Affaire Charlie hebdo: Les sionistes ont même inventé l’humour ! (The tradition that invented the jealous, wrathful God also produced Jewish humor)

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Fille de Babylone, la dévastée, Heureux qui te rend la pareille, Le mal que tu nous as fait! Heureux qui saisit tes enfants, Et les écrase sur le roc! Psaumes 137
O Dieu, brise-leur les dents dans la bouche! Éternel, arrache les mâchoires des lionceaux Qu’ils se dissipent comme des eaux qui s’écoulent! Qu’ils ne lancent que des traits émoussés! Qu’ils périssent en se fondant, comme un limaçon; Sans voir le soleil, comme l’avorton d’une femme! Avant que vos chaudières sentent l’épine, Verte ou enflammée, le tourbillon l’emportera. Le juste sera dans la joie, à la vue de la vengeance; Il baignera ses pieds dans le sang des méchants. Et les hommes diront: Oui, il est une récompense pour le juste; Oui, il est un Dieu qui juge sur la terre. Psaumes 58: 7-11
Mon Dieu! mon Dieu! pourquoi m’as-tu abandonné, Et t’éloignes-tu sans me secourir, sans écouter mes plaintes? (…) De nombreux taureaux sont autour de moi, Des taureaux de Basan m’environnent. Ils ouvrent contre moi leur gueule, Semblables au lion qui déchire et rugit. Psaumes 22: 2-13
Une femme oublie-t-elle son nourrisson? De montrer sa tendresse au fils de son ventre? Même si celles-là oubliaient, moi je ne t’oublierai pas. Esaïe 49: 15
Tu n’as voulu ni sacrifice ni oblation… Donc j’ai dit: Voici, je viens. Psaume 40: 7-8
Dans certains des Psaumes l’esprit de haine nous frappe au visage comme la chaleur d’une fournaise. Dans d’autres cas, le même esprit cesse d’être effrayant mais c’est pour devenir (aux yeux de l’homme moderne) presque comique par sa naïveté. (…) Si nous excusons les poètes des Psaumes sous prétexte qu’ils n’étaient pas chrétiens, nous devrions pouvoir montrer que les auteurs païens expriment le même genre de choses et pire encore (….) Je peux trouver en eux de la lascivité, une bonne dose d’insensibilité brutale, une froide cruauté qui va de soi pour eux, mais certainement pas cette fureur ou cette profusion de haine…. La première impression que l’on en retire est que les Juifs étaient bien plus vindicatifs et acerbes que les païens. CS Lewis
Dieu est mort! (…) Et c’est nous qui l’avons tué ! (…) Quelles solennités expiatoires, quels jeux sacrés nous faudra-t-il inventer? Nietzsche
Peut-on imaginer personnage littéraire plus désagréable que le Dieu de l’Ancien Testament? Jaloux et en étant fier; obsédé de l’autorité, mesquin, injuste et impitoyable; vengeur et sanguinaire tenant de l’épuration ethnique; tyrannique, misogyne, homophobe, raciste, infanticide, génocidaire, fillicide, pestilentiel, mégalomane, sadomasochiste et capricieusement diabolique. Richard Dawkins (2006)
Il y a une quantité incroyable de violence dans des pièces telles que Médée ou les Bacchantes, dans la tradition dionysiaque dans son ensemble qui est centrée sur le lynchage. L’Iliade n’est rien d’autre qu’une chaîne d’actes de vengeance ; mais ce que C. S. Lewis et Nietzsche disent sur cette question est sans doute vrai si le problème est défini de la façon qu’ils le définissent, à savoir en termes non pas de pure quantité de violence exposée mais de l’intensité de la rancoeur ou du ressentiment. (…) Même si les Bacchantes d’Euripide ne sont pas loin de prendre la défense de la victime, en fin de compte elles ne le font pas. Le lynchage du roi Penthée de la propre main de sa mère et de ses sœurs est horrible certes, mais pas mauvais; il est justifié. Le  roi Penthée est coupable de s’immiscer dans les rituels religieux des Bacchantes, coupable de s’opposer au dieu Dionysos lui-même. René Girard
On dit que les Psaumes de la Bible sont violents, mais qui s’exprime dans les psaumes, sinon les victimes des violences des mythes : “Les taureaux de Balaam m’encerclent et vont me lyncher”? Les Psaumes sont comme une fourrure magnifique de l’extérieur, mais qui, une fois retournée, laisse découvrir une peau sanglante. Ils sont typiques de la violence qui pèse sur l’homme et du recours que celui-ci trouve dans son Dieu. René Girard
De nombreux commentateurs veulent aujourd’hui montrer que, loin d’être non violente, la Bible est vraiment pleine de violence. En un sens, ils ont raison. La représentation de la violence dans la Bible est énorme et plus vive, plus évocatrice, que dans la mythologie même grecque. (…) Il est une chose que j’apprécie dans le refus contemporain de cautionner la violence biblique, quelque chose de rafraîchissant et de stimulant, une capacité d’indignation qui, à quelques exceptions près, manque dans la recherche et l’exégèse religieuse classiques. (…) Une fois que nous nous rendons compte que nous avons à faire au même phénomène social dans la Bible que la mythologie, à savoir la foule hystérique qui ne se calmera pas tant qu’elle n’aura pas lynché une victime, nous ne pouvons manquer de prendre conscience du fait de la grande singularité biblique, même de son caractère unique. (…) Dans la mythologie, la violence collective est toujours représentée à partir du point de vue de l’agresseur et donc on n’entend jamais les victimes elles-mêmes. On ne les entend jamais se lamenter sur leur triste sort et maudire leurs persécuteurs comme ils le font dans les Psaumes. Tout est raconté du point de vue des bourreaux. (…) Pas étonnant que les mythes grecs, les épopées grecques et les tragédies grecques sont toutes sereines, harmonieuses et non perturbées. (…) Pour moi, les Psaumes racontent la même histoire de base que les mythes mais retournée, pour ainsi dire. (…) Les Psaumes d’exécration ou de malédiction sont les premiers textes dans l’histoire qui permettent aux victimes, à jamais réduites au silence dans la mythologie, d’avoir une voix qui leur soit propre. (…) Ces victimes ressentent exactement la même chose que Job. Il faut décrire le livre de Job, je crois, comme un psaume considérablement élargi de malédiction. Si Job était un mythe, nous aurions seulement le point de vue des amis. (…) La critique actuelle de la violence dans la Bible ne soupçonne pas que la violence représentée dans la Bible peut être aussi dans les évènements derrière la mythologie, bien qu’invisible parce qu’elle est non représentée. La Bible est le premier texte à représenter la victimisation du point de vue de la victime, et c’est cette représentation qui est responsable, en fin de compte, de notre propre sensibilité supérieure à la violence. Ce n’est pas le fait de notre intelligence supérieure ou de notre sensibilité. Le fait qu’aujourd’hui nous pouvons passer jugement sur ces textes pour leur violence est un mystère. Personne d’autre n’a jamais fait cela dans le passé. C’est pour des raisons bibliques, paradoxalement, que nous critiquons la Bible. (…) Alors que dans le mythe, nous apprenons le lynchage de la bouche des persécuteurs qui soutiennent qu’ils ont bien fait de lyncher leurs victimes, dans la Bible nous entendons la voix des victimes elles-mêmes qui ne voient nullement le lynchage comme une chose agréable et nous disent en des mots extrêmement violents, des mots qui reflètent une réalité violente qui est aussi à l’origine de la mythologie, mais qui restant invisible, déforme notre compréhension générale de la littérature païenne et de la mythologie. René Girard
Ils ne l’ont ni tué ni crucifié (…) ce n’était qu’un faux semblant ! (…) mais Dieu l’a élevé vers Lui. Le Coran (4 : 157-158)
« Dionysos contre le « crucifié » : la voici bien l’opposition. Ce n’est pas une différence quant au martyr – mais celui-ci a un sens différent. La vie même, son éternelle fécondité, son éternel retour, détermine le tourment, la destruction, la volonté d’anéantir pour Dionysos. Dans l’autre cas, la souffrance, le « crucifié » en tant qu’il est « innocent », sert d’argument contre cette vie, de formulation de sa condamnation.  (…) L’individu a été si bien pris au sérieux, si bien posé comme un absolu par le christianisme, qu’on ne pouvait plus le sacrifier : mais l’espèce ne survit que grâce aux sacrifices humains… La véritable philanthropie exige le sacrifice pour le bien de l’espèce – elle est dure, elle oblige à se dominer soi-même, parce qu’elle a besoin du sacrifice humain. Et cette pseudo-humanité qui s’institue christianisme, veut précisément imposer que personne ne soit sacrifié. Nietzsche
Mahomet s’est établi en tuant ; Jésus-Christ en faisant tuer les siens. Mahomet en défendant de lire; Jésus-Christ en ordonnant de lire. Enfin cela est si contraire, que si Mahomet a pris la voie de réussir humainement, Jésus-Christ a pris celle de périr humainement. Et au lieu de conclure, que puisque Mahomet a réussi, Jésus-Christ a bien pu réussir ; il faut dire, que puisque Mahomet a réussi, le Christianisme devait périr, s’il n’eût été soutenu par une force toute divine. Pascal
L’Europe (l’Occident) n’est qu’un ensemble de dictatures pleines d’injustices ; l’humanité entière doit frapper d’une poigne de fer ces fauteurs de troubles si elle veut retrouver sa tranquillité. Si la civilisation islamique avait dirigé l’Occident, on ne serait plus contraint d’assister à ces agissements sauvages indignes même des animaux féroces. (…) La foi et la justice islamique exigent de ne pas laisser survivre, dans le monde musulman, les gouvernements anti-islamiques ou ceux qui ne se conforment pas entièrement aux lois islamiques. L’instauration d’un ordre politique laïque revient à entraver la progression de l’ordre islamique. Tout pouvoir laïque, quelle que soit la forme sous laquelle il se manifeste, est forcément un pouvoir athée, oeuvre de Satan ; il est de notre devoir de l’enrayer et de combattre ses effets. Le pouvoir « satanique » ne peut engendrer que la « corruption sur la terre », le mal suprême qui doit être impitoyablement combattu et déraciné. Pour ce faire nous n’avons d’autre solution que de renverser tous les gouvernements qui ne reposent pas sur les purs principes islamiques, et sont donc corrompus et corrupteurs ; de démanteler les systèmes administratifs traîtres, pourris, tyranniques et injustes qui les servent. C’est non seulement notre devoir en Iran, mais c’est aussi le devoir de tous les musulmans du monde, dans tous les pays musulmans, de mener la Révolution Politique Islamique à la victoire finale. (…) La guerre sainte signifie la conquête des territoires non musulmans. Il se peut qu’elle soit déclarée après la formation d’un gouvernement islamique digne de ce nom, sous la direction de l’Imam ou sur son ordre. Il sera alors du devoir de tout homme majeur et valide de se porter volontaire dans cette guerre de conquête dont le but final est de faire régner la loi coranique d’un bout à l’autre de la Terre. Mais que le monde entier sache bien que la suprématie universelle de l’Islam diffère considérablement de l’hégémonie des autres conquérants. Il faut donc que le gouvernement islamique soit d’abord créé sous l’autorité de l’Imam afin qu’il puisse entreprendre cette conquête qui se distinguera des autres guerres de conquête injustes et tyranniques faisant abstraction des principes moraux et civilisateurs de l’Islam. Ayatollah Khomeiny
Dans la foi musulmane, il y a un aspect simple, brut, pratique qui a facilité sa diffusion et transformé la vie d’un grand nombre de peuples à l’état tribal en les ouvrant au monothéisme juif modifié par le christianisme. Mais il lui manque l’essentiel du christianisme : la croix. Comme le christianisme, l’islam réhabilite la victime innocente, mais il le fait de manière guerrière. La croix, c’est le contraire, c’est la fin des mythes violents et archaïques. René Girard
En France, il y avait deux personnages célèbres, le Maréchal Pétain et moi. La nation ayant choisi le premier, je n’ai plus rien à faire ici. André Isaac (alias Pierre Dac)
Le 15 août 1893, jour anniversaire de la naissance de Napo­léon, naissait à Châlons-sur-Marne un certain Isaac André, fils de Salomon et de Berthe Khan. Pareil à la plupart de ses coreli­gionnaires, il était secrètement fier de sa race mais gêné par son nom. Incapable bien entendu de travailler à la grandeur d’un pays qui n’était pour lui qu’un pays de séjour passager, une provisoire terre promise à exploiter, il se consacra à l’œuvre à laquelle tant de ses pareils se sont employés. […] Une sorte d’esprit desséchant et ricaneur, une perpétuelle aspersion d’ironie sur tout ce qu’on avait l’habitude de respecter, une sottise corrosive à force d’être poussée à l’extrême lui firent une clientèle… Tout ce qui avait chez nous décidé de ne rien prendre au sérieux, tout ce qui avait essayé d’échapper à la redoutable étreinte d’un devoir sévère par une sorte de blague grossière et épaisse, se rua pour l’écouter et le lire. […] Comme il devait se frotter les mains, le jeune Isaac André, à voir qu’il pipait à son gluau infâme des étudiants, de futurs intellectuels dépravés par ses soins. […] Cet Isaac André était bien entendu prédisposé à fuir la France à laquelle en fait rien ne l’attachait dès qu’elle se trouvait soumise à l’épreuve. […] Je ne me soucierai pas de ce faux Dac qui a depuis lors réussi à s’évader si Londres, décidément à court de speaker, ne l’avait chargé de me répondre. […] Où nous atteignons les cimes du comique, c’est quand notre Dac prend la défense de la France. Les loufoqueries de L’Os à Moelle ne m’ont pas toujours fait rire, mais le Juif Dac s’attendrissant sur la France, c’est d’une si énorme cocasserie qu’on voit bien qu’il ne l’a pas fait exprès. Qu’est-ce qu’Isaac, fils de Salomon, peut bien connaître de la France, à part la scène de l’ABC où il s’employait à abêtir un auditoire qui se pâmait à l’écouter. La France, qu’est-ce que ça peut bien signifier pour lui ? […] Cet apatride se moque éperdument de ce qui arrivera à la France. S’il s’insurge contre les Allemands, ce n’est pas parce que ceux-ci occupent la France dont il se moque, c’est parce qu’ils ont décidé d’éliminer le parasite juif de l’Europe. Et de même que Mandel voulait que la France fît la guerre pour venger sa race, Dac voudrait qu’elle se dressât pour la défendre. Philippe Henriot (Secrétaire d’État à l’Information et à la Propagande du gouvernement de Pierre Laval à Vichy, Radio Paris, le 10 mai 1944)
M. Henriot s’obstine ; M. Henriot est buté. M. Henriot ne veut pas parler des Allemands. Je l’en ai pourtant prié de toutes les façons : par la chanson, par le texte, rien à faire. Je ne me suis attiré qu’une réponse pas du tout aimable – ce qui est bien étonnant – et qui, par surcroît, ne satisfait en rien notre curiosité. Pas question des Allemands. C’est entendu, Monsieur Henriot, en vertu de votre théorie raciale et nationale-socialiste, je ne suis pas Français. À défaut de croix gammée et de francisque, j’ai corrompu l’esprit de la France avec L’Os à Moelle. Je me suis, par la suite, vendu aux Anglais, aux Américains et aux Soviets. Et pendant que j’y étais, et par­dessus le marché, je me suis également vendu aux Chinois. C’est absolument d’accord. Il n’empêche que tout ça ne résout pas la question : la question des Allemands. Nous savons que vous êtes surchargé de travail et que vous ne pouvez pas vous occuper de tout. Mais, tout de même, je suis persuadé que les Français seraient intéressés au plus haut point, si, à vos moments perdus, vous preniez la peine de traiter les problèmes suivants dont nous vous donnons la nomenclature, histoire de faciliter votre tâche et de vous rafraîchir la mémoire : 1° Le problème de la déportation ; 2° Le problème des prisonniers ; 3° Le traitement des prisonniers et des déportés ; 4° Le statut actuel de l’Alsace-Lorraine et l’incorporation des Alsaciens – Lorrains dans l’armée allemande ; 5° Les réquisitions allemandes et la participation des autorités d’occupation dans l’organisation du marché noir ; 6° Le fonctionnement de la Gestapo en territoire français et en particulier les méthodes d’interrogatoires ; 7° Les déclarations du Führer dans Mein Kampf concernant l’anéantissement de la France. Peut-être me répondrez-vous, Monsieur Henriot, que je m’occupe de ce qui ne me regarde pas, et ce disant vous serez logique avec vous-même, puisque dans le laïus que vous m’avez consacré, vous vous écriez notamment : « Mais où nous atteignons les cimes du comique, c’est quand notre Dac prend la défense de la France ! La France, qu’est-ce que cela peut bien signifier pour lui ? » Eh bien ! Monsieur Henriot, sans vouloir engager de vaine polémique, je vais vous le dire ce que cela signifie, pour moi, la France. Laissez-moi vous rappeler, en passant, que mes parents, mes grands-parents, mes arrière-grands-parents et d’autres avant eux sont originaires du pays d’Alsace, dont vous avez peut-être, par hasard, entendu parler ; et en particulier de la charmante petite ville de Niederbronn, près de Saverne, dans le Bas-Rhin. C’est un beau pays, l’Alsace, Monsieur Henriot, où depuis toujours on sait ce que cela signifie, la France, et aussi ce que cela signifie, l’Allemagne. Des campagnes napoléoniennes en passant par celles de Crimée, d’Algérie, de 1870-71, de 14-18 jusqu’à ce jour, on a dans ma famille, Monsieur Henriot, lourdement payé l’impôt de la souffrance, des larmes et du sang. Voilà, Monsieur Henriot, ce que cela signifie pour moi, la France. Alors, vous, pourquoi, ne pas nous dire ce que cela signifie, pour vous, l’Allemagne. Un dernier détail : puisque vous avez si complaisamment cité les prénoms de mon père et de ma mère, laissez-moi vous signaler que vous en avez oublié un : celui de mon frère. Je vais vous dire où vous pourrez le trouver ; si d’aventure, vos pas vous conduisent du côté du cimetière Montparnasse, entrez par la porte de la rue Froidevaux ; tournez à gauche dans l’allée et, à la 6ème rangée, arrêtez-vous devant la 8e ou la 10e tombe. C’est là que reposent les restes de ce qui fut un beau, brave et joyeux garçon, fauché par les obus allemands, le 8 octobre 1915, aux attaques de Champagne. C’était mon frère. Sur la simple pierre, sous ses noms, prénoms et le numéro de son régiment, on lit cette simple inscription : « Mort pour la France, à l’âge de 28 ans. » Voilà, Monsieur Henriot, ce que cela signifie pour moi, la France. Sur votre tombe, si toutefois vous en avez une, il y aura aussi une inscription : elle sera ainsi libellée Philippe Henriot, Mort pour Hitler, Fusillé par les Français… Bonne nuit, Monsieur Henriot. Et dormez bien. Si vous le pouvez… Pierre Dac (Radio Londres, 11 mai 1944)
Précurseur, inspirant des générations d’humoristes, de Coluche à Pierre Desproges, de Chris Esquerre à Michaël Hirsch. (…) Pierre Dac est tout autant l’humoriste pince-sans-rire des Pensées (…) que l’inénarrable comparse de Francis Blanche dans le sketch fou et potache de La recette du water pudding. Issu d’une famille juive d’Alsace, Pierre Dac, de son vrai nom André Isaac, a grandi à Paris dans une famille aux multiples langues : le judéo-alsacien, le français et le louchébem, l’argot des bouchers, parlé par son père dans son commerce, qui l’inspirera beaucoup. Il rêve d’être violoniste mais doit y renoncer à la suite d’une grave blessure au bras pendant la guerre de 1914-1918. En 1922, après avoir enchaîné des petits boulots, obsédé par un désir d’ailleurs, il commence à écrire des textes et à se produire dans des cabarets parisiens. Son humour absurde et son regard décalé sur le monde conquièrent très vite le public des chansonniers de Montmartre. « Alors que les cabarets ronronnent, il s’attaque à l’actualité, n’hésite pas à se déguiser. Son nouvel humour, ses textes ciselés, qu’il travaillait de longues heures, son audace désarçonnent mais cette modernité plaît aux classes moyennes », explique Jacques Pessis. Incroyablement créatif, il enchaîne succès scéniques et radiophoniques. En 1940, l’Occupation de Paris par la Wehrmacht oblige Pierre Dac à cesser la parution du populaire L’Os à moelle. Opposé au nazisme depuis 1933, il fuit la capitale et, après un long périple et plusieurs mois de détention, parvient à rejoindre Londres (…) En 1943, il devient l’un des « Français qui parlent aux Français » sur les ondes de la BBC. Chansons parodiques et multiples éditoriaux, le résistant Pierre Dac engage une violente joute oratoire avec Philippe Henriot, propagandiste de la collaboration qui, sur Radio Paris, fustige « l’esprit ricaneur du juif Dac ». (…) Au lendemain de la guerre, de retour en France, sa rencontre avec Francis Blanche va relancer sa carrière : le Parti d’en rire, le feuilleton Signé Furax, que ce soit à la radio ou sur scène, leur duo de gamins qui s’amusent acquiert une forte popularité. Sandrine Blanchard
