Indépendance Inde-Pakistan/70e: Le tourisme comme continuation de la guerre par d’autres moyens (Military tourism: with their « beautiful », high-stepping, daily Wagah border ritual turned tourist attraction, India and Pakistan are actually trying to bring an end to 70 years of wars, skirmishes and suicide attacks)

15 août, 2017
Deux soldats se défient sur la ligne frontalière.
Poignée de main entre frères ennemis.
Cérémonie de descente des drapeaux chaque soir au coucher du soleil. Des spectateurs indiens savourent une crème glacée avant le début de la cérémonie.

« Wagah Border »

Mise en tourisme d’un rituel nationaliste à la frontière indo-pakistanaise
David Goeury

Civilisations

2008

Introduction
1Sur les 2.912 km de frontière, Wagah Border, est l’un des deux seuls Joint Check Points, avec Khokhrapar dans le Sindh, permettant le passage terrestre entre l’Union indienne et le Pakistan. Jusqu’en novembre 2007, la journée s’y écoulait lentement avec le passage de quelques véhicules, de quelques dizaines d’individus (les jours du bus Delhi-Lahore) et le mouvement des coolies pour décharger un éventuel camion de fruits et de légumes. Wagah semblait relier deux extrémités de deux mondes lointains qui entretiennent des relations ténues et suspicieuses. Pourtant, alors que le jour décline, que les derniers fonctionnaires quittent leur poste pour s’en retourner vers Amritsar pour les Indiens, vers Lahore pour les Pakistanais, la route s’enfièvre. Des dizaines d’échoppes ouvrent, autant de marchands ambulants s’installent sur le bord de la route, et surtout des centaines de véhicules, auto-rikshaws, taxis, bus, tentent de se garer bruyamment sur des bas-côtés non stabilisés, sur les conseils de gardiens de parking improvisés. La foule – plusieurs milliers en Inde, plusieurs centaines au Pakistan – s’agglutine devant la barrière des douanes. À 17h, à leur ouverture, elle entre en marche soutenue jusqu’au point « 0 » qui marque la frontière entre le Pakistan et l’Union indienne. Elle dépasse les administrations et se masse derrière une arche fermée d’un mince cordon tenu par les immenses soldats indiens, ou les puissants Rangers pakistanais. Vers 18h, enfin, les soldats font glisser la masse d’impatients le long de barrières métalliques qui longent la frontière, les Pakistanais les premiers puis les Indiens. Chacun prend une photo devant le petit bloc de béton qui marque le point « 0 » originel, puis renouvelle la prise de vue devant les deux portes (à vantaux pour l’Inde, coulissante pour le Pakistan) qui séparent les deux territoires avant de prendre place dans de vastes gradins roses en « L » pour l’Inde, et blancs en demi-cercle pour le Pakistan. L’attente n’est pas silencieuse, bien au contraire, les chants, les musiques et les danses s’enchaînent jusqu’à la tombée du jour. Puis, l’officier sonne la « retraite » avant la descente des drapeaux. Les gardes indiens à l’Est, les Rangers pakistanais à l’Ouest marchent d’un pas décidé vers les portes closes à grand renfort de gestes guerriers. Ils ouvrent les portes sous les acclamations. Commence alors une étrange parade où Pakistanais et Indiens, de façon coordonnée, grimacent, gesticulent, s’intimident, avant de faire glisser les deux drapeaux lentement et simultanément. Jamais l’un ne doit être plus haut que l’autre. Une fois les drapeaux pliés, les deux officiers se saluent avant de claquer les portes qui resteront closes toute la nuit. Alors, la foule quitte les gradins, non sans venir prendre quelques ultimes photographies avec les héros de la cérémonie.

2Pour de nombreux auteurs (Nayar 2003; Tikekar 2004; Van Schendel 2007), la popularité de Wagah Border et de sa cérémonie guerrière serait le symbole de la violence perpétuelle entre Indiens et Pakistanais. Cependant, l’enquête de terrain et la rencontre des acteurs qui vivent la cérémonie (forces de sécurités frontalières, administrations locales, professionnels du tourisme, simples visiteurs) révèlent des logiques diverses, beaucoup plus complexes. Dès lors, quel est l’impact de la mise en tourisme d’un lieu qui porte en lui la mémoire collective d’un conflit (Halbwachs 1950 : 209) ? Cette mise en tourisme serait-elle la preuve de l’existence de deux nations irréconciliables, prêtes à en découdre au moindre incident ? Ou participerait-elle d’un processus de pacification ? Pour y répondre, nous voudrions confronter les multiples interprétations autour de la symbolique de la cérémonie à l’appropriation effective de la cérémonie par les visiteurs. Dès lors, la ritualisation de l’entrée des touristes dans les gradins et la théâtralisation de la fermeture de la frontière, peuvent être présentées comme une reconnaissance des deux nations, où chaque citoyen viendrait faire corps avec sa nation et attester de la partition effective entre les deux États. De ce fait, il n’y aurait pas d’incompatibilité entre le fait d’exalter des valeurs nationalistes et le processus de normalisation des relations bilatérales entre les deux États.

Wagah Border, la naissance d’une destination sur le front indo-pakistanais
3C’est en 2000 que l’office du tourisme du Punjab indien décide de transformer Wagah en attraction touristique. La médiatisation de l’ouverture de la ligne de bus Lahore-Delhi en février 1999 et l’engouement pour les cérémonies militaires incitent ses cadres à penser que Wagah pourrait devenir une destination à même d’allonger la durée des séjours touristiques à Amritsar. L’office du tourisme avec l’accord de la Border Security Force décide de construire des gradins à proximité du « point 0 ». Par réaction, l’autorité pakistanaise fait construire la tribune de Baab-e-Azadi (la porte de la liberté), inaugurée en août 2001, en hommage aux milliers de Pakistanais morts lors de la partition.

15En Inde, un animateur appelle des spectateurs à brandir le drapeau national et à courir jusqu’à la frontière, sous les acclamations de la foule. Il choisit n’importe quel citoyen de passage pour démontrer la dimension démocratique de l’État. Les hommes, puis les femmes, se pressent pour bénéficier de ce moment de gloire, car en Inde, porter le drapeau ne se fait que dans des circonstances exceptionnelles, encadrées par l’État (Zins 2005)14. Les Indiens, choisis comme porte-étendards, ont le sentiment de vivre un moment exceptionnel, où devant des milliers de compatriotes, ils incarnent la nation, en portant son symbole, le drapeau, jusqu’aux limites terrestres de son territoire. Au Pakistan, tous les soirs, les deux mêmes hommes, vêtus de vert et de blanc, couleurs de la nation, paradent et exhortent la foule. Le plus âgé, Baba Mehar Din, vendeur de légumes, ancien soldat de 80 ans, résidant à Lahore, qui vient, chaque soir, depuis 40 ans (selon les journaux pakistanais), en scandant « Allah Akbar » (Dieu est grand) et « Pakistan Zindabad » (Longue vie au Pakistan), revendique son geste comme une participation à grandeur de la nation. Il est, d’ailleurs, devenu un mythe patriotique. Son engagement a été récompensé par le Président Musharraf, au nom de la nation, le 6 avril 2007, par la remise de 50.000 Roupies et l’offre d’un voyage à la Mecque pour procéder à l’umra15.

Course de drapeaux à Wagah Border

16Les visiteurs nationaux sont mobilisés autour de symboles. D’un coté, le pays des purs s’affirme autour de la religion musulmane, alors que l’Inde exalte sa dimension démocratique et libre. La frontière et le point « 0 » deviennent le lieu témoin de la séparation entre l’Inde et le Pakistan. La partition y est attestée par tout individu, indien, pakistanais ou étranger, qui assiste à la cérémonie. L’affirmation de Mohammad Ali Jinnah « en 1947 nous étions une nation qui cherchait un pays, désormais nous sommes un pays qui cherche une nation » toujours au cœur du questionnement sur la nation pakistanaise, considérée comme inachevée (Jaffrelot 2002 : 7), trouve sa réponse à Wagah. Tous les symboles du Pakistan sont convoqués. Le portrait de Mohammad Ali Jinnah domine la porte de la liberté qui commémore la mort des milliers de réfugiés, victimes des violences interconfessionnelles en 1947. L’armée forte et inflexible garde la porte. L’Islam, ciment fédérateur, envahit l’espace sonore à travers les chants coraniques et s’incarne dans l’allégorie de Baba Mehar Din, drapé de vert, agitant le drapeau au croissant blanc.
17De plus, les Pakistanais et Indiens construisent leurs identités nationales respectives en négatif de celle de l’autre. À l’exubérance et la démesure indienne, qui associent les musiques de films, les danses, la dimension bariolée de la foule et la course effrénée des porteurs d’étendards, comme autant de performances patriotiques individuelles qui témoignent de l’adhésion positive de chaque citoyen à « la plus grande démocratie du monde », les Pakistanais opposent la mesure du pays des Purs16. Pour les autorités pakistanaises qui cherchent à faire reconnaître la spécificité culturelle de leur nation à l’échelle mondiale, Wagah border devient l’exemple explicite de leur différence avec l’Inde. Ainsi, tout groupe d’officiels étrangers de passage à Lahore est emmené à la cérémonie de la fermeture de la frontière, pour qu’ils puissent constater de leurs propres yeux que les deux nations, pakistanaise et indienne, sont clairement distinctes et surtout que les deux peuples ont des comportements opposés. Wagah leur permet de soutenir les discours sur l’impossible vie en commun entre Pakistanais et Indiens, de dénoncer le mouvement gandhien qui juge la partition comme le plus grand drame de l’Union indienne et enfin de revendiquer le rattachement du Cachemire au Pakistan (Jaffrelot 2000 : 201).

18Pour la population, Wagah Border devient alors l’espace où se vit la nation. Du coté indien, la cérémonie est rapidement devenue extrêmement populaire, faisant de Wagah une grande destination du tourisme national. Les transports collectifs se multiplient, attendant les clients à la sortie du Temple d’or sikh d’Amritsar. Les chauffeurs vantent l’incroyable de la cérémonie à renfort de photographies et surtout jouent sur la fibre nationaliste en arguant que c’est le lieu où tout citoyen indien qui se respecte doit être allé. Désormais, les professionnels du tourisme comparent le Taj Mahal d’Âgrâ et le Fort Rouge de New Delhi, les deux monuments nationaux, les plus visités, avec les deux principales attractions d’Amritsar. Ainsi, le Temple d’Or, chef d’œuvre d’architecture, est comparé au Taj Mahal. Cependant, le lieu de culte des Sikhs, toujours actif, fréquenté par des dizaines de milliers de pèlerins, est qualifié de « living monument » (monument vivant), alors que le tombeau moghol n’est que le fabuleux vestige d’une époque révolue. De même, Wagah border est présentée comme le lieu vivant de la nation indienne, alors que le Fort Rouge, où a été proclamée l’indépendance le 15 août 1947, n’est qu’un lieu de mémoire de la nation (Nora 1984). À la commémoration annuelle est opposée la possibilité de vivre le nationalisme face au « frère ennemi ». Des voyages spéciaux sont organisés pour les écoles et des groupes de jeunes hommes des grandes villes du Nord et du Sud viennent spécialement pour la fermeture de la frontière. Les étudiants et les jeunes urbains décrivent Wagah comme une expérience extrême, un contact direct et passionnel avec le nationalisme. Ils font de la frontière une destination à la mode où on doit être allé. Porter l’étendard et scander des slogans, permet de faire corps avec la nation, en longeant son enveloppe, la frontière avec le Pakistan (Equipe MIT 2002 : 197).

La violence comme catharsis : un théâtre touristique

19L’augmentation croissante des visiteurs fait de Wagah border un véritable phénomène de société. Par conséquent, la cérémonie est devenue un espace de débat qui questionne ce qui relève du théâtre et du vécu des spectateurs. Deux points de vue s’opposent. D’une part, de nombreux observateurs, journalistes, universitaires et touristes internationaux interprètent la violence comme réelle. Pour ces «manipulateurs de symboles»17, la parade militaire avec ses gestes brutaux et intimidants, dont les fameux grands mouvements de jambes ressemblant à de terribles coups de pieds, est bien plus que du théâtre. Ainsi, dans son livre Across the Wagah an Indian Sejourn in Pakistan, l’universitaire indienne, Maneesha Tikekar décrit cette scène comme un affrontement dramatique où la haine des regards, la violence des coups de pieds en l’air sont autant d’appels à la violence. Pour elle, exhiber le patriotisme avec autant d’animosité envers son voisin, et tant de plaisir à le faire, est un jeu dangereux. Elle conclut son analyse en se demandant s’il existe ailleurs dans le monde une descente de drapeau aussi théâtrale et aussi excessive de patriotisme (Tikekar 2004 : 92). De même, l’artiste et militant pakistanais Mian Ijaz-ul-Hassan voit en la violence pathétique de la cérémonie de fermeture de la frontière de Wagah qui recommence inlassablement chaque soir, l’image du conflit indo-pakistanais18. Enfin, dans un texte illustré de photographies de la cérémonie et intitulé « The Wagah Syndrome », l’universitaire Willem Van Schendel fait de la cérémonie le modèle type de l’ultranationalisme exubérant dont la débauche de violences symboliques annonce des violences physiques vis-à-vis des États voisins et à l’encontre des communautés minoritaires (Van Schendel 2007 : 44). Si l’élite intellectuelle indienne et pakistanaise condamne la cérémonie, d’autres voix plus anonymes distinguent théâtralisation de l’agressivité et violence19. En effet, sur place, nombreux sont les Pakistanais et les Indiens qui n’y voient qu’un show. Les Punjabis, habitués à y conduire leurs amis venus en visite, présentent Wagah comme une attraction, sans pourtant exclure sa dimension civique. Ainsi sur le site internet de mise en ligne de vidéos personnelles Dailymotion, un Pakistanais a décidé d’intégrer un prologue à son montage d’images de la cérémonie en disant « n’y voyez rien de politique ou de guerrier et si vous n’êtes pas d’accord, contactez-moi pour en discuter ».

20Le 20 octobre 2002, ce débat est devenu institutionnel, suite à l’affrontement entre un soldat pakistanais et un soldat indien qui se sont menacés de leurs armes à feu, heureusement déchargées durant la cérémonie; ils ont du être séparés par les officiers alors que les spectateurs des deux cotés multipliaient les insultes20. Pendant plus de deux ans, les deux administrations militaires ont débattu du degré de violence des gestes hérités du drill. À la fin du mois de mars 2004, l’Inde a demandé officiellement de réduire l’agressivité des gestes et surtout l’ampleur des mouvements de jambes pour qu’ils apparaissent comme moins brutaux et ressemblent moins à un simulacre de combat. À Lahore, le commandement des Border Security Forces indiennes et des Rangers pakistanais ont décidé de réorienter la cérémonie vers des postures moins agressives en demandant aux soldats de ne faire aucune provocation et bien au contraire de faire preuve de respect mutuel. Cependant après l’accord de principe, les deux parties ont convenu qu’il fallait d’abord déterminer la forme du nouveau rituel avant de changer21. Or, en novembre 2006, le lieutenant général Hussain Mehdi, directeur général des Rangers pakistanais du Punjab, a déclaré qu’il ne ferait pas modifier la gestuelle des soldats, alors que les Indiens avaient procédé à de légères modifications pour adoucir les mouvements. Pour lui, la cérémonie de la « retraite » héritée du drill doit perdurer dans sa forme originelle, car elle est à la fois un élément identitaire de la population pakistanaise et surtout, désormais, une attraction touristique. Il conclut que la prétendue violence de la cérémonie a un très faible impact sur les relations bilatérales indo-pakistanaises22. Le débat se poursuit et les autorités pakistanaises, à l’image du lieutenant-colonel Tariq Janjua, considèrent même que la diminution de la dramaturgie gâcherait le spectacle alors que la foule vient pour la dimension démesurée du drill et non pour une simple parade s’achevant par la descente du drapeau et la fermeture de la frontière23. Les plus hauts dignitaires de l’État pakistanais, le Général major Javid Zia et le ministre de l’Information Tariq Azim, réaffirment cette idée, lors des rencontres avec leurs homologues indiens à New Delhi24. L’afflux croissant de touristes nationaux et internationaux justifie, alors, l’agressivité des soldats comme un élément du show.
21L’attrait du spectacle ne doit pas écarter la dimension idéologique du débat. Le refus pakistanais, s’inscrit dans la permanence du mythe colonial des races dites « martiales ». De cette théorie britannique a émergé l’idée de la supériorité du soldat musulman carnivore sur le soldat hindou végétarien25. Ce mythe reste très présent dans les esprits de la population et des officiers pakistanais et ce malgré plusieurs défaites face aux Indiens26. L’idée d’agressivité et de force des soldats musulmans est constitutive de l’ethos de l’armée pakistanaise. Elle est utilisée pour justifier la résistance du Pakistan à l’Inde, malgré le différentiel démographique entre les deux États (166 millions d’habitants au Pakistan contre 1.142 millions en Inde)27. Les Rangers de Wagah border grands, musculeux, au regard furieux, surnommés avec fierté « les fils de lions », doivent incarner la prétendue supériorité militaire devant l’armée indienne, pas tant pour impressionner les soldats indiens que pour rassurer le public pakistanais (Jaffrelot 2000 : 204-205). Le rituel doit donc conserver son agressivité.

22Cependant, sur place, les hommes qui manifestent le plus de ferveur patriotique et qui s’enflamment en hurlant des slogans, concluent toute discussion sur le sujet en disant que les tensions entre l’Inde et le Pakistan sont le fruit des gouvernements et surtout, pour les Indiens, de l’absence de démocratie au Pakistan. Wagah draine un public de plus en plus nombreux sans qu’il y ait de violences physiques, alors que le Pakistan et l’Inde sont régulièrement le lieu de violences communautaires. Les spectateurs de la cérémonie de la fermeture de la frontière, même lorsqu’ils exultent verbalement, restent pacifiques. La frontière n’est pas un lieu de conflit avec l’Autre, mais de confrontation à l’Autre pour construire son identité. La théâtralisation désamorce le conflit, par la reconnaissance de l’Autre dans sa différence (Sémelin 2005 : 444-445).

Les 14 et 15 août : cérémonie et contre-cérémonie à Wagah
23Les 14 et 15 août, jours des fêtes nationales respectivement du Pakistan et de l’Union indienne, sont des moments forts à Wagah. Le nombre des visiteurs bat des records. La levée du drapeau pakistanais à la frontière le 14 août est le symbole de la naissance du Pakistan, séparé de l’Union indienne. Wagah Border est un des lieux où « l’on doit être » pour fêter l’indépendance comme Lahore pour les Pakistanais et le Fort Rouge à New Delhi pour les Indiens.
24Wagah est, aussi, le lieu d’une autre cérémonie annuelle dont l’objectif est tout autre. Depuis le 14 août 1996, pour la 50e année de l’indépendance du Pakistan et de l’Inde, Kuldip Nayar, l’éditorialiste susmentionné, a décidé d’allumer des chandelles à minuit (Nayar 2003 : 208). Les chandelles restent allumées, à la frontière, toute la nuit, pour assurer une continuité symbolique entre les deux déclarations successives d’indépendance du Pakistan le 14 et de l’Union indienne le 15. À cette manifestation pour la paix et la réconciliation, ne participaient qu’une douzaine de personnes lors de la première expérience, alors qu’aujourd’hui, elle mobilise des centaines de milliers de personnes. La candlelight vigil (veillée aux chandelles) est désormais devenue un moment fort. Des associations, de part et d’autre de la frontière, de plus en plus nombreuses rallient le mouvement comme symbole de la paix possible entre l’Inde et le Pakistan. Elles associent aux chandelles des concerts associant musique moderne et de danse traditionnelle punjabie. Les participants scandent « Hindu-Pak Dosti Zindabad » (Longue vie à l’amitié indo-pakistanaise). Ils appellent à la fin de la politique des visas pour favoriser les liens directs entre les populations, pour en finir avec les affrontements par gouvernements interposés. Ce mouvement est fortement critiqué par les partisans indiens d’une politique dure vis-à-vis du Pakistan. Ils décrivent les porteurs de chandelles comme des doux rêveurs face à la violence et la dangerosité du Pakistan, pourvoyeur de guerre et de terrorisme. De même, les forces de sécurité des deux pays hésitent à laisser la population librement accéder au « point 0 ». Régulièrement, les gouvernements empêchent la manifestation ou en diminuent la portée symbolique. Par exemple, en 2004, si les Pakistanais sont autorisés à se rendre à la cérémonie de lever du drapeau le matin du 14 août, les autorités bloquent, dans la banlieue de Lahore, les individus désireux de gagner la frontière pour la veillée aux chandelles du soir, prétextant une menace terroriste islamiste. De son coté, la Border Security Force indienne préfère retenir les manifestants indiens à l’entrée de la zone douanière. Et même si certains militants pacifistes arrivent à passer les barrages, le Pakistan fait diffuser par les hauts-parleurs des chants coraniques pour couvrir leurs slogans prônant l’amitié entre l’Inde et le Pakistan28.
25Pour le soixantième anniversaire de l’indépendance, 2007 devait être un moment exceptionnel. Deux associations « Routes 2 Roots29 » et « Friends without Borders30 », qui multiplient les liens entre les populations des deux États, envisagent un immense concert « Dil se Dil (Heart to heart) : Independance Day Friendship Celebration » commun, de part et d’autre de la frontière. Il devait commencer le 14 août à 23h et s’achever le 15 à 12h30, pour faire vivre symboliquement la continuité entre les deux déclarations d’indépendance. Ce concert géant, financé par des multinationales comme Nokia, devait être retransmis en direct sur la télévision indienne et pakistanaise. Des stars du Bollywood, des joueurs de cricket et des chanteurs étaient attendus pour ce moment exceptionnel. L’association « Routes 2 Roots » voulait que la cérémonie montre qu’Indiens et Pakistanais participent d’une même humanité, dansent sur les mêmes chansons, idéalisent les mêmes stars et pratiquent les mêmes sports. Cependant, au dernier moment, les autorités locales ont décidé d’interdire l’accès nocturne à la zone frontière pour des raisons de sécurité31, tenaillées par la peur des mouvements de foule32. Le projet a donc été annulé.

26Kuldip Nayar n’hésite pas à opposer la démarche des deux cérémonies médiatiques de Wagah que sont la descente du drapeau et la veillée aux chandelles. Pour lui, la première est étroitement encadrée par les institutions, dont l’armée, en évitant tout contact direct entre les populations, alors que la seconde appelle à la réconciliation directe entre les individus33. Cette opposition est en fait beaucoup plus profonde et révèle deux courants qui animent le sous-continent depuis 1947. En effet, la société reste divisée entre les partisans du rêve de la réconciliation et les partisans de la théorie des deux nations (Jaffrelot 2000 : 231). À la cérémonie nationaliste orchestrée par l’armée et l’État, la « candlelight vigil » oppose une logique transnationale qui dépasse la politique des États et s’appuie sur une société civile mondiale, soutenue par des ONG et des multinationales. La « candlelight vigil » nie la frontière en s’appuyant sur des valeurs mondiales présentées comme plus légitimes que celles de la nation. De ce fait, elle n’est pas seulement jugée comme une manifestation de doux rêveurs, mais comme une force subversive à même de remettre en question les constructions politiques nationales. L’argument du mouvement de foule franchissant la frontière sans passer par le filtre institutionnel des visas n’est pas un alibi fallacieux pour interdire le concert, mais traduit bel et bien la peur d’un acte symbolique fort qui serait médiatisé à l’échelle mondiale, remettant en question les logiques gouvernementales. Par conséquent, la manifestation est régulièrement entravée par les autorités indiennes et pakistanaises qui aujourd’hui s’abritent derrière le risque terroriste, dont la dimension imprévisible permet de justifier l’interdiction des grandes manifestations publiques.

27Il faut noter que cette contre-cérémonie ne diminue pas l’aura de la descente des drapeaux, bien au contraire, elle la renforce. Les deux événements ont un effet cumulatif générant une aura toujours plus grande du poste-frontière et attirant un public de plus en plus nombreux.

Le tourisme : une première étape vers la normalisation des relations indo-pakistanaises

28La résonance nationale de Wagah Border ne doit pas occulter les enjeux régionaux. En effet, le projet a été porté en premier par l’État du Punjab et surtout par l’élite économique et administrative de la ville d’Amritsar dont de nombreux membres de la communauté sikhe (Foucher 1991 : 332). Cette minorité religieuse, concentrée dans le Punjab, a souffert de la partition qui l’a obligée à quitter le Punjab pakistanais et l’a coupée de lieux de cultes comme le lieu de naissance du guru Nanak. Après avoir réclamé le fractionnement de l’État du Punjab pour disposer d’un État sikh plus autonome, à la fin des années 1970, les ultranationalistes sikhs sont entrés en guerre avec le gouvernement fédéral de New Delhi pour créer un État indépendant, le Khalistan34. Battus, aujourd’hui, ils laissent la place à un nouveau mouvement sikh désireux de s’ouvrir sur le Pakistan. Il veut redonner au Punjab sa dimension d’espace charnière, et ainsi relancer le développement économique de la région, mis à mal par les années de conflits.
29Dans ce nouveau contexte, le département du tourisme d’Amritsar désire jouer un rôle-clef et insiste sur les multiples dimensions de la cérémonie. Si effectivement, la médiatisation de la cérémonie permet d’augmenter la fréquentation touristique de la région et surtout le nombre de nuitées passées dans la ville, en mettant en scène une activité nocturne qui s’achève à 19h30 et qui oblige, ainsi, les touristes à dormir à Amritsar, elle a aussi des objectifs politiques. L’administration revendique la dimension nationaliste de la cérémonie. Elle la présente comme un moment d’éducation à la citoyenneté, avec l’exaltation des symboles nationaux, et de civisme, par le respect des institutions et du public pakistanais. L’animateur indien s’assure que les éventuelles insultes ou slogans hostiles soient couverts par la voix de la foule scandant « longue vie à l’Inde ». Alors, la cérémonie joue un rôle fondamental dans la politique nouvelle de réconciliation entre l’Union indienne et le Pakistan. Les responsables du département du tourisme espèrent modifier en profondeur la vision qu’ont les Indiens du Pakistan, par l’accueil d’un public de plus en plus diversifié, venant de toute l’Inde et surtout du Sud35. Ils veulent substituer à la représentation de la frontière-front d’où émergeraient régulièrement la guerre et le terrorisme, celle d’une frontière contrôlée où deux peuples proches et respectables peuvent se rencontrer. De ce fait, pour ces Punjabis, le tourisme de masse à Wagah est essentiel à la construction d’un premier dialogue avec le Pakistan, en permettant à la population indienne d’entrer, même de manière lointaine et extrêmement contrôlée, en contact avec la population pakistanaise et ainsi de la dédiaboliser. Ils insistent sur la dimension binationale de la cérémonie et sur la coordination des deux forces armées, prouvant qu’Indiens et Pakistanais peuvent travailler ensemble quotidiennement et sans heurts. Nombreux sont ceux qui concluent sur le fait que, la nuit venue, les soldats ne respecteraient pas la frontière et vont manger et boire ensemble. Ils espèrent ainsi que l’opinion publique nationale de l’Inde devienne plus favorable à la réouverture progressive de la frontière à un trafic de marchandises plus intense. Certains avancent même l’espoir de mettre en place progressivement une zone de libre-échange avec le Pakistan, idée encore assez impopulaire à l’échelle nationale36.

30Le 1er novembre 2007, une première étape a été franchie avec l’autorisation donnée aux camions préalablement enregistrés de traverser la frontière avec pour objectif d’atteindre un trafic de 200 camions par jour. L’État du Punjab et la ville d’Amritsar envisagent désormais la création d’une vaste zone commerciale qui accueillerait les camions le jour et les touristes le soir. Parallèlement, pour accélérer les échanges et la libre circulation des individus, l’État du Punjab espère l’implantation d’un consulat du Pakistan à Amritsar, habilité à délivrer des visas pour la population et surtout pour les pèlerins sikhs. La cérémonie est aujourd’hui présentée comme une première étape de la reconnaissance internationale de deux nations qui peuvent dépasser leurs conflits antérieurs et devenir des partenaires économiques et politiques. Certains décideurs punjabis espèrent la généralisation des partenariats internationaux dans le cadre d’une nouvelle association d’États, comme la SAFTA (South Asia Free Trade Association) créée en 2004, et ainsi recréer une aire de développement économique internationale transfrontalière, sur les vestiges du Punjab d’avant 1947, sans remettre en question l’idée des deux nations (Jaffrelot 2000 : 232)

Conclusion
31Wagah Border est un haut lieu des relations indo-pakistanaises qui porte en lui à la fois la mémoire de la violence des massacres communautaires de 1947 et le quotidien des conflits frontaliers. Cette dimension symbolique forte est renforcée par la cérémonie quotidienne de descente des drapeaux. Gouvernements fédéraux, gouvernements régionaux, armées, partis politiques, intellectuels, associations transnationales, investissent ce lieu pour légitimer des discours sur les relations indo-pakistanaises. Malgré leurs points de vue divergents, voire opposés, ils dotent Wagah Border d’une résonance grandissante et renforcent son attractivité touristique. Or, la mise en tourisme de la frontière transforme la symbolique de la cérémonie. L’agressivité des soldats devient une composition d’acteurs, le nationalisme, un jeu. La théâtralisation rapproche la cérémonie du show et l’écarte de la guerre. Ceci est renforcé par la dimension journalière, donc répétitive, de cet affrontement symbolique entre deux armées, sans vaincu et sans vainqueur, sous les acclamations d’une foule en liesse. Dès lors, le face-à-face des touristes indiens et pakistanais permet d’attester de la partition et de légitimer les institutions incarnées par les deux armées et les deux drapeaux. Il est une première étape de la reconnaissance de l’Autre, avec ses spécificités. Cette étape est indispensable à la normalisation des relations internationales. Par conséquent, ce tourisme de masse, même s’il se fait autour des symboles de la nation, est un élément de pacification du lieu. Il permet de convertir un espace de conflit en un espace de conciliation. Il dépasse les débats idéologiques et instaure les conditions d’une première rencontre, certes limitée, mais réelle. De plus, il prépare le passage d’une gestion purement politique de la frontière à une gestion plus économique, en générant de nouveaux flux et de nouvelles activités (Brunel 2006 : 257). Enfin, il permet de concilier enjeux nationaux et développement régional, surtout dans une démocratie où la prise de décision passe par l’adhésion des masses et la sensibilisation des décideurs.

Bibliographie

1 Ces chiffres ne sont que des estimations, la cérémonie étant gratuite, les visiteurs n
4En quelques années, la cérémonie de Wagah est devenue une destination incontournable du tourisme national. Les jours de fête nationale, l’office du tourisme d’Amritsar estime que plus de 12.000 visiteurs indiens assistent à la cérémonie. Désormais, chaque année, près de deux millions de touristes viendraient à la frontière1. La réussite d’un tel lieu et l’engouement populaire qu’ils suscitent dans toute l’Inde et dans tout le Pakistan est le fruit d’une accumulation de phénomènes (Equipe MIT 2005 : 8-9).

2 Pour en prendre la mesure, il suffit de se rendre au monument aux morts de Chandigarh qui rend ho (…)
5Wagah serait noyée dans l’immensité de la plaine punjabie, entrecoupée des seuls canaux d’irrigation, si la distinction entre les deux Punjab, l’État indien et la province pakistanaise, n’était pas marquée spatialement par une double clôture barbelée électrifiée (Foucher 1991 : 299). Née dans la douleur de la partition, la frontière Indo-pakistanaise reste une zone de conflits constants. Du Gujarat au Siachen, elle reste très fortement militarisée et le lieu d’affrontements plus ou moins violents. La dernière guerre dite « de Kargil » qui a eu lieu 1999 n’a pas mis fin aux multiples accrochages. La frontière, surtout le long du Cachemire, reste un lieu où meurent régulièrement des soldats2.

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5 Cette ville du Punjab pakistanais est le lieu de naissance de Guru Nanak, prophète de la religion (…)
6 Les entrepreneurs punjabis indiens spécialisés dans l’industrie mécanique regrettent de ne pas po (…)
6Or, Wagah est unique, c’est l’un des deux seuls Joint Check Point3 ouverts à la circulation des nationaux et des internationaux. La frontière est sous l’autorité des forces de sécurité de 16h à 8h, des Custom Department et Immigration Department de 8h à 16h. Jusqu’en novembre 2007, la circulation journalière restait très faible avec moins de cinq véhicules et à peine 75 personnes composées pour moitié d’Indiens et de Pakistanais, et pour moitié de touristes étrangers. En 2007, ce point de passage ne voyait transiter que 5% des échanges entre l’Inde et la Pakistan, soit moins de deux millions de roupies par an4. Les individus doivent être munis de visas obtenus à New Delhi ou à Islamabad, souvent après une attente de plusieurs jours. Le passage des véhicules indiens ou pakistanais était interdit, mis à part le bus Delhi/Lahore, qui passe quatre fois par semaine (deux aller-retour), et ceux des pèlerins sikhs indiens se rendant Nankana Sahib5. Avant le 1er novembre 2007, les camions étaient obligés de décharger leur marchandise, composée de fruits et de légumes, qui étaient portées par des dizaines de coolies sur les centaines de mètres séparant les deux bureaux des douanes indiennes et pakistanaises. L’essentiel du commerce entre Amritsar et Lahore se fait via les ports de Bombay et de Karachi6.

7 Cette dimension symbolique se retrouve dans les titres de livres.
7La faiblesse numérique des passages de personnes et de marchandises ne doit pas cacher la forte résonance symbolique de Wagah Border. Point de passage terrestre, il incarne les relations entre le Pakistan et l’Union indienne. Il est régulièrement le lieu de gestes politiques bilatéraux entre les deux gouvernements. Ces actions sont alors largement couvertes par les médias. Wagah est un terme qui évoque, pour les nationaux, les relations entre l’Inde et le Pakistan7.

8 “India to free 72 Pakistani prisoners”, Daily Times, Tuesday, August 14, 2007.
8Ainsi, c’est le lieu de l’organisation des échanges de prisonniers indiens et pakistanais, civils ou militaires, capturés pour violation du territoire. Le 14 août 2007, l’Inde a libéré 72 Pakistanais, dont 48 pêcheurs arraisonnés dans les eaux territoriales indiennes, alors que le Pakistan renvoyait 134Indiens, dont 100 pêcheurs. L’échange avait été préparé plusieurs semaines à l’avance, pour symboliquement correspondre au 60e anniversaire de l’indépendance des deux États8.

9 Cependant, ce discours d’intentions a été immédiatement remis en question par la guerre de Kargil (…)
9Mais c’est surtout en février 1999 que Wagah a pris une nouvelle dimension. Le Premier ministre indien Atal Bihari Vajpayee décide de se rendre au Pakistan via « Wagah Border », en bus, pour inaugurer la ligne Delhi-Lahore, avec 22 parlementaires indiens. Ce trajet terrestre, qui est aujourd’hui ouvert à la population, est le symbole d’une tentative de normalisation des relations indo-pakistanaises. Entre Amritsar à Wagah, les Indiens s’étaient massés pour l’occasion le long de la route formant une immense haie d’honneur de près de 35 km. Le bus transportant le Premier ministre s’était arrêté à la frontière, puis était reparti alors que les Pakistanais se sont regroupés tout le long des 26 km qui séparent Wagah de Lahore. Pour l’éditorialiste et parlementaire indien Kuldip Nayar, cet événement a montré l’union possible des deux États autour d’une même chaîne humaine continue de 51 km (Nayar 2003 : 210). Le voyage s’était achevé le 20 février 1999 par la déclaration de Lahore qui entend rétablir des liens d’amitiés basés sur le commerce et la dénucléarisation de la région9.

10Wagah est donc un lieu de la géographie mentale nationale, qu’elle soit pakistanaise ou indienne. D’ailleurs, alors que Wagah est le nom du village pakistanais, il supplante dans les deux États celui d’Attari, qui est le nom du village indien. Cette résonance est suffisante pour en faire un lieu de tourisme de frontière, où l’on vient à la fois commémorer une histoire, voir l’iconographie de la frontière avec ses fortifications, ses administrations, ses drapeaux et ses soldats, et observer un territoire à la fois proche et inaccessible (Gelbman 2008 : 201-202). L’attractivité du lieu est renforcée par la présence de forces paramilitaires qui, chaque soir, sonnent la retraite et organisent la descente simultanée des drapeaux. Elles dotent ainsi Wagah d’un moment où se déroule une action unique. Le lieu n’est plus seulement un point de contact sur la frontière, il est un lieu où est orchestré un rituel journalier autour de deux éléments emblématiques de la nation : l’armée qui la défend et le drapeau qui la représente.

10 The show of anger and determination”, Daily Times, Mardi 29 mai 2003.
11 Le drapeau indien est réglementé dès 1950 par le “Emblems and Names (Prevention of Improper Use) (…)
11Les discours sur l’origine de la cérémonie sont variés. Cependant, tous les interlocuteurs lui donnent une profondeur historique, liée à un grand moment des relations indo-pakistanaises. Pour certains, elle daterait de la partition en 194710; selon l’office du tourisme du Punjab de 1949, elle aurait été instaurée au moment du cessez-le-feu sous l’égide de l’ONU permettant la création de la frontière et des Joint Check Points; enfin pour les officiers de la Border Security Force, elle aurait été instituée suite à la guerre indo-pakistanaise de 1965, en même temps que la création de leur unité spécialisée dans la surveillance de la frontière. Dans son organisation, elle est fortement liée au statut très spécifique du drapeau national indien dont l’usage est réglementé par un code, le Prevention of Insults to National Honour Act de 1971, amendé en 200311. Le drapeau pakistanais, dont l’usage est beaucoup moins réglementé, intègre cependant les règles du drapeau indien à la frontière, où il ne peut pas apparaître comme inférieur. Par conséquent, les deux drapeaux sont descendus simultanément, dans une forme de concurrence symbolique où chaque nation doit rester toujours au même niveau que l’autre. En même temps, les deux forces de sécurité mettent en scène « la retraite » selon les codes du drill, le code hérité de l’armée britannique. Le geste doit être vif, voire violent et claquer aux ordres d’une voix forte et cinglante. De ce fait, le rite de descente du drapeau devient un théâtre pour exacerber le face-à-face entre les deux nations.

Venir à Wagah Border pour vivre la nation et attester de la partition
12Si la cérémonie est ancienne de plusieurs dizaines d’années, elle est restée peu médiatisée avant les années 2000. Cependant, l’afflux croissant de spectateurs favorise l’émergence de nouvelles pratiques. À la descente des drapeaux est par exemple ajouté un long prologue patriotique au cours duquel les foules, incarnant les nations, investissent l’espace de la frontière.

13La frontière, comme point de contact avec l’Autre, considéré parfois comme un adversaire voire un ennemi, permet de se mettre en scène. Ainsi, les touristes nationaux, qu’ils soient indiens ou pakistanais, vont à la fois observer et participer à la cérémonie. Cette double dimension est particulièrement visible dans le comportement adopté sur le moment et dans l’usage des images prises sur l’instant, puis montrées plus tard. Les visiteurs veulent à la fois être spectateurs et acteurs (Michel 2004 : 106). Wagah est un lieu qui se vit.

12 Le Punjab était une région multiconfessionnelle qui fut partagée entre l’Inde et le Pakistan, sel (…)
13 Dans les nombreuses vidéos mises en ligne sur internet, il est intéressant de noter les zooms rég (…)
14L’accès est donc ritualisé. Les visiteurs attendent sur la route goudronnée, devant les arches derrières les gradins, à la hauteur des monuments qui rappellent les massacres de 194712. Du coté pakistanais, la porte de la liberté commémore les morts musulmans sur les chemins de l’exil, du coté indien, une stèle noire est dressée au milieu de la route à la mémoire des Punjabis massacrés durant la partition. Vers 18h, les femmes puis les hommes sont invités à pénétrer sur le site, selon un chemin précis. Les forces de sécurité leur font longer la frontière, pour pouvoir photographier la borne qui marque le « point 0 » et toucher les portes qui séparent les deux États. Ce parcours fait entrer les touristes par la scène et leur permet surtout de voir, à quelques mètres de là, le peuple voisin avant de prendre place dans les gradins13. Les Rangers pakistanais imposent à la population une tenue longue et la séparation des sexes dans les gradins, avec les hommes à droite et les femmes à gauche, au nom du respect des règles de l’Islam. Les forces de sécurité indiennes réservent, elles, un espace aux femmes et aux VIP, pour les mettre à distance des éventuels débordements des groupes de jeunes hommes, souvent exaltés par la cérémonie. En effet, l’attente n’est pas muette et calme, mais bruyante et démonstrative. Les deux États diffusent, à grands renforts de haut-parleurs, des musiques patriotiques. Au Pakistan, l’hymne national est associé à des psalmodies du Coran et tout particulièrement la Chahâda. En Inde, sont mélangés hymne et chants patriotiques, dont certains sont tirés de films populaires de Bollywood. Si les deux foules scandent « longue vie à l’Inde » ou « longue vie au Pakistan », les Indiens sont invités à danser devant les gradins, créant une ambiance de liesse généralisée. Mais surtout, certains individus sont appelés à jouer un rôle particulier. Ils vont pouvoir manipuler le drapeau national sous le contrôle des forces de sécurité. Des deux cotés de la frontière, ces individus deviennent, momentanément, des allégories de la nation.

Bibliographie
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Gelbman, Alon, 2008. “BorderTourism in Israel: Conflict, Peace, Fear and Hope”, Tourism Geographies, 10 (2), pp. 193-213.

Halbwachs, Maurice, 1950. La mémoire collective. Paris : PUF.

Jaffrelot, Christophe,

2000. Le Pakistan. Paris : Fayard.

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2006. L’Inde contemporaine, de 1950 à nos jours. Paris : Fayard.

Michel, Franck, 2004. Désirs d’ailleurs. Essai d’anthropologie des voyages. Québec : Presses de l’université de Laval.

Nayar, Kuldip, 2003. Wall at Wagah: India-Pakistan Relation. New Delhi: Gyan Pub. House.

Nora, Pierre (dir.), 1984. Les lieux de mémoire. I. La République. Paris : Gallimard.

Sémelin, Jacques, 2005. Purifier et détruire. Les usages politiques des massacres et génocides. Paris : Seuil.

Tikekar, Maneeshar, 2004. Across the Wagah, an Indian Sejourn in Pakistan. New Delhi/New Jersey: Promilla and co./Publishers bibliophile South Asia.

Van Schendel, Willem, 2007. “The Wagah Syndrome: Territorial Roots of Contemporary Violence in South Asia”, in Basu, Amrita et Srirupa Roy (eds), Violence and democracy in India, pp. 36-82. Calcutta, New York, Londres: Seagull Books.

Zins, Max-Jean, 2005. « Rites publics et deuil patriotique. Les funérailles de la guerre indo-pakistanaise de 1999 », Archives des sciences sociales des religions, 131 (2005) – Varia, (En ligne), mis en ligne le 30 juin 2008. URL : http://assr.revues.org/document3258.html
DOI : 10.4000/assr.3258

Notes
1 Ces chiffres ne sont que des estimations, la cérémonie étant gratuite, les visiteurs ne sont pas systématiquement décomptés. Les officiers de la Border Security Force estiment la fréquentation au remplissage des gradins.

2 Pour en prendre la mesure, il suffit de se rendre au monument aux morts de Chandigarh qui rend hommage à tous les soldats punjabis tombés au combat. Cette double spirale de béton sur laquelle sont accrochées des plaques de marbre noir gravées, se termine par plusieurs mètres d’emplacements vides prévus pour accueillir tous les noms de ceux qui vont mourir lors des accrochages frontaliers futurs.

3 Les Joint Check Points ont été créés en 1949. Ce sont les points où les deux forces de sécurités indienne et pakistanaise sont en contact.

4 Le volume des échanges en 2006 était de 869 millions de dollars, in Taneja N., Trade Possibilities and Non-Tariff Barriers to Indo-Pak Trade, New-Delhi: ICRIER, 2007, 47 p.
Consultable en ligne. http://www.icrier.org/publication/WorkingPaperno200.pdf

5 Cette ville du Punjab pakistanais est le lieu de naissance de Guru Nanak, prophète de la religion sikhe.

6 Les entrepreneurs punjabis indiens spécialisés dans l’industrie mécanique regrettent de ne pas pouvoir écouler leurs produits directement sur le marché du Punjab pakistanais, pourtant fortement demandeur.

7 Cette dimension symbolique se retrouve dans les titres de livres.

8 “India to free 72 Pakistani prisoners”, Daily Times, Tuesday, August 14, 2007.

9 Cependant, ce discours d’intentions a été immédiatement remis en question par la guerre de Kargil planifiée à peine deux semaines après la déclaration commune par l’armée pakistanaise et entamée en mai 1999, dès la fonte des neiges.

10 The show of anger and determination”, Daily Times, Mardi 29 mai 2003.

11 Le drapeau indien est réglementé dès 1950 par le “Emblems and Names (Prevention of Improper Use) Act” qui est complété en 1971 par le “Prevention of Insults to National Honour Act”. Le “Flag Code of India” applicable à partir du 26 janvier 2002 répond à la demande sociale d’usage individuel du drapeau, précédemment proscrite en dehors des fêtes nationales, suite à la pétition présentée par l’industriel Naveen Jindal à la Haute cour de Delhi.

12 Le Punjab était une région multiconfessionnelle qui fut partagée entre l’Inde et le Pakistan, selon des critères religieux. L’Ouest devenait musulman, tandis que l’Est devenait sikh et hindou. Les transferts de populations furent accompagnés de violences extrêmes qui ont accéléré les exodes contraints et le processus de recomposition religieuse.

13 Dans les nombreuses vidéos mises en ligne sur internet, il est intéressant de noter les zooms réguliers sur le public adverse. Certains aiment à s’attarder sur des visages comme pour humaniser une foule qui vocifère des slogans.

14 Tout usage détourné est condamné. The Prevention of Insults to National Honour Act, section III, partie A, article v, 1971.

15 Baba Mehar gets Rs 50.000 for patriotism”, Daily Times, Vendredi 6 avril 2007. L’umra est une visite à la Mecque qui peut se faire à tout moment à la différence du pèlerinage, elle ne fait pas partie des cinq piliers de l’islam et est souvent considérée comme supplémentaire ou préparatoire, elle efface les péchés de l’année

16 Pour Maneesha Tikekar, la culture pakistanaise veut se construire comme une contre-culture indienne et une « anti-performing culture » (Tikekar 2004 : 330).

17 Nous utilisons l’expression de Robert Reich pour designer ces acteurs mondialisés pouvant largement diffuser leurs interprétations et créer des représentations du Monde.

18 Ijaz-ul-Hassan M. , “The way it was: Other side of nationalism”, Daily Times, 11 juin 2003.

19 Ces anonymes ne bénéficient pas des mêmes médias pour diffuser leur point de vue.

20 AFP, “Ceremonial guard at India-Pakistan border ends in brawl”, Daily Times, 22 octobre 2002.

21 Gilani I., “Flag lowering at Wagah border : Pakistan, India decide to ‘reorient’ ceremony”, Daily Times, 7 avril 2004.

22 Khan S., “Rangers won’t tone down drill”, Daily Times, 13 novembre 2006.

23 “Crowds left cold as India leaves Wagah dramatic to Pakistan”, Reuters, 13 janvier 2007.

24 “Troops to keep up aggressive ritual at Wagah”, AFP, 18 février 2007.

25 Cette théorie permettait de justifier l’autorité des empires musulmans depuis le 12e siècle alors que les hindous étaient majoritaires.

26 La dernière défaite durant la guerre de Kargil en 1999 n’a jamais été officiellement reconnue.

27 Il est intéressant de noter que le service de recrutement de l’armée pakistanaise met en avant, sur son site internet, l’invincibilité des soldats alors que l’armée indienne insiste surtout sur la fraternité et le courage.

28 Ahmed S., Khan S., « Lahore the place to be on Aug 14 », Daily Times, 15 août 2004.

29 Cette association indienne basée à Delhi disposant d’une antenne au Pakistan est dirigée par l’indienne Amita Gupta et la pakistanaise Tina Vachani. Elle est soutenue par de nombreuses femmes qui veulent réconcilier les États du Sud asiatique et surtout le Pakistan et l’Inde comme l’ont été la RDA et la RFA. Elles organisent de multiples actions culturelles, des manifestations communes régulières et militent pour la création d’une zone économique de libre-échange entre les deux pays (voir http://www.routes2roots.com).

30 Cette association basée aux États-Unis organise un vaste échange de courriers entre les enfants pakistanais et indiens pour favoriser des contacts directs entre les nouvelles générations. http://www.friendswithoutborders.org

31 Manan A., “Thousands celebrate at Wagah”, Daily times, 15 août 2007.

32 Jaideep Sarin, “Gala India-Pakistan concert at Wagah called off”, IANS, 14 août 2007.

33 Http://kuldipnayar.com/Express/10August2006.htm

34 L’aventure se termine tragiquement par la prise d’assaut par l’armée du Temple d’or et l’assassinat quelques mois plus tard d’Indira Gandhi par ses gardes du corps sikhs en 1984 (Jaffrelot 2006 : 318).

35 Les officiels et les habitants d’Amritsar insistent sur le fait que la cérémonie soit, désormais, extrêmement populaire à l’échelle nationale. Ils mettent en avant la venue croissante d’Indiens vivant dans le Sud de la péninsule, sans pour autant être capables de donner des éléments statistiques.

36 Entretiens avec l’auteur, août 2007.

Voir également:

Le 14 août 1947, l’ancien territoire des Indes britanniques se divisait officiellement en deux états : la République islamique du Pakistan d’un côté, la République d’Inde de l’autre. Soixante-dix ans après, les tensions entre les deux États sont toujours aussi vives.

Frères ennemis liés par un passé colonial commun, le Pakistan et l’Inde ont un même anniversaire à célébrer. Il y a 70 ans, dans la nuit du 14 au 15 août 1947, le parlement britannique votait l’Indian Independance Bill, loi qui entérine la partition de l’ancien territoire des Indes britanniques en deux États séparés.

Conformément aux souhaits de la Ligue musulmane, parti politique créé en 1906 pour défendre les intérêts de la communauté musulmane face au parti du Congrès dominé par les hindous, le territoire est séparé en deux États distincts : d’un côté, l’Union indienne du mahatma Gandhi et de Jawaharlal Nehru, peuplé en majorité d’hindous ; de l’autre le Pakistan de Mohamed Ali Jinnah, peuplé en majorité de musulmans et lui-même divisé entre Pakistan occidental et Pakistan oriental, qui deviendra le Bangladesh en 1971.

À lire : Au Pakistan, le calvaire des minorités religieuses

Des millions de déplacés

À la veille de sa dissolution, l’empire britannique des Indes comptait 410 millions d’habitants dont 281 millions d’hindous, 115 millions de musulmans, 7 millions de chrétiens et 6 millions de Sikhs, le tout sur un territoire de 4 millions de kilomètres carrés.

Avec la scission, près de 17 millions de personnes seront déplacées, les musulmans fuyant vers le Pakistan, les Hindous et les Sikhs cherchant à l’inverse à rejoindre l’Inde. Les conflits religieux engendrés par la partition feront entre 200 000 et deux millions de morts.

De ce premier épisode sanglant, beaucoup de Pakistanais et d’Indiens gardent encore aujourd’hui un souvenir à vif. Nisar Akkhtar, statisticien pakistanais aujourd’hui à la retraite, vit à Karachi. Il avait six ans 1947. À l’époque, il vivait avec sa famille dans la région du Pendjab.

« J’ai vu des bébés, des enfants, des vieillards avec des lances plantées dans le corps. Ils gémissaient de douleur et je passais mon chemin en les évitant. Qu’aurais-je pu faire ? Les gens titubaient de douleur et réclamaient de l’eau en criant… Mais on se battait tous pour notre propre vie », se souvient cet homme de confession musulmane.

Nisar et sa famille réussiront à fuir mais avant de trouver refuge dans un camp de réfugiés, ils marcheront pendant 21 jours, au sein d’une colonne de milliers de personnes, régulièrement attaquée par les Sikhs. À la fin de ce premier conflit entre les deux jeunes États, 33 millions de musulmans resteront en Inde (10 % de la population), tous les autres ayant émigré vers le Pakistan.

Le Cachemire, épicentre des tensions

Soixante-dix ans après, l’Inde et le Pakistan se déchirent autour de la question du Cachemire. Chacun des deux États revendique le contrôle de la totalité de cette province peuplée à 80 % par des musulmans, dont chacun a « arraché » une partie : le nord pour le Pakistan, le sud pour les Indiens.

Malgré l’engagement pris par les Indiens de légaliser ce rattachement par référendum, ce scrutin n’a encore jamais eu lieu. Depuis plusieurs décennies, les frères ennemis se livrent à des affrontements sporadiques qui ont fait des milliers de victimes.

Ces échauffourées ont dégénéré en guerre totale en 1965. Tablant sur la faiblesse de l’Inde après sa défaite contre la Chine en 1962, l’armée pakistanaise lance alors des opérations de déstabilisation au Cachemire indien, aboutissant à un conflit ouvert qui fera plusieurs milliers de morts.

La troisième guerre indo-pakistanaise en 1971 n’a pas de lien direct avec le Cachemire. La révolte des indépendantistes du Pakistan oriental contre le Pakistan occidental et la terrible répression qui s’ensuit de la part de l’armée loyaliste, conduit l’Inde à intervenir militairement aux côtés des rebelles. Défaites, les troupes pakistanaises signent un cessez-le-feu et renoncent au Pakistan oriental qui devient indépendant sous le nom de Bangladesh.

En 1972, les accords de Shimla instaurent un statu quo sur la question du Cachemire autour d’une « ligne de contrôle » (LOC) de 740 kilomètres au tracé particulièrement arbitraire : il coupe en deux les montagnes et les forêts, scinde les villages et les rivières, divise la vallée et ses habitants.

Régulièrement, de nouveaux heurts meurtriers éclatent encore dans cette zone que les combattants pakistanais infiltrent dans le but de « libérer » le Cachemire indien. Eux-mêmes sont divisés entre les pro-indépendance et les partisans d’un rattachement du Cachemire au Pakistan.

Pour tenter de réduire ce qu’elle qualifie d’« infiltrations », l’Inde a fait construire en 2004 une double clôture électrifiée de 550 km de long sur son côté de la frontière. Aujourd’hui, le Cachemire est l’une des régions les plus militarisées au monde.

Salomé Parent

Tombeau des Patriarches: Vous avez dit orwellien ? (Between truthful lies and respectable murder, what first casualty of war ?)

12 juillet, 2017
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File:Cairn-clerheid-belgium.jpg - Wikimedia CommonsTomb of King Alyattes at Bin Tepe in Lydia, modern Turkey, built circa 560 BC. It is one of the largest tumuli ever built, with a diameter of 360 meters and a height of 61 meters.Popular Korean Royal TombsArchaeologists solve the mystery of the Great Pyramidhttps://external-preview.redd.it/yIVaTrq5VgF668Siedv9sRbGSlAsS2fNBhR22uH9y2g.png?auto=webp&s=f4cd06a11084fa35c63e7f67a1b62adcbfd9a289https://i0.wp.com/www.contre-info.com/wp-content/uploads/2017/07/sondage.jpg https://www.les-crises.fr/wp-content/uploads/2017/05/1er-tour-2017-2.jpg
Malheur à vous, scribes et pharisiens hypocrites! parce vous bâtissez les tombeaux des prophètes et ornez les sépulcres des justes et que vous dites: Si nous avions vécu du temps de nos pères, nous ne nous serions pas joints à eux pour répandre le sang des prophètes. Vous témoignez ainsi contre vous-mêmes que vous êtes les fils de ceux qui ont tué les prophètes. Jésus (Matthieu 23: 29-32)
Et tout Israël le lapida. On les brûla au feu, on les lapida, et l’on éleva sur Acan un grand monceau de pierres, qui subsiste encore aujourd’hui. Et l’Éternel revint de l’ardeur de sa colère. C’est à cause de cet événement qu’on a donné jusqu’à ce jour à ce lieu le nom de vallée d’Acor. L’Éternel dit à Josué (…) Vois, je livre entre tes mains le roi d’Aï et son peuple, sa ville et son pays. Tu traiteras Aï et son roi comme tu as traité Jéricho et son roi; (…) Josué brûla Aï, et en fit à jamais un monceau de ruines, qui subsiste encore aujourd’hui. Il fit pendre à un bois le roi d’Aï, et l’y laissa jusqu’au soir. Au coucher du soleil, Josué ordonna qu’on descendît son cadavre du bois; on le jeta à l’entrée de la porte de la ville, et l’on éleva sur lui un grand monceau de pierres, qui subsiste encore aujourd’hui. Alors Josué bâtit un autel à l’Éternel, le Dieu d’Israël, sur le mont Ébal. Josué 7: 25-26 – 8: 1-30
Jephthé fit un voeu à l’Éternel, et dit: Si tu livres entre mes mains les fils d’Ammon, quiconque sortira des portes de ma maison au-devant de moi, à mon heureux retour de chez les fils d’Ammon, sera consacré à l’Éternel, et je l’offrirai en holocauste. Jephthé marcha contre les fils d’Ammon, et l’Éternel les livra entre ses mains. (…) Jephthé retourna dans sa maison à Mitspa. Et voici, sa fille sortit au-devant de lui avec des tambourins et des danses. C’était son unique enfant; il n’avait point de fils et point d’autre fille. Dès qu’il la vit, il déchira ses vêtements, et dit: Ah! ma fille! tu me jettes dans l’abattement, tu es au nombre de ceux qui me troublent! J’ai fait un voeu à l’Éternel, et je ne puis le révoquer. Juges 11: 29-40
Ils (…) entrèrent dans un bourg des Samaritains, pour lui préparer un logement. Mais on ne le reçut pas, parce qu’il se dirigeait sur Jérusalem. Les disciples Jacques et Jean, voyant cela, dirent: Seigneur, veux-tu que nous commandions que le feu descende du ciel et les consume? Jésus se tourna vers eux, et les réprimanda, disant: Vous ne savez de quel esprit vous êtes animés. Car le Fils de l’homme est venu, non pour perdre les âmes des hommes, mais pour les sauver. Luc 9: 52-56
Si ton frère a péché, reprends-le; et, s’il se repent, pardonne-lui. Et s’il a péché contre toi sept fois dans un jour et que sept fois il revienne à toi, disant: Je me repens, tu lui pardonneras. Jésus (Luc 17: 3-4)
Père, pardonne-leur, car ils ne savent ce qu’ils font. Jésus (Luc 23: 34)
Pour expliquer cette coutume, on peut y voir un sous-produit des lapidations rituelles. Lapider une victime, c’est recouvrir son corps de pierre. Lorsqu’on jette beaucoup de pierres sur un vivant, non seulement il meurt mais ces pierres prennent tout naturellement la forme tronconique du « tumulus » qu’on retrouve, plus ou moins géométrisée, dans les pyramides sacrificielles ou funéraires de nombreux peuples. (…) le tombeau est inventé à partir du moment où la coutume de recouvrir les cadavres de pierres se répand en l’absence de toute lapidation. René Girard
Le tombeau, ce n’est jamais que le premier monument humain à s’élever autour de la victime émissaire, la première couche des significations, la plus élémentaire, la plus fondamentale. Pas de culture sans tombeau, pas de tombeau sans culture. A la limite, le tombeau est le premier et seul symbole culturel. René Girard
On ne veut pas savoir que l’humanité entière est fondée sur l’escamotage mythique de sa propre violence, toujours projetée sur de nouvelles victimes. Toutes les cultures, toutes les religions, s’édifient autour de ce fondement qu’elles dissimulent, de la même façon que le tombeau s’édifie autour du mort qu’il dissimule. Le meurtre appelle le tombeau et le tombeau n’est que le prolongement et la perpétuation du meurtre. La religion-tombeau n’est rien d’autre que le devenir invisible de son propre fondement, de son unique raison d’être. Autrement dit, l’homme tue pour ne pas savoir qu’il tue. (…) Les hommes tuent pour mentir aux autres et se mentir à eux-mêmes au sujet de la violence et de la mort. René Girard
Nous avons à notre gauche ce qu’on nomme le tombeau de l’Ermite. C’est un amoncellement de pierres où chaque passant jette de nouveaux matériaux. Que recouvre ce tumulus alpestre ? Je l’ignore. Suivons la tradition, jetons notre pierre sur le tas, ne serait ce que pour déblayer un peu le sentier et continuons. Un sacré archaïque revient au détour d’un rituel de la marche. Cette « tradition » qu’il faut suivre rejoue une scène de lapidation. Le souvenir de l’Ermite est maintenu dans la mémoire des randonneurs grâce à la pierre qu’il jette sur le monticule en passant. l’Ermite n’est saint que de recevoir ces cailloux. Il n’a pas d’autre réalité. Mais elle est spirituelle. Il est le dernier esprit totémique du lieu. La montagne est un gigantesque cairn. Chaque promeneur pour peu qu’il soit du pays, y renoue avec son origine, partageant son être propre avec l’esprit dormant dans ces pierres. Benoit Chantre
Montjoie (…) le cri d’armes des guerriers francs apparaît bien comme le nom de l’Ancêtre divinisé, qu’ils appelaient à la rescousse dans leur langue. (…) Le lieu dit la Monjoie dans la Plaine Saint-Denis occupe l’emplacement du tumulus de l’ancêtre tutélaire des Gaulois, adopté par les Francs et nommé par eux *Mundgawi. (…) Munjoie! est l’aboutissement en roman du francique *Mundgawi, qui signifie « Protège-pays ». Le mot, quatorze fois répété dans la première version du Roland (entre 1125 et 1150), remonte à un passé plus lointain et à une version antérieure de la Chanson (XIe siècle). (…) Möns Gaudii est la traduction en latin de Munjoie que Homophonie orienta vers le sens de « Mont (de la) joie ». Il est probable que la christianisation du tumulus par le martyre de saint Denis facilita cette évolution sémantique. Elle dut intervenir au IXe siècle, après quHilduin eut écrit les Areopagitica. (…) Au Xe siècle, les pèlerins et croisés français se servirent, par analogie, de ce nom célèbre et familier pour désigner les hauteurs voisines des lieux saints, à Jérusalem, à Rome, à Compostene, etc.; puis d’autres hauteurs, un peu partout en France et à l’étranger, le reçurent également. En tant que toponyme Morts Gaudii est attesté dès la fin du Xe siècle et Monjoïe à partir de la fin du XIIe siècle. (…) Devenu nom commun, montjoie fut appliqué à des tas de pierres, à des éminences, à des croix, qui servaient de repères routiers, et, plus tardivement, aux petits monuments chrétiens élevés en bordure des chemins, qui, tous, avaient un rôle de protection. Cette diffusion, impossible à suivre avec précision dans l’espace et le temps, eut lieu à partir du XIIe siècle. (…) Montjoie est un terme spécifique, dont l’origine est bien datée et localisée et dont l’évolution sémantique est justifiée. La longue durée du cri de guerre, la vaste diffusion géographique du toponyme et la multitude des significations du nom commun, bref : le succès du mot montjoie, s’explique par l’importance historique du nom propre qui en est le point de départ. Anne Lombard-Jourdan
Le monde moderne n’est pas mauvais : à certains égards, il est bien trop bon. Il est rempli de vertus féroces et gâchées. Lorsqu’un dispositif religieux est brisé (comme le fut le christianisme pendant la Réforme), ce ne sont pas seulement les vices qui sont libérés. Les vices sont en effet libérés, et ils errent de par le monde en faisant des ravages ; mais les vertus le sont aussi, et elles errent plus férocement encore en faisant des ravages plus terribles. Le monde moderne est saturé des vieilles vertus chrétiennes virant à la folie.  G.K. Chesterton
La première victime d’une guerre, c’est toujours la vérité. Eschyle
Comme une réponse, les trois slogans inscrits sur la façade blanche du ministère de la Vérité lui revinrent à l’esprit. La guerre, c’est la paix. La liberté, c’est l’esclavage. L’ignorance, c’est la force. 1984 (George Orwell)
La liberté, c’est la liberté de dire que deux et deux font quatre. Lorsque cela est accordé, le reste suit. George Orwell (1984)
Il est des idées d’une telle absurdité que seuls les intellectuels peuvent y croire. George Orwell
Les intellectuels sont portés au totalitarisme bien plus que les gens ordinaires. George Orwell
Le langage politique est destiné à rendre vraisemblables les mensonges, respectables les meurtres, et à donner l’apparence de la solidité à ce qui n’est que vent. George Orwell
Parler de liberté n’a de sens qu’à condition que ce soit la liberté de dire aux gens ce qu’ils n’ont pas envie d’entendre. George Orwell
Nous avons si peu, nous Français, le sentiment d’être en guerre que la mort de quelques soldats d’élite en Afghanistan fait moins de bruit qu’un caillassage de CRS. François-Bernard Huyghe
Une autre décision délirante de l’Unesco. Cette fois-ci, ils ont estimé que le tombeau des Patriarches à Hébron est un site palestinien, ce qui veut dire non juif, et que c’est un site en danger. Pas un site juif ? Qui est enterré là ? Abraham, Isaac et Jacob. Sarah, Rebecca, et Léa. Nos pères et nos mères (bibliques). Benjamin Netanyahou
Au nom du gouvernement du Canada, nous souhaitons présenter nos excuses à Omar Khadr pour tout rôle que les représentants canadiens pourraient avoir joué relativement à l’épreuve qu’il a subie à l’étranger ainsi que tout tort en résultant. Ralph Goodale et Chrystia Freeland
Ça n’a rien à voir avec ce que Khadr a fait, ou non. Lorsque le gouvernement viole les droits d’un Canadien, nous finissons tous par payer. La Charte protège tous les Canadiens, chacun d’entre nous, même quand c’est inconfortable. Justin Trudeau
Même si je vais devoir quitter mon poste, je ne compromettrai pas le salaire d’un martyr (Shahid) où d’un prisonnier, car je suis le président de l’ensemble du peuple palestinien, y compris les prisonniers, les martyrs, les blessés, les expulsés et les déracinés. Mahmoud Abbas
Je sais votre engagement constant en faveur de la non-violence. Emmanuel Macron
Voulez-vous devenir une vedette dans la presse algérienne arabophone? C’est facile. Prêchez la haine des Juifs […]. Je suis un rescapé de l’école algérienne. On m’y a enseigné à détester les Juifs. Hitler y était un héros. Des professeurs en faisaient l’éloge. Après le Coran, Mein Kampf et Les Protocoles des sages de Sion sont les livres les plus lus dans le monde musulman.  Karim Akouche
Après le mois sacré, les imams sont épuisés et doivent se reposer. Ils n’ont que le mois de juillet ou d’août pour le faire. Ce moment est très mal choisi pour la marche. Fathallah Abdessalam (conseiller islamique de prison belge)
65 % des Français estiment ainsi qu’« il y a trop d’étrangers en France », soit un niveau identique à 2016 et pratiquement constant depuis 2014. Sur ce point au moins, le clivage entre droites et gauches conserve toute sa pertinence : si 95 % des sympathisants du Front national partagent cette opinion, ils sont presque aussi nombreux chez ceux du parti Les Républicains (83 %, + 7 points en un an) ; à l’inverse, ce jugement est minoritaire chez les partisans de La France insoumise (30 %), du PS (46 %) et d’En marche ! (46 %). De même, les clivages sociaux restent un discriminant très net : 77 % des ouvriers jugent qu’il y a trop d’étrangers en France, contre 66 % des employés, 57 % des professions intermédiaires et 46 % des cadres. Dans des proportions quasiment identiques, 60 % des Français déclarent que, « aujourd’hui, on ne se sent plus chez soi comme avant ». Enfin, 61 % des personnes interrogées estiment que, « d’une manière générale, les immigrés ne font pas d’efforts pour s’intégrer en France », même si une majorité (54 %) admet que cette intégration est difficile pour un immigré. L’évolution du regard porté sur l’islam est tout aussi négative. Seulement 40 % des Français considèrent que la manière dont la religion musulmane est pratiquée en France est compatible avec les valeurs de la société française. Ce jugement était encore plus minoritaire en 2013 et 2014 (26 % et 37 %), mais, de manière contre-intuitive, il avait fortement progressé (47 %) au lendemain des attentats djihadistes de Paris en janvier 2015. Depuis, il s’est donc à nouveau dégradé. Le Monde
“Comme des millions de gens à travers le globe ces dernières années, les deux auteurs ont attaqué le colonialisme et le système capitaliste et impérialiste. Comme beaucoup d’entre nous, ils dénoncent une idéologie toujours très en vogue : le racisme, sous ses formes les plus courantes mais aussi les plus décomplexées”, expliquaient-ils, en exigeant l’abandon des poursuites engagées à la suite d’une plainte de l’Agrif. (…) Renaud, Saïdou et Saïd Bouamama ont choisi d’assumer leur “devoir d’insolence” afin d’interpeller et de faire entendre des opinions qui ont peu droit de cité au sein des grands canaux de diffusion médiatique.” Pétition signée par Danièle Obono (porte-parole de JL Mélenchon)
Faisons du défi migratoire une réussite pour la France. Anne Hidalgo
Aucun principe de droit international n’oblige les Français déjà surendettés, à hauteur de plus de 2000 milliards, à financer par leurs impôts et leurs cotisations sociales des soins gratuits pour tous les immigrés illégaux présents sur notre sol… en 2016, l’octroi du statut de demandeur d’asile est devenu un moyen couramment utilisé par des autorités dépassées pour vider les camps de migrants, à Paris bien sûr, mais aussi par exemple, à Calais, dans la fameuse «jungle» qui, avant son démantèlement, comptait environ 14 000 «habitants». Ces derniers, essentiellement des migrants économiques, ont été qualifiés de réfugiés politiques dans l’unique but de pouvoir les transférer vers d’autres centres, dénommés CAO ou CADA en province. De telles méthodes relèvent d’une stratégie digne du mythe de Sisyphe: plus ils sont vidés, plus ils se remplissent à nouveau… Pierre Lellouche
Madame Hidalgo prétend vouloir améliorer l’intégration des nouveaux migrants. Ses amis n’ont pas réussi en deux décennies à intégrer des populations culturellement et socialement plus aisément intégrables. À aucun moment Anne Hidalgo n’a eu le mauvais goût d’évoquer la question de l’islam. Madame Hidalgo n’aurait pas songé à demander aux riches monarques du golfe, à commencer par celui du Qatar, à qui elle tresse régulièrement des couronnes, de faire preuve de générosité à l’égard de leurs frères de langue, de culture et de religion. Madame le maire n’est pas très franche. Dans sa proposition, elle feint de séparer les réfugiés éligibles au droit d’asile et les migrants économiques soumis au droit commun. Elle fait semblant de ne pas savoir que ces derniers pour leur immense majorité ne sont pas raccompagnés et que dès lors qu’ils sont déboutés , ils se fondent dans la clandestinité la plus publique du monde. (…) À la vérité, c’est bien parce que les responsables français démissionnaires n’ont pas eu la volonté et l’intelligence de faire respecter les lois de la république souveraine sur le contrôle des flux migratoires , et ont maintenu illégalement sur le sol national des personnes non désirées, que la France ne peut plus se permettre d’accueillir des gens qui mériteraient parfois davantage de l’être. Qui veut faire l’ange fait la bête. Mais le premier Français, n’aura pas démérité non plus à ce concours de la soumission auquel il semble aussi avoir soumissionné. C’est ainsi que cette semaine encore, le président algérien a, de nouveau, réclamé avec insistance de la France qu’elle se soumette et fasse repentance . Cela tourne à la manie. La maladie chronique macronienne du ressentiment ressassé de l’Algérie faillie. À comparer avec l’ouverture d’esprit marocaine. En effet, Monsieur Bouteflika a des circonstances atténuantes. Son homologue français lui aura tendu la verge pour fouetter la France. On se souvient de ses propos sur cette colonisation française coupable de crimes contre l’humanité. Je n’ai pas noté que Monsieur Macron, le 5 juillet dernier, ait cru devoir commémorer le massacre d’Oran de 1962 et le classer dans la même catégorie juridique de droit pénal international. Il est vrai que ce ne sont que 2000 Français qui furent sauvagement assassinés après pourtant que l’indépendance ait été accordée. (…) Au demeurant, Monsieur Macron a depuis récidivé: accueillant cette semaine son homologue palestinien Abbou Abbas, il a trouvé subtil de déclarer: «l’absence d’horizon politique nourrit le désespoir et l’extrémisme» . Ce qui est la manière ordinaire un peu surfaite d’excuser le terrorisme. À dire le vrai, le président français, paraît-il moderne, n’a cessé de trouver de fausses causes sociales éculées à ce terrorisme islamiste qui massacre les Français depuis deux années. Gilles-William Goldnadel
L’indifférence apparente des Français à la situation peut sembler étrange, s’assimiler à du déni, à la volonté de ne pas voir. Elle peut aussi se comprendre comme une stratégie de survie analogue à ce qui se passe depuis de nombreuses années en Israël. Les terroristes et leurs alliés wahabites, salafistes ou frères musulmans espéraient non seulement semer la mort mais tétaniser les populations, tarir les foules dans les salles de spectacle, les restaurants, nous contraindre à vivre comme dans ces pays obscurantistes dont ils se réclament. Or c’est l’inverse : les Français continuent à vivre presque comme d’habitude, ils sortent, vont au café, partent en vacances, acceptent de se soumettre à des procédures de sécurité renforcées. (…) Depuis les attentats de 1995, chacun de nous devient malgré soi une sorte d’agent de sécurité : entrer dans une rame de métro nous contraint à regard circulaire pour détecter un suspect éventuel. Un colis abandonné nous effraie. Dans une salle de cinéma ou de musique, nous calculons la distance qui nous sépare de la sortie en cas d’attaques surprises. Nous nous mettons à la place d’un djihadiste éventuel pour déjouer ses plans. (…) Pour comprendre ce scandaleux silence [concernant le meurtre de Sarah Halimi], il faut partir d’un constat fait par un certain nombre de nos têtes pensantes de gauche et d’extrême gauche : l’antisémitisme, ça suffit. C’est une vieille rengaine qu’on ne veut plus entendre. Il faut s’attaquer maintenant au vrai racisme, l’islamophobie qui touche nos amis musulmans. Bref, comme le disent beaucoup, le musulman en 2017 est le Juif des années 30, 40. On oublie au passage que l’antisémitisme ne s’est jamais adressé à la religion juive en tant que telle mais au peuple juif coupable d’exister et qu’enfin dans les années 40 il n’y avait pas d’extrémistes juifs qui lançaient des bombes dans les gares ou les lieux de culte, allaient égorger les prêtres dans leurs églises. Juste une remarque statistique : depuis Ilan Halimi, kidnappé et torturé par le Gang des Barbares jusqu’à Mohammed Mehra, l’Hyper casher de Vincennes et Sarah Halimi, pas moins de dix Français juifs ont été tués ces dernières années parce que juifs par des extrémistes de l’islam. Cela n’empêche pas les radicaux du Coran de se plaindre de l’islamophobie officielle de l’Etat français. Ce serait à hurler de rire si ça n’était pas tragique ! Dans la doxa officielle de la gauche, seule l’extrême droite souffre d’antisémitisme. Que le monde arabo musulman soit, pour une large part, rongé par la haine des Juifs, ces inférieurs devenus des égaux, est impensable pour eux. (…) Soutenir les Indigènes de la République en 2017, ce Ku Klux Klan islamiste, antisémite et fascisant est pour le moins problématique. Beaucoup à gauche pensent que les anciens dominés ou colonisés ne peuvent être racistes puisqu’ils ont été eux-mêmes opprimés. C’est d’une naïveté confondante. Il y a même ce que j’avais appelé il y a dix ans “un racisme de l’antiracisme” où les nouvelles discriminations à l’égard des Juifs, des Blancs, des Européens s’expriment au nom d’un antiracisme farouche. Le suprématisme noir ou arabe n’est pas moins odieux que le suprématisme blanc dont ils ne sont que le simple décalque. Les déclarations de Madame Obono relèvent d’une stratégie de la provocation que le Front de gauche partage avec le Front national, ce qui est normal puisque ce sont des frères ennemis mais jumeaux. Lancer une polémique, c’est chercher la réprobation pour se poser en victimes. Multiplier les transgressions va constituer la ligne politique de ceux qui s’appellent “Les insoumis”, nom assez cocasse quand on connaît l’ancien notable socialiste, le paria pépère qui est à leur tête et dont le patrimoine déclaré se monte à 1 135 000 euros, somme coquette pour un ennemi des riches. Pascal Bruckner
Le sujet n’a pas été abordé pendant la campagne présidentielle, pas davantage que les enjeux, plus larges, du «commun», de ce que c’est aujourd’hui qu’être Français, des frontières du pays, de notre «identité nationale». Et que cette occultation n’a pas fait disparaître cet enjeu fondamental pour nos concitoyens, contrairement à ce qu’ont voulu croire certains observateurs ou certains responsables politiques. (…) il y a la crainte d’aborder des enjeux tels que l’immigration ou la place de la religion dans la société par exemple. Crainte de «faire le jeu du FN» dans le langage politique de ces 20 dernières années suivant un syllogisme impeccable: le FN est le seul parti qui parle de l’immigration dans le débat public, le FN explique que «l’immigration est une menace pour l’identité nationale», donc parler de l’immigration, c’est dire que «l’immigration est une menace pour l’identité nationale»! La seule forme acceptable d’aborder le sujet étant de «lutter contre le FN» en expliquant que «l’immigration est une chance pour la France» et non une menace. Ce qui interdit tout débat raisonnable et raisonné sur le sujet. Enfin, les partis et responsables politiques qui avaient prévu d’aborder la question ont été éliminés ou dans l’incapacité concrète de le faire: songeons ici à Manuel Valls et François Fillon. Et notons que le FN lui-même n’a pas joué son rôle pendant la campagne, en mettant de côté cette thématique de campagne pour se concentrer sur le souverainisme économique, notamment avec la proposition de sortie de l’euro. Tout ceci a déséquilibré le jeu politique et la campagne, et n’a pas réussi au FN d’ailleurs qui s’est coupé d’une partie de son électorat potentiel. (…) L’opinion majoritairement négative de l’islam de la part de nos compatriotes vient de l’accumulation de plusieurs éléments. Le premier, ce sont les attentats depuis le début 2015, à la fois sur le sol national et de manière plus générale. Les terroristes qui tuent au nom de l’islam comme la guerre en Syrie et en Irak ou les actions des groupes djihadistes en Afrique font de l’ensemble de l’islam une religion plus inquiétante que les autres. Même si nos compatriotes font la part des choses et distinguent bien malgré ce climat islamisme et islam. On n’a pas constaté une multiplication des actes antimusulmans depuis 2015 et les musulmans tués dans des attaques terroristes depuis cette date l’ont été par les islamistes. Un deuxième élément, qui date d’avant les attentats et s’enracine plus profondément dans la société, tient à la visibilité plus marquée de l’islam dans le paysage social et politique français, comme ailleurs en Europe. En raison essentiellement de la radicalisation religieuse (pratiques alimentaires et vestimentaires, prières, fêtes, ramadan…) d’une partie des musulmans qui vivent dans les sociétés européennes – l’enquête réalisée par l’Institut Montaigne l’avait bien montré. Enfin, troisième élément de crispation, de nombreuses controverses de nature très différentes mais toutes concernant la pratique visible de l’islam ont défrayé la chronique ces dernières années, faisant l’objet de manipulations politiques tant de la part de ceux qui veulent mettre en accusation l’islam, que d’islamistes ou de partisans de l’islam politique qui les transforment en combat pour leur cause. On peut citer la question des menus dans les cantines, celle du fait religieux en entreprise, le port du voile ou celui du burkini, la question des prières de rue, celle de la présence de partis islamistes lors des élections, les controverses sur le harcèlement et les agressions sexuelles de femmes lors d’événements ou dans des quartiers où sont concentrées des populations musulmanes, etc. (…) Aujourd’hui, cette défiance s’étend à de multiples sujets, notamment aux enjeux sur l’identité commune et à l’immigration. Et, de ce point de vue, l’occultation de ces enjeux à laquelle on a pu assister pendant ces derniers mois, pendant la campagne dont cela aurait dû être un des points essentiels, est une très mauvaise nouvelle. Cela va encore renforcer cette défiance aux yeux de nos concitoyens car non seulement les responsables politiques ne peuvent ou ne veulent plus agir sur l’économie mais en plus ils tournent la tête dès lors qu’il s’agit d’immigration ou de définition d’une identité commune pour le pays et ses citoyens. Laurent Bouvet
Une partie du pays a eu le sentiment que la campagne avait été détournée de son sens et accaparée, à dessein, par les «affaires» que l’on sait, la presse étant devenue en la matière moins un contre-pouvoir qu’un anti-pouvoir, selon le mot de Marcel Gauchet. Cette nouvelle force politique pêche par sa représentativité dérisoire, doublée d’un illusoire renouvellement sociologique, quand 75 % des candidats d’En marche appartiennent à la catégorie «cadres et professions intellectuelles supérieures». Le seul véritable renouvellement est générationnel, avec l’arrivée au pouvoir d’une tranche d’âge plus jeune évinçant les derniers tenants du «baby boom». Pour une «disparue», la lutte de classe se porte bien. Pour autant, elle a rarement été aussi occultée. Car cette victoire, c’est d’abord celle de l’entre-soi d’une bourgeoisie qui ne s’assume pas comme telle et se réfugie dans la posture morale (le fameux chantage au fascisme devenu, comme le dit Christophe Guilluy, une «arme de classe» contre les milieux populaires). Fracture sociale, fracture territoriale, fracture culturelle, désarroi identitaire, les questions qui nourrissent l’angoisse française ont été laissées de côté pour les mêmes raisons que l’antisémitisme, dit «nouveau», demeure indicible. C’est là qu’il faut voir l’une des causes de la dépression collective du pays, quand la majorité sent son destin confisqué par une oligarchie de naissance, de diplôme et d’argent. Une sorte de haut clergé médiatique, universitaire, technocratique et culturellement hors sol. Toutefois, le plus frappant demeure à mes yeux la façon dont le gauchisme culturel s’est fait l’allié d’une bourgeoisie financière qui a prôné l’homme sans racines, le nomade réduit à sa fonction de producteur et de consommateur. Un capitalisme financier mondialisé qui a besoin de frontières ouvertes mais dont ni lui ni les siens, toutefois, retranchés dans leur entre-soi, ne vivront les conséquences. (…) Dans un autre ordre d’idées, peut-on déconnecter la constante progression du taux d’abstention et l’évolution de notre société vers une forme d’anomie, de repli sur soi et d’individualisme triste? Comme si l’exaltation ressassée du «vivre-ensemble» disait précisément le contraire. Cette évolution, elle non plus, n’est pas sans lien à ce retournement du clivage de classe qui voit une partie de la gauche morale s’engouffrer dans un ethos méprisant à l’endroit des classes populaires, qu’elle relègue dans le domaine de la «beauferie» méchante des «Dupont Lajoie». Certains analystes ont déjà lumineusement montré (je pense à Julliard, Le Goff, Michéa, Guilluy, Bouvet et quelques autres), comment le mouvement social avait été progressivement abandonné par une gauche focalisée sur la transformation des mœurs. (…) Par le refus de la guerre qu’on nous fait dès lors que nous avons décidé qu’il n’y avait plus de guerre («Vous n’aurez pas ma haine» ) en oubliant, selon le mot de Julien Freund, que «c’est l’ennemi qui vous désigne». En privilégiant cette doxa habitée par le souci grégaire du «progrès» et le permanent désir d’«être de gauche», ce souci dont Charles Péguy disait qu’on ne mesurera jamais assez combien il nous a fait commettre de lâchetés. (…) Le magistère médiatico-universitaire de cette bourgeoisie morale (Jean-Claude Michéa parlait récemment dans la Revue des deux mondes, (avril 2017) d’une «représentation néocoloniale des classes populaires […] par les élites universitaires postmodernes», affadit les joutes intellectuelles. Chacun sait qu’il lui faudra rester dans les limites étroites de la doxa dite de l’«ouverture à l’Autre». De là une censure intérieure qui empêche nos doutes d’affleurer à la conscience et qui relègue les faits derrière les croyances. «Une grande quantité d’intelligence peut être investie dans l’ignorance lorsque le besoin d’illusion est profond», notait jadis l’écrivain américain Saul Bellow. (…) La chape de plomb qui pèse sur l’expression publique détourne le sens des mots pour nous faire entrer dans un univers orwellien où le blanc c’est le noir et la vérité le mensonge. (…) il s’agit aussi, et en partie, d’un antijudaïsme d’importation. Que l’on songe simplement au Maghreb, où il constitue un fond culturel ancien et antérieur à l’histoire coloniale. L’anthropologie culturelle permet le décryptage du soubassement symbolique de toute culture, la mise en lumière d’un imaginaire qui sous-tend une représentation du monde. (…) Mais, pour la doxa d’un antiracisme dévoyé, l’analyse culturelle ne serait qu’un racisme déguisé.En juillet 2016, Abdelghani Merah (le frère de Mohamed) confiait à la journaliste Isabelle Kersimon que lorsque le corps de Mohamed fut rendu à la famille, les voisins étaient venus en visite de deuil féliciter ses parents, regrettant seulement, disaient-ils, que Mohamed «n’ait pas tué plus d’enfants juifs»(sic). Cet antisémitisme est au mieux entouré de mythologies, au pire nié. Il serait, par exemple, corrélé à un faible niveau d’études alors qu’il demeure souvent élevé en dépit d’un haut niveau scolaire. On en fait, à tort, l’apanage de l’islamisme seul. Or, la Tunisie de Ben Ali, longtemps présentée comme un modèle d’«ouverture à l’autre», cultivait discrètement son antisémitisme sous couvert d’antisionisme (cfNotre ami Ben Ali, de Beau et Turquoi, Editions La Découverte). Et que dire de la Syrie de Bachar el-Assad, à la fois violemment anti-islamiste et antisémite, à l’image d’ailleurs du régime des généraux algériens? Ou, en France, de l’attitude pour le moins ambiguë des Indigènes de la République sur le sujet comme celle de ces autres groupuscules qui, sans lien direct à l’islamisme, racialisent le débat social et redonnent vie au racisme sous couvert de «déconstruction postcoloniale»? (…) Les universitaires et intellectuels signataires font dans l’indigénisme comme leurs prédécesseurs faisaient jadis dans l’ouvriérisme. Même mimétisme, même renoncement à la raison, même morgue au secours d’une logorrhée intellectuelle prétentieuse (c’est le parti de l’intelligence, à l’opposé des simplismes et des clichés de la «fachosphère»). Un discours qui fait fi de toute réalité, à l’instar du discours ouvriériste du PCF des années 1950, expliquant posément la «paupérisation de la classe ouvrière». De cette «parole raciste qui revendique l’apartheid», comme l’écrit le Comité laïcité république à propos de Houria Bouteldja, les auteurs de cette tribune en défense parlent sans ciller à son propos de «son attachement au Maghreb […] relié aux Juifs qui y vivaient, dont l’absence désormais créait un vide impossible à combler».Une absence, ajoutent-ils, qui rend l’auteur «inconsolable». Cette forme postcoloniale de la bêtise, entée par la culpabilité compassionnelle, donne raison à George Orwell, qui estimait que les intellectuels étaient ceux qui, demain, offriraient la plus faible résistance au totalitarisme, trop occupés à admirer la force qui les écrasera. Et à préférer leur vision du monde à la réalité qui désenchante. Nous y sommes. (…) L’islam radical use du droit pour imposer le silence. Cela, on le savait déjà. Mais mon procès a mis en évidence une autre force d’intimidation, celle de cette «gauche morale» qui voit dans tout contradicteur un ennemi contre lequel aucun procédé ne saurait être jugé indigne. Pas même l’appel au licenciement, comme dans mon cas. Un ordre moral qui traque les mauvaises pensées et les sentiments indignes, qui joue sur la mauvaise conscience et la culpabilité pour clouer au pilori. Et exigera (comme la Licra à mon endroit) repentance et «excuses publiques», à l’instar d’une cérémonie d’exorcisme comme dans une «chasse aux sorcières» du XVIIe siècle. (…)  En se montrant incapable de voir le danger qui vise les Juifs, une partie de l’opinion française se refuse à voir le danger qui la menace en propre. Georges Bensoussan

Attention: un tombeau peut en cacher un autre !

Président palestinien au mandat expiré depuis huit ans et financier revendiqué du terrorisme salué par son homologue français pour son « engagement en faveur de la non-violence »; terroriste notoire se voyant gratifié pour cause de détention d’excuses officielles et d’une dizaine de millions de dollars de compensation financière; pétition de la première lycéenne venue contre le racisme de Victor Hugo; associations humanitaires apportant leur soutien explicite à l’un des pires trafics d’êtres humains de l’histoire; ministres de la République française soutenant, entre deux frasques ou démissions pour affaires de corruption, le droit à « niquer » la France ou célébrant, via l’écriture anonyme de romans érotiques l’encanaillement des bourgeoises dans les  » banlieues chaudes »occultation du thème de l’immigration et du terrorisme islamique tout au long d’une campagne ayant abouti, via un véritable hold up et l’élimination ou la stigmatisation des principaux candidats de l’opposition à l’élection d’un président n’ayant recueilli que 17% des inscrits au premier tour, alors que le sujet est censé être une importante préoccupation des Français et qu’on en est à la 34e évacuation en deux ans de quelque 2 800 migrants clandestins en plein Paris, installation dans la quasi-indifférence générale depuis plus d’un an de quasi-favelas de gitans le long d’une route nationale à la sortie de Paris; dénonciation ou censure de ceux qui osent nommer, sur fond d’israélisation toujours plus grande, le nouvel antisémitisme d’origine musulmane ou d’extrême-gauche, marche d’imams européens contre le terrorisme peinant, pour cause de fatigue post-ramadan et malgré pourtant un bilan récent de quelque centaines de victimes, à réunir les participants; peuple américain contraint, après les huit années de l’accident industriel Obama, de se choisir un président américain issu du monde de l’immobilier et de la télé-réalité (monde du catch compris où le bougre a littéralement risqué sa peau sans répétitions !); informations sur la véritable cabale des services secrets comme des médias contre ledit président américain disponibles que sur le seul site d’un des plus grands complotistes de l’histoire

A l’heure où un  tombeau de 4 000 ans entouré d’une enceinte de 2 000 ans …

Se voit magiquement transmué après l’an dernier un Temple lui aussi bimillénaire …

En propriété d’une religion d’à peine 1 100 ans …

Comment ne pas repenser

Vieille comme le monde dans ce nouveau tombeau du politiquement correct …

A cette propension humaine dont parlaient Eschyle comme Orwell ou Girard …

A toujours ensevelir comme première victime de la violence et de la guerre…

La simple vérité ?

Georges Bensoussan : «Nous entrons dans un univers orwellien où la vérité c’est le mensonge»

Alexandre Devecchio
Le Figaro

07/07/2017

ENTRETIEN – L’auteur des Territoires perdus de la République (Fayard) et d’Une France soumise (Albin Michel) revisite la campagne présidentielle. Fracture sociale, fracture territoriale, fracture culturelle, désarroi identitaire : pour l’historien, les questions qui nourrissent l’angoisse française ont été laissées de côté.

En 2002, Georges Bensoussan publiait Les Territoires perdus de la République, un recueil de témoignages d’enseignants de banlieue qui faisait apparaître l’antisémitisme, la francophobie et le calvaire des femmes dans les quartiers dits sensibles.«Un livre qui faisait exploser le mur du déni de la réalité française», se souvient Alain Finkielkraut, l’un des rares défenseurs de l’ouvrage à l’époque.

Une France soumise, paru cette année, montrait que ces quinze dernières années tout s’était aggravé. L’élection présidentielle devait répondre à ce malaise. Mais, pour Georges Bensoussan, il n’en a rien été. Un voile a été jeté sur les questions qui fâchent. Un symbole de cet aveuglement? Le meurtre de Sarah Halimi, défenestrée durant la campagne aux cris d’«Allah Akbar» sans qu’aucun grand média ne s’en fasse l’écho. Une chape de plomb médiatique, intellectuelle et politique qui, selon l’historien, évoque de plus en plus l’univers du célèbre roman de George Orwell, 1984.
Selon un sondage du JDD paru cette semaine, le recul de l’islam radical est l’attente prioritaire des Français (61 %), loin devant les retraites (43 %), l’école (36 %), l’emploi (36 %) ou le pouvoir d’achat (30 %). D’après une autre étude, 65 % des sondés considèrent qu’«il y a trop d’étrangers en France» et 74 % que l’islam souhaite «imposer son mode de fonctionnement aux autres».

LE FIGARO. – Des résultats en décalage avec les priorités affichées par le nouveau pouvoir: moralisation de la vie politique, loi travail, construction européenne… Les grands enjeux de notre époque ont- ils été abordés durant la campagne présidentielle?

Georges BENSOUSSAN. – Une partie du pays a eu le sentiment que la campagne avait été détournée de son sens et accaparée, à dessein, par les «affaires» que l’on sait, la presse étant devenue en la matière moins un contre-pouvoir qu’un anti-pouvoir, selon le mot de Marcel Gauchet. Cette nouvelle force politique pêche par sa représentativité dérisoire, doublée d’un illusoire renouvellement sociologique, quand 75 % des candidats d’En marche appartiennent à la catégorie «cadres et professions intellectuelles supérieures». Le seul véritable renouvellement est générationnel, avec l’arrivée au pouvoir d’une tranche d’âge plus jeune évinçant les derniers tenants du «baby boom».

Fracture sociale, fracture territoriale, fracture culturelle, désarroi identitaire, les questions qui nourissent l’angoisse française ont été laissées de côté
Pour une «disparue», la lutte de classe se porte bien. Pour autant, elle a rarement été aussi occultée. Car cette victoire, c’est d’abord celle de l’entre-soi d’une bourgeoisie qui ne s’assume pas comme telle et se réfugie dans la posture morale (le fameux chantage au fascisme devenu, comme le dit Christophe Guilluy, une «arme de classe» contre les milieux populaires). Fracture sociale, fracture territoriale, fracture culturelle, désarroi identitaire, les questions qui nourrissent l’angoisse française ont été laissées de côté pour les mêmes raisons que l’antisémitisme, dit «nouveau», demeure indicible.
C’est là qu’il faut voir l’une des causes de la dépression collective du pays, quand la majorité sent son destin confisqué par une oligarchie de naissance, de diplôme et d’argent. Une sorte de haut clergé médiatique, universitaire, technocratique et culturellement hors sol.
Toutefois, le plus frappant demeure à mes yeux la façon dont le gauchisme culturel s’est fait l’allié d’une bourgeoisie financière qui a prôné l’homme sans racines, le nomade réduit à sa fonction de producteur et de consommateur. Un capitalisme financier mondialisé qui a besoin de frontières ouvertes mais dont ni lui ni les siens, toutefois, retranchés dans leur entre-soi, ne vivront les conséquences.

Ce gauchisme culturel est moins l’«idiot utile» de l’islamisme que celui de ce capitalisme déshumanisé qui, en faisant de l’intégration démocratique à la nation un impensé, empêche d’analyser l’affrontement qui agite souterrainement notre société. De surcroît, l’avenir de la nation France n’est pas sans lien à la démographie des mondes voisins quand la machine à assimiler, comme c’est le cas aujourd’hui, fonctionne moins bien.

Dans un autre ordre d’idées, peut-on déconnecter la constante progression du taux d’abstention et l’évolution de notre société vers une forme d’anomie, de repli sur soi et d’individualisme triste? Comme si l’exaltation ressassée du «vivre-ensemble» disait précisément le contraire. Cette évolution, elle non plus, n’est pas sans lien à ce retournement du clivage de classe qui voit une partie de la gauche morale s’engouffrer dans un ethos méprisant à l’endroit des classes populaires, qu’elle relègue dans le domaine de la «beauferie» méchante des «Dupont Lajoie».Certains analystes ont déjà lumineusement montré (je pense à Julliard, Le Goff, Michéa, Guilluy, Bouvet et quelques autres), comment le mouvement social avait été progressivement abandonné par une gauche focalisée sur la transformation des mœurs.

La France que vous décrivez semble au bord de l’explosion. Dès lors, comment expliquez-vous le déni persistant d’une partie des élites?

Par le refus de la guerre qu’on nous fait dès lors que nous avons décidé qu’il n’y avait plus de guerre («Vous n’aurez pas ma haine» ) en oubliant, selon le mot de Julien Freund, que «c’est l’ennemi qui vous désigne». En privilégiant cette doxa habitée par le souci grégaire du «progrès» et le permanent désir d’«être de gauche», ce souci dont Charles Péguy disait qu’on ne mesurera jamais assez combien il nous a fait commettre de lâchetés. Enfin, en éprouvant, c’est normal, toutes les difficultés du monde à reconnaître qu’on s’est trompé, parfois même tout au long d’une vie. Comment oublier à cet égard les communistes effondrés de 1956?
Quant à ceux qui jouent un rôle actif dans le maquillage de la réalité, ils ont, eux, prioritairement le souci de maintenir une position sociale privilégiée. La perpétuation de la doxa est inséparable de cet ordre social dont ils sont les bénéficiaires et qui leur vaut reconnaissance, considération et avantages matériels.
Le magistère médiatico-universitaire de cette bourgeoisie morale (Jean-Claude Michéa parlait récemment dans la Revue des deux mondes, (avril 2017) d’une «représentation néocoloniale des classes populaires […] par les élites universitaires postmodernes», affadit les joutes intellectuelles. Chacun sait qu’il lui faudra rester dans les limites étroites de la doxa dite de l’«ouverture à l’Autre». De là une censure intérieure qui empêche nos doutes d’affleurer à la conscience et qui relègue les faits derrière les croyances. «Une grande quantité d’intelligence peut être investie dans l’ignorance lorsque le besoin d’illusion est profond», notait jadis l’écrivain américain Saul Bellow.

Avec 16 autres intellectuels, dont Alain Finkielkraut, Jacques Julliard, Elisabeth Badinter, Michel Onfray ou encore Marcel Gauchet, vous avez signé une tribune pour que la vérité soit dite sur le meurtre de Sarah Halimi. Cette affaire est-elle un symptôme de ce déni que vous dénoncez?

La chape de plomb qui pèse sur l’expression publique détourne le sens des mots pour nous faire entrer dans un univers orwellien où le blanc c’est le noir et la vérité le mensonge. Nous avons signé cette tribune pour tenter de sortir cette affaire du silence qui l’entourait, comme celui qui avait accueilli, en 2002, la publication des Territoires perdus de la République.

C’était il y a quinze ans et vous alertiez déjà sur la montée d’un antisémitisme dit «nouveau»…

Faut-il parler d’un «antisémitisme nouveau»? Je ne le crois pas. Non seulement parce que les premiers signes en avaient été détectés dès la fin des années 1980. Mais plus encore parce qu’il s’agit aussi, et en partie, d’un antijudaïsme d’importation. Que l’on songe simplement au Maghreb, où il constitue un fond culturel ancien et antérieur à l’histoire coloniale. L’anthropologie culturelle permet le décryptage du soubassement symbolique de toute culture, la mise en lumière d’un imaginaire qui sous-tend une représentation du monde.

Mais, pour la doxa d’un antiracisme dévoyé, l’analyse culturelle ne serait qu’un racisme déguisé. En septembre 2016, le dramaturge algérien Karim Akouche déclarait: «Voulez-vous devenir une vedette dans la presse algérienne arabophone? C’est facile. Prêchez la haine des Juifs […]. Je suis un rescapé de l’école algérienne. On m’y a enseigné à détester les Juifs. Hitler y était un héros. Des professeurs en faisaient l’éloge. Après le Coran, Mein Kampf et Les Protocoles des sages de Sion sont les livres les plus lus dans le monde musulman.» En juillet 2016, Abdelghani Merah (le frère de Mohamed) confiait à la journaliste Isabelle Kersimon que lorsque le corps de Mohamed fut rendu à la famille, les voisins étaient venus en visite de deuil féliciter ses parents, regrettant seulement, disaient-ils, que Mohamed «n’ait pas tué plus d’enfants juifs»(sic).

Cet antisémitisme est au mieux entouré de mythologies, au pire nié. Il serait, par exemple, corrélé à un faible niveau d’études alors qu’il demeure souvent élevé en dépit d’un haut niveau scolaire. On en fait, à tort, l’apanage de l’islamisme seul. Or, la Tunisie de Ben Ali, longtemps présentée comme un modèle d’«ouverture à l’autre», cultivait discrètement son antisémitisme sous couvert d’antisionisme (cfNotre ami Ben Ali, de Beau et Turquoi, Editions La Découverte). Et que dire de la Syrie de Bachar el-Assad, à la fois violemment anti-islamiste et antisémite, à l’image d’ailleurs du régime des généraux algériens? Ou, en France, de l’attitude pour le moins ambiguë des Indigènes de la République sur le sujet comme celle de ces autres groupuscules qui, sans lien direct à l’islamisme, racialisent le débat social et redonnent vie au racisme sous couvert de «déconstruction postcoloniale»?

Justement, le 19 juin dernier, un collectif d’intellectuels a publié dans Le Monde un texte de soutien à Houria Bouteldja, la chef de file des Indigènes de la République.

Que penser de l’évolution sociétale d’une partie des élites françaises quand le même quotidien donne la parole aux détracteurs de Kamel Daoud, aux apologistes d’Houria Bouteldja et offre une tribune à Marwan Muhammad, du Collectif contre l’islamophobie en France (CCIF), qualifié par ailleurs de «porte-parole combatif des musulmans»?

Les universitaires et intellectuels signataires font dans l’indigénisme comme leurs prédécesseurs faisaient jadis dans l’ouvriérisme. Même mimétisme, même renoncement à la raison, même morgue au secours d’une logorrhée intellectuelle prétentieuse (c’est le parti de l’intelligence, à l’opposé des simplismes et des clichés de la «fachosphère»). Un discours qui fait fi de toute réalité, à l’instar du discours ouvriériste du PCF des années 1950, expliquant posément la «paupérisation de la classe ouvrière». De cette «parole raciste qui revendique l’apartheid», comme l’écrit le Comité laïcité république à propos de Houria Bouteldja, les auteurs de cette tribune en défense parlent sans ciller à son propos de «son attachement au Maghreb […] relié aux Juifs qui y vivaient, dont l’absence désormais créait un vide impossible à combler».Une absence, ajoutent-ils, qui rend l’auteur «inconsolable». Cette forme postcoloniale de la bêtise, entée par la culpabilité compassionnelle, donne raison à George Orwell, qui estimait que les intellectuels étaient ceux qui, demain, offriraient la plus faible résistance au totalitarisme, trop occupés à admirer la force qui les écrasera. Et à préférer leur vision du monde à la réalité qui désenchante. Nous y sommes.

Vous vous êtes retrouvé sur le banc des accusés pour avoir dénoncé l’antisémitisme des banlieues dans l’émission «Répliques» sur France Culture. Il a suffi d’un signalement du CCIF pour que le parquet décide de vous poursuivre cinq mois après les faits. Contre toute attente, SOS-Racisme, la LDH, le Mrap mais aussi la Licra s’étaient associés aux poursuites.

En dépit de la relaxe prononcée le 7 mars dernier, et brillamment prononcée même, le mal est fait: ce procès n’aurait jamais dû se tenir. Car, pour le CCIF, l’objectif est atteint: intimider et faire taire. Après mon affaire, comme après celle de tant d’autres, on peut parier que la volonté de parler ira s’atténuant.

A-t-on remarqué d’ailleurs que, depuis l’attentat de Charlie Hebdo, on n’a plus vu une seule caricature du Prophète dans la presse occidentale?

L’islam radical use du droit pour imposer le silence. Cela, on le savait déjà. Mais mon procès a mis en évidence une autre force d’intimidation, celle de cette «gauche morale» qui voit dans tout contradicteur un ennemi contre lequel aucun procédé ne saurait être jugé indigne. Pas même l’appel au licenciement, comme dans mon cas. Un ordre moral qui traque les mauvaises pensées et les sentiments indignes, qui joue sur la mauvaise conscience et la culpabilité pour clouer au pilori. Et exigera (comme la Licra à mon endroit) repentance et «excuses publiques», à l’instar d’une cérémonie d’exorcisme comme dans une «chasse aux sorcières» du XVIIe siècle.

Comment entendre la disproportion entre l’avalanche de condamnations qui m’a submergé et les mots que j’avais employés au micro de France Culture?

J’étais entré de plain-pied, je crois, dans le domaine d’un non-dit massif, celui d’un antisémitisme qui, en filigrane, pose la question de l’intégration et de l’assimilation. Voire, en arrière-plan, celle du rejet de la France. En se montrant incapable de voir le danger qui vise les Juifs, une partie de l’opinion française se refuse à voir le danger qui la menace en propre.

Une France soumise. Les voix du refus,collectif dirigé par Georges Bensoussan. Albin Michel, 672 p., 24,90 €. Préface d’Elisabeth Badinter

Voir aussi:

http://www.valeursactuelles.com/societe/pour-la-doxa-officielle-le-seul-antisemitisme-est-dextreme-droite-86190

“Pour la doxa officielle, le seul antisémitisme est d’extrême-droite”
Interview. Terrorisme, communautarisme, délires antiracistes : le philosophe et essayiste Pascal Bruckner décrypte les dernières polémiques et ce qu’elles disent de la société française.

Mickaël Fonton
Valeurs actuellles

10 juillet 2017

Le 19 juin dernier, une agression terroriste se produisait sur les Champs-Elysées. L’opinion s’en est trouvée agitée quelques heures, puis la vie a repris son cours. Alors qu’approche la commémoration de l’attentat du 14 juillet à Nice, croyez-vous que les Français aient pris la mesure exacte de la menace qui pèse sur le pays ?
L’indifférence apparente des Français à la situation peut sembler étrange, s’assimiler à du déni, à la volonté de ne pas voir. Elle peut aussi se comprendre comme une stratégie de survie analogue à ce qui se passe depuis de nombreuses années en Israël. Les terroristes et leurs alliés wahabites, salafistes ou frères musulmans espéraient non seulement semer la mort mais tétaniser les populations, tarir les foules dans les salles de spectacle, les restaurants, nous contraindre à vivre comme dans ces pays obscurantistes dont ils se réclament. Or c’est l’inverse : les Français continuent à vivre presque comme d’habitude, ils sortent, vont au café, partent en vacances, acceptent de se soumettre à des procédures de sécurité renforcées.

La présence de policiers armés les rassure. Mais la peur reste latente. Depuis les attentats de 1995, chacun de nous devient malgré soi une sorte d’agent de sécurité : entrer dans une rame de métro nous contraint à regard circulaire pour détecter un suspect éventuel. Un colis abandonné nous effraie. Dans une salle de cinéma ou de musique, nous calculons la distance qui nous sépare de la sortie en cas d’attaques surprises. Nous nous mettons à la place d’un djihadiste éventuel pour déjouer ses plans. Nous sommes devenus malgré nous la victime et le tueur. Nous sommes bien en guerre civile larvée mais avec un sang- froid étonnant dont ne font preuve ni les Nord-américains ni les Britanniques.
Sur le même sujet
Arte diffusera finalement le documentaire sur l’antisémitisme musulman

Comment expliquez-vous le silence médiatique qui a entouré le meurtre de Sarah Halimi ? Indifférence, lassitude, volonté de ne pas “faire le jeu” de tel ou tel parti à l’approche de la présidentielle ?
Pour comprendre ce scandaleux silence, il faut partir d’un constat fait par un certain nombre de nos têtes pensantes de gauche et d’extrême gauche : l’antisémitisme, ça suffit. C’est une vieille rengaine qu’on ne veut plus entendre. Il faut s’attaquer maintenant au vrai racisme, l’islamophobie qui touche nos amis musulmans. Bref, comme le disent beaucoup, le musulman en 2017 est le Juif des années 30, 40. On oublie au passage que l’antisémitisme ne s’est jamais adressé à la religion juive en tant que telle mais au peuple juif coupable d’exister et qu’enfin dans les années 40 il n’y avait pas d’extrémistes juifs qui lançaient des bombes dans les gares ou les lieux de culte, allaient égorger les prêtres dans leurs églises.

Juste une remarque statistique : depuis Ilan Halimi, kidnappé et torturé par le Gang des Barbares jusqu’à Mohammed Mehra, l’Hyper casher de Vincennes et Sarah Halimi, pas moins de dix Français juifs ont été tués ces dernières années parce que juifs par des extrémistes de l’islam. Cela n’empêche pas les radicaux du Coran de se plaindre de l’islamophobie officielle de l’Etat français. Ce serait à hurler de rire si ça n’était pas tragique ! Dans la doxa officielle de la gauche, seule l’extrême droite souffre d’antisémitisme. Que le monde arabo musulman soit, pour une large part, rongé par la haine des Juifs, ces inférieurs devenus des égaux, est impensable pour eux.

Que vous inspire la polémique autour de Danièle Obono, députée de la France insoumise qui réitère son soutien à des personnes qui insultent la France ?
Soutenir les Indigènes de la République en 2017, ce Ku Klux Klan islamiste, antisémite et fascisant est pour le moins problématique. Beaucoup à gauche pensent que les anciens dominés ou colonisés ne peuvent être racistes puisqu’ils ont été eux-mêmes opprimés. C’est d’une naïveté confondante. Il y a même ce que j’avais appelé il y a dix ans “un racisme de l’antiracisme” où les nouvelles discriminations à l’égard des Juifs, des Blancs, des Européens s’expriment au nom d’un antiracisme farouche. Le suprématisme noir ou arabe n’est pas moins odieux que le suprématisme blanc dont ils ne sont que le simple décalque. Les déclarations de Madame Obono relèvent d’une stratégie de la provocation que le Front de gauche partage avec le Front national, ce qui est normal puisque ce sont des frères ennemis mais jumeaux. Lancer une polémique, c’est chercher la réprobation pour se poser en victimes. Multiplier les transgressions va constituer la ligne politique de ceux qui s’appellent “Les insoumis”, nom assez cocasse quand on connaît l’ancien notable socialiste, le paria pépère qui est à leur tête et dont le patrimoine déclaré se monte à 1 135 000 euros, somme coquette pour un ennemi des riches.

Gilles-William Goldnadel : « Anne Hidalgo et les migrants, la grande hypocrisie »

  • Gilles William Goldnadel
  • Le Figaro
  • 10/07/2017

FIGAROVOX/CHRONIQUE – Dans sa chronique, l’avocat Gilles-William Goldnadel dénonce la mauvaise gestion d’Anne Hidalgo de l’afflux de migrants vers la capitale. Pour elle, en proposant une loi sur le sujet, la maire de Paris montre sa volonté de rejeter la responsabilité de cette catastrophe humaine et sécuritaire sur l’État.


Gilles-William Goldnadel est avocat et écrivain. Il est président de l’association France-Israël. Toutes les semaines, il décrypte l’actualité pour FigaroVox.


Je soumets cette question: y aurait-il une manière de concours de soumission entre la première magistrate de Paris et le premier magistrat de France? À celui ou celle qui aurait la soumission la plus soumise?

Ainsi, cette semaine, Madame Hidalgo a-t-elle proposé une loi sur les migrants qu’on ne lui demandait pas et pour laquelle on ne lui connaît aucune compétence particulière.

C’est le moins que l’on puisse écrire. En réalité, un esprit chagrin soupçonnerait l’édile municipal, dépassé par des événements migratoires dans sa ville qu’elle aura pourtant accueillis extatiquement, de vouloir faire porter le chapeau aux autres villes et à l’État.

Les responsables socialistes comme elle ont bien raison de ne pas être complexés. Personne ne leur a demandé raison d’une irresponsabilité qui aura accouché d’une catastrophe démographique et sécuritaire dont on ne perçoit pas encore toute la gravité. Dans un monde normal, ils devraient raser les murs, mais dans le monde virtuel ils peuvent se permettre de construire sur la comète des ponts suspendus. L’idéologie esthétique qui les porte et supporte considère la réalité comme une obscénité.

Et les arguments les plus gênants comme des grossièretés. C’est ainsi, que faire remarquer que toutes les belles âmes, les artistes généreux (pardon pour le pléonasme), les citoyens aériens du monde, prêts à accueillir l’humanité entière sans accueillir un seul enfant dans mille mètres au carré, relève d’une insupportable vulgarité.

Madame Hidalgo s’exclame: «faisons du défi migratoire une réussite pour la France» sur le même ton assuré que ses amis chantaient il y a 20 ans: «L’immigration, une chance pour la France». Décidément, ils ne manquent pas d’air.

Madame Hidalgo prétend vouloir améliorer l’intégration des nouveaux migrants. Ses amis n’ont pas réussi en deux décennies à intégrer des populations culturellement et socialement plus aisément intégrables. À aucun moment Anne Hidalgo n’a eu le mauvais goût d’évoquer la question de l’islam.

Madame Hidalgo n’aurait pas songé à demander aux riches monarques du golfe, à commencer par celui du Qatar, à qui elle tresse régulièrement des couronnes, de faire preuve de générosité à l’égard de leurs frères de langue, de culture et de religion.

Madame le maire n’est pas très franche. Dans sa proposition, elle feint de séparer les réfugiés éligibles au droit d’asile et les migrants économiques soumis au droit commun. Elle fait semblant de ne pas savoir que ces derniers pour leur immense majorité ne sont pas raccompagnés et que dès lors qu’ils sont déboutés , ils se fondent dans la clandestinité la plus publique du monde.

Comme l’écrit Pierre Lellouche dans Une guerre sans fin (Cerf) que je recommande: «Aucun principe de droit international n’oblige les Français déjà surendettés, à hauteur de plus de 2000 milliards, à financer par leurs impôts et leurs cotisations sociales des soins gratuits pour tous les immigrés illégaux présents sur notre sol… en 2016, l’octroi du statut de demandeur d’asile est devenu un moyen couramment utilisé par des autorités dépassées pour vider les camps de migrants, à Paris bien sûr, mais aussi par exemple, à Calais, dans la fameuse «jungle» qui, avant son démantèlement, comptait environ 14 000 «habitants». Ces derniers, essentiellement des migrants économiques, ont été qualifiés de réfugiés politiques dans l’unique but de pouvoir les transférer vers d’autres centres, dénommés CAO ou CADA en province. De telles méthodes relèvent d’une stratégie digne du mythe de Sisyphe: plus ils sont vidés, plus ils se remplissent à nouveau…»

Surtout, Madame Hidalgo n’est pas très courageuse: elle n’ose pas dire le fond de sa pensée: Que l’on ne saurait sans déchoir dire «Non» à l’Autre , «ici c’est chez moi, ce n’est pas chez toi».

J’ai moi-même posé la question, au micro de RMC, à son adjoint chargé du logement, le communiste Iann Brossat: «Oui ou non, faut-il expulser les déboutés du droit d’asile? Réponse du collaborateur: «non bien sûr».

Madame Hidalgo n’a pas le courage de dire le fond de sa pensée soumise .

À la vérité, c’est bien parce que les responsables français démissionnaires n’ont pas eu la volonté et l’intelligence de faire respecter les lois de la république souveraine sur le contrôle des flux migratoires , et ont maintenu illégalement sur le sol national des personnes non désirées, que la France ne peut plus se permettre d’accueillir des gens qui mériteraient parfois davantage de l’être. Qui veut faire l’ange fait la bête.

Mais le premier Français, n’aura pas démérité non plus à ce concours de la soumission auquel il semble aussi avoir soumissionné.

C’est ainsi que cette semaine encore, le président algérien a, de nouveau, réclamé avec insistance de la France qu’elle se soumette et fasse repentance .

Cela tourne à la manie. La maladie chronique macronienne du ressentiment ressassé de l’Algérie faillie. À comparer avec l’ouverture d’esprit marocaine.

En effet, Monsieur Bouteflika a des circonstances atténuantes. Son homologue français lui aura tendu la verge pour fouetter la France. On se souvient de ses propos sur cette colonisation française coupable de crimes contre l’humanité.

Je n’ai pas noté que Monsieur Macron, le 5 juillet dernier, ait cru devoir commémorer le massacre d’Oran de 1962 et le classer dans la même catégorie juridique de droit pénal international. Il est vrai que ce ne sont que 2000 Français qui furent sauvagement assassinés après pourtant que l’indépendance ait été accordée.

On serait injuste de penser que cette saillie un peu obscène n’aurait que des raisons bassement électoralistes. Je crains malheureusement que Jupiter ne soit sincère. Enfant de ce siècle névrotiquement culpabilisant , il a dans ses bagages tout un tas d’ustensiles usagés qui auront servi à tourmenter les Français depuis 30 ans et à inoculer dans les quartiers le bacille mortel de la détestation pathologique de l’autochtone.

Au demeurant, Monsieur Macron a depuis récidivé: accueillant cette semaine son homologue palestinien Abbou Abbas, il a trouvé subtil de déclarer: «l’absence d’horizon politique nourrit le désespoir et l’extrémisme» . Ce qui est la manière ordinaire un peu surfaite d’excuser le terrorisme.

À dire le vrai, le président français, paraît-il moderne, n’a cessé de trouver de fausses causes sociales éculées à ce terrorisme islamiste qui massacre les Français depuis deux années.

Pour vaincre l’islamisme radical, il préfère à présent soumettre le thermomètre.

C’est à se demander si la pensée complexe de Jupiter n’est pas un peu simpliste.

1er juillet 2017 

Le journaliste James O’Keffe (photo) réalise depuis plusieurs années des vidéos en caméra cachée. Il y filme les commentaires, voire les aveux, de personnalités politiques sur les scandales du moment. Proche de Breibart et du président Trump, il vient de réaliser trois vidéos sur le traitement par CNN des possibles ingérences russes dans la campagne présidentielle états-unienne.

La première partie, diffusée le 26 juin 2017, montre un producteur-en-chef de CNN, John Bonifield, responsable de séquences non-politiques, affirmer que les accusations de collusion entre la Russie et l’équipe Trump ne sont que « des conneries » diffusées « pour l’audience ».

La seconde partie, diffusée le 28 juin, montre le présentateur de CNN Anthony Van Jones (ancien collaborateur de Barack Obama licencié de la Maison-Blanche pour avoir publiquement mis en cause la version officielle des attentats du 11-Septembre) affirmant que cette histoire d’ingérence russe est une nullité.

La troisième partie, diffusée le 30 juin, montre le producteur associé de CNN, Jimmy Carr, déclarer que le président Donald Trump est un malade mental et que ses électeurs sont stupides comme de la merde.

CNN a accusé le Project Veritas de James O’Keefe d’avoir sorti ces déclarations de leur contexte plus général. Ses collaborateurs ont tenté de minimiser leurs propos enregistrés. Cependant, la porte-parole de la Maison-Blanche, Sarah Sanders, a souligné le caractère scandaleux de ces déclarations et appelé tous les États-uniens à voir ces vidéos et à en juger par eux-mêmes.

L’enquête de CNN sur la possible ingérence russe est devenue l’obsession de la chaîne. Elle l’a abordée plus de 1 500 fois au cours des deux derniers mois. Personne n’a à ce jour le moindre début de commencement de preuve pour étayer l’accusation de la chaîne d’information contre Moscou.

Voir également:

10 juillet 2017

La majorité républicaine de la Commission sénatoriale de la Sécurité de la patrie et des Affaires gouvernementales dénonce les conséquences désastreuses des fuites actuelles de l’Administration.

Ce phénomène, qui était très rare sous les présidences George Bush Jr. et Barack Obama, s’est soudain développé contre la présidence Donald Trump causant des dommages irréversibles à la Sécurité nationale.

Au cours des 126 premiers jours de la présidence Trump, 125 informations classifiées ont été illégalement transmises à 18 organes de presse (principalement CNN). Soit environ une par jour, c’est-à-dire 7 fois plus que durant la période équivalente des 4 précédents mandats. La majorité de ces fuites concernait l’enquête sur de possibles ingérences russes durant la campagne électorale présidentielle.

Le président de la Commission, Ron Johnson (Rep, Wisconsin) (photo) a saisi l’Attorney General, Jeff Sessions.

L’existence de ces fuites répétées laisse penser à un complot au sein de la haute administration dont 98% des fonctionnaires ont voté Clinton contre Trump.

Voir de plus:

10 juillet 2017

L’ex-directeur du FBI, James Comey, dont le témoignage devant le Congrès devait permettre de confondre le président Trump pour haute trahison au profit de la Russie, est désormais lui-même mis en cause.

James Comey avait indiqué par deux fois lors de son audition qu’il remettait au Congrès ses notes personnelles sur ses relations avec le président. Or, selon les parlementaires qui ont pu consulter ces neuf documents, ceux-ci contiennent des informations classifiées.

Dès lors se pose la question de savoir comment l’ex-directeur du FBI a pu violer son habilitation secret-défense et faire figurer des secrets d’État dans des notes personnelles, ou si ces notes sont des documents officiels qu’il aurait volés.

Comey’s private memos on Trump conversations contained classified material”, John Solomon, The Hill, July 9, 2017.

Voir encore:

En s’arrogeant le titre de « 4ème Pouvoir », la presse états-unienne s’est placée à égalité avec les trois Pouvoirs démocratiques, bien qu’elle soit dénuée de légitimité populaire. Elle mène une vaste campagne, à la fois chez elle et à l’étranger, pour dénigrer le président Trump et provoquer sa destitution ; une campagne qui a débuté le soir de son élection, c’est-à-dire bien avant son arrivée à la Maison-Blanche. Elle remporte un vif succès parmi l’électorat démocrate et dans les États alliés, dont la population est persuadée que le président des États-Unis est dérangé. Mais les électeurs de Donald Trump tiennent bon et il parvient efficacement à lutter contre la pauvreté.

Damas (Syrie)

4 juillet 2017

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La campagne de presse internationale visant à déstabiliser le président Trump se poursuit. La machine à médire, mise en place par David Brock durant la période de transition [1], souligne autant qu’elle le peut le caractère emporté et souvent grossier des Tweets présidentiels. L’Entente des médias, mise en place par la mystérieuse ONG First Draft [2], répète à l’envie que la Justice enquête sur les liens entre l’équipe de campagne du président et les sombres complots attribués au Kremlin.

Une étude du professeur Thomas E. Patterson de l’Harvard Kennedy School a montré que la presse US, britannique et allemande, a cité trois fois plus Donald Trump que les présidents précédents. Et que, au cours des 100 premiers jours de sa présidence, 80% des articles lui étaient clairement défavorables [3].

Durant la campagne du FBI [4] visant à contraindre le président Nixon à la démission, la presse états-unienne s’était attribuée le qualificatif de « 4ème Pouvoir », signifiant par là que leurs propriétaires avaient plus de légitimité que le Peuple. Loin de céder à la pression, Donald Trump, conscient du danger que représente l’alliance des médias et des 98% de hauts fonctionnaires qui ont voté contre lui, déclara « la guerre à la presse », lors de son discours du 22 janvier 2017, une semaine après son intronisation. Tandis que son conseiller spécial, Steve Bannon, déclarait au New York Times que, de fait, la presse était devenue « le nouveau parti d’opposition ».

Quoi qu’il en soit, les électeurs du président ne lui ont pas retiré leur confiance.

Rappelons ici comment cette affaire a débuté. C’était durant la période de transition, c’est-à-dire avant l’investiture de Donald Trump. Une ONG, Propaganda or Not ?, lança l’idée que la Russie avait imaginé des canulars durant la campagne présidentielle de manière à couler Hillary Clinton et à faire élire Donald Trump. À l’époque, nous avions souligné les liens de cette mystérieuse ONG avec Madeleine Albright et Zbigniew Brzeziński [5]. L’accusation, longuement reprise par le Washington Post, dénonçait une liste d’agents du Kremlin, dont le Réseau Voltaire. Cependant à ce jour, rien, absolument rien, n’est venu étayer cette thèse du complot russe.

Chacun a pu constater que les arguments utilisés contre Donald Trump ne sont pas uniquement ceux que l’on manie habituellement dans le combat politique, mais qu’ils ressortent clairement de la propagande de guerre [6].

La palme de la mauvaise foi revient à CNN qui traite cette affaire de manière obsessionnelle. La chaîne a été contrainte de présenter ses excuses à la suite d’un reportage accusant un des proches de Trump, le banquier Anthony Scaramucci, d’être indirectement payé par Moscou. Cette imputation étant inventée et Scaramucci étant suffisamment riche pour poursuivre la chaîne en justice, CNN présenta ses excuses et les trois journalistes de sa cellule d’enquête « démissionnèrent ».
Puis, le Project Veritas du journaliste James O’Keefe publia trois séquences vidéos tournées en caméra cachée [7]. Dans la première, l’on voit un superviseur de la chaîne rire dans un ascenseur en déclarant que ces accusations de collusion du président avec la Russie ne sont que « des conneries » diffusées « pour l’audience ». Dans la seconde, un présentateur vedette et ancien conseiller d’Obama affirme que ce sont des « nullités ». Tandis que dans la troisième, un producteur déclare que Donald Trump est un malade mental et que ses électeurs sont « stupides comme de la merde » (sic).
En réponse, le président posta une vidéo-montage réalisée à partir d’images, non pas extraites d’un western, mais datant de ses responsabilités à la Fédération états-unienne de catch, la WWE. On peut le voir mimer casser la figure de son ami Vince McMahon (l’époux de sa Secrétaire aux petites entreprises) dont le visage a été recouvert du logo de CNN. Le tout se termine avec un logo altéré de CNN en Fraud News Network, c’est-à-dire le Réseau escroc d’information.

Outre que cet événement montre qu’aux États-Unis le président n’a pas l’exclusivité de la grossièreté, il atteste que CNN —qui a abordé la question de l’ingérence russe plus de 1 500 fois en deux mois— ne fait pas de journalisme et se moque de la vérité. On le savait depuis longtemps pour ses sujets de politique internationale, on le découvre pour ceux de politique intérieure.

Bien que ce soit beaucoup moins significatif, une nouvelle polémique oppose les présentateurs de l’émission matinale de MSNBC, Morning Joe, au président. Ceux-ci le critiquent vertement depuis des mois. Il se trouve que Joe Scarborough est un ancien avocat et parlementaire de Floride qui lutte contre le droit à l’avortement et pour la dissolution des ministères « inutiles » que sont ceux du Commerce, de l’Éducation, de l’Énergie et du Logement. Au contraire, sa partenaire (au sens propre et figuré) Mika Brzeziński est une simple lectrice de prompteur qui soutenait Bernie Sanders. Dans un Tweet, le président les a insulté en parlant de « Joe le psychopathe » et de « Mika au petit quotient intellectuel ». Personne ne doute que ces qualificatifs ne sont pas loin de la vérité, mais les formuler de cette manière vise uniquement à blesser l’amour-propre des journalistes. Quoi qu’il en soit, les deux présentateurs rédigèrent une tribune libre dans le Washington Post pour mettre en doute la santé mentale du président.

Mika Brzeziński est la fille de Zbigniew Brzeziński, un des tireurs de ficelles de Propaganda or not ?, décédé il y a un mois.

La grossièreté des Tweets présidentiels n’a rien à voir avec de la folie. Dwight Eisenhower et surtout Richard Nixon étaient bien plus obscènes que lui, ils n’en furent pas moins de grands présidents.

De même leur caractère impulsif ne signifie pas que le président le soit. En réalité, sur chaque sujet, Donald Trump réagit immédiatement par des Tweets agressifs. Puis, il lance des idées dans tous les sens, n’hésitant pas à se contredire d’une déclaration à l’autre, et observe attentivement les réactions qu’elles suscitent. Enfin, s’étant forgé une opinion personnelle, il rencontre la partie opposée et trouve généralement un accord avec elle.

Donald Trump n’a certes pas la bonne éducation puritaine de Barack Obama ou d’Hillary Clinton, mais la rudesse du Nouveau Monde. Tout au long de sa campagne électorale, il n’a cessé de se présenter comme le nettoyeur des innombrables malhonnêtetés que cette bonne éducation permet de masquer à Washington. Il se trouve que c’est lui et non pas Madame Clinton que les États-uniens ont porté à la Maison-Blanche.

Bien sûr, on peut prendre au sérieux les déclarations polémiques du président, en trouver une choquante et ignorer celles qui disent le contraire. On ne doit pas confondre le style Trump avec sa politique. On doit au contraire examiner précisément ses décisions et leurs conséquences.

Par exemple, on a pris son décret visant à ne pas laisser entrer aux États-Unis des étrangers dont le secrétariat d’État n’a pas la possibilité de vérifier l’identité.

On a observé que la population des sept pays dont il limitait l’accès des ressortissants aux États-Unis est majoritairement musulmane. On a relié ce constat avec des déclarations du président lors de sa campagne électorale. Enfin, on a construit le mythe d’un Trump raciste. On a mis en scène des procès pour faire annuler le « décret islamophobe », jusqu’à ce que la Cour suprême confirme sa légalité. On a alors tourné la page en affirmant que la Cour s’était prononcée sur une seconde mouture du décret comportant divers assouplissements. C’est exact, sauf que ces assouplissement figuraient déjà dans la première mouture sous une autre rédaction.

Arrivant à la Maison-Blanche, Donald Trump n’a pas privé les États-uniens de leur assurance santé, ni déclaré la Troisième Guerre mondiale. Au contraire, il a ouvert de nombreux secteurs économiques qui avaient été étouffés au bénéfice de multinationales. En outre, on assiste à un reflux des groupes terroristes en Irak, en Syrie et au Liban, et à une baisse palpable de la tension dans l’ensemble du Moyen-Orient élargi, sauf au Yémen.

Jusqu’où ira cet affrontement entre la Maison-Blanche et les médias, entre Donald Trump et certaines puissances d’argent ?

[1] « Le dispositif Clinton pour discréditer Donald Trump », par Thierry Meyssan, Al-Watan (Syrie) , Réseau Voltaire, 28 février 2017.

[2] « Le nouvel Ordre Médiatique Mondial », par Thierry Meyssan, Réseau Voltaire, 7 mars 2017.

[3] « News Coverage of Donald Trump’s First 100 Days », Thomas E. Patterson, Harvard Kennedy School, May 18, 2017.

[4] On apprit trente ans plus tard que la mystérieuse « Gorge profonde » qui alimenta le scandale du Watergate n’était autre que W. Mark Felt, l’ancien adjoint de J. Edgard Hoover et lui-même numéro 2 du Bureau fédéral.

[5] « La campagne de l’Otan contre la liberté d’expression », par Thierry Meyssan, Réseau Voltaire, 5 décembre 2016.

[6] « Contre Donald Trump : la propagande de guerre », par Thierry Meyssan, Réseau Voltaire, 7 février 2017.

[7] « Project Veritas dévoile une campagne de mensonges de CNN », Réseau Voltaire, 1er juillet 2017.

Voir enfin:

The Definitive History Of That Time Donald Trump Took A Stone Cold Stunner

A decade ago, Trump literally tussled with a wrestling champ. The people who were there are still shocked he did it.

Photo illustration: Damon Dahlen/HuffPost; Photos: Getty/Reuters

Stone Cold Steve Austin was waiting calmly in the bowels of Detroit’s Ford Field when a frantic Vince McMahon turned the corner.

WrestleMania 23’s signature event was just minutes away. Austin and McMahon would soon bound into the stadium, where they’d be greeted by fireworks, their respective theme songs and 80,000 people pumped for “The Battle of the Billionaires,” a match between two wrestlers fighting on behalf of McMahon and real estate mogul Donald Trump.

McMahon, the founder and most prominent face of World Wrestling Entertainment, had spent months before the April 1, 2007, event putting the storyline in place. Trump, then known primarily as the bombastic host of “The Apprentice,” had appeared on a handful of WWE broadcasts to sell the idea that his two-decade friendship with McMahon had collapsed into a bitter “feud.” They had spent hours rehearsing a match with many moving parts: two professional wrestlers in the ring, two camera-thirsty characters outside it, and in the middle, former champ Stone Cold serving as the referee.

The selling point of The Battle of the Billionaires was the wager that Trump and McMahon had placed on its outcome a month earlier during “Monday Night Raw,” WWE’s signature prime time show. Both Trump and McMahon took great pride in their precious coifs, and so the winner of the match, they decided, would shave the loser’s head bald right there in the middle of the ring.

But now, at the last possible moment, McMahon wanted to add another wrinkle.

“Hey, Steve,” McMahon said, just out of Trump’s earshot. “I’m gonna see if I can get Donald to take the Stone Cold stunner.”

Austin’s signature move, a headlock takedown fueled by Stone Cold’s habit of chugging cheap American beer in the ring, was already part of the plan for the match. But Trump wasn’t the intended target.

Austin and McMahon approached Trump and pitched the idea.

“I briefly explained how the stunner works,” Austin said. “I’m gonna kick him in the stomach ― not very hard ― then I’m gonna put his head on my shoulder, and we’re gonna drop down. That’s the move. No rehearsal, [decided] right in the dressing room, 15 minutes before we’re gonna go out in front of 80,000 people.”

Trump’s handler was appalled, Austin said. Trump wasn’t a performer or even a natural athlete. Now, the baddest dude in wrestling, a former Division I college football defensive end with tree trunks for biceps, wanted to drop him with his signature move? With no time to even rehearse it? That seemed … dangerous.

“He tried to talk Donald out of it a million ways,” Austin said.

But Trump, without hesitation, agreed to do it.

The man who became the 45th president of the United States in January has a history with Vince McMahon and WWE that dates back more than two decades, to when his Trump Plaza hotel in Atlantic City hosted WrestleManias IV and V in 1988 and 1989. The relationship has continued into Trump’s presidency. On Tuesday, the Senate confirmed the nomination of Linda McMahon ― Vince’s wife, who helped co-found WWE and served as its president and chief executive for 12 years ― to head the Small Business Administration.

After Trump launched his presidential campaign with an escalator entrance straight out of the wrestling playbook, journalists began pointing to his two-decade WWE career to help explain his political appeal. WWE, in one telling, was where Trump first discovered populism. According to another theory, wrestling was where he learned to be a heel ― a villainous performer loved by just enough people to rise to the top, despite antics that make many people hate him.

To those who were present, though, The Battle of the Billionaires is more an outrageous moment in wrestling history than an explanation of anything that happened next. No one in the ring that night thought Trump would one day be president. But now that he is, they look back and laugh about the time the future commander-in-chief ended up on the wrong side of a Stone Cold stunner.

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Donald Trump, Stone Cold Steve Austin and Vince McMahon spent months promoting The Battle of the Billionaires.

‘To Get To The Crescendo, You’ve Got To Go On A Journey’

Professional wrestling is, at its core, a soap opera and a reality TV spectacle, and its best storylines follow the contours of both: A hero squares off with a heel as the masses hang on their fates.

The Battle of the Billionaires was the same tale, played out on wrestling’s biggest stage. WrestleMania is WWE’s annual mega-event. It commands the company’s largest pay-per-view audiences and biggest crowds. At WrestleMania, WWE’s stars compete in high-stakes matches ― including the WWE Championship ― and wrap up loose ends on stories developed during weekly broadcasts of “Monday Night Raw” and special events over the previous year. Even before Trump, WrestleMania had played host to a number of celebrity interlopers, including boxer Mike Tyson and NFL linebacker Lawrence Taylor.

Building a story ― and, for Trump, a character ― fit for that stage required months of work that started with Trump’s initial appearance on “Monday Night Raw” in January 2007. He would show up on “Raw” at least two more times over the next two months, with each appearance raising the stakes of his feud with McMahon and setting up their battle at WrestleMania on April 1.

“The Battle of the Billionaires, and all the hyperbole, was the crescendo,” said Jim Ross, the longtime voice of WWE television commentary. “But to get to the crescendo, you’ve got to go on a journey and tell an episodic story. That’s what we did with Donald.”

Creating a feud between Trump and McMahon, and getting wrestling fans to take Trump’s side, wasn’t actually a huge challenge. McMahon “was the big-shot boss lording over everybody,” said Jerry “The King” Lawler, a former wrestler and Ross’ sidekick in commentary. It was a role McMahon had long embraced: He was the dictator wrestling fans loved to hate.

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Bobby Lashley, Trump’s wrestler in the match, was a rising star who’d go on to challenge for the WWE championship after The Battle of the Billionaires.

Trump was never going to pull off the sort of character that McMahon’s most popular foes had developed. He wasn’t Austin’s beer-chugging, south Texas everyman. And vain and cocky as he might be, he never possessed the sexy swagger that made Shawn Michaels one of the greatest in-ring performers in pro wrestling history.

But rain money on people’s heads, and they’ll probably love you no matter who you are. So that’s what Trump did.

Trump’s first appearance on “Monday Night Raw” came during an episode that centered on McMahon, who was throwing himself the sort of self-celebratory event that even The Donald might find overly brash. As McMahon showered the crowd with insults and they serenaded him with boos, Trump’s face appeared on the jumbotron and money began to fall from the sky.

“Look up at the ceiling, Vince,” Trump said as fans grasped at the falling cash. “Now that’s the way you show appreciation. Learn from it.”

In true Trump fashion, the money wasn’t actually his. It was McMahon’s. But the fans didn’t know that.

The folks with slightly fatter wallets than they’d had moments before loved the contrast between the two rich guys. One was the pompous tyrant. The other might have been even wealthier and just as prone to outlandish behavior, but Trump was positioned as the magnanimous billionaire, the one who understood what they wanted.

“That went over pretty well, as you can imagine, dropping money from the sky,” said Scott Beekman, a wrestling historian and author. “Trump was the good guy, and he got over because of how hated McMahon was. Vince McMahon played a fantastic evil boss and was absolutely hated by everyone. So anyone who stood up to McMahon at that point was going to get over well.”

The wrestlers that each billionaire chose to fight for them also bolstered the narrative. Umaga, McMahon’s representative, was an emerging heel who had gone undefeated for most of 2006. “A 400-pound carnivore,” as Ross described him on TV, he was a mountainous Samoan whose face bore war paint and who barely spoke except to scream at the crowd.

Trump’s guy, on the other hand, was Bobby Lashley, a former Army sergeant who might have been cut straight from a granite slab. Lashley was the good-looking, classically trained college wrestler, the reigning champion of ECW (a lower-level WWE property). Even his cue-ball head seemed to have muscles.

Another selling point for the match: the wrestler who won would likely emerge as a top contender to challenge for the WWE title.

Then McMahon added another twist ― as if the match needed it. He enlisted Austin, a multi-time champion who had retired in 2003, as a guest referee.

“It sounded like an easy gig, sounded like a fun gig,” Austin said. “It didn’t take a whole lot of convincing. The scope of Donald Trump … would bring a lot of eyeballs. A chance to do business with a high-profile guy like that sounded like a real fun deal.”

The minute Austin signed up, Trump should have known that despite his “good guy” posture, he, too, was in trouble. When Stone Cold entered the ring at “Raw” to promote the match, he introduced himself to The Donald with a stern warning.

“You piss me off,” Austin said, “I’ll open up an $8 billion can of whoop ass and serve it to ya, and that’s all I got to say about that.”

‘We Thought We Were Shittin’ The Bed’

The opening lines of the O’Jays’ 1973 hit “For the Love of Money” ― also the theme song for Trump’s “Celebrity Apprentice” ― rang out of Ford Field’s loudspeakers a few minutes after Trump and Austin’s impromptu meeting backstage. It was time for Trump to make his way to the ring.

“Money, money, money, money, money,” the speakers blared. Trump emerged. The crowd erupted, and cash, even more than had fallen during his previous appearances, cascaded from the ceiling like victory confetti.

“There was a ton of money that had been dropped during Donald Trump’s entrance,” said Haz Ali, who, under the name Armando Estrada, served as Umaga’s handler. “There was about $20, $25,000 that they’d dropped. … Every denomination ― 1s, 5s, 10s, 20s.”

Lashley appeared next, bounding into the ring without the help of the stairs the others had needed.

For months, McMahon and Trump had sold the story of this match. Now, as Umaga and Lashley stood face to face in the ring, it was time to deliver.

