Populisme: Avez-vous lu Lasch ? (Uprootedness uproots everything except the need for roots)

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Toi qui as fixé les frontières, dressé les bornes de la terre, tu as créé l’été, l’hiver !  Psaumes 74: 17
La vertu même devient vice, étant mal appliquée, et le vice est parfois ennobli par l’action. Frère Laurent (Roméo et Juliette, Shakespeare)
Un peuple connait, aime et défend toujours plus ses moeurs que ses lois. Montesquieu
Aux États-Unis, les plus opulents citoyens ont bien soin de ne point s’isoler du peuple ; au contraire, ils s’en rapprochent sans cesse, ils l’écoutent volontiers et lui parlent tous les jours. Ils savent que les riches des démocraties ont toujours besoin des pauvres et que, dans les temps démocratiques, on s’attache le pauvre par les manières plus que par les bienfaits. La grandeur même des bienfaits, qui met en lumière la différence des conditions, cause une irritation secrète à ceux qui en profitent; mais la simplicité des manières a des charmes presque irrésistibles : leur familiarité entraîne et leur grossièreté même ne déplaît pas toujours. Ce n’est pas du premier coup que cette vérité pénètre dans l’esprit des riches. Ils y résistent d’ordinaire tant que dure la révolution démocratique, et ils ne l’abandonnent même point aussitôt après que cette révolution est accomplie. Ils consentent volontiers à faire du bien au peuple ; mais ils veulent continuer à le tenir à distance. Ils croient que cela suffit ; ils se trompent. Ils se ruineraient ainsi sans réchauffer le coeur de la population qui les environne. Ce n’est pas le sacrifice de leur argent qu’elle leur demande; c’est celui de leur orgueil. Tocqueville
La bourgeoisie ne peut exister sans révolutionner constamment les instruments de production et donc les rapports de production, c’est-à-dire l’ensemble des rapports sociaux. Le maintien sans changement de l’ancien mode de production était, au contraire, pour toutes les classes industrielles antérieures, la condition première de leur existence. Ce bouleversement continuel de la production, ce constant ébranlement de toutes les conditions sociales, cette agitation et cette insécurité perpétuelles distinguent l’époque bourgeoise de toutes les précédentes. Tous les rapports sociaux stables et figés, avec leur cortège de conceptions et d’idées traditionnelles et vénérables, se dissolvent ; les rapports nouvellement établis vieillissent avant d’avoir pu s’ossifier. Tout élément de hiérarchie sociale et de stabilité d’une caste s’en va en fumée, tout ce qui était sacré est profané, et les hommes sont enfin forcés d’envisager leur situation sociale, leurs relations mutuelles d’un regard lucide. Karl Marx (Manifeste du parti communiste, 1848)
Le monde moderne n’est pas mauvais : à certains égards, il est bien trop bon. Il est rempli de vertus féroces et gâchées. Lorsqu’un dispositif religieux est brisé (comme le fut le christianisme pendant la Réforme), ce ne sont pas seulement les vices qui sont libérés. Les vices sont en effet libérés, et ils errent de par le monde en faisant des ravages ; mais les vertus le sont aussi, et elles errent plus férocement encore en faisant des ravages plus terribles. Le monde moderne est saturé des vieilles vertus chrétiennes virant à la folie.  G.K. Chesterton
Condamner le nationalisme parce qu’il peut mener à la guerre, c’est comme condamner l’amour parce qu’il peut conduire au meurtre. C.K. Chesterton
Il faut constamment se battre pour voir ce qui se trouve au bout de son nez. George Orwell
Le plus difficile n’est pas de dire ce que l’on voit mais d’accepter de voir ce que l’on voit. Charles Péguy
L’enracinement est peut-être le besoin le plus important et le plus méconnu de l’âme humaine. C’est un des plus difficiles à définir. Un être humain a une racine par sa participation réelle, active et naturelle à l’existence d’une collectivité qui conserve vivants certains trésors du passé et certains pressentiments d’avenir. Participation naturelle, c’est-à-dire amenée automatiquement par le lieu, la naissance, la profession, l’entourage. Chaque être humain a besoin d’avoir de multiples racines. Il a besoin de recevoir la presque totalité de sa vie morale, intellectuelle, spirituelle, par l’intermédiaire des milieux dont il fait naturellement partie. Simone Weil (1943)
Nous apprenons à nous sentir responsable d’autrui parce que nous partageons avec eux une histoire commune, un destin commun. Robert Reich
Sade imaginait une utopie sexuelle où chacun avait le droit de posséder n’importe qui ; des êtres humains, réduits à leurs organes sexuels, deviennent alors rigoureusement anonymes et interchangeables. Sa société idéale réaffirmait ainsi le principe capitaliste selon lequel hommes et femmes ne sont, en dernière analyse, que des objets d’échange. Elle incorporait également et poussait jusqu’à une surprenante et nouvelle conclusion la découverte de Hobbes, qui affirmait que la destruction du paternalisme et la subordination de toutes les relations sociales aux lois du marché avaient balayé les dernières restrictions à la guerre de tous contre tous, ainsi que les illusions apaisantes qui masquaient celle-ci. Dans l’état d’anarchie qui en résultait, le plaisir devenait la seule activité vitale, comme Sade fut le premier à le comprendre — un plaisir qui se confond avec le viol, le meurtre et l’agression sans freins. Dans une société qui réduirait la raison à un simple calcul, celle-ci ne saurait imposer aucune limite à la poursuite du plaisir, ni à la satisfaction immédiate de n’importe quel désir, aussi pervers, fou, criminel ou simplement immoral qu’il fût. En effet, comment condamner le crime ou la cruauté, sinon à partir de normes ou de critères qui trouvent leurs origines dans la religion, la compassion ou dans une conception de la raison qui rejette des pratiques purement instrumentales ? Or, aucune de ces formes de pensée ou de sentiment n’a de place logique dans une société fondée sur la production de marchandises. Christopher Lasch
Nous ne pouvons pas faire de distinction dans les droits, que ce soit la PMA, la GPA ou l’adoption. Moi, je suis pour toutes les libertés. Louer son ventre pour faire un enfant ou louer ses bras pour travailler à l’usine, quelle différence ? C’est faire un distinguo qui est choquant. Pierre Bergé
Il n’y a pas d’identité fondamentale, pas de courant dominant, au Canada. Il y a des valeurs partagées — ouverture, compassion, la volonté de travailler fort, d’être là l’un pour l’autre, de chercher l’égalité et la justice. Ces qualités sont ce qui fait de nous le premier État postnational. Justin Trudeau
Vous allez dans certaines petites villes de Pennsylvanie où, comme ans beaucoup de petites villes du Middle West, les emplois ont disparu depuis maintenant 25 ans et n’ont été remplacés par rien d’autre (…) Et il n’est pas surprenant qu’ils deviennent pleins d’amertume, qu’ils s’accrochent aux armes à feu ou à la religion, ou à leur antipathie pour ceux qui ne sont pas comme eux, ou encore à un sentiment d’hostilité envers les immigrants. Barack Hussein Obama (2008)
. Pour la première fois de ma vie d’adulte, je suis fière de mon pays. Michelle Obama
Pour généraliser, en gros, vous pouvez placer la moitié des partisans de Trump dans ce que j’appelle le panier des pitoyables. Les racistes, sexistes, homophobes, xénophobes, islamophobes. A vous de choisir. Hillary Clinton (2016)
On vous demande une carte blanche, et vous salissez l’adversaire, et vous proférez des mensonges. Votre projet, c’est de salir, c’est de mener une campagne de falsifications, de vivre de la peur et des mensonges. La France que je veux vaut beaucoup mieux que ça. Il faut sortir d’un système qui vous a coproduit. Vous en vivez. Vous êtes son parasite. L’inefficacité des politiques de droite et de gauche, c’est l’extrême droite qui s’en nourrit. Je veux mener la politique qui n’a jamais été menée ces trente dernières années. Emmanuel Macron (2017)
Le patriotisme est l’exact contraire du nationalisme. Le nationalisme en est sa trahison. Emmanuel Macron
Les démocrates radicaux veulent remonter le temps, rendre de nouveau le pouvoir aux mondialistes corrompus et avides de pouvoir. Vous savez qui sont les mondialistes? Le mondialiste est un homme qui veut qu’il soit bon de vivre dans le monde entier sans, pour dire le vrai, se soucier de notre pays. Cela ne nous convient pas. (…) Vous savez, il y a un terme devenu démodé dans un certain sens, ce terme est « nationaliste ». Mais vous savez qui je suis? Je suis un nationaliste. OK? Je suis nationaliste. Saisissez-vous de ce terme! Donald Trump
I think it’s very unfortunate. (…) it’s almost like they’re embarrassed at the achievement coming from America. I think it’s a terrible thing. (…) because when you think of Neil Armstrong and when you think about the landing on the moon, you think about the American flag. And I understand they don’t do it. So for that reason I wouldn’t even want to watch the movie. (…) I don’t want to get into the world of boycotts. Same thing with Nike. I wouldn’t say you don’t buy Nike because of the Colin Kaepernick. I mean, look, as much as I disagree, as an example, with the Colin Kaepernick endorsement, in another way, I wouldn’t have done it. In another way, it is what this country is all about, that you have certain freedoms to do things that other people may think you shouldn’t do. So you know, I personally am on a different side of it, you guys are probably too, I’m on a different side of it. Donald Trump
Nous n’avons pas besoin de visages basanés qui ne veulent pas être une voix basanée. Nous n’avons pas besoin de visages noirs qui ne veulent pas être une voix noire. Nous n’avons pas besoin de musulmans qui ne veulent pas être une voix musulmane. Nous n’avons pas besoin d’homos qui ne veulent pas être une voix homo. Si vous craignez d’être marginalisé et stéréotypé, ne vous présentez même pas, nous n’avons pas besoin de vous pour représenter cette voix. Ayanna Pressley (représentante démocrate, Massachusetts)
So apparently Donald Trump wants to make this an election about what it means to be American. He’s got his vision of what it means to be American, and he’s challenging the rest of us to come up with a better one. In Trump’s version, “American” is defined by three propositions. First, to be American is to be xenophobic. The basic narrative he tells is that the good people of the heartland are under assault from aliens, elitists and outsiders. Second, to be American is to be nostalgic. America’s values were better during some golden past. Third, a true American is white. White Protestants created this country; everybody else is here on their sufferance. When you look at Trump’s American idea you realize that it contradicts the traditional American idea in every particular. In fact, Trump’s national story is much closer to the Russian national story than it is toward our own. It’s an alien ideology he’s trying to plant on our soil. ​ Trump’s vision is radically anti-American.​ The real American idea is not xenophobic, nostalgic or racist; it is pluralistic, future-oriented and universal. America is exceptional precisely because it is the only nation on earth that defines itself by its future, not its past. America is exceptional because from the first its citizens saw themselves in a project that would have implications for all humankind. America is exceptional because it was launched with a dream to take the diverse many and make them one — e pluribus unum.​ (…) Trump’s campaign is an attack on that dream. The right response is to double down on that ideal. The task before us is to create the most diverse mass democracy in the history of the planet — a true universal nation. It is precisely to weave the social fissures that Trump is inclined to tear. David Brooks
In the matter of immigration, mark this conservative columnist down as strongly pro-deportation. The United States has too many people who don’t work hard, don’t believe in God, don’t contribute much to society and don’t appreciate the greatness of the American system. They need to return whence they came. I speak of Americans whose families have been in this country for a few generations. Complacent, entitled and often shockingly ignorant on basic points of American law and history, they are the stagnant pool in which our national prospects risk drowning.​ (…) Bottom line: So-called real Americans are screwing up America. Maybe they should leave, so that we can replace them with new and better ones: newcomers who are more appreciative of what the United States has to offer, more ambitious for themselves and their children, and more willing to sacrifice for the future. In other words, just the kind of people we used to be — when “we” had just come off the boat.​ O.K., so I’m jesting about deporting “real Americans” en masse. (Who would take them in, anyway?) But then the threat of mass deportations has been no joke with this administration.​ On Thursday, the Department of Homeland Security seemed prepared to extend an Obama administration program known as Deferred Action for Childhood Arrivals, or DACA, which allows the children of illegal immigrants — some 800,000 people in all — to continue to study and work in the United States. The decision would have reversed one of Donald Trump’s ugly campaign threats to deport these kids, whose only crime was to have been brought to the United States by their parents. Yet the administration is still committed to deporting their parents, and on Friday the D.H.S. announced that even DACA remains under review — another cruel twist for young immigrants wondering if they’ll be sent back to “home” countries they hardly ever knew, and whose language they might barely even speak.​ Beyond the inhumanity of toying with people’s lives this way, there’s also the shortsightedness of it. We do not usually find happiness by driving away those who would love us. Businesses do not often prosper by firing their better employees and discouraging job applications. So how does America become great again by berating and evicting its most energetic, enterprising, law-abiding, job-creating, idea-generating, self-multiplying and God-fearing people?​ Because I’m the child of immigrants and grew up abroad, I have always thought of the United States as a country that belongs first to its newcomers — the people who strain hardest to become a part of it because they realize that it’s precious; and who do the most to remake it so that our ideas, and our appeal, may stay fresh.​ That used to be a cliché, but in the Age of Trump it needs to be explained all over again. We’re a country of immigrants — by and for them, too. Americans who don’t get it should get out.​ Bret Stephens
Très intéressant de voir des élues démocrates du Congrès, “progressistes”, qui viennent originellement de pays dont les gouvernements sont des catastrophes complètes et absolues, les pires, les plus corrompus et les plus ineptes du monde (si tant est qu’on puisse parler de gouvernement) et qui maintenant clament férocement au peuple des États-Unis, la plus grande et la plus puissante nation du monde, comment notre gouvernement doit être dirigé. Pourquoi ne retournent-elles pas d’où elles viennent, pour aider à réparer ces lieux totalement dévastés et infestés par le crime ? Puis, qu’elles reviennent et qu’elles nous montrent comment elles ont fait. Ces endroits ont bigrement besoin de votre aide, vous n’y partirez jamais trop vite. Je suis sûr que Nancy Pelosi serait très heureuse d’organiser rapidement un voyage gratuit ! Donald Trump
N’en déplaise aux chiens de garde de la pensée unique, il n’y a rien de choquant dans ce texte. Trump ne critique ni des peuples ni des cultures, mais des gouvernements. Il mentionne des « élues démocrates », mais sans les citer nommément. Quant à ce qu’elles partent à l’étranger redresser ces pays qui sont à les entendre tellement mieux que les États-Unis, il ne s’agit pas d’un exil, puisqu’il mentionne explicitement qu’elles en reviennent. La seule flèche réelle est à l’encontre de Mme Pelosi, qui a le plus grand mal à tenir les rênes de ses troupes démocrates à la Chambre des Représentants. (…) Quatre élues démocrates se sentirent donc indignées par ces tweets: Ilhan Omar (Minnesota), Ayanna Pressley (Massachusetts) et Rashida Tlaib (Michigan), et Alexandria Ocasio-Cortez (New York). Trois d’entre elles ne correspondent même pas au portrait brossé par Trump puisqu’elles sont nées aux États-Unis, mais qu’importe, les médias se chargent de tous les raccourcis. (…) Ayanna Pressley déclencha une polémique il y a quelques jours par une vision de la société uniquement basée sur l’appartenance raciale, religieuse ou sexuelle, soit l’exact opposé du melting pot américain (…) Pour Mme Pressley, quelqu’un est blanc ou noir avant d’être Américain. Rashida Tlaib, qui grandit dans le paradis socialiste du Nicaragua, devint la première élue musulmane du Michigan. Ce qui n’est pas en soi un problème, si ce n’est qu’elle se fit remarquer dès son arrivée au Congrès par de nombreuses attaques antisémites. Elle traita également Trump de « fils de pute » dans sa première déclaration officielle, ce qui donne le niveau de finesse de la dame. Sur la carte du monde dans son bureau, elle recouvrit Israël avec un Post-It sur lequel il était marqué « Palestine ». Elle soutient l’organisation de promotion de l’islam CAIR, proche des Frères Musulmans. Bref, elle affiche clairement son allégeance (…) Ilhan Omar est née en Somalie et avoua en public son allégeance somalienne. Son statut civil est délicat: des rumeurs persistantes affirme qu’aurait pu être mariée à son propre frère pour s’installer aux États-Unis. Elle est en délicatesse avec le fisc américain pour de fausses déclarations fiscales. Politiquement, elle se fit remarquer par son indifférence à l’égard des attentats du 11 septembre 2001 (rien de plus pour elle que « des gens ont fait quelque chose ») mais surjoua son émotion à l’évocation de l’opération de secours « Black Hawk Down » où des soldats américains virent libérer un des leurs dans un hélicoptère abattu dans une mission de maintien de la paix. Enfin, elle refuse toujours de condamner publiquement Al-Qaeda (…) Alexandria Ocasio-Cortez est la plus souvent mise en avant par les médias, au point d’avoir son abréviation AOC. Issue d’une riche famille de New-York, elle travailla brièvement comme serveuse (permettant de donner corps à ses « humbles débuts » dans son récit personnel) avant d’embrasser la carrière politique. Depuis son élection, son radicalisme de gauche et ses délires utopiques montrent à quel point elle est coupée de la réalité. Ses sorties plongent régulièrement les responsables démocrates dans l’embarras. Elle réussit à faire fuir Amazon qui envisageait de s’installer à New York, perdant ainsi l’opportunité de créer 25’000 emplois, un exploit remarqué. Sans-frontiériste convaincue et imbue de son image, elle se fit aussi photographier dans une poignante séquence où elle pleure face à une clôture grillagée… Le tout étant en fait une mise en scène dans un parking vide. (…) Avec des rivales comme celles-ci, Trump pourrait dormir sur ses deux oreilles pour 2020. Leur bêtise et leur extrémisme fait fuir les électeurs centristes et provoque des remous jusque dans le camp démocrate. (…) Trump n’a que faire des accusations de racisme ; il est traité de raciste cent fois par semaine depuis qu’il est Président. De leur côté, les stratèges démocrates sont on ne peut plus embarrassés par leurs « étoiles montantes ». Nancy Pelosi essayait depuis plusieurs semaines de diminuer leur exposition médiatique dans l’espoir de restaurer un semblant de crédibilité au Parti Démocrate pour l’échéance de 2020 ; tout vient de voler en éclat. Les médias ne s’intéressent même plus aux candidats à l’investiture présidentielle. Seules comptent les réactions et les invectives des élues d’extrême-gauche. Pire encore, par réaction, les autres Démocrates ont été contraints de s’aligner avec elles pour prendre leur défense – augmentant encore l’alignement du parti avec ces extrémistes repoussantes pour qui n’est pas un militant d’extrême-gauche. En poussant le Parti Démocrate dans les cordes de l’extrême-gauche comme il le fait, Trump s’assure que les Démocrates passent pour des fous et des illuminés sans la moindre crédibilité. Les glapissements hystériques d’AOC, la vulgarité antisémite de Rashida Tlaib, l’obsession raciale de Ayanna Pressley et la sympathie affichée d’Ilhan Omar pour les islamistes auront tôt fait de détourner les Américains modérés de se rendre aux urnes pour chasser « l’ignoble Trump » du pouvoir – lui sur lequel il n’y a plus grand-chose à ajouter tant les médias lui envoient quotidiennement du fumier depuis trois ans. Stéphane Montabert
Obama est le premier président américain élevé sans attaches culturelles, affectives ou intellectuelles avec la Grande-Bretagne ou l’Europe. Les Anglais et les Européens ont été tellement enchantés par le premier président américain noir qu’ils n’ont pu voir ce qu’il est vraiment: le premier président américain du Tiers-Monde. The Daily Mail
Culturellement, Obama déteste la Grande-Bretagne. Il a renvoyé le buste de Churchill sans la moindre feuille de vigne d’une excuse. Il a insulté la Reine et le Premier ministre en leur offrant les plus insignifiants des cadeaux. A un moment, il a même refusé de rencontrer le Premier ministre. Dr James Lucier (ancien directeur du comité des Affaire étrangères du sénat américain)
We want our country back ! Marion Maréchal
La jeune génération n’est pas encouragée à aimer notre héritage. On leur lave le cerveau en leur faisant honte de leur pays. (…) Nous, Français, devons nous battre pour notre indépendance. Nous ne pouvons plus choisir notre politique économique ou notre politique d’immigration et même notre diplomatie. Notre liberté est entre les mains de l’Union européenne. (…) Notre liberté est maintenant entre les mains de cette institution qui est en train de tuer des nations millénaires. Je vis dans un pays où 80%, vous m’avez bien entendu, 80% des lois sont imposées par l’Union européenne. Après 40 ans d’immigration massive, de lobbyisme islamique et de politiquement correct, la France est en train de passer de fille aînée de l’Eglise à petite nièce de l’islam. On entend maintenant dans le débat public qu’on a le droit de commander un enfant sur catalogue, qu’on a le droit de louer le ventre d’une femme, qu’on a le droit de priver un enfant d’une mère ou d’un père. (…) Aujourd’hui, même les enfants sont devenus des marchandises (…) Un enfant n’est pas un droit (…) Nous ne voulons pas de ce monde atomisé, individualiste, sans sexe, sans père, sans mère et sans nation. (…) Nous devons faire connaitre nos idées aux médias et notre culture, pour stopper la domination des libéraux et des socialistes. C’est la raison pour laquelle j’ai lancé une école de sciences politiques. (…) Nous devons faire connaitre nos idées aux médias et notre culture, pour stopper la domination des libéraux et des socialistes. C’est la raison pour laquelle j’ai lancé une école de sciences politiques. (…) La Tradition n’est pas la vénération des cendres, elle est la passation du feu. (…)Je ne suis pas offensée lorsque j’entends le président Donald Trump dire ‘l’Amérique d’abord’. En fait, je veux l’Amérique d’abord pour le peuple américain, je veux la Grande-Bretagne d’abord pour le peuple britannique et je veux la France d’abord pour le peuple français. Comme vous, nous voulons reprendre le contrôle de notre pays. Vous avez été l’étincelle, il nous appartient désormais de nourrir la flamme conservatrice. Marion Maréchal
Il y a autant de racismes qu’il y a de groupes qui ont besoin de se justifier d’exister comme ils existent, ce qui constitue la fonction invariante des racismes. Il me semble très important de porter l’analyse sur les formes du racisme qui sont sans doute les plus subtiles, les plus méconnaissables, donc les plus rarement dénoncées, peut-être parce que les dénonciateurs ordinaires du racisme possèdent certaines des propriétés qui inclinent à cette forme de racisme. Je pense au racisme de l’intelligence. Le racisme de l’intelligence est un racisme de classe dominante qui se distingue par une foule de propriétés de ce que l’on désigne habituellement comme racisme, c’est-à-dire le racisme petit-bourgeois qui est l’objectif central de la plupart des critiques classiques du racisme, à commencer par les plus vigoureuses, comme celle de Sartre. Ce racisme est propre à une classe dominante dont la reproduction dépend, pour une part, de la transmission du capital culturel, capital hérité qui a pour propriété d’être un capital incorporé, donc apparemment naturel, inné. Le racisme de l’intelligence est ce par quoi les dominants visent à produire une «théodicée de leur propre privilège», comme dit Weber, c’est-à-dire une justification de l’ordre social qu’ils dominent. Il est ce qui fait que les dominants se sentent d’une essence supérieure. Tout racisme est un essentialisme et le racisme de l’intelligence est la forme de sociodicée caractéristique d’une classe dominante dont le pouvoir repose en partie sur la possession de titres qui, comme les titres scolaires, sont censés être des garanties d’intelligence et qui ont pris la place, dans beaucoup de sociétés, et pour l’accès même aux positions de pouvoir économique, des titres anciens comme les titres de propriété et les titres de noblesse. Pierre Bourdieu
« Pourquoi la Suède est-elle devenue la Corée du Nord de l’Europe ? » C’est la question qu’un Danois avait posée sous forme de demi-boutade au caricaturiste suédois Lars Vilks lors d’une conférence à laquelle j’ai participé en 2014. En guise de réponse qui n’avait d’ailleurs pas convaincu, Vilks avait marmonné en disant que la Suède avait une prédilection pour le consensus. Aujourd’hui, il existe à cette question une réponse plus convaincante qui nous est donnée par Ryszard Legutko, professeur de philosophie et homme politique polonais influent. Traduit en anglais par Teresa Adelson sous le titre The Demon in Democracy: Totalitarian Temptations in Free Societies (Le démon de la démocratie : les tentations totalitaires au sein des sociétés libres), son livre paru chez Encounter montre de façon méthodique les similitudes surprenantes mais réelles entre le communisme de type soviétique et le libéralisme moderne tel qu’il est conçu par la Suède, l’Union européenne ou Barack Obama. (Avant d’analyser son argumentation, je tiens toutefois à préciser que là où Legutko parle de démocratie libérale, un concept trop complexe selon moi, je préfère parler de libéralisme.) Legutko ne prétend pas que le libéralisme ressemble au communisme dans ce que celui-ci a de monstrueux et encore moins que les deux idéologies sont identiques. Il reconnaît pleinement le caractère démocratique du libéralisme d’une part et la nature brutale et tyrannique du communisme d’autre part. Mais une fois établie cette distinction nette, il met le doigt sur le point sensible commun aux deux idéologies. C’est dans les années 1970 au cours d’un voyage effectué en Occident qu’il s’est rendu compte pour la première fois de ces similarités. Il s’est alors aperçu que les libéraux préféraient les communistes aux anti-communistes. Par après, avec la chute du bloc soviétique, il a vu les libéraux accueillir chaleureusement les communistes mais pas leurs opposants anticommunistes. Pourquoi ? Car selon lui le libéralisme partage avec le communisme une foi puissante en l’esprit rationnel propre à trouver des solutions. Cela se traduit par une propension à améliorer le citoyen, à le moderniser et à le façonner pour en faire un être supérieur, une propension qui conduit les deux idéologies à politiser, et donc à dévaloriser, tous les aspects de la vie dont la sexualité, la famille, la religion, les sports, les loisirs et les arts. (…) Les deux idéologies recourent à l’ingénierie sociale de façon à créer une société dont les membres seraient « identiques dans les mots, les pensées et les actes ». L’objectif serait d’obtenir une population en grande partie interchangeable et dépourvue de tout esprit dissident susceptible de causer des ennuis. Chacune des deux idéologies assume complètement le fait que sa vision particulière constitue le plus grand espoir pour l’humanité et représente la fin de l’histoire, l’étape finale de l’évolution de l’humanité. Le problème, c’est que de tels plans d’amélioration de l’humanité conduisent inévitablement à de terribles déceptions. En réalité, les êtres humains sont bien plus têtus et moins malléables que ne le souhaitent les rêveurs. Quand les choses vont mal (disons la production alimentaire pour les communistes, l’immigration sans entraves pour les libéraux), apparaissent deux conséquences néfastes. La première est le repli des idéologues dans un monde virtuel qu’ils cherchent ardemment à imposer à des sujets réfractaires. Les communistes déploient des efforts colossaux pour convaincre leurs vassaux qu’ils prospéreront bien plus que ces misérables vivant dans des pays capitalistes. Les libéraux transforment les deux genres – masculin et féminin – en 71 genres différents ou font disparaître la criminalité des migrants. Quand leurs projets tournent au vinaigre, les uns et les autres répondent non pas en repensant leurs principes mais, contre toute logique, en exigeant l’application d’un communisme ou d’un libéralisme plus pur et en s’appuyant fortement sur le complotisme : les communistes blâment les capitalistes et les libéraux blâment les entreprises pour expliquer par exemple pourquoi San Francisco détient aux États-Unis le record d’atteintes à la propriété ou pourquoi la ville de Seattle est gangrenée par une mendicité épidémique. La deuxième conséquence survient quand les dissidents apparaissent immanquablement. C’est alors que les communistes comme les libéraux font tout ce qu’ils peuvent pour étouffer les opinions divergentes. Autrement dit, les uns comme les autres sont prêts à forcer leurs populations ignorantes « à la liberté » selon les termes de Legutko. Ce qui signifie, bien entendu, le contrôle voire, la suppression de la liberté d’expression. Dans le cas du communisme, les bureaux de la censure du gouvernement excluent toute opinion négative vis-à-vis du socialisme et les conséquences sont fâcheuses pour quiconque ose persister. Dans le cas du libéralisme, les fournisseurs d’accès à Internet, les grands réseaux sociaux, les écoles, les banques, les services de covoiturage, les hôtels et les lignes de croisière font le sale boulot consistant à mettre hors-jeu les détracteurs qui tiennent ce qui est appelé un discours de haine consistant notamment à affirmer l’idée scandaleuse selon laquelle il n’y a que deux genres. Bien entendu l’islam est un sujet insidieux : ainsi le fait de se demander si Mahomet était un pédophile, est passible d’une amende, et une caricature, d’une peine de prison. Résultat : en Allemagne à peine 19% des citoyens ont l’impression qu’ils peuvent exprimer leur opinion librement en public. Daniel Pipes
Ce qui est nouveau, c’est d’abord que la bourgeoisie a le visage de l’ouverture et de la bienveillance. Elle a trouvé un truc génial : plutôt que de parler de « loi du marché », elle dit « société ouverte », « ouverture à l’Autre » et liberté de choisir… Les Rougon-Macquart sont déguisés en hipsters. Ils sont tous très cools, ils aiment l’Autre. Mieux : ils ne cessent de critiquer le système, « la finance », les « paradis fiscaux ». On appelle cela la rebellocratie. C’est un discours imparable : on ne peut pas s’opposer à des gens bienveillants et ouverts aux autres ! Mais derrière cette posture, il y a le brouillage de classes, et la fin de la classe moyenne. La classe moyenne telle qu’on l’a connue, celle des Trente Glorieuses, qui a profité de l’intégration économique, d’une ascension sociale conjuguée à une intégration politique et culturelle, n’existe plus même si, pour des raisons politiques, culturelles et anthropologiques, on continue de la faire vivre par le discours et les représentations. (…) C’est aussi une conséquence de la non-intégration économique. Aujourd’hui, quand on regarde les chiffres – notamment le dernier rapport sur les inégalités territoriales publié en juillet dernier –, on constate une hyper-concentration de l’emploi dans les grands centres urbains et une désertification de ce même emploi partout ailleurs. Et cette tendance ne cesse de s’accélérer ! Or, face à cette situation, ce même rapport préconise seulement de continuer vers encore plus de métropolisation et de mondialisation pour permettre un peu de redistribution. Aujourd’hui, et c’est une grande nouveauté, il y a une majorité qui, sans être « pauvre » ni faire les poubelles, n’est plus intégrée à la machine économique et ne vit plus là où se crée la richesse. Notre système économique nécessite essentiellement des cadres et n’a donc plus besoin de ces millions d’ouvriers, d’employés et de paysans. La mondialisation aboutit à une division internationale du travail : cadres, ingénieurs et bac+5 dans les pays du Nord, ouvriers, contremaîtres et employés là où le coût du travail est moindre. La mondialisation s’est donc faite sur le dos des anciennes classes moyennes, sans qu’on le leur dise ! Ces catégories sociales sont éjectées du marché du travail et éloignées des poumons économiques. Cependant, cette« France périphérique » représente quand même 60 % de la population. (…) Ce phénomène présent en France, en Europe et aux États-Unis a des répercussions politiques : les scores du FN se gonflent à mesure que la classe moyenne décroît car il est aujourd’hui le parti de ces « superflus invisibles » déclassés de l’ancienne classe moyenne. (…) Toucher 100 % d’un groupe ou d’un territoire est impossible. Mais j’insiste sur le fait que les classes populaires (jeunes, actifs, retraités) restent majoritaires en France. La France périphérique, c’est 60 % de la population. Elle ne se résume pas aux zones rurales identifiées par l’Insee, qui représentent 20 %. Je décris un continuum entre les habitants des petites villes et des zones rurales qui vivent avec en moyenne au maximum le revenu médian et n’arrivent pas à boucler leurs fins de mois. Face à eux, et sans eux, dans les quinze plus grandes aires urbaines, le système marche parfaitement. Le marché de l’emploi y est désormais polarisé. Dans les grandes métropoles il faut d’une part beaucoup de cadres, de travailleurs très qualifiés, et de l’autre des immigrés pour les emplois subalternes dans le BTP, la restauration ou le ménage. Ainsi les immigrés permettent-ils à la nouvelle bourgeoisie de maintenir son niveau de vie en ayant une nounou et des restaurants pas trop chers. (…) Il n’y a aucun complot mais le fait, logique, que la classe supérieure soutient un système dont elle bénéficie – c’est ça, la « main invisible du marché» ! Et aujourd’hui, elle a un nom plus sympathique : la « société ouverte ». Mais je ne pense pas qu’aux bobos. Globalement, on trouve dans les métropoles tous ceux qui profitent de la mondialisation, qu’ils votent Mélenchon ou Juppé ! D’ailleurs, la gauche votera Juppé. C’est pour cela que je ne parle ni de gauche, ni de droite, ni d’élites, mais de « la France d’en haut », de tous ceux qui bénéficient peu ou prou du système et y sont intégrés, ainsi que des gens aux statuts protégés : les cadres de la fonction publique ou les retraités aisés. Tout ce monde fait un bloc d’environ 30 ou 35 %, qui vit là où la richesse se crée. Et c’est la raison pour laquelle le système tient si bien. (…) La France périphérique connaît une phase de sédentarisation. Aujourd’hui, la majorité des Français vivent dans le département où ils sont nés, dans les territoires de la France périphérique il s’agit de plus de 60 % de la population. C’est pourquoi quand une usine ferme – comme Alstom à Belfort –, une espèce de rage désespérée s’empare des habitants. Les gens deviennent dingues parce qu’ils savent que pour eux « il n’y a pas d’alternative » ! Le discours libéral répond : « Il n’y a qu’à bouger ! » Mais pour aller où ? Vous allez vendre votre baraque et déménager à Paris ou à Bordeaux quand vous êtes licencié par ArcelorMittal ou par les abattoirs Gad ? Avec quel argent ? Des logiques foncières, sociales, culturelles et économiques se superposent pour rendre cette mobilité quasi impossible. Et on le voit : autrefois, les vieux restaient ou revenaient au village pour leur retraite. Aujourd’hui, la pyramide des âges de la France périphérique se normalise. Jeunes, actifs, retraités, tous sont logés à la même enseigne. La mobilité pour tous est un mythe. Les jeunes qui bougent, vont dans les métropoles et à l’étranger sont en majorité issus des couches supérieures. Pour les autres ce sera la sédentarisation. Autrefois, les emplois publics permettaient de maintenir un semblant d’équilibre économique et proposaient quelques débouchés aux populations. Seulement, en plus de la mondialisation et donc de la désindustrialisation, ces territoires ont subi la retraite de l’État. (…) Même si l’on installe 20 % de logements sociaux partout dans les grandes métropoles, cela reste une goutte d’eau par rapport au parc privé « social de fait » qui existait à une époque. Les ouvriers, autrefois, n’habitaient pas dans des bâtiments sociaux, mais dans de petits logements, ils étaient locataires, voire propriétaires, dans le parc privé à Paris ou à Lyon. C’est le marché qui crée les conditions de la présence des gens et non pas le logement social. Aujourd’hui, ce parc privé « social de fait » s’est gentrifié et accueille des catégories supérieures. Quant au parc social, il est devenu la piste d’atterrissage des flux migratoires. Si l’on regarde la carte de l’immigration, la dynamique principale se situe dans le Grand Ouest, et ce n’est pas dans les villages que les immigrés s’installent, mais dans les quartiers de logements sociaux de Rennes, de Brest ou de Nantes. (…) In fine, il y a aussi un rejet du multiculturalisme. Les gens n’ont pas envie d’aller vivre dans les derniers territoires des grandes villes ouverts aux catégories populaires : les banlieues et les quartiers à logements sociaux qui accueillent et concentrent les flux migratoires. Christophe Guilluy
Comment expliquer que les ouvriers constituent toujours le groupe social le plus important de la société française et que leur existence passe de plus en plus inaperçue ? Stéphane Beaud et Michel Pialoux (Retour sur la condition ouvrière, 1999)
J’ai regardé les premières cartes qui avaient été faites par l’IFOP concernant les ronds-points occupés par les Gilets jaunes. Ce qui était frappant, c’était la parfaite corrélation avec celle de la France périphérique, développée autour d’un indicateur de fragilité sociale. Ce qui est très intéressant c’est que cette carte fait exploser toutes les typologies traditionnelles : la division est-ouest entre la France industrielle et la France rurale par exemple. En réalité, le mouvement est parti de partout, aussi bien dans le sud-ouest que dans le nord-est, on voit donc quelque chose qui correspond exactement à la France périphérique, c’est-à-dire à la répartition des catégories modestes et populaires dans l’espace. Cette typologie casse celle de la France du vide qui n’est plus pertinente et cela nous montre bien les effets d’un modèle économique nouveau qui est celui de la mondialisation. C’est pour cela que je dis que le mouvement des Gilets jaunes n’est pas une résurgence de la révolution française ou de mai 68, cela est au contraire quelque chose de très nouveau : cela correspond à l’impact de la mondialisation sur la classe moyenne au sens large : de l’ouvrier au cadre supérieur. La classe moyenne, ce ne sont pas seulement les professions intermédiaires, c’est un ensemble, ce sont les gens qui travaillent et qui ont l’impression de faire partie d’un tout, peu importe qu’il y ait des inégalités de salaires. (…) Ce qui était malsain dans l’analyse qui en a été fait, cela a été le moment ou l’on a dit « en réalité, ils ne sont pas pauvres ». On opposait une nouvelle fois les pauvres aux classes populaires alors que la presque totalité des pauvres sont issus des classes populaires. Il y a un lien organique entre eux. Quand on prend ces catégories, ouvriers, employés, paysans etc.…ils peuvent être pauvres, au chômage, et même quand ils ont un emploi, ils savent très bien que la case pauvreté est toute proche sur l’échiquier.  Surtout, ils ont un frère, un cousin, un grand parent, un ami, un voisin qui est pauvre. On oublie toujours de dire que la pauvreté n’est pas un état permanent, il y a un échange constant entre classes populaires et pauvreté. Opposer ces catégories, c’est refuser ce lien organique entre pauvres et travailleurs modestes. C’est donc ne rien comprendre à ce qui se joue actuellement. (…) Ce que nous constatons aujourd’hui, c’est une dysfonction entre l’économie et la société. Et cela est la première fois. Avant, l’économie faisait société, c’était les 30 glorieuses avec un modèle économique qui intègre tout le monde et qui bénéficie à l’ensemble de la société. Là, nous avons un modèle qui peut créer de la richesse mais qui ne fait pas société. Le modèle économique mondialisé, parce qu’il n’a pas de limites, frappe les catégories sociales les unes après les autres. Après les employés, il y a les professions intermédiaires, les jeunes diplômés, et après nous aurons les catégories supérieures. La seule chose qui protège les catégories supérieures est qu’elles vivent aujourd’hui dans des citadelles. C’est ce qui fait aussi que la baisse du soutien des Français au mouvement des Gilets jaunes touche ces catégories-là. Mais cela n’empêche pas que le socle électoral d’Emmanuel Macron se restreint comme peau de chagrin, cela est mécanique. Depuis les années 80, on a souvent compensé ces destructions d’emplois sur ces territoires par des emplois publics, mais les gens ont parfaitement compris que ce modèle était à bout de souffle. Les fonctionnaires de catégorie B et C, qui sont présents dans le mouvement, ont compris que cela était fini, qu’ils n’auraient plus d’augmentations de salaires ou que leurs enfants ne pourront plus en profiter. On a bien là une angoisse d’insécurité sociale qui s’est généralisée à l’ensemble de ces catégories qui étaient, hier, totalement intégrées à la classe moyenne, et cela démontre bien comment un mouvement parti des marges est devenu majoritaire. Cela est la limite du modèle économique néolibéral. Je n’aurais aucun problème à adhérer au modèle néolibéral, s’il fonctionnait. On a vu comment cela avait commencé, ouvriers d’abord, paysans etc.. Et aujourd’hui, des gens que l’on pensait finalement sécurisés sont touchés ; petite fonction publique et retraités. Or, ce sont les gens qui ont, in fine, élu Emmanuel Macron. Son effondrement vient de ces catégories-là. Mais les classes populaires n’ont rien contre les riches, ils jouent au loto pour devenir riches, la question est simplement de pouvoir vivre décemment avec son salaire et d’être respecté culturellement. Nous payons réellement 30 années de mépris de classe, d’ostracisation, d’insultes en direction du peuple. (…) C’est ce que ne comprennent pas les libéraux. Je crois que le débat –libéral-pas libéral- est vain. Si je dis qu’il y a un problème avec ce modèle dans ces territoires, alors on me dit que je suis pour la suppression des métropoles ou que je suis favorable à un retour à une économie administrée. Et surtout, ce qui est intolérable, c’est que je cliverais la société en termes de classes sociales. En relisant récemment une biographie de Margaret Thatcher, je me suis rendu compte que le plus gros reproche fait aux travaillistes et aux syndicats dans les années 70 était justement de cliver la société à partir des classes sociales. L’argument était de dire qu’ils sont de mauvais Anglais parce qu’ils fracturent l’unité nationale. Ce qui est génial, c’est que nous voyons aujourd’hui exactement les mêmes réactions avec la France périphérique. Une arme sur la tempe, on vous dit d’arrêter de parler des inégalités. Ils veulent bien que l’on parle de pauvres mais cela ne va pas plus loin. Mais quand on regarde finement les choses, Emmanuel Macron n’aurait pas pu être élu sans le niveau de l’État providence français. À la fin il passe, évidemment parce qu’il fait le front des bourgeoisies et des catégories supérieures, des scores soviétiques dans les grandes métropoles mais aussi et surtout parce que la majorité de la fonction publique a voté pour lui, tout comme la majorité des retraités a voté pour lui. C’est-à-dire les héritiers des 30 glorieuses et surtout le cœur de la redistribution française. Emmanuel Macron se tire deux balles dans le pied en attaquant la fonction publique et les retraités. Nous assistons à un suicide en direct. C’est ce qui explique qu’il soit très vite passé de 65 à 25%. Finalement, et paradoxalement, le modèle français ne résiste au populisme et perdure dans le sens de la dérégulation néolibérale que grâce à un État providence fort. Mais en l’absence d’un État providence- ce que veulent les libéraux- nous aurons alors le populisme. (…) J’en veux à la production intellectuelle et universitaire parce qu’à partir du moment ou on met les marges en avant, les journalistes vont suivre cette représentation en allant voir une femme isolée dans la Creuse qui vit avec 500 euros, en se disant qu’elle est Gilet jaune, tout cela pour se rendre finalement compte qu’elle ne manifeste pas. Parce que quand on est pauvre, on n’a même pas l’énergie de se mobiliser, le but est de boucler la journée. Historiquement, les mouvements sociaux n’ont jamais été portés par les pauvres, et cela ne veut pas dire qu’ils ne soutiennent pas le mouvement. Ce que nous voyons aujourd’hui, ce sont des journalistes qui vont dans les salons des Gilets jaunes pour vérifier s’ils ont un écran plat, un abonnement Netflix, ou un IPhone. Ils sont prêts à les fouiller, cela est dingue. Lors des manifestations de 1995, les journalistes ne sont pas allés vérifier si les cheminots avaient un écran 16/9e chez eux, ou quand il y a eu les émeutes des banlieues, de vérifier si le mec qui brule une voiture vit chez lui avec une grande télé ou pas. Cette façon de délégitimer un mouvement est une grande première. C’est la première fois que l’on fait les poches des manifestants pour savoir s’ils ont de l’argent ou pas, et s’il y en a, on considère que cela n’est pas légitime. Ce qu’ils n’ont pas compris, c’est que si on gagne le revenu médian à 1700 euros, la perspective est que, même si cela va aujourd’hui, cela ne va pas aller demain. L’élite n’a toujours pas compris que les gens étaient parfaitement capables de faire un diagnostic de leurs propres vies. Cette condescendance dit un gigantesque mépris de classe. J’ai moi-même été surpris, je ne pensais pas que cela irait si vite. En quelques heures, les Gilets jaunes sont devenus antisémites, homophobes, racistes, beaufs… Et là encore, on voit bien que l’antiracisme et l’antifascisme sont devenus une arme de classe. (…) Nicolas Mathieu vient d’avoir le prix Goncourt avec son livre « Leurs enfants après eux », dont il dit qu’il s’agissait du roman de la France périphérique. Le combat culturel est en cours. Cela gagne le champ littéraire, culturel et médiatique. Les Gilets jaunes ont gagné l’essentiel, ils ont gagné la bataille de la représentation. On ne pourra plus faire comme si cette France n’existait pas, comme si la France périphérique était un concept qui ne pouvait pas être incarné par des gens. Si nous sommes encore démocrates nous sommes obligés de le prendre en compte. Ce qu’il faut espérer, c’est que les élites se rendent compte que les peuples occidentaux sont encore relativement paisibles. Le mouvement réel de la société, que nous constatons partout dans le monde occidental, et que nous ne pourrons pas arrêter, continue d’avancer, de se structurer, et que cela est de la responsabilité des élites d’y répondre. Ils n’ont pas d’autre choix, celui de l’atterrissage en douceur. Je crois que ce qui vient d’arriver, c’est que le rapport de force vient de changer, la peur a changé de camp. Aux Etats-Unis, au Royaume Uni, en Europe, maintenant, ils ont le peuple sur le dos. Et puis il y a une vertu à tout cela, prendre en compte les aspirations des plus modestes, c’est pour moi le fondement de la démocratie, c’est-à-dire donner du pouvoir à ceux qui n’en ont pas plutôt que de renforcer le pouvoir de ceux qui l’ont déjà. (…) Nous avons eu en direct ce qui essentiel pour moi ; la fracture culturelle gigantesque entre tout le monde d’en haut au sens large et la France périphérique. Ce qui s’est déployé sous nos yeux, ce n’est pas seulement la fracture sociale et territoriale mais plus encore cette fracture culturelle. L’état de sidération de l’intelligentsia française rappelle clairement celle de l’intelligentsia britannique face au Brexit, et cela est la même chose aux Etats-Unis avec l’élection de Donald Trump. Cette sidération a déclenché immédiatement l’emploi des armes de l’antifascisme, parce qu’ils n’ont rien d’autre. Ils ont découvert la dernière tribu d’Amazonie et – incroyable -elle est potentiellement majoritaire. C’est un mouvement très positif, contraire à toute l’analyse intellectuelle qui voit le peuple dans le repli individualiste, qui refuse le collectif, ou dans des termes comme celui de la « droitisation de la société française » alors que les gens demandent des services publics et un État providence. Après, on pointe le fait qu’ils sont contre l’immigration, ce à quoi on peut répondre « comme tout le monde », soit une très large majorité de Français. Le plus important est que nous avons sous les yeux un peuple qui veut faire société et des élites qui ne veulent plus faire société, comme je le disais dans « No Society » (Flammarion). C’est un moment de rupture historique entre un monde d’en haut, intellectuels, politiques, showbiz etc.… qui a peur de son propre peuple. Ils ne veulent plus faire société avec un peuple qu’ils méprisent. C’est la thèse de Christopher Lasch de la « sécession des élites ». On le voit aussi avec le discours anti-média des Gilets jaunes qui ne fait que répondre à 30 ans d’invisibilisation de ces catégories. Les classes populaires n’étaient traitées qu’au travers des banlieues et ils payent aujourd’hui ce positionnement. C’est un mouvement fondamentalement collectif et du XXI siècle. Ce qui est très nouveau, c’est que c’est un mouvement social du « No Society », c’est-à-dire sans représentants, sans intellectuels, sans syndicats, etc. Cela n’est jamais arrivé. Tout mouvement social est accompagné par des intellectuels mais pour la première fois nous ne voyons personne parler en leur nom. Cela révèle 30 ans de sécession du monde d’en haut. Le peuple dit « votre modèle ne fait pas société », tout en disant « nous, majorité, avec un large soutien de l’opinion malgré les violences, voulons faire société ». Et en face, le monde d’en haut, après le mépris, prend peur. Alors que les gens ne font que demander du collectif. (…) Les politiques pensent qu’en agglomérant des minorités ils font disparaître une majorité. Or, les minorités restent des minorités, on peut essayer de les agglomérer, mais cela ne fait pas un tout. Il est très intéressant de suivre l’évolution de la popularité de Donald Trump et d’Emmanuel Macron à ce titre. Trump garde son socle électoral alors que Macron s’est effondré, comme Hollande s’est effondré avant lui. Cela veut dire que l’on peut être élu avec un agglomérat de minorités, cadres supérieurs, minorités ethniques ou sexuelles -c’est à dire la stratégie Terra Nova – et cela peut éventuellement passer avec un bon candidat d’extrême droite en face. Mais cela ne suffit pas. Cela est extrêmement fragile. Quel rapport entre les catégories supérieures boboïsées de Paris et les banlieues précarisées et islamisées qui portent un discours traditionnel sur la société ? Quel rapport entre LGBT et Islam ? Et cela, c’est pour longtemps. Ils n’ont pas compris que les pays occidentaux, précisément parce qu’ils sont devenus multiculturels, vont de plus en plus s’appuyer sur un socle qui va être celui de la majorité relative. L’électorat de Donald Trump est une majorité relative mais cela est malgré tout ce que l’on appelait la classe moyenne dans laquelle des minorités peuvent aussi se reconnaitre. On a présenté les Gilets jaunes comme étant un mouvement de blancs « Ah..ils sont blancs », comme si cela était une surprise de voir des blancs dans les zones rurales françaises. Mais ce que l’on ne voit pas, c’est que beaucoup de Français issus de l’immigration participent à ce mouvement et qu’ils ne revendiquent aucune identité, ils sont totalement dans l’assimilation. Ils font partie d’un tout qui s’appelle la classe moyenne, ou l’ancienne classe moyenne. Le mouvement a été très fort à la Réunion, on voit donc bien que cela n’est pas ethnique. Mais cela a été présenté comme cela parce que cela permettait d’avoir le discours sur l’antiracisme et l’antifascisme. Il y a eu une ostracisation des Gilets jaunes par la gauche bienpensante parce que trop blancs, mais il y aussi eu une mise à l’écart et un mépris très fort de la part de la bourgeoisie de droite. C’est la même posture que vis-à-vis du White Trash américain : ils sont pauvres et ils sont blancs, c’est la honte de la société. (…) La question culturelle et ethnique existe, je veux bien que l’on clive, mais ce qui est intéressant c’est de voir que par exemple qu’un juif de Sarcelles rejette le CRIF ou Bernard-Henri Levy. C’est fondamental parce que cela dé-essentialise la communauté juive. C’est la même fracture que l’on retrouve dans toute la société. De la même manière, les musulmans ne se retrouvent absolument pas plus dans les instances musulmanes que dans Jamel Debbouze. Et à ce propos, ce que l’on voit le plus souvent, c’est que le destin des gens issus des classes populaires qui parviennent à s’élever, c’est de trahir. C’est banalement ce qui se passe parce que cette trahison permet l’adoubement. Edouard Louis fait son livre en ciblant sa propre famille, alors il fait la une des magazines. On a vu le même phénomène aux Etats-Unis avec le livre de J.D. Vance (Hillbilly Elegy), qui est quand même plus intéressant, mais il décrit aussi le « White Trash » en disant que la classe ouvrière américaine n’est quand même pas terrible, qu’ils sont fainéants, qu’ils boivent et qu’ils se droguent, et cela lui a permis d’accéder au New York Times. En rejetant son propre milieu. Je n’ai pas de jugement moral sur les classes populaires, je prends les Français tels qu’ils sont. Je ne demande à personne d’arrêter de penser ce qu’il pense, notamment sur l’immigration. De toute façon cette question va être réglée parce que 80% des Français veulent une régulation, et qu’on ne peut pas penser cette question comme on le faisait dans les années 60, parce que les mobilités ont évolué. La question n’est même plus à débattre. Les gens que je rencontre en Seine Saint Denis qui sont majoritairement d’origine maghrébine ou sub-saharienne veulent l’arrêt de l’immigration dans leurs quartiers. C’est une évidence. Il ne faut pas oublier que les deux candidats de 2017 rejetaient le clivage gauche droite. Les gens se positionnent par rapport à des thématiques comme la mondialisation ou l’État providence, et de moins en moins sur un clivage gauche droite. Aujourd’hui, des gens comme ceux qui sont avec Jean-Luc Mélenchon ou avec Laurent Wauquiez veulent réactiver ce clivage. En faisant cela, ils se mettent dans un angle mort. Gauche et droite sont minoritaires. Jean-Luc Mélenchon a derrière lui la gauche identitaire qui dit – »nous sommes de gauche »- mais cela lui interdit de rayonner sur ce monde populaire. La question est donc celle du débouché politique, mais tout peut aller très vite. L’Italie a basculé en 6 mois. (…) À la fin des années 90, j’avais fait une analyse croisée sur la relance de politique de la ville et les émeutes urbaines. On voyait bien que toutes les émeutes urbaines génèrent une relance des politiques de la ville. La réalité est ce que cela marche. Et surtout, le mouvement des Gilets jaunes n’existerait pas en France et dans le monde sans les violences aux Champs-Élysées. Le New York Times a fait sa Une parce qu’il y avait cela, parce que cela est parfaitement corrélé à ce qu’est la communication aujourd’hui. Il y a cette violence et il faut la condamner. Mais cela veut aussi dire que nous ne sommes plus au XXe siècle. C’est tout le mythe du mouvement social qui est ringardisé. Réunir des gens à République et les faire manifester jusqu’à Bastille avant qu’ils ne rentrent chez eux, c’est fini. C’est aussi une réécriture du mouvement social qui est en train de se réaliser. Christophe Guilluy