L’employé juif d’un coiffeur parisien va voir son patron et lui dit : « Patron, je dois démissionner ». « Mais pourquoi donc ? » lui répond le patron. « Parce que tous vos employés sont antisémites ! » « Allons bon, mon cher Jean-Claude. Je suis sûr que ce n’est pas vrai. Qu’est ce qui vous fait penser cela ? » « C’est simple, patron. Lorsque je leur dit qu’Hitler a voulu tuer tous les juifs et les coiffeurs… » Le patron l’interrompt : « Mais Jean-Claude, pourquoi les coiffeurs ? » « Vous voyez patron, vous aussi ! » Blague juive
Cela me rappelle le conte du Suisse qui mangeait une omelette au lard un jour maigre, et qui, entendant tonner, s’écria: « Grand Dieu! voilà bien du bruit pour une omelette au lard. » Frédéric II (Lettre à Voltaire du 28 février 1767)
Dans les faits, le spirituel auteur de Candide, qui aimait plus que tout la compagnie des puissants, y compris celle de Frédéric II, le Poutine de son temps, pratiquait une tolérance très sélective. Il s’est plutôt réjoui des poursuites contre les jésuites, ses ennemis jurés, et s’est gardé de protester lorsque Malesherbes, le directeur de la Librairie royale, a suspendu, autrement dit censuré, la revue de son plus virulent ennemi, le dévot Fréron. Site Hérodote
Je ne partage pas vos idées mais je me battrai jusqu’à la mort pour que vous puissiez les exprimer. Evelyn Beatrice Hall
D’abord ils sont venus (…) pour les Juifs (…) mais je n’étais pas juif … Martin Niemöller
 La liberté d’expression est un « droit fondamental. Tuer au nom de Dieu est une « aberration. Mais la liberté d’expression n’autorise pas tout et elle doit s’exercer sans offenser. si un grand ami parle mal de ma mère, il peut s’attendre à un coup de poing, et c’est normal. On ne peut provoquer, on ne peut insulter la foi des autres, on ne peut la tourner en dérision. (…) Il y a une limite. Chaque religion a sa dignité. (…) Avec la liberté d’expression. Il y a des limites. (…)  Pensons à notre Saint-Barthélémy. (…) Il y a tant de gens qui parlent mal des autres religions, les tournent en dérision, font un jouet de la religion des autres: ce sont des gens qui provoquent. Pape François
On s’est dit qu’il fallait qu’on fasse un dessin qui nous fasse marrer avant tout. (…) Les terroristes, ils ont été gamins, ils ont dessiné. Comme nous. Comme tous les gamins. Donc, il y a un moment donné où ils ont perdu leur humour. Ils ont perdu peut-être une espèce d’âme d’enfant qui permet de regarder le monde avec un peu de distance. Parce que c’est ça, Charlie,  c’est regarder le monde aussi avec un peu de distance. Ce n’était pas la Une que les terroristes voulaient qu’on fasse. Parce qu’il y a pas de terroristes là-dedans; il y a juste un homme qui pleure. Un bonhomme qui pleure. C’est Mahomet. Je suis désolé. On l’a encore dessiné Mahomet. mais le mahomet qu’on dessiné, c’est un homme qui pleure. Avant tout. Luz
Evidemment, c’est une référence à la couverture de 2011, le premier drame qu’on a vécu, l’incendie, même si à l’époque, il n’y avait pas eu de morts. Avec cette Une on voulait montrer qu’à un moment donné, on a le droit de tout faire, et de tout refaire, et d’utiliser nos personnages comme on veut. Mahomet, c’est devenu un personnage, un personnage malgré lui dans l’actualité, puisqu’il y a des gens qui parlent en son nom. Luz
Quand on a une pancarte « Je suis Charlie », ça veut dire »vous avez droit au blasphème., vous avez le droit de critiquer ma religion, parce que ce n’est pas grave. Richard Malka (avocat de Charlie hebdo)
Quel besoin a-t-il eu d’entraîner l’équipe dans la surenchère ? Delfil de ton
Je crois que nous sommes des inconscients et des imbéciles qui avons pris un risque inutile. C’est tout. On se croit invulnérables. Pendant des années, des dizaines d’années même, on fait de la provocation et puis un jour la provocation se retourne contre nous. Il fallait pas le faire. Wolinsky (cité par Delfil de ton)
The jihadist killing spree in Paris last week (seventeen people murdered, twice as many wounded) has been described as ”France’s 9/11“ by Le Monde, the French liberal daily newspaper. Indeed, just like the American 9/11 fourteen years ago, it was a moment of truth: for France as a nation, for the French political class and — last but certainly not least — for French Jews. The question, however, is not so much whether one sees the truth or not, but rather what one is supposed to do once truth has been seen. America’s instincts after its own 9/11 were sound: it understood that it was in a state of war and that it had to react accordingly, but it wavered about what war to wage and what strategy to follow. As a result, the War On Terror, in spite of considerable American and Western investment, pugnacity, and heroism, has been largely inconclusive and even, in many respects, a failure. Likewise, whatever the emotional or philosophical impact of the present French 9/11, either in France or abroad, it is not clear whether it will translate — or can translate — into adequate policies. (…) The “Charlie effect” coalesced with revulsion about the ensuing Hyper Casher anti-Semitic massacre. And it brought about, for several days, rare moments of near national unanimity: millions of people marched in Paris and other cities, waving three-colored flags and chanting the Marseillaise, France’s national anthem (which is essentially a call to resist barbaric invaders). On January 9, Prime Minister Manuel Valls delivered a passionate speech at the National Assembly, promising both to protect French citizens, including Jews (“without whom France is not France”), and to find, neutralize, and punish jihadist terrorists. He was rewarded with a standing ovation from the entire Assembly and, again, the Marseillaise – something that had not happened for decades. An Odoxa/Le Parisien poll released on January 13 found that 87% of the French said they were “feeling proud“ about being French. Yet, near unanimity is not unanimity. What soon became apparent was that only the Old French (the culturally European and Judeo-Christian French) took part in the vigils and marches and that they were delighted to be together, whereas most New French (the culturally non-European and non-Judeo-Christian immigrant communities) stood aside. (…)  Nine percent of France’s population is Muslim (over six million citizens out of 67 million). Up to 20% of all French citizens or residents under twenty-four are thought to be Muslims, and in some places the numbers seem to be much greater than that. While many Muslims reject jihadism and clearly identify with France as a democratic nation, religious observance is rising quickly in the overall Muslim community, from 36% in 2001 to 42% in 2014. There is evidence that the more observant Muslims are, the more supportive they are of politically radicalized Islam. (…) As of 2014, France was devoting 31.9% of its national wealth to social programs, against an OECD average of 21.6%, whereas aggregated national defense and domestic security credits amounted to less than 10%. Will the socialist Hollande administration be bold enough to reverse priorities and thus act against its own constituency? A similar conundrum may arise regarding Muslim voters: 87% of them voted for Hollande and the socialists in 2012, and were probably instrumental in their victory over Nicolas Sarkozy and the conservatives. Fighting jihadism earnesty may alienate many of them. (…) Many conservatives and centrists are still largely mired in pro-Arab or pro-Muslim delusions inherited from de Gaulle, or too shy to wage war, even on terror. (…) French Jews have been only reinforced in their fears and, Valls’ warm words notwithstanding, feel that they have no future in their country anymore. Many wonder whether millions would have marched for the Hyper Casher massacre victims only.(…) Seven thousand French Jews formally completed the emigration process to Israel in 2014. Thousands have informally moved to Israel. More French Jews are migrating to North America or Australia, or even just to other European countries like Britain, Switzerland, and Germany. Michel Gurfinkiel
The last two such multiple murders carried out by French jihadists were of Jews — last year at the Jewish Museum in Brussels and in 2012 outside the Ozar Hatorah school in Toulouse. Add to that a recent spate of attacks that fortunately did not result in any deaths, and I don’t have to point out the pattern for you. To paraphrase Pastor Martin Niemöller — First they came for the Jews, then they came for the journalists. The choice of targets — Jews and satirical journalists — is inextricably linked, and not only because the most veteran cartoonist murdered in the Charlie Hebdo office on Wednesday morning was Jewish — the 80-year-old Georges Wolinski (though the story of this son of Jewish refugees from Poland and Tunisia who came to live in France at age 12 makes this connection all the more poignant). The existence of a successful, highly visible and well-connected Jewish community in a major European country, as well as an irreverent weekly magazine that routinely lampoons those in power, should never be taken for granted. Neither Jewish life nor a fiercely free press could have flourished so much in France over the last 70 years without an open and liberal-democratic environment nurturing them. Both are symbols of all that is best of the prolonged period of peace and freedom Western Europe has enjoyed in the post-World War II era. That they were both chosen as targets is no coincidence. (…) The jihadists have murdered civilians whose existence had no relevance whatsoever on their lives and communities, but their very presence and identity offended them. It has often been said that the Jews’ situation in any given country is a reliable barometer of the level of democracy and human rights there, and the same is true of the freedom enjoyed by a country’s media. European Jews may be attacked because of anti-Semitism and warped thinking that links them to the Israel-Palestine conflict, and Charlie Hebdo’s journalists were slaughtered because they refused to be cowed and continued to publish cartoons ridiculing Mohammed, as they ridicule the “holy” men of other religions, including Judaism. But above all they have been killed because they embody Western enlightenment, freedom and tolerance. The struggle growing now in the heart of Europe isn’t between Muslims and Jews. (…) It is a struggle between those who continue to believe in the true values of the West and those who find these freedoms to be abhorrent. Whether they be radical Islamists, neo-fascists or nationalist Europhobes, and yes, even though they may hate each other, they have a common cause. Scratch beneath the surface and you will find that they share similar phobias — against Jews, gays, foreigners (to them) and journalists who insist on revealing their true nature and pricking their balloons of self-righteousness. No, Europe is not being taken over by a caliphate, but it is increasingly gripped by forces of intolerance and xenophobia. These forces often oppose each other (and in some dismal cases even a few individual Jews join them in the mistaken belief that if these groups oppose Muslims and claim to support Israel, this somehow cleanses them). But scratch a bit beneath the surface and you will find how similar they are. In any assault on freedom in European history, whether from the right or left, religious fundamentalist or militantly secular, the ancient hatred of the continent’s Jews is always lurking. The only reliable safeguard will always remain democracy. (…) if one thing has been made clear this week in Paris it is that the Jews are not on their own in this. This is a battle on all fronts for a continent’s soul, and as long as European satirists are free to continue sharpening their pens, as the wounded survivors of Charlie Hebdo have promised they will be doing for next week’s edition, Jews will also have a place on the frontline. Anshel Pfeffer
Je suis Charlie » est un slogan de défense et de solidarité. Il renvoie aux rafles. Quand, par exemple, pendant l’occupation, les nazis demandaient « qui est juif ? », on a vu des assemblées entières se lever comme un seul homme. Manière de dire « si vous en arrêtez un, il faudra tous nous arrêter ». C’était l’esprit de résistance. Juif quand on s’en prend aux juifs ; noir quand on s’en prend aux noirs ; musulman quand on s’en prend aux musulmans ; tous ensemble parce qu’on s’en prend aux libertés. Olivier Ravanello
Le contexte des attentats, c’est celui d’un mouvement, Daech [l’acronyme arabe de l’Etat islamique, ndlr], qui a identifié ce qu’il estime être des fractures culturelles et confessionnelles dans les sociétés européennes – en particulier la France – et qui agit pour que ces fractures soient approfondies, transformées en failles. Le groupe escompte qu’elles se traduiront par des situations de guerre civile entre des populations d’origine musulmane et les «islamophobes», ceux-ci devenant très nombreux à cause des attaques jihadistes. Les populations musulmanes, elles, se radicaliseraient en réaction, jusqu’à considérer les jihadistes comme leurs héros. Cette stratégie a été énoncée en décembre 2004 par Abou Moussab al-Souri, un idéologue syrien dont j’ai traduit les thèses en 2008 dans mon livre Terreur et Martyre. Elle n’a pas pu se mettre en place à l’époque, car il fallait qu’elle s’appuie sur les réseaux sociaux et sur la proximité d’un terrain de jihad et d’entraînement – qui n’existaient pas encore. Aujourd’hui, on a YouTube, Twitter et le champ de bataille syro-irakien à portée de charter. (…) Cibler Charlie Hebdo est beaucoup plus efficace que de se livrer à des attentats aveugles lorsque l’on veut approfondir ces fractures. Daech veut ainsi se présenter comme le défenseur par excellence de l’islam offensé – à la manière de Khomeiny avec sa fatwa du 14 février 1989 contre les Versets sataniques. Tuer des dessinateurs accusés d’avoir insulté et blasphémé le Prophète permet d’espérer conquérir une frange de sympathie plus large : les caricatures ont heurté non seulement les salafistes, mais aussi beaucoup de simples musulmans pieux. A l’inverse, la rhétorique jihadiste clamant que les femmes et les enfants victimes d’attentats aveugles n’avaient qu’à ne pas se trouver là, qu’ils ne sont en somme que des victimes collatérales nécessaires, ne convainc que les cercles restreints déjà radicalisés. (…) Coulibaly l’a pourtant proclamé dans sa vidéo «Soldat de l’islam», mais il y a eu un glissement sémantique entre les deux attaques, et la seconde a, paradoxalement, diminué l’impact idéologique de la première auprès des sympathisants potentiels. Il y a eu un basculement vendredi lorsque la prise d’otages a débuté – au moment où les imams faisaient leur sermon dans les mosquées et où les juifs pratiquants se préparaient pour le shabbat, instant de tension symbolique hebdomadaire dans notre République laïque. Soudain, dans la zone grise de ceux qui, déplorant certes les meurtres, laissaient entendre que, quand même, ceux qui avaient caricaturé le Prophète l’avaient bien cherché, il y a eu un sentiment d’inquiétude qui m’a rappelé ce qu’on avait vu à l’époque de la guerre civile algérienne avec l’affaire Kelkal : alors, en dépit d’un certain nombre de jeunes d’origine algérienne qui détestaient le pouvoir d’Alger et sympathisaient avec le Front islamique du salut, l’extension du conflit en France avait été bloquée. A partir du moment où le Groupe islamique armé avait commis des exactions en France, toute une partie de la population concernée – les parents notamment – avait senti le risque de perdre tout ce qu’elle avait bâti ici, et les réseaux communautaires, nombre d’imams en interaction avec les autorités, avaient mis les trublions au pas. C’est ce qui nous a permis de vivre sans attentats durant seize ans – en particulier après le 11 Septembre – et cela jusqu’à l’affaire Merah de 2012. L’assassinat d’otages juifs dans l’Hyper Cacher a une résonance beaucoup plus forte en termes de vie quotidienne. Beaucoup ont compris tout d’un coup qu’il y avait désormais péril en la demeure pour eux-mêmes. La société musulmane en France a changé depuis la guerre civile algérienne des années 90. La génération des pères, des «darons», n’est plus aux manettes. Les manettes sont désormais, pour les plus religieux, entre les mains de quadras qui ont réussi, notamment ceux que j’appelle les entrepreneurs du halal, qui gèrent les sites de «vigilance islamique» en ligne. Pour eux, il est très important de se poser en défenseurs de la religion «intégrale», comme ils disent, et il en va de leur légitimité communautaire de combattre Charlie Hebdo. En revanche, il leur faut traiter au quotidien, ne serait-ce que pour faire du business, avec d’autres Français, juifs notamment. Qu’ils exècrent les «impies» et les «sionistes», c’est dans un autre registre. Cela différencie l’impact symbolique des deux attaques, dans ce qui apparaît sinon comme une tragédie unique. (…) cette affaire donne la clé du nouveau modus operandi de Daech, elle l’expose, et celui-ci n’est pas sans faiblesses non plus… (…) Fin 2004, à partir d’une critique de l’hypercentralisme d’Al-Qaeda et surtout de la stratégie du 11 Septembre, qu’il estime politiquement néfaste car elle a permis aux Etats-Unis de détruire en réaction l’infrastructure afghane de Ben Laden, Al-Souri a construit les bases de ce qui deviendra ultérieurement le soi-disant Etat islamique, la dawla [«Etat» en arabe], comme on dit dans la jihadosphère. Il prônait la multiplication d’actes terroristes de vie quotidienne à des fins de provocations récurrentes dans les sociétés européennes, perpétrés par des musulmans européens visant juifs, intellectuels «impies», musulmans «apostats» et manifestations sportives pour affoler les sociétés occidentales et les faire surréagir – c’est la vieille rengaine gauchiste «provocation-répression-solidarité». A quoi s’ajoute l’idée que les Etats ne seront pas capables d’y faire face, que ça fera monter l’extrême droite qui va brûler les mosquées… et que l’Europe s’effondrera, avant de passer sous domination islamiste. C’est le primat du «rhizome» de Deleuze sur le centralisme léniniste – Al-Souri a vécu et étudié en France dans les années 80 -, projeté à l’ère de YouTube et décliné dans la grammaire du jihad. Il n’y a plus de «donneur d’ordre» et «d’exécutants», comme à l’époque de Ben Laden. Tout est endoctrinement, entraînement militaire et mise en œuvre, avec une assez large marge d’initiative pour de petites cellules fortement idéologisées par «l’inspiration» – d’où le titre du magazine en ligne anglophone d’Al-Qaeda dans la péninsule arabique, Inspire. Quand l’Américano-Yéménite Aulaqi l’a créé, Al-Qaeda était encore le brand le plus célèbre du monde avec Coca. Aujourd’hui, c’est – plus ou moins – Daech. Mais ils ont un problème de label, entre Daech, Isis, Isil et Dawla, qui finira par nuire à leur recherche de notoriété. (…) L’Etat islamique a un territoire, à la différence d’Al-Qaeda. En Irak, il s’est greffé sur la revendication arabo-sunnite de créer un «Sunnistan», à cheval aussi sur la Syrie, et, en ce sens, il aspire des sunnites du monde entier qui viennent l’aider dans sa guerre tribale contre les chiites, les Kurdes, les alaouites, les chrétiens – avant d’être réinjectés, une fois aguerris, pour mener le jihad dans leur pays de départ. Il y a articulation entre les divers territoires du jihad, unifiés par le miroir du monde virtuel : le dialogue ahurissant des frères Kouachi, traqués dans l’imprimerie de Dammartin-en-Goële [Seine-et-Marne], en direct avec BFM TV est en ligne et sous-titré en arabe, à des fins d’édification et de prosélytisme, sur de nombreux sites islamistes du Moyen-Orient. (…) C’est un bricolage sophistiqué qui s’attaque à un symbole très fort : aux valeurs et à la culture de l’adversaire, avec pour message basique : «On a su vous détruire là où vous nous aviez offensés.» Dans la jihadosphère, de même que Merah a eu des milliers de «likes», il y a un certain nombre de gens qui rendent gloire aux trois «héros». Du reste, à la fin de sa vidéo, Coulibaly raconte qu’il est allé faire la tournée des mosquées pleines d’Ile-de-France, qu’il y a vu des milliers de jeunes gens en bonne santé et qu’ils doivent suivre son exemple. L’objectif est l’émulation. Mais est-ce que les terroristes potentiels vont bénéficier d’un effet «poisson dans l’eau» ou, au contraire, seront-ils identifiés, marginalisés et dénoncés comme ce fut le cas dans l’Hexagone lorsque la guerre civile algérienne y a débordé ? La réponse politique doit certainement recréer ces conditions. Dans la communication des autorités, il est fondamental de rappeler à l’ensemble de notre société que, parmi les victimes de prédilection des jihadistes, il y a aussi les musulmans désignés par eux comme «apostats», comme c’est le cas du brigadier Ahmed Merabet qui a été délibérément abattu à terre boulevard Richard-Lenoir. Et que la plupart des victimes de Daech sont des musulmans…(…) Comment retisser un lien social plus prégnant aujourd’hui, c’est toute la question. A la guerre que Daech tente de mener en Europe, il ne faut pas répondre par la guerre mais par des opérations de police efficientes et par l’éducation. Les retours mitigés sur la réaction de certains élèves à la minute de silence en mémoire des victimes en rappellent la nécessité. Se pose aussi en urgence absolue la question du monde carcéral, qui est aujourd’hui l’école supérieure du jihadisme en France, comme l’ont démontré les itinéraires de Chérif Kouachi et Amédy Coulibaly, devenus ce que nous avons vu à cause de leur fréquentation de l’idéologue jihadiste Djamel Beghal en prison, puis lorsqu’il était assigné à résidence au cœur de notre France rurale. Gilles Kepel