The match started fairly routinely, perhaps even a bit slowly.

“I’m seeing it the same as anyone else who’s watching it,” said Ross, the commentator, who regularly skipped rehearsals to ensure matches would surprise him. “The entire arena was emotionally invested in the storyline. Once they got hooked in it months earlier, now they want the payout.”

On the TV broadcast, it’s obvious that the crowd was hanging on every twist, eager to see which of the two billionaires would lose his hair and how Austin ― famous for intervening in matches and now at the dead center of this one ― might shape it.

But Ford Field, an NFL stadium, is massive compared to the arenas that had hosted previous WrestleManias. Even with 80,000 people packed in, it was difficult to read the crowd from inside the ring.

“Me and Vince keep looking back and forth at each other like, ‘Man, this match is not successful because the crowd is not reacting,’” Austin recalled. “We thought we were shittin’ the bed.”

Trump, for all his usual braggadocio, wasn’t helping.

From outside the ring, McMahon ― a professional performer if there ever was one ― was selling even the most minor details of the match. He was haranguing Austin, instructing Umaga and engaging the crowd all at once. Trump was stiff. His repeated cries of “Kick his ass, Bobby!” and “Come on, Bobby!” came across as stale and unconvincing.

“It’s very robotic, it’s very forced, and there’s no genuine emotion behind it,” said Ali, who had been power-slammed by Lashley early in the match and was watching from the dressing room. “He was just doing it to do it. Hearing him say, ‘Come on, Bobby!’ over and over again ― it didn’t seem like he cared whether Bobby won or lost. That’s the perspective of a former wrestler and entertainer.”

‘He Punched Me As Hard As He Could’

The match turned when Vince’s son, Shane McMahon, entered the fray. Shane and Umaga ganged up on Austin, knocking the guest ref from the ring. Then they turned their attention to Lashley, slamming his head with a metal trash can as he lay on the ground opposite Trump ― whose golden mane, it seemed, might soon be lying on the floor next to his wrestler.

But just as Umaga prepared to finish Lashley off, Austin rebounded, dragging Shane McMahon from the ring and slamming him into a set of metal stairs. Trump ― who moments before had offered only a wooden “What’s going on here?” ― sprang into action.

Out of nowhere, Trump clotheslined Vince McMahon to the ground and then sat on top of him, wailing away at his skull.

“[Ross] and I were sitting right there about four feet from where Vince landed,” Lawler said. “The back of Vince’s head hit the corner of the ring so hard that I thought he was gonna be knocked out for a week.”

Professional wrestling is fake. Trump’s punches weren’t.

Hours before the match, WWE officials had roped the participants into one final walk-through. Vince McMahon was busy handling the production preparations and didn’t attend. So when it came time to rehearse Trump’s attack on WWE’s top man, Ali stood in for McMahon.

Ali gave Trump instructions on how to hit him on the head to avoid actual injury. Because it was just a rehearsal, he figured Trump would go easy. He figured wrong.

“He proceeds to punch me in the top of the head as if he was hammering a nail in the wall. He punched me as hard as he could,” Ali said. “His knuckle caught me on the top of my head, and the next thing I know, I’ve got an egg-sized welt on the top of my head. He hit me as hard as he could, one, two, three. I was like, ‘Holy shit, this guy.’”

“He actually hit Vince, too,” Ali said. “Which made it even funnier. That’s how Vince would want it.”

Back in the ring, Austin ducked under a punch from Umaga and then made him the match’s first victim of a Stone Cold stunner. Umaga stumbled toward the center of the ring, where Lashley floored him with a move called a running spear. Lashley pinned Umaga, Austin counted him out, Trump declared victory, and McMahon began to cry as he ran his fingers through hair that would soon be gone.

“I don’t think Donald’s hair was ever truly in jeopardy,” Lawler said.

Bill Pugliano/Getty Images
Even as he was shaving McMahon’s head, Trump knew that he’d soon join the list of the match’s losers.

‘It May Be One Of The Uglier Stone Cold Stunners In History’

Moments after the match ended, before he raised Trump and Lashley’s arms in victory, Austin handed out his second stunner of the night to Shane McMahon. Vince McMahon tried to escape the same fate. But Lashley chased him down, threw him over his shoulder and hauled McMahon back to the ring, where he, too, faced the stunner.

Trump’s reaction in this moment was a little disappointing. He offered only the most rigid of celebrations, his feet nailed to the floor as his knees flexed and his arms flailed in excitement. It’s as if he knew his joy would be short-lived. He, too, would end up the one thing he never wants to be: a loser.

“Woo!” Trump yelled, before clapping in McMahon’s face while Austin and Lashley strapped their boss into a barber’s chair. “How ya doin’, man, how ya doin’?” he asked, taunting McMahon with a pair of clippers. Then he and Lashley shaved the WWE chairman bald.

As a suitably humiliated McMahon left the ring, Austin launched his typical celebration, raising his outstretched hands in a call for beers that someone ringside was supposed to toss his way. Trump is a famous teetotaler, but Austin shoved a beer can into his hand anyway.

“I didn’t know that Donald Trump didn’t drink,” Austin said. “I didn’t know that back then.”

It didn’t matter. For veteran wrestling fans, the beers were a sign that Stone Cold had a final treat to deliver.

“I threw beer to everybody I got in the ring with,” he said. “Here’s the bait, and it’s the hook as well. Long as I get him holding those beers, everybody knows that anybody who … takes one of my beers is gonna get stunned.”

As McMahon trudged away, Austin climbed to the top rope, saluted the crowd and dumped the full contents of a can into his mouth. Then he hopped down ― and blew the roof off Ford Field.

He turned, kicked Trump in the stomach and stunned him to the floor.

“Austin stunned The Donald!” Ross screamed.

Trump failed to fully execute the move. He didn’t quite get his chin all the way to Austin’s shoulder; then he halfway pulled out of the move before falling to his knees and lying flat on his back.

“It may be one of the uglier Stone Cold stunners in history,” Ross said.

“He’s not a natural-born athlete,” Austin said. “I just remember the stunner didn’t come off as smooth as it would have had he been one of the guys. But we never rehearsed it. He didn’t even know what it was. Vince botched half the ones I gave him [and] Vince is a great athlete. So that’s no knock on Donald Trump.”

And despite Trump’s less-than-stellar wrestling and acting in the ring, those who were close to the action at WrestleMania 23 were impressed by his willingness to even take the stunner.

“We put him in some very unique positions that a lot of people ― big-name actors in Hollywood ― wouldn’t do because they didn’t want to risk looking bad,” Ross said. “He had the balls to do it.”

George Napolitano/FilmMagic via Getty Images
Trump didn’t sell the Stone Cold stunner all that well, but at least, commentator Jim Ross said, “he had the balls to do it.”

‘You Could Argue That Nothing In Wrestling Has Any Meaning’

For almost a decade, the stunning of Donald Trump remained a relic of WWE lore, a moment rehashed occasionally by diehard wrestling fans but forgotten otherwise.

WWE’s ratings tumbled later in 2007, amid congressional scrutiny of steroid use and wrestler deaths. That June, wrestler Chris Benoit murdered his wife and son and then killed himself. He was 40 years old.

Edward Smith Fatu, the wrestler known as Umaga, died from a heart attack in 2009. He was 36.

Lashley, who did not respond to interview requests, left WWE in 2008 after a failed pursuit of the WWE title and an injury that sidelined him for months. He is now a mixed martial arts fighter and the champion of Total Nonstop Action Wrestling.

In 2009, Trump returned to “Monday Night Raw” with a proposal to buy it from McMahon, promising fans that he would run the first Trump-owned episode without commercials. WWE and the USA Network, which broadcast “Raw,” even sent out a press release announcing the sale. When WWE’s stock price plummeted, it was forced to admit that the whole thing was a publicity ploy. The faux sale raised questions about whether everyone involved had violated federal law, but the Securities and Exchange Commission apparently had better things to investigate.

Trump was inducted into the WWE Hall of Fame in 2013, over a chorus of boos from the fans at Madison Square Garden. The Battle of the Billionaires was, at the time, WWE’s highest-grossing pay-per-view broadcast, drawing 1.2 million pay-per-view buys and $24.3 million in global revenue, according to WWE’s estimates. It’s also the most notorious of Trump’s interactions with the company. But that’s about all the significance it really holds.

“You could argue that nothing in wrestling has any meaning,” said Beekman, the historian. The feud between Trump and McMahon “was an angle, and it was a successful angle, and then they moved on to the next one.”

Vince and Linda McMahon together donated $7.5 million to super PACs that backed Trump’s winning presidential campaign. Linda McMahon had earlier spent nearly $100 million on two failed efforts, in 2010 and 2012, to get herself elected to the U.S. Senate. In December, Trump nominated her to head the Small Business Administration, a Cabinet-level job potentially at odds with the methods she and her husband had used to build WWE into a wrestling empire ― but one to which she was easily confirmed. (Neither the McMahons nor the president chose to comment on the president’s WWE career.)

Linda McMahon once took a Stone Cold stunner, too, so Steve Austin is responsible for stunning at least two top Trump administration officials. But he has doled out thousands of those in his career, and until he was reminded, he didn’t even remember what year he had laid Trump out.

“I’ve stunned a couple members of the Cabinet,” Austin said. “But I don’t think about it like that. It was so long ago. I don’t know Donald Trump. We did business together, we shook hands, and I appreciated him taking that. But I don’t sit here in my house, rubbing my hands together thinking, ‘Aw, man, I was the only guy that ever stunned a United States president.’”

“Yeah, it’s pretty cool,” Stone Cold said. “But it was part of what I did. To me, hey, man, it’s just another day at the office.”

Voir par ailleurs:

« MUNJOIE! », MONT JOIE ET MONJOIE à HISTOIRE D’UN MOT*

Ffance qui a longtemps souffert meschief,

Qui se plaingiioit et regretoil Monijoye,

Disant : ‘Taray encor soulas etjoye.

Riens ne me fault, mais que j’aye bon cliief ». Eustache Deschamps, Ballade (XVe s.).

« Munjoie! » est le cri de guerre des Francs, attesté quatorze fois dans le Roland, à la fin du XIe siècle, et dans beaucoup d’autres chansons de geste depuis ; Montjoie, c’est aussi un nom propre qu’ont rencontré, un jour ou l’autre, tous ceux qui s’occupent de toponymie ; montjoie, c’est encore un substantif féminin, qui apparaît tôt en vieux français avec des emplois variés, au propre et au figuré, tous dérivés de l’idée de hauteur ou d’amoncellement. Le lien qui unit ces mots n’est pas tout d’abord évident. Ce qui a amené à penser que, seule, une homophonie fortuite permettait de les rapprocher, et que leurs étymologies étaient différentes. Solution de facilité que nous refusons.

Disons-le tout de suite : pour bien saisir la nature et la vie de ce mot, il faut avoir recours à des considérations géographiques et historiques autant qu’à des règles philologiques. Comme le recommandait Arsène Darmesteter, on doit «prendre chaque mot à son origine, déterminer le genre de composition qui lui a donné naissance, et, ensuite, en suivre l’histoire à travers les modifications et altérations qui en ont pu changer le caractère»1. Montjoie est un terme difficile, qui intéresse bien des domaines : histoire, littérature épique, toponymie, linguistique, folklore. Il traîne à sa suite, par surcroît, une vaste et déroutante bibliographie2, car ce mot « fossile » de la Chanson de Roland a soulevé, de longue date, la curiosité et la controverse, à l’étranger comme en France3. La découverte de son étymologie ne devait-elle pas apporter la solution d’une énigme : la signification perdue de l’ancien cri de guerre des Francs  » Munjoie Г resté vivant dans les mémoires sous une forme stéréotypée, puis amplifié en  » Montjoie et saint Denis » ?

Les trois problèmes à résoudre sont les suivants : Io Quelle est l’étymologie du mot Munjoie tel qu’il apparaît dans la Chanson de Roland ? 2° Comment le même mot a-t-il pu servir à la fois de cri de guerre et de toponyme ? 3° Comment le nom propre est-il devenu nom commun ?

Principales étymologies proposées du cri de guerre et du toponyme

Le cri :  » Munjoie très ancien et finalement incompris, fut longtemps transmis par voie orale avant d’être consigné dans le Roland. Une ancienne interprétation, due à Orderic Vital, latinisa en Meum gaudium! « ma joie », l’appel des Francs à la bataille de Brémule en 1 1 194. Au XIIIe siècle, la chanson de Girard de Roussillon explique :

Le cris de ces François est de Ione temps « Monijoye » ;

Bien saiches que eis cris, pour voir, si leur rent j oye5.

Et Charles d’Orléans, vers 1430, admoneste son lecteur :

* Cet article précise la communication que j’ai feite à la Société Française d’Onomastique le 22 mars 1 990. Il reprend l’analyse de problèmes déjà évoqués dans mon livre :  » Montjoie et saint Denis ! » Le centre de la Gaule aux origines de Paris et de Saint-Denis. Paris, Presses du CNRS, 1989, pp.50-65. Je suis reconnaissante à la Nouvelle Revue d’Onomastique de m’offrir l’occasion d’exposer plus complètement mon opinion sur le sujet.

Souviengne toy comment voult ordonner Que criasses « Montjoye », par liesse…6.

L’étymologie par « joie » a été vigoureusement défendue de nos jours par Laure Hibbard-Loomis, qui pensait que ce mot avait été également du masculin au Moyen Âge et que les combattants criaient :  » Mon joie! »7.

Au XVIe siècle, dans sa Gallica historia (1557), Robert Cenai, évêque d’Avranches, avance que Clovis, lors de la bataille de Tolbiac, reconnut dans saint Denis « son Jove », c’est à dire « son Jupiter » ; le cri « Mon Jove » serait par la suite devenu « Monjoie ». Cette explication déjà préconisée par Nicole Gilles dans ses Annales et croniques de France, imprimées en 1525, fut admise par Etienne Pasquier. Elle bénéficia d’un grand succès. Elle est pourtant insoutenable du point de vue phonétique, car Monte Jovem donne en français Montjeu ou Montjou et non Montjoie.

D’autres explications plus ou moins fantaisistes sont intervenues. Sébastien Roulliard, au début du XVIIe siècle, proposa Moult-joie, ou « joie multipliée », qu’il dit avoir lu «escript dans les Archives de Saint Denis»8. Quant à Du Cange, il condamne comme « forcées et peu naturelles » les explications par mon Jove, ma joie, ou moult de joie ; il demande «pourquoy en l’invocation de saint Denys, patron de la France, on a ajouté le mot de Montjoie ?» ; il pense que celui-ci évoque «la montagne ou la colline de Montmartre ou saint Denys souffrit le martyre avec ses compagnons»9 ; mais il identifie le « monticule » sanctifié avec la colline même de Montmartre, ce qui est inadmissible pour de multiples raisons10. Littré souscrivit à l’opinion de Du Cange en ajoutant qu’un «lieu de martyre était un lieu de joie pour le saint qui recevait sa récompense».

Ajoutons que, dès la fin du Xe siècle, Montjoie était traduit en latin par Möns Gaudii, « Mont (de la) joie », et servait à désigner les petites hauteurs situées à proximité d’un lieu saint et d’où les pèlerins et les croisés contemplaient pour la première fois leur but enfin atteint et laissaient éclater leur joie (mons vocatur exultationis vel laetitiae ). Sur les champs de bataille, les guerriers se seraient remémoré cette heureuse circonstance et auraient crié : « Montjoie! ».

La première des objections qu’on puisse faire à ces diverses étymologies est de bon sens. Comment imaginer que des chrétiens invoquent saint Denis en l’appelant « leur Jupiter » ; et n’est-il pas dérisoire de supposer que des hommes, placés dans une situation assez désespérée pour réclamer une aide immédiate d’un pouvoir surnaturel, aient pu manifester « leur joie » ou crier un toponyme. Ce n’est que plus tard qu’on criera : Jerusalem ! ou même Arras! ou Chartres!.

La nature des plus anciens cris de guerre infirme radicalement de telles interprétations. Tous sont composés du nom d’une puissance surnaturelle, suivi, le plus souvent, d’une formule qui l’apostrophe à l’impératif pour lui réclamer son aide ou qui exprime un souhait au subjonctif. Ainsi, dans le Roland, les Francs crient : « Dieu aide! » ou « Damnedeus nos ait! » (vers 3358) et les Sarrasins : « Aïe nos, Mahum! » (vers 1906). En latin, on trouve : « Christe, tuos sustenta Francos! » (Ô Christ, soutiens tes Francs!)11. On appellera aussi Notre-Dame ou un saint patron particulier, mais toujours dans les mêmes termes.

César remarque que toutes les nations commencent le combat par des cris. L’appel chrétien prit la suite du « cri héroïque » de la tradition antique, qualifié par les auteurs latins de patrius clamor 12 . Les Francs, comme les Gaulois, le poussaient avec ferveur tous ensemble, ce qui rendait présent l’Ancêtre tutélaire et garantissait l’octroi de son appui dans la lutte engagée. Ce cri galvanisait les combattants et provoquait l’épouvante et la fuite magique des ennemis. Les Germains pensaient aussi que la divinité accourait pour les aider13. Au moment où Constantin Ier traversa la Gaule pour aller affronter Maxime à Rome (bataille du Pont Milvius en 312), les populations, qui se pressaient sur son passage, crurent voir dans le ciel les « armées célestes » que son père, le défunt Constance Chlore, amenait à son secours14. En effet, la puissance surnaturelle intervient le plus souvent à titre de père ou d’aïeul. C’est ainsi que le Dieu celte Lug vient au secours de son fils Cuchulainn. Au Х1Пе siècle encore, un croisé galvanisait ses compagnons dans la lutte contre les Sarrasins en criant en français : « D’aaz ait! », c’est-à-dire : « Que l’ancêtre (ase) nous aide! »15-

C’est dans le sens d’un appel à un protecteur à la fois surnaturel et familier qu’il faut chercher, pour rester fidèle aux mentalités et aux usages du haut Moyen Âge et pour élucider le cri Munjoie!.

C’est de cette forme, la plus ancienne en langue vernaculaire, qu’il faut partir. Le mot est attesté quatorze fois avec la même orthographe Hans la Chanson de Roland, ce qui ne laisse aucune place aux hésitations qu’auraient pu susciter des variantes.

П apparaît qu’au haut Moyen Âge le souvenir de la signification et du mode de formation du cri Munjoie ! s’était perdu et que le mot avait commencé à servir pour désigner le tumulus de la Plaine Saint-Denis16. Les clercs médiévaux appréhendèrent alors le terme comme composé de deux substantifs juxtaposés, selon le type existant en latin : pater familias, et en ancien français : connétable, Hôtel-Dieu , avec ellipse de la préposition intermédiaire, qui marquait la subordination. Par homophonie et attraction, Mun devint Mon(t) et joie exprima une joie chrétienne. Le second élément : joie, en fonction de génitif, fut considéré comme le complément déterminatif du premier : mont, avec peut-être un rôle d’attribut. C’est pourquoi on interpréta : « Mont (de la) Joie » et on traduisit en latin par Möns Gaudii, Möns Laetitiae, ou « Mont (de) joie », traduit par Möns Alacris, Möns Jucundus.

Un sérieux argument milite en faveur de ce processus : le fait qu’Orderic Vital (1075-1143) fut abusé, lui aussi, par l’homophonie ; mais il donna un autre sens aux deux syllabes du cri Munjoie! qu’il traduisit par  » Meum Gaudium/ », c’est-à-dire en vieux français : « Ma joie! ». D’autre part, la traduction du mot en latin par Möns Gaudii ou Meum Gaudium -et formes similaires -apporte la preuve que ces équivalents sont des approximations. René Louis les a qualifiés de « fantaisies de clercs latinisants ». On doit pourtant tenir compte de ce que la traduction par Möns Gaudii fut précoce, puisqu’elle est attestée dès 997 pour désigner un toponyme17. À une époque où l’on écrivait peu en roman, elle donna à cette interprétation par « Mont (de la) Joie » l’autorité du latin18. Bien plus, refaisant arbitrairement le chemin, cette fois en sens inverse, du latin au français, on a pris la peine de chercher les règles phonétiques, qui justifiaient l’évolution de Möns Gaudii > Montjoie > Munjoie!.

Cette étymologie bénéficia d’un grand succès depuis la fin du Xe siècle. Elle a été acceptée de nos jours par J. Bédier, J. Soyer, K. Löffel, R. Louis, W. von Wartburg, G. Rohlfs et beaucoup d’autres romanistes19. On peut lui objecter cependant que, si elle peut convenir à un toponyme, elle ne saurait expliquer un cri de guerre, alors que le terme Munjoie / montjoie est, nous l’avons dit, trop spécifique pour qu’on puisse lui supposer deux étymologies différentes. Or, il est possible de lui trouver ime origine unique et les explications sémantiques, qui rendent compte de ses emplois divers. L’étymologie par un composé francique, proposée dès 1928 par Ernst Gamillscheg, professeur à l’université de Berlin, largement discutée et finalement abandonnée, offre, à condition d’y apporter quelques modifications, une réponse satisfaisante au problème qui nous occupe.

Une étymologie francique ?

En 1928, Ernst Gamillscheg préconisa l’étymologie de Munjoie! par un composé francique *mund-gawi. Le premier élément était, disait-il, le substantif germanique mundo, a.h.a. munt « protection, défense » (cf. agis, mound) et le second était gau, goth. gawi « territoire, pays » ; et il traduisit : « territoire de protection » (Schutzgau, Grenzgau, Sicherheitszone).

Vigoureusement contestée20 -et bien que E. Gamillscheg l’ait à nouveau défendue en 1951, puis en 1967 et encore en 196921 -, cette étymologie fut finalement abandonnée. René Louis, qui s’y était rallié en 1938-1939, y renonça en 1957, sur les conseils de Ferdinand Lot et de Jacques Soyer. On revint à l’ancienne explication par Möns Gaudii, de nouveau tenue pour recevable jusqu’à aujourd’hui.

Les principales objections adressées à E. Gamillscheg n’étaient ni d’ordre historique : les Francs ont laissé beaucoup de mots derrière eux, ni d’ordre phonétique : l’évolution menant *Mundgawi à Munjoie! est régulière. Elles étaient les suivantes :

Io Dans les composés avec le substantif Mund, celui-ci est toujours placé en second élément.

2° Dans les formations germaniques, le déterminatif précède toujours le déterminé, lequel entraîne le genre. Cf. a.h.a. guntfano, « étendard de combat, gonfanon ». Or, gau est toujours du masculin, alors que « montjoie » est invariablement du féminin. L’objection était ici la même que celle adressée à l’étymologie par Möns gaudii où mons est du masculin.

3° Gau désigne, en germanique comme en allemand moderne, un « vaste territoire », non un lieu restreint du type « hauteur stratégique, site fortifié ». « Il n’existe pas, a écrit R. Louis, un seul texte médiéval qui attribue au toponyme Montjoie un sens technique d’ordre militaire et défensif. Ce sens est une pure hypothèse et qui ne repose sur rien ». Cette constatation fut peut-être celle qui pesa le plus lourdement dans la décision d’écarter l’étymologie par *mundgawi.

4° D’autres ont objecté l’invraisemblance de l’importation en Francia par les Francs du mot *mundgawi qu’on ne rencontre nulle part en Franconie ou en Rhénanie. Le seul exemple : Munschau , près d’Aix-la-Chapelle, est issu du fiançais Montjoie. Le j passe régulièrement à sch en allemand.

Je suis néanmoins convaincue que l’étymologie par le francique *mundgawi, est la bonne. Les arguments qui lui ont été opposés peuvent tous être réfutés, à condition de modifier :

Io l’interprétation grammaticale des deux éléments du composé.

2° l’explication sémantique qu’Ernst Gamillscheg a donnée du mot. Cette nouvelle réflexion sur les origines de Munjoie! a, nous le verrons, l’avantage -indispensable à mes yeux et que ne possède aucune des autres étymologies jusqu’ici proposées -de fournir un sens, qui soit valable à la fois pour le cri de guerre et pour le toponyme.

Contexte géohistorique

Mais, avant d’exposer les corrections que je propose d’apporter à la formulation de l’étymologie par *mundgawi, je dois résumer brièvement les résultats d’une étude que j’ai récemment publiée et que les lecteurs de cet article peuvent ne pas connaître22.

J’ai dit l’existence, au nord immédiat de Paris et dès l’indépendance gauloise, d’un tumulus considéré comme celui de l’ancêtre de la race. On sait que la vénération de ces tumuli était pratiquée dans l’Antiquité gréco-romaine comme chez les Celtes, les Germains et les Slaves. Ils devenaient les centres autour desquels s’assemblaient tous les membres d’une même peuplade pour y prier ensemble, y prendre les décisions nécessaires, régler les affaires courantes et y échanger leurs produits23. Ces tumuli à pierre plate sont datés de l’Âge du Bronze ou de l’époque de Hallstatt, c’est-à-dire des années 1200 à 800 avant notre ère24. Le lieu dit la Monjoie, qui figure sur les plans de la Plaine Saint-Denis datant du début du XVIIIe siècle25, marque encore l’emplacement d’un tumulus protohistorique et de son « Perron » ; ils sont situés à six kilomètres de Paris et à trois kilomètres de Saint-Denis, ce qui correspond aux distances stipulées dans les Vies de saint Denis pour les déambulations de ce martyr céphalophore. L’endroit est occupé aujourd’hui par une rue de la Montjoie ; il avoisine le Champ du Lendit {Campus Indicti), lieu du pouvoir, où se tenaient les réunions communautaires, près de la tombe de l’Ancêtre, et où se perpétua la foire célèbre du Moyen Age26.

Ce lieu dit Monjoie polarise toutes les indications fournies par les textes avec une constance et une conformité, que des coïncidences répétées ne suffisent pas à expliquer. De toute ancienneté, les documents localisent dans la Plaine, le long de l’Estrée et au pied de Montmartre, le « petit mont » ou « monticule » que christianisa le martyre de saint Denis. Aucune fouille n’a été opérée à cet endroit. Comme beaucoup de buttes semblables en Europe et quand il eut cessé de provoquer un respect religieux, ce tumulus fut arrasé et son sol bouleversé par la culture, puis par l’occupation due aux entreprises commerciales ou industrielles qui s’y sont succédées, à la fin du XIXe et au XXe siècle. Il y a peu d’espoir que des vestiges aient été conservés sur place.

C’est au sommet de la Monjoie {in parvo montículo), que la primitive tradition chrétienne plaça l’endroit où le premier évêque de Paris fut décapité. D’après les hagiographes des Ve et IXe siècles, il sanctifia ainsi par son martyre le lieu «où il apprit que le paganisme sévissait avec le plus de force27». Evangélisateur et saint patron de toute la Gaule, Denis prit, en quelque sorte, la suite de l’Ancêtre protecteur des temps païens.

LA MONTJOIE (/\)

ET LES SEPT MONTJOIES (•) DANS LA PLAINE SAINT-DENIS

La Montjoie et les sept Montjoies dans la Plaine Saint-Denis

Nouvel examen de l’étymologie par *mundgawi

Munis de ces quelques notions sur l’origine et la nature de la Montjoie près de Saint-Denis, il est possible de procéder à un nouvel examen de l’étymologie préconisée par E. Gamillscheg et d’y apporter quelques corrections.

Tout d’abord, il est préférable de voir dans mund, première partie du mot *mundgawi, non un substantif, mais bien une forme verbale à l’impératif, 2e personne du singulier, du verbe a.h.a. munton, m.h.a. munden : « protéger ». Gawi, gau « pays » en est le complément d’objet direct.

Ce type de composition a été étudié de façon brillante et convaincante à la fin du siècle dernier par Arsène Darmesteter28. П a montré, par de multiples exemples, que la formation, qui associe un veibe à la 2e personne du singulier de l’impératif et un substantif, est une création spontanée, qui fut «très riche et très vivante, aussi vieille que la langue et encore en pleine activité». Elle n’est pas spéciale à un idiome particulier, mais est d’un usage général, car elle est conforme aux lois de l’esprit humain29. La composition avec l’impératif est directe et primitive, ce que n’est pas la formation avec l’indicatif. Elle est naturelle, «éminemment synthétique», et «porte bien le cachet de l’esprit populaire».

À l’origine de cette formation, le dialogue (impératif avec ellipse instinctive de l’interlocuteur) est encore apparent ; mais, par la suite, il s’efface. Le verbe à l’impératif est compris comme exprimant l’action au présent de l’indicatif, aidé en cela par l’analogie et la confusion des formes verbales à ces deux temps. C’est ainsi que le nom propre Boileau, « Bois l’eau », où l’impératif est incontestable, devient « (celui qui) boit l’eau ».

L’ancien allemand offre des exemples de cette composition. Citons bergfried , m.h.a. bercvrit, composé de bere « protège » et de vrit « sûreté » et qui, latinisé en berfredum a donné berfroi, puis beffroi 30 ; ou encore Störenfried, « trouble-fête », taugenichts, « vaurien ».

En France, indépendamment de multiples noms propres venus de surnoms, comme Boileau, il existe des toponymes : Crèvecoeur « crève (le) coeur » (1087, Nord), Machecoul « meurtris (le) cou » (1115, Loire-Maritime), Bapaume « bats (tes) paumes » (1142, Pas-de-Calais), Matafelon « mate (le) felon » (1291, Ain) ; et également des noms communs comme : allume-feu, casse-tête, gagne-pain, grippe-sou, licol, etc…

Certains préféreront envisager une construction relative avec un verbe à l’indicatif et ellipse de qui ; « (Qui) protège le pays » ; ou encore «un élément verbal extérieur au paradigme, étranger aux notions de personne, de temps, de mode, ayant pour base la forme la plus réduite du veibe, celle de la 3e personne de l’indicatif. C’est la définition même du thème»31. Darmesteter estimait que «la compo¬ sition thématique est inconnue à notre langue» ; elle offre cependant, dans certains cas, une expli¬ cation séduisante. Il faut aussi tenir compte des difficultés et des hésitations que les traducteurs et les scribes éprouvèrent au cours des temps face à plusieurs formes et plusieurs orthographes possibles.

L’impératif nous semble plus conforme à un mode primitif de pensée et au cas envisagé. Mais, que l’on attribue un mode ou l’autre à l’élément verbal qui entre dans la composition de *Mundgawi, que l’idée de « protection » soit exprimée par l’impératif ou par une sorte de déverbatif, cela ne change rien aux conclusions qu’on peut en tirer. La nouvelle façon d’envisager le mot permet d’écarter les principales objections formulées à l’encontre de l’étymologie voulue par Gamillscheg :

Io II ne s’agit plus ici de deux substantifs : un déterminé gau précédé de son déterminant mund, mais d’une forme verbale suivie de son complément d’objet direct.

2° Le germanique Mund n’a subsisté en allemand moderne qu’en composition ou dérivation : Vormund « tuteur », Mundel « pupille », ainsi que dans les adjectifs mundig et unmundig « majeur et mineur ». À l’époque fìanque, on a mundboro « mairibour, curateur ». La mainbournie est la tutelle à laquelle se soumettent les individus ou les communautés pour se mettre à l’abri des menaces extérieures. Tous ces mots évoquent la protection d’un père ou d’un patron, non une protection militaire. Au Moyen Âge, mundium, qui latinise le germanique mund, renvoie aussi à une protection par l’autorité, non par les armes32. *Mundgawi évoque, dans le même sens pacifique, la protection par un héros divinisé.

3° Avec notre interprétation, gau ne renvoie plus à une position stratégique et militaire d’étendue restreinte. Il a son acception habituelle de « territoire, région, province ». Cf. Rheingau, Hennegau,

Brisgau, Aargau. Comme land, « terre, pays », (cf. Rheinland, Saarland, Russland), il désigne des espaces d’une étendue variable. Il évoque ici la Gaule franque.

4° L’étonnement, que certains ont ressenti en constatant que *mundgawi n’a laissé aucune trace dans les pays de langue germanique, disparaît si l’on veut bien considérer que le mot est, à l’origine, unique. C’est une épithète, une formule précative, devenue un nom propre, qui servit à désigner un seul être divin, en un lieu précis : la plaine Saint-Denis près de Paris, et pendant un temps limité : après l’arrivée des Francs au Ve siècle et avant que s’impose la toute puissance du christianisme. Le mot était de formation francique et il resta propre à la Francia.

Ce nom propre, d’origine étrangère, naquit et évolua hors de son environnement naturel des bords du Rhin. À peine formé, il fut, en outre, soumis à la volonté d’étouffement des autorités chrétiennes, puisqu’il servait à invoquer un dieu païen, dont le culte était réprouvé. La traduction en latin de Munjoie par Möns gaudii, fausse interprétation transmise par l’écrit, est née au Xe siècle, en milieu ecclésiastique (voir infra p. 168 et n. 61). Elle fut responsable des errements postérieurs. Mais les populations, et surtout la classe guerrière, étaient fortement attachées à leur dieu ancestral et « national ». Étrangère et prohibée, l’appellation qui servait à le désigner perdit sa signification ; mais son importance affective et historique explique qu’elle ait pu se maintenir victorieusement, résister à l’oubli jusqu’à nos jours et se répandre un peu partout avec des sens dérivés.

Reste à justifier l’implantation de ce nom propre francique en plein coeur du territoire gaulois. Elle s’explique facilement. Les Gaulois désignaient leur ancêtre protecteur par une épithète : Tentâtes , « dieu de la peuplade ». César l’appelle Dispater et nous apprend que, d’après les druides, il avait engendré tous les Gaulois33. Tolérants en matière de religion, les conquérants romains assimilèrent cette divinité autochtone à un Genius loci et l’associèrent à Jupiter et à leur propre « génie public du peuple romain », qui étaient vénérés ensemble. À leur arrivée, les Francs adoptèrent, à leur tour, la divinité tutélaire du Lendit qu’entourait une crainte respectueuse. Ils la désignèrent, eux aussi, par une épithète en leur langue : *Mundgawi, « Protège-pays ».

Une telle adhésion de leur part s’intègre bien dans le contexte historique. On sait comment Clovis s’installa à Paris et choisit la ville comme « siège du royaume »34. Il donnait ainsi aux Francs les racines qui leur avaient toujours manqué cruellement35. En adoptant le « dieu ancêtre » des populations indigènes, ils exprimaient une volonté de solidarité d’autant plus sincère que leurs propres croyances, leurs pratiques religieuses, leurs coutumes étaient voisines des leurs. Comme les Gaulois, ils avaient l’habitude d’invoquer leurs dieux au cours du combat. Grégoire de Tours montre Clovis, à la bataille de Tolbiac (496), s’adressant au Christ pour obtenir la victoire, car les dieux païens qu’il avait implorés n’étaient pas intervenus36.

On sait que l’invasion de la Gaule par les Francs et l’établissement des dynasties mérovingienne et carolingienne d’origine germanique, s’ils n’ont pu modifier le galloroman qui y était parlé, ont introduit dans cette langue un grand nombre de mots, où le vocabulaire militaire a une part prédominante. Il n’y a donc pas lieu de s’étonner que le nom du « Protège-pays », maître des combats, soit d’origine francique et qu’il ait été choisi comme cri d’armes.

«Au moment des invasions barbares en Gaule, écrit A. Darmesteter, les idiomes germaniques possédaient à peu près les mêmes son s que le latin et l’assimilation s’est faite avec la plus grande facilité»37. *Mundgawi > Munjoie : chute du d et du t dans les groupes nd et ni. G initial devant a, e, i, > dj> j. Au suivi d’un yod > oi. Le nom formé de racines franciques semble donc s’être soumis de bonne grâce aux règles phonétiques de son pays d’origine et d’accueil. Ce fut finalement un mot « bien français ».

Munjoie, nom du dieu protecteur et guerrier, est attesté comme appel ou « cri », pour la première fois mais à quatorze reprises, par la version d’Oxford du Roland, qu’il est généralement admis de dater entre 1 125 et 1 150, mais qui s’inspire d’une version antérieure du XIe siècle. À la même époque, ce cri apparaît dans les textes sous plusieurs formes latines, qui témoignent des hésitations des traducteurs. Orderic Vital (1075-1143), à propos de la bataille de Brémule qui eut lieu en 111938, mentionne le cri des Français : Meum gaudium, quod Francorum Signum est. Matthieu Paris (mort en

1259), parle, sous l’année 1214, du cri Montis Gaudium « Joie du mont »39. Dans sa Chronique rimée, Philippe Mousket, évêque de Tournai, écrit en français cette fois :

« Montjoie » escrient à haut ton

Si haut que partout les ot-on. (vers 6950)40

Enfin, dans le Poème latin sur l’origine des fleurs de lis, dont la première partie date du XIIe siècle, Clovis règne in Monte gaudii. C’est là qu’il reçoit de Dieu le bouclier aux trois fleurs de lis, qu’il est vainqueur du païen Conflac et qu’il se convertit au christianisme41.

Qu’on nous permette ici une digression, car elle milite en faveur de nos déductions précédentes. L’histoire constate qu’en dehors de leur « ancêtre adopté » les Francs se fabriquèrent un ancêtre pseudo¬ historique et bien à eux, dont le nom : Faramund 42 était, en quelque sorte, le doublet de *Mundgawi.

Du roi Faramond

Le nom de ce roi franc apparaît pour la première fois dans le Liber Historiae Francorum, aux alentours de 72743. L’étymologie du mot n’offre pas de difficulté. Il est composé du germ, fora « famille, tribu », d’où « territoire habité par ce groupe », et de mund « protection ». Le déterminatif précédant le déterminé dans la formation des mots germaniques44, il faut comprendre : « protection de la race » ou « protection du pays ». On retrouve donc le concept exprimé par *mundgawi, à la différence que le premier terme (Faramund) est un syntagme déterminatif, tandis que le second (*Mundgawi ) est un syntagme rectif.

Or, qui est Faramund ? Alors que Marcomire et Clodion, réputés par la suite père et fils de Faramund, jouissent d’une certaine historicité -ils sont mentionnés par Grégoire de Tours et par Sidoine Apollinaire -, Faramund n’est attesté dans aucun texte digne de foi45. Appartenait-il aux traditions orales relatives aux origines de la royauté franque, auxquelles l’évêque de Tours se réfère sans les expliciter46 ? L’auteur du Liber ne fit-il que consigner son nom ou l’inventa-t-il pour l’installer en tête de la généalogie de Clovis ? П raconte, en effet, comment Marcomire conseilla aux Francs, qui n’avaient eu jusque là que des chefs (duces), de se donner un roi «comme les autres peuples» et de choisir son fils Faramundus47 .

Ne connaissant du personnage que son nom significatif, on est en droit de se demander s’il ne fut pas imaginé de toute pièce pour valider, en quelque sorte, l’accession au pouvoir des Francs en Gaule. Depuis l’Antiquité, de tels recours aux mythes d’origine ou aux généalogies prétendues sont fréquents en cas de compétitions pour le pouvoir et de rupture historique. Ils sont rarement gratuits.

Faramund deviendra donc le géniteur de la famille mérovingienne comme *Mundgawi était désormais l’ancêtre de tous les habitants du pays, Gaulois et Francs confondus. Inscrire Faramund en tête des rois Mérovingiens, c’était une façon de légitimer la nouvelle dynastie. П perpétuait, à sa façon, le mythique « Protège-pays » en lui donnant une carrure historique. Ingénieux, le procédé se révéla efficace, puisque, grâce à son seul nom, un roi légendaire fut réputé « premier roi de France » et fondateur de la monarchie48.

Il est un autre motif de réflexion : de nombreux pays ont, au Moyen Âge, choisi l’un de leurs rois comme patron céleste, que ce roi soit à l’origine de leur conversion (Europe centrale, Scandinavie) ou qu’il ait été canonisé comme l’anglais Edouard le confesseur ou l’empereur germanique Henri II49. Rien de tel en France. Les cultes de saint Charlemagne et de saint Louis ne réussirent pas vraiment à s’imposer50. Ce ne fut qu’à partir du XVIIe siècle et pour des raisons de propagande monarchique que Louis IX, jusque là simple référence spirituelle, fut reconnu comme patron de la dynastie, protecteur du royaume et garant dans l’Autre monde. Faut-il attribuer cette longue inhibition des Français à un lointain atavisme ?

Munjoie ! dans la Chanson de Roland

Leur conversion imparfaite au christianisme n’empêcha pas les guerriers francs de continuer à invoquer, par le nom francique qu’ils lui avaient donné, le « Protège-pays » du peuple avec lequel ils avaient fraternisé. Devenu traditionnel et incompris, leur appel stéréotypé « Munjoie Г figure dans la Chanson de Roland sans avoir rien perdu de sa force incantatoire.

On comprend mieux, dès lors, le lien que l’auteur du poème établit entre ce cri, l’oriflamme et l’épée de Charlemagne, lien qui constitue une preuve supplémentaire en faveur de l’exactitude de l’étymologie par *Mundgawi. Il raconte :

Munjoie escrient ; od els est Carlemagne.

Gefireid d’Anjou portet l’orie flambe :

Seint Piere fut, si aveit num Romaine ;

Mais de Munjoie ilœc out pris eschange. (vers 3092-3095)

L’oriflamme, autrefois appelée « Romaine », était gardée dans l’église dédiée à saint Pierre, primitif vocable de la basilique de Saint-Denis. C’est là (iloec ) qu’elle a changé son nom contre celui de « Munjoie ». Autrement dit : la lance ou labarum, qui était l’attribut et le symbole du dieu gaulois « protecteur du pays », et que le superstitieux Constantin Ier, empereur « romain », adopta comme fétiche, prit, quand elle est devenue l’enseigne des Francs, la même appellation francique  » Munjoie « , que ceux-ci avaient imposée à l’ancêtre indigène.

Quant à Joyeuse, épée de Charlemagne, elle fut la première épée de l’épopée médiévale à avoir été individualisée par un nom propre51. Le poète s’efforce d’expliquer celui-ci par la « joie » inspirée par la relique enfermée dans son pommeau :

Li nums Joiuse l’espee fut dunet.

Baruns franceis nel deivent ublier :

Enseigne en uni de Munjoie crier ;

Pur ço nés poet nule gent cimtrester. (vers 2508-251 1)

Le Roland établit donc une relation étroite entre le cri de guerre, l’oriflamme et l’épée, grâce à une étymologie commune par « joie », qui représente le second élément de Munjoie. Or, nous avons indiqué que celui-ci n’était pas dérivé de gaudio , mais de gawi, qui signifie « pays, patrie ». On dut avoir gawi + itia > *gawisa > gauise > jouise avec le sens de « celle (l’épée) du pays ». On a ici un dérivé en -ise, dont le radical est un substantif et qui exprime une dignité, une qualité (cf. maîtrise, prêtrise). La forme Giovise est attestée par la Karlamagnus sagcr*2. Rien de plus facile que de passer de Jouise à Joiuse par mauvaise audition ou mauvaise lecture. Dans le texte d’un manuscrit du XIe ou du XIIe siècle, il suffit du déplacement -intentionnel ou non -du point de 1’/ du troisième au premier des trois jambages verticaux et voisins de Vu et de IV pour modifier la prononciation du nom et par conséquent son sens53.

La tradition épique fiançaise fait de Joyeuse une arme-fée, irrésistible et éblouissante, elle aussi « protectrice ». Dans les mains des souverains successifs : Clovis, Pépin, Charlemagne, véritables champions de Dieu, elle ne fait triompher que les causes justes : défense du territoire ou lutte contre les Sarrasins54. Ainsi, dans le Roland, quand Charlemagne, défenseur de la chrétienté, engage le combat contre Baligant, représentant de l’Islam tout entier, l’arme qui lui donne finalement la victoire n’est pas une simple épée « française », mais bien « l’épée de France », c’est-à-dire, « l’épée du pays » avec, dans la langue du poète, toute sa signification symbolique :

Fiert l’amiraill de l’espee de France…

Trenchet la teste pur la cervele espandre. (vers 3615 et 3617)

L’épée Joyeuse et l’oriflamme étaient liées au cri de guerre par l’appartenance au « pays » {gawi), à la défense duquel tous trois concouraient, comme ils le seront plus tard par la participation à une même « joie chrétienne », qu’accréditera la fausse étymologie par gaudia imaginée par les clercs médiévaux. Au moment où les combattants expulsaient leur vigoureux appel, le porte-enseigne brandissait en avant des troupes la lance ou oriflamme, symbole du « Protège-pays » invoqué.

«Montjoie et saint Denis !»

Décapité sur le tumulus du Lendit, à l’endroit même où jadis on offrait des sacrifices à l’Ancêtre, saint Denis prit la place de ce dernier comme « Protecteur » de la Gaule. C’est vers lui qu’on se tourna désormais pour obtenir du secours sur le champ de bataille. Mais les combattants restèrent fidèles au vieux « cri héroïque » Munjoie !, répété automatiquement comme une formule magique à l’efficacité de laquelle le moindre changement aurait nui. Pour christianiser cette invocation familière à une divinité païenne, l’Église elle-même n’osa que des additions. C’est ainsi que naquit d’abord le nouvel appel :  » Montjoie et saint Denis.' », où l’apôtre des Gaules venait seconder le « Protège-pays ». Cette formulation apparaît, à notre connaissance, dans le Couronnement de Louis , chanson de geste composée entre 1131 et 1137, et il est difficile, à cette date, de ne pas attribuer son adoption à l’intervention de l’abbé Suger (1122-1152).

Par la suite les guerriers francs modulèrent ce cri : «François escrient : Montjoie! saint Denis!» (Girart de Viane, v.531) ou «Montjoie! Dis aidiés! saint Denis!» {Fier abras, v.1703) ou encore «Montjoie! escrie. Aïde, saint Denis!» (Anseïs de Carthage, v.2893). On a même «Montjoie! aidiés, nobile poigneor!» (Ibid., v.3258), qu’il faudrait peut-être comprendre comme un appel archaïsant au « noble combattant », qui répondait au nom de Munjoie (*Mundgawi)ss .

Il était naturel que saint Denis, patron du royaume et de la royauté, ait été invoqué le premier et avant les autres saints régionaux56. Interrogée, lors de son procès, Jeanne d’Arc déclarera qu’après avoir été blessée devant Paris, elle a offert son « blanc harnois » à saint Denis, parce que saint Denis est le « cri de France »57 et ce « cri de France » est comme un lointain écho de Tépée de France » du Roland (vers 3615).

Notons pourtant que saint Denis n’intervient jamais en personne dans les combats, et cela, sa qualité d’évêque ne suffit pas à l’expliquer. Ni les textes, ni l’iconographie ne l’ont jamais figuré en armes. Pourtant comme les anciens soldats que sont les saint Maurice, Georges ou Martin, on voit apparaître saint Jacques « Matamoros » et saint Germain, évêque de Paris, couverts d’armures au cœur de la bataille58. Saint Denis abandonnerait-il à Munjoie le côté guerrier de l’efficacité protectrice ?

Il faut écrire : Montjoie et saint Denis ! ou Montjoie! saint Denis!, invocations conjuguées ou juxtaposées à l’Ancêtre divinisé et au Saint, appelés à se seconder. Il ne faut pas écrire Montjoie! et Saint-Denis! comme beaucoup l’ont fait et le font encore, parce qu’ils y voient la réunion de deux toponymes : « la Montjoie », lieu du martyre de saint Denis, et la ville voisine, où est sa basilique ; ce qui composerait un curieux cri de guerre.

Mais comment Munjoie, nom propre d’un dieu, a-t-il pu devenir un toponyme ?

Le toponyme Montjoie

Pour en fournir l’explication, il est nécessaire de recourir, une fois encore, à des considérations historiques.

On croyait jadis que la possession du corps d’un héros divinisé était capitale pour bénéficier de son appui. Il arrivait même qu’on partageât ce corps en morceaux pour que plusieurs endroits en profitent. Le culte des reliques des saints perpétua ces croyances. Quant à l’habitude de diviser les corps des rois et des princes : coeur, entrailles, ossements, et de les disperser dans plusieurs églises, elle avait primitivement le même but.

Le tumulus du « Protège-pays », ffans la Plaine Saint-Denis, focalisait les pratiques, auxquelles le culte de son occupant donnait lieu, et participait à la vénération dont on entourait celui-ci. Il fut désigné par le même nom que lui : *Mundgawi > Munjoie59.

Nous attirerons ici l’attention sur un texte de la seconde moitié du XIe siècle, qui présente le terme qui nous intéresse comme étant d’origine germanique. Le moine allemand qui composa les Brunwilarensis monasterii fundatorum actus, au temps de l’abbé Wolfhelmus (1065-1091), écrit, à propos du châtiment de l’usurpateur Crescentius, vaincu par Otton III en 997 : «Ductus vero in montis illius planiciem, qua totam videre possis Urbem, capite truncatur ; idemque mons usque hodie ob triumphatum tirannidis presumptorem a Teutonicis Mons Gaudii, a Romanis autem Mons Malus vocatur60». D’après lui, Mons Gaudii traduirait la joie des Allemands à cause de leur victoire sur l’usurpateur Crescentius. Cette interprétation, locale et de circonstance, est contestable. Son intérêt réside en ce que le toponyme n’est pas mis en rapport avec le fait d’apercevoir Rome, pourtant évoquée en début de phrase. Le moine ne faisait-il pas allusion, au début du XIe siècle, à l’ancienne forme francique du mot ?

Au début du christianisme, le tumulus du « Protège-pays » fut considéré comme le lieu où saint Denis avait été décapité. Dans l’optique chrétienne, ce mont du martyre devint un « Mont de joie », puisque le saint y avait gagné la félicité céleste et qu’en mourant il avait converti à la vraie foi les habitants du pays. Cette considération agit, conjointement avec l’homophonie, pour aboutir à la traduction du toponyme Munjoie pax Möns Gaudii.

L’expression Möns Gaudii apparaît souvent dans les textes, à partir de 997, pour désigner les petites hauteurs d’où les pèlerins et les croisés apercevaient pour la première fois le sanctuaire ou la ville sainte, but de leur lointain et laborieux voyage, et où ils laissaient exploser leur joie61. Pour Joseph Bédier, à ce sens religieux s’ajoutait un sens laïque et militaire ; le mot désignait «une éminence d’où l’on découvre un certain point de vue et propre à servir de poste d’observation»62. Pour lui et beaucoup d’autres, telle était la signification primitive du mot et le cri de guerre en découlerait.

Il est cependant infiniment plus vraisemblable que le tertre par nous détecté dans la Plaine Saint-Denis fut le prototype de tous les Montjoie connus. Plusieurs arguments militent en ce sens :

Io Le mot *Mundgawi n’existe pas dans les pays de langue germanique63.

2° Les toponymes Montjoie se rencontrent d’abord et surtout en Ile-de-France et dans l’Est.

3° Lorsqu’on les trouve à l’étranger, ils jalonnent toujours les routes en provenance de la France. À Rome comme à Jérusalem, à Saint-Jacques-de-Compostelle et ailleurs, Möns Gaudii et Montjoie sont des termes importés par les pèlerins français. Les sources insistent souvent sur le fait que les hauteurs ont été ainsi nommées par les Franci ou les Galli.

Une fois constitué, près de Saint-Denis, le toponyme essaima dans la région parisienne, puis le long des routes qui en partaient. Il désigna d’abord des tumuli 64, puis, par analogie, toutes sortes de hauteurs naturelles ou de buttes artificielles ; et d’abord les plus célèbres, celles qui, comme la Monjoie proche de la basilique de Saint-Denis, avoisinaient un grand sanctuaire de pèlerinage : à Jérusalem65, à Rome66, à Saint-Jacques-de-Compostelle67, à Vézelay, à Rocamadour, au Puy, etc… Mais on trouve aussi ailleurs des lieux dits Montjoie ou la Montjoie ; en France du Nord, ils sont orthographiés Montjoye, Monjoi, Montgoye, Mongoy, Montjay, Montgey mMontgé, et en France du Midi : Montgauch, Montjauzy, Mongausy. Pour savoir ce qui leur a fait donner le nom de Montjoie, il faut souvent une enquête feite avec soin sur place.

Des listes du toponyme Montjoie ont été dressées68. Elles sont provisoires et incomplètes. Les reporter sur carte présenterait un intérêt, si l’on pouvait préciser, pour chaque lieu-dit, non seulement son emplacement le long des routes, mais aussi les motifs de son appellation : tumulus, hauteur naturelle, croix, etc., et s’il était possible d’établir la chronologie de la diffusion du toponyme, dont nous ne possédons généralement que les dates d’apparition dans les textes.

La ou une montjoie : on substantif du genre féminin

En même temps qu’essaimait le toponyme Montjoie, le nom propre qui le désignait fut employé comme nom commun et ce fut l’article la qui précéda ce dernier, lui conférant le genre féminin Par contrecoup, certains toponymes furent également appelés : la Montjoie.

Pourquoi le mot fut-il appréhendé comme un féminin ? Dans Munjoie! et dans Montjoie, la première syllabe fut, nous l’avons vu, comprise comme mont qui, étant le déterminé, aurait dû donner le genre masculin au mot entier. Pour tourner la difficulté, Jacques Soyer a cru pouvoir avancer que mons était, comme fons ou pons, du masculin en latin classique, mais qu’il avait pu passer au féminin en latin populaire69. Pourtant, si l’on a pu dire le val et la val en ancien français, on n’a jamais dit que le mont.

Une autre explication paraît plus recevable. Nous avons vu comment Munjoie!, première et seule forme aboutie en roman du cri de guerre, fut interprété comme un composé de deux substantifs : mont et joie, dont le second était le complément déterminatif du premier : mont (de la) joie. Par suite de la disparition de la préposition intermédiaire, le mot ne fut plus senti comme un composé, mais comme un mot entier, qui adopta le genre féminin de son deuxième élément joie , doté d’un e muet final. On dit la montjoie, comme on dit la perce-neige ou la garde-robe.

Sémantique du nom commun montjoie

Le substantif montjoie a revêtu bien des significations depuis le Moyen Age. Voici les principales70 :

Au sens propre :

Io Un tumulus ou butte artificielle de terre en forme de cône aplati, dont la hauteur peut aller de 2 à 25 mètres, généralement érigé en plaine et le long d’une route et souvent choisi pour matérialiser une frontière ou une limite71.

Un terrier du Berry établit l’identité entre tumulus et montjoie : « Une grosse mongoye de terre appelee « la Tumbelle »72. Et ffans L’Istoire de la Destruction de Troyes la Grant , composée par Jacques Millet en 1450, les Grecs projettent d’ensevelir Achille sur un terrain que Priam leur céderait. Il faut, disent-ils :

Que nous feissions une monjoye Dedens la cité proprement Et que Achilles feust mis dedens,

Affin que tousjours soit memoire Deluy…73

Nous avons vu que bon nombre de lieux dits Montjoie ou la Montjoie correspondent à des tumuli protohistoriques. Chez Jacques Millet, le mot est synonyme de « sepulture », « thumbel » et « sepulcre ».

2° Un point de repère bien visible dans une plaine, depuis un simple tas de pierres, jusqu’à une petite hauteur ou une motte susceptible de porter un château, comme celle près de Poissy où, au XIVe siècle, Raoul de Presles localisa le combat entre Clovis et Condat.

On donna de bonne heure en France le nom de montjoie aux tas de pierres qu’une coutume antique avait fait dresser par les voyageurs le long des chemins ou sur les sommets, pour honorer le dieu Mercure ou pour commémorer un événement. Au XIIIe siècle, on trouve :

Tant i ot pierres apportées,

C’une monjoie i fu fondée74.

Le moine qui composa, peu avant 1 197, la Vie de saint Robert de Molesme75 raconte un miracle qui, de façon inaccoutumée, se produisit non auprès du tombeau du saint, mais à deux milles de là, à l’emplacement d’une montjoie. La femme paralytique, que son mari amenait, couchée dans une litière, pour implorer un remède à ses maux, fut guérie «au lieu où était un certain tas de pierres qu’on appelait Mont de la joie de Dieu » {ad locum in quo erat quaedam congeries lapidum quae vocatur Möns Gaudii Dei). Elle put alors parcourir seule les trois kilomètres, qui la séparaient de l’église où était enseveli le saint. Elle y laissa en ex-voto sa litière, qui demeura longtemps suspendue devant la porte en témoignage de sa guérison. Il arrive que le miracle se produise « à la vue du clocher ». Ici -et c’est le seul exemple que je connaisse -une montjoie est suffisamment sacralisée pour qu’un miracle s’y opère. Le fait méritait qu’on s’y arrête. Malgré la syntaxe de la phrase, qui attribue le nom de Montjoie de Dieu au tas de pierres, la hauteur où celui-ci était amoncelé doit être également concernée.

L’habitude des pèlerins d’ajouter en passant une pierre aux monceaux déjà existants ou de créer de nouveaux tas se perpétua longtemps. Le dominicain Hugues de Saint-Cher écrit, au milieu du XIIIe siècle, que les pèlerins élevaient de ces piles, les couronnaient d’une croix et les appelaient montjoie 76 . Bien français, le mot était connu en Angleterre avec ce sens en 1425. A cette date, un itinéraire anglais commence ainsi : «Here beginneth the way that is marked and made wit Mont-Joiez from the land of Engelond unto Sent Jamez in Galis»77. П semblerait donc que la route de Compostelle était jalonnée, depuis l’Angleterre, par des топу oies. Jean de Tournai raconte son arrivée à Compostene, en 1488, dans une campagne enneigée : «Nous bouttions nos bourdons bien souvent dans cette neige jusqu’au bout, pour savoir s’il n’y avoit point de montjoie et, quand nous ne trouvions rien, nous nous recommandions à Dieu et allions toujour et quand nous oyons que notre bourdon cognoit, nous étions bien joyeux, car c’était à dire qu’il y avoit une montjoie»79. À la fin du XVe siècle, on lit dans la Mer des hystoires : «Les petis monceaulx de pierre, que nous appelons montjoies, furent faits par les chemins sur les champs pour adresser les cheminans»79. En 1721, le Dictionnaire universel, dit de Trévoux, établit l’équivalence de Möns gaudi i et de Viae index.

Le nom de montjoie fut donc attribué, de bonne heure, mais secondairement, aux tas de pierres anciens ou récents, qui balisaient un itinéraire à suivre. On a supposé que, de ce sens, il était passé à celui d’enseigne militaire, qui indiquait aux soldats la direction à prendre, et, de là, au cri d’armes.

Le terme fut appliqué aussi aux hauteurs, points de vue ou belvédères naturels d’où, à la façon des pèlerins (cf. supra , p. 168), n’importe qui pouvait contempler au loin le but de son voyage. Ainsi dans le Lai de l’ombre, un chevalier à la recherche de sa dame chevauche avec ses compagnons

Tant qu’il vindrent a la monjoie Du chastel où cele manoit80*

3° Un amoncellement, un tas, un grand nombre ou une quantité considérable de n’importe quoi. Ex : une montjoie de fagots pour brûler un hérétique ; une montjoie de morts sur un champ de bataille. Rabelais parle d’une « montjoye d’ordure » (Pantagruel , XXXIII), mais aussi d’une « montjoye d’or et d’argent » {Quart Livre, Prologue de l’édition de 1552). Montaigne décrit les dunes de sable comme de « grandes montjoyes d’arenes mouvantes, qui marchent une demie lieue devant la mer » (Essais , liv.I, ch.30).

D’où les expressions : à montjoie ou en montjoie pour dire « en masse », « en grande quantité », « à profusion ».

Au sens figuré :

4° Le sommet, le point culminant, le comble de. Ex : la « montjoie de félicité », la « montjoie de paradis » ou « des deux ». Une femme peut être dite : « la montjoie de beauté », et Clément Marot qualifiera sa maîtresse de « montjoye de vertu » et de « montjoye de douleur ».

5° Au sens figuré comme au sens propre, montjoie peut désigner un repère, un lieu d’étape. Dans cet ordre d’idée la Croix est considérée «comme une seure montjoie qui mène à Jésus-Christ», c’est-à-dire comme un jalon sur la voie du Salut.

6° Au XXe siècle, en Provence, le nom Li Mount Joio a été choisi pour titre d’un recueil de proveîbes (Paul Roman, Avignon, 1908) et d’un recueil de poèmes (Marcelle Dmtel, 1968).

7° Nom du roi d’armes ou héraut de France. Le chef reconnu par le roi de tous les hérauts d’armes, portait le nom de Montjoie, par lequel les souverains étrangers l’interpellaient au cours de ses ambassades auprès d’eux81.

8° Enfin, l’original cri de guerre adopté par les Francs devint un nom commun et désigna un quelconque cri de ralliement ou de joie. On parla du « cri et monjoye  » des sorciers pendant leurs sabbats et, parmi les manières de manifester son plaisir, figurent : « tapemens de mains, monjoyes et applaudissemens »82.

On aura remarqué que les sens de montjoie, qui viennent d’être énumérés, tournent autour des idées de « hauteur », « d’amoncellement » ou de « cri ». Celle de « protection », qui était à l’origine du mot, s’est estompée sans pourtant disparaître. Elle subsiste dans ces deux vers des Miracles de Notre-Dame, où il est question de la Vierge Marie :

Entre Dieu et home est montjoie,

Toutes les pais fait et ravoie83.

Ici, la mère de Dieu sert d’intermédiaire et d’appui. Elle jalonne le chemin qui mène les hommes vers Dieu ; mais aussi, elle intercède auprès de son Fils, elle aide et protège. Nous verrons que cette mission est restée aussi attachée aux petits monuments chrétiens nommés montjoies.

Le nom commun montjoie fut très employé pendant tout le Moyen Âge et encore au XVIe siècle. Au XVIIe siècle, il commença à sortir d’usage et n’apparaît plus dès lors et jusqu’à nos jours que comme un archaïsme.

Il est cependant encore employé aujourd’hui pour désigner un type précis d’oratoires de plein air, en concurrence avec d’autres termes régionaux comme oradour (Limousin), piloun (Var), bildstock (Moselle), chapelle (Nord et Hainaut). On rencontre ces petits monuments un peu partout en France, où ils ont souvent pris la place d’anciens lieux de culte païen, dédiés à des divinités protectrices au croisement des routes, le long des chemins ou au point culminant des hauteurs. Ils se composent généralement d’une pile en pierres taillées ou en maçonnerie, dans laquelle est pratiquée une niche abritant une image pieuse ou une sculpture religieuse. Parfois, mais pas toujours, une croix est au sommet. Une dalle de pierre sert quelquefois de reposoir pour les reliques transportées lors des processions et on peut éventuellement y célébrer une messe en plein air. Un agenouilloir peut compléter l’ensemble84. Aujourd’hui encore, il arrive que le passant, renouvelant une pratique séculaire, s’y arrête un moment, dise une prière et offre quelques fleurs.

Il semble que ce soit l’idée de protection, qui ait fait donner le nom de montjoie aux tas de pierres puis aux petits monuments chrétiens. Les pèlerins et les voyageurs se sentaient à la fois guidés matériellement par eux et rassurés moralement par la croix ou le saint qui y nichait. J. Scrive-Loyer a signalé que, dans le Nord de la France et en Flandres, dans nombre de cas, les montjoies protègent des propriétés familiales. Lors de la vente du champ ou du pré où elles se trouvent, elles sont exclues sur l’acte de vente et transférées sur un autre domaine de l’ancien propriétaire ou de sa famille85.

Les plus célèbres d’entre ces « montjoies » sont les sept petits édifices gothiques qui furent élevés ensemble, vers 1271, en bordure de rEstrée qui traversait la Plaine Saint-Denis du sud au nord. Chacun comportait une haute croix et trois statues de rois grandeur nature debout sur un socle fleurdelisé86. Ils furent tous démolis en 1793, en tant que « signes de religion et de royauté »87. Ils étaient censés marquer, à des intervalles irréguliers, les arrêts du cortège funèbre, qui conduisit le corps de Louis IX à la basilique de Saint-Denis. Rien ne permet d’avancer que des actes de dévotion s’y soient jamais déroulés.

Jusqu’au XVme siècle, les textes désignèrent ces petits monuments par le nom de « croix faites en façon de pyramides », de « stations ou reposoirs », de « statues de rois ». Mais peu à peu l’habitude s’introduisit de les appeler montjoies. Le premier, semble-t-il, Guillebert De Mets écrit, vers 1430, que ces croix de pierre «sont sur le chemin en maniere de monjoies pour adrechier la voie»88. Et Gilles Corrozet, dans l’édition de 1561 de ses Antiqui tez , chroniques et singularitez de Paris , précise : «Aucuns les appellent montjoyes»89, ce qui signifie que, récente, l’appellation n’était pas encore universellement adoptée. Enfin, le Plan des Environs de Paris par Nicolas De Fer porte, en 1705 : «Ces croix sur la route de Saint-Denis se nomment Mont-Joye». Le terme montjoie eut donc quelque mal à s’imposer dans ce sens particulier. Au XIXe siècle, il est généralement admis.

Au terme de notre recherche, le cri d’armes des guerriers francs apparaît bien comme le nom de l’Ancêtre divinisé, qu’ils appelaient à la rescousse dans leur langue.

Io Le lieu dit la Monjoie dans la Plaine Saint-Denis occupe l’emplacement du tumulus de l’ancêtre tutélaire des Gaulois, adopté par les Francs et nommé par eux *Mundgawi.

2° Munjoie! est l’aboutissement en roman du francique *Mundgawi, qui signifie « Protège-pays ». Le mot, quatorze fois répété dans la première version du Roland (entre 1125 et 1150), remonte à un passé plus lointain et à une version antérieure de la Chanson (XIe siècle).

3° Möns Gaudii est la traduction en latin de Munjoie que Homophonie orienta vers le sens de « Mont (de la) joie ». Il est probable que la christianisation du tumulus par le martyre de saint Denis facilita cette évolution sémantique. Elle dut intervenir au IXe siècle, après quHilduin eut écrit les Areopagitica.

4° Au Xe siècle, les pèlerins et croisés français se servirent, par analogie, de ce nom célèbre et familier pour désigner les hauteurs voisines des lieux saints, à Jérusalem, à Rome, à Compostene, etc.; puis d’autres hauteurs, un peu partout en France et à l’étranger, le reçurent également. En tant que toponyme Morts Gaudii est attesté dès la fin du Xe siècle et Monjoïe à partir de la fin du XIIe siècle.

5° Devenu nom commun, montjoie fut appliqué à des tas de pierres, à des éminences, à des croix, qui servaient de repères routiers, et, plus tardivement, aux petits monuments chrétiens élevés en bordure des chemins, qui, tous, avaient un rôle de protection. Cette diffusion, impossible à suivre avec précision dans l’espace et le temps, eut lieu à partir du XIIe siècle.

6° Montjoie est un terme spécifique, dont l’origine est bien datée et localisée et dont l’évolution sémantique est justifiée.

La longue durée du cri de guerre, la vaste diffusion géographique du toponyme et la multitude des significations du nom commun, bref : le succès du mot montjoie, s’explique par l’importance historique du nom propre qui en est le point de départ. Dans les vers inédits, à arrière-pensée politique, d*£ustache Deschamps, que j’ai choisis pour épigraphe de cet article, Montjoye a une grande valeur expressive. C’est tout un passé chevaleresque et regretté que le mot évoque, une époque à laquelle le recul prête les couleurs avantageuses d’un règne d’or90.

L’étude qui s’achève est un bon exemple de la nécessité des examens géographiques et historiques dans les recherches d’onomastique, qui sont, en retour, susceptibles de fournir un appoint déterminant91. Comme à l’archéologue après avoir fouillé un site, il arrive au philologue, après avoir satisfait aux exigences phonétiques, d’avoir encore à puiser dans sa culture historique pour interpréter correctement l’objet et faire le bon choix parmi les hypothèses qui s’offrent à lui. L’étymologie, en retour, comme la découverte du fouilleur, vient étayer les résultats obtenus par d’autres voies.

En ce qui concerne Munjoie!, Montjoie et montjoie, l’escorte des sens dérivés accompagne et corrobore le sens premier de « Protège-pays » attribué au nom propre originel et celui-ci milite en faveur de l’existence d’une tombe-sanctuaire, où était domicilié et vénéré l’Ancêtre secourable. Ainsi, par passages successifs d’un domaine à l’autre de la connaissance, peut-on espérer cerner la vérité.

Anne LOMBARD-JOURDAN

12, rue Jacques Boyceau 78000 VERSAILLES

Notes

1 . Traité de la formation des mots composés dans la langue française, 2e éd., Paris, 1894, p.6.

2. Voir infra, la bibliographie, que nous avons voulue exhaustive, des publications traitant de Montjoie.

3. Renée KAHANE a qualifié le sujet de «focus of age-old controversy».

4. Historia ecclesiastica, lib. ХП, éd. A.Le Prévost, t.IV, Paris, 1852, p.362.

5. Ed. Mignard, vers 3717-3718.

6. La Complainte de France. Dans Poésies complètes de Charles d’Orléans, éd. C.dHéricault, Paris, 1874, t.I, p. 1 90. -Philippe MOUSKET décrit la bataille de Bouvines :

Souvent oissies a grant joie

Nos François s’escrier Montjoie.

Chronique rimée, éd.Reiffenberg, Bruxelles, 1838.

7 « L’oriflamme de France et le cri « Munjoie’ au XIIe siècle », Le Moyen Age, t.65, 1959, pp.469-499.

8. La saínete Mère ou Vie de saínete Isabel de France, Paris, 1619, p.61 .

9. DU CANGE, Dissertation XI : Du cry d’armes, pp.49-50.

10. A. LOMBARD-JOURDAN, Montjoie, pp.27 et suiv.

1 1 . Chroniques des comtes d’Anjou, éd. Marchegay et Salmon, Paris, 1 856-1 871 , p. 84.

12. Camille JULLIAN, « Notes gallo-romaines, XXI. Remarques sur la plus ancienne religion gauloise », Revue des études anciennes, t.6, 1904, pp.54-55. Patrius clamor, c’est littéralement « l’appel au Père », autant que le « cri hérité du Père ».

13. « Deo… quem adesse bellantibus credunt ». TACITE, Germania, УЛ.

173

Nouvelle Revue d’Onomastique n°21-22 -1993

14. Panegyrici latini, IX, 3, 3 et X, 14, éd. E. Galletier, t.II, p.125 et p.177. Voir aussi A. LOMBARD-JOURDAN, Montjoie, p. 128.

15. ÉTIENNE DE BOURBON, Anecdotes historiques, éd. A. Lecoy de la Marche, Paris, 1877, p.93, n° 103. L’interprétation fournie par le savant dominicain : Dei odium habeat qui ultimus curret ad Paradisum, est sujette à caution. Le terme aas « ancêtre » est employé à la fin du ХПе siècle et disparaît ensuite :

Si sont honor a vostre aas,

Que s’or volons sachier a nous,

Ja d’eus (les ennemis ) n’escapera uns sous,

Ne soient tuit et mort et pris.

Le roman de Guillaume de Palerne, vers 5612-5615, éd. H. Michelant, Paris, 1876, p.163.

16. Voir infra p. 167.

17. Voir infra p.168 et note 61.

18. En français, on dit Montjoie ; en breton, Bre Levenez (Côtes-d’Armor) ; en allemand, Frohberg (Doubs).

19. C’est celle qu’a adoptée le Trésor de la langue française. Dictionnaire de la langue du XIXe au XXe siècle (1789-1960), Paris, C.N.R.S.-Gallimard, 1985.

20. Voir les comptes rendus sévères de Leo SPITZER, Zeitschrift fur romanische Philologie , t. 48, 1928, p.108 et de Hans SPERBER, Romance Philology, t.8, 1955, p.139.

21. Voir les références citées dans la bibliographie.

22. Nous renvoyons à ce livre, cité en tête des notes, ceux qui désireraient une plus complète information et des références.

23. On connaît le texte célèbre de CÉSAR : «Ceux-ci (les druides), à une époque déterminée de l’année, aux confins du pays des Carnutes -région considérée comme le centre de toute la Gaule -, tiennent leurs assises dans un lieu consacré». De bello gallico, VI, 13, 10. -Voir John MEIER, Ahnengrab und Rechtsstein, in : Deutsche Akademie der Wissenschaft zu Berlin, Veröffentlichungen der Kommission für Volkskunde, Bd.I, 1950, note 34 ; Jacek BANASZKIEWICZ, « Entre la description historiographique et le schéma structurel. L’image de la communauté tribale », in : L ‘historiographie médiévale en Europe, Paris, Éditions du CNRS, 1991, p. 174 ; A. LOMBARD-JOURDAN, « Les antécédents de Paris comme lieu du pouvoir », à paraître dans les Actes du Colloque franco-polonais sur Les lieux du pouvoir au Moyen Age, Paris, 1er -2 avril 1992.

24. F. HENRY, Les tumulus du département de la Côte-d’or, Paris, 1932, p.97.

25. Le Plan du Terroir de Saint-Denis, gravé par Claude INSELIN en 1708, orthographie le nom du lieu-dit sans t :  » La Monjoie ». Bibl.nat., Cartes et plans, Ge D 5492.

26. A. LOMBARD-JOURDAN, Montjoie, p. 17-34 ; « Les antécédents de Paris », op. cit. ; « Les foires de l’abbaye de Saint-Denis. Revue des données et révision des opinions admises », Bibliothèque de l’Ecole des chartes, t 145, 1987, pp. 273-338, pl.

27. «…quo amplius gentilitatis fervere cognovit errorem». Passio sanctorum martyrum Dionisii, Rustici et Eleutherii, éd. Auctores antiquissimi, t.IV, 2, p.103.

28. Traité de la formation des mots composés dans la langue française comparée aux autres langues romanes et au latin, 1ère édition, Paris, 1875 (Bibliothèque de l’École des Hautes Etudes, Sciences philolo¬ giques et historiques, 19e fase.). Gaston Paris, auquel cette première édition avait été dédiée, s’occupa de revoir la deuxième édition, Paris, 1894. Dans l’Introduction, il rend hommage à la force de réflexion d’A. Darmesteter et se déclare convaincu par sa démonstration de la composition par l’impératif. Les conclusions relatives à ce type de formation sont résumées dans le Traité de formation de la langue française (§ 204 à 21 1), qui précède le Dictionnaire général de la langue française du commencement du XVIF siècle jusqu’à nos jours par A. HATZFELD, A. DARMESTETER et A. THOMAS, Paris, 1889.

29. Dans l’onomastique sémitique, par exemple, certaines dénominations sont de véritables formules précatives. Ainsi le nom du roi assyrien Nabuchodonosor est un appel à la divinité : «Nebo, protège ma race». DARMESTETER, Traité, p. 192.

30. Cf. un mot de composition différente : v.h.a. hals-berc > haubert (protection du cou), qui est formé de deux substantifs, dont le premier est le complément déterminatif du second.

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« Munjoie! », Montjoie et xnontjoie. Histoire d’un mot

31. J. MAROUZEAU, « Composés à thème verbal », Le Français moderne, 20, 2, 1952, pp. 81-86 ; Pierre-Henri BELLY, « Les composés en canta-dans la toponymie de la France », Nouvelle Revue d’Onomastique, n° 15-16, pp. 62-64.

32. En anglais, le verbe to mound signifie « clôturer, fortifier », ce qui est une façon de « protéger ». D aurait donné naissance au substantif mound « barrière, limite » puis « amoncellement de terre, tumulus », peut-être par association avec mount « mont ». Les premières mentions avec ce dernier sens dateraient du début du XVIIIe siècle. Oxford English Dictionary, 1 6, pp.707-708.

33. « Galli se omnes ab Dite pâtre prognatos praedicant, idque ab Druidibus proditum dicunt ». De bello gallico, VI, 18, 1.

34. « Parisios venit ibique cathedram regni constituit ». GRÉGOIRE DE TOURS, Historia Francorum, П, 38.

35. À la fin du VIe siècle, Grégoire de Tours insiste sur l’ignorance où étaient les Francs au sujet de leurs origines, ignorance qui leur pesait. Historia Francorum, П, 9 et 10. La légende de l’origine troyenne des Francs, dont les premiers échos datent du VIIe siècle, s’efforça de combler cette lacune.

36. Historia Francorum, П, 30.

37. A. D ARMESTETER, Traité de la formation de la langue française, § 498. Sur l’évolution phonétique du germanique gawi au français joie, voir l’explication de René LOUIS, et l’exemple parallèle qu’il donne : Alsegaudia > Ajoie. » À propos des Montjoie autour de Vézelay », pp. 16-1 9.

38. Historiae ecclesiasticae libri XIII, éd. MIGNE, Patrologie latine, t. 188.

39. Abbreviatio Chronicoum Angliae Historiae, éd. M.G.H., SS, t. XXVIII, p. 446.

40. Éd. Reiffenberg, Bruxelles, 1836.

41 . Montjoie, pp. 108-124 et Annexe I.

42. Au ХПе siècle, on écrivit son nom Pharamond, peut-être pour l’helléniser en accord avec la nouvelle théorie de l’origine troyenne des Francs.

43. Monumenta Germaniae Histórica, Scriptores rerum merovingicarum, t.ïï, pp.24 1-243.

44. R. SCHMLl’lLEIN, « L’anthroponyme germanique en fonction toponymique », Revue internationale d’onomastique, t.ll, 1959, pp. 13 et 41 ; 1. 13, 1961, p.l 15.

45. La Pseudo Chronique de PROSPER TYRO porte, sous la date de 421 : Faramundus régnât in Francia. Éd. MIGNE, Patrologia latina, t.51, col. 862. Mais cette mention semble avoir été interpolée !

46. Historia Francorum, П, 9.

47. FREDÉGAIRE, Gesta regum Francorum, M.G.H., Scriptores rerum merovingicarum, t.n, pp.241-246.

48. À partir du XVIIIe siècle, Pharamond figura en tête de la généalogie des rois de France dans tous les manuels scolaires. Rappelons l’ampleur poétique et politique que prend le personnage dans Les Martyrs de CHATEAUBRIAND (Paris, 1807, l.VI) Éd. de la Pléiade, pp.200-209. L’auteur exprime d’ailleurs, dans ses Études ou discours historiques sur la chute de l’Empire romain (Paris, 1831, t.IÏÏ, p.215), ses doutes sur l’historicité de Pharamond. Ce dernier demeure une des étapes culturelles de notre identification nationale.

49. Voir l’article de Frantisek GRAUS consacré à l’étude des saints auxiliaires de bataille et à leur éventuelle « nationalisation ». «Der Heilige als Schlachtenhelfer. Zur Nationalisierung einer Wundererzählung in der Mittelalterlichen Chronistik» in : Festschrift H. Beumann, Sigmaringen, 1977, pp. 330-348.

50. Colette BEAUNE, Naissance de la nation France, Paris, 1985, p. 126 et suiv.

51. J. WATHELET -WILLEM, « L’épée dans les plus anciennes chansons de geste. Étude de vocabulaire », Mélanges R. Crozet, t.1, 1966, pp.435-449.

52. Dans la Karlamagnus Saga (ch.38 et 50), le cri de guerre est noté par  » Mungeoy / » et l’épée de Charlemagne se nomme Giovise. Voir P. AEBISCHER, Rolandiana Borealia, Lausanne, 1954, p.225.

53. П sera traduit en latin par Gaudiosa (Pseudo Tuipin), Jocosa (Guillaume de Nangis), Jucunda (Guillaume le Breton).

54. L’unique fois où Joyeuse passe entre les mains d’un autre que le souverain légitime, en l’occurrence celles de Guillaume d’Orange, c’est pour qu’il défende le « pays » contre les Sarrasins à la place du faible Louis le Pieux. Voir Montjoie, p.61.

55 . Anseïs von Karthago, hgg J.Alton, Tübingen, 1892. (Bibliothek des literarischen Vereins in Stuttgart, 194).

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Nouvelle Revue d’Onomastique n°21-22 -1993

56. Du Xe au XIIIe siècle, des fiefs s’organisèrent autour de familles seigneuriales, qui invoquèrent chacun un protecteur céleste attitré : le Poitou eut saint Hilaire, la Touraine saint Martin, l’Orléanais saint Aignan, le Limousin saint Martial, le comté de Toulouse saint Sernin, le Vermandois saint Quentin, etc.

57. «Ipsa dicta aima obtulit sancto Dionisio, quia est acclamatilo, le cry gallice, Francie». Le Procès de condamnation de Jeanne d’Arc, éd. P.Tisset, t.I, 1960, p.272.

58. AIMOIN, Historia Miraculorum et translationum S. Germani ob irruptiones Normannicas , I, 18, éd. AA. SS. Boli, mai VI, p. 790.

59. Une démarche analogue, mais en sens inverse, s’observe en Irlande, où l’omphalos ou « Milieu » de l’île fut personnifié en « roi Mide ».

60. Éd. SS., t.XIV, p. 1 31 .

61. « Möns vocatur exultationis vel laetitiae ». Jean de MANDE VILLE, Voyage autour de la terre , ch. 11. Les première mentions de Möns gaudii dans ce sens sont : A Rome, en 998 : Johannis Chronicon Venetum, M.G.H., SS., VE, p. 31 ; TH3ETMAR, Chronicon, IV, (écr. entre 1012 et 1118), M.G.H., SS., Ш, p. 777 ; Brunwilarensis monasterii fundatorum actus, cit. supra p. 169 ; SUGER, Vita Ludovici, anno 1111. -A Jérusalem en 1098 : RAYMOND DE AGUELERS, Historia Francorum qui ceperunt Jherusalem, Recueil des historiens des croisades, t. Ш, p. 264. -A Limoges : ADHEMAR DE CHAB ANNES, Sancii Gibardi monachi commemorano abbatum Lemovicensium, éd. MIGNE, Patrologie latine, t. 141, p. 82. -Les premières mentions en français de Montjoie dans le sens de hauteur près d’une ville sainte se trouve, à Rome, dans Ami et Amile (с. 1200), vers 2479 ; UEstoufle (с . 1200), vers 459 ; et près de Jérusalem, dans La chevalerie Ogier de Danemark par RAIMBERT DE PARIS (1190 à 1200). Pour plus d’informations, voir la thèse de Kurt LÖFFEL : Beiträge zur Geschichte von Montjoie, Tübingen, 1934.

62. J. BÉDŒR, Légendes épiques, éd. 1929, t. II, p.239.

63. Munschau, à une petite distance au sud-est d’Aix-la-Chapelle, fut formé sur Montjoie. Sch rend régulièrement/.

64. Auguste VINCENT a noté que «beaucoup de monjoies sont des tumuli de l’époque du bronze à l’époque romaine». Toponymie de la France, Bruxelles, 1937, p. 198.

65. À huit kilomètres au nord-ouest de la ville, sur la route de Jaffa, la butte de Ramatila, dite Möns Gaudii, contenait la Tumba Samuelis prophetae. C’est cette colline qui donna son nom à l’Ordre éphémère de chevalerie de Notre-Dame de Montjoie, institué en 1180 par le pape Alexandre Ш pour la protection des voyageurs en Terre Sainte.

66. Près de Rome : Monte di Gioia, Monte Mario, Monte Malo.

67. Près de Saint-Jacques de Compostelle : la Monjoya. En espagnol : Monte del gozo. En galicien : Monxoi. Voir : «De ecclesia in Monte gaudio fabricate et consecrata», a. 1 105, in : Historia Compostellana, I, 20, éd. Fr. H. FLOREZ, España sagrada, t. XX (1765), p. 54.

68. Voir K. LÖFFEL (1934), pp.31-32 ; R. LOUIS (1939), pp.22-29 ; J. SOYER (1943-1946), pp.84-85 ; G. ROHLFS (1974), pour l’Italie, pp.450�51.

69. J. SOYER, Recherches sur l’origine et la formation des noms de lieux du département du Loiret, IX. Orléans, 1946, p.81. Dans le même but explicatif, Paul Lebel a supposé que, pour abréger, on passa de « la croix de Montjoie » à « la Montjoie ».

70. Voir les exemples cités par GODEFROY, Dictionnaire, s.v. montjoie. Au XVIIe siècle, Pierre RICHELET (Dictionnaire français…, Genève, 1680) ne signale qu’un seul sens du substantif montjoie : « un grand nombre, une quantité » (notre 3°).

71. C. JULLIAN, dans Revue des études anciennes, 1921, pp.37 et suiv. et 1924, p.320, note 2.

72. Arch. Nat., P 1472, fol. 1 v°.

73. Jacques MILLET, La destruction de Troye la Grant , vers 18944-18948, éd. E. Stengej, Marburg et Leipzig, 1883, p. 301.

74. Le Lusidaire, poème cité par DU CANGE, s.v. mons gaudii. Traduction en vers octosyllabiques restée inédite de XElucidarium dHonorius Augustodunensis par Gillibert de Cambres, écrivain normand du Xlllc siècle. Voir Yves LEFEVRE, L’Elucidarium et les Lucidaires, Paris, 1953 (Bibl. des Écoles françaises d’Athène et de Rome, 180), p. 31 1 .

75. Acta Sanctorum bollandiana, avril Ш, p. 682, § 21 .

176

« Munjoie! », Montjoie et montjoie. Histoire d’un mot

76. «Constituunt acervum lapidum et ponunt crucem et dicitur Möns Gaudii».

77. Cit. par BARRET et GURGAND, Priez pour nous à Compostelle, Paris, 1978, p.70 (d’après S. PURCHAS, His Pilgrims).

78. Bibliothèque municipale de Valenciennes, ms.493, fol.293.

79. La Mer des histoires , t.I, éd. 1488, fol.52.

80. Lais inédits des XIIe et XIIIe siècles, éd. Francisque Michel, Paris, 1836, p. 50 ; voir aussi Le roman de l’Escoufle (с . 1200), vers 459, 4354 et 7568, éd. P. Meyer, Paris, 1894.

81. SHAKESPEARE, Henri V, Ш, 6 ; IV, 3 et 7. Cf. Robert GAGUIN, Les Gestes romaines…., Paris, A.Vérard, s.d. ; voir au fol.206, col.2 : « Comment le roy d’armes des Françoys fut premièrement créé et puis nommé Montjoye ». (Bibl. nat., hnpr. Rés. J 365) ; et le récit de l’ambassade de Montjoye, roi d’armes de par le roi de France auprès de « ceux de Venise », en avril 1509, par Jehan MAROT, Le Voyage de Venise, Paris, 1532, éd. G. Trisolini, Genève, 1977, pp.53-59.

82. Voir les exemples fournis par les Dictionnaires de GODEFROY et dHUGUET, s.v. montjoie.

83. Cit. DU CANGE, s.v. mons gaudii, p. 539.

74. C. ENLART, Manuel d’archéologie française, Première partie, Paris, 1902, p.802 ; Pierre IRIGOIN, « Montjoies et oratoires », Bulletin monumental, t.94, 1935, pp. 145-170.

85. J. SCRTVE-LOYER, « La Montjoie de Notre-Dame de Bonne Espérance », Mémoires de la Société archéologique et historique de l’arrondissement d’Avesnes, 1. 15, 1935, p.69.

86. A. LOMBARD-JOURDAN, « Montjoies et Montjoie dans la Plaine Saint-Denis », Paris et Ile-de-France, t.25, 1974, pp.141-181.

87. A. LOMBARD-JOURDAN, « Traque et abolition des marques de religion, de royauté et de féodalité à Saint-Denis après 1789 », in : Saint-Denis ou le Jugement dernier des rois. Actes du Colloque organisé du 2 au 4 février 1989 à l’Université de Paris Vffl à Saint-Denis, La Garenne-Colombes, 1992, pp.216-217.

88. « Description de Paris sous Charles VT », éd. LE ROUX DE LINCY et TISSERAND, Paris et ses historiens aux XIVe et XVe siècles, Paris, 1867, p.230.

89. Fol. 95 v°.

90. EUSTACHE DESCHAMPS, Poésies, BibLnat., ms.fr. 840, fol.131 v°.

91. Jacques CHAURAND, Préface à Toponymie et archéologie, Actes du Colloque tenu au Mans en Mai 1980, Paris, 1981, р.Ш.

Bibliographie

Bibliographie

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ARNOULD (Charles), « De Petromantalum à Montjoie », Revue internationale d’onomastique, t.23, 1971, pp.99-102.

* Voir surtout p. 102. Montjoie viendrait de bases gauloises : mant-« chemm » et gauda « tas, monceau ».

BABY (François), « Toponomastique du pèlerinage en Languedoc. П. Encore une fois Montjoie », Cahiers de

Fanjeaux, 1. 15, 1980, pp.59-62.

* Appauvrissement sémantique de la Maison de Dieu ou Mons Gaudii de saint Bernard.

BAR (Francis), « Montjoie et Moultjoie », Romania, t67, 1942-1943, pp.240-243.

* « Croix Moultjoie » (Beaucoup de joie), près de Bourges.

BAUDOUIN (Adolphe), « Montjoie et Saint-Denis », Revue des Pyrénées, t. 14, 1902, pp.6 19-680.

* Montjoie = tas de pierre > repère > enseigne militaire > cri de guerre.

BÉDIER (Joseph), Les légendes épiques, 4 vol., t.2, Paris, 1908, pp.225-239.

* Le cri de guerre Munjoie! viendrait d’une colline près de Rome et l’oriflamme aurait été donnée par le pape à Charlemagne (Mosaïque de Saint-Jean-de-Latran). L’auteur ajoute honnêtement : « Mais il se peut après tout que le vers Mès de Munjoie iluec out pris eschange reçoive quelque autre explication ».

BUGLER (G), « À propos de Montjoie », Revue internationale d’onomastique, t.24, 1972, pp. 1-6.

* Montjoie-le-Château, hameau de Vaufrey (Doubs).

DAUCOURT (Gérard), « Montjoie-le-Château. Notice historique et guide », s.l.(Montbéliard), 1964.

* Sur le château et les seigneurs de Montjoie, près de Vaufrey (Doubs).

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Nouvelle Revue d’Onomastique n°21-22 -1993

DIAMENT (H.), « Une interprétation hagiotoponymique de l’ancien cri de guerre des Français : Montjoie Saint-

Denis! », Romance Notes, 1. 12, 1971, pp.447-457.

DIAMENT (H), « La légende dionysienne et la juxtaposition des toponymes « Montjoie » et « Saint-Denis » dans la formation du cri de guerre », Romance Notes, 1. 1 3, 1971, pp.177-180.

* L’auteur opine pour une étymologie venant de Möns Jovis.

DU CANGE, Dissertation XI : « Du cry d’armes » et Dissertation ХП : « De l’usage du cry d’armes » (a. 1678), dans

Glossarium mediae et infimae latinitatis, tome VII, éd. Paris, 1 850, pp. 46-56.

ÉLOY (William), « Recherches sur les Montjoie en Picardie. Notes d’histoire et de linguistique », Linguistique picarde, mars 1970, pp.8-15.

* Donne le relevé des toponymes Montjoie dans les départements de la Somme, de l’Oise, de l’Aisne et du Pas-de-Calais.

ENLART (Camille), Manuel d’archéologie française, 1, 2 : Architecture religieuse, Paris, 1920, p.926, et note 4. F AVÈRE (Jean), « Montjoie et Moultjoie », Romania, t.69, 1946-1947, pp.101-103.

* La « croix de Moultjoie », près de Bourges, se trouve sur une ancienne hauteur de « la Montjoie ». GAMILLSCHEG (Ernst), Etymologisches Wörterbuch der französische Sprache , Heidelberg, 1928, s.v.

Montjoie.

GAMILLSCHEG (Ernst), Französische Bedeutungslehre, Tübingen, 1951, p. 135.

GAMILLSCHEG (Emst), « Frz. Montjoie, Wegweiser, Malhügel », Zeitschrift für französische Sprache und

Literatur, t. 77, 1967, pp. 369-371.

GAMILLSCHEG (Emst), Etymologisches Wörterbuch der französische Sprache, 2e éd. 1969.

* L’auteur défend avec de nouveaux arguments l’étymologie proposée par lui dès 1 928.

HARRIS (Julian), « Munjoie and Reconui sance », Romance Philology, t.10, 1957, pp. 168-1 73.

* Munjoie n’est pas un cri de guerre mais un symbole religieux, une formule d’action de grâces.

HEISIG (Karl), « Munjoie », Romanistisches Jahrbuch, t.4, 1951, pp.292-314.

* Munjoie est le reflet de l’image primitive de la Montagne du ciel.

HERBILLON (Jules), « Marcourt et Montjavoult (Montjoie) », Revue internationale d’onomastique, t.29, 1977, pp. 128-131.

* Montjavoult (Oise) vient de Möns Jovis, mais il est noté Möns Jocundiacus dans un diplôme de Charles le Chauve de 862.

HEBBARD-LOOMIS (Laura), « The Passion Lance relic and the war cry Montjoie in the Chanson de Roland », Romanic Review, t.41, 1950, pp.250-251.

* L’auteur constate que le mot Munjoie n’a jamais de t dans la Chanson de Roland, ce qui l’incite à en chercher l’étymologie dans Meum gaudium, en supposant un masculin au mot « joie » dans le français du XIIe siècle.

HIBBARD-LOOMIS (Laura), « L’oriflamme de France et le cri Munjoie au ХПе siècle », Le Moyen Age, t.65, 1959, pp.469-499, 5 fig.

* Traduction d’un article paru dans Studies in Art and Literature for Belle Da Costa Greene, New Jersey, Princeton University Press, 1954, pp.67-82.

HOCHE (Lucien), Paris occidental. XIF-XLX? siècle, 3 vol., Paris, s.d. Voir Appendice XI : La Croix Penchée et

le Cri « Montjoie Saint-Denis », pp.719-735.

IRIGOIN (Pierre), « Montjoies et oratoires », Bulletin monumental, t.94, 1935, pp. 145-170.

* Étude d’une série d’édicules très divers par leur emplacement, leur matériau, leur architecture, leur origine, et dont certains sont appelés montjoie.

KASPERS (W.), « Der Name Montjoie und seine Bedeutungsvarianten », Beiträge zur Namensforschung, t. 9, 1958, pp. 173-179.

* Propose une étymologie de montjoie par *mundigalga, composé de Mund « protection » et de * galga « croix ». LAUER (Philippe), « Le château de Montjoie en forêt de Marly », Bulletin de la Société nationale des Antiquaires

de France, t.71, 1927, pp.21 7-222.

* Fouilles exécutées de 1923 à 1927 à l’emplacement du donjon du ХПе siècle.Le nom Montjoie viendrait de l’éminence sur laquelle était bâti le château.

178

« Munjoie! », Montjoie et montjoie. Histoire d’un mot

LEBEL (Paul), « Chronique de toponymie. XXVII », Revue des Études anciennes , t.40, 1 938, pp.290-29 1 .

* L’auteur qualifie la latinisation de Montjoie par Möns gaudii de « faux habillage » et fait des réserves au sujet de la dérivation phonétique de gawi.

LEBEL (Paul), « Le terme Montjoie », Travaux de linguistique et de folklore de Bourgogne, Ш, Dijon, 1972, pp.27-28.

* Le genre féminin de « la Montjoie » viendrait, par abréviation, de « la croix de Montjoie ».

LÖFFEL (Kurt), Beiträge гиг Geschichte von Montjoie, Tübingen, 1 934, pp. 1 -42.

* L’auteur donne le relevé, par ordre chronologique, des premières mentions de Mans Gaudii et de Montjoie dans les textes du Moyen Âge. П énumère (p. 17) les douze explications du terme proposées jusqu’en 1928. Compte rendu élogieux de Mario Roques dans Romania, 1 936, p. 1 38.

LOMBARD-JOURDAN (Anne),  » Mont/oies et Montjoie dans la Plaine Saint-Denis », Paris et Ile-de-France ,

t.25, 1974, pp. 141-181, 5 pl.

LOMBARD-JOURDAN (Anne), « Montjoie et saint Denis! ». Le centre de la Gaule auxorigines de Paris et de

Saint-Denis. Paris, Presses du CNRS, 1989.

LOUIS (René), « Les différents sens et l’étymologie de Montjoie « , dans 1er Congrès international de toponymie,

1938, Actes et mémoires, pp.78-84 ; et Revue des Études anciennes, 1 938, p.290.

LOUIS (René), « À propos des Montjoies autour de Vézelay. Sens successifs et étymologie du nom àe Montjoie », Publications annuelles de la Société des fouilles archéologiques et des monuments historiques de l’Yonne, Série toponymique, I, Auxerre, 1939, 29 p.

* Avec un Essai provisoire d’inventaire des toponymes « Montjoie » et « Montjoy » et apparentés. L’auteur envisage avec faveur l’étymologie par *mundgawi. Il défend par l’exemple d’Elsgau : lat. mérovingien Alsegaudia > Ajoie (Ajoia en 1236), la correspondance phonétique du germ, gawi et du fiançais joie, avec e muet final féminin. Cf. le compte rendu d’Albert Dauzat dans Le français moderne, t.3, 1 940, p.94.

LOUIS (René), « La Croix sur les chemins du ХПе siècle », Table ronde, n° 120, décembre 1957, pp.99-1 10.

* Après avoir défendu l’étymologie de Montjoie par *Mundgawi dans ses deax premiers articles, l’auteur préconise ici celle par Möns gaudii.

MALAFOSSE (L. de), « Sur l’étymologie du nom de Montjoie donné à plusieurs villages de France », Bulletin de

la Société archéologique du Midi de la France, 1. 1 1 , 1 884, p. 1 3 .

MEIER (John), « Ahnengrab und Rechtsstein », Deutsche Akademie der Wissenschaft zu Berlin, VerÜffentlichungen der Kommission für Volkskunde, Bd.1, 1950.

* L’auteur ne s’est pas intéressé au terme montjoie, mais à ceux de lê et de houe, qui signifient tumulus, et recouvrent des réalités analogues.

MEURGEY DE TUPIGNY (Jacques), « Cris de guerre et devises héraldiques », Vie et langage, t.203, février 1969, pp.62-73. Voirpp.71-72 : « Un cri fameux Montjoye Saint-Denis » .

* L’auteur exclut Möns Gaudii et penche pour Mont Jave et pour l’origine dès le règne de Clovis.

NITZE (William A.), « Some remarks on the origin of French Montjoie », Romance Philology , t.9, 1955-1956, pp.1 1-17.

* Accepte l’étymologie par *Mundgcrwi, avec le sens de « Schutzgau ».

NOYER-WE3DNER (A.), « Vom biblischen ‘Gottesberg’ zur Symbolik des Heidentels’ im Rolandeslied »,

Zeitschrift fur französische Sprache und Literatur, t.8 1 , 1 971 , pp. 1 3-66.

QUENTEL (P.), « Notes et discussions, Petromantalum et Montjoie », Revue internationale d’onomastique, t.24, 1972, pp.223-224.

* L’auteur combat l’étymologie par le gaulois mant-et gauda proposée par C. Arnould.

QUENTEL (P.), « Montjoie. Toponymie et préhistoire », dans Toponymie. Archéologie, Colloque tenu au Mans

en mai 1980 , Actes publiés par M. Mulon et J.Chaurand, Paris, 1981, pp. 109-128.

RIGAUD (André), « Montjoie Saint-Denis, slogan énigmatique », Vie et langage, n°214, janvier 1970, pp. 1 9-21 . ROBLIN (Michel), « L’origine du mot Montjoie », Bulletin de fa Société des Antiquaires de France , 1946-1947, pp.45-47.

* L’auteur propose, avec prudence, deux possibilités nouvelles : manica « poignée (de terre, de cailloux) » ou monere « avertir ».

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Nouvelle Revue d’Onomastique n°21-22 -1993

ROHLFS (Gerhard), « Munjoie, ço est l’enseigne Carlun. (Querelles d’une étymologie) », Revue de linguistique romane , t. 38, 1974, pp.444-452.

* Condamne l’étymologie par *mundgawi et privilégie, comme K. Lüffel, celle par Möns gaudii , hauteur près d’un lieu de pèlerinage. Liste de toponymes italiens (Piémont et Calabre). Renvoie à son Dizionario toponomastico e onomastico della Calabria , Ravenne, 1974.

SCRTVE-LOYER (J.), « La Montjoie de Notre-Dame de Bonne Espérance. À Vellereille-le-Brayeux, près de Binche (Belgique) », Mémoires de la Société archéologique et historique de l’arrondissement d’Avesnes, 1. 15, 1935, pp. 53-74, 17 fig.

* Donne la liste des Montjoie dans la région d’Avesnes (Nord).

SERRA (G.), « Per la storia dei nomi locali lombardi e dellltalia superiore (Note in margine al Dizionario di Toponomastica Lombarda di Dante Olivieri) », Zeischrift fìir romanische Philologie, t.57, 1937, pp. 521-563.

* Voir pp.549-550 : Monte Gaudio. Titre copié sur la Montjoie des Français et donné au monastère de Tucinasco.

SILVESTRI (Domenico), НП tipo toponomastico Gioia nell’Italia meridionale », Italia dialettale, t.27, 1974, pp. 167-179.

* Le toponyme Gioia, fréquent en Italie méridionale et synonyme du fr. montjoie, avec le sens de « tas de pierre », viendrait d’un adjectif du latin tardif *jovius dans une aire linguistiquement osque, où est attesté le culte de Jupiter.

SOULARD (H.), « Ce qu’étaient autrefois les Montjoies en France », Amis de Solliès-Ville, t.9, 1 965, pp.7-1 0.

* Sur la Montjoie à Solliès-Ville, dans le Var.

SOYER (Jacques), Recherches sur l’origine et la formation des noms de lieux du département du Loiret, IX. Toponymes rappelant le culte chrétien, Orléans, 1946, n°210. pp.83-85.

* Le plus ancien sens de Montjoie est religieux ; son second sens est laïque et militaire.

SPITZER (Leo), « Zur Methodik der etymologischen Forschung », Zeitschrift für romanische Philologie, t.48, 1928, p.108.STEINRÖSE (H.), « Monjoye, Montjoie, Monschau », Der Eremit am Hohen Venn, t.37, 1965, pp.44-51 . VINCENT (Auguste), Toponymie de la France, Bruxelles, 1937, § 498, p. 198.

VOS (Marianne Cramer), « Sur l’origine du cri de guerre Munjoie », VHP Congreso de la Société Roncesvals (15-25 août 1978), Pampelune, 1981, pp.535-541.

* Montjoie dérive bien de Möns Gaudii, mais avec le sens de Montagne de Dieu, de Mont Sion de l’Ancien Testament.

Christian Estrosi vient de déclarer que nous étions en guerre, la « troisième guerre mondiale » avec l’ »islamo-fascisme » qui constitue partout une « cinquième colonne ».

Pour mémoire :

– l’expression « cinquième colonne » est née pendant la guerre d’Espagne et désignait de supposés groupespions et saboteurs sensés aider les quatre colonne militaires classiques de Franco contre les Républicains. Par la suite cinquième colonne est devenu une expression un peu complotiste pour désigner des agents dans l’ombre, obéissant à un État et infiltrant les arrières. Rien à voir avec les jihadistes, qui, précisément, sont animés par leur seul fanatisme et n’appartiennent pas à une organisation secrète d’État.

– l’islamo-fascisme est une contradiction dans les termes, sauf à faire du fascisme un synonyme de « très méchant » ou « très cruel ». L’islamisme est un internationalisme qui veut instaurer la loi de Dieu sur toute la terre, le fascisme un nationalisme étatiste, généralement laïque, même s’il lui arrive de faire des compromis avec des églises, et qui veut soumettre un territoire ou son empire à la loi du peuple authentique et de ses chefs, certainement pas à un code religieux.

– s’il est évident que l’État islamique mène, au moins en Irak et en Syrie, une guerre sur et pour le territoire, guerre que l’on peut nommer insurectionnelle ou civile, qualifier les attentats ou les tentatives d’attentat en France d’actes de guerre est, évidemment, un pur effet rhétorique. Ni par le nombre de morts (hors les dix-sept de janvier dernier, l’islamisme tue très peu chez nous), ni par le caractère décentralisé et caché des groupes terroristes, tout à l’opposé d’une armée, ni surtout par leurs objectifs politiques (punir des caricaturistes, des juifs ou des catholiques) et non pas s’emparer du pouvoir ou imposer une paix favorable, le jihadisme français ne peut ressembler à une guerre.

– l’expression « troisième guerre mondiale » (comme d’ailleurs « islamo-fascisme » ou « fascisme vert ») rappelle irrésistiblement le vocabulaire des néo-conservateurs américains comme Eliot Cohen ou James Woolsey. Mais eux avaient été plus loin encore en considérant que la guerre froide était la troisième et que les États Unis allaient gagner la quatrième, celle contre le jihadisme. Notamment en envahissant l’Irak.

Nous avions écrit à l’époque une livre « Quatrième guerre mondiale. Faire mourir et faire croire » pour démontrer cette conception qui était aussi celle de la « guerre globale au terrorisme » proclamée par G.W. Bush le 12 septembre 2001. Sans en infliger une lecture rétrospective au lecteur, nous reprenons ci-dessous un texte d’époque qui critique la notion de « nouvelle guerre mondiale ».

1) La guerre est-elle mondiale ? (écrit en 2004)

Le programme « neocons » comprend l’élimination des groupes terroristes, des États voyous et des détenteurs d’armes de destruction massive, au besoin par une guerre dite « préemptive ». Mais il comprend aussi la démocratisation du Grand Moyen-Orient, le remplacement de dictatures par des gouvernements issus de vrais élections. Ce programme évoque une lutte sans limites ni frontières pour convertir la planète aux valeurs démocratiques ; il pourrait bien déboucher sur la guerre sans fin. Du reste, même ses « partisans » parlent de « long war » de plusieurs décennies

En face, d’autres partisans d’une autre guerre illimitée : les jihadistes. Leur but est l’extension universelle des terres d’Islam – et pourquoi pas le rétablissement du califat détruit par les Mongols en 1258 – .

Du moins, ils comptent mener un jihad, à leurs yeux, purement défensif, en tout lieu et sans limites contre les Juifs et les croisés.

En somme nous aurions connu en moins d’une génération trois bouleversements dans notre vision de la confictualité :

– La guerre froide, dont la caractéristique principale fut de ne pas éclater et de se traduire par une multitude de conflits locaux, tandis que les deux principaux acteurs se refusaient dans les faits à monter aux extrêmes

– La courte période entre les deux guerres du Golfe où il sembla un moment que l’Occident mènerait des guerres policières ou humanitaires (Première Guerre du Golfe, Somalie, Kosovo…) . Dans des opérations de « contrôle », menées au nom du concert des nations, les forts réprimaient des apprentis dictateurs (Saddam et Milosevic figurés comme nouvel Hitler), sauvaient des populations et des réfugiés et rétablissaient l’ordre du centre vers la périphérie

– L’ère ouverte par la proclamation d’une guerre « globale au terrorisme », que certains n’hésitent pas à qualifier de « quatrième guerre mondiale ».

Leur argument est que les États-Unis après avoir gagné la première Guerre contre les autocraties nationalistes européennes, puis la Seconde contre le fascisme, puis la troisième (la guerre froide) contre le communisme, devraient maintenant se battre au profit de l’humanité entière contre l’islamo-fascisme, ou contre « ceux qui haïssent la liberté ».

C’est une terminologie qui suscite des critiques et pas seulement sémantiques ; la moindre n’est pas que la proclamation d’une guerre mondiale risque de se transformer en prophétie auto-réalisatrice en guerre des civilisations, en guerre perpétuelle en vue d’une paix impossible, ou encore en machine à multiplier les ennemis.

Rappelons les principaux arguments contre la rhétorique martiale de « guerre mondiale » :

– Pas plus que la Guerre Froide, elle n’est vraiment mondiale, même s’il peut y avoir sporadiquement des attentats touchant des cibles dispersées dans tous les pays

– Ce serait faire trop d’honneur aux terroristes que de les mettre sur le même plan qu’une puissance étatique

– Il est impossible de faire la guerre au terrorisme, méthode de lutte au même titre que la Blitzkrieg et non entité nationale ou juridique.

Le terrorisme peut préparer la guerre (le temps qu’un groupe atteigne la taille critique où il peut mener une vraie guérilla, par exemple) ; il peut être un substitut de la guerre (pour ceux qui ont des bombes humaines mais pas d’avions ou de missiles) ;

il peut être un moyen de contrainte politique et symbolique (il vise davantage à un effet psychologique qu’à des résultats militaires) et à ce titre, il peut mener à une certaine paix (le retrait d’une puissance coloniale d’un territoire qu’elle occupait p.e.).

Mais en aucun cas, le terrorisme, si criminel qu’il soit, n’est un ennemi en soi.

– Certains ont proposé de parler de guerre « à l’islamisme » ou imaginé des formulations grotesques comme « lutte globale contre l’extrémisme violent » (Struggle Against Global Extremism) qui offusquerait moins les populations arabes. On se souvient de D. Rumsfeld parlant de Struggle against ennemies of freedom and civilization. Mais cela ne fait que traduire le même embarras à nommer « un » adversaire. Et pour cause. L’unicité de la guerre (contre des groupes clandestins, contre des idéologies, contre des régimes en raison de leur nature dictatoriale ou de leur volonté d’acquérir l’arme atomique) n’existe que dans la réprobation morale commune que suscitent toutes ces cibles.

– La criminalisation de la guerre, tendance à assimiler l’ennemi non pas à un égal avec qui l’on peut conclure un traité de paix reflet d’un rapport de force, mais à un ennemi du genre humain, incarnant un principe du Mal (et dont souvent son propre peuple serait la première victime qu’il faut libérer), ce principe-là, déjà inauguré lors de la Première Guerre Mondiale, atteint ses propres limites.

La quatrième guerre mondiale serait donc une métaphore (au même titre que guerre psychologique, guerre économique ou guerre des images). Au moins autant qu’à désarmer des armées ou occuper des provinces, elle vise des fins d’affirmation symbolique et des effets de croyance :

-Gagner une bataille « pour les coeurs et les esprits »,

-Dissiper le mythe d’une pusillanimité de l’Occident face à la violence,

-Compenser l’humiliation du 11 Septembre,

-Désarmer jusqu’à la moindre velléité d’attaquer les USA,

-Répandre sur la Terre l’amour de la liberté (ou du moins les régimes démocratiques et de marché bien intégrés dans la mondialisation).

Mais cela se traduit au final par de vrais bombardements sur de vraies capitales et l’occupation de pays par de vraies troupes.

Une mission, qui, par définition, ne peut se borner dans l’espace et dans le temps est bien planétaire. Et il s’y oppose bien une stratégie terroriste planétaire. Elle choisit ses cibles en fonction de critères tout aussi symboliques (des tours, une boîte de nuit, une ambassade, les moyens de transport dans ou vers une capitale européenne, une zone touristique, mais aussi une représentation d’un régime arabe « collaborateur », un lieu de culte,…). Elle se révèle aussi comme sans frontière.

2) Est-ce une guerre ?

On peut définir la guerre par des critères objectifs. Le plus évident est un certain type de mortalité : «état d’un groupe humain souverain, c’est-à-dire doté d’autonomie politique, dont la mortalité comporte une part d’homicides collectifs organisés et dirigés. » (pour le Glossaire polémologique des termes de violence). Des ONG (tel le Sipris dans son rapport annuel) se livrent à une atroce comptabilité d’où il ressort :

– Que le nombre des conflits n’a pas augmenté depuis la fin de la Guerre froide, au contraire.

– Qu’il n’y a aucune commune mesure entre le caractère mortifère d’un conflit et sa capacité d’intéresser les médias occidentaux.

– Que les conflits à faible technologie ne sont pas moins mortels que ceux qui emploient des armes plus modernes. Dans tous les cas, que les taux de pertes des armées high tech sont sans commune mesure avec celle de leurs adversaires.

– Que les conflits modernes tuent surtout des civils. Il vaut souvent mieux être militaire pour sauver sa peau (ce paradoxe s’est révélé lors de la première guerre du Golfe : statistiquement, le taux de mortalité des GI’s sur le front était moins élevé que celui des jeunes gens du même âge restés au pays).

– Qu’il y a eu plus de 175 conflits armés faisant sans doute trente millions de morts depuis 1945, mais qu’ils impliquent de moins en moins des armées régulières dans une relation symétrique.

Il est bien connu que la guerre est la période où les pères enterrent les fils et non le contraire, mais elle ne se réduit pas à des chiffres de mortalité.

Elle est aussi selon la définition d’Alberico Gentilis dans son De jure bellis de 1597 : armorum publicorum justa contentio. (La guerre est un conflit armé, public et juste). Depuis, toutes les définitions juridiques ont combiné avec plus ou moins de bonheur ces notions :

– Un conflit, or la notion de conflit suppose un concept très particulier : celui de victoire. La victoire est la situation théorisée par Clausewitz où la volonté d’un des acteurs cède à l’autre et où il renonce à l’usage des armes. On notera que la victoire est en principe synonyme de paix. Comme le faisait remarquer Saint Augustin « Nous faisons la guerre en vue de la paix », donc en vue d’un ordre politique stable du monde, excluant la reprise du conflit. Cet ordre souvent concrétisé par le droit, certes favorables à nos intérêts ou conforme à nos idéologies, s’inscrira dans l’histoire. Même la paix des cimetières par extermination de l’adversaire, reste une paix.

– Des armes, outils spécifiques pour cette activité, outils qui agissent sur les corps, mais aussi sur le cerveau d’autrui, notamment par la peur. Les armes sont avec les médias les deux seuls instruments destinés à opérer sur le psychisme humain.

– Ce conflit doit être mené par une communauté (tel «le peuple en arme» ou les guerriers de la tribu), au nom d’une communauté et pour le bien supposé d’une communauté (même si chacun sait bien en réalité que les guerres peuvent servir la fantaisie du Prince ou les intérêts des marchands de canons). Cette communauté a une identité organisationnelle et symbolique

– Le conflit a par conséquent une durée, résultant de cette organisation finalisée. Il ne se résume pas à une seule bataille, et vise à une perspective à plus ou moins long terme. On est ou bien en état de guerre ou bien état de paix, et ce pour un certain temps. Certains pensent même que le conflit est une action pour l’histoire voire pour l’éternité.

– Enfin le conflit est juste au regard de ses acteurs. Phénomène altruiste (on lutte et l’on meurt pour les siens), c’est aussi un phénomène moral, soutenu par une notion de Bien, par contraste avec une violence privée, condamnable et de statut inférieur.

3) Adieu à la guerre ?

Nous assistons visiblement à la confusion de toutes les catégories que nous pensions immuables. Et la fameuse phrase de Clausewitz, « la guerre est un caméléon », prend un sens ironique.

Ainsi dans le cadre de la Global War On Terror :

– Personne ne peut plus définir le critère de la victoire. Comme l’avait répondu D. Rumsfeld à un journaliste, la guerre prendra fin « quand personne ne songera plus à s’en prendre au mode de vie américain » Sans capitale ennemie à occuper, sans généraux pour signer une reddition ou même sans population adverse à exterminer, la victoire devient vague. Et la victoire adverse semble tout aussi utopique (l’établissement d’un émirat salafiste à Washington D.C. n’étant pas envisageable à très court terme).

– Tout devient arme : l’information, la propagation de la terreur, les armes non conventionnelles la guerre économique, les médias, les attaques informatiques, bref tout ce que la stratégie chinoise nomme guerre illimitée.

– L’identité des acteurs et la désignation de l’ennemi sont tout aussi problématiques : axe du Mal, terrorisme, islamisme, États voyous… Peut-être même s’agit-il de faire la guerre au sentiment de peur ou à l’hostilité elle-même.

– La durée du conflit (dont il devient difficile rétrospectivement de décider quand il a éclaté) est inimaginable. D’où le fantasme d’une guerre perpétuelle puisqu’elle vise à une paix perpétuelle.

Pour autant faut-il seulement incriminer le seul délire idéologique des néo-conservateurs et un délire symétrique des jihadistes) et se contenter d’imprécations contre les extrémismes ?

Il nous semble que la guerre est menacée de façon bien plus générale et par le fort (même non bushiste) et par le faible (même non-islamiste), le tout pour des raisons plus structurelles.

Côté du fort, souvenons-nous, avant le 12 Septembre :

– De la pratique des opérations humanitaires ou du droit d’ingérence aux dépens des souverainetés, des opérations dites Peace building, Nation Building, Operations Other Than War, Preemptive strike et autres méthodes d’intervention d’urgence, de renversement de gouvernements, de contrainte à but humanitaire ou judiciaire (châtier des tyrans et des épurateurs ethniques)

– du mythe de la guerre zéro mort, qui devait résulter de l’énorme supériorité occidentale en moyens de surveillance électronique et de frappe ciblée instantanée à distance (sensor to shooter sans délai, sans limitation de distance et en tout lieu de la Terre)

– de l’utopie de la cyberguerre, de la guerre en réseaux (netwar), de l’action psychologique (psyops) en lieu et place des moyens classiques

– de la doctrine de la Revolution in Military Affairs. Son principe est que la supériorité en matière de technologies de l’information et de la communication et notamment la possession d’armes intelligentes placera les ennemis comme « sous l’oeil de Dieu ». Combattus par écrans interposé, prêts à subir le Shock and Awe… (choquer et sidérer) tombé du ciel, les criminels, forcément archaïques, subiraient la guerre comme châtiment.

Évidemment tout cela s’est heurté à quelques constats évidents :

– Le territoire nié se venge. Les enracinés (les rebelles, les résistants) rendent l’occupation insoutenable aux « modernes » censés les libérer.

– Le high tech ne vaut pas grand chose contre la guérilla urbaine et pas toujours contre la guérilla des campagnes

– Le volant de dissuasion ne dissuade ni Téhéran, ni Pyong Yang

– La part de répression ne réprime ni les kamikazes ni les chefs jihadistes en fuite…

– La politique d’assèchement des sources du terrorisme multiplie les terroristes

Bref c’est l’échec de l’idée d’abolir la conflictualité soit par la modernité (années 90: élargissement du modèle occidental, nouvel ordre international) soit par la radicalité (années 2.000 : guerre à l’axe du mal).

Côté du faible les symptômes ne sont pas moindres :

– massacres de civils par des milices

– passage de provinces entières sous les contrôle de groupes mi-mafieux, mi-politisés comme les guérillas dégénérées

– extension des zones grises

– désordres dans les « États échoués »

– menace d’utilisation –pour le moment théorique- d’armes du pauvre, biologique, chimique, nucléaire sale

De façon plus générale, plus nous nous éloignons du modèle classique du conflit (revendications, souvent territoriales, montée des passions nationalistes, explosion de l’hostilité en conflit ouvert), plus il devient difficile de fixer un seuil entre violence privée ou criminelle armée et violence politique, guerre civile ou internationale.

Conclusion

Faut-il renoncer à comprendre la guerre ou à la nommer ? Pour notre part, nous avions parlé des nouvelles violences symboliques et techniques et plaidé pour une polémologie qui ferait une juste place aux signes et symboles.

Mais peut-être faudrait-il, nous Européens, commencer plus modestement à repenser l’absence de paix. (en renversant la phrase de Hobbes pour qui la paix est la simple absence de guerre) ?


Syrie/Irak: Attention, un triomphe peut en cacher un autre ! (Obama legacy: After the nuclear deal and the Islamic state, guess on whose doorstep Iranian troops are now being delivered ?)

3 juillet, 2017
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Les forces irakiennes affirment avoir délogé les combattants de l’Etat islamique de la mosquée Al-Nouri de Mossoul, haut lieu symbolique de la ville mais également du pouvoir des djihadistes en Irak. Les forces irakiennes ont annoncé ce 29 juin avoir pris le contrôle de la mosquée Al-Nouri de Mossoul, où Abou Bakr al-Baghdadi, le chef de l’Etat islamique, avait donné en juillet 2014 son premier prêche en tant que chef de l’Etat islamique – sa dernière apparition publique connue à ce jour. (…) Le général-brigadier Yahya Rasool se félicite de son côté d’une victoire qui, selon lui, marque un triomphe sur l’Etat islamique. «Leur Etat illusoire s’est effondré», s’est-il réjoui. «Nous assistons à la fin du faux Etat de Daesh», a déclaré le Premier ministre irakien Haider al-Abadi en anglais sur son compte Twitter. RT
Je n’ai pas énoncé que la destitution de Bachar al-Assad était un préalable à tout. Car personne ne m’a présenté son successeur légitime ! Mes lignes sont claires. Un : la lutte absolue contre tous les groupes terroristes. Ce sont eux, nos ennemis. […] Nous avons besoin de la coopération de tous pour les éradiquer, en particulier de la Russie. Deux : la stabilité de la Syrie, car je ne veux pas d’un État failli. L’utilisation d’armes chimiques donnera lieu à des répliques, y compris de la France seule. Emmanuel Macron
La mairie de Londres a autorisé la tenue dimanche d’un rassemblement anti-israélien organisé par des sympathisants du groupe terroriste chiite libanais Hezbollah. Selon les organisateurs de la Journée d’Al-Quds, les participants ont été autorisés par la mairie à manifester avec le drapeau du groupe terroriste car l’aile politique du Hezbollah n’est pas une organisation proscrite par les autorités britanniques. Les États-Unis, le Canada, l’Australie et la Ligue arabe ont placé le Hezbollah sur leur liste officielle des organisations terroristes. L’Union européenne ne considère pas l’ensemble du groupe comme terroriste mais a inscrit la branche militaire de l’organisation chiite sur sa liste noire, car « liée à des actes terroristes perpétrés sur le territoire européen ». Instaurée en 1979 par l’Ayatollah Khomeini, fondateur de la République Islamique d’Iran, la Journée mondiale d’Al-Quds est un événement anti-israélien annuel destiné à protester contre le contrôle israélien sur Jérusalem (Al-Quds en arabe) et à exprimer la solidarité avec le peuple palestinien. Au cours de cet événement, célébré dans le monde entier dans les communautés chiites, les manifestants scandent des slogans appelant à la destruction d’Israël et brûlent des drapeaux israéliens. Le Monde juif info
Un adage largement admis par la sagesse populaire est malmené depuis près de soixante dix ans au Moyen Orient. «On ne peut faire la paix qu’avec ses ennemis». Car, encore faut-il être capable de définir l’ennemi. La nébuleuse terroriste étant multicéphale, le monde musulman ayant, dans son ensemble, rejeté Israël depuis sa fondation et l’Autorité Palestinienne ne symbolisant qu’un point d’achoppement d’un conflit bien plus large, le simple fait d’avoir rebaptisé le conflit israélo-arabe (qui s’étend à l’Iran depuis la révolution de 1979 ) en conflit israélo-palestinien, cache une réalité bien plus vaste à laquelle Israël ne cesse d’être confronté. S’il est tout à fait légitime de critiquer le gouvernement israélien, comme celui de n’importe quel pays, et même de s’insurger contre nombre de ses politiques, il serait dommageable de passer à coté de certaines vérités, qui font que les Israéliens s’inquiètent de la crédibilité du partenaire pour la paix que l’on tente de leur imposer. (…) la situation au Proche Orient s’affirmant de plus en plus volatile, un nouveau projet de processus plus global, impliquant les pays limitrophes semble se profiler à l’horizon. Trump et ses conseillers, sans se ranger complètement du coté de la position israélienne, ont fini par comprendre qu’Israël n’a aucun intérêt à accepter une paix telle que définie par l’Autorité Palestinienne, et qui n’impliquerait pas la participation intégrale du monde arabe. La confrontation décadaire pourrait bien de la sorte reprendre son identité de conflit israélo-arabe, duquel il ressortirait enfin un authentique projet de paix. Car on ne peut faire la paix qu’avec ses ennemis… dans leur ensemble et pas seulement avec la partie immergée de l’Iceberg. Pierre Rehov
En sus de la chute imminente de ces deux places fortes, l’EI a perdu la plus grande partie de son territoire et de ses revenus, selon une évaluation divulguée jeudi par le cabinet de référence des questions militaires et de conflits, IHS Markit. A son apogée à l’été 2014, il assurait une souveraineté quasi étatique (armée, taxes, justice expéditive, versement d’allocations, administration) sur environ 8 millions de personnes et un territoire grand comme 4 régions françaises, quoique largement désertique. Depuis lors, il a perdu 60 % de ce territoire, estime IHS Markit (ex-Jane’s), dont 40 % depuis janvier. Son effondrement financier est encore plus spectaculaire. Les revenus de l’EI sont tombés à 16 millions au deuxième trimestre 2017, exactement 5 fois moins qu’il y a deux ans. Les salaires des combattants avaient été divisés par 2, à 400 dollars par mois pour les djihadistes étrangers, début 2016 et auraient encore été baissés cette année. IHS ne donne pas d’indication sur les réserves de l’EI, censées avoir atteint 1 milliard de dollars en 2014 à la suite du pillage (non confirmé) de la succursale de la Banque centrale d’Irak à Mossoul. Les revenus pétroliers de l’EI ont été divisés par 10 à cause de la chute mondiale des cours, de la destruction de ses puits par l’aviation russe et occidentale et des pertes de territoires. Les autres revenus de l’EI, trafic d’antiquités, racket et rançons, ont, pour leur part, été divisés par 5 en raison, là aussi, de la perte de territoires, souligne Ludovico Carlino, analyste à IHS Markit. « Le projet de gouvernance du califat a échoué », conclut Columb Strack, spécialiste du Moyen-Orient à IHS. Mais IHS estime que l’EI va tenter d’intensifier sa campagne terroriste en Occident pour compenser ses pertes territoriales. Les pressions des gouvernements égyptien et saoudien sur les religieux pour qu’ils interprètent le Coran dans un sens « plus moderne » risquent de pousser certains conservateurs à basculer dans la violence, avertit IHS, qui affirme que le « risque terroriste va augmenter ». Paris estime que 700 Français ont rejoint l’EI. Quelque 200 d’entre eux sont revenus et un nombre équivalent a été abattu. C’est de loin le plus fort contingent parmi les 3.000 djihadistes européens. Les Echos
Les principales puissances impliquées dans la guerre en Syrie sont engagés dans une course visant à engranger le maximum de bénéfices tirés de l’effondrement de l’Etat Islamique, dans l’Est et le Sud de la Syrie. Les avancées continues des forces du régime syrien et de milices appuyées par l’Iran vers la base d’Al-Tanf tenue par les forces spéciales américaines et occidentales – ainsi que les avancées potentielles des deux côtés de la frontière irakienne – élève le risque d’affrontements supplémentaires susceptibles d’entraîner lers Etats-Unis et la Russie, bien que cette dernière n’aient pas voulu défier les Etats-Unis, après leurs frappes délibérées contre un convoi et des avions de chasse syriens. Jforum
La bataille de Raqqa, du point de vue stratégique, est une affaire classée. L’unique inconnue consiste à savoir combien de temps les 3 000 miliciens islamistes de DAESH acculés et encerclés dans la ville résisteront aux 20 000 combattants kurdes, à leurs 4 000 alliés tribaux arabes dans les FDS, et à l’extraordinaire puissance de feu des avions, des canons et des commandos américains. On ne voit pas les Alaouites, les Syriens, les chiites libanais ou les Russes se risquer à déranger la ripaille ; pour Raqqa, ils arrivent trop tard. Le véritable enjeu des incidents de dimanche se nomme Deïr ez-Zor, la ville située à 125km en aval de Raqqa sur l’Euphrate. Pour l’Armée d’Assad, appuyée par ses acolytes perses et libanais, qui, depuis l’offensive victorieuse des FDS face à l’Etat Islamique – mais uniquement à partir de ce moment – progresse sur trois fronts, nord, centre et sud, l’objectif est d’arriver à Deïr ez-Zor avant les Américains et leurs alliés kurdes. D’abord pour libérer les soldats gouvernementaux encerclés, mais c’est secondaire, car la finalité stratégique de cette course poursuite, c’est l’occupation de la frontière avec l’Irak afin de permettre la consolidation du corridor terrestre chiite : Téhéran-Bagdad-Damas-Beyrouth. Pour l’Amérique, ses alliés européens, arabes et israéliens, le but stratégique est bien sûr inverse. Nombre d’analystes se demandent cette semaine si les menaces russes et les tirs de missiles iraniens, n’avait pas pour but de tester les Américains et Donald Trump. Pour savoir jusqu’où le nouveau président U.S est prêt à impliquer son armée pour empêcher les Iraniens de parvenir à leur fin. (…) L’enjeu du questionnement est considérable. De l’ « autoroute chiite » dépend par exemple l’avenir du Liban, déjà sous le joug impitoyable de Téhéran mais que les ayatollahs doivent entretenir. Et aussi la confiance que Riyad, Le Caire, les Etats du Golfe et toute l’arabité sunnite ont placée en Donald Trump qui est venu la leur demander. Simplement dit : si Trump laisse les Iraniens et le régime prendre Deïr ez-Zor, la brève lune de miel entre le monde arabe et Trump sera déjà terminée. On comprend soudain le rôle de contrepoids que jouait l’Etat Islamique (sunnite) dans l’est syrien pour contrecarrer l’expansion iranienne (chiite), bien plus menaçante pour les Occidentaux au niveau stratégique que la présence des djihadistes salafistes dans la région. Pendant que la coalition leur assène les derniers coups de boutoir à Raqqa, on réalise à Washington qu’il va falloir remplir le vide que va laisser DAESH le long de la frontière irakienne si l’on ne veut pas perdre la Guerre de Syrie et d’Irak et participer à la création d’un empire persan au Proche et au Moyen-Orient. La neutralisation de l’Etat Islamique, qu’on accusait à tort de tirer les ficelles des attentats terroristes en Europe à partir de Raqqa et Mossoul, a été une erreur. Il suffisait de le circonscrire à l’Est et de couper son cordon ombilical avec Recep Erdogan pour que DAESH continue à servir nos intérêts sans avoir à risquer une confrontation avec les Russes et la régionalisation du conflit. Mais Obama, Catherine Ashton, Federica Mogherini, et les pleutres dirigeants de l’Europe avaient peur de froisser le dictateur constitutionnel turc et l’ont laissé agir. Or les arrangements diplomatiques ne justifient jamais de ne pas prendre les décisions qui s’imposent du point de vue stratégique. L’Occident, qui est en train de s’empêtrer en Syrie, en fait une nouvelle fois l’expérience. Comme s’il était incapable de retenir les leçons de l’histoire.   « L’autoroute chiite » permettrait, premièrement, pour Téhéran, de maintenir le contrôle des territoires conquis. Ensuite de fournir des armes lourdes et encombrantes, dans ces pays, à ses supplétifs. Et pour finir, de dépêcher des conseillers et des soldats dans tout le Moyen-Orient, y compris à la frontière d’Israël, afin d’y instiller l’instabilité et d’y combattre les alliés sunnites de Jérusalem. Mena press
Les forces régulières iraniennes ont profité du vide créé par le retrait de l’Etat islamique et ont conquis les étendues désertiques de la Syrie centrale et orientale. J’estime que l’Iran contrôle maintenant plus de 60% de la Syrie, à la fois directement par les forces régulières des Gardiens de la révolution et indirectement par le Hezbollah et d’autres milices chiites, il s’agit de terrains désertiques à faible densité de population. Les forces militaires iraniennes en Syrie ont des bases importantes qui leur donnent toute liberté d’action. D’abord et avant tout parmi ces bases se trouve l’aéroport de Palmyre qui permet à l’Iran de transférer vers la Syrie par voie aérienne, par des vols directs en provenance d’Iran n’importe quel équipement militaire en particulier des missiles, des obus et d’autres types de munitions. (…) Cela met en évidence un changement fondamental dans le comportement iranien: jusqu’à récemment, l’Iran utilisait des vols commerciaux déguisés pour transférer des armes et des missiles à l’aéroport international de Damas (…) Mais (…)  (…) L’Iran est en train de devenir dans les faits une puissance régionale qui contrôle militairement un immense territoire, de l’Asie centrale à la Méditerranée. Le détail important dans ce contexte est que tout cela se déroule sous l’œil vigilant des deux puissances mondiales, la Russie et les États-Unis, chacune selon son intérêt. Pour les Russes, il s’agit de renforcer le régime d’Assad et d’éliminer toutes les organisations sunnites financées et conseillées par l’Arabie saoudite et les autres Etats arabes sunnites y compris la Turquie. Poutine a réussi à apprivoiser Erdogan qui désormais craint davantage les Kurdes de Syrie qu’il ne déteste Assad et ses alliés iraniens et il est ainsi devenu un maillon important dans la coalition russo-iranienne qui soutient Assad. Les Etats-Unis ont observé le renforcement militaire de l’Iran en Syrie, qui a commencé il y a quatre ans sans s’y être opposés sérieusement, sauf récemment en abattant des drones, un petit coup pour l’Iran. Jusqu’en janvier 2017, les États-Unis ont laissé faire parce qu’Obama a voulu favorisé l’hégémonie des Chiites arabes et iraniens sur le Mashreq, monde arabe situé à l’Est d’Israël, alors que le Maghreb resterait une zone sunnite. Depuis que Trump est entré dans la Maison Blanche, l’objectif principal de l’action américaine en Syrie est la destruction de l’Etat islamique. Les Forces américaines sont engagées principalement dans la formation de forces rebelles modérées et dans l’alliance avec les Kurdes qui avec l’aide des forces aériennes américaines vont éliminer Abou Bakar Al Bagdadi et son Etat. La raison a été la crainte des Américains et des Européens que le modèle politique terroriste de l’Etat islamique devienne un modèle de réussite dans la conscience des musulmans ce qui pourrait conduire à la multiplication de colonies d’Etats islamiques à travers le monde, y compris en Europe, sur la base des communautés musulmanes locales. Il est également possible qu’il y ait une entente entre le gouvernement Trump et les Russes permettant à l’Iran de contrôler les parties centrale et orientale de la Syrie  qui n’intéressent pas les Russes afin que ces zones ne deviennent pas un asile pour l’Etat islamique suivant l’amère expérience des Américains en Afghanistan où les Talibans ont repris le contrôle de vastes territoires alors qu’ils avaient été vaincus. Les forces de la coalition chiite qui ont envahi la Syrie (Iraniens, Libanais, Irakiens, Afghans) sont en train d’effectuer un nettoyage ethnique visant les citoyens syriens sunnites dans différentes régions du pays en les expulsant pour installer dans leurs maisons et dans leurs communautés des immigrants chiites de Syrie, d’Irak et d’Afghanistan. Ainsi, suite aux mauvaises intentions de l’administration Obama et aux choix prioritaires de l’administration Trump, l’Iran est devenu le vainqueur manifeste de la guerre en Syrie. Personne dans le monde ne réussira à chasser l’armée iranienne de Syrie et nous devons – en Israël, en Europe et aux Etats-Unis – s’habituer au fait que l’Iran s’étend désormais sur une grande partie de l’Irak, de la Syrie et du Liban. (…) L’Iran est le vainqueur éclatant, ultime de la guerre civile en Syrie, et le plus tôt, nous en Israël et dans le monde, nous le reconnaitrons, le mieux sera pour nous et pour le monde entier. Mordechai Kedar

Attention: un triomphe peut en cacher un autre !

A l’heure où nos médias nous abreuvent quotidiennement d’images et de communiqués chaque fois plus triomphants de la chute programmée et en cours de l’Etat islamique …

Et où commence le retour lui aussi programmé en Europe des djihadistes aguerris s’apprêtant notamment à rejoindre les quelque 15 000 fichés S et leurs amis prieurs de rue répartis sur le territoire français …

Pendant que comme aux plus beaux jours du Londonistan et entre deux attentats islamistes, Londres laisse appeler dans ses rues drapeau du Hezbollah en tête à la destruction d’Israël …

Et que dans la bouche du néo-filloniste président Macron, Paris appelle en Syrie à la coopération avec Poutine …

Qui prend la peine de rappeler (merci Danilette) …

Derrière la course de vitesse qui est en train de se jouer entre les différentes forces sur le terrain, y compris russes et américaines …

Une autre conséquence jusqu’ici oubliée du funeste retrait des troupes américaines décidées par Obama à la veille de sa réélection de 2012 …

A savoir après celle du feu vert accordé à l’Iran pour l’arme nucléaire

Et le basculement – la nature ayant horreur du vide – de toute la partie sunnite de l’Irak et de la Syrie dans les bras des djihadistes de Rakka …

L’ultime triomphe iranien de la création d’une véritable autoroute Téhéran-Bagdad-Damas-Beyrouth

Permettant au régime terroriste de Téhéran d’acheminer dorénavant en toute tranquillité par la route …

Non seulement les armes et missiles qu’il transférait jusque là par vols commerciaux déguisés à ses supplétifs libanais …

Mais toutes espèces d’armes lourdes, conseillers et soldats à la porte même d’Israël ?

L’Iran a conquis la Syrie
Mordechai Kedar
Adapté par Danilette
2 juillet 2017

Depuis les deux dernières années, nous nous sommes habitués au fait que la Russie a transporté des forces armées en Syrie et contrôle la bande côtière, ses ports et deux bases aériennes. Nous nous sommes également habitués à voir le Hezbollah et les milices libanaises chiites impliqués dans le conflit syrien apportant un renfort important à l’armée d’Assad. Nous avons entendu que d’autres milices chiites supplémentaires sont arrivées d’Irak, Afghanistan sous le commandement des Gardiens de la révolution et que de temps en temps ces forces chiites enregistrent des pertes sur le sol syrien. L’impression qui en résulte est que l’Iran a envoyé plusieurs gangs chiites combattre des gangs sunnites sur le sol syrien.

Mais la situation sur le terrain est totalement différente, car les forces iraniennes qui se trouvent en Syrie ne sont plus depuis longtemps des  gangs ou des milices mais une véritable armée à tout point de vue, dirigée par les Gardiens de la révolution, avec des unités d’infanterie, des commandos, des chars, de l’artillerie, une force aérienne, des unités de renseignements et de logistique et cela s’est construit peu à peu au cours des quatre années écoulées, pratiquement sans couverture médiatique.

L’opération militaire la plus importante effectuée par l’armée iranienne en Syrie a été la libération de la ville d’Alep dans le nord de la Syrie qui s’est terminé en décembre 2016. Cette opération a été une coopération entre la Russie et l’Iran, les forces aériennes russes bombardant alors que les forces iraniennes et le Hezbollah et les autres milices chiites d’infanterie avançaient sur le terrain pour transférer les zones libérées à l’armée d’Assad.

Depuis le début de 2017, l’Iran étend son contrôle sur les déserts central et méridional de la Syrie dont certaines parties étaient contrôlées par l’Etat islamique sunnite jusqu’à il y a quelques mois. Aujourd’hui, cette organisation se bat pour sa survie à trois endroits : dans la ville irakienne de Mossoul, dans sa « capitale », la ville de Raqqa en Syrie et à Deir ez-Zor en Syrie orientale. Quand Mossoul tombera aux mains de l’armée irakienne alors très probablement, Raqqa et Deir al-Zour tomberont à leur tour.

Les forces régulières iraniennes ont profité du vide créé par le retrait de l’Etat islamique et ont conquis les étendues désertiques de la Syrie centrale et orientale. J’estime que l’Iran contrôle maintenant plus de 60% de la Syrie, à la fois directement par les forces régulières des Gardiens de la révolution et indirectement par le Hezbollah et d’autres milices chiites, il s’agit de terrains désertiques à faible densité de population.

Les forces militaires iraniennes en Syrie ont des bases importantes qui leur donnent toute liberté d’action. D’abord et avant tout parmi ces bases se trouve l’aéroport de Palmyre qui permet à l’Iran de transférer vers la Syrie par voie aérienne, par des vols directs en provenance d’Iran n’importe quel équipement militaire en particulier des missiles, des obus et d’autres types de munitions.

Israël était très préoccupé et cette année des cibles ont été attaquées dans la région de Palmyre. Selon des sources étrangères, les cibles visées étaient des dépôts de missiles importés d’Iran.

Cela met en évidence un changement fondamental dans le comportement iranien: jusqu’à récemment, l’Iran utilisait des vols commerciaux déguisées pour transférer des armes et des missiles à l’aéroport international de Damas, et selon des sources étrangères, Israël a attaqué à plusieurs reprises ces entrepôts dans l’aéroport et aux alentours. Les Iraniens en ont conclu que le renseignement israélien a recruté des citoyens syriens travaillant dans l’aéroport ou vivant à proximité qui lui servent de sources d’information. La proximité géographique de Damas permet à l’armée israélienne d’agir efficacement contre des cibles près de la capitale syrienne.

