Elections américaines: Une invraisemblable servilité à l’égard de l’islamisme (Doctrine Obama: Four more years of they’re jihadists but they’re our jihadists?)

4 septembre, 2012
C’est peut-être un salaud, mais c’est notre salaud. Roosevelt (ou Dulles?)
ll y a charia et charia. Et il faut, avant d’entonner le grand air de la régression et de la glaciation, savoir de quoi on parle. Charia, d’abord, n’est pas un gros mot. Comme “djihad” (qui signifie “effort spirituel” et que les islamistes ont fini par traduire en “guerre sainte”), comme “fatwa” (qui veut dire “avis religieux” et où le monde, à cause de l’affaire Rushdie, a pris l’habitude d’entendre “condamnation à mort”), le mot même de charia est l’enjeu d’une guerre sémantique sans merci mais continue de signifier, heureusement, pour la majorité des musulmans, quelque chose d’éminemment respectable. BHL
Dans le monde musulman d’aujourd’hui, peut-être certains s’interrogent sur l’attitude de la France à l’égard de l’islam, probablement à cause de l’attitude de certains de nos prédécesseurs immédiats. Eh bien je veux vous dire clairement que la page est tournée. Laurent Fabius (ministre des Affaires étrangères, devant les 57 ambassadeurs de l’OCI (organisation de la coopération islamique, 23.07.12)
Quand un occupant commence à frapper ses anciens alliés, la fin est proche. L’occupation ba’asiste du Liban dure depuis 30 ans et même la fin de l’ère soviétique n’a pas mis fin à l’Anschluss syrien. Relique de l’ère soviétique, le régime Assad a annihilé ses opposants chrétiens et a coincé les sunnites entre sa terreur et celle du Hezbollah. (…) La Syrie est perdue dans une fuite en avant apocalyptique qui risque de laisser le Liban en cendre. Walid Phares (2005)
En bref, l’administration Obama a malheureusement échoué à venir à la rescousse d’une population menacée par un allié de l’Iran. Certains font remarquer que cela pourrait être une politique, plutôt qu’une absence de politique, qui évoque en nous l’attitude envers les manifestants iraniens en juin 2009. Des observateurs suggèrent ainsi qu’une doctrine Obama non déclarée pour le Moyen-Orient souhaite laisser l’Afrique du Nord aux Frères musulmans et le Levant à l’influence iranienne. Walid Phares
Dans le monde arabo-islamique, l’Occident reste en fait la référence absolue : l’exemple même d’une société libre, pacifique, développée, puissante. Mais les Occidentaux ne s’en rendent pas compte, ou ne veulent pas s’en rendre compte. Une sorte de tropisme les conduit à soutenir systématiquement les régimes les plus archaïques, les moins démocratiques, les plus antioccidentaux, puis, quand ceux-ci s’effondrent, à se tourner vers les révolutionnaires les plus extrémistes. Un exemple accablant de ce comportement a été fourni par Barack Obama, qui est allé prononcer au Caire un discours d’une invraisemblable servilité à l’égard de l’islamisme en juin 2009, au mo­ment même où la société civile ira­nienne se révoltait contre la dictature des mollahs. Walid Pha­res

Quatre ans de plus de « c’est des jihadistes mais nos jihadistes »?

A l’heure où, à deux mois de l’élection de novembre, l’écart entre « l’Acheteur en chef des voix des uns avec l’argent des autres » (pour 15.000 milliards quand même de dette publique soit 7,6 % du PIB) et son adversaire républicain est entré dans la marge d’erreur …

Et où, à l’instar de l’imbroglio syrien et des suites catastrophiques de l’opération libyenne, le prétendu « printemps arabe » a largement commencé à montrer ses limites et ses vraies couleurs  …

Retour, avec le géopolitologue et conseiller du candidat Romney libano-américain Walid Phares, sur cette sorte de nouvelle doctrine Eisenhower non déclarée que menace de perpétuer une réélection Obama, consistant, tout en ayant maintenu l’essentiel du dispositif antiterroriste de son prédécesseur – Guantanamo compris – et même intensifié les éliminations ciblées, à  « laisser l’Afrique du Nord aux Frères musulmans et le Levant à l’influence iranienne ».

De même qu’une « ‘invraisemblable servilité », hélas partagée par une bonne part des pays occidentaux, à l’égard de l’islamisme, les « conduisant à soutenir systématiquement les régimes les plus archaïques, les moins démocratiques, les plus anti-occidentaux, puis, quand ceux-ci s’effondrent, à se tourner vers les révolutionnaires les plus extrémistes » …

L’échec syrien de l’administration Obama

 Walid Pharès (conseiller de Mitt Romney)

L’Orient le jour

28/08/2012

Conseiller auprès du Congrès américain pour le terrorisme et le Moyen-Orient ; conseiller en matière de politique étrangère et de sécurité nationale de Mitt Romney.

Conseiller auprès du Congrès américain pour le terrorisme et le Moyen-Orient ; conseiller en matière de politique étrangère et de sécurité nationale de Mitt Romney.

OPINION

L’effusion de sang en Syrie a presque atteint les proportions d’un génocide. Depuis le printemps 2011, les massacres perpétrés par le régime d’Assad ont emporté des dizaines de milliers de civils, dont des enfants, des femmes et des personnes âgées. S’il est un fait que des milices jihadistes ont émergé, et dans certains cas ont effectivement perpétré des abus, la grande majorité des Syriens qui manifestent contre le régime baassiste ne cherche pas à édifier un émirat du style taliban. Cette réalité politique, clairement comprise par les observateurs chevronnés et les experts compétents, continue d’échapper à une bonne partie de l’opinion publique internationale. Le conflit en Syrie est interne, régional et international, et il est maintenant sur le point de provoquer une catastrophe humaine, obligeant la communauté internationale à agir pour la défense d’une population en voie de disparition. Non seulement le droit international mais également la Charte de l’ONU exigent un plan de sauvetage pour des millions de civils innocents, pris au piège dans une guerre qui n’a cessé d’élargir son spectre.

Comme je l’avais prédit dans mon livre The Coming Revolution : Struggle for Freedom in the Middle East, publié quelques mois avant le printemps arabe et six mois avant la révolution syrienne, la société civile en Syrie a atteint un niveau critique de rejet du régime répressif et sécuritaire des Assad. Dans ma projection, j’avais soigneusement fait valoir que les Syriens finiraient par se soulever contre le régime baassiste, certains en raison de la répression passée, comme les sunnites, d’autres en raison du traitement à l’égard des minorités ethniques, comme les Kurdes… mais une majorité populaire finirait par imiter le soulèvement de la révolution du Cèdre au Liban en 2005 contre l’occupation syrienne, ainsi que la révolution Verte à Téhéran contre le régime khomeyniste, principal allié d’Assad dans la région. Les Syriens ont finalement brisé le mur de la peur et ont déferlé dans les rues à partir du printemps 2011. Les insurgés de Deraa, dans le Sud, et de Homs, au centre, ont suivi l’exemple des Égyptiens, qui venaient de renverser Moubarak, et des Tunisiens, qui avaient poussé Ben Ali à l’exil. Beaucoup pensaient à l’époque qu’il suffirait que des manifestations de masse prennent les rues d’assaut pour que la communauté internationale, emmenée par les États-Unis, force Assad à démissionner. Les Syriens et les Arabes avaient été témoins de l’escalade des pressions diplomatiques menée par le président Obama contre Le Caire et Tunis, et pensaient qu’il en serait de même avec Damas. Et lorsque Kadhafi a lancé ses chars sur Benghazi et les quartiers de Tripoli en 2011, Washington a mené, à partir d’une position d’arrière-garde il est vrai, la campagne aérienne et maritime de l’OTAN visant à épuiser l’armement stratégique du dictateur, donnant à l’opposition l’occasion de livrer sa bataille au sol, ce qui a ultimement conduit à la chute de l’homme fou, comme Sadate avait l’habitude de l’appeler.

Entre-temps, les manifestants syriens avaient été brutalisés, les enfants torturés et des centaines de citoyens tués par semaine. L’administration Obama n’a pas été à la mesure du niveau d’espoir et de la tragédie qui se déroulent dans toute la Syrie. Des mois se sont écoulés avant que les pressions diplomatiques américaines ne soient devenues suffisamment sérieuses et les sanctions économiques appliquées. Le temps que les pressions à l’égyptienne, et plus, aient été adoptées en Syrie, la situation était déjà devenue similaire à celle de la Libye. Washington était en retard, très en retard. Les troupes de Bachar el-Assad massacraient déjà des milliers de civils dans les villes et villages et une « Armée syrienne libre » avait déjà vu le jour et défié le régime.

Au moment où la révolution était devenue une quasi-guerre civile, les États-Unis saisirent le Conseil de sécurité pour une initiative sur la Syrie. Mais parce que les dirigeants russes ont prétendu avoir été dupés sur la Libye avec la résolution 1973, le veto de Moscou – soutenu par la Chine – bloqua toute référence à une résolution fondée sur le chapitre 7, condition sine qua non pour une action militaire contre le régime. Encore une fois, malheureusement, l’administration Obama était en retard pour obtenir un mandat en faveur de l’établissement d’une zone d’exclusion aérienne ou même de couloirs humanitaires pour aider les civils. Et pour cause : toute enclave de sauvetage doit être protégée par les forces de l’ONU, en vertu d’une décision autorisée sous l’égide du chapitre 7, désormais rendue impossible.

Au printemps dernier, l’équation sur le terrain s’est modifiée avec des conséquences dramatiques. Les rebelles ont remporté des victoires plus tactiques, pénétrant dans nombre de villes et de villages, saisissant des points de contrôle aux frontières et, comme nous l’avons vu dernièrement, portant des coups durs au directoire d’Assad. Ainsi, l’opposition progressa, grâce à sa propre force et avec un soutien minimal des acteurs régionaux. Mais sans une initiative internationale ou arabo-occidentale stratégique, l’opposition interne risque le massacre aux mains d’une armée puissante qui, en dépit des défections multiples, continue d’écraser les enclaves rebelles émergentes et d’élargir le spectre de la violence contre les civils.

Pourquoi l’administration Obama n’a-t-elle pas agi fermement et de façon stratégique sur la question syrienne, quand bien même elle aurait pu profiter d’un soutien européen – surtout français –, turc et arabe ? La raison principale qui a freiné une telle action – raison non déclarée, mais généralement admise – réside dans les craintes de la Maison-Blanche de ce qu’elle appelle une escalade régionale. En fait, Assad est un allié du régime iranien et du Hezbollah au Liban, et beaucoup au sein du gouvernement irakien soutiennent discrètement cet axe. Washington craint qu’une action militaire contre la Syrie, sous quelque forme que ce soit, provoque une contre-offensive non pas d’un seul, mais de quatre régimes. Dans le cadre d’une année électorale, comme il apparaît dans l’esprit des stratèges d’Obama, un président en exercice pourrait ne pas vouloir risquer une campagne militaire contre un pays dont le régime fait partie d’une alliance régionale menée par l’Iran. Et comme l’administration n’a aucun plan d’endiguement pour l’Iran, elle se trouve par conséquent incapable de commencer, en Syrie, une série d’actions qui pourraient déboucher sur une confrontation dans le Golfe, en Irak et au Liban, sans compter qu’elle pourrait impliquer Israël à une plus grande échelle.

Malheureusement, l’incapacité à déboulonner Assad est due à un manque de décision stratégique US concernant l’Iran et le Hezbollah, attitude qui a envoyé un message clair au dictateur syrien : il peut agir en toute impunité au moins jusqu’au 6 novembre, ce qu’il est en train de faire, sans pitié. L’un des résultats majeurs de cet échec est la croissance spectaculaire du nombre de victimes civiles à l’intérieur de la Syrie : l’on peut voir la mort et le chaos via Internet et YouTube au quotidien. Un autre effet de l’incapacité étatsunienne est l’inquiétante pénétration par des réseaux jihadistes armés de l’opposition en Syrie. Bien qu’à une échelle réduite, les partisans d’el-Qaëda ont revendiqué des victoires tactiques contre le régime, convainquant un plus grand nombre d’islamistes de rejoindre leurs rangs. À l’origine libéral et laïque, le directoire de l’opposition est désorienté entre l’absence de décision de l’Ouest et la brutalité du régime. Pendant ce temps, les pro-Iraniens se renforcent en Irak et les partisans du régime syrien passent à l’action contre la coalition pro-occidentale du 14 Mars au Liban.

En bref, l’administration Obama a malheureusement échoué à venir à la rescousse d’une population menacée par un allié de l’Iran. Certains font remarquer que cela pourrait être une politique, plutôt qu’une absence de politique, qui évoque en nous l’attitude envers les manifestants iraniens en juin 2009. Des observateurs suggèrent ainsi qu’une doctrine Obama non déclarée pour le Moyen-Orient souhaite laisser l’Afrique du Nord aux Frères musulmans et le Levant à l’influence iranienne.

On peut espérer que Washington change rapidement d’orientation dans sa politique au Moyen-Orient, en improvisant une stratégie qui produirait un affaiblissement d’Assad et un renforcement progressif de l’opposition, tout en s’assurant que le camp laïque et libéral dans les rangs des rebelles reçoive la plus grande partie du soutien. L’élaboration d’une telle stratégie est-elle aujourd’hui envisagée ? Les plans d’urgence existent toujours à Washington, mais la question qui se pose est celle de la décision politique. Existe-t-elle ? Si nous ne voulons pas voir les Syriens souffrir de manière irréversible jusqu’à ce que les élections soient terminées aux États-Unis, des pressions réelles doivent être exercées en Amérique et dans le monde entier sur l’administration afin d’initier au moins une campagne alternative pour la protection de la société civile en Syrie. En résumé, pour que la Syrie soit libérée, Washington doit changer d’orientation. Sinon, il faudra attendre un changement d’administration pour bénéficier de l’alternative Romney à la réticence d’Obama à défier l’Iran, principal soutien de Bachar el-Assad.

Voir aussi:

Proche-Orient

Printemps arabe. Rien n’est joué

Michel Gurfinkiel

Valeurs actuelles

28/06/2012

Régimes militaires ou théocraties ? Contrairement à ce que laissent penser les élections égyptiennes, l’avenir des pays arabes et islamiques ne se réduit pas à ce choix simpliste. Entretien avec le géopoliticien ­­­Walid Phares.

Né au Liban, Walid Pha­res a étudié en France, et vit aux États-Unis depuis 1990. Professeur à la National Defense University américaine, auteur de nombreux ouvrages en arabe et en anglais, il est expert officiel du Congrès sur les questions de terrorisme et conseiller spécial du candidat républicain Mitt Romney sur les questions liées à l’islamisme et au Proche-Orient.

Va-t-on en Égypte vers un “compromis historique” entre l’armée et les islamistes ? En fait, ce compromis est déjà en place depuis plus d’un an. Mais c’est un compromis instable, où chaque partenaire tente de l’emporter sur l’autre.

Sur quoi repose ce compromis ? Au début, il s’agissait de faire face à un ennemi commun : la jeunesse libérale, qui aspire à un mode de vie de type occidental, fondé sur les libertés individuelles. Les militaires, “propriétaires” du pays depuis Nasser, ont longtemps traité cette opposition par le mépris. Jusqu’au choc de janvier 2011 : les jeunes libéraux réussissent à mobiliser des foules de plus en plus grandes sur la place al-Tahrir, au Caire, en recourant à des techno­logies de communication difficiles à contrôler, comme les réseaux sociaux.

Le choc n’est pas moindre pour les islamistes : ils croyaient constituer la principale force d’opposition et voilà que des pans entiers de la société, les cadres, les intellectuels, les femmes, les coptes, les ouvriers et même la paysannerie, se rallient aux libéraux et les rejoignent sur la place al-Tahrir. Tant pour les militaires que les islamistes, il est alors impératif, vital, de marginaliser les libéraux. Une alliance tacite se noue, qui permet aux islamistes de gagner les législatives.

Mais ensuite les islamistes évoquent de plus en plus ouvertement leur but véritable : remplacer le régime militaire par une théocratie. Ce qui entraîne un ren­versement d’alliance pour l’élection présidentielle : le candidat des mili­taires, l’ancien général d’aviation Ahmad Chafik, tente de s’appuyer sur une partie au moins des libéraux. En définitive, c’est le candidat des Frères musulmans, Mohamed Morsi, qui l’emporte, quoi­que de justesse. Les militaires se sont prémunis par une série de décrets constitutionnels qui leur octroient des pou­voirs exceptionnels, surtout en matière de défense, de sécurité et de souve­raineté. Et par un arrêté du Tribunal constitutionnel qui dissout le Parlement à majorité islamiste. Un nouveau compromis s’instaure, bien différent du premier : une sorte d’équilibre de la terreur, où les uns menacent de recourir à une répression impitoyable et les autres de déclencher un “méga-Tahrir”.

Y a-t-il vraiment eu un “printemps arabe”, en Égypte et ailleurs ? As­surément, même s’il a été suivi par un “hiver islamique” glacial. Le schéma égyptien se retrouve un peu partout : ce sont les libéraux qui renversent la dictature, ou initient le renversement, mais ils sont rapidement évincés par les islamistes et les salafistes. Ou, pour reprendre l’observation d’un intellectuel égyptien : une démocratisation trop rapide donne toujours le pouvoir, dans un premier temps, aux forces antidémocratiques, parce que celles-ci disposent de réseaux militants mieux structurés. En terre d’islam, les islamistes contrôlent les mos­quées : le principal lieu public – sinon le seul, dans la mesure où tous les autres sont quadril­lés par la police et les services secrets. C’est un énorme avan­tage lors des premières élections libres. On l’a vu en Algérie dès 1992. On le voit aujour­d’hui en Égypte, en Tunisie…

Mais à terme, le printemps arabe – ou arabo-islamique – reviendra. D’ailleurs, sa véritable date de naissance n’est pas 2011, mais 2005 : quand le peuple libanais a contraint l’occupant syrien au départ. Il a rejailli en 2009, avec la révolte populaire iranienne contre le trucage des élections. Aujour­d’hui, les sociétés civiles arabes et islamiques s’organisent, apprennent à se structurer et reconstituent leurs réseaux afin de résister à la montée islamiste.

Quelles ressemblances et quelles dif­férences entre les divers “printemps” ? En Tunisie, les laïques du centre et les progressistes ont formé une opposition solide face au parti islamiste Ennahda et à ses alliés salafistes. Cet exemple aura une grande influence sur les autres pays arabes, de la même façon que la “révolution du jasmin”, en janvier 2011, a inspiré d’autres soulèvements.

Une victoire totale des islamistes en Égypte pourrait conduire à la création d’un espace islamiste géant de Gaza au Maroc, mais les libéraux égyptiens n’ont pas encore dit leur dernier mot.

En Libye, l’échec est total. Paradoxa­lement, le pays où les Occidentaux ont le plus investi en termes militaires et fi­nanciers est en passe de devenir le pays le plus antioccidental du “printemps arabe”. Les milices islamistes et les groupes djihadistes liés à Al-Qaïda qua­drillent le pays, les tribus importantes sont entrées en dissidence, les minorités africaines et amazighs se soulèvent. À terme, nous risquons de nous trouver devant une version nord-africaine de l’Afghanistan sous les talibans.

Bahreïn se situe sur une ligne de confrontation entre l’Iran et l’Arabie Saoudite. En raison de sa sociologie : population à majorité chiite, monarchie sunnite.

Le Yémen connaît des divisions en­core plus profondes : clivage Nord-Sud qui risque de scinder à nouveau le pays en deux, comme c’était le cas jusqu’en 1990 ; au Nord-Yémen, rébellion chiite appuyée par l’Iran, considérée comme un risque stratégique majeur par l’Ara­bie Saoudite ; dans le centre du pays, prolifération des cellules d’Al-Qaïda. Ce qui rend problématique une solution durable, en dépit des efforts de la classe politique de Sanaa pour trouver un successeur à Ali Abdallah Saleh.

Le cas le plus complexe, c’est évidemment la Syrie. À la différence de la Libye de Kadhafi, le régime d’Assad dispose du soutien de trois autres puissances régionales : l’Iran, une partie de l’Irak et le Hezbollah libanais. Mais l’opposition syrienne dispose elle aussi de soutiens extérieurs, si bien que le régime ne par­vient plus à la dompter. Une sorte de “statu quo violent” s’est donc installé, avec pour corollaire un nombre croissant de victimes civiles. Une intervention occidentale est impossible sans un soutien américain, ce qui la rend hau­tement improbable, sauf cataclysme, avant novembre : les États-Unis étant bridés, jusque-là, par l’élection présidentielle. Mais là encore, la question se répète : si Assad tombe, qui le remplacera ?

La crise peut-elle atteindre d’autres pays du Moyen-Orient ? La crise couve dans l’ensemble de la région. Nous assisterons vraisemblablement à de graves difficultés au Liban et en Irak, par porosité avec la Syrie. La Jordanie verra une montée des islamistes, l’Algérie sera confrontée à une nouvelle vague islamiste, mais aussi au séparatisme kabyle. Les salafistes se renforcent déjà au Mali ; leur influence va s’étendre en Mauri­tanie, au Niger et bien sûr au Nigeria. Le Soudan fait face à de nouveaux soulèvements non arabes, au Darfour, en Nubie ou dans les tribus bejas, à l’est du pays. L’opposition libérale peut se manifester à nouveau en Iran, et toucher les minorités ethniques.

Les pays occidentaux ont-ils encore un rôle à jouer dans cette région du monde ? Incontestablement. Dans le monde arabo-islamique, l’Occident reste en fait la référence absolue : l’exemple même d’une société libre, pacifique, développée, puissante.

Mais les Occidentaux ne s’en rendent pas compte, ou ne veulent pas s’en rendre compte. Une sorte de tropisme les conduit à soutenir systématiquement les régimes les plus archaïques, les moins démocratiques, les plus antioccidentaux, puis, quand ceux-ci s’effondrent, à se tourner vers les révolutionnaires les plus extrémistes. Un exemple accablant de ce comportement a été fourni par Barack Obama, qui est allé prononcer au Caire un discours d’une invraisemblable servilité à l’égard de l’islamisme en juin 2009, au mo­ment même où la société civile ira­nienne se révoltait contre la dictature des mollahs.

Propos recueillis par Michel Gurfinkiel

Voir également:

Mauvaise tournure au Liban »

Walid Phares

The Washington times

traduction Réseau Voltaire

21 février 2005

Quand l’explosion a frappé Beyrouth, massacrant l’ancien Premier ministre Rafic Hariri et ses compagnons, l’Histoire a pris une nouvelle tournure au Liban. Les sunnites se sont détournés de Bachar El Assad et une alliance sunnites-druzes-chrétiens s’est formée, se tournant vers les chiites.

Comment le pouvoir syrien, connu pour son habileté, a-t-il pu commettre une telle erreur, un tel suicide ? Toute ceux qui ont étudié le régime syrien ont conclu la même chose : plus personne n’est aux commandes de la Syrie. Quand un occupant commence à frapper ses anciens alliés, la fin est proche. L’occupation ba’asiste du Liban dure depuis 30 ans et même la fin de l’ère soviétique n’a pas mis fin à l’Anschluss syrien. Relique de l’ère soviétique, le régime Assad a annihilé ses opposants chrétiens et a coincé les sunnites entre sa terreur et celle du Hezbollah. En ne plaçant pas ce régime terroriste dans l’« Axe du mal » on lui a laissé une chance d’évoluer et de quitter le Liban, mais il ne l’a pas saisie.

Aujourd’hui, Saddam est tombé et Yasser Arafat est mort. La Syrie se retrouve seule. Après la résolution 1559, l’opposition libanaise a commencé à se rassembler et la Syrie a attaqué. Damas ne peut pas abandonner le Liban sous peine de voir le « Reich » s’effondrer à l’intérieur de ses frontières. La Syrie est perdue dans une fuite en avant apocalyptique qui risque de laisser le Liban en cendre.

 Voir encore:

Radical Islam

The Candidate Who Can See the Enemy, Can Defeat It

Walid Phares

2/1/2008

The post 9/11 era has changed the rules of engagement for national security experts and for those who can read the mind of the Jihadists, when it comes to US Presidential elections. While the principle was that the counter Terrorism community should let the voters choose their candidates and select their chief executive first, then offer the expert advice to the President later, unfortunately for that principle, things have changed.

Indeed, since the attacks against New York and Washington and the engagement of the nation in the war with Jihadism since 2001, the selection of the US President can fundamentally affect the survival of the American People. Who would occupy the White House in 2009 will have to make decisions for four to eight years with cataclysmic consequences on the physical security and the freedom of 300 million citizens in this country and eventually on the free world as a whole: For the leader of the most powerful democracy in the world has to be able to know who the enemy is so that all resources are put into action. Short of this ability to be very clear and precise on the nature of the danger and the processes to address it, a next US President could cause a major disaster to this nation. American voters cannot afford to install a man or a woman who can’t identify and define the enemy. If you can’t see that enemy, you simply cannot defeat it.

In the 2004 Presidential election, the real choice was not between Parties and socio economic platforms. It was between the option of resuming the war against what was called then “Terrorism,” and the option of retreating from the confrontation. Everything else was decoration. Americans were agonizing on the direction to adopt before their numerical majority resettled President Bush in the White House. Some argued that Americans do not change Presidents during a War. I think that the country was influenced by the two aforementioned directions and chose one over the other; but at the same time I do think though that an overwhelming majority of voters wasn’t fully informed as to the real stakes. Less than half of the country was told that the war in Iraq was wrong, and that there was no war on terror, and more than half of the country was not even told who the enemy was or what it really wanted.

The 2004 Presidential elections took place in quasi popular ignorance. The sitting — and fighting — President was reelected by basic instincts not by enlightened citizens, which if compared to the opposing agenda were a sophisticated choice.

In 2008, America is quite different and the outlook of the forthcoming confrontation is by far more dramatic. US forces are still deployed in Afghanistan and Iraq and the Jihadists — of all types, regimes and organizations — are still committed to reverse democracy in these two countries. The war there is not over rather the greater challenges are yet to begin. Al Qaeda got beaten badly in the Sunni Triangle and in Somalia but a younger generation of Jihadists is being put into battle across the region. Not one single Sunni country will escape the rise of Salafi Terror in the next US Presidential term. Iran’s regime is speeding up its strategic armament, testing American resolve when possible; Syria is surviving its isolation and bleeding our allies in Iraq and Lebanon; Hezbollah is about to seize Lebanon; Hamas has seized Gaza; Turkey’s Islamists are reversing secularism; and Pakistan’s Jihadists are eying the nuclear missiles. But worse, three generations of Jihadists have penetrated the social and defense layers of Western Europe and the United States. In few years from now, the next President may have to witness European cities burned by urban warfare in his (or her) first term, and could be forced to arm the doom day devices for the first time in this century by the following presidential term. These images from a not so distant future may become the reality to face the leaders we will select in the primaries and the one who will be sitting in the oval office next January. The prospects are really serious. Thus the choice of the best candidate at Party and national levels is not a matter of routine or a regular exercise of US politics.

Never as before Americans must scrutinize the agendas of their candidates and find out which platform is the best suited for what is to come, who among them can face off with the lethal enemy, shield the economy, manages the daily lives while building the vital coalitions the world has ever needed? Who can withstand the pressure, understand the nature of the enemy and bring into the decision making posts the men and women who can win the conflict. And it is from a simple reading of these platforms — as posted and published — as well as from the public speeches of the candidates that anyone among us can shop around for the best suitable of the candidates. At this point of US and world history, Party, gender, race, and social class affiliations only can’t offer the right choice for the forthcoming Presidential election. At the end it is a personal selection act for each citizen. In democracies and certainly in the United States this year one can make many choices and select the appropriate candidates:

1. Decide to withdraw unilaterally from the war and let the next generation struggle with the consequences

2. Think that if we mind our business as a nation the world as it exists today will simply comply.

3. Commit to continue the confrontation by maintaining the status quo and awaiting for things to get better by themselves

4. Engage the enemy deeper, smarter and wider and end the war faster.

All depends on how we were educated about the conflict and what is it that we consider priorities in our lives. If we were misinformed about the events that have bled this country and will bring the world into dramatic times, before they recede, we would vote for the candidates who sees no threat to America and who practice politics as if Peace is secure. But if we know where we are in the world we’re living in, we’d look at survival first before we argue about everything else. I am among those who believe — and see — that this country (and other democracies) are marked for aggression and Terror. All our concerns about economy, social justice, cultural harmony, wealth, and technological advancement are dramatically pending on the ability of the rising menace to crumble this country’s national security and all what would collapse with that fall.

Probably I am among the few who see the clouds gathering around the globe and thus have been urging leaders to act fast, decisively and early on to avoid the future Jihad –that has began already. If what I see wasn’t there I would be fully excited — like any citizen — to argue forcefully about the crucial matters of our existence: health, environment, nutrition, scientific discoveries, animal protection, and why not space exploration. Had I not realized that all that debate was hinging on what Bin laden and Ahmedinijad were preparing, I would have been looking at a whole different roaster of Presidential candidates. But that is not the world I see ahead of us, in the immediate future.

Hence, I’ll leave the debate about the best economic and technological directions to their experts and I would postpone the social and philosophical dreams to better times. Right now and right here I am interested in who among the candidates can simply understand the tragic equation we’re in and may be able to use the resources of this nation to cross the bridge ahead of us. President Bush was elected before 9/11 neither on the grounds of avoiding the Jihadi wars nor winning them. Very few even knew that we were already at war. He was reelected on the ground of being a better choice than the defeatist political alternative. This year I suggest that Americans deserve a more daring choice. They need to see and certify that the next occupant of the White House lives on this Planet, at this age, knows that we are at war and above all knows which war we are fighting. The margin of error is too slim to allow hesitations.

By 2012 the Jihadists may recruit one million suicide bombers and could align two nuclear powers. By 2016 they would deploy 10 million suicide bombers and seize five regimes equipped with the final weapon. In the next eight years NATO’s European membership could be battling urban intifadas and US task forces lacking shelters worldwide. To avoid these prospects of apocalypse the offices on Pennsylvania Avenue must catch up with the lost opportunities as of next winter.

Thus, and unlike traditional commentators in classical US politics I am not looking at who said what and who flipped flopped when. Frankly, it doesn’t matter at this stage if it is a he or a she, of this or other race, of this or other church, and if the President is single, has a large family or has divorced twice. The stakes are much higher than the sweet but irrelevant American usual personality debate. I want to know if the candidates are strong willed, smart, educated about the world, informed about the threat, can define it, can identify it, can fight it, are not duped by their bureaucracy, cannot be influenced by foreign regimes, have the right advisors, can run an economy while commanding a war and still see the threats as they handle daily crisis and take drastic measures as the hard times are approaching. I want to know if the candidates are very specific when they inform their public about the menace. Yes, it is indeed a vital function of national security that we need to insure for the next few years, so that all other issues can be addressed thoroughly. In short I don’t want to see the fall of Constantinople being repeated on these shores in the next decade or two. Humanity will not recover from such a disaster.

And that potential hyper drama hinges on the mind and the nerves of the next President of this country. At this stage three men and a woman, all remarkable politicians, are the finalists (or so it seems) for the ultimate job. Their skills are rich, their past and present are colorful, their images are attractive to many and the dreams they inspire are equally powerful: A minority symbol, a successful woman, a war hero and a bright entrepreneur. If there was no Jihadi menace, meaning a different Planet, I would hardly be able to choose. Senator Obama would be an amazing choice to end the wounds of the past. Senator Clinton, as a woman, would break the gender taboo. Senator McCain, as a man who suffered for his country would epitomize the faithfulness of this nation. Governor Romney, the family man and the successful businessman can be the symbol of a hopeful America. As beautiful as these tales can be, my search for the best choice is not as dreamful as the descriptions the candidates inspire, unfortunately. I am looking at the scariest item on any Presidential agenda andrds and Kucinich (before they quit the race) acknowledge that a “war on terror” is on. Both have pledged to pursue al Qaeda relentlessly instead of blaming their country as their mates have stated. Also, Obama and Clinton, to the surprise of their critics have enlisted good counter terrorism experts as advisors. But from there on, the findings gets darker. The Senator from Illinois wants to end the campaign in Iraq abruptly, which would lead to the crumbling of the democratic experiment and a chain of disasters from Afghanistan to Lebanon opening the path for a Khomeinist Jihadi empire accessing the Persian Gulf and the Eastern Mediterranean: Too many sufferings and devastating results. Obama’s campaign need to radically transform its agenda on world view so that the voices of the oppressed peoples in that part of the world, can be heard. Maybe a trip to Darfur and Beirut can help rethinking his agenda. Unfortunately the latest news from the campaign isn’t encouraging. The Senator wants to shake the hands of Dictator Assad, authoritarian Chavez, apocalyptic Ahmedinijad and perhaps even the Khartoum bullies of Sudan’s Africans. No need for further evidence: such an agenda in the next White House is anathema to the sense of human history.

Senator Clinton has a powerful political machine and happens to have enlisted top national security experts in her team. She will commit to stand by Israel and would not visit the oppressors of women in Tehran. But beyond these two red lines her foreign policy agenda (despite the knowledgeable expertise available to her) is (using ironically the words of Obama in other fields) “a bridge back to the twentieth century.” Indeed, the plan is to withdraw from Iraq without defeating the Jihadists, without containing the Iranians and without solidifying Democracy. It is an asphalted path to the Obama pull out, with some decorations and consolation prizes. A retreat from the Middle East will be paved with fabulous commitment not to let Israel down. A commitment which would lose its teeth, once the Pasdarans will be marching through Iraq and Syria and would install Armageddon’s Shahhab missiles in the hands of Hezbollah. On the Senator’s agenda there is no definition of the enemy or commitment to contain it, reverse it or defeat it. There are no policies of solidarity with oppressed peoples and there is no alliance with the democratic forces of the region. Mrs Clinton won’t befriend Ahmedinijad but she would let him — and other Islamists — crush her own gender across the continents.

But more important perhaps, from an American perspective would the crisis be expected in Homeland Security if one or the other agendas advanced by the two Senators would enter the White House. If no drastic reforms would take place within their projected policies of non confrontation of Jihadism, an army of experts, activists and lobbyists is expected to invade all levels of national security and reinstall the pre 9/11 attitudes. In short Jihadophilia would prevail, even without the knowledge or the consent of that future White House. It already happened in the 1990s and led to what we know. The reading of political genomes has no margin for error. The electoral platforms of the two senators are enemy-definition-free. Not identifying the enemy is equal to not defining the threat. Thus, and unless the good advisors rush to fill that gap before the national election, Democratic voters will lack their chance to bring in a solid defender of the nation.

On the other side of the spectrum, Republicans are struggling with a different choice, nonetheless as challenging and with long term consequences. Aside from Congressman’s Paul isolationist program which calls for striking deals with bloody dictatorships, disengaging from any containment of Jihadi threats, abandoning peoples in jeopardy, and giving free ride to penetration and infiltration within the US homeland (all clearly and unequivocally stated in the open); aside from this anomalistic agenda, all other platforms had a minimum baggage of resistance to Terror forces, each one with a different rhetoric.

McCain, Romney, Huckabee, as well as Giuliani and Thompson (before they pulled out) were all ready to engage battle with “the” enemy, pursue the so-called War on Terror and agreed on fighting al Qaeda in Iraq and Afghanistan. Their agendas attempted to define the threat, leaping ahead of their competitors on the other side of the aisle. Their statements and posted documents are irrefutable evidence that if they gain the White House there would neither surrender the country to domestic infiltration nor they would disengage from the confrontation overseas. On this ground alone, and unless the Democratic contenders and their final nominee change their counter Terrorism approach (which is not that likely), the final choice American voters will have to make — on national security — will be dramatically different and irreversibly full of consequences.

But at this stage of the primaries the grand choices seems to have to be made by Republicans. Indeed, in what I consider the single most important ingredient in the War with Jihadism, the identification of the threat is at the heart of the success or the failure. All four leading Republican candidates were equal in fingering what they perceived as the enemy: They called it “radical Islam” and gave it different attributes, “Islamo-fascism,” “extremist Islamism,” “Islamic terrorism,” and other similar descriptions. In that regard they are at the opposite end of their Democratic contenders. But in my analysis, after more than 25 years of study and observations of the phenomenon, and seven years after 9/11, the term “radical Islam” is not enough when a US President (or other world leaders) wants to define the danger and build strategies against it: Without delving into the deeper layers of academic research (at least not in this article), the term used outside a doctrine is too general, doesn’t pin down the actual forces acting against democracies and can be easily overturned and manipulated by skilled operatives in the War of ideas. So, the slogan of “Radical Islam” could be a linguistic indicator to the direction from where the menace is coming from, but falls short of catching the actual threat doctrine: Jihadism. Hence in my judgment those candidates who take the ideological battle lightly are not equipped as those who have done their homework fully and offered the voters, and perhaps the public, a comprehensive doctrine on counter Jihadism.

We’re not dealing with semantics here, but with keys to unlock the stagnation in the current conflict. Short of having a future president who knows exactly who the enemy is, how it thinks, and how to defeat it, the conflict cannot be won. There can be no guesses, no broad drawings, no general directions, no colorful slogans, and no good intentions alone. This next president has to understand the Jihadist ideology by himself (herself as well) and not rely on advisors to place descriptions in the speeches, and change them at the wish of lobbyists. This nuance in understanding the threat and in articulating the rhetoric has gigantic consequences. All strategies related to fighting al Qaeda in Afghanistan, in Iraq and within the West, and related to containing Khomeinist power in the region and beyond emanates from a US understanding of their ideologies, key elements of the foe’s global strategies. Hence when I examine the agendas of the Republican candidates and analyze their speeches I look at indicators showing the comprehension of the bigger picture. All four leaders, McCain, Romney, Giuliani and Huckabee have developed common instincts as to where it is coming from; but that is not enough. Americans need to see and know that their future president can man sophisticated rhetoric, is ready to go on the offensive, and move against the enemy before the latter jumps at American and allies targets. Being just tough and willing to strike back heavily is not anymore an acceptable threshold. We need the next president to be aware of what the other side is preparing, preempt it and do it faster than any predecessor. The next stage in this war is not about sitting in the trenches and increasing the level of troops wherever we currently are. It will be about moving swiftly and sometimes stealthily and reaching the production structure of the enemy. And to do this, our projected leaders need to identify and define the threat doctrine and design a counter doctrine, a matter the US Government has failed to achieve in the first seven years of the war.

The two leading contenders on the Republican side, McCain and Romney, both recognize that there is an enemy, are committed to defeat it, but identify it in different intensities. Senator McCain says it is “Radical Islam,” and pledges to increase the current level of involvement. On Iraq, the former Navy Pilot says he will continue to fight till there are no more enemies to fight. To me that is a trenches battlefield: We’ll pound them till they have no more trenches. Governor Romney says the enemy is Global Jihadism, and it has more than the one battlefield of Iraq. And because the Jihadists are in control of regimes, interests and omnipresent in the region and worldwide, the US counter strategies cannot and should not be limited to “entrenchment” but to counter attacks, preemptive moves and putting allies forces on the existing and new battlefields. Besides not all confrontations have to be militarily. The difference in wording between the general term “radical Islam” and the focused threat doctrine “Jihadism” says it all. One leads to concentrate one type of power in one place, regardless of what the enemy is and wants to do, and the other concept lead to pinch the foe from many places on multiple levels and decide over the ending process of the conflict.

I am sure Senator McCain can follow the same reasoning and catch up with the geopolitics of the enemy but so far Governor Romney has readied himself better in the realm of strategizing the defeat this enemy. The next stage of the war has to do with a mind battle with the Jihadists. The latter aren’t a just a bunch of Barbarians set to bloodshed. They have a very advanced strategy, projecting for decades, and they are ready to confront our next president and defeat the United States. This is why I have come to the conclusion that -based on what was provided to the public by the four leading candidates- Governor Romney has the capacity of managing the counter strategies against the Jihadists, only because he stated to the public that he sees the enemy as to who they are. And if a President can see them, he can defeat them. His Republican contender, now leading the polls, can sense them but haven’t shown them. The leading candidates on the other side are making progress in the opposite direction: One wants to end the War unilaterally and the other wants to make Peace with the oppressors. In short, if elected, Romney will try to destroy the mother ship, McCain will supply the trenches, Clinton will pull the troops back to the barracks and Obama will visit the foes’ bunkers.

Hence, as is, I have recommended Governor Romney for the Republican Primaries as first among equals while considering Senator McCain as a genuine leader. If Romney is selected I believe America may have a chance to try new strategies. If his contender is selected, we will have four or eight more years of the past seven years. On the other side, I have suggested to counter-Terrorism experts to help Democratic candidates restructure their agendas on national security in line with the reality of the enemy: For I would like to see both parties presenting a united vision of the threat while differing on how to confront it. That would be the ideal situation America can be in and a response to the deepest will of the American public.

(PS: This analysis represents my personal views and not the views or position of any of the NGOs I am affiliated with.)

 Voir enfin:

La Libye, la charia et nous

Bernard-Henri lévy

Le Point

03/11/2011

Que faut-il penser de cette affaire de charia ? Et se pourrait-il que l’on n’ait soutenu les insurgés de Benghazi que pour se retrouver avec, à l’arrivée, un État interdisant le divorce et réinstaurant la polygamie ? Précisions. Explications.

1. Tout est parti d’une phrase. Une seule phrase. Elle n’a certes pas été prononcée, cette phrase, par le premier venu puisqu’il s’agit de Mustafa Abdeljalil, président du Conseil national de transition et père de la victoire. Mais, président ou pas, Abdeljalil est membre d’un Conseil dont les décisions sont collégiales. Et ce Conseil est, comme son nom l’indique, un organe de transition qui n’a pas vocation à édicter les lois de la future Libye.

Abdeljalil a exprimé une opinion.

Peut-être un voeu.

Peut-être n’était-ce même pas un voeu mais un gage donné à la minorité de combattants islamistes qui ont payé le tribut le plus lourd à la libération.

Et, quand bien même il aurait exprimé le fond de sa pensée, quel poids cela aurait-il quand on sait qu’il s’est engagé, comme tout le CNT, à ne pas briguer de poste dans la Libye d’après la transition ?

Il faudra, pour savoir à quoi ressemblera cette Libye, attendre la Constituante dans huit mois. Puis les élections générales. Puis le type de gouvernement qui en sortira. Faire comme si une petite phrase prononcée, dans la chaleur d’un meeting, par un homme estimable mais en train de quitter la scène suffisait à « faire basculer » le pays relève de la malveillance, du parti pris.

2. Il y a charia et charia. Et il faut, avant d’entonner le grand air de la régression et de la glaciation, savoir de quoi on parle.

Charia, d’abord, n’est pas un gros mot.

Comme « djihad » (qui signifie « effort spirituel » et que les islamistes ont fini par traduire en « guerre sainte »), comme « fatwa » (qui veut dire « avis religieux » et où le monde, à cause de l’affaire Rushdie, a pris l’habitude d’entendre « condamnation à mort »), le mot même de charia est l’enjeu d’une guerre sémantique sans merci mais continue de signifier, heureusement, pour la majorité des musulmans, quelque chose d’éminemment respectable.

C’est un terme qui apparaît cinq fois dans le Coran et que les traductions françaises rendent par « voie ».

Ce n’est pas le nom d’un « code », encore moins d’un « carcan » exhaustif de règles, mais d’un ensemble de « valeurs » soumises à l’interprétation des docteurs.

C’est un terme générique, autrement dit dont il appartient aux législateurs de proposer une application plus ou moins évolutive, plus ou moins stricte.

Moyennant quoi la quasi-totalité des pays musulmans font référence à la charia.

La plupart, y compris la Libye de Kadhafi à partir de 1993, en font l’une des sources de la loi.

Quand, comme au Maroc, ils ne le font pas, c’est parce que l’islam y est déjà religion d’État.

Et tout le problème est de savoir, alors, ce que l’on met sous ce vocable : la lapidation de la femme adultère, comme en Iran ? l’amputation des voleurs, comme en Arabie saoudite ? ou bien une somme de préceptes moraux que l’on s’efforce de combiner, comme en Égypte, avec le Code Napoléon ?

3. Que la question se pose, à partir de là, de la « voie » que choisira la Libye, soit.

Qu’une nouvelle bataille s’annonce, idéologique celle-là, où il s’agira d’arbitrer entre la minorité de ceux qui entendent la charia au sens des fanatiques et ceux qui veulent la voir composer avec l’idéal démocratique, cela va de soi.

Que, dans cette seconde bataille, nous ayons un rôle à jouer, qu’il appartienne aux amis de la nouvelle Libye, aux alliés qui ont contribué à ce qu’elle se libère d’une des dictatures les plus sanglantes de l’époque, de l’aider à ne pas tomber sous le joug d’une autre tyrannie, évidemment.

Mais, de grâce, pas de mauvaise foi.

Ne refaisons pas aux Libyens le coup, version civile, de ce fameux « enlisement » qui, au bout de huit jours de frappes aériennes, faisait déjà trouver le temps long.

Et ne demandons pas à cette Libye cassée par quarante-deux ans de despotisme, ne demandons pas à ce pays sans État, sans tradition juridique, sans vraie société civile, de devenir, en trois mois, une patrie des droits de l’homme.

La démocratie polonaise, trente ans après Solidarnosc, se cherche toujours.

La Russie en est encore à Poutine.

Il a fallu à la France une Terreur, une Restauration, deux Empires et plusieurs bains de sang pour donner corps à l’idéal républicain de 1789 puis à l’idée de laïcité.

Et l’on voudrait que la Libye passe, elle, de la nuit à la lumière ?

La bataille sera rude.

Elle connaîtra des embardées, des retours en arrière, des moments d’égarement.

Mais je connais assez les hommes et femmes qui, à Benghazi ou Misrata, ont voulu cette révolution pour savoir qu’ils ne se laisseront pas confisquer leurs droits conquis de si haute lutte.

Du grand schisme qui traverse le monde musulman, de l’affrontement historique (et, désormais, démocratique) entre les deux islams, celui des Lumières et celui des ténèbres, celui des modérés et celui des extrémistes, celui de la main tendue à l’Europe et celui de la guerre des civilisations, la Libye postkadhafiste est devenue une scène majeure – et je forme le pari que, sur cette scène, la victoire reviendra aux amis de la liberté.

Radical Islam

The Candidate Who Can See the Enemy, Can Defeat It

The post 9/11 era has changed the rules of engagement for national security experts and for those who can read the mind of the Jihadists, when it comes to US Presidential elections. While the principle was that the counter Terrorism community should let the voters chose their candidates and select their chief executive first, then offer the expert advice to the President later, unfortunately for that principle, things have changed.

Indeed, since the attacks against New York and Washington and the engagement of the nation in the war with Jihadism since 2001, the selection of the US President can fundamentally affect the survival of the American People. Who would occupy the White House in 2009 will have to make decisions for four to eight years with cataclysmic consequences on the physical security and the freedom of 300 million citizens in this country and eventually on the free world as a whole: For the leader of the most powerful democracy in the world has to be able to know who the enemy is so that all resources are put into action. Short of this ability to be very clear and precise on the nature of the danger and the processes to address it, a next US President could cause a major disaster to this nation. American voters cannot afford to install a man or a woman who can’t identify and define the enemy. If you can’t see that enemy, you simply cannot defeat it.

In the 2004 Presidential election, the real choice was not between Parties and socio economic platforms. It was between the option of resuming the war against what was called then “Terrorism,” and the option of retreating from the confrontation. Everything else was decoration. Americans were agonizing on the direction to adopt before their numerical majority resettled President Bush in the White House. Some argued that Americans do not change Presidents during a War. I think that the country was influenced by the two afore mentioned directions and chose one over the other; but at the same time I do think though that an overwhelming majority of voters wasn’t fully informed as to the real stakes. Less than half of the country was told that the war in Iraq was wrong, and that there was no war on terror, and more than half of the country was not even told who the enemy was or what it really wanted.

The 2004 Presidential elections took place in quasi popular ignorance. The sitting — and fighting — President was reelected by basic instincts not by enlightened citizens, which if compared to the opposing agenda were a sophisticated choice.

In 2008, America is quite different and the outlook of the forthcoming confrontation is by far more dramatic. US forces are still deployed in Afghanistan and Iraq and the Jihadists — of all types, regimes and organizations — are still committed to reverse democracy in these two countries. The war there is not over rather the greater challenges are yet to begin. Al Qaeda got beaten badly in the Sunni Triangle and in Somalia but a younger generation of Jihadists is being put into battle across the region. Not one single Sunni country will escape the rise of Salafi Terror in the next US Presidential term. Iran’s regime is speeding up its strategic armament, testing American resolve when possible; Syria is surviving its isolation and bleeding our allies in Iraq and Lebanon; Hezbollah is about to seize Lebanon; Hamas has seized Gaza; Turkey’s Islamists are reversing secularism; and Pakistan’s Jihadists are eying the nuclear missiles. But worse, three generations of Jihadists have penetrated the social and defense layers of Western Europe and the United States. In few years from now, the next President may have to witness European cities burned by urban warfare in his (or her) first term, and could be forced to arm the doom day devices for the first time in this century by the following Presidential term. These images from a not so distant future may become the reality to face the leaders we will select in the primaries and the one who will be sitting in the oval office next January. The prospects are really serious. Thus the choice of the best candidate at Party and national levels is not a matter of routine or a regular exercise of US politics.

Never as before Americans must scrutinize the agendas of their candidates and find out which platform is the best suited for what is to come, who among them can face off with the lethal enemy, shield the economy, manages the daily lives while building the vital coalitions the world has ever needed? Who can withstand the pressure, understand the nature of the enemy and bring into the decision making posts the men and women who can win the conflict. And it is from a simple reading of these platforms — as posted and published — as well as from the public speeches of the candidates that anyone among us can shop around for the best suitable of the candidates. At this point of US and world history, Party, gender, race, and social class affiliations only can’t offer the right choice for the forthcoming Presidential election. At the end it is a personal selection act for each citizen. In democracies and certainly in the United States this year one can make many choices and select the appropriate candidates:

1. Decide to withdraw unilaterally from the war and let the next generation struggle with the consequences
2. Think that if we mind our business as a nation the world as it exist today will simply comply.
3. Commit to continue the confrontation by maintaining the status quo and awaiting for things to get better by themselves
4. Engage the enemy deeper, smarter and wider and end the war faster.

All depends on how we were educated about the conflict and what is it that we consider priorities in our lives. If we were misinformed about the events that have bled this country and will bring the world into dramatic times, before they recede, we would vote for the candidates who sees no threat to America and who practice politics as if Peace is secure. But if we know where we are in the world we’re living in, we’d look at survival first before we argue about everything else. I am among those who believe — and see — that this country (and other democracies) are marked for aggression and Terror. All our concerns about economy, social justice, cultural harmony, wealth, and technological advancement are dramatically pending on the ability of the rising menace to crumble this country’s national security and all what would collapse with that fall.

Probably I am among the few who see the clouds gathering around the globe and thus have been urging leaders to act fast, decisively and early on to avoid the future Jihad –that has began already. Had what I see wasn’t there I would be fully excited — like any citizen — to argue forcefully about the crucial matters of our existence: health, environment, nutrition, scientific discoveries, animal protection, and why not space exploration. Had I not realized that all that debate was hinging on what Bin laden and Ahmedinijad were preparing, I would have been looking at a whole different roaster of Presidential candidates. But that is not the world I see ahead of us, in the immediate future.

Hence, I’ll leave the debate about the best economic and technological directions to their experts and I would postpone the social and philosophical dreams to better times. Right now and right here I am interested in who among the candidates can simply understand the tragic equation we’re in and may be able to use the resources of this nation to cross the bridge ahead of us. President Bush was elected before 9/11 neither on the grounds of avoiding the Jihadi wars nor winning them. Very few even knew that we were already at war. He was reelected on the ground of being a better choice than the defeatist political alternative. This year I suggest that Americans deserve a more daring choice. They need to see and certify that the next occupant of the White House lives on this Planet, at this age, knows that we are at war and above all knows which war we are fighting. The margin of error is too slim to allow hesitations.

By 2012 the Jihadists may recruit one million suicide bombers and could align two nuclear powers. By 2016 they would deploy 10 million suicide bombers and seize five regimes equipped with the final weapon. In the next eight years NATO’s European membership could be battling urban intifadas and US task forces lacking shelters worldwide. To avoid these prospects of apocalypse the offices on Pennsylvania Avenue must catch up with the lost opportunities as of next winter.

Thus, and unlike traditional commentators in classical US politics I am not looking at who said what and who flipped flopped when. Frankly, it doesn’t matter at this stage if it is a he or a she, of this or other race, of this or other church, and if the President is single, has a large family or has divorced twice. The stakes are much higher than the sweet but irrelevant American usual personality debate. I want to know if the candidates are strong willed, smart, educated about the world, informed about the threat, can define it, can identify it, can fight it, are not duped by their bureaucracy, cannot be influenced by foreign regimes, have the right advisors, can run an economy while commanding a war and still see the threats as they handle daily crisis and take drastic measures as the hard times are approaching. I want to know if the candidates are very specific when they inform their public about the menace. Yes, it is indeed a vital function of national security that we need to insure for the next few years, so that all other issues can be addressed thoroughly. In short I don’t want to see the fall of Constantinople being repeated on these shores in the next decade or two. Humanity will not recover from such a disaster.

And that potential hyper drama hinges on the mind and the nerves of the next President of this country. At this stage three men and a woman, all remarkable politicians, are the finalists (or so it seems) for the ultimate job. Their skills are rich, their past and present are colorful, their images are attractive to many and the dreams they inspire are equally powerful: A minority symbol, a successful woman, a war hero and a bright entrepreneur. If there was no Jihadi menace, meaning a different Planet, I would hardly be able to choose. Senator Obama would be an amazing choice to end the wounds of the past. Senator Clinton, as a woman, would break the gender taboo. Senator McCain, as a man who suffered for his country would epitomize the faithfulness of this nation. Governor Romney, the family man and the successful businessman can be the symbol of a hopeful America. As beautiful as these tales can be, my search for the best choice is not as dreamful as the descriptions the candidates inspire, unfortunately. I am looking at the scariest item on any Presidential agenda and check out if they are conscious about it: national security. Here is what I found so far.

Senators Obama and Clinton, unlike their colleagues Edwards and Kucinich (before they quit the race) acknowledge that a “war on terror” is on. Both have pledged to pursue al Qaeda relentlessly instead of blaming their country as their mates have stated. Also, Obama and Clinton, to the surprise of their critics have enlisted good counter terrorism experts as advisors. But from there on, the findings gets darker. The Senator from Illinois wants to end the campaign in Iraq abruptly, which would lead to the crumbling of the democratic experiment and a chain of disasters from Afghanistan to Lebanon opening the path for a Khomeinist Jihadi empire accessing the Persian Gulf and the Eastern Mediterranean: Too many sufferings and devastating results. Obama’s campaign need to radically transform its agenda on world view so that the voices of the oppressed peoples in that part of the world, can be heard. Maybe a trip to Darfur and Beirut can help rethinking his agenda. Unfortunately the latest news from the campaign isn’t encouraging. The Senator wants to shake the hands of Dictator Assad, authoritarian Chavez, apocalyptic Ahmedinijad and perhaps even the Khartoum bullies of Sudan’s Africans. No need for further evidence: such an agenda in the next White House is anathema to the sense of human history.

Senator Clinton has a powerful political machine and happens to have enlisted top national security experts in her team. She will commit to stand by Israel and would not visit the oppressors of women in Tehran. But beyond these two red lines her foreign policy agenda (despite the knowledgeable expertise available to her) is (using ironically the words of Obama in other fields) “a bridge back to the twentieth century.” Indeed, the plan is to withdraw from Iraq without defeating the Jihadists, without containing the Iranians and without solidifying Democracy. It is an asphalted path to the Obama pull out, with some decorations and consolation prizes. A retreat from the Middle East will be paved with fabulous commitment not to let Israel down. A commitment which would lose its teeth, once the Pasdarans will be marching through Iraq and Syria and would install Armageddon’s Shahhab missiles in the hands of Hezbollah. On the Senator’s agenda there is no definition of the enemy or commitment to contain it, reverse it or defeat it. There are no policies of solidarity with oppressed peoples and there is no alliance with the democratic forces of the region. Mrs Clinton won’t befriend Ahmedinijad but it would let him — and other Islamists — crush her own gender across the continents.

But more important perhaps, from an American perspective would the crisis to expect in Homeland Security if one or the other agendas advanced by the two Senators would enter the White House. If no drastic reforms would take place within their projected policies of non confrontation of Jihadism, an army of experts, activists and lobbyists is expected to invade all levels of national security and reinstall the pre 9/11 attitudes. In short Jihadophilia would prevail, even without the knowledge or the consent of that future White House. It already happened in the 1990s and led to what we know. The reading of political genomes has no margin for error. The electoral platforms of the two Senators are enemy-definition-free. Not identifying the enemy is equal to not defining the threat. Thus, and unless the good advisors rush to fill that gap before the national election, Democratic voters will lack their chance to bring in a solid defender of the nation.

On the other side of the spectrum, Republicans are struggling with a different choice, nonetheless as challenging and with long term consequences. Aside from Congressman’s Paul isolationist program which calls for striking deals with bloody dictatorships, disengaging from any containment of Jihadi threats, abandoning peoples in jeopardy, and giving free ride to penetration and infiltration within the US homeland (all clearly and unequivocally stated in the open); aside from this anomalistic agenda, all other platforms had a minimum baggage of resistance to Terror forces, each one with a different rhetoric.

McCain, Romney, Huckabee, as well as Giuliani and Thompson (before they pulled out) were all ready to engage battle with “the” enemy, pursue the so-called War on Terror and agreed on fighting al Qaeda in Iraq and Afghanistan. Their agendas attempted to define the threat, leaping ahead of their competitors on the other side of the aisle. Their statements and posted documents are irrefutable evidence that if they gain the White House there would neither surrender the country to domestic infiltration nor they would disengage from the confrontation overseas. On this ground alone, and unless the Democratic contenders and their final nominee change their counter Terrorism approach (which is not that likely), the final choice American voters will have to make — on national security — will be dramatically different and irreversibly full of consequences.

But at this stage of the primaries the grand choices seems to have to be made by Republicans. Indeed, in what I consider the single most important ingredient in the War with Jihadism, the identification of the threat is at the heart of the success or the failure. All four leading Republican candidates were equal in fingering what they perceived as the enemy: They called it “radical Islam” and gave it different attributes, “Islamo-fascism,” “extremist Islamism,” “Islamic terrorism,” and other similar descriptions. In that regard they are at the opposite end of their Democratic contenders. But in my analysis, after more than 25 years of study and observations of the phenomenon, and seven years after 9/11, the term “radical Islam” is not enough when a US President (or other world leaders) wants to define the danger and build strategies against it: Without delving into the deeper layers of academic research (at least not in this article), the term used outside a doctrine is too general, doesn’t pin down the actual forces acting against democracies and can be easily overturned and manipulated by skilled operatives in the War of ideas. So, the slogan of “Radical Islam” could be a linguistic indicator to the direction from where the menace is coming from, but falls short of catching the actual threat doctrine: Jihadism. Hence in my judgment those candidates who take the ideological battle lightly are not equipped as those who have done their homework fully and offered the voters, and perhaps the public, a comprehensive doctrine on counter Jihadism.

We’re not dealing with semantics here, but with keys to unlock the stagnation in the current conflict. Short of having a future President who knows exactly who the enemy is, how does it think, and how to defeat it, the conflict cannot be won. There can be no guesses, no broad drawings, no general directions, no colorful slogans, and no good intentions alone. This next President has to understand the Jihadist ideology by himself (herself as well) and not rely on advisors to place descriptions in the speeches, and change them at the wish of lobbyists. This nuance in understanding the threat and in articulating the rhetoric has gigantic consequences. All strategies related to fighting al Qaeda in Afghanistan, in Iraq and within the West, and related to containing Khomeinist power in the region and beyond emanates from a US understanding of their ideologies, key elements of the foes global strategies. Hence when I examine the agendas of the Republican candidates and analyze their speeches I look at indicators showing the comprehension of the bigger picture. All four leaders, McCain, Romney, Giuliani and Huckabee have developed common instincts as to where it is coming from; but that is not enough. Americans need to see and know that their future President can man sophisticated rhetoric, is ready to go on the offensive, and move against the enemy before the latter jumps at American and allies targets. Being just tough and willing to strike back heavily is not anymore an acceptable threshold. We need the next President to be aware of what the other side is preparing, preempt it and do it faster than any predecessor. The next stage in this war is not about sitting in the trenches and increasing the level of troops wherever we currently are. It will be about moving swiftly and sometimes stealthily and reaching the production structure of the enemy. And to do this, our projected leaders need to identify and define the threat doctrine and design a counter doctrine, a matter the US Government has failed to achieve in the first seven years of the war.

The two leading contenders on the Republican side, McCain and Romney, both recognize that there is an enemy, are committed to defeat it, but identify it in different intensities. Senator McCain says it is “Radical Islam,” and pledges to increase the current level of involvement. On Iraq, the former Navy Pilot says he will continue to fight till there are no more enemies to fight. To me that is a trenches battlefield: We’ll pound them till they have no more trenches. Governor Romney says the enemy is Global Jihadism, and it has more than the one battlefield of Iraq. And because the Jihadists are in control of regimes, interests and omnipresent in the region and worldwide, the US counter strategies cannot and should not be limited to “entrenchment” but to counter attacks, preemptive moves and putting allies forces on the existing and new battlefields. Besides not all confrontations have to be militarily. The difference in wording between the general term “radical Islam” and the focused threat doctrine “Jihadism” says it all. One leads to concentrate one type of power in one place, regardless of what the enemy is and wants to do, and the other concept lead to pinch the foe from many places on multiple levels and decide over the ending process of the conflict.

I am sure Senator McCain can follow the same reasoning and catch up with the geopolitics of the enemy but so far Governor Romney has readied himself better in the realm of strategizing the defeat this enemy. The next stage of the war has to do with a mind battle with the Jihadists. The latter aren’t a just a bunch of Barbarians set to bloodshed. They have a very advanced strategy, projecting for decades, and they are ready to confront our next President and defeat the United States. This is why I have come to the conclusion that -based on what was provided to the public by the four leading candidates- Governor Romney has the capacity of managing the counter strategies against the Jihadists, only because he stated to the public that he sees the enemy as to who they are. And if a President can see them, he can defeat them. His Republican contender, now leading the polls, can sense them but haven’t shown them. The leading candidates on the other side are making progress in the opposite direction: One wants to end the War unilaterally and the other wants to make Peace with the oppressors. In short, if elected, Romney will try to destroy the mother ship, McCain will supply the trenches, Clinton will pull the troops back to the barracks and Obama will visit the foes’ bunkers.

Hence, as is, I have recommended Governor Romney for the Republican Primaries as first among equals while considering Senator McCain as a genuine leader. If Romney is selected I believe America may have a chance to try new strategies. If his contender is selected, we will have four or eight more years of the past seven years. On the other side, I have suggested to counter-Terrorism experts to help Democratic candidates restructure their agendas on national security in line with the reality of the enemy: For I would like to see both Parties presenting a united vision of the threat while differing on how to confront it. That would be the ideal situation America can be in and a response to the deepest will of the American public.

(PS: This analysis represents my personal views and not the views or position of any of the NGOs I am affiliated with.)


Election américaine 2012: Attention, une différence culturelle peut en cacher une autre! (Obama/Romney: It’s the culture, stupid!)

17 août, 2012
Nous avons constaté que le sport était la religion moderne du monde occidental. Nous savions que les publics anglais et américain assis devant leur poste de télévision ne regarderaient pas un programme exposant le sort des Palestiniens s’il y avait une manifestation sportive sur une autre chaîne. Nous avons donc décidé de nous servir des Jeux olympiques, cérémonie la plus sacrée de cette religion, pour obliger le monde à faire attention à nous. Nous avons offert des sacrifices humains à vos dieux du sport et de la télévision et ils ont répondu à nos prières. Terroriste palestinien (Jeux olympiques de Munich, 1972)
Nous disons [à nos ennemis] : vous aimez la vie autant que les musulmans aiment la mort et le martyre. Il y a une grande différence entre celui qui aime l’au-delà et celui qui n’aime que ce monde-ci. Le musulman aime la mort et recherche le martyre. Cheikh Ikrima Sabri (mufti de Jérusalem et de la Palestine, 25.05.01)
Nous avons découvert comment frapper les Juifs où ils sont les plus vulnérables. Les Juifs aiment la vie, c’est donc ce que nous allons leur prendre. Nous allons gagner, parce qu’ils aiment la vie et nous aimons la mort. Nasrallah (chef du Hezbollah)
Les Israéliens ne savent pas que le peuple palestinien a progressé dans ses recherches sur la mort. Il a développé une industrie de la mort qu’affectionnent toutes nos femmes, tous nos enfants, tous nos vieillards et tous nos combattants. Ainsi, nous avons formé un bouclier humain grâce aux femmes et aux enfants pour dire à l’ennemi sioniste que nous tenons à la mort autant qu’il tient à la vie. Fathi Hammad (responsable du Hamas, février 2008)
Oh, ils font toujours ça. C’est une question de culture. Enderlin
Dans le monde musulman d’aujourd’hui, peut-être certains s’interrogent sur l’attitude de la France à l’égard de l’islam, probablement à cause de l’attitude de certains de nos prédécesseurs immédiats. Eh bien je veux vous dire clairement que la page est tournée. Laurent Fabius, ministre des Affaires étrangères, devant les 57 ambassadeurs de l’OCI (organisation de la coopération islamique, 23.07.12)
C’est ma dernière élection. Après mon élection, j’aurai plus de flexibilité. Obama (à Medvedev, 27.03.12)
 La Russie est notre ennemi géopolitique numéro un, dans la mesure où elle soutient les pires acteurs dans le monde, comme l’Iran ou la Syrie. C’est très troublant, très inquiétant de voir ce président chercher davantage de flexibilité, et qu’il n’ait pas à rendre des comptes aux Américains pour ses relations avec la Russie. Mitt Romney
C’est une expérience profondément émouvante d’être à Jérusalem, la capitale d’Israël. Nos deux nations sont séparées par plus de 5 000 miles. Mais pour un Américain à l’étranger, il n’est pas possible de ressentir un plus grande proximité avec les idéaux et les convictions de son propre pays qu’ici, en Israël. Nous faisons partie de la grande fraternité des démocraties. Nous parlons la même langue de liberté et de justice, et nous incarnons le droit de toute personne à vivre en paix. Nous servons la même cause et provoquons les mêmes haines chez les mêmes ennemis de la civilisation. C’est ma ferme conviction que la sécurité d’Israël est un intérêt vital de la sécurité nationale des États-Unis. Et notre alliance est une alliance fondée non seulement sur des intérêts communs, mais aussi sur des valeurs partagées. (…) Quand on vient ici en Israël et qu’on voit que le PIB par habitant est d’environ 21.000 dollars, alors qu’il est de l’ordre de 10.000 dollars tout juste de l’autre côté dans les secteurs gérés par l’Autorité palestinienne, on constate une différence énorme et dramatique de vitalité économique. (…) C’est la culture qui fait toute la différence. Et lorsque je regarde cette ville (Jérusalem) et tout ce que le peuple de cette nation (Israël) a accompli, je reconnais pour le moins la puissance de la culture et de quelques autres choses. Mitt Romney
At the risk of stating the obvious, this is overwrought. The matter at hand — mostly missed amid the political recriminations — is Russo-American disagreement over missile defense. Russia is uneasy about U.S. emplacements in Europe, especially in Poland, that would be part of a system to shoot down incoming missiles. Even if Obama is conceding a lot of ground, it’s not some secret, unrevealed shift. Indeed, as far back as September 2009, hawks were complaining bitterly after his administration drastically retrenched on the missile-defense system. On foreign affairs, Obama actually has a strong record of doing what he says he’ll do. During the 2008 primary, Hillary Clinton slammed him for his pledge to open direct negotiations with Iran. When he took office, he executed the plan — with Clinton has his secretary of state. The jury’s still out on how that worked. He also pledged to take unilateral action against Al Qaeda leaders in Pakistan: « If we have actionable intelligence about high-value terrorist targets and President Musharraf won’t act, we will. » Both Clinton and John McCain assailed that comment as hopelessly naive and ill-advised, but it was just such a strike that killed Osama bin Laden, strongly vindicating the strategy. Anyway, this is how diplomacy works. Matters are discussed behind closed doors, and timing is carefully calibrated; leaders have competing constituencies to serve and a limited amount of political capital that has to be budgeted. In this case, Obama faces a divided Congress that’s deadlocked over even the most pressing domestic matters, like passing a budget or reauthorizing transportation funding. To imagine that any meaningful action is going to take place before the election is folly (the present controversy proves the point). After the election, pressure will be off the president and lawmakers alike. In fact, the lame duck session and the early months after the inauguration are the only time we’re likely to see much movement before deadlock returns. And foreign policy is distinctly different from domestic policy. As James Fallows pointed out in his cover story on Barack Obama, foreign affairs is one area where the commander in chief has broad latitude. No need for Priebus to worry: Obama couldn’t make domestic policy by fiat in the same way if he got elected to four terms in office. Of course, that’s the crapshoot. Obama’s greatest sin here appears to be cockiness about his reelection prospects. David A. Graham
Les propos de Romney sont racistes. Il a beaucoup à apprendre, il ne connaît pas la région, sa culture et son histoire. Il est clair qu’il ignore que l’économie palestinienne ne peut pas décoller et atteindre le niveau souhaité tant que l’occupation (israélienne) continue. Saeb Erakat (négociateur palestinien)
Si le président Obama n’a pas encore fait quoi que ce soit envers Israël qui le situerait dans la lignée de Carter, le risque est néanmoins possible en cas de second mandat. Surtout si l’on a en tête son action passée. Sa frilosité personnelle à l’égard du Premier ministre israélien ; la chaleur sans précédent manifestée envers une Turquie anti-Israël ; les efforts sans précédent pour mettre de la distance diplomatique entre les Etats-Unis et Israël ; et, plus récemment, une campagne, toujours sans précédent, de fuites de renseignements militaire conçus pour garder la main dans le bras de fer qui oppose Israël à l’Iran. Comme quoi, le président Obama ne semble se préoccuper du sort d’Israël que lorsqu’il se sent en difficulté politique, lorsque ses efforts de collecte de fonds sont à la traîne, ou quand il a un grand discours à vendre à l’Aipac. Dernier exemple en date, la semaine dernière, Jay Carney, le porte-parole de la Maison Blanche, ne pouvait se résoudre à nommer la capitale d’Israël lorsqu’on lui a demandé lors d’un briefing. Pourquoi? Beaucoup de théories tentant d’expliquer cela sont centrées sur les amitiés passées de M. Obama avec le professeur Rashid Khalidi, le révérend Jeremiah Wright ou le rabbin Arnold Wolf, et les derniers boutefeux de l’extrême gauche juive. J’ai une théorie plus simple: les positions du président s’inscrivent plus largement dans le débat droite-gauche sur la nature de la réussite. Lorsque des détracteurs parlent au sujet d’Israël, ils ont tendance à penser que ses réussites sont en grande partie mal acquises : la terre de quelqu’un d’autre ; l’argent de quelqu’un d’autre ; les droits de quelqu’un d’autre. Mais aussi l’idée qu’Israël obtient une part inéquitable de l’aide étrangère des États-Unis, et qu’il prend une part inéquitable du territoire des Palestiniens. C’est aussi le point de vue que, en tant que partie présumée la plus forte dans ses relations avec les Palestiniens, Israël a le fardeau de faire des concessions tout en assumant tous les risques pour la paix. Les Palestiniens n’étant tenus de respecter aucune obligation morale réciproque. En revanche, lorsque des admirateurs d’Israël visitent le pays, ils sont généralement émerveillés par tout ce que ce pays a planté, construit, inventé, réinventé, restauré, sauvé. Les amis d’Israël pensent que le pays a gagné son succès à la dure, et qu’il mérite d’en récolter les fruits. C’est ainsi que Mitt Romney affirmait ce dimanche: « vous exportez de la technologie, et non pas la tyrannie ou le terrorisme …. Ce que vous avez construit ici, avec vos propres mains, est un hommage au peuple d’Israël ». Ce qui anime l’un des côtés de ce fossé est un sentiment d’admiration. Ce qui anime l’autre côté est un sentiment d’envie. M. (…) M. Obama semble sincère quand il parle de son admiration pour les kibboutzim israéliens, ou de son indignation face à négation de l’Holocauste, ou de sa solidarité avec les victimes israéliennes du terrorisme. Et il semble bien plus sincère encore dans son désir de voir Israël retourner à ses frontières de 1967. Tout cela équivaut à une forme de nostalgie pour l’Israël qui était autrefois l’opprimé-courageux, le digne représentant de l’Internationale socialiste. Tout ce qu’Israel n’est plus. L’attitude de M. Romney à l’égard d’Israël semble provenir d’un fond différent. Il admire le pays aussi bien pour où il va que pour d’où il vient. Et il n’est pas prêt à faire de l’incapacité palestinienne un laissez-passer automatique. Dans son esprit, le succès israélien est mérité, de même que l’ échec palestinien. M. Romney a une histoire d’homme politique éminemment pragmatique, et les vues qu’il a offert à Israël ont, jusqu’à présent, été politiquement sans risque. Comment agira-t-il en tant que président? Qui sait. Cela étant on sentait dans le discours de M. Romney au sujet des qualités de Jérusalem, de la conviction et de la sincérité, deux de ses traits de caractère les plus connus. Bret Stephens

Attention: une différence culturelle peut en cacher une autre!