Pour ma part, je n’ai jamais connu de moment comme ça, où la vie psychique collective est à ce point prévalente. Et pas juste parce qu’il devient quasi incorrect d’évoquer sa vie personnelle au regard de l’immensité de ce qui se passe. Je pourrais parler de ce qui se passe pour moi. Je ne me sens plus seulement le fils d’une histoire familiale, d’une filiation parentale, comme tout le monde, mais aussi le fils d’une culture, d’une philosophie, d’un esprit, d’une nation même. Moi qui ai horreur du nationalisme, c’est comme si ce mot reprenait un sens. Le mot «peuple» aussi, qu’on manie habituellement à tort et à travers, comme si cet être psychique collectif acquérait pour une fois une cohérence. Il faut un événement comme celui-là pour s’apercevoir que cette histoire – et pas juste l’histoire de France, on voit bien que c’est l’histoire des idées, de la démocratie – est inscrite, et transmise. Ce qu’on n’a pratiquement aucun moyen de repérer dans d’autres circonstances. Bon, Charlie Hebdo, ce n’est pas Voltaire mais, en même temps, il y a quelque chose qui passe par le boulevard Voltaire, de la République à la Nation. C’est très étonnant de découvrir à quel point nous sommes habités par ça, à notre insu. (…) Tout le monde n’a pas accès à l’humour. La question du surmoi est ici une question importante. Parce que, l’idée est de Freud, il y a une relation très intime entre le surmoi – cette puissance d’interdit, de contrainte, d’obligation, qui dit une chose et son contraire et rend tout le monde un peu dingue – et l’humour, qui permet de se dégager, de faire un pas de côté. L’exemple bien connu, c’est le condamné à mort qui, un lundi à l’aube, est conduit à la guillotine et qui dit : «Mince, la semaine commence mal.» Ça ne change évidemment rien à ce qui va lui arriver. Par contre, on voit bien comment cette disposition d’esprit modifie, sinon le monde, du moins le regard que l’on a sur lui. C’est la même chose avec Dieu. Dieu, c’est un autre nom pour le surmoi, cette puissance qui surplombe, qui contraint à obéir, qui livre ses commandements. C’est par rapport à cela qu’il faut pouvoir faire ce pas de côté. On peut ou on ne peut pas. On a la plasticité ou pas. On se soumet ou pas. L’humour, c’est le contraire de la soumission. Ça n’est pas nécessairement révolutionnaire, ça ne renverse évidemment rien. Mais si on peut rire de celui qui vous commande… ça fait quand même une petite différence entre le prendre pour Dieu et le prendre pour un rigolo. (…)  A l’évidence, il y a des mécanismes d’identification majeurs. L’identification suppose qu’on devient tous les mêmes, et on devient les mêmes parce qu’on se rapporte à quelque chose de commun. C’est pour cela que l’idée de nation est intéressante ici, c’est une nation d’idées, de pensée, pas une nation territoriale. Il y a des identifications collectives et, au centre, il y a des idéaux, dont la liberté d’expression, qui est ici assez privilégiée, parce que c’est peut-être la forme la plus concrète de ce que liberté veut dire. Soit on peut dire ce qu’on veut et on vit, soit on ne peut pas et on se fait tuer, c’est une différence assez repérable. Par ailleurs, dans ce moment que nous vivons, il est évident que la singularité de l’individu ne suffit pas. Nous sommes des êtres sociaux : on l’est banalement, ordinairement, mais on l’est beaucoup plus profondément qu’on ne le pense. Ce que permet un moment comme celui-ci, c’est de découvrir à quel point nous sommes partie prenante d’un être psychique collectif. Je prends mon propre exemple : je ne peux pas dire que je me sente français tous les jours ni que ce mot-là me fasse toujours rigoler, et pourtant je ne me suis jamais senti aussi français que depuis mercredi. Pas du tout au sens territorial, mais au sens d’héritier de Voltaire, d’héritier de l’histoire, c’est le secret de la démocratie moderne, l’histoire de la Révolution, de Montesquieu, Diderot… On découvre à quel point c’est un privilège, dans une société, que puisse exister Charlie Hebdo. Peu de pays pourraient supporter Charlie Hebdo…(…) Les Etats-Unis sont animés par des idéaux comme la liberté d’expression mais, sur la question religieuse, ils n’ont pas la même liberté que la France. On a tendance à oublier qu’avec la Révolution française, ce n’est pas seulement l’Ancien Régime qu’on a mis par terre, c’est aussi un mouvement de déchristianisation très important. Dans les cimetières, on avait inscrit : «La mort est un sommeil éternel». La Révolution est un moment de passion antireligieuse qui dit que, si Dieu existe, la démocratie n’est pas possible. (…) Pour que le meurtre puisse se produire, il faut qu’il y ait un mentor quelque part. Plus qu’un maître à penser, parce qu’un maître à penser, ça permet encore de penser. Et puis, j’ai quand même le sentiment – je ne suis pas le seul – qu’il y a dans cette affaire beaucoup de la violence de l’adolescence. Pol Pot n’était pas un adolescent mais, au sein des Khmers rouges, il y avait beaucoup d’adolescents. Entre 15 et 18 ans, quand on a un fusil, on tire. Les hommes qui ont commis les meurtres de la semaine dernière ont tout d’adolescents jamais achevés. On ne sent nulle part l’homme adulte. Il y a une violence de l’adolescence qui court-circuite la pensée, il y a des courts-circuits entre «je désire», «je veux», «j’agis». Le tout nourri d’une pensée magique, parce que s’ils n’avaient pas la conviction délirante qu’il y a une vie après la mort, je ne pense pas que ce serait jouable. Il y a une toute-puissance de la pensée, qui est le propre de la pensée religieuse, mais qui prend là une forme maximum. Ils ne font pas ça pour mourir, ils ont quelque part la conviction qu’ils ne meurent pas, ils font ça pour la gloire, pour l’héroïsme, pour vivre. (…) Il y a des sociétés qui sont plutôt régulées par la persécution et d’autres plutôt par la culpabilité : «Je ne fais pas ça parce que je ne veux pas qu’on pense que je suis, etc. C’est mon image et je défends mon image». Dans la plupart des sociétés musulmanes, la régulation se fait plus sur la base de la persécution, parce que la persécution peut être régulatrice, elle n’est pas juste destructrice. La culpabilité est toujours un «je», «je suis coupable». Alors que la honte est un sentiment extrêmement social, on a honte sous l’œil des autres. Il faut un regard social pour avoir honte. La culpabilité peut rester intérieure. La honte se joue entre soi et le dehors. Dans la honte, on perd la face. On est nu alors qu’on se croyait habillé, quelque chose est brutalement révélé et produit de l’humiliation. La honte ne frappe pas au même endroit que la culpabilité. Le contraire de la honte, c’est la fierté. Le contraire de la culpabilité, c’est l’innocence. Comment traiter un tel problème ? La culpabilité, on la traite sur des temps longs, c’est relativement transformable, élaborable. La honte, soit elle accable et détruit celui qui la ressent, soit elle pousse à réagir extrêmement violemment, notamment en passant à l’acte. (…) Je peux me tromper, mais on a quand même l’impression que le passage en prison, pour beaucoup d’entre eux, est un moment de transformation radicale. De délinquants, ils deviennent croyants intégristes, potentiellement terroristes. Plusieurs d’entre eux, Merah et ceux de ces derniers jours, ont un peu le même profil : des petits délinquants, auteurs de délits ordinaires. Et puis il y a l’événement de la prison, qui ne tient peut-être pas uniquement au fait qu’ils y rencontrent celui qui va devenir le mentor. Il se passe aussi qu’ils sortent du circuit de la délinquance. Il y a un effet transformateur de la prison, qui n’est pas un effet apaisant, ni socialisant. Mais quelque chose qui les fait passer dans le monde de la symbolique religieuse. De l’extérieur, on a l’impression qu’enfin, ils trouvent un sens à leur vie, ils rencontrent un destin. Ils découvrent brutalement ce qui les conduit à devenir des soldats de Dieu. Vu de loin, ça ressemble à un moment mystique. La prison n’est pas un monastère mais, après tout, c’est un enfermement entre hommes. (…) On a le sentiment que les forces de destruction sont d’une telle puissance, d’une telle rage, qu’elles finiront toujours par l’emporter. L’inconscient est un sauvage, jamais la démocratie ne sera l’héritière de l’inconscient. Elle se fera toujours contre lui, il n’y a ni égalité ni fraternité dans l’inconscient. S’il y a une liberté, c’est une liberté absolue et sauvage. Et, pourtant, il y a les moments comme celui de dimanche, un moment mondial. Ce moment est allé chercher quelque chose d’extrêmement élaboré par rapport à la primitivité des meurtres accomplis. Ce mouvement de dimanche n’est pas du tout illusoire. Mais il est fragile. Jacques André
Beaucoup de philosophes ont dit du rire qu’il était le propre de l’homme. On l’a dit de beaucoup de choses. Il y a près d’un siècle Freud est un des rares à avoir éclairé cette définition. Jusque-là les philosophes expliquaient le rire à partir du comique, disaient à juste titre qu’il naît de la rencontre inopinée entre deux séries divergentes. Par exemple, cet homme à l’allure compassée qui trébuche dans la rue. Bergson a résumé l’effet comique dans la formule «du mécanique plaqué sur du vivant»: rencontre de deux types de discours hétérogènes. Personne jusqu’à Freud n’a expliqué la nécessité de cette duplicité pour engendrer le comique. Il montre que le rire est une façon de prendre un plaisir interdit, mais en passant par un détour: c’est pourquoi il est proprement humain. Freud s’intéresse prioritairement au mot d’esprit. Il montre que dans ce processus le langage est une manière indirecte, détournée de satisfaire des pulsions sexuelles ou des pulsions agressives qui ne peuvent se satisfaire comme telles dans la société en raison des interdits qu’elle véhicule. (… ) [Comme par exemple] Cette vieille histoire juive du personnage du pauvre, le «Schronner», qui va quémander de l’argent au banquier riche Rothschild. Le banquier lui en donne et découvre le pauvre, quelque moment après, dans un grand restaurant en train de manger un bon plat de saumon mayonnaise. «Comment oses-tu pleurer misère sur ta femme et tes enfants et te montrer ici», s’indigne-t-il. Et l’autre de répliquer: «Quand je n’ai pas d’argent je ne peux pas manger du saumon, et quand j’en ai, je ne le pourrais pas non plus? Alors quand puis-je manger du saumon?» La réponse est logique, mais en même temps elle cloche: elle rompt avec la logique ordinaire de la société qui voudrait que le pauvre ne vienne pas dans un restaurant chic. Ce qui fait rire, c’est qu’à l’occasion de ce jeu de mot affleure une logique inconsciente qui nous fait plaisir: le pauvre prend en quelque sorte sa revanche sur les interdits en affirmant la satisfaction de sa pulsion (ici l’envie de manger un bon repas). Il obéit à ce que Freud appelle le principe de plaisir par opposition au principe de réalité (la société). Seulement tout cela ne se dit pas directement: il faut le détour par le mot d’esprit pour engendrer le plaisir et le rire. (…) Freud n’emploie pas le mot libération. Il montre en revanche qu’en dépit du refoulement social des pulsions (des forces tendant vers la vie ou la mort), le rire fait partie des satisfactions permises par la société. Précisons. Le mot d’esprit est tout autre chose que l’ironie ou que la farce. L’ironie est caustique, calculée, consciente. Elle a bien un rôle social au sens où elle peut servir, par exemple, une critique, une rectification, etc. Le comique utilise des procédés comme l’automatisme ou la répétition qui proviennent de l’inconscient mais seulement à titre de procédés. Le mot d’esprit est source d’un plaisir supérieur. Freud remarque qu’il est involontaire. C’est-à-dire qu’on ne peut pas choisir le moment du mot d’esprit, il se comporte comme un lapsus imprévisible, porteur aussi d’une vérité universelle. Dans notre histoire, cette vérité est la suivante: chaque homme aurait envie de vivre selon le principe du plaisir et non selon celui de réalité. En son fond, l’histoire du saumon invite au carpe diem. Seulement ce n’est pas possible. La société ne peut pas admettre que chacun satisfasse son plaisir. Elle impose au moins de le différer. (…) Freud, justement, compare le rire qu’engendre l’esprit au temps d’une fête, à ces saturnales romaines, ces carnavals, ces moments de permissivité pendant lesquels la société s’autorise des libertés avec elle-même. Cependant, le mot d’esprit n’est pas un passage à l’acte mais son substitut langagier. Pour un temps très court, il apporte une satisfaction purement fantasmatique à des pulsions terribles et violentes que la civilisation dissimule. Sans le rire libérateur, explique-t-il, l’homme ne supporterait pas le carcan, la camisole de force, les inhibitions que suscite en permanence la société. (…) [Peut-on rire de la mort] Oui, mais d’un rire spécifique, celui de l’humour. Pour Freud, la capacité d’humour «sauve» de cet intolérable. L’humour du condamné à mort qui monte sur l’échafaud un lundi lui permet de déclarer: «Voici une semaine qui commence bien!» Il ne le dit pas d’abord pour être entendu mais pour lui-même, pour que même face à la pire des situations il puisse encore rire. Cet homme-là se conduit comme si l’instance morale qui est en lui est censée énoncer la loi et le condamner pour ce qu’il a fait, avait pitié de lui. « Ne te prends pas au sérieux, lui souffle-t-elle à l’oreille: le monde n’est qu’un jeu d’enfant, il vaut mieux rire que pleurer. » L’humour, c’est cette capacité qui, dans les pire situations, montre assez de force pour se faire rire soi-même de soi-même, des malheurs qui nous arrivent. Malgré tout, il permet de garder une bonne image de soi. L’humour est le seul comportement capable d’éviter la mélancolie, cette maladie de l’individu qui passe son temps à se faire des reproches, à se sentir coupable de tout ce qui lui arrive. Freud nous dit, comme le fait aussi Nietzsche, que ce qui rend l’homme malheureux, ce n’est pas tant le malheur, mais de s’imaginer que celui-ci nous arrive parce que nous avons péché. Le sujet individuel croit à un moi autonome, s’accroche à la fiction de l’immortalité, n’est qu’une pure illusion et pense qu’il joue dans cette vie le salut de son âme. Nietzsche pense que le rire n’est possible qu’à celui qui peut admettre que l’individu n’est rien par rapport à la totalité de la vie. Incipit comoedia: la comédie ne peut commencer que pour celui qui accepte de mettre bas les masques recouvrant toutes les valeurs morales ou religieuses estimées transcendantes. (…) La force de Nietzsche vise ce démasquage généralisé. C’est celui-ci qui fait rire. Il démasque: là où l’on croyait voir du sublime, il découvre seulement la dérision. Là où l’on croyait voir des interdits, des valeurs qui rendent la vie possible en société, il n’y a que mystification, imposture. Il y a là quelque chose de très actuel, de très contemporain dans cette utilisation du rire: un démasquage, mais un démasquage subversif, qui a à voir avec un rire pervers. (…)  [Mais est-ce qu’on peut rire de tout?] Certainement, si l’on prend la vie comme un spectacle, ce qui est nietzschéen. Est-ce que je peux rire de Hitler? Quand je vois Charlie Chaplin en «Dictateur» ou «To be or not to be» de Lubitsch, moi dont le père est mort en déportation, je ris. Je ris parce que Hitler est ridiculisé. Le personnage est odieux mais j’en ris précisément parce que c’est un personnage. Si c’était Hitler en chair et en os que j’avais devant moi je n’en rirais pas. C’est donc le spectacle qui rend possible ce rire. Prenez «Que le spectacle commence» de Bob Fosse. Il nous parle d’un homme qui va mourir, qui a la tuberculose, c’est pour lui insupportable. Le héros ne parvient à supporter l’idée qu’il va mourir qu’en montant un spectacle qui représente la mort, sa mère morte qui vient le chercher avec un sourire. C’est le spectacle de la mort qui permet de supporter l’intolérable et qui permet aussi d’en rire. On ne peut triompher de la mort, c’est-à-dire du tragique, qu’en la regardant dans un miroir. C’est comme cela que Persée est arrivé à tuer la Méduse qui l’horrifiait: en lui montrant sa propre image dans un miroir. Sarah Kofman
Oddly enough, given its minority status, Judaism seems to be the religion that has produced a larger repertoire of humorous religious satire. The tradition that supposedly invented the absolutist, jealous, wrathful God also produced a people that considers religion pretty funny? That is pretty funny, but true. Jokes about rabbis abound, as well as about Jewish practices such as the Passover matzah and bitter herbs, circumcision, conversion and bar mitzvah, not to mention theological topics such as God, Satan and death. Such jokes are even recited from the pulpits of quite religious congregations. Are Jews secret atheists? Is this revenge? No. Jewish humor comes from the Jewish tradition of destabilizing structures of power — which is the source of both revolutionary ideology in the sociopolitical realm and humorous satire. From biblical times, our texts recount the overthrow of ancient worldviews that believed in child sacrifice, the rights of the first-born, divine humans, divine rights of kings and dynastic rule. They limit the power of owners over slaves, of husbands and fathers over women, even of humans over animas with the laws of the Sabbath. But humor can go deeper, liberating the mind. The Exodus story is in part a satire on Pharaoh who believes himself a god. While he was issuing decrees and whips were lashing the Israelites, women outsmarted him. The midrash tells us of the midwives who said, “We can’t kill the Hebrew boys as they emerge from the womb — the women deliver their babies so fast we can’t get there in time.” Really! And if you believe that, I’ll sell you a bridge over the Nile. Worse yet, modern children’s songs about the Ten Plagues make Pharaoh a laughingstock, a helpless victim of forces he thinks he controls. The story of Balaam and his talking donkey in the book of Numbers is a parody of a prophet who thinks he can outsmart the deity and get rich. The tale of Elijah competing with the prophets of Baal in the book of Kings is a hilarious caricature. The book of Esther satirizes the power of villains and foolish kings. The book of Jonah has plenty of irony: Really, Jonah, you think you can run away from an infinite God? The strange ending to that story could almost be a cartoon: You feel sorry for the plant that died, but not for the thousands of people of Nineveh who would have died if they had not repented? And so many cattle? Tamar Frankiel