Cependant, l’aéroport de Palmyre se trouvent à des centaines de kilomètres d’Israël, la région est peu peuplée et il est plus difficile d’y trouver des sources d’information sur les transferts d’armes iraniennes. Mais Israël a quand même réussi à lancer une attaque sur Palmyre à partir d’autres sources d’information. Cette question montre comment la guerre des renseignements continue même si le public n’en a pas connaissance, ce qui est mieux.

Récemment des informations ont fait état du fait que l’Iran a mis en service un autre aéroport, Alsin qui se trouve dans le sud de la Syrie dans la région d’Al Tanaf proche de la frontière triangulaire entre la Syrie, l’Irak et la Jordanie, dans cet endroit il y a un poste-frontière entre l’Irak et la Syrie et son contrôle permet aux Iraniens de déplacer des forces sans entrave jusqu’au Liban  qui est déjà depuis longtemps sous le contrôle effectif du Hezbollah, la branche libanaise de la pieuvre iranienne.

L’Iran est en train de devenir dans les faits une puissance régionale qui contrôle militairement un immense territoire, de l’Asie centrale à la Méditerranée.

Le détail important dans ce contexte est que tout cela se déroule sous l’œil vigilant des deux puissances mondiales, la Russie et les États-Unis, chacune selon son intérêt. Pour les Russes, il s’agit de renforcer le régime d’Assad et d’éliminer toutes les organisations sunnites financées et conseillées par l’Arabie saoudite et les autres Etats arabes sunnites y compris la Turquie. Poutine a réussi à apprivoiser Erdogan qui désormais craint davantage les Kurdes de Syrie qu’il ne déteste Assad et ses alliés iraniens et il est ainsi devenu un maillon important dans la coalition russo-iranienne qui soutient Assad.

Les Etats-Unis ont observé le renforcement militaire de l’Iran en Syrie, qui a commencé il y a quatre ans sans s’y être opposés sérieusement, sauf récemment en abattant des drones, un petit coup pour l’Iran. Jusqu’en janvier 2017, les États-Unis ont laissé faire parce qu’Obama a voulu favorisé l’hégémonie des Chiites arabes et iraniens sur le Mashreq, monde arabe situé à l’Est d’Israël, alors que le Maghreb resterait une zone sunnite.
Depuis que Trump est entré dans la Maison Blanche, l’objectif principal de l’action américaine en Syrie est la destruction de l’Etat islamique. Les Forces américaines sont engagées principalement dans la formation de forces rebelles modérées et dans l’alliance avec les Kurdes qui avec l’aide des forces aériennes américaines vont éliminer Abou Bakar Al Bagdadi et son Etat. La raison a été la crainte des Américains et des Européens que le modèle politique terroriste de l’Etat islamique devienne un modèle de réussite dans la conscience des musulmans ce qui pourrait conduire à la multiplication de colonies d’Etats islamiques à travers le monde, y compris en Europe, sur la base des communautés musulmanes locales.

Il est également possible qu’il y ait une entente entre le gouvernement Trump et les Russes permettant à l’Iran de contrôler les parties centrale et orientale de la Syrie  qui n’intéressent pas les Russes afin que ces zones ne deviennent pas un asile pour l’Etat islamique suivant l’amère expérience des Américains en Afghanistan où les Talibans ont repris le contrôle de vastes territoires alors qu’ils avaient été vaincus.

Les forces de la coalition chiite qui ont envahi la Syrie (Iraniens, Libanais, Irakiens, Afghans) sont en train d’effectuer un nettoyage ethnique visant les citoyens syriens sunnites dans différentes régions du pays en les expulsant pour installer dans leurs maisons et dans leurs communautés des immigrants chiites de Syrie, d’Irak et d’Afghanistan.

Ainsi, suite aux mauvaises intentions de l’administration Obama et aux choix prioritaires de l’administration Trump, l’Iran est devenu le vainqueur manifeste de la guerre en Syrie. Personne dans le monde ne réussira à chasser l’armée iranienne de Syrie et nous devons – en Israël, en Europe et aux Etats-Unis – s’habituer au fait que l’Iran s’étend désormais sur une grande partie de l’Irak, de la Syrie et du Liban. Le Hezbollah libanais est désormais relié avec l’Iran et c’est la raison pour laquelle Hassan Nasrallah se sent tellement sûr face à Israël qui hésite même à établir un mur de béton sur son territoire pour protéger ses citoyens contre les snipers du Hezbollah.

Il y a deux ans, alors que la Syrie était pleine désintégration, il y avait des Israéliens pour prétendre que la situation sécuritaire d’Israël s’était améliorée, qu’il n’y avait plus de menaces de la part de la Syrie et que le Hezbollah s’était profondément englué dans la boue syrienne !

Aujourd’hui l’évaluation est complètement différente : à la place de la Syrie, nous avons l’Iran comme voisin immédiat et le Hezbollah n’est plus une organisation isolée au Liban mais un bras important des forces iraniennes vraiment dures et menaçantes, stationnées à une courte distance de la frontière iranienne.

Le pire, c’est le fait que les média israéliens, même s’ils rapportent de temps en temps des nouvelles des forces iraniennes en Syrie, ne montrent pas une image de la situation menaçante résultant de la présence iranienne reliant les points sur la carte du pays qui était autrefois la Syrie.

L’Iran est le vainqueur éclatant, ultime de la guerre civile en Syrie, et le plus tôt, nous en Israël et dans le monde, nous le reconnaitrons, le mieux sera pour nous et pour le monde entier.

Voir aussi:

Syrie : le risque d’affrontement direct USA-Russie a soudainement augmenté
Stéphane Juffa
avec Jean Tsadik et Perwer Emmal
Mena press
21 juin 2017

L’US Air Force abat un Soukhoï syrien. Premiers combats entre les Kurdes et l’Armée gouvernementale.

Pendant que les Forces Démocratiques Syriennes, à forte prééminence kurde, combattent désormais à l’intérieur de Raqqa, où elles ont entamé une manœuvre en tenaille pour couper les quartiers nord de la capitale de l’Etat Islamique (DAESH) du reste de la cité de 200 000 habitants, nous avons assisté, ces trois derniers jours, à une extension majeure du conflit en Syrie.

D’abord, profitant de l’affaiblissement notoire de DAESH, qui se trouve acculé par les FDS et leurs alliés américains sur l’ensemble du front, l’Armée gouvernementale d’al Assad, soutenue par la milice chiite libanaise du Hezbollah, et de plus en plus massivement par des soldats réguliers iraniens, a, pour la première fois, attaqué les FDS.

Les combats se sont déroulés dimanche dans la localité de Ja’din (carte), à 40km au sud-ouest de Raqqa. A 17h43 GMT, ce jour-là, un Soukhoï-22 gouvernemental a largué des bombes sur les positions des FDS dans ce secteur, blessant plusieurs combattants.

L’appareil a immédiatement été abattu par un F/A-18 de l’U.S Air Force, en vertu des règles d’engagement au sein de la coalition et du principe de légitime défense, d’après un communiqué du commandement de la coalition.

« Les projets et les actes hostiles des forces pro-régime à l’encontre de la coalition et de ses partenaires en Syrie qui mènent des opérations anti-EI légitimes, ne seront pas tolérés », a précisé le communiqué.

On y lit encore que la coalition internationale « ne cherche pas à attaquer le régime syrien, les forces russes ou les forces pro-régime qui collaborent avec eux, mais elle n’hésitera pas à défendre la coalition ou ses partenaires face à toute menace éventuelle ».

L’incident a été suivi par des combats au sol opposant l’axe Assad-Iran-Hezbollah aux FDS. Ces dernières ont menacé explicitement le régime de Damas, au cas où les affrontements s’amplifieraient dans la périphérie de Raqqa, de s’emparer des quartiers et de l’aéroport de Qamishli, à 370km au nord-est, où des forces gouvernementales, complètement encerclées par les Peshmerga kurdes, sont encore tolérées. Le même sort serait réservé au minuscule détachement gouvernemental à Assaké.

Ja’din se trouve à proximité immédiate du carrefour stratégique de Resafa, pour l’instant toujours partiellement aux mains de DAESH, qui conduit à Raqqa au Nord, et à Deïr ez Zor au sud-est. Deïr ez-Zor, où la 104ème brigade d’élite aéroportée de la garde Républicaine gouvernementale, commandée par le Brigadier-Général Issam Zahreddine, se trouve complètement encerclée par DAESH depuis deux ans.

Depuis, selon nos informations, les affrontements entre les Forces Démocratiques Syriennes et l’alliance pro-Assad ont cessé, mais les deux armées se regardent en chiens de faïence à quelques kilomètres l’une de l’autre.

Les Russes menacent directement les Américains

En revanche, suite à l’interception du Soukhoï syrien, les relations entre les Russes et les Américains se sont dégradées, au point de courir le risque d’une confrontation armée entre eux. Tout d’abord, avant-hier, lundi, Moscou a déclaré la suspension du canal de communication militaire avec Washington. Car, pour les Russes, les Américains auraient dû l’utiliser afin de prévenir qu’ils s’apprêtaient à abattre le bombardier de leur allié.

Bien plus inquiétant encore, le ministère russe de la Guerre a annoncé que « ses moyens de défense antiaérienne et ses avions suivraient et prendraient pour cibles les appareils et les drones de la coalition évoluant à l’ouest [au sud, dans la région de Raqqa] de l’Euphrate ». Presqu’au même moment, le gouvernement de Vladimir Poutine avait annoncé, plus globalement encore, qu’ « il pointerait ses missiles vers tout avion de la coalition internationale survolant la Syrie ».

Rien ne dit que le Tzarévitch mettra sa menace à exécution, mais il y a lieu de la prendre au sérieux. C’est par exemple ce qu’ont déjà fait les Australiens, qui ont décidé, par mesure de précaution, d’interrompre leurs missions d’attaque en Syrie, après que le Kremlin a déclaré considérer à partir de maintenant les appareils de la coalition comme des « cibles ».

Le contingent australien compte trois cents hommes, six chasseurs-bombardiers F/A-18, un appareil de surveillance et d’alerte avancée E-7A, et un avion de transport et de ravitaillement aérien KC-30A.

Quant aux Américains, dans un souci d’apaisement, ils ont annoncé vouloir rétablir le canal de communication, mais ils ont également déclaré qu’ils réagiraient sans état d’âme à toute attaque visant leurs avions.

En sus de plusieurs douzaines de chasseurs et de bombardiers dont disposent les Russes en Syrie, et qui ont déjà tué des dizaines de milliers de personnes, ils ont également déployé des systèmes de défense antiaériens S-300 et S-400, qui passent pour très performants. Reste que notre analyse est sans appel : les Russes, malgré leur équipement, ne sont pas de taille à se mesurer aux Américains en Syrie ; ce, même si une confrontation armée ne serait assurément pas une partie de plaisir pour les fils de l’Oncle Sam et qu’ils y perdraient des plumes.

La vraie préoccupation est celle d’éviter un affrontement militaire ente les deux plus grandes puissances militaires du globe. Ce, alors que Vladimir Poutine bluffe manifestement, dans le plus pur style de ses prédécesseurs soviétiques, voulant donner l’impression qu’il n’hésiterait pas un instant avant d’actionner la détente de son pistolet. A Métula, nous pensons au contraire qu’il y réfléchira à plusieurs fois avant de se lancer dans une telle aventure dans laquelle il n’a rien à gagner.

L’Iran tire sept de ses missiles les plus précis sur Deïr ez-Zor, seulement deux y parviennent

L’autre nouvelle, c’est le lancement par l’Iran de sept missiles balistiques sol-sol de portée intermédiaire Zulfiqar [le nom du sabre recourbé d’Ali, qu’il aurait reçu des mains du Prophète Mahomet. Ali fut le 4ème calife de l’islam et le 1er imam du chiisme] sur les positions de l’Etat Islamique dans la ville de Deïr ez-Zor.

Ces fusées étaient considérées jusqu’à dimanche comme les plus précises de l’arsenal des ayatollahs, et capables de parcourir entre 7 et 800km. Dimanche, à partir de la ville perse de Kermanshah, ils n’avaient à survoler que 450km, pourtant rien ne s’est passé comme prévu par la dictature chiite. Seuls deux missiles ont atteint leur but, n’infligeant que des dommages mineurs aux islamistes, tandis que trois autres explosaient sur le territoire irakien, et que les deux restants manquaient leur cible de plusieurs kilomètres, explosant dans des zones non habitées de Syrie.

Ce qui devait constituer un message d’intimidation destiné aux USA, aux sunnites et à Israël, de l’aveu même de la presse téhéranaise, a tourné en eau de boudin. Il en faudra beaucoup plus pour impressionner Jérusalem, dont les missiles frappent leurs cibles au mètre près en Syrie. Les Hébreux sont parés pour administrer une correction aux apprentis sorciers iraniens, s’il leur prenait la très mauvaise idée de se frotter à Israël ; à Téhéran, les décideurs ont probablement tiré les leçons de ce fiasco. Tandis qu’à Jérusalem, on se contente, comme l’a répété Binyamin Netanyahu, « de surveiller l’activité de l’Iran en Syrie ».

Deux incidents graves pour un même enjeu

La bataille de Raqqa, du point de vue stratégique, est une affaire classée. L’unique inconnue consiste à savoir combien de temps les 3 000 miliciens islamistes de DAESH acculés et encerclés dans la ville résisteront aux 20 000 combattants kurdes, à leurs 4 000 alliés tribaux arabes dans les FDS, et à l’extraordinaire puissance de feu des avions, des canons et des commandos américains.

On ne voit pas les Alaouites, les Syriens, les chiites libanais ou les Russes se risquer à déranger la ripaille ; pour Raqqa, ils arrivent trop tard.

Le véritable enjeu des incidents de dimanche se nomme Deïr ez-Zor, la ville située à 125km en aval de Raqqa sur l’Euphrate. Pour l’Armée d’Assad, appuyée par ses acolytes perses et libanais, qui, depuis l’offensive victorieuse des FDS face à l’Etat Islamique – mais uniquement à partir de ce moment – progresse sur trois fronts, nord, centre et sud, l’objectif est d’arriver à Deïr ez-Zor avant les Américains et leurs alliés kurdes.

D’abord pour libérer les soldats gouvernementaux encerclés, mais c’est secondaire, car la finalité stratégique de cette course poursuite, c’est l’occupation de la frontière avec l’Irak afin de permettre la consolidation du corridor terrestre chiite : Téhéran-Bagdad-Damas-Beyrouth.

Pour l’Amérique, ses alliés européens, arabes et israéliens, le but stratégique est bien sûr inverse. Nombre d’analystes se demandent cette semaine si les menaces russes et les tirs de missiles iraniens, n’avait pas pour but de tester les Américains et Donald Trump. Pour savoir jusqu’où le nouveau président U.S est prêt à impliquer son armée pour empêcher les Iraniens de parvenir à leur fin.

Nous l’ignorons pour le moment, et ne sommes pas absolument certains que M. Trump ait déjà décidé. Nous sentons les conciliabules se multiplier à Washington et sommes fort intéressés à connaître la position finale qu’adopteront les Etats-Unis.

L’enjeu du questionnement est considérable. De l’ « autoroute chiite » dépend par exemple l’avenir du Liban, déjà sous le joug impitoyable de Téhéran mais que les ayatollahs doivent entretenir. Et aussi la confiance que Riyad, Le Caire, les Etats du Golfe et toute l’arabité sunnite ont placée en Donald Trump qui est venu la leur demander. Simplement dit : si Trump laisse les Iraniens et le régime prendre Deïr ez-Zor, la brève lune de miel entre le monde arabe et Trump sera déjà terminée.

On comprend soudain le rôle de contrepoids que jouait l’Etat Islamique (sunnite) dans l’est syrien pour contrecarrer l’expansion iranienne (chiite), bien plus menaçante pour les Occidentaux au niveau stratégique que la présence des djihadistes salafistes dans la région. Pendant que la coalition leur assène les derniers coups de boutoir à Raqqa, on réalise à Washington qu’il va falloir remplir le vide que va laisser DAESH le long de la frontière irakienne si l’on ne veut pas perdre la Guerre de Syrie et d’Irak et participer à la création d’un empire persan au Proche et au Moyen-Orient. La neutralisation de l’Etat Islamique, qu’on accusait à tort de tirer les ficèles des attentats terroristes en Europe à partir de Raqqa et Mossoul, a été une erreur. Il suffisait de le circonscrire à l’Est et de couper son cordon ombilical avec Recep Erdogan pour que DAESH continue à servir nos intérêts sans avoir à risquer une confrontation avec les Russes et la régionalisation du conflit. Mais Obama, Catherine Ashton, Federica Mogherini, et les pleutres dirigeants de l’Europe avaient peur de froisser le dictateur constitutionnel turc et l’ont laissé agir. Or les arrangements diplomatiques ne justifient jamais de ne pas prendre les décisions qui s’imposent du point de vue stratégique. L’Occident, qui est en train de s’empêtrer en Syrie, en fait une nouvelle fois l’expérience. Comme s’il était incapable de retenir les leçons de l’histoire.

« L’autoroute chiite » permettrait, premièrement, pour Téhéran, de maintenir le contrôle des territoires conquis. Ensuite de fournir des armes lourdes et encombrantes, dans ces pays, à ses supplétifs. Et pour finir, de dépêcher des conseillers et des soldats dans tout le Moyen-Orient, y compris à la frontière d’Israël, afin d’y instiller l’instabilité et d’y combattre les alliés sunnites de Jérusalem.

Parmi les unités entretenues par Téhéran, la plus menaçante pour l’Etat hébreu est probablement celle du « Régiment du Golan ». Une petite organisation pestilentielle, initialement organisée par l’archi-terroriste assassin d’enfants Samir Kuntar, neutralisé par les Israéliens en plein cœur de Damas en décembre 2015, qui regroupe des commandos des Gardiens de la Révolution khomeyniste, des chefs du Hezbollah libanais et des Druzes égarés, qui ont déjà changé plusieurs fois de camp.

Eh bien la Ména livre en exclusivité à ses lecteurs l’information qu’elle a reçue de ses amis du côté syrien du Golan : Majid Hammoud, le chef du « Régiment du Golan » et successeur de Kuntar, aurait été liquidé samedi dernier dans la ville de Khan Arnabeh, à 6km d’Israël, qui abrite le quartier général de cette organisation. La neutralisation de Hammoud succède à celle, le 19 mars dernier, de Yasser Hussein al-Sayyed, qui avait précédé Majid Hammoud à son poste, où on ne vit ostensiblement pas jusqu’à l’âge de la retraite. Il avait été stoppé net dans son automobile par un drone alors qu’il se rendait à Damas. Deux ans plus tôt, le 18 janvier 2015, le jeune chef militaire du Hezbollah, Jihad Morgnieh, cinq autres membres de son organisation criminelle, de même qu’un général iranien de la Force al Quds [Jérusalem], Mohammad Ali Allahdadi, avaient également été éliminés alors qu’ils participaient à des activités du « Régiment du Golan », non loin de la frontière israélienne.

A noter que le weekend dernier, le Wall Street Journal a donné des indications concernant la coopération entre Tsahal et certaines unités de la rébellion, côté syrien du Golan, afin de contrer l’expansion iranienne et de préserver notre frontière. Des informations que les lecteurs de la Ména connaissent de manière bien plus détaillée que ce qu’a publié le WSJ depuis plusieurs années.

Voir également:

L’Iran teste les USA dans le Sud-Syrien
Jforum
Juin 7, 2017

Les principales puissances impliquées dans la guerre en Syrie sont éngagés dans une course visant à engranger le maximum de bénéfices tirés de l’effondrement de l’Etat Islamique, dans l’Est et le Sud de la Syrie. Les avancées continues des forces du régime syrien et demilices appuyées par l’Iran vers la base d’Al-Tanf tenue par les forces spéciales américaines et occidentales – ainsi que les avancées potentielles des deux côtés de la frontière irakienne – élève le risque d’affrontements supplémentaires susceptibles d’entraîner lers Etats-Unis et la Russie, bien que cette dernière n’aient pas voulu défier les Etats-Unis, après leurs frappes délibérée contre un convoi et des avions de chasse syriens.

Les brigades Sayyid al Shuhada contrôlées par Téhéran ont reconnu un mort et six blessés à la suite de cette frappe et ont posté une vidéo en ligne, faisant de cette frappe la première de la part des Etats-Unis contre de telles ms irakiennes pro-iraniennes au cours de cette guerre qui dure depuis 6 ans. 

La milice classe son appartenance aux Forces de Mobilisation Populaire (FMP) comme représentant sa 14ème Brigade.

Des forces spéciales américaines, britanniques et norvégiennes opèrent dans cette zone, aux côtés de groupes appartenant à l’Armée Libre Syrienne, depuis des mois.

Les forces soutenues, d’une part, par l’Iran, de l’autre par les Etats-Unis se sont confrontées du côté du carrefour de Zaza, près d’Al-Tanf, selon la  Brigade de l’Imam Ali et des groupes paramilitaires soutenus par les USA. Le mois dernier, des forces du régime avaient arraché le contrôle du carrefour aux forces appuyées par l’Amérique, plusieurs jours avant la frappe américaine.

Les groupes portant le label de l’Armée Libre Syrienne accusent la Russie d’avoir frappé leurs forces au cours d’une offensive sur Zaza. L’un d’eux prétend auprès de Reuters que des avions russes les auraient touchés alors qu’ils déferlaient sur les défenses des milices appuyées par l’Iran. Les responsables américains doivent encore se prononcer publiquement sur cette assertion. Si elle s’avérait vraie, cette frappe indiquerait que la Russie est décidée à passer à l’action contre les forces soutenues par les Etats-Unis, mais jusqu’à quelle point Moscou souhaite aller reste difficile à déterminer.

Voir encore:

Londres : le maire musulman Sadiq Khan autorise le drapeau du groupe terroriste Hezbollah à une marche anti-israélienne
La mairie de Londres a autorisé la tenue dimanche d’un rassemblement anti-israélien organisé par des sympathisants du groupe terroriste chiite libanais Hezbollah.
Monde juif info
18 Juin 2017

Selon les organisateurs de la Journée d’Al-Quds, les participants ont été autorisés par la mairie à manifester avec le drapeau du groupe terroriste car l’aile politique du Hezbollah n’est pas une organisation proscrite par les autorités britanniques.

Les États-Unis, le Canada, l’Australie et la Ligue arabe ont placé le Hezbollah sur leur liste officielle des organisations terroristes. L’Union européenne ne considère pas l’ensemble du groupe comme terroriste mais a inscrit la branche militaire de l’organisation chiite sur sa liste noire, car « liée à des actes terroristes perpétrés sur le territoire européen ».

Instaurée en 1979 par l’Ayatollah Khomeini, fondateur de la République Islamique d’Iran, la Journée mondiale d’Al-Quds est un événement anti-israélien annuel destiné à protester contre le contrôle israélien sur Jérusalem (Al-Quds en arabe) et à exprimer la solidarité avec le peuple palestinien.

Au cours de cet événement, célébré dans le monde entier dans les communautés chiites, les manifestants scandent des slogans appelant à la destruction d’Israël et brûlent des drapeaux israéliens.

Voir encore:

Pourquoi la paix continue d’être impossible entre Israël et Palestine
Pierre Rehov
Le Figaro
30/06/2017

FIGAROVOX/ANALYSE – Après dix ans de présence du Hamas dans la bande de Gaza, le reporter Pierre Rehov fait le point sur le conflit Israélo-Palestinien. Il rappelle quelles sont les raisons principales qui rendent la paix toujours aussi improbable.


Pierre Rehov est reporter, écrivain et réalisateur de documentaires, dont le dernier, «Unveiling Jérusalem», retrace l’histoire de la ville trois fois sainte.


Un adage largement admis par la sagesse populaire est malmené depuis près de soixante dix ans au Moyen Orient. «On ne peut faire la paix qu’avec ses ennemis». Car, encore faut-il être capable de définir l’ennemi.

La nébuleuse terroriste étant multicéphale, le monde musulman ayant, dans son ensemble, rejeté Israël depuis sa fondation et l’Autorité Palestinienne ne symbolisant qu’un point d’achoppement d’un conflit bien plus large, le simple fait d’avoir rebaptisé le conflit Israélo-Arabe (qui s’étend à l’Iran depuis la révolution de 1979 ) en conflit Israélo-Palestinien, cache une réalité bien plus vaste à laquelle Israël ne cesse d’être confronté.

S’il est tout à fait légitime de critiquer le gouvernement Israélien, comme celui de n’importe quel pays, et même de s’insurger contre nombre de ses politiques, il serait dommageable de passer à coté de certaines vérités, qui font que les israéliens s’inquiètent de la crédibilité du partenaire pour la paix que l’on tente de leur imposer.

1- L’Autorité Palestinienne verse des pensions aux responsables d’attentats terroristes et à leurs familles.

Tout en affirmant avoir une main tendue vers la réconciliation, Mahmud Abbas continue de consacrer une partie du budget de l’autorité palestinienne à la rémunération des terroristes enfermés dans les prisons israéliennes, de leurs familles et de celles dont les membres ont été éliminés au cours d’un attentat. La loi palestinienne est claire dans ce sens. Le montant des allocations et des pensions versées est proportionnel à la lourdeur de la peine, autrement dit au nombre des victimes, juives ou non juives, entrainé par le terroriste bénéficiaire.

Il s’agit d’une pratique décriée depuis longtemps par les gouvernements israéliens successifs et, depuis peu, par la Maison Blanche et certains gouvernements européens.

Pour l’Autorité Palestinienne, s’infiltrer dans une maison et assassiner une jeune fille endormie dans son sommeil, tirer à vue sur des consommateurs attablés à la terrasse d’un restaurant, ou se faire exploser au milieu d’adolescents devant une boite de nuit, est un acte de résistance contre l’occupation israélienne. Soit dit en passant, ces «actes contre l’occupation» étaient monnaie courante avant 1967 et la conquête par Israël des territoires préalablement occupés par l’Egypte et la Jordanie.

Selon le code civil palestinien, ces terroristes bénéficient du titre de mujahid (combattants) lorsqu’ils sont vivants, ou de shahid (martyrs) lorsqu’ils ont perdu la vie au cours de leur «mission».

Très récemment, Mahmud Abbas a été jusqu’à traiter le premier ministre israélien de «raciste» pour avoir osé affirmer que ces sommes monstrueuses, (7% du budget de l’AP) finançaient et incitaient au terrorisme. Interrogé sur la nécessité et la raison de cette pratique, il a répondu que c’était son «obligation sociale inscrite dans la loi».

Imaginons un instant la France voulant faire la paix avec Daesh, tandis que Daesh continue à promettre des retraites à vie et autres récompenses, à quiconque renouvellerait le massacre du Bataclan ou de la promenade des Anglais à Nice.

Impensable.

C’est pourtant la situation à laquelle est confrontée Israël, tant que son seul interlocuteur reste l’Autorité Palestinienne.

2 – Mahmud Abbas, élu pour 4 ans en 2005, est toujours au pouvoir

Ce simple fait affaiblit la position du Président de l’Autorité Palestinienne qui n’a donc aucune légitimité démocratique. Un moindre mal dans une région accoutumée aux dictatures. Mais si les dirigeants occidentaux continuent de lui accorder leur soutien total, c’est qu’il est talonné dans les sondages par l’organisation terroriste Hamas. En acceptant la moindre concession en faveur d’Israël, qui lui permettrait de retourner à la table de négociations, Abbas risque de perdre le peu de légitimité dont il bénéficie encore et peut-être même de se faire assassiner. Il ne souhaite pas, non plus, entrer dans l’histoire comme le premier dirigeant palestinien ayant normalisé ses relations avec l’ennemi sioniste.

3 – Les Arabes de Palestine ne sont pas prêts à renoncer au «droit au retour»

Si nombre d’exigences arabes sont négociables, il va sans dire que le droit au retour des descendants de descendants des «réfugiés» de 48, maintenus dans des camps par les pays arabes avoisinant, et privés de la quasi totalité de leurs droits, notamment au Liban et en Syrie, est une impossibilité majeure, qui entrainerait la disparition d’Israël sous un flot incontrôlable d’individus sans qualification et nourris dans la haine d’Israël.

Interrogé sur ce point, Abbas répond systématiquement que c’est leur droit inaliénable.

Sa vision de la paix, issue du concept «deux pays pour deux peuples» se résume à une Palestine judenrein ( dans laquelle aucun Juif ne serait toléré) d’un coté, et une nation multiculturelle de l’autre, que la démographie musulmane rendrait rapidement majoritaire.

Autrement dit, deux pays pour un peuple. Un concept inscrit dans la Charte du Fatah et de l’OLP, déclaré caduque par Yasser Arafat, mais qui n’en a jamais été retiré.

Incidemment, aucune mention n’est jamais faite du million de Juifs spoliés et chassés des pays arabes après 1948.

4 – Les manuels scolaires palestiniens ne reconnaissent pas l’existence de l’état d’Israël

Un rapport publié par l’Institut de Suivi de la Paix et de la Tolérance Culturelle, établit que «le programme pour les écoles élémentaires de l’AP, apprend aux élèves à être des martyrs, diabolise et nie l’existence d’Israël, et se concentre sur un retour à un pays exclusivement palestinien». Parmi les documents cités dans le rapport, il y a notamment des cartes dans lesquelles Israël ne figure pas et des passages qui semblent glorifier les attaquants. Récemment, l’UNRWA, organisation créée par l’ONU en 1948 pour venir au secours des réfugiés palestiniens, que l’on ne peut soupçonner de sympathie à l’égard d’Israël, s’est même insurgé contre le contenu des nouveaux manuels scolaires, provoquant l’ire de l’Autorité Palestinienne qui refuse d’en changer le contenu.

5 – L’Autorité Palestinienne voudrait faire annuler la declaration Balfour de 1917

En demandant à l’Angleterre de s’excuser un siècle plus tard pour la déclaration Balfour, qui promettait aux Juifs d’établir un foyer national sur leur terre ancestrale, et en manipulant l’UNESCO et autres organisations dépendant de l’ONU pour systématiquement diaboliser Israël, grâce à la majorité arabe automatique dont elle dispose et aux abstentions européennes, l’AP se met en porte à faux vis à vis des Accords d’Oslo, qui lui interdisent de tenter de résoudre le conflit en dehors de négociations directes.

6 – Yasser Arafat et Mahmud Abbas n’ont jamais accepté les propositions de paix faites par Israël

Arafat l’avait indiqué le 10 mai 1994, à la grande mosquée de Johannesburg, juste après avoir signé les accords d’Oslo. «Ce compromis n’a d’autre valeur que l’agrément accordé à la tribu Koraichi par le prophète Mahomet.» Autrement dit, tout accord avec Israël ne peut être que provisoire et avoir pour but sa disparition.

En août et septembre 2000, en réponse à la proposition de Ehud Barak de reconnaître un état Palestinien démilitarisé, sur 94% des territoires, avec Jérusalem Est pour capitale, et le partage des lieux saints, Yasser Arafat s’est enfui de Camp David, pour annoncer avec fierté à son peuple qu’il avait rejeté les pressions israéliennes et américaines. Résultat: la seconde indifada, avec son concert d’attentats terroristes et de représailles, faisant des milliers de victimes des deux cotés, et laissant à tout jamais deux peuples meurtris et méfiants.

Le successeur d’Arafat, considéré comme modéré comparativement à l’ancien chef terroriste, a également rejeté la proposition encore plus généreuse d’Ehud Olmert en 2006, qui lui aurait accordé le contrôle absolu de 98% des territoires, un droit au retour limité et le contrôle total du Mont du Temple, rebaptisé «Esplanade des mosquées». De fait, Mahmud Abbas n’a même jamais daigné répondre à Olmert, et s’en vante sous divers prétextes chaque fois qu’il en a l’occasion.

7 – Le retrait de Gaza a entrainé la prise de pouvoir du Hamas, et trois guerres meurtrières

La restitution du Sinaï à l’Egypte ayant abouti à un fragile accord de paix entre les deux pays, scrupuleusement respecté depuis, le Premier Ministre Ariel Sharon a voulu retenté l’expérience, en offrant l’intégralité de Gaza à l’Autorité Palestinienne en 2005, déracinant par la même occasion plus de 10,000 habitants juifs de la bande. L’idée était de faire de cette ancienne enclave égyptienne un nouveau Singapour, avec l’aide de la communauté internationale. Un coup d’état suivi d’une purge sanguinaire ont malheureusement conduit l’organisation terroriste Hamas au pouvoir. Les roquettes ont commencé de pleuvoir sur Israël, provoquant trois confrontations, en 2009, 2012 et 2014.

8 – L’Autorité Palestinienne voudrait obtenir en préalable à toute négociation l’intégralité de ce qui pourrait lui accordé en cas d’accord final

Mahmud Abbas le répète à l’envie. Toute négociation avec Israël doit être basée sur la création d’un Etat Palestinien dans les frontières de 67, avec Jérusalem pour capitale et une juste résolution du problème des réfugiés.

Autrement dit, en préalable à tout nouveau processus de paix, l’AP doit être garantie d’obtenir ce qu’elle souhaite, sans faire de son coté aucune concession.

Chaque fois qu’Israël s’insurge contre son intransigeance, l’AP l’accuse de détruire le processus de paix, ce qui la justifie d’avoir recour au terrorisme.

Ces huit points étant des faits incontestables, ont conduit l’actuelle administration américaine à reconsidérer son implication au Moyen Orient, après la visite expresse de Jason Greenblatt et Jared Kushner auprès des deux parties.

Mais la situation au Proche Orient s’affirmant de plus en plus volatile, un nouveau projet de processus plus global, impliquant les pays limitrophes semble se profiler à l’horizon.

Trump et ses conseillers, sans se ranger complètement du coté de la position israélienne, ont fini par comprendre qu’Israël n’a aucun intérêt à accepter une paix telle que définie par l’Autorité Palestinienne, et qui n’impliquerait pas la participation intégrale du monde arabe.

La confrontation décadaire pourrait bien de la sorte reprendre son identité de conflit Israelo-Arabe, duquel il ressortirait enfin un authentique projet de paix. Car on ne peut faire la paix qu’avec ses ennemis… dans leur ensemble et pas seulement avec la partie immergée de l’Iceberg.

Voir de plus:

L’Irak annonce la fin de «l’Etat illusoire» de Daesh après la prise de la mosquée Al-Nouri à Mossoul
Russia Today
29 juin 2017

Les forces irakiennes affirment avoir délogé les combattants de l’Etat islamique de la mosquée Al-Nouri de Mossoul, haut lieu symbolique de la ville mais également du pouvoir des djihadistes en Irak.

Les forces irakiennes ont annoncé ce 29 juin avoir pris le contrôle de la mosquée Al-Nouri de Mossoul, où Abou Bakr al-Baghdadi, le chef de l’Etat islamique, avait donné en juillet 2014 son premier prêche en tant que chef de l’Etat islamique – sa dernière apparition publique connue à ce jour.

L’annonce a été faite par l’armée irakienne selon qui les Forces spéciales avaient pris la mosquée aux djihadistes. Un commandant des Forces spéciales a cependant précisé à l’AFP que le site n’avait pas encore été repris mais que ses forces étaient sur le point de le faire. «Le Service du contre-terrorisme (CTS) contrôle la mosquée Al-Nouri et (le minaret) Al-Hadba», a déclaré le Commandement des opérations conjointes dans un communiqué.

Mais le général Abdelwahab al-Saadi a, lui, affirmé que les forces irakiennes étaient près de s’emparer de la mosquée, et qu’elles se trouvaient à une vingtaine de mètres des lieux. Le général-brigadier Yahya Rasool se félicite de son côté d’une victoire qui, selon lui, marque un triomphe sur l’Etat islamique. «Leur Etat illusoire s’est effondré», s’est-il réjoui.

«Nous assistons à la fin du faux Etat de Daesh», a déclaré le Premier ministre irakien Haider al-Abadi en anglais sur son compte Twitter.

Ce bâtiment construit au XIIe siècle, ainsi que le minaret penché, connu sous le nom de «Hadba» (la bossue), détruits la semaine dernière par les djihadistes, étaient des monuments emblématiques de Mossoul, mais aussi symboliques du règne des terroristes dans la ville. C’est dans cette mosquée qu’Al-Baghdadi était apparu peu après que les djihadistes se furent emparés de la deuxième ville d’Irak, appelant dans un prêche les musulmans à lui obéir.

Le 22 juin dernier, la Russie annonçait la mort «très probable» d’Abou Bakr al-Baghdadi. «Il est hautement probable que le chef de l’Etat islamique [Abou Bakr] al-Baghdadi ait été éliminé par une frappe de l’aviation russe sur un centre de commandement situé dans la banlieue sud de la ville de Raqqa, à la fin du mois de mai», avait déclaré le vice-ministre des Affaires étrangères Oleg Syromolotov, citant des données collectées par le ministère de la Défense.

Voir enfin:

L’Etat islamique au bord de l’effondrement militaire et financier
L’EI a vu ses revenus divisés par 5 en quelques mois et est en passe de perdre ses capitales syrienne et irakienne
Yves Bourdillon
Les Echos
02/07/2017

Daech est aux abois. L’armée irakienne a repris jeudi, symbole fort, le site quasi détruit de la mosquée Al Nouri, où le chef de l’Etat islamique en Syrie et Irak (EI, Daech) avait proclamé le « califat » islamiste il y a exactement trois ans dans la ville irakienne de Mossoul. Vendredi, l’armée irakienne a annoncé que la victoire sur l’EI serait proclamée dans les prochains jours. Il ne resterait plus que 200-300 djihadistes dans un carré de quelques centaines de mètres de côté dans la vieille ville. Un général américain a confirmé le même jour que la reprise totale de Mossoul était « une question de jours ».

Parallèlement, les djihadistes sont désormais encerclés à Raqqa, la capitale syrienne de leur califat. Les forces kurdo-arabes soutenues par des commandos et l’aviation des Occidentaux ont coupé jeudi leur dernière voie de sortie. Londres estime que l’EI dispose encore de 2.500 combattants dans Raqqa.

60 % de territoire perdu

En sus de la chute imminente de ces deux places fortes, l’EI a perdu la plus grande partie de son territoire et de ses revenus, selon une évaluation divulguée jeudi par le cabinet de référence des questions militaires et de conflits, IHS Markit. A son apogée à l’été 2014, il assurait une souveraineté quasi étatique (armée, taxes, justice expéditive, versement d’allocations, administration) sur environ 8 millions de personnes et un territoire grand comme 4 régions françaises, quoique largement désertique. Depuis lors, il a perdu 60 % de ce territoire, estime IHS Markit (ex-Jane’s), dont 40 % depuis janvier.

Son effondrement financier est encore plus spectaculaire. Les revenus de l’EI sont tombés à 16 millions au deuxième trimestre 2017, exactement 5 fois moins qu’il y a deux ans. Les salaires des combattants avaient été divisés par 2, à 400 dollars par mois pour les djihadistes étrangers, début 2016 et auraient encore été baissés cette année. IHS ne donne pas d’indication sur les réserves de l’EI, censées avoir atteint 1 milliard de dollars en 2014 à la suite du pillage (non confirmé) de la succursale de la Banque centrale d’Irak à Mossoul.

Les revenus pétroliers de l’EI ont été divisés par 10 à cause de la chute mondiale des cours, de la destruction de ses puits par l’aviation russe et occidentale et des pertes de territoires. Les autres revenus de l’EI, trafic d’antiquités, racket et rançons, ont, pour leur part, été divisés par 5 en raison, là aussi, de la perte de territoires, souligne Ludovico Carlino, analyste à IHS Markit.

700 Français dans ses rangs

« Le projet de gouvernance du califat a échoué », conclut Columb Strack, spécialiste du Moyen-Orient à IHS. Mais IHS estime que l’EI va tenter d’intensifier sa campagne terroriste en Occident pour compenser ses pertes territoriales. Les pressions des gouvernements égyptien et saoudien sur les religieux pour qu’ils interprètent le Coran dans un sens « plus moderne » risquent de pousser certains conservateurs à basculer dans la violence, avertit IHS, qui affirme que le « risque terroriste va augmenter ». Paris estime que 700 Français ont rejoint l’EI. Quelque 200 d’entre eux sont revenus et un nombre équivalent a été abattu. C’est de loin le plus fort contingent parmi les 3.000 djihadistes européens.


Guerre des Six-Jours/50e: Attention, une occupation peut en cacher une autre (Let’s stop the ahistoric occupation nonsense: it was annihilation, stupid !)

10 juin, 2017
https://i0.wp.com/coolisrael.fr/files/2017/06/kotel19672-600x394.jpg
https://i0.wp.com/www.mrdrybones.com/blog/D17605_1.gifSouviens-toi du jour du repos, pour le sanctifier. Tu travailleras six jours, et tu feras tout ton ouvrage. Mais le septième jour est le jour du repos de l’Éternel, ton Dieu: tu ne feras aucun ouvrage, ni toi, ni ton fils, ni ta fille, ni ton serviteur, ni ta servante, ni ton bétail, ni l’étranger qui est dans tes portes. Car en six jours l’Éternel a fait les cieux, la terre et la mer, et tout ce qui y est contenu, et il s’est reposé le septième jour: c’est pourquoi l’Éternel a béni le jour du repos et l’a sanctifié. Exode 20: 8-11
J’ai une prémonition qui ne me quittera pas: ce qui adviendra d’Israël sera notre sort à tous. Si Israël devait périr, l’holocauste fondrait sur nous. Eric Hoffer
Si Israël est un occupant dans son pays, le christianisme, qui tire sa légitimité de l’histoire d’Israël, l’est aussi comme le serait tout autre État infidèle. Bat Ye’or
L’homme européen ne se trouve pas éminemment en Europe, ou n’y est pas éveillé. Il est, paradoxe et scandale, en Israël ; c’est en Israël que l’Europe profonde sera battue, “tournée”, ou gardera, avec son honneur, le droit à durer. (…) En quoi, pourquoi Israël est-il l’Europe ? Certes par l’origine de ceux qui ont bâti son État, imposé les conditions du rassemblement de son peuple. Mais cela ne suffirait pas, si l’Europe historique, d’où étaient revenus ces revenants, n’avait été elle-même modelée sur l’histoire du peuple hébreu, n’avait repris la mission du peuple de Dieu dans une « chrétienté ». La couronne du Saint Empire portait l’effigie de David et celle de Salomon, la politique de nos rois en France – avant Bossuet, de l’aveu même de Machiavel – était « tirée de l’écriture sainte », et les nations, jusque dans l’hérésie jacobine et révolutionnaire, imitaient un dialogue immortel entre la naissance et l’obéissance au Dieu d’Abraham, d’Isaac et de Jacob. L’échec final de la Chrétienté en Europe, et de sa « mission » sur les autres continents, rendant apparemment vaine la diaspora, la dispersion du peuple juif, permettant à de modernes empires de prétendre que la croix elle-même avait été vaine, restituait nécessairement aux Juifs leur charge originelle, l’idée de cette charge, transformée par l’aventure de vingt siècles. Échec déjà évident autour de la première guerre mondiale qui justifia la première entreprise sioniste, mais combien plus éclatant et terrible avec la seconde et l’entreprise démoniaque du germanisme hitlérien. Toute l’Europe en fut victime, mais nul peuple, nulle communauté comme les Juifs ; s’ils avaient espéré que l’échec du Christ et de la Chrétienté les libérerait, les assimilerait, si les « libéraux » ou « révolutionnaires », parmi eux avaient contribué puissamment à cet échec selon le monde, bref s’ils étaient souvent restés « Juifs charnels » selon Saint Paul, à mesure que les chrétiens le devenaient, l’atroce massacre désabusait à jamais les survivants, autant que les chrétiens antisémites : la croix gammée avait bien élevé sa prétention abominable contre la croix du Christ, et c’est d’un même Dieu, le Dieu judéo-chrétien qu’elle avait proclamé la mort, avec un sérieux pratique supérieur à toutes les mythologies du marxisme ou de l’existentialisme athées. La création de l’État d’Israël fut la seule rançon, la seule création positive répondant à l’horreur infinie de la seconde guerre mondiale. Cette guerre finalement « victorieuse », libérant quelques-unes des nations opprimées, consacrant ou renouvelant la servitude de beaucoup d’autres, n’a symboliquement et directement produit que cette liberté-là. Elle a donné aux « Européens » qui avaient le plus souffert de l’entreprise contre ce qui restait de la Chrétienté (paradoxalement aux Juifs qui, dispersés, étaient, dans la vraie conception du monde ancien, une part significative de cette Chrétienté, même quand ils étaient persécutés par elle), le droit à exister comme État et dans l’histoire.  Oui l’Europe qui avait, par la première guerre mondiale, perdu sa primauté réelle, devait, par la seconde, en perdre jusqu’aux restes et aux apparences. Et les perdre au profit de deux images d’elle-même accomplies en cauchemar, des deux puissances issues de deux « diasporaï » de l’ancienne Chrétienté, celle des « pères fondateurs » de l’Amérique, pèlerins du Mayflower, et celle des prophètes de la révolution accomplissant, ou abolissant, leur rêve dans la nouvelle Russie. Quelque puissance limitée, au niveau des nations, et quelque ferment de son ancienne grandeur selon l’esprit, lui restaient ; mais non comme Europe, et nullement comme effet de la « victoire ». L’unique nouveauté qui eût son visage, qui ressemblât à ses douleurs, qui réunît ses espérances, ce fut Israël. L’extraordinaire (hors d’un ordre chrétien qui n’avait pas réussi à modeler l’histoire, mais fidèle à l’origine même de cet ordre) n’était pas demeuré impossible. Et les chrétiens de nos antiques nations ne pouvaient voir en ce retour une contradiction à leur espérance en la conversion finale du dernier Juif, qui doit précéder la « parousie » : d’abord parce que l’État d’Israël ne rassemblerait jamais tous les Juifs ; ensuite parce que la nature fondamentalement théocratique de cet État, son enracinement dans le sacré, en dépit de toutes les grimaces laïques et démocratiques, constituaient par eux-mêmes une sorte de « conversion », et une promesse de retour à la source première, où la naissance et le Christ ne s’opposent pas, mais fondent ensemble la « nation », pour les autres peuples enracinés dans l’histoire chrétienne. Pierre Boutang (1er juin 1967)
Israël n’est pas incompatible avec l’existence des peuples arabes, en leur diversité, et qui auraient oublié le principe conquérant de l’islam si quelques démagogues (d’ailleurs inspirés d’un autre islam, celui du germanisme nazi) ne l’avaient réveillé, et réveillé contre les seuls juifs. Pierre Boutang
Comme à l’origine, Israël est signe de contradictions, pierre de touche pour les nations et les empires dont il fait apparaître les contradictions, lui même restant, d’une manière inconnue, le lieu toujours privilégié de la contradiction utile, entre l’homme et son Dieu. (…)  Jérusalem pour des raisons bibliques, mais aussi de très concrètes et proche histoire ne peut qu’être confiée à la garde de l’État et du soldat juifs. La décadence et les crimes de notre Europe, anciennement chrétienne ont conduit à ce châtiment mystérieux, ce signe de contradiction ineffable comme tout ce qui tient à Israël. Pierre Boutang
On est capable en Occident, du moins certains d’entre nous, de dénoncer le totalitarisme, le colonialisme, la traite des Noirs ou l’extermination des Indiens d’Amérique. Mais je n’ai pas vu les descendants des Aztèques, les Hindous ou les Chinois, faire une autocritique analogue, et je vois encore aujourd’hui les Japonais nier les atrocités qu’ils ont commises pendant la Seconde guerre mondiale. La colonisation de certains pays arabes par les Européens a duré, dans le pire des cas, 130 ans: c’est le cas de l’Algérie, de 1830 à 1962. Mais ces mêmes Arabes ont été réduits à l’esclavage et colonisés par les Turcs pendant cinq siècles. La domination turque sur le Proche et le Moyen-Orient commence au XVe siècle et se termine en 1918. Il se trouve que les Turcs étaient musulmans – donc les Arabes n’en parlent pas. L’épanouissement de la culture arabe s’est arrêté vers le XIe, au plus le XIIe siècle, huit siècles avant qu’il soit question d’une conquête par l’Occident. Et cette même culture arabe s’était bâtie sur la conquête, l’extermination et/ou la conversion plus ou moins forcée des populations conquises. En Egypte, en 550 de notre ère, il n’y avait pas d’Arabes – pas plus qu’en Libye, en Algérie, au Maroc ou en Irak. Ils sont là comme des descendants des conquérants venus coloniser ces pays et convertir, de gré ou de force, les populations locales. Mais je ne vois aucune critique de ces faits dans le cercle civilisationnel arabe. De même, on parle de la traite des Noirs par les Européens à partir du XVIe siècle, mais on ne dit jamais que la traite et la réduction systématique des Noirs en esclavage a été introduite en Afrique par les marchands arabes à partir des XI-XIIe siècles (avec, comme toujours, la participation complice des rois et chefs de tribus noirs), que l’esclavage n’a jamais été aboli spontanément en pays islamique et qu’il subsiste toujours dans certains d’entre eux. Castorius Castoriadis
Je ne dis pas que tout cela efface les crimes commis par les Occidentaux, je dis seulement ceci: que la spécificité de la civilisation occidentale est cette capacité de se mettre en question et de s’autocritiquer. Il y a dans l’histoire occidentale, comme dans toutes les autres, des atrocités et des horreurs, mais il n’y a que l’Occident qui a créé cette capacité de contestation interne, de mise en cause de ses propres institutions et de ses propres idées, au nom d’une discussion raisonnable entre êtres humains qui reste indéfiniment ouverte et ne connaît pas de dogme ultime. (…) L’écrasante majorité de la planète ne vit pas l' »égalisation des conditions », mais la misère et la tyrannie. Et, contrairement à ce que croyaient aussi bien les libéraux que les marxistes, elle n’est nullement en train de se préparer pour accueillir le modèle occidental de la république capitaliste libérale. Tout ce qu’elle cherche dans le modèle occidental, ce sont des armes et des objets de consommation – ni le habeas corpus, ni la séparation des pouvoirs. C’est éclatant pour les pays musulmans – un milliard d’habitants -, pour l’Inde – presque un autre milliard -, dans la plupart des pays du Sud-Est asiatique et d’Amérique latine. La situation mondiale, extrêmement grave, rend ridicules aussi bien l’idée d’une « fin de l’histoire » que d’un triomphe universel du « modèle démocratique » à l’occidentale. Et ce « modèle » se vide de sa substance-même dans ses pays d’origine. Castorius Castoriadis
Égorge, égorge, égorge et sois sans pitié,  Égorge, égorge, égorge, et lance leurs têtes Dans le désert,  Égorge, égorge, égorge Tout ce que tu voudras,  Égorge tous les Juifs et tu vaincras. Oum Kalsoum (1967)
L’existence d’Israël est une erreur qu’il faut rectifier ; Voici enfin l’occasion d’effacer la honte qui s’est abattue sur nous depuis 1948 : notre objectif est clair :rayer Israël de la carte. Radio Damas (28 mai 1967)
Notre objectif sera la destruction d’Israël. Le peuple arabe veut se battre. Nasser
Appelons-la tout simplement la Guerre des six jours, comme pour évoquer les six jours de la création. Rabin
En reconnaissance pour sa contribution, Rabin reçut l’honneur de nommer la guerre pour les Israéliens. Des suggestions proposées, dont  « La Guerre de l’audace », « La Guerre du salut » et « La Guerre des fils de la lumière », il choisit la formule la moins ostentatoire, la Guerre des Six Jours, évoquant les jours de la création. Michael Oren
L’établissement entre les deux guerres mondiales, car il faut remonter jusque-là, l’établissement d’un foyer sioniste en Palestine, et puis après la deuxième guerre mondiale, l’établissement d’un Etat d’Israël soulevait à l’époque un certain nombre d’appréhensions. On pouvait se demander, en effet, et on se demandait, même chez beaucoup de juifs, si l’implantation de cette communauté sur des terres qui avaient été acquises dans des conditions plus ou moins justifiables et au milieu des peuples arabes qui lui sont foncièrement hostiles, n’allaient pas entraîner d’incessants, d’interminables frictions et conflits. Et certains même redoutaient que les juifs, jusqu’alors dispersés, et qui étaient restés ce qu’ils avaient été de tout temps, c’est-à-dire un peuple d’élite, sûr de lui-même et dominateur, n’en viennent une fois qu’ils seraient rassemblés dans les sites de son ancienne grandeur, n’en viennent à changer en ambition ardente et conquérante les souhaits très émouvants qu’ils formaient depuis 19 siècles : « l’an prochain à Jérusalem ». En dépit du flot, tantôt montant, tantôt descendant, des malveillances qu’ils provoquaient, qu’ils suscitaient plus exactement, dans certains pays à certaines époques, un capital considérable d’intérêt et même de sympathie s’était formé en leur faveur et surtout il faut bien le dire dans la chrétienté. Un capital qui était issu de l’immense souvenir du testament, nourri à toutes les sources d’une magnifique liturgie, entretenu par la commisération qu’inspirait leur antique valeur et que poétisait chez nous la légende du juif errant, accru par les abominables persécutions qu’ils avaient subi pendant la deuxième guerre mondiale et grossi depuis qu’il avait retrouvé une patrie, par les travaux, leurs travaux constructifs et le courage de leurs soldats. C’est pourquoi indépendamment des vastes concours en argent, en influence, en propagande que les Israéliens recevaient des milieux juifs, d’Amérique et d’Europe, beaucoup de pays, dont la France, voyaient avec satisfaction l’établissement de leur Etat sur le territoire que leur avaient reconnu les puissances, que lui avaient reconnu les puissances, tout en désirant qu’ils parviennent en usant d’un peu de modestie à trouver avec ses voisins un modus vivendi pacifique. Il faut dire que ces données psychologiques avaient quelque peu changé depuis 1956. À la faveur de l’expédition franco-britannique de Suez, on avait vu apparaître en effet, un état d’Israël guerrier et résolu à s’agrandir, et ensuite l’action qu’il menait pour doubler sa population par l’immigration de nouveaux éléments donnait à penser que le territoire qu’il avait acquis ne lui suffirait pas longtemps et qu’il serait porté pour l’agrandir à utiliser toute occasion qui se présenterait. C’est pourquoi d’ailleurs, la cinquième république s’était dégagée, vis-à-vis d’Israël, des liens spéciaux et très étroits que le régime précédent avait noué avec cet Etat et la cinquième république s’était appliquée, au contraire, à favoriser la détente dans le Moyen-Orient. Bien sûr, nous conservions avec le gouvernement israélien des rapports cordiaux et même lui fournissions pour sa défense éventuelle les armements qu’il demandait d’acheter mais en même temps nous lui prodiguions des avis de modération. Notamment à propos des litiges qui concernait les eaux du Jourdain, des escarmouches qui opposaient périodiquement les forces des deux côtés. Enfin nous ne donnions pas notre aval, à son installation dans un quartier de Jérusalem dont il s’était emparé, et nous maintenions notre ambassade à Tel-Aviv. D’autre part, une fois mis un terme à l’affaire algérienne, nous avions repris avec les peuples arabes d’Orient, la même politique d’amitié et de coopération qui avait été pendant des siècles celle de la France dans cette partie du monde et dont la raison et le sentiment font qu’elle doit être aujourd’hui une des bases fondamentales de notre action extérieure. Bien entendu, nous ne laissions pas ignorer aux arabes que pour nous l’Etat d’Israël était un fait accompli et que nous n’admettrions pas qu’il fut détruit. De sorte que tout compris, on pourrait imaginer qu’un jour viendrait où notre pays pourrait aider directement, à ce qu’une paix réelle fut conclue et garantie en Orient pourvu qu’aucun drame nouveau ne vint à la déchirer. Hélas ! le drame est venu, il avait été préparé par une tension très grave et constante qui résultait du sort scandaleux des réfugiés en Jordanie, et aussi d’une menace de destruction prodiguée contre Israël. Le 22 mai, l’affaire d’Aqaba, fâcheusement créée par l’Egypte, allait offrir un prétexte à ce qui rêvait d’en découdre. Pour éviter les hostilités, la France avait dès le 24 mai, proposé aux trois autres grandes puissances, d’interdire conjointement avec elle, à chacune des deux parties, d’entamer le combat. Le 2 juin, le gouvernement français avait officiellement déclaré, qu’éventuellement il donnerait tort à quiconque entamerait le premier, l’action des armes. Et c’est ce qu’il répétait en toute clarté à tous les Etats en cause. C’est ce que j’avais moi-même, le 24 mai déclaré à Monsieur Ebban, Ministre des affaires étrangères d’Israël que je voyais à Paris. Si Israël est attaqué, lui dis-je alors en substance, nous ne le laisserons pas détruire, mais si vous attaquez, nous condamnerons votre initiative. Certes, malgré l’infériorité numérique de votre population, étant donné que vous êtes beaucoup mieux organisés, beaucoup plus rassemblés, beaucoup mieux armés que les arabes, je ne doute pas que le cas échéant, vous remporteriez des succès militaires. Mais ensuite, vous vous trouveriez engagés sur le terrain, et au point de vue international dans des difficultés grandissantes d’autant plus que la guerre en Orient ne peut pas manquer d’augmenter dans le monde une tension déplorable et d’avoir des conséquences très malencontreuses pour beaucoup de pays. Si bien que c’est à vous, devenu des conquérants, qu’on en attribuerait peu à peu les inconvénients. On sait que la voix de la France n’a pas été entendue, Israël ayant attaqué, s’est emparé en six jours de combat des objectifs qu’il voulait atteindre. Maintenant il organise, sur les territoires qu’il a pris l’occupation qui ne peut aller sans oppression, répression, expulsion et s’il manifeste contre lui la résistance qu’à son tour il qualifie de terrorisme (…) Pour qu’un règlement quelconque, et notamment celui là, puisse voir le jour, règlement auquel du reste, suivant la France, devrait s’ajouter un statut international pour Jérusalem. Pour qu’un tel règlement puisse être mis en œuvre, il faut naturellement, il faudrait qu’il eut l’accord des grandes puissances qui entraînerait ipso facto, celui des Nations Unies. Et si un tel accord voyait le jour, la France est d’avance disposée à prêter son concours politique, économique et militaire, pour que cet accord soit effectivement appliqué. Mais on ne voit pas comment un accord quelconque pourrait naître tant que l’un des plus grand des quatre ne se sera pas dégagé de la guerre odieuse qu’il mène ailleurs. Car tout se tient dans le monde d’aujourd’hui. Sans le drame du Vietnam, le conflit entre Israël et les arabes ne serait pas devenu ce qu’il est. Charles De Gaulle (nov. 67)
Définir un ‘peuple’ par deux adjectifs… expliquer l’impérialisme israélien par la nature éternelle, l’instinct dominateur du peuple juif… Les Juifs de France ou, pour mieux dire, du monde entier, ont immédiatement saisi la portée historique des quelques mots prononcés le 28 novembre 1967 par le président de la République… Aucun homme d’État occidental n’avait parlé des Juifs dans ce style, ne les avait caractérisés comme ‘peuple’ par deux adjectifs. (…) Le général de Gaulle a, sciemment, volontairement, ouvert une nouvelle période de l’histoire juive et peut-être de l’antisémitisme. Tout redevient possible. Tout recommence. Pas question, certes, de persécution : seulement de ‘malveillance’. Pas le temps du mépris : le temps du soupçon.  (…) Pourquoi le général de Gaulle a-t-il solennellement réhabilité l’antisémitisme ? Afin de se donner le plaisir du scandale ? Pour punir les Israéliens de leur désobéissance et les juifs de leur anti-gaullisme occasionnel ? Pour interdire solennellement toute velléité de double allégeance ? Pour vendre quelques Mirage de plus aux pays arabes ? Visait-il les États-Unis en frappant les juifs ? Voulait-il soumettre à une nouvelle épreuve l’inconditionnalité de certains de ses fidèles qui ont souffert sous Charles de Gaulle ? Je l’ignore. Raymond Aron (1968)
Une troisième guerre mondiale a-t-elle commencé le matin du 5 juin 1967 ? La Croix (6 juin 1967)
Ceux qui ont montré tant de passion pour soutenir Israël dans la guerre devraient s’employer à convaincre les Israéliens que rendre justice aux Arabes est le meilleur moyen de construire la paix. (…) si Israël ne sait pas dominer sa victoire, il lui faudra recommencer dans dix ans, dans vingt ans. La Croix (7 juin 1967)
Les Israéliens ont eu la vitesse et la force. Les Arabes songent aujourd’hui que, pour leur part, ils auront le temps et l’espace : après avoir perdu la guerre de cent heures, ne pourraient-ils pas gagner la guerre de cent ans ? La Croix (8 juin 1967)
J’ai demandé à des familles aux Etats-Unis de me montrer les lettres que leur envoyaient à l’époque leurs proches vivant en Israël. J’en ai lu près de 500. Presque toutes, en 1966 et 1967, mentionnent la crainte d’un nouvel holocauste. C’est la grande peur, une panique sincère de la destruction imminente, qui s’infiltre dans tous les recoins de la société.  (…) Le conflit était en fait inévitable, car Israël était trop faible pour ne pas attaquer. J’ai établi une chronique de la montée de l’irrationnel. Lors des discussions de janvier 1967 entre le gouvernement et les services secrets du Mossad, on spécule sur les options de Hussein de Jordanie. Mais une conclusion s’impose clairement: en cas de conflit, l’annexion de la rive occidentale du Jourdain et de Jérusalem-Est ne serait pas dans l’intérêt national d’Israël. Le 5 juin 1967, quand les troupes de Hussein attaquent, la raison succombe aux pulsions viscérales. Certes, la guerre est gagnée. Le danger principal, l’Egypte, a été écarté après la destruction de 400 de ses avions. Mais on opte, néanmoins, pour l’offensive contre la Jordanie, pour l’occupation de la rive ouest et surtout celle de Jérusalem- Est. Israël va s’emparer de lieux saints musulmans et chrétiens, un geste aux conséquences internationales immenses. Pourtant, lors de la réunion avec Eshkol, l’état-major et le Mossad, il n’y a même pas eu un juriste pour évaluer les risques. On y va, c’est tout. On ne réfléchit pas. On reste au niveau du fantasme et du rêve. (…) Mais ne soyez pas tenté de voir dans cette décision un calcul politique, une manoeuvre cynique pour résoudre la crise intérieure de l’époque. Nous sommes dans le champ de l’irréfléchi. Je me souviens, d’ailleurs, m’être précipité, à l’époque, pour aller voir Jérusalem-Est, car j’étais persuadé que, dans les jours qui suivraient, nos troupes devraient partir. Tout le monde partageait l’opinion que le cours des événements nous forcerait à revenir au statu quo ante. En fait, Israël venait de passer le point de non-retour. D’après les documents que j’ai obtenus, Hussein était pourtant prêt à une paix durable si on lui rendait Jérusalem-Est et la Cisjordanie. Mais, politiquement et psychologiquement, il nous était devenu impossible de le faire de notre plein gré. A posteriori, se forgeait le mythe qu’il relevait de la mission, de l’essence d’Israël de détenir tout Jérusalem. C’est étrange car, en fait, hormis le mur des Lamentations, il n’y a pas grand-chose de juif là-bas. Et, d’une manière ou d’une autre, les lieux de prière auraient pu être rendus accessibles sans recourir à l’annexion. (…) Un souvenir personnel de juin 1967: en passant en voiture en Cisjordanie, j’ai voulu prendre une photo d’une colonne de réfugiés sur le bord de la route. Mes camarades ont tenté de m’en empêcher, comme s’ils refusaient de matérialiser leur existence. Tout le monde savait qu’il fallait trouver immédiatement une solution pour les Palestiniens, profiter au mieux du choc initial pour assurer les déplacements de population. L’idée la plus simple consistait à les installer en Cisjordanie. Le plan n’aurait coûté que 40 millions de dollars en dix ans – une misère! – et tous les grands philanthropes juifs, à commencer par les Rothschild français, étaient partants pour financer l’opération. Mais non… Notre gouvernement semble alors incapable de prendre une décision et s’enfonce dans le déni. Il s’en tient à une ligne: c’est à l’ONU de s’occuper des Palestiniens. Et Israël ne peut être tenu responsable de leur sort. Les projets les plus loufoques sont alors débattus, visant à les reloger dans le Sinaï, mais surtout à l’étranger: au Canada. Ou en Irak! En lisant cette dernière proposition, j’ai d’abord cru qu’il s’agissait d’une blague, avant de me rendre compte que Eshkol en avait expressément discuté avec le président américain Lyndon Johnson! (…) Johnson était opposé à la guerre, essentiellement parce qu’il craignait qu’elle ne tourne mal pour les Israéliens, qui se seraient alors trouvés contraints de lui demander son aide militaire, alors qu’il est lui-même en plein marasme vietnamien. Mais la CIA, enragée contre Nasser, l’assure que Tsahal remportera une victoire en six à dix jours… L’Amérique donne son feu vert. (…) La victoire de 1967 offre un second souffle au sionisme. Un sentiment de toute-puissance enivre le pays. Longtemps, jusqu’à la grande claque de la guerre du Kippour (octobre 1973), les Israéliens se répétaient cette boutade: «Qu’est-ce qu’on fait à midi? – On envahit Le Caire! – D’accord. Mais qu’est-ce qu’on fait dans l’après-midi?» 1967 a aussi contribué à l’isolement d’Israël, à substituer aux racines européennes et à l’ouverture antérieure au monde un lien exclusif avec les Etats-Unis. (…) Notre jeunesse ne croit plus à la paix. Pragmatique et désabusée, elle se satisferait d’une bonne gestion des hostilités. Et ce qui m’a frappé dans le dernier épisode, l’offensive au Liban de l’été 2006, c’est, plus que l’inanité d’Ehud Olmert – certainement le pire Premier ministre de notre histoire – le fait que notre armée ne sait plus faire la guerre. Tout un symbole. Tsahal est devenue, au fil des décennies, une gendarmerie conçue pour être un outil d’oppression. Tom Segev
Depuis le 15 mai 1967 les menaces de Nasser n’étaient plus verbales, mais s’accompagnaient de déploiement de forces. Les armées de Nasser s’apprêtaient à fondre sur les nôtres, pour nous exterminer. A nouveau la chape de plomb, l’esseulement abyssal. Les radios arabes nous apportaient les hurlements déments des dictateurs arabes ou de leurs porte-parole. C’était en arabe le même déploiement de menaces mortelles que celles qui nous poursuivaient en Europe hitlérienne. Il ne s’agissait pas de nous présenter tels que nous sommes, mais tels que nous devrions être pour justifier les grands massacres que l’on nous promettait au Caire, à Damas, à Amman. « Egorge, égorge, égorge et sois sans pitié, Egorge, égorge, égorge, et lance leur tête Dans le désert, Egorge, égorge, égorge Tout ce que tu voudras,  Egorge tous les sionistes et tu vaincras » chantait, au Caire et à Damas, Oum Kalsoum. Pour que nous soyons égorgeables, sans trop de remords, il fallait que dans l’esprit de nos égorgeurs éventuels nous cessions d’avoir figure d’hommes. Ainsi les colonialistes et les racistes avaient-ils mis au point une technique de propagande très efficace destinée à déshumaniser l’ennemi – celui qu’il faut continuer à exploiter ou qu’il faut assassiner -, au point de le réduire à l’état d’objet, non de personne. Le meurtre alors n’est plus gêné par la mauvaise conscience. Ces recettes avaient fait leurs preuves dans les différents pays d’Asie et d’Afrique où des Occidentaux s’opposaient à des peuples colonisés. Mais, en l’espèce, elles furent utilisées par les dictateurs arabes contre Israël. Pour nous, le blocus du détroit de Tiran décrété par Nasser le 22 mai, les incessantes attaques de notre territoire par les Syriens, le dur bombardement de Jérusalem par les Jordaniens au matin du 5 juin 1967 constituaient des manœuvres agressives caractérisées. Or les chefs arabes continuent de parler de l’agression israélienne. A vrai dire, ils ont raison à leur manière puisqu’ils dénie notre droit de vivre. Le seul fait de notre existence, en tant qu’Etat, introduit un trouble dans l’ordre du monde, constitue une agression permanente contre « leur » paix. Même si nous passions notre temps à chanter, jour et nuit, des psaumes et des cantiques, nous n’en continuerions pas moins notre diabolique agression qui ne pourrait prendre fin qu’avec le terme de notre existence. Nous étions donc persuadés qu’un triomphe arabe réaliserait les prophéties et les ambitions de Choukeïri : l’extermination des survivants des massacres hitlériens. Au terme de la guerre des Six jours, les hommes menacés que nous étions se retrouvaient soudain en position de force : nous étions à la tête d’un Empire plus vaste que nos ancêtres ne l’avaient jamais rêvé ; nous étions des occupants et, par la force des choses, nous devenions aussi des policiers. Etrange destin que celui qui vouait les exterminateurs au rôle de victimes et les candidats au martyre, aux fonctions de bourreau. Soulagement de la victoire : il s’est exprimé chez nous avec beaucoup de pondération. Nous savions que nous n’avions pas fini de gravir notre calvaire. C’était plutôt pour nous le franchissement d’une étape et non le havre souhaité. Israël était devenu l’occupant malgré lui, vainqueur grâce à l’obstination aveugle de ses ennemis. Soudain le problème se compliquait redoutablement ; jadis, la situation était pour nous relativement simple ; il s’agissait d’être ou de ne pas être : les choses étaient claires. Nous remplissions notre rôle vis-à-vis de nous-mêmes et nous correspondions à l’idée que le monde depuis quatre mille ans se faisait de nous : des sursitaires. Au suspense de notre destin, il était possible de prévoir et d’attendre une fin tragique, la continuation de l’œuvre de mort. Après tout, tant qu’il y avait un Juif vivant, il y aurait suffisamment de place pour lui dans les grands cimetières de l’histoire ou la fumée des crématoires. La victoire pipait tous les dés, faussait tous les calculs : le petit Juif du ghetto trichait aux yeux du monde en devenant d’indésirable vainqueur d’une guerre qui constituait sans doute l’insurpassable chef-d’œuvre de la stratégie conventionnelle. Le monde entier pouvait s’attendre avec nous à une fin convenable du trouble qu’Israël n’a cessé d’apporter dans l’histoire depuis la folle aventure d’Abraham : l’effondrement militaire de l’armée juive, les hordes arabes se ruant sur nos femmes, nos enfants, nos foyers, pour parachever splendidement l’œuvre que Hitler n’avait pas su mener à son terme logique. Aux yeux du monde, la victime est devenue bourreau et nous sommes à la tête d’un Empire qui va des pentes de l’Hermon au canal de Suez, du golfe d’Akaba aux rives du Jourdain. Sûrs de nous-mêmes et dominateurs, par cela même faussaires, trublions renversant l’échelle des valeurs. Nietzsche lui-même ne reconnaîtrait plus ses Juifs : d’esclaves, les voici soudain promus au rang de seigneurs. Mais cela même nous a surpris et blessés : nous étions moins en quête de domination que de liberté et de vie. L’image nouvelle de nous-mêmes qui étonnait le monde ne cesse de nous troubler : les uns, d’ivresse, les autres, de nostalgie. La situation nouvelle provoque un universel scandale, le bouleversement de toutes les valeurs, des stéréotypes les plus invétérés. (…) A mesure que la tragédie s’approfondit, que les attentats font davantage de victimes et que la répression sème la peur, les extrémistes se renforcent : Nasser, le grand vaincu de juin 1967, continue de prêcher l’extermination d’Israël. Quelques propagandistes arabes, plus nuancés, essaient de distinguer entre le génocide et ce qu’ils appellent le politicide : il ne s’agissait plus de tuer les Juifs d’Israël mais leur Etat ; comme si ceux-ci pouvaient survivre à celui-là. En face de ces menaces qui nous rappellent certaines voix arabes de 1967 et celles qui, en allemand, annonçaient, aux années 40, de définitifs massacres, nous entendons s’élever quelques voix juives tremblantes d’angoisse qui exigent de l’Etat d’Israël une défense radicale de nos vies par une élimination violente des dangers du terrorisme. D’un côté, on souhaite que la Palestine soit tout entière arabe, tandis que de l’autre on n’attribue de chances de survie à Israël que dans le cadre d’un Etat juif allant des flancs de l’Hermon aux rives du Jourdain et du canal de Suez. André Chouraqui
Cinquante ans après, les poisons que recélait cette victoire inattendue se sont répandus et dans le pays et dans la région. Amos Oz et Avraham Shapira avaient alors effectué une campagne d’enregistrements des soldats vainqueurs. Un film vient de sortir, on les voit aujourd’hui, devenus de vieux messieurs : assis devant des magnétophones qu’on a heureusement conservé de cette haute époque, ils écoutent leurs propres voix d’autrefois. S’ils se déclarent souvent encore heureux d’avoir contribué à sauver Israël de l’anéantissement, certains expriment leur malaise devant les opérations d’occupation et d’évacuation qu’ils ont dû mener. « J’ai vieilli d’un seul coup », dit l’un. Et l’autre ajoute : nous avons cru assurer l’avenir de nos enfants. Mais, avec l’occupation, quel sort avons-nous préparé à nos petits enfants ? France inter
Le 15 mai 1967, c’est le 19 ème anniversaire d’Israël. (…) La capitale d’Israël est coupée en deux par un mur depuis le 29 mai 1948. La légion arabe du roi Abdallah a en effet conquis la vieille ville pendant la guerre d’indépendance et massacré les juifs qui s’y trouvaient. Elle a également pris d’assaut l’hôpital Hadassah et l’université hébraïque sur le mont Scopus, mais aussi profané les cimetières et transformé les synagogues en écuries et urinoirs.
Le Kotel, le mur occidental du Temple, est bien sur interdit d’accès depuis 1948. (…) [Les] Israéliens (…) vivent dans la menace de la destruction de leur pays qui n’a même pas 20 ans d’existence. Israël est un pays minuscule, aussi grand que trois départements français dans lequel vivent à peine 2,7 millions d’habitants. Au niveau de Natanya, le pays est moins large que la ligne de métro 1 à Paris entre le château de Vincennes et alors le pont de Neuilly. Le 1 er juin, Ahmed Choukeiri, le président de l’Organisation de libération de la Palestine, auquel Yasser Arafat va succéder, ne laisse pas de place au moindre doute. Il hurle : « Il n’y aura pas de moyen terme. Il ne restera pas de survivants juifs ! » Au Caire, à Damas, à Bagdad et dans l’ensemble du monde arabe, les déclarations, les manifestations, les chants, les slogans sont les mêmes : « Avec l’aide de Dieu, nous allons nous retrouver à Tel-Aviv et on les égorgera tous ! » Israël sait qu’il ne s’agit pas de paroles en l’air. Le colonel Gamal Abdel Nasser amasse les troupes égyptiennes à la frontière. Il a exigé le départ des Casques bleus de l’ONU qui faisaient tampon depuis la guerre du Sinaï depuis 1956. Les troupes jordaniennes sont placées sous le commandement de l’Egypte, le roi Hussein espérant agrandir son royaume à peu de frais. La Syrie, qui depuis les hauteurs du Golan, tire régulièrement sur les agriculteurs israéliens aux abords du Kineret, le lac de Tibériade, est prête à prendre elle aussi sa part au massacre promis. Gamal Abdel Nasser franchit un pas supplémentaire en fermant le détroit de Tiran L’accès à Eilat est désormais bloqué. Israël se sent abandonné par le monde entier. L’Union soviétique soutient et envoie des armes aux Arabes. Les Etats-Unis, empêtrés dans la guerre au Vietnam, ne veulent rien faire. Le général De Gaulle vient de planter un poignard dans le dos, lui qui, il ya quelques années avait affirmé à David Ben-Gourion qu’Israël était l’ami et l’allié de la France. Les Israéliens pressentent que la menace d’anéantissement se rapproche. Le 1er juin, le Premier ministre Israélien Levi Eshkol met en place un gouvernement d’union nationale. Il appelle à ses cotés Menahem Begin, le chef de l’opposition et surtout Moshé Dayan, qui devient ministre de la défense. Israël doit absolument agir pour repousser la tentative d’étranglement. Le 5 juin au matin pendant que les pilotes égyptiens prennent leur petit-déjeuner, l’armée de l’air cloue au sol la presque totalité des avions. Les forces terrestres complètent l’opération .En quatre jours, elles font reculer l’armée égyptienne de Gaza, Sharm-el –Sheik et atteignent le canal de Suez. La Jordanie attaque le 5 juin. Elle n’a pas voulu écouter le message qui lui avait été transmis par Israël : « Ne bougez pas !» Le lendemain, les parachutistes israéliens encerclent le vieille ville de Jérusalem, et le 7 au matin, ils arrivent au Kotel. Tsahal va poursuivre son action de riposte, et va repousser les Jordaniens et dans ce but s’emparer de la Judée et de la Samarie. Le 6 juin, les Syriens lancent des attaques contre Israël, mais Tsahal réagit et s’empare du Golan. Le samedi 10 juin, la guerre est finie. Israël est venu à bout des armées égyptienne , jordanienne et syrienne. Les troupes que devaient envoyer d’autres pays arabes, n’ont pas eu le temps d’arriver. Tsahal a gagné, mais 800 Israéliens sont morts et 4500 sont blessés. Le gouvernement confie à Itzhak Rabin, le chef de l’état-major de choisir un nom pour qualifier la troisième guerre d’Israël depuis sa fondation. « Appelons-la tout simplement la Guerre des six jours, comme pour évoquer les six jours de la création », propose Rabin. Haim Musicant
Le 5 juin d’il y a 40 ans, jour pour jour, j’entendis avec stupeur à la radio que l’aviation israélienne était au-dessus du Caire, ayant cloué au sol son homologue égyptienne… J’étais soulagé et inquiet. Depuis près d’un mois, depuis que Nasser avait bloqué le Détroit de Tiran pour étouffer le port juif  d’Eilat et empêcher Israël de recevoir le pétrole, on assistait à un véritable ameutement des foules arabes, orchestré par les chefs d’Etat et par le chef palestinien de l’époque autour du mot d’ordre: les Juifs à la mer. Même la suave chanteuse égyptienne Oum Kalsoum chauffait les masses du Caire par un hymne dont le refrain était adbah! (égorge!). A l’époque, je faisais une thèse de math et de la philo, cela faisait un an que j’étais au Parti communiste pour combattre l’impérialisme et le capitalisme. J’étais plutôt méfiant envers les chefs israéliens, qui étaient du reste plutôt distants envers « les Juifs », comme s’ils croyaient à leur mythe de créer l’homme nouveau. Mais le spectre de l’Extermination, 22 ans à peine après Auschwitz, était présent dans certaines têtes, dont la mienne. Je quittai donc le PC car son discours sur « Israël tête-de-pont-de-l’impérialisme-américain » ne collait pas avec les faits. Bien sûr, je me raisonnais: « les Etats arabes ne pourront pas comme ça effacer Israël », mais je m’objectais: « Et pourquoi pas? Pourquoi les mépriser d’avance? Ils sont armés et nombreux… » Même les Marocains envoyaient des blindés; il n’y avait pas que la Syrie , l’Egypte, la Jordanie qui ameutaient. L’Irak aussi… (…) Plus tard, on s’est dit qu’Israël n’aurait pas dû être l’agresseur. Mais  la Guerre du Kippour en  73 a confirmé que s’il n’attaque pas le premier, vu sa petite taille, c’est le massacre, et il est vite menacé dans son existence. Des historiens nous disent que cette Guerre des Six jours (dont nos manuels scolaires ne parlent pas) éclata par inadvertance. Un acte manqué, en somme; mais alors, qui révèle le fond des choses: l’humiliation subie par le monde arabe, dans cette guerre, renouvela celle qu’il a subie en 48 à la naissance de l’Etat juif. Un véritable traumatisme, car en principe, dans l’identité islamique instaurée par le Coran, la question juive était réglée: les vrais bons juifs sont musulmans, comme ceux de la Bible , les autres sont des pervers dans l’ensemble, parfois des braves gens isolément; mais l’idée qu’ils aient un jour une souveraineté est exclue. Dès lors, dans la mentalité officielle arabo-musulmane, Israël était à effacer. Même si des Arabes lucides lui vouent une certaine admiration. Mais avec  la Guerre des Six jours, on ne l’effaçait pas, il était victorieux. A partir de là, on observa de curieux phénomènes. D’abord une sorte de greffe: du fait qu’Israël devenait ponctuellement occupant colonisant les territoires conquis, on greffa sur lui ces deux traits et cela le rend globalement occupant et colonialiste; on pouvait donc ameuter contre lui toutes les forces anti-coloniales. Il y eut aussi des surenchères morales chez les Juifs; certains, comme Y. Leibovitch fustigeant Israël comme nouvel Etat nazi, pas moins. Ce qui permit à des cohortes d’humanistes en manque d’indignation d’emboîter le pas: Oui, Ramallah c’est Auschwitz, déclara un prix Nobel de littérature. Autre fait, plus positif: il fallait rendre les territoires. Avant 67, on ne parlait pas de les rendre puisqu’on allait, un jour, libérer toute la Palestine. Mais depuis 67, Gaza, que l’Egypte occupait et n’a jamais pensé à rendre, devint une terre à restituer de même que la Cisjordanie occupée par  la Jordanie qui ne pensait pas davantage à la restituer. Ce fut une sorte de transmutation: ces terres devenaient palestiniennes du fait d’être passées entre des mains israéliennes. Il faut dire qu’avant, même les Palestiniens n’exigeaient pas des Etats arabes d’avoir d’abord Gaza et  la Cisjordanie comme base de départ dans leur lutte contre Israël. Etonnant. (…)  C’est donc curieusement après  la Guerre des Six jours que cette idée a pu devenir assez concrète. Ce qui ne veut pas dire praticable. A preuve, depuis que Gaza a été « restitué », les Palestiniens s’y battent entre eux, les plus fanatiques envoient des fusées sur Israël, retardant la restitution – pourtant prévue – d’une partie de la Cisjordanie : en effet, si celle-ci était rendue, on pourrait envoyer de là des fusées sur Tel Aviv, vu les distances; alors c’est l’existence quotidienne d’Israël qui serait mise en question. Donc, nouveau paradoxe, grâce à la libération de Gaza, et à ce qu’elle a révélé, celle de la Cisjordanie paraît peu probable, pour l’instant. De sorte que même ceux qui réécrivent l’histoire après-coup – et il y en a – n’ont pas la tâche facile. Quand ils disent qu’Israël aurait dû rendre très vite les Territoires, ils oublient qu’un groupe armé quelconque à Ramallah ou à Gaza, s’il veut se réchauffer l’âme et se sentir plus près d’Allah, peut envoyer des bombes (ou des hommes-bombes) sur Israël et redéclencher la guerre. Donc, il faut être bien prétentieux pour s’installer sur un promontoire élevé et juger que, de ci de là, il y a eu « de grosses erreurs ». Ces deux peuples là-bas, quand ils se battent (car il faut reconnaître qu’il y a de longues périodes de paix, et que la seconde Intifada, longue et meurtrière, a fait en tout 3 000 morts des deux côtés, ce qui est tragique mais peu comparable aux 250 000 morts des guerres ethniques dans l’ex-Yougoslavie), quand il se battent donc, c’est pour des raisons qui leur échappent, des raisons inconscientes qu’on hésite à élucider, mais d’où émerge cette question simple: une terre devenue islamique (par conquête) peut-elle supporter de retrouver (par conquête) sa souveraineté juive antérieure? Ou encore: l’islam ayant pris le relais du message hébreu, peut-il honorer sa dette symbolique envers ses sources juives en laissant une part infime de son immense territoire redevenir un Etat juif? (…) Ces problèmes de cohabitation entre islam et monde judéo-chrétien vont peu à peu s’observer bien ailleurs, en Europe, et un jour proche on pourra en parler plus franchement. Autre remarque: c’est la Guerre des Six jours qui instaura la « ligne verte », frontière apparente et improbable entre deux Etats. Elle a eu dans certains discours un aspect intangible, rigide, absolu, comme si elle existait de tout temps. C’est qu’elle incarne une revendication toute autre: effacer l’humiliation de 67. Or celle-ci est captée par une autre humiliation, plus profonde, celle de l’islam conquérant arrêté par l’Occident sur une frontière instable qui va bientôt faire parler d’elle. Daniel Sibony
Pourquoi la guerre a-t-elle eu lieu ? La question se pose parce que, comme la Première Guerre mondiale, personne n’avait prévu ni ne voulait cette guerre. La recherche d’Oren offre un aperçu de son caractère tout à fait accidentel. En novembre 1966, par exemple, après le meurtre de trois policiers israéliens aux mains de terroristes, basés en Jordanie, l’ambassadeur généralement efficace des États-Unis en Israël a attendu quelques jours pour transmettre un message de condoléances du roi Hussein de Jordanie au Premier ministre israélien. Son retard a poussé les Israéliens à se venger, et les représailles à leur tour sont devenues un épisode majeur dans l’escalade de la guerre. Le rôle des évènements fortuits doit être gardé à l’esprit ces jours-ci, alors qu’il y a de la guerre dans l’air à nouveau au Moyen-Orient: Le moindre faux pas pourrait provoquer un éclatement. Comment les Forces de défense israéliennes ont-elles pu gagner de façon si écrasante ? par une pratique méticuleuse et un réalisme absolu, contrairement aux militaires arabes, qui vivaient dans un monde fantastique. Si les Israéliens étaient tous nerveux à l’approche de la guerre – Le chef d’état-major Yitzhak Rabin souffrait d’une dépression – les dirigeants arabes étaient extrêmement confiants. Un général syrien prédisait une victoire sur Israël en quatre jours « au maximum. » Le président égyptien Gamal Abdel Nasser ne montrait aucun signe d’inquiétude, insistant sur le fait que les Israéliens étaient incapables de monter précisément l’attaque aérienne surprise qu’ils ont en fait réussie. Plus largement, un haut fonctionnaire égyptien a déclaré au sujet du leadership de son équipe qu’il croyait que «la destruction d’Israël était un jeu d’enfant qui ne nécessitait que l’accrochage d’une ligne téléphonique chez le commandant et l’écriture de slogans de victoire. » (Washington, comble d’ironie, a été plus confiant que Tel-Aviv sur une victoire israélienne ; deux semaines avant que la guerre n’ait éclaté, déclare Oren, le secrétaire américain à la Défense avait prédit que si Israël devançait, il battrait ses trois ennemis dans la semaine – précisément ce qui s’est passé.) Comment la guerre a-t-elle affecté la diplomatie israélo-arabe ? – Elle en a fondamentalement changé les termes. Déjà à la mi-mai, quelques semaines avant que les hostilités n’aient commencé, l’influence du Moyen-Orient à la Maison Blanche, Harold Saunders, a suggéré qu’Israël devrait être toléré le temps d’écraser ses ennemis, voyant en ceci « un moyen de régler les frontières et, peut-être même les réfugiés ». Dès le deuxième jour de la guerre, le président Lyndon Johnson avait formulé les grandes lignes de la politique la terre- en échange- de la paix que 35 ans plus tard, la diplomatie américaine conduit encore à l’égard du conflit israélo-arabe: Israël doit restituer la terre conquise en 1967 en échange de sa reconnaissance par les Arabes. Les Américains attendaient l’ampleur du triomphe militaire d’Israël pour montrer aux Arabes l’inutilité de leurs espoirs de détruire l’Etat juif, une analyse qui rencontra l’approbation immédiate chez certains Israéliens (y compris Yitzhak Rabin, plus tard le premier ministre qui a initié les négociations d’Oslo, qui ont été fondées précisément sur cette hypothèse). Mais, comme les événements récents l’ont prouvé de façon si frappante, la prémisse terre contre paix était fausse. A quelques exceptions près (comme le président égyptien Anouar El-Sadate), la bonne volonté d’Israël de faire cet échange a hâté la violence des Arabes contre elle, non pas leur acceptation. Oren montre comment la terre contre la paix est fondée sur des espoirs américains, et non pas sur les réalités du Moyen-Orient ; sa recherche montre que cette politique n’a pas besoin finalement d’être remplacée par une approche plus réaliste. Daniel Pipes
Those who say that we should have evacuated the territories at once need to be reminded what it was like here before the Six-Day War: a country whose border was near the outskirts of greater Tel Aviv, and which was only 15-kilometers wide. Does anyone want to go back to that? With all the problems, our situation today is a thousand times better. Gilad Sharon
I am embarrassed that we started the war in the first place. An unnecessary war that followed 19 years after another unnecessary war that we also lost. I am embarrassed that we let hatred drive our decision to go to war. I am embarrassed that we did not take Israel’s offer right after the war to make peace in exchange for land. I am embarrassed that since then, Egypt’s and Jordan’s realization of the foolishness of war was not matched by the rest of the Arab world, particularly my own country of Lebanon. I am embarrassed that we never made a single credible comprehensive offer of peace to Israel. I am embarrassed that still today, 69 years after our first war against Israel, we still use the Palestinians as pawns in our war of hatred. I am embarrassed that instead of denouncing the hatred, much of the world has joined with us in attacking the Jews’ right to self-determination. I am embarrassed that I, and the few other Arabs who stand up to hatred, cannot do much more than speak up, and that we have not moved to action even our fellow Arabs who live comfortably in the West. I am embarrassed as a citizen of the West because we pay lip service to Israel but we cannot provide substantial support to Israel, for example against the Arab attempts to rewrite the past and erase the Jewish history of Jerusalem. I am embarrassed that we in the West are too beholden to Arab dictators to even take the symbolic step of recognizing that Jerusalem is an indivisible part of Israel. I am embarrassed to ethnically belong to a group that thrives on hatred and to geographically belong to a group that appeases haters. I am embarrassed to belong to a human race that has learned nothing from the lessons of the past and that continues to let antisemitism fester and grow. I am embarrassed that I cannot write these words in an Arab publication or even in a mainstream Western publication because hatred and appeasement are too strong. Fred Maroun
Dès le lendemain de la Guerre des Six Jours, la gauche israélienne a créé son propre “narratif” au sujet de la guerre, dans un livre fameux, Sia’h Lohamim (“Paroles de combattants”) qui s’est imposé dans une certaine mesure comme un discours officiel israélien concernant les événements de mai-juin 1967. Dans ce livre, des soldats issus pour la plupart des kibboutzim des mouvements de la gauche et de l’extrême-gauche (Hashomer Hatzaïr), expriment leurs doutes et leur désarroi après la victoire et relatent les dilemmes moraux auxquels ils ont été confrontés pendant la guerre. Ce document avait été distribué à l’époque par le ministère des Affaires étrangères aux représentations diplomatiques israéliennes à l’étranger, dans le but de montrer le “visage humain” de l’armée israélienne. Mais ce narratif humaniste, souvent émouvant mais pétri de culpabilité, reposait sur un mensonge par omission, qui a été depuis lors exposé au grand jour. Une partie significative des témoignages des soldats recueillis lors de la réalisation de ce document ont en effet été écartés et censurés, car ils ne correspondaient pas aux opinions politiques mises en avant par les auteurs de “Voix de combattants”. Les voix censurées étaient notamment celles de soldats issus de la Yeshiva Mercaz Harav à Jérusalem, institution phare du sionisme religieux, qui exprimaient leur joie après la victoire miraculeuse, la réunification de Jérusalem et le retour du peuple d’Israël dans le coeur de sa patrie ancestrale. L’occultation délibérée de ces témoignages, non conformes au narratif de la gauche kibboutzique, s’inscrivait dans une tentative d’écriture d’une “histoire officielle” de la Guerre des Six Jours, dans un sens idéologique bien particulier. Comme le rapporte Gilad Zweik, les auteurs de “Voix de combattants”, parmi lesquels l’écrivain Amos Oz, éprouvaient un mépris non dissimulé pour les sentiments de joie exprimés par la majorité des Israéliens au lendemain de la victoire de juin 1967. Evoquant son camarade Micha Heyman, tué pendant les durs combats de la “Colline des munitions” à Jerusalem, Amos Oz déclare ainsi que “de son point de vue, on aurait pu dynamiter le Kotel pour sauver Michi”. Un autre soldat interrogé dans le livre déclare que les “sonneries de Choffar [du rav Goren devant le Kottel libéré] lui faisaient mal à la tête…” On comprend, en lisant ces lignes, que la question de la souveraineté juive à Jérusalem (sans même parler de la Judée et de la Samarie) est tout autant, voire plus, une question intérieure israélienne et juive, qu’une question de droit et de politique internationale. Dans ce contexte, il convient d’observer que la récente condamnation internationale de la “colonisation” par le Conseil de Sécurité des Nations unies dans la résolution 2334 s’est produite quelques semaines après l’intervention devant ce même Conseil de sécurité de deux représentants israéliens des organisations d’extrême-gauche Betselem et La Paix Maintenant, qui ont apporté leur justification morale et politique à la condamnation d’Israël par la communauté internationale. Plus généralement, une large partie de la gauche israélienne a adopté aujourd’hui le narratif jadis minoritaire, défaitiste et auto-accusateur, des combattants de l’Hashomer Hatzaïr. Mais alors que ces derniers, en tant que soldats et patriotes israéliens, exprimaient leurs critiques et leurs doutes à destination du public israélien en priorité, leurs héritiers actuels adressent leurs attaques contre le gouvernement et l’armée d’Israël au public international, se transformant en dénonciateurs de leur propre peuple devant le tribunal des nations. Pierre Lurçat
In June 1967 Arab leaders declared their intention to annihilate the Jewish state, and the Jews decided they wouldn’t sit still for it. For the crime of self-preservation, Israel remains a nation unforgiven. Unforgiven, Israel’s milder critics say, because the Six-Day War, even if justified at the time, does not justify 50 years of occupation. They argue, also, that Israel can rely on its own strength as well as international guarantees to take risks for peace. This is ahistoric nonsense. On June 4, 1967, the day before the war, Israel faced the fact that United Nations peacekeepers in Sinai, intended as a buffer with Egypt, had been withdrawn at Cairo’s insistence; that France, hitherto Israel’s ally, had imposed an arms embargo on it; and that Lyndon Johnson had failed to deliver on previous American assurances to break any Egyptian blockade of the Israeli port of Eilat (…) before we fall prey to the lazy trope of “50 years of occupation,” inevitably used to indict Israel, let’s note the following: There would have been no occupation, and no settlements, if Egypt and its allies hadn’t recklessly provoked a war. Or if the “international community” hadn’t fecklessly abandoned Israel in its desperate hours. Or if Jordan hadn’t foolishly ignored Israel’s warnings to stay out of it. Or if the Arab League hadn’t arrogantly rejected the possibility of peace. A Palestinian state would most likely exist if Arafat hadn’t adopted terrorism as the calling card of Palestinian aspirations. Or if he hadn’t rejected the offer of a state 17 years ago. Or if he hadn’t renounced his renunciation of terror. A Palestinian state would also most likely exist if Arafat’s successor, Mahmoud Abbas — now in the 13th year of his elected four-year term — hadn’t rejected it again nine years ago, and if Gazans hadn’t turned their territory into a terrifying model of Palestinian statehood, and if the United Nations didn’t treat Hamas’s attacks on Israel as a nuisance but Israel’s self-defense as a crime against humanity. (…) The Middle East doesn’t need another failed state in its midst. Israel doesn’t need another Hamastan on its border. Palestinians in the West Bank don’t need it over their heads. In 1967 Israel was forced into a war against enemies who then begrudged it the peace. Egypt, at least, found its Sadat. The drama of the Six-Day War will close when Palestinians find theirs. Bret Stephens

Attention: une occupation peut en cacher une autre !

« Guerre qui n’a rien réglé« , « victoire qui n’en est pas une », « guerre empoisonnée » …

En ce 7e jour où, fidèles à l’injonction du  4e commandement, nos amis juifs se rappellent la création du monde …

Qui se trouve être aussi le 50e anniversaire, jour pour jour, de la fin de la Guerre dite précisément des Six-jours …

Et de la libération de leur capitale et de leurs lieux les plus saints …

Pendant que de Manchester à Londres ou Paris …

Après Jérusalem ou Tel Aviv et en fait un ensemble du Moyen-Orient pratiquement juden ou christianrein …

La religion de paix rappelle à coup de voiture-bélier ou de couteau de boucher  …

Le sort qui attend ceux qui ne s’y soumettent pas

Qui rappelle …

A l’heure où rivalisant de révisonnisme articles après articles …

Nos médias n’ont que le mot « occupation » à la bouche …

Non seulement l’hommage discret à la création du monde qu’y avait alors inscrit le général Rabin …

Mais aussi entre les appels de Nasser à la destruction d’Israël …

Et les refrains de la chanteuse égyptienne Oum Kalsoum à « égorger les juifs »

La véritable guerre d’annihilation que, 22 ans après Auschwitz, ladite guerre avait alors empêchée …

Comme après la confirmation de la Guerre du Kippour et la série ininterrompue d’ attentats qui a suivi …

La même poursuite de la Solution finale que l’actuelle « occupation » continue de prévenir ?

Six Days and 50 Years of War

Bret Stephens

The New York Times

June 2, 2017

In June 1967 Arab leaders declared their intention to annihilate the Jewish state, and the Jews decided they wouldn’t sit still for it. For the crime of self-preservation, Israel remains a nation unforgiven.

Unforgiven, Israel’s milder critics say, because the Six-Day War, even if justified at the time, does not justify 50 years of occupation. They argue, also, that Israel can rely on its own strength as well as international guarantees to take risks for peace.

This is ahistoric nonsense.

On June 4, 1967, the day before the war, Israel faced the fact that United Nations peacekeepers in Sinai, intended as a buffer with Egypt, had been withdrawn at Cairo’s insistence; that France, hitherto Israel’s ally, had imposed an arms embargo on it; and that Lyndon Johnson had failed to deliver on previous American assurances to break any Egyptian blockade of the Israeli port of Eilat.

On June 5, the first day of the war, the Israeli government used three separate diplomatic channels to warn Jordan — then occupying the West Bank — not to initiate hostilities. The Jordanians ignored the warning and opened fire with planes and artillery. Some 6,000 shells landed on the western side of Jerusalem alone.

On June 19, 1967 — nine days after the end of the war — the Israeli cabinet decided it would offer the return of territories conquered from Egypt and Syria in exchange for peace, security and recognition. The Arab League categorically rejected peace with Israel at its summit in Khartoum later that year.

In 1973 Egypt and Syria unleashed a devastating surprise attack on Israel, puncturing the myth of Israeli invulnerability.

It took a decade after 1967 for the Egyptian government of Anwar Sadat finally to accept Israel’s legitimacy. When he did he recovered every inch of Sinai — from Menachem Begin, Israel’s right-wing prime minister. Syria remains unreconciled.

It took another decade for Yasir Arafat’s Palestine Liberation Organization to recognize Israel and formally forswear terrorism. But its pledges were insincere. Only after the Soviet Union’s collapse and Arafat’s disastrous support for Saddam Hussein in the gulf war did the P.L.O. finally seem to get serious. It led to the Oslo Accords of 1993 and further Israeli withdrawals.

In 2000, at Camp David, Israel offered Arafat a state. He rejected it. “I regret that in 2000 he missed the opportunity to bring that nation” — Palestine — “into being,” was Bill Clinton’s bitter verdict on the summit’s outcome. Within two years Arafat was calling on a million “martyrs” to march on Jerusalem.

In 2005, another right-wing Israeli government removed its soldiers, settlers and settlements from the Gaza Strip. Two years later Hamas seized control of the territory and used it to start three wars in seven years.

In 2008, Prime Minister Ehud Olmert offered a Palestinian state in Gaza and 93 percent of the West Bank. The Palestinians rejected the proposal out of hand.

This is a truncated history. Israel is not a nation of saints and has made its mistakes. The most serious of those is proliferation of West Bank settlements beyond those in historically recognized blocs.

But before we fall prey to the lazy trope of “50 years of occupation,” inevitably used to indict Israel, let’s note the following:

There would have been no occupation, and no settlements, if Egypt and its allies hadn’t recklessly provoked a war. Or if the “international community” hadn’t fecklessly abandoned Israel in its desperate hours. Or if Jordan hadn’t foolishly ignored Israel’s warnings to stay out of it. Or if the Arab League hadn’t arrogantly rejected the possibility of peace.

A Palestinian state would most likely exist if Arafat hadn’t adopted terrorism as the calling card of Palestinian aspirations. Or if he hadn’t rejected the offer of a state 17 years ago. Or if he hadn’t renounced his renunciation of terror.

A Palestinian state would also most likely exist if Arafat’s successor, Mahmoud Abbas — now in the 13th year of his elected four-year term — hadn’t rejected it again nine years ago, and if Gazans hadn’t turned their territory into a terrifying model of Palestinian statehood, and if the United Nations didn’t treat Hamas’s attacks on Israel as a nuisance but Israel’s self-defense as a crime against humanity.

The cover of a recent issue of The Economist purports to answer the question “Why Israel Needs a Palestinian State.” The argument isn’t wrong. It just isn’t wise.

Israel needs a Palestinian state to safeguard its democratic future — in the long term. But the character of such a state matters at least as much as its mere existence. The Middle East doesn’t need another failed state in its midst. Israel doesn’t need another Hamastan on its border. Palestinians in the West Bank don’t need it over their heads.

In 1967 Israel was forced into a war against enemies who then begrudged it the peace. Egypt, at least, found its Sadat. The drama of the Six-Day War will close when Palestinians find theirs.

Voir aussi:

Half a century after the euphoria of the Six-Day War, some Israelis are wondering if it was a victory

Hundreds of guests and dignitaries gathered at the Knesset, the Israeli parliament, for a special session Tuesday marking the 1967 Six-Day War. It was a celebration of Israel’s lightning military victory over Arab armies in the Sinai Peninsula, Golan Heights, West Bank and East Jerusalem that forever changed the landscape of the Middle East.

In an address that waxed nostalgic for the euphoria that swept Israel in the war’s aftermath, Prime Minister Benjamin Netanyahu invoked the biblical history of the Jewish people in Hebron and Nablus, the West Bank cities that were captured during the conflict. “The Six-Day War returned us to the country from where we had been cut off for generations,” he said. “This is our land.’’

Absent from the parliamentary party, however, were legislators from Israel’s pro-peace Meretz party. Not enough attention, they said, was being paid to the consequences of Israel’s unending control over millions of Palestinians who live in the lands occupied 50 years ago this week.

Tamar Zandberg, one of the party’s parliament members, complained that the celebrations ignored the fact that the West Bank has lived under military rule for 50 years.

“This casts the biggest shadow over Israel’s democracy in its history — and for its continued existence,” she said on the parliament television channel. “This reality is really abnormal — it’s distorted, and we need as quickly as possible to reach a solution to this in the form of an agreement.”

The dissonance between the prime minister and the opposition politician highlights the extent to which the anniversary of the war is stirring a debate in Israel over whether one of the country’s most storied military victories planted the seeds of a modern political disaster.

Israel scored a total defeat against Egyptian, Jordanian and Syrian forces, perhaps one of the last moments in the Middle East that a military conflict has been decided so decisively. The victory transformed Israel from a small, vulnerable outpost teetering on the eastern shelf of the Mediterranean into a regional power player with ample territorial buffers against any potential new attacks.

After surviving a traumatic surprise attack in 1973 by Egypt and Syria in an attempt to recover their territories, Israel eventually traded Sinai for a peace accord with Cairo in 1979 and established full diplomatic ties with Jordan in 1994.

But the 1967 war also began Israel’s self-declared military occupation of the West Bank and the Gaza Strip, along with its controversial annexation of East Jerusalem, which formerly belonged to Jordan.

Described as temporary, the occupation gave Israel control over the lives of a Palestinian population that today numbers 4.9 million.

It also opened the door to establishing hundreds of Jewish settlements and outposts in those territories — neighborhoods that many right-wing Israelis, including Netanyahu, now consider an inseparable part of the country.

At official ceremonies and academic symposiums and on the opinion pages of newspapers, the anniversary has become an occasion among Israelis for taking stock of what was gained, and the continuing costs of the country’s failure to turn those 50-year-old military gains into lasting security.

“It’s a moment of clarification that is forcing Israelis to be more honest about where we are heading,” said Ehud Eiran, a professor of political science at Haifa University. “There’s a growing belief that this reflects a permanent reality, rather than the stories we told ourselves that it’s a temporary occupation.”

In a late May survey by the Israel Democracy Institute released this week, about 62% of Jewish Israelis disagreed with the idea that control over the West Bank constituted a military occupation.

Although a two-thirds majority considered control of the West Bank to be a boost for Israel’s security, the survey also found that the public was evenly split over calls by right-wing politicians to annex the territory.

For the religious nationalist leaders who lead the settlement movement, the jubilee anniversary is being hailed as a sign of the settlements’ permanence. Tens of thousands of religious nationalist supporters gathered at the Western Wall plaza on the Hebrew calendar anniversary of the capture of East Jerusalem in late May to celebrate.

“When I am asked about what is the full vision, what is the future of Judea and Samaria in our eyes, I answer that I want to see, with the help of God, one million Israelis living in Judea and Samaria,” Avi Roeh, who heads the Yesha settlers council, wrote on Facebook, referring to the biblical names for the West Bank.

“It used to seem like a far off, impossible dream…. But today, it’s possible to believe that we’re on the right track.”

In an effort to push back against public perception that the Jewish settlements in the West Bank are an asset to security, the Molad center, a left-wing research institute, released a paper based on interviews with former Israel Defense Forces generals arguing that large amounts of resources are being diverted to the protection of settlements.

Israel’s left wing, which has seen its influence and power diminish over the last two decades, has also been focusing this week on the moral implications of continued control over Palestinians in the West Bank and what it means for the country’s democratic values.

“The settlers have succeeded in creating, on the ground, exactly what they wanted. A reality in which it will be very difficult to draw a border line, which will prevent a separation between us and the Palestinians,” David Grossman, a prominent Israeli author, told the daily newspaper Yediot Aharonot.

“This forces us into making a choice between a few tragic options for those who want a democratic state and a Jewish home. In this sense, the settlers create a danger for the future of the state of Israel, they are dragging us into an abyss.”

Writing in the same newspaper, the son of former Israeli Prime Minister Ariel Sharon dismissed such concerns.

“Those who say that we should have evacuated the territories at once need to be reminded what it was like here before the Six-Day War: a country whose border was near the outskirts of greater Tel Aviv, and which was only 15-kilometers wide,” wrote Gilad Sharon. “Does anyone want to go back to that? With all the problems, our situation today is a thousand times better.”

Gerald Steinberg, a political science professor at Bar Ilan University, argued that Israelis on both sides of the political spectrum do agree that the government needs to come up with a definitive policy to end the state of political limbo started in June 1967.
“Whether you’re on the right or left, the continuing uncertainty for 10 or 20 more years is untenable,” he said. The longer the temporary aspect of the situation lasts, the more unhealthy it is for Israel.”

Voir également:

J’ai lu Israël dans la presse bretonne
9 juin 2017

En France, la presse quotidienne régionale – la PQR – est puissante. En Bretagne par exemple, ces quotidiens structurent l’information.

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Leur influence vient de la verticalité des informations qu’ils traitent : infos locales, régionales, nationales, internationales. De ce fait, ils sont naturellement considérés par la population comme neutres, peu politisés et objectifs. Ils participent fortement au bruit de fond collectif.

Ouest France, 1er quotidien français, couvre le Nord Ouest français, a le 9e site d’info le plus lu en France. Né de Ouest Eclair après la guerre, il est le quotidien historique de la démocratie chrétienne et le soutien des industries agroalimentaires, traditionnellement puissantes.

Le Télégramme devance OF en pointe bretonne, il a été élu meilleur quotidien de France deux fois dans les six dernières années : il est reconnu pour son sérieux.

Publi-Hebdo est le troisième grand acteur de l’info avec une panoplie d’hebdomadaires, et des sites actifs chaque jour, très influents localement, ces derniers se consacrant à l’actualité d’une seule ville.

La place d’Israël

Ici, de Quimper, j’ai compté les occurrences apparues entre le 1er janvier et le 1er juillet 2016 dans la PQR. J’ai noté 14 articles dont 13 que j’ai jugés négatifs à très négatifs, 1 neutre : le 7 mai, une page intitulée Repères dans Le Télégramme.

Les pages analysées sont les pages internationales, mais aussi locales – où apparaissent les communiqués locaux d’associations antisionistes haineuses. *

La PQR n’est pas à négliger

Vous en conviendrez aisément, il ne faut pas mépriser la PQR, c’est là où l’on s’informe des résultats de l’équipe de foot de son quartier, de sa commune, où on recherche des visages connus tout en lisant les fraîches nouvelles du monde.

Cependant, défiance et hostilité y ont remplacé sympathie et empathie à l’adresse d’Israël.

Quelles conséquences l’ image d’un pays présenté comme dissident et sulfureux aura t-elle pour l’avenir ?
Le bruit de fond local ose associer désormais aux mots « apartheid, colonies, guerre » un pays démocratique, protecteur de toutes les minorités qui ont exactement et strictement les mêmes droits que la majorité – comme 1,5 millions d’Arabes musulmans israéliens – au milieu d’une région ayant liquidé toutes ses communautés juives et actuellement plusieurs minorités arabes ou chrétiennes.

Faut-il laisser la PQR aux seuls suppôts de thèses antisionistes ?

Dans l’image, dans l’esprit, dans le cœur, le planteur d’arbre, le philosophe humaniste, l’ingénieur, l’architecte inspiré, sont remplacés par le seul uniforme de Tsahal. Israël n’est vu qu’à travers le prisme très biaisé du conflit territorial.

Il faut regagner les cœurs de ceux qui perdent la Raison. En relayant localement le vrai visage d’Israël.
Ceci passera par l’échange physique, par internet mais également par la presse locale. Car nous le savons : la « vérité » de tous est dessinée chaque jour par le consensus, et ne se superpose pas nécessairement à la réalité des faits.

La liberté de la presse est un droit des citoyens, montrer le vrai visage d’Israël est également un droit, et un devoir.
* valeur indicative et non statistique, n’ayant pas pu quotidiennement lire chaque édition locale

** Pour ce qui est de la Bretagne, sa tradition philosémite séculaire est historiquement remise en cause à chaque fois que nous oublions qu’un Breton judéophobe est un Breton qui se trahit ou trahit son histoire.

Voir de plus:

Juin 67 : la guerre des Six jours et la réécriture de l’histoire israélienne
Pierre Lurçat

The Times of israel

25 mai 2017

Dès le lendemain de la Guerre des Six Jours, la gauche israélienne a créé son propre “narratif” au sujet de la guerre, dans un livre fameux, Sia’h Lohamim (“Paroles de combattants”) qui s’est imposé dans une certaine mesure comme un discours officiel israélien concernant les événements de mai-juin 1967.

Dans ce livre, des soldats issus pour la plupart des kibboutzim des mouvements de la gauche et de l’extrême-gauche (Hashomer Hatzaïr), expriment leurs doutes et leur désarroi après la victoire et relatent les dilemmes moraux auxquels ils ont été confrontés pendant la guerre.

Ce document avait été distribué à l’époque par le ministère des Affaires étrangères aux représentations diplomatiques israéliennes à l’étranger, dans le but de montrer le “visage humain” de l’armée israélienne.

Mais ce narratif humaniste, souvent émouvant mais pétri de culpabilité, reposait sur un mensonge par omission, qui a été depuis lors exposé au grand jour.

Une partie significative des témoignages des soldats recueillis lors de la réalisation de ce document ont en effet été écartés et censurés, car ils ne correspondaient pas aux opinions politiques mises en avant par les auteurs de “Voix de combattants”.

Les voix censurées étaient notamment celles de soldats issus de la Yeshiva Mercaz Harav à Jérusalem, institution phare du sionisme religieux, qui exprimaient leur joie après la victoire miraculeuse, la réunification de Jérusalem et le retour du peuple d’Israël dans le coeur de sa patrie ancestrale.

L’occultation délibérée de ces témoignages, non conformes au narratif de la gauche kibboutzique, s’inscrivait dans une tentative d’écriture d’une “histoire officielle” de la Guerre des Six Jours, dans un sens idéologique bien particulier.

Comme le rapporte Gilad Zweik (1), les auteurs de “Voix de combattants”, parmi lesquels l’écrivain Amos Oz, éprouvaient un mépris non dissimulé pour les sentiments de joie exprimés par la majorité des Israéliens au lendemain de la victoire de juin 1967.

Evoquant son camarade Micha Heyman, tué pendant les durs combats de la “Colline des munitions” à Jerusalem, Amos Oz déclare ainsi que “de son point de vue, on aurait pu dynamiter le Kotel pour sauver Michi”. Un autre soldat interrogé dans le livre déclare que les “sonneries de Choffar [du rav Goren devant le Kottel libéré] lui faisaient mal à la tête…”

On comprend, en lisant ces lignes, que la question de la souveraineté juive à Jérusalem (sans même parler de la Judée et de la Samarie) est tout autant, voire plus, une question intérieure israélienne et juive, qu’une question de droit et de politique internationale.
Dans ce contexte, il convient d’observer que la récente condamnation internationale de la “colonisation” par le Conseil de Sécurité des Nations unies dans la résolution 2334 s’est produite quelques semaines après l’intervention devant ce même Conseil de sécurité de deux représentants israéliens des organisations d’extrême-gauche Betselem et La Paix Maintenant, qui ont apporté leur justification morale et politique à la condamnation d’Israël par la communauté internationale.

Plus généralement, une large partie de la gauche israélienne a adopté aujourd’hui le narratif jadis minoritaire, défaitiste et auto-accusateur, des combattants de l’Hashomer Hatzaïr (2).

Mais alors que ces derniers, en tant que soldats et patriotes israéliens, exprimaient leurs critiques et leurs doutes à destination du public israélien en priorité, leurs héritiers actuels adressent leurs attaques contre le gouvernement et l’armée d’Israël au public international, se transformant en dénonciateurs de leur propre peuple devant le tribunal des nations (*).

(1) Dans son article “Voix de combattants, les bobines oubliées, une manipulation transparente”, Mida 8.7.2015, http://mida.org.il/)

(2) Un recueil de témoignages d’habitants des kibboutz de l’Hashomer Hatzaïr récemment publié en Israël montre comment les jeunes de ce mouvement sioniste-socialiste d’orientation pro-soviétique parvenaient à concilier, non sans difficultés et au prix de contradictions parfois insurmontables, leur admiration pour la “patrie du socialisme” et son dirigeant Joseph Staline, et leur engagement sioniste.

* Sur ce sujet, je renvoie à mon dernier livre, “La trahison des clercs d’Israël”, La Maison d’édition

Voir de même:

Ayelet Shaked contre Breaking the Silence : mettre fin à l’hypocrisie et à la duplicité
Pierre Lurçat

The Times of Israel

9 juin 2017

En demandant au procureur d’ouvrir une enquête contre le porte-parole de Breaking The Silence, Din Issacharoff, qui a déclaré publiquement avoir frappé violemment un Palestinien alors qu’il était soldat dans l’unité du Nahal à Hébron, la ministre de la Justice Ayelet Shaked a exposé au grand jour l’hypocrisie et la duplicité de l’association d’extrême-gauche, qui lutte ouvertement pour ternir l’image de Tsahal aux yeux de l’opinion internationale.

Comme le rapportent les médias israéliens , Issacharoff a été filmé il y a deux mois, pendant un rassemblement de Breaking the Silence, en train de confesser publiquement avoir frappé un Palestinien.

« Le porte-parole de Breaking the Silence se lève et dit qu’il a lui-même commis un crime contre un Palestinien et l’a roué de coups, a dit Shaked. Si c’est vraiment ce qu’il s’est passé, il devrait faire l’objet d’une enquête et être puni. Si cela n’est pas arrivé, l’Etat doit déclarer officiellement que cela n’est pas arrivé. »

La réaction d’Ayelet Shaked est salutaire et bienvenue, n’en déplaise aux éditorialistes du journal Ha’aretz, qui dénoncent une « instrumentalisation politique » de la justice. En réalité, la ministre de la Justice est tout à fait dans son rôle en appelant le procureur de l’Etat à ouvrir une enquête.

De deux choses l’une en effet : soit le porte-parole de BTS dit la vérité, et alors il doit être jugé, selon les normes appliquées par l’armée israélienne et selon les critères moraux que son association elle-même revendique et accuse Tsahal de ne pas appliquer en cas d’atteinte aux droits de l’homme de la part de Tsahal.

Soit il ment, comme l’affirment plusieurs soldats de son unité, et dans ce cas, Ayelet Shaked a raison d’appeler le gouvernement à exposer publiquement la calomnie que constituent ses accusations. Au-delà même du cas spécifique d’Issacharoff, c’est toute la duplicité de son association qui est ainsi exposée au grand jour.

Voilà des années que Breaking the silence, Yesh Din, La Paix maintenant et les autres associations d’extrême-gauche, financées par l’Union européenne et par des fondations étrangères antisionistes, sapent les fondements de la démocratie israélienne et calomnient les institutions de l’Etat, menant ouvertement et sans encombre leur action subversive.

La réaction salutaire d’Ayelet Shaked est l’occasion de rouvrir le dossier de ces associations financées par des pays et entités étrangères pour lutter contre Israël de l’intérieur. L’Etat juif, en guerre permanente contre les ennemis extérieurs aux frontières Nord (le Hezbollah, bras armé de l’Iran) et Sud (le Hamas et l’Etat islamique) ne peut se permettre le luxe de laisser des ennemis de l’intérieur attaquer Tsahal et exposer ses soldats et officiers à des actions judiciaires malveillantes devant les tribunaux internationaux ou étrangers. Il en va de la sécurité de l’Etat et de ses institutions.

* Mon dernier livre, La trahison des clercs d’Israël, est en vente sur le site de l’éditeur, La Maison d’édition et dans les bonnes librairies.

Jacques Benhamou m’a récemment invité à ce sujet dans son émission Côté Cour sur RCJ.

Voir encore:

Juin 1967 : Six jours pour sauver Israël

Haim Musicant
Cool Israel
9 June 2017
Le 15 mai 1967, c’est le 19 ème anniversaire d’Israël.

Le matin, Tsahal défile à Jérusalem.

Le soir a lieu le festival de la chanson au Palais de la Nation.
Une jeune inconnue de 20 ans s’avance avec sa guitare sur la scène.
Elle s’appelle Shuly Natan.
Naomi Shemer lui a offert d’interpréter une nouvelle chanson.
C’est le maire, Teddy Kollek, qui a demandé à la célèbre compositrice d’écrire une ballade consacrée à Jérusalem.

La capitale d’Israël est coupée en deux par un mur depuis le 29 mai 1948.
La légion arabe du roi Abdallah a en effet conquis la vieille ville pendant la guerre d’indépendance et massacré les juifs qui s’y trouvaient. Elle a également pris d’assaut l’hôpital Hadassah et l’université hébraïque sur le mont Scopus, mais aussi profané les cimetières et transformé les synagogues en écuries et urinoirs.
Le Kotel, le mur occidental du Temple, est bien sur interdit d’accès depuis 1948.

Shuli Natan interprète ce 15 mai, une chanson émouvante et triste.
Elle chante Jérusalem, cette ville qui est « prisonnière du rêve, solitaire, avec le Mur enfermé dans son cœur ».
Cette chanson, c’est « Yérushalayim shel zaav », « Jérusalem d’or ».

Quand elle interprète cette mélodie, Shuli Nathan rêve-t-elle un seul instant que quelques semaines plus tard, le 7 juin, Tsahal va libérer Jérusalem ?
S’imagine-t-elle que le grand rabbin de l’armée, Shlomo Goren, va prendre une Thorah à la main, et faire sonner avec l’autre le shofar devant le Kotel, et dire tout simplement « Réjouissons-nous ! »

Mais le retour à Jérusalem, en ce mois de juin 1967, n’est pas dans la tête des Israéliens.
Au contraire, ils vivent dans la menace de la destruction de leur pays qui n’a même pas 20 ans d’existence.
Israël est un pays minuscule, aussi grand que trois départements français dans lequel vivent à peine 2,7 millions d’habitants.
Au niveau de Natanya, le pays est moins large que la ligne de métro 1 à Paris entre le château de Vincennes et alors le pont de Neuilly.

Le 1 er juin, Ahmed Choukeiri, le président de l’Organisation de libération de la Palestine, auquel Yasser Arafat va succéder, ne laisse pas de place au moindre doute. Il hurle : « Il n’y aura pas de moyen terme. Il ne restera pas de survivants juifs ! »

Au Caire, à Damas, à Bagdad et dans l’ensemble du monde arabe, les déclarations, les manifestations, les chants, les slogans sont les mêmes : « Avec l’aide de Dieu, nous allons nous retrouver à Tel-Aviv et on les égorgera tous ! »

Israël sait qu’il ne s’agit pas de paroles en l’air.

Le colonel Gamal Abdel Nasser amasse les troupes égyptiennes à la frontière. Il a exigé le départ des Casques bleus de l’ONU qui faisaient tampon depuis la guerre du Sinaï depuis 1956.
Les troupes jordaniennes sont placées sous le commandement de l’Egypte, le roi Hussein espérant agrandir son royaume à peu de frais.
La Syrie, qui depuis les hauteurs du Golan, tire régulièrement sur les agriculteurs israéliens aux abords du Kineret, le lac de Tibériade, est prête à prendre elle aussi sa part au massacre promis.
Gamal Abdel Nasser franchit un pas supplémentaire en fermant le détroit de Tiran L’accès à Eilat est désormais bloqué.

Israël se sent abandonné par le monde entier.

L’Union soviétique soutient et envoie des armes aux Arabes. Les Etats-Unis, empêtrés dans la guerre au Vietnam, ne veulent rien faire. Le général De Gaulle vient de planter un poignard dans le dos, lui qui, il ya quelques années avait affirmé à David Ben-Gourion qu’Israël était l’ami et l’allié de la France.

Les Israéliens pressentent que la menace d’anéantissement se rapproche.

Le 1er juin, le Premier ministre Israélien Levi Eshkol met en place un gouvernement d’union nationale. Il appelle à ses cotés Menahem Begin, le chef de l’opposition et surtout Moshé Dayan, qui devient ministre de la défense.
Israël doit absolument agir pour repousser la tentative d’étranglement.

Le 5 juin au matin pendant que les pilotes égyptiens prennent leur petit-déjeuner, l’armée de l’air cloue au sol la presque totalité des avions .Les forces terrestres complètent l’opération .En quatre jours, elles font reculer l’armée égyptienne de Gaza, Sharm-el –Sheik et atteignent le canal de Suez.

La Jordanie attaque le 5 juin. Elle n’a pas voulu écouter le message qui lui avait été transmis par Israël : « Ne bougez pas !» Le lendemain, les parachutistes israéliens encerclent le vieille ville de Jérusalem, et le 7 au matin, ils arrivent au Kotel.
Tsahal va poursuivre son action de riposte, et va repousser les Jordaniens et dans ce but s’emparer de la Judée et de la Samarie.

Le 6 juin, les Syriens lancent des attaques contre Israël, mais Tsahal réagit et s’empare du Golan.

Le samedi 10 juin, la guerre est finie. Israël est venu à bout des armées égyptienne , jordanienne et syrienne. Les troupes que devaient envoyer d’autres pays arabes, n’ont pas eu le temps d’arriver.

Tsahal a gagné, mais 800 Israéliens sont morts et 4500 sont blessés.

Le gouvernement confie à Itzhak Rabin, le chef de l’état-major de choisir un nom pour qualifier la troisième guerre d’Israël depuis sa fondation.
« Appelons-la tout simplement la Guerre des six jours, comme pour évoquer les six jours de la création », propose Rabin.

Naomi Shemer, elle, change les paroles de « Yérushalayim shel zaav ».Elle ajoute : « Nous sommes de retour…et un shofar retentit sur le mont du Temple dans la vieille ville ».

Voir aussi:

07 juin 2007

2/6/07 – Guerre des Six jours – ou: Les bluffs dangereux

Dans cet article paru dans Libé, Rebonds, du 7/6/2007, vous trouverez en caractères gras les passages qui ont été coupés.

Le 5 juin d’il y a 40 ans, jour pour jour, j’entendis avec stupeur à la radio que l’aviation israélienne était au-dessus du Caire, ayant cloué au sol son homologue égyptienne… J’étais soulagé et inquiet. Depuis près d’un mois, depuis que Nasser avait bloqué le Détroit de Tiran pour étouffer le port juif d’Eilat et empêcher Israël de recevoir le pétrole, on assistait à un véritable ameutement des foules arabes, orchestré par les chefs d’Etat et par le chef palestinien de l’époque autour du mot d’ordre: les Juifs à la mer. Même la suave chanteuse égyptienne Oum Kalsoum chauffait les masses du Caire par un hymne dont le refrain était adbah! (égorge!). A l’époque, je faisais une thèse de math et de la philo, cela faisait un an que j’étais au Parti communiste pour combattre l’impérialisme et le capitalisme. J’étais plutôt méfiant envers les chefs israéliens, qui étaient du reste plutôt distants envers « les Juifs », comme s’ils croyaient à leur mythe de créer l’homme nouveau. Mais le spectre de l’Extermination, 22 ans à peine après Auschwitz, était présent dans certaines têtes, dont la mienne. Je quittai donc le PC car son discours sur « Israël tête-de-pont-de-l’impérialisme-américain » ne collait pas avec les faits. Bien sûr, je me raisonnais: « les Etats arabes ne pourront pas comme ça effacer Israël », mais je m’objectais: « Et pourquoi pas? Pourquoi les mépriser d’avance? Ils sont armés et nombreux… » Même les Marocains envoyaient des blindés; il n’y avait pas que la Syrie , l’Egypte, la Jordanie qui ameutaient. L’Irak aussi…

Israël a donc attaqué le premier, a vaincu les armées arabes en 6 jours et ses soldats ont pu toucher l’élément originaire, le symbole fort: la vieille ville de Jérusalem, le Mont du Temple – sur lequel les troupes islamiques, treize siècles avant, avaient mis leurs emblèmes victorieux, le Dôme et la Mosquée.

Plus tard, on s’est dit qu’Israël n’aurait pas dû être l’agresseur. Mais  la Guerre du Kippour en  73 a confirmé que s’il n’attaque pas le premier, vu sa petite taille, c’est le massacre, et il est vite menacé dans son existence. Des historiens nous disent que cette Guerre des Six jours (dont nos manuels scolaires ne parlent pas) éclata par inadvertance. Un acte manqué, en somme; mais alors, qui révèle le fond des choses: l’humiliation subie par le monde arabe, dans cette guerre, renouvela celle qu’il a subie en 48 à la naissance de l’Etat juif. Un véritable traumatisme, car en principe, dans l’identité islamique instaurée par le Coran, la question juive était réglée: les vrais bons juifs sont musulmans, comme ceux de la Bible , les autres sont des pervers dans l’ensemble, parfois des braves gens isolément; mais l’idée qu’ils aient un jour une souveraineté est exclue. Dès lors, dans la mentalité officielle arabo-musulmane, Israël était à effacer. Même si des Arabes lucides lui vouent une certaine admiration. Mais avec  la Guerre des Six jours, on ne l’effaçait pas, il était victorieux.

A partir de là, on observa de curieux phénomènes. D’abord une sorte de greffe: du fait qu’Israël devenait ponctuellement occupant colonisant les territoires conquis, on greffa sur lui ces deux traits et cela le rend globalement occupant et colonialiste; on pouvait donc ameuter contre lui toutes les forces anti-coloniales. Il y eut aussi des surenchères morales chez les Juifs; certains, comme Y. Leibovitch fustigeant Israël comme nouvel Etat nazi, pas moins. Ce qui permit à des cohortes d’humanistes en manque d’indignation d’emboîter le pas: Oui, Ramallah c’est Auschwitz, déclara un prix Nobel de littérature.

Autre fait, plus positif: il fallait rendre les territoires. Avant 67, on ne parlait pas de les rendre puisqu’on allait, un jour, libérer toute la Palestine. Mais depuis 67, Gaza, que l’Egypte occupait et n’a jamais pensé à rendre, devint une terre à restituer de même que la Cisjordanie occupée par  la Jordanie qui ne pensait pas davantage à la restituer. Ce fut une sorte de transmutation: ces terres devenaient palestiniennes du fait d’être passées entre des mains israéliennes. Il faut dire qu’avant, même les Palestiniens n’exigeaient pas des Etats arabes d’avoir d’abord Gaza et  la Cisjordanie comme base de départ dans leur lutte contre Israël. Etonnant.

[1] . Proche-Orient. Psychanalyse d’un conflit, (Seuil, 2003).

Mon hypothèse, que j’étaie dans un livre[1], est que de façon très spontanée, le monde arabo-musulman avait fait des Palestiniens le fer de lance ou l’emblème de son refus d’Israël, en tant que souveraineté juive; et quand on est un fer de lance ou un emblème, on n’a pas l’idée d’exister pour son propre compte. C’est donc curieusement après  la Guerre des Six jours que cette idée a pu devenir assez concrète. Ce qui ne veut pas dire praticable. A preuve, depuis que Gaza a été « restitué », les Palestiniens s’y battent entre eux, les plus fanatiques envoient des fusées sur Israël, retardant la restitution – pourtant prévue – d’une partie de la Cisjordanie : en effet, si celle-ci était rendue, on pourrait envoyer de là des fusées sur Tel Aviv, vu les distances; alors c’est l’existence quotidienne d’Israël qui serait mise en question. Donc, nouveau paradoxe, grâce à la libération de Gaza, et à ce qu’elle a révélé, celle de la Cisjordanie paraît peu probable, pour l’instant.

De sorte que même ceux qui réécrivent l’histoire après-coup – et il y en a – n’ont pas la tâche facile. Quand ils disent qu’Israël aurait dû rendre très vite les Territoires, ils oublient qu’un groupe armé quelconque à Ramallah ou à Gaza, s’il veut se réchauffer l’âme et se sentir plus près d’Allah, peut envoyer des bombes (ou des hommes-bombes) sur Israël et redéclencher la guerre. Donc, il faut être bien prétentieux pour s’installer sur un promontoire élevé et juger que, de ci de là, il y a eu « de grosses erreurs ». Ces deux peuples là-bas, quand ils se battent (car il faut reconnaître qu’il y a de longues périodes de paix, et que la seconde Intifada, longue et meurtrière, a fait en tout 3000 morts des deux côtés, ce qui est tragique mais peu comparable aux 250000 morts des guerres ethniques dans l’ex-Yougoslavie), quand il se battent donc, c’est pour des raisons qui leur échappent, des raisons inconscientes qu’on hésite à élucider, mais d’où émerge cette question simple: une terre devenue islamique (par conquête) peut-elle supporter de retrouver (par conquête) sa souveraineté juive antérieure? Ou encore: l’islam ayant pris le relais du message hébreu, peut-il honorer sa dette symbolique envers ses sources juives en laissant une part infime de son immense territoire redevenir un Etat juif?

Le peuple juif, lui, se serait bien contenté de l’émancipation, des Droits de l’homme que la Révolution

française a mis deux ans à lui reconnaître; il se serait même bien passé d’un Etat. Mais des forces inconscientes et historiques ayant fait resurgir cet Etat, c’est de façon très aiguë que la question se pose: projet d’anéantissement, ou cohabitation mouvementée?

Ces problèmes de cohabitation entre islam et monde judéo-chrétien vont peu à peu s’observer bien ailleurs, en Europe, et un jour proche on pourra en parler plus franchement.

Autre remarque: c’est la Guerre des Six jours qui instaura la « ligne verte », frontière apparente et improbable entre deux Etats. Elle a eu dans certains discours un aspect intangible, rigide, absolu, comme si elle existait de tout temps. C’est qu’elle incarne une revendication toute autre: effacer l’humiliation de 67. Or celle-ci est captée par une autre humiliation, plus profonde, celle de l’islam conquérant arrêté par l’Occident sur une frontière instable qui va bientôt faire parler d’elle.

En tout cas, là-bas, la paix « définitive » a peu de chance, car pour régler une dette, il faut se reconnaître endetté, et rien ne peut vous y forcer quand la dette est symbolique. Mais il y aura souvent la paix. Et il y aura aussi bientôt une ambiance analogue à celle qui précéda juin 67, si la bombe iranienne est au point, et si les chefs islamiques (non arabes cette fois) orchestrent à nouveau le « haro ».

Car il faut pointer ici un curieux fait psychologique: des chefs tels que Nasser, Saddam Hussein, Ahmadinejad, se lancent chacun dans un grand bluff, mais ils font en sorte qu’on les croie vraiment. Nasser, s’il ne voulait pas attaquer a quand même fait acte de guerre (bloquer Eilat); S. Hussein a fait croire qu’il avait des armes de destruction massive, il ne les avait pas, mais il a massivement massacré les Kurdes. Reste le chef iranien: il menace et prépare l’instrument. L’ironie de l’histoire va-t-elle faire que c’est lui, justement, qu’on choisira de ne pas croire?

Voir également:

Les plaies d’Israël

Par propos recueillis par Philippe Coste

L’Express

05/06/2007

Chef de file des «nouveaux historiens» de l’Etat hébreu, Tom Segev, réfractaire aux épopées officielles, poursuit la chronique incisive, implacable mais profondément humaine, de son pays. Avec son dernier ouvrage, 1967, Six jours qui ont changé le monde*, il décrypte sans concessions les errements et les choix d’une guerre qui – il s’en explique pour L’Express – hante toujours l’Israël d’aujourd’hui.

Ce livre semble être le tournant de votre carrière d’historien. Comment en avez-vous eu l’idée?

C’est le résultat de cinq ans de recherches, en Europe, aux Etats-Unis et bien sûr en Israël. Chez nous, les archives sont plus accessibles qu’en France et, surtout, nos dirigeants ont cette habitude louable d’emporter à leur domicile des dossiers confidentiels, sans jamais les rapporter au bureau.

Aussi le talent de nos historiens se mesure-t-il souvent à leur capacité à approcher les veuves dépositaires de ces écrits et à gagner leur sympathie. C’est ainsi que j’ai déniché des trésors: des comptes rendus entiers de Conseils de ministres ou les rapports détaillés sur les pourparlers avec les Palestiniens après la guerre des Six-Jours.

Venons-en au fond. Votre livre décrit les événements de 1967 moins comme un épisode glorieux que comme l’origine des maux actuels d’Israël…

Les débats d’aujourd’hui, aussi virulents soient-ils, sont la reproduction exacte, au mot près, de ceux de 1967. Comme si aucune nouvelle idée n’avait pu émerger. Comme si, quarante ans plus tard, nous restions figés dans les choix et les erreurs de l’époque, qui conditionnent toujours nos rapports avec les Palestiniens.

Vous consacrez une place énorme à l’avant-guerre, ce moment d’intense désarroi national. Pourquoi?

C’est essentiel pour entrevoir les racines du conflit. Au milieu des années 1960, Israël incarnait une success story unique au monde. Un Etat – une nation – s’était construit, qui avait remporté deux guerres [en 1948 et en 1956] et accueilli 2 millions d’immigrants supplémentaires depuis sa fondation. Tout cela sans freiner un boom sidérant. En 1965, les enfants israéliens avaient remporté les championnats mondiaux de mathématique, battant les petits Américains à plate couture.

On parlait d’un programme spatial israélien. L’écrivain Shmuel Yosef Agnon allait remporter le prix Nobel de littérature [1966]. D’Alfred Hitchcock à Jean-Paul Sartre, les stars venaient du monde entier observer le prodige. Et puis, début 1966, tout s’arrête, tout s’effondre. Commencent à cette période une récession brutale et un chômage désespérant. Les Israéliens quittent alors le pays. A la fin de l’année 1966, le nombre des partants dépasse celui des arrivants. Nul ne peut imaginer pire affront à l’ego sioniste. On se met à débattre du post-sionisme, comme on le ferait aujourd’hui… La cause semble perdue pour les générations futures.

C’est le temps des incertitudes politiques…

L’ère du père fondateur, l’héroïque David Ben Gourion, s’est achevée. Lui a succédé le prosaïque Premier ministre Levi Eshkol, cruellement raillé pour son apparente indécision. L’ambiance est délétère. Pour apprécier l’intensité du malaise, il faut se souvenir de la capacité des Israéliens, tout au long de leur histoire, à passer en un instant de l’extase à la déprime la plus complète.

Pour aggraver la situation, les attentats commencent…

Progressivement, à partir de 1965. Une bombe ici. Un soldat tué là. Un civil blessé ailleurs. Certes, le terrorisme est sans commune mesure avec celui qui frappera dans les années 1970. Mais la tension monte et Eshkol se tourne vers l’armée, qui lui répond qu’elle n’a aucune solution à sa disposition. Afin de régler le problème naissant du Fatah, les militaires n’ont qu’une idée: s’en prendre à la Syrie, accusée de faciliter le passage des poseurs de bombes. Au même moment, la situation se dégrade à la frontière sud avec l’Egypte. A mon sens, l’état de déliquescence du pays et la faiblesse de ses dirigeants rendent les Israéliens psychologiquement incapables de mesurer rationnellement la réalité du danger.

C’est alors qu’apparaissent les premières références à l’Holocauste…

J’ai demandé à des familles aux Etats-Unis de me montrer les lettres que leur envoyaient à l’époque leurs proches vivant en Israël. J’en ai lu près de 500. Presque toutes, en 1966 et 1967, mentionnent la crainte d’un nouvel holocauste. C’est la grande peur, une panique sincère de la destruction imminente, qui s’infiltre dans tous les recoins de la société.

Cette paranoïa est-elle la cause de la guerre?

Le conflit était en fait inévitable, car Israël était trop faible pour ne pas attaquer. J’ai établi une chronique de la montée de l’irrationnel. Lors des discussions de janvier 1967 entre le gouvernement et les services secrets du Mossad, on spécule sur les options de Hussein de Jordanie. Mais une conclusion s’impose clairement: en cas de conflit, l’annexion de la rive occidentale du Jourdain et de Jérusalem-Est ne serait pas dans l’intérêt national d’Israël. Le 5 juin 1967, quand les troupes de Hussein attaquent, la raison succombe aux pulsions viscérales. Certes, la guerre est gagnée. Le danger principal, l’Egypte, a été écarté après la destruction de 400 de ses avions. Mais on opte, néanmoins, pour l’offensive contre la Jordanie, pour l’occupation de la rive ouest et surtout celle de Jérusalem- Est. Israël va s’emparer de lieux saints musulmans et chrétiens, un geste aux conséquences internationales immenses. Pourtant, lors de la réunion avec Eshkol, l’état-major et le Mossad, il n’y a même pas eu un juriste pour évaluer les risques. On y va, c’est tout. On ne réfléchit pas. On reste au niveau du fantasme et du rêve.

Pour vous, il s’agit du moment clef. Peut-on parler d’une erreur fondamentale?

Certainement. Mais ne soyez pas tenté de voir dans cette décision un calcul politique, une manoeuvre cynique pour résoudre la crise intérieure de l’époque. Nous sommes dans le champ de l’irréfléchi. Je me souviens, d’ailleurs, m’être précipité, à l’époque, pour aller voir Jérusalem-Est, car j’étais persuadé que, dans les jours qui suivraient, nos troupes devraient partir. Tout le monde partageait l’opinion que le cours des événements nous forcerait à revenir au statu quo ante. En fait, Israël venait de passer le point de non-retour. D’après les documents que j’ai obtenus, Hussein était pourtant prêt à une paix durable si on lui rendait Jérusalem-Est et la Cisjordanie. Mais, politiquement et psychologiquement, il nous était devenu impossible de le faire de notre plein gré. A posteriori, se forgeait le mythe qu’il relevait de la mission, de l’essence d’Israël de détenir tout Jérusalem. C’est étrange car, en fait, hormis le mur des Lamentations, il n’y a pas grand-chose de juif là-bas. Et, d’une manière ou d’une autre, les lieux de prière auraient pu être rendus accessibles sans recourir à l’annexion.

