIORS : UNE STRATEGIE IMPOSSIBLE ?

Certains à gauche envisagent cette stratégie, avec une idée simple. Ségolène Royal a fait un score très dégradé chez les séniors en 2007 : 35%. Avec seulement 43%, elle aurait gagné la présidentielle. En partant de si bas, avec un président sortant qui les a agacés, un programme plus adapté et un candidat plus en phase, il devrait être facile de récupérer ce retard.

Rien n’est moins sûr. Les séniors ont des valeurs frontalement opposées à celles de la gauche. Ils ont toujours voté à droite et leur vote à droite se renforce. En empochant le sursaut à gauche de cet électorat aux régionales (+3 points par rapport à l’évolution moyenne), la gauche récupèrerait moins de 500.000 voix sur un différentiel de 2.2 millions en 2007.

Le profil du candidat pourrait permettre d’améliorer les résultats de la gauche. Les séniors sont très sensibles à la crédibilité et à l’autorité du candidat. Par ailleurs, la « triangulation » sur les questions de sécurité ferait sens. C’est la priorité politique de cet électorat, or la question de sécurité s’est détachée des autres questions culturelles pour devenir de plus en plus consensuelle dans tous les électorats : la gauche peut donc se l’approprier sans s’aliéner son électorat de base.

Les déterminants sociologiques ne sont pas, tant s’en faut, les seuls facteurs explicatifs du vote.

Il y a les déterminants politiques : le profil du candidat ; le projet ; l’unité de son camp politique. Il y a aussi les déterminants conjoncturels : le niveau de rejet du parti au pouvoir et du candidat sortant ; les évènements d’actualité qui impactent les perceptions de l’électorat.

Mais le lien entre ces déterminants politiques et conjoncturels avec les déterminants sociologiques est essentiel pour former une stratégie victorieuse. A cet égard, la gauche se présente en 2012 avec des choix cruciaux à réaliser.


Présidentielles 2012: C’est la guerre culturelle, imbécile! (Culture war comes to France)