A l’heure où, preuve vivante et ultime de l’égalité des noirs, le président-candidat Obama est sur le point de se voir attribuer quatre nouvelles années pour démontrer à la face du monde qu’un président noir peut non seulement être aussi mauvais qu’un blanc mais faire un deuxième mandat encore plus calamiteux que le premier …

Et que pendant qu’entre le prétendu  « Printemps arabe » qui a fait largement long feu et l’inextricable imbroglio syrien, le Proche-orient menace de rebasculer dans le chaos sectaire qui a mis pendant des décennies le Liban à feu et à sang, le maitre du surplace et du double jeu de la Maison Blanche vient de s’acheter le plus cyniquement du monde (on n’est jamais trop sûr)  le vote hispanique en lançant une campagne d’amnistie massive des immigrés clandestins pouvant déboucher sur la régularisation de près de 2 millions (sur un total de 11, 5 millions) de sans papiers …

Comment, avec l’éditorialiste du WSJ Bret Stephens (merci sil pour la traduction partielle) ne pas voir la plus que jamais évidente « différence de culture » …

Entre un nostalgique du socialisme d’un autre temps comme l’actuel locataire de la Maison Blanche …

Et, comme l’a encore démontré son éloquent discours de Jérusalem,  un homme de l’avenir tel que Mitt Romney?

Mitt Versus Barack sur Israël : « Obama est nostalgique du passé socialiste de l’Etat juif. Romney admire son avenir capitaliste. »

 Bret Stephens

The WSJ

July 30, 2012

Mitt Romney a rendu furieux les Palestiniens lors de sa visite en Israël le week-end dernier en appelant Jérusalem la « capitale d’Israël. » Il a ensuite ajouté l’insulte à l’injure en notant-dans le contexte d’une discussion sur la «culture»- la «différence spectaculaire en matière de vitalité économique » entre Israéliens et Palestiniens. Une remarque qu’un responsable palestinien a qualifié de «raciste».

Puis de poursuivre en expliquant que : nous vivons à une époque où être pro-israélien est devenu un critère essentiel d’habillage présidentiel pour un candidat, et ce à juste titre. George W. Bush avait réussi ce test lors d’un vol en hélicoptère au-dessus d’Israël avec Ariel Sharon en 1999. Barack Obama avait tenté de faire la même chose quand il avait rendu hommage à la ville assiégée israélienne de Sderot en 2008. En revanche, Jimmy Carter pensait et pense qu’Israël est un Etat d’apartheid. Alors certes, être anti-Israël ne fait pas de vous forcément un antisémite. Cependant cela est susceptible de vous situer entre le crétin et une manivelle.

Alors si le président Obama n’a pas encore fait quoi que ce soit envers Israël qui le situerait dans la lignée de Carter, le risque est néanmoins possible en cas de second mandat. Surtout si l’on a en tête son action passée. Sa frilosité personnelle à l’égard du Premier ministre israélien ; la chaleur sans précédent manifestée envers une Turquie anti-Israël ; les efforts sans précédent pour mettre de la distance diplomatique entre les Etats-Unis et Israël ; et, plus récemment, une campagne, toujours sans précédent, de fuites de renseignements militaire conçus pour garder la main dans le bras de fer qui oppose Israël à l’Iran. Comme quoi, le président Obama ne semble se préoccuper du sort d’Israël que lorsqu’il se sent en difficulté politique, lorsque ses efforts de collecte de fonds sont à la traîne, ou quand il a un grand discours à vendre à l’Aipac. Dernier exemple en date, la semaine dernière, Jay Carney, le porte-parole de la Maison Blanche, ne pouvait se résoudre à nommer la capitale d’Israël lorsqu’on lui a demandé lors d’un briefing. Pourquoi?

Beaucoup de théories tentant d’expliquer cela sont centrées sur les amitiés passées de M. Obama avec le professeur Rashid Khalidi, le révérend Jeremiah Wright ou le rabbin Arnold Wolf, et les derniers boutefeux de l’extrême gauche juive. J’ai une théorie plus simple: les positions du président s’inscrivent plus largement dans le débat droite-gauche sur la nature de la réussite.

Lorsque des détracteurs parlent au sujet d’Israël, ils ont tendance à penser que ses réussites sont en grande partie mal acquises : la terre de quelqu’un d’autre ; l’argent de quelqu’un d’autre ; les droits de quelqu’un d’autre. Mais aussi l’idée qu’Israël obtient une part inéquitable de l’aide étrangère des États-Unis, et qu’il prend une part inéquitable du territoire des Palestiniens. C’est aussi le point de vue que, en tant que partie présumée la plus forte dans ses relations avec les Palestiniens, Israël a le fardeau de faire des concessions tout en assumant tous les risques pour la paix. Les Palestiniens n’étant tenus de respecter aucune obligation morale réciproque.

En revanche, lorsque des admirateurs d’Israël visitent le pays, ils sont généralement émerveillés par tout ce que ce pays a planté, construit, inventé, réinventé, restauré, sauvé. Les amis d’Israël pensent que le pays a gagné son succès à la dure, et qu’il mérite d’en récolter les fruits. C’est ainsi que Mitt Romney affirmait ce dimanche: « vous exportez de la technologie, et non pas la tyrannie ou le terrorisme …. Ce que vous avez construit ici, avec vos propres mains, est un hommage au peuple d’Israël »

Ce qui anime l’un des côtés de ce fossé est un sentiment d’admiration. Ce qui anime l’autre côté est un sentiment d’envie. M. Obama aurait-il pu dire la même chose que Mitt Romney ? Peut-être. Cependant vous ne pouvez pas vous empêcher de penser que le fond de sa pensée aurait été dominée par les mots: «vous n’avez pas construit ce. »

Cela veut-il dire que M. Obama est « anti-Israël » dans le sens le plus odieux ? M. Obama semble sincère quand il parle de son admiration pour les kibboutzim israéliens, ou de son indignation face à négation de l’Holocauste, ou de sa solidarité avec les victimes israéliennes du terrorisme. Et il semble bien plus sincère encore dans son désir de voir Israël retourner à ses frontières de 1967. Tout cela équivaut à une forme de nostalgie pour l’Israël qui était autrefois l’opprimé-courageux, le digne représentant de l’Internationale socialiste. Tout ce qu’Israel n’est plus.

L’attitude de M. Romney à l’égard d’Israël semble provenir d’un fond différent. Il admire le pays aussi bien pour où il va que pour d’où il vient. Et il n’est pas prêt à faire de l’incapacité palestinienne un laissez-passer automatique. Dans son esprit, le succès israélien est mérité, de même que l’ échec palestinien.

M. Romney a une histoire d’homme politique éminemment pragmatique, et les vues qu’il a offert à Israël ont, jusqu’à présent, été politiquement sans risque. Comment agira-t-il en tant que président? Qui sait. Cela étant on sentait dans le discours de M. Romney au sujet des qualités de Jérusalem, de la conviction et de la sincérité, deux de ses traits de caractère les plus connus.

Et Bret Stephens de conclure : ne changez rien, Monsieur le gouverneur, et vous pourrez gagner cette élection.

Voir aussi:

Discours de Jérusalem

Mitt Romney

Je vous remercie pour cette aimable introduction, monsieur le maire, et je vous dis merci à tous pour cet accueil chaleureux. C’est un plaisir et un privilège d’être à nouveau en Israël.

Poser le pied en Israël est poser le pied dans un pays qui est née d’une ancienne promesse faite dans ce pays même. Le peuple juif a survécu à l’un des crimes les plus monstrueux de l’histoire humaine, et maintenant ce pays prend sa place parmi les démocraties les plus impressionnantes qu’il y ait sur la terre. Les accomplissements d’Israël sont une des merveilles du monde moderne.

Ces accomplissements sont un témoignage de la résilience du peuple israélien. Vous avez réussi, contre toute attente, à maintes reprises tout au long de votre histoire, à persévérer, à vous relever après l’épreuve, et à en sortir plus forts.

L’historien Paul Johnson, lors du 50e anniversaire de la création de l’Etat juif, a déclaré qu’au cours de la vie d’Israël, cent nouveaux États indépendants étaient nés. « Israël est le seul dont la création peut être appelée un miracle », a-t-il écrit.

C’est une expérience profondément émouvante d’être à Jérusalem, la capitale d’Israël.

Nos deux nations sont séparées par plus de 5000 miles. Mais pour un Américain à l’étranger, il n’est pas possible de ressentir un plus grande proximité avec les idéaux et les convictions de son propre pays qu’ici, en Israël. Nous faisons partie de la grande fraternité des démocraties. Nous parlons la même langue de liberté et de justice, et nous incarnons le droit de toute personne à vivre en paix. Nous servons la même cause et provoquons les mêmes haines chez les mêmes ennemis de la civilisation.

C’est ma ferme conviction que la sécurité d’Israël est un intérêt vital de la sécurité nationale des États-Unis. Et notre alliance est une alliance fondée non seulement sur des intérêts communs, mais aussi sur des valeurs partagées.

L’une des voix les plus éminentes à énoncer ces valeurs partagées est celle de votre premier ministre, mon ami Benjamin Netanyahu. Je l’ai rencontré ce matin, et j’ai hâte de le retrouver ce soir, en famille, après la clôture de ce jour de jeûne de Ticha Be Av.

Il est remarquable de voir que tant d’adversité, pendant un si grand laps de temps, se trouve mémorisée par un seul jour sur le calendrier. C’est une journée du souvenir et du deuil, mais c’est aussi une journée qui invite à la clarté et à la résolution.

Au moment présent, nous nous souvenons aussi des 11 athlètes et entraîneurs israéliens qui ont été massacrés lors des Jeux olympiques de Munich voici quarante ans. Il y a dix ans cette semaine, 9 étudiants israéliens et américains ont été tués dans une attaque terroriste à l’Université hébraïque. Et des tragédies comme celles-ci n’appartiennent pas qu’au passé. Elles sont un rappel constant de la réalité de la haine, et de la façon dont elle peut s’abattre sur des innocents.

Menahem Begin a dit ceci à propos du neuvième jour du mois de Av : « Nous nous souvenons de ce jour-là », a t-il dit, «

et nous avons maintenant la responsabilité de faire en sorte que plus jamais notre indépendance ne soit détruite et que plus jamais le peuple Juif soit sans-abri ou sans défense ». Le Premier ministre Begin a ajouté : « Cela est au coeur des problèmes auxquels nous sommes confrontés pour l’avenir ».

Alors qu’aujourd’hui, Israël est confronté à des ennemis qui nient les crimes passés contre le peuple juif et cherchent à en commettre de nouveaux, ces paroles ont une résonance.

Lorsque les dirigeants iraniens nient l’Holocauste ou parlent de rayer ce pays de la carte, seuls les plus naïfs – ou pire que naïfs – peuvent voir là un excès de rhétorique. Ne vous méprenez pas : les ayatollahs de Téhéran testent nos défenses morales. Ils veulent savoir qui va s’opposer, et qui va se taire.

Mon message au peuple d’Israël et aux dirigeants de l’Iran est le même : je ne vais pas détourner le regard, mon pays non plus. Comme le Premier ministre Begin l’a dit en mots lucides et qui donnent à penser, « si un ennemi du peuple juif dit qu’il cherche à nous détruire, je le crois ».

Nous avons vu les horreurs de l’histoire. Nous ne resterons pas les bras croisés. Nous ne les laisserons pas s’accomplir de nouveau.

Il serait insensé de ne pas prendre les dirigeants iraniens à la lettre. Ils sont, après tout, les produits d’une théocratie radicale.

Au cours des années récentes, l’Iran a amassé un passif sanglant et brutal. Il s’est emparé d’ambassades, a ciblé des diplomates, et tué son propre peuple. Il soutient le régime impitoyable d’Assad en Syrie. Il a fourni des armes qui ont tué des soldats américains en Afghanistan et en Irak. Il a comploté pour assassiner des diplomates sur le sol américain. C’est l’Iran qui est le principal financier du terrorisme mondial. C’est le pays le plus déstabilisateur de la planète.

Nous avons le devoir solennel et l’impératif moral de refuser aux dirigeants iraniens les moyens de donner suite à leurs intentions maléfiques.

Nous serons au côté de tous ceux qui entendront se joindre à notre action pour empêcher l’Iran de se doter d’armes nucléaires – et cela inclut les dissidents iraniens. On ne peut effacer de nos mémoires les scènes d’il y a trois ans, lorsque ce régime a fait tirer sur son propre peuple alors qu’il se soulevait. La menace qui nous guette ne vient pas du peuple iranien, mais du régime qui l’opprime.

Il y a cinq ans, lors de la Conférence d’Herzliya, j’ai dit que la poursuite par l’Iran de sa tentative d’accéder aux armes nucléaires constituait une menace intolérable pour Israël, pour les Etats-Unis, et pour le monde.

Cette menace n’a, depuis, fait qu’empirer.

Aujourd’hui comme hier, les allégations du régime disant qu’il cherche à enrichir des matériaux nucléaire à des fins pacifiques sont démenties par des années de mensonge et de tromperies.

Aujourd’hui comme hier, la conduite des dirigeants iraniens nous interdit de leur faire confiance lorsqu’il s’agit de matériaux nucléaires.

Mais aujourd’hui, le régime iranien a disposé de plusieurs années supplémentaires pour avancer vers l’arme nucléaire. Casser cette avancée doit être notre plus grande priorité de sécurité nationale.

Je veux insister sur ce dernier point. On dit parfois que ceux qui sont les plus déterminés à arrêter la progression du régime iranien vers l’arme nucléaire sont téméraires, provocateur et bellicistes.

C’est l’inverse qui est vrai. Nous sommes les vrais artisans de la paix. L’histoire nous enseigne avec force et clarté que lorsque les régimes les plus despotiques se procurent les armes les plus destructrices, la paix cède le pas à l’oppression, à la violence, ou à la guerre dévastatrice.

Nous ne devons pas nous leurrer en pensant que l’endiguement est une option. Nous devons agir pour empêcher l’Iran de construire et de posséder des armes nucléaires. Nous devons recourir à toutes les mesures nécessaires pour dissuader le régime iranien d’accéder à l’arme nucléaire, et si nous espérons que des mesures diplomatiques et économiques seront suffisantes, en dernier ressort, aucune option ne doit être exclue. Nous reconnaissons le droit d’Israël à se défendre, et nous disons qu’il est légitime que l’Amérique soit au côté d’Israël.

J’ai expliqué tout cela il y a cinq ans. Ce qui était nécessaire alors est devenu urgent aujourd’hui.

Permettez-moi maintenant de passer de l’Iran à d’autres pays du Moyen-Orient, où règnent le tumulte et le chaos. Au nord, la Syrie est au bord d’une guerre civile. Le dictateur de Damas, pas un ami d’Israël et pas un ami de l’Amérique, assassine son propre peuple en s’accrochant désespérément au pouvoir.

Un autre voisin d’Israël au Nord, le Liban, est sous l’influence croissante et dangereuse du Hezbollah.

Après une année de bouleversements et de troubles, l’Egypte a maintenant un président islamiste, élu de façon démocratique. Espérons que ce nouveau président et son gouvernement comprennent que l’on mesure l’authenticité d’une démocratie à la façon dont ceux qui sont élus par la majorité respectent les droits des personnes minoritaires. La communauté internationale doit user de son influence considérable afin de veiller à ce que le président et le gouvernement égyptiens respectent l’accord de paix avec Israël qui a été signé par le gouvernement de Anouar el-Sadate.

Comme vous le savez que trop bien, depuis que le Hamas a pris le contrôle de la bande de Gaza en 2007, des milliers de roquettes sont tombées sur les maisons et les villes israéliennes. Je me suis promené dans les rues de Sderot, et j’ai rendu hommage au courage de ses habitants. Et aujourd’hui, de nouvelles attaques sont lancées à partir de la péninsule du Sinaï.

En un contexte où les roquettes du Hezbollah visent Israël depuis le nord, et les roquettes du Hamas visent Israël depuis le sud, où une grande partie du Moyen-Orient est en désordre, et où l’Iran cherche à se doter d’armes nucléaires, le soutien de l’Amérique pour la défense d’Israël est encore plus essentiel. Chaque fois que la sécurité d’Israël est menacée, l’engagement de l’Amérique envers Israël doit être renforcé.

Lorsqu’il a dû prendre la décision en 1948, le président Harry Truman l’a fait sans hésitation, et a décidé que les États-Unis seraient le premier pays à reconnaître l’Etat d’Israël. Depuis ce moment, nous avons été des alliés naturels, mais notre alliance est plus profonde qu’une simple alliance d’intérêts ou qu’une alliance stratégique.

La façon dont l’Amérique – un pays encore si jeune si on le juge par les normes de cette ancienne région – s’est levée pour devenir le plus cher ami du peuple d’Israël fait partie des gestes les plus beaux et les plus prometteurs de l’histoire du pays.

Aussi différents qu’aient été nos parcours, nous voyons, l’un et l’autre, l’Amérique et Israël, les mêmes qualités chez l’un et chez l’autre. Israël et l’Amérique sont à bien le reflet l’un de l’autre.

Nous croyons l’un et l’autre en la démocratie, dans le droit de chaque peuple de choisir ses dirigeants et de choisir le futur du pays.

Nous croyons l’un et l’autre dans l’Etat de droit, sachant qu’en son absence, des hommes sans scrupules pourraient opprimer les plus faibles.

Nous pensons l’un et l’autre que nos droits sont universels, et ne viennent pas du gouvernement, mais de notre Créateur.

Nous croyons l’un et l’autre en la libre entreprise, car c’est le seul système économique qui a permis de tirer les gens de la pauvreté, créé une classe moyenne importante et durable, et a suscité des réalisations incomparables et l’épanouissement de millions d’êtres humains.

Etant quelqu’un qui a passé la majeure partie de sa vie dans le secteur des affaires, je suis particulièrement impressionné par les technologies de pointe et par l’économie florissante d’Israël. On parle d’Israël comme du « pays Start-up » – et les preuves sont tout autour de nous.

Vous avez embrassé la liberté économique. Vous exportez la technologie, et non pas la tyrannie ou le terrorisme. Et aujourd’hui, vos innovateurs et vos entrepreneurs ont fait fleurir le désert et rendu le monde meilleur.

Les citoyens de nos pays ont la chance de partager les fruits de la liberté économique et de la créativité de nos entrepreneurs. Ce que vous avez construit ici, avec vos mains, incite à rendre hommage à votre peuple, et constitue un modèle pour les autres.

Enfin, nous croyons l’un et l’autre en la liberté d’expression, parce que nous sommes confiants dans nos idées et dans la capacité des hommes et des femmes à penser par eux-mêmes.

Nous ne craignons pas le débat ouvert.

Si vous voulez entendre des critiques très vives d’Israël et de ses décisions politiques, vous n’avez pas à traverser les frontières. Tout ce que vous avez à faire est de marcher dans la rue et de vous rendre dans un café, où vous entendrez des gens faire valoir leurs arguments et parler l’esprit libre. Vous pouvez aussi vous procurer un journal israélien, vous y trouverez les critiques les plus âpres d’Israël que vous puissiez lire. Votre pays, comme le nôtre, est plus fort parce que cet échange énergique des idées et opinions existe.

C’est ainsi que fonctionne une société libre. Il y a des millions de personnes au Moyen-Orient qui voudraient avoir la possibilité de faire la même chose. Ces braves gens ne désireraient que pouvoir vivre dans la paix et la liberté et avoir l’occasion non seulement de choisir leur gouvernement, mais de le critiquer ouvertement, sans crainte de répression ou de représailles.

Je crois que ceux qui s’opposent à ces droits fondamentaux sont du mauvais côté de l’histoire. Mais la marche de l’histoire peut être lourde et très lente. Nous avons le devoir d’accélérer et de façonner l’histoire en étant les ambassadeurs obstinés des valeurs que nous partageons.

Les Etats-Unis et Israël ont montré qu’ils pouvaient bâtir des économies fortes et des armées puissantes. Mais nous devons aussi nous donner les moyens de faire progresser nos valeurs et de promouvoir la paix. Nous devons travailler ensemble pour changer les cœurs et éveiller les esprits par la puissance de la liberté, de la libre entreprise et des droits de l’homme.

Je crois que l’alliance durable entre l’Etat d’Israël et les États-Unis d’Amérique est davantage qu’une alliance stratégique : c’est une force du bien dans le monde.

Le soutien de l’Amérique envers Israël doit rendre fier tout Américain. Nous ne devons pas permettre aux complexités inévitables de la géopolitique moderne de venir occulter l’essentiel. Aucun pays et aucune organisation ou individu ne doit jamais douter de cette vérité fondamentale : une Amérique libre et forte défendra toujours la liberté et la force d’Israël.

Et nous ne nous devons pas nous tenir au côté d’Israël seulement par la coopération militaire et stratégique.

Nous ne pouvons rester silencieux face à ceux qui cherchent à ébranler Israël par des critiques excessives. Et nous ne devons en aucun cas nous joindre à ces critiques. La distance diplomatique entre nos pays galvanise les adversaires d’Israël.

Par l’histoire et par les valeurs, nos deux pays sont liés entre eux. Aucun individu, aucun pays, aucune organisation mondiale, ne pourrait défaire ces liens. Et tant que nous serons ensemble et solidaires, il n’y a pas de menace que nous ne pouvons surmonter et pas d’objectif que nous ne pouvons atteindre.

Merci à vous tous. Que Dieu bénisse l’Amérique, et qu’Il bénisse et protège Israël.

Mitt Romney

 Voir également:

Des Palestiniens dénoncent les propos « racistes » de Mitt Romney

The Huffington post

AFPQC | Par AFP

30/07/2012

Les Palestiniens ont vivement dénoncé lundi les propos qualifiés de « racistes » du candidat républicain à la présidentielle américaine, Mitt Romney, qui a expliqué l’écart entre leur niveau économique et celui d’Israël par une différence de « culture ».

« Quand on vient ici en Israël et qu’on voit que le PIB par habitant est d’environ 21.000 dollars, alors qu’il est de l’ordre de 10.000 dollars tout juste de l’autre côté dans les secteurs gérés par l’Autorité palestinienne, on constate une différence énorme et dramatique de vitalité économique », a déclaré lundi à Jérusalem M. Romney lors d’un petit-déjeûner organisé pour lever des fonds au profit de sa campagne.

« C’est la culture qui fait toute la différence. Et lorsque je regarde cette ville (Jérusalem) et tout ce que le peuple de cette nation (Israël) a accompli, je reconnais pour le moins la puissance de la culture et de quelques autres choses », a-t-il ajouté.

Dans leurs rapports, la Banque mondiale et le Fonds Monétaire international (FMI) soulignent régulièrement que les restrictions imposées par Israël à la liberté de mouvement des personnes et des marchandises constituent un facteur clef freinant le développement économique des Territoires palestiniens.

Mais M. Romney s’est abstenu de mentionner ce fait avant de s’envoler pour la Pologne, dernière étape de sa tournée à l’étranger.

« Les propos de Romney sont racistes. Il a beaucoup à apprendre, il ne connaît pas la région, sa culture et son histoire », a affirmé à l’AFP le négociateur palestinien Saeb Erakat.

« Il est clair qu’il ignore que l’économie palestinienne ne peut pas décoller et atteindre le niveau souhaité tant que l’occupation (israélienne) continue », a-t-il ajouté.

Dimanche, le candidat républicain à la Maison Blanche avait déjà suscité la colère des Palestiniens en qualifiant Jérusalem de « capitale d’Israël ».

Les Etats-Unis ne reconnaissent pas officiellement Jérusalem comme capitale d’Israël. Leur ambassade, comme pratiquement celles de tous les pays représentés dans l’Etat hébreu, se trouve à Tel Aviv.

Israël considère pour sa part que l’ensemble de Jérusalem, y compris la partie orientale conquise et annexée en 1967, est sa « capitale éternelle et indivisible ». La communauté internationale ne reconnaît pas cette annexion, et les Palestiniens veulent établir à Jérusalem-Est la capitale de l’Etat auquel ils aspirent.

Voir encore:

Wash. Post, NY Times furious at Romney for demolishing their false Israeli-Palestinian narrative

Leo Rennert

 The American thinker

With headlines blazing and printer’s ink aplenty, the Washington Post and the New York Times turned downright apoplectic about Mitt Romney’s comment in Jerusalem that differences in « culture » are the key to Israel greatly outpacing the Palestinian territories in economic performance.

« Romney angers Palestinians with remarks on economy, » reads a six-page headline in the Post. « With Jerusalem Comment, Romney Raises Sparks, » blares a six-column headline in the Times.

The headlines are a tip-off that these two papers deem Romney’s remark an unpardonable affront to their own narratives of the Israeli-Palestinian conflict.

For years, they have blamed Israel for prolonging the conflict with the Palestinians and here comes Romney with one well-chosen word demolishing their basic thesis – that Israel is at fault for not making greater concessions, for refusing to divide Jerusalem, for expanding settlements. Take your pick. But avert your eyes from any Palestinian transgressions.

Romney turns this Post/Times premise upside down and squarely puts the onus on the Palestinians — that they have demonstrated « cultural » propensities that foul their own nest.

Such as being governed by a kleptocracy under the Palestinian Authority in the West Bank and a theocratic terrorist regime in Gaza. Such as failing to empower women and such as trampling over basic human rights in suppressing Hamas adherents in the West Bank and Fatah members in Gaza.

None of this, of course, graces the pages of the Post and the Times, which instead seek to parry Romney’s remark about « cultural » impediments on the Palestinian side by blaming Israel for limiting trade with roadblocks and checkpoints in the West Bank and a blockade of Hamas-governed Gaza.

But that’s confusing cause and effect. Neither the Post nor the Times acknowledges that such Israeli restrictions are the effect of another key component of Palestinian « culture » — i.e. a propensity to resort to violence and terrorism against Israel. When PA President Mahmoud Abbas glorifies terrorist killers by naming public places and facilities after them, he promotes and justifies terrorism. And it’s not just an idle threat. Somehow, the Post and the Times seem to have forgotten the first intifada and the second intifada — the latter killed more than a thousand Israelis and injured several thousands more.

And to this day, Palestinian rockets fired from Gaza continue to bombard civilian targets in southern Israel and terrorize 1 million Israelis within their range.

All of this falls under Romney’s rubric of Palestinian « culture » — yet goes unacknowledged by the Post and the Times. There would be no blockade of Gaza nor dwindling numbers of roadblocks in the West Bank if the Palestinians genuinely foreswore violence. But that’s highly unlikely because resort to violence against innocent civilians is also sadly ingrained in their « culture » — a reality that the Post and the Times stoutly continue to ignore.

Leo Rennert is a former White House correspondent and Washington bureau chief of McClatchy Newspapers

Richard N. Weltz adds:

Mitt Romney had the audacity to speak the truth in Israel Monday regarding the national culture which has enabled the Jewish State to make great leaps in scientific, technical, industrial, and democratic areas, especially compared to the Palestinians next door. While the former concentrates on entrepreneurship, education, and plain hard work, the Pals are best known for their political corruption and widespread educational efforts to engender hatred of Jews and Israel among the youngsters growing up in their society.

Unsurprisingly, the left-wing media have gone bonkers over the frankness and truth of Romney’s remarks; and the Palestinian spokespeople have taken a line from Obama’s « blame Bush » strategy to blame their own abject failures on the Israelis.

The New York Times, predictably, began an anti-Romney spin story right on its front page and echoed the smear in a particularly nasty editorial.

Said the Times editorial: « Mr. Romney did American interests no favors when he praised Israeli economic growth while ignoring the challenges Palestinians face living under Israeli rule in the West Bank and Gaza. » Ah, yes, the familiar line apologizing for the Palestinians by claiming that they’ve all along been stifled by those nasty, occupying Jews — with nary a nod to the restrictions brought upon themselves by the constant attacks on Israel, most notably in the Second Intifada and the murderous policies of the late Yasser Arafat, which were direct causes of necessary self-defensive actions that may have had a side effect of making more difficult whatever great economic achievements the Palestinians thought they might somehow make.

In the page one smear job, the Gray Lady roundly condemns Romney for having the nerve to upset the sensitivities of a group more interested in pursuing terror than commerce:

Mitt Romney offended Palestinian leaders on Monday by suggesting that cultural differences explain why the Israelis are so much more economically successful than Palestinians, thrusting himself again into a volatile issue while on his high-profile overseas trip.

* * *

« Culture makes all the difference, » Mr. Romney said. « And as I come here and I look out over this city and consider the accomplishments of the people of this nation, I recognize the power of at least culture and a few other things. »

Golly, gee! Mitt tells it like it is, and the Times is deeply disturbed. What a non-surprise.

Over at the Wall Street Journal, however, Bret Stephens took a more reasoned and sanguine view of the Romney remarks:

Mitt Romney infuriated Palestinians during his visit to Israel on the weekend by calling Jerusalem « the capital of Israel. » He then added insult to injury by noting-in the context of a discussion of « culture »-the « dramatically stark difference in economic vitality » between Israelis and Palestinians. A Palestinian official called the remark « racist. »

I’m beginning to warm to Mitt.

Stephens goes on to a careful delineation of the differences in attitude between Israel-supporters like Romney and those who tend to disparage or disdain the Wish State such as Jimmy Carter and Barack Obama.

Meanwhile, at The New York Post, columnist John Podhoretz also offered a view of the Israeli-Palestinian situation uncolored by the rose-tinted glasses of the liberal Left:

While in Israel, Mitt Romney said something every sane person knows to be true: There is great cultural and political meaning in the fact that Israel has prospered while the Palestinians have festered.

« Culture, » Romney said, « makes all the difference . . . you notice a dramatic, stark difference in economic vitality. » * * * Since signing the Oslo Accords with the Palestinians, Israel has spent two decades working to unshackle its economy from its socialist roots, with remarkable results.

The Palestinians? They’ve created what the House Foreign Affairs Committee has called a « chronic kleptocracy, » with foreign aid and investment shamelessly stolen and diverted to the bank accounts of the leaders of the Palestinian Authority and its gangsterish local strongmen.

On its editorial page, the Post opined:

Maybe what the media resent is the contrast Romney’s trip makes all too clear: that, unlike Obama, he understands that the world consists of good actors and bad, that some nations deserve America’s unwavering friendship – and some don’t.

That some will have America’s back when it truly matters – and some won’t.

And that the difference matters.

Certainly, he’s not afraid to takes sides.

America’s bond with Israel is more than « strategic, » Romney said in Jerusalem (calling it, without hesitation, Israel’s capital). « It’s a force for good in the world. »

Joshua Greenman, writing in the left-leaning NY Daily News, joined the hysterical chorus condemning the honesty of Romney’s remarks. « Oy, Mitt. Oy. » he wrote, and then went on to comment that, « he [Romney] demeaned Palestinians – pointing to « a dramatically stark difference in economic vitality » between the Jewish state and the occupied territories. His diagnosis: « Culture makes all the difference. »

Greenman proceeds to defend what he calls, « the legitimate gripes of Palestinians. They struggle under occupation. They have been shunned by Arab neighbors. That, and cycles of terror and war against Israel, is what holds them back – not some ingrained handicap.

As for the paper’s news columns, its editors choose to report the Romney visit and remarks by the expedient of printing a wire-service story from the notoriously biased Associated Press, the thrust of which is delineated in its headline:

Romney outrages Palestinians by saying Jewish culture helps make Israel more successful

When it comes to the mainstream press, as far as Israel goes, it is always a case of plus ça change.

Voir encore:

Hillary and the Hollowness of ‘People-to-People’ Diplomacy

Nearly a million miles in the air. And U.S. power is diminished.

Fouad Ajami

The WSJ

August 10, 2012

The sight of Hillary Clinton cutting a rug on the dance floor this week in South Africa gives away the moral obtuseness of America’s chief diplomat. That image will tell the people of the besieged Syrian city of Aleppo, under attack by a merciless regime, all they need to know about the heartlessness of U.S. foreign policy.

True authority over foreign affairs has been vested in the White House, and for that matter, in the Obama campaign apparatus. All the great decisions on foreign policy—Iraq and Afghanistan, the struggle raging in Syria, the challenge posed by the Iranian regime—have been subjugated to the needs of the campaign. All that is left for Mrs. Clinton is the pomp and ceremony and hectic travel schedule.

Much has been made of her time in the air. She is now officially the most traveled secretary of state in American history. She has logged, by one recent count, 843,458 miles and visited 102 countries. (This was before her recent African swing; doubtless her handlers will revise the figures.) In one dispatch, it was breakfast in Vietnam, lunch in Laos, dinner in Cambodia. Officially, she’s always the life of the party.

This is foreign policy trivialized. If Harry Truman’s secretary of state, Dean Acheson, was « present at the creation » of the post-World War II order of states, historians who bother with Mrs. Clinton will judge her as marking time, a witness to the erosion of U.S. authority in the international order.

After settling into her post in early 2009, she made it clear that the « freedom agenda » of the prior administration would be sacrificed. « Ideology is so yesterday, » she bluntly proclaimed in April of that year. This is what her boss had intended all along. The herald of change in international affairs, the man who had hooked crowds in Paris and Berlin and Cairo, was, at heart, a trimmer, timid about America’s possibilities beyond its shores.

Presidents and secretaries of state working in tandem can bend historical outcomes. Think of Truman and Acheson accepting the call of history when the British could no longer assume their imperial role. Likewise, Ronald Reagan and George Shultz pushed Soviet communism into its grave and gave the American people confidence after the diplomatic setbacks of the 1970s and the humiliations handed to U.S. power under the presidency of Jimmy Carter.

Grant Barack Obama and Hillary Clinton their due—they have worked well together, presided over the retrenchment of American power, made a bet that the American people would not notice, or care about, the decline of U.S. authority abroad. This is no small feat.

Yet the passivity of this secretary of state is unprecedented. Mrs. Clinton left no mark on the decision to liquidate the American presence in Iraq—the president’s principal adviser on Iraq was Vice President Joe Biden. We have heard little from her on Afghanistan, except last month to designate it a « major non-NATO ally. » She opened the tumult of the Arab Spring with a monumental misreading of Egypt: Hosni Mubarak was a « friend of my family, » she said, and his reign was stable. She will long be associated with the political abdication and sophistry that has marked this administration’s approach to the Syrian rebellion.

With nothing save her words invested in Syria, she never tires of invoking the specter of jihadists finding their way into the fight: « Those who are attempting to exploit the situation by sending in terrorist fighters must realize they will not be tolerated, first and foremost by the Syrian people. »

Aleppo, an ancient, prosperous city, the country’s economic trading capital, shelled as though it is a foreign city, is subjected to barbarous treatment, and Mrs. Clinton has this to say: « We have to set very clear expectations about avoiding sectarian warfare. »

Syria has now descended, as it was bound to, into a drawn-out conflict, into a full-scale sectarian civil war between the Sunni majority and the Alawi holders of power. But Mrs. Clinton could offer nothing better than this trite, hackneyed observation: « We must figure out ways to hasten the day when bloodshed ends and the political transition begins. We have to make sure that state institutions stay intact. »

These are the words of someone running out the clock on the Syrians, playing for time on behalf of a president who gave her this post knowing there would be at Foggy Bottom a politician like himself instead of a diplomat given to a belief in American power and the American burden in the world.

One doesn’t have to be unduly cynical to read the mind of the secretary of state and that of her closest political strategist, her spouse Bill Clinton. Defeated by Mr. Obama in 2008, the Clintons made the best of it. They rode with him without giving up on the dream of restoration. The passivity of Secretary Clinton, and the role assigned Bill Clinton in the Democratic convention as the one figure who might assure the centrists and independents that Barack Obama is within the political mainstream, are an investment in the future. The morning after the presidential election, the Clintons will be ready. They will wait out an Obama victory and begin to chip away at his authority.

And in the event of an Obama defeat, they will ride to the rescue of a traumatized party. Mrs. Clinton will claim that she has rounded out her résumé. She needn’t repeat fanciful tales of landing in Bosnia under fire in 1996; she will have a record of all those miles she has flown. She will pass in silence over the early hopes she had invested in Syria’s Bashar al-Assad as a reformer, and over the slaughter he unleashed on his people. Her devotees will claim that all was well at State and that Hillary mastered her brief with what she likes to call « people-to-people » diplomacy.

Mr. Ajami is a senior fellow at Stanford University’s Hoover Institution and the author most recently of « The Syrian Rebellion, » just out by Hoover Press

Voir de même:

Egypt’s New President Moves Against Democracy

Mohammed Morsi has given himself complete legislative and executive power, plus the right to select writers of a new constitution.

Eric Trager

The WSJ

August 15, 2012

Egypt’s « full transition to civilian rule, » long sought by the Obama administration, has finally come to fruition. But it is neither liberal nor democratic.

On Sunday, having purged top military officials, Muslim Brotherhood veteran and new President Mohammed Morsi issued a sweeping constitutional declaration. It grants him complete executive and legislative power, plus the authority to select the writers of Egypt’s new constitution. Eighteen months after Hosni Mubarak’s ouster, Egypt has a new dictator—and the way in which Mr. Morsi grabbed power says much about what he will do with it.

These moves follow an attack last week in the notoriously unstable Sinai peninsula, where militants killed 16 Egyptian soldiers, stole a military vehicle, and attempted to breach Israel’s borders. The incident gave Mr. Morsi an excuse to sack the security officials who posed the greatest threat to his domestic authority—particularly the leaders of Egypt’s now-defunct military junta, which in June had issued its own constitutional declaration limiting the newly elected president’s powers.

More important, Mr. Morsi used the Sinai crisis to assume the powers that the junta had undemocratically asserted for itself in a March 2011 constitutional declaration. He thus claimed unprecedented executive power, including complete authority over legislation, public budgets, foreign affairs, pardons, and political and military appointments.

Mr. Morsi’s declaration also gives him the power to select a new assembly for writing Egypt’s constitution. And since the new constitution must be approved by popular referendum before new parliamentary elections can be held, Mr. Morsi can intervene in the constitution-writing process to delay legislative elections—and thereby remain Egypt’s sole legislator—indefinitely.

Based on the evidence to date, Egypt’s president will use his expanded power to advance the Muslim Brotherhood’s radically intolerant domestic agenda.

Consider the editors he appointed to lead Egypt’s two largest state-run newspapers. The new editor of Al-Ahram is an old Mubarak regime hack who called last year’s uprising « foreign funded » and lost his column in 2010 for writing anti-Christian articles. The new editor of Gomhoriya shut down a conference on religious freedoms in 2008 and called for the murder of a well-known Bahai activist in 2009. The new editor of Al-Akhbar recently censored an article that criticized the Brotherhood.

Meanwhile, Mr. Morsi’s newly appointed defense minister, Abdel-Fattah El-Sisi, admitted that the military had subjected female activists to « virginity tests » in its brutal crackdown on Tahrir Square protests in March 2011. In its first major move against dissenters, the Morsi regime this month began prosecuting the editor of Al-Dustour, a private daily, for « harming the president through phrases and wording punishable by law. »

While the consequences of Mr. Morsi’s power grab are primarily being felt domestically, this is unlikely to last. His recent actions suggest that he will soon turn his attention to Egyptian foreign policy, steering it in a direction decidedly hostile to U.S. interests.

His constitutional declaration empowers him to do just that. His amendments to last year’s interim constitution give him the authority to sign—and presumably abrogate—treaties. Although many expected that de facto foreign-policy power would remain with the generals, Mr. Morsi’s quick reshuffling of the military leadership has brought the armed forces under his command.

Then there are his overtures to adversaries of the West. In a mere six weeks as president, Mr. Morsi has hosted top-level Hamas delegations twice and, despite the flow of militants from Gaza into Sinai, promised to keep open the Rafah border crossing. Last week he welcomed Iran’s vice president and was invited to attend the Non-Aligned Movement’s upcoming meeting in Tehran.

If he does, he’d be the first Egyptian head of state to visit Iran since the 1979 revolution. Accompanying him could be his new chief of staff, Mohamed Rifaat al-Tahtawi, a former ambassador to Libya and Iran who has declared Israel to be Egypt’s « main threat, » praised Syria as « a fundamental pillar of the resistance camp [against] Israel, » and called for closer relations with Iran and Hamas.

Many Washington analysts believe that Mr. Morsi won’t make any major foreign-policy moves, such as revoking Egypt’s peace treaty with Israel. They take his verbal assurances at face value and reason that he won’t rock the boat at the very moment that he needs international investment to boost Egypt’s ailing economy.

But this same logic once dictated that he wouldn’t rush to challenge Egypt’s generals. After all, he sat smiling next to Egypt’s top military officer (now fired) at military events, and Washington observers widely assumed that the Brotherhood would be content to focus on Islamizing domestic policy while leaving national-security matters to the military.

Mr. Morsi’s modus operandi, it turns out, isn’t accommodating or gradual. And now that he has declared extensive powers for himself, the only way to prevent him from moving swiftly against American interests is by pushing back immediately.

Rather than touting him as a democratically elected leader—as the Obama administration has frequently done—Washington should denounce his power grab and insist that he demonstrate his commitment to democratic rule with action or risk losing the international goodwill that followed his election. Failing to do so will enable him to continue building his power domestically without paying a price abroad. And that raises the likelihood of another—much more damaging—Sunday surprise.

Mr. Trager is a fellow at the Washington Institute for Near East Policy.

Voir de plus:

Syria’s Coming Sectarian Crack-Up

August 15, 2012

Michael Doran

The Obama administration has been decrying the spread of sectarianism in war-torn Syria and calling for the preservation of state institutions there. A « managed transition » is the new mantra in Washington. This isn’t a policy but a prayer. Syrian state institutions are inherently sectarian, and they are crumbling before the world’s eyes.

Syria is like Humpty Dumpty. Made up of four or five diverse regions glued together after World War I, the country is an accident of great-power politics. Like neighboring Lebanon, it has now dissolved into its constituent parts. The Free Syrian Army isn’t a unified force but rather a network of militias, each with its own regional power base and external patron.

Consider Aleppo. Syria’s largest city, its economic hub, is the central battleground in the current civil war. In the early 1920s, the French dragged Aleppo kicking and screaming into the new Syrian state, which they created. Today, Bashar al-Assad’s schools teach that Ibrahim Hananu, the leader of the Aleppine rebellion against the French, was a great patriot who fought for independence. He did fight the imperialists, yes, but for Turkey—not Syria.

In 1920 Aleppo was closer—economically, socially, and geographically—to Turkish Anatolia than to Arab Damascus. It was Mustafa Kemal Atatürk, the founder of modern Turkey, who armed and equipped Hananu and his men.

When the Turks were forced to cut a deal with the French, Hananu’s rebellion collapsed. As a result, the border between Syria and Turkey fell 40 miles north of Aleppo. It could just as easily have fallen much further south, with Aleppo nestling comfortably in the bosom of modern Turkey.

It was anything but comfortable in the new Syria. In the decades that followed, two parties dominated the country’s political life—one representing the interests of Aleppo, the other of Damascus. Each had its own separate foreign policy: Aleppo aligned, naturally, with Turkey and Iraq; Damascus with Egypt. By the mid-1950s, the Syrian state was disintegrating. Iraq, with the help of Turkey, stood poised to take control of the country—a development that would have privileged Aleppo over Damascus.

Then Gamal Abdel Nasser, Egypt’s charismatic proponent of pan-Arab nationalism, came to the rescue of his Damascene allies (just as, today, Iran is rescuing Assad). Nasser quickly founded the United Arab Republic, a Syrian-Egyptian amalgamation, in 1958.

Within four years, the Syrians bolted from the union. The country descended into a period of turmoil that ended only in 1970, when Hafez al-Assad imposed a new order with an iron fist. The core of the new regime was a group of close associates of Assad, almost all of them from the Alawite sect, a despised religious minority concentrated in the mountains of the north, above Latakia. The Alawites, who were marginal to the life of the main cities of Syria, rose to power through the military.

The new regime disguised its sectarian character by, among other tactics, stressing its pan-Arab credentials and its hostility to Zionism. There is no little irony in the fact that Assad, an Alawite, played the scourge of Israel. Historically, his sect was immune to the call of Arab nationalism. In 1936, for instance, Hafez al-Assad’s father joined a delegation of notables who petitioned the French to establish an autonomous Alawite canton—one centered on the mountains of the north, the minority’s heartland.

The delegation justified their demand as a necessary defense against Muslim intolerance. As evidence, the Alawite notables cited the unjust treatment that the « good Jews » of Palestine were receiving. The Jews, their petition stated, « scattered gold, and established prosperity in Palestine without harming anyone or taking anything by force, yet the Muslims declare holy war against them and never hesitated in slaughtering their women and children. » As a result, « a dark fate awaits the Jews and other minorities » when the Muslims would receive their independence.

By the time Hafez al-Assad took control of the Syrian state, he and his fellow Alawites had learned to embrace the anti-Israeli norms that prevailed among their Sunni neighbors. But beneath this veneer of agreement, the fear of the Muslim majority remained.

The sectarian nucleus of the state has always been a defining characteristic of the Assad regime. But the Alawite order is collapsing today, and it will never be reconstituted. Syria is now a regional battleground, with Tehran and Moscow backing Assad while Turkey, Saudi Arabia, Qatar and Jordan back the rebels.

When Assad loses Aleppo and Damascus—and this loss is almost a certainty—his Russian and Iranian patrons won’t abandon him. They have no other horse to ride in Syria. Instead they will assist in establishing a sectarian militia, an Alawite analogue to Hezbollah. In fact, such a militia is already rising up naturally, as Sunni defections transform the Syrian military into an overtly Alawite force.

If the rebels finally succeed in dislodging the regime from the main cities, it will retreat to the north, and the autonomous Alawite canton that Bashar al-Assad’s grandfather envisioned will finally be born. « Alawistan, » as the Mideast scholar Tony Badran called it, will join Hezbollah in the Bekaa Valley of Lebanon as another sectarian island in the Iranian archipelago of influence.

If the breakup of Syria and the rise of an Iranian-backed canton are indeed undesirable, then Washington must get to work immediately to create an alternative. The planning should begin in Turkey, which borders not just Aleppo but also the future canton of Alawistan.

Mr. Doran, who served as a deputy assistant secretary of defense from 2007-08, is a senior fellow in the Saban Center at the Brookings Institution

Voir enfin:

The Silly Outrage Over Obama’s Conversation With Medvedev
David A. Graham
The Atlantic
March 30, 2012

With the president, what you see is what you get. Critics who’ve accused him of bluffing on foreign affairs often have been proven wrong.

Someone call the John Birch Society: The president of the United States is up to some shady business with the Russians, and he’s trying to hide it from us. Or at least that’s what some commentators believe. Here’s what has them so concerned:

« On all these issues, but particularly missile defense, this can be solved, but it’s important for him to give me space, » Mr. Obama could be heard saying to Mr. Medvedev, according a reporter from ABC News, who was traveling with the president.

« Yeah, I understand, » the departing Russian president said. « I understand your message about space. Space for you … . »

Mr. Obama then elaborated in a portion of the exchange picked up by the cameras: « This is my last election. After my election I have more flexibility. »

« I understand. I will transmit this information to Vladimir, » Mr. Medvedev said, referring to Prime Minister Vladimir V. Putin, who just won an election to succeed Mr. Medvedev.

The reaction has been predictable. RNC Chairman Reince Priebus wrote in Human Events, « How depressingly cynical. How contemptuous of those he wants to re-elect him. It begs the question: What other plans does he have for a second term that he isn’t advertising? What exactly would Flexible Obama do? » Priebus speculates darkly about tax increases, abandoning Israel, and an untrammeled EPA wreaking havoc. Mitt Romney hosted a fill-in-the-blank contest on Twitter for what Obama would do. (This is an impressive piece of chutzpah, given that Romney had just given an interview to The Weekly Standard promising to eliminate government agencies but refusing to say which ones). Marco Rubio says it spurred his endorsement of Mitt Romney. Even Jon Stewart got in on the action.

At the risk of stating the obvious, this is overwrought. The matter at hand — mostly missed amid the political recriminations — is Russo-American disagreement over missile defense. Russia is uneasy about U.S. emplacements in Europe, especially in Poland, that would be part of a system to shoot down incoming missiles. Even if Obama is conceding a lot of ground, it’s not some secret, unrevealed shift. Indeed, as far back as September 2009, hawks were complaining bitterly after his administration drastically retrenched on the missile-defense system.

On foreign affairs, Obama actually has a strong record of doing what he says he’ll do. During the 2008 primary, Hillary Clinton slammed him for his pledge to open direct negotiations with Iran. When he took office, he executed the plan — with Clinton has his secretary of state. The jury’s still out on how that worked. He also pledged to take unilateral action against Al Qaeda leaders in Pakistan: « If we have actionable intelligence about high-value terrorist targets and President Musharraf won’t act, we will. » Both Clinton and John McCain assailed that comment as hopelessly naive and ill-advised, but it was just such a strike that killed Osama bin Laden, strongly vindicating the strategy.

Anyway, this is how diplomacy works. Matters are discussed behind closed doors, and timing is carefully calibrated; leaders have competing constituencies to serve and a limited amount of political capital that has to be budgeted. In this case, Obama faces a divided Congress that’s deadlocked over even the most pressing domestic matters, like passing a budget or reauthorizing transportation funding. To imagine that any meaningful action is going to take place before the election is folly (the present controversy proves the point). After the election, pressure will be off the president and lawmakers alike. In fact, the lame duck session and the early months after the inauguration are the only time we’re likely to see much movement before deadlock returns. And foreign policy is distinctly different from domestic policy. As James Fallows pointed out in his cover story on Barack Obama, foreign affairs is one area where the commander in chief has broad latitude. No need for Priebus to worry: Obama couldn’t make domestic policy by fiat in the same way if he got elected to four terms in office. Of course, that’s the crapshoot. Obama’s greatest sin here appears to be cockiness about his reelection prospects.

David A. Graham is a staff writer at The Atlantic.


Polémique Soler: Comment les juifs ont inventé le génocide (Why the Jews were much more vindictive and vitriolic than the pagans)

4 juillet, 2012
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Une femme oublie-t-elle son nourrisson? De montrer sa tendresse au fils de son ventre? Même si celles-là oubliaient, moi je ne t’oublierai pas. Esaïe 49: 15
Sur les bords des fleuves de Babylone, Nous étions assis et nous pleurions, en nous souvenant de Sion. Aux saules de la contrée Nous avions suspendu nos harpes. Là, nos vainqueurs nous demandaient des chants, Et nos oppresseurs de la joie: Chantez-vous quelques-uns des cantiques de Sion! (…) Fille de Babylone, la dévastée, Heureux qui te rend la pareille, Le mal que tu nous as fait! Heureux qui saisit tes enfants, Et les écrase sur le roc! Psaumes 137
Mon Dieu! mon Dieu! pourquoi m’as-tu abandonné, Et t’éloignes-tu sans me secourir, sans écouter mes plaintes? (…) De nombreux taureaux sont autour de moi, Des taureaux de Basan m’environnent. Ils ouvrent contre moi leur gueule, Semblables au lion qui déchire et rugit. Psaumes 22: 2-13
De nouveaux concepts nécessitent de nouveaux mots. Par génocide, nous entendons la destruction d’une nation ou d’un groupe ethnique. Raphael Lemkin (juriste polono-américain d’origine juive, 1944)
Dans l’Église catholique, depuis le concile Vatican II, les trois derniers versets du psaume ont été retirés des livres liturgiques en raison de leur cruauté difficilement compatible avec le message évangélique.Wikipedia
Dans certains des Psaumes l’esprit de haine nous frappe au visage comme la chaleur d’une fournaise. Dans d’autres cas, le même esprit cesse d’être effrayant mais c’est pour devenir (aux yeux de l’homme moderne) presque comique par sa naïveté. (…) Si nous excusons les poètes des Psaumes sous prétexte qu’ils n’étaient pas chrétiens, nous devrions pouvoir montrer que les auteurs païens expriment le même genre de choses et pire encore (….) Je peux trouver en eux de la lascivité, une bonne dose d’insensibilité brutale, une froide cruauté qui va de soi pour eux, mais certainement pas cette fureur ou cette profusion de haine…. La première impression que l’on en retire est que les Juifs étaient bien plus vindicatifs et acerbes que les païens. CS Lewis
De nombreux commentateurs veulent aujourd’hui montrer que, loin d’être non violente, la Bible est vraiment pleine de violence. En un sens, ils ont raison. La représentation de la violence dans la Bible est énorme et plus vive, plus évocatrice, que dans la mythologie même grecque. (…) Il est une chose que j’apprécie dans le refus contemporain de cautionner la violence biblique, quelque chose de rafraîchissant et de stimulant, une capacité d’indignation qui, à quelques exceptions près, manque dans la recherche et l’exégèse religieuse classiques. (…) Un bon exemple d’un livre qui semble scandaleusement violent est celui des Psaumes. Beaucoup de psaumes sont non seulement violents mais pleins de haine et de ressentiment. Le narrateur se plaint qu’il a de nombreux ennemis injustes qui non seulement détruisent sa réputation mais menacent sa vie et l’agressent même physiquement. Dans certains des Psaumes, le narrateur est entouré par ces ennemis qui sont sur le point de le lyncher. Il les maudit, il les insulte; surtout il demande à Dieu de faire descendre le feu  et la destruction sur ces ennemis. L’intensité du ressentiment dans ces Psaumes est peut être bien la raison principale pourquoi Nietzsche voit dans la tradition judéo-chrétienne un ressentiment qui n’existe pas dans le monde païen. Ce sont les Psaumes dits de malédiction ou d’exécration. De nos jours afin de minimiser leur violence plusieurs Bibles les appellent « pénitentiels ». Ils ne sont pas du tout pénitentiels mais vengeurs. De nombreux commentateurs traditionnels et savants ont minimisé la violence de ces textes qu’ils considéraient comme une expression stéréotypée de la colère, une collection de clichés dépourvus de toute référence au monde réel. L’actuelle privation complète du référent  est le résultat d’un long processus au cours duquel tous les anciens textes et la réalité ont été de plus en plus désactivés. C’est une façon de se débarrasser complètement du problème ou de le transformer en un problème psychologique ou psychanalytique. Mais certains esprits libres parmi les croyants ont toujours souligné la violence dans ces prières. Il y a d’autres textes de la Bible qui interdisent aux êtres humains de prier Dieu pour la destruction de leurs ennemis, et c’est précisément ce que font ces Psaumes.  C. S. Lewis dans sa réflexions sur les Psaumes les trouve choquants et n’hésite pas à dire: Dans certains des Psaumes l’esprit de haine nous frappe au visage comme la chaleur d’une fournaise. Dans d’autres cas, le même esprit cesse d’être effrayant mais c’est pour devenir (aux yeux de l’homme moderne) presque comique par sa naïveté. Lewis trouve ces textes particulièrement problématiques étant donné que l’on ne retrouve pas cette intensité de haine dans l’écriture païenne : Si nous excusons les poètes des Psaumes sous prétexte qu’ils n’étaient pas chrétiens, nous devrions pouvoir montrer que les auteurs païens expriment le même genre de choses et pire encore (….) Je peux trouver en eux de la lascivité, une bonne dose d’insensibilité brutale, une froide cruauté qui va de soi pour eux, mais certainement pas cette fureur ou cette profusion de haine…. La première impression que l’on en retire est que les Juifs étaient bien plus vindicatifs et acerbes que les païens. Cette observation est très proche de ce que Nietzsche a dit de la Bible en ce qui concerne le paganisme mais C. S. Lewis ne semble pas percevoir la similitude. On pourrait bien sûr contester le jugement de C. S. Lewis. Il y a une quantité incroyable de violence dans des pièces telles que Médée ou les Bacchantes, dans la tradition dionysiaque dans son ensemble qui est centrée sur le lynchage. L’Iliade n’est rien d’autre qu’une chaîne d’actes de vengeance ; mais ce que C. S. Lewis et Nietzsche disent sur cette question est sans doute vrai si le problème est défini de la façon qu’ils le définissent il, à savoir en termes non pas de pure quantité de violence exposée mais de l’intensité de la rancoeur ou du ressentiment. Mais que signifie vraiment tout cela? C. S. Lewis se pose la question et en tire quelques remarques très pertinentes que, malheureusement, il ne développe pas suffisamment. Sa principale remarque est que le ressentiment envers les textes bibliques peut être motivé par de  réelles injustices  que les narrateurs de ces Psaumes devaient subir: « ces haines sont le genre de choses que produisent,  par une sorte de loi naturelle, la cruauté et l’injustice. » Lewis ne rejette pas automatiquement comme irréelle toute la violence et l’injustice dont se plaignent les narrateurs dans les Psaumes. Je suis très d’accord que cette violence doit être réelle. Mais alors si c’est vrai dans les Psaumes, il n’y a aucune raison de penser que la violence similaire dans la mythologie n’est pas réelle. De plus, la question demeure : si ces violences sont réelles dans les deux types de textes, comment se fait-il que dans les textes bibliques les victimes de ces violences expriment  pleinement  le profond ressentiment qu’ils ressentent, la haine que leurs bourreaux suscitent en eux ? (…) Beaucoup de lecteurs modernes sont choqués par la langue violente des narrateurs mais pas par la violence qui leur est infligée. Ils ne la prennent pas au sérieux. Ils voient la réaction violente mais purement verbale de la victime impuissante mais ils rejettent comme irréelle la violence des bourreaux, qu’ils considèrent tout simplement comme une langue classique et stéréotypée. En fait, certains savants allemands soutiennent qu’il doit s’agir là d’hallucinations. Pour obtenir un autre point de vue sur ce qui se passe dans les Psaumes, il ne faut pas hésiter à comparer cette violence avec celle que l’on retrouve dans la mythologie, dans la tradition dionysiaque, par exemple et aussi dans les mythes archaïques du monde entier. (…) Une fois que nous nous rendons compte que nous avons à faire au même phénomène social dans la Bible que la mythologie, à savoir la foule hystérique qui ne se calmera pas tant qu’elle n’aura pas lynché une victime, nous ne pouvons manquer de prendre conscience du fait de la grande singularité biblique, même de son caractère unique. (…) Dans la mythologie, la violence collective est toujours représentée à partir du point de vue de l’agresseur et donc on n’entend jamais les victimes elles-mêmes. On ne les entend jamais se lamenter sur leur triste sort et maudire leurs persécuteurs comme ils le font dans les Psaumes. Tout est raconté du point de vue des bourreaux. (…) Pas étonnant que les mythes grecs, les épopées grecques et les tragédies grecques sont toutes sereines, harmonieuses et non perturbées. (…) Pour moi, les Psaumes racontent la même histoire de base que les mythes mais retournée, pour ainsi dire. (…) Les Psaumes d’exécration ou de malédiction sont les premiers textes dans l’histoire qui permettent aux victimes, à jamais réduites au silence dans la mythologie, d’avoir une voix qui leur soit propre. (…) Ces victimes ressentent exactement la même chose que Job. Il faut décrire le livre de Job, je crois, comme un psaume considérablement élargi de malédiction. Si Job était un mythe, nous aurions seulement le point de vue des amis. (…) La critique actuelle de la violence dans la Bible ne soupçonne pas que la violence représentée dans la Bible peut être aussi dans les évènements derrière la mythologie, bien qu’invisible parce qu’elle est non représentée. La Bible est le premier texte à représenter la victimisation du point de vue de la victime, et c’est cette représentation qui est responsable, en fin de compte, de notre propre sensibilité supérieure à la violence. Ce n’est pas le fait de notre intelligence supérieure ou de notre sensibilité. Le fait qu’aujourd’hui nous pouvons passer jugement sur ces textes pour leur violence est un mystère. Personne d’autre n’a jamais fait cela dans le passé. C’est pour des raisons bibliques, paradoxalement, que nous critiquons la Bible. (…) Alors que dans le mythe, nous apprenons le lynchage de la bouche des persécuteurs qui soutiennent qu’ils ont bien fait de lyncher leurs victimes, dans la Bible nous entendons la voix des victimes elles-mêmes qui ne voient nullement le lynchage comme une chose agréable et nous disent en des mots extrêmement violents, des mots qui reflètent une réalité violente qui est aussi à l’origine de la mythologie, mais qui restant invisible, déforme notre compréhension générale de la littérature païenne et de la mythologieRené Girard (Violence in Biblical Narrative, Philosophy, Vol. 22, No. 2, October 1999)
On dit que les Psaumes de la Bible sont violents, mais qui s’exprime dans les psaumes, sinon les victimes des violences des mythes : « Les taureaux de Balaam m’encerclent et vont me lyncher »? Les Psaumes sont comme une fourrure magnifique de l’extérieur, mais qui, une fois retournée, laisse découvrir une peau sanglante. Ils sont typiques de la violence qui pèse sur l’homme et du recours que celui-ci trouve dans son Dieu. René Girard
Le monothéisme devient une arme de guerre forgée tardivement pour permettre au peuple juif d’être et de durer, fût-ce au détriment des autres peuples. Il suppose une violence intrinsèque exterminatrice, intolérante, qui dure jusqu’aujourd’hui (…) les juifs inventent le génocide – le premier en date dans la littérature mondiale. Jean Soler
Le schéma judéo-chrétien s’impose, même à ceux qui se disent indemnes de cette religion. Jean Soler pense même le communisme et le nazisme dans la perspective schématique de ce modèle de pensée. Ainsi, chez Marx, le prolétariat joue le rôle du peuple élu, le monde y est vu en termes d’oppositions entre bien et mal, amis et ennemis, l’apocalypse (la guerre civile) annonce le millénarisme (la société sans classes). (…) Toujours selon Jean Soler, le monothéisme devient une arme de guerre forgée tardivement pour permettre au peuple juif d’être et de durer, fût-ce au détriment des autres peuples. Il suppose une violence intrinsèque exterminatrice, intolérante, qui dure jusqu’aujourd’hui. La vérité du judaïsme se trouve dans le christianisme qui universalise un discours d’abord nationaliste. (…)  Bien sûr, il ne souhaite pas revenir au polythéisme antique, mais il propose que nous nous mettions enfin à l’école de la Grèce après plus de mille ans de domination judéo-chrétienne. Une Grèce qui ignore l’intolérance, la banalisation de la peine de mort, les guerres de destruction massive entre les cités ; une Grèce qui célèbre le culte des femmes ; une Grèce qui ignore le péché, la faute, la culpabilité ; une Grèce qui n’a pas souhaité l’extermination massive de ses adversaires ; une Grèce qui, à Athènes, où arrive saint Paul, avait édifié un autel au dieu inconnu comme preuve de sa générosité et de son hospitalité – cet autel fut décrété par Paul de Tarse l’autel de son dieu unique, le seul, le vrai. Constantin devait donner à Paul les moyens de son rêve. Michel Onfray

Les Juifs ont même inventé le génocide!

En cette première journée de la diffusion sur la chaîne publique France 2 des deux premiers épisodes d’une fiction médiévale sur l’Inquisition (« Inquisitio ») qui va, comme d’habitude si l’on en croit le site Hérodote, conforter les pires idées reçues et « valoriser les pires superstitions pour mieux noircir la religion chrétienne » …

Pendant qu’attisé par les Jihad TV et pétrodollars de nos amis qataris et saoudiens, le bien réel monothéisme « vengeur, jaloux, guerrier, belliqueux, cruel et  misogyne » est lui en train de concocter, sous nos yeux et à nos portes de l’autre côté de la Méditerranée, un véritable « Afghanistan de proximité » …

Retour sur la polémique qui déchire depuis quelques semaines le landerneau littéraire suite à la publication du pamphlet anti-monothéiste de l’historien Jean Soler (Qui est Dieu?) et au soutien appuyé de notre athéologue autoproclamé national Michel Onfray …

Qui, tout à leur (re)découverte de la réelle surviolence  de l’écriture sainte juive et de son effectivement lente et progressive accession au monothéisme et à l’universalisme (mais au prix d’une lecture littéraliste des textes qui ferait le bonheur du plus fondamentaliste des croyants), ne peuvent hélas que retomber dans les pires dérives de l’apologie d’une société grecque primitive qui en aurait prétendument été exempte …

Sans voir, à l’instar d’ailleurs de leurs critiques, que ladite surviolence du texte biblique est justement, comme l’a montré René Girard, ce qui en fait la supériorité et même le caractère unique par rapport à ses contemporains ou ses sources …

A savoir son parti pris, contre la mythologie qui paie précisément son apparente sérénité de la réduction au silence de ses victimes, de donner la voix à ces dernières y compris, dans une sorte de rituel de sanctuaire plus ou moins ordalique et peut-être pas dénué de connotations magiques dont les Psaumes seraient les traces, pour maudire leurs agresseurs …

Rendant ainsi possible, à travers cette première représentation de la victimisation du point de vue de la victime, notre actuelle sensibilité supérieure et souvent étrangement disproportionnée à la violence et donc au génocide …

Et ce, sans parler de la nation actuelle d’Israël, y compris dans la Bible elle-même …

Onfray, Soler… dérapage en roue libre dans Le Point

Didier Long

13 juin 2012

Sous prétexte de démystification de pseudo « idées reçues » (les siennes ?), l’article de Michel Onfray paru dans le Point du 07 juin 2012 « Jean Soler, l’homme qui a déclaré la guerre aux monothéismes » (voir ici), sous couvert de défendre un livre, développe des arguments supposés historiques (les siens) qui sont pour la plupart inexacts… quant il ne s’agit pas de grossières erreurs.

S’ensuit un combat de clochmerle de généralités pour défendre les vertus d’Athènes face une Jérusalem dont la morale aurait étouffé l’occident. Mais où veut-il en venir ?… se demande le lecteur. Le meilleur est gardé pour la fin : « les juifs inventent le génocide, cet acte généalogique “est révélateur de la propension des Hébreux à ce que nous nommons aujourd’hui l’extrémisme”», « la Shoah ne saurait être ce qui est couramment dit : un événement absolument unique… » mais « la preuve définitive de l’inexistence de Dieu». Auquel d’ailleurs Moïse ne croyait pas nous prévient l’intertitre de la version papier du Point. Enfin, au cas où le lecteur n’aurait pas compris après avoir lu le panneau « grosse provoc’ », une saine exégèse de Mein Kampf est déployée « le nazisme selon Mein Kampf (1924) est le modèle hébraïque auquel il ne manque même pas Dieu », « Hitler est le guide de son peuple, comme Moïse »… Enorme! mais moins que l’argument définitif, une essentialisation du peuple juif violent contre les autres peuples à travers toute l’histoire : « le monothéisme devient une arme de guerre forgée tardivement pour permettre au peuple juif d’être et de durer, fût-ce au détriment des autres peuples. Il suppose une violence intrinsèque exterminatrice, intolérante, qui dure jusqu’aujourd’hui ». L’histoire est donc convoquée pour cette actualisation : « jusqu’aujourd’hui ». Josué, Moïse, Hitler, et l’Etat d’Israël dans les territoires aujourd’hui ? même combat! Sauf que c’est faux.

Les « idées reçues » démystifiées…

Dans un laborieux effort Onfray citant Soler (derrière qui il s’abrite pour proposer sa vision radicale) commence par démystifier ce qu’il suppose des « idées reçues ». Où ? Par qui ? Nulle ne le sait … et se prend les pieds dans le tapis de l’histoire au nom d’un amateurisme éclairé et de deux livres assimilés à l’œuvre d’un « philosophe érudit et méconnu », « résultat d’années de travaux solitaires et de recherches loin du bruit et de la fureur »,« l’œuvre d’une vie » (commencée en 2002…) que « l’université, qui manque de ces talents-là, ne reconnaît pas » (on croit rêver, il ne suffit pas d’ignorer la recherche pour la disqualifier…)… assortie de recommandations prestigieuses, etc… heureusement, Michel Onfray et Le Point étaient là pour rétablir la vérité et faire avancer la science. Qu’en est-il de ces « idées reçues » sur lesquelles l’auteur pense pouvoir nous éclairer ?

– Première idée reçue : la Bible dépasse en ancienneté les anciens textes fondateurs. Faux : les philosophes ne s’inspirent pas de l’Ancien Testament, car “la Bible est contemporaine, pour l’essentiel, de l’enseignement de Socrate et des oeuvres de Platon. Remaniée et complétée plus tard, elle est même, en grande partie, une oeuvre de l’époque hellénistique”.

Cette affirmation est inexacte. Selon l’état actuel de la recherche, un certain nombre de codes et de récits noyaux du deutéronome ont précédé la période de l’Exil et datent du début du VIIe siècle, voire du Xème siècle avant notre ère. Les récits à propos des rois Saül, David (dont l’existence est vérifiée historiquement) Salomon font référence à des évènements de la fin du second millénaire et au tournant du premier millénaire. Personne ne conteste leur écriture sous forme de saga merveilleuse parmi les chercheurs. Cependant, celle-ci s’appuie sur des faits historiques : La « maison de David » (c’est-à-dire sa dynastie) est mentionnée sur la stèle de Tel Dan, l’archéologie ne met pas en doute l’existence d’un royaume de Salomon avec Jérusalem comme capitale. La mise au point du texte définitif de la Torah ou Pentateuque s’est sans doute poursuivie pendant plus d’un siècle après le retour d’exil (- 538) avec une clôture vers 400. L’élaboration de la Bible comme texte sacré du peuple juif est donc largement antérieure au siècle de Périclès et de Platon, né à Athènes en – 428-427 av. et mort en 348-347 av. l’ère commune. Le texte biblique est une lente élaboration de traditions orales fixées peu à peu par écrit entre le Xème siècle avant notre ère et la fin de l’exil. Il ne s’agit en aucun cas d’un texte « contemporain de Platon » comme l’affirme Onfray pour en dénoncer l’aspect tardif. C’est du moins ce que reconstitue la recherche.

synthèse de la situation actuelle de la recherche sur la rédaction du Pentateuque ou Torah (source : Olivier Artus, Cahier Evangile 106)

NB : Exil à Babylone 586-538 avant l’ère commune

– On est bien évidemment en monde oriental, Perse, babylonien, mésopotamien qui parle hébreu… et non pas dans la culture hellénistique de langue grecque. Le dialogue avec la culture grecque (pas celle d’Onfray!) est beaucoup plus tardif. C’est de la période hellénistique et hasmonéenne (-300, -140) que datent les récits de sagesse, trois livres : les Proverbes, le livre de Job, le Qohelet (ou Ecclésiaste) sur les 24 que comporte la Bible hébraïque… tous en hébreu et non en grec et non pas « en grande partie, une œuvre de l’époque hellénistique ».

– Deuxième idée reçue : la Bible a fait connaître à l’humanité le dieu unique. Faux : ce livre enseigne le polythéisme et le dieu juif est l’un d’entre les dieux du panthéon, dieu national qui annonce qu’il sera fidèle à son peuple seulement si son peuple lui est fidèle. La religion juive n’est pas monothéiste mais monolâtrique : elle enseigne la préférence d’un dieu parmi d’autres. Le monothéisme juif est une construction qui date du Ve siècle avant l’ère commune.

En réalité, la Bible est composée non pas d’un livre mais de plusieurs reflétant de multiples théologies. Le récit biblique passe son temps à se démarquer de l’adoration des dieux environnants et c’est cela qu’on a appelé monothéisme. Le Dieu de la Bible n’est pas un dieu parmi d’autres mais la négation même de la divinisation de la nature : les arbres, les catastrophes naturelles, la fécondité… etc. C’est ainsi que les prophètes bibliques à longueur d’invectives se défient des cultes de fertilité et des hiérogamies (comme le culte d’Ashera associée au dieu phénicien Baal “épouse de Yhwh” ainsi que le montre l’archéologie et que fustigent Osée ou Amos). Le Monothéisme émerge donc comme une réaction à la vision ambiante polythéiste commune à tout le monde méditerranéen. Ainsi le roi Josias, vers -630, « ordonna […] de retirer du sanctuaire de Yahvé tous les objets de culte qui avaient été faits pour Baal, pour Ashera et pour toute l’armée du ciel […]. Il supprima les faux prêtres que les rois de Juda avaient installés et qui sacrifiaient […] à Baal, au soleil, à la lune, aux constellations et à toute l’armée du ciel. […] Il démolit la demeure des prostituées sacrées, qui était dans le temple de Yahvé » (Deuxième livre des Rois, 23,4 et sv.).

Le Dieu juif dés le début de la Bible, dans le récit de la Genèse n’apparait pas comme le dieu d’une nation mais comme celui qui crée le monde et l’homme… tous les hommes, tout le monde. Contrairement à ce que croit Onfray le projet biblique est une forme d’athéisme de tous les dieux locaux, ces idoles dans lequel l’homme se projette : les conventions sociales qui excluent les pauvres, les immigrés ; les peurs naturelles (ex : les dieux baal de la foudre) ; la fécondité divinisée (cultes sexuels cananéen), la patrie ( la terra patria) grecque divinisée… Le Dieu d’Israël choisit l’innocent (Abel), le pauvre, la stérile, le cadet, etc… à rebours de toutes les habitudes naturelles dont les paganismes ambiants sont la quintessence religieuse et dont la Bible dénonce le néant.

Le monolâtrisme (ou monolâtrie) est le fait de vénérer un dieu parmi d’autres, d’en choisir un au détriment des autres. La Bible passe son temps à répéter que les dieux nés de la projection humaine sont des idoles c’est à dire des vanités et que son Dieu ne fait pas nombre avec les autres dieux placés sur un pied d’égalité. Il ne s’agit donc pas de monolâtrie mais de monothéisme. Cette attitude largement répandue chez les prophètes du VIème siècle avant l’ère commune parcourt tous les livres de la Bible. Elle nait donc entre le Xème et le VIème siècle avant notre ère. Ce n’est qu’avec le stoïcisme (vers – 300 avant l’ère commune) que naitra une forme de monothéisme grec mais très minoritaire dont on trouve des traces dans l’Hymne à Zeus de Cléanthe et qui se démocratisera en Asie Mineure au IIIème siècle de notre ère (comme je l’explique dans “L’Invention du christianisme”).