Les sionistes ont même inventé l’humour !

A l’heure où suite à une nouvelle provocation de Charlie hebdo, qui s’arrache dans les kiosques mais déchire ses anciens, avec sa couverture d’un Mahomet à la tête phallique prônant christiquement le pardon  …

Les islamistes de service ont comme d’habitude sauté sur l’occasion pour brûler, entre drapeaux, églises ou ambassades et devant les caméras qu’il fallait, tout ce qui leur tombait sous la main …

Et que, rappelant avec raison les limites inévitables au droit fondamental de la liberté d’expression, le pape a lui-même dérapé en semblant approuver la violence physique qui tue la liberté d’expression …

Pendant qu’un Pays autoproclamé des droits de l’homme qui a tant critiqué les sionistes …

Mais pourtant pays natal lui aussi de tant d’humoristes juifs …

A l’instar de leur génial précurseur (de l’invention du si yiddish « schmilblick » jusqu’à, dès 1965, la première candidature parodique à la présidentielle !) …

« Roi des loufoques » (fou en argot boucher, auquel l’avait initié son boucher de père) …

Mais aussi maitre de l’absurde et du mot d’esprit, le célèbre « Witz » si fameusement analysé par Freud …

Le chansonnier d’actualités (d’où son pseudonyme) et grande figure de la Résistance à Radio Londres André Isaac dit Pierre Dac

Découvre enfin, entre fouilles systématiques et patrouilles militaires armés à chaque coin de rue, qu’il était lui-même sans le savoir israélien …

Retour, avec Tamar Frankiel et la Bible elle-même, sur cette autre invention juive que le monde leur envie …

A savoir, issue de la même tradition du dieu vengeur et jaloux, celle de l’humour !

Why religion is a laughing matter
Satire and caricature are funny things. The most effective satire makes us laugh — but then it also gives us something to chew on, to think about.
Tamar Frankiel
Jewish journal

Not all satire is humorous, however. In the Middle Ages, caricatured figures were generally not intended to be funny, as for example in the Christian sculptural traditions that depicted Jews and heretics with deformed features. That was essentially an early version of hate speech. Satire runs on a spectrum from humor to bitterness to hatred, a range of meanings that can only be deciphered in their cultural context. We learn to figure out what is funny (think of Jon Stewart and Stephen Colbert), what is trying to be funny but is really in bad taste (“The Interview”) and what is downright mean (Nazi cartoons of Jews).

But within this complexity, caricaturing and satirizing religion historically have been even more sensitive. The Protestant Reformation produced humorous and heated satire against Roman Catholicism, and even the pope. Once Protestantism was established in a country, however, satire was censored. Humorous cartoons about political issues came into prominence from the Napoleonic Age onward; but the authority of religion protected what was demarcated as holy. In intensely secular, revolutionary France, prelates could be lampooned, but in America it was more often the “enthusiasts” — the wild sectarians such as Mormons and millenarians — who would appear as the object of caricature. Mainstream religion — decorous, solemn and rational — rarely suffered direct attack until the late 20th century.

Why have we not been able to laugh at religion? Underneath it all, are we afraid to take religion lightly? That a wrathful deity might put up with all kinds of other crimes against humanity, life and even lack of devotion to Himself, but not with being laughed at? Would the creator of humanity, who made the world completely good, regret creating a laughing being more than a murderous one? This would be an ironic theological outcome for Western religions. Not that Buddhism, Confucianism, Taoism or Hinduism are known for rollicking laugh-fests.

Oddly enough, given its minority status, Judaism seems to be the religion that has produced a larger repertoire of humorous religious satire. The tradition that supposedly invented the absolutist, jealous, wrathful God also produced a people that considers religion pretty funny? That is pretty funny, but true. Jokes about rabbis abound, as well as about Jewish practices such as the Passover matzah and bitter herbs, circumcision, conversion and bar mitzvah, not to mention theological topics such as God, Satan and death. Such jokes are even recited from the pulpits of quite religious congregations. Are Jews secret atheists? Is this revenge?

No. Jewish humor comes from the Jewish tradition of destabilizing structures of power — which is the source of both revolutionary ideology in the sociopolitical realm and humorous satire. From biblical times, our texts recount the overthrow of ancient worldviews that believed in child sacrifice, the rights of the first-born, divine humans, divine rights of kings and dynastic rule. They limit the power of owners over slaves, of husbands and fathers over women, even of humans over animas with the laws of the Sabbath.

But humor can go deeper, liberating the mind. The Exodus story is in part a satire on Pharaoh who believes himself a god. While he was issuing decrees and whips were lashing the Israelites, women outsmarted him. The midrash tells us of the midwives who said, “We can’t kill the Hebrew boys as they emerge from the womb — the women deliver their babies so fast we can’t get there in time.” Really! And if you believe that, I’ll sell you a bridge over the Nile. Worse yet, modern children’s songs about the Ten Plagues make Pharaoh a laughingstock, a helpless victim of forces he thinks he controls.

The story of Balaam and his talking donkey in the book of Numbers is a parody of a prophet who thinks he can outsmart the deity and get rich. The tale of Elijah competing with the prophets of Baal in the book of Kings is a hilarious caricature. The book of Esther satirizes the power of villains and foolish kings. The book of Jonah has plenty of irony: Really, Jonah, you think you can run away from an infinite God? The strange ending to that story could almost be a cartoon: You feel sorry for the plant that died, but not for the thousands of people of Nineveh who would have died if they had not repented? And so many cattle?

Our problem today is that too much of religion has not fulfilled its promise as a disruptive, liberating force. It is another bastion of structural stability and entrenched power. Ironies of divine behavior are interpreted as warnings and punishments. The force of humor is repressed by being associated with arrogance: Religious authorities proclaim it sinful to satirize views of God, religion or its representatives. But, isn’t the arrogant shoe on the other foot?

Religion in most traditions is no laughing matter because it is defined as nonmatter, as “spiritual,” as on a higher level than we benighted humans. But for Judaism, everything human is, simply, human. Everything natural is, simply, nature. There are visible and invisible worlds, but “God” is not defined by any of their terminologies. So everything, including our religions, is subject to critique.

Humor — as satire, as caricature — is a Jewish way of subverting idolatry. But the best humor comes not with bitterness or revolutionary zeal. It comes with love, or at least appreciation, for the precarious and tender efforts of human and divine partners to be in relationship.

