Diplomatie: La voix de la France a disparu dans le monde (French diplomacy in disarray: How are you supposed to outdo America’s most anti-American president?)

Alliot-Marie à la peine, enlisée dans la polémique sur ses vacances tunisiennes - ladepeche.frIl est clair qu’une civilisation qui se sent coupable de tout ce qu’elle est et fait n’aura jamais l’énergie ni la conviction nécessaires pour se défendre elle-même. JF Revel
Bien entendu nous n’allons rien faire. Claude Cheysson (1981)
Dans ces pays là, un génocide, ce n’est pas trop important. Mitterrand (1994)
Ce n’est pas une politique de tuer des enfants. Chirac (accueillant Barak à Paris, 2000)
La situation est tragique mais les forces en présence au Moyen-Orient font qu’au long terme, Israël, comme autrefois les Royaumes francs, finira par disparaître. Cette région a toujours rejeté les corps étrangers. Villepin (Paris, 2001)
Pourquoi accepterions-nous une troisième guerre mondiale à cause de ces gens là? Daniel Bernard (ambassadeur de France, après avoir qualifié Israël de « petit pays de merde », Londres, décembre 2001)
Les Israéliens se sont surarmés et en faisant cela, ils font la même faute que les Américains, celle de ne pas avoir compris les leçons de la deuxième guerre mondiale, car il n’y a jamais rien de bon à attendre d’une guerre. Et la force peut détruire, elle ne peut jamais rien construire, surtout pas la paix. Le fait d’être ivre de puissance et d’être seul à l’avoir, si vous n’êtes pas très cultivé, enfant d’une longue histoire et grande pratique, vous allez toujours croire que vous pouvez imposer votre vision. Israël vit encore cette illusion, les Israéliens sont probablement dans la période où ils sont en train de comprendre leurs limites. C’était Sharon le premier général qui s’est retiré de la bande de Gaza car il ne pouvait plus la tenir. Nous défendons absolument le droit à l’existence d’Israël et à sa sécurité, mais nous ne défendons pas son droit à se conduire en puissance occupante, cynique et brutale … Michel Rocard (2006)
La politique étrangère de la France, c’est facile. Il suffit de faire le contraire des Américains qui se trompent tout le temps.Chirac (2002)
Si la direction américaine enchaîne erreur sur erreur en Irak, les Européens, et les Français en particulier, sont encore plus idiots car ils ne déterminent leur position qu’en fonction de Washington. Ils ne tiennent aucun compte de l’Irak et de ses habitants. Les Irakiens pensent que l’Europe et la France les ont doublement lâchés, d’abord face à Saddam, puis face à l’occupation américaine. La France n’est intéressée que par sa position antiaméricaine. Elle oublie les Irakiens. Chirac et Villepin doivent comprendre qu’aucun Irakien ne juge que leur position est courageuse… Qu’a fait la France pour aider l’Irak à se libérer du dictateur, puis pour aider l’Irak à retrouver sa souveraineté ? Rien ! Fakhri Karim (directeur de journal irakien)
J’ai été extrêmement choqué par l’opposition de la France à la guerre parce que, même si personne n’aime Bush, ni en Europe ni en Irak, l’essentiel était de nous libérer de Saddam. Je n’ai rien compris à la politique française. Sans parler de l’après-guerre où, une fois que tout est fini de toute façon, les Irakiens ont besoin d’aide face à l’insécurité, à la misère, et où la France est absente. Hilmi Dawood (journaliste kurde)
Une fois que la guerre a été achevée, nous avons vu que les promesses de la France d’aider le peuple irakien n’étaient que du vent. Rien n’est venu. La politique de la France, ce sont des belles paroles, et aucune efficacité. Bilal (étudiant sunnite en sciences politiques)
Je crois que la France n’était opposée à la guerre que parce qu’elle défendait ses propres intérêts, parce qu’elle était l’amie et recevait des cadeaux de Saddam. Mounaf (étudiant sunnite)
Tous les Irakiens un peu éduqués se plaignent de l’absence de la France. Quant aux autres, ils se fichent de l’Europe, car ils savent que ce sont les Etats-Unis qui font la loi. La position adoptée par la France l’an dernier l’a affaiblie aux yeux de la rue irakienne. Elle a prouvé que son opinion ne change rien. La France était contre la guerre, et la guerre a eu lieu! Amer Hassan Fayath (professeur de sciences politiques)
Quelle fidélité ? Nous, professeurs vacataires, avons eu nos salaires supprimés. La France ne peut même pas nous faire vivre pendant cette année de crise. Je suis francophile, je n’aime pas les Américains, mais eux nous offrent de bons jobs et de bons salaires. Ils m’ont proposé un poste. J’avais refusé jusqu’à présent, espérant que la France s’implique en Irak, mais je vais accepter. Je suis un peu fâché contre moi-même d’aller travailler avec l’occupant américain et d’accepter ses dollars, mais je suis encore plus fâché contre la France! professeur sunnite du Centre culturel français (fermé par mesure de sécurité)
C’est le même malentendu qui continue entre l’Europe et l’Irak après les attentats de Madrid. L’Europe, antiaméricaine et pacifiste, célèbre le retrait espagnol d’Irak, comme si elle venait de remporter une grande victoire ! Nous, Irakiens, pensons que le refus de la France et de l’Allemagne de nous aider, et le départ annoncé de l’Espagne sont une catastrophe. Pour que nous retrouvions nos esprits après les décennies terribles de Saddam, pour que nous sortions de ce tête-à-tête avec les Américains, nous avons, aujourd’hui plus que jamais, besoin des autres pays. L’ONU, l’Europe et la France n’avaient déjà pas beaucoup de crédibilité en Irak, mais elles ont tout perdu depuis un an en laissant Bush, que nous détestons par ailleurs, être l’unique tombeur de Saddam, puis en n’arrivant pas à notre rescousse une fois la guerre finie. Journaliste de Bagdad