Onfray fait une confusion classique: il croit que le monothéisme est le fait d’opposer un seul dieu à tous les autres de manière numérique. Hors l’enjeu n’est pas numérique. L’enjeu est que le Dieu d’Israël s’oppose aux autres dieux non pas parce qu’il serait tout seul et supérieur aux autres qui lui sont semblables et seraient plusieurs mais parce qu’il est d’une autre nature que les projections humaines. C’est pourquoi il est aniconique. On ne peut le représenter (c’est un commandement!), au contraire des idoles “faites de main humaine”, qui ont “une bouche et ne parlent pas, des yeux et ne voient pas […] ils sont comme elles ceux qui les font” résume un psaume. Il y a donc une différence métaphysique. Cette absence du dieu de la Bible ne ce monde est symbolisé par le Saint des saints du Temple, vide, alors que les temples païens contiennent un statue du dieu qu’on adore et à qui on offre des libations et sacrifices.

Ce que reconstitue actuellement la recherche :

– Les patriarches (XIXe-XVIIe siècle avant l’ère commune) étaient probablement polythéistes, adorant concurremment un dieu El local et des dieux claniques. Ce culte, dont on trouve encore des traces VIIIe siècle avant l’ère commune est celui d’un sanctuaire à ciel ouvert, d’un arbre sacré, d’une stèle et d’un autel.

– Le yahwisme madianite, aniconique et monolâtre date du XIIIème siècle avant notre ère (Moïse)…

– Un lent mouvement conduit à l’émergence du monothéisme et de l’aniconisme sous Ezéchias (VIIIème-VIIème siècle avec l’ère commune); les cultes yahvistes locaux sont remplacés par le Temple, les arbres sacrés et les stèles sont abandonnés.

– Il y a émergence du monothéisme à partir du Xème siècle avant notre ère, approfondissement de celui -ci sous le choc des évènements que sont la chute du Royaume du Nord en 722 sous les coups de l’Assyrie et de celui du Sud en 586 sous l’assaut des babyloniens.

– La généralisation d’un strict monothéisme date de l’Exil ( 586-538 avant l’ère commune). Ce dont témoigne le second Isaïe (Is 43, 10-11; 49, 6-8).

Le pro-monothéimse d’Israël apparait donc autour du Xème siècle avant l’ère commune au début de la rédaction de la Bible et non au Vème siècle comme le dit Onfray.

Onfray feint de croire que l’émergence du monothéisme, qui fait effectivement partie de la particularité juive, chrétienne et musulmane aujourd’hui encore, n’a pas existé, pour renvoyer ces religions aujourd’hui à la période patriarcale (XIXe-XVIIIe siècle avant l’ère commune) et par un tour de passe-passe affirme que rien n’a changé. Un « coup de gomme » qui l’arrange.

– Troisième idée reçue : la Bible a donné le premier exemple d’une morale universelle. Faux : ses prescriptions ne regardent pas l’universel et l’humanité, mais la tribu, le local, dont il faut assurer l’être, la durée et la cohésion. L’amour du prochain ne concerne que le semblable, l’Hébreu, pour les autres, la mise à mort est même conseillée.

« L’amour du prochain ne concerne que le semblable, l’Hébreu, pour les autres, la mise à mort est même conseillée » : une affabulation onfrayenne… énorme!!! Cette phrase n’apparait nulle part dans le Bible. Le code Lévitique ordonne « tu aimeras l’étranger (le guer qui séjourne en erets Israël) comme toi-même », une injonction qui apparait trois fois dans la Bible : Lv 19, 34 ; Nb 15, 15-16 et en 1 R 8,41. Dans ce dernier récit il est bien dit que ce guer vient de loin et ne fait pas partie du peuple d’Israël mais que Dieu accueille sa prière. Une chose impossible en Grèce. Un métèque ne peut pas s’adresser aux dieux tutélaires de la famille. Le local divinisé est la marque de tous les peuples antiques… en premier lieu de la cité grecque, dont les dieux liés au culte des ancêtres divinisés sont liés à une terre et une famille. La religion civique est donc structurante du monde gréco-romain. La bipartition du monde entre esclaves et hommes libres fait des esclaves qui vivent dans la cité des choses sur lesquelles le maître a droit de vie et de mort. Dans la Bible ils sont libérés tous les sept ans (année sabbatique), à cause de Dieu. Contrairement à ce qu’affirme Onfray, la morale biblique comme nous le verrons est à la fois ethnique (mosaisme) et universelle (noachisme, de Noé), le “tu ne commettras pas de meurtre” ne concerne pas uniquement les autres juifs!.

Le plus étonnant est qu’un tout petit peuple ballotté entre ses puissants voisins: égyptien, assyrien, babylonien ait inventé cet universalisme au tournant du VIème siècle. L’universalisme hébraïque s’accélère lors de la montée en puissance de Cyrus (que la Bible nomme “messie”), le roi de Perse, annonçant la fin de l’Exil à Babylone, alors que Dieu est considéré comme celui de toutes les nations. (second Isaïe vers 550-539 avant notre ère). Le Temple n’est plus vu seulement comme celui du culte d’Israël mais celui où toutes les nations monteront à la fin des temps, car Dieu est le Père de tous les humains. Coté grec le cosmopolitisme stoïcien apparait deux siècles plus tard… et encore ne concerne-t-il que quelques philosophes épars et leurs disciples (voir Paul Veyne).

– Quatrième idée reçue : les prophètes ont promu la forme spiritualisée du culte hébraïque. Faux : pour les hommes de la Bible, il n’y a pas de vie après la mort. L’idée de résurrection est empruntée aux Perses, elle apparaît au IIe siècle avant J.-C. Celle de l’immortalité de l’âme, absente de la Bible hébraïque, est empruntée aux Grecs.

C’est faux. Il y a indiscutablement chez les prophètes une spiritualisation du culte hébraïque qui n’a rien a voir ni avec la résurrection des corps ni avec celle de la chair mais avec le fait que le culte du Temple est vain sans un culte du coeur. La résurrection de morts apparaît non pas au second mais sixième siècle avant l’ère commune… Le récit des ossements desséchés d’Ezéchiel [1] (Ez 37, 1-14) raconte que Dieu peut insuffler la vie dans les ossements desséchés. Celui de Job (19, 1.23-27a) , post-exilique et inspiré par le Prophète Jérémie[2], ce qui permet sa datation, parle clairement de résurrection des morts. Une idée qui date au moins du sixième siècle avant notre ère donc. « L’immortalité de l’âme » est un concept grec étranger à la Bible et à l’anthropologie hébraïque (l’homme est néfesh : chair et ruah’ : souffle) qui ne connait pas l’âme mais le souffle (ruah’), rien de neuf à cela et aucune idée reçue.

– Cinquième idée reçue : le Cantique des cantiques célèbre l’amour réciproque de Dieu et du peuple juif. Faux : ce texte est tout simplement un poème d’amour. S’il devait être allégorique, ce serait le seul livre crypté de la Bible.

Idée intéressante : La Bible doit être lue de manière fondamentaliste ! Tout est vrai. Les chiffres, les noms, les faits… L’idée qu’un texte possède plusieurs niveaux de signification date de l’exégèse rabbinique et a été reprise par Origène au second siècle et est applicable à la plupart des textes poétiques et spirituels. On peut donc lire le Cantique comme on veut… n’en déplaise à Onfray.

Enfin, on a hâte d’être éclairé sur les « livres cryptés » dont parle l’auteur… de nouvelles révélations sur Qoumrân peut-être ?

– Sixième idée reçue : Dieu a confié aux juifs une mission au service de l’humanité. Faux : Dieu a célébré la pureté de ce peuple et interdit les mélanges, d’où les interdits alimentaires, les lois et les règles, l’interdiction des mélanges de sang, donc des mariages mixtes. Ce dieu a voulu la ségrégation, il a interdit la possibilité de la conversion, l’idée de traité avec les nations étrangères, et il ne vise pas autre chose que la constitution identitaire d’un peuple. Ce dieu est ethnique, national, identitaire.

Il s’agit d’un contresens. Tout le concept d’élection, « vous serez un peuple de prêtres », « Vous serez saint comme moi je suis saint », etc… concerne la particularisation d’Israël. Etre élu, « saint » c’est être particulier, pas supérieur ni meilleur mais signifiant. Par la Torah (révélation) Israël devient un peuple au service de toute l’humanité, signifiant de l’amour que Dieu porte à tout homme, à toute sa création, non pas à Israël seulement mais à toute l’humanité. Dieu ne crée pas les juifs dans la Genèse mais Adam, Noé, tout homme. La Rédemption attendue concerne non seulement Israël mais tout homme juste (comme Noé). On se sache pas que Abraham, Noé ou Adam fussent juifs…

La Bible, tout le Talmud, répètent cette obligation d’Israël au service de toute l’humanité et aussi son péché par rapport à cette mission à longueur de pages. La « pureté » n’a donc rien de connotations racistes mais il s’agit d’interdits signifiants dont certains ne concernent qu’Israël. Les interdits fondamentaux comme celui du meurtre contrairement à ce que dit Onfray ne sont pas ethniques, ils concernent toute l’humanité « noachide ». Enfin dernier point… tous les dieux tutélaires de l’antiquité grecque, cananéenne et mésopotamienne sont “ethniques, nationaux et identitaires”. Faut-il dès lors appeler la LICRA dans une bien pensance anachronique ou se remettre en contexte ?

On voit donc qu’avec ces “idées reçues” on est un peu au café du commerce d’Argentan à parler d’archéologie mésopotamienne et cananéenne. Ce n’est certes pas inutile mais est-ce que ça vaut vraiment un article dans le Point ? L’objectif est de faire émerger le “polythéisme solaire” dont Onfray semble d’ailleurs le seul représentant sur terre et d’utiliser l’histoire et Soler (solaire?) pour cela. De la pseudo histoire on passe vite à la plus pure idéologie. Le monothéimse mortifère des juifs est comparé au polythéisme solaire des grecs (ou plutôt ce qu’en a retenu Onfray).

Athènes contre Jérusalem

– « Le dieu unique devient vengeur, jaloux, guerrier, belliqueux, cruel, misogyne. Jean Soler associe le polythéisme à la tolérance et le monothéisme à la violence : lorsqu’il existe une multiplicité de dieux, la cohabitation rend possible l’ajout d’un autre dieu, venu d’ailleurs ; quand il n’y a qu’un dieu, il est le vrai, l’unique, les autres sont faux. Dès lors, au nom du dieu un, il faut lutter contre les autres dieux, car le monothéisme affirme : “Tous les dieux sauf un sont inexistants. »… « le monothéisme devient une arme de guerre forgée tardivement pour permettre au peuple juif d’être et de durer, fût-ce au détriment des autres peuples. Il suppose une violence intrinsèque exterminatrice, intolérante, qui dure jusqu’aujourd’hui »

Le Dieu juif, un Dieu strictement nationaliste ?… Onfray devrait lire la Bible ! L’universalisme date au plus tard de l’exil à Babylone, vers 562 avant l’ère commune. Ainsi, la prière attribuée à Salomon dans le Livre des Rois ; 1R 8, 41-44 (Livre attribué à « l’histoire deutéronomiste ») affirme justement que l’étranger qui vient de loin est bienvenu dans la Temple du Dieu vivant (le premier Temple[3])… c’est-à-dire dix siècles avant notre ère. Le parvis immense du second Temple (-515 à 70) était destiné aux peuples païens. A Soukkot au premier siècle on offrait 70 bêtes pour les 70 nations de la terre (c’est-à-dire toutes !). Le Dieu juif est juste l’inverse des dieux grecs qui eux sont liés à une lignée et un territoire (la terra patria/ la patrie). C’est ainsi, par regroupement que naquirent les dieux des cités, comme Athéna à Athènes. Le polythéisme grec provient d’abord de cette absolutisation de la cité antique, c’est un culte civique. La guerre des cités antiques est celle de leurs dieux…

Les juifs nationalistes ? Le métèque était interdit d’acheter une terre à Athènes ou de prendre femme (il n’avait pas les dieux de la cité) ? Ce lien entre la cité grecque et ses dieux a été montré par Fustel de Coulanges dans la Cité Antique… en 1864…

La conception raciste du monothéisme d’Israël « qui dure jusqu’aujourd’hui » ne tient pas devant l’analyse des textes et des coutumes. Il y a bien eu, il y a « jusqu’aujourd’hui » un universalisme juif dont témoigne la Bible et toute la Tradition philosophique et religieuse d’Israël.

– “le Livre de Josué précise qu’une trentaine de cités ont été détruites, ce qui lui permet d’affirmer que les juifs inventent le génocide – “le premier en date dans la littérature mondiale”. « La Grèce, forte de cent trente cités, n’a jamais vu l’une d’entre elles avoir le désir d’exterminer les autres »…Une Grèce qui ignore l’intolérance, la banalisation de la peine de mort, les guerres de destruction massive entre les cités.”

Une lecture fondamentaliste du texte (encore!). Onfray fait une lecture historique du texte complètement dépassée. Les chiffres de la Bible sont symboliques. Comme l’explique Jacques Briend (ici son cv) “Plus que tout autre livre de la Bible, le livre de Josué a pu fonder une lecture historique qui n’est plus de mise aujourd’hui. En effet, considérer ce livre comme offrant une vision de la conquête du pays de Canaan par les tribus d’Israël aboutit à une impasse.” ça tombe bien ! Jacques Briend, L’Autorité sur le sujet, dont la thèse a été consacrée à l’étude des douze premiers chapitres du livre de Josué, qui a fouillé Tell el Farah, à Jérusalem, a été directeur des fouilles de Tell Keisan et a également supervisé la publication des rapports de fouilles durant plusieurs années, il a été recteur de l’Institut Ratisbonne à Jérusalem de 1999 à 2002 et je l’ai eu comme professeur… Jacques Briend explique en détail le texte (à lire ici) pourquoi le texte du Livre de Josué sur la prise de Canaan est une “épopée de fiction”, une « prose de fiction historicisée », et explique son rapport à l’archéologie, etc… Il affirme : “En aucun cas Jos 1-12 ne peut être considéré par l’historien comme le récit de LA conquête du pays par les tribus d’Israël sous la conduite de Josué. Autrement, on aboutit à une vision caricaturale comme on le voit chez I. Finkelstein. Dès lors on peut se risquer à faire l’hypothèse qu’avant la rédaction deutéronomique qui renforce la rhétorique de la conquête et donc de la guerre, le texte de Jos 10-11 a d’abord été composé pour servir de revendication territoriale alors que le royaume d’Israël avait disparu comme tel en 722 et que le royaume de Juda était envahi par les Assyriens”. On est loin de la lecture fondamentaliste d’Onfray (et de Soler : il ne suffit pas de lire Finkelstein… mais il faut aussi fouiller un peu… pour trouver des choses nouvelles à inventer… au risque de conclusions un peu hâtives). Une lecture fondamentaliste (littéraliste) du texte qui permet à Onfray d’affirmer “l’invention du génocide”… et pourquoi pas la préfiguration d’Hiroshima…

Coté grec ? L’autodestruction guerrière des cités grecques aux Vème et IVème siècles a conduit à leur sortie de l’histoire au profit de la Macédoine (Alexandre le Grand) puis de l’empire romain, un empire esclavagiste et impérialiste qui en fera son modèle. Sparte ça ne vous rappelle rien ???

La Grèce pas impérialiste ni meurtrière ? Alexandre le Grand le plus grand empire du monde, des morts par millions de la Macédoine à l’Indus, ça ne vous dis rien, messieurs ? en -334 Alexandre le Grand détruit la ville de Thèbes, en -332 il fait massacrer les hommes et vend femmes et enfants comme esclaves et réduit la population en esclavage à Tyr et Gaza, etc… l’habitude gréco romaine est le massacre systématique, la déportation et l’esclavage. Le massacre des ennemis est l’usage de l’époque… aussi en Grèce.

– “Dans Contre Apion, l’historien juif Flavius Josèphe établit au Ier siècle de notre ère une longue liste des raisons qui justifient la peine de mort : adultère, viol, homosexualité, zoophilie, rébellion contre les parents, mensonge sur sa virginité, travail le jour du sabbat, etc.”

Les juifs meurtriers au premier siècle ? Excellent ! (Flavius Josèphe est en 95 à Rome quand il écrit cela)… faut-il rappeler que les juifs de Palestine et d’Egypte ont été exterminé en 70, 135, 115 en Egypte ? Jérusalem rasée et exterminée, le sang des femmes et des enfants versé, les vieillards et les anciens comme à Alexandrie torturés, des pogroms d’une barbarie au-delà de toute imagination que décrit Philon dans son Contre Flaccus. Faut-il rappeler que toute peine de mort était bien sûr aux mains du pouvoir civil romain… polythéiste?

– « une Grèce qui célèbre le culte des femmes »

La liberté de la femme grecque ? L’enfermement dans le gynécée, une « chose » en droit.

La principale occupation des homoioï (les égaux libres) à Sparte, c’est la guerre. La femme est le repos de ce guerrier toujours en guerre…. « le repos du guerrier ».

La liberté de la Cité grecque : une société composée d’hommes libres et d’esclaves considérés comme des biens mobiliers sur qui les hommes libres ont droit de vie et de mort. Le culte de la femme oui… enfermée dans son gynécée.

– « le polythéisme à la tolérance et le monothéisme à la violence : lorsqu’il existe une multiplicité de dieux, la cohabitation rend possible l’ajout d’un autre dieu, venu d’ailleurs »

La joie bucolique et le pacifisme du polythéisme antique ? Onfray semble ignorer complètement la violence qui parcours la tragédie grecque, la guerre de Troie, etc… Les femmes et les enfants vaincus réduits en esclavage (car ils n’avaient pas les mêmes dieux… donc des sous-races…. en Grèce et à Rome). Le polythéisme admirable en Canaan ? La prostitution sacrée en Canaan est institutionnalisée, on y sacrifie des enfants au Dieu Molok, ce dont les prophètes bibliques se scandalisent. L’idolâtrie meurtrière et l’ivresse du pouvoir qui conduit à la divinisation des empereurs à partir d’Alexandre et à la divinisation de leur vivant à partir de Caligula, l’empereur fou, qui, s’il n’avait pas été assassiné aurait effectivement mis sa statue dorée dans le Temple… En réalité des sacrifices d’enfants au Dieu Molok voilà où mène le polythéisme, à l’adoration de soi, aux religions polythéistes et meurtrières … il suffit d’ouvrir la Bible. Socrate a été condamné faute de : ne pas reconnaître les dieux de la cité, d’introduire de nouvelles divinités, de pervertir la jeunesse… magnifique liberté du paganisme grec !!! Celui de l’enfermement dans la cité, ses droits et ses dieux. C’est justement de cela que veut sortir la Bible.

Mais le troisième mouvement reste à venir, le CQFD de tout l’article. Patience on y arrive… on ne peut quand même pas affirmer que « le nazisme selon Mein Kampf (1924) est le modèle hébraïque auquel il ne manque même pas Dieu » sans un minimum de précautions oratoires. Il y a quand même la Shoah, la LICRA, BHL et son bloc note au Point …

Les juifs inventeurs du génocide

« Les juifs inventent le génocide », cet acte généalogique “est révélateur de la propension des Hébreux à ce que nous nommons aujourd’hui l’extrémisme”, « la Shoah ne saurait être ce qui est couramment dit : “Un événement absolument unique… » mais « la preuve définitive de l’inexistence de Dieu», « le nazisme selon Mein Kampf (1924) est le modèle hébraïque auquel il ne manque même pas Dieu », « Hitler est le guide de son peuple, comme Moïse ».

Hitler juif, chrétien, Nouveau Moïse ?… faut-il rappeler que le nazisme a bâti son règne sur le pangermanisme païen ? Effectivement la vie d’Hitler est bâtie sur des délires mystiques… que l’auteur de l’article prend au premier degré… La Shoah était pour Hitler une des façons pour lui d’atteindre sa mission : purifier l’humanité des sous hommes qui “abaissaient” le niveau de la pureté des humains, la svastika aryenne, les mythes pangermanistes allemands, les sociétés secrètes…. Etc… un délire païen qui a conduit à six millions de morts. Le marxisme, le nazisme ? des haines du judéo-christianisme dont l’auteur accuse… le judéo-christianisme. Le raisonnement est simplement pervers.

« Jean Soler cite Hitler, qui écrit : “Je crois agir selon l’esprit du Tout-Puissant, notre créateur, car, en me défendant contre le juif, je combats pour défendre l’oeuvre du Seigneur.” Les soldats du Reich allemand ne portaient pas par hasard un ceinturon sur la boucle duquel on pouvait lire : “Dieu avec nous”… ».

Dans un joyeux amalgame et une confusion des guerres Onfray laisse entendre que le régime national socialiste usait du « Gott mit uns »… (une perversion gerrière du Immanou-El/ Emmanuel/ d’Isaïe “Dieu avec nous”) et feint d’ignorer que cette devise forgée par Byzance à l’origine a été reprise par l’empire germanique depuis 1871 et sur les casques des soldats de l’armée allemande lors de la première guerre mondiale… et qu’elle fut celle de la Wermacht et non des SS qui se piquaient eux de Meine Ehre heißt Treue (« Mon honneur s’appelle fidélité )… Quant au « Seigneur Tout-Puissant » et « créateur » dont parle Hitler dans son délire… il ne s’agit bien évidement pas du Dieu biblique. Le nazisme avait sa bible (Mein Kampf), son dieu unique et tout puissant (Hitler), ses pratiques religieuses (serments de fidélité, défilés, ‘liturgie’ de Nuremberg…) et … ses croyants (les Allemands aryens)… la faute aux juifs ???

Quant à la Shoah, il suffit de lire Raul Hilberg, Saul Friedlander, où de rencontrer les témoins encore vivants des camps… sans parler de la réflexion d’Emil Fackenheim… pour comprendre sa barbarie. Une barbarie païenne et meurtrière dont l’Europe ne s’est d’ailleurs pas encore remise.

Bien sûr Onfray feint de reconnait que « L’accusation d’antisémitisme, bien sûr, est celle qui accueille le plus souvent ses recherches (celles de Jean Soler). Elle est l’insulte la plus efficace pour discréditer le travail d’une vie, et l’être même d’un homme. »… mais il ne se demande pas un seul moment si elle pourrait concerner ce qu’il écrit lui. L’article invente des questions, des pseudos réponses, des ennemis supposés, avant de disqualifier tout débat… Laissons donc Onfray (et Soler ?) construire leur petit royaume païen dans leur coin s’ils le veulent. Avec hédonisme solaire et tout et tout…

En dehors de l’affablation d’Onfray sur la Bible, son discours sur le monothéisme juif supposé destructeur auquel il nous avait habitué… et pourquoi pas ? l’article laisse émerger un nouveau discours plus inquiétant, celui du : « monothéisme (qui) devient une arme de guerre forgée tardivement pour permettre au peuple juif d’être et de durer, fût-ce au détriment des autres peuples. Il suppose une violence intrinsèque exterminatrice, intolérante, qui dure jusqu’aujourd’hui ». On dirait du Dieudonné.

Lecture fondamentaliste et manipulée de la Bible, contresens, instrumentalisation de la Shoah, attribution aux hébreux dès l’origine de la pulsion génocidaire qui ferait partie de l’ADN exterminateur et intolérant, extrémisme, du judaïsme, citation de Mein Kempf… Sous couvert d’une histoire « qui dure jusqu’aujourd’hui ». Des accusations hallucinantes dont on comprend bien la portée dans le contexte qui suit les meurtres d’enfants juifs à Toulouse et au lendemain du tabassages au marteau de juifs en kippot. Un discours qui s’inscrit parfaitement dans la banalisation de l’antisémitisme, un mouvement « qui dure jusqu’aujourd’hui » effectivement. L’article dérive tranquillement vers un banal antisémitisme de plume. 76 réactions sur le forum et 586 « j’aime » sur Facebook y répondent. Le Point aussi a l’air d’aimer… Qu’en pense BHL ?

Comme l’écrit Gérard Haddad : « L’un des phénomènes les plus étonnants de l’Histoire est sans doute la persistance d’un groupe humain qu’on appelle le peuple juif, peuple éparpillé aux quatre coins du bassin méditerranéen et du Proche Orient, puis, à l’ère moderne, sur toute la planète, ceci malgré l’absence d’organisation centrale et de langue parlée commune. ». C’est ce fait de la persistance du monothéisme d’origine juive qu’Onfray, livre après livre, après le Traité d’athéologie et le déboulonnage de Freud (encore un juif), ne semble pas supporter. La référence permanente au nazisme et à la Shoah sur tous sujets (La Bible, Freud…) aussi pose question. Cet article, gageons qu’il dépasse la pensée d’Onfray, dérape donc en roue libre. Tout n’est pas possible pour faire parler de soi. La tradition biblique et l’encyclo-paideia grecque ont plus apporté à ce que nous sommes que ce discours rance.

Quoi qu’il en soit de ce monologue, le rappel de cet ‘air connu’ devient de plus en plus banal. Nous devons nous demander : au fond, de quoi est-il le nom ?

[1] Le livre d’Ezéchiel fut écrit au VIème siècle et plus exactement entre 592-570 A-C. Il raconte l’histoire des juifs déporté (2ème déportation) par Nébucadnetsar (Nabuchodonosor, roi de Babylone) à Babylone à partir de 597 A-C (2Rois 24.10-16). Les dates citées dans le livre vont de « la 5ème année à la 27ème année de la captivité.

[2]Le ministère de Jérémie couvre toute la période de la fin de Jérusalem, de 627 (treizième année de Josias) à 587 (seconde déportation de Jérusalem). Jérémie est donc le dernier prophète pré-exilique et en même temps le premier prophète exilique.

[3] Le premier Temple date du Xe siècle av. l’ère commune à sa destruction par les Babyloniens en -586

Voir aussi:

Michel Onfray : Jean Soler, l’homme qui a déclaré la guerre aux monothéismes

Polémique. Dans « Qui est Dieu ? » (éditions de Fallois), Jean Soler, philosophe érudit et méconnu, s’attaque aux trois religions monothéistes. Un livre décapant qui va faire débat.

Le Point

07/06/2012

« Qui est Dieu ? » de Jean Soler (aux éditions de Fallois).

La France est riche d’une école exégétique biblique vieille de quatre siècles : de Richard Simon, son inventeur, un contemporain de Bossuet, jusqu’à Jean Soler, un savant bientôt octogénaire auquel notre époque a scandaleusement tourné le dos, en passant par le curé Meslier, le baron d’Holbach, l’anarchiste Proudhon, le laïc Charles Guignebert, Paul-Louis Couchoud ou Prosper Alfaric, qui nie l’existence historique de Jésus, il existe une école française remarquable de lecture des textes dits sacrés comme des textes historiques, ce que, bien sûr, ils sont. Le silence qui accompagne cette ligne de force scientifique s’explique dans un monde imprégné de judéo-christianisme.

Qui est Jean Soler ? Un diplomate érudit, un homme qui a passé sa vie à lire, traduire, analyser et éplucher dans leurs langues originales les textes fondateurs du monothéisme. Diplomate, il le fut huit années en Israël, où il a été conseiller culturel et scientifique à l’ambassade de France. Il a également travaillé en Algérie, en Pologne, en Iran et en Belgique. Depuis 1993, ce défenseur des langues régionales vit en pays catalan et travaille dans un petit bureau-bibliothèque lumineux comme une cellule monacale, entre mer et montagne, France et Espagne.

L’homme ne se répand pas, il va à l’essentiel. Son oeuvre dense concentre le résultat d’années de travaux solitaires et de recherches loin du bruit et de la fureur. Voilà pourquoi le fruit de ses études se trouve ramassé dans Aux origines du Dieu unique, un essai en trois volumes : L’invention du monothéisme (2002), La loi de Moïse (2003) et Vie et mort dans la Bible (2004). En 2009, il ajoute un opus intitulé La violence monothéiste.

Dynamiteur

Cet agrégé de lettres classiques déconstruit les mythes et les légendes juifs, chrétiens et musulmans avec la patience de l’horloger et l’efficacité d’un dynamiteur de montagne. Il excelle dans la patience du concept, il fournit ses preuves, il renvoie avec précision aux textes, il analyse minutieusement. Il a toutes les qualités de l’universitaire, au sens noble du terme ; voilà pourquoi l’université, qui manque de ces talents-là, ne le reconnaît pas.

Cette patience de l’horloger qui ne convainc pas l’université se double donc de l’efficacité du dynamiteur qui pourrait plaire aux journalistes. Mais, si l’université ne doit pas aimer chez lui l’usage des bâtons de dynamite, les journalistes, eux, n’apprécient probablement pas sa méticulosité conceptuelle. Voilà pourquoi cet homme est seul, et sa pensée révolutionnaire, méconnue.

Certes, il a pour lui la caution d’un certain nombre de pointures intellectuelles du XXe siècle : Claude Lévi-Strauss, Jean-Pierre Vernant, Marcel Detienne, Maurice Godelier, Ilya Prigogine, mais aussi Edgar Morin, Claude Simon, René Schérer, Paul Veyne lui ont dit tout le bien qu’ils pensaient de son travail. Mais rien n’y fait, le nom de Jean Soler ne déborde pas le cercle étroit d’une poignée d’aficionados – même si ses livres, tous édités aux éditions de Fallois, se vendent bien.

Jean Soler vient donc d’avoir la bonne idée de faire paraître Qui est Dieu ?. Le résultat est un texte bref qui synthétise la totalité de son travail, pourtant déjà quintessencié, un petit livre vif, rapide, dense, qui propose un feu d’artifice avec le restant de dynamite inutilisé… C’est peu dire qu’il s’y fera des ennemis, tant le propos dérange les affidés des trois religions monothéistes.

Six idées reçues

Jean Soler démonte six idées reçues. Première idée reçue : la Bible dépasse en ancienneté les anciens textes fondateurs. Faux : les philosophes ne s’inspirent pas de l’Ancien Testament, car « la Bible est contemporaine, pour l’essentiel, de l’enseignement de Socrate et des oeuvres de Platon. Remaniée et complétée plus tard, elle est même, en grande partie, une oeuvre de l’époque hellénistique ».

Deuxième idée reçue : la Bible a fait connaître à l’humanité le dieu unique. Faux : ce livre enseigne le polythéisme et le dieu juif est l’un d’entre les dieux du panthéon, dieu national qui annonce qu’il sera fidèle à son peuple seulement si son peuple lui est fidèle. La religion juive n’est pas monothéiste mais monolâtrique : elle enseigne la préférence d’un dieu parmi d’autres. Le monothéisme juif est une construction qui date du Ve siècle avant l’ère commune.

Troisième idée reçue : la Bible a donné le premier exemple d’une morale universelle. Faux : ses prescriptions ne regardent pas l’universel et l’humanité, mais la tribu, le local, dont il faut assurer l’être, la durée et la cohésion. L’amour du prochain ne concerne que le semblable, l’Hébreu, pour les autres, la mise à mort est même conseillée.

Quatrième idée reçue : les prophètes ont promu la forme spiritualisée du culte hébraïque. Faux : pour les hommes de la Bible, il n’y a pas de vie après la mort. L’idée de résurrection est empruntée aux Perses, elle apparaît au IIe siècle avant J.-C. Celle de l’immortalité de l’âme, absente de la Bible hébraïque, est empruntée aux Grecs.

Cinquième idée reçue : le Cantique des cantiques célèbre l’amour réciproque de Dieu et du peuple juif. Faux : ce texte est tout simplement un poème d’amour. S’il devait être allégorique, ce serait le seul livre crypté de la Bible.

Sixième idée reçue : Dieu a confié aux juifs une mission au service de l’humanité. Faux : Dieu a célébré la pureté de ce peuple et interdit les mélanges, d’où les interdits alimentaires, les lois et les règles, l’interdiction des mélanges de sang, donc des mariages mixtes. Ce dieu a voulu la ségrégation, il a interdit la possibilité de la conversion, l’idée de traité avec les nations étrangères, et il ne vise pas autre chose que la constitution identitaire d’un peuple. Ce dieu est ethnique, national, identitaire.

Le dieu unique : un guerrier

Fort de ce premier déblayage radical, Jean Soler propose l’archéologie du monothéisme. À l’origine, les Hébreux croient à des dieux qui naissent, vivent et meurent. Leurs divinités sont diverses et multiples. Yahvé a même une femme, Ashera, reine du ciel, à laquelle on sacrifie des offrandes – libations, gâteaux, encens. Pour ramasser cette idée dans une formule-choc, Jean Soler écrit : « Moïse ne croyait pas en Dieu. » Le même Moïse, bien que scribe de la Torah, ne savait pas écrire : les Hébreux n’écrivent leur langue qu’à partir du IXe ou du VIIIe siècle. Si Yahvé avait écrit les Dix Commandements de sa main, le texte n’aurait pas pu être déchiffré avant plusieurs siècles.

Le dieu unique naît dès qu’il faut expliquer que ce dieu national et protecteur ne protège plus son peuple. Il y eut un temps bénit, celui de la sortie d’Égypte, de la conquête de Canaan, de la constitution d’un royaume ; mais il y eut également un temps maudit : celui de la sécession lors de la création de la Samarie, un État indépendant, celui de son annexion par les Assyriens, à la fin du VIIIe siècle, et de la déportation du peuple, celui de la destruction de Jérusalem par le roi babylonien Nabuchodonosor au début du VIe siècle.

Le monothéisme s’impose dans la seconde moitié du IVe siècle. Le dieu des Perses, qui leur est favorable, devient le dieu des juifs, qui souhaitent eux aussi obtenir ses faveurs. Ce même dieu favorise l’un ou l’autre peuple selon ses mérites. On cesse de nommer Yahvé, pour l’appeler Dieu ou Seigneur. Les juifs réécrivent alors le premier chapitre de la Genèse.

Menacé de disparition physique, le peuple juif cherche son salut dans l’écrit. Il invente Moïse, un prophète scribe qui consigne la parole de Yahvé. Il se donne une existence littéraire et se réfugie dans les livres dont le contenu est arrêté par des rabbins vers l’an 100 de notre ère. Les juifs deviennent alors le peuple du Livre et du dieu unique.

Le dieu unique devient vengeur, jaloux, guerrier, belliqueux, cruel, misogyne. Jean Soler associe le polythéisme à la tolérance et le monothéisme à la violence : lorsqu’il existe une multiplicité de dieux, la cohabitation rend possible l’ajout d’un autre dieu, venu d’ailleurs ; quand il n’y a qu’un dieu, il est le vrai, l’unique, les autres sont faux. Dès lors, au nom du dieu un, il faut lutter contre les autres dieux, car le monothéisme affirme : « Tous les dieux sauf un sont inexistants. »

Invention du génocide

« Tu ne tueras point » est un commandement tribal, il concerne le peuple juif, et non l’humanité dans sa totalité. La preuve, Yahvé commande de tuer, et lisons Exode, 32. 26-28, trois mille personnes périssent sur son ordre. Dans Contre Apion, l’historien juif Flavius Josèphe établit au Ier siècle de notre ère une longue liste des raisons qui justifient la peine de mort : adultère, viol, homosexualité, zoophilie, rébellion contre les parents, mensonge sur sa virginité, travail le jour du sabbat, etc.

Jean Soler aborde l’extermination des Cananéens par les juifs et parle à ce propos d' »une politique de purification ethnique à l’encontre des nations de Canaan ». Puis il signale que le Livre de Josué précise qu’une trentaine de cités ont été détruites, ce qui lui permet d’affirmer que les juifs inventent le génocide – « le premier en date dans la littérature mondiale »… Jean Soler poursuit en écrivant que cet acte généalogique « est révélateur de la propension des Hébreux à ce que nous nommons aujourd’hui l’extrémisme ». Toujours soucieux d’opposer Athènes à Jérusalem, Jean Soler note que la Grèce, forte de cent trente cités, n’a jamais vu l’une d’entre elles avoir le désir d’exterminer les autres.

En avançant dans le temps, Jean Soler, on le voit, ouvre des dossiers sensibles. La lecture des textes dits sacrés relève effectivement de la politique. Il interroge donc la postérité du modèle hébraïque dans l’histoire et avance des hypothèses qui ne manqueront pas de choquer.

Le judaïsme, écrit-il, a été en crise cinq fois en mille ans. Il l’est aux alentours de l’an 0 de notre ère. D’où son attente d’un messie capable de le sauver et de lui redonner sa splendeur. Il y a pléthore de prétendants, Jésus est l’un d’entre eux. Ce sectateur juif renonce au nationalisme de sa tribu au profit de l’universalisme. Dès lors, il n’y a qu’un dieu, et il est le dieu de tous. Plus besoin, donc, des interdits qui cimentaient la communauté tribale appelée à régner sur le monde une fois régénérée.

Si Jésus séparait bien les affaires religieuses et celles de l’État, s’il récusait l’usage de la violence et prêchait un pacifisme radical, il n’en va pas de même pour l’empereur Constantin, qui, en son nom, associe religion et politique dans son projet impérial théocratique. Sous son règne, les violences, la guerre, la persécution se trouvent légitimées – d’où les croisades, l’Inquisition, le colonialisme du Nouveau Monde. Pendant ce temps, les juifs disparaissent de Palestine et constituent une diaspora planétaire. L’islam conquiert sans discontinuer et la première croisade, précisons-le, se trouve fomentée par les musulmans contre les chrétiens.

Le schéma judéo-chrétien s’impose, même à ceux qui se disent indemnes de cette religion. Jean Soler pense même le communisme et le nazisme dans la perspective schématique de ce modèle de pensée. Ainsi, chez Marx, le prolétariat joue le rôle du peuple élu, le monde y est vu en termes d’oppositions entre bien et mal, amis et ennemis, l’apocalypse (la guerre civile) annonce le millénarisme (la société sans classes).

Une oeuvre qui gêne

De même chez Hitler, dont Jean Soler montre qu’il n’a jamais été athée mais que, catholique d’éducation, il n’a jamais perdu la foi. Pour Jean Soler, « le nazisme selon Mein Kampf (1924) est le modèle hébraïque auquel il ne manque même pas Dieu » : Hitler est le guide de son peuple, comme Moïse ; le peuple élu n’est pas le peuple juif, mais le peuple allemand ; tout est bon pour assurer la suprématie de cette élection ; la pureté assure de l’excellence du peuple élu, dès lors, il faut interdire le mélange des sangs.

Pour l’auteur de Qui est Dieu ?, le nazisme détruit la position concurrente la plus dangereuse. Jean Soler cite Hitler, qui écrit : « Je crois agir selon l’esprit du Tout-Puissant, notre créateur, car, en me défendant contre le juif, je combats pour défendre l’oeuvre du Seigneur. » Les soldats du Reich allemand ne portaient pas par hasard un ceinturon sur la boucle duquel on pouvait lire : « Dieu avec nous »…

On le voit bien, Jean Soler préfère la vérité qui dérange à l’illusion qui sécurise. Son oeuvre gêne les juifs, les chrétiens, les communistes, les musulmans. Ajoutons : les universitaires, les journalistes, sinon les néonazis. Ce qui, convenons-en, constitue un formidable bataillon ! Faut-il, dès lors, s’étonner qu’il n’ait pas l’audience que son travail mérite ?

Accusation

L’accusation d’antisémitisme, bien sûr, est celle qui accueille le plus souvent ses recherches. Elle est l’insulte la plus efficace pour discréditer le travail d’une vie, et l’être même d’un homme. En effet, Jean Soler détruit des mythes juifs : leur dieu fut un parmi beaucoup d’autres, puis il ne devint unique que sous la pression opportuniste ethnique et tribale, nationaliste. Toujours selon Jean Soler, le monothéisme devient une arme de guerre forgée tardivement pour permettre au peuple juif d’être et de durer, fût-ce au détriment des autres peuples. Il suppose une violence intrinsèque exterminatrice, intolérante, qui dure jusqu’aujourd’hui. La vérité du judaïsme se trouve dans le christianisme qui universalise un discours d’abord nationaliste. Autant de thèses iconoclastes !

À quoi Jean Soler ajoute que la Shoah ne saurait être ce qui est couramment dit : « Un événement absolument unique, qui excéderait les limites de l’entendement humain. Effort désespéré pour accréditer à tout prix, jusque dans le pire malheur, l’élection par Dieu du peuple juif ! En réalité, l’existence de la Shoah est la preuve irréfutable de la non-existence de Dieu. » Soler inscrit la Shoah dans l’histoire, et non dans le mythe. Il lui reconnaît un rôle majeur, mais inédit dans la série des lectures de cet événement terrible : non pas événement inédit, mais preuve définitive de l’inexistence de Dieu – quel esprit assez libre pourra entendre cette lecture philosophique et historique ?

Renaissance grecque

Jean Soler, on le voit, a déclaré une guerre totale aux monothéismes. Bien sûr, il ne souhaite pas revenir au polythéisme antique, mais il propose que nous nous mettions enfin à l’école de la Grèce après plus de mille ans de domination judéo-chrétienne. Une Grèce qui ignore l’intolérance, la banalisation de la peine de mort, les guerres de destruction massive entre les cités ; une Grèce qui célèbre le culte des femmes ; une Grèce qui ignore le péché, la faute, la culpabilité ; une Grèce qui n’a pas souhaité l’extermination massive de ses adversaires ; une Grèce qui, à Athènes, où arrive saint Paul, avait édifié un autel au dieu inconnu comme preuve de sa générosité et de son hospitalité – cet autel fut décrété par Paul de Tarse l’autel de son dieu unique, le seul, le vrai. Constantin devait donner à Paul les moyens de son rêve.

Nous vivons encore sous le régime de Jérusalem. Jean Soler, solitaire et décidé, campe debout, droit devant deux mille ans d’histoire, et propose une Renaissance grecque. Le déni étant l’une des signatures du nihilisme contemporain, on peut décliner l’invitation. Mais pourra-t-on refuser plus longtemps de débattre de l’avenir de notre civilisation ? Avons-nous les moyens de continuer à refuser le tragique de l’histoire pour lui préférer la comédie des mythes et des légendes ? Nietzsche aurait aimé ce disciple qui va fêter ses 80 ans. Et nous ?

Qui est Dieu ?, de Jean Soler (éditions de Fallois).

Repères

1933 Naissance à Arles- sur-Tech.

1959 Agrégation de lettres classiques.

1973  » Sémiotique de la nourriture dans la Bible  » (revue  » Annales « ).

2002  » Aux origines du Dieu unique « , t. I :  » L’invention du monothéisme  » (Ed. de Fallois), salué par Edgar Morin et Claude Simon. Réédité dans la collection  » Pluriel  » (Hachette).

2009  » La violence monothéiste  » (Ed. de Fallois). 2012  » Qui est Dieu ?  » (Ed. de Fallois).

Voir également:

Michel Onfray accusé d’antisémitisme… et d’amateurisme

David Caviglioli

BibliObs

28-06-2012

Le 7 juin dernier, le philosophe publiait un article présentant le judaïsme comme un dogme génocidaire. Il est depuis la cible de critiques virulentes.

Michel Onfray a publié dans «le Point» du 7 juin dernier un article présenté comme un «plaidoyer» en faveur de l’historien Jean Soler, texte qui lui vaut depuis d’être la cible de critiques virulentes.

Jean Soler, ancien diplomate, plusieurs fois nommé à la tête d’institutions culturelles, est l’auteur de nombreux ouvrages consacrés, sur un mode hostile, à l’histoire et à la philosophie du monothéisme. Il vient de publier «Qui est Dieu ?» (éditions De Fallois). Michel Onfray, en «athéologien» militant, a tenu à saluer la parution de l’ouvrage. Il présente Jean Soler comme un érudit solitaire et minutieux, méprisé par les institutions, bien qu’il excelle «dans la patience du concept».

« Il a toutes les qualités de l’universitaire, au sens noble du terme ; voilà pourquoi l’université, qui manque de ces talents-là, ne le reconnaît pas », tranche Onfray, offrant une démonstration éclatante à l’adage qui veut qu’on utilise souvent les autres pour dire ce qu’on pense de soi.

«Les juifs inventent le génocide»

Premier problème: sur les plans théologique comme historique, l’article de Michel Onfray est truffé d’approximations, de contresens et de confusions: on renverra ceux que ça intéresse à cette critique très complète de Didier Long, qui reprend les erreurs d’Onfray une par une, ou à la réponse du rabbin Yeshaya Dalsace dans «le Point» de ce jeudi.

Mais ces errements ne sont pas la source de la polémique. L’idée centrale de ce «plaidoyer» est que le monothéisme juif, avec sa «violence intrinsèque exterminatrice» a inauguré les plaies de l’Histoire que sont les massacres ethniques et les génocides.

Pour Onfray commentant Soler, les prescriptions bibliques, loin d’avoir offert une première existence à l’idée d’une morale universelle (comme le croient les naïfs), «ne regardent pas l’universel et l’humanité, mais la tribu, le local (…). L’amour du prochain ne concerne que le semblable, l’Hébreu, pour les autres, la mise à mort est même conseillée.»

On apprend aussi que le dieu des juifs «a voulu la ségrégation» en interdisant les mariages mixtes et en instaurant des interdits alimentaires. En clair: «ce dieu est ethnique, national, identitaire». Yahvé, un mec du Rassemblement Bleu Marine ? Peut-être pire encore…

Car Onfray poursuit, tout à son idylle intellectuelle avec Soler: il évoque «l’extermination des Cananéens par les juifs» et reprend, sans apporter la moindre contradiction, l’expression de «purification ethnique». «Les juifs inventent le génocide», fait-il enfin dire à l’historien.

Hitler-Moïse : même combat?

Tout ceci pose évidemment problème. D’abord en termes purement factuels. Il est prouvé que la conquête destructrice de Canaan, racontée dans le livre de Josué, est une épopée à peu près fictive, comme on en trouve dans les récits fondateurs de tous les peuples.

Par ailleurs, sa dénonciation de l’«ethnicisme» juif exige de taire certains faits: Adam, Abraham, Noé et consorts n’étaient évidemment pas juifs; le code lévitique affirme: «Tu aimeras l’étranger comme toi-même»; l’interdiction d’assassiner (et non de tuer) dans le deutéronome concerne l’humanité entière (contrairement à ce qu’Onfray affirme); l’élection du peuple d’Israël, concept fréquemment mal compris, ne lui procure à aucun bénéfice, hormis celui d’être soumis à des lois plus sévères. On trouve dans la Bible des versets comme: «Car Ma maison sera appelée maison de prière pour tous les peuples.» On a certainement fait plus humaniste que l’Ancien testament. Mais c’est un texte nébuleux, parfois contradictoire, dans lequel il vaut mieux pénétrer prudemment.

Au-delà de ces contresens, on ne peut qu’être frappé par l’anachronisme du raisonnement de Michel Onfray. Utiliser des concepts modernes pour juger une peuplade du XIIe siècle avant J.C. est une démarche pour le moins hasardeuse. C’est ainsi: la Charte des Nations unies de 1948 n’était pas souvent appliquée sous l’Antiquité. Les royaumes, juifs ou pas, du deuxième millénaire avant notre ère étaient rarement aux mains de monarques cosmopolites et post-identitaires. Les archéologues retrouvent très peu de pins «Touche pas à mon pote» lorsqu’ils fouillent le sol mésopotamien. Les divinités obtuses qui régnaient en ce temps rechignaient à se donner la main pour former une grande chaîne de la tolérance autour de la terre.

Cette amère vérité n’arrête pas Onfray et Soler. Le philosophe cite l’historien, dans ce qui constitue le passage le plus problématique de son article: «Le nazisme selon “Mein Kampf” (1924) est le modèle hébraïque auquel il ne manque même pas Dieu.» Puis Onfray acquiesce: «Hitler est le guide de son peuple, comme Moïse.» Le judaïsme, fondement de la pulsion génocidaire? Modèle de l’hitlérisme?

Onfray accrédite même une théorie selon laquelle les nazis auraient exterminé les juifs pour «détrui[re] la position concurrente la plus dangereuse» – rappelons à toutes fins utiles que les juifs n’ont jamais exterminé qui que ce soit. Mais Onfray tient à sa démonstration: il insinue que la formule «Dieu avec nous» utilisée par le Reich hitlérien était reprise du prophète Isaïe. C’est là une torsion de la vérité historique: cette devise avait été empruntée par l’Empire germanique dès 1871, non à Isaïe, mais aux byzantins.

«Goût exquis»

Cette volonté de «judéiser» le nazisme a valu au philosophe des critiques sévères. Haïm Korsia a fait part dans «l’Express» de sa «révulsion». Michaël de Saint-Chéron, sur le site de «la Règle du jeu» (organe il est vrai traditionnellement hostile à Onfray) lui reproche de laisser libre cours à sa «détestation des juifs». Dans «le Point» de ce jeudi, Yeshaya Dalsace, Aldo Naouri et Antoine Spire, en plus de montrer les errements de son argumentation, ironisent sur le «goût exquis» de sa comparaison entre nazisme et judaïsme.

Dans le même journal, Marek Halter émet l’hypothèse que «les juifs le gênent» et lui reproche ses accents communs avec Ernst Nolte, «historien allemand qui essaie de nous faire croire que les nazis ont tout appris chez les bolchéviques, et les bolchéviques chez les juifs. Ainsi la boucle est bouclée: les juifs sont responsables de leur propre mort.»

Michel Onfray a répondu, d’une manière qu’on qualifiera poliment d’étrange, toujours dans «le Point»: il s’est contenté de reproduire un texte datant de janvier dernier, dans lequel il se proclamait sioniste. Pas un mot sur les contrevérités qu’il a relayées, ni sur les thèses de Jean Soler, dont il semble pourtant apprécier la lecture. Pas même une phrase indiquant que son opposition, tout à fait honorable, au sectarisme monothéiste a pu le pousser à contresigner des choses qu’il ne pensait pas. Ca arrive, parfois, d’écrire trop vite.

Voir encore:

Jean Soler ou les démons de Michel Onfray

le grand rabbin Haïm Korsia

L’Express

26/06/2012

Le rabbin Korsia répond à l’article de Michel Onfray dans Le Point sur Jean Soler.

Grasset

Le grand rabbin Haïm Korsia répond ici à un texte du philosophe, paru dans Le Point. Le héraut de l’athéisme y citait un auteur sulfureux, Jean Soler, qui fait de dangereux rapprochements entre le judaïsme et le nazisme. Michel Onfray n’a pas souhaité réagir.

Par nature et fonction, je porte les principes de laïcité républicaine et fais la part des choses. Mais j’ai lu avec révulsion les amalgames dont se repaît le Sage de l’Université populaire de Caen.

Endossez-vous, monsieur Onfray, cette fulgurance de Soler: « Le nazisme selon Mein Kampf est le modèle hébraïque auquel il ne manque même pas Dieu »? Même pas Dieu? Même pas peur, nous dit M. Onfray! Sérieusement, le nazisme et le « modèle hébraïque » seraient fusionnels, monsieur Onfray? Selon Mein Kampf? Selon Soler? Selon vous? C’est selon? Vous enseignez? Comme on saigne, peut-être?

N’êtes-vous pas le logo de cette nouvelle Histoire mêlant rétroactivement toutes les utopies contrefactuelles, machine à démonter les temps? Mais voyons-y de plus près.

Le Dieu de la Bible, nationaliste? La prière de Salomon dans le livre des Rois souhaite à l’étranger la bienvenue dans le Temple, dont l’immense parvis était destiné à tous les peuples pour qui les prêtres offraient 70 bêtes comme les 70 nations connues. Et dois-je rappeler le sublime verset d’Isaïe: « Car Ma maison sera appelée maison de prière pour tous les peuples »?

Contrairement à ce qu’affirme Onfray, l’amour du prochain concerne tous les hommes dans la Bible, où il est répété tant de fois: « Tu aimeras l’étranger comme toi-même », car « il n’y a qu’un seul peuple sur terre », et aucun ne peut se dire supérieur à un autre. Chacun a une spécificité, un génie propre, une mission. Si l’élection d’Israël est une responsabilité particulière, chaque humain aura part au monde futur sans nécessité de passer par le judaïsme. Et même en étant un athée qui, au moins, espère en l’Homme.

Athènes, le contre-exemple parfait de la Jérusalem honteuse, ségrégationniste et violente? La Grèce, forte de 130 cités, n’a-t-elle jamais vu l’une d’entre elles exterminer les autres? Sparte et le modèle esclavagiste ne vous rappellent donc rien? Ni la femme grecque libre enfermée dans le gynécée libre? Aristote a été condamné parce qu’il refusait de reconnaître les dieux de la cité et qu’il risquait d’y introduire de nouvelles divinités. Il n’a pas pu se lancer dans la politique car il était un « métèque », un étranger, et ce même statut lui interdisait d’acheter le terrain de son Lycée. Et ceci, Onfray ne peut l’ignorer.

Non, monsieur Onfray, le Nietzsche que vous invoquez ne vous adouberait pas. A vos lecteurs, l’anti-philistin de la culture, dont je ne suis pourtant pas un adepte, dit: « Les génies savent mieux que les talents dissimuler l’orgue de Barbarie, au moyen de leur drapé plus ample; mais au fond, tout ce qu’ils peuvent aussi est de jouer et rejouer toujours leur demi-douzaine de vieilles rengaines » (Oeuvres philosophiques complètes, XIII).

Tout y est, monsieur Onfray, et vous tout entier: votre « génie » sans talent, le drapé de vos postures, la Barbarie de vos grandes orgues, les rengaines que vous remettez au goût du jour. Ce que vous dites à mots à peine cachés est terrible de responsabilité envers les esprits faibles qui risqueraient de vous croire : « [Le judaïsme] suppose une violence intrinsèque exterminatrice, intolérante, qui dure jusqu’aujourd’hui. » Malheureusement, c’est l’antisémitisme « qui dure jusqu’aujourd’hui », et celui des intellectuels n’est pas moins violent que celui des nervis de telle ou telle mouvance.

Ne sortez pas les démons de la bouteille avec de tels appels à la haine, car les nuages sont de retour sur notre vieille Europe et l’horreur récente de Toulouse est là pour nous le rappeler.

Voir par ailleurs:

Onfray : rien de nouveau

Yeshaya Dalsace

Primo

18-06-2012

Michel Onfray a gratifié le grand public d’un long article de trois pages dans Le Point du 7 juin 2012 à propos du dernier ouvrage de Jean Soler « Qui est Dieu ? ».

Il se trouve que j’apprécie les travaux de Michel Onfray et ses conférences. Son goût pour un certain épicurisme et les philosophes délaissés n’est pas fait pour me déplaire.

Par ailleurs, j’ai lu et suivi de longue date les différents ouvrages de Jean Soler sur la Bible, dont on peut en effet apprécier l’érudition classique malgré son fiel.

Michel Onfray fait grand cas du travail de Jean Soler, présenté comme une immense figure intellectuelle, un héros de l’esprit menant courageusement une guerre salvatrice contre l’hégémonie monothéiste au profit de la réhabilitation du bien précieux perdu par l’occident : la culture polythéiste, autrement supérieure.

L’acteur principal de cette mise sous le boisseau du meilleur de la culture humaine, Athènes, au profit d’une ville honnie, Jérusalem, est bien entendu le juif (avec un petit j, c’est-à-dire l’adepte de cette doctrine à combattre)… C’est simple, limpide…

Sur trois pages, Onfray se lâche en affirmant un tas de contrevérités, d’imprécisions, d’affirmations caricaturales tout en faisant croire au lecteur qu’on vient de découvrir enfin, grâce à l’héroïque Soler, comparé au grand Nietzsche, une vérité qu’on voulait si longtemps nous cacher sur la véritable identité de l’affreux et sanguinaire despote de notre culture : le Dieu du monothéisme, dont le Juif (que j’écris avec une majuscule car identité et religion sont ici indissociables), à la fois son esclave et son agent, ne vaudrait pas mieux que la caricature divine dont il se croit l’élu…

Cependant, contrairement à ce qu’affirme dans son article Michel Onfray, Jean Soler ne fait nullement dans la nouveauté. Je dirais même qu’il ressort de vieilles lunes avec un dogmatisme de premier de la classe qui récite une leçon bien apprise.

Jean Soler viendrait casser six idées reçues, ce que nul avant lui n’aurait osé faire.

Ce héros intellectuel déboulonnerait une bonne fois pour toutes l’immonde et sanguinaire Dieu d’Israël, responsable de 2000 ans de malheurs et de guerres sans fin.

Le monde intellectuel, l’Université au premier chef, par conventionnalisme, bouderait Soler, on l’accuserait même d’antisémitisme, ultime arme des censeurs à court d’argument, ce héros digne d’un autre briseur d’idoles mal reconnu, Onfray lui-même.

Examinons les six points de Soler, présentés par Onfray comme révolutionnaires :

1. Contrairement à ce qu’on croit, la Bible n’est pas si ancienne et n’aurait pas la primauté car contemporaine des grandes oeuvres philosophiques grecques. C’est juste.

Mais Michel Onfray semble ignorer que toute personne, quelque peu érudite en matière biblique, connaît ce fait. De nombreuses recherches dans ce domaine ont été publiées et si quelqu’un s’intéresse à ce genre de sujet, je lui conseillerais plutôt la lecture de Thomas Römer qui est un bibliste sérieux que celle de Jean Soler…

En fait de nouveautés, Michel Onfray, en fin connaisseur des textes philosophiques qu’il est, devrait savoir que le grand Spinoza avait déjà affirmé cela dès le 17e siècle…

Thèse largement reprise, argumentée et divulguée depuis par les divers chercheurs dont bon nombre d’universitaires israéliens, dont certains portent la kipa… Qui ignore aujourd’hui que les textes antiques ont une histoire rédactionnelle complexe ?

2. « La religion juive n’est pas monothéiste mais monolâtrique » affirme Michel Onfray. Le Dieu des Juifs serait une idole qui a bien réussi… Le problème dans cette affirmation est la confusion entre la préhistoire du judaïsme, qui puise en effet dans un fonds culturel polythéiste et « la religion juive » qui a traversé toutes sortes de phases et n’a pas fini de le faire. Là encore, rien de neuf sur l’histoire et nombre de savants travaillent à ces sujets depuis 150 ans…

Mais de quels « Juifs » parle-t-on et de quelle époque ?

Onfray qui sait, tout comme Soler, la valeur du langage se permet d’affirmer une généralité éternelle « La religion juive n’est pas monothéiste »…

Donc, en toute logique, les synagogues sont des lieux d’idolâtrie où l’on affirmerait la supériorité d’une divinité sanglante sur ses concurrentes…

Lamentable raccourci et simplification historique.

Si Michel Onfray était meilleur lecteur de la Bible, il saurait que celle-ci présente effectivement les hébreux comme idolâtres et les fustige pour cela, mais que le terme « Juifs » n’apparait que dans le livre d’Esther, fort tardif, à une époque où le véritable monothéisme est un acquis et le stade de la monolâtrie, un lointain souvenir.

Il saurait surtout que la Bible ne tient pas de discours théologique uniforme (d’où son intérêt et sa longueur d’ailleurs) et qu’au bout du compte l’enseignement du monothéisme s’y trouve bien, contrairement à ses allégations simplificatrices.

Pour moi, « la religion juive » est celle que je pratique, bien loin des idées reçues et des assertions de Michel Onfray et elle puise dans un réservoir de 3000 ans de textes les plus divers, y compris les textes universitaires les plus critiques.

3. Pour Onfray, la Bible ne connaît pas l’universel et incite les Juifs à écraser les autres… Un peu court, comme affirmation ! (sans parler de relents nauséabonds de conspirationnisme).

Au contraire, le plus étonnant dans la Bible, c’est qu’un petit peuple montagnard isolationniste en soit arrivé à une vision universaliste, affirmée à de nombreuses reprises.

On la trouve dans l’idée d’ancêtre unique à toute l’humanité présentée comme une grande famille égalitaire ; dans l’idée de la possibilité de construire une paix fraternelle universelle exprimée chez plusieurs prophètes, notamment Isaïe ; dans l’ordre de respecter l’étranger « car tu as été toi-même étranger », « tu aimeras l’étranger comme toi-même » (Lévitique 19,34) qui est répété à de nombreuses reprises, ainsi que dans bien d’autres passages qui abondent en ce sens.

Il est vrai que les Juifs ont toujours agacé par leur particularisme qui peut parfois être sujet à critique, le vilain Haman du Livre d’Esther ne s’en gêne pas… Mais on sait ce que cet agacement peut engendrer dans l’Histoire humaine et combien de Juifs en ont payé le prix.

Ce qui devrait inciter Onfray et Soler à un semblant de décence au moment d’avancer ce genre d’allégations et au moins les argumenter avec finesse.

Certes la Bible, livre d’une grande complexité, n’a pas le monopole de la morale et de l’universel, mais elle énonce bien une morale universelle que la lecture révisionniste de Soler ne peut évacuer d’un revers de main, en la réduisant à ses seuls aspects particularistes ou ritualistes.

4. Paradoxalement, Onfray reproche à la Bible de ne pas avoir affirmé clairement l’immortalité de l’âme et la résurrection. C’est vrai, et réjouissons-nous de cette liberté dogmatique digne des présocratiques !

Les rabbins du Talmud en étaient d’ailleurs gênés et cherchèrent à prouver assez maladroitement que leur idée de résurrection s’inscrivait bien dans le texte biblique. Ce point de doctrine était même une des polémiques entre Juifs pharisiens et Juifs sadducéens au 1er siècle avant JC.

Là encore, donc, comme innovation, on fait mieux : Soler a 2000 ans de retard !

Mais cela veut-il dire qu’il n’y avait pas de spiritualité chez les prophètes, ou même les sadducéens, comme l’affirme Michel Onfray ? Il semble avoir une idée bien étroite et dogmatique de la spiritualité, qui ne passerait que par la résurrection ou l’éternité de l’âme et contredit donc ici son propre discours philosophique…

5. Onfray nous dévoile une vérité soigneusement cachée : le Cantique des Cantiques parle de l’amour charnel, c’est un texte érotique ! Voilà l’incroyable découverte de Jean Soler ! On se roule de rire… (Quoi, Salomon, vous êtes Juif !) Mais il faudrait être vraiment aveugle pour ne pas le voir : « Tes seins, ta bouche, tes cuisses, le levier de la porte, la serrure,… non tu ne rentreras pas ! »

Gainsbourg n’a rien inventé et personne ne s’y est jamais trompé, même si une lecture symbolique et mystique fut mise en avant chez les religieux.

Onfray prend les lecteurs du Point pour des enfants de choeur ! N’eut-il pas été plus digne de la pensée de l’auteur de s’interroger sur ce choix délibéré d’un texte érotique par les mystiques et les chefs du puritain monothéisme ?

6. Onfray assène : le Dieu d’Israël est exclusivement ethnique et séparatiste… la preuve : les lois alimentaires et de pureté pratiquées par les Juifs…

Comment un philosophe, forcément retiré régulièrement dans son pré carré bien gardé pour pouvoir écrire son oeuvre universelle peut-il écrire des choses aussi terre à terre et caricaturales ?

Ne connaît-il pas ce genre de lois sur la pureté chez ses chers Grecs ? Ne sait-il pas la vertu d’une discipline intérieure ?

Quelle contradiction entre ces règles et les principes de l’Universel ? Voilà bien une affirmation simpliste. Mais là encore, rien de neuf, c’est la reprise d’un vieux thème antijudaïque, celui d’une époque où l’on jetait volontiers les Juifs dans les puits ou sur les bûchers pour leur apprendre les vertus de l’universalisme chrétien…

Le reste de l’article ne présente rien de bien nouveau non plus, Onfray, à la suite de Jean Soler, croit devoir prendre une pose héroïque quand il ne fait qu’enfoncer des portes ouvertes…

S’il lisait un peu plus les biblistes et les historiens des religions, il se rendrait vite compte que le très savant et génial Jean Soler compile, vulgarise, avec un certain talent, mais ne dit rien au fond de bien original.

Ensuite, Onfray nous offre une révision du commandement « tu ne tueras point » qui, selon lui, ne concernerait que les membres de la tribu juive : les autres, on pourrait les massacrer comme bon nous semble… Là encore, en parlant d’un texte ancien, le mot « juif » est bien mal venu et plein d’ambigüité.

Mais surtout, « tu ne tueras point » est une traduction discutable qu’il faudrait plutôt comprendre « tu ne commettras point de meurtre » ou « tu n’assassineras point », même sans savoir l’hébreu, il est facile de comprendre la différence entre « assassiner » et « tuer ».

On peut pratiquer la peine de mort, sans pour autant assassiner… nuance à la portée d’un philosophe.

Certes, la Bible parle de condamnation à mort et décrit nombre de massacres, avant tout dans un but édifiant typique de son époque, mais cela ne veut nullement dire que c’est une question de Juifs ou pas (voir la fin du livre des Juges où l’on se massacre entre « frères », ou même l’épisode du veau d’or ou de Coré dans le Pentateuque).

Le judaïsme a certes développé une législation à deux vitesses entre citoyen et étranger, que l’on peut critiquer, mais comme tous les systèmes de l’époque, y compris grec, et qui inspire notre système de citoyenneté actuel.

L’accusation de restreindre l’interdit du meurtre aux seuls Juifs est grave et digne cette fois des pires rumeurs médiévales reprises au siècle dernier avec les conséquences que l’on sait : les Juifs solidaires entre eux empoisonnent les autres par haine du genre humain, et sont donc empoisonnables…

Puis Onfray nous fait verser une larme sur les Cananéens exterminés par « les juifs » (sic), grands massacreurs devant l’Eternel, contrairement aux très pacifiques Grecs…

Ici on touche au fond de l’absurde et de l’inexactitude, mais surtout à l’indécence pour ne pas dire l’abject.

Tout d’abord, en bon adepte de la critique biblique et de la rationalité, Onfray devrait savoir que le massacre des Cananéens n’est qu’une pure légende contredite par l’archéologie et le texte biblique lui-même.

Il devrait savoir également, grâce à la même critique universitaire qu’il invoquait pour démolir l’ancienneté biblique, que les Hébreux sont eux-mêmes des Cananéens, même langue, mêmes divinités, dont le fameux El, sévère Dieu supérieur les conduisant à la monolâtrie, avant l’étape suivante…

Que les terribles passages de massacres du livre de Josué ou ailleurs dans la Bible, choquent notre sensibilité humaniste, rien de plus normal et de plus légitime.

Mais que cela fasse du judaïsme et du monothéisme en général le terreau obligatoire de l’extrémisme et l’inventeur du génocide, c’est vraiment tenir un raisonnement très superficiel et étaler ses préjugés au grand jour.

Jean Soler oppose les Grecs épris de paix aux Juifs belliqueux… Faut-il rouvrir les classiques helléniques pour se remémorer les guerres entre cités, enlèvements, massacres et viols ?

Faut-il rappeler les interminables luttes entre Sparte et Athènes et la politique hégémonique de cette dernière dont la cruauté envers les vaincus frappa Aristophane ou Xénophon ? Onfray ne sait-il pas la vantardise sanguinaire des Anciens, qui agissaient d’ailleurs moins qu’ils n’écrivaient, alors que les modernes font l’inverse…

Cette vantardise et ce goût pour le sang versé sont communs à toute la littérature antique et aux bas reliefs, de la lointaine Mésopotamie jusqu’aux Romains, en passant par les Egyptiens, les Grecs, les Hébreux et bien d’autres.

Mais l’athéisme occidental, dont Onfray se veut le porte drapeau, après ses dizaines de millions de victimes au nom d’une rationalité nationale parfaitement athée, massacrées comme jamais on ne le vit auparavant dans l’histoire humaine, n’est pas si bien placé que cela pour donner des leçons au reste du monde ou dresser un doigt accusateur contre le monothéisme.

Il est un fait que la Bible relève et cherche à résoudre dès ses premières lignes : l’être humain tue son prochain et a beaucoup de mal à s’arracher à ce rôle de Caïn et au cercle vicieux de la violence.

L’accusation biblique, contrairement à ce que pense Onfray, est universelle et n’épargne personne, ni les Juifs, ni les Grecs, ni les hommes, ni les femmes… car s’il est un sujet de prédilection dans la Bible, ce n’est pas Dieu, mais bien l’humain dans son humanité la plus prosaïque, avec tous ses défauts exposés au grand jour et sous toutes les facettes possibles.

Aucune figure biblique n’échappe à la critique.

Dans l’article d’Onfray, vient ensuite un parallèle doctrinal entre nazisme et judaïsme… On laisse à l’auteur la responsabilité de ses comparaisons d’un goût exquis. On ne relèvera que l’erreur historique : « les soldats du Reich allemand ne portaient pas par hasard un ceinturon sur la boucle duquel on pouvait lire : Dieu avec nous ».

Or Onfray devrait savoir que ce ceinturon est très antérieur au régime nazi. Si c’est là la seule preuve de la ferveur monothéiste d’Hitler… avec quelques autres déclarations du Führer sur le « Tout-puissant », c’est un peu court.

On pourrait opposer à ce grand admirateur de la culture polythéiste qu’est Michel Onfray, que s’il y a peut-être une ferveur religieuse dans le nazisme, ce serait plutôt sous la forme d’un retour aux bonnes vieilles valeurs du paganisme germanique, le culte du corps et des forces de la terre.

Tout ce que le judaïsme déteste… Impossible me direz-vous, un païen, d’après Onfray, est forcément un homme de tolérance et un pacifiste, il suffit de regarder l’histoire glorieuse des empires de l’Antiquité pour s’en convaincre. Jean Soler, que l’on ne saurait bien sûr soupçonner d’antisémitisme, (impensable chez un esprit de cette trempe !), aime certainement beaucoup les Juifs (il fut diplomate en Israël, il doit en garder quelques nostalgies et mêmes des amis) mais déteste profondément le judaïsme, la culture juive et tous les monothéismes.

Il n’aime pas non plus la « singularité » de la Shoa, « efforts désespérés à tout prix, jusque dans le pire malheur, pour accréditer l’élection par Dieu du peuple juif ». Si je comprends bien, les Juifs exploiteraient cyniquement la Shoa pour remettre en selle leur élection divine !

Faisons plaisir à Soler et Onfray.

Admettons que la Shoa ne soit qu’un massacre parmi d’autres, rien que le juste retour de bâton après le précédent de Josué.

Admettons qu’il n’y ait rien de singulier à aller chercher aux quatre coins de l’Europe, des vieillards, des femmes et des enfants dans le seul but de les éliminer.

Admettons que tout cela soit un malheur normal et qu’il n’y ait pas lieu de faire de ce détail de l’Histoire, une singularité.

Admettons également que l’Histoire juive – ses 2500 ans de diaspora, sa renaissance étatique et linguistique dans l’Etat d’Israël moderne – soit des plus banales.

Admettons que la Bible soit un bien mauvais bouquin. Concluons une bonne fois pour toutes que ces gens-là nous ont assez cassé les pieds et qu’il est temps pour l’Occident d’en sortir !

Alors allons au bout de la logique d’Onfray : brûlons la Bible, Freud et quelques autres pour revenir exclusivement à Platon et Epicure !… Culture quand tu nous tiens !

Je ne connais pas les comptes que Jean Soler a à régler à travers ses «découvertes » » et ses « combats héroïques » contre l’infâme.

Je ne sais pas quels comptes Michel Onfray cherche à régler en montant au créneau pour promouvoir Soler l’incompris. Je sais seulement qu’en écoutant les conférences d’Onfray sur Freud, passé l’intérêt premier, j’ai ressenti un malaise dans ce besoin de tirer systématiquement sur le vieux docteur et « son goût immodéré pour l’argent »…

En lisant l’article sur Soler, je ressens le même malaise, avec ici un indicateur troublant (lapsus de notre philosophe anti-freudien ?) : l’emploi quasi systématique dans cet article du terme « juif » alors qu’il est historiquement inapproprié et que les Juifs ne sont pas les seuls monothéistes, loin s’en faut (si en plus ils en sont toujours à la monolâtrie, qu’on les laisse alors tranquilles ces primitifs).

Mais je ressens un plus grand malaise encore de voir un journal aussi sérieux que Le Point laisser passer des allégations aussi médiocres et mal à propos, au point de se demander si on lit du Onfray ou un avatar d’une médiocre littérature antijuive qu’on croyait dépassée, le tout dans un climat français où assassiner un Juif à bout portant ou le tabasser est devenu chose possible.

Je n’ai absolument rien contre la critique des excès religieux, au contraire ! En bon disciple de Moïse, je trouve salutaire de casser les tables sacrées et les idoles…

En bon Juif, je n’ai pas peur de l’autodérision.

Comme chacun, je suis effrayé par l’éveil d’une religiosité extrémiste et bornée, y compris chez certains Juifs, qu’il est salutaire de critiquer et d’analyser.

Mais il s’agit dans cet article du Point d’un lamentable et malsain jeu de massacre qui manque sa cible et discrédite profondément son auteur.

Yeshaya Dalsace, rabbin de la communauté DorVador, Paris 20e

Voir de même:

CULTURE

Du ressentiment à l’effondrement de la pensée : le symptôme Onfray

Gérard Bensussan, Alain David, Michel Deguy  et Jean-Luc Nancy  Philosophes

Libération

3 juillet 2012

Le texte ci-dessous et la réponse de Michel Onfray font référence à une polémique dont le point de départ est un article de Michel Onfray paru dans le Point du 7 juin dernier sur Qui est Dieu?, un livre de Jean Soler (éd. de Fallois). Le 28 juin, le Point a publié sur le même sujet un dossier dans lequel on trouve, notamment, des articles du rabbin Yeshaya Dalsace, de Marek Halter, et, à nouveau, de Michel Onfray.