La Corse est un territoire assez emblématique de la France périphérique. Son organisation économique est caractéristique de cette France-là. Il n’y a pas de grande métropole mondialisée sur l’île, mais uniquement des villes moyennes ou petites et des zones rurales. Le dynamisme économique est donc très faible, mis à part dans le tourisme ou le BTP, qui sont des industries dépendantes de l’extérieur. Cela se traduit par une importante insécurité sociale : précarité, taux de pauvreté gigantesque, chômage des jeunes, surreprésentation des retraités modestes. L’insécurité culturelle est également très forte. Avant de tomber dans le préjugé qui voudrait que « les Corses soient racistes », il convient de dire qu’il s’agit d’une des régions (avec la PACA et après l’Ile-de-France) où le taux de population immigrée est le plus élevé. Il ne faut pas l’oublier. La sensibilité des Corses à la question identitaire est liée à leur histoire et leur culture, mais aussi à des fondamentaux démographiques. D’un côté, un hiver démographique, c’est-à-dire un taux de natalité des autochtones très bas, et, de l’autre, une poussée de l’immigration notamment maghrébine depuis trente ans conjuguée à une natalité plus forte des nouveaux arrivants. Cette instabilité démographique est le principal générateur de l’insécurité culturelle sur l’île. La question qui obsède les Corses aujourd’hui est la question qui hante toute la France périphérique et toutes les classes moyennes et populaires occidentales au XXIe siècle : « Vais-je devenir minoritaire dans mon île, mon village, mon quartier ? » C’est à la lumière de cette angoisse existentielle qu’il faut comprendre l’affaire du burkini sur la plage de Sisco, en juillet 2016, ou encore les tensions dans le quartier des Jardins de l’Empereur, à Ajaccio, en décembre 2015. C’est aussi à l’aune de cette interrogation qu’il faut évaluer le vote « populiste » lors de la présidentielle ou nationaliste aujourd’hui. En Corse, il y a encore une culture très forte et des solidarités profondes. À travers ce vote, les Corses disent : « Nous allons préserver ce que nous sommes. » Il faut ajouter à cela l’achat par les continentaux de résidences secondaires qui participe de l’insécurité économique en faisant augmenter les prix de l’immobilier. Cette question se pose dans de nombreuses zones touristiques en France : littoral atlantique ou méditerranéen, Bretagne, beaux villages du Sud-Est et même dans les DOM-TOM. En Martinique aussi, les jeunes locaux ont de plus en plus de difficultés à se loger à cause de l’arrivée des métropolitains. La question du « jeune prolo » qui ne peut plus vivre là où il est né est fondamentale. Tous les jeunes prolos qui sont nés hier dans les grandes métropoles ont dû se délocaliser. Ils sont les pots cassés du rouleau compresseur de la mondialisation. La violence du marché de l’immobilier est toujours traitée par le petit bout de la lorgnette comme une question comptable. C’est aussi une question existentielle ! En Corse, elle est exacerbée par le contexte insulaire. Cela explique que, lorsqu’ils proposent la corsisation des emplois, les nationalistes font carton plein chez les jeunes. C’est leur préférence nationale à eux. (…) La condition de ce vote, comme de tous les votes populistes, est la réunion de l’insécurité sociale et culturelle. Les électeurs de Fillon, qui se sont majoritairement reportés sur Macron au second tour, étaient sensibles à la question de l’insécurité culturelle, mais étaient épargnés par l’insécurité sociale. À l’inverse, les électeurs de Mélenchon étaient sensibles à la question sociale, mais pas touchés par l’insécurité culturelle. C’est pourquoi le débat sur la ligne que doit tenir le FN, sociale ou identitaire, est stérile. De même, à droite, sur la ligne dite Buisson. L’insécurité culturelle de la bourgeoisie de droite, bien que très forte sur la question de l’islam et de l’immigration, ne débouchera jamais sur un vote « populiste » car cette bourgeoisie estime que sa meilleure protection reste son capital social et patrimonial et ne prendra pas le risque de l’entamer dans une aventure incertaine. Le ressort du vote populiste est double et mêlé. Il est à la fois social et identitaire. De ce point de vue, la Corse est un laboratoire. L’offre politique des nationalistes est pertinente car elle n’est pas seulement identitaire. Elle prend en compte la condition des plus modestes et leur propose des solutions pour rester au pays et y vivre. Au-delà de l’effacement du clivage droite/gauche et d’un rejet du clanisme historique, leur force vient du fait qu’ils représentent une élite et qu’ils prennent en charge cette double insécurité. Cette offre politique n’a jamais existé sur le continent car le FN n’a pas intégré une fraction de l’élite. C’est même tout le contraire. Ce parti n’est jamais parvenu à faire le lien entre l’électorat populaire et le monde intellectuel, médiatique ou économique. Une société, c’est une élite et un peuple, un monde d’en bas et un monde d’en haut, qui prend en charge le bien commun. Ce n’est plus le cas aujourd’hui. Le vote nationaliste et/ou populiste arrive à un moment où la classe politique traditionnelle a déserté, aussi bien en Corse que sur le continent. L’erreur de la plupart des observateurs est de présenter Trump comme un outsider. Ce n’est pas vrai. S’il a pu gagner, c’est justement parce qu’il vient de l’élite. C’est un membre de la haute bourgeoisie new-yorkaise. Il fait partie du monde économique, médiatique et culturel depuis toujours, et il avait un pied dans le monde politique depuis des années. Il a gagné car il faisait le lien entre l’Amérique d’en haut et l’Amérique périphérique. Pour sortir de la crise, les sociétés occidentales auront besoin d’élites économiques et politiques qui voudront prendre en charge la double insécurité de ce qu’était hier la classe moyenne. C’est ce qui s’est passé en Angleterre après le Brexit, ce qui s’est passé aux Etats-Unis avec Trump, ce qui se passe en Corse avec les nationalistes. Il y a aujourd’hui, partout dans le monde occidental, un problème de représentation politique. Les électeurs se servent des indépendantismes, comme de Trump ou du Brexit, pour dire autre chose. En Corse, le vote nationaliste ne dit pas l’envie d’être indépendant par rapport à la France. C’est une lecture beaucoup trop simpliste. Si, demain, il y a un référendum, les nationalistes le perdront nettement. D’ailleurs, c’est simple, ils ne le demandent pas. (…) [Avec la Catalogne] Le point commun, c’est l’usure des vieux partis, un système représentatif qui ne l’est plus et l’implosion du clivage droite/gauche. Pour le reste, la Catalogne, c’est l’exact inverse de la Corse. Il ne s’agit pas de prendre en charge le bien commun d’une population fragilisée socialement, mais de renforcer des positions de classes et territoriales dans la mondialisation. La Catalogne n’est pas l’Espagne périphérique, mais tout au contraire une région métropole. Barcelone représente ainsi plus de la moitié de la région catalane. C’est une grande métropole qui absorbe l’essentiel de l’emploi, de l’économie et des richesses. Le vote indépendantiste est cette fois le résultat de la gentrification de toute la région. Les plus modestes sont peu à peu évincés d’un territoire qui s’organise autour d’une société totalement en prise avec les fondamentaux de la bourgeoisie mondialisée. Ce qui porte le nationalisme catalan, c’est l’idéologie libérale libertaire métropolitaine, avec son corollaire : le gauchisme culturel et l’« antifascisme » d’opérette. Dans la rhétorique nationaliste, Madrid est ainsi présentée comme une « capitale franquiste » tandis que Barcelone incarnerait l’« ouverture aux autres ». La jeunesse, moteur du nationalisme catalan, s’identifie à la gauche radicale. Le paradoxe, c’est que nous assistons en réalité à une sécession des riches, qui ont choisi de s’affranchir totalement des solidarités nationales, notamment envers les régions pauvres. C’est la « révolte des élites » de Christopher Lasch appliquée aux territoires. L’indépendance nationale est un prétexte à l’indépendance fiscale. L’indépendantisme, un faux nez pour renforcer une position économique dominante. Dans Le Crépuscule de la France d’en haut (*), j’ironisais sur les Rougon-Macquart déguisés en hipsters. Là, on pourrait parler de Rougon-Macquart déguisés en « natios ». Derrière les nationalistes, il y a les lib-lib. (…) L’exemple de la Catalogne préfigure peut-être, en effet, un futur pas si lointain où le processus de métropolisation conduira à l’avènement de cités-Etats. En face, les défenseurs de la nation apparaîtront comme les défenseurs du bien commun. Aujourd’hui, la seule critique des hyperriches est une posture trop facile qui permet de ne pas voir ce que nous sommes devenus, nous : les intellectuels, les politiques, les journalistes, les acteurs économiques, et on pourrait y ajouter les cadres supérieurs. Nous avons abandonné le bien commun au profit de nos intérêts particuliers. Hormis quelques individus isolés, je ne vois pas quelle fraction du monde d’en haut au sens large aspire aujourd’hui à défendre l’intérêt général. (…) [Pour Macron] Le point le plus intéressant, c’est qu’il s’est dégagé du clivage droite/gauche. La comparaison avec Trump n’est ainsi pas absurde. Tous les deux ont l’avantage d’être désinhibés. Mais il faut aussi tenir à l’esprit que, dans un monde globalisé dominé par la finance et les multinationales, le pouvoir du politique reste très limité. Je crois davantage aux petites révolutions culturelles qu’au grand soir. Trump va nous montrer que le grand retournement ne peut pas se produire du jour au lendemain mais peut se faire par petites touches, par transgressions successives. Trump a amené l’idée de contestation du libre-échange et mis sur la table la question du protectionnisme. Cela n’aura pas d’effets à court terme. Ce n’est pas grave car cela annonce peut-être une mutation à long terme, un changement de paradigme. La question est maintenant de savoir qui viendra après Trump. La disparition de la classe moyenne occidentale, c’est-à-dire de la société elle-même, est l’enjeu fondamental du XXIe siècle, le défi auquel devront répondre ses successeurs. (…) On peut cependant rappeler le mépris de classe qui a entouré le personnage de Johnny, notamment via « Les Guignols de l’info ». Il ne faut pas oublier que ce chanteur, icône absolue de la culture populaire, a été dénigré pendant des décennies par l’intelligentsia, qui voyait en lui une espèce d’abruti, chantant pour des « déplorables », pour reprendre la formule de Hillary Clinton. L’engouement pour Johnny rappelle l’enthousiasme des bobos et de Canal+ pour le ballon rond au moment de la Coupe du monde 1998. Le foot est soudainement devenu hype. Jusque-là, il était vu par eux comme un sport d’ « ouvriers buveurs de bière ». On retrouve le même phénomène aux États-Unis avec le dénigrement de la figure du white trash ou du redneck. Malgré quarante ans d’éreintement de Johnny, les classes populaires ont continué à l’aimer. Le virage à 180 degrés de l’intelligentsia ces derniers jours n’est pas anodin. Il démontre qu’il existe un soft power des classes populaires. L’hommage presque contraint du monde d’en haut à ce chanteur révèle en creux l’importance d’un socle populaire encore majoritaire. C’est aussi un signe supplémentaire de l’effritement de l’hégémonie culturelle de la France d’en haut. Les classes populaires n’écoutent plus les leçons de morale. Pas plus en politique qu’en chanson. Christophe Guilluy
En Europe comme aux Etats-Unis, la contestation émerge sur les territoires les plus éloignés des métropoles mondialisées. La « France périphérique » est celle des petites villes, des villes moyennes et des zones rurales. En Grande-Bretagne, c’est aussi la « Grande-Bretagne périphérique » qui a voté pour le Brexit. Attention : il ne s’agit pas d’un rapport entre « urbains » et « ruraux ». La question est avant tout sociale, économique et culturelle. Ces territoires illustrent la sortie de la classe moyenne des catégories qui en constituaient hier le socle : ouvriers, employés, petits paysans, petits indépendants. Ces catégories ont joué le jeu de la mondialisation, elles ont même au départ soutenu le projet européen. Cependant, après plusieurs décennies d’adaptation aux normes de l’économie-monde, elles font le constat d’une baisse ou d’une stagnation de leur niveau de vie, de la précarisation des conditions de travail, du chômage de masse et, in fine, du blocage de l’ascenseur social. Sans régulation d’un libre-échange qui défavorise prioritairement ces catégories et ces territoires, le processus va se poursuivre. C’est pourquoi la priorité est de favoriser le développement d’un modèle économique complémentaire (et non alternatif) sur ces territoires qui cumulent fragilités socio-économiques et sédentarisation des populations. Cela suppose de donner du pouvoir et des compétences aux élus et collectivités de ces territoires. En adoptant le système économique mondialisé, les pays développés ont accouché de son modèle sociétal : le multiculturalisme. En la matière, la France n’a pas fait mieux (ni pire) que les autres pays développés. Elle est devenue une société américaine comme les autres, avec ses tensions et ses paranoïas identitaires. Il faut insister sur le fait que sur ces sujets, il n’y a pas d’un côté ceux qui seraient dans l’ouverture et de l’autre ceux qui seraient dans le rejet. Si les catégories supérieures et éduquées ne basculent pas dans le populisme, c’est parce qu’elles ont les moyens de la frontière invisible avec l’Autre. Ce sont d’ailleurs elles qui pratiquent le plus l’évitement scolaire et résidentiel. La question du rapport à l’autre n’est donc pas seulement posée pour les catégories populaires. Poser cette question comme universelle – et qui touche toutes les catégories sociales – est un préalable si l’on souhaite faire baisser les tensions. Cela implique de sortir de la posture de supériorité morale que les gens ne supportent plus. J’avais justement conçu la notion d’insécurité culturelle pour montrer que, notamment en milieu populaire, ce n’est pas tant le rapport à l’autre qui pose problème qu’une instabilité démographique qui induit la peur de devenir minoritaire et de perdre un capital social et culturel très important. Une peur qui concerne tous les milieux populaires, quelles que soient leurs origines. C’est en partant de cette réalité qu’il convient de penser la question du multiculturalisme. Christophe Guilluy
Pour la première fois, le modèle mondialisé des classes dominantes, dont Hillary Clinton était le parangon, a été rejeté dans le pays qui l’a vu naître. Fidèles à leurs habitudes, les élites dirigeantes déprécient l’expression de la volonté populaire quand elles en perdent le contrôle. Ainsi, les médias, à travers le cas de la Pennsylvanie – l’un des swing states qui ont fait le succès de Trump -, ont mis l’accent sur le refus de mobilité de la working class blanche, les fameux « petits Blancs », comme cause principale de la précarité et du déclassement. Le « bougisme », qui est la maladie de Parkinson de la mondialisation, confond les causes et les conséquences. Il est incapable de comprendre que, selon la formule de Christopher Lasch, « le déracinement déracine tout, sauf le besoin de racines ». L’élection de Trump, c’est le cri de révolte des enracinés du local contre les agités du global. (…) La gauche progressiste n’a eu de cesse, depuis les années 1980, que d’évacuer la question sociale en posant comme postulat que ce n’est pas la pauvreté qui interdit d’accéder à la réussite ou à l’emploi, mais uniquement l’origine ethnique. Pourtant, l’actuelle dynamique des populismes ne se réduit pas à la seule révolte identitaire. En contrepoint de la protestation du peuple-ethnos, il y a la revendication du peuple-démos, qui aspire à être rétabli dans ses prérogatives de sujet politique et d’acteur souverain de son destin. Le populisme est aussi et peut-être d’abord un hyperdémocratisme, selon le mot de Taguieff, une demande de démocratie par quoi le peuple manifeste sa volonté d’être représenté et gouverné selon ses propres intérêts. Or notre postdémocratie oscille entre le déni et le détournement de la volonté populaire. (…) Au XIXe siècle, la bourgeoisie a eu recours à la loi pour imposer le suffrage censitaire. Aujourd’hui, les classes dominantes n’en éprouvent plus la nécessité, elles l’obtiennent de facto : il leur suffit de neutraliser le vote populiste en l’excluant de toute représentation par le mode de scrutin et de provoquer l’abstention massive de l’électorat populaire, qui, convaincu de l’inutilité du vote, se met volontairement hors jeu. Ne vont voter lors des élections intermédiaires que les inclus, des fonctionnaires aux cadres supérieurs, et surtout les plus de 60 ans, qui, dans ce type de scrutin, représentent autour de 35 % des suffrages exprimés, alors qu’ils ne sont que 22 % de la population. Ainsi, l’écosystème de la génération de 68 s’est peu à peu transformé en un egosystème imposé à l’ensemble de la société. Dans notre postdémocratie, c’est le cens qui fait sens et se traduit par une surreprésentation des classes favorisées aux dépens de la France périphérique, de la France des invisibles. (…) On est arrivé à une situation où la majorité n’est plus une réalité arithmétique, mais un concept politique résultant d’une application tronquée du principe majoritaire. Dans l’Assemblée élue en 2012 avec une participation de 55 %, la majorité parlementaire socialiste ne représente qu’un peu plus de 16 % des inscrits. La majorité qui fait et défait les lois agit au nom d’à peine plus de 1 Français sur 6 ! Nous vivons sous le régime de ce qu’André Tardieu appelait déjà avant-guerre le « despotisme d’une minorité légale ». On assiste, avec le système de l’alternance unique entre les deux partis de gouvernement, à une privatisation du pouvoir au bénéfice d’une partitocratie dont la légitimité ne cesse de s’éroder. (…) Plus les partis ont perdu en légitimité, plus s’est imposée à eux l’obligation de verrouiller le système de crainte que la sélection des candidats à l’élection présidentielle ne leur échappe. Avec la crise de la représentation, le système partisan n’a plus ni l’autorité ni la légitimité suffisante pour imposer ses choix sans un simulacre de démocratie. Les primaires n’ont pas d’autre fonction que de produire une nouvelle forme procédurale de légitimation. En pratique, cela revient à remettre à une minorité partisane le pouvoir de construire l’offre politique soumise à l’ensemble du corps électoral. Entre 3 et 4 millions de citoyens vont préorienter le choix des 46 millions de Français en âge de voter. Or la sociologie des électeurs des primaires à droite comme à gauche ne fait guère de doute : il s’agit des catégories supérieures ou moyennes, qui entretiennent avec la classe politique un rapport de proximité. Les primaires auront donc pour effet d’aggraver la crise de représentation en renforçant le poids politique des inclus au moment même où il faudrait rouvrir le jeu démocratique. (…) D’un tel processus de sélection ne peuvent sortir que des produits de l’endogamie partisane, des candidats façonnés par le conformisme de la doxa et gouvernés par l’économisme. Des candidats inaccessibles à la dimension symbolique du pouvoir et imperméables aux legs de la tradition et de l’Histoire nationale. Sarkozy et Hollande ont illustré l’inaptitude profonde des candidats sélectionnés par le système à se hisser à la hauteur de la fonction. Dans ces conditions, il est à craindre que, quel que soit l’élu, l’élection de 2017 ne soit un coup à blanc, un coup pour rien. D’autant que les hommes de la classe dirigeante n’ont ni les repères historiques ni les bases culturelles pour défendre les sociabilités protectrices face aux ravages de la mondialisation. En somme, ils ne savent pas ce qu’ils font parce qu’ils ne savent pas ce qu’ils défont. Quant au FN, privé de toute espérance du pouvoir, contrairement à ce qu’on voudrait nous faire croire, il offre un repoussoir utile à la classe dirigeante, qui lui permet de se survivre à bon compte. Il est à ce jour encore la meilleure assurance-vie du système. Patrick Buisson
Les «élites» françaises, sous l’inspiration et la domination intellectuelle de François Mitterrand, on voulu faire jouer au Front National depuis 30 ans, le rôle, non simplement du diable en politique, mais de l’Apocalypse. Le Front National représentait l’imminence et le danger de la fin des Temps. L’épée de Damoclès que se devait de neutraliser toute politique «républicaine». Cet imaginaire de la fin, incarné dans l’anti-frontisme, arrive lui-même à sa fin. Pourquoi? Parce qu’il est devenu impossible de masquer aux Français que la fin est désormais derrière nous. La fin est consommée, la France en pleine décomposition, et la république agonisante, d’avoir voulu devenir trop bonne fille de l’Empire multiculturel européen. Or tout le monde comprend bien qu’il n’a nullement été besoin du Front national pour cela. Plus rien ou presque n’est à sauver, et c’est pourquoi le Front national fait de moins en moins peur, même si, pour cette fois encore, la manœuvre du «front républicain», orchestrée par Manuel Valls, a été efficace sur les électeurs socialistes. Les Français ont compris que la fin qu’on faisait incarner au Front national ayant déjà eu lieu, il avait joué, comme rôle dans le dispositif du mensonge généralisé, celui du bouc émissaire, vers lequel on détourne la violence sociale, afin qu’elle ne détruise pas tout sur son passage. Remarquons que le Front national s’était volontiers prêté à ce dispositif aussi longtemps que cela lui profitait, c’est-à-dire jusqu’à aujourd’hui. Le parti anti-système a besoin du système dans un premier temps pour se légitimer. Nous approchons du point où la fonction de bouc émissaire, théorisée par René Girard  va être entièrement dévoilée et où la violence ne pourra plus se déchaîner vers une victime extérieure. Il faut bien mesurer le danger social d’une telle situation, et la haute probabilité de renversement qu’elle secrète: le moment approche pour ceux qui ont désigné la victime émissaire à la vindicte du peuple, de voir refluer sur eux, avec la vitesse et la violence d’un tsunami politique, la frustration sociale qu’ils avaient cherché à détourner. Les élections régionales sont sans doute un des derniers avertissements en ce sens. Les élites devraient anticiper la colère d’un peuple qui se découvre de plus en plus floué, et admettre qu’elles ont produit le système de la victime émissaire, afin de détourner la violence et la critique à l’égard de leur propre action. Pour cela, elles devraient cesser d’ostraciser le Front national, et accepter pleinement le débat avec lui, en le réintégrant sans réserve dans la vie politique républicaine française. Y-a-t-il une solution pour échapper à une telle issue? Avouons que cette responsabilité est celle des élites en place, ayant entonné depuis 30 ans le même refrain. A supposer cependant que nous voulions les sauver, nous pourrions leur donner le conseil suivant: leur seule possibilité de survivre serait d’anticiper la violence refluant sur elles en faisant le sacrifice de leur innocence. Elles devraient anticiper la colère d’un peuple qui se découvre de plus en plus floué, et admettre qu’elles ont produit le système de la victime émissaire, afin de détourner la violence et la critique à l’égard de leur propre action. Pour cela, elles devraient cesser d’ostraciser le Front national, et accepter pleinement le débat avec lui, en le réintégrant sans réserve dans la vie politique républicaine française. Pour cela, elles devraient admettre de déconstruire la gigantesque hallucination collective produite autour du Front national, hallucination revenant aujourd’hui sous la forme inversée du Sauveur. Ce faisant, elles auraient tort de se priver au passage de souligner la participation du Front national au dispositif, ce dernier s’étant prêté de bonne grâce, sous la houlette du Père, à l’incarnation de la victime émissaire. Il faut bien avouer que nos élites du PS comme des Républicains ne prennent pas ce chemin, démontrant soit qu’elles n’ont strictement rien compris à ce qui se passe dans ce pays depuis 30 ans, soit qu’elles l’ont au contraire trop bien compris, et ne peuvent plus en assumer le dévoilement, soit qu’elles espèrent encore prospérer ainsi. Il n’est pas sûr non plus que le Front national soit prêt à reconnaître sa participation au dispositif. Il y aurait intérêt pourtant pour pouvoir accéder un jour à la magistrature suprême. Car si un tel aveu pourrait lui faire perdre d’un côté son «aura» anti-système, elle pourrait lui permettre de l’autre, une alliance indispensable pour dépasser au deuxième tour des présidentielles le fameux «plafond de verre». Il semble au contraire après ces régionales que tout changera pour que rien ne change. Deux solutions qui ne modifient en rien le dispositif mais le durcissent au contraire se réaffirment. La première solution, empruntée par le PS et désirée par une partie des Républicains, consiste à maintenir coûte que coûte le discours du front républicain en recherchant un dépassement du clivage gauche/droite. Une telle solution consiste à aller plus loin encore dans la désignation de la victime émissaire, et à s’exposer à un retournement encore plus dévastateur. (…) Car sans même parler des effets dévastateurs que pourrait avoir, a posteriori, un nouvel attentat, sur une telle déclaration, comment ne pas remarquer que les dernières décisions du gouvernement sur la lutte anti-terroriste ont donné rétrospectivement raison à certaines propositions du Front national? On voit mal alors comment on pourrait désormais lui faire porter le chapeau de ce dont il n’est pas responsable, tout en lui ôtant le mérite des solutions qu’il avait proposées, et qu’on n’a pas hésité à lui emprunter! La deuxième solution, défendue par une partie des Républicains suivant en cela Nicolas Sarkozy, consiste à assumer des préoccupations communes avec le Front national, tout en cherchant à se démarquer un peu par les solutions proposées. Mais comment faire comprendre aux électeurs un tel changement de cap et éviter que ceux-ci ne préfèrent l’original à la copie? Comment les électeurs ne remarqueraient-ils pas que le Front national, lui, n’a pas changé de discours, et surtout, qu’il a précédé tout le monde, et a eu le mérite d’avoir raison avant les autres, puisque ceux-ci viennent maintenant sur son propre terrain? Comment d’autre part concilier une telle proximité avec un discours diabolisant le Front national et cherchant l’alliance au centre? Curieuses élites, qui ne comprennent pas que la posture «républicaine», initiée par Mitterrand, menace désormais de revenir comme un boomerang les détruire. Christopher Lasch avait écrit La révolte des élites, pour pointer leur sécession d’avec le peuple, c’est aujourd’hui le suicide de celles-ci qu’il faudrait expliquer, dernière conséquence peut-être de cette sécession. Vincent Coussedière
With their politicization of their victory, their expletive-filled speech, and their publicly expressed contempt for half their fellow citizens, the women of the U.S. women’s soccer team succeeded in endearing themselves to America’s left. But they earned the rest of the country’s disdain, which is sad. We really wanted to love the team. What we have here is yet another example of perhaps the most important fact in the contemporary world: Everything the left touches, it ruins. Dennis Prager
The San Francisco Board of Education recently voted to paint over, and thus destroy, a 1,600-square-foot mural of George Washington’s life in San Francisco’s George Washington High School. Victor Arnautoff, a communist Russian-American artist and Stanford University art professor, had painted “Life of Washington” in 1936, commissioned by the New Deal’s Works Progress Administration. A community task force appointed by the school district had recommended that the board address student and parent objections to the 83-year-old mural, which some viewed as racist for its depiction of black slaves and Native Americans. Nike pitchman and former NFL quarterback Colin Kaepernick recently objected to the company’s release of a special Fourth of July sneaker emblazoned with a 13-star Betsy Ross flag. The terrified Nike immediately pulled the shoe off the market. The New York Times opinion team issued a Fourth of July video about “the myth of America as the greatest nation on earth.” The Times’ journalists conceded that the United States is “just OK.” During a recent speech to students at a Minnesota high school, Rep. Ilhan Omar (D-Minn.) offered a scathing appraisal of her adopted country, which she depicted as a disappointment whose racism and inequality did not meet her expectations as an idealistic refugee. Omar’s family had fled worn-torn Somalia and spent four-years in a Kenyan refugee camp before reaching Minnesota, where Omar received a subsidized education and ended up a congresswoman. The U.S. Women’s National Soccer Team won the World Cup earlier this month. Team stalwart Megan Rapinoe refused to put her hand over heart during the playing of the national anthem, boasted that she would never visit the “f—ing White House” and, with others, nonchalantly let the American flag fall to the ground during the victory celebration. The city council in St. Louis Park, a suburb of Minneapolis, voted to stop reciting the Pledge of Allegiance before its meeting on the rationale that it wished not to offend a “diverse community.” The list of these public pushbacks at traditional American patriotic customs and rituals could be multiplied. They follow the recent frequent toppling of statues of 19th-century American figures, many of them from the South, and the renaming of streets and buildings to blot out mention of famous men and women from the past now deemed illiberal enemies of the people. Such theater is the street version of what candidates in the Democratic presidential primary have been saying for months. They want to disband border enforcement, issue blanket amnesties, demand reparations for descendants of slaves, issue formal apologies to groups perceived to be the subjects of discrimination, and rail against American unfairness, inequality, and a racist and sexist past. In their radical progressive view — shared by billionaires from Silicon Valley, recent immigrants and the new Democratic Party — America was flawed, perhaps fatally, at its origins. Things have not gotten much better in the country’s subsequent 243 years, nor will they get any better — at least not until America as we know it is dismantled and replaced by a new nation predicated on race, class and gender identity-politics agendas. In this view, an “OK” America is no better than other countries. As Barack Obama once bluntly put it, America is only exceptional in relative terms, given that citizens of Greece and the United Kingdom believe their own countries are just as exceptional. In other words, there is no absolute standard to judge a nation’s excellence. About half the country disagrees. It insists that America’s sins, past and present, are those of mankind. But only in America were human failings constantly critiqued and addressed. (…) The traditionalists see American history as a unique effort to overcome human weakness, bias and sin. That effort is unmatched by other cultures and nations, and explains why millions of foreign nationals swarm into the United States, both legally and illegally. (…) If progressives and socialists can at last convince the American public that their country was always hopelessly flawed, they can gain power to remake it based on their own interests. These elites see Americans not as unique individuals but as race, class and gender collectives, with shared grievances from the past that must be paid out in the present and the future. Victor Davis Hanson
There is a ‘try a hijab on’ booth at my college campus. So you’re telling me that it’s now just a fashion accessory and not a religious thing? Or are you just trying to get women used to being oppressed under Islam? I said that it was (getting women used to) being oppressed because there are so many women in Middle Eastern countries that are being punished and stoned for refusing to wear a hijab. Nobody is talking about that in the West because all they see is everyone being at peace, but that is the beauty of America. Kathy Zhu
Did you know the majority of black deaths are caused by other blacks? Fix problems within your own community before blaming others. (…) This applies for every community. If there is a problem, fix things in your own community before lashing out at others and trying to find an issue there. That is all I wanted to say. It is not a problem against black people. Obviously I am not racist or stuff like that. Kathy Zhu
My first act will be to ask Megan Rapinoe to be my secretary of State and thus return “love rather than hate” to the center of America’s foreign policy. Jay Inslee (Washington governor)
The progressive agenda is America’s agenda, and we need to get out there and fight for it! Elizabeth Warren
America is changing. By 2043, we’ll be a nation [that’s] majority people of color, and that’s — that is the game here — that’s what folks don’t want to understand what’s happening in this country. Roland Martin (African-American journalist)
How’d we lose the working class? Ask yourself, what did we do for them? You called them stupid. You marginalized them, took them for granted and you didn’t talk to them. For 20 years, the right wing has invested tremendous amounts of money in talk radio, in television, in every possible platform to be in their ears, before their eyes, and on their minds. And they don’t call them stupid. Rick Smith (talk-show host)
On several polarizing issues, Democrats are refusing to offer the reassurances to moderate opinion that they once did. They’re not saying: We will secure the border and insist on an orderly asylum process, but do it in a humane way; we will protect the right to abortion while working to make it less common; we will protect gun rights while setting sensible limits on them. The old rhetorical guardrails — trust us, there’s a hard stop on how far left we’ll go — are gone. Ramesh Ponnuru
This month, Netroots Nation met in Philadelphia. The choice was no accident. Pennsylvania will probably be the key swing state in 2020. Donald Trump won it by only 44,000 votes or seven-tenths of a percentage point. He lost the prosperous Philadelphia suburbs by more than Mitt Romney did in 2012 but more than made up for it with new support in “left behind” blue-collar areas such as Erie and Wilkes-Barre. You’d think that this history would inform activists at Netroots Nation about the best strategy to follow in 2020. Not really. Instead, Netroots events seemed to alternate between pandering presentations by presidential candidates and a bewildering array of “intersectionality” and identity-politics seminars. Senator Elizabeth Warren pledged that, if elected, she would immediately investigate crimes committed by border-control agents. Julian Castro, a former Obama-administration cabinet member, called for decriminalizing illegal border crossings. But everyone was topped by Washington governor Jay Inslee. “My first act will be to ask Megan Rapinoe to be my secretary of State,” he promised. Naming the woke, purple-haired star of the championship U.S. Women’s Soccer team, he said, would return “love rather than hate” to the center of America’s foreign policy. It is true that a couple of panels tried to address how the Left could appeal to voters who cast their ballots for Barack Obama in 2012 but switched to Trump in 2016. (…)  But that kind of introspection was rare at Netroots Nation. Elizabeth Warren explicitly rejected calls to keep Democrats from moving too far to the left in the next campaign (…) Warren and her supporters point to polls showing that an increasing number of Americans are worried about income inequality, climate change, and America’s image around the world. But are those the issues that actually motivate people to vote, or are they peripheral issues that aren’t central to the decision most voters make? Consider a Pew Research poll taken last year that asked respondents to rank 23 “policy priorities” from terrorism to global trade in order of importance. Climate change came in 22nd out of 23. There is a stronger argument that Democrats will have trouble winning over independent voters if they sprinting so far to the left that they go over a political cliff. (…) Many leftists acknowledge that Democrats are less interested than they used to be in trimming their sails to appeal to moderates. Such trimming is no longer necessary, as they see it, because the changing demographics of the country give them a built-in advantage. Almost everyone I encountered at Netroots Nation was convinced that President Trump would lose in 2020. (…) It’s a common mistake on both the right and the left to assume that minority voters will a) always vote in large numbers and b) will vote automatically for Democrats. Hillary Clinton lost in 2016 in part because black turnout fell below what Barack Obama was able to generate. There is no assurance that black turnout can be restored in 2020. As for other ethnic groups, a new poll by Politico/Morning Consult this month found that Trump’s approval among Hispanics is at 42 percent. An Economist/YouGov poll showed Trump at 32 percent among Hispanics; another poll from The Hill newspaper and HarrisX has it at 35 percent. In 2016, Trump won only 29 to 32 percent of the Hispanic vote. Netroots Nation convinced me that progressive activists are self-confident, optimistic about the chances for a progressive triumph, and assured that a Trump victory was a freakish “black swan” event. But they are also deaf to any suggestion that their PC excesses had anything to do with Trump’s being in the White House. That is apt to be the progressive blind spot going into the 2020 election. John Fund
The immigrant is the pawn of Latin American governments who view him as inanimate capital, someone who represents thousands of dollars in future foreign-exchange remittances, as well as one less mouth to feed at home — if he crosses the border, legality be damned. If that sounds a cruel or cynical appraisal, then why would the Mexican government in 2005 print a comic booklet (“Guide for the Mexican Migrant”) with instructions to its citizens on how best to cross into the United States — urging them to break American law and assuming that they could not read? Yet for all the savagery dealt out to the immigrant — the callousness of his government, the shakedowns of the coyotes and cartels, the exploitation of his labor by new American employers — the immigrant himself is not entirely innocent. He knows — or does not care to know — that by entering the U.S., he has taken a slot from a would-be legal immigrant, one, unlike himself, who played by the rules and waited years in line for his chance to become an American. He knowingly violates U.S. immigration law. And when the first act of an immigrant is to enter the U.S. illegally, the second to reside there unlawfully, and the third so often to adopt false identities, he undermines American law on the expectation that he will receive exemptions not accorded to U.S. citizens, much less to other legal immigrants. In terms of violations of federal law, and crimes such as hit-and-run accidents and identity theft, the illegal immigrant is overrepresented in the criminal-justice system, and indeed in federal penitentiaries. Certainly, no Latin American government would allow foreigners to enter, reside, and work in their own country in the manner that they expect their own citizens to do so in America. Historically, the Mexican constitution, to take one example, discriminates in racial terms against both the legal and illegal immigrants, in medieval terms of ethnic essence. Some $30 billion in remittances are sent back by mostly illegal aliens to Central American governments and roughly another $30 billion to Mexico. But the full implications of that exploitation are rarely appreciated. Most impoverished illegal aliens who send such staggering sums back not only entered the United States illegally and live here illegally, but they often enjoy some sort of local, state, or federal subsidy. They work at entry-level jobs with the understanding that they are to scrimp and save, with the assistance of the American taxpayer, whose laws they have shredded, so that they can send cash to their relatives and friends back home. In other words, the remitters are like modern indentured servants, helots in hock to their governments that either will not or cannot help their families and are excused from doing so thanks to such massive remittances. In sum, they promote illegal immigration to earn such foreign exchange, to create an expatriate community in the United States that will romanticize a Guatemala or Oaxaca — all the more so,  the longer and farther they are away from it. Few of the impoverished in Mexico paste a Mexican-flag sticker on their window shield; many do so upon arrival in the United States. Illegal immigration is a safety valve, by which dissidents are thanked for marching north rather than on their own nations’ capitals. Latin American governments really do not care that much that their poor are raped while crossing the Mexican desert, or sold off by the drug cartels, or that they drown in the Rio Grande, but they suddenly weep when they reach American detention centers — a cynicism that literally cost hundreds their lives. America is increasingly becoming not so much a nonwhite nation as an assimilated, integrated, and intermarried country. Race, skin color, and appearance, if you will, are becoming irrelevant. The construct of “Latino” — Mexican-American? Portuguese? Spanish? Brazilian? — is becoming immaterial as diverse immigrants soon cannot speak Spanish, lose all knowledge of Latin America, and become indistinguishable in America from the descendants of southern Europeans, Armenians, or any other Mediterranean immigrant group. In other words, a Lopez or Martinez was rapidly becoming as relevant or irrelevant in terms of grievance politics, or perceived class, as a Pelosi, Scalise, De Niro, or Pacino. If Pelosi was named “Ocasio-Cortez” and AOC “Pelosi,” then no one would know, or much care, from their respective superficial appearance, who was of Puerto Rican background and who of Italian ancestry. Such a melting-pot future terrifies the ethnic activists in politics, academia, and the media who count on replenishing the numbers of unassimilated “Latinos,” in order to announce themselves the champions of collective grievance and disparity and thereby find careerist advantage. When 1 million of some of the most impoverished people on the planet arrive without legality, a high-school diploma, capital, or English, then they are likely to remain poor for a generation. And their poverty then offers supposed proof that America is a nativist or racist society for allowing such asymmetry to occur — a social-justice crime remedied best the by Latino caucus, the Chicano-studies department, the La Raza lawyers association, or the former National Council of La Raza. Yet, curb illegal immigration, and the entire Latino race industry goes the way of the Greek-, Armenian-, or Portuguese-American communities that have all found parity once massive immigration of their impoverished countrymen ceased and the formidable powers of the melting pot were uninterrupted. Democrats once were exclusionists — largely because they feared that illegal immigration eroded unionization and overtaxed the social-service resources of their poor citizen constituents. Cesar Chavez, for example, sent his thugs to the border to club illegal aliens and drive them back into Mexico, as if they were future strike breakers. Until recently, Barack Obama and Hillary Clinton called for strict border enforcement, worried that the wages of illegal workers were driving down those of inner-city or barrio American youth. What changed? Numbers. Once the pool of illegal aliens reached a likely 20 million, and once their second-generation citizen offspring won anchor-baby legality and registered to vote, a huge new progressive constituency rose in the American Southwest — one that was targeted by Democrats, who alternately promised permanent government subsidies and sowed fears with constant charges that right-wing Republicans were abject racists, nativists, and xenophobes. Due to massive influxes of immigrants, and the flight of middle-class citizens, the California of Ronald Reagan, George Deukmejian, and Pete Wilson long ago ceased to exist. Indeed, there are currently no statewide Republican office-holders in California, which has liberal supermajorities in both state legislatures and a mere seven Republicans out of 53 congressional representatives. Nevada, New Mexico, and Colorado are becoming Californized. Soon open borders will do the same to Arizona and Texas. No wonder that the Democratic party has been willing to do almost anything to become the enabler of open borders, whether that is setting up over 500 sanctuary-city jurisdictions, suing to block border enforcement in the courts, or extending in-state tuition, free medical care, and driver’s licenses to those who entered and reside in America illegally. If most immigrants were right-wing, middle-class, Latino anti-Communists fleeing Venezuela or Cuba, or Eastern European rightists sick of the EU, or angry French and Germans who were tired of their failed socialist governments, the Democratic party would be the party of closed borders and the enemy of legal, meritocratic, diverse, and measured immigration. Employers over the past 50 years learned fundamental truths about illegal immigrants. The impoverished young male immigrant, arriving without English, money, education, and legality, will take almost any job to survive, and so he will work all the harder once he’s employed. For 20 years or so, young immigrant workers remain relatively healthy. But once physical labor takes its toll on the middle-aged immigrant worker, the state always was expected to step in to assume the health care, housing, and sustenance cost of the injured, ill, and aging worker — thereby empowering the employer’s revolving-door use of a new generation of young workers. Illegality — at least until recently, with the advent of sanctuary jurisdictions — was seen as convenient, ensuring asymmetry between the employee and the employer, who could always exercise the threat of deportation for any perceived shortcoming in his alien work force. Note that those who hire illegal aliens claim that no Americans will do such work, at least at the wages they are willing to, or can, pay. That is the mea culpa that employers voice when accused of lacking empathy for out-of-work Americans. If employers were fined for hiring illegal aliens, or held financially responsible for their immigrant workers’ health care and retirements, or if they found that such workers were not very industrious and made poor entry-level laborers, then both the Wall Street Journal and the Chamber of Commerce would be apt to favor strict enforcement of immigration laws.  Wealthy progressives favor open borders and illegal immigration for a variety of reasons. The more immigrants, the cheaper, more available, and more industrious are nannies, housekeepers, caregivers, and gardeners — the silent army that fuels the contemporary, two-high-income, powerhouse household. Championing the immigrant poor, without living among them and without schooling one’s children with them or socializing among them, is the affluent progressive’s brand. And to the degree that the paradox causes any guilt, the progressive virtue-signals his loud outrage at border detentions, at separations between parents in court and children in custody, and at the contrast between the burly ICE officers and vulnerable border crossers. In medieval fashion, the farther the liberal advocate of open borders is from the objects of his moral concern, the louder and more empathetic he becomes. Most progressives also enjoy a twofer: inexpensive immigrant “help” and thereby enough brief exposure to the Other to authenticate their 8-to-5 caring. If border crossers were temporarily housed in vacant summer dorms at Stanford, Harvard, or Yale, or were accorded affordable-housing tracts for immigrant communities in the vast open spaces of Portola Valley and the Boulder suburbs, or if immigrant children were sent en masse to language-immersion programs at St. Paul’s, Sidwell Friends, or the Menlo School, then the progressive social-justice warrior would probably go mute. Victor Davis Hanson
Libéralisme économique et libéralisme culturel sont les deux faces d’une même monnaie. Les libertaires favorables à l’extension infinie des droits individuels et à la destruction des « structures » traditionnelles (famille, nation) font le jeu du libéralisme économique, puisque celui-ci se déploie sur et par la dilution des sentiments d’appartenances (nation, famille, corporations) qui laisse l’individu isolé. À l’inverse, la recherche permanente du profit amène à marchandiser ce qui, dans la philosophie kantienne, ne devait pas l’être dans la mesure où l’objet avait une dignité – Pour Emmanuel Kant, « tout a un prix ou une dignité » alors que pour Adam Smith « tout a un prix ». Le marché, quand il n’est pas contenu, fait partout son intrusion et remodèle les structures selon ses besoins. Dans leurs livres, Christopher Lasch et, après lui, Jean-Claude Michéa – s’en sont donc logiquement pris à la gauche, et à la matrice dont elle est issue, la philosophie des Lumières dont le programme d’émancipation individuelle par la Raison universelle se fait au mépris de la tradition. (…) Le détachement aussi bien social, économique que géographique, qui est aujourd’hui celui des élites par rapport aux modes de vie et aux préoccupations populaires, met en péril la démocratie américaine. La méritocratie leur sert à justifier leur pouvoir et leur isolement. Le populisme, au contraire, offre selon Christopher Lasch une alternative à la fois à l’État-providence et au Marché. Il s’appuie sur les communautés, fondements de la démocratie américaine, plutôt que sur les individus. (…) La vie civique est détériorée parce que l’ »art de la controverse » a été perdu : le journalisme est devenu « objectif », le milieu universitaire s’est coupé du réel et l’école a été isolée de ce qui enflamme les imaginations (religion, politique). Les lieux-tiers comme les quartiers, situés entre la famille et le monde extérieur, ont subi les assauts du marché et les intrusions de l’État. (…) La religion est reléguée dans la « coulisse du débat public », ce qui signifie pour Christopher Lasch la sécularisation des États-Unis. Les élites américaines estiment que notre époque est sortie de l’enfance de l’humanité, associée à la religion – elle-même confondue avec la superstition. Elles se signalent par leur refus des limites. Elles vivent dans l’ »illusion de la maîtrise » de son destin et du monde. Substituts à la religion, la psychanalyse – bien qu’utilisée par Christopher Lasch dans ses travaux -, la médecine contemporaine qui promet de guérir tous les maux, ou encore la politique multiculturaliste, souhaitent toutes en finir avec la honte et la culpabilité au nom de « l’estime de soi ». La maladie a remplacé le péché dans la nouvelle « religion » des élites qui ne mérite pas ce nom. Christopher Lasch préfère la désigner comme un « pharisianisme laïc » (…) Comme Christopher Lasch l’écrit lui-même : « d’une façon ou d’une autre, l’essentiel de mes travaux récents tourne autour de la question de l’avenir possible de la démocratie ». La parution de La révolte des élites est postérieure à la théorie de Francis Fukuyama selon laquelle la chute de l’URSS acte la fin de l’Histoire et provoquerait l’extension du modèle de la démocratie libérale au monde. Plutôt que de réfléchir à l’extension ou non de ce modèle, Christopher Lasch interroge cette démocratie américaine telle qu’elle est ou, plutôt, telle qu’elle est dévoyée à ses yeux, en s’appuyant sur la tradition états-unienne (les Pères fondateurs, le populisme, Abraham Lincoln etc.). La thèse de Christopher Lasch – le lecteur s’en rend très rapidement compte – s’applique aussi à l’Europe occidentale. Le constat fait par l’historien au début de son essai nous est familier : « le déclin de l’activité industrielle et la perte d’emplois qui en résulte ; le recul de la classe moyenne ; l’augmentation du nombre des pauvres ; le taux de criminalité qui monte en flèche ; le trafic de stupéfiants en plein essor ; la crise urbaine ». Il n’est pas anodin que l’on ait parlé de révolte des peuples contre les élites quand les partisans du Brexit ont gagné le référendum, et après l’élection de Donald Trump – la géographie électorale a alors montré combien les votes étaient corrélés au niveau de diplômes. La trahison des élites est une expression qui a aussi servi à qualifier la ratification en 2007 par les parlementaires français du traité de Lisbonne, alors que le projet pour une Constitution européenne (TCE) avait été rejeté par référendum en 2005. Le taux d’abstention aux élections est aussi compris comme un détachement des élites des préoccupations des gens ordinaires, soit exactement l’analyse faite par Christopher Lasch dans son livre. « Jamais, selon lui, la classe privilégiée n’a été aussi dangereusement isolée de son environnement ». Il décrit le « fatal éloignement du côté physique de la vie » des classes intellectuelles. « Leur seul rapport avec le travail productif, déplore Christopher Lasch, est en tant que consommateur ». L’historien et sociologue définit ces élites comme les personnes qui « contrôlent les flux internationaux d’argent et d’informations, président aux fondations philanthropiques et aux institutions d’enseignements supérieurs (…) gèrent les instruments de la production culturelle et fixent ainsi les termes du débat public » (directeurs de journaux, hommes politiques, dirigeants de grandes entreprises, universitaires etc.). Elles travaillent aussi bien dans le public que dans le privé et concentrent les avantages financiers, d’éducation et de pouvoir. La bourgeoisie aisée constitue le cœur de ces élites. Pour l’ancien marxiste qu’est Christopher Lasch, la lutte des classes est encore une réalité. L’ambition politique défendue dans son livre correspond à ce qui est d‘après lui l’idéal originel américain d’une société sans classe. Il est étonnant, néanmoins, de ne pas trouver dans cet essai un long développement sur ce que Jacques Ellul, l’un des « maîtres » de Christopher Lasch, appelait le « système technicien »¹¹. L’historien et sociologue, dans son analyse, met bien plus l’accent sur les modes de vie et les évolutions urbaines. (…) Les élites américaines ciblées par Christopher Lasch se définissent moins par leur idéologie, que par leur mode de vie distinctif. Sans vision politique commune, elles ne peuvent pas, d’après lui, être qualifiées de « classe dirigeante ». Elles cherchent moins à commander qu’à « échapper au sort commun » et à la « vie commune ». Elles vivent repliées sur elles-mêmes. Alors qu’ils contribuaient auparavant – souvent de façon intéressée, certes- au financement des équipements de la communauté (bibliothèques, hôpitaux, universités etc.), les 20% les plus riches de la population se rendent aujourd’hui indépendants « non seulement des grandes villes industrielles en pleine déconfiture », du fait notamment de la globalisation, « mais des services publics en général », qu’ils n’utilisent plus. Ils investissent en masse dans l’éducation et l’information plutôt que dans la propriété. Leur argent leur permet de se constituer des ghettos volontaires : ils monopolisent les collèges et universités les plus célèbres où est encore transmise la culture humaniste et ils ont recours à des services de ramassage de déchets ainsi qu’à des sociétés de sécurité privées. Coupées de la solidarité nationale économique (la fraude fiscale des entreprises dites « multinationales » en est un exemple), les élites le sont aussi de la solidarité politique. La plupart des personnes qui font partie des élites ont « cessé de se penser américains » ou de se sentir « impliquées dans le destin de l’Amérique pour le meilleur et pour le pire ». Le sujet central du livre de Christopher Lasch, la démocratie, se confond en fait en bonne partie avec celui de la nation, dont les élites pensent qu’elle est un cadre obsolète et contraignant. Un tel détachement des élites, de la nation et du peuple, implique une dangereuse déresponsabilisation. Il en est la cause directe. (…) Comme l’homme-masse de Ortega y Gasset, les élites sont inconséquentes à l’égard des générations futures, elles exigent des droits plutôt que d’être exigeantes envers elles-mêmes. En se disant « citoyens du monde », elles séparent la citoyenneté de la nationalité et se déchargent donc de leurs obligations civiques. La fracture sociale décrite et analysée par l’auteur est aussi une fracture géographique. Aux yeux des élites, qui vivent majoritairement sur les côtes du pays, l’« Amérique du milieu », est un fardeau obscurantiste, rétrograde car rétif à l’esprit émancipateur des Lumières, en tout cas à l’idée qu’elles s’en font. (…) Si les élites s’emploient à « créer des institutions parallèles ou alternatives », c’est parce qu’elles ne cherchent pas à « imposer leurs valeurs à la majorité (qu’elles perçoivent comme incorrigiblement raciste, sexiste, provinciale et xénophobe) » et « encore moins à (la) persuader au moyen d’un débat public rationnel » (puisque la majorité, selon les élites, n’est pas raisonnable ni rationnelle). Ici est la limite de leur optimisme progressiste. La vie de la majorité n’en est pas moins, évidemment, bouleversée par les décisions prises par les élites politique, médiatique, universitaire et économique. Christopher Lasch qualifie de « touristique » la vision du monde des élites qu’il décrit. « Ce qui, ajoute-t-il, a peu de chances d’encourager un amour passionné pour la démocratie ». Leur idéal est celui de la mobilité. Elles se meuvent dans les réseaux internationaux, plutôt qu’elles ne s’inscrivent dans des lieux. « Jamais, souligne l’auteur, la réussite n’a été plus étroitement associée à la mobilité ». Elles participent ainsi, malgré elles, à faire surgir en réaction ce que Christopher Lasch appelle un nouveau « tribalisme ». Vingt ans après la parution de la Révolte des élites, ce constat est plus vrai que jamais. Les infra-nationalismes, dont la Catalogne est une des illustrations, relèvent de ce même processus de fragmentation. (…) S’il relativise exagérément le danger islamiste, Christopher Lasch s’inquiète cependant du multiculturalisme promu par les élites. Elles en ont une image là aussi touristique, celle du « bazar » qui met à leur portée les vêtements et cuisines les plus diverses du monde. Une telle conception biaise leur approche de la démocratie. L’État, selon les élites, a pour mission de démocratiser « l’estime de soi ». Des mesures dites « tolérantes », comme la discrimination positive, sont prises au nom de la diversité pour réparer le préjudice qu’auraient subi dans l’histoire les minorités, qu’elles soient ethniques ou sexuelles. Le « sociétal » efface les rapports de classe. Selon Christopher Lasch, une telle politique déresponsabilise et assiste ces minorités au lieu de les inciter à gagner « le respect ». Elle favorise la formation de parodies de communautés, caractérisées par un « entre-soi » sectaire. Des critères comme l’ethnie et le sexe y conditionnent les opinions. Si une personne en dévie, elle devient un traître à sa cause – elle est par exemple accusée de « penser blanc ». Christopher Lasch a ce mot terrible : « nous sommes devenus aujourd’hui une nation de minorités ». Il note très justement que ces communautés, substituts pour la gauche à la classe ouvrière, « ne cherchent plus à transformer révolutionnairement les rapports sociaux mais à intégrer les structures dominantes ». Ladite classe ouvrière a été sacrifiée sur l’autel du libéralisme promu par les élites américaines. Elles sont libérales, dans les deux sens du mot : pour la marchandisation croissante du monde et pour une prétendue « libération » sur le plan des mœurs. Un tel programme idéologique affaiblit l’État-nation « par le haut », au sens où par exemple la globalisation transfère le pouvoir du politique vers les multinationales, et par « le bas », les discours différentialistes générant du communautarisme. La fragilisation de l’État-nation provoque, d’une part, une unification du monde par le marché et le droit, et, d’autre part, une fragmentation identitaire et ethnique. Christopher Lasch estime qu’elle est profondément liée à l’effondrement de la classe moyenne sans laquelle il n’y aurait pas eu d’État-nation. C’est pourquoi ce qui reste de la classe moyenne aux États-Unis, au moment où Christopher Lasch écrit, est l’ « élément le plus patriote, pour ne pas dire chauvin et militariste de la société ». Laurent Ottavi
Lasch n’a jamais fait mystère de sa dette envers l’héritage protestant et l’étude de la théologie protestante dans la formulation de sa philosophie de l’espérance. Ce que lui ont apporté des théologiens comme Jonathan Edwards ou Reinhold Niebuhr, et des penseurs comme Emerson ou William James peut être résumé dans l’idée que l’espérance est la prédisposition mentale de ceux qui persistent à vouloir croire, envers et contre tout, dans l’infinie bonté de la vie, même en présence des preuves du contraire, et «dans la justice, la conviction que l’homme mauvais souffrira, que les hommes mauvais retrouveront le droit chemin, que l’ordre qui sous-tend le cours des évènements n’a rien à voir avec l’impunité». Et il n’est pas anodin que, se sachant condamné, Lasch ait consacré les deux derniers chapitres de son dernier livre à la religion dans lesquels il rappelle que, face à l’hybris technologique et l’illusion de la maîtrise totale, seule une vision religieuse de l’existence nous rappelle à notre nature divisée d’être «dépendant de la nature et en même temps incapable de la transcender», d’ «humanité oscill[ant] entre une fierté transcendante et un sentiment humiliant de faiblesse et de dépendance». À l’opposé de l’obsession de la certitude au détriment de la réalité du monde des démiurges de la Silicon Valley ou des gnostiques New Age, Lasch écrit que c’est «à la croyance douillette d’une coïncidence entre les fins du Tout-Puissant et nos fins purement humaines que la foi religieuse nous demande de renoncer». Seul ce sens des limites peut nous amener à réinvestir le monde par une «activité pratique qui lie l’homme à la nature en qualité de cultivateur soigneux». En d’autres termes, en fondant une éthique de l’attention au monde, comme nous y exhorte Matthew Crawford, sans doute le continuateur le plus juste de l’œuvre de Lasch. (…) Lasch avait très bien analysé avant la lettre le phénomène Trump au travers de la nouvelle droite, ou conservatisme de mouvement, incarnés successivement par Barry Goldwater ou Reagan. Tout comme ces derniers, Trump est parvenu à formuler un récit bien plus cohérent qu’il n’y paraît à partir de questions comme la crise des opiacés, les délocalisations, l’immigration, la menace chinoise et à s’en servir pour «diriger le ressentiment “petit bourgeois” à l’endroit des riches vers une “nouvelle classe” parasitaire constituée par des spécialistes de la résolution des problèmes et des relativistes moraux», afin d’en appeler aux «producteurs de l’Amérique» à se mobiliser autour de leur «intérêt économique commun» pour «limiter le développement de cette nouvelle classe non productive, rapace». Ainsi, concluait Lasch, le grand génie de la nouvelle droite était d’avoir retourné à son profit «les classifications sociales imprégnées de la tradition populiste – producteurs et parasitaires- et à les mettre au service de programmes sociaux et politiques directement opposés à tout ce que le Populisme avait toujours signifié». La différence est que Reagan est arrivé à la Maison Blanche au début de la contre-révolution monétariste, qui inaugurait la spécialisation de l’économie US dans le recyclage des surplus de la planète, alors que Trump arrive à un moment ou cette politique ininterrompue depuis la fin des années 1970 ne laisse qu’un champ de ruines, ce qui explique leurs divergences sur la question du commerce international. L’élection de Reagan était concomitante de l’entrée des États-Unis dans la période d’exubérance financière que connaissent tous les centres de l’économie-monde lorsqu’ils entament une phase de financiarisation, alors que celle de Trump est intervenue près de 10 ans après le début de la crise terminale de ce que Giovanni Arrighi appelait le long vingtième siècle ou siècle américain. Mais sur le fond, Trump n’est qu’un avatar actualisé de Reagan, allant d’ailleurs jusqu’à reprendre exactement le même slogan que ce dernier dans sa campagne victorieuse de 1980. (..) Récupéré sélectivement par des idéologues aux marges du parti républicain, comme Steve Bannon, qui a fait de La révolte des élites un de ses livres de chevet, Lasch est pour l’essentiel absent du paysage intellectuel engagé à gauche, à l’exception de The Baffler dans lequel officient des auteurs comme George Scialabba ou Thomas Frank. Il est tout aussi ignoré par les mouvements regroupés autour de Sanders, en raison de sa critique du progrès, qui le rend inaudible à leurs oreilles, et de leur tropisme en faveur d’une social-démocratie scandinave. C’est regrettable, car Lasch incarne un vrai socialisme à l’américaine, une sorte de proudhonisme américain, qui exhorte la gauche à chercher à s’allier, non pas avec les «médias de masse et les autres entreprises d’homogénéisation culturelle, ni avec la vision d’une société sans pères, et sans passé […] mais avec les forces qui, dans la vie moderne, résistent à l’assimilation, au déracinement et à la “modernisation forcée”». Mais, paraphrasant Simon Leys à propos d’Orwell, la gauche américaine, en persistant dans sa béatitude progressiste et sa perception simpliste et commode du capitalisme comme un système patriarcal, vertical et autoritaire, ne fait au fond que reproduire avec Lasch les mêmes erreurs qui l’ont poussée régulièrement à se laisser scandaleusement confisquer ses plus puissants penseurs. Renaud Beauchard
Comment se fait-il que des gens sérieux continuent encore à croire au Progrès alors que les évidences les plus massives auraient dû, une fois pour toutes, les conduire à abandonner cette idée ? Christopher Lasch
N’ayant pas l’espoir d’améliorer leur vie de manière significative, les gens se sont convaincus que ce qui comptait, c’était d’améliorer leur psychisme. L’atmosphère actuelle n’est pas religieuse, mais thérapeutique. Ce que les gens recherchent avec ardeur aujourd’hui, ce n’est pas le salut personnel, encore moins le retour d’un âge d’or antérieur, mais la santé, la sécurité psychique, l’impression, l’illusion momentanée d’un bien-être personnel… De fait, le narcissisme semble représenter la meilleure manière d’endurer les tensions et anxiété de la vie moderne. (…) Vivre dans l’instant est la passion dominante – vivre pour soi-même, et non pour ses ancêtres ou la postérité. Nous sommes en train de perdre le sens de la continuité historique, le sens d’appartenir à une succession de générations qui, nées dans le passé, s’étendent vers le futur. Christopher Lasch
Naguère, c’était “la révolte des masses” qui était considérée comme la menace contre l’ordre social et la tradition civilisatrice de la culture occidentale. De nos jours, cependant, la menace principale semble provenir de ceux qui sont au sommet de la hiérarchie sociale et non pas des masses. Christopher Lasch

