Mariage pour tous: Un enfant a droit à un père et une mère (France’s natural home of change split on gay marriage)

Mariage homosexuel : est-on encore capable de voir la distinction entre différences de traitements et discrimination ? | Atlantico.fr
Depuis que l’ordre religieux est ébranlé – comme le christianisme le fut sous la Réforme – les vices ne sont pas seuls à se trouver libérés. Certes les vices sont libérés et ils errent à l’aventure et ils font des ravages. Mais les vertus aussi sont libérées et elles errent, plus farouches encore, et elles font des ravages plus terribles encore. Le monde moderne est envahi des veilles vertus chrétiennes devenues folles. Les vertus sont devenues folles pour avoir été isolées les unes des autres, contraintes à errer chacune en sa solitude. Ainsi des scientifiques se passionnent-ils pour la vérité, et leur vérité est impitoyable. Ainsi des « humanitaires » ne se soucient-ils que de la pitié, mais leur pitié (je regrette de le dire) est souvent mensongère. Chesterton
Si vous admettez qu’un homme revêtu de la toute-puissance peut en abuser contre ses adversaires, pourquoi n’admettez-vous pas la même chose pour une majorité?  (…) Le pouvoir de tout faire, que je refuse à un seul de mes semblables, je ne l’accorderai jamais à plusieurs. Tocqueville
L’enfant a le droit à un nom dès la naissance. Il a également le droit d’ acquérir une nationalité et, dans la mesure du possible, de connaître ses parents et d’être élevé par eux. Convention internationale des droits de l’enfant (article 7, 1989)
Les enfants adoptés ou nés sous X revendiquent aujourd’hui le droit de connaître leur histoire. Nul n’échappe à son destin, l’inconscient vous rattrape toujours. (…)  les enfants adoptés ou issus de la PMA ne sortent jamais indemnes des perturbations liées à leur naissance. Il faut rester ouvert, être attentif à leurs questions, s’ils en posent, et surtout ne pas chercher à cacher la vérité. L’idéal serait de trouver une position équilibrée entre le système de transparence absolue à l’américaine et le système de dissimulation à la française, lequel, ne l’oublions pas, reposait autrefois sur une intention généreuse d’égalité des droits entre les enfants issus de différentes filiations. Evelyne Roudinesco
La lisibilité de la filiation, qui est dans l’intérêt de l’enfant, est sacrifiée au profit du bon vouloir des adultes et la loi finit par mentir sur l’origine de la vieConférence des évêques
Nous ne pouvons pas faire de distinction dans les droits, que ce soit la PMA, la GPA ou l’adoption. Moi, je suis pour toutes les libertés. Louer son ventre pour faire un enfant ou louer ses bras pour travailler à l’usine, quelle différence ? C’est faire un distinguo qui est choquant. Pierre Bergé
Le PACS est radicalement différent du mariage parce qu’il n’est pas question, ni aujourd’hui ni demain, que deux personnes physiques du même sexe, quel que soit leur sexe, puissent se marier. (…) Une famille ce n’est pas simplement deux individus qui contractent pour organiser leur vie commune. C’est bien plus que cela. C’est l’articulation et l’institutionnalisation de la différence des sexes. C’est la construction des rapports entre les générations qui nous précèdent et celles qui vont nous suivre. La famille c’est aussi la promesse et la venue de l’enfant. Celui-ci nous inscrit dans une histoire qui n’a pas commencé avec nous et qui ne se terminera pas avec nous. (…) Un enfant a droit à un père et une mère. Ce droit de l’enfant ne doit pas dépendre du statut juridique du couple de ses parents. (…) Enfin certains ajoutent encore une menace: le pacte ne serait qu’une première étape vers le droit à la filiation pour les couples homosexuels ! Ceux qui le prétendent sont libres d’exprimer leur opinion personnelle. Ils n’engagent qu’eux-mêmes. Le gouvernement a voulu, je l’ai dit, et c’est un choix réfléchi et déterminé, que le pacte ne concerne pas la famille. Comment pourrait-il avoir un effet sur la filiation ? Sur ce sujet je veux être parfaitement claire : Je reconnais totalement le droit de toute personne à avoir la vie sexuelle de son choix. Mais je dis avec la plus grande fermeté que ce droit ne doit pas être confondu avec un hypothétique droit à l’enfant. Un couple, qu’il soit hétérosexuel ou homosexuel, n’a pas de droit à avoir un enfant en dehors de la procréation naturelle qui, elle, implique nécessairement un homme et une femme. Les lois récentes sur la procréation médicalement assistée ont été l’occasion de tracer les limites du droit à l’enfant comme source de bonheur individualiste. Elles ont clairement indiqué, et je partage ce point de vue, que les procréations médicalement assistées ont pour but de remédier à l’infertilité pathologique d’un couple composé d’un homme et d’une femme. Elles n’ont pas pour but de permettre des procréations de convenance sur la base d’un hypothétique droit à l’enfant. (…) Pourquoi l’adoption par un couple homosexuel serait-elle une mauvaise solution ? Parce que le droit, lorsqu’il crée des filiations artificielles, ne peut, ni ignorer, ni abolir la différence entre les sexes. Cette différence est constitutive de l’identité de l’enfant et du sens de cette identité ; c’est-à-dire qu’est-ce qu’être un homme ou une femme ? Je soutiens comme de nombreux psychanalystes et psychiatres qu’un enfant a besoin pour sa structuration psychique, sociale et relationnelle d’avoir face à lui, pendant sa croissance, un modèle de l’altérité sexuelle, un référent homme et un référent femme. Un enfant adopté, déjà privé de sa famille d’origine, a d’autant plus besoin de stabilité sans que l’on crée pour lui, en vertu de la loi, une difficulté supplémentaire liée à son milieu d’adoption. Mon refus de l’adoption pour des couples homosexuels est fondé sur l’intérêt de l’enfant et sur ses droits à avoir un milieu familial où il puisse épanouir sa personnalité. C’est ce point de vue que je prends en considération et non le point de vue des couples qu’ils soient hétérosexuels ou homosexuels. Je n’ignore pas les procès d’intention sur un éventuel  » après  » de cette proposition de loi qui prépareraient des évolutions plus fondamentales de notre droit. Ce texte serait  » une valise à double fond « . Je m’élève avec la plus grande énergie contre de telles insinuations. Les mots ont un sens. Ce vocabulaire de contrebande, qui fait croire que ce texte cacherait autre chose et que vos rapporteurs et le Gouvernement exerceraient une fraude à la loi, est inacceptable. Elisabeth Guigou (Assemblée nationale, 1998)
A l’époque, l’important était de faire passer le pacs. Il y avait une résistance farouche au pacs à l’Assemblée, mais aussi dans la société avec des manifestations, des débordements verbaux inadmissibles… Donc, l’important, c’était de dissocier le pacs du mariage, sur le plan légal et sur le plan symbolique. En 1998, il n’était pas possible de mettre sur la table la question du mariage homosexuel, même au sein du gouvernement, il a fallu que j’insiste. A l’époque c’était quelque chose qui était beaucoup moins admis dans la société, vous ne trouverez plus personne opposé au pacs aujourd’hui. Aujourd’hui, j’ai évolué sur le mariage, j’ai considéré, en parlant avec les associations que, dès lors qu’il s’agissait de consentement mutuel entre deux adultes, il n’était pas possible de refuser une égalité des droits. La société a beaucoup évolué, moi même je garde mes interrogations sur l’adoption ; il faut trouver comment écrire dans le code civil comment s’organise la filiation d’un enfant qui est adopté par un couple homo. Elisabeth Guigou (2012)
On peut réprouver et combattre l’homophobie tout en n’étant pas favorable au mariage homosexuel.  Lionel Jospin (2004)
L’égalité des droits, qui est un principe fondamental, n’est pas l’uniformité des droits. Jean-Marc Ayrault (2004)
La famille, c’est un père et une mère. Ségolène Royal (2006)
Le mardi 3 novembre 1998, dans un hémicycle survolté et alors que la loi autorisant le PACS était sur le point d’être adoptée, Elisabeth Guigou prononçait un discours destiné à rassurer ceux qui voyaient dans cette union civile l’ouverture de la boîte de Pandore. À l’époque, bon nombre de parlementaires redoutaient en effet que cette loi iconoclaste fût la première d’une longue série autorisant, in fine, le mariage homosexuel et l’adoption – donc la filiation. Lors de son allocution, la Garde des Sceaux du gouvernement Jospin expliquait la dissociation volontairement mise en place entre le PACS et le mariage. (…) Forte d’une bel argumentaire, Elisabeth Guigou, en guise de conclusion, apostrophait ses adversaires : « Je n’ignore pas le procès d’intention sur un éventuel « après » de cette proposition qui préparerait des évolutions plus fondamentales de notre droit. Ce texte serait « une valise à double fond ». Je m’élève avec la plus grande énergie contre de telles insinuations. Ce vocabulaire de contrebande qui fait croire que ce texte cacherait autre chose […] est inacceptable. » Quatorze années ont passé depuis ces déclarations. Et il faut comprendre que quatorze ans après, le droit peut désormais créer des filiations artificielles ignorant et niant la différence des sexes, que le droit à l’enfant est devenu créance et que l’enfant n’a point besoin d’avoir en face de lui un modèle d’altérité sexuelle. Les contrebandiers de l’époque avaient-ils raison ? Théophane Le Méné
The French political class, it often seems, likes to argue for the most conservative possible policies using the most liberal possible rhetoric and examples. Thus the novelist Benoît Duteurtre, writing in the left-leaning daily Libération, objected to the Bègles wedding on the grounds that it was disappointingly petit-bourgeois of gays to want marriage in the first place. And in the current controversy, many of the politicians working most arduously to block gay marriage are shoring up their progressive bona fides by sponsoring legislation to outlaw public expressions of homophobia. (…) One of the strangest outcomes of gay marriage in Bègles is the way opinion in the Socialist Party – the natural home of change when it comes to sex issues – has split along gender lines. Mr. Mamère’s initiative was backed almost unanimously by Socialist men, figures as diverse as the flamboyant former culture and education minister Jack Lang, the conservative former finance minister Dominique Strauss-Kahn and the present head of the party, François Hollande. The only prominent Socialist male who has opposed Mr. Mamère is former Prime Minister Lionel Jospin, the father of the Civil Solidarity Pact, who holds that marriage is « the union of a man and a woman [that] reflects the duality of the sexes that characterizes our existence. » It is Socialist women – the regional leader Ségolène Royal, former Justice Minister Élisabeth Guigou, and former Labor Minister Martine Aubry – who led the opposition. They may have been following the « differentialism » (an important strain of French feminism) associated with the philosopher Sylviane Agacinski, who happens to be Mr. Jospin’s wife. Ms. Agacinski has argued that the human condition cannot be understood in any universal way without reference to both sexes. This argument has been a mighty tool for left-wing reforms. It provided the intellectual underpinnings for mandating sexual parity in French legislative elections. Today, it provides the intellectual underpinnings for arguing that a marriage that lacks either a man or a woman is no marriage at all. The NYT (2004)