L’article publié par Michel Onfray dans un récent numéro du Point (le 7 juin) pose un problème très grave. Prétendant rendre compte d’une étude de Jean Soler sur la Bible, il donne à l’esprit de vengeance sa plus redoutable expression en l’appliquant à ce qui focalise le ressentiment contemporain, le judaïsme, autant qu’à l’ensemble monothéiste qui en est issu.

Laissons à d’autres le soin de discuter (s’il peut être discutable) le livre de Jean Soler et ne retenons ici que ce qu’en présente Onfray, qui est atterrant : le judaïsme, loin de supprimer le polythéisme, est «monolâtrique». Loin d’avoir inventé une morale universelle, il ne sert que des intérêts tribaux et égoïstes d’un peuple qui autrefois comme aujourd’hui se donne pour seule ambition de dominer les autres. Il faut citer cette phrase stupéfiante : «Le monothéisme devient une arme de guerre forgée tardivement pour permettre au peuple juif d’être et de durer, fût-ce au détriment des autres peuples. Il suppose une violence intrinsèque exterminatrice, intolérante, qui dure jusqu’aujourd’hui.» Et pour faire bon poids, Onfray ajoute que les Juifs sont le premier peuple à avoir perpétré des génocides (le génocide hitlérien étant lui-même d’ailleurs d’inspiration et de facture juives) et que la Shoah n’a pas l’importance exceptionnelle qu’on lui attribue habituellement.

Michel Onfray se réclame, depuis qu’il publie, de Nietzsche. Or il pratique en permanence l’esprit de vengeance, il est le prototype de ce que l’auteur du Zarathoustra identifiait comme «l’homme de ressentiment». Il fait profession de dénoncer l’establishment, et en particulier les gloires philosophiques, les religions ou Freud, mais cette dénonciation n’est que la constante et obstinée dénégation de la pensée. Baptisant hédonisme ce qui n’est qu’une complaisance démagogique pour la bassesse, quêtant auprès de l’opinion une reconnaissance que ses pairs en philosophie lui ont globalement refusée, il s’est acquis, ces dernières années, une notoriété exceptionnelle fondée tout ensemble sur l’intimidation et sur cette vague fascination que les sociétés entretiennent pour les démarches vulgaires.

On aurait pu en rester là, au malentendu, en haussant les épaules et rangeant par profits et pertes les bénéfices liés à l’imposture, mais Onfray, selon une trajectoire qui, après-coup, ne surprend pas franchit aujourd’hui un certain Rubicon.

Inutile de s’étendre sur les propos écoeurants contenus dans son texte du Point. Il n’y a guère de sens, jusqu’à nouvel ordre, à argumenter contre une idéologie qui désigne les Juifs comme les éternels porteurs d’une pulsion de mort dont notre époque continuerait à être victime. La vraie question est celle de la nature de l’audience d’une idéologie qui plaît à notre temps. En atteste, hélas, au-delà de l’article que nous évoquons, le dossier qui est paru dans la dernière livraison du Point (le numéro paru le 28 juin). Sous le titre «La polémique Michel Onfray-Jean Soler», cet hebdomadaire a construit un «débat» dans lequel Onfray, occupant en surplomb la place du philosophe non conformiste et politiquement incorrect, ferraille dédaigneusement en répondant à quelques objecteurs qui ont pourtant en commun de lui avoir concédé ce qui est pour cet homme si avide de revanche l’essentiel, sa légitimité de philosophe. Or ce n’est que par une imposture dont il faudrait prendre le temps de décrypter la portée qu’Onfray a pu s’acquérir la réputation d’être philosophe. Faire l’hypothèse de sa non-légitimité (ce qui nous paraît le minimum) serait rendre vain tout débat et transformer le Point, de journal courageux qu’il se voudrait, ayant accepté le risque de l’anticonformisme, en un support médiatique réductible à n’importe quel tabloïd soucieux d’audience, hors d’état de séparer le bon grain de la pensée de l’ivraie de la niaiserie idéologique ; qui plus est, dans le cas présent, se faisant le complice de propos dangereusement irresponsables.

En d’autres termes, il ne s’agit pas, par-delà cet article du Point, de débattre avec Onfray, ou contre lui, mais de s’interroger sur les raisons de la notoriété dont il jouit. Pourquoi cette audience, de quoi est-elle le symptôme ? Faut-il évoquer l’antisémitisme ?

On ne pourra éviter en tout état de cause de faire ici l’hypothèse d’une étrange maladie, qui n’a peut-être pas encore de nom, mélange de fascination obsessionnelle pour le judaïsme, d’incompréhension et de ressentiment pour l’histoire et le destin que ce dernier signifie pour l’humanité. Certains des plus grands penseurs du XXe siècle ont donné à entendre cela, Levinas, Derrida, Blanchot, d’autres encore, lesquels ont vu dans le judaïsme non la religion particulière d’une communauté (ce qu’il est évidemment aussi) mais une catégorie universelle de la pensée.

La position d’Onfray correspond à un certain effondrement de la pensée, à cette équivoque contemporaine qui voudrait que le judaïsme soit à la fois porteur d’une signification historiale et objet d’une récurrente dénégation et rivalité mimétique. Cette équivoque est plus lourde de conséquences que le personnage inconsistant qui s’en est fait aujourd’hui le héraut. Néanmoins la position de philosophe médiatique que par son talent très particulier il s’est acquise, aussi bien que l’incroyable violence des propos qu’il tient, propos de nature à légitimer une autre violence, celle qui règne sur des scènes qui ne sont pas qu’intellectuelles, nous incitent, comme philosophes, à réagir, à inviter la communauté des philosophes à réagir également, à demander enfin quelle sorte de place occupe aujourd’hui Michel Onfray parmi les voix de la philosophie.

Car si lui-même n’est pas le philosophe qu’il dit, qu’est-il et de quoi est-il le symptôme ? N’est-ce pas à dresser des barrières contre la force proprement philosophique du «judaïsme» que s’emploie Michel Onfray dans son article, et n’est-ce pas cette dernière version du ressentiment, confronté à la signification historiale de l’extermination et de la «question juive», qui explique l’étonnante faveur qui entoure ses écrits ?

Voir aussi:

Sale temps pour la pensée debout !

Michel Onfray Philosophe

Libération

3 juillet 2012

Ce texte de Michel Onfray est une réponse à celui-ci, publié le 4 juillet dans Libération par quatre philosophes. Le point de départ de la polémique est un article de Michel Onfray dans le Point du 7 juin sur Qui est Dieu ?, un livre de Jean Soler.

Je trouve vraiment très drôle, de la part de ceux qui font de moi un «malade» ( à quoi bon, sinon, le «symptôme»…), un démagogue, un être vulgaire, bas, un imposteur, un personnage inconsistant, une personne avide de revanche, un individu ayant seulement la réputation d’être un philosophe, un amateur de niaiserie philosophique, un signe de l’effondrement de la pensée, un compagnon de route de l’antisémitisme, sinon, un antisémite, de passer pour un homme du ressentiment ! C’est l’hôpital institutionnel qui se moque de la Charité… Je ne descendrai pas, pour ma part, aussi bas que ceux qui parlent au nom de «la communauté philosophique» – une tribu dont je me moque autant que de ma première tétine… L’attaque ad hominem n’honore pas ceux qui la pratiquent à défaut de vouloir (sinon de pouvoir…) débattre vraiment sur les idées.

Le problème est ailleurs. A-t-on le droit, en France, aujourd’hui, de lire les textes, qu’on nous présente comme sacrés, avec l’œil du philosophe ? Peut-on, quand on aborde le Talmud, mais aussi la Bible et le Coran, penser encore debout ? Ou faut-il d’abord se mettre à genoux ? Ceux qui sont obligés de se mettre à quatre pour insulter en croyant qu’ils pensent, défendent l’agenouillement – voilà l’enjeu véritable. Libre à eux. Nous n’avons effectivement pas les mêmes valeurs. On peut faire comme si la philosophie des Lumières n’avait pas eu lieu. Pour ma part, je n’ai pas envie de revenir en deçà du XVIIIe siècle, à la période scolastique où l’Inquisiteur tient toute la place ! La génuflexion devant le papier-bible des légendes monothéistes ou celui des œuvres complètes de Levinas, Derrida, Blanchot transformés en Père, Fils et Saint-Esprit de la philosophie n’y fera rien.

Où est mon crime ? Avoir invité à lire Jean Soler, un auteur qui, depuis un demi-siècle, effectue une lecture des monothéismes en homme debout ! De la même manière qu’avec le chevalier de La Barre à qui le pouvoir a coupé le poing et la langue, qu’on a torturé et décapité, puis brûlé en 1765 avec un exemplaire du Dictionnaire philosophique de Voltaire parce qu’il n’avait pas ôté son chapeau au passage d’une procession, la communauté philosophique autoproclamée envoie aujourd’hui au bûcher celui qui n’ôte pas son chapeau devant les processions monothéistes (précisons : processions juives, chrétiennes et musulmanes, qu’on lise mon Traité d’athéologie publié en 2005, plutôt que le compte-rendu d’un livre dans un hebdomadaire).

Quel meilleur bûcher, aujourd’hui, que l’insinuation d’antisémitisme ? Je dis bien insinuation, car ces philosophes autoproclamés emblématiques de la communauté écrivent sous la dictée d’avocats pour éviter le procès en diffamation. On laisse entendre que… On suppute… On suppose… On appuie le clin d’œil… De la part de gens qui font carrière dans l’obscurantisme de la pensée et dans la confusion du style, la contorsion rhétorique est une seconde nature. Ce vice ajouté à la plume du procédurier fait merveille dans l’art du corbeau… Voir ou revoir Clouzot !

Faut-il préciser à cette communauté philosophique réduite à quatre, que, toute à sa haine, elle oublie que j’effectue un travail tout simple : celui du philosophe laïc ? Autrement dit : je revendique le droit de lire les textes fondateurs du monothéisme comme je lis l’Edda, la Bhagavad-Gîta ou les Lois de Manou : en philosophe laïc et athée, et non en croyant dévot.

Lire aujourd’hui le Talmud avec un souci herméneutique athée et laïc vaut d’être traité d’antisémite ; aborder la Bible avec les outils exégétiques qui furent ceux de Spinoza (excommunié par les rabbins…), de Richard Simon (persécuté par les jansénistes, les bénédictins, Bossuet, le pouvoir royal), de Jean Meslier (puni par la hiérarchie catholique) ou de Prosper Alfaric (excommunié par le Vatican), déclenche l’insulte «blasphémateur» ; étudier le Coran avec une méthode historique fait du lecteur laïc un «islamophobe»… Sale temps pour la pensée debout !

Je rappelle, pour information, que l’invitation à se relever pour penser debout date, en France, de 1637, date de parution du Discours de la méthode de Descartes. J’ajoute que Heidegger, dans son séminaire de l’été 1933, sous régime nazi donc, faisait de l’enseignement du philosophe français à l’université un signe de décadence intellectuelle… Je précise enfin que la carte de Heidegger au parti nazi avait pour numéro : 312 589.

Qu’on me permette, pour ma part, de me réclamer de Descartes, sinon de Voltaire, et non de Heidegger – mais est-ce encore possible dans ce siècle où le nihilisme n’est pas où l’on croit ? Je crains que non.

Voir de plus:

Une épopée de fiction : Josué 2. 6-12

Jacques Briend

Bibliste et archéologue

Professeur honoraire à l’Institut Catholique de Paris

Ancien membre de la Commission Biblique Pontificale.

Plus que tout autre livre de la Bible le livre de Josué a pu fonder une lecture historique qui n’est plus de mise aujourd’hui. En effet, considérer ce livre comme offrant une vision de la conquête du pays de Canaan par les tribus d’Israël aboutit à une impasse. À la suite d’une longue fréquentation du livre de Josué, en particulier dans sa première partie (Jos 1-12) on peut proposer une autre lecture. Tout d’abord la lecture de ces chapitres exige de prendre en compte les données de l’archéologie. Certes, il ne peut être question de faire du texte biblique une simple lecture archéologique, mais il est nécessaire dans un premier temps d’entendre ce que cette discipline peut dire sur les villes citées en Jos 6-12. En affirmant cela, il n’est pas question de faire de l’archéologie une clé de lecture, car elle ne pourra jamais répondre à la question la plus importante : quel est le sens du texte ? Pourtant je ne suis pas certain qu’il faille « enlever le livre de Josué aux archéologues » pour le confier aux seuls littéraires. En effet livrés à eux-mêmes les littéraires, sur la base du seul texte, ne peuvent comprendre le caractère spécifique de Jos 6-12. L’archéologie a au moins l’intérêt de rappeler que le rapport du texte à l’histoire n’est pas aussi simple qu’on l’a cru pendant longtemps. En fait, l’archéologie a pour rôle de tirer le signal d’alarme pour éviter une lecture trop historicisante.

Au-delà de l’apport de l’archéologie la question que pose le livre de Josué est de savoir si l’on peut se contenter d’une lecture qui fait la part belle à l’histoire. Le rejet du livre de Josué par beaucoup exige d’apporter une réponse à la question décisive : quel est le sens du texte ? Lire Jos 1-12 comme une épopée de fiction est une option de lecture qui peut étonner, mais qui s’appuie sur une réflexion qui doit beaucoup à Paul Ricœur, mais aussi à D. Cohn pour qui le terme « fiction » désigne « un texte littéraire non référentiel et narratif. »

Rappelons enfin que Robert Alter soutient que « la meilleure caractérisation générale du récit biblique est celle de « prose de fiction », adoptant aussi celle de « prose de fiction historicisée » » et il donne comme exemple les récits relatifs aux patriarches, mais la lecture de l’ouvrage montre que le qualificatif « fiction » s’applique à d’autres récits qui se trouvent dans le livre des Juges ou les livres des Rois. À partir de là, il est possible de lire les textes bibliques sans leur appliquer trop rapidement l’étiquette de « récits historiques. »

Jéricho (Jos 6)

Avant d’entreprendre la lecture de Jos 6, un texte qui a connu de nombreuses relectures au cours du temps, il est nécessaire d’aborder en premier lieu l’histoire de la recherche archéologique à Tell es-Sultan, le site de la Jéricho de l’Ancien Testament. À la limite, cette première approche n’est pas indispensable pour la lecture du texte biblique, mais elle l’est dans la mesure où l’on a fait du texte un récit historique racontant la prise de Jéricho.

Le témoignage de l’archéologie

Pour fonder la validité historique du récit de Jos 6, on a dès le XIXe s. tenté de le faire en recourant à l’archéologie. Ainsi dès 1867 le capitaine Charles Warren entreprit de creuser des puits à Tell es-Sultan, mais ne découvrit rien d’intéressant. À cela rien d’étonnant puisqu’on découvrit un de ces puits en 1954 et que l’on s’aperçut que le puits en question s’enfonçait dans le rempart de la ville du Bronze Ancien (3300 2400 av. J.C.). Retenons de cet épisode qu’après avoir implanté de tels puits à Jérusalem, le fait que Charles Warren ait choisi de le faire sur le site de Jéricho en dit long sur le désir de fonder par l’archéologie l’historicité du texte biblique.

La fouille austro-allemande qui eut lieu sur le site de 1907 à 1909 sous la direction de E. Sellin et C. Watzinger ne parvint pas à fournir une chronologie précise des strates mises au jour.

Une nouvelle série de campagnes archéologiques fut entreprise entre 1930 et 1936 sous la direction d’un Anglais, John Garstang, premier directeur des Antiquités pour la Palestine, mais ce dernier ne parvint pas à dater les différents remparts entourant le site de Tell es-Sultan sans susciter une polémique. Entre 1952 et 1958, Kathleen Kenyon qui avait une véritable expérience d’archéologue entreprit une nouvelle série de campagnes en appliquant une méthode rigoureuse afin d’établir une séquence stratigraphique. Si elle put reconnaître le tracé des remparts du Bronze Ancien (3300-2400 av. J. C.) et du Bronze Moyen (2300-1500 av. J. C.), rien de tel ne fut découvert qui puisse dater du Bronze Récent (1500-1200 av. J.C.). Seule une modeste occupation datable du XIVe s. av. J. C. put être mise au jour et pour la même époque la réutilisation de quelques tombes du Bronze Moyen. Ainsi la recherche archéologique ne peut témoigner ni d’une occupation ni d’un rempart pour la fin du Bronze Récent.

On peut estimer sur la base de ce qui a été mis au jour qu’il n’y avait pas d’occupation à Jéricho vers 1300 av. J. C. Face à ce résultat jugé décevant, on peut toujours supposer qu’une occupation de Jéricho au Bronze Récent a existé, mais que l’on n’en a gardé aucune trace. Toutefois, rien ne permet d’affirmer l’existence d’une occupation humaine entre 1300 et 1200 av. J. C. à Jéricho.

Le texte de Jos 6

La nature du récit conservé en Jos 6,1-21 ne fait pas l’unanimité. D’une part on ne peut pas affirmer que le texte raconte un haut fait militaire, à savoir la prise de la ville de Jéricho. Certes la cité est soumise à un siège, si l’on s’en tient au v. 1 : « Jéricho était fermée et enfermée à cause des fils d’Israël ; nul ne sortait et nul n’entrait. » Au v. 2 Dieu assure Josué de la prise de la ville : « Vois, je t’ai livré Jéricho et son roi », mais cette formulation est étonnante. Son meilleur parallèle se trouve en Dt 2,24 : « Vois, j’ai livré entre tes mains Sihôn l’Amorite, roi de Hesbôn, et son pays. » Ainsi l’évocation du roi de la cité en Jos 6,2 étonne, car on ne la retrouve qu’en Jos 12,9 en tête d’une liste récapitulative des rois vaincus. En fait, le roi de Jéricho ne joue aucun rôle dans la suite du texte (mais cf. Jos 10,1). D’ailleurs rien ne nous est dit de la mort de ce roi, ce qui constitue une différence avec les récits qui suivent Jos 2 et où la mort des rois vaincus est mentionnée. La seule autre mention du roi de Jéricho se trouve en Jos 2,2-3 et c’est sans doute dans ce récit qu’un des rédacteurs de Jos 6 l’a trouvée.

À partir de Jos 6,3 ss. Dieu donne des ordres qui n’annoncent pas une opération militaire, mais une circumambulation autour de la ville qui doit durer sept jours et qui prend l’allure d’une liturgie aboutissant à l’écroulement du rempart (v. 20). Il n’est donc pas question de la prise d’une ville sur le mode guerrier. Le récit de Jos 6 ne peut donc être considéré comme celui de la conquête d’une ville par une armée. Il est donc absurde d’ironiser comme le fait W. G. Dever en déclarant : « Josué n’en a pas moins accompli un grand exploit : il détruisit un site qui n’existait pas. » Le récit aurait donc été inventé de toutes pièces. On assiste ici aux limites de la recherche archéologique.

Le texte de Jos 6 ne tombe pas du ciel. Récit fictif, il reste enraciné dans une certaine réalité. Tout d’abord, il faut rappeler que le livre de Josué s’ouvre sur la traversée du Jourdain (Jos 3-4) et l’entrée dans le pays promis. Or la première ville que l’on rencontre en venant de l’est n’est autre que la ville de Jéricho qui est alors en ruine, sa ligne de rempart étant probablement encore visible. Pour un peuple qui craignait d’avoir à vaincre des forteresses (cf. Nb 13,28), une Jéricho détruite est un signe de la providence divine.

De plus, après la traversée du Jourdain le peuple vient camper à Guilgal, près de Jéricho, dont le nom signifie « Cercle » (Jos 4,19). Les pierres qui ont été prises dans le lit du Jourdain sont dressées, selon une tradition, à Guilgal afin que le peuple se souvienne de la traversée du Jourdain (Jos 4,20-24). Dans ce contexte il est possible, à titre d’hypothèse, qu’à Guilgal ait eu lieu une circumambulation autour du Cercle de pierres, une liturgie qui aurait inspiré le rédacteur ancien de Jos 6.

Concluons cette lecture en affirmant que l’archéologie à elle seule ne peut pas se prononcer sur la nature du texte biblique qui est le résultat d’une tradition complexe.

Si nous proposons la lecture de Jos 2 après celle de Jos 6, cela tient d’abord à ce que le récit « Rahab et les espions » ne trouve son épilogue qu’en Jos 6,22-25, en particulier avec le v. 25 où Josué accorde la vie sauve à Rahab et à sa famille. C’est aussi parce que le lecteur découvre, après avoir lu le récit de Jos 6 où le rempart s’écroule sur place (v. 20), que la mission des espions n’a plus de raison d’être.

Le récit de Jos 2 est d’abord un récit d’espionnage avec l’envoi par Josué de deux espions qui échappent au roi de Jéricho (v. 2, cf. Jos 6,2) grâce à l’habile discours de Rahab. Ce récit n’a pas de rapport direct avec celui de Jos 6, sauf la mention d’un roi à Jéricho et l’indication selon laquelle la maison de Rahab était adossée au rempart et permettait donc de faire sortir les deux hommes de la ville (Jos 2,15). Le narrateur de Jos 2 comme celui de Jos 6 considère Jéricho comme une ville remparée.

Jos 2 est un récit qui obéit à une structure narrative bien connue et F. Langlamet en a donné les articulations principales : initiative de Josué – envoi de deux hommes, consignes données aux explorateurs – exécution de la mission reçue – retour et rapport des explorateurs. Ce récit que l’on peut et que l’on doit rapprocher des traditions bibliques sur la conquête du pays trouve sa pointe au v. 9 lorsque la femme déclare aux espions : « Je sais que le Seigneur vous a donné le pays », déclaration que l’on retrouve en Jos 2,24 où les envoyés déclarent à Josué : « Vraiment le Seigneur a livré tout le pays entre nos mains » (Jos 2,24). En réalité la parole de Rahab recevra au cours du temps un développement qui montre bien que l’on est au cœur du récit. Dans le récit une place importante est accordée au dialogue entre la femme et les espions (Jos 2, 9-21). Rahab obtient alors d’avoir la vie sauve, elle et sa famille. Le récit a donc une portée étiologique en offrant la raison pour laquelle Rahab et son clan ont eu la vie sauve. Cette portée étiologique est bien manifestée par l’épilogue narratif : « Josué laissa la vie sauve à Rahab, la prostituée, à sa famille et à tout ce qui était à elle, elle a habité au milieu d’Israël jusqu’à ce jour, car elle avait caché les messagers que Josué avait envoyés pour espionner Jéricho » (Jos 6,25). La présence d’un clan de Rahab dans la région de Jéricho a dû poser aux Judéens un problème analogue à celui des Gabaonites (Jos 9) comme nous le verrons un peu plus loin.

Rappelons pour terminer que Rahab est normalement une désignation masculine et qu’il faut découvrir derrière ce nom celui d’un clan venu de l’est et installé dans la région de Jéricho.

Il faut enfin reconnaître qu’il existe un certain décalage entre Jos 2 et Jos 6, mais ce décalage, sensible pour nous, devait l’être beaucoup moins pour les anciens qui n’opposent pas action humaine et action divine.

La ville d’Aï (Jos 7-8)

Dans le livre de Josué les chapitres 7 et 8 réservent une nouvelle surprise. En effet, le site où l’on place la ville d’Aï ne possède pas d’occupation à l’époque du Bronze Récent (1500-1200 av. J. C.). Dès lors, on ne voit pas comment les Israélites auraient pu en faire la conquête. Une fois de plus, il convient de faire le bilan des recherches archéologiques, puis d’interroger le texte biblique pour tenter d’y voir clair.

La recherche archéologique

Jos 7,2 déclare que « depuis Jéricho Josué envoya des hommes à Aï qui est près de Béthel. » Malgré l’apparente précision de ce verset, la localisation d’Aï, site qui doit se trouver au nord-ouest de Jéricho dans la montagne, a été depuis longtemps objet de vives discussions. La Bible de Jérusalem offre une note qui localise Aï, nom qui signifie « la Ruine », en un site connu aujourd’hui sous le nom de et-Tell qui en arabe a le même sens que Aï. Pendant longtemps, cette localisation a été mise en doute pour des raisons archéologiques.

Toutes les données archéologiques proviennent de fouilles qui ont été réalisées sur le site de et-Tell par deux équipes, l’une française, l’autre américaine.

La fouille française a été entreprise entre 1933 et 1935 par Mme Judith Marquet-Krause. L’archéologue avait alors reconnu l’existence d’une ville du Bronze Ancien qui perdura de 3100 à 2000 av. J. C. Cette ville de 10 hectares était pourvue d’un rempart qui connut trois tracés, signe d’une longue occupation pendant plus de mille ans. Au-dessus de cette ville avait été établi un village du Fer 1 (1200-1050 av. J. C.). La mort de l’archéologue ne permit pas la publication d’un rapport définitif, mais en 1949 son mari publia le matériel mis au jour sans proposer de synthèse. Cela ne suffit pas à convaincre la communauté scientifique qui estimait la fouille trop brève pour en accepter les conclusions.

Entre 1964 et 1970 un Américain, James Callaway, reprit la fouille de et-Tell et proposa la séquence suivante quant à l’occupation du site :

– un village du Bronze Ancien (3100-3000 av. J. C.),

– une ville du Bronze Ancien comportant quatre phases entre 3100 et 2400 av. J. C.,

– enfin un village du Fer 1 non fortifié (1200-1050 av. J. C.) d’une superficie assez modeste.

À quelques détails près, les deux archéologues, J. Marquet-Krause et J. A. Callaway, s’accordaient sur la durée de l’occupation du site. Il n’y avait donc d’occupation ni au Bronze Moyen, ni au Bronze Récent.

Face à un résultat indiscutable, on a donc proposé de chercher ailleurs un site qui convienne mieux à la localisation d’Aï. J. A. Callaway lui-même prospecta la région autour de et-Tell pour trouver un site occupé au Bronze Récent et au Fer, mais il ne rencontra que des sites d’époque romaine ou byzantine. Dans ces conditions et en dépit des difficultés d’une telle solution par rapport au texte biblique, on admet le plus souvent l’identification d’Aï avec et-Tell, du moins pour certains, mais pas pour tous.

Le texte de Jos 7-8 et sa cohérence

Ces deux chapitres du livre de Josué forment un tout et on ne peut les dissocier que de manière arbitraire, du moins à première vue. Depuis Jéricho Josué décide d’attaquer Aï et, à la suite du rapport des espions, d’y envoyer une petite troupe qui se fait battre. De cet échec Josué se plaint à Dieu qui dévoile que l’échec militaire a pour motif un péché commis par Israël. Après tirage au sort, un coupable est désigné : Akân, chef de clan de la tribu de Juda, qui avoue avoir pris dans le butin une cape de Shinéar, deux cents sicles d’argent et un lingot d’or (Jos 7,21). Après le jugement du coupable, Josué reprend la conquête d’Aï et, pour vaincre la résistance de la cité, il utilise un stratagème militaire avec envoi d’une embuscade, attaque de la ville, fuite simulée, l’embuscade mettant le feu à la ville. La cité est conquise et elle est vouée à l’anathème.

Ce long récit pose de multiples questions : pourquoi attaquer cette ville qui n’existe pas ? Pourquoi Akân peut-il s’emparer d’une part de butin alors que la ville n’est pas encore conquise ? En outre, la description du butin, par son importance, ne manque pas de surprendre. Autre question, où situer la vallée d’Akor dont le nom rappelle celui d’Akân ? Bref, a-t-on affaire à un récit historique ou à un récit de fiction ? La cohérence de l’ensemble littéraire reste fragile, même si on ne tient pas compte de l’enquête archéologique.

Première remarque, Aï, tout comme Jéricho, appartient au territoire de la tribu de Benjamin (cf. Jos 18,17-18). Quant à la vallée d’Akor (v. 24), elle doit se trouver dans le territoire de la tribu de Juda (cf. Jos 15,7) puisque Akân et son clan appartiennent à cette tribu (Jos 7, 16-18).

L’épisode relatif à Akân (Jos 7,16-26), préparé par Jos 7,6-15, donne une dimension religieuse au récit de la conquête d’Aï, mais peut représenter une insertion secondaire antijudéenne. Certes il s’agit d’une hypothèse, mais on peut lire Jos 7,2-5, puis Jos 8,1-29 en faisant abstraction de l’épisode « Akân. »

Deuxième remarque, le récit de la conquête d’Aï (Jos 7,2-5 ; 8,1-29) se présente comme une entreprise guerrière qui se déroule en deux temps. On a d’abord l’envoi d’une troupe de trois mille hommes (Jos 7,4-5), puis un combat qui engage tout le peuple (Jos 8,3). Deux observations importantes sont à faire à propos de ce texte ; d’une part on doit être attentif aux notations topographiques locales : Shevarim (Jos 7,5), lieu-dit que l’on peut traduire par « Carrières » ou « Ravins », la Descente (v. 5) qui doit désigner le chemin menant à la dépression du Jourdain (cf. 8,24 G), le lieu de l’embuscade (8,4.12) que l’on doit situer à l’ouest d’Aï (8,9), le camp (8,11) où se tient Josué et toute la troupe et qui doit se trouver à l’est comme la Descente, enfin le désert mentionné plusieurs fois (8, 15.20.24) et qui doit désigner la pente orientale des collines qui dominent l’Arabah. La présence de ces multiples désignations dans le récit suppose un souci de localiser le lieu de la bataille. De ce souci on peut conclure que le rédacteur entend baliser un territoire qui appartient à la tribu de Benjamin.

De plus, la structure narrative de Jos 8 est très proche de celle de Jg 20,14-18 qui raconte le châtiment subi par la tribu de Benjamin à la suite du crime de Guibéa, une observation qui a souvent été faite. Les deux textes ont en commun plusieurs éléments : au cours d’une première phase on a un échec militaire et une lamentation ; dans une seconde phase ils ont en commun une ruse de guerre avec embuscade (Jg 20,29) et fuite simulée (Jg 20,32), puis incendie de la cité (Jg 20,40). Tout permet de penser que le scénario de Jos 8 décalque celui de Jg 20 où la tribu de Benjamin est victime du stratagème. Mais en Jos 8 la tribu de Benjamin réaffirme ses droits sur la région d’Aï, peut-être pour faire face à la volonté de la tribu voisine d’Éphraïm de s’emparer de ce territoire.

En conclusion, le récit guerrier en Jos 8 est un récit fictif qui obéit toutefois à une motivation historique.

Les Gabaonites (Jos 9)

En abordant Jos 9 on quitte la région située entre Jéricho et Aï qui domine la vallée du Jourdain pour aller à Gabaon, ville localisée à neuf kilomètres au nord de Jérusalem selon une localisation admise depuis 1838 et confirmée par l’archéologie.

Dans un premier temps nous nous intéresserons à la ville de Gabaon (en arabe el-Djib) dont parle Jos 9 sans nous livrer à une enquête archéologique. La lecture du texte biblique fait apparaître un plan en trois parties :

Tout d’abord une introduction générale, Jos 9,1-2, sert d’introduction à Jos 10-11, chapitres qui retiendront notre attention un peu plus loin.

Quant au texte de Jos 9, 3-27, il se compose de deux séquences,

l’une racontant la ruse des Gabaonites qui obtiennent un pacte de la part des Israélites (Jos 9,3-15),

l’autre gravitant autour du statut juridique accordé aux Gabaonites alors qu’ils sont un peuple étranger (Jos 9,16-27).

Dans la première séquence les Gabaonites obtiennent d’Israël un pacte. Leur interlocuteur est tantôt Josué (vv. 3.6a.8.15a), tantôt un collectif « l’homme d’Israël », ce dernier étant sans doute primitif. En effet tout donne à penser que c’est l’insertion de ce récit dans un ensemble littéraire où Josué a le rôle principal qui a amené la mention de Josué dans le récit de la ruse. Il faut encore souligner que les Gabaonites sont des Hivvites (v. 7, cf. Jos 11,19), donc des étrangers au milieu d’Israël. Ce groupe d’étrangers vient trouver les chefs des Israélites et affirme venir d’un pays lointain pour conclure : « Et maintenant concluez un pacte avec nous » (v. 6). Une telle demande s’attire une interrogation : « Peut-être habitez-vous au milieu de nous ? Comment pourrions-nous conclure un pacte avec vous ? » (v. 7). À cette question, les Gabaonites répondent qu’ils viennent d’un pays lointain (vv. 11-13). Au bout du compte le v. 14 déclare de manière laconique : « Les Israélites prirent de leurs provisions, mais ils ne consultèrent pas le Seigneur. » Le v. l5a double le v. 14 et affirme que « Josué fit la paix avec eux et conclut avec eux un pacte. »

Un tel récit n’est pas un récit historique comme cela est largement reconnu. Le scénario de la ruse sert à justifier le pacte conclu avec les Gabaonites alors que ceux-ci sont voisins des Israélites. Le récit de la ruse est donc un récit fictif qui a pour fonction de justifier comment les Gabaonites ont obtenu un pacte de la part des responsables israélites. Un tel récit suppose l’existence d’un pacte, ce que les historiens de l’Israël ancien ne contestent pas. À cet égard, il est intéressant d’observer que les Gabaonites ne se sont pas tournés vers les Cananéens. La structure sociale de leur groupe est proche de celle des Israélites : ils ont à leur tête un groupe d’anciens (Jos 9,11) ; jamais il n’est dit qu’un roi gouvernait à Gabaon. Bref, les Gabaonites apparaissent comme un groupe isolé, étranger par rapport à Israël.

Sans chercher à faire une analyse détaillée du texte de Jos 9 , il reste à s’interroger sur la raison pour laquelle le récit de la ruse a été inventé. En réalité, le récit tente d’expliquer pourquoi l’interdit de conclure un pacte avec l’étranger a été transgressé, un interdit que l’on peut reconstituer ainsi sur la base des textes bibliques : « Tu ne concluras pas de pacte avec l’habitant du pays » (Ex 34,12, cf. Ex 23,32 ; Dt 7,2 ; Jg 2,2-3). Le récit de la ruse n’est pas compréhensible sans l’existence de cet interdit. En outre, l’existence du pacte avec les Gabaonites est nécessairement antérieure à l’époque de Saül puisque celui-ci a cherché à exterminer le groupe des Gabaonites (cf. 2 S 21,1-9).

Pour conclure, il convient d’apporter une note archéologique. Le site de Gabaon a été fouillé par J. B. Pritchard entre 1956 et 1960. De l’époque du Bronze Récent (l500-1200 av. J. C.), il n’a été mis au jour que quelques tombes avec un abondant matériel, mais sans aucun niveau d’occupation. Peu après 1200 un village prospère a existé durant le Fer 1 (1200-1000 av. J. C.), mais on en connaît mal les contours.

La conquête du Sud judéen (Jos 10)

Pour aller à l’essentiel on peut dire que Jos 10 évoque une coalition de rois à laquelle Josué va s’opposer et qui va lui permettre de conquérir le Sud judéen.

Cette coalition est d’abord celle de rois amorites qui s’en prennent à Gabaon, puis ces rois seront au nombre de cinq avant d’être identifiés comme rois de Jérusalem, d’Hébron, de Yarmouth, de Lakish et d’Églôn. Le prétexte de cette coalition est la paix conclue entre Josué et les Gabaonites (cf. Jos 9). Josué vient donc au secours des Gabaonites et inflige une défaite aux coalisés en les poursuivant jusqu’à Azéqa (Jos 10,8-10 ).

Dans un second temps voici qu’on avertit Josué que cinq rois sont cachés dans une grotte à Maqqéda (Jos 10, 16-27), une ville qui se trouve à vingt kilomètres à l’ouest d’Hébron . Josué met à mort ces cinq rois. Cet épisode va amener à parler de « cinq rois amorites » avant d’attribuer à chacun une ville (Jos 10,5), voire un nom (Jos 10,3), précisions qui ont été introduites dans le texte lors de la dernière rédaction.

Dernière séquence de ce chapitre, Josué s’empare des villes du Sud judéen : d’abord Maqqéda, puis Livna, Lakish, Églôn, Hébron et Devir (Jos 10,28-39). On observe que cette dernière liste ne correspond pas tout à fait à la liste des coalisés que l’on a en Jos 10,3. En effet le rédacteur final du texte ne peut faire de Jérusalem une ville conquise par Josué, car il sait que David est le conquérant de cette ville selon la tradition (2 S 5,6-9). Le rédacteur de la séquence en tient compte alors qu’il semble ignorer la tradition où Caleb s’empare d’Hébron et Otniel de Devir (Jos 15, 13-17), mais cette tradition est incorporée dans la seconde partie du livre de Josué.

Par rapport à Jos 9 où le rôle de Josué est secondaire, il est frappant qu’en Jos 10 Josué fasse échec à la coalition des rois amorites et se voie attribuer la conquête de tout le Sud judéen. À cet égard, on peut mettre en doute que Josué soit venu au secours de Gabaon.

Bien que l’historicité de ce secours soit admise par certains historiens, on peut être sceptique, car le rédacteur transforme le pacte de Jos 9 en un accord politique et militaire entre Gabaon et Israël, mais d’un tel accord nous n’avons aucune preuve.

Le fait que le combat contre les rois amorites ait lieu en rase campagne n’est pas un argument suffisant pour justifier le caractère vraisemblable de la bataille de Gabaon. La rédaction des chapitres 10 et 11 du livre de Josué place les combats sous l’autorité de Josué. À y regarder de près, c’est à partir de Jos 10 que Josué devient un chef d’armée et un conquérant.

La conquête du Nord (Jos 11,1-11)

Quoique sous une forme abrégée, Jos 11 offre bien des ressemblances avec le chapitre 10. En effet le texte évoque une coalition contre Israël, coalition qui a à sa tête Yabîn, roi de Haçor, et qui rassemble, outre le roi de Madôn, les rois qui sont au nord (Jos 11,2). Il s’agit là encore d’un récit de guerre sacrale où Dieu donne la victoire à son peuple. Une fois encore, c’est Josué qui exécute fidèlement les ordres de Dieu (vv. 4-9).

Ce récit est en quelque sorte complété par la prise de la ville de Haçor qui est incendiée (vv. 10-11).

La conclusion se trouve, du moins pour l’ensemble formé par Jos 10-11, en Jos 11,16-17 : « Josué prit tout ce pays… depuis le mont Halaq qui s’élève à Séïr jusqu’à Baal-Gad dans la vallée du Liban au pied du mont Hermon ; il s’empara de tous leurs rois, les frappa et les mit à mort. »

À propos de la destruction de Haçor et du rôle joué par Josué, on a cru bon d’invoquer le témoignage de l’archéologie. Y. Yadin, archéologue israélien qui a fouillé Haçor de 1955 à 1958, puis en 1968 , estimait que la strate XII qui succède à la destruction de la ville par un incendie était israélite. Avec précaution il pensait que cet incendie pouvait être attribué à Josué. Les fouilles ont repris à Haçor depuis 1990 sous la direction de A. Ben-Tor qui voudrait pouvoir répondre à ces deux questions : qui a détruit la ville ? et à quelle date ? De telles questions légitimes ne sont pourtant pas du ressort de l’archéologie seule.

Conclusion

Au terme de cette lecture de Jos 2-11, il apparaît avec force que dans une première partie, Jos 2-9, on se trouve en présence de récits fictifs qui du point de vue géographique concernent le territoire de la seule tribu de Benjamin avec comme noms de lieu Guilgal, Jéricho, Aï et Gabaon. Par contre en Jos 10-11 on a affaire à des récits qui de manière schématique évoquent la conquête du pays sous la conduite de Josué, d’abord celle du Sud judéen, puis celle du Nord d’Israël. Ainsi seuls les chapitres 10 et 11 décrivent une conquête militaire dont le schématisme est évident et dont la valeur historique est inexistante.

En aucun cas Jos 1-12 ne peut être considéré par l’historien comme le récit de LA conquête du pays par les tribus d’Israël sous la conduite de Josué. Autrement, on aboutit à une vision caricaturale comme on le voit chez I. Finkelstein. Dès lors on peut se risquer à faire l’hypothèse qu’avant la rédaction deutéronomique qui renforce la rhétorique de la conquête et donc de la guerre, le texte de Jos 10-11 a d’abord été composé pour servir de revendication territoriale alors que le royaume d’Israël avait disparu comme tel en 722 et que le royaume de Juda était envahi par les Assyriens. Nous sommes à l’époque du roi Ézékias (716- 687), en tout cas après 701 et le siège de Jérusalem par Sennakérib, roi d’Assyrie. Après cela, une relecture deutéronomique ne fera qu’accentuer la revendication territoriale.

Voir enfin:

Faut-il prier au complet le psaume 136 (137)?

Marc Girard

Spiritualité 2000

Depuis le dernier concile, l’Église a occulté, dans les livres officiels, les versets 7 à 9 du Psaume 136 (137), jugés trop intolé­rants pour ne pas dire anti-chrétiens. L’auteur nous propose une « réconciliation » avec ce psaume, dans son intégralité.

Les pleurs du souvenir (v. 1-4)

En exil loin du pays natal, la population de Jérusalem pleure à chaudes larmes. Plongé dans la noirceur complète, le passé devient un rêve, on l’idéalise. Les « harpes » suspendues aux branches des « saules » révèlent que le peuple a perdu le goût du chant, du culte et de la fête. Jésus a pleuré sur Jérusalem: il sentait la fin proche, et pour lui-même et pour la ville. Comment ne pas être pris de nostal­gie, à songer aux pierres gigantesques du Temple, à la splen­deur du palais royal, aux foules grouillantes, aux pèlerina­ges somptueux, aux milliers de bêtes qui parfu­maient les rues et les plon­geaient dans le tintamarre? Bien des croyants, chez nous, pleurent les heures de gloire révolues de l’Église. On regrette les églises remplies à craquer, les cérémonies grandioses, l’unanimité aux plans de la doctrine et des pratiques, la collaboration étroite entre les pouvoirs politique, social et religieux…

Le scandale de l’oubli (v. 5-6)

Si l’on en croit le psalmiste, le dessèchement de la mémoire entraîne le dessèchement des mains (v. 5) et de la langue (v. 6). Pour les Israélites, oublier Jérusalem signifie abandonner l’idée de la rebâtir un jour et de chanter à nouveau sa gloire et ses louanges. De nos jours, une masse assez considérable de baptisés semblent vouer à l’oubli leur mère Église, nouvelle Jérusalem. Cette amnésie paralyse chez eux toute volonté de collabo­rer à sa restaura­tion, à sa reconstruction, à son rajeu­nisse­ment.

Chicane de famille (v. 7)

Les Israélites, éprouvés par l’exil, gardent une dent contre les Édomites. Les deux peuples sont des frères de sang: le premier descend d’Israël l’ancêtre (autre nom de Jacob), le second a pour ancêtre Édom (surnom d’Ésaü frère de Jacob). Or, durant le siège de Jérusalem qui a précédé l’exil, les Édomites ont collaboré avec les Babyloniens pour mettre la ville à feu et à sang. En Israël, on en garde une rancœur indéracinable!

Drame éternel, s’il en est! Jésus lui-même n’a-t-il pas été trahi, rejeté, mis à mort par la conspiration de ses frères juifs? Et que dire de nos familles à nous? Entre frères et sœurs, il n’est pas rare qu’on se donne des coups de couteau dans le dos… Dans l’Église également, des groupes et mouvements qui devraient se voir comme des partenaires s’érigent en rivaux, au risque de fragiliser l’unité. Pour un poète de l’antiquité, c’était déjà beau de se contenter de cette supplique: «Souviens-toi, Seigneur, des fils d’Édom!»

Empêchement de famille (v. 8)

Mais l’auteur dépasse les bornes quand il s’en prend au peuple envahisseur. Il lui souhaite doublement malheur: être un jour envahi comme il a lui-même envahi Jérusalem; et voir ses bébés naissants écrasés sans pitié contre le rocher! Le psaume se termine donc sur une image macabre et dégoûtante de feu et de sang. Un «empêchement de famille» radical!

Comment Jésus a-t-il pu, le cas échéant, mettre sur ses lèvres de telles paroles? Et nous, comment prier ce psaume de vengeance? Le précepte évangélique de l’amour des ennemis nous interdit d’utiliser de pareilles formules de vengeance contre des personnes. Mais pourquoi ne pas continuer à en faire une arme de combat spirituel contre tous les pouvoirs oppressifs de la planète? Il suffirait de réviser nos traductions de manière à viser davantage les phénomènes. Tous les systèmes injustes — politiques, sociaux, économiques — ont un taux de fécondité élevé et se reproduisent sur le dos du petit peuple et des pauvres. Il importe de développer des techniques de «contraception» efficaces contre le Mal. Pourquoi ne pas exprimer notre espérance qu’un jour toutes les dictatures et tous les impéria­lismes disparaî­tront grâce à l’intervention de Dieu? De toute urgence, le Mal doit cesser de se répandre sans que personne n’intervienne! N’avons-nous pas en main, pour le mettre en échec, le pouvoir mystérieux de la Parole de Dieu? Les impréca­tions du psautier peuvent aider en ce sens.

Autour de Babel (v. 1-2)

Les habitants de Jérusalem en exil sont relégués dans les campagnes, «au bord des fleuves», à proximité des canaux d’irrigation où l’on détour­ne l’eau du Tigre et de l’Euphrate de manière à faire verdir des terrains. Aux rigoles fertilisantes se mêle… un flot de larmes! Jésus, priant ce psaume, a pu anticiper, l’angoisse de sa propre déportation «au bord des fleuves» symboliques de la mort. Les communautés chrétiennes délogées ou simplement les personnes et les groupes humains déraci­nés pourront aussi se reconnaître dans l’état d’âme triste et pesant exprimé au début du psaume.

Au tour de Babel ! (v. 8)

Dans la Genèse (11, 1-9), Babylone s’était rendue célèbre avec sa tour inachevée: dans leur orgueil­leux projet, les habitants s’étaient fait jouer… un tour! Il en va de même dans notre psaume: on s’en est pris à la ville sainte Jérusalem et on pense avoir réussi à la «raser jusqu’aux assises» (v. 7). Mais le peuple de Dieu peut se conso­ler: très bientôt ce sera le tour… de Babylone!

Il ne s’agit pas du tout de profiter du dernier verset de ce psaume pour dégorger notre haine ou nos frustrations personnelles ou collectives! Il convient de lire et de prier le texte plutôt comme une constata­tion d’expérience et de sagesse. On ne souhaite aucun malheur à personne, certes. Mais on prend conscience et on affermit sa conviction que le Mal sous toutes ses formes n’a aucune espèce d’avenir durable: tyrannie politi­que, exploitation économique, domina­tion sociale… C’est l’effet boomerang: on peut bien projeter au loin l’instrument de mort, il aura tôt fait de revenir au point de départ pour extermi­ner son utilisateur! L’histoire récente a vu des dictateurs inhumains de cruauté finir leurs jours déchus ou assassi­nés comme des bêtes…


Antisémitisme: C’est les piqûres de moustiques, imbécile! (It’s the thousand mosquito bites, stupid!)

15 juin, 2012
Lingua Tertii Imperii — WikipédiaL’oppression mentale totalitaire est faite de piqûres de moustiques et non de grands coups sur la tête. (…) Quel fut le moyen de propagande le plus puissant de l’hitlérisme? Etaient-ce les discours isolés de Hitler et de Goebbels, leurs déclarations à tel ou tel sujet, leurs propos haineux sur le judaïsme, sur le bolchevisme? Non, incontestablement, car beaucoup de choses demeuraient incomprises par la masse ou l’ennuyaient, du fait de leur éternelle répétition.[…] Non, l’effet le plus puissant ne fut pas produit par des discours isolés, ni par des articles ou des tracts, ni par des affiches ou des drapeaux, il ne fut obtenu par rien de ce qu’on était forcé d’enregistrer par la pensée ou la perception. Le nazisme s’insinua dans la chair et le sang du grand nombre à travers des expressions isolées, des tournures, des formes syntaxiques qui s’imposaient à des millions d’exemplaires et qui furent adoptées de façon mécanique et inconsciente. Victor Klemperer (LTI, la langue du IIIe Reich)
Quel récit collectif sommes-nous capables de mettre en avant qui puisse donner un sens au sacrifice de ces jeunes ? Et l’absence d’un tel récit – qui va au-delà du sens subjectif que chacun d’eux pouvait donner à l’éventualité de mourir au combat et que chacun assumait en s’engageant dans l’armée – dépossède les jeunes soldats tombés du sens de leur mort. Danièle Hervieu-Léger
Je conteste le mot de guerre, je le conteste totalement. Hervé Morin (ministre français de la Défense)
Avec un président qui se présente lui-même comme “normal”, on s’attendait à revenir à moins d’emportement dans la gestion politico-médiatique de l’actualité, fut-elle dramatique comme l’est la mort de militaires français en Afghanistan. On pensait, naïvement sans doute, en avoir fini avec la manière du président Sarkozy, tout en vives colères et émotions sincères. Las ! C’est pire encore… (…) Bref, le chef de l’Etat donne à l’action d’un insurgé kamikaze un poids politique démesuré et envoie un message à tous les insurgés afghans : quatre morts français suffisent à bouleverser l’agenda des trois principaux personnages de l’Etat en charge de la défense ! Imagine-t-on Barack Obama dépêcher son secrétaire à la Défense en Afghanistan pour quatre morts ? Jean-Dominique Merchet
J’essayerai de faire la distinction entre vie publique et vie privée. François Hollande (25 avril 2012)
Moi président de la République, je ne serai pas le chef de la majorité. François Hollande  (le 2 mai 2012)
Dans cette circonscription de Charente-Maritime, Ségolène Royal est l’unique candidate de la majorité présidentielle qui peut se prévaloir de mon soutien et de mon appui. François Hollande (le 11 juin 2012)
Même si les deux moustachus ont massacré par dizaines de millions par idéologie, les comparer est impossible et même malhonnête!», entend-on souvent. (…)  Parce que les massacres de gauche n’étaient que la conséquence malheureuse d’une volonté de faire le bien, de rendre l’humanité heureuse par la dictature du prolétariat et l’élimination de la propriété privée. L’intention initiale était bonne, ça a juste un peu dérapé. A droite, en revanche, on massacrait par pure méchanceté fanatique ou racialiste. Ah bon, être waterboardé à Moscou avant d’être envoyé briser de la glace en Sibérie, c’était mieux que d’avoir les ongles arrachés à Berlin avant d’être expédié casser des cailloux à Mauthausen parce que le projet sous-jacent était positif? ― Je ne le dirais pas aussi crûment pour ne pas passer pour un crétin sophiste, mais oui, c’est ça… (…) Sur de nombreux plans,  [extrémistes de droite et extrémistes de gauche] disent d’ailleurs à peu près la même chose: ils n’aiment ni l’Europe, ni les Etats-Unis, ni Israël, ni le capitalisme, ni le libéralisme, ni les banques, ni la Bourse et aimeraient bien qu’on arrête d’importer des T-shirts fabriqués à Shanghaï. Mais ce sont des opinions qui, à défaut d’être subtiles ou intelligentes, restent légitimes et on trouve parfois les mêmes au sein des grands partis. Là où ils divergent franchement, c’est sur la question du rapport à «l’autre». A cette aune, aucun doute: l’extrême droite du moment, clairement xénophobe, violemment anti-immigrés, volontiers islamophobe, n’est pas fréquentable et ses valeurs sont rigoureusement incompatibles avec celles d’une grande formation politique et républicaine. Hugues Serraf
Qui a tué ces enfants juifs ? Sommes nous certains que c’est Merah et doit on croire la version officielle malgré les zones d’ombre ? Mathieu Kassovitz
Il est temps de mettre fin à l’impunité d’Israël et d’insister sur les mêmes critères d’égalité, de justice et de respect de la législation internationale que nous exigeons des autres Etats. Eric Cantona ( lettre ouvert à Michel Platini, président de l’UEFA)
Comment qualifier, au cours de la guerre entre Israël et Gaza la mort par bombardement « classique » de 22 membres d’une même famille ? : S’agit-il d’un crime de guerre, d’un crime contre l’humanité ou d’un génocide ? Etude de cas de médecine humanitaire (Faculté de Médecine de Bichat, 12 juin 12012)
En ce qui concerne le score élevé obtenu par Marine Le Pen, représentant le Front National, un parti d’extrême droite fondé par un antisémite, Jean-Marie Le Pen, on ne s’attend pas à ce qu’il exerce une influence quelconque sur la politique à l’égard des juifs de France. L’islam et l’immigration étaient les sujets mis en avant par son programme et Marine Le Pen a tenté de complaire à la communauté juive comme si le passé du Front National et/ou les positions de certains de ses dirigeants toujours influents n’étaient pas connus. Le Front National a de vieux comptes à régler avec le parti de Nicolas Sarkozy et un accord  politique entre eux n’est pas possible. (…) Au cas où François Hollande serait élu président de la France, pour la communauté juive, la question centrale porterait sur l’influence que pourraient exercer ces dirigeants socialistes qui ont une vision négative de la politique d’Israël et, au-delà d’eux, les partis gauchistes et les Verts qui manifestent une profonde hostilité à Israël et qui sont au premier rang de tout mouvement, déclaration ou pétition anti israélienne. Le fait que Jean-Luc Mélenchon, leader charismatique du renouveau du parti communiste, a réalisé un score plutôt décevant de 11 % pourrait réduire son impact sur la politique étrangère de la France, mais on devrait s’attendre à une remontée interne des manifestations antisionistes. Richard Prasquier

Attention: une lâcheté peut en cacher bien d’autres!

A l’heure où, derrière la multiplication de postures aussi vides les unes que les autres (comme la simplicité purement ostentatoire d’une réduction de 30% des salaires des ministres largement compensée par la multiplication par 1,5 de leur nombre ou le numéro de Pleureuse en chef pour  la mort de quatre « non-combattants » en Afghanistan – combien de cérémonies nationales encore pour ceux qui, sauf si on les cache sur leur bases, vont inévitablement suivre?), notre nouveau Démagogue en chef de l’Elysée se prépare avec ses alliés néo-communistes à avoir en main, première en 5e république (entre la présidence, le Sénat, l’Assemblée, 21 régions sur 22 et une majorité des départements, grandes villes et communes et sans compter leurs amis sinon conjointes journalistes !), la quasi-totalité des leviers du pouvoir   …

Tout en interdisant, derrière la facile dénonciation de l’épouvantail du Front national et la tétanisation induite d’une droite qui malgré tous ses discours n’a jamais vraiment  non plus pris la mesure des problèmes, toute véritable discussion d’une immigration notamment musulmane largement hors de contrôle et dont il n’est même plus exigé, réserve de voix oblige, qu’elle s’intègre

Comment ne pas repenser, entre twits ou sites conspirationnistes, lettres ouvertes dénonciatrices, questions d’examen insidueuses pour nos étudiants, menaces de privation de prix littéraire, sauve-qui-peut généraux en Afghanistan ou  conférences surréalistes face aux Palestiniens, à cette infinité de petits renoncements qui finissent par faire les grandes lâchetés?

Autrement dit, pour reprendre le mot du résistant antinazi Victor Kemperer, à  ces « milliers de  piqûres de moustiques » dont se construit peu à peu « l’oppression mentale totalitaire » ?

Une question particulière

 Richard Prasquier

CRIF

13 Juin 2012

Hier (mardi 12 juin 12012, ndlr.), lors d’un examen à la Faculté de Médecine de Bichat les étudiants ont eu à répondre une question de médecine humanitaire très particulière (le texte est publié dans la Newsletter) : comment qualifier, au cours de la guerre entre Israël et Gaza la mort par bombardement « classique » de 22 membres d’une même famille ? : S’agit-il d’un crime de guerre, d’un crime contre l’humanité ou d’un génocide ?

Richard Prasquier

En tout cas, il s’agit bien d’un « crime », cela ne peut pas être discuté, puisque il n’y a pas d’autre réponse possible. Donc Israël est un état qui fait au minimum des crimes de guerre, donc c’est un état criminel. Fermez le ban, c’est le Professeur qui a posé la question qui l’affirme.

Les étudiants les plus indulgents envers Israël ont eu le droit de répondre qu’il ne s’agit pas d’un génocide, mais je ne suis pas sûr que la réponse désirée, qui donnait le maximum de points n’était pas « génocide ». En tout cas, connaissant les orientations de l’examinateur, mon petit doigt me dit que répondre « génocide » n’était pas éliminatoire…

Au fait, qui est l’examinateur ? Il s’agit du chirurgien Christophe Oberlin. Le professeur ne fait pas que de la chirurgie, fût-elle humanitaire. Il fait aussi de la politique. Il a été tête de liste aux élections européennes de 2004 sous la bannière d’Euro-Palestine, avec la présidente de la Capjipo et Dieudonné, ce grand humaniste obsessionnel qui a fait rire dans le passé.

Autrement dit, M.Oberlin se situe à la pointe extrême de la haine contre Israël et de la promotion du Hamas qu’il fait d’ailleurs continuellement, sans s’arrêter sur le fait (négligeable ?) que c’est une organisation reconnue comme terroriste dans notre pays et ailleurs.

Il vient d’écrire un livre sur son expérience à Gaza et c’est probablement là que se trouve la réponse à l’ignoble question qu’il pose dans cet examen.

Cette question en appelle évidemment une autre : comment une formulation manifestement destinée à implanter de façon pavlovienne dans la tête des étudiants en médecine qu’Israël est un état criminel, peut-elle être posée dans un examen sans soulever de réaction des autorités académiques ?

Chacun dit qu’il ne faut pas importer le conflit en France. On voit tous les jours les dramatiques conséquences de cette importation. M. Oberlin y contribue de toutes ses forces. Il n’a pas le droit d’utiliser l’Université pour déverser ses haines sélectives. Qu’il aille exercer ses talents en Syrie, où on a vraiment besoin de ses compétences.

Mais, que voulez-vous, pour lui comme pour d’autres, hors de Gaza, il n’y point d’indignation…

Richard Prasquier

Président du CRIF

Voir aussi:

Complots

Législatives : une tache rouge-brune dans la campagne du Front de Gauche

Ornella Guyet

Rue 89

30/05/2012

René Balme, investi dans le Rhône par le mouvement de Jean-Luc Mélenchon, anime le site Oulala.net, à la ligne complotiste et aux contenus nauséabonds.

Dans la onzième circonscription du Rhône, le Front de Gauche présente aux législatives René Balme, maire de Grigny, très implanté localement. Pourtant, l’examen attentif d’un des sites web qu’il anime (et qui est très fréquenté) pose question quant à certaines de ses orientations politiques : on y trouve en effet des textes dont le contenu paraît pour le moins très éloigné des valeurs qu’entend défendre le Front de Jean-Luc Mélenchon.

Côté pile, René Balme est maire de Grigny dans le Rhône. Ancien militant CGT et PCF (qu’il a quitté en 1997), il a rallié le Parti de Gauche en 2009.

Côté face, René Balme est le fondateur et l’animateur depuis 2001 de Oulala.net (à l’origine sous le pseudonyme de Gilles Lestrade), un site marqué par sa ligne éditoriale complotiste, sur lequel on retrouve nombre d’écrits dignes de l’extrême droite la plus crasse et pour lequel Balme revendique de 8 000 à 10 000 visiteurs par jour.

Obsession antisioniste

On y trouve par exemple des textes comme « Dire aux juifs leurs quatre vérités » écrit par l’auteur britannique Paul Eisen qui s’est illustré par des propos à connotation négationniste.

Dans la même veine, on peut aussi y lire des interviews ou des renvois vers des textes d’autres auteurs antisionistes, comme Israel Shamir ou Gilad Atzmon, qui sont considérés par la plupart des défenseurs sincères de la cause palestinienne comme des imposteurs qui salissent cette cause avec leur obsession confinant à l’antisémitisme.

En France, l’Union juive française pour la paix (UJFP) a également condamné à plusieurs reprises les écrits de Atzmon, de même que récemment le journaliste du Monde diplomatique Dominique Vidal qui les a qualifiés de « prose digne du Völkischer Beobachter » (le journal officiel du parti nazi). Nombre de ces écrits sont traduits par Marcel Charbonnier, relais habituel de ces auteurs en langue française.

Homophobie et éloge de dictatures

On peut également y lire un texte à relents homophobes, « L’homosexualisme, cette idéologisation de l’intimité… », qui a pour auteur un certain Camille Loty de Malebranche, qui se présente comme un philosophe et est un habitué des colonnes de Oulala.net. Le terme « homosexualisme » n’apparaît ailleurs sur le Net que dans des publications relevant du traditionalisme chrétien et de l’extrême droite.

Capture d’écran de l’article de Oulala.net sur le film de Dieudonné (Oulala.net)

Mieux : un autre des habitués du site de René Balme, Serge Uleski, a publié le 12 février 2011 un article faisant la promotion d’un livre d’Alain Soral (introuvable après la publication de cet article), puis le 28 avril 2012 du dernier film de Dieudonné (même chose), « L’Antisémite », réalisé avec des fonds iraniens. Rappelons que suite aux révélations du site Opération Poulpe, le Front de Gauche a désinvesti il y a quelques mois Philippe Marx, qui était candidat dans la région de Villerupt (Meurthe-et-Moselle), pour des faits similaires.

Les thèses conspirationnistes sont également à leurs aises sur Oulala.net. Les exemples sont légion. On y trouve :

des textes faisant la promotion du mouvement techno-scientiste new age Zeitgeist ;

des théories du complot sur le 11 Septembre diffusées par l’association ReOpen911, Thierry Meyssan ou le polémiste américain et ex-proche de Lyndon LaRouche Webster G. Tarpley ;

des écrits dénonçant le prétendu complot du Club Bilderberg ;

des articles de la blogueuse conspirationniste Chantal Dupille dite Eva R-sistons dont les sympathies pour le négationniste Roger Garaudy – ce « grand penseur » – sont affirmées ;

un texte repris du complotiste d’extrême droite américain Alex Jones suggérant que l’épouse de Barack Obama serait une « illuminati » (un délire pointé par Conspiracy Watch) ;

des articles plus que complaisants avec des dictateurs (Milosevic, Gbagbo, Kadhafi, Ahmadinejad, el-Assad), quand ils n’en font pas tout simplement la promotion sous couvert d’anti-impérialisme, et même une retranscription d’un discours d’Hassan Nasrallah, chef du Hezbollah, repris d’Al-Manar en 2006.

Une ode à l’Iran

Les médias et télévisions de régimes dictatoriaux ou ayant des dérives autoritaires sont chez eux sur Oulala.net, qui relaie Russia Today, l’Irib (Iran), etc.

René Balme s’est inspiré de la télévision vénézuélienne Vive TV pour créer Vivé (pour « vidéo-vérité »), « école internationale de vidéo et de TV participative » après un voyage en 2006 au pays d’Hugo Chavez.

Parmi les défenseurs des dictatures, on trouve l’Algérien Chems Eddine Chitour, professeur à l’école polytechnique d’Alger et auteur notamment d’un article intitulé « Le développement technologique de l’Iran, un résistant contre le nouvel ordre mondial ». Ailleurs, le même dénonce « les puissants lobbies juifs dont le pouvoir repose sur l’argent, les médias et l’intelligence » sur le site « national-révolutionnaire » VoxNR de Christian Bouchet (FN).

Une longue interview de Thierry Meyssan

Une visite sur le blog personnel du maire de Grigny nous apprend en outre qu’en 2007, il a longuement interviewé Thierry Meyssan pour sa webTV Vivé, tandis que que le 30 mai 2011, sous couvert d’anti-impérialisme, il nous conseillait la lecture d’un « excellent article » de Thierry Meyssan paru sur le site du Réseau Voltaire expliquant que l’affaire du Sofitel de New York est un complot américain contre DSK.

Le même jour dans le même article, M. Balme invite à approfondir le sujet de la main-mise américaine sur l’économie mondiale au travers d’un article issu du site Mecanopolis, une officine suisse liée au Réseau Voltaire et classée à l’extrême droite du champ politique.

Bien entendu, Mecanopolis est également relayé sur Oulala.net, notamment au travers du « rapport sur le mondialisme » de Pierre Hillard, un catholique intégriste et théoricien français du « nouvel ordre mondial ».

Dans ces conditions, comment s’étonner de ce que René Balme ait invité, à la dernière édition du salon du livre alternatif qu’il a organisé dans sa commune, un des animateurs du site rouge-brun LeGrandSoir.info, Maxime Vivas ?

Les explications de René Balme

Interrogé, René Balme indique que Oulala.net est géré par « un collectif très ouvert » et que les gens qui le composent « peuvent donner leur sentiment, des conseils de lecture » sur le site, dont tous les articles sont relus.

« Tout peut être publié à condition que ça puisse être débattu, les forums sont là pour ça. » Avec une limite : « La règle, c’est pas de propos racistes, antisémites ni d’injures. »

A propos de la présence sur ce site d’articles invitant à la lecture du dernier Soral ou au visionnage du dernier Dieudonné, il esquive :

« Ce sont les contributeurs qui doivent assumer leurs écrits. C’est comme sur les blogs de Rue89 : tous les blogs de Rue89 ne respectent pas forcément la ligne éditoriale du site. Ça fait partie de la liberté d’expression, ça ne veut pas dire qu’on cautionne. On a pour politique de ne retirer aucun article publié. »

Et René Balme précise :

« Oulala.net est un site qui n’a rien à voir avec le candidat René Balme, je n’en suis que l’administrateur. »

Quid alors de la présence sur son blog personnel d’une interview de Thierry Meyssan et d’un texte citant complaisamment Mecanopolis ?

« Thierry Meyssan a le droit de s’exprimer. Ses analyses permettent de comprendre des choses et de comprendre le monde et il est le seul à les dire. Je vais chercher des infos chez lui, ça ne veut pas dire que je partage ses idées.

Je ne connais pas très bien Mecanopolis, mais ça, c’est le microcosme médiatique français qui a décidé de donner des étiquettes à tout le monde. Quand j’y trouve une analyse que je veux partager, ça ne veut pas dire que j’y souscris entièrement. Je ne veux pas rester dans une tour d’ivoire, je suis ouvert sur le monde. Je ne veux pas être enfermé dans telle ou telle catégorie. Parfois, il y a des choses très intéressantes qui doivent être mises sur le devant de la scène. »

Et de conclure :

« J’ai pour habitude d’assumer tout ce que j’ai écrit et fait et je suis un homme de gauche. »

La réponse du Front de Gauche

Sollicité de son côté par le Mouvement contre le racisme et pour l’amitié entre les peuples (Mrap) pour expliciter son programme, le Front de Gauche déplore « la multiplication des sites internet négationnistes et racistes » et s’engage à poursuivre les « sites qui propagent la haine raciste, l’incitation à la violence contre les personnes et attaquent les militants antiracistes ».

Alexis Corbière, conseiller de Jean-Luc Mélenchon chargé de « la riposte contre l’extrême droite et le Front national » au sein du Front de Gauche nous a confirmé cette orientation : Alain Soral et Dieudonné sont considérés par son organisation comme des « ennemis politiques clairement identifiés » et des « antisémites » et « aucune complaisance » ne saurait être acceptée avec l’extrême droite et ses idées.

Ne connaissant ni René Balme ni son site, il promet que le Front de Gauche et le Parti de Gauche vont se pencher sur son cas dans les semaines à venir afin de déterminer quelles suites il conviendra de donner à cette affaire, après avoir entendu le principal intéressé.

 Voir encore:

Mahmoud Abbas et Francois Hollande : une conférence de presse surréaliste

Hélène Keller-Lin

9 juin 2012

De toute évidence soutenu dans ses demandes, Mahmoud Abbas présente à Paris un invraisemblable catalogue de demandes préalables à tout dialogue, avant même de reprendre des négociations avec Israël…A savoir, dans un premier temps, relâcher les prisonniers palestiniens – emprisonnés aprés avoir été jugés en bonne et dûe forme ou en attente de jugement -, laisser entrer des armes supplémentaires pour la police palestinienne, geler les constructions en Judée Samarie et accepter les  » frontières » de 1967, etc…Francois Hollande ne tiquera qu’à propos des armes…

Voir la vidéo

En préambule de la conférence de presse commune donnée par Mahmoud Abbas et Francois Hollande au sortir de leur rencontre à l’Élysée, le Président de la République soulignait l’importance accordée par la France à son hôte palestinien, recu la veille par Laurent Fabius dans un climat de grande proximité, d’ailleurs, et avec la remise d’un chèque de 10 millions d’euros, puis par le Premier ministre francais avant cette rencontre à l’Élysée.

Francois Hollande précisait toutefois que la France a également de bons rapports avec Israël et qu’il avait recu un émissaire israélien quelques jours plus tôt. On notera la différence de niveau, même si le Président de la République disait être « en contact » avec le Premier ministre israélien. Le rôle de la France étant donc, disait-il, de faciliter une avancée vers la paix et de faire passer des messages pour contribuer à faire progresser les chances d’une paix dans la sécurité entre les deux parties. Être « utile » donc. Il mettait l’accent sur la nécessité de négociations. Le Président de la République se placait là dans une continuité du rôle de la France, évoquant notamment le discours de Francois Mitterand à la Knesset.

Libérer tous les prisonniers palestiniens et laisser entrer plus d’armes avant tout dialogue…

Mais là où le discours devint surréaliste, ce fut quand le plus tranquillement du monde, Mahmoud Abbas posait un ensemble de conditions pour reprendre un « dialogue » dans un premier temps et non pas des négociations. Le dirigeant palestinien entend, en effet, que tous les prisonniers palestiniens soient libérés, même s’il ne cite que deux grévistes de la faim. Or, ces prisonniers ne sont pas des délinquants de droit commun mais des terroristes. La grande majourité d’entre eux ayant été jugés et condamnés en bonne et due forme, défendus par des avocats comme cela se fait dans tout État démocratique. Certains détenus sont en attente de jugement, ce qui se pratique partout.

Francois Hollande n’a semblé trouver rien à redire à cette demande….

A ce propos les personnes arrêtées par les forces de sécurité palestinienne ne bénéficient pas de telles conditions, comme on vient de le voir, par exemple, avec les arrestations à Jénine. Ces personnes sont détenues dans une prison de Jéricho à la sinistre réputation sans que des charges aient été prononcées et le sort de certaines est incertain…Il y a eu également des arrestations à Betléhem, Naplouse, Hébron. Une cinquantaine de personnes ont été arrêtées à ce jour. Il semble que l’Autorité palestinienne tente de réatablir l’ordre dans une région qu’elle ne parvenait plus à contrôler…

C’est cet état de non droit que l’Autorité palestinienen a laissé s’instaurer dans cette région qui aurait motivé la demande présentée par Mahoud Abbas à Paris, à savoir que les autorités israéliennes permettent l’entrée de plus d’armes dans les territoires contrôlés par Mahmoud Abbas…Francois Hollande, lui-même, mettait un bémol à cette demande, en soulignant un côté  » qui pourrait inquiéter »…et préconisant la prudence. En effet, compte tenu de l’incitation anti-israélienne et antisémite diffusée au quotidien par l’Autorité palestinienne et qui ne fut, bien entendu pas évoqué, la plus grande circonspection en la matière s’impose ici…

Conditions préalables pour négocier, rien n’a changé : gel de la « colonisation », « frontières » de 67, etc.

Mahmoud Abbas était très clair sur ce point : si Israël libérait « les prisonniers » – tous donc – et autorisait l’entrée d’armes supplémentaires, alors les Palestiniens – de Judée Samarie – accepteraient de reprende un dialogue, et non pas des négociations. Pour ce faire il faudrait un gel total de « la colonisation »dont Mahmoud Abbas affirmait qu’elle est prévue dans tous les traités internationaux, y compris ceux qui ont été signés par Israël. Ainsi que l’acceptation des  » frontières » de 1967. Ce qui, selon lui, ne seraient donc pas des conditions préalables. Francois Hollande approuvait. Mais faisait un contresens, estimant que cette demande n’est plus une condition préalable palestinienne….

En fin de conférence de presse Mahmoud Abbas ajoutait pêle-mêle la question de l’eau, des réfugiés, de Jérusalem….Bref, la position palestinienne n’a guère progressé d’un iota..au contaire puisque de nouvelles demandes sont venus s’ajouter. Avec le soutien de la France, semble-t-il.

Le couplet du dirigeant palestinien sur une soi-disant volonté de ne pas isoler ou délégitimer Israël ne concernait que ceux qui ignorent la réalité, à savoir l’ensemble de campagnes anti-israéliennes mises en oeuvre par l’autorité palestinienne, dont la campagne de boycott ou autres « flotilles »…

Mahmoud Abbas ne semble avoir bougé que sur un point, contraint en cela par les réalités constatées en septembre dernier à l’ONU : si les négociations ne reprennent pas, et on ne voit pas comment elles le pourraient compte tenu des exigences palestiniennes actuelles, et si le Conseil de Sécurité n’accepte pas la demade de création d’un Etat palestinien, alors une demande de statut d’Etat non membre, à l’instar du Vatican ou de la Suisse serait présentée à l’Assemblée générales des Nations unies, comme Nicolas Sarkozy l’avait d’ailleurs suggéré alors. Cela se ferait apparemment avec l’aval de la France qui va mettre sur pied un séminaire inter-gouvernemental destiné à améliorer le niveau des relations franco-palestiniennes, annoncait Francois Hollande en fin de conférence. Enseignement du francais et promotion de la culture francaise devraient également connaître une embellie dans les Territoires palestiniens.