C’est aussi le moment où Israël découvre les Palestiniens…

Après avoir trop longtemps nié leur existence! Un souvenir personnel de juin 1967: en passant en voiture en Cisjordanie, j’ai voulu prendre une photo d’une colonne de réfugiés sur le bord de la route. Mes camarades ont tenté de m’en empêcher, comme s’ils refusaient de matérialiser leur existence. Tout le monde savait qu’il fallait trouver immédiatement une solution pour les Palestiniens, profiter au mieux du choc initial pour assurer les déplacements de population. L’idée la plus simple consistait à les installer en Cisjordanie. Le plan n’aurait coûté que 40 millions de dollars en dix ans – une misère! – et tous les grands philanthropes juifs, à commencer par les Rothschild français, étaient partants pour financer l’opération. Mais non… Notre gouvernement semble alors incapable de prendre une décision et s’enfonce dans le déni. Il s’en tient à une ligne: c’est à l’ONU de s’occuper des Palestiniens. Et Israël ne peut être tenu responsable de leur sort. Les projets les plus loufoques sont alors débattus, visant à les reloger dans le Sinaï, mais surtout à l’étranger: au Canada. Ou en Irak! En lisant cette dernière proposition, j’ai d’abord cru qu’il s’agissait d’une blague, avant de me rendre compte que Eshkol en avait expressément discuté avec le président américain Lyndon Johnson!

Justement, quelle est la position des Etats-Unis?

Johnson était opposé à la guerre, essentiellement parce qu’il craignait qu’elle ne tourne mal pour les Israéliens, qui se seraient alors trouvés contraints de lui demander son aide militaire, alors qu’il est lui-même en plein marasme vietnamien. Mais la CIA, enragée contre Nasser, l’assure que Tsahal remportera une victoire en six à dix jours… L’Amérique donne son feu vert.

Aujourd’hui, Israël ne vit-il pas toujours dans le contexte de cet après-guerre?

Oui. La victoire de 1967 offre un second souffle au sionisme. Un sentiment de toute-puissance enivre le pays. Longtemps, jusqu’à la grande claque de la guerre du Kippour (octobre 1973), les Israéliens se répétaient cette boutade: «Qu’est-ce qu’on fait à midi? – On envahit Le Caire! – D’accord. Mais qu’est-ce qu’on fait dans l’après-midi?» 1967 a aussi contribué à l’isolement d’Israël, à substituer aux racines européennes et à l’ouverture antérieure au monde un lien exclusif avec les Etats-Unis.

A ce jour, après la terrible déception qui a suivi les accords d’Oslo, quel est le bilan?

Notre jeunesse ne croit plus à la paix. Pragmatique et désabusée, elle se satisferait d’une bonne gestion des hostilités. Et ce qui m’a frappé dans le dernier épisode, l’offensive au Liban de l’été 2006, c’est, plus que l’inanité d’Ehud Olmert – certainement le pire Premier ministre de notre histoire – le fait que notre armée ne sait plus faire la guerre. Tout un symbole. Tsahal est devenue, au fil des décennies, une gendarmerie conçue pour être un outil d’oppression.

Votre père a été tué lors de la guerre de 1948. Vous n’aviez que 3 ans. Cette disparition tragique a-t-elle contribué à faire germer votre vocation d’historien?

Sa mort n’a rien eu d’héroïque. Il est tombé du toit où il montait la garde, lors d’un échange de tirs. Mais je me souviens des lettres officielles que nous recevions à chaque commémoration. Elles étaient signées par une machine. Surtout, en déplorant le sacrifice des soldats, elles assuraient que nos dirigeants ?uvraient inlassablement pour la paix. Ces mots ont fini par m’intriguer. Que faisaient-ils vraiment pour la paix?

Tom Segev

1935
Ses parents fuient l’Allemagne nazie et s’installent en Palestine.
1945
Naissance à Jérusalem.
1948
Son père est tué pendant la première guerre israélo-arabe.Service militaire au collège de la Défense nationale.Etudes d’histoire et de sciences politiques à la Hebrew University.Doctorat d’histoire sur les commandants de camps de concentration nazis, de la Boston University.
Auteur de:
Les Premiers Israéliens,Calmann-Lévy (1998).
C’était en Palestine au temps des coquelicots, Liana Levi (2000).
Le Septième Million,Liana Levi (2003).

Voir de plus:

« Six jours de guerre »
Daniel Pipes
The New York Post
4 juin 2002

Version originale anglaise: [Michael Oren’s] « Six Days of War »
Adaptation française: Anne-Marie Delcambre de Champvert

La victoire la plus écrasante dans les annales de la guerre a eu lieu en Juin, il y a 35 ans, lorsque les forces israéliennes ont défait les forces armées égyptiennes, jordaniennes et syriennes en seulement six jours. Et ce [mois de ] Juin là est marqué par la publication de Six Days of War : June 1967 and the Making of the Modern Middle East (Six jours de guerre : juin 1967 et la genèse de l’Orient moderne) (Oxford University Press) de Michael Oren, le plus beau livre jamais paru sur ce sujet.

Oren, un chercheur israélien d’origine américaine, raconte son histoire, de manière sobre, directe et palpitante, pleine de citations percutantes.

Six Days of War (Six jours de guerre) bénéficie de sources en six langues et c’ est le premier compte-rendu à s’appuyer sur les archives d’Etat récemment ouvertes, qui permettent au compte-rendu de fournir ce qui jusque-là était inconnu [et qui touche]au coeur de l’histoire, y compris un certain nombre de mesures publiées en exclusivité (telles que les plans pour la conquête arabe en Israël, ou la manière dont les ordres du ministre de la Défense Moshe Dayan pour s’emparer des hauteurs du Golan ont violé son mandat). Pas étonnant qu’il soit un best-seller américain avant même sa sortie officielle.

Plusieurs questions perdurent encore sur la guerre 67, et Oren fournit des informations utiles pour y répondre. Voici trois explications clés:

Pourquoi la guerre a-t-elle eu lieu ? La question se pose parce que, comme la Première Guerre mondiale, personne n’avait prévu ni ne voulait cette guerre. La recherche d’Oren offre un aperçu de son caractère tout à fait accidentel. En novembre 1966, par exemple, après le meurtre de trois policiers israéliens aux mains de terroristes, basée en Jordanie, l’ambassadeur généralement efficace des États-Unis en Israël a attendu quelques jours pour transmettre un message de condoléances du roi Hussein de Jordanie au Premier ministre israélien. Son retard a poussé les Israéliens à se venger, et les représailles à leur tour sont devenues un épisode majeur dans l’escalade de la guerre.

Le rôle des évènements fortuits doit être gardé à l’esprit ces jours-ci, alors qu’il y a de la guerre dans l’air à nouveau au Moyen-Orient: Le moindre faux pas pourrait provoquer un éclatement.

Comment les Forces de défense israéliennes ont-elles pu gagner de façon si écrasante ? par une pratique méticuleuse et un réalisme absolu, contrairement aux militaires arabes, qui vivaient dans un monde fantastique.

Si les Israéliens étaient tous nerveux à l’approche de la guerre – Le chef d’état-major Yitzhak Rabin souffrait d’une dépression – les dirigeants arabes étaient extrêmement confiants. Un général syrien prédisait une victoire sur Israël en quatre jours « au maximum. » Le président égyptien Gamal Abdel Nasser ne montrait aucun signe d’inquiétude, insistant sur le fait que les Israéliens étaient incapables de monter précisément l’attaque aérienne surprise qu’ils ont en fait réussie..

Plus largement, un haut fonctionnaire égyptien a déclaré au sujet du leadership de son équipe qu’il croyait que «la destruction d’Israël était un jeu d’enfant qui ne nécessitait que l’accrochage d’une ligne téléphonique chez le commandant et l’écriture de slogans de victoire. »

(Washington, comble d’ironie, a été plus confiant que Tel-Aviv sur une victoire israélienne ; deux semaines avant que la guerre n’ait éclaté, déclare Oren, le secrétaire américain à la Défense avait prédit que si Israël devançait, il battrait ses trois ennemis dans la semaine – précisément ce qui s’est passé.)

Comment la guerre a-t-elle affecté la diplomatie israélo-arabe ? – Elle en a fondamentalement changé les termes. Déjà à la mi-mai, quelques semaines avant que les hostilités n’aient commencé, l’influence du Moyen-Orient à la Maison Blanche, Harold Saunders, a suggéré qu’Israël devrait être tolérée le temps d’écraser ses ennemis, voyant en ceci « un moyen de régler les frontières et, peut-être même les réfugiés ».

Dès le deuxième jour de la guerre, le président Lyndon Johnson avait formulé les grandes lignes de la politique la terre- en échange- de la paix que 35 ans plus tard, la diplomatie américaine conduit encore à l’égard du conflit israélo-arabe: Israël doit restituer la terre conquise en 1967 en échange de sa reconnaissance par les Arabes.

Les Américains attendaient l’ampleur du triomphe militaire d’Israël pour montrer aux Arabes l’inutilité de leurs espoirs de détruire l’Etat juif, une analyse qui rencontra l’approbation immédiate chez certains Israéliens (y compris Yitzhak Rabin, plus tard le premier ministre qui a initié les négociations d’Oslo, qui ont été fondées précisément sur cette hypothèse).

Mais, comme les événements récents l’ont prouvé de façon si frappante, la prémisse terre contre paix était fausse. A quelques exceptions près (comme le président égyptien Anouar El-Sadate), la bonne volonté d’Israël de faire cet échange a hâté la violence des Arabes contre elle, non pas leur acceptation.
Oren montre comment la terre contre la paix est fondée sur des espoirs américains, et non pas sur les réalités du Moyen-Orient ; sa recherche montre que cette politique n’a pas besoin finalement d’être remplacée par une approche plus réaliste.

Comme le sous-titre d’Oren le suggère, ces six jours de la guerre ont eu des conséquences vraiment profondes.

Voir enfin:

Lettre à un Ami arabe

Convergences – pages 242 à 253
Lettre à un Ami arabe – Prix Sévigné, 5ème édition, Mame, 1969, réédition J. C. Lattès 1994
ISBN : 2709613808 – 317 pages.

Depuis cinquante ans, Juifs et Arabes se disputent en brandissant les titres qu’ils prétendent avoir à la possession de la Terre sainte. « Terre arabe »; dites-vous, « Terre hébraïque » répondons-nous. Les Juifs se fondent sur la Bible et sur leurs aspirations millénaires à obtenir la réparation du tort que l’impérialisme romain leur avait causé au 1er siècle de notre ère. Aux racines, chez les Musulmans, la conscience aiguë qu’une terre qui a appartenu à l’Islam, à quelque moment que ce soit, reste à jamais terre d’Islam : « D’ailleurs, nous sommes les héritiers des Anglais et des Turcs !  » ; « S’il y a prescription en matière de souveraineté, vous êtes forclos comme vous prétendez que nous le sommes !… » Les thèses s’imbriquent et s’opposent si étroitement qu’on pourrait en discuter jusqu’à la fin du monde : les neuf cent quatre-vingt onze pages du dossier israélo-arabe publié par les Temps Modernes, en juin 1967, ne constituent, malgré son épaisseur, qu’une minuscule partie des millions de pages, des milliards de mots publiés en cette affaire. trois cent soixante pages d’accusations arabes, répondent trois cent vingt pages de justification d’Israël. A chaque argument arabe, la pensée juive oppose dix réponses. A chacune d’entre elles, un esprit délié pourrait trouver cent répliques définitives, auxquelles pourraient s’opposer mille raisons, et ainsi de suite…

Pendant toutes ces années, j’ai suivi pas à pas l’évolution de ta pensée dans les articles que tu publiais dans les revues et les journaux arabes, dans ce que la presse rapportait de tes discours.

Je connaissais la clarté de ton intelligence, la vigueur de ton style, le courage qui te portait toujours au-delà de ce que la prudence, et parfois la raison, pouvaient conseiller. Je savais aussi les liens qui t’unissaient à Israël : ta famille venait d’un de ces villages des monts de Judée où, comme en Galilée, la population n’a jamais été renouvelée. Tu aimais à te proclamer, et avec toutes les évidences de ton côté, un vrai descendant du peuple de la Bible. Comme beaucoup de Palestiniens, tu parlais l’hébreu avec un accent oriental qui me ravissait : tu réhabilitais notre langue déformée par un grand nombre d’Israéliens originaires d’Europe qui renoncent à prononcer les gutturales, comme elles doivent l’être. Tu étais nourri de culture hébraïque, imprégné des idéaux du libéralisme français, ivre aussi de sentir au fond de ton être une puissance qui aspirait à se manifester par la pensée, par l’écrit, par la parole, par l’action enfin. Sans parler des liens affectifs qui t’unissaient à tant de Juifs. Je recherchais dans ton oeuvre une trace de ce qui était pour moi ton vrai visage : il ne restait rien de cette partie de toi qui t’unissait si profondément à moi, à Israël. Tu avais effacé tout le passé judéo-arabe, tu voulais ignorer les réalisations du sionisme israélien, il n’existait pour toi aucune possibilité d’une nouvelle symbiose israélo-arabe mise au service des peuples du Moyen-Orient et de la paix mondiale. Tu étais épris d’idéaux démocratiques : la dictature nassérienne te paraissait cadrer avec la conception nouvelle que tu te faisais du socialisme. Enfin, je voyais naître sous ta plume le Monstre que les propagandes arabes s’efforçaient d’interposer entre nous, un Juif hideux, synthèse repoussante des caricatures proposées par la haine antisémite du Moyen Age et du parti national-socialiste allemand. A te lire, je sentais rnon nez devenir crochu, mes yeux s’exorbiter, mes oreilles se décoller, mes doigts se pourvoir de griffes, mes pieds devenir semblables à ceux du diable. Je me sentais prêt à boire le sang des enfants chrétiens… Rappelle-toi ce dessin qui représente un Juif horrible, au nez aussi crochu que possible, le cou pris dans l’hexagone central du sceau de Salomon, tandis qu’un Arabe chevaleresque et justicier tire très fort la pointe des deux triangles entrelacés. La haine a de ces inventions… Les thèmes de la propagande arabe concernant Israël sont peu nombreux mais constamment ressassés et avec tant de conviction qu’ils finissent par troubler même la bonne conscience de l’honnête homme. Par violence, Sarah obtint d’Abraham qu’il chasse Agar, la servante, et son fils, Ismaël dans les déserts dont il devint le fils. Par ruse, Jacob usurpa d’Isaac la bénédiction qui revenait à Ésaü. Les propagandistes arabes avec fureur disent au monde : « L’histoire biblique continue: par violence et par ruse, les juifs nous ont dépossédés de nos terres, de nos biens, de notre honneur, de notre liberté. Nous n’aurons de cesse que lorsque nous nous serons vengés. » Et de fait la blessure faite à l’âme arabe est profonde. La critique arabe dénie toute ombre de valeur aux thèses sionistes : elle s’évertue avec beaucoup d’ingéniosité, et depuis peu de temps, avec un certain succès, à donner du Juif une image peut-être ressemblante mais dans laquelle nous avons du mal à nous reconnaître. Faut-il revenir sur les thèmes de cette propagande ? Nous sommes des impérialistes, des colonialistes, des voleurs de terre, des usurpateurs qui ont trompé non seulement les nations arabes mais les Nations unies. Nous sommes des étrangers sur notre propre terre à laquelle ni la Bible, ni l’histoire, ni les décisions des Nations unies, n’ont jamais donné aucun droit, des agresseurs assoiffés de sang, des brigands que le Conseil de sécurité n’a jamais cessé de condamner, des racistes qui vouent des minorités au désespoir et à la honte, au déshonneur et à la misère. Nous sommes les metteurs en scène et les profiteurs de la tragédie des réfugiés.

Ces griefs anciens sont considérablement amplifiés depuis la guerre de juin 1967, dont les résultats confirment aux yeux de nos censeurs toutes les accusations dont ils nous abreuvent depuis vingt ans. Après avoir fait à peu près tout ce qu’il fallait pour nous entraîner dans ce beau gâchis, ils se tournent à nouveau vers le monde en criant : « Nous vous l’avions bien dit ! » Un pamphlet, publié par l’ambassade d’Irak à Paris au lendemain de la guerre des Six Jours, résume bien ce point de vue : Israël ne se compose que d’un groupe d’hommes de nationalités diverses venues des quatre coins du monde pour s’emparer des terres et des biens de tout un peuple, le chasser de son foyer, poussés par un mobile fondé exclusivement sur le racisme et faisant table rase du principe du règne de la majorité et du droit des peuples à disposer d’eux-mêmes. Cette campagne a un but très évident : effrayer le monde : « Le sionisme est parvenu en utilisant toutes sortes de pressions à dominer la plupart des moyens d’information pour dénaturer à son profit des faits incontestables, ayant pour objectif d’étendre d’une manière définitive sa domination sur le monde. » Les écrivains, arabes ou pro-arabes qui ont versé leur témoignage au dossier israélo-arabe des Temps modernes déploient leur science et leur talent pour analyser ces grands thèmes, les approfondir, les étayer d’arguments fondés en théologie, en en droit, en fait, au regard de la morale, de la justice, de l’humanité. Leur plaidoyer prend même la défense des intérêts du judaïsme et des Juifs qui devraient comprendre d’eux-mêmes l’étendue de leurs torts, demander pardon, plier bagage, et laisser enfin la place aux Arabes, avant que ceux-ci ne les exterminent. C’est ce que me disait une bonne Chrétienne arabe de ce pays, le 3 juin 1967 !… C’est ce qu’écrivaient les meilleurs parmi les penseurs, les philosophes, les juristes, les sociologues arabes ou pro-arabes tel Maxime Rodinson pour qui Israël n’est qu’un « fait colonial ». Mounthir Anabtawi dépasse cette prudence en accusant Israël d’être un « mouvement colonialiste, chauvin et militariste », représentant un danger permanent pour la liberté des peuples et la paix mondiale. Abdul Wahhab Kayyali, que tu connais bien pour son action au Centre des Recherches de l’Organisation de Libération de la Palestine, insiste surtout sur « le caractère expansionniste agressif de l’Etat d’Israël ».

Le problème des réfugiés constitue la source des arguments les plus difficilement réfutables de la thèse arabe, fortifiée encore par la grande pitié des victimes de la dernière guerre. Loufti El Kholi dénonce en Israël un ghetto et un bastion de l’impérialisme. Pour renforcer cette thèse, on a recours à un Marocain généralement mieux inspiré, Abdallah Laroui qui nie le caractère socialiste – au sens scientifique du terme – de l’État d’Israël. Si l’Égypte de Nasser est à ses yeux l’exemple parfait du socialisme appliqué, je me crois prêt, ma foi, à souscrire à son jugement. Un autre Marocain, Tahar Benziane, conclut une longue analyse d’une manière drastique : « Si les Juifs, au contraire, refusent de s’intégrer, la Palestine n’aura d’autre solution que de rejeter ce corps étranger et agressif qui ne veut pas obéir aux lois élémentaires de l’humanité. » Par bonheur, il m’excepte de l’anathème : « Les Juifs originaires de Palestine, eux, en tout état de cause, sont sur leur propre terre qui est celle de leurs ancêtres palestiniens de confession juive. » Si j’avais la moindre envie de polémiquer, je demanderais à Benziane ce qu’il fait des quatre ou cinq cent mille Juifs d’Afrique du Nord qui, au Maroc, en Algérie, en Tunisie, étaient, en tout état de cause sur leur propre terre qui est celle de leurs ancêtres maghrébins de confession juive et, qui néanmoins, durent partir, dépossédés de tous leurs biens.

Un admirable cri du coeur d’un Égyptien, Ali Alsamman, que tu as dû rencontrer à Paris où il est le correspondant de dant de AI Abram clôture l’exposé des thèses arabes réunies par les Temps modernes : « Je hais ce sionisme qui sépare l’Arabe du Juif. » Cri d’amour et de haine à la fois, peut-on mieux avouer l’impasse où aboutit l’actuel point de vue arabe sur Israël ?

Il y a le sang versé, il y a les souffrances inimaginables des survivants : les veuves, les orphelins, les parents des sol dats tués au front. Il y a aussi les indicibles malheurs des réfugiés.

As-tu lu cet affreux récit publié par le Monde où l’un d’eux raconte comment, mû par le désespoir, il a noyé dans le Jourdain sa fille, un bébé ?

Il y a les dangers de guerre mondiale que le conflit proche-oriental porte en lui. Il y a la flambée des milliards de dollars jetés dans les caisses étrangères des marchands de canon et de… Mirages. Il y a la perte d’indépendance que ce conflit absurde provoque en nous jetant dans la dépendance des grandes puissances qui se servent des Juifs et des Arabes pour leur propre politique à l’échelle de la planète : dans cette perspective, notre conflit fait de nous des pions sur un échiquier.

Mais plus gravement encore, peut-être, à mes yeux, vingt ans de guerre ont fait de nous, qui vivions comme des frères, des étrangers. Je recherche, dans ton visage marqué par la tragédie de ta guerre et de ta défaite, tes expressions d’enfant et d’adolescent, celui que j’ai connu et aimé à Jérusalem, à Paris. Où est la fraîcheur de ton rire, le pli rieur de tes yeux, la confiance détendue de notre étroite amitié : nous n’avions pas de secret l’un pour l’autre, David et Jonathan ressuscités sur les collines de Judée au grand vent de nos promenades ? Je te vois ravagé, intérieurement miné par ta déception personnelle liée au grand drame, aux souffrances inouïes de ton peuple. Au bout de vingt ans, nous sommes devenus des étrangers l’un pour l’autre et pourtant notre ascendance, nos études, les projets que nous faisions, nous préparaient à un même avenir.

Je suis maintenant attelé aux affaires d’un Etat qui n’est pas tien et ta défaite explique ma survie. J’avais grandi en milieu arabe; mon fils, à Jérusalem, n’avait jamais vu d’Arabe avant notre rencontre, et la seule expression de l’arabisme qui soit jamais parvenue à ses oreilles était l’explosion des balles que la Légion arabe tirait parfois sur nos fenêtres.

En Israël, la minorité arabe, victime du conflit qui nous déchirait, vivait repliée sur elle-même et n’avait à peu près aucun contact avec les Juifs. En pays arabes, l’idéal était de faire comme si Israël n’existait pas : on supprimait son nom sur les cartes, sur les placards publicitaires des journaux et même, dans certaines églises du Liban, des Psaumes que les fidèles récitaient. Les surfaces de contact entre Arabes et Juifs qui, voici vingt ans, couvraient toute l’étendue du monde arabe avaient subi le sort de la peau de chagrin ; les ponts sautaient partout : nous ne touchions qu’aux points les plus douloureux et les plus critiques.

En pays arabes, les communautés juives avaient été liquidées sans phrase, en créant des centaines de milliers de réfugiés dont personne ne parle et qu’aucun organisme international n’a songé à prendre en charge: des Juifs tout juste bons à être abandonnés à la charge de la juiverie. Dans toute l’étendue des terres d’Islam, à chaque secousse provoquée par le conflit israélo-arabe, les Juifs abandonnaient les pays dans lesquels ils étaient établis depuis des millénaires, et où ils étaient arrivés souvent avant la conquête musulmane. En Asie, en Afrique du Nord, le triomphe du nationalisme s’est partout accompagné de la liquidation totale ou partielle des communautés juives. La totalité des Juifs du Yemen, quatre-vingt-dix-huit pour cent des Juifs irakiens, d’Aden, tous les Juifs de Jordanie, quatre-vingt-quinze pour cent des Juifs syriens, quatre-vingt-seize pour cent des Juifs égyptiens, quatre-vingt-quinze pour cent Juifs libyens, la plupart des Juifs afghans, kurdes, indiens, une importante partie des Juifs iraniens, turcs, libanais, quatre-vingt-dix pour cent des Juifs tunisiens, quatre-vingt-dix-neuf pour cent des Juifs algériens, près de quatre-vingt-dix pour cent des Juifs marocains ont quitté leur pays natal depuis la création de l’État d’Israël. Leur exode souvent a été dramatique, dans la nuit de la clandestinité où la police les reléguait. Le plus souvent, ils partaient en laissant tous leurs biens, aussitôt confisqués par les gouvernements arabes. Des sommes considérables, représentant des générations de travail et d’économie ont été ainsi perdues pour ces réfugiés dont la plupart refirent leur vie en Israël en partant de zéro. Je préfère passer sur la manière dont les Juifs habitant les pays musulmans ont appris à connaître les bienfaits de la police syrienne, égyptienne ou marocaine ; oui, passons…

La guerre de 1948, les accords d’armistice avaient transformé l’Etat d’Israël en une forteresse fermée hermétiquement du côté des Arabes. Pendant vingt ans, l’abîme s’était creusé si profondément entre Arabes et Juifs qu’il semblait que nous habitions non pas les parties différentes d’un même pays, mais deux planètes. les contacts étaient devenus à peu près impossibles ou inefficaces : en Israël, une frontière sanglante nous séparait. Ailleurs, en Afrique du Nord, en Libye, en Egypte, au Liban, en Syrie, en Irak, en Jordanie, au Yémen, les Juifs qui survivaient au grand exode n’avaient plus la possibilité d’un échange libre.

Le conflit empoisonnait les relations entre Arabes et Juifs partout où ils cohabitaient et ruinait toute chance de dialogue. j’eus souvent pendant cette période l’occasion de parler avec des Arabes. En Israël, leur situation portait à faux : quels que fussent leurs opinions et l’avantage ou le désavantage qu’ils retiraient de notre présence, ils ne pouvaient s’exprimer sans complexe. La frontière qui séparait les pays arabes d’Israël passait à vrai dire par leur cœur, les déchirait, et souvent les torturait. Nous le sentions si bien que nous avions fini par n’en plus parler. Nos problèmes quotidiens étaient suffisants pour nous occuper les uns et les autres. Nous étions voués à la construction du pays. Pendant vingt ans, malgré les incitations venues de l’étranger, la coexistence fut paisible encore que dépourvue de véritables échanges. Chacun couvait sa peine : l’Arabe, sa guerre, le Juif, sa quête du repos ; comme dans les vieux ménages aux disputes sclérosées, on vivait ensemble sans se parler.

La solitude arabe, au fond, était pire que la nôtre, à bien des égards. En Israël, ils étaient les citoyens d’un Etat, dont, pour la plupart, ils n’avaient pas voulu la naissance, et qui était contraint de prendre à leur encontre des mesures de sécurité difficilement supportées. L’Etat d’Israël devait d’abord penser à sa survie : quelle qu’ait pu être sa volonté en ce qui concerne l’intégration des Arabes, il était soumis à des impératifs politiques qui aboutissaient à des mesures, ressenties de la part de la population arabe, comme injurieuses et discriminatoires. L’effort fait par le Gouvernement d’Israël dans le domaine de l’habitant, de l’instruction, de l’hygiène, ne changeait rien au drame vécu par les Arabes d’Israël. Ils pouvaient jouir du plus haut niveau de vie connu dans toute l’étendue du monde arabe, ils pouvaient avoir atteint le plus haut degré de scolarisation pour leur jeunesse, ils pouvaient même voir combien vaine et folle était la querelle de l’Egypte contre Israël : cela ne changeait rien à leur déchirement, intérieur, bruyamment entretenu par les radios du Caire, d’Amman, de Damas, de Bagdad. Je comprenais bien leur drame aggravé par les conséquences du partage, la séparation des familles, le départ des réfugiés, la confiscation ou l’expropriation de certaines terres. L’hébraïsation de l’Etat rendait plus difficile leur intégration : d’ailleurs le principe d’égalité ne pouvait plus jouer dans l’économie de la guerre qui nous déchirait.

Aussi, certains Arabes d’Israël avaient-ils beau jeu de se plaindre de leur sort dans un rapport adressé en 1964 au secrétaire général des Nations unies. Ils se déclaraient les victimes d’une politique d’oppression de discrimination raciale, et en butte à la persécution du gouvernement israélien. Pour eux, celui-ci poursuivait une politique de haine contre les Arabes, et stimulait des sentiments hostiles parmi le peuple juif, les écoliers, les étudiants. Davantage que dans le domaine des sentiments et de la propagande, les Arabes dénonçaient les violations réelles de leurs droits : ils se référaient aux conséquences e la guerre de 1948, à certaines expropriations de terres (Loi sur la propriété des personnes absentes de 1950, critiquée dans son principe même), de certaines destructions de villages, Ikret par exemple, ou d’expropriations légales, mais faites à des prix peu satisfaisants. Toute la législation israélienne promulguée pour faciliter l’hébraïsation de l’Etat, la judaïsation de la Galilée, était âprement dénoncée comme contraire à l’ordre et aux engagements internationaux de l’Etat. Le problème posé par les biens des fondations religieuses (Waqfs), pris en charge par l’administration israélienne, en l’absence de leurs bénéficiaires, était soulevé : les mesures prises par les Juifs étaient dénoncées avec passion.

L’autorité militaire, chargée de sauvegarder l’ordre et la sécurité dans les parties arabes du territoire, était dénoncée comme l’œuvre du diable ; d’après ce rapport, elle ne faisait que « propager la dissension, la peur, la terreur » ; elle ne servait qu’à aggraver la politique de discrimination menée contre les Arabes d’Israël dans tous les aspects de la vie publique et privée.

Ce rapport s’inspirait des revendications du groupe « Al Ard » qui souhaitait pour tous kes Arabes d’Israël la fin de la discrimination et de l’oppression ; l’adoption du plan de partage de la Palestine de 1947, qui à l’époque avait été accepté par les Juifs et refusé par les Arabes ; la reconnaissance du nationalisme arabe, socialiste et neutraliste. Al Ard était persuadé, surtout après qu’il eut été interdit par décision judiciaire, que le Gouvernement d’Israël avait pour but de « créer un état de peur, de désespoir, de soumission (1) ». Les lois d’urgence : toute cette écume que les vagues de la guerre ont fait déferler sur notre pays étaient dénoncées avec violence.

Bien entendu, le point de vue d’Al Ard était partagé par un grand nombre d’Arabes. Pour eux, les promesses du Caire et des autres capitales arabes étaient réelles. Leur situation de minoritaires – même privilégiés par rapport à la situation de leurs frères des autres pays arabes – sur le plan économique notamment, était transitoire. Viendrait le jour de la vengeance et du salut. 1948, 1956 avaient déçu les espérances du nationalisme arabe, mais si deux batailles avaient été perdues, la guerre continuait. Ainsi quand la crise de mai 1967 commença, les nationalistes arabes, d’inspiration nassérienne, crurent arrivé le jour de gloire. « Pourquoi ne quittez-vous pas le pays avant que les Egyptiens ne vous exterminent, me dit l’un d’eux ; vous auriez du moins la vie sauve. » D’autres cherchaient à repérer les maisons qu’ils occuperaient après leur victoire. Certains étudiants arabes conseillaient à leurs camarades israéliens d’acheter des maillots de bain qui, après tout, pourraient ne pas être inutiles lorsque les Egyptiens, les Syriens et les Jordaniens les auraient rejetés à la mer.

Rancœur et esprit de revanche qui n’étaient pas partagés par une grande partie de la population arabe, soucieuse avant tout de paix, ni par les Druzes, profondément intégrés en Israël et conscients d’y jouir d’une pleine égalité des droits et des devoirs.

Depuis le 15 mai 1967 les menaces de Nasser n’étaient plus verbales, mais s’accompagnaient de déploiement de forces. les armées de Nasser s’apprêtaient à fondre sur les nôtres, pour nous exterminer. A nouveau la chape de plomb, l’esseulement abyssal. Les radios arabes nous apportaient les hurlements déments des dictateurs arabes ou de leurs porte-parole. C’était en arabe le même déploiement de menaces mortelles que celles qui nous poursuivaient en Europe hitlérienne. Il ne s’agissait pas de nous présenter tels que nous sommes, mais tels que nous devrions être pour justifier les grands massacres que l’on nous promettait au Caire, à Damas, à Amman.

« Egorge, égorge, égorge et sois sans pitié,
Egorge, égorge, égorge, et lance leur tête
Dans le désert,
Egorge, égorge, égorge
Tout ce que tu voudras,
Egorge tous les sionistes et tu vaincras »
chantait, au Caire et à Damas, Oum Kalsoum. Pour que nous soyons égorgeables, sans trop de remords, il fallait que dans l’esprit de nos égorgeurs éventuels nous cessions d’avoir figure d’hommes. Ainsi les colonialistes et les racistes avaient-ils mis au point une technique de propagande très efficace destinée à déshumaniser l’ennemi – celui qu’il faut continuer à exploiter ou qu’il faut assassiner -, au point de le réduire à l’état d’objet, non de personne. Le meurtre alors n’est plus gêné par la mauvaise conscience. Ces recettes avaient fait leurs preuves dans les différents pays d’Asie et d’Afrique où des Occidentaux s’opposaient à des peuples colonisés. Mais, en l’espèce, elles furent utilisées par les dictateurs arabes contre Israël.

Pour nous, le blocus du détroit de Tiran décrété par Nasser le 22 mai, les incessantes attaques de notre territoire par les Syriens, le dur bombardement de Jérusalem par les Jordaniens au matin du 5 juin 1967 constituaient des manœuvres agressives caractérisées. Or les chefs arabes continuent de parler de l’agression israélienne. A vrai dire, ils ont raison à leur manière puisqu’ils dénie notre droit de vivre. Le seul fait de notre existence, en tant qu’Etat, introduit un trouble dans l’ordre du monde, constitue une agression permanente contre « leur » paix. Même si nous passions notre temps à chanter, jour et nuit, des psaumes et des cantiques, nous n’en continuerions pas moins notre diabolique agression qui ne pourrait prendre fin qu’avec le terme de notre existence.

Nous étions donc persuadés qu’un triomphe arabe réaliserait les prophéties et les ambitions de Choukeïri : l’extermination des survivants des massacres hitlériens. Au terme de la guerre des Six jours, les hommes menacés que nous étions se retrouvaient soudain en position de force : nous étions à la tête d’un Empire plus vaste que nos ancêtres ne l’avaient jamais rêvé ; nous étions des occupants et, par la force des choses, nous devenions aussi des policiers. Etrange destin que celui qui vouait les exterminateurs au rôle de victimes et les candidats au martyre, aux fonctions de bourreau. Soulagement de la victoire : il s’est exprimé chez nous avec beaucoup de pondération. Nous savions que nous n’avions pas fini de gravir notre calvaire. C’était plutôt pour nous le franchissement d’une étape et non le havre souhaité. Israël était devenu l’occupant malgré lui, vainqueur grâce à l’obstination aveugle de ses ennemis. Soudain le problème se compliquait redoutablement ; jadis, la situation était pour nous relativement simple ; il s’agissait d’être ou de ne pas être : les choses étaient claires. Nous remplissions notre rôle vis-à-vis de nous-mêmes et nous correspondions à l’idée que le monde depuis quatre mille ans se faisait de nous : des sursitaires. Au suspense de notre destin, il était possible de prévoir et d’attendre une fin tragique, la continuation de l’œuvre de mort. Après tout, tant qu’il y avait un Juif vivant, il y aurait suffisamment de place pour lui dans les grands cimetières de l’histoire ou la fumée des crématoires.

La victoire pipait tous les dés, faussait tous les calculs : le petit Juif du ghetto trichait aux yeux du monde en devenant d’indésirable vainqueur d’une guerre qui constituait sans doute l’insurpassable chef-d’œuvre de la stratégie conventionnelle. Le monde entier pouvait s’attendre avec nous à une fin convenable du trouble qu’Israël n’a cessé d’apporter dans l’histoire depuis la folle aventure d’Abraham : l’effondrement militaire de l’armée juive, les hordes arabes se ruant sur nos femmes, nos enfants, nos foyers, pour parachever splendidement l’œuvre que Hitler n’avait pas su mener à son terme logique.

Aux yeux du monde, la victime est devenue bourreau et nous sommes à la tête d’un Empire qui va des pentes de l’Hermon au canal de Suez, du golfe d’Akaba aux rives du Jourdain. Sûrs de nous-mêmes et dominateurs, par cela même faussaires, trublions renversant l’échelle des valeurs. Nietzsche lui-même ne reconnaîtrait plus ses Juifs : d’esclaves, les voici soudain promus au rang de seigneurs. Mais cela même nous a surpris et blessés : nous étions moins en quête de domination que de liberté et de vie. L’image nouvelle de nous-mêmes qui étonnait le monde ne cesse de nous troubler : les uns, d’ivresse, les autres, de nostalgie. La situation nouvelle provoque un universel scandale, le bouleversement de toutes les valeurs, des stéréotypes les plus invétérés.

Les plus faibles, sans doute, se réfugient derrière cette victoire pour rêver une solution qui délivrerait à jamais Israël des ses ennemis : garder tous les territoires conquis, se situer en position de force jusqu’à l’effondrement total de la résistance arabe et sa reddition. les autres rêvent de paix, de délivrance messianique : ils ont physiquement besoin de voir le lion brouter en paix aux côtés de l’agneau et gémissent après les visions de chars convertis en charrues. Débats tragiques et dérisoires, débats de Juifs.

A l’intérieur des frontières, nous, Israéliens, nous nous déchirons dans nos contradictions et nos luttes intérieurs, stérilement, comme nos ancêtres épilaient leur barbe aux arguties du Talmud. Notre déchirement aboutit à un débat académique tandis qu’en face de nous, ceux qui devraient être nos interlocuteurs sont bloqués par la peur et par la honte de leur défaite.

A mesure que la tragédie s’approfondit, que les attentats font davantage de victimes et que la répression sème la peur, les extrémistes se renforcent : Nasser, le grand vaincu de juin 1967, continue de prêcher l’extermination d’Israël. Quelques propagandistes arabes, plus nuancés, essaient de distinguer entre le génocide et qu’ils appellent le politicide : il ne s’agissait plus de tuer les Juifs d’Israël mais leur Etat ; comme si ceux-ci pouvaient survivre à celui-là. En face de ces menaces qui nous rappellent certaines voix arabes de 1967 et celles qui, en allemand, annonçaient, aux années 40, de définitifs massacres, nous entendons s’élever quelques voix juives tremblantes d’angoisse qui exigent de l’Etat d’Israël une défense radicale de nos vies par une élimination violente des dangers du terrorisme. D’un côté, on souhaite que la Palestine soit tout entière arabe, tandis que de l’autre on n’attribue de chances de survie à Israël que dans le cadre d’un Etat juif allant des flancs de l’Hermon aux rives du Jourdain et du canal de Suez.

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Note : (1) Le conflit israélo-arabe, Les Temps Modernes, Paris 1967, p. 792


Syrie: Obama a menti, des milliers ont péri (With Syria and Iran, we’re coming to grips with the human and strategic price of the Obama administration’s mendacity)

13 avril, 2017

Bush a menti, des milliers ont péri. Slogan bien connu (2003)
Il est 3 heures du matin, le téléphone sonne à la Maison Blanche. Qui voulez-vous voir au bout du fil ? Hillary Clinton
Chemical and biological weapons which Saddam is endeavoring to conceal have been moved from Iraq to Syria. Ariel Sharon (Israel’s Channel 2, Dec. 23, 2002)
Dans l’immédiat, notre attention doit se porter en priorité sur les domaines biologique et chimique. C’est là que nos présomptions vis-à-vis de l’Iraq sont les plus significatives : sur le chimique, nous avons des indices d’une capacité de production de VX et d’ypérite ; sur le biologique, nos indices portent sur la détention possible de stocks significatifs de bacille du charbon et de toxine botulique, et une éventuelle capacité de production.  Dominique De Villepin (05.02.2003)
Damascus has an active CW development and testing program that relies on foreign suppliers for key controlled chemicals suitable for producing CW. George Tenet (CIA, March 2004)
Saddam transferred the chemical agents from Iraq to Syria. No one went to Syria to find it. Lieutenant General Moshe Yaalon
There are weapons of mass destruction gone out from Iraq to Syria, and they must be found and returned to safe hands. I am confident they were taken over. (…) Saddam realized, this time, the Americans are coming. They handed over the weapons of mass destruction to the Syrians. General Georges Sada (2006)
Comme l’exemple d’usage chimique contre les populations kurdes de 1987-1988 en avait apporté la preuve, ces armes avaient aussi un usage interne. Thérèse Delpech (mars 2003)
Les inspecteurs n’ont jamais pu vérifier ce qu’il était advenu de 3,9 tonnes de VX (…) dont la production entre 1988 et 1990 a été reconnue par l’Irak. Bagdad a déclaré que les destructions avaient eu lieu en 1990 mais n’en a pas fourni de preuves. En février 2003 (…) un document a été fourni [par Bagdad] à l’Unmovic pour tenter d’expliquer le devenir d’environ 63 % du VX manquant. Auparavant, les Irakiens prétendaient ne pas détenir un tel document. » Idem pour l’anthrax, dont l’Irak affirmait avoir détruit le stock en 1991. Mais, « en mars 2003, l’Unmovic concluait qu’il existait toujours, très probablement, 10 000 litres d’anthrax non détruits par l’Irak... Comme pour le VX, l’Irak a fourni à l’ONU, en février 2003, un document sur ce sujet qui ne pouvait permettre de conclure quelles quantités avaient été détruites … Thérèse Delpech (2004)
While Western governments were able to pressure Moscow to alter its weapons shipments, Bashar al-Assad may not have limited himself to over-the-counter weapons purchases. The Syrian military’s unconventional weapons arsenal already has a significant stockpile of sarin. The Syrian regime has also attempted to produce other toxic agents in order to advance its inventory of biological weapons. Several different intelligence sources raised red flags about suspicious truck convoys from Iraq to Syria in the days, weeks, and months prior to the March 2003 invasion of Iraq. These concerns first became public when, on December 23, 2002, Ariel Sharon stated on Israeli television, « Chemical and biological weapons which Saddam is endeavoring to conceal have been moved from Iraq to Syria. » About three weeks later, Israel’s foreign minister repeated the accusation. The U.S., British, and Australian governments issued similar statements. The Syrian foreign minister dismissed such charges as a U.S. attempt to divert attention from its problems in Iraq. But even if the Syrian regime were sincere, Bashar al-Assad’s previous statement— »I don’t do everything in this country, »—suggested that Iraqi chemical or biological weapons could cross the Syrian frontier without regime consent. Rather than exculpate the Syrian regime, such a scenario makes the presence of Iraqi weapons in Syria more worrisome, for it suggests that Assad might either eschew responsibility for their ultimate custody or may not actually be able to prevent their transfer to terrorist groups that enjoy close relations with officials in his regime. Two former United Nations weapon inspectors in Iraq reinforced concerns about illicit transfer of weapon components into Syria in the wake of Saddam Hussein’s fall. Richard Butler viewed overhead imagery and other intelligence suggesting that Iraqis transported some weapons components into Syria. Butler did not think « the Iraqis wanted to give them to Syria, but … just wanted to get them out of the territory, out of the range of our inspections. Syria was prepared to be the custodian of them. » Former Iraq Survey Group head David Kay obtained corroborating information from the interrogation of former Iraqi officials. He said that the missing components were small in quantity, but he, nevertheless, felt that U.S. intelligence officials needed to determine what reached Syria. Baghdad and Damascus may have long been rivals, but there was precedent for such Iraqi cooperation with regional competitors when faced with an outside threat. In the run-up to the 1991 Operation Desert Storm and the liberation of Kuwait, the Iraqi regime flew many of its jets to Iran, with which, just three years previous, it had been engaged in bitter trench warfare. Subsequent reports by the Iraq Survey Group at first glance threw cold water on some speculation about the fate of missing Iraqi weapons, but a closer read suggests that questions about a possible transfer to Syria remain open. The September 30, 2004 Duelfer report, while inconclusive, left open such a possibility. While Duelfer dismissed reports of official transfer of weapons material from Iraq into Syria, the Iraq Survey Group was not able to discount the unofficial movement of limited material. Duelfer described weapons smuggling between both countries prior to Saddam’s ouster. In one incident detailed by a leading British newspaper, intelligence sources assigned to monitor Baghdad’s air traffic raised suspicions that Iraqi authorities had smuggled centrifuge components out of Syria in June 2002. The parts were initially stored in the Syrian port of Tartus before being transported to Damascus International Airport. The transfer allegedly occurred when Iraqi authorities sent twenty-four planes with humanitarian assistance into Syria after a dam collapsed in June 2002, killing twenty people and leaving some 30,000 others homeless. Intelligence officials do not believe these planes returned to Iraq empty. Regardless of the merits of this one particular episode, it is well documented that Syria became the main conduit in Saddam Hussein’s attempt to rebuild his military under the 1990-2003 United Nations sanctions, and so the necessary contacts between regimes and along the border would already have been in place. Indeed, according to U.S. Defense Department sources, the weapons smuggling held such importance for the Syrian regime that the trade included Assad’s older sister and his brother-in-law, Assaf Shawqat, deputy chief of Syria’s military intelligence organization. Numerous reports also implicate Shawqat’s two brothers who participated in the Syrian-Iraqi trade during the two years before Saddam’s ouster. While the Duelfer report was inconclusive, part of its failure to tie up all loose ends was due to declining security conditions in Iraq, which forced the Iraq Survey Group to curtail its operations. The cloud of suspicion over the Syrian regime’s role in smuggling Iraq’s weapons—and speculation as to the nature of those weapons—will not dissipate until Damascus reveals the contents of truck convoys spotted entering Syria from Iraq in the run-up to the March 2003 U.S.-led invasion of Iraq. U.S. intelligence officials and policymakers also will not be able to end speculation until Bashar al-Assad completely and unconditionally allows international inspectors to search suspected depots and interview key participants in the Syrian-Iraqi weapons trade. Four repositories in Syria remain under suspicion. Anonymous U.S. sources have suggested that some components may have been kept in an ammunition facility adjacent to a military base close to Khan Abu Shamat, 30 miles (50 kilometers) west of Damascus. In addition, three sites in the western part of central Syria, an area where support for the Assad regime is strong, are reputed to house suspicious weapons components. These sites include an air force factory in the village of Tall as-Sinan; a mountainous tunnel near Al-Baydah, less than five miles from Al-Masyaf (Masyaf); and another location near Shanshar. While the Western media often focus on the fate of Iraqi weapons components, just as important to Syrian proliferation efforts has been the influx of Iraqi weapons scientists. The Daily Telegraph reported prior to the 2003 Iraq war that Iraq’s former special security organization and Shawqat arranged for the transfer into Syria of twelve mid-level Iraqi weapons specialists, along with their families and compact disks full of research material on their country’s nuclear initiatives. According to unnamed Western intelligence officials cited in the report, Assad turned around and offered to relocate the scientists to Iran, on the condition that Tehran would share the fruits of their research with Damascus. The Middle East Quarterly (Fall 2005)
Syria’s President Bashir al-Asad is in secret negotiations with Iran to secure a safe haven for a group of Iraqi nuclear scientists who were sent to Damascus before last year’s war to overthrow Saddam Hussein. Western intelligence officials believe that President Asad is desperate to get the Iraqi scientists out of his country before their presence prompts America to target Syria as part of the war on terrorism.The issue of moving the Iraqi scientists to Iran was raised when President Asad made a visit to Teheran in July. Intelligence officials understand that the Iranians have still to respond to the Syrian leader’s request.  A group of about 12 middle-ranking Iraqi nuclear technicians and their families were transported to Syria before the collapse of Saddam’s regime. The transfer was arranged under a combined operation by Saddam’s now defunct Special Security Organisation and Syrian Military Security, which is headed by Arif Shawqat, the Syrian president’s brother-in-law. The Iraqis, who brought with them CDs crammed with research data on Saddam’s nuclear programme, were given new identities, including Syrian citizenship papers and falsified birth, education and health certificates. Since then they have been hidden away at a secret Syrian military installation where they have been conducting research on behalf of their hosts. Growing political concern in Washington about Syria’s undeclared weapons of mass destruction programmes, however, has prompted President Asad to reconsider harbouring the Iraqis. American intelligence officials are concerned that Syria is secretly working on a number of WMD programmes. They have also uncovered evidence that Damascus has acquired a number of gas centrifuges – probably from North Korea – that can be used to enrich uranium for a nuclear bomb. Relations between Washington and Damascus have been strained since last year’s war in Iraq, with American commanders accusing the Syrians of allowing foreign fighters to cross the border into Iraq, where they carry out terrorist attacks against coalition forces. (…) Under the terms of the deal President Asad offered the Iranians, the Iraqi scientists and their families would be transferred to Teheran together with a small amount of essential materials. The Iraqi team would then assist Iranian scientists to develop a nuclear weapon. Apart from paying the relocation expenses, President Asad also wants the Iranians to agree to share the results of their atomic weapons research with Damascus. The Syrian offer comes at a time when Iran is under close scrutiny from the International Atomic Energy Agency (IAEA) which is investigating claims that Iran is maintaining a secret nuclear bomb programme.  The Daily Telegraph
The pilots told Mr. Sada that two Iraqi Airways Boeings were converted to cargo planes by removing the seats, Mr. Sada said. Then Special Republican Guard brigades loaded materials onto the planes, he said, including « yellow barrels with skull and crossbones on each barrel. » The pilots said there was also a ground convoy of trucks. The flights – 56 in total, Mr. Sada said – attracted little notice because they were thought to be civilian flights providing relief from Iraq to Syria, which had suffered a flood after a dam collapse in June of 2002. (…) Mr. Sada said that the Iraqi official responsible for transferring the weapons was a cousin of Saddam Hussein named Ali Hussein al-Majid, known as « Chemical Ali. » The Syrian official responsible for receiving them was a cousin of Bashar Assad who is known variously as General Abu Ali, Abu Himma, or Zulhimawe. (…) Syria is one of only eight countries that has not signed the Chemical Weapons Convention, a treaty that obligates nations not to stockpile or use chemical weapons. Syria’s chemical warfare program, apart from any weapons that may have been received from Iraq, has long been the source of concern to America, Israel, and Lebanon. The NY Sun
Even when viewed through a post-war lens, documentary evidence of messages are consistent with the Iraqi Survey Group’s conclusion that Saddam was at least keeping a WMD program primed for a quick re-start the moment the UN Security Council lifted sanctions. Iraqi Perpectives Project (March 2006)
By late 2003, even the Bush White House’s staunchest defenders were starting to give up on the idea that there were weapons of mass destruction in Iraq. But WikiLeaks’ newly-released Iraq war documents reveal that for years afterward, U.S. troops continued to find chemical weapons labs, encounter insurgent specialists in toxins and uncover weapons of mass destruction. Wired magazine (2010)
It’s more than a little ironic that, with its newest document dump from the Iraq campaign, WikiLeaks may have just bolstered one of the Bush administration’s most controversial claims about the Iraq war: that Iran supplied many of the Iraq insurgency’s deadliest weapons and worked hand-in-glove with some of its most lethal militias. The documents indicate that Iran was a major combatant in the Iraq war, as its elite Quds Force trained Iraqi Shiite insurgents and imported deadly weapons like the shape-charged Explosively Formed Projectile bombs into Iraq for use against civilians, Sunni militants and U.S. troops. A report from 2006 claims “neuroparalytic” chemical weapons from Iran were smuggled into Iraq. (It’s one of many, many documents recounting WMD efforts in Iraq.) Others indicate that Iran flooded Iraq with guns and rockets, including the Misagh-1 surface-to-air missile, .50 caliber rifles, rockets and much more. As the New York Times observes, Iranian agents plotted to kidnap U.S. troops from out of their Humvees — something that occurred in Karbala in 2007, leaving five U.S. troops dead. (It’s still not totally clear if the Iranians were responsible.) Wired (2010)
Les lamentations sur ce qui est advenu de la politique étrangère américaine au Moyen-Orient passent à côté de l’essentiel. Le plus remarquable concernant la diplomatie du président Obama dans la région, c’est qu’elle est revenue au point de départ – jusqu’au début de sa présidence. La promesse d’ « ouverture » vers l’Iran, l’indulgence envers la tyrannie de Bashar Assad en Syrie, l’abandon des gains américains en Irak et le malaise systématique à l’égard d’Israël — tels étaient les traits distinctifs de l’approche du nouveau président en politique étrangère. A présent, nous ne faisons qu’assister aux conséquences alarmantes d’une perspective aussi malavisée que naïve. Fouad Ajami (oct. 2013)
The policy of “leading from behind” and the crudity of “We came, we saw, he [Qaddafi] died” have left a human tragedy in Libya. Backing the Muslim Brotherhood in Egypt was an inexplicable choice, and it almost ruined the country. The United States did not need to hound and jail an innocent video maker in order to concoct a myth to cover up the culpable lax security in Benghazi. Yemen was strangely declared a model of our anti-terrorism efforts — just weeks before it ignited into another Somalia or Congo. ISIS was airily written off as a jayvee bunch as it spread beyond Syria and Iraq. There is little need to do a detailed comparison of Iraq now and Iraq in February 2009 (when it was soon to be the administration’s “greatest achievement,” a “stable” and “self-reliant” nation); the mess in between is attributable to Obama’s use of the aftermath of the Iraq War for pre-election positioning. Ordering Assad to flee while ignoring the violence in Syria and proclaiming a faux red line has now tragically led to a million refugees in Europe (and another 4 million in the neighborhood) and more than 200,000 dead. Israel is now considered not an ally, not even a neutral, but apparently a hostile state worthy of more presidential invective than is Iran. We have few if any reliable friends any more in the Gulf. Iran will become a nuclear power. The only mystery over how that will happen is whether Obama was inept or whether he deliberately sought to make the theocracy some sort of a strategic power and U.S. ally. The Middle East over the next decade may see three or four additional new nuclear powers. The Russia of kleptocrat Vladimir Putin is seen in the region as a better friend than is the U.S. — and certainly a far more dangerous enemy to provoke. There is no easy cure for all this; it will take years just to sort out the mess. Victor Davis Hanson
Ce que les Rosenberg avaient fait pour Staline, Obama le fait aujourd’hui pour l’ayatollah Khamenei. Le méprisable accord nucléaire d’Obama avec l’Iran a déjà précipité l’agression iranienne dans la région. En réponse aux concessions faites par Obama, Hillary Clinton et John Kerry, l’Iran raidissait son attitude et devenait plus agressif. À l’heure actuelle, l’Iran est impliqué dans des guerres dans la région, entrainant déjà les États-Unis dans leur sillage. Si l’Iran se dote de l’arme nucléaire, ces guerres s’aggraveront et deviendront beaucoup plus dévastatrices. Ce n’est pas seulement Chamberlain. C’est Quisling et Philippe Pétain. Il ne s’agit nullement d’un mauvais jugement. Il s’agit d’une trahison. (…) En ouvrant à l’Iran la voie vers la bombe nucléaire, Obama a transformé les conflits lents du terrorisme classique en crise de civilisations catastrophique. Une bombe nucléaire iranienne ne se faufilera pas discrètement comme le fait la crise démographique de la migration musulmane avec son complément de terrorisme. Ce ne sera pas un problème progressif. Une course aux armes nucléaires entre sunnites et chiites impliquant des terroristes des deux côtés qui emploient des armes nucléaires rendra insoutenable toute la structure de la civilisation occidentale. L’attaque du 11/9 a vu l’usage de quelques jets pour dévaster une ville. La prochaine vague d’armes pourrait tuer des millions, pas des milliers. Les traîtres qui ont fait de l’URSS une puissance capable de détruire le monde étaient motivés par le même agenda caché des partisans à l’accord nucléaire iranien. Ils croyaient que le monopole nucléaire américain conduirait à l’arrogance et au bellicisme. Ils étaient convaincus que la puissance américaine devrait être surveillée en s’assurant que l’union soviétique puisse égaler l’oncle Sam, nucléaire pour nucléaire. Ceux qui ont ouvert les portes du nucléaire à Téhéran aujourd’hui croient qu’un Iran nucléaire aura un effet dissuasif contre l’impérialisme américain dans la région. Leur nombre inclut Barack Obama.(…) Obama a trahi l’Amérique. Il a trahi les victimes américaines du terrorisme iranien. Il a trahi les soldats américains qui ont été assassinés, mutilés et torturés par les armées terroristes iraniennes. Il a trahi des centaines de millions d’Américains dans leur patrie, et qui seront contraints d’élever leurs enfants sous l’égide de la terreur nucléaire iranienne. Sa trahison nucléaire est non seulement une trahison de l’Amérique. Pour la première fois depuis la fin de la guerre froide, elle ouvre les portes de l’assassinat en masse de millions d’américains par un ennemi vicieux. Obama a appauvri des millions d’Américains, il a le sang des soldats et des policiers sur ses mains, mais son héritage final peut être la collaboration dans un acte d’assassinat en masse qui pourrait rivaliser avec Adolf Hitler. Daniel Greenfield
Pour nous, la ligne rouge, c’est l’utilisation d’armes chimiques  ; ça changerait ma vision des choses. Barack Hussein Obama
Je suis convaincu que si cet accord-cadre mène à un accord total et définitif, notre pays, nos alliés et le monde seront plus en sécurité. L’Iran sera « plus inspecté que n’importe quel autre pays dans le monde. Si l’Iran triche, le monde le saura. Si nous voyons quelque chose de louche, nous mènerons des inspections.  Cet accord n’est pas basé sur la confiance, il est basé sur des vérifications sans précédent. Barack Hussein Obama (2015)
Il y a un manuel de stratégie à Washington que les présidents sont censés utiliser. (…) Et le manuel de stratégie prescrit des réponses aux différents événements, et ces réponses ont tendance à être des réponses militarisées. (…) Au milieu d’un défi international comme la Syrie, vous êtes jugé sévèrement si vous ne suivez pas le manuel de stratégie, même s’il y a de bonnes raisons. (…) Je suis très fier de ce moment.  Le poids écrasant de la sagesse conventionnelle et la machinerie de notre appareil de sécurité nationale était allés assez loin. La perception était que ma crédibilité était en jeu, que la crédibilité de l’Amérique était en jeu. Et donc pour moi d’appuyer sur le bouton arrêt à ce moment-là, je le savais, me coûterait cher politiquement. Le fait que je pouvais me débarrasser des pressions immédiates et réfléchir sur ce qui  était dans l’intérêt de l’Amérique, non seulement à l’égard de la Syrie, mais aussi à l’égard de notre démocratie, a été une décision très difficile – et je crois que finalement, ce fut la bonne décision à prendre. (…) Je suppose que vous pourriez me qualifier de réaliste qui croit que nous ne pouvons pas soulager toute la misère du monde. Barack Hussein Obama (2016)
Je ne regrette pas du tout d’avoir dit que si je voyais Bachar al-Assad utiliser des armes chimiques contre son peuple, cela changerait mon évaluation sur ce que nous étions prêts à faire ou pas en Syrie. J’aurais fait une plus grande erreur si j’avais dit ‘Eh, des armes chimiques. Ça ne change pas vraiment mes calculs’. Je pense qu’il était important pour moi en tant que président des États-Unis d’envoyer le message qu’il y a bien quelque chose de différent sur les armes chimiques. Et malgré la façon dont ça s’est fini (…) ce qui est vrai c’est qu’Assad s’est débarrassé de ses armes chimiques. Barack Hussein Obama (15.01.2017)
Nous avons réussi à faire en sorte que le gouvernement syrien abandonne volontairement et de manière évidente son stock d’armes chimiques. Susan Rice (16.01.2017)
Cette interrogation n’en finit pas de tourmenter  Barack Obama. A-t-il pris, ce jour-là, la bonne décision  ? De cette décision il a affirmé être  « fier », mais il a aussi assuré, dans une même interview, que  le dossier syrien est  «  son plus grand regret  ».  Par prudence, mieux vaut dire tout et son contraire, car il  sait ce qu’on en pense  : sa décision a changé la face  du monde. La plus grave attaque chimique depuis  la Seconde Guerre mondiale demeurée impunie  ? La  victoire de Bachar el-Assad  ? L’ascension des djihadistes  ? La montée en puissance des Russes au Moyen- Orient, en Europe et au-delà  ? L’effacement de l’Occident  ? Peut-être même la victoire de Donald Trump  ?  Tout partirait de son choix, de cette journée-là. Le 30 août 2013 (…) Le matin même,  il a annoncé publiquement réfléchir à  «  une action limitée contre Bachar  ».  Ses alliés français, la Ligue arabe,  l’Australie fourbissent leurs armes. Kerry a quasiment  annoncé la réplique américaine  :  « La crédibilité du président comme celle des Etats-Unis sont engagées.  »  Et même  :  « L’Histoire nous jugerait sévèrement si on ne faisait rien » … A  vrai  dire,  il  n’aurait  jamais  pensé  se  retrouver  dans cette situation. Autour de la table, chacun a en  tête  sa  conférence  de  presse  donnée  un  an  auparavant, presque jour pour jour, le 20 août 2012, et une  phrase. Un journaliste lui avait demandé ce qui pourrait infléchir sa position, pour le moins prudente, sur  le conflit syrien, lui qui refuse d’armer les rebelles.  «  Pour nous, la ligne rouge, c’est l’utilisation d’armes chimiques  ; ça changerait ma vision des choses  »,  avait-il  répondu. A question imprévue réponse non préparée. Ses  conseillers avaient été interloqués. Certes, El-Assad  avait été mis en garde par des canaux discrets, mais  rendre  publique  une  ligne  rouge  n’est  jamais  une   bonne chose. On s’était promptement rassuré  ; le régime  syrien  semblait  tellement  affaibli  qu’il  n’oserait pas s’attirer les foudres du président des Etats-Unis. Il a pourtant osé, comme en témoignent les schémas et les photos satellites qu’on diffuse dans la salle  de crise. Il y a eu d’abord de petites attaques chimiques  au printemps. Puis, devant l’absence de réactions, le  21 août 2013, cette attaque d’ampleur dans la banlieue  de Damas, plus tard contestée  (…).  Bachar  a-t-il voulu tester les Etats-Unis  ? Ou, simplement, son  armée n’avait-elle pas d’autres moyens de terrifier sa  population insurgée  ? On ne sait pas. Auprès de Philip Gordon, Obama a insisté  :  «  Il nous faut des preuves.  »  «  Le président était hanté par l’Irak et ne voulait pas entrer  en  guerre  sur  la  base  de  simples  suspicions» ,  témoigne   Gordon. Mais les preuves sont là. Les obus au gaz sarin tirés par le camp loyaliste ont tué environ 1  400  personnes, dont beaucoup d’enfants, selon une note de  la CIA dont chacun, dans la pièce, a reçu une copie.  Plus  contraignantes  que  les  preuves,  les  images.   Atroces, elles ont fait le tour du monde. Ce père qui  tient sa fillette morte dans les bras et qui l’interpelle,  lui, le président des Etats-Unis  :  «  Je vous en prie  ! Ce  ne sont que des enfants  ! Ils n’ont encore rien vu de la vie.  Du chimique ! »  Il est contraint de répondre. Un tabou,  depuis la Seconde Guerre mondiale, a été transgressé,  les traités internationaux ont été violés, l’ordre du  monde menacé, l’Amérique défiée. (….) Tout le pousse à intervenir… Mais… Le Parlement  britannique  a  mis  son  veto  la  veille.  C’est  une  première alerte. (…) Il converse  pendant trois quarts d’heure avec son plus proche allié,  le  Français  François  Hollande,  dont  les  Rafale   chargent leurs missiles de croisière Scalp. Il l’assure  que rien n’est changé. L’après-midi s’achève. (…) Il n’aime guère  les  choix  tranchés,  préférant  le  consensus. (…) Il propose à un homme  de confiance d’aller se promener dans le jardin de la  Maison-Blanche. Cet homme, c’est son chef de l’ad ministration, Denis McDonough  : ni un militaire ni  un diplomate, mais son collaborateur le plus loyal.  Pendant une heure, il lui livre ses doutes. Tout cela  est trop incertain. Ne va-t-il pas engager son pays dans  une nouvelle guerre alors qu’il a été élu pour se dé sengager de conflits coûteux  ? Et puis, cela ne risque- t-il pas de mettre en péril son grand œuvre, l’accord  nucléaire avec l’Iran  ? Trop de risques. Il teste une idée  auprès de McDonough  : demander une autorisation  préalable au Congrès. Une manière de reculer, car chacun sait qu’un soutien du Congrès est plus qu’incertain. (…) En  début  de  soirée,  il  convoque  à  nouveau  ses   conseillers dans son bureau. L’ambiance est décontractée. Il leur annonce la nouvelle. Ils n’en reviennent  pas. Ils insistent  :  «  Ce sera dévastateur pour votre autorité politique »,  le préviennent-ils. Il tient bon. Gordon  nous avoue avoir été estomaqué. Devant lui, Obama  raisonne en politique  :  «  Si ça ne dissuade pas Assad de  recommencer, si des inspecteurs de l’Onu sont pris comme  boucliers humains, si on perd un pilote, j’aurai l’opinion,  le Congrès sur le dos. On me reprochera tout et son contraire,  d’être intervenu, de ne pas être intervenu plus fortement,  de ne pas être intervenu plus légèrement.  »  Gordon se souvient  d’un  autre  argument  du  président   :  le  risque   d’engrenage.  Si  Assad  ou  ses  parrains  russes  et  iraniens  décidaient  d’une  nouvelle  attaque  chimique   «  trois semaines plus tard  »,  alors  «  on devrait frapper de nouveau, et plus fort, et ainsi de suite  ».  Il ne serait plus  maître du processus, craint-il, alors qu’Assad le serait.  Cela, cet homme qui veut tout contrôler ne peut l’accepter. Et rien n’est moins contrôlable qu’une guerre. (…) Il prévient Kerry, qui est furieux.  «  L’Histoire nous jugera  avec une sévérité extrême  »,  lâche ce dernier à ses collaborateurs et à certains de ses homologues étrangers.  Le lendemain, à 18 heures, quelques heures avant l’attaque, il contacte aussi Hollande, qui tombe de haut.  (…) Puis (…) sur le perron de la Maison-Blanche, Barack Obama tient une conférence de presse  : « J’ai décidé d’intervenir,  proclame-t-il, avant d’ajouter  :  mais je demanderai que cet usage de la force soit approuvé par le Congrès.  »  Il s’est donné du temps. C’est fini. Il vient de changer l’ordre du monde sans pouvoir, à cet instant, le  deviner.  Certains  comprennent  en  revanche  que  rien ne sera plus comme avant. Sur les hauteurs de Damas, Bachar el-Assad comprend qu’il n’a plus rien à craindre des Occidentaux.  Il se paiera même le luxe d’utiliser de nouveau des  armes  chimiques  deux  ans  plus  tard.  L’opposition   «  modérée  », autour de l’Armée syrienne libre, sent  que l’Occident l’abandonne. Les djihadistes, mieux  armés, recrutent les déçus et montent en puissance,  scellant le piège qui permettra au président syrien de se présenter comme rempart contre le chaos. Au Kremlin, Vladimir Poutine se jette sur l’occasion. Aux Américains il offre de convaincre El-Assad  de  détruire  ses  armes  chimiques  contre  l’abandon  de tout projet d’intervention. Comment refuser, après  avoir reculé le 30 août  ? La Russie prend la main en  Syrie.  Plus  tard,  Poutine  estimera  ne  rien  redouter  du  président  américain  et  envahira  la  Crimée.  Les   Républicains et un certain Donald Trump, admirateur  de  Poutine,  ne  cesseront  de  dénoncer  ce  nouveau  Munich  et  ce  président  qui  a  affaibli  une   Amérique qu’il faudrait rendre  « great  again ». Il ne lui reste que des questions sans réponses. Que  se serait-il passé s’il avait frappé  ? Ce 30 août 2013 est-il  le jour où Obama a mis fin au règne des Etats-Unis  comme seule superpuissance mondiale  ? Le jour où  le  camp  des  démocraties  a  dû  renoncer  à  se  battre  pour ses valeurs  ? Antoine Vatkine
This is the president’s mendacity continuing to a degree that is really quite remarkable. « There are people on both sides and beyond » – so he means Republicans at home and Israelis – « who are against the diplomatic resolution ». That’s a lie. They are against this diplomatic resolution, the deal he’s doing, that any observer will tell you paves the road to an Iranian nuclear weapon that is legitimate and accepted by the international community. It is a disaster. That’s why it is opposed. People are not opposed to diplomacy, they are opposed to a specific deal. And to address this to Iranians as if Iran is a democracy when it’s a dictatorship that put down a democratic revolution in 2009 of which he turned his face and never supported is disgraceful. Charles Krauthammer
The disgusting aspect of the last eight years is that Obama mistook the sidelines for the moral high ground. So he would use all this lofty rhetoric about red lines and he would stand there would be people killing each other, slaughtering each other, dead babies and he’d stand there with his hand on his hip giving a speech. And he stripped words of their meaning. And Trump isn’t as articulate. He isn’t as polished but his words have meaning. And to do that while is he having dinner with the Chinese. You said did he tell him over the salad bowl, as I understand it, he told him over the creme brulee or the tiramisu. How cool is that to actually make the Chinese politburo sit through a night of American targeted bombing? I think he’s accomplished certain things. He sent a message to the Chinese as they are sitting across the dinner table from him. He sent a message to Putin, and, thereby, incidentally also made all these stupid investigations of investigations of investigations that the Senate and the House are chasing their tails and look absolutely ridiculous. You know, he has picked a fight with Putin at a when Congress has spent and Susan Rice has spent a year investigating whether he is Putin stooge. How stupid do they look? I think they understand this is really — last night was inauguration day. That America is back in the world. Mark Steyn
L’actualité de ces dernières semaines a mené certains à douter de la maîtrise de Trump sur son personnel et sur sa politique intérieure, tandis que d’autres le disaient carrément indifférent aux affaires étrangères. D’abord le fiasco Ryancare. Fidèle à ses promesses, Trump a voulu abroger l’Obamacare, mais mal lui en a pris de faire confiance au si peu fiable Speaker de la Chambre, Paul Ryan, et de s’engager à ses côtés, croyant pouvoir ainsi gagner des votes démocrates. Le « plan en 3 phases » du technocrate Ryan, trop compliqué et n’abrogeant pas les pires mesures de la loi d’Obama, ne pouvait que rencontrer l’opposition ferme du Freedom Caucus, la trentaine de représentants les plus conservateurs de la base électorale de Trump. L’échec est pour Ryan. Trump s’en sort plutôt bien, même si le poids fiscal d’Obamacare perdure et va donc le gêner dans sa réforme fiscale d’envergure. Au moins a-t-il appris, sur le tas, qu’il ne servait à rien de courtiser des démocrates obtus et qu’il valait mieux pour lui s’impliquer le moins possible dans les jeux du Congrès. Puis, font désordre les disputes de personnel au sein des divers ministères et le fait que Trump, soi-disant complètement ballotté entre des avis divergents, tarderait à débarrasser son administration « des restes d’Obama », même à des postes élevés, parce que, en gros, il subirait l’influence de Tillerson, Mattis, McMaster et Kushner (le « Premier Gendre »), tous des centristes-interventionnistes, en opposition radicale au nationaliste-isolationniste Bannon… Tout cela sur fond de l’exécrable Russiagate, servi tous les jours par les démocrates dans l’espoir de délégitimer Trump et de l’empêcher de gouverner. Lassant, le feuilleton se retourne contre ses auteurs avec le scandale des écoutes de l’équipe de transition de Trump : ex-ambassadeur à l’ONU et ex-Conseiller à la Sécurité nationale, l’incroyable Susan Rice, après avoir nié (ce n’était jamais que la 4e fois qu’elle mentait pour protéger Obama), reconnaît avoir « dévoilé » l’identité de plusieurs personnes et autorisé des fuites à la presse… Rappelons que les démocrates ne s’émouvaient pas des ingérences russes lorsque celles-ci semblaient favoriser leur candidate et que ce sont eux qui ont un long passé de connivence avec la Russie : de Roosevelt et Staline aux espions à la solde de l’URSS sous Truman, jusqu’à la « flexibilité » promise par Obama en 2012 à Medvedev, concrétisée en 2013 par l’abandon pur et simple de ses responsabilités au Moyen-Orient à Poutine… La réalité est que Trump peuple ses agences de gens d’avis opposés, exprès, afin d’appréhender toutes les possibilités pour trancher par lui-même. Pragmatique, mais n’hésitant pas à prendre des risques, il vient de prouver qu’il était bien maître à bord. Tous les pourparlers à l’amiable ayant échoué, Trump riposte à l’intolérable par les frappes de 59 missiles Tomahawk sur la base syrienne de Shayrat, chargée du largage de gaz sarin. Fait remarquable : sans toucher aux 5 autres bases aériennes de l’armée syrienne et sans causer le moindre dommage aux installations russes. Simple avertissement, parfaitement ciblé et mesuré, destiné à protéger les quelque mille militaires américains présents sur le théâtre d’opérations et à montrer que l’Amérique est de retour et qu’il faut désormais compter avec sa détermination. La Syrie et l’État islamique, mais aussi la Chine, la Russie, l’Iran, la Corée du Nord peuvent en prendre note, tandis que les alliés traditionnels au Moyen-Orient et en Asie se rassurent, comme devraient se rassurer les Européens s’il leur restait quelque bon sens. Et c’est tout ! Il n’y a pas d’escalade, ni d’intention de régler les affaires de la Syrie, ni (hélas !) de reprendre le bâton de policier du monde. Seulement l’intention de ne plus rester passif face aux agressions… Evelyne Joslain
Syria is weird for reasons that transcend even the bizarre situation of bombing an abhorrent Bashar al-Assad who was bombing an abhorrent ISIS — as we de facto ally with Iran, the greater strategic threat, to defeat the more odious, but less long-term strategic threat, ISIS. Trump apparently hit a Syrian airfield to express Western outrage over the likely Syrian use of chemical weapons. Just as likely, he also sought to remind China, Russia, Iran, and North Korea that he is unpredictable and not restrained by self-imposed cultural, political, and ethical bridles that seemed to ensure that Obama would never do much over Chinese and Russian cyber-warfare, or Iranian interception of a U.S. warship or the ISIS terror campaign in the West or North Korea’s increasingly creepy and dangerous behavior. But the strike also raised as many questions as it may have answered. (…) Trump campaigned on not getting involved in Syria, deriding the Iraq War, and questioning the Afghan effort. Does his sudden strike signal a Jacksonian effort to hit back enemies if the mood comes upon us — and therefore acceptable to his base as a sort of one-off, don’t-tread-on-me hiss and rattle? Or does the strike that was so welcomed by the foreign-policy establishment worry his supporters that Trump is now putting his suddenly neocon nose in someone’s else’s business? And doing so without congressional authorizations or much exegesis? Does the Left trash Trump for using force or keep quiet, given the ostensible humanitarian basis for the strike, and the embarrassing contrast with Obama, whose reset with Russia led to inviting Putin into the Middle East to solve the WMD problem that we could not, and which Obama and Susan Rice not long ago assured us was indeed solved by our de facto friend at the time Putin? These dilemmas, apart from Obama’s prior confusion about Syria and Russia, arise in part because Trump never thought it wise or necessary to resolve contradictions in Trumpism — especially at what point the long overdue need to restore U.S. respect and deterrence to end “lead from behind” appeasement becomes overseas entanglements not commensurate with Trump’s “America First” assurances. Victor Davis Hanson
Now we’re coming to grips with the human and strategic price of the Obama administration’s mendacity. The sham agreement gave Assad confidence that he could continue to murder his opponents indefinitely without fear of Western reprisal. It fostered the view that his regime was preferable to its opponents. It showed Tehran that it could drive a hard diplomatic bargain over its nuclear file, given that the administration was so plainly desperate for face-saving excuses for inaction. And it left Mr. Obama’s successor with a lousy set of options. Rex Tillerson and Nikki Haley erred badly by announcing, just days before last week’s sarin attack, that the Trump administration had no plans to depose Assad. They gave the dictator reason to believe he had as little to fear from this U.S. president as he did from the last one. But, unlike their predecessors, the secretary of state and U.N. ambassador deserve credit for learning from that mistake—as does the president they serve. The core of the problem in Syria isn’t Islamic State, dreadful as it is. It’s a regime whose appetite for unlimited violence is one of the main reasons ISIS has thrived. To say there is no easy cure for Syria should not obscure the fact that there won’t be any possibility of a cure until Assad falls. Mr. Obama and his advisers will never run out of self-justifications for their policy in Syria. They can’t outrun responsibility for the consequences of their lies. Bret Stephens

Attention: un mensonge peut en cacher un autre !

Au terme d’une semaine à donner le tournis …

Où l’on redécouvre non seulement en Syrie les armes chimiques soi-disant inexistantes de Saddam Hussein

Mais où après avoir tant critiqué les guerres d’Irak – prétendus mensonges sur les ADM compris – et d’Afghanistan ou appelé à la retenue sur la Syrie …

Le champion de l’Amérique d’abord et de la non-ingérence surprend tout son monde …

Avec le bombardement d’une base aérienne syrienne d’où aurait été lancé une attaque chimique de populations civiles …

Comment au-delà des nombreuses questions que soulève le revirement du président Trump …

Ne pas voir l’incroyable propension au mensonge d’une Administration …

Qui sans compter la mise sur écoutes et l’autorisation de fuites à la presse concernant l’équipe de son futur successeur …

Se vantait jusqu’il y a trois mois de son accord d’élimination des ADM syriennes ?

Et surtout ne pas s’inquiéter de l’autre grand motif de fierté de ladite administration Obama …

A savoir l’accord prétendument sans faille sur le nucléaire iranien ?

The Price of Obama’s Mendacity
The consequences of his administration’s lies about Syria are becoming clear
Bret Stephens
The Wall Street Journal
April 10, 2017

Last week’s cruise-missile strike against a Syrian air base in response to Bashar Assad’s use of chemical weapons has reopened debate about the wisdom of Barack Obama’s decision to forgo a similar strike, under similar circumstances, in 2013.

But the real issue isn’t about wisdom. It’s about honesty.

On Sept. 10, 2013, President Obama delivered a televised address in which he warned of the dangers of not acting against Assad’s use of sarin gas, which had killed some 1,400 civilians in the Damascus suburb of Ghouta the previous month.

“If we fail to act, the Assad regime will see no reason to stop using chemical weapons,” Mr. Obama said. “As the ban against these weapons erodes, other tyrants will have no reason to think twice about acquiring poison gas, and using them. Over time, our troops would again face the prospect of chemical weapons on the battlefield. And it could be easier for terrorist organizations to obtain these weapons, and use them to attack civilians.”

It was a high-minded case for action that the president immediately disavowed for the least high-minded reason: It was politically unpopular. The administration punted a vote to an unwilling Congress. It punted a fix to the all-too-willing Russians. And it spent the rest of its time in office crowing about its success.

In July 2014 Secretary of State John Kerry claimed “we got 100% of the chemical weapons out.” In May 2015 Mr. Obama boasted that “Assad gave up his chemical weapons. That’s not speculation on our part. That, in fact, has been confirmed by the organization internationally that is charged with eliminating chemical weapons.” This January, then-National Security Adviser Susan Rice said “we were able to get the Syrian government to voluntarily and verifiably give up its chemical weapons stockpile.”

Today we know all this was untrue. Or, rather, now all of us know it. Anyone paying even slight attention has known it for years.

In June 2014 U.N. Ambassador Samantha Power noted “discrepancies and omissions related to the Syrian government’s declaration of its chemical weapons program.” But that hint of unease didn’t prevent her from celebrating the removal “of the final 8% of chemical weapons materials in Syria’s declaration” of its overall stockpile.

The following summer, The Wall Street Journal’s Adam Entous and Naftali Bendavid reported “U.S. intelligence agencies have concluded that the [Assad] regime didn’t give up all of the chemical weapons it was supposed to.” In February 2016, Director of National Intelligence James Clapper confirmed the Journal’s story, telling Congress “Syria has not declared all the elements of its chemical weapons program.”

Why did Mr. Obama and his senior officials stick to a script that they knew was untethered from the facts? Let’s speculate. They thought the gap between Assad’s “declared” and actual stockpile was close enough for government work. They figured a credulous press wouldn’t work up a sweat pointing out the difference. They didn’t imagine Assad would use what was left of his chemical arsenal for fear of provoking the U.S.

And they didn’t want to disturb the public narrative that multilateral diplomacy was a surer way than military action to disarm rogue Middle Eastern regimes of their illicit weapons. Two months after Mr. Obama’s climb-down with Syria, he signed on to the interim nuclear deal with Iran. The remainder of his term was spent trying not to upset the fragile beauty of his nuclear diplomacy.

Now we’re coming to grips with the human and strategic price of the Obama administration’s mendacity. The sham agreement gave Assad confidence that he could continue to murder his opponents indefinitely without fear of Western reprisal. It fostered the view that his regime was preferable to its opponents. It showed Tehran that it could drive a hard diplomatic bargain over its nuclear file, given that the administration was so plainly desperate for face-saving excuses for inaction.

And it left Mr. Obama’s successor with a lousy set of options.

Rex Tillerson and Nikki Haley erred badly by announcing, just days before last week’s sarin attack, that the Trump administration had no plans to depose Assad. They gave the dictator reason to believe he had as little to fear from this U.S. president as he did from the last one.

But, unlike their predecessors, the secretary of state and U.N. ambassador deserve credit for learning from that mistake—as does the president they serve. The core of the problem in Syria isn’t Islamic State, dreadful as it is. It’s a regime whose appetite for unlimited violence is one of the main reasons ISIS has thrived. To say there is no easy cure for Syria should not obscure the fact that there won’t be any possibility of a cure until Assad falls.

Mr. Obama and his advisers will never run out of self-justifications for their policy in Syria. They can’t outrun responsibility for the consequences of their lies.

Voir aussi:

Hall of Mirrors in Syria
Victor Davis Hanson
The National Review Corner
April 10, 2017

Syria is weird for reasons that transcend even the bizarre situation of bombing an abhorrent Bashar al-Assad who was bombing an abhorrent ISIS — as we de facto ally with Iran, the greater strategic threat, to defeat the more odious, but less long-term strategic threat, ISIS.

Trump apparently hit a Syrian airfield to express Western outrage over the likely Syrian use of chemical weapons. Just as likely, he also sought to remind China, Russia, Iran, and North Korea that he is unpredictable and not restrained by self-imposed cultural, political, and ethical bridles that seemed to ensure that Obama would never do much over Chinese and Russian cyber-warfare, or Iranian interception of a U.S. warship or the ISIS terror campaign in the West or North Korea’s increasingly creepy and dangerous behavior.

But the strike also raised as many questions as it may have answered.

Is Trump saying that he can send off a few missiles anywhere and anytime rogues go too far? If so, does that willingness to use force enhance deterrence? (probably); does it also risk further escalation to be effective? (perhaps); and does it solve the problem of an Assad or someone similar committing more atrocities? (no).

Was the reason we hit Assad, then, because he is an especially odious dictator and kills his own, or that the manner in which he did so was cruel and barbaric (after all, ISIS burns, drowns, and cuts apart its victims without much Western reprisals until recently)? Or is the reason instead that he used WMD, and since 1918 with a few exceptions (largely in the Middle East), “poison” gas has been a taboo weapon among the international community? (Had Assad publicly beheaded the same number who were gassed, would we have intervened?)

Do we continue to sort of allow ISIS to fight it out with Syria/Iran/Hezbollah in the manner of our shrug during the Iran-Iraq War and in the fashion until Pearl Harbor that we were okay with the Wehrmacht and the Red Army killing each other en masse for over five months in Russia? Or do we say to do so cynically dooms innocents in a fashion that they are not quite as doomed elsewhere, or at least not doomed without chance of help as is true in North Korea?

Trump campaigned on not getting involved in Syria, deriding the Iraq War, and questioning the Afghan effort. Does his sudden strike signal a Jacksonian effort to hit back enemies if the mood comes upon us — and therefore acceptable to his base as a sort of one-off, don’t-tread-on-me hiss and rattle?

Or does the strike that was so welcomed by the foreign-policy establishment worry his supporters that Trump is now putting his suddenly neocon nose in someone’s else’s business? And doing so without congressional authorizations or much exegesis?

Does the Left trash Trump for using force or keep quiet, given the ostensible humanitarian basis for the strike, and the embarrassing contrast with Obama, whose reset with Russia led to inviting Putin into the Middle East to solve the WMD problem that we could not, and which Obama and Susan Rice not long ago assured us was indeed solved by our de facto friend at the time Putin?

These dilemmas, apart from Obama’s prior confusion about Syria and Russia, arise in part because Trump never thought it wise or necessary to resolve contradictions in Trumpism — especially at what point the long overdue need to restore U.S. respect and deterrence to end “lead from behind” appeasement becomes overseas entanglements not commensurate with Trump’s “America First” assurances. At some point, does talking and tweeting toughly (“bomb the sh** out of ISIS”) require a Tomahawk missile to retain credibility? And does “Jacksonianism” still allow blowing some stuff up, but not doing so at great cost and for the ideals of consensual government rather than immediate U.S. security?

Most likely for now, Trump’s strike resembles Reagan’s 1986 Libyan bombing that expressed U.S. outrage over Libyan support for then recent attacks on Americans in Berlin. But Reagan’s dramatic act (in pursuit of U.S. interests, not international norms) did not really stop Moammar Qaddafi’s support for terrorists (cf. the 1988 likely Libyan-inspired retaliatory Lockerbie bombing) or do much else to muzzle Qaddafi.

About all we can say, then, about Trump’s action was that he felt like it was overdue — or like a high-school friend once put to me after unexpectedly unloading on a school bully who daily picked on weaklings, “It seemed a good idea at the time.”

Voir également:

La semaine de Trump.Virage à 180 degrés sur la Syrie
Gabriel Hassan
Courrier international
07/04/2017

Attaque à l’arme chimique en Syrie, rencontres avec les présidents égyptien et chinois : la semaine de Donald Trump a été très chargée sur le front diplomatique. Avec des déclarations à donner le tournis.

Le départ de Bachar El-Assad de Syrie ne faisait pas partie jusqu’ici des priorités du président Trump. L’attaque chimique qui a eu lieu dans la région d’Idlib pourrait changer les choses.

  • Les États-Unis attaquent Bachar El-Assad

Donald Trump change de cap. Trois jours après l’attaque chimique à Khan Cheikhoun, dans la région d’Idlib (nord-ouest de la Syrie), le président américain a ordonné le bombardement d’une base aérienne syrienne.

Dans la nuit de jeudi à vendredi – vers 20 h 40 heure de Washington – 59 missiles Tomahawk ont été tirés par la marine américaine. Il s’agit de “la première attaque américaine contre le régime de Bachar El-Assad depuis le début de la guerre en Syrie”, il y a six ans, souligne The Washington Post. Et de la première intervention militaire de la présidence Trump.

Le président américain a déclaré cette nuit qu’“il [était] dans l’intérêt national et vital des États-Unis de prévenir et de décourager la propagation et le recours aux armes chimiques mortelles”, rapporte The New York Times.

Réuni en urgence à l’Organisation des Nations unies mercredi soir, le Conseil de sécurité avait, à l’exception de la Russie, fermement condamné le régime de Bachar El-Assad. Brandissant des photos de victimes, l’ambassadrice américaine Nikki Haley avait assuré que les États-Unis étaient prêts à agir unilatéralement en cas de mésentente.

L’opération militaire de la nuit dernière constitue un revirement important. Il y a une semaine, Nikki Haley avait laissé entendre que Washington s’accommoderait de Bachar El-Assad, mais l’attaque à l’arme chimique perpétrée près d’Idlib, qui a fait des dizaines de victimes, semble avoir tout remis en question. Le 5 avril, Trump a déclaré que le président syrien avait franchi “beaucoup, beaucoup de lignes”, laissant ainsi entendre qu’il devrait peut-être partir.

  • Deux hommes forts en visite

Le président égyptien Abdelfattah Al-Sissi en début de semaine à la Maison-Blanche, le président chinois Xi Jinping jeudi 6 et vendredi 7 avril à Mar-a-Lago, en Floride : Trump aura reçu en quelques jours deux présidents très autoritaires.

Le dirigeant américain a fait un véritable éloge du leader égyptien, saluant son “boulot fantastique, dans une situation très difficile”. Pour une large partie de la presse américaine, ce soutien affiché à un régime brutal est une erreur, qui ne sert qu’en apparence les intérêts américains.

Les discussions s’annonçaient plus difficiles avec le président chinois, accueilli dans la résidence personnelle de Donald Trump en Floride. Sur Twitter, avant leur rencontre, le locataire de la Maison-Blanche avait mis la pression, car il a besoin de la coopération de Pékin en matière commerciale, et surtout concernant le brûlant dossier nord-coréen. Xi Jinping avait donc beaucoup de cartes en main. Et Trump ne pouvait pas cette fois pratiquer la “diplomatie du golf”, un sport mal vu chez les officiels chinois.

  • Lutte de clans à la Maison-Blanche

L’influence de Steve Bannon, l’éminence grise de Trump, n’est apparemment plus sans limite. Le stratège en chef de Donald Trump a été évincé le 5 avril du Conseil de sécurité nationale, où sa nomination avait fait polémique. Une victoire pour le conseiller de Trump pour la sécurité nationale, le lieutenant général H. R. McMaster.

À travers lui, c’est le clan des “nationalistes économiques”, tenants d’une ligne populiste, qui essuie un revers.

À l’inverse, Jared Kushner, gendre de Trump et membre, selon un chroniqueur du Washington Post, du clan des “New-Yorkais” ou “démocrates”, n’en finit plus d’accumuler les missions. À son programme : réformer l’État fédéral, instaurer la paix au Proche-Orient, servir d’intermédiaire avec la Chine ou le Mexique. Rien que cela… En visite en Irak en début de semaine, l’époux d’Ivanka Trump a même devancé le secrétaire d’État américain sur ce terrain hautement stratégique dans la lutte contre Daech.

  • Encore des accusations

Rares sont les semaines où Trump ne fait pas de déclaration polémique. Le président a encore émis des accusations sans preuve, visant cette fois Susan Rice, conseillère de Barack Obama pour la sécurité nationale. D’après lui, cette dernière pourrait avoir commis un crime en demandant à ce que soient dévoilés les noms de collaborateurs de Trump mentionnés de manière incidente dans des communications interceptées lors de la présidence d’Obama. Reprenant à son compte des accusations lancées par des médias conservateurs, Trump a déclaré au New York Times :

C’est une affaire tellement importante pour notre pays et pour le monde. C’est une des grandes affaires de notre temps.”

Pour ses détracteurs, cette assertion n’est que la dernière tentative en date pour détourner l’attention des questions au sujet des liens de son entourage avec la Russie. En mars, Trump avait accusé Obama de l’avoir “mis sur écoute” à la Trump Tower durant la campagne présidentielle.

  • Neil Gorsuch élu à la Cour suprême

C’était une promesse du candidat républicain Donald Trump : “Neil Gorsuch est devenu, vendredi 7 avril, le neuvième juge de la Cour suprême”, annonce le NewYork Times.

Depuis plus d’un an, démocrates et républicains s’opposaient sur le remplacement du juge Antonin Scalia, décédé soudainement en février 2016. Quelques jours après son investiture, le président américain avait annoncé la nomination de M. Gorsuch à laquelle s’opposaient farouchement les démocrates.

Minoritaires au Sénat – composé de 52 démocrates et 48 républicains – les partisans de Donald Trump avaient prévenu qu’ils passeraient en force. Chose faite ce vendredi : les républicains ont abaissé la majorité requise pour permettre ce scrutin, un changement historique des règles, explique le quotidien américain.

Favorables aux armes à feu et fermement opposé à l’avortement, Neil Gorsuch siégera donc dans la chambre haute du Congrès à partir de la mi-avril. Il a été nommé à vie.

  • Twitter poursuit Washington en justice

Le bras de fer se poursuit entre la Maison-Blanche et Twitter. Il y a quelques semaines, le président américain demandait au réseau social de lui fournir les données et l’identité des personnes qui se cachaient derrière les comptes hostiles à sa politique.

Mais, jeudi 6 avril, Twitter, refusant de fournir une quelconque information, a saisi la justice. La plateforme, citée par The Washington Post, rappelle que “les droits à la liberté d’expression accordés aux utilisateurs de Twitter et à Twitter lui-même en vertu du premier amendement de la Constitution incluent un droit à diffuser des propos politiques anonymes ou sous pseudonyme”. Donald Trump n’a, pour l’heure, pas rétorqué.

 Voir encore:

Trump peut-il gouverner ?
Evelyne Joslain
Les 4 vérités
10 avril, 2017

L’actualité de ces dernières semaines a mené certains à douter de la maîtrise de Trump sur son personnel et sur sa politique intérieure, tandis que d’autres le disaient carrément indifférent aux affaires étrangères.

D’abord le fiasco Ryancare. Fidèle à ses promesses, Trump a voulu abroger l’Obamacare, mais mal lui en a pris de faire confiance au si peu fiable Speaker de la Chambre, Paul Ryan, et de s’engager à ses côtés, croyant pouvoir ainsi gagner des votes démocrates.

Le « plan en 3 phases » du technocrate Ryan, trop compliqué et n’abrogeant pas les pires mesures de la loi d’Obama, ne pouvait que rencontrer l’opposition ferme du Freedom Caucus, la trentaine de représentants les plus conservateurs de la base électorale de Trump.

L’échec est pour Ryan. Trump s’en sort plutôt bien, même si le poids fiscal d’Obamacare perdure et va donc le gêner dans sa réforme fiscale d’envergure.

Au moins a-t-il appris, sur le tas, qu’il ne servait à rien de courtiser des démocrates obtus et qu’il valait mieux pour lui s’impliquer le moins possible dans les jeux du Congrès.

Puis, font désordre les disputes de personnel au sein des divers ministères et le fait que Trump, soi-disant complètement ballotté entre des avis divergents, tarderait à débarrasser son administration « des restes d’Obama », même à des postes élevés, parce que, en gros, il subirait l’influence de Tillerson, Mattis, McMaster et Kushner (le « Premier Gendre »), tous des centristes-interventionnistes, en opposition radicale au nationaliste-isolationniste Bannon…

Tout cela sur fond de l’exécrable Russiagate, servi tous les jours par les démocrates dans l’espoir de délégitimer Trump et de l’empêcher de gouverner. Lassant, le feuilleton se retourne contre ses auteurs avec le scandale des écoutes de l’équipe de transition de Trump : ex-ambassadeur à l’ONU et ex-Conseiller à la Sécurité nationale, l’incroyable Susan Rice, après avoir nié (ce n’était jamais que la 4e fois qu’elle mentait pour protéger Obama), reconnaît avoir « dévoilé » l’identité de plusieurs personnes et autorisé des fuites à la presse… Rappelons que les démocrates ne s’émouvaient pas des ingérences russes lorsque celles-ci semblaient favoriser leur candidate et que ce sont eux qui ont un long passé de connivence avec la Russie : de Roosevelt et Staline aux espions à la solde de l’URSS sous Truman, jusqu’à la « flexibilité » promise par Obama en 2012 à Medvedev, concrétisée en 2013 par l’abandon pur et simple de ses responsabilités au Moyen-Orient à Poutine…

La réalité est que Trump peuple ses agences de gens d’avis opposés, exprès, afin d’appréhender toutes les possibilités pour trancher par lui-même.

Pragmatique, mais n’hésitant pas à prendre des risques, il vient de prouver qu’il était bien maître à bord. Tous les pourparlers à l’amiable ayant échoué, Trump riposte à l’intolérable par les frappes de 59 missiles Tomahawk sur la base syrienne de Shayrat, chargée du largage de gaz sarin. Fait remarquable : sans toucher aux 5 autres bases aériennes de l’armée syrienne et sans causer le moindre dommage aux installations russes.

Simple avertissement, parfaitement ciblé et mesuré, destiné à protéger les quelque mille militaires américains présents sur le théâtre d’opérations et à montrer que l’Amérique est de retour et qu’il faut désormais compter avec sa détermination.

La Syrie et l’État islamique, mais aussi la Chine, la Russie, l’Iran, la Corée du Nord peuvent en prendre note, tandis que les alliés traditionnels au Moyen-Orient et en Asie se rassurent, comme devraient se rassurer les Européens s’il leur restait quelque bon sens.

Et c’est tout ! Il n’y a pas d’escalade, ni d’intention de régler les affaires de la Syrie, ni (hélas !) de reprendre le bâton de policier du monde. Seulement l’intention de ne plus rester passif face aux agressions…

Et Trump gouverne bel et bien, malgré les obstacles et les commentaires malveillants.

La liste de ses accomplissements est déjà longue. Signe de confiance, les indices boursiers sont bons. Les emplois reviennent grâce aux dérégulations signées par décret exécutif. Les syndicats du privé sont apaisés et le climat est redevenu favorable aux petites entreprises, tandis que sont mis en œuvre des moyens nouveaux pour réduire le poids de l’État fédéral. Des milliers de récidivistes illégaux ont été déportés, 1 500 hackers pédophiles arrêtés…

En fait, les bonnes nouvelles n’arrêtent pas !

Voir par ailleurs:

Le jour où Obama a flanché
Exclusif.  En 2013, l’ex-président américain renonçait, au dernier  moment et malgré sa promesse, à frapper El-Assad. Le documentariste  Antoine Vitkine nous révèle les coulisses de cette volte-face
Antoine Vitkine
Le Point
13 avril 2017

Cette interrogation n’en finit pas de tourmenter  Barack Obama. A-t-il pris, ce jour-là, la bonne décision  ? De cette décision il a affirmé être  « fier », mais il a aussi assuré, dans une même interview, que  le dossier syrien est  «  son plus grand regret  ».  Par prudence, mieux vaut dire tout et son contraire, car il  sait ce qu’on en pense  : sa décision a changé la face  du monde. La plus grave attaque chimique depuis  la Seconde Guerre mondiale demeurée impunie  ? La  victoire de Bachar el-Assad  ? L’ascension des djihadistes  ? La montée en puissance des Russes au Moyen- Orient, en Europe et au-delà  ? L’effacement de l’Occident  ? Peut-être même la victoire de Donald Trump  ?  Tout partirait de son choix, de cette journée-là.

Le 30 août 2013, l’été s’achève à Washington dans  une épuisante touffeur. Tout juste rentré de quelques  jours de vacances sur l’île de Martha’s Vineyard, où il  a fait du VTT avec Michelle, il lui faut de nouveau assumer une charge harassante. A quoi bon cette réunion  ? Le sort n’en est-il pas jeté  ? Ce vendredi, en début  d’après-midi, dans la salle de crise de la Maison-Blanche,  il participe à une ultime réunion du Conseil de sécurité consacrée à l’intervention militaire contre le régime syrien. Autour de lui, ses conseillers, dont Philip   Gordon, qui s’occupe du Moyen-Orient,  les dirigeants de l’armée, ses ministres les plus importants, dont John Kerry, son secrétaire d’Etat. Pour tous,  l’intervention ne fait aucun doute. Le matin même,  il a annoncé publiquement réfléchir à  «  une action limitée contre Bachar  ».  Ses alliés français, la Ligue arabe,  l’Australie fourbissent leurs armes. Kerry a quasiment  annoncé la réplique américaine  :  « La crédibilité du président comme celle des Etats-Unis sont engagées.  »  Et même  :  « L’Histoire nous jugerait sévèrement si on ne faisait rien » …

A  vrai  dire,  il  n’aurait  jamais  pensé  se  retrouver   dans cette situation. Autour de la table, chacun a en  tête  sa  conférence  de  presse  donnée  un  an  auparavant, presque jour pour jour, le 20 août 2012, et une  phrase. Un journaliste lui avait demandé ce qui pourrait infléchir sa position, pour le moins prudente, sur  le conflit syrien, lui qui refuse d’armer les rebelles.  «  Pour nous, la ligne rouge, c’est l’utilisation d’armes chimiques  ; ça changerait ma vision des choses  »,  avait-il  répondu. A question imprévue réponse non préparée. Ses  conseillers avaient été interloqués. Certes, El-Assad  avait été mis en garde par des canaux discrets, mais  rendre  publique  une  ligne  rouge  n’est  jamais  une   bonne chose. On s’était promptement rassuré  ; le régime  syrien  semblait  tellement  affaibli  qu’il  n’oserait pas s’attirer les foudres du président des Etats-Unis.

Il a pourtant osé, comme en témoignent les schémas et les photos satellites qu’on diffuse dans la salle  de crise. Il y a eu d’abord de petites attaques chimiques  au printemps. Puis, devant l’absence de réactions, le  21 août 2013, cette attaque d’ampleur dans la banlieue  de Damas, plus tard contestée  (voir ci-contre).  Bachar  a-t-il voulu tester les Etats-Unis  ? Ou, simplement, son  armée n’avait-elle pas d’autres moyens de terrifier sa  population insurgée  ? On ne sait pas. Auprès de Philip Gordon, Obama a insisté  :  «  Il nous faut des preuves.  »  «  Le président était hanté par l’Irak et ne voulait pas entrer  en  guerre  sur  la  base  de  simples  suspicions» ,  témoigne   Gordon. Mais les preuves sont là. Les obus au gaz sarin tirés par le camp loyaliste ont tué environ 1  400  personnes, dont beaucoup d’enfants, selon une note de  la CIA dont chacun, dans la pièce, a reçu une copie.  Plus  contraignantes  que  les  preuves,  les  images.   Atroces, elles ont fait le tour du monde. Ce père qui  tient sa fillette morte dans les bras et qui l’interpelle,  lui, le président des Etats-Unis  :  «  Je vous en prie  ! Ce  ne sont que des enfants  ! Ils n’ont encore rien vu de la vie.  Du chimique ! »  Il est contraint de répondre. Un tabou,  depuis la Seconde Guerre mondiale, a été transgressé,  les traités internationaux ont été violés, l’ordre du  monde menacé, l’Amérique défiée.

Devant ses conseillers, il assume sa phrase.  «  Il nous  a dit  : “Quand j’ai parlé d’une ligne rouge, c’est vraiment  ce  que  je  voulais  dire”   »,   se  souvient  Gordon.  Tous  le   poussent à agir, et d’abord les plus proches, les plus réalistes, Gordon, justement, ou l’avisé Antony Blinken, qui lâche  :  «  Une superpuissance ne bluffe pas.  » « La  frappe doit servir d’avertissement à l’Iran, au Hezbollah  ou à la Corée du Nord si un jour ils songeaient à recourir  à des armes de destruction massive  » , déclare pour sa part  Kerry. Ils lui présentent les différentes options. Le général Flynn, alors chef du renseignement militaire, a  participé à la sélection des cibles  : aéroports, centres  de commandement, bases militaires, dépôts d’armes.  «  Cela aurait été dévastateur et aurait considérablement  atténué la capacité du régime à frapper des non-combattants »,   nous  déclare-t-il.  Autour  de  la  table,  Martin   Dempsey, chef d’état-major, fait savoir  :  «  On a le doigt  sur la détente.  »  Faut-il une journée de frappes ou plusieurs  ? Les militaires prônent plusieurs jours d’intervention.  Il  suit  leur  avis.  Des  frappes  aériennes  en   Syrie seront déclenchées le lendemain dans la nuit, à  3  heures GMT. La réunion s’achève : les derniers choix  militaires  sont  arrêtés.  Les  conseillers  quittent  les   lieux. Remarquent-ils qu’il n’a pas donné d’ordre, qu’il  n’a pas dit  « allez-y »  et n’a pas encore signé d’ordre  ? Il  a laissé la décision se prendre toute seule, portée par  sa propre logique, se contentant de suivre l’avis géné ral. Il n’a rien dit des doutes qui l’assaillent.

Tout le pousse à intervenir… Mais… Le Parlement  britannique  a  mis  son  veto  la  veille.  C’est  une  première alerte. Et si le régime s’effondrait à la suite des  frappes  ? L’Amérique deviendrait responsable du chaos  qui pourrait en résulter, après l’Irak, après la Libye. Il  a entre les mains des rapports indiquant que le régime  syrien est plus fébrile que jamais. Des officiers expédient leurs familles hors de Damas. Les opposants se  disent prêts à fondre sur la capitale si le pouvoir, déjà  affaibli, flanchait. Quelle est l’alternative politique au  régime  ? Depuis plusieurs jours, les partisans du soutien à la rébellion ne ménagent pas leurs efforts pour  le rallier à leurs vues, comme Robert Ford, ex-ambassadeur américain à Damas  :  «  Au sein de l’administration,  certains  craignaient  que  les  djihadistes  prennent  le   pouvoir à Damas. Je n’y croyais pas. Les modérés étaient,  à ce moment-là, les plus forts  »,  explique-t-il. Quelques  jours plus tôt, il a rencontré Obama pour le persuader que  «  frapper convaincra le régime de négocier vraiment  à  Genève   ».   Ford  a  l’impression  d’avoir  réussi…   Gordon,  lui  aussi,  s’est  voulu  rassurant   :   « Quelques  jours de frappes ne suffiront pas à décapiter un régime qui  s’accroche au pouvoir.  »  Mais comment en être sûr  ?

L’agenda se rappelle à Barack Obama. Il converse  pendant trois quarts d’heure avec son plus proche allié,  le  Français  François  Hollande,  dont  les  Rafale   chargent leurs missiles de croisière Scalp. Il l’assure  que rien n’est changé. L’après-midi s’achève. Son emploi du temps lui laisse enfin un répit. Il n’aime guère  les  choix  tranchés,  préférant  le  consensus.  Mais  la   machine est lancée. Il est président, il peut encore faire marche arrière, mais il faut aller vite  et, cette fois, se décider.  «  J’ai dit  : “Pause. On réfléchit.  J’ai voulu m’extraire des pressions”  »,  confiera-t-il en 2016  au  journaliste  Jeffrey  Goldberg.  Il  a  besoin  de  marcher pour avoir les idées claires. Il propose à un homme  de confiance d’aller se promener dans le jardin de la  Maison-Blanche. Cet homme, c’est son chef de l’ad ministration, Denis McDonough  : ni un militaire ni  un diplomate, mais son collaborateur le plus loyal.  Pendant une heure, il lui livre ses doutes. Tout cela  est trop incertain. Ne va-t-il pas engager son pays dans  une nouvelle guerre alors qu’il a été élu pour se dé sengager de conflits coûteux  ? Et puis, cela ne risque- t-il pas de mettre en péril son grand œuvre, l’accord  nucléaire avec l’Iran  ? Trop de risques. Il teste une idée  auprès de McDonough  : demander une autorisation  préalable au Congrès. Une manière de reculer, car chacun sait qu’un soutien du Congrès est plus qu’incertain. McDonough approuve la prudence de son boss.

En  début  de  soirée,  il  convoque  à  nouveau  ses   conseillers dans son bureau. L’ambiance est décontractée. Il leur annonce la nouvelle. Ils n’en reviennent  pas. Ils insistent  :  «  Ce sera dévastateur pour votre autorité politique »,  le préviennent-ils. Il tient bon. Gordon  nous avoue avoir été estomaqué. Devant lui, Obama  raisonne en politique  :  «  Si ça ne dissuade pas Assad de  recommencer, si des inspecteurs de l’Onu sont pris comme  boucliers humains, si on perd un pilote, j’aurai l’opinion,  le Congrès sur le dos. On me reprochera tout et son contraire,  d’être intervenu, de ne pas être intervenu plus fortement,  de ne pas être intervenu plus légèrement.  »  Gordon se souvient  d’un  autre  argument  du  président   :  le  risque   d’engrenage.  Si  Assad  ou  ses  parrains  russes  et  iraniens  décidaient  d’une  nouvelle  attaque  chimique   «  trois semaines plus tard  »,  alors  «  on devrait frapper de nouveau, et plus fort, et ainsi de suite  ».  Il ne serait plus  maître du processus, craint-il, alors qu’Assad le serait.  Cela, cet homme qui veut tout contrôler ne peut l’accepter. Et rien n’est moins contrôlable qu’une guerre.

Il a désormais quelques annonces délicates à faire.  Il prévient Kerry, qui est furieux.  «  L’Histoire nous jugera  avec une sévérité extrême  »,  lâche ce dernier à ses collaborateurs et à certains de ses homologues étrangers.  Le lendemain, à 18 heures, quelques heures avant l’attaque, il contacte aussi Hollande, qui tombe de haut.  Présent, Laurent Fabius, ministre des Affaires étrangères, nous résume le contenu de la conversation  :  « Il  nous a dit  : c’est plus difficile que prévu, il faut que je consulte…  Bref, plus de ligne rouge. Il n’était pas question pour la  France d’agir seule. Le château de cartes s’est effondré.  » Puis, dans la fournaise d’une fin de journée d’été,  sur le perron de la Maison-Blanche, Barack Obama  tient une conférence de presse  : « J’ai décidé d’intervenir,  proclame-t-il, avant d’ajouter  :  mais je demanderai que cet usage de la force soit approuvé par le Congrès.  »  Il s’est donné du temps. C’est fini. Il vient de changer l’ordre du monde sans pouvoir, à cet instant, le  deviner.  Certains  comprennent  en  revanche  que  rien ne sera plus comme avant.

Sur les hauteurs de Damas, Bachar el-Assad comprend qu’il n’a plus rien à craindre des Occidentaux.  Il se paiera même le luxe d’utiliser de nouveau des  armes  chimiques  deux  ans  plus  tard.  L’opposition   «  modérée  », autour de l’Armée syrienne libre, sent  que l’Occident l’abandonne. Les djihadistes, mieux  armés, recrutent les déçus et montent en puissance,  scellant le piège qui permettra au président syrien de se présenter comme rempart contre le chaos.

Au Kremlin, Vladimir Poutine se jette sur l’occasion. Aux Américains il offre de convaincre El-Assad  de  détruire  ses  armes  chimiques  contre  l’abandon  de tout projet d’intervention. Comment refuser, après  avoir reculé le 30 août  ? La Russie prend la main en  Syrie.  Plus  tard,  Poutine  estimera  ne  rien  redouter  du  président  américain  et  envahira  la  Crimée.  Les   Républicains et un certain Donald Trump, admirateur  de  Poutine,  ne  cesseront  de  dénoncer  ce  nouveau  Munich  et  ce  président  qui  a  affaibli  une   Amérique qu’il faudrait rendre  « great  again ».

Il ne lui reste que des questions sans réponses. Que  se serait-il passé s’il avait frappé  ? Ce 30 août 2013 est-il  le jour où Obama a mis fin au règne des Etats-Unis  comme seule superpuissance mondiale  ? Le jour où  le  camp  des  démocraties  a  dû  renoncer  à  se  battre  pour ses valeurs  ? A-t-il été trop raisonnable dans une  période troublée où un homme d’Etat ne devrait pas  l’être  ? Ou bien est-ce le jour où lui, un sage président,  a évité au Moyen-Orient de vivre un chaos supplémentaire et à l’Amérique de s’y trouver empêtrée  ?

* Ecrivain, documentariste, a réalisé «  Bachar, moi ou le chaos. »


Terrorisme: Attention, un aveuglement peut en cacher un autre (Rhetorical tricks aside, the reality is that during Obama’s tenure scores of innocent Americans have been murdered on U.S. soil by jihadists, mostly inspired by or acting under the direction of foreign terror groups)

26 février, 2017
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Daech dispose d’équipements militaires nombreux, rustiques mais aussi lourds et sophistiqués. Plus que d’une mouvance terroriste, nous sommes confrontés à une véritable armée encadrée par des militaires professionnels. Quel est le docteur Frankenstein qui a créé ce monstre ? Affirmons-le clairement, parce que cela a des conséquences : ce sont les États-Unis. Par intérêt politique à court terme, d’autres acteurs – dont certains s’affichent en amis de l’Occident – d’autres acteurs donc, par complaisance ou par volonté délibérée, ont contribué à cette construction et à son renforcement. Mais les premiers responsables sont les Etats-Unis. Général Vincent Desportes (17.12.2014)
We should take great pride in the progress that we’ve made over the last eight years. That’s the bottom line. No foreign terrorist organization has successfully planned and executed an attack on our homeland. (…) The most deadly attacks on the homeland over the last eight years have not been carried out by operatives with sophisticated networks or equipment directed from abroad. “They’ve been carried out by home-grown and largely isolated individuals who were radicalized online. Barack Hussein Obama (MacDill Air Force Base, Tampa, Fla., Dec. 6, 2016)
L’Amérique est un endroit meilleur et plus fort qu’il ne l’était quand nous avons commencé. (…) Si je vous avais dit il y a huit ans que l’Amérique renverserait une grande récession, redémarrerait notre industrie automobile et entamerait la plus longue période de création d’emplois de notre histoire … si je vous avais dit que nous ouvririons un nouveau chapitre avec le peuple cubain, que nous fermerions le programme d’armes nucléaires de l’Iran sans tirer un coup de feu, et tuer le cerveau des attentats du 9/11 … si je vous avais dit que nous gagnerions l’égalité au mariage et le droit à l’assurance maladie pour 20 millions de nos concitoyens – Vous auriez pu dire que nos objectifs étaient un peu trop élevés. (…) Les relations raciales sont meilleures qu’avant, croyez-moi, mais nous se sommes pas encore où nous devons être. (…) En raison de l’extraordinaire courage de nos hommes et de nos femmes en uniforme, des officiers du renseignement, des forces de l’ordre et des diplomates qui les soutiennent, aucune organisation terroriste étrangère n’a planifié et exécuté avec succès une attaque dans notre pays ces huit dernières années. Et bien que Boston et Orlando nous rappellent à quel point la radicalisation peut être dangereuse, nos forces de l’ordre sont plus efficaces et plus vigilantes que jamais. Barack Hussein Obama (Chicago, 10.01.2017)
Regardez ce qui se passe en Allemagne, regardez ce qui s’est passé hier soir en Suède. La Suède, qui l’aurait cru ? La Suède. Ils ont accueilli beaucoup de réfugiés, et maintenant ils ont des problèmes comme ils ne l’auraient jamais pensé. Donald Trump
La sécurité nationale commence par la sécurité aux frontières. Les terroristes étrangers ne pourront pas frapper l’Amérique s’ils ne peuvent entrer dans notre pays. Regardez ce qui se passe en Europe! Regardez ce qui passe en Europe! J’adore la Suède mais les gens là-bas comprennent que j’ai raison. J’ai un ami, c’est quelqu’un de très très important. Il adore la Ville lumière. Pendant des années, tous les étés, il allait à Paris, avec sa femme et sa famille. Je ne l’avais pas vu depuis longtemps et j’ai dit “Jim, comment va Paris?”; “Je n’y vais plus. Paris n’est plus Paris. Il n’aurait jamais raté une occasion. Aujourd’hui, il n’envisage même plus d’y aller. Donald Trump
Je ne ferai pas de comparaison, mais ici il n’y a pas de circulation d’armes, il n’y a pas de personnes qui prennent des armes pour tirer dans la foule. François Hollande
Examinant mon passeport, il relève que j’ai bénéficié récemment d’un visa « J1 », accordé notamment aux universitaires. J’ai été, en effet, professeur invité à l’Université Columbia de New York, de septembre 2016 à janvier 2017. Il conclut que je suis donc revenu travailler « illégalement » avec un visa expiré. J’ai beau expliquer que ma situation n’a rien d’anormal, sinon l’université n’aurait pas pu m’inviter, rien n’y fait. N’étant pas en possession d’un document fédéral m’autorisant à travailler aux États-Unis, je suis en infraction. La décision sera confirmée plus tard par son supérieur hiérarchique – que je n’aurai pas la possibilité de rencontrer. (…) Vers 21h, il reste une demi-douzaine de personnes, somnolentes et inquiètes, un Africain ne parlant pas bien l’anglais, les autres sans doute d’origine latino-américaine. Je suis apparemment le seul Européen – le seul « blanc ». Arrivent alors deux officiers de police. Ils se dirigent vers le monsieur assis devant moi, peut-être un Mexicain, bien mis de sa personne. Ils lui montrent un billet d’avion et lui disent qu’ils vont l’emmener. Invité à se lever, il est alors menotté, enchaîné à la taille, et entravé aux chevilles. Je n’en crois pas mes yeux. Des images d’esclaves me traversent l’esprit: la policière qui lui met les fers aux pieds est une Africaine-Américaine, vaguement gênée. J’imagine le temps qu’il va mettre pour rejoindre la porte d’embarquement. Je me demande surtout si c’est le même sort qui nous attend. Je préfère croire que lui a commis un délit sérieux. J’apprendrai par la suite que « c’est la procédure ». Cette façon de faire – proprement indigne – serait exigée par les compagnies aériennes. Je ne suis pas sûr, au demeurant, que les conditions d’expulsion soient plus humaines chez nous.A 1h 30 du matin – cela fait plus de 26 heures que j’ai quitté mon domicile parisien – je vois une certaine agitation. Une policière vient vers moi et me demande quelle est ma destination finale aux États-Unis et si quelqu’un m’attend à l’aéroport. (…) Quelques minutes plus tard, un policier au ton cette fois amical me rend mon téléphone et mon passeport, dûment tamponné, et me déclare autorisé à entrer aux États-Unis. Les restrictions qui m’ont été imposées sont levées, ajoute-t-il, sans que je puisse savoir ce qui va rester dans leurs fichiers. Il m’explique que le fonctionnaire qui a examiné mon dossier était « inexpérimenté » et ne savait pas que certaines activités, dont celles liées à la recherche et à l’enseignement, bénéficiaient d’un régime d’exception et pouvaient parfaitement être menées avec un simple visa touristique. « Il ne savait pas ». Abasourdi, je lui demande, ou plutôt je déclare que c’était donc une erreur. Il ne me répond pas. Il me laisse simplement entendre qu’ayant, lui, une longue expérience, il a vu le problème en prenant son poste en début de nuit. Il aura l’amabilité de me raccompagner à la sortie d’un aéroport totalement désert, m’indiquant l’adresse d’un hôtel dans la zone portuaire. À aucun moment, ni lui, ni ses collègues ne se sont excusés. En réalité, ma libération n’a rien eu de fortuit. Elle est la conséquence de l’intervention de mon collègue auprès du président de l’université Texas A & M, d’une professeure de droit chargée des questions d’immigration, et de plusieurs avocats. Sans eux, j’aurais été conduit menotté, enchaîné, et entravé à l’embarquement pour Paris. Historien de métier, je me méfie des interprétations hâtives. Cet incident a occasionné pour moi un certain inconfort, difficile de le nier. Je ne peux, cependant, m’empêcher de penser à tous ceux qui subissent ces humiliations et cette violence légale sans les protections dont j’ai pu bénéficier. J’y pense d’autant plus que j’ai connu l’expulsion et l’exil dans mon enfance. Pour expliquer ce qui s’est passé, j’en suis rendu aux conjectures. Pourquoi le contrôle aléatoire est-il tombé sur moi? Je ne le sais pas mais ce n’est pas le fruit du hasard. Mon « cas » présentait un problème avant même l’examen approfondi de mon visa. Peut-être est-ce mon lieu de naissance, l’Egypte, peut-être ma qualité d’universitaire, peut-être mon récent visa de travail expiré, pourtant sans objet ici, peut-être aussi ma nationalité française. Peut-être aussi le contexte. Quand bien même aurais-je commis une erreur, ce qui n’est pas le cas, cela méritait-il pareil traitement? Comment expliquer ce zèle, évident, de la part du policier qui m’a examiné et de son supérieur hiérarchique sinon par le souci de faire du chiffre et de justifier, au passage, ces contrôles accrus? J’étais d’autant plus « intéressant » que je ne tombais pas dans la catégorie habituelle des « déportables ». Telle est donc la situation aujourd’hui. Il faut désormais faire face outre-Atlantique à l’arbitraire et à l’incompétence la plus totale. Je ne sais ce qui est le pire. Ce que je sais, aimant ce pays depuis toujours, c’est que les États-Unis ne sont plus tout à fait les États-Unis. Henry Rousso
Il est impensable de mettre des soldats en danger dans l’espoir hypothétique de sauver d’autres personnes. Général Bruno Le Ray (gouverneur militaire de Paris)
Aucune demande d’entrer dans le Bataclan ne m’a été adressée, et je n’ai donné aucune autorisation en ce sens. Je ne connais pas les circonstances exactes de l’intervention du policier de la BAC et, si j’admire son courage, je vous répète qu’il était exclu que je fasse intervenir mes soldats sans savoir ce qui se passait à l’intérieur du bâtiment. (…) Il est impensable de mettre des soldats en danger dans l’espoir hypothétique de sauver d’autres personnes. L’intervention en zone d’exclusion est un sujet très délicat. Pour moi, la première question à se poser consiste à savoir si l’on est en mesure d’assurer la protection des personnels allant au contact. Si les soldats que j’envoie dans le bâtiment se font eux-mêmes tuer, parce qu’ils ne sont pas en capacité de répondre aux tirs dont ils sont la cible, nous n’aurons guère progressé dans la résolution de la situation. (…) ils n’ont pas vocation à se jeter dans la gueule du loup s’ils ne sont pas assurés de disposer de chances raisonnables d’accomplir leur mission. (…) Les soldats ont des conduites à tenir en fonction des situations auxquelles ils sont confrontés, mais nous ne pouvons prévoir tous les cas de figure… (…) Comme la Police nationale, les forces armées terrestres travaillent à l’élaboration de conduites à tenir dans différentes situations, notamment celle d’un terroriste sortant du Bataclan qui, sans menacer les soldats, cherche à s’enfuir – dans l’intention éventuelle d’aller commettre d’autres actes de violence ailleurs. Si le policier de la BAC avait souhaité faire une seconde incursion dans le bâtiment en se faisant cette fois accompagner de soldats, je ne peux dire avec certitude quelle réponse il aurait reçu, mais j’ai tendance à penser qu’ils seraient entrés avec lui. (…) les militaires ne confient jamais leurs armes à quelqu’un d’autre. En revanche, un policier de la BAC a demandé aux soldats de couvrir la sortie du bâtiment et de faire feu si les terroristes se montraient – il leur a même précisé de viser de préférence la tête, ou en tout état de cause en dehors des zones du corps susceptibles d’être entourées d’une ceinture d’explosifs –, et mes hommes l’auraient fait si la situation s’était présentée. La question de l’entrée dans le bâtiment s’apparente à celle d’une prise d’otages de masse : en pareil cas, on fait systématiquement appel à des unités spécialisées, qui n’interviennent qu’à l’issue d’un minimum de préparation. Je me mets à la place d’un soldat entrant dans une pièce où il risque de tomber à la fois sur les terroristes et leurs victimes, dans une configuration inconnue, avec une luminosité peut-être insuffisante et des gens qui hurlent de tous côtés : comment faire, dans ces conditions, pour discriminer instantanément les agresseurs des victimes ? Ma propre expérience opérationnelle me porte à penser qu’une telle chose est quasiment impossible. (…) Au Bataclan, les terroristes étaient retranchés dans un lieu fermé, tandis qu’une gare est un lieu ouvert. (…) Les soldats de Sentinelle sont formés pour intervenir dans le cadre d’opérations extérieures, mais pas dans celui d’une prise d’otages de masse dans un lieu fermé. Général Bruno Le Ray (gouverneur militaire de Paris)
La chancelière allemande Angela Merkel et les Premiers ministres des 16 Landers allemands ont conclu jeudi un accord visant à faciliter les expulsions de réfugiés dont la demande d’asile a été rejetée. Les expulsions sont normalement du ressort des landers, mais Merkel souhaite coordonner un certain nombre de choses au niveau fédéral pour accélérer les procédures. Le gouvernement fédéral veut s’accaparer plus de pouvoirs pour refuser des permis de séjour et effectuer lui-même les expulsions. L’un des objectifs centraux du plan en 16 points est de construire un centre de rapatriement à Potsdam (Berlin) qui comptera un représentant pour chaque lander. En outre, il prévoit la création de centres d’expulsion à proximité des aéroports pour faciliter les expulsions collectives. Un autre objectif est de faciliter l’expulsion des immigrants qui présentent un danger pour la sécurité du pays et de favoriser les «retours volontaires» d’autres migrants par le biais d’incitations financières s’ils acceptent de quitter le pays avant qu’une décision ait été prise au regard de leur demande d’asile. Une somme de 40 millions d’euros est consacrée à ce projet. Selon le ministère allemand de l’Intérieur, 280.000 migrants ont sollicité l’asile en Allemagne en 2016. C’est trois fois moins que les 890.000 de l’année précédente, au plus fort de la crise des réfugiés en Europe. Près de 430 000 demandes d’asile sont encore en cours d’instruction. L’Express
When President Trump last week raised Sweden’s problematic experience with open door immigration, skeptics were quick to dismiss his claims. Two days later an immigrant suburb of Stockholm was racked by another riot. No one was seriously injured, though the crowd burned cars and hurled stones at police officers. Mr. Trump did not exaggerate Sweden’s current problems. If anything, he understated them. Sweden took in about 275,000 asylum-seekers from 2014-16—more per capita than any other European country. Eighty percent of those who came in 2015 lacked passports and identification, but a majority come from Muslim nations. Islam has become Sweden’s second-largest religion. In Malmö, our third-largest city, Mohamed is the most common name for baby boys. The effects are palpable, starting with national security. An estimated 300 Swedish citizens with immigrant backgrounds have traveled to the Middle East to fight for Islamic State. Many are now returning to Sweden and are being welcomed back with open arms by our socialist government. In December 2010 we had our first suicide attack on Swedish soil, when an Islamic terrorist tried to blow up hundreds of civilians in central Stockholm while they were shopping for Christmas presents. Thankfully the bomber killed only himself. Riots and social unrest have become a part of everyday life. Police officers, firefighters and ambulance personnel are regularly attacked. Serious riots in 2013, involving many suburbs with large immigrant populations, lasted for almost a week. Gang violence is booming. Despite very strict firearm laws, gun violence is five times as common in Sweden, in total, as in the capital cities of our three Nordic neighbors combined. Anti-Semitism has risen. Jews in Malmö are threatened, harassed and assaulted in the streets. Many have left the city, becoming internal refugees in their country of birth. The number of sex crimes nearly doubled from 2014-15, according to surveys by the Swedish government body for crime statistics. One-third of Swedish women report that they no longer feel secure in their own neighborhoods, and 12% say they don’t feel safe going out alone after dark. A 1996 report from the same government body found that immigrant men were far likelier to commit rape than Swedish men.  (…) Our nation’s culture hasn’t been spared either. Artists accused of insulting Islam live under death threats. Dance performances and art exhibitions have been called off for fear of angering Islamists. Schools have prohibited the singing of traditional Christian hymns because they don’t want to “insult” non-Christian immigrants. Yet reports made with hidden cameras by journalists from Swedish public media show mosques teaching fundamentalist interpretations of Islam. Sweden’s government now spends an incredible amount of money caring for newly arrived immigrants each year. The unemployment rate among immigrants is five times as high as that of native Swedes. Among some groups, such as Somalis, in places like Malmö unemployment reaches 80%. Jimmie Åkesson and Mattias Karlsson
Sweden has the highest rape rate in Europe, author Naomi Wolf said on the BBC’s Newsnight programme recently. (…) The Swedish police recorded the highest number of offences – about 63 per 100,000 inhabitants – of any force in Europe, in 2010. The second-highest in the world. This was three times higher than the number of cases in the same year in Sweden’s next-door neighbour, Norway, and twice the rate in the United States and the UK. It was more than 30 times the number in India, which recorded about two offences per 100,000 people. On the face of it, it would seem Sweden is a much more dangerous place than these other countries. But that is a misconception, according to Klara Selin, a sociologist at the National Council for Crime Prevention in Stockholm. She says you cannot compare countries’ records, because police procedures and legal definitions vary widely. « In Sweden there has been this ambition explicitly to record every case of sexual violence separately, to make it visible in the statistics, » she says. « So, for instance, when a woman comes to the police and she says my husband or my fiance raped me almost every day during the last year, the police have to record each of these events, which might be more than 300 events. In many other countries it would just be one record – one victim, one type of crime, one record. » The thing is, the number of reported rapes has been going up in Sweden – it’s almost trebled in just the last seven years. In 2003, about 2,200 offences were reported by the police, compared to nearly 6,000 in 2010. So something’s going on. But Klara Selin says the statistics don’t represent a major crime epidemic, rather a shift in attitudes. The public debate about this sort of crime in Sweden over the past two decades has had the effect of raising awareness, she says, and encouraging women to go to the police if they have been attacked. The police have also made efforts to improve their handling of cases, she suggests, though she doesn’t deny that there has been some real increase in the number of attacks taking place – a concern also outlined in an Amnesty International report in 2010. « There might also be some increase in actual crime because of societal changes. Due to the internet, for example, it’s much easier these days to meet somebody, just the same evening if you want to. Also, alcohol consumption has increased quite a lot during this period. « But the major explanation is partly that people go to the police more often, but also the fact that in 2005 there has been reform in the sex crime legislation, which made the legal definition of rape much wider than before. » The change in law meant that cases where the victim was asleep or intoxicated are now included in the figures. Previously they’d been recorded as another category of crime. BBC
Comment se fait-il, alors, qu’en 2008, le Danemark, voisin de la Suède, avait seulement 7,3 viols pour cent mille habitants par rapport à 53,2 en Suède ? La législation danoise n’est pas très différente de celle de la Suède et il n’y a aucune raison évidente pour laquelle les femmes danoises auraient moins tendance à signaler un viol que les femmes suédoises. En 2011, six mille cinq cent neuf viols ont été signalés à la police suédoise – mais seulement trois cent quatre vingt douze au Danemark. La population du Danemark est d’environ la moitié de celle de Suède et, même ajustée à ces chiffres, la différence est donc significative. En Suède, les autorités font ce qu’elles peuvent pour dissimuler l’origine des violeurs. Au Danemark, l’Office Statistique Officiel de l’État, Statistics Denmark, a révélé qu’en 2010, plus de la moitié des violeurs condamnés étaient issus de l’immigration. Depuis 2000, il n’y a eu qu’un seul rapport de recherche sur la criminalité des immigrants. Cela a été fait en 2006 par Ann-Christine Hjelm de l’Université Karlstads. Il est apparu que, en 2002, 85% des personnes condamnées à au moins deux ans de prison pour viol par Svea hovrätt, une cour d’appel, étaient nées à l’étranger ou étaient des immigrants de deuxième génération. Un rapport de 1996 du Conseil National Suédois pour la Prévention du Crime est arrivé à la conclusion que les immigrants en provenance d’Afrique du Nord (Algérie, Libye, Maroc et Tunisie) étaient vingt-trois fois plus susceptibles de commettre des viols que les Suédois. Les chiffres pour les hommes venus d’Irak, de Bulgarie et de Roumanie étaient, respectivement de vingt, dix-huit et dix-huit. Les hommes venant du reste de l’Afrique étaient seize fois plus susceptibles de commettre un viol ; et les hommes originaires d’Iran, du Pérou, de l’Équateur et de Bolivie, dix fois plus enclins à en commettre que les Suédois. Une nouvelle tendance a frappé la Suède de plein fouet au cours des dernières décennies : le viol collectif – pratiquement inconnu auparavant dans l’histoire criminelle suédoise. Le nombre de viols collectifs a augmenté de façon spectaculaire entre 1995 et 2006. Depuis lors, aucune étude n’a été faite à ce sujet. L’un des pires cas s’est produit en 2012, quand une femme de trente ans a été violée par huit hommes dans une cité pour demandeurs d’asile, dans la petite ville de Mariannelund. Cette femme était une connaissance d’un Afghan qui avait vécu en Suède pendant un certain nombre d’années. Il l’a invitée à sortir avec lui. Elle avait accepté. Cet Afghan l’avait emmenée dans une cité pour réfugiés et l’y avait laissée, sans défense. Pendant la nuit, elle a été violée à plusieurs reprises par des demandeurs d’asile et quand son « ami » est revenu, il l’a violée aussi. Le lendemain matin, elle a réussi à appeler la police. Le Procureur de la Suède a qualifié cet incident de « pire crime de viol de l’histoire criminelle suédoise. » Gatestone institute
Depuis les Attentats du 11 septembre 2001, la France doit faire face, comme d’autres pays, à une menace plus diffuse et qui n’émane plus d’États bien identifiés. Les attentats les plus récents sont généralement revendiqués par l’État islamique. Eric Denécé évalue à 102 morts le nombre de victimes françaises du terrorisme islamiste entre 2001 et le 5 mai 20156. Les tueries de mars 2012 à Toulouse et Montauban font un total de 8 morts dont l’agresseur. Les attentats de janvier 2015 à Paris et dans sa région (au siège de Charlie Hebdo, à Montrouge, à Dammartin-en-Goële et la prise d’otages du magasin Hyper Cacher de la porte de Vincennes) font un total de 20 morts dont les trois terroristes. Le 19 avril 2015 Sid Ahmed Ghlam assassine Aurélie Châtelain à Villejuif et se blesse avant de pouvoir attaquer plusieurs églises. Le 26 juin 2015, attentat de Saint-Quentin-Fallavier: Yassin Salhi décapite son patron et fait deux blessés. Il se suicide en prison 6 mois plus tard. Lors des attentats du 13 novembre 2015 en France, deux kamikazes font détoner leur ceinture d’explosifs au Stade de France, faisant une victime ; en même temps, diverses fusillades à la Kalachnikov visent des restaurants situés dans le 10e et 11e arrondissements de Paris, suivies d’une nouvelle fusillade puis d’une prise d’otages au Bataclan, qui se soldera après assaut des forces de l’ordre par la mort de 89 otages et des trois terroristes impliqués. Au total, le bilan s’élève à 130 morts et 415 blessés7. Les attentats seront revendiqués par l’État islamique8. Tous les terroristes sont abattus par les forces de l’ordre ou meurent dans ce qui sont les premiers attentats suicides en France, sauf Salah Abdeslam qui sera capturé 4 mois plus tard en Belgique Le 13 juin 2016, un terroriste, Larossi Abballa (Français d’origine marocaine), ayant fait allégeance à l’État islamique perpètre un double meurtre sur des fonctionnaires de police, un commandant et sa compagne, agent administratif, par arme blanche, à leur domicile9. Le bilan est de trois morts, dont l’assassin, abattu lors de l’assaut du RAID. Le couple laisse un jeune enfant. Lors de l’attentat du 14 juillet 2016 à Nice, Mohamed Lahouaiej Bouhlel fonce délibérément sur la promenade des Anglais à Nice, au volant d’un poids lourd de 19 tonnes avec lequel il écrase de nombreux passants qui regardaient la fin du feu d’artifice lors de la fête nationale française. L’attentat fait 86 morts et 434 blessés, dont de nombreux enfants. Le terroriste est abattu par la police à bord de son véhicule. Le père Jacques Hamel est égorgé le mardi 26 juillet 2016 lors de l’attentat de l’église de Saint-Étienne-du-Rouvray, ses deux assassins sont abattus par la police alors qu’il sortaient avec des otages. Le 3 février 2017 se déroule une attaque au Musée du Louvre à Paris. Des militaires sont agressés par un homme les attaquant avec deux machettes. L’un d’eux est légèrement blessé et ses camarades neutralisent l’assaillant en ouvrant le feu. Plusieurs projets d’attentats sont déjoués en 2015, notamment contre des églises et des bases militaires10. Le plus spectaculaire est l’attentat du train Thalys le 21 août 2015 où Ayoub El Khazzani est arrêté dans sa tentative par un français et des militaires américains en permission. Une tentative d’attentat de la cathédrale Notre-Dame de Paris par des femmes est déjoué en septembre 2016. En 2016, de nombreux projets sont également déjoués dans le pays11. En France, la région parisienne, la région Rhône-Alpes et l’agglomération Roubaix-Tourcoing sont considérées comme des « viviers du terrorisme islamique » selon Claude Moniquet, codirecteur de l’European strategic Intelligence and Security Center. En France, environ 5000 personnes font l’objet d’une fiche « S » (Sûreté de l’État) et la majorité des terroristes de la seconde vague d’attentats qui ont touché la France étaient fichés « S » eux aussi. Wikipedia
Les déclarations controversées de Donald Trump associant immigration et criminalité en Suède ont involontairement ravivé le débat dans le pays scandinave sur les réussites et les échecs de sa politique d’intégration. Deux jours après les propos du président américain samedi en Floride, des émeutes dans un quartier nord de Stockholm où vit une majorité de personnes issues de l’immigration ont semblé mettre en pièces l’argumentaire déployé pour lui répondre. (…) Lundi soir en effet, plusieurs dizaines de jeunes ont affronté les policiers venus procéder à l’arrestation d’un trafiquant de drogue, incendiant des voitures, pillant des commerces. Les forces de l’ordre ont effectué un tir à balles réelles pour se dégager, a indiqué à l’AFP Lars Byström, porte-parole de la police de la capitale. Les images ont fait le tour du monde, brouillant la réponse des autorités suédoises à Donald Trump et à la chaîne Fox News qui a diffusé un reportage sur l’insécurité en Suède dont le président républicain s’était inspiré. Pour Tove Lifvendahl, éditorialiste du quotidien Svenska Dagbladet, il existe bel et bien « une once de vérité dans ce qu’a dit Trump ». « Que cela nous plaise ou non, c’est l’occasion de se demander si la perception que l’étranger a de nous et la perception que nous avons de nous-mêmes coïncident », écrivait-elle mercredi. Les contradicteurs de M. Trump font valoir que la Suède n’a pas connu d’attentat depuis 2010, qu’elle n’enregistre pas d’inflation criminelle depuis l’accueil de 244.000 migrants en 2014 et 2015 –un record en Europe par habitant –, et qu’elle demeure au total un pays parmi les plus sûrs du monde. Parmi les plus riches aussi. Si la Suède n’est pas épargnée par les difficultés de l’intégration, elle est loin de connaître les tensions entre communautés, les inégalités, la pauvreté et la violence à l’oeuvre aux États-Unis, soulignent-ils. Une autre vision met en avant la surreprésentation des personnes d’origine étrangère dans les statistiques de la délinquance, leur sous-activité professionnelle, les règlements de compte, les quelque 300 jeunes partis faire le jihad en Syrie et en Irak, le repli religieux, l’existence présumée de zones de non-droit… (…) Benjamin Dousa, un élu local conservateur d’origine turque, dénonce lui dans une tribune « une émeute par mois, un incendie de voitures par jour et le plus fort taux d’homicides par balles au niveau national » par habitant. En tout état de cause, le président américain a tort de stigmatiser une population en raison de son origine ethnique ou religieuse, estiment les sociologues Susanne Urban et Oskar Adenfelt. La clé de l’intégration est sociale et passe par « l’accès à l’État-providence, aux services sociaux, à l’emploi, à une école de qualité, à la mixité et au droit de peser sur la vie locale », défendaient-ils mercredi dans le grand quotidien Dagens Nyheter. Le Point/AFP

Attention: un aveuglement peut en cacher un autre !

Alors qu’après ses récentes allusions aux problèmes soulevés par l’immigration et le terrorisme islamiques en Europe nos médias se sont dument gaussés de la prétendue ignorance du président Trump …

Inspiré certes pour la Suède d’un reportage quelque peu sensationaliste sur un pays qui, sans compter un attentat-suicide d’un immigré irakien heureusement sans victimes il y a sept ans, tout en ayant apparemment dramatiquement sa définition du viol se trouve avoir ces dernières années le record du nombre de viols comme de migrants par habitant …

Et que refusant toute « comparaison » après, sans parler il y a deux mois ou encore hier en une Allemagne en pleine révision de sa politique migratoire, la quarantaine d’attentats et projets d’attentats islamistes depuis 2012 pour quelque 240 morts et 800 blessés, un président français nous assure qu’ « ici (…) il n’y a pas de personnes qui prennent des armes pour tirer dans la foule »

Pendant qu’apparemment victime du zèle d’un employé inexpérimenté et d’un contrôle de sécurité prolongé à un aéroport américain un mois à peine après un attentat à l’aéroport de Fort Lauderdale ayant fait cinq morts et six blessés, un universitaire français né en Egypte, porteur d’un ancien visa de travail et en route pour une conférence rémunérée se fend d’une tribune entière déplorant avec force « images d’esclaves » que « les États-Unis ne sont plus tout à fait les États-Unis » …

Comment ne pas repenser à un autre président américain

Qui au terme de deux mandats qui, suite à l’abandon d’un Irak alors sécurisé, ont vu pas moins de 124 attentats ou tentatives d’attentats islamiques

Dont une douzaine, entre Little Rock, Fort Hood, Boston, Moore (Oklahoma), Queens, Brooklyn, Garland, Chattanooga, San Bernardino, Orlando, St. Cloud (Minnesota), New York,  Columbus, d’attaques majeures …

Nous annonçait tranquillement il y a un mois qu’ « aucune organisation terroriste étrangère n’a planifié et exécuté avec succès une attaque dans notre pays ces huit dernières années » ?