Il est presque impossible, hormis chez les responsables baasistes déchus, de trouver quelqu’un qui soutienne la position de Paris dans la crise. Rémy Ourdan (Le Monde, 2004)
Il est maintenant clair que les assurances données par Chirac ont joué un rôle crucial, persuadant Saddam Hussein de ne pas offrir les concessions qui auraient pu éviter une guerre et le changement de régime. Selon l’ex-vice président Tareq Aziz, s’exprimant depuis sa cellule devant des enquêteurs américains et irakiens, Saddam était convaincu que les Français, et dans une moindre mesure, les Russes allaient sauver son régime à la dernière minute. Amir Taheri (2006)
Respectez-vous les droits de l’homme en ce qui concerne les populations immigrées? Kadhafi
Est-on si exemplaire que ça en matière de droits de l’homme ? (…) Le problème des libertés n’est pas le plus important en Afrique, la question la plus importante, c’est que la population va doubler et voudra avoir un niveau de vie comparable à celui qu’elle a aujourd’hui. Jacques Chirac (Bamako, Mali, 2007).
Le Gabon sans la France, c’est une voiture sans chauffeur. La France sans le Gabon, c’est une voiture sans carburant.Omar Bongo
Que s’est-il donc passé dans la chambre 312 de la Mamounia, hôtel de luxe de Marrakech, le 31 décembre ? « Une violente dispute, comme il en arrive dans tous les couples », affirme aujourd’hui Philippe Douste-Blazy. Le ministre, en vacances dans l’établissement – une propriété de l’Etat marocain très courue du Tout-Paris des affaires et de la politique – reconnaît s’être violemment disputé ce soir-là avec sa compagne, la productrice de télévision Dominique Cantien. Un différend peu discret, puisque des voisins du couple, au troisième étage de l’hôtel, ont pu en suivre les péripéties et voir le ministre et sa compagne, légèrement vêtus, s’invectiver dans le couloir. (…) L’histoire a aussitôt fait l’objet d’un rapport des services de sécurité au ministère de l’intérieur, mais aussi à l’ambassade de France à Rabat qui en a informé l’ambassadeur, Philippe Faure, alors en vacances dans l’océan Indien, lequel en a rendu compte à Matignon et à l’Elysée. L’affaire aurait pu suffire à irriter largement le président de la République : le ministre des affaires étrangères ne doit-il pas présenter une image irréprochable, notamment en territoire étranger ? Mais Le Canard enchaîné, qui a révélé l’histoire le 23 mars, y a ajouté un élément plus délicat : la dispute aurait occasionné pour 30 000 euros de dégâts. « Une facture que le palais royal a aussitôt réglée à la Mamounia », assure l’hebdomadaire satirique. « C’est faux, s’insurge M. Douste-Blazy, il n’y a eu aucun dégât – ou peut-être juste un cendrier – et j’ai payé ma note de 2 467,33 euros avec ma carte de crédit ! » Le Monde (2006)
L’objectif prioritaire de la diplomatie française est le containment inconditionnel des Etats-Unis. (…) En politique étrangère, la France a, en quelque sorte, chaussé les bottes de la défunte Union Soviétique. Françoise Thom (2003)
En réalité, la principale préoccupation de ces dirigeants n’est pas d’intégrer un club de démocraties méditerranéennes, mais de sanctuariser leurs régimes et de maintenir leurs clans au pouvoir. (…) La fermeture du champ politique met en rivalité deux systèmes totalitaires et écarte toute hypothèse démocratique. Il n’y aura pas d’alternance par les urnes. Elle se fera un jour dans la rue, au profit des islamistes. Antoine Basbous (2008)
Nous sommes inquiets des conséquences pour la France d’un affaiblissement sans précédent de ses réseaux diplomatiques et culturels. (…) l’instrument est sur le point d’être cassé, cela se voit dans le monde entier. Tous nos partenaires s’en rendent compte. Pourtant, dans la compétition multipolaire, où tout se négocie en permanence avec un grand nombre d’interlocuteurs qu’il faut connaître avec précision, la France a plus que jamais besoin de moyens d’information et d’analyse. (…) Les autres grands pays ne détruisent pas leur outil diplomatique: les effectifs du département d’Etat américain augmentent de 4 % à 5 % par an. Ceux du Foreign Office sont désormais supérieurs aux nôtres. Les pays émergents, pour leur part, construisent et consolident rapidement leur réseau: le Brésil, sous le président Lula, a ainsi ouvert une trentaine d’ambassades. Alain Juppé et Hubert Védrine (anciens ministres des affaires étrangères)
A l’encontre des annonces claironnées depuis trois ans, l’Europe est impuissante, l’Afrique nous échappe, la Méditerranée nous boude, la Chine nous a domptés et Washington nous ignore ! Dans le même temps, nos avions Rafale et notre industrie nucléaire, loin des triomphes annoncés, restent sur l’étagère. Plus grave, la voix de la France a disparu dans le monde. Notre suivisme à l’égard des Etats-Unis déroute beaucoup de nos partenaires. Pendant la guerre froide, nous étions dans le camp occidental, mais nous pesions sur la position des deux camps par une attitude originale. Aujourd’hui, ralliés aux Etats-Unis comme l’a manifesté notre retour dans l’OTAN, nous n’intéressons plus grand monde car nous avons perdu notre visibilité et notre capacité de manœuvre diplomatique. Collectif de diplomates français