One of the cartoons that supposedly angered Islamic radicals depicted the founder of Islam, holding his head in his hands and saying, “It’s so hard to be loved by idiots.” The cartoon could have been one of God as the old bearded man in the sky, looking down on His human creations. It must be hard for Him, too, to be loved by those idiosyncratic creatures who forget what He is all about.

Tamar Frankiel is president of the Academy for Jewish Religion California and a scholar of comparative religion.

Voir aussi:

Pierre DAC
1893 – 1975

 

La biographie d’André ISAAC alias Pierre Dac mérite une place de choix dans ce site. Un souvenir qu’il importe d’entretenir. En 1943 il devient au micro de la BBC à Londres un des « Français qui parlent aux Français ». Ceux qui sont encore de ce monde se souviennent que tous les soirs pendant neuf mois, dans la plus grande des clandestinités, ils dressaient l’oreille à ses éditoriaux et ses chansons. L’humour loufoque de ses polémiques visant à combattre l’occupant a su remonter le moral de ceux qui tremblaient sous la botte brune et qui attendaient avec impatience leurs libérateurs.

Pierre Dac est né le 15 août 1893 à Châlons-sur-Marne. Il hérite de son père boucher une forme nouvelle d’humour. Cette vocation fera de lui un chansonnier, qu’on baptisera d’un nom nouveau : le Roi des Loufoques. Terme en effet peu répandu à ce moment. Dans les cabarets parisiens, la Lune Rousse, le Caveau de la République, le Coucou ou les Noctambules, il tourne en dérision les situations ridicules de la vie de tous les jours. Il sait à merveille en « louchèbem » (langage des bouchers) jongler avec les mots et les calembours.

 

La parodie de Phèdre dont il est l’auteur va devenir un grand succès de music-hall. Voici la scène finale de cette oeuvre :
pdac3

PHÈDRE
Ben, c’est pas étonnant, j’ai c’t’Hippolyt’ dans l’nez !
Je veux dans le trépas noyer tant d’infamie
Qu’on me donn’ du poison pour abréger ma vie !
SINUSITE
Duquel que vous voulez, d’l’ordinaire ou du bon?
PHÈDRE
Du gros voyons, du roug’, celui qui fait des ronds.
Qu’est-c’que vous avez donc à m’bigler d’vos prunelles ?
Écartez-vous de moi ! (A Hippolyte)
Toi, viens ici, flanelle.
Exauce un voeu suprême sans trahir ta foi,
Viens trinquer avec moi pour la dernière fois.
(Les servantes apportent deux bols.)
À la tienne érotique sablonneux et casse pas le bol !
(Elle boit) Ô Dieu que ça me brûl’, mais c’est du vitriol!
HIPPOLYTE boit
Divinités du Styx, je succombe invaincu
Le désespoir au coeur…
PHÈDRE
Et moi le feu au …

Le 13 mai 1938 il crée le journal satirique
L’OS À MOELLE, présenté comme « l’organe officiel des loufoques ». Jusqu’au 31 mai 1940, date de l’entrée des Allemands dans Paris, Pierre Dac va réaliser quatre grandes pages diffusées, chaque vendredi, à quatre cent mille exemplaires, dans les familles, les cours de lycée et les casernes. Un record absolu dans l’histoire de la presse d’avant-guerre ! Une aventure qui débute par un éditorial désormais historique, sobrement intitulé : Pourquoi je crée un journal. On y lit notamment :

« Au temps des Gaulois, le fameux gui qu’adoraient ces derniers n’était autre que l’os à moelle qui, à l’époque, n’était pas encore passé du règne végétal au règne minéral: les campagnes celtes verdissaient à l’ombre des ossamoelliers, au pied desquels les comiques en vogue chantaient leurs plus désopilants refrains dont l’un des plus célèbres : Le druide a perdu son dolmen, est parvenu jusqu’à nous.
Au cours des siècles, l’Os à moelle subit de nombreuses métamorphoses et même une éclipse totale sous la Révolution française: aujourd’hui, nous assistons à son apothéose et à sa cristallisation définitive sous la forme du présent journal.
Voilà pourquoi, amis lecteurs, nous avons choisi ce titre: L’Os à moelle! Nous tâcherons de nous en montrer dignes et de le maintenir sur le chemin du sourire et de la saine plaisanterie; nous éviterons évidemment toute bifurcation politique, car nous voulons bien être loufoques mais pas fous. »

pdac1Il devient aussi un familier des ondes. Ses nombreux sketches sont diffusés sur Radio-Cité et plus tard sur le Poste Parisien. Ce n’est pas sans difficultés qu’il pourra rejoindre de Gaulle et la BBC. Avant d’atteindre ce but qu’il s’est fixé après avoir entendu l’appel du 18 juin, il connaîtra de multiples incarcérations et évasions. Son échec après la traversée des Pyrénées lui fera dire : « Si Louis XIV se les étaient farcies comme moi, il n’aurait jamais dit : il n’y a plus de Pyrénées. » Au juge qui lui demande pourquoi il a voulu quitter la France il réplique ; « En France, il y avait deux personnages célèbres, le Maréchal Pétain et moi. La nation ayant choisi le premier, je n’ai plus rien à faire ici. »

A radio Londres, en juin 1944, il attaque violemment Philippe Henriot… « Bagatelle pour un tombeau » reste un modèle du genre (lire le texte intégral). C’est une épitaphe prophétique prononcé quinze jours avant que Philippe Henriot soit abattu par la Résistance. Pierre Dac a sa part dans la victoire remportée sur la peste brune :

 

Après la Libération

Revenu de retour de Londres en 1946, après un passage par les Forces Françaises Libres comme correspondant de guerre, de pierre Dac crée L’Os Libre qui n’obtient pas le succès escompté. Les temps ont changé, l’humour loufoque semble faire partie du passé…

Le Sar Rabindranath Duval
Duval
Pierre Dac (assis en tailleur devant le président) lors d’une réception donnée par le président de la République Vincent Auriol pour tous les chansonniers, le 15 janvier 1954 (coll. Denise Weill)

Mais en 1949, La rencontre avec Francis BLANCHE lui donne une « seconde jeunesse » sera décisive. Elle donnera naissance en 1951 au plus incroyable, au plus drôle, au plus délirant des feuilletons radiophoniques, signé Furax (1034 épisodes enregistrées entre 1956 et 1960). Ensemble, ils créent des revues qui vont triompher sur la scène des Trois Baudets, puis à l’ABC. Ils deviennent surtout les producteurs-interprètes de nombreuses émissions de radio. Parmi elles, Le Parti d’en rire, Faites Chauffer la colle, CQFD, Studio 22, et surtout Malheur aux Barbus et L.K.N.O.P.D.A. Les kangourous n’ont pas d’arêtes (un pastiche de « S.L.C. Salut les copains », l’émission en vogue de l’époque) : plus de 1 200 émissions diffusées sur Paris Inter, puis sur Europe n° 1, vont passionner et divertir les Français pendant cinq ans. Ils accèdent également à l’immortalité à travers un sketch, écrit par Pierre DAC, Le Sar Rabindranath Duval

Comme beaucoup de grands comiques Pierre DAC est aussi un grand déprimé. On pense qu’il ne s’est jamais consolé de la perte de son frère aîné Marcel, mort au champ d’honneur en le 28 octobre 1915. C’est le 17 janvier 1960 que sa femme, Dinah, le découvre dans sa baignoire, les veines tailladées, gisant dans un bain de sang. En moins de deux ans, il s’agit de sa quatrième tentative de suicide. Par miracle, il échappe à la mort…

Mais à partir de 1962, Pierre DAC retrouve la santé en même temps que le moral, et fait preuve, à nouveau, d’une verve exceptionnelle : il fait reparaître L’Os à moelle (entre 1964 et 1966), écrit (avec Louis ROGNONI) un feuilleton d’espionnage délirant Bons Baisers de Partout (740 épisodes sur France Inter entre 1965 et 1974) et publie ses Pensées, qui font de lui le successeur logique et évident de Pascal.

Malgré le succès, Pierre Dac était resté un homme timide et modeste, presque effacé. Il meurt le 9 février 1975, dans la plus grande discrétion. « La mort, avait-il dit, c’est un manque de savoir-vivre. »

Bibliographie : Pierre Dac, Dico franco-loufoque, réalisé par Jacques Pessis, Librio 1999

Voir également:

Le mot d’esprit, l’humour, la mort et Freud selon Sarah Kofman
L’Humanité
25 Janvier 1994
Le rire est-il toujours le propre de l’homme? Et quel usage peut-on faire aujourd’hui de cette définition? Tentatives de réponse d’un philosophe.

PROFESSEUR de philosophie à l’université Paris-I (la Sorbonne), Sarah Kofman est l’un des spécialistes de la pensée de Freud et de Nietzsche à propos desquels elle a écrit de nombreux ouvrages, articles et contributions. Elle répond à nos questions.

Bonne blague, bon mot, caricature, mot d’esprit: on ne rit pas tous de la même chose, mais tout le monde semble avoir besoin de rire, pourquoi?

Beaucoup de philosophes ont dit du rire qu’il était le propre de l’homme. On l’a dit de beaucoup de choses. Il y a près d’un siècle Freud est un des rares à avoir éclairé cette définition. Jusque-là les philosophes expliquaient le rire à partir du comique, disaient à juste titre qu’il naît de la rencontre inopinée entre deux séries divergentes. Par exemple, cet homme à l’allure compassée qui trébuche dans la rue. Bergson a résumé l’effet comique dans la formule «du mécanique plaqué sur du vivant»: rencontre de deux types de discours hétérogènes. Personne jusqu’à Freud n’a expliqué la nécessité de cette duplicité pour engendrer le comique. Il montre que le rire est une façon de prendre un plaisir interdit, mais en passant par un détour: c’est pourquoi il est proprement humain. Freud s’intéresse prioritairement au mot d’esprit. Il montre que dans ce processus le langage est une manière indirecte, détournée de satisfaire des pulsions sexuelles ou des pulsions agressives qui ne peuvent se satisfaire comme telles dans la société en raison des interdits qu’elle véhicule.

Par exemple?

Cette vieille histoire juive du personnage du pauvre, le «Schronner», qui va quémander de l’argent au banquier riche Rothschild. Le banquier lui en donne et découvre le pauvre, quelque moment après, dans un grand restaurant en train de manger un bon plat de saumon mayonnaise. «Comment oses-tu pleurer misère sur ta femme et tes enfants et te montrer ici», s’indigne-t-il. Et l’autre de répliquer: «Quand je n’ai pas d’argent je ne peux pas manger du saumon, et quand j’en ai, je ne le pourrais pas non plus? Alors quand puis-je manger du saumon?» La réponse est logique, mais en même temps elle cloche: elle rompt avec la logique ordinaire de la société qui voudrait que le pauvre ne vienne pas dans un restaurant chic. Ce qui fait rire c’est qu’à l’occasion de ce jeu de mot affleure une logique inconsciente qui nous fait plaisir: le pauvre prend en quelque sorte sa revanche sur les interdits en affirmant la satisfaction de sa pulsion (ici l’envie de manger un bon repas). Il obéit à ce que Freud appelle le principe de plaisir par opposition au principe de réalité (la société). Seulement tout cela ne se dit pas directement: il faut le détour par le mot d’esprit pour engendrer le plaisir et le rire.

Rire, pour l’individu, c’est se libérer de contraintes sociales?

Freud n’emploie pas le mot libération. Il montre en revanche qu’en dépit du refoulement social des pulsions (des forces tendant vers la vie ou la mort) le rire fait partie des satisfactions permises par la société. Précisons. Le mot d’esprit est tout autre chose que l’ironie ou que la farce. L’ironie est caustique, calculée, consciente. Elle a bien un rôle social au sens où elle peut servir, par exemple, une critique, une rectification, etc. Le comique utilise des procédés comme l’automatisme ou la répétition qui proviennent de l’inconscient mais seulement à titre de procédés. Le mot d’esprit est source d’un plaisir supérieur. Freud remarque qu’il est involontaire. C’est-à-dire qu’on ne peut pas choisir le moment du mot d’esprit, il se comporte comme un lapsus imprévisible, porteur aussi d’une vérité universelle. Dans notre histoire, cette vérité est la suivante: chaque homme aurait envie de vivre selon le principe du plaisir et non selon celui de réalité. En son fond, l’histoire du saumon invite au carpe diem. Seulement ce n’est pas possible. La société ne peut pas admettre que chacun satisfasse son plaisir. Elle impose au moins de le différer.

Mais ce n’est qu’une histoire. Est-il possible dans le réel de s’adonner un moment au plaisir en transgressant les interdits?

Freud, justement, compare le rire qu’engendre l’esprit au temps d’une fête, à ces saturnales romaines, ces carnavals, ces moments de permissivité pendant lesquels la société s’autorise des libertés avec elle-même. Cependant, le mot d’esprit n’est pas un passage à l’acte mais son substitut langagier. Pour un temps très court il apporte une satisfaction purement fantasmatique à des pulsions terribles et violentes que la civilisation dissimule. Sans le rire libérateur, explique-t-il, l’homme ne supporterait pas le carcan, la camisole de force, les inhibitions que suscite en permanence la société.

Mieux vaut en rire? Mais peut-on rire de la mort par exemple, l’intolérable absolu?

Oui, mais d’un rire spécifique, celui de l’humour. Pour Freud, la capacité d’humour «sauve» de cet intolérable. L’humour du condamné à mort qui monte sur l’échafaud un lundi lui permet de déclarer: «Voici une semaine qui commence bien!» Il ne le dit pas d’abord pour être entendu mais pour lui-même, pour que même face à la pire des situations il puisse encore rire. Cet homme-là se conduit comme si l’instance morale qui est en lui est censée énoncer la loi et le condamner pour ce qu’il a fait, avait pitié de lui. «Ne te prends pas au sérieux, lui souffle-t-elle à l’oreille: le monde n’est qu’un jeu d’enfant, il vaut mieux rire que pleurer.»

L’humour, c’est cette capacité qui, dans les pire situations, montre assez de force pour se faire rire soi-même de soi-même, des malheurs qui nous arrivent. Malgré tout il permet de garder une bonne image de soi. L’humour est le seul comportement capable d’éviter la mélancolie, cette maladie de l’individu qui passe son temps à se faire des reproches, à se sentir coupable de tout ce qui lui arrive. Freud nous dit, comme le fait aussi Nietzsche, que ce qui rend l’homme malheureux, ce n’est pas tant le malheur, mais de s’imaginer que celui-ci nous arrive parce que nous avons péché. Le sujet individuel croit à un moi autonome, s’accroche à la fiction de l’immortalité, n’est qu’une pure illusion et pense qu’il joue dans cette vie le salut de son âme. Nietzsche pense que le rire n’est possible qu’à celui qui peut admettre que l’individu n’est rien par rapport à la totalité de la vie.

Incipit comoedia

: la comédie ne peut commencer que pour celui qui accepte de mettre bas les masques recouvrant toutes les valeurs morales ou religieuses estimées transcendantes.

Il y a beaucoup de cynisme dans ce rire…

La force de Nietzsche vise ce démasquage généralisé. C’est celui-ci qui fait rire. Il démasque: là où l’on croyait voir du sublime, il découvre seulement la dérision. Là où l’on croyait voir des interdits, des valeurs qui rendent la vie possible en société, il n’y a que mystification, imposture. Il y a là quelque chose de très actuel, de très contemporain dans cette utilisation du rire: un démasquage, mais un démasquage subversif, qui a à voir avec un rire pervers.

D’aucuns pourront y voir un discours qui se mord la queue et qui ne change pas grand-chose à l’organisation réelle de la société. Mais est-ce qu’on peut rire de tout?

Certainement, si l’on prend la vie comme un spectacle, ce qui est nietzschéen. Est-ce que je peux rire de Hitler? Quand je vois Charlie Chaplin en «Dictateur» ou «To be or not to be» de Lubitsch, moi dont le père est mort en déportation, je ris. Je ris parce que Hitler est ridiculisé. Le personnage est odieux mais j’en ris précisément parce que c’est un personnage. Si c’était Hitler en chair et en os que j’avais devant moi je n’en rirais pas. C’est donc le spectacle qui rend possible ce rire. Prenez «Que le spectacle commence» de Bob Fosse. Il nous parle d’un homme qui va mourir, qui a la tuberculose, c’est pour lui insupportable. Le héros ne parvient à supporter l’idée qu’il va mourir qu’en montant un spectacle qui représente la mort, sa mère morte qui vient le chercher avec un sourire. C’est le spectacle de la mort qui permet de supporter l’intolérable et qui permet aussi d’en rire. On ne peut triompher de la mort, c’est-à-dire du tragique, qu’en la regardant dans un miroir. C’est comme cela que Persée est arrivé à tuer la Méduse qui l’horrifiait: en lui montrant sa propre image dans un miroir.