9 Mai, 2012
france_presidentielle CARTOGRAMME LEPENUne guerre religieuse se livre dans ce pays, et son enjeu est l’âme de l’Amérique. C’est une guerre culturelle, aussi importante et déterminante pour l’avenir de notre nation que la guerre froide. Pat Buchanan (1992)
Il n’y pas d’Amérique rouge républicaine ou bleue démocrate, pas d’Amérique blanche ou noire, mais seulement les Etats-Unis d’Amérique. Barack Obama (2004)
Vous allez dans certaines petites villes de Pennsylvanie où, comme dans beaucoup de petites villes du Middle West, les emplois ont disparu depuis maintenant 25 ans et n’ont été remplacés par rien d’autre (…) Et il n’est pas surprenant qu’ils deviennent pleins d’amertume, qu’ils s’accrochent aux armes à feu ou à la religion, ou à leur antipathie pour ceux qui ne sont pas comme eux, ou encore à un sentiment d’hostilité envers les immigrants. Barack Obama (2008)
Nous qui vivons dans les régions côtières des villes bleues, nous lisons plus de livres et nous allons plus souvent au théâtre que ceux qui vivent au fin fond du pays. Nous sommes à la fois plus sophistiqués et plus cosmopolites – parlez-nous de nos voyages scolaires en Chine et en Provence ou, par exemple, de notre intérêt pour le bouddhisme. Mais par pitié, ne nous demandez pas à quoi ressemble la vie dans l’Amérique rouge. Nous n’en savons rien. Nous ne savons pas qui sont Tim LaHaye et Jerry B. Jenkins. […] Nous ne savons pas ce que peut bien dire James Dobson dans son émission de radio écoutée par des millions d’auditeurs. Nous ne savons rien de Reba et Travis. […] Nous sommes très peu nombreux à savoir ce qu’il se passe à Branson dans le Missouri, même si cette ville reçoit quelque sept millions de touristes par an; pas plus que nous ne pouvons nommer ne serait-ce que cinq pilotes de stock-car. […] Nous ne savons pas tirer au fusil ni même en nettoyer un, ni reconnaître le grade d’un officier rien qu’à son insigne. Quant à savoir à quoi ressemble une graine de soja poussée dans un champ… David Brooks
La plupart des Américains conservateurs (Red Americans) ne peuvent pas parler de littérature post-moderne, donner des ordres de manière adéquate à une nurse, choisir un Cabernet avec un arrière-goût de réglisse (…) Mais nous pouvons élever des enfants formidables, faire nous-même l’installation électrique de nos maisons, produire de magnifiques et délicieuses choses avec nos deux mains, parler de Dieu de manière naturelle, réparer de petits engins, reconnaître le bon arbre pour faire du sirop d’érable, vous raconter l’histoire de nos villes et les espoirs de nos voisins, nous servir d’une arme, cultiver nos propres asperges. Fermier conservateur (Missouri, American Enterprise Magazine)
C’est une invention des médias, ça fait vendre, ce n’est pas la réalité de l’Amérique. (…) Mais pourquoi tu veux aller là-bas ? Les gens sont différents. Enfin ils sont chaleureux, ils vont beaucoup te parler mais ce n’est pas la même chose, il y a beaucoup d’obèses, des gens qui ont des armes et qui mangent des hamburgers tous les jours. Jeune démocrate (Cambridge, Massachusetts)
Look around the world — do you see any governments or incumbents winning any elections out there? Did it happen in small elections in Germany or Britain, big elections in France and Greece or how about huge elections in the United States in 2008 and 2010? Please folks — wake up! (…) The polling? Not that encouraging. The latest Democracy Corps poll was 47-47. The Real Clear Politics average of polls has the president up a whopping three-tenths of a percentage point. (…) Nothing is in the bag. Nothing can be taken for granted. Everybody from the precinct door-knocker, to the Chicago high command, to the White House, to the halls of Congress, to the Senate and House committees, to congressional leadership, here is a simple message: If we don’t get on the offense, reconnect with the American people, talk about how the middle class is in a struggle for its very existence, hold the Republicans accountable and fight like the dickens, we are going to lose.You can shoot five Bin Ladens, you can save 10,000 banks and 20 car companies, even pass the most sweeping legislation in modern American history; if people don’t think that you are connected to their lives and are fighting for their interests they will vote your tush out of office in a nano-second. For historical reference see Winston Churchill election of 1945 and President George H.W. Bush in 1992. James Carville (stratégiste démocrate américain, 09.05.12)
Il faut reconnaître également à la gauche d’avoir su, elle, mener cinq années un combat culturel que son camp adverse n’aura finalement mené qu’un trimestre. (…) A ce stade, il faut, encore et encore, écrire que la droite française aura été la victime docile d’une escroquerie intellectuelle légale que je n’aurais cessé de dénoncer vainement. Alors que le camp des droites, le premier tour l’aura encore montré, est plus nombreux que son antipode, c’est un président de gauche qui l’aura emporté. L’explication réside toute entière dans le surmoi qu’aura réussi à imposer la classe médiatique à une partie de la droite française tout en décomplexant la gauche de ses propres liaisons autrement moins platoniques. Alors que Gérard Longuet aura été tancé pour avoir suggéré que Marine Le Pen, contrairement à son père, était une interlocutrice possible, François Hollande remercie publiquement et impunément son interlocuteur Mélenchon et s’apprête à mener campagne avec un PCF, dans le cadre d’une alliance que même les représentants de la droite démocratique ont oublié hier soir de critiquer dans son principe. Lorsque la victime est aussi sottement dupe, ce n’est plus, juridiquement, une escroquerie. Gilles William Goldnadel
La droite mourut d’un crime majoritairement commis par la gauche (hormis les communistes, bien sûr, mais à partir de juin 1941). Eric Zemmour
C’est un danger pour la République. (…) Parce que cet homme n’a jamais fait la démonstration qu’il ait réussi quelque chose dans sa vie. Je crois que c’est quelqu’un d’intelligent et d’un certain niveau (…) mais on ne s’intitule pas président de la République du jour au lendemain. Maryse Joissains-Masini (maire UMP d’Aix-en-Provence)
Robert Putnam a découvert que plus la diversité dans une communauté est grande, moins les gens votent et moins ils donnent à des associations caritatives et travaillent à des projets communautaires. (…) Dans une étude récente, Glaeser et son collègue Alberto Alesina ont démontré qu’à peu près la moitié de la différence dans les dépenses sociales entre les Etats-Unis et l’Europe — l’Europe dépense bien plus — peut être attribuée à la diversité ethnique plus grande de la population américaine. Michael Jonas
Pour le chercheur en sciences politiques de l’Université du Michigan, Scoot Page, dans les lieux de travail de haut niveau, les différentes manières de penser parmi des personnes de différentes cultures peuvent être un avantage. “puisqu’elles voient et appréhendent le monde différemment que vous, c’est provocant. Mais la fréquentation de personnes différentes peut stimuler la créativité de tous. Les équipes diverses tendent à être plus productives.” (…) Autrement dit, les membres de communautés plus diverses peuvent faire plus de bowling seuls, mais les tensions créatrices lâchées par ces différences dans le lieu de travail peuvent propulser ces mêmes endroits à la pointe de l’économie et de la culture créatrice. (…) Page appelle ça le “paradoxe de diversité.” Il pense que les effets à la fois positifs et négatifs de la diversité peuvent coexister dans les communautés, mais qu’il doit y avoir une limite.” Si l’investissement civique tombe trop bas, il est facile d’imaginer que les effets positifs de la diversité puissent tout aussi bien commencer à s’affaiblir. Michael Jonas
Quelle est alors l’alternative à l’assimilation ? Le ” panier à salade ” du soi-disant multiculturalisme ne présente pas une alternative sérieuse parce qu’il ne propose pas le ciment nécessaire à l’union des communautés. Tous les ingrédients restent dès le départ séparés. La seule alternative viable pour laquelle nous avons des exemples est probablement celle de Londres ou New York. La principale caractéristique de cette alternative est la coexistence d’une sphère publique commune partagée par tous et un degré considérable de séparation culturelle de la sphère ” privée “, notamment dans les zones résidentielles. L’espace public est multiculturel du fait de l’origine des gens qui le forme mais reste gouverné par des valeurs consenties et même une langue commune, tandis que la vie privée des gens reste ghettoisée, pour employer un vocable désagréable. (…) Personne n’a encore trouvé de nom pour cette nouvelle version de la doctrine ” séparés mais égaux ” que certains d’entre nous ont si ardemment combattue dans les années 1960 : des vies privées séparées dans un espace public qui est égalitaire pour tous. Cela est clairement plus simple à Londres et à New York que ça ne l’est dans des villes plus petites ou même dans les capitales de pays où la langue mondiale qu’est l’anglais n’est pas parlée. La communauté turque de Berlin et les communautés nord-africaines autour de Paris semblent toujours plus dissociées, avec leurs propres sphère publique et souvent leur propre langue. Là où cela se produit se créent des situations explosives, une sorte de séparatisme interne qui n’est pas le résultat de groupes historiquement séparés mais celui des nouveaux arrivants opposés aux natifs du lieu. Ralf Dahrendorf
[les élections de Bush et de Sarkozy] Bien sûr, il y a des différences. Mais il s’agit dans les deux cas d’un durcissement de la droite, dans un double contexte – la montée en puissance du néolibéralisme, et sur la scène internationale, celle du néoconservatisme après le 11 Septembre (période qui est aussi, en France, l’après-21 avril…). Eric Fassin
Aujourd’hui le clivage droite/gauche n’est plus idéologique, mais philosophique et moral. (…) Quoiqu’ils en disent, les programmes respectifs de Nicolas Sarkozy et de François Hollande ne sont pas si éloignés que cela. L’époque où la droite et la gauche proposaient deux types de sociétés diamétralement opposées est révolue. Pour des raisons de fond, qu’on analysera pas ici, mais aussi pour des motifs plus conjoncturels: les caisses de l’Etat sont vides, les marges de manœuvre fort étroites, nombre de décisions ne se prennent plus à Paris mais à Bruxelles, et la mondialisation est passée par là. Est-ce à dire pour autant qu’il n’y a plus de droite ni de gauche? La réponse est clairement non. S’il est vrai que le libéralisme social de la droite (classique) et le socialisme libéral de la gauche (réformiste) se rejoignent aujourd’hui sur l’essentiel, on voit bien, à travers la personnalité et le style de leurs deux candidats, qu’il y a derrière deux visions du monde, de l’homme et de la société. Qui renvoient à des valeurs bien distinctes. Hervé Bentégeat
Le vote juif (…) s’est rapproché de la droite traditionnelle. (…) le basculement s’est produit au début des années 2000 avec l’éclatement de la seconde Intifada dans les territoires palestiniens et la recrudescence des actes antisémites, d’origine arabe, dans une société française devenue la transposition du conflit moyen-oriental. (…) La proximité avec la droite est encore plus forte dans l’électorat catholique. (…) Cette préférence à droite de l’électorat catholique —probablement accentué par la variable de l’âge (l’électorat catholique est plus âgé que la moyenne)— remonte à loin dans l’histoire politique de la France, depuis la Révolution et les combats laïques des XIXe et XXe siècles. Elle s’identifie à des «valeurs» d’ordre, de sécurité, de légitimité. Au delà des préoccupations communes (emploi, éducation) qui sont prioritaires, les principaux «marqueurs» du vote catholique sont, selon les spécialistes, la défense de la famille, le choix de l’école privée, le refus de l’euthanasie active et de la revendication homosexuelle (mariage gay, adoption). (…)  Le vote catholique n’est plus aussi hermétique aux idées frontistes. Le passage de témoin entre Jean-Marie Le Pen et sa fille Marine explique sans doute ce glissement, l’autre raison étant probablement liée à la question de l’immigration et aux peurs provoquées dans la population catholique par l’influence grandissante de l’islam.(…) Longtemps classé à gauche, le vote protestant (entre 2 et 3% de l’électorat) a également opéré un basculement à droite, comme le montre la récente enquête de l’IFOP pour l’hebdomadaire Réforme du 31 mars 2012. Nicolas Sarkozy figure loin devant ses concurrents. Il est victorieux dans les intentions de vote des protestants au deuxième tour par 53,5% contre 46,5% à François Hollande. On peut avancer plusieurs facteurs d’explication: le vieillissement de cette population, le poids croissant des protestants évangéliques, et aussi, comme pour une partie de l’électorat catholique, le fait que «certains protestants perçoivent assez mal que l’islam tienne le haut du pavé dans le débat public» (Jerôme Fourquet). (…) Reste le vote musulman, estimé à 5% de l’électorat. Il est très marqué par l’abstention. Moins de la moitié des musulmans se déplacent pour aller voter, ce qui est la traduction électorale de leur faible niveau d’intégration dans la société française. Mais il est très homogène et très marqué à gauche. Selon les derniers sondages d’intentions de vote, 80% des électeurs musulmans s’apprêteraient à voter François Hollande au second tour de l’élection dans le cadre d’un duel avec Nicolas Sarkozy. (…) Si on ne peut nier la place du facteur religieux dans le vote des 22 avril et 6 mai prochains, on doit relever que ces électorats religieux demeurent très minoritaires. Avec 14 % de catholiques pratiquants, 2 % à 3% de protestants, 5 % à 6 % de musulmans, moins de 1% de juifs, cet électorat religieux forme à peine 30% de l’électorat. Henri Tincq
Ce n’est (…) pas parce que « Claude Guéant parle comme Marine Le Pen » (dixit Jean-Louis Borloo) que cette dernière progresse dans l’opinion et perce dans les urnes d’une élection qui jusqu’alors fermait à son parti les portes du second tour. C’est parce que ceux qui, en 2007, avaient quitté Jean-Marie Le Pen pour Nicolas Sarkozy en espérant voir réaliser certains de leurs vœux estiment qu’ils n’ont pas été entendus. (…) Peut-on, après cela, parler sans rire, comme dimanche soir, sur la plupart des plateaux télé, de “réaction des électeurs contre la droitisation de l’UMP” ? La vérité est que, depuis les années 1990, la droite n’a cessé de se dédroitiser et, par voie de conséquence, de libérer un espace croissant au Front national dont les propositions d’aujourd’hui sont parfois en deçà de celles du RPR et de l’UDF d’alors (lire les propositions des états généraux de l’opposition, animés, voici vingt ans, par Nicolas Sarkozy et Alain Madelin)… Valeurs actuelles
Le FN apparaît, plus que jamais, comme un vecteur de manifestation des préoccupations populaires. Le « vote utile » des électeurs frontistes exprime un message de mécontentement profond où se mêlent questions sociétales (insécurité, immigration) et socio-économiques (rejet du libre-échange et de la mondialisation). Le nouveau discours de Marine Le Pen parvient à conjuguer ces deux thématiques et à rentrer ainsi en résonance avec l’opinion d’une large fraction de la population. (…) L’argument moral jeté à la face de ces divers électeurs, ou encore les démonstrations idéologiques, ont peu de chance d’être efficaces. Seules des réponses apportées à leurs préoccupations concrètes par les partis républicains pourront convaincre cette France en crise qu’elle a mieux à faire que de crier sa colère en votant à l’extrême droite. Eric Dupin
Le mépris dans lequel les tient la classe dirigeante a quelque chose de sidérant. Nos élites sont mues par une invraisemblable prolophobie dont elles n’ont parfois même pas conscience. (…) Les impensés de la gauche sur la sécurité et l’immigration témoignent d’un déni persévérant de celle-ci face à l’expression de certaines souffrances sociales. (…) Avant d’être une posture politique, le front républicain est d’abord un réflexe de classe et de caste. Patrick Buisson
Ce concept de “droitisation” est le plus sûr indice de la confusion mentale qui s’est emparée de certains esprits. Si la “droitisation” consiste à prendre en compte la souffrance sociale des Français les plus exposés et les plus vulnérables, c’est que les anciennes catégories politiques n’ont plus guère de sens… et que le PS est devenu – ce qui me paraît une évidence – l’expression des nouvelles classes dominantes. (…) Est-ce Nicolas Sarkozy qui se “droitise” en plaçant la maîtrise des flux migratoires au cœur de la question sociale ou la gauche qui se renie en substituant à la question sociale le combat sociétal en faveur d’un communautarisme multiculturel ? L’impensé du candidat socialiste sur l’immigration est tout sauf accidentel : il témoigne d’une contradiction à ce jour non résolue. L’idéologie du “transfrontiérisme” n’est pas celle des Français. Près de deux Français sur trois et près d’un sympathisant de gauche sur deux approuvent la proposition de Nicolas Sarkozy de réduire de moitié l’immigration légale. Le projet que porte Nicolas Sarkozy s’adresse à tout l’électorat populaire. Il est clairement le candidat d’une Europe des frontières. C’est en cela qu’il est le candidat du peuple qui souffre de l’absence de frontières et de ses conséquences en chaîne : libre-échangisme sans limites, concurrence déloyale, dumping social, délocalisation de l’emploi, déferlante migratoire. Les frontières, c’est la préoccupation des Français les plus vulnérables. Les frontières, c’est ce qui protège les plus pauvres. Les privilégiés, eux, ne comptent pas sur l’Etat pour construire des frontières. Ils n’ont eu besoin de personne pour se les acheter. Frontières spatiales et sécuritaires : ils habitent les beaux quartiers. Frontières scolaires : leurs enfants fréquentent les meilleurs établissements. Frontières sociales : leur position les met à l’abri de tous les désordres de la mondialisation et en situation d’en recueillir tous les bénéfices. Patrick Buisson