Attention: une menace peut en cacher une autre !

A l’heure où après les multiples et vite oubliés non aux référendums européens …

Nos belles âmes et nos médias n’ont de cesse de stigmatiser comme menaces populistes tant le Brexit que l’élection de dirigeants nationalistes comme Donald Trump …

Et où après le déni initial, digne des plus belles années de l’utopie communiste, d’une crise migratoire désormais planétaire …

Nos élites, des gouvernements des pays de départ aux partis de gauche, employeurs, militants ethniques et milliardaires progressistes, en sont à célèbrer d’une manière toujours plus irresponsable et intéressée la mise en cause de la loi des pays d’accueil …

Et où confondant ethnicisation et gauchisation et grisé par l’ethnicisation inévitable de la démographie américaine …

Un parti démocrate américain prépare entre radicalisation délirante et mépris de plus en plus affiché de leur adversaire et surtout de son électorat

Rien de moins que sa propre extinction aux présidentielles de l’an prochain …

Comment ne pas voir avec l’historien américain Christopher Lasch

Récemment redécouvert grace à certains, de Jean-Claude Michéa à Christophe Guilluy, de nos plus lucides analystes de la situation actuelle …

La logique réaction à la première sécession, jusque dans les concours de beauté, le football féminin ou la marche sur la Lune, de nos élites que celui-ci avait prédite dès les années 70 …

Et la confirmation de l’une de ses principales intuitions …

A savoir que « le déracinement déracine tout, sauf le besoin de racines » ?