Voir enfin:

Non, l’extrême droite, ce n’est pas comme l’extrême gauche

L’extrême gauche n’est plus que grotesque, c’est l’extrême droite qui reste infréquentable.

 Hugues Serraf

Slate

14/06/2012

Les «valeurs de l’extrême droite», qui conviennent à Nadine Morano et, au minimum, ne défrisent pas Gérard Longuet, sont-elles plus scandaleusement a-républicaines que les «valeurs de l’extrême gauche»? On peut se poser la question.

On verra bien où ça nous mène.

L’idée générale, c’est que les valeurs propagées par l’extrême droite gauloise contemporaine continuent de renvoyer aux zeures les plus sombres des grands totalitarismes ouest-européens (nazisme, fascisme…) et leurs avatars allongés à l’eau bénite (franquisme, pétainisme). On est d’accord: ce n’est pas très ragoûtant.

Symétriquement, les valeurs véhiculées par l’extrême gauche actuelle rappelleraient les zeures les plus rouges des totalitarismes est-européens ou asiatiques (léninisme, stalinisme, maoïsme…). Ça ne met pas beaucoup plus en appétit en termes de morts/kilomètres…

Pour autant, ni l’extrême droite ni l’extrême gauche organisées en partis officiels et présentant des candidats aux élections ne revendiquent expressément ces filiations. Oh, on dénichera toujours un lecteur de Mein Kampf chez Marine Le Pen, tout comme un admirateur non-reconstruit du goulag pourra vraisemblablement être repéré chez Pierre Laurent en cherchant bien, mais on serait à la peine s’il fallait faire un lien Web vers la partie de leurs programmes faisant l’apologie d’Adolf ou de Joseph.

«De toute manière, et même si les deux moustachus ont massacré par dizaines de millions par idéologie, les comparer est impossible et même malhonnête!», entend-on souvent.

― Hum… Et pourquoi donc?

― Parce que les massacres de gauche n’étaient que la conséquence malheureuse d’une volonté de faire le bien, de rendre l’humanité heureuse par la dictature du prolétariat et l’élimination de la propriété privée. L’intention initiale était bonne, ça a juste un peu dérapé. A droite, en revanche, on massacrait par pure méchanceté fanatique ou racialiste.

― Ah bon, être waterboardé à Moscou avant d’être envoyé briser de la glace en Sibérie, c’était mieux que d’avoir les ongles arrachés à Berlin avant d’être expédié casser des cailloux à Mauthausen parce que le projet sous-jacent était positif?

― Je ne le dirais pas aussi crûment pour ne pas passer pour un crétin sophiste, mais oui, c’est ça…

Dont acte. Mais puisqu’on a vu qu’extrémistes de droite et extrémistes de gauche ne se réclamaient plus ouvertement de ces idéologies (ou de leurs «dérives» malencontreuses pour le cas numéro 2), est-il encore raisonnable d’ostraciser les uns et de dédouaner les autres sur ces bases? N’est-il pas préférable, pour décider s’ils sont ou non fréquentables, de rester concentré sur ce qu’ils racontent hic et nunc?

Faire des bisous aux patrons du FN, ce n’est pas business as usual

Sur de nombreux plans, ils disent d’ailleurs à peu près la même chose: ils n’aiment ni l’Europe, ni les Etats-Unis, ni Israël, ni le capitalisme, ni le libéralisme, ni les banques, ni la Bourse et aimeraient bien qu’on arrête d’importer des T-shirts fabriqués à Shanghaï. Mais ce sont des opinions qui, à défaut d’être subtiles ou intelligentes, restent légitimes et on trouve parfois les mêmes au sein des grands partis.

Là où ils divergent franchement, c’est sur la question du rapport à «l’autre». A cette aune, aucun doute: l’extrême droite du moment, clairement xénophobe, violemment anti-immigrés, volontiers islamophobe, n’est pas fréquentable et ses valeurs sont rigoureusement incompatibles avec celles d’une grande formation politique et républicaine.

Ça ne veut pas dire que le FN n’a pas le droit de s’exprimer et de coller des affiches malsaines et démagogues sur les murs ―c’est la démocratie―, mais juste qu’on ne peut pas faire des bisous à ses patrons et prétendre que c’est business as usual.

L’extrême gauche, si elle a bien un petit problème avec les juifs (mais ça ne la définit pas), ne dit rien de tel. Elle se contente généralement de rêver au Grand Soir, montrer les dents dans les manifs, de faire battre les sociaux-traitres aux élections. On peut donc discuter avec elle, aller jusqu’à faire entrer une Marie-George Buffet au gouvernement pour faire la soudure au Parlement et ne pas perdre son âme pour autant.

Oui oui, je sais, c’est dur pour l’UMP. Fallait être de gauche, la vie est bien plus simple.


Présidence Hollande: Le vrai modèle de François Hollande (Amateur hour at the Elysee palace)

9 juin, 2012
Chirac IIBarack Obama est un amateur L’économie est une catastrophe (…) Les États-Unis ont perdu leur triple  A. (…) Il ne sait pas ce que c’est que d’être président. (…) C’est un incompétent. Bill Clinton
C’est un Corrézien qui avait succédé en 1995 à François Mitterrand. Je veux croire qu’en 2012, ce sera aussi un autre Corrézien qui reprendra le fil du changement. François Hollande
J’ai pris son visage comme un paysage. Raymond Depardon
C’est clairement un clin d’œil à la photographie amateur, notamment au niveau du format carré : on dirait un polaroïd ou une photo Instagram. On est loin des codes de la photo institutionnelle. François Hollande est dans l’ombre des arbres, et au loin l’Elysée est surexposé. Cette photo, on est tous capable de la faire dans les jardins de l’Elysée. Cet hommage à la photo amateur, c’est une très bonne idée pour un président qui se revendique comme normal. Enfin, le choix de l’extérieur peut être perçu comme un clin d’œil au président Chirac, à cette filiation corrézienne, qui apparaît bien plus forte que l’on aurait pu l’imaginer.  André Gunthert  (Ecole des hautes études en sciences sociales)
Une seule stratégie de campagne s’impose: mentir et tricher. Le vrai modèle de Nicolas Sarkozy n’est pas Angela Merkel, mais un mélange de Silvio Berlusconi et de Vladimir Poutine, avec le vide idéologique de l’un et la brutalité des méthodes de l’autre. Najat Vallaud-Belkacem (porte-parole de François Hollande, 26 février 2012)
François Hollande a tenté, ce soir, d’hypnotiser les Français. François HOLLANDE s’est essayé, ce soir, à un véritable exercice de magie politique. Un exercice qui consiste à faire passer la communication avant l’action. Plutôt que de chercher de réelles convergences de fond avec ses partenaires, François HOLLANDE affiche, en effet, surtout son mode de transport. Plutôt que de se concentrer sur les défis de la dette et du chômage, François HOLLANDE affiche comme un progrès sa présence en plateau télévisé plutôt qu’à l’Elysée. Plutôt que d’ « être » simple, il veut surtout « faire » simple. L’impression, avant l’action. Objectif communication. Pour mieux cacher son impuissance et maquiller son inertie avant les élections législatives, François HOLLANDE a donc décidé, ce soir, de tenter d’hypnotiser les Français. Geoffroy Didier (secrétaire national de l’UMP)
Comme un touriste revenant de son premier voyage, François Hollande n’a pas résisté à la tentation d’égrener le nom des personnalités dont il vient de faire la connaissance, encore tout émoustillé d’avoir été « bien accueilli ». Oui, François Hollande est pour la croissance ! Non, il n’est pas pour la guerre ! Oui, il respecte les gens ! Ce soir, répétant avec délectation « moi, président d’un grand pays », le leader socialiste a multiplié les belles déclarations d’intention. Mais derrière ce débordement de satisfaction, Monsieur Hollande a bien rapidement expliqué pourquoi il avait entrepris d’affaiblir l’Europe à travers la division du couple franco-allemand. Il a bien fugacement détaillé ce que serait sa politique sociale. Il n’a surtout rien dit de sa stratégie de réduction des dépenses publiques, rien dit de sa stratégie de réduction des dépenses publiques, rien dit de la manière dont il favoriserait la croissance et la compétitivité de l’économie française ! L’esquive est toujours le maitre-mot de François Hollande. Camille Bedin (secrétaire national de l’UMP)
Le changement promis par François Hollande se traduit essentiellement par une attitude nouvelle de la Présidence de la République face aux difficultés : l’esquive c’est maintenant ! Nous avons assisté ce soir à une figure politique rare mais maîtrisée, celle de la triple esquive : sur l’Europe, sur le Smic et sur la compétitivité de notre économie. (…) L’esquive paraît être un art consommé chez le nouveau Président de la République, qui doit composer avec une gauche écartelée entre les sociaux-démocrates et les tenants d’une ligne dure. Yvan Lachaud (président des députés du Nouveau Centre)
Depuis plusieurs mois, les attaques contre des soldats étrangers par leurs partenaires de l’Armée nationale afghane se multiplient. (…) Les responsables militaires occidentaux ont été réticents à le reconnaître. Mais depuis plusieurs mois, les attaques contre des soldats étrangers par leurs partenaires de l’ANA se multiplient. Certains y voient une nouvelle stratégie des talibans, qui après les embuscades, les IED (engins explosifs improvisés) et les attaques contre les bâtiments officiels, ciblent désormais les instructeurs étrangers des forces de sécurité, infiltrées par l’insurrection. Ce type d’attaque porte même un nom: «green on blue» (vert contre bleu), en référence aux couleurs des uniformes respectifs de l’ANA et de l’Isaf, la Force internationale d’assistance à la sécurité. Le Figaro
Ce tour de passe-passe qui confine à la politique-spectacle, si vivement critiquée au cours de la présidence précédente, est symptomatique du double langage de Hollande. Sa méthode consiste à envoyer des messages ambigus de façon à ne jamais dire la vérité sans pour autant mentir formellement. Tiraillé entre une opinion publique hostile au conflit afghan et les engagements de la France vis-à-vis de ses alliés, Hollande a choisi une des « synthèses » dont il a le secret depuis ses années à Solferino. En n’ayant jamais montré qu’un visage lisse, sans clarifier aucune de ses positions, il ne peut être pris en défaut que par ceux qui ne lui ont pas accordé leur confiance. C’est une arme politique redoutable que ce style présidentiel… jusqu’au moment où, à force d’essayer de contenter les uns et les autres, Hollande finira par décevoir tout le monde. Hélène Terrom

Attention: un modèle peut en cacher un autre!

Alors que dans son obsession de se démarquer de son prédécesseur, notre Président normal démontre qu’entre drapeau hollandais, flou amateur et « héroïsme contemporain« , on pouvait faire plus nul que le bureau ovale guindé de Sarkozy (yes, we can!) …

Et qu’entre la Syrie et la Russie, commence à apparaitre la crasse ignorance des dossiers internationaux de notre Gesticulateur en chef  …

Pendant que, reprenant le concept obamien de « retrait des forces combattantes » (qui ne sont plus justement, contrairement auxdits instructeurs, (quatre de plus cette semaine) la cible principale des « Afghans soucieux de se construire un « alibi » anti-occidental en vue de l’après retraite américaine », notre maitre à nous du flou artistique et du double langage a commencé la longue liste des reniements flagrants de promesse électorale  …

Décryptage avec deux articles de Causeur …

Et entre  le vide idéologique et l’ambiguïté érigée en méthode de Jacques Chirac comme de Barack Obama …

Du vrai modèle de François Hollande …

Les mauvais choix afghans du président

Il n’y a pas de motion de synthèse sur le champ de bataille

Hélène Terrom

Causeur

07 juin 2012

Il y a deux semaines, François Hollande se rendait en Afghanistan. En tant que chef des armées, le président de la République a tout à fait le droit, sinon le devoir, de se rendre sur le terrain des opérations auprès de nos troupes, sans être accusé de faire campagne pour un parti. Mais en pleine campagne législative, ce déplacement reste lié à l’une de ses promesses de candidat : le retrait de toutes les troupes françaises d’Afghanistan. Cet engagement est l’un de ceux qui devaient marquer la rupture avec le sarkozysme, critiqué pour son atlantisme et son supposé alignement sur la politique étrangère américaine. Or, dans ce domaine on ne peut plus régalien, François Hollande s’est, une fois de plus, fait le chantre de l’ambiguïté. Ainsi aux troupes françaises déployées en Afghanistan et aux électeurs français, le Président-qui-n’est-pas-le-chef-de-la-majorité a annoncé qu’avant la fin de l’année, les « forces combattantes » auront quitté le sol afghan. Afin d’éviter un reniement trop rapide et flagrant de sa promesse électorale, François Hollande a mis en avant un nouveau concept, celui de retrait des « forces combattantes ». La logique du discours de Hollande est simple. Peu importe la formulation exacte de ses déclarations pendant la campagne, ce que les électeurs ont entendu est clair : plus aucun français ne sera envoyé en Afghanistan pour rentrer chez lui dans un cercueil. Puis tout d’un coup, on parle de « combattants » ! Ainsi, les militaires qui se battent contre les Talibans rentreront dans leurs casernes mais tous les accompagnateurs et instructeurs qui aident les forces et le gouvernement afghans, en uniforme ou en civil, continueront leur mission.

Que c’est beau « l’aide au développement » ! Le seul petit bémol à cette idylle est le fait que depuis quelques mois – depuis que la fin de la guerre et la victoire des Talibans ne font plus mystère – ce sont justement ces instructeurs et autres consultants1 qui sont pris pour cible par des Afghans soucieux de se construire un « alibi » anti-occidental en vue de l’après retraite américaine.

Les deux attaques contre les forces françaises des 29 décembre 2011 et 20 janvier 2012 ont coûté la vie à sept de nos soldats et ont été perpétrées par des membres de l’Armée nationale afghane, auxquels la France avait ouvert les portes de ses camps pour les former. Dans les deux cas, les soldats n’étaient pas en posture combattante. Contrairement à un passé récent, le danger vient donc aujourd’hui des hommes que l’on accompagne, que l’on encadre et que l’on forme pacifiquement.

Sans doute celui qui faisait croire qu’il allait imposer un nouveau rapport de force à Angela Merkel et annoncer à ses alliés un changement dans l’engagement militaire français en Afghanistan a découvert l’écart entre l’omnipotence de la parole et les contraintes du réel. N’empêche, ses derniers gestes diplomatiques démontrent que seul compte le message adressé à sa base électorale. Elle qui voit dans l’action extérieure de la France autant de missions inutiles que de pertes superflues.

Ce tour de passe-passe qui confine à la politique-spectacle, si vivement critiquée au cours de la présidence précédente, est symptomatique du double langage de Hollande. Sa méthode consiste à envoyer des messages ambigus de façon à ne jamais dire la vérité sans pour autant mentir formellement. Tiraillé entre une opinion publique hostile au conflit afghan et les engagements de la France vis-à-vis de ses alliés, Hollande a choisi une des « synthèses » dont il a le secret depuis ses années à Solferino. En n’ayant jamais montré qu’un visage lisse, sans clarifier aucune de ses positions, il ne peut être pris en défaut que par ceux qui ne lui ont pas accordé leur confiance. C’est une arme politique redoutable que ce style présidentiel… jusqu’au moment où, à force d’essayer de contenter les uns et les autres, Hollande finira par décevoir tout le monde.

1 Notamment en matière d’enseignement militaire, de gouvernance et de police. ↩

Voir aussi:

Quelle sera la place de Hollande dans le monde ?

Géopolitique de la gesticulation

Noix Vomique

Causeur

07 juin 2012

La semaine dernière, sur le plateau du vingt heures de France 2, surfant sur l’émotion suscitée par le massacre de Houla en Syrie, François Hollande affirmait, non sans une certaine légèreté, qu’une intervention militaire en Syrie n’était « pas exclue à condition qu’elle se fasse dans le respect du droit international, c’est-à-dire par une délibération du Conseil de sécurité » de l’ONU. Il ajoutait qu’il lui revenait « de convaincre Russes et Chinois ». Vendredi, le Président de la République recevait Vladimir Poutine et nous allions donc voir ce que nous allions voir. Finalement, François Hollande n’a évidemment pas réussi à convaincre le président russe du bien-fondé d’une intervention en Syrie. On sentait Vladimir Poutine remonté, se souvenant sans doute des déclarations de Najat Vallaud-Belkacem, porte-parole de François Hollande pendant la campagne présidentielle et aujourd’hui ministre, qui avait comparé en février dernier Nicolas Sarkozy à un « mélange de Silvio Berlusconi et de Vladimir Poutine, avec le vide idéologique de l’un et la brutalité des méthodes de l’autre ». Aussi Poutine s’est-il montré particulièrement cassant : « Regardez, l’Irak, la Libye, est-ce que c’est le bonheur, est-ce que ces pays sont en sécurité aujourd’hui ? Nous savions tous que Kadhafi était un tyran. Mais pourquoi n’écrivez-vous pas ce qui s’est passé après sa chute, à Syrte notamment ? ». Hollande a accusé le coup et s’est contenté de conclure avec l’une de ces formules creuses dont il a le secret : pour lui, il n’y aurait « pas de solution possible sans le départ d’Assad ». Imagine-t-on Roosevelt, en 1941, expliquer qu’il n’y a « pas de solution possible en Allemagne sans le départ d’Adolf Hitler » ? N’est-il parfois pas préférable de se taire ?

Et si Sarkozy s’était ainsi fait rembarrer par Poutine, que n’aurait-on entendu ! Mais les médias français, qui nous ont vendu le candidat Hollande, assurent désormais le service après-vente et, toujours à la limite de l’extase, ils n’ont rien trouvé à redire. Il nous restait donc à chercher des analyses crédibles dans la presse étrangère. Et là, surprise : c’est comme si Vladimir Poutine n’était jamais venu à Paris. On découvre à quel point les grands journaux européens ont tourné la page de la présidence Sarkozy : ils ne parlent plus de la France, dont la position était hier encore incontournable sur les questions européennes et internationales. Ainsi, le quotidien espagnol El País, un journal de gauche qui a toujours loué le volontarisme de Nicolas Sarkozy, n’a évoqué que la rencontre entre Vladimir Poutine et Angela Merkel. Dans The Guardian de vendredi dernier, on passait également la rencontre de Paris sous silence en préférant insister sur la position de la Russie et de la Chine vis-à-vis du régime de Bachar Al-Assad. Il semble loin le temps où tous les regards étaient braqués sur la France, quand Nicolas Sarkozy intervenait avec succès pour arrêter la riposte russe à une offensive géorgienne en Ossétie du Nord. De la libération des infirmières bulgares à la reconnaissance du Conseil National de Transition en Libye, Nicolas Sarkozy avait su renforcer l’influence de la France dans le monde, montrant ainsi qu’il possédait l’envergure et les qualités d’un chef d’État.

En quelques semaines, les médias étrangers ont compris que la politique extérieure de François Hollande n’était que gesticulation tournée vers la politique intérieure. D’abord, lors du G8, à Camp David, François Hollande n’a cessé d’invoquer la croissance comme si les autres chefs d’État n’y avaient jamais pensé auparavant. À l’issue du G8, François Hollande s’est même vanté d’avoir imposé la question de la croissance au coeur des discussions. En réalité, Barack Obama et Angela Merkel l’ont remis à sa place en lui rappelant que la recherche de la croissance passait nécessairement par la lutte contre les déficits. Ensuite, lors du sommet de l’OTAN, en annonçant le retrait des troupes françaises d’Afghanistan dès la fin de l’année 2012, il a nui à la crédibilité de la France. D’autant plus qu’il a finalement reculé : 1400 soldats français resteront en Afghanistan au-delà de 2012, pour assurer le rapatriement du matériel et poursuivre la formation de l’armée et de la police afghanes. Enfin, comme Pierre Lellouche l’expliquait dans une tribune parue dans le Journal Du Dimanche, l’évocation d’une intervention militaire en Syrie, fort imprudente, peut embarrasser les alliés de la France qui craignent un conflit multiconfessionnel à Damas.

On savait que François Hollande méconnaissait totalement les dossiers internationaux. Aujourd’hui, en pleine campagne législative, il essaie de jouer les gros bras sur la scène internationale pour impressionner l’électorat de gauche. Mais ses gesticulations sont vaines. Du coup, la voix de la France perd de son crédit. François Hollande pourra répéter à cor et à cri, comme pour s’en convaincre, que “la France est un grand pays”, il semble s’en apercevoir un peu tard.

Voir également:

Pierre Lellouche sur la Syrie : « Assez d’angélisme monsieur Hollande! »

Le Journal du Dimanche

02 juin 2012

Un mois après sa victoire, François Hollande continue à dérouler ses promesses électorales, à faire des « coups » de politique intérieure. L’ennui, c’est qu’il le fait aussi sur le front diplomatique et que cela donne au moins trois erreurs majeures en trois semaines…

D’abord, avec l’annonce du retrait précipité d’Afghanistan qui nuit à la crédibilité de la France et à la fierté de nos armées. Ensuite, en exigeant des Allemands qu’ils payent à fonds perdus, avec les fameux eurobonds, ses promesses électorales non financées. Enfin, en faisant mine de faire la leçon à la Russie sur la Syrie, pour exploiter l’émoi légitimement suscité en France par le massacre de populations civiles en Syrie, et en rajouter sur l’image détestable du régime de Moscou dans les médias français. Tout cela pour faire oublier son évocation aussi imprudente qu’irréfléchie d’une intervention militaire française en Syrie – fût-elle sous mandat de l’ONU.

Bien sûr, personne ne peut accepter le massacre de civils par un gouvernement supposé protéger sa population. Bien sûr, tout serait plus sympathique si nous avions une Russie parfaitement démocratique qui soit à la fois notre alliée et notre partenaire. L’ennui, c’est que le monde réel ne fonctionne pas comme un coup médiatique à la manière de François Hollande. Chacun sait bien depuis des mois que toute option militaire en Syrie est illusoire et particulièrement dangereuse. Non seulement personne parmi nos alliés n’en veut, ni les Anglais qui se sont battus avec nous en Libye, ni les Allemands et encore moins les Américains – Obama n’a pas besoin d’une guerre de plus à quelques mois de ses élections. Mais, pis encore, toute opération armée nous plongerait immédiatement dans une poudrière multiconfessionnelle entre majorité sunnite et minorité alaouite chiite –, la minorité chrétienne ayant choisi de rester fidèle à la protection que lui offre le régime de Bachar El-Assad. Souhaitons-nous vraiment envoyer des troupes au sol dans une guerre civile qui, de surcroît, peut s’étendre au Liban où sont déjà déployés des soldats français sous casque bleu?

Et que dire alors de la méconnaissance crasse dont fait preuve le nouveau président à l’égard de la Russie?

Moscou n’a pas apprécié d’avoir été mis à deux reprises devant le fait accompli par des opérations militaires occidentales. En Bosnie, en 1995, et, l’an dernier, en Libye. Face à une Europe et à une Amérique affaiblies et endettées, la Russie entend demeurer une grande puissance dont nous avons besoin autant pour nos approvisionnements énergétiques que pour nos intérêts stratégiques (Iran, Afghanistan, Moyen-Orient). À quoi sert-il donc d’entamer la relation avec un président russe nouvellement réélu par des leçons de morale dont on sait par avance qu’elles ne conduiront qu’à l’effet exactement contraire à celui qui est souhaité? Tout cela n’est pas de la politique étrangère. C’est au mieux une politique de gribouille tirée de propos d’estrade.

Voir enfin:

Un Depardon sans contrefaçon

Isabelle Marchandier

06 juin 2012

Comme Jacques Chirac, François Hollande a choisi le décor champêtre et non la bibliothèque élyséenne comme cadre de sa photo officielle. Il faut reconnaître que se faire tirer le portrait en tenue d’apparat avec les blasons et tout le tralala républicain dans un lieu qui incarne l’héritage et l’inscription dans une histoire, la filiation avec une tradition, l’attachement à un passé commun, qui ont forgé une nation et un peuple, aurait fait tache pour le président de la « normal attitude ». À la verticalité historique s’oppose donc l’horizontalité de la pelouse du jardin. C’est plus rassurant !

Et comme normal veut dire comme tout le monde, donc comme personne, c’est Depardon, notre photographe de la France sans les Français qui a été choisi pour prendre la photo qui sera accrochée pendant les cinq prochaines années dans toutes les mairies et commissariats de notre pays.

« J’ai pris son visage comme un paysage » explique, sans l’ombre d’un sourire, le photographe absolument convaincu de la réussite de son cliché qualifié pour sa géniale qualité de « Fragonard ». Le tout sans une once de flagornerie bien entendu ! L’appel du visage, si cher à Levinas, est étouffé pour faire entendre la voix de la Nature amorale et apolitique. Le paradoxe est à son comble. Déshumaniser Hollande en le naturalisant et qualifier sa photo en empruntant le nom d’un portraitiste flamboyant, ça frise franchement le ridicule.

Mais finalement, bouder si fort ce lieu qui nous personnalise, nous particularise, nous différencie, qui fait de nous des être humains et non pas une simple masse de chair, ostraciser ce visage pour en faire un paysage, s’accorde bien avec l’amour de l’uniformité, valeur sacrée de la gauche qui, dans l’individualité, voit toujours l’œil du mal.

Hélène Terrom


Présidentielles 2012: Comme Obama en 2008 (French demographer confirms Hollande’s Obama-inspired ethnic strategy)

2 juin, 2012
We can build a collective civic space large enough for all our separate identities, that we can be ‘e pluribus unum’ — out of one, many. Al Gore (Milwaukee, 1994)
En URSS, pour avoir le statut d’écrivain, il faut avoir dénoncé deux camarades. Coluche
Au motif de mettre un terme à l’hypocrisie qui entoure la question de l’immigration clandestine, son administration se concentre sur la chasse aux clandestins ayant basculé dans la criminalité, petite ou grande, mais tolère ouvertement ceux qui viennent pour travailler, c’est-à-dire l’immense majorité d’entre eux. De quoi se concilier, au passage, les bonnes grâces de la communauté hispanique, première minorité aux États-Unis, riche désormais de plus de cinquante millions d’électeurs ! De fait, si beaucoup condamnent l’immigration illégale, peu cherchent vraiment à l’endiguer. Et pour cause, tout le monde, ou presque, en profite. Elle profite d’abord au clandestin lui-même, qui une fois entré aux États-Unis, trouve du travail pour survivre et subvenir aux besoins de sa famille restée derrière en attendant de venir le rejoindre ; elle profite aux employeurs qui ont ainsi un réservoir de main d’œuvre bon marché sans cesse renouvelé ; elle profite au gouvernement parce que les clandestins font tourner des pans importants de l’économie américaine, l’agriculture, la construction, la restauration ; enfin elle profite même au Mexique qui réduit son propre chômage et reçoit des devises en retour… Ceux qui n’en profitent pas sont les États, parce qu’ils doivent supporter les coûts de cette présence en matière de santé, et souvent en matière d’éducation, pour les enfants de migrants nés ou entrés aux États-Unis. Les clandestins étant inégalement répartis sur le territoire américain (25% d’entre eux se trouvent en Californie) ce fardeau affecte très sévèrement les États du sud-ouest, Texas, Nouveau Mexique, Arizona et Californie. Ceux qui n’en profitent pas non plus sont les ouvriers américains, dont les salaires sont systématiquement tirés vers le bas. Gérard Olivier
En quelques jours, Taubira a choisi : ses victimes, ses bourreaux. Les femmes, les jeunes des banlieues sont dans le bon camp, à protéger. Les hommes blancs, dans le mauvais. (…) Dans les banlieues, Hollande a réalisé des scores de dictateur africain. Eric Zemmour
Il s’est produit à l’occasion de l’élection présidentielle de 2012, le même phénomène qu’à celle de 2008 aux Etats-Unis, où Barack Obama a été élu grâce à l’apport des minorités ethniques, alors qu’il était minoritaire dans la catégorie ‘blanc non hispanique’. Laurent Chalard

Hollande élu grâce à ses « scores de dictateur africain » dans les banlieues?

A l’heure où, après le coup du « mariage homosexuel » pour l’électorat et les dollars d’Hollywood comme les voix des jeunes, un Chasseur d’ambulances en chef de plus en plus menacé par son calamiteux bilan en est à promettre l’amnistie aux immigrés clandestins (et futurs électeurs) hispaniques …

Et où à la veille d’une élection législative annoncée particulièrement difficile, une droite toujours aussi suicidaire continue de refuser tout accord avec ses alliés naturels de l’extrême-droite …

Pendant qu’une gauche complètement décomplexée étale, outre sa notoire consanguinité médiatique, ses alliances avec une extrême-gauche aux accents robespierristes qui défend les joyeusetés des régimes vénezuélien, cubain ou chinois…

Et que loin de l’obsession sarkozyenne d’ouverture au camp adverse et sous couvert d’un discours prétendument rassembleur, notre nouvel obama blanc de président pousse sa propre obsession de se démarquer de son prédécesseur jusqu’aux limites du plus pur sectarisme …

Et que, sous la pression des chasseurs d’ambulance professionnels (et dument subventionnés) et le doigt sur la couture du pantalon, nos médias de révérence préparent leur nettoyage d’automne …

Retour pour ceux qui ne l’auraient peut-être toujours pas compris …

Sur  la lumineuse analyse et confirmation, par le géographe Laurent Chalard,  d’une des principales raisons, quatre ans après celui d’Obama, du  holdup du siècle socialiste d’il y a trois semaines (ie. une courte victoire d’un peu plus d’un million de voix).

A savoir la stratégie explicitement obamienne du camp socialiste de ciblage systématique des minorités ethniques dont il a pu recueillir, on le sait en certains endroits et sans compter les DOMTOM, jusqu’à 93% des suffrages.

Sur le versant inverse de ce qu’il faudrait plus analyser à notre avis comme un court échec sarkozyen en faveur d’un président doublement accidentel (après l’auto-sabordage DSKien), notre chercheur semble en revanche avoir eu la main moins heureuse.

Ecrivant il est vrai dans le bulletin paroissial de la gauche bien-pensante (alias Libération), celui-ci ne pouvait en effet que condamner la stratégie Buisson et attribuer ladite défaite à la non-prise en compte, qualifiée de suicidaire, de l’électorat ethnique en question.

Alors que ce qu’il y avait effectivement de suicidaire dans une société vieillissante et donc naturellement majoritairement à droite, c’était au contraire de n’avoir pas su (ou voulu) appliquer jusqu’au bout la pourtant bien-fondée stratégie du conseiller électoral de Nicolas Sarkozy qu’il est devenu si tendance, à gauche comme à droite, d’accuser de tous les maux …

Une courte victoire démographique

Laurent Chalard

Libération

13 mai 2012

François Hollande a été élu président à une courte majorité, avec un score de 51,6%. Ce résultat s’explique en partie par un facteur oublié des analystes politiques, la démographie, au rôle pourtant majeur, en France comme aux Etats-Unis.

Le corps électoral évolue en fonction de la croissance démographique. Or, cette dernière est le produit de deux facteurs.

Le premier est la progression de l’espérance de vie, qui conduit à un vieillissement de la population par le haut, c’est-à-dire qu’une large partie de l’augmentation de la population française est due à la hausse du nombre de personnes âgées et non de celui des jeunes. Par exemple, pour l’année 2011, alors que le solde naturel de la France est de + 253 000 personnes, l’accroissement des 65 ans et plus est de 308 000 personnes. Le solde naturel français est donc uniquement le produit du vieillissement de la population (sinon la population diminuerait).

Le second facteur est l’immigration, la France ayant un solde migratoire positif depuis la Seconde Guerre mondiale. Ce phénomène vient gonfler la croissance démographique du pays, d’autant qu’il agit aussi sur la natalité (sans immigration, le nombre de naissances serait moins élevé). En 2011, le solde migratoire est estimé à + 80 000 personnes. En conséquence, ces deux facteurs jouent un rôle primordial sur le résultat des élections, mais en sens opposé.

Le vieillissement sensible de la population a mécaniquement tendance à augmenter l’électorat de droite, puisque les études sociologiques montrent qu’en vieillissant les électeurs sont plus tentés par les partis conservateurs, du fait d’une certaine nostalgie pour le passé. Or, les premières générations de baby- boomers, nées après la Seconde Guerre mondiale, ont désormais plus de 65 ans. La stratégie de Patrick Buisson, conseiller de Nicolas Sarkozy, reposant sur une droitisation du discours s’adressait principalement à cette population et fut finalement couronnée d’un relatif succès. En effet, ces générations ayant peu côtoyé d’immigrés dans leur enfance ont une certaine peur face aux évolutions démographiques constatées dans les grandes métropoles.

A l’opposé, l’immigration récente (c’est-à-dire post-1975), constituée essentiellement de jeunes ménages d’origine extra-européenne, renforce le vote de gauche pour des raisons évidentes. Le discours de Nicolas Sarkozy, du «nettoyage au Kärcher» jusqu’aux remarques sur les «musulmans» lors du débat présidentiel, ne peut que révulser cette population. Du fait des naturalisations (plus de 100 000 par an) et d’une hausse naturelle sensiblement supérieure aux populations d’ascendance européenne, leur part dans l’électorat s’accroît, faisant plus que compenser le vieillissement de la population, ce que n’ont pas su voir les dirigeants de droite, leur stratégie reposant sur l’espoir que cette population s’abstiendrait.

Sans le vote des immigrés extra-européens naturalisés et de leurs enfants et petits-enfants nés français (leur pourcentage dans l’électorat est impossible à déterminer), le candidat socialiste aurait été difficilement élu président, étant donné le vieillissement de la population. L’étude de la répartition géographique du vote pour François Hollande, montre l’importance de ce facteur. Dans les communes à fort pourcentage de populations ayant des origines non européennes, le candidat socialiste progresse beaucoup plus qu’en moyenne nationale par rapport au score réalisé en 2007 par Ségolène Royal. Les exemples de Clichy-sous-Bois, La Courneuve, Garges-lès-Gonesse ou du XVe arrondissement de Marseille témoignent d’une progression de plus de 10 points en cinq ans, avec des scores bien souvent supérieurs à 70%. Cet électorat a massivement voté pour la gauche, ou plutôt contre le discours stigmatisant de Nicolas Sarkozy.

Il s’est produit à l’occasion de l’élection présidentielle de 2012, le même phénomène qu’à celle de 2008 aux Etats-Unis, où Barack Obama a été élu grâce à l’apport des minorités ethniques, alors qu’il était minoritaire dans la catégorie «blanc non hispanique». François Hollande devra tenir compte de l’espoir qu’il porte pour cette jeunesse d’origine extra-européenne qui a des réelles difficultés d’insertion dans le pays, au risque sinon de la faire définitivement basculer dans le communautarisme, processus déjà engagé, mais encore potentiellement réversible. Quant à la droite, elle devra prendre en compte l’existence de cette population, appelée à croître dans l’électorat, si elle souhaite reconquérir le pouvoir. La stratégie de droitisation de son discours et d’éventuelle alliance avec l’extrême droite est donc suicidaire à long terme.

Voir aussi:

« Que cessent les attaques d’Eric Zemmour contre Christiane Taubira »

Dominique Sopo, président de SOS-Racisme

Le Monde

28.05.2012

Depuis la formation du gouvernement, Christiane Taubira, nouvelle ministre de la justice, fait l’objet de critiques répétées. Accusée d’angélisme, de communautarisme et d’un passé indépendantiste par le Front national et l’UMP, elle semble concentrer les espoirs les plus fous de la droite et de l’extrême droite.

Et si cette ministre était l’épouvantail parfait pour poursuivre la dynamique suintant le racisme qui aurait permis à Marine Le Pen de réaliser un score élevé à l’élection présidentielle et à Nicolas Sarkozy de « limiter la casse » le 6 mai ?

Ces attaques sont sournoises et masquées. Les détracteurs se défendront de vouloir mobiliser une partie de l’électorat contre la couleur de peau de Christiane Taubira, tout comme ils se défendirent de tirer sur Rachida Dati en raison de ses origines maghrébines lorsque celle-ci accéda à la même fonction régalienne.

« VISION RACIALISÉE DE LA SOCIÉTÉ »

Lors de sa chronique du 23 mai sur RTL, Eric Zemmour ne prit pas de telles précautions. Attaquant Christiane Taubira sur sa volonté de réinscrire dans le code pénal le délit de harcèlement sexuel invalidé par le Conseil constitutionnel, il s’épancha une fois de plus dans un positionnement digne de ce machisme grossier dont il ne se départ plus.

Car, pour Eric Zemmour, le délit de harcèlement sexuel est une entreprise dirigée contre les hommes. Peu importe que les lois de 1992 et de 2002 sur le harcèlement sexuel n’identifient évidemment pas le sexe des auteurs et des victimes potentiels. Il ne s’arrête pas à ces détails qu’un minimum de déontologie journalistique lui aurait pourtant commandé de présenter.

Mais Eric Zemmour va plus loin en exhumant sa vision racialisée de la société. Car qu’on se le tienne pour dit : le délit de harcèlement sexuel n’est pas simplement une attaque contre les hommes, réduits à ne plus pouvoir se détendre avec une petite main aux fesses ou à travers la sollicitation contrainte de faveurs sexuelles. Non, pour Eric Zemmour, ce que Christiane Taubira attaque, ce sont les hommes blancs.

« INEXORABLE CHUTE »

Des hommes blancs qu’il prétend « défendre » (n’a-t-on pas connu meilleure protection ni meilleur avocat ?) en exaltant le bon temps de l’infériorité des femmes, des Noirs et des Arabes.

Pour Eric Zemmour, la marche vers l’égalité qui est en train de mettre fin aux anciens rapports de sujétion est vécue comme une lente, douloureuse et inexorable chute qui n’est pas, à la lecture et à l’écoute de ses « pensées », sans créer chez lui un manifeste complexe de castration.

Complexe encore une fois présent dans sa chronique anti-Taubira puisque, au fil de ses élucubrations, Eric Zemmour nous gratifia de nouveau d’une vision des jeunes de banlieue, traversée de la crainte de leur puissance et de leur violence (remarquons au passage qu’Eric Zemmour glisse, en matière de délinquance, de la question des mineurs à celle des jeunes de banlieue).

« L’HOMME BLANC VOIT SA VIRILITÉ REMISE EN CAUSE »

Or, il est utile de rappeler que la vision que se fait Eric Zemmour des jeunes de banlieue est également très racialisée, comme le montrèrent les débats judiciaires qui aboutirent à la condamnation pour incitation à la discrimination raciale prononcée à son encontre le 18 février 2011.

Selon Eric Zemmour, l' »homme blanc » verrait donc sa virilité remise en cause par celle d’hommes noirs et arabes qui, eux, ne seraient pas soumis à la féminisation imposée aux hommes blancs par les militants pour l’égalité.

Espérons qu’un jour les complexes d’Eric Zemmour se résoudront sur un divan plutôt que par l’expression radiophonique d’une haine quotidienne obligeamment permise par la sollicitude de RTL à l’endroit de ce personnage.

Voir également:

Zemmour débarqué de RTL : Le grand ménage a commencé.

Myriam Picard

Nouvelles de France

27 mai, 2012

Ils l’ont fait. Zemmour est viré.

Est-on surpris ? Non. Sous la « droite », déjà, il avait eu droit à un procès, les voix médiatiques habituelles se déchaînaient contre lui, des rappeurs vomissaient leur haine sans que Sopo, Lozès ou ou Tubiana ne sourcillent. La différence de taille, c’est que le gouvernement actuel comporte une Georges Paul-Langevin, actuelle ministre déléguée à la réussite éducative, ancienne présidente du MRAP. Christiane Taubira est la maman d’une loi qu’on ne connait que trop bien. Aurélie Filippetti, ministre de la Culture (comme quoi, tout est possible) se lança dans une diatribe hystérique et délirante contre le projet de loi sur les tests ADN.

Qu’on se le dise : les auditeurs de RTL ne comptent pas. Ce qui compte, ce sont les tribunes et communiqués de presse pondus par les mêmes navrants personnages qui, depuis quarante ans, distribuent des satisfecit de bien-pensance et torquemadent à tours de bras.

Regardez-les, ces suffisants roquets de l’antiracisme ultra-subventionné, regardez-les, tout congestionnés de satisfaction de voir leur lamento si bien accueilli et compris par la direction de RTL. Ils sont le visage de ce système qu’on appelle aujourd’hui démocratie, ce système où une Chloé Leprince déclare un ophtalmo raciste, le voue ainsi à la lapidation médiatique, tandis que le temps révèle l’innocence du praticien. Ils sont le visage de ces hystériques qui pleurnichent en permanence contre ceux qui osent ne pas penser comme eux. « Malheur à moi ! Je suis nuance. » écrivait Nietzsche. Malheur à Zemmour, donc, mais aussi malheur à tous ces prédécesseurs, malheur à Pierre Cassen, à Jacques Philarcheïn, à Pascal Mohammed Hilout, à Rachid Kaci, à tous ceux qui ne disent pas le Bien tel qu’il est unilatéralement et antidémocratiquement défini aujourd’hui.

Si Taubira était intelligente et un tantinet stratège, elle condamnerait le limogeage de Zemmour. Mais il faudrait pour cela qu’elle se dépêtre de sa haine de tout ce qu’il représente : une opinion différente de la sienne, une critique aux antipodes des officines socialistes subventionnées par le contribuable, j’ai nommé le MRAP et SOS RACISME. Sans même parler de la LICRA et de ce cher Tubiana, qui me vomit sa haine, au procès récemment fait au bon sens dit par deux rédacteurs de Riposte Laïque, parce que « j’étais catholique ».

Voilà les maîtres que les Français se sont laissé imposer. Sans manifester (une malheureuse fois, devant les locaux du Figaro, pour soutenir Zemmour), sans crier leur indignation. Pas de printemps médiatique, en France, mais le glas de l’enterrement des rares chroniqueurs courageux. A-t-on encore le droit, dans ce pays qui se ressemble de moins en moins, d’allumer sa radio ou sa télévision pour entendre, une fois par jour, une voix qui ne soit pas celle de Pascale Clark ou Jean-Michel Apathie ? Des milliers de personnes écoutent Zemmour tous les matins. Il n’est pas arrivé chez Ruquier ou à RTL par miracle. Il y travailla parce qu’il était cultivé, brillant, pugnace, et surtout, ce qui est le plus rare et le plus miraculeux aujourd’hui, courageux : on le paie parce qu’il a du succès. Il a du succès parce qu’il dit, sinon le vrai, du moins ce que nombre de Français pensent et taisent dans la peur de se faire aussi sec traîner au bûcher de la « gauche olfactive » que décrit si bien Elisabeth Lévy.

Quiconque a la chance de connaître un peu Zemmour sait que cet homme est tout sauf machiste, raciste ou xénophobe. Il ne sue pas la haine. Il n’a aucun problème à considérer que quelqu’un puisse exprimer une opinion différente de la sienne. Il ose, simplement, user de son droit le plus strict : se servir de son cerveau.

Mais à l’ère d’Ûbernormal Ier, il ne faut pas. Il faut comprendre que ce président soi-disant normal, tout doux, si gentil, que cet homme-là charrie avec lui toute une bande de zigs imbéciles et nocifs qui ont eu le pouvoir médiatique pendant quarante ans, et disposent maintenant d’une trentaine de ministres et d’un « président » tout dévoués à leur cause.

Le grand ménage a commencé. Il sera court. Combien de journalistes, en effet, font résonner aujourd’hui une voix discordante ? Ménard a été viré de RTL en juin 2011. Elisabeth Lévy, avant de diriger Causeur, avait été expulsée de France Culture, en juillet 2007, où elle animait « Le premier pouvoir » (émission qui rencontrait un franc succès), par David Kessler (aujourd’hui conseiller médias et culture de… François Hollande).

Qui reste-t-il ? Lévy, Polony, Rioufol, Finkielkraut, quelquefois Brunet (et encore). Autrement dit, personne. Bientôt, Canteloup lui-même, dont l’imitation de Taubira n’a rien pour plaire à la Garde des Seaux ? Laurent Gerra, peut-être ?

La lessive sera courte. Et on verra, plus que jamais, les sites internet et blog résistants multiplier leur hébergement à l’étranger, « retenir leur plume » avec angoisse, comme le disait Tillinac au procès de Zemmour. On verra, sur les réseaux sociaux, la rage s’exprimer partout, la colère se transformer en haine, l’exaspération contre quelques-uns évoluer vers une détestation générale. A trop maintenir le couvercle sur une marmite qui bout, c’est toute la cuisine qui explose. C’est Tillinac, encore, qui écrivait récemment : « Chacun sera le réac d’un autre, le double mauvais de sa propre rancoeur. Ça promet des moeurs de vicelards qui s’épieront derrière leurs persiennes. Ça promet pire que la ruine : le deuil de toute jouvence, la réclusion dans un ennui nauséeux. Ça promet une manière de pétainisme rosâtre et verdâtre, frangé de rouge, un pétainisme bio et soft mais pas clean où l’on s’emm… comme des rats morts. »

Relisons Soljenitsyne et Vladimir Boukovski. Relisons-les attentivement. Ils nous racontent une histoire qui ressemble furieusement à la nôtre. Ça commence par des colonnes de pensée unique dans les journaux. Ça passe ensuite par le limogeage de journalistes ou d’intellectuels dissidents, par des procès pour un « oui » dit trop faiblement ou un « non » interdit d’expression. Ça se déroule ensuite de façon mathématique. La Pravda fait des petits, on interdit des réunions (ah, le bel argument de « crainte de troubles à l’ordre public »), et, comme le disait Coluche, on ne peut plus cracher en public, car c’est interdit de faire de la politique dans la rue. On dissimule soigneusement des réalités qui conduisent aux meurtres. Hier, les Russes découvraient, écœurés, dans la presse, qu’ils ne crevaient pas de faim, et que les voix qui osaient affirmer que les murs d’URSS suaient de misère étaient des monstres à la solde de l’impérialisme occidental. Aujourd’hui, il ne faut pas dire que l’immigration pose de graves problèmes économiques, sociaux et culturels, et que les coupables ne sont pas forcément toujours du côté des Français de souche ; ou qu’il y a une vague de criminalité chez des jeunes issus de l’immigration. Il faut dire le contraire. Le répéter. Sans fin. Au terme de cette opération le monde entier sait que l’immigration est une chance pour la France, que les jeunes délinquants et criminels ne sont que de pauvres choux conditionnés par leur condition sociale. Au terme de cette opération, ces mêmes pauvres choux, ayant avec eux et pour eux une foule de journalistes, de politiciens et de magistrats, massacrent, tuent, volent, harcèlent, insultent en toute quiétude. Rien de dramatique. Ce n’est jamais que la France qui crève.

« En URSS, pour avoir le statut d’écrivain, il faut avoir dénoncé deux camarades. » [1] En France aussi. Pour avoir encore plus de pouvoir, d’argent public et de puissance médiatique, pour se composer une virginité éternelle, il suffit de piauler sur trois plateaux télé que tel ou tel est raciste et que c’est intolérable et que le bruit des bottes est à nos portes, pour qu’un directeur de rédaction serre les fesses de terreur et coure faire rédiger la lettre de licenciement du forcément coupable.

Zemmour est mort, RIP Zemmour. Combien de temps avant qu’I>Télé ne le remercie ?

 1. Coluche.

Voir encore:

Immigration clandestine : le double jeu d’Obama

 Gérard Olivier

4 avril 2012

Il y a entre 12 et 20 millions de clandestins aux États-Unis. Pour la plupart des « latinos ». Si l’administration fait la chasse aux criminels, elle tolère ceux qui viennent chercher du travail, alors que la majorité des Américains s’y opposent.

Coup de filet spectaculaire la semaine dernière aux États-Unis. Fin mars, les hommes de l’ICE, « Immigration & Customs Enforcement », l’agence chargée du contrôle des frontières, ont arrêté 3000 clandestins soupçonnés d’avoir commis des crimes sur le territoire américain. Ils vont être renvoyés dans leur pays d’origine.

L’opération s’appelait Cross Check. C’est la troisième en moins d’un an. En mai 2011 puis en septembre, en effet, les mêmes hommes avaient déjà mené « le raid plus important de leur histoire » pour mettre la main sur 2 400 puis 2 900 « étrangers criminels et fugitifs» (« convicted criminal aliens and fugitives ») dont certains étaient des meurtriers, des chefs de gangs ou des trafiquants de drogue, et d’autres de simples pères de famille arrêtés pour conduite en état d’ébriété…

Le but de ces opérations était le même. Frapper l’imagination à quelques mois d’une échéance électorale pour montrer que l’administration prend à bras le corps la question de l’immigration clandestine. Quand, en réalité, elle a choisi de laisser faire, voire de la favoriser. Comme l’ont fait les autres administrations avant elle…

Les États-Unis comptent entre douze millions (chiffre officiel) et vingt millions de clandestins. La moitié d’entre eux sont d’origine mexicaine. Les trois quarts sont des hispaniques, ou « latinos », entrés en traversant le Rio Grande qui marque la frontière sud des États-Unis. D’où leur surnom de « wet feet », (« pieds mouillés »). Cette frontière s’étend du Texas à la Californie, sur près de 5000 kilomètres. 20 000 gardes-frontières sont chargés de les surveiller ainsi que l’ensemble des frontières terrestres américaines couvrant 13 000 kilomètres.

Officiellement, l’administration Obama condamne et combat cette immigration clandestine. Les États-Unis sont un pays d’accueil. A condition d’entrer selon les règles. « Nous sommes une nation d’immigrants, mais nous sommes aussi une nation de droit, a dit Barack Obama en 2011… (les clandestins) trichent, ils ne font pas la queue comme les autres, ils bafouent la loi, leur présence est un affront pour tous ceux qui essayent de venir légalement. »

Une opinion partagée par l’immense majorité des électeurs. 78% des Américains sont opposés aux lois d’amnistie qui périodiquement permettent de régulariser plusieurs millions de clandestins. Ils sont favorables au contraire à une reconduction systématique aux frontières. Chez les électeurs noirs, la proportion monte à 88%. 71% souhaitent également punir les patrons qui embauchent des clandestins. Non par de simples amendes, mais par des peines de prison. 80% sont opposés à toute couverture sociale pour les clandestins.

Du coup chaque année quelques 400 000 clandestins sont reconduits dans leur pays. Sans que cela suscite d’émoi particulier dans la population ou de polémique dans les journaux. Les Américains ont un respect sans faille pour la primauté de la loi. Or, entrer illégalement aux États-Unis, c’est violer cette loi. Un comportement qui ne peut être toléré, encore moins récompensé (même des années plus tard) par un titre de séjour.

Or Barack Obama, en dépit de ses discours, a décidé de faire à peu près cela. Au motif de mettre un terme à l’hypocrisie qui entoure la question de l’immigration clandestine, son administration se concentre sur la chasse aux clandestins ayant basculé dans la criminalité, petite ou grande, mais tolère ouvertement ceux qui viennent pour travailler, c’est-à-dire l’immense majorité d’entre eux. De quoi se concilier, au passage, les bonnes grâces de la communauté hispanique, première minorité aux États-Unis, riche désormais de plus de cinquante millions d’électeurs !

De fait, si beaucoup condamnent l’immigration illégale, peu cherchent vraiment à l’endiguer. Et pour cause, tout le monde, ou presque, en profite.

Elle profite d’abord au clandestin lui-même, qui une fois entré aux États-Unis, trouve du travail pour survivre et subvenir aux besoins de sa famille restée derrière en attendant de venir le rejoindre ; elle profite aux employeurs qui ont ainsi un réservoir de main d’œuvre bon marché sans cesse renouvelé ; elle profite au gouvernement parce que les clandestins font tourner des pans importants de l’économie américaine, l’agriculture, la construction, la restauration ; enfin elle profite même au Mexique qui réduit son propre chômage et reçoit des devises en retour…

Ceux qui n’en profitent pas sont les États, parce qu’ils doivent supporter les coûts de cette présence en matière de santé, et souvent en matière d’éducation, pour les enfants de migrants nés ou entrés aux États-Unis. Les clandestins étant inégalement répartis sur le territoire américain (25% d’entre eux se trouvent en Californie) ce fardeau affecte très sévèrement les États du sud-ouest, Texas, Nouveau Mexique, Arizona et Californie. Ceux qui n’en profitent pas non plus sont les ouvriers américains, dont les salaires sont systématiquement tirés vers le bas

Du coup ce sont les États qui se sont portés à la pointe de ce combat se substituant au gouvernement. L’Alabama a introduit une législation rendant la vie des clandestins quasi impossible sur son sol. Avant cela l’Arizona avait passé sa propre loi, très restrictive, contre l’immigration clandestine. Elle a été invalidée depuis parce qu’elle empiétait sur des prérogatives du gouvernement fédéral. L’affaire est désormais devant la Cour Suprême. En attendant le sheriff Arpaio s’est fait une réputation nationale en détenant les clandestins dans des tentes en plein désert, pour ne pas ponctionner les contribuables…

Obama, continue d’appeler de ses vœux une réforme « globale » de la politique américaine en matière d’immigration. La dernière loi remonte à 1986. Votée par un Congrès à majorité démocrate, « L’Immigration Reform and Control Act of 1986 », qui s’accompagnait d’une amnistie pour six millions de clandestins, devait régler la question une fois pour toute…

Voir enfin:

The Obama Strategy: Pandering And Cries Of Racism

Curt

Flopping aces

On February 10th Andrew Breitbart warned us all that the Obama administration and the media (one and the same) will start the race pandering soon as the election cycle heats up. How right he was:

ANDREW BREITBART: I’m just going to tell you right now, I want to end it on a media bashing note because that will uplift me like a Dionne Warwick final rendition. We’re watching you to play the race card MSNBC. We saw how you cynically placed the Reverend Sharpton in a position of absurdist power. This is Dadaism, I learned that in college, that they would allow for this guy to have a show. This is Dadaism. It’s freaky. It’s Andy Kaufman. It doesn’t make sense unless you understand what they’re doing.

This is going to be the dog whistle election cycle. They tested them in 2011, so he and his pal Toure and that punk Tim Jacob Wise and Ed and Maddow can sit there and call everyone who’s Caucasian racist. “I heard it. He used ‘is’ instead of ‘are.’ He’s a racist. That’s a dog whistle.’”

Ignore it when Congressman [Carson] does it against Allen West. No more. We’re going to go after you. I bought a dog whistle. I bought a dog whistle factory, and I’m giving you dog whistles. And we’re going to listen to every word that comes out of your mouth, and we’re going to hold you to the same standard that you hold us which is an impossible one, and you’re going to have a hell of a time in 2012 because America’s finally woken to your Saul Alinsky bullshit tactics, and we’re coming to get you.

They’re bringing out the dog whistles

Since then Sharpton and his pals in the media have brought out the dog whistles for the Trayvon shooting. They are doing their best to concoct false accusations of racism to divide everyone in this country. And it worked. You better believe they are waiting on pins and needles for the next story to start making waves so they can pound the drums of racism again and again and again.

Meanwhile Obama is pandering for the hispanic vote since he didn’t do what he said he would do for that segment of the population. When called on this fact by Univision he pandered:

“I can promise that I will try to do it in the first year of my second term,” Obama said in an interview with Univision set to air on Sunday. “I want to try this year. The challenge we’ve got on immigration reform is very simple. I’ve got a majority of Democrats who are prepared to vote for it, and I’ve got no Republicans who are prepared to vote for it. …

“So what we need is a change either of Congress or we need Republicans to change their mind, and I think this has to be an important debate during – throughout the country. …

“And so I’m just going to keep on pushing as hard as I can, and what I’m going to be encouraging is the Latino community continue to ask every member of Congress where they stand on these issues, but the one thing that I think everybody needs to understand is that this is something I care deeply about. It’s personal to me, and I will do everything that I can to try to get it done. But ultimately I’m going to need Congress to help me.”

Of course he had both houses during his first year in office…you know, the time he said he WAS going to do something about immigration reform. But instead he whines that there will be gridlock for any legislation he put forth so eh’…why try?

What an inspirational leader this man is

Sigh….

Oh, and to top off this day of pandering we get the cherry on top:

The Obama campaign’s “Latinos for Obama” theme will begin April 18, with a synchronized set of house parties featuring a conference call with comedian George Lopez . (George Lopez? What time’s he on, again?)

The rollout will come just after Obama used his attendance at the Summit of the Americas in Colombia to showcase his support among prominent Latinos, such as Columbian singer Shakira, and to tout his repeated promise to win passage of conditional amnesty for illegal immigrants.

“This is something I care deeply about … It’s personal to me,” he told the Spanish-language TV network Univision.

Since he has NO accomplishments to highlight for Hispanics he is now reduced to rolling out celebrities for a circus show.

Did I already say ‘what a leader’?


Médias: Pallywood pour les nuls (Leading French newsmagazine falls in big for Palestinian street theater)

21 Mai, 2012

Pendant 24 mn à peu près on ne voit que de la mise en scène … C’est un envers du décor qu’on ne montre jamais … Mais oui tu sais bien que c’est toujours comme ça ! Entretien Jeambar-Leconte (RCJ)
Au début (…) l’AP accueillait les reporters à bras ouverts. Ils voulaient que nous montrions des enfants de 12 ans se faisant tuer. Mais après le lynchage, quand des agents de l’AP firent leur possible pour détruire et confisquer l’enregistrement de ce macabre événement et que les Forces de Défense Israéliennes utilisèrent les images pour repérer et arrêter les auteurs du crime, les Palestiniens donnèrent libre cours à leur hostilité envers les Etats-Unis en harcelant et en intimidant les correspondants occidentaux. Après Ramallah, où toute bonne volonté prit fin, je suis beaucoup plus prudent dans mes déplacements. Chris Roberts (Sky TV)
La tâche sacrée des journalistes musulmans est, d’une part, de protéger la Umma des “dangers imminents”, et donc, à cette fin, de “censurer tous les matériaux” et, d’autre part, “de combattre le sionisme et sa politique colonialiste de création d’implantations, ainsi que son anéantissement impitoyable du peuple palestinien”. Charte des médias islamiques de grande diffusion (Jakarta, 1980)
Il s’agit de formes d’expression artistique, mais tout cela sert à exprimer la vérité… Nous n’oublions jamais nos principes journalistiques les plus élevés auxquels nous nous sommes engagés, de dire la vérité et rien que la vérité. Haut responsable de la Télévision de l’Autorité palestinienne
Je suis venu au journalisme afin de poursuivre la lutte en faveur de mon peuple. Talal Abu Rahma (lors de la réception d’un prix, au Maroc, en 2001, pour sa vidéo sur al-Dura)
Karsenty est donc si choqué que des images truquées soient utilisées et éditées à Gaza ? Mais cela a lieu partout à la télévision, et aucun journaliste de télévision de terrain, aucun monteur de film, ne seraient choqués. Clément Weill-Raynal (France 3)
Nous avons toujours respecté (et continuerons à respecter) les procédures journalistiques de l’Autorité palestinienne en matière d’exercice de la profession de journaliste en Palestine… Roberto Cristiano (représentant de la “chaîne de télévision officielle RAI, Lettre à l’Autorité palestinienne)
La mort de Mohammed annule, efface celle de l’enfant juif, les mains en l’air devant les SS, dans le Ghetto de Varsovie. Catherine Nay (Europe 1)
Dans la guerre moderne, une image vaut mille armes. Bob Simon
Oh, ils font toujours ça. C’est une question de culture. Représentants de France 2 (cités par Enderlin)
L’image correspondait à la réalité de la situation, non seulement à Gaza, mais en Cisjordanie. Charles Enderlin (Le Figaro, 27/01/05)
J’ai travaillé au Liban depuis que tout a commencé, et voir le comportement de beaucoup de photographes libanais travaillant pour les agences de presse m’a un peu troublé. Coupable ou pas, Adnan Hajj a été remarqué pour ses retouches d’images par ordinateur. Mais, pour ma part, j’ai été le témoin de pratique quotidienne de clichés posés, et même d’un cas où un groupe de photographes d’agences orchestraient le dégagement des cadavres, donnant des directives aux secouristes, leur demandant de disposer les corps dans certaines positions, et même de ressortir des corps déjà inhumés pour les photographier dans les bras de personnes alentour. Ces photographes ont fait moisson d’images chocs, sans manipulation informatique, mais au prix de manipulations humaines qui posent en elles-mêmes un problème éthique bien plus grave. Quelle que soit la cause de ces excès, inexpérience, désir de montrer de la façon la plus spectaculaire le drame vécu par votre pays, ou concurrence effrénée, je pense que la faute incombe aux agences de presse elles-mêmes, car ce sont elles qui emploient ces photographes. Il faut mettre en place des règles, faute de quoi toute la profession finira par en pâtir. Je ne dis pas cela contre les photographes locaux, mais après avoir vu ça se répéter sans arrêt depuis un mois, je pense qu’il faut s’attaquer au problème. Quand je m’écarte d’une scène de ce genre, un autre preneur de vue dresse le décor, et tous les autres suivent… Brian X (Journaliste occidental anonyme)
Pour qui nous prenez-vous ? Nous savons qui vous êtes, nous lisons tout ce que vous écrivez et nous savons où vous habitez. Hussein (attaché de presse du Hezbollah au journaliste Michael Totten)
L’attaque a été menée en riposte aux tirs incessants de ces derniers jours sur des localités israéliennes à partir de la zone visée. Les habitants de tous les villages alentour, y compris Cana, ont été avertis de se tenir à l’écart des sites de lancement de roquettes contre Israël. Tsahal est intervenue cette nuit contre des objectifs terroristes dans le village de Cana. Ce village est utilisé depuis le début de ce conflit comme base arrière d’où ont été lancées en direction d’Israël environ 150 roquettes, en 30 salves, dont certaines ont atteint Haïfa et des sites dans le nord, a déclaré aujourd’hui le général de division Gadi Eizenkot, chef des opérations. Tsahal regrette tous les dommages subis par les civils innocents, même s’ils résultent directement de l’utilisation criminelle des civils libanais comme boucliers humains par l’organisation terroriste Hezbollah. (…) Le Hezbollah place les civils libanais comme bouclier entre eux et nous, alors que Tsahal se place comme bouclier entre les habitants d’Israël et les terroristes du Hezbollah. C’est la principale différence entre eux et nous. Rapport de l’Armée israélienne
Après trois semaines de travail intense, avec l’assistance active et la coopération de la communauté Internet, souvent appelée “blogosphère”, nous pensons avoir maintenant assez de preuves pour assurer avec certitude que beaucoup des faits rapportés en images par les médias sont en fait des mises en scène. Nous pensons même pouvoir aller plus loin. À notre avis, l’essentiel de l’activité des secours à Khuraybah [le vrai nom de l’endroit, alors que les médias, en accord avec le Hezbollah, ont utilisé le nom de Cana, pour sa connotation biblique et l’écho du drame de 1996] le 30 juillet a été détourné en exercice de propagande. Le site est devenu en fait un vaste plateau de tournage, où les gestes macabres ont été répétés avec la complaisance des médias, qui ont participé activement et largement utilisé le matériau récolté. La tactique des médias est prévisible et tristement habituelle. Au lieu de discuter le fond de nos arguments, ils se focalisent sur des détails, y relevant des inexactitudes et des fausses pistes, et affirment que ces erreurs vident notre dossier de toute valeur. D’autres nous étiquètent comme de droite, pro-israéliens ou parlent simplement de théories du complot, comme si cela pouvait suffire à éliminer les éléments concrets que nous avons rassemblés. Richard North (EU Referendum)
Lorsque les médias se prêtent au jeu des manipulations plutôt que de les dénoncer, non seulement ils sacrifient les Libanais innocents qui ne veulent pas que cette mafia religieuse prenne le pouvoir et les utilise comme boucliers, mais ils nuisent aussi à la société civile de par le monde. D’un côté ils nous dissimulent les actes et les motivations d’organisations comme le Hamas ou le Hezbollah, ce qui permet aux musulmans ennemis de la démocratie, en Occident, de nous (leurs alliés progressistes présumés) inviter à manifester avec eux sous des banderoles à la gloire du Hezbollah. De l’autre, ils encouragent les haines et les sentiments revanchards qui nourrissent l’appel au Jihad mondial. La température est montée de cinq degrés sur l’échelle du Jihad mondial quand les musulmans du monde entier ont vu avec horreur et indignation le spectacle de ces enfants morts que des médias avides et mal inspirés ont transmis et exploité. Richard Landes
Nous avons commis une terrible erreur, un texte malencontreux sur l’une de nos photos du jour du 18 avril dernier (à gauche), mal traduit de la légende, tout ce qu’il y a de plus circonstanciée, elle, que nous avait fournie l’AFP*: sur la « reconstitution », dans un camp de réfugiés au Liban, de l’arrestation par de faux militaires israéliens d’un Palestinien, nous avons omis d’indiquer qu’il s’agissait d’une mise en scène, que ces « soldats » jouaient un rôle et que tout ça relevait de la pure et simple propagande. C’est une faute – qu’atténuent à peine la précipitation et la mauvaise relecture qui l’ont provoquée. C’en serait une dans tous les cas, ça l’est plus encore dans celui-là: laisser planer la moindre ambiguïté sur un sujet aussi sensible, quand on sait que les images peuvent être utilisées comme des armes de guerre, donner du crédit à un stratagème aussi grossier, qui peut contribuer à alimenter l’exaspération antisioniste là où elle s’enflamme sans besoin de combustible, n’appelle aucun excuse. Nous avons déconné, gravement. J’ai déconné, gravement: je suis responsable du site de L’Express, et donc du dérapage. A ce titre, je fais amende honorable, la queue basse, auprès des internautes qui ont été abusés, de tous ceux que cette supercherie a pu blesser et de l’AFP, qui n’est EN AUCUN CAS comptable de nos propres bêtises. Eric Mettout (L’Express)
Comment expliquer qu’une légende en anglais qui dit clairement qu’il s’agit d’une mise en scène (la légende, en anglais, de la photo fournie par l’AFP: « LEBANON, AIN EL-HELWEH: Palestinian refugees pose as Israeli soldiers arresting and beating a Palestinian activist during celebrations of Prisoners’ Day at the refugee camp of Ain el-Helweh near the coastal Lebanese city of Sidon on April 17, 2012 in solidarity with the 4,700 Palestinian inmates of Israeli jails. Some 1,200 Palestinian prisoners held in Israeli jails have begun a hunger strike and another 2,300 are refusing food for one day, a spokeswoman for the Israel Prisons Service (IPS) said. »), soit devenue chez vous « Prisonnier palestinien 18/04/2012. Mardi, lors de la Journée des prisonniers, des centaines de détenus palestiniens ont entamé une grève de la faim pour protester contre leurs conditions de détention », étonnant non ? David Goldstein
A l’heure où des rédacteurs en chef d’un magazine à la réputation établie de longue date laissent passer des bavures aussi mahousses que celle que vient de nous pondre le tout nouveau blog de l’Express d’Eric Mettout …
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Dans un pays où une importante exposition parisienne sur les photos controversées du siècle peut tranquillement faire l’impasse sur l’un des plus grands faux de l’histoire récente …
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Petit cours de rattrapage, avec le site Arrêts sur images, pour nos journalistes distraits ou pressés
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Qui via notamment quelques uns des cas de la flopée de photomontages qui avait marqué la 2e Guerre du Liban de 2006 et que nous avions évoquée ici
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Et malgré quelques dument douteuses plaisanteries de potache (sur les « Amerlocains »?) …
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A le mérite de rappeler le relatif degré de sophistication que permettent les technologies numériques actuelles ???
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Et surtout la véritable guerre d’information et d’image dont semblent souvent peu conscients non seulement le grand public mais ceux qui sont censés l’informer …
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souvenirs souvenirs

Avant les missiles iraniens, les fumées sur Beyrouth

Alain Korkos

Arrêts sur images

11/07/2008

L’art éternel de la retouche-photo

Bien avant l’affaire des missiles iraniens, Alain Korkos avait traité de l’art de la retouche des photos d’actualité sur son ancien blog, La boîte à images.

Pour ceux qui l’auraient manqué, ce cours magistral du professeur Korkos, donné le 8 septembre 2006, reste d’actualité !

Que ce soit pour lisser la peau tavelée du jeune marié ou pour truquer une image à des fins politiques, la retouche photographique existe depuis l’invention de la photographie – ou presque.

J’avais publié, dans le Manuel à l’usage des petites Staline de banlieue, des photographies truquées datant de la Commune de 1871 et j’avais rappelé que ce genre de manipulation existait avant même l’invention de la photographie, en citant pour exemple le Sacre de Napoléon peint par David.

La manipulation d’images à des fins politiques ne date pas d’hier, et il n’est pas étonnant qu’elle fleurisse de nos jours avec le perfectionnement des techniques. Avec parfois quelques couac aussi, dont la récente affaire Adnan Hajj nous fournit une belle illustration.

Le 5 août dernier, l’agence Reuters diffuse cette image du bombardement de Beyrouth par les Israéliens :

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La tricherie est éventée le jour même par Charles Johnson sur son blogue littlegreenfootballs.com. Il nous révèle que l’auteur de la photo a utilisé la fonction « tampon » de Photoboutique pour dupliquer la fumée, sans oublier quelques immeubles par la même occasion :

beyrouth-02

Et l’on voit par là que Adnan Hajj ne maîtrise pas bien l’objet. N’importe quel photoboutiquier un tant soit peu expérimenté eût fait beaucoup mieux ! Résultat des courses : le photographe bidouilleur s’est fait virer de Reuters.

L’affaire avait également été dévoilée par le blogue The Jawa Report qui prouva aussi que Adnan Hajj avait truqué d’autres photos le 2 août dernier :


> Cliquez sur l’image pour un gros plan <

> Cliquez sur l’image pour un gros plan <

Nous sommes censés voir trois missiles alors qu’il n’y en a qu’un, dupliqué deux fois.

Au risque de choquer, je dirai que l’affaire du bombardement de Beyrouth – dont on peut lire les très intéressants développements sur cette page de la Wikipedia, est tristement banale. Nous sommes abreuvés de vidéos et de photos truquées, vingt-quatre heures sur vingt-quatre. Que l’on songe, par exemple, aux photos publiées par la presse à emballer le poisson qui nous montrent régulièrement des couples illégitimes de vedettes n’existant que sur le papier. Que l’on songe à toutes ces photos de chanteuses auxquelles on a ajouté des seins, allongé les jambes, gommé les bourrelets.

De nos jours, la manipulation naît dans les bas-fonds de la presse pour grandir dans ses étages. Une foule d’exemples amerlocains relevant de la politique ou du pipeule est fournie sur cette page de l’indispensable Dartmouth College.

Souvenons-nous de l’affaire Brian Walski, par exemple. En avril 2003, ce photographe du Los Angeles Times livra cette image d’un soldat britannique à Basra, en Irak :

beyrouth-05

Image bidon qui raconte une histoire inventée grâce à la compilation de deux photos :

beyrouth-06 beyrouth-07

Rien que de très banal, disais-je.

Nous vivons une époque où il est impératif de ne plus croire en la véracité d’une image, une époque où l’on nous ment à tout bout de champ. Apprenons à faire avec en aiguisant notre regard, cultivons la suspicion au risque de sombrer dans la paranoïa, et tout ira presque bien dans le pire des mondes.

Sauf que…

Sauf que certains veulent se croire encore plus malins que les trafiquants d’images. Profitant de leur confortable position de chevalier blanc, ils abusent le monde ou s’abusent eux-mêmes.

Rien qu’un exemple éclairant, toujours à propos de cette affaire Adnan Hajj.

Fort de sa découverte concernant le bidonnage du bombardement de Beyrouth, le ouèbemaistre de littlegreenfootballs.com publie peu après une photo qui, selon lui, serait l’image originale trafiquée par Adnan Hajj. Il s’agit d’un cliché pris le 26 juillet 2006 par Ben Curtis pour Associated Press :

beyrouth-08

Et ledit ouèbemaistre, de mettre en ligne une animation prouvant qu’il s’agit bien de la même image :

beyrouth-09

Sauf que voilà, seul un tiers de la photo est commun, et bizarrement, la petite maison sur la hauteur n’est pas dans le même axe vertical si l’on prend comme point de référence l’immeuble entouré d’un carré rouge :

beyrouth-10

Ce seul point nous indique que nous n’avons pas affaire à la même photo. La chose se confirme si l’on se réfère à la ligne verte du bas nous montrant que la position de l’immeuble encadré de rouge est différente. La ligne verte du haut nous indique, elle, que la hauteur de la colline a considérablement varié ! Elle a grandi à un point tel que c’est impossible et l’on va bientôt comprendre pourquoi (voir plus bas les points 1. et 4.).

Un peu plus tard dans la journée, l’agence Reuters reconnaissait « l’erreur ». Elle publiait le lendemain la photo originale d’Adnan Hajj, avant retouche :


> Cliquez sur l’image pour un gros plan < Photo originale

> Cliquez sur l’image pour un gros plan < Photo retouchée

Peut-on accorder du crédit à Reuters, qui diffusa plusieurs photos bidon d’Adnan Hajj sans jamais sourciller ? Oui. Ces deux photos n’en sont qu’une, en voici une preuve parmi d’autres :

beyrouth-12

À gauche, un extrait de la photo originale ; à droite la photo retouchée. S’il est une chose que l’appareil photographique le plus rapide au monde ne peut capter de manière absolument identique sur deux prises de vues différentes, c’est bien la fumée qui a la mauvaise habitude de se déplacer plus vite que son ombre. Ici, on s’aperçoit que la découpe du panache est absolument identique. Il s’agit bien de la même photo. Les immeubles au-dessous sont différents, certes. L’explication est fournie quelques lignes plus bas, aux points 1 et 4.