Si on avait fait une autre campagne, si on avait adopté une autre stratégie, Sarkozy était à 22 %, Marine Le Pen à 23 %, et c’était un 21 avril à l’envers ! Il n’y a pas besoin d’être un expert en politologie pour comprendre cela. Comment voulez-vous que des électeurs qui hésitent entre Le Pen et Sarkozy le choisissent, lui, s’il ne fait pas campagne au peuple ? On a eu la bonne stratégie. On a bien senti ce qui se passait dans le pays. (…) Ce sont les couillons qui ont parlé de nommer Bayrou Premier ministre. Vous savez bien : Juppé, Raffarin et Pécresse…(…) Le président a perdu du terrain quand il s’est mis à parler d’ouverture. Tout ça nous a fait perdre 2 points. (..)  On ne peut pas se faire élire sur un programme de droite décomplexée et prétendre gouverner avec des socialistes. Patrick Buisson (09.05.12)
Le livre finit par imposer l’idée d’une tripartition de l’espace social : – centres-villes bourgeois et anciens quartiers populaires des villes gentrifiés qui abritent les gagnants de la mondialisation, avec éventuellement une cohabitation dans les anciens quartiers populaires de « bobos » et de sous-prolétaires d’origine immigré récente (ce qui correspond à la diversité du bâti). C. Guilluy fait remarquer que les « bobos » s’accommodent fort bien de la présence de ces « exclus » tant que la cohabitation reste distante malgré la proximité spatiale, surtout quand ces mêmes « bobos » peuvent obtenir grâce à leur présence la baisse indirecte des services qu’ils achètent. L’auteur cite les restaurants abordables grâce au travail au noir en cuisine, on pourrait aussi citer la garde des enfants, le repassage, etc. . Il ajoute quelque peu perfidement que, si les écoles primaires restent peu ségrégées dans ces quartiers ex-populaires entre rejetons des « bobos » et ceux des « exclus », les collèges le sont déjà beaucoup plus, pour ne rien dire des lycées. Comme j’habite à la Guillotière à Lyon, je ne peux qu’accepter son diagnostic, même si mon îlot (au sens urbanistique) appartient sans doute à la petite bourgeoisie depuis les années 1950. – les banlieues ex-ouvrières, devenus le lieu de concentration de « toute la misère du monde », que, finalement, la France « accueille » selon l’auteur plus que ne le prétend le discours officiel. Elles représentent effectivement selon lui le lieu de l’insécurité, et connaissent une rotation rapide des populations. N’y restent que ceux qui n’ont pas encore trouvé les moyens d’aller ailleurs. Ces quartiers sont en train de devenir des ghettos en dépit des efforts des autorités publiques, et forment en tout état de cause le cul-de-basse-fosse de la société métropolitaine. – le reste, la France profonde des villages, petites villes, tout ce qui se trouve loin des métropoles. Cette France-là accueille la majorité des classes populaires, de ces 60% d’ouvriers et d’employés qui constituent encore aujourd’hui la population active. Cette France-là se trouve être selon C. Guilluy la grande perdante de la mondialisation économique et culturelle en cours. La présentation de la situation par l’auteur  parait tellement négative que cela m’a fait penser à ce que décrivent les géographes sociaux pour la Roumanie post-communiste d’après 1989 : un vaste mouvement de repli vers la campagne de la part des populations ayant perdu leur travail en ville à la faveur de la transition vers l’économie de marché. Mutatis mutandis, à très bas bruit médiatique, on observerait un phénomène assez similaire en France – qui rencontrerait aussi les effets de la décentralisation productive des années 1960-1970 qui avait déplacé le gros du monde ouvrier loin des anciennes grandes métropoles de la première industrialisation. (…) il ne fait en effet aucun doute que l’insertion actuelle de la France dans la mondialisation, dans la division internationale du travail, profite à certains groupes sociaux et pas à d’autres. Il y a d’évidence des gagnants et des perdants, à la fois sur le plan économique, mais aussi en terme de définition  de ce que doit être une vie réussie, à savoir mobile, nomade, cosmopolite, où, comme dirait Madame Parisot, tout comme l’amour, rien ne dure. Christophe Bouillaud
On brode beaucoup sur la non intégration des jeunes de banlieue. En réalité, ils sont totalement intégrés culturellement. Leur culture, comme le rap, sert de référence à toute la jeunesse. Ils sont bien sûr confrontés à de nombreux problèmes mais sont dans une logique d’intégration culturelle à la société monde. Les jeunes ruraux, dont les loisirs se résument souvent à la bagnole, le foot et l’alcool, vivent dans une marginalité culturelle. En feignant de croire que l’immigration ne participe pas à la déstructuration des plus modestes (Français ou immigrés), la gauche accentue la fracture qui la sépare des catégories populaires. Fracture d’autant plus forte qu’une partie de la gauche continue d’associer cette France précarisée qui demande à être protégée de la mondialisation et de l’immigration à la « France raciste ». Dans le même temps, presque malgré elle, la gauche est de plus en plus plébiscitée par une « autre France », celle des grands centres urbains les plus actifs, les plus riches et les mieux intégrés à l’économie-monde ; sur ces territoires où se retrouvent les extrêmes de l’éventail social (du bobo à l’immigré), la mondialisation est une bénédiction. Christophe Guilluy
J’avais l’impression qu’il [Nicolas Sarkozy] avait déjà cette géographie sociale bien en tête. Comme s’il savait que cette France populaire, qui l’avait élu en 2007, allait être une nouvelle fois l’enjeu de cette présidentielle. (…) Je ne pense pas que le qualificatif de droitisation soit pertinent. Pour cette France-là, on est arrivé à la fin de la bipolarisation droite-gauche. Par exemple, en matière d’immigration, tout le monde pense grosso modo la même chose, à gauche comme à droite. Quand on regarde comment se comportent les Français – là où ils vont vivre, là où ils souhaitent scolariser leurs enfants -, on s’aperçoit que tout le monde évolue dans une même logique. Ce qui change, c’est le discours de justification de ses actes… Par ailleurs, cette France populaire reste très attachée à l’Etat providence, aux services publics, à la laïcité, aux thématiques traditionnelles de la gauche. (…) Ce qui définit cette classe qui se sent menacée de déclassement, c’est son incapacité à ériger des frontières symboliques avec un monde qu’elle juge menaçant. Le bobo de Belleville, qui habite en plein cœur d’un quartier très métissé, peut résider dans un immeuble de lofts, socialement homogène, et contourner la carte scolaire. Les prolétaires de la Picardie, eux, n’ont pas les moyens d’ériger ce type de frontière invisible. C’est pour ça que cette classe populaire exprime aujourd’hui une demande d’Etat fort et de protectionnisme. La question sociale est centrale pour elle, à la condition qu’elle se combine avec une question d’ordre culturel. (…) Sur ces questions culturelles et identitaires, la gauche tient un discours peu clair. Car elle a la trouille de dire les choses. Je pense qu’on vit désormais dans une société multiculturelle sans oser le dire. Pour la première fois dans notre histoire, dans certains espaces, se pose la question d’appartenir à une majorité ou à une minorité relative. C’est ce que révèle l’épisode sur la viande halal : au-delà la question de l’étiquetage, le sentiment diffus de pouvoir devenir, sans le savoir, minoritaire, est très présent. (…) C’est compliqué pour [François Hollande] car il ne faut pas désespérer «Boboland», c’est-à-dire ces classes intellectuelles et supérieures qui vivent en centre-ville, profitent des bienfaits de la mondialisation et votent en majorité pour la gauche. Je dis cela sans mépris. C’est une réalité sociologique importante pour la gauche. Il est difficile de tenir un discours pour cette France des centres-ville et celle rejetée à la périphérie. Un exemple : le protectionnisme européen. François Hollande avait la possibilité de reprendre à son compte les thèses qu’Arnaud Montebourg avait développées pendant la primaire. Mais aujourd’hui depuis le discours de Villepinte de Nicolas Sarkozy, je pense que c’est trop tard. Christophe Guilluy
Hollande est intéressé par nos analyses, mais ce n’est pas son logiciel de formation. Il y a encore chez lui beaucoup de tabous, notamment sur les questions identitaires. Or, il n’y a pas 36 solutions : on gagnera avec les ouvriers et employés ou alors on perdra cette élection. Laurent Bouvet (université de Versailles)
A travers toute l’Europe, la crise provoque des fièvres populistes. Les symptômes sont les mêmes : le repli identitaire, le ressentiment social et plus largement la recherche de solutions alternatives face à l’échec des partis de gouvernement – de droite comme de gauche. Les conséquences, aussi : une recomposition violente du paysage électoral. Lorsque la droite populiste s’élève à un étiage qui la rend incontournable, la droite de gouvernement se radicalise et fait alliance, pour accéder ou demeurer au pouvoir, créant un bloc de nature néoconservatrice. Le centre-droit, de culture chrétienne-démocrate, fait sécession et rejoint le camp progressiste. C’est typiquement ce qui s’est passé en Italie, où l’alliance Berlusconi-Ligue du Nord-Alliance Nationale a provoqué le basculement à gauche des chrétiens-démocrates, au sein du Parti démocrate. (..) Le sarkozysme met en œuvre une rupture anti-humaniste. Elle se caractérise par la recherche systématique de coupables, de boucs émissaires à désigner à la vindicte populaire. Il y a toujours les bons citoyens à protéger et les mauvais à bannir hors de la communauté nationale – les immigrés, les musulmans, la racaille de banlieue, les délinquants, les assistés, les fonctionnaires privilégiés… Cet anti-humanisme se déploie dans le débat sur l’identité nationale. Il défend une vision régressive de la nation, figée sur l’identité fantasmée du passé, à tentation ethnique (blanche), à coup sur culturaliste (religieuse, les racines chrétiennes). Une identité fermée, qui exclut les générations de Français d’immigration récente, considérés comme des étrangers sur leur propre sol. Une telle rupture se retrouve aussi dans la politique d’immigration, de plus en plus brutale. « Rafles » policières de sans-papiers, jusqu’aux enfants dans les écoles ; délit de solidarité ; expulsions de réfugiés politiques vers l’Afghanistan ; climat de soupçon dans les préfectures ; chasse aux Roms… L’exemple du Calaisis, qui concerne les demandeurs d’asile en transit vers l’Afghanistan, est édifiant : fermeture du centre d’hébergement d’urgence de Sangatte, démantèlement des campements de fortune de la « jungle », jusqu’à la condamnation à l’errance. Une chute de Charybde en Scylla. La politique pénale subit le même processus de radicalisation. Le champ des « criminels », des « monstres » s’élargit toujours plus. La répression s’intensifie. La politique de « castration chimique » pour les pédophiles est emblématique. Jusqu’à l’évocation inouïe par Michèle Alliot-Marie de la castration physique – une mutilation d’Etat, une vision de la France digne d’Orange Mécanique. Même la peine de mort n’est plus taboue. Les dérapages verbaux, autrefois apanage du Front national, se multiplient au sein de la majorité. Des « Auvergnats » (« Quand il y en a un ça va, c’est quand il y en a beaucoup qu’il y a des problèmes ») jusqu’à « la France n’est plus la France », en passant par les musulmans qui doivent se montrer « discrets » ou « remettons-les dans les bateaux », la frontière entre l’UMP et l’extrême droite devient floue. Au point que l’hebdomadaire Newsweek, en octobre dernier, choisit Nicolas Sarkozy pour illustrer sa « une » sur la montée de l’extrême droite en Europe. La radicalisation de l’UMP obéit à un pari stratégique : la volonté de siphonner l’électorat du FN. Ce pari est couronné de succès en 2007 mais ne s’avère pas pérenne. Le sarkozysme ne parvient pas à fidéliser les voix du FN. C’est que le rapport de forces s’est inversé : Nicolas Sarkozy, au zénith de sa popularité en 2007, n’est plus crédible aujourd’hui ; le FN, affaibli à l’époque par un vieux leader en fin de carrière, est dynamisé par une Marine Le Pen moderne et charismatique. Après la radicalisation de l’UMP, on assiste maintenant à la deuxième étape : la banalisation d’un Front national « new look », qui de se débarrasse de ses oripeaux infréquentables, antisémites, nostalgiques de Vichy, aux relents néo-nazis, et qui – lui – ne dérape plus. Le FN sort de son ghetto protestataire pour muer en un parti de droite nationale, qui aspire à gouverner, sur le modèle de l’Alliance nationale en Italie. « Donnez-nous les manettes », clame désormais Marine Le Pen. La dernière étape est déjà écrite : la constitution d’un bloc néoconservateur, entre une UMP droitisée et un FN dédiabolisé. Cette jonction n’est pas pour tout de suite, encore qu’on en voit de nombreux signes annonciateurs, dont le rejet du front républicain au profit du « ni-ni ». Mais le « big bang » politique est lancé. Olivier Ferrand (Terra Nova)
Souvenons-nous qu’il y a un an Sarkozy était donné battu au premier tour et qu’il s’est finalement maintenu à un niveau élevé au premier tour, compte tenu de la performance de Marine Le Pen. Dès lors, et compte tenu de son bilan social, mais aussi en matière d’immigration et de sécurité, ainsi que de la puissance de l’anti-sarkozysme, le résultat est inespéré pour lui. Sociologiquement, Nicolas Sarkozy perd car contrairement à 2007, il n’a pas su capter le vote populaire. Ces catégories lui font notamment payer son échec sur la question sociale mais aussi sur les thématiques immigration/sécurité. D’ailleurs, si au premier tour les catégories populaires, notamment les ouvriers, avaient plutôt choisi Marine Le Pen, dimanche dernier elles se sont plutôt portées vers Hollande (par anti-sarkozysme plus que par adhésion), l’abstention et/ou le vote blanc. (..) Les résultats illustrent la déception des milieux ouvriers et employés qui estiment ne pas avoir été entendus ni sur la question sociale, ni sur les thématiques identitaires. En fait, contrairement à ce que l’on dit, Sarkozy a pris en compte bien trop tard l’importance du ressentiment et la place des thématiques identitaires en milieu populaire. (…) Le résultat du premier tour a validé cette stratégie. Sans cette stratégie, Nicolas Sarkozy aurait fait 20% au premier tour et 42-43% au second. Et puis que pouvait-il faire ? Compte tenu de la situation sociale, il n’allait quand même pas faire une campagne sur son bilan ou le pouvoir d’achat ! Il n’allait pas non plus faire la même campagne que François Hollande ! On peut d’ailleurs noter que, malgré cette « droitisation », Sarkozy a capté tranquillement les voix de François Bayrou… En fait, la « drôle de campagne » du 2e tour s’explique par le fait que les deux qualifiés étaient des représentants de la « France du Oui » une France encore plus minoritaire aujourd’hui qu’en 2005. Les deux candidats étaient aussi les représentants de partis qui ont accompagné l’adaptation de la société française au libre-échange et à la mondialisation, que les classes populaires rejettent depuis des années. Dans ce contexte, les deux candidats, qui ne proposent aucune véritable alternative économique et sociale à une France populaire fragilisée n’avaient d’autre solution que de cliver sur des thématiques d’ordre « socio-culturelles ». Or, s’il est évident que le camp sarkozyste est allé dans cette direction, on ne voit pas qu’en réalité la gauche a aussi fait ce choix, plus discrètement. On ne voit pas à ce titre à quel point la stratégie « Buisson » fait écho, et a contrario, à celle du think-tank Terra-Nova. Dans les deux cas, il s’agit d’opter pour le « socio-culturel ». A gauche, la stratégie Terra Nova centrée sur les bobos-minorités-grandes agglomérations a été très critiquée dans son propre camp. Même chose à droite avec Buisson. Mais si l’on fait l’analyse sociologique du vote, ces deux stratégies très contestées sont celles qui ont le mieux fonctionné dans les deux camps ! François Hollande fait le plein en banlieue, dans les dom-toms, dans les grandes villes, chez les catégories diplômées, etc. Inversement, Sarkozy réalise ses meilleurs résultats dans les espaces ruraux. (…) il existe désormais un clivage socio-culturel gigantesque au sein de la France : 48,38% des électeurs se sont tout de même positionnés sur une thématique qu’on a dit « fasciste » et identitaire. C’est une nouveauté. L’évolution socio-culturelle du pays évolue vers un clivage de plus en plus marqué. Surtout, il apparaît que cette dimension est désormais intégrée au discours politique. Si la droite a « cogné » très fort (je pense notamment aux sorties de Claude Guéant..), la gauche a aussi participé à cette ethnicisation du discours en fascisant Sarkozy. Les attaques d’Axel Kahn qui a déclaré dans l’entre-deux tours que la mobilisation autour de Nicolas Sarkozy au Trocadero c’était Nuremberg ou de Mélenchon qui traite Sarkozy de « petit blanc raciste » en sont une illustration. Si la droite a ciblé l’immigration musulmane, la gauche a fascisé Sarkozy et indirectement son électorat en sous entendant qu’il était xénophobe, blanc, etc. Aujourd’hui, il existe une immense fracture sociale entre les classes populaires et dominantes, qu’elles soient de droite ou de gauche. Mais il se double d’une fracture culturelle à partir d’une nouvelle géographie sociale. La France périphérique rurale industrielle et périurbaine, celle des petites et moyennes villes, adhère plus volontiers aux thèses « lepeno-sarkozystes » tandis que la France des grandes agglomérations constitue désormais des bastions de la gauche. Un clivage qui tend à se renforcer à chaque élection. La France d’après sera travaillée par les questions sociales gigantesques mais aussi par une question identitaire. Le problème, c’est que ni la droite ni la gauche ne répondent à ces considérations sociales. D’ailleurs, dès le lendemain du vote, un sondage Ipsos montrait déjà que seuls 26% des gens pensent que « la situation va s’améliorer avec Hollande » ! Les Français font donc le constat que les questions sociales (chômage, pouvoir d’achat) ne seront pas résolues. Et la question socio-culturelle reste latente. (…) disons que nous sommes plutôt dans une logique séparatiste, donc contraire à l’affrontement. (…) Quelque chose est toutefois en place qui dépasse très largement les simples dynamiques de gauche ou de droite. C’est pourquoi l’évocation de mai 1981 à l’occasion de ce mois de mai 2012 me semble particulièrement hors sujet. Christophe Guilluy