La question qui se pose dès lors et qui concerne tous les couples, qu’ils soient hétérosexuels ou homosexuels, est celle de savoir si le sentiment doit devenir l’unique sens du mariage et si le désir d’enfant d’où qu’il vienne doit devenir la raison d’être de ce dernier. Elle est également le fait de savoir si ce qui se fait doit devenir la norme de ce qui est. Si tel est le cas, il faut savoir que rien ne va pouvoir s’opposer formellement à ce qu’on lève désormais l’interdit de l’inceste au nom du droit de s’aimer pour tous. Le sentiment en dehors de toute donnée naturelle devenant la norme, au nom de l’amour un père pourra réclamer d’épouser sa fille voire son fils, une mère son fils voire sa fille, une sœur son frère ou sa sœur, un frère sa sœur ou son frère. Si tel est le cas, tout étant noyé dans l’amour érigé en droit au-dessus de toute réalité, plus personne ne sachant qui est qui, il y aura fatalement une crise d’identité et avec elle un problème psychique majeur. Les tendances psychotiques générées par l’individualisme hédoniste pour qui le réel n’existe pas et ne doit pas exister vont se renforcer. Un père étant aussi un amant et une mère une amante, il va devenir impossible de parler de père et de mère et donc de savoir qui a autorité pour élever des enfants. En ce sens, la famille va littéralement exploser. (…) Si demain, au nom de l’égalité, tout est mis sur le même plan, la pratique particulière dictant ses lois au genre, un processus dangereux va s’engager à savoir celui de la disparition à plus ou moins long terme de la différence sexuée. On va alors assister à un effet dictatorial. Pour que les homosexuels puissent exercer leur droit à l’égalité, l’humanité va être interdite de faire une différence entre homme et femme, voir dans l’hétérosexualité un fondement et non une pratique étant considéré comme une pratique discriminatoire. Une nouvelle humanité va voir alors le jour. Nous vivions jusqu’à présent dans un monde marqué par la différence. Nous allons connaître un monde nouveau fondé sur l’indifférenciation. Quand on sait que la différence est le propre du vivant et l’indifférencié le propre de la mort, un principe de mort va désormais servir de principe pour guider l’humanité. La difficulté soulevée par l’équivalence décrétée entre tous les couples se retrouve au niveau des enfants. Comme il semble qu’on l’ait oublié, il importe de rappeler qu’un couple homosexuel ne peut pas avoir d’enfants. On peut le déplorer, mais c’est ainsi, deux hommes et deux femmes ne peuvent pas procréer. Ceci veut dire que, pour qu’il y ait procréation l’homme a besoin de la femme et la femme de l’homme. Les homosexuels réclament de pouvoir avoir un enfant. Ils se fondent pour cela sur le droit qui est accordé aux couples hétérosexuels d’adopter ou de procéder à une procréation médicalement assistée. Ils oublient ou font semblant d’oublier que ce n’est pas le droit qui les empêche d’avoir un enfant mais la Nature. Certes, un couple hétérosexuel peut adopter ou passer par la procréation assistée afin d’avoir un enfant. Il importe de souligner toutefois qu’un enfant adopté par un couple hétérosexuel n’a pas et n’aura jamais le même sens qu’un enfant adopté par un couple homosexuel. Lorsqu’un couple hétérosexuel adopte un enfant, il le fait pour pallier un problème de stérilité. Lorsqu’un couple homosexuel veut adopter un enfant, il le fait pour contourner une impossibilité. Le registre symbolique n’est pas le même, vouloir contourner une impossibilité à l’aide d’une loi nous situant dans le domaine de la fiction prométhéenne et non plus dans celui de la réalité humaine. Jusqu’à présent, la rationalité de la société repose sur la notion de limite et avec elle sur l’idée que tout n’est pas possible. Tout ne se décrète pas. Tout ne se fabrique pas. Limite positive autant que protectrice, l’idée que tout ne se décrète pas nous préservant de la dictature du Droit et l’idée que tout ne se fabrique pas nous préservant de la dictature de la Science. Avec le mariage gay et l’ouverture à la possibilité pour couples gays de recourir à l’adoption ainsi qu’à la procréation médicalement assistée, il va en être autrement. L’idée que rien n’est impossible va voir le jour en enterrant la notion de limite. Voyant le jour, plus rien ne va nous protéger de la dictature du Droit et de l’idée que tout peut se décréter. Plus rien ne va nous protéger de la dictature de la Science et de l’idée que tout peut se fabriquer. On obéissait à la Nature qui, comme le dit Montaigne, est « un doux guide ». Nous allons désormais obéir à la Science et au Droit. La Nature évitait que l’Homme n’obéisse à l’Homme. Désormais, l’Homme va obéir à l’Homme sans que l’Homme n’obéisse à quoi que ce soit. Dostoïevski au 19e siècle comme Léo Strauss au 20e siècle voyaient dans le « Tout est possible » l’essence du nihilisme. Ils redoutaient comme Nietzsche que celui-ci n’envahisse l’Europe en ne se faisant aucune illusion cependant à ce sujet. Avec le mariage gay, l’adoption et la procréation assistée pour couples gays, le « Tout est possible » va devenir une réalité et, avec lui, le nihilisme sous la forme du triomphe sans partage de la Science, du Droit et de l’Homme. Dans le même ordre d’idées, il importe de distinguer un enfant que l’on fait d’un enfant que l’on fait faire. Quand un couple fait un enfant, l’enfant est une personne. Le fait de faire un enfant se passant entre des personnes qui s’aiment et pour qui l’enfant n’est pas une marchandise ni l’objet d’un trafic. Quand on fait faire un enfant par un tiers, l’enfant n’est plus une personne, mais un objet voire une marchandise dans un trafic. Témoin le fait de louer le ventre d’une mère porteuse ou les services d’un géniteur. Lionel Jospin faisait remarquer qu’il n’y a pas un droit à l’enfant, mais un droit de l’enfant. Si le mariage gay avec procréation assistée est adopté, le droit de l’enfant va être sacrifié au profit du droit à l’enfant. Sous prétexte de donner un droit à l’enfant aux homosexuels, l’enfant considéré comme objet n’aura plus droit symboliquement au statut de personne. Alors que le monde des droits de l’homme s’efforce de lutter contre la réification de ce dernier, au nom du droit à l’enfant, on va réifier ce dernier. Il va y avoir en outre des questions pratiques à gérer. D’abord le coût. Pour qu’un couple d’hommes puisse avoir un enfant, il va falloir louer le ventre d’une mère porteuse. Ce qui n’est pas donné, le prix moyen se situant entre 80.000 et 100.000 euros. Comme les couples gays vont réclamer que la facture soit réglée par la Sécurité Sociale au nom du droit à l’enfant pour tous et de l’égalité, comment celle-ci va-t-elle faire pour faire face à cet afflux de dépenses au moment où son déficit se creuse ? Qui va payer et comment ? Par ailleurs, l’État prenant en charge les mères porteuses, il va falloir aller chercher celles-ci ou bien créer un service spécial. L’État se refuse à devenir un État proxénète en autorisant et en organisant le trafic du sexe de la femme. Pour que la procréation médicalement assistée puisse exister, il va falloir qu’il devienne quelque peu trafiquant et qu’il organise le trafic des ventres. Ce qui ne va pas être une mince affaire. Quand un couple ne sera pas content du bébé d’une mère porteuse et qu’il décidera de le rendre, que va-t-on faire ? Obliger le couple à garder l’enfant ? En faire un orphelin ? Payer la mère porteuse pour qu’elle le garde ? Et qui payera le psychiatre qui devra soigner l’enfant ainsi ballotté et quelque peu perturbé ? Ce problème rencontré dans le fait de faire faire un enfant va se retrouver avec celui de l’éduquer. Une chose est d’avoir un père et une mère, une autre d’avoir deux pères et deux mères. Obliger un enfant à naître et à grandir dans un couple homosexuel va se confondre avec le fait d’interdire à un enfant de savoir ce qu’est le fait d’avoir un père et une mère. A-t-on le droit d’enlever ce droit à un enfant ? Si tel est le cas, cela voudra dire que pour que les homosexuels aient droit à l’égalité les enfants des couples homosexuels seront condamnés à ne pas être des enfants comme les autres. Certes, les orphelins n’ont pas leur père ou leur mère. Mais, il s’agit là d’un accident et non d’une décision. Avec le droit pour couples gays d’avoir un enfant, les orphelins ne seront pas le produit d’un accident de la vie mais d’une institutionnalisation délibérée. Ils seront obligés par la société de n’avoir soit pas de père, soit pas de mère. À cette situation qui ne manquera pas de produire à un moment ou à un autre des mouvements de révolte s’adjoindra une autre difficulté. L’enfant de couples gays n’aura pas droit à une origine réelle, mais à une origine absente. À la case père ou mère il y aura un blanc. Ce qui n’est pas simple à porter. Qu’on le veuille ou non, l’enfant ne pourra pas ne pas se sentir coupable, la propension naturelle des enfants étant de se culpabiliser quand l’équilibre familial n’est plus respecté. En conclusion, les partisans du mariage gay, de l’adoption et de la procréation médicalement assistée pour couples gays rêvent quand ils voient dans ce projet un progrès démocratique sans précédent. Ils croient que tout va bien se passer. Cela ne va pas bien se passer. Cela ne peut pas bien se passer pour la bonne raison que tout a un prix. Ne croyons pas que l’on va remettre la différence sexuée en voyant en elle une pratique parmi d’autres sans que cela ait des conséquences. N’imaginons pas que des enfants fabriqués, à qui l’on aura volé leur origine, seront sans réactions. Ne pensons pas que la disparition des notions de père et de mère au profit de termes comme parent I ou parent II permettront l’existence d’une humanité plus équilibrée et mieux dans sa peau. On prétend résoudre des problèmes par ce projet de loi. On ne va pas en résoudre. On va en créer. Le 20e siècle a connu la tragédie du totalitarisme et notamment du projet insensé de créer un homme nouveau à travers une race ou une classe. Ne cédons pas à la tentation de fabriquer un homme nouveau grâce à la Science et au Droit. Tout ne se décrète pas. Tout ne s’invente pas. Il existe des données naturelles de la famille. N’y touchons pas. Ne jouons pas avec le feu. Ne jouons pas à être des apprentis sorciers. Le Tao voit dans la complémentarité entre le féminin et le masculin une loi d’équilibre dynamique fondamentale de l’univers. Ne touchons pas à cette loi d’équilibre. Nous avons tous des amis homosexuels que nous respectons, que nous estimons et que nous aimons. Qu’ils soient d’une profonde moralité, nous n’en doutons pas. Qu’ils soient capables d’élever un enfant, nous n’en doutons pas non plus. Qu’un enfant puisse être plus heureux dans un couple homosexuel que dans certains couples hétérosexuels, nous n’en doutons pas une fois encore. Que cela soit une raison pour légaliser le mariage gay et permettre l’adoption ou la procréation médicalement assistée pour couples gays, c’est là une erreur. Une chose est une loi, une autre est un cas particulier. On ne fait pas une loi avec des cas particuliers, mais à partir d’une règle tenant compte de tout ce qu’il y a derrière. S’agissant du mariage gay avec adoption et procréation médicalement assistée, il y a derrière une telle règle trop de choses dangereuses et graves pour que celle-ci puisse devenir une loi allant dans le sens des intérêts fondamentaux de l’être humain. La Gauche a le pouvoir à l’assemblée et peut décider de passer en force grâce au nombre de ses voix et ce afin de paraître de gauche. Elle peut choisir de préférer la Gauche à l’être humain. Elle s’honorera de choisir l’être humain plutôt que la Gauche, sachant qu’en servant l’être humain elle est sûre de servir ses propres intérêts alors que l’inverse n’est pas sûr. Tant il est vrai que l’on n’a jamais intérêt à scandaliser l’honnête homme en l’obligeant à devoir se soumettre par la contrainte à ce que sa raison répugne à accepter par respect pour la raison. Le mariage gay qui nous propose une grande noyade collective dans l’amour n’est pas raisonnable. La mise en question de la distinction entre homme femme ravalée au rang de pratique sexuelle n’est pas raisonnable. Vouloir avoir un enfant à tout prix en recourant soit à l’adoption, soit à un père donateur, soit à une mère porteuse n’est pas raisonnable. Ne plus parler de père et de mère mais de deux pères ou de deux mères n’est pas raisonnable. En un mot, bidouiller une famille grâce à un montage juridico-médical et appeler cela famille n’est pas raisonnable. Les mots ont du sens quand ils renvoient à une réalité. Quand ils ne sont plus que ce que l’on décide qu’ils doivent être, on n’est plus dans le domaine du sens, mais de la confusion. Le règne de la confusion, sa dictature et avec elle la confusion des esprits et des comportements, n’est-ce pas ce dont nous souffrons déjà et qui risque de nous engloutir ? Est-il besoin d’en rajouter ? Bertrand Vergely

