Affaire Cahuzac: Attention, une affaire peut en cacher une autre ! (Looking back at the perfect storm of fiscal nip and tuck which finally brought down France’s ex-plastic surgeon budget minister)

https://i0.wp.com/0.tqn.com/d/politicalhumor/1/0/a/1/3/nip-tuck.jpgJe suis intervenu parce que la question de survie de la coopérative m’a convaincu. Jérome Cahuzac
Moi, je n’avais aucune rancœur contre lui à l’époque. Il avait fait son boulot d’élu local dans l’affaire France Prune, même si par la suite il aurait pu intercéder en ma faveur comme député après les premières sanctions dont j’avais fait l’objet. Rémy Garnier
Condamné sans peine ni inscription au casier judiciaire. Il n’a pas fallu plus de cinq minutes au tribunal de la 31e chambre correctionnelle du Tribunal de grande instance de Paris pour prendre sa décision. L’avocat général avait demandé une « amende proportionnelle aux revenus du prévenu », Jérôme Cahuzac, député de Villeneuve depuis le printemps dernier, maire de la localité et chirurgien parisien. La cour n’a pas retenu cette suggestion. Il est vrai que d’entrée de jeu, les juges avaient déclaré avoir à se prononcer sur une affaire « qui ne mérite pas un ample développement ». De quoi s’agit-t-il ? D’une affaire de femme de ménage philippine sans papier employée au noir et payée en liquide de juillet 2003 à novembre 2004 pour 40 heures mensuelles à raison de 250 € par mois. Le pot-aux-roses a été révélé par une lettre anonyme postée en Lot-et-Garonne, diligentée à petite vitesse et qui atterrit étrangement sur la table d’un procureur de la République parisien. Pas de plainte déposée, pas de partie civile à la barre du tribunal. Visiblement stressé, Jérôme Cahuzac qu’accompagne son avocat, Me Jean-Alain Michel, reconnaît d’entrée de jeu « une erreur, une négligence ». Oui, il a employé en la rémunérant en liquide, de juillet 2003 à novembre 2004, cette jeune femme à sa clinique pour de menus travaux sur recommandation de son employée de maison qui la connaissait sans vérification de ses titres de séjour. L’essentiel de l’infraction est là et l’enquête de police n’en a pas trouvé d’autre. Depuis, Jérôme Cahuzac a payé ce qu’il devait pour cet emploi clandestin à l’URSAFF. Depuis, la jeune femme arrivée en France en janvier 1998 pour rejoindre sa mère malade et la soigner s’est mariée et a obtenu son titre de séjour. Jérôme Cahuzac l’a aidée dans ses démarches et a réglé l’essentiel des frais d’avocat déboursés à cette fin. Il l’a embauchée à plein-temps et de façon tout à fait régulière pour des travaux de ménage, les seuls qu’elle ait jamais effectués dans la clinique. (…) Il est surprenant qu’une affaire de si médiocre importance arrive à l’audience d’un tribunal correctionnel. Généralement, la découverte d’une infraction de ce type qui, du propre aveu du tribunal, « ne mérite pas un ample développement » trouve sa solution dans un rappel à la loi et une vérification que tout est rentré dans l’ordre. La Dépêche (2007)
Avant, pour vous discréditer, on vous accusait de financer les campagnes électorales avec de l’argent africain. Aujourd’hui, on tombe pour la taille d’un appartement ou pour un compte off-shore. Membre du gouvernement
Mediapart, qui a révélé l’existence du compte suisse de Cahuzac, a expliqué que c’était l’étrange indulgence du nouveau ministre socialiste du Budget à l’égard d’Eric Woerth qui l’avait conduit à se pencher sur son passé. Un des premiers gestes de Cahuzac à son arrivée au gouvernement avait effectivement été de commander une consultation juridique puis un mémoire dont les conclusions allaient dédouaner son prédécesseur dans l’affaire de l’hippodrome de Compiègne… (…) Les malheurs de Cahuzac sont révélateurs de la mentalité et des mœurs d’une fraction des élites qui se juge au-dessus de la morale commune et s’estime suffisamment puissante pour échapper aux sanctions. La fraude fiscale à grande échelle est une pratique particulièrement répandue chez les possédants, chaque type de délinquance ayant son profil sociologique. (…) Dans l’univers médiatique aussi, certains réflexes de défense de Cahuzac ont pu se manifester du temps de sa splendeur. Les révélations de Mediapart, en décembre dernier, ont été accueillies avec des pincettes, c’est le moins qu’on puisse dire, par nombre de ses confrères. Le Monde a mis quelques jours avant de donner à cette affaire l’importance qu’elle méritait. Plus tard, on se souvient des contre-feux allumés dans certains médias prompts à croire en l’innocence du ministre. Le Nouvel Observateur puis le Journal du Dimanche ont donné une forte publicité à une étrange réponse des autorités fédérales suisse transmise à Bercy. Le cas le plus caricatural de refus de prendre au sérieux les informations de Médiapart reste celui du journaliste vedette Jean-Michel Aphatie, qui a dû attendre les aveux de l’ancien ministre pour saluer chapeau bas le site d’information. Cet ensemble disparate de solidarités de caste, plus ou moins conscientes et abouties, favorise un sentiment d’impunité chez les puissants. En France, le réflexe de maudire la presse et les juges lorsqu’une affaire éclate demeure beaucoup trop répandu. Nombre de commentateurs ou d’acteurs politiques semblent plus incommodés par ceux qui révèlent ou poursuivent les scandales que par les scandales eux-mêmes. Eric Dupin
Ce n’est pas uniquement le monde politique qui est gravement ébranlé, aux yeux de l’opinion. La presse et la justice ne s’en sortent guère mieux. Les quelques informateurs qui ont choisi d’alimenter Médiapart, après avoir démarché en vain d’autres supports, l’ont fait dans un premier temps pour contourner la justice et assouvir publiquement les désirs de vengeance d’un ancien adversaire politique de Cahuzac et de son épouse, engagée dans un divorce tendu. Dans son édition de mercredi, Le Canard Enchaîné rappelle pourquoi la grande majorité des médias, lui y compris, a « regardé le début de la pièce avec prudence et circonspection ». Les fausses accusations médiatiques dans les affaires Baudis ou Clearstream sont des précédents qui ont rendu prudents beaucoup de journalistes, qui ne sont pas des justiciers. Mediapart sort vainqueur de cette affaire, après avoir brûlé des feux rouges et alimenté la désastreuse confusion entre la presse et la justice. Je prends acte de cette victoire. Mais je persiste à penser qu’il aurait été plus sain, pour la démocratie, que les dénonciateurs des turpitudes du ministre de la lutte contre la fraude fiscale saisissent directement la justice, qui est là pour ça. A moins d’en conclure qu’elle aussi est devenue une institution suspecte de parti pris, de double jeu, de dépendance, d’incompétence. Combien de temps ce monde vermoulu teindra-t-il encore debout ? Ivan Rioufol
Mais l’avocat n’a pas que des amis. L’un de ses critiques, qui préfère ne pas être nommé, le décrit comme un « personnage fourbe » et « douteux », n’hésitant pas sur les moyens pour parvenir à ses fins, qui a déjà utilisé des « enregistrements pour déstabiliser une équipe municipale », sans vouloir en dire plus. (…) L’enregistrement, a raconté plusieurs fois Michel Gonelle, était le fruit du hasard. Un message laissé en 2000 sur son répondeur par le chirurgien Jérôme Cahuzac, ne sachant pas qu’il était enregistré et s’adressant à une autre personne, et évoquant un compte en Suisse. Gonelle, conscient de son caractère « sensible », n’a en tout cas pas hésité à le conserver et à éviter sa destruction, pendant plus de douze ans. En janvier dernier, il a été entendu par les policiers de la brigade financière de la police judiciaire, auxquels il a dit avoir remis « la sauvegarde de l’enregistrement sur un mini-CD ». L’Express