Et si, contrairement à ce que voudraient nous faire croire notre nouveau champion de la politique du rétroviseur et sa claque médiatique, ce n’était pas de 30 mais de 20 ans qu’il fallait retarder nos montres?

A l’heure où notre nouveau bateleur en chef au bilan vide et ses amis tentent de faire passer pour « belle victoire »  l’auto-sabordage de la droite

Et que du côté de nos belles âmes l’on fait à présent mine de dénoncer des stratégies qui de part et d’autre se sont, comme le rappelle le géographe Christophe Guilly, révélées remarquablement efficaces …

Comment ne pas voir, derrière la fracture culturelle évoquée par le sociologue et si l’on inverse les couleurs, la même guerre culturelle entre « villes bleues » pro-démocrates et « campagnes rouges » pro-républicaines qui, depuis le discours d’ouverture de la convention républicaine du traditionaliste catholique américain Pat Buchanan, n’a cessé de déchirer l’Amérique?

Entrainant ces violentes oscillations  (voire, comme en 2000,  ces étonnants ballotages à quelques voix près) des électorats entre la gauche progressiste du triangulationiste Clinton ou la prétendue Amérique violette d’un Obama venu de nulle part mais à la couleur si tendance et la droite traditionaliste d’un Bush ou dans quelques mois peut-être d’un Romney?

Fracture bobos-minorités-grandes agglomérations (ou banlieue-dom-toms-grandes villes-diplômés-à statut) contre petites et moyennes villes-exposés qui non moins sûrement devrait peut-être inquiéter une gauche française qui, quoi qu’en dise notre sociologue, n’a toujours pas eu le courage, du moins officiellement, de sortir de son placard pré-Bad Godesberg?

Terra Nova/Buisson : pourquoi les stratégies électorales des candidats Hollande et Sarkozy étaient les bonnes malgré les nombreuses critiques

Atlantico

8 mai 2012

Le candidat PS a visé l’électorat évoqué dans une fameuse note du think-tank Terra Nova. Le candidat UMP a suivi la stratégie élaborée par son conseiller Patrick Buisson. Tous deux ont placé la question identitaire au coeur de leur campagne. A juste titre tant cette thématique trouve un écho profond au sein de la France d’aujourd’hui.

Atlantico : Vous avez étudié le vote en France en fonction des régions dans lesquelles vivent les électeurs. Quelle photographie sociologique de la France donnent les résultats de cette élection présidentielle ?

Christophe Guilluy : La vraie photographie de la France c’est le premier tour. Le second, c’est différent. Dans les urnes, effectivement, nous assistons à une victoire de Hollande et à un échec de Sarkozy. Mais ces résultats doivent être nuancés. Souvenons-nous qu’il y a un an Sarkozy était donné battu au premier tour et qu’il s’est finalement maintenu à un niveau élevé au premier tour, compte tenu de la performance de Marine Le Pen. Dès lors, et compte tenu de son bilan social, mais aussi en matière d’immigration et de sécurité, ainsi que de la puissance de l’anti-sarkozysme, le résultat est inespéré pour lui.

Sociologiquement, Nicolas Sarkozy perd car contrairement à 2007, il n’a pas su capter le vote populaire. Ces catégories lui font notamment payer son échec sur la question sociale mais aussi sur les thématiques immigration/sécurité. D’ailleurs, si au premier tour les catégories populaires, notamment les ouvriers, avaient plutôt choisi Marine Le Pen, dimanche dernier elles se sont plutôt portées vers Hollande (par anti-sarkozysme plus que par adhésion), l’abstention et/ou le vote blanc.

Le Nord-Pas-de-Calais est ainsi un exemple intéressant avec un taux d’abstention et de votes blancs très supérieur à la moyenne au second tour. Précisément, si l’on se penche sur le résultat des votes à Hénin Beaumont, bastion du FN : les votes blancs additionnés à l’abstention correspondent quasiment au score de François Hollande, avec 35% des inscrits.

Ces résultats illustrent la déception des milieux ouvriers et employés qui estiment ne pas avoir été entendus ni sur la question sociale, ni sur les thématiques identitaires. En fait, contrairement à ce que l’on dit, Sarkozy a pris en compte bien trop tard l’importance du ressentiment et la place des thématiques identitaires en milieu populaire.

Vous voulez dire que, malgré sa défaite, la « droitisation » de sa campagne était la bonne stratégie à mener ?

Le résultat du premier tour a validé cette stratégie. Sans cette stratégie, Nicolas Sarkozy aurait fait 20% au premier tour et 42-43% au second. Et puis que pouvait-il faire ? Compte tenu de la situation sociale, il n’allait quand même pas faire une campagne sur son bilan ou le pouvoir d’achat ! Il n’allait pas non plus faire la même campagne que François Hollande ! On peut d’ailleurs noter que, malgré cette « droitisation », Sarkozy a capté tranquillement les voix de François Bayrou…

En fait, la « drôle de campagne » du 2e tour s’explique par le fait que les deux qualifiés étaient des représentants de la « France du Oui » une France encore plus minoritaire aujourd’hui qu’en 2005. Les deux candidats étaient aussi les représentants de partis qui ont accompagné l’adaptation de la société française au libre-échange et à la mondialisation, que les classes populaires rejettent depuis des années.

Dans ce contexte, les deux candidats, qui ne proposent aucune véritable alternative économique et sociale à une France populaire fragilisée n’avaient d’autre solution que de cliver sur des thématiques d’ordre « socio-culturelles ». Or, s’il est évident que le camp sarkozyste est allé dans cette direction, on ne voit pas qu’en réalité la gauche a aussi fait ce choix, plus discrètement. On ne voit pas à ce titre à quel point la stratégie « Buisson » fait écho, et a contrario, à celle du think-tank Terra-Nova. Dans les deux cas, il s’agit d’opter pour le « socio-culturel ».

A gauche, la stratégie Terra Nova centrée sur les bobos-minorités-grandes agglomérations a été très critiquée dans son propre camp. Même chose à droite avec Buisson. Mais si l’on fait l’analyse sociologique du vote, ces deux stratégies très contestées sont celles qui ont le mieux fonctionné dans les deux camps ! François Hollande fait le plein en banlieue, dans les dom-toms, dans les grandes villes, chez les catégories diplômées, etc. Inversement, Sarkozy réalise ses meilleurs résultats dans les espaces ruraux.

En quoi cette élection présidentielle est-elle « la première du XXIè siècle », selon l’expression de Nicolas Sarkozy ? En quoi raconte-t-elle la France du XXIè siècle ?

Disons qu’il existe désormais un clivage socio-culturel gigantesque au sein de la France : 48,38% des électeurs se sont tout de même positionnés sur une thématique qu’on a dit « fasciste » et identitaire. C’est une nouveauté. L’évolution socio-culturelle du pays évolue vers un clivage de plus en plus marqué.