Recueilli par Lucien Degoy

Voir de plus:

« Dieu, c’est un autre nom pour le surmoi »
Eric Loret et Natalie Levisalles

Libération

13 janvier 2015

INTERVIEW Auteur de travaux sur la violence, la prison et l’humour, le psychanalyste Jacques André se penche sur l’immense élan collectif qui a suivi les attaques tétanisantes de la semaine dernière.

Jacques André est psychanalyste. Il a travaillé sur la violence, la prison, l’humour. Il est l’auteur des 100 Mots de la psychanalyse (PUF) et de Paroles d’homme (Gallimard).

Qu’est-ce qu’un psychanalyste peut dire de ce qui s’est passé la semaine dernière ?
La position du psychanalyste est tellement mêlée à celle du citoyen… Pour ma part, je n’ai jamais connu de moment comme ça, où la vie psychique collective est à ce point prévalente. Et pas juste parce qu’il devient quasi incorrect d’évoquer sa vie personnelle au regard de l’immensité de ce qui se passe.

Je pourrais parler de ce qui se passe pour moi. Je ne me sens plus seulement le fils d’une histoire familiale, d’une filiation parentale, comme tout le monde, mais aussi le fils d’une culture, d’une philosophie, d’un esprit, d’une nation même. Moi qui ai horreur du nationalisme, c’est comme si ce mot reprenait un sens. Le mot «peuple» aussi, qu’on manie habituellement à tort et à travers, comme si cet être psychique collectif acquérait pour une fois une cohérence.

Il faut un événement comme celui-là pour s’apercevoir que cette histoire – et pas juste l’histoire de France, on voit bien que c’est l’histoire des idées, de la démocratie – est inscrite, et transmise. Ce qu’on n’a pratiquement aucun moyen de repérer dans d’autres circonstances. Bon, Charlie Hebdo, ce n’est pas Voltaire mais, en même temps, il y a quelque chose qui passe par le boulevard Voltaire, de la République à la Nation. C’est très étonnant de découvrir à quel point nous sommes habités par ça, à notre insu.

Au départ de toute cette histoire, il y a l’humour. Qu’est-ce que ça veut dire de refuser l’humour, ou de ne pas le comprendre ?
Tout le monde n’a pas accès à l’humour. La question du surmoi est ici une question importante. Parce que, l’idée est de Freud, il y a une relation très intime entre le surmoi – cette puissance d’interdit, de contrainte, d’obligation, qui dit une chose et son contraire et rend tout le monde un peu dingue – et l’humour, qui permet de se dégager, de faire un pas de côté. L’exemple bien connu, c’est le condamné à mort qui, un lundi à l’aube, est conduit à la guillotine et qui dit : «Mince, la semaine commence mal.» Ça ne change évidemment rien à ce qui va lui arriver. Par contre, on voit bien comment cette disposition d’esprit modifie, sinon le monde, du moins le regard que l’on a sur lui. C’est la même chose avec Dieu. Dieu, c’est un autre nom pour le surmoi, cette puissance qui surplombe, qui contraint à obéir, qui livre ses commandements. C’est par rapport à cela qu’il faut pouvoir faire ce pas de côté. On peut ou on ne peut pas. On a la plasticité ou pas. On se soumet ou pas. L’humour, c’est le contraire de la soumission. Ça n’est pas nécessairement révolutionnaire, ça ne renverse évidemment rien. Mais si on peut rire de celui qui vous commande… ça fait quand même une petite différence entre le prendre pour Dieu et le prendre pour un rigolo.

Quelle est la nature de cet élan qui a poussé des millions de gens à descendre dans la rue ?
A l’évidence, il y a des mécanismes d’identification majeurs. L’identification suppose qu’on devient tous les mêmes, et on devient les mêmes parce qu’on se rapporte à quelque chose de commun. C’est pour cela que l’idée de nation est intéressante ici, c’est une nation d’idées, de pensée, pas une nation territoriale. Il y a des identifications collectives et, au centre, il y a des idéaux, dont la liberté d’expression, qui est ici assez privilégiée, parce que c’est peut-être la forme la plus concrète de ce que liberté veut dire. Soit on peut dire ce qu’on veut et on vit, soit on ne peut pas et on se fait tuer, c’est une différence assez repérable.

Par ailleurs, dans ce moment que nous vivons, il est évident que la singularité de l’individu ne suffit pas. Nous sommes des êtres sociaux : on l’est banalement, ordinairement, mais on l’est beaucoup plus profondément qu’on ne le pense. Ce que permet un moment comme celui-ci, c’est de découvrir à quel point nous sommes partie prenante d’un être psychique collectif. Je prends mon propre exemple : je ne peux pas dire que je me sente français tous les jours ni que ce mot-là me fasse toujours rigoler, et pourtant je ne me suis jamais senti aussi français que depuis mercredi. Pas du tout au sens territorial, mais au sens d’héritier de Voltaire, d’héritier de l’histoire, c’est le secret de la démocratie moderne, l’histoire de la Révolution, de Montesquieu, Diderot… On découvre à quel point c’est un privilège, dans une société, que puisse exister Charlie Hebdo. Peu de pays pourraient supporter Charlie Hebdo…

Dans des pays, comme les Etats-Unis, la plupart des médias ont flouté les dessins de Charlie, alors qu’ils ont été très affectés…
Les Etats-Unis sont animés par des idéaux comme la liberté d’expression mais, sur la question religieuse, ils n’ont pas la même liberté que la France. On a tendance à oublier qu’avec la Révolution française, ce n’est pas seulement l’Ancien Régime qu’on a mis par terre, c’est aussi un mouvement de déchristianisation très important. Dans les cimetières, on avait inscrit : «La mort est un sommeil éternel». La Révolution est un moment de passion antireligieuse qui dit que, si Dieu existe, la démocratie n’est pas possible.
Qu’est-ce qui fait que la violence va jusqu’au meurtre ?
C’est évidemment très difficile à saisir, parce que les hommes qui ont fait ça n’ont, par définition, pas l’occasion de s’ouvrir à une parole, d’être écoutés. Au contraire. Pour que le meurtre puisse se produire, il faut qu’il y ait un mentor quelque part. Plus qu’un maître à penser, parce qu’un maître à penser, ça permet encore de penser.

Et puis, j’ai quand même le sentiment – je ne suis pas le seul – qu’il y a dans cette affaire beaucoup de la violence de l’adolescence. Pol Pot n’était pas un adolescent mais, au sein des Khmers rouges, il y avait beaucoup d’adolescents. Entre 15 et 18 ans, quand on a un fusil, on tire. Les hommes qui ont commis les meurtres de la semaine dernière ont tout d’adolescents jamais achevés. On ne sent nulle part l’homme adulte. Il y a une violence de l’adolescence qui court-circuite la pensée, il y a des courts-circuits entre «je désire», «je veux», «j’agis». Le tout nourri d’une pensée magique, parce que s’ils n’avaient pas la conviction délirante qu’il y a une vie après la mort, je ne pense pas que ce serait jouable. Il y a une toute-puissance de la pensée, qui est le propre de la pensée religieuse, mais qui prend là une forme maximum. Ils ne font pas ça pour mourir, ils ont quelque part la conviction qu’ils ne meurent pas, ils font ça pour la gloire, pour l’héroïsme, pour vivre.

A propos des Antilles, vous avez dit : dans les sociétés où la honte plus que la culpabilité joue un rôle de régulation, c’est au prix d’un accroissement du sentiment de persécution. Et ici ?
Il y a des sociétés qui sont plutôt régulées par la persécution et d’autres plutôt par la culpabilité : «Je ne fais pas ça parce que je ne veux pas qu’on pense que je suis, etc. C’est mon image et je défends mon image». Dans la plupart des sociétés musulmanes, la régulation se fait plus sur la base de la persécution, parce que la persécution peut être régulatrice, elle n’est pas juste destructrice.

La culpabilité est toujours un «je», «je suis coupable». Alors que la honte est un sentiment extrêmement social, on a honte sous l’œil des autres. Il faut un regard social pour avoir honte. La culpabilité peut rester intérieure. La honte se joue entre soi et le dehors. Dans la honte, on perd la face. On est nu alors qu’on se croyait habillé, quelque chose est brutalement révélé et produit de l’humiliation. La honte ne frappe pas au même endroit que la culpabilité. Le contraire de la honte, c’est la fierté. Le contraire de la culpabilité, c’est l’innocence.

Comment traiter un tel problème ? La culpabilité, on la traite sur des temps longs, c’est relativement transformable, élaborable. La honte, soit elle accable et détruit celui qui la ressent, soit elle pousse à réagir extrêmement violemment, notamment en passant à l’acte.

Certains de ces meurtriers sont passés par la prison.
Je peux me tromper, mais on a quand même l’impression que le passage en prison, pour beaucoup d’entre eux, est un moment de transformation radicale. De délinquants, ils deviennent croyants intégristes, potentiellement terroristes.

Plusieurs d’entre eux, Merah et ceux de ces derniers jours, ont un peu le même profil : des petits délinquants, auteurs de délits ordinaires. Et puis il y a l’événement de la prison, qui ne tient peut-être pas uniquement au fait qu’ils y rencontrent celui qui va devenir le mentor. Il se passe aussi qu’ils sortent du circuit de la délinquance. Il y a un effet transformateur de la prison, qui n’est pas un effet apaisant, ni socialisant. Mais quelque chose qui les fait passer dans le monde de la symbolique religieuse.

De l’extérieur, on a l’impression qu’enfin, ils trouvent un sens à leur vie, ils rencontrent un destin. Ils découvrent brutalement ce qui les conduit à devenir des soldats de Dieu. Vu de loin, ça ressemble à un moment mystique. La prison n’est pas un monastère mais, après tout, c’est un enfermement entre hommes.

Et maintenant ?
On a le sentiment que les forces de destruction sont d’une telle puissance, d’une telle rage, qu’elles finiront toujours par l’emporter. L’inconscient est un sauvage, jamais la démocratie ne sera l’héritière de l’inconscient. Elle se fera toujours contre lui, il n’y a ni égalité ni fraternité dans l’inconscient. S’il y a une liberté, c’est une liberté absolue et sauvage.

Et, pourtant, il y a les moments comme celui de dimanche, un moment mondial. Ce moment est allé chercher quelque chose d’extrêmement élaboré par rapport à la primitivité des meurtres accomplis. Ce mouvement de dimanche n’est pas du tout illusoire. Mais il est fragile.

Voir de même:

First they came for the Jews. Then they came for the journalists
The massacre at Charlie Hebdo was part of an all-out assault on freedom in Europe. Jews and cartoonists are on the frontline.
Anshel Pfeffer
Haaretz
Jan. 8, 2015

One of the first responses I heard on Wednesday when the first reports came through of a shooting on a newspaper office in Paris was “is it a Jewish newspaper?” As parochial and narrow-minded as that question may sound, it made sense. There was every reason to believe that the next major terror attack in France would be against a Jewish target.

After all, the last two such multiple murders carried out by French jihadists were of Jews — last year at the Jewish Museum in Brussels and in 2012 outside the Ozar Hatorah school in Toulouse. Add to that a recent spate of attacks that fortunately did not result in any deaths, and I don’t have to point out the pattern for you.

To paraphrase Pastor Martin Niemöller — First they came for the Jews, then they came for the journalists.

The choice of targets — Jews and satirical journalists — is inextricably linked, and not only because the most veteran cartoonist murdered in the Charlie Hebdo office on Wednesday morning was Jewish — the 80-year-old Georges Wolinski (though the story of this son of Jewish refugees from Poland and Tunisia who came to live in France at age 12 makes this connection all the more poignant). The existence of a successful, highly visible and well-connected Jewish community in a major European country, as well as an irreverent weekly magazine that routinely lampoons those in power, should never be taken for granted.
Neither Jewish life nor a fiercely free press could have flourished so much in France over the last 70 years without an open and liberal-democratic environment nurturing them. Both are symbols of all that is best of the prolonged period of peace and freedom Western Europe has enjoyed in the post-World War II era. That they were both chosen as targets is no coincidence.

Another connection is that neither the Jews of France nor Charlie Hebdo pose any sort of conceivable threat to Muslims anywhere. The gunmen could have chosen to target a party branch of the ultra-right and increasingly anti-Muslim National Front or the offices of a politician supporting laws against hijab-wearing, halal ritual slaughter and the building of mosque minarets. Not that such an attack would have been justified, but it is telling they preferred to point their Kalashnikovs elsewhere.

The jihadists have murdered civilians whose existence had no relevance whatsoever on their lives and communities, but their very presence and identity offended them.
It has often been said that the Jews’ situation in any given country is a reliable barometer of the level of democracy and human rights there, and the same is true of the freedom enjoyed by a country’s media. European Jews may be attacked because of anti-Semitism and warped thinking that links them to the Israel-Palestine conflict, and Charlie Hebdo’s journalists were slaughtered because they refused to be cowed and continued to publish cartoons ridiculing Mohammed, as they ridicule the “holy” men of other religions, including Judaism. But above all they have been killed because they embody Western enlightenment, freedom and tolerance.

Belle Époque

The struggle growing now in the heart of Europe isn’t between Muslims and Jews. By any yardstick the vast majority of the continent’s Muslims have no connection to any of this, and with the exception of a handful of spokesmen with few followers, their leaders have condemned the killings.

And for all the understandable unease felt by Jews in France and neighboring countries, they are still enjoying the most prosperous period in the history of Jewish life in Europe. They are not limited, oppressed or discriminated against in any way by the authorities who are investing massive resources to protect Jewish communities.
It is a struggle between those who continue to believe in the true values of the West and those who find these freedoms to be abhorrent. Whether they be radical Islamists, neo-fascists or nationalist Europhobes, and yes, even though they may hate each other, they have a common cause. Scratch beneath the surface and you will find that they share similar phobias — against Jews, gays, foreigners (to them) and journalists who insist on revealing their true nature and pricking their balloons of self-righteousness.

No, Europe is not being taken over by a caliphate, but it is increasingly gripped by forces of intolerance and xenophobia. These forces often oppose each other (and in some dismal cases even a few individual Jews join them in the mistaken belief that if these groups oppose Muslims and claim to support Israel, this somehow cleanses them).
But scratch a bit beneath the surface and you will find how similar they are. In any assault on freedom in European history, whether from the right or left, religious fundamentalist or militantly secular, the ancient hatred of the continent’s Jews is always lurking. The only reliable safeguard will always remain democracy.
These attacks coincide with a surge in Jewish emigration from France — 6,000 left for Israel in 2014, an all-time record, along with smaller numbers moving across the water to Britain and Canada. While a feeling of insecurity is certainly one motive, the main reason is almost always financial; the ongoing slump in France’s economy and ultra-high taxation.
It is not a panicked exodus, but a result of long-term factors. Most French Jews, however, are staying put. Despite the hysterical headlines, not only are Europe’s Jews not fleeing, the numbers of Israelis currently residing in London and Berlin exceeds that of those who have “fled.”

The fact that we are not yet facing an emergency is not reason for complacency, though. The rise of xenophobic parties such as the National Front in France and UKIP in Britain are alarm bells for Europe’s Jews, just as the recent jihadist attacks are.

But there is still much room for optimism, because if one thing has been made clear this week in Paris it is that the Jews are not on their own in this. This is a battle on all fronts for a continent’s soul, and as long as European satirists are free to continue sharpening their pens, as the wounded survivors of Charlie Hebdo have promised they will be doing for next week’s edition, Jews will also have a place on the frontline.

Voir encore:

Gilles Kepel : « Daech escompte des situations de guerre civile »
Marc semo, Luc Mathieu et Anastasia Vécrin
Libération
14 janvier 2015
INTERVIEW
Gilles Kepel, spécialiste de l’islam, analyse l’impact des attentats de la semaine dernière sur la société française et revient sur la stratégie de l’Etat islamique, prêt à en exploiter toutes les failles.
Spécialiste reconnu de l’islamisme, Gilles Kepel, membre de l’Institut universitaire de France et professeur à Sciences-Po qui a récemment publié Passion arabe : journal 2011-2013 et Passion française : les voix des cités(Gallimard «Témoins») revient pour Libération sur les effets des attentats en France.