Nouvelle victime collatérale de l’Administration Obama: la diplomatie française ?

A l’heure où, avec  l’actuel fiasco de la diplomatie française (en réalité occidentale) face au « printemps arabe » et la perspective des prochaines échéances électorales, les premiers rats commencent à quitter le navire …

Comment ne pas repenser, victimes de la multipolarité qu’ils appelaient depuis si longtemps de leurs voeux, au prophétique et  émouvant plaidoyer de nos Védrine et  Juppé nationaux  dans une tribune de Monde l’été dernier ?

Déplorant, on s’en souvient, la « casse de l’outil de travail diplomatique » de notre pays  face à un mastodonte qui, avec cinq fois plus de population et sept fois plus de richesse et même si nous nous rattrapons, sans compter nos si chers  lycées français à l’étranger, sur les représentations auprès des organisations internationales (17 contre 11) et du total de représentations à l’étranger (271 contre 249), continue à nous narguer avec son premier réseau diplomatique mondial (166 ambassades contre nos malheureuses 156 !) ?

Et surtout à la courageuse tribune anonyme de leurs collègues la semaine dernière ?

Rappelant ce qu’est devenue, sous Sarkozy et le remplacement du cowboy Bush par le plus anti-américain des locataires de la Maison Blanche, une diplomatie française privée non seulement, de la Françafrique au Rwanda et au Programme pétrole contre nourriture,  de  ses plus grandes heures de gloire …

Mais de son vital fonds de commerce antiaméricain?

« Cessez d’affaiblir le Quai d’Orsay ! »

 Le Monde

06.07.10

 Dans une tribune accordée en exclusivité au Monde, les anciens ministres des affaires étrangères, Alain Juppé et Hubert Védrine, s’alarment des conséquences pour la France de la réduction « sans précédent » du budget du Quai d’Orsay.

