Les émeutes raciales de Chicago: Attention, un racisme peut en cacher un autre (France gets long overdue translation of Sandburg’s 1919 Chicago race riot but still no answer as to why it managed to avoid for so long the anti-black racism it loves to denounce in the US)

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affiche-expo-coloniale-parisbal negreBanjoRedSummerChicago-race-riotChicago_Race_Riot_Walgreenschicago-race-riot-starts-red-summer-1919-old-newspaper-Slave-tableIf we must die, let it not be like hogs
Hunted and penned in an inglorious spot,
While round us bark the mad and hungry dogs,
Making their mock at our accursèd lot.
If we must die, O let us nobly die,
So that our precious blood may not be shed
In vain; then even the monsters we defy
Shall be constrained to honor us though dead!
O kinsmen! we must meet the common foe!
Though far outnumbered let us show us brave,
And for their thousand blows deal one death-blow!
What though before us lies the open grave?
Like men we’ll face the murderous, cowardly pack,
Pressed to the wall, dying, but fighting back!
If We Must Die (Claude McKay, 1922)
Savez-vous que les Noirs sont 10 pour cent de la population de Saint-Louis et sont responsables de 58% de ses crimes? Nous avons à faire face à cela. Et nous devons faire quelque chose au sujet de nos normes morales. Nous savons qu’il y a beaucoup de mauvaises choses dans le monde blanc, mais il y a aussi beaucoup de mauvaises choses dans le monde noir. Nous ne pouvons pas continuer à blâmer l’homme blanc. Il y a des choses que nous devons faire pour nous-mêmes. Martin Luther King (St Louis, 1961)
Je ne peux qu’imaginer ce qu’endurent ses parents. Et quand je pense à ce garçon, je pense à mes propres enfants. Si j’avais un fils, il ressemblerait à Trayvon. Barack Hussein Obama
There is nothing more painful to me at this stage in my life than to walk down the street and hear footsteps and start thinking about robbery. Then look around and see somebody white and feel relieved. . . . After all we have been through. Just to think we can’t walk down our own streets, how humiliating. Jesse Jackson
How do we turn pain into power? How do we go from a moment to a movement that curries favor? (…) The blood of the innocent has power.  Jesse Jackson
Les gens pensaient que parce que nous avions élu Obama, la société américaine était devenue post-raciale, que la couleur de la peau n’avait plus aucune importance. Avec l’affaire Trayvon Martin, nous assistons à un réveil et à une mobilisation.  Geraldine Thompson (historienne et représentante démocrate de l’Etat de Floride)
But what about all the other young black murder victims? Nationally, nearly half of all murder victims are black. And the overwhelming majority of those black people are killed by other black people. Where is the march for them? Where is the march against the drug dealers who prey on young black people? Where is the march against bad schools, with their 50% dropout rate for black teenaged boys? Those failed schools are certainly guilty of creating the shameful 40% unemployment rate for black teens? How about marching against the cable television shows constantly offering minstrel-show images of black youth as rappers and comedians who don’t value education, dismiss the importance of marriage, and celebrate killing people, drug money and jailhouse fashion—the pants falling down because the jail guard has taken away the belt, the shoes untied because the warden removed the shoe laces, and accessories such as the drug dealer’s pit bull. (…) There is no fashion, no thug attitude that should be an invitation to murder. But these are the real murderous forces surrounding the Martin death—and yet they never stir protests. The race-baiters argue this case deserves special attention because it fits the mold of white-on-black violence that fills the history books. Some have drawn a comparison to the murder of Emmett Till, a black boy who was killed in 1955 by white racists for whistling at a white woman. (…) While civil rights leaders have raised their voices to speak out against this one tragedy, few if any will do the same about the larger tragedy of daily carnage that is black-on-black crime in America. (…) Almost one half of the nation’s murder victims that year were black and a majority of them were between the ages of 17 and 29. Black people accounted for 13% of the total U.S. population in 2005. Yet they were the victims of 49% of all the nation’s murders. And 93% of black murder victims were killed by other black people, according to the same report. (…) The killing of any child is a tragedy. But where are the protests regarding the larger problems facing black America? Juan Williams
The absurdity of Jesse Jackson and Al Sharpton is that they want to make a movement out of an anomaly. Black teenagers today are afraid of other black teenagers, not whites. … Trayvon’s sad fate clearly sent a quiver of perverse happiness all across America’s civil rights establishment, and throughout the mainstream media as well. His death was vindication of the ‘poetic truth’ that these establishments live by. Shelby Steele
Would Trayvon be alive today had he been walking home—Skittles and ice tea in hand—wearing a polo shirt with an alligator logo? Possibly. And does this make the ugly point that dark skin late at night needs to have its menace softened by some show of Waspy Americana? Possibly. (…) Before the 1960s the black American identity (though no one ever used the word) was based on our common humanity, on the idea that race was always an artificial and exploitive division between people. After the ’60s—in a society guilty for its long abuse of us—we took our historical victimization as the central theme of our group identity. We could not have made a worse mistake. It has given us a generation of ambulance-chasing leaders, and the illusion that our greatest power lies in the manipulation of white guilt. Shelby Steele
On peut parler aujourd’hui d’invasion arabe. C’est un fait social. Combien d’invasions l’Europe a connu tout au long de son histoire ! Elle a toujours su se surmonter elle-même, aller de l’avant pour se trouver ensuite comme agrandie par l’échange entre les cultures. Pape François
Drame raciste aux Etats-Unis : les stars dénoncent le meurtre d’Alton Sterling Une vidéo d’une violence inouïe tourne sur la Toile depuis ce mardi 5 juillet. On y voit deux policiers de Bâton-Rouge, en Louisiane, brutalement interpeller un Afro-Américain, Alton Sterling, et lui tirer une balle dans la tête. Des images insoutenables qui ont choqué à travers la planète. En première ligne aux Etats-Unis : Zendaya, Olivia Wilde ou encore Amy Schumer ont réagi. Il y a quelques jours, le discours édifiant de Jesse Williams, acteur de la série « Grey’s Anatomy » avait fait un tollé aux États-Unis. Celui qui dénonçait sur la scène des BET Awards les bavures policières contre les Afro-Américains avait fini par être accusé de racisme anti-blanc. Une pétition demandait même son renvoi des écrans télé. Mardi 5 juillet, la donne avait déjà changé outre-Atlantique, alors que l’on apprenait que la police américaine avait fait sa 558ème victime aux États-Unis (source The Guardian). La victime s’appelle Alton Sterling, âgé de 37 ans, et c’est encore un Afro-Américain. Il a trouvé la mort après une altercation brutale avec les forces de l’ordre. La police avait été alertée sur place par un témoin qui avait assuré que cet homme portant un t-shirt rouge et vendant des CD devant un magasin, l’avait menacé avec une arme à feu. Une vidéo de la scène a été tournée et partagée sur la Toile, on y voit le suspect malmené par la police. Le suspect se débat pendant quelques secondes avant d’être mis à terre et qu’un policier n’ouvre le feu sur lui « à quatre ou six reprises » rapporte la presse. Un « lynchage légal » ont commenté de nombreux internautes horrifiés qui ont repris les mots dièses #AltonSterling et #BlackLivesMatter pour dire toute leur émotion et leur colère sur les réseaux sociaux. Parmi eux, Zendaya, Olivia Wilde ou encore Amy Schumer ont envoyé leurs prières et ont appelé à une réaction massive du grand public. Public.fr
The offender said, ‘I hate white people’ and threw a punch. There is no evidence either way about what the offender meant or whether . . . she holds or promotes an ideology which would explain why this assault was aimed at this victim. I am not satisfied beyond a reasonable doubt that this offence was, even in part, motivated by racial bias. Provincial court Judge Harry Van Harten (Calgary, Canada)
Le Brexit sera-t-il un choc salutaire ou le début de la fin d’une grande aventure collective ? Je n’ai pas de réponse. Mais, ce que je peux d’ores et déjà affirmer, c’est que les eurocrates ne l’ont pas volé, car ils se sont acharnés à faire de l’Union européenne le cheval de Troie de la déseuropéanisation. Ces politiciens et ces fonctionnaires ne se vivent pas comme les dépositaires d’une grande civilisation, mais comme les héritiers du « plus jamais ça » : plus jamais la guerre, plus jamais le racisme hitlérien ni colonial. Pour éviter le retour des discours ou des comportements maléfiques, ils emploient donc les grands moyens. Ils refusent d’incarner l’Europe, par son histoire, ses paysages, ses monuments, ses villes, ses cafés, ses œuvres, une forme de vie, un mode de présence sur Terre, car ce serait tracer une ligne de partage entre un dedans et un dehors, entre un nous et un eux. Ils ne veulent pas mettre le doigt dans cet engrenage fatal. Ils effacent donc le passé. Ils s’offensent, avec Pierre Moscovici, quand on parle des racines chrétiennes de l’Europe. Le « plus jamais ça » exige que l’Europe ne soit rien de substantiel, qu’elle n’affirme que des valeurs, qu’elle ne se définisse que par des droits et des procédures, afin de pouvoir s’ouvrir sans discrimination à tous et à tout. C’est ce que disait textuellement le grand sociologue allemand Ulrich Beck. (…) La veille du référendum, j’ai vu un reportage sur la ville de Peterborough, en Angleterre. On découvrait des rues commerçantes avec des magasins afghans, pakistanais et polonais. Les habitants disaient que les Britanniques étaient désormais minoritaires et on apprenait qu’il n’y avait plus qu’un seul pub dans toute la ville. J’ai pris conscience, en regardant ces images, de la nouvelle grande division des sociétés européennes. Elles se partagent désormais entre les planétaires et les sédentaires, les globaux et les locaux, les hors-sol et les autochtones. Les premiers sont non seulement mieux lotis économiquement, mais ils se croient politiquement et moralement supérieurs. Ils traitent les autochtones de « ploucs », voire de « salauds », ils soulignent élégamment leur âge avancé, ils font tomber sur eux le triple diagnostic d’europhobie, de xénophobie et de passéisme, alors même que, ce qu’ils leur opposent, c’est un cosmopolitisme de galerie marchande et, en guise de déracinement, une complète absorption dans les nouvelles technologies de l’information et de la communication. Le village global est un village, avec ses fausses évidences, ses œillères, sa mentalité étriquée. Les pubs font partie intégrante de la civilisation européenne. Ils sont la version anglaise du café. Ceux qui refusent la transformation de l’Angleterre ne sont pas antieuropéens, ils veulent juste que l’Angleterre reste l’Angleterre et que l’Europe reste l’Europe. (…) L’immigration a été un thème central de la campagne britannique, mais ce serait le cas dans tous les pays européens qui choisiraient la voie du référendum. L’Union européenne a voulu combiner la morale humanitaire et l’intérêt économique. Puisque nos pays se dépeuplent et vieillissent, elle a cru qu’il suffisait d’importer les enfants et les travailleurs qu’ils n’ont plus. Mais les hommes ne sont pas interchangeables. Il y a des mondes, il y a des civilisations. L’autarcie n’est certes pas la solution, les frontières ne doivent pas devenir hermétiques. Il reste que, comme l’a écrit un grand philosophe américain de gauche, Michael Walzer : « Abattre les murs de l’État, ce n’est pas créer un monde sans murs, c’est créer un millier de petites forteresses. » Nous voyons les sociétés européennes se fragmenter en communautés hostiles. Même si la libre circulation des personnes à l’intérieur de l’espace européen ne pose pas les mêmes problèmes que l’immigration arabo-musulmane, il faut savoir respecter les proportions. (…) La pluralité est essentielle à l’Europe. Pluralité des langues et des nations. En même temps, il existe une histoire commune : la Bible, la Grèce, Rome, la féodalité, la Renaissance, la Réforme, les Lumières et le romantisme. (…) J’ai vu que Donald Trump, allant inaugurer un golf en Écosse, s’est réjoui du vote britannique. Mais il représente autre chose : il est la Némésis du politiquement correct. Goya a dessiné une gravure intitulée Le sommeil de la raison engendre des monstres. On pourrait adapter cette formule à notre situation : le déni de réalité produit des monstres comme Trump. Si le danger islamiste n’est pas nommé surgit un candidat républicain qui souhaite interdire aux musulmans d’entrer sur le sol américain. Je ne suis pas sûr que le vote anglais relève exactement du même phénomène. Cette vieille démocratie européenne manifeste par ce vote sa volonté de reprendre son destin en main. Alain Finkielkraut
Il y a à peine plus de 3 millions de musulmans aux Etats-Unis, soit 1 pour cent de la population. C’est donc un peu comme si l’on assistait à l’inversion de la situation qui prévalait dans les années 1920, quand la France comptait à peine 5.000 Noirs et la «négrophilie» tenait le haut du pavé à Paris. À l’époque, l’élite française ne trouvait pas de mots assez durs pour fustiger le «racisme américain ». Géraldine Smith
Un jour j’ai réalisé que j’habitais dans un pays où j’avais peur d’être noire. C’était un pays réservé aux Blancs. Il n’y avait pas de place pour les Noirs. J’étouffais aux États-Unis. Beaucoup d’entre nous sommes partis, pas parce que nous le voulions, mais parce que nous ne pouvions plus supporter ça… Je me suis sentie libérée à Paris. Joséphine Baker