Vous avez dit démagos?

Alors que 30 ans après la chute du gouvernement Mauroy sur l’école libre et à la veille de la manifestation contre l’aberration du « mariage pour tous »et du mensonge légal qu’il imposera à nos enfants sans compter, dans tous les formulaires, la réduction des pères et mères que nous croyions être au titre ô combien poétique de « parent A » ou « parent B » …

Un gouvernement qui vient de se faire piéger par une énième mesure intenable (les fameux 75% d’imposition retoqués par le Conseil constitutionnel) retire discrètement l’amendement sur la procréation assistée qui devait accompagner la mesure …

Retour sur ces nombreux élus de gauche et notamment l’ancienne ministre de la justice Elisabeth Guigou qui, bravant les foudres de leur propre parti, ont toujours et continuent à manifester leurs réticences à l’égard du « mariage pour tous » et  notamment l’adoption homosexuelle …

Déclaration de Mme Elisabeth Guigou, ministre de la justice, sur la proposition de loi relative au Pacte civil de solidarité (Pacs), notamment sur l’importance de la démarche contractuelle et sur la dissociation entre le Pacs et le droit de la famille, à l’Assemblée nationale le 3 novembre 1998.

Personnalité, fonction : GUIGOU Elisabeth.

FRANCE. Ministre de la justice

Circonstances : Débat sur la proposition de loi relative au Pacte civil de solidarité (Pacs), à l’Assemblée nationale le 3 novembre 1998

Monsieur le Président

Mesdames

Messieurs les Députés,

Aujourd’hui, de même que le 9 octobre dernier, le Gouvernement soutient la proposition de loi sur le pacte civil de solidarité qui permet à deux personnes d’organiser leur vie commune dans la clarté et la dignité.

Certains avancent qu’un projet de loi présenté par le Gouvernement aurait été plus approprié. J’ai même lu ici ou là que le texte qui aurait alors bénéficié de l’expertise de la Chancellerie aurait été meilleur. Une telle remarque relève d’abord de la naïveté : imagine-t-on le Gouvernement se désintéresser d’un texte aussi important pour notre société ? Elle témoigne ensuite, et c’est à mes yeux plus grave, d’un certain mépris pour le Parlement, comme si celui-ci n’avait pas la capacité de produire des textes cohérents.

Je veux rassurer ceux qui se sont fait l’écho de ces inquiétudes : l’initiative parlementaire approuvée dès l’origine par le Gouvernement a fait l’objet d’un long travail commun entre le Gouvernement et les rapporteurs, M. Jean-Pierre MICHEL et M. Patrick BLOCHE ainsi qu’avec Mme Catherine TASCA, Présidente de la Commission des Lois que je veux ici féliciter de leur ténacité en même temps que de leur esprit d’ouverture.

Je veux ici rappeler, qu’à l’origine, ce sont les associations de personnes homosexuelles qui ont attiré l’attention des parlementaires sur les situations tragiques dans lesquelles ces personnes se trouvaient, notamment lors du décès de leur compagnon. Nous savons que la jurisprudence ne permet pas que les concubins homosexuels bénéficient des quelques droits reconnus aux concubins hétérosexuels.

Mais rapidement, il est apparu que la situation de tous les couples qui ne veulent ou ne peuvent se marier était insuffisamment prise en compte par le droit. Or, ce sont aujourd’hui près de cinq millions de personnes qui vivent ainsi et que le droit ignore ! Pour moi, c’est la responsabilité du Gouvernement que d’aider ces personnes à résoudre leurs problèmes et à le faire dans la clarté et la dignité. Je crois aussi qu’il est de l’intérêt de la société de privilégier la vie à deux qui rompt la solitude trop répandue dans notre société et qui encourage la solidarité plutôt que l’individualisme.

Aujourd’hui, je veux évoquer devant votre assemblée les trois questions qui se posent le plus fréquemment à propos du PACS : Pourquoi un contrat ? Dès lors qu’il y a contrat pourquoi celui-ci ne concerne-t-il pas les enfants et la famille ? En quoi le PACS est-il utile pour ceux qui vivent ensemble sans être mariés ?

I. POURQUOI UN CONTRAT ?

J’ai rappelé le 9 octobre les situations douloureuses auxquelles sont confrontés de nombreux concubins lors du décès de leur compagnon ou de leur compagne : l’expulsion brutale du logement, l’impossibilité de voir reconnue leur douleur par la société.

Au départ, beaucoup d’opposants au PACS ont nié la nécessité de légiférer en prétendant que les lois actuelles permettaient de résoudre les problèmes des personnes qui vivent ensemble sans être mariées. Puis, se rendant à l’évidence, ils ont admis qu’une législation nouvelle était nécessaire pour résoudre les problèmes fiscaux et sociaux des concubins. Mais ils disent préférer que l’on légifère dans des domaines sectoriels où les besoins s’avèrent les plus pressants, au coup par coup, sans rassembler l’ensemble des dispositions dans un seul texte.

Je refuse une telle démarche.

Je la refuse, d’abord parce que les textes qu’il faut réformer sont multiples et épars dans le code civil, le code de la sécurité sociale, le code du travail ou encore le code des impôts et que le calendrier parlementaire n’aurait pas permis de prendre ces mesures rapidement.

Je la refuse, ensuite, parce que cette dispersion enlèverait toute visibilité. Elle pénaliserait ceux de nos concitoyens qui sont les moins bien informés, donc les plus modestes ou les plus fragiles.

Je la refuse, enfin et surtout, parce que c’est une démarche hypocrite qui interdit d’assumer en toute clarté la création de nouveaux droits pour les couples non mariés. Le Gouvernement et la majorité préfèrent une démarche au grand jour qui dise, avec franchise, quelles personnes ces nouveaux droits concernent, dans quelles conditions et qui ne fasse pas l’impasse de la reconnaissance d’un fait social. Oui, les homosexuels, existent ! Oui, il leur arrive de vivre en couple ! Oui, des hétérosexuels vivent en couple sans être mariés ! Oui, ils ont le droit d’être reconnus par le droit ! Oui, ils ont le droit d’être protégés ! Oui, des personnes qui vivent ensemble sans lien charnel mais qui veulent briser leur solitude doivent pouvoir bénéficier eux aussi des mêmes droits !

Mais alors pourquoi un contrat plutôt que le simple constat de la vie en commun ?

Constat ou contrat, l’objectif est évidemment le même: reconnaître, sans discrimination, l’existence de personnes qui vivent ensemble sans être mariées et leur donner de nouveaux droits. Certains ont suggéré qu’un article du code civil énonce que  » le concubinage se constate par la possession d’état de couple naturel, que les concubins soient ou non de sexe différent ». Des amendements déposés vont également dans ce sens.

Pour quelles raisons ne pas s’engager dans cette voie alors que nous sommes d’accord sur le fond : reconnaissance de la valeur égale des concubinages et droits juridiques et fiscaux nouveaux pour tous les concubins ?

La première raison qui explique le choix du contrat plutôt que du constat est qu’un important travail parlementaire avait été accompli. Que ce travail était le fruit d’une longue réflexion et qu’il avait abouti à un texte commun retenant le contrat.

Ensuite, et surtout parce que nous pensons que la société a un réel intérêt à accorder des droits à ceux qui manifestent une volonté claire de s’engager et à encourager une démarche qui concrétise un souhait de stabilité. C’est cet engagement positif que la société doit prendre en compte et non la seule union libre constatée. Le droit serait perdant, s’il se contentait d’entériner des faits. Il appartient au droit d’affirmer ce qui doit être. Les gens doivent être libres d’assumer ou de ne pas assumer un choix. Pour accorder des droits nouveaux au couple, il est légitime que l’Etat exige de deux personnes qu’elles s’engagent par un acte particulier et affirment, aux yeux de la société, l’existence de leur solidarité. Plus la stabilité de cet engagement sera grande, plus les droits seront importants.

Mais, dès lors que l’on privilégie le contrat par rapport au constat, pourquoi ne pas se limiter à reconnaître des droits matériels, pourquoi un contrat qui implique une reconnaissance symbolique de la solidarité des couples ? Tout simplement, parce que les personnes concernées considèrent qu’elles sont unies par des liens affectifs profonds. Retenir un contrat de type purement patrimonial serait dénier toute reconnaissance spécifique au couple non marié et réduisait la valeur de l’engagement affectif et de la solidarité qui n’est pas seulement matérielle. Un couple ce n’est pas une société anonyme.

C’est donc très logiquement que le Gouvernement s’est déclaré favorable à la discussion de ce texte et non d’un autre et à l’ouverture sur ces bases d’un débat de société sur ce qu’est aujourd’hui le couple et la famille.

II. POURQUOI AVOIR FAIT LE CHOIX DE DISSOCIER LE PACTE DE LA FAMILLE ?

Une famille ce n’est pas simplement deux individus qui contractent pour organiser leur vie commune. C’est bien plus que cela. C’est l’articulation et l’institutionnalisation de la différence des sexes. C’est la construction des rapports entre les générations qui nous précèdent et celles qui vont nous suivre. La famille c’est aussi la promesse et la venue de l’enfant. Celui-ci nous inscrit dans une histoire qui n’a pas commencé avec nous et qui ne se terminera pas avec nous.

En revanche, le pacte civil de solidarité est un contrat qui concerne deux personnes qui vivent ensemble, sans être mariées. Il a pour objet l’organisation de leur vie commune. Nous reconnaissons, sans discrimination aucune, une même valeur à l’engagement de ces deux personnes, hétérosexuelles, homosexuelles ou qui n’ont pas de lien charnel. Il fallait donc trouver une formule qui permette d’exprimer cet engagement et de le gratifier de nouveaux droits.

Mais il fallait aussi bien marquer qu’au regard de l’enfant, couples homosexuels et hétérosexuels sont dans des situations différentes. La non discrimination n’est pas l’indifférenciation. Le domaine dans lequel la différence entre hommes et femmes est fondatrice et constitutive de l’humanité, de sa survie, c’est celui de la filiation. Voilà pourquoi le P.A.C.S. ne légifère pas sur l’enfant et la famille. Voilà pourquoi, en raison de ces choix faits en toute connaissance de cause, le pacte concerne le couple et lui seul. Voilà la réalité !

Les opposants au PACS qui ne se contentent pas de cette réalité, agitent des menaces.

En premier lieu le pacte serait dangereux pour le mariage !

Mais, Mesdames, Messieurs les Députés vous savez bien que ce n’est pas le PACS qui est dangereux pour le mariage. Celui-ci est confronté depuis longtemps déjà aux évolutions de la société : crainte de s’engager pour la vie, peur d’évoluer différemment de l’autre, entrée de plus en plus tardive dans l’indépendance financière, acceptation sociale de la cohabitation, volonté de ne pas faire sienne la famille de l’autre…mais malgré ces difficultés le mariage reste un idéal et a de beaux jours devant lui.

Reconnaître, pour les couples qui le voudront, un engagement différent de celui du mariage conduira-t-il, les jeunes, à délaisser encore plus celui-ci ? Je ne crois pas que cette possibilité d’organisation nouvelle de la vie de couple fragilise le mariage. Dans le pacte, pas de célébration, pas de solennité, pas de devoir de fidélité, pas de volonté de s’inscrire dans une histoire familiale commune. Le mariage est fondamentalement différent. Et ceux qui souhaitent se marier le feront comme aujourd’hui. D’ailleurs, la majorité des jeunes qui commencent par cohabiter, choisissent ensuite le mariage.

Je suis en outre convaincue que beaucoup de ceux qui ne voulaient pas se marier et qui adopteront le pacte vont constater qu’un lien juridique est tout à fait supportable et que le mariage est à leur portée. D’un engagement limité, certains pourront passer plus facilement à un engagement plus fort.

En deuxième lieu, le pacte civil de solidarité serait dangereux pour la famille et, de ce fait, pour la société !

Mais la réalité c’est que le choix a été fait de dissocier pacte et famille car lorsqu’on légifère sur la famille, on légifère aussi forcément sur l’enfant. Le PACS ne change rien au droit actuel de la famille car la seule cohabitation de deux individus, pacte ou non, ne fait pas une famille. C’est donc volontairement que le pacte civil de solidarité est sans effet sur les règles de la filiation, de l’autorité parentale et sur les droits de l’enfant.

En troisième lieu, certains s’inquiètent de ce que l’enfant serait oublié.

Vous savez et je viens de dire pourquoi, que j’ai choisi de traiter par ailleurs du droit applicable à l’enfant. Mais parce que c’est, évidemment, un très important sujet, parce que je comprends que l’on se soucie de l’enfant lorsqu’on légifère sur le couple, j’ouvre ici une parenthèse.

L’enfant est pour moi un souci absolument prioritaire. Parce que notre société ne protège pas assez ses droits, parce que notre société en même temps qu’elle proclame l’enfant roi, le soumet trop souvent au seul désir de l’adulte. C’est pour cette raison que j’ai mis en place un groupe de travail sur le droit de la famille où je souhaite que les travaux soient abordés sous l’angle fondamental de la relation parents-enfants.

Un enfant a droit à un père et une mère. Ce droit de l’enfant ne doit pas dépendre du statut juridique du couple de ses parents. Vous le savez d’ailleurs comme moi : aujourd’hui la situation de l’enfant légitime qui vit avec ses deux parents est plus proche de la situation de l’enfant naturel qui vit lui aussi avec ses deux parents que de celle de l’enfant légitime de deux parents divorcés ou séparés. C’est au regard de ces évolutions récentes que je souhaite que soient étudiées les règles de la filiation, de l’autorité parentale et les droits de l’enfant et non au regard d’un contrat qui n’a aucune conséquence sur la parenté.