Pour comprendre le moment populiste actuel, il faut lire Christopher Lasch

Montée des mouvements identitaires d’extrême droite dans les pays occidentaux, Brexit, élection de Donald Trump, défaites de Nicolas Sarkozy, Alain Juppé et Manuel Valls lors des primaires… Les analystes politiques ont de plus en plus de mal à comprendre les votes populaires. L’œuvre de Christopher Lasch, sociologue et historien américain décédé il y a vingt-trois ans, anticipait déjà largement ce moment populiste que nous vivons actuellement.

Le 14 février 1994, Christopher Lasch décède d’une leucémie, dix jours seulement après avoir achevé son testament politique, La révolte des élites et la trahison de la démocratie (Climats, 1996), qui sera publié à titre posthume. Le sociologue américain, héritier du marxisme de l’école de Francfort (Theodor W. Adorno, Max Horkheimer, etc.) et lecteur de George Orwell, y critique durement les nouvelles élites du capitalisme, coupables selon lui d’avoir trahi l’idéal démocratique.

Lasch analyse le fossé qui se creuse alors entre le haut et le bas de l’échelle sociale aux États-Unis, phénomène qui s’est reproduit presque à l’identique dans les pays d’Europe de l’Ouest. Mais si l’œuvre de Lasch est intéressante, c’est pour son caractère visionnaire. Lire La révolte des élites et les livres qui l’ont précédé permet de comprendre la séquence politique que nous vivons, caractérisée par un rejet des élites par les classes populaires.

La démocratie mise en danger par ses élites

Pour Lasch, notre époque est déterminée par un phénomène social inédit: la révolte des élites. Composée de «ceux qui contrôlent les flux internationaux d’argent et d’informations, qui président aux fondations philanthropiques et aux institutions d’enseignement supérieur, gèrent les instruments de la production culturelle et fixent ainsi les termes du débat public», cette «nouvelle classe» se distingue par «l’investissement réalisée dans l’éducation et l’information». Il précise cependant que «mis à part ses revenus en hausse rapide, la bourgeoisie aisée, le cœur de ces nouvelles élites, se définit moins par son idéologie que par son mode de vie, qui la distingue, d’une manière de moins en moins équivoque, du reste de la population».

D’après Lasch, les nouvelles élites, c’est-à-dire «les personnes qui se situent dans les 20% supérieurs en terme de revenus», grâce à leurs richesses considérables et à la mondialisation, qui permet la mobilité totale des capitaux et des personnes les plus fortunées, ne vivent plus réellement dans le même monde que leurs concitoyens. En cela, elles s’opposent à la vieille bourgeoisie des XIXe et XXe siècles, qui était contrainte par sa stabilité spatiale à un minimum d’enracinement et d’«obligations civiques». Ainsi, «bibliothèques, musées, parcs publics, orchestres, universités, hôpitaux et autres aménagement publics […] étaient autant de monuments à la magnificence des classes supérieures». La mondialisation, d’après le sociologue, a transformé les élites en touristes dans leurs propres pays. Les membres de cette nouvelle classe, qui se rêvent «citoyen[s] du monde» mais qui n’acceptent «aucune des obligations que la citoyenneté dans une forme de cité sous-entend normalement», se sont «retirés de la vie commune et ne veulent plus payer pour ce qu’ils ont cessé d’utiliser».

C’est ce qui amène Christopher Lasch à conclure, en référence à La révolte des masses (1929) du philosophe espagnol José Ortega y Gasset: «Naguère, c’était la “révolte des masses” qui était considérée comme la menace contre l’ordre social […]. De nos jours, cependant, la menace principale semble provenir de ceux qui sont au sommet de la hiérarchie sociale et non pas des masses.» Car cette «révolte des élites» détruit le débat démocratique. Le marxiste explique que «l’isolement croissant des élites signifie entre autre chose que les idéologies politiques perdent tout contact avec les préoccupations du citoyen ordinaire». La conséquence est que «le débat politique se restrei[nt] la plupart du temps aux “classes qui détiennent la parole”».

Or, ces dernières demeurent protégées des nouveaux problèmes qui touchent les classes populaires. Elles «ont perdu tout contact avec le peuple». Celui-ci vit «le déclin de l’activité industrielle et la perte d’emploi qui en résulte; le recul de la classe moyenne; l’augmentation du nombre des pauvres; le taux de criminalité qui monte en flèche; le trafic de stupéfiants en plein essor; la crise urbaine».

Le résultat de cette scission du haut de l’échelle est que «personne n’a de solution vraisemblable à apporter à ces problèmes inextricables» et qu’on «assiste à des batailles idéologiques furieuses sur des questions annexes». Dans le même temps, «ceux qui fabriquent l’opinion cultivée» perçoivent les «gens ordinaires» comme «désespérément minables, ringards et provinciaux, […] peu au fait des évolutions du goût ou des modes intellectuelles, […] obnubilés par la littérature de gare, les romans d’amour ou d’action, et abrutis par une surdose de télévision». Ainsi, «bon nombre des gens de bien, selon l’idée qu’ils se font d’eux-mêmes, ont toujours été sceptiques quant à la capacité des citoyens ordinaires à saisir des problèmes complexes et à produire des jugements critiques». Or, «la démocratie demande un échange vigoureux d’idées et d’opinions».

De la révolte des élites à la révolte des masses

Cette séparation de la nouvelle classe supérieure s’accompagne d’une panne de l’ascenseur social. Celle-ci est notamment alimentée par la crise que traverse l’école publique, à laquelle réussissent à échapper les couches aisées de la société, grâce aux écoles privées notamment. Pour être efficace, le mythe de la méritocratie doit laisser croire à un semblant de justice. Ainsi, «quoique les avantages héréditaires jouent un rôle important pour l’obtention d’un statut dans les professions intellectuelles ou les cercles dirigeants de l’entreprise, la classe nouvelle doit préserver la fiction selon laquelle son pouvoir repose sur la seule intelligence».

C’est pour cela que «l’évolution générale de l’histoire récente ne va plus dans le sens d’un nivellement des distinctions sociales, mais de plus en plus vers une société en deux classes où un petit nombre de privilégiés monopolisent les avantages de l’argent, de l’éducation et du pouvoir». Cette tendance est tellement visible que les «gens ordinaires» ne croient plus du tout en cette méritocratie. C’est pour cela que le repli des élites sur elles-mêmes finit par provoquer son symétrique dans les classes populaires, à commencer par la classe moyenne déclassée, qui est «devenue l’élément le plus patriote, pour ne pas dire chauvin et militariste, de la société». Ne se reconnaissant pas dans le type de société promise par ses élites, les classes moyennes rejoignent les classes populaires, déjà entrées en révolte. L’opposition s’opère de manière douce dans les urnes. Comme l’expliquait récemment l’historien français Jacques Julliard dans La gauche et le peuple (Flammarion, 2014), «le populisme du peuple n’est donc que la réplique à l’élitisme des élites».

Après avoir grossi les rangs de l’abstention, les classes populaires des deux côtés de l’Atlantique ont décidé de «voter mal». Si elles ne sont pas toujours en mesure d’imposer leurs choix politiques, elles ont compris qu’elles avaient la capacité de sanctionner leurs dirigeants. Après avoir presque failli empêcher la signature du traité de Maastricht en 1992, les classes populaires françaises ont massivement rejeté dans les urnes le traité établissant une constitution pour l’Europe (TCE) en 2005. En effet, si le «non» l’a emporté par 54,68%, ce vote était plébiscité, selon un sondage sortie des urnes de l’institut Ipsos, par 67% des employés, 70% des agriculteurs, 79% des ouvriers et 71% des chômeurs.

Le constat vaut également au Royaume-Uni pour le Brexit: en juin 2016, 64% des ouvriers britanniques ont choisi le retrait de leur pays de l’Union européenne. De même, si les métropoles plus favorisées, comme Londres, ont voté pour rester dans l’Union, les green belts, ces ceintures vertes encerclant les grandes villes, et les Midlands, régions du centre du pays, ainsi que les zones autour de certaines vieilles villes industrielles ont majoritairement fait le choix inverse. Aux États-Unis, l’élection de Donald Trump, en novembre dernier, a été portée par le centre du pays, tandis que les côtes, plus favorisées, ont choisi Hillary Clinton. Nous pouvons ajouter au tableau le fait que les perdants de la mondialisation se réfugient de plus en plus dans le vote identitaire d’extrême droite, comme en témoignent par exemple la progression du vote Front national depuis trente ans maintenant et, plus récemment, de l’AFD en Allemagne, du Parti pour la liberté aux Pays-Bas ou de l’Ukip au Royaume-Uni.

Le «populisme de gauche» comme solution

Mais Lasch ne s’arrête pas au constat: il tente également de proposer une solution. Le sociologue prend parti pour la majorité qui possède peu. Il plaide pour un populisme, terme remis à la mode à gauche ces dernières années par Ernesto Laclau et Chantal Mouffe, inspirateurs du mouvement espagnol Podemos et de Jean-Luc Mélenchon.

Dès les années 1990, Lasch veut rétablir une opposition politique entre peuple et élite plutôt qu’entre électeurs de gauche et électeurs de droite. Il estime que «si nous pouvons surmonter les fausses polarisations que suscite aujourd’hui la politique dominée par les questions de sexe et de race, peut-être découvrirons-nous que les divisions réelles restent celles de classes». L’Américain prend appui sur le mouvement populiste américain, initié par le People’s party au XIXe siècle. Fondé en 1891, ce parti «à la fois progressiste, de tradition rurale et structuré par un programme de transformation économique ambitieux et précis», selon les mots du directeur du Monde diplomatique Serge Halimi, dénonce le monde de la finance, la corruption des élus, la trahison de l’idéal démocratique américain et se fait l’avocat des paysans, des ouvriers et des petits producteurs.

Dans Le seul et vrai paradis (Champs-Flammarion, 2002), rédigé en 1991, Lasch fait remonter les prémices du populisme à la fin du XVIIIe siècle et au début du XIXe siècle, avec des penseurs aussi divers que Ralph Waldo Emerson, William Cobbett, Orestes Brownson voire Thomas Paine, et dans «une certaine tradition qui se distingue par son scepticisme quant aux bénéfices du progrès commercial, et plus particulièrement par la crainte que la spécialisation sape les fondations sociales de l’indépendance morale». Dans La Révolte des élites, il prolonge l’histoire du populisme jusqu’au mouvement antiraciste des droits civiques des années 1960, mené par Martin Luther King. Pour le sociologue, «un peuple rabaissé s’est métamorphosé en citoyens actifs, fiers d’eux-mêmes, qui, tout en défendant leurs droits constitutionnels, ont atteint une dignité nouvelle».

Lasch voit dans le populisme à la fois un mode de contestation du capitalisme, mais également un retour au républicanisme caractérisé par un attachement aux traditions et aux vertus de la communauté, une défense de l’autonomie des individus et un certain sens des limites. Dans La révolte des élites, il explique que la promotion du «principe du respect» et de la responsabilisation des individus sont les conditions sine qua non au rétablissement d’un vrai civisme. Les règles communes doivent s’enraciner «dans le sens commun du peuple au lieu de l’être dans les idéologies qui séduisent les élites». Enfin, selon lui, «en s’approchant en gros de l’égalité économique», «le populisme est la voie authentique de la démocratie», car «une société démocratique ne peut autoriser une accumulation illimitée du capital». Pour cela, il faut «limiter le champ du marché et le pouvoir des grandes compagnies sans les remplacer pour une bureaucratie étatique centralisée» et rétablir des institutions permettant un vrai débat pluraliste. Lasch perçoit dans ces solutions un moyen de mettre fin à la nostalgie d’un passé idéalisé, au ressentiment et à l’individualisme qui gangrènent notre société.

Anticipant la déliquescence de nos démocraties, l’œuvre de Lasch reste plus que jamais d’actualité. Avec La révolte des élites, l’Américain a tenté de nous avertir que le pire pourrait arriver si rien ne changeait. Il a également tenté de tracer une voie de sortie de crise. Malgré un constat très sombre, le sociologue ne versait pas pour autant dans une forme de pessimisme et croyait que l’espoir était une vertu qui permettait de se battre.

Voir aussi:

« Pour Christopher Lasch, l’alternative au capitalisme destructeur est un populisme vertueux »

FIGAROVOX/GRAND ENTRETIEN – Le professeur Renaud Beauchard consacre un essai stimulant à l’inclassable sociologue américain Christopher Lasch. Il montre comment le penseur avait su démasquer les impostures de notre temps et présente l’issue que Lasch recommandait, celle d’un républicanisme civic conscient des limites qui s’imposent à l’homme.


Renaud Beauchard est professeur associé à l’American University Washington College of Law à Washington, DC. Il est l’auteur de plusieurs ouvrages, dont le dernier Christopher Lasch. Un populisme vertueux, vient de paraître aux éditions Michalon.

Historien et sociologue américain connu pour sa critique du progrès, Christopher Lasch (1932-1994) a publié notamment La Culture du narcissisme, Le Seul et Vrai Paradis: Une histoire de l’idéologie du progrès et de ses critiques et La Révolte des élites et la trahison de la démocratie, tous trois traduits en français aux éditions Climats.


LE FIGARO.- Vous consacrez un essai à l’historien et sociologue Christopher Lasch, connu pour sa critique fondamentale du progressisme. Qu’est-ce que reproche Lasch à l’idée de Progrès?

Renaud BEAUCHARD.– Lasch concevait le progrès comme le chas d’aiguille par lequel la rationalité abstraite du capitalisme est venue envahir tous les aspects de notre existence pour nous placer en état de banqueroute émotionnelle. Selon lui, l’idée de progrès se caractérise par deux composantes appartenant indissolublement à la même séquence historique engagée depuis le XVIIIe siècle. D’un côté, il implique la levée de la condamnation morale de l’insatiabilité des désirs humains en tant que garantie de l’émancipation des liens de dépendance étroits des communautés familiales, claniques, villageoises ou de quartier, qui corsetaient ces désirs. De l’autre, cette offensive contre toutes les formes d’autorité traditionnelle, qui encourageait, tout au moins au début, l’esprit critique et l’émancipation individuelle, s’est trouvée accompagnée de la création d’un marché universel de marchandises censé garantir le développement d’un progrès technique sans horizon temporel limité et l’accès de tous à un éventail de choix jadis réservé aux privilégiés. Mais, par une ruse de la raison, loin d’aboutir à un raffinement sans cesse croissant des goûts et des plaisirs, les effets de ce marché universel furent au contraire un rétrécissement de l’imaginaire émancipateur et une homogénéisation des modes de vie dans une société de plus en plus soumise au règne de l’abstraction capitaliste.

Lasch concevait le progrès comme le chas d’aiguille par lequel la rationalité abstraite du capitalisme est venue envahir tous les aspects de notre existence.

En conclusion, le progrès a produit une catastrophe anthropologique en sécrétant un type de personnalité, le Narcisse, un type d’être à la mentalité servile et foncièrement dépendant du marché – nourricier- à la consommation. En somme, c’est sur la pente d’une nouvelle société hétéronome que nous a conduits le progrès.

Quelles sont les caractéristiques de cette nouvelle personnalité issue des sociétés progressistes?

La culture du narcissisme est une métaphore de la situation de l’individu contemporain aux prises avec un monde qu’il ne comprend plus et dont l’effondrement ne cesse de le préoccuper quotidiennement. Comme l’enfant en bas âge qui développe des défenses inconscientes contre les sentiments de dépendance impuissante de la petite enfance, au moment où celui-ci réalise qu’il est séparé de son environnement et que les êtres qui l’entourent sont dotés d’une existence séparée de la sienne et frustrent ses désirs autant qu’ils les satisfont, Narcisse est inconsciemment tenté de se réfugier dans un déni de la réalité du monde extérieur qui peut prendre deux formes: soit une tentative de retour à un sentiment primitif d’union avec le monde (symbiose régressive ou fusion avec la nature du gnosticisme New Age), soit une illusion solipsiste d’omnipotence qui procède d’un refus de reconnaître la moindre limite à sa toute-puissance et dégénère dans le solutionisme technologique pour paraphraser Evgueni Morozov. La culture du narcissisme fait donc référence à la culture sécrétée par la société, la façon dont les institutions (la famille, l’école, la psychothérapie, la justice, le journalisme etc.) se spécialisent dans la production de la personnalité narcissique en tout point nécessaire au capitalisme contemporain et qui le soutient en retour.

Il faut bien se garder d’analyser le narcissisme comme une affirmation du moi, mais au contraire, comme un moi minimal, «un moi de plus en plus vidé de tout contenu, qui est venu à définir ses buts dans la vie dans les termes les plus restrictifs possible, en termes de survie pure et simple, de survie quotidienne.». Il s’agit d’une véritable aliénation au sens où l’entend Renaud Garcia, d’«une forme totale de dépossession de la subjectivité vivante, qui intervient lorsque les différents «savoirs de la vie» [aimer, dialoguer, habiter, manger, cuisiner, jouer, se soigner etc.] se trouvent transférés sur un plan abstrait, où seule compte la logique d’accumulation de la valeur en fonction de procédures techniques normées» (indicateurs de performance, bilan de santé etc.). Ainsi, tout comme le travailleur de l’industrie a été resocialisé pour que la belle ouvrage n’existe plus dans sa conscience, pour qu’il perde de vue le rapport entre la tâche qu’il accomplit dans le processus de production et le résultat final et n’ait plus à se soucier que du regard du contremaître ou des moyens d’enregistrement de plus en plus sophistiqués de sa performance, l’individu contemporain est exproprié de sa capacité à faire usage de ses sens pour trouver la moindre cohérence au monde qui l’entoure. Le narcissisme est donc l’appauvrissement de la vie intérieure qui survient après l’effondrement du monde commun.

Quelle est la conséquence de cette «culture du narcissisme»?

La conséquence la plus problématique de l’apparition de ce type de personnalité réside dans le déclin du surmoi entraîné par la dévalorisation des figures traditionnelles de l’autorité et son remplacement par une forme de surmoi archaïque et sévère qui n’est plus tempéré par des figures des parents, de la famille élargie ou du quartier auxquelles l’individu peut s’identifier. Narcisse intègre directement dans sa psyché la figure de l’État surpuissant en guise de représentation de l’autorité et celle du marché nourricier à la consommation en tant que représentation de l’amour. De façon encore plus dérangeante, la disparition du surmoi convoque une violence autrefois enfermée dans des rituels, comme l’ont très bien montré l’affaire Weinstein et les tueries de masse qui ponctuent l’actualité .

Lasch a parlé de «révolte des élites». Pouvez-vous nous expliquer ce qu’il entendait par là?

S’inspirant de La révolte des masses d’Ortega Y Gasset, Lasch estimait que les élites technocratiques contemporaines présentent les mêmes traits que ceux qu’Ortega avait identifiés chez l’homme de masse: optimisme béat dans l’avenir d’un monde promettant toujours plus d’abondance matérielle, culte de la forme physique, haine mortelle de tout ce qui n’est pas lui-même, incapacité d’émerveillement ou de respect, obsession de la santé mentale…

Selon Lasch, l’apparition de ces nouvelles élites est l’aboutissement du choix funeste qu’a fait l’Amérique, dès la fin du XIXe siècle lorsque, se convertissant au salariat, elle a abandonné l’idéal d’une société sans classe, reposant sur la propriété individuelle des moyens de production et l’idéal d’individus aptes à l’autogouvernement, au profit de la mobilité sociale ascendante et la méritocratie, reposant sur la maîtrise du savoir. Lasch voyait en effet dans le salariat l’institution qui séparait le savoir, désormais devenu le monopole d’une «minorité civilisée», de la vie ordinaire et partant, consacrait le renoncement à un idéal de démocratisation de l’intelligence. En somme, il s’agissait de la répétition au Nouveau Monde des systèmes de dépendance européens que les colons avaient fui en choisissant l’émigration.

Les élites placées du bon côté de ces cartes rebattues n’ont alors eu de cesse de refaçonner les institutions (administration publique, éducation et enseignement supérieur, services sociaux, journalisme, bureaucratie des grandes entreprises, définition du succès social etc.) dans le sens d’un séparatisme croissant entre elles et le reste de la population jusqu’à aboutir à deux mondes hermétiquement cloisonnés par des diplômes, des codes culturels abstraits et sans cesse changeants, et de plus en plus géographiquement ségrégués (les communautés de succès situées le long des côtes et l’Amérique au milieu avec des zones tampons en périphérie des grands centres urbains). Dénonçant «l’esprit de clocher» de cette élite mondialisée repliée sur elle-même, Lasch distingue ses premiers signes de sécession dès la conclusion de l’ère «progressiste» (1880-1920), lorsqu’elle a commencé à entretenir vis-à-vis des classes populaires une sorte de posture de ressentiment, allant du style de la satire sociale et anthropologique initié par H.L. Mencken dans les années 1920, dans lequel l’intellectuel «libéral» se pensait comme le représentant d’une «minorité civilisée», traitant la vox populi comme le «braiment d’un âne», jusqu’à Hillary Clinton et son «ramassis d’abrutis» (basket of deplorables). L’exemple le plus frappant de cette séparation est sans doute donné par Thurman Arnold, le grand juriste du New Deal, qui encourageait à penser l’État providence sur le modèle d’un asile d’aliénés devant traiter les gouvernés comme des «malades mentaux», et qui encourageait les administrateurs à prendre des décisions pour eux sans égard à «leurs effets sur le caractère des bénéficiaires».

Vous définissez de «populisme vertueux» l’alternative, fondée sur un renouvellement de la tradition du républicanisme civique, proposée par Lasch, à la modernité libérale. En quoi «populisme» et «vertu» sont-ils dans l’esprit de Lasch, liés?

Tout comme, paraphrasant Castoriadis, «le capitalisme n’a pu fonctionner que parce qu’il a hérité d’une série de types anthropologiques [et de valeurs] qu’il n’a pas créés et n’aurait pas pu créer lui-même», Lasch estime que la modernité libérale a vécu à crédit sur un capital emprunté à une vieille tradition de Républicanisme civique héritée d’Aristote, des cités italiennes du Moyen Âge et de la Renaissance et qui tenait le haut du pavé au moment de la fondation de la nation américaine. Elle postule que la liberté politique ne se résume pas à de bons arrangements institutionnels mais exige aussi des bonnes mœurs, c’est-à-dire des citoyens dénués d’une mentalité servile et aptes à former des communautés autogouvernées. Or, en fondant une société indifférente au «caractère» de l’individu démocratique, la logique libérale a invalidé tout autre contenu éthique que la tolérance et a fini par rendre impossible tout questionnement public sur les qualités intrinsèques de l’individu démocratique et ce qu’est un mode de vie démocratique. Il en résulte «une forme rudimentaire de vie commune incompatible avec les ambitions élevées des pères fondateurs d’hommes capables de se gouverner eux-mêmes», un «souci obsessionnel de l’estime de soi» et une «approche touristique de la morale» fondée sur un culte de la victime.

Seule une tradition «populiste» comprenant les mouvements de petits producteurs de la seconde moitié du XIXe siècle en lutte contre le salariat, les premiers mouvements féministes et le mouvement des droits civiques ont tenté de perpétuer une conception exigeante de la démocratie faisant des valeurs de gratification différée, d’esprit de sacrifice, d’éthique protestante, d’ardeur au débat, etc., sur lesquelles étaient basées le respect de soi, les piliers de la démocratie américaine. Mais tout comme la destruction créatrice a fini par avoir raison du seul type anthropologique créé par le capitalisme, l’entrepreneur schumpetérien, l’éthique de la tolérance, en prônant un droit de tous sur tout, a entraîné la dégénérescence de la culture de l’individualisme compétitif dans la recherche effrénée de plaisir psychique pour nous ramener au point de départ que la modernité s’est employée à conjurer: la guerre de tous contre tous. Face à cette situation, Lasch en appelle à une revalorisation de la conception populiste de la démocratie fondée sur le respect, valeur ancrée dans l’héritage civique, «que nous éprouvons en présence de réussites admirables, de caractères admirablement formés, de dons naturels mis à bon usage» et qui implique «l’exercice d’un jugement discriminant et non d’une acceptation indiscriminée».

Quelle place tient la culture protestante dans ce populisme vertueux? Est-il possible de renouer avec cet esprit dans une société fermée à toute forme de transcendance?

Lasch n’a jamais fait mystère de sa dette envers l’héritage protestant et l’étude de la théologie protestante dans la formulation de sa philosophie de l’espérance. Ce que lui ont apporté des théologiens comme Jonathan Edwards ou Reinhold Niebuhr, et des penseurs comme Emerson ou William James peut être résumé dans l’idée que l’espérance est la prédisposition mentale de ceux qui persistent à vouloir croire, envers et contre tout, dans l’infinie bonté de la vie, même en présence des preuves du contraire, et «dans la justice, la conviction que l’homme mauvais souffrira, que les hommes mauvais retrouveront le droit chemin, que l’ordre qui sous-tend le cours des évènements n’a rien à voir avec l’impunité».

Et il n’est pas anodin que, se sachant condamné, Lasch ait consacré les deux derniers chapitres de son dernier livre à la religion dans lesquels il rappelle que, face à l’hybris technologique et l’illusion de la maîtrise totale, seule une vision religieuse de l’existence nous rappelle à notre nature divisée d’être «dépendant de la nature et en même temps incapable de la transcender», d’ «humanité oscill[ant] entre une fierté transcendante et un sentiment humiliant de faiblesse et de dépendance». À l’opposé de l’obsession de la certitude au détriment de la réalité du monde des démiurges de la Silicon Valley ou des gnostiques New Age, Lasch écrit que c’est «à la croyance douillette d’une coïncidence entre les fins du Tout-Puissant et nos fins purement humaines que la foi religieuse nous demande de renoncer». Seul ce sens des limites peut nous amener à réinvestir le monde par une «activité pratique qui lie l’homme à la nature en qualité de cultivateur soigneux». En d’autres termes, en fondant une éthique de l’attention au monde, comme nous y exhorte Matthew Crawford, sans doute le continuateur le plus juste de l’œuvre de Lasch.

Lasch est mort en 1994. Y avait-il dans ses écrits quelque prescience de l’émergence d’un populisme trumpiste qui serait le retour de balancier du progressisme et de la sécession des élites?

Lasch avait très bien analysé avant la lettre le phénomène Trump au travers de la nouvelle droite, ou conservatisme de mouvement, incarnés successivement par Barry Goldwater ou Reagan. Tout comme ces derniers, Trump est parvenu à formuler un récit bien plus cohérent qu’il n’y paraît à partir de questions comme la crise des opiacés, les délocalisations, l’immigration, la menace chinoise et à s’en servir pour «diriger le ressentiment “petit bourgeois” à l’endroit des riches vers une “nouvelle classe” parasitaire constituée par des spécialistes de la résolution des problèmes et des relativistes moraux», afin d’en appeler aux «producteurs de l’Amérique» à se mobiliser autour de leur «intérêt économique commun» pour «limiter le développement de cette nouvelle classe non productive, rapace».

Ainsi, concluait Lasch, le grand génie de la nouvelle droite était d’avoir retourné à son profit «les classifications sociales imprégnées de la tradition populiste – producteurs et parasitaires- et à les mettre au service de programmes sociaux et politiques directement opposés à tout ce que le Populisme avait toujours signifié». La différence est que Reagan est arrivé à la Maison Blanche au début de la contre-révolution monétariste, qui inaugurait la spécialisation de l’économie US dans le recyclage des surplus de la planète, alors que Trump arrive à un moment ou cette politique ininterrompue depuis la fin des années 1970 ne laisse qu’un champ de ruines, ce qui explique leurs divergences sur la question du commerce international. L’élection de Reagan était concomitante de l’entrée des États-Unis dans la période d’exubérance financière que connaissent tous les centres de l’économie-monde lorsqu’ils entament une phase de financiarisation, alors que celle de Trump est intervenue près de 10 ans après le début de la crise terminale de ce que Giovanni Arrighi appelait le long vingtième siècle ou siècle américain. Mais sur le fond, Trump n’est qu’un avatar actualisé de Reagan, allant d’ailleurs jusqu’à reprendre exactement le même slogan que ce dernier dans sa campagne victorieuse de 1980.

Comment est-reçu Lasch aujourd’hui aux États-Unis? Le mouvement «sanderiste» qui prône le retour à une forme de socialisme démocratique, l’invoque-t-il?

Récupéré sélectivement par des idéologues aux marges du parti républicain, comme Steve Bannon, qui a fait de La révolte des élites un de ses livres de chevet, Lasch est pour l’essentiel absent du paysage intellectuel engagé à gauche, à l’exception de The Baffler dans lequel officient des auteurs comme George Scialabba ou Thomas Frank. Il est tout aussi ignoré par les mouvements regroupés autour de Sanders, en raison de sa critique du progrès, qui le rend inaudible à leurs oreilles, et de leur tropisme en faveur d’une social-démocratie scandinave. C’est regrettable, car Lasch incarne un vrai socialisme à l’américaine, une sorte de proudhonisme américain, qui exhorte la gauche à chercher à s’allier, non pas avec les «médias de masse et les autres entreprises d’homogénéisation culturelle, ni avec la vision d’une société sans pères, et sans passé […] mais avec les forces qui, dans la vie moderne, résistent à l’assimilation, au déracinement et à la “modernisation forcée”». Mais, paraphrasant Simon Leys à propos d’Orwell, la gauche américaine, en persistant dans sa béatitude progressiste et sa perception simpliste et commode du capitalisme comme un système patriarcal, vertical et autoritaire, ne fait au fond que reproduire avec Lasch les mêmes erreurs qui l’ont poussée régulièrement à se laisser scandaleusement confisquer ses plus puissants penseurs.

Voir également:

Contre nos élites et pour la démocratie : le populisme selon Christopher Lasch
Laurent Ottavi
Revue des deux mondes
16 mai 2018

Vingt-trois ans après sa parution, la Révolte des élites¹ (1995) de l’historien Christopher Lasch constitue toujours une grille d’analyse pertinente pour décrypter le malaise dans la démocratie américaine et, plus généralement, dans les nations occidentales. D’où ses rééditions successives. L’élection de Donald Trump, revanche de cette « Amérique du milieu » brocardée par les élites vivant sur les côtes du pays, a été analysée comme une victoire du populisme par les médias occidentaux. De même que le Brexit. Les dix plaies d’Égypte ont été promises à ces mal-votants accusés de faire leur propre malheur.

Le populisme, pourtant, n’est pas qu’une injure pour caractériser ce qui soulève « les bas instincts du peuple » contre les élites, prétendument rationnelles et éclairées, et qui sont, en réalité, déconnectées des préoccupations populaires. Christopher Lasch, en prenant appui sur l’histoire du populisme, le considère comme la « voie authentique de la démocratie » au sens où il est le moyen d’accomplir l’idéal américain d’une société sans classes. Un livre indispensable pour comprendre le monde contemporain.


Le danger ne viendrait plus d’ »en bas », mais d’ »en haut ». Plus d’un demi-siècle après la publication de la Révolte des masses du grand philosophe espagnol Ortega Y Gasset, l’historien et sociologue américain Christopher Lasch (1932-1994) écrit son grand livre-testament, la Révolte des élites ou la trahison de la démocratie (1995). « Naguère, estime-t-il, c’était “la révolte des masses” qui était considérée comme la menace contre l’ordre social et la tradition civilisatrice de la culture occidentale. De nos jours, cependant, la menace principale semble provenir de ceux qui sont au sommet de la hiérarchie sociale et non pas des masses ».

Les travaux de Christopher Lasch ont précédemment porté sur l’histoire de la famille et des femmes², le progressisme, la consommation de masse et le populisme américain, tradition politique dont il se réclame. Ils ont surtout été portés à l’attention du public français par le philosophe Jean-Claude Michéa qui, comme Christopher Lasch, met l’accent dans son œuvre sur l’unité du libéralisme³.

« Dans leurs livres, Christopher Lasch et, après lui, Jean-Claude Michéa – s’en sont pris à la gauche, et à la matrice dont elle est issue, la philosophie des Lumières. »

Libéralisme économique et libéralisme culturel sont les deux faces d’une même monnaie. Les libertaires favorables à l’extension infinie des droits individuels et à la destruction des « structures » traditionnelles (famille, nation) font le jeu du libéralisme économique, puisque celui-ci se déploie sur et par la dilution des sentiments d’appartenances (nation, famille, corporations) qui laisse l’individu isolé. À l’inverse, la recherche permanente du profit amène à marchandiser ce qui, dans la philosophie kantienne, ne devait pas l’être dans la mesure où l’objet avait une dignité – Pour Emmanuel Kant, « tout a un prix ou une dignité » alors que pour Adam Smith « tout a un prix ». Le marché, quand il n’est pas contenu, fait partout son intrusion et remodèle les structures selon ses besoins.

Dans leurs livres, Christopher Lasch et, après lui, Jean-Claude Michéa – s’en sont donc logiquement pris à la gauche⁴, et à la matrice dont elle est issue, la philosophie des Lumières dont le programme d’émancipation individuelle par la Raison universelle se fait au mépris de la tradition.

Un livre très dense

L’ouvrage est divisé en trois grandes parties. Le style y est simple, agréable et direct, exceptions faites de quelques passages très lourds en citations d’ouvrages.

– « L’intensification des divisions sociales »⁵. Le détachement aussi bien social, économique que géographique, qui est aujourd’hui celui des élites par rapport aux modes de vie et aux préoccupations populaires, met en péril la démocratie américaine. La méritocratie leur sert à justifier leur pouvoir et leur isolement. Le populisme, au contraire, offre selon Christopher Lasch une alternative à la fois à l’État-providence et au Marché. Il s’appuie sur les communautés, fondements de la démocratie américaine, plutôt que sur les individus.

– « Le déclin du discours démocratique »⁶. La vie civique est détériorée parce que l’ »art de la controverse » a été perdu : le journalisme est devenu « objectif », le milieu universitaire s’est coupé du réel et l’école a été isolée de ce qui enflamme les imaginations (religion, politique). Les lieux-tiers comme les quartiers, situés entre la famille et le monde extérieur, ont subi les assauts du marché et les intrusions de l’État.

– « L’âme dans sa nuit obscure »⁷ est la partie la plus complexe du livre. La religion est reléguée dans la « coulisse du débat public », ce qui signifie pour Christopher Lasch la sécularisation des États-Unis. Les élites américaines estiment que notre époque est sortie de l’enfance de l’humanité, associée à la religion – elle-même confondue avec la superstition. Elles se signalent par leur refus des limites. Elles vivent dans l’ »illusion de la maîtrise » de son destin et du monde. Substituts à la religion, la psychanalyse – bien qu’utilisée par Christopher Lasch dans ses travaux⁸ -, la médecine contemporaine qui promet de guérir tous les maux, ou encore la politique multiculturaliste, souhaitent toutes en finir avec la honte et la culpabilité au nom de « l’estime de soi ». La maladie a remplacé le péché dans la nouvelle « religion » des élites qui ne mérite pas ce nom. Christopher Lasch préfère la désigner comme un « pharisianisme laïc ».

La survie de la démocratie en question

Un tel plan rend parfois difficile la distinction entre ce qui relève de la cause, de la conséquence ou du symptôme. Le sous-titre de la Révolte des élites clarifie davantage le propos : « la trahison de la démocratie ». C’est le sujet central de cet essai⁹, ouvert par une introduction qui donne elle aussi le ton : « malaise dans la démocratie », en référence bien sûr au Malaise dans la civilisation de Freud. La révolte des élites s’inscrit dans le prolongement des précédents travaux de l’auteur, parmi lesquels Le seul et vrai Paradis10, ouvrage contre l’idéologie du Progrès.

Comme Christopher Lasch l’écrit lui-même : « d’une façon ou d’une autre, l’essentiel de mes travaux récents tourne autour de la question de l’avenir possible de la démocratie ». La parution de La révolte des élites est postérieure à la théorie de Francis Fukuyama selon laquelle la chute de l’URSS acte la fin de l’Histoire et provoquerait l’extension du modèle de la démocratie libérale au monde. Plutôt que de réfléchir à l’extension ou non de ce modèle, Christopher Lasch interroge cette démocratie américaine telle qu’elle est ou, plutôt, telle qu’elle est dévoyée à ses yeux, en s’appuyant sur la tradition états-unienne (les Pères fondateurs, le populisme, Abraham Lincoln etc.).

« Christopher Lasch décrit le “fatal éloignement du côté physique de la vie” des classes intellectuelles. »

La thèse de Christopher Lasch – le lecteur s’en rend très rapidement compte – s’applique aussi à l’Europe occidentale. Le constat fait par l’historien au début de son essai nous est familier : « le déclin de l’activité industrielle et la perte d’emplois qui en résulte ; le recul de la classe moyenne ; l’augmentation du nombre des pauvres ; le taux de criminalité qui monte en flèche ; le trafic de stupéfiants en plein essor ; la crise urbaine ». Il n’est pas anodin que l’on ait parlé de révolte des peuples contre les élites quand les partisans du Brexit ont gagné le référendum, et après l’élection de Donald Trump – la géographie électorale a alors montré combien les votes étaient corrélés au niveau de diplômes.

La trahison des élites est une expression qui a aussi servi à qualifier la ratification en 2007 par les parlementaires français du traité de Lisbonne, alors que le projet pour une Constitution européenne (TCE) avait été rejeté par référendum en 2005. Le taux d’abstention aux élections est aussi compris comme un détachement des élites des préoccupations des gens ordinaires, soit exactement l’analyse faite par Christopher Lasch dans son livre. « Jamais, selon lui, la classe privilégiée n’a été aussi dangereusement isolée de son environnement ». Il décrit le « fatal éloignement du côté physique de la vie » des classes intellectuelles. « Leur seul rapport avec le travail productif, déplore Christopher Lasch, est en tant que consommateur ».

« L’ambition politique défendue dans son livre correspond à ce qui est d‘après lui l’idéal originel américain d’une société sans classe. »

L’historien et sociologue définit ces élites comme les personnes qui « contrôlent les flux internationaux d’argent et d’informations, président aux fondations philanthropiques et aux institutions d’enseignements supérieurs (…) gèrent les instruments de la production culturelle et fixent ainsi les termes du débat public » (directeurs de journaux, hommes politiques, dirigeants de grandes entreprises, universitaires etc.). Elles travaillent aussi bien dans le public que dans le privé et concentrent les avantages financiers, d’éducation et de pouvoir. La bourgeoisie aisée constitue le cœur de ces élites.