La position la plus sûre et qui doit permettre d’écarter tout risque de modifier profondément la population française et tout déboire du point de vue culturel, est certainement celle qui consiste à rechercher des immigrants dont le type ethnique est déjà présent dans la mosaïque française. Georges Mauco (1945)
Le manque d’hommes et la faiblesse de la natalité française sont la cause profonde de nos malheurs… et l’obstacle principal qui s’oppose à notre redressement. (….) Afin d’appeler à la vie les douze millions de beaux bébés qu’il faut à la France en dix ans, de réduire nos taux absurdes de mortalité et de morbidité infantile et juvénile, d’introduire au cours des prochaines années, avec méthode et intelligence, de bons éléments d’immigration dans la collectivité française, un grand plan est tracé […] pour qu’à tout prix soit obtenu le résultat vital et sacré. Charles de Gaulle (3 mars 1945)
Le Haut Comité consultatif de la Population et de la Famille étudie actuellement des projets qui constitueront son avis en ce qui concerne la politique du Gouvernement en matière d’immigration. Dès à présent il importe que les naturalisations soient effectuées selon une directive d’ensemble. Il conviendrait notamment de ne plus les faire dépendre exclusivement de l’étude des cas particuliers, mais de subordonner le choix des individus aux intérêts nationaux dans les domaines ethnique, démographique, professionnel et géographique. a) Sur le plan ethnique, limiter l’afflux des Méditerranéens et des Orientaux qui depuis un demi-siècle ont profondément modifié la structure humaine de la France. Sans aller jusqu’à utiliser comme aux États-Unis [qui ont connu les mêmes préoccupations]* un système rigide de quotas, il est souhaitable que la priorité soit accordée aux naturalisations nordiques (Belges, Luxembourgeois, Hollandais, Suisses, Danois, Scandinaves, Islandais, Anglais, Allemands, etc.). [Si on se réfère à la composition de la population étrangère aux recensements de 1881-1891, où les sources d’émigration s’équilibraient]. Étant donné le grand nombre de dossiers actuellement en instance dans les préfectures, on pourrait envisager une proportion de 50 % de ces éléments. b) Sur le plan professionnel, la France a surtout besoin de travailleurs directement producteurs : agriculteurs, mineurs, ouvriers du bâtiment, etc. D’autre part, pour conserver au pays son pouvoir d’assimilation, il est souhaitable que les professions libérales, commerciales, banquières, etc. ne soient pas trop largement ouvertes aux étrangers. C’est dans la mesure où les étrangers peuvent se donner en France des cadres intellectuels et économiques – même naturalisés – qu’ils conservent davantage leur particularisme. Il y a intérêt à limiter les naturalisations dans ces professions, et d’une manière plus générale, dans les professions urbaines. c) Sur le plan démographique, il importe de naturaliser des individus jeunes ou ayant des enfants.  [Il n’est pas souhaitable d’accorder la nationalité française à des individus de plus de 70 ans.] d) Sur le plan géographique, limiter [très] strictement les naturalisations dans les villes, spécialement à Paris, Marseille, Lyon, où l’afflux des étrangers n’est pas désirable pour de multiples raisons. Par contre, les naturalisations doivent être suscitées et multipliées en province et spécialement dans les milieux ruraux. Je vous prie de vouloir bien donner des instructions aux préfectures pour que l’étude et l’envoi des dossiers s’inspirent de ces directives et pour que soient suscitées au besoin les naturalisations désirables. Général de Gaulle (lettre à Pierre-Henri Teitgen, garde des Sceaux, 12 juin 1945 – sont barrés entre crochets les passages du projet de Mauco qui n’ont pas été repris dans la lettre de Charles de Gaulle)
C’est très bien qu’il y ait des Français jaunes, des Français noirs, des Français bruns. Ils montrent que la France est ouverte à toutes les races et qu’elle a une vocation universelle. Mais à condition qu’ils restent une petite minorité. Sinon, la France ne serait plus la France. Nous sommes quand même avant tout un peuple européen de race blanche, de culture grecque et latine et de religion chrétienne. Qu’on ne se raconte pas d’histoires ! Les musulmans, vous êtes allés les voir ? Vous les avez regardés avec leurs turbans et leur djellabas ? Vous voyez bien que ce ne sont pas des Français ! Ceux qui prônent l’intégration ont une cervelle de colibri, même s’ils sont très savants. Essayez d’intégrer de l’huile et du vinaigre. Agitez la bouteille. Au bout d’un moment, ils se sépareront de nouveau. Les Arabes sont des Arabes, les Français sont des Français. Vous croyez que le corps français peut absorber dix millions de musulmans, qui demain seront vingt millions et après-demain quarante ? Si nous faisions l’intégration, si tous les Arabes et Berbères d’Algérie étaient considérés comme Français, comment les empêcherait-on de venir s’installer en métropole, alors que le niveau de vie y est tellement plus élevé ? Mon village ne s’appellerait plus Colombey-les-Deux-Églises, mais Colombey-les-Deux-Mosquées !  Ch. de Gaulle (Conversation rapportée par Alain Peyrefitte le 5 mars 1959 suite aux événements d’Algérie)
Marseille offrait cependant un charme barbare et international qui incarnait de façon étonnante le grand flux de la vie moderne. Peu étendue, avec une population manifestement trop nombreuse, porte de service de l’Europe, chargeant et déchargeant son commerce avec l’Orient et l’Afrique, port préféré des matelots en bordée sans permission, infestée de toute la racaille des pays méditerranéens, grouillante de guides, de putes, de maquereaux, repoussante et attirante dans son abjection aux longs crocs sous ses dehors pittoresques, cette ville semblait proclamer au monde entier que la chose la plus merveilleuse de la vie moderne était le bordel. Claude McKay (Banjo)
Dans ce bouillonnement créatif, le jazz, l’art, la photographie, la mode et, bien sûr, la littérature furent plus que des expressions privilégiées pour raconter les multiples vies de l’homme noir, de véritables armes au service de la reconquête d’une identité. Celle de Claude McKay est multiple, clochard céleste, journaliste militant, bourlingeur marxiste – il résida en URSS dans les années 30, où il rencontra Trotski lors de la 4e Internationale communiste -, chroniqueur de la rue. C’est de tout cela qu’est fait son verbe vagabond. Celui de Home To Harlem, qui lui vaut, en 1928, le Harmon Gold Award Of Literature, et celui de Banjo, en 1929, où il dépeint le Marseille cosmopolite où il vécut. Banjo – du surnom de son héros, un docker noir qui, dans les bas-fonds de la cité phocéenne, s’évertue à monter un groupe de jazz -, croque un Marseille qui n’existe plus, un quartier interlope, la Fosse, situé entre le Vieux-Port et la Joliette, que l’occupant nazi rasera en 1943 pour purifier le « cloaque » du « chancre de l’Europe ». Car ce quartier réservé, à l’image du French Quarter de La Nouvelle-Orléans, est depuis 1865 le lieu de tous les plaisirs, de tous les dangers et de l’amarrage, dans les années 20, de cette « infernale musique noire qui rythme tous les bruits », comme l’écrira le romancier marseillais André Suarès. « Bars à passe en toile de fond, cafés de quartier qui émettent le son d’un « fox-trot populaire » provenant de pianos mécaniques çà et là dans « Boody Lane » qui semble proclamer au monde entier que la chose la plus merveilleuse était le bordel. […] Oh, Shake That Think, Jelly r-o-o-o-o-oll ! Tem, tem, ti-toum, tim-ti-tim, toum, tem… » Claude McKay n’a pas son pareil pour dire la bouillonnante ville-monde, ce « petit Harlem », où vivent, aiment et meurent voyous provençaux, bandits corses et italiens, dockers africains, marins, filles de joie et artistes du monde entier. Son écriture visionnaire, chaloupée et enivrante, construite, avec ses solos, comme un air de jazz, assène, près de quatre-vingt-dix ans plus tard, des questionnements toujours actuels. Ceux de la citoyenneté et du vivre-ensemble. Sa lecture ne s’en révèle que plus indispensable. Marianne (2015)
Banjo: A Story without a Plot was published by Claude McKay in 1929, between the World Wars. In the novel, McKay draws on his personal experiences living in France to depict dockworkers and drifters in the port town of Marseilles. The novel follows one group of “beach boys,” combining semi-autobiographical accounts of their pleasure-seeking lifestyle with their conversations about race relations and race politics, in France and abroad. The men in the novel represent various positions on race politics. Below are the four most prominent categories of positions in the novel—remember that each character nuances his views differently, and there are many distinctions to be made within these categories. (You might recognize some of the oppositions between these positions from later conflicts within the Civil Rights movement; they have some features in common with, for example, the political disagreements between Martin Luther King, Jr., and Malcolm X.) – Black Internationalism—This political culture linked blacks from around the world by connecting struggles against slavery, colonialism, and racism. Many of these connections are made in Banjo, like when Ray notes the similarities between the list of atrocities the French were committing in the colonies and the treatment endured by blacks in the United States. – Racial Assimilationism/Integrationism—During the early 20th century, assimilation was one possible answer to the question of how black people were to recover their full humanity: by being fully integrated into existing white society. Assimilation might include pursuing higher education and joining the professions, two things that were seen as allowing blacks to move out of their marginal position and into the respectable middle classes, as discussed in Banjo. – Black Nationalism—Opposed to assimilationists, black nationalists argued that black people should affirm and fight for their own culture and values, demanding their rights on their own terms rather than gaining a place in the existing system that had excluded them. W.E.B. Du Bois was associated with this position, which reflects the views of many of the characters in Banjo. – Black Separatism and Garveyism—These two positions are subsets of black nationalism that advocate the creation of essentially separate societies for black and white people. Whereas some black separatists thought that these two nations could be created within the United States, Marcus Garvey sought to bring blacks “Back to Africa,” a position represented in the novel by Taloufa. Berkeley university
Au sortir de la Seconde Guerre mondiale, la France n’a pas fait appel à ses territoires d’outre-mer, colonies et DOM confondus, pour combler son déficit de main-d’oeuvre bon marché. Pourquoi ? la réponse à cette question, rarement soulevée, est moins évidente qu’il n’y parait. Pour sa reconstruction, l’hexagone n’avait-il pas besoin de bras valides, de gens – de préférence francophones – taillables et corvéables ? dès lors pourquoi se priver de la « Force noire », qui venait de faire ses preuves sur le champ de bataille ? En raison d’un présupposé censément « naturel », d’un sous-entendu qui est alors au coeur des débat public sur l’immigration sans remonter à la surfacce explicite du discours: la question raciale. Quand le 3 mars 1945 devant l’Assemblée consultative, de Gaulle invoque « l’impératif migratoire », quand il précise qu’ « il faut introduire au cours des prochaines années, avec méthode et intelligence, de bons éléments d’immigration dans la collectivité française », il n’est pas dit mais entendu que ces « bons éléments » ne sauraient être des Africains ou des Antillais – des Noirs. Géraldine Faès et Stephen Smith
They were separated by a line unseen and a law unwritten: The 29th Street beach was for whites, the 25th Street beach for blacks. An invisible boundary stretched from the sand into Lake Michigan, parting the races like Moses’ staff parted the Red Sea. On this stifling hot summer Sunday, Eugene Williams, a black teenager, drifted south of that line while swimming with friends. Whites picked up rocks and let fly. Some accounts say Williams was hit on the head and went under. Others say he became tired and was too afraid to come ashore. Either way, he drowned, touching off the deadliest episode of racial violence in Chicago history. For five days it raged, mostly on the South Side. White mobs attacked isolated blacks. Blacks attacked isolated whites. John Mills, a black Stockyards worker, was riding home when a mob stopped his streetcar and beat him to death. Casmero Lazeroni, a white peddler, was pulled from his horse-drawn wagon and stabbed to death. Thirty-eight people died–23 blacks and 15 whites. By the time the National Guard and a rainstorm brought the riots to an end, more than 500 people had been injured, wounded blacks outnumbering whites by a ratio of about 2-1. Several factors had heightened tension between the races. Drawn by the promise of employment and dignity, Chicago’s black population more than doubled from 1916 to 1918. Blacks had balked at joining white-controlled unions, and in the face of violence, black leaders had begun preaching self-defense instead of self-control. But, most important of all, housing in the city’s narrow « Black Belt, » which stretched south of the Loop, had not kept pace. When blacks began moving into white neighborhoods, whites responded violently, bombing 26 homes in the two years preceding the riot. The Chicago Tribune