On nous fait passer pour des excités et non pas des journalistes. Si c’est ce qu’il faut pour gagner des lecteurs… En effet oui, on aime bien avoir des lecteurs, c’est extrêmement pervers ça, non ? Et oui, on feuilletonne. On est une petite barque et on s’attaque à un État, à des services, alors oui, il faut être malin parfois. Si tu fais le bilan des courses, ça ne nous a pas desservi. (…) L’affaire Cahuzac est un super révélateur de ce que sont les affaires sous la gauche. Un reportage de Media magazine rapporte la scène suivante: en marge d’une conférence de presse de Cahuzac, la journaliste de Média magazine demande à un confrère pourquoi personne ne pose de questions sur son compte. Le journaliste méfiant répond carrément : “j’ai connu Bérégovoy, j’ai connu Woerth…” C’est incroyable, Woerth est quand même mis en examen ! Ça me rappelle quand Laurent Mauduit (journaliste d’investigation à Mediapart) a sorti l’affaire Tapie : je me souviens très bien d’un titre d’un article des Echos : “Le dossier est vide”. (…) C’est un énorme problème pour le journal, cette pratique du journalisme de commentaire. A la télé, tu lances un sujet, et il y a un mec qui est pour, un qui est contre. Nous, on s’est construit contre la société du commentaire. Je revendique qu’on produise de l’intranquilité, y compris chez les confrères. On ne tape pas sur les médias, c’est d’abord un écosystème qu’on dénonce, la situation capitalistique des médias en France. Nous, on est un journal de combat. La guerre, on la gagne comme ça, sans concession. Pour moi, il n’y a pas de journalisme d’investigation. Nous sommes un site d’information. (…) S’il n’y a rien (sur le compte suisse supposé de Cahuzac), je l’ai dit, je me couvre la tête de cendre et j’arrête le métier. Sauf que je ne vais pas arrêter. Même Cahuzac dit “il y aura un mort, soit Mediapart, soit moi“. Plenel est un capitaine quand le navire est dans la tempête, il est debout sur la table. Bonnet (le rédacteur en chef de Mediapart, ndlr) pareil. Quand il y a eu l’article du JDD, il m’a dit : “On est là.” C’est cul-cul à dire mais il y a un truc de camaraderie hyper précieux. Plenel s’est mis lui-même dans la balance, ça je ne l’oublierai jamais, quand il a dit : “On en a plus que quand nous avions sorti l’affaire du Rainbow Warrior.” Fabrice Arfi (Médiapart)
Il existe un témoin clé, le docteur Patricia Cahuzac, épouse et ex-associée de Jérôme Cahuzac dans une clinique des beaux quartiers de Paris spécialisée dans les implants capillaires. Elle a engagé une procédure de divorce et un détective privé pour « piéger » son mari en compagnie de ses conquêtes extraconjugales. Le détective assure avoir entendu parler du compte suisse à plusieurs reprises, notamment lors d’une conversation à laquelle participait Mme Cahuzac. « Je ne m’en souviens plus », aurait répondu Patricia Cahuzac qui refuse de s’exprimer. Peut-elle lâcher le morceau ? Ou bien garder le silence pour négocier le litige au centre du divorce, un appartement de 135m² avenue de Breteuil dont elle estime la valeur sous-évaluée (une enquête du fisc est ouverte) ? Le Républicain lorrain
Parti à la retraite en 2010, mais toujours engagé dans une bataille judiciaire contre l’administration, Rémy Garnier a demandé à être reçu par Jérôme Cahuzac au ministère du Budget. Les deux hommes se sont récemment rencontrés pour évoquer les rapports conflictuels qu’entretient l’ex-agent avec son administration, mais le ministre a réfusé d’intervenir en sa faveur. Interrogé mercredi par Europe1, Rémy Garnier attaque: «Je considère que la parole d’un ministre a perdu tout crédit à partir du moment où il soutient sciemment les éléments les plus corrompus de son administration (…) Pour moi, M. Cahuzac n’a plus aucune crédibilité. » Le Figaro
Qu’un inspecteur des impôts à la retraite, en délicatesse avec son administration depuis plus d’une dizaine d’années, ait pu écrire, à un moment, des éléments portant insinuations, dénonciations, dont il reconnaît lui-même ne pas avoir le début d’une preuve, ne saurait constituer… une preuve. Qu’il se soit senti désavoué, blessé et par la suite déshonoré dans l’exercice de ses fonctions, je peux en convenir. Mais en aucun cas ceci ne peut être qualifié de preuve matérielle.  Jérome Cahuzac
Rémy Garnier lui même en convient : son profil le désigne comme un parfait détonateur de l’affaire, et pas simplement pour la rédaction du rapport sur Cahuzac en 2008. N’est-ce pas une intervention de Jérôme Cahuzac, voilà douze ans, qui se trouve être à l’origine des déboires qui ont opposé Garnier à son administration jusqu’à sa retraite ? Garnier n’a-t-il pas enquêté, quelques années plus tard, sur le profil fiscal de Jerôme Cahuzac, violant le règlement ? Et surtout, l’ancien limier du fisc n’a-t-il pas vu récemment le ministre, fin octobre, pour lui demander une réhabilitation… sans obtenir gain de cause, quelques semaines donc avant que n’éclate le scandale ?  Libération
Dans sa quête de réhabilitation, Garnier a également beaucoup cherché, toujours en vain, le secours de sa tutelle, prenant fréquemment la plume pour écrire aux ministres du Budget qui se sont succédé ces dernières années afin d’obtenir une intervention de leur part. François Baroin, Eric Woerth et Valérie Pécresse ont reçu ses courriers… avant que Garnier ne retrouve Jérôme Cahuzac. Le 8 mai dernier, deux jours après l’élection de François Hollande, Pécresse, sur le départ, était destinataire d’une ultime lettre. Selon Sud Ouest, qui racontait récemment l’anecdote, Garnier demande à la ministre de faire suivre la requête à son successeur. La lettre se termine par ces mots : «Par un caprice de l’histoire, il se nommera peut-être Jérôme Cahuzac.» Ce qui advint. Situation saugrenue : c’est donc auprès de Cahuzac, agent indirect de sa chute, puis objet de ses investigations buissonières, que Garnier va désormais demander sa réhabilitation. Lors de la campagne des législatives, Rémy Garnier croise une première fois Jérôme Cahuzac à l’occasion d’une réunion publique à Laroque-Thimbaut. Suivront une rencontre avec un proche de Cahuzac, puis enfin avec le ministre lui même. Celle-ci s’est tenue le 26 octobre, en mairie de Villeneuve-sur-Lot, comme le confirme l’entourage de Cahuzac. «Trente minutes très courtoises», dit Garnier. D’autant plus courtoises que, d’après les deux parties, Cahuzac, s’il avait en mémoire les suites que l’affaire France Prune avait entraîné pour Garnier, ignorait en revanche l’existence du dossier rédigé sur son compte par l’agent du fisc en 2008. Un dossier dont il ne prendra connaissance, selon l’entourage du ministre, que mardi soir. Durant l’entretien, il ne fut donc question à aucun moment du compte en Suisse supposé de Jérôme Cahuzac, mais uniquement de la guérilla opposant depuis dix ans l’agent du fisc à son administration, et une éventuelle intervention du ministre. «Le ministre a reconnu la justesse de mon combat, il a reconnu que je gagnerai sans doute, mais m’a dit qu’il n’interviendrait pas», assure Rémy Garnier. L’entourage de Cahuzac donne une version approchante de la teneur de l’échange : «Jérôme Cahuzac lui a expliqué qu’il ne pourrait intervenir personnellement dans une affaire gérée par son administration, et qu’une intervention politique ne saurait laver l’honneur d’un homme.» Garnier reconnaît qu’il est sorti en colère. «Je demandais l’annulation des procédures et une transaction. 100 000 euros et la mise en place d’un statut protégeant les vérificateurs du fisc m’auraient suffi.» Une colère devient rage quand, affirme-t-il, il apprend quelques jours plus tard que l’administration fiscale a déposé deux mémoires en défense auprès de la cour d’appel administrative et du tribunal administratif de Bordeaux dans les deux procédures dans lesquelles il se débat pour annuler son avertissement et obtenir des indemnités. Libération

Et si le ministre n’avait pas refusé d’intervenir en faveur de son subordonné ?