Ces attaques vont-elles ressouder la société française ou aggraver ses fractures ?
Le contexte des attentats, c’est celui d’un mouvement, Daech [l’acronyme arabe de l’Etat islamique, ndlr], qui a identifié ce qu’il estime être des fractures culturelles et confessionnelles dans les sociétés européennes – en particulier la France – et qui agit pour que ces fractures soient approfondies, transformées en failles. Le groupe escompte qu’elles se traduiront par des situations de guerre civile entre des populations d’origine musulmane et les «islamophobes», ceux-ci devenant très nombreux à cause des attaques jihadistes. Les populations musulmanes, elles, se radicaliseraient en réaction, jusqu’à considérer les jihadistes comme leurs héros. Cette stratégie a été énoncée en décembre 2004 par Abou Moussab al-Souri, un idéologue syrien dont j’ai traduit les thèses en 2008 dans mon livre Terreur et Martyre. Elle n’a pas pu se mettre en place à l’époque, car il fallait qu’elle s’appuie sur les réseaux sociaux et sur la proximité d’un terrain de jihad et d’entraînement – qui n’existaient pas encore. Aujourd’hui, on a YouTube, Twitter et le champ de bataille syro-irakien à portée de charter.

La France est-elle particulièrement fragile ?
Visée, oui, fragile, non. Je ne suis pas sûr que des manifestations comme celles de dimanche auraient pu avoir lieu dans un autre pays européen. Il me semble que, justement, avec tout ce que l’on a pu dire ces dernières années sur la dissolution du pacte républicain, la ringardisation de l’identité française jacobine à l’heure d’Internet, il y a eu entre République et Nation une sorte de sursaut assez impressionnant d’individus de toutes sortes, de toutes origines et de tous âges, qui ont montré que le pacte social, culturel, était toujours d’actualité, toujours à reconstruire ensemble – même s’il y a eu des absents… En ce sens, les manifestations du 11 janvier constituent une digue culturelle très forte contre l’idéologie de Daech et sa stratégie de creusement de failles à travers les attentats.

Pourquoi Charlie Hebdo ?
Cibler Charlie Hebdo est beaucoup plus efficace que de se livrer à des attentats aveugles lorsque l’on veut approfondir ces fractures. Daech veut ainsi se présenter comme le défenseur par excellence de l’islam offensé – à la manière de Khomeiny avec sa fatwa du 14 février 1989 contre les Versets sataniques. Tuer des dessinateurs accusés d’avoir insulté et blasphémé le Prophète permet d’espérer conquérir une frange de sympathie plus large : les caricatures ont heurté non seulement les salafistes, mais aussi beaucoup de simples musulmans pieux. A l’inverse, la rhétorique jihadiste clamant que les femmes et les enfants victimes d’attentats aveugles n’avaient qu’à ne pas se trouver là, qu’ils ne sont en somme que des victimes collatérales nécessaires, ne convainc que les cercles restreints déjà radicalisés.

L’attaque contre l’Hyper Cacher ne s’inscrit pas dans cette logique…
Coulibaly l’a pourtant proclamé dans sa vidéo «Soldat de l’islam», mais il y a eu un glissement sémantique entre les deux attaques, et la seconde a, paradoxalement, diminué l’impact idéologique de la première auprès des sympathisants potentiels. Il y a eu un basculement vendredi lorsque la prise d’otages a débuté – au moment où les imams faisaient leur sermon dans les mosquées et où les juifs pratiquants se préparaient pour le shabbat, instant de tension symbolique hebdomadaire dans notre République laïque. Soudain, dans la zone grise de ceux qui, déplorant certes les meurtres, laissaient entendre que, quand même, ceux qui avaient caricaturé le Prophète l’avaient bien cherché, il y a eu un sentiment d’inquiétude qui m’a rappelé ce qu’on avait vu à l’époque de la guerre civile algérienne avec l’affaire Kelkal : alors, en dépit d’un certain nombre de jeunes d’origine algérienne qui détestaient le pouvoir d’Alger et sympathisaient avec le Front islamique du salut, l’extension du conflit en France avait été bloquée. A partir du moment où le Groupe islamique armé avait commis des exactions en France, toute une partie de la population concernée – les parents notamment – avait senti le risque de perdre tout ce qu’elle avait bâti ici, et les réseaux communautaires, nombre d’imams en interaction avec les autorités, avaient mis les trublions au pas. C’est ce qui nous a permis de vivre sans attentats durant seize ans – en particulier après le 11 Septembre – et cela jusqu’à l’affaire Merah de 2012. L’assassinat d’otages juifs dans l’Hyper Cacher a une résonance beaucoup plus forte en termes de vie quotidienne. Beaucoup ont compris tout d’un coup qu’il y avait désormais péril en la demeure pour eux-mêmes. La société musulmane en France a changé depuis la guerre civile algérienne des années 90. La génération des pères, des «darons», n’est plus aux manettes. Les manettes sont désormais, pour les plus religieux, entre les mains de quadras qui ont réussi, notamment ceux que j’appelle les entrepreneurs du halal, qui gèrent les sites de «vigilance islamique» en ligne. Pour eux, il est très important de se poser en défenseurs de la religion «intégrale», comme ils disent, et il en va de leur légitimité communautaire de combattre Charlie Hebdo. En revanche, il leur faut traiter au quotidien, ne serait-ce que pour faire du business, avec d’autres Français, juifs notamment. Qu’ils exècrent les «impies» et les «sionistes», c’est dans un autre registre. Cela différencie l’impact symbolique des deux attaques, dans ce qui apparaît sinon comme une tragédie unique.

Est-on aujourd’hui, en France, à l’abri de la guerre civile souhaitée par Daech ?
La manifestation a constitué une réponse extraordinaire dans un premier temps pour éviter ce climat. L’effet de terreur d’un attentat est accentué par sa multiplication et Al-Qaeda s’efforçait de mener deux ou quatre actions simultanées, comme le 11 Septembre avec les quatre avions détournés, puis à Madrid, Istanbul et Londres. Vendredi, il y a eu un moment de basculement et de panique dans l’après-midi, la rumeur s’est répandue qu’il y avait des terroristes dans tout Paris, puis est arrivée la délivrance avec le double assaut. La multiplication des attaques donne le sentiment que la cible est impuissante. Or la cible française de Daech a montré une impressionnante réactivité, les forces de l’ordre ont fait un travail très efficace. De la même façon que je ne suis pas sûr que dans d’autres pays européens, il y aurait eu une marche de l’ampleur de dimanche, je ne suis pas convaincu que d’autres services de police auraient été capables, en vingt-quatre heures, d’identifier les auteurs, de les repérer et de les éliminer. Certes, les frères Kouachi et Coulibaly sont passés au-dessous du radar avant leurs actes, parce que le paradigme qu’utilisent les services spécialisés reste encore celui des années 1996-2012, l’âge d’or de l’antiterrorisme français. Mais cette affaire donne la clé du nouveau modus operandi de Daech, elle l’expose, et celui-ci n’est pas sans faiblesses non plus…

Vous parlez de Daech et non d’Al-Qaeda parce que, désormais, c’est ce groupe qui donne globalement le «la» ?
Fin 2004, à partir d’une critique de l’hypercentralisme d’Al-Qaeda et surtout de la stratégie du 11 Septembre, qu’il estime politiquement néfaste car elle a permis aux Etats-Unis de détruire en réaction l’infrastructure afghane de Ben Laden, Al-Souri a construit les bases de ce qui deviendra ultérieurement le soi-disant Etat islamique, la dawla [«Etat» en arabe], comme on dit dans la jihadosphère. Il prônait la multiplication d’actes terroristes de vie quotidienne à des fins de provocations récurrentes dans les sociétés européennes, perpétrés par des musulmans européens visant juifs, intellectuels «impies», musulmans «apostats» et manifestations sportives pour affoler les sociétés occidentales et les faire surréagir – c’est la vieille rengaine gauchiste «provocation-répression-solidarité». A quoi s’ajoute l’idée que les Etats ne seront pas capables d’y faire face, que ça fera monter l’extrême droite qui va brûler les mosquées… et que l’Europe s’effondrera, avant de passer sous domination islamiste. C’est le primat du «rhizome» de Deleuze sur le centralisme léniniste – Al-Souri a vécu et étudié en France dans les années 80 -, projeté à l’ère de YouTube et décliné dans la grammaire du jihad. Il n’y a plus de «donneur d’ordre» et «d’exécutants», comme à l’époque de Ben Laden. Tout est endoctrinement, entraînement militaire et mise en œuvre, avec une assez large marge d’initiative pour de petites cellules fortement idéologisées par «l’inspiration» – d’où le titre du magazine en ligne anglophone d’Al-Qaeda dans la péninsule arabique, Inspire. Quand l’Américano-Yéménite Aulaqi l’a créé, Al-Qaeda était encore le brand le plus célèbre du monde avec Coca. Aujourd’hui, c’est – plus ou moins – Daech. Mais ils ont un problème de label, entre Daech, Isis, Isil et Dawla, qui finira par nuire à leur recherche de notoriété.

L’Etat islamique a pourtant très tardivement dit «il faut attaquer l’Occident»…
L’Etat islamique a un territoire, à la différence d’Al-Qaeda. En Irak, il s’est greffé sur la revendication arabo-sunnite de créer un «Sunnistan», à cheval aussi sur la Syrie, et, en ce sens, il aspire des sunnites du monde entier qui viennent l’aider dans sa guerre tribale contre les chiites, les Kurdes, les alaouites, les chrétiens – avant d’être réinjectés, une fois aguerris, pour mener le jihad dans leur pays de départ. Il y a articulation entre les divers territoires du jihad, unifiés par le miroir du monde virtuel : le dialogue ahurissant des frères Kouachi, traqués dans l’imprimerie de Dammartin-en-Goële [Seine-et-Marne], en direct avec BFM TV est en ligne et sous-titré en arabe, à des fins d’édification et de prosélytisme, sur de nombreux sites islamistes du Moyen-Orient.

L’impact extraordinaire de cette action contre Charlie ne risque-t-il pas d’avoir un effet d’imitation ?
C’est un bricolage sophistiqué qui s’attaque à un symbole très fort : aux valeurs et à la culture de l’adversaire, avec pour message basique : «On a su vous détruire là où vous nous aviez offensés.» Dans la jihadosphère, de même que Merah a eu des milliers de «likes», il y a un certain nombre de gens qui rendent gloire aux trois «héros». Du reste, à la fin de sa vidéo, Coulibaly raconte qu’il est allé faire la tournée des mosquées pleines d’Ile-de-France, qu’il y a vu des milliers de jeunes gens en bonne santé et qu’ils doivent suivre son exemple. L’objectif est l’émulation. Mais est-ce que les terroristes potentiels vont bénéficier d’un effet «poisson dans l’eau» ou, au contraire, seront-ils identifiés, marginalisés et dénoncés comme ce fut le cas dans l’Hexagone lorsque la guerre civile algérienne y a débordé ? La réponse politique doit certainement recréer ces conditions. Dans la communication des autorités, il est fondamental de rappeler à l’ensemble de notre société que, parmi les victimes de prédilection des jihadistes, il y a aussi les musulmans désignés par eux comme «apostats», comme c’est le cas du brigadier Ahmed Merabet qui a été délibérément abattu à terre boulevard Richard-Lenoir. Et que la plupart des victimes de Daech sont des musulmans…

Ne faut-il pas faire un travail de pédagogie dans les quartiers ?
C’est évident. Comment retisser un lien social plus prégnant aujourd’hui, c’est toute la question. A la guerre que Daech tente de mener en Europe, il ne faut pas répondre par la guerre mais par des opérations de police efficientes et par l’éducation. Les retours mitigés sur la réaction de certains élèves à la minute de silence en mémoire des victimes en rappellent la nécessité. Se pose aussi en urgence absolue la question du monde carcéral, qui est aujourd’hui l’école supérieure du jihadisme en France, comme l’ont démontré les itinéraires de Chérif Kouachi et Amédy Coulibaly, devenus ce que nous avons vu à cause de leur fréquentation de l’idéologue jihadiste Djamel Beghal en prison, puis lorsqu’il était assigné à résidence au cœur de notre France rurale.
Recueilli par Luc Mathieu, Marc Semo et Anastasia Vécrin

Voir enfin:

France’s Moment of Truth
Historically, politically, and economically, France stands on a precipice.
Michel Gurfinkiel
January 16, 2015

The jihadist killing spree in Paris last week (seventeen people murdered, twice as many wounded) has been described as ”France’s 9/11“ by Le Monde, the French liberal daily newspaper. Indeed, just like the American 9/11 fourteen years ago, it was a moment of truth: for France as a nation, for the French political class and — last but certainly not least — for French Jews. The question, however, is not so much whether one sees the truth or not, but rather what one is supposed to do once truth has been seen.

America’s instincts after its own 9/11 were sound: it understood that it was in a state of war and that it had to react accordingly, but it wavered about what war to wage and what strategy to follow. As a result, the War On Terror, in spite of considerable American and Western investment, pugnacity, and heroism, has been largely inconclusive and even, in many respects, a failure. Likewise, whatever the emotional or philosophical impact of the present French 9/11, either in France or abroad, it is not clear whether it will translate — or can translate — into adequate policies.

There were three stages in the killings. It all started on January 7, with the massacre at the offices of Charlie Hebdo, a satirical magazine located in Central Paris near Bastille Circle. Two men in their early thirties, the brothers Said and Cherif Kouachi — French citizens of the Muslim persuasion and of Algerian descent — murdered eight journalists and cartoonists who happened to be there, as well as two menial workers and two policemen. Some other people were wounded. According to witnesses, the terrorists claimed they were “avenging Prophet Muhammad.“ In 2006, out of defiance against Islamist intimidation, Charlie Hebdo reprinted the caricatures about Muhammad previously published by the Danish magazine Jyllands-Posten. In 2011 and 2012, the French magazine published further sets of anti-Islamist caricatures with Muhammad as a main character.

The Kouachi brothers were able to flee Paris in spite of an enormous manhunt that involved thousands of policemen and gendarmes all over North-East France. Eventually, they were trapped and shot on January 9 by special antiterrorist units at a printing office in Dammartin-en-Goële, some 30 kilometers east of Paris.

In the meantime, on January 8, another terrorist, Amedy Coulibaly, 33, a French Muslim of Senegalese descent, shot a policewoman at Montrouge in Southern Paris and fled. He was apparently looking for a Jewish school located nearby. On January 9, Coulibaly attacked Hyper Casher, a kosher supermarket in Eastern Paris. He killed four customers and wounded several others. About fifteen customers, including a mother with a baby, were able to hide underground in the shop’s refrigerated rooms. Coulibaly was shot by the antiterrorist units later in the evening.

There is evidence that the Kouachi brothers and Coulibaly, all three of them with criminal records, were close associates in a single al-Qaeda network extending to the whole Paris and even to Belgium, and that they had coordinated their operations. One may surmise that they saw themselves as “holy warriors“ and their victims – both the cartoonists ad the Jews – as undifferentiated enemies of Islam. One may also surmise that, deadlocked as they were in their gore fantasy world, they did not grasp the full dimension of their murders.

Charlie Hebdo is not just a satirical magazine. It has been for more than fifty years a pillar of French popular culture. It started in the 1960s as Hara-Kiri, a lampoon-and-cartoons monthly loosely modeled after the American magazine Mad. It soon proudly evolved into a “stupid and nasty magazine” (according to its own motto): a blend of utopian anarchism, militant atheism, provocative bad taste, and gaudy pornography. As such, it fit into an age-old French tradition stretching from François Rabelais to Louis-Ferdinand Céline. Half the country hated it intensely; the other half was in love with it.

It was a safety valve under Charles de Gaulle’s semi-authoritarian regime. It became the vanguard of the 1968 May Revolution in France, the student riots that turned into a general strike and led to a near disintegration of all authority.

Hara-Kiri was published as a monthly until 1985. A weekly version was however launched in 1969, as Hara-Kiri Hebdo, and then, after it was banned for having ridiculed de Gaulle’s funeral in 1970, as Charlie Hebdo. With ups and downs, this is the magazine that has survived until this very day.

It helped that almost everybody in the original team — writers and cartoonists — started parallel careers as very well paid contributors to the mainstream media: François Cavanna, who served as editor in chief throughout the 1970s, became a best-selling memorialist; Jean Cabut, known as Cabu, was both a TV star and a tranchant cartoonist for Le Canard Enchainé, France’s political gossip weekly; Jean-Marc Roussillon, a.k.a Reiser, who passed away at the early age of 42, worked for the posh liberal magazine Le Nouvel Observateur and for many comic magazines as well; as did Georges Wolinski. Over the years, they became so famous as to be celebrated in government-sponsored exhibitions or to be discussed in the academia.

While Charlie Hebdo retained much of its original iconoclastic vigor, it underwent a remarkable political evolution. Humorist Philippe Val, who served as editor from 1992 to 2009, recognized jihadism as a totalitarian movement, especially after the 9/11 outrages in the United States, and grew fiercely hostile to the pro-Islamic far Left. Moreover, he expressed sympathy for Israel as a democracy under jihadist assault. In 2008, he fired “anti-Zionist“ cartoonist Maurice Sinet, a.k.a Siné, one of the magazine’s original stars, as an “anti-Semite.”