En avril 1919, les forces de police arrêtent un complot visant à l’envoi 36 bombes à des membres éminents de l’establishment américain politique et économique : JP Morgan, John D. Rockefeller, le juge de la Cour suprême Oliver Wendell Holmes ou encore le procureur général des États-Unis Alexander Mitchell Palmer. Le 2 juin 1919, dans sept villes du Nord-Est des États-Unis, huit bombes de fortes puissances ont explosé quasi simultanément à la même heure (une église catholique de Philadelphie étant la cible de deux bombes). L’un des objectifs était la maison, à Washington, D.C., du procureur général Palmer. L’explosion tue le poseur de bombe, qui sera la seule victime, et des témoignages confirment qu’il s’agit d’une organisation radicale d’origine italienne dont l’antenne américaine se trouverait à Philadelphie, mais l’affaire n’a jamais été résolue. C’est après, entre 1919 et 1921, que le procureur général lance les Palmer Raids. Des avocats notables dénoncent l’inconstitutionnalité de ces mesures, dont le futur juge à la Cour suprême Felix Frankfurter (notamment les quatrième, cinquième, sixième et huitième de la Constitution des États-Unis). Palmer perd de sa crédibilité lorsqu’il annonce qu’un risque de révolution est possible, le 1er mai 1920. Dès 1918, le président Woodrow Wilson avait fait pression sur le Congrès afin qu’il légifère contre les immigrés anarchistes (concrétisé par le Sedition Act of 1918 (en)) afin de protéger le moral du pays pendant la guerre. Le 1er septembre 1920, des bombes explosent à Wall Street, près de Federal Hall et de la Banque JP Morgan. Bien que deux anarchistes et des communistes soient soupçonnés d’être responsables de l’attentat, aucun n’est inculpé. On dénombre 38 morts et 141 blessés. En conséquence, l’opinion publique évolue et des organisations de gauche telles que l’Industrial Workers of the World et le Parti communiste des États-Unis perdent plusieurs de leurs militants. Entre 1919 et 1920, plusieurs états ont jugé le syndicalisme « criminel ». Cela implique alors des restrictions de la liberté d’expression. Des procès ont lieu (dont la célèbre affaire Sacco et Vanzetti), ainsi que des déportations hors du territoire américain. Wikipedia
La grande migration afro-américaine est le mouvement qui a conduit six millions d’Afro-Américains du Sud des États-Unis vers le Middle West, le Nord-Est et l’Ouest de 1910 à 1930. Les estimations du nombre de migrants varient selon les repères temporels choisis. Les Afro-Américains émigraient pour échapper au racisme et essayer de trouver du travail dans les villes industrielles. Certains historiens font une distinction entre la Première Grande Migration (de 1910 à 1940), et qui a porté sur environ 1,6 million migrants, et la Seconde Grande Migration, de 1940 à 1970. (…) Entre 1910 et 1930, la population afro-américaine s’accrut d’environ 40 % dans les États du Nord, principalement dans les grandes villes. Des villes comme Chicago, Détroit, New York et Cleveland connurent quelques-unes des plus fortes hausses dans la première partie du siècle. Du fait que cette évolution se concentrait dans les villes, les tensions urbaines augmentèrent à mesure que les Afro-Américains et les immigrants européens nouveaux ou récents, groupes qui tous les deux étaient issus de sociétés rurales, entraient en concurrence pour les emplois et le logement avec la classe ouvrière blanche d’origine. Les tensions étaient souvent les plus vives entre les Irlandais ethniques, soucieux de défendre leurs positions, et les immigrants récents et les noirs. Les Afro-Américains migraient individuellement ou en petits groupes familiaux. Ils ne recevaient aucune aide du gouvernement, mais souvent les industries du Nord, comme les chemins de fer, le conditionnement de la viande et l’élevage du bétail, avaient besoin de main-d’œuvre. Le principal facteur de la migration était le climat raciste dans le Sud et la violence généralisée qui se manifestait par des lynchages. Dans le Nord, on pouvait trouver de meilleures écoles et les hommes adultes avaient le droit de vote (ainsi que les femmes après 1920). L’essor des industries montrait qu’il y avait possibilité de trouver des emplois. (…) L’énorme expansion des industries de guerre créa pour les noirs des possibilités d’emploi, non dans les usines, mais dans les postes laissés vacants par les ouvriers appelés à y travailler. La Première Guerre mondiale et la Loi d’immigration Johnson-Reed de 1924 mirent brutalement un terme à l’afflux d’immigrants européens vers les centres industriels qui apparaissaient au Nord-Est et dans le Middle West, ce qui provoqua une pénurie de main-d’œuvre dans les usines. (…) La Grande Migration des Afro-Américains a créé les premières grandes communautés noires urbaines dans le Nord. On estime traditionnellement à 400 000 le nombre de ceux qui ont quitté le Sud pendant la période de deux années allant de 1916 à 1918, pour profiter de la pénurie de main-d’œuvre qu’avait créée la Première Guerre mondiale. (…) En 1910, la population afro-américaine de Détroit était de 6 000. Dès le début de la Grande Dépression en 1929, ce chiffre était monté à 120 000. En 1900, Chicago avait une population totale de 1 698 575 habitants. En 1920 elle avait augmenté de plus d’un million d’habitants. (…) Alors que la Grande Migration aidait les Afro-Américains instruits à obtenir des emplois, permettant à terme de mesurer la mobilité sociale, les migrants se heurtaient à des discriminations importantes. Du fait qu’un si grand nombre de personnes avaient migré dans un laps de temps assez bref, les migrants afro-américains se heurtaient souvent au ressentiment de la classe ouvrière américaine d’origine européenne, craignant que ses salaires ou la sécurité de ses emplois fût menacée par l’afflux de nouveaux travailleurs qui lui ferait concurrence. Les plus craintifs ou les plus hostiles étaient parfois les derniers en date des immigrants du XIXe siècle et les nouveaux immigrants du XXe siècle. Dans de nombreuses villes, la classe ouvrière a essayé de défendre ce qu’elle considérait comme « son » territoire. Néanmoins, les Afro-Américains ont pu gagner suffisamment d’argent dans les emplois industriels, en particulier dans la sidérurgie, l’automobile, la construction navale et les industries de préparation de la viande. Entre 1910 et 1920, le nombre de noirs employés dans l’industrie a presque doublé passant de 500 000 à 901 00010. (…) Les migrants ont découvert la discrimination raciale dans le Nord, même si elle se présentait parfois de façon plus subtile que dans le Sud. La population avait augmenté si rapidement tant chez les migrants afro-américains que chez les nouveaux immigrants venant d’Europe, qu’il y avait pénurie de logements, et les nouveaux groupes devaient rivaliser, même pour obtenir les logements les plus anciens, délabrés la plupart du temps. Les groupes ethniques se créaient des territoires qu’ils défendaient contre le changement. Souvent la discrimination forçait les Afro-Américains à rester dans les quartiers surpeuplés, comme à Chicago. Dans les villes, les populations plus à l’aise avaient tendance à se déplacer vers de nouveaux logements qui se développaient dans la périphérie. Les refus de prêts et les discriminations liées à l’habitat limitaient pour les Afro-Américains arrivés le plus récemment la possibilité de choisir leur propre logement, ou de l’obtenir à un prix raisonnable. (…) Pour de nombreux Afro-Américains cette période a marqué un profond changement dans le mode de vie : de travailleurs ruraux ils sont devenus ouvriers des industries installées dans les villes. La migration a donc eu pour eux un double effet : d’une part ils se sont intégrés de plus en plus dans la société, d’autre part le fait de vivre et de travailler en contact plus étroit avec les Américains d’origine européenne n’a cessé d’élargir le fossé qui existait entre eux. De fait, lors de la migration, les migrants se heurtaient souvent à des discriminations dans l’habitat car les propriétaires de race blanche et les agents immobiliers essayaient de les empêcher d’acheter des maisons ou de louer des appartements dans les quartiers blancs. En outre, quand des noirs allaient s’installer dans de tels quartiers, il arrivait souvent que les blancs réagissent violemment contre ces nouveaux voisins, par exemple avec une foule en émeute qui venait devant leurs domiciles, et qui allait jusqu’au jet de pierres et même jusqu’à l’assassinat. Ces tendances ont contribué à maintenir la « fracture raciale » dans le Nord et peut-être même à l’accentuer. Dans des villes comme Chicago et Omaha, le boom immobilier d’après-guerre a développé la création de banlieues réservées aux populations blanches. Le résultat est qu’à la fin des années 1950 et 1960, les Afro-Américains se sont retrouvés hyper-urbanisés et concentrés de façon beaucoup plus dense que les autres groupes dans les quartiers défavorisés. Du fait que les migrants afro-américaine avaient conservé un grand nombre de traits culturels et linguistiques du Sud, ces différences de culture ont créé chez ceux qui les avaient précédé dans les villes le sentiment qu’ils étaient des étrangers. Les stéréotypes attribués aux personnes noires au cours cette période et pendant les générations remontent souvent aux traditions culturelles rurales des migrants afro-américains, qui s’opposaient à l’environnement urbain dans lequel ils résidaient. Wikipedia
Sous la pression de la crise démographique la plus grave qu’aucune race et aucune nationalité aient connue au sein d’un quartier de Chicago, la population du secteur déborde, ou plutôt est irrésistiblement expulsée, vers d’autres quartiers. (…) Quel avenir pour les gens de couleur ? La réponse qui revient le plus souvent et semble faire consensus est celle-ci : Nous avons fait l’ultime sacrifice ; ils n’ont pas eu besoin de nous contraindre ; nos états de service, tout comme Old Glory, le drapeau que nous aimons car il symbolise notre liberté, n’ont pas une seule tâche ; nous sortons des hostilités “blanc comme neige” ; à présent, nous souhaitons voir notre nation honorer la Constitution et la Déclaration d’indépendance. (…) De meilleurs emplois, le droit de voter et de voir son vote comptabilisé lors du dépouillement, l’absence de ségrégation sur la voie publique et dans les transports, une moindre discrimination raciale, une attitude plus tolérante de la part des Blancs, l’égalité des droits en termes d’éducation : voilà quelques-unes des raisons qui attirent un flot continu de gens de couleurs fuyant le Sud. (…) Les articles de presse sur ce qui se passe à Washington citent souvent comme cause des affrontements des agressions de femmes blanches par des soldats noirs. Si cette accusation grave et sordide est répétée jour après jour dans les dépêches qui inondent le pays, elle n’est pourtant fondée sur aucune de ces preuves, éléments de connaissance ou d’information nécessaires à tout tribunal ou toute personne sensée pour parvenir à un verdict ou se forger une opinion. Carl Sandburg
Les articles qui suivent reprennent ceux publiés dans les pages du Chicago Daily News, qui avait missionné l’auteur pour enquêter sur la situation trois semaines avant le début des émeutes. Publiée depuis deux semaines, la série arrivait au stade où un ensemble de recommandations constructives aurait été le bienvenu, lorsque les émeutes ont éclaté. Et comme toujours, tout le monde, ou presque, s’est davantage intéressé à la guerre qu’à ce qui l’avait provoquée. (…) Tant que nous n’aurons pas appris à loger tout le monde, à employer tout le monde à un salaire décent et avec un statut professionnel valorisant, à garantir à chacun ses libertés civiles et lui prodiguer une éducation et des divertissements dignes de ce nom, tout ce que nous pourrons dire au sujet du « problème racial » ne restera qu’une sinistre mythologie. Walter Lippmann (août 1919)
Je lis ce rapport sur les émeutes de Chicago en 1919 et c’est comme si je lisais le rapport de la commission d’enquête sur les désordres à Harlem en 1935, le rapport de la commission d’enquête sur ceux de 1943, le rapport de la commission McCone sur les émeutes de Watts. Je dois sincèrement vous dire, Membres de la commission, qu’on se croirait dans Alice au pays des merveilles, avec le même film qu’on nous repasse éternellement : même analyse, mêmes recommandations, même inaction. Kenneth Clark (1968)
Sandburg … prend le parti de ne pas décrire sur le vif le détail saisissant des émeutes, et pas davantage de les rattacher, comme le font bon nombre de journaux d’alors, à d’obscures menées de bolchéviks poussant sourdement les Noirs à la révolte. Lui opère autrement. Il s’efforce de les rendre intelligibles, ces émeutes ; de soutirer à la cruauté de ce qui s’y joue quelque chose des conditions sociales qui les ont fait naître. (…) mais s’il faut le lire encore, si loin après sa parution initiale, c’est peut-être moins pour ce qu’il nous restitue de son époque que pour ce qu’il nous dit de la nôtre. (…) Les émeutes raciales, on le comprend mieux, ne sont pas un passage dans l’histoire américaine. Elles n’ont rien, pas plus hier qu’aujourd’hui, d’un dérèglement passager de l’ordre ordinaire des choses. Elles sont au contraire l’arête vive d’un monde d’inégalité, de misère et de violences savamment organisé. Elles sont le produit et le symptôme de ce contre quoi elles se lèvent. Christophe Granger
Chicago, juillet 1919 : un jeune Noir se noie, terrorisé par des adolescents blancs qui commençaient à lui jeter des pierres, sur une plage partagée par une frontière raciale invisible. La police refuse d’intervenir, ouvrant la voie à plusieurs jours d’émeutes qui, dans la ville, laissent derrière eux 23 morts parmi les Noirs, 15 parmi les Blancs et des dizaines d’immeubles dévastés. Rapidement, durant ce  » Red Summer « , des dizaines de villes américaines connaissent à leur tour des émeutes raciales. Carl Sandburg prend le parti d’expliquer. Il décrit l’oppression organisée des Noirs, l’immigration imposée, la ségrégation ordinaire, les logements de seconde zone et l’habitude des lynchages. A l’heure où les émeutes raciales tenaillent toujours les Etats-Unis, ce petit livre oublié éclaire l’une des périodes les plus troublées de l’Amérique – celle qui, tenaillée par la question raciale, accompagne la recrudescence du Ku Klux Klan. Il éclaire aussi une pratique journalistique, celle du reportage, qui ne cède jamais au voyeurisme de la violence, d’un auteur et poète qui, par la suite, a obtenu le prix Pulitzer. Babelio