Surtout, il apparaît que cette dimension est désormais intégrée au discours politique. Si la droite a « cogné » très fort (je pense notamment aux sorties de Claude Guéant..), la gauche a aussi participé à cette ethnicisation du discours en fascisant Sarkozy. Les attaques d’Axel Kahn qui a déclaré dans l’entre-deux tours que la mobilisation autour de Nicolas Sarkozy au Trocadero c’était Nuremberg ou de Mélenchon qui traite Sarkozy de « petit blanc raciste » en sont une illustration. Si la droite a ciblé l’immigration musulmane, la gauche a fascisé Sarkozy et indirectement son électorat en sous entendant qu’il était xénophobe, blanc, etc.

Aujourd’hui, il existe une immense fracture sociale entre les classes populaires et dominantes, qu’elles soient de droite ou de gauche. Mais il se double d’une fracture culturelle à partir d’une nouvelle géographie sociale. La France périphérique rurale industrielle et périurbaine, celle des petites et moyennes villes, adhère plus volontiers aux thèses « lepeno-sarkozystes » tandis que la France des grandes agglomérations constitue désormais des bastions de la gauche. Un clivage qui tend à se renforcer à chaque élection.

La France d’après sera travaillée par les questions sociales gigantesques mais aussi par une question identitaire. Le problème, c’est que ni la droite ni la gauche ne répondent à ces considérations sociales. D’ailleurs, dès le lendemain du vote, un sondage Ipsos montrait déjà que seuls 26% des gens pensent que « la situation va s’améliorer avec Hollande » ! Les Français font donc le constat que les questions sociales (chômage, pouvoir d’achat) ne seront pas résolues. Et la question socio-culturelle reste latente.

François Hollande semble prendre en compte cette nouvelle réalité. À ce titre il faut souligner le basculement idéologique en cours au sein du PS sur la question de l’immigration. Les nouvelles fractures françaises sont ainsi intégrées à la réflexion. On peut s’en rendre compte par exemple à l’occasion de son discours de victoire à Tulle dimanche où il a parlé « des banlieues ET des zones rurales ». C’est une petite révolution au PS, qu’avait déjà initiée Ségolène Royal en 2007.

Vous parlez de « fractures », vous dîtes « l’’évolution socio-culturelle du pays évolue vers un clivage de plus en plus marqué », vous évoquez l’importance croissante de la « question identitaire »… A vous écoutez, la France va vers une guerre civile !

Non, disons que nous sommes plutôt dans une logique séparatiste, donc contraire à l’affrontement. Quand on commence à parler de guerre civile, cela empêche de porter tout diagnostic et de débattre. Nous n’en sommes pas là. Quelque chose est toutefois en place qui dépasse très largement les simples dynamiques de gauche ou de droite. C’est pourquoi l’évocation de mai 1981 à l’occasion de ce mois de mai 2012 me semble particulièrement hors sujet .

Propos recueillis par Aymeric Goetschy

Voir encore:

UMP-FN : vers un bloc néoconservateur

Note Par Olivier Ferrand.

Le 27/04/2012

Après le score historique réalisé par le Front national le 22 avril dernier, Olivier Ferrand décrypte dans cette tribune publiée dans Le Monde.fr la stratégie mise en oeuvre par Nicolas Sarkozy pour récupérer les voix du FN : une radicalisation du discours, anti-humaniste, qui lui aliène l’électorat centriste. Face à ce mouvement, la gauche doit affirmer ses valeurs, s’adresser aux électeurs qui ont fui vers le FN en proposant une véritable politique de sortie de crise, en garantissant la sécurité sociale et celle des personnes, en promouvant une République exemplaire.

A travers toute l’Europe, la crise provoque des fièvres populistes. Les symptômes sont les mêmes : le repli identitaire, le ressentiment social et plus largement la recherche de solutions alternatives face à l’échec des partis de gouvernement – de droite comme de gauche. Les conséquences, aussi : une recomposition violente du paysage électoral.

Lorsque la droite populiste s’élève à un étiage qui la rend incontournable, la droite de gouvernement se radicalise et fait alliance, pour accéder ou demeurer au pouvoir, créant un bloc de nature néoconservatrice. Le centre-droit, de culture chrétienne-démocrate, fait sécession et rejoint le camp progressiste. C’est typiquement ce qui s’est passé en Italie, où l’alliance Berlusconi-Ligue du Nord-Alliance Nationale a provoqué le basculement à gauche des chrétiens-démocrates, au sein du Parti démocrate.

La France pouvait échapper à ce scénario. La politique française, fondée sur la légitimité présidentielle et le fait majoritaire, rend peu probable la nécessité d’une alliance pour gouverner, et inimaginable la prise de pouvoir majoritaire par l’extrême droite. Nicolas Sarkozy l’a pourtant rendu possible. C’est la particularité du cas français : la recomposition électorale n’est pas initiée par l’extrême droite, mais par la droite.

Historiquement, avec le gaullisme social de l’UMP et les chrétiens-démocrates de l’UDF, la droite de gouvernement française se positionne au centre-droit de l’échiquier politique. A partir de 2007, Nicolas Sarkozy rompt avec ce positionnement historique et radicalise son camp.

ANTI-HUMANISME

Le sarkozysme met en œuvre une rupture anti-humaniste. Elle se caractérise par la recherche systématique de coupables, de boucs émissaires à désigner à la vindicte populaire. Il y a toujours les bons citoyens à protéger et les mauvais à bannir hors de la communauté nationale – les immigrés, les musulmans, la racaille de banlieue, les délinquants, les assistés, les fonctionnaires privilégiés…

Cet anti-humanisme se déploie dans le débat sur l’identité nationale. Il défend une vision régressive de la nation, figée sur l’identité fantasmée du passé, à tentation ethnique (blanche), à coup sur culturaliste (religieuse, les racines chrétiennes). Une identité fermée, qui exclut les générations de Français d’immigration récente, considérés comme des étrangers sur leur propre sol.

Une telle rupture se retrouve aussi dans la politique d’immigration, de plus en plus brutale. « Rafles » policières de sans-papiers, jusqu’aux enfants dans les écoles ; délit de solidarité ; expulsions de réfugiés politiques vers l’Afghanistan ; climat de soupçon dans les préfectures ; chasse aux Roms… L’exemple du Calaisis, qui concerne les demandeurs d’asile en transit vers l’Afghanistan, est édifiant : fermeture du centre d’hébergement d’urgence de Sangatte, démantèlement des campements de fortune de la « jungle », jusqu’à la condamnation à l’errance. Une chute de Charybde en Scylla.

La politique pénale subit le même processus de radicalisation. Le champ des « criminels », des « monstres » s’élargit toujours plus. La répression s’intensifie. La politique de « castration chimique » pour les pédophiles est emblématique. Jusqu’à l’évocation inouïe par Michèle Alliot-Marie de la castration physique – une mutilation d’Etat, une vision de la France digne d’Orange Mécanique. Même la peine de mort n’est plus taboue.

Les dérapages verbaux, autrefois apanage du Front national, se multiplient au sein de la majorité. Des « Auvergnats » (« Quand il y en a un ça va, c’est quand il y en a beaucoup qu’il y a des problèmes ») jusqu’à « la France n’est plus la France », en passant par les musulmans qui doivent se montrer « discrets » ou « remettons-les dans les bateaux », la frontière entre l’UMP et l’extrême droite devient floue. Au point que l’hebdomadaire Newsweek, en octobre dernier, choisit Nicolas Sarkozy pour illustrer sa « une » sur la montée de l’extrême droite en Europe.

La radicalisation de l’UMP obéit à un pari stratégique : la volonté de siphonner l’électorat du FN. Ce pari est couronné de succès en 2007 mais ne s’avère pas pérenne. Le sarkozysme ne parvient pas à fidéliser les voix du FN. C’est que le rapport de forces s’est inversé : Nicolas Sarkozy, au zénith de sa popularité en 2007, n’est plus crédible aujourd’hui ; le FN, affaibli à l’époque par un vieux leader en fin de carrière, est dynamisé par une Marine Le Pen moderne et charismatique.

BANALISATION D’UN FN « NEW LOOK »

Après la radicalisation de l’UMP, on assiste maintenant à la deuxième étape : la banalisation d’un Front national « new look », qui de se débarrasse de ses oripeaux infréquentables, antisémites, nostalgiques de Vichy, aux relents néo-nazis, et qui – lui – ne dérape plus. Le FN sort de son ghetto protestataire pour muer en un parti de droite nationale, qui aspire à gouverner, sur le modèle de l’Alliance nationale en Italie. « Donnez-nous les manettes », clame désormais Marine Le Pen.

La dernière étape est déjà écrite : la constitution d’un bloc néoconservateur, entre une UMP droitisée et un FN dédiabolisé. Cette jonction n’est pas pour tout de suite, encore qu’on en voit de nombreux signes annonciateurs, dont le rejet du front républicain au profit du « ni-ni ». Mais le « big bang » politique est lancé.

Voir encore:

Christophe Guilluy, Fractures françaises.

C’est peu de dire que j’ai hésité à chroniquer ce livre de Christophe Guilluy, Fractures françaises (Paris : François Bourin Editeur, 2010) sur mon blog. En effet, l’auteur inscrit dans son texte comme destinataire idéal de ses propos d’hypothétiques leaders d’une gauche qui retrouverait le goût et le sens de la « Question sociale », mais, à raison même de  son contenu sociologique, j’ai plutôt l’intuition que seuls Martine Le Pen ou Bruno Gollnish pourraient faire de cet ouvrage leur livre de chevet. En un sens, s’il se veut une intervention politique dans le débat au service de la gauche, ce livre s’avère  totalement raté, dans la mesure où le diagnostic qu’il pose avec quelque justesse revient à souligner l’impasse définitive dans laquelle la gauche de gouvernement se situerait.

Quelle est donc la thèse de cet ouvrage, que le lecteur supposera du coup comme particulièrement sulfureux? Christophe Guilluy, en tant que géographe, propose une  interprétation de la structuration sociospatiale de la société hexagonale. (Je dis hexagonale, pour souligner justement qu’il s’inquiète de l’éclatement de la société française en segments séparés.) On verrait dans les trois dernières décennies naître deux hexagones avec des logiques contrastées : d’une part, les grandes métropoles (Paris, Lyon, etc.) deviendraient le lieu d’une cohabitation sur un espace restreint entre les classes profitant économiquement de la globalisation de l’économie capitaliste et attirés culturellement par l’idée de mobilité permanente, de cosmopolitisme, de mélange des cultures, et les groupes sociaux les plus économiquement désavantagés présents dans l’hexagone, essentiellement constitués de personnes sous-qualifiés issus de l’immigration familiale d’après 1974; d’autre part, le reste du pays où se seraient en quelque sorte réfugiés les autres habitants, le gros de la population française, la majorité des ouvriers et des employés en particulier. C’est là le principal message du livre : sur les dernières années, la France des « petits » (pour reprendre une terminologie ancienne) est devenue invisible aux yeux des médias et des décideurs publics parce qu’elle s’est dispersée façon puzzle loin des métropoles. Cette dispersion s’explique par deux aspects principaux : d’une part, les « petits » ne peuvent pas se payer le luxe de subir les effets de l’insécurité provoquée dans les quartiers de banlieue, en particulier d’habitat social, par une minorité de délinquants parmi les plus miséreux, conduites déviantes d’une minorité que l’action publique s’avère incapable d’enrayer; d’autre part, l’explication se trouve là plus sulfureuse, ces « petits », essentiellement des personnes issues des immigrations intérieures à la France ou des pays européens proches, ne peuvent pas supporter le choc, que l’auteur qualifie de culturel, de se retrouver désormais en minorité numérique dans des quartiers qui furent autrefois les leurs. Il y aurait bel et bien en France des « effets de substitution » de population dans certaines banlieues.  Les nouveaux minoritaires, ex-majoritaires des quartiers populaires des villes-centres et des banlieues, recherchent du coup, via l’acquisition d’une maison individuelle loin des métropoles, la sécurité de sentir de nouveau l’autochtone d’un lieu.