Alors que, comme pour se faire pardonner leur jusqu’ici particulière complaisance (envers une affaire certes glauque de haines et trahisons croisées), nos médias comme ses anciens collègues du gouvernement et du PS rivalisent désormais dans la condamnation de celui qui était, jusqu’il y a quelques semaines et à une bonne philippine au noir près, l’un des ministres les plus compétents de l’actuel gouvernement, à savoir  l’ancien ministre du Budget Jérome Cahuzac

Pendant que multipliant les mesures aussi cosmétiques que démagogiques que le mariage pour tous, un gouvernement obsédé par la redistribution pourrait bien un de ces jours atteindre, mais cette fois dans les sondages et en taux de mécontents, le taux confiscatoire et quasi-pousse au crime de 75% qu’il tient tant à imposer aux plus riches …

Et qu’en Corée des ministres surmenés se voient contraints au travail de nuit et que le Messie noir de la Maison Blanche nous la joue « hommes blancs ne savent pas sauter »

Retour, derrière l’investigation saluée de toute part d’un petit et encore jeune site d’information peinant quoi qu’on en dise à faire sa place dans la cour des grands (Médiapart) et la conjonction des haines croisées de la femme bafouée (par détective interposé) et de l’élu battu (l’avocat et détenteur de l’enregistrement ayant servi de pièce à conviction Michel Gonelle – et accessoirement avocat de Rémy Garnier!) …

Sur celui par qui par le scandale est arrivé …

A savoir l’ex-inspecteur des impôts lâché puis sanctionné par sa hiérarchie Rémy Garnier …

Mais surtout, selon le bon vieux principe derrière le scandale du jour de celui de la situation qui passait jusque là pour normale, sur l’un de ces innombrables épisodes d’interventionnisme politique et d’atteinte à l’équité qui font le lot quotidien de notre vie politique …

Sous la forme, comme souvent, de ces non moins innombrables annulations « politiques » de redresssement fiscal qui font chez nous les longues carrières politiques …

Et qui n’atteignent justement jamais, sauf exception (la proprement abracadabrantesque conjugaison – les anglo-saxons parlent de « tempête parfaite » – fonctionnaire sanctionné-élu battu-femme bafouée-site d’information attendant son rainbow warrior),  le statut d’affaires …

Entre Cahuzac et l’agent du fisc, un vieux conflit

Jim Jarrassé, Laurence De Charette

Le Figaro

05/12/2012

La source de Mediapart, Rémy Garnier, est un ex-inspecteur des impôts d’Agen qui a connu un contentieux en 1999 avec celui qui est désormais ministre du Budget.

Ses anciens collègues du fisc le surnommaient «Columbo». Réputé pour son intransigeance et son travail minutieux, Rémy Garnier était dans les années 1990 l’un des fins limiers de la direction du contrôle fiscal du Sud-Ouest. Avant d’être sanctionné par sa hiérarchie suite à une série de conflits. Au cœur de ces différends, Jérôme Cahuzac, député du Lot-et-Garonne devenu ministre du Budget, qu’il a notamment soupçonné de posséder un compte bancaire en Suisse. Des accusations reprises par le site d’informations Mediapart.

Entre les deux hommes, le torchon brûle depuis la fin de l’année 1998. L’agent du fisc venait alors de prononcer un redressement fiscal de 450.000 euros contre la coopérative France Prune, alors leader dans le secteur du pruneau. «Une figure de proue de l’agriculture départementale», selon le quotidien régional Sud Ouest. L’entreprise est basée à Casseneuil, non loin de Villeneuve-sur-Lot, ville dont Jérôme Cahuzac était alors le député, avant d’en devenir également le maire en 2001. Sollicité, l’élu serait intervenu auprès de Christian Sautter, alors ministre du Budget de Lionel Jospin, pour obtenir l’annulation du redressement. Ce qui sera fait, dès janvier 1999.

Furieux d’avoir été lâché par sa hiérarchie suite à ce qu’il considère comme un interventionnisme politique, Rémy Garnier assure dans un rapport qu’il «maintient ses analyses et conclusions» sur France Prune. Selon Sud Ouest , l’agent alimente «en interne, via des messageries et des courriers un débat très citoyen sur les atteintes à l’équité fiscale». Au passage, il met en cause quelques entreprises locales, comme la société fondée par le père de Laurence Parisot, actuelle présidente du Medef. À Agen, son activisme dérange. «Il était défendu par la CGT, se souvient un ancien vérificateur comme lui, et, même si nous n’avions pas accès à l’ensemble des informations, car toutes les procédures chez nous restent secrètes, les collègues ont vécu cela comme une injustice. Il avait fédéré des sympathies autour de lui». Placardisé par sa hiérarchie, l’inspecteur des impôts est mis à pied en 2004 pour une durée de deux ans. Une exclusion jugée «disproportionnée» par le tribunal administratif de Bordeaux, qui l’a finalement annulée.

«M. Cahuzac n’a plus aucune crédibilité»

De retour à son poste, il est à nouveau sanctionné par l’administration fiscale en 2008, pour avoir consulté sans autorisation le dossier fiscal de Jérôme Cahuzac. dont il n’est pas chargé. Le fichier «Adonis», qui contient des milliers de données sur les contribuables, suscite chaque année la curiosité non expliquée de plusieurs dizaines d’agents fiscaux, qui se branchent sans autorisation sur le réseau. En général, ses consultations pirates sont sanctionnées, mais ne donnent pas lieu en elle même à des exclusions.

Devant la justice administrative, l’agent tente de justifier son geste. Dans son mémoire en défense, consulté par Mediapart dans les archives du tribunal de Bordeaux, Rémy Garnier assure avoir obtenu «de plusieurs sources extérieures à l’administration fiscale» des informations selon lesquelles le député a ouvert «un compte bancaire à numéro en Suisse». Il note cependant que les «constatations effectuées» sur les déclarations fiscales de Jérôme Cahuzac «ne permettent pas de valider ni d’infirmer ces renseignements» et demande l’ouverture d’un «examen approfondi de situation fiscale personnelle». Une enquête qui n’a, semble-t-il, jamais vu le jour.

Parti à la retraite en 2010, mais toujours engagé dans une bataille judiciaire contre l’administration, Rémy Garnier a demandé à être reçu par Jérôme Cahuzac au ministère du Budget. Les deux hommes se sont récemment rencontrés pour évoquer les rapports conflictuels qu’entretient l’ex-agent avec son administration, mais le ministre a réfusé d’intervenir en sa faveur. Interrogé mercredi par Europe1, Rémy Garnier attaque: «Je considère que la parole d’un ministre a perdu tout crédit à partir du moment où il soutient sciemment les éléments les plus corrompus de son administration (…) Pour moi, M. Cahuzac n’a plus aucune crédibilité.»