Nous sommes inquiets des conséquences pour la France d’un affaiblissement sans précédent de ses réseaux diplomatiques et culturels.

Le budget du ministère des affaires étrangères a toujours été très réduit : de l’ordre de 1,2 % à 1,3 % du budget de l’Etat les meilleures années. Encore faudrait-il en déduire les sommes destinées à des organisations internationales, qui ne font que transiter par ce budget. Le rapport investissement-efficacité de ce petit budget est remarquable: représentations permanentes, ambassades, consulats, lycées, écoles, centres culturels, programmes d’aide et de coopération.

Or, en vingt-cinq ans, le ministère des affaires étrangères a déjà été amputé de plus de 20% de ses moyens financiers ainsi qu’en personnels. Tous les ministères doivent évidemment contribuer à la réduction des dépenses publiques, mais aucune administration n’a été réduite dans ces proportions. Cela s’explique en partie parce que les préjugés sont nombreux et tenaces contre « les diplomates » (pourtant rémunérés selon les mêmes grilles que l’ensemble de la fonction publique), et que le métier diplomatique est rarement expliqué alors qu’il est indispensable à la défense des intérêts de notre pays.

Cet affaiblissement disproportionné va encore s’aggraver du fait d’une revue générale des politiques publiques aveugle, qui souvent supprime d’une façon rigide ce qu’il faudrait absolument garder. De plus, le ministère des affaires étrangères va devoir encore, jusqu’en 2013, supprimer trois emplois sur quatre départs en retraite, soit plus que la règle générale d’un sur deux.

Les économies ainsi réalisées sont marginales. En revanche, l’effet est dévastateur : l’instrument est sur le point d’être cassé, cela se voit dans le monde entier. Tous nos partenaires s’en rendent compte.

Pourtant, dans la compétition multipolaire, où tout se négocie en permanence avec un grand nombre d’interlocuteurs qu’il faut connaître avec précision, la France a plus que jamais besoin de moyens d’information et d’analyse. Les autres ministères présents à l’étranger (finances, défense) sont essentiels aussi et ont leur fonction propre. Le rôle du Quai d’Orsay est de rendre cohérentes toutes les formes de notre présence, ce qui est la clé de notre influence.

Les autres grands pays ne détruisent pas leur outil diplomatique: les effectifs du département d’Etat américain augmentent de 4 % à 5 % par an. Ceux du Foreign Office sont désormais supérieurs aux nôtres. Les pays émergents, pour leur part, construisent et consolident rapidement leur réseau: le Brésil, sous le président Lula, a ainsi ouvert une trentaine d’ambassades. Le service diplomatique européen, auquel nous devrons en plus fournir des diplomates pour assurer notre influence en son sein, ne remplira pas la même fonction.

Il faut adapter l’appareil diplomatique, comme l’Etat tout entier, mais cesser de l’affaiblir au point de le rendre d’ici à quelques années incapable de remplir ses missions, pourtant essentielles.

Alain Juppé et Hubert Védrine, anciens ministres des affaires étrangères

Voir aussi :

« La voix de la France a disparu dans le monde »

Le Monde

22.02.11

Un groupe de diplomates français de générations différentes, certains actifs, d’autres à la retraite, et d’obédiences politiques variées, a décidé de livrer son analyse critique de la politique extérieure de la France sous Nicolas Sarkozy. En choisissant l’anonymat, ils ont imité le groupe Surcouf émanant des milieux militaires, dénonçant lui aussi certains choix du chef de l’Etat. Le pseudonyme collectif qu’ils ont choisi est « Marly » – du nom du café où ils se sont réunis la première fois. Ceci est leur premier texte public.

La manœuvre ne trompe plus personne : quand les événements sont contrariants pour les mises en scène présidentielles, les corps d’Etat sont alors désignés comme responsables.

Or, en matière diplomatique, que de contrariétés pour les autorités politiques ! A l’encontre des annonces claironnées depuis trois ans, l’Europe est impuissante, l’Afrique nous échappe, la Méditerranée nous boude, la Chine nous a domptés et Washington nous ignore ! Dans le même temps, nos avions Rafale et notre industrie nucléaire, loin des triomphes annoncés, restent sur l’étagère. Plus grave, la voix de la France a disparu dans le monde. Notre suivisme à l’égard des Etats-Unis déroute beaucoup de nos partenaires.