Les cartes en moins et l’accent sur l’immigration en plus, Christophe Guilluy reprend donc ici la thèse qu’il avait déjà exprimé avec Christophe Noyé dans son très pertinent Atlas des nouvelles fractures sociales. Les classes moyennes oubliées et précarisées (Paris : Autrement, 2004). Pour lui, contrairement au halo médiatique constitué par le « problème des banlieues », la France des petits, des sans grade (toute allusion…) qui souffre des effets de la mondialisation (au sens économique et culturel), autrement dit la vraie Question sociale du point de vue quantitatif et non pas de celui, médiatique, des émeutes urbaines, voitures brûlées, et autres hauts faits de la racaille qu’il faut karchériser pour parler en Sarkozy, s’est déplacée dans le péri-urbain ou le rural profond. Elle en est devenue du coup invisible. Les politiques publiques font largement erreur dans  leur focalisation sur les banlieues parce qu’elles réagissent plus à chaud à des hauts faits médiatisés qu’à la vague de fond qui restructure le territoire.

Malheureusement, la thèse reprise en 2010 n’est tout de même pas loin d’une vision ethnicisée de l’hexagone. L’auteur s’en défend hautement, et critique au contraire l’opposition inclus/exclus largement utilisée dans les médias et le débat public, qui n’est finalement qu’une autre façon  républicaine de dire Français de souche/Immigrés, voire Blancs/Pas blancs. Pour lui, le problème des banlieues  résulte avant tout de la dynamique des marchés du travail métropolitains, qui n’offrent pas de perspectives d’emplois à des populations sans qualifications issues du regroupement familial, et de l’existence d’une offre locative sociale, au départ destinée à loger les ouvriers de l’industrie de ces métropoles, qui accueille ces populations économiquement surnuméraires.  Cependant,  à le lire, il n’est pas sûr qu’il ne tende pas à renforcer  l’approche Français de souche / Immigrés : certes, il insiste sur le fait que la plupart des immigrés ne vivent pas dans les banlieues, que ces dernières, pour une grande partie de leurs habitants, ne sont  en réalité qu’un lieu de passage dans un parcours biographique ascendant, qu’il existe finalement plus de chances de réussite professionnelle pour un jeune de banlieue que pour celui du rural profond, qu’au total, contrairement à ce qui est souvent dit, l’État et les autorités municipales concernées n’ont pas du tout baissé les bras dans ces quartiers que les tendances lourdes de l’économie tendent à appauvrir et y offrent plus de services publics que dans le rural profond, ne serait-ce que parce, désormais, ces banlieues construites dans les années 1950-1970 se trouvent relativement proches du centre de la métropole par rapport au reste de l’habitat diffus construit depuis   ; mais il souligne aussi la profonde ghettoïsation de ces banlieues, où les jeunes descendants d’immigrés familiaux ne rencontreraient plus que des semblables, où les mariages se feraient de plus en plus au pays, pour ne pas dire « au bled », et où une perception ethnique de la réalité l’emporterait désormais chez tout un chacun (y compris chez un maire de banlieue comme Manuel Valls). L’auteur dénonce à la fois avec force des élites qui ne verraient plus la France qu’à travers une opposition villes-centres/banlieues, majorité blanche/minorités ethniques, et en même temps, il renforce par de nombreuses données sociologiques cette impression de la création de ghettos ethniques (contrairement à l’opinion dominante, me semble-t-il, chez les sociologues).

Du coup, le livre finit par imposer l’idée d’une tripartition de l’espace social :

– centres-villes bourgeois et anciens quartiers populaires des villes gentrifiés qui abritent les gagnants de la mondialisation, avec éventuellement une cohabitation dans les anciens quartiers populaires de « bobos » et de sous-prolétaires d’origine immigré récente (ce qui correspond à la diversité du bâti). C. Guilluy fait remarquer que les « bobos » s’accommodent fort bien de la présence de ces « exclus » tant que la cohabitation reste distante malgré la proximité spatiale, surtout quand ces mêmes « bobos » peuvent obtenir grâce à leur présence la baisse indirecte des services qu’ils achètent. L’auteur cite les restaurants abordables grâce au travail au noir en cuisine, on pourrait aussi citer la garde des enfants, le repassage, etc. . Il ajoute quelque peu perfidement que, si les écoles primaires restent peu ségrégées dans ces quartiers ex-populaires entre rejetons des « bobos » et ceux des « exclus », les collèges le sont déjà beaucoup plus, pour ne rien dire des lycées. Comme j’habite à la Guillotière à Lyon, je ne peux qu’accepter son diagnostic, même si mon îlot (au sens urbanistique) appartient sans doute à la petite bourgeoisie depuis les années 1950.

– les banlieues ex-ouvrières, devenus le lieu de concentration de « toute la misère du monde », que, finalement, la France « accueille » selon l’auteur plus que ne le prétend le discours officiel. Elles représentent effectivement selon lui le lieu de l’insécurité, et connaissent une rotation rapide des populations. N’y restent que ceux qui n’ont pas encore trouvé les moyens d’aller ailleurs. Ces quartiers sont en train de devenir des ghettos en dépit des efforts des autorités publiques, et forment en tout état de cause le cul-de-basse-fosse de la société métropolitaine.

– le reste, la France profonde des villages, petites villes, tout ce qui se trouve loin des métropoles. Cette France-là accueille la majorité des classes populaires, de ces 60% d’ouvriers et d’employés qui constituent encore aujourd’hui la population active. Cette France-là se trouve être selon C. Guilluy la grande perdante de la mondialisation économique et culturelle en cours. La présentation de la situation par l’auteur  parait tellement négative que cela m’a fait penser à ce que décrivent les géographes sociaux pour la Roumanie post-communiste d’après 1989 : un vaste mouvement de repli vers la campagne de la part des populations ayant perdu leur travail en ville à la faveur de la transition vers l’économie de marché. Mutatis mutandis, à très bas bruit médiatique, on observerait un phénomène assez similaire en France – qui rencontrerait aussi les effets de la décentralisation productive des années 1960-1970 qui avait déplacé le gros du monde ouvrier loin des anciennes grandes métropoles de la première industrialisation. Bien que C. Guilluy n’aille pas jusque là, il faudrait s’interroger sur l’origine sociale de ces exilés volontaires des métropoles, ne seraient-ce pas en grande partie les enfants ou petits-enfants de l’exode rural des années 1950-60? Quant aux actuels licenciés ou aux menacés de l’être à terme des usines des petites villes et de la France rurale, ne sont-ils pas en majorité des descendants des ruraux de cette même région?

La thèse selon l’usage que C. Guilluy  lui destine vise clairement à avertir la gauche de gouvernement qu’elle doit se préoccuper plus de cette France aussi invisible  dans les médias que  majoritaire dans les faits. Pour l’auteur, qui n’est pas un économiste à la Pangloss pour lequel  tout se trouve aller pour le mieux dans le meilleur des mondes possibles, il ne fait en effet aucun doute que l’insertion actuelle de la France dans la mondialisation, dans la division internationale du travail, profite à certains groupes sociaux et pas à d’autres. Il y a d’évidence des gagnants et des perdants, à la fois sur le plan économique, mais aussi en terme de définition  de ce que doit être une vie réussie, à savoir mobile, nomade, cosmopolite, où, comme dirait Madame Parisot, tout comme l’amour, rien ne dure.

Malheureusement, en raison même de l’acuité de sa description, je ne perçois aucune raison pour laquelle la gauche de gouvernement, le PS en particulier, changerait radicalement son fusil d’épaule. Ses grands leaders métropolitains – les maires des grandes villes – s’affichent à 100% pour l’insertion de leur cité dans la mondialisation – et le gros de leur électorat avec! Allez donc raconter aux maires de Paris,  Lyon,  Strasbourg, ou même Lille, Nantes, Rennes, Montpellier, ou Toulouse, qu’il faudrait un peu réfléchir de manière vraiment critique à cet aspect là des choses. Ne parlons pas non plus des élites  du PS français servant dans les organisations internationales : un DSK ou un Pascal Lamy ne peuvent pas admettre une seconde que la division du travail mondial doive être remise en cause. Il faut l’approfondir au contraire par une meilleur régulation pour qu’elle soit plus juste et efficace. Le PS a certes adopté le concept de « juste échange », mais, pour l’instant, cela reste un slogan sans contenu réel en matière de politiques publiques proposées. Bien sûr, il existe à gauche du PS une autre (petite) gauche de gouvernement, le Front de gauche en particulier. Ce dernier pourrait prendre en charge l’avertissement de C. Guilluy, mais elle ne se trouve qu’au début d’un difficile parcours de (re)construction. Je la vois mal avoir un candidat qui arriverait  en tête des candidats de gauche au premier tour de la Présidentielle de 2012…

On pourrait imaginer cependant que des élus de la France profonde relaient ce message. Hormis le fait qu’il existe sans doute autant d’élus de gauche, de droite ou du centre, ou officiellement sans étiquettes, concernés par cette longue agonie de la France qui se lève tôt, comme on le voit à chaque fermeture de site industriel un peu médiatisé,  il me parait pour l’instant improbable qu’une coalition d’élus de cette France profonde arrive à se faire entendre sur ce thème, et amène la France à changer d’insertion dans la division internationale du travail. Il y a certes eu des étincelles médiatisées (comme le député chanteur…), il y a certes des mouvements de défense des services publics locaux, mais, au total, il est bien peu probable que les métropoles écoutent la France profonde : les intérêts objectifs divergent, et les métropoles  contrôlent le sens de la situation. Pour paraphraser Marx, toute cette France populaire  de l’habitat individuel diffus, que décrit Christophe Guilluy, se résume  à un immense sac de pommes de terre, dont pour l’heure ne menace de sortir aucun mouvement social d’ampleur. (On me dira que, lors de l’actuel mouvement contre la réforme des retraites, les petites villes connaissent de grosses manifestations, mais, pour les médias nationaux, cela reste presque invisible – et bien moins visible que les émeutes dans le cœur des métropoles lyonnaises et parisiennes.)