A Complete List of Radical Islamic Terror Attacks on U.S. Soil Under Obama

James Barrett

Dailywire
December 7, 2016

In a speech at MacDill Air Force Base in Tampa, Florida on Tuesday, President Obama declared that « [n]o foreign terrorist organization has successfully planned and executed an attack on our homeland. » The claim earned perfunctory applause, but a closer look at the reaction of many of the servicemen and women there made clear what they really thought about the administration’s handling of national security.

The President’s claim — which he has repeated in some form or fashion over the last few years — is an obvious rhetorical attempt to gloss over the reality of the threat of radical Islamic terror on American soil. The attempt to disconnect « lone wolf » terrorists from the terror organizations who often inspire them does nothing to alleviate the pain of those who have suffered at the hands of jihadists and only hurts prevention efforts. Rhetorical tricks aside, the reality is that during Obama’s tenure scores of innocent Americans have been murdered on U.S. soil by jihadists, most of whom were inspired by or acting under the direction of foreign terror groups, particularly the Islamic state.

Below is a list of the major, verifiable radical Islamic terror attacks « successfully planned and executed » on U.S. soil since Obama first took office in 2009 (the first section provided by Daily Wire’s Aaron Bandler):

Little Rock, Arkansas, June 1, 2009. Abdulhakim Mujahid Muhammad shot and murdered one soldier, Army Pvt. William Andrew Long, and injured another, Pvt. Quinton Ezeagwula, at a military recruiting station in Little Rock. Muhammad reportedly converted to Islam in college and was on the FBI’s radar after being arrested in Yemen–a hotbed of radical Islamic terrorism–for using a Somali passport, even though he was a U.S. citizen. In a note to an Arkansas judge, Muhammad claimed to be a member of al-Qaeda in the Arab Peninsula, the terror group’s Yemen chapter.

Fort Hood, Texas, November 5, 2009. Major Nidal Malik Hasan shot up a military base in Fort Hood and murdered 14 people. Hasan was in contact with al-Qaeda terrorist Anwar al-Awlaki prior to the attack and shouted « Allahu Akbar! » as he fired upon the soldiers on the Fort Hood base. After being sentenced to death, Hasan requested to join ISIS while on death row. It took six years for Obama to acknowledge the shooting as a terror attack instead of « workplace violence. »

Boston, Massachusetts, April 15, 2013. Tamerlan and Dhozkar Tsarnaev set off two bombs at the 2013 Boston marathon, killing three and injuring over 260 people. The Tsarnaev brothers later shot and murdered Massachusetts Institute of Technology police officer Sean Collier. The Tsarnaev brothers were self-radicalized through online jihadist propaganda and through a mosque with ties to al-Qaeda.

Moore, Oklahoma, September 24, 2014. Alton Nolen beheaded a woman, Colleen Huff, at a Vaughan Foods plant and stabbed and injured another person. While Nolen’s motives are unclear, he appears to have been another radicalized Muslim who was obsessed with beheadings.

Queens, New York, October 23, 2014. Zale Thompson, another self-radicalized Muslim, injured two police officers with a hatchet before being shot dead by other cops. Thompson reportedly indoctrinated himself with ISIS, al-Qaeda and al-Shabab–a Somali jihadist terror group–websites and was a lone wolf attacker.

Brooklyn, New York, December 20, 2014. Ismaayil Brinsley shot and murdered two police officers execution-style and his Facebook page featured jihadist postings and had ties to a terror-linked mosque.

Garland, Texas, May 3, 2015. Two gunmen shot up the Curtis Culwell Center in Garland, where a Mohammed cartoon contest was taking place, and were killed by a police officer. ISIS claimed responsibility for the attack.

Chattanooga, Tennessee, July 16, 2015. Muhammad Youssef Abdulazeez shot and killed four Marines and a sailor at a military base in Chattanooga and was believed to have been inspired by ISIS.

San Bernardino, California, December 14, 2015. Two radical Islamists, Syed Farook and Tashfeen Malik, shot and murdered 14 people and injured 22 others at an office holiday party.

Orlando, Florida, June 12, 2016. Omar Mateen, 29, opened fire at a gay nightclub, killing 49 and injuring 53. The FBI investigated Mateen twice before his rampage, but did not take any substantive action. Officials believe Mateen was self-radicalized but he pledged fealty to ISIS leader Abu Bakr al-Baghdadi before his death. « The real muslims will never accept the filthy ways of the west, » Mateen posted on his Facebook page after committing his heinous act at Pulse nightclub. « I pledge my alliance to (ISIS leader) abu bakr al Baghdadi..may Allah accept me, » he wrote.

St. Cloud, Minnesota, September 17, 2016. Dahir Ahmed Adan, a 20-year-old Somali refugee, began hacking at people with a steak knife at a Minnesota mall, injuring nine people before he was shot dead by off-duty police officer Jason Falconer. The FBI said numerous witnesses heard Adan yelling « Allahu akbar! » and « Islam! Islam! » during the rampage. He also asked potential victims if they were Muslims before inflicting wounds in their heads, necks, and chests. The FBI believe he had recently become self-radicalized. (As the Daily Wire highlighted, the Minneapolis Star Tribune attempted to blame « anti-Muslim tensions » for his murderous actions.)

New York City/New Jersey, September 17, 2016. Ahmad Khan Rahami, a 28-year-old naturalized citizen from Afghanistan, set off multiple bombs in New York and New Jersey. In Chelsea, his bomb resulted in the injury of over 30 people. Rahami wrote in his journal that he was connected to « terrorist leaders, » and appears to have been heavily influenced by Sheikh Anwar, Anwar al-Awlaki, Nidal Hassan, and Osama bin Laden. « I pray to the beautiful wise ALLAH, [d]o not take JIHAD away from me, » Rahami wrote. « You [USA Government] continue your [unintelligible] slaught[er] » against the holy warriors, « be it Afghanistan, Iraq, Sham [Syria], Palestine … « 

Columbus, Ohio, November 28, 2016. Abdul Razak Ali Artan, an ISIS-inspired 20-year-old Somali refugee who had been granted permanent legal residence in 2014 after living in Pakistan for 7  years, attempted to run over his fellow Ohio State students on campus. After his car was stopped by a barrier, he got out of the vehicle and began hacking at people with a butcher knife before being shot dead by a campus police officer. He injured 11 people, one critically. ISIS took credit for the attack, describing Artan as their « soldier. » Just three minutes before his rampage, Artan posted a warning to America on Facebook that the « lone wolf attacks » will continue until America « give[s] peace to the Muslims. » He also praised deceased al-Qaeda cleric Anwar Al-Awlaki as a « hero. »

Voir aussi:

Les États-Unis sont-ils encore les États-Unis?
Il faut désormais faire face outre-Atlantique à l’arbitraire et à l’incompétence la plus totale.
Henry Rousso
Historien, directeur de recherches au CNRS (Institut d’histoire du temps présent)
Le Hugffington Post

26.02.2017

Le 22 février dernier, j’ai atterri vers 14h30 à l’aéroport de Houston, aux États-Unis, en provenance de Paris. Je devais me rendre à un colloque de la Texas A&M University (College Station), où j’ai été invité à plusieurs reprises ces dernières années. Au guichet de l’immigration, une fonctionnaire me refuse l’entrée et m’emmène dans une salle attenante pour contrôle, sans explications. Une trentaine de personnes y attendent que l’on statue sur leur sort. J’observe machinalement une certaine fréquence dans les entrées et sorties. Au bout de trois quarts d’heure, alors que la plupart de ceux qui attendent repartent sans problèmes, un jeune officier de police me demande de le suivre dans un bureau particulier. Commence alors un interrogatoire informel. Je lui demande ce qui me vaut d’être là. Il me répond : « contrôle aléatoire » (random check). Il me demande ce que je viens faire aux États-Unis. Je lui présente alors la lettre d’invitation de l’université. Cette intervention doit-elle être rémunérée ? Je confirme – c’est la règle dans beaucoup universités Nord-américaines. Il m’objecte alors que je n’ai qu’un visa touristique et non un visa spécifique de travail. Je lui réponds que je n’en ai pas besoin, que l’université s’est occupée comme d’habitude des formalités et, surtout, que je fais cela depuis plus de trente ans sans jamais avoir eu le moindre ennui. Son attitude se fait alors encore plus suspicieuse. Examinant mon passeport, il relève que j’ai bénéficié récemment d’un visa « J1 », accordé notamment aux universitaires. J’ai été, en effet, professeur invité à l’Université Columbia de New York, de septembre 2016 à janvier 2017. Il conclut que je suis donc revenu travailler « illégalement » avec un visa expiré. J’ai beau expliquer que ma situation n’a rien d’anormal, sinon l’université n’aurait pas pu m’inviter, rien n’y fait. N’étant pas en possession d’un document fédéral m’autorisant à travailler aux États-Unis, je suis en infraction. La décision sera confirmée plus tard par son supérieur hiérarchique – que je n’aurai pas la possibilité de rencontrer.

On bascule alors dans une autre dimension. Le policier me fait prêter serment et me soumet à un interrogatoire étendu : questions sur mon père, ma mère, ma situation familiale, me posant près d’une dizaine de fois les mêmes questions: qui m’emploie, où j’habite, etc. J’ai la copie du procès-verbal. Il relève toutes mes empreintes digitales, pourtant déjà enregistrées dans le système comme pour tous les visiteurs. Il opère une fouille au corps en règle, malgré mes protestations. « C’est la procédure », me rétorque-t-il. Il m’informe ensuite que je vais être refoulé (deported) et mis dans le prochain avion en partance pour Paris. Il ajoute que je ne pourrai plus jamais entrer dans le pays sans un visa particulier. Je suis stupéfait mais ne peux rien faire sinon prévenir mon collègue de l’université. Le policier me demande si je veux contacter le Consulat de France à Houston. Je réponds par l’affirmative mais c’est lui qui se charge de composer le numéro, plusieurs heures après, aux alentours de 19h, appelant le standard et non le numéro d’urgence, donc sans résultat. Il m’indique également qu’il n’arrive pas à contacter Air France pour mon billet. Cela fait déjà près de cinq heures que je suis détenu et je comprends alors que rien ne se passera avant le lendemain.

Je m’apprête donc à passer encore entre une dizaine ou une vingtaine d’heures installé sur une chaise, sans téléphone – l’usage en est interdit –, avant de pouvoir occuper un fauteuil un peu plus adapté à la situation de personnes ayant effectué un long voyage. Toutes les heures, un fonctionnaire vient nous proposer à boire ou à manger, et nous fait signer un registre comme quoi nous avons accepté ou refusé. Malgré la tension, j’observe ce qui se passe dans ce lieu insolite, à la fois salle d’attente anodine et zone de rétention. Si la plupart des policiers adoptent un ton réglementaire, non discourtois, quelques-uns ricanent discrètement en observant cette population hétéroclite sous leur contrôle. Une policière engueule une femme dont le garçon de trois ans court dans tous les sens. Un homme se lève pour demander ce qu’il en est de sa situation. Trois policiers lui hurlent de s’asseoir immédiatement.

Vers 21h, il reste une demi-douzaine de personnes, somnolentes et inquiètes, un Africain ne parlant pas bien l’anglais, les autres sans doute d’origine latino-américaine. Je suis apparemment le seul Européen – le seul « blanc ». Arrivent alors deux officiers de police. Ils se dirigent vers le monsieur assis devant moi, peut-être un Mexicain, bien mis de sa personne. Ils lui montrent un billet d’avion et lui disent qu’ils vont l’emmener. Invité à se lever, il est alors menotté, enchaîné à la taille, et entravé aux chevilles. Je n’en crois pas mes yeux. Des images d’esclaves me traversent l’esprit: la policière qui lui met les fers aux pieds est une Africaine-Américaine, vaguement gênée. J’imagine le temps qu’il va mettre pour rejoindre la porte d’embarquement. Je me demande surtout si c’est le même sort qui nous attend. Je préfère croire que lui a commis un délit sérieux. J’apprendrai par la suite que « c’est la procédure ». Cette façon de faire – proprement indigne – serait exigée par les compagnies aériennes. Je ne suis pas sûr, au demeurant, que les conditions d’expulsion soient plus humaines chez nous.

L’attente continue, cette fois avec une réelle angoisse. A 1h 30 du matin – cela fait plus de 26 heures que j’ai quitté mon domicile parisien – je vois une certaine agitation. Une policière vient vers moi et me demande quelle est ma destination finale aux États-Unis et si quelqu’un m’attend à l’aéroport. Je réponds avec un début d’énervement – à éviter absolument dans ce genre de situations – que le chauffeur de l’université, qui se trouve à deux heures de route, est sans doute reparti… Elle me prie alors de ne pas me rendormir car je vais être appelé. Quelques minutes plus tard, un policier au ton cette fois amical me rend mon téléphone et mon passeport, dûment tamponné, et me déclare autorisé à entrer aux États-Unis. Les restrictions qui m’ont été imposées sont levées, ajoute-t-il, sans que je puisse savoir ce qui va rester dans leurs fichiers. Il m’explique que le fonctionnaire qui a examiné mon dossier était « inexpérimenté » et ne savait pas que certaines activités, dont celles liées à la recherche et à l’enseignement, bénéficiaient d’un régime d’exception et pouvaient parfaitement être menées avec un simple visa touristique. « Il ne savait pas ». Abasourdi, je lui demande, ou plutôt je déclare que c’était donc une erreur. Il ne me répond pas. Il me laisse simplement entendre qu’ayant, lui, une longue expérience, il a vu le problème en prenant son poste en début de nuit. Il aura l’amabilité de me raccompagner à la sortie d’un aéroport totalement désert, m’indiquant l’adresse d’un hôtel dans la zone portuaire. À aucun moment, ni lui, ni ses collègues ne se sont excusés.

En réalité, ma libération n’a rien eu de fortuit. Elle est la conséquence de l’intervention de mon collègue auprès du président de l’université Texas A & M, d’une professeure de droit chargée des questions d’immigration, et de plusieurs avocats. Sans eux, j’aurais été conduit menotté, enchaîné, et entravé à l’embarquement pour Paris.

Historien de métier, je me méfie des interprétations hâtives. Cet incident a occasionné pour moi un certain inconfort, difficile de le nier. Je ne peux, cependant, m’empêcher de penser à tous ceux qui subissent ces humiliations et cette violence légale sans les protections dont j’ai pu bénéficier. J’y pense d’autant plus que j’ai connu l’expulsion et l’exil dans mon enfance. Pour expliquer ce qui s’est passé, j’en suis rendu aux conjectures. Pourquoi le contrôle aléatoire est-il tombé sur moi? Je ne le sais pas mais ce n’est pas le fruit du hasard. Mon « cas » présentait un problème avant même l’examen approfondi de mon visa. Peut-être est-ce mon lieu de naissance, l’Egypte, peut-être ma qualité d’universitaire, peut-être mon récent visa de travail expiré, pourtant sans objet ici, peut-être aussi ma nationalité française. Peut-être aussi le contexte. Quand bien même aurais-je commis une erreur, ce qui n’est pas le cas, cela méritait-il pareil traitement? Comment expliquer ce zèle, évident, de la part du policier qui m’a examiné et de son supérieur hiérarchique sinon par le souci de faire du chiffre et de justifier, au passage, ces contrôles accrus? J’étais d’autant plus « intéressant » que je ne tombais pas dans la catégorie habituelle des « déportables ». Telle est donc la situation aujourd’hui. Il faut désormais faire face outre-Atlantique à l’arbitraire et à l’incompétence la plus totale. Je ne sais ce qui est le pire. Ce que je sais, aimant ce pays depuis toujours, c’est que les États-Unis ne sont plus tout à fait les États-Unis.

 Voir aussi:
Valeurs actuelles

25 février 2017 

Irrespect. Suite à une nouvelle critique du président américain sur la situation sécuritaire de la France et de sa capitale, François Hollande a de nouveau dérapé. Une faute que la droite n’a pas manqué de souligner.

François Hollande a sans doute la mémoire courte. Alors que Donald Trump citait vendredi “un ami” effrayé par l’insécurité qui règne à Paris, le chef de l’État a tenté de répliquer, samedi 25 février, affirmant qu’en France il “n’y a pas de circulation d’armes, il n’y a pas de personnes qui prennent des armes pour tirer dans la foule”.

“Comment François Hollande peut-il ainsi effacer les victimes ?”

Passablement remontée contre cette réponse fallacieuse, qui fait fi des dizaines de victimes récentes du terrorisme dans l’Hexagone, la droite a confronté le président socialiste à ses incohérences. François Fillon a par exemple rappelé les drames de “Toulouse, Charlie, Bataclan, Nice” et dénoncé un “effacement” des victimes.

Du côté du Front national, Florian Philippot s’est insurgé contre le “manque de respect pour les familles des victimes des attentats” et l’“indécence” du locataire de l’Élysée, quand Nicolas Bay a fustigé un “oubli [des victimes] du Bataclan et de Charlie Hebdo”.

Voir également:

L’effet Trump? La Suède s’interroge sur sa politique d’intégration

Le Point/ AFP

22/02/2017

Voir de même:

Trump Is Right: Sweden’s Embrace of Refugees Isn’t Working

The country has accepted 275,000 asylum-seekers, many without passports—leading to riots and crime.

Jimmie Åkesson and Mattias Karlsson
The Wall Street Journal
Feb. 22, 2017

When President Trump last week raised Sweden’s problematic experience with open door immigration, skeptics were quick to dismiss his claims. Two days later an immigrant suburb of Stockholm was racked by another riot. No one was seriously injured, though the crowd burned cars and hurled stones at police officers.

Mr. Trump did not exaggerate Sweden’s current problems. If anything, he understated them. Sweden took in about 275,000 asylum-seekers from 2014-16—more per capita than any other European country. Eighty percent of those who came in 2015 lacked passports and identification, but a majority come from Muslim nations. Islam has become Sweden’s second-largest religion. In Malmö, our third-largest city, Mohamed is the most common name for baby boys.

The effects are palpable, starting with national security. An estimated 300 Swedish citizens with immigrant backgrounds have traveled to the Middle East to fight for Islamic State. Many are now returning to Sweden and are being welcomed back with open arms by our socialist government. In December 2010 we had our first suicide attack on Swedish soil, when an Islamic terrorist tried to blow up hundreds of civilians in central Stockholm while they were shopping for Christmas presents. Thankfully the bomber killed only himself.

Riots and social unrest have become a part of everyday life. Police officers, firefighters and ambulance personnel are regularly attacked. Serious riots in 2013, involving many suburbs with large immigrant populations, lasted for almost a week. Gang violence is booming. Despite very strict firearm laws, gun violence is five times as common in Sweden, in total, as in the capital cities of our three Nordic neighbors combined.

Anti-Semitism has risen. Jews in Malmö are threatened, harassed and assaulted in the streets. Many have left the city, becoming internal refugees in their country of birth.

The number of sex crimes nearly doubled from 2014-15, according to surveys by the Swedish government body for crime statistics. One-third of Swedish women report that they no longer feel secure in their own neighborhoods, and 12% say they don’t feel safe going out alone after dark. A 1996 report from the same government body found that immigrant men were far likelier to commit rape than Swedish men. Last year our party asked the minister of justice to conduct a new report on crime and immigration, and he replied: “In light of previous studies, I do not see that a further report on recorded crime and individuals’ origins would add knowledge with the potential to improve the Swedish society.”

Our nation’s culture hasn’t been spared either. Artists accused of insulting Islam live under death threats. Dance performances and art exhibitions have been called off for fear of angering Islamists. Schools have prohibited the singing of traditional Christian hymns because they don’t want to “insult” non-Christian immigrants. Yet reports made with hidden cameras by journalists from Swedish public media show mosques teaching fundamentalist interpretations of Islam.

Sweden’s government now spends an incredible amount of money caring for newly arrived immigrants each year. The unemployment rate among immigrants is five times as high as that of native Swedes. Among some groups, such as Somalis, in places like Malmö unemployment reaches 80%.

Our party, the Sweden Democrats, wants to put the security and welfare of Swedish citizens first. We are surging in the opinion polls and seem to have a good chance of becoming the country’s largest party during the elections next year. We will not rest until we have made Sweden safe again.

For the sake of the American people, with whom we share so many strong historical and cultural ties, we can only hope that the leaders in Washington won’t make the same mistakes that our socialist and liberal politicians did.

Mr. Åkesson is party chairman of the Sweden Democrats. Mr. Karlsson is the party’s group leader in Parliament.

Voir par ailleurs:

Hommage national aux victimes du terrorisme: Trois décennies d’attentats en France

Laure Cometti

20 minutes

L’hommage national aux victimes du terrorisme, qui a lieu chaque année le 19 septembre, depuis 1998, prend ce lundi un écho particulier. Depuis janvier 2015, 236 personnes sont mortes dans des attentats en France, sur un total de 271 en trente ans. 20 Minutes revient sur les attaques terroristes perpétrées dans l’Hexagone au cours des trois dernières décennies.

1986

Cette année est marquée par neuf attaques terroristes, dont six sont meurtrières. Elles s’inscrivent dans une vague d’attentats, de décembre 1985 à septembre 1986, dont certains seront imputés au Hezbollah.

Le mois de septembre est particulièrement meurtrier. Le 8, une explosion fait un mort et dix-huit blessés dans le bureau de poste de l’Hôtel de Ville à Paris. Le 12, plus d’une cinquantaine de personnes sont blessées par une bombe placée dans un magasin Casino à la Défense. Le 14, une nouvelle explosion tue deux personnes dans le pub Renault des Champs-Elysées. Le lendemain, c’est la préfecture de police de Paris qui est visée : une bombe fait un mort et 51 blessés. Le 17, ce mois de septembre meurtrier s’achève par un attentat à la bombe devant le magasin Tati de la rue de Rennes, toujours à Paris. Le bilan est de sept morts et une cinquantaine de blessés.

1995

Entre juillet et novembre, l’Hexagone est le théâtre d’une série d’attaques à la bombe imputées à l’organisation terroriste algérienne du Groupe islamique armé (GIA). La seule attaque meurtrière est celle de la station de RER B Saint-Michel à Paris, le 25 juillet. Le bilan est de huit tués et plus d’une centaine de blessés.

Près de Lyon, une bombe est découverte le 26 août sur une ligne de TGV. Les empreintes digitales de Khaled Kelkal sont retrouvées sur l’engin explosif. Le jeune homme, impliqué dans l’attentat de la station Saint-Michel, est abattu par la police le 29 septembre. Arrêté deux jours auparavant, son complice Karim Koussa a été jugé et condamné à de la prison. Deux autres membres du GIA ont été arrêtés le 1er novembre dans le cadre de l’enquête sur cette vague d’attentats, Boualem Bensaïd et Smaïn Aït Ali Belkacem, tous deux jugés et incarcérés.

Le 3 septembre, une bombe blesse quatre personnes sur un marché du boulevard Richard Lenoir à Paris.

Les transports en commun de la capitale sont ciblés à deux autres reprises, sans faire de morts : le 6 octobre à Maison-Blanche (seize blessés) et le 17 octobre dans une rame du RER C, entre les stations Saint-Michel et Quai d’Orsay (une trentaine de blessés).

1996

Le 3 décembre, une explosion tue quatre personnes et en blesse plus de 90 à la station de RER B de Port-Royal. Les auteurs de l’attaque n’ont pas été identifiés.

2000

Le 19 avril, une bombe explose dans un restaurant de la chaîne McDonald’s à Quévert (ôtes-d’Armor), tuant une employée. L’enquête démontrera plus tard que la bombe devait exploser pendant la nuit. Trois hommes appartenant à la mouvance indépendantiste bretonne seront jugés puis acquittés dans cette affaire qui n’a pas été élucidée à ce jour.

2007

Le 6 décembre, un colis piégé explose dans un cabinet d’avocat au 52, boulevard Malesherbes à Paris. La secrétaire du cabinet est tuée sur le coup. L’affaire n’est pas élucidée à ce jour.

2012

En mars, Mohamed Merah tue sept personnes par balle à Toulouse et Montauban. Il s’agit de trois militaires et de  trois élèves et un professeur d’une école juive. Le terroriste islamiste est abattu le 22 mars après une intervention du Raid dans le quartier de Côte Pavée à Toulouse.

2015

Le début de l’année est marquée par la tuerie au siège de Charlie Hebdo. Les frères Saïd et Chérif Kouachi, qui affirment agir au nom de l’organisation Al-Qaida dans la péninsule arabique (Aqpa), abattent le 7 janvier huit membres de la rédaction de l’hebdomadaire, un dessinateur invité à la conférence du journal, deux policiers et un agent de maintenance de l’entreprise Sodexo. Les terroristes sont tués deux jours plus tard à Dammartin-en-Goële.

Le lendemain, une policière municipale est tuée à Montrouge par Amédy Coulibaly qui mènera la prise d’otages du magasin Hypercacher de la Porte de Vincennes, le 9 janvier. Le terroriste, qui se revendique du groupe Etat islamique (EI) dans une vidéo, est abattu après avoir tué un employé et trois clients de la boutique vendant des produits casher.

Le 26 juin, Yassin Salhi décapite son patron sur le site de l’usine AirProducts. Fiché S pour ses liens avec l’islam radical, le présumé coupable s’est suicidé en prison le 23 décembre de la même année.

Le 13 novembre au soir, des attaques simultanées à Saint-Denis et Paris font 130 morts et plus de 400 blessés. Il s’agit des pires attaques terroristes de l’histoire de la France. Tous les auteurs de ces attentats, revendiqués par Daesh, sont morts en kamikazes. Salah Abdeslam, l’unique membre encore vivant des commandos, a été arrêté en le 18 mars 2016 en Belgique et remis à la France où il a été écroué.

2016

Le 13 juin, un policier de Magnanville et sa compagne employée au commissariat de Mantes-la-Jolie (Yvelines) sont assassinés chez eux par  Larossi Abballa, qui avait revendiqué son action sur Twitter et Facebook au nom de Daesh. Le terroriste est abattu par le Raid.

Le soir de la fête nationale, Mohamed Lahouaiej-Bouhlel, au volant d’un camion, fonce dans la foule quelques instants après le feu d’artifice du 14 juillet sur la Promenade des Anglais à Nice. Le bilan est de 86 morts et plus de 300 blessés. L’attaque est revendiquée par Daesh.

Le 26 juillet, un prêtre est tué lors d’une prise d’otages pendant la messe dans une église catholique à Saint-Etienne-du-Rouvray. Les auteurs, deux djihadistes sont abattus par les forces de l’ordre. Cette attaque est aussi revendiquée par Daesh..

Voir de même:

Nordactu.fr

19/07/2016

Alors que le bilan humain de l’attentat de Nice du 14 juillet n’est pas encore définitif, Nord Actu a dressé la liste chronologique des attentats terroristes islamistes qui ont touché la France depuis début 2012, ainsi que les tentatives déjouées par les services de sécurité dont nous avons eu connaissance. La liste des projets d’attentats est donc non-exhaustive, mais permet de se faire une idée sur la quantité d’actions islamistes entreprises depuis 4 ans en France. Le bilan humain provisoire de cette guerre fait état de 254 morts et 684 blessés.

(NDLR: les attentats ayant « abouti » apparaissent en gras)

Attentats de mars 2012 par Mohammed Merah : 8 morts et 6 blessés.

Attentat du 25 mai 2013, un individu tente d’égorger un militaire à la Défense : 1 blessé.

Attentat déjoué en octobre 2013 : Un homme arrêté à Lille après son retour de Syrie.

Attentat déjoué en février 2014 : Le carnaval de Nice.

Attentat déjoué en juillet 2014 : Des lieux chiites à Créteil.

Attentat déjoué en août 2014 : Des synagogues à Lyon.

Attentat déjoué en septembre 2014 : Une réunion du CRIF à Lyon.

Attentat du 20 décembre 2014 à Joué les Tours, un individu attaque le commissariat à l’arme blanche, il est abattu : 1 mort et 3 blessés.

Attentat du 21 décembre 2014 à Dijon, un individu fonce dans la foule avec son véhicule au cri d’ «Allah Ahkbar» : 13 blessés.

Attentat du 22 décembre 2014 à Nantes, modus operandi similaire à l’attaque de Dijon : 1 mort et 10 blessés.

Attentats de janvier 2015 (Charlie hebdo + Montrouge + Hyper Kasher) : 17 morts et 22 blessés.

Attentat du 3 février 2015 à Nice, Moussa Coulibaly attaque des militaires à l’arme blanche : 3 blessés.

Attentat du 19 avril 2015 : Meurtre d’Aurélie Châtelain à Villejuif par Sid Ahmed Ghlam lors du vol de son véhicule devant servir à des actions contre des églises (voir ci-dessous) : 1 mort.

Attentat déjoué en avril 2015 : Une ou plusieurs églises en région parisienne par Sid Ahmed Ghlam (le suspect avait effectué des repérages autour du Sacré Cœur  de Montmartre et de deux églises de Villejuif).

Attentat de Saint-Quentin-Fallavier 26 juin 2015 : 1 mort et 2 blessés.

Attentat déjoué en juillet 2015 : Une base militaire dans les Pyrénées-Orientales.

Attentat du 21 août 2015 (attaque d’un train Thalys entre Bruxelles et Paris) : 3 blessés.

Attentat déjoué en octobre 2015 : Hakim Marnissi voulait attaquer la base navale de Toulon.

Attentat déjoué en octobre 2015 : Arrestation à Fontenay-sous-Bois, Salim et Ahmed M., deux frères « velléitaires pour le jihad syrien » qui ont planifié de s’en prendre à « des militaires, des policiers et/ou des juifs ».

Attentats du 13 novembre 2015 (Bataclan + terrasses de cafés + Stade de France + St Denis) : 137 morts et 413 blessés.

Attentat déjoué en novembre 2015 : Le quartier de la Défense.

Attentat déjoué en décembre 2015 : « Des représentants de la force publique » dans la région d’Orléans. Les deux suspects voulaient s’en prendre notamment au préfet du Loiret et à une centrale nucléaire.

Attentat déjoué en décembre 2015 : Interpellation d’un couple à Montpellier, la femme aurait dû commettre un attentat suicide à l’aide d’un faux-ventre de femme enceinte rempli d’explosifs.

Attentat du 1er janvier 2016 à Valence : un individu fonce sur des militaires avec son véhicule. Il doit être neutralisé par des tirs, un passant est blessé : 3 blessés au total.

Attentat du 7 janvier 2016 au commissariat de la Goutte d’Or à Paris : 1 mort (l’assaillant).

Attentat du 11 janvier 2016 à Marseille, un kurde de 15 ans attaque un enseignant juif à la machette : 1 blessé. Des policiers étaient également visés.

Attentat déjoué en janvier 2016 : Fort Béar dans les Pyrénées orientales, un gradé devait être kidnappé puis décapité. 3 interpellés.

Attentat déjoué du 2 février 2016 : Arrestation à Lyon de 6 individus qui projetaient d’attaquer des « clubs échangistes en France ».

Attentat déjoué du 9 mars 2016 : Un individu radicalisé d’une trentaine d’années a embarqué à l’aéroport de Nantes en direction de Fès. Il a été arrêté au Maroc par les autorités marocaines. Il était en possession de plusieurs armes blanches et une bonbonne de gaz.

Attentat déjoué du 9 mars  2016 : Un franco-algérien a délibérément lancé sa voiture contre la façade d’un commissariat de police à Firminy. D’après Noëlle Deraime, directrice départementale de la sécurité publique, il ne s’agit pas d’un accident.

Attentat déjoué en mars 2016 : 4 jeunes femmes devaient attaquer une salle de concert, deux cafés et un centre commercial à Paris.

Attentat déjoué en mars 2016: Quatre personnes (3 hommes et 1 femme) ont été interpellées par la DGSI dans le XVIIIe arrondissement de Paris ainsi qu’en Seine-Saint-Denis. Elles sont suspectées de s’être préparées à commettre des attentats dans la capitale.

Attentat déjoué en mars 2016 : Arrestation de Rada Kriket à Boulogne Billancourt, d’Anis B. à Rotterdam et d’Abderahmane Ameuroud  à Bruxelles pour « risque imminent d’action terroriste ».

Attentat déjoué le 8 avril 2016: Arrestation de Mohamed Abrini, recherché depuis les attentats du 13 novembre, à Anderlecht. Il révèle que le commando des attentats du 22 mars 2016 à Bruxelles devait à nouveau frapper la France.

Attentat du 24 avril 2016: Un militaire de l’opération Sentinelle est agressé au cutter par un individu tenant des propos en arabe à Strasbourg. L’agresseur prend la fuite et est interpellé le 4 mai 2016. Bilan : 1 blessé.

Attentat contre un couple de policiers du 13 juin 2016 à Magnanville par Larossi Abballa : 3 morts.

Attentat du 14 juin 2016 à Rennes, une lycéenne âgée de 19 ans est agressée à coups de couteau par un homme de 32 ans connu des services de police qui voulait procéder à un « sacrifice » au cours du ramadan, selon ses propres termes. Bilan : 1 blessé.

Attentat déjoué le 16 juin 2016: Un jeune homme de 22 ans arrêté par la DGSI à la gare de Carcassonne en possession d’un couteau et d’une machette projetant un attentat en s’attaquant à des touristes américains et anglais ainsi qu’aux forces de l’ordres et « mourir en martyr ».

Attentat déjoué le 17 juin 2016: À Béziers, un détenu converti à l’islam et radicalisé voulait commettre un attentat contre un club naturiste au Cap d‘Agde car il n’aimait pas les « culs-nus ». L’individu s’est fait allonger sa peine de 6 mois supplémentaires.

Attentat du 14 juillet 2016 à Nice : 84 morts et 202 blessés

Le détail des attentats déjoués en France depuis un an

INFO LE FIGARO – Des projets d’assassinats et d’attentats, visant notamment un centre commercial, une salle de spectacle ou encore une centrale nucléaire, ont été révélés devant la commission d’enquête parlementaire.

«Nous avons tout eu»: le 18 mai, devant la commission d’enquête, le coordonnateur national du renseignement, Didier Le Bret, résume en une formule les multiples attaques, contrecarrées ou non, qui ont visé le pays. Pour la première fois, le rapport de Sébastien Pietrasanta fournit le détail d’une dizaine d’attentats déjoués en France en un an. Certains, comme celui ciblant la base militaire de Port Vendres où trois djihadistes voulaient filmer la décapitation d’un haut gradé ou celui en octobre contre des militaires de la base de Toulon, sont connus. D’autres sont restés plus confidentiels. Ainsi, le document révèle que, le 16 mars, «quatre jeunes femmes, dont trois mineures (…) ont été interpellées à Roubaix, Lyon et Brie-Comte-Robert» alors qu’«elles avaient formé le projet d’attaquer une salle de concert, deux cafés et un centre commercial à Paris».

Ce coup de filet a lieu huit jours avant que la DGSI interpelle Reda Kriket à Boulogne-Billancourt et découvre à Argenteuil une «cache» remplie d’armes de guerre et d’explosifs susceptible de perpétrer une attaque au nom de Daech. Les 15 et 16 décembre dernier, la DGSI arrêtait Rodrigue D. et Karim K., deux terroristes en puissance qui «projetaient de s’attaquer à des militaires et des policiers orléanais». Le rapport dévoile que «tout en minimisant son implication dans ce projet», Karim K. a «reconnu vouloir assassiner le préfet du Loiret et s’attaquer à une centrale nucléaire». Avant de préciser que «les deux mis en cause ont confirmé le rôle d’Anthony D., djihadiste français de l’EI évoluant en Syrie depuis fin 2014, comme soutien financier».

Communications cryptées

Au même moment, la DGSI, toujours elle, appréhendait, à Tours, Issa Khassiev, un Russe d’origine tchétchène «susceptible d’avoir rejoint la Syrie en 2013» et qui envisageait de «réaliser une action violente en France avant de regagner la zone syro-irakienne pour y mourir en martyr». Lors d’une perquisition, celui qui a prêté «allégeance à l’EI» avait «proféré des menaces à l’encontre des fonctionnaires de police présents». Outre le cas d’un radicalisé en prison projetant d’assassiner une députée parisienne interpellé en octobre «après s’être lui-même dénoncé (…)», le document évoque aussi l’arrestation, à Fontenay-sous-Bois, de Salim et Ahmed M., deux frères «velléitaires pour le djihad syrien» qui voulaient s’en prendre à des «militaires, des policiers et/ou des juifs». Ces réussites policières ne peuvent cependant obérer les échecs des attentats de janvier et de novembre qui enseignent que «les terroristes ne relèvent plus d’aucune logique nationale ni dans leur profil ou leur recrutement, ni dans leur mode opératoire et la conception de leurs attaques».

Rappelant que «les commandos ne se sont effectivement rendus sur le territoire français que la veille des attaques, un délai peut-être trop bref pour être repérés par les seuls services français», Sébastien Pietrasanta considère que «cette tactique a également si bien fonctionné parce que les terroristes ont encore accru leur mobilité par une bien plus grande furtivité que par le passé». Le directeur général de la sécurité extérieure, Bernard Bajolet, l’a concédé devant la commission Fenech: «La difficulté à laquelle nous nous heurtons est que ces terroristes sont rompus à la clandestinité et font une utilisation très prudente, très parcimonieuse, des moyens de communication: les téléphones ne sont utilisés qu’une seule fois, les communications sont cryptées et nous ne pouvons pas toujours les décoder.» «Pour connaître leurs projets, il faut avoir des sources humaines directement en contact avec ces terroristes, décrit le patron de la DGSE. Or ces réseaux sont très cloisonnés, ils peuvent recevoir des instructions de caractère général, mais avoir ensuite une certaine autonomie dans la mise en œuvre de la mission qui leur est confiée.» (…). Et le rapporteur Pietrasanta de conclure: «L’explosion des communications électroniques, le développement du darknet, la mise à portée de tous de moyens de communication bénéficiant de puissants chiffrements – telle que l’application de messagerie Telegram – rendent les terroristes plus furtifs aux yeux des services de renseignements et leur imposent d’opérer des sauts capacitaires réguliers.»

Voir de plus:

Sweden’s rape rate under the spotlight

  • 15 September 2012

The Julian Assange extradition case has put Sweden’s relatively high incidence of rape under the spotlight. But can such statistics be reliably compared from one country to another?

Which two countries are the kidnapping capitals of the world?

Australia and Canada.

Official figures from the United Nations show that there were 17 kidnaps per 100,000 people in Australia in 2010 and 12.7 in Canada.

That compares with only 0.6 in Colombia and 1.1 in Mexico.

So why haven’t we heard any of these horror stories? Are people being grabbed off the street in Sydney and Toronto, while the world turns a blind eye?

No, the high numbers of kidnapping cases in these two countries are explained by the fact that parental disputes over child custody are included in the figures.

If one parent takes a child for the weekend, and the other parent objects and calls the police, the incident will be recorded as a kidnapping, according to Enrico Bisogno, a statistician with the United Nations.

Comparing crime rates across countries is fraught with difficulties – this is well known among criminologists and statisticians, less so among journalists and commentators.

Sweden has the highest rape rate in Europe, author Naomi Wolf said on the BBC’s Newsnight programme recently. She was commenting on the case of Julian Assange, the Wikileaks founder who is fighting extradition from the UK to Sweden over rape and sexual assault allegations that he denies.

Is it true? Yes. The Swedish police recorded the highest number of offences – about 63 per 100,000 inhabitants – of any force in Europe, in 2010. The second-highest in the world.

This was three times higher than the number of cases in the same year in Sweden’s next-door neighbour, Norway, and twice the rate in the United States and the UK. It was more than 30 times the number in India, which recorded about two offences per 100,000 people.

On the face of it, it would seem Sweden is a much more dangerous place than these other countries.

But that is a misconception, according to Klara Selin, a sociologist at the National Council for Crime Prevention in Stockholm. She says you cannot compare countries’ records, because police procedures and legal definitions vary widely.

« In Sweden there has been this ambition explicitly to record every case of sexual violence separately, to make it visible in the statistics, » she says.

« So, for instance, when a woman comes to the police and she says my husband or my fiance raped me almost every day during the last year, the police have to record each of these events, which might be more than 300 events. In many other countries it would just be one record – one victim, one type of crime, one record. »

The thing is, the number of reported rapes has been going up in Sweden – it’s almost trebled in just the last seven years. In 2003, about 2,200 offences were reported by the police, compared to nearly 6,000 in 2010.

So something’s going on.

But Klara Selin says the statistics don’t represent a major crime epidemic, rather a shift in attitudes. The public debate about this sort of crime in Sweden over the past two decades has had the effect of raising awareness, she says, and encouraging women to go to the police if they have been attacked.

The police have also made efforts to improve their handling of cases, she suggests, though she doesn’t deny that there has been some real increase in the number of attacks taking place – a concern also outlined in an Amnesty International report in 2010.

« There might also be some increase in actual crime because of societal changes. Due to the internet, for example, it’s much easier these days to meet somebody, just the same evening if you want to. Also, alcohol consumption has increased quite a lot during this period.

« But the major explanation is partly that people go to the police more often, but also the fact that in 2005 there has been reform in the sex crime legislation, which made the legal definition of rape much wider than before. »

The change in law meant that cases where the victim was asleep or intoxicated are now included in the figures. Previously they’d been recorded as another category of crime.

So an on-the-face-of-it international comparison of rape statistics can be misleading.

Botswana has the highest rate of recorded attacks – 92.9 per 100,000 people – but a total of 63 countries don’t submit any statistics, including South Africa, where a survey three years ago showed that one in four men questioned admitted to rape.

In 2010, an Amnesty International report highlighted that sexual violence happens in every single country, and yet the official figures show that some countries like Hong Kong and Mongolia have zero cases reported.

Evidently, women in some countries are much less likely to report an attack than in others and are much less likely to have their complaint recorded.

UN statistician Enrico Bisogno says surveys suggest that as few as one in 10 cases are ever reported to the police, in many countries.

« We often present the situation as kind of an iceberg where really what we can see is just the tip while the rest is below the sea level. It remains below the radar of the law enforcement agencies, » he says.

Naomi Wolf has also written that Sweden has the lowest conviction rate in Europe.

She was relying on statistics from a nine-year-old report, which calculated percentage conviction rates based on the number of offences recorded by the police and the number of convictions. But this is a problematic way of analysing statistics, as several offences could be committed by one person.

The United Nations holds official statistics on the number of convictions for rape per 100,000 people and actually, by that measure, Sweden has the highest number of convictions per capita in Europe, bar Russia. In 2010, 3.7 convictions were achieved per 100,000 population.

Though it’s still the case, as Wolf pointed out to the BBC, that women in Sweden report a high number of offences – and only a small number of rapists are punished.

So there’s a lot that official statistics don’t tell us. They certainly don’t reveal the real number of rapes that happen in Sweden, or any other country. And they don’t give a clear view of which countries have worse crime rates than others.

Rape is particularly complex, but you’d think it would be straightforward to analyse murder rates across different countries – just count up the dead bodies, and compare and contrast.

If only, says Enrico Bisogno. « For example, if I punch somebody and the person eventually dies, some countries can consider that as an intentional murder, others as a manslaughter. Or in some countries, dowry killings are coded separately because there is separate legislation. »

What’s more, a comparison of murder rates between developed and less developed countries may tell you as much about health as crime levels, according to Professor Chris Lewis, a criminologist from Portsmouth University in the UK.

The statistics are to some unknown degree complicated by the fact that you’re more likely to survive an attack in a town where you’re found quickly and taken to a hospital that’s well-equipped.

Voir par ailleurs:

Commission d’enquête relative aux moyens mis en œuvre par l’État pour lutter contre le terrorisme depuis le 7 janvier 2015

Lundi 21 mars 2016

Séance de 14 heures

Compte rendu n° 11

SESSION ORDINAIRE DE 2015-2016

Présidence de M. Georges Fenech, Président

– Audition, à huis clos, de fonctionnaires de la BAC de nuit du Val-de-Marne intervenus le 13 novembre 2015 : M. T.P., brigadier-chef, M. L. S., brigadier-chef, M. O. B., brigadier, M. N. B., gardien de la paix, M. A. D., gardien de la paix, et M. P. T., gardien de la paix

– Audition, à huis clos, de M. Jean-Marc Falcone, directeur général de la police nationale, et de M. Marc Baudet, conseiller stratégie et prospective

– Audition, à huis clos, du général Denis Favier, directeur général de la gendarmerie nationale, et du colonel Samuel Dubuis, membre de son cabinet

– Audition, à huis clos, du général Bruno Le Ray, gouverneur militaire de Paris, et du colonel Marc Boileau, chef de cabinet

La séance est ouverte à 14 heures.

Présidence de M. Georges Fenech.

Audition, à huis clos, de fonctionnaires de la BAC de nuit du Val-de-Marne intervenus le 13 novembre 2015 : M. T.P., brigadier-chef, M. L. S., brigadier-chef, M. O. B., brigadier, M. N. B., gardien de la paix, M. A. D., gardien de la paix, et M. P. T., gardien de la paix.

M. le président Georges Fenech. Messieurs, nous achevons avec votre audition l’étude de la chronologie des événements de 2015. Votre témoignage viendra utilement compléter celui de vos collègues de la direction de la sécurité de proximité de l’agglomération parisienne (DSPAP) que nous avons reçus la semaine dernière.

Vous appartenez à la brigade anticriminalité (BAC) de nuit 94, et vous êtes intervenus, le 13 novembre dernier, lors de l’attentat commis au Bataclan, à l’angle du passage Saint-Pierre-Amelot et du boulevard Voltaire, où vous avez échangé des coups de feu avec les terroristes.

Cette audition se déroule à huis clos, en raison de la confidentialité des informations que vous êtes susceptibles de nous délivrer. Elle n’est donc pas diffusée sur le site internet de l’Assemblée. Néanmoins, et conformément à l’article 6 de l’ordonnance 58-1100 du 17 novembre 1958 relative au fonctionnement des assemblées parlementaires, son compte rendu pourra être publié en tout ou partie, si nous en décidons ainsi à l’issue de nos travaux.

Je précise que les comptes rendus des auditions qui auront eu lieu à huis clos seront au préalable transmis aux personnes entendues afin de recueillir leurs observations. Ces observations seront soumises à la Commission d’enquête, qui pourra décider d’en faire état dans son rapport. Je rappelle que, conformément aux dispositions du même article, « sera punie des peines prévues à l’article 226-13 du code pénal, soit un an d’emprisonnement et 15 000 euros d’amende, toute personne qui, dans un délai de vingt-cinq ans, divulguera ou publiera une information relative aux travaux non publics d’une commission d’enquête, sauf si le rapport publié à la fin des travaux de la commission a fait état de cette information ».

Conformément aux dispositions de l’article 6 précité, je vais maintenant vous demander de prêter le serment de dire la vérité, toute la vérité, rien que la vérité.

MM. T. P., brigadier-chef, L. S., brigadier-chef, O. B., brigadier, N. B., gardien de la paix, A. D., gardien de la paix, et P. T., gardien de la paix, prêtent successivement serment.

Je vous laisse la parole, en vous demandant de présenter rapidement le rôle que vous avez été amené à tenir, personnellement ou avec votre unité, avec toute la précision géographique et horaire possible.

M. T.P., brigadier-chef. Le soir du 13 novembre, j’étais chef de bord du véhicule indicatif BAC 952-11, affecté en priorité sur le Val-de-Marne, dans lequel avaient pris place le brigadier N. B. et M. N. B.. Nous nous trouvions vers Ivry et Charenton lorsque nous avons entendu le premier message sur les ondes parisiennes de la conférence régionale 137, concernant une explosion au Stade de France. Notre unité a intégré la sous-direction des services spécialisés, qui a vocation à intervenir sur toute la zone de compétence de la DSPAP en cas d’événement particulier. J’ai donc décidé de rentrer à Vincennes : nous voulions dîner rapidement afin d’être disponibles par la suite pour nous rendre dans le 93.

Nous avons eu l’information relative à la deuxième explosion en chemin, ce qui nous a poussés à accélérer le mouvement. Puis, au moment où nous nous installions à Vincennes, nous avons appris, par les ondes de la conférence 137, que des attaques avaient lieu sur des terrasses parisiennes. D’initiative, nous avons repris notre véhicule et notre matériel. En entendant où se déroulait la deuxième attaque de terrasses, nous avons décidé de nous rendre place de la Nation, où le parcours des terroristes semblait les mener. Nous nous y sommes mis en position, en attente.

Nous nous y trouvions, à l’angle du boulevard Voltaire, quand nous avons entendu que des attaques visaient d’autres terrasses et qu’une Polo noire immatriculée en Belgique avait pris la fuite en direction du boulevard Voltaire. Nous nous sommes alors engagés sur le boulevard pour essayer d’intercepter le véhicule. À l’instant même, nous avons entendu une explosion, une détonation. En poursuivant notre chemin, à 300 mètres environ, nous sommes parvenus à l’angle de la rue de Montreuil, au Comptoir Voltaire, dans lequel un kamikaze venait de se faire sauter et devant lequel déambulaient des victimes.

Après avoir diffusé l’information sur les conférences parisiennes, j’ai placé M. N. B. en position de protection sur le boulevard Voltaire avec le fusil à pompe au niveau du véhicule, et M. N. B. a pris l’angle de la rue de Montreuil et du boulevard, arme de poing à la main – nous ne savions pas à ce moment si les terroristes étaient encore sur place. De mon côté, j’ai dressé un bilan des victimes à l’intérieur et à l’extérieur du bar afin de pouvoir demander des secours. J’ai dénombré deux blessés légers au niveau du bar, à l’avant, et deux autres, plus grièvement blessés, sur le côté. À l’extérieur, deux femmes enceintes étaient touchées par des éclats. Dans le bar, sous la terrasse couverte, une serveuse se trouvait au sol, très grièvement blessée, ainsi qu’un monsieur de type africain. Au fond de la terrasse, quelqu’un dispensait un massage cardiaque à une personne de sexe masculin de type européen ou nord-africain.

Lorsque je suis sorti du bar pour demander des secours, j’ai appris par les ondes que des tirs avaient lieu au Bataclan. L. S., signalait sa présence sur place avec la BAC 952-12. On entendait les tirs à la radio lorsqu’il annonçait qu’il y avait énormément de victimes qu’ils commençaient à évacuer. Nous nous sommes sentis impuissants parce que nous ne pouvions pas quitter le Comptoir Voltaire où il fallait gérer les victimes.

Un véhicule de secours de la Croix-Rouge qui passait par là nous a porté assistance ainsi qu’une femme médecin et une infirmière. Nous avons continué d’assurer la protection du lieu. Deux véhicules de pompiers sont ensuite arrivés : un véhicule incendie et la grande échelle. Un pompier m’a répondu, lorsque je l’ai interrogé sur la présence de la grande échelle, que cela permettait d’avoir des effectifs sur place. Les pompiers ont alors pris en charge les blessés les plus graves.

Un véhicule de police parisien s’est présenté. Vu l’âge de la voiture, nous avons eu des doutes sur son appartenance au parc automobile de la police. Le commissaire de la police judiciaire du 15e arrondissement de Paris se trouvait à son bord. Après avoir entendu les messages radio, il avait embarqué deux collègues avec des gilets lourds pour venir en renfort sur le terrain depuis le 15e. Je lui ai décrit la situation, et, étant donné que nous disposions d’un équipement plus lourd que le sien, il a décidé de rester sur place et de nous envoyer au Bataclan aider nos collègues.

M. Sébastien Pietrasanta, rapporteur. Quelle heure était-il ?

M. A. D., gardien de la paix. Je suis le chauffeur de la BAC 952-12. Nous partons de Créteil à 21 heures 42 et nous arrivons au Bataclan à 21 heures 51.

M. T. P. Entre le moment où nous sommes au Comptoir Voltaire et notre arrivée au Bataclan, il doit s’écouler au maximum une dizaine de minutes.

Au Comptoir Voltaire, nous croyions avoir affaire à une fusillade comme sur d’autres terrasses. C’est une victime qui m’a expliqué qu’un homme était entré dans le bar et qu’il y avait eu une explosion, sans me préciser que nous nous trouvions en présence de l’acte d’un kamikaze. Je suis retourné sur la terrasse pour constater qu’il n’y avait pas de douilles au sol. Il ne s’agissait donc pas d’un tireur. La présence d’énormément de boulons indiquait qu’une bombe avait explosé, ce que j’ai immédiatement indiqué à TN 750.

En arrivant au Bataclan, entre un camion de pompiers et un car de police, nous avons vu la Polo des terroristes, garée régulièrement à l’angle du passage Saint-Pierre-Amelot et du boulevard Voltaire. Après nous être équipés d’un casque balistique avec visière non balistique et d’un fusil à pompe, O. B., N. B. et moi-même nous sommes placés en colonne pour prendre l’angle gauche du passage Saint-Pierre-Amelot afin d’éviter toute retraite des individus. S’ils sortaient de la salle pour rejoindre leur véhicule, il fallait que nous puissions nous engager afin de les neutraliser.

L. S. se trouvait à l’autre angle, côté Bataclan, et A. D. arrêtait des véhicules de particuliers et des taxis, dans lesquels il faisait évacuer des blessés avec l’aide d’une serveuse. Je voyais également P. T. qui aidait les victimes à sortir du Bataclan.

Les effectifs parisiens du car de police qui se trouvait sur place, le TC 82G, ne disposaient d’aucun équipement hormis leur gilet individuel et leur arme. Ils avaient cassé une porte qui se trouvait derrière notre position. Elle donne accès aux locaux administratifs du Bataclan, où ils avaient installé avec les pompiers un poste avancé médicalisé afin de porter les premiers soins aux victimes. A. D. et la serveuse dont je vous parlais faisaient la navette pour emmener les victimes.

La BAC 915 en civil de Saint-Maur-des-Fossés, qui nous a rejoints, s’est placée dernière nous, et le collègue stagiaire du TC s’est positionné avec nous dans la colonne. Nous avons entendu trois ou quatre tirs à l’intérieur du Bataclan et une explosion, puis la porte s’est ouverte et nous avons essuyé une première rafale de Kalachnikov.

M. Pierre Lellouche. De quelle porte s’agissait-il précisément ?

M. T. P. De la première porte de secours de la salle en venant du boulevard Voltaire. Elle donne sur le passage Saint-Pierre-Amelot.

Je n’ai pas pu riposter avec mon arme longue car un civil, hors de vue du terroriste, se trouvait debout à hauteur de la porte et tentait de transporter une femme blessée ou décédée. Les vitrines du magasin derrière lequel nous étions tous abrités me permettaient de voir l’individu armé, mais il nous voyait aussi. J’ai dit à mes collègues qui n’étaient pas protégés de dégager. L’individu a refermé la porte. N. B. s’est installé en appui feu derrière moi.

Lorsque nous avons pris une autre rafale, j’ai pu riposter par deux tirs car, cette fois, le civil était couché. Pendant le rechargement tactique de mon arme, j’ai expliqué à Nicolas que nous avions deux solutions : « Le top serait d’essayer de rentrer, mais l’un de nous ou même nous deux allons y rester, parce que nous n’avons aucune protection ; l’autre solution, sachant que nous avons face à nous une puissance de feu largement supérieure, c’est de jouer l’effet de surprise et de changer de place pour que je puisse avoir une meilleure position de tir. » Nicolas m’a dit : « Faisons ça ! »

Nous avons alors bougé. Les collègues se sont installés derrière le camion de pompiers, et je me suis positionné en appui feu au niveau du bloc moteur essieux du car de police – la seule zone qui assure une protection. J’avais un bon appui pour le fusil à pompe. Nous avons alors essuyé une troisième salve de tirs. L’individu a tiré sur l’angle du boulevard Voltaire puis, constatant que nous n’y étions plus, il a visé le camion de police et le camion de pompier. Une balle a traversé le véhicule de pompier de part en part pour ressortir pas loin de la tête d’A. D.. J’étais à nouveau dans l’incapacité de riposter, car le civil s’était relevé.

Les militaires de Vigipirate nous ont alors rejoints. Ils étaient équipés d’armes de guerre, donc plus à même que nous de riposter aux tirs. J’ai sollicité sur les ondes l’autorisation de les engager, mais on m’a répondu : « Négatif, vous n’engagez pas les militaires, on n’est pas en zone de guerre. » J’ai annoncé à un soldat que si nous étions sous le feu et qu’il ne pouvait pas utiliser son arme, je m’en servirais moi-même si je n’avais plus de munitions.

M. Pierre Lellouche. Qui vous a fait la réponse dont vous nous parlez ?

M. T. P. C’est la salle de commandement de la préfecture, par les ondes ! Nous communiquons grâce à une conférence radio : TN 750, la plus haute autorité parisienne au niveau radio.

Mme Françoise Dumas. Comment cela se passe-t-il, en temps normal et en situation exceptionnelle ?

M. T. P. En temps normal, nous écoutons les conférences du Val-de-Marne. En cas de besoin, nous sommes également toujours à l’écoute de la conférence 137 qui donne les informations régionales depuis la salle de commandement de la DSPAP qui a autorité sur Paris et sur toute la petite couronne et la grande couronne.

M. Pierre Lellouche. Relève-t-elle directement du préfet de police ? Un officier dirige-t-il la salle de commandement ?

M. le rapporteur. Je crois que le directeur de cabinet était en salle de commandement. Nous aurons l’occasion d’éclaircir ces points.

M. O. B., brigadier. De leur côté, les militaires ne sont pas gérés par la salle de commandement de la DSPAP. Ils dépendent d’un autre PC radio.

M. T. P. Le militaire m’explique qu’il n’a pas d’ordres et qu’il ne pourra pas engager le feu, même quand je lui dis que nous nous faisons tirer comme des lapins et qu’il faudra bien neutraliser ceux qui sortiront.

M. le rapporteur. Combien y avait-il de militaires ?

M. T. P. Ils étaient huit : quatre auprès de nous et quatre derrière.

M. Pierre Lellouche. De combien de munitions disposez-vous pour votre fusil à pompe en dotation normale ?

M. T. P. Dix. J’en avais six dans le fusil, et quatre dans ma poche.

M. Pierre Lellouche. Est-ce que ce sont des Brenneke ? Avez-vous d’autres armes ?

M. T. P. Ce sont des Brenneke. Ce fusil est la seule arme dont nous disposions. L. S. a la même arme, mais il ne pouvait pas engager le feu en raison de son angle de tir.

Dans le passage Saint-Pierre-Amelot, le civil, auquel nous avions demandé à plusieurs reprises de ne pas rester sur place, a tiré la personne au sol à l’arrière des portes de secours et s’est couché sur elle. Le terroriste, constatant qu’il n’avait plus l’avantage en termes de position de tir, a ouvert en grand les deux portes de secours. En face de moi, à trente mètres, l’individu s’est retrouvé derrière la porte gauche ouverte pour tirer une salve de kalachnikov. On voyait seulement dépasser son bras. J’ai visé par deux fois au travers de la porte. Après avoir rectifié mon premier tir qui était trop haut, j’ai tiré au niveau du torse. La kalachnikov s’est affaissée d’un coup sec au sol. Les portes se sont refermées tout doucement. Le civil qui était au sol m’a fait un signe, que je n’ai pas compris, en levant les deux mains. Nous avons gardé la position en attendant les renforts.

L’ensemble de notre unité est arrivé ensuite, c’est-à-dire le reste de la BAC de nuit 94 en tenue avec un équipement lourd : casque lourd, bouclier balistique, gilet lourd, armement plus adéquat. Nous sommes allés chercher de l’équipement dans notre car d’intervention, puis nous sommes revenus prendre notre position. Dans l’intervalle, d’autres effectifs étaient intervenus en renfort dont la brigade spécialisée de terrain (BST) et la BAC de Champigny-sur-Marne. La force d’intervention rapide (FIR) de la BRI est arrivée à ce moment-là.

M. le président Georges Fenech. Pouvez-vous estimer le temps qui s’est écoulé entre votre arrivée, les premiers échanges de tirs, et l’arrivée de la BRI ? Quinze minutes ?

M. T. P. Entre le premier échange de tirs et le dernier, il y a quasiment dix minutes. Nous sommes approximativement entre 22 heures et 22 heures 15. La BRI arrive à peu près vers 22 heures 45.

M. le président Georges Fenech. Vers 22  heures 50 ?

M. T. P. À peu près : je ne regardais pas ma montre.

Ils nous ont demandé de les épauler car ils n’étaient pas assez nombreux.

M. le président Georges Fenech. Combien y avait-il de membres de la FIR ?

M. T. P. Dans un premier temps, ils devaient être une douzaine.

Ils ont emprunté le bouclier balistique qu’utilisait O. B., un deuxième à la BST de Champigny et, je crois, un troisième à un autre service. Ils ne disposaient pas de protection balistique autre que leurs gilets. Leur tireur d’élite m’a demandé un appui feu et balistique pour traverser le boulevard Voltaire afin de disposer d’un angle de tir sur la façade du Bataclan. Nous nous sommes équipés en lourd avec deux boucliers et deux fusils à pompe, et nous l’avons accompagné à trois.

Le reste de la BRI est arrivé ainsi que le RAID. Ils se sont mis en position. Grâce à leur véhicule blindé, ils ont pu pénétrer dans le passage Saint-Pierre-Amelot pour secourir le civil qui s’y trouvait avec la dame au sol. Je ne sais pas combien de temps après ils ont donné l’assaut.

M. Pierre Lellouche. Est-il normal que les forces de la BRI n’aient pas de boucliers balistiques ?

M. T. P. Je ne sais pas quel était le moyen de transport des hommes de la BRI. Ils sont peut-être venus en moto. Les boucliers souples ou lourds, c’est-à-dire rigides, sont encombrants, et les véhicules administratifs dont nous disposons ne sont pas adaptés à nos missions actuelles. On ne met pas un bouclier balistique dans une Peugeot 308. Je ne vous parle même pas des collègues de commissariat avec leur Peugeot Partner.

L. S. avait un bouclier balistique parce qu’il roulait en Mondéo. Il faut aussi savoir que les boucliers balistiques souples n’arrêtent pas les munitions de kalachnikov – il faut les équiper d’une plaque spéciale qui pèse plus de vingt kilos. Les boucliers rigides arrêtent les tirs de kalachnikov, mais ils ne rentrent pas dans nos véhicules.

M. le président Georges Fenech. Monsieur L. S., je crois que la BAC 952-12 est arrivée en premier au Bataclan, n’est-ce pas ?

M. L. S., brigadier-chef. Je suis le chef de groupe de M. A. D. et de M. P. T.. Nous nous trouvions dans le secteur de Créteil lorsque nous avons entendu que des explosions avaient lieu au Stade de France. Nous nous sommes d’abord dirigés vers Saint-Denis, puis nous avons changé d’itinéraire pour rejoindre Paris et le Bataclan lorsque nous avons appris ce qui s’y passait. J’avoue que je suis un peu fâché avec les horaires : le gardien de la paix A. D sera plus précis que moi à ce sujet.

M. A. D. Je suis le chauffeur du chef L. S. et du gardien de la paix P.T. Nous sommes partis de Créteil à 21 heures 42, et nous sommes arrivés à 21 heures 51 au Bataclan. J’ai l’heure sur le tableau de bord du véhicule, et j’ai téléphoné à ma femme pour la prévenir au moment où nous sommes partis

M. le rapporteur. Vous arrivez avant le commissaire N, intervenu en premier sur les lieux ?

M. L. S. Nous arrivons juste un petit peu avant le commissaire et son équipier.

Notre intervention s’est déroulée en trois phases. Dans un premier temps, M. A. D prépare le matériel de sécurité, c’est-à-dire les casques lourds et le bouclier balistique – nous n’avons pas de gilet lourd. Pendant ce temps, M. P.T et moi-même nous engageons dans le passage Saint-Pierre-Amelot. Nous rendons compte à notre station directrice de ce que nous voyons : c’est une scène de guerre, des personnes sont au sol, blessées ou mortes. Je crois, pour avoir débriefé avec lui par la suite, qu’à ce moment le commissaire N et son chauffeur pénètrent dans le Bataclan par l’entrée principale et neutralisent l’un des terroristes. Deux cents à trois cents personnes sortent du Bataclan par le passage. Nous scannons la foule du regard à la recherche d’éventuels terroristes. Nous assistons à un mouvement de panique, mais nous demandons aux personnes valides d’aider celles qui le sont moins. Certaines font demi-tour pour aider les blessés. Nous décidons d’escorter les personnes en question jusqu’à un lieu sécurisé pour qu’elles soient prises en charge par un service d’urgence. Je crois que nous prenons une salve de kalachnikov : nous voyons tomber des personnes autour de nous, mais nous ne parvenons pas à déterminer l’origine des tirs – c’est assez frustrant. M. A. D est ensuite venu nous rejoindre.

Dans une deuxième phase, après nous être mieux équipés, nous avons rejoint le commissaire N à la porte principale. Dans l’intervalle, la BAC 952-11 nous a rejoints ; nous étions heureux de les voir arriver. Nous avons ensuite attendu les services spécialisés, BRI et RAID.

Dans une troisième phase, une fois tous les renforts présents, nous avons sécurisé les lieux et participé à l’évacuation des personnes blessées.

M. le rapporteur. Vous êtes les tout premiers à arriver au Bataclan !

M. L. S. Tout à fait. Nous sommes les trois premiers policiers sur place. Le commissaire N et son chauffeur arrivent rapidement.

M. le rapporteur. À 21 heures 54 !

M. L. S. Quelques policiers du 20e arrivent ensuite.

M. A. D. Certains viennent aussi du commissariat central du 3 !

M. L. S. Quelques minutes après, nous sommes une dizaine de fonctionnaires.

M. le rapporteur. Lorsque vous arrivez, vous assistez, selon vos propres mots, à une « scène de guerre ». Pour quelles raisons vous fixez-vous sur le passage Saint-Pierre-Amelot ? Pourquoi ne décidez-vous pas d’entrer dans le Bataclan ? Vous manquiez d’effectifs, d’équipements ?

M. L. S. Lorsque nous arrivons, des personnes sortent par le passage Saint-Pierre-Amelot, ce qui attire notre attention. Nous pensons que les individus armés vont peut-être tenter de s’enfuir par ce passage dans lequel nous progressons. Nous entendons des coups de feu et des explosions tellement fortes qu’elles résonnent dans nos corps.

M. le rapporteur. De quelles explosions s’agit-il ? Des kamikazes qui se font exploser ?

M. L. S. Nous entendons, à l’intérieur du Bataclan, un bruit qui ressemble à celui de grenades qui explosent. Nous reconnaissons aussi le bruit caractéristique de tirs nourris de kalachnikov. Les explosions sont si puissantes que nous les entendons de l’extérieur, malgré l’épaisseur des murs d’une construction haussmannienne.

Nous avons estimé ce que nous étions en mesure de faire. Nous ne disposions ni des effectifs ni des moyens matériels pour intervenir correctement. La plupart des fonctionnaires étaient engagés sur le site du Stade de France.

M. le président Georges Fenech. Si vous aviez disposé des moyens et de l’équipement nécessaires, seriez-vous rentrés dans le Bataclan ?

M. L. S. On aurait peut-être pu figer un peu la situation. Ce qui est frustrant, c’est de voir des gens tomber. Nous aurions voulu faire plus, mais nous n’avons pas pu le faire par manque de moyens matériels.

La BRI avec laquelle nous avons débriefé nous a dit que nous avions eu le bon réflexe : il fallait cerner le Bataclan afin de fixer les terroristes et de leur montrer que nous étions là. Dès lors qu’une présence policière attire leur attention, il y a des chances qu’ils s’intéressent moins aux otages.

M. le rapporteur. Après que le commissaire N a tué le kamikaze, deux à trois cents personnes sortent du Bataclan, nous dites-vous. Est-ce à ce moment que plusieurs rafales sont tirées ? Y a-t-il eu des victimes de ces tirs parmi les spectateurs du Bataclan ?

M. L. S. Des personnes s’écroulent à la sortie, mais nous ne savons pas si elles ont été blessées à l’intérieur. Comme je vous le disais, nous ne savons pas d’où viennent les tirs, même si nous voyons des impacts. Dans un instant pareil, tous nos sens sont à la fois en éveil et perturbés. Nous essayons d’être le plus réactifs et d’analyser la situation, mais le stress amoindrit une partie des réflexes professionnels. Nous essayons de travailler correctement. Le but était de sauver un maximum de gens.

M. le rapporteur. Après l’intervention du commissaire N, lorsque les spectateurs sortent en masse, tire-t-on sur eux ?

M. T. P. Lorsque nous essuyons des rafales dans le passage Saint-Pierre-Amelot, il ne s’y trouve plus que le monsieur dont je vous ai parlé, qui déplace une femme.

M. L. S. M. P. T. intervient juste après nous. À notre arrivée, il y avait du monde qui courait en tous sens en sortant du Bataclan par le passage Saint-Pierre-Amelot.

M. A. D. Lorsque les spectateurs sortent du Bataclan, l’individu ou les individus tirent depuis l’intérieur sur les spectateurs qui se trouvent quasiment à la porte. Une balle de kalachnikov traverse tout : L. S. et P. T. sont témoins de ces tirs.

M. le rapporteur. Cela se déroule avant 21 heures 57 et l’intervention du commissaire N.

M. T. P. Oui.

M. le rapporteur. Après 21 heures 57 et la mort du kamikaze, il n’y a plus de tirs, mis à part les rafales qui visent directement la BAC dans le passage Saint-Pierre-Amelot ?

M. T. P. Le commissaire N est entré avec son chauffeur. On entend alors ses tirs et une explosion. Une fois que l’individu visé est neutralisé, nous essuyons les premières rafales côté passage Saint-Pierre-Amelot. Pendant les dix minutes durant lesquelles le terroriste nous tire dessus, nous n’entendons plus d’autres tirs à l’intérieur.

M. le président Georges Fenech. Parce que l’autre est mort.

M. T. P. L’un d’entre eux a été neutralisé. L’autre est là-haut en train de… J’ai tendance à me dire que, tant qu’on tire sur moi, on ne tue personne d’autre.

M. Pierre Lellouche. Que voulez-vous dire par « en train de… » ?

M. le président Georges Fenech. Je crois que certaines choses n’ont jamais été dites. Je pense que l’on pourrait peut-être, à ce stade, éclaircir les choses.

M. T. P. Des corps n’ont pas été présentés aux familles parce qu’il y a eu des gens décapités, des gens égorgés, des gens qui ont été éviscérés. Il y a des femmes qui ont pris des coups de couteau au niveau des appareils génitaux.

M. le président Georges Fenech. Tout cela aurait été filmé en vidéo pour DAECH !

M. T. P. Il me semble. Les victimes en ont parlé.

M. le rapporteur. Ces actes ont été commis par les deux survivants. Savez-vous si vous avez blessé celui sur lequel vous avez tiré dans le passage Saint-Pierre-Amelot ?

M. T. P. Je pense, mais je n’ai aucune certitude. Comme ils se sont fait sauter, on ne peut pas savoir s’il était blessé au tronc. Je pense l’avoir touché car les tirs ont cessé, et la porte s’est refermée. Le fait que la kalachnikov s’affaisse et que les portes se referment me semble significatif. Plus tard, nous avons parlé avec le civil qui nous faisait des signes dans le passage Saint-Pierre-Amelot : il nous a dit que nous avions touché le tireur et que c’est pour cela qu’il avait cessé de tirer.

Après ce moment, les tirs que nous avons entendus à l’intérieur n’étaient que très sporadiques. Il n’y a plus eu de rafales. Selon toute vraisemblance, un des terroristes ou plusieurs achevaient les gens. Ensuite, j’avoue que je n’ai fait que quinze mètres à l’intérieur du Bataclan derrière la BRI. Ma présence n’était pas nécessaire, je suis donc ressorti. Ce que j’avais vu m’avait suffi.

M. Pierre Lellouche. Les exactions sur les gens se sont déroulées à quel endroit ?

M. T. P. À l’étage.

M. Pierre Lellouche. Cela se passe après que l’individu que vous avez blessé est remonté ?

M. T. P. Je pense même que ça s’est produit avant, mais ce n’est que mon avis personnel. Pendant que nous fixions un terroriste à la porte de secours, un autre faisait toutes ces choses ignobles à l’étage.

M. Pierre Lellouche. La vidéo est partie ?

M. le président Georges Fenech. Je crois savoir que des vidéos sont parties.

M. Pierre Lellouche. On peut le savoir si l’on a récupéré les portables des victimes. On les a ?

M. T. P. Ils se sont fait exploser. Il y a eu des personnes décapitées, égorgées, éviscérées. Il y a eu des mimiques d’actes sexuels sur des femmes et des coups de couteau au niveau des appareils génitaux. Si je ne me trompe pas, les yeux de certaines personnes ont été arrachés.

M. A. D. Je voudrais apporter une précision pour répondre à la question de M. le rapporteur qui se demandait pourquoi mes collègues avaient immédiatement pris la direction du passage Saint-Pierre-Amelot. Ils l’ont dit : c’est parce que l’on voyait des victimes sortir par les portes de secours, mais c’est aussi parce que, quelque temps après que nous sommes descendus de voiture, un véhicule de police est arrivé et s’est garé devant l’entrée principale du Bataclan, en direction de la rue Oberkampf, en attendant sans doute d’autres collègues. C’est donc naturellement, puisque nous nous trouvions du côté du boulevard Richard-Lenoir, que mes collègues ont pris la direction du passage Saint-Pierre-Amelot où l’on voyait des victimes, alors que ceux qui arrivaient du côté du boulevard Voltaire s’occupaient de l’entrée principale du Bataclan.

M. Pierre Lellouche. Le commissaire N arrive trois minutes après vous et il rentre directement dans le Bataclan. Vous vous êtes parlé ?

M. L. S. Non.

M. Pierre Lellouche. En fait, vous ne savez même pas qu’il est rentré dans la salle ?

M. L. S. Nous n’en savions rien, et il ne savait pas que nous étions du côté des sorties de secours. Dans un second temps, nous nous sommes retirés pour protéger un peu les victimes, et nous avons eu un contact visuel avec le commissaire N. Notre équipage s’est ensuite dissocié en deux groupes : A. D. a rejoint la BAC 952-11 de M. T. P, tandis que M. P.T et moi-même rejoignions le commissaire N à l’entrée de la salle.

Ce dernier souhaitait pénétrer à nouveau dans le Bataclan, mais une lumière nous éblouissait, nous ne connaissions pas la topographie exacte, et nous étions encore sous-armés. Nous n’avions donc ni les moyens matériels ni la connaissance des lieux qui nous auraient permis de progresser dans le Bataclan. Si les terroristes étaient sortis, nous aurions tout fait pour les neutraliser, mais nous savions que nous n’avions pas les moyens matériels pour intervenir dans la salle en toute sécurité.

M. Pierre Lellouche. C’est pendant ce temps que vos collègues sortent les blessés du Bataclan ?

M. L. S. Deux ou trois personnes ont réussi à sortir, nous les avons accompagnées. Lorsque les services spécialisés sont arrivés, ils ont pris le relais. Nous avons élargi le périmètre puis nous l’avons sécurisé en travaillant, lorsque c’était nécessaire, en équipes mixées avec la BRI. Je me suis trouvé pendant un moment avec un collègue de la BRI qui avait ses ondes opérationnelles. J’avais conservé la fréquence de la BAC 75 N. Nous échangions nos informations. Nous avons eu beaucoup de difficultés pour communiquer sur cette intervention. C’était un gros problème. Nous avions du mal à obtenir la fréquence d’urgence…

M. Pierre Lellouche. Plusieurs fréquences émettaient en même temps ?

M. L. S. En temps normal, si vous demandez la priorité sur cette onde, on vous l’accorde, mais, ce soir-là, la demande venait de partout en même temps, ce qui a saturé le système.

M. Jean-Michel Villaumé. À ce moment, les militaires sont-ils présents ?

M. L. S. Ils sont présents dans une deuxième phase, mais pas au début de notre intervention.

M. T. P. Nous sommes arrivés sur place dix minutes après Laurent. Nous avons essuyé des tirs passage Saint-Pierre-Amelot pendant dix minutes, et les militaires sont arrivés dans cet intervalle puisqu’ils étaient avec nous lors des deux dernières salves. Ils devaient être sur place un quart d’heure après l’intervention de l’équipe de L. S..

S’agissant de la coordination et de la communication, les terroristes ont réussi à faire ce qu’ils voulaient : saturer les ondes. Ils ont utilisé un procédé militaire qui consiste à multiplier les points d’impact pour saturer les services de secours et d’intervention.

Ils ont été surpris parce qu’ils ne s’attendaient sans doute pas à une réaction aussi rapide de notre part, mais ils ont, en un sens, réussi. Laurent et moi-même nous sommes rendus sur place d’initiative. À aucun moment nous n’avons demandé l’autorisation d’aller au Bataclan. Les BAC 75, 92 et 93 ont été rassemblées pour former la BAC d’agglomération de nuit. Nous avons en conséquence la possibilité de prendre des initiatives.

M. le président Georges Fenech. Les premiers intervenants sont tous venus d’initiative. C’est le cas de la DSPAP, du commissaire N, de la BAC. Ceux qui réagissent sur commandement arrivent dans un deuxième temps, vers vingt-deux heures cinquante.

M. T. P. Il faut aussi savoir que, pour la couverture radio, Paris est divisé par arrondissement. Les ondes étaient donc déjà monopolisées parce que, dans la même zone, il y a eu multiplication des attaques puis des appels pour secourir les nombreuses victimes. Devant cet embouteillage, ni Laurent ni moi n’avons pris les ondes pour annoncer nos déplacements. Nous ne l’avons fait qu’une fois à destination : moi au Comptoir Voltaire, Laurent au Bataclan.

M. Pierre Lellouche. Lorsque nous nous sommes rendus sur place, jeudi dernier, M. B.B, Mme C.P., deux membres de la CSI-75, la compagnie de sécurisation et d’intervention compétente pour l’agglomération parisienne, nous ont raconté qu’ils avaient évacué des victimes durant toute la soirée. Ils étaient sur place lorsque vous êtes arrivés : vous avez dû les voir ?

M. T. P. La CSI n’était pas au Bataclan, mais sur les terrasses. Ils n’y sont arrivés que bien après nous.

M. le président Georges Fenech. M. B.B. est allé directement au Bataclan.

M. T. P. Nous étions sur la conférence régionale 137 ; nous n’avions pas les ondes parisiennes.

M. Pierre Lellouche. Il y a quelque chose qui ne colle pas bien : je vois le commissaire arriver, s’appuyer sur le bar et descendre un terroriste. Mais il y avait ces deux policiers…

M. le président Georges Fenech. Il y avait le commissaire B.B. et C.P. qui est son adjointe.

M. P. T. J’ai participé à l’évacuation avec le commissaire B.B. La BRI qui est venue nous relever, a installé un bouclier Ramsès devant la porte du Bataclan avant de pénétrer à l’intérieur de l’établissement qu’ils ont sécurisé comme ils pouvaient. La colonne de la BAC 75 N les a suivis avec l’armement d’assaut. Sur ordre de BRI, nous avons commencé à évacuer tous les blessés valides qui pouvaient se déplacer par eux-mêmes. Ils sont venus vers nous et, après une palpation sommaire, nous les avons dirigés vers le PC sécurité. Nous avons ensuite commencé à évacuer les blessés qui se trouvaient au sol grâce à des barrières de sécurité. Le commissaire B.B. nous a aidés avec d’autres collègues.

M. Pierre Lellouche. En gros, il s’est passé une heure entre le moment où le commissaire tue le terroriste et l’assaut.

M. le président Georges Fenech. L’assaut a lieu à minuit vingt.

M. L. S. Grosso modo, oui.

Les horaires des événements correspondaient globalement à ceux de la relève entre la CSI, qui travaille de jour, et la BAC 75 N. Pendant la relève, nous avons parfois un problème de moyens, puisque certains matériels sont mutualisés entre les équipes du jour et de la nuit.

M. Pierre Lellouche. Vous étiez sur place en permanence : vous n’avez plus entendu de coup de feu entre le moment où le commissaire a tiré et l’assaut ?

M. L. S. Seulement de manière très sporadique.

M. T. P. Au coup par coup.

M. L. S. Nous n’entendons plus de rafales.

M. Pierre Lellouche. Il y a combien de tireurs ?

M. L. S. Nous ne les voyons pas. Nous entendons des tirs de temps en temps. J’extrapole, mais on peut imaginer qu’ils faisaient le tour et que, de temps en temps, ils mettaient une cartouche ou deux dans certaines victimes.

M. T. P. Ce qui est sûr, c’est que, à partir de l’arrivée des effectifs de la BRI, il n’y a plus eu de tir du tout. Vous voudrez bien excuser l’expression, mais il régnait un silence de mort. Il n’y avait plus aucun bruit.

M. Pierre Lellouche. À ce moment, ils n’étaient plus que deux avec les vingt personnes coincées en haut.

M. T. P. Oui, je pense. Je pense qu’ils s’étaient isolés à ce moment dans la pièce dans laquelle ils se sont fait sauter.

M. Pierre Lellouche. Si vous aviez eu le matériel nécessaire, vous y seriez allés ?

M. L. S. Si nous avons les moyens de nous protéger de manière sérieuse, et du matériel en rapport avec l’agression, cela rééquilibre les forces, et nous devenons opérationnels. Ce soir-là, je vous le dis franchement, j’ai emmené mes gars en enfer. Ils sont allés au-delà de leurs capacités physiques et matérielles. Heureusement, j’ai avec moi de bons sportifs, des gars qui ont à la fois une tête et des jambes, qui s’exercent avec sérieux et qui sont capables de réagir correctement au stress. Vous ne pouvez pas faire ça avec n’importe qui. Si nous avions eu plus de matériels de protection et des armes plus efficaces, nous aurions peut-être pu être plus réactifs ou opérationnels.

M. le président Georges Fenech. Quel est votre ressenti personnel s’agissant de l’intervention du commissaire N qui est entré dans le Bataclan avec une arme de poing sans aucune protection ?

M. L. S. Des moniteurs de tir m’ont dit que le commissaire N était sportif et s’entraînait au tir régulièrement. C’est un homme de terrain polyvalent, tant physiquement qu’opérationnellement. Il est très à l’aise avec son arme. Lui et son équipier ont fait preuve de sang-froid et de courage. Ils sont vraiment allés au-delà de leurs capacités, et je suis admiratif à leur égard. Par rapport aux moyens dont ils disposaient, ils ont vraiment été « culottés ».

M. T. P. Ce qu’ont fait le commissaire N et son collègue, au moment où ils ont agi, avec un matériel qui était le même que le nôtre – je crois qu’ils n’avaient même pas de casque qui, de toute façon, ne sert à rien face à une kalachnikov –, c’est techniquement, sur le plan policier, le maximum que l’on puisse faire. Le tir a été effectué au niveau de la porte d’accès à la salle. Ils étaient dissimulés mais pas protégés. Ils ont pu neutraliser le terroriste par surprise.

Dans le passage Saint-Pierre-Amelot, ni Laurent et son équipage ni moi et le mien ne pouvions progresser : nous y serions restés, c’est sûr.

Du côté de l’entrée principale, ce qu’ils ont fait était « nickel », si je peux me permettre. C’était ce qu’il fallait faire : tenter de neutraliser l’individu sans trop progresser. C’est pour cela qu’ils n’ont pas trop progressé dans la salle.

M. le président Georges Fenech. Ils y sont tout de même retournés une deuxième fois !

M. L. S. Au risque de vous choquer, le but – ce que nous avons fait d’initiative, de façon presque inconsciente – était de juguler les terroristes et de les laisser, malheureusement, dans le Bataclan pour éviter qu’ils ne fassent d’autres victimes dans un nouveau lieu. En attendant les forces spéciales, il fallait essayer de les contenir sur le lieu où ils se trouvaient.

M. le rapporteur. Le ministre de l’intérieur a annoncé que des équipements supplémentaires seraient livrés, notamment aux BAC. Savez-vous quand ils vous parviendront ?

M. L. S. Deux jours après les événements, nous avons rencontré M. Bernard Cazeneuve, le ministre de l’intérieur, qui nous a annoncé que nous serions dotés de véhicules et de moyens matériels supplémentaires. Ils nous arrivent petit à petit. Il est question que nous récupérions des berlines dont le coffre soit plus adapté au matériel dont nous avons besoin. Nous avons reçu des boucliers balistiques avec des plaques de renfort qui protègent des tirs de kalachnikov, et des armes intermédiaires : lanceurs de projectile de calibre de 40 millimètres, Taser, grenades.

M. Pierre Lellouche. Je m’entraîne régulièrement au tir dans les locaux de la police. Je sais ce que c’est de tirer à quarante-cinq mètres dans la pénombre : ce n’est pas évident, sauf si l’on est très bien entraîné. Combien de fois un policier de terrain tire-t-il par an ?

M. L. S. En BAC, nous avons des « open tirs » une fois par semaine. Nous arrivons à tirer une fois par semaine, ou une fois tous les quinze jours. Nous avons un entraînement sportif une fois ou deux par semaine. Il faut savoir que nous sommes des privilégiés. Il y a aussi eu des périodes de carence de munitions pendant lesquelles nous ne tirions que deux fois huit cartouches. Nous nous retrouvions alors dans la situation du service général qui doit effectuer un minimum de trois tirs annuels.

M. T. P. Nous sommes privilégiés parce que, grâce aux séances de tir spéciales de la BAC, nous pouvons tirer beaucoup plus que les autres. Nous tirons en général au moins dix fois par an.

M. Pierre Lellouche. En gros, donc, vous tirez une fois par mois. Combien de cartouches ? Une cinquantaine ?

M. T. P. et M. L. S. Non ! Une trentaine.

M. L. S. Nous avons deux chargeurs de quinze cartouches.

M. T. P. Fort heureusement, nos moniteurs de tir savent s’adapter. Ils proposent des tirs de situation qui optimisent les munitions dont nous disposons. Je répète que nous sommes des privilégiés : les collègues de commissariat tirent trois fois par an, c’est-à-dire quatre-vingt-dix cartouches… lorsqu’il y a des cartouches.

M. L. S. Nous allons être dotés du fusil HK G36 : nous essayons de trouver des stands de tir adaptés aux cartouches de cette arme.

M. le président Georges Fenech. Peut-être M. N. B., qui n’a pas encore pris la parole, souhaite-t-il ajouter quelque chose ?

M. N. B., gardien de la paix. Je suis l’équipier de la BAC 952-11. Ce soir-là, mon chef de bord était T.P, et mon chauffeur le brigadier N. B..

Le 13 novembre, nous nous sommes d’abord arrêtés au Comptoir Voltaire. Ma mission a consisté à sécuriser l’angle du café vers la rue de Montreuil. Le brigadier-chef T.P me donnait des instructions et m’informait. Dans le café, il a constaté qu’il y avait eu une explosion et non des tirs.

Nous étions à la recherche de la Polo en fuite. Je prenais le temps de regarder les plaques d’immatriculation – la Polo était immatriculée en Belgique – et les passagers de chaque véhicule qui passait.

Nous sommes ensuite partis au Bataclan.

M. O. B. Lorsque nous étions à l’angle du passage Saint-Pierre-Amelot, alors que des personnes dans le Bataclan subissaient des choses atroces, nous avons eu beaucoup de chance. Nous sommes retournés sur place, et le propriétaire du magasin de carrelage derrière lequel nous nous étions abrités nous a expliqué que sa boutique était une ancienne banque dont les vitres étaient blindées. Cela nous a protégés – je n’avais qu’un bouclier balistique sans plaques additionnelles.

À l’angle, nous entendions des gens gémir, mais nous ne pouvions pas aller les aider parce que nous ne disposions pas du matériel adéquat.

M. le président Georges Fenech. Pour l’information de la commission d’enquête, monsieur P. T., pouvez-vous nous dire comment vous avez appris qu’il y avait eu des actes de barbarie à l’intérieur du Bataclan : décapitations, éviscérations, énucléations… ?

M. T. P. Après l’assaut, nous étions avec des collègues au niveau du passage Saint-Pierre-Amelot lorsque j’ai vu sortir un enquêteur en pleurs qui est allé vomir. Il nous a dit ce qu’il avait vu. Je ne connaissais pas ce collègue, mais il avait été tellement choqué que c’est sorti naturellement.

M. Alain Marsaud. Les actes de tortures se sont passés au deuxième étage ?

M. T. P. Je pense, car je suis entré au niveau du rez-de-chaussée où il n’y avait rien de tel, seulement des personnes touchées par des balles.

M. Alain Marsaud. À votre connaissance, ils étaient trois sans aucun doute ? Il n’y a aucune chance qu’un quatrième se soit enfui ?

M. T. P. On est certains qu’ils étaient au moins trois, mais ils étaient peut-être quatre. Les ondes retransmettaient les appels au numéro d’urgence de la police, le 17 : on entendait parler de trois individus, voire quatre.

M. Alain Marsaud. Est-il exclu qu’une quatrième personne ait pu s’enfuir en se faisant évacuer parmi les blessés ?

M. T. P. Ce n’est pas exclu. C’est la raison pour laquelle mes collègues ont procédé à des palpations sommaires de toutes les victimes, même blessées, qui sortaient par l’entrée principale.

M. L. S. Nous effectuions systématiquement une palpation sommaire, au moins au niveau du plexus, de la base du torse, et des jambes.

M. Alain Marsaud. Un quatrième terroriste aurait pu être blessé lui-même ou s’enfuir parmi les blessés ?

M. T. P. Parmi les blessés, je ne pense pas.

M. Alain Marsaud. On ne retrouve que trois armes de guerre.

M. L. S. Cela relève des investigations. Pour notre part, nous n’en savons rien.

M. le président Georges Fenech. Messieurs, nous vous remercions vivement d’avoir livré ce très important témoignage. La commission d’enquête salue votre courage et l’intervention qui a été la vôtre.

*

* *

Audition, à huis clos, de M. Jean-Marc Falcone, directeur général de la police nationale, et de M. Marc Baudet, conseiller stratégie et prospective.

M. le président Georges Fenech. Nous vous remercions d’avoir répondu à la demande d’audition de notre commission d’enquête relative aux moyens mis en œuvre par l’État pour lutter contre le terrorisme depuis le 7 janvier 2015.

Vous savez que nous avons déjà tenu de nombreuses auditions, consacrées aux victimes et à leur prise en charge par les secours, puis à la chronologie des événements de janvier et de novembre 2015.

Nous commençons avec vous une nouvelle phase de nos travaux tendant, à la lumière de l’expérience des attentats de janvier et novembre 2015, à nous interroger sur les moyens et les missions des forces de police.

Cette audition, en raison de la confidentialité des informations que vous êtes susceptibles de nous délivrer, se déroule à huis clos. Elle n’est donc pas diffusée sur le site internet de l’Assemblée. Néanmoins, et conformément à l’article 6 de l’ordonnance 58-1100 du 17 novembre 1958 relative au fonctionnement des assemblées parlementaires, son compte rendu pourra être publié en tout ou partie, si nous en décidons ainsi à l’issue de nos travaux. Je précise que les comptes rendus des auditions qui auront eu lieu à huis clos seront au préalable transmis aux personnes entendues afin de recueillir leurs observations. Ces observations seront soumises à la Commission, qui pourra décider d’en faire état dans son rapport.

Je rappelle que, conformément aux dispositions du même article, « sera punie des peines prévues à l’article 226-13 du code pénal – un an d’emprisonnement et 15 000 euros d’amende – toute personne qui, dans un délai de vingt-cinq ans, divulguera ou publiera une information relative aux travaux non publics d’une commission d’enquête, sauf si le rapport publié à la fin des travaux de la commission a fait état de cette information ».

Conformément aux dispositions de l’article 6 précité, je vais maintenant vous demander de prêter le serment de dire toute la vérité, rien que la vérité.

M. Jean-Marc Falcone et M. Marc Baudet prêtent serment.

Je vous laisse la parole pour un exposé liminaire qui sera suivi par un échange de questions et réponses.

M. Jean-Marc Falcone, directeur général de la police nationale. Mesdames et messieurs les députés, je serai très bref. Je souhaite simplement, par courtoisie pour la Commission, repositionner la Direction générale de la police nationale (DGPN) parmi l’ensemble des forces de sécurité intérieure, puis vous exposer très rapidement l’action de cette direction en réponse aux attentats que nous avons connus en janvier et en novembre. Ensuite, je présenterai de manière schématique les dispositions que j’ai pu prendre à mon niveau, en qualité de directeur général, après les retours d’expérience effectués avec mes services à la suite des attentats.

La Direction générale de la police nationale est composée de 145 000 agents, et s’appuie sur des directions de police active.

Parmi elles, la Direction centrale de la sécurité publique (DCSP) est une direction généraliste. Elle comprend le Service central du renseignement territorial (SCRT).

Nous avons également des directions dites spécialisées, à compétence nationale, telles que la Direction centrale de la police judiciaire (DCPJ) ; la Direction centrale de la police aux frontières ; la Direction centrale des compagnies républicaines de sécurité, qui ont aussi compétence nationale ; le Service de recherche, assistance, intervention, dissuasion – le RAID – qui est directement rattaché au directeur général de la police nationale ; et le service de la protection qui est chargé de protéger les personnalités susceptibles d’être menacées.

L’engagement de cette direction générale a été réel, bien que les attentats ne se soient pas déroulés dans sa zone de compétence, le préfet de police de Paris ayant une compétence spécifique. Nous parlons de compétence de plein exercice. Néanmoins, les directions que je viens de citer ont apporté leur contribution aux opérations menées lors des attentats. Ainsi, le 7 janvier, les services de police situés dans les départements du Val-d’Oise, de l’Oise, de la Seine-et-Marne et de la Marne ont été mobilisés pour la recherche des frères Kouachi : près de 700 agents ont apporté leur assistance à la recherche.

Le 13 novembre, vers 22 h 40, j’ai fait converger sur Paris 215 policiers des départements de la grande couronne – Seine-et-Marne, Yvelines, Essonne et Val-d’Oise – pour prêter renfort au préfet de police, et en particulier à la Direction de la sécurité de proximité de l’agglomération parisienne (DSPAP).

La Direction centrale de la police judiciaire a aussi été très largement mobilisée, avec le « dispositif attentat », sur lequel je pourrai revenir si vous le souhaitez. Au plus fort des attentats du 13 novembre, ce ne sont pas moins de 750 enquêteurs issus de cette direction qui ont participé aux recherches, aux constatations et aux opérations de police technique et scientifique sur Paris.

La Direction centrale de la police aux frontières a également été mise à contribution ; près de 5 000 fonctionnaires de cette direction ont été déployées sur les frontières lorsque l’état d’urgence a été décrété.

Et bien évidemment, le personnel du RAID a contribué, par son action dans le cadre de ses missions, aux interventions faisant suite aux attentats de janvier et de novembre, en collaboration notamment avec la Brigade de recherche et d’intervention de la préfecture de police de Paris (BRI-PP). Ces fonctionnaires du RAID participent plusieurs fois par semaine aux opérations de la Direction générale de la sécurité intérieure (DGSI) ou de la sous-direction antiterroriste (SDAT) lorsque ces services interpellent des personnes radicalisées ou susceptibles de passer à l’acte dans un cadre terroriste.

Depuis les attentats de janvier, j’ai repositionné le service central du renseignement territorial sur la prévention du terrorisme, en faisant suivre un certain nombre de personnes dites radicalisées. Actuellement, près de 3 000 sont suivies par ce service.

J’ai également créé un état-major auprès de moi, car nous nous sommes aperçus que la Direction générale de la police nationale n’était plus dans la même position qu’au cours des décennies passées. Elle doit maintenant jouer un rôle beaucoup plus opérationnel pour gérer au quotidien les états-majors des différentes directions que je viens de citer. J’ai donc créé un état-major qui intègre un centre d’information de la police nationale qui regroupera, dans les prochaines semaines, les dispositifs d’information de toutes les directions, qui étaient jusqu’à présent éclatés. J’aurai donc auprès de moi un état-major pour commander l’ensemble des directions centrales de la police, et un centre d’information qui va regrouper les centres d’information des services et des directions que je viens de citer.

Au sein de la Direction centrale de la police judiciaire, nous avons fait monter en puissance la sous-direction de la lutte contre la cybercriminalité avec le programme PHAROS (plateforme d’harmonisation, d’analyse, de recoupement et d’orientation des signalements) et les enquêtes liées à la cybercriminalité. Le dispositif attentat a été mis en œuvre au mois de novembre ; et les effectifs de la sous-direction anti-terroriste (SDAT) ont sensiblement augmenté, ce qui était nécessaire au vu du nombre d’enquêtes qu’elle doit suivre.

Les sept GIPN métropolitains ont été transformés en antennes RAID, sous le commandement unique et centralisé du RAID central à Bièvres, ce qui permet de donner des instructions et d’avoir à disposition les 270 opérateurs qui composent les antennes et le service central.

Enfin, j’ai fait monter en puissance l’unité de coordination de la lutte antiterroriste (UCLAT) avec la cellule d’appel radicalisation et le fichier FSPRT, qui répertorie l’ensemble des personnes signalées comme pouvant être radicalisées.

Au plan tactique, nous avons décidé d’adapter les dispositifs de formation initiale et continue des policiers, puisque nous nous sommes aperçus que la menace avait changé de nature, y compris dans ses formes, de plus en plus violentes et rédhibitoires. Nous avons fait en sorte de former l’ensemble des brigades et des fonctionnaires.

Nous sommes en train de mettre la dernière main au schéma national d’intervention, que le ministre de l’Intérieur pourra arrêter d’ici une semaine ou deux. Il en avait fait la demande après les attentats de novembre, afin de pouvoir concentrer et articuler l’ensemble des services d’intervention.

Nous avons également diffusé une doctrine à destination des primo-intervenants, car ce seront, par définition, les premiers à être exposés à des actes de terrorisme, et à un terrorisme de plus en plus violent et tueur. J’ai donc reconstruit une doctrine avec des « fiches réflexes » que j’ai fait distribuer avant Noël.

Il a aussi fallu organiser la police judiciaire pour prendre en compte la décision du parquet antiterroriste de saisir systématiquement la DCPJ-SDAT pour qu’elle coordonne les enquêtes en cas d’attentats sur le territoire.

Nous continuons de procéder aux différents recrutements décidés par le Gouvernement, pour la plupart dans le cadre de plans pluriannuels : le plan antiterroriste, le plan immigration et le pacte de sécurité du Président de la République. Nous prévoyons aussi l’organisation exceptionnelle de concours de recrutement de gardiens de la paix, puisque nous faisons entrer cette année 4 600 gardiens de la paix dans les écoles, tandis qu’autant en sortiront en fin d’année ainsi que l’an prochain. Il a donc fallu que mon administration réponde le plus vite possible, avec des moyens adaptés, à ces demandes tout en garantissant une formation initiale soutenue et la plus complète possible, afin de bénéficier de ces renforts dont nous avons bien besoin.

S’agissant des moyens, le plan BAC entre en vigueur. Les brigades anti-criminalité, composées de gens formés dont l’expertise est plus affirmée que celle des premiers intervenants ont en effet une capacité d’intervention. Elles peuvent, sur des tueries de masse ou des actes terroristes, stabiliser et fixer les terroristes. Nous l’avons vu à Paris lors de l’intervention d’un commissaire de la BAC.

Voilà, de manière schématique, la façon dont les différents services ont pu intervenir, et ce que j’ai pu développer.

M. le président. Deux questions liminaires, tout d’abord, pour bien clarifier les choses.

En tant que DGPN, c’est vous qui avez l’autorité pour, le cas échéant, déclencher la Force d’intervention de la police nationale (FIPN) ?

M. Jean-Marc Falcone. Tout dépend où. Sur Paris, c’est le préfet de police qui me sollicite lorsqu’il souhaite mettre en œuvre la FIPN.

M. le président. C’est donc sur la demande du préfet de police de Paris que le DGPN déclenche la FIPN. Pourriez-vous le faire d’autorité ?

M. Jean-Marc Falcone. Après un échange, je pourrais lui proposer de mettre en œuvre la FIPN, mais sur la plaque parisienne, c’est lui qui me le demande, par exemple en cas d’attentats multiples, ou parce que la BRI peut ne pas suffire à l’exécution de la tâche.

M. le président. Confirmez-vous que lorsque la FIPN se déclenche dans Paris intra-muros, le chef du RAID en prend le commandement sous votre autorité, malgré la compétence territoriale BRI-BAC ?

M. Jean-Marc Falcone. Si la FIPN est déclenchée dans Paris, c’est le patron du RAID qui en prend la direction, et qui se place sous les ordres du préfet de police.

M. le président. Le 13 novembre 2015, vous ne déclenchez pas la FIPN, alors que cela a été fait au mois de janvier. Pourquoi l’utiliser en janvier et pas en novembre, alors que les attentats étaient beaucoup plus importants ? On aurait pu imaginer que le RAID prenne la direction des opérations, mais vous avez laissé la BRI agir en tant que force menante.

M. Jean-Marc Falcone. C’est qu’au mois de janvier, le préfet de police en avait fait la demande ; tel n’a pas été le cas au mois de novembre. Le RAID a quand même été envoyé sur Paris, comme vous le savez ; il a agi en concourant du menant, qui a été la BRI.

M. le président. Cette réponse ne peut pas me satisfaire. Je veux connaître la motivation de cette décision. Je comprends que c’est votre décision mais je ne peux pas me satisfaire d’une réponse consistant à dire que c’est le préfet qui a estimé ne pas devoir demander de mettre en œuvre la FIPN, alors que c’est vous qui avez l’autorité sur cette force. Quels critères objectifs ont conduit à faire ce choix alors que nous sommes confrontés à une série d’attentats de grande ampleur à Paris ?

M. Jean-Marc Falcone. Les situations de janvier et de novembre sont différentes. En janvier, lorsque Amedy Coulibaly est entré dans l’Hypercacher, une autre action était en cours à Dammartin-en-Goële. Il fallait conjuguer les deux interventions de manière cohérente. La mise en œuvre de la FIPN a donc été demandée par le préfet de police de l’époque.

Au mois de novembre, les premières réactions ont consisté à envoyer le RAID sur Paris, en colonne.

M. le président. Qui a pris cette décision ?

M. Jean-Marc Falcone. Il y a eu un échange entre Jean-Michel Fauvergue – le chef du RAID – et moi. Le préfet de police a également demandé l’assistance du RAID.

M. le président. Il me semblait que le RAID s’était déplacé de sa propre initiative.

M. Jean-Marc Falcone. Non, pas du tout. J’ai parlé avec le chef du RAID à 22 h 05, pour l’informer qu’il y avait des attentats. Il le savait déjà : mon état-major avait eu le RAID à 21 h 45, et celui-ci avait procédé à son regroupement. Il est parti de Bièvres à 22 h 10.

M. le président. Nous n’avions pas eu ces détails de la part du RAID.

M. Jean-Marc Falcone. J’ai une main courante du SVOPN (service de veille opérationnelle de la Police nationale), mon état-major, qui recense la liste des personnes que j’ai informées en temps et en heure à partir de 21 h 55. Je vous en ferai parvenir un exemplaire.

M. Pierre Lellouche. À quelle heure dites-vous avoir donné l’ordre au RAID de se préparer ?

M. Jean-Marc Falcone. J’ai eu Jean-Michel Fauvergue au téléphone à 22 h 05 pour lui dire qu’il y avait eu des attentats à Paris, et mon état-major avait appelé le RAID à 21 h 45. Le RAID était alors en train de procéder à son regroupement.

M. Pascal Popelin. Le RAID avait-il anticipé votre ordre ?

M. Jean-Marc Falcone. Oui, parce qu’il avait eu des informations. D’autant que, dans le cadre de la préparation de l’Euro 2016, un officier du RAID et un officier du GIGN étaient présents au Stade de France. Ils ont donc vécu les premières explosions en direct et ont fait remonter l’information à leurs patrons.

M. le président. Vous avez expliqué qu’au mois de janvier, le préfet de police avait estimé devoir vous demander de mettre en œuvre la FIPN parce que plusieurs sites étaient concernés. Sur quels critères objectifs, selon vous, s’est-il fondé pour ne pas vous solliciter en novembre ? Ne lui avez-vous pas suggéré de le faire ?

M. Jean-Marc Falcone. Non. Nous étions dans le feu de l’action. Les informations qui parvenaient à Beauvau faisaient état d’attentats multiples : explosions au Stade de France, fusillades devant des établissements recevant du public, puis prise d’otages dans le Bataclan. Le premier réflexe de tous a été d’envoyer le maximum de forces spécialisées pour pouvoir intervenir dans les différents sites.

M. le président. J’essaie de comprendre la doctrine que vous suivez. La note du DGPN du 17 janvier 2014 rationalisant les modalités de saisine et d’emploi de la FIPN comprend une section I, relative aux interventions relevant de la compétence exclusive de la FIPN. Il y est prévu que l’engagement d’une unité d’intervention doit être systématique dans les situations de prises d’otages. Or nous sommes déjà dans ce cas de figure au Bataclan.

Si l’on se réfère à cette note, il devrait donc y avoir quasi-automaticité au recours à cette unité d’intervention dès lors qu’il y a prise d’otages.

M. Jean-Marc Falcone. La FIPN ?

M. le président. C’est ce qu’il me semble.

La section I, paragraphe a) du règlement de la FIPN prévoit : « Le responsable de la sécurité publique territorialement compétent présent sur les lieux (…) apprécie la gravité de la situation (…) S’il estime devoir faire appel à une unité d’intervention, il doit prendre attache sans délai avec l’état-major de la FIPN (…) »

Nous étions bien dans cette situation. Or il n’y a pas de saisine de l’état-major de la FIPN, ni de recours à la FIPN. Je ne dis pas que c’est une mauvaise chose, j’essaie de comprendre la raison de cette décision. Il faut que nous clarifiions ce point.

En cas de déclenchement de la FIPN, c’est le RAID qui aurait été menant, et la BRI concourant.

M. Jean-Marc Falcone. Ces unités auraient constitué une seule et même force, sous l’autorité du patron du RAID.

M. le président. Pour une telle tuerie de masse – il y avait 1 500 personnes dans le Bataclan – avez-vous estimé que la BRI était mieux à même d’agir ?

M. Jean-Marc Falcone. Non. La BRI et le RAID, comme le GIGN, sont des unités composées de personnels compétents qui disposent de l’expertise nécessaire. Je ne dis pas que la BRI était mieux à même d’investir les lieux au vu de son armement, de son expertise et de sa compétence. Ils étaient sur place, le préfet de police également, il avait déjà engagé sa BRI, et moi j’avais envoyé le RAID. Il a considéré que les deux forces devaient se répartir les différents lieux du Bataclan pour investir les lieux et procéder à l’assaut final. Je précise que, rue de la Fontaine-au-Roi, une colonne du RAID assurait également la sécurisation des lieux où il semblait que des terroristes avaient tiré.

M. le président. Après le retour d’expérience qui n’a pas manqué d’avoir lieu, pensez-vous que vous prendriez à nouveau la même décision, ou une réflexion est-elle en cours pour revoir ce qu’est la FIPN, et comment elle doit être déclenchée ?

M. Jean-Marc Falcone. Vous l’avez bien compris : la FIPN n’est pas une structure pérenne : c’est une structure ad hoc, qui répond à un besoin.

Lorsqu’elle a été créée, il y avait le RAID, sept GIPN (groupes d’intervention de la police nationale) et la BRI de Paris. Le ministre de l’Intérieur de l’époque avait considéré que cette multitude de forces d’intervention indépendantes les unes des autres devait, en cas de tueries de masse ou de problèmes particuliers, pouvoir être mise à disposition des préfets – le préfet de police de Paris, mais aussi les autres préfets territorialement compétents.

C’est à cela que le document que vous avez mentionné fait référence : il fallait pouvoir créer une structure sous l’autorité du patron du RAID, qui est normalement le plus âgé dans le grade le plus élevé. C’est un contrôleur général de la police nationale qui a l’expertise lui permettant de prendre le commandement.

Dans le schéma d’intervention sur lequel nous sommes en train de mettre la dernière main, la question du mode de déclenchement de la FIPN est posée, au moins pour Paris intra-muros. Doit-il être automatique lorsque le RAID intervient sur Paris ? Doit-il toujours dépendre de la demande exprimée par le préfet de police ? Ou bien le DGPN doit-il prendre la décision ?

M. le président. Il n’est pas question ici de critiquer la BRI, dont il convient au contraire de saluer le travail, mais cette brigade concerne essentiellement le judiciaire, l’interpellation de gangsters, de forcenés. Le RAID et le GIGN ont une autre vocation. Pourquoi avez-vous envoyé au Bataclan, en menant, des fonctionnaires méritants mais dont la mission exclusive n’est pas d’aller déloger des terroristes ? C’était la mission du RAID.

M. Jean-Marc Falcone. Je comprends tout à fait votre interrogation. Mais la BRI-PP peut intervenir en formation BRI-BAC, qui est un peu plus formée à ce type d’intervention que les BRI des directions centrales de la police judiciaire, que vous connaissez par ailleurs, et qui assurent des interpellations, des filatures, etc. C’est aussi la mission première de la BRI-PP.

Incontestablement, le GIGN et le RAID sont composés de personnels qui s’entraînent toute la journée, acquièrent une expertise et développent des doctrines pour intervenir. Néanmoins, tout cela se fait en liaison avec la BRI-PP, qui travaille de plus en plus avec le RAID. Ces deux unités ont des formations et des équipements communs. S’il fallait faire une gradation, je place la BRI-BAC au-dessus des BRI de la direction centrale de la police judiciaire en termes d’intervention.

M. le président. Mais en deçà du RAID.

M. Jean-Marc Falcone. En deçà du RAID s’agissant des prises d’otages de masse.

M. le président. Ce qui était le cas au mois de novembre.

Vous placez la BRI-PP au-delà des BRI situées hors du ressort de la préfecture de police de Paris, grâce à son entraînement spécifique, mais elle ne peut pas être considérée au même niveau que le RAID. Nous sommes bien d’accord ?

M. Jean-Marc Falcone. Elle s’en rapproche de plus en plus…

M. le président. Mais elle n’est pas au même niveau. Et c’est bien pour cela que nous nous demandons pourquoi vous n’avez pas confié cette opération au RAID, d’autant que vous lui aviez donné l’ordre d’intervenir.

M. Jean-Marc Falcone. Je lui avais donné l’ordre de se diriger sur Paris pour se mettre à disposition du préfet de police afin de renforcer les unités d’intervention, puisque l’on nous rapportait une multitude d’attentats. Je n’avais pas à donner au RAID l’ordre d’intervenir.

M. Sébastien Pietrasanta, rapporteur. Au regard de ce qui s’est passé le 13 novembre, on mesure bien l’importance des primo-intervenants. Hors de Paris, ce sont essentiellement les hommes et les femmes qui composent la DGPN et la Gendarmerie nationale.

Depuis les attentats, quels moyens ont été donnés à vos effectifs en matière d’équipement ? Le ministre a annoncé un certain nombre de mesures, notamment pour les brigades anti-criminalité et les compagnies de sécurisation et d’intervention. Pouvez-vous nous en dire plus sur le plan d’équipement prévu ?

La question de la formation au tir a souvent été évoquée, surtout après les attentats de janvier, alors que plusieurs fonctionnaires de police, confrontés aux frères Kouachi, avaient tiré à plusieurs reprises sans atteindre leur cible. Cette formation a-t-elle été renforcée ? Ou bien du fait de l’augmentation des effectifs a-t-il été nécessaire de réduire la formation initiale au tir ?

En matière de formation continue, un policier de voie publique tire réglementairement quatre-vingt-dix cartouches par an – ce nombre est plus élevé pour les membres des services spécialisés, tels que la BAC. Or il semble que la qualité des formations dépende beaucoup des formateurs. Dans certains centres, par exemple, il est possible de s’entraîner sur des cibles mouvantes, tandis que dans d’autres il n’y a que des cibles fixes. Prévoyez-vous de faire évoluer cette formation ?

Par ailleurs, les stages « Amok », destinés aux primo-intervenants, semblent avoir été suspendus. Pouvez-vous nous en dire un mot ?

S’agissant de la doctrine d’emploi, des consignes sont-elles passées sur la manière dont les primo-intervenants pourraient intervenir dans les situations de tueries de masse ?

Enfin, quel est votre point de vue sur la manière dont les forces d’intervention sont réparties sur le territoire ? Le critère territorial semble parfois un peu dépassé au regard de l’actualité et de la menace. Où en est cette réflexion, et de quelle manière envisagez-vous les choses à titre personnel ?

M. Jean-Marc Falcone. Après les attentats de janvier, nous avions considéré en effet qu’une nouvelle forme de terrorisme se développait sur le territoire national, celle des tueries de masse menées par des gens qui refusent de négocier et qui veulent aller jusqu’au bout de leur « mission ». Nous avons donc estimé qu’il fallait revoir le dispositif des primo-intervenants.

Nous avons distingué trois niveaux. Le service général, c’est-à-dire police-secours, arrivera le premier sur les tueries de masse, car les gens appelleront le 17. Ces agents ont pour consigne de stabiliser la situation, de rendre compte et de faire intervenir d’autres unités. C’est la doctrine à laquelle j’ai fait référence dans mon propos introductif et qui est expliquée dans la fiche – réflexe de décembre 2015.

Une deuxième catégorie de personnel, plus rompu, est constituée par les unités d’intervention en province, qui sont les BRI de la DCPJ et les BAC. Ces dernières représentent 3 200 personnes réparties sur l’ensemble du territoire.

Les BRI-PJ sont déjà équipées de protections individuelles et collectives et d’armes lourdes performantes. Tel n’était pas le cas des BAC. À la demande du ministre de l’Intérieur, un plan BAC a donc été développé – mon homologue de la Gendarmerie en bénéficiera pour ses pelotons de surveillance et d’intervention de la Gendarmerie (PSIG) – afin de doter ces unités de protections individuelles : caques balistiques et gilets capables d’arrêter des cartouches de Kalachnikov. Surtout, il a été décidé de les doter d’armes longues nouvellement acquises – le Heckler & Koch G36 – capables de tirer des munitions de calibre 5,56 mm, équivalentes à celles des Kalachnikov.

Les livraisons prévues par ce plan ont d’ores et déjà commencé, et s’accompagnent de formations, notamment au maniement de cette nouvelle arme. Tout cela fera partie du schéma national d’intervention.

La doctrine d’emploi est prévue dans les fiches auxquelles j’ai fait allusion. L’une porte sur les ceintures d’explosifs – phénomène hélas nouveau sur le territoire français Une autre est consacrée aux surattentats, pour faire en sorte, autant que faire se peut, de les éviter. Enfin, une fiche expose la doctrine d’intervention pour les primo-intervenants en cas de tueries de masse : quels sont les réflexes qu’il convient d’avoir.

Concernant les stages « Amok », au vu des événements, nous utilisons désormais, dans le cadre des nouvelles doctrines d’intervention, les fiches – réflexes, et le RAID assure dans toutes les directions départementales de la sécurité publique des formations pour faire face aux tueries de masse de ce genre.

M. le rapporteur. S’agissant de la formation au tir, nos policiers s’entraînent-ils mieux aujourd’hui ?

M. Jean-Marc Falcone. Tous les policiers sont dotés de pistolets automatiques Sig-Sauer de calibre 9 mm. À l’école de police, ils tirent 390 cartouches en 44 heures de formation.

M. Pierre Lellouche. Ça ne fait pas beaucoup de cartouches par heure.

M. Jean-Marc Falcone. La formation comprend également des mises en situation.

M. le rapporteur. Ce volume a-t-il diminué récemment ?

M. Jean-Marc Falcone. Non, il est resté identique.

Le recyclage consiste en trois tirs par an au minimum, soit 90 cartouches, et concerne tous les personnels qui doivent être formés.

S’agissant du pistolet-mitrailleur – c’est aujourd’hui le Beretta, mais la situation sera identique avec le nouveau modèle – l’habilitation en école est de six heures et 60 cartouches, et la réhabilitation se fait tous les ans, avec 30 cartouches, afin d’assurer un maintien en condition.

Ce volume de formation n’a pas baissé, et ne baissera pas dans le cadre de la nouvelle scolarité.

J’en viens à la répartition territoriale. Les forces d’intervention comprennent le RAID central, basé à Bièvres, et une antenne RAID dans chacune des six zones de défense – les GIPN ont été transformés en antennes RAID pour répondre au besoin d’un état-major commun. Par ailleurs, 336 fonctionnaires composent la BRI nationale de la police judiciaire auxquels s’ajoutent les BRI réparties sur l’ensemble des directions interrégionales de police judiciaire. Nous disposons aussi des 3 200 fonctionnaires des brigades anti-criminalité, qui sont réparties sur les 330 circonscriptions de sécurité publique et qui assurent le maillage de l’ensemble du territoire métropolitain et de l’outre-mer.

M. le rapporteur. Le GIGN est intervenu en zone police, vos forces sont intervenues en zone gendarmerie, nous avons évoqué la difficile relation parfois entre la BRI et le RAID dans Paris intra-muros : cette répartition territoriale et administrative a-t-elle encore un sens ? Une réflexion est-elle en cours pour spécialiser ces forces ? On le sait, le GIGN est plus spécialisé, par exemple, sur les risques nucléaires, radiologiques, biologiques et chimiques.

M. Jean-Marc Falcone. Pour moi, la répartition administrative a toujours un sens pour les missions courantes, qui sont nombreuses : forcenés, prises d’otages de basse intensité, interpellations effectuées presque tous les matins en assistance de la DGSI ou de la SDAT.

Pour les tueries de masse, le ministre nous a demandé de ne plus tenir compte de la répartition administrative – et nous avons travaillé en ce sens avec le préfet de police et mon homologue, le DGGN. En cas de tueries de masse, il n’y aura plus de zone police et de zone gendarmerie : ce sera la force la plus proche et la plus disponible qui interviendra et qui sera menante tant que les autres forces territorialement compétentes ne seront pas arrivées sur le site. Et si l’intervention est très engagée, la première force intervenante gardera la main pour des raisons évidentes.

M. le président. Il semblerait que les BAC, primo-intervenantes au Bataclan, se soient trouvées démunies face aux terroristes, du fait de la faiblesse de leur équipement et de leur armement. Les militaires de la force Sentinelle, présents sur les lieux, avaient quant à eux des armes longues. Les policiers ont donc demandé à ces militaires d’intervenir, pour arrêter l’avancée des Kalachnikovs. Mais ordre aurait été donné de ne pas faire intervenir l’armée, ni même d’utiliser leurs armes.

M. Jean-Marc Falcone. Je ne suis pas informé de cela.

M. Pierre Lellouche. J’ai également été frappé par ce témoignage d’un policier, auquel le militaire disposant d’une arme longue qu’il avait sollicité avait répondu qu’il n’avait pas d’ordre. L’ordre devait venir, m’a-t-on dit, de la salle de commandement. De quoi s’agit-il ?

M. Jean-Marc Falcone. C’est la préfecture de police.

M. Pierre Lellouche. Cela dépend-il de vous ?

M. Jean-Marc Falcone. Non, il s’agit des salles de commandement de la préfecture de police.

M. Pierre Lellouche. Donc l’emploi éventuel de forces militaires à côté des vôtres dépend de la préfecture de police ?

M. Jean-Marc Falcone. Sur Paris. J’ignorais les instructions auxquelles vous faites allusion.

M. Pierre Lellouche. Comment est-ce possible ?

M. Jean-Marc Falcone. Parce que je ne suis pas compétent sur Paris. C’est le préfet de police qui a l’entière compétence sur l’ensemble du territoire de la capitale, tout comme pour le déclenchement de la FIPN. Je n’ai donc pas eu connaissance de cette instruction, et je n’avais pas à en connaître.

M. Pierre Lellouche. Vous avez 145 000 agents sous vos ordres, dont le RAID et l’ensemble des BAC !

M. Jean-Marc Falcone. À l’exception des fonctionnaires de police de la préfecture de police de Paris.

Mme Françoise Dumas. Cela vous semble-t-il pertinent dans la situation ?

M. Pierre Lellouche. Je trouve cela aberrant !

M. Pascal Popelin. Ce n’est pas une découverte.

M. le président. Le directeur a clairement répondu que cela ne relevait pas de sa compétence territoriale.

M. Christophe Cavard. C’est la troisième commission d’enquête à laquelle je participe, et j’ai déjà eu l’occasion de vous entendre depuis 2012. Aujourd’hui, la presse, et en particulier L’Obs, revient sur la guerre des polices. Est-ce un fantasme, ou existe-t-il des problèmes de coordination ? Imaginez la surprise que peut provoquer la lecture de certaines déclarations, dont celle d’un général que nous allons auditionner après vous !

Par ailleurs, il existe un débat concernant le rôle et les fonctions des renseignements territoriaux, qui dépendent de la direction centrale de la sécurité publique. Les choses se sont largement améliorées depuis 2012, mais de votre point de vue, d’autres évolutions de ce service particulier sont-elles souhaitables ? Pourrait-il contribuer à fournir des renforts afin de pallier les problèmes d’effectifs ?

Enfin, s’agissant de l’utilisation des deux forces que sont la police et la gendarmerie, j’ai cru comprendre à la lecture de la presse que le ministre avait donné des consignes, au moins pour les unités d’élite. Comment cela va-t-il être mis en œuvre ?

M. Jean-Marc Falcone. S’agissant de la supposée guerre des polices, ce n’est pas un phénomène nouveau dans l’histoire de la police et de la gendarmerie de notre pays. La Gendarmerie nationale et la Police nationale disposent, incontestablement, de compétences et d’expertise, celle-ci étant d’ailleurs identique dans de très nombreux domaines.

J’ai également lu cet article de L’Obs, et je ne m’y suis pas reconnu. Avec le général Favier, nous avons fait d’énormes progrès. Tout d’abord, nous nous entendons bien, ce qui compte car les institutions sont aussi faites d’hommes, et de chefs. En outre, le ministre de l’Intérieur apprécierait peu que des guerres des polices puissent à nouveau voir le jour, au vu des événements dramatiques que nous vivons. Nous et nos hommes savons très bien que nous ne pouvons pas jouer à cela.

M. Christophe Cavard. Je fais référence aux propos des chefs du RAID et de la BRI.

M. Jean-Marc Falcone. Ces gens ont notre respect, parce qu’ils montent au feu ; leur position n’est pas celle des deux chefs de la police et de la gendarmerie, je peux vous l’assurer.

En ce qui concerne le Service central du renseignement territorial (SCRT), la Direction centrale des renseignements généraux a été supprimée. Une partie de ses effectifs a rejoint la Direction centrale du renseignement intérieur (DCRI) de l’époque, et l’autre, 700 ou 800 personnes, est partie dans les SDIG – services départementaux d’information générale – dont le nom même ne mentionnait plus le renseignement, ce qui montre bien que toute la doctrine du renseignement avait disparu du dispositif. Au bout de deux ou trois ans, il est clairement apparu que les effectifs et l‘expertise de ces services étaient insuffisants. Ainsi, le SDIG du département dont j’étais préfet comprenait une dizaine de personnes alors que quelques années auparavant, la direction départementale des renseignements généraux en comptait vingt-cinq ou trente !

La création de la Direction générale de la sécurité intérieure (DGSI) par le ministre de l’Intérieur de l’époque a coïncidé à la création du Service central du renseignement territorial – le mot « renseignement » est réapparu, et ce n’est pas qu’une question de sémantique. Actuellement, il regroupe 2 200 à 2 300 équivalents temps plein. Il est réparti sur l’ensemble du territoire : un important service central à Paris assure les synthèses, les analyses et les expertises, et une division nationale du renseignement permet de se pencher sur des événements majeurs pour assurer l’aide et l’assistance au personnel territorialement compétent.

M. François Lamy. Monsieur le directeur général, quel était votre niveau d’information sur l’état de la menace terroriste entre le 7 janvier et le 13 novembre ? On entendait notamment beaucoup parler du risque d’attaques simultanées.

Avez-vous fait des propositions au ministre de l’Intérieur entre ces deux dates en matière d’organisation des services de police ? L’existence d’une note que le Premier ministre aurait eue en main au soir du 13 novembre, recommandant entre autres la déclaration de l’état d’urgence, a souvent été évoquée. Des mesures avaient-elles été envisagées ?

Ma troisième question peut appeler une simple réponse par oui ou non, mais c’est la plus difficile. Je connais l’histoire de la préfecture de police de Paris, et les raisons de son existence. Pensez-vous qu’il soit toujours d’actualité d’avoir, au sein de la Police nationale, un État dans l’État qui dispose notamment de ses propres services de renseignement ? Est-ce encore utile ?

M. Jean-Marc Falcone. Les services de renseignement, l’UCLAT et le secrétariat général de la défense et de la sécurité nationale (SGDSN) produisent de manière hebdomadaire des notes sur l’état de la menace. Le Président de la République, le Premier ministre et le ministre de l’Intérieur n’ont cessé de répéter que le niveau de la menace n’avait jamais été aussi élevé.

Nous avions connu les prémices en octobre 2015 à Joué-lès-Tours, lorsqu’une personne radicalisée est entrée dans le commissariat avec un couteau pour tuer les policiers avant de se faire neutraliser. Nous avions donc des informations, le directeur général que je suis avait des informations, peut-être pas aussi poussées que la DGSI dont c’est le métier, mais au vu des échanges de renseignements qui existent entre les directions générales, je savais que le niveau de menace était élevé.

S’agissant des propositions que j’ai pu faire au ministre de l’Intérieur, nous avons notamment revu les plans de formation et d’équipement des fonctionnaires. Lorsque nous avons travaillé sur la COP 21, nous avions proposé le rétablissement temporaire des frontières, et le dispositif a été mis en place dès le 13 novembre au soir pour assurer la protection nécessaire à la suite des attentats. Nous avions également mis en œuvre la collaboration entre le GIGN et le RAID pour coordonner ces deux forces.

Donc j’étais bien informé, et nous avons travaillé individuellement et collectivement au sein de réunions d’état-major hebdomadaires sur le terrorisme et l’ordre public, autour du ministre de l’Intérieur. Nous avons tous participé à l’élaboration de différentes stratégies et de différents plans.

S’agissant de la préfecture de police, j’estime qu’à Paris, il doit y avoir un préfet de police et une préfecture de police, parce que les problèmes y sont spécifiques. Il faut donc un patron pour diriger l’ensemble des forces de police de la capitale, qui doit ainsi disposer d’une autorité organique et fonctionnelle sur ses effectifs.

M. François Lamy. Il y a un préfet de police qui a autorité sur les policiers à Marseille. Or vous êtes également compétent sur cette ville.

M. Jean-Marc Falcone. Pas tout à fait.

M. François Lamy. Le préfet de Marseille est en effet directement rattaché au ministre de l’Intérieur, si je me souviens bien.

M. Jean-Marc Falcone. Mais à Lyon, par exemple, je peux diriger les forces de l’ordre.

M. Pierre Lellouche. À Lyon, vous connaissez le mode d’emploi des militaires, mais pas à Paris.

M. Jean-Marc Falcone. À Lyon, le jour où il faudra faire intervenir les militaires, cela se fera avec le préfet de Lyon.

M. Pierre Lellouche. Mais vous avez une doctrine sur l’utilisation des militaires en cas de tuerie de masse ?

M. Jean-Marc Falcone. Non, elle n’existe pas.

M. Pierre Lellouche. Comptez-vous en élaborer une ?

M. Jean-Marc Falcone. Le travail est en cours avec le ministère de la Défense.

M. le président. La question de M. Lamy était très précise. L’existence de la préfecture de police de Paris, survivance du passé, se justifie-t-elle encore compte tenu des menaces qui pèsent aujourd’hui sur notre pays ? Encore une fois, c’est un problème institutionnel et non pas de personne.

M. Jean-Marc Falcone. Si les choses se passent bien entre le préfet de police et les directeurs généraux, au vu de la spécificité de Paris, avoir un préfet de police de plein exercice se justifie, à condition de ne pas faire de la PP une forteresse.

M. le président. Dans un de ses livres, le nouveau garde des sceaux avait proposé la suppression de la préfecture de police de Paris…

M. Meyer Habib. Le facteur temps est essentiel. Le 13 novembre, il y a eu l’attaque au Stade de France puis cinq événements en parallèle. Les terroristes ont tué près de cent personnes au Bataclan avant l’arrivée d’un commissaire de la BAC, qui en neutralisant l’un d’entre eux a mis, semble-t-il, un terme au massacre.

À la limite, peu importe le déclenchement ou non de la FIPN, car le temps qu’elle se prépare et qu’elle arrive, il est déjà presque trop tard. Comment faire en sorte d’avoir, en permanence, dans les grandes villes, des forces équipées et prêtes à partir dans la minute, comme cela se passe dans certains pays ? Il faut des gens formés capables d’arriver en un temps minimum. Pour mener une opération comme celle de Saint-Denis, les forces d’intervention sont maîtresses du temps. Dans le cas de tueries de masse, en revanche, le temps ne nous appartient pas, et les terroristes tuent. Seul un élément qui perturbe leur stratégie peut les arrêter.

Comment faire pour disposer dans le futur de forces prêtes à intervenir de façon immédiate ? Certes, c’est très difficile sur un territoire de 550 000 kilomètres carrés, mais au moins dans les grandes villes.

M. Pierre Lellouche. Ma question porte sur le commandement, et elle rejoint celle de François Lamy. Je trouve invraisemblable que le commandement à Paris relève du préfet, invraisemblable que vous soyez compétent à Lyon mais pas à Paris. Ce point devra effectivement être abordé dans les conclusions de notre rapport.

Je voulais revenir sur la chronologie : vous avez dit avoir fait converger sur Paris 215 policiers de la grande couronne vers 21 h 40. Par contre, vous faites intervenir le RAID bien après. Votre réflexe est donc de mobiliser les BAC des départements plutôt que le RAID ?

M. Jean-Marc Falcone. Pas du tout monsieur le député. C’est à 22 h 40 que j’ai donné l’ordre aux policiers de converger vers Paris.

M. Pierre Lellouche. Sauf que les policiers de la BAC de Créteil étaient à 21 h 42 au Bataclan.

M. Jean-Marc Falcone. L’ordre que j’ai donné à 22 h 40 s’adressait aux équipages de la grande couronne, afin qu’ils aillent prêter main-forte au préfet de police. Nous avons donné les instructions à partir du centre interministériel de crise (CIC) de la place Beauvau.

M. Pierre Lellouche. Mais le personnel de la BAC était déjà au Bataclan depuis une heure, à 21 h 40.

Ce qui m’interpelle, c’est que lorsque le policier de la BAC demande les conditions d’emploi du militaire, on ne sait pas lui répondre. Et vous faites, quant à vous, intervenir les forces spécialisées une heure après l’arrivée des policiers de terrain sur place. Il y a certainement de bonnes raisons à cela, mais j’aimerais les connaître.

Enfin, vous dites avoir créé autour de vous un état-major opérationnel et de renseignement…

M. Jean-Marc Falcone. Non, c’est mon service central du renseignement qui me nourrit en renseignement.

M. Pierre Lellouche. Y a-t-il près de vous un endroit où tout le renseignement converge ? Le service de renseignement qui rend compte à votre état-major, c’est celui de la police, qui n’est pas branché sur les autres ?

M. Jean-Marc Falcone. Monsieur Habib, les instructions données par le ministre de l’Intérieur, qui vont être déclinées dans le schéma d’intervention, répondent à votre préoccupation. Ce schéma conjugue en effet l’intervention, avant l’arrivée des forces spécialisées, des primo-arrivants et surtout des BAC et des BRI que nous équipons pour leur permettre d’intervenir dans les meilleures conditions de sécurité et avec les moyens d’attaque ou de défense les plus performants – j’y ai fait référence tout à l’heure. D’ici à la fin du mois de mai, la formation, l’équipement et le parc automobile seront donc adaptés pour pourvoir procéder à des interventions en cas de tueries de masse, dans l’objectif de stabiliser et de neutraliser la situation, à l’instar de ce qui s’est passé au Bataclan.

On ne peut évidemment pas créer des unités d’intervention sur l’ensemble du pays. Elles sont situées le plus harmonieusement possible sur le territoire. Et en cas de tueries de masse, il n’y aura plus de secteur police et de secteur gendarmerie : c’est la force d’intervention la plus proche des lieux du drame qui interviendra.

Monsieur Lellouche, mon état-major a contacté le chef du RAID à 21 h 45, pour mobiliser la force d’intervention. Je l’ai moi-même appelé quelques minutes plus tard, avant de rejoindre le CIC place Beauvau. Ensuite, quand je suis arrivé au ministère de l’Intérieur, j’étais accompagné de mes directeurs centraux, dont le directeur central de la sécurité publique, avec lequel nous avons échangé. Nous avons considéré que si cela continuait à frapper sur Paris, il faudrait apporter du renfort à la préfecture de police, pas des forces d’intervention, mais du service général. Nous avons donc envoyé les patrouilles disponibles, sans réduire à néant la présence policière dans les quatre départements de la grande couronne.

À 22 h 40, nous avons requis des unités pour assurer des points de barrage, de l’assistance, des patrouilles. Le préfet de police aurait ainsi pu les envoyer dans les gares – on ne savait pas si tous les auteurs de ces massacres étaient fixés. Les forces d’intervention ont constitué la priorité, même si la FIPN n’a pas été mise en œuvre : le but était d’envoyer le plus grand nombre d’unités formées et armées pour mettre fin à ces événements. C’est dans un deuxième temps, que nous avons décidé de mettre des unités du service général à disposition de la direction de la sécurité de proximité de l’agglomération parisienne (DSPAP) du préfet de police.

M. Serge Grouard. Monsieur le directeur général, j’ai le sentiment que nous n’étions pas du tout préparés à ces attentats, que c’est la sidération qui l’a emporté. Comment vous, ainsi que l’ensemble des policiers et des intervenants, l’avez-vous ressenti ?

Vous avez mentionné toutes les évolutions en cours à la suite des attentats du 13 novembre – schéma national d’intervention, doctrine d’emploi pour les primo-intervenants, enquêtes de la police judiciaire, plan BAC, etc. Mais pourquoi ne pas avoir pris ces mesures plus tôt ? Certes, il est toujours facile de soulever ces questions a posteriori –nous sommes à huis clos et cela n’a pas vocation à être porté sur la place publique. Pourquoi ne pas avoir agi après les attentats de janvier, d’autant qu’avant cela, il y avait eu des attentats de masse partout dans le monde, en Espagne, en Grande-Bretagne…. Peut-être avons-nous pensé – et nous aussi, chers collègues – que la France était sanctuarisée et que cela n’arriverait pas chez nous. Pourquoi a-t-il fallu attendre le carnage du 13 novembre pour commencer à prendre les choses en compte ?

M. Pascal Popelin. Sur la FIPN, j’ai bien noté dans vos explications qu’elle avait été créée dans un contexte d’organisation des forces d’intervention différent de celui qui existe aujourd’hui, s’agissant en particulier de l’articulation du RAID et des GIPN, qui forment maintenant une structure intégrée. Nous avons également observé que sur le terrain, au Bataclan, l’articulation opérationnelle entre BRI et RAID semble avoir été convenable.

Considérez-vous que si nous avions formellement été dans le dispositif FIPN, cela aurait amélioré l’efficience de l’organisation des interventions au cours de la soirée ? Ou cela n’aurait-il rien changé ?

M. Jean-Michel Villaumé. Je voudrais revenir sur les conditions d’emploi des forces armées. Il y a 10 000 hommes mobilisés sur le territoire, plusieurs milliers à Paris. Quel regard portez-vous sur le rôle des militaires ? Pourriez-vous mieux travailler ensemble, ou les militaires de l’opération « Sentinelle » doivent-ils rester une force de dissuasion ?

M. Jean-Marc Falcone. Monsieur Grouard, même lorsqu’on est directeur général de la police nationale, directeur de cabinet du ministre, préfet de police ou directeur général de la gendarmerie nationale, on a forcément un moment d’interrogation quand on vous annonce des dizaines de morts et des attaques multiples. Mais nous n’étions pas dans la sidération et nous comprenions très bien ce qui se passait. Certes, nous ignorions comment les choses se déroulaient exactement et combien de temps cela durerait, mais nous savions très bien, à entendre les témoignages qui nous arrivaient, que ces événements correspondaient hélas à un scénario que d’autres pays avaient d’ores et déjà connu.

Mon propos introductif a été volontairement rapide et schématique, mais nous avions mis en place un certain nombre de dispositifs dès les attentats du mois de janvier dernier. Nous avions ainsi travaillé sur les doctrines d’emploi, préparé des commandes d’armement et de protection pour nos fonctionnaires. J’avais réuni les organisations syndicales avant la fin du mois de janvier pour envisager un déploiement de matériel. S’agissant de la coordination entre le GIGN et le RAID, il existe des notes antérieures au 13 novembre.

Non, tout n’a pas été fait après le 13 novembre : l’état-major auquel je faisais allusion est antérieur, la salle d’information également, ainsi que les recrutements. Le plan BAC a été décidé par le ministre lorsqu’un fonctionnaire de la BAC du 93 a pris une balle dans la tête sur un braquage – et c’était avant les attentats de novembre.

Bien évidemment, après le 13 novembre, il a fallu confirmer la cohérence de ces dispositifs doctrinaux, organisationnels, d’équipement, de ressources humaines, mais nous avions travaillé dès les 9 et 10 janvier, pour développer au sein de la police nationale – préfecture de police comprise – un dispositif de déploiement et d’acquisition de nouveau matériel car nous avions alors considéré que l’on risquait d’avoir besoin de ce dispositif au vu de la menace.

Dès la fin 2014, le Service central du renseignement territorial s’est réorienté, comme je l’ai dit précédemment, sur la radicalisation et le terrorisme afin de suivre un certain nombre d’objectifs pouvant être considérés comme dangereux, avec un spectre de gravité différent selon les individus. Nous n’avons pas fait monter le renseignement territorial dans sa compétence radicalisation et terrorisme après le 13 novembre. Cela s’est fait avant, avec notamment le développement de la plateforme d’appels sur la radicalisation de l’UCLAT. Et après l’attentat dans l’usine de Saint-Quentin-Fallavier, il a été décidé de créer l’EMOPT – l’état-major opérationnel de prévention du terrorisme. De nombreux dispositifs ont donc été mis en place avant le 13 novembre.

S’agissant de l’opération au Bataclan, la FIPN est une procédure qui met un homme à la disposition du préfet de police – puisqu’elle ne peut pas être mise en œuvre sur le territoire métropolitain, où seul le RAID est compétent.

M. le président. La décision de ne pas mettre en œuvre la FIPN a été prise en plein accord avec le ministre de l’Intérieur ?

M. Jean-Marc Falcone. Oui, le préfet de police n’a pas exprimé le souhait de voir mettre en place la FIPN.

M. le président. Donc le ministre de l’Intérieur était parfaitement informé ?

M. Jean-Marc Falcone. Oui, nous étions tous dans la même salle.

M. Pascal Popelin. Cela n’a même pas été abordé ?

M. le président. Monsieur le directeur général, où étiez-vous physiquement, avec le préfet, lorsque la décision de laisser intervenir la BRI en force menante a été prise ?

M. Jean-Marc Falcone. J’ai appelé le RAID lorsque je me dirigeais vers le CIC, qui se trouve dans les sous-sols du ministère de l’Intérieur.

M. le président. Qui était présent à ce moment-là ?

M. Jean-Marc Falcone. Il y avait mon homologue de la gendarmerie…

M. le président. C’est-à-dire le général Favier ?

M. Jean-Marc Falcone. Oui. Il y avait également les directeurs centraux, des représentants des autres ministères, puisque c’est une salle interministérielle.

M. le président. Il n’y avait pas le ministre ?

M. Jean-Marc Falcone. Le ministre est arrivé après, avec le Président de la République et le Premier ministre. Ils sont venus faire un point.