Le pacte civil de solidarité n’est à l’égard de l’enfant ni un atout ni un obstacle. Si un couple ayant signé un pacte a des enfants, il faudra que chacun des parents le reconnaisse pour que la filiation soit établie, ils exerceront leur autorité parentale sur l’enfant dans les mêmes conditions que les autres parents naturels. S’ils se séparent et ne sont pas d’accord en ce qui concerne l’enfant, il faudra qu’ils s’adressent, comme aujourd’hui les concubins, au juge aux affaires familiales.

La situation de l’enfant n’a pas été traitée par le PACS car l’Etat ne saurait faire de différence entre les enfants de concubins selon qu’ils sont ou non signataires d’un pacte. Et je souhaite d’ailleurs que, poursuivant une évolution déjà entamée, notre droit ne fasse plus de différence entre les enfants, selon que leurs parents sont ou non mariés, selon que leurs parents vivent ou non sous le même toit. Dès lors que les droits de l’enfant doivent être consolidés et ce, quelle que soit la situation juridique du couple de leurs parents, il est légitime de porter un seul regard sur la situation des enfants que leurs parents soient ou non mariés, qu’ils soient engagés dans un PACS ou simples concubins. Et c’est bien parce que le PACS ne peut, en tant que tel, traiter de la filiation ou de l’autorité parentale, qu’il importe de traiter par ailleurs ces importants sujets.

Enfin certains ajoutent encore une menace: le pacte ne serait qu’une première étape vers le droit à la filiation pour les couples homosexuels ! Ceux qui le prétendent sont libres d’exprimer leur opinion personnelle. Ils n’engagent qu’eux-mêmes. Le gouvernement a voulu, je l’ai dit, et c’est un choix réfléchi et déterminé, que le pacte ne concerne pas la famille. Comment pourrait-il avoir un effet sur la filiation ?

Sur ce sujet je veux être parfaitement claire :

Je reconnais totalement le droit de toute personne à avoir la vie sexuelle de son choix. Mais je dis avec la plus grande fermeté que ce droit ne doit pas être confondu avec un hypothétique droit à l’enfant. Un couple, qu’il soit hétérosexuel ou homosexuel, n’a pas de droit à avoir un enfant en dehors de la procréation naturelle qui, elle, implique nécessairement un homme et une femme. Les lois récentes sur la procréation médicalement assistée ont été l’occasion de tracer les limites du droit à l’enfant comme source de bonheur individualiste. Elles ont clairement indiqué, et je partage ce point de vue, que les procréations médicalement assistées ont pour but de remédier à l’infertilité pathologique d’un couple composé d’un homme et d’une femme. Elles n’ont pas pour but de permettre des procréations de convenance sur la base d’un hypothétique droit à l’enfant.

Je reconnais totalement le fait que des homosexuels doivent continuer à s’occuper des enfants qu’ils ont eus avec un partenaire de sexe différent même s’ils vivent ensuite avec un ou une compagne du même sexe. En disant cela, j’affirme que la paternité ou la maternité confère des obligations qui ne peuvent cesser.

Or une chose est de maintenir un lien de parenté déjà constitué entre parents et enfants, toute autre chose est de permettre, en vertu de la loi, l’établissement d’un lien ex nihilo entre un enfant et deux adultes homosexuels. Dans le premier cas, celui du lien de parenté constitué par la procréation naturelle, il s’agit d’une solution conforme à l’intérêt de l’enfant qui a le droit de conserver son père et sa mère lorsque ses parents se séparent et ceci quel que soit le motif de la séparation. Dans le second cas, il s’agirait de créer de toutes pièces, par le droit, une mauvaise solution.

Pourquoi l’adoption par un couple homosexuel serait-elle une mauvaise solution ? Parce que le droit, lorsqu’il crée des filiations artificielles, ne peut, ni ignorer, ni abolir la différence entre les sexes. Cette différence est constitutive de l’identité de l’enfant et du sens de cette identité ; c’est-à-dire qu’est-ce qu’être un homme ou une femme ? Je soutiens comme de nombreux psychanalystes et psychiatres qu’un enfant a besoin pour sa structuration psychique, sociale et relationnelle d’avoir face à lui, pendant sa croissance, un modèle de l’altérité sexuelle, un référent homme et un référent femme. Un enfant adopté, déjà privé de sa famille d’origine, a d’autant plus besoin de stabilité sans que l’on crée pour lui, en vertu de la loi, une difficulté supplémentaire liée à son milieu d’adoption.

Mon refus de l’adoption pour des couples homosexuels est fondé sur l’intérêt de l’enfant et sur ses droits à avoir un milieu familial où il puisse épanouir sa personnalité. C’est ce point de vue que je prends en considération et non le point de vue des couples qu’ils soient hétérosexuels ou homosexuels.

Je n’ignore pas les procès d’intention sur un éventuel  » après  » de cette proposition de loi qui prépareraient des évolutions plus fondamentales de notre droit. Ce texte serait  » une valise à double fond « . Je m’élève avec la plus grande énergie contre de telles insinuations. Les mots ont un sens. Ce vocabulaire de contrebande, qui fait croire que ce texte cacherait autre chose et que vos rapporteurs et le Gouvernement exerceraient une fraude à la loi, est inacceptable.

Bien au contraire, le débat que nous allons avoir doit être conduit en toute clarté et je souhaite que les mises au point que je viens de faire y contribuent.

Ce qui est en discussion aujourd’hui, c’est un texte de 12 articles qui permettra d’offrir des droits nouveaux à deux personnes ayant fait un choix de vie commune, pas plus, pas moins. Je vous demande de vous prononcer sur ce texte réel et non sur je ne sais quelle évolution ou hypothétique projet virtuel. Je laisse ces conjectures à ceux qui se complaisent dans des fantasmes.

Certains auraient voulu que le texte aille plus loin, tandis que d’autres à droite ont fait savoir que s’ils revenaient au pouvoir, ils feraient abroger cette loi. Nous verrons bien ce que diront alors les couples qui ont souscrit un PACS.

En ce qui concerne le Gouvernement, son engagement est clair, comme l’est le texte qui vous est soumis.

III. LE PACTE CIVIL DE SOLIDARITÉ apporte simplement, et c’est tout son intérêt, à deux personnes ayant un projet de vie commun sans être mariées, des réponses concrètes à leurs problèmes de tous les jours, de nouveaux droits au quotidien.

Le texte dont nous allons maintenant débattre donne des droits en contrepartie d’un engagement. Et il le fait dans la clarté. Il assure aussi une certaine souplesse car les partenaires peuvent, en fonction de leurs situations particulières, adapter les clauses de leur pacte. Il renforce enfin la solidarité en permettant l’organisation de la vie commune. Clarté, souplesse, solidarité: tels sont les avantages proposés par ce texte aux personnes qui souscriront un PACS. Mais c’est aussi la société tout entière qui y trouve son intérêt.

Le PACS s’adresse à des couples qui ont une vie commune. La notion de vie commune est connue en jurisprudence, elle présume « communauté de toit et de lit ». A l’évidence ce n’est qu’une présomption. La solitude, les difficultés de la vie quotidienne au premier rang desquelles le chômage et l’insuffisance des ressources, ont conduit de nombreuses personnes à rechercher de nouvelles formes de solidarité et d’entraide dont la cohabitation est un mode majeur.

Mais l’Etat, s’il ne doit pas s’immiscer dans la vie privée des personnes, ne saurait, en aucune manière, donner une reconnaissance même limitée à des situations illicites. Il est fondé à interdire toute éventualité d’inceste et de bigamie. Deux personnes qui, sans enfreindre la loi, ne peuvent partager le même lit ne doivent pas pouvoir conclure un pacte de solidarité. Un père et une fille, une mère et un fils, un frère et une soeur ne doivent pas pouvoir signer un PACS.

En revanche, deux personnes dont le lien est seulement affectif pourront signer un pacte dès lors que, sans enfreindre la loi, elles pourraient avoir des relations sexuelles. Leur vie privée n’intéresse pas la société.

Je ne vois dans ce choix aucune ambiguïté, aucune contradiction, aucun manque de courage mais au contraire de la clarté, de la lisibilité et de la détermination. Le PACS s’adresse principalement aux couples, à ceux à qui la loi permet d’avoir des relations sexuelles et parmi ces derniers, accessoirement, à ceux qui peuvent ne pas en avoir et vivre ensemble pour des raisons de solidarité. Conscient toutefois des difficultés particulières auxquelles peuvent se heurter des fratries, le Gouvernement est prêt à débattre de façon approfondie de la question posée à l’occasion de l’article 10 de la proposition de loi et à étudier les modalités selon lesquelles des droits pourraient être accordés aux frères et soeurs.

Le pacte est un contrat qui repose sur la volonté de ses signataires. Parce qu’il repose sur un engagement d’organisation de la vie commune, le pacte comporte des devoirs et des obligations.

Certains disent, il n’y a pas de devoirs. Je leur réponds que cela n’est pas exact, les devoirs sont à la mesure des droits dont je rappelle que beaucoup ne sont ouverts qu’au-delà d’une certaine durée. Les signataires se doivent aide mutuelle et matérielle. Ils sont solidaires des dettes contractées par l’autre pour les besoins de la vie courante. Les biens acquis, sauf s’ils en conviennent différemment, sont indivis. Il s’agit bien là d’obligations.

Mais on peut répudier l’autre à discrétion, entend-t-on aussi. Ne parlons pas de répudiation. Ce mot n’a de sens que par rapport au mariage, puisque c’est la rupture unilatérale du lien conjugal. Parlons de la séparation et de la protection du plus faible, vraie question qui se pose aussi dans le mariage.

Le concubin, aujourd’hui, peut quitter l’autre du jour au lendemain. Demain, la signature d’un pacte ne modifiera pas sa situation. Un contrat à durée indéterminée, sauf législation particulière, peut être dénoncé à tout moment. La protection de celui qui est abandonné dans le concubinage est inexistante. Au contraire, dans le PACS, il bénéficiera d’une protection nouvelle : il sera avisé de la volonté de son partenaire de rompre le PACS, il pourra solliciter l’attribution préférentielle du bien indivis et négocier les conditions de la rupture. C’est donc une amélioration de la situation antérieure. De plus, si les deux personnes ne sont pas d’accord, elles saisiront le juge. C’est ce qu’elles font aujourd’hui, mais elles ne peuvent, je le redis, disposer de droits d’attribution préférentielle sur le logement et elles doivent produire les factures d’acquisition de la télévision ou de la machine à laver pour tenter de prouver qu’elles en sont propriétaires. Or nous savons tous que pendant la vie commune, l’un achète les biens d’équipement et l’autre paye la nourriture ou les vacances. N’est-il pas juste quand les deux personnes se séparent qu’elles soient propriétaires par moitié des meubles acquis ? Cette règle simple évitera des procès.

Le PACS donne de la sécurité et encourage à la stabilité.

Il encourage à la stabilité des couples non mariés, car les droits ne sont pas tous immédiats. Il donne de la sécurité à la vie quotidienne, en permettant à chacun de savoir que l’autre est solidaire des actes de la vie courante, en traitant le problème du logement, en permettant les rapprochements professionnels ou les congés familiaux.

Il sera l’occasion pour deux personnes de se poser des questions sur l’organisation de leur vie de couple avec ses conséquences matérielles. Il permet à deux personnes qui ont vécu ensemble des années de ne pas être considérées comme étrangères l’une à l’autre, lors d’une donation ou d’une succession. Cela m’apparaît juste et normal.

Le pacte est utile parce qu’il comble un vide juridique. Quand plus de 4 millions 800.000 personnes vivent ensemble sans être mariés, le droit ne saurait continuer à les ignorer. Le pacte civil de solidarité est une bonne réponse aux difficultés de ces couples. Il est aussi une marque de respect de la société à l’égard de ces couples et de leur choix de vie.

Le pacte de solidarité mérite un débat sérieux et honnête. Ne lui attribuons pas plus de qualités ou de défauts qu’il n’en a.

Il est une possibilité supplémentaire offerte à deux personnes et seulement à elles deux de cesser d’être considérées comme étrangères l’une à l’égard de l’autre alors qu’elles vivent sous le même toit et se déclarent solidaires. Il ne nous dispensera en rien d’une réflexion approfondie sur la famille que j’ai déjà engagée.

Il n’est ni un idéal ni la panacée. Il est du domaine du nécessaire et du possible. Il ne remet en cause ni notre identité ni la société. Il constitue une avancée indéniable, il répond à un besoin, il encourage la stabilité et la solidarité.