Voir aussi:

L’affaire Cahuzac

Des révélations de Médiapart aux aveux de l’ancien ministre.

Politiques

L’étonnante histoire de « Columbo » et Cahuzac

Récit Rémy Garnier, ancien vérificateur fiscal d’Agen, avait le premier mentionné un éventuel compte suisse de Jérôme Cahuzac en 2008. Sans rien nier du passif qui l’oppose à l’actuel ministre du Budget, il se défend d’être à l’origine de l’affaire.

Cédric Mathiot

Libération

6 décembre 2012

Quel rôle a donc joué le «Columbo d’Agen» dans l’affaire Cahuzac, accusé d’avoir détenu un compte en Suisse pendant de longues années ? Depuis deux jours, Rémy Garnier, ex-vérificateur fiscal en retraite depuis juillet 2010, est présenté comme le principal accusateur de l’affaire. Il est celui qui, aux dires de Médiapart, a fait état pour la première fois d’un supposé compte suisse du ministre. «L’existence du compte secret de M. Cahuzac avait été évoquée dès le mois de juin 2008 par un agent du fisc du Sud-Ouest, Rémy Garnier, dans un mémoire adressé à sa hiérarchie», écrivait le site d’information dans son premier article, citant largement ledit mémoire.

Dans les 24 heures qui ont suivi la publication, Garnier a été la cible principale de la contre-offensive menée par le ministre. «Qu’un inspecteur des impôts à la retraite, en délicatesse avec son administration depuis plus d’une dizaine d’années, ait pu écrire, à un moment, des éléments portant insinuations, dénonciations, dont il reconnaît lui-même ne pas avoir le début d’une preuve, ne saurait constituer… une preuve. Qu’il se soit senti désavoué, blessé et par la suite déshonoré dans l’exercice de ses fonctions, je peux en convenir. Mais en aucun cas ceci ne peut être qualifié de preuve matérielle», écrivait hier soir Cahuzac sur son blog.

«Tout pourrait faire croire que je suis dans la vengeance»

Rémy Garnier lui même en convient : son profil le désigne comme un parfait détonateur de l’affaire, et pas simplement pour la rédaction du rapport sur Cahuzac en 2008. N’est-ce pas une intervention de Jérôme Cahuzac, voilà douze ans, qui se trouve être à l’origine des déboires qui ont opposé Garnier à son administration jusqu’à sa retraite ? Garnier n’a-t-il pas enquêté, quelques années plus tard, sur le profil fiscal de Jerôme Cahuzac, violant le règlement ? Et surtout, l’ancien limier du fisc n’a-t-il pas vu récemment le ministre, fin octobre, pour lui demander une réhabilitation… sans obtenir gain de cause, quelques semaines donc avant que n’éclate le scandale ? «Tout pourrait faire croire que je suis dans la vengeance», reconnaît Rémy Garnier. Bombardé de coups de fil des journalistes depuis le début de l’affaire, Garnier, qui se dit lessivé, s’est longuement entretenu avec Libération. Il affirme n’être à l’origine de rien. Tout en détaillant sa version de l’étonnante histoire qui le lie – et l’oppose – à l’actuel ministre du Budget depuis une dizaine d’années.

Entre Garnier et Cahuzac, le début de l’histoire remonte à 1999. Sur la base des investigations de Garnier, alors vérificateur fiscal à la brigade d’Agen, un redressement fiscal conséquent (3 millions de francs de l’époque – 450 000 euros -) est notifié à France Prune, coopérative lot-et-garonnaise qui règne alors sur le pruneau français. Sur intervention de Jérôme Cahuzac, alors député du Lot-et-Garonne, le ministre du Budget de l’époque, Christian Sautter, enterre l’affaire. Jérôme Cahuzac s’expliquera par la suite sur son intervention, selon Sud Ouest qui cite l’actuel ministre : «Je suis intervenu parce que la question de survie de la coopérative m’a convaincu.»

«A partir de là, j’ai été placardisé»

Mais les choses n’en restent pas là. Rémy Garnier, à qui sa réputation de limier d’exception avait valu le surnom de Columbo, maintient ses accusations, qui lui reviennent comme un boomerang dans la figure une grosse année plus tard. Dessaisi de ses dossiers, il entame une descente aux enfers professionnelle dont il ne sortira jamais. «A partir de là, j’ai été placardisé. J’ai passé trois ans au service du contentieux, puis un an aux domaines, avant un nouvel emploi fictif à la programmation du contrôle fiscal, à partir de 2006, à Agen. Ma direction, à Bordeaux, ne me fournissait aucune mission, j’étais totalement sous-alimenté en travail.»

C’est à cette époque, raconte-t-il, qu’il reçoit une information d’un «aviseur anonyme» – qui lui affirme que Jérôme Cahuzac détient depuis plusieurs années un compte en Suisse. Rémy Garnier fait ses recherches sur le serveur interne «Adonis», permettant d’accéder aux dossiers des contribuables. Une démarche encadrée par les réglements, très sourcilleux sur le fait que les dossiers personnels ne doivent être consultés que quand cela est nécessaire à la mission de l’agent. Rémy Garnier reconnaît aujourd’hui «un petit dérapage», mais jure ses grands dieux que sa recherche ne répondait à aucun souci de représaille.

«On me donne des infos, et il s’avère par hasard que cela concerne Jérôme Cahuzac. Moi, je n’avais aucune rancœur contre lui à l’époque. Il avait fait son boulot d’élu local dans l’affaire France Prune, même si par la suite il aurait pu intercéder en ma faveur comme député après les premières sanctions dont j’avais fait l’objet.» Pour sa direction, Garnier a franchi la ligne jaune, d’autant que ses recherche sur Adonis ont aussi concerné… des supérieurs hiérarchiques avec qui il était en bisbille. «Je ne regrette rien de cela. Pour m’abattre, eux avaient enquêté en vain sur mes frais de déplacements…» Il est mis en cause pour s’être servi des fichiers dans un but personnel.

C’est alors qu’il constitue à l’adresse de sa hiérarchie un mémoire de défense pour justifier son utilisation hors des clous de l’outil informatique du fisc. C’est le document que cite Médiapart. Garnier affirme à Libération qu’il l’avait nourri d’éléments fournis par l’informateur anonyme, et des quelques points soulevés en consultant le dossier fiscal de l’élu. On y trouve donc la fameuse mention d’un compte suisse, ainsi que des affirmations selon lesquelles Jérôme Cahuzac serait propriétaire de deux propriétés, à Marrakech et à la Baule. Des données que la défense de Cahuzac s’est fait un plaisir de tailler en pièce, hier. «Il y avait sûrement des choses fausses dedans, affirme sans gêne Garnier. Concernant les propriétés à Marrakech ou à la Baule, qui probablement n’existent pas, j’utilisais le conditionnel. Je n’ai pas affirmé avoir de preuves. Mais il y avait des enjeux financiers qui me semblaient nécessiter une enquête.»

Garnier demande un enquête fiscale approfondie (ESFP, pour examen de situation fiscale personnelle, dans le jargon). Au lieu de quoi il écope d’un avertissement disciplinaire qui plombe encore, si besoin était, sa situation professionnelle. Il y voit une nouvelle injustice. «Nombre d’agents ont été seulement avertis pour des faits similaires. Moi j’ai été directement sanctionné.»

Quête de réhabilitation

L’avertissement a occasionné l’ouverture d’un nouveau front procédural. Un énième. Car, ces dernières années, Rémy Garnier a bataillé devant quantité de juridictions pour «défendre son honneur». Accusé en 2005 d’outrage envers deux supérieurs, il est condamné en 2008 avant d’être blanchi par la Cour de cassation en 2011. Insuffisant. Car Garnier demande aujourd’hui 600 000 euros d’indemnités devant le tribunal administratif de Bordeaux au titre de la carrière qu’il aurait pu avoir, mais aussi l’annulation de l’avertissement reçu suite à ses consultations du serveur Adonis.