À aucun moment, dans cette salle, nous n’avons parlé de la mise en œuvre de la FIPN.

M. le président. Cela n’a été évoquée à aucun moment, ni par vous, ni par le préfet de police, ni par le ministre ?

M. Jean-Marc Falcone. Le préfet de police était absent, par définition, puisqu’il était sur le terrain.

M. le président. La question ne s’est même pas posée ?

M. Jean-Marc Falcone. L’objectif, cette nuit-là, était de mettre à disposition du préfet de police le maximum de forces d’intervention compétentes pour mettre un terme à ces tueries.

M. le président. Nous sommes bien d’accord. Mais dans le cadre de cette réflexion, personne n’a suggéré, à aucun moment, de mettre en œuvre la FIPN ?

M. Jean-Marc Falcone. Non.

M. François Lamy. Le préfet de police était sur le terrain ?

M. Jean-Marc Falcone. Oui.

M. François Lamy. Dans la défense, il y a un état-major et un commandement tactique, qui est sur le terrain. Le 13 novembre, le principal décideur n’était pas dans la salle de commandement, mais sur le terrain. Et donc, difficilement joignable.

M. Jean-Marc Falcone. Je n’ai pas essayé d’entrer en contact avec le préfet, je le laisse travailler.

M. le président. Le préfet de police n’était donc pas au CIC à ce moment. C’est pourtant lui qui aurait compétence pour demander la mise en œuvre de la FIPN.

M. Jean-Marc Falcone. Il était sur le terrain, entouré de ses directeurs, du chef de la BRI et de Jean-Michel Fauvergue, chef du RAID. Il a considéré, au vu des événements et d’une situation qu’il vivait et en tant que responsable, qu’il n’avait pas à demander la FIPN.

M. le président. L’autorité politique aurait-elle pu se dispenser de l’avis du préfet de police, et prendre l’initiative de mettre en œuvre la FIPN sans que le préfet de police ne la demande ?

M. Jean-Marc Falcone. Le ministre commande le préfet de police, le GIPN, et tout le monde. Il aurait pu le faire à condition que nous en ayons débattu, ce qui n’a pas été le cas. Notre seul souci était d’envoyer des forces. Et celui qui était responsable de ces forces pour mettre un terme à cette tuerie était le préfet de police.

Le préfet de police était sur place, les forces d’intervention lui ont dit comment elles comptaient intervenir, et il a pris sa décision en tant que directeur des opérations.

M. Pierre Lellouche. À Lyon, il en aurait été autrement.

M. Jean-Marc Falcone. Cela aurait été exactement la même chose.

M. le président. Pas tout à fait, il n’y a pas de compétence exclusive.

M. Jean-Marc Falcone. À Lyon, c’est le RAID qui est compétent. Or la FIPN ne peut pas être mise en œuvre que lorsqu’il y a deux forces.

M. le président. Le RAID est compétent à Paris à partir du moment où l’on déclenche la FIPN. Si on ne le fait pas, le RAID n’est pas compétent.

M. Jean-Marc Falcone. Le RAID peut intervenir à Paris sans déclenchement de la FIPN, en tant que force concourante. Si l’on déclenche la FIPN, il devient menant, sous les ordres directs du préfet de police.

M. le président. Voilà, et ce n’est pas le cas hors de Paris.

M. Pascal Popelin. Les choses sont bien claires : le seul changement qu’aurait entraîné le déclenchement de la FIPN – qui n’a été ni évoqué ni demandé – eût été que le patron du RAID serait mécaniquement devenu le patron d’une opération qui, en l’occurrence, a été menée par le préfet de police et la BRI, avec l’appui du RAID qui était présent et qui s’est coordonné avec les autres unités.

M. le rapporteur. Le RAID aurait donc été menant sous l’autorité du préfet de police.

M. Jean-Marc Falcone. Le responsable, à Paris comme dans tous les départements, c’est le représentant de l’État et du Gouvernement, soit comme le prévoit la Constitution, le préfet.

M. Pierre Lellouche. Convenez qu’il n’est pas neutre de donner, ou non, le commandement opérationnel, sous l’autorité du préfet, à l’organisme le plus expérimenté parmi vos forces pour les tueries de masse et le terrorisme.

La question est bien celle-ci : quelle est la doctrine d’emploi des forces spécialisées sur la lutte antiterroriste un soir comme celui-là ? Il n’est pas neutre que ces forces ne soient pas employées comme forces menantes. Il est de notre devoir d’essayer de comprendre.

M. Jean-Marc Falcone. J’essaie de vous apporter les réponses les plus objectives possibles.

M. Pierre Lellouche. Si la raison, c’est que le préfet est souverain, elle n’est pas satisfaisante. Le Gouvernement est souverain, et en l’occurrence le ministre de l’Intérieur, qui a l’autorité hiérarchique sur tous les préfets, y compris le préfet de police de Paris.

M. le président. Au final, la BRI était menante, et s’agissant de nos deux forces d’élite nationales, qui nous sont enviées par le monde entier, l’une était concourante et est restée au rez-de-chaussée, tandis que l’autre était sur le pied de guerre à la caserne des Célestins. En fait, nos deux forces d’élite étaient en retrait.

M. Pascal Popelin. Eu égard à l’audition des différents intervenants précédents, et à la suite du déplacement fort utile sur site jeudi dernier, je ne pense pas que l’on puisse dire que le RAID ait été simplement concourant. Il était effectivement sous l’autorité du préfet de police, comme cela aurait de toute façon été le cas, mais bel et bien coacteur de l’opération.

Il est toujours facile de refaire le film après coup, mais je considère à titre personnel qu’avoir cantonné le GIGN à la caserne des Célestins au cas où d’autres événements encore se seraient produits ailleurs avait du sens.

M. Alain Marsaud. C’est une évidence !

M. le président. La réflexion que nous menons porte sur l’avenir. En tout état de cause, nous n’inventons rien puisque des réflexions en cours sur la territorialité, sur les doctrines d’emploi. Il est donc normal que nous posions ces questions.

Messieurs, il me reste à vous remercier de votre disponibilité.

*

* *

Audition, à huis clos, du général Denis Favier, directeur général de la gendarmerie nationale, et du colonel Samuel Dubuis, membre de son cabinet.

M. le président Georges Fenech. Mon général, mon colonel, nous vous remercions d’avoir répondu à la demande d’audition de notre commission d’enquête relative aux moyens mis en œuvre par l’État pour lutter contre le terrorisme depuis le 7 janvier 2015.

Vous savez que nous avons déjà tenu de nombreuses auditions consacrées tout d’abord aux victimes et à leur prise en charge par les secours, puis à la chronologie des événements de janvier et de novembre 2015 sur lesquels nous avons d’ailleurs eu l’occasion de vous entendre.

Nous poursuivons avec vous une nouvelle phase de nos travaux, commencée aujourd’hui avec le directeur général de la police nationale, et qui tend, à la lumière de l’expérience des attentats de janvier et novembre 2015, à nous interroger sur les moyens et les missions des forces de sécurité intérieure, et donc maintenant sur ceux de la gendarmerie.

Cette audition, en raison de la confidentialité des informations que vous êtes susceptible de nous délivrer, se déroule à huis clos. Elle n’est donc pas diffusée sur le site internet de l’Assemblée. Néanmoins, et conformément à l’article 6 de l’ordonnance 58-1100 du 17 novembre 1958 relative au fonctionnement des assemblées parlementaires, son compte rendu pourra être publié en tout ou partie, si nous en décidons ainsi à l’issue de nos travaux. Je précise que les comptes rendus des auditions qui se déroulent à huis clos sont au préalable transmis aux personnes entendues afin de recueillir leurs observations. Ces observations sont soumises à la commission, qui peut décider d’en faire état dans son rapport.

Je rappelle que, conformément aux dispositions du même article, « sera punie des peines prévues à l’article 226-13 du code pénal un an d’emprisonnement et 15 000 euros d’amende – toute personne qui, dans un délai de vingt-cinq ans divulguera ou publiera une information relative aux travaux non publics d’une commission d’enquête, sauf si le rapport publié à la fin des travaux de la commission a fait état de cette information ».

Conformément aux dispositions de l’article 6 précité, je vais maintenant vous demander de prêter le serment de dire toute la vérité, rien que la vérité.

Le général Denis Favier et le colonel Samuel Dubuis prêtent successivement serment.

Je vous laisse la parole pour un exposé liminaire qui sera suivi par un échange de questions et réponses.

Général d’armée Denis Favier, directeur général de la gendarmerie nationale. Monsieur le président, mesdames et messieurs les députés, merci de m’accueillir à nouveau. Je suis très heureux de pouvoir m’exprimer devant vous sur les adaptations que la gendarmerie a dû réaliser dans les mois qui viennent de s’écouler pour faire face à la menace terroriste.

Mes propos liminaires se limiteront à dresser quelques constats sur l’état actuel d’une menace que vous connaissez, qui a été définie ici à plusieurs reprises. Mon analyse vise surtout à vous exposer les conséquences que j’en tire en termes d’adaptation de mon dispositif.

Premier constat : nous sommes confrontés à une menace terroriste qui s’inscrit dans la durée. Notre adaptation ne peut donc pas être ponctuelle mais elle implique – il faut vraiment le souligner – une rénovation profonde de notre action.

Deuxième constat : cette menace terroriste latente, diffuse, est caractérisée par un faible coût des armes utilisées qui favorise le passage à l’acte, mais aussi par son lien avec la grande délinquance de droit commun. Cette caractéristique nous contraint à mieux combiner les opérations de police administrative et de police judiciaire. Il s’agit d’une priorité et des directives ont d’ores et déjà été données aux unités pour optimiser ce volet essentiel.

Troisième et dernier constat : aucun point du territoire national n’est préservé, ce qui nous oblige à avoir une approche globale pour l’ensemble du pays. La compétence de la gendarmerie s’étend sur 95 % du territoire national, une zone où réside une partie importante de la population mais où se trouvent aussi de nombreux sites sensibles : des centrales nucléaires, des usines de type Seveso, de grands centres commerciaux construits à la périphérie des villes, et la plupart des sites militaires sensibles, pour ne citer que quelques exemples emblématiques.

Une fois ces constats dressés, j’ai défini quatre domaines dans lesquels notre action devait être améliorée : le renseignement ; le contrôle des flux et en particulier des entrées sur le territoire national ; le maillage territorial des unités d’intervention, sujet au cœur de l’actualité et de vos préoccupations, qui fait l’objet d’une réflexion très avancée au ministère de l’Intérieur ; notre capacité de résilience, à développer en lien avec la réserve opérationnelle de la gendarmerie et une future garde nationale française.

Dans le domaine du renseignement, nous devons poursuivre le travail collectif déjà engagé et identifier les marges de progrès. La gendarmerie ne fait pas partie des six entités du premier cercle du renseignement et elle ne revendique pas d’en devenir membre. Les unités du premier cercle font leur travail et connaissent ce que j’appellerais du renseignement fermé. La gendarmerie nationale intervient dans le deuxième cercle, avec les unités de compétence générale de la police nationale, pour collecter et analyser le renseignement territorial.

Compte tenu de l’étendue de sa zone d’intervention, de ses 3 000 brigades, de ses 60 000 militaires de la gendarmerie départementale et de ses outils informatiques, la gendarmerie a les moyens de capter les signaux faibles dans le territoire, de les analyser et de les faire remonter. Mieux prise en compte que par le passé, et s’appuyant sur un système de traitement des données très performant (la BDSP : base départementale de sécurité publique), cette capacité se révèle aujourd’hui essentielle, au regard notamment du nombre d’individus présentant des signes de radicalisation.

Dans cet esprit, nous avons décidé de créer 75 antennes de renseignement territorial (ART) dans des villes dans lesquelles nous sommes en zone de pleine compétence. Ce dispositif innovant produit d’ores et déjà des résultats probants. À titre d’exemple, je citerais Lunel, une ville qui a connu de nombreux départs pour le djihad, et d’où nous remontent des renseignements de toute première qualité depuis dix mois, ce qui nous permet de conduire une action particulièrement positive.

Notre positionnement en la matière pourrait se résumer ainsi : ancrage dans le renseignement territorial et valorisation de cette chaîne ; présence dans l’état-major opérationnel de prévention du terrorisme (EMOPT) qui a été constitué au sein du ministère de l’Intérieur après l’attentat de Saint-Quentin-Fallavier, à un moment où nous avons réalisé que certaines informations s’avéraient insuffisamment partagées. Cette structure, de taille réduite et où chacun des services est représenté, permet de fluidifier le partage des renseignements et de vérifier la réalité du suivi des personnes signalées et répertoriées au sein du fichier de traitement des signalements pour la prévention de la radicalisation à caractère terroriste (FSPRT). Pour ma part, je considère qu’il s’agit d’une avancée très positive qu’il faut entretenir au cours des années à venir.

Deux pistes d’amélioration pourraient être explorées. D’une part, et à l’instar de notre présence au sein de la Direction du renseignement militaire (DRM), de la Direction de la protection et de la sécurité de la défense (DPSD) et de la Direction générale de la sécurité extérieure (DGSE), entités du premier cercle, je suis favorable au détachement de gendarmes au sein de la Direction générale de la sécurité intérieure (DGSI). Il serait intéressant d’explorer cette piste au cours des prochains mois.

D’autre part, et afin de conforter le haut niveau de coopération entre le renseignement territorial et la gendarmerie, il me paraîtrait opportun de réfléchir au positionnement du Service central de renseignement territorial (SCRT).

Deuxième domaine d’améliorations possibles et qui, à mes yeux, est très important : le contrôle des flux. Depuis les attentats de janvier 2015, je considère que les points vulnérables de notre dispositif sont incontestablement les nœuds autoroutiers, les gares ferroviaires et les aéroports. Nous devons mieux contrôler, dans la profondeur du territoire, tous les axes qui convergent vers les villes et qui servent de vecteurs aux terroristes, qu’il s’agisse d’infrastructures routières, ferroviaires, portuaires ou aéroportuaires.

C’est la raison pour laquelle il faut notamment développer le système de lecture automatisée de plaques d’immatriculation (LAPI), qui serait encore plus performant si les données étaient collectées au plan national. Le système de traitement central de lecture LAPI (STCL) que je défends permettrait de détecter des mouvements de véhicules sur l’ensemble de nos axes routiers, mais il faudrait aussi faire évoluer les textes pour que nous puissions vraiment exploiter ces données. Quoi qu’il en soit, nous avons là un moyen de développer une action attendue de sécurisation du territoire national.

Dans ce domaine, nous pouvons également bâtir un engagement avec les armées, notamment dans le cadre du dispositif Sentinelle. À chaque fois que nous avons tenu des barrières de péages, ce que nous avons fait après le 13 novembre pendant plusieurs semaines, nous avons obtenu des résultats importants. De tels dispositifs contribuent à valoriser le sentiment de sécurité et sont de nature à dissuader les actions terroristes.

Dépassons le cadre du territoire national et élargissons un peu le périmètre d’observation. Je pense qu’il faut, d’une manière plus large, dans la même optique de contrôle des flux, avoir une réelle action aux frontières extérieures de l’Union européenne. C’est le sens du dispositif que nous sommes en train de mettre en œuvre. Si l’on va au-delà, je pense que nous devons aussi porter un regard affûté sur les zones de départ des terroristes : l’Afrique, la Libye, les pays du pourtour Est de la Méditerranée. Nous avons là une action déterminante à conduire. C’est une action de police générale qui doit impliquer les unités de l’intérieur et sans doute aussi les armées. Ce faisant, nous pourrions développer une politique cohérente de contrôle des flux.

Troisième domaine : la doctrine et les schémas d’intervention. Les attentats de janvier et de novembre ont mis en évidence la nécessité de faire évoluer nos schémas et de rénover nos doctrines nationales, en distinguant différents niveaux d’intervention. Je prolonge aujourd’hui une analyse que j’avais déjà esquissée devant vous. Mettons à part l’intervention élémentaire, celles des primo-engagés qui arrivent sur un fait de nature gravissime et qui doivent le gérer comme on l’a toujours fait dans notre pays : en se positionnant, en observant, en ripostant, le cas échéant.

Nous devons travailler l’intervention intermédiaire, celle où nous avons une fragilité, selon le plan engagé par le ministre, qui implique les brigades anti-criminalité (BAC) et les pelotons de surveillance et d’intervention de la gendarmerie (PSIG). Avant l’intervention des unités du haut du spectre que sont les service de Recherche, assistance, intervention, dissuasion (RAID) et le Groupe d’intervention de la gendarmerie nationale (GIGN), certaines unités doivent être capables d’engager le feu dans les quelques minutes qui suivent un début de tuerie planifiée. Nous devons développer de telles unités, en province notamment, en les dotant d’une puissance de feu renforcée, d’équipements de protection adaptés, et d’aides à la visée. Nous sommes en phase de montée en puissance dans ce registre et la gendarmerie aura atteint sa première cible au cours de l’été prochain : 50 PSIG « SABRE », répartis sur le territoire national, nous permettront ainsi de disposer d’une telle capacité intermédiaire.

Le GIGN et le RAID, les unités centrales spécialisées, doivent avoir des bras armés en province. La gendarmerie a trois antennes en province – à Toulouse, Orange et Dijon – auxquelles vont s’ajouter celles de Nantes, Tours et Reims dans le courant de l’année 2016. Ces unités sont en cours de formation et nous aurons à terme un dispositif assez solide, y compris outre-mer, puisque tous les départements et collectivités territoriales sont concernés. Nous allons notamment créer une antenne du GIGN à Mayotte, territoire sur lequel j’ai souhaité renforcer le dispositif d’intervention existant.

Voilà pour la théorie en matière d’intervention, mais nous devons également faire aboutir le schéma national d’intervention, qui fait l’objet d’importants débats. Nous devons notamment redéfinir ce que sont les unités du haut du spectre et ce qu’elles savent faire. Dans le cadre du schéma national d’intervention, nous avons listé des capacités qui font la différence en termes de contre-terrorisme. Nous avons également recensé les capacités des unités sur la base de déclarations ; il nous appartient à présent de vérifier leur existence réelle afin d’affiner le schéma national d’intervention.

Ce schéma, en cours de finalisation, rappelle les principes : l’unité concernée au premier chef est celle qui relève de la zone de compétence de la force considérée. Mais si cette dernière rencontre un problème technique ou si elle ne maîtrise pas une capacité nécessaire, une unité extérieure peut venir en force concourante. Ce schéma d’intervention me semble constituer une avancée considérable.

En matière d’intervention, la gendarmerie consent un effort important envers des groupes étrangers amis, notamment dans la bande sahélienne où nous devons nous déployer. Pour y être allé régulièrement, je considère qu’il y a là des menaces considérables, un besoin d’aide. Je préconise de reprendre la formation dans les cinq pays de l’arc sud sahélien – (la Mauritanie, le Mali, le Burkina Faso, le Niger et le Tchad) – et le Sénégal ainsi que la Côte d’Ivoire, afin de les aider à faire face aux menaces auxquelles ils sont aujourd’hui confrontés et que nous pourrons avoir à affronter demain.

Quatrième domaine : la résilience et le rôle de la réserve de la gendarmerie. La réserve est un outil exceptionnel, constitué de 25 000 hommes et femmes, dont 70 % de personnes âgées de vingt-cinq à quarante ans et qui, en complément de leur activité professionnelle, viennent travailler en gendarmerie pour contribuer à leur propre sécurité, là où ils vivent. Ce concept, qui fonctionne vraiment très bien, me permet de faire travailler 1 500 réservistes chaque jour, de renforcer la couverture du territoire, de collecter du renseignement, d’affirmer une présence de l’État, et de rassurer nos concitoyens. Il est possible d’aller encore plus loin en sollicitant notamment les réservistes pour la sécurité quotidienne, je pense aux écoles et aux hôpitaux. Cette piste de réflexion mériterait d’être creusée. Le succès de la réserve s’explique par son ancrage dans les territoires qui nous permet de faire travailler les gens pendant des périodes très courtes, parfois de vingt-quatre heures seulement.

Voici en quelques mots, Monsieur le président, ce que je voulais dire pour lancer les débats. Je suis bien sûr à votre disposition si vous souhaitez approfondir certains sujets notamment en ce qui concerne les équipements utilisés dans le cadre du plan de lutte antiterroriste du début de l’année ou du pacte de sécurité de fin d’année.

M. le président Georges Fenech. Merci, mon général, pour ces explications liminaires qui sont très riches et novatrices, qui témoignent d’une vraie réflexion que vous devrez soumettre aux autorités politiques, en collaboration avec la police nationale. Vous proposez que le service du renseignement territorial (SRT) soit codirigé par la police et la gendarmerie, ce qui implique des évolutions structurelles considérables. Vous parlez de refonte totale, d’évolutions fondamentales.

Je vais rebondir sur vos derniers propos car les commissaires d’enquête ont besoin de comprendre, sur un plan technique, ce que vous savez faire et que d’autres ne savent pas faire. Vous dites par exemple que vous pouvez réaliser des brèches par effractions chaudes. Pouvez-vous nous décrire cette technique ? D’autres services, tels que la brigade de recherche et d’intervention (BRI), peuvent-ils le faire ? Quelle est la valeur ajoutée du GIGN en matière d’intervention ?

Général d’armée Denis Favier. Monsieur le président, je vais vous parler de mon métier, de ce que je sais faire.

Compte tenu de sa nature, le GIGN a développé son concept d’intervention contre-terroriste à partir de capacités militaires qu’il a adaptées aux missions de police. Voilà le cheminement suivi : nous partons de nos capacités militaires et nous en atténuons les effets secondaires pour diminuer les dommages collatéraux, par exemple, pour intervenir sur le segment de missions de police. Il est plus difficile d’effectuer le cheminement inverse, c’est-à-dire de partir de missions de police pour aller vers des opérations de contre-terrorisme qui supposent l’emploi de moyens lourds. C’est une démarche différente sur les plans intellectuel et technique.

Notre longue pratique des engagements opérationnels nous a conduits à évoluer, notamment à utiliser les explosifs depuis vingt ans. Pour maîtriser cette technique, qui suppose un dosage particulièrement fin, nous avons, au départ, procédé de manière empirique.

Nous avons notamment engagé cette réflexion en 1994, après l’opération de Marignane où nous sommes entrés par la porte d’un avion pour libérer des otages. Une fois éventé, un mode d’action est perdu, on ne peut plus le développer, il faut en trouver un autre. Avec la délégation générale de l’armement (DGA), nous avons alors développé de nouveaux procédés.

Nous savons aussi travailler en ambiance polluée par une substance nucléaire, radiologique, biologique ou chimique (NRBC), équipés de tenues légères ou de scaphandres.

M. le président Georges Fenech. Nous sommes au cœur du sujet. Y a-t-il des questions sur ces points-là ?

M. Sébastien Pietrasanta, rapporteur. Comment auriez-vous agi à Saint-Denis sur la porte qui a explosé sans tomber ? Avez-vous des techniques différentes de celles du RAID ?

Général d’armée Denis Favier. Pas plus qu’il y a deux semaines, je ne peux vous répondre sur ce dossier-là puisque je n’étais pas sur place.

M. Pierre Lellouche. Le RAID et la BRI savent-ils intervenir face aux produits NRBC ?

Général d’armée Denis Favier. Je ne peux vous répondre que pour le GIGN. Les équipements de protection font l’objet d’une dotation individuelle et sont rigoureusement contrôlés.

M. Pierre Lellouche. Imaginons qu’il y ait une attaque chimique dans Paris, dans le métro ou dans un grand magasin. Qui saura gérer la situation ?

Général d’armée Denis Favier. Ces capacités sont listées dans le schéma d’intervention et elles vont faire l’objet d’une vérification. Je peux vous parler de ce que j’ai.

M. Pierre Lellouche. Vous être trop poli pour parler des autres, mon général ?

Général d’armée Denis Favier. Je reviens sur la finalité du schéma d’intervention, parce que c’est un point clef. Dans ce débat, on ne peut pas s’en tenir aux déclarations. Le ministre veut qu’on aille vérifier, capacité par capacité, qui est capable de faire telle ou telle chose. C’est déterminant. Et au bout de la vérification capacitaire, on saura répondre à votre question : qui est capable d’engager des explosifs, de faire face à des risques NRBC ? C’est un point très important et attendu.

M. le rapporteur. Au Maroc, il y aurait eu des éléments d’une bombe sale. Le schéma, que vous êtes en train d’élaborer, prend évidemment en compte ce type de menace particulière. Avez-vous dès à présent augmenté les capacités d’entraînement ou les équipements pour y faire face ?

Général d’armée Denis Favier. Oui, très clairement.

M. le rapporteur. C’est une préoccupation très importante ?

Général d’armée Denis Favier. Les unités du haut du spectre s’en préoccupent depuis plusieurs années. Elles sont capables de traiter le problème de l’amont – travail sous scaphandre, détection de substances NRBC et d’explosifs – à l’aval, c’est-à-dire jusqu’à l’intervention proprement dite. Ce dossier, complexe et ancien, est largement soutenu par le SGDSN, notamment sur le plan financier. Nous ne sommes pas en retard.

M. Serge Grouard. Allez-vous jusqu’à la décontamination ?

Général d’armée Denis Favier. Nous intervenons en effet à tous les stades : détection, intervention, décontamination.

M. François Lamy. Confirmez-vous que, le 13 novembre, le GIGN était positionné à la caserne des Célestins pour réagir au cas où il y aurait eu d’autres attaques dans Paris ? Était-ce bien sa mission ?

Général d’armée Denis Favier. Je vous le confirme, comme il y a quinze jours, quand je vous avais donné des précisions sur les horaires d’arrivée et les unités engagées.

M. François Lamy. Parmi les mesures prises depuis le 7 janvier, nous avons l’opération Sentinelle qui a mobilisé jusqu’à près de 10 000 soldats et qui a connu les difficultés inhérentes à la mise en place d’un nouveau dispositif. Des gardes statiques se sont transformées petit à petit en gardes dynamiques. Les soldats, qui travaillent sous l’ordre du préfet – ce qui n’est pas dans leurs habitudes –, ont vu leur temps de formation se réduire de manière considérable : près des deux tiers des sessions de formation ont été annulés l’année dernière et le seront encore cette année, dans l’attente des recrutements. Certains soldats cumulent six à sept missions Sentinelle dans l’année, alors qu’ils font aussi des opérations extérieures (OPEX) et que leur métier est, après tout, de faire la guerre et non de garder des lieux de culte, pour faire simple.

Nous réfléchissons, les uns et les autres, sur la manière de réduire petit à petit l’importance du dispositif Sentinelle. On se pose des questions, y compris sur l’emploi des soldats, le soir des attentats. Qui donne l’ordre de tirer ? Comment ? Pourquoi ?

Or nous avons une force militaire qui peut aussi faire des opérations de police et de la garde statique ou dynamique de sites tels que les centrales nucléaires. Si une force a toute l’expérience pour accomplir les tâches de la mission Sentinelle, c’est la gendarmerie nationale. On va me répondre que c’est une question d’effectifs. Si on trouvait la solution en matière d’effectifs, la Gendarmerie nationale n’aurait-elle pas toutes les capacités pour remplir la mission Sentinelle, ce qui permettrait à nos soldats d’aller faire la guerre, ou de s’y préparer en tout cas, ce qui est leur mission première ?

Général d’armée Denis Favier. Je me suis exprimé à plusieurs reprises sur ce sujet très sensible. En tant que patron de la gendarmerie, je pense que nous faisons face de manière satisfaisante aux problématiques générales d’insécurité : les cambriolages ont régressé en 2015 ; notre engagement est fort ; nous faisons également face à de lourdes séquences de maintien de l’ordre.

Cependant, la nature de la menace que nous rencontrons nous conduit à optimiser les moyens nationaux et, dans ce contexte, le recours aux moyens militaires est intéressant. Toutefois, je ne défends pas l’idée qu’il existerait une rupture stratégique. Afficher ce constat reviendrait en effet à admettre que Daech est parvenu à conquérir une partie du territoire national. Ce n’est pas le cas.

Je reconnais volontiers un durcissement de la menace, mais je pense que nous pouvons gérer la situation avec les moyens conventionnels et juridiques dont nous disposons. L’état d’urgence nous permet de faire face à la plupart des situations. De mon point de vue, l’emploi des forces armées sur le territoire national doit être guidé par le principe de subsidiarité, ce qui n’est pas un terme péjoratif dans ma bouche, et reposer sur une étroite collaboration avec les forces de sécurité du ministère de l’Intérieur dans une logique de « menant-concourant ».

Je reste aujourd’hui persuadé que le ministère de l’Intérieur possède l’ensemble des expertises techniques pour faire face aux nouvelles menaces. En outre, les gendarmes et policiers sont capables de passer très rapidement d’une posture de sécurité publique à une posture d’intervention, avec le souci constant de la proportionnalité des moyens et de la force engagés. Ce principe de réversibilité fait partie de nos fondamentaux et constitue l’un des piliers de la formation dispensée dans l’ensemble de nos écoles.

Il faut à mon sens développer l’emploi des forces armées dans une logique de contrôle des flux, comme nous le faisons en Guyane pour lutter contre l’orpaillage illégal, dans le cadre de l’opération Harpie. Les armées et la gendarmerie sont engagées dans une même mission, avec un groupe de combat d’infanterie et deux officiers de police judiciaires (OPJ). Cet alliage de compétences a du sens. Les règles de l’état de droit sont respectées : le gendarme fait son travail de contrôle, de police administrative et de police judiciaire, mais en ayant le soutien et, si nécessaire, l’appui feu d’un groupe de combat. Ce dispositif Harpie a fait ses preuves sur le terrain et mériterait d’être transposé sur le territoire national, dans une logique de contrôle des flux qui permette d’entraver la liberté de circulation des terroristes et des délinquants tout en rassurant nos concitoyens.

Pour être complet dans ma réponse, monsieur le député, j’indique que, dans le courant du mois d’avril, à l’initiative de l’armée de terre et de la gendarmerie, nous allons engager une expérimentation de deux semaines dans le département de l’Isère. Nous allons tester cet engagement conjoint des deux institutions, dans une logique de contrôle des flux dans un département exposé à une délinquance très active, et en tirer ensuite des conséquences.

M. François Lamy. Vous n’avez pas totalement répondu à ma question. Si vous aviez les effectifs, est-ce que vous ne seriez pas plus efficaces et plus adaptés que les militaires pour remplir les missions de l’opération Sentinelle ? Vous avez toute la panoplie pour agir dans un tel contexte, y compris parce que vos gendarmes font aussi du renseignement quand ils surveillent un lieu de culte. C’est un peu dans leurs gènes, si j’ose dire.

Général d’armée Denis Favier. Si la gendarmerie avait bénéficié des renforts d’effectifs que vous évoquez, elle aurait produit un « effet terrain » significatif.

M. le rapporteur. Le 13 novembre, des informations utiles à l’intervention au Bataclan étaient parvenues par divers biais à certaines brigades de gendarmeries. Ces informations étaient-elles répercutées à la police et aux forces qui intervenaient sur le terrain ? Si oui, dans ces moments de crise, comment se fait la communication ? A contrario, quand le GIGN dirige les opérations, des informations vous parviennent-elles de la Police nationale, notamment à travers le 17 ?

Nous voyons tous l’importance des primo-intervenants et, comme le ministre de l’Intérieur, vous avez indiqué que tous les PSIG allaient être équipés avant le 1er juillet. Quel est le niveau de formation et d’entraînement au tir de vos gendarmes ? Combien de cartouches tirent-ils par an ?

Enfin, combien la gendarmerie surveille-t-elle de lieux, sous forme de gardes statiques ou mobiles ?

Général d’armée Denis Favier. La gestion de l’information diffère selon la nature de la crise, et celle du 13 novembre est ce qu’on appelle une crise à cinétique rapide, durant laquelle tout le monde recueille de l’information, les unités de gendarmerie comme les commissariats. Dans une crise aussi rapide, on n’a pas le temps de mettre en place un poste de commandement pour travailler le renseignement et recueillir toutes les données, notamment celles qui transitent par les réseaux sociaux. Entre le premier coup de feu au Bataclan et la résolution de la crise, il s’est écoulé deux heures ou deux heures trente. Ce laps de temps est trop court pour pouvoir exploiter l’ensemble des renseignements recueillis par nos brigades sur le territoire national.

On peut le faire lors d’une crise plus longue, s’il s’agit par exemple d’une prise d’otage au cours de laquelle on peut dérouler les artifices normaux, notamment la prise de contact par la négociation. On peut alors utiliser les outils qui permettent de travailler l’information : observation des réseaux sociaux, à titre d’exemple On ne peut pas mettre cela en place lors d’une crise qui nécessite un assaut d’urgence.

S’agissant des primo-intervenants et des primo-engagés, il a fallu bouleverser la doctrine. Jusqu’alors, en gendarmerie comme en police, quand nous étions confrontés à une tuerie subite et planifiée, la mission donnée aux premiers engagés était d’observer, de se poster et d’attendre le renfort des unités spécialisées, le haut du spectre. Ce n’est plus possible : on ne peut plus attendre parce que les terroristes tuent et qu’il n’y a pas de négociation possible ; nous devons intervenir très vite pour donner un coup d’arrêt, signifier qu’on est présent et qu’on ne laissera pas faire.

M. le rapporteur. Ce changement de doctrine est intervenu avant ou après le 13 novembre ?

Général d’armée Denis Favier. La réflexion a débuté après les attentats de janvier, elle a mûri dans le courant du printemps, nous avons bâti une doctrine conjointe avec la police en juin dernier, et nous en sommes à la mise en œuvre.

M. Meyer Habib. Elle n’a pas été employée le 13 novembre ?

Général d’armée Denis Favier. Le ministre a présenté ce plan le 23 octobre 2015 à Rouen et son application représente un travail considérable. Il faut faire évoluer les esprits et les procédés opérationnels. Pendant des années, les primo-engagés ont eu pour consigne de se poster, d’observer, de rendre compte et d’attendre, alors qu’on leur demande maintenant d’aller au contact. Il faut changer les doctrines d’emploi, les matériels et les concepts tactiques. C’est très compliqué. Nous avons franchi ce pas. Nous allons à Reims le vendredi 1er avril pour assister à l’entraînement des premières unités. Il a fallu acquérir l’armement. C’est fait.

Nous adaptons donc l’armement, les équipements balistiques, les concepts d’emploi. Nous achetons des boucliers balistiques. Il faut voir ce qu’est un bouclier balistique : c’est très lourd, et il faut l’intégrer dans une manœuvre de cellule. Dans certaines unités, il y avait beaucoup de gendarmes adjoints volontaires, c’est-à-dire des jeunes qui ne sont pas des militaires d’active. C’est pourquoi j’ai décidé que chaque PSIG SABRE serait composé de 2/3 de sous-officiers de gendarmerie. La direction générale suit avec la plus grande attention la montée en puissance de ce dispositif, y compris la formation aux outils et aux armes. S’agissant du volume de munitions tirées chaque année par nos gendarmes, il s’établit à environ 60 cartouches de 9 mm, ce qui a doublé par rapport au niveau d’entraînement antérieur aux attentats. Je vous transmettrai une note détaillant avec précision la formation au tir mise en œuvre depuis les attentats.

En ce qui concerne Sentinelle, je ne suis pas très favorable à ce que des gendarmes mobiles soient engagés dans des dispositifs statiques qui, à mon sens, ne sont pas suffisamment efficients. Ce concept doit évoluer. La gendarmerie garde actuellement cinq sites dans Paris. Des moyens passifs, électroniques, pourraient être utilisés. Il faut optimiser nos capacités en moyens techniques pour dégager de la ressource vive qui peut alors être employée à d’autres missions.

M. le rapporteur. Vous êtes spécialisés sur les explosifs et les risques NRBC. La territorialisation des forces d’intervention a-t-elle encore un sens ? La pratique évolue en cas de tuerie de masse, mais ne faut-il pas aller plus loin ? Lors des attentats du mois de janvier 2015, le GIGN, le RAID et la BRI sont intervenus dans des zones ne relevant pas de leurs compétences. À votre avis, les choses doivent-elles évoluer sur ce point ? Si oui, de quelle manière ?

Général d’armée Denis Favier. Elles vont évoluer avec le schéma national d’intervention.

M. le rapporteur. Il faudrait aller encore plus loin.

Général d’armée Denis Favier. Dans 95 % des cas, le métier des unités spéciales consiste à maîtriser un forcené, à résoudre une prise d’otage à mobile crapuleux ou une situation de rétention familiale, à arrêter des individus dangereux à leur domicile. Dans ces cas, la question de la compétence territoriale a du sens. Ce dont nous parlons aujourd’hui représente les 5 % du métier qui nécessitent que l’on revisite les process. Le schéma d’intervention va nous y aider. Il faudra alors que nous sachions engager, quelle que soit la zone de compétence, tous les moyens disponibles. Ce schéma va nous permettre, en fonction des problèmes rencontrés, d’engager des moyens détenus au titre des capacités particulières par telle ou telle unité, dans une logique de « menant » et « concourant ». Nous allons déboucher à court terme sur cette évolution qui me semble notable. Pour les 5 % que j’évoque, nous allons évoluer dans ce sens.

M. Christophe Cavard. Mon général, vous avez donné une information qui m’intéresse particulièrement : vous regrettez que la gendarmerie ne soit pas associée au plus haut niveau à la DGSI. Avec les militaires de la DGSE et de la DRM, vous êtes entre vous, même si c’est déjà une évolution. Que pourrait vous apporter une présence au sein de la DGSI ?

La question de la codirection du renseignement territorial se pose, à un moment où une vraie réflexion est menée sur le renfort qu’ils peuvent apporter. Vous avez cité l’exemple de Lunel pour valoriser le rôle des brigades, là où elles sont, et prôner une fluidification de l’information. À une époque, l’information se faisait dans un sens mais il n’y avait pas beaucoup de va-et-vient. Comment ces évolutions se passent-elles concrètement ?

Les assignations à résidence et autres décisions administratives, qui se multiplient, ne concernent pas seulement les villes. En tant que gendarmes, comment êtes-vous préparés à y faire face ?

M. le président Georges Fenech. Je vous rappelle, chers collègues, que nous avons prévu tout un bloc pour le renseignement, donc nous aurons l’occasion d’auditionner la sous-direction de l’anticipation opérationnelle (SDAO) qui dépend du général Favier.

Général d’armée Denis Favier. La DGGN entretient des rapports très constructifs avec la DGSI et le niveau de coordination a évolué de manière positive depuis quelques années. Nous avons clairement décloisonné le suivi des personnes signalées et assignées à résidence, notamment grâce à la création auprès du ministre de l’Intérieur de l’état-major opérationnel de prévention du terrorisme (EMOPT) consécutivement à l’attentat de Saint-Quentin Fallavier du juin 2015. Je suis favorable au détachement d’un officier de liaison au sein de la DGSI.

S’agissant du renseignement territorial, et comme je l’indiquais au début de mon intervention, il me semble opportun de conduire une réflexion sur le positionnement du Service central de renseignement territorial.

M. Christophe Cavard. Il y a un souci ?

Général d’armée Denis Favier. Dans les départements, le détachement de gendarmes au sein des SDRT, la réunion hebdomadaire du bureau de liaison ont permis de rehausser le niveau de coordination de façon intéressante. Il faut poursuivre dans cette voie, notamment dans le domaine du suivi des individus radicalisés.

Quant aux assignations à résidence, nous en avons pris notre part : nous avons conduit 1 200 perquisitions administratives, et nous avons eu jusqu’à soixante-dix assignés à résidence entre le 13 novembre et la fin février – il doit en rester une dizaine. La DGSI nous avise systématiquement dès lors qu’un individu est assigné à résidence dans notre zone de compétence.

M. Philippe Goujon. Sur le renseignement, j’aimerais approfondir la question précédente. D’après votre réponse, la solution optimale ne serait-elle pas que vous soyez intégré dans le premier cercle de la communauté du renseignement, puisque vous regrettez de ne pas avoir de correspondant à la DGSI et la codirection du SCRT ?

Le GIGN était à la caserne des Célestins, à proximité du Bataclan, prêt à intervenir. Tant mieux, mais cela n’a pas été possible à cause de la territorialisation. On nous dit que vous étiez placés là en réserve, pour éventuellement intervenir dans d’autres secteurs. N’est-ce pas un handicap ? Vous étiez peut-être le service le plus près du Bataclan, et celui qui serait intervenu le plus rapidement. Ne faudrait-il pas envisager une sorte de fusion des forces d’intervention ou au moins une interopérabilité ? La question se pose d’autant plus que la BRI nous a indiqué qu’elle avait eu du mal à accéder au site, en raison de la circulation parisienne.

Vous parlez d’une garde nationale qui pourrait occuper une partie des missions dévolues à l’armée dans le cadre de l’opération Sentinelle. La réserve opérationnelle, transformée en garde nationale, serait sous l’autorité de la gendarmerie. Quel rôle pourrait-elle précisément avoir dans ce type de mission ?

Ma dernière question porte sur les effectifs dont vous disposez. Vous n’êtes pas convaincu par les gardes statiques, ce que je peux comprendre. Nombre d’escadrons sont mobilisés pour la garde de palais nationaux, l’Assemblée nationale, le palais de justice, etc. Dans ces conditions, n’est-il pas opportun de diminuer ces forces ? Nous sommes certes en situation de crise, mais il serait peut-être possible d’employer d’autres moyens ou d’autres effectifs, de façon que vous récupériez des personnels.

Général d’armée Denis Favier. Monsieur le député, je ne revendique pas le rattachement au premier cercle : c’est un renseignement particulier qui relève de la sécurité intérieure, alors que je me situe plutôt sur l’information générale. La place de la gendarmerie dans le deuxième cercle est satisfaisante. Si je pense que nous devons être présents à la DGSI, c’est pour mieux travailler la zone frontière entre le premier et le deuxième cercles.

Le GIGN était en effet présent à la caserne des Célestins avec quarante-cinq hommes. Aurait-il pu changer la donne ? Franchement, je n’en suis pas convaincu. Au moment où il est arrivé, beaucoup de choses avaient déjà été faites. Je ne peux pas répondre dans ce sens-là. Je n’en suis pas certain. Je n’ai de surcroît pas une connaissance exacte de ce qui s’est passé à l’intérieur du Bataclan.

Faut-il fusionner les unités d’intervention ? Il s’agit des fleurons des deux maisons. Il nous faut être responsable pour avoir un outil performant. À mon avis, en cas de tuerie planifiée et face à des situations d’urgence qui se déroulent toujours au moment le plus défavorable, nous devons collectivement accepter – et c’est le schéma d’intervention qui va nous y conduire – l’engagement immédiat de toutes les capacités disponibles.

Dans un tel contexte, il ne faut plus se poser la question de savoir qui fait quoi ; il faudra que nous allions tous très vite mettre un terme à la situation de crise. C’est une question de responsabilité. Il faudra que l’on prenne les moyens disponibles à l’instant considéré. Le schéma prévoit cette situation d’action placée sous le signe de l’urgence absolue. Je pense qu’on devra y faire face. Le GIGN se tient d’ores et déjà en mesure de se déployer plus rapidement, en particulier sous la forme de petites équipes « toutes capacités » dont la mission sera de donner un coup d’arrêt aux auteurs des faits. Nous avons bien vu comment se comportent les terroristes : au premier coup d’arrêt, la donne change. Nous devons nous placer dans cette logique. Si nous allons au bout du schéma d’intervention, nous allons y parvenir à très court terme.

La gendarmerie possède une expertise unanimement reconnue en matière de gestion et d’emploi des réservistes opérationnels. Notre réserve opérationnelle tire son efficacité de sa « territorialité ». Si on veut la gérer sur le plan national, faire travailler dans le nord de la France pendant un mois un individu qui habite dans la région Centre, cela n’ira pas. Nous devons pouvoir faire travailler les individus là où ils vivent et pendant des durées extrêmement courtes. Tout autre schéma, qui n’irait pas dans ce sens, rencontrera de mon point de vue de sérieuses difficultés de mise en oeuvre. Les préfets sont les mieux armés, le cas échéant avec l’appui de la gendarmerie, pour piloter cette forme de réserve « garde nationale » qui me semble être un concept intéressant.

Votre dernière question concernait les gardes statiques. J’en assure cinq et j’ai quatre escadrons mobilisés dans ce cadre.

M. Philippe Goujon. Ces gardes concernent surtout les palais nationaux et le palais de justice.

Général d’armée Denis Favier. Nous allons bientôt récupérer une partie des escadrons mobilisés au palais de justice : c’est la préfecture de police de Paris qui assurera la garde des nouveaux locaux, dont les travaux avancent très rapidement, aux Batignolles. Il faudra néanmoins conserver un certain nombre de postes car la cour d’appel et la Cour de cassation demeureront sur l’île de la Cité.

M. Pierre Lellouche. Votre exemple sur la Guyane m’a un peu étonné. Pour y avoir passé un peu de temps avec la gendarmerie, j’ai pu observer que le système de coopération avec l’armée se passait bien, en effet, mais que notre politique de lutte contre les orpailleurs était un échec retentissant. Avec tout le respect que je vous dois, je n’utiliserais pas cet exemple, même si je vois bien que vous faites allusion au fonctionnement opérationnel.

M. le président Georges Fenech. Nous ne sommes pas saisis du problème des orpailleurs.

M. Pierre Lellouche. D’accord, mais le général parlait de la coordination entre les militaires et la gendarmerie dans le cadre de la lutte antiterroriste, en donnant l’exemple de la Guyane où, malheureusement, les résultats ne sont pas au rendez-vous.

J’avais une question précise sur ce qui s’est passé à Cambrai, quand Salah Abdeslam était en vadrouille. D’après la presse, la voiture où il se trouvait aurait été contrôlée à trois reprises. Elle l’a été à coup sûr à Cambrai, par la gendarmerie. Pourquoi les gendarmes n’avaient-ils aucun renseignement ? Pourquoi le système de renseignement n’a-t-il pas fonctionné entre Paris et vos hommes sur le terrain ? En plus, nous avons appris ensuite que les informations ne circulaient pas entre les Belges et nous : la totale ! Comment peut-on régler ce problème ?

Sur le renseignement, votre idée de rattacher le SCRT au directeur général de la gendarmerie et au directeur général de la police devrait être l’une des conclusions de notre commission, tant elle paraît évidente : il n’y a aucune raison pour que le renseignement territorial dépende de la police et non de la gendarmerie alors que vous y contribuez.

S’agissant du fonctionnement en premier et deuxième cercles, permettez-moi de vous dire que, par opposition au renseignement classique interétatique, le renseignement antiterroriste nécessite de regrouper l’ensemble de l’information dans un lieu unique et dans un délai très rapproché entre la collecte et l’utilisation opérationnelle. Autrement dit, le fait que la gendarmerie ne soit pas dans le premier cercle, alors que vous avez des capteurs sur tout le territoire, me paraît un non-sens. Vous faites preuve d’une grande diplomatie en vous déclarant très bien dans le deuxième cercle mais, en vérité, il faut un aquarium où toutes les informations arrivent, soient traitées et transmises le plus vite possible sur le terrain.

Ma dernière question porte sur un point très important : le renseignement humain. Avez-vous des informations sur ce que font ces groupes à Lunel, Molenbeek ou ailleurs ? Pour notre part, nous n’en avons pas. En revanche, nous voyons que M. Salah Abdeslam peut survivre quatre mois sans téléphone dans un quartier où il est nourri et logé. Il n’est finalement repéré que sur dénonciation, ce qui veut dire que les services de renseignement sont absolument sourds et aveugles. C’est très inquiétant. Quelle est votre capacité de pénétrer ces milieux ?

Général d’armée Denis Favier. Monsieur le député, en prenant l’exemple de la Guyane, je faisais référence aux structures. En termes de structures, nous avons mené une réflexion et la coordination fonctionne bien désormais entre l’armée de terre et la gendarmerie pour accomplir cette mission difficile dans un environnement inhospitalier. L’expérience me semble intéressante et peut être dupliquée.

À Cambrai, nous avons mis un dispositif de contrôle dans la nuit du 13 au 14 novembre. Le matin du 14 novembre, cette voiture s’est présentée sur le point de contrôle au péage de Thun-Lêvèque sur l’autoroute A2. Il y avait trois hommes à bord, dont Salah Abdeslam. Les gendarmes les ont interceptés et ils ont interrogé les fichiers. Une fiche est sortie, effectivement, mais c’était une fiche police judiciaire Schengen et non pas une fiche S française : l’individu était connu pour un trafic de stupéfiants entre la Belgique et les Pays-Bas. À ce moment précis, personne ne savait que c’était l’homme que nous recherchions. La conduire à tenir était de le relâcher et de signaler son passage.

M. Pierre Lellouche. N’avez-vous pas dit vous-même qu’il existe un lien entre la criminalité organisée et le terrorisme ? Ce n’était pas dans les tuyaux à ce moment-là ?

Général d’armée Denis Favier. Le lien a été établi depuis plusieurs mois. Le gendarme, qui connaissait l’existence d’un tel lien, a retenu l’individu contre toute règle de droit, et a téléphoné au bureau SIRENE France, chargé de la gestion opérationnelle de la partie nationale du système d’information Schengen. Il sentait qu’il y avait peut-être quelque chose. Vérification faite, le bureau SIRENE a dit au gendarme de laisser passer. Le travail a été fait. Le gendarme a été prudent : outrepassant son rôle, il a pris des photographies du passeport qui ont été utilisées par la suite pour rechercher des renseignements. L’enquête établit par la suite l’implication directe des individus dans les attentats du 13 novembre. Je rappelle que la fiche qu’avaient les gendarmes n’était pas une fiche S.

J’en viens à votre question sur le rattachement du SCRT au directeur général de la gendarmerie et au directeur général de la police. Tous les services lourds et conjoints entre police et gendarmerie qui fonctionnent bien – qu’il s’agisse de coopération internationale, de télécommunications, de systèmes d’information ou d’achats d’équipements – sont copilotés par les deux directeurs généraux. Dans cet esprit, il pourrait être envisage de repositionner le SCRT.

Vous revenez sur la question du premier et du deuxième cercles du renseignement. Le gendarme agit de manière ouverte. Il est connu de la population. Dans le deuxième cercle, je peux rassembler de l’information générale, la transmettre en vue d’alimenter une base de données. Je peux rester dans le deuxième cercle et être associé au renseignement de nature terroriste. Comme je vous l’expliquais il y a quelques instants, il nous faut collectivement amplifier la fluidité des échanges de renseignement, dans le sens montant et descendant. L’EMOPT incarne ce nouveau souffle dans le domaine essentiel du suivi effectif et adapté des individus radicalisés.

M. Pierre Lellouche. La solution, c’est qu’il n’y ait qu’un seul cercle.

Général d’armée Denis Favier. En ce qui concerne le renseignement humain, il faut être prudent. Il n’est pas évident de rentrer dans certains secteurs. La création des antennes de renseignement territorial (ART) s’est accompagnée de pédagogie pour expliquer tout l’intérêt d’avoir des gendarmes insérés au cœur des populations. Si on le fait, on recueille vraiment des renseignements qu’on n’avait pas avant. À Lunel, les gendarmes vivent dans la cité, ils sont dans le club de sport avec les jeunes de la ville. Il en résulte un échange d’informations extrêmement fluide, vraiment bénéfique et qui va dans le sens d’un retour d’informations particulières que vous évoquez. Nous avons progressé dans ce domaine et nous poursuivons notre montée en puissance.

M. Guillaume Larrivé. Mon général, vous avez évoqué l’opportunité qu’il y aurait à disposer de nouveaux moyens juridiques pour mieux contrôler les flux d’entrées sur le territoire national. Sur quels points les législateurs que nous sommes pourraient-ils faire évoluer le droit ?

Général d’armée Denis Favier. Une mesure importante consisterait à optimiser le système LAPI, qui enregistre les vues des voitures et lit leurs plaques d’immatriculation. Nous ne disposons que d’applications locales qui ne permettent pas d’exploiter les données sur le plan national. Dans une optique post 13 novembre, il serait pertinent de connecter l’ensemble des capteurs de la DGG N, de la DGPN et des douanes à un système centralisé pour que l’exploitation de l’information soit instantanée.

Je vous transmettrai dans les tout prochains jours les propositions que je formule destinées à accroître l’efficacité des opérations de contrôle des flux.

M. Guillaume Larrivé. Si le président et le rapporteur en sont d’accord, je pense qu’une note écrite de la direction générale de la gendarmerie nationale sur ces points juridiques serait effectivement utile.

M. Meyer Habib. Mon général, vous avez parlé de l’importance des 1 500 réservistes que vous employez tous les jours. J’ai la conviction qu’à moyen, court ou long terme, nous devrons responsabiliser tous les citoyens, c’est-à-dire que nous devrons revenir à une forme de service militaire. Je crains que nous ne soyons obligés de responsabiliser et de former, au moins à un niveau minimum, la population, comme cela se passe hélas dans certains pays qui vivent avec ce genre de menace.

Venons-en à la doctrine. Comme dans toutes les armées du monde, il existe une compétition saine entre les différents corps d’armée et de police, qui doit s’effacer dans les situations d’urgence absolue. Nous vivons aussi à une époque « d’ubérisation » : le client veut le taxi qui va arriver le plus tôt parce qu’il est le plus près ; il préfère une 4L qui vient le chercher dans la minute à une Rolls Royce qui est à une heure et demie de lui. L’objectif est d’avoir, dans toutes les grandes villes, des forces adaptées capables d’intervenir le plus rapidement possible. Le fait qu’un commissaire de la BAC ait réussi à tuer l’un des trois assaillants du Bataclan, changeant ainsi le cours des événements, montre bien l’importance d’aller au contact le plus vite possible. Que pensez-vous de l’idée d’avoir le maximum de fonctionnaires de police, voire de militaires, armés, répartis dans la population ?

Général d’armée Denis Favier. La réserve est un outil formidable qui permet de faire le lien avec la société. Durant l’été, au mois de juillet, nous formons des jeunes qui sont ensuite reconnus aptes au service dans la réserve, et qui font un travail de gendarme pendant une vingtaine de jours par an. Ce sont des jeunes de la société civile qui rendent un service. C’est responsabilisant pour eux et c’est bon pour notre société. Ce système fonctionne vraiment bien. Je préside chaque année une cérémonie de fin de formation et c’est très impressionnant : en un mois, ces lycéens changent ; ils ont une autre vision de la société et ils s’inscrivent vraiment dans une logique d’intérêt général. Je suis un fervent défenseur de la réserve. Pour la gendarmerie, la cible idéale serait de 40 000 réservistes opérationnels.

Après le 13 novembre, nous avons vu arriver dans les brigades, des personnes qui demandaient ce qu’ils pouvaient faire pour aider. Ils peuvent sécuriser des écoles en faisant traverser les enfants à la sortie des classes, intervenir dans les hôpitaux, etc. Les gens veulent apporter leur contribution à l’intérêt général. On peut étendre le concept, même si je ne suis pas convaincu qu’il faille aller vers le modèle de la garde nationale américaine. Il n’est pas question de cela. Mais nous avons quelque chose à bâtir sur le territoire national. En tout cas, dans mon domaine, je vais vraiment loin en ce qui concerne la réserve.

La doctrine doit en effet évoluer, et les travaux que nous avons engagés tendent à doper les capacités des primo-intervenants. Le port de l’armement « hors service » est autorisé au sein de la gendarmerie durant la période couverte par l’état d’urgence. Cette disposition est rigoureusement encadrée, elle permet aux militaires volontaires et évoluant dans des territoires sensibles d’en bénéficier.

M. le président Georges Fenech. Général, ne pensez-vous pas qu’il manque, à côté de la cellule interministérielle de crise (CIC), un état-major opérationnel qui institutionnaliserait le salon fumoir ?

Général d’armée Denis Favier. Cela fait partie des retours d’expérience auquel le ministre nous a demandé de réfléchir. Il pourrait y avoir une structure permanente. Au-delà de la permanence classique, qui fait remonter les informations de portée générale, nous devons avoir une structure plus opérationnelle, qui s’emboite plus harmonieusement avec les postes de commandement des directions générales.

M. le rapporteur. Au mois de janvier, vous étiez au fumoir puis sur les lieux, à Dammartin-en-Goële. Quand vous allez sur le terrain, ne faites-vous pas défaut au ministre ?

Général d’armée Denis Favier. Je suis allé à Dammartin-en-Goële au moment où la crise allait s’y terminer.

M. le rapporteur. Elle était à Dammartin-en-Goële et à l’Hypercacher ensuite, dans une zone qui, certes, ne relevait pas vraiment dans votre compétence territoriale. Nous devons redouter des crises multiples, se déroulant dans divers endroits comme le 13 novembre. Le patron de la gendarmerie, le préfet de police et tous les chefs doivent-ils être nécessairement sur le terrain ? Il nous a été dit qu’il valait mieux être sur le terrain pour passer les ordres et avoir les informations le plus rapidement possible. Ce qui se passe au fumoir, place Beauvau, est-il moins important ?

Général d’armée Denis Favier. En janvier, nous avons respecté les différentes phases. La phase fumoir était nécessaire pour bâtir l’opération à forte connotation judiciaire et gérer la crise dans sa globalité nationale. J’étais à ma place au fumoir pour diriger l’opération dans ma zone de compétence et faire des propositions d’engagement au ministre. Cette période a duré deux jours. La manœuvre de contrôle de zone autour de la station-service était pilotée depuis Paris, par des ordres allant dans le détail jusqu’à la répartition des zones d’engagement de la police et de la gendarmerie. Nous avons procédé ainsi durant toute la nuit du 8 au 9 janvier. Le matin du 9 janvier, nous avions le résultat de notre opération : les frères Kouachi ont tenté de sortir du dispositif. Ils ont été décelés et se sont réfugiés dans l’imprimerie et nous savions qu’ils ne pourraient plus en bouger. Il s’agissait de contribuer à la résolution de la crise qui allait s’achever là.

M. le rapporteur. Pardonnez-moi d’insister, mon général, mais nous sommes très préoccupés par le risque de multi-attentats qui peuvent se dérouler aussi dans votre zone de compétence. Que se passe-t-il si une deuxième crise survient alors que vous êtes allé sur le terrain pour résoudre la première ? Au fumoir, qui vous accompagne ?

Général d’armée Denis Favier. La direction active à chaque crise son centre des opérations qui a la capacité de piloter les opérations sur l’ensemble du territoire, de recueillir le renseignement en temps réel, de me renseigner en permanence et de relayer mes directives à l’ensemble des chefs territoriaux. La continuité du commandement est ainsi garantie, quel que soit l’endroit où je me trouve.

M. le rapporteur. J’imagine mais n’y a-t-il pas une perte d’information ?

Général d’armée Denis Favier. Très sincèrement, je ne le pense pas. Je suis allé à Dammartin-en-Goële, imprégné de l’esprit de l’opération à mettre en œuvre. La place de la gendarmerie a été tenue au « fumoir » : des collaborateurs, comme le colonel Dubuis, ici présent, ont suivi toute l’opération depuis le CIC et le « fumoir ». Nous ne perdons pas le fil. À un moment, il faut que le patron aille sur le terrain.

M. le rapporteur. La place d’un patron est vraiment au cœur de l’opération ?

Général d’armée Denis Favier. C’est ainsi que je conçois l’exercice du commandement, surtout au moment crucial.

M. Christophe Cavard. J’ai une dernière question concernant les PSIG qui peuvent devenir des primo-intervenants en zone gendarmerie, si j’ai bien compris.

Général d’armée Denis Favier. Cette capacité de primo-intervention sera détenue par les 150 PSIG « SABRE » dont le déploiement est programmé selon un plan triennal à raison de 50 unités par an. Les premiers seront opérationnels au cours de l’été 2016.

M. Christophe Cavard. D’aucuns ont « glorifié » la réaction spontanée d’un officier qui entre, qui tue, qui ressort, en prenant la décision tout seul. Mais dans ce cas-là, il n’y a plus de protocole, plus rien. Comment préparez-vous les personnels, qui pourraient être des primo-intervenants, au changement de protocole d’intervention ?

Général d’armée Denis Favier. Le changement de notre doctrine d’intervention nécessite bien évidemment un effort de pédagogie et de formation vis-à-vis de nos personnels, notamment vis-à-vis des militaires affectés au sein des PSIG « SABRE ». Ce travail est en cours. C’est la raison pour laquelle je mets moins de volontaires et plus de professionnels. Ces PSIG vont, à 98 %, faire le travail de surveillance générale normale. Un jour peut-être, ils vont être confrontés à une situation où ils devront agir en primo-intervenants. Cette réversibilité ne saurait s’improviser.

M. le président Georges Fenech. Nous avons terminé cette audition très riche. Il me reste à vous remercier d’avoir répondu à nos nombreuses questions.

*

* *

Audition, à huis clos, du général Bruno Le Ray, gouverneur militaire de Paris, et du colonel Marc Boileau, chef de cabinet.

M. le président Georges Fenech. Mon général, mon colonel, nous vous remercions d’avoir répondu à la demande d’audition de notre Commission d’enquête relative aux moyens mis en œuvre par l’État pour lutter contre le terrorisme depuis le 7 janvier 2015.

Vous savez que nous avons déjà tenu de nombreuses auditions consacrées tout d’abord aux victimes et à leur prise en charge par les secours, puis à la chronologie des événements de janvier et de novembre 2015 – à ce titre, nous avons d’ailleurs reçu des militaires de l’opération Sentinelle déployés dans le 11e arrondissement le soir du 13 novembre.

Mon général, en qualité de gouverneur militaire de Paris, vous êtes l’officier général de la zone de défense et de sécurité en Île-de-France (OGZDS) et commandez les unités déployées en Île-de-France dans le cadre de l’opération Sentinelle. Vous êtes également chargé de planifier les opérations en cas de troubles à l’ordre public, sur réquisition du préfet de police. Nous sommes donc désireux de vous entendre, tant sur l’action des forces armées sur les différents sites d’attentat et la coordination des forces de sécurité, que sur le dispositif Sentinelle en Île-de-France et ses éventuelles perspectives d’évolution.

En raison de la confidentialité des informations que vous êtes susceptible de nous délivrer, cette audition se déroule à huis clos, et n’est donc pas diffusée sur le site internet de l’Assemblée. Néanmoins, et conformément à l’article 6 de l’ordonnance 58-1100 du 17 novembre 1958 relative au fonctionnement des assemblées parlementaires, son compte rendu pourra être publié en tout ou partie, si nous en décidons ainsi à l’issue de nos travaux. Je précise que les comptes rendus des auditions qui auront eu lieu à huis clos seront au préalable transmis aux personnes entendues afin de recueillir leurs observations. Ces observations seront soumises à la commission, qui pourra décider d’en faire état dans son rapport.

Je rappelle que, conformément aux dispositions du même article, « sera punie des peines prévues à l’article 226-13 du code pénal (un an d’emprisonnement et 15 000 euros d’amende) toute personne qui, dans un délai de vingt-cinq ans divulguera ou publiera une information relative aux travaux non publics d’une commission d’enquête, sauf si le rapport publié à la fin des travaux de la commission a fait état de cette information ».

Conformément aux dispositions de l’article 6 précité, je vais maintenant vous demander de prêter le serment de dire toute la vérité, rien que la vérité.

Le général Bruno Le Ray et le colonel Marc Boileau prêtent serment.

Je vais vous laisser la parole pour un exposé liminaire qui sera suivi par un échange de questions et réponses.

Général Bruno Le Ray. Monsieur le président, madame, messieurs, je suis très heureux de m’exprimer devant vous aujourd’hui en tant que gouverneur militaire de Paris. En poste depuis l’été 2015, j’exerce le contrôle opérationnel de l’ensemble des forces placées sous le commandement du chef d’état-major des armées. Au cours de ce propos liminaire, je vais vous rappeler les conditions d’engagement de nos forces, en particulier telles qu’elles ont été appliquées les 13 et 14 novembre derniers.

Les attentats de janvier avaient déjà créé un contexte exceptionnel, notamment sur le plan militaire, avec le déploiement d’un nombre important de militaires sur le territoire national, en particulier en Île-de-France. Les attentats de novembre ont eu pour effet de nous faire franchir un palier supplémentaire : à deux reprises, des unités de la force Sentinelle se sont en effet retrouvées au plus près de la zone de combat – une expression inhabituelle pour un événement survenu à l’intérieur de nos frontières, mais correspondant à la réalité des faits –, en situation d’appui direct des forces de sécurité intérieure.

Vendredi 13 novembre, avant que ne surviennent les attentats, près de 4 000 militaires étaient déployés sur l’Île-de-France, répartis en 49 unités élémentaires – ce chiffre a son importance pour ce qui est de certains aspects relatifs au commandement – engagées dans des missions de protection de 325 sites sensibles : 20 sites dits « Vigipirate historique » – principalement les lieux touristiques et les gares – et 305 sites confessionnels – presque exclusivement des lieux de culte israélites.

Notre dispositif en Île-de-France avait été réorganisé courant 2015, passant de quinze à huit états-majors tactiques ; à la mi-octobre, une deuxième évolution nous avait fait passer à trois états-majors tactiques. Toute l’Île-de-France était donc – comme elle l’est encore à ce jour – répartie en trois zones : Paris intra muros, avec un PC établi à Vincennes, Paris Est, avec un PC au fort de l’Est, et Paris Ouest, avec un PC à Satory. Ces trois groupements sont sous les ordres de chefs de corps en titre, commandant des régiments en s’appuyant sur un état-major de régiment – étant précisé que, depuis l’année dernière, nous faisons en sorte que le déploiement des unités corresponde au découpage territorial, afin de faciliter les mesures de coordination avec les échelons administratifs locaux, les arrondissements, les districts et les départements.

Le 13 novembre en fin de soirée, nous disposions encore d’environ 1 000 militaires déployés sur le terrain, puisque la garde ne prend fin qu’entre vingt et une heures trente et vingt-deux heures trente, selon l’activité des sites concernés. En l’absence d’informations précises nous permettant de disposer d’une vision exhaustive de ce qui se passait au cours des premières heures de la soirée, l’idée maîtresse des décisions que j’ai prises a consisté à m’assurer que tous les moyens militaires se trouvant au contact, c’est-à-dire engagés sur l’un ou l’autre des événements, se trouvaient en capacité effective de coordonner leur action avec celle des forces de sécurité intérieure, et que les renforts pouvant se révéler nécessaires étaient disponibles au bon moment et au bon endroit. À cet effet, une réflexion a été menée en deux temps, d’abord avec les personnels se trouvant au contact, puis avec ceux susceptibles d’être appelés en renfort.

Il se trouve que le soir du 13 novembre, je me trouvais au Stade de France, assis une rangée derrière le Président de la République. J’ai entendu les deux premières explosions ayant retenti à proximité du stade et assez rapidement, juste avant vingt et une heures trente, j’ai été informé par mon état-major stationné à Saint-Germain-en-Laye – depuis les attentats de janvier 2015, il fonctionne 24 heures sur 24, 365 jours par an, afin de coordonner l’ensemble des soldats déployés à Paris…

M. Sébastien Pietrasanta, rapporteur. Par qui votre état-major avait-il lui-même été informé ?

Général Bruno Le Ray. Il est alimenté par deux canaux : d’une part, celui des forces elles-mêmes – ainsi le 54e régiment d’artillerie, basé au PC de Vincennes, recueillait-il les renseignements transmis par les soldats sur le terrain –, d’autre part, celui constitué par les officiers de liaison répartis dans les différents centres opérationnels (CO) de la préfecture de police. Par ailleurs, mon état-major est également en contact avec le secrétariat général de la zone de défense (SGZD), qui est son interlocuteur naturel en temps ordinaire. Il se trouve qu’à l’heure des faits, le SGZD n’était pas totalement opérationnel, ce qui fait que les renseignements sont arrivés par tous les canaux. C’est ainsi que j’ai été personnellement informé peu avant vingt et une heures trente que plusieurs attentats avaient été commis dans Paris.

J’ai quitté le Stade de France à la mi-temps – le Président de la République avait lui-même quitté la tribune officielle quelque temps auparavant pour gagner le poste de sécurité du stade – afin de rejoindre mon lieu de travail situé aux Invalides, à partir duquel j’ai continué à assurer le suivi de l’opération et son commandement tout au long de la nuit. Dès le départ, j’ai donné des ordres afin de mettre en alerte, au sein de chacun des trois groupements, l’élément de réaction rapide prévu pour faire face à ce type de situation – il s’agit d’une compagnie dans chaque groupement. J’ai demandé que soient sécurisés tous les sites sur lesquels des militaires étaient encore déployés, et j’ai fait rappeler tous les militaires qui se trouvaient en repos – certains, qui se trouvaient au Stade France, ont ainsi dû regagner leur unité à Vincennes en petites foulées.

Dès que j’ai obtenu de mon CO – qui tenait lui-même le renseignement de la préfecture de police – la confirmation du fait que nous étions confrontés à une attaque coordonnée multisite, j’ai fait renforcer la sécurité de tous les sites sur lesquels des militaires se trouvaient déployés, et j’ai engagé un élément de réserve du groupement Paris centre, afin de renforcer l’unité déjà au contact rue de Charonne et au Bataclan. La compagnie de réserve du groupement de Vincennes est partie renforcer les unités du 11e arrondissement, tandis que je dirigeais les deux autres – celle du groupement Est celle du groupement Ouest – vers Bastille, où se trouvaient regroupées des forces de sécurité, afin qu’elles puissent intervenir rapidement en cas de nécessité. Dans le même temps, j’ai fait placer l’ensemble du dispositif sous les ordres du chef de corps du groupement, qui est parti sur le terrain avec un PC tactique afin de coordonner l’action des militaires et pallier toute difficulté de liaison avec les FSI : de cette manière, il pouvait en effet « commander directement à la voix ».

La présence militaire, sous la forme de l’arrivée de soldats lourdement protégés et armés, a rapidement eu pour effet de rassurer la population, les pompiers et les policiers. Appuyant les forces de sécurité intérieure suivant les consignes qui leur étaient données sur place, nos hommes ont bouclé des secteurs, ils ont couvert certaines directions et en ont interdit d’autres – afin d’éviter la fuite ou l’arrivée de terroristes. J’ai fait sécuriser l’aéroport du Bourget, tenant compte de la présence sur ce site d’éléments détachés dans le cadre de la préparation de la COP21 et non armés. Enfin, sur réquisition de la préfecture de police, nous avons pris en charge le remplacement des forces de sécurité intérieure qui assuraient la protection de Matignon, de l’Assemblée nationale, du Sénat et de l’hôpital Necker ; pour ce qui est de ce dernier site, nous avions reçu des informations provenant du secrétariat général de la zone de défense, selon lesquelles ce lieu accueillant des blessés risquait de faire l’objet d’une attaque.

Dans le même temps, pour préparer le futur, c’est-à-dire pour anticiper l’arrivée probable de renforts dans les heures et les jours suivants, j’ai fait mettre en alerte la zone de transit de Brétigny, qui est l’endroit par lequel arrivent et repartent toutes les unités militaires de Paris : elles y perçoivent leurs équipements – bombes lacrymogènes, matraques télescopiques, gilets pare-balles et casques lourds – avant de partir sur site, et les y restituent au retour de mission. Au total, nous disposions au milieu de la nuit d’environ 500 militaires engagés sur ou à proximité des lieux d’attentat du 11e arrondissement – j’englobe les unités se trouvant en renfort éventuel à Bastille – et de 500 militaires engagés sur la sécurisation des quatre sites que j’ai évoqués précédemment.

Dès le lendemain matin à six heures trente, nous avons repris la mission Sentinelle habituelle, consistant à sécuriser les 325 sites que j’ai mentionnés – j’avais doublé l’effectif sur tous les sites « Vigipirate historique », en particulier les gares. Le soir du 14 novembre, nous avons accueilli les premiers renforts sous la forme de deux compagnies Guépard TAP du 3e régiment de parachutistes d’infanterie de marine (RPIMa). Au total, dans les quarante-huit heures ayant suivi les attentats, nous avons reçu le renfort de 2 500 soldats. Durant toute la durée des opérations, je suis resté en contact avec le cabinet du ministère de la défense et le chef d’état-major des armées.

M. le président Georges Fenech. Vous nous avez expliqué que le rôle des forces militaires avait d’abord consisté à rassurer la population, les pompiers et la police, par la présence de personnels en armes, ainsi qu’à appuyer les forces de sécurité intérieure en bouclant les secteurs et en organisant la circulation. Le soir du 13 novembre, les premières forces à intervenir ont été celles des BAC . Alors que les forces militaires étaient également présentes, elles ne disposaient pas du cadre juridique qui leur aurait permis d’intervenir – je veux dire, de participer à un assaut contre les terroristes.

Alors que l’on se trouvait dans une situation de guerre, avec des assaillants munis d’armes lourdes, les militaires se tenaient donc en arrière, se contentant de sécuriser le quartier, tandis que les forces de police – qui, elles, n’étaient équipées que d’armes légères – étaient au plus près de l’action et tentaient même de neutraliser l’un des terroristes à l’angle du boulevard Voltaire et du passage Saint-Pierre-Amelot. À un moment donné, les fonctionnaires de police ont demandé aux personnels de l’opération Sentinelle s’ils pouvaient leur prêter leurs armes, mais se sont heurtés à un refus.

Si vous aviez été les premiers à intervenir au Bataclan, aurait-il été concevable qu’en entendant les coups de feu tirés à l’intérieur, vous décidiez de pénétrer dans le bâtiment dans le but de neutraliser les terroristes ?

M. le rapporteur. Par ailleurs, y a-t-il eu une évolution dans votre doctrine d’intervention, faisant que vous interviendriez si une situation semblable se présentait demain ?

Général Bruno Le Ray. Si je vous ai laissé penser que la mission première des personnels de l’opération Sentinelle était de rassurer, je me suis mal exprimé. En réalité, la mission première des militaires est d’appuyer, de soutenir les forces de sécurité intérieure. J’ai été informé, dans le courant de la soirée, que les militaires avaient retiré les dispositifs de sécurité de leurs armes – les TOC –, afin de rendre celles-ci immédiatement opérationnelles : en clair, les militaires qui se trouvaient aux côtés de la police et des pompiers auraient été en mesure d’ouvrir le feu immédiatement si des terroristes étaient sortis du Bataclan.

M. le rapporteur. En réplique ?

Général Bruno Le Ray. En réplique, effectivement : comme toutes les forces de sécurité, nous appliquons les règles de la légitime défense.

M. le président Georges Fenech. Mais vous n’auriez pas cherché à entrer dans le bâtiment pour aller abattre les terroristes ?

Général Bruno Le Ray. Les seuls moments où des coups de feu ont été échangés, c’est lorsqu’un terroriste a entrouvert une issue de secours pour lâcher des rafales à l’aveuglette – des impacts ont été relevés sur certains véhicules, notamment ceux des pompiers –, ce qui ne permettait pas à nos hommes de riposter efficacement. Si les terroristes étaient vraiment sortis du bâtiment en ouvrant le feu dans la rue, les militaires auraient tiré à leur tour dans le cadre de la légitime défense, sans que j’aie besoin de les y autoriser.

M. le président Georges Fenech. Vous n’avez pas répondu à ma question.

Général Bruno Le Ray. J’y réponds en vous disant qu’à l’instar des forces de sécurité intérieure, nous aurions ouvert le feu si les conditions de la légitime défense avaient été réunies, comme des soldats l’ont fait à Valence en janvier dernier. Les militaires ne sont pas inhibés dans l’usage de leur arme : ils connaissent parfaitement les règles de la légitime défense et les appliquent de manière rigoureuse.

Pour ce qui est d’entrer dans le Bataclan, nous avons agi conformément à notre mode d’action habituel – applicable en opération extérieure comme sur le territoire national –, qui veut que l’on n’entre pas dans une bouteille d’encre, c’est-à-dire sans savoir où l’on va, ce que l’on va faire et contre qui ! En mon âme et conscience, je n’aurais donc pas donné l’ordre à mes soldats de pénétrer dans le bâtiment sans un plan d’action prédéfini. Je peux concevoir que l’on intervienne en appui des forces de sécurité intérieure, qui décident de donner l’assaut parce qu’elles connaissent les lieux et savent ce qu’elles vont y trouver, mais pas que l’on se lance dans l’inconnu.

M. le président Georges Fenech. Vous entendiez tout de même des tirs en provenance de l’intérieur !

Général Bruno Le Ray. Certes, mais des bruits de tirs ne fournissent que fort peu d’informations sur ce qui se passe à l’intérieur.

M. le rapporteur. Vous saviez cependant que l’attaque des terroristes avait fait des morts et des blessés, puisque certains se trouvaient à l’extérieur. Un commissaire de la BAC et l’un de ses collègues policiers ont pris l’initiative d’entrer dans le bâtiment, alors qu’ils ne savaient pas plus que vos hommes ce qui s’y passait ; armés et protégés beaucoup moins efficacement que les militaires, ils sont parvenus à tuer l’un des terroristes avant de ressortir. Étant précisé que cette question ne constitue en rien un jugement de valeur – nous cherchons simplement à comprendre –, comment se fait-il que vous n’ayez pas pris la décision d’en faire autant, ni donné l’autorisation de le faire ?

Général Bruno Le Ray. Aucune demande d’entrer dans le Bataclan ne m’a été adressée, et je n’ai donné aucune autorisation en ce sens. Je ne connais pas les circonstances exactes de l’intervention du policier de la BAC et, si j’admire son courage, je vous répète qu’il était exclu que je fasse intervenir mes soldats sans savoir ce qui se passait à l’intérieur du bâtiment.

M. le président Georges Fenech. Il y avait des morts sur le trottoir !

Général Bruno Le Ray. Comme il y en a sur tous les théâtres d’opérations. Il est impensable de mettre des soldats en danger dans l’espoir hypothétique de sauver d’autres personnes. L’intervention en zone d’exclusion est un sujet très délicat. Pour moi, la première question à se poser consiste à savoir si l’on est en mesure d’assurer la protection des personnels allant au contact. Si les soldats que j’envoie dans le bâtiment se font eux-mêmes tuer, parce qu’ils ne sont pas en capacité de répondre aux tirs dont ils sont la cible, nous n’aurons guère progressé dans la résolution de la situation.

M. le président Georges Fenech. N’est-ce pas la vocation des soldats que de protéger les populations civiles ?

Général Bruno Le Ray. Si, bien sûr, et c’est ce qu’ils font. En revanche, ils n’ont pas vocation à se jeter dans la gueule du loup s’ils ne sont pas assurés de disposer de chances raisonnables d’accomplir leur mission.

M. le rapporteur. Si le commissaire entré dans le Bataclan avait demandé à des militaires de fournir un appui à son intervention, ceux-ci vous auraient-ils demandé l’autorisation de le faire, auraient-ils pu prendre d’eux-mêmes l’initiative d’entrer dans le bâtiment avec la police, ou cela leur aurait-il été purement et simplement interdit ?

Par ailleurs, quel lien aviez-vous avec le préfet de police au cours des différentes phases de l’opération ?

Général Bruno Le Ray. Les soldats ont des conduites à tenir en fonction des situations auxquelles ils sont confrontés, mais nous ne pouvons prévoir tous les cas de figure…

M. le rapporteur. Depuis les faits, avez-vous intégré la situation du 13 novembre à vos scénarios d’intervention ?

Général Bruno Le Ray. Comme la Police nationale, les forces armées terrestres travaillent à l’élaboration de conduites à tenir dans différentes situations, notamment celle d’un terroriste sortant du Bataclan qui, sans menacer les soldats, cherche à s’enfuir – dans l’intention éventuelle d’aller commettre d’autres actes de violence ailleurs. Si le policier de la BAC avait souhaité faire une seconde incursion dans le bâtiment en se faisant cette fois accompagner de soldats, je ne peux dire avec certitude quelle réponse il aurait reçu, mais j’ai tendance à penser qu’ils seraient entrés avec lui.

M. le président Georges Fenech. Ce qui est sûr, c’est qu’ils ont refusé de donner leurs armes !

M. le rapporteur. Plus exactement, quand la BAC leur a demandé s’ils accepteraient de prêter leurs armes à la police dans l’éventualité d’une nouvelle intervention, ils ont répondu que non.

Général Bruno Le Ray. Cela n’a rien d’étonnant : les militaires ne confient jamais leurs armes à quelqu’un d’autre.

En revanche, un policier de la BAC a demandé aux soldats de couvrir la sortie du bâtiment et de faire feu si les terroristes se montraient – il leur a même précisé de viser de préférence la tête, ou en tout état de cause en dehors des zones du corps susceptibles d’être entourées d’une ceinture d’explosifs –, et mes hommes l’auraient fait si la situation s’était présentée.

La question de l’entrée dans le bâtiment s’apparente à celle d’une prise d’otages de masse : en pareil cas, on fait systématiquement appel à des unités spécialisées, qui n’interviennent qu’à l’issue d’un minimum de préparation. Je me mets à la place d’un soldat entrant dans une pièce où il risque de tomber à la fois sur les terroristes et leurs victimes, dans une configuration inconnue, avec une luminosité peut-être insuffisante et des gens qui hurlent de tous côtés : comment faire, dans ces conditions, pour discriminer instantanément les agresseurs des victimes ? Ma propre expérience opérationnelle me porte à penser qu’une telle chose est quasiment impossible.

M. le président Georges Fenech. Je ne pense pas que les termes d’« agresseurs » et de « victimes », qui évoquent une situation de criminalité ordinaire, soient adéquats : en réalité, nous avions affaire à des terroristes kamikazes en train de perpétrer un massacre.

Imaginons que des soldats de Sentinelle se trouvent aux abords de Saint-Lazare, et que des terroristes ouvrent le feu à l’intérieur de la gare avec des Kalachnikov. Quelle serait la réaction de vos soldats ?

Général Bruno Le Ray. Ils ouvriraient le feu à leur tour, sans l’ombre d’un doute.

M. le président Georges Fenech. Dans ce cas, pourquoi n’en ont-ils pas fait de même au Bataclan ?

Général Bruno Le Ray. La situation n’était pas la même. Au Bataclan, les terroristes étaient retranchés dans un lieu fermé, tandis qu’une gare est un lieu ouvert.

M. le président Georges Fenech. Selon vous, donner l’assaut à un bâtiment fermé suppose l’intervention d’unités spécialisées, dont Sentinelle ne fait pas partie ?

Général Bruno Le Ray. Les soldats de Sentinelle sont formés pour intervenir dans le cadre d’opérations extérieures, mais pas dans celui d’une prise d’otages de masse dans un lieu fermé.

M. le président Georges Fenech. Une réflexion a-t-elle été engagée sur ce point ?

Général Bruno Le Ray. Nos forces spéciales travaillent sur cette question, car elles sont amenées à intervenir, à Bamako ou ailleurs, sur des situations très semblables. Sur le territoire national, nos soldats « de base », qui représentent 99 % des effectifs, ne sont pas formés à ce type d’opérations. Mais je vous confirme que si une attaque devait survenir à la gare Saint-Lazare, les soldats de Sentinelle n’hésiteraient pas une seconde à ouvrir le feu – comme ils l’ont fait dernièrement à Valence.

M. le président Georges Fenech. Je n’ai malheureusement pas pu écouter l’intervention faite par le ministre de la défense devant l’Assemblée nationale, puisque les travaux de la Commission d’enquête étaient en cours au même moment, mais nous l’auditionnerons prochainement. Il serait bon de savoir si une réflexion va être menée en vue de mieux associer la force militaire aux forces de sécurité intérieure quand surviennent des situations similaires à celles que nous évoquons.

Général Bruno Le Ray. Des réflexions sont en cours, mais je pense que le policier et le militaire de base ne sont pas préparés à faire face à de telles situations : cela relève de compétences et d’une formation bien particulières. Le policier de la BAC qui est entré dans le Bataclan s’est placé peut-être au-delà de ce qu’il était raisonnablement censé faire, et mes soldats ne sont pas formés pour aller déloger des terroristes retranchés dans une salle de spectacle.

M. Olivier Falorni. Si je comprends bien, les militaires de Sentinelle ne peuvent pas intervenir dans un lieu clos où se produit un massacre. Je rappelle qu’au Bataclan, après l’intervention isolée de deux policiers de la BAC, une quinzaine de fonctionnaires de police sont entrés une deuxième fois dans le bâtiment, de façon organisée : il ne s’agit dont pas d’une initiative individuelle et incontrôlée, comme vous le laissez entendre.

Pour ce qui est d’une intervention des militaires, vous dites qu’elle ne ferait aucun doute dans une gare, mais qu’il en est tout autrement dans le cadre d’une attaque comme celle du Bataclan. Imaginons que la police n’ait pas été en mesure d’arriver aussi vite qu’elle l’a fait, et que vos hommes se soient trouvés seuls boulevard Voltaire : dans ce cas, ils seraient restés à l’extérieur sans intervenir, alors même qu’ils auraient entendu des tirs et des cris à l’intérieur ? Alors qu’ils sont habitués au combat, ils se seraient refusés à entrer au seul motif qu’ils ne savaient pas ce qu’ils allaient trouver derrière la porte ? Ne prenez pas cela pour une mise en accusation, mais je vous avoue que cette idée me sidère.

Général Bruno Le Ray. Loin de moi l’idée de dénigrer en quelque façon que ce soit l’intervention des forces de sécurité intérieure, avec lesquelles nous travaillons au quotidien : je vous ai simplement dit ce que m’inspirait, à la lumière de ce que j’ai pu en lire, les conditions de leur intervention.

Dans un espace ouvert, on voit ce qui se passe et on n’a aucune difficulté à faire la différence entre les terroristes et les victimes potentielles. En revanche, les soldats de Sentinelle ne sont pas formés à intervenir dans un contexte proche d’une prise d’otages en milieu fermé. Il existe, parmi les unités militaires, des forces spéciales compétentes pour intervenir en pareil cas. C’est la même chose au sein de la police et, de ce point de vue, les unités de la BAC sont déjà des unités particulières.

Au demeurant, je ne dis pas que nous serions absolument incapables d’intervenir, mais simplement que ce n’est pas une mission à laquelle nos hommes sont préparés. Les services du chef d’état-major de l’armée de terre réfléchissent aux moyens de faire mieux dans l’hypothèse où surviendrait à nouveau une telle situation sur le territoire national, étant précisé qu’en pareil cas, nous ne serions pas en état de guerre au sens juridique – c’est le droit commun, et non le droit militaire, qui aurait vocation à s’appliquer. À certains égards, intervenir au cœur de Paris est bien plus compliqué que de livrer combat au fin fond du Mali ou de la Côte d’Ivoire, car on ne dispose évidemment pas de la même liberté d’action, et il est bon d’en avoir conscience.

M. le président Georges Fenech. Depuis janvier 2015, des exercices militaires ont-ils été effectués en coopération avec les forces de sécurité intérieure ?

Général Bruno Le Ray. Je suis simplement utilisateur des forces de l’armée de terre, la préparation opérationnelle des unités ne se faisant pas à mon niveau. Si des exercices sont effectivement menés, je ne pense pas qu’ils aient pour objet de nous préparer à intervenir dans le cadre d’une situation de type Bataclan – en tout cas, pas avec les soldats de l’opération Sentinelle. Le recours aux forces spéciales en pareil cas a été récemment évoqué, mais cela ne pourrait se faire que dans des conditions d’encadrement très strictes, en complément des forces de sécurité intérieure et des unités particulières.

Mme Françoise Dumas. Pour ma part, je souhaite évoquer la situation de la province, étant précisé que je suis élue d’un territoire présentant un haut risque, dans la mesure où l’on y trouve un grand nombre de mosquées, de synagogues et d’églises. Vous avez évoqué tout à l’heure le déploiement de vos personnels sur les lieux confessionnels. Dans la mesure où vos hommes ne fouillent pas les personnes qui pénètrent dans les lieux de culte, quelle serait votre réaction si une attaque survenait à l’intérieur d’un tel lieu, qui est par définition un lieu clos ?

Général Bruno Le Ray. Il n’existe pas de réponse simple à une telle question. Ce que je peux vous dire, c’est que des soldats montant la garde devant un site y entreraient s’ils voyaient des terroristes s’apprêter à y commettre des violences.

Au Bataclan, les militaires n’ont pas vu entrer les terroristes, et ne savaient donc pas ce qui se passait à l’intérieur. À l’inverse, ils connaissent très bien les synagogues qu’ils ont pour mission de surveiller – il leur arrive même de se reposer à l’intérieur – ainsi que les personnes censées s’y trouver, qu’ils voient entrer et sortir. J’imagine donc qu’en pareil cas, ils interviendraient systématiquement s’ils se trouvaient en situation de le faire.

M. le président Georges Fenech. Vous « imaginez » qu’ils interviendraient ? Vous n’en êtes pas sûr, alors même que vous entendriez des tirs de kalachnikovs en provenance d’une synagogue bondée ?

Général Bruno Le Ray. Peut-être me suis-je mal exprimé, monsieur le député. Ce que je veux dire, c’est que des soldats en faction devant l’unique entrée d’une synagogue ne pourraient manquer de remarquer l’arrivée de terroristes.

M. le président Georges Fenech. On ne peut exclure que les terroristes s’introduisent dans les lieux en empruntant un passage souterrain, comme cela se fait dans la bande de Gaza !

Général Bruno Le Ray. Il n’y a pas de réponse toute faite à cette question, mais je pense qu’ils interviendraient…

M. le président Georges Fenech. Vous « pensez » ? Comment peut-on seulement imaginer que des militaires armés restent au seuil d’une synagogue où des victimes innocentes se font massacrer ! Ce n’est pas possible !

Général Bruno Le Ray. Je ne me place pas sur le plan des principes…

M. le président Georges Fenech. Le simple risque de se voir reprocher une non-assistance à personne en danger devrait leur commander d’intervenir !

Général Bruno Le Ray. Vous mettez en parallèle deux situations radicalement différentes : d’une part, celle du Bataclan, où aucun soldat ne savait ce qui se passait à l’intérieur, ni même combien de terroristes et combien de victimes potentielles s’y trouvaient, d’autre part, celle d’une synagogue, qui n’est jamais bondée, contrairement à ce que vous dites, et que les soldats de Sentinelle connaissent bien – c’est pourquoi il y a 99,9 % de chances pour qu’ils y soient entrés en cas d’attaque, car cela correspond à leurs compétences en termes de lieu, de nombre de personnes sur place, et de capacité à gérer la situation de chaos régnant à l’intérieur.

Mme Françoise Dumas. L’attaque d’une synagogue ne constitue sans doute pas le meilleur exemple, car ce lieu de culte est généralement très contrôlé à l’entrée…

M. le président Georges Fenech. Alors, que se passerait-il en cas d’attaque d’une école ?

Général Bruno Le Ray. Nous sommes devant les écoles à longueur de journée, et filtrons très soigneusement leurs accès. Certes, on ne peut exclure que quelqu’un passe par les toits ou par des souterrains, et dans ce cas nous interviendrions, car nous connaissons très bien tous ces lieux que nous protégeons depuis plus d’un an, qu’il s’agisse des écoles, des synagogues, de l’espace Rachi – le Centre d’art et de culture juive du 5e arrondissement – ou de la Grande mosquée de Paris.

Mme Françoise Dumas. Mais que se passerait-il dans une cathédrale ou une église où serait célébré un mariage, c’est-à-dire un lieu où les allées et venues ne font pas l’objet du même contrôle ?

Général Bruno Le Ray. J’ai été réquisitionné pour protéger certains lieux de culte catholique durant la période des fêtes de Pâques. Je précise que les accès de ces lieux sont généralement filtrés par les fidèles eux-mêmes – c’est en tout cas la consigne donnée par le préfet de police à la communauté religieuse. À cette protection de base viendra s’ajouter la sécurisation effectuée par mes hommes à l’extérieur des sites concernés.

M. le président Georges Fenech. Ne pourrait-on imaginer une coordination des forces de sécurité intérieure et des militaires, comme c’est déjà le cas dans certaines situations particulières – je pense en particulier à l’opération Harpie mise en place en Guyane, dans le cadre de laquelle la gendarmerie travaille en collaboration avec les militaires ? Un centre opérationnel pourrait être mis en place, qui coordonnerait l’action des forces de sécurité intérieure et des militaires.

Général Bruno Le Ray. Je connais bien l’opération Harpie, qui ne consiste pas à faire travailler ensemble les policiers et les militaires, mais à intégrer les gendarmes à une chaîne de commandement militaire. À l’échelle de Paris, des dizaines de milliers de policiers sont déployés dans le cadre d’une forte activité de sécurité générale. Il me paraît difficilement concevable de mettre en place un centre de coordination permanent, qui n’aurait vocation à coordonner l’action des policiers et des militaires que dans les cas très exceptionnels où l’on sort du cadre de l’activité de sécurité générale pour entrer dans celui de la gestion d’une situation de crise.

M. le président Georges Fenech. Nous sommes en état d’urgence : n’est-ce pas une situation exceptionnelle qui justifierait la mise en place d’une coordination des interventions en période de crise ?

Général Bruno Le Ray. L’une de nos pistes de réflexion consiste à trouver les moyens d’être en mesure de basculer très rapidement d’un mode de fonctionnement normal à celui d’une période de crise, nécessitant la mise en place d’un système de coordination.

Aujourd’hui, des officiers de liaisons sont présents au sein des différents centres opérationnels de la préfecture de police, et nous avons décidé qu’en cas de crise, un officier de liaison serait envoyé dans le CO de la brigade de sapeurs-pompiers de Paris (BSPP) – le général Boutinaud, qui commande cette brigade, a dû vous en parler –, ce CO étant particulièrement bien informé de la nature et de la localisation des incidents qui surviennent, et ayant la capacité particulière à discriminer rapidement les vraies alertes des fausses.

Si j’ai très souvent le préfet de police au téléphone, cela n’a pas été le cas dans la nuit du 13 au 14 novembre, car il était injoignable du fait de la situation. En revanche, tous ses services étaient en relation permanente avec les miens, et nous avons répondu à toutes les sollicitations qui nous ont été adressées. Quand on nous a demandé de remplacer les forces de sécurité intérieures présentes à Matignon, à l’Assemblée nationale, au Sénat et à l’hôpital Necker, cela s’est fait sur réquisition de la préfecture de police.

M. le rapporteur. Quel jugement portez-vous sur l’efficacité de l’opération Sentinelle ? Si la protection de 325 sites sensibles constitue une mission importante, un débat s’est ouvert sur l’efficacité des gardes statiques qui sont actuellement effectuées, par rapport à ce que pourrait être celle de gardes dynamiques. Votre doctrine a-t-elle évolué sur ce point au cours des derniers mois ?

Général Bruno Le Ray. La doctrine a effectivement beaucoup évolué. Si nous assurions la protection de 325 sites début novembre 2015, nous en protégeons désormais un peu plus de 1 800 sur l’ensemble de l’Île-de-France, selon différentes modalités. Ainsi, un grand nombre de sites sont désormais sécurisés par des patrouilles, ce qui nous permet de pallier le fait que le dispositif statique consomme une partie importante des forces armées : une patrouille couvre en effet plusieurs sites, contrairement à une garde statique – que certaines personnes continuent de préférer, car elles attachent de l’importance au fait qu’un site soit protégé en permanence, et à ce que cela se voie. Comme les forces de sécurité intérieure, nous tendons toujours plus vers des dispositifs dynamiques, qui présentent également l’avantage d’être plus aléatoires, donc moins prédictibles pour nos adversaires potentiels.

M. le rapporteur. Élu francilien – je suis maire d’Asnières-sur-Seine –, je discutais dernièrement avec le commissaire de ma circonscription au sujet de la garde dynamique qui y a été mise en place et couvre à la fois les lycées, la gare et certaines stations de métro. Pouvez-vous nous préciser si vous êtes en contact avec les commissaires afin de coordonner vos actions de protection avec celles de la police, et si le choix des lieux et des heures où vous intervenez relève de votre initiative, ou est défini en accord avec le préfet de police ?

Général Bruno Le Ray. Cette question est très intéressante. La moitié des 1 800 sites dont nous assurons actuellement la protection figure dans les réquisitions que m’adresse le préfet de police, tandis que l’autre moitié est définie par contact direct avec les préfets et les commissaires de district ou d’arrondissement, ainsi que les directions départementales de la sécurité publique (DDSP). Cela donne lieu à une coordination très étroite : ainsi, chaque capitaine a en charge un arrondissement parisien et se coordonne avec le commissaire territorialement compétent pour effectuer la répartition des effectifs en fonction des sites et des horaires, afin d’optimiser l’emploi des forces de sécurité intérieure et des forces armées. De la même manière, les chefs de corps, les commandants d’unité et les chefs de section se coordonnent chacun à leur niveau avec leurs interlocuteurs des forces de sécurité locales, afin d’éviter que certains sites soient doublement protégés ou ne le soient pas du tout.

Un officier de liaison assure la coordination avec la direction de la police territorialement compétente – il peut s’agit d’une DDSP ou d’une direction territoriale de la sécurité de proximité (DTSP), cela dépend du lieu concerné. Hormis les sites pour lesquels le préfet de police effectue des réquisitions, le préfet lui-même peut demander aux chefs de corps d’assurer la protection d’un site lui paraissant exposé à une menace particulière.

M. le rapporteur. Considérez-vous devoir protéger un trop grand nombre de sites ?

Général Bruno Le Ray. Non, je considère que nous faisons beaucoup mieux que ce que nous faisions précédemment, et que nous pouvons faire encore mieux si on nous laisse libres de définir les modes d’action que nous estimons être les plus adaptés à notre mission. Notre référence est l’instruction ministérielle n° 10100, qui fixe les relations « contractuelles » entre le donneur d’ordre, à savoir le préfet, et les forces armées. Ce texte pose le principe selon lequel une mission est confiée aux forces armées, qui déterminent elles-mêmes les modes d’action et les volumes d’effectifs nécessaires pour la remplir. C’est en faisant application de ce principe que nous serons à même d’assurer la sécurité sur le plus grand nombre possible de sites.

M. Christophe Cavard. Ayant fait partie de l’un des derniers contingents d’appelés, je suis en mesure de distinguer les différents uniformes des personnels de l’opération Sentinelle, et j’ai donc conscience de la très grande variété des régiments intervenant dans le cadre de cette opération. La question d’une sur-sollicitation de certaines unités a été évoquée, ainsi que celle de la fatigue des personnels. Pouvez-vous nous préciser selon quels critères on décide de faire intervenir tel ou tel régiment, et pour quelle durée ?

Par ailleurs, au cours d’une audition, des militaires nous ont indiqué être logés dans les combles de la mairie du 11e arrondissement dans des conditions « assez spartiates » – ce qui était sans doute un euphémisme. Pour que des personnels soient en mesure d’intervenir rapidement et efficacement en situation de crise, il faut qu’ils soient en situation physique et morale de le faire – et de manière durable, car il est à craindre que la situation actuelle ne se prolonge. Considérez-vous que les conditions de vie, notamment d’hébergement, de vos hommes, soient satisfaisantes ?

M. David Comet. Mon général, je vous remercie pour l’action de l’armée durant la période difficile que nous vivons actuellement.

On assiste actuellement à une interpénétration grandissante entre la sécurité intérieure et la sécurité extérieure. Nous sommes en état de guerre, même s’il s’agit d’une guerre diffuse, et ce sont les mêmes soldats qui interviennent en opérations extérieures ou sur le territoire national : ils ont les mêmes compétences. Le mois dernier, j’ai rencontré les forces françaises en Côte d’Ivoire – en l’occurrence, les Marsouins du 1er régiment d’infanterie de marine (RIMa) d’Angoulême – et je sais que ces soldats, qui luttent contre le terrorisme en Afrique, peuvent être amenés à le faire également à Paris dans le cadre de Sentinelle.

Une nouvelle doctrine d’emploi est récemment entrée en application en matière de sécurité intérieure, mettant en avant le rôle stratégique des primo-intervenants : on reconnaît désormais l’importance d’intervenir avec efficacité dès les premiers temps, afin de figer la situation. Dans ce cadre, on pourrait concevoir qu’un groupe de huit militaires, par exemple, se tienne à disposition des forces de police, qui feraient éventuellement appel à eux pour concourir à leur action. Ne pensez-vous pas qu’un tel dispositif aurait pu être mis en application au Bataclan et, plus largement, qu’il ait vocation à être adopté afin de faire face aux situations de crise qui se présenteront à l’avenir ?

Le principe d’une coopération entre forces de sécurité intérieure et militaires est très important sur le plan stratégique. À l’inverse, le fait de ne pas l’appliquer nous fait courir le risque d’aboutir à des situations de non-assistance à personne en danger : des personnes pourraient être torturées et tuées dans un bâtiment alors que des personnels ayant vocation à assurer la sécurité de la population se trouvent à proximité, mais n’interviennent pas.

Général Bruno Le Ray. La question de la sollicitation des personnels de l’armée de terre ne relève pas de ma responsabilité, puisque je ne suis qu’un employeur des moyens que l’on met à ma disposition. Cela dit, c’est un sujet particulièrement sensible. En début d’après-midi, j’ai effectué une présentation pour le ministre de la défense, ce qui m’a amené à me rendre sur les sites de l’îlot Saint-Germain et du fort de l’Est. Cela a été pour moi l’occasion de rappeler que 43 régiments différents – sur les 80 régiments environ que compte l’armée de terre – sont présents en ce moment à Paris pour une rotation de six semaines, étant précisé que certaines unités interviennent pour la septième fois. La sollicitation des personnels de l’armée de terre est donc effectivement très forte, ce qui justifie la campagne de recrutement actuellement mise en œuvre. Si cette campagne donne d’excellents résultats, nous n’en profiterons pas immédiatement, car la formation nécessaire pour qu’une nouvelle recrue puisse intervenir sur le terrain dure un certain temps.

Me faisant ici le porte-parole du chef d’état-major de l’armée de terre, qui est aussi mon chef sur une autre partie de mes responsabilités, je pense pouvoir affirmer que des unités supplémentaires vont être constituées au sein des régiments à partir de la fin de l’année, ce qui nous autorisera à revenir à un taux de rotation plus satisfaisant, permettant aux personnels d’être engagés sur les opérations, de se préparer correctement à l’éventualité de devoir livrer des combats de haute intensité au Mali ou en République centrafricaine, et de prendre un peu de repos entre-temps. En l’état actuel des choses, la sollicitation intense des régiments nous impose de déterminer au plus juste le volume des effectifs à déployer pour répondre aux besoins.

Pour ce qui est des conditions d’hébergement, celles de l’îlot Saint-Germain m’ont semblé tout à fait satisfaisantes, tandis que le fort de l’Est est plus spartiate. Quant à la mairie du 11e arrondissement, si elle offre un hébergement effectivement peu confortable – on ne peut y installer que des lits Picot –, elle présente l’avantage d’être située en plein cœur du 11e arrondissement, ce qui permet aux unités qui y sont basées de rejoindre leur lieu de mission en dix minutes à pied, au lieu d’avoir à effectuer un trajet d’une heure et demie en camion pour venir de Brétigny-sur-Orge, par exemple – sans compter que les personnels concernés apprécient, quand ils sont en repos, de pouvoir aller boire une bière en ville très facilement : c’est pourquoi, si vous faisiez un sondage parmi les personnels des unités logées dans la mairie du 11e arrondissement, vous n’auriez sans doute pas que des avis négatifs.

En tout état de cause, les conditions d’hébergement constituent un sujet de préoccupation permanent, et d’importants investissements sont effectués afin d’améliorer la situation – ainsi certains bâtiments du fort de l’Est sont-ils rénovés de fond en comble. Nous avions déserté – quand elles n’avaient pas été vendues – les enceintes militaires situées à l’intérieur de Paris, et nous sommes en train de les réinvestir afin de remonter durablement nos capacités, ce qui prendra un an ou deux. Les travaux effectués à l’Îlot Saint-Germain – où des bureaux doivent être transformés en lieux de vie – et au Val-de-Grâce vont nous permettre d’héberger environ 1 000 hommes en plein Paris dans des conditions satisfaisantes.

Sur le fait que les mêmes soldats soient amenés à intervenir en opérations extérieures et sur le territoire national, je veux souligner que les soldats présents le soir du 13 novembre ont mis en œuvre ce que leur expérience du combat sur le terrain leur avait appris : ils sont allés au contact des forces de sécurité intérieure afin de proposer leurs services, et se sont ensuite répartis pour assurer des missions d’appui ou de sécurisation des accès – par exemple en installant des chicanes improvisées –, qui ont aidé à circonscrire et à maîtriser la situation.

Pour moi, la notion de primo-intervenant implique celle de la responsabilité : or, de mon point de vue, la responsabilité d’assurer la sécurité sur le territoire national doit rester aux forces de sécurité intérieure. Si les militaires interviennent, c’est donc toujours sous le contrôle de l’autorité civile, et ils ne réclament pas d’être plus autonomes pour aller faire la guerre dans un quartier de Paris ou de Marseille. Les forces de sécurité intérieure et les militaires doivent se coordonner sur place comme ils l’ont fait le 13 novembre. Tous les jours, mes soldats sont sollicités pour accomplir des missions relevant de leurs compétences. Il peut s’agir, par exemple, de mettre en place un périmètre de sécurité dans un aéroport lorsqu’un bagage abandonné y est découvert, de sécuriser des zones où interviennent des chiens détecteurs de drogue, ou encore de mettre en place une bulle de protection aérienne pour couvrir certains grands événements.

Quand les militaires se trouvent confrontés seuls à une situation nécessitant d’intervenir, ils figent la situation comme le feraient les policiers, et entrent en contact avec les forces de sécurité intérieure au moyen d’ACROPOL pour leur demander d’intervenir. Fort heureusement, ils interviennent le plus souvent pour d’autres situations que des attaques terroristes : en dehors du prêt de main-forte, il peut s’agir de flagrants délits – qu’ils soient en présence d’individus brisant des vitres devant la gare Montparnasse, ou d’autres prenant des photos sur l’esplanade de la Défense –, en présence desquels ils font ce qu’est censé faire tout citoyen, à savoir geler la situation en attendant l’arrivée des personnels compétents.

M. Christophe Cavard. Si les militaires sont sollicités par les forces de sécurité intérieure, à quel niveau de hiérarchie la décision est-elle prise d’intervenir ou non ?

Général Bruno Le Ray. La cellule de base sur le terrain est constituée de trois soldats, dont un caporal-chef, à qui revient la responsabilité de cette décision. C’est le cadre d’emploi extrêmement précis de nos soldats qui leur permet de réagir à 99,9 % des situations sans requérir l’autorisation d’un supérieur hiérarchique – étant précisé qu’ils doivent rendre compte a posteriori, évidemment.

M. Christophe Cavard. La décision de tirer est-elle soumise aux mêmes conditions ?

Général Bruno Le Ray. Absolument. Dès lors que les conditions de la légitime défense sont réunies, les soldats peuvent tirer sans en demander l’autorisation, comme ils l’ont fait à Valence et comme ils étaient sur le point de le faire sur l’esplanade des Invalides – même si, dans ce dernier cas, c’est un gendarme qui a ouvert le feu.

M. Jean-Luc Laurent. La sollicitation intensive de nombreuses unités de l’armée de terre dans le cadre des opérations de Sentinelle, visant à appuyer les forces de sécurité intérieure et à rassurer la population, a des conséquences sur le moral des troupes – même si des efforts sont faits afin d’améliorer la coordination entre les effectifs militaires et ceux des forces de sécurité intérieure. Un dispositif interministériel a-t-il été mis en place afin d’assurer une coordination des unités présentes sur le terrain, mais aussi des autorités civiles et militaires ?

En termes de communication, existe-t-il, en plus du contact physique sur le terrain, des réseaux d’information communs destinés à faire remonter ou redescendre l’information ?

En ce qui concerne le retour d’expérience, pouvez-vous nous préciser quel a été le niveau d’activité de Sentinelle depuis sa mise en place, c’est-à-dire le nombre de fois où des militaires ont dû intervenir, et quel est le coût du dispositif – qui, sur le plan budgétaire, représente une ligne particulière ?

Enfin, j’ai tendance à considérer que l’armée a plutôt vocation à intervenir en dehors de nos frontières. Que pensez-vous de l’idée consistant à soulager les 7 000 personnels de l’armée des missions qu’ils accomplissent sur le territoire national, en faisant davantage appel à la réserve ?

Je pourrais vous parler du fort de Bicêtre, situé sur ma circonscription et abritant des unités qui contribuent largement au dispositif Sentinelle, mais je ne voudrais pas monopoliser la parole trop longtemps, aussi me contenterai-je d’évoquer ce sujet avec le général, directeur central, présent sur le site.

Général Bruno Le Ray. Vous avez été plusieurs à évoquer la mission de Sentinelle consistant à rassurer la population. Si cette mission existe, elle n’arrive qu’en troisième position après celles consistant à protéger et à dissuader, dont elle est surtout un effet induit. Ce n’est pas qu’une question de sémantique : cette hiérarchie des priorités reflète bien notre façon de concevoir la mission qui nous est confiée, et ce serait faire injure aux soldats que de leur dire qu’ils sont là uniquement pour rassurer.

Pour ce qui est de la coordination, une cellule interministérielle de crise (CIC) est actionnée en temps de crise – cela a été le cas à partir du 13 novembre, pour quelques jours durant lesquels elle a fonctionné 24 heures sur 24. En temps normal, des réunions interministérielles sont régulièrement organisées par le ministère de l’intérieur, auxquelles participent l’état-major des armées et, en tant que de besoin, les forces parisiennes.

Une coordination est donc mise en œuvre en amont – dans la programmation des activités par les cabinets ministériels – comme sur le terrain – par contact physique ou par radio, puisque toutes nos patrouilles sont équipées de moyens radio leur permettant de communiquer avec les forces de sécurité à l’intérieur du périmètre où elles se trouvent.

Nous répertorions tous les incidents, ce qui me permet de vous dire que l’an dernier, nous avons identifié 1 600 incidents de toute nature, parmi lesquels on compte essentiellement des incivilités, des insultes ou des tentatives de photographier un dispositif sensible, mais très peu d’agressions ou de tentatives d’agression sur la personne des soldats – la plupart du temps, les incidents sont d’ailleurs le fait de personnes sous l’emprise de l’alcool, qui ne se rendent pas compte de ce qu’elles font. Nous prêtons souvent main-forte aux forces de sécurité intérieure pour établir des périmètres de sécurité, et nous décelons des actions de surveillance de nos sites ou des sites que nous protégeons – nos soldats sont entraînés à identifier les allées et venues suspectes. Chaque incident fait systématiquement l’objet d’un rapport transmis par radio aux forces de sécurité avec lesquelles nous nous coordonnons.

Pour ce qui est du coût de l’opération Sentinelle, même si cela ne relève pas de mes attributions en tant que gouverneur militaire de Paris, je vous dirai de mémoire qu’il s’est élevé à 170 millions d’euros pour 2015.

Il se trouve déjà un certain nombre de réservistes parmi les personnels dont je dispose. En moyenne, depuis janvier 2015, ce sont un peu moins de 200 réservistes qui sont déployés en permanence au sein du dispositif Sentinelle – ce chiffre s’est élevé à 400 durant les fêtes de fin d’année, ce qui s’explique par le fait que les réservistes se libèrent plus facilement durant les périodes de congé.

Enfin, pour ce qui est de l’emploi des forces armées, que M. Laurent préférerait voir affectées aux missions situées en dehors de nos frontières, mon point de vue de militaire me porte à penser qu’il faut faire face à la menace où qu’elle soit : j’aurais du mal à considérer que mes hommes sont capables d’aller combattre au Mali, mais que nous n’avons pas de rôle à jouer dans la défense de nos compatriotes, de nos familles, sur le territoire national. Cela ne doit cependant pas aller jusqu’à transformer les militaires en forces de sécurité intérieure, car si des soldats préparés aux missions extérieures sont capables d’intervenir sur le territoire national, l’inverse n’est pas vrai. En disant cela, je pense exprimer un point de vue qui est également celui des chefs militaires et du ministre de la défense.

M. le président Georges Fenech. Mon général, nous vous remercions pour votre intervention devant notre Commission.

La séance est levée à 19 heures 45.

Membres présents ou excusés

Présents. – M. Christophe Cavard, M. David Comet, M. Jean-Jacques Cottel, M. Jacques Cresta, Mme Françoise Dumas, M. Olivier Falorni, M. Georges Fenech, M. Philippe Goujon, M. Serge Grouard, M. Meyer Habib, M. François Lamy, M. Guillaume Larrivé, M. Jean-Luc Laurent, M. Michel Lefait, M. Pierre Lellouche, M. Jean-René Marsac, M. Alain Marsaud, M. Sébastien Pietrasanta, M. Pascal Popelin, M. Jean-Michel Villaumé

Excusée. – Mme Lucette Lousteau


Histoire: Plus inconnu que le soldat inconnu… le déserteur ! (Dos Passos was right: Book reveals how gangs of AWOL GIs terrorized WWII Paris with a reign of mob-style violence)

23 février, 2017
Glass's study of the very different stories and men grouped together under the label, Deserters

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Cela met en lumière ce que cela signifie pour un homme de conviction et de foi de se retrouver dans une situation infernale… et, au milieu de ce cauchemar, cet homme est en mesure d’approfondir sa spiritualité et d’accomplir quelque chose de plus grand. Mel Gibson
Oscars Poll: 60 percent of Americans can’t name one best picture nominee (…) For most of the best picture nominees, Clinton voters were more likely to have seen the various films when compared to Trump voters. The big exception was Hacksaw Ridge, which Trump voters were considerately more likely (27%) than Clinton voters (18%). The Hollywood Reporter
Après les vives polémiques provoquées par La Passion du Christ (2004) puis Apocalypto (2006) (…) Mel Gibson a choisi de mettre en scène Desmond Doss, objecteur de conscience américain, qui tint à aller au front comme infirmier pendant la Seconde Guerre mondiale, sans jamais porter d’arme. Les images sanglantes, christiques, cruelles de son film font écho à celles de ses réalisations précédentes. (…) Dans chacun de ses films, Mel Gibson, fervent catholique, explore une figure isolée, prête à soulever les foules, mais aussi à subir les exactions de ses pourfendeurs. Le paroxysme de ce postulat –  la cruauté humaine envers ses semblables – est atteint avec La passion du Christ, où la foule déchaînée s’acharne sans relâche pour faire crucifier Jésus. Le film suscitera une immense controverse autour du réalisateur, accusé de véhiculer un message profondément antisémite, les Juifs étant représentés comme un peuple cruel et déicide. Cette foule haineuse, on la retrouve aussi dans Braveheart (1995) avant le sacrifice de William Wallace, torturé puis tué dans d’atroces souffrances. Dans Tu ne tueras point, le choix de Desmond Doss de ne pas porter d’armes déplaît fortement aux autres soldats qui le prennent pour un lâche, le torturent psychologiquement puis le passent lâchement à tabac en pleine nuit. (…) Tu ne tueras point, met en scène la figure ô combien christique de Desmond Doss, adventiste du septième jour, objecteur de conscience qui sauva 75 de ses camarades pendant la bataille d’Okinawa. Le tout, renforcé par des plans sans ambiguïté : Wallace les bras en croix avant la torture, ou Desmond, filmé allongé sur son brancard, en contre-plongée, les bras ouverts, comme appelé par les cieux. Télérama
“Don’t think I’m sticking up for the Germans,” puts in the lanky young captain in the upper berth, “but…” “To hell with the Germans,” says the broad-shouldered dark lieutenant. “It’s what our boys have been doing that worries me.” The lieutenant has been talking about the traffic in Army property, the leaking of gasoline into the black market in France and Belgium even while the fighting was going on, the way the Army kicks the civilians around, the looting. “Lust, liquor and loot are the soldier’s pay,” interrupts a red-faced major. (…) A tour of the beaten-up cities of Europe six months after victory is a mighty sobering experience for anyone. Europeans. Friend and foe alike, look you accusingly in the face and tell you how bitterly they are disappointed in you as an American. They cite the evolution of the word “liberation.” Before the Normandy landings it meant to be freed from the tyranny of the Nazis. Now it stands in the minds of the civilians for one thing, looting. (…) Never has American prestige in Europe been lower. People never tire of telling you of the ignorance and rowdy-ism of American troops, of out misunderstanding of European conditions. They say that the theft and sale of Army supplies by our troops is the basis of their black market. They blame us for the corruption and disorganization of UNRRA. (…) The Russians came first. The Viennese tell you of the savagery of the Russian armies. They came like the ancient Mongol hordes out of the steppes, with the flimsiest supply. The people in the working-class districts had felt that when the Russians came that they at least would be spared. But not at all. In the working-class districts the tropes were allowed to rape and murder and loot at will. When victims complained, the Russians answered, “You are too well off to be workers. You are bourgeoisie.” When Americans looted they took cameras and valuables but when the Russians looted they took everything. And they raped and killed. From the eastern frontiers a tide of refugees is seeping across Europe bringing a nightmare tale of helpless populations trampled underfoot. When the British and American came the Viennese felt that at last they were in the hands of civilized people. (…) We have swept away Hitlerism, but a great many Europeans feel that the cure has been worse than the disease. John Dos Passos (Life, le 7 janvier 1946)
lls sont venus, ils ont vaincu, ils ont violé… Sale nouvelle, les beaux GI débarqués en 1944 en France se sont comportés comme des barbares. Libération (mars 2006)
Oui, les libérateurs pratiquaient un racisme institutionnalisé et ils condamnèrent à mort des soldats noirs, accusés à tort de viols. En son temps, l’écrivain Louis Guilloux, qui fut l’interprète officiel des Américains en 1944 en Bretagne, assista à certains de ces procès en cour martiale. Durablement marqué, il relata son expérience dans OK, Joe !, un récit sobre, tranchant, qui a la puissance d’un brûlot. Loin du mélo. Télérama (décembre 2009)
Sur fond d’histoire d’amour impossible, Les Amants de l’ombre nous transportent dans une période méconnue de la Seconde Guerre mondiale où l’armée américaine, présentée comme libératrice, n’hésitait pas à condamner à mort des soldats noirs accusés à tort de viol. Métro (dec. 2009)
Soviet and German treatment of deserters, a story of pitiless savagery, is not mentioned here. Glass is concerned only with the British and Americans in the second world war, whose official attitudes to the problem were tortuous. In the first world war, the British shot 304 men for desertion or cowardice, only gradually accepting the notion of « shell-shock ». In the United States, by contrast, President Woodrow Wilson commuted all such death sentences. In the second world war, the British government stood up to generals who wanted to bring back the firing squad (the Labour government in 1930 had abolished the death penalty for desertion). Cunningly, the War Office suggested that restoration might suggest to the enemy that morale in the armed forces was failing. President Roosevelt, on the other hand, was persuaded in 1943 to suspend « limitations of punishment ». In the event, the Americans shot only one deserter, the luckless Private Eddie Slovik, executed in France in January 1945. He was an ex-con who had never even been near the front. Slovik quit when his unit was ordered into action, calculating that a familiar penitentiary cell would be more comfortable than being shot at in a rainy foxhole. His fate was truly unfair, set against the bigger picture. According to Glass, « nearly 50,000 American and 100,000 British soldiers deserted from the armed forces » during the war. Some 80% of these were front-line troops. Almost all « took a powder » (as they said then) in the European theatres of war; there were practically no desertions from US forces in the Pacific, perhaps because there was nowhere to go. By the end of the conflict, London, Paris and Naples, to name only a few European cities, swarmed with heavily-armed Awol servicemen, many of them recruited into gangs robbing and selling army supplies. Units were diverted from combat to guard supply trains, which were being hijacked all over liberated Europe. Paris, where the police fought nightly gun battles with American bandits, seemed to be a new Chicago. The Guardian
Thousands of American soldiers were convicted of desertion during the war, and 49 were sentenced to death. (Most were given years of hard labor.) Only one soldier was actually executed, an unlucky private from Detroit named Eddie Slovik. This was early 1945, at the moment of the Battle of the Bulge. Mr. Glass observes: “It was not the moment for the supreme Allied commander, Gen. Dwight Eisenhower, to be seen to condone desertion.” There were far more desertions in Europe than in the Pacific theater. In the Pacific, there was nowhere to disappear to. “In Europe, the total that fled from the front rarely exceeded 1 percent of manpower,” Mr. Glass writes. “However, it reached alarming proportions among the 10 percent of the men in uniform who actually saw combat.” (…) Too few men did too much of the fighting during World War II, the author writes. Many of them simply cracked at the seams. Poor leadership was often a factor. “High desertion rates in any company, battalion or division pointed to failures of command and logistics for which blame pointed to leaders as much as to the men who deserted,” he says. Mr. Glass adds, “Some soldiers deserted when all the other members of their units had been killed and their own deaths appeared inevitable.” The essential unfairness of so few men seeing the bulk of the combat was undergirded by other facts. Many men never shipped out. Mr. Glass cites a statistic that psychiatrists allowed about 1.75 million men to avoid service for “reasons other than physical.”This special treatment led to bitterness. Mr. Glass quotes a general who wrote, “When, in 1943, it was found that 14 members of the Rice University football team had been rejected for military service, the public was somewhat surprised.”Mr. Glass provides information about desertions in other American wars. During the Civil War, more than 300,000 troops went AWOL from the Union and Confederate armies. He writes, “Mark Twain famously deserted from both sides.” The NYT
In the weeks following liberation from the Nazis, Paris was hit by wave of crime and violence that saw the city compared to Prohibition New York or Chicago. And the cause was the same: American Gangsters. While the Allies fought against Hitler’s forces in Europe, law enforcers fought against the criminals who threatened that victory. Men who had abandoned the ‘greater good’ in favour of self-interest, black-market profits and the lure of the cafes and brothels of Paris: deserters. Highly organised, armed to the teeth and merciless, these deserters used their US uniforms as another tool of their trade along with the vast arrays of stolen weapons, forged passes and hijacked vehicles they had at their disposal. Between June 1944 and April 1945 the US army’s Criminal Investigation Branch (CBI) handled a total of 7,912 cases. Forty per cent involved misappropriation of US supplies. Greater yet was the proportion of crimes of violence – rape, murder, manslaughter and assault which accounted for 44 per cent of the force’s workload. The remaining 12 per cent were crimes such as robbery, housebreaking and riot.Many were afraid. They had reached a point beyond which they could not endure and chosen disgrace over the grave. Some recounted waking, as if from a dream, to find their bodies had led them away from the battelfield. (…)  Others, like Weiss, fought until their faith in their immediate commanders disappeared. Was it a form of madness or a dawning lucidity that led them to desert? Glass does not claim to be able to answer that question to which Weiss himself had devoted his latter years to addressing to no avail. Others still deserted to make money, stealing and selling the military supplies that their comrades at the front needed to survive. Opportunists and crooks, certainly, but not cowards – the life they chose was every bit as violent and bloody as battle. 50,000 American and 100,000 British soldiers deserted during World War II. Yet according to Glass the astounding fact is not that so many men deserted, but that so few did. Only one was executed for it, Eddie Slovik. He was, until that point, by his own assessment the unluckiest man alive.He never fought a battle. He never went on the run as most deserters did. He simply made it clear that he preferred prison to battle.  Of the 49 Americans sentenced to death for desertion during the Second World War he was the only one whose appeal for commutation was rejected. His greatest sin, as Glass tells it, was his timing. His appeal came in January 1945 just as the German counter-offensive, the Battle of the Bulge, was at its peak. Allied forces were near breaking point. It was not, Supreme Allied Commander, General Dwight Eisenhower decided, time to risk seeming to condone desertion. (…) Led by an ex-paratrooper sergeant, raids were planned like military operations. Whitehead himself admitted, ‘we stole trucks, sold whatever they carried, and used the trucks to rob warehouses of the goods in them.’ They used combat tactics, hijacked goods destined for front-line troops. Their crimes even spread into Belgium. They attacked civilians and military targets indiscriminately. His gangland activities gave Whitehead ‘a bigger thrill than battle.’ Quoting from the former soldier’s memoir Glass recounts his boasts: ‘We robbed every café in Paris, in all sectors except our own, while the gendarmes went crazy.’ They robbed crates of cognac and champagne, hijacked jeeps and raided private houses whose bed sheets and radios were ‘easy to fence.’ They stole petrol, cigarettes, liquor and weapons. Within six months Whitehead reckoned his share of the plunder at $100,000. Little wonder that when Victory in Europe was announced on 7 May 1945, Whitehead admitted, ‘That day and night everyone in Paris and the rest of Europe was celebrating, but I just stayed in my apartment thinking about it all.’ (…) Ultimately Whitehead was captured and court martialled. He was dishonourably discharged and spent time in the Delta Disciplinary Training Barracks in the south of France and in federal penitentiaries in New Jersey. Many years later he had that ‘dishonourable discharge,’ turned into a General one on rather disingenuous legal grounds.
En Allemagne, on dresse depuis 1986 des monuments aux déserteurs allemands de la seconde guerre mondiale. En Grande-Bretagne et aux Etats-Unis, personne, jusqu’il y a peu, ne voulait aborder cette thématique historique des déserteurs des armées de la coalition anti-hitlérienne. Charles Glass, ancien correspondant d’ABC pour le Moyen Orient, otage de milices chiites au Liban pendant 67 jours en 1987, vient d’innover en la matière: il a brisé ce tabou de l’histoire contemporaine, en racontant par le menu l’histoire des 50.000 militaires américains et des 100.000 militaires britanniques qui ont déserté leurs unités sur les théâtres d’opération d’Europe et d’Afrique du Nord. Le chiffre de 150.000 hommes est énorme: cela signifie qu’un soldat sur cent a abandonné illégalement son unité. Chez les Américains, constate Glass, les déserteurs ne peuvent pas être considérés comme des lâches ou des tire-au-flanc; il s’agit souvent de soldats qui se sont avérés des combattants exemplaires et courageux, voir des idéalistes qui ont prouvé leur valeur au front. Ils ont flanché pour les motifs que l’on classe dans la catégorie “SNAFU” (“Situation Normal, All Fucked Up”). Il peut s’agir de beaucoup de choses: ces soldats déserteurs avaient été traités bestialement par leurs supérieurs hiérarchiques incompétents, leur ravitaillement n’arrivait pas à temps, les conditions hygiéniques étaient déplorables; aussi le fait que c’était toujours les mêmes unités qui devaient verser leur sang, alors que personne, dans la hiérarchie militaire, n’estimait nécessaire de les relever et d’envoyer des unités fraîches en première ligne. Dans une telle situation, on peut comprendre la lassitude des déserteurs surtout que certaines divisions d’infanterie en France et en Italie ont perdu jusqu’à 75% de leurs effectifs. Pour beaucoup de GI’s appartenant à ces unités lourdement éprouvées, il apparaissait normal de déserter ou de refuser d’obéir aux ordres, même face à l’ennemi. (…) Au cours de l’automne 1944, dans l’US Army en Europe, il y avait chaque mois près de 8500 déserteurs ou de cas d’absentéisme de longue durée, également passibles de lourdes sanctions. La situation était similaire chez les Britanniques: depuis l’offensive de Rommel en Afrique du Nord, le nombre de déserteurs dans les unités envoyées dans cette région a augmenté dans des proportions telles que toutes les prisons militaires du Proche Orient étaient pleines à craquer et que le commandant-en-chef Claude Auchinleck envisageait de rétablir la peine de mort pour désertion, ce qui n’a toutefois pas été accepté pour des motifs de politique intérieure (ndt: ou parce que les Chypriotes grecs et turcs ou les Juifs de Palestine avaient été enrôlés de force et en masse dans la 8ème Armée, contre leur volonté?). Les autorités britanniques ont dès lors été forcées d’entourer tous les camps militaires britanniques d’une triple rangée de barbelés pour réduire le nombre de “fuites”. Le cauchemar du commandement allié et des décideurs politiques de la coalition anti-hitlérienne n’était pas tellement les déserteurs proprement dits, qui plongeaient tout simplement dans la clandestinité et attendaient la fin de la guerre, mais plutôt ceux d’entre eux qui se liguaient en bandes et se donnaient pour activité principale de piller la logistique des alliés et de vendre leur butin au marché noir. La constitution de pareilles bandes a commencé dès le débarquement des troupes anglo-saxonnes en Italie, où les gangs de déserteurs amorcèrent une coopération fructueuse avec la mafia locale. Parmi elles, le “Lane Gang”, dirigé par un simple soldat de 23 ans, Werner Schmeidel, s’est taillé une solide réputation. Ce “gang” a réussi à s’emparer d’une cassette militaire contenant 133.000 dollars en argent liquide. A l’automne 1944, ces attaques perpétrées par les “gangs” a enrayé l’offensive du Général Patton en direction de l’Allemagne: des déserteurs américains et des bandes criminelles françaises avaient attaqué et pillé les véhicules de la logistique amenant vivres et carburants. La situation la plus dramatique s’observait alors dans le Paris “libéré”, où régnait l’anarchie la plus totale: entre août 1944 et avril 1945, la “Criminal Investigation Branch” de l’armée américaine a ouvert 7912 dossiers concernant des délits importants, dont 3098 cas de pillage de biens militaires américains et 3481 cas de viol ou de meurtre (ou d’assassinat). La plupart de ces dossiers concernaient des soldats américains déserteurs. La situation était analogue en Grande-Bretagne où 40.000 soldats britanniques étaient entrés dans la clandestinité et étaient responsables de 90% des délits commis dans le pays. Pour combattre ce fléau, la justice militaire américaine s’est montrée beaucoup plus sévère que son homologue britannique: de juin 1944 à l’automne 1945, 70 soldats américains ont été exécutés pour avoir commis des délits très graves pendant leur période de désertion. La masse énorme des déserteurs “normaux” était internée dans d’immenses camps comme le “Loire Disciplinary Training Center” où séjournait 4500 condamnés. Ceux-ci y étaient systématiquement humiliés et maltraités. Des cas de décès ont été signalés et attestés car des gardiens ont à leur tour été traduits devant des juridictions militaires. En Angleterre, la chasse aux déserteurs s’est terminée en pantalonnade: ainsi, la police militaire britannique a organisé une gigantesque razzia le 14 décembre 1945, baptisée “Operation Dragnet”. Résultat? Quatre arrestations! Alors qu’à Londres seulement, quelque 20.000 déserteurs devaient se cacher. Au début de l’année 1945, l’armée américaine se rend compte que la plupart des déserteurs condamnés avaient été de bons soldats qui, vu le stress auquel ils avaient été soumis pendant de trop longues périodes en zones de combat, auraient dû être envoyés en clinique plutôt qu’en détention. Les psychologues entrent alors en scène, ce qui conduit à une révision de la plupart des jugements qui avaient condamné les soldats à des peines entre 15 ans et la perpétuité. En Grande-Bretagne, il a fallu attendre plus longtemps la réhabilitation des déserteurs malgré la pression de l’opinion publique. Finalement, Churchill a cédé et annoncé une amnistie officielle en février 1953. Wolfgang Kaufmann 

C’est Dos Passos qui avait raison !

Combattants exemplaires et courageux, voire idéalistes qui craquent, bandes de charognards sans scrupule pillant la logistique de vivres et de carburants des Alliés et les revendant au marché noir, violeurs notamment noirs ou assassins …

A la veille d’une cérémonie des Oscars …

Où face à des films nombriliste (La la land) ou très marqués minorités (Hidden figures, Fences) voire minorités/homosexualité (Moonlight) ou étranger (Lion) ou la chronique sociale d’une communauté de marins prolétaires (Manchester by the sea), la science fiction classique (Arrival/Premier contact) ou le néo-western (Hell or high water/Comancheria) …

Emerge notamment du côté des électeurs républicains, avec quand même six nominations, par le réalisateur controversé de la Passion du Christ …

L’étrange ovni (souligné par ailleurs par son titre français tiré tout droit du décalogue) du film de guerre religieux  (Hacksaw ridge/Tu ne tueras point) …

Avec cette histoire vraie mais ô combien christique du seul objecteur de conscience américain à recevoir la médaille d’honneur …

Ce guerrier sans armes qui tout en s’en tenant à sa volonté de ne pas porter d’armes parvint à sauver des dizaines de soldats (ennemis compris !) …

Retour, avec le livre du journaliste-historien Charles Glass d’il y a quatre ans …

Sur ces oubliés des oubliés de notre dernière grande guerre …

A savoir les déserteurs !

Une étude sur les déserteurs des armées alliées pendant la deuxième guerre mondiale
Wolfgang Kaufmann

Snerfies

16 janvier 2014

En Allemagne, on dresse depuis 1986 des monuments aux déserteurs allemands de la seconde guerre mondiale. En Grande-Bretagne et aux Etats-Unis, personne, jusqu’il y a peu, ne voulait aborder cette thématique historique des déserteurs des armées de la coalition anti-hitlérienne. Charles Glass, ancien correspondant d’ABC pour le Moyen Orient, otage de milices chiites au Liban pendant 67 jours en 1987, vient d’innover en la matière: il a brisé ce tabou de l’histoire contemporaine, en racontant par le menu l’histoire des 50.000 militaires américains et des 100.000 militaires britanniques qui ont déserté leurs unités sur les théâtres d’opération d’Europe et d’Afrique du Nord. Le chiffre de 150.000 hommes est énorme: cela signifie qu’un soldat sur cent a abandonné illégalement son unité.

Chez les Américains, constate Glass, les déserteurs ne peuvent pas être considérés comme des lâches ou des tire-au-flanc; il s’agit souvent de soldats qui se sont avérés des combattants exemplaires et courageux, voir des idéalistes qui ont prouvé leur valeur au front. Ils ont flanché pour les motifs que l’on classe dans la catégorie “SNAFU” (“Situation Normal, All Fucked Up”). Il peut s’agir de beaucoup de choses: ces soldats déserteurs avaient été traités bestialement par leurs supérieurs hiérarchiques incompétents, leur ravitaillement n’arrivait pas à temps, les conditions hygiéniques étaient déplorables; aussi le fait que c’était toujours les mêmes unités qui devaient verser leur sang, alors que personne, dans la hiérarchie militaire, n’estimait nécessaire de les relever et d’envoyer des unités fraîches en première ligne.

Dans une telle situation, on peut comprendre la lassitude des déserteurs surtout que certaines divisions d’infanterie en France et en Italie ont perdu jusqu’à 75% de leurs effectifs. Pour beaucoup de GI’s appartenant à ces unités lourdement éprouvées, il apparaissait normal de déserter ou de refuser d’obéir aux ordres, même face à l’ennemi. Parmi les militaires qui ont réfusé d’obéir, il y avait le Lieutenant Albert C. Homcy, de la 36ème division d’infanterie, qui n’a pas agi pour son bien propre mais pour celui de ses subordonnés. Il a comparu devant le conseil de guerre le 19 octobre 1944 à Docelles, qui l’a condamné à 50 ans de travaux forcés parce qu’il avait refusé d’obéir à un ordre qui lui demandait d’armer et d’envoyer à l’assaut contre les blindés allemands des cuisiniers, des boulangers et des ordonnances sans formation militaire aucune.

Au cours de l’automne 1944, dans l’US Army en Europe, il y avait chaque mois près de 8500 déserteurs ou de cas d’absentéisme de longue durée, également passibles de lourdes sanctions. La situation était similaire chez les Britanniques: depuis l’offensive de Rommel en Afrique du Nord, le nombre de déserteurs dans les unités envoyées dans cette région a augmenté dans des proportions telles que toutes les prisons militaires du Proche Orient étaient pleines à craquer et que le commandant-en-chef Claude Auchinleck envisageait de rétablir la peine de mort pour désertion, ce qui n’a toutefois pas été accepté pour des motifs de politique intérieure (ndt: ou parce que les Chypriotes grecs et turcs ou les Juifs de Palestine avaient été enrôlés de force et en masse dans la 8ème Armée, contre leur volonté?). Les autorités britanniques ont dès lors été forcées d’entourer tous les camps militaires britanniques d’une triple rangée de barbelés pour réduire le nombre de “fuites”.

Le cauchemar du commandement allié et des décideurs politiques de la coalition anti-hitlérienne n’était pas tellement les déserteurs proprement dits, qui plongeaient tout simplement dans la clandestinité et attendaient la fin de la guerre, mais plutôt ceux d’entre eux qui se liguaient en bandes et se donnaient pour activité principale de piller la logistique des alliés et de vendre leur butin au marché noir. La constitution de pareilles bandes a commencé dès le débarquement des troupes anglo-saxonnes en Italie, où les gangs de déserteurs amorcèrent une coopération fructueuse avec la mafia locale. Parmi elles, le “Lane Gang”, dirigé par un simple soldat de 23 ans, Werner Schmeidel, s’est taillé une solide réputation. Ce “gang” a réussi à s’emparer d’une cassette militaire contenant 133.000 dollars en argent liquide. A l’automne 1944, ces attaques perpétrées par les “gangs” a enrayé l’offensive du Général Patton en direction de l’Allemagne: des déserteurs américains et des bandes criminelles françaises avaient attaqué et pillé les véhicules de la logistique amenant vivres et carburants.

La situation la plus dramatique s’observait alors dans le Paris “libéré”, où régnait l’anarchie la plus totale: entre août 1944 et avril 1945, la “Criminal Investigation Branch” de l’armée américaine a ouvert 7912 dossiers concernant des délits importants, dont 3098 cas de pillage de biens militaires américains et 3481 cas de viol ou de meurtre (ou d’assassinat). La plupart de ces dossiers concernaient des soldats américains déserteurs. La situation était analogue en Grande-Bretagne où 40.000 soldats britanniques étaient entrés dans la clandestinité et étaient responsables de 90% des délits commis dans le pays. Pour combattre ce fléau, la justice militaire américaine s’est montrée beaucoup plus sévère que son homologue britannique: de juin 1944 à l’automne 1945, 70 soldats américains ont été exécutés pour avoir commis des délits très graves pendant leur période de désertion. La masse énorme des déserteurs “normaux” était internée dans d’immenses camps comme le “Loire Disciplinary Training Center” où séjournait 4500 condamnés. Ceux-ci y étaient systématiquement humiliés et maltraités. Des cas de décès ont été signalés et attestés car des gardiens ont à leur tour été traduits devant des juridictions militaires. En Angleterre, la chasse aux déserteurs s’est terminée en pantalonnade: ainsi, la police militaire britannique a organisé une gigantesque razzia le 14 décembre 1945, baptisée “Operation Dragnet”. Résultat? Quatre arrestations! Alors qu’à Londres seulement, quelque 20.000 déserteurs devaient se cacher.

Au début de l’année 1945, l’armée américaine se rend compte que la plupart des déserteurs condamnés avaient été de bons soldats qui, vu le stress auquel ils avaient été soumis pendant de trop longues périodes en zones de combat, auraient dû être envoyés en clinique plutôt qu’en détention. Les psychologues entrent alors en scène, ce qui conduit à une révision de la plupart des jugements qui avaient condamné les soldats à des peines entre 15 ans et la perpétuité.

En Grande-Bretagne, il a fallu attendre plus longtemps la réhabilitation des déserteurs malgré la pression de l’opinion publique. Finalement, Churchill a cédé et annoncé une amnistie officielle en février 1953.

Wolfgang KAUFMANN.

(article paru dans “Junge Freiheit”, n°49/2013; http://www.jungefreiheit.de ).

Charles GLASS, The Deserters. A hidden history of World War II, Penguin Press, New York, 2013, 380 pages, ill., 20,40 euro.

The untold truth about WWII deserters the US Army tried to hide: New book reveals how gangs of AWOL GIs terrorized WWII Paris with a reign of mob-style violence

In the weeks following liberation from the Nazis, Paris was hit by wave of crime and violence that saw the city compared to Prohibition New York or Chicago.

And the cause was the same: American Gangsters.

While the Allies fought against Hitler’s forces in Europe, law enforcers fought against the criminals who threatened that victory. Men who had abandoned the ‘greater good’ in favour of self-interest, black-market profits and the lure of the cafes and brothels of Paris: deserters.

Glass’s study of the very different stories and men grouped together under the label, Deserters

Highly organised, armed to the teeth and merciless, these deserters used their US uniforms as another tool of their trade along with the vast arrays of stolen weapons, forged passes and hijacked vehicles they had at their disposal.

