Citations: Maintenant c’est à notre Voltaire qu’ils s’en prennent! (‘What a fuss about an omelette!’)

19 novembre, 2007
Cela me rappelle le conte du Suisse qui mangeait une omelette au lard un jour maigre, et qui, entendant tonner, s’écria: « Grand Dieu! voilà bien du bruit pour une omelette au lard. » Frédéric II (Lettre à Voltaire du 28 février 1767)
Dans les faits, le spirituel auteur de Candide, qui aimait plus que tout la compagnie des puissants, y compris celle de Frédéric II, le Poutine de son temps, pratiquait une tolérance très sélective. Il s’est plutôt réjoui des poursuites contre les jésuites, ses ennemis jurés, et s’est gardé de protester lorsque Malesherbes, le directeur de la Librairie royale, a suspendu, autrement dit censuré, la revue de son plus virulent ennemi, le dévot Fréron. Site Hérodote

Notre Révolution, notre Déclaration des droits de l’homme, notre drapeau

Décidément les Anglais (ou leurs cousins d’outre-Atlantique) nous auront tout pris!

Et à présent… notre Voltaire national !!!

« Je ne partage pas vos idées mais je me battrai jusqu’à la mort pour que vous puissiez les exprimer ».

La célèbre formule qui, comme le rappelle le site Hérodote, est « devenue en France le paradigme de la liberté d’expression » n’a en fait jamais été prononcée par notre plus célèbre expatrié hélvétique.

Pour la bonne raison qu’il s’agit de la traduction d’une phrase écrite par une Anglaise (« I disapprove of what you say, but I will defend to the death your right to say it »).

Et plus précisément d’une paraphrase (comme le rappelle Wikiberal) dans laquelle Evelyn Beatrice Hall (écrivant sous le pseudonyme de S. G. Tallentyre) résumait, dans son ouvrage de 1906 « The Friends of Voltaire », l’attitude du philosophe à l’occasion de la condamnation d’un livre d’Helvetius, philosophe bien français mais ayant latinisé son Schweitzer de nom (« De l’Esprit », 1758-1759).

Qui, d’après elle, aurait probablement dit quelque chose d’un peu moins grandiloquent et quand même plus à la hauteur de notre réputation gastronomique nationale comme la formule (elle-même reprise… par Frédéric II lui-même!): « Grand Dieu! voilà bien du bruit pour une omelette au lard! ».

Du moins si l’on en croit le site Avva qui donne la citation complète de Hall :

…The men who had hated [the book], and had not particularly loved Helvétius, flocked round him now. Voltaire forgave him all injuries, intentional or unintentional. `What a fuss about an omelette!’ he had exclaimed when he heard of the burning. How abominably unjust to persecute a man for such an airy trifle as that! `I disapprove of what you say, but I will defend to the death your right to say it,’ was his attitude now. But he soon came, as a Voltaire would come, to swearing that there was no more materialism in `On the Mind’ than in Locke, and a thousand more daring things in `The Spirit of Laws.’ (The Friends of Voltaire, chapter VII, On Helvetius, 1906)

Mais qui se termine sur une autre fausse attribution de ladite phrase dans une lettre à un certain M. le Riche qui, d’après le site plexoft, n’existe tout simplement pas, confirmant que ladite citation n’apparaît nulle part dans l’œuvre ni les lettres de Voltaire.

Ce qui après tout ne serait pas la première fois dans la longue histoire des citations apocryphes.

Et surtout, connaissant le goût pour la formule sinon les actes du monsieur (il avait, comme le rappelle Hérodote, la tolérance plutôt sélective, se réjouissant des ennuis de ses rivaux et appréciant plus que tout la compagnie des puissants), on peut supposer que s’il ne l’a pas dite et à défaut de la penser vraiment, il aurait effectivement pu la dire …

Citations et Mots d’Histoire
Les Révolutions
Voltaire (1694 – 1778)
Hérodote

«I disapprove of what you say, but I will defend to the death your right to say it» (en anglais)
«Je ne partage pas vos idées mais je me battrai jusqu’à la mort pour que vous puissiez les exprimer» (traduction)
Source : citation faussement attribuée à Voltaire par Evelyn Beatrice Hall (1906)

Cette célèbre formule est devenue en France le paradigme de la liberté d’expression.

Il s’agit de l’invention d’un auteur anglo-saxon, Evelyn Beatrice Hall. Elle figure dans son livre : The friends of Voltaire (Les amis de Voltaire), publié en 1906 sous le pseudonyme S[tephen] G. Tallentyre.

Par cette formule faussement attribuée à Voltaire, l’auteur voulait exprimer l’idée qu’elle se faisait de celui-ci.

Dans les faits, le spirituel auteur de Candide, qui aimait plus que tout la compagnie des puissants, y compris celle de Frédéric II, le Poutine de son temps, pratiquait une tolérance très sélective.

Il s’est plutôt réjoui des poursuites contre les jésuites, ses ennemis jurés, et s’est gardé de protester lorsque Malesherbes, le directeur de la Librairie royale, a suspendu, autrement dit censuré, la revue de son plus virulent ennemi, le dévot Fréron.

De ce point de vue, les milieux intellectuels n’ont guère évolué depuis Voltaire : ceux qui réclament (avec raison) le droit de critiquer sans entrave le fait religieux sont aussi (à tort) parmi les premiers à mettre des bornes à la liberté de penser l’Histoire (génocides, esclavage, colonisation,…).

Voir aussi:

Voltaire

Axxa
The phrase

« I disapprove of what you say, but I will defend to the death your right to say it »

is widely attributed to Voltaire, but cannot be found in his writings. With good reason. The phrase was invented by a later author as an epitome of his attitude.