Dans sa quête de réhabilitation, Garnier a également beaucoup cherché, toujours en vain, le secours de sa tutelle, prenant fréquemment la plume pour écrire aux ministres du Budget qui se sont succédé ces dernières années afin d’obtenir une intervention de leur part. François Baroin, Eric Woerth et Valérie Pécresse ont reçu ses courriers… avant que Garnier ne retrouve Jérôme Cahuzac. Le 8 mai dernier, deux jours après l’élection de François Hollande, Pécresse, sur le départ, était destinataire d’une ultime lettre. Selon Sud Ouest, qui racontait récemment l’anecdote, Garnier demande à la ministre de faire suivre la requête à son successeur. La lettre se termine par ces mots : «Par un caprice de l’histoire, il se nommera peut-être Jérôme Cahuzac.» Ce qui advint. Situation saugrenue : c’est donc auprès de Cahuzac, agent indirect de sa chute, puis objet de ses investigations buissonières, que Garnier va désormais demander sa réhabilitation.

Lors de la campagne des législatives, Rémy Garnier croise une première fois Jérôme Cahuzac à l’occasion d’une réunion publique à Laroque-Thimbaut. Suivront une rencontre avec un proche de Cahuzac, puis enfin avec le ministre lui même. Celle-ci s’est tenue le 26 octobre, en mairie de Villeneuve-sur-Lot, comme le confirme l’entourage de Cahuzac. «Trente minutes très courtoises», dit Garnier. D’autant plus courtoises que, d’après les deux parties, Cahuzac, s’il avait en mémoire les suites que l’affaire France Prune avait entraîné pour Garnier, ignorait en revanche l’existence du dossier rédigé sur son compte par l’agent du fisc en 2008. Un dossier dont il ne prendra connaissance, selon l’entourage du ministre, que mardi soir. Durant l’entretien, il ne fut donc question à aucun moment du compte en Suisse supposé de Jérôme Cahuzac, mais uniquement de la guérilla opposant depuis dix ans l’agent du fisc à son administration, et une éventuelle intervention du ministre. «Le ministre a reconnu la justesse de mon combat, il a reconnu que je gagnerai sans doute, mais m’a dit qu’il n’interviendrait pas», assure Rémy Garnier.

«Une intervention politique ne saurait laver l’honneur d’un homme»

L’entourage de Cahuzac donne une version approchante de la teneur de l’échange : «Jérôme Cahuzac lui a expliqué qu’il ne pourrait intervenir personnellement dans une affaire gérée par son administration, et qu’une intervention politique ne saurait laver l’honneur d’un homme.» Garnier reconnaît qu’il est sorti en colère. «Je demandais l’annulation des procédures et une transaction. 100 000 euros et la mise en place d’un statut protégeant les vérificateurs du fisc m’auraient suffi.» Une colère devient rage quand, affirme-t-il, il apprend quelques jours plus tard que l’administration fiscale a déposé deux mémoires en défense auprès de la cour d’appel administrative et du tribunal administratif de Bordeaux dans les deux procédures dans lesquelles il se débat pour annuler son avertissement et obtenir des indemnités.

La rage ne l’avait pas quitté, quelques semaines plus tard, après qu’avait éclaté l’affaire Cahuzac. Au micro d’Europe 1, qui a obtenu sa première réaction, Rémy Garnier a déclaré : «Je considère que la parole d’un ministre a perdu tout crédit à partir du moment où il soutient sciemment les éléments les plus corrompus de son administration. Moi, je suis victime de l’omerta. Depuis de nombreuses années, l’administration fait barrage. Pour moi, M. Cahuzac n’a plus aucune crédibilité. C’est tout ce que j’ai à dire pour l’instant.»

A Libération, Rémy Garnier a répété que son combat personnel, pas plus que sa dernière entrevue infructueuse avec le ministre du Budget, n’étaient à l’origine des «révélations» de Médiapart. Sans aller jusqu’à faire mine de les déplorer pour autant.

Voir également:

Affaire Cahuzac: protagonistes et enjeux

l’Echo républicain

02/04/13

Un compte non déclaré à l’étranger, un enregistrement terriblement incriminant, des adversaires politiques, un site d’informations et un ministre star du gouvernement contraint à la démission puis à la contrition: protagonistes et enjeux de l’affaire Cahuzac.

LES PROTAGONISTES

– Jérôme Cahuzac: l’ex-ministre du Budget, ce chirurgien de 60 ans qui a fait fortune dans les implants capillaires, est finalement tombé face aux accusations d’avoir détenu un compte bancaire en Suisse, portées depuis décembre par Mediapart, ce qu’il a démenti formellement pendant des semaines. Le 2 avril, celui qui s’était posé en adversaire résolu de la fraude fiscale reconnaît avoir menti.

– Mediapart: le site d’investigation a dégainé le 4 décembre avec une enquête sur un compte « non déclaré » à l’Union des banques suisses (UBS) de Genève, dont les avoirs ont été finalement déplacés à Singapour.

– Michel Gonelle: le principal élément présenté par Mediapart est un enregistrement que dit détenir, depuis 12 ans, cet avocat, ex-rival politique de Jérôme Cahuzac dans le Lot-et-Garonne. Dans cette conversation, un homme, présenté par Mediapart comme étant M. Cahuzac, évoque son compte chez UBS.

« Ca me fait chier d’avoir un compte ouvert là-bas, l’UBS c’est quand même pas forcément la plus planquée des banques », dit l’homme sur l’enregistrement diffusé par Mediapart et dont l’enquête déterminera qu’il s’agit, sans guère de doute possible, de Cahuzac.

– Rémy Garnier: cet ex-agent du fisc a rédigé en 2008 un mémoire accusant Jérôme Cahuzac, entre autres, d’avoir un compte caché en Suisse.

Mehdi Fedouach/AFP L’avocat et ex-rival politique de Jérôme Cahuzac,Michel Gonelle, le 20 mars 2013 à Villeneuve-sur-Lot

– Patricia Cahuzac: selon un détective qu’elle avait embauché, l’épouse du ministre, d’avec qui elle est en instance de divorce, aurait évoqué ce compte.

OU EN EST L’ENQUETE?

Le parquet de Paris avait ouvert le 8 janvier une enquête préliminaire pour blanchiment de fraude fiscale, afin de vérifier si Jérôme Cahuzac a réellement détenu un compte caché en Suisse.

Le ministre avait d’abord salué l’initiative, estimant qu’elle permettrait « de démontrer sa complète innocence ». Auparavant, il avait déposé plainte avec constitution de partie civile en diffamation contre Mediapart.

Mais loin de le blanchir, l’enquête aboutit à une information judiciaire, notamment pour « blanchiment de fraude fiscale », qui provoque sa démission immédiate, puis sa mise en examen mardi.

L’information judiciaire s’intéresse notamment aux « avantages » dont il aurait bénéficié, comme médecin, de la part de laboratoires, comme l’a affirmé un témoin aux enquêteurs qui vont notamment s’attacher à tracer l’origine des fonds. Selon son avocat, « l’essentiel de ses revenus provenait de son activité de chirurgien et, accessoirement », de l' »activité de consultant » de celui qui fut conseiller d’un ministre socialiste de la Santé.

UNE CARRIERE POLITIQUE EN LAMBEAUX

« Je n’ai pas, je n’ai jamais eu de compte à l’étranger. Ni maintenant, ni avant ». Par ce démenti solennel, le 5 décembre devant les députés, le ministre s’était privé de toute échappatoire.