Between June 1944 and April 1945 the US army’s Criminal Investigation Branch (CBI) handled a total of 7,912 cases. Forty per cent involved misappropriation of US supplies.

Greater yet was the proportion of crimes of violence – rape, murder, manslaughter and assault which accounted for 44 per cent of the force’s workload. The remaining 12 per cent were crimes such as robbery, housebreaking and riot.

Former Chief Middle East correspondent for ABC News, the book’s author Charles Glass had long harboured an interest in the subject. But it was only truly ignited by a chance meeting with Steve Weiss – decorated combat veteran of the US 36th Infantry Division and former deserter.

Glass was giving a talk to publicise his previous book, ‘Americans in Paris: Life and Death under Nazi Occupation’ when the American started asking questions. It was clear, Glass recounts, that the questioner’s knowledge of the French Resistance was more intimate than his own.

Tested beyond endurance: This official US Army photograph taken in Pozzuoli near Naples in August 1944, captured Private First Class Steve Weiss boarding a British landing craft. He is climbing the gangplank on the right-hand side of the photograph. The Deserters, A Hidden History of World War II by Charles Glass

Hero or Coward? Steve Weiss receives the Croix de Guerre in July 1946 yet 2 years earlier the US army jailed him as a deserter

They met for coffee and Weiss asked Glass what he was working on. Glass recalls: ‘I told him it was a book on American and British deserters in the Second World War and asked if he knew anything about it.

‘He answered, « I was a deserter. »‘

This once idealistic boy from Brooklyn who enlisted at 17, had fought on the beachhead at Anzio and through the perilous Ardennes forest, he was one of the very few regular American soldiers to fight with the Resistance in 1944. And he had deserted.

His story was, Glass realised, both secret and emblematic of a group of men, wreathed together under a banner of shame that branded them cowards. Yet the truth was far more complex.

Many were afraid. They had reached a point beyond which they could not endure and chosen disgrace over the grave. Some recounted waking, as if from a dream, to find their bodies had led them away from the battelfield.

Others, like Weiss, fought until their faith in their immediate commanders disappeared. Was it a form of madness or a dawning lucidity that led them to desert? Glass does not claim to be able to answer that question to which Weiss himself had devoted his latter years to addressing to no avail

Others still deserted to make money, stealing and selling the military supplies that their comrades at the front needed to survive. Opportunists and crooks, certainly, but not cowards – the life they chose was every bit as violent and bloody as battle.

50,000 American and 100,000 British soldiers deserted during World War II. Yet according to Glass the astounding fact is not that so many men deserted, but that so few did.

Only one was executed for it, Eddie Slovik. He was, until that point, by his own assessment the unluckiest man alive.

The Unluckiest Man: Eddie Slovik, left, was the only American executed for desertion as his trial fell at a time when General Dwight Eisenhower, right, decided he could not risk appearing lenient on the crime

He never fought a battle. He never went on the run as most deserters did. He simply made it clear that he preferred prison to battle.

Of the 49 Americans sentenced to death for desertion during the Second World War he was the only one whose appeal for commutation was rejected. His greatest sin, as Glass tells it, was his timing.

His appeal came in January 1945 just as the German counter-offensive, the Battle of the Bulge, was at its peak. Allied forces were near breaking point. It was not, Supreme Allied Commander, General Dwight Eisenhower decided, time to risk seeming to condone desertion.

Slovik was shot for his crime on the morning of 31 January 1945.

He was dispatched in the remote French village of Sainte-Marie-aux-Mines and the truth concealed even from his wife, Antoinette.

She was informed that her husband had died in the European Theatre of Operations.

His identity was ultimately revealed in 1954 and twenty years later Martin Sheen played him in the television film, The Execution of Private Slovik.

In it Sheen recites the words Slovik spoke before the firing squad shot him.

‘They’re not shooting me for deserting the United States Army,’ he said.

‘They just need to make an example out of somebody and I’m it because I’m an ex-con.

‘I used to steal things when I was a kid, and that’s what they are shooting me for.

‘They’re shooting me for the bread and chewing gum I stole when I was 12 years old.’

Private Alfred T Whitehead’s was a very different story.

He was a farm boy from Tennessee who rushed to join up to escape a life of brutalising poverty and violence at the hands of his stepfather.

He ended up a gangster tearing through Paris.

Whitehead fought at Normandy and claims to have stormed the beaches on the D-Day landings.

He considered himself a battle-hardened professional soldier and bit by bit the small reserve of mercy that had survived his childhood evaporated in the heat of war.

He had been in continuous combat with them from D-Day to 30th December 1944. He had earned the Silver Star, two Bronze Stars, Combat Infantry Badge and Distinguished Unit Citation.

When he was invalided out to Paris with appendicitis and assumed that he would rejoin his unit, the 2nd Division, on his recovery.

Instead he was sent to the 94th Reinforcement Battalion, a replacement depot in Fontainebleau.

When a young lieutenant presented Whitehead with a First World War vintage rifle for guard duty, he told the officer to take the ‘peashooter’ and ‘shove it up his ass.’

Loyalties Lost: Before deserting Alfred T Whitehead was decorated for bravery he has identified himself as the third soldier on the right, visible in profile, at the front of this D-Day landing craft approaching Normandy 6 June 1944

He demanded the weapons he was used to – a .45 pistol, a Thompson sub-machine gun and a trench knife.

His actual desertion was unspectacular. Whitehead was looking for a drink. The American Service Club refused him entrance because he didn’t have a pass and so he wandered on ‘in search of a bed in a brothel.’

He found one. By morning he was officially AWOL. The next day a waitress in a café took pity on him and added fried eggs and potatoes to his order of soup and bread. When Military Police came in and started asking questions she gave Whitehead the key to her room in a cheap hotel and told him to wait for her there.

From decorated soldier he moved seamlessly into life as a criminal in the Paris underworld.

A chance meeting led to him taking his place as a member of one of the many gangs of ex-soldiers terrorizing Paris.

Led by an ex-paratrooper sergeant, raids were planned like military operations. Whitehead himself admitted, ‘we stole trucks, sold whatever they carried, and used the trucks to rob warehouses of the goods in them.’

They used combat tactics, hijacked goods destined for front-line troops.

Their crimes even spread into Belgium. They attacked civilians and military targets indiscriminately.

His gangland activities gave Whitehead ‘a bigger thrill than battle.’ Quoting from the former soldier’s memoir Glass recounts his boasts: ‘We robbed every café in Paris, in all sectors except our own, while the gendarmes went crazy.’

They robbed crates of cognac and champagne, hijacked jeeps and raided private houses whose bed sheets and radios were ‘easy to fence.’ They stole petrol, cigarettes, liquor and weapons.
Within six months Whitehead reckoned his share of the plunder at $100,000.

Little wonder that when Victory in Europe was announced on 7 May 1945, Whitehead admitted, ‘That day and night everyone in Paris and the rest of Europe was celebrating, but I just stayed in my apartment thinking about it all.’

Because Private Whitehead’s desertion did not end his war – it was a part of it. As it was a part of many soldiers’ wars that has long gone unrecorded.

Ultimately Whitehead was captured and court martialled. He was dishonourably discharged and spent time in the Delta Disciplinary Training Barracks in the south of France and in federal penitentiaries in New Jersey.

Many years later he had that ‘dishonourable discharge,’ turned into a General one on rather disingenuous legal grounds.

In peacetime appearances mattered more to Whitehead than they ever had in war.

Back then, he admitted: ‘I never knew what tomorrow would hold, so I took every day as it came. War does strange things to people, especially their morality.’

Those ‘strange things’ rather than the false extremes of courage and cowardice are the truths set out in this account of the War and its deserters.

The Deserters: A Hidden History of world War II by Charles Glass is published by The Penguin Press, 13 June, Price $27.95. Available on Amazon by clicking here.

Voir également:

Deserter: The Last Untold Story of the Second World War by Charles Glass: review
Nearly 150,000 Allied soldiers deserted during the Second World War – some through fear and some for love. Nicholas Shakespeare uncovers their story, reviewing Deserter by Charles Glass.
The Telegraph
09 Apr 2013

In 1953, Winston Churchill gave an amnesty for wartime deserters as part of the celebrations for the coronation. According to Charles Glass, nearly 100,000 British and 50,000 American soldiers had deserted the armed forces during the Second World War, but only one was executed for this (theoretically) capital offence: a 25-year-old US infantryman who preferred to go to prison than into battle, and was condemned “to death by musketry” in January 1945. His story was finally told, a year after Churchill’s amnesty, in William Bradford Huie’s The Execution of Private Slovik, which remains, according to Glass, “almost the only full-length discussion of the subject”.

Who were the other deserters, why did they desert – and what happened to them? The absence of readily available material is a blood-red rag to a bullish reporter like Glass. Following his masterful study into the activities of his compatriots in Nazi-occupied France, Americans in Paris (2009), Glass has unearthed a shameful and inconvenient cluster of tragedies, which history – unreliably narrated by the victors – has whitened over.

At the opposite end to Pte Slovik was Pte Wayne Powers, an army truck driver from Missouri who absconded for love and was one of a few convicted deserters to get off scot-free. Buried in Glass’s introduction, and casually discarded, is the account of Powers’s elopement with a dark-haired French girl in November 1944. Hiding in her family house near the Belgian border, the couple had five children. For the next 14 years, Powers stayed a wanted man but undetected – until 1958, when a car crashed into the house, and a policeman, taking down details, noticed a face peering through the curtains. Court-martialed, Powers was released after 60,000 letters appealed for clemency; but his haunted gaze in the window is what lingers, and unites him with each deserter: an ever-present fear of capture, “an overshadowing presence that darkened my consciousness”, in the words of John Bain, a 23-year-old British soldier finally run to ground in Leeds.

Neither the conscientious objector Slovik nor the love-struck Powers were emblematic of the vast majority who deserted from the ranks. John Bain, the only British example explored by Glass, is a more satisfying representative. A boxer-poet like Byron, Bain is known today by the cover name that he adopted when on the run, Vernon Scannell (“a name picked from a passport in a brothel”). He had wandered away from his post in Wadi Akarit, trance-like, in “a kind of disgust”, after seeing his friends loot the corpses of their own men. His punishment was consistent both with US Gen George Patton’s remedy for malingerers – in Sicily, Patton famously slapped a shell-shocked soldier – and with US Brig Gen Elliot Cooke’s suspicion of “psychiatricks”.

Bain was imprisoned in Mustafa Barracks near Alexandria, snarled at by officers (“You’re all cowards. You’re all yellow”) and brutalised by guards, not one of whom had been within range “of any missile more dangerous than a flying cork” writes Glass. Captured in Leeds after going awol a third time, Bain told his interrogators that he wished to write poetry. Only then was his condition recognised. “We’ll send him to a psychiatrist. He’s clearly mad.”

Bain, who would go on to write some of the best poetry of the war, observed that “the dramatically heroic role is for the few”. He had left the battlefield to preserve his humanity, his time in the Army “totally destructive of the human qualities I most valued, the qualities of imagination, sensitivity and intelligence”.

With his own skill and sensitivity, Glass recreates the inhuman scenes that pummel the other soldiers he examines. Almost all of them were brave men like Bain. They knew what it was to be bombed by your own side. Slog through minefields littered with bloated, blackened bodies. Sit in foxholes knee-deep in your own excrement. Listen to the rising screams of the wounded. Struggle to obey orders that were impossible to carry out.

All too frequently, as in William Wharton’s memorable novel A Midnight Clear, your own commanders posed the greatest danger. Bain’s captain deserted from the Mareth Line in 1943, only to bob up as a major. Conversely, in the US 36th Division, which boasted the highest number of deserters, Lt Albert Homcy, already singled out for “exceptionally meritorious conduct” in Italy, was sentenced to 50 years of hard labour after he refused to lead untrained men to certain death.

Glass displays an unusual degree of empathy and kinship with these men. It causes him to focus on those he senses to have been misjudged or misdiagnosed, and whose condition cried out for treatment rather than punishment. There is a deficit in his book of more flagrant, less nuanced absconders. With a slight air of duty and disdain, one feels, he tracks the fate of Sgt Al Whitehead from Tennessee, who deserted for reasons of avarice and goes “to live it up” in Paris, where he became part of a GI gang that stole Allied supplies and shot at military policemen. Glass leaves us thirsty for details about these gangsters (also observed in Naples, with exemplary dry comedy, by Norman Lewis) and their British equivalents in Egypt.

Given the author’s knowledge of Paris – “home to deserters from most of the armies of Europe” – the absence of any French, German or Italian examples is also a curious omission. Deserter is unashamedly an Anglo-American story. In its selection of hitherto suppressed voices, it is refreshing and stimulating – history told from the loser’s perspective. But if I have a quibble, it is that the author concentrates too much on too few.

Even so Glass’s principal guide, on whom the narrative depends, is a compelling choice to lead the author’s project of rehabilitation. Pte Steve Weiss, who after the war became (of all things) a psychiatrist, is perhaps not your typical deserter, but if anyone deserves a sympathetic hearing, it is Weiss. Enlisting against his father’s wishes at 18, and determined to play a meaningful part in the war, Weiss joined the French Resistance after being separated from the 36th Division near Valence; for his courage, he would earn the Légion d’honneur. Eventually reunited with his company, he was treated like just another round of ammunition. After one earth tremor too many, he stumbled off into a forest during an artillery barrage. Discovered in a shell-shocked state by American troops, having slept for six days, Weiss was tried before a court-martial that lasted a mere five hours, including one hour for lunch, and condemned to hard labour for life.

His father complained: “This is the thanks he received for giving his all to his country.” Later interviewed by a military psychiatrist in the Loire Disciplinary Training Camp, Weiss was told: “You don’t belong here. You belong in a hospital.” It is altogether fitting that when Glass accompanies 86-year-old Weiss back to Bruyères to look for the courtroom in which the US Army delivered its ludicrous sentence, they cannot find it.

Deserter: The Last Untold Story of the Second World War

by Charles Glass

400pp, Harperpress, t £23 (PLUS £1.35 p&p) Buy now from Telegraph Books (RRP £25, ebook £12.50)

Voir encore:

Deserter: The Untold Story of WWII by Charles Glass – review

The shocking stories of three young men who fled the battlefield leave Neal Ascherson wondering why more soldiers don’t go awol
Neal Ascherson
The Guardian
28 March 2013

Desertion in war is not a mystery. It can have contributory motives – « family problems » at home, hatred of some officer or moral reluctance to kill are among them. But the central motive is the obvious one: to get away from people who are trying to blow your head off or stick a bayonet through you. Common sense, in other words. So the enigma is not why soldiers desert. It is why most of them don’t, even in battle and even in the face of imminent defeat (remember the stubborn Wehrmacht in the second world war). They do not run away, but stand and fight. Why?

That is the most interesting thing in Charles Glass‘s new book. He takes three young men – boys, really – who were drafted into the infantry in the last European war, who fought, deserted, and yet often fought again. Steve Weiss was from a Jewish family in Brooklyn; his father had been wounded and gassed in the first world war. Alfred Whitehead came from the bleakest rural poverty in Tennessee. John Bain was English (and after the war became famous as the poet Vernon Scannell); he was desperate to get away from his sadistic father, another veteran of the trenches.

All three quit their posts for solid and obvious reasons. Two of them deserted several times over. They saw heartbreaking horrors, or were tempted by women, booze and loot in a liberated city, or were shattered by prolonged artillery barrages, or realised – suddenly, and with cold clarity – that they would almost certainly be killed in the next few days.

The common sense of desertion was plain to almost anyone who had actually been under fire. Again and again, Glass’s book tells how these men on the run were fed, sheltered, comforted and transported by soldiers close to the front line. But the further away from the guns they got, entering the reposeful regions of pen-pushing « rear echelons », the more wary, disapproving and uncomprehending their compatriots became. Ultimately they would end up in the hands of the military police, and then in some nightmare « stockade » or military prison where shrieking, muscle-bound monsters who had never been within miles of a mortar « stonk » devoted themselves to breaking their spirit.

Soviet and German treatment of deserters, a story of pitiless savagery, is not mentioned here. Glass is concerned only with the British and Americans in the second world war, whose official attitudes to the problem were tortuous.

In the first world war, the British shot 304 men for desertion or cowardice, only gradually accepting the notion of « shell-shock ». In the United States, by contrast, President Woodrow Wilson commuted all such death sentences. In the second world war, the British government stood up to generals who wanted to bring back the firing squad (the Labour government in 1930 had abolished the death penalty for desertion). Cunningly, the War Office suggested that restoration might suggest to the enemy that morale in the armed forces was failing. President Roosevelt, on the other hand, was persuaded in 1943 to suspend « limitations of punishment ». In the event, the Americans shot only one deserter, the luckless Private Eddie Slovik, executed in France in January 1945. He was an ex-con who had never even been near the front. Slovik quit when his unit was ordered into action, calculating that a familiar penitentiary cell would be more comfortable than being shot at in a rainy foxhole.

His fate was truly unfair, set against the bigger picture. According to Glass, « nearly 50,000 American and 100,000 British soldiers deserted from the armed forces » during the war. Some 80% of these were front-line troops. Almost all « took a powder » (as they said then) in the European theatres of war; there were practically no desertions from US forces in the Pacific, perhaps because there was nowhere to go. By the end of the conflict, London, Paris and Naples, to name only a few European cities, swarmed with heavily-armed Awol servicemen, many of them recruited into gangs robbing and selling army supplies. Units were diverted from combat to guard supply trains, which were being hijacked all over liberated Europe. Paris, where the police fought nightly gun battles with American bandits, seemed to be a new Chicago.

But none of Glass’s three subjects left the front as soon as fighting began. They tried to do their duty for as long as they could. Steve Weiss first encountered battle in Italy, posted to the 36th infantry division near Naples after the Salerno and Anzio landings. He was 18 years old. At Anzio he saw for the first time deserters in a stockade yelling abuse at the army, found that a friend had collapsed with « battle fatigue », and was bombed from the air.

Soon he was fighting his way up Italy with « Charlie Company », facing artillery and snipers by day and night. Once, exhausted, rain-drenched and on his own, he broke down in tears of fatigue and terror and cried out for his mother. Next day he was street-fighting in the ruins of Grosseto. What kept him going? Not ideals about the war. He had seen Naples, now run by the Mafia boss Vito Genovese in cahoots with the Americans, and the notion that Roosevelt’s « Four Freedoms » could matter to starving Italians was a joke. What kept him and the other two going was comradeship: trust in a friend, or in some older and more experienced member of the squad. For Weiss in Italy, it was Corporal Bob Reigle, and later in France, a Captain Binoche in the resistance. For the truculent Alfred Whitehead, who survived Omaha Beach and the murderous battles of the Normandy « Bocage », it was his fellow-Tennessean Paul « Timmiehaw » Turner; staying drunk helped too. For John Bain, with the 51st Highland Division in North Africa and Normandy, it was his foul-mouthed, loyal pal Hughie from Glasgow.

The war was crazy, the army was brainless and callous, but there were these men who would never let you down, and for whose sake you bore the unbearable. When Weiss rejoined his company in the Vosges and found how many comrades were dead, when « Timmiehaw » was killed by a mine near St-Lo and Hughie by a mortar barrage near Caen, the psychic exhaustion all three young men had been suppressing finally kicked in.

Whitehead left to become a gangster in liberated Paris. Weiss and a few mates ran away from the winter battles in the Vosges hills; he did time in a military prison and eventually became a psychiatrist in California. Bain had already deserted once before, in Tunisia, and served a sentence in the appalling Mustafa Barracks « glasshouse » near Alexandria. Badly wounded in Normandy, he deserted again after the war was over because he couldn’t wait to be demobbed, and vanished into London to become poet and boxer Scannell.

Not much of this book, it should be said, is about deserting. Most of it consists of the three men’s own narratives of « their war », published or unpublished, and – because they are the stories of individual human beings who eventually cracked under the strain of hardly imaginable fear and misery – they are wonderful, unforgettable acts of witness, something salvaged from a time already sinking into the black mud of the past. I’ll certainly remember Bain watching his mates rifling the pockets of their own dead, Weiss witnessing the botched hanging of black soldiers for rape, Whitehead hijacking an American supply truck in the middle of the Paris traffic.

Memorable, too, is the astonishing Psychology for the Fighting Man, a work of startling empathy and humanity, produced in 1943 and distributed to American forces. Glass posts extracts at the outset of each chapter. « Giving up is nature’s way of protecting the organism against too much pain. » Or « There are a few men in every army who know no fear – just a few. But these men are not normal. » Statements of the obvious? Maybe. But in the madness of war, the right to state the obvious becomes worth fighting for.

Neal Ascherson’s Black Sea is published by Vintage.

Voir de plus:

Stories about cowardice can be as gripping as those about courage. One tells us about who we’d like to be; the other tells us about who we fear we are.

Nearly 50,000 American and 100,000 British soldiers deserted from the armed forces during World War II. (The British were in the war much longer.) Some fell into the arms of French or Italian women. Some became black-market pirates. Many more simply broke under the strain of battle.

These men’s stories have rarely been told. During the war, newspapers largely abstained from writing about desertions. The topic was bad for morale and could be exploited by the enemy. In more recent decades the subject has been essentially taboo, as if to broach it would dent the halo around the Greatest Generation.

Gen. George S. Patton wanted to shoot the men, whom he considered “cowards.” Other commanders were more humane. “They recognized that the mind — subject to the daily threat of death, the concussion of aerial bombardment and high-velocity artillery, the fear of land mines and booby traps, malnutrition, appalling hygiene and lack of sleep — suffered wounds as real as the body’s,” Mr. Glass writes. “Providing shattered men with counseling, hot food, clean clothes and rest was more likely to restore them to duty than threatening them with a firing squad.”

Thousands of American soldiers were convicted of desertion during the war, and 49 were sentenced to death. (Most were given years of hard labor.) Only one soldier was actually executed, an unlucky private from Detroit named Eddie Slovik. This was early 1945, at the moment of the Battle of the Bulge. Mr. Glass observes: “It was not the moment for the supreme Allied commander, Gen. Dwight Eisenhower, to be seen to condone desertion.”

There were far more desertions in Europe than in the Pacific theater. In the Pacific, there was nowhere to disappear to. “In Europe, the total that fled from the front rarely exceeded 1 percent of manpower,” Mr. Glass writes. “However, it reached alarming proportions among the 10 percent of the men in uniform who actually saw combat.”

It is among this book’s central contentions that “few deserters were cowards.” Mr. Glass also observes, “Those who showed the greatest sympathy to deserters were other front-line soldiers.”

Too few men did too much of the fighting during World War II, the author writes. Many of them simply cracked at the seams. Poor leadership was often a factor. “High desertion rates in any company, battalion or division pointed to failures of command and logistics for which blame pointed to leaders as much as to the men who deserted,” he says.

Mr. Glass adds, “Some soldiers deserted when all the other members of their units had been killed and their own deaths appeared inevitable.”

The essential unfairness of so few men seeing the bulk of the combat was undergirded by other facts. Many men never shipped out. Mr. Glass cites a statistic that psychiatrists allowed about 1.75 million men to avoid service for “reasons other than physical.”This special treatment led to bitterness. Mr. Glass quotes a general who wrote, “When, in 1943, it was found that 14 members of the Rice University football team had been rejected for military service, the public was somewhat surprised.”Mr. Glass provides information about desertions in other American wars. During the Civil War, more than 300,000 troops went AWOL from the Union and Confederate armies. He writes, “Mark Twain famously deserted from both sides.” Nearly all of the information I have provided about “The Deserters” thus far comes from its excellent introduction. The rest of the book is not nearly so provocative or rending.

Mr. Glass abandons his textured overview of his topic to focus almost exclusively on three individual soldiers, men who respectively abandoned their posts in France, Italy and Africa.

One was a young man from Brooklyn who fought valiantly with the 36th Infantry Division in Italy and France before coming unglued. Another is the English poet Vernon Scannell, who suffered in Mustafa Barracks, the grim prison camp in Egypt. The third was a Tennessee farm boy who fought bravely with the 2nd Infantry Division before deserting and becoming a criminal in post-liberation Paris.

These men’s stories are not uninteresting, but Mr. Glass tells them at numbing length in bare, reportorial prose that rarely picks up much resonance. On the rare occasions the author reaches for figurative language, he takes a pratfall: “Combat exhaustion was etched into each face as sharp as a bullet hole.”The lives and times of Mr. Glass’s three soldiers slide by slowly, as if you were scanning microfilm. We lose sight of this book’s larger topic for many pages at a time. The men’s stories provide limited points of view. From the author we long for more synthesis and sweep and argument and psychological depth.

Terminology changes. Before we had post-traumatic stress disorder we had battle fatigue, and before that, in World War I, there was shell shock. In her lovely book “Soldier’s Heart: Reading Literature Through Peace and War at West Point” (2007), Elizabeth D. Samet reminds us that “soldier’s heart” was another and quite resonant term for much the same thing.

At its best, “The Deserters” has much to say about soldier’s hearts. It underscores the truth of the following observation, made by a World War II infantry captain named Charles B. MacDonald: “It is always an enriching experience to write about the American soldier in adversity no less than in glittering triumph.”

THE DESERTERS

A Hidden History of World War II

By Charles Glass

Illustrated. 380 pages. The Penguin Press. $27.95.

Voir encore:
“Tu ne tueras point“ : violence, religion et sacrifice chez Mel Gibson

Dans son dernier film, le réalisateur poursuit une œuvre où les héros se débattent dans une vallée de sang et de larmes. Pour tenter de saisir la spiritualité du Christ.

En 1995, dans Braveheart, Mel Gibson se mettait en scène sous les traits et les peintures de guerre de William Wallace. Soumis à la torture à la fin du film, le héros du peuple écossais rendait l’âme en hurlant : « Liberté ! » Pouvait-on se douter que ce dénouement aussi sanglant qu’exalté placerait toute la carrière du réalisateur – jusqu’à Tu ne tueras point aujourd’hui – sous le signe du sacrifice ?

Le lien avec La Passion du Christ (2004) et Apocalypto (2006) semble évident, le premier sur la crucifixion de Jésus, le second sur les sacrifices humains au crépuscule de la civilisation maya. Les deux sont des hécatombes. Pas de sacrifice, chez Gibson, sans tripes ni hémoglobine. Si cette vision a été critiquée pour son simplisme, elle n’en témoigne pas moins d’une conviction de réalisateur : montrer dans le détail la réalité charnelle de la passion du Christ aide à en saisir la dimension spirituelle. Gibson semble friand de ce paradoxe catholique voulant que le salut puisse passer par le spectacle ou le récit de la déchéance. Ce qu’il illustrera d’ailleurs jusque dans sa vie privée par ses frasques et sa traversée du désert après 2006 : problèmes d’alcool, violence, propos antisémites…

L’histoire de Tu ne tueras point (Hacksaw Ridge en VO) ne dépareille pas dans ce tableau : pendant la Seconde Guerre mondiale, un objecteur de conscience qui s’est engagé comme infirmier dans l’armée américaine, se retrouve propulsé dans la boucherie de la bataille d’Okinawa. Le champ de bataille que le héros Desmond Doss foule du pied est littéralement tapissé de corps déchiquetés. À un moment du film, un blessé se cache dans la terre pour échapper à la vigilance de ses ennemis, offrant la vision saisissante d’une terre humanisée et, inversement, d’une humanité rabaissée à sa seule condition terrestre. Mais à ces corps rampants répond à la fin du film un plan sur le corps suspendu de Doss, sur fond de nuages radieux. Le héros de Gibson est un saint, c’est-à-dire un trait d’union entre la terre et le ciel. Une idée qui pourra être diversement prise au sérieux, mais dont l’évidence esthétique ne peut que frapper ici.

Gibson semble friand de ce paradoxe catholique voulant que le salut puisse passer par le spectacle ou le récit de la déchéance.

De Braveheart à Tu ne tueras point, l’idée de sacrifice permet à Mel Gibson de faire le pont entre plusieurs idées contradictoires. Le rapport entre la force et la justice, par exemple : tous les héros gibsonniens, victimes d’une injustice initiale, s’interrogent en retour sur l’usage de leur puissance. L’Écossais, après avoir fédéré la rébellion, donne sa mort en exemple. L’Amérindien capturé par des guerriers mayas devient un héros parce qu’il doit sauver sa famille. Et bien sûr Jésus, pourtant le plus puissant de tous, laisse s’abattre sur lui une violence inouïe. Au-delà même de la question de la foi, ces personnages se distinguent par leur capacité à tracer leur propre chemin dans des vallées de sang et de larmes.

Rien d’étonnant, dans ce contexte, à ce que Gibson s’intéresse cette fois-ci à un objecteur de conscience. La représentation de la violence dans le film pose évidemment un certain nombre de problèmes, qui sont intéressants dans la mesure où ils répondent aux questions que se pose Doss sur la guerre. La position de ce dernier est compliquée : adventiste, il ne veut pas toucher à une arme mais veut bien aller au combat. Il y a très vite un écart entre la radicalité de sa position et la casuistique qu’elle finit par impliquer. Ne pourrait-on pas considérer qu’en se battant au côté des soldats, il contribue tout de même à tuer ?

Il y a une ambiguïté équivalente dans la manière dont Gibson représente le déchaînement de la puissance de feu des Américains. C’est comme si le sacrifice de Doss (faire la guerre, mais avant tout pour sauver ses camarades blessés) était augmenté et sublimé par la vision de l’enfer même qu’il est censé avoir refusé. Toujours ce rapport contourné de Gibson à la force, que l’on retrouve chez un autre des personnages du film : le père de Desmond Doss, un pacifiste paradoxalement violent et tourmenté par la vision des boyaux de ses amis morts au combat lors de la Première Guerre mondiale.

Au-delà même de la question de la foi, les personnages de Mel Gibson se distinguent par leur capacité à tracer leur propre chemin dans des vallées de sang et de larmes.

Le sacrifice est enfin, pour Mel Gibson, une sorte de pivot entre les religions païennes et la religion chrétienne, qu’il aime mettre en regard. Apocalypto racontait la fin de la civilisation maya et la manière dont un sacrifice héroïque pouvait prendre le pas sur les sacrifices humains. En toute logique, la fin ouvrait sur l’arrivée des colons chrétiens. Dans Tu ne tueras point, la confrontation avec l’altérité religieuse, tournant à nouveau autour du sacrifice, vient de l’affrontement avec les Japonais, qui ont des kamikazes en guise de héros. La scène de hara kiri d’un général japonais, typiquement gibsonnienne, est une sorte de version négative du sacrifice de Doss.

Tu ne tueras point est à bien des égards un film naïf – ne serait-ce que dans son portrait d’un héroïsme conciliant gaiement la guerre à l’objection de conscience –, mais il l’est de manière audacieuse. La simplicité est un trait de personnalité de Doss, qui est présenté de la même manière étrange que les personnages d’Apocalypto, sans abuser des ficelles canoniques de l’identification. Ce côté très entier du personnage est à l’image d’un film qui va jusqu’au bout de son système : au bord du ridicule sans jamais y basculer totalement, portant la violence jusqu’au grotesque et l’héroïsme jusqu’à la sainteté.

Passé par plusieurs années de purgatoire à Hollywood, essentiellement en raison de ses dérapages personnels, Mel Gibson a-t-il choisi à dessein ce sujet ? Difficile de ne pas se poser la question, tant c’est au cœur des visions infernales et des pulsions bellicistes que le cinéaste semble vouloir ménager pour ses héros – et pour lui-même ? – un horizon pacifique.

Voir enfin:
THOU SHALL NOT KILL
He was devoutly Christian, a member of the Seventh-day Adventist Church, and was unusually, unfashionably (even for America, even for the 1940s) tenacious in his beliefs. Unable to reconcile his adherence to the commandment “Thou shalt not kill” with a role as a soldier, but nonetheless patriotic, he was classed as a conscientious objector and joined the army as a medic. Unlike many other medics, he also refused to carry any form of knife or gun, determined that, no matter what situation he found himself in, he would not take the life of another human being. Instead, Doss’s heroism took another form: he is remembered today for the number of lives he saved.
Original estimates places the number of lives saved at 100: Doss (both modest and rigorously honest) later insisted that “it couldn’t have been more than 50”, and the 75 figure was agreed as a compromise.
In some ways, Doss himself – a man who combined staunch religious faith with patriotism and outstanding bravery – feels like the perfect movie subject for both the traditional American heartlands and for Gibson himself, who is Catholic and often described as an ultra-conservative. But Doss’s story is also a very human one, with a much wider importance and appeal.
Whether or not the film will really restore Gibson to awards-ceremony respectability and acclaim remains to be seen – but it looks as if one of America’s most unlikely heroes may have finally received a fitting cinematic tribute.
Desmond Doss was born in Lynchburg, Virginia, son of William Thomas Doss, a carpenter, and Bertha E. (Oliver) Doss. Enlisting voluntarily in April 1942, Doss refused to kill an enemy soldier or carry a weapon (pistol) into combat because of his personal beliefs as a Seventh-day Adventist. He consequently became a medic, and while serving in the Pacific theatre of World War II, he saved the lives of numerous comrades, while at the same time adhering to his religious convictions. Doss was wounded three times during the war, and shortly before leaving the Army, he was diagnosed with tuberculosis, which cost him a lung. Discharged from the Army in 1946, he spent five years undergoing medical treatment for his injuries and illness….

Réfugiés: Attention, une préférence peut en cacher une autre (Refugee madness: Our tradition has never been an unlimited open-door policy)

29 janvier, 2017
byanymeans

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Si certains veulent utiliser la laïcité, ça a déjà été fait dans le passé, contre certaines catégories de populations, c’était il y a quarante ans les juifs à qui on mettait des étoiles jaunes, c’est aujourd’hui un certain nombre de nos compatriotes musulmans qu’on amalgame d’ailleurs souvent avec les islamistes radicaux. C’est intolérable. Vincent Peillon (France 2)
Nous déclarons notre droit sur cette terre, à être des êtres humains, à être respectés en tant qu’êtres humains, à accéder aux droits des êtres humains dans cette société, sur cette terre, en ce jour, et nous comptons le mettre en œuvre par tous les moyens nécessaires. Malcom X (1964)
Ce n’est pas en refusant de mentir que nous abolirons le mensonge : c’est en usant de tous les moyens pour supprimer les classes. (…) Tous les moyens sont bons lorsqu’ils sont efficaces. Jean-Paul Sartre (les mains sales, II, 5, 1963)
L’avenir ne doit pas appartenir à ceux qui calomnient le prophète de l’Islam. Barack Obama (siège de l’ONU, New York, 26.09.12)
Ils ont été horriblement traités. Savez-vous que si vous étiez chrétien en Syrie, il était impossible, ou du moins très difficile d’entrer aux États-Unis ? Si vous étiez un musulman, vous pouviez entrer, mais si vous étiez chrétien, c’était presque impossible et la raison était si injuste, tout le monde était persécuté… Ils ont coupé les têtes de tout le monde, mais plus encore des chrétiens. Et je pensais que c’était très, très injuste. Nous allons donc les aider. Donald Trump
L’amour du prochain est une valeur chrétienne et cela implique de venir en aide aux autres. Je crois que c’est ce qui unit les pays occidentaux. Sigmar Gabriel (ministre allemand des Affaires étrangères)
Obama, franchement il fait partie des gens qui détestent l’Amérique. Il a servi son idéologie mais pas l’Amérique. Je remets en cause son patriotisme et sa dévotion à l’église qu’il fréquentait. Je pense qu’il était en désaccord avec lui-même sur beaucoup de choses. Je pense qu’il était plus musulman dans son cœur que chrétien. Il n’a pas voulu prononcer le terme d’islamisme radical, ça lui écorchait les lèvres. Je pense que dans son cœur, il est musulman, mais on en a terminé avec lui, Dieu merci. Evelyne Joslain
Christians are believed to have constituted about 30% of the Syrian population as recently as the 1920s. Today, they make up about 10% of Syria’s 22 million people. Hundreds of thousands of Christians have been displaced by fighting or left the country. Melkite Greek Catholic Patriarch Gregorios III Laham said last year that more than 1,000 Christians had been killed, entire villages cleared, and dozens of churches and Christian centres damaged or destroyed. Many fear that if President Assad is overthrown, Christians will be targeted and communities destroyed as many were in Iraq after the US-led invasion in 2003. They have also been concerned by the coming to power of Islamist parties in post-revolutionary Egypt and Tunisia. Patriarch Gregorios said the threat to Christianity in Syria had wider implications for the religion’s future in the Middle East because the country had for decades provided a refuge for Christians from neighbouring Lebanon, Iraq and elsewhere. BBC
The Orlando nightclub shooter, the worst mass-casualty gunman in US history, was the son of immigrants from Afghanistan. The San Bernardino shooters were first and second generation immigrants from Pakistan. Nidal Hassan, the Fort Hood killer, was the son of Palestinian immigrants. The Tsarnaev brothers who detonated bombs at the 2013 Boston marathon held Kyrgyz nationality. The would-be 2010 Times Square car bomber was a naturalized immigrant from Pakistan. The ringleader of the Paris attacks of November 2015, about which Donald Trump spoke so much on the campaign trail, was a Belgian national of Moroccan origins. President Trump’s version of a Muslim ban would have protected the United States from none of the above. (…) As ridiculous as was the former Obama position that Islamic terrorism has nothing to do with Islam, the new Trump position that all Muslims are potential terrorists is vastly worse. What Trump has done is to divide and alienate potential allies—and push his opponents to embrace the silliest extremes of the #WelcomeRefugees point of view. By issuing his order on Holocaust Remembrance Day, Trump empowered his opponents to annex the victims of Nazi crimes to their own purposes. The Western world desperately needs a more hardheaded approach to the issue of refugees. It is bound by laws and treaties written after World War II that have been rendered utterly irrelevant by a planet on the move. Tens of millions of people seek to exit the troubled regions of Central America, the Middle East, West Africa, and South Asia for better opportunities in Europe and North America. The relatively small portion of that number who have reached the rich North since 2013 have already up-ended the politics of the United States, the United Kingdom, and the European Union. German chancellor Angela Merkel’s August 2015 order to fling open Germany’s doors is the proximate cause of the de-democratization of Poland since September 2015, of the rise of Marine LePen in France, of the surge in support for Geert Wilders in the Netherlands, and—I would argue—of Britain’s vote to depart the European Union. The surge of border crossers from Central America into the United States in 2014, and Barack Obama’s executive amnesties, likewise strengthened Donald Trump. (…) without the dreamy liberal refusal to recognize the reality of nationhood, the meaning of citizenship, and the differences between cultures, Trump would never have gained the power to issue that order. (…) When liberals insist that only fascists will defend borders, then voters will hire fascists to do the job liberals won’t do. This weekend’s shameful chapter in the history of the United States is a reproach not only to Trump, although it is that too, but to the political culture that enabled him. Angela Merkel and Donald Trump may be temperamental opposites. They are also functional allies. David Frum
Trump isn’t making this up; Obama-administration policy effectively discriminated against persecuted religious-minority Christians from Syria (even while explicitly admitting that ISIS was pursuing a policy of genocide against Syrian Christians), and the response from most of Trump’s liberal critics has been silence (…) Liberals are normally the first people to argue that American policy should give preferential treatment to groups that are oppressed and discriminated against, but because Christians are the dominant religious group here — and the bêtes noires of domestic liberals — there is little liberal interest in accommodating U.S. refugee policy to the reality on the ground in Syria. So long as Obama could outsource religious discrimination against Christian refugees to Jordan and the U.N., his supporters preferred the status quo to admitting that Trump might have a point. On the whole, 2016 was the first time in a decade when the United States let in more Muslim than Christian refugees, 38,901 overall, 75 percent of them from Syria, Somalia, and Iraq, all countries on Trump’s list — and all countries in which the United States has been actively engaged in drone strikes or ground combat over the past year. Obama had been planning to dramatically expand that number, to 110,000, in 2017 — only after he was safely out of office. This brings us to a broader point: The United States in general, and the Obama administration in particular, never had an open-borders policy for all refugees from everywhere, so overwrought rhetoric about Trump ripping down Lady Liberty’s promise means comparing him to an ideal state that never existed. In fact, the Obama administration completely stopped processing refugees from Iraq for six months in 2011 over concerns about terrorist infiltration, a step nearly identical to Trump’s current order, but one that was met with silence and indifference by most of Trump’s current critics. Only two weeks ago, Obama revoked a decades-old “wet foot, dry foot” policy of allowing entry to refugees from Cuba who made it to our shores. His move, intended to signal an easing of tensions with the brutal Communist dictatorship in Havana, has stranded scores of refugees in Mexico and Central America, and Mexico last Friday deported the first 91 of them to Cuba. This, too, has no claim on the conscience of Trump’s liberal critics. After all, Cuban Americans tend to vote Republican. Even more ridiculous and blinkered is the suggestion that there may be something unconstitutional about refusing entry to refugees or discriminating among them on religious or other bases (a reaction that was shared at first by some Republicans, including Mike Pence, when Trump’s plan was announced in December 2015). There are plenty of moral and political arguments on these points, but foreigners have no right under our Constitution to demand entry to the United States or to challenge any reason we might have to refuse them entry, even blatant religious discrimination. Under Article I, Section 8 of the Constitution, Congress’s powers in this area are plenary, and the president’s powers are as broad as the Congress chooses to give him. If liberals are baffled as to why even the invocation of the historically problematic “America First” slogan by Trump is popular with almost two-thirds of the American public, they should look no further than people arguing that foreigners should be treated by the law as if they were American citizens with all the rights and protections we give Americans. Liberals are likewise on both unwise and unpopular ground in sneering at the idea that there might be an increased risk of radical Islamist terrorism resulting from large numbers of Muslims entering the country as refugees or asylees. There have been many such cases in Europe, ranging from terrorists (as in the Brussels attack) posing as refugees to the infiltration of radicals and the radicalization of new entrants. The 9/11 plotters, several of whom overstayed their visas in the U.S. after immigrating from the Middle East to Germany, are part of that picture as well. Here in the U.S., we have had a number of terror attacks carried out by foreign-born Muslims or their children. The Tsarnaev brothers who carried out the Boston Marathon bombing were children of asylees; the Times Square bomber was a Pakistani immigrant; the underwear bomber was from Nigeria; the San Bernardino shooter was the son of Pakistani immigrants; the Chattanooga shooter was from Kuwait; the Fort Hood shooter was the son of Palestinian immigrants. All of this takes place against the backdrop of a global movement of radical Islamist terrorism that kills tens of thousands of people a year in terrorist attacks and injures or kidnaps tens of thousands more. There are plenty of reasons not to indict the entire innocent Muslim population, including those who come as refugees or asylees seeking to escape tyranny and radicalism, for the actions of a comparatively small percentage of radicals. But efforts to salami-slice the problem into something that looks like a minor or improbable outlier, or to compare this to past waves of immigrants, are an insult to the intelligence of the public. The tradeoffs from a more open-borders posture are real, and the reasons for wanting our screening process to be a demanding one are serious. Like it or not, there’s a war going on out there, and many of its foot soldiers are ideological radicals who wear no uniform and live among the people they end up attacking. If your only response to these issues is to cry “This is just xenophobia and bigotry,” you’re either not actually paying attention to the facts or engaging in the same sort of intellectual beggary that leads liberals to refuse to distinguish between legal and illegal immigrants. Andrew Cuomo declared this week, “If there is a move to deport immigrants, I say then start with me” — because his grandparents were immigrants. This is unserious and childish: President Obama deported over 2.5 million people in eight years in office, and I didn’t see Governor Cuomo getting on a boat back to Italy. (…) A more trenchant critique of Trump’s order is that he’s undercutting his own argument by how narrow the order is. Far from a “Muslim ban,” the order applies to only seven of the world’s 50 majority-Muslim countries. Three of those seven (Iran, Syria, and Sudan) are designated by the State Department as state sponsors of terror, but the history of terrorism by Islamist radicals over the past two decades — even state-sponsored terrorism – is dominated by people who are not from countries engaged in officially recognized state-sponsored terrorism. The 9/11 hijackers were predominantly Saudi, and a significant number of other attacks have been planned or carried out by Egyptians, Pakistanis, and people from the various Gulf states. But a number of these countries have more significant business and political ties to the United States (and in some cases to the Trump Organization as well), so it’s more inconvenient to add them to the list. Simply put, there’s no reason to believe that the countries on the list are more likely to send us terrorists than the countries off the list. That said, the seven states selected do include most of the influx of refugees and do present particular logistical problems in vetting the backgrounds of refugees. If Trump’s goal is simply to beef up screening after a brief pause, he’s on firmer ground. (…) But our tradition has never been an unlimited open-door policy, and President Trump’s latest moves are not nearly such a dramatic departure from the Obama administration as Trump’s liberal critics (or even many of his fans) would have you believe. Dan McLaughlin
Experts say another reason for the lack of Christians in the makeup of the refugees is the makeup of the camps. Christians in the main United Nations refugee camp in Jordan are subject to persecution, they say, and so flee the camps, meaning they are not included in the refugees referred to the U.S. by the U.N. “The Christians don’t reside in those camps because it is too dangerous,” Shea said. “They are preyed upon by other residents from the Sunni community, and there is infiltration by ISIS and criminal gangs.” “They are raped, abducted into slavery and they are abducted for ransom. It is extremely dangerous; there is not a single Christian in the Jordanian camps for Syrian refugees,” Shea said. Fox news
Les États-Unis ont accepté 10 801 réfugiés syriens, dont 56 chrétiens. Pas 56 pour cent; 56 au total, sur 10 801. C’est-à-dire la moitié de 1 pour cent. Newsweek

Attention: une préférence peut en cacher une autre !

Alors qu’après l’accident industriel Obama qui a mis avec l’abandon de l’Irak le Moyen-Orient à feu et à sang …

Et sa version Merkel qui a déversé sur l’Europe, avec son lot d’attentats, une véritable invasion musulmane …

Sans compter après l’expulsion des juifs et leur interdiction d’accès dans nombre de pays musulmans, la menace de la disparition de son berceau historique de la totalité de la population chrétienne …

Nos belles âmes n’ont pas, entre deux appels plus ou moins subtils à l’assassinat du nouveau président américain, de mots assez durs …

Pour condamner – même s’il oublie étrangement les fourriers saoudiens et qataris ou pakistanais dudit terrorisme – le moratoire de trois mois de ce dernier …

Sur l’entrée des citoyens de sept pays particulièrement à risque (Syrie, Irak, Iran, Libye, Somalie, Soudan et Yemen) …

Et de quatre mois sur l’accueil de réfugiés de pays en guerre ainsi que la priorité aux réfugiés chrétiens de Syrie …

Devinez combien de chrétiens figuraient dans les quelque 10 000 réfugiés syriens que les Etats-Unis ont accueillis l’an dernier ?

Tollé international après le décret anti-réfugiés de Donald Trump
Les Echos
28/01 / 17

Au lendemain de la signature d’un décret interdisant l’entrée aux Etats-Unis pour les ressortissants de sept pays à majorité musulmane, la communauté internationale a fait part de son indignation.

Les réactions ne se sont pas faites attendre. Au lendemain de la signature d’un décret suspendant l’entrée aux Etats-Unis des réfugiés et des ressortissants de sept pays majoritairement musulmans, la communauté internationale n’a pas dissimulé son indignation.

A commencer par François Hollande qui a exhorté l’Europe à « engager avec fermeté » le dialogue avec le président américain. Le chef de l’Etat français a d’ailleurs fait cette déclaration quelques heures avant son premier entretien téléphonique avec son homologue américain.

Ce samedi soir, à l’occasion d’un appel prévu entre les deux présidents, Hollande en a profité pour rappeler à Trump que « le repli sur soi est une réponse sans issue », a rapporté l’Elysée. Il a par ailleurs invité le président américain au « respect » du principe de « l’accueil des réfugiés ».

L’Allemagne et la France sur la même ligne

Plus tôt dans la journée, les chefs de la diplomatie française et allemande ont aussi exprimé leur inquiétude. « Nous avons des engagements internationaux que nous avons signés. L’accueil des réfugiés qui fuient la guerre, qui fuient l’oppression, ça fait partie de nos devoirs », a martelé Jean-Marc Ayrault.

« L’amour du prochain est une valeur chrétienne et cela implique de venir en aide aux autres. Je crois que c’est ce qui unit les pays occidentaux », a renchérit Sigmar Gabriel, nommé ministre allemand des Affaires étrangères vendredi.

Côté Royaume-Uni, Theresa May a quant à elle refusé de condamner la décision de Donald Trump. « Les Etats-Unis sont responsables de la politique américaine sur les refugiés. Le Royaume-Uni est responsable de la politique britannique sur les réfugiés », a-t-elle répondu. « Nous ne sommes pas d’accord avec ce type d’approche », a néanmoins précisé un porte-parole, indiquant que le gouvernement britannique interviendrait si la mesure venait à avoir un impact sur les citoyens de son pays.

Réactions des principaux concernés

Concerné par le décret, l’Iran a vivement réagi ce samedi. La République islamique « prendra les mesures consulaires, juridiques et politiques appropriées », a expliqué le ministère des Affaires étrangères dans un communiqué, parlant d' »un affront fait ouvertement au monde musulman et à la nation iranienne ».

L’exécutif iranien a aussi déclaré que « tout en respectant le peuple américain et pour défendre les droits de ses citoyens », il a décidé « d’appliquer la réciprocité après la décision insultante des Etats-Unis concernant les ressortissants iraniens et tant que cette mesure n’aura pas été levée. »

Pour l’instant, les autres pays visés par ce décret, à savoir l’Irak, la Libye, la Somalie, le Soudan, la Syrie et le Yémen, n’ont pas réagi publiquement. En revanche, le Premier ministre turc a affirmé que la crise des réfugiés ne serait pas résolue « en érigeant des murs ». La Turquie est le premier pays à subir de plein fouet les conséquences de la guerre civile en Syrie et l’afflux de réfugiés.

Le Canada continuera d’accueillir des réfugiés « indépendamment de leur foi »

Sans commenter directement la décision américaine, le Premier ministre canadien Justin Trudeau a affirmé la volonté de son pays d’accueillir les réfugiés « indépendamment de leur foi ».

Répondant d’autre part à des inquiétudes sur l’impact du décret sur le Canada, le bureau du Premier ministre a affirmé tard dans la soirée avoir reçu des assurances de Washington que les Canadiens possédant la double nationalité des pays visés ne seraient pas affectés par l’interdiction.

Soutien israélien

Le président américain a en revanche été applaudi par le président tchèque Milos Zeman qui s’est félicité de que le président américain « protège son pays » et se soucie « de la sécurité de ses citoyens. Exactement ce que les élites européennes ne font pas », a tweeté son porte-parole.

De même pour le Premier ministre israélien, Benjamin Netanyahu, qui a écrit sur son compte twitter : « Président Trump a raison. J’ai fait construire un mur aux frontières sud d’Israël. Ca a empêché l’immigration illégale. Un vrai succès. Une grande idée. »

Indignation aux Etats-Unis

Sur le sol américain, le décret intitulé « Protéger la nation contre l’entrée de terroristes étrangers aux Etats-Unis » a déjà fait déjà l’objet d’une plainte déposée par plusieurs associations de défense des droits civiques américaines, dont la puissante ACLU, qui veulent le bloquer.

L’opposition démocrate aux Etats-Unis a de son côté dénoncé un décret « cruel » qui sape « nos valeurs fondamentales et nos traditions, menace notre sécurité nationale et démontre une méconnaissance totale de notre strict processus de vérification, le plus minutieux du monde » selon les mots du sénateur démocrate Ben Cardin, membre de la commission des Affaires étrangères du Sénat.

Ces mesures figuraient en bonne place dans le programme du candidat républicain, qui avait un temps envisagé d’interdire à tous les musulmans de se rendre aux Etats-Unis.

Voir aussi:

Trump annonce la suspension du programme d’accueil des réfugiés le 27 janvier 2017 dans les locaux du Pentagone à Washington. © Carlos Barria/Reuters

Donald Trump tient ses promesses de campagne. Cette fois, c’est sur la protection du territoire contre la menace terroriste qu’il a signé deux décrets. L’un interdit l’accès aux citoyens de sept pays arabes, l’autre met en pause l’accueil de réfugiés de pays en guerre.

Les ressortissants de sept pays sont désormais persona non grata aux Etats-Unis. Ainsi en a décidé le nouveau président Donald Trump en fermant temporairement l’accès de son pays aux citoyens de Syrie, de l’Irak, de la Libye, de la Somalie, du Soudan et du Yemen. Objectif affirmé par Donald Trump, «maintenir les terroristes islamistes radicaux hors des Etats-Unis d’Amérique».

Il a annoncé que de nouvelles mesures de contrôle seraient mises sur pied, sans préciser lesquelles. «Nous voulons être sûrs que nous ne laissons pas entrer dans notre pays les mêmes menaces que celles que nos soldats combattent à l’étranger.»
Dans le même temps le président annonce que priorité sera donnée aux réfugiés chrétiens de Syrie.

Washington va également arrêter pendant quatre mois le programme d’accueil des réfugiés de pays en guerre. Pour l’année 2016, l’administration américaine avait admis près de 85.000 réfugiés, dont 10.000 Syriens. Elle s’était donné pour objectif d’accueillir 110.000 réfugiés en 2017, un chiffre ramené à 50.000 par l’administration Trump. Ce programme date de 1980 et n’a été interrompu qu’une fois, après les attentats du 11 septembre 2001.

Réactions indignées
Les murs qui se dressent, les barrières qui se ferment, partout dans le monde, les réactions aux premières mesures de Donald Trump se multiplient.
La plus symbolique est surement celle de la jeune Pakistanaise Malala Yousafzaï, cible des fondamentalistes talibans et prix Nobel de la paix en 2014. Elle a déclaré avoir «le coeur brisé de voir l’Amérique tourner le dos à son fier passé d’accueil de réfugiés et de migrants».

Onze autres prix Nobel et des universitaires renommés ont également lancé une pétition réclamant la reprise de l’accueil des visiteurs des sept pays visés. «Une épreuve injustifiée pour des gens qui sont nos étudiants, nos collègues, nos amis et des membres de notre communauté.»

Deux ONG, l’Organisation internationale pour les migrations (OIM) et le Haut commissariat de l’Onu pour les réfugiés (HCR), ont appelé Donald Trump à maintenir l’accueil aux Etats-Unis. «Les besoins des réfugiés et des migrants à travers le monde n’ont jamais été aussi grands et le programme américain de réinstallation est l’un des plus importants du monde», écrivent les deux ONG dans un communiqué commun.

Même le fondateur de Facebook, Mark Zuckerberg, s’en est indigné sur sa page, rappelant que les Etats-Unis sont un pays de migrants, à commencer par sa famille.

Conséquences
Selon A. Ayoub, directeur juridique du Comité arabo-américain contre les discriminations, les conséquences sont immédiates. Ces mesures frappent notamment des Arabo-Américains dont des proches étaient en route pour une visite aux Etats-Unis. Le regroupement de familles séparées par la guerre va aussi devenir impossible.

Voir également:

Middle East

‘Gross injustice’: Of 10,000 Syrian refugees to the US, 56 are Christian

September 02, 2016

The Obama administration hit its goal this week of admitting 10,000 Syrian refugees — yet only a fraction of a percent are Christians, stoking criticism that officials are not doing enough to address their plight in the Middle East.

Of the 10,801 refugees accepted in fiscal 2016 from the war-torn country, 56 are Christians, or .5 percent.

A total of 10,722 were Muslims, and 17 were Yazidis.

The numbers are disproportionate to the Christian population in Syria, estimated last year by the U.S. government to make up roughly 10 percent of the population. Since the outbreak of civil war in 2011, it is estimated that between 500,000 and 1 million Christians have fled the country, while many have been targeted and slaughtered by the Islamic State.

In March, Secretary of State John Kerry said the U.S. had determined that ISIS has committed genocide against minority religious groups, including Christians and Yazidis.

“In my judgment, Daesh is responsible for genocide against groups in territory under its control, including Yazidis, Christians and Shia Muslims,” Kerry said at the State Department, using an alternative Arabic name for the group.

He also accused ISIS of “crimes against humanity” and « ethnic cleansing. »

Yet, despite the strong words, relatively few from those minority groups have been brought into the United States. A State Department spokesperson told FoxNews.com that religion was only one of many factors used in determining a refugee’s eligibility to enter the United States.

Critics blasted the administration for not making religion a more important factor, as the U.S. government has prioritized religious minorities in the past in other cases.

“It’s disappointingly disproportional,” Matthew Clark, senior counsel at the American Center for Law and Justice (ACLJ), told FoxNews.com. “[The Obama administration has] not prioritized Christians and it appears they have actually deprioritized them, put them back of the line and made them an afterthought.”

“This is de facto discrimination and a gross injustice,” said Nina Shea, director of the Hudson Institute’s Center for Religious Freedom.

Experts say another reason for the lack of Christians in the make-up of the refugees is the make-up of the camps. Christians in the main United Nations refugee camp in Jordan are subject to persecution, they say, and so flee the camps, meaning they are not included in the refugees referred to the U.S. by the U.N.

“The Christians don’t reside in those camps because it is too dangerous,” Shea said. “They are preyed upon by other residents from the Sunni community and there is infiltration by ISIS and criminal gangs.”

“They are raped, abducted into slavery and they are abducted for ransom. It is extremely dangerous, there is not a single Christian in the Jordanian camps for Syrian refugees,” Shea said.

However, Kristin Wright, director of advocacy for Open Doors USA – a group that advocates for Christians living in dangerous areas across the world – told FoxNews.com that another reason is many Christians are choosing to stick it out in Syria, or going instead to urban areas for now.

“Many have fled to urban areas instead of the camps, so they may be living in Beirut instead of living in a broader camp, meaning many are not registering as refugees,” Wright said. “They may still come to the U.S. but may come through another immigration pathway.”

However, others called on the Obama administration, in light of its genocide declaration, to do more to assist Christians, including setting up safe zones in Syria or actively seeking out Christians via the use of contractors to bring them to safety.

In March, Sen. Tom Cotton, R-Ark., introduced legislation that would give special priority to refugees who were members of persecuted religious minorities in Syria.

“We must not only recognize what’s happening as genocide, but also take action to relieve it, » Cotton said.

“The administration did the right thing by recognizing genocide, but by not taking action, it deflates it and makes it so Christians and others are not receiving any help,” Clark said. “So it’s all words and no actions, it’s just lip service on the issue of the genocide.”

This week, the ACLJ filed a lawsuit against the State Department for not responding to Freedom of Information Act requests about what the administration is doing to combat the genocide.

For Shea, the question is not just about helping refugees, but the very survival of Christianity in the 2,000-year community that has existed since the apostolic era of Christianity.

« This Christian community is dying, » she said. « I fear that there will be no Christians left when the dust settles. »

Adam Shaw is a Politics Reporter and occasional Opinion writer for FoxNews.com. He can be reached here or on Twitter: @AdamShawNY.

 Voir encore:
Refugee Madness: Trump Is Wrong, But His Liberal Critics Are Crazy
Dan McLaughlin
January 28, 2017
The anger at his new policy is seriously misplaced.

President Trump has ordered a temporary, 120-day halt to admitting refugees from seven countries, all of them war-torn states with majority-Muslim populations: Iraq, Iran, Syria, Yemen, Sudan, Libya, and Somalia. He has further indicated that, once additional screening provisions are put in place, he wants further refugee admissions from those countries to give priority to Christian refugees over Muslim refugees. Trump’s order is, in characteristic Trump fashion, both ham-handed and underinclusive, and particularly unfair to allies who risked life and limb to help the American war efforts in Iraq and Afghanistan. But it is also not the dangerous and radical departure from U.S. policy that his liberal critics make it out to be. His policy may be terrible public relations for the United States, but it is fairly narrow and well within the recent tradition of immigration actions taken by the Obama administration.

First, let’s put in context what Trump is actually doing. The executive order, on its face, does not discriminate between Muslim and Christian (or Jewish) immigrants, and it is far from being a complete ban on Muslim immigrants or even Muslim refugees. Trump’s own stated reason for giving preference to Christian refugees is also worth quoting:

Trump was asked whether he would prioritize persecuted Christians in the Middle East for admission as refugees, and he replied, “Yes.” “They’ve been horribly treated,” he said. “Do you know if you were a Christian in Syria it was impossible, at least very tough, to get into the United States? If you were a Muslim you could come in, but if you were a Christian it was almost impossible. And the reason that was so unfair — everybody was persecuted, in all fairness — but they were chopping off the heads of everybody, but more so the Christians. And I thought it was very, very unfair. “So we are going to help them.”

Trump isn’t making this up; Obama-administration policy effectively discriminated against persecuted religious-minority Christians from Syria (even while explicitly admitting that ISIS was pursuing a policy of genocide against Syrian Christians), and the response from most of Trump’s liberal critics has been silence:

The United States has accepted 10,801 Syrian refugees, of whom 56 are Christian. Not 56 percent; 56 total, out of 10,801. That is to say, one-half of 1 percent. The BBC says that 10 percent of all Syrians are Christian, which would mean 2.2 million Christians. . . . Experts say [one] reason for the lack of Christians in the makeup of the refugees is the makeup of the camps. Christians in the main United Nations refugee camp in Jordan are subject to persecution, they say, and so flee the camps, meaning they are not included in the refugees referred to the U.S. by the U.N. “The Christians don’t reside in those camps because it is too dangerous,” [Nina Shea, director of the Hudson Institute’s Center for Religious Freedom] said. “They are preyed upon by other residents from the Sunni community, and there is infiltration by ISIS and criminal gangs.” “They are raped, abducted into slavery and they are abducted for ransom. It is extremely dangerous; there is not a single Christian in the Jordanian camps for Syrian refugees,” Shea said.

Liberals are normally the first people to argue that American policy should give preferential treatment to groups that are oppressed and discriminated against, but because Christians are the dominant religious group here — and the bêtes noires of domestic liberals — there is little liberal interest in accommodating U.S. refugee policy to the reality on the ground in Syria. So long as Obama could outsource religious discrimination against Christian refugees to Jordan and the U.N., his supporters preferred the status quo to admitting that Trump might have a point.

On the whole, 2016 was the first time in a decade when the United States let in more Muslim than Christian refugees, 38,901 overall, 75 percent of them from Syria, Somalia, and Iraq, all countries on Trump’s list — and all countries in which the United States has been actively engaged in drone strikes or ground combat over the past year. Obama had been planning to dramatically expand that number, to 110,000, in 2017 — only after he was safely out of office.

This brings us to a broader point: The United States in general, and the Obama administration in particular, never had an open-borders policy for all refugees from everywhere, so overwrought rhetoric about Trump ripping down Lady Liberty’s promise means comparing him to an ideal state that never existed. In fact, the Obama administration completely stopped processing refugees from Iraq for six months in 2011 over concerns about terrorist infiltration, a step nearly identical to Trump’s current order, but one that was met with silence and indifference by most of Trump’s current critics.

Only two weeks ago, Obama revoked a decades-old “wet foot, dry foot” policy of allowing entry to refugees from Cuba who made it to our shores. His move, intended to signal an easing of tensions with the brutal Communist dictatorship in Havana, has stranded scores of refugees in Mexico and Central America, and Mexico last Friday deported the first 91 of them to Cuba. This, too, has no claim on the conscience of Trump’s liberal critics. After all, Cuban Americans tend to vote Republican.

Even more ridiculous and blinkered is the suggestion that there may be something unconstitutional about refusing entry to refugees or discriminating among them on religious or other bases (a reaction that was shared at first by some Republicans, including Mike Pence, when Trump’s plan was announced in December 2015). There are plenty of moral and political arguments on these points, but foreigners have no right under our Constitution to demand entry to the United States or to challenge any reason we might have to refuse them entry, even blatant religious discrimination. Under Article I, Section 8 of the Constitution, Congress’s powers in this area are plenary, and the president’s powers are as broad as the Congress chooses to give him. If liberals are baffled as to why even the invocation of the historically problematic “America First” slogan by Trump is popular with almost two-thirds of the American public, they should look no further than people arguing that foreigners should be treated by the law as if they were American citizens with all the rights and protections we give Americans.

Liberals are likewise on both unwise and unpopular ground in sneering at the idea that there might be an increased risk of radical Islamist terrorism resulting from large numbers of Muslims entering the country as refugees or asylees. There have been many such cases in Europe, ranging from terrorists (as in the Brussels attack) posing as refugees to the infiltration of radicals and the radicalization of new entrants. The 9/11 plotters, several of whom overstayed their visas in the U.S. after immigrating from the Middle East to Germany, are part of that picture as well. Here in the U.S., we have had a number of terror attacks carried out by foreign-born Muslims or their children. The Tsarnaev brothers who carried out the Boston Marathon bombing were children of asylees; the Times Square bomber was a Pakistani immigrant; the underwear bomber was from Nigeria; the San Bernardino shooter was the son of Pakistani immigrants; the Chattanooga shooter was from Kuwait; the Fort Hood shooter was the son of Palestinian immigrants. All of this takes place against the backdrop of a global movement of radical Islamist terrorism that kills tens of thousands of people a year in terrorist attacks and injures or kidnaps tens of thousands more.

There are plenty of reasons not to indict the entire innocent Muslim population, including those who come as refugees or asylees seeking to escape tyranny and radicalism, for the actions of a comparatively small percentage of radicals. But efforts to salami-slice the problem into something that looks like a minor or improbable outlier, or to compare this to past waves of immigrants, are an insult to the intelligence of the public. The tradeoffs from a more open-borders posture are real, and the reasons for wanting our screening process to be a demanding one are serious.

Like it or not, there’s a war going on out there, and many of its foot soldiers are ideological radicals who wear no uniform and live among the people they end up attacking. If your only response to these issues is to cry “This is just xenophobia and bigotry,” you’re either not actually paying attention to the facts or engaging in the same sort of intellectual beggary that leads liberals to refuse to distinguish between legal and illegal immigrants. Andrew Cuomo declared this week, “If there is a move to deport immigrants, I say then start with me” — because his grandparents were immigrants. This is unserious and childish: President Obama deported over 2.5 million people in eight years in office, and I didn’t see Governor Cuomo getting on a boat back to Italy.

Conservatives have long recognized these points — which is another way of saying that a blank check for refugee admissions is no more a core principle of the Right than it is of the Left.

A more trenchant critique of Trump’s order is that he’s undercutting his own argument by how narrow the order is. Far from a “Muslim ban,” the order applies to only seven of the world’s 50 majority-Muslim countries. Three of those seven (Iran, Syria, and Sudan) are designated by the State Department as state sponsors of terror, but the history of terrorism by Islamist radicals over the past two decades — even state-sponsored terrorism – is dominated by people who are not from countries engaged in officially recognized state-sponsored terrorism. The 9/11 hijackers were predominantly Saudi, and a significant number of other attacks have been planned or carried out by Egyptians, Pakistanis, and people from the various Gulf states. But a number of these countries have more significant business and political ties to the United States (and in some cases to the Trump Organization as well), so it’s more inconvenient to add them to the list. Simply put, there’s no reason to believe that the countries on the list are more likely to send us terrorists than the countries off the list.

That said, the seven states selected do include most of the influx of refugees and do present particular logistical problems in vetting the backgrounds of refugees. If Trump’s goal is simply to beef up screening after a brief pause, he’s on firmer ground.

The moral and strategic arguments against Trump’s policy are, however, significant. America’s open-hearted willingness to harbor refugees from around the world has always been a source of our strength, and sometimes an effective tool deployed directly against hostile foreign tyrannies. Today, for example, the chief adversary of Venezuela’s oppressive economic policies is a website run by a man who works at a Home Depot in Alabama, having been granted political asylum here in 2005. And the refugee problem is partly one of our own creation. My own preference for Syrian refugees, many of them military-age males whom Assad is trying to get out of his country, has been to arm them, train them, and send them back, after the tradition of the Polish and French in World War II and the Czechs in World War I. But that requires support that neither Trump nor Obama has been inclined to provide, and you can’t seriously ask individual Syrians to fight a suicidal two-front war against ISIS and the Russian- and Iranian-backed Assad without outside support. So where else can they go?

Also, some people seeking refugee status or asylum may have stronger claims on our gratitude. Consider some of the first people denied entry under the new policy:

The lawyers said that one of the Iraqis detained at Kennedy Airport, Hameed Khalid Darweesh, had worked on behalf of the United States government in Iraq for ten years. The other, Haider Sameer Abdulkhaleq Alshawi, was coming to the United States to join his wife, who had worked for an American contractor, and young son, the lawyers said.

These specific cases may or may not turn out to be as sympathetic as they appear; these are statements made by lawyers filing a class action, who by their own admission haven’t even spoken to their clients. But in a turn of humorous irony that undercut some of the liberal narrative, it turns out that Darweesh told the press that he likes Trump. Trump’s moves are not as dramatic a departure from the Obama administration as his critics would have you believe.

Certainly, we should give stronger consideration to refugee or asylum claims from people who are endangered as a result of their cooperation with the U.S. military. But such consideration can still be extended on a case-by-case basis, as the executive order explicitly permits: “Notwithstanding a suspension pursuant to subsection (c) of this section or pursuant to a Presidential proclamation described in subsection (e) of this section, the Secretaries of State and Homeland Security may, on a case-by-case basis, and when in the national interest, issue visas or other immigration benefits to nationals of countries for which visas and benefits are otherwise blocked.”

Trump also seems to have triggered some unnecessary chaos at the airports and borders around the globe by signing the order without a lot of adequate advance notice to the public or to the people charged with administering the order. That’s characteristic of his early administration’s public-relations amateur hour, and an unnecessary, unforced error. Then again, the core policy is one he broadcast to great fanfare well over a year ago, so this comes as no great shock.

The American tradition of accepting refugees and asylees from around the world, especially from the clutches of our enemies, is a proud one, and it is a sad thing to see that compromised. And while Middle Eastern Christians should be given greater priority in escaping a region where they are particularly persecuted, the next step in this process should not be one that seeks to permanently enshrine a preference for Christians over Muslims generally. But our tradition has never been an unlimited open-door policy, and President Trump’s latest moves are not nearly such a dramatic departure from the Obama administration as Trump’s liberal critics (or even many of his fans) would have you believe. — Dan McLaughlin is an attorney in New York City and an NRO contributing columnist.

Voir enfin:

The Roots of a Counterproductive Immigration Policy
The liberal scorn for nationhood and refusal to adapt immigration policy to changing circumstances enables the rise of extremism in the West.
David Frum
The Atlantic monthly
Jan 28, 2017

The Orlando nightclub shooter, the worst mass-casualty gunman in US history, was the son of immigrants from Afghanistan. The San Bernardino shooters were first and second generation immigrants from Pakistan. Nidal Hassan, the Fort Hood killer, was the son of Palestinian immigrants. The Tsarnaev brothers who detonated bombs at the 2013 Boston marathon held Kyrgyz nationality. The would-be 2010 Times Square car bomber was a naturalized immigrant from Pakistan. The ringleader of the Paris attacks of November 2015, about which Donald Trump spoke so much on the campaign trail, was a Belgian national of Moroccan origins. President Trump’s version of a Muslim ban would have protected the United States from none of the above.

If the goal is to exclude radical Muslims from the United States, the executive order Trump announced on Friday seems a highly ineffective way to achieve it. The Trump White House has incurred all the odium of an anti-Muslim religious test, without any attendant real-world benefit. The measure amounts to symbolic politics at its most stupid and counterproductive. Its most likely practical effect will be to aggravate the political difficulty of dealing directly and speaking without euphemisms about Islamic terrorism. As ridiculous as was the former Obama position that Islamic terrorism has nothing to do with Islam, the new Trump position that all Muslims are potential terrorists is vastly worse.
What Trump has done is to divide and alienate potential allies—and push his opponents to embrace the silliest extremes of the #WelcomeRefugees point of view. By issuing his order on Holocaust Remembrance Day, Trump empowered his opponents to annex the victims of Nazi crimes to their own purposes.

The Western world desperately needs a more hardheaded approach to the issue of refugees. It is bound by laws and treaties written after World War II that have been rendered utterly irrelevant by a planet on the move. Tens of millions of people seek to exit the troubled regions of Central America, the Middle East, West Africa, and South Asia for better opportunities in Europe and North America. The relatively small portion of that number who have reached the rich North since 2013 have already up-ended the politics of the United States, the United Kingdom, and the European Union. German chancellor Angela Merkel’s August 2015 order to fling open Germany’s doors is the proximate cause of the de-democratization of Poland since September 2015, of the rise of Marine LePen in France, of the surge in support for Geert Wilders in the Netherlands, and—I would argue—of Britain’s vote to depart the European Union. The surge of border crossers from Central America into the United States in 2014, and Barack Obama’s executive amnesties, likewise strengthened Donald Trump.

It’s understandable why people in the poor world would seek to relocate. It’s predictable that people in the destination nations would resist. Interpreting these indelible conflicts through the absurdly inapt analogy of German and Austrian Jews literally fleeing for their lives will lead to systematically erroneous conclusions.

We need a new paradigm for a new time. The social trust and social cohesion that characterize an advanced society like the United States are slowly built and vulnerable to erosion. They are eroding. Trump is more the symptom of that erosion than the cause.

Trump’s executive order has unleashed chaos, harmed lawful U.S. residents, and alienated potential friends in the Islamic world. Yet without the dreamy liberal refusal to recognize the reality of nationhood, the meaning of citizenship, and the differences between cultures, Trump would never have gained the power to issue that order.

Liberalism and nationhood grew up together in the 19th century, mutually dependent. In the 21st century, they have grown apart—or more exactly, liberalism has recoiled from nationhood. The result has not been to abolish nationality, but to discredit liberalism.

When liberals insist that only fascists will defend borders, then voters will hire fascists to do the job liberals won’t do. This weekend’s shameful chapter in the history of the United States is a reproach not only to Trump, although it is that too, but to the political culture that enabled him. Angela Merkel and Donald Trump may be temperamental opposites. They are also functional allies.

 


Syrie: Attention, une vassalisation peut en cacher une autre (From lead-from-behind to retroactive retaliation threats: Putin has merely stepped into the vacuum left by the collapse of western power and resolve in the world)

18 décembre, 2016
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pallywoodeurope

La démocratie incline à méconnaître, voire à nier les menaces dont elle est l’objet, tant elle répugne à prendre les mesures propres à y répliquer. Elle ne se réveille que lorsque le danger devient mortel, imminent, évident. Mais alors soit le temps lui manque pour qu’elle puisse le conjurer, soit le prix à payer pour survivre devient accablant. (…) La civilisation démocratique est la première dans l’histoire qui se donne tort, face à la puissance qui travaille à la détruire. Jean-François Revel,  Comment les démocraties finissent, 1983)
C’est toujours la même chose. (…) La Russie se présente comme faible: il faut l’aider, se garder de l’humilier, consolider ses progrès. Elle se présente en même temps comme redoutable par son immensité, son armée, son arsenal atomique, son pétrole. Elle fait planer une vague menace. Elle pourrait être encore pire. Apaisons-la. Alain Besançon
Un des grands problèmes de la Russie – et plus encore de la Chine – est que, contrairement aux camps de concentration hitlériens, les leurs n’ont jamais été libérés et qu’il n’y a eu aucun tribunal de Nuremberg pour juger les crimes commis. Thérèse Delpech
La destruction de l’URSS fut la plus grande catastrophe géopolitique du siècle. Poutine (2005)
I don’t think people want a lot of talk about change; I think they want someone with a real record, a doer not a talker. For legislators who don’t want to take a stand, there’s a third way to vote. Not yes, not no, but present, which is kind of like voting maybe. (…) A president can’t vote present; a president can’t pick or choose which challenges he or she will face. Hillary Clinton (Dec. 2007)
Sur la Russie, (…) il sera plus intelligent. Hubert Védrine
J’ai l’impression que nos positions se sont très fortement rapprochées. j’ai senti une convergence. (…) J’ai trouvé un homme qui réfléchit, qui pèse le pour et le contre. un homme direct, courageux, déterminé. Le portrait qu’on a fait de Poutine me semble réducteur par rapport à la personnalité que j’avais devant moi … Sarkozy (2007)
On a eu un bon échange avec les Russes. J’ai dit qu’il nous fallait relancer nos relations. Obama (2009)
C’est ma dernière élection. Après mon élection, j’aurai plus de flexibilité. Obama (à Medvedev, 2012)
J’ai donc dit à la Russie d’arrêter et indiqué qu’autrement il y aurait des conséquences. Notre objectif reste d’envoyer un message clair à la Russie et aux autres, de ne pas nous faire ça car nous pouvons aussi vous faire des choses. (…) La responsabilité de cette brutalité repose en un seul endroit: le régime d’Assad et ses alliés, la Russie et l’Iran. Et le sang versé est sur leurs mains et ils sont responsables des atrocités commises. (…) Je ne peux pas affirmer qu’on a réussi en Syrie et c’est une chose, qui est également vraie avec d’autres problèmes de par le monde, avec laquelle je dois aller me coucher chaque soir. Mais je continue à croire que c’était la bonne approche étant donné ce qu’on pouvait faire de manière réaliste. Barack Hussein Obama
Ce soir, à 20h, la @LaTourEiffel s’éteindra pour rappeler symboliquement le soutien de la Ville de @Paris à #Alep et à tous ses habitants. Anne Hidalgo
Monsieur le président, vous êtes le premier dirigeant de l’histoire russe qui ait accumulé cette puissance et en même temps ait été désireux de la partager avec d’autres… Ceci prouve que vous êtes un démocrate… Thierry de Montbrial (à Poutine, Valdaï, 2007)
Il y a deux options possibles: ou bien on veut à tout prix recréer la guerre froide, on montre du doigt la Russie, on l’isole, on continue à la piétiner comme ça a été le cas depuis une dizaine d’années – ce n’est pas la voie qu’a choisie la France, ce n’est pas la voie qu’a choisie l’Europe –, ou on choisit l’option du dialogue. François Fillon (2008)
The president (…) has an overarching moral theory about American power, expressed in his 2009 contention in Prague that “moral leadership is more powerful than any weapon.” At the time, Mr. Obama was speaking about the end of the Cold War—which, he claimed, came about as a result of “peaceful protest”—and of his desire to see a world without nuclear weapons. It didn’t seem to occur to him that the possession of such weapons by the U.S. also had a hand in winning the Cold War. Nor did he seem to contemplate the idea that moral leadership can never safely be a substitute for weapons unless those leaders are willing to throw themselves at the mercy of their enemies’ capacity for shame. In late-era South Africa and the Soviet Union, where men like F.W. de Klerk and Mikhail Gorbachev had a sense of shame, the Obama theory had a chance to work. In Iran in 2009, or in Syria today, it doesn’t. (…) Mr. Obama believes history is going his way. “What? Me worry?” says the immortal Alfred E. Neuman, and that seems to be the president’s attitude toward Mr. Putin’s interventions in Syria (“doomed to fail”) and Ukraine (“not so smart”), to say nothing of his sang-froid when it comes to the rest of his foreign-policy debacles. In this cheapened Hegelian world view, the U.S. can relax because History is on our side, and the arc of history bends toward justice. Why waste your energies to fulfill a destiny that is already inevitable? And why get in the way of your adversary’s certain doom? It’s easy to accept this view of life if you owe your accelerated good fortune to a superficial charm and understanding of the way the world works. It’s also easier to lecture than to learn, to preach than to act. History will remember Barack Obama as the president who conducted foreign policy less as a principled exercise in the application of American power than as an extended attempt to justify the evasion of it. From Aleppo to Donetsk to Kunduz, people are living with the consequences of that evasion. Bret Stephens
Les dirigeants européens et américains espèrent que les tyrans et les autocrates du monde vont disparaître tout seuls. Mais les dinosaures comme Vladimir Poutine, Hugo Chávez et les ayatollahs iraniens ne vont pas s’effacer comme cela. Ils ne doivent leur survie qu’au manque de courage des chefs du Monde libre. Garry Kasparov
Si le retrait des troupes américaines d’Irak a été à la fois bien intentionné et populaire, et si la Maison Blanche a su présenter à son avantage les concessions octroyées à M. Assad en 2013, les résultats n’en ont pas moins été désastreux. Un simple regard sur la carte de l’Irak et de la Syrie montre que l’essor de l’Etat islamique était une réponse logique à l’abandon américain des Sunnites de la région. Un groupe comme l’Etat islamique ne peut se développer sans le soutien des populations locales, dans ce cas précis les Sunnites qui ne voient d’autre façon de se défendre contre les forces chiites de l’Iran et de la Syrie qui les massacrent par centaines de milliers. En géopolitique comme aux échecs, il faut jouer à partir de la position qui est la vôtre sur l’échiquier au moment où vous commencez à jouer. Reprocher à George W. Bush d’avoir lancé la guerre d’Irak en 2003 ne change rien au fait qu’en 2008 il n’y avait ni crise massive de réfugiés ni armée de l’Etat islamique en ordre de bataille. Les négociations avec les groupes sunnites de la province d’Anbar avaient sapé le soutien à Al Qaeda, une politique qui avait complètement changé la donne et autant contribué à la réduction de la violence que le renforcement des forces américaines. Le départ des troupes américaines et le refus de M. Obama de dissuader M. Assad ont mis fin à toute possibilité de sécurité. La population n’avait d’autre choix que de lutter, fuir ou mourir,  alors elle l’a fait, massivement, comme le confirment des chiffres horribles. (…) Aucun accord ne va changer cela. L’Iran et la Russie ont leurs propres ordres du jour dans la région et ceux-ci n’ont rien de pacifique ni pour l’un ni pour l’autre. L’Iran est le principal soutien mondial du terrorisme. La méthode Poutine pour mener la guerre contre le terrorisme en Tchétchénie était le tapis de bombes. Quand cela n’a pas réussi, il a « acheté » le seigneur de la guerre le plus brutal de la région, Ramzan Kadyrov. La poursuite du massacre de Sunnites dans la région y attirera un afflux sans cesse accru d’aides des Saoudiens et de combattants étrangers du Pakistan, d’Afghanistan et de Russie. La situation va se métastaser, ce qui convient parfaitement à M. Poutine. La guerre et le chaos lui fournissent toujours plus d’ennemis et ainsi plus d’occasions de jouer au dur à la télévison publique russe. Le régime iranien a besoin du conflit pour des raisons semblables et ne peut donc jamais renoncer à ses “Mort à l’Amérique ». Une aggravation du conflit fera aussi monter le prix du pétrole, un avantage qui n’échappe ni à Téhéran ni à Moscou. Ces conséquences peuvent être acceptables pour M. Obama, mais il ne peut faire semblant d’en ignorer sa part de responsabilité. Moi aussi, je voudrais vivre dans le monde de diplomatie et de droit où M. Obama pense vivre. Mais hélas ce n’est pas le cas. Le pouvoir et l’action comptent toujours et dans des endroits comme la Syrie et l’Irak, vous ne pouvez pas avoir le pouvoir sans l’action. M. Poutine n’a rien dit de nouveau à l’ONU, parce qu’il n’en avait pas besoin. Il sait qu’il a des atouts concrets autrement plus efficaces que de simples paroles. Il a des chars en Ukraine, des avions de chasse en Syrie et Barack Obama à la Maison Blanche. Garry Kasparov
Les opérations conjointes militaires et policières particulièrement meurtrières menées, depuis deux mois, contre les rebelles kurdes dans le bastion kurde de Cizre, au sud-est de la Turquie, ont pris fin, a annoncé hier le ministre turc de l’Intérieur, Efkan Ala. (…) Cizre, proche de la frontière syrienne et irakienne, qui a été vidée de la quasi-totalité de ses 120 000 habitants, poussés à l’exode, a été un emblème de la reprise des combats l’été dernier entre Ankara et le mouvement kurde armé, après une accalmie de deux ans. La ville a été bouclée et aucun journaliste ni observateur indépendant n’a été autorisé à y pénétrer. Selahattin Demirtas, le chef du parti prokurde HDP (Parti de la démocratie des peuples), troisième force politique au Parlement, a accusé en début de semaine le pouvoir turc d’avoir commis un « massacre » à Cizre, ce qui a été catégoriquement démenti par les autorités. Les combats dans la zone kurde ont fait de nombreux morts de part et d’autre (250 militaires et policiers et plus de 750 rebelles, selon l’armée), et quelque 200 civils auraient perdu la vie depuis l’instauration du couvre-feu, selon les ONG. L’Orient le jour
Même si la chute d’Alep-Est a été préparée par le lourd bombardement de l’aviation russe, ce sont bien les milices iraniennes et chiites qui ont fourni le gros des troupes sur le terrain ces dernières semaines. Impuissants face à ce déferlement de force, les rebelles ont d’ailleurs envoyé mercredi des salves de roquettes sur Foua et Kefraya, comme pour mieux enterrer tout espoir de résolution rapide. Le Temps
Découvrant, mais un peu tard, que la guerre tue, qu’elle est laide, injuste et sans pitié, et surtout que l’on pourrait un jour peut-être, au tribunal de l’Histoire, venir demander à Paris des comptes sur son inaction face au drame – à moins que ce ne soit sur ses actions et ses options politiques-, la France a pris les devants. Accusant avec l’ONU le régime syrien et la Russie de crimes de guerre à Alep, elle a déposé en hâte un projet de résolution au Conseil de Sécurité des Nations Unies demandant l’arrêt des combats et des bombardements sur l’est de la ville (dont elle feint de croire qu’il n’est peuplé que de civils innocents qui resteraient là de leur propre gré et que la Russie et le régime pilonneraient par pure cruauté), l’acheminement de l’aide humanitaire et la reprise du processus de négociation. (…) Ce cinéma diplomatique vient évidemment de se solder par un véto russe, attendu par Paris, Londres et Washington qui veulent faire basculer l’indignation internationale contre Moscou à défaut de mettre en cohérence leurs objectifs politiques et militaires avec leur prétendue volonté de paix. Mais prendre la tête du chœur des vierges ne suffit pas et ne trompe plus personne. L’évidence crève l’écran. «L’Occident» ne mène pas la guerre contre l’islamisme sunnite ou alors de façon très résiduelle: il le nourrit, le conseille, l’entraine. DAECH, dont la barbarie spectaculaire des modes d’action sert d’épouvantail opportun et de catalyseur de la vindicte occidentale, permet de juger par contraste «respectable» l’avalanche de djihadistes sunnites d’obédience wahhabite ou Frères musulmans qui ne combattent d’ailleurs pas plus que nous l’Etat islamique mais s’acharnent sur le régime syrien. Et l’Amérique comme la France cherchent avec une folle complaisance, dans ce magma ultraviolent, des interlocuteurs susceptibles d’être intronisés comme «légitimes» et capables de remplacer un autocrate indocile qui a le mauvais goût de résister à la marche de l’Histoire version occidentale et à la vague démocratique censée inonder de ses bienfaits un Moyen-Orient politiquement arriéré. Saddam Hussein, Mouammar Kadhafi, cruels tyrans sans doute, n’ont pu y résister et croyaient encore pouvoir argumenter avec leurs adversaires occidentaux (longtemps leurs alliés) quand leur sort était en fait scellé depuis longtemps. Bachar el Assad a bien failli y passer lui aussi. Mais à notre grand dam, Moscou a vu dans cette nouvelle guerre occidentale de déstabilisation par procuration, une occasion inespérée de sécuriser ses bases militaires, de défier l’Amérique qui la méprisait trop ouvertement, de regagner une influence centrale dans la région et de traiter «à la source» le terrorisme qui menace son territoire et ses marges d’Asie centrale et du Caucase. Et l’a saisie. Dans ce Grand jeu explosif de reconfiguration de l’équilibre du monde et notamment du nouveau duel cardinal, celui de Washington avec Pékin, la France, je le crains, s’est trompée du tout au tout et démontre à la face du monde mais surtout à l’ennemi – qui observe notre incohérence diplomatique et politique-, qu’elle pratique admirablement le grand écart stratégique… aux dépens toutefois, de nos concitoyens. Comment justifier en effet notre combat au Mali contre les djihadistes sunnites, notre soutien en Irak aux chiites contre les sunnites, et en Syrie notre appui aux groupuscules sunnites les plus extrémistes contre Bachar el Assad…tout en prétendant profiter du marché iranien entre ouvert ….et vendre des armes aux Saoudiens et Qataris sunnites qui sont by the way les financiers du djihadisme mondial dont nous subissons la haine et la violence terroriste sur notre sol désormais à un rythme soutenu? (…) L’impensé du discours français n’en reste pas moins le suivant: si Assad, «bourreau de son propre peuple» selon l’expression consacrée, était finalement militairement et politiquement mis hors-jeu, par qui compte -on le remplacer? A qui sera livrée la Syrie, «utile» ou pas, une fois que DAECH en aura été progressivement «exfiltré» vers d’autres macabres «territoires de jeu», en Libye par exemple? Quelle alternative pour la survie des communautés, notamment chrétiennes, encore présentes dans le pays qui passe par la survie des structures laïques d’Etat? Quels individus veut-on mettre au pouvoir? Les pseudo «modérés» qui encombrent les couloirs des négociations en trompe l’œil de Genève? Le Front al Nosra, sous son nouveau petit nom – Fateh al Sham -, que les Américains persistent à soutenir en dépit des objurgations russes et qui a fait exploser le cessez-le feu? Ou peut-être certains groupuscules désormais armés de missiles américains TOW qui n’attendent qu’un «go» pour tenter de dézinguer un avion ou un hélico russe, «par erreur» naturellement? Ou encore les représentants des Forces démocratiques syriennes, ou ceux de «l’Armée de la Conquête» qui renait opportunément de ses cendres… Ou un mixte de tous ces rebelles – apprentis démocrates férus de liberté et qui libèreront enfin le peuple syrien du sanglant dictateur qui le broyait sous sa férule depuis trop longtemps? Croit-on sérieusement que l’on pourra contrôler une seule minute ces nouveaux «patrons» du pays qui se financent dans le Golfe -dont nous sommes devenus les obligés silencieux-, et dont l’agenda politique et religieux est aux antipodes de la plus petite de nos exigences «démocratiques»? Ne comprend-on pas qu’ils vont mettre le pays en coupe réglée, en finiront dans le sang avec toutes les minorités, placeront les populations sunnites sous leur contrôle terrifiant, et que tout processus électoral sera une mascarade et ne fera qu’entériner une domination communautaire et confessionnelle sans appel? (…) Nous avons depuis 5 ans une politique étrangère à contre-emploi et à contre temps, réduite à deux volets: action humanitaire et diplomatie économique. En gros vendre des armes à tout prix aux pays sunnites, les aider à faire la guerre et à s’emparer du pouvoir à Damas… et porter des couvertures aux victimes de cet activisme économico-militaire: les Syriens. (…) La confusion permanente entre l’Etat syrien et le régime syrien nourrit la guerre. C’est l’Etat qu’il faut aider à survivre à l’offensive islamiste au lieu d’encourager les mouvements terroristes à le déstructurer. Le sort de Bachar el Assad est à la fois central et accessoire. Si l’Etat syrien devait tomber sous la coupe de DAECH ou sous celle d’Al Nosra et de ses avatars, alors ce seront les massacres communautaires et le chaos. Qui aura alors des comptes à rendre pour les avoir laissé advenir? Caroline Galactéros
Très pudiquement, alors même que l’OSDH le mentionnait, les médias occidentaux se sont bien gardés de mentionner que l’immense majorité des civils qui ont fui (sans doute déjà plus de 500 00) l’ont fait vers les zones loyalistes de l’Ouest d’Alep ou vers le quartier kurde de Sheikh Maqsoud. Pour les milliers de civils encore bloqués à l’Est, les conditions sont en train de se dégrader, si bien qu’on peut penser qu’il y aura des flux massifs dans les jours qui viennent. De ce point de vue, la stratégie des rebelles qui ont tout fait pour empêcher la fuite des civils semble être un échec. Et c’est bien évidemment le calcul du gouvernement syrien qui fait tout pour leur rendre la vie impossible. (…) Alep aurait pu devenir dès 2012 la capitale de l’opposition islamiste à Bachar al-Assad. Mais la sociologie de la ville a empêché que l’assaut depuis l’extérieur mené par les rebelles puisse déboucher sur un contrôle total de la ville. L’immense majorité des Alépins a continué de vivre sous le contrôle de l’administration de Damas. Avec la reprise d’Alep Est, Damas montrerait sa capacité à tenir un territoire qui est viable économiquement et surtout sans problème de continuité territoriale le long d’un axe longitudinal qui va du Sud de la province de Sweida jusqu’à Alep. Un territoire où vivraient encore plus de 60% de la population totale de la Syrie. Politiquement, Moscou se pose en acteur incontournable de la crise syrienne, sur lequel d’ailleurs Damas s’appuie bien plus que sur Téhéran. Désormais, c’est par Moscou que devront passer les initiatives politiques, tout le monde s’y résout: même les opposants en exil n’écartent pas une triangulation russe pour négocier l’avenir politique de la Syrie. (…) La situation est confuse à Idleb car les groupes djihadistes présents ont la fâcheuse tendance à se déchirer ces dernières semaines. Sans soutien turc, la province d’Idleb n’est absolument pas viable. Lorsque les dernières ressources auront été prélevées par les seigneurs de la guerre, cela va tourner à l’anarchie. Mais ce qui est inquiétant, c’est que ce djihadistan est un problème pour nombre de pays, y compris le nôtre. Pour ne citer que la Chine, Pékin, à la suite de l’attentat qui a frappé son ambassade à Bichkek l’été dernier, a commencé à s’intéresser de plus près à ce territoire où se trouvent près de 2000 combattants du Parti Islamique du Turkestan, des Ouïghours, dotés d’armes performantes et qui tenteront à nouveau de frapper les Chinois depuis ce réduit. La Chine envisagerait ainsi de doter l’armée syrienne de drones armés, comme elle l’a déjà fait auprès de l’armée irakienne. Il faut noter que les Etats-Unis ont effectué plusieurs frappes dans cette province ces dernières semaines pour éliminer les cadres de Jabhat Fatah al Sham, ex Al Nosra. Avec l’aval bien évidemment de la chasse russe. Je crois que notre focalisation sur l’Etat Islamique nous fait perdre un peu de vue cette poche lourde de menaces. (…) La Turquie porte une responsabilité immense dans le chaos qui règne au Nord de la Syrie. Elle a aidé et encouragé les pires éléments islamistes depuis son territoire à seule fin d’empêcher la constitution d’une zone kurde à ses portes. L’objectif de renverser le «tyran Assad» apparaît de moins en moins sérieux avec le recul quand on constate les dérives mégalomaniaques du Président Erdogan. A présent, elle semble avoir reçu un message clair de Moscou et agit dans un cadre apparemment négocié par Poutine. On ne sait toujours pas quels sont les objectifs de la Turquie: constituer une zone tampon pour empêcher la constitution d’un Rojava (Kurdistan syrien autonome, ndlr.) auquels aspirent les Kurdes de Syrie? Eradiquer l’Etat Islamique (c’est plus douteux)? Dernièrement Erdogan a affirmé avoir comme objectif de renverser Assad. Ce n’est pas sérieux tant que les Russes seront là… Frédéric Pichon
Interventionists (…) should not learn the wrong lesson from Aleppo’s fall. There was never a good plan from the West. The Spectator’s Freddy Gray described the interventionists’ 2013 thinking, and it is not flattering: « Bomb first, think later seemed to be the strategy, just as it was in Libya — and look how well that turned out. » Intervention in Syria was fantastically unpopular in Britain and America. That’s why the House of Commons, and later the U.S. Congress, ended up voting against it. The Obama administration, although it backed away from its half-hearted push for larger intervention, still carried on covert support of the rebels. The CIA and Defense Department armed different groups (who sometimes shot at each other). The Free Syrian Army, the so-called « moderate » rebels on whom so many hopes were pinned, kept disintegrating. Even as the U.S. tried to rebrand it as the « New Syrian Force, » its fighters often defected to al Qaeda, or even ISIS. If they didn’t defect, they would sometimes just lose their new weapons to these more established radical Sunni brands. The United States was allied with the allies of al Qaeda in Syria, and carried out its covert missions under the 2001 AUMF that authorized the U.S. to fight al Qaeda. It’s dizzying. Along the way, the U.S.’s half-hearted intervention possibly created the worst of all worlds. It encouraged people to invest themselves in a doomed fight much longer than was necessary. It caused rebels to place their hopes in a more broad intervention that was never coming. And it lengthened one of the most disastrous civil wars of the modern era, one whose aftershocks and refugee flows have brought terror to Europe and helped empower a resurgent nationalism that is shaking the political and economic foundations of the European Union. Lastly, the U.S. having involved itself just enough to look like a loser, ceded initiative to its chief geopolitical rival, Russia. Not only did Obama help make Syria one of his own « losses, » he paved the way to make it look like a Russian win over the United States and radical Sunni Islam. It’s a disaster. But if the U.S. really wanted to overthrow Assad, the likeliest outcome was the disaster that has afflicted Syria and, to a lesser degree, Iraq: multiple groups claiming the right to govern, and the flourishing of ISIS in the midst of the disorder. That’s the choice Obama backed into, either giving Russia a geopolitical boost, or becoming an agent of chaos again. On top of the horrors in Aleppo’s fall is the dreadful reality that even this may not bring about the end of the war. Positions in Syria that had been recaptured by the government forces and Russia have been abandoned to the control of ISIS. That ISIS recaptured Palmyra was a particularly significant propaganda coup as the Russians had flown in a symphony orchestra to play in its picaresque ruins in celebration of its liberation last year. But taking Aleppo means that the Assad regime has control of the major cities of his nation again, if not the periphery. The horrors in Aleppo are all too real. Honoring the memory of the dead in Syria will require much more serious reflection by our leadership class than what we’ve seen this week. Turning the Eiffel Tower into a memorial for al Qaeda’s dead, and mourning our lost chance at a wider war that had no plausible happy ending, is just another grotesquerie in a long parade of disasters in this region. Michael Brendan Dougherty
The hand-wringing by western politicians and commentators over the appalling humanitarian catastrophe in Aleppo reveals something far worse even than the nauseating virtue-signalling of pointlessly blaming themselves for having decided not to bomb Syrian President Assad’s forces. It reveals they still don’t understand just how morally culpable they actually are. The current breast-beating is all about how the US and Britain made a terrible mistake in not bombing Assad’s forces years ago in this dreadful war. But the issue that made them back away was valid then and remains valid now: that those who might come to power if Assad were removed would be as bad, if not worse, for both the Syrian people and the rest of the world. People were, however, totally missing the point then just as they are doing now. Assad is the puppet of the Iranian regime whose infernal purposes, in gaining regional power in order to perpetrate genocide against Israel and jihadi terrorism against the west, he dutifully serves. Iran needs Assad in power. Without Iran, Assad would not be committing these atrocities. To stop him, the west needs to stop Iran. (…) The hand-wringing over the involvement by Russia’s President Putin, who is providing Assad with the military might to crush the Syrian people, also totally misses the point. Putin has merely stepped into the vacuum left by the collapse of western power and resolve in the world. The Obama administration ended America’s historic role in defending western interests in the developing world. Instead it empowered the west’s enemies, principally Iran, and infamously promoted a supposed “reset” with Russia – which Putin unsurprisingly took as a green light to stomp all over any territory useful to his imperial ambitions. It was the US, UK and EU which between them empowered Iran and turned Russia into the most powerful kid on the block. The slaughter in Syria is the result. Melanie Philips
En octobre de cette année, des manifestants en Europe ont facilement recréé virtuellement chaque scène de “sauvetage” montrée par les “casques blancs” simplement en se barbouillant de farine et de colorant rouge et en s’allongeant sur le sol de villes européennes. Partie prenante de la campagne “Sauver Alep”, les manifestants cherchèrent à amener la “réalité” du “travail” des “casques blancs” à une audience européenne. Mais ils l’ont peut-être fait de manière trop littérale, révélant par là-même que de nombreuses scènes filmées par les “casques blancs” en Syrie sont en fait arrangées et truquées et font partie d’un théâtre de propagande urbaine. Dans une vraie situation de guerre, des bombardements laissent derrière eux un carnage indescriptible, avec des corps calcinés au delà de toute possibilité de reconnaissance, des membres arrachés, pantelants, des plaies ouvertes et des tas de chair sanguinolente. Les vidéos de ces “casques blancs” (NdT: rappelons-le financés à hauteur de millions d’euros par les Etats-Unis et l’UE…) ne représentent bizarrement aucune de ces dures réalités et au lieu de cela mettent le plus souvent en scène de la farine et des colorants sur des figurants, comme vus dans les scènes de manifestations en Europe le mois dernier. Il est à noter que la seule chose qui manquait des manifestations inspirées des “casques blancs” en Europe, fut un décor de fond de ville en ruines et les piles de gravas pour y “enfouir” les acteurs. Réseau international
 Nous sommes bouleversés par cet acte et nous constatons que nos avertissements concernant la venue incontrôlée de centaines de milliers de jeunes hommes issus de cultures islamo-patriarcales sont qualifiés de populistes.  Jörg Meuthen (Alternative pour l’Allemagne)
 Cette victime et beaucoup d’autres auraient pu être évitées, si [leur] pays avait été préparé aux dangers qui vont de pair avec une immigration massive. Rainer Wendt (syndicat policier DPolG)
Nous devons éviter que ces faits épouvantables alimentent la haine. (…) De tels meurtres odieux existaient bien avant que le premier réfugié venu d’Afghanistan ou de Syrie n’arrive » en Allemagne. Sigmar Gabriel (ministre de l’économie, vice-chancelier et président du Parti social-démocrate)
De tels délits sont évidemment dramatiques et doivent faire l’objet de poursuites. (…) Mais, pour autant, il ne faut pas tirer des conclusions sur l’ensemble d’un groupe. Angela Merkel
The White House response to the Syrian crisis has been worse than inaction. With the nuclear deal—the altar on which Mr. Obama sacrificed Syria and America’s traditional Middle East alliances—Washington is actively lending power and prestige to the butchers of Aleppo. Take the Boeing sale. Under Mr. Obama’s nuclear deal, the U.S. authorized the “transfer to Iran of commercial passenger aircraft for exclusively civil aviation end-use.” Some Iranian airlines, such as Mahan Air, remain sanctioned by the U.S. Treasury even after the deal. But Iran Air was de-sanctioned, notwithstanding Treasury’s determination in 2011 that it provides “material support and services” to the Islamic Revolutionary Guards Corps, or IRGC. Boeing’s deal with the mullahs is perfectly legal, in other words, even though the line between civil aviation and military activity in Iran is blurry. Passenger airlines have for years played a central role in Tehran’s efforts to supply the embattled Assad regime and other terrorist proxies with men and materiel—what Foundation for Defense of Democracies expert Emanuele Ottolenghi calls the regime’s “Syrian airlift.” The typical route runs from various Iranian cities to a suspected IRGC hub in Abadan, Iran, and from there to Damascus. Usually, it has been Mahan that flies this route. But publicly available tracking information suggests that Iran Air aircraft have flown it as recently as October. In many of these cases, the actual routes Iran Air flies differ from those associated with the listed flight numbers. Even if Iran Air never uses its jets for the Syrian airlift, the fresh supply of planes would benefit the Assad regime and other Iranian proxies. New parts, services and seats would reduce the pressure on Iranian aviation and improve overall efficiency. (…) The nuclear deal does bar Iran Air from using the jets for noncivil aviation purposes or transferring them to Treasury-sanctioned entities such as Mahan. Under the relevant provision, Washington can withdraw or deny export licenses down the road if it concludes that the aircraft “have been used for purposes other than exclusively civil aviation end-use.” Text is one thing and real-world enforcement another. The U.S. Treasury last May sanctioned nine aircraft associated with Mahan Air, on the grounds that the airline helps the IRGC “ferry operatives, weapons, and funds in support of the Asad regime.” (…) Many of the jets are still airborne today. (…) Once Boeing transfers the purchased aircraft to Iran Air, there is very little the U.S. government can do to control the end-use. The incoming Trump administration has so far kept mum. In the coming weeks Boeing will appeal to Donald Trump’s commitment to boosting manufacturing employment to win support for the sale, pressure the president-elect will have to weigh against his oft-stated opposition to the nuclear deal. Sohari Ahmari
Obama will go down as the only president in history to spend eight years vociferously criticizing both his predecessor and his successor. According to Obama, nearly every problem facing the nation, even in the eighth year of his presidency, can be ascribed to George W. Bush. The remainder can be blamed on Donald Trump. That is quite the legacy… Liz Peek
La politique de « redémarrage » des relations russo-américaines proposée par le président Obama a été interprétée à Moscou comme l’indice de la prise de conscience par les Américains de leur faiblesse, et par conséquent comme une invitation à Moscou de pousser ses pions (…) Le contrat d’achat des Mistrals présente un triple avantage: d’abord, la Russie acquiert des armements de haute technologie sans avoir à faire l’effort de les développer elle-même ; deuxièmement, elle réduit à néant la solidarité atlantique et la solidarité européenne ; troisièmement, elle accélère la vassalisation du deuxième grand pays européen après l’Allemagne. Un expert russe a récemment comparé cette politique à celle de la Chine face aux Etats-Unis : selon lui, à Washington le lobby pro-chinois intéressé aux affaires avec la Chine est devenu si puissant que les Etats-Unis sont désormais incapables de s’opposer à Pékin; la même chose est déjà vraie pour l’Allemagne face à la Russie et elle le sera pour la France après la signature du contrat sur les Mistrals. (…) Aujourd’hui, Moscou (…) se pose en rempart de la civilisation « du Nord », ce qui ne manque pas de sel quand on se souvient avec quelle persévérance Moscou a défendu le programme nucléaire iranien, contribuant grandement à l’émergence de cette « menace » du Sud, et avec quel enthousiasme elle célébrait, il y a un an encore, le naufrage de la civilisation occidentale. (…) On l’a vu dans les années 1930, la présence d’un Etat revanchard sur le continent européen peut réduire à néant toutes les tentatives de fonder un ordre international sur le droit et l’arbitrage. Françoise Thom
L’une des causes de ce désarroi doit être cherchée dans la guerre psychologique que Moscou mène contre les Occidentaux depuis l’arrivée au pouvoir de Vladimir Poutine. La Russie a su nous instiller une culpabilité corrosive pour avoir gagné la guerre froide. Elle s’est constamment posée en victime, au point que le refrain de la diplomatie française a été pendant des années qu’ »il ne fallait pas humilier la Russie ». Au nom de ce principe, cette dernière a bénéficié d’une indulgence exceptionnelle, dont elle a usé et abusé. Quel autre pays au monde peut en effet se permettre de raser des villes, de spolier les étrangers, d’assassiner les opposants hors de ses frontières, de harceler les diplomates étrangers, de menacer ses voisins, sans provoquer autre chose que de faibles protestations ? La raison en est que la Russie se pose constamment en victime, et elle a réussi à persuader les Occidentaux qu’ils étaient responsables de la débâcle des premières années de l’après-communisme, alors que la cause de ce fiasco tenait à l’héritage du communisme et aux caractéristiques de la nouvelle élite qui a émergé sur les ruines de l’Etat soviétique. De même que Hitler jouait à fond sur la culpabilité suscitée en Europe par le traité de Versailles, de même les Russes paralysent notre volonté en nous faisant endosser la faute de leurs déboires pendant les années Eltsine. (…) Les propagandistes du Kremlin ont parfaitement assimilé la phraséologie occidentale et ils la manipulent en maîtres. Encore une fois, le précédent de Hitler, qui sut jusqu’en 1938 dissimuler ses projets de conquêtes sous le slogan du « droit des peuples à disposer d’eux-mêmes » et du « droit du peuple allemand à l’autodétermination », est particulièrement instructif : les régimes autoritaires savent concentrer le mensonge en un rayon laser dévastateur qu’ils braquent sur les centres nerveux des démocraties pétrifiées. Aussi devons-nous avant tout nous débarrasser de cette culpabilité débilitante, à tous les sens du terme. Nous devons nous rappeler comment Vladimir Poutine est arrivé au pouvoir, par la provocation et une guerre menée contre des citoyens russes. Nous devons nous rappeler ce qu’il a réalisé en quelques années : la mise au pas totale du pays, la redistribution de la propriété au profit de son clan, l’organisation d’une propagande systématique de haine contre les Occidentaux, l’occultation des crimes du communisme, la réhabilitation de Staline, un lavage de cerveau quotidien des citoyens russes visant à leur inculquer la paranoïa, le culte de la force et l’esprit de revanche. (…) Ce qu’elle hait et redoute, c’est la liberté. Elle guette avidement chez nous les signes de faiblesse, d’aveuglement, de corruption et de capitulation préventive – et elle n’a que trop d’occasions de se réjouir. Or chaque démission en appellera d’autres plus grandes. Tant que demeurera une Europe indépendante alliée aux Etats-Unis, la Russie se sentira encerclée. La réalisation des prétendus intérêts de sécurité russes passe par l’asservissement par cercles successifs de tous ses voisins occidentaux et méridionaux. Le plus tôt nous verrons clair dans cette logique paranoïaque de Moscou, le plus tôt nous pourrons imaginer des remèdes. Mais encourager le malade dans sa folie ne sert à rien. Et croire qu’il guérira sans une épreuve de réalité est illusoire. Françoise Thom
Ces derniers mois, les dominos tombent les uns après les autres : presque tous les scrutins tenus dans le monde occidental et l’espace postsoviétique donnent le résultat voulu par le Kremlin. Référendum néerlandais sur l’accord d’association avec l’Ukraine, Brexit, élection de Trump, victoire du parti du Centre prorusse en Estonie, élection du prorusse Dodon en Moldavie, du prorusse Rumen Radev en Bulgarie, victoire de Fillon au premier tour de la primaire de la droite : la liste s’allonge quotidiennement. La patiente stratégie de prise de contrôle des élites et des opinions étrangères par le Kremlin, lancée depuis l’arrivée aux commandes en 2000 de l’équipe du KGB autour de Poutine, commence à porter ses fruits. Les méthodes sont simples et calquées sur celles qui ont fait leurs preuves en Russie pour obtenir la mise au pas du pays : compilation de dossiers compromettants sur les personnalités qui comptent, corruption, chantage, promesses d’avancement voire de propulsion au pouvoir, contrôle des médias (par les mêmes procédés), contrôle des thèmes de propagande. Les méthodes de mise sous influence de l’opinion ont été affinées à partir de 2014 avec une utilisation massive des réseaux sociaux, et là encore l’application des techniques éprouvées qui permettent au régime poutinien de manipuler l’opinion russe : excitation constante des émotions, à commencer par la haine et la peur ; bombardement radioactif de faits divers, souvent falsifiés ; développement de ce qu’on peut appeler une « conscience apocalyptique » autour du mythe de la « fin de l’Occident », qui conditionne les populations à consentir à l’abandon des libertés et leur fait souhaiter l’avènement d’une forte poigne. Tout cela débranche l’esprit critique et engendre l’indifférence à la vérité. La France est travaillée en profondeur par la propagande du Kremlin depuis des années. Au point que le danger que représente la Russie est totalement absent du débat électoral. Surtout pas de retour à la guerre froide, nous dit la Russie, nous faisant oublier que la guerre froide a commencé quand les Occidentaux ont cessé de céder à Staline et que nous lui devons notre liberté. (…) l’Etat russe, tout entier adonné à un projet de puissance (…) consacre l’essentiel de son budget à l’armée et aux services spéciaux, qui teste quotidiennement les défenses des pays de l’Alliance Atlantique (OTAN), qui entretient chez lui une psychose de guerre chronique, qui, à l’étranger, a déployé un prodigieux réseau d’agents, bien supérieur en nombre à celui existant pendant la guerre froide. Un Etat qui a déjà dépecé deux de ses voisins et qui ne dissimule même plus sa prétention à dicter l’issue des scrutins tenus sur le continent européen. Un Etat qui, à l’évidence, nourrit un projet de vassalisation du Vieux Continent : car le déclin continu de l’économie russe rend indispensable à Moscou la mainmise sur les ressources financières et technologiques de l’Europe. Un précédent gouvernement français de droite a déjà donné la preuve de son aveuglement en secondant l’entreprise de modernisation de l’armée russe à partir de 2009, au moment où le démembrement de l’Etat géorgien aurait dû lui ouvrir les yeux sur les ambitions du Kremlin. L’encouragement alors donné à Moscou est la cause directe de la guerre russo-ukrainienne, quand Poutine s’imagine que l’Occident ne réagira pas à l’annexion de la Crimée et des provinces orientales de l’Ukraine. (…) Nos souverainistes, si sourcilleux de notre indépendance quand il s’agit des Etats-Unis, s’alignent sans états d’âme sur les positions du Kremlin, même les plus scandaleuses, comme on l’a vu à droite et à gauche au moment de la guerre hybride contre l’Ukraine. (…) Alors qu’en Europe ils présentent la Russie comme le rempart de la chrétienté contre l’islam, les mêmes hommes tiennent à leurs interlocuteurs musulmans un discours opposé, les exhortant à une solidarité entre traditionalistes contre les « valeurs occidentales ». Si notre droite souhaite réellement revenir aux vertus qui ont fait le rayonnement de l’Occident, elle doit se souvenir que parmi elles on trouve en bonne place le respect de la vérité, la recherche du bien commun, le sentiment du droit et de l’honneur. La Russie poutinienne, avec son culte de la force brutale, sa passion du mensonge, travaille depuis des années à nous faire oublier ces vertus après les avoir effacées chez elle. Françoise Thom
Les dirigeants français, comme ceux de l’URSS brejnévienne, compensent par un ruineux activisme extérieur leur incapacité à lancer des réformes indispensables à l’intérieur, réformes impossibles car elles remettraient en cause les dogmes socialistes qui fondent l’étatisme français. Dans les deux cas, l’activisme extérieur accélère et accuse la crise interne. On a vu ce qu’il est advenu de l’URSS. En France, les indices d’une déliquescence de l’Etat se multiplient depuis deux ans, et l’affaire irakienne a servi de révélateur. Les dirigeants français ont cherché à justifier leur position sur la question irakienne en faisant valoir que la France refusait le « choc des civilisations » et favorisait, par conséquent, l’intégration des musulmans français. Certes, le président Chirac a été acclamé dans les banlieues. Mais l’antiaméricanisme officiel a favorisé la jonction explosive entre une mouvance trotskiste virulente, une mouvance islamiste, une mouvance anti-mondialiste et une mouvance tiers-mondiste. Ce cocktail vénéneux abreuve non seulement les jeunes des banlieues mais les lycéens et les étudiants, expédiés dans les manifestations pour la paix par leurs enseignants gauchistes, au nom de « l’engagement ». Dans ce sens, les orientations de la diplomatie française ne font que refléter la tiers-mondisation galopante de la France, à commencer par la tiers-mondisation des esprits. Le président Chirac défie Bush, mais capitule devant les banlieues. De manière révélatrice, Dominique de Villepin a déclaré devant le parlement que la mission française était de mettre en échec « le libéralisme anglo-saxon ». Comme la plupart de leurs interlocuteurs arabes, les dirigeants français estiment plus urgent de se dresser contre les Etats-Unis, même quand ils ont raison, que de mettre en chantier les réformes qui permettraient de sauver leur Etat de la faillite. (…) Les observateurs étrangers s’interrogent sur les causes de la folie française. Au moment où la fragilité de l’Etat français devient perceptible pour tous, en l’absence de toute défense européenne crédible, est-il vraiment prudent de rompre avec notre allié américain, au point que celui-ci nous considère maintenant comme un ennemi ? (…) La deuxième explication de la politique chiraquienne tient à l’inquiétude de la classe politique devant l’échec de plus en plus patent de l’ »intégration républicaine ». Au lieu de faire face au péril, on se réfugie dans la dénégation. On déclare que la France ne croit pas au « choc des civilisations », comme s’il suffisait de refuser le mot pour effacer la chose. Pour plus de sécurité on abolit jusqu’au concept de civilisation. C’est pourquoi on cherche à refouler à tout prix que la France partage la même civilisation que les Etats-Unis, en cultivant, à grande fanfare, nos relations avec la francophonie. C’est pourquoi aussi la droite française mène une politique de gauche, s’imaginant que le consensus obligatoire la mettra à l’abri du débordement des zones de non-droit. L’antiaméricanisme joue un rôle central dans ce dispositif. Notre politique étrangère exprime donc une sorte de capitulation préventive. La France prend l’initiative de rompre avec le camp occidental dans l’espoir d’éviter une épreuve de force avec sa jeunesse ensauvagée et fanatisée, après avoir failli au devoir de la civiliser. Cette couardise profonde est dissimulée derrière le panache brandi du petit pays qui s’oppose au grand. Le mythe d’Astérix camoufle une réalité nettement plus sordide. L’anti-américanisme rend possible cette imposture, et la continuation d’une politique qui risque de rendre notre mal sans remède, et d’y faire sombrer toute l’Europe. François Thom (2003)
La vérité qui dérange, (…) c’est l’enquête de l’IFOP menée par l’Institut Montaigne sur les musulmans de France. Elle dérange tant que nul n’ose s’indigner. L’enquête est présentée avec une distance embarrassée. Rien à dire a priori sur un sondage réalisé en juin à partir d’un échantillon de 15 459 personnes et qui a isolé 874 personnes de religion musulmane. Et certains résultats laissent pantois. 29 % des musulmans interrogés pensent que la loi islamique (charia) est plus importante que la loi de la République, 40 % que l’employeur doit s’adapter aux obligations religieuses de ses salariés, 60 % que les filles devraient avoir le droit de porter le voile au collège et au lycée. 14 % des femmes musulmanes refusent de se faire soigner par un médecin homme, et 44 % de se baigner dans une piscine mixte. L’Institut Montaigne et leurs rédacteurs Hakim El Karoui et Antoine Jardin ressemblent un peu à Alain Juppé, qui rêve d’une identité heureuse, et affirment qu’« un islam français est possible ». Mais le constat est inquiétant sur la sous-catégorie musulmane la plus « autoritaire » : « 40 % de ses membres sont favorables au port du niqab, à la polygamie, contestent la laïcité et considèrent que la loi religieuse passe avant la loi de la République », écrit l’Institut Montaigne. Cette sous-catégorie représenterait 13 % de l’ensemble des musulmans. L’IFOP chiffrant les musulmans à 5,6 % de la population de plus de 15 ans, nous en déduisons que l’effectif concerné atteint plusieurs centaines de milliers de personnes. Le chiffre qui dérange. L’intégration correcte de la très grande majorité des musulmans ne doit pas non plus conduire à nier une réalité qui, si elle est minoritaire, ne semble pas marginale. (…) Les populations sont sages lorsqu’elles sont traitées en adultes. Les Britanniques multiplient à outrance les comptages ethniques. Le gouvernement allemand publie chaque année les statistiques de criminalité par nationalité. On y constate une surcriminalité des étrangers, mais dont les causes sont expliquées, et les Allemands se concentrent sur leur évolution. En France, on est livrés aux diatribes d’un Eric Zemmour, qui séduira tant qu’on sera incapable d’objectiver sereinement les faits. (…) Les élites ont perdu de leur crédibilité, en minimisant les inégalités délirantes aux Etats-Unis, tardivement mises en évidence par Thomas Piketty, et en ne prêtant pas attention aux perdants de la mondialisation. L’essentiel est de prendre à bras-le-corps les batailles de demain, pour que les populistes ne puissent pas dire « Je vous l’avais bien dit ». Ainsi, ne sous-estimons pas Nicolas Sarkozy, qui cherche pour des raisons électoralistes à évacuer le réchauffement climatique par une autre vérité qui dérange, l’explosion démographique de l’Afrique. Ne pas traiter ce sujet sérieusement, c’est redonner la main aux populistes. Arnaud Leparmentier (Le Monde)
L’étude de l’islam en France conduite par l’Institut Montaigne (…) devrait aussi conduire à une révision considérable des politiques publiques. Son résultat fracassant est que l’islam est utilisé pour une large fraction de la population musulmane jeune, 28% ou 12% selon ce qu’on compte, «comme l’outil de rébellion contre la société française et l’occident en général», conclut l’auteur Hakim El Karoui. Je souligne que 28% ou 12% ce n’est pas du tout pareil, il faudrait savoir! Mais dans les deux cas, c’est très grave pour les responsables de l’islam de voir leur religion utilisée comme un outil de révolte. C’est très grave pour les dirigeants politiques de voir que cette rébellion ne régresse pas, tout à l’inverse. Elle s’étend pour beaucoup de raisons fondamentales, économiques et géopolitiques (les conflits du Moyen-Orient), qui dépassent la France de loin. (…) Aujourd’hui, explique l’étude, «environ 60% des 1029 enquêtés considèrent que les jeunes filles devraient pouvoir porter le voile au collège et au lycée». On a lu: 60%. Et il y a pire pour les tolérants: «Contrairement à l’opinion dominante qui voudrait que les hommes soient plus conservateurs que les femmes, le port du voile est rejeté par 26% des hommes mais seulement par 18% des femmes (…) Ces résultats témoignent d’une adhésion idéologique d’une part importante de la population féminine musulmane au port du voile, allant jusqu’à l’acceptation du voile intégral (pour 28 % des femmes)». Le voile est un outil de révolte ou, plus pacifiquement, l’affichage d’une «fierté islamiste». Dans ce cadre, on comprend pourquoi l’interdire renforce la volonté de le porter. (…) Nous allons vers de plus en plus de difficultés d’intégration pas vers de moins en moins. «On peut le déplorer, s’en féliciter, vouloir le combattre ou le respecter, ce fait social est bien réel. Il faut le traiter, dans le contexte qui est le nôtre -celui d’une violence terroriste et sans limite perpétrée au nom de l’islam, qui rend angoissant pour une majorité de Français le mouvement d’affirmation identitaro-religieux voire théologico- politique qui est à l’œuvre». Eric Le Boucher
Alain Finkielkraut a défini un jour le politiquement correct comme le fait de ne pas voir ce qu’on montre. Le traitement de l’étude sur les musulmans de France réalisée par l’Institut Montaigne sous la direction de Hakim El Karoui et publiée hier par le JDD nous en a fourni un exemple éclatant. On dirait que les médias se sont concertés pour tenter de planquer la réalité sous des titres lénifiants. « Musulmans de France, l’enquête qui surprend », annonçait le JDD à sa « une ». « L’enquête qui terrifie » aurait été un titre plus adapté. C’est la première fois, à ma connaissance, qu’un travail aussi sérieux tente d’établir un portrait idéologique et culturel des musulmans de France (trois quarts de Français, un quart d’étrangers). On se disait bien qu’une partie d’entre eux avait quitté le monde commun – ou n’y avait jamais résidé – mais on pouvait encore espérer qu’il s’agissait d’une infime minorité. Or, on apprend que 28 % des musulmans de France estiment que la charia prévaut sur la loi de la République. Oui, vous avez bien lu : près d’un tiers des musulmans vivant dans notre pays vivent mentalement dans une tout autre contrée. Un tiers sur une population estimée (à la baisse) entre 3 et 4 millions, ça fait un million de personnes, souvent jeunes. Combien seront-ils, dans dix ans, à être passés de la charia au djihad ? Seulement 1 %, soit “seulement” 10 000 ? Voilà qui rassurera certainement les 70 à 80 % de Français que l’islam inquiète. (…) douze ans après le vote de la loi interdisant les signes religieux à l’école, 60 % des personnes interrogées estiment que les filles devraient pouvoir porter le voile à l’école ; 48 % pensent qu’on doit pouvoir affirmer son identité religieuse au travail ; 58 % des hommes et 70 % des femmes sont favorables au port du voile – hijab. Autrement dit, même au sein de la majorité que l’on dit intégrée, on n’entend pas renoncer à ce signe de rupture avec le modèle français qu’est la dissimulation du corps féminin. Les promoteurs de l’étude espéraient sans doute que la réalité scientifiquement établie permettrait de trancher le cou des fantasmes sur l’islam. Or, la réalité se révèle pire que les fantasmes. Comment « déradicalisera-t-on » les 20 % de musulmans et 28 % de musulmanes qui, dans notre pays,  approuvent le port de la burqa ? Combien de générations faudra-t-il pour les convaincre qu’une femme libre n’est pas souillée par le regard d’un homme ? Ces questions ne seront évidemment pas posées, comme le montre le titre hilarant du Monde sur le sujet : « Les musulmans de France, une population jeune et diverse ». Les perroquets du tout-info et tous les autres fossoyeurs du réel s’emploient déjà à expliquer qu’on a mal compris : l’intégration progresse. Quant à ceux pour qui elle ne progresse pas, ils sont révoltés plus que musulmans. Fort bien. Et qu’est-ce qu’on fait, avec tous ces révoltés ? Elisabeth Lévy

Après le leadership par l’arrière, les menaces de représailles rétroactives !

« Référendum néerlandais sur l’accord d’association avec l’Ukraine, Brexit, élection de Trump, victoire du parti du Centre prorusse en Estonie, élection du prorusse Dodon en Moldavie, du prorusse Rumen Radev en Bulgarie, victoire de Fillon au premier tour de la primaire de la droite » …

A l’heure où après huit années de reculades, le plus rapide prix Nobel de l’histoire et prétendu leader du Monde libre nous fait le coup des menaces de représailles rétroactives …

Pendant qu’après lui avoir concédé contre l’avis de son propre Congrès le droit à l’arme nucléaire, ses entreprises comme les nôtres s’apprêtent à fournir à l’Etat voyou et terroriste isranien les avions pour soutenir ses divers affidés de par le monde Syrie comprise …

Qui écoute les avertissements depuis des années de l’historienne Françoise Thom …

Sur la véritable entreprise de vassalisation que mène contre l’Europe l’ex-kégébiste de Moscou depuis son arrivée au pouvoir il y a une quinzaine d’années ?

Mais aussi qui rappelle avec l’essayiste britannique Melanie Philips

Tant la passivité d’Obama qui, sans parler de la militarisation par la Chine d’ilôts entiers au large de ses côtes, a rendu possible la mise à feu et à sang du Moyen-Orient par Poutine et ses alliés iraniens et turcs

Qu’entre théâtre de propagande urbaine et appels au califat dans nos rues ou celles d’Alep …

Ou de déni de l’évidence ou désilluminations de Tour Eiffel

La chariarisation, qui avance, de nos esprits ?

« La France subit la propagande du Kremlin depuis des années »

La vassalisation de l’Europe est en cours, d’après la spécialiste de la Russie, Françoise Thom. Une entreprise menée de longue date depuis Moscou et qui commence à porter ses fruits scrutin après scrutin.

Françoise Thom (Historienne, maître de conférences à l’université Paris-Sorbonne)

Le Monde

23.11.2016 

Ces derniers mois, les dominos tombent les uns après les autres : presque tous les scrutins tenus dans le monde occidental et l’espace postsoviétique donnent le résultat voulu par le Kremlin. Référendum néerlandais sur l’accord d’association avec l’Ukraine, Brexit, élection de Trump, victoire du parti du Centre prorusse en Estonie, élection du prorusse Dodon en Moldavie, du prorusse Rumen Radev en Bulgarie, victoire de Fillon au premier tour de la primaire de la droite : la liste s’allonge quotidiennement.

La patiente stratégie de prise de contrôle des élites et des opinions étrangères par le Kremlin, lancée depuis l’arrivée aux commandes en 2000 de l’équipe du KGB autour de Poutine, commence à porter ses fruits.

Les méthodes sont simples et calquées sur celles qui ont fait leurs preuves en Russie pour obtenir la mise au pas du pays : compilation de dossiers compromettants sur les personnalités qui comptent, corruption, chantage, promesses d’avancement voire de propulsion au pouvoir, contrôle des médias (par les mêmes procédés), contrôle des thèmes de propagande.

Les méthodes de mise sous influence de l’opinion ont été affinées à partir de 2014 avec une utilisation massive des réseaux sociaux, et là encore l’application des techniques éprouvées qui permettent au régime poutinien de manipuler l’opinion russe : excitation constante des émotions, à commencer par la haine et la peur ; bombardement radioactif de faits divers, souvent falsifiés ; développement de ce qu’on peut appeler une « conscience apocalyptique » autour du mythe de la « fin de l’Occident », qui conditionne les populations à consentir à l’abandon des libertés et leur fait souhaiter l’avènement d’une forte poigne. Tout cela débranche l’esprit critique et engendre l’indifférence à la vérité.

La dangerosité de la Russie, absente du débat électoral

La France est travaillée en profondeur par la propagande du Kremlin depuis des années. Au point que le danger que représente la Russie est totalement absent du débat électoral. Surtout pas de retour à la guerre froide, nous dit la Russie, nous faisant oublier que la guerre froide a commencé quand les Occidentaux ont cessé de céder à Staline et que nous lui devons notre liberté.

Le pouvoir de Poutine a considérablement appauvri la majorité des Russes, forcé des millions d’entre eux à choisir l’exil, imposé au reste une propagande abrutissante charriant la haine et le mensonge

Or qu’avons-nous aujourd’hui ? Une Europe désarmée, divisée et démoralisée. Une Amérique tentée par l’égoïsme national et l’isolationnisme. En face, l’Etat russe, tout entier adonné à un projet de puissance, qui consacre l’essentiel de son budget à l’armée et aux services spéciaux, qui teste quotidiennement les défenses des pays de l’Alliance Atlantique (OTAN), qui entretient chez lui une psychose de guerre chronique, qui, à l’étranger, a déployé un prodigieux réseau d’agents, bien supérieur en nombre à celui existant pendant la guerre froide.

Un Etat qui a déjà dépecé deux de ses voisins et qui ne dissimule même plus sa prétention à dicter l’issue des scrutins tenus sur le continent européen. Un Etat qui, à l’évidence, nourrit un projet de vassalisation du Vieux Continent : car le déclin continu de l’économie russe rend indispensable à Moscou la mainmise sur les ressources financières et technologiques de l’Europe.

Aveuglement

Un précédent gouvernement français de droite a déjà donné la preuve de son aveuglement en secondant l’entreprise de modernisation de l’armée russe à partir de 2009, au moment où le démembrement de l’Etat géorgien aurait dû lui ouvrir les yeux sur les ambitions du Kremlin.

L’encouragement alors donné à Moscou est la cause directe de la guerre russo-ukrainienne, quand Poutine s’imagine que l’Occident ne réagira pas à l’annexion de la Crimée et des provinces orientales de l’Ukraine. Une France gouvernée par le « parti russe » devra s’associer aux aventures militaires du Kremlin, devenir son instrument dans l’achèvement de la désagrégation de l’Europe et de l’OTAN.

Après la victoire de Fillon au premier tour de la primaire de la droite, une publication russe titrait « Le Trump français fera éclater l’Europe ». Est-ce vraiment un ordre international où règne la loi du plus fort que nous souhaitons ? La Russie n’en reconnaît pas d’autre.

Nos souverainistes, si sourcilleux de notre indépendance quand il s’agit des Etats-Unis, s’alignent sans états d’âme sur les positions du Kremlin, même les plus scandaleuses, comme on l’a vu à droite et à gauche au moment de la guerre hybride contre l’Ukraine.

Culte de la force brutale

Et qu’obtiendrons-nous en échange de notre entrée dans l’orbite russe ? Le pouvoir de Poutine a considérablement appauvri la majorité des Russes, forcé des millions d’entre eux à choisir l’exil, imposé au reste une propagande abrutissante charriant la haine et le mensonge. Et c’est dans ce pays que notre droite cherche son inspiration ?

Aujourd’hui, elle croit se ressourcer dans les « valeurs traditionnelles » brandies par Moscou. Elle ne comprend pas le fondement de la propagande russe : les idées ne sont mises en avant que de manière instrumentale par les hommes du Kremlin, pour favoriser la réalisation de leurs objectifs de puissance.

Alors qu’en Europe ils présentent la Russie comme le rempart de la chrétienté contre l’islam, les mêmes hommes tiennent à leurs interlocuteurs musulmans un discours opposé, les exhortant à une solidarité entre traditionalistes contre les « valeurs occidentales ». Si notre droite souhaite réellement revenir aux vertus qui ont fait le rayonnement de l’Occident, elle doit se souvenir que parmi elles on trouve en bonne place le respect de la vérité, la recherche du bien commun, le sentiment du droit et de l’honneur.

La Russie poutinienne, avec son culte de la force brutale, sa passion du mensonge, travaille depuis des années à nous faire oublier ces vertus après les avoir effacées chez elle. Car, tant qu’elles subsistent, la fusion de l’Europe avec l’Union eurasienne de Poutine ne pourra s’accomplir.

Françoise Thom

Historienne, maître de conférences à l’université Paris-Sorbonne

Voir aussi:

Aleppo, virtue-signalling and myopia

The hand-wringing by western politicians and commentators over the appalling humanitarian catastrophe in Aleppo reveals something far worse even than the nauseating virtue-signalling of pointlessly blaming themselves for having decided not to bomb Syrian President Assad’s forces. It reveals they still don’t understand just how morally culpable they actually are.

The current breast-beating is all about how the US and Britain made a terrible mistake in not bombing Assad’s forces years ago in this dreadful war.

But the issue that made them back away was valid then and remains valid now: that those who might come to power if Assad were removed would be as bad, if not worse, for both the Syrian people and the rest of the world.

People were, however, totally missing the point then just as they are doing now. Assad is the puppet of the Iranian regime whose infernal purposes, in gaining regional power in order to perpetrate genocide against Israel and jihadi terrorism against the west, he dutifully serves. Iran needs Assad in power. Without Iran, Assad would not be committing these atrocities. To stop him, the west needs to stop Iran.

In July 2013, I said on BBC TV’s Question Time that to deal with Assad Iran needed to be neutralised. I didn’t specify the means; had I been given the opportunity, I would have said that whether by diplomatic isolation, effective sanctions, support for Iranian dissidents or in the last resort military force the threat from the Iranian regime had to be stopped. Look here, though, at the reaction I received from both the studio audience and one Boris Johnson, then Mayor of London and now Britain’s Foreign Secretary:

The hand-wringing over the involvement by Russia’s President Putin, who is providing Assad with the military might to crush the Syrian people, also totally misses the point. Putin has merely stepped into the vacuum left by the collapse of western power and resolve in the world. The Obama administration ended America’s historic role in defending western interests in the developing world. Instead it empowered the west’s enemies, principally Iran, and infamously promoted a supposed “reset” with Russia – which Putin unsurprisingly took as a green light to stomp all over any territory useful to his imperial ambitions.

It was the US, UK and EU which between them empowered Iran and turned Russia into the most powerful kid on the block. The slaughter in Syria is the result.

Voir également:

Musulmans de France, l’enquête qui fait peur
28% des sondés pour la charia
Elisabeth Lévy
Causeur.
19 septembre 2016

Alain Finkielkraut a défini un jour le politiquement correct comme le fait de ne pas voir ce qu’on montre. Le traitement de l’étude sur les musulmans de France réalisée par l’Institut Montaigne sous la direction de Hakim El Karoui et publiée hier par le JDD nous en a fourni un exemple éclatant. On dirait que les médias se sont concertés pour tenter de planquer la réalité sous des titres lénifiants. « Musulmans de France, l’enquête qui surprend », annonçait le JDD à sa « une ». « L’enquête qui terrifie » aurait été un titre plus adapté.

28% de fans de la charia
C’est la première fois, à ma connaissance, qu’un travail aussi sérieux tente d’établir un portrait idéologique et culturel des musulmans de France (trois quarts de Français, un quart d’étrangers). On se disait bien qu’une partie d’entre eux avait quitté le monde commun – ou n’y avait jamais résidé – mais on pouvait encore espérer qu’il s’agissait d’une infime minorité. Or, on apprend que 28 % des musulmans de France estiment que la charia prévaut sur la loi de la République. Oui, vous avez bien lu : près d’un tiers des musulmans vivant dans notre pays vivent mentalement dans une tout autre contrée. Un tiers sur une population estimée (à la baisse) entre 3 et 4 millions, ça fait un million de personnes, souvent jeunes. Combien seront-ils, dans dix ans, à être passés de la charia au djihad ? Seulement 1 %, soit “seulement” 10000 ? Voilà qui rassurera certainement les 70 à 80 % de Français que l’islam inquiète.

La réalité se révèle pire que les fantasmes
On pourrait se réjouir de ce que 70 % des musulmans vivant dans notre pays soient devenus des laïques comme les autres. « Deux tiers des musulmans pensent que la laïcité permet de vivre librement sa religion », affirme Hakim El Karoui. Alors, il doit y avoir maldonne sur le sens du mot laïcité.  En effet, douze ans après le vote de la loi interdisant les signes religieux à l’école, 60 % des personnes interrogées estiment que les filles devraient pouvoir porter le voile à l’école ; 48 % pensent qu’on doit pouvoir affirmer son identité religieuse au travail ; 58 % des hommes et 70 % des femmes sont favorables au port du voile – hijab. Autrement dit, même au sein de la majorité que l’on dit intégrée, on n’entend pas renoncer à ce signe de rupture avec le modèle français qu’est la dissimulation du corps féminin.

Les promoteurs de l’étude espéraient sans doute que la réalité scientifiquement établie permettrait de trancher le cou des fantasmes sur l’islam. Or, la réalité se révèle pire que les fantasmes. Comment « déradicalisera-t-on » les 20 % de musulmans et 28 % de musulmanes qui, dans notre pays,  approuvent le port de la burqa ? Combien de générations faudra-t-il pour les convaincre qu’une femme libre n’est pas souillée par le regard d’un homme ?

Ces questions ne seront évidemment pas posées, comme le montre le titre hilarant du Monde sur le sujet : « Les musulmans de France, une population jeune et diverse ». Les perroquets du tout-info et tous les autres fossoyeurs du réel s’emploient déjà à expliquer qu’on a mal compris : l’intégration progresse. Quant à ceux pour qui elle ne progresse pas, ils sont révoltés plus que musulmans. Fort bien. Et qu’est-ce qu’on fait, avec tous ces révoltés ?

Alain Finkielkraut a défini un jour le politiquement correct comme le fait de ne pas voir ce qu’on montre. Le traitement de l’étude sur les musulmans de France réalisée par l’Institut Montaigne sous la direction de Hakim El Karoui et publiée hier par le JDD nous en a fourni un exemple éclatant. On dirait que les médias se sont concertés pour tenter de planquer la réalité sous des titres lénifiants. « Musulmans de France, l’enquête qui surprend », annonçait le JDD à sa « une ». « L’enquête qui terrifie » aurait été un titre plus adapté.

28% de fans de la charia

C’est la première fois, à ma connaissance, qu’un travail aussi sérieux tente d’établir un portrait idéologique et culturel des musulmans de France (trois quarts de Français, un quart d’étrangers). On se disait bien qu’une partie d’entre eux avait quitté le monde commun – ou n’y avait jamais résidé – mais on pouvait encore espérer qu’il s’agissait d’une infime minorité. Or, on apprend que 28 % des musulmans de France estiment que la charia prévaut sur la loi de la République. Oui, vous avez bien lu : près d’un tiers des musulmans vivant dans notre pays vivent mentalement dans une tout autre contrée. Un tiers sur une population estimée (à la baisse) entre 3 et 4 millions, ça fait un million de personnes, souvent jeunes. Combien seront-ils, dans dix ans, à être passés de la charia au djihad ? Seulement 1 %, soit “seulement” 10000 ? Voilà qui rassurera certainement les 70 à 80 % de Français que l’islam inquiète.

La réalité se révèle pire que les fantasmes

On pourrait se réjouir de ce que 70 % des musulmans vivant dans notre pays soient devenus des laïques comme les autres. « Deux tiers des musulmans pensent que la laïcité permet de vivre librement sa religion », affirme Hakim El Karoui. Alors, il doit y avoir maldonne sur le sens du mot laïcité.  En effet, douze ans après le vote de la loi interdisant les signes religieux à l’école, 60 % des personnes interrogées estiment que les filles devraient pouvoir porter le voile à l’école ; 48 % pensent qu’on doit pouvoir affirmer son identité religieuse au travail ; 58 % des hommes et 70 % des femmes sont favorables au port du voile – hijab. Autrement dit, même au sein de la majorité que l’on dit intégrée, on n’entend pas renoncer à ce signe de rupture avec le modèle français qu’est la dissimulation du corps féminin.