Vous avez dit deux poids deux mesures ?

A l’heure où sort enfin pour la première fois en France avec près d’un siècle de retard …

La traduction des fameuses chroniques de l’écrivain suédo-américain Carl Sandberg pour le Chicago news sur la première émeute noire de l’histoire américaine …

Les treize jours de terreur qui avant de s’étendre à des dizaines de villes dans tous les Etats-Unis (le tristement fameux « été rouge ») feront 23 victimes noires et 15 blanches sans compter les centaines de blessés et dévasteront des quartiers entiers suite à la noyade provoquée d’un jeune Noir au large d’une plage du lac Michigan réservée aux Blancs …

Sur fond de migration massive de noirs issus du sud (500 000 en quelques années), concurrence pour les emplois et le logement avec la classe ouvrière blanche d’origine, utilisation de briseurs de grève noirs, surpeuplement suite au doublement de la population noire en deux ans, plus grand activisme de soldats noirs revenus du front « pour préserver la démocratie », série d’attentats anarchistes et grèves massives suite à la Révolution bolchévique

Publication accompagnée comme il se doit des habituels couplets de nos chasseurs d’ambulances patentés sur « les brutalités policières et émeutes qui embrasent toujours aussi fréquemment le pays » et « viennent de rappeler »,  pour ceux qui « aiment se bercer d’illusions sur l’Amérique ‘post-raciale’, « la triste réalité de ce problème sans fin » …

Pendant que mis à part les groupes protégés, la moindre agression ou brutalité policière sont dénoncées comme racistes face à des suspects qui refusent souvent d’optempérer par les mêmes qui font et vivent confortablement de l’apologie de la violence à longueur de séries télé et de films …

Et qu’avec tant le référendum britannique que la candidature d’un Donald Trump le déni de réalité de nos belles âmes et de nos bons esprits et la véritable invasion migratoire qu’ils ont provoquée viennent de recevoir la réponse que l’on sait …

Qui se souvient …

Que la France « négrophile » qui allait célébrer, sur fond d’exposition coloniale et de zoos humains et à moitié nue dans sa ceinture de sauvageonne, l’égérie des cubistes

Ou les bas fonds si pittoresques du port de Marseille décrits comme un « petit Harlem » « de la citoyenneté et du vivre-ensemble » par  le « clochard céleste, journaliste militant, bourlingeur marxiste » Claude McKay …

Et qui ne trouvait pas, loin de ses anciens esclaves parqués discrètement dans ses DOMTOM (1, 6 million quand même: 14% vs. 500 000 pour les Etats-Unis: 4% et 4 millions pour le Brésil: 35% !) et entre deux massacres coloniaux (dans les deux sens), de mots assez durs déjà pour fustiger le « racisme américain » …

Ne comptait alors pas plus de 5.000 Noirs sur son territoire métropolitain ?

Et qui rappelle …

Les raisons pour lesquelles une France saignée 25 ans plus tard par une nouvelle guerre mondiale …

Avait décidé de « se priver » pour sa reconstruction de « la Force noire » de ses territoires d’outre-mer qui « venait de faire ses preuves sur le champ de bataille » …

A savoir, comme l’avait souligné le général de Gaulle lui-même, qu’il fallait « introduire au cours des prochaines années, avec méthode et intelligence, de bons éléments d’immigration dans la collectivité française » ?

Les émeutes raciales de Chicago, juillet 1919 publiées chez Anamosa
Mohamed
Addict-Culture
9 mai 2016

Les émeutes raciales de Chicago, juillet 1919, est le troisième livre de la toute nouvelle maison d’édition Anamosa. Il s’agit là de la première traduction française (effectuée par Morgane Saysana) des articles que Carl Sandburg a consacré à Chicago avant et après le Red Summer de 1919.

Dans cette série d’articles, Sandburg fait moins oeuvre de journalisme que de sociologie, comme l’indique Christophe Granger dans la préface :

“Il prend le parti de ne pas décrire sur le vif le détail saisissant des émeutes, et pas davantage de les rattacher, comme le font bon nombre de journaux d’alors, à d’obscures menées de bolchéviks poussant sourdement les Noirs à la révolte. Lui opère autrement. Il s’efforce de les rendre intelligibles, ces émeutes ; de soutirer à la cruauté de ce qui s’y joue quelque chose des conditions sociales qui les ont fait naître”

Et c’est ainsi que l’on déambule dans les rues de Chicago pour découvrir pas à pas la condition des Noirs Américains.

Depuis 1916 les États-Unis doivent faire face à la Grande Migration des Noirs du sud vers les grandes villes industrielles du nord. Ce mouvement est qualifié par Loic Wacquant comme “le plus important de l’Histoire contemporaine”. Ce dernier écrit par ailleurs :

“Ce transfert de population a alimenté la formation des grands ghettos urbains et la première poussée des revendications pour l’accès à la pleine citoyenneté des Américains de couleurs”.

Il ne dit rien d’autre que ce que Sandburg avait écrit un siècle plus tôt :

“Sous la pression de la crise démographique la plus grave qu’aucune race et aucune nationalité aient connue au sein d’un quartier de Chicago, la population du secteur déborde, ou plutôt est irrésistiblement expulsée, vers d’autres quartiers.”

et un peu plus loin :

“Quel avenir pour les gens de couleur ? La réponse qui revient le plus souvent et semble faire consensus est celle-ci : Nous avons fait l’ultime sacrifice ; ils n’ont pas eu besoin de nous contraindre ; nos états de service, tout comme Old Glory, le drapeau que nous aimons car il symbolise notre liberté, n’ont pas une seule tâche ; nous sortons des hostilités “blanc comme neige” ; à présent, nous souhaitons voir notre nation honorer la Constitution et la Déclaration d’indépendance.”

Chicago, tout comme d’autres villes du nord, représente pour les Noirs une terre promise loin des agressions raciales et semble aussi incarner une promesse d’emploi.

“De meilleurs emplois, le droit de voter et de voir son  vote comptabilisé lors du dépouillement, l’absence de ségrégation sur la voie publique et dans les transports, une moindre discrimination raciale, une attitude plus tolérante de la part des Blancs, l’égalité des droits en termes d’éducation : voilà quelques-unes des raisons qui attirent un flot continu de gens de couleurs fuyant le Sud.”

Carl Sandburg constate donc au fil de ses enquêtes que les villes du nord ne sont pas aussi tolérantes que les Noirs eux-mêmes auraient pu le croire. La ségrégation, même si elle n’est pas aussi démonstrative que dans les villes du sud, n’en n’est pas moins réelle et plus pernicieuse. A commencer dans l’immobilier, où l’accession à la propriété n’est pas chose aisée :

“Vous autres, vous n’êtes pas admis dans notre société. Personnellement je n’ai rien contre eux (…) mais, vous savez on prévoit de rénover les abords du lac, le réseau de chemins de fer de l’Illinois, et pour le reste ; on ne peut pas se permettre de laisser ces gens là s’installer ici. (…)Loin de nous l’idée de lancer des menaces, mais il faut faire quelque chose, nous tenons à le signaler”

Ce sont ici les mots du porte-parole des intérêts immobiliers.

Sur le marché de l’emploi, les Noirs ne sont pas mieux traités. La ville profite de cette arrivée massive de travailleurs pour remplacer ceux qui sont parti en Europe. Cependant ils n’ont d’autres choix que d’occuper les métiers pénibles que les Blancs refusent d’accomplir.

Donc, dès 1919, Carl Sandburg démontre la dimension tragique, à travers cet environnement social des grandes villes, Chicago en particulier, que les Noirs doivent affronter. Il montre que cette communauté cherche à s’implanter durablement dans une société qui ne les désire pas. Ils nous parle des ces personnes de couleurs qui réussissent, certes, mais aussi des marginaux, de ceux qui demeurent dans les pires conditions de vie et ceux qui s’adonnent aux activités criminelles.

Sandburg démontre aussi la responsabilité de la presse qui n’a de cesse de colporter des rumeurs sans réel fondement sur des agressions, alimentant ainsi la haine envers les Noirs :

“Les articles de presse sur ce qui se passe à Washington citent souvent comme cause des affrontements des agressions de femmes blanches par des soldats noirs. Si cette accusation grave et sordide est répétée jour après jour dans les dépêches qui inondent le pays, elle n’est pourtant fondée sur aucune de ces preuves, éléments de connaissance ou d’information nécessaires à tout tribunal ou toute personne sensée pour parvenir à un verdict ou se forger une opinion.”

Carl Sandburg aborde donc tous les aspects de la vie des afro-américains : de l’emploi en passant par la vie religieuse et associative. Il met l’accent sur une vie qui semble paisible mais qui repose sur un équilibre fragile. Autrement dit, si les Noirs restent à leur place… tout va bien. Il traite aussi les dangers de s’aventurer hors de la “black belt”, ce territoire aux frontières imaginaires et pourtant si bien défini dans la pensée des Blancs. Pour preuve, lorsque le jeune Eugène Williams se retrouve sur un bout de plage qui n’est pas celui qui revient aux Noirs, il est alors assassiné à coup de jets de pierres par la jeunesse blanche. L’équilibre factice est rompu. Toutes ces tensions inhérentes à cette société inégalitaire finissent par devenir de fortes émeutes qui ont pour résultats des centaines de victimes et d’immenses dégâts.

Le travail de Carl Sandburg est particulièrement éclairant sur une situation qui se répète encore de nos jours, non seulement aux États-Unis mais aussi dans d’autres parties du monde où l’étranger est mal ou peu considéré.

Lors d’une allocution devant la commission Kerner sur les émeutes raciales de 1968 à Chicago, le sociologue Kenneth Clark déclare :

“Je lis ce rapport sur les émeutes de Chicago en 1919 et c’est comme si je lisais le rapport de la commission d’enquête sur les désordres à Harlem en 1935, le rapport de la commission d’enquête sur ceux de 1943, le rapport de la commission McCone sur les émeutes de Watts. Je dois sincèrement vous dire, Membres de la commission, qu’on se croirait dans Alice au pays des merveilles, avec le même film qu’on nous repasse éternellement : même analyse, mêmes recommandations, même inaction»

Chicago, Washington, New York 1919, Harlem 1935, Harlem 1943, New York 1964, Philadelphie 1964, Watts 1965, Detroit 1967, Washington, Chicago, Baltimore 1968, Los Angeles 1992, Baltimore 2015.

Voilà donc depuis presque un siècle la ritournelle des soulèvements de la population Afro-Américaine et démontre que la question raciale est toujours présente aux Etats-Unis.

Lorsque Walter Lippman  rédige son introduction à propos du travail de Carl Sandburg il en arrive à la même conclusion :

“Les articles qui suivent reprennent ceux publiés dans les pages du Chicago Daily News, qui avait missionné l’auteur pour enquêter sur la situation trois semaines avant le début des émeutes. Publiée depuis deux semaines, la série arrivait au stade où un ensemble de recommandations constructives aurait été le bienvenu, lorsque les émeutes ont éclaté. Et comme toujours, tout le monde, ou presque, s’est davantage intéressé à la guerre qu’à ce qui l’avait provoquée.”

Carl Sandburg a accompli un travail d’enquête d’une grande justesse, dans un style précis étayé par les chiffres mais aussi une réflexion pleine d’humanisme.

Il parvient à “émouvoir non seulement pour susciter l’indignation, bien que cela soit nécessaire, mais aussi pour faire réfléchir”.

Voir aussi:

LES ÉMEUTES RACIALES DE CHICAGO JUILLET 1919 de Carl Sandburg / Editions Anamosa.
clete

Nyctalopes

juin 2, 2016

Traduction: Morgane Saysana.