Dès l’ouverture d’une information judiciaire le 19 mars, François Hollande a décidé de mettre « fin aux fonctions de Jérôme Cahuzac, à sa demande ». Après sa mise en examen, l’ex-ministre s’est excusé auprès de François Hollande, se disant « dévasté par le remords ».

La présidence, en rapportant fin décembre avoir été contactée par Michel Gonelle et lui avoir recommandé de communiquer ses éléments à la justice, n’avait exclu de facto aucune hypothèse.

Reste à démontrer l’impact qu’aura cette affaire sur François Hollande et sur le gouvernement.

LE VOLET FISCAL

Mediapart affirme qu’une enquête est parallèlement menée par le fisc, qui soupçonne le ministre, selon le site, d’avoir sous-évalué d’au moins 10% le montant de son appartement parisien et pris en compte un prêt parental en fait déjà remboursé.

Voir encore:

Cahuzac : l’épouse témoin clé

L’affaire de compte en Suisse présumé qui menace le ministre du Budget est relancée après de nouvelles affirmations de Mediapart.

Pascal Jalabert

Le Républicain lorrain

17/03/2013

Le ministre du budget Jérôme Cahuzac a-t-il possédé un compte en Suisse et l’a-t-il transféré à Singapour en 2010 pour préserver sa carrière politique ? La question reste posée trois mois après l’allégation du site internet Mediapart. C’est retour à la case départ.

• L’enregistrement authentifié ? Les accusateurs de l’ancien chirurgien esthétique s’appuient toujours sur un enregistrement dans lequel un homme parle de ce compte et déclare vouloir s’en débarrasser. S’agit-il de Jérôme Cahuzac ? Mediapart soutient que les enquêteurs ont authentifié la voix du ministre du Budget. Le parquet de Paris ne confirme pas et dit ne pas avoir reçu les conclusions de l’expertise de l’enregistrement récupéré en 2000 par Michel Gonelle, l’opposant politique local de Jérôme Cahuzac. L’avocat du ministre a expliqué hier que Cahuzac « ne se laisse pas plus impressionner aujourd’hui qu’hier ou demain » par les « allégations » de Médiapart.

• La preuve suisse ? Le ministre n’a pas obtenu la certification de la banque UBS qu’il ne possédait aucun compte. Mais dans le cadre d’une entraide fiscale, un document a été transmis au fisc sur lequel, selon des fuites, la Suisse signifierait qu’aucun compte n’existe au nom de M. Cahuzac dans les années 2006 à 2012. Le document n’a pas été rendu public. La justice peut toujours interroger la banque UBS dans le cadre des accords d’entraide franco-suisse. Mais vu qu’il n’y a pas fraude, la Suisse n’est pas obligée de répondre. En outre, la bascule du compte de Suisse vers Singapour a pu intervenir avant 2010. Le face à face Mediapart Cahuzac se résume toujours à un duel parole contre parole, chacun avec sa preuve. La justice a-t-elle les moyens de savoir ?

• L’épouse parlera-t-elle ? Oui. Il existe un témoin clé, le docteur Patricia Cahuzac, épouse et ex-associée de Jérôme Cahuzac dans une clinique des beaux quartiers de Paris spécialisée dans les implants capillaires. Elle a engagé une procédure de divorce et un détective privé pour « piéger » son mari en compagnie de ses conquêtes extraconjugales. Le détective assure avoir entendu parler du compte suisse à plusieurs reprises, notamment lors d’une conversation à laquelle participait Mme Cahuzac. « Je ne m’en souviens plus », aurait répondu Patricia Cahuzac qui refuse de s’exprimer. Peut-elle lâcher le morceau ? Ou bien garder le silence pour négocier le litige au centre du divorce, un appartement de 135m² avenue de Breteuil dont elle estime la valeur sous-évaluée (une enquête du fisc est ouverte) ? L’épouse bafouée est devenue le personnage central de cette affaire dont l’impact politique n’est pas neutre. Si l’existence du compte suisse est prouvée, cela signifierait que le ministre a menti. Il sortirait alors du gouvernement.

Voir de plus:

Michel Gonelle, l’homme par qui le scandale Cahuzac est arrivé

Le Point

20/03/2013

Gonelle est le plus ancien rival politique de Cahuzac, qui lui avait ravi la mairie de Villeneuve-sur-Lot il y a 12 ans.

L’Express

Le détenteur de la bande sur laquelle l’ex-ministre du Budget Jérôme Cahuzac évoque, probablement selon la justice, un compte en Suisse, l’homme par qui le scandale est arrivé, est son plus ancien rival politique, à qui Cahuzac avait ravi la mairie de Villeneuve-sur-Lot il y a 12 ans.

Michel Gonelle, 64 ans, avocat, ancien bâtonnier du barreau d’Agen, est une personnalité connue et influente dans le Lot-et-Garonne, où il a gravi localement tous les échelons de la politique à partir de 1977, non sans ennemis.

Conseiller municipal sans étiquette du petit village de Montpezat en 1977, il a ensuite été adjoint au maire d’Agen à partir de 1983, député RPR en 1986, avant de devenir maire de Villeneuve-sur-Lot en 1993 lors d’une élection anticipée, restant à la tête de la ville jusqu’en 2001.

Jérôme Cahuzac l’avait alors battu, au second tour, à la faveur d’une triangulaire qui l’opposait également au gaulliste Jean-Luc Barré.

Rivaux

Gonelle, fils d’un agriculteur du Lot-et-Garonne, marié depuis 44 ans et père de deux enfants, est resté conseiller régional de 2001 à 2004, et conseiller municipal d’opposition face à Cahuzac à Villeneuve-sur-Lot jusqu’en 2008. Il s’est retiré depuis de la vie politique.

Gonelle et Cahuzac ont été présentés l’un à l’autre en 1996 par le maire socialiste de Marmande Gérard Gouze, lui-même avocat, au cours d’un dîner avec leurs épouses respectives.

À Villeneuve-sur-Lot, où la droite a régné sans partage, mais non sans divisions pendant les années 1990, Gonelle est un notable qui a aussi fréquenté le juge antiterroriste Jean-Louis Bruguière ou encore l’ex-contrôleur du fisc Rémy Garnier, autre personnage de l’affaire Cahuzac, auteur en 2008 d’un mémoire interne suggérant aussi que Jérôme Cahuzac était détenteur d’un compte à l’étranger.

Mais l’avocat n’a pas que des amis. L’un de ses critiques, qui préfère ne pas être nommé, le décrit comme un « personnage fourbe » et « douteux », n’hésitant pas sur les moyens pour parvenir à ses fins, qui a déjà utilisé des « enregistrements pour déstabiliser une équipe municipale », sans vouloir en dire plus.

Sur Gonelle, Jean-Luc Barré, qui fut son ancien adjoint à la Culture, a aussi des mots durs.

« Lorsque j’étais son adjoint, j’ai déjà eu à subir ses manoeuvres politiciennes », se souvient-il. « Pour moi, ce type de comportement ressemble à de la tambouille radicale, cela n’a rien à voir avec le gaullisme. »

L’affaire Cahuzac, regrette-t-il, « ne sert ni les intérêts du pays ni ceux de la petite ville de Villeneuve-sur-Lot ».

Gérard Gouze, lui, décrit en revanche « un excellent juriste », et un avocat qui a, dans cette profession, « toujours été loyal » et a « respecté la déontologie des avocats ».