Pendant la guerre froide, nous étions dans le camp occidental, mais nous pesions sur la position des deux camps par une attitude originale. Aujourd’hui, ralliés aux Etats-Unis comme l’a manifesté notre retour dans l’OTAN, nous n’intéressons plus grand monde car nous avons perdu notre visibilité et notre capacité de manœuvre diplomatique. Cette perte d’influence n’est pas imputable aux diplomates mais aux options choisies par les politiques.

Il est clair que le président n’apprécie guère les administrations de l’Etat qu’il accable d’un mépris ostensible et qu’il cherche à rendre responsables des déboires de sa politique. C’est ainsi que les diplomates sont désignés comme responsables des déconvenues de notre politique extérieure. Ils récusent le procès qui leur est fait. La politique suivie à l’égard de la Tunisie ou de l’Egypte a été définie à la présidence de la République sans tenir compte des analyses de nos ambassades. C’est elle qui a choisi MM. Ben Ali et Moubarak comme « piliers sud » de la Méditerranée.

Un WikiLeaks à la française permettrait de vérifier que les diplomates français ont rédigé, comme leurs collègues américains, des textes aussi critiques que sans concessions. Or, à l’écoute des diplomates, bien des erreurs auraient pu être évitées, imputables à l’amateurisme, à l’impulsivité et aux préoccupations médiatiques à court terme.

Impulsivité ? L’Union pour la Méditerranée, lancée sans préparation malgré les mises en garde du Quai d’Orsay qui souhaitait modifier l’objectif et la méthode, est sinistrée.

Amateurisme ? En confiant au ministère de l’écologie la préparation de la conférence de Copenhague sur le changement climatique, nous avons abouti à l’impuissance de la France et de l’Europe et à un échec cuisant.

Préoccupations médiatiques ? La tension actuelle avec le Mexique résulte de l’exposition publique d’un dossier qui, par sa nature, devait être traité dans la discrétion.

Manque de cohérence ? Notre politique au Moyen-Orient est devenue illisible, s’enferre dans des impasses et renforce les cartes de la Syrie. Dans le même temps, nos priorités évidentes sont délaissées. Il en est ainsi de l’Afrique francophone, négligée politiquement et désormais sevrée de toute aide bilatérale.

Notre politique étrangère est placée sous le signe de l’improvisation et d’impulsions successives, qui s’expliquent souvent par des considérations de politique intérieure. Qu’on ne s’étonne pas de nos échecs. Nous sommes à l’heure où des préfets se piquent de diplomatie, où les « plumes » conçoivent de grands desseins, où les réseaux représentant des intérêts privés et les visiteurs du soir sont omniprésents et écoutés.

Il n’est que temps de réagir. Nous devons retrouver une politique étrangère fondée sur la cohérence, l’efficacité et la discrétion.

Les diplomates français n’ont qu’un souhait : être au service d’une politique réfléchie et stable. Au-delà des grandes enceintes du G8 et du G20 où se brouillent les messages, il y a lieu de préciser nos objectifs sur des questions essentielles telles que le contenu et les frontières de l’Europe de demain, la politique à l’égard d’un monde arabe en révolte, nos objectifs en Afghanistan, notre politique africaine, notre type de partenariat avec la Russie.

Les diplomates appellent de leurs vœux une telle réflexion de fond à laquelle ils sauront apporter en toute loyauté leur expertise. Ils souhaitent aussi que notre diplomatie puisse à nouveau s’appuyer sur certaines valeurs (solidarité, démocratie, respect des cultures) bien souvent délaissées au profit d’un coup par coup sans vision.

Enfin, pour reprendre l’avertissement d’Alain Juppé et d’Hubert Védrine publié le 7 juillet 2010 dans Le Monde « l’instrument [diplomatique] est sur le point d’être cassé ». Il est clair que sa sauvegarde est essentielle à l’efficacité de notre politique étrangère.

Lire la contre-enquête sur « la diplomatie française bousculée par la révolte arabe », dans l’édition Abonnés du site et dans Le Monde daté du 23 février 2011 et disponible dans les kiosques mardi 22 février à partir de 14 heures.

le groupe « Marly », un collectif qui réunit des diplomates français critiques

Voir enfin :

Décodage

La diplomatie française peut-elle se reconstruire ?