Troisième publication de la toute nouvelle maison d’édition Anamosa spécialisée dans les sciences humaines « les émeutes raciales de Chicago » de 1919 est un bien bel ouvrage inédit puisque l’ensemble des textes de Carl Sandburg n’avait jamais été traduit en français.

Chicago, juillet 1919 : un jeune Noir se noie, terrorisé par des adolescents blancs qui commençaient à lui jeter des pierres, sur une plage partagée par une frontière raciale invisible. La police refuse d’intervenir, ouvrant la voie à plusieurs jours d’émeutes qui, dans la ville, laissent derrière eux 23 morts parmi les Noirs, 15 parmi les Blancs et des dizaines d’immeubles dévastés. Rapidement, durant ce  » Red Summer « , des dizaines de villes américaines connaissent à leur tour des émeutes raciales.

L’ouvrage qui se décline en plusieurs parties forme un beau livre où préface, texte proprement dit, puis cahier annexe de fin d’ouvrage avec cartes, photographies et mémorial des victimes offrent un panorama complet des tragiques événements de juillet 1919 à Chicago qui ne sont néanmoins qu’une petite partie des émeutes qui ont secoué et endeuillé le pays cet été là.

La partie centrale et majeure du livre est bien sûr l’écrit de Carl Sandburg qui décrit la condition des Afro-Américains à Chicago au sortir de la guerre. Ils arrivent en grand nombre en pensant que la vie au Nord sera moins difficile que dans le terrible Sud où ils ne sont que les descendants d’esclaves et où les droits minimum ne leur sont pas garantis sans compter l’accès au travail et à la même éducation que la population blanche. Cet afflux à Chicago et dans les grandes métropoles industrielles du Nord se fait sans aucune organisation des autorités qui se contrefoutent bien des conditions de vie des arrivants qui seront forcément mieux lotis dans l’ Illinois que dans le Mississipi ou autres états moyen-moyenâgeux où les lynchages sont monnaie courante. Carl Sandburg explique d’ailleurs que chaque cas de lynchage dans un état du sud est suivi d’arrivées massives en gare de Chicago dans les jours qui suivent.

Carl Sandburg va ainsi montrer les différents aspects de la vie sociale et économique de ces arrivants qui s’ils ne sont pas haïs et méprisés comme en dessous de la ligne Mason-Dixon sont néanmoins largement exploités dans leurs conditions de vie,de travail et dans leurs accès à la propriété ou à un logement décent. Cette partie du livre qui date de l’époque fera le bonheur, bien sûr, des historiens et des sociologues mais aussi de toutes les personnes intéressées par l’Amérique, ses maux, ses fractures et ses paradoxes.

Profane, je vais sûrement faire hurler les puristes mais la partie inoubliable, brillante, c’est l’introduction écrite en février 2016 par Christophe Granger historien, membre du centre d’Histoire sociale du XXème siècle qui réussit un formidable travail de didactique pour les béotiens comme moi en démarrant son propos intitulé « L’Amérique et le démon de la race » par cette phrase : « mais s’il faut le lire encore, si loin après sa parution initiale, c’est peut-être moins pour ce qu’il nous restitue de son époque que pour ce qu’il nous dit de la nôtre ».Un siècle plus tard, on ne compte plus les émeutes raciales qui ont ensanglanté l’histoire des USA avec toujours les mêmes raisons, la ghettoïsation, les différences économiques entre les groupes, le laxisme des autorités, les inégalités sociales, la volonté universelle de médiocres d’écraser pour montrer qu’ils existent.

Si Sandburg, dans cette compilation d’articles qu’il avait écrits pour le Chicago Daily News à l’époque, explique, démontre les conditions qui ont permis l’horreur, Granger, lui, tout en nous apprenant à apprendre de l’Histoire montre les événements avec le recul de l’Historien et donne ainsi des clés indispensables à la compréhension des écrits de Sandburg et du déroulement des jours d’effroi.

On pourrait se dire que ce n’est qu’un phénomène ricain et pourtant l’universalité des maux saute aux yeux.

« Tant que nous n’aurons pas appris à loger tout le monde, à employer tout le monde à un salaire décent et avec un statut professionnel valorisant, à garantir à chacun ses libertés civiles et lui prodiguer une éducation et des divertissements dignes de ce nom, tout ce que nous pourrons dire au sujet du « problème racial » ne restera qu’une sinistre mythologie. »Walter Lippmann août 1919.

Très belle initiative des éditions Anamosa, ouvrage essentiel.

Voir également:

Les émeutes de Chicago en 1919
Zones subversives

3 Juillet 2016

En 1919, des émeutes raciales éclatent à Chicago. Mais les Noirs se révoltent surtout contre leurs conditions de vie. Cet épisode historique fait écho à la situation actuelle.

Les émeutes de Ferguson et de Baltimore s’inscrivent dans une histoire longue. Celle de la révolte des ghettos noirs des Etats-Unis. Le journaliste Carl Sandburg analyse Les émeutes raciales de Chicago de juillet 1919. Ce texte réédité décrit une situation qui n’a pas changé : misère, ségrégation, violence et injustice sociale. Carl Sandburg ne se contente pas de décrire, il analyse les émeutes et leurs causes sociales.

L’historien Christophe Granger présente le contexte d’un récit qui conserve toute son actualité. Durant le « Red Summer », les agressions racistes se multiplient. Des jeunes Blancs attaquent aveuglement des passants noirs. Les émeutes de Chicago sont déclenchées par la noyade d’un jeune Noir agressé par des Blancs. Le policier présent ne réagit pas. Dans les jours qui viennent, les affrontements se multiplient. Les Blancs et les Noirs se battent, avec des morts de chaque côté. L’émeute prend l’allure d’une « guerre raciale ».

Ce Red Summer s’inscrit dans une histoire longue des violences raciales. Les Etats du Sud ont longtemps pratiqué l’esclavage. Des émeutes raciales éclatent pendant la guerre de Sécession. Dans les années 1870, cette violence raciale participe au maintien de la ségrégation et des rapports sociaux. Ces agressions visent à faire fuir les élites noires.

Dans les années 1910, Chicago devient le centre de la « question raciale ». Cette métropole accueille les familles noires qui fuient les Etats ségrégationnistes du Sud. Mais la « terre promise » devient le ghetto noir de Chicago. La misère, des logements dégradés et des mauvaises conditions de travail installent les Noirs dans une marginalité. Ils intériorisent une infériorité par rapport aux Blancs.

Racisme et exploitation

Au début du XXe siècle, la population noire fuit les Etats du Sud avec leur racisme et leur passé esclavagiste. Les gens de couleurs se réfugient dans les grandes villes du Nord comme Chicago. Ils fuient la misère et le racisme. « Pour beaucoup de ceux qui ont gagné le Nord, la promesse d’un salaire et d’un emploi vient après le désir de fuir les lynchages », décrit Carl Sandburg. Les population noire espère trouver davantage d’égalité et d’opportunités dans les villes du Nord.

Les populations noires ont des difficultés d’accès au logement. Leur arrivée massive peut influencer le prix de l’immobilier. Les propriétaires rénovent les logements pour augmenter les prix. Inversement, l’arrivée massive d’une population noire peut contribuer à la diminution des loyers dans un quartier. Les agents immobiliers peuvent alors s’opposer à la présence des Noirs. Ils instrumentalisent l’antagonisme racial à des fins commerciales.

Les personnes de couleur doivent se contenter d’accepter les emplois les moins qualifiés et rémunérés. Les postes à pourvoir se situent dans les fonderies, les aciéries, le bâtiment et les usines qui demandent en permanence des travailleurs peu qualifiés. Les travailleurs immigrés issus des pays européens aspirent à revenir dans leur pays d’origine pour retrouver leur famille. Pour reconstituer la main d’œuvre à exploiter, le patronat doit désormais puiser dans la population noire. « L’essentiel de ce qu’on considère comme une question raciale est au fond un problème de main d’œuvre », analyse Carl Sandburg. L’accès au marché de l’emploi et l’égalité salariale pour les travailleurs noirs se situent au cœur de la « question raciale ».

Les écrits des personnes de couleur insistent sur l’importance de l’égalité économique pour régler le problème racial. Les gens de couleur insistent sur l’accès à l’emploi et à un revenu décent. « Ils tiennent en horreur la ségrégation dans les transports issue des lois Jim Crow, mais aussi les lynchages et tous les actes de discrimination raciale, parce que derrière cela, ils savent bien que, même dans le Nord, hommes et femmes de couleur ont peu de chances d’obtenir des emplois qualifiés, et même non qualifiés », observe Carl Sandburg.

Race et inégalités sociales

Les femmes de couleur travaillent surtout dans l’industrie manufacturière. « Les chapeaux de poupée, les abat-jour, la mercerie : voilà trois branches de l’industrie manufacturière où la main d’œuvre de couleur s’est introduite dans les usines et s’est aussi mise à travailler à domicile », décrit Carl Sandburg. Les hôtels et les restaurants embauchent également des aides de cuisine, des serveuses et des femmes de ménage. L’industrie de la viande emploie aussi des travailleuses de couleur. Les femmes noires doivent souvent se contenter des travaux mécanisés ou manuels. « Les ouvrières de couleur interviennent aux étapes de fabrication que les femmes blanches refusent d’effectuer », commente un observateur du monde industriel. Les femmes de couleur effectuent les tâches les plus ingrates et les moins bien rémunérées.

Les propriétaires des logements augmentent les loyers lorsque leurs locataires sont noirs. Quelles que soient les causes économiques, « le Nègre à Chicago, moins bien payé que les travailleurs blancs et plus limité dans les emplois qui s’offrent à lui, paie un loyer relativement plus élevé », indique une enquête sur le logement. Des travailleurs noirs s’organisent dans des syndicats et luttent pour l’égalité économique. « Leur hypothèse est que, une fois l’égalité des races admise sur le plan économique, elle s’imposera ensuite sans difficultés aux plans social, immobilier, dans les transports, le logement et l’éducation », souligne Carl Sandburg.

Ce livre montre bien les causes sociales de la révolte. Ces émeutes ne s’expliquent donc pas par une dimension raciale. « On le voit : invoquer la « race » pour expliquer les émeutes de Chicago, et toutes celles qui leur ressemble, c’est prendre l’effet pour la cause », analyse Christophe Granger. Une racialisation des relations sociales s’impose. C’est la façon « dont les différences raciales, loin de relever de vérités biologiques ou naturelles, ont été érigées en principe légitime d’organisation, de description et de classification des faits sociaux », observe Christophe Granger.

La race est devenue un problème pour mieux occulter les inégalités sociales. Une enquête sociologique montre au contraire les causes sociales et politiques des émeutes. Le maire de Chicago, lié à la mafia, a mis en place un véritable système clientéliste pour attribuer les logements et les emplois. Ces émeutes s’expliquent également par les gangs de jeunes blancs qui saisissent l’occasion pour se déchaîner. Mais la dimension ouvertement raciste n’est pas évidente.

Révolte sociale contre racialisation

La description de Carl Sandburg tranche avec le bavardage postmoderne des racialisateurs qui dominent désormais l’extrême gauche. Toute une mouvance sous-gauchiste, incarnée par le Parti des Indigènes de la République (PIR), insiste sur une vision raciale de la société à travers une idéologie identitaire. L’esclavage et le colonialisme suffisent alors à expliquer la situation des quartiers populaires. Les « racisés » sont simplement les victimes de représentations postcoloniales. Mais, dans le monde réel, ce sont les inégalités sociales qui expliquent les émeutes dans les quartiers populaires.

Le PIR et ses amis gauchistes gomment les clivages sociaux et les rapports de classe pour ne voir que des différences entre les races. Le PIR comprend surtout une petite bourgeoisie intellectuelle qui a trouvé un créneau pour obtenir des postes de pouvoir et de reconnaissance dans les partis de gauche. Ils n’évoquent jamais les problèmes concrets des quartiers populaires comme la précarité ou le mal-logement. Ils préfèrent pérorer sur une affirmation identitaire. Mais la véritable révolte reste toujours sociale.

L’approche identitaire du PIR ne débouche logiquement vers aucune lutte sociale. Ils proposent uniquement une Marche de la dignité pour affirmer un statut de « racisé ». La posture postmoderne consiste surtout à pleurnicher sur son sort et à cumuler les oppressions pour organiser un colloque sur l’intersectionalité. En revanche, il existe aussi de véritables révoltes comme à Ferguson ou à Baltimore, mais aussi en région parisienne en 2005. Les analyses de Carl Sandburg peuvent s’appliquer également à ces émeutes récentes. La misère, la précarité, le mépris des institutions, le mal-logement, la ségrégation sociale expliquent la colère.