En fait, en lisant C. Guilluy, et en ajoutant foi à sa description, la vraie question que je me suis posé, c’est finalement pourquoi le Front national fait au total des résultats électoraux si médiocres, alors que la situation lui est, à l’en croire, si objectivement favorable : mondialisation qui appauvrit le gros des  Français et leur fait perdre le sentiment d’être chez eux et les oblige à se mettre au vert, immigration de toute la misère du monde largement hors de contrôle, banlieues en proie à la délinquance venue d’immigrés, création de ghettos, État et autorités publiques de bonne volonté mais impuissants, etc. . C. Guilluy donne lui-même en creux une réponse en soulignant, qu’au vu des sondages, les classes populaires restent attachés à des valeurs d’égalité. Cette allusion à des données de sondage m’est apparue un peu incohérente avec la démonstration générale du livre qui tend au contraire à n’étudier que ce que les gens font en « votant avec leurs pieds » et non ce qu’ils disent lors d’un entretien de sondage. Tel « bobo » cosmopolite et tolérant n’hésitera pas une seconde à s’affranchir de la carte scolaire au niveau du collège pour que son héritier ne souffre pas de la présence d’enfants d’exclus dans sa classe. Laissons donc de côté ce que répondent les gens (sauf à supposer que le peuple soit honnête et les bobos hypocrites – ce qui est possible!). Pour ma part, j’attirerais l’attention  sur  les mécanismes institutionnels de la Cinquième République et  sur la pratique du cordon sanitaire contre le Front national lors des scrutins à deux tours qui érodent depuis longtemps l’impulsion frontiste. Sans possibilité de tisser un réseau de maires, de conseillers généraux,  de s’implanter dans les institutions locales, le FN ne peut aller bien loin. La vraie leçon de ce livre devrait plutôt être tiré à droite : il faut rester sur la ligne chiraquienne (du moins celle de la fin de sa vie politique), surtout ne pas leur entrouvrir la porte, sinon cela sera le déferlement.

Pour ne pas laisser le lecteur sur une telle impression négative, je voudrais souligner une ligne d’espoir que l’auteur ne met pas assez en valeur  à mon sens bien qu’il en parle. En fait, sur les 40 dernières années, les immigrés ou leurs enfants se sont spatialement répandus partout dans le territoire hexagonal. La France profonde se trouve elle-même bien plus métissée qu’il y a cinquante ans. De fait, ce sont aussi  des descendants d’immigrés plutôt récents qui se replient dans les campagnes, qui veulent eux aussi leur maison individuelle. En dehors de quelques maires qui essayent d’empêcher ce genre d’évolutions, la diversité des origines s’impose progressivement partout, tout en suivant un modèle de vie individualiste qui n’a pas grand chose de lointain. C’est un beau gâchis écologique, mais il est possible que cela soit en fait un bon investissement pour la fameuse cohésion sociale.

Ps. Article de C. Guilluy dans le Monde du samedi 6 novembre (page 20, Débats) intitulé « Un conflit révélateur de nouveaux clivages. L’insécurité sociale grandit ». A noter qu’il n’évoque l’immigration qu’en toute fin d’article, contrairement au poids que prend cet aspect dans son ouvrage. Le constat (bienvenu par ailleurs) de l’insécurité sociale, comme il le dit, ne prend pas alors la même coloration.

Voir par ailleurs:

1992 Republican National Convention Speech

Houston, Texas

Patrick J. Buchanan

August 17, 1992

Well, we took the long way home, but we finally got here.

And I want to congratulate President Bush, and remove any doubt about where we stand: The primaries are over, the heart is strong again, and the Buchanan brigades are enlisted–all the way to a great comeback victory in November.

Like many of you last month, I watched that giant masquerade ball at Madison Square Garden–where 20,000 radicals and liberals came dressed up as moderates and centrists–in the greatest single exhibition of cross-dressing in American political history.

One by one, the prophets of doom appeared at the podium. The Reagan decade, they moaned, was a terrible time in America; and the only way to prevent even worse times, they said, is to entrust our nation’s fate and future to the party that gave us McGovern, Mondale, Carter and Michael Dukakis.

No way, my friends. The American people are not going to buy back into the failed liberalism of the 1960s and ’70s–no matter how slick the package in 1992.

The malcontents of Madison Square Garden notwithstanding, the 1980s were not terrible years. They were great years. You know it. I know it. And the only people who don’t know it are the carping critics who sat on the sidelines of history, jeering at ine of the great statesmen of modern time.

Out of Jimmy Carter’s days of malaise, Ronald Reagan crafted the longest peacetime recovery in US history–3 million new businesses created, and 20 million new jobs.

Under the Reagan Doctrine, one by one, the communist dominos began to fall. First, Grenada was liberated, by US troops. Then, the Red Army was run out of Afghanistan, by US weapons. In Nicaragua, the Marxist regime was forced to hold free elections–by Ronald Reagan’s contra army–and the communists were thrown out of power.

Have they forgotten? It was under our party that the Berlin Wall came down, and Europe was reunited. It was under our party that the Soviet Empire collapsed, and the captive nations broke free.

It is said that each president will be recalled by posterity–with but a single sentence. George Washington was the father of our country. Abraham Lincoln preserved the Union. And Ronald Reagan won the Cold War. And it is time my old colleagues, the columnists and commentators, looking down on us tonight from their anchor booths and sky boxes, gave Ronald Reagan the credit he deserves–for leading America to victory in the Cold War.

Most of all, Ronald Reagan made us proud to be Americans again. We never felt better about our country; and we never stood taller in the eyes of the world.

But we are here, not only to celebrate, but to nominate. And an American president has many, many roles.

He is our first diplomat, the architect of American foreign policy. And which of these two men is more qualified for that role? George Bush has been UN ambassador, CIA director, envoy to China. As vice president, he co-authored the policies that won the Cold War. As president, George Bush presided over the liberation of Eastern Europe and the termination of the Warsaw Pact. And Mr. Clinton? Well, Bill Clinton couldn’t find 150 words to discuss foreign policy in an acceptance speech that lasted an hour. As was said of an earlier Democratic candidate, Bill Clinton’s foreign policy experience is pretty much confined to having had breakfast once at the Intl. House of Pancakes.

The presidency is also America’s bully pulpit, what Mr Truman called, « preeminently a place of moral leadership. » George Bush is a defender of right-to-life, and lifelong champion of the Judeo-Christian values and beliefs upon which this nation was built.

Mr Clinton, however, has a different agenda.

At its top is unrestricted abortion on demand. When the Irish-Catholic governor of Pennsylvania, Robert Casey, asked to say a few words on behalf of the 25 million unborn children destroyed since Roe v Wade, he was told there was no place for him at the podium of Bill Clinton’s convention, no room at the inn.

Yet a militant leader of the homosexual rights movement could rise at that convention and exult: « Bill Clinton and Al Gore represent the most pro-lesbian and pro-gay ticket in history. » And so they do.

Bill Clinton supports school choice–but only for state-run schools. Parents who send their children to Christian schools, or Catholic schools, need not apply.

Elect me, and you get two for the price of one, Mr Clinton says of his lawyer-spouse. And what does Hillary believe? Well, Hillary believes that 12-year-olds should have a right to sue their parents, and she has compared marriage as an institution to slavery–and life on an Indian reservation.

Well, speak for yourself, Hillary.

Friends, this is radical feminism. The agenda Clinton & Clinton would impose on America–abortion on demand, a litmus test for the Supreme Court, homosexual rights, discrimination against religious schools, women in combat–that’s change, all right. But it is not the kind of change America wants. It is not the kind of change America needs. And it is not the kind of change we can tolerate in a nation that we still call God’s country.

A president is also commander in chief, the man we empower to send sons and brothers, fathers and friends, to war.

George Bush was 17 when they bombed Pearl Harbor. He left his high school class, walked down to the recruiting office, and signed up to become the youngest fighter pilot in the Pacific war. And Mr Clinton? When Bill Clinton’s turn came in Vietnam, he sat up in a dormitory in Oxford, England, and figured out how to dodge the draft.

Which of these two men has won the moral authority to call on Americans to put their lives at risk? I suggest, respectfully, it is the patriot and war hero, Navy Lieutenant J. G. George Herbert Walker Bush.

My friends, this campaign is about philosophy, and it is about character; and George Bush wins on both counts–going away; and it is time all of us came home and stood beside him.

As running mate, Mr Clinton chose Albert Gore. And just how moderate is Prince Albert? Well, according to the Taxpayers Union, Al Gore beat out Teddy Kennedy, two straight years, for the title of biggest spender in the Senate.

And Teddy Kennedy isn’t moderate about anything.

In New York, Mr Gore made a startling declaration. Henceforth, he said, the « central organizing principle » of all governments must be: the environment.

Wrong, Albert!

The central organizing principle of this republic is freedom. And from the ancient forests of Oregon, to the Inland Empire of California, America’s great middle class has got to start standing up to the environmental extremists who put insects, rats and birds ahead of families, workers and jobs.

One year ago, my friends, I could not have dreamt I would be here. I was then still just one of many panelists on what President Bush calls « those crazy Sunday talk shows. »

But I disagreed with the president; and so we challenged the president in the Republican primaries and fought as best we could. From February to June, he won 33 primaries. I can’t recall exactly how many we won.

But tonight I want to talk to the 3 million Americans who voted for me. I will never forget you, nor the great honor you have done me. But I do believe, deep in my heart, that the right place for us to be now–in this presidential campaign–is right beside George Bush. The party is our home; this party is where we belong. And don’t let anyone tell you any different.

Yes, we disagreed with President Bush, but we stand with him for freedom to choice religious schools, and we stand with him against the amoral idea that gay and lesbian couples should have the same standing in law as married men and women.

We stand with President Bush for right-to-life, and for voluntary prayer in the public schools, and against putting American women in combat. And we stand with President Bush in favor of the right of small towns and communities to control the raw sewage of pornography that pollutes our popular culture.

We stand with President Bush in favor of federal judges who interpret the law as written, and against Supreme Court justices who think they have a mandate to rewrite our Constitution.

My friends, this election is about much more than who gets what. It is about who we are. It is about what we believe. It is about what we stand for as Americans. There is a religious war going on in our country for the soul of America. It is a cultural war, as critical to the kind of nation we will one day be as was the Cold War itself. And in that struggle for the soul of America, Clinton & Clinton are on the other side, and George Bush is on our side. And so, we have to come home, and stand beside him.

My friends, in those 6 months, from Concord to California, I came to know our country better than ever before in my life, and I collected memories that will be with me always.

There was that day long ride through the great state of Georgia in a bus Vice President Bush himself had used in 1988–a bus they called Asphalt One. The ride ended with a 9:00 PM speech in front of a magnificent southern mansion, in a town called Fitzgerald.

There were the workers at the James River Paper Mill, in the frozen North Country of New Hampshire–hard, tough men, one of whom was silent, until I shook his hand. Then he looked up in my eyes and said, « Save our jobs! » There was the legal secretary at the Manchester airport on Christmas Day who told me she was going to vote for me, then broke down crying, saying, « I’ve lost my job, I don’t have any money; they’ve going to take away my daughter. What am I going to do? »

My friends, even in tough times, these people are with us. They don’t read Adam Smith or Edmund Burke, but they came from the same schoolyards and playgrounds and towns as we did. They share our beliefs and convictions, our hopes and our dreams. They are the conservatives of the heart.