Les promoteurs de l’étude espéraient sans doute que la réalité scientifiquement établie permettrait de trancher le cou des fantasmes sur l’islam. Or, la réalité se révèle pire que les fantasmes. Comment « déradicalisera-t-on » les 20 % de musulmans et 28 % de musulmanes qui, dans notre pays,  approuvent le port de la burqa ? Combien de générations faudra-t-il pour les convaincre qu’une femme libre n’est pas souillée par le regard d’un homme ?

Ces questions ne seront évidemment pas posées, comme le montre le titre hilarant du Monde sur le sujet : « Les musulmans de France, une population jeune et diverse ». Les perroquets du tout-info et tous les autres fossoyeurs du réel s’emploient déjà à expliquer qu’on a mal compris : l’intégration progresse. Quant à ceux pour qui elle ne progresse pas, ils sont révoltés plus que musulmans. Fort bien. Et qu’est-ce qu’on fait, avec tous ces révoltés ?

Voir de plus:

Frédéric Pichon : «Notre focalisation sur Daech nous fait oublier les autres djihadistes en Syrie»

  • Alexis Feertchak
  • Le Figaro
  • 30/11/2016

FIGAROVOX/ENTRETIEN – Alors que le régime de Bachar al-Assad semble gagner la bataille d’Alep et se renforcer politiquement, le spécialiste du Moyen-Orient met en garde contre la constitution en Syrie du «djihadistan» d’Idleb certes anarchique mais dominé par l’ex-Front al-Nosra.

Frédéric Pichon est un géopolitologue, spécialiste du Moyen-Orient. Auteur d’une thèse de doctorat sur la Syrie et chercheur associé à l’Université de Tours, il a publié Géopolitique du Moyen-Orient et de l’Afrique du Nord (co-aut., éd. PUF, 2012) et Syrie: Pourquoi l’Occident s’est trompé (éd. Éditions du Rocher, 2014).


FIGAROVOX. – La poche des rebelles à l’Est d’Alep se réduit chaque jour davantage face aux assauts de l’Armée syrienne appuyée notamment par l’aviation russe. Le sort de la bataille d’Alep est-il scellé?

Frédéric PICHON. – Pour le moment, l’assaut des forces loyalistes est parvenu à couper en deux la zone rebelle d’Alep, grâce essentiellement aux troupes d’élite de l’armée syrienne. Symboliquement c’est très important pour Damas, car cela atténue l’implication des alliés étrangers dans la bataille d’Alep, exception faite des Russes dont l’aviation a été décisive. Il reste plus au sud une zone étendue dans laquelle sont encore piégés des milliers de civils et les éléments armés qui contrôlent cet espace. Est ce la fin? L’offensive loyaliste à eu un impact majeur sur le moral des combattants. De plus en raison de l’encerclement complet des poches restantes et de la fin du soutien turc en armes et combattants, il est probable que le sort de la bataille d’Alep soit scellé, comme je l’avais annoncé il y a un mois. Les Russes se tiennent d’ailleurs en embuscade et sont en train de négocier des trêves avec les chefs rebelles. Selon un scenario déjà éprouvé à Homs, ils vont probablement leur proposer une sortie honorable en direction d’Idleb.

De nombreux civils d’Alep Est se sont réfugiés dans la zone de la ville contrôlée par le régime de Bachar al-Assad. Que dire de la situation humanitaire dans l’ancienne capitale économique de la Syrie?

Oui, très pudiquement, alors même que l’OSDH le mentionnait, les médias occidentaux se sont bien gardés de mentionner que l’immense majorité des civils qui ont fui (sans doute déjà plus de 50000) l’ont fait vers les zones loyalistes de l’Ouest d’Alep ou vers le quartier kurde de Sheikh Maqsoud. Pour les milliers de civils encore bloqués à l’Est, les conditions sont en train de se dégrader, si bien qu’on peut penser qu’il y aura des flux massifs dans les jours qui viennent. De ce point de vue, la stratégie des rebelles qui ont tout fait pour empêcher la fuite des civils semble être un échec. Et c’est bien évidemment le calcul du gouvernement syrien qui fait tout pour leur rendre la vie impossible. C’est le scenario prévisible que va connaître Mossoul dans les semaines à venir. La guerre urbaine est la pire des guerres, l’ «ultime champ de bataille» pour reprendre le titre d’un ouvrage récent.

Quelles conséquences politiques pour Damas, Moscou et Téhéran auraient une reprise d’Alep?

Alep aurait pu devenir dès 2012 la capitale de l’opposition islamiste à Bachar al-Assad. Mais la sociologie de la ville a empêché que l’assaut depuis l’extérieur mené par les rebelles puisse déboucher sur un contrôle total de la ville. L’immense majorité des Alépins a continué de vivre sous le contrôle de l’administration de Damas. Avec la reprise d’Alep Est, Damas montrerait sa capacité à tenir un territoire qui est viable économiquement et surtout sans problème de continuité territoriale le long d’un axe longitudinal qui va du Sud de la province de Sweida jusqu’à Alep. Un territoire où vivraient encore plus de 60% de la population totale de la Syrie. Politiquement, Moscou se pose en acteur incontournable de la crise syrienne, sur lequel d’ailleurs Damas s’appuie bien plus que sur Téhéran. Désormais, c’est par Moscou que devront passer les initiatives politiques, tout le monde s’y résout: même les opposants en exil n’écartent pas une triangulation russe pour négocier l’avenir politique de la Syrie.

Quel est l’avenir des rebelles d’Idleb, à l’Ouest d’Alep? Assiste-t-on dans ce territoire à l’éclosion d’un djihadistan sous l’influence de l’ex-Front al-Nosra donc d’al-Qaïda?

La situation est confuse à Idleb car les groupes djihadistes présents ont la fâcheuse tendance à se déchirer ces dernières semaines. Sans soutien turc, la province d’Idleb n’est absolument pas viable. Lorsque les dernières ressources auront été prélevées par les seigneurs de la guerre, cela va tourner à l’anarchie. Mais ce qui est inquiétant, c’est que ce djihadistan est un problème pour nombre de pays, y compris le nôtre. Pour ne citer que la Chine, Pékin, à la suite de l’attentat qui a frappé son ambassade à Bichkek l’été dernier, a commencé à s’intéresser de plus près à ce territoire où se trouvent près de 2000 combattants du Parti Islamique du Turkestan, des Ouïghours, dotés d’armes performantes et qui tenteront à nouveau de frapper les Chinois depuis ce réduit. La Chine envisagerait ainsi de doter l’armée syrienne de drones armés, comme elle l’a déjà fait auprès de l’armée irakienne. Il faut noter que les Etats-Unis ont effectué plusieurs frappes dans cette province ces dernières semaines pour éliminer les cadres de Jabhat Fatah al Sham, ex Al Nosra. Avec l’aval bien évidemment de la chasse russe. Je crois que notre focalisation sur l’Etat Islamique nous fait perdre un peu de vue cette poche lourde de menaces.

L’opération turque au Nord de la Syrie se poursuit, notamment pour reprendre la ville d’Al-Bab aux mains de l’Etat islamique. Dans cette région, la rivalité est forte avec les Kurdes et l’armée syrienne. Quel est le jeu d’Ankara? Dans quelle mesure est-il libre vis-à-vis de Moscou?

La Turquie porte une responsabilité immense dans le chaos qui règne au Nord de la Syrie. Elle a aidé et encouragé les pires éléments islamistes depuis son territoire à seule fin d’empêcher la constitution d’une zone kurde à ses portes. L’objectif de renverser le «tyran Assad» apparaît de moins en moins sérieux avec le recul quand on constate les dérives mégalomaniaques du Président Erdogan. A présent, elle semble avoir reçu un message clair de Moscou et agit dans un cadre apparemment négocié par Poutine. On ne sait toujours pas quels sont les objectifs de la Turquie: constituer une zone tampon pour empêcher la constitution d’un Rojava (Kurdistan syrien autonome, ndlr.) auquels aspirent les Kurdes de Syrie? Eradiquer l’Etat Islamique (c’est plus douteux)? Dernièrement Erdogan a affirmé avoir comme objectif de renverser Assad. Ce n’est pas sérieux tant que les Russes seront là…

L’Etat islamique est sur la défensive en Irak, mais aussi en Syrie. Pourrait-on envisager une reprise rapide de leur capitale régionale, Raqqa?

Le problème de Raqqa, pour toutes les raisons évoquées plus haut est très compliqué à résoudre. Non pas tant tactiquement mais politiquement: il faudra attendre encore plusieurs semaines avant qu’un consensus international se dégage, issu de la fin de la bataille d’Alep ou même de Mossoul. Après, ce sera la course. En attendant, tout le monde avance ses pions: forces spéciales françaises, troupes turques, kurdes syriens, milices irakiennes venues de l’est. Quant aux avions de la Coalition, ils devront aussi se coordonner avec les Russes ou les Syriens. Mais c’est encore trop tôt.

Voir de plus:

En Syrie les “casques blancs” pris la main dans le sac de la mise en scène

La “Défense Civile Syrienne” financée par les Etats-Unis et l’Europe plus connue sous le vocable des “Casques Blancs”, est de plus en plus démontrée être un des plus gros et des plus élaborés mensonges et tromperies de la propagande de guerre moderne occidentale. Se présentant comme à la fois “sauveteurs” de civils coincés dans de soi-disant bombardements russes en Syrie et “observateurs” des soi-disant “atrocités” commises contre les militants combattant le gouvernement syrien, les preuves se sont accumulées pour démontrer que cette entité est en fait complice des groupes militants islamistes incluant des groupes terroristes reconnus et aussi une agence de propagande occidentale.

En octobre de cette année, des manifestants en Europe ont facilement recréé virtuellement chaque scène de “sauvetage” montrée par les “casques blancs” simplement en se barbouillant de farine et de colorant rouge et en s’allongeant sur le sol de villes européennes. Partie prenante de la campagne “Sauver Alep”, les manifestants cherchèrent à amener la “réalité” du “travail” des “casques blancs” à une audience européenne. Mais ils l’ont peut-être fait de manière trop littérale, révélant par là-même que de nombreuses scènes filmées par les “casques blancs” en Syrie sont en fait arrangées et truquées et font partie d’un théâtre de propagande urbaine.

Dans une vraie situation de guerre, des bombardements laissent derrière eux un carnage indescriptible, avec des corps calcinés au delà de toute possibilité de reconnaissance, des membres arrachés, pantelants, des plaies ouvertes et des tas de chair sanguinolente. Les vidéos de ces “casques blancs” (NdT: rappelons-le financés à hauteur de millions d’euros par les Etats-Unis et l’UE…) ne représentent bizarrement aucune de ces dures réalités et au lieu de cela mettent le plus souvent en scène de la farine et des colorants sur des figurants, comme vus dans les scènes de manifestations en Europe le mois dernier.

Il est à noter que la seule chose qui manquait des manifestations inspirées des “casques blancs” en Europe, fut un décor de fond de ville en ruines et les piles de gravas pour y “enfouir” les acteurs.

Une vidéo récente partagée sur facebook par l’activiste syrienne Mimi Al Laham expose grandement cette farce avec l’inclusion de cette dernière caractéristique.

Ce qui apparaît être une vidéo des “casques blancs” est filmé dans un style technique connu sous le nom de “mannequin challenge”. Sur ce type de plan, les acteurs sont figés tandis que la caméra bouge autour d’eux pour un effet similaire d’une technique employée à Hollywood pour augmenter l’effet dramatique. Ceci a fait surface sur Youtube.

La vidéo commence avec trois hommes tentant de demeurer parfaitement immobiles alors que la caméra bouge autour d’eux. Les hommes posent dans des gravas d’un bâtiment effondré. Deux des hommes sont habillés en “casques blancs” et le 3ème homme est allongé au sol avec ses jambes partiellement ensevelies sous les gravas. Un effet son est ajouté à la bande son de manière évidente, son similaire de celui que nous pouvons entendre dans les films de guerre lorsqu’un personnage est choqué et ses oreilles sifflent et bourdonnent, juste avant que les personnages ne commencent à bouger et à crier, les volontaires commencent alors à “dégager” l’homme coincé qui feint des cris de douleurs.

A part le style du “mannequin challenge”, la vidéo n’est pas différente de toute celles inclues dans la “filmographie” des “casques blancs”. Comme toutes les “victimes” que les “casques blancs” ont “sauvées”, l’homme dans cette vidéo n’est manifestement pas blessé et est simplement couvert de poussière tout comme les manifestants en Europe étaient couverts de farine et juste comme toutes les “victimes” que les “casques blancs” ont “sauvé” en Syrie, le furent après les soi-disant bombardements.

De sérieuses questions éthiques se posent

Dans cette vidéo, les trois hommes sont indubitablement des acteurs. La “victime” a été manifestement et sans aucun doute intentionnellement et précautionneusement enfouie dans les gravas et non pas coincée en résultat d’un bombardement. Le fait que les deux autres acteurs soient complètement habillés des uniformes des “casques blancs”, acquis par les dizaines de millions d’euros fournis à l’organisation par les gouvernements occidentaux, révèle une violation potentiellement sérieuse de l’éthique, similaire aux violations du code d’éthique commises par des sauveteurs et médecins, réels eux, et qui utilisent leurs ressources et leur statut protégé à des fins politiques et militaires plutôt que pour leurs missions humanitaires réelles. (NdT: suivez notre regard….)

Les “casques blancs” sont peut-être la parfaite personnalisation de cette “opposition” syrienne. Une façade, une supercherie totalement créée par des intérêts étrangers pour diviser et détruire une nation entière, voire une région entière, tout en posant comme des héros de la “liberté”, de la “démocratie” et de la “cause humanitaire”. Pour toutes les autres ONG du monde recevant le financement des Etats-Unis et de l’UE (NdT: directement ou par procuration… USAID, NED etc…), elles devraient sérieusement considérer en quelle compagnie elles se retrouvent: celles de menteurs et de terroristes, d’acteurs qui se repaissent des bonnes intentions des gens à faire le bien tout en exploitant la misère dont ils sont eux-mêmes le plus souvent directement impliqués à créer.

Voir également:

The Mullahs’ Syrian Airlift Gets a Boost

Boeing sells 80 aircraft to an Iranian regime that uses passenger jets to supply Bashar Assad. Thank Obama’s nuclear deal.

News of the sale came as the Syrian regime closed in on the last rebel positions in Aleppo. The United Nations reports that Bashar Assad’s forces are executing civilians in their homes and on the streets. At the Security Council on Tuesday, Samantha Power, America’s U.N. ambassador, raged at Syria and its Russian and Iranian patrons. “Are you truly incapable of shame?” she asked. She went on to compare the killing fields of Aleppo with ethnic cleansing in Rwanda and Srebrenica.

Moving stuff. But since Ayatollah Khamenei and Vladimir Putin don’t bend to stirring American oratory, the speech only served to highlight the Obama administration’s capacity for self-serving moralism. Ms. Power, for one, apparently can’t see how she now resembles the diplomats she pilloried in her book “A Problem From Hell: America and the Age of Genocide.” She is still playing the idealist in the age of the disappearing red line.

The White House response to the Syrian crisis has been worse than inaction. With the nuclear deal—the altar on which Mr. Obama sacrificed Syria and America’s traditional Middle East alliances—Washington is actively lending power and prestige to the butchers of Aleppo.

Take the Boeing sale. Under Mr. Obama’s nuclear deal, the U.S. authorized the “transfer to Iran of commercial passenger aircraft for exclusively civil aviation end-use.” Some Iranian airlines, such as Mahan Air, remain sanctioned by the U.S. Treasury even after the deal. But Iran Air was de-sanctioned, notwithstanding Treasury’s determination in 2011 that it provides “material support and services” to the Islamic Revolutionary Guards Corps, or IRGC.

Boeing’s deal with the mullahs is perfectly legal, in other words, even though the line between civil aviation and military activity in Iran is blurry. Passenger airlines have for years played a central role in Tehran’s efforts to supply the embattled Assad regime and other terrorist proxies with men and materiel—what Foundation for Defense of Democracies expert Emanuele Ottolenghi calls the regime’s “Syrian airlift.”

The typical route runs from various Iranian cities to a suspected IRGC hub in Abadan, Iran, and from there to Damascus. Usually, it has been Mahan that flies this route. But publicly available tracking information suggests that Iran Air aircraft have flown it as recently as October. In many of these cases, the actual routes Iran Air flies differ from those associated with the listed flight numbers.

Even if Iran Air never uses its jets for the Syrian airlift, the fresh supply of planes would benefit the Assad regime and other Iranian proxies. New parts, services and seats would reduce the pressure on Iranian aviation and improve overall efficiency. “You can’t insulate the activities of civil aviation from the nefarious ones,” says Mr. Ottolenghi. Boeing didn’t respond to multiple requests for comment.

The nuclear deal does bar Iran Air from using the jets for noncivil aviation purposes or transferring them to Treasury-sanctioned entities such as Mahan. Under the relevant provision, Washington can withdraw or deny export licenses down the road if it concludes that the aircraft “have been used for purposes other than exclusively civil aviation end-use.”

Text is one thing and real-world enforcement another. The U.S. Treasury last May sanctioned nine aircraft associated with Mahan Air, on the grounds that the airline helps the IRGC “ferry operatives, weapons, and funds in support of the Asad regime.” Mahan had a “blockable” interest in the nine aircraft, Treasury said, and identifying them would make it “more difficult for Iran to use deceptive practices to try to evade sanctions.”

Many of the jets are still airborne today. At least one of them flew to such destinations as Paris, Kuala Lumpur and Milan as recently as this week, according to publicly available flight-tracking information. Once Boeing transfers the purchased aircraft to Iran Air, there is very little the U.S. government can do to control the end-use.

The incoming Trump administration has so far kept mum. In the coming weeks Boeing will appeal to Donald Trump’s commitment to boosting manufacturing employment to win support for the sale, pressure the president-elect will have to weigh against his oft-stated opposition to the nuclear deal.

U.S. Rep. Peter Roskam (R., Ill.), who spearheads congressional opposition to the Boeing sale, tells me in a phone interview: “Boeing has never answered this question: How are you going to prevent the Iranian regime from using these [aircraft] to support the Assad regime?” Then again, aircraft manufacturers exist to sell aircraft. It is Obama-administration alumni who will live with the consequences.

Mr. Ahmari is a Journal editorial writer based in London.

Voir de même:

Gros contrat entre l’Iran et Boeing, Airbus devrait suivre

La compagnie aérienne IranAir a annoncé dimanche l’achat de 80 avions commerciaux Boeing – cinquante 737 et trente 777 -, un contrat sans précédent entre les Etats-Unis et l’Iran depuis la révolution de 1979.

Un accord entre l’Iran et le rival européen de Boeing, Airbus, portant sur l’achat de plus d’une cinquantaine d’appareils devrait suivre dans les prochains jours, a déclaré parallèlement un responsable iranien à Reuters.

L’accord avec Boeing, annoncé d’abord par l’agence de presse Irna et confirmé par l’avionneur américain, représente un investissement de 16,6 milliards de dollars (15,7 milliards d’euros) étalé sur dix ans, précise Irna qui ajoute qu’il a été validé par les autorités fédérales américaines.

Le directeur régional de Boeing, Fletcher Barkdull, se trouve à Téhéran pour la signature de ce contrat, précise Irna.

L’accord annoncé dimanche fait suite à un accord préliminaire conclu en juin et portant sur plus de 100 appareils, a précisé Boeing.

Les appareils restants devraient faire l’objet d’une location longue durée, a ajouté l’avionneur, qui dit avoir travaillé en étroite coordination avec les autorités américaines pendant les négociations.

Les Etats-Unis ont recommencé à émettre des licences autorisant la vente d’avions de ligne à l’Iran suite à la levée des sanctions internationales imposées contre le régime de Téhéran pour son programme nucléaire.

Boeing et Airbus ont ainsi reçu le feu vert des autorités américaines pour vendre à l’Iran plus de 100 avions chacun.

AIRBUS DEVRAIT LIVRER LE PREMIER

Même si Airbus est un groupe européen, l’aval de Washington est indispensable pour vendre des avions à l’Iran car au moins 10% des composants des appareils concernés proviennent des Etats-Unis.

L’accord avec Airbus, qui porte dans un premier temps sur environ la moitié des 118 avions ayant fait l’objet d’une commande provisoire en janvier, devrait être finalisé dans les deux prochains jours, a précisé le responsable iranien.

Les premiers avions à arriver en Iran devraient être européens. Les Airbus et les appareils turbopropulsés fabriqués par ATR, dont Airbus détient la moitié du capital, devraient être livrés en 2017, les livraisons d’Airbus ne commençant qu’en 2018, selon le même responsable.

« Airbus en est à un stade plus avancé en ce qui concerne les livraisons », a-t-il dit, ajoutant que l’accord signé dimanche avec Boeing devait encore faire l’objet de discussions sur son financement.

(Bureau de Dubai, avec Tim Hepher à Paris; Henri-Pierre André et Patrick Vignal pour le service français)

Voir de plus:

Les représentants US votent contre les ventes d’avions à l’Iran

L’Orient le jour
19/11/2016
La Chambre américaine des représentants a adopté jeudi un projet de loi visant à interdire les ventes d’avions de ligne à l’Iran, cherchant ainsi à empêcher que soient honorés des contrats conclus par Boeing et Airbus, qui ont d’ores et déjà été approuvés par l’administration Obama.

Le texte a été adopté par 243 voix contre 174. La mesure interdirait au département du Trésor d’accorder les licences dont les banques américaines ont besoin pour financer la vente d’avions commerciaux. C’est là la dernière tentative en date des élus républicains du Congrès pour contrer l’accord international conclu entre l’Iran, les États-Unis et les autres grandes puissances sur son programme nucléaire, qui a eu pour conséquence la levée des sanctions internationales.
Les contrats conclus par Airbus et Boeing sur la vente ou la location de plus de 200 appareils à IranAir doivent aider l’Iran à moderniser et agrandir sa flotte d’avions vieillissante, entretenue bon an mal an grâce à des pièces obtenues en contrebande ou fabriquées de façon artisanale.
Le projet de loi a toutefois peu de chances d’être adopté sous la mandature actuelle. Il lui faudra encore faire l’objet d’un vote au Sénat, où il se heurtera à une vive opposition des démocrates. Et s’il venait à franchir cet obstacle, la Maison-Blanche a laissé entendre que Barack Obama opposerait son veto.
(Source : AFP)

Voir encore:

How Obama made Syria’s civil war much, much worse
Michael Brendan Dougherty
The Week
December 15, 2016

Aleppo has fallen. And much of the West is awash in a considerable amount of guilt over the Syrian city’s fate.

The Eiffel Tower was dark yesterday in honor of the victims of Bashar al-Assad’s regime in Aleppo. In Britain’s House of Commons, ministers grandly accused themselves of their own inaction. George Osborne, a conservative MP, said that there was « some hope for what might come out from this terrible tragedy in Syria, which is that we are beginning to learn the price of not intervening. »

The horror in Aleppo is easy to mourn, because the West is now so thoroughly not in a position to do anything to halt it, or to end the regime that inflicts it. Watchers in the West no longer have to consider the fact that preventing the horrifying situation in Aleppo would have meant creating many more horrifying scenes in Damascus with our own bombs and artillery, as the West fought a hugely costly war with the Syrian regime.

Decrying Aleppo’s fall is a freebie. We don’t have to consider who would have inherited a Western victory over Assad. As of two weeks ago, perhaps 8,000 to 10,000 rebel fighters were holed up under the constant weeks-long shelling of Aleppo. The majority of them were affiliated with al Qaeda’s Syria branches. Aleppo has its share of civilians who are sympathetic to the rebels and mortally terrified and imperiled by Assad’s regime. But those who escaped Aleppo earlier this year say that many other civilians are kept there as human shields and propaganda for the al Qaeda fighters who held the city.

The final siege of Aleppo is almost a shocking replay of the 1982 Hama massacre, committed by Hafez al-Assad, in which the Syrian militarily routed the opposition led by the Syrian branch of the Muslim Brotherhood. Now, as then, Sunni Islamist forces were crushed to secure the long term survival of the Assad dynasty.

Osborne and interventionists in the U.S. should not learn the wrong lesson from Aleppo’s fall. There was never a good plan from the West. The Spectator’s Freddy Gray described the interventionists’ 2013 thinking, and it is not flattering: « Bomb first, think later seemed to be the strategy, just as it was in Libya — and look how well that turned out. » Intervention in Syria was fantastically unpopular in Britain and America. That’s why the House of Commons, and later the U.S. Congress, ended up voting against it.

The Obama administration, although it backed away from its half-hearted push for larger intervention, still carried on covert support of the rebels. The CIA and Defense Department armed different groups (who sometimes shot at each other). The Free Syrian Army, the so-called « moderate » rebels on whom so many hopes were pinned, kept disintegrating. Even as the U.S. tried to rebrand it as the « New Syrian Force, » its fighters often defected to al Qaeda, or even ISIS. If they didn’t defect, they would sometimes just lose their new weapons to these more established radical Sunni brands. The United States was allied with the allies of al Qaeda in Syria, and carried out its covert missions under the 2001 AUMF that authorized the U.S. to fight al Qaeda. It’s dizzying.

Along the way, the U.S.’s half-hearted intervention possibly created the worst of all worlds. It encouraged people to invest themselves in a doomed fight much longer than was necessary. It caused rebels to place their hopes in a more broad intervention that was never coming. And it lengthened one of the most disastrous civil wars of the modern era, one whose aftershocks and refugee flows have brought terror to Europe and helped empower a resurgent nationalism that is shaking the political and economic foundations of the European Union.

Lastly, the U.S. having involved itself just enough to look like a loser, ceded initiative to its chief geopolitical rival, Russia. Not only did Obama help make Syria one of his own « losses, » he paved the way to make it look like a Russian win over the United States and radical Sunni Islam. It’s a disaster.

But if the U.S. really wanted to overthrow Assad, the likeliest outcome was the disaster that has afflicted Syria and, to a lesser degree, Iraq: multiple groups claiming the right to govern, and the flourishing of ISIS in the midst of the disorder. That’s the choice Obama backed into, either giving Russia a geopolitical boost, or becoming an agent of chaos again.

On top of the horrors in Aleppo’s fall is the dreadful reality that even this may not bring about the end of the war. Positions in Syria that had been recaptured by the government forces and Russia have been abandoned to the control of ISIS. That ISIS recaptured Palmyra was a particularly significant propaganda coup as the Russians had flown in a symphony orchestra to play in its picaresque ruins in celebration of its liberation last year. But taking Aleppo means that the Assad regime has control of the major cities of his nation again, if not the periphery.

The horrors in Aleppo are all too real. Honoring the memory of the dead in Syria will require much more serious reflection by our leadership class than what we’ve seen this week. Turning the Eiffel Tower into a memorial for al Qaeda’s dead, and mourning our lost chance at a wider war that had no plausible happy ending, is just another grotesquerie in a long parade of disasters in this region.

Voir aussi:

L’Iran a fait capoter l’accord sur la reddition d’Alep

Même alliés, l’Iran et la Russie ne poursuivent pas les mêmes objectifs en Syrie. Et ce sont les habitants d’Alep-Est qui en font les frais

Luis Lema
Le Temps

14 décembre 2016

Le calvaire se poursuit. Toute la journée de mercredi, les bombes ont continué de s’abattre sur les derniers kilomètres carrés d’Alep-Est qui échappent encore au contrôle de l’armée syrienne. Quelque 50 000 personnes restent donc à la merci des canons. L’annonce, mardi soir, d’un accord de reddition des forces rebelles n’y a rien pu. Bien au contraire: alors que des centaines d’habitants de l’enclave bombardée se pressaient dans les rues dans l’espoir d’embarquer dans des autobus censés les sortir de l’enfer, les bus sont repartis vides. Les bombardements ne tardaient pas à redoubler, amenant les habitants à courir en tous sens pour essayer de sauver leur vie.

La Turquie médiatrice

Cette manière de susciter les espoirs de la population avant de les enterrer tout aussitôt a été qualifiée mercredi à Genève d’«outrageusement cruelle» par le commissaire de l’ONU aux droits de l’homme Zeid Ra’ad al-Hussein.

L’ONU, en réalité, a été tenue à l’écart de cette tentative d’accord d’évacuation, tout comme les Etats-Unis. Malgré les dizaines d’heures passées à cela par l’émissaire de l’ONU Staffan de Mistura, malgré les rencontres en série tenues par le chef de la diplomatie américaine John Kerry, c’est la Turquie qui avait négocié cette capitulation d’Alep, en se posant en médiateur entre les rebelles syriens et Moscou.

Ce rôle joué par la Turquie est le reflet de la marginalisation de l’actuelle administration américaine ainsi que d’une «communauté internationale» réduite à étaler son impuissance en poussant des hauts cris. Mais ces circonstances semblent aussi expliquer l’échec de l’application de la trêve. A la dernière minute, aussi bien Damas que l’Iran semblent en effet avoir ajouté de nouvelles conditions à l’accord russo-turc, faisant voler en éclats un dénouement conclu sans leur assentiment.

Deux villages alaouites assiégés

Selon des informations reprises au conditionnel par le Haut-commissariat aux droits de l’homme, ce sont en effet des milices iraniennes pro-Assad qui auraient arrêté le premier convoi d’autobus, alors même qu’il s’était déjà mis en route pour quitter la ville. A Genève, une source diplomatique qui suit de près le dossier se montre plus claire: «L’Iran veut exploiter au maximum la situation. Il veut qu’on reconnaisse le rôle central qu’il a joué dans la bataille d’Alep, quitte à froisser quelque peu son allié russe.»

Loin de se ranger derrière l’accord conclu par Moscou, Téhéran exigerait en effet que l’évacuation des milliers de personnes qui restent à Alep-Est soit conditionnée au départ d’une partie des habitants de Foua et de Kefraya. Ces deux villages chiites sont assiégés depuis des mois par les rebelles syriens. Distantes de quelques dizaines de kilomètres à peine d’Alep, les deux enclaves se trouvent dans la province voisine d’Idlib, encore aux mains de la rébellion syrienne. Encerclés de toute part, les habitants chiites ne doivent leur survie qu’aux forces du Hezbollah, le mouvement chiite libanais pro-iranien, qui assure leur défense. Bien plus: c’est précisément en mettant en avant le sort de cette population chiite que le Hezbollah avait notamment justifié son intervention en Syrie aux côtés du régime de Bachar el-Assad.

«En soulageant les conditions de vie de cette population chiite, Téhéran et le Hezbollah donneraient encore plus d’ampleur à leur «victoire» à Alep, note la même source. Aujourd’hui, ce sont eux qui tiennent le couteau par le manche, puisqu’ils ont le droit de vie ou de mort sur les habitants d’Alep-Est. Selon leur logique, il faudrait être fou pour se priver de ce moyen de pression.»
Même si la chute d’Alep-Est a été préparée par le lourd bombardement de l’aviation russe, ce sont bien les milices iraniennes et chiites qui ont fourni le gros des troupes sur le terrain ces dernières semaines. Impuissants face à ce déferlement de force, les rebelles ont d’ailleurs envoyé mercredi des salves de roquettes sur Foua et Kefraya, comme pour mieux enterrer tout espoir de résolution rapide.

Mercredi, le chef de la diplomatie russe Sergueï Lavrov s’est entretenu au téléphone avec son collègue iranien Javad Zarif sur la «nécessité de venir en aide à la population d’Alep». Les termes exacts de la capitulation d’Alep-Est dépendaient sans doute de cette conversation entre les deux alliés un peu en froid. Mais en attendant, les dizaines de milliers de civils piégés à Alep-Est s’apprêtaient à vivre une nouvelle nuit de cauchemar.

Voir de plus:

Liz Peek
The Fiscal Times
 November 23, 2016

Finally, we know President Obama’s true legacy – a sore loser who wants to prolong his successful eight-year run of dividing Americans.

Notwithstanding that voters just handed the president a convincing rebuke, The New York Times reports that Obama wants to join the many leftist organizations organizing to fight Donald Trump. He told a group of activists with Organizing for Action that he would join their efforts quite soon — once he again becomes a private citizen. In a recent interview with The New Yorker, he said he felt “some responsibility to at least offer my counsel” to Democrats working to resist Trump.

Do Democrats want Obama’s counsel? Given that he has presided over a disastrous eight years, it seems unlikely. But then the party of Hillary and Obama is not burdened with introspection. They have looked far and wide for the reasons that a political neophyte interrupted the coronation of Hillary Clinton and have settled on sexism, racism, “fake” news stories and the conservative media. It is the rare voice that timorously points out that maybe voters didn’t want any more of what Democrats had to offer.

To be fair, and despite the popular impression to the contrary, it is not unprecedented for a former president to criticize his successor. Carter lambasted Bush2, Eisenhower complained about JFK’s domestic policies and Teddy Roosevelt called Taft a “puzzlewit” and “fathead”, laying to rest the notion that name-calling, too, is new to our age.

But Obama will go down as the only president in history to spend eight years vociferously criticizing both his predecessor and his successor. According to Obama, nearly every problem facing the nation, even in the eighth year of his presidency, can be ascribed to George W. Bush. The remainder can be blamed on Donald Trump. That is quite the legacy.

You have to wonder: has Obama ever considered that his party’s resounding defeat in the 2016 election was a referendum on his policies? That, just as in 2010 and 2014, voters decided they didn’t like Obamacare, the Iran deal, the sluggish economy, the liberal social agenda, the sluggish response to ISIS, the IRS scandal and his Justice Department’s slip-shod investigation into Hillary Clinton’s use of a private server? That maybe he was wrong on some issues?

Whereas other presidents who have received a “shellacking” in midterm elections make adjustments or shake up their cabinets, Obama has never veered from the north star of his liberal righteousness. He never faltered in lauding Obamacare, skirting Congress, pushing amnesty for people who entered the country illegally, favoring Black Lives Matter, unilaterally imposing crushing environmental regulations and the numerous other unpopular policies that absorbed his attention.

When the people smacked him hard in the off-year elections, he and his acolytes attributed his shortcomings on a failure of messaging; if only people understood Obamacare better, the White House argued, they would come around to its wondrousness. As premiums rose and doctor choices shrank, he still did not admit its imperfections. When it turned out the Iran deal was foisted on a suspicious public through a series of lies, Obama maintained its virtues, even as many Americans knew better.

Obama has surrounded himself for eight years with people who tell him what he wants to hear – that his every idea is excellent. People who deviate from the script, like former Lt. General Michael Flynn who sounded unpleasant alarms about the threat of ISIS, find themselves out the door in quick order. Military leaders, in particular, have been culled by this president who, according to former Defense Secretaries Robert Gates and Leon Panetta, did not respect his armed forces’ chiefs and in fact rarely met with them.

Donald Trump has been criticized for saying he knows more than the Pentagon brass, and rightly so. But whereas that comment is typical Trump bravado, Obama apparently actually thinks he knows more than his generals and is not above telling them so. As Gates wrote in his memoir Duty, “The controlling nature of the Obama White House and the staff took micromanagement and operational meddling to a new level.”

Not only did Obama not take the advice of his military chiefs, he never even met with them. At a recent Congressional hearing, four top military figures testifying on national security were asked whether they had voiced concerns to Obama. Each one said no, they had never met the man. Flynn, recently appointed incoming National Security Advisor head by Trump, was fired in 2012 when he dared to disagree with Obama. Even though he headed the Defense Intelligence Agency, he never had an interview with the president.

The president is apparently unmoved by the gracious behavior of his predecessor George W. Bush, who rarely criticized President Obama despite the constant drubbing he received from his inexperienced successor. It is traditional that an outgoing president allows his successor some space; that apparently will not be Obama. He is so convinced that he is right, and that Trump is wrong – even before the latter gets rolling – that he will not disengage.

Shame on Obama. This country needs to heal after one of the most vicious elections in our history. Obama should take some responsibility for the divisions that have opened under his leadership. He should call off the demonstrators, and especially those breaking windows and torching cars, and explain how a democracy works. The country did not get to this place by itself; it is Obama’s policies that have angered voters and that lofted Trump to the Oval Office. It is time for Obama to leave the scene.

Voir encore:

Fin des opérations contre le PKK à Cizre

L’Orient le jour
12/02/2016

Les opérations conjointes militaires et policières particulièrement meurtrières menées, depuis deux mois, contre les rebelles kurdes dans le bastion kurde de Cizre, au sud-est de la Turquie, ont pris fin, a annoncé hier le ministre turc de l’Intérieur, Efkan Ala.

« Les opérations contre l’organisation terroriste (Parti des travailleurs du Kurdistan, PKK) ont pris fin ce jour avec grand succès », a-t-il dit, cité par la presse, indiquant cependant que le couvre-feu imposé depuis le début de l’offensive sera maintenu afin, selon lui, d’assurer le retour des habitants qui ont fui les combats. Le ministre a souligné que les forces de l’ordre avaient « entièrement pris le contrôle » de la ville où, comme dans d’autres localités du Sud-Est anatolien à majorité kurde, les rebelles kurdes avaient lancé une « insurrection », la guérilla urbaine armée ayant creusé des tranchées et érigé des barricades sur ces sites.

Cizre, proche de la frontière syrienne et irakienne, qui a été vidée de la quasi-totalité de ses 120 000 habitants, poussés à l’exode, a été un emblème de la reprise des combats l’été dernier entre Ankara et le mouvement kurde armé, après une accalmie de deux ans. La ville a été bouclée et aucun journaliste ni observateur indépendant n’a été autorisé à y pénétrer.
Selahattin Demirtas, le chef du parti prokurde HDP (Parti de la démocratie des peuples), troisième force politique au Parlement, a accusé en début de semaine le pouvoir turc d’avoir commis un « massacre » à Cizre, ce qui a été catégoriquement démenti par les autorités. Les combats dans la zone kurde ont fait de nombreux morts de part et d’autre (250 militaires et policiers et plus de 750 rebelles, selon l’armée), et quelque 200 civils auraient perdu la vie depuis l’instauration du couvre-feu, selon les ONG.

Parallèlement, tôt hier matin, les sièges de deux quotidiens proches du gouvernement ont été visés, à Istanbul, par des attaques attribuées par les autorités aux rebelles kurdes. Les deux attaques n’ont fait aucun blessé, uniquement des dégâts matériels mineurs.
(Source : AFP)

Voir également:

L’étude de l’islam de l’institut Montaigne est fracassante
Eric Le Boucher

Slate

20.09.2016

Ne va-t-on rien en tirer?

L’étude de l’islam en France conduite par l’Institut Montaigne n’aura-t-elle aucune suite? Les réactions ont été convenues, business as usual, les rassurés sont rassurés et les alarmés alarmés. Point final. Fermer ce rapport, classez-le dans un tiroir.

Cette étude inédite mérite beaucoup mieux. Ses résultats sont fracassants. Elle perce pour la première fois le brouillard. Comme les statistiques «ethniques» sont interdites en France, nous ne disposions d’aucune cartographie des musulmans. La science est évacuée, la connaissance nulle, on s’en remet à l’intuition et à l’idéologie. Ici, comme très souvent dans ces sujets polémiques, les carottes de la pensée sont précuites. Les optimistes pensent que l’intégration des musulmans est lente, certains admettent qu’elle est difficile, mais elle est en cours, soyez patients et tolérants. Les pessimistes pensent que c’est impossible, que le modèle français qui a intégré Bretons, Italiens et juifs, bute sur l’islam, une religion particulière. Soyez impatients et «identitaires».

Cette étude devrait au minimum conduire au lancement d’autres enquêtes du même type pour l’infirmer, la conforter, la préciser. Elle devrait aussi conduire à une révision considérable des politiques publiques.

Outil de rébellion
Son résultat fracassant est que l’islam est utilisé pour une large fraction de la population musulmane jeune, 28% ou 12% selon ce qu’on compte, «comme l’outil de rébellion contre la société française et l’occident en général», conclut l’auteur Hakim El Karoui.

Je souligne que 28% ou 12% ce n’est pas du tout pareil, il faudrait savoir! Mais dans les deux cas, c’est très grave pour les responsables de l’islam de voir leur religion utilisée comme un outil de révolte. C’est très grave pour les dirigeants politiques de voir que cette rébellion ne régresse pas, tout à l’inverse. Elle s’étend pour beaucoup de raisons fondamentales, économiques et géopolitiques (les conflits du Moyen-Orient), qui dépassent la France de loin.

Dire cela, est admettre la petitesse de la dispute des partis politiques français sur le nombre de flics, ou l’enfermement des fichés S. Est démontré que la seule réponse sécuritaire ne suffira pas et qu’elle est même peut être contre-productive puisque la répression provoque la radicalisation. L’interdiction du voile à l’école qui date d’il y a douze ans le montre. Aujourd’hui, explique l’étude, «environ 60% des 1029 enquêtés considèrent que les jeunes filles devraient pouvoir porter le voile au collège et au lycée». On a lu: 60%. Et il y a pire pour les tolérants: «Contrairement à l’opinion dominante qui voudrait que les hommes soient plus conservateurs que les femmes, le port du voile est rejeté par 26% des hommes mais seulement par 18% des femmes (…) Ces résultats témoignent d’une adhésion idéologique d’une part importante de la population féminine musulmane au port du voile, allant jusqu’à l’acceptation du voile intégral (pour 28 % des femmes)». Le voile est un outil de révolte ou, plus pacifiquement, l’affichage d’une «fierté islamiste». Dans ce cadre, on comprend pourquoi l’interdire renforce la volonté de le porter.

On va se rassurer. L’islam en France c’est, dit l’institut Montaigne «une majorité silencieuse, très souvent pratiquante mais sans conflit majeur avec les normes de la société française, d’une part; une minorité, attirée par le fondamentalisme, qui utilise l’islam pour dire sa révolte, d’autre part». La majorité des musulmans s’intègrent et respectent les valeurs de la République. Les jeunes des banlieues se révoltent? Mais ne le sait-on pas depuis le film La Haine de Kassovitz en 1995? Rien de neuf. Sauf que les comportements de radicalisation de ces jeunes musulmans démontrent que «ça ne va pas mieux» avec le temps. Les raisons extérieures, les pays arabes broyés par le jeu des grandes puissances occidentales, le conflit israélo-palestinien, comme les motifs intérieurs, les échecs scolaires, la faible qualification, les discriminations à l’embauche notamment, le chômage massif: tout agit dans le sens d’une aggravation.

Nous allons vers de plus en plus de difficultés d’intégration pas vers de moins en moins
L’étude ne dit que cela, mais c’est cela qui est fracassant. Nous allons vers de plus en plus de difficultés d’intégration pas vers de moins en moins. «On peut le déplorer, s’en féliciter, vouloir le combattre ou le respecter, ce fait social est bien réel. Il faut le traiter, dans le contexte qui est le nôtre -celui d’une violence terroriste et sans limite perpétrée au nom de l’islam, qui rend angoissant pour une majorité de Français le mouvement d’affirmation identitaro-religieux voire théologico- politique qui est à l’œuvre».

Que faire? D’abord prendre connaissance de ces comportements et de leurs explications. Il n’est que temps de rompre l’interdiction des statistiques ethniques. Ensuite, l’institut Montaigne fait des propositions pour que l’Etat aide les musulmans à se saisir enfin eux-mêmes de la lutte contre le fondamentalisme. Lever les ambiguïtés, assurer le financement, mettre fin à la tutelle des Etats étrangers, etc. Le gouvernement français a fait beaucoup de tentatives d’organisation de l’islam de France, aucune n’a réussi. Jean-Pierre Chevènement en est désormais la nouvelle cheville ouvrière. C’est, plus que la répression, le travail clé. Il en est un autre, autour des volets formation, travail, politique de la ville. L’échec est là plus que patent. Toutes les autorités, l’Ecole, le Medef, les ministères du travail, ont en vérité baissé les bras. L’institut Montaigne sonne l’urgence d’un réveil. Et on attend les propositions des candidats à la présidentielle.

Voir encore:

En Allemagne, un meurtre alimente le débat sur l’accueil des réfugiés

Le gouvernement dénonce les « amalgames » faits par le parti d’extrême droite AfD.

Thomas Wieder (Berlin, correspondant)

Le Monde

08.12.2016

Quand un fait divers a droit, le même jour, à la « une » de Bild, le plus célèbre tabloïd allemand, et à la page trois de la Süddeutsche Zeitung, un quotidien qui s’intéresse généralement assez peu à ce type d’événement, c’est qu’il est justement un peu plus qu’un simple fait divers. Il en est ainsi du meurtre de Maria L.

Mercredi 7 décembre, les deux journaux ont consacré une large place au destin tragique de cette étudiante en médecine de 19 ans, dont le cadavre a été repêché dans une rivière, le 16 octobre, à Fribourg-en-Brisgau (Bade-Wurtemberg), et dont le meurtrier présumé, un réfugié afghan de 17 ans, a été arrêté, vendredi 2 décembre, après que les enquêteurs ont retrouvé des traces de son ADN sur le corps de la victime, qui a été violée avant sa mort.

C’est au lendemain de l’arrestation du jeune homme, un demandeur d’asile arrivé en 2015, que l’affaire a pris un retentissement national. En cause : le choix de la télévision publique ARD de ne pas en parler, samedi, dans son journal de 20 heures. Une décision justifiée, selon les responsables de la chaîne, par la portée seulement « régionale » de l’événement. Un silence interprété par d’autres, au contraire, comme une volonté de la « presse mensongère » d’étouffer un crime qui, à leurs yeux, illustre le danger que représente l’arrivée massive de réfugiés en Allemagne au cours des derniers mois.

« Beaucoup de victimes auraient pu être évitées »

« Nous sommes bouleversés par cet acte et nous constatons que nos avertissements concernant la venue incontrôlée de centaines de milliers de jeunes hommes issus de cultures islamo-patriarcales sont qualifiés de populistes », a ainsi commenté Jörg Meuthen, l’un des dirigeants du parti d’extrême droite Alternative pour l’Allemagne (AfD). Il n’est pas le seul à avoir réagi dans ce sens. Rainer Wendt, patron du syndicat policier DPolG, a estimé, quant à lui, que « cette victime et beaucoup d’autres auraient pu être évitées, si [leur] pays avait été préparé aux dangers qui vont de pair avec une immigration massive ».

Contre ce qu’ils considèrent comme un « amalgame », les principaux responsables politiques du pays se sont exprimés sur l’affaire. « Nous devons éviter que ces faits épouvantables alimentent la haine. (…) De tels meurtres odieux existaient bien avant que le premier réfugié venu d’Afghanistan ou de Syrie n’arrive » en Allemagne, a déclaré Sigmar Gabriel, ministre de l’économie, vice-chancelier et président du Parti social-démocrate (SPD).

« De tels délits sont évidemment dramatiques et doivent faire l’objet de poursuites. (…) Mais, pour autant, il ne faut pas tirer des conclusions sur l’ensemble d’un groupe », a affirmé, quant à elle, la chancelière, Angela Merkel, lundi soir.

Crainte d’un basculement

Il est rare que M. Gabriel et Mme Merkel commentent ainsi un fait divers. De ce point de vue, leur choix d’intervenir en dit long sur leur crainte de voir l’opinion publique basculer dans le sens d’un rejet des immigrés. La chancelière a pu s’en rendre compte, mardi, lors du congrès de son parti, l’Union chrétienne démocrate (CDU), à Essen (Rhénanie-du-Nord-Westphalie).

Lors de son discours, ce sont en effet les passages les plus durs sur les questions identitaires et migratoires qui ont été le plus applaudis. Quand elle a, par exemple, expliqué que « le droit allemand prévaut sur la charia » et affirmé vouloir « interdire » le voile intégral. Ou encore quand elle a assuré que le gouvernement était déterminé à expulser tous les demandeurs d’asile déboutés.

Il n’est pas certain, cependant, que de telles déclarations suffisent à apaiser le débat. En témoigne, justement, la question posée mercredi à la « une » de Bild : « Les réfugiés ont-ils un problème avec les femmes ? » Une question qui a suscité, sur les réseaux sociaux, des réponses d’une grande violence raciste. Avec, bien souvent, un lien établi entre le cas de Maria L. et les agressions commises contre plus de 500 femmes à Cologne, le 31 décembre 2015.

Presque un an plus tard jour pour jour, le gouvernement allemand sait qu’il a tout intérêt à empêcher qu’un tel lien se fasse dans les esprits. A dix mois des prochaines élections législatives, lors desquelles elle briguera un quatrième mandat de chancelière, c’est la seule chose que peut attendre Mme Merkel : que ce fait divers reste un simple fait divers.

Voir par ailleurs:

En mer de Chine, le tournant de la militarisation

Des îles dont la souveraineté est contestée ont été équipées de missiles et de radars par Pékin, marquant une escalade des tensions dans la région

Frédéric Lelièvre, Hongkong
25 février 2016

Des missiles, des radars et des avions de chasse sur une poignée d’îlots stratégiques. En quelques jours, Pékin a montré que les tensions diplomatiques en mer de Chine méridionale devenaient également militaires. Des tensions qui concernent des territoires à la souveraineté contestée au large du Vietnam, des Philippines et de la Malaisie. Selon certains calculs, Pékin revendique 90% des 3,5 millions de km2 de cette mer.

Mercredi matin, les Etats-Unis ont fait savoir que des chasseurs de l’armée chinoise avaient été envoyés sur une île, Woody (Yongxing en chinois), de l’archipel des Paracels. Or c’est sur ce même îlot que la semaine passée la présence d’une batterie de missiles sol-air a été révélée par des photographies. Mardi soir, des radars sur un autre archipel, plus au sud, celui des Spratleys, ont en outre été mis à jour. Mercredi, l’amiral américain en charge du Commandement pacifique a jugé que la Chine était «clairement en train de militariser» les îlots qu’elle a artificiellement développés ces dernières années.

«Une militarisation inévitable»

Pour John Kerry, cette militarisation est «regrettable» et source de «grande inquiétude pour qui navigue» dans ces eaux, par lesquelles transite un tiers du commerce mondial. Le secrétaire d’Etat américain recevait mardi son homologue chinois. Wang Yi a répliqué que ces installations sont «cohérentes avec le droit qu’a la Chine d’assurer sa protection» et a pointé les actions ou manœuvres militaires des autres pays de la région, et celles des Etats-Unis.

«Les constructions réalisées par la Chine laissaient penser qu’elles finiraient par servir des buts militaires, mais nous assistons à un tournant car la militarisation entre dans une phase concrète», réagit Sébastien Colin. Chercheur au Centre d’études français sur la Chine contemporaine, il organisait ces jours avec l’Université baptiste de Hongkong une série de séminaires consacrée à ce dossier. Il est en particulier question de la maîtrise des mers dont les Etats-Unis jouissent depuis la fin de la Seconde guerre mondiale.

«La militarisation était inévitable, confirme Li Mingjiang, professeur à l’Université Nanyang de Singapour, et invité à Hongkong. La Chine ne fait que rattraper son retard concernant des espaces qu’elle considère sous sa souveraineté. D’autant qu’elle a investi des milliards pour développer ces îlots.»

En septembre dernier, lors de sa visite aux Etats-Unis, le président chinois Xi Jinping avait pourtant annoncé qu’il n’armerait pas ces îles. «Il y a un décalage entre la parole et les actes. Cela fait désordre», poursuit Sébastien Colin.

Des inquiétudes autour «de nouveaux incidents» entre la Chine et les Etats-Unis

A l’avenir, Li Mingjiang redoute des accrochages entre les deux grandes puissances rivales. Des bateaux de pêche chinois pourraient, imagine-t-il, être envoyés pour stopper la progression d’un croiseur américain patrouillant dans la région. «La Chine a jusqu’ici fait preuve de retenue, or la colère monte à Pékin.»

Tran Truong Thuy, de l’Académie diplomatique du Vietnam, un des pays qui revendique certains îlots, redoute lui aussi «de nouveaux incidents» entre Chinois et Américains. Hanoï a certes qualifié les installations de missiles sur l’île Woody de «grave violation» de sa souveraineté, mais reste proche de Pékin. «Les grands pays de la région ne souhaitent pas prendre parti entre les Etats-Unis et la Chine», observe Tran Truong Thuy, parce que les enjeux économiques avec leur grand voisin sont trop importants. Même si elle tourne au ralenti, l’économie chinoise joue un rôle majeur. Sans oublier que Pékin leur fait miroiter des milliards d’investissements en infrastructure grâce à la construction de la Nouvelle route de la soie.

Ces enjeux expliquent pourquoi nombre de spécialistes locaux minimisent l’importance de la militarisation. C’est le cas de Chin Yoon Chin, amiral à la retraite, et directeur de l’Institut maritime de Malaisie. «N’exagérons pas, assure-t-il. Jusqu’ici, aucun bâtiment n’a été empêché d’effectuer ses manœuvres. Il n’y a donc pas de conflit. En outre, il pourrait se passer encore cinq ans avant que les installations militaires chinoises soient réellement opérationnelles. Les médias, américains en tête, sous-estiment les difficultés techniques pour les mettre en service.»

Une décision de justice pourrait cependant «changer la donne», soutient Li Mingjiang. Il s’agit de l’arbitrage de la Cour permanente de la Haye entre les Philippines et la Chine au sujet de plusieurs territoires. La décision, qui ferait jurisprudence, est attendue d’ici l’été.

Voir enfin:

Mer de Chine: la Cour d’arbitrage de La Haye donne tort à Pékin

Le Temps

12 juillet 2016

Dans le conflit opposant la Chine aux Philippines, la Cour permanente d’arbitrage de La Haye juge que Pékin a occupé des territoires sans base juridique (avec une carte)

La Cour permanente d’arbitrage de La Haye juge que Pékin occupe des territoires sans base juridique en mer de Chine méridionale. Elle a publié ce mardi un arrêt à ce sujet, très attendu, et rendu dans un climat international particulièrement tendu.

Selon l’arrêt, la prétention chinoise à contrôler une large portion de la mer de Chine méridionale, le long de la «ligne des neufs traits» (nine-dash line) n’a pas de validité juridique. Les îlots occupés aujourd’hui par la Chine n’ont jamais connu d’occupation humaine permanente et ne peuvent donner lieu à des revendications de souveraineté.

La Chine ne peut pas non plus réclamer une zone économique exclusive autour des îlots puisque ceux-ci ont été rehaussés artificiellement, mais ne sont pas des terres émergées à proprement parler.Très dur pour Pékin, l’arrêt estime enfin que ses revendications à l’encontre des Philippines en mer de Chine du Sud sont illégales et que la Chine a sévèrement endommagé l’écosystème marin par ses actions, violant ainsi ses obligations internationales.

Un dossier sous tension

En 2013, le gouvernement philippin avait appelé la Cour permanente d’arbitrage à juger illégale la souveraineté revendiquée par Pékin sur une série d’îlots situés sur une des voies maritimes les plus fréquentées. Le cas du récif de Scarborough est un des points de tension. Il est situé à 220 kilomètres des côtes philippines, mais à plus de 1000 kilomètres de la Chine.

Pour asseoir ses revendications, la Chine a agrandi des îlots ou récifs ailleurs en Mer de Chine et y a implanté pistes d’atterrissage, ports et autres installations dont, récemment, quatre phares sur des récifs, et un cinquième en cours de construction, a précisé lundi Chine nouvelle.

Pékin réagit en refusant l’arbitrage

Les autorités chinoises ont d’ores et déjà décidé de ne pas tenir compte de cet arrêt. La Chine «n’accepte ni ne reconnaît» l’arbitrage, ont-elles réagi mardi. Le verdict de La Haye n’est qu’un «bout de papier», tonnait ce lundi le Global Times, tandis que le Quotidien du Peuple, un autre média au service du pouvoir chinois, jugeait que la Chine était «victime» d’une cour acquise aux intérêts des Etats-Unis.

De leur côté, les Philippines saluent la décision, a déclaré mardi le ministre philippin des Affaires étrangères, tout appelant à la retenue. «Nos experts étudient (la décision) avec le soin et l’exhaustivité que cette décision arbitrale significative mérite. En attendant, j’appelle toutes les parties concernées à faire preuve de retenue et de sobriété», a ajouté le chef de la diplomatie de Manille Perfecto Yasay.

Les Etats-Unis aussi sont satisfaits. Le rejet par une Cour d’arbitrage de La Haye des prétentions territoriales de Pékin sur la mer de Chine méridionale est «une importante contribution à une solution» concernant les disputes de souveraineté dans la région, a estimé mardi le Département d’Etat américain.


Boucliers humains: A Alep comme à Gaza, la désinformation vaincra (After Beirut and Gaza, Aleppo: Will the West ever learn ?)

16 octobre, 2016
beyrouthhumanshields hamashumanshields

Men and civil defence members look for survivors from under the rubble after an airstrike on the rebel held village of Taftanaz eastern countryside of Idlib, Syria, August 13, 2016. REUTERS/Ammar Abdullah

pallywoodeuropeQuelle est l’alternative (en Syrie)? L’alternative est-elle d’ajouter encore des milliers de morts aux 450.000 personnes qui ont déjà été tuées. Qu’Alep soit complètement envahie? Que les Russes et Assad bombardent partout indistinctement dans les jours à venir pendant que nous regardons cela impuissant? L’alternative, c’est essayer d’obtenir tout de même quelque chose puisque l’Amérique ne veut pas intervenir avec ses troupes. Or, l’Amérique a pris la décision de ne pas intervenir militairement en Syrie. Le Président a pris cette décision. John Kerry
Bachar el Assad ne mériterait pas d’être sur la terre. Laurent Fabius
Al Nosra fait du bon boulot. Laurent Fabius
La guerre ne sert à rien. Elle ne fait que renforcer les djihadistes. Jean-Marc Ayrault
La politique de la France est claire… Nous avons une stratégie, une vision. Jean-Marc Ayrault
Si le choix est entre Bachar et DAECH, il n’y a pas de choix. Jean-Marc Ayrault
Le régime syrien a confirmé avec une brutalité inouïe son objectif. Objectif qui n’a rien à voir avec la lutte contre le terrorisme, l’objectif c’est la capitulation d’Alep. Nous avons tous en mémoire Guernica, Srebrenica, Grozny. Ce qui se déroule à Alep est la répétition de cette tragédie. Jean-Marc Ayrault
A propos de la situation humanitaire autour d’Alep. Pensez-vous que nous avons oublié comment les forces aériennes des États-Unis ont bombardé un hôpital en Afghanistan, au cours duquel ont péri des collaborateurs de l’organisation Médecins sans frontières? Ou bombardé des fêtes de mariages où jusqu’à 100 personnes ont péri en Afghanistan, puis maintenant au Yémen ce qui vient de se passer, lorsque, avec une seule bombe, 170 personnes ont été tuées, 500 blessées lors d’une cérémonie funéraire. Quoi qu’il en soit, partout où se déroulent des conflits armés, bien malheureusement meurent et souffrent des gens qui n’y sont pour rien. Mais nous ne pouvons permettre aux terroristes de se protéger derrière des civils qu’ils utilisent comme des boucliers humains, et nous ne pouvons permettre qu’ils fassent chanter le monde entier lorsqu’ils ont pris quelqu’un en otage, le tuent et le décapitent. Si nous voulons mener cette guerre à son terme avec les terroristes, il faut alors se battre contre eux, mais ne pas aller vers eux en s’inclinant, et se retirer à reculons. (…) À Alep la situation est contrôlée par une autre organisation terroriste qui s’appelle Jabhat al Nusra. Elle a toujours été considérée comme une aile d’Al-Qaïda et figure dans la liste des organisations terroristes établie par l’ONU. (…) Ce qui choque et nous étonne c’est le fait que nos partenaires, et plus précisément américains, d’une façon ou d’une autre tentent sans cesse de sortir le dialogue sur le terrorisme de ses limites propres. Et je vais vous dire pourquoi. Il me semble que nos partenaires systématiquement et constamment reviennent sur les mêmes travers, ils veulent utiliser le potentiel militaire de ces organisations terroristes et radicales pour accomplir leurs buts politiques ; et dans ce cas pour combattre le président Assad et son gouvernement, ne comprenant pas que plus tard ils ne réussiront pas à mettre ces terroristes de côté, dans un coin, et les contraindre à vivre selon les lois et le droit civilisés, s’ils arrivaient à vaincre quelqu’un. Vladimir Poutine (TF1)
Obama handling of Syria continues to become more incoherent and more damaging to American interests. Putin has not only, thanks to White House dithering and irresolution, managed to reinsert Russia into Middle East politics in a spoiler role and his gains have not just included a deepening and commercially beneficial relationship with Iran and the weakening of the European Union and Merkel’s leadership in it over the refugee issue; he has also, thanks to the incoherence of American policy, managed to drive a thick wedge into NATO by further alienating Turkey from the West and, especially Washington. As for what a naive and vainglorious President Obama once (back in those days when he collected Nobel Peace Prizes and was hailed as the second coming of Abraham Licoln by a clueless and infatuated press corps) identified as a central goal of his foreign policy—the reconciliation of America with the Muslim world—his callous abandonment of the Syrian Sunnis to their increasingly genocidal foes has done as much, if not more, to tarnish America’s reputation among Sunni Arabs than anything any of his predecessors managed to do going back to Harry Truman. The issues in Syria are difficult and the alternatives are few, but President Obama’s Syria policy is one of the shabbiest and sorriest displays of serial ineptitude that has unfolded in world politics in all these many years. That his emissaries and representatives attempt to cover the nakedness of their policy with grandiose rhetorical denunciation of the crimes that Obama’s incompetence has enabled merely underscores the horrifying moral and political emptiness of the President’s approach to world politics. Walter Russell Mead
Le report sine die de la visite du président russe à Paris, pourtant prévue de longue date, est un nouvel épisode du burlesque qui guide notre diplomatie depuis presque cinq ans. L’inauguration de la cathédrale orthodoxe du quai Branly était l’occasion pour la France de se replacer dans le jeu diplomatique alors que les relations américano-russes sont au plus bas. Mais François Hollande n’a pas eu le courage de préserver l’indépendance de la France. Il a préféré rallier in extremis les bons élèves du camp occidental. Dans une séquence improvisée, François Hollande a benoitement livré au micro de TMC ses hésitations. (…) Il laisse la décision à Vladimir Poutine. Et Vladimir Poutine de lui répondre moqueur :  “je viendrai quand François Hollande sera prêt”. Comme si Hollande n’était pas vraiment dans son assiette. Pas vraiment maître de lui même. Après tout, la France doit parler à Moscou pour exister sur la scène internationale. Mais la Russie n’a pas besoin de Paris pour compter dans le monde. Désireux de se ressaisir et de dissiper ce perpétuel sentiment de flou, François Hollande a tenté devant l’Assemblée du Conseil de l’Europe de prouver qu’il avait un cap, qu’il avait la carrure de Vladimir Poutine. Il a ainsi prétendu avoir reporté l’entrevue suite à ”un désaccord majeur entre la Russie et la France ». Mais c’est trop tard, le mal est fait. La France s’est humiliée. Drapé dans une logique humanitaire à sens unique, Jean-Marc Ayrault semble, de son côté, avoir enfilé les bottes de Laurent Fabius. Après le départ de ce dernier au Conseil Constitutionnel, la diplomatie française semblait pouvoir prendre une tournure un poil plus réaliste. En particulier dans ces deux grandes crises ukrainienne et syrienne mais depuis c’est la rechute. Le retour des grandes déclarations, des coups de menton et des doigts levés; cette parodie d’Aristide Briand à la SDN. La Russie a du mettre son véto à la résolution française de cessez le feu à Alep. Une gifle que le quai d’Orsay n’a pas digérée. Car Poutine est déterminé à terminer le siège des quartiers Est et à reprendre le contrôle de la Syrie septentrionale. Il s’agit pour Moscou, Téhéran et Damas d’infliger une cuisante défaite aux rebelles djihadistes alliés à la branche syrienne d’Al-Qaïda (leur « divorce blanc » n’a trompé personne pour reprendre l’expression de Fabrice Balanche). Moscou entend accélérer les choses avant les élections américaines. Les deux candidats promettent de replacer les Etats-Unis au rang de leader du monde libre mais ils ne prêteront serment que fin janvier. En attendant, Barack Obama n’a pas caché son souhait de reprendre Mossoul avant son départ de la Maison-Blanche. Sa priorité est la chute de Daech et il sait qu’il doit compter malgré tout sur Moscou pour atteindre son but. La course contre-la-montre est engagée. Tout doit être terminé pour l’hiver. A l’initiative de Moscou et Damas, plusieurs cessez-le-feu ont déjà été négociés ou proposés à Alep, sous l’égide de l’ONU, afin que la population alépine puisse sortir de ce piège. Malheureusement, les groupes djihadistes ont interdit à la population d’en profiter. La population civile est le bouclier humain et la caution morale des djihadistes et de leur famille. Les hôpitaux abritent des QG, ils permettent aux grands chefs de la rébellion de se protéger mais aussi d’exposer les blessés aux bombardements de l’aviation russe (comme à Kunduz avec l’aviation américaine). Le but est de jouer sur la corde humanitaire occidentale et de provoquer une intervention sinon une pression occidentale sur Poutine. La France se fait le porte-voix  de ses clients du Golfe. Lesquels relayent les cris des groupes djihadistes enfermés dans Alep. La France surjoue son rôle de patrie des droits de l’homme et de soldat de la paix. Mais en réalité, elle n’est plus maîtresse de son propre jeu. La France est entrée dans une confrontation avec la Russie qui la marginalise un peu plus. Plutôt que de réactiver une guerre froide inutile avec Moscou, et de multiplier les rebuffades, Paris ferait mieux d’assumer le dialogue. Pour combattre notre seul et vrai ennemi commun, les djihadistes. Hadrien Desuin
Make no mistake, the carnage taking place in Aleppo right now is a disgrace to the international community. The Syrian government and Russian-backed forces are reportedly using chemical weapons, barrel bombs and increasingly powerful explosives to target innocent men, women and children. While rebel fighters have undoubtedly embedded themselves in the city in fortified positions, it appears that the civilian population is bearing the brunt of the conflict. While there has been some condemnation from the UN, where are the protests on the streets of European capitals and where is the media frenzy about this disgrace? Had Israel been involved, or had the IDF aimed one solitary munition at Aleppo, I think the response would be much different. The international community’s condemnation of the Assad regime and Putin’s Russia is nothing compared to the vitriol leveled against Israel for its far more restrained (and completely justified) 2014 operation against Hamas in Gaza. Unfortunately for the 250,000 residents of Aleppo, the city is not being attacked by the IDF. There are no leaflets being dropped warning civilians to evacuate areas in the line of fire. There is no “roof knocking” — where non-explosive devices are dropped on the roofs of targeted buildings to give civilians time to flee. And judging by the number of civilian casualties and the extent of the destruction in Syria, there is very little to no concern for the well-being of innocent civilians. Aleppo is a testament to the double standards at play when it comes to the treatment of Israel’s military operations. There is, however, a caveat. The IDF should be held to higher standards than the militaries of both Syria and Russia. And that is why The Sunday Times of London caught my eye recently. One story was headlined “Putin’s gigantic firebombs torch Aleppo.” Next to it was an article entitled, “RAF drone crew divert missile to save ‘civilian’ seconds from death.” The dissonance between the two stories is striking. On one side, we have the alleged deployment by Russia of a weapon “capable of blasting a massive ball of flame across wide areas of Aleppo.” On the other, the release of a video by Britain’s Royal Air Force showing a drone missile aimed at ISIS terrorists being diverted at the last minute to avoid killing a civilian. One side was indiscriminately firebombing, while the other was deliberately acting to prevent civilian casualties. The RAF evidently felt that its tale was a positive story, which showed that its drone squadrons act both ethically and in accordance with international law. Why is this news? Israel released many videos from incidents where missiles targeting Hamas terrorists were diverted due to the presence of Palestinian civilians. So why then were Israel’s identical efforts not deemed newsworthy? Simon Plosker
Tous ceux qui comparent la situation en Syrie avec la guerre d’Espagne et les jihadistes aux brigades internationales bénéficient de l’engouement d’une partie des médias où l’émotion domine plus que la réflexion. Mais les choses sont bien plus complexes: le désastre humanitaire en Syrie est aussi la conséquence de cette irealpolitik. Cela dit, il est évident que ce qui se déroule à Alep-Est est horrible pour les populations civiles qui sont sous les bombes. Ce que décrit l’ONU sur la situation humanitaire est exact: hôpitaux détruits, population terrée dans des abris, femmes et enfants prisonniers des décombres, etc. Mais tous les observateurs un peu réalistes avaient anticipé ce qui allait se passer si les rebelles ne quittaient pas Alep-Est, comme cela leur avait été proposé par la Russie. (…) Les rebelles «modérés» ont refusé de se désolidariser du Front al-Nosra, la branche syrienne d’al-Qaïda. Au contraire, deux des principaux groupes rebelles d’Alep dit «modérés», la brigade al-Zinki et Suqour es-Sham, se sont même officiellement affiliés à la coalition (Jaysh al Naser) dirigée par le Front al-Nosra durant la dernière trêve. Cela indique que le Front al-Nosra domine davantage les différentes factions rebelles, y compris celles considérées comme «modérées». Le Front al Nosra n’est pas membre de Fatah Halep, la coalition des rebelles d’Alep, mais c’est lui qui sur le terrain dirige les opérations militaires. Son emprise sur Alep-Est n’a fait qu’augmenter depuis le printemps 2016, date à laquelle il a envoyé 700 combattants en renfort alors que des combattants des brigades modérées commençaient à quitter la zone avant que la dernière sortie ne soit coupée. L’ouverture provisoire d’une brèche dans le siège d’Alep, en août 2016 (bataille de Ramousseh), a encore augmenté son prestige et son emprise sur les rebelles. (…) L’Arabie Saoudite et autres bailleurs arabes de la rébellion syrienne n’ont aucun intérêt à voir se concrétiser l’accord entre les États-Unis et la Russie. Ils veulent que le combat continue car sinon cet accord russo-américain signifie la victoire du camp Assad en Syrie et notamment celle de l’Iran. Les Saoudiens n’ont que faire des civils syriens, ils bombardent quotidiennement depuis deux ans le Yémen sans aucune considération pour la population civile. Nous sommes dans une guerre régionale et les considérations humanitaires sont instrumentalisées sans scrupules. L’objectif pour l’Arabie Saoudite est précisément d’obliger les États-Unis à intervenir davantage en Syrie pour bloquer l’Iran et la Russie. Pour cela il faut influencer l’opinion publique, c’est-à-dire les électeurs des membres du Congrès, en vue d’infléchir la politique américaine. Cela fonctionne puisqu’Alep est devenu un mot-clé de l’élection présidentielle américaine et il faudra beaucoup de détermination au successeur de Barak Obama pour résister aux pressions interventionnistes. (…) Depuis le printemps 2012, date de la militarisation à outrance de l’opposition syrienne, le régime syrien utilise une stratégie classique de contre-insurrection. Il s’agit moins de gagner les cœurs que de faire plus peur que l’adversaire et de prouver qu’il est le seul capable de ramener la paix en Syrie. Après cinq années de guerre, tout ce qui compte pour l’immense majorité des Syriens c’est précisément de vivre en paix, peu leur importe qui dirige le pays. Sur le plan psychologique, Bachar el Assad a donc gagné puisqu’il apparaît, au pire, comme le moindre mal. Il lui reste à éliminer les rebelles. Pour cela il faut les séparer de la population civile dans laquelle ils se dissimulent. La technique de contre-insurrection utilisée à Alep-Est consiste donc, depuis l’hiver 2013-2014, à bombarder sporadiquement pour faire fuir les civils, puis d’encercler le territoire rebelle. Résultat auquel l’armée syrienne est parvenue début septembre. La population d’Alep-Est est ainsi passée de plus d’un million d’habitants en 2011 à 200,000 aujourd’hui selon l’ONU, mais sans doute beaucoup moins. À titre de comparaison la partie occidentale d’Alep, sous contrôle gouvernemental, compte 800,000 habitants. (…) Après trois années de bombardement, le camp de Bashar el Assad considère que ceux qui restent dans Alep-Est soutiennent les rebelles, car les autres ont eu tout le temps de fuir. C’est en partie vrai, car il s’agit pour l’essentiel des familles des combattants, qui sont donc payées pour rester. Désormais, la seule solution envisagée par les militaires pour les convaincre de quitter Alep-Est est de frapper aveuglément et massivement. Dans quelques jours, une trêve sera sans doute proclamée pour permettre à ceux qui le souhaitent d’être évacués. Mais encore faut-il qu’ils le puissent, car les groupes radicaux empêchent les civils de partir pour les utiliser comme boucliers humains, comme ce fut le cas à Homs. Puis les bombardements reprendront jusqu’à la reconquête totale des quartiers rebelles d’Alep.(…) En tout état de cause, le Président russe considère que les États-Unis sont incapables de convaincre leurs alliés de cesser le combat, il a donc décidé de les mettre devant le fait accompli. L’exécutif américain est paralysé au moins jusqu’à la prise de fonction de la nouvelle administration en janvier 2017. Il s’agit donc de l’emporter à Alep d’ici trois mois. Recep Teyep Erdogan, a lui, anticipé ce qui allait se passer et il a trouvé plus judicieux de négocier avec Vladimir Poutine. Il a obtenu du maître du Kremlin la création d’une zone sous influence turque au Nord-Est d’Alep pour accueillir les futurs réfugiés, tout en bloquant l’avancée des Kurdes vers l’Ouest. En échange, le Président turc a dû s’engager à réduire son soutien aux rebelles syriens. Ce qui augure mal de l’avenir de la rébellion syrienne car la Turquie est indispensable pour son soutien logistique. Alexis Feertchak
Découvrant, mais un peu tard, que la guerre tue, qu’elle est laide, injuste et sans pitié, et surtout que l’on pourrait un jour peut-être, au tribunal de l’Histoire, venir demander à Paris des comptes sur son inaction face au drame – à moins que ce ne soit sur ses actions et ses options politiques-, la France a pris les devants. Accusant avec l’ONU le régime syrien et la Russie de crimes de guerre à Alep, elle a déposé en hâte un projet de résolution au Conseil de Sécurité des Nations Unies demandant l’arrêt des combats et des bombardements sur l’est de la ville (dont elle feint de croire qu’il n’est peuplé que de civils innocents qui resteraient là de leur propre gré et que la Russie et le régime pilonneraient par pure cruauté), l’acheminement de l’aide humanitaire et la reprise du processus de négociation. Que dire de cette initiative, apparemment inspirée par une indignation vertueuse face au drame bien réel vécu par la population d’Alep-Est, à un moment où la tension russo-américaine monte dangereusement et peut faire craindre un dérapage militaire sur le terrain que certains, à Washington et à l’OTAN, appellent ouvertement de leurs vœux? S’agit-il d’une nouvelle salve d’irénisme aveugle et de «pensée magique», funeste version 2016 de «Boucle d’or au Pays des trois ours» découvrant une intrusion dans sa maisonnette idyllique? Ou d’une gesticulation habile mais dangereuse qui n’a pour but, en prétendant débloquer la situation, que de jouer les utilités au profit de Washington en fossilisant un peu plus les positions des deux camps qui s’affrontent désormais ouvertement sur le corps exsangue de la nation syrienne? Difficile de démêler la part de négation du réel de celle de l’alignement sur ce que l’on présente comme «le camp du Bien» …et de nos intérêts nationaux, si mal évalués pourtant. Ce cinéma diplomatique vient évidemment de se solder par un véto russe, attendu par Paris, Londres et Washington qui veulent faire basculer l’indignation internationale contre Moscou à défaut de mettre en cohérence leurs objectifs politiques et militaires avec leur prétendue volonté de paix. Mais prendre la tête du chœur des vierges ne suffit pas et ne trompe plus personne. L’évidence crève l’écran. «L’Occident» ne mène pas la guerre contre l’islamisme sunnite ou alors de façon très résiduelle: il le nourrit, le conseille, l’entraine. DAECH, dont la barbarie spectaculaire des modes d’action sert d’épouvantail opportun et de catalyseur de la vindicte occidentale, permet de juger par contraste «respectable» l’avalanche de djihadistes sunnites d’obédience wahhabite ou Frères musulmans qui ne combattent d’ailleurs pas plus que nous l’Etat islamique mais s’acharnent sur le régime syrien. Et l’Amérique comme la France cherchent avec une folle complaisance, dans ce magma ultraviolent, des interlocuteurs susceptibles d’être intronisés comme «légitimes» et capables de remplacer un autocrate indocile qui a le mauvais goût de résister à la marche de l’Histoire version occidentale et à la vague démocratique censée inonder de ses bienfaits un Moyen-Orient politiquement arriéré. Saddam Hussein, Mouammar Kadhafi, cruels tyrans sans doute, n’ont pu y résister et croyaient encore pouvoir argumenter avec leurs adversaires occidentaux (longtemps leurs alliés) quand leur sort était en fait scellé depuis longtemps. Bachar el Assad a bien failli y passer lui aussi. Mais à notre grand dam, Moscou a vu dans cette nouvelle guerre occidentale de déstabilisation par procuration, une occasion inespérée de sécuriser ses bases militaires, de défier l’Amérique qui la méprisait trop ouvertement, de regagner une influence centrale dans la région et de traiter «à la source» le terrorisme qui menace son territoire et ses marges d’Asie centrale et du Caucase. Et l’a saisie. Dans ce Grand jeu explosif de reconfiguration de l’équilibre du monde et notamment du nouveau duel cardinal, celui de Washington avec Pékin, la France, je le crains, s’est trompée du tout au tout et démontre à la face du monde mais surtout à l’ennemi – qui observe notre incohérence diplomatique et politique-, qu’elle pratique admirablement le grand écart stratégique… aux dépens toutefois, de nos concitoyens. Comment justifier en effet notre combat au Mali contre les djihadistes sunnites, notre soutien en Irak aux chiites contre les sunnites, et en Syrie notre appui aux groupuscules sunnites les plus extrémistes contre Bachar el Assad…tout en prétendant profiter du marché iranien entre ouvert ….et vendre des armes aux Saoudiens et Qataris sunnites qui sont by the way les financiers du djihadisme mondial dont nous subissons la haine et la violence terroriste sur notre sol désormais à un rythme soutenu? (…) L’impensé du discours français n’en reste pas moins le suivant: si Assad, «bourreau de son propre peuple» selon l’expression consacrée, était finalement militairement et politiquement mis hors-jeu, par qui compte -on le remplacer? A qui sera livrée la Syrie, «utile» ou pas, une fois que DAECH en aura été progressivement «exfiltré» vers d’autres macabres «territoires de jeu», en Libye par exemple? Quelle alternative pour la survie des communautés, notamment chrétiennes, encore présentes dans le pays qui passe par la survie des structures laïques d’Etat? Quels individus veut-on mettre au pouvoir? Les pseudo «modérés» qui encombrent les couloirs des négociations en trompe l’œil de Genève? Le Front al Nosra, sous son nouveau petit nom – Fateh al Sham -, que les Américains persistent à soutenir en dépit des objurgations russes et qui a fait exploser le cessez-le feu? Ou peut-être certains groupuscules désormais armés de missiles américains TOW qui n’attendent qu’un «go» pour tenter de dézinguer un avion ou un hélico russe, «par erreur» naturellement? Ou encore les représentants des Forces démocratiques syriennes, ou ceux de «l’Armée de la Conquête» qui renait opportunément de ses cendres… Ou un mixte de tous ces rebelles – apprentis démocrates férus de liberté et qui libèreront enfin le peuple syrien du sanglant dictateur qui le broyait sous sa férule depuis trop longtemps? Croit-on sérieusement que l’on pourra contrôler une seule minute ces nouveaux «patrons» du pays qui se financent dans le Golfe -dont nous sommes devenus les obligés silencieux-, et dont l’agenda politique et religieux est aux antipodes de la plus petite de nos exigences «démocratiques»? Ne comprend-on pas qu’ils vont mettre le pays en coupe réglée, en finiront dans le sang avec toutes les minorités, placeront les populations sunnites sous leur contrôle terrifiant, et que tout processus électoral sera une mascarade et ne fera qu’entériner une domination communautaire et confessionnelle sans appel? (…) Nous avons depuis 5 ans une politique étrangère à contre-emploi et à contre temps, réduite à deux volets: action humanitaire et diplomatie économique. En gros vendre des armes à tout prix aux pays sunnites, les aider à faire la guerre et à s’emparer du pouvoir à Damas… et porter des couvertures aux victimes de cet activisme économico-militaire: les Syriens. (…) L’Etat Français a d’ailleurs été poursuivi – en vain à ce jour -pour ces déclarations ministérielles qui ont de facto encouragé le prosélytisme islamiste et le terrorisme en présentant le départ pour la Syrie à des apprentis djihadistes français comme une œuvre politique salutaire, avec les résultats que l’on connait sur le territoire national. (…) Mais le pire était à venir. Ce matin, nous avons franchi un nouveau seuil dans le ridicule et le suicide politique. Au moment où il est d’une extrême urgence de se parler enfin à cœur ouvert, de dire la vérité, d’abandonner les poses et les anathèmes, de ne plus se tromper d’ennemi, de faire front commun – comme l’ont proposé les Russes depuis des lustres -, contre l’islamisme qui a décidé notre perte et s’esclaffe de notre ahurissante naïveté et de notre faiblesse, le président de la République française s’interroge publiquement, de bon matin, dans une émission de divertissement, devant l’animateur Yann Barthes sur TMC, sur l’opportunité de recevoir Vladimir Poutine à Paris le 19 octobre prochain! «P’têt ben qu’oui, p’têt ben qu’non …» La réponse de Moscou à cette insulte ne s’est pas fait attendre: le Président russe ne viendra pas. Nous sommes au fond du fond du fond de l’impuissance politique et l’on se laisse couler, saisis par l’ivresse des profondeurs en croyant surnager. (…) La confusion permanente entre l’Etat syrien et le régime syrien nourrit la guerre. C’est l’Etat qu’il faut aider à survivre à l’offensive islamiste au lieu d’encourager les mouvements terroristes à le déstructurer. Le sort de Bachar el Assad est à la fois central et accessoire. Si l’Etat syrien devait tomber sous la coupe de DAECH ou sous celle d’Al Nosra et de ses avatars, alors ce seront les massacres communautaires et le chaos. Qui aura alors des comptes à rendre pour les avoir laissé advenir? Caroline Galactéros

Cachez ces boucliers humains que je ne saurai voir !

Après la pantalonnade que l’on sait de la visite annulée du chef d’Etat français avec son homologue russe …

Pendant que sans la moindre mise en perspective et jusqu’à susciter les vocations les plus fourvoyées …

 Nos belles âmes nous matraquent avec les tragiques images des victimes civiles des bombardements syro-russes …

Comment ne pas repenser …

Sans compter l’évident deux poids deux mesures (imaginez les manifestations qu’aurait provoqué, venant des forces israéliennes, ne serait-ce que le centième des dégâts collatéraux des actuels bombardements d’Alep !) …

Aux tristement fameuses campagnes de désinformation qui, sur fond d’usage massif de boucliers humains achetés ou forcés, avaient marqué les guerres d’Israël contre les forces terroristes du Liban ou de Gaza ?

Et surtout ne pas voir avec la certes très poutinomane et ayatollaphile politologue Caroline Galactéros …

L’incroyable mélange d’aveuglement et d’hypocrisie qui sert actuellement de politique étrangère aux dirigeants occidentaux …

Qui après avoir précipité l’émergence des djihadistes de l’Etat islamique suite à l’abandon criminel de l’Irak et de la Syrie par l’Administaration Obama …

Les voit aujourd’hui soutenir …

Contre une Russie plus que jamais revanchiste et un Iran à qui l’on vient par ailleurs de reconnaitre le droit à l’arme ultime …

Et avec, entre deux bombardements de civils au Yemen ou ailleurs, les habituels fourriers saoudiens et qataris du djiadisme …

Rien de moins que la prochaine génération de djihadistes ?

Caroline Galactéros : « La décision de Vladimir Poutine humilie la diplomatie française »
Caroline Galactéros
Le Figaro
11/10/2016

FIGAROVOX/TRIBUNE – Vladimir Poutine a annoncé qu’il reportait sa visite à Paris où il devait rencontrer François Hollande. Pour Caroline Galactéros, cette décision n’est que la suite logique d’un amateurisme complet de la France en Syrie et ailleurs dans le monde.

Docteur en Science politique et colonel au sein de la réserve opérationnelle des Armées, Caroline Galactéros dirige le cabinet d’intelligence stratégique «Planeting». Auteur du blog Bouger Les Lignes, elle a publié Manières du monde. Manières de guerre (Nuvis, 2013) et Guerre, Technologie et société (Nuvis, 2014).

Découvrant, mais un peu tard, que la guerre tue, qu’elle est laide, injuste et sans pitié, et surtout que l’on pourrait un jour peut-être, au tribunal de l’Histoire, venir demander à Paris des comptes sur son inaction face au drame – à moins que ce ne soit sur ses actions et ses options politiques-, la France a pris les devants. Accusant avec l’ONU le régime syrien et la Russie de crimes de guerre à Alep, elle a déposé en hâte un projet de résolution au Conseil de Sécurité des Nations Unies demandant l’arrêt des combats et des bombardements sur l’est de la ville (dont elle feint de croire qu’il n’est peuplé que de civils innocents qui resteraient là de leur propre gré et que la Russie et le régime pilonneraient par pure cruauté), l’acheminement de l’aide humanitaire et la reprise du processus de négociation.

Que dire de cette initiative, apparemment inspirée par une indignation vertueuse face au drame bien réel vécu par la population d’Alep-Est, à un moment où la tension russo-américaine monte dangereusement et peut faire craindre un dérapage militaire sur le terrain que certains, à Washington et à l’OTAN, appellent ouvertement de leurs vœux? S’agit-il d’une nouvelle salve d’irénisme aveugle et de «pensée magique», funeste version 2016 de «Boucle d’or au Pays des trois ours» découvrant une intrusion dans sa maisonnette idyllique? Ou d’une gesticulation habile mais dangereuse qui n’a pour but, en prétendant débloquer la situation, que de jouer les utilités au profit de Washington en fossilisant un peu plus les positions des deux camps qui s’affrontent désormais ouvertement sur le corps exsangue de la nation syrienne? Difficile de démêler la part de négation du réel de celle de l’alignement sur ce que l’on présente comme «le camp du Bien» …et de nos intérêts nationaux, si mal évalués pourtant.

Ce cinéma diplomatique vient évidemment de se solder par un véto russe, attendu par Paris, Londres et Washington qui veulent faire basculer l’indignation internationale contre Moscou à défaut de mettre en cohérence leurs objectifs politiques et militaires avec leur prétendue volonté de paix. Mais prendre la tête du chœur des vierges ne suffit pas et ne trompe plus personne. L’évidence crève l’écran. «L’Occident» ne mène pas la guerre contre l’islamisme sunnite ou alors de façon très résiduelle: il le nourrit, le conseille, l’entraine. DAECH, dont la barbarie spectaculaire des modes d’action sert d’épouvantail opportun et de catalyseur de la vindicte occidentale, permet de juger par contraste «respectable» l’avalanche de djihadistes sunnites d’obédience wahhabite ou Frères musulmans qui ne combattent d’ailleurs pas plus que nous l’Etat islamique mais s’acharnent sur le régime syrien. Et l’Amérique comme la France cherchent avec une folle complaisance, dans ce magma ultraviolent, des interlocuteurs susceptibles d’être intronisés comme «légitimes» et capables de remplacer un autocrate indocile qui a le mauvais goût de résister à la marche de l’Histoire version occidentale et à la vague démocratique censée inonder de ses bienfaits un Moyen-Orient politiquement arriéré.

Saddam Hussein, Mouammar Kadhafi, cruels tyrans sans doute, n’ont pu y résister et croyaient encore pouvoir argumenter avec leurs adversaires occidentaux (longtemps leurs alliés) quand leur sort était en fait scellé depuis longtemps. Bachar el Assad a bien failli y passer lui aussi. Mais à notre grand dam, Moscou a vu dans cette nouvelle guerre occidentale de déstabilisation par procuration, une occasion inespérée de sécuriser ses bases militaires, de défier l’Amérique qui la méprisait trop ouvertement, de regagner une influence centrale dans la région et de traiter «à la source» le terrorisme qui menace son territoire et ses marges d’Asie centrale et du Caucase. Et l’a saisie.

Dans ce Grand jeu explosif de reconfiguration de l’équilibre du monde et notamment du nouveau duel cardinal, celui de Washington avec Pékin, la France, je le crains, s’est trompée du tout au tout et démontre à la face du monde mais surtout à l’ennemi – qui observe notre incohérence diplomatique et politique-, qu’elle pratique admirablement le grand écart stratégique… aux dépens toutefois, de nos concitoyens. Comment justifier en effet notre combat au Mali contre les djihadistes sunnites, notre soutien en Irak aux chiites contre les sunnites, et en Syrie notre appui aux groupuscules sunnites les plus extrémistes contre Bachar el Assad…tout en prétendant profiter du marché iranien entre ouvert ….et vendre des armes aux Saoudiens et Qataris sunnites qui sont by the way les financiers du djihadisme mondial dont nous subissons la haine et la violence terroriste sur notre sol désormais à un rythme soutenu? C’est de l’opportunisme à très courte vue, mais plus encore un hiatus stratégique béant et la manifestation d’une totale incompréhension du réel.

De telles contradictions ne peuvent s’expliquer que par notre entêtement à vouloir en finir avec le régime syrien actuel dont nul n’imaginait qu’il résisterait si longtemps aux feux croisés de l’Amérique et de ses alliés sunnites. L’exigence américaine – reprise à son compte par Paris – d’une cessation des bombardements aériens sur Alep-Est «pour raisons humanitaires» aurait permis en fait de laisser les islamistes de la ville (soit rien moins qu’Al Nosra et consorts) se refaire une santé militaire en se servant des civils comme de boucliers humains, de poursuivre leurs tirs d’obus sur la partie ouest de la ville et d’empêcher Damas et Moscou de faire basculer décisivement le rapport de force militaire en faveur de l’Etat syrien dans le cadre d’une négociation ultime. Qui a d’ailleurs fait échouer le cessez le feu signé le 9 septembre dernier à Genève? Les groupes terroristes qui n’en voulaient pas et les Etats-Unis qui ont bombardé les forces syriennes à Deir el Zor et ouvert la voie aux forces de l’Etat Islamique. Encore un accord de dupes.

Temps court versus temps long, individu versus groupe, froideur politique versus empathie médiatique (sélective): on se refuse à voir, dans nos démocraties molles, que la véritable action stratégique, pour être efficace, ne peut prendre en compte que des nombres, des masses, des ensembles, des mouvements, des processus, quand toute l’attention médiatique et la gestion politicienne des crises, elles, veulent faire croire que l’individu est central et se concentrent sur la souffrance et le sort des personnes, alors que celles-ci sont depuis toujours et sans doute pour encore longtemps sacrifiées à la confrontation globale et brutale entre Etats. Les images terrifiantes de la guerre au quotidien masquent la réalité d’un affrontement sans scrupules de part et d’autre, dont en l’espèce les malheureux Syriens ne sont même plus les enjeux mais de simples otages.

L’impensé du discours français n’en reste pas moins le suivant: si Assad, «bourreau de son propre peuple» selon l’expression consacrée, était finalement militairement et politiquement mis hors-jeu, par qui compte -on le remplacer? A qui sera livrée la Syrie, «utile» ou pas, une fois que DAECH en aura été progressivement «exfiltré» vers d’autres macabres «territoires de jeu», en Libye par exemple? Quelle alternative pour la survie des communautés, notamment chrétiennes, encore présentes dans le pays qui passe par la survie des structures laïques d’Etat? Quels individus veut-on mettre au pouvoir? Les pseudo «modérés» qui encombrent les couloirs des négociations en trompe l’œil de Genève? Le Front al Nosra, sous son nouveau petit nom – Fateh al Sham -, que les Américains persistent à soutenir en dépit des objurgations russes et qui a fait exploser le cessez-le feu? Ou peut-être certains groupuscules désormais armés de missiles américains TOW qui n’attendent qu’un «go» pour tenter de dézinguer un avion ou un hélico russe, «par erreur» naturellement? Ou encore les représentants des Forces démocratiques syriennes, ou ceux de «l’Armée de la Conquête» qui renait opportunément de ses cendres… Ou un mixte de tous ces rebelles – apprentis démocrates férus de liberté et qui libèreront enfin le peuple syrien du sanglant dictateur qui le broyait sous sa férule depuis trop longtemps?

Croit-on sérieusement que l’on pourra contrôler une seule minute ces nouveaux «patrons» du pays qui se financent dans le Golfe -dont nous sommes devenus les obligés silencieux-, et dont l’agenda politique et religieux est aux antipodes de la plus petite de nos exigences «démocratiques»? Ne comprend-on pas qu’ils vont mettre le pays en coupe réglée, en finiront dans le sang avec toutes les minorités, placeront les populations sunnites sous leur contrôle terrifiant, et que tout processus électoral sera une mascarade et ne fera qu’entériner une domination communautaire et confessionnelle sans appel? … «Anne, ma sœur Anne ne vois-tu rien venir? je ne vois que l’herbe qui verdoie et la terre qui poudroie» … Quelle naïveté, quelle ignorance, quelle indifférence en fait!

L’interview accordée le 5 octobre dernier par notre ministre des Affaires étrangères à la veille de son départ pour Moscou à Yves Calvi sur LCI est à cet égard, un morceau de bravoure édifiant, qui escamote la réalité et brosse un paysage surréaliste du conflit et de ce qu’il faudrait y comprendre et en attendre.

Florilège et exégèse….

«La guerre ne sert à rien. Elle ne fait que renforcer les djihadistes»

Est-ce à dire qu’il faut les laisser faire, leur donner les clefs du pays et prier peut-être, pour qu’ils ne massacrent pas les minorités qui y demeurent encore et instaurent la démocratie? Faut-il ne plus agir en espérant qu’ils vont s’arrêter? De qui se moque-t-on? Adieu Boucle d’Or. Nous sommes au Pays des rêves bleus de Oui-Oui…

Les Russes, qui se disent satisfaits de l’efficacité de leurs frappes contre les terroristes d’Alep-Est «sont cyniques» … Qui est cynique ici? Celui qui déforme la réalité d’un affrontement pour ne pas avouer qu’il est (avec d’autres) à la manœuvre d’une déstabilisation d’Etat par des groupuscules terroristes liés à Al-Qaïda (matrice de Daech) sous couvert d’aspiration à la démocratie? Ou ceux qui cherchent à réduire l’emprise djihadiste et à renforcer des structures d’Etat laïques avec ou sans Bachar?

«La politique de la France est claire… Nous avons une stratégie, une vision

Ah?! Laquelle? Nous avons depuis 5 ans une politique étrangère à contre-emploi et à contre temps, réduite à deux volets: action humanitaire et diplomatie économique. En gros vendre des armes à tout prix aux pays sunnites, les aider à faire la guerre et à s’emparer du pouvoir à Damas… et porter des couvertures aux victimes de cet activisme économico-militaire: les Syriens.

En dépit de l’excellence de nos forces armées, de la présence du Charles de Gaulle sur zone et de nos missions aériennes soutenues, Paris n’est diplomatiquement et stratégiquement plus nulle part en Syrie, et depuis longtemps. Par dogmatisme, par moralisme, par notre parti pris immodéré pour les puissances sunnites de la région, nous nous sommes engouffrés dans un alignement crédule sur la politique américaine qui s’est en plus retourné contre nous dès l’été 2013, lorsque Barack Obama a dû renoncer à frapper directement Damas au prétexte d’un usage d’armes chimiques qui n’a d’ailleurs jamais été confirmé. Un camouflet d’autant plus lourd à porter que notre ancien ministre des affaires étrangères avait jugé bon, dès août 2012, de dire que «Bachar el Assad ne méritait pas d’être sur terre» et, en décembre 2012, «qu’Al Nosra faisait du bon boulot». L’Etat Français a d’ailleurs été poursuivi – en vain à ce jour -pour ces déclarations ministérielles qui ont de facto encouragé le prosélytisme islamiste et le terrorisme en présentant le départ pour la Syrie à des apprentis djihadistes français comme une œuvre politique salutaire, avec les résultats que l’on connait sur le territoire national. N’en déplaise à Monsieur Ayrault, la France n’est ni écoutée, ni considérée, ni attendue sur le dossier syrien. Elle en est réduite à servir de go between entre Washington et Moscou lorsque ceux-ci ne peuvent plus se parler et qu’il faut faire semblant, une fois encore, de rechercher un compromis et d’amener Moscou à lever le pied d’une implication trop efficace à notre goût.

«Si le choix est entre Bachar et Daech, il n’y a pas de choix

Mais c’est pourtant le cas, ne nous en déplaise. Nous combattons l’Etat islamique pour la galerie, sans grande conviction ni détermination politique, de très haut, par des frappes qui sans présence terrestre demeurent symboliques. Pour Moscou, au contraire, il n’existe pas «d’islamistes modérés» ; combattre le terrorisme revient à combattre l’EI mais aussi ses avatars locaux innombrables à tout prix, y compris au prix de pertes civiles importantes. Et c’est aujourd’hui la Russie qui, dans les airs mais aussi au sol, avec l’Iran et le régime syrien, «fait la guerre», se bat contre le terrorisme islamiste qui menace tout l’Occident, gangrène nos vieilles sociétés repues et pacifiques et nous prend pour cible. Ils «font le job». Un horrible job. Dans l’immédiat, il faut choisir entre le soutien à l’Etat syrien – que le régime d’Assad incarne-, et DAECH et Cie.

Le sommet est atteint à la fin de l’intervention ministérielle, lorsque l’on apprend que «la Syrie future devra être unitaire, avoir des structures étatiques stables, être protectrice de toutes ses minorités, mettre en place des institutions solides, contrôler son armée et ses Services…» (sic)! Les bras nous en tombent. Voici décrite…la Syrie d’avant la guerre! Ce terrifiant carnage n’aurait-il donc été qu’un coup d’épée dans l’eau?

Mais le pire était à venir. Ce matin, nous avons franchi un nouveau seuil dans le ridicule et le suicide politique. Au moment où il est d’une extrême urgence de se parler enfin à cœur ouvert, de dire la vérité, d’abandonner les poses et les anathèmes, de ne plus se tromper d’ennemi, de faire front commun – comme l’ont proposé les Russes depuis des lustres -, contre l’islamisme qui a décidé notre perte et s’esclaffe de notre ahurissante naïveté et de notre faiblesse, le président de la République française s’interroge publiquement, de bon matin, dans une émission de divertissement, devant l’animateur Yann Barthes sur TMC, sur l’opportunité de recevoir Vladimir Poutine à Paris le 19 octobre prochain! «P’têt ben qu’oui, p’têt ben qu’non …» La réponse de Moscou à cette insulte ne s’est pas fait attendre: le Président russe ne viendra pas. Nous sommes au fond du fond du fond de l’impuissance politique et l’on se laisse couler, saisis par l’ivresse des profondeurs en croyant surnager.

Hauteur de vue et profondeur de champ, véritable souci pour la souffrance humaine: la realpolitik est la solution, pas le mal. La confusion permanente entre l’Etat syrien et le régime syrien nourrit la guerre. C’est l’Etat qu’il faut aider à survivre à l’offensive islamiste au lieu d’encourager les mouvements terroristes à le déstructurer. Le sort de Bachar el Assad est à la fois central et accessoire. Si l’Etat syrien devait tomber sous la coupe de DAECH ou sous celle d’Al Nosra et de ses avatars, alors ce seront les massacres communautaires et le chaos. Qui aura alors des comptes à rendre pour les avoir laissé advenir?

Voir aussi:

Alep : pourquoi la tragédie humanitaire ne bouleverse pas la donne géopolitique
Alexis Feertchak
Le Figaro
29/09/2016

FIGAROVOX/ENTRETIEN – Alors que la crise humanitaire s’aggrave, le régime syrien soutenu par les Russes et les Iraniens reprend du terrain. Pour Fabrice Balanche, les rebelles sont plus que jamais liés à Al-Qaïda et Moscou ne saurait être le seul responsable du chaos.

Agrégé et docteur en Géographie, Fabrice Balanche est maître de conférences à l’Université Lyon-2 et chercheur invité au Washington Institute. Spécialiste du Moyen-Orient, il a publié notamment La région alaouite et le pouvoir syrien(éd. Karthala, 2006) et Atlas du Proche-Orient arabe (éd. RFI & PUPS, 2010).

FIGAROVOX. – À propos d’Alep, le politologue libanais Ziad Majed a déclaré au journal Le Monde: «Si on parle d’un point de vue de droit international, et de la convention de Genève, ce qui se passe commence même à dépasser le cadre des crimes de guerre, ce sont presque des crimes contre l’humanité». Quelle est aujourd’hui la situation humanitaire dans l’ancienne capitale économique de la Syrie?

Tous ceux qui comparent la situation en Syrie avec la guerre d’Espagne et les jihadistes aux brigades internationales bénéficient de l’engouement d’une partie des médias où l’émotion domine plus que la réflexion. Mais les choses sont bien plus complexe: le désastre humanitaire en Syrie est aussi la conséquence de cette irealpolitik.

Cela dit, il est évident que ce qui se déroule à Alep-Est est horrible pour les populations civiles qui sont sous les bombes. Ce que décrit l’ONU sur la situation humanitaire est exact: hôpitaux détruits, population terrée dans des abris, femmes et enfants prisonniers des décombres, etc. Mais tous les observateurs un peu réalistes avaient anticipé ce qui allait se passer si les rebelles ne quittaient pas Alep-Est, comme cela leur avait été proposé par la Russie. Je citerais tout simplement John Kerry au micro de la NPR le 14 septembre dernier:

«Quelle est l’alternative (en Syrie)? L’alternative est-elle d’ajouter encore des milliers de morts aux 450.000 personnes qui ont déjà été tuées. Qu’Alep soit complètement envahie? Que les Russes et Assad bombardent partout indistinctement dans les jours à venir pendant que nous regardons cela impuissant? L’alternative c’est essayer d’obtenir tout de même quelque chose puisque l’Amérique ne veut pas intervenir avec ses troupes. Or, l’Amérique a pris la décision de ne pas intervenir militairement en Syrie. Le Président a pris cette décision».

L’Armée syrienne soutenue par l’aviation russe a repris un quartier de la zone d’Alep contrôlée par les rebelles. De quels rebelles s’agit-il?

Les rebelles «modérés» ont refusé de se désolidariser du Front al-Nosra, la branche syrienne d’al-Qaïda. Au contraire, deux des principaux groupes rebelles d’Alep dit «modérés», la brigade al-Zinki et Suqour es-Sham, se sont même officiellement affiliés à la coalition (Jaysh al Naser) dirigée par le Front al-Nosra durant la dernière trêve. Cela indique que le Front al-Nosra domine davantage les différentes factions rebelles, y compris celles considérées comme «modérées». Le Front al Nosra n’est pas membre de Fatah Halep, la coalition des rebelles d’Alep, mais c’est lui qui sur le terrain dirige les opérations militaires. Son emprise sur Alep-Est n’a fait qu’augmenter depuis le printemps 2016, date à laquelle il a envoyé 700 combattants en renfort alors que des combattants des brigades modérées commençaient à quitter la zone avant que la dernière sortie ne soit coupée. L’ouverture provisoire d’une brèche dans le siège d’Alep, en août 2016 (bataille de Ramousseh), a encore augmenté son prestige et son emprise sur les rebelles.

L’accord de coopération militaire américano-russe, qui portait d’abord et avant tout sur Alep, semble avoir fait long feu. Comment expliquer cet échec?

L’Arabie Saoudite et autres bailleurs arabes de la rébellion syrienne n’ont aucun intérêt à voir se concrétiser l’accord entre les États-Unis et la Russie. Ils veulent que le combat continue car sinon cet accord russo-américain signifie la victoire du camp Assad en Syrie et notamment celle de l’Iran. Les Saoudiens n’ont que faire des civils syriens, ils bombardent quotidiennement depuis deux ans le Yémen sans aucune considération pour la population civile. Nous sommes dans une guerre régionale et les considérations humanitaires sont instrumentalisées sans scrupules. L’objectif pour l’Arabie Saoudite est précisément d’obliger les États-Unis à intervenir davantage en Syrie pour bloquer l’Iran et la Russie. Pour cela il faut influencer l’opinion publique, c’est-à-dire les électeurs des membres du Congrès, en vue d’infléchir la politique américaine. Cela fonctionne puisqu’Alep est devenu un mot-clé de l’élection présidentielle américaine et il faudra beaucoup de détermination au successeur de Barak Obama pour résister aux pressions interventionnistes.

Mais revenons aux faits. Depuis le printemps 2012, date de la militarisation à outrance de l’opposition syrienne, le régime syrien utilise une stratégie classique de contre-insurrection. Il s’agit moins de gagner les cœurs que de faire plus peur que l’adversaire et de prouver qu’il est le seul capable de ramener la paix en Syrie. Après cinq années de guerre, tout ce qui compte pour l’immense majorité des Syriens c’est précisément de vivre en paix, peu leur importe qui dirige le pays. Sur le plan psychologique, Bachar el Assad a donc gagné puisqu’il apparaît, au pire, comme le moindre mal. Il lui reste à éliminer les rebelles. Pour cela il faut les séparer de la population civile dans laquelle ils se dissimulent. La technique de contre-insurrection utilisée à Alep-Est consiste donc, depuis l’hiver 2013-2014, à bombarder sporadiquement pour faire fuir les civils, puis d’encercler le territoire rebelle. Résultat auquel l’armée syrienne est parvenue début septembre. La population d’Alep-Est est ainsi passée de plus d’un million d’habitants en 2011 à 200,000 aujourd’hui selon l’ONU, mais sans doute beaucoup moins. À titre de comparaison la partie occidentale d’Alep, sous contrôle gouvernemental, compte 800,000 habitants.

Quel semble être aujourd’hui l’objectif du Kremlin et de Damas?

Après trois années de bombardement, le camp de Bashar el Assad considère que ceux qui restent dans Alep-Est soutiennent les rebelles, car les autres ont eu tout le temps de fuir. C’est en partie vrai, car il s’agit pour l’essentiel des familles des combattants, qui sont donc payées pour rester. Désormais, la seule solution envisagée par les militaires pour les convaincre de quitter Alep-Est est de frapper aveuglément et massivement. Dans quelques jours, une trêve sera sans doute proclamée pour permettre à ceux qui le souhaitent d’être évacués. Mais encore faut-il qu’ils le puissent, car les groupes radicaux empêchent les civils de partir pour les utiliser comme boucliers humains, comme ce fut le cas à Homs. Puis les bombardements reprendront jusqu’à la reconquête totale des quartiers rebelles d’Alep. Il faut noter que c’est la première fois depuis l’été 2012, que l’infanterie est engagée pour reprendre du terrain comme le quartier de Farafirah au centre-ville, Sheikh Saïd au sud, ou l’ex camp palestinien de Handarat au nord.

Ce que j’ai décrit était annoncé. La seule façon de l’empêcher est d’entrer dans une confrontation militaire avec la Russie en abattant les avions russes et syriens. Je doute que l’Occident souhaite une escalade de ce type. Certains évoquent la distribution de missiles sol-air aux rebelles, au risque de les voir tomber dans les mains d’Al-Qaïda ou de Daesh. Par ailleurs, il n’est pas sûr que cela soit efficace, car les Russes bombarderaient de plus haut avec du plus lourd et feraient donc plus de dégâts. La Russie pourrait aussi frapper avec des missiles de croisière depuis la mer Caspienne.

Au-delà d’Alep, le rapport de force est-il en train de changer entre le régime et les rebelles? Que change sur ce point l’intervention turque qui se poursuit tout au Nord de la Syrie?

La Russie ne croit plus à la possibilité d’un accord de coopération militaire avec les États-Unis. Le bombardement de l’armée syrienne à Deir ez Zor par l’aviation de la coalition internationale, le 17 septembre dernier, fut le coup de grâce donné à ses longues et laborieuses négociations. S’agit-il d’une erreur comme le prétendent les États-Unis? Ou d’une mauvaise information donnée sciemment par un membre de la coalition qui aurait intérêt à voir échouer l’accord? Erreur ou non, cet épisode risquerait d’entamer la crédibilité de la Russie si Vladimir Poutine ne réagissait pas énergiquement. En tout état de cause, le Président russe considère que les États-Unis sont incapables de convaincre leurs alliés de cesser le combat, il a donc décidé de les mettre devant le fait accompli.

L’exécutif américain est paralysé au moins jusqu’à la prise de fonction de la nouvelle administration en janvier 2017. Il s’agit donc de l’emporter à Alep d’ici trois mois. Recep Teyep Erdogan, a lui, anticipé ce qui allait se passer et il a trouvé plus judicieux de négocier avec Vladimir Poutine. Il a obtenu du maître du Kremlin la création d’une zone sous influence turque au Nord-Est d’Alep pour accueillir les futurs réfugiés, tout en bloquant l’avancée des Kurdes vers l’Ouest. En échange, le Président turc a dû s’engager à réduire son soutien aux rebelles syriens. Ce qui augure mal de l’avenir de la rébellion syrienne car la Turquie est indispensable pour son soutien logistique.

Voir également:

Hollande déboussolé face à Poutine

La France plus isolée que jamais

Hadrien Desuin
Expert en géo-stratégie, sécurité et défense

Causeur

13 octobre 2016

Le report sine die de la visite du président russe à Paris, pourtant prévue de longue date, est un nouvel épisode du burlesque qui guide notre diplomatie depuis presque cinq ans. L’inauguration de la cathédrale orthodoxe du quai Branly était l’occasion pour la France de se replacer dans le jeu diplomatique alors que les relations américano-russes sont au plus bas. Mais François Hollande n’a pas eu le courage de préserver l’indépendance de la France. Il a préféré rallier in extremis les bons élèves du camp occidental.

Hollande improvise sur TMC

Dans une séquence improvisée, François Hollande a benoitement livré au micro de TMC ses hésitations. “Je me suis posé la question (…) Est-ce que c’est utile ? Est-ce que c’est nécessaire ? Est-ce que ça peut être une pression ?”  Il commence par confirmer au jeune journaliste qui se trouvait là qu’il va recevoir le président russe et il finit sa phrase en ânonnant “si je le reçois…” Il est tellement sincère, au fond, notre président. On le voit hésiter, trembler en direct. Comme une Léonarda diplomatique. Cet homme n’aime pas ce pour quoi il a été élu: décider et choisir. Il laisse la décision à Vladimir Poutine. Et Vladimir Poutine de lui répondre moqueur :  “je viendrai quand François Hollande sera prêt”. Comme si Hollande n’était pas vraiment dans son assiette. Pas vraiment maître de lui même. Après tout, la France doit parler à Moscou pour exister sur la scène internationale. Mais la Russie n’a pas besoin de Paris pour compter dans le monde.

Bluff présidentiel

Désireux de se ressaisir et de dissiper ce perpétuel sentiment de flou, François Hollande a tenté devant l’Assemblée du Conseil de l’Europe de prouver qu’il avait un cap, qu’il avait la carrure de Vladimir Poutine. Il a ainsi prétendu avoir reporté l’entrevue suite à ”un désaccord majeur entre la Russie et la France ». Mais c’est trop tard, le mal est fait. La France s’est humiliée.

Drapé dans une logique humanitaire à sens unique, Jean-Marc Ayrault semble, de son côté, avoir enfilé les bottes de Laurent Fabius. Après le départ de ce dernier au Conseil Constitutionnel, la diplomatie française semblait pouvoir prendre une tournure un poil plus réaliste. En particulier dans ces deux grandes crises ukrainienne et syrienne mais depuis c’est la rechute. Le retour des grandes déclarations, des coups de menton et des doigts levés; cette parodie d’Aristide Briand à la SDN.

La Russie a du mettre son véto à la résolution française de cessez le feu à Alep. Une gifle que le quai d’Orsay n’a pas digérée. Car Poutine est déterminé à terminer le siège des quartiers Est et à reprendre le contrôle de la Syrie septentrionale. Il s’agit pour Moscou, Téhéran et Damas d’infliger une cuisante défaite aux rebelles djihadistes alliés à la branche syrienne d’Al-Qaïda (leur « divorce blanc » n’a trompé personne pour reprendre l’expression de Fabrice Balanche).

Obama a besoin de Poutine

Moscou entend accélérer les choses avant les élections américaines. Les deux candidats promettent de replacer les Etats-Unis au rang de leader du monde libre mais ils ne prêteront serment que fin janvier. En attendant, Barack Obama n’a pas caché son souhait de reprendre Mossoul avant son départ de la Maison-Blanche. Sa priorité est la chute de Daech et il sait qu’il doit compter malgré tout sur Moscou pour atteindre son but. La course contre-la-montre est engagée. Tout doit être terminé pour l’hiver.

A l’initiative de Moscou et Damas, plusieurs cessez-le-feu ont déjà été négociés ou proposés à Alep, sous l’égide de l’ONU, afin que la population alépine puisse sortir de ce piège. Malheureusement, les groupes djihadistes ont interdit à la population d’en profiter. La population civile est le bouclier humain et la caution morale des djihadistes et de leur famille. Les hôpitaux abritent des QG, ils permettent aux grands chefs de la rébellion de se protéger mais aussi d’exposer les blessés aux bombardements de l’aviation russe (comme à Kunduz avec l’aviation américaine). Le but est de jouer sur la corde humanitaire occidentale et de provoquer une intervention sinon une pression occidentale sur Poutine.

La France se fait le porte-voix  de ses clients du Golfe. Lesquels relayent les cris des groupes djihadistes enfermés dans Alep. La France surjoue son rôle de patrie des droits de l’homme et de soldat de la paix. Mais en réalité, elle n’est plus maîtresse de son propre jeu. La France est entrée dans une confrontation avec la Russie qui la marginalise un peu plus. Plutôt que de réactiver une guerre froide inutile avec Moscou, et de multiplier les rebuffades, Paris ferait mieux d’assumer le dialogue. Pour combattre notre seul et vrai ennemi commun, les djihadistes.

Voir encore:

Interview intégrale du Président Poutine par TF1

Le 11 octobre, alors que le président Hollande, avec toute l’élégance de son rang et de son niveau, claironne alentour qu’il ne souhaite pas recevoir le Président Poutine, ce dernier accorde une interview à un journaliste de TF1. Cette interview bizarrement nous ne pouvons la trouver sur le site de la chaine française, ni à fortiori vérifier et préciser le nom de l’intervieweur. Il est vrai que ce n’est pas le moment pour les occidentaux de donner place aux points de vue russes…

Cette interview a évidemment eu une résonance minimale dans la presse française et plus largement européenne, alors que Poutine y précise des aspects très importants des évènements en cours. Et nous devons le souligner, avec un tact, une précision, et un vocabulaire extrêmement mesuré. Ceci alors que les hauts représentants du monde occidental ne renoncent ni aux excès de langage, ni à la grossièreté. Sans parler du non-respect des normes et convenances diplomatiques les plus élémentaires.

RI choisit ici de vous traduite le texte intégral de cette interview, sur base du texte officiel mis en ligne sur le site de la présidence russe http://www.kremlin.ru/events/president/news/53081

Mufasa

***

Interview du Président Poutine par la chaîne de télévision française TF1 le 11 octobre 2016.

Président Poutine: Mais comment êtes-vous arrivé ici [i]? Nous nous trouvons dans une toute petite ville de province. Maintenant partout où nous venons en Russie, dans n’importe quel village nous trouvons des Français. Mais c’est très bien comme ça, cela nous fait bien plaisir.

Question TF1 : Monsieur le Président pouvez-vous nous expliquer pourquoi vous n’avez pas fait ce voyage à Paris ?

Président Poutine : C’est très simple,  il était supposé que nous allions solennellement inaugurer un centre récemment construit à Paris, un centre culturel et une cathédrale russes, mais nous avons pu observer que ce n’était pas le moment opportun pour un évènement de ce type.  D’autant moins si l’on considère notre incompréhension mutuelle sur ce qui se passe en Syrie et plus précisément autour de la ville d’Alep. Mais sinon nous sommes évidemment toujours ouverts  à ce que nous puissions nous consulter et dialoguer sur ce thème.

Question TF1: mais c’est exactement ce que voulaient les Français, utiliser le contexte de votre visite pour discuter de la situation en Syrie. Tandis que vous c’est pour cette même raison que vous renoncez à la visite.

Président Poutine: Mais sachez que nous n’avons pas réellement refusé, on nous a fait savoir que  la cause principale,  à savoir l’ouverture de ce centre culturel et religieux, n’est pas appropriée. Mais si la raison principale de mon déplacement à Paris n’est pas appropriée, alors nous trouverons certainement une autre possibilité qui soit plus appropriée pour discuter de la situation en Syrie.  Nous n’avons aucune limite à ce sujet nous sommes ouverts au dialogue.

Simplement on nous a fait savoir que ce n’est pas le moment le plus confortable pour de telles manifestations et puis c’est tout. Quant à nous, nous n’avons rien refusé.

Question TF1: De nombreux représentants officiels occidentaux parmi lesquels John Kerry, Jean-Marc Ayrault, même François Hollande, utilisent une rhétorique dure envers la Russie à propos des bombardements à Alep, sous lesquels tombent des cibles civiles, telles que des hôpitaux. Certains même recourent à l’expression « crimes de guerre ». Que pouvez-vous dire à ce sujet?

Président Poutine: Je dirais que c’est une rhétorique politique qui n’a pas grand sens ni ne tient compte de la réalité de ce qui se passe dans ce pays. Et je dirai maintenant pourquoi. Je suis intimement convaincu que dans la situation qui s’est instaurée dans la région dans son ensemble et en Syrie en particulier la responsabilité incombe à tous nos partenaires occidentaux, et en premier lieu évidemment les États-Unis d’Amérique et leurs alliés, dont évidemment les pays leaders de l’Europe.

Rappelons-nous avec quel engouement tous là-bas soutenaient la révolution arabe. Où est-il ce bel optimisme ? Par quoi cela s’est-il terminé ? Souvenons-nous ce que représentaient la Libye et l’Irak avant la destruction de leurs états, de leurs gouvernements. Qui ont été anéantis  par les diverses forces armées de nos partenaires occidentaux.

Ce n’étaient pas bien sûr des modèles de démocratie tels que cela se comprend aujourd’hui. Certainement on pouvait influer sur les structures de ces sociétés, les structures de ces gouvernements et de ces pouvoirs. Par les forces autochtones. Mais dans tous les cas il n’y avait précisément pas de signes avant-coureurs de terrorisme dans ces pays. De ces territoires ne partaient pas de menaces, ni pour Paris, ni pour la Côte-d’Azur en France, ni pour la Belgique, la Russie ou pour les États-Unis d’Amérique.

Actuellement ce sont des sources de terrorisme. Et notre but consiste exactement à éviter qu’en Syrie ne se développe une telle situation.

J’anticipe votre question à propos des réfugiés. Je suppose que vous voulez en parler ? Même si ce n’est pas le cas je vais aborder cette question. Souvenons-nous que les problèmes des réfugiés sont apparus bien avant que la Russie n’entreprenne ses actions pour la normalisation et la stabilisation de la situation en Syrie. L’exode massif de personnes de ces énormes territoires du Moyen-Orient, de l’Afrique et de l’Afghanistan, a commencé bien avant notre intervention en Syrie. Aucun reproche à la Russie à propos de l’augmentation du problème des réfugiés n’est acceptable. Notre but justement est de restaurer les conditions pour le retour des réfugiés sur leur lieu d’existence antérieure.

Maintenant à propos de la situation humanitaire autour d’Alep. Pensez-vous que nous avons oublié comment les forces aériennes des États-Unis ont bombardé un hôpital en Afghanistan, au cours duquel ont péri des collaborateurs de l’organisation Médecins sans frontières? Ou bombardé des fêtes de mariages où jusqu’à 100 personnes ont péri en Afghanistan, puis maintenant au Yémen ce qui vient de se passer, lorsque, avec une seule bombe, 170 personnes ont été tuées, 500 blessées lors d’une cérémonie funéraire.

Quoi qu’il en soit, partout où se déroulent des conflits armés, bien malheureusement meurent et souffrent des gens qui n’y sont pour rien. Mais nous ne pouvons permettre aux terroristes de se protéger derrière des civils qu’ils utilisent comme des boucliers humains, et nous ne pouvons permettre qu’ils fassent chanter le monde entier lorsqu’ils ont pris quelqu’un en otage, le tuent et le décapitent. Si nous voulons mener cette guerre à son terme avec les terroristes, il faut alors se battre contre eux, mais ne pas aller vers eux en s’inclinant, et se retirer à reculons.

Question TF1 : Monsieur le Président le fait est que les Français ne comprennent pas pourquoi vous faites subir des bombardements à ceux que vous appelez des terroristes. Nous avons été attaqués par l’EI,  qui ne se trouve pas dans Alep. C’est cela que les Français ne comprennent pas.

Président Poutine: Je vais vous expliquer. À Alep la situation est contrôlée par une autre organisation terroriste qui s’appelle Jabhat al Nusra. Elle a toujours été considérée comme une aile d’Al-Qaïda et figure dans la liste des organisations terroristes établie par l’ONU.

Ce qui choque et nous étonne c’est le fait que nos partenaires, et plus précisément américains, d’une façon ou d’une autre tentent sans cesse de sortir le dialogue sur le terrorisme de ses limites propres. Et je vais vous dire pourquoi. Il me semble que nos partenaires systématiquement et constamment reviennent sur les mêmes travers, ils veulent utiliser le potentiel militaire de ces organisations terroristes et radicales pour accomplir leurs buts politiques ; et dans ce cas pour combattre le président Assad et son gouvernement, ne comprenant pas que plus tard ils ne réussiront pas à mettre ces terroristes de côté, dans un coin, et les contraindre à vivre selon les lois et le droit civilisés, s’ils arrivaient à vaincre quelqu’un.

Nous avons à de multiples reprises convenu avec les Américains qu’ils procéderont à la séparation de l’organisation Jabhat al Nosra et de ses semblables des autres organisations que l’on appelle modérées de l’opposition, dont celles qui sont à Alep. Et les Américains ont convenu avec nous  que cela doit être fait. Je dirais même plus, nous avons convenu  de certains délais, mais mois après mois, rien n’a été fait.

Nous avons tout récemment convenu de ce que nous annoncerions le jour du cessez-le-feu  – le jour J comme disent les Américains-.  J’avais insisté pour que, auparavant, ils résolvent le problème de la séparation de Jabhat al Nosra et des autres organisations terroristes de ce que l’on appelle l’opposition modérée. Et que, alors seulement, soit annoncé le cesser le feu.

Mais les Américains insistèrent au contraire pour que l’on annonce d’abord un cessez-le-feu et seulement ensuite soit accomplie cette séparation entre terroristes et non terroristes. Finalement nous avons été à leur rencontre et nous avons accepté cela. Et c’est ainsi que le 12 septembre fut  annoncé le cessez-le-feu  et la cessation des activités militaires.  Mais le 16 septembre l’aviation américaine a bombardé les forces syriennes[ii] occasionnant la mort de 80 militaires syriens.

Au même moment, immédiatement après les bombardements, l’État islamique -et ici on parle bien de l’État islamique-, a entrepris une attaque terrestre sur la zone qui venait d’être bombardée. Nos collègues américains nous ont dit que ce bombardement était une erreur. Mais cette erreur a conduit à la mort de 80 personnes. C’est la première chose. Et la deuxième chose, c’est que c’est peut-être aussi par hasard que Daech est passé à l’offensive tout de suite après ces frappes.

Alors, simultanément, à un niveau inférieur, opérationnel, un des responsables militaires américains annonce très directement qu’ils avaient préparé pendant plusieurs jours cette attaque aérienne. Comment pouvaient-ils se tromper s’ils ont consacré plusieurs jours à la préparation?

Ainsi furent rompus nos accord sur un cesser le feu. Qui les a rompus ? Nous ? Non.

Question TF1: on parle du retour possible à la guerre froide mais il y a d’autre part un américain auquel vous plaisez, c’est Donald Trump. Comment le considérer vous? Est-ce qu’il vous plaît ?

Président Poutine: Écoutez, tout le monde nous plaît, l’Amérique est un grand pays, les Américains un grand peuple, intéressant, sympathique et talentueux. C’est une grande nation. Qui ils vont élire nous verrons, et c’est avec celui-ci ou celle-là que nous travaillerons. Bien sûr il est plus commode de travailler avec ceux qui souhaitent travailler avec nous.  Si Trump veut travailler avec la Russie alors on peut  seulement le saluer, mais il faut seulement que cette collaboration soit sincèrement équitable et mutuelle.

Mais, voyez-vous,  revenons au problème de Alep. Nous parlons de ce qu’il est indispensable de mener des convois humanitaires.  Tout le monde tente de nous convaincre de la nécessité de le faire.  Mais il ne faut pas nous convaincre, nous sommes du même avis, nous pensons qu’il est nécessaire d’organiser des convois humanitaires. Mais comment le faire ? Il n’y a qu’une seule route, par laquelle doit passer le convoi, d’un côté de la route il y a les combattants  rebelles et de l’autre il y a des régiments de l’armée arabe syrienne.  Nous avons connaissance des provocations et de tirs sur l’une de ces colonnes, et nous savons  par quel groupe terroriste ces tirs ont été provoqués.

Nous disons: Convenons d’évacuer les troupes rebelles d’un côté de la route, et l’armée régulière syrienne de l’autre côté de la route. Et nous libérons ainsi le passage et sécurisons cette route pour les convois humanitaires.

Tout le monde est d’accord avec nous et même plus, cela est consigné dans certains documents. Et puis, plus rien ne se passe, personne n’agit du côté de nos partenaires. Soit ils ne veulent pas retirer les troupes rebelles soit ils ne peuvent pas le faire, je ne le sais pas.

Ensuite arrive une proposition exotique. Je vais maintenant vous étonner, vous et vos téléspectateurs. Il nous a été proposé de placer nos forces armées -de l’armée russe- de part et d’autre de cette route. Et d’en assurer la sécurité. Nos militaires, qui sont des gens courageux et déterminés, sont venus me voir et m’ont dit : bien, on peut le faire nous sommes prêts.

J’ai dit non. Si nous le faisons, nous ferons avec les Américains, proposez-le leur. Nous avons proposé et les Américains ont immédiatement refusé : monter au front, ils ne veulent pas. Retirer les troupes rebelles, ils ne veulent pas non plus. Que fait-on dans cette situation ?

Nous devons simplement relever le niveau de confiance mutuelle et comprendre que ces menaces nous sont communes Et ce n’est qu’en travaillant ensemble que l’on peut écarter et éloigner ces menaces.

Avec les services français nous avons d’excellentes relations, nous travaillons concrètement en phase. Ainsi en est-il pour nos spécialistes de lutte antiterroriste avec les spécialistes tant français qu’européens. Mais ce n’est pas toujours le cas.

Par exemple nous communiquons à nos partenaires américains une information. Très souvent elle reste sans aucune réaction. Il y a quelques temps nous avions envoyé une information sur les frères Tsarnaev[iii]. Le premier document a été envoyé, résultat zéro. Puis un second document a été envoyé et nous recevons en réponse « ce n’est pas votre affaire car ils sont déjà citoyens américains nous nous débrouillerons seuls». Résultat il y a eu un acte terroriste aux États-Unis.

N’est-ce pas un exemple de ce qu’en négligeant la coopération dans cette sphère extrêmement sensible nous subissons des pertes ? Il faut s’occuper non de rhétorique politique mais chercher des issues à cette situation qui s’est installée entre autres en Syrie. Quelle issue et quelle solution ? Il n’y en a qu’une : il faut convaincre toutes les parties impliquées dans ce conflit de suivre la voie de solutions politiques.

Ainsi nous avons convenu avec le président Assad, et il l’a accepté, de privilégier la solution d’une nouvelle constitution, puis de mener des élections sur la base de cette constitution. Mais on ne parvient à convaincre absolument personne de cette solution. Si le peuple ne vote pas pour le président Assad, cela veut dire que démocratiquement il y aura un changement de pouvoir, non par le recours à la force depuis l’extérieur, mais par un strict contrôle international et un contrôle de l’ONU. Je ne comprends pas que l’on ne puisse pas s’accommoder avec cette forme démocratique de résolution d’un problème de pouvoir. Mais nous ne perdons pas notre optimisme, et espérons que d’une manière ou d’une autre nous réussirons à convaincre tous nos collègues et partenaires que c’est l’unique moyen de résoudre les problèmes.

Traduction MufasaRéseau International

Source : http://www.kremlin.ru/events/president/news/53081

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[i] Le contexte de cette interview est un forum dans la petit ville de KOVROV, dans l’oblast de Vladimir.

[ii] Le bombardement des troupes syriennes par l’aviation US à Deir el Zor, suivit immédiatement d’un assaut de Daesh, EI et autres mercenaires. Assaut victorieux qui permet à ces derniers d’emporter une position très favorable dans l’est de la Syrie

[iii] Selon les autorités US ils seraient les auteurs de l’attentat de Boston.

Voir encore:

Double Standards for Aleppo and Gaza

Simon Plosker

Algemeiner

September 29, 2016

Make no mistake, the carnage taking place in Aleppo right now is a disgrace to the international community.

The Syrian government and Russian-backed forces are reportedly using chemical weapons, barrel bombs and increasingly powerful explosives to target innocent men, women and children. While rebel fighters have undoubtedly embedded themselves in the city in fortified positions, it appears that the civilian population is bearing the brunt of the conflict.

While there has been some condemnation from the UN, where are the protests on the streets of European capitals and where is the media frenzy about this disgrace?

Had Israel been involved, or had the IDF aimed one solitary munition at Aleppo, I think the response would be much different.

The international community’s condemnation of the Assad regime and Putin’s Russia is nothing compared to the vitriol leveled against Israel for its far more restrained (and completely justified) 2014 operation against Hamas in Gaza.

Unfortunately for the 250,000 residents of Aleppo, the city is not being attacked by the IDF. There are no leaflets being dropped warning civilians to evacuate areas in the line of fire. There is no “roof knocking” — where non-explosive devices are dropped on the roofs of targeted buildings to give civilians time to flee. And judging by the number of civilian casualties and the extent of the destruction in Syria, there is very little to no concern for the well-being of innocent civilians.

Aleppo is a testament to the double standards at play when it comes to the treatment of Israel’s military operations. There is, however, a caveat. The IDF should be held to higher standards than the militaries of both Syria and Russia.

And that is why The Sunday Times of London caught my eye recently. One story was headlined “Putin’s gigantic firebombs torch Aleppo.” Next to it was an article entitled, “RAF drone crew divert missile to save ‘civilian’ seconds from death.”

The dissonance between the two stories is striking. On one side, we have the alleged deployment by Russia of a weapon “capable of blasting a massive ball of flame across wide areas of Aleppo.” On the other, the release of a video by Britain’s Royal Air Force showing a drone missile aimed at ISIS terrorists being diverted at the last minute to avoid killing a civilian.

One side was indiscriminately firebombing, while the other was deliberately acting to prevent civilian casualties.

The RAF evidently felt that its tale was a positive story, which showed that its drone squadrons act both ethically and in accordance with international law. Why is this news? Israel released many videos from incidents where missiles targeting Hamas terrorists were diverted due to the presence of Palestinian civilians. So why then were Israel’s identical efforts not deemed newsworthy?

Granted, the Sunday Times is a British newspaper covering the British military, but the UK press has never been shy about devoting many column inches to Israel and the Palestinians.

Israeli efforts to minimize civilian casualties go unreported or even ignored by the press, and Israel instead finds itself regularly judged in the court of public opinion, which is led by a lazy or hostile media.

So Israel is subjected not only to a different standard than the deplorable militaries of Syria and Russia, but even to a different standard than other Western militaries.

If and when the Syrian conflict comes to an end, will anyone be held to account for what certainly appear, at face value, to be genuine war crimes? Will there be a UN investigation and a Goldstone-style report? Will the International Criminal Court issue indictments? Given Russian involvement and the lack of American global power projection, it is unlikely that anyone will be held to account.

The next time open conflict between Israel and Hamas breaks out, will the parameters of judgment have changed as a result of the carnage in Aleppo and other parts of Syria? Or will Israel continue to be held to a standard of behavior unlike any other military in the world?

The likelihood is that nothing will have changed when it comes to how Israel is treated, and we will be left to conclude that, ultimately, the world will be outraged by Israel defending itself and its citizens irrespective of how ethically it behaves.

Simon Plosker is Managing Editor of HonestReporting

Voir de plus:

Syrie : des horreurs commises par des groupes armés

Amnesty international

[04/07/2016]

Les groupes armés implantés à Alep, Idlib et dans les environs, dans le nord de la Syrie, se livrent à des séries d’enlèvements, de tortures et d’exécutions sommaires.

Depuis cinq ans, nous avons recensé en détail les crimes de guerre et les crimes contre l’humanité commis à grande échelle par les forces gouvernementales syriennes. Nous avons également rendu compte des graves violations, y compris des crimes de guerre, imputables à l’EI et à d’autres groupes armés.

Si certains civils dans les zones contrôlées par les groupes armés de l’opposition ont pu au départ saluer le fait d’échapper au joug du régime syrien, l’espoir que ces groupes respecteraient les droits s’estompe au fur et à mesure qu’ils s’emparent des lois et commettent de graves violations.

Notre rapport Torture was my punishment: Abductions, torture and summary killings under armed group rule in Aleppo and Idleb, Syria, (anglais) offre un rare aperçu de ce qu’est la vie dans les zones contrôlées par les groupes armés d’opposition.

Les groupes armés en cause

Nous avons recensé les violences commises par cinq groupes armés qui contrôlent des régions des gouvernorats d’Alep et d’Idlib depuis 2012 :

  • Le mouvement Nour al Dine Zinki, du Front al Shamia et de la brigade 16, qui ont rejoint la coalition de groupes armés Conquête d’Alep (Fatah Halab) en 2015
  • Le Front al Nosra et le Mouvement islamique Ahrar al Sham à Idlib, qui ont rejoint la coalition de l’Armée de la conquête, en 2015

Le rapport apporte aussi un éclairage sur les institutions administratives et quasi-judiciaires mises en place par les groupes armés pour gouverner ces régions.

Une dure réalité pour les civils

Beaucoup des civils sous contrôle des groupes armés d’opposition à Alep, à Idlib et dans les environs vivent dans la peur constante d’être enlevés s’ils critiquent le comportement des groupes armés en place ou ne respectent pas les règles strictes imposées par certains.

À Alep et Idlib aujourd’hui, les groupes armés ont les coudées franches pour commettre des crimes de guerre et bafouer le droit international humanitiare en toute impunité.

Un système judiciaire « sur mesure »

Des groupes armés non étatiques comme le Front al Nosra, le Front al Shamia et le Mouvement islamique Ahrar al Sham définissent leurs propres « systèmes judiciaires » fondés sur la charia (loi islamique) dans les zones qu’ils contrôlent.
Ils mettent sur pied des bureaux chargés des poursuites, des forces de police et des centres de détention non officiels.
Ils nomment également des juges, dont certains ne connaissent pas la charia.

Mauvais traitements et crimes de guerre

Le Front al Nosra et le Mouvement islamique Ahrar al Sham notamment appliquent une interprétation stricte de la charia et imposent des sanctions équivalant à des actes de torture ou à des mauvais traitements pour des infractions présumées.
Certains groupes bénéficieraient du soutien des gouvernements du Qatar, de l’Arabie saoudite, de la Turquie et des États-Unis notamment, alors que des éléments prouvent qu’ils violent le droit international humanitaire (les lois de la guerre).

Militants des droits humains, minorités et mineurs pris pour cibles

Nous avons recensé 24 cas d’enlèvements par des groupes armés dans les gouvernorats d’Alep et d’Idlib entre 2012 et 2016.

Parmi les victimes figurent des militants pacifiques et même des mineurs, ainsi que des membres de minorités pris pour cibles uniquement en raison de leur religion. Des membres de la minorité kurde à Sheikh Maqsoud, quartier à majorité kurde de la ville d’Alep, figurent parmi les personnes enlevées, ainsi que des prêtres chrétiens ciblés en raison de leur religion.

Plusieurs journalistes et militants utilisant les réseaux sociaux qui rendent compte des violations des droits humains ont déclaré à nos chercheurs avoir été enlevés parce qu’ils avaient critiqué le comportement des groupes armés au pouvoir.
Beaucoup ont ensuite été libérés, sous la pression exercée par la population sur le groupe armé qui les avait enlevés.

Issa, 24 ans, militant utilisant les médias, a déclaré qu’il avait cessé de publier sur Facebook toute information susceptible de lui faire courir des risques après avoir reçu des menaces du Front al Nosra :

Ils contrôlent ce que nous pouvons et ne pouvons pas dire. Soit vous êtes d’accord avec leurs règles sociales et leurs politiques, soit vous disparaissez. Au cours des deux dernières années, j’ai été menacé à trois reprises par le Front al Nosra pour avoir critiqué sur Facebook leur manière de diriger.»

Bassel, avocat installé à Idlib, a été enlevé chez lui, à Marat al Numan, en novembre 2015, pour avoir critiqué le Front al Nosra :

J’étais content d’être enfin libéré du joug inique du gouvernement syrien, mais c’est bien pire aujourd’hui. J’ai critiqué publiquement le Front al Nosra sur Facebook… Le lendemain matin, ils sont venus chez moi me kidnapper.»

Ses ravisseurs l’ont retenu captif dans une maison abandonnée pendant 10 jours, puis l’ont finalement libéré après l’avoir contraint à renoncer à sa profession, le menaçant de ne jamais revoir sa famille s’il n’obtempérait pas.

Exécutions sommaires

Les informations recueillies établissent que des exécutions sommaires sont imputables au Front al Nosra, au Front al Shamia et à leurs « tribunaux » affiliés, ainsi qu’au Conseil judiciaire suprême, entité dans le gouvernorat d’Alep reconnue par plusieurs groupes armés comme l’unique autorité judiciaire de la région.

Parmi les victimes figurent des civils, dont un adolescent de 17 ans accusé d’être homosexuel et une femme accusée d’adultère, ainsi que des soldats capturés des forces gouvernementales syriennes, des membres des milices chabiha pro-gouvernementales, du groupe armé se désignant sous le nom d’État islamique (EI) et d’autres groupes rivaux.

Dans certains cas, les groupes armés ont procédé à des exécutions sommaires en place publique. Or, le droit international humanitaire interdit l’homicide délibéré de prisonniers, acte qui constitue un crime de guerre.

Lire aussi : Syrie: le gouvernement bombarde et affame ses citoyens« Saleh », capturé par le Front al Nosra en décembre 2014, a déclaré avoir vu cinq femmes qui, selon un gardien, étaient accusées d’adultère et ne seraient pardonnées « que dans la mort ». Par la suite, il a vu une vidéo montrant des combattants du Front al Nosra tuer l’une de ces femmes, en place publique, dans le cadre de ce qui s’apparentait à une exécution.

Faire pression sur les groupes armés


Les États-Unis, la France, le Qatar, la Turquie et l’Arabie saoudite
font partie des États membres du Groupe international de soutien à la Syrie, et participent à ce titre aux négociations sur la Syrie.
Ils doivent :
– faire pression sur les groupes armés pour qu’ils mettent fin aux violations et pour qu’ils respectent les lois de la guerre ;
– cesser tout transfert d’armes ou de soutien aux groupes qui se livrent à des crimes de guerre et à des violations flagrantes des droits fondamentaux.

La Russie et les États-Unis, ainsi que l’envoyé spécial des Nations unies en Syrie, doivent mettre l’accent, durant les pourparlers de paix de Genève, sur les détentions imputables aux forces gouvernementales et sur les enlèvements imputables aux groupes armés.

De son côté, le Conseil de sécurité de l’ONU doit imposer des sanctions ciblées aux dirigeants des groupes armés qui se livrent à des crimes de guerre.

Voir enfin:

Heckuva Job

What Erdogan’s Pivot to Putin Means