Voilà pourquoi, le Gouvernement soutient la démarche entreprise par vos rapporteurs et vos commissions.

Le vote de la proposition de loi est prévu pour le 10 novembre. Je souhaite bien entendu que cette prévision puisse être respectée. Mais si l’Assemblée Nationale estimait que les débats doivent se prolonger, le Gouvernement prendrait le temps qu’il faudrait pour que les vraies questions soient correctement traitées quitte à modifier l’ordre du jour prévu.

(source http://sig.premier-ministre.gouv.fr, le 7 septembre 2001)

Voir aussi:

De plus en plus d’élus de gauche font part de leurs réticences à l’égard du « mariage pour tous », notamment en ce qui concerne l’adoption homosexuelle (DR).

8 novembre 2012

Le moins qu’on puisse dire, c’est que l’adoption en conseil des ministres du mariage dit « pour tous » ne fait pas l’unanimité, y compris à gauche. Même le chef de l’Etat, François Hollande, laisse entendre qu’il n’est pas emballé par cette réforme, dont il est l’auteur (c’est dire…).

Florilège :

François Hollande (2012) : « « Dans son esprit, un couple homo, ça reste une étrangeté. » Hollande sait aussi que l’opinion reste fluctuante. « Il connaît la société finement, il a fait les marchés de Tulle pendant vingt ans », rappelle un proche. » (Le Parisien du 8 nov. 2012).

Elisabeth Guigou (1998) : « Pourquoi l’adoption par un couple homosexuel serait-elle une mauvaise solution ? Parce que le droit, lorsqu’il crée des filiations artificielles, ne peut ni ignorer, ni abolir la différence entre les sexes. […] Je veux être parfaitement claire : je reconnais totalement le droit de toute personne à avoir la vie sexuelle de son choix. Mais je dis avec la plus grande fermeté que ce droit ne doit pas être confondu avec un hypothétique droit à l’enfant. […] » (Direct Matin 16 oct. 2012).

Elisabeth Guigou : « Un enfant a droit à un père et une mère, quel que soit le statut juridique du couple de ses parents (…) Mon refus de l’adoption pour des couples homosexuels est fondé sur l’intérêt de l’enfant et sur ses droits à avoir un milieu familial où il puisse épanouir sa personnalité (Applaudissements sur certains bancs du groupe socialiste). C’est ce point de vue que je prends en considération, et non le point de vue des couples, qu’ils soient hétérosexuels ou homosexuels. » (Assemblée nationale, 3 nov. 1998).

Lionel Jospin (2004 au JDD) : « On peut réprouver et combattre l’homophobie tout en n’étant pas favorable au mariage homosexuel » (Direct Matin 16 oct. 2012).

Jean-Marc Ayrault (2004) : « L’égalité des droits, qui est un principe fondamental, n’est pas l’uniformité des droits » (Tribunes socialistes).

Ségolène Royal : « La famille, c’est un père et une mère » (Parisien/Aujourd’hui en France, 23 février 2006).

Bernard Poignant, maire PS de Quimper, conseiller de François Hollande à l’Elysée : « Pour moi, la seule question qui se pose ne concerne pas les adultes mais les enfants. Le mariage autorisé entre un homme et une femme présuppose une filiation biologique. Lorsque l’enfant arrive dans un couple marié, l’homme est présumé en être le père. Dans un couple non marié, le père doit reconnaître l’enfant. Or il ne peut pas y avoir, par le mariage homosexuel, un droit à l’enfant. On doit toujours partir et réfléchir aux droits de l’enfant (…) Un enfant se construit dans l’altérité des deux genres, féminin et masculin. » (Le Télégramme, 28 sept. 2012).

Daniel Delaune, maire divers gauche de Grand-Camp (Seine-Maritime), « en est un exemple. Opposé au mariage homosexuel et « encore plus » à l’adoption, il est l’un des initiateurs de l’appel du collectif des maires pour l’enfance qui revendique 12.000 signataires « de droite et de gauche », dont des adjoints au maire. « Personnellement », il refusera de célébrer une telle union si la loi passait, affirme-t-il à Sipa. » (Le Nouvel Obs, 6 nov. 2012).

Raymond Occolier, maire divers gauche du Vauclin en Martinique : « Le mariage pour tous me semble, comme l’a bien dit monseigneur Vingt-Trois, une supercherie. Je suis entré au PS parce que j’étais un chrétien de gauche. Marier des homosexuels serait pour moi en contradiction avec mes convictions profondes » » (Le Point, 7 nov. 2012).

Laurent Kleinhentz, maire PS de Farébersviller, « évoque un « mariage hors norme » et « contraire à la loi divine » » (Le Point, 7 nov. 2012).

Franck Meyer, (…) maire MoDem de Sotteville-sous-le-Val (Seine-Maritime) « revendique 127 000 signataires d’élus hostiles au projet du mariage pour tous. Et assure qu’« entre un quart et un tiers des signataires » de l’appel sont des « élus PS, ou de sensibilité de gauche » » (Le Point, 7 nov. 2012).

Jean-Claude Bellini, maire divers gauche de Chaux (Côte-d’Or) : « Si un couple homosexuel me demande de le marier je le ferai… à contrecœur » (Le Monde.fr, 9 octobre 2012).

Alexandre Sarrola, maire divers gauche de Sarrola-Carcopino (Corse du sud) : « A titre personnel, cette mesure me choque. Je ne suis pas pour. Mais en tant que maire, je m’en tiendrai aux décisions qui seront prises » (Var Matin, 16 sept. 2012).

« Mariage gay: la gauche catholique défavorable. Plusieurs dissidents à gauche d’obédience catholique ont fait savoir qu’ils ne voteraient pas le texte sur le mariage homosexuel, en particulier à cause de la partie adoption » (L’Express, 17 oct. 2012).

« « Certains d’entre nous sont des cathos de gauche et embarrassés par le sujet, admet un élu PS. On est entre l’intuition qu’il faut garder le cap fixé par le président et l’idée selon laquelle il nous faut rester fidèle à nos convictions. En ce qui me concerne, c’est le rapport aux enfants qui m’ennuie et me pose problème. » » (Le Figaro, 7 nov. 2012).

Gérard Collomb, maire socialiste de Lyon : « Je laisserai le soin à mes maires et à mes adjoints de célébrer ces mariages » (Europe1, 26 oct. 2012).

Voir encore:

La résistance au mariage homosexuel s’organise

Là encore : pourquoi pas un référendum ?

Théophane Le Méné

Causeur

01 octobre 2012

Le mardi 3 novembre 1998, dans un hémicycle survolté et alors que la loi autorisant le PACS était sur le point d’être adoptée, Elisabeth Guigou prononçait un discours destiné à rassurer ceux qui voyaient dans cette union civile l’ouverture de la boîte de Pandore. À l’époque, bon nombre de parlementaires redoutaient en effet que cette loi iconoclaste fût la première d’une longue série autorisant, in fine, le mariage homosexuel et l’adoption – donc la filiation.

Lors de son allocution, la Garde des Sceaux du gouvernement Jospin expliquait la dissociation volontairement mise en place entre le PACS et le mariage. Ainsi, le PACS avait-il pour but de faire reconnaître par l’Etat l’engagement de deux personnes, homosexuelles ou hétérosexuelles. Ce faisant, le gouvernement statuait sur le couple, et non pas sur la famille et l’enfant. « Pourquoi l’adoption par un couple homosexuel serait-elle une mauvaise solution ? » tonnait alors Elisabeth Guigou. « Parce que le droit, lorsqu’il crée des filiations artificielles, ne peut ni ignorer, ni abolir la différence entre les sexes. » […] Je veux être parfaitement claire : je reconnais totalement le droit de toute personne à avoir la vie sexuelle de son choix. Mais je dis avec la plus grande fermeté que ce droit ne doit pas être confondu avec un hypothétique droit à l’enfant. […] Je soutiens comme de nombreux psychanalystes et psychiatres qu’un enfant a besoin d’avoir en face de lui, pendant sa croissance, un modèle de l’altérité sexuelle. »

Forte d’une bel argumentaire, Elisabeth Guigou, en guise de conclusion, apostrophait ses adversaires : « Je n’ignore pas le procès d’intention sur un éventuel « après » de cette proposition qui préparerait des évolutions plus fondamentales de notre droit. Ce texte serait « une valise à double fond ». Je m’élève avec la plus grande énergie contre de telles insinuations. Ce vocabulaire de contrebande qui fait croire que ce texte cacherait autre chose […] est inacceptable. »

Quatorze années ont passé depuis ces déclarations. Et il faut comprendre que quatorze ans après, le droit peut désormais créer des filiations artificielles ignorant et niant la différence des sexes, que le droit à l’enfant est devenu créance et que l’enfant n’a point besoin d’avoir en face de lui un modèle d’altérité sexuelle. Les contrebandiers de l’époque avaient-ils raison ? Comme ceux qui, aujourd’hui, s’opposant au mariage et à l’adoption prédisent la déstructuration de l’enfant, la gestation pour autrui dans quelques années, avec le ventre des femmes comme objet de commerce ?

Jugée déjà acquise parce que figurant dans le programme présidentiel de François Hollande, la loi sur le mariage homosexuel n’en risque pas moins de créer la polémique et il est à parier que son adoption ne sera pas si simple. Probablement conscients de l’ampleur politique et anthropologique que soulève le mariage homosexuel, le gouvernement tend peu l’oreille au débat et n’invite à ses concertations que les puissantes associations qui, dès le départ, poussaient le projet. Interrogé sur la précipitation de l’exécutif et sa surdité au débat, le sénateur Jean-Pierre Sueur s’est au contraire félicité que le gouvernement ait permis le débat par voie de presse (sic).

Alors les tenants du débat, les sceptiques quant aux conséquences d’un projet qui remet intrinsèquement en cause un modèle millénaire s’organisent. L’inénarrable Frigide Barjot est aux premières loges pour défendre la famille, appuyée par la socialiste Laurence Tcheng et un jeune homosexuel, Xavier Bongibault. Un collectif pour la famille formé de jeunes professionnels vient aussi de voir le jour, il entend fédérer et coordonner l’ensemble des initiatives, à commencer par une pétition nationale lancée aujourd’hui .

Les élus ne sont pas en reste non plus. Bon nombre de députés commencent à s’agiter et entendent bien ouvrir le débat. Chez les élus locaux, la prise de conscience est encore plus forte. C’est à eux qu’il reviendra demain d’unir des personnes de même sexe. Et chez certains, ça ne passe pas. Le premier à avoir ouvert le feu se nomme Philippe Brillault. L’indétrônable maire du Chesnay (il avait battu Christian Blanc aux municipales de 2008, seul et contre tous) vient de sortir une motion. Celle-ci a été présentée à l’ensemble du Conseil municipal et affiche clairement le refus des élus de voir modifier le code civil mais plus encore d’être pris en otage par un texte qui pose « un vrai cas de conscience » et que « seul un référendum légitimerait ». Cette alerte au Président de la république est, à n’en point douter, la première d’une longue série.

Le 17 juillet 1984, le gouvernement de Pierre Mauroy tombait, le mouvement de l’école libre avait fait descendre un million de personnes dans la rue pour s’opposer au projet de loi Savary. Qu’il s’appelle Bertinotti ou Taubira, le projet de loi autorisant le mariage homosexuel et l’adoption risque lui aussi de passer sous les fourches caudines de la rue. C’est le prix à payer lorsque l’on étouffe le débat.

Voir enfin:

A Sexual Divide

With Gay Marriage, La Belle France Turns Conservative

Christopher Caldwell

The New York Times

June 13, 2004

ON June 5, Stéphane Chapin and his longtime boyfriend, Bertrand Charpentier, emerged from the city hall of Bègles, in southwestern France, with tears in their eyes and wedding bands on their fingers. They were the first gays to live out this scene in France.

The televised ceremony, complete with demonstrators pro- and anti-, had a familiar look to Americans who since last winter have watched similar ones in San Francisco and New Paltz, N.Y. Like the mayors of those American cities, the mayor of Bègles, Noël Mamère, who was also the Green Party’s candidate for president in 2002, had held the wedding in violation of the law. Like his American counterparts, Mr. Mamère was accused of having staged a publicity stunt. Newspapers revealed that the couple didn’t even live in Bègles, and had sold their story for 5,000 euros to the weekly magazine VSD.