 Natalie Nougayrède

Le Monde

22.02.11

 La France joue une partie serrée face aux soulèvements populaires arabes. Comment reformuler un message en direction du Maghreb et du Moyen-Orient, après avoir « raté » la révolution tunisienne, point de départ de l’onde de choc, survenue dans un univers que l’on était censé connaître de bout en bout ? Comment rebâtir une image après des années de complaisance à l’égard des pouvoirs en place ? Après la fuite de Ben Ali, Nicolas Sarkozy a théorisé un devoir de « réserve » auquel l’ancienne puissance coloniale serait astreinte. Les Etats-Unis ont paru occuper un créneau déserté par Paris. La place Tahrir au Caire a ensuite semblé vibrer aux messages envoyés par la Maison Blanche, interlocuteur sans égal, en relais et en moyens.

La diplomatie française a du vague à l’âme, comme marginalisée. Quelle voix peut encore être audible ? La ministre des affaires étrangères, Michèle Alliot-Marie ? Mise hors jeu par ses dérapages et les révélations sur ses vacances tunisiennes. L’Elysée ? Barricadé derrière des communiqués, tapis derrière l’absence de porte-parole, ce qui affranchit d’avoir à déployer une stratégie au grand jour. Nicolas Sarkozy jonglait, le 24 janvier, avec une conférence de presse où tout était calibré pour que le thème du G20 efface le reste. On a vu un ambassadeur de France à Tunis accablé de reproches et brusquement rapatrié. Puis, un nouveau, plus jeune et vibrionnant, se faire piéger, à peine nommé, par sa propre brusquerie face à l’esprit « soixante-huitard » qui imprègne la Tunisie de la parole libérée et ses journalistes branchés Facebook.

L’outil diplomatique français brisé ? Le Quai d’Orsay travaille. Les réunions se succèdent à un rythme soutenu, à renforts de chercheurs, de chargés de la « prospective », de livraisons de renseignement, pour tenter de tirer au clair ce tourbillon d’événements au sud de la Méditerranée, qui a pris tout le monde de court. Les diplomates assaillis de critiques ont le sentiment d’avoir payé les pots cassés de la politique fixée à l’Elysée : la continuité, le statu quo, au nom de l’antiterrorisme, de l’anti-islamisme, et de l’anti-immigration.

Un ambassadeur s’informe, collecte des contacts, et fait preuve de plus ou moins de courage ou de lucidité dans ses télégrammes. Mais ensuite il exécute une politique en représentant direct du chef de l’Etat. La courroie de transmission a-t-elle servi de bouc émissaire ? Les voix ne sont pas rares, dans l’appareil du « Quai », à désigner aujourd’hui des conseillers de l’Elysée comme responsables de l’opprobre qui accable toute une profession.

Pour être plus précis, c’est à un homme, Claude Guéant, le puissant secrétaire général de l’Elysée, que l’on prête le calcul d’avoir voulu canaliser la critique d’une politique… contre un corps, celui des diplomates. « Nous servons de « sitting ducks » », de canards sur lesquels on tire comme à la foire, écrit l’un d’eux dans un courriel.

Ils travaillent, donc. Cinq semaines et demie après la chute de Ben Ali, voici l’analyse qui émane du « Département » s’agissant du printemps des peuples arabes, et de la nouvelle donne qu’il induit. Un tableau d’ouest en est.

Maroc : la confiance… obligée. On pense côté français que le pouvoir va tenir. Le royaume chérifien est un vieil allié, protégé à l’ONU par la France sur la question du Sahara oriental, appuyé par Paris pour son statut spécial auprès de l’UE. Les liens sont presque incestueux : « Combien de ministres français ont séjourné gratuitement dans des palaces marocains depuis des années, au prétexte d’une visite de travail de trois jours qui commençait le vendredi, avec un entretien officiel d’une demi-heure pour tout justifier… » glisse un connaisseur, issu du Quai. « Sur le Maroc, on est gêné : ils nous « tiennent » », dit un autre, en parlant de la masse d’informations collectées à la Mamounia sur les élites françaises.

Mais il n’y aurait pas péril en la demeure. L’analyse officielle semble la suivante : le roi a une légitimité de commandant des croyants, il est jeune, pas un gérontocrate comme ailleurs dans le monde arabe, et le degré de liberté dans le pays est supérieur à celui de la Tunisie : « On peut qualifier les élections de libres. » La France croise les doigts.