Les émeutes et les révoltes ne relèvent pas uniquement de l’évènement ponctuel voué à l’oubli. « Elles sont au contraire l’arête vive d’un monde d’inégalités, de misère et de violences savamment organisé. Elles sont le produit et le symptôme de ce contre quoi elles se lèvent », analyse Christophe Granger. Des mouvements de révolte spontanée vont éclater à nouveau. Mais cette contestation doit embraser l’ensemble des classes populaires. Les races servent aussi à diviser les prolétaires qui ont pourtant le même intérêt à abattre la société marchande. Une solidarité de classe, au-delà des races, se construit dans les révoltes sociales.

Source : Carl Sandburg, Les émeutes raciales de Chicago. Juillet 1919, traduit par Morgane Saysana, Anamosa, 2016

Voir encore:

Trois romans et quelques centaines de poèmes seulement auront suffi à Claude McKay, écrivain noir américain d’origine jamaïquaine, pour devenir l’une des figures de proue du mouvement Harlem Renaissance, qui dans l’entre-deux-guerres amorça l’émancipation culturelle et politique de la communauté afro-américaine et influença le courant de la négritude d’Aimé Césaire et de Léopold Sédar Senghor.

Dans ce bouillonnement créatif, le jazz, l’art, la photographie, la mode et, bien sûr, la littérature furent plus que des expressions privilégiées pour raconter les multiples vies de l’homme noir, de véritables armes au service de la reconquête d’une identité. Celle de Claude McKay est multiple, clochard céleste, journaliste militant, bourlingeur marxiste – il résida en URSS dans les années 30, où il rencontra Trotski lors de la 4e Internationale communiste -, chroniqueur de la rue. C’est de tout cela qu’est fait son verbe vagabond. Celui de Home To Harlem, qui lui vaut, en 1928, le Harmon Gold Award Of Literature, et celui de Banjo, en 1929, où il dépeint le Marseille cosmopolite où il vécut.

Banjo – du surnom de son héros, un docker noir qui, dans les bas-fonds de la cité phocéenne, s’évertue à monter un groupe de jazz -, croque un Marseille qui n’existe plus, un quartier interlope, la Fosse, situé entre le Vieux-Port et la Joliette, que l’occupant nazi rasera en 1943 pour purifier le « cloaque » du « chancre de l’Europe ». Car ce quartier réservé, à l’image du French Quarter de La Nouvelle-Orléans, est depuis 1865 le lieu de tous les plaisirs, de tous les dangers et de l’amarrage, dans les années 20, de cette « infernale musique noire qui rythme tous les bruits », comme l’écrira le romancier marseillais André Suarès. « Bars à passe en toile de fond, cafés de quartier qui émettent le son d’un « fox-trot populaire » provenant de pianos mécaniques çà et là dans « Boody Lane » qui semble proclamer au monde entier que la chose la plus merveilleuse était le bordel. […] Oh, Shake That Think, Jelly r-o-o-o-o-oll ! Tem, tem, ti-toum, tim-ti-tim, toum, tem… »

Claude McKay n’a pas son pareil pour dire la bouillonnante ville-monde, ce « petit Harlem », où vivent, aiment et meurent voyous provençaux, bandits corses et italiens, dockers africains, marins, filles de joie et artistes du monde entier. Son écriture visionnaire, chaloupée et enivrante, construite, avec ses solos, comme un air de jazz, assène, près de quatre-vingt-dix ans plus tard, des questionnements toujours actuels. Ceux de la citoyenneté et du vivre-ensemble. Sa lecture ne s’en révèle que plus indispensable.

Banjo, de Claude McKay, L’Olivier, 380 p., 14,90 €.

Voir de plus:

Etats-Unis : deux Afro-Américains tués par la police en deux jours
Euronews

07/07/16

Les tensions raciales sont une fois encore exacerbées aux Etats-Unis après de nouvelles bavures policières. Deux jours seulement après le drame survenu en Louisiane, un autre Afro-Américain a été tué par la police dans le Minesota. Arrêté après avoir passé un feu rouge, Philando Castile, un homme de 32 ans a été abattu dans sa voiture. Selon sa compagne, qui a commencé à filmer avec son téléphone portable juste après le tir, le conducteur venait d’avertir l’agent qu’il détenait une arme avec licence et cherchait ses papiers.

Dans la ville de Bâton-Rouge, en Louisiane, l‘émotion et l’indignation sont tout aussi fortes. C’est sur le parking d’un centre commercial qu’un vendeur à la sauvette afro-américain a été abattu de plusieurs balles par des policiers. Des dizaines de personnes ont manifesté pour réclamer justice.

“Nous allons prier pour la paix, pour l’unité. Mais je veux que vous sachiez que cela ne s’arrêtera pas là, leur a promis Denise Marcelle, une élue de la chambre des Représentants. Nous voulons que justice soit faite, nous voulons de la transparence. Je n’arrêterai pas jusqu‘à ce que je découvre ce qui s’est passé, et les responsables seront poursuivis.”

Sans attendre une enquête locale, le département américain de la Justice a ouvert une enquête à l‘échelle fédérale pour déterminer les responsabilités des deux policiers, qui ont été suspendus.

Les forces de l’ordre avaient été alertées par un appel indiquant qu’un homme brandissait une arme sur le parking. Interpellé et plaqué au sol, Alton Sterling, un vendeur ambulant de 37 ans, a tenté de résister et a été tué à bout portant.

Dans la vidéo-amateur, on entend l’un des policiers s‘écrier “il est armé !” avant que son collègue n’abatte l’homme de plusieurs coups de feu.

Voir de plus:

Un réfugié nigérian battu à mort en Italie lors d’une agression raciste
Europe 1

07 juillet 2016

Emmanuel Chidi, 36 ans, a été pris à partie et battu à mort à Formi par un supporter « ultra » du club de football local.
Un réfugié nigérian, âgé de 36 ans, a été battu à mort lors d’une agression racisteà Fermo dans le centre de l’Italie, a indiqué mercredi le maire de la ville Paolo Calcinaro.

Le maire effondré. « En tant que maire d’une ville accueillante et ouverte depuis toujours à l’intégration, j’ai l’impression de plonger dans un cauchemar », a déclaré le maire peu après l’annonce de la mort de ce jeune réfugié, Emmanuel Chidi. Ce dernier se promenait mardi dans le centre de cette petite ville des Marches, accompagné de sa fiancée âgée de 24 ans, lorsqu’il a été violemment pris à partie par un homme identifié comme un supporter « ultra » de l’équipe de football local, selon l’agence italienne Agi.

Frappé à la tête. Insulté par des propos racistes, lui et sa jeune compagne, il a répondu verbalement à ces provocations, avant d’être frappé à la tête par cet homme dont l’identité n’a pas été révélée. Ce dernier a continué à le frapper alors que le jeune Nigérian se trouvait à terre. Hospitalisé dans un état grave, ce dernier est mort mercredi sans avoir repris connaissance.

Soutenu par une ONG catholique. Emmanuel Chidi et sa compagne se trouvaient à Fermo depuis huit mois, accueillis dans un centre de réfugiés de la Caritas, ONG catholique. Ils avaient fuit leur pays et la jeune femme avait perdu son bébé juste après une difficile traversée de la Méditerranée. Des centaines de réfugiés arrivent presque chaque jour sur les côtes italiennes, dont de nombreux Nigérians.

Sur le même sujet :
Royaume-Uni : les incidents racistes en hausse depuis le référundum
Insultes racistes dans un tram de Manchester, la vidéo qui choque l’Angleterre

Voir enfin:

La France après la guerre

La politique de la France en matière de naturalisation

L’abrogation des lois de Vichy suscite de nombreuses polémiques sur la conception des textes à adopter, sur les critères de leur mise en œuvre et sur la détermination des autorités compétentes. Dans les débats sur la politique d’immigration et de naturalisation, l’approche ethnique reste souvent présente et s’oppose aux conceptions égalitaires.

La loi qui avait permis de déchoir de la nationalité les résistants (dont de Gaulle…) est abrogée dès avril 1943 par la France Libre, et les personnes déchues sont réintégrées. L’abrogation de la loi de dénaturalisation provoque davantage de controverses. Le ministre de la Justice de la France Libre, de Menthon, considère en 1943 que l’annulation des dénaturalisations « pourrait dans certains cas présenter les plus sérieux inconvénients… Les naturalisations trop nombreuses, dans les années qui ont immédiatement précédé la guerre, d’éléments israélites douteux, ont donné prétexte à un antisémitisme qui peut poser au jour du retour un certain problème. Ce ne serait pas y parer par avance que d’annuler a priori toutes les mesures de retrait qui sont intervenues. »

Le Comité juridique de la France Libre adopte début 1944 un texte qui contredit ce point de vue et propose l’abrogation pure et simple des textes de Vichy. Les allers-retours entre les structures débouchent finalement sur un texte le 24 mai 1944 qui va dans le sens du Comité juridique et tous les dossiers de dénaturalisation sont réexaminés.

Les points de vue sur les nouvelles naturalisations sont encore plus contradictoires. Les dossiers s’accumulent (200 000 en 1944) dans les préfectures et le Garde des Sceaux demande leur remontée au ministère. Une Commission interministérielle est créée le 17 mars 1945 pour dégager les principes à adopter.

Se mêlent les débats sur les naturalisations et sur l’immigration. De Gaulle déclare en 1945 que « Le manque d’hommes et la faiblesse de la natalité française sont la cause profonde de nos malheurs… et l’obstacle principal qui s’oppose à notre redressement. » Il trace un grand plan afin « d’appeler à la vie les douze millions de beaux bébés qu’il faut à la France en dix ans … et d’introduire au cours des prochaines années, avec méthode et intelligence, de bons éléments d’immigration dans la collectivité française. » Un Haut Comité consultatif de la population et de la famille est créé en avril 1945. Il est dirigé par Mauco, qui s’est distingué avant et surtout pendant la guerre par ses points de vue racistes et antisémites. Aux principes égalitaires de la politique de l’immigration de la Troisième République, il oppose la nécessité d’un objectif de protection ethnique. Il collabore à L’Ethnie française jusqu’en 1943, où il publie en 1942 un article hallucinant sur les caractéristiques ethniques des Russes, des Arméniens et des Juifs – qui les rendent bien sûr inassimilables1 –, avant de rejoindre les FFI au début de 1944. Il est désormais chargé de mettre en place la nouvelle politique de l’immigration. Il utilise des études anthropologiques pour déterminer l’assimilabilité et donc la sélection des immigrés selon leur origine. Il conclut que puisqu’il est impossible de mener avec certitude une politique d’immigration totalement objective, « la position la plus sûre et qui doit permettre d’écarter tout risque de modifier profondément la population française et tout déboire du point de vue culturel, est certainement celle qui consiste à rechercher des immigrants dont le type ethnique est déjà présent dans la mosaïque française », c’est-à-dire celle de 1881-1891, considérée comme équilibrée ! Le Haut Comité décide que l’entrée des immigrés se fera selon un ordre de « désirabilité » déterminé, selon les nationalités, et des pourcentages sont fixés pour chacune d’entre elles. Les réfugiés politiques et les fugitifs sont considérés comme suspects.

En matière de naturalisation, il prône les mêmes principes. Le bureau du Sceau naturalise en priorité les résistants et les combattants de la France Libre. Mauco envoie une note pour souligner que cela conduit à naturaliser une proportion considérable de Méditerranéens, Arméniens et Israélites russes ou polonais. Il faut au contraire une politique d’ensemble qui privilégie les Nordiques, les travailleurs agricoles et les mineurs. De Gaulle tranche en faveur d’une politique d’ensemble et s’adresse en juin 1945 au nouveau garde des sceaux, Teitgen, « pour que les naturalisations soient effectuées selon une directive d’ensemble. Il conviendrait notamment de ne plus les faire dépendre exclusivement de l’étude de cas particuliers, mais de subordonner le choix des individus aux intérêts nationaux dans les domaines ethnique, démographique, professionnel et géographique. »

Lettre adressée par le Général de Gaulle à Pierre-Henri Teitgen,
garde des Sceaux, le 12 juin 1945

Le Haut Comité consultatif de la Population et de la Famille étudie actuellement des projets qui constitueront son avis en ce qui concerne la politique du Gouvernement en matière d’immigration.
Dès à présent il importe que les naturalisations soient effectuées selon une directive d’ensemble. Il conviendrait notamment de ne plus les faire dépendre exclusivement de l’étude des cas particuliers, mais de subordonner le choix des individus aux intérêts nationaux dans les domaines ethnique, démographique, professionnel et géographique.

a) Sur le plan ethnique, limiter l’afflux des Méditerranéens et des Orientaux qui depuis un demi-siècle ont profondément modifié la structure humaine de la France. Sans aller jusqu’à utiliser comme aux États-Unis [qui ont connu les mêmes préoccupations]* un système rigide de quotas, il est souhaitable que la priorité soit accordée aux naturalisations nordiques (Belges, Luxembourgeois, Hollandais, Suisses, Danois, Scandinaves, Islandais, Anglais, Allemands, etc.). [Si on se réfère à la composition de la population étrangère aux recensements de 1881-1891, où les sources d’émigration s’équilibraient]. Étant donné le grand nombre de dossiers actuellement en instance dans les préfectures, on pourrait envisager une proportion de 50 % de ces éléments.

b) Sur le plan professionnel, la France a surtout besoin de travailleurs directement producteurs : agriculteurs, mineurs, ouvriers du bâtiment, etc. D’autre part, pour conserver au pays son pouvoir d’assimilation, il est souhaitable que les professions libérales, commerciales, banquières, etc. ne soient pas trop largement ouvertes aux étrangers. C’est dans la mesure où les étrangers peuvent se donner en France des cadres intellectuels et économiques – même naturalisés – qu’ils conservent davantage leur particularisme. Il y a intérêt à limiter les naturalisations dans ces professions, et d’une manière plus générale, dans les professions urbaines.

c) Sur le plan démographique, il importe de naturaliser des individus jeunes ou ayant des enfants.
[Il n’est pas souhaitable d’accorder la nationalité française à des individus de plus de 70 ans.]

d) Sur le plan géographique, limiter [très] strictement les naturalisations dans les villes, spécialement à Paris, Marseille, Lyon, où l’afflux des étrangers n’est pas désirable pour de multiples raisons. Par contre, les naturalisations doivent être suscitées et multipliées en province et spécialement dans les milieux ruraux.
Je vous prie de vouloir bien donner des instructions aux préfectures pour que l’étude et l’envoi des dossiers s’inspirent de ces directives et pour que soient suscitées au besoin les naturalisations désirables.