But the spectacle quickly ceased to follow the American script, for it appeared that Mr. Mamère could be in real trouble. Interior Minister Dominique de Villepin, a member of President Jacques Chirac’s conservative party, announced he would pursue sanctions against the mayor. Dominique Perben, the justice minister, declared the marriage null and void, and Prime Minister Jean-Pierre Raffarin said it « would be weak not to act » in the face of such « illegal comportment. »

Gay marriage may be sweeping the Western world, but in France it has brought out a conservative impulse that will surprise those used to thinking of France as a progressive counterweight to a reactionary America. While there are exceptions to this script – unlike President Bush, who promised to back a constitutional amendment to oppose gay marriage, Mr. Chirac has remained silent on the issue – France has had difficulty digesting gay marriage.

This is partly because of France’s republican tradition, which is absolutist on the question of equality before the law and insists that every citizen of France be treated exactly the same. Republicanism à la française forecloses any wide use of affirmative action in schools, just as it forecloses any special autonomy for provinces like Corsica, which has a troublesome independence movement. It is unthinkable that Mr. Mamère should confer rights in Bègles that cannot be conferred in Paris (where the openly gay mayor, Bertrand Delanoë, has shown no zeal for same-sex marriage).

But many distrust this appeal to neutral principles. « You’ll find all kinds of people who invoke the traditions of the Republic, » says Éric Fassin, a professor of sociology at the École Normale Supérieure, who has argued in public debates in favor of gay marriage. « But often it’s not an explanation – it’s a justification. »

Mr. Fassin said the gay marriage debate in France has been marked by a « conservatism of the left » that uses the left’s rhetoric to traditionalist ends. The 1999 Civil Solidarity Pact, for example, resembles Vermont’s civil-union law, permitting shared health benefits and simplifying inheritances. But rights of adoption – a bureaucratic ordeal in France, even for heterosexuals – were not granted to gays.

That has left France in a very different position from the United States. In retrospect, Americans effectively committed themselves to gay marriage when all states except Florida permitted gay adoption. Once children enter the equation, the state must protect them as best they can, and allowing their guardians to marry takes on a logic previously absent.

France still has its options open. Even with 43 percent of children born out of wedlock, according to the demographic agency Ined, the link remains strong between marriage and a traditional idea of childbearing. Surrogate mothers, for instance, are almost unheard of in France. Medically assisted procreation is not a cultural norm. Nor is late-term abortion: In 2000, feminists won an arduous legislative struggle to raise the cutoff point for abortions from 10 to 12 weeks. (In the United States, by contrast, only the ban on what critics call partial-birth abortion, which is now blocked, restricts a woman’s right to an abortion at any time in her pregnancy.) Sexual harassment is another area where the French believe American laws go too far.

The French political class, it often seems, likes to argue for the most conservative possible policies using the most liberal possible rhetoric and examples. Thus the novelist Benoît Duteurtre, writing in the left-leaning daily Libération, objected to the Bègles wedding on the grounds that it was disappointingly petit-bourgeois of gays to want marriage in the first place. And in the current controversy, many of the politicians working most arduously to block gay marriage are shoring up their progressive bona fides by sponsoring legislation to outlaw public expressions of homophobia.

Last winter’s legislation banning the Islamic head scarf in schools was passed not on nationalist or religious grounds, but on feminist ones. While many women choose the veil freely, the argument went, those intimidated into wearing it by the men in their household or neighborhood must find a sanctuary in state institutions from such bullying.

One of the strangest outcomes of gay marriage in Bègles is the way opinion in the Socialist Party – the natural home of change when it comes to sex issues – has split along gender lines. Mr. Mamère’s initiative was backed almost unanimously by Socialist men, figures as diverse as the flamboyant former culture and education minister Jack Lang, the conservative former finance minister Dominique Strauss-Kahn and the present head of the party, François Hollande. The only prominent Socialist male who has opposed Mr. Mamère is former Prime Minister Lionel Jospin, the father of the Civil Solidarity Pact, who holds that marriage is « the union of a man and a woman [that] reflects the duality of the sexes that characterizes our existence. » It is Socialist women – the regional leader Ségolène Royal, former Justice Minister Élisabeth Guigou, and former Labor Minister Martine Aubry – who led the opposition.

They may have been following the « differentialism » (an important strain of French feminism) associated with the philosopher Sylviane Agacinski, who happens to be Mr. Jospin’s wife. Ms. Agacinski has argued that the human condition cannot be understood in any universal way without reference to both sexes . This argument has been a mighty tool for left-wing reforms. It provided the intellectual underpinnings for mandating sexual parity in French legislative elections. Today, it provides the intellectual underpinnings for arguing that a marriage that lacks either a man or a woman is no marriage at all.

Christopher Caldwell is a senior editor at The Weekly Standard and a columnist for The Financial Times.

Voir aussi:

Le mariage gay ou la dictature de la confusion

Bertrand Vergely

La question du mariage gay appelle dix remarques.

I) Il importe d’abord de distinguer la question de l’homosexualité de celle du mariage gay. L’homosexualité appartient à la sphère privée et renvoie à une histoire singulière. C’est ainsi, il y a des personnes dans la société dont la manière d’aimer consiste à aimer une personne du même sexe. Pourquoi en est-il ainsi ? Nous n’en savons rien et nous ne le saurons sans doute jamais, tant il y a de raisons possibles à cela. Toujours est-il qu’il s’agit là d’une réalité que la société se doit de respecter en offrant aux couples homosexuels une protection de leur vie privée au même titre que celle dont peut jouir chaque citoyen.

II) Le mariage gay relève en revanche d’une question qui regarde tout le monde, celui-ci étant appelé à bouleverser de manière irréversible la norme en vigueur en établissant une nouvelle norme en matière de famille, de filiation et de transmission, s’il vient à être adopté.

III) À l’origine, le mariage est une donnée naturelle. C’est ainsi, pour faire naître la vie un homme et une femme s’unissent et procréent un enfant. En établissant le mariage comme institution, la société a donné un cadre juridique à cette donnée naturelle afin de la protéger.

IV) Il s’avère qu’aujourd’hui le mariage, la filiation et la transmission ont changé de sens. La procréation n’est plus l’unique sens du mariage, le mariage-sentiment ayant tendance à l’emporter sur le mariage-procréation. De même, l’enfant n’a plus pour unique sens d’être le fruit de l’union d’un couple, le désir d’enfant introduisant des demandes d’enfants de la part de personnes seules ou des demandes d’adoption ou de procréation assistée de la part de couples stériles.

V) La question qui se pose dès lors et qui concerne tous les couples, qu’ils soient hétérosexuels ou homosexuels, est celle de savoir si le sentiment doit devenir l’unique sens du mariage et si le désir d’enfant d’où qu’il vienne doit devenir la raison d’être de ce dernier. Elle est également le fait de savoir si ce qui se fait doit devenir la norme de ce qui est. Si tel est le cas, il faut savoir que rien ne va pouvoir s’opposer formellement à ce qu’on lève désormais l’interdit de l’inceste au nom du droit de s’aimer pour tous. Le sentiment en dehors de toute donnée naturelle devenant la norme, au nom de l’amour un père pourra réclamer d’épouser sa fille voire son fils, une mère son fils voire sa fille, une sœur son frère ou sa sœur, un frère sa sœur ou son frère. Si tel est le cas, tout étant noyé dans l’amour érigé en droit au-dessus de toute réalité, plus personne ne sachant qui est qui, il y aura fatalement une crise d’identité et avec elle un problème psychique majeur. Les tendances psychotiques générées par l’individualisme hédoniste pour qui le réel n’existe pas et ne doit pas exister vont se renforcer. Un père étant aussi un amant et une mère une amante, il va devenir impossible de parler de père et de mère et donc de savoir qui a autorité pour élever des enfants. En ce sens, la famille va littéralement exploser.

Enfin, l’interdit de l’inceste étant levé, c’est le sens même du devenir de l’être humain qui va être atteint, le sens de cet interdit étant de rappeler aux êtres humains qu’ils sont faits pour devenir, en épousant, non seulement un autre hors de sa famille mais aussi de son sexe et non pour demeurer dans la même famille et le même sexe. En ce sens, le législateur qui va devoir se prononcer sur le mariage homosexuel a de lourdes responsabilités. S’il décide de faire du mariage une affaire de droit et de sentiment en dehors de toute donnée naturelle, il introduira dans la cité la ruine possible de l’identité psychique, de la famille ainsi que du devenir symbolique de l’être humain.

VI) Au-delà de cette question qui concerne tout le monde, les hétérosexuels comme les homosexuels, la question du mariage gay pose un certain nombre de questions qu’il importe d’examiner avec attention, la principale d’entre elle étant celle du même. Au nom de l’égalité et du refus d’établir des discriminations, est-il possible d’établir une équivalence entre tous les couples ? Trois éléments s’y opposent.

VII) En premier lieu, pour une simple question de réalité et de donnée objective, on ne peut pas mettre sur le même plan hétérosexualité et homosexualité, un homme et une femme n’étant pas la même chose que deux hommes et deux femmes. Les couples hétérosexuels ne sont pas des couples homosexuels ni les couples homosexuels des couples hétérosexuels. Établir une équivalence entre les deux revient à nier la réalité en opérant une grave confusion entre genre et pratique. Avant d’être une pratique, l’hétérosexualité est un genre et pas une pratique, alors que l’homosexualité est une pratique et non un genre. La preuve : pour être homosexuel, il faut d’abord être homme ou femme. Si demain, au nom de l’égalité, tout est mis sur le même plan, la pratique particulière dictant ses lois au genre, un processus dangereux va s’engager à savoir celui de la disparition à plus ou moins long terme de la différence sexuée. On va alors assister à un effet dictatorial. Pour que les homosexuels puissent exercer leur droit à l’égalité, l’humanité va être interdite de faire une différence entre homme et femme, voir dans l’hétérosexualité un fondement et non une pratique étant considéré comme une pratique discriminatoire. Une nouvelle humanité va voir alors le jour. Nous vivions jusqu’à présent dans un monde marqué par la différence. Nous allons connaître un monde nouveau fondé sur l’indifférenciation. Quand on sait que la différence est le propre du vivant et l’indifférencié le propre de la mort, un principe de mort va désormais servir de principe pour guider l’humanité.

VIII) La difficulté soulevée par l’équivalence décrétée entre tous les couples se retrouve au niveau des enfants. Comme il semble qu’on l’ait oublié, il importe de rappeler qu’un couple homosexuel ne peut pas avoir d’enfants. On peut le déplorer, mais c’est ainsi, deux hommes et deux femmes ne peuvent pas procréer. Ceci veut dire que, pour qu’il y ait procréation l’homme a besoin de la femme et la femme de l’homme. Les homosexuels réclament de pouvoir avoir un enfant. Ils se fondent pour cela sur le droit qui est accordé aux couples hétérosexuels d’adopter ou de procéder à une procréation médicalement assistée. Ils oublient ou font semblant d’oublier que ce n’est pas le droit qui les empêche d’avoir un enfant mais la Nature. Certes, un couple hétérosexuel peut adopter ou passer par la procréation assistée afin d’avoir un enfant. Il importe de souligner toutefois qu’un enfant adopté par un couple hétérosexuel n’a pas et n’aura jamais le même sens qu’un enfant adopté par un couple homosexuel. Lorsqu’un couple hétérosexuel adopte un enfant, il le fait pour pallier un problème destérilité. Lorsqu’un couple homosexuel veut adopter un enfant, il le fait pour contourner une impossibilité. Le registre symbolique n’est pas le même, vouloir contourner une impossibilité à l’aide d’une loi nous situant dans le domaine de la fiction prométhéenne et non plus dans celui de la réalité humaine. Jusqu’à présent, la rationalité de la société repose sur la notion de limite et avec elle sur l’idée que tout n’est pas possible. Tout ne se décrète pas. Tout ne se fabrique pas. Limite positive autant que protectrice, l’idée que tout ne se décrète pas nous préservant de la dictature du Droit et l’idée que tout ne se fabrique pas nous préservant de la dictature de la Science. Avec le mariage gay et l’ouverture à la possibilité pour couples gays de recourir à l’adoption ainsi qu’à la procréation médicalement assistée, il va en être autrement. L’idée que rien n’est impossible va voir le jour en enterrant la notion de limite. Voyant le jour, plus rien ne va nous protéger de la dictature du Droit et de l’idée que tout peut se décréter. Plus rien ne va nous protéger de la dictature de la Science et de l’idée que tout peut se fabriquer. On obéissait à la Nature qui, comme le dit Montaigne, est « un doux guide ». Nous allons désormais obéir à la Science et au Droit. La Nature évitait que l’Homme n’obéisse à l’Homme. Désormais, l’Homme va obéir à l’Homme sans que l’Homme n’obéisse à quoi que ce soit. Dostoïevski au 19e siècle comme Léo Strauss au 20e siècle voyaient dans le « Tout est possible » l’essence du nihilisme. Ils redoutaient comme Nietzsche que celui-ci n’envahisse l’Europe en ne se faisant aucune illusion cependant à ce sujet. Avec le mariage gay, l’adoption et la procréation assistée pour couples gays, le « Tout est possible » va devenir une réalité et, avec lui, le nihilisme sous la forme du triomphe sans partage de la Science, du Droit et de l’Homme.