L’enregistrement, ce fruit du hasard

L’enregistrement, a raconté plusieurs fois Michel Gonelle, était le fruit du hasard. Un message laissé en 2000 sur son répondeur par le chirurgien Jérôme Cahuzac, ne sachant pas qu’il était enregistré et s’adressant à une autre personne, et évoquant un compte en Suisse.

Gonelle, conscient de son caractère « sensible », n’a en tout cas pas hésité à le conserver et à éviter sa destruction, pendant plus de douze ans.

En janvier dernier, il a été entendu par les policiers de la brigade financière de la police judiciaire, auxquels il a dit avoir remis « la sauvegarde de l’enregistrement sur un mini-CD ».

Michel Gonelle assure sans ciller que ses rapports avec Cahuzac se sont « normalisés » au fil des ans.

« Je n’ai jamais eu d’esprit de vengeance, je n’ai jamais eu de la haine pour qui que ce soit. J’ai tenu ma place dans l’opposition jusqu’en 2008, nous nous respections comme adversaires politiques. Mais depuis, nos rapports ont changé et sont devenus plus apaisés encore », assure M. Gonelle.

« Il n’y a aucune animosité. Par contre, depuis que cette affaire s’est déclenchée, je l’ai entendu dire que l’enregistrement était un montage, ou une imitation. Là, évidemment je défends mon honneur », ajoute-t-il, avant de traiter son ancien rival de « menteur ».

Voir de même:

Mediapart : cinq ans de journalisme à risque

Geoffrey Le Guilcher

Les Inrocks

25/03/2013

Depuis sa création en 2008, Mediapart s’est beaucoup attaqué à Sarkozy et à son entourage. Aujourd’hui, il n’épargne pas la gauche au pouvoir, avec les charges répétées contre Jérôme Cahuzac. L’indépendance, marque de fabrique du journal en ligne.

Le 8 juillet 2010, à mi-chemin entre les places de la Bastille et de la Nation, une forêt de caméras et de micros s’agite au pied du siège de Mediapart. Face au portail de métal anthracite du passage Brûlon, “les deux Fabrice”, Lhomme et Arfi, journalistes d’investigation, sont attendus.

“Pour la première fois, je me suis retrouvé pendant vingt-quatre heures dans la peau des gens dont je parle régulièrement, décrit Lhomme qui travaille aujourd’hui au Monde. C’est-à-dire dans la position du mec traqué.”

Le matin même, Le Figaro avait titré sur “La romance de Mediapart”. Un coup de bâton contre leur article publié deux jours plus tôt sur le pure player payant. Version du Figaro : en écrivant que Nicolas Sarkozy “recevait son enveloppe” d’argent liquide chez les Bettencourt, Arfi et Lhomme ont surinterprété les déclarations de Claire Thibout, l’ex-comptable de la femme la plus fortunée au monde.

On l’ignore alors, mais dans les quarante-huit heures séparant la publication de l’article de Mediapart et celui du Figaro, la brigade financière, soutenue par deux cars de CRS et plusieurs estafettes de gendarmerie, a cueilli la comptable dans la maison de ses cousins. Dans Sarko m’a tuer, sorti un an après cet épisode et écrit par Fabrice Lhomme et Gérard Davet, Claire Thibout donne des détails sur son passage dans “ce commissariat sinistre”. Les policiers, explique-t-elle, l’ont intimidée et poussée à infléchir ses propos.

“Les policiers n’étaient pas contents (de l’interview sur Mediapart), ils voulaient que je leur dise que tout était faux. Ils subissaient eux-mêmes une incroyable pression. À chaque feuillet tapé, l’un des quatre policiers faxait le PV à sa hiérarchie et au parquet de Nanterre, qui rappelait pour faire changer tel ou tel mot.”

Ce 8 juillet donc, à l’abri en Bretagne, Fabrice Arfi peine à faire taire son téléphone. Fabrice Lhomme, lui, voit la meute de journalistes aux aguets. Il l’esquive en filant par un autre portail, ouvrant directement sur l’impasse Druinot. Le quinquennat sarkozyste, Mediapart l’a vécu un peu comme ça. Sans arrêt attendu au tournant par les confrères à chacune de ses révélations. Les politiques, eux, attaquèrent à chaque coup porté contre leur camp. Dans un élan caricatural de la violence verbale du précédent gouvernement contre le site internet, un certain Xavier Bertrand, alors secrétaire national de l’UMP, qualifia la publication des écoutes Bettencourt de “méthodes fascistes”*.

De 20 000 à 50 000 abonnés en un an

L’autre conséquence, positive celle-là, fut que la courbe des lecteurs épousa celle des révélations. En 2010, boosté par l’affaire Bettencourt, Mediapart est passé de 20 000 à 50 000 abonnés. Son point d’équilibre. D’autres affaires d’État, devenues mots-clés depuis, ont suivi : “Karachi”, “Takieddine”, “Tapie-Lagarde”, “Kadhafi-Sarkozy”… L’enquête, “cœur nucléaire du journal”, dixit le rédacteur en chef François Bonnet, a prouvé sa rentabilité. En 2011, le pure player payant engrange 500 000 euros de bénéfices, 700 000 euros l’année dernière.

Aujourd’hui, au premier étage du passage Brûlon, aucun des journalistes ne manque de rappeler les moqueries qui ont accompagné les débuts du site, en 2007. “Dès le départ, on nous disait : ‘Vous êtes des vieux, le web c’est forcément gratuit’, explique Bonnet. On est donc entré en conflit avec une large partie de la profession et des experts d’internet.”

Mars 2008, le site web définitif de Mediapart est en ligne. Une trentaine de journalistes, dont une bonne partie en provenance du Monde, se fédèrent autour d’un constat critique de la presse généraliste française, jugée peu insolente et trop dépendante de gros actionnaires. Martine Orange, journaliste d’enquête spécialisée en économie, débarque justement du “quotidien de référence”. Lors de son transfert à Mediapart, elle perd les deux tiers de son carnet d’adresses, “alors que, quand j’étais au Monde, tout le monde voulait me voir”, souligne-t-elle. Mais au moins maintenant, je ne me sens pas obligée de réaliser des interviews de grands patrons négociées en amont avec les conseillers de com”.

Ce constat acerbe de l’écosystème médiatique est largement partagé en interne. Quelques collègues plaident toutefois pour tempérer la critique. Sophie Dufau, rédactrice en chef adjointe du site, pense “qu’une des difficultés par rapport aux confrères provient du ton péremptoire qu’on peut avoir parfois : ‘L’info part de là” (devise du site – ndlr). C’est vrai qu’on bouscule les pratiques et le ronron dans une espèce de volonté d’enquête de révélation. Mais ce qui ressort souvent de Mediapart dans les journaux, c’est le côté donneur de leçon.”

La méfiance des vieux médias français ne s’est jamais totalement effacée. Dernier exemple en date, l’affaire du compte bancaire qu’aurait détenu en Suisse (avant 2006) Jérôme Cahuzac, le désormais ex-ministre du Budget, qui était en charge, notamment, de la lutte contre l’évasion fiscale. Au fil des articles et des émissions spécialisées, les médias se sont montrés prudents, parfois distants, avec les affirmations du site d’information (cet article paru dans le numéro 903 des Inrockuptibles a été bouclé le 18 mars, avant l’ouverture d’une information judiciaire sur l’affaire Cahuzac – ndlr). “En ce moment, dès que je croise une connaissance, elle me demande si l’on est solide sur Cahuzac”, se désole Louise Fessard, jeune journaliste en charge des questions de sécurité à Mediapart. Sa collègue, Jade Lindgaard, d’ajouter que “force est de constater que tous nos éléments probants n’ont pas suffi à emporter la conviction, y compris de gens qui nous font confiance”.