Ch. de Gaulle

* Sont barrés entre crochets les passages du projet de Mauco qui n’ont pas été repris dans la lettre de Charles de Gaulle.

La Commission interministérielle fixe à 45 000 le nombre de naturalisations, soit 130 000 acquisitions de nationalité en incluant les procédures automatiques ou déclaratives. Cela correspond au nombre de nouveaux immigrés, de sorte que la proportion Français/étrangers reste identique… Elle tente de dégager les principes d’attribution. Chaque ministère pondère différemment les critères de situation de famille, de profession ou de nationalité d’origine. Finalement, les instructions publiques données aux préfectures fixent une priorité pour :

  • Les anciens combattants de 1939-45 et ceux qui ont joué un rôle dans la résistance.
  • Les parents de trois enfants et étrangers et âgés de moins de 25 ans aptes au service militaire.
  • Les parents de deux enfants et étrangers et âgés de 25 à 30 ans aptes au service militaire.

Un critère complémentaire de nationalité d’origine est ajouté.

Une circulaire du Haut Comité demande au ministère de la Justice d’accélérer les naturalisations particulièrement désirables et utiles : éléments nordiques, travailleurs directement productifs, en limitant l’étude des candidatures moins désirables : professions commerciales, libérales, artisanales, urbaines, en particulier des grandes villes.
Circulaires, instructions, notes et réponses traduisent la poursuite des débats entre Mauco, du Haut Comité, et Teitgen, du ministère de la Justice.

Un nouveau code de la nationalité est élaboré en 1945 et remplace celui de 1927. Très détaillé, il reflète les préoccupations démographiques et la volonté de renforcer le contrôle préalable de l’Etat sur les acquisitions de nationalité. Le délai de résidence est porté de trois à cinq ans (sauf exceptions), et quatre critères de recevabilité s’ajoutent : résidence effective, moralité, assimilation et bon état de santé. La gestion des naturalisations est retirée au ministère de la Justice et attribuée au ministère de la Population, créé en décembre 1945.

À cette date, il y a :
200 000 dossiers de naturalisations en instance
500 000 dossiers de déclaration en instance
90 000 dossiers à instruire annuellement
36 000 consultations juridiques
30 000 changements de noms
plus les interventions des cabinets, des parlementaires, etc.

Le rythme des naturalisations s’accélère considérablement : 17 351 en 1946, 83 317 en 1947, année-record, 58 823 en 1948. Le total des acquisitions de la nationalité française atteint 38 869 en 1946, 111 736 en 1947, 70 925 en 1948. Priorité absolue est donnée aux résistants, aux mineurs polonais, puis aux travailleurs agricoles. Mais l’impératif démographique conduit à des naturalisations massives. Les dossiers sont traités par les préfectures, puis transmis au ministère de la Population qui les traite selon l’ordre de priorité établi par le Haut Comité. D’abord ceux des ouvriers mineurs, des combattants et des familles de trois enfants, puis les autres selon l’âge, la situation familiale et professionnelle. En 1947, le taux de décision positive s’élève à 93,3 %. Cette même année, les industriels, commerçants et ouvriers de la petite industrie représentent 42,2 % du total des hommes naturalisés, les agriculteurs et ouvriers agricoles 17,2 %, les mineurs 9 %.

Le rythme se ralentit à partir de 1947-48. Au début des années cinquante, la Guerre froide et la réintégration du critère ethnique (favoriser les ressortissants d’Europe septentrionale) conduisent à faire chuter le taux de décision positive : 80 % en 1950-51 ; 63,5 % en 1952-53-54. À partir de 1953 cependant, de nouvelles directives plus libérales (abandon du critère de l’origine nationale) sont données et le taux d’acceptation remonte.

Les documents sur la naturalisation de Mendel et Mirla Milewski sont visibles dans la section documents.

Sources :
La France et ses étrangers. L’aventure d’une politique de l’immigration de 1938 à nos jours, Patrick Weil, Folio actuel, 1995.
Qu’est-ce qu’un Français ? Histoire de la nationalité française depuis la Révolution, Patrick Weil, Grasset, 2002.

1. Voir Patrick Weil, Qu’est-ce qu’un Français ? Histoire de la nationalité française depuis la Révolution, Grasset, 2002

Voir par ailleurs:

The 1919 race riots

Ken Armstrong

The Chicago Tribune

They were separated by a line unseen and a law unwritten: The 29th Street beach was for whites, the 25th Street beach for blacks. An invisible boundary stretched from the sand into Lake Michigan, parting the races like Moses’ staff parted the Red Sea. On this stifling hot summer Sunday, Eugene Williams, a black teenager, drifted south of that line while swimming with friends. Whites picked up rocks and let fly. Some accounts say Williams was hit on the head and went under. Others say he became tired and was too afraid to come ashore. Either way, he drowned, touching off the deadliest episode of racial violence in Chicago history.

For five days it raged, mostly on the South Side. White mobs attacked isolated blacks. Blacks attacked isolated whites. John Mills, a black Stockyards worker, was riding home when a mob stopped his streetcar and beat him to death. Casmero Lazeroni, a white peddler, was pulled from his horse-drawn wagon and stabbed to death. Thirty-eight people died–23 blacks and 15 whites. By the time the National Guard and a rainstorm brought the riots to an end, more than 500 people had been injured, wounded blacks outnumbering whites by a ratio of about 2-1.Several factors had heightened tension between the races. Drawn by the promise of employment and dignity, Chicago’s black population more than doubled from 1916 to 1918. Blacks had balked at joining white-controlled unions, and in the face of violence, black leaders had begun preaching self-defense instead of self-control. But, most important of all, housing in the city’s narrow « Black Belt, » which stretched south of the Loop, had not kept pace. When blacks began moving into white neighborhoods, whites responded violently, bombing 26 homes in the two years preceding the riot.

One of the riot’s great mysteries is whether the city’s future boss of bosses, Richard J. Daley, participated in the violence. At the time, Daley belonged to the Hamburgs, a Bridgeport neighborhood club whose members figured prominently in the fighting. In later years, Daley repeatedly was asked what he did during the riots. He always refused to answer.

Voir aussi:

“Chicago and Its Eight Reasons”: Walter White Considers the Causes of the 1919 Chicago Race Riot

History matters

As U.S. soldiers returned from Europe in the aftermath of World War I, scarce housing and jobs heightened racial and class antagonisms across urban America. African-American soldiers, in particular, came home from the war expecting to enjoy the full rights of citizenship that they had fought to defend overseas. In the spring and summer of 1919, murderous race riots erupted in 22 American cities and towns. Chicago experienced the most severe of these riots. The Crisis, published by the NAACP, responded to the Chicago race riot with a major article in October 1919, “Chicago and Its Eight Reasons.” Author Walter White, then assistant executive secretary of the NAACP, described eight causes of the riot and concluded that tensions had increased in the city partially in response to the influx of African Americans. Though sympathetic to the new migrants’ plight, White’s article criticized both African-American newcomers to Chicago and the city’s black politicians. White also concluded, approvingly, that some black citizens, with a newfound spirit of independence, chose to retaliate against the pervasive attacks by white Chicagoans rather than remain passive victims. In this October 1919 article in the Crisis, the NAACP national magazine, the organization’s assistant executive secretary, Walter White, asserts that the black population had been made the scapegoat in the wake of the violence. He lists eight causes for the riot, with “race prejudice” being the foremost.

Many causes have been assigned for the three days of race rioting, from July 27 to 30 in Chicago, each touching some particular phase of the general condition that led up to the outbreak. Labor union officials attribute it to the action of the packers, while the packers are equally sure that the unions themselves are directly responsible. The city administration feels that the riots were brought on to discredit the [William Hale] Thompson forces, while leaders of the anti-Thompson forces, prominent among them being State’s Attorney Maclay Hoyne, are sure that the administration is directly responsible. In this manner charges and counter-charges are made, but, as is usually the case, the Negro is made to bear the brunt of it all—to be “the scapegoat.” A background of strained race relations brought to a head more rapidly through political corruption, economic competition and clashes due to the overflow of the greatly increased colored population into sections outside of the so-called “Black Belt,” embracing the Second and Third Wards, all of these contributed, aided by magnifying of Negro crime by newspapers, to the formation of a situation where only a spark was needed to ignite the flames of racial antagonism. That spark was contributed by a white youth when he knocked a colored lad off a raft at the 29th Street bathing beach and the colored boy was drowned.

Four weeks spent in studying the situation in Chicago, immediately following the outbreaks, seem to show at least eight general causes for the riots, and the same conditions, to a greater or less degree, can be found in almost every large city with an appreciable Negro population. These causes, taken after a careful study in order of their prominence, are:

1. Race Prejudice.

2. Economic Competition.

3. Political Corruption and Exploitation of Negro Voters.

4. Police Inefficiency.

5. Newspaper Lies about Negro Crime

6. Unpunished Crimes Against Negroes.

7. Housing.

8. Reaction of Whites and Negroes from War.

Some of these can be grouped under the same headings, but due to the prominence of each they are listed as separate causes.

Prior to 1915, Chicago had been famous for its remarkably fair attitude toward colored citizens. Since that time, when the migratory movement from the South assumed large proportions, the situation has steadily grown more and more tense. This was due in part to the introduction of many Negroes who were unfamiliar with city ways and could not, naturally, adapt themselves immediately to their new environment. Outside of a few sporadic attempts, little was done to teach them the rudimentary principles of sanitation, of conduct or of their new status as citizens under a system different from that in the South. During their period of absorption into the new life, their care-free, at times irresponsible and sometimes even boisterous, conduct caused complications difficult to adjust. But equally important, though seldom considered, is the fact that many Southern whites have also come into the North, many of them to Chicago, drawn by the same economic advantages that attracted the colored workman. The exact figure is unknown, but it is estimated by men who should know that fully 20,000 of them are in Chicago. These have spread the virus of race hatred and evidences of it can be seen in Chicago on every hand. This same cause underlies each of the other seven causes.

With regard to economic competition, the age-long dispute between capital and labor enters. Large numbers of Negroes were brought from the South by the packers and there is little doubt that this was done in part so that the Negro might be used as a club over the heads of the unions. John Fitzpatrick and Ed Nockels, president and secretary, respectively, of the Chicago Federation of Labor, and William Buck, editor of the New Majority, a labor organ, openly charge that the packers subsidized colored ministers, politicians and Y. M. C. A. secretaries to prevent the colored workmen at the stockyards from entering the unions. On the other hand, the Negro workman is not at all sure as to the sincerity of the unions themselves. The Negro in Chicago yet remembers the waiters’ strike some years ago, when colored union workers walked out at the command of the unions and when the strike was settled, the unions did not insist that Negro waiters be given their jobs back along with whites, and, as a result, colored men have never been able to get back into some of the hotels even to the present day. The Negro is between “the devil and the deep blue sea.” He feels that if he goes into the unions, he will lose the friendship of the employers. He knows that if he does not, he is going to be met with the bitter antagonism of the unions. With the exception of statements made by organizers, who cannot be held to accountability because of their minor official connection, no statements have been made by the local union leaders, outside of high sounding, but meaningless, protestations of friendship for the Negro worker. He feels that he has been given promises too long already. In fact, he is “fed up” on them. What he wants are binding statements and guarantees that cannot be broken at will.