Pour l’ancien marxiste qu’est Christopher Lasch, la lutte des classes est encore une réalité. L’ambition politique défendue dans son livre correspond à ce qui est d‘après lui l’idéal originel américain d’une société sans classe. Il est étonnant, néanmoins, de ne pas trouver dans cet essai un long développement sur ce que Jacques Ellul, l’un des « maîtres » de Christopher Lasch, appelait le « système technicien »¹¹. L’historien et sociologue, dans son analyse, met bien plus l’accent sur les modes de vie et les évolutions urbaines.

Christopher Lasch contre Ortega Y Gasset ?

Les caractéristiques que Christopher Lasch associe aux élites américaines sont proches de celles qu’Ortega Y Gasset attribuait à l’« homme-masse ». Le philosophe espagnol le portraitise comme un homme satisfait de lui, conformiste, vulgaire, fermé à la transcendance et incapable de se dépasser. Il est haineux envers ce qui n’est pas comme lui. L’homme-masse ne songe qu’à son « bon plaisir ». La recherche du bien-être l’emporte chez lui sur le besoin que peut ressentir tout homme de dévouer sa vie à un idéal. L’homme-masse est l’« enfant gâté de l’histoire humaine » puisqu’il connaît une sécurité et une abondance inconnues des siècles passés – ou strictement réservées à un petit nombre – sans témoigner de gratitude à l’égard de ceux qui l’ont précédé et qui ont donc rendu possible le confort matériel dont il jouit.

En opposant dans son livre la révolte des masses à la révolte des élites, Christopher Lasch commet cependant un raccourci excessif. Ortega Y Gasset prend soin de souligner que « l’homme-masse » désigne « une manière d’être », celle de l’homme moyen, médiocre, « qui se manifeste aujourd’hui dans toutes les classes sociales », et non pas strictement dans les classes les plus pauvres. Le philosophe considère d’ailleurs que le « barbare spécialiste » est un homme-masse.

« La “révolte des masses” telle qu’Ortega y Gasset l’entendait et la “révolte des élites” telle qu’elle est pensée par Christopher Lasch ne sont pas deux thèses strictement opposées. »

« Reclus dans l’étroitesse de son champ visuel », « ce savant-ignorant » n’est pas intelligent au sens où il ne sait pas relier les choses entre elles. Il  « ignore complètement, écrit Ortega Y Gasset, tout ce qui n’est pas dans sa spécialité ». De même, dans la Révolte des masses, « l’homme d’élite » ou « homme-minorité » n’est pas celui qui se trouve « en haut » de l’échelle sociale, mais celui pour qui « noblesse oblige ». Singulier, il a le sens de l’héritage, du tragique et de l’effort sans lesquels il n’est pas de civilisation possible.

La « révolte des masses » telle qu’Ortega y Gasset l’entendait et la « révolte des élites » telle qu’elle est pensée par Christopher Lasch ne sont donc pas deux thèses strictement opposées. Christopher Lasch, dans sa démonstration, se permet quelques simplifications commodes pour introduire et rendre plus facilement compréhensible son argumentation.

Les modes de vie plus que l’idéologie

Les élites américaines ciblées par Christopher Lasch se définissent moins par leur idéologie, que par leur mode de vie distinctif. Sans vision politique commune, elles ne peuvent pas, d’après lui, être qualifiées de « classe dirigeante ». Elles cherchent moins à commander qu’à « échapper au sort commun » et à la « vie commune ». Elles vivent repliées sur elles-mêmes.

Alors qu’ils contribuaient auparavant – souvent de façon intéressée, certes- au financement des équipements de la communauté (bibliothèques, hôpitaux, universités etc.), les 20% les plus riches de la population se rendent aujourd’hui indépendants « non seulement des grandes villes industrielles en pleine déconfiture », du fait notamment de la globalisation, « mais des services publics en général », qu’ils n’utilisent plus. Ils investissent en masse dans l’éducation et l’information plutôt que dans la propriété. Leur argent leur permet de se constituer des ghettos volontaires : ils monopolisent les collèges et universités les plus célèbres où est encore transmise la culture humaniste et ils ont recours à des services de ramassage de déchets ainsi qu’à des sociétés de sécurité privées.

« En se disant “citoyens du monde”, les élites séparent la citoyenneté de la nationalité et se déchargent de leurs obligations civiques. »

Coupées de la solidarité nationale économique (la fraude fiscale des entreprises dites « multinationales » en est un exemple), les élites le sont aussi de la solidarité politique. La plupart des personnes qui font partie des élites ont « cessé de se penser américains » ou de se sentir « impliquées dans le destin de l’Amérique pour le meilleur et pour le pire ». Le sujet central du livre de Christopher Lasch, la démocratie, se confond en fait en bonne partie avec celui de la nation, dont les élites pensent qu’elle est un cadre obsolète et contraignant.

Un tel détachement des élites, de la nation et du peuple, implique une dangereuse déresponsabilisation. Il en est la cause directe. « Nous apprenons à nous sentir responsable d’autrui, écrit en effet Robert Reich cité par Christopher Lasch, parce que nous partageons avec eux une histoire commune, un destin commun ». Comme l’homme-masse de Ortega y Gasset, les élites sont inconséquentes à l’égard des générations futures, elles exigent des droits plutôt que d’être exigeantes envers elles-mêmes. En se disant « citoyens du monde », elles séparent la citoyenneté de la nationalité et se déchargent donc de leurs obligations civiques.

« La philosophe Chantal Delsol a montré dans son essai, Le populisme, les demeurés de l’histoire, combien les élites actuelles considèrent les classes populaires comme des “idiots” au sens grec du terme. »

La fracture sociale décrite et analysée par l’auteur est aussi une fracture géographique. Aux yeux des élites, qui vivent majoritairement sur les côtes du pays, l’« Amérique du milieu », est un fardeau obscurantiste, rétrograde car rétif à l’esprit émancipateur des Lumières, en tout cas à l’idée qu’elles s’en font. La philosophe Chantal Delsol a montré dans son essai, Le populisme, les demeurés de l’histoire¹², combien les élites actuelles considèrent les classes populaires comme des « idiots » au sens grec du terme, c’est-à-dire enfermées dans le particulier, incapables de s’élever à la Raison universelle.

Si les élites s’emploient à « créer des institutions parallèles ou alternatives », c’est parce qu’elles ne cherchent pas à « imposer leurs valeurs à la majorité (qu’elles perçoivent comme incorrigiblement raciste, sexiste, provinciale et xénophobe) » et « encore moins à (la) persuader au moyen d’un débat public rationnel » (puisque la majorité, selon les élites, n’est pas raisonnable ni rationnelle). Ici est la limite de leur optimisme progressiste. La vie de la majorité n’en est pas moins, évidemment, bouleversée par les décisions prises par les élites politique, médiatique, universitaire et économique.

Une vision touristique du monde

Christopher Lasch qualifie de « touristique » la vision du monde des élites qu’il décrit. « Ce qui, ajoute-t-il, a peu de chances d’encourager un amour passionné pour la démocratie ». Leur idéal est celui de la mobilité. Elles se meuvent dans les réseaux internationaux, plutôt qu’elles ne s’inscrivent dans des lieux. « Jamais, souligne l’auteur, la réussite n’a été plus étroitement associée à la mobilité ». Elles participent ainsi, malgré elles, à faire surgir en réaction ce que Christopher Lasch appelle un nouveau « tribalisme ». Vingt ans après la parution de la Révolte des élites, ce constat est plus vrai que jamais. Les infra-nationalismes, dont la Catalogne est une des illustrations, relèvent de ce même processus de fragmentation. En revanche, Christopher Lasch est aveugle face au danger de l’islamisme. Il le sous-estime très clairement. Le 11 Septembre 2001 n’a pas encore eu lieu.

« Christopher Lasch a ce mot terrible : “nous sommes devenus aujourd’hui une nation de minorités”. »

S’il relativise exagérément le danger islamiste, Christopher Lasch s’inquiète cependant du multiculturalisme promu par les élites. Elles en ont une image là aussi touristique, celle du « bazar » qui met à leur portée les vêtements et cuisines les plus diverses du monde. Une telle conception biaise leur approche de la démocratie.

L’État, selon les élites, a pour mission de démocratiser « l’estime de soi ». Des mesures dites « tolérantes », comme la discrimination positive, sont prises au nom de la diversité pour réparer le préjudice qu’auraient subi dans l’histoire les minorités, qu’elles soient ethniques ou sexuelles. Le « sociétal » efface les rapports de classe. Selon Christopher Lasch, une telle politique déresponsabilise et assiste ces minorités au lieu de les inciter à gagner « le respect ». Elle favorise la formation de parodies de communautés, caractérisées par un « entre-soi » sectaire. Des critères comme l’ethnie et le sexe y conditionnent les opinions. Si une personne en dévie, elle devient un traître à sa cause – elle est par exemple accusée de « penser blanc ». Christopher Lasch a ce mot terrible : « nous sommes devenus aujourd’hui une nation de minorités ». Il note très justement que ces communautés, substituts pour la gauche à la classe ouvrière, « ne cherchent plus à transformer révolutionnairement les rapports sociaux mais à intégrer les structures dominantes ».

Des élites libérales

Ladite classe ouvrière a été sacrifiée sur l’autel du libéralisme promu par les élites américaines. Elles sont libérales, dans les deux sens du mot : pour la marchandisation croissante du monde et pour une prétendue « libération » sur le plan des mœurs. Un tel programme idéologique affaiblit l’État-nation « par le haut », au sens où par exemple la globalisation transfère le pouvoir du politique vers les multinationales, et par « le bas », les discours différentialistes générant du communautarisme.

La fragilisation de l’État-nation provoque, d’une part, une unification du monde par le marché et le droit, et, d’autre part, une fragmentation identitaire et ethnique. Christopher Lasch estime qu’elle est profondément liée à l’effondrement de la classe moyenne13, sans laquelle il n’y aurait pas eu d’État-nation. C’est pourquoi ce qu’il reste de la classe moyenne aux États-Unis, au moment où Christopher Lasch écrit, est l’ « élément le plus patriote, pour ne pas dire chauvin et militariste de la société ».

[1] LASCH (Christopher), La révolte des élites ou la trahison de la démocratie (The Revolt of the Elites : And the Betrayal of Democracy), Flammarion, Paris, 2007. Le livre a initialement été traduit en France en 1996 aux éditions Climats.
[2] Les Femmes et la vie ordinaire, Amour, mariage et féminisme, Climats, 2006. Un refuge dans ce monde impitoyable : la famille assiégée, François Bourin Editeur, 2012.
[3] Parmi les ouvrages de Jean-Claude Michéa : Orwell, anarchiste tory, Climats, Paris, 2008 ; Impasse Adam Smith, brèves remarques sur l’impossibilité de dépasser le capitalisme sur sa gauche, Flammarion, 2010 ; Notre ennemi, le capital, Flammarion, Paris, 2017.
[4] Christopher Lasch critique la new left, la nouvelle gauche américaine dans Le moi assiégé, Climats, 2008. Voir aussi : LASCH (Christopher), The Agony of the American Left, Knopft, 1969. Concernant Jean-Claude Michéa, voir notamment : Les mystères de la gauche, de l’idéal des Lumières au triomphe du capitalisme absolu, Climats, 2013.
[5] Constitué des chapitres : « La révolte des élites », « Opportunités dns la terre promise : mobilité sociale ou démocratisation de la compétence ? », « La démocratie mérite-t-elle de survivre ? », « Communautarisme ou populisme ?“, “Ethique de la compassion et éthique du respect ».
[6] « La conversation et les arts de la cité », « Politique et race à New York : la remise en cause des critères communs », « Les écoles pour tous ; Horace Mann et la guerre à l’imagination », « L’art perdu de la controverse », « Le pseudo-radicalisme universitaire : la pantalonnade de la « subversion ».
[7] « L’abolition de la honte », « Philippe Rieff et la religion de la culture », « L’âme humaine sous le règne de la laïcité ».
[8] C’est particulièrement le cas dans son autre grand livre, La culture du narcissisme, La vie américaine à un âge de déclin des espérances, Climats, 2000. « L’individu narcissique moderne » dont parle Christopher Lasch n’est, comme l’écrit Jean-Claude Michéa « rien d’autre que l’expression psychologique et culturelle de ce compromis libéral-libertaire devenu avec le temps historiquement réalisable ».
[9] La quatrième de couverture de l’édition de 2007, met l’accent sur le fait que les élites produisent des normes alors qu’elles se veulent elles-mêmes « hors-normes ». Elle est décalée, de même d’ailleurs que la courte préface de Jean-Claude Michéa, par rapport à ce qui nous paraît constituer le sujet central de ce livre.
[10] Le seul et vrai paradis : Une histoire de l’idéologie du progrès et de ses critiques, Climats, 2002. Il est paru en 1991 aux États-Unis.
[12] DELSOL (Chantal), Populisme, les demeurés de l’histoire, Editions du Rocher, 2015. Christopher Lasch est cité dans le livre.
[13] On trouve ici en germe les analyses du géographe Christopher Guilluy sur la fin
[11] Les innovations technologiques sont rapidement évoquées, pour constater qu’elles n’accomplissent pas la promesse de création de nombreux emplois qualifiés et de suppression des emplois pénibles, ni celle d’élever le niveau de l’intelligence du public. « Leur effet est le plus important, écrit-il, est d’élargir le fossé entre la classe de la connaissance et le reste de la population ».

Voir de plus:

Pour en finir avec le XXIe siècle

Préface à l’édition française de The Culture of Narcissism de Christopher Lasch
Jean-Claude Michéa
Transatlantica 2002

Résumé

Culture of Narcissism: American Life in An Age of Diminishing Expectations a été publié aux États-Unis en 1979. Christopher Lasch (1932–1994) qui avait déjà écrit plusieurs ouvrages de sociologie, en particulier de la famille (Haven in a Heartless World : The Family Besieged, 1977), y fait un portrait psycho-social d’une société américaine absorbée dans la contemplation et l’adoration de sa propre image, construite en particulier par les sciences sociales. Ce livre militant suscita à l’époque nombre de controverses et popularisa le terme « national malaise », version post-freudienne du malaise dans la civilisation.

Une traduction française a paru en 1981 chez Robert Laffont dans la collection Libertés 2000 dirigée par Georges Liébert et Emmanuel Todd, sous le titre du Complexe de Narcisse. Cette traduction, devenue rapidement introuvable, a été republiée en 2001, augmentée d’une postface inédite de l’auteur, par les éditions Climats.

Nous avons choisi de proposer dans TransatlanticA la préface originale à cette édition, rédigée par le philosophe Jean-Claude Michéa. Sa lecture engagée de Lasch nous a paru propre à susciter débats et réactions autour d’une oeuvre foisonnante, polémique et parfois datée aussi. Nous encourageons les lecteurs à poursuivre l’échange en nous écrivant. Nous publierons les principaux commentaires dans le numéro 3 de TransatlanticA.

Notes de la rédaction

Ce texte est publié avec l’aimable autorisation de l’éditeur et de l’auteur. © J.-Cl. Michéa et Éditions Climats.

Au début de son merveilleux petit livre sur George Orwell, Simon Leys fait observer, avec raison, que nous avons là un auteur qui « continue de nous parler avec plus de force et de clarté que la plupart des commentateurs et politiciens dont nous pouvons lire la prose dans le journal de ce matin »1..Toutes proportions gardées, ce jugement s’applique parfaitement à l’œuvre de Christopher Lasch et plus particulièrement à La Culture du narcissisme, qui est sans doute son chef-d’œuvre. Voici, en effet, un ouvrage écrit il y a déjà plus de vingt ans2 et qui demeure, à l’évidence, infiniment plus actuel que la quasi-totalité des essais qui ont prétendu, depuis, expliquer le monde où nous avons à vivre.

Par sa formation intellectuelle initiale (le « marxisme occidental » et, plus particulièrement, l’École de Francfort) Lasch s’est, en effet, trouvé assez vite immunisé contre ce culte du « Progrès » (ou, comme on dit maintenant, de la « modernisation ») qui constitue , de nos jours, le catéchisme résiduel des électeurs de Gauche et donc également un des principaux ressorts psychologiques qui les retient encore à cette étrange Église malgré son évidente faillite historique. Présentant, quelques années plus tard, la logique de son itinéraire philosophique, Lasch ira jusqu’à écrire que le point de départ de sa réflexion avait toujours été cette « question faussement simple : comment se fait-il que des gens sérieux continuent encore à croire au Progrès alors que les évidences les plus massives auraient dû, une fois pour toutes, les conduire à abandonner cette idée ? »3. Or, le simple fait d’accepter de poser cette question sacrilège ne permet pas seulement de renouer avec plusieurs aspects oubliés du socialisme origine4. Il contribue également à lever un certain nombre d’interdits théoriques qui, en se solidifiant avec le temps, avaient fini par rendre pratiquement inconcevable toute mise en cause un peu radicale de l’utopie capitaliste. C’est ainsi, par exemple, que la question soulevée par Lasch rend à nouveau possible l’examen critique de l’identification devenue traditionnelle — par le biais d’une forme quelconque de la théorie des « ruses de la raison » — entre le mouvement, posé comme inéluctable, qui soumet toutes les sociétés au règne de l’Économie et le processus d’émancipation effective des individus et des peuples. En d’autres termes, si l’on consent à traduire les concepts a priori de l’entendement progressiste, devant le tribunal de la Raison, si, par conséquent, on cesse de tenir pour auto-démontrée l’idée que n’importe quelle modernisation de n’importe quel aspect de la vie humaine constitue, par essence, un bienfait pour le genre humain, alors plus rien ne peut venir garantir théologiquement que le système capitaliste — sous le simple effet magique du « développement des forces productives » — serait historiquement voué à construire, « avec la fatalité qui préside aux métamorphoses de la nature » (Marx), la célèbre « base matérielle du socialisme », autrement dit l’ensemble des conditions techniques et morales de son propre « dépassement dialectique ». Cela signifie en clair — pour s’en tenir à quelques nuisances bien connues — que le développement d’une agriculture génétiquement modifiée, la destruction méthodique des villes et des formes d’urbanité correspondantes ou encore l’abrutissement médiatique généralisé et ses cyberprolongements, ne peuvent, de quelque façon que ce soit, être sérieusement présentés comme un préalable historique nécessaire, ou simplement favorable, à l’édification d’une société « libre, égalitaire et décente »5. Ce sont là, au contraire, autant d’obstacles évidents à l’émancipation des hommes, et plus ces obstacles se développeront et s’accumuleront (qu’on songe par exemple à certaines lésions probablement irréversibles de l’environnement), plus il deviendra difficile de remettre en place les conditions écologiques et culturelles indispensables à l’existence de toute société véritablement humaine. Ceci revient à dire, le capitalisme étant ce qu’il est, que le temps travaille désormais essentiellement contre les individus et les peuples, et que plus ceux-ci se contenteront d’attendre la venue d’un monde meilleur, plus le monde qu’ils recevront effectivement en héritage sera impropre à la réalisation de leurs espérances — y compris les plus modestes. Or cette idée constitue la négation même du dogme progressiste, lequel pose par définition que la Raison finit toujours par l’emporter et qu’ainsi, il est d’ores-et-déjà acquis que le XXIe siècle sera grand et l’avenir radieux. C’est pourquoi la critique de l’aliénation progressiste doit devenir le premier présupposé de toute critique sociale. Et malheureusement c’est une critique qui, jusqu’à présent, n’a guère dépassé le stade des commencements6.

Si l’admirable clairvoyance de Lasch a un secret, il n’est par conséquent pas très difficile à découvrir. Il réside dans l’articulation originale qui a toujours sous-tendu son œuvre entre, d’une part, une imperméabilité absolue aux mythologies modernistes et de l’autre une fidélité jamais démentie au point de vue des travailleurs et des simples gens, c’est-à-dire de ceux qui, par la force des choses, ont l’habitude de déchiffrer une société en la considérant sous le seul angle approprié, à savoir de bas en haut. Le bénéfice le plus tangible d’une telle position — qui est à la fois politique et épistémologique — est de rendre aussitôt perceptible l’illusion qui confère à la Gauche moderne, dans sa dérisoire « pluralité », le peu de cohérence intellectuelle dont elle a encore besoin pour s’assurer de ce semblant d’autonomie qui est indispensable à sa survie électorale.

Cette illusion, pour ainsi dire transcendantale, c’est l’idée bien connue selon laquelle le système capitaliste représenterait par nature un ordre social conservateur, autoritaire et patriarcal, fondé sur la répression permanente du Désir et de la Séduction, répression qu’exigerait la discipline du Travail et dont la Famille, l’Église et l’Armée seraient les agents privilégiés7. Cette représentation est certainement très reposante pour un esprit moderne. Elle exige cependant qu’on oublie que, dès 1848, Marx avait pris la précaution d’invalider par avance une interprétation des faits aussi furieuse qu’invraisemblable. « La bourgeoisie — rappelait-il ainsi — ne peut exister sans révolutionner constamment les instruments de production et donc les rapports de production, c’est-à-dire l’ensemble des rapports sociaux », alors que « le maintien sans changement de l’ancien mode de production était, au contraire, pour toutes les classes industrielles antérieures, la condition première de leur existence ». C’est pourquoi — ajoutait-il — au fur et à mesure que le système capitaliste progresse, « tous les rapports sociaux stables et figés, avec leur cortège de conceptions et d’idées traditionnelles et vénérables, se dissolvent ; les rapports nouvellement établis vieillissent avant d’avoir pu s’ossifier. Tout élément de hiérarchie sociale et de stabilité d’une caste s’en va en fumée, tout ce qui était sacré est profané ». L’un des plus grands mérites théoriques de Lasch est, assurément, d’avoir toujours su prendre au sérieux cette hypothèse de Marx et d’avoir cherché à en éprouver le pouvoir éclairant sur tous les aspects de la société américaine. Naturellement, à partir du moment où l’on reconnaît que le système capitaliste porte en lui — comme la nuée l’orage — le bouleversement perpétuel des conditions existantes, un certain nombre de conséquences indésirables ou iconoclastes ne peuvent manquer de se présenter. Sous ce rapport, l’un des passages les plus dérangeants de La Culture du narcissisme demeure, de toute évidence, celui où Lasch développe l’idée que le génie spécifique de Sade — l’une des vaches sacrées de l’intelligentsia de gauche — serait d’être parvenu, « d’une manière étrange », à anticiper dès la fin du XVIIIe siècle toutes les implications morales et culturelles de l’hypothèse capitaliste, telle qu’elle avait été formulée pour la première fois par Adam Smith, il est vrai dans un tout autre esprit. « Sade — écrit ainsi Lasch — imaginait une utopie sexuelle où chacun avait le droit de posséder n’importe qui ; des êtres humains, réduits à leurs organes sexuels, deviennent alors rigoureusement anonymes et interchangeables. Sa société idéale réaffirmait ainsi le principe capitaliste selon lequel hommes et femmes ne sont, en dernière analyse, que des objets d’échange. Elle incorporait également et poussait jusqu’à une surprenante et nouvelle conclusion la découverte de Hobbes, qui affirmait que la destruction du paternalisme et la subordination de toutes les relations sociales aux lois du marché avaient balayé les dernières restrictions à la guerre de tous contre tous, ainsi que les illusions apaisantes qui masquaient celle-ci. Dans l’état d’anarchie qui en résultait, le plaisir devenait la seule activité vitale, comme Sade fut le premier à le comprendre — un plaisir qui se confond avec le viol, le meurtre et l’agression sans freins. Dans une société qui réduirait la raison à un simple calcul, celle-ci ne saurait imposer aucune limite à la poursuite du plaisir, ni à la satisfaction immédiate de n’importe quel désir, aussi pervers, fou, criminel ou simplement immoral qu’il fût. En effet, comment condamner le crime ou la cruauté, sinon à partir de normes ou de critères qui trouvent leurs origines dans la religion, la compassion ou dans une conception de la raison qui rejette des pratiques purement instrumentales ? Or, aucune de ces formes de pensée ou de sentiment n’a de place logique dans une société fondée sur la production de marchandises. »

Si nous acceptons cette analyse, il devient d’un seul coup plus facile de saisir les liens métaphysiques essentiels qui unissent, dès l’origine, bien que de façon évidemment inconsciente, les deux moments théoriques de l’idéal capitaliste : d’un côté l’exhortation prétendument « libertaire » à émanciper l’individu de tous les « tabous » historiques et culturels qui sont supposés faire obstacle à son fonctionnement comme pure « machine désirante », de l’autre, le projet libéral d’une société homogène dont le Marché auto-régulateur constituerait l’instance à la fois nécessaire et suffisante pour ordonner au profit de tous, le mouvement brownien des individus « rationnels », c’est-à-dire enfin libérés de toute autre considération philosophique que celle de leur intérêt bien compris. Ce que Lasch appelle « l’individu narcissique moderne », avec sa peur de vieillir et son immaturité si caractéristique — dont l’américain des classes moyennes n’a été que la préfiguration burlesque — n’est, en définitive, rien d’autre que l’expression psychologique et culturelle de ce compromis libéral-libertaire devenu avec le temps historiquement réalisable. Et tout l’art de Lasch est d’établir avec rigueur comment cette rencontre, à première vue surprenante, a fini par trouver dans les métamorphoses du capitalisme contemporain ses conditions pratiques de possibilité. Quand la consommation est célébrée comme une forme de culture à part entière — avec son imaginaire et ses conventions spécifiques — plus rien ne s’oppose, en effet, à ce que les deux faces métaphysiquement complémentaires du paradigme libéral — faces qui, pour des raisons historiques, avaient dû, jusqu’à présent, se développer de façon indépendante et antagoniste — se réconcilient, et même fusionnent, dans l’unité d’une sensibilité aussi cohérente que moderne. On conçoit naturellement qu’une telle analyse ait pu choquer — aux États-Unis comme en Europe — les bonnes consciences progressistes. Elle les obligeait à reconnaître que l’ingénieuse hypothèse capitaliste — la « commercial society » imaginée par Adam Smith en réponse aux problèmes politiques du temps — n’empruntait pas ses principes (Individu, Raison, Liberté) aux anciennes barbaries ou au « ténébreux Moyen âge », mais bien à l’axiomatique des Lumières, c’est-à-dire, si on y réfléchit, à la même matrice culturelle que celle dont la Gauche est issue8.

Il n’est guère besoin de souligner l’intérêt politique majeur de l’hypothèse défendue par Lasch. Elle éclaire, par exemple, d’une lumière particulièrement cruelle le destin d’une époque qui aura vu, sans rire, le drapeau de la révolte tomber progressivement des mains de Rosa Luxembourg dans celles d’une Ségolène Royal.

La Gauche traditionnelle, en effet, malgré sa foi simpliste dans le mythe bourgeois du « Progrès », avait toujours conservé — notamment à travers le contrôle des bureaucraties syndicales et de nombreuses municipalités ouvrières — un minimum d’enracinement dans les milieux populaires et donc de compréhension envers leurs cultures et leurs sensibilités. C’est pourquoi ses programmes politiques, et parfois même ses luttes, maintenaient généralement un certain nombre d’aspects anticapitalistes, qui étaient autant de survivances tangibles des compromis historiques autrefois passés entre la Gauche et le socialisme ouvrier.

À partir des années soixante, au contraire, la convergence — rétrospectivement tout à fait logique — de différents processus « modernisateurs » — qui, sur le moment, pouvaient sembler indépendants les uns des autres — acheva rapidement de décomposer le peu d’esprit « anti-capitaliste » qui habitait encore les instances dirigeantes de l’ancienne Gauche. D’abord, le déclin accéléré des capacités de séduction de l’Empire soviétique, c’est-à-dire de la triste imitation d’État du progrès capitaliste ; ensuite, et de manière infiniment plus décisive, l’entrée de l’Europe occidentale dans l’ère du capitalisme de consommation, et donc l’installation inévitable au centre même du spectacle de cette « culture jeune » qui est chargée d’en légitimer l’imaginaire et d’assurer sans fin la circulation, sous mille emballages différents, de la même agréable pacotille ; enfin, et surtout, la destruction de la classe ouvrière elle-même, c’est-à-dire non pas, bien sûr, la disparition réelle des ouvriers (qui est, en partie, un artifice statistique) mais celle de la conscience de classe qui les unissait, disparition obtenue d’une part par la liquidation méthodique des quartiers populaires et, de l’autre, par les nouvelles formes d’organisation du travail dans l’entreprise modernisée et les techniques de management « anti-autoritaires » qui ont permis de les imposer9. Ce qui, en ces temps baptismaux, a été désigné comme la « nouvelle Gauche » n’est en définitive rien d’autre que l’écho politique de ces différents processus. Il faut donc également voir dans ce courant multicolore une des traductions politiques privilégiées de la montée en puissance de ces nouvelles classes moyennes — si bien décrites, à l’époque, par Georges Perec — qui, parce qu’elles sont préposées à l’encadrement technique, managérial ou « culturel »10 des formes les plus modernes du capitalisme, sont condamnées à asseoir leur pauvre image d’elles-mêmes sur leur seule aptitude à courber l’échine devant n’importe quelle innovation, « flexibilité » humaine pathétique qui en fait la proie rêvée des psychothérapeutes et le gibier électoral de prédilection de toute gauche « citoyenne » et progressiste. C’est seulement à la faveur de cette configuration culturelle très particulière que l’occasion historique put être enfin offerte aux représentants les plus ambitieux de la nouvelle sensibilité libérale-libertaire de confisquer à leur usage exclusif les derniers instruments de lutte ou d’influence dont les classes populaires avaient encore la disposition.

Si La Culture du narcissisme apparaît comme un livre si prophétique, c’est donc, en vérité, parce qu’en décrivant avec une précision remarquable, sur la base des données empiriques déjà disponibles à l’époque, les formes d’individualisation requises par le capitalisme de consommation (cet « homme psychologique de notre temps qui est le dernier avatar de l’individualisme bourgeois »), Lasch délimitait en même temps par avance11 le cadre psychologique et intellectuel très étroit à l’intérieur duquel devraient dorénavant se débattre les militants « pluriels » de toute gauche moderne, et d’une façon plus générale, les représentants de ces nouvelles classes moyennes dont la fausse conscience est devenue l’esprit du temps. Ainsi s’éclaire le curieux destin — qui n’est, bien sûr, paradoxal qu’en apparence — d’une gauche occidentale qui a, partout, en se modernisant, « renoncé à l’émancipation sociale et se contente d’aménager une infirmerie pour accueillir les blessés de la guerre économique »12, quand, encore, elle ne prend pas sur elle de diriger cette guerre avec l’enthousiasme des néophytes et le zèle des parvenus. De leur côté, pour s’être laissés déposséder du peu d’autonomie politique qui leur restait, par ces bienveillants tuteurs à l’esprit si ouvert (et dont — cela va de soi — la plupart des membres avaient fait leurs classes du bon côté des barricades), les vaincus du monde moderne — c’est-à-dire, comme toujours, les travailleurs et les simples gens — finissent par se retrouver, pour des raisons symétriques, dans la même situation d’impuissance que les ouvriers du XIXe siècle, lorsqu’ils ne s’étaient pas encore dotés d’organisations politiques indépendantes. « À ce stade — écrivait Marx (qui n’imaginait pas qu’en théorisant ainsi le passé il théorisait aussi le futur) — les ouvriers forment une masse disséminée à travers le pays et atomisée par la concurrence. S’il arrive que les ouvriers se soutiennent dans une action de masse, ce n’est pas encore là le résultat de leur propre union, mais de celle de la bourgeoisie qui, pour atteindre ses fins politiques propres, doit mettre en branle le prolétariat tout entier, et qui possède encore provisoirement le pouvoir de le faire. Durant cette phase, les prolétaires ne combattent donc pas leurs propres ennemis, mais les ennemis de leurs ennemis, c’est-à-dire les vestiges de la monarchie absolue, propriétaires fonciers, bourgeois non industriels, petits bourgeois. Tout le mouvement historique est de la sorte concentré entre les mains de la bourgeoisie ; toute victoire remportée dans ces conditions est une victoire bourgeoise. « Manifeste communiste ») Telle est la raison historique principale qui fait que, depuis vingt ans, chaque victoire de la Gauche correspond obligatoirement à une défaite du Socialisme.

Parvenu à ce point, j’imagine sans peine que le type de révolution intellectuelle auquel l’œuvre de Lasch nous invite ne pourra être que très mal accueillie par le public « éclairé », c’est-à-dire par celui qui se sait, par droit divin, situé à jamais dans le camp du Bien et de la Vérité. Pour un lecteur qui est avant tout soucieux de la correction politique de ses idées (sans doute parce que, pour lui, une idée n’est pas tant un moyen de comprendre le monde que celui d’apaiser ses propres inquiétudes), il ne peut, en effet, y avoir aucun doute sur ce qui donne son sens à l’époque présente : l’affrontement titanesque entre, d’un côté, les faibles forces qu’essaient de rassembler à grand-peine les guérilleros héroïques de la modernité et, de l’autre, les hordes déferlantes et puissamment organisées de la « Réaction » et du terrible passé. Dans cette vision, à coup sûr très touchante, de l’Histoire, il va de soi que ceux qui s’obstineraient à prétendre qu’il existe toujours des classes dirigeantes (mondialisées de surcroît) et qu’elles ont bien pour premier souci de façonner une humanité nouvelle conforme à leurs intérêts égoïstes, doivent être considérés comme les victimes d’une évidente prédisposition à la paranoïa. Quant à vouloir combattre la domination de ces puissances en prenant appui sur la dignité et les vertus des classes populaires, voilà qui témoigne au mieux d’une nostalgie déplacée pour un monde « disparu », au pire d’une fascination coupable pour ce « populisme » dont les médias unanimes ont le bon goût de nous rappeler quotidiennement de quelle bête immonde son ventre est toujours fécond. En prenant le risque de rééditer La Culture du narcissisme il n’entrait pas dans nos intentions — ni, certes, dans nos possibilités — de troubler le repos intellectuel de cette partie du public. Il n’est pas impossible, malgré tout, que même parmi ces lecteurs il s’en trouve quelques uns pour reconnaître au livre de Lasch la vertu de déranger leurs habitudes intellectuelles (ce qui pour tout moderniste est normalement une qualité) et donc d’appeler, par son caractère provocant, la réfutation en règle qu’il mérite. Il faudra par conséquent que de tels lecteurs aient aussi le courage d’aller jusqu’à la question suivante. Comment se fait-il qu’un ouvrage si stimulant — et, pour cette raison, discuté dans le monde entier — ait pu être publié en France dès 1981, s’y trouver rapidement épuisé grâce à ce « bouche à oreille » qui est devenu le samizdat des régimes libéraux — cela sans que la perspicace critique officielle se soit sentie tenue de lui consacrer une seule analyse sérieuse, c’est-à-dire à la mesure des enjeux réels du livre — pour ne rien dire ici, évidemment, de la pourtant si bavarde sociologie d’État ?

Il est vrai que cette manière d’opérer est, depuis assez longtemps, la marque de fabrique du paysage intellectuel français et que tout livre qui dérange réellement l’ordre établi et sa bonne conscience « citoyenne », est ordinairement condamné à paraître soit dans un silence de plomb soit sous un déluge de calomnies. Mais ceci est justement une raison supplémentaire pour que chacun s’interroge sur ce curieux état de fait et s’efforce à tout le moins d’en dégager les implications principales. Cela signifierait-il, par exemple, qu’à force de se « moderniser » les intellectuels officiels et les médiatiques en sont revenus aux mœurs d’une époque où — selon les mots de Marx — « désormais il ne s’agit plus de savoir si tel théorème est vrai, mais s’il est bien ou mal sonnant, agréable ou non à la police, utile ou nuisible au capital » et où de ce fait « la recherche désintéressée fait place au pugilat payé, l’investigation consciencieuse à la mauvaise conscience, aux misérables subterfuges de l’apologétique » ? (Marx, Postface à la deuxième édition allemande du Capital). Si tel était le cas, la situation aurait, bien sûr, quelque chose de profondément désespérant. À moins, au contraire, qu’on y lise précisément, comme jadis Hegel, le signe irrécusable que « tout continue » et que, par conséquent, nul n’est encore en mesure de prétendre que la vieille taupe creuse ses galeries en vain. Choisir la bonne interprétation n’est peut-être, après tout, qu’une affaire de tempérament. Mais ce qui est sûr, et quoi qu’il puisse advenir, c’est que Christopher Lasch aura été de ceux qui ont le plus aidé ce sympathique mammifère à poursuivre sa tâche ingrate. Et en ces temps étranges et difficiles, je ne connais pas de meilleure manière de recommander un livre.

Bibliographie

De Christopher Lasch :

The World of Nations ; Reflections on American History, Politics, and Culture (New York : Knopf, 1973).

Culture of Narcissism: American Life in An Age of Diminishing Expectations (New York : Norton, 1991 [1979]).

The True and Only Heaven : Progress and Its Critics (New York : Norton, 1991).