The much younger cartoonist Stéphane Charbonnier, a.k.a Charb, who succeeded Val as editor, steadfastly maintained the anti-jihadist line even if he was Siné’s personal friend. Interestingly enough, Charb recently entered into a relationship with Jeannette Bougrab, an academic, senior civil servant, and former conservative member of the French government, who as a citizen of Muslim North African origin has been of the most outspoken critics of radical Islam in France.

The 81-year-old Wolinski and the 77-year-old Cabu, along with the 48-year-old Charb, were among the victims of the Kouachi brothers on January 7. To the entire French nation, it was not so much an attack on press freedom as the assassination of grandfatherly or brotherly figures.

Whether people had actually liked or supported the Charlie Hebdo journalists or not, they had aged or grown up with them: there was something deeply personal about the loss. Vigils and marches were started. Everybody wore ”Je suis Charlie” (“I am Charlie”) badges. According to pharmacists, consumption of anxiety medication rose by 20 % nationwide.

The “Charlie effect” coalesced with revulsion about the ensuing Hyper Casher anti-Semitic massacre. And it brought about, for several days, rare moments of near national unanimity: millions of people marched in Paris and other cities, waving three-colored flags and chanting the Marseillaise, France’s national anthem (which is essentially a call to resist barbaric invaders).

On January 9, Prime Minister Manuel Valls delivered a passionate speech at the National Assembly, promising both to protect French citizens, including Jews (“without whom France is not France”), and to find, neutralize, and punish jihadist terrorists. He was rewarded with a standing ovation from the entire Assembly and, again, the Marseillaise – something that had not happened for decades. An Odoxa/Le Parisien poll released on January 13 found that 87% of the French said they were “feeling proud“ about being French.

Yet, near unanimity is not unanimity. What soon became apparent was that only the Old French (the culturally European and Judeo-Christian French) took part in the vigils and marches and that they were delighted to be together, whereas most New French (the culturally non-European and non-Judeo-Christian immigrant communities) stood aside.

Most imams issued perfunctory comdemnation of terrorism, but were clearly unenthusiastic about Charlie Hebdo’s right to make fun of every religion, including Islam (one noted exception being Hassen Chalghoumi, the Tunisian-born imam of Drancy). Even more ominously, one-minute silence ceremonies at school were met with hostility and scorn by Muslim children and teenagers from third grade to high school. Two hundred such instances were reported; thousands of cases were unreported, according to teachers’ sources.

Dieudonné M’Bala M’Bala, the ex-humorist and anti-Semitic agitator, posted on his website: “I am Charlie Coulibaly,” thus deliberately confusing the victims with their murderers. Many people or groups associated with Charlie Hebdo were threatened on the Internet. In the Lyons area, a Jewish jeweler’s shop was vandalized.

In other words, the ethnic and religious polarization that has befallen France over the past years is growing into an ever more explicit conflict. And this is not small business. Nine percent of France’s population is Muslim (over six million citizens out of 67 million). Up to 20% of all French citizens or residents under twenty-four are thought to be Muslims, and in some places the numbers seem to be much greater than that. While many Muslims reject jihadism and clearly identify with France as a democratic nation, religious observance is rising quickly in the overall Muslim community, from 36% in 2001 to 42% in 2014. There is evidence that the more observant Muslims are, the more supportive they are of politically radicalized Islam.

For the time being, President François Hollande and Premier Valls are reaping some benefits from the national unity mood. According to a Harris Interactive/LCP poll, 77% of the French do not trust Hollande’s politics in global terms, but 83% of them approve of his handling of the terrorist crisis. The president’s personal popularity, which was abysmally low, is up to 20%, and the prime minister’s, which was falling too, is back to 42%. The real test is yet to come, however.

For the time being, the administration has deployed some 10,000 military personnel in public spaces and other locations like synagogues or mosques. It has also engaged in extensive investigation, multiple arrests, and prosecution of terrorism-related offenses. M’Bala M’Bala may be tried soon for his infamous “Charlie Coulibaly” post. Dozens of teenagers may face disciplinary action for their contempt of national mourning. But in the longer run, it is the entire security apparatus of France that must be strenghtened and extended, which will cost a lot of money.

As of 2014, France was devoting 31.9% of its national wealth to social programs, against an OECD average of 21.6%, whereas aggregated national defense and domestic security credits amounted to less than 10%. Will the socialist Hollande administration be bold enough to reverse priorities and thus act against its own constituency? A similar conundrum may arise regarding Muslim voters: 87% of them voted for Hollande and the socialists in 2012, and were probably instrumental in their victory over Nicolas Sarkozy and the conservatives. Fighting jihadism earnesty may alienate many of them.

Are the conservatives, the centrists and the far Right National Front more likely to benefit from national unity, or at least from the Old French awakening? Can they achieve more than the Left? They, too, must undergo drastic changes in this respect. Many conservatives and centrists are still largely mired in pro-Arab or pro-Muslim delusions inherited from de Gaulle, or too shy to wage war, even on terror. As for the National Front, its views may have been vindicated in many ways by the present crisis, but it sees national unity or even conservative unity only as a way to improve its own standing.

French Jews have been only reinforced in their fears and, Valls’ warm words notwithstanding, feel that they have no future in their country anymore. Many wonder whether millions would have marched for the Hyper Casher massacre victims only.

Most were shocked that Hollande was reluctant to invite Israeli Prime Minister Benjamin Nethanyahu to the protest marches on Sunday, and finally invited Palestinian Authority president Mahmoud Abbas.

Rue des Rosiers, the historic ”Jewish Street” in the Central Parisian Marais district, usually a lively place, was empty throughout the week. So were most Jewish shops and restaurants. Seven thousand French Jews formally completed the emigration process to Israel in 2014. Thousands have informally moved to Israel. More French Jews are migrating to North America or Australia, or even just to other European countries like Britain, Switzerland, and Germany. One synagogue chairman confided to me: ”When you have no place to go in your own country, you leave for another country.”

COMPLEMENT:

Pierre Dac, « roi des loufoques » et citoyen engagé

Le Musée d’art et d’histoire du judaïsme, à Paris, retrace la carrière et le parcours biographique de l’humoriste.

Sandrine Blanchard

Le Monde

19 octobre 2020
Pierre Dac et le chansonnier André Gabriello simulant un duel, en novembre 1938.
Pierre Dac et le chansonnier André Gabriello simulant un duel, en novembre 1938.

« Pierre Dac ne croyait pas à sa postérité, j’ai voulu prouver le contraire. » Jacques Pessis, légateur universel et biographe de l’humoriste, caressait depuis longtemps l’idée de consacrer une exposition à ce maître de l’absurde qui a marqué la naissance de l’humour contemporain. Son projet a pris forme dans l’écrin du Musée d’art et d’histoire du judaïsme (MahJ), au cœur d’un hôtel particulier du centre de Paris : « Pierre Dac, du côté d’ailleurs », restitue, jusqu’au 28 février 2021, l’œuvre prolifique et l’engagement citoyen de cet artiste autoproclamé « roi des loufoques », créateur du journal satirique L’Os à moelle, complice de Francis Blanche mais aussi patriote et figure de la Résistance.

Ce qui frappe, en (re)découvrant la vie de Pierre Dac, c’est d’abord son avant-gardisme

Cette première exposition consacrée à Pierre Dac (1893-1975) a pu voir le jour grâce aux riches archives (photos, manuscrits, lettres, documents familiaux, extraits de films, émissions de radio…) accumulées par Jacques Pessis et à l’enthousiasme d’Anne Hélène Hoog, directrice du musée de la bande dessinée et ancienne conservatrice au MahJ (où elle avait notamment consacré une exposition à René Goscinny). Tous deux ont assuré le commissariat de l’exposition avec la volonté partagée de recréer à la fois la carrière artistique et le parcours biographique de Pierre Dac. « Il n’était pas seulement un humoriste qui a inventé un nouveau langage, qui s’est questionné sur le sens des mots, mais aussi un profond humaniste », résume Anne-Hélène Hoog.

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Ce qui frappe, en (re)découvrant la vie de Pierre Dac, c’est d’abord son avant-gardisme. Plusieurs exemples en témoignent : dès les années 1930, il produit les premières émissions d’humour à la radio. En 1938, il fonde L’Os à moelle, « organe officiel des loufoques » mais aussi titre engagé, raillant Hitler et Mussolini et les compromis de certains hommes politiques. Dans les années 1950, il invente le « schmilblick », cet objet « qui ne sert absolument à rien et peut servir à tout ». Et en 1965, il se présente à la première élection présidentielle au suffrage universel à la tête du Mouvement ondulatoire unifié, le MOU. « Les temps sont durs, vive le MOU ! », proclamait l’éphémère candidat.

« Textes ciselés »

Des initiatives qui feront de lui un précurseur, inspirant des générations d’humoristes, de Coluche à Pierre Desproges, de Chris Esquerre à Michaël Hirsch. Pierre Dac est tout autant l’humoriste pince-sans-rire des Pensées« Quand on ne travaillera plus le lendemain des jours de repos, le problème de la fatigue humaine sera résolu une fois pour toutes et toute fois pour une » ; « parler pour ne rien dire et ne rien dire pour parler sont les deux principes majeurs et rigoureux de tous ceux qui feraient mieux de la fermer avant de l’ouvrir » – que l’inénarrable comparse de Francis Blanche dans le sketch fou et potache de La recette du water pudding.

Au lendemain de la guerre, de retour en France, sa rencontre avec Francis Blanche va relancer sa carrière

Issu d’une famille juive d’Alsace, Pierre Dac, de son vrai nom André Isaac, a grandi à Paris dans une famille aux multiples langues : le judéo-alsacien, le français et le louchébem, l’argot des bouchers, parlé par son père dans son commerce, qui l’inspirera beaucoup. Il rêve d’être violoniste mais doit y renoncer à la suite d’une grave blessure au bras pendant la guerre de 1914-1918.

En 1922, après avoir enchaîné des petits boulots, obsédé par un désir d’ailleurs, il commence à écrire des textes et à se produire dans des cabarets parisiens. Son humour absurde et son regard décalé sur le monde conquièrent très vite le public des chansonniers de Montmartre. « Alors que les cabarets ronronnent, il s’attaque à l’actualité, n’hésite pas à se déguiser. Son nouvel humour, ses textes ciselés, qu’il travaillait de longues heures, son audace désarçonnent mais cette modernité plaît aux classes moyennes », explique Jacques Pessis.

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Incroyablement créatif, il enchaîne succès scéniques et radiophoniques. En 1940, l’Occupation de Paris par la Wehrmacht oblige Pierre Dac à cesser la parution du populaire L’Os à moelle. Opposé au nazisme depuis 1933, il fuit la capitale et, après un long périple et plusieurs mois de détention, parvient à rejoindre Londres : « En France, il y avait deux hommes célèbres, le maréchal Pétain et moi. La nation ayant choisi le maréchal, je n’ai plus qu’à m’en aller. »

Riposte cinglante

En 1943, il devient l’un des « Français qui parlent aux Français » sur les ondes de la BBC. Chansons parodiques et multiples éditoriaux, le résistant Pierre Dac engage une violente joute oratoire avec Philippe Henriot, propagandiste de la collaboration qui, sur Radio Paris, fustige « l’esprit ricaneur du juif Dac ».

Pierre Dac devant son micro, en 1935, par Brassaï.

Avec « Bagatelle sur un tombeau », texte devenu célèbre, il livre une riposte cinglante à l’ignoble attaque d’Henriot : « Qu’est-ce que ce juif Isaac a à voir avec la France ? » Réponse de Pierre Dac : « Si, d’aventure, vos pas vous conduisent du côté du cimetière Montparnasse, entrez par la porte de la rue Froidevaux. (…) C’est là que reposent les restes de ce qui fut un beau, brave et joyeux garçon, fauché par les obus allemands, le 8 octobre 1915, aux attaques de Champagne. C’était mon frère. Sur la simple pierre, sous ses nom, prénoms et le numéro de son régiment, on lit cette simple inscription : Mort pour la France, à l’âge de 28 ans”. Voilà, M. Henriot, ce que cela signifie pour moi, la France. »

Article réservé à nos abonnés Lire aussi Pierre Dac pour une franche rigolade

Au lendemain de la guerre, de retour en France, sa rencontre avec Francis Blanche va relancer sa carrière : le Parti d’en rire, le feuilleton Signé Furax, que ce soit à la radio ou sur scène, leur duo de gamins qui s’amusent acquiert une forte popularité. « Je considère d’abord l’humour comme un merveilleux énergétique qui permet de tenir le coup dans des circonstances très tragiques ou dramatiques », défend Pierre Dac, aussi drôle en public que mélancolique et suicidaire en privé.

« Ma forme d’humour, c’est de la démonstration par l’absurde, ajoutait-il. Il faut faire les choses graves très sérieusement, sans pour autant se prendre au sérieux. J’ai horreur des solennels. Le plus beau compliment qu’on puisse me faire en lisant mes textes, c’est de me dire que c’est complètement con mais que c’est vrai. »

« Pierre Dac, du côté d’ailleurs », jusqu’au 28 février 2021, au Musée d’art et d’histoire du judaïsme, Paris 3e.
Le Meilleur de Pierre Dac, coffret de 3 CD EPM.
Pierre Dac et Francis Blanche, leurs sketches inoxydables, 1 CD et 1 livret, éd. Jacques Canetti, collection « Les introuvables ».

Voir enfin:

Exposition
Pierre Dac. Du côté d’ailleurs
du jeudi 15 octobre 2020 jusqu’au dimanche 25 avril 2021
Billetterie
Autour de l’exposition Pierre Dac. Du côté d’ailleurs
Le musée étant fermé, la réservation en ligne est actuellement suspendue.

Le mahJ présente la première exposition consacrée à Pierre Dac (1893-1975). Plus de 250 documents issus des archives familiales, extraits de films, émissions télévisées et radiophoniques éclairent le parcours personnel et l’œuvre de ce maître de l’absurde, qui présida à la naissance de l’humour contemporain.
Qui sait que, dans les années 1950, Pierre Dac fut l’inventeur du schmilblick, cet objet au nom yiddish « qui ne sert absolument à rien et peut donc servir à tout » ? Qui se souvient du biglotron ? Qui a en mémoire la désopilante série radiophonique Bons baisers de partout, diffusée sur France Inter de 1966 à 1974 ? Des années 1930 au milieu des années 1970, l’imagination et l’inventivité de Pierre Dac ont nourri la culture française d’un extraordinaire arsenal humoristique que l’exposition fera redécouvrir.

Né André Isaac à Châlons-sur-Marne, Pierre Dac est issu d’une famille juive alsacienne qui choisit la France après Sedan. Il s’engage durant la Première Guerre mondiale, animé du désir de rendre l’Alsace-Lorraine à la France. Après l’armistice, il se tourne vers le métier de chansonnier ; ses sketchs, chansons, et surtout ses « pensées », lui valent un succès immédiat. Dans les années 1930, il produit les premières émissions d’humour à la radio (La société des loufoques, La course au trésor…), puis fonde l’hebdomadaire L’Os à moelle. Résistant de la première heure, il rejoint la France libre en 1943. Dans les Français parlent aux Français, au micro de Radio Londres, il mène une guerre des mots contre Radio Paris. Au lendemain de la guerre, Pierre Dac rencontre Francis Blanche, avec lequel il crée « Sans issue ! » aux Trois Baudets, puis le célèbre « Sâr Rabindranath Duval » et le feuilleton Signé Furax, la série la plus écoutée de l’histoire de la radio, tout en militant à la Lica, ancêtre de la Licra.

L’exposition éclaire la créativité musicale et littéraire de Pierre Dac, ses modes d’expression très divers – et notamment l’utilisation de tous les nouveaux médias (cinéma, radio et télévision), tout en restant attaché au cabaret et au théâtre. Elle évoque ses compagnons de route : Francis Blanche, Jean Yanne et René Goscinny. Enfin, elle replace l’oeuvre de Pierre Dac parmi celles des maîtres de l’absurde (Beckett, Ionesco, Dubillard…), redevable tant à l’argot des bouchers qu’au Witz freudien, et aborde les résonances de sa judaïté dans son parcours personnel et ses choix artistiques.

Commissaires : Anne Hélène Hoog et Jacques Pessis

1 Responses to Affaire Charlie hebdo: Les sionistes ont même inventé l’humour ! (The tradition that invented the jealous, wrathful God also produced Jewish humor)

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