They are our people. And we need to reconnect with them. We need to let them know we know they’re hurting. They don’t expect miracles, but they need to know we care.

There were the people of Hayfork, the tiny town high up in California’s Trinity Alps, a town that is now under a sentence of death because a federal judge has set aside 9 million acres for the habitat of the spotted owl–forgetting about the habitat of the men and women who live and work in Hay fork. And there were the brave people of Koreatown who took the worst of the LA riots, but still live the family values we treasure, and who still believe deeply in the American dream.

Friends, in those wonderful 25 weeks, the saddest days were the days of the bloody riot in LA, the worst in our history. But even out of that awful tragedy can come a message of hope.

Hours after the violence ended I visited the Army compound in south LA, where an officer of the 18th Cavalry, that had come to rescue the city, introduced me to two of his troopers. They could not have been 20 years old. He told them to recount their story.

They had come into LA late on the 2nd day, and they walked up a dark street, where the mob had looted and burned every building but one, a convalescent home for the aged. The mob was heading in, to ransack and loot the apartments of the terrified old men and women. When the troopers arrived, M-16s at the ready, the mob threatened and cursed, but the mob retreated. It had met the one thing that could stop it: force, rooted in justice, backed by courage.

Greater love than this hath no man than that he lay down his life for his friend. Here were 19-year-old boys ready to lay down their lives to stop a mob from molesting old people they did not even know. And as they took back the streets of LA, block by block, so we must take back our cities, and take back our culture, and take back our country.

God bless you, and God bless America. »

Voir enfin:

Barack Obama’s 2004 Democratic Convention Speech

The Keynote Speech Before The Democratic National Convention That Made Him A Star

Barack Obama’s 2004 Democratic Convention Speech

(CBS) Barack Obama, a candidate for U.S. Senate in Illinois, delivered the keynote address at the Democratic National Convention on July 27, 2004:

On behalf of the great state of Illinois, crossroads of a nation, land of Lincoln, let me express my deep gratitude for the privilege of addressing this convention. Tonight is a particular honor for me because, let’s face it, my presence on this stage is pretty unlikely.

My father was a foreign student, born and raised in a small village in Kenya. He grew up herding goats, went to school in a tin- roof shack. His father, my grandfather, was a cook, a domestic servant to the British.

But my grandfather had larger dreams for his son. Through hard work and perseverance my father got a scholarship to study in a magical place, America, that’s shown as a beacon of freedom and opportunity to so many who had come before him.

While studying here my father met my mother. She was born in a town on the other side of the world, in Kansas.

Her father worked on oil rigs and farms through most of the Depression. The day after Pearl Harbor, my grandfather signed up for duty, joined Patton’s army, marched across Europe. Back home my grandmother raised a baby and went to work on a bomber assembly line. After the war, they studied on the GI Bill, bought a house through FHA and later moved west, all the way to Hawaii, in search of opportunity.

And they too had big dreams for their daughter, a common dream born of two continents.

My parents shared not only an improbable love; they shared an abiding faith in the possibilities of this nation. They would give me an African name, Barack, or « blessed, » believing that in a tolerant America, your name is no barrier to success.

They imagined me going to the best schools in the land, even though they weren’t rich, because in a generous America you don’t have to be rich to achieve your potential.

They’re both passed away now. And yet I know that, on this night, they look down on me with great pride.

And I stand here today grateful for the diversity of my heritage, aware that my parents’ dreams live on in my two precious daughters.

I stand here knowing that my story is part of the larger American story, that I owe a debt to all of those who came before me, and that in no other country on Earth is my story even possible.

Tonight, we gather to affirm the greatness of our nation not because of the height of our skyscrapers, or the power of our military, or the size of our economy; our pride is based on a very simple premise, summed up in a declaration made over two hundred years ago: « We hold these truths to be self-evident, that all men are created equal, that they are endowed by their Creator with certain inalienable rights, that among these are life, liberty and the pursuit of happiness. »

That is the true genius of America, a faith in simple dreams, an insistence on small miracles; that we can tuck in our children at night and know that they are fed and clothed and safe from harm; that we can say what we think, write what we think, without hearing a sudden knock on the door; that we can have an idea and start our own business without paying a bribe; that we can participate in the political process without fear of retribution; and that our votes will be counted — or at least, most of the time.

This year, in this election, we are called to reaffirm our values and our commitments, to hold them against a hard reality and see how we are measuring up, to the legacy of our forbearers and the promise of future generations.

And fellow Americans, Democrats, Republicans, independents, I say to you, tonight, we have more work to do…… more work to do, for the workers I met in Galesburg, Illinois, who are losing their union jobs at the Maytag plant that’s moving to Mexico, and now they’re having to compete with their own children for jobs that pay 7 bucks an hour; more to do for the father I met who was losing his job and choking back the tears wondering how he would pay $4,500 a month for the drugs his son needs without the health benefits that he counted on; more to do for the young woman in East St. Louis, and thousands more like her who have the grades, have the drive, have the will, but don’t have the money to go to college.

Now, don’t get me wrong, the people I meet in small towns and big cities and diners and office parks, they don’t expect government to solve all of their problems. They know they have to work hard to get a head. And they want to.

Go into the collar counties around Chicago, and people will tell you: They don’t want their tax money wasted by a welfare agency or by the Pentagon.

Go into any inner-city neighborhood, and folks will tell you that government alone can’t teach kids to learn.

They know that parents have to teach, that children can’t achieve unless we raise their expectations and turn off the television sets and eradicate the slander that says a black youth with a book is acting white. They know those things.

People don’t expect — people don’t expect government to solve all their problems. But they sense, deep in their bones, that with just a slight change in priorities, we can make sure that every child in America has a decent shot at life and that the doors of opportunity remain open to all.

They know we can do better. And they want that choice.

In this election, we offer that choice. Our party has chosen a man to lead us who embodies the best this country has to offer. And that man is John Kerry.

John Kerry understands the ideals of community, faith and service because they’ve defined his life. From his heroic service to Vietnam to his years as prosecutor and lieutenant governor, through two decades in the United States Senate, he has devoted himself to this country. Again and again, we’ve seen him make tough choices when easier ones were available. His values and his record affirm what is best in us.

John Kerry believes in an America where hard work is rewarded. So instead of offering tax breaks to companies shipping jobs overseas, he offers them to companies creating jobs here at home.

John Kerry believes in an America where all Americans can afford the same health coverage our politicians in Washington have for themselves.

John Kerry believes in energy independence, so we aren’t held hostage to the profits of oil companies or the sabotage of foreign oil fields.

John Kerry believes in the constitutional freedoms that have made our country the envy of the world, and he will never sacrifice our basic liberties nor use faith as a wedge to divide us.

And John Kerry believes that in a dangerous world, war must be an option sometimes, but it should never be the first option.

You know, a while back, I met a young man named Seamus in a VFW hall in East Moline, Illinois. He was a good-looking kid, 6’2″, 6’3″, clear eyed, with an easy smile. He told me he’d joined the Marines and was heading to Iraq the following week.

And as I listened to him explain why he had enlisted — the absolute faith he had in our country and its leaders, his devotion to duty and service — I thought, this young man was all that any of us might ever hope for in a child. But then I asked myself: Are we serving Seamus as well as he’s serving us?

I thought of the 900 men and women, sons and daughters, husbands and wives, friends and neighbors who won’t be returning to their own hometowns. I thought of the families I had met who were struggling to get by without a loved one’s full income or whose loved ones had returned with a limb missing or nerves shattered, but still lacked long-term health benefits because they were Reservists.

When we send our young men and women into harm’s way, we have a solemn obligation not to fudge the numbers or shade the truth about why they are going, to care for their families while they’re gone, to tend to the soldiers upon their return and to never, ever go to war without enough troops to win the war, secure the peace and earn the respect of the world.

Now, let me be clear. Let me be clear. We have real enemies in the world. These enemies must be found. They must be pursued. And they must be defeated.

John Kerry knows this. And just as Lieutenant Kerry did not hesitate to risk his life to protect the men who served with him in Vietnam, President Kerry will not hesitate one moment to use our military might to keep America safe and secure.

John Kerry believes in America. And he knows that it’s not enough for just some of us to prosper. For alongside our famous individualism, there’s another ingredient in the American saga, a belief that we are all connected as one people.

If there’s a child on the south side of Chicago who can’t read, that matters to me, even if it’s not my child.

If there’s a senior citizen somewhere who can’t pay for their prescription and having to choose between medicine and the rent, that makes my life poorer, even if it’s not my grandparent.

If there’s an Arab-American family being rounded up without benefit of an attorney or due process, that threatens my civil liberties.

It is that fundamental belief — it is that fundamental belief — I am my brother’s keeper, I am my sisters’ keeper — that makes this country work.

It’s what allows us to pursue our individual dreams, yet still come together as a single American family: « E pluribus unum, » out of many, one.

Now even as we speak, there are those who are preparing to divide us, the spin masters and negative ad peddlers who embrace the politics of anything goes.

Well, I say to them tonight, there’s not a liberal America and a conservative America; there’s the United States of America.

There’s not a black America and white America and Latino America and Asian America; there’s the United States of America.

The pundits like to slice and dice our country into red states and blue States: red states for Republicans, blue States for Democrats. But I’ve got news for them, too. We worship an awesome God in the blue states, and we don’t like federal agents poking around our libraries in the red states.

We coach little league in the blue states and, yes, we’ve got some gay friends in the red states.

There are patriots who opposed the war in Iraq, and there are patriots who supported the war in Iraq.

We are one people, all of us pledging allegiance to the stars and stripes, all of us defending the United States of America.

In the end, that’s what this election is about. Do we participate in a politics of cynicism, or do we participate in a politics of hope?

John Kerry calls on us to hope. John Edwards calls on us to hope. I’m not talking about blind optimism here, the almost willful ignorance that thinks unemployment will go away if we just don’t think about it, or health care crisis will solve itself if we just ignore it.

That’s not what I’m talking. I’m talking about something more substantial. It’s the hope of slaves sitting around a fire singing freedom songs; the hope of immigrants setting out for distant shores; the hope of a young naval lieutenant bravely patrolling the Mekong Delta; the hope of a millworker’s son who dares to defy the odds; the hope of a skinny kid with a funny name who believes that America has a place for him, too.

Hope in the face of difficulty, hope in the face of uncertainty, the audacity of hope: In the end, that is God’s greatest gift to us, the bedrock of this nation, a belief in things not seen, a belief that there are better days ahead.

I believe that we can give our middle class relief and provide working families with a road to opportunity.

I believe we can provide jobs for the jobless, homes to the homeless, and reclaim young people in cities across America from violence and despair.

I believe that we have a righteous wind at our backs, and that as we stand on the crossroads of history, we can make the right choices and meet the challenges that face us.

America, tonight, if you feel the same energy that I do, if you feel the same urgency that I do, if you feel the same passion that I do, if you feel the same hopefulness that I do, if we do what we must do, then I have no doubt that all across the country, from Florida to Oregon, from Washington to Maine, the people will rise up in November, and John Kerry will be sworn in as president. And John Edwards will be sworn in as vice president. And this country will reclaim its promise. And out of this long political darkness a brighter day will come.

Thank you very much, everybody.

God bless you.

Thank you.