Bibliographie d’articles de et sur Ch. Lasch dans la New York Review of Books : http://www.nybooks.com/authors/2391

Notes

1 Simon Leys, Orwell ou l’horreur de la politique (Paris : Hermann, 1984).
2 La Culture du narcissisme a été publiée aux États-Unis en 1979. Une traduction française a paru en 1981 chez Robert Laffont dans la collection « Libertés 2000 » dirigée par Georges Liébert et Emmanuel Todd, sous le titre du Complexe de Narcisse. C’est cette traduction, devenue rapidement introuvable, et par ailleurs excellente, que nous republions aujourd’hui, augmentée d’une postface inédite de l’auteur.
3 The True and Only Heaven : Progress And its Critics (New York : Norton, 1991).
4 S’il y a, dans l’historiographie des révoltes populaires contre l’industrialisation capitaliste, un épisode qui a toujours été soit censuré, soit profondément dénaturé voire diabolisé, c’est bien le combat des Luddites anglais, au début du xixe siècle, contre les fanatiques du Progrès industriel et sa « meurtrière idolâtrie de l’avenir qui anéantit des espèces vivantes, abolit les langues, étouffe les diverses cultures et risque même de faire périr le monde naturel tout entier. » (John Zerzan, Aux sources de l’aliénation, L’insomniaque, 1999.) Si l’on veut redécouvrir le noyau rationnel de cette révolte fondatrice, il faut lire la remarquable étude de Kirkpatrick Sale, Rebels Against the Future — The Luddites and Their War on the Industrial Revolution. Lessons for the Computer Age (Quartet Books, 1995).
5 « The free, equal and decent society », telle est la formulation la plus exacte de l’idéal politique de G. Orwell. Voir l’introduction de Sonia Orwell aux « Essais, Articles, Lettres » (Ivrea-Encyclopédie des Nuisances, Tome i ; p. 8.)
6 Sur les conditions historiques et philosophiques de la formation du paradigme progressiste, entre 1680 et 1730, on lira l’excellente étude de Frédéric Rouvillois, L’Invention du Progrès (Éd. Kimé, 1996).
7 On reconnaît, dans cette audacieuse analyse, le décor philosophique quotidien que l’industrie du divertissement impose aux différents secteurs de la « culture jeune » et de la rebellion rentable.
8 La distinction moderne entre la « Droite » et la « Gauche » (qui est une transposition française de l’opposition, née en Angleterre, des Tories et des Whigs) correspond tout au long du XIXe siècle au conflit entre les défenseurs de l’« Ancien Régime » — c’est-à-dire d’une société agraire et théologico-militaire — et les partisans du « Progrès », pour qui la révolution industrielle et scientifique (forme pratique du triomphe de la Raison) conduira, par sa seule logique, à réconcilier l’humanité avec elle-même. Le socialisme originel, au contraire, est, dans son principe, parfaitement indépendant de ce clivage. Il constitue avant tout la traduction en idées philosophiques des premières protestations populaires (luddites et chartistes anglais, canuts de Lyon, tisserands de Silésie, etc.) contre les effets humains et écologiques désastreux de l’industrialisation libérale. On ne trouvera par conséquent pas, chez Fourier ou chez Marx, de vibrants appels à unir un mystérieux « peuple de gauche » contre l’ensemble des forces supposées « hostiles au changement ». Et durant tout le xixe siècle, les socialistes les plus radicaux sont d’abord attentifs à ne pas compromettre la précieuse autonomie politique des travailleurs lors des différentes alliances éphémères qu’ils sont obligés de nouer, tantôt contre les puissances de l’Ancien régime, tantôt contre les industriels libéraux. Ce n’est qu’après l’Affaire Dreyfus, — et non sans débats passionnés — que s’opérera véritablement pour le meilleur et pour le pire, l’inscription massive du mouvement socialiste dans le camp de la Gauche…/…défini comme celui des « forces de Progrès ». Pour valider cette opération historique, à la fois féconde et ambiguë, il sera d’ailleurs nécessaire (Durkheim jouant ici un rôle important) d’accentuer autrement la généalogie du projet socialiste. On choisira d’y voir désormais moins le produit de la créativité ouvrière qu’un développement « scientifique » de la philosophie des Lumières, rendu possible par l’œuvre du Comte de Saint-Simon, et importé ensuite « de l’extérieur » dans la classe ouvrière.
9 Sur cette destruction programmée de la classe ouvrière, on lira avec intérêt le livre de Stéphane Beaud et Michel Pialoux, Retour sur la condition ouvrière (Fayard, 1999). Cette enquête minutieuse commence par une question de bon sens (donc, de nos jours, éminemment subversive) : « Comment expliquer que les ouvriers constituent toujours le groupe social le plus important de la société française et que leur existence passe de plus en plus inaperçue ? ».
10 Dans la mesure où l’imaginaire de la consommation possède une fonction de plus en plus décisive dans le développement du capitalisme contemporain, la diffusion et la célébration de cet imaginaire deviennent une exigence économique prioritaire. À l’ère de la communication de masse, cela signifie donc nécessairement que le mensonge médiatique, la manipulation publicitaire, et l’abrutissement spectaculaire (assuré par le showbiz et ses artistes citoyens) tendent à devenir une force productive directe.
11 Lasch ne pouvait évidemment pas, à l’époque, prendre en compte les nouvelles contraintes politiques, économiques et technologiques (mises en place sous le nom de « mondialisation ») que le Capital imposerait bientôt à la planète entière pour essayer de contrecarrer, en élargissant brutalement le champ et les modalités de la guerre économique, la baisse tendancielle de son taux de profit, devenue manifeste au début des années 70. Toutefois, d’un point de vue philosophique, ces modifications sont, en fin de compte, relativement secondaires. Contre le discours positiviste ambiant, il faut, en effet, rappeler que des « nouvelles technologies » ne peuvent développer leurs effets principaux sur les rapports humains, que dans un monde qui est déjà culturellement préparé à les recevoir. Le principe de la machine à vapeur, par exemple, était parfaitement connu dans l’Alexandrie du iie siècle. Pour autant, dans les conditions culturelles de l’époque, aucune révolution industrielle n’aurait pu s’ensuivre ; et le téléphone mobile n’a pu généraliser tous ses effets d’incivilité que dans un monde où les formes autistiques de l’individualisme, tout comme l’effacement des frontières de la vie privée (« tout est politique ») avaient déjà atteint un degré de développement appréciable pour des raisons tout à fait indépendantes de cette technologie moderne, même si celle-ci, bien sûr, ne peut qu’amplifier en retour ces effets qui la précèdent. Le lecteur qui désirerait compléter utilement l’analyse de Lasch sur tous ces points, trouvera une mine de renseignements précis et d’analyses intelligentes dans l’ouvrage appelé à faire date de Luc Boltanski et Eve Chiappello, Le Nouvel esprit du capitalisme (Gallimard, 1999).
12 Selon la formule de Philippe Cohen, Protéger ou disparaître (Gallimard, 1999).

Auteur

Jean-Claude Michéa

Jean-Claude Michéa, agrégé de philosophie, enseigne à Montpellier. Il est l’auteur de quatre ouvrages parus aux Éditions Climats : Orwell, anarchiste Tory (1995, 2ème ed. 2000), Les Intellectuels, le peuple et le ballon rond (1998), L’enseignement de l’ignorance (1999). Son dernier livre, Impasse Adam Smith. Brèves remarques sur l’impossibilité de dépasser le capitalisme sur sa gauche (2002) a été salué par la presse pour son originalité et sa tonicité de pensée.

Voir encore:

Christopher Lasch : Narcisse, nouvelle figure du capitalisme

Pierre ANSAY

Politique

28 avril 2009

Bon nombre d’auteurs contemporains insistent sur la vitalité du capitalisme comme culture : non plus une société non marchande, qui subsisterait à côté d’une économie de marché, mais une société de marché indissociable d’une économie de marché et mieux encore une société animée, cultivée par l’esprit du capitalisme, arôme spirituel du monde contemporain. Certains ont en quelque sorte ausculté nos psychismes pour (dé)montrer le formatage de nos consciences, de nos désirs, de nos valeurs par « l’éthique » et les cultures du capitalisme. Certains ont poussé le bouchon plus loin et redonné vie à un courant que l’on croyait enterré, un surgeon du freudo-marxisme qui critique autant la culture du capitalisme que les pratiques de ses opposants. Si certains ouvrages scrutent le psychisme des « capitalistants », (les metteurs en scène et en œuvre du capitalisme), Christopher Lasch en entomologiste social examine plutôt nos psychismes de « capitalistés », autant la classe ouvrière sans plus de conscience de classe que la classe moyenne qui découvre avec effroi que la vie n’est plus un long fleuve tranquille.

L’avènement des nouveaux Narcisse

Adieu les bonnes névroses freudiennes et place aux pathologies narcissiques, autant nouvelles postures des sujets que phénomène social global. « N’ayant pas l’espoir d’améliorer leur vie de manière significative, les gens se sont convaincus que, ce qui comptait, c’était d’améliorer leur psychisme » Christopher Lasch, La Culture du narcissisme, Climats, Castelneau-le-Lez, 2000, p. 31. Les mentions entre guillemets et graphies italiques sont, sauf exceptions, des citations de l’auteur. L’auteur poursuit : « L’atmosphère actuelle n’est pas religieuse, mais thérapeutique. Ce que les gens recherchent avec ardeur aujourd’hui, ce n’est pas le salut personnel, encore moins le retour d’un âge d’or antérieur, mais la santé, la sécurité psychique, l’impression, l’illusion momentanée d’un bien-être personnel… De fait, le narcissisme semble représenter la meilleure manière d’endurer les tensions et anxiété de la vie moderne ». Pour Lasch, les mutations du capitalisme engendrent en écho des mutations profondes du psychisme individuel et social. Un système social existe toujours sous une double forme Le lecteur désireux d’approfondir cette liaison « psychisme-société » pourra lire avec intérêt De notre servitude volontaire d’Alain Accardo (Agone, 2001) ; d’un côté, les institutions, les appareils médiatiques, les entreprises, les codes et réglementations, et de l’autre, des dispositions individuelles façonnées, tels les habitus de Bourdieu, les inclinations personnelles, les modes intellectuelles et vestimentaires, les motivations personnelles érigées ou non en système. « Ainsi donc, lorsque nous proclamons notre hostilité au ‘système capitaliste’, et que toutes les critiques que nous formulons s’adressent exclusivement à ses structures économico-politiques objectivées, il est clair que notre analyse s’est arrêtée à mi-chemin et que nous avons oublié de nous interroger sur la partie intériorisée du système, c’est-à-dire sur tout ce qui contribue à faire fonctionner ces structures, causes de tant de dégâts autour de nous » A. Accardo, op.cit.. On croirait lire, 60 ans après, le philosophe italien Gramsci évoquant la nécessité, pour un changement social révolutionnaire, d’effectuer au préalable, une réforme culturelle et morale, sans quoi ce qui a été éradiqué repousse avec plus de force.

Pas de passé et no future

Sans doute qu’à la racine, il y a l’évidement du moi et le sentiment d’impuissance qui l’habite. Les thérapeutes qui s’allongent sur le divan du philosophe convergent dans le constat : impression tenace et douloureuse, chez leurs patients, d’un sentiment de vide imprégné d’une angoisse sourde. Narcisse est un individu a-historique, soumis à l’auto-dictature du présent. Le peu d’intérêt pour l’histoire et le passé viennent sans doute qu’il a tiré un constat cynique et désabusé sur la perte de légitimité des grands récits : la croissance conduit aux désastres écologiques, le socialisme au goulag, la grande culture allemande à Auschwitz et le progrès technologique à Hiroshima. Quant à l’avenir, mieux vaut ne pas y penser car, de toutes manières, y penser ne changera rien. Le Narcisse se vit comme impuissant devant les apocalypses mondiales et collectives que lui ressassent les médias annonçant autant les catastrophes que notre impuissance à les éviter : on est passé sans y prendre garde de la lutte finale aux catastrophes finales. « Vivre dans l’instant est la passion dominante – vivre pour soi-même, et non pour ses ancêtres ou la postérité. Nous sommes en train de perdre le sens de la continuité historique, le sens d’appartenir à une succession de générations qui, nées dans le passé, s’étendent vers le futur ». Narcisse a perdu tout espoir « de changer la société et même de la comprendre ». L’observation le confirme : les nouveaux militants, quant il y en a, recherchent autant leur accomplissement personnel « réparateur du moi » que la victoire sur des enjeux autant éphémères que territorialisés : ce sont des « je ici maintenant » qui montent sur des barricades temporaires vite désertées en cas d’épreuve sérieuse. Nos compatriotes qui ont vécu en Amérique savent bien qu’il n’y a pas là-bas de construction d’un projet social et culturel sans une multiplicité de gratifications, de décorations, de mercis, l’employé du mois, la meilleure vendeuse de la semaine, le vestiairiste le plus aimable, le meilleur monsieur caca et la meilleure cuisinière, tous y passent et sont estampillés « on the best ». L’émotion partagée règne à tous les étages de la pyramide sociale.

Publicité et médias y sont pour quelque chose

« A une époque moins complexe, la publicité se contentait d’attirer l’attention sur un produit… Maintenant, elle fabrique son propre produit : le consommateur, être perpétuellement insatisfait, agité, anxieux, blasé. La publicité sert moins à lancer un produit qu’à promouvoir la consommation comme style de vie. Elle éduque les masses à ressentir un appétit insatiable… Elle vante la consommation, remède universel aux maux familiers que sont la solitude, la maladie, la fatigue, l’insatisfaction sexuelle… » Votre travail vous donne-t-il un sentiment de fatigue et de futilité ? Percevez-vous votre existence comme un vide ? « Consommez donc, cela comblera un vide douloureux ». Le travail publicitaire est sans doute, dans l’esprit de l’auteur, bien davantage qu’une démarche annexée à la production et pousse à la consommation : une immense et puissante rhétorique, une pseudo-sagesse de vie, une instillation subtile d’impératifs et de diktats discrets. La mode publicisée indique ce qu’il faut porter et la consommation se comprend dès lors comme solution de remplacement à la protestation et à la rébellion. Bien plus, la publicité intègre le mal être et la désolation spirituelle (désolation, être privé de sol) dans un paquet global dont la consommation est le remède immédiat et temporaire. La rhétorique publicitaire est lue par Lasch comme un instrument essentiel de l’éducation des masses : « L’éducation des masses a altéré l’équilibre des forces au sein de la famille, affaiblissant l’autorité du mari vis-à-vis de sa femme, et celle des parents vis-à-vis des enfants. Mais si elle émancipe femmes et enfants de l’autorité patriarcale, ce n’est que pour mieux les assujettir au nouveau paternalisme de la publicité, des grandes entreprises industrielles et de l’État ». Quant aux médias, ils sont interprétés comme des « opérateurs d’impuissantement » Que le lecteur me pardonne ce néologisme : « impuissanter », rendre impuissant en privant de moyens d’action , voire comme une véritable drogue : ouf, je ne suis pas « membre de la catastrophe », oui, « ce héros me ressemble », suspense, « qui va gagner ici ou perdre là-bas ? », « je suis branché, donc je participe » et surtout, « je ne meurs pas, je renais à chaque nouveau moment », et « je suis épargné de ma mort par la mort des autres », renaissant à chaque nouvelle dans un éternel présent juvénile des plus rassurants. Quant au narcissisme des journalistes et des animateurs, la mesure des évènements est rabattue sur le quantum d’émotions qui les affecte. La dictature des émotions immédiates a pris le pas sur l’analyse avec prise de distance et la jouissance perverse se complaît à mêler subtilement les traces de la réalité dans le « documenteur » : « L’interpénétration croissante de la fiction, du journalisme et de l’autobiographie montre de façon indéniable que de nombreux écrivains parviennent de plus en plus malaisément à atteindre le détachement indispensable à l’art ». La Belgique journalistique a connu récemment des dérapages déontologiques portés aux nues par les émotions légitimes qu’ils ont suscitées.

Le détachement ironique comme moyen d’évasion

L’œuvre narcisissée à l’excès de Woody Allen assortie des dérapages médiatisés de sa vie privée constitue sans doute la mise en scène parfaite de l’affaire. « Dans notre société, la surveillance anxieuse de soi, (à ne pas confondre avec l’auto-analyse critique) ne sert pas seulement à régulariser le courant d’information destiné à autrui et à interpréter les signaux reçus : elle établit également une distanciation ironique par rapport à la routine mortelle de la vie quotidienne ». C’est là une manière de désarmer à l’avance les critiques : mieux vaut rire de soi-même à l’avance qu’endurer l’ironie blessante de nos alter ego : « Narcisse tente de transformer le rôle qu’il joue en une élévation symbolique de la vie quotidienne et se réfugie dans la plaisanterie, la moquerie et le cynisme. Si on lui demande d’exécuter une tâche désagréable, il établit clairement qu’il ne croit pas aux objectifs de l’organisation (Lasch aurait du être engagé pour auditer les administrations belges)… s’il se rend à une réception, son comportement tend à montrer que tout n’est qu’un jeu, faux, artificiel, dénué de sincérité, une mascarade grotesque de la sociabilité… en démythifiant la vie quotidienne, il se donne à lui-même et transmet aux autres l’impression qu’il la sublime, même quand il s’y plie et fait ce qu’on attend de lui ». Sans doute qu’il convient de comprendre cette auto-ironie comme une résistance susceptible d’être dépassée positivement : je ne suis pas ce que vous croyez, je ne joue qu’apparemment dans vos combines, je ne suis pas pris dans cette situation médiocre où vous tentez de m’inscrire. A la force du capitalisme mondialisé, qui joue sur sa plasticité, son éthique à géographie variable et sa mobilité géographique, (Papa à la multinationale, mamy à Amnesty international ou l’inverse) répondrait la fluidité, l’insaisissable déracinement du moi : je suis ailleurs que là où vous prétendez me trouver. La dérobade comme art de vivre, finis les agrégats de prolétaires agglutinés derrière les drapeaux rouges : les nouveaux résistants sont-ils des truites insaisissables, des savonnettes encore plus glissantes que l’annonce publicitaire qui les magnifie ?

Les autres doivent être mes miroirs

Le Narcisse est en quête incessante de valorisation de soi. Et dans cette perspective, Narcisse rêve d’une vie grandiose, en admirant les vedettes fabriquées par les opérateurs de vedettariat : ainsi de cette fille de milliardaire américain dont les frasques, pourtant si humaines et si banales, sont élevées et transmutées en épopée : est célèbre qui est (rendu) célèbre, non pas par des mérites personnels mais par l’intervention performative des médias. La séduction joue dans ce déploiement relationnel un rôle essentiel : les autres doivent m’aimer et m’admirer et je ne reculerai devant aucune manipulation affective pour y parvenir, je contrôlerai les impressions que je donne de moi à autrui, je feindrai la compréhension même si autrui est aussi fatiguant, il importe moins de le convaincre par des arguments rationnels que par une approche charmeuse. Mais Narcisse en vient à mépriser ceux dont il attend de l’amour et qu’il s’est plu à manipuler : une généralisation sociale des impasses du donjuanisme ? Et en plus, ça ne marche pas toujours : « Si Narcisse admire ‘un gagneur’ et s’identifie à lui, c’est parce qu’il a peur d’être rangé parmi les perdants. Il espère refléter quelque lumière de son astre : mais une forte proportion d’envie se mêle à ses sentiments et son admiration tourne en haine si l’objet de son attachement fait quoi que ce soit qui lui rappelle sa propre insignifiance ». Voilà un client rêvé pour le marché, en constante expansion, des thérapies car la désillusion est au bout de la rencontre fort probable entre deux individus carburant au narcissisme : je (lui) découvrirai(ra) vite ma (sa) médiocrité microscopique, je (lui) ne peux (peut) même pas être une vedette mondiale durant un quart d’heure. Les critiques ravageuses de Michel Houellebecq sur le narcissisme soixante-huitard dans Les particules élémentaires ne sont pas loin. Narcisse est convaincu qu’il convient d’améliorer constamment son psychisme et de vivre pleinement ses émotions : il convient de « se nourrir convenablement, prendre des leçons de ballet ou de danse du ventre, s’immerger dans la sagesse de l’Orient, faire de la marche ou de la course à pied, apprendre à établir des rapports authentiques avec autrui, surmonter la peur du plaisir ». Ce qui est recherché n’est plus le salut personnel ou le mieux-être collectif, mais un tropisme thérapeutique avec l’équivalent moderne de la résurrection, la santé mentale promue par les nouveaux curés du bien-vivre.

Philosopher à coups de marteau

Lasch ne fait certainement pas dans la dentelle : sa critique est radicale au sens premier car elle va chercher des poux et planter des grenades dans les racines, dans les évidences structurantes et dans les organisations systémiques de notre vie. Elle travaille autant à partir de la description des grands ensembles qu’elle réfute (l’État providence et sa bureaucratie tentaculaire, le système de santé et les thérapies, l’entreprise et la nuée de travailleurs sociaux de tout bord) que dans l’analyse de notre vie quotidienne. C’est un conflit entre le David qui pense et le Goliath sociétal dont les critiques radicaux ne sont même pas épargnés : les pages corrosives sur les mouvements étudiants et radicaux des États-Unis des années 1960 et 1970 et leur composante narcissique réservent de bonnes surprises aux lecteurs opiniâtres. L’autorité familiale est dissoute de multiples manières : le pouvoir patriarcal est miné par le féminisme qui, selon l’auteur, n’est pas absout, bien au contraire, de diverses formes de récupération marchande, l’autorité familiale est minée par l’introduction subreptice (la première parution est de 1979) des verdicts technologiques et scientifiques, désappropriée des compétences éducatives par les experts de tout bord et les travailleurs sociaux. L’incapacité à rencontrer l’autre dans sa différence, l’anorexie relationnelle ne font que renforcer le sentiment du vide et laissent l’individu apeuré et éviscéré faire face à ses pulsions agressives : comment encore se structurer avec un papa copain et adolescent ? Où placer ma haine constitutive ? A poursuivre ainsi, certains malins esprits rangeraient vite l’auteur dans une galaxie bizarre de critiques réactifs. Certes, Lasch pointe l’érosion de l’autorité, la dilution des normes à l’école et la généralisation de l’attitude permissive, « mais elle (la critique des conservateurs) refuse d’établir le moindre rapport entre ces phénomènes et la montée du capitalisme monopolistique, entre la bureaucratie de l’Etat et celle de l’industrie ». L’auteur nous réserve de bonnes pages sur le déclin de l’esprit sportif, la peur de vieillir et le jeunisme et ce qu’il nomme « la banalité de la pseudo-connaissance de soi ». Le sport devient une industrie du divertissement et perd son ancrage local et ses envolées et héros mythiques : qui a pu, lors d’un séjour au Canada ou aux États-Unis, assister au triste spectacle de joueurs de hockey professionnel boxant, rouant de coups un adversaire à terre, sous l’œil à moitié complaisant des arbitres, pourrait aisément conclure que les conventions de l’honneur sportif disparaissent pour faire place à des jeux du cirque fréquemment interrompus par les mantras publicitaires. L’extension du régime de la marchandise et le triomphe de la société du spectacle rappellent ces fameuses phrases du Manifeste du Parti communiste rappelant la dimension révolutionnaire de la bourgeoisie capitaliste. C’est bien de cette révolution là que nous entretient Lasch, n’est pas ou n’est plus révolutionnaire celui qu’on croît. Certes, si l’analyse de l’auteur cible prioritairement la middle-class blanche américaine, la pathologie n’a cessé de s’étendre à d’autres couches sociales et a, avec la crise que nous connaissons, de beaux jours devant elle : « Il faut cependant comprendre que ce n’est pas par complaisance mais par désespoir que les gens s’absorbent en eux-mêmes, et que ce désespoir n’est pas l’apanage de la classe moyenne… L’effondrement de la vie personnelle ne provient pas de tourments spirituels réservés aux riches, mais de la guerre de tous contre tous, qui a toujours fait rage dans les couches inférieures de la population et qui s’étend à présent au reste de la société… le narcissisme se révélant essentiellement une défense contre les pulsions agressives plutôt qu’un amour de soi ». Ouïe.

Voir enfin:

Combattre le repli sur la sphére privée

Entretien C. Lasch – C. Castoriadis
 5 septembre 2009
Collectif lieux communs

Retranscription partielle de l’entretien entre C. Lasch et C.Castoriadis diffusée en 1986 sur Channel four dans la série Voices et partiellement retranscrit (scan ci-dessous). Traduction de nous.

CC-Lash-BBC

Depuis (ne dites pas merci), le texte a été repris dans son intégralité avec une nouvelle traduction (par Myrto Gondicas) dans « La Culture de l’égoïsme » agrémenté d’une postface de Jean-Claude Michéa, chez Climats/Flammarion 2012.

On lira un extrait (pdf) ici : http://www.edenlivres.fr/o/51/p/227…

Mickael Ignatieff (I) s’entretient de « La culture du narcissisme » avec le psychanalyste Cornelius Castoriadis (CC) et le critique culturel Christophe Lasch (L)


I : peut-être que la perte de communauté et de voisinage est le coût le plus douloureux de la modernité. Dans un monde d’étrangers, nous semblons battre en retraite de plus en plus sur la famille et la maison, notre « paradis dans un monde sans cœur » . Nos plus vieilles traditions politiques nous disent qu’un sens de la communauté est une nécessité humaine, que nous ne pouvons devenir complètement humains que lorsque nous appartenons les uns aux autres en tant que citoyens ou voisins. Sans une telle vie publique nos moi commencent à rétrécir en un noyau privé et creux. Qu’est-ce que la modernité fait à nos identités ? Devenons nous plus égoïstes, moins capable d’engagement politique, plus prompts à relever le pont-levis devant nos voisins ? Cornelius, comment pourriez-vous décrire le changement de nos vies privées ?

CC : Pour moi, le problème survint pour la première fois à la fin des années 50 avec l’effritement du mouvement ouvrier et du projet révolutionnaire qui était lié à ce mouvement. J’ai été obligé de constater un changement dans la société capitaliste qui était en même temps un changement du type d’individus que cette société produisait de plus en plus. Le changement des individus était causé par la banqueroute des organisations ouvrières traditionnelles – syndicats, partis etc. – par le dégoût de ce qui arrivait mais aussi par la capacité, durant cette période de capitalisme, de garantir une élévation du niveau de vie et d’entrer dans la période du consumérisme. Les gens tournaient le dos, pour ainsi dire, aux intérêts communs, aux activité communes, aux activités publiques – refusant de prendre leur responsabilité. Cela eut pour effet un retranchement – un retrait dans une sorte de, entre guillemets, « monde privé », qu’est la famille et quelques rares relations. Je dis entre guillemets car nous devons éviter ici les malentendus.

I : Quels malentendus ?

CC : Et bien rien n’est jamais totalement privé. Même lorsque vous rêvez , vous avez des mots et ces mots vous les tenez du langage. Et ce que nous appelons l’individu est en un certain sens une construction sociale.

I : Un sceptique dirait que la critique de l’égoïsme et de l’individualisme dans une société capitaliste est aussi vieille que la société capitaliste elle-même. Alors que diriez vous à ce sceptique ? Comment les convaincriez vous que le moi moderne, le moi moderne et post guerre dans une société de consommation capitaliste, est un moi d’un autre type, qu’il y a un nouveau type d’individus, un nouveau genre d’égoïsme même ?

Lasch : Ce que nous avons n’est pas tant l’ancien individualisme animé par la volonté d’agrandissement et d’acquisition à des fins personnelles, qui, comme vous le dites, a été sujet à critique à partir du moment où ce nouveau type de personnalité individualiste apparut aux 17 et 18 eme siècle. Mais ce type d’individualisme semble avoir donné naissance au retranchement dont parlait Cornelius il y a quelques instants. J’ai parlé d’un moi minimal, ou encore d’un moi narcissique, comme un moi qui est de plus en plus vidé de tout contenu et qui a à trouver des buts à la vie dans les termes les plus étroits. C’est à dire, de plus en plus en terme de survie brute, de survie quotidienne, comme si la vie quotidienne était si problématique, comme si le monde était si menaçant et incertain que ce que vous pouvez espérer de mieux à faire serait simplement de vous débrouiller. De vivre un jour à la fois. Et en effet c’est le slogan thérapeutique dans le pire sens, que les gens reçoivent dans notre monde.

I : Mais, la survie, Christopher – n’allez vous pas un peu loin là ? Je veux dire, des gens peuvent ne pas le reconnaître, ils peuvent penser la survie appliquée aux victimes de quelque terrible tragédie. Mais vous parlez de la vie quotidienne dans la société la plus riche du monde. Pourquoi la survie ?

Lasch : C’est une façon de définir ce qui est nouveau je crois. Alors que la survie a toujours été une préoccupation, une occupation essentielle pour la plupart des gens, c’est seulement à notre époque qu’elle semble avoir acquis un sorte de statut moral. Si l’on retournait chez les Grecs, Je pense que l’on verrait clairement la différence avec les Grecs, avec Aristote en particulier. La pré condition d’une vie morale, d’une vie pleinement vécue, est la libération de la nécessité matérielle. Qu’en plus les grecs associaient avec le royaume privé, avec le foyer, le domaine qui est sujet aux contraintes biologiques et matérielles. C’est seulement lorsque vous allez au-delà de cela que vous pouvez vraiment, en un sens, parler d’un sens du Moi, d’une identité personnelle de la vie civique. Une vie morale est une vie qui est vécue en public.

I : Donc nous n’avons pas de vie vécue dans le domaine public. Nous avons une vie réduite à l’essentiel, à la survie. Or Castoriadis, vous êtes un psychanalyste en exercice. Est-ce que ce portrait du moi moderne fait écho chez vous qui rencontrez le moi moderne sur le divan du lundi au vendredi ?

CC : Je pense que ce qui est en jeu dans tout cela ce sont des choses très variées. « Un jour à la fois », si je prends cette belle expression, est ce que j’appelle l’absence de projet – à la fois chez l’individu et dans la société elle même. 30 ans plus tôt, 60 ans plus tôt, les gens de gauche vous parlaient du grand soir de la révolution, et les gens de droite du progrès infini etc. Et maintenant personne n’ose exprimer un projet grandiose ou même modérément raisonnable qui dépasse le budget ou les prochaines élections. Il y a donc un horizon temporel. Or la « survie » est une expression que vous pouvez critiquer, parce que, bien sûr tout le monde pense à sa retraite et pense aussi à l’éducation de ses enfants. Mais cet horizon temporel est privé. Personne ne participe à un horizon temporel public, de la même façon que personne ne participe à un espace public. Je veux dire, on participe toujours à l’espace publique, mais prenez la place de la Concorde ou Picadilly Circus à l’heure de pointe. Vous avez là un million de personnes qui sont noyées dans un océan de choses sociales, qui sont des êtres sociaux, et elles sont absolument isolées. Ils se haïssent les uns les autres et s’ils pouvaient se libérer la route en neutralisant les voitures devant eux, ils le feraient. Qu’est ce que l’espace public aujourd’hui ? c’est à l’intérieur de chaque maison avec la TV. Mais quel est cet espace public ?

I : Il est vide.

CC : Il est vide ou pire. C’est de l’espace public surtout pour la publicité , pour la pornographie – et je ne veux pas dire seulement la pornographie directe, je veux dire qu’il y a des philosophes qui sont en fait des pornographes.

I : C’est une cause ou une conséquence de la chute de l’espace public ? Quelle est la relation ici entre le moi et l’espace public dans sa crise ?

Lasch : Ce qui me frappe, c’est que nous ne vivons pas dans un monde solide. Il est souvent dit que la société de consommation nous abreuve de biens et nous encourage à accorder trop d’attention aux choses, mais dans un sens je crois que c’est aussi trompeur. Nous vivons dans un monde qui semble extrêmement instable, qui consiste en images fugaces. Un monde qui de plus en plus, en partie à cause, je pense, des technologies de communications de masse, semble acquérir un caractère d’hallucination. Une sorte de monde fantastique d’images, opposé à un monde d’objets solides que l’on peut espérer nous survivre. Ce qui a décliné, peut-être, c’est le sens de vivre dans un monde qui nous pré existe et qui nous survivra. Ce sens de la continuité historique – qui est fourni entre autres choses, simplement par un solide sens des choses matérielles palpables – semble être de plus en plus médiatisé par l’attaque des images, et souvent celles-là même qui en appelle par dessein à notre fantaisie. Même la science, je pense, qui passait dans une période précédente pour être un des principaux moyens de promouvoir une vue plus rationnelle et pleine de bon sens du monde, nous apparaît dans la vie quotidienne comme une succession de miracles technologiques qui rendent tout possible. Dans un monde où tout est possible dans un sens plus rien n’est possible.

I : Ce que je vous entends dire là est presque une définition de la sphère publique. Une des choses que vous dites est que la sphère publique est le domaine de la continuité historique. En fait, dans notre culture, c’est maintenant beaucoup plus le domaine des media. Les media nous donne le domaine public, un monde d’images hallucinantes dont les structures temporelles sont très courtes. Elles vont et viennent. Leur correspondance avec la réalité est très problématique et la vie publique ressemble à une sorte de conte fantastique, une sorte de monde de rêves. Mais cela ne répond pas à la question que j’ai posée, qui concernait les causes et les conséquences.

CC : Je ne pense pas qu’il soit pertinent de chercher une cause et une conséquence. Je pense que les deux vont ensemble. Le développement et les changements dans la société sont ipso facto des changements dans la structure des individus, leur façon d’agir et de se comporter. Après tout, tout est social. Mais la société en tant que telle n’a pas d’adresse. Je veux dire par là que vous ne pouvez pas la rencontrer. Elle est en vous, en moi, dans le langage, dans les livres etc. Mais je voudrais souligner une chose à cet égard : c’est la disparition des conflits et luttes sociales et politiques.

I : Quelle disparition ? Cela me semble faux.

CC : Je n’en vois pas. Je vois ce qui se passe aux USA, où, pour prendre l’exemple classique, les jeunes noirs des années 60 qui atteindraient les centres des villes brûleraient les magasins etc. Mais alors à la fin des années 70, au début de l’ère Reagan, vous avez 10 pourcent de chômage général, ce qui signifie 20 pourcent pour les noirs et 48 pourcent pour les jeunes noirs, et ces jeunes noirs ne réagissent pas. Vous avez la même situation en France maintenant où les gens se font licencier de leur travail, ils ne réagissent pas. En Angleterre, vous avez la tragédie des mineurs- le dernier feu de quelque chose qui est manifestement en train de mourir. Et ce n’est pas difficile à comprendre, je pense, parce que les gens pensent, à juste titre, que les idées politiques qui se trouvent sur le marché politique tel qu’il existe aujourd’hui ne valent pas que l’on se batte pour elles. Et ils pensent que les syndicats sont plus ou moins des bureaucraties qui se servent elles-même ou des lobbies. C’est comme si les gens tiraient la conclusion qu’il n’y a rien à faire, et par conséquent nous nous retranchons. Et cela correspond au mouvement intrinsèque du capitalisme – marchés en expansion, consommation, obsolescence incorporée etc. et plus généralement l’extension du contrôle sur les gens, non seulement comme producteurs, mais aussi comme consommateurs.

Lasch : Dans ces conditions la politique devient de plus en plus une question de groupes d’intérêt, chacun présentant des revendications adverses tout en réclamant leur part de l’Etat-providence, définissant leur intérêt dans les termes les plus proches possibles et ignorant délibérément toute revendication plus large, toute volonté d’établir les revendications d’un groupe dans des termes universels. Un des exemples que vous avez mentionnés plus tôt Cornelius, la lutte des noirs aux USA, offre un bon exemple de cela, et aussi un exemple de la façon dont souvent des idéologies qui paraissent radicales, militantes, révolutionnaires dans notre époque ont en fait contribué à ce processus. Le mouvement pour les droits civiques des années 50 et 60 était de beaucoup de façons un retour à une ancienne conception de la démocratie. Il articulait les objectifs des noirs d’une façon qui parlait à tout le monde. Il attaquait le racisme. Pas seulement le racisme blanc, mais le racisme. Le mouvement du black power qui apparut dans le milieu des années 60, qui semblait beaucoup plus militant et qui attaqua Martin Luther King et d’autres leaders de la première époque en les traitant de réactionnaires bourgeois, a en réalité redéfini les objectifs du mouvement noir, black power, en une attaque contre le racisme blanc, comme si le racisme était seulement un phénomène blanc, en fait cela a permis de redéfinir beaucoup plus facilement sur le long terme les noirs en Amérique comme étant essentiellement un autre groupe d’intérêts réclamant leur part de gâteau et ne faisant aucune revendication plus large du tout. Je pense que c’est une des raisons du déclin du militantisme chez les noirs américains.

I : Christopher a exprimé le sentiment que la politique était fracturée en groupes d’intérêt, et si nous parlons d’une crise du domaine public, c’est ce que nous voulons dire. Pourquoi cela se produit-il ?

Lasch : Et bien cela a à voir avec le déclin de n’importe quel langage public. Une partie a à voir avec l’élévation morale des victimes et l’augmentation tendancielle de se réclamer de la victimisation comme le seul standard de justice reconnaissable. Si vous prouvez que vous avez été « victimisé », discriminé – le plus longtemps est le mieux – cela devient la fondation d’une revendication faite par des groupes très spécifiques qui assument que leur histoire est très spécifique, n’a que peu de rapport avec celle d’autres groupes, ou avec la société dans son ensemble, qui ne figure pas du tout dans ce langage et qui en plus ne peut même pas être compris par les autres groupes. Encore une fois, l’exemple du mouvement noir est instructif, parce que, pour ne pas le dater trop précisément, au milieu des années 60, les noirs et leurs porte-paroles en Amérique, commencèrent à insister comme un article de foi, sur le fait que personne d’autre ne pouvait même comprendre leur histoire.

CC : Les féministes aussi.

Lasch : Oui, cela me semble être un parallèle tout à fait exact. Et quand cela arrive la possibilité d’un langage qui est compris par tous et qui constitue la base de la vie publique et des conversations politiques est à peu près par définition détruit.

CC : Aristote dans sa Politique mentionne une loi athénienne merveilleuse, à mon sens, qui est que lorsqu’une discussion à l’assemblée portait sur des questions qui pouvaient déboucher sur une guerre avec une cité voisine, les habitants de la zone frontière respective étaient exclus du vote. Or, c’est la conception grecque de la politique, et cette conception je la soutiens toujours.

I : Une des conséquences de ce genre de débat qui se poursuivent depuis au moins le début des années 60 est une très intense discussion à propos de savoir jusqu’où la liberté de choisir vous-même, de faire vous-même, de choisir vos propres valeurs, peut aller, jusqu’à quel point il faut donner un sens aux obligations sociales collectives, en un sens de ce que les êtres humains ont à faire.

CC : La liberté n’est pas une chose aisée ni un concept facile. Si vous parlez de la liberté véritable c’est, je dirais, un concept tragique. Comme la démocratie est un système tragique. Car il n’y a pas de limites externes ni de théorème mathématique qui vous disent où vous arrêtez. La démocratie est un système où nous disons : « nous faisons nos propres lois sur la base de nos propres esprits, notre moralité commune ». Mais cette moralité, même si elle coïncide avec les lois de Moïse, ou de l’évangile, n’existe pas parce qu’elle est dans les lois de l’évangile, elle existe parce que nous, en tant que communauté politique, l’acceptons, l’endossons et disons par exemple, on ne doit pas tuer. Même si 90 pourcent de la société est croyante et croit que l’autorité du commandement vient de Dieu, pour la communauté politique l’autorité ne vient pas de Dieu. Elle vient de la décision des citoyens. Le parlement britannique peut décider demain que les blonds n’ont pas le droit de vote. Rien ne peut les empêcher de faire ça. Il n’y a pas de limites externes et c’et pourquoi la démocratie peut périr et a péri plusieurs fois dans l’histoire, comme un héros tragique. Un héros tragique dans la tragédie grecque ne périssait pas parce qu’il y avait une limite et qu’il l’avait transgressé. Ça c’est le péché. C’est la conception chrétienne du péché. Le héros tragique périt à cause de l’hubris. C’est à dire, parce qu’il transgresse dans un domaine où il n’y a pas de limites connues au préalable. Et c’est notre triste situation.

Extrait de « voices »

Voir de plus:

Le racisme, moteur politique des anti-Trump

Stéphane Montabert

Suisse naturalisé, Conseiller communal UDC, Renens
Les Observateurs

Dans une série de tweets lancés dimanche, Donald Trump fit une nouvelle fois la preuve de son habileté politique en amenant ses adversaires droit dans son piège. Dire qu’ils auraient mordu à l’hameçon est un euphémisme.