IX) Dans le même ordre d’idées, il importe de distinguer un enfant que l’on fait d’un enfant que l’on fait faire. Quand un couple fait un enfant, l’enfant est une personne. Le fait de faire un enfant se passant entre des personnes qui s’aiment et pour qui l’enfant n’est pas une marchandise ni l’objet d’un trafic. Quand on fait faire un enfant par un tiers, l’enfant n’est plus une personne, mais un objet voire une marchandise dans un trafic. Témoin le fait de louer le ventre d’une mère porteuse ou les services d’un géniteur. Lionel Jospin faisait remarquer qu’il n’y a pas un droit à l’enfant, mais un droit de l’enfant. Si le mariage gay avec procréation assistée est adopté, le droit de l’enfant va être sacrifié au profit du droit à l’enfant. Sous prétexte de donner un droit à l’enfant aux homosexuels, l’enfant considéré comme objet n’aura plus droit symboliquement au statut de personne. Alors que le monde des droits de l’homme s’efforce de lutter contre la réification de ce dernier, au nom du droit à l’enfant, on va réifier ce dernier. Il va y avoir en outre des questions pratiques à gérer. D’abord le coût. Pour qu’un couple d’hommes puisse avoir un enfant, il va falloir louer le ventre d’une mère porteuse. Ce qui n’est pas donné, le prix moyen se situant entre 80.000 et 100.000 euros. Comme les couples gays vont réclamer que la facture soit réglée par la Sécurité Sociale au nom du droit à l’enfant pour tous et de l’égalité, comment celle-ci va-t-elle faire pour faire face à cet afflux de dépenses au moment où son déficit se creuse ? Qui va payer et comment ? Par ailleurs, l’État prenant en charge les mères porteuses, il va falloir aller chercher celles-ci ou bien créer un service spécial. L’État se refuse à devenir un État proxénète en autorisant et en organisant le trafic du sexe de la femme. Pour que la procréation médicalement assistée puisse exister, il va falloir qu’il devienne quelque peu trafiquant et qu’il organise le trafic des ventres. Ce qui ne va pas être une mince affaire. Quand un couple ne sera pas content du bébé d’une mère porteuse et qu’il décidera de le rendre, que va-t-on faire ? Obliger le couple à garder l’enfant ? En faire un orphelin ? Payer la mère porteuse pour qu’elle le garde ? Et qui payera le psychiatre qui devra soigner l’enfant ainsi ballotté et quelque peu perturbé ?

X) Ce problème rencontré dans le fait de faire faire un enfant va se retrouver avec celui de l’éduquer. Une chose est d’avoir un père et une mère, une autre d’avoir deux pères et deux mères. Obliger un enfant à naître et à grandir dans un couple homosexuel va se confondre avec le fait d’interdire à un enfant de savoir ce qu’est le fait d’avoir un père et une mère. A-t-on le droit d’enlever ce droit à un enfant ? Si tel est le cas, cela voudra dire que pour que les homosexuels aient droit à l’égalité les enfants des couples homosexuels seront condamnés à ne pas être des enfants comme les autres. Certes, les orphelins n’ont pas leur père ou leur mère. Mais, il s’agit là d’un accident et non d’une décision. Avec le droit pour couples gays d’avoir un enfant, les orphelins ne seront pas le produit d’un accident de la vie mais d’une institutionnalisation délibérée. Ils seront obligés par la société de n’avoir soit pas de père, soit pas de mère. À cette situation qui ne manquera pas de produire à un moment ou à un autre des mouvements de révolte s’adjoindra une autre difficulté. L’enfant de couples gays n’aura pas droit à une origine réelle, mais à une origine absente. À la case père ou mère il y aura un blanc. Ce qui n’est pas simple à porter. Qu’on le veuille ou non, l’enfant ne pourra pas ne pas se sentir coupable, la propension naturelle des enfants étant de se culpabiliser quand l’équilibre familial n’est plus respecté. En conclusion, les partisans du mariage gay, de l’adoption et de la procréation médicalement assistée pour couples gays rêvent quand ils voient dans ce projet un progrès démocratique sans précédent. Ils croient que tout va bien se passer. Cela ne va pas bien se passer. Cela ne peut pas bien se passer pour la bonne raison que tout a un prix.

Ne croyons pas que l’on va remettre la différence sexuée en voyant en elle une pratique parmi d’autres sans que cela ait des conséquences. N’imaginons pas que des enfants fabriqués, à qui l’on aura volé leur origine, seront sans réactions. Ne pensons pas que la disparition des notions de père et de mère au profit de termes comme parent I ou parent II permettront l’existence d’une humanité plus équilibrée et mieux dans sa peau. On prétend résoudre des problèmes par ce projet de loi. On ne va pas en résoudre. On va en créer. Le 20e siècle a connu la tragédie du totalitarisme et notamment du projet insensé de créer un homme nouveau à travers une race ou une classe. Ne cédons pas à la tentation de fabriquer un homme nouveau grâce à la Science et au Droit. Tout ne se décrète pas. Tout ne s’invente pas. Il existe des données naturelles de la famille. N’y touchons pas. Ne jouons pas avec le feu. Ne jouons pas à être des apprentis sorciers. Le Tao voit dans la complémentarité entre le féminin et le masculin une loi d’équilibre dynamique fondamentale de l’univers. Ne touchons pas à cette loi d’équilibre. Nous avons tous des amis homosexuels que nous respectons, que nous estimons et que nous aimons. Qu’ils soient d’une profonde moralité, nous n’en doutons pas. Qu’ils soient capables d’élever un enfant, nous n’en doutons pas non plus. Qu’un enfant puisse être plus heureux dans un couple homosexuel que dans certains couples hétérosexuels, nous n’en doutons pas une fois encore. Que cela soit une raison pour légaliser le mariage gay et permettre l’adoption ou la procréation médicalement assistée pour couples gays, c’est là une erreur. Une chose est une loi, une autre est un cas particulier. On ne fait pas une loi avec des cas particuliers, mais à partir d’une règle tenant compte de tout ce qu’il y a derrière. S’agissant du mariage gay avec adoption et procréation médicalement assistée, il y a derrière une telle règle trop de choses dangereuses et graves pour que celle-ci puisse devenir une loi allant dans le sens des intérêts fondamentaux de l’être humain. La Gauche a le pouvoir à l’assemblée et peut décider de passer en force grâce au nombre de ses voix et ce afin de paraître de gauche. Elle peut choisir de préférer la Gauche à l’être humain. Elle s’honorera de choisir l’être humain plutôt que la Gauche, sachant qu’en servant l’être humain elle est sûre de servir ses propres intérêts alors que l’inverse n’est pas sûr. Tant il est vrai que l’on n’a jamais intérêt à scandaliser l’honnête homme en l’obligeant à devoir se soumettre par la contrainte à ce que sa raison répugne à accepter par respect pour la raison. Le mariage gay qui nous propose une grande noyade collective dans l’amour n’est pas raisonnable. La mise en question de la distinction entre homme femme ravalée au rang de pratique sexuelle n’est pas raisonnable. Vouloir avoir un enfant à tout prix en recourant soit à l’adoption, soit à un père donateur, soit à une mère porteuse n’est pas raisonnable. Ne plus parler de père et de mère mais de deux pères ou de deux mères n’est pas raisonnable. En un mot, bidouiller une famille grâce à un montage juridico-médical et appeler cela famille n’est pas raisonnable. Les mots ont du sens quand ils renvoient à une réalité. Quand ils ne sont plus que ce que l’on décide qu’ils doivent être, on n’est plus dans le domaine du sens, mais de la confusion. Le règne de la confusion, sa dictature et avec elle la confusion des esprits et des comportements, n’est-ce pas ce dont nous souffrons déjà et qui risque de nous engloutir ? Est-il besoin d’en rajouter ?

4 Responses to Mariage pour tous: Un enfant a droit à un père et une mère (France’s natural home of change split on gay marriage)

  1. […] de la justice Elisabeth Guigou qui ont toujours manifesté et continuent à manifester leurs réticences à l’égard du « mariage pour tous » et notamment l’adoption homosexuelle […]

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  2. […] et que vos rapporteurs et le Gouvernement exerceraient une fraude à la loi, est inacceptable. Elisabeth Guigou (Assemblée nationale, […]

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  3. […] après le démantèlement (jusqu’à la suppression évoquée un temps des termes mêmes de père et mère !) d’une institution aussi fondamentale pour une société que celle du mariage et avant […]

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  4. jcdurbant dit :

    ON NE PEUT PAS SE CONSTRUIRE SANS CONNAITRE SES ORIGINES (Devinez ce qui arrive quand la révolution « mon corps, mon choix » se met, elle aussi, à dévorer ses propres enfants ?)

    « On ne peut pas se construire sans connaitre ses origines. (…) Ils avaient la vie parfaite : de l’argent, une belle situation, une jolie maison, un nouveau bébé, je pense qu’ils ont eu peur de tout foutre en l’air si j’avais su (…) [Est-ce que je leur en veux ?] Jamais ! je ne crois pas que la haine et la rancœur nous élèvent ou nous soignent, mais aussi parce qu’ils ont simplement utilisé un processus disponible pour eux, servi sur un plateau d’argent. (…) On n’arrête pas de nous dire partout que la GPA, c’est cool, par le biais d’influenceurs ou de stars, mais personne ne montre l’envers du décor, personne ne parle de nous, les enfants nés d’une GPA ! (…) on répète “mon corps, mon choix” pour les femmes mais on oublie l’enfant, qui n’a pas le choix alors qu’il s’agit aussi de son corps… Et puis, qui peut dire qu’une femme est consentante quand il y a de telles sommes d’argent en jeu ? (…) Pour de nombreux juristes, il faut une disposition permettant de réduire les paiements versés à la mère porteuse si elle ne respecte pas les obligations contractuelles régissant son mode de vie pendant la grossesse. Alors non, pendant une GPA, le corps de la mère porteuse ne lui appartient pas ! (…) Il n’existe pas de GPA éthique ! C’est d’ailleurs ce que dit le Dr René Frydman , le premier médecin qui a fait naître un bébé-éprouvette, et avec qui j’ai échangé sur Zoom l’autre jour : il a vu la réalité de la GPA dans le monde entier et il en conclut que la marchandisation du corps de la femme n’est jamais éthique. (…) [Remonter jusqu’à la femme qui l’a mise au monde] C’était une étape cruciale dans ma reconstruction car elle m’a apporté des précisions à des questions existentielles : comment s’est passée la grossesse ? Comment s’est déroulé l’accouchement ? Puis notre séparation ? Et surtout… pourquoi m’a-t-elle… vendue ? (…) D’abord il n’y a pas de vérification des commanditaires : on ne regarde pas s’ils ont un casier judiciaire, si l’enfant sera élevé dans de bonnes conditions. Et surtout, les mères porteuses se soumettent à des obligations qu’aucun régime démocratique ne pourrait accepter ! Elles n’ont pas le droit de boire de café, ni d’avoir des relations intimes avec leur conjoint… (…) Je sais qu’on y arrivera et que dans quelques années on se demandera comment c’était possible de laisser des femmes être utilisées pour leurs capacités reproductives, comment c’était possible de contractualiser un être humain, un bébé dans ce cas. Il a fallu du temps aussi pour abolir l’esclavage ! »

    Olivia Maurel

    Olivia Maurel, née par GPA : «Je sais que ma vie vaut un certain prix»
    Le Figaro
    26/04/2024

    RÉCIT – Son enfance est tissée de mensonges : il a fallu des années pour qu’Olivia Maurel découvre la vérité de ses origines. Depuis, la jeune femme raconte son parcours sur TikTok et milite aux tribunes des grandes assemblées pour faire abolir la pratique des mères porteuses partout dans le monde.