With the possible exception of Philadelphia, there is probably no city in America with more of political trickery, chicanery and exploitation than Chicago. Against the united and bitter opposition of every daily newspaper in Chicago, William Hale Thompson was elected again as mayor, due, as was claimed, to the Negro and German vote. While it is not possible to state that the anti-Thompson element deliberately brought on the riots, yet it is safe to say that they were not averse to its coming. The possibility of such a clash was seen many months before it actually occurred, yet no steps were taken to prevent it. The purpose of this was to secure a two-fold result. First, it would alienate the Negro set from Thompson through a belief that was expected to grow among the colored vote when it was seen that the police force under the direction of the mayor was unable or unwilling to protect the colored people from assault by mobs. Secondly, it would discourage the Negroes from registering and voting and thus eliminate the powerful Negro vote in Chicago. Whether or not this results remains to be seen. In talking with a prominent colored citizen of Chicago, asking why the Negroes supported Thompson so unitedly, his very significant reply was:

“The Negro in Chicago, as in every other part of America, is fighting for the fundamental rights of citizenship. If a candidate for office is wrong on every other public question except this, the Negroes are going to vote for that man, for that is their only way of securing the things they want and that are denied them.”

The value of the Negro vote to Thompson can be seen in a glance at the recent election figures. His plurality was 28,000 votes. In the second ward it was 14,000 and in the third 10,000. The second and third wards constitute most of what is known as the “Black Belt.”

The fourth contributing cause was the woeful inefficiency and criminal negligence of the police authorities of Chicago, both prior to and during the riots. Prostitution, gambling and the illicit sale of whisky flourish openly and apparently without any fear whatever of police interference. In a most dangerous statement, State’s Attorney Maclay Hoyne, on August 25, declared that the riots were due solely to vice in the second ward. He seemed either to forget or to ignore the flagrant disregard of law and order and even of the common principles of decency in city management existing in many other sections of the city.

All of this tended to contribute to open disregard for law and almost contempt for it. Due either to political “pull” or to reciprocal arrangements, many notorious dives run and policemen are afraid to arrest the proprietors.

During the riots the conduct of the police force as a whole was equally open to criticism. State’s Attorney Hoyne openly charged the police with arresting colored rioters and with an unwillingness to arrest white rioters. Those who were arrested were at once released. In one case a colored man who was fair enough to appear to be white was arrested for carrying concealed weapons, together with five white men and a number of colored men. All were taken to a police station; the light colored man and the five whites being put into one cell and the other colored men in another. In a few minutes the light colored man and the five whites were released and their ammunition given back to them with the remark, “You’ll probably need this before the night is over.”

Fifth on the list is the effect of newspaper publicity concerning Negro crime. With the exception of the Daily News, all of the papers of Chicago have played up in prominent style with glaring, prejudice-breeding headlines every crime or suspected crime committed by Negroes. Headlines such as “Negro Brutally Murders Prominent Citizen,” « Negro Robs House“ and the like have appeared with alarming frequency and the news articles beneath such headlines have been of the same sort. During the rioting such headlines as ”Negro Bandits Terrorize Town,“ « Rioters Burn 100 Homes—Negroes Suspected of Having Plotted Blaze” appeared. In the latter case a story was told of witnesses seeing Negroes in automobiles applying torches and fleeing. This was the story given to the press by Fire Attorney John R. McCabe after a casual and hasty survey. Later the office of State Fire Marshall Gamber proved conclusively that the fires were not caused by Negroes, but by whites. As can easily be seen such newspaper accounts did not tend to lessen the bitterness of feeling between the conflicting groups. Further, many wild and unfounded rumors were published in the press—incendiary and inflammatory to the highest degree, a few of them being given below in order to show their nature. Some are:

Over 1,000 Negroes had been slain and their bodies thrown in “Bubbly Creek” and the Chicago River.

A Negro had been lynched and hanged from a “Loop” building overlooking Madison Street.

A white woman had been attacked and mutilated by a Negro on State Street.

A Negro woman had been slain, her breasts cut off and her infant had been killed by having its brains dashed out against a wall.

A white child had been outraged by a colored man.

A white child had been kidnapped by a band of colored men and its body later found, badly mutilated and dismembered.

Immediately following the riots, a white woman was murdered in Evanston, Ill. Immediately the crime was laid at the door of a colored man with whom the woman had been intimate a number of years. Pitiful stories were told of the woman waiting for hours on street corners for “just one look at her Billiken-like, mulatto lover.” played up under headlines such as “Confession Expected Today From Negro Suspect,” « Negro Suspect Rapidly Weakening“ and the like which clearly led one to believe that the colored man was guilty. A few days later, in an obscure item on an inside page, a short account was given of the release of the colored suspect ”because insufficient evidence to hold him » existed. A long period of such publicity had inflamed the minds of many people against Negroes who otherwise would have been unprejudiced. Much of the blame for the riots can be laid to such sources.

For a long period prior to the riots, organized gangs of white hoodlums had been perpetrating crimes against Negroes for which no arrests had been made. These gangs in many instances masqueraded under the name of “Athletic and Social Clubs” and later direct connection was shown between them and incendiary fires started during the riots. Colored men, women and children had been beaten in the parks, most of them in Jackson and Lincoln Parks. In one case a young colored girl was beaten and thrown into a lagoon. In other cases Negroes were beaten so severely that they had to be taken to hospitals. All of these cases had caused many colored people to wonder if they could expect any protection whatever from the authorities. Particularly vicious in their attacks was an organization known locally as “Regan’s Colts.”

Much has been written and said concerning the housing situation in Chicago and its effect on the racial situation. The problem is a simple one. Since 1915 the colored population of Chicago has more than doubled, increasing in four years from a little over 50,000 to what is now estimated to be between 125,000 and 150,000. Most of them lived in the area bounded by the railroad on the west, 30th Street on the north, 40th Street on the south and Ellis Avenue on east. Already overcrowded this so-called “Black Belt” could not possibly hold the doubled colored population. One cannot put ten gallons of water in a five-gallon pail. Although many Negroes had been living in “white” neighborhoods, the increased exodus from the old areas created an hysterical group of persons who formed “Property Owners‘ Association” for the purpose of keeping intact white neighborhoods. Prominent among these was the Kenwood-Hyde Park Property Owners’ Improvement Association, as well as the Park Manor Improvement Association. Early in June the writer, while in Chicago, attended a private meeting of the first named at the Kenwood Club House, at Lake Park Avenue and 47th Street. Various plans were discussed for keeping the Negroes in “their part of the town,” such as securing the discharge of colored persons from positions they held when they attempted to move into “white” neighborhoods, purchasing mortgages of Negroes buying homes and ejecting them when mortgage notes fell due and were unpaid, and many more of the same calibre. The language of many speakers was vicious and strongly prejudicial and had the distinct effect of creating race bitterness.

In a number of cases during the period from January, 1918, to August, 1919, there were bombings of colored homes and houses occupied by Negroes outside of the “Black Belt.” During this period no less than twenty bombings took place, yet only two persons have been arrested and neither of the two has been convicted, both cases being continued.

Finally, the new spirit aroused in Negroes by their war experiences enters into the problem. From Local Board No. 4, embracing the neighborhood in the vicinity of State and 35th Streets, containing over 30,000 inhabitants of which fully ninety per cent are colored, over 9,000 men registered and 1,850 went to camp. These men, with their new outlook on life, injected the same spirit of independence into their companions, a thing that is true of many other sections of America. One of the greatest surprises to many of those who came down to “clean out the niggers” is that these same “niggers” fought back. Colored men saw their own kind being killed, heard of many more and believed that their lives and liberty were at stake. In such a spirit most of the fighting was done.

Source: Walter F. White, “N.A.A.C.P.—Chicago and Its Eight Reasons,” Crisis 18 (October 1919): 293–297.

See Also: »Says Lax Conditions Caused Race Riots »: Chicago Daily News and Carl Sandburg Report the Chicago Race Riot of 1919
« A Crowd of Howling Negroes »: The Chicago Daily Tribune Reports the Chicago Race Riot, 1919
« Ghastly Deeds of Race Rioters Told »: The Chicago Defender Reports the Chicago Race Riot, 1919
« The Problem » and « Family Histories »: Charles Johnson Analyzes the Causes of the Chicago Race Riot

Voir enfin:

Race Riots

Chicago developed a reputation as a cauldron of specifically “racial” conflict and violence largely in the twentieth century. The determination of many whites to deny African Americans equal opportunities in employment, housing, and political representation has frequently resulted in sustained violent clashes, particularly during periods of economic crisis or postwar tension.
Chicago’s most famous race riot of this type occurred between July 27 and August 3, 1919. The violence was precipitated by the drowning of an African American teenager who had crossed an invisible line at 29th Street separating customarily segregated “white” and “black” beaches. Soon, white and black Chicagoans, especially in the South Side residential areas surrounding the stockyards, engaged in a seven-day orgy of shootings, arsons, and beatings that resulted in the deaths of 15 whites and 23 blacks with an additional 537 injured (342 black, 195 white). The police force, owing both to understaffing and the open sympathy of many officers with the white rioters, was ineffective; only the long-delayed intervention of the state militia brought the violence to a halt, and heavenly intervention in the form of rain was probably an important factor as well. The passions of this outbreak were rooted in pent-up tensions surrounding the massive migration of southern blacks during World War I: sometimes hired as strikebreakers, their increased industrial presence was viewed by many white workers as a threat to their own livelihoods, fueling attempts to impose rigid physical boundaries beyond which blacks could not penetrate.

The aftermath of World War II saw a revival of white attacks on black mobility, mostly on the city’s South and Southwest Sides, but also in the western industrial suburb of Cicero. Aspiring African American professionals seeking to obtain improved housing beyond the increasingly overcrowded South Side ghetto, whether in private residences or in the new public housing developments constructed by the Chicago Housing Authority, were frequently greeted by attempted arsons, bombings, and angry white mobs often numbering into the thousands. The 1951 Cicero riot, in particular, lasting several nights and involving roughly two to five thousand white protesters, attracted worldwide condemnation. By the end of the 1950s, with black residential presence somewhat more firmly established, the battleground in many South Side neighborhoods shifted to clashes over black attempts to gain unimpeded access to neighborhood parks and beaches.Since the mid-1960s, the nature of race riots in Chicago (as elsewhere) has significantly shifted. Although violent black/white clashes continued into the mid-1970s, the term’s use shifted during the 1960s to refer to the uprisings of poorer blacks (or Latinos) protesting ghetto conditions, especially police brutality. Chicago has experienced several noteworthy outbreaks of this type, including the confrontation between police and the largely Puerto Rican communities of West Town and Humboldt Park during the summer of 1966, but most notably the massive 1968 West Side riots following the assassination of Martin Luther King. No clashes of this magnitude have occurred since (even following the 1992 Rodney King verdict in Los Angeles), but the continued salience of many of the protesters’ expressed grievances—inferior housing, lack of meaningful employment, and inequitable law enforcement—suggests that the issues surrounding racial violence are by no means a finished chapter in Chicago history.Steven EssigBibliographyGrossman, James R. Land of Hope: Chicago, Black Southerners, and the Great Migration. 1989.Hirsch, Arnold R. Making the Second Ghetto: Race and Housing in Chicago, 1940–1960. 1983.Tuttle, William M., Jr. Race Riot: Chicago in the Red Summer of 1919. 1970.

4 Responses to Les émeutes raciales de Chicago: Attention, un racisme peut en cacher un autre (France gets long overdue translation of Sandburg’s 1919 Chicago race riot but still no answer as to why it managed to avoid for so long the anti-black racism it loves to denounce in the US)

  1. Ils doivent se contenter des emplois les moins qualifiés et les moins bien rémunérés? Mais ils SONT moins qualifiés. C’est la faute du Sud et pas la leur mais n’empêche que raciste ou pas raciste un constructeur d’avions ou de composants électroniques ne pouvait pas employer des Noirs l’eusse-t-il voulu.

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  2. jcdurbant dit :

    Bien évidemment, mais moi, ce qui m’intéresse surtout à titre d’expérience mentale, c’est la réaction qu’auraient provoqué en France l’installation (s’ils avaient été en France) ou l’arrivée massive et soudaine (s’ils étaient restés dans les DOM – mais notre Général était bien moins fou que nos actuels (ir)responsables actuels) de centaines de milliers d’anciens ou de descendants d’esclaves en métropole !

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  3. jcdurbant dit :

    NO JUSTICE NO RIOTING

    I had feared that thousands of furious blond, blue-eyed women and their brunette sympathizers would take their rage into the streets, burning, killing and looting. While I don’t condone rioting, the historic and sociological reasons would have made such violence understandable. As one woman told me after the verdict: « For thousands of years, we have been putting up with abuse from large, strong, arrogant, evil-tempered men. « There is no group on Earth that has been kicked around the way women have. Since the dawn of history, we’ve been beaten, violated, enslaved, abandoned, stalked, pimped, murdered and even dissed by men. « Now this jury and the legal system have sent a clear message to society: It’s OK for men to cut our throats from ear to ear. » …

    http://community.seattletimes.nwsource.com/archive/?date=19951006&slug=2145304

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