Commençons par les mots du Président par qui le scandale arrive:

Très intéressant de voir des élues démocrates du Congrès, “progressistes”, qui viennent originellement de pays dont les gouvernements sont des catastrophes complètes et absolues, les pires, les plus corrompus et les plus ineptes du monde (si tant est qu’on puisse parler de gouvernement) et qui maintenant clament férocement au peuple des États-Unis, la plus grande et la plus puissante nation du monde, comment notre gouvernement doit être dirigé.
Pourquoi ne retournent-elles pas d’où elles viennent, pour aider à réparer ces lieux totalement dévastés et infestés par le crime ? Puis, qu’elles reviennent et qu’elles nous montrent comment elles ont fait. Ces endroits ont bigrement besoin de votre aide, vous n’y partirez jamais trop vite. Je suis sûr que Nancy Pelosi serait très heureuse d’organiser rapidement un voyage gratuit !

N’en déplaise aux chiens de garde de la pensée unique, il n’y a rien de choquant dans ce texte. Trump ne critique ni des peuples ni des cultures, mais des gouvernements. Il mentionne des « élues démocrates », mais sans les citer nommément. Quant à ce qu’elles partent à l’étranger redresser ces pays qui sont à les entendre tellement mieux que les États-Unis, il ne s’agit pas d’un exil, puisqu’il mentionne explicitement qu’elles en reviennent.

La seule flèche réelle est à l’encontre de Mme Pelosi, qui a le plus grand mal à tenir les rênes de ses troupes démocrates à la Chambre des Représentants.

L’inénarrable Le Temps rend évidemment son verdict sans hésitation: ces tweets sont « racistes », point barre. Et il s’inquiète même de ce que les médias américains n’osent pas le clamer assez fort au goût du journaliste de service. Il y a pourtant une raison. Les médias américains savent encore qu’en qualifiant ouvertement ces tweets de « racistes » dans les titres de leurs articles, ils assènent au lecteur un jugement de valeur. Ce faisant, ils quittent la sphère de l’information pour celle de la propagande. Ils ont beau être anti-Trump jusqu’au bout des ongles, ils essayent encore de préserver les apparences.

Le Temps, lui, ne s’embarrasse plus de ces détails depuis longtemps…

Les égéries de la gauche

Quatre élues démocrates se sentirent donc indignées par ces tweets: Ilhan Omar (Minnesota), Ayanna Pressley (Massachusetts) et Rashida Tlaib (Michigan), et Alexandria Ocasio-Cortez (New York). Trois d’entre elles ne correspondent même pas au portrait brossé par Trump puisqu’elles sont nées aux États-Unis, mais qu’importe, les médias se chargent de tous les raccourcis.

Quand on se sent morveux on se mouche, dit l’adage. Pourquoi ces quatre femmes se sont senties visées?

Ayanna Pressley déclencha une polémique il y a quelques jours par une vision de la société uniquement basée sur l’appartenance raciale, religieuse ou sexuelle, soit l’exact opposé du melting pot américain: « nous n’avons pas besoin de visages basanés qui ne veulent pas être une voix basanée. Nous n’avons pas besoin de visages noirs qui ne veulent pas être une voix noire. Nous n’avons pas besoin de musulmans qui ne veulent pas être une voix musulmane. Nous n’avons pas besoin d’homos qui ne veulent pas être une voix homo. Si vous craignez d’être marginalisé et stéréotypé, ne vous présentez même pas, nous n’avons pas besoin de vous pour représenter cette voix. » Pour Mme Pressley, quelqu’un est blanc ou noir avant d’être Américain.

Rashida Tlaib, qui grandit dans le paradis socialiste du Nicaragua, devint la première élue musulmane du Michigan. Ce qui n’est pas en soi un problème, si ce n’est qu’elle se fit remarquer dès son arrivée au Congrès par de nombreuses attaques antisémites. Elle traita également Trump de « fils de pute » dans sa première déclaration officielle, ce qui donne le niveau de finesse de la dame. Sur la carte du monde dans son bureau, elle recouvrit Israël avec un Post-It sur lequel il était marqué « Palestine ». Elle soutient l’organisation de promotion de l’islam CAIR, proche des Frères Musulmans. Bref, elle affiche clairement son allégeance:

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(Bon, techniquement ce n’est pas l’allégeance à un autre pays puisque la Palestine n’en est pas un.)

Ilhan Omar est née en Somalie et avoua en public son allégeance somalienne. Son statut civil est délicat: des rumeurs persistantes affirme qu’aurait pu être mariée à son propre frère pour s’installer aux États-Unis. Elle est en délicatesse avec le fisc américain pour de fausses déclarations fiscales. Politiquement, elle se fit remarquer par son indifférence à l’égard des attentats du 11 septembre 2001 (rien de plus pour elle que « des gens ont fait quelque chose ») mais surjoua son émotion à l’évocation de l’opération de secours « Black Hawk Down » où des soldats américains virent libérer un des leurs dans un hélicoptère abattu dans une mission de maintien de la paix. Enfin, elle refuse toujours de condamner publiquement Al-Qaeda, ce qui permet à un internaute de résumer sa dernière interview en utilisant le mème du PNJ:

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– Tump est raciste en disant que je soutiens Al-Qaeda.
– Vous soutenez Al-Qaeda?
– …

Alexandria Ocasio-Cortez est la plus souvent mise en avant par les médias, au point d’avoir son abréviation AOC. Issue d’une riche famille de New-York, elle travailla brièvement comme serveuse (permettant de donner corps à ses « humbles débuts » dans son récit personnel) avant d’embrasser la carrière politique. Depuis son élection, son radicalisme de gauche et ses délires utopiques montrent à quel point elle est coupée de la réalité. Ses sorties plongent régulièrement les responsables démocrates dans l’embarras. Elle réussit à faire fuir Amazon qui envisageait de s’installer à New York, perdant ainsi l’opportunité de créer 25’000 emplois, un exploit remarqué. Sans-frontiériste convaincue et imbue de son image, elle se fit aussi photographier dans une poignante séquence où elle pleure face à une clôture grillagée… Le tout étant en fait une mise en scène dans un parking vide.

Une belle brochette de championnes, comme on dit. Voilà les « étoiles montantes du parti démocrate » selon nos médias toujours aussi clairvoyants…

Le piège de Trump

Avec des rivales comme celles-ci, Trump pourrait dormir sur ses deux oreilles pour 2020. Leur bêtise et leur extrémisme fait fuir les électeurs centristes et provoque des remous jusque dans le camp démocrate.

Alors, pourquoi ne pas rajouter une bûche au feu?

C’est exactement ce que fit Trump en trois tweets dimanche dernier.

Depuis, la manœuvre – prévisible, prévue et même dénoncée – a réussi au-delà de toute espérance. Trump n’a que faire des accusations de racisme ; il est traité de raciste cent fois par semaine depuis qu’il est Président.

De leur côté, les stratèges démocrates sont on ne peut plus embarrassés par leurs « étoiles montantes ». Nancy Pelosi essayait depuis plusieurs semaines de diminuer leur exposition médiatique dans l’espoir de restaurer un semblant de crédibilité au Parti Démocrate pour l’échéance de 2020 ; tout vient de voler en éclat. Les médias ne s’intéressent même plus aux candidats à l’investiture présidentielle. Seules comptent les réactions et les invectives des élues d’extrême-gauche. Pire encore, par réaction, les autres Démocrates ont été contraints de s’aligner avec elles pour prendre leur défense – augmentant encore l’alignement du parti avec ces extrémistes repoussantes pour qui n’est pas un militant d’extrême-gauche.

En poussant le Parti Démocrate dans les cordes de l’extrême-gauche comme il le fait, Trump s’assure que les Démocrates passent pour des fous et des illuminés sans la moindre crédibilité. Les glapissements hystériques d’AOC, la vulgarité antisémite de Rashida Tlaib, l’obsession raciale de Ayanna Pressley et la sympathie affichée d’Ilhan Omar pour les islamistes auront tôt fait de détourner les Américains modérés de se rendre aux urnes pour chasser « l’ignoble Trump » du pouvoir – lui sur lequel il n’y a plus grand-chose à ajouter tant les médias lui envoient quotidiennement du fumier depuis trois ans.

Le site parodique Babylon Bee résume ce qui semble être la stratégie gagnante de Trump:

Voir encore:


Bret Stephens
The New York Times
June 16, 2017

In the matter of immigration, mark this conservative columnist down as strongly pro-deportation. The United States has too many people who don’t work hard, don’t believe in God, don’t contribute much to society and don’t appreciate the greatness of the American system.

In the matter of immigration, mark this conservative columnist down as strongly pro-deportation. The United States has too many people who don’t work hard, don’t believe in God, don’t contribute much to society and don’t appreciate the greatness of the American system. They need to return whence they came. I speak of Americans whose families have been in this country for a few generations. Complacent, entitled and often shockingly ignorant on basic points of American law and history, they are the stagnant pool in which our national prospects risk drowning.​
On point after point, America’s nonimmigrants are failing our country. Crime? A study by the Cato Institute notes that nonimmigrants are incarcerated at nearly twice the rate of illegal immigrants, and at more than three times the rate of legal ones. Educational achievement? Just 17 percent of the finalists in the 2016 Intel Science Talent Search — often called the “Junior Nobel Prize” — were the children of United States-born parents. At the Rochester Institute of Technology, just 9.5 percent of graduate students in electrical engineering were nonimmigrants. Religious piety — especially of the Christian variety? More illegal immigrants identify as Christian (83 percent) than do Americans (70.6 percent), a fact right-wing immigration restrictionists might ponder as they bemoan declines in church attendance. Business creation? Nonimmigrants start businesses at half the rate of immigrants, and accounted for fewer than half the companies started in Silicon Valley between 1995 and 2005. Overall, the share of nonimmigrant entrepreneurs fell by more than 10 percentage points between 1995 and 2008, according to a Harvard Business Review study. Nor does the case against nonimmigrants end there. The rate of out-of-wedlock births for United States-born mothers exceeds the rate for foreign-born moms, 42 percent to 33 percent. The rate of delinquency and criminality among nonimmigrant teens considerably exceeds that of their immigrant peers. A recent report by the Sentencing Project also finds evidence that the fewer immigrants there are in a neighborhood, the likelier it is to be unsafe. And then there’s the all-important issue of demographics. The race for the future is ultimately a race for people — healthy, working-age, fertile people — and our nonimmigrants fail us here, too. “The increase in the overall number of U.S. births, from 3.74 million in 1970 to 4.0 million in 2014, is due entirely to births to foreign-born mothers,” reports the Pew Research Center. Without these immigrant moms, the United States would be faced with the same demographic death spiral that now confronts Japan.​
Bottom line: So-called real Americans are screwing up America. Maybe they should leave, so that we can replace them with new and better ones: newcomers who are more appreciative of what the United States has to offer, more ambitious for themselves and their children, and more willing to sacrifice for the future. In other words, just the kind of people we used to be — when “we” had just come off the boat.​
O.K., so I’m jesting about deporting “real Americans” en masse. (Who would take them in, anyway?) But then the threat of mass deportations has been no joke with this administration.​
On Thursday, the Department of Homeland Security seemed prepared to extend an Obama administration program known as Deferred Action for Childhood Arrivals, or DACA, which allows the children of illegal immigrants — some 800,000 people in all — to continue to study and work in the United States. The decision would have reversed one of Donald Trump’s ugly campaign threats to deport these kids, whose only crime was to have been brought to the United States by their parents. Yet the administration is still committed to deporting their parents, and on Friday the D.H.S. announced that even DACA remains under review — another cruel twist for young immigrants wondering if they’ll be sent back to “home” countries they hardly ever knew, and whose language they might barely even speak.​
Beyond the inhumanity of toying with people’s lives this way, there’s also the shortsightedness of it. We do not usually find happiness by driving away those who would love us. Businesses do not often prosper by firing their better employees and discouraging job applications. So how does America become great again by berating and evicting its most energetic, enterprising, law-abiding, job-creating, idea-generating, self-multiplying and God-fearing people?​
Because I’m the child of immigrants and grew up abroad, I have always thought of the United States as a country that belongs first to its newcomers — the people who strain hardest to become a part of it because they realize that it’s precious; and who do the most to remake it so that our ideas, and our appeal, may stay fresh.​
That used to be a cliché, but in the Age of Trump it needs to be explained all over again. We’re a country of immigrants — by and for them, too. Americans who don’t get it should get out.​
Voir enfin:

Donald Trump Hates America
The rest of us can love America well.
David Brooks
NYT
July 18, 2019

So apparently Donald Trump wants to make this an election about what it means to be American. He’s got his vision of what it means to be American, and he’s challenging the rest of us to come up with a better one.

In Trump’s version, “American” is defined by three propositions. First, to be American is to be xenophobic. The basic narrative he tells is that the good people of the heartland are under assault from aliens, elitists and outsiders. Second, to be American is to be nostalgic. America’s values were better during some golden past. Third, a true American is white. White Protestants created this country; everybody else is here on their sufferance.
When you look at Trump’s American idea you realize that it contradicts the traditional American idea in every particular. In fact, Trump’s national story is much closer to the Russian national story than it is toward our own. It’s an alien ideology he’s trying to plant on our soil.

Trump’s vision is radically anti-American.

The real American idea is not xenophobic, nostalgic or racist; it is pluralistic, future-oriented and universal. America is exceptional precisely because it is the only nation on earth that defines itself by its future, not its past. America is exceptional because from the first its citizens saw themselves in a project that would have implications for all humankind. America is exceptional because it was launched with a dream to take the diverse many and make them one — e pluribus unum.

The Puritans settled this continent with visions of creating a future city on a hill. They had an eschatological dream of completing God’s plan for this earth. By the time of the revolution it was well understood that America was the land of futurity, the vanguard nation that would lead all of humanity to a dignified and democratic future.

“I always consider the settlement of America with reverence and wonder,” John Adams declared, “as the opening of a grand scene and design in providence, for the illumination of the ignorant and the emancipation of the slavish part of mankind all over the earth.”

American life is so raucous and dynamic because people are inflamed by visions of creating a heaven on earth. As George Santayana put it, Americans often don’t make a distinction between the sacred and the profane. In building material wealth, they see themselves creating a country that will redeem humanity, that will become the last best hope of earth.

This sense of mission has often made Americans arrogant, and somewhat dangerous to be around. But it has also made us anxious. The country was built amid a wail of jeremiads: Providence assigned us a mission to serve the whole planet, but we, in our greed and sin, are blowing it! “Ah my country!” Ralph Waldo Emerson lamented, “In thee is the reasonable hope of mankind not fulfilled.”
But the American mission survived its failures. Herman Melville summarized the ethos in his novel “White Jacket”: “God has predestined, mankind expects, great things from our race; and great things we feel in our souls. … We are the pioneers of the world; the advance-guard, sent on through the wilderness of untried things, to break a new path.”

Again and again, Americans have felt called upon to launch off into new frontiers — to design a democracy, to create a new kind of democratic person, to settle the West, to industrialize, to pioneer new technologies, to explore space, to combat prejudice, to fight totalitarianism and spread democracy. The mission was always the same: to leap into the future, to give life meaning and shape by extending opportunity and dignity to all races and nations.

This American idea is not a resentful prejudice; it’s a faith and a dream. The historian Sacvan Bercovitch put it best: “Only ‘America,’ of all national designations, took on the combined force of eschatology and chauvinism. Many forms of nationalism have laid claims to a world-redeeming promise; many Christian sects have sought, in open or secret heresy, to find the sacred in the profane; many European Protestants have linked the soul’s journey and the way to wealth.

“But only the ‘American Way,’ of all modern symbologies, has managed to circumvent the contradictions inherent in these approaches. Of all symbols of identity, only ‘American’ has succeeded in uniting nationality with universality, civic and spiritual selfhood, sacred and secular history, the country’s past and the paradise to be, in a single transcendent ideal.”

Trump’s campaign is an attack on that dream. The right response is to double down on that ideal. The task before us is to create the most diverse mass democracy in the history of the planet — a true universal nation. It is precisely to weave the social fissures that Trump is inclined to tear.
Americans have always been divided on where they came from, but united in their vision of their common future. They’ve been bonded by the vision of creating a pluralistic home in which everybody can belong and be seen. Or as Langston Hughes wrote: “America never was America to me/And yet I swear this oath/America will be!”

Voir par ailleurs:

Le démon du libéralisme
Daniel Pipes
Washington Times
14 juillet 2019

Version originale anglaise: The Demon in Liberalism

« Pourquoi la Suède est-elle devenue la Corée du Nord de l’Europe ? » C’est la question qu’un Danois avait posée sous forme de demi-boutade au caricaturiste suédois Lars Vilks lors d’une conférence à laquelle j’ai participé en 2014. En guise de réponse qui n’avait d’ailleurs pas convaincu, Vilks avait marmonné en disant que la Suède avait une prédilection pour le consensus.

Aujourd’hui, il existe à cette question une réponse plus convaincante qui nous est donnée par Ryszard Legutko, professeur de philosophie et homme politique polonais influent. Traduit en anglais par Teresa Adelson sous le titre The Demon in Democracy: Totalitarian Temptations in Free Societies (Le démon de la démocratie : les tentations totalitaires au sein des sociétés libres), son livre paru chez Encounter montre de façon méthodique les similitudes surprenantes mais réelles entre le communisme de type soviétique et le libéralisme moderne tel qu’il est conçu par la Suède, l’Union européenne ou Barack Obama.

(Avant d’analyser son argumentation, je tiens toutefois à préciser que là où Legutko parle de démocratie libérale, un concept trop complexe selon moi, je préfère parler de libéralisme.)

Legutko ne prétend pas que le libéralisme ressemble au communisme dans ce que celui-ci a de monstrueux et encore moins que les deux idéologies sont identiques. Il reconnaît pleinement le caractère démocratique du libéralisme d’une part et la nature brutale et tyrannique du communisme d’autre part. Mais une fois établie cette distinction nette, il met le doigt sur le point sensible commun aux deux idéologies.

C’est dans les années 1970 au cours d’un voyage effectué en Occident qu’il s’est rendu compte pour la première fois de ces similarités. Il s’est alors aperçu que les libéraux préféraient les communistes aux anti-communistes. Par après, avec la chute du bloc soviétique, il a vu les libéraux accueillir chaleureusement les communistes mais pas leurs opposants anticommunistes. Pourquoi ?

Car selon lui le libéralisme partage avec le communisme une foi puissante en l’esprit rationnel propre à trouver des solutions. Cela se traduit par une propension à améliorer le citoyen, à le moderniser et à le façonner pour en faire un être supérieur, une propension qui conduit les deux idéologies à politiser, et donc à dévaloriser, tous les aspects de la vie dont la sexualité, la famille, la religion, les sports, les loisirs et les arts. (Ce qui par ailleurs suscite une question certes malicieuse mais on ne peut plus sérieuse : quel est le type d’art le plus affreux ? L’art communiste ou l’art libéral ? L’art de Staline ou celui de la Biennale de Venise ?)

Les deux idéologies recourent à l’ingénierie sociale de façon à créer une société dont les membres seraient « identiques dans les mots, les pensées et les actes ». L’objectif serait d’obtenir une population en grande partie interchangeable et dépourvue de tout esprit dissident susceptible de causer des ennuis. Chacune des deux idéologies assume complètement le fait que sa vision particulière constitue le plus grand espoir pour l’humanité et représente la fin de l’histoire, l’étape finale de l’évolution de l’humanité.

Le problème, c’est que de tels plans d’amélioration de l’humanité conduisent inévitablement à de terribles déceptions. En réalité, les êtres humains sont bien plus têtus et moins malléables que ne le souhaitent les rêveurs. Quand les choses vont mal (disons la production alimentaire pour les communistes, l’immigration sans entraves pour les libéraux), apparaissent deux conséquences néfastes.

La première est le repli des idéologues dans un monde virtuel qu’ils cherchent ardemment à imposer à des sujets réfractaires. Les communistes déploient des efforts colossaux pour convaincre leurs vassaux qu’ils prospéreront bien plus que ces misérables vivant dans des pays capitalistes. Les libéraux transforment les deux genres – masculin et féminin – en 71 genres différents ou font disparaître la criminalité des migrants. Quand leurs projets tournent au vinaigre, les uns et les autres répondent non pas en repensant leurs principes mais, contre toute logique, en exigeant l’application d’un communisme ou d’un libéralisme plus pur et en s’appuyant fortement sur le complotisme : les communistes blâment les capitalistes et les libéraux blâment les entreprises pour expliquer par exemple pourquoi San Francisco détient aux États-Unis le record d’atteintes à la propriété ou pourquoi la ville de Seattle est gangrenée par une mendicité épidémique.

La deuxième conséquence survient quand les dissidents apparaissent immanquablement. C’est alors que les communistes comme les libéraux font tout ce qu’ils peuvent pour étouffer les opinions divergentes. Autrement dit, les uns comme les autres sont prêts à forcer leurs populations ignorantes « à la liberté » selon les termes de Legutko. Ce qui signifie, bien entendu, le contrôle voire, la suppression de la liberté d’expression. Dans le cas du communisme, les bureaux de la censure du gouvernement excluent toute opinion négative vis-à-vis du socialisme et les conséquences sont fâcheuses pour quiconque ose persister.

Dans le cas du libéralisme, les fournisseurs d’accès à Internet, les grands réseaux sociaux, les écoles, les banques, les services de covoiturage, les hôtels et les lignes de croisière font le sale boulot consistant à mettre hors-jeu les détracteurs qui tiennent ce qui est appelé un discours de haine consistant notamment à affirmer l’idée scandaleuse selon laquelle il n’y a que deux genres. Bien entendu l’islam est un sujet insidieux : ainsi le fait de se demander si Mahomet était un pédophile, est passible d’une amende, et une caricature, d’une peine de prison. Résultat : en Allemagne à peine 19% des citoyens ont l’impression qu’ils peuvent exprimer leur opinion librement en public.

L’analyse faite par Legutko ne constitue pas un plan d’action pour les conservateurs. Néanmoins l’argumentation qu’elle développe devrait servir de point d’appui à ces derniers quand ils mettent en évidence les éléments répressifs du libéralisme, vantent les beautés de la liberté du conservatisme et s’attèlent à cette grande œuvre qui consiste à sortir du gouffre des pays comme la Suède. Si l’Union soviétique, qui a tué 62 millionsde personnes de son propre peuple et a menacé toute l’humanité avec ses missiles balistiques intercontinentaux, a fini par imploser, il est plausible de voir s’effondrer les bastions du libéralisme avec en perspective, l’analyse inspirante de Legutko.

Voir enfin:

Racisme de l’intelligence

Il faut avoir à l’esprit qu’il n’y a pas un racisme, mais des racismes : il y a autant de racismes qu’il y a de groupes qui ont besoin de se justifier d’exister comme ils existent, ce qui constitue la fonction invariante des racismes. Il me semble très important de porter l’analyse sur les formes du racisme qui sont sans doute les plus subtiles, les plus méconnaissables, donc les plus rarement dénoncées, peut-être parce que les dénonciateurs ordinaires du racisme possèdent certaines des propriétés qui inclinent à cette forme de racisme. Je pense au racisme de l’intelligence.

Le racisme de l’intelligence est un racisme de classe dominante qui se distingue par une foule de propriétés de ce que l’on désigne habituellement comme racisme, c’est-à-dire le racisme petit-bourgeois qui est l’objectif central de la plupart des critiques classiques du racisme, à commencer par les plus vigoureuses, comme celle de Sartre.

Ce racisme est propre à une classe dominante dont la reproduction dépend, pour une part, de la transmission du capital culturel, capital hérité qui a pour propriété d’être un capital incorporé, donc apparemment naturel, inné. Le racisme de l’intelligence est ce par quoi les dominants visent à produire une « théodicée de leur propre privilège », comme dit Weber, c’est-à-dire une justification de l’ordre social qu’ils dominent. Il est ce qui fait que les dominants se sentent d’une essence supérieure.

Tout racisme est un essentialisme et le racisme de l’intelligence est la forme de sociodicée caractéristique d’une classe dominante dont le pouvoir repose en partie sur la possession de titres qui, comme les titres scolaires, sont censés être des garanties d’intelligence et qui ont pris la place, dans beaucoup de sociétés, et pour l’accès même aux positions de pouvoir économique, des titres anciens comme les titres de propriété et les titres de noblesse.

Pierre Bourdieu

1930-2002. Sociologue, professeur au Collège de France.

10 Responses to Populisme: Avez-vous lu Lasch ? (Uprootedness uproots everything except the need for roots)

  1. jcdurbant dit :

    CONSERVATEURS DE TOUS PAYS, UNISSONS-NOUS ! (Pour une droite proprement révolutionnaire: Contrairement à ce que l’on pourrait croire, le vote immigré se portera d’abord sur le terrain des mœurs et non de la redistribution, ce qui pourrait représenter une aubaine pour la droite qui, si elle s’en donne les moyens, pourrait faire jouer les bouleversements démographiques à son profit)

    Jusqu’à présent le vote immigré allait massivement à gauche. Il était animé par trois émotions simultanées : la peur du renvoi dans les pays d’origine, la crainte d’un démantèlement du regroupement familial et l’ivresse causée par les largesses de l’Etat-Providence. La gauche a magistralement exploité le filon pour en faire un vote captif, prévisible et « pas cher ». Il a suffi d’associer l’immigré à la figure du damné de la terre et de l’assisté. Le vote musulman ne sera pas un vote ouvrier stricto sensu c’est-à-dire qu’il se portera d’abord sur le terrain des mœurs et non de la redistribution. Ça c’est la bonne nouvelle. En revanche, ce vote cherchera, par tous les moyens, à renégocier le pacte républicain afin de faire une place à l’Islam dans la vie publique. Que l’Islam « respire » enfin sur les terres françaises en exerçant sa vocation inaliénable de religion civile. Ça c’est la mauvaise nouvelle. La droite a toujours tourné le dos à l’Islam. Il le lui rend bien aussi, à vrai dire. Cela n’a pas toujours été comme ça car les musulmans algériens se sont battus, par centaines de milliers, pour que le drapeau français continue à flotter de Tlemcen à Tamanrasset. Ces harkis et autres supplétifs ont servi un gouvernement de droite et un idéal de droite. Nous savons tous comment la droite gaulliste les a récompensés…Il est temps de tourner cette page douloureuse. Un proverbe marocain dit justement que « nous sommes les enfants de demain ». La droite doit faire son reset et cesser de voir l’Islam comme une nuisance. Et puisse l’exemple des harkis la convaincre que la loyauté des musulmans ne va pas automatiquement aux moudjahidines (FLN) d’hier et aux jihadistes d’aujourd’hui.

    A contre-courant des préjugés habituels, le parti de l’ordre se trouve peut-être chez les musulmans de France. Ces propos peuvent étonner, je l’admets. Pour s’en convaincre, il suffirait de se mettre à la place des immigrés qui vivent dans les cités. Ce sont, en bonne partie, des perdants. Ils n’arrivent même pas à se faire obéir de leurs enfants qui ont pris le contrôle de la rue. Que signifie brûler la voiture du voisin si ce n’est hisser le drapeau d’une adolescence toute-puissante et irrévérencieuse ?

    Comprenez cette psychologie de l’opprimé, plongez-vous dans le mental d’un père qui voit son autorité bafouée et vous vous sentirez tout d’un coup extrêmement proche des musulmans de France. Vous verrez en eux leur humanité, faite de fragilités, de souffrances et de moments de grandeur. Et vous verrez peut-être qu’ils ne sont ni des damnés de la terre, ni des assistés, mais des êtres humains qui ont une revanche à prendre. Et le chemin vers la revanche passe par les valeurs et l’estime de soi et non par la Caisse des Allocations Familiales.

    Il ne suffit pas de faire du porte-à-porte dans les cités pour parler honneur, justice et conflit générationnel. Il reste à formuler un discours audible et pertinent. Un discours qui articule les valeurs aux émotions qui sont la véritable matière première du changement politique.

    Articuler un discours en direction des musulmans de France est une tâche difficile car personne ou presque n’étudie cette population. Tout est sensible, tout prête à polémique. Les indignés professionnels ont la main sur le revolver, prêts à dégainer au moindre éclair de lucidité. Toute vérité énoncée est punie au lance-flammes.

    Jadis, du temps de l’empire colonial et dans les années qui suivirent les indépendances, les Langues O’ et les Affaires Indigènes avaient développé une connaissance fine des mentalités nord-africaines. Ce savoir est perdu ou est devenu confidentiel. Aujourd’hui, on s’en remet à des humouristes, à des rappeurs, à des footballers voire à des représentants des Frères Musulmans pour essayer de décoder ce qui se passe chez les musulmans de France. Quel Progrès !

    La droite ne peut compter que sur elle-même pour définir un discours qui fasse sens auprès des musulmans. Elle doit réinventer un savoir enterré vivant par le politiquement correct.
    En face, les partis musulmans auront la tâche facile. Ils prendront un raccourci connu à l’avance : la religion. L’Islam a le mérite de répondre aux trois questions essentielles qui structurent l’univers mental de l’électeur : honneur, justice et conflit générationnel. Cette voie étant interdite à la droite, il ne lui reste plus qu’à tendre la main aux musulmans dans l’espoir de les faire parler. S’ils lui font confiance, ils lui donneront peut-être la recette pour remporter la mise.

    Un moyen de faire parler consiste à former, entraîner et confier des responsabilités. Donner une chance à ceux qui n’ont aucun réseau et aucun capital social est un immense gage de bonne volonté. La droite doit être la première à aider celles et ceux qui ont une affinité avec les valeurs du sérieux. Elle doit appuyer les hommes et les femmes sans discrimination aucune. J’insiste, au risque d’aller à contre-courant, qu’il ne faut pas laisser tomber les hommes, car ils cumulent les frustrations à l’égard d’une société qui leur donne l’impression de leur préférer systématiquement leurs sœurs et leurs cousines. Posez-vous la question : combien de ministres femmes issues de la diversité ? Pour combien d’hommes ? Et vous verrez l’anomalie criante.
    Il est anormal que la droite passe à côté de la métapolitique. En banlieue, les gens regardent Al Jazeera, ils consultent des pages Facebook communautaires en Arabe, Wolof et en Turc. La droite ne peut plus faire l’économie d’une présence digitale quitte à émettre des messages en une langue autre que le Français. Cette suggestion m’écorche la bouche mais elle n’est que la conséquence logique de l’immigration de masse. Il est trop tard pour s’indigner. Maintenant, il faut gérer.
    La droite après avoir perdu tant d’élections et reçu tant de claques se doit d’être révolutionnaire. Elle n’a plus rien à perdre. Elle peut se permettre le luxe de penser différemment et de voir loin.

    Driss Ghali

    https://www.causeur.fr/vote-musulman-france-potentiel-electoral-droite-163581

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  2. jcdurbant dit :

    SOW THE WIND

    “We don’t need any more brown faces that don’t want to be a brown voice. We don’t need black faces that don’t want to be a black voice. We don’t need Muslims that don’t want to be a Muslim voice. We don’t need queers that don’t want to be a queer voice.”

    Ayanna Pressley (U.S. Representative, D-Mass.)

    « The Republican Party must be peacefully, nonviolently, politically destroyed with love, compassion and determination, but utterly confronted and destroyed. That is the only way to break the coalition apart… Not by prying off this or that interest. They are in too deep. They have shamed themselves too much. The heart of the thing must be ripped out. The darkness must be banished.”

    Chris Hayes (MSN)

    “So-called real Americans are screwing up America. Maybe they should leave, so that we can replace them with new and better ones: newcomers who are more appreciative of what the United States has to offer, more ambitious for themselves and their children, and more willing to sacrifice for the future. In other words, just the kind of people we used to be—when ‘we’ had just come off the boat.”

    Bret Stephens (New York Times)

    “If only we could keep the hard-working Latin American newcomers and deport the contemptible Republican cowards—that would truly enhance America’s greatness,”

    Max Boot

    In other words, the new progressive message is that we all must vote monolithically and predicated on our superficial appearance, religion, or sexual orientation. And the Trump base must be destroyed, though annihilated with “love” and “compassion.”

    All are presently shocked that Donald Trump would dare suggest that if anyone did not like the United States, then perhaps he or she might, of their own volition, consider leaving the country.

    Trump apparently was directing his ire exclusively at particular first-generation congresswomen and suggesting that their anti-American furor logically might lead such unhappy U.S. citizens to consider voluntary deportation. Perhaps no politician should ever advise American citizens with whom he disagrees to leave the country. But Trump did not suggest mandatory departures—in the manner that Rep. Jerry Nadler (D-N.Y.) had wanted Trump supporter and immigrant Sebastian Gorka deported. Trump was not talking of some grand swap in the explicit fashion that NeverTrumpers have variously wished for the Trump Republican and/or white working-class base to be forcibly exported and replaced by Latin American border crossers.

    Trump himself post facto rebuked his rally supporters for chanting “send her back”—a likely reference to sending naturalized U.S. citizen and loud critic of America, Rep. Ilhan Omar (D-Minn.), back to Somalia.

    But Trump’s larger point was exasperation that he was tired of being constantly smeared as a racist and fascist. He was especially piqued at U.S. congressional representatives and the Left at large, who transfer their current unhappiness with America back to its very founding and innate nature—and the accompanying monotonous baggage of name-changing, statue-toppling, and nonstop censuring and boycotting.

    Certainly, then, it was logical that anyone who harbored such existential animus toward the United States might take Trump’s advice, end their current torment, and thus gladly and voluntarily free themselves from an oppressive land. After all, we are told migration in general is a fluid and good thing and that some 20 million entering America, even illegally, is a very good thing indeed.

    Americans recently supported such anger at gross ingratitude when Southern California-residing Mexican immigrants, legal or otherwise, a few years ago booed the American soccer team of the country they most desperately sought to enter and cheered the Mexican team, whose country they had done all they could to leave.

    During the Proposition 187 frenzy in California, I never quite figured out why one of my students, here illegally from Mexico, waved the Mexican flag while participating in a ritual, free-speech area burning of the U.S. flag—all to showcase his anger at being exposed to deportation to Mexico. I suggested at the time he instead just carry a handwritten placard, “Please, I will do all I can from now on legally to stay in your wonderful country.”

    Ilhan Omar presents a most exasperating case because on the one hand she poses as an avatar of the successful immigrant, while on the other she neurotically whines that America has failed utterly to meet her expectations when she fled a Kenyan refugee camp to enter the United States.

    Her fervent anti-Israelism is fueled by an equally despicable and loud anti-Semitism. And she rarely seems to acknowledge that a foreign country welcomed her in extremis, subsidized her upbringing and education, and, quite unlike her tribalist, racist, and anti-Semitic native Somalia, relegated matters of race, gender, class, and religion to insignificant status or indeed saw them as advantages to be rewarded in electing her to Congress.
    Omar herself was so desperate to gain citizenship or legal residency for her apparently own British residing brother that she may well have concocted a fraudulent marriage to him. If true, she may have committed several U.S. tax and immigration felonies. And that makes her ingratitude all the more unappealing—and her present apparent exemption from legitimate federal investigative scrutiny into her possibly serial illegal conduct all the more unbelievable.

    So, the larger landscape of the new age of acrimony is not a sudden loss of manners, but rather a complete progressive meltdown at the election of Donald J. Trump.

    We now forget that half the country was quite upset by the 2008 election of Barack Obama, not because of his race, but out of concern that he had been the most partisan voting senator of the era in the entire U.S. Senate.

    Opponents were taken aback when he boasted, shortly before his victory, about fundamentally “transforming” the country. During the campaign he had urged his supporters to take a gun to a knife fight and to “get in their faces” (which targets did he signify by “their”?), as well as writing off the Pennsylvania working class as backward gun and bible clingers, and his own grandmother as a “typical white person” (what did he mean by “typical” and did it apply to 230 million Americans?). The idea of Obama as a healer was a myth and analogous to the fable of a Noble Peace Prize winning global activist.

    Obama mocked charges that Trinity Unity Church of Christ of Chicago was fueled by racism, by swearing he could no more disown Rev. Jerimiah Wright—his anti-Semitic, racist, and anti-American personal pastor, whose kindergarten banal sermons on the “audacity of hope” became the inspiration for Obama’s second book—than the grandmother who raised and nurtured him.

    What did Obama mean when he weighed in during the Trayvon Martin affair by remarking that Martin might have resembled the son he never had? Did he need to slander the police in the Skip Gates affair or demagogue the Ferguson melodrama?

    What exactly were Obama’s own injunctions about knowing when to quit making lots of money, or to acknowledge that one does not build his own business, or to realize that it is not a time to profit ever to apply to his post-presidential, lucrative self—or was all that just transitory boilerplate demagoguery aimed at a particular class of which he had not quite yet joined?

    Congressional Republicans and conservative media announced they wanted no part of Obama’s promised radical progressive “transformation,” especially his plan to nationalize health care. They nonstop promised that they would do their best to stop him.
    Indeed, fringe groups at the time (including Donald J. Trump) had trafficked in crazed birther conspiracies. And the Tea Party’s reason to be in 2010 was to defeat and destroy the Obama Democratic congressional majority.

    Obama in the heated climate of the times was certainly attacked as a liar for his false assurances about Obamacare, and as a dunce who thought there were 57 states, that corpsmen was pronounced with a hard “p,” and that Hawaii was in Asia—though no one sought to call in a Yale psychologist to ascertain whether his apparent puerile ignorance was proof of dementia.

    Critics serially pounced on the fact that Obama’s signature “autobiography” or “memoir” was mostly mythographic fiction. They pointed out that his past modus operandi of winning a senate election in Illinois was to count on state employees and the toady media illegally leaking the confidential divorce records of his primary and general election opponents who otherwise might well have defeated the future president.

    Obama’s minions were pilloried as Orwellian figures who monitored the communications of Associated Press reporters and James Rosen of Fox News, who jailed a minor videomaker to scapegoat him for the Benghazi mess, and who went after journalist critic Sharyl Attkisson. Obama likely knew that his own FBI and CIA were in violation of federal law in their zeal to ensure a Hillary Clinton continuum and the destruction of the Trump candidacy.

    Republicans lost no time in blasting Obama CIA Director John Brennan and former Director of National Intelligence James Clapper as admitted liars who had perjured themselves while under oath before Congress. They had a field day castigating Susan Rice as a serial prevaricator on matters from Benghazi and the Bowe Bergdahl circus to weapons of mass destruction in Syria. And they tried to leverage Fast and Furious, Benghazi, and scandals at the IRS, EPA, National Security Agency, Department of Veterans Affairs, and General Services Administration for political advantage. After all, that is what American politics has at times always been—a rough and mean-spirited brawl to discredit your vulnerable enemies and thereby reacquire power by winning elections.