    D’ordinaire on trouve dans les familles, au fond d’un tiroir de bibliothèque ou parfois sous la poussière d’un grenier, ces vieux albums photo où sont consignés comme des trésors les premiers battements de cils des nouveau-nés. Ici c’est un sourire, là une grimace, on ne sait pas toujours faire la différence ; regardez, il avait déjà beaucoup de cheveux à la naissance, et ces doigts boudinés posés sur le sein de sa mère, si ce n’est pas adorable… Olivia Maurel a grandi sans jamais connaître ces photos de naissance que l’on montre aux enfants quand ils sont en âge de comprendre qu’il s’agit d’eux en plus jeunes. Pas plus qu’elle n’a vu de photos de sa maman enceinte d’elle. «Petite, dit-elle, j’ai toujours eu l’impression que quelque chose clochait…»

    Ce n’est pas tout. Il y avait ce miroir maternel dans lequel se reflétait un visage qui n’était pas le sien : elle ne ressemblait pas à sa mère. Laquelle d’ailleurs était plus âgée que les autres mamans, celles de ses copains et copines. «Il y avait aussi une certaine distance psychique qui était présente», ajoute-t-elle avec pudeur. Aux doutes généalogiques répond une certitude d’état civil, une information administrative, qui pour avoir été écrite des centaines de fois sur des formulaires, n’en devient pas moins mystérieuse pour autant : Olivia est née en 1991 à Louisville, dans le Kentucky. Soit à plusieurs milliers de kilomètres de la Floride, où elle a passé son enfance. Sa mère lui expliquait avoir accouché là-bas par nostalgie d’un film qu’elle avait beaucoup aimé. C’était un premier mensonge. Il y en eut d’autres, beaucoup d’autres : son enfance en est truffée.

    Les pièces du puzzle ne s’emboîtaient plus : aux grandes questions des origines, qui structurent habituellement l’éveil tumultueux de la conscience de soi, Olivia n’a su trouver que des réponses parcellaires, bancales. Chaque nouveau doute appelait chez ses parents une fable de plus, si bien que faute de pouvoir compter sur eux, elle finit par s’en remettre à Google : à la fin de l’adolescence, elle fit des recherches sur la ville où elle est née.

    «Au début, je cherchais plutôt un centre d’adoption, mais en première page est apparu un site internet pour une agence de GPA . C’est là où tout s’est solutionné dans ma tête…» La coïncidence eut valeur pour elle de vérité, et Olivia s’est mise à raconter à ses proches qu’elle était née d’une mère porteuse. Elle l’a d’abord confié à ses amis, petits-amis, son mari plus tard, même son docteur – mais pas ses parents : «J’avais peur de leur réaction. J’avais l’impression de leur devoir ma vie, car je sais que ma vie vaut un certain prix.» Elle insiste sur ce dernier mot, qui revêt dans sa bouche un poids terrible.

    «J’avais enfin une preuve irréfutable de mes origines»

    Cette intime conviction d’être née d’une autre mère que celle qui l’a élevée a hanté Olivia sans qu’elle n’ose tout de suite en avoir le cœur net, mais elle ne parvenait pas à dissimuler à ses proches la souffrance causée par cette blessure intime, nichée au cœur de son identité de femme, de fille, de mère. À tel point que la famille de son mari s’est finalement résolue à lui offrir, pour ses 30 ans, un test ADN. La vérité que ses parents lui ont d’abord tue a éclaté avec la précision chirurgicale de la génétique : bien que la femme qui l’a élevée soit française, Olivia n’a aucune origine française. La base de données détecte une cousine germaine et un oncle américains. «J’ai su avec une preuve physique, à ce moment précis, que j’étais née d’une gestation pour autrui», se souvient Olivia. «J’ai d’abord crié : YES ! C’est comme si j’avais gagné une longue bataille, j’avais enfin une preuve irréfutable de mes origines. Mon instinct me disait que j’étais née par GPA mais sans preuve tangible, je n’aurais jamais eu de réponse. J’étais soulagée, heureuse de savoir que je n’avais pas été une folle pendant toutes ces années à raconter toutes ces choses !»

    Toutes les personnes nées par GPA que je connais ont eu des soucis avec l’alcool et la drogue à des moments…

    Elle saura plus tard le fin mot de l’histoire ; les parents qui l’ont élevée, accaparés par la bonne fortune de leur entreprise, ont laissé filer les premières années de leur mariage : quand son père, plus jeune que sa mère, fut rattrapé par le désir d’avoir des enfants, sa mère n’était déjà plus en âge de procréer. Olivia a été conçue avec les gamètes de son père, américain, et celles d’une autre femme à qui l’on a sous-traité la grossesse : la femme qui l’a élevée est en réalité sa «mère d’intention».

    Depuis, Olivia raconte dans ses vidéos TikTok les coulisses de cette enquête dont elle est à la fois l’énigme et la clef. Elle livre sans filtre les épreuves psychologiques traversées, évoque sa bipolarité et son hyperactivité, des séquelles qu’elle a décelées chez d’autres personnes nées comme elles d’une mère porteuse, et auprès de qui elle a commencé depuis plusieurs années un compagnonnage d’infortune : ils sont ensemble les enfants d’un désir échangé contre un chèque à une femme qui a loué son ventre le temps de quelques mois. Quand ses parents ont fini par découvrir les vidéos sur les réseaux sociaux, elle n’avait toujours pas su trouver le courage de leur parler. «J’avais préféré ne rien dire par peur d’être abandonnée une nouvelle fois. J’ai une peur de l’abandon extrême, qu’à l’époque je soignais par une psychanalyse» raconte Olivia, qui depuis a pris ses distances avec eux.

    S’ils n’ont pas su ou pas pu lui dire la vérité, c’est tout simplement qu’ils n’ont jamais trouvé les mots justes. «Ils avaient la vie parfaite : de l’argent, une belle situation, une jolie maison, un nouveau bébé, je pense qu’ils ont eu peur de tout foutre en l’air si j’avais su…» Est-ce qu’elle leur en veut ? «Jamais», assure Olivia. «Car je ne crois pas que la haine et la rancœur nous élèvent ou nous soignent, mais aussi parce qu’ils ont simplement utilisé un processus disponible pour eux, servi sur un plateau d’argent.» Du reste, les autres enfants nés par GPA avec qui elle est en contact, notamment «Baby M» (dont l’affaire intrigua les États-Unis dans les années 80 : la mère porteuse fut contrainte par la justice de donner l’enfant à ses parents d’intention alors qu’elle voulait le garder pour l’élever elle-même), ont tous su la vérité depuis toujours : «ça ne change rien», juge Olivia, car eux aussi souffrent comme elle de dépressions chroniques et de symptômes post-traumatiques complexes. «Ils ont tous eu des soucis avec l’alcool et la drogue à des moments…»

    Militante pour l’abolition universelle de la GPA

    Ceux à qui elle en veut en revanche, c’est «aux pays qui ont légalisé la GPA, commerciale ou “altruiste”», Olivia insiste pour que l’on écrive ce dernier mot entre guillemets. Sa blessure intime est devenue un combat politique. Peu à peu, ses histoires de vie contées à longueur de courtes pastilles vidéo sur les réseaux sociaux se sont teintées d’un message clair, en sus du témoignage : Olivia Maurel veut faire abolir la gestation pour autrui, partout dans le monde. Elle ne supporte plus la mièvrerie qui entoure la publicité déguisée qui est faite pour cette pratique : «On n’arrête pas de nous dire partout que la GPA, c’est cool, par le biais d’influenceurs ou de stars, mais personne ne montre l’envers du décor, personne ne parle de nous, les enfants nés d’une GPA !»

    L’un après l’autre, elle balaie alors tous les arguments de ceux qui plaident en faveur d’une libéralisation du recours aux mères porteuses. Après tout, si ces dernières sont consentantes, où est le mal ? «Non, on répète “mon corps, mon choix” pour les femmes mais on oublie l’enfant, qui n’a pas le choix alors qu’il s’agit aussi de son corps… Et puis, qui peut dire qu’une femme est consentante quand il y a de telles sommes d’argent en jeu ?» Surtout, ajoute-t-elle, tout consentement contractuel suppose une possibilité de rétractation. Or les mères porteuses sont privées de ce loisir : les contrats entre parents d’intention et mères porteuses ne prévoient pas la possibilité pour la femme enceinte de changer d’avis au cours de la grossesse. En Californie, a expliqué un couple face à une commission juridique, la responsabilité légale de l’enfant avant même sa naissance incombe déjà aux parents d’intention, ce qui les rend décisionnaires en cas de complications médicales pendant la grossesse, si des soins ou des traitements sont proposés. «Pour de nombreux juristes, ajoute Olivia, il faut une disposition permettant de réduire les paiements versés à la mère porteuse si elle ne respecte pas les obligations contractuelles régissant son mode de vie pendant la grossesse. Alors non, pendant une GPA, le corps de la mère porteuse ne lui appartient pas !»

    On objecte que la réalité de la gestation pour autrui est contrastée : la pratique est mieux encadrée aux États-Unis qu’en Inde ou en Ukraine… «Il n’existe pas de GPA éthique !» s’exclame aussitôt Olivia. «C’est d’ailleurs ce que dit le Dr René Frydman , le premier médecin qui a fait naître un bébé-éprouvette, et avec qui j’ai échangé sur Zoom l’autre jour : il a vu la réalité de la GPA dans le monde entier et il en conclut que la marchandisation du corps de la femme n’est jamais éthique.»
    «Pourquoi m’a-t-elle vendue ?»

    Car après son test ADN, Olivia a remonté le fil jusqu’à échanger avec la femme qui l’a mise au monde. En contactant d’abord son cousin biologique, puis son demi-frère et ses demi-sœurs, elle a fini par recevoir un jour sur Facebook le message de la mère qui l’a portée pendant neuf mois. «C’était une étape cruciale dans ma reconstruction car elle m’a apporté des précisions à des questions existentielles : comment s’est passée la grossesse ? Comment s’est déroulé l’accouchement ? Puis notre séparation ? Et surtout… pourquoi m’a-t-elle… vendue ?»

    De message en message, Olivia a reconstitué le parcours et la vie de cette femme, les épreuves qui l’ont poussée à accepter l’impensable, une transaction avec son propre utérus. Inconsolable après la mort en bas âge de son plus jeune enfant, elle s’était laissée ensevelir sous les factures impayées.

    Olivia a enquêté alors sur les conditions dans lesquelles se déroulent pour de vrai ces «GPA éthiques» dont les couples français vantent toute la délicatesse humaine. «D’abord il n’y a pas de vérification des commanditaires : on ne regarde pas s’ils ont un casier judiciaire, si l’enfant sera élevé dans de bonnes conditions», détaille-t-elle. «Et surtout, les mères porteuses se soumettent à des obligations qu’aucun régime démocratique ne pourrait accepter ! Elles n’ont pas le droit de boire de café, ni d’avoir des relations intimes avec leur conjoint…»

    Indignée, Olivia Maurel a décidé depuis de porter son combat ailleurs que sur les réseaux sociaux, dans l’arène de la politique internationale où le sort de ces femmes est en train d’être lié. En mars dernier, à Casablanca, elle s’est associée aux médecins et psychologues de 75 nationalités différentes qui ont signé la déclaration en faveur d’une abolition universelle de la gestation pour autrui. Il y a urgence : la GPA représente déjà un marché de 14 milliards de dollars à travers le monde.

    Pour en venir à bout, Olivia Maurel ne ménage pas sa peine et court de sommet international en conférence sur les droits de l’homme. La vidéaste amateur qui racontait son quotidien en se filmant dans sa cuisine en train de préparer des gâteaux a troqué son jogging et ses baskets pour revêtir sa tenue du dimanche, afin de haranguer les assemblées où elle est invitée à la tribune : on la croise à son retour de Croatie, elle s’apprête à repartir pour Rome, où elle rencontrera le pape François ; puis ce sera Bruxelles, et les Nations unies… En France, elle a écrit à Élisabeth Borne pour la remercier de s’être engagée publiquement contre la GPA. Elle s’indigne en revanche que Bruno Le Maire, convaincu par un couple d’amis proche de lui, ait changé son fusil d’épaule sur le sujet. Elle rêve d’évoquer la question devant le président de la République, pour le convaincre de faire abolir la GPA, partout dans le monde.

    A-t-elle seulement l’espoir d’y parvenir un jour ? «Je sais qu’on y arrivera et que dans quelques années on se demandera comment c’était possible de laisser des femmes être utilisées pour leurs capacités reproductives, comment c’était possible de contractualiser un être humain, un bébé dans ce cas. Il a fallu du temps aussi pour abolir l’esclavage !»

    https://www.lefigaro.fr/actualite-france/olivia-maurel-nee-par-gpa-je-sais-que-ma-vie-vaut-un-certain-prix-20240309

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