On voit par là que le ouèbemaistre de littlegreenfootballs.com s’était un peu emballé, avait pris ses désirs pour des réalités. L’erreur est humaine, ne lui jetons pas la pierre. Il publia ensuite la photo originale divulguée par Reuters, sans un mot d’excuse à l’attention de ses lecteurs.

Dommage.

PETIT EXAMEN DES RETOUCHES EFFECTUÉES PAR ADNAN HAJJ


> Cliquez sur l’image pour un gros plan <

1. Cette partie de la colline a été déplacée vers le haut afin d’exagérer le côté tapi, vulnérable de la ville.
2. et 3. La fumée a été dupliquée au tampon.
4. et 5. Les immeubles ont été dupliqués au tampon.
6. Le bas de la photo a été coupé, afin d’enfoncer encore un peu plus la ville. Pour s’en convaincre, il suffit de regarder à nouveau la photo originale ci-dessous. La partie encadrée de rouge est celle qui a été ôtée :

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Enfin, le contraste a été accentué sur toute la surface de l’image afin de la rendre plus dramatique.

CADEAU BONUS

L’École des Hautes Études en Sciences Sociales, académique institution s’il en est, dispose d’un blog intitulé Actualités de la recherche en histoire visuelle. À propos de l’affaire Adnan Hajj, on peut y lire ceci en date du 8 août :
Pendant plus d’une dizaine d’années, pour montrer les manipulations permises par l’image numérique, les manuels de visual studies n’ont eu recours qu’à une seule illustration: l’altération du visage d’O. J. Simpson en couverture de Time. [1994](…) A en juger par les effets produits par l’affaire Adnan Hajj, nous disposons maintenant du premier exemple emblématique de manipulation de l’ère de la photographie numérique.

L’auteur de ces lignes semble avoir oublié l’affaire Brian Walski de 2003, qui fit pourtant bien du bruit dans le landerneau. Le même auteur publie un dessin de presse résumant l’affaire, sans en comprendre tout le sel :

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Source.

Allusion au fait qu’un cliché peut être photoboutiqué, mais aussi rappel d’une autre photographie d’Adnan Hajj qui fit couler quelques filets d’encre une poignée de jours plus tôt :

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A rescuer carries the body of a toddler victim of an Israeli air raid on Qana that killed more than 60 people, the majority of them women and children, in south Lebanon, July 30, 2006. REUTERS/Adnan Hajj (LEBANON)

Cette image honteuse d’un sauveteur exhibant un gamin sous les objectifs des reporters évoque – involontairement – une célèbre photographie de guerre prise par Eugene Smith en 1944 à Saipan. Cette île, qui fait partie de l’archipel des Mariannes dans le Pacifique, avait été investie par les Amerlocains pour y déloger les Japonais.

beyrouth-eugenesmith

Voir aussi:

Le mea culpa de l’Express, qui s’excuse, mais qui n’a rien compris !

David Goldstein

Haabir-haisraeli

Beaucoup ont vu la vraie photo publiee par l’Express : de faux soldats israéliens qui maltraitent un pseudo prisonnier palestinien, et le menacent cruellement de leurs armes. Cette photo a créé un scandale, justifié, sur le net et ailleurs parce que même si elle existe, cette photo ne montre qu’une comédie de très mauvais goût montée par des Palestiniens du Liban – sauf que l’Express n’a pas mentionné que c’était une mise en scène et l’a montrée comme une preuve de la cruauté inhumaine de Tsahal et d’Israel. Le 18 mai, l’Express, par l’intermediaire du responsable du site Eric Mettout, s’excuse de la bavure et écrit un pamphlet appelé : « Non, nous ne sommes pas antisémites ». Extrait et analyse.

« Nous avons commis une terrible erreur, un texte malencontreux sur l’une de nos photos du jour du 18 avril dernier (à gauche), mal traduit de la légende, tout ce qu’il y a de plus circonstanciée, elle, que nous avait fournie l’AFP*: sur la « reconstitution », dans un camp de réfugiés au Liban, de l’arrestation par de faux militaires israéliens d’un Palestinien, nous avons omis d’indiquer qu’il s’agissait d’une mise en scène, que ces « soldats » jouaient un rôle et que tout ça relevait de la pure et simple propagande.

C’est une faute – qu’atténuent à peine la précipitation et la mauvaise relecture qui l’ont provoquée.

C’en serait une dans tous les cas, ça l’est plus encore dans celui-là : laisser planer la moindre ambiguïté sur un sujet aussi sensible, quand on sait que les images peuvent être utilisées comme des armes de guerre, donner du crédit à un stratagème aussi grossier, qui peut contribuer à alimenter l’exaspération antisioniste là où elle s’enflamme sans besoin de combustible, n’appelle aucune excuse. Nous avons déconné, gravement. J’ai déconné, gravement : je suis responsable du site de L’Express, et donc du dérapage.

A ce titre, je fais amende honorable, la queue basse, auprès des internautes qui ont été abusés, de tous ceux que cette supercherie a pu blesser et de l’AFP, qui n’est EN AUCUN CAS comptable de nos propres bêtises.

Cela dit – et que les choses soient claires, ce que j’écris ci-dessous n’enlève rien à ce que j’ai écrit ci-dessus ».

Merci monsieur Mettout pour ces excuses, sûrement motivées par l’incendie allumé par votre rédaction irresponsable (eh oui, même si vous en êtes le responsable, vous n’êtes pas seul). Bien sûr, on ne peut qu’accepter vos excuses, mais cela ne suffit pas monsieur Mettout pour vous débarasser du reste de cette boulette. Vous avez fait une erreur, soit. Vous vous excusez, bien. Vous n’êtes pas antisémite, ou anti-israélien, cela reste a voir !

Comment vous expliquez monsieur Mettout que l’Express publie une photo legendee avec de telles accusations ? Moi j’ai deux explications:

– La premiere : vous et vos collaborateurs êtes des gens manquant de professionalisme, et ça vous l’avez prouvé, vous devriez donc en tirer les conséquences et agir en conséquence – mais j’ai bien compris que vous pensez que votre lettre d’excuse soit suffisante !? Vos lecteurs prendront donc leur décision en conséquence ; s’ils pensent pouvoir continuer d’accorder leur confiance à un journal géré par des gens qui font de telles erreurs…

– La deuxième (qui n’exclut pas la première) : vous et vos collaborateurs êtes bel et bien des journalistes anti-israéliens (voir antisémites puisque vous vous en défendez) et je m’en explique. Comment expliquer que vous ayez décidé de publier une photo aussi grave sans même vérifier correctement ce que vous alliez publier ? Comment expliquer qu’une légende en anglais qui dit clairement qu’il s’agit d’une mise en scene (la légende, en anglais, de la photo fournie par l’AFP: « LEBANON, AIN EL-HELWEH: Palestinian refugees pose as Israeli soldiers arresting and beating a Palestinian activist during celebrations of Prisoners’ Day at the refugee camp of Ain el-Helweh near the coastal Lebanese city of Sidon on April 17, 2012 in solidarity with the 4,700 Palestinian inmates of Israeli jails. Some 1,200 Palestinian prisoners held in Israeli jails have begun a hunger strike and another 2,300 are refusing food for one day, a spokeswoman for the Israel Prisons Service (IPS) said. »), soit devenue chez vous « Prisonnier palestinien 18/04/2012. Mardi, lors de la Journée des prisonniers, des centaines de détenus palestiniens ont entamé une grève de la faim pour protester contre leurs conditions de détention », etonnant non ?

Vous et votre rédaction vous vous êtes précipités sur une photo sans intérêt pour pouvoir accuser Israel et Tsahal, vous l’avez légendé de vos propres phantasmes, de votre haine latente de ce pays – exutoire de vos esprits malades.

Et que dire de votre agressivité envers ceux qui vous critiquent…

Monsieur Mettout, vous et vos collègues faites bel et bien partie des journalistes engagés contre Israel, tout comme le triste sieur Enderlin. Vous avez saisi l’occasion de prendre une photo truquée et d’en modifier la légende originale pour faire un coup contre l’armée la plus morale du monde et la seule démocratie du Proche-Orient, sans vous soucier du mal que vous pouviez faire – ou peut-être en l’espérant. Alors antisémite ou non ? Moi je ne sais pas vraiment comment vous qualifier, vous ne m’inspirez en fait pas grand chose.

Voir enfin:

Non, nous ne sommes pas antisémites

le 18 mai 2012 15H48 | par

Eric Mettout

Nous avons commis une terrible erreur, un texte malencontreux sur l’une de nos photos du jour du 18 avril dernier (à gauche), mal traduit de la légende, tout ce qu’il y a de plus circonstanciée, elle, que nous avait fournie l’AFP*: sur la « reconstitution », dans un camp de réfugiés au Liban, de l’arrestation par de faux militaires israéliens d’un Palestinien, nous avons omis d’indiquer qu’il s’agissait d’une mise en scène, que ces « soldats » jouaient un rôle et que tout ça relevait de la pure et simple propagande.

C’est une faute – qu’atténuent à peine la précipitation et la mauvaise relecture qui l’ont provoquée.

C’en serait une dans tous les cas, ça l’est plus encore dans celui-là: laisser planer la moindre ambiguïté sur un sujet aussi sensible, quand on sait que les images peuvent être utilisées comme des armes de guerre, donner du crédit à un stratagème aussi grossier, qui peut contribuer à alimenter l’exaspération antisioniste là où elle s’enflamme sans besoin de combustible, n’appelle aucun excuse. Nous avons déconné, gravement. J’ai déconné, gravement: je suis responsable du site de L’Express, et donc du dérapage.

A ce titre, je fais amende honorable, la queue basse, auprès des internautes qui ont été abusés, de tous ceux que cette supercherie a pu blesser et de l’AFP, qui n’est EN AUCUN CAS comptable de nos propres bêtises.

Cela dit – et que les choses soient claires, ce que j’écris ci-dessous n’enlève rien à ce que j’ai écrit ci-dessus:

– Il arrive, quand nous nous trompons – parce que ça arrive, personne n’est parfait – que nous en soyons avertis directement, que celle ou celui qui a repéré une erreur nous envoie un mail, nous passe un coup de téléphone, nous écrive pour nous demander de nous expliquer, de corriger, de supprimer – il est assez facile de nous contacter si on le souhaite vraiment. J’attends toujours. Dès que j’ai eu connaissance, par le patron du service Monde de L’Express, de cette bourde, j’ai fait supprimer l’image et sa légende.

– Sur de nombreux sites pro-israéliens où l’affaire (!) a pris son envol et son ampleur, elle a servi à nourrir de vieilles rancœurs. Pour résumer: les médias français dans leur ensemble désinforment sciemment, s’acharnant sur Israël en toute (mé)connaissance de cause – quand nous ne sommes pas tout bonnement accusés d’encourager le terrorisme; j’ai lu tout à l’heure que nous aurions « fabriqué » Mohamed Merah…

Naturellement, ont resurgi à cette occasion d’autres incidents, au premier rang desquels figure, comme d’habitude, la mort du petit Mohamed Al-Durah, filmée par l’équipe du correspondant de France 2 à Jérusalem, Charles Enderlin – formidable journaliste, dont le courage n’a d’égal que le professionnalisme, j’en profite pour le répéter ici. Il faut avoir le cuir épais pour résister aux pressions brutales et inqualifiables dont il est la cible depuis ce jour-là. Il l’a, fait toujours bien son métier, rend coup pour coup, malgré les attaques infamantes et les calomnies dont il est l’objet, respect.

C’est d’ailleurs un regret supplémentaire: en manquant de rigueur, nous avons involontairement contribué à discréditer nos confrères qui font bien leur travail, qui relatent les emprisonnements arbitraires des uns, l’extrémisme religieux et les diatribes antisémites des autres, les opérations militaires implacables comme les tirs de roquettes, les colonies illégales comme les attentats aveugles – et rappellent aussi, ne serait-ce que par leur liberté d’y travailler, qu’Israël est la seule véritable démocratie de la région, qu’on y vote sans contrainte, qu’on y lit des journalistes indépendants, qu’on peut y manifester et s’y opposer sans risquer la torture et la mort.

– Marre de lire que tous autant que nous sommes, nous, journalistes français, nous cultivons non seulement un antisionisme atavique (ce qui est faux), mais aussi un antisémitisme historique – ce qui, pour le coup, me fait hurler. Evoquer, comme je l’ai lu ici ou là, « la connotation antisémite » de ce qui, encore une fois, n’est rien d’autre qu’une bévue, ce n’est pas seulement disproportionné et inutilement insultant, ce n’est pas seulement banaliser le Mal, c’est aussi un avertissement à peine déguisé.

J’ai utilisé le mot propagande au début de ce post, à propos de l’image qui l’a motivé. Il n’y en a pas d’autre pour qualifier les méthodes d’intimidation mises en oeuvre pour nous empêcher de parler librement du conflit israélo-palestinien. Et si reconnais bien volontiers, et bien tristement, notre erreur, je tiens à confirmer que nous continuerons, malgré elle et les réactions qu’elle a provoquées, à le faire.

PS qui a tout à voir: le sujet de ce post est éminemment sensible. Je ne vais être épargné par personne, ni par les défenseurs les plus intransigeants de la politique israélienne, ni par ceux qui dénoncent sans nuance le vil « colonisateur ». J’aimerais simplement que tous les autres, et j’espère qu’ils sont majoritaires, liront ce que j’ai écrit et pas ce que ces jusqu’au-boutistes en auront dit.

*PS qui a tout à voir aussi: pour information, la légende, en anglais, de la photo fournie par l’AFP: « LEBANON, AIN EL-HELWEH: Palestinian refugees pose as Israeli soldiers arresting and beating a Palestinian activist during celebrations of Prisoners’ Day at the refugee camp of Ain el-Helweh near the coastal Lebanese city of Sidon on April 17, 2012 in solidarity with the 4,700 Palestinian inmates of Israeli jails. Some 1,200 Palestinian prisoners held in Israeli jails have begun a hunger strike and another 2,300 are refusing food for one day, a spokeswoman for the Israel Prisons Service (IPS) said. »


Médias: Attention, une censure peut en cacher une autre (Who needs violence or threats when you’ve got self-censorship or libel courts?)

19 Mai, 2012
C’est une attaque contre la démocratie et non contre ma personne. Edwy Plenel
Nous avons commis une terrible erreur, un texte malencontreux sur l’une de nos photos du jour du 18 avril dernier (à gauche), mal traduit de la légende, tout ce qu’il y a de plus circonstanciée, elle, que nous avait fournie l’AFP*: sur la « reconstitution », dans un camp de réfugiés au Liban, de l’arrestation par de faux militaires israéliens d’un Palestinien, nous avons omis d’indiquer qu’il s’agissait d’une mise en scène, que ces « soldats » jouaient un rôle et que tout ça relevait de la pure et simple propagande. C’est une faute – qu’atténuent à peine la précipitation et la mauvaise relecture qui l’ont provoquée. C’en serait une dans tous les cas, ça l’est plus encore dans celui-là: laisser planer la moindre ambiguïté sur un sujet aussi sensible, quand on sait que les images peuvent être utilisées comme des armes de guerre, donner du crédit à un stratagème aussi grossier, qui peut contribuer à alimenter l’exaspération antisioniste là où elle s’enflamme sans besoin de combustible, n’appelle aucun excuse. Nous avons déconné, gravement. J’ai déconné, gravement: je suis responsable du site de L’Express, et donc du dérapage. A ce titre, je fais amende honorable, la queue basse, auprès des internautes qui ont été abusés, de tous ceux que cette supercherie a pu blesser et de l’AFP, qui n’est EN AUCUN CAS comptable de nos propres bêtises. Eric Mettout (L’Express)
LEBANON, AIN EL-HELWEH: Palestinian refugees pose as Israeli soldiers arresting and beating a Palestinian activist during celebrations of Prisoners’ Day at the refugee camp of Ain el-Helweh near the coastal Lebanese city of Sidon on April 17, 2012 in solidarity with the 4,700 Palestinian inmates of Israeli jails. Some 1,200 Palestinian prisoners held in Israeli jails have begun a hunger strike and another 2,300 are refusing food for one day, a spokeswoman for the Israel Prisons Service (IPS) said. Légende AFP
Belle carrière politique que celle de Najat Vallaud-Belkacem, née au Maroc en 1977. Elle était déjà porte-parole de Ségolène Royal durant la campagne de l’élection présidentielle de 2007. Moins connue est sa double carrière politique simultanée, l’une en France et l’autre au Maroc. Depuis décembre 2007, elle fait partie des 37 membres du Conseil de la communauté marocaine à l’étranger (CCME) directement nommés par le roi Mohammed VI. Une Information confirmée par l’ambassade du Maroc en France, ainsi que par le site du CCME. Najat Belkacem assume totalement cette double allégeance politique et bi-nationale dans une interview à Bladi.net, où elle expliquait que ce conseil «s’exprimera d’abord sur les sujets dont [il] sera saisie par Sa Majesté en faisant valoir un point de vue de Marocains de l’étranger, et pour ce qui me concerne de Franco-Marocaine engagée dans la vie politique française». Alors que la thématique de l’immigration focalise le débat en France, on comprendra que la jeune pousse socialiste devenue porte-parole de François Hollande soit désormais si discrète sur le sujet… Slate
Le faible écart avec M. Hollande montre que la France n’est pas de gauche. Celle-ci ne peut gagner que par effraction : Chirac a fait perdre Giscard en 1981 ; la dissolution a fait perdre la droite en 1997 ; aujourd’hui, la gauche a gagné du fait de la crise. Une victoire de M. Sarkozy aurait été meilleure pour l’économie française, mais elle aurait suscité une immense aigreur à gauche. Pour la société française, peut-être fallait-il l’alternance. (…) Quand, au mois de janvier, M. Sarkozy fait la campagne que j’aime – sur le rattrapage de l’Allemagne, la compétitivité, la TVA sociale -, il ne gagne pas 1 point. Quand il fait la campagne « buissonnière », il en gagne 5 à 6. Cela me désole, mais cela en dit long sur la France. Le diagnostic de M. Buisson n’est pas complètement faux. Le candidat PS a fait la même chose en se gauchisant au fur et à mesure : la taxation à 75 %, ce n’est pas le Hollande de la primaire PS. Alain Minc
Célébrer l’histoire du communisme ou de la Terreur, c’est tout de même bien plus tolérant que de refuser l’entrée du territoire à un étranger qui ne s’est pas conformé à la loi. Théophane Le Méné
It is an irony of fate that the most serious recent setback to freedom of speech in the West occurred in the same year when the fall of the Berlin Wall – soon followed by that of the Iron Curtain – liberated the Eastern half of Europe after decades of totalitarianism. Salman Rushdie’s The Satanic Verses was published in 1988 and Ayatollah Khomeini issued a fatwa calling for Rushdie’s death in 1989. This call for murder as a punishment for blasphemy was unprecedented because even though Rushdie was born to an Indian Muslim family, he was a Cambridge-educated British citizen living in London, meaning that the harsh Qu’ranic blasphemy laws, still valid in stronger or weaker versions in many Muslim-majority countries, were for the first time applied globally, with nothing less than death as the punishment for violating them. The Rushdie affair, which Cohen calls ‘the Dreyfus affair of our time’, ‘redrew the boundaries of the free world’, or rather, it dissolved the borders that had framed and protected a zone where the right to have free, playful and provocative discussions about any issue had become self-evident. The fatwa ‘ensured that London, New York, Paris, Copenhagen and Amsterdam could no longer be places of safety for writers tackling religious themes’. It was not just Rushdie who was threatened. Cohen gives a good overview of the reactions of publishers, book sellers and translators to the threats they, too, had received. (…) In twenty years, violence and threats on the one hand, and misplaced attempts at respect on the other, have had a profound effect. When the American author Sherry Jones wrote an innocent novel about the life of Muhammad’s favourite wife, it took just a hint from an American academic that it could possibly ‘be offensive to some in the Muslim community’ and ‘incite acts of violence by a small, radical segment’ for Random House to cancel the contract and pull the book. Violence or threats are no longer needed: we have learned to censor ourselves. Paintings are removed from exhibitions and plays are cancelled as soon as someone hints that they could ‘offend’ someone. Self-censorship does not mean so much that existing books get banned as that possibly provocative books remain unwritten. Since the fatwa, Cohen writes, Western culture has changed: “No young artist of Rushdie’s range and gifts would dare write a modern version of The Satanic Verses today, and if he or she did, no editor would dare publish it.” A quite different form of censorship is the one that has brought dubious international fame particularly to England – it threatens those who break the rules not with physical violence, but with unbearable financial losses. English libel courts are well known for making writers pay for smearing someone’s good name, regardless of whether what they write is factually true or not, and even whether they end up winning or losing their cases in court. Even though this method of pressure is different, its end result is the same: preventive self-censorship. Knowing that they can always be outdone by rich claimants, individual writers and smaller papers prefer not to write about certain persons and topics. This modern form of censorship also has a global reach: the British courts have protected, among others, Saudi sheiks and Ukrainian oligarchs from uncomfortable revelations or critical remarks. To sue writers for ‘smearing their name’, it is enough that the material, even if published abroad, is available in Britain. In the era of the Internet and global markets, this could include virtually anything. Iivi Anna Masso
Ben Laden s’inquiète que ses ennemis «ont très largement cessé d’utiliser l’expression de “guerre contre le terrorisme” afin d’éviter de provoquer les musulmans, car ils considèrent que cette expression apparaît, aux yeux de la plupart, comme une guerre contre l’Islam, particulièrement depuis qu’ils ont fait couler le sang de Musulmans innocents en Irak et en Afghanistan.» Et voilà donc la confirmation de la critique formulée par de nombreux Démocrates (et spécialistes des questions internationales) à l’égard de l’approche des Républicains relative à la guerre contre le terrorisme de la décennie passée –car leurs phrases-totems («Islamo-fascisme», «Islamo-terrorisme» et même «Guerre contre le terrorisme») ont servi al-Qaïda, donnant encore plus de poids au cri de ralliement lancé par Ben Laden et ses fidèles, affirmant que l’Amérique fait la guerre à l’Islam. Il faut tout de même porter au crédit du président Bush qu’il a fait quelques efforts pour faire taire cette critique, affirmant lors de plusieurs discours qu’al-Qaïda était une perversion, et pas un reflet, de l’Islam. Mais il a également utilisé tout un vocabulaire à base d’Islamo-quelque chose qui –nous le savons à présent, ravissait Ben Laden. Et les activistes républicains qui ont le plus fidèlement vanté son bilan dans cette guerre contre le terrorisme – Dick Cheney, Newt Gringrich, John Bolton, Rudoph Giuliani, pour n’en citer que quelques-uns – ont souvent montré du doigt ceux qui refusaient d’utiliser les termes «Islam» ou «Islamiste» pour caractériser ce terrorisme de l’après 11-Septembre. Leur argument consistait à dire que ceux qui refusaient d’utiliser ces mots étaient victimes du politiquement correct. Mais les lettres de Ben Laden suggèrent qu’ils s’adonnaient, en fait, au correctement politique. Ben Laden désirait que l’Occident fasse un lien entre l’Islam et al-Qaïda, car ce faisant, l’Occident donnait un certain poids à l’un de ses arguments: non seulement l’Occident menait une guerre contre l’Islam (et l’Occident devait donc être combattu) mais que l’Islam et al-Qaïda ne faisaient qu’un (et que les Musulmans devaient donc rejoindre al-Qaïda). En entrant à la Maison blanche, Obama souhaitait le plus possible isoler l’un de l’autre. Plusieurs personnes (…) tiré des fusées d’alarme lorsqu’il abandonna cette expression de «guerre contre le terrorisme.» Cheney déclara notamment qu’Obama n’avait pas la bonne «tournure d’esprit» pour faire face aux menaces d’un monde dangereux (même après qu’Obama ait triplé le nombre des drones frappant des cibles d’al-Qaïda au Pakistan). Nous voyons aujourd’hui qu’Obama avait vu juste et que Ben Laden fut horrifié par ce changement de politique. Ben Laden avait parfaitement compris que ce virage rhétorique nuisait à sa stratégie de diffusion du message d’al-Qaïda à travers le monde musulman, une stratégie que Cheney avait approuvée sans relâche durant ses huit années de vice-président (dont six au cours desquels il fut, de fait, le responsable de la politique étrangère américaine) (…) Ben Laden a accueilli la rhétorique et la politique de Bush avec joie, car elles permettaient de gonfler ses effectifs; il craignait que celles d’Obama ne les diminuent. Sur ce dernier point, au moins, il ne se trompait pas. Fred Kaplan
Avec Jean Luc Mélenchon, c’est le style brutal qui ressurgit en politique, un style qui avait disparu en Europe depuis la deuxième guerre mondiale et qui, aujourd’hui trouve à s’exprimer dans un discours qui appelle à « prendre le pouvoir » et à prôner la violence envers « les riches », un discours qui, joignant le geste à la parole, fait de l’occupation de la rue la répétition d’on ne sait quelle prise de la Bastille à venir. Mélenchon promet tout et joue avec l’inquiétude sociale et économique. Comme tout leader prophétique, il accomplira des miracles, si vous prenez le pouvoir. Son clip de campagne commence sur une musique messianique annonçant la frénésie des lendemains qui chantent. Son charisme est foudroyant au vu de sa popularité mais aussi l’indulgence des commentateurs politiques, au fond séduits et émerveillés, et qui ne soufflent mot de l’inanité de son programme politique et économique. On ne peut s’empêcher de contraster cette indulgence – dont bénéficie aussi le pathétique Poutou – avec l’acrimonie rituelle envers certains candidats, dont Marine Le Pen est la figure principale. S’ils étaient conséquents avec eux-mêmes, ils devraient mettre en demeure Hollande de ne passer aucun accord avec ce « populisme » qui est, comme on le voit « politiquement correct », ce qu’explique sans doute un reste de la nostalgie de l’idéologie soixante-huitarde… Marine Le Pen ne se trompe pas quand elle prétend être le centre de gravité de la campagne sauf qu’elle enfonce une porte ouverte car c’est bien le cas depuis 20 ans, depuis que Mitterrand a créé de toutes pièces Le Pen comme un épouvantail autour duquel toute la vie politique française allait se structurer. Néanmoins, elle ne dit qu’une demi-vérité car on peut voir dans le phénomène Mélenchon une métastase du lepénisme, un lepénisme d’extrême gauche. N’a-t-il pas récupéré l’électorat populaire que Jean Marie Le Pen avait ravi à un PC en décomposition ? Son inimitié violente avec le FN en dit long sur la concurrence des deux « populismes » qui sévissent désormais en France et annoncent des lendemains qui déchantent pour la paix sociale. Ce développement pourrait bien être en effet le produit incontrôlé de la réforme imposée à son parti par la présidente du FN, dans sa quête d’une respectabilité et d’une légitimité républicaines. Shmuel Trigano
Il me semble qu’il faut voir dans cette prégnance des procès intellectuels l’effet « d’épidémie de politiquement correct », au sens exact de l’expression, c’est-à-dire considérer comme répréhensible de donner une mauvaise image d’une communauté minoritaire, marginale, ou longtemps opprimée. Mais également l’effet du « respect universel », ce phénomène nouveau qui fait que tout est respectable, que toute différence est bonne en soi, que tout espèce de choix, de singularité, d’individualité, est bonne en soi. (…) Il en résulte une situation pour l’écrivain où rien ne lui est fondamentalement interdit ; il est plutôt recommandé de transgresser, de tout dire c’est sa liberté. (…) Ce « scandale » ou cet « interdit artificiellement mis en place et rituellement transgressé permet à la littérature de se donner l’illusion de rapport à la réalité. On est en face d’œuvres dépourvues de travail de la langue et de travail artistique mais qu’on agrémente de certains dispositifs qui vont créer du langage, qui vont créer un évènement. Et le journaliste littéraire, quelque soit la qualité de l’œuvre proposée va en parler dès lors où il considère que c’est un évènement, donc qu’il est de son devoir de journaliste d’en parler et que « l’évènement » dira-t-il « interroge notre société ». La boucle est bouclée. Vous créez un évènement, cet évènement représente la réalité et donc il est de notre devoir à nous journalistes d’en parler. On dit qu’il se créé des bulles économiques, il se créé des bulles littéraires ! Une espèce de bulle de fausse réalité qui sont des bulles de langage journalistique où le faux interdit devient, pour la littérature, une sorte d’assistance respiratoire qui donne à l’écrivain l’impression qu’il existe encore, que la littérature attaque la réalité. Par ailleurs, cette bulle confère à « l’intellectuel qui dénonce » une légitimité. Beaucoup d’intellectuels sont désespérément à la recherche de leur « affaire Dreyfus ». Ils voudraient bien être Zola donc ils la traquent partout leur affaire Dreyfus. « On attaque un juif, on attaque un juif, on attaque un juif, je pourrais être Zola, je vais pouvoir publier J’ACCUSE ». (…)  Jusqu’à présent nous nous représentons, écrivains et journalistes, luttant pour leur liberté contre les interdits de la morale et du pouvoir. Nous en sommes encore là : la liberté de la presse contre le pouvoir. En réalité, les interdits, et la censure dans le champ littéraire touchent les artistes et les créateurs mais le vrai pouvoir contemporain est le pouvoir médiatique. (…) En gros, le discernement est devenu impossible dans la production artistique et littéraire contemporaine. Dès lors que certains se sont risqué à dire: « bon.. ça c’est bien et ça ça l’est moins, et vous allez penser que je caricature mais je ne caricature pas » on les a immédiatement traité de « réactionnaire », terme le plus courant, « populiste » est assez pratique parce que ça veut dire un certain nombre de choses sans les dire directement, ca veut dire de « nazi ». (…) Cela me semble typique de la pensée soviétique : les journaux sont absolument convaincus d’incarner la liberté, la pensée vraie, la pensée juste. Cette censure-là, qui à mon sens, est la censure réelle est d’autant plus efficace qu’elle est invisible. Si vous faites un procès c’est visible ça fait du bruit. Si vous ne parlez pas, personne ne le saura. Et c’est même plus subtil que ça: si vous parvenez à publier et à exister, c’est mon cas, on vous dit deux choses possibles :«Vous n’êtes pas censuré puisque vous publiez ! ». « Vous êtes comme les autres, vous êtes intégré au système puisque vous publiez, donc comment pouvez-vous être critique ? »(…) Je crois que la tendance est au renversement de la situation par rapport au XIXe siècle. On avait d’un côté le pouvoir politique, de l’autre la liberté de la presse et des écrivains. Je crois de plus en plus que ce paradigme-là se modifie en pouvoir médiatique contre liberté critique. Le mythe de l’interdit servant à masquer ce renversement – bien qu’il s’appuie sur quelques réalités, de sorte qu’on se trouve dans un champ littéraire qui pratique d’un côté des provocations sans contenu, des rebellions de confort, des protestations rituelles ; avec ce qui manque par-dessus-tout une absence de critique. Le véritable interdit, je crois que c’est la mainmise de l’industrie médiatique sur nos représentations, en ce sens, c’est la littérature qui est une lutte pour la complexité. Pierre Jourde

Attention: une censure peut en cacher une autre!

Au lendemain de l’auto-sabordage d’une droite française pourtant majoritaire dans le pays sur l’autel du politiquement correct et au profit d’une gauche qui avec la complicité médiatique que l’on sait ne s’est jamais embarrassée, elle, de ses alliances avec les thuriféraires du communisme ou de la Terreur

Et à l’heure où, sur sa lancée du holdup électoral d’il y a dix jours et la nomination au poste stratégique de la justice de l’auteure – dument colorée – d’une des lois les plus liberticides comme aux Droits des femmes d’une binationale marocaine (pardon: « de nationalité étrangère mais installée en France ») l’Obama  français et véritable obsédé de la rupture (largement symbolique) avec son prédécesseur rencontre son propre modèle qui lui-même vient, à son tour avec le mariage homosexuel, de nous faire du Hollande

Pendant qu’à l’occasion de la publication partielle des papiers du feu chef d’alQaeda, nos journalistes nous réécrivent l’histoire et tentent de faire passer pour clairvoyance politique le refus obamien de nommer son adversaire ou même la guerre dans laquelle on est engagé tout en s’attribuant comme en Irak (on n’est plus à une contradiction près) les mérites de la victoire qu’avait précisément rendu possible la fermeté de son prédécesseur honni …

Et que, pour défendre les nouveaux damnés de la terre, nos médias de révérence se prêtent plus que jamais aux pires manipulations et bidonnages ou, plus invisiblement mais non moins efficacement, rétentions d’information …

Retour, avec une conférence de l’écrivain  Pierre Jourde, sur la censure invisible qui, derrière les toujours plus bruyantes dénonciations d’une censure d’Etat de plus en plus mythique, empêche en littérature comme ailleurs toute discussion des véritables problèmes …

A savoir, via le pouvoir économico-médiatique et ses conseillers juridiques, celle de la bien-pensance et du politiquement correct qui peut, au niveau de l’édition, arrêter à la source toute publication non conforme ou, à celui de la critique,  se contenter de n’en point parler …

Conférence de Pierre Jourde à l’Ecole Normale Supérieure

14 mars 2011

Jean-Baptiste Amadieu : Nous avons reçu beaucoup d’universitaires jusqu’à présent dans ce séminaire, des interventions sur la censure, également comme critiques littéraires et comme écrivains.

Par rapport à la censure c’est trois fois intéressant, puisque nous avions reçu en dehors de ces interventions scientifiques Emmanuel Pierrat , qui donne un témoignage d’avocat, et nous avons donc aujourd’hui un témoignage d’écrivain sur l’importance que peut avoir la censure dans la création d’une œuvre, et par une certaine ironie du sort, il se fait que tu as été victime d’un début de censure, d’une mise en demeure par Emmanuel Pierrat.

Donc ça sera intéressant d’avoir tous ces points de vue. Mais je ne veux pas en même temps donc dévoiler ton intervention, d’ailleurs je ne sais pas quel sera le contenu exact et j’attends avec grande impatience et à l’issue donc nous aurons comme d’habitude une séance de questions avec Pierre Jourde.

Pierre Jourde : Je ne suis pas un spécialiste universitaire de la censure ; en tant que polémiste j’ai eu à affronter une certaine forme de censure il y a quelques années, d’ailleurs ca continue.

Mon intervention sera à la fois d’analyse et de témoignage. Il s’agira exclusivement de la censure, cela ne nous interdit pas de faire petits débordements, mais de la censure du monde de la littérature, dans le domaine de la littérature. Et je crois que le titre si je me souviens bien c’était « censure imaginaire, censure réelle » quelque chose comme ça.

« Censure mythique, censure réelle ».

Le titre pourrait aussi bien être « censure visible, censure invisible » car le grand public semble vivre sur une sorte de représentation datée de la censure (étatique, relevant du domaine de la puissance publique), et cela arrange un certain nombre de gens.

Or il me semble que les choses ont commencé à changer et que ce mythe de la censure étatique sert en partie à cacher une censure bien réelle mais qui n’est pas étatique. Dans ce cas, la censure se passe dans le domaine juridique avec des procès contre des oeuvres. Or, le plus souvent, ces procès n’aboutissent pas à une condamnation.

Posons d’abord le cadre juridique qu’Emmanuel Pierrat a fait dans son «[le] livre noir de la censure » où il parle d’une société bardée d’interdits. Quid de la littérature ?

La censure légale est en grande partie basée sur ce qui reste de la loi de 1881 (loi qui avait assoupli le cadre juridique précédent) et pour l’essentiel de la loi du 16 juillet 1949 (sur les publications destinées à la jeunesse).

Cette loi de 1949 sert le plus souvent à attaquer un texte littéraire et des livres présentant sous un jour favorable le banditisme, le vol, la paresse, etc… Son cadre est très large mais très peu appliqué sauf dans le cadre d’ouvrages directement pornographiques.

Ensuite, il y a la loi Gayssot qui condamne négationnisme, le racisme, etc

La loi Perben 2 est assez pernicieuse car elle permet de condamner non pas les livres criminels pour leur contenu mais les livres de criminels (de quelqu’un qui sort de prison ou y est encore) parce qu’on considère qu’il peut faire de la publicité à l’individu criminel qui l’a publié.

En réalité, l’initiative de la censure n’est pratiquement plus prise par les pouvoirs publics, par le Parquet.

3 Exemples:

1) « Rose bonbon » de Jones-Gorlin.

Nicolas Sarkozy, alors ministre de l’Intérieur avait décidé de ne pas attaquer ce livre. Celui-ci montre, certes, les fantasmes et difficultés d’un pédophile mais il ne peut, à mon avis, être présenté comme l’apologie de la pédophilie.

Ce n’est pas l’État qui l’a attaqué en justice mais des associations (de protection de l’enfance pour l’essentiel, très actives sur le front de la littérature).

2) « Plateforme » de Michel Houellebecq.

A été attaqué non pas sur son contenu mais pour des propos tenus à l’extérieur du livre. Ici, le Parquet a renoncé à attaquer et ce sont des associations (la Ligue Islamique notamment) qui ont attaqué Houellebecq.

3) « Il entrerait dans la légende » Louis Skorecki, publié aux Editions Léo Scheer.

raconte le parcours d’un tueur en série qui s’en prend particulièrement aux enfants de manière notamment atroce.

Là encore ce sont des associations qui ont poursuivi. La cour de Carpentras a condamné Skorecki, la condamnation a été infirmée en cour d’Appel.

Conclusion de partie :

La censure visible provient des associations : « l’Enfant Bleu » et « Promouvoir » pour la protection de l’enfance, ou la « Ligue Islamique Mondiale » qui fait des procès chaque fois que l’ombre de l’islamophobie se profile quelque part, et même, la « Ligue des Droits de l’Homme », qui intente des procès dès qu’elle estime, par exemple, qu’une œuvre peut être qualifiée de racisme, d’antisémite, etc…

La législation sur le respect de la vie privée, elle, peut donner lieu à un certain nombre de procès.

D’après la loi du 17 juillet 1970, elle concerne le respect de la vie privée auquel s’est ajouté la notion de droit à l’image.

De cette loi de 1970 proviennent les procès intentés à des autobiographes ou « autofictifs » qui mettent en scène des personnes qu’elles connaissent…

2 Exemples :

1) le dernier roman de Christine Angot, est attaqué par un personnage qui s’est reconnu…

2)Régis Jauffret ayant repris dans ses vers un récit à partir de l’histoire de ce banquier [Edouard Stern, note du relecteur] retrouvé en combinaison de latex, attaché et tué par sa maîtresse.

Ce livre a été attaqué par la famille de la famille Stern au nom de la vie privée et du droit à l’image.

3) L’ex-époux de Camille Laurens l’a attaqué en référé et a été débouté. (le référé est une procédure qui permettait de bloquer le livre très rapidement).

Conclusion de partie:

Vous voyez que même en littérature, le droit à l’image le respect de la vie privée est quelque chose, à partir de quoi il est encore difficile d’aboutir à une condamnation, même si la fiction ne constitue en aucun cas une protection.

La loi prévoit que, même si les noms, les lieux sont modifiés, dès lors que la personne est reconnaissable, vous êtes en principe condamnable.

Enfin il faut noter que si des associations musulmanes ou chrétiennes poursuivent des ouvrages, en revanche en France, l’Église officielle, la plupart du temps ne prend guère l’initiative de poursuites.

La demande d’opposition, le désir d’être interdit.

Je pense donc que pour penser le champ culturel, il faut tenir compte de cette évolution, et faire attention à ne pas avoir une guerre de retard, à ne pas se croire au XIXème siècle. On a parfois l’impression, dans la manière dont les questions de censure paraissent dans la Presse, que nous en sommes encore à l’époque du Procureur Pinard, c’est-à-dire l’Etat prenant l’initiative d’attaquer, et de faire condamner ou pas Flaubert et Baudelaire.

Au XIXème siècle nous avons raté un certain nombre d’écrivains maudits: les impressionnistes, refusés, brocardés par la critique officielle, et à cause de cela, nous sommes terrifiés à l’idée de rater un génie. Julien Gracq le disait déjà dans « LA LITTERATURE A L’ESTOMAC » en 1950, qu’il ne fallait pas qu’on prenne le risque de rater quelque chose qui pourrait se produire aujourd’hui.

Donc toute critique à l’égard d’un artiste contemporain sera assimilée à du conservatisme, et inversement, la marginalité devient signe de l’élection artistique. Donc l’interdiction, la censure, la critique vont plutôt faire l’objet d’une sorte de désir, pour être dans certains cas recherchées comme des signes de la qualité littéraire.

D’où chez certains une recherche systématique de la provocation, une quête de l’interdit qui fait si désespérément défaut dans le champ de la littérature. D’où le paradoxe central de l’art contemporain et de la littérature, l’idéologie de la rébellion est devenu un fond de commerce et un académisme, c’est le nouvel académisme.

Il y a un certain vocabulaire de la rébellion qui règne dans tout le discours qui est tenu sur l’œuvre contemporaine ; elle est censée déranger, interroger, être rebelle.

Cela est assez curieux car cette idéologie est le plus souvent en contradiction avec la position sociale des artistes, lesquels sont soutenus par l’État d’innombrables manières : étant à la Villa Médicis, étant dans des résidences d’écrivains, étant soutenus par le CNL, ou bien étant, – c’est de plus en plus le cas – fonctionnaires, professeurs de collège, de lycée, d’université mais néanmoins rebelles. De sorte qu’on se trouve dans cette situation abondamment décrite par Philippe Muray dans ses œuvres, où l’artiste conscient d’une manière qu’il ne dérange plus personne ou qui que ce soit, conscient qu’il est parfaitement intégré dans un système de reconnaissance symbolique, est désespérément en demande d’interdits, un peu comme un sale gosse en demande de la claque qui ne vient jamais.

Exemples:

1) Louis Skorecki tel que l’évoque Philippe Muray : « les livres de Skorecki ou de Nicolas Jones-Gorlin sont si remarquablement dépourvus de toute réalité artistique et tout attrait et de tout charme qu’ils ne peuvent recevoir de l’extérieur, c’est-à-dire de la sanction juridique qu’ils recherchent désespérément. Ce ne sont que des demandes pathétiques de censure, ce qu’ils écrivent avec tant de peine se ramène à : « j’ai une provocation, qui a une persécution ? » On nous raconte tout maintenant, on lit que ces efforts psychopathiques sont à leur insu isomorphes à l’état concret de l’époque dont ils deviennent alors l’apologie et non le revers maudit comme l’espère encore leurs auteurs par je-ne-sais-quelle naïveté superlative. »

2) « L’étoile des amants » de Philippe Sollers.

Philippe Sollers y raconte une sorte de bluette d’un monsieur un peu âgé qui va au bord de la mer avec une jeune femme beaucoup moins âgée. Et toute la particularité du texte de Sollers consiste à dire que ce qu’il écrit est scandaleux et à intégrer à l’intérieur de son roman les huées d’un public imaginaire.

C’est-à-dire que Sollers intègre à son livre précisément l’interdit, la critique, l’opposition qui lui fait si désespérément défaut, puisqu’au fond nul n’est plus notable dans le monde des Lettres que lui.

Mais il a besoin de ça pour se croire en effet un interdit, un marginal. Il a soin de dire d’ailleurs qu’il écrit pour les fous, les rebelles, les prostituées, etc, qui comme on sait sont de grands lecteurs de Sollers, bien entendu.

3) « Éloge des voleurs de feu » de Dominique de Villepin.

Dont tout le discours consiste à présenter l’histoire de la Poésie comme l’histoire de marginaux, de révoltés, de sécessionnistes qui prennent dans leur vie des risques mortels.

Le livre de DDV lui-même se présente comme un allumeur d’incendie. Je rappelle qu’à l’époque où DDV a sorti ce livre, Nicolas Sarkozy était ministre de l’intérieur. On se demande donc pourquoi il n’a pas immédiatement arrêté DDV pour rébellion, sécession, mise-à-sac de la société, qui est quand même le discours dans lequel s’exprime constamment l’auteur.

Une exposition de Buren au Centre Pompidou.

qui a eu lieu il y a quelques années et Buren avait accroché des panneaux, tout au fond de la salle, pour expliquer à quel point il était un artiste maudit, ce qui était amusant pour quelqu’un qui expose au Centre Pompidou, c’est-à-dire le temple de la reconnaissance étatique, il avait besoin lui aussi d’attaques.

Les prétendues victimes de lynchage.

Ce qui est caractéristique également de cette demande d’opposition alors même qu’elle existe très peu et de moins en moins dans le champ littéraire, c’est que dès qu’un homme important dans ce champ littéraire est attaqué (par « attaqué » comprendre: fait l’objet de quelques critiques alors même qu’il est invité partout, reçu partout)

c’est qu’il est victime d’un complot et d’un lynchage.

Exemples:

1) Bernard-Henry Levy publie un ouvrage [« De la guerre en philosophie » 2010 ; note du relecteur] et cite un philosophe qui s’appelle « Botul », Jean-Baptiste Botul, auteur de « LA VIE SEXUELLE D’EMMANUEL KANT ».

Or il se trouve que ce livre est un canular, de ces petits livres amusants qu’on fait en inventant un auteur.

Et BHL ne l’a pas compris et l’a cité très sérieusement.

Par la suite, quelqu’un l’a déclaré dans le Nouvel Observateur et, non seulement BHL lui-même mais toute sortes d’éditorialiste ont crié au complot, à l’acharnement, etc. C’est-à-dire qu’il y a cette espèce de besoin d’opposition alors même qu’elle fait pratiquement défaut.

Existe-t-il encore des interdits en littérature ?

Non je crois notamment du point de vue de l’interdit moral. On peut dire qu’on transgresse encore comme on va se coucher, perversions, cruautés, bizarreries de toute sorte sont aussi communes en littérature qu’au cinéma.

Mais juridiquement nous n’en sommes plus aux procès de [ Ardelet à 19 :19] et au procès de Nicolas Genka.

1) Nicolas Genka, dont le livre « L’EPI MONSTRE » avait été interdit en 1961 a vu cet interdit levé vers 2000.

On avait oublié Genka, en 2005, donc « L’EPI MONSTRE » est à nouveau en principe disponible, les poursuites pour des problèmes de mœurs on l’a vu restent rares, et d’ailleurs elles sont paradoxales, d’une certaine manière.

2) Dans l’affaire Nicolas Jones-Gorlin, celui-ci décide finalement de le sortir sous enveloppe plastique pour respecter la loi sur les publications destinées à la jeunesse (au cas où un enfant de huit ans, voyez, entrant là prenne le livre et le feuillette.)

Paradoxe ! Car on a interdit Bataille, autrefois, au non de cette loi mais à côté, en « Pocket », vous avez les oeuvres de Sade. Etrange rapport à l’interdit !

On a l’impression qu’au fond, dès lors qu’un écrivain est devenu institutionnel, tout est permis. Et dès lors qu’il est vivant, alors le problème commence, même si ce qu’il écrit est infiniment moins fort que ce qu’écrit Musset dans «GAMIANI » par exemple.

Je crois qu’en grande partie, d’abord ce sont les journalistes qui sont en recherche de scandale, qui sont en recherche de judiciarisations de littérature, on essaiera de voir pourquoi, et j’en vois un exemple très patent dans le destin de l’ouvrage «PLATEFORME» de Michel Houllebecq.

3) « Plateforme » de Michel Houellebecq

se passe en grande partie en Thaïlande, et le narrateur de Houllebecq fait l’éloge des amours tarifés en Thaïlande.

Après la sortie du livre, le journal « le Monde » écrit : « A l’occasion de la sortie du livre de Michel Houllebecq, le Monde a choisi de.. » dans le Monde il y a toujours « ..a choisi de… » quand il y a quelque chose de douteux après. « ..le Monde a choisi d’évoquer le problème de la prostitution enfantine en Extrême-Orient ».

Or il n’y a absolument pas de prostitution enfantine dans « PLATEFORME ». C’était bien donc, consciemment ou inconsciemment de la part du journalisme le fait de chercher le scandale, pour créer un problème là où il n’y en avait pas.

Par ailleurs, « PLATEFORME » contenait une diatribe sur l’Islam. Pierre Assouline dans la revue « Lire » interviewe Houellebecq – peut-être pas absolument a jeun à ce moment-là mais ça lui arrive – et lui fait dire des choses pendables sur les Musulmans, bien pire que ce qui était dans le livre et ce sont ces propos qui vont conduire au procès Houellebecq.

Conclusion de partie:

On constate une démarche concertée dans le journalisme pour créer un certain nombre de problèmes.

Si les affaires de mœurs ne font plus l’essentiel des interdits, des points de résistances demeurent. Reste à savoir s’il s’agit vraiment de zones d’interdits persistants (aujourd’hui c’est l’atteinte à la vie privée, du racisme, de l’antisémitisme, négationnisme, de l’islamophobie et plus généralement critique de communautés minoritaires et cette cristallisation sur les enfants, la pédophilie.)

Les points de résistances à la « censure visible »

Pour la vie privée, disons-le, la littérature n’est concernée que relativement accessoirement. A l’inverse, ce sont les ouvrages de souvenir qui font massivement l’objet de procédures. Mais le développement considérable du genre auto-biographique ou autofictionnel à notre époque, évidemment, aboutie à ce que cette question de la vie privée et des problèmes qu’elle peut entraîner concerne directement la littérature. Même si là encore les plaintes n’aboutissent guère. Reste que de plus en plus de personnes réelles sont concernées, ce lien est médiatiquement traqué à chaque fois, c’est-à-dire qu’on va le chercher même alors qu’il est discutable, d’où une tendance en effet au recours judiciaire pour se protéger.

Je crois qu’il y a là moins un interdit qu’un résultat pervers de la médiatisation de l’intime, du commerce de l’exhibition. Dans certains cas, il me semble que la littérature s’aligne sur le média qui fait commerce de l’exhibition. L’exhibition tient lieu de sens comme une illusion de réalité.

Donc il y a là à mon avis plus de demande que d’interdit et des textes qui ne fonctionnement pas forcément sur l’exhibition se retrouvent pris dans le mouvement.

Exemples:

1) « PAYS PERDU » que j’ai publié en 2003

qui concerne le village dont je suis originaire et que je décrivais en déguisant les lieux et en déguisant les noms.

Les gens du village se sont reconnus, se sont estimés diffamés ce qui n’était pas le cas, donc qu’il y avait atteinte à la vie privée, droit à l’image, diffamation, etc. et ont cherché à intenter un procès. Ils ont consulté le bâtonnier d’Aurillac pour voir si on pouvait faire interdire le livre ou faire couper un certain nombre de choses dans le livre. Ce qui à mon avis était jouable dans la mesure où la loi prévoit que même le fait de déguiser les noms, je vous l’ai dit, dès lors que les gens sont reconnaissables, peut donner lieu à procès. Cela dit, ils étaient reconnaissables à peu près dans l’espace du canton. En dehors ce çà c’était assez difficile. Simplement.. comme le livre a mis un an à arriver dans ces campagnes, c’était trop tard. Je crois que si je me souviens on ne peut pas poursuivre sur cette base au-delà de 6 mois, [3 mois, note du relecteur] donc c’était trop tard, de sorte que la question s’est réglée non pas juridiquement mais physiquement, et là il y a eu procès mais pour d’autres raisons qui tiennent plus aux coups et blessures qu’à la question de la censure.

2) « Pogrom » de Eric Bénier-Bürckel , (2004)

Dans ce roman, un personnage tient des propos antisémites.

Ce texte a été attaqué non pas par des associations, non pas par le Parquet, mais par deux écrivains : Olivier Rolin (ex-éditeur au SEUIL) et Bernard Comment qui ont publié une tribune où ils demandaient la condamnation et l’interdiction du livre. Lequel n’a pas été interdit.

On en arrive donc à une situation, je vais développer cette idée, où ce sont cette fois des intellectuels et des écrivains qui se font des auxiliaires et les fourriers de la censure, et qui la demandent.

3) Renaud Camus

Même chose en ce qui concerne Renaud Camus, écrivain à l’œuvre multiforme, mais en grande partie autobiographique. Dans son journal il publie en quelque sorte les pensées qui le travaillent, qu’il appelle lui-même en grande partie ses mauvaises pensées. C’est un homme qui est en débat avec lui-même, et il a dit à un moment donné qu’à l’émission « PANORAMA » il y avait « trop de juifs », ce qui a fait bondir.

Pour lui, le fait qu’il y avait trop de juifs faisait qu’il était difficile d’accorder foi à une émission qui parlait de toutes sortes de problèmes, notamment des problèmes du Moyen-Orient à partir d’un panel de journalistes où tout le monde était juif.

Il faut quand même savoir que, aussi discutables que soient les propos de Renaud Camus, il a écrit des textes par ailleurs passionnant sur des artistes juifs, et que la Shoah était le plus grand crime du XXème siècle, ce qui tient de l’évidence. Ce qui l’ennuyait c’était le communautarisme et non pas la judéité.

Il a fait l’objet d’une véritable campagne médiatique et d’une pétition. Pétition qui a été signée par presque tout ce que compte le monde d’intellectuels de figures : Jacques Derrida, Philipe Sollers…Il n’a guère été défendu que par son éditeur et par Alain Finkielkraut, juif.

Le résultat de cette pétition et de ce cas a été que finalement Claude Durand a cédé et a fait supprimer les passages incriminés de l’édition de Renaud Camus.

Nous sommes là devant un cas bien concret de censure qui aboutit, qui ne passe pas par voie judiciaire, qui passe uniquement par pression médiatique et qui fait justement supprimer des passages d’un ouvrage.

Que traduisent ces procès intellectuels ?

Il me semble qu’il faut voir dans cette prégnance des procès intellectuels l’effet « d’épidémie de politiquement correct », au sens exact de l’expression, c’est-à-dire considérer comme répréhensible de donner une mauvaise image d’une communauté minoritaire, marginale, ou longtemps opprimée.

Mais également l’effet du « respect universel », ce phénomène nouveau qui fait que tout est respectable, que toute différence est bonne en soi, que tout espèce de choix, de singularité, d’individualité, est bonne en soi.

Le plus souvent, on a affaire à un phénomène journalistique (campagne de presse, pétition, demande d’interdiction) , donc à une sorte de police de la pensée qui est assurée par un certain nombre de personnes.

Avec quand même des situations très paradoxales, parce que l’un des signataires de l’appel contre Renaud Camus, Phillipe Sollers venait de publier dans la collection « l’Infini » , qu’il dirige, « Au régal des vermines » de Marc-Edouard Nabe où vous avez des pages entières de diatribes sur les juifs. Comment peut-on à la fois publier Nabe et signer une pétition contre Renaud Camus ?

Je crois qu’ici les attaques sont beaucoup moins fondées sur le fond de l’affaire que sur la position stratégique des uns et des autres dans le champ littéraire.

La pédophilie

La pédophilie est récemment devenu le nouveau tabou littéraire. Pourtant, il s’agissait peut-être du crime le plus ordinaire. Mais il reste une confusion permanente entre les amours adolescentes et le crime sexuel.

La pédophilie est un sujet banal en littérature et qui est poursuivi aujourd’hui. A une certaine époque il me semble que ce thème-là était à la fois plus provocateur mais faisait l’objet de moins d’interdits.

Exemples:

1) Tony Duvert publiait des choses très très violentes il y a quarante ans, beaucoup plus violentes que Nicolas Jones-Gorlin. Cependant, il demeure une résistance curieuse de la part des tenants des amours adolescentes qui, moi, me gêne parfois.

2) Gabriel Matzneff, qui se prétend marginal et rejeté alors qu’il a pignon sur rue littérairement, déclare que « ceux qui [l]’attaquent aujourd’hui » sur ses amours adolescentes « sont les mêmes qui dénonçaient les juifs pendant l’Occupation». Il y a toujours cette espèce de recours à l’extrême pour justifier sa position.

3) Robbe-Grillet constitue le cas ultime selon moi.

A l’époque, une émission du « Masque et la plume » traitait d’un de ses livres qui était une anthologie de fantasmes sadiques et pédophiles.

Selon les critiques littéraires le livre était, sur le fond, assez pauvre littérairement, pas très intéressant. Pour sa défense, un critique a fait valoir le fait que c’était la « loi morale » [i.e. des réactionnaires, note du relecteur] qui attaquait Robbe-Grillet.

Aujourd’hui, on se trouve dans la situation perverse où l’on peut à peu près tout dire.

Lorsqu’on attaque un livre qui exprime un certain nombre de fantasmes uniquement sur un aspect littéraire, la défense est toute prête: demande de censure, respectabilité bourgeoise, etc.

La manipulation de l’idée de censure permet de ne pas rendre compte de la qualité de son œuvre artistique.

En résumé, certains livres font l’objet d’attaque de groupes de la société civile et de groupes religieux. Mais on observe une relative neutralité du pouvoir étatique. Le plus important étant, bien plus qu’au niveau judiciaire, l’évènement médiatique et l’agitation journalistique qui aura des conséquences réelles sur le livre et l’écrivain.

L’évènement médiatique et les « bulles littéraires »

Ce sont toujours les mêmes sujets qui reviennent périodiquement : la littérature peut-elle tout dire ? Peut-on interdire … ? etc… L’écrivain sera jugé médiatiquement, il défendra son droit absolu à la différence. S’il est sadique et pédophile, ce sera l’expression de sa différence sexuelle ; en revanche, s’il exprime des réserves sur les juifs, il sera condamnable pour avoir refusé la différence et parce qu’il est accusé d’exprimer la pensée secrète de Monsieur Toutlemonde, de ce qu’on a appelé « la France moisie ».

Il en résulte une situation pour l’écrivain où rien ne lui est fondamentalement interdit ; il est plutôt recommandé de transgresser, de tout dire c’est sa liberté. Il est essentiellement jugé à l’aune de son rapport au réel ou de ce que les médias appellent « la réalité ».

Vous remarquerez qu’aujourd’hui, toutes les critiques d’œuvres littéraires sont à la recherche d’un élément politique, d’un élément intime contenu dans telle ou telle œuvre.

Au final, l’écrivain peut tout dire mais en fait il ne peut rien dire. En d’autres termes, rien ne se passe.

Ce « scandale » ou cet « interdit artificiellement mis en place et rituellement transgressé permet à la littérature de se donner l’illusion de rapport à la réalité. On est en face d’œuvres dépourvues de travail de la langue et de travail artistique mais qu’on agrémente de certains dispositifs qui vont créer du langage, qui vont créer un évènement.

Et le journaliste littéraire, quelque soit la qualité de l’œuvre proposée va en parler dès lors où il considère que c’est un évènement, donc qu’il est de son devoir de journaliste d’en parler et que « l’évènement » dira-t-il « interroge notre société ». La boucle est bouclée. Vous créez un évènement, cet évènement représente la réalité et donc il est de notre devoir à nous journalistes d’en parler. On dit qu’il se créé des bulles économiques, il se créé des bulles littéraires !

Une espèce de bulle de fausse réalité qui sont des bulles de langage journalistique où le faux interdit devient, pour la littérature, une sorte d’assistance respiratoire qui donne à l’écrivain l’impression qu’il existe encore, que la littérature attaque la réalité.

Le travail du romancier

Par ailleurs, cette bulle confère à « l’intellectuel qui dénonce » une légitimité. Beaucoup d’intellectuels sont désespérément à la recherche de leur « affaire Dreyfus ». Ils voudraient bien être Zola donc ils la traquent partout leur affaire Dreyfus. « On attaque un juif, on attaque un juif, on attaque un juif, je pourrais être Zola, je vais pouvoir publier J’ACCUSE ».

Je crois que le travail du romancier consiste à montrer non pas cette évidence du réel, mais plutôt la difficulté à faire advenir ce réel. Non à justifier la singularité -ce qu’on voudrait qu’il fasse- (« c’est bon parce que c’est moi, c’est moi qui suis moi, et je le publie donc vous ne pouvez pas l’attaquer puisque c’est moi ».) mais plutôt à montrer l’universel dans le singulier.

Écrivains et journalistes : contre-pouvoir ou Pouvoir contemporain ?

Jusqu’à présent nous nous représentons, écrivains et journalistes, luttant pour leur liberté contre les interdits de la morale et du pouvoir. Nous en sommes encore là : la liberté de la Presse contre le pouvoir. En réalité, les interdits, et la censure dans le champ littéraire touchent les artistes et les créateurs mais le vrai pouvoir contemporain est le pouvoir médiatique.

On considère les artistiques et les écrivains comme respectables en soi, respectables à priori.

Bertrand Leclair, critique littéraire, a publié « Verticalité de la littérature , pour en finir avec le « jugement » critique » où il déclare que toute critique négative était ipso facto condamnable et qu’elle n’avait pas lieu d’être.

En gros, le discernement est devenu impossible dans la production artistique et littéraire contemporaine. Dès lors que certains se sont risqués à dire: « bon.. ça c’est bien et ça ça l’est moins, et vous allez penser que je caricature mais je ne caricature pas » on les a immédiatement traité de « réactionnaire », terme le plus courant, « populiste » est assez pratique parce que ça veut dire un certain nombre de choses sans les dire directement, ca veut dire de « nazi ».

Point Godwin / indignocratie

Exemples:

1) Mon cas personnel [i.e. Pierre Jourde, note du relecteur]

J’ai publié une sorte d’attaque contre certains poètes contemporain en disant qu’ils exprimaient une sorte d’académisme notamment dans leur forme et j’ai reçu une lettre très circonstanciée de l’un de ces poètes m’expliquant que déjà à Berlin dans les années trente les nazis brûlaient des livres.

2) « Requiem pour une avant-garde » Benoit Duteurtre (1995)

L’auteur s’en prenait à ce que lui (et Baudrillard) estimaient être les impasses d’une certaine avant-garde.

Réaction du journal « Le Monde » ? Sachant que Duteurtre était tout sauf un fasciste, un gaulliste à la rigueur:

« Faurisson a lui-même commencé par critiquer Lautréamont ».

3) « Artistes sans art ?» et « Qui a peur de la littérature? » de Jean-Philippe Domecq

a) Dans « Qui a peur de la littérature? » Domecq disait qu’on peut tout critiquer aujourd’hui sauf le champ artistique et littéraire contemporain et que si vous le faites vous serez:

 premièrement, attaqué sur vos intentions supposées,

 deuxièmement, qualifié « d’extrême droite »,

 troisièmement, accusé d’avoir critiqué parce que vous êtes un raté, un aigri, etc.

L’extraordinaire, c’est que les réactions à son livre furent exactement fidèles à ces trois points annoncés et décrits.

b) Dans « Artistes sans art ?» , un livre extrêmement modéré et très circonstancié, Domecq disait que Buren n’était pas un artiste intéressant. Alors que Domecq est un socialiste tendance Jospin, la revue « Art presse » a titré sur Domecq sur « le retour du nazisme, l’attaque de l’extrême-droite contre l’art contemporain ».

De même que Jean Clair, qui était quand même directeur du musée Picasso, disait que certains aspects de l’art contemporain, notamment la merde de l’artiste en bocal n’étaient pas forcément intéressants. Le débat qui s’ensuivit était argumenté. Mais, ici, Domecq n’a pas été discuté.

4) Lorsque j’ai publié « La littérature sans estomac » [Pierre JOURDE (2002) , note du relecteur]

dix ans après Domecq, j’ai attaqué des écrivains, j’en ai défendu d’autres – écrivains d’avant-garde. En défendant Valère Novarina, qui vient de la revue « TXT », j’avais l’impression de défendre un écrivain d’avant-garde. En attaquant Frédéric Beigbeder, je n’avais pas l’impression d’attaquer un écrivain d’avant-garde.

Une fois encore, les réactions furent bien celles prévues par Domecq : j’écrivais ça parce que:

 j’était un écrivain raté,

 pour me faire une place parmi les écrivains,

 parce j’étais populiste et que je faisais de la « lepénisation des esprits », etc.

En résumé, on a affaire à un champ artistique et littéraire où une certaine avant-garde ne pense plus et ne « se » pense plus. Par conséquent, son unique défense consiste à porter le débat sur ce terrain-là, parce qu’elle ne sait plus dire quoi d’autre sur ses propres productions.

5) L’exposition Jeff KOONS à Versailles

Rappelons que Jeff Koons est un ancien trader, il est aussi bien un commerçant qu’un artiste qui figure dans les plus grandes collections: les collections Pineau. Ses productions ont été présentées sur le grand canal de Venise.

On a assisté à une sorte de levée de bouclier du genre «Comment ! Exposer ces horreurs à Versailles! C’est terrible! etc.. »

La commissaire de l’exposition est intervenu à l’antenne et l’on sentait qu’elle était heureuse d’avoir ces réactions qui pouvait enfin faire passer Jeffs Koons pour Cézanne. Pour Cézanne attaqué et vilipendé. A ceci près que le champ artistique a complètement changé. Cézanne était complètement hors de la reconnaissance officielle alors que Jeff Koons est en plein dedans.

Et qu’il y a, je crois, à la fois tromperie et illusion sur ce déplacement du champ, c’est que du point de vue de son rapport aux institutions Jeff Koons c’est pas du tout Cézanne, c’est un pompier en réalité. C’est quelqu’un qui est absolument reconnu, adoubé, c’est quelqu’un qui figurera dans les salles d’art pompier des siècles futur et pas du tout dans les Cézanne. En tout cas il est dans ce rapport-là. A la fois aux mécènes et à la fois à l’art officiel.

Ce qui au fond est assez étonnant, c’est qu’on en arrive à un point où un certain nombre de personnes, artistiquement, sont un peu comme certains calvinistes. Ce ne sont pas leurs œuvres qui comptent, ils sont justifiés en eux-même et en soi. Et par conséquent toute attaque contre eux est injustifiable. Je vais vous donner trois exemples qui me semblent assez parlants.

6) Julia KRISTEVA

Il y a quelques années, un livre de Julia Kristeva a fait l’objet d’une critique élogieuse mais nuancée dans le magazine « Lire ». Je connaissais la journaliste à l’origine de cette critique et elle m’a dit que la direction de « Lire » avait reçu, de la part de Julia Kristeva, une lettre demandant le renvoi de la journaliste qui avait osé émettre une réserve sur son livre.

7) Philippe SOLLERS

A peu près à la même époque, la responsable du rayon livre du Bon Marché rencontre Philippe Sollers dans un cocktail chez Gallimard et lui dit « j’ai moins aimé votre dernier livre, etc. ».

Cette même journaliste m’a expliqué que Sollers, rapportant la chose à la directrice littéraire de Gallimard de l’époque, laquelle écrit immédiatement au Bon Marché demandant le renvoi de l’insolente ou l’obtention d’une lettre d’excuse.

Au final, Sollers a eu sa lettre d’excuse.

8) un autre cas cas personnel [i.e. Pierre JOURDE, note du relecteur]

J’ai été mis en cause directement, lors d’une tribune au festival «Étonnants voyageurs» de Saint Malo où j’ai évoqué les conflits d’intérêts au sein du journal « Le Monde ».

Deux journalistes du journal « Le Monde » sont intervenus sans se présenter pour me dire à quel point j’étais un raté et un aigri qui se rattrapait de ses échecs. Le modérateur de la tribune était Jean-Marie Laclavetine, directeur littéraire chez Gallimard.

Dans la semaine, Antoine Gallimard a reçu une lettre de la directrice du « Monde des Livres » lui demandant le renvoi de Jean-Marie Laclavetine.

Le cas du journal « Le Monde »

1) Edwy Plenel a bien résumé l’idée de cette censure sous forme de slogan, suite à des attaques contre le journal « Le Monde » : «Les gens qui attaquent « Le Monde » sont des ennemis de la Liberté » …

Cela me semble typique de la pensée soviétique : les journaux sont absolument convaincus d’incarner la liberté, la pensée vraie, la pensée juste.

Je me souviens d’une conversation dans un train avec une connaissance qui voulait m’inviter et tout-à-coup s’exclame: « Ah zut ! Je ne vais plus avoir d’articles dans Le Monde ». Réaction de peur.

 J’avais un livre qui devait sortir en édition Pocket, je reçois un mail des éditions Pocket en disant «On ne va pas sortir votre livre tout de suite.»

 Ensuite je devais donner à la revue « Les Temps Modernes », la revue de Sartre, « chemin de la liberté », un article alors sur l’université sans rapport avec la question et j’apprends par un membre du comité des « Temps Modernes » que Claude Lanzmann a téléphoné au journal « Le Monde » et a immédiatement fait retirer – sur épreuve – l’article que je devais donner aux « Temps Modernes ».

3) Encore récemment un journaliste du Monde est venu chez moi pour tirer mon portrait et m’interroger.

Trois jours après il me téléphone pour me dire « ça ne va pas être possible parce qu’il y a eu une intervention du « Monde des livres » qui a dit que…voilà..on ne ferait pas cet article ».

4) Une attachée de presse des éditions Balland (même maison que « L’esprit des péninsules » où j’ai publié la plupart de mes textes jusqu’à présent) va voir Claire Devarrieux (responsable littéraire du journal Libération) pour lui proposer un roman publié aux éditions Balland. Et Claire Devarrieux lui répond: « Balland et nous nous ne partageons pas les mêmes valeurs, votre maison publie quelqu’un comme Pierre Jourde et on ne va pas parler de ses livres ».

En vingt ans, j’ai publié une quarantaine de livres et je n’ai jamais eu une ligne dans le supplément littéraire de Libération. Pourquoi? Une des raisons en a été donnée à la sortie de « La littérature sans estomac » par un journaliste de Libération s’exprimant en réunion publique, Jean-Didier Wagneur, disant: « on ne va quand même pas parler de quelqu’un qui attaque Le Monde ».

Aujourd’hui, Léo Ferré ne chanterait plus « Poètes, vos papiers » mais « Critiques, vos papiers ».

Cette censure-là, qui à mon sens, est la censure réelle est d’autant plus efficace qu’elle est invisible.

Si vous faites un procès c’est visible ça fait du bruit. Si vous ne parlez pas, personne ne le saura. Et c’est même plus subtil que ça: si vous parvenez à publier et à exister, c’est mon cas, on vous dit deux choses possibles :

 «Vous n’êtes pas censuré puisque vous publiez ! ».

 « Vous êtes comme les autres, vous êtes intégré au système puisque vous publiez, donc comment pouvez-vous être critique ? »

Le mot de l’histoire a été donné par Nicolas Bourriaud, cofondateur de la «Revue Perpendiculaire » dont Houellebecq a été renvoyé pour ‘pensée divergente’. Nicolas Bourriaud est intervenu sur Jean Clair, Domecq, etc, dans « Les Inrockuptibles » en 1997 disant: « peu importe les opinions qu’ils affichent, Clair, Domecq ou Fumaroli sont les meilleurs amis du FN ». Tout est dit.

Les médias et le Pouvoir.

Je crois que les médias orientent toute la question de la liberté d’expression autour de leur rapport au pouvoir politique, ils ont tendance à occulter leurs relations au pouvoir économique, de sorte qu’on en arrive à des discours oxymoriques et monstrueux.

1) Quand le banquier Pigasse devient propriétaire des Inrockuptibles, il dit qu’il va créer un ‘news rebelle’.

Donc c’est la banque qui donne des certificats de rebellitude à ce qu’elle achète.

2) Pierre Bergé et Pigasse viennent de s’offrir Le Monde.

3) Pierre Bergé est le mécène du « Prix décembre » où figure Philippe Sollers, dirigeant la collection L’Infini

4) Le Prix décembre 2007 a été attribué à Yannick Haenel dont l’éditeur était Philippe Sollers.

5) Lorsque j’ai critiqué la directrice du journal Le Monde, elle a répondu à mon éditeur, Eric Naulleau, que c’était normal parce qu’elle était lesbienne, et qu’il y avait des homosexuels qui détestaient les lesbiennes et que je devais être homosexuel et sidéen. Là-dessus un journaliste de « Tétu », journal homosexuel, va l’interroger et lui demande de s’expliquer sur cette question. Et le papier, à la demande de la directrice du Monde, a été retiré de « Tétu » par Pierre Bergé.

L’autocensure

Autre forme invisible de la censure que je ressens plus forte depuis quelques années. Le conseil juridique prend de l’importance chez les éditeurs et de moins en moins de textes arrivent à passer sans qu’un avocat ait mis le nez dedans.

Certaines autocensures sont « permanentes ».

Le cas de l’Islam :

Certains journaux se sont interdit de publier les caricatures de Mahomet, des opéras où figurait Mahomet se sont autocensurés, des dessins érotiques en 2006 ont été écartés d’une exposition d’une galerie londonienne, d’elle-même on ne leur a pas demandé, hein, pour ne pas heurter les musulmans qui habitent le quartier.

Cas personnel [i.e. Pierre Jourde, note du relecteur] En ce qui me concerne, je me suis autocensuré dans «C’est la culture qu’on assassine » dans laquelle je disais ce que je vous ai dit sur Pierre Bergé mais j’employais le mot ‘maffieux’ et le conseil juridique de mon éditeur a refusé.

Le cas Emmanuel Pierrat:

Je le connais un peu, c’est un type très sympathique, comme avocat il se trouve au cœur des ces problèmes et de ces ambigüités de la censure contemporaine.

D’un côté, il est quelqu’un qui défend des écrivains, qui défend des journalistes, il a défendu Houellebecq.

Dans « Le livre noir de la censure », il se présente comme contempteur de la censure et dénonce « une société bardée d’interdits », il déclare que « l’autocensure est la forme suprême de la censure ».

Et en même temps il est conseil de certains éditeurs. Il est conseil de certains éditeurs pour leur éviter des problèmes judiciaires. Et pour leur éviter des problèmes judiciaires, il leur fait supprimer en amont un certain nombre de choses.