    Yet there was never a sustained and collective Republican effort to enlist the media to remove Obama from office by means other than an election.

    Republicans during the transformative Obama era were content to chalk up huge wins in the 2010 and 2014 midterms, to go to court in hopes of stopping Obama’s executive orders, to shut down the government if need be to stop excessive spending, to investigate scandals such as “Fast and Furious” and Benghazi, and to censure Attorney General Eric Holder.

    But what they did not do was immediately declare Obama an illegitimate president or a president so foreign to their own liking that they forthwith sued in three states to overturn the election.
    They did not stage a campaign to subvert the voting of the Electoral College, or introduce articles of impeachment right after his inauguration.

    They did not sic the Bush Administration FBI, CIA, NSA, and Justice Department on Obama’s campaign, transition, and presidency, or unleash Hollywood celebrities to virtue signal their imaginative ways of decapitating, burning, stabbing, blowing up, shooting, and punching their own president.
    Conservative politicians, bureaucrats, and activists did not invoke the ossified Logan Act, the Emoluments Clause, or the 25thAmendment to remove immediately Obama from office as a traitor, crook, and a crazy.

    In efforts to impeach, they did not turn loose a special counsel and over a dozen right-wing government lawyers for 22 months and $35 million worth of harassment, or obsess over their president’s long (and often checkered history), as they wheeled out each week of his presidency an assortment of stale crooks, terrorists, and racists from his past—such unpleasant and indeed unhinged figures as Tony Rezko, Bill Ayers, Reverend Jeremiah Wright, and Father Michael Pfleger—or go after the Obama children, all to force him from office.

    When Obama essentially got caught on a hot microphone promising Russian President Medvedev that he would be flexible after his reelection on the implementation of long-planned Eastern European missile defense if Vladimir Putin would give him a little room, Republicans did not introduce articles of impeachment on grounds he was “colluding” with a foreign power by offering a quid pro quo to Russia to de facto interfere in a U.S. election: if Putin didn’t cause trouble for the Obama reelection effort, then Putin got rewarded by no worries over bothersome missiles in Eastern Europe. Even if conservative forbearance derived only from pragmatic lessons from their own past ill-fated impeachment of Bill Clinton, they still did not seek to impeach Obama.

    I don’t remember the conservative movement labeling the majority of Americans who voted for Obama as deplorable people, as irredeemables, as the dregs of society, as Neanderthal clingers to their Bibles and guns, as typical black or brown or some such color people. Much less was there a “NeverObama” left-wing movement that repeatedly dreamed out loud of deporting the rival but hated hard-left Obama base and swapping them with illegal aliens. Mitt Romney did not go on a year-long crusade blaming dozens of things and people for his own poorly conducted 2012 presidential campaign and claiming he was “robbed.”

    Again, by all means his opponents can, if they so wish, ridicule, caricature, and blast Trump and hope he fails. But after trying for nearly three years to destroy the president and prematurely remove him by any means necessary before a scheduled election, please do not appeal to the better angels of our nature—while deploring the new “unpresidential” behavior of Donald J. Trump for lashing out at those who sought to reduce him to a common criminal, pervert, traitor, dunce, and Satanic figure.

    Such invective was always characteristic of the new progressive agenda rather than specific to Donald J. Trump. After the 2008 dismantling of John McCain into a senile lecher and reducing Mitt Romney into a tax cheat, animal tormenter, high-school hazer, elevator owner, and enabler of an equestrian wife with MS, and after George W. Bush was reduced to Nazi thug worthy of death in progressive novels, op-eds and docudramas, Donald Trump sensed that half the country had had enough and he would return slur for slur—and so may the best brawler win.
    After all, in 2019, this 243rd year of our illustrious nation, most Americans are not simply going to curl up in a fetal position, apologize for the greatest nation in the history of civilization, and say, “Ah, you’re right, Representatives Ocasio-Cortez, Omar, Pressley, and Tlaib. It is an awful country after all—and always was.”

    While one may always wish that the president and his critics tone down their venom and play by silk-stocking Republican Marquis of Queensberry rules, it is hard for half the country to feel much sympathy for the Left that sowed the wind and are reaping an ever growing whirlwind.

    VDH

    Can’t We All Just Get Along?

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  3. jcdurbant dit :

    WHAT RUSSIAN COLLUSION ? (Guess who after the Mueller disaster, is now trying to pin the Russian collusion fake on Trump again by other means and to answer his warnings about multiculturalism run amok by doubling down on it ?)

    So apparently Donald Trump wants to make this an election about what it means to be American. He’s got his vision of what it means to be American, and he’s challenging the rest of us to come up with a better one. In Trump’s version, “American” is defined by three propositions. First, to be American is to be xenophobic. The basic narrative he tells is that the good people of the heartland are under assault from aliens, elitists and outsiders. Second, to be American is to be nostalgic. America’s values were better during some golden past. Third, a true American is white. White Protestants created this country; everybody else is here on their sufferance. When you look at Trump’s American idea you realize that it contradicts the traditional American idea in every particular. In fact, Trump’s national story is much closer to the Russian national story than it is toward our own. It’s an alien ideology he’s trying to plant on our soil. ​

    Trump’s vision is radically anti-American.​

    The real American idea is not xenophobic, nostalgic or racist; it is pluralistic, future-oriented and universal. America is exceptional precisely because it is the only nation on earth that defines itself by its future, not its past. America is exceptional because from the first its citizens saw themselves in a project that would have implications for all humankind. America is exceptional because it was launched with a dream to take the diverse many and make them one — e pluribus unum.​

    The Puritans settled this continent with visions of creating a future city on a hill. They had an eschatological dream of completing God’s plan for this earth. By the time of the revolution it was well understood that America was the land of futurity, the vanguard nation that would lead all of humanity to a dignified and democratic future.​

    “I always consider the settlement of America with reverence and wonder,” John Adams declared, “as the opening of a grand scene and design in providence, for the illumination of the ignorant and the emancipation of the slavish part of mankind all over the earth.”​

    American life is so raucous and dynamic because people are inflamed by visions of creating a heaven on earth. As George Santayana put it, Americans often don’t make a distinction between the sacred and the profane. In building material wealth, they see themselves creating a country that will redeem humanity, that will become the last best hope of earth.​

    This sense of mission has often made Americans arrogant, and somewhat dangerous to be around. But it has also made us anxious. The country was built amid a wail of jeremiads: Providence assigned us a mission to serve the whole planet, but we, in our greed and sin, are blowing it! “Ah my country!” Ralph Waldo Emerson lamented, “In thee is the reasonable hope of mankind not fulfilled.”​

    But the American mission survived its failures. Herman Melville summarized the ethos in his novel “White Jacket”: “God has predestined, mankind expects, great things from our race; and great things we feel in our souls. … We are the pioneers of the world; the advance-guard, sent on through the wilderness of untried things, to break a new path.”​

    Again and again, Americans have felt called upon to launch off into new frontiers — to design a democracy, to create a new kind of democratic person, to settle the West, to industrialize, to pioneer new technologies, to explore space, to combat prejudice, to fight totalitarianism and spread democracy. The mission was always the same: to leap into the future, to give life meaning and shape by extending opportunity and dignity to all races and nations.​

    This American idea is not a resentful prejudice; it’s a faith and a dream. The historian Sacvan Bercovitch put it best: “Only ‘America,’ of all national designations, took on the combined force of eschatology and chauvinism. Many forms of nationalism have laid claims to a world-redeeming promise; many Christian sects have sought, in open or secret heresy, to find the sacred in the profane; many European Protestants have linked the soul’s journey and the way to wealth.​

    “But only the ‘American Way,’ of all modern symbologies, has managed to circumvent the contradictions inherent in these approaches. Of all symbols of identity, only ‘American’ has succeeded in uniting nationality with universality, civic and spiritual selfhood, sacred and secular history, the country’s past and the paradise to be, in a single transcendent ideal.”​

    Trump’s campaign is an attack on that dream. The right response is to double down on that ideal. The task before us is to create the most diverse mass democracy in the history of the planet — a true universal nation. It is precisely to weave the social fissures that Trump is inclined to tear.​

    Americans have always been divided on where they came from, but united in their vision of their common future. They’ve been bonded by the vision of creating a pluralistic home in which everybody can belong and be seen. Or as Langston Hughes wrote: “America never was America to me/And yet I swear this oath/America will be!”​


    Donald Trump Hates America​
    The rest of us can love America well.​
    David Brooks​
    NYT​
    July 18, 2019​

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  4. jcdurbant dit :

    WHAT DEMOCRAT WHITE GUILT ? (When white liberals have warmer attitudes toward other races than toward their own and are now farther left on immigration and race and diversity issues than the typical Hispanic or African-American voter)

    Over the past 20-odd years one group has shifted to an astounding degree: highly educated white Democrats. I’m not sure I understand why this group has undergone such a transformation, but it has, and the effects are reshaping our politics. The easiest way to describe the shift is to say that educated Democrats have moved steadily to the left. In 1994, only about a sixth of Democrats who had gone to graduate school said they were consistently liberal. In 2015, more than 50 percent did. In 1994, only 12 percent of Democrats with college degrees said they were consistently liberal. Twenty-one years later, 47 percent did, according to the Pew Research Center.

    One of the results is that, as my colleague Thomas B. Edsall put it this week, there are now three Democratic Parties. The most moderate faction is the most nonwhite and focuses on pocketbook issues like jobs and taxes. The most left-wing segment is the most populated by whites. It focuses on issues like abortion, global warming, immigration and race and gender equity.

    To say that white educated Democrats have moved left is true, but it’s not the essential truth. The bigger truth is that this segment is now more likely to see politics through a racial lens. Racial equity has become the prism through which many in this group see a range of other issues.

    For example, immigration is now seen through the lens of race, in a way that simply wasn’t true two decades ago. As Zach Goldberg noted in an essay in Tablet Magazine, between 1965 and 2000, the percentage of white liberals who wanted higher immigration levels never deviated far from 10 percent. During the Obama administration, the number rose to the range of 20 to 30 percent. Now, more than 50 percent of white progressives want to see higher immigration levels.
    Many progressives see barriers to immigration as akin to unjust racial barriers. Many want to dismantle the border enforcement agencies and eliminate criminal sanctions against undocumented crossings precisely because they are seen as structures of oppression that white people impose on brown people.

    The racial lens also affects views on foreign policy topics. For most of the 20th century, for example, white liberals consistently sympathized with Israel more than with the Palestinians. But that has reversed. White progressives are much more critical of Israel than ever before. What had once been seen as an intractable regional conflict between a democracy and a series of authoritarian regimes trying to destroy it is now seen as a conflict between a white colonialist power and the brown people it oppresses.

    In this new dispensation, the concept of white privilege is on everybody’s lips. As Goldberg points out, in 1996 and 2010 about a quarter of white liberals thought racial discrimination was a very serious problem. By 2016, 58 percent did. White liberals have warmer attitudes toward other races than they do toward their own.

    In this dispensation, more white progressives view society as basically unjust. In last year’s Hidden Tribes survey, for example, 86 percent of progressive activists said that people’s life outcomes are outside their individual control.

    This shift in outlook has yielded several paradoxes. As many researchers have pointed out, white progressives are now farther left on immigration and race and diversity issues than the typical Hispanic or African-American voter.

    Second, two of the great marks of privilege in our society are skin color and education levels, and yet in the Democratic Party it’s the highly educated whites who express the greatest alienation with the system that benefits them so directly.

    Third, the progressive framework is egalitarian, but the shift has opened up wider opinion and cultural gaps between this highly educated elite and less educated groups.

    Why have white progressives moved so far so fast? There are several theories. The most direct theory is that America is a land of systemic racism. Highly educated white progressives have woken up to this fact and are out in front of other groups. This is, after all, the nation that elected Donald Trump and that puts children in cages at the border.

    The more cynical take starts with the observation that the creed of wokeness is mostly centered to the super-prestigious universities and the affluent progressive enclaves along the coasts. In this take, if you’re a rich white child of privilege you have to go to extraordinary lengths to prove you’re one of the good children of privilege and not one of the bad ones. In this take, white progressives don noble clothing to make themselves feel good without really dismantling the structures that keep them in lifestyle bubbles, and on top.

    For me, it’s a good idea to assume that people adopt their positions for honest, well-intentioned reasons. The crucial question then becomes: When is the racial lens (with its implied charge of racism against those who disagree) the right lens to use and when is it not? When does it illuminate an issue and when does it conceal?

    How White Democrats Moved Left
    Racial equity has become the defining issue of the moment.
    David Brooks
    NYT
    Jul 25, 2019

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  5. jcdurbant dit :

    WHAT PURITY RACKET ? (The progressives are the modern Puritans – the Massachusetts Bay Colony is alive and well on the Potomac and Twitter)

    After I interviewed Nancy Pelosi a few weeks ago, The HuffPost huffed that we were Dreaded Elites because we were eating chocolates and — horror of horrors — the speaker had on some good pumps. Then this week, lefty Twitter erected a digital guillotine because I had a book party for my friend Carl Hulse, The Times’s authority on Capitol Hill for decades, attended by family, journalists, Hill denizens and a smattering of lawmakers, including Pelosi, Chuck Schumer and Susan Collins. I, the daughter of a D.C. cop, and Carl, the son of an Illinois plumber, were hilariously painted as decadent aristocrats reveling like Marie Antoinette when we should have been knitting like Madame Defarge.
    Yo, proletariat: If the Democratic Party is going to be against chocolate, high heels, parties and fun, you’ve lost me. And I’ve got some bad news for you about 2020.

    The progressives are the modern Puritans. The Massachusetts Bay Colony is alive and well on the Potomac and Twitter. They eviscerate their natural allies for not being pure enough while placing all their hopes in a color-inside-the-lines lifelong Republican prosecutor appointed by Ronald Reagan.

    The politics of purism makes people stupid. And nasty. Unbelievably, Pelosi — long a G.O.P. target for her unalloyed liberalism — is derided by the far left for her pragmatism. But she has been through enough Washington wars to know that idealism, untempered by realism, is dangerous.

    The progressives’ cry that they don’t care about the political consequences because they have a higher cause is just a purity racket. Their mantra is like that of Ferdinand I, the Holy Roman Emperor: “Fiat iustitia, et pereat mundus.” “Let justice be done, though the world perish.” The rest of us more imperfect beings don’t want the world to perish. And maybe justice can be done, without losing the White House, the House, chocolate, high heels, parties and fun.

    Maureen Dowd

    https://www.msn.com/en-us/news/opinion/spare-me-the-purity-racket/ar-AAEWOe0

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  6. jcdurbant dit :

    QUELS GOUVERNANTS APPRENTIS SORCIERS ? (40 ans de balivernes et un jeu qui pourrait fort mal finir pour des élites qui par démagogie ou indifférence ont bradé des pans entiers de notre histoire politique et culturelle – seul un Italien sur trois a fait souche en France et 42% des Polonais du flux 1920 1939 sont repartis)

    “La France s’est toujours constituée, agrégée, autour d’un multiculturalisme séculaire, le nier ce n’est pas comprendre notre histoire. »​

    Nicole Belloubet (ministre macroniste)​

    « Le plus excellent symbole du peuple c’est le pavé, on lui marche dessus jusqu’à ce qu’il vous tombe sur la tête. »​

    Victor Hugo​

    Ce qui est énoncé ici, c’est le baratin servi aux foules depuis déjà un certain temps. En réalité, depuis que les élites politiques ne peuvent plus cacher l’ampleur du désastre dont elles sont à l’origine. Madame Belloubet étant nouvelle dans ce milieu, je ne la rends pas co-responsable bien sûr, mais ce qu’elle professe est faux.Tout d’abord, son «toujours» interroge. À quelle période remonte-t-elle au juste? Comme l’a très bien mis en évidence l’historienne Marie-Claude Blanc-Chaléard, la France, à la fin de l’époque moderne, est un monde plein dont la population a augmenté sur place, et l’immigration naît avec l’arrivée de paysans italiens du Nord à partir des années1860-1870. Au regard de la longue histoire de la France, ce «toujours» de la ministre est donc plus que déplacé.​

    Ensuite sur le multiculturalisme: en dehors de cas précis hérités de l’histoire et circonscrits à des îles françaises lointaines et peu peuplées, le multiculturalisme n’a jamais été une politique française, et encore moins un objectif. C’est même tout le contraire, comme en atteste le Code civil selon lequel «nul ne peut être naturalisé s’il ne justifie de son assimilation à la communauté française». Et c’est sur ce point précis du respect du Code civil que les élites de commandement – monde politique et haute administration – ont, pour les uns fauté, et pour les autres trahi.​

    Pour bien comprendre la complexité de l’assimilation, qui demeure la condition nécessaire pour former un même peuple, il faut inlassablement rappeler que seul un Italien sur trois a fait souche en France, et que 42% des Polonais du flux 1920 1939 sont repartis, alors même qu’aucune amélioration économique substantielle ne pouvait justifier, à première vue, ce retour dans leurs pays. S’imaginer que des flux migratoires de cultures bien plus éloignées puissent faire mieux, cela sort des limites du bon sens. L’assimilation doit être un choix librement consenti. De toute façon, elle ne peut pas être imposée car elle se joue entièrement sur le registre moral et affectif. Il faut simplement veiller à ne pas la rendre impossible. Lorsque l’on évoque l’immigration et l’intégration culturelle, ce qui est systématiquement passé sous silence, c’est l’épreuve que constitue l’exil et les souffrances qu’il peut causer. Incompréhensible! Quant à l’octroi des papiers d’identité, cela doit correspondre à une assimilation réelle et à rien d’autre.​

    La majorité étant une auberge espagnole, il m’est difficile de porter un jugement global, mais ce que j’en vois m’amène à dire que nous ne sommes pas sortis de l’auberge. En ce qui concerne le Président, j’ai eu l’occasion de dire, lors de la campagne présidentielle, que nous n’étions pas sur la même longueur d’onde. Je persiste à penser qu’Emmanuel Macron ne maîtrise pas ces problématiques. J’observe qu’il cherche, tâtonne, prend des positions, les assène puis rétropédale quelques mois plus tard… J’estime toutefois que cela est moins désespérant que bien des politiques qui campent sur leurs erreurs et s’enfoncent dans leur ignorance. Ce qui se joue au travers de cette question du multiculturalisme est capital pour le destin du peuple français, de sa civilisation, car c’est notre projet de société qui est en jeu, et que tout projet de société est le reflet de l’identité d’un peuple. Il s’agit de discuter des principes fondamentaux qui structurent l’identité. Que faire de la devise de la République française lorsque l’on se trouve en présence de cultures dans lesquelles l’individu n’a pas droit de cité et n’existe pas pour lui-même? Que faire de l’égalité homme-femme si elle est considérée comme une hérésie? À la poubelle? Quid de la fraternité, si elle est subordonnée aux convictions religieuses? La non-intégration culturelle ou non-assimilation, si elle affecte ne serait-ce qu’une faible proportion de flux migratoires par ailleurs conséquents, aboutira tôt ou tard à la mise en minorité sur le sol français des idéaux politiques portés par l’identité française.​

    À ce niveau de notre discussion, il convient d’évoquer l’insertion, qui est le simple respect des règles et normes du pays où l’on vit, même si on ne les partage pas en son for intérieur car on adhère soi-même à un autre référentiel culturel. C’est ce à quoi se soumet tout Français lorsqu’il s’expatrie. Ce respect élémentaire est un impératif sur lequel notre société n’aurait jamais dû transiger ; or elle a été entraînée sur le dangereux chemin des accommodements déraisonnables par des politiques dont une part étaient ignorants de la réalité des enjeux, et les autres indifférents. Pour ce qui est du modèle français d’intégration, qui est en réalité un long processus jalonné de questionnements parfois douloureux, il convient plus que jamais de le réhabiliter, pour peu que l’on soit attaché à œuvrer à un vivre-ensemble harmonieux dans la durée.​

    Vous me posez également la question de l’immigration de masse. Oui, elle a rendu l’assimilation extrêmement difficile, pour la raison simple que les flux ont persisté à très haut niveau alors même que les pays d’origine amorçaient un retour à des fondamentaux religieux qui heurtent de plein fouet les principes de notre devise républicaine, principes que l’on retrouve au demeurant aussi dans les autres pays européens. Désormais, il est possible d’évoluer sur un territoire sans pour autant vivre à la même heure que son voisin de palier ou les habitants de sa commune. Dans de telles conditions, l’intégration culturelle devient mission quasi-impossible, et ce n’est pas l’école qui pourra, seule, y remédier.​

    En ce qui concerne la répartition à travers le territoire défendue aussi bien par la gauche que la droite ces dernières décennies, même un élève de CM2 comprendrait au vu des chiffres que cela n’est désormais plus une solution. Pour mémoire, dès 1981, Georges Marchais, alors Secrétaire général du Parti Communiste Français, demandait à «stopper l’immigration officielle et clandestine». Quand ce sujet sortira-t-il des clivages partisans?​

    J’ai toujours dit et écrit que la laïcité était la digue qui protégeait la France. Je persiste et signe. Chacun sait le sort qui attend les terres lorsqu’une digue vient à rompre. Qu’elles recourent ou non au concept de laïcité, toutes les sociétés occidentales vivent à l’heure de la loi des hommes. Les hommes y exercent le droit de se doter des lois qui vont régir leur cité sans que ces lois soient la transcription de commandements divins, et il y existe par ailleurs une hiérarchie entre le politique et le religieux. Les coups de boutoir contre la digue sont nombreux, ne sont pas récents et se sont intensifiés avec les années. Je me souviens très bien d’un haut responsable politique que les médias présentaient comme laïque, et qui expliquait au micro de Jean-Jacques Bourdin comment les élus, sur le terrain, pouvaient contourner la laïcité pour financer les lieux de culte par le biais de baux amphytéotiques ainsi que le financement d’associations culturelles. Posez-vous la question: pourquoi des lieux de culte et non pas des écoles, alors même que les enquêtes PISA sont là pour montrer, chiffres à l’appui, de quelle manière la France plonge dans les classements année après année?​

    Nombre de situations qui préoccupent notre société ne relèvent pas de la laïcité, mais du principe de l’égalité et de la dignité partagées entre les sexes, pour reprendre l’expression de l’islamologue Abdelwahab Meddeb. Il faut donc cesser d’invoquer la laïcité pour pouvoir mieux la démolir ou la faire démolir. La question, encore et toujours, nous ramène au projet politique collectif, donc au respect de l’identité du peuple français. Lorsque le Président Macron, en avril 2018, s’interroge face à deux journalistes: “Pourquoi le voile nous insécurise? Cela n’est pas conforme à la civilité qu’il y a dans notre pays”, il s’apporte lui-même la réponse que la société attend de lui. Pour mémoire, selon le Larousse: civilité = observation des convenances en usage chez les gens qui vivent en société.​
    Il faut donc cesser d’invoquer la laïcité pour pouvoir mieux la démolir ou la faire démolir.​

    En Occident, beaucoup de ceux qui s’affirment «progressistes» ne le sont en rien, et ont même participé à entraîner la France dans une approche ethno-raciale des individus ; donc, n’ayons pas peur des mots, dans une approche raciste, alors que le projet français d’intégration républicaine est profondément humaniste. On ne devrait juger l’homme que sur la base de ses seules actions. J’ai connu l’époque bénie où, en France, nul ne s’interrogeait sur l’origine de l’autre, ni n’épiait le contenu de son assiette, ni ne le condamnait sur la base de son seul prénom, prénom que ses parents lui avaient donné. Afin d’éviter toute méprise, je rappellerai ce que j’ai déjà eu l’occasion d’écrire au sujet des prénoms. On ne peut juger une personne sur la base du prénom qu’elle a reçu à sa naissance. Simplement, le prénom qu’elle donne elle-même à ses enfants renseignera sur la trajectoire dans laquelle elle souhaite inscrire sa descendance. Mais encore faudrait-il que les choses aient été clairement exposées! La querelle des prénoms déclenchée par Éric Zemmour illustre à la perfection la crispation croissante et inquiétante de notre société. Pour votre information, beaucoup des élites que j’ai pu croiser dans les allées du pouvoir portaient des prénoms chrétiens. Et alors que je défendais l’identité française, beaucoup la foulaient aux pieds! Nous vivons dans une société qui a versé dans l’hypocrisie. Il est donc naturel qu’une part des descendants de migrants qui ont fait le choix de l’assimilation ne comprennent pas ce qui leur est reproché, et puissent parfois ressentir une intense souffrance.​

    Très récemment, j’ai assisté à l’hôtel de ville de Paris à la projection du remarquable documentaire L’incroyable histoire du plateau des Glières de Bernard de la Villardière et Géraud Burin des Roziers. Le sens de l’honneur a joué un rôle de première importance pour faire se lever tous ces hommes. Ce sens de l’honneur que résument à la perfection le “We shall never surrender” de Winston Churchill ou le “Vivre libre ou mourir” de Tom Morel. C’est d’ailleurs ce qu’a rappelé Gérard Métral, Président de l’association des Glières, lors des commémorations du 31 mars. Tous ceux des Glières, a-t-il dit, relevèrent la France dans son honneur et sa fierté. ​

    Ce que j’ai vu et entendu m’amène à vous dire qu’il ne faut pas signer de chèque en blanc à nos dirigeants. Voilà maintenant quarante ans que les élites occidentales racontent les mêmes balivernes à leurs peuples. Au départ, il s’agissait d’accueillir des populations pour des raisons humanitaires. À présent, partout, elles leur demandent de faire preuve de tolérance en abandonnant des pans entiers de leur histoire politique et culturelle. Ce n’est pas un jeu car tout cela pourrait fort mal finir, y compris pour les élites qui ont participé à influencer les opinions publiques – donc pas seulement les élites politiques -, et vis-à-vis desquelles la défiance atteint des sommets inédits. On ne bouscule jamais impunément un peuple sur son territoire, et comme l’avait fort bien écrit Victor Hugo: le plus excellent symbole du peuple c’est le pavé, on lui marche dessus jusqu’à ce qu’il vous tombe sur la tête.​

    En France, on aurait tort de sous-estimer la portée et la signification du mouvement des Gilets jaunes. La souffrance est réelle et profonde. Comme l’avaient relevé des journalistes présents sur les ronds-points dès le début du mouvement, le sujet de l’immigration surgissait très vite dans les discussions. Et pour cause! Beaucoup de citoyens se sentent abandonnés au profit de nouveaux entrants qui se trouvent être plus pauvres, à un moment où l’école peine à remplir la promesse républicaine d’ascension sociale. Le déclassement comme seul horizon pour leurs enfants! Ce qui menace, c’est le non-consentement à l’impôt et la décomposition française, baptisée partition par le Président Hollande.​

    Certes, Emmanuel Macron hérite de cette situation, mais aujourd’hui c’est lui qui tient le gouvernail. Aussi doit-il se former en accéléré, entendre, comprendre et répondre avec empathie.​
    Du fait de l’évolution de la composition du corps électoral, nombre d’élus, pour être reconduits, sont contraints – ou se croient contraints – d’adapter leur comportement. D’où un clientélisme ouvert ou larvé. J’ai été aux premières loges pour observer depuis l’intérieur à quel point les hommes et femmes du monde politique sont obsédés, et même terrorisés par la «diversité». Les sommes considérables injectées n’ont pas eu le retour escompté. Pire, elles ont suscité le ressentiment des uns envers les autres. Au lieu de créer de la cohésion, les politiques ont créé de la division.​

    C’est à l’aune de cette évolution démographique majeure que les Français doivent lire beaucoup des actions politiques qui ont été déployées ces quarante dernières années. Les politiques se sont lié les pieds et les poings. C’est pourquoi je n’attends pas grand-chose du Parlement qui nous ressort, à intervalles réguliers, l’idée du vote de quotas annuels d’immigration alors même que la France peine à garantir un avenir décent à tous ses enfants. Ce dossier doit être directement rattaché au Président de la République, qui en répondra devant les Français et devant l’Histoire. Les petits présidents travailleront pour être réélus, quand les grands, en œuvrant pour l’intérêt général, auront pour ambition d’inscrire leur nom en lettres capitales dans l’Histoire de France et celle de l’Europe.​

    Malika Sorel

    http://www.lefigaro.fr/vox/societe/malika-sorel-la-non-assimilation-aboutira-a-la-mise-en-minorite-des-ideaux-francais-sur-notre-propre-sol-20190405

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  7. jcdurbant dit :

    SPOT THE ERROR ! (Should Dems start worrying when El Paso victims turn out to be dyed-in-the-wool Trump supporters ?)

    « I can see why people would believe that. And yes, maybe he said things in bad taste. But I think people are misconstruing President Trump’s ideas. My brother was very supportive of Trump. I want to see his reaction in person. I want to see if he’s genuine and see if my political views are right or wrong. And see if he feels maybe some kind of remorse for statements that he’s made. I just want to have a human-to-human talk with him and see how he feels. »

    Tito Anchondo

    https://www.npr.org/2019/08/08/749099244/the-couple-killed-saving-their-baby-in-el-paso-had-just-found-a-future-together

    TRYING TO BE STRONG (Spot the error when El Paso victims turn out to be Trumpers ?)

    « Is it that hard to try and understand that a family is trying to not be sad at a moment like this? We’re trying to be as strong as we can. … My brother is gone. »

    Tito Anchondo (Trump supporter)

    https://www.wltx.com/article/news/nation-world/uncle-of-orphaned-boy-defends-trumps-appearance-in-photo/507-427c4df2-06b0-4afa-85c2-a5db94f49125

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  8. jcdurbant dit :

    A MORT L’ARTISTE ! (Après la mort de Dieu et de l’homme, devinez ce que nous ont inventé nos stakhanovistes de l’avant-gardisme ?)

    En 1999, il souhaite aller plus loin en présentant en guise de projet de diplôme son propre mariage, auquel il convie des centaines de personnes. L’ENSBA apprécie peu cette curieuse soutenance, mais il obtient néanmoins son diplôme, et par son mariage la nationalité française. Désormais, sa pratique invisuelle est inséparable d’une critique de l’institution.

    Bien évidemment, l’art invisuel a ses prédécesseurs. Marcel Duchamp se demandait déjà s’il était possible de réaliser des œuvres qui ne soient pas d’art. Les artistes des années 1960, d’Yves Klein à Joseph Kosuth, en passant par les membres de l’International Situationniste, faisaient le diagnostic que le monde était saturé d’objets et qu’il ne fallait pas en ajouter de nouveaux. Par rapport à l’art contemporain, l’art invisuel doit souvent justifier sa différence avec l’esthétique relationnelle théorisée par Nicolas Bourriaud ; dire en quoi, l’art invisuel n’est pas uniquement basé sur la relation interhumaine. La contribution la plus importante d’Alexandre Gurita à l’art réside dans sa capacité à capter, à détourner, au point de retourner une institution contre elle-même.

    Pour cela, il déploie un rhizome d’institutions et d’entités multiples autour de la Biennale, encourage même la création d’institutions parallèles pour créer des nouvelles expériences : pour réinventer un enseignement libéré des conventions héritées de l’histoire de l’art, il fonde l’école ENDA ; pour trouver un nouveau modèle économique pour les artistes invisuels, il élabore une cryptomonnaie ; pour définir les nouvelles formes d’art, il met en place une recherche sur la terminologie. Chez Alexandre Gurita, la stratégie devient un mode de résistance au formatage social, aussi bien qu’une nouvelle forme d’art à part entière. Il soutient qu’il faut « savoir rester inventif dans un contexte qui nous contrôle ».

    Dans ce grand rhizome, Alexandre Gurita n’agit pas en tant qu’artiste solitaire, mais sous couvert de la Biennale de Paris, que ce soit pour son propre compte, ou celui d’autres artistes. L’effacement de sa personne derrière cette institution à têtes multiples participe d’une volonté de faire disparaître la notion d’auteur original. Sa critique semble aller jusqu’à une remise en cause de l’artiste lui-même. A l’instar du philosophe Michel Foucault, qui dans Les Mots et les Choses, prophétisait la mort de l’Homme « comme à la limite de la mer un visage de sable », Alexandre Gurita anticipe la disparition de l’artiste comme une possibilité. L’art invisuel est Méduse.

    http://diagonaledelart.blogs.liberation.fr/2019/07/17/lart-invisuel-quest-ce-que-cest/

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  9. jcdurbant dit :

    QUELLE CULTURE DU NARCISSISME ?

    Etudiant à l’Ecole des beaux-arts, à Paris, Alexandre Gurita a eu une idée d’une simplicité biblique. A 29 ans, cet artiste d’origine roumaine présente son mariage comme projet de diplôme de fin d’études. Invité à la noce, qui aura lieu dans la chapelle de l’école le 23 juin, le jury devra noter le candidat après examen d’un mariage catholique classique, dont la seule excentricité est d’être présenté comme une «oeuvre d’art». Avec plus de 6 000 invitations envoyées et un site Internet exclusivement consacré à l’événement (http://monmariage.ifrance.com), ce sera tout de même le seul examen des Beaux-Arts soutenu en public et, assure le futur marié, une «première mondiale». Alexandre Gurita a renoncé, il y a deux ans, à la sculpture, qu’il pratiquait pourtant depuis l’enfance. «L’objet artistique ment toujours un peu, explique-t-il. Il ne révèle ma perception du monde que d’une manière partielle et déformée. Moi, je veux communiquer avec les autres sans objets interposés.» Se réclamant de Marcel Duchamp, qui «rêvait de faire de sa vie une oeuvre d’art», c’est chez Protécréa, organisme qui protège les oeuvres artistiques dans le monde entier, qu’il dépose, en février dernier, sa vie – «mon être, mon imagination, ma personnalité, etc., et tous les éléments qui constituent ma vie» – pour la modique somme de 72 francs à payer tous les cinq ans. Logique jusqu’au bout, il espère bien obtenir pour son domicile le statut de galerie d’art, si toutefois les frais ne sont pas trop importants. Convoqué d’urgence par le directeur de l’école, qui s’inquiète de lui voir prendre un tel risque, il tient bon, «pour rester fidèle à ma conception de l’art», dit-il. Au nom de la «liberté des formes d’expression», la direction donne finalement son feu vert. Elle n’est pas au bout de ses peines: Alexandre Gurita entend lui proposer bientôt la création d’un nouveau champ pédagogique, où il pourrait enseigner à «réfléchir sur la signification de l’art». En cas d’échec à l’examen de juin, il aura droit à une seconde chance. Heureusement, il a déjà une autre idée: organiser le baptême de son fils dans une galerie d’art…

    https://www.lexpress.fr/informations/mon-mariage-pour-un-diplome_634095.html

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  10. jcdurbant dit :

    WHAT HAS TRUMP UNDERSTOOD THAT THE ELITES DON’T ? (Has the “anywhere” elite that British writer David Goodhart describes forgotten that most people are “somewhere” individuals, attached to their roots and national cultures?)

    « Trump is as much symptom as cause of the current turmoil. Voters’ ties to our two establishment parties have been loosening. Trust in elites has been eroding. Why? Iraq, the 2008 financial crisis, the dizzying and disorienting effects of technology and globalization—it’s a confluence of factors that have gotten us into our current predicament. And while our problems are home-grown, we still have adversaries in this world. Russia, for example, has become exceptionally skillful in dropping poison in our wounds. (…) Trump arrived at just the right time. He’s a demagogue who smelled grievance. A part of the country was fed up—with Washington and Wall Street, with experts and coastal elites. They felt neglected and condescended to. Talk radio plus Fox News plus social media created an atmosphere of rebellion. Enter Donald Trump. He had a nose for the problems. He will bring none of the solutions, to be sure. He’s a wrecking ball. When he disappoints them—and he will in the end—where will Trump voters turn? There is still danger for democracy ahead. (…)This way or that, Donald Trump may well go down. But the roots of Trumpism will not disappear so easily. If voters feel that Trump is driven from office unfairly, expect a severe backlash from a part of the electorate. We are in need of a broad political realignment. This will take time. (…) We need healthy, constructive partisanship. Political competition, in policy, in ideas. That’s democracy! But polarization becomes dangerous. Democracy depends on trust and compromise. Anger breeds contempt. In some cases, families and friends have a hard time speaking to each other. I, myself, have some friends who think Trump is a threat to democracy, while others are convinced he is a savior, fighting for ordinary citizens against arrogant and out-of-touch elites. None of this is unique to the United States. A woman recently stood outside Parliament in London with a sign, “The Day Democracy Died.” Was she for or against Brexit? In a democracy, you defeat your opponent. You do not destroy him or her. We witness in the United States—and in many places across the West—a challenge to our institutions, but also to the culture of democracy, to democracy’s habits, values, and behaviors. We must look for ways to restore the broad center. Only by doing this can we push the fringes back to the extremes. We have two main parties in the United States, and they must absolutely reconnect with voters and regain trust. When their support declines, vacuums are created. That’s what Trump saw. He emerged to fill a void. Imagine that the trend continues. We cannot exclude the possibility, in the future, of more gifted demagogues than the current President. Trump is a narcissistic tactician. Beware of the visionary strategist! (…)There are different divides in play. David Goodhart gives us a useful handle. “Anywheres,” he says, are cosmopolitans who travel, who speak foreign languages, who know technology, and who feel generally at ease with rapid social and economic change. “Somewheres,” on the other hand, tend to be more locally rooted, traditionalist, old-fashioned patriotic, perhaps more religious in some instances. This is the group Trump is speaking to when he rails against immigration, attacks tech giants, and mocks transgender bathroom use. (…) I fear the present is the new normal. In this sense, it does not matter who is elected in 2020. We now all have deep structural and cultural changes to contend with. We are riding waves, looking for dry land. (…) What is destabilizing, on the Right as well as the Left, is the anti-elite mood. It’s not going to disappear. The Democrats may well be headed toward their own version of Trumpism. Less vulgar, perhaps, yet populist, protectionist, isolationist. We would need statesmen to navigate, to balance, to build coalitions. To assure voters. (…) First comes vision, then strategy, then tactics. We have lost any sense of vision. What should the region look like in five and 15 years? How do we define our interests? And those of our allies? Do we have priorities? We’ve lost our way. Exit strategy has become our vision. We are short-term, tactical, and reactive. The Russians and Iranians have a vision. They get power and influence, they play a longer game. (…) Times change, we unlearn history. It’s painful, and dangerous. Just do the thought experiment. Imagine the world in 2030—with America turned inward, Europe fragmented and dysfunctional. God help us. »

    Jeffrey Gedmin (The American Interest)

    “The Roots of Trumpism Will Not Disappear So Easily”

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