Algérie : un coup d’Etat de l’armée ? La « réserve » post-coloniale de M. Sarkozy s’applique là plus encore qu’ailleurs. Le diagnostic du moment : l’opposition est atomisée, et plane sur ce pays le souvenir de la guerre civile des années 1990, avec ses centaines de milliers de morts. « Il y a une désespérance, mais qui ne coalise pas pour le moment », estime une source autorisée à Paris. Qui émet une hypothèse : l’armée va chercher à « précéder » les manifestations en procédant à des réformes. « Je parie sur un coup d’Etat de l’armée et des services pour rendre le pouvoir populaire », dit notre interlocuteur. Les militaires auraient « pris conscience qu’il faut devancer les choses ».

Tunisie et Egypte : la réussite. La révolution tunisienne a réussi, « une vraie révolution », impulsée par le peuple et soutenue par l’armée : « Surtout pas par les islamistes, qui peinent à courir derrière les émotions des Tunisiens. » Vérification faite, le rôle prêté aux Américains était illusoire.

En Egypte, l’armée a refusé la répression et pris les commandes, avec le renversement de Moubarak. Mais veut-elle garder le pouvoir ? Non, estime-t-on en haut lieu à Paris. « Dans une semaine on aura une nouvelle Constitution, dans un mois, un référendum et ensuite une présidentielle et des législatives. »

Libye : la rupture. La rupture est consommée avec Mouammar Kadhafi, un peu plus de trois ans après sa spectaculaire visite à Paris. Le déferlement de violences contre les manifestants a scellé son sort. Son temps est compté, estime-t-on à Paris. M. Sarkozy a dénoncé, lundi 21 février, dans un communiqué, « l’usage inacceptable de la force ». Un diplomate de haut rang : « On espère que c’est la fin du système Kadhafi. » Dans l’Est, « l’armée s’est solidarisée avec la population, il ne reste plus au pouvoir que des mercenaires tchadiens. Kadhafi joue le tout pour le tout ».

Dans le Golfe : un créneau pour la France ? Sur cette région, comme à propos de l’Egypte, le commentaire le plus appuyé émanant des responsables de la diplomatie française porte sur l’attitude de l’administration Obama. Elle est critiquée. On lui prête des erreurs. D’avoir cherché de manière trop « impérieuse » à précipiter la chute de Moubarak. De s’être trop mise en avant, de « s’octroyer beaucoup de mérites ». Comme par exemple, de laisser croire qu’un coup de fil a mis fin à la répression à Bahreïn. « Avec les Américains, les Britanniques, en particulier David Cameron, ont été les plus radicaux. En demandant le départ « maintenant » de Moubarak », dit une source.

Cela offre-t-il un créneau à la France, celui d’une retenue tout en modestie ? Le mot-clé aujourd’hui est l' »accompagnement », l’aide économique, pour consolider les chances de vraie démocratie un peu partout, évolution dont Israël aussi pourrait bénéficier. « Les démocraties ne se font pas la guerre », a déclaré M. Sarkozy devant le Conseil représentatif des institutions juives de France (CRIF), le 9 février.

En tout cas, la fureur saoudienne et la stupeur des Emiratis face au « lâchage » du raïs égyptien par Washington ne sont pas passées inaperçues. L’abandon « en trois jours » d’un allié de trente ans a écorné la crédibilité américaine dans la région. La France n’est pas la seule à voir ses choix mis en doute. Une consolation ?

3 Responses to Diplomatie: La voix de la France a disparu dans le monde (French diplomacy in disarray: How are you supposed to outdo America’s most anti-American president?)

  1. Thot Har Megiddo dit :

    historiquement, la France n’a jamais quitté l’OTAN. Le problème de la diplomatie française, ce sont les très incompétents diplomates français, comme on a pu le voir récemment en Tunisie, et une politique étrangère d’un pays qui refuse d’accepter que par sa politique sociale, économique, de sécurité intérieure et extérieure, d’immigration, d’éducation… et son obsession de plaire aux intellectuels de gauche est devenue une puissance de troisième zone, qui continue d’essayer de faire croire à sa population qu’elle est toujours « une puissance de premier rang » — voir les propos de Jacques Chirac sur le sujet, qui sans que les médias français n’en parlent, tradition de propagande oblige, fut obligé de se faire livrer des bombes américaines pour les avions français afin de bombarder la Serbie contre le droit international, sans que une fois de plus les médias français antichrétiens et pro musulmans ne parlent de cette dernière situation. La France trop pauvre n’avait pas de bombes en stock. Voilà en quel état est l’armée censée nous protéger. Excepté pour le Vatican et la Suisse, pas d’armée, pas de diplomatie.

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