C’est-à-dire qu’il est censeur. Il est censeur en amont. Il est un des maîtres aujourd’hui de l’autocensure éditoriale.

Il se trouve que j’ai eu maille à partir avec lui dans deux points :

1) à la suite de cette divergence avec Le Monde, j’avais écrit, ironiquement que: Jean-Luc Douin (à l’époque, journaliste au Monde) était un modèle de rigueur.Et je donnais des exemples évidemment qui montraient qu’il ne l’était pas: fausses citations, etc. Et que Josyane Savigneau faisait un usage maximal de ses capacités intellectuelles.

Puis, Maître Pierrat, avocat du Monde, m’envoie une mise-en-demeure, me demandant de supprimer de l’article incriminé, ces deux expressions qui constituent des diffamations au terme de la loi..etc..etc.

Je lui réponds et je publie ma réponse dans un petit livre où je parlais de la réception de «La littérature sans estomac» qui s’appelle «Petit déjeuner chez tyrannie » que j’ai publié avec Eric Naulleau.

Je publie cette réponse et je dis « écoutez maître Pierrat, je suis absolument d’accord, vous avez tout à fait raison, mais plutôt que de retirer, je vous propose de reformuler ces diffamations et j’écrirai donc : Jean-Luc Douin n’est pas un modèle de rigueur et Josyane Savigneau fait un usage minimal de ses capacités intellectuelles » et évidemment l’affaire en est restée là.

2) Le magazine Chronic’art nous interviewe Eric Naulleau et moi [Pierre Jourde] toujours à propos du Monde.

Or Chronic’art appartient à l’éditeur Léo Scheer. Léo Scheer est une personne qui a besoin d’articles dans Le Monde il ne peut pas accepter que Chronic’art remette en cause Le Monde. Donc sur le conseil de Maître Pierrat, il fait supprimer les deux pages d’interview qu’il devait faire paraître dans Chronic’art. Mais, comme il est malin, il veut que ça fasse vendre et qu’on en parle. Donc voilà ce que ça a donné dans Chronic’art. [Pierre Jourde montre au public une double page barrée du mot en rouge et grand de censure] …Usage publicitaire et commercial de la censure !

Vous ne dites rien mais vous dites que vous ne le dites pas. De sorte que j’en finis par me demander si le rôle pervers de maître Pierrat ne serait pas de surestimer l’importance des interdits, je pense que c’est ce qu’il fait en permanence, pour justifier son rôle. Dans la mesure où très souvent les choses qu’il fait interdire [n’ont] pas des chances énormes d’être condamnées mais il faut qu’il fasse peur. Donc qu’il fasse peur à l’éditeur, c’est son travail.

Conclusion:

Je crois que la tendance est au renversement de la situation par rapport au XIXème siècle. On avait d’un côté le pouvoir politique, de l’autre la liberté de la presse et des écrivains. Je crois de plus en plus que ce paradigme-là se modifie en pouvoir médiatique contre miberté critique.

Le mythe de l’interdit servant à masquer ce renversement – bien qu’il s’appuie sur quelques réalités, de sorte qu’on se trouve dans un champ littéraire qui pratique d’un côté des provocations sans contenu, des rebellions de confort, des protestations rituelles ; avec ce qui manque par-dessus-tout une absence de critique.

Le véritable interdit, je crois que c’est la mainmise de l’industrie médiatique sur nos représentations, en ce sens, c’est la littérature qui est une lutte pour la complexité.

Voir aussi:

Le retour de la brutalité en politique

Shmuel Trigano

20 avril 2012

Avec Jean Luc Mélenchon, c’est le style brutal qui ressurgit en politique, un style qui avait disparu en Europe depuis la deuxième guerre mondiale et qui, aujourd’hui trouve à s’exprimer dans un discours qui appelle à « prendre le pouvoir » et à prôner la violence envers « les riches », un discours qui, joignant le geste à la parole, fait de l’occupation de la rue la répétition d’on ne sait quelle prise de la Bastille à venir.

Mélenchon promet tout et joue avec l’inquiétude sociale et économique. Comme tout leader prophétique, il accomplira des miracles, si vous prenez le pouvoir. Son clip de campagne commence sur une musique messianique annonçant la frénésie des lendemains qui chantent. Son charisme est foudroyant au vu de sa popularité mais aussi l’indulgence des commentateurs politiques, au fond séduits et émerveillés, et qui ne soufflent mot de l’inanité de son programme politique et économique. On ne peut s’empêcher de contraster cette indulgence – dont bénéficie aussi le pathétique Poutou – avec l’acrimonie rituelle envers certains candidats, dont Marine Le Pen est la figure principale. S’ils étaient conséquents avec eux-mêmes, ils devraient mettre en demeure Hollande de ne passer aucun accord avec ce « populisme » qui est, comme on le voit « politiquement correct », ce qu’explique sans doute un reste de la nostalgie de l’idéologie soixante-huitarde…

Marine Le Pen ne se trompe pas quand elle prétend être le centre de gravité de la campagne sauf qu’elle enfonce une porte ouverte car c’est bien le cas depuis 20 ans, depuis que Mitterrand a créé de toutes pièces Le Pen comme un épouvantail autour duquel toute la vie politique française allait se structurer.

Néanmoins, elle ne dit qu’une demi-vérité car on peut voir dans le phénomène Mélenchon une métastase du lepénisme, un lepénisme d’extrême gauche. N’a-t-il pas récupéré l’électorat populaire que Jean Marie Le Pen avait ravi à un PC en décomposition ? Son inimitié violente avec le FN en dit long sur la concurrence des deux « populismes » qui sévissent désormais en France et annoncent des lendemains qui déchantent pour la paix sociale. Ce développement pourrait bien être en effet le produit incontrôlé de la réforme imposée à son parti par la présidente du FN, dans sa quête d’une respectabilité et d’une légitimité républicaines.

La trajectoire de Mélenchon est désormais à observer. Son pouvoir s’annonce considérable car il ne dépend d’aucun parti, tout en s’appuyant sur les ruines d’un parti que l’histoire a déchu. Gageons qu’il drainera vers lui d’autres lambeaux d’autres courants politiques, rassemblant une masse disparate que sa seule magie personnelle réunira. Comme toujours, dans l’histoire, ces masses désorientées et en rupture de banc avec le système et le marché attendaient depuis longtemps un semblable guide suprême. Jusqu’alors, les candidats ne se pressaient pas dans une galerie d’hommes politiques sans envergure ni verbe puissant. Mélenchon pourrait bien devenir l’homme providentiel d’une situation historique.

Toutes proportions gardées et sur le plan de la politologie, nous avons connu une semblable situation dans les années 20 et 30 en Italie. «Prendre le pouvoir », partir à l’assaut du pouvoir, parce que tout est possible au « peuple », fut un thème typique du fascisme italien. N’oublions pas qu’il se crût aussi socialiste…

Quel que soit le résultat de ces élections, rendez vous dans 5 ans pour le duel entre Marine Le Pen et Jean Luc Mélenchon, les futurs leaders de la droite et de la gauche. Ils sont les 2 pôles de la recomposition inattendue de la scène politique française. Le centre de gravité va devenir la poutre maîtresse du système.

Par Shmuel Trigano – tiré d’une tribune sur Radio J (20/04/2012) – JSSNews

Voir également:

Le silence de l’Islam français

Shmuel Trigano

12 mai 2012

L’échec patent et immense de la manifestation des musulmans modérés que le courageux imam Chalghoumi a tenté de réunir marque un tournant et appelle à des conclusions sévères. Elle visait notamment à marquer la désapprobation de(s) musulmans français vis à vis de la violence fondamentaliste en général mais aussi et surtout de l’antisémitisme qui fait rage dans l’opinion musulmane mondiale et qui venait de faire des morts, en France, de la main d’un natif du pays et au nom de l’islam : un acte d’une gravité extrême qui signe le déchirement du lien de la citoyenneté car on ne peut plus avancer (pour « excuser » ? « désamorcer » ?) l’explication de « l’importation du conflit du Moyen Orient ». Cet antisémitisme violent est bien objectivement français.

Il y a bien eu des condamnations de personnalités musulmanes officielles sur le perron de l’Élysée après les assassinats de l’École juive de Toulouse mais force est de constater qu’on ne les a pas entendues appeler à rejoindre en masse la manifestation ratée, et qu’on ne les y a pas vues. Si je me souviens bien, le recteur de la Mosquée de Paris n’a même pas eu à ouvrir la bouche sur ces sujets : c’est le grand Rabbin Bernheim qui, en sa présence et sur le perron de l’Élysée, devant toutes les télévisions a appelé à « ne pas faire d’amalgame ». Était-ce à lui de le faire ? C’est aux musulmans seuls à se mesurer à cette violence qui a surgi au sein d’eux-mêmes et de leur religion pour démontrer leurs intentions pacifiques. Il n’est pas clair à qui le grand Rabbin s’adressait. Aux Juifs qu’il représente, sur le plan du Consistoire ? Cela laissait-il entendre (fâcheusement) qu’ils pouvaient exercer des « représailles » alors qu’il n’y a jamais eu aucun acte de violence juive à l’encontre des musulmans, bien au contraire? Si c’est au grand public, c’était le rôle du président de la République.

Nous attendons toujours une parole de l’islam français officiel condamnant clairement l’antijudaïsme théologique et l’antisémitisme politique. Aucune ventriloquie ne peut y satisfaire. Le mythe d’un « islam modéré » de masse, à la crédibilité duquel les représentants juifs n’ont cessé de contribuer, est désormais éventé. Qu’ont-ils reçu en contrepartie ? Le renvoi d’ascenseur fut très timide et ne concerna que quelques personnalités. Quand des intellectuels musulmans avaient publié une tribune, il y a une dizaine d’années, pour condamner les actes antisémites, ils avaient senti le besoin de se livrer à une violente diatribe anti-israélienne, comme s’ils avaient dû « équilibrer » leur propos en « faveur » des Juifs et alors que les mythes arabes sur ce qui se passe au Moyen Orient font office de « justificatifs » de la violence commises par des Français musulmans envers des Français juifs qui sont leurs concitoyens. C’est aux cris de « Gaza » que des Juifs sont agressés aujourd’hui dans la rue.

Il y a un moment où il faut dire les choses telles qu’elles sont. Une violence d’origine musulmane contre les Juifs s’est installée dans ce pays. Depuis 12 ans, des centaines d’agressions dont la liste est consultable ont été commises. Après le massacre de Toulouse, les organes de veille de la communauté juive constatent une recrudescence d’agressions violentes commises aux cris de célébration de l’assassin. Jusqu’à quand ?

On ne peut ni ne doit accepter la banalisation de cet état de fait. La violence n’est pas le fait de tous les musulmans mais de certains milieux parmi eux, certes, mais cela ne dispense pas la communauté musulmane officielle de s’en désolidariser officiellement et formellement et surtout de récuser explicitement toute justification religieuse de la haine. Elle aura fort à faire car ce sont des autorités de l’islam officiel, parlant depuis le Moyen Orient et l’AFN, qui appellent à « tuer les Juifs » (cf. l’appel, sur la place Tahrir, de l’imam Qaradawi, président du Conseil de la fatwa pour les musulmans européens et qui était, fait gravissime, l’invité d’honneur de l’UOIF à son congrès). Une telle déclaration constituerait le meilleur rempart contre l’islamophobie. Le combat antiraciste contre sa progression, qui est aussi un fait, ne peut servir d’écran à l’antisémitisme. Il y a là un test qui vérifie l’assomption ou non par les autorités de l’islam du contrat de la citoyenneté.

On ne peut accepter l’idée qu’une guerre civile, larvée et erratique, s’installe dans le quotidien, que les Juifs, par « abnégation » civique, supporteraient dans le silence, dans le désintérêt de l’autorité publique. A moins qu’ils ne quittent les lieux.

Par Shmuel Trigano – JSSNews – Article paru dans Actualité Juive du 10 mai 2012

Voir enfin:

La «guerre contre le terrorisme», le cadeau de Bush à Ben Laden

Fred Kaplan

Traduit par Antoine Bourguilleau

Slate

Pourquoi le leader d’al-Qaïda a regretté la disparition des mots comme «guerre contre le terrorisme» ou «islamo-facisme» employés par les Républicains.

Parmi les nombreux documents que les Seals ont capturé lors de leur raid contre la résidence d’Obama l’an dernier, l’un d’eux devrait pousser de nombreux conseillers en politique étrangère républicains à reconsidérer le bilan global de la «guerre contre le terrorisme».

C’est dans la lettre n°9 (des 17 lettres que l’administration a rendues publiques fin avril par l’intermédiaire du West Point Combatting Terrorism Center) que Ben Laden évoque ce qu’il appelle le «sujet très important»: changer le nom d’al-Qaïda.

Contrairement au ton de certains résumés, cette lettre n’est en rien une sorte de réflexion à la Mad Men du terroriste le plus recherché du globe sur une question de «branding.» Il s’agit au contraire d’une analyse relativement sophistiquée sur la manière dont une cooptation culturelle peut aider un mouvement politique – et constitue une sorte de justification de l’approche actuelle du président Barack Obama relative à la lutte contre ce mouvement.

Dans cette lettre, Ben Laden regrette que le nom original de son organisation «al-Qaïda Jihad» soit désormais abrégé en «al-Qaïda.» Cette abréviation, écrit-il, «atténue le sentiment des Musulmans que nous faisons partie de leur communauté et permet à l’ennemi d’affirmer faussement qu’il n’est pas en guerre contre l’Islam et les Musulmans.»

Les Etats-Unis peuvent au contraire proclamer qu’ils ne sont en guerre que contre l’organisation al-Qaïda, décrite comme «une entité en rupture avec les enseignements de l’Islam.» Ben Laden se plaint qu’Obama a «régulièrement» utilisé cet argument.

Il suggère donc qu’al-Qaïda adopte un nouveau nom, avec une référence à l’Islam, ce qui «lui (Obama) rendrait plus difficile d’affirmer qu’il n’est pas en guerre avec l’Islam.» Il fait même quelques suggestions de nouveaux noms possibles, dont «le Groupe d’unité musulmane», le «Parti de l’Unification de la Nation islamique» ou le «Groupe de la Restauration du Califat.»

De la même manière, Ben Laden s’inquiète que ses ennemis «ont très largement cessé d’utiliser l’expression de “guerre contre le terrorisme” afin d’éviter de provoquer les Musulmans, car ils considèrent que cette expression apparaît, aux yeux de la plupart, comme une guerre contre l’Islam, particulièrement depuis qu’ils ont fait couler le sang de Musulmans innocents en Irak et en Afghanistan.»

Et voilà donc la confirmation de la critique formulée par de nombreux Démocrates (et spécialistes des questions internationales) à l’égard de l’approche des Républicains relative à la guerre contre le terrorisme de la décennie passée –car leurs phrases-totems («Islamo-fascisme», «Islamo-terrorisme» et même «Guerre contre le terrorisme») ont servi al-Qaïda, donnant encore plus de poids au cri de ralliement lancé par Ben Laden et ses fidèles, affirmant que l’Amérique fait la guerre à l’Islam.

Il faut tout de même porter au crédit du président Bush qu’il a fait quelques efforts pour faire taire cette critique, affirmant lors de plusieurs discours qu’al-Qaïda était une perversion, et pas un reflet, de l’Islam. Mais il a également utilisé tout un vocabulaire à base d’Islamo-quelque chose qui –nous le savons à présent, ravissait Ben Laden.

Et les activistes républicains qui ont le plus fidèlement vanté son bilan dans cette guerre contre le terrorisme – Dick Cheney, Newt Gringrich, John Bolton, Rudoph Giuliani, pour n’en citer que quelques-uns – ont souvent montré du doigt ceux qui refusaient d’utiliser les termes «Islam» ou «Islamiste» pour caractériser ce terrorisme de l’après 11-Septembre.

Leur argument consistait à dire que ceux qui refusaient d’utiliser ces mots étaient victimes du politiquement correct. Mais les lettres de Ben Laden suggèrent qu’ils s’adonnaient, en fait, au correctement politique. Ben Laden désirait que l’Occident fasse un lien entre l’Islam et al-Qaïda, car ce faisant, l’Occident donnait un certain poids à l’un de ses arguments: non seulement l’Occident menait une guerre contre l’Islam (et l’Occident devait donc être combattu) mais que l’Islam et al-Qaïda ne faisaient qu’un (et que les Musulmans devaient donc rejoindre al-Qaïda).

En entrant à la Maison blanche, Obama souhaitait le plus possible isoler l’un de l’autre. Plusieurs personnes furent horrifiées que le premier voyage du Président américain ait eu lieu en Egypte, où il fit un discours devant des étudiants – majoritairement musulmans – à l’Université du Caire. Certains éditorialistes l’accusèrent alors de faire preuve de mollesse et de faire repentance pour l’Amérique.

Ils ont également tiré des fusées d’alarme lorsqu’il abandonna cette expression de «guerre contre le terrorisme.» Cheney déclara notamment qu’Obama n’avait pas la bonne «tournure d’esprit» pour faire face aux menaces d’un monde dangereux (même après qu’Obama ait triplé le nombre des drones frappant des cibles d’al-Qaïda au Pakistan).

Nous voyons aujourd’hui qu’Obama avait vu juste et que Ben Laden fut horrifié par ce changement de politique. Ben Laden avait parfaitement compris que ce virage rhétorique nuisait à sa stratégie de diffusion du message d’al-Qaïda à travers le monde musulman, une stratégie que Cheney avait approuvée sans relâche durant ses huit années de vice-président (dont six au cours desquels il fut, de fait, le responsable de la politique étrangère américaine).

Il ne s’agit pas de dire que la politique d’Obama dans ce domaine a été un succès complet, ni qu’al-Qaïda et ses affiliés n’ont perdu toute leur puissance (qui a tout de même été sérieusement entamée). Sur ce point également, les documents de Ben Laden sont édifiants.

Le Printemps arabe de l’an dernier avait ainsi, tant chez les Républicains que les Démocrates, laissé croire que les révolutions en Tunisie, en Egypte et ailleurs au Proche-Orient venaient de porter un coup fatal à al-Qaïda, en démontrant que des révoltes populaires pouvaient être couronnées de succès dans le monde arabe, sans recours à la violence ni au sectarisme religieux.

Ben Laden voyait manifestement les choses autrement. Dans une lettre en date du 26 avril 2011 (n°10 dans le dossier de West Point), il décrit le Printemps Arabe comme «un événement grand et glorieux» qui va permettre aux Musulmans de toute la région d’échapper «au contrôle de l’Amérique» et aux agents d’al-Qaïda de répandre «la bonne parole».

Ben Laden prend manifestement ses désirs pour des réalités. Il a pourtant compris que l’effondrement d’un régime autoritaire ouvre de très nombreuses opportunités –et pas seulement aux jeunes démocrates qui ont contribué à le faire tomber– et notamment, dans les pays majoritairement musulmans, à des organisations islamiques bien organisées, comme le montre la tournure des évènements en Egypte.

Dans l’allégresse des premiers jours du Printemps arabe, Obama et ses conseillers ont manifestement sous-estimé cette possibilité (comme bon nombre de leurs critiques). Mais sa vision globale – consistant, à la grande consternation de Ben Laden, à distinguer entre les musulmans et à ne pas tous les considérer comme des ennemis– semble plus adaptée pour traiter avec des partis islamiques relativement modérés (comme il en existe aussi en Egypte).

Voilà qui semble avisé dans un monde peuplé d’1,6 milliard de musulmans dont une infime fraction est sympathisante d’al-Qaïda et encore moins adepte ou membre. Mais une petite fraction d’1,6 milliard d’individus est encore un nombre important.

Ben Laden a accueilli la rhétorique et la politique de Bush avec joie, car elles permettaient de gonfler ses effectifs; il craignait que celles d’Obama ne les diminuent. Sur ce dernier point, au moins, il ne se trompait pas.

Voir enfin:

Invisible Censorship

There are limits to free speech in free societies too.

Iivi Anna Masso

Diplomaatia

Nick Cohen. You Can’t Read This Book: Censorship in an Age of Freedom. Fourth Estate, 2012. 330 lk.

We Estonians – at least those of us born in the 1960s and 1970s (and earlier) – remember too well the time when freedom of speech was just an abstract dream and ubiquitous official censorship was an unpleasant reality; when there was no slightest hope of having a normal, open public debate about anything remotely political (or interpretable as political) – there was just one and only one possible position on those issues, that of the leaders of the one and only political party. At that time, writers, poets, musicians and playwrights were glad when they sometimes managed to smuggle a hidden message into their texts and plays, a thought everyone had on their minds but no one dared to express – provided that the censors were too lenient or ignorant to notice the forbidden message in time.

That experience of real and habitual censorship – in fact, a censorship that prevented most of us from even trying to ever say anything inappropriate (which, for many, meant not trying to say anything at all in public) – distinguishes us from the people in the ‘old West’, who have got used to enjoying freedom of speech at best for centuries. The relatively fresh memory of not having had this precious freedom may be a reason why we have quite a lot of it today – Reporters without Borders listed Estonia the third freest country in the world after Norway and Finland. Therefore, even though our own ACTA protests recently brought thousands of people to the streets, some of the problems assessed by the British journalist and author Nick Cohen in his new book, You Can’t Read This Book, are not very familiar to us. Still, it is good for us to be reminded that even in the ‘old West’ freedom of expression is not always as self-evident as we might think it is in the 21st century, long after the ‘end of history’.

Just like the late Christopher Hitchens (to whom the book was dedicated), Cohen, who is a columnist for the Observer, belongs to the rare class of thinkers who position themselves politically on the left, but have the capacity to rise above ideologies when assessing any particular topic at hand, and who is therefore hard to categorise politically to the confusion of those who desperately try to do so. Cohen can harshly criticise economic inequality and the bankers’ greed, but he does not share the view, popular among left-wing thinkers, that everything bad comes from capitalism and ‘American imperialism’, and consequently nothing bad can come from cultural ‘non-West’ that is seen as their opposite. Cohen opposes the repression of freedom regardless who and where it comes from – in his own backyard and out in the world.

This intellectual integrity helps Cohen to detect and condemn the lack of freedom of speech also in an area where many of his (often, but not always, left-wing) colleagues prefer tactful silence to show their respect for ‘differences’ – be it about the anti-Rushdie campaign, the Muhammad cartoons, a play staged in Birmingham offending (some) Sikhs, or Ayaan Hirsi Ali’s fight for the rights of Muslim women. Cohen understands that just as Western liberals had supported the Soviet dissidents who had defected to the West, they should support the liberals and freedom fighters who emerge from culturally defined minorities and who defy the taboos and dogmas of their own traditional background societies. But it is not easy to find this kind of support today.

You Can’t Read This Book is a book about censorship in free societies – and very much about self-censorship caused by different methods of pressure – from violence and threats of violence by religious fanatics to libel courts with a capacity to ruin your economy. The book is, in spite of its title, recommended reading for anyone who is interested in preserving and protecting free speech as a necessary pillar of free society. The book is divided into three parts, each describing one major factor that can be used, in one way or another, to limit free speech: God, money and the state. The first and longest part is dedicated mostly, but not only, to the challenges posed to free speech by Islamic fundamentalism. The ‘Money’ part deals with the (in)famous English libel courts, but also with the meaning of privacy protection, the anatomy of some aspects of the financial crisis and even workplace democracy. The censoring potential of the state is assessed in the third part, in connection with the new methods of spreading information in the wake of the IT revolution.

Godly revenge

It is an irony of fate that the most serious recent setback to freedom of speech in the West occurred in the same year when the fall of the Berlin Wall – soon followed by that of the Iron Curtain – liberated the Eastern half of Europe after decades of totalitarianism. Salman Rushdie’s The Satanic Verses was published in 1988 and Ayatollah Khomeini issued a fatwa calling for Rushdie’s death in 1989. This call for murder as a punishment for blasphemy was unprecedented because even though Rushdie was born to an Indian Muslim family, he was a Cambridge-educated British citizen living in London, meaning that the harsh Qu’ranic blasphemy laws, still valid in stronger or weaker versions in many Muslim-majority countries, were for the first time applied globally, with nothing less than death as the punishment for violating them.

The Rushdie affair, which Cohen calls ‘the Dreyfus affair of our time’, ‘redrew the boundaries of the free world’, or rather, it dissolved the borders that had framed and protected a zone where the right to have free, playful and provocative discussions about any issue had become self-evident. The fatwa ‘ensured that London, New York, Paris, Copenhagen and Amsterdam could no longer be places of safety for writers tackling religious themes’. It was not just Rushdie who was threatened. Cohen gives a good overview of the reactions of publishers, book sellers and translators to the threats they, too, had received. Some were more prone to give in to the threats than others who chose to defend the writer and the principles of free speech, sometimes paying a high price for that. It is most amazing that not all intellectuals rushed to Rushdie’s defence – there were those, both on the right and on the left, who did not share the instinctive reaction of people like Hitchens and Cohen who immediately took the side of the threatened novelist against those who threatened him. Some blamed Rushdie for his lack of ‘respect’ for the sacred, instead of condemning the religious fanatics who wanted to kill him for writing a novel.

Cohen argues that this apparently benevolent understanding of ‘other cultures’ was, and still is, based on a similar mistaken conception of ‘a clash of civilisations’, like ‘neo-conservative’, or even plain racist, denunciations of the cultural (or racial) ‘other’ as essentially different and incapable of moral responsibility. Cohen rejects this essentialist perspective. “The Rushdie affair was not ‘a clash of civilisations’ but a struggle for civilisation,” he asserts. Nevertheless, after the Rushdie affair, the Western liberal proponents of ‘understanding’ have demonstrated over and over again an incapacity (or unwillingness) to seriously stand for liberal values when these are threatened by religious fanatics coming from non-Western cultures – in addition to Muslims, the book contains examples where Sikhs and Hindus are involved. For Cohen, such reluctance to stand by dissidents and liberals from other cultures is itself a form of racism. ‘The others’ are seen as homogenous groups, not individuals who can disagree with each other within (and beyond) those cultural groups.

In twenty years, violence and threats on the one hand, and misplaced attempts at respect on the other, have had a profound effect. When the American author Sherry Jones wrote an innocent novel about the life of Muhammad’s favourite wife, it took just a hint from an American academic that it could possibly ‘be offensive to some in the Muslim community’ and ‘incite acts of violence by a small, radical segment’ for Random House to cancel the contract and pull the book. Violence or threats are no longer needed: we have learned to censor ourselves. Paintings are removed from exhibitions and plays are cancelled as soon as someone hints that they could ‘offend’ someone. Self-censorship does not mean so much that existing books get banned as that possibly provocative books remain unwritten. Since the fatwa, Cohen writes, Western culture has changed: “No young artist of Rushdie’s range and gifts would dare write a modern version of The Satanic Verses today, and if he or she did, no editor would dare publish it.”

The bankrupting truth

A quite different form of censorship is the one that has brought dubious international fame particularly to England – it threatens those who break the rules not with physical violence, but with unbearable financial losses. English libel courts are well known for making writers pay for smearing someone’s good name, regardless of whether what they write is factually true or not, and even whether they end up winning or losing their cases in court. Even though this method of pressure is different, its end result is the same: preventive self-censorship. Knowing that they can always be outdone by rich claimants, individual writers and smaller papers prefer not to write about certain persons and topics. This modern form of censorship also has a global reach: the British courts have protected, among others, Saudi sheiks and Ukrainian oligarchs from uncomfortable revelations or critical remarks. To sue writers for ‘smearing their name’, it is enough that the material, even if published abroad, is available in Britain. In the era of the Internet and global markets, this could include virtually anything.

Just like Part I, the part about the censoring power of money is a multi-layered story consisting of history, arguments and detailed examples. It does not simply demonstrate how rich people living far away have managed, with the help of English libel courts, to silence papers published far away. It also offers an interesting insight into the history of libel law not just in Britain, but in the USA, the country whose free speech law, the First Amendment, is in Cohen’s opinion the one law that everyone should enact to protect free speech, if they can enact just one law. Cohen recalls the situation in the South of the United States in the 1960s where the civil rights movement was initially silenced by the same libel laws, inherited from England – civil rights activists who criticised racist officials and policemen were sued for libel. Cohen draws a parallel between the people who tried to preserve segregation then and the people who buy the media’s silence today – both of them could shut their critics up by appealing to generous interpretations of libel law. However, the American courts fixed this problem in 1964: the Supreme Court decided that libel law could not be interpreted so as to punish citizens for freely expressing their opinions. Sadly, it is still not equally obvious everywhere.

Cohen even sees a connection between the repression of free speech and the financial crisis. Criticising the corporate culture as the ‘cult of the supreme manager’, he pays attention to a fact that also should stop us up here to think: democracy often ends at the office door. Today, in the Western world, it is quite risk free to criticise political leaders. As seen above, criticising religious authorities is trickier. But if you publicly criticise your employer, you run a very high risk of losing not just your job and livelihood, but also a chance to be hired by any employer in your field. Even though it is justified to keep some information secret within companies and institutions, suppressing all internal criticism may have disastrous results. Cohen believes that the financial crisis was predictable and that there were experts in the banking sector who warned their employers about the risks. But more often than not, the whistleblowers were fired by their bosses who wanted to keep the status quo in the hope of rapid profits. And others preferred to remain silent.

Freedom is political

In Part III of the book, Cohen reminds the reader that there are still plenty of states in the world that do not grant their citizens even the most basic freedoms. He warns against an overwhelming IT optimism – in spite of the Arab Spring which demonstrated the power of the Internet and the social media to help mobilise democratic protests, authoritarian governments have learned to restrict Internet freedom and, worse still, to use new technologies in their own interests.

“Cyber-utopians do not study history. If they did, they would not be utopians,” says Cohen and turns to the past again to find parallels between today’s Net enthusiasm and the introduction of new printing presses in the 1450s. Then, too, the possibilities of spreading information improved at a revolutionary speed. Then, too, there were people worried about the harmful effects of the new technology, people who would have preferred to restrict the availability of information to the masses. And there were those who believed in the enlightening power of the new technology. Cohen reminds us that even though parallels are gladly drawn today, anyone who would have predicted in the 15th century that the ‘Gutenberg Revolution’ would bring a ‘new age of transparency’ to late medieval Europe would have been wrong in their assumption that the ease of spreading information in itself would make wars and massacres less likely to occur.

Today’s technological developments are also radically changing the speed and nature of the exchange of information. Cohen offers an illuminating example by painting a picture of a Xerox-era Wikileaks: the people who leaked the information should have been able to make hundreds of thousands of photocopies and smuggle a truckload of them out of offices without anyone noticing. He concludes that the ease of the transfer of information certainly changes the world, but it does not contain an inherent value – Cohen is ironic about the Net radicals who treat transparency in itself as a positive and at the same time depoliticised value. For example, by exposing ‘non-political’ information Wikileaks revealed the identities of Belarusian dissidents to the oppressive regime. Cohen does not oppose the pursuit of transparency, but he insists that the activists who swear they act in the name of information freedom try to understand whether the free flow of information indeed benefits liberals or supports the enemies of freedom.

The book ends constructively with a dozen tips for all ‘free-speaking citizens’. Well argued, logical and even funny, You Can’t Read This Book is more than just a source of information about the limits to free speech in free societies. It invites the reader to think about the weaknesses of democracies today and it teaches citizens of the free world, who have got so used to freedom that they tend to take it for granted, how to notice and recognise attempts to suffocate their freedom.

Freedom of speech is not irrelevant to world politics. When Western courts use their libel laws to protect the strongmen of authoritarian states from criticism and when Western artists submit to pressures from foreign religious-political leaders and refrain from criticising the dogmas and ideologies professed by those leaders, it means that free societies implicitly support authoritarian governments abroad, instead of helping the dissidents who challenge them.

Cohen relies on John Stuart Mill’s good old Harm Principle when searching for justified limits to free speech: he subscribes to Mill’s view that no speech that does not constitute a direct incitement to violence should be prohibited. But he considers John Milton, an earlier thinker who fought for the right to criticise the dogmas of the Church of England in the mid-17th century, to be the father of the English freedom of speech. Cohen writes: “Milton’s advantage over modern writers and academics is that he had experienced censorship. He knew the humiliation of having to take work to a censor, and had a justifiable contempt for the type of man who would choose bowdlerising as a career.” That is an ‘advantage’ that we in Eastern Europe have over our fellow Europeans who have enjoyed liberty much longer. We should use this advantage to recognise and resist the hidden forms of censorship that our time has in store.

Voir par ailleurs:

Non, nous ne sommes pas antisémites

Eric Mettout

L’Express

18.05.12

Nous avons commis une terrible erreur, un texte malencontreux sur l’une de nos photos du jour du 18 avril dernier (à gauche), mal traduit de la légende, tout ce qu’il y a de plus circonstanciée, elle, que nous avait fournie l’AFP*: sur la « reconstitution », dans un camp de réfugiés au Liban, de l’arrestation par de faux militaires israéliens d’un Palestinien, nous avons omis d’indiquer qu’il s’agissait d’une mise en scène, que ces « soldats » jouaient un rôle et que tout ça relevait de la pure et simple propagande.

C’est une faute – qu’atténuent à peine la précipitation et la mauvaise relecture qui l’ont provoquée.

C’en serait une dans tous les cas, ça l’est plus encore dans celui-là: laisser planer la moindre ambiguïté sur un sujet aussi sensible, quand on sait que les images peuvent être utilisées comme des armes de guerre, donner du crédit à un stratagème aussi grossier, qui peut contribuer à alimenter l’exaspération antisioniste là où elle s’enflamme sans besoin de combustible, n’appelle aucun excuse. Nous avons déconné, gravement. J’ai déconné, gravement: je suis responsable du site de L’Express, et donc du dérapage.

A ce titre, je fais amende honorable, la queue basse, auprès des internautes qui ont été abusés, de tous ceux que cette supercherie a pu blesser et de l’AFP, qui n’est EN AUCUN CAS comptable de nos propres bêtises.

Cela dit – et que les choses soient claires, ce que j’écris ci-dessous n’enlève rien à ce que j’ai écrit ci-dessus:

– Il arrive, quand nous nous trompons – parce que ça arrive, personne n’est parfait – que nous en soyons avertis directement, que celle ou celui qui a repéré une erreur nous envoie un mail, nous passe un coup de téléphone, nous écrive pour nous demander de nous expliquer, de corriger, de supprimer – il est assez facile de nous contacter si on le souhaite vraiment. J’attends toujours. Dès que j’ai eu connaissance, par le patron du service Monde de L’Express, de cette bourde, j’ai fait supprimer l’image et sa légende.

– Sur de nombreux sites pro-israéliens où l’affaire (!) a pris son envol et son ampleur, elle a servi à nourrir de vieilles rancœurs. Pour résumer: les médias français dans leur ensemble désinforment sciemment, s’acharnant sur Israël en toute (mé)connaissance de cause – quand nous ne sommes pas tout bonnement accusés d’encourager le terrorisme; j’ai lu tout à l’heure que nous aurions « fabriqué » Mohamed Merah…

Naturellement, ont resurgi à cette occasion d’autres incidents, au premier rang desquels figure, comme d’habitude, la mort du petit Mohamed Al-Durah, filmée par l’équipe du correspondant de France 2 à Jérusalem, Charles Enderlin – formidable journaliste, dont le courage n’a d’égal que le professionnalisme, j’en profite pour le répéter ici. Il faut avoir le cuir épais pour résister aux pressions brutales et inqualifiables dont il est la cible depuis ce jour-là. Il l’a, fait toujours bien son métier, rend coup pour coup, malgré les attaques infamantes et les calomnies dont il est l’objet, respect.

C’est d’ailleurs un regret supplémentaire: en manquant de rigueur, nous avons involontairement contribué à discréditer nos confrères qui font bien leur travail, qui relatent les emprisonnements arbitraires des uns, l’extrémisme religieux et les diatribes antisémites des autres, les opérations militaires implacables comme les tirs de roquettes, les colonies illégales comme les attentats aveugles – et rappellent aussi, ne serait-ce que par leur liberté d’y travailler, qu’Israël est la seule véritable démocratie de la région, qu’on y vote sans contrainte, qu’on y lit des journalistes indépendants, qu’on peut y manifester et s’y opposer sans risquer la torture et la mort.

– Marre de lire que tous autant que nous sommes, nous, journalistes français, nous cultivons non seulement un antisionisme atavique (ce qui est faux), mais aussi un antisémitisme historique – ce qui, pour le coup, me fait hurler. Evoquer, comme je l’ai lu ici ou là, « la connotation antisémite » de ce qui, encore une fois, n’est rien d’autre qu’une bévue, ce n’est pas seulement disproportionné et inutilement insultant, ce n’est pas seulement banaliser le Mal, c’est aussi un avertissement à peine déguisé.

J’ai utilisé le mot propagande au début de ce post, à propos de l’image qui l’a motivé. Il n’y en a pas d’autre pour qualifier les méthodes d’intimidation mises en oeuvre pour nous empêcher de parler librement du conflit israélo-palestinien. Et si reconnais bien volontiers, et bien tristement, notre erreur, je tiens à confirmer que nous continuerons, malgré elle et les réactions qu’elle a provoquées, à le faire.

PS qui a tout à voir: le sujet de ce post est éminemment sensible. Je ne vais être épargné par personne, ni par les défenseurs les plus intransigeants de la politique israélienne, ni par ceux qui dénoncent sans nuance le vil « colonisateur ». J’aimerais simplement que tous les autres, et j’espère qu’ils sont majoritaires, liront ce que j’ai écrit et pas ce que ces jusqu’au-boutistes en auront dit.

*PS qui a tout à voir aussi: pour information, la légende, en anglais, de la photo fournie par l’AFP: « LEBANON, AIN EL-HELWEH: Palestinian refugees pose as Israeli soldiers arresting and beating a Palestinian activist during celebrations of Prisoners’ Day at the refugee camp of Ain el-Helweh near the coastal Lebanese city of Sidon on April 17, 2012 in solidarity with the 4,700 Palestinian inmates of Israeli jails. Some 1,200 Palestinian prisoners held in Israeli jails have begun a hunger strike and another 2,300 are refusing food for one day, a spokeswoman for the Israel Prisons Service (IPS) said. »

le 18 mai 2012


Présidentielles 2012: C’est le modèle Obama, imbécile! (Looking back at France’s Obama-inspired socialist plan for changing the math)

9 Mai, 2012
[Les élections de Bush et de Sarkozy] Bien sûr, il y a des différences. Mais il s’agit dans les deux cas d’un durcissement de la droite, dans un double contexte – la montée en puissance du néolibéralisme, et sur la scène internationale, celle du néoconservatisme après le 11 Septembre (période qui est aussi, en France, l’après-21 avril…). Eric Fassin
Lorsque vous êtes d’une nationalité étrangère mais installé en France, vous pouvez aussi constituer une sorte de passerelle entre votre pays d’origine et votre pays de citoyenneté », a-t-elle ajouté, relevant l’intérêt de « développer de meilleures relations culturelles » et « même économiques » avec « les pays qui nous entourent ». Najat Belkacem
Aujourd’hui plus que jamais, une pédagogie et une reconquête du sens des mots est nécessaire. Qualifier sous le même vocable « islamiste » le premier ministre turc Erdogan, les milices armées du GIA, voire l’assassin Ben Laden, est un abus insupportable. Personne ne tolèrerait de voir la chrétienne-démocrate Angela Merkel désignée sous le même vocable que divers extrémistes (Opus Déi, Tea party ou brigades anti-avortement…) ! (…) Il est important que le refus de ces instrumentalisations soit notamment porté par les musulmans. Ce positionnement n’équivaut pas à l’expression d’un communautarisme fermé. Bien au contraire, il participe d’une citoyenneté active, et donc souhaitable. De plus, des dynamiques « communautaires » peuvent aussi bénéficier à toute la société. Au début des années 1980, face à l’épidémie du sida, c’est bien la communauté gay qui pousse les pouvoirs publics à mettre en place des dispositifs de prévention, d’information et de prise en charge. Cet activisme profitera à tous, car l’épidémie, elle, n’épargnera personne… Une cause minoritaire – en apparence – est devenue un combat transversal, avec des retombées pour toute la communauté nationale. Plus tard, le Pacs (pacte civil de solidarité) suivra la même voie. Porté par la minorité gay, il devient une réponse à de nouveaux modes de vie, homos ou hétéros. (…) L’émergence en France et en Europe d’une puissante citoyenneté musulmane participerait, d’une part, à combattre, dans les sociétés musulmanes, les lectures d’un monde binaire : Occident contre islam. Dans un même temps, elle permettrait de refuser, ici, les assignations qui cantonnent les musulmans à être « un problème », voire « le problème », en les positionnant comme des acteurs incontournables, et non plus comme des sujets. Enfin, un rassemblement inédit de citoyens d’héritage islamique, croyants ou non, allant jusqu’aux représentants du culte, sur des positionnements communs, brise bien des barrières, conscientes et inconscientes, de celles qui bloquent les évolutions. Cette citoyenneté musulmane passe par une meilleure participation électorale – et à cet égard, le tour de France des Scouts musulmans pour encourager le vote des jeunes de quartier devrait être soutenu et mieux médiatisé. Elle passe aussi par un plus grand investissement des Français musulmans dans le débat public, débat qui ne doit pas être accaparé par les seules forces réactionnaires. La formation des journalistes – sur la diversité de la réalité musulmane, les différents visages des conservatismes, des fondamentalismes et de l’islam politique – est aussi un objectif prioritaire. L’avènement rapide d’une classe politique d’origine musulmane est également indispensable, et c’est aux partis, notamment progressistes, de s’en assurer. (…) Inscrire dans le calendrier républicain une fête qui ne soit pas strictement catholique, mais un jour des religions. Cette journée de fête commune sera, notamment, l’occasion de mieux faire connaître l’islam. Terra Nova
Partout en Europe, la social-démocratie est en crise. Elle ne gouverne plus que dans 6 pays sur 27. Elle n’a pas pu capitaliser politiquement sur la Grande Crise de 2008. Comment expliquer cette désaffection politique ? Il y a, bien sûr, la crise idéologique. Le modèle de société porté par la social-démocratie – l’économie sociale de marché, autour de la construction de l’Etat-providence – n’est plus compatible en l’état avec le nouveau monde globalisé. Il doit être refondé. Mais il y a une autre raison à la crise de la social-démocratie. Elle a trait à la sociologie électorale : la coalition historique qui a porté la gauche depuis près d’un siècle, fondée sur la classe ouvrière, est en déclin. C’est vrai en France, comme dans le reste de l’Europe et aux Etats-Unis. Depuis le Front populaire en 1936, la gauche en France (socialiste, mais surtout communiste) a accompagné la montée en puissance du monde ouvrier. La victoire de François Mitterrand à l’élection présidentielle de 1981 leur est intimement liée : la classe ouvrière est à son apogée démographique (37% de la population active) et vote massivement à gauche (72%, soit +20 points par rapport à la moyenne nationale). Autour de ce cœur ouvrier s’est constituée une coalition de classe : les classes populaires (ouvriers, employés) et les catégories intermédiaires (le cadres moyens). Ce socle historique de la gauche se dérobe aujourd’hui, à partir d’un double mouvement. D’abord, le rétrécissement démographique de la classe ouvrière : après un siècle d’expansion, la population ouvrière se contracte rapidement à partir de la fin des années 1970, pour ne plus représenter que 23% des actifs aujourd’hui – soit pour la gauche une chute de 40% de son socle électoral. (…) Second mouvement : les ouvriers votent de moins en moins à gauche. L’érosion est continue depuis la fin des années 1970 et prend des allures d’hémorragie électorale ces dernières années. Au premier tour de l’élection présidentielle, le différentiel de vote au profit de la gauche entre les ouvriers et la moyenne de l’électorat passe de +15 points en 1981 à 0 en 2002 : il n’y a plus de spécificité du vote ouvrier. Pire, le candidat Lionel Jospin n’a rassemblé que 13% des suffrages ouvriers : les ouvriers ont moins voté socialiste que l’ensemble des Français (16%). Au second tour de la présidentielle, le vote ouvrier passe de 72% en 1981 à 50% en 2007 : pour la première fois de l’histoire contemporaine, les ouvriers, qui ne votaient déjà plus à gauche au premier tour, ne votent plus à gauche au second.
A partir de la fin des années 1970, la rupture va se faire sur le facteur culturel. Mai 68 a entraîné la gauche politique vers le libéralisme culturel : liberté sexuelle, contraception et avortement, remise en cause de la famille traditionnelle… Ce mouvement sur les questions de société se renforce avec le temps pour s’incarner aujourd’hui dans la tolérance, l’ouverture aux différences, une attitude favorable aux immigrés, à l’islam, à l’homosexualité, la solidarité avec les plus démunis. En parallèle, les ouvriers font le chemin inverse. Le déclin de la classe ouvrière – montée du chômage, précarisation, perte de l’identité collective et de la fierté de classe, difficultés de vie dans certains quartiers – donne lieu à des réactions de repli : contre les immigrés, contres les assistés, contre la perte de valeurs morales et les désordres de la société contemporaine. Malgré cette discordance sur les valeurs culturelles, la classe ouvrière continue au départ de voter à gauche, qui la représente sur les valeurs socioéconomiques. Mais l’exercice du pouvoir, à partir de 1981, oblige la gauche à un réalisme qui déçoit les attentes du monde ouvrier. Du tournant de la rigueur en 1983 jusqu’à « l’Etat ne peut pas tout » de Lionel Jospin en 2001, le politique apparaît impuissant à répondre à ses aspirations. Les déterminants économiques perdent de leur prégnance dans le vote ouvrier et ce sont les déterminants culturels, renforcés par la crise économique, « hystérisés » par l’extrême droite, qui deviennent prééminents dans les choix de vote et expliquent le basculement vers le Front national et la droite. La France ne fait pas exception. Partout en Europe, en Amérique du Nord, en Australie, la coalition historique de la gauche, centrée sur la classe ouvrière, s’efface. Même dans les pays où existe un lien institutionnel, via les syndicats, entre la classe ouvrière et la gauche politique, le vote ouvrier déserte la gauche : Grande Bretagne, Allemagne, Suède. La social-démocratie perd sa base électorale. Si la coalition historique de la gauche est en déclin, une nouvelle coalition émerge. Sa sociologie est très différente : 1. Les diplômés. (…) 2. Les jeunes. (…) 3. Les minorités et les quartiers populaires. (…) 4. Les femmes (…) La nouvelle gauche a le visage de la France de demain : plus jeune, plus féminin, plus divers, plus diplômé, mais aussi plus urbain et moins catholique . Elle est en phase avec la gauche politique sur l’ensemble de ses valeurs. Contrairement à l’électorat historique de la gauche, coalisé par les enjeux socioéconomiques, cette France de demain est avant tout unifiée par ses valeurs culturelles, progressistes : elle veut le changement, elle est tolérante, ouverte, solidaire, optimiste, offensive. C’est tout particulièrement vrai pour les diplômés, les jeunes, les minorités . Elle s’oppose à un électorat qui défend le présent et le passé contre le changement, qui considère que « la France est de moins en moins la France », « c’était mieux avant », un électorat inquiet de l’avenir, plus pessimiste, plus fermé, plus défensif. Le facteur socioéconomique joue aussi. Car la France de demain réunit avant tout les « outsiders » de la société, ceux qui cherchent à y rentrer, notamment sur le marché du travail, mais n’y parviennent que difficilement : les jeunes, les femmes, les minorités, les chômeurs, les travailleurs précaires. Ils ont du mal car ils sont la principale variable d’ajustement face à la crise d’une société d’« insiders » qui, pour préserver les droits acquis, sacrifie les nouveaux entrants. Ces « outsiders » ont besoin de l’aide de la puissance publique pour surmonter les barrières qui se dressent devant eux : ils ont besoin d’un Etat qui les aide à s’émanciper, à briser le plafond de verre. Ils sont soutenus par les plus intégrés (les diplômés), solidaires de ces « exclus » par conviction culturelle. La nouvelle gauche qui émerge en France est la même que celle qui se dessine partout en Europe. Elle ressemble de près à la coalition qui a porté Barack Obama au pouvoir en 2008. Avec une différence d’importance : elle n’est pas majoritaire. La nouvelle coalition électorale de la gauche présente trois faiblesses structurelles : 1. Une dynamique démographique limitée. Les minorités constituent une population en expansion mais au poids démographique faible : seuls 5% des Français ont deux parents immigrés ; on peut estimer à 15% les Français issus de la diversité. Rien à voir avec les Etats-Unis, où la part des minorités atteint près de 30%. Surtout, les jeunes sont une population déclinante en France, alors que c’est le contraire aux Etats-Unis. 2. Une coalition électorale en construction. Le nouvel électorat de gauche vote, élection après élection, de plus en plus à gauche. C’est une excellente nouvelle pour la gauche, pour l’avenir. Cela souligne a contrario une faiblesse actuelle de la coalition : elle ne fait pas le plein. C’est vrai pour les diplômés, qui votent encore faiblement à gauche. Pour les jeunes : ils votent moins à gauche qu’aux Etats-Unis : ils donnent 16 points de plus à Ségolène Royal face à Nicolas Sarkozy en 2007 (58/42) contre 34 à Barack Obama face à John McCain (67/33). Mais c’est surtout chez les femmes que la gauche française ne fait pas encore le plein : elles ne donnent que 2 points de plus à Ségolène Royal par rapport aux hommes en 2007 (48/46), +5 points aux élections régionales de 2010, contre +12 points à Barack Obama (56/44).
Face à cette nouvelle coalition de gauche, la recomposition radicale du paysage politique français fait émerger deux blocs électoraux : L’électorat de droite, centré sur les séniors. Une abstention élevée. Les jeunes et les minorités votent moins que la moyenne nationale : respectivement -7 points pour les 18-24 ans et -4 points pour les zones urbaines sensibles (mais -34 dans les quartiers populaires) en 2007. Leur participation s’effondre dans les élections de faible intensité politique (européennes, régionales, cantonales). L’électorat de droite n’a guère changé ces dernières décennies : les séniors, les indépendants (artisans, commerçants), les agriculteurs, les catholiques. Lui aussi devient plus clivant : sa propension à voter à droite se renforce. Il est en opposition avec les valeurs de gauche dans toutes ses composantes, tant socioéconomiques que culturelles, et parfois de manière radicale comme les agriculteurs ou les séniors (sur les valeurs culturelles). Les séniors constituent le cœur de l’électorat de droite. Ils votent, on l’a vu, massivement à droite. Ils ont un taux de participation record : plus de 90% en 2007. Et il s’agit d’une catégorie en expansion démographique importante : elle représentait 27% de la population en 2005, elle représentera 38% en 2030. D’où un problème majeur pour la gauche : peut-elle gagner sans le vote des séniors ?
Quelle stratégie la gauche doit-elle adopter pour faire le plein de son nouvel électorat naturel ? Elle doit opter pour une stratégie de valeurs. L’électorat « France de demain » les partage. Il y a des marges de manœuvre. Les élections régionales de 2010 ont montré que le vote à gauche des femmes, des jeunes, des diplômés progressent plus fortement que la moyenne de l’électorat. Pour accélérer ce glissement tendanciel, la gauche doit dès lors faire campagne sur ses valeurs, notamment culturelles : insister sur l’investissement dans l’avenir, la promotion de l’émancipation, et mener la bataille sur l’acceptation d’une France diverse, pour une identité nationale intégratrice, pour l’Europe. La gauche doit également privilégier une stratégie de mobilisation. La « France de demain » vote fortement à gauche mais vote peu. Il est toutefois possible d’améliorer son taux de participation : les jeunes ou les minorités ne sont pas des abstentionnistes systématiques, ils votent par intermittence. L’objectif est donc de les mobiliser : cela passe par une campagne de terrain (porte-à-porte, phoning, présence militante sur les réseaux sociaux et dans les quartiers…), sur le modèle Obama. Terra Nova

Où l’on comprend mieux …

Tant l’importance cruciale, pour le PS, de ses propositions de naturalisations, vote des étrangers et « mariage homosexuel » …

Que la nécessité quasi-ontologique de la vacuité, à l’instar de son slogan, de son programme comme… du bilan de son candidat!

Pour ceux qui en doutaient encore …

Confirmation, à la lecture des deux récentes et fameuses notes du think tank socialiste Terra Nova (associé d’ailleurs à une fondation américaine), sur une « citoyenneté musulmane » (changée plus tard en « citoyenneté inclusive ») et le terrain des valeurs 

Du choix explicite, suite à la perte de son électorat ouvrier traditionnel, de l’équipe socialiste qui vient de profiter comme on le sait tant de la division de la droite que du rejet, crise aidant, du président sortant  …

D’une stratégie délibérée, sans compter bien entendu la création de dizaines de milliers de nouveaux postes ou d’emplois aidés, d’élargissement de sa base immigrée en vue d’une coalition diplômés-jeunes-minorités-quartiers populaires et femmes …

Et surtout, comme en témoignent les nombreuses références explicites, du modèle Obama

NOTE

Musulmans de France : pour une citoyenneté inclusive

Note Par Marc Cheb Sun, Ousmane Ndiaye.

Terra Nova

Le 09/03/2011

La communauté musulmane française n’en finit pas d’être renvoyée, par les médias et la classe politique, à un dualisme simpliste : d’un côté la figure du « musulman modéré », de l’autre « l’islamiste », prétexte à toutes les peurs et replis identitaires. Marc Cheb Sun et Ousmane Ndiaye, auteurs de l’appel « L’islam bafoué par les terroristes », lancé par Respect Magazine et relayé par Terra Nova en janvier dernier, plaident dans cette note en faveur d’une citoyenneté musulmane. Une parole citoyenne portée par les Français d’origine musulmane peut combattre efficacement la vision du monde binaire opposant Occident contre islam ; elle peut accompagner les mutations de notre identité nationale, qui n’est pas figée mais en mouvement, et qui s’enrichit de leurs apports.

SYNTHÈSE

Le débat sur l’identité nationale, relancé par une nouvelle polémique sur la place de l’islam dans la République, est un débat sain, en théorie. Il aide à prendre la mesure d’un enjeu majeur pour la France, la mutation profonde et rapide de son identité : la communauté nationale, hier blanche et d’origine judéo-chrétienne, s’enrichit aujourd’hui des apports des Français issus de l’immigration d’après-guerre, aux couleurs de la diversité et d’origine musulmane pour l’essentiel. A l’épicentre de cette mutation, il y a la question de l’islam, religion quasi-inexistante en France il y un siècle et référence aujourd’hui pour plus de 10% des Français.

Ce débat est malheureusement instrumentalisé ad nauseam à des fins politiciennes, jouant sur les peurs et les conservatismes. L’objectif y est inverse à l’intérêt général de notre pays : rejeter cette mutation, creuser le fossé entre « eux » et « nous », dresser la France contre la France. Le débat sur l’identité nationale a ainsi été transformé en panel islamophobe, et nul doute que celui sur la place de l’islam atteindra de nouveaux sommets dans la stigmatisation du « péril intérieur ». Le moyen mis en oeuvre pour y parvenir est l’amalgame. Amalgame entre islam conservateur et islamisme, entre pratique religieuse et fondamentalisme : en dehors des « musulmans modérés », catégorie dans laquelle on ne classe que l’aile la plus progressiste et laïque, le reste de la communauté musulmane est assimilé aux « islamistes ». On renvoie dès lors l’essentiel de la communauté musulmane à ses courants ultraminoritaires et à leurs dérives marginales (voile intégral, polygamie…). On nourrit ainsi les peurs des uns et le repli identitaire des autres.

Le rôle du politique est au contraire d’accompagner au mieux cette mutation en cours, d’en éviter les soubresauts racistes et d’en définir les nouveaux équilibres culturels. C’est aux Français « de souche » de porter cette mutation, mais aussi aux Français musulmans : meilleure participation électorale, investissement dans le débat public, avènement plus rapide d’une classe politique d’origine musulmane – l’émergence d’une puissante citoyenneté musulmane permettrait de transformer les musulmans, par trop assignés à être « l’objet du problème », en acteurs du changement.

NOTE

Etre musulman aujourd’hui en Europe, c’est être placé au cœur des mutations identitaires du monde. Des communautés nationales, hier blanches et d’origines judéo-chrétiennes, doivent intégrer de nouveaux citoyens issus de l’immigration récente, aux couleurs de la diversité et d’origine musulmane pour l’essentiel. Les tentatives désespérées pour empêcher la progression des métissages des pensées et des cultures installent les pays européens dans une tension identitaire, marquée par un repli qui n’offre aucune issue en termes de modèle de société.

L’épicentre sismique de la mutation, hier l’immigration, est aujourd’hui l’islam. Mais la finalité de l’instrumentalisation reste la même : la peur comme moteur d’une idéologie ou d’une identité. Le « danger musulman » est positionné au cœur du discours politique des partis d’extrême-droite. Mais pas seulement ! La méfiance, voire la défiance, dépassent les franges traditionnellement conservatrices de notre pays. Dès 2003, le chercheur Vincent Geisser mettait en lumière et dénonçait cette « nouvelle islamophobie ».

Depuis, la situation ne cesse de se dégrader. Sous prétexte de « débat identitaire », la communauté musulmane de France, hétérogène (de ce fait difficile à appréhender mais aussi riche de cette diversité) est constamment renvoyée à ses courants ultraminoritaires, et à leurs dérives (voile intégral, polygamie, etc.). Elle est constamment rappelée à l’ordre par une succession de lois qui, tout en ciblant des pratiques marginales, place l’ensemble de la composante musulmane au centre du problème identitaire français. Le cercle vicieux des extrêmes est entretenu par des cécités médiatiques et par des stratégies indécentes de récupération électorale. Depuis une décennie, la droite ne cesse de s’attaquer au « problème musulman ». Elle applique à cette religion la notion d’intégration. Erreur, car l’écrasante majorité des musulmans de ce pays sont des citoyens français. Quant à la gauche, elle renvoie, comme la droite, l’expression de cette minorité à une laïcité doctrinaire. Loin de faire vivre son principe qui, pourtant, crée les conditions d’un vivre ensemble. Cette approche incantatrice et figée ne permet notamment pas à la jeunesse de se réapproprier cette notion. Il est temps de penser cette question afin de proposer une alternative à la stratégie de tension orchestrée par la droite, et inspirée par l’extrême-droite.

Une grande faiblesse du traitement politique et médiatique réservé à la question de l’islam est la non prise en compte de sa diversité culturelle et cultuelle : diversité des héritages (Maghreb, Afrique sub-saharienne, Asie, Europe et désormais « franco-français ») ; diversité des interprétations et des pratiques ; diversité sociale – l’islam reste très lié à des quartiers populaires marginalisés et discriminés lorsque, dans un même temps, une classe moyenne émerge.

Les récits, médiatiques et politiques, ont construit un « islam imaginaire », fantasmé, et ont largement contribué à impulser l’idée d’un « péril intérieur ».

La figure du « musulman modéré », sorte d’exception qui confirmerait la règle, est entrée dans le langage courant. Les grilles de lecture dominantes proposées sont manichéennes… Les musulmans restent enfermés dans une assignation binaire : « modérés » (et les médias s’accordent le droit de choisir leurs représentants) ou « islamistes » (un spectre allant des mouvements violents jusqu’aux tendances conservatrices que l’on retrouve dans l’ensemble des monothéismes). La confusion entre la religion, ses courants conservateurs, et son instrumentalisation dans une idéologie violente est passée dans le langage courant. Et gagne l’inconscient des Français.

Aujourd’hui plus que jamais, une pédagogie et une reconquête du sens des mots est nécessaire. Qualifier sous le même vocable « islamiste » le premier ministre turc Erdogan, les milices armées du GIA, voire l’assassin Ben Laden, est un abus insupportable. Personne ne tolèrerait de voir la chrétienne-démocrate Angela Merkel désignée sous le même vocable que divers extrémistes (Opus Déi, Tea party ou brigades anti-avortement…) !

L’exigence de différenciation va plus loin. « En France, on associe souvent le fondamentalisme au degré de pratique religieuse. Or il est impératif de découpler les deux : des personnes très croyantes peuvent, dans le même temps, tenir un discours profondément ancré dans la modernité», argumentait fort justement le spécialiste Olivier Roy[1].

Ce harcèlement politique et médiatique, à force de concentrer l’attention sur des courants extrêmes, pousse les musulmans à s’afficher comme un bloc uniforme, à faire front et, de ce fait, à afficher des solidarités absurdes. Il développe, chez les jeunes notamment, une lecture paranoïaque du monde et sert de leitmotiv aux tenants des replis identitaires qui dissertent à longueur de temps sur une islamophobie, selon eux, inhérente à la société française. De toutes parts, l’idée du « nous » et « eux » gagne du terrain.

Le « débat » sur l’identité nationale, sous prétexte de libérer la parole, s’est transformé en panel islamophobe, lieu de tous les amalgames. Marine Le Pen en récolte aujourd’hui les fruits. Nous allons, ainsi, vers une campagne présidentielle où la question musulmane sera, une fois de trop, fortement manipulée.

Il est important que le refus de ces instrumentalisations soit notamment porté par les musulmans. Ce positionnement n’équivaut pas à l’expression d’un communautarisme fermé. Bien au contraire, il participe d’une citoyenneté active, et donc souhaitable.

De plus, des dynamiques « communautaires » peuvent aussi bénéficier à toute la société. Au début des années 1980, face à l’épidémie du sida, c’est bien la communauté gay qui pousse les pouvoirs publics à mettre en place des dispositifs de prévention, d’information et de prise en charge. Cet activisme profitera à tous, car l’épidémie, elle, n’épargnera personne… Une cause minoritaire – en apparence – est devenue un combat transversal, avec des retombées pour toute la communauté nationale. Plus tard, le Pacs (pacte civil de solidarité) suivra la même voie. Porté par la minorité gay, il devient une réponse à de nouveaux modes de vie, homos ou hétéros.

Une parole citoyenne portée par des musulmans (de confession, de culture ou d’héritage), de ce fait libres et affranchis des injonctions, les replacent comme acteurs de leur propre destin et, dans le même temps, dynamise une République inclusive.

Les sociétés de traditions musulmanes sont, elles-mêmes, en mutations, portées par une forte aspiration démocratique. Les révolutions arabes actuelles en sont la plus forte expression. Dans leur approche de l’islam, une grande partie des individus a su faire évoluer la pratique et les modes de pensée avec les aspirations nouvelles. Le besoin d’émancipation dans le monde musulman ne relève pas de « l’occidentalisation », mais d’une inscription dans le mouvement des sociétés, et d’un besoin de démocratisation. Il se heurte surtout aux résistances des pouvoirs en place, mais aussi au conservatisme de certaines franges. La peur de l’islamisation de nos sociétés a son écho : la crainte de l’occidentalisation des sociétés musulmanes, même si celle-ci est, aujourd’hui, occultée par les révoltes et les révolutions du monde arabe.

Islamisation / occidentalisation : leur grille de lecture commune est le rejet de l’évolution par le métissage des pensées, des modes de vie, et des identités. Dans le fond, le discours fondamentaliste reste, religieusement et spirituellement, très faible. Paradoxalement, ce n’est pas l’islam qui assure la cohérence de son rassemblement, mais l’esprit anti-occident.

La culture islamique n’est pas homogène. Chaque société l’a adaptée à son temps et son histoire. Et la présence de plus en plus importante des musulmans en Europe est, elle aussi, un facteur d’évolution de sa pensée. De part et d’autre, l’inscription dans ces mutations identitaires est une nécessité pour nourrir une pensée évolutive. On ne peut définitivement rester sur des identités figées et apeurées.

L’émergence en France et en Europe d’une puissante citoyenneté musulmane participerait, d’une part, à combattre, dans les sociétés musulmanes, les lectures d’un monde binaire : Occident contre islam. Dans un même temps, elle permettrait de refuser, ici, les assignations qui cantonnent les musulmans à être « un problème », voire « le problème », en les positionnant comme des acteurs incontournables, et non plus comme des sujets. Enfin, un rassemblement inédit de citoyens d’héritage islamique, croyants ou non, allant jusqu’aux représentants du culte, sur des positionnements communs, brise bien des barrières, conscientes et inconscientes, de celles qui bloquent les évolutions.

Cette citoyenneté musulmane passe par une meilleure participation électorale – et à cet égard, le tour de France des Scouts musulmans pour encourager le vote des jeunes de quartier devrait être soutenu et mieux médiatisé. Elle passe aussi par un plus grand investissement des Français musulmans dans le débat public, débat qui ne doit pas être accaparé par les seules forces réactionnaires. La formation des journalistes – sur la diversité de la réalité musulmane, les différents visages des conservatismes, des fondamentalismes et de l’islam politique – est aussi un objectif prioritaire. L’avènement rapide d’une classe politique d’origine musulmane est également indispensable, et c’est aux partis, notamment progressistes, de s’en assurer.

Ouvrir la porte d’un dialogue serait, ici comme là-bas, porteur de dynamisme et de changements. Il est temps de créer des dynamiques communes et des échanges constructifs.

Quelques propositions

Inclure dans le cursus des étudiants en journalisme, mais aussi dans les rédactions, y compris auprès des rédacteurs en chef, et également dans les partis politiques, des formations sur :

– les débats qui parcourent le monde musulman

– l’histoire, la sociologie et la diversité des musulmans de France

– les différents visages des conservatismes, des fondamentalismes et de l’islam politique

– la citoyenneté musulmane

– les nouveaux penseurs de l’islam.

Pourquoi ? Parce que la représentation dans les médias souffre d’une pratique courante des amalgames et de l’usage des stéréotypes, notamment celui de l’islamiste et du modéré. « L’islam positif » n’y est quasiment jamais représenté. Trois exemples parmi de nombreux autres :

– Les voyages des musulmans à Auschwitz, en mémoire aux victimes de la Shoah, rassemblent depuis des années des groupes importants et ne sont pas médiatisés.

– L’initiative lancée par Respect Magazine, et largement suivie, « L’islam bafoué par les terroristes » a, certes, été très relayée par la presse écrite et les radios, mais très peu par les télévisions.

– Enfin, le tour de France citoyen des Scouts musulmans pour encourager le vote des jeunes des quartiers souffre d’un déficit d’information.

Soutenir et développer des initiatives remarquables d’enseignants qui, en abordant, de près ou de loin, la question du fait religieux impulsent du vivre ensemble.

Inscrire dans le calendrier républicain une fête qui ne soit pas strictement catholique, mais un jour des religions. Cette journée de fête commune sera, notamment, l’occasion de mieux faire connaître l’islam.

[1] In Respect Magazine, numéro 28

Précision : modification du titre de la note (14 mars 2011)

Notre contribution suscite beaucoup de réactions. Bon nombre d’entre elles sont très positives, d’autres marquent de vrais désaccords de fond. Même si, malheureusement, certains flirtent avec la xénophobie et le racisme, voilà qui nourrit le débat sur cette question. Pour autant, il semble que le titre que nous avions choisi, « pour une citoyenneté musulmane » , puisse donner lieu à une interprétation erronée du propos, de nature communautariste. Par « citoyenneté musulmane » nous ne parlons pas d’une citoyenneté spécifique, à part, encore moins en contradiction avec la citoyenneté tout court. Nous voulons souligner que les Français d’origine musulmane ne sont pas encore pleinement citoyens : ils sont très peu reconnus dans la classe politique, et participent de ce fait peu au débat citoyen. L’abstention dans les quartiers populaires est massive. Sur l’islam comme sur la question des identités, notre rôle est d’impulser des débats citoyens qui incluent chacun (et chaque composante), au lieu de faire des musulmans « l’objet » d’un débat, qui accentue un sentiment de décrochage : le sentiment d’être non pas « des citoyens à part entière », mais « des individus totalement à part ». Acteurs et non objets, voilà ce que nous entendons par « citoyenneté musulmane ». A cet égard, nous avons souhaité en changer le titre pour que le contenu de la note, et seul son contenu, soit mis en débat : « Musulmans de France : pour une citoyenneté inclusive ».

Voir également:

ESSAI

Gauche : quelle majorité électorale pour 2012 ?

Essai Par Bruno Jeanbart, Olivier Ferrand, Romain Prudent. Terra Nova

Le 10/05/2011

En France, comme partout en Europe et en Amérique du Nord, l’électorat de la gauche est en mutation. La coalition historique de la gauche centrée sur la classe ouvrière est en déclin. Une nouvelle coalition émerge : « la France de demain », plus jeune, plus diverse, plus féminisée. Un électorat progressiste sur le plan culturel. Une population d’outsiders sur le plan économique, variable d’ajustement face à la crise d’une société qui a décidé de sacrifier ses nouveaux entrants. Il constitue le nouvel électorat « naturel » de la gauche mais il n’est pas majoritaire. Dans ces conditions, quelle stratégie électorale la gauche doit-elle retenir pour 2012 ? Tel est l’objet du rapport « Gauche : quelle majorité électorale pour 2012 ? », signé par Olivier Ferrand et Bruno Jeanbart. Cet exercice de sociologie électorale est issu d’un groupe de travail ayant réuni Alain Bergounioux, Gérard Le Gall, Romain Prudent (rapporteur), Alain Richard et Etienne Schweisguth. Il a été mené en parallèle dans 9 pays à l’initiative du Center for American progress (Etats-Unis) et de la Fundacion Ideas (Espagne) : Allemagne, Royaume-Uni, France, Pays-Bas, Suède, Hongrie, Australie, Canada, Etats-Unis. Il constitue la première contribution au « Projet 2012 » de Terra Nova.

SYNTHÈSE DU RAPPORT

Partout en Europe, la social-démocratie est en crise. Elle ne gouverne plus que dans 6 pays sur 27. Elle n’a pas pu capitaliser politiquement sur la Grande Crise de 2008.

Comment expliquer cette désaffection politique ? Il y a, bien sûr, la crise idéologique. Le modèle de société porté par la social-démocratie – l’économie sociale de marché, autour de la construction de l’Etat-providence – n’est plus compatible en l’état avec le nouveau monde globalisé. Il doit être refondé.

Mais il y a une autre raison à la crise de la social-démocratie. Elle a trait à la sociologie électorale : la coalition historique qui a porté la gauche depuis près d’un siècle, fondée sur la classe ouvrière, est en déclin. C’est vrai en France, comme dans le reste de l’Europe et aux Etats-Unis.

UNE COALITION HISTORIQUE EN DECLIN

LA FIN DE LA COALITION OUVRIERE

Depuis le Front populaire en 1936, la gauche en France (socialiste, mais surtout communiste) a accompagné la montée en puissance du monde ouvrier. La victoire de François Mitterrand à l’élection présidentielle de 1981 leur est intimement liée : la classe ouvrière est à son apogée démographique (37% de la population active) et vote massivement à gauche (72%, soit +20 points par rapport à la moyenne nationale). Autour de ce cœur ouvrier s’est constituée une coalition de classe : les classes populaires (ouvriers, employés) et les catégories intermédiaires (le cadres moyens).

Ce socle historique de la gauche se dérobe aujourd’hui, à partir d’un double mouvement.

D’abord, le rétrécissement démographique de la classe ouvrière : après un siècle d’expansion, la population ouvrière se contracte rapidement à partir de la fin des années 1970, pour ne plus représenter que 23% des actifs aujourd’hui – soit pour la gauche une chute de 40% de son socle électoral. Ce phénomène, corollaire de la désindustrialisation du pays, est amplifié par la dévitalisation du sentiment de classe : seul un quart des ouvriers se reconnaissent dans la classe ouvrière. L’explication est à trouver dans la recomposition interne du monde ouvrier. Le nombre d’ouvriers non qualifiés a fortement décru, au profit des ouvriers qualifiés, mieux rémunérés, qui accèdent à la société de consommation, et qui se reconnaissent davantage dans les classes moyennes. Par ailleurs, les ouvriers de l’industrie ne représentent plus que 13% des actifs : deux ouvriers sur cinq travaillent dans le secteur tertiaire, comme chauffeurs, manutentionnaires ou magasiniers. Ces ouvriers des services, qui travaillent dans l’isolement, ne bénéficient plus de l’identité ouvrière : le collectif de travail de l’usine, la tradition syndicale, la fierté du métier.

Second mouvement : les ouvriers votent de moins en moins à gauche. L’érosion est continue depuis la fin des années 1970 et prend des allures d’hémorragie électorale ces dernières années. Au premier tour de l’élection présidentielle, le différentiel de vote au profit de la gauche entre les ouvriers et la moyenne de l’électorat passe de +15 points en 1981 à 0 en 2002 : il n’y a plus de spécificité du vote ouvrier. Pire, le candidat Lionel Jospin n’a rassemblé que 13% des suffrages ouvriers : les ouvriers ont moins voté socialiste que l’ensemble des Français (16%). Au second tour de la présidentielle, le vote ouvrier passe de 72% en 1981 à 50% en 2007 : pour la première fois de l’histoire contemporaine, les ouvriers, qui ne votaient déjà plus à gauche au premier tour, ne votent plus à gauche au second.

A L’ORIGINE DU DIVORCE : UN CHANGEMENT DE VALEURS

Historiquement, la gauche politique porte les valeurs de la classe ouvrière, tant en termes de valeurs socioéconomiques que culturelles. Elle est la porte-parole de ses revendications sociales et de sa vision de l’économie : pouvoir d’achat, salaire minimum, congés payés, sécurité sociale, nationalisation des grandes entreprises, encadrement des prix… Et l’une comme l’autre restent relativement conservatrices sur le plan des mœurs, qui demeurent des sujets de second plan par rapport aux priorités socioéconomiques.