It appeared in The Friends of Voltaire (1906), written by Evelyn Beatrice Hall under the pseudonym S[tephen] G. Tallentyre. Chapter VII is devoted to Helvétius (1715-1771), whom she depicts as a kindly, generous person, with a hint of more talent to raise him above mediocrity. He married and settled in the sticks, with a new wife who was unfashionably old (32), and they were happy. This was ended by his tragic aspiration, to earn some small glory for himself as a philosopher.

In 1758, he published « De l’Esprit, » which Hall renders « On the Mind. » From the little Hall says of it directly, I take it that this was a moral-relativist tract, adducing bad social conditions as the cause of immoral behavior, regarding humans essentially as animals, and skeptical of the validity of moral claims generally.

This was unpopular with everyone – secular philosophers, all of the church, the government. It certainly got him noticed, but not by all at once. Voltaire immediately regarded the work as a serious disappointment from one who had been a somewhat promising protege. He was most insulted to have been compared in it with lesser intellectual lights (Crébillon and Fontenelle). It was widely criticized by other wits of their enlightened social circle. For a few months, however, it escaped the notice of the government.

Then the Dauphin read it.

The privilege to publish was revoked; the censor who approved its publication was sacked. A rolling wave of official condemnation began, culminating with the Pope (Jan. 31, 1759) and the Parliament of Paris (Feb. 6) and public book-burning by the hangman (Feb. 10), an honor shared with Voltaire’s « Natural Law. »

On the principle that anything so unpopular with the government must ipso facto be pretty good, the official condemnation permanently established Helvétius’s philosophical repute among the fashionable salon crowd, and rehabilitated him among the intellectual elite as well, to a great extent. He became popular in Protestant Germany and England.

Hall wrote:

…The men who had hated [the book], and had not particularly loved Helvétius, flocked round him now. Voltaire forgave him all injuries, intentional or unintentional. `What a fuss about an omelette!’ he had exclaimed when he heard of the burning. How abominably unjust to persecute a man for such an airy trifle as that! `I disapprove of what you say, but I will defend to the death your right to say it,’ was his attitude now. But he soon came, as a Voltaire would come, to swearing that there was no more materialism in `On the Mind’ than in Locke, and a thousand more daring things in `The Spirit of Laws.’

(Friends is not a scholarly work, but Hall is fairly scrupulous throughout the book to state within the text whether she is quoting speech or text, and whether various reports are first-person or likely hearsay. I believe it was reasonable of her to expect that `I disapprove … say it’ would be recognized as her own characterization of Voltaire’s attitude. I think some readers were confused because of the way she follows this with paraphrases of his spoken criticisms.

In any case, the phrase was too eloquent, so it became quoted, and famous names attach themselves to quotes, to the detriment of the less well-known originators.

Hall herself claimed later that she had been paraphrasing Voltaire’s words in his Essay on Tolerance:

« Think for yourselves and let others enjoy the privilege to do so too. »

Hall died in 1919. In his A Book of French Quotations (1963), Norbert Guterman suggested that the probable source for the quotation was a line in a 6 February 1770 letter to M. le Riche:

« Monsieur l’abbé, I detest what you write, but I would give my life to make it possible for you to continue to write. »

Voir enfin sur Wikipedia:

Voltaire sur Helvétius à l’article Homme des Questions sur l’Encyclopédie :

J’aimais l’auteur du livre De l’Esprit. Cet homme valait mieux que tous ses ennemis ensemble ; mais je n’ai jamais approuvé ni les erreurs de son livre, ni les vérités triviales qu’il débite avec emphase. J’ai pris son parti hautement, quand des hommes absurdes l’ont condamné pour ces vérités mêmes.

Lettre de Voltaire à M. Le Riche:

A M. LE RICHE,

A AMIENS.

6 février.

Vous avez quitté, monsieur, des Welches pour des Welches. Vous trouverez partout des barbares têtus. Le nombre des sages sera toujours petit. Il est vrai qu’il est augmenté ; mais ce n’est rien en comparaison des sots ; et, par malheur, on dit que Dieu est toujours pour les gros bataillons. Il faut que les honnêtes gens se tiennent serrés et couverts. Il n’y a pas moyen que leur petite troupe attaque le parti des fanatiques en rase campagne.

J’ai été très malade, je suis à la mort tous les hivers ; c’est ce qui fait, monsieur, que je vous ai répondu si tard. Je n’en suis pas moins touché de votre souvenir. Continuez-moi votre amitié ; elle me console de mes maux et des sottises du genre humain.

Recevez les assurances, etc.

Voltaire et la censure:

Voltaire, au demeurant, n’hésitait pas à souhaiter la censure contre les ouvrages qu’il n’aimait pas. Voici ce qu’il écrit dans l’article « Athéisme » du Dictionnaire philosophique :

Aristophane (cet homme que les commentateurs admirent parce qu’il était grec, ne songeant pas que Socrate était grec aussi), Aristophane fut le premier qui accoutuma les Athéniens à regarder Socrate comme un athée.

[…]

Les tanneurs, les cordonniers et les couturières d’Athènes applaudirent à une farce dans laquelle on représentait Socrate élevé en l’air dans un panier, annonçant qu’il n’y avait point de Dieu, et se vantant d’avoir volé un manteau en enseignant la philosophie. Un peuple entier, dont le mauvais gouvernement autorisait de si infâmes licences, méritait bien ce qui lui est arrivé, de devenir l’esclave des Romains, et de l’être aujourd’hui des Turcs.