A partir de la fin des années 1970, la rupture va se faire sur le facteur culturel. Mai 68 a entraîné la gauche politique vers le libéralisme culturel : liberté sexuelle, contraception et avortement, remise en cause de la famille traditionnelle… Ce mouvement sur les questions de société se renforce avec le temps pour s’incarner aujourd’hui dans la tolérance, l’ouverture aux différences, une attitude favorable aux immigrés, à l’islam, à l’homosexualité, la solidarité avec les plus démunis. En parallèle, les ouvriers font le chemin inverse. Le déclin de la classe ouvrière – montée du chômage, précarisation, perte de l’identité collective et de la fierté de classe, difficultés de vie dans certains quartiers – donne lieu à des réactions de repli : contre les immigrés, contres les assistés, contre la perte de valeurs morales et les désordres de la société contemporaine.

Malgré cette discordance sur les valeurs culturelles, la classe ouvrière continue au départ de voter à gauche, qui la représente sur les valeurs socioéconomiques. Mais l’exercice du pouvoir, à partir de 1981, oblige la gauche à un réalisme qui déçoit les attentes du monde ouvrier. Du tournant de la rigueur en 1983 jusqu’à « l’Etat ne peut pas tout » de Lionel Jospin en 2001, le politique apparaît impuissant à répondre à ses aspirations. Les déterminants économiques perdent de leur prégnance dans le vote ouvrier et ce sont les déterminants culturels, renforcés par la crise économique, « hystérisés » par l’extrême droite, qui deviennent prééminents dans les choix de vote et expliquent le basculement vers le Front national et la droite.

UNE DYNAMIQUE IDENTIQUE DANS L’ENSEMBLE DU MONDE OCCIDENTAL

La France ne fait pas exception. Partout en Europe, en Amérique du Nord, en Australie, la coalition historique de la gauche, centrée sur la classe ouvrière, s’efface. Même dans les pays où existe un lien institutionnel, via les syndicats, entre la classe ouvrière et la gauche politique, le vote ouvrier déserte la gauche : Grande Bretagne, Allemagne, Suède. La social-démocratie perd sa base électorale.

UNE NOUVELLE COALITION EN VOIE DE STRUCTURATION

LE NOUVEL ELECTORAT DE LA GAUCHE : LA FRANCE DE DEMAIN

Si la coalition historique de la gauche est en déclin, une nouvelle coalition émerge. Sa sociologie est très différente :

1. Les diplômés. Ils votent plus à gauche que la moyenne nationale (+2 points en 2007). Le vote à gauche est désormais corrélé positivement au niveau de diplôme : plus on est diplômé, plus on vote à gauche ; moins on est diplômé, plus on vote à droite.

2. Les jeunes. C’est le cœur de l’électorat de gauche aujourd’hui : +11 points par rapport à la moyenne nationale au second tour de la présidentielle, en 2007 (58% contre 47%). L’orientation politique du vote est très fortement corrélée à l’âge : le vote à gauche baisse avec l’âge ; et les séniors votent massivement à droite – ils ont donné une avance de 30 points à Nicolas Sarkozy contre Ségolène Royal (65-35). S’il y a un facteur âge (on est idéaliste à 20 ans, et on devient plus conservateur en vieillissant), il y a surtout un facteur générationnel : les nouvelles générations votent de plus en plus à gauche.

3. Les minorités et les quartiers populaires. La France de la diversité est presqu’intégralement à gauche. L’auto-positionnement des individus révèle un alignement des Français d’origine immigrée, et plus encore de la deuxième génération, à gauche – de l’ordre de 80-20. On retrouve des scores de cette ampleur dans les bureaux de vote des quartiers populaires, et encore de 62-38 dans les zones urbaines sensibles.

4. Les femmes. Nous vivons un renversement historique : l’électorat féminin, hier très conservateur, a basculé dans le camp progressiste. En 1965, l’électorat féminin a assuré la victoire du Général de Gaulle ; François Mitterrand l’emportait chez les hommes. En 1981, les femmes votent encore 7 points de moins à gauche que les hommes (49% contre 56% au second tour). En 2007, pour la première fois, elles votent plus à gauche que les hommes, de 2 points (49-47)). La transition vers la gauche se poursuit à vive allure. En 2010, aux élections régionales, cet écart atteint désormais +7 points (58-51).

La nouvelle coalition de la gauche n’a plus rien à voir avec la coalition historique : seuls les jeunes appartiennent aux deux. L’identité de la coalition historique était à trouver dans la logique de classe, la recomposition en cours se structure autour du rapport à l’avenir. La nouvelle gauche a le visage de la France de demain : plus jeune, plus féminin, plus divers, plus diplômé, mais aussi plus urbain et moins catholique . Elle est en phase avec la gauche politique sur l’ensemble de ses valeurs.

Contrairement à l’électorat historique de la gauche, coalisé par les enjeux socioéconomiques, cette France de demain est avant tout unifiée par ses valeurs culturelles, progressistes : elle veut le changement, elle est tolérante, ouverte, solidaire, optimiste, offensive. C’est tout particulièrement vrai pour les diplômés, les jeunes, les minorités . Elle s’oppose à un électorat qui défend le présent et le passé contre le changement, qui considère que « la France est de moins en moins la France », « c’était mieux avant », un électorat inquiet de l’avenir, plus pessimiste, plus fermé, plus défensif.

Le facteur socioéconomique joue aussi. Car la France de demain réunit avant tout les « outsiders » de la société, ceux qui cherchent à y rentrer, notamment sur le marché du travail, mais n’y parviennent que difficilement : les jeunes, les femmes, les minorités, les chômeurs, les travailleurs précaires. Ils ont du mal car ils sont la principale variable d’ajustement face à la crise d’une société d’« insiders » qui, pour préserver les droits acquis, sacrifie les nouveaux entrants. Ces « outsiders » ont besoin de l’aide de la puissance publique pour surmonter les barrières qui se dressent devant eux : ils ont besoin d’un Etat qui les aide à s’émanciper, à briser le plafond de verre. Ils sont soutenus par les plus intégrés (les diplômés), solidaires de ces « exclus » par conviction culturelle.

LES LIMITES DE LA NOUVELLE COALITION

La nouvelle gauche qui émerge en France est la même que celle qui se dessine partout en Europe. Elle ressemble de près à la coalition qui a porté Barack Obama au pouvoir en 2008. Avec une différence d’importance : elle n’est pas majoritaire.

La nouvelle coalition électorale de la gauche présente trois faiblesses structurelles :

1. Une dynamique démographique limitée. Les minorités constituent une population en expansion mais au poids démographique faible : seuls 5% des Français ont deux parents immigrés ; on peut estimer à 15% les Français issus de la diversité. Rien à voir avec les Etats-Unis, où la part des minorités atteint près de 30%. Surtout, les jeunes sont une population déclinante en France, alors que c’est le contraire aux Etats-Unis.

2. Une coalition électorale en construction. Le nouvel électorat de gauche vote, élection après élection, de plus en plus à gauche. C’est une excellente nouvelle pour la gauche, pour l’avenir. Cela souligne a contrario une faiblesse actuelle de la coalition : elle ne fait pas le plein. C’est vrai pour les diplômés, qui votent encore faiblement à gauche. Pour les jeunes : ils votent moins à gauche qu’aux Etats-Unis : ils donnent 16 points de plus à Ségolène Royal face à Nicolas Sarkozy en 2007 (58/42) contre 34 à Barack Obama face à John McCain (67/33). Mais c’est surtout chez les femmes que la gauche française ne fait pas encore le plein : elles ne donnent que 2 points de plus à Ségolène Royal par rapport aux hommes en 2007 (48/46), +5 points aux élections régionales de 2010, contre +12 points à Barack Obama (56/44).

3. Une abstention élevée. Les jeunes et les minorités votent moins que la moyenne nationale : respectivement -7 points pour les 18-24 ans et -4 points pour les zones urbaines sensibles (mais -34 dans les quartiers populaires) en 2007. Leur participation s’effondre dans les élections de faible intensité politique (européennes, régionales, cantonales).

Face à cette nouvelle coalition de gauche, la recomposition radicale du paysage politique français fait émerger deux blocs électoraux :

L’électorat de droite, centré sur les séniors

L’électorat de droite n’a guère changé ces dernières décennies : les séniors, les indépendants (artisans, commerçants), les agriculteurs, les catholiques. Lui aussi devient plus clivant : sa propension à voter à droite se renforce. Il est en opposition avec les valeurs de gauche dans toutes ses composantes, tant socioéconomiques que culturelles, et parfois de manière radicale comme les agriculteurs ou les séniors (sur les valeurs culturelles).

Les séniors constituent le cœur de l’électorat de droite. Ils votent, on l’a vu, massivement à droite. Ils ont un taux de participation record : plus de 90% en 2007. Et il s’agit d’une catégorie en expansion démographique importante : elle représentait 27% de la population en 2005, elle représentera 38% en 2030. D’où un problème majeur pour la gauche : peut-elle gagner sans le vote des séniors ?

L’électorat intermédiaire, un no man’s land incertain et instable

Cet électorat regroupe tous les éléments du salariat : ouvriers, employés (la coalition historique de la gauche), professions intermédiaires, classes moyennes supérieures. Historiquement, la hiérarchie du salariat dictait l’orientation politique : plus on était en bas de l’échelle, plus on votait à gauche, et inversement. Ouvriers, employés, professions intermédiaires, classes moyennes supérieures s’étageaient selon une ligne politique linéaire, du plus à gauche au plus à droite. La logique de classe, hier principale grille de lecture électorale, s’est aujourd’hui brouillée. Toutes ces catégories se retrouvent à peu près au même niveau dans le rapport de forces droite/gauche. Leur vote est incertain. Il pourrait même s’inverser si les tendances, très rapides, se poursuivent : des classes moyennes supérieures votant le plus à gauche (comme les diplômés) jusqu’aux ouvriers votant le plus à droite.

L’électorat intermédiaire est divisé sur les valeurs : une partie le rattache à la gauche, l’autre à la droite. La grille de lecture pertinente oppose classes populaires et classes moyennes. Les classes populaires (ouvriers et employés) ont des valeurs socioéconomiques qui les rattachent à la gauche (Etat fort et protecteur, services publics, sécurité sociale) et des valeurs culturelles conservatrices (ordre et sécurité, refus de l’immigration et de l’islam, rejet de l’Europe, défense des traditions…). La division est inversée pour les classes moyennes (professions intermédiaires et classes moyennes supérieures) : des valeurs culturelles de gauche mais des valeurs socioéconomiques de droite.

L’électorat intermédiaire pose un double enjeu à la gauche : la classe ouvrière a-t-elle définitivement basculé ? Et quelle stratégie électorale adopter pour cet électorat, terrain de bataille privilégié, par son incertitude et sa mobilité, de l’affrontement droite/gauche ?

QUELLE STRATEGIE ELECTORALE POUR 2012 ?

LA STRATEGIE CENTRALE « FRANCE DE DEMAIN » : UNE STRATEGIE CENTREE SUR LES VALEURS

L’élection de 2012 se déroule dans une période de mutation profonde du paysage politique : la structuration d’hier est affaiblie mais n’a pas encore disparu ; celle de demain émerge mais ne s’est pas encore pleinement déployée. Cela laisse le champ à plusieurs options stratégiques.

Une ligne de conduite incontournable est toutefois de s’adosser à son nouvel électorat « naturel » : la France de demain. C’est d’autant plus nécessaire que la perspective d’un « nouveau 21 avril » représente un risque réel : le niveau électoral inédit du Front national et la fragmentation du camp progressiste menacent la gauche d’une élimination au premier tour de l’élection présidentielle. Il sera donc vital de rassembler son camp au premier tour.

Il n’est pas possible aujourd’hui pour la gauche de chercher à restaurer sa coalition historique de classe : la classe ouvrière n’est plus le cœur du vote de gauche, elle n’est plus en phase avec l’ensemble de ses valeurs, elle ne peut plus être comme elle l’a été le moteur entraînant la constitution de la majorité électorale de la gauche. La volonté pour la gauche de mettre en œuvre une stratégie de classe autour de la classe ouvrière, et plus globalement des classes populaires, nécessiterait de renoncer à ses valeurs culturelles, c’est-à-dire de rompre avec la social-démocratie. Le parti travailliste néerlandais (PvdA) a tenté une telle rupture sous la direction de Wouter Bos. Se définissant comme un parti de classes, le parti des classes populaires, et non de valeurs, il a accompagné son électorat dans le conservatisme culturel pour se positionner « anti-immigration », « anti-Europe », et « anti-impôts », basculant ainsi de la social-démocratie au social-populisme. L’échec électoral a été cuisant : le PvdA a terminé à 13% aux dernières élections locales, entraînant le remplacement de Wouter Bos par Job Cohen, maire d’Amsterdam, qui a repositionné le parti dans la mouvance sociale-démocrate.

Quelle stratégie la gauche doit-elle adopter pour faire le plein de son nouvel électorat naturel ?

Elle doit opter pour une stratégie de valeurs. L’électorat « France de demain » les partage. Il y a des marges de manœuvre. Les élections régionales de 2010 ont montré que le vote à gauche des femmes, des jeunes, des diplômés progressent plus fortement que la moyenne de l’électorat. Pour accélérer ce glissement tendanciel, la gauche doit dès lors faire campagne sur ses valeurs, notamment culturelles : insister sur l’investissement dans l’avenir, la promotion de l’émancipation, et mener la bataille sur l’acceptation d’une France diverse, pour une identité nationale intégratrice, pour l’Europe.

La gauche doit également privilégier une stratégie de mobilisation. La « France de demain » vote fortement à gauche mais vote peu. Il est toutefois possible d’améliorer son taux de participation : les jeunes ou les minorités ne sont pas des abstentionnistes systématiques, ils votent par intermittence. L’objectif est donc de les mobiliser : cela passe par une campagne de terrain (porte-à-porte, phoning, présence militante sur les réseaux sociaux et dans les quartiers…), sur le modèle Obama.

Une telle stratégie, sous les hypothèses du rapport, pourrait ramener 2.500.000 voix à la gauche au second tour, de quoi effacer les 2.200.000 d’avance obtenus en 2007 par Nicolas Sarkozy. Toutefois, le résultat demeurerait serré.

LA STRATEGIE COMPLEMENTAIRE AVEC LES « CLASSES MOYENNES »

L’électorat « France de demain » est le nouveau mole central à partir duquel la gauche doit rayonner pour constituer une majorité. L’électorat à conquérir – l’électorat intermédiaire – est divisé en deux : classes moyennes et classes populaires. La coalition « France de demain » les intègre déjà en partie et doit chercher à s’élargir aux deux. Mais la stratégie n’est pas la même selon que l’on cible les classes populaires ou les classes moyennes.

Une stratégie d’élargissement vers les classes moyennes se justifie sur un triple plan. C’est la plus compatible avec la stratégie « France de demain » : elle permet de faire campagne sur les valeurs culturelles, sur lesquelles les classes moyennes sont en phase avec la gauche, et qui sont la priorité du nouvel électorat de gauche. C’est un électorat disponible : les professions intermédiaires, les plus nombreuses (23% de l’électorat total, contre 15% pour les classes moyennes supérieures) et en expansion, ont voté 14 points de mieux pour la gauche aux régionales par rapport à la présidentielle (contre +7 points en moyenne), ce qui constitue l’évolution la plus spectaculaire vers la gauche sur la période. Cela consiste, enfin, à s’appuyer sur une tendance naturelle : les classes moyennes évoluent vers la gauche.

Une telle stratégie est toutefois risquée. Cet électorat n’a pas de tradition de vote à gauche : il demeure versatile tant qu’il n’a pas été fidélisé. Agrégeant des réalités différentes, il est composite, donc difficile à unifier. Il nécessite une adaptation du discours de gauche sur les questions économiques et sociales. Sur la fiscalité par exemple : les classes moyennes, par rapport aux classes populaires, se caractérisent notamment par l’accumulation d’une petite épargne sur le cycle de vie, qu’elles veulent protéger et transmettre.

LA STRATEGIE COMPLEMENTAIRE AVEC LES « CLASSES POPULAIRES »

C’est la tentation naturelle de la gauche, qui ne peut se résoudre, pour des raisons historiques, à perdre les classes populaires. La gauche doit dès lors axer sa campagne sur les priorités économiques et sociales, où elles sont en phase, et faire oublier ses convictions culturelles, notamment sur l’immigration et l’islam.

Une telle stratégie présente des atouts. Elle est en phase avec la conjoncture, qui place les réponses à la crise économique au cœur des priorités des Français. Et les classes populaires représentent toujours une part très importante de l’électorat : encore 23% pour les ouvriers et surtout 30% pour les employés, en expansion, soit au total plus de la moitié de l’électorat. La gauche y a des fidélités historiques, entretenues par un dense réseau d’élus locaux de terrain. Surtout, une partie de sa nouvelle base électorale, la « France de demain », appartient aux classes populaires : les Français issus des quartiers, les jeunes déclassés, les minorités…

Mais c’est une stratégie difficile. Elle va à contre-courant : les tendances sont au basculement des classes populaires à droite. Elle est compliquée à articuler avec la stratégie centrale vers l’électorat « France de demain » : elle nécessite de ne pas faire campagne sur les questions culturelles, alors qu’elles sont le ressort principal de ce dernier électorat ; et même sur le facteur socioéconomique, les propositions à développer ne sont pas les mêmes, entre la demande de protection des « insiders » fragilisés (protection des statuts, des droits sociaux) et la demande d’assistance des « outsiders ». Elle se heurte désormais à un obstacle de taille : le nouveau Front national. En voie de dédiabolisation, et donc bientôt fréquentable, le FN de Marine Le Pen a opéré un retournement sur les questions socioéconomiques, basculant d’une posture poujadiste néolibérale (anti-Etat, anti-fonctionnaires, anti-impôts) à un programme de protection économique et sociale équivalent à celui du Front de gauche. Pour la première fois depuis plus de trente ans, un parti entre à nouveau en résonnance avec toutes les valeurs des classes populaires : protectionnisme culturel, protectionnisme économique et social. Le FN se pose en parti des classes populaires, et il sera difficile à contrer.

Toutefois, il est possible d’identifier au sein des classes populaires des sous-catégories plus aisées à raccrocher à la gauche. Il y a d’abord les précaires, les chômeurs, les exclus : ceux-là votent à 70% à gauche – le problème de la gauche se situe avec les classes populaires au travail, qui sont en CDI mais qui ont peur du déclassement. Il y a ensuite les jeunes ouvriers : ils sont d’origine étrangère (maghrébine) et donc sensibles aux enjeux culturels liés à l’immigration et l’intégration, mais ils sont très peu nombreux dans cette période de désindustrialisation accélérée. Il y a surtout les employées. Il s’agit à l’inverse d’un contingent électoral très important (77% des employés sont des femmes, soit 5.8 millions d’électeurs). Elles votent anormalement à droite : +7 points par rapport aux employés hommes en 2007. C’est un angle mort du discours politique de gauche, ouvriériste, dont l’imaginaire est associé au travailleur homme à l’usine. Les employées sont pourtant sensibles aux orientations de la gauche : travaillant à temps partiel subi, souvent pauvres, éprouvant des conditions de travail pénibles en l’absence de couverture syndicale forte, en détresse du fait de situations personnelles souvent difficiles (célibataires avec enfants à charge), ces salariées précarisées ont beaucoup de points communs avec les « outsiders » exclus du marché du travail, qui sont au cœur de l’électorat de gauche.

LA CONQUETE DES SENIORS : UNE STRATEGIE IMPOSSIBLE ?

Certains à gauche envisagent cette stratégie, avec une idée simple. Ségolène Royal a fait un score très dégradé chez les séniors en 2007 : 35%. Avec seulement 43%, elle aurait gagné la présidentielle. En partant de si bas, avec un président sortant qui les a agacés, un programme plus adapté et un candidat plus en phase, il devrait être facile de récupérer ce retard.

Rien n’est moins sûr. Les séniors ont des valeurs frontalement opposées à celles de la gauche. Ils ont toujours voté à droite et leur vote à droite se renforce. En empochant le sursaut à gauche de cet électorat aux régionales (+3 points par rapport à l’évolution moyenne), la gauche récupèrerait moins de 500.000 voix sur un différentiel de 2.2 millions en 2007.

Le profil du candidat pourrait permettre d’améliorer les résultats de la gauche. Les séniors sont très sensibles à la crédibilité et à l’autorité du candidat. Par ailleurs, la « triangulation » sur les questions de sécurité ferait sens. C’est la priorité politique de cet électorat, or la question de sécurité s’est détachée des autres questions culturelles pour devenir de plus en plus consensuelle dans tous les électorats : la gauche peut donc se l’approprier sans s’aliéner son électorat de base.

Les déterminants sociologiques ne sont pas, tant s’en faut, les seuls facteurs explicatifs du vote.

Il y a les déterminants politiques : le profil du candidat ; le projet ; l’unité de son camp politique. Il y a aussi les déterminants conjoncturels : le niveau de rejet du parti au pouvoir et du candidat sortant ; les évènements d’actualité qui impactent les perceptions de l’électorat.

Mais le lien entre ces déterminants politiques et conjoncturels avec les déterminants sociologiques est essentiel pour former une stratégie victorieuse. A cet égard, la gauche se présente en 2012 avec des choix cruciaux à réaliser.


Présidentielle 2012: Ne pas désespérer Boboland et perdre à nouveau Billancourt et l’élection? (Will France’s Left again snatch defeat from the jaws of victory?)

30 mars, 2012
Vous allez dans certaines petites villes de Pennsylvanie où, comme dans beaucoup de petites villes du Middle West, les emplois ont disparu depuis maintenant 25 ans et n’ont été remplacés par rien d’autre (…) Et il n’est pas surprenant qu’ils deviennent pleins d’amertume, qu’ils s’accrochent aux armes à feu ou à la religion, ou à leur antipathie pour ceux qui ne sont pas comme eux, ou encore à un sentiment d’hostilité envers les immigrants. Barack Obama
Nous qui vivons dans les régions côtières des villes bleues, nous lisons plus de livres et nous allons plus souvent au théâtre que ceux qui vivent au fin fond du pays. Nous sommes à la fois plus sophistiqués et plus cosmopolites – parlez-nous de nos voyages scolaires en Chine et en Provence ou, par exemple, de notre intérêt pour le bouddhisme. Mais par pitié, ne nous demandez pas à quoi ressemble la vie dans l’Amérique rouge. Nous n’en savons rien. Nous ne savons pas qui sont Tim LaHaye et Jerry B. Jenkins. […] Nous ne savons pas ce que peut bien dire James Dobson dans son émission de radio écoutée par des millions d’auditeurs. Nous ne savons rien de Reba et Travis. […] Nous sommes très peu nombreux à savoir ce qu’il se passe à Branson dans le Missouri, même si cette ville reçoit quelque sept millions de touristes par an; pas plus que nous ne pouvons nommer ne serait-ce que cinq pilotes de stock-car. […] Nous ne savons pas tirer au fusil ni même en nettoyer un, ni reconnaître le grade d’un officier rien qu’à son insigne. Quant à savoir à quoi ressemble une graine de soja poussée dans un champ… David Brooks
La croissance économique de la France ralentit, le chômage augmente, la Grèce menace toujours de faire faillite, et l’euro, déstabilisé par la crise mais un peu plus rassurant ces derniers temps, n’est toujours pas sorti de sa crise existentielle. Malgré cette liste de graves problèmes qui inquiètent les électeurs français à l’approche de la présidentielle, le Président en campagne Nicolas Sarkozy a déclaré cette semaine que le premier sujet de préoccupation des Français, c’est la viande halal. Ha bon? (…) Peu importent les sondages qui montrent que les problèmes économiques et le chômage sont bien plus importants aux yeux de l’opinion dans le choix du prochain dirigeant, Sarkozy a même déclaré mardi soir que le vrai problème de la France est que “nous avons trop d’étrangers”. Son père, immigré hongrois, est prévenu. […] Beaucoup de commentateurs interprètent ce rapprochement avec les positions de l’extrême-droite comme une tentative cynique et désespérée d’attirer de nouveaux partisans dans sa difficile campagne. Mais si cette stratégie a peut-être été vitale à sa victoire de 2007, elle ne semble pas suffire à retourner une situation mal embarquée en 2012. Bruce Crumley (“La xénophobie de Sarkozy: le Président français flatte l’extrême droite”, Time, 08.03.12)
Nicolas Sarkozy, qui aime se faire appeler Sarko l’Américain, flatte de dangereuses passions anti-immigrées pour son gain politique à court terme. The NYT
Nous nous demandons si monsieur Sarkozy comprend que faire étalage de manière aussi transparente de son cynisme comme ici est ce qui l’a conduit dans la situation difficile où il est actuellement. The WSJ
Si les Français décrètent que, en temps de crise, l’aptitude au commandement prime le reste, ils serreront les dents et rééliront Nicolas Sarkozy. Roger Cohen (the NYT)
En France, les présidents sont censés être grands, dignes, réfléchis, raffinés, distingués. Ce sont des esthètes admirés pour leur intellect. En général, ils ne sont pas petits, agressifs, vulgaires, peu cultivés, impulsifs. Ils n’aiment pas sans vergogne l’argent et ceux qui en ont, ou n’épousent pas d’ex-mannequins – deux mois après avoir quitté la dernière, trois mois avant de rencontrer la nouvelle – qui comptent parmi leurs anciennes conquêtes les musiciens Eric Clapton ou Mick Jagger. The Guardian 
J’aimerais vraiment voter écolo. La protection de l’environnement devrait être au cœur de nos préoccupations. Mais je sais qu’Eva Joly fera 6% au final. Comme je n’ai aucune envie de me retrouver avec Marine Le Pen au second tour, je vais voter François Hollande. (…) Je le sens pas ce mec. Aucun charisme. Mais je n’en peux plus de Sarko. Raphaël (monteur de documentaires pour la télé)
Robert Putnam a découvert que plus la diversité dans une communauté est grande, moins les gens votent et moins ils donnent à des associations caritatives et travaillent à des projets communautaires. (…) Dans une étude récente, Glaeser et son collègue Alberto Alesina ont démontré qu’à peu près la moitié de la différence dans les dépenses sociales entre les Etats-Unis et l’Europe — l’Europe dépense bien plus — peut être attribuée à la diversité ethnique plus grande de la population américaine. Michael Jonas
Pour le chercheur en sciences politiques de l’Université du Michigan, Scoot Page, dans les lieux de travail de haut niveau, les différentes manières de penser parmi des personnes de différentes cultures peuvent être un avantage. “puisqu’elles voient et appréhendent le monde différemment que vous, c’est provocant. Mais la fréquentation de personnes différentes peut stimuler la créativité de tous. Les équipes diverses tendent à être plus productives.” (…) Autrement dit, les membres de communautés plus diverses peuvent faire plus de bowling seuls, mais les tensions créatrices lâchées par ces différences dans le lieu de travail peuvent propulser ces mêmes endroits à la pointe de l’économie et de la culture créatrice. (…) Page appelle ça le “paradoxe de diversité.” Il pense que les effets à la fois positifs et négatifs de la diversité peuvent coexister dans les communautés, mais qu’il doit y avoir une limite.” Si l’investissement civique tombe trop bas, il est facile d’imaginer que les effets positifs de la diversité puissent tout aussi bien commencer à s’affaiblir. Michael Jonas
Les Suisses n’ont pas voté pour l’interdiction des mosquées, ni pour l’interdiction de l’islam. Ils ont uniquement voté pour la “discrétion” de l’islam. (…)[ils] n’ont pas raisonné en islamologues mais ils ont obéi au bon sens et exprimé ce qu’ils ressentaient. (…) ce qui est refusé, c’est une manifestation trop visible, trop triomphaliste de l’islam. En fait, ce vote traduit, de leur part, le refus de tout signe qui tend à rompre l’uniformité qu’ils jugent être de bon goût, surtout si ce signe appartient à une culture qui n’est pas la leur. Anne-Marie Delcambre
C’est sur le modèle du centre islamique de Genève que se sont construits, à partir des années 1960, les centres islamiques de Milan, de Londres, de Rome et de nombreuses autres villes européennes, souvent financés par l’Arabie saoudite. Ces centres ont servi à la fois de bases avancées pour la da’wa – la propagande et le prosélytisme politico-religieux des Frères musulmans – mais aussi, comme cela a été révélé au lendemain du 11 septembre, de centres de recrutement des terroristes d’Al-Qaida et de leurs soutiens logistiques et financiers. Car il ne faut pas oublier que c’est en Europe, comme le rappelle le chercheur Lorenzo Vidino, qu’ont été minutieusement préparés les attentats du 11 septembre. (…) Dans ces circonstances, le résultat du référendum sur les minarets prend un sens symbolique important. Il ne s’agissait pas – comme voudraient le faire croire plusieurs commentateurs engagés au service de l’islamisation de l’Europe (camouflée derrière l’expression de “dialogue interculturel” euroméditerranéen), comme Caroline Fourest – de limiter la liberté de culte des Musulmans de Suisse, qui sont sans doute dans leur majorité des citoyens pacifiques. Il s’agissait de porter un coup d’arrêt à la vague d’islamisation de l’Europe, qui a commencé en Suisse dans les années 1960. Paul Landau
L’invasion d’un million, 1,5 million de réfugiés en Italie, comme l’a estimé Frontex, mettrait à genoux n’importe quel Etat. C’est pour cela que nous demandons la solidarité de tous les pays européens, à la fois pour les contrôles et pour l’hébergement. Roberto Maroni (ministre italien de l’Intérieur)
Notre problème, ce n’est pas les étrangers, c’est qu’il y a overdose. C’est peut-être vrai qu’il n’y a pas plus d’étrangers qu’avant la guerre, mais ce n’est pas les mêmes et ça fait une différence. Il est certain que d’avoir des Espagnols, des Polonais et des Portugais travaillant chez nous, ça pose moins de problèmes que d’avoir des musulmans et des Noirs […] Comment voulez-vous que le travailleur français qui habite à la Goutte-d’or où je me promenais avec Alain Juppé il y a trois ou quatre jours, qui travaille avec sa femme et qui, ensemble, gagnent environ 15 000 francs, et qui voit sur le palier à côté de son HLM, entassée, une famille avec un père de famille, trois ou quatre épouses, et une vingtaine de gosses, et qui gagne 50 000 francs de prestations sociales, sans naturellement travailler ! [applaudissements nourris] Si vous ajoutez à cela le bruit et l’odeur [rires nourris], eh bien le travailleur français sur le palier devient fou. Et il faut le comprendre, si vous y étiez, vous auriez la même réaction. Et ce n’est pas être raciste que de dire cela. Nous n’avons plus les moyens d’honorer le regroupement familial, et il faut enfin ouvrir le grand débat qui s’impose dans notre pays, qui est un vrai débat moral, pour savoir s’il est naturel que les étrangers puissent bénéficier, au même titre que les Français, d’une solidarité nationale à laquelle ils ne participent pas puisqu’ils ne paient pas d’impôt ! […] Il faut que ceux qui nous gouvernent prennent conscience qu’il y a un problème de l’immigration, et que si l’on ne le traite pas et, les socialistes étant ce qu’ils sont, ils ne le traiteront que sous la pression de l’opinion publique, les choses empireront au profit de ceux qui sont les plus extrémistes. […] [Au sujet des épiciers de proximité] La plupart de ces gens-là sont des gens qui travaillent, des braves gens ; on est bien content de les avoir. Si on n’avait pas l’épicier kabyle au coin de la rue, ouvert de 7 heures du matin à minuit, combien de fois on n’aurait rien à bouffer le soir ? Chirac (dîner-débat RPR, 19 juin 1991)
Si je n’étais pas féministe et partisan de la parité au Parlement, je me serais dit que c’est exactement le genre de fille qu’on a envie de sauter entre deux portes en espérant qu’elle vous demande de lui donner des baffes avant de jouir pour pouvoir se mettre un instant dans la peau d’un sans-papiers macho et irascible. Libération
On ne va pas s’allier avec le FN, c’est un parti de primates. Il est hors de question de discuter avec des primates. Claude Goasguen (UMP, Paris)
Je pense qu’on n’aborde pas les vraies questions et qu’on donne le sentiment qu’on esquive un certain nombre de questions importantes. Je pense que la question de la maîtrise des flux migratoires est une question qui reste importante, qui taraude la société française et que le sentiment qu’il y ait une sorte d’invasion rampante ; et donc, tant qu’on n’abordera pas frontalement cette question-là en montrant qu’on est capable de maîtriser, de réguler, d’organiser ces flux migratoires, la question de la ghettoïsation ou plus exactement la ghettoïsation ethnique de la société française n’ait pas abordé…(…) Mais je pense que beaucoup de dirigeants ont peur d’ouvrir ces débats-là avec le fait que ça fasse le lit du Front National ; et moi je pense qu’une société qui cache, qui refuse les débats, c’est une société qui me donne le sentiment qu’elle a peur. Et donc à partir de là, ceux qui exploitent ces peurs sont en situation favorable. (…) Il y a deux solutions. – Soit on dit : ça n’existe pas tout ça ; et à ce moment-là, on se rassure et on pense que l’anti-Sarkozysme va nous faire gagner les élections présidentielles. – Soit on dit : ça existe mais à partir de là, on apporte nos réponses. Moi je n’apporte pas les réponses de Marine Le Pen. Vous ne m’avez pas entendu dire qu’il fallait rejeter les Immigrés. Je dis, au contraire, que la question qui est posée :- c’est comment on redonne un sens à ces phénomènes migratoires qui sont de toute manière des phénomènes inscrits dans l’avenir de l’Humanité.- Donc, comment on évite qu’ils soient parqués dans des ghettos et qu’ils aient le sentiment qu’ils sont toujours rejetés. Comment on évite, par exemple, qu’ils soient systématiquement stigmatisés. (…) le vrai débat n’est pas sur l’islam. Le vrai débat, il est sur la laïcité ; et là, tous les partis politiques doivent en discuter. Et donc, le problème, ce n’est pas d’aller discuter d’une religion et donc de donner le sentiment qu’on la stigmatise. Le problème c’est de redéfinir des règles communes, y compris sur les pratiques religieuses qui interpellent aujourd’hui dans notre pays. Julien Dray
J’ai connu Riposte Laïque lors de ma démission du NPA. J’ai quitté ce parti peu de temps après les élections régionales, avec le 3/4 du comité de Thionville. Nous étions tous littéralement sidérés de voir que le parti acceptait une candidate voilée, sans même prendre l’avis des ses adhérents lors d’un congrès national. Nous considérons que le voile est un symbole de soumission de la femme, totalement à l’opposé du principe de l’égalité des hommes et des femmes, contraire à notre modèle civilisationnel et à nos valeurs progressistes. (…) Nous nous sommes aussi rendu compte que toute critique de l’islam était immédiatement taxée de racisme ou d’islamophobie, alors même que les critiques à l’encontre du catholicisme ou d’autres religions étaient les bienvenues. Quelle drôle de conception de la laïcité ! (…) Cela tient tout d’abord à l’arrivée de Marine Le Pen. Elle a su dédiaboliser le FN, qui, je pense, a souvent été victime de caricatures par les bien-pensants. Actuellement, elle est la seule à défendre véritablement la loi de 1905, à dénoncer la banalisation du halal et les prières illégales sur la voie publique. Elle apporte des solutions contre la mondialisation, et donc contre les délocalisations, elle propose aussi de lutter contre la concurrence imposée de la main d’œuvre étrangère avec la main d’œuvre « locale » dans le but avoué de faire baisser les salaires quitte à jeter au chômage des Français. Marine Le Pen lutte aussi contre l’Europe de Bruxelles qui nous appauvrit de jour en jour et, bien sûr, elle songe aussi à un éventuel retour au franc, car si un risque d’effondrement de l’euro existe, nous avons tout intérêt à nous doter d’un plan de sortie anticipée. De plus, je pense qu’elle a raison de défendre la préférence nationale et de rappeler que nous ne devons avoir honte ni de notre culture, ni de nos couleurs. Chaque pays a sa propre histoire et certains acquis qui lui sont propres. Je suis donc plutôt favorable à une Europe des nations. (…) Le problème avec Jean Luc Mélenchon (…) c’est l’immigration. J’avoue qu’avec le bénéfice des ans, j’ai un peu évolué sur ce sujet : avec 5 millions de chômeurs en France, nous ne pouvons plus accepter autant d’immigrés. Bien sûr on est toujours touché par le parcours de certains clandestins issus de pays pauvres ; pour empêcher ces déracinements, les peuples de ces pays devraient s’inspirer de la révolution Tunisienne (l’Egypte est en pleine effervescence), afin d’instaurer chez eux une véritable démocratie laïque et non islamique, et veiller à ce que les richesses de leur pays, qui sont souvent immenses, ne soient pas détournées par les élites. Aussi lorsque Jean-Luc Mélenchon dit vouloir régulariser tous les sans-papiers, je ne suis pas d’accord : nous n’avons ni l’obligation morale ni la possibilité d’accueillir toute la misère du monde, comme le disaient le socialiste Michel Rocard ou le communiste Georges Marchais, lequel, dans les années 80, réclamait l’arrêt de l’immigration. Prenons donc exemple sur la Suisse et ses votations citoyennes et demandons aux Français, lors d’un référendum, leur avis sur l’immigration. Nos chères élites seraient bien surprises du résultat. Quant aux zones de non-droit de nos quartiers et aux agressions aux personnes, elles constituent désormais un autre problème majeur et pourrissent la vie de bon nombre de nos concitoyens, surtout, mais pas seulement, dans les milieux modestes. Je ne pense pas que les solutions angéliques de Jean-Luc Mélenchon soient capables de régler le problème que pose cette violence, qui est d’abord une violence gratuite. Fabien Engelmann
Ce n’est (…) pas parce que « Claude Guéant parle comme Marine Le Pen » (dixit Jean-Louis Borloo) que cette dernière progresse dans l’opinion et perce dans les urnes d’une élection qui jusqu’alors fermait à son parti les portes du second tour. C’est parce que ceux qui, en 2007, avaient quitté Jean-Marie Le Pen pour Nicolas Sarkozy en espérant voir réaliser certains de leurs vœux estiment qu’ils n’ont pas été entendus. (…) Peut-on, après cela, parler sans rire, comme dimanche soir, sur la plupart des plateaux télé, de “réaction des électeurs contre la droitisation de l’UMP” ? La vérité est que, depuis les années 1990, la droite n’a cessé de se dédroitiser et, par voie de conséquence, de libérer un espace croissant au Front national dont les propositions d’aujourd’hui sont parfois en deçà de celles du RPR et de l’UDF d’alors (lire les propositions des états généraux de l’opposition, animés, voici vingt ans, par Nicolas Sarkozy et Alain Madelin)… Valeurs actuelles
Toutes les enquêtes, notamment celle publiée chaque année (le 21 mars) dans le rapport de la Commission nationale consultative des droits de l’homme, montrent qu’il y a un double mouvement : d’une part l’ouverture de la société française à la différence et, d’autre part, la stigmatisation, pour une partie de l’opinion publique, de l’immigration en provenance des pays musulmans et de l’Islam en général. Lorsqu’on pose aux Français la question de savoir quelle est l’image qu’ils ont des différents groupes vivant sur le territoire national et des différentes religions, une frange de la population exprime désormais ouvertement le fait que l’Islam est intrinsèquement un problème car possédant des bases et un contenu supposé incompatible avec le projet civilisationnel français et européen. L’attitude des Français face à l’intégration change également. Il y a encore une dizaine d’années, on considérait que les problèmes d’intégration des étrangers étaient dus davantage à la société d’accueil. Désormais, un grand nombre de Français pensent que la responsabilité de la non-intégration provient des étrangers eux-mêmes. Ce phénomène existe aussi au niveau européen : en Europe du Nord (Scandinavie, Pays-Bas), en Italie avec le succès de la Ligue du Nord, en Autriche dans une moindre mesure. L’un des changements fondamentaux est que l’extrême-droite a muté idéologiquement. Elle est devenue aujourd’hui différente du néofascisme traditionnel. Les références à la Seconde guerre mondiale et aux régimes autoritaires qui les ont précédés s’estompent mais il apparaît une nouvelle forme d’extrémisme qui s’appuie sur le retournement d’un certain nombre de valeurs considérées jusqu’à aujourd’hui comme faisant partie du logiciel idéologique progressiste. Pourquoi l’Islam est aujourd’hui critiqué ? En raison de son attitude vis-à-vis des femmes, voire au nom du féminisme ; en raison de son attitude envers les minorités donc au nom du principe d’égalité et de liberté religieuse. On voit également comment Pim Fortuyn dans un premier temps et d’autres par la suite ont expliqué qu’en tant qu’homosexuels, ils se sentaient agressés par un Islam qui ne tolère pas les différences sexuelles. In fine, l’Islam est attaqué non pas en tant que religion mais culture. (…) à l’intérieur de la droite de gouvernement, un certain nombre de responsables, y compris le président de la République, se sont eux-mêmes emparés de la question. Ils l’ont fait en nous expliquant que ce qui se passait de l’autre côté de la Méditerranée était positif mais en agitant le spectre de l’invasion des immigrants illégaux et en liant les évènements à la question de l’Islam. Ce n’est pas un hasard si, au moment précis où la France modifiait son attitude vis-à-vis du monde arabe pour prendre le parti des peuples qui se révoltent, le président de la République relançait dans le même temps le débat sur l’identité nationale. (…) La présentation des Musulmans comme étant potentiellement susceptibles de déferler sur nos côtes et étant par ailleurs adeptes d’une religion qui poserait problème dans son implantation sur le sol national concourent effectivement à attiser les peurs. Jean-Yves Camus
Le FN apparaît, plus que jamais, comme un vecteur de manifestation des préoccupations populaires. Le « vote utile » des électeurs frontistes exprime un message de mécontentement profond où se mêlent questions sociétales (insécurité, immigration) et socio-économiques (rejet du libre-échange et de la mondialisation). Le nouveau discours de Marine Le Pen parvient à conjuguer ces deux thématiques et à rentrer ainsi en résonance avec l’opinion d’une large fraction de la population. (…) L’argument moral jeté à la face de ces divers électeurs, ou encore les démonstrations idéologiques, ont peu de chance d’être efficaces. Seules des réponses apportées à leurs préoccupations concrètes par les partis républicains pourront convaincre cette France en crise qu’elle a mieux à faire que de crier sa colère en votant à l’extrême droite. Eric Dupin
Le mépris dans lequel les tient la classe dirigeante a quelque chose de sidérant. Nos élites sont mues par une invraisemblable prolophobie dont elles n’ont parfois même pas conscience. (…) Les impensés de la gauche sur la sécurité et l’immigration témoignent d’un déni persévérant de celle-ci face à l’expression de certaines souffrances sociales. (…) Avant d’être une posture politique, le front républicain est d’abord un réflexe de classe et de caste. Patrick Buisson
Ce concept de “droitisation” est le plus sûr indice de la confusion mentale qui s’est emparée de certains esprits. Si la “droitisation” consiste à prendre en compte la souffrance sociale des Français les plus exposés et les plus vulnérables, c’est que les anciennes catégories politiques n’ont plus guère de sens… et que le PS est devenu – ce qui me paraît une évidence – l’expression des nouvelles classes dominantes. (…) Est-ce Nicolas Sarkozy qui se “droitise” en plaçant la maîtrise des flux migratoires au cœur de la question sociale ou la gauche qui se renie en substituant à la question sociale le combat sociétal en faveur d’un communautarisme multiculturel ? L’impensé du candidat socialiste sur l’immigration est tout sauf accidentel : il témoigne d’une contradiction à ce jour non résolue. L’idéologie du “transfrontiérisme” n’est pas celle des Français. Près de deux Français sur trois et près d’un sympathisant de gauche sur deux approuvent la proposition de Nicolas Sarkozy de réduire de moitié l’immigration légale. Le projet que porte Nicolas Sarkozy s’adresse à tout l’électorat populaire. Il est clairement le candidat d’une Europe des frontières. C’est en cela qu’il est le candidat du peuple qui souffre de l’absence de frontières et de ses conséquences en chaîne : libre-échangisme sans limites, concurrence déloyale, dumping social, délocalisation de l’emploi, déferlante migratoire. Les frontières, c’est la préoccupation des Français les plus vulnérables. Les frontières, c’est ce qui protège les plus pauvres. Les privilégiés, eux, ne comptent pas sur l’Etat pour construire des frontières. Ils n’ont eu besoin de personne pour se les acheter. Frontières spatiales et sécuritaires : ils habitent les beaux quartiers. Frontières scolaires : leurs enfants fréquentent les meilleurs établissements. Frontières sociales : leur position les met à l’abri de tous les désordres de la mondialisation et en situation d’en recueillir tous les bénéfices. Patrick Buisson
Misère (entraînant et expliquant la révolte et la violence) ? faux ! D’après l’Insee, la Seine-Saint-Denis est le quinzième département le plus riche de France – compte non tenu, par définition, de l’économie souterraine qui l’irrigue. En y ajoutant les milliards de la drogue, le “9-3” est sans doute en réalité parmi les cinq départements les plus riches de France. Quels sont à l’inverse les plus pauvres ? L’Ariège (91e), le Cantal (92e) et la Creuse (96e). Ajoutons un taux de pauvreté de 19 % dans un tiers des départements ruraux de France métropolitaine – c’est-à-dire plus élevé que dans le “9-3”. Plus largement, souligne lumineusement le géographe Christophe Guilluy, « 85 % des ménages pauvres ne vivent pas dans les quartiers sensibles et… la majorité des chômeurs de longue durée se répartit sur l’ensemble du territoire ». Or, où brûlent les voitures ? Où tire-t-on à la kalachnikov sur les policiers ? Dans la Creuse ou en Seine-Saint-Denis ? Les pauvres “assignés à résidence”, dans de lointains territoires de relégation ? Archifaux, là encore ! À l’échelle du Bassin parisien dans son entier, la Seine-Saint-Denis est dans une position confortablement centrale, non dans une lointaine bordure – et dans les “zones urbaines sensibles” (Zus) de ce département, comme dans celles des autres de la région parisienne, la mobilité de la population est la plus élevée de France (taux de mobilité de 61 %, selon l’Observatoire national des Zus). Les quartiers sensibles représentent la jeunesse, la France rurale n’étant plus peuplée que de paysans âgés ? Faux ! Ces quartiers et cités ne rassemblent que 9 % de la jeunesse (l’Insee, toujours), la France périphérique au contraire (grande banlieue et villes-satellites des métropoles) abritant un jeune sur trois de 18-24 ans – et ce, avec un taux de criminalité fort bas. Ajoutons que l’espace rural (18 % de la population métropolitaine, 11 millions d’habitants) compte désormais 32 % d’ouvriers, 27 % d’employés – et seulement 7 % d’agriculteurs… sans que nulle déprédation ou exaction ne s’y commette, ou presque. Industrielle ou rurale, cette France périurbaine est celle des précaires, agriculteurs percevant les minima sociaux, ouvriers pauvres, travailleurs à temps partiel. Cette “France des plans sociaux” abrite les nouvelles classes populaires évincées des grandes métropoles (centre-ville et première couronne) – désormais fiefs de la bourgeoisie-bohème (“bobo”) et des immigrés récents. Or quoique victime de la recomposition sociale du territoire, cette France périphérique est calme. Malgré une pauvreté invisible, la délinquance y est rare et la criminalité, plutôt exceptionnelle. Avec une insondable morgue, les journalistes “tendance bobo” dénigrent cependant cette France périphérique et sa “logique de repli”. Alors que, pour ces populations victimes de la mondialisation et de la prédation financière, il s’agit, tout au contraire, d’une demande de protection. (…) on ne peut édifier de politique efficace sur des concepts erronés. Pourtant, c’est ce que l’on fait depuis trente ans sous le nom – déjà absurde – de “politique de la ville”. Comme de l’eau dans un trou, cette “politique” déverse des milliards d’euros dans des programmes immobiliers opaques et dans d’incontrôlables subventions : 550 millions d’euros en 2012 pour la politique de la ville ; 390 millions pour la “cohésion sociale et l’égalité des chances”, nom fort noble pour ce qui ressemble souvent à du racket ou du chantage à l’émeute. À la lumière des réalités que je viens d’énoncer, c’est cette politique-là, d’abord, qu’il faut revoir de fond en comble. Administré à partir d’un faux diagnostic, un médicament n’a aucune chance, jamais, de faire le moindre effet ! Xavier Raufer
On brode beaucoup sur la non intégration des jeunes de banlieue. En réalité, ils sont totalement intégrés culturellement. Leur culture, comme le rap, sert de référence à toute la jeunesse. Ils sont bien sûr confrontés à de nombreux problèmes mais sont dans une logique d’intégration culturelle à la société monde. Les jeunes ruraux, dont les loisirs se résument souvent à la bagnole, le foot et l’alcool, vivent dans une marginalité culturelle. En feignant de croire que l’immigration ne participe pas à la déstructuration des plus modestes (Français ou immigrés), la gauche accentue la fracture qui la sépare des catégories populaires. Fracture d’autant plus forte qu’une partie de la gauche continue d’associer cette France précarisée qui demande à être protégée de la mondialisation et de l’immigration à la « France raciste ». Dans le même temps, presque malgré elle, la gauche est de plus en plus plébiscitée par une « autre France », celle des grands centres urbains les plus actifs, les plus riches et les mieux intégrés à l’économie-monde ; sur ces territoires où se retrouvent les extrêmes de l’éventail social (du bobo à l’immigré), la mondialisation est une bénédiction. Christophe Guilluy
J’avais l’impression qu’il [Nicolas Sarkozy] avait déjà cette géographie sociale bien en tête. Comme s’il savait que cette France populaire, qui l’avait élu en 2007, allait être une nouvelle fois l’enjeu de cette présidentielle.
Je ne pense pas que le qualificatif de droitisation soit pertinent. Pour cette France-là, on est arrivé à la fin de la bipolarisation droite-gauche. Par exemple, en matière d’immigration, tout le monde pense grosso modo la même chose, à gauche comme à droite. Quand on regarde comment se comportent les Français – là où ils vont vivre, là où ils souhaitent scolariser leurs enfants -, on s’aperçoit que tout le monde évolue dans une même logique. Ce qui change, c’est le discours de justification de ses actes… Par ailleurs, cette France populaire reste très attachée à l’Etat providence, aux services publics, à la laïcité, aux thématiques traditionnelles de la gauche. (…) Ce qui définit cette classe qui se sent menacée de déclassement, c’est son incapacité à ériger des frontières symboliques avec un monde qu’elle juge menaçant. Le bobo de Belleville, qui habite en plein cœur d’un quartier très métissé, peut résider dans un immeuble de lofts, socialement homogène, et contourner la carte scolaire. Les prolétaires de la Picardie, eux, n’ont pas les moyens d’ériger ce type de frontière invisible. C’est pour ça que cette classe populaire exprime aujourd’hui une demande d’Etat fort et de protectionnisme. La question sociale est centrale pour elle, à la condition qu’elle se combine avec une question d’ordre culturel. (…) Sur ces questions culturelles et identitaires, la gauche tient un discours peu clair. Car elle a la trouille de dire les choses. Je pense qu’on vit désormais dans une société multiculturelle sans oser le dire. Pour la première fois dans notre histoire, dans certains espaces, se pose la question d’appartenir à une majorité ou à une minorité relative. C’est ce que révèle l’épisode sur la viande halal : au-delà la question de l’étiquetage, le sentiment diffus de pouvoir devenir, sans le savoir, minoritaire, est très présent.
 C’est compliqué pour [François Hollande] car il ne faut pas désespérer «Boboland», c’est-à-dire ces classes intellectuelles et supérieures qui vivent en centre-ville, profitent des bienfaits de la mondialisation et votent en majorité pour la gauche. Je dis cela sans mépris. C’est une réalité sociologique importante pour la gauche. Il est difficile de tenir un discours pour cette France des centres-ville et celle rejetée à la périphérie. Un exemple : le protectionnisme européen. François Hollande avait la possibilité de reprendre à son compte les thèses qu’Arnaud Montebourg avait développées pendant la primaire. Mais aujourd’hui depuis le discours de Villepinte de Nicolas Sarkozy, je pense que c’est trop tard. Christophe Guilluy
Hollande est intéressé par nos analyses, mais ce n’est pas son logiciel de formation. Il y a encore chez lui beaucoup de tabous, notamment sur les questions identitaires. Or, il n’y a pas 36 solutions : on gagnera avec les ouvriers et employés ou alors on perdra cette élection. Laurent Bouvet (université de Versailles)

Attention: un déni peut en cacher un autre!

A l’heure où, après l’avoir encensé, la presse anglo-saxonne a, sauf exceptions, déjà enterré Nicolas Sarkozy…

Et où le prestigieux Economist a beau jeu de pointer le déni, à droite comme à gauche, de la réalité économique de la France …

Mais où , entre la remontée du président sortant et la percée du candidat du Front de gauche, l’avance de François Hollande semble fondre comme neige au soleil …

Sur fond, au lendemain de la tuerie jihadiste de Toulouse, de procès, d‘incidents graves, d’interpellations et saisies d’armes de guerre tous liés (cherchez l’erreur!) à l’islamisme

Retour sur le déni autrement plus risqué pour la gauche …

Que celui de cette France majoritaire et populaire (près de 60% de la population) et marginalisée par la flambée immobilière et les délocalisations et fermetures d’usines…

Qui, comme le montre bien le dernier livre du géographe Christophe Guilluy avait déjà fait défaut à Ségolène Royal en 2007

Et que, pour conserver ses soutiens du côté des classes intellectuelles et supérieures des centre-villes qui  eux profitent de la mondialisation, son ex-compagnon et successeur risque bel et bien, après quand même trois défaites consécutives (1995, 2002 et 2007), de perdre à nouveau …

Le livre de gauche qui inspire la droite

Récit

Avec «Fractures françaises», Christophe Guilluy place les nouvelles classes populaires de la grande périphérie au cœur de la campagne.

Grégoire Biseau

Libération

C’est l’histoire d’un livre propulsé comme l’ouvrage clé de cette campagne, et d’un auteur totalement inconnu du grand public. Celui dont s’inspire ouvertement Nicolas Sarkozy, et qui a circulé dans beaucoup de mains au Parti socialiste, jusqu’à celles de François Hollande.

Christophe Guilluy est un géographe de formation, en rupture avec le milieu universitaire, qui se revendique à gauche tendance chevènementiste depuis toujours. Fin 2010, il publie Fractures françaises, qui fait apparaître une nouvelle géographie sociale où les classes populaires sont reléguées non pas en banlieue, mais dans une France périurbaine, délaissée et oubliée (lire notre entretien avec Christophe Guilluy).

En juin, Jean-Baptiste de Froment, le conseiller éducation de Nicolas Sarkozy, tête chercheuse du programme, découvre le livre. Convaincu de tenir là une grille de lecture originale et pertinente de la société française, il fait une note de quatre pages au chef de l’Etat. Et organise dans la foulée un tête-à-tête.

Guilluy hésite mais s’y rend. L’entretien dure une quarantaine de minutes. Dans une excellente ambiance. «J’avais l’impression qu’il avait déjà cette géographie sociale bien en tête, raconte aujourd’hui le chercheur. Comme s’il savait que cette France populaire, qui l’avait élu en 2007, allait être une nouvelle fois l’enjeu de cette présidentielle.»

«Stimulant». Un mois plus tard, il est de nouveau invité à déjeuner à l’Elysée, pour parler banlieue, notamment avec Gilles Kepel. Entre-temps la note de Froment circule dans la Sarkozie. Pierre Giacometti et Patrick Buisson, les deux conseillers du chef de l’Etat, lisent l’ouvrage. Bruno Le Maire, en charge du programme pour l’UMP, aussi. «C’est un livre stimulant, contre la pensée dominante, qui offre un diagnostic de l’état de la société qui nous est apparu très pertinent, dit-on dans l’entourage de Sarkozy. Même si l’analyse est parfois un peu schématique, elle était exploitable politiquement très facilement.»

Aujourd’hui, au QG du candidat, on reconnaît volontiers que la stratégie de campagne s’est largement inspirée de ce petit livre de 195 pages. Notamment dans la tonalité (martiale et protectrice) et les thèmes (souverainistes et droitiers) des discours. Les appels incessants à la majorité silencieuse, le dénigrement des élites, la dénonciation du communautariste, la condamnation de l’Europe «passoire» : tout est censé «parler» à cette France populaire, invisible et fragilisée par la mondialisation, que décrit Christophe Guilluy dans son livre. Précisément celle qui avait cru en 2007 au «travailler plus pour gagner plus».

Pour la reconquérir, le candidat UMP laboure la France des pavillons individuels, reléguée loin des centres-ville. Des trous pas tout à fait perdus, mais déjà un peu déconnectés. Par exemple, après sa visite chez Lejaby, Sarkozy est obligé de passer par La Chapelle-d’Aurec (Haute-Loire), à 15 km de Saint-Etienne, où vivaient 300 habitants il y a dix ans, contre 1 500 aujourd’hui. «L’illustration exemplaire des thèses du livre», décrypte Laurent Wauquiez, le ministre de l’Enseignement supérieur et député de la Haute-Loire, qui a lui aussi surligné les pages d’un livre, avec lequel il se dit «en totale osmose».«Quand on organise des déplacements, on se demande forcément quelle France on veut visiter, décrypte l’entourage de Sarkozy. Et le travail de Guilluy nous a donné une vraie grille de lecture.» D’où ces longs trajets en car pour les journalistes suivant le candidat UMP.

«Attention, tout cela n’en fait pas pour autant le Petit Livre rouge de Sarkozy», tempère Laurent Wauquiez. Et Christophe Guilluy n’est pas l’Emmanuel Todd du Jacques Chirac de la fracture sociale de 1995. Si la droite sarkozyste partage son diagnostic, elle prend ses distances avec ses leçons politiques. «En matière économique, il a une approche redistributive, d’inspiration marxiste, alors que nous cherchons des solutions libérales», décrypte un conseiller du chef de l’Etat.

Fronde. Car, parallèlement à cette carrière à droite, le livre de Guilluy a fait son chemin au PS. Mais cette fois, plutôt à la marge. En juillet, la publication de la note de Terra Nova, qui assure que le PS a définitivement perdu le vote des classes populaires et recommande de se concentrer sur les classes moyennes, provoque la fronde. En réponse, six intellectuels (dont Guilluy), emmenés par les deux socialistes Laurent Baumel et François Kalfon, publient Plaidoyer pour une gauche populaire. Ils rencontrent une première fois Hollande dans son bureau de l’Assemblée. Puis organisent un séminaire début décembre. Leur message : contrairement à ce que recommande Terra Nova, le PS doit partir à la conquête de cette France populaire. Pour des raisons identitaires mais aussi stratégiques. Car, disent-ils, elle est majoritaire, a fait l’élection de Sarkozy en 2007, et risque d’être encore décisive en 2012. «C’est sur la base notamment des travaux de Guilluy qu’on a plaidé auprès de Hollande pour la réaffirmation des réflexes républicains, pour ne pas donner le sentiment que l’on encourage le communautarisme», explique Laurent Baumel, secrétaire national aux affaires européennes. Ce dernier est convaincu d’avoir été parfaitement entendu par le candidat socialiste. «Je suis satisfait de la façon dont il a intégré nos analyses, notamment dans son discours du Bourget», poursuit Baumel.

Ce n’est pourtant l’avis ni de Christophe Guilluy ni de Laurent Bouvet, prof de sciences politiques à l’université de Versailles, qui a, lui aussi, participé à ce Plaidoyer.«Hollande est intéressé par nos analyses, mais ce n’est pas son logiciel de formation. Il y a encore chez lui beaucoup de tabous, notamment sur les questions identitaires, affirme Laurent Bouvet. Or, il n’y a pas 36 solutions : on gagnera avec les ouvriers et employés ou alors on perdra cette élection.» Un dilemme que ne renierait pas Sarkozy.

Voir aussi:

«Hollande parle peu à cette classe populaire»

Interview

Christophe Guilluy, géographe, évoque une France périurbaine, fidèle aux thèmes sociaux et identitaires :

Grégoire Biseau

Géographe, auteur de Fractures françaises, Christophe Guilluy revient sur cette nouvelle géographie sociale française et son influence sur la campagne.

Libération

30.03.12

Votre livre démontre qu’une France majoritaire et populaire est devenue périphérique, et donc invisible. Pourquoi ?

Pendant la révolution industrielle, les classes populaires habitaient là où se créait la richesse : au cœur de la ville, ou dans sa proche banlieue. Ce qui a fondamentalement changé depuis trente ans, c’est qu’elles ont été chassées des centres-ville vers la grande périphérie. D’abord, parce que les prix du foncier se sont envolés et, ensuite, parce que beaucoup d’usines ont quitté l’agglomération des grandes villes pour ces zones périurbaines, rurales et industrielles. Attirées par le rêve de la maison individuelle, ces classes sont parties habiter ces espaces. Cette France populaire, socialement fragile, est aussi celle des délocalisations et des fermetures d’usines. C’est sur ces territoires que l’on enregistre la critique la plus forte de la mondialisation, et celle du non au référendum européen. Cette France-là représente près de 60% de la population. Et c’est pour ça qu’elle intéresse autant Sarkozy. Il a gagné en 2007 en partie grâce à elle. Aujourd’hui, il recommence.

Cette France populaire invisible s’est-elle droitisée ?

Je ne pense pas que le qualificatif de droitisation soit pertinent. Pour cette France-là, on est arrivé à la fin de la bipolarisation droite-gauche. Par exemple, en matière d’immigration, tout le monde pense grosso modo la même chose, à gauche comme à droite. Quand on regarde comment se comportent les Français – là où ils vont vivre, là où ils souhaitent scolariser leurs enfants -, on s’aperçoit que tout le monde évolue dans une même logique. Ce qui change, c’est le discours de justification de ses actes… Par ailleurs, cette France populaire reste très attachée à l’Etat providence, aux services publics, à la laïcité, aux thématiques traditionnelles de la gauche.

Diriez-vous, tel Patrick Buisson, le conseiller de Sarkozy, que cette France populaire exprime un besoin de frontières ?

Ce qui définit cette classe qui se sent menacée de déclassement, c’est son incapacité à ériger des frontières symboliques avec un monde qu’elle juge menaçant. Le bobo de Belleville, qui habite en plein cœur d’un quartier très métissé, peut résider dans un immeuble de lofts, socialement homogène, et contourner la carte scolaire. Les prolétaires de la Picardie, eux, n’ont pas les moyens d’ériger ce type de frontière invisible. C’est pour ça que cette classe populaire exprime aujourd’hui une demande d’Etat fort et de protectionnisme. La question sociale est centrale pour elle, à la condition qu’elle se combine avec une question d’ordre culturel.

Vous défendez l’idée d’une gauche populaire… Ça veut dire quoi ?

Sur ces questions culturelles et identitaires, la gauche tient un discours peu clair. Car elle a la trouille de dire les choses. Je pense qu’on vit désormais dans une société multiculturelle sans oser le dire. Pour la première fois dans notre histoire, dans certains espaces, se pose la question d’appartenir à une majorité ou à une minorité relative. C’est ce que révèle l’épisode sur la viande halal : au-delà la question de l’étiquetage, le sentiment diffus de pouvoir devenir, sans le savoir, minoritaire, est très présent.

La campagne de François Hollande s’adresse-t-elle à cette France-là ?

Pas franchement. C’est compliqué pour lui car il ne faut pas désespérer «Boboland», c’est-à-dire ces classes intellectuelles et supérieures qui vivent en centre-ville, profitent des bienfaits de la mondialisation et votent en majorité pour la gauche. Je dis cela sans mépris. C’est une réalité sociologique importante pour la gauche. Il est difficile de tenir un discours pour cette France des centres-ville et celle rejetée à la périphérie. Un exemple : le protectionnisme européen. François Hollande avait la possibilité de reprendre à son compte les thèses qu’Arnaud Montebourg avait développées pendant la primaire. Mais aujourd’hui depuis le discours de Villepinte de Nicolas Sarkozy, je pense que c’est trop tard.

Voir également:

A Paris (Xe), Hollande, roi de « Boboland »

Ava Djamshidi

03.02.2012

Ça caille. Sévère. Désagréable? Eux, ils trouvent ça « énorme ». Le long du canal Saint-Martin, à Paris (Xe), le bobo est roi. Pas au sens strict. La monarchie, c’est trop has been. Comme dans un clip, les bourgeois bohèmes déambulent, mannequins de bitume, parka sur le dos (c’est pratique), fourrée de lapin ou de renard (c’est chic).

Bravant le vent polaire qui souffle sur leurs chapkas, quelques spécimens s’agglutinent Chez Prune, le bar branchouille du coin. Ambiance bistrot, tarif trader. Et si l’homme moyen se plaint de la température glaciale, l’autochtone se félicite presque de ce sursaut d’orgueil d’un climat déréglé par la folie humaine. Dans leur verre, un quartier de pomme Granny flotte sur un doigt de jus de fruit. Bio, évidemment.

A moins de trois mois du premier tour de l’élection présidentielle, le souci du « bien-être de la planète » habite les pensées de Raphaël, monteur de documentaires pour la télé : « J’aimerais vraiment voter écolo. La protection de l’environnement devrait être au cœur de nos préoccupations. Mais je sais qu’Eva Joly fera 6% au final. Comme je n’ai aucune envie de me retrouver avec Marine Le Pen au second tour, je vais voter François Hollande. » Pourtant, le candidat socialiste ne branche pas spécialement ce quadra aux allures de trentenaire. « Je le sens pas ce mec. Aucun charisme. Mais je n’en peux plus de Sarko », lance-t-il, accoudé au comptoir, en sirotant un café. « Au fond, ils me fatiguent tous les deux, à se balancer des piques en permanence. On dirait des mômes dans une cour de récré », conclut-il, avant d’aller chercher ses petits à l’école.

Sur la contre-allée du canal passe un vélo. Derrière la cycliste, posé sur le siège bébé, un citronnier. Les agrumes se trémoussent gracieusement dans l’air givré. En face du troquet, un pot de fleur rose reçoit les mégots. Marc, 46 ans, y éteint sa cigarette. Ce fonctionnaire suit « tous les débats et les émissions » consacrés à la présidentielle, même si son choix est déjà arrêté. « Je suis encore traumatisé », explique ce fils d’immigrés espagnols. En travers de sa gorge, « l’affaire Jospin ». « En 2002, pour donner un nouveau souffle à la gauche, j’avais voté Olivier Besancenot », confesse-t-il plein de remords.

Cette fois, pas question de donner sa voix au champion du Nouveau Parti anticapitaliste, Philippe Poutou, ni même à celui du Front de gauche, Jean-Luc Mélenchon, qui lui a pourtant tapé dans l’œil. « C’est le seul qui évoque le sort des ouvriers, argumente Marc. Sa proposition de relever le smic à 1700 € me semble juste. Et en tant qu’eurodéputé, il a un peu de poids au sein de l’Union européenne. » Malgré ce « profil séduisant », Marc optera pour Hollande. « C’est le seul vote utile. Et je le trouve compétent. Il me surprend dans le bon sens, contrairement à Ségolène Royal, pour qui je m’étais senti obligé de voter, il y a cinq ans. »

Tous de gauche, les bobos? Derrière les grosses Ray-Ban qui lui dévorent le visage, Julien chipote. « C’est péjoratif ce mot, et réducteur. Il y a une vraie vie de quartier, avec des ouvriers aussi », défend l’ancien publicitaire en « voie de reconversion dans la restauration ». « Ici, c’est beau-beau », taquine le serveur, en posant ses yeux sur la chemise sombre à pois blancs de ce client, « ni bobo ni de gauche ». En mai, le bulletin que Julien posera dans l’urne portera le nom du candidat de l’UMP. « Toutes les réformes structurelles, comme les retraites, ont été menées par la droite. Alors, même si je n’aime pas Sarkozy, c’est lui que je choisis », lâche-t-il, en se réfugiant dans le bistrot. Ça caille. Sévère. Et la chaleur, ça a du bon.

Nombre d’habitants : 96733 (au 1er janvier 2009).

Election présidentielle 2007.

Premier tour : Ségolène Royal, 41,99%; Nicolas Sarkozy, 25,03%; François Bayrou, 20,35%, Jean-Marie Le Pen, 3,85%. Abstentions : 13,13%.

Second tour : Ségolène Royal, 62,99%; Nicolas Sarkozy, 37,01%. Abstentions : 14,43%.

Voir enfin:

Société
Xavier Raufer (criminologue)

Valeurs actuelles

29 mars 2012

L’affaire Mohamed Merah aidant, voici les “quartiers chauds” revenus au centre des débats de l’élection présidentielle. Sont-ils des pépinières à djihadistes ? Des couveuses pour bandits ? Alimentés par cent poncifs et idées reçues, les commentaires coulent à flots, issus de la culture de l’excuse, et véhiculés par nombre de journalistes et politiciens.

Or, confronté aux faits et chiffres, ce catéchisme lacrymal a pour caractéristique majeure d’être entièrement et matériellement faux.

Rappel de la ritournelle des Diafoirus-sociologues : dans des “quartiers pauvres” et “territoires de relégation”, croupirait toute une “jeunesse abandonnée et méprisée”… “moins dangereuse qu’en danger”, des damnés de la terre condamnés à “une vie de galère” et ne recherchant finalement qu’“un peu d’attention et de reconnaissance”.

Observons d’abord que cette doctrine misérabiliste n’a absolument rien de marxiste, Karl Marx lui-même qualifiant férocement ce Lumpenproletariat (“prolétariat en haillons”) de “racailles”. On est là à mi-chemin entre le pire mélodrame hugolien et l’abbé Pierre du crépuscule – le tout dans un total mépris de réalités manifestes et établies. Qu’on en juge.

– Misère (entraînant et expliquant la révolte et la violence) ? faux ! D’après l’Insee, la Seine-Saint-Denis est le quinzième département le plus riche de France – compte non tenu, par définition, de l’économie souterraine qui l’irrigue. En y ajoutant les milliards de la drogue, le “9-3” est sans doute en réalité parmi les cinq départements les plus riches de France.

– Quels sont à l’inverse les plus pauvres ? L’Ariège (91e), le Cantal (92e) et la Creuse (96e). Ajoutons un taux de pauvreté de 19 % dans un tiers des départements ruraux de France métropolitaine – c’est-à-dire plus élevé que dans le “9-3”. Plus largement, souligne lumineusement le géographe Christophe Guilluy, « 85 % des ménages pauvres ne vivent pas dans les quartiers sensibles et… la majorité des chômeurs de longue durée se répartit sur l’ensemble du territoire ». Or, où brûlent les voitures ? Où tire-t-on à la kalachnikov sur les policiers ? Dans la Creuse ou en Seine-Saint-Denis ?

– Les pauvres “assignés à résidence”, dans de lointains territoires de relégation ? Archifaux, là encore ! À l’échelle du Bassin parisien dans son entier, la Seine-Saint-Denis est dans une position confortablement centrale, non dans une lointaine bordure – et dans les “zones urbaines sensibles” (Zus) de ce département, comme dans celles des autres de la région parisienne, la mobilité de la population est la plus élevée de France (taux de mobilité de 61 %, selon l’Observatoire national des Zus).

– Les quartiers sensibles représentent la jeunesse, la France rurale n’étant plus peuplée que de paysans âgés ? Faux ! Ces quartiers et cités ne rassemblent que 9 % de la jeunesse (l’Insee, toujours), la France périphérique au contraire (grande banlieue et villes-satellites des métropoles) abritant un jeune sur trois de 18-24 ans – et ce, avec un taux de criminalité fort bas.

Ajoutons que l’espace rural (18 % de la population métropolitaine, 11 millions d’habitants) compte désormais 32 % d’ouvriers, 27 % d’employés – et seulement 7 % d’agriculteurs… sans que nulle déprédation ou exaction ne s’y commette, ou presque.

Industrielle ou rurale, cette France périurbaine est celle des précaires, agriculteurs percevant les minima sociaux, ouvriers pauvres, travailleurs à temps partiel. Cette “France des plans sociaux” abrite les nouvelles classes populaires évincées des grandes métropoles (centre-ville et première couronne) – désormais fiefs de la bourgeoisie-bohème (“bobo”) et des immigrés récents. Or quoique victime de la recomposition sociale du territoire, cette France périphérique est calme. Malgré une pauvreté invisible, la délinquance y est rare et la criminalité, plutôt exceptionnelle.

Avec une insondable morgue, les journalistes “tendance bobo” dénigrent cependant cette France périphérique et sa “logique de repli”. Alors que, pour ces populations victimes de la mondialisation et de la prédation financière, il s’agit, tout au contraire, d’une demande de protection.

Or il est crucial de poser justement ce diagnostic, sans se laisser emporter par des lubies idéologiques ou par un sentimentalisme niais. Car, de même qu’on ne raisonne pas juste sur des figures fausses, on ne peut édifier de politique efficace sur des concepts erronés. Pourtant, c’est ce que l’on fait depuis trente ans sous le nom – déjà absurde – de “politique de la ville”.

Comme de l’eau dans un trou, cette “politique” déverse des milliards d’euros dans des programmes immobiliers opaques et dans d’incontrôlables subventions : 550 millions d’euros en 2012 pour la politique de la ville ; 390 millions pour la “cohésion sociale et l’égalité des chances”, nom fort noble pour ce qui ressemble souvent à du racket ou du chantage à l’émeute. À la lumière des réalités que je viens d’énoncer, c’est cette politique-là, d’abord, qu’il faut revoir de fond en comble. Administré à partir d’un faux diagnostic, un médicament n’a aucune chance, jamais, de faire le moindre effet !