L’adversaire le plus actif de Mediapart a sans doute été Jean-Michel Aphatie, le chroniqueur politique star de RTL et du Grand Journal de Canal+. Au téléphone, il reconnaît volontiers avoir “réagi et surréagi” sur cette histoire. Mais il défend ses doutes et perçoit le danger d’un “populisme effréné”. “Quand vous êtes ministre, l’a priori, c’est que vous êtes pourri, dit Aphatie. Je pense que le journalisme ne peut pas être accusatoire, comme ici.” Pour lui, l’utilisation du conditionnel aurait été nécessaire. “Accepter ces pratiques, basées en partie sur des sources anonymes, c’est la porte ouverte aux manipulations.”** Faut-il remettre en cause le secret des sources ? “Non, mais si six mois d’enquête ne permettent pas de sortir une info, on ne la sort pas”, répond Jean-Michel Aphatie qui regrette aussi que l’enquête préliminaire pour “blanchiment de fraude fiscale” fut ouverte après une lettre d’Edwy Plenel au procureur de Paris.

“Mediapart est un petit poisson face à de gros requins dans une mer polluée”

Dissimulé à dessein par des étagères ouvertes blanches, le bureau du célèbre moustachu directeur de la publication de Mediapart semble encastré au fond de l’open space de la rédaction. De ce poste de pilotage, Edwy Plenel refuse en bloc l’étiquette de “journaliste-procureur”.

“On s’adapte simplement au terrain propre à chaque affaire. Quand Sarkozy a porté plainte contre nous pour faux et usage de faux sur notre document libyen (stipulant que le régime de Kadhafi a donné son accord pour financer la campagne de 2007 de Sarkozy à hauteur de 50 millions d’euros – ndlr), on répond deux jours plus tard en portant plainte pour dénonciation calomnieuse.”

Quand on l’interroge sur un service après-vente des informations parfois ressenti comme abusif, Edwy Plenel hoche la tête avant la fin de notre question. Pour le patron de Mediapart, c’est un problème imposé par l’extérieur : “On nous met parfois dans cette position, concède-t-il. On en vient à faire la promotion de notre travail et c’est un piège. Les médias résument Cahuzac contre Mediapart.” La conséquence d’un journalisme accusatoire ? “Joffrin (directeur du Nouvel Observateur – ndlr) et Aphatie ne jugent que le bruit, comme tout ce qu’ils font d’ailleurs, évacue Plenel. Nous, nous nous battons, nos infos on les assume en se battant. Mediapart est un petit poisson face à de gros requins dans une mer polluée.”

Entre une info sensible, de celles qu’un journaliste sait absolument “vraies”, et une info qu’il jugerait “publiable”, existe souvent une zone grise. Un petit espace balisé de panneaux d’alerte : “ligne éditoriale”. “prudence”, “goût du risque”, parfois du “scandale”, “éthique” ou encore “loi de la presse”. Cette zone grise, Mediapart la traverse plus rapidement que les autres journaux. Non par empressement, mais par choix éditorial. Le jeune média pratique une sorte de “journalisme à risques” assumé.

“Le vrai journaliste est celui qui vend la mèche en se brûlant les doigts”

Fabrice Arfi, l’enquêteur chevelu et barbu qui a sorti l’affaire Cahuzac, a théorisé ce parti pris. Il emprunte une phrase à l’historien Pierre Nora : “Le vrai journaliste est celui qui vend la mèche en se brûlant les doigts.” Maxime appliquée à la lettre dans l’affaire Bettencourt. Les enregistrements pirates réalisés par le majordome dans le bureau où conversaient Liliane Bettencourt et son gestionnaire de fortune Patrice de Maistre, un avocat les avait proposés à plusieurs journaux avant Mediapart. Trois les ont déclinés : Le Monde, Le Nouvel observateur et Le Canard enchaîné. Ce dernier, sans connaître leur contenu, refusa de garantir un article de quatre pages sur cette affaire à l’avocat détenteur des enregistrements***. Les deux autres journaux, eux, estimèrent que le droit à la protection de la vie privée l’emportait.

C’est le vieux débat qui divise la presse. De quels moyens peut-on user pour obtenir certaines informations d’intérêt général ? On parle ici d’informations liées à la fraude fiscale de haut vol, aux soupçons de financements illicites des partis politiques et des campagne électorales, au conflit d’intérêt du ministre Éric Woerth, etc. Dans l’affaire Bettencourt, la justice a provisoirement répondu. Après deux jugements favorables à Mediapart en première et seconde instance, la Cour de cassation a finalement estimé, le 6 octobre 2011, que la publication des bandes pirates n’était pas légitime. L’affaire a été renvoyée devant la cour d’appel de Versailles. Six mois plus tard, Edwy Plenel, Fabrice Arfi et Fabrice Lhomme (ainsi que deux journalistes du Point) ont été mis en examen pour violation de la vie privée. Vendre la mèche en se brûlant les doigts… Pour avoir défendu de nombreux journaux comme Libération, Ouest-France et Le Nouvel Obs, Jean-Pierre Mignard, avocat du site internet, nous certifie néanmoins “qu’en comparaison avec les autres médias, Mediapart est très peu condamné”.

Face à ce journalisme engagé, les premiers déboussolés sont les communicants. Par “le hasard de la vie”, qu’elle juge aujourd’hui “romanesque”, Marion Bougeard, ancienne journaliste recrutée par l’agence de com Euro RSCG devenue Havas Worldwide, a conseillé deux clients confrontés aux révélations de Mediapart. Pas n’importe lesquels. C’est elle qui fut la stratège de Liliane Bettencourt au cœur de la tempête médiatique. Elle encore qui travaillait au cabinet de… Jérôme Cahuzac. Plutôt goguenarde au téléphone, Marion Bougeard assure n’avoir “ni affection ni haine envers Mediapart, je vis avec c’est tout”. C’est son côté “maître Yoda”, ajoute-t-elle. “Par la guerre, nul ne devient grand. Je peux juste dire que c’est un média de combat. Mais en fait, je ne travaille avec aucun de leurs journalistes.” Que signifie travailler avec un journaliste ?

“Mon boulot, c’est de donner et recouper des infos. Là, Fabrice Arfi m’envoie des mails avec des questions absurdes et je lui donne des réponses auxquelles il ne croit pas.”

Pour Jean-Marie Charon, sociologue au CNRS, spécialiste des médias et coauteur d’un livre sur les journalistes d’investigation****, “il y a une dimension militante chez les journalistes de Mediapart”. Pas au sens politisé ou encarté, bien que le journal s’estampille lui-même de gauche, mais au sens où ses journalistes revendiquent une mission d’intérêt général dans la société. Dans les rédactions françaises, le chercheur a observé que les enquêteurs fonctionnent souvent en “loup solitaire”, écrivent des livres “à l’instar d’un Pierre Péan ou d’un Denis Robert. Les journalistes de Mediapart, eux, lient systématiquement leur discours à la démocratie”, complète Jean-Marie Charon.

Dans son dernier livre, Le Droit de savoir, Edwy Plenel développe cette approche du métier. Une conception qui a permis, selon le directeur de Mediapart, d’effleurer aujourd’hui les 65 000 abonnés et de lancer, pour l’anniversaire de ses 5 ans, le 16 mars, une nouvelle version du site. Fier et taquin, Plenel souffle que “Mediapart a fait aussi gagner beaucoup d’argent à la France”. Une façon de rappeler que la publication des écoutes pirates fut à l’origine du redressement fiscal record, 77 millions d’euros, subi par l’héritière de L’Oréal.

* Poursuivi en diffamation par le journal numérique, l’ancien ministre et actuel député de l’Aisne attend le jugement du tribunal le 26 mars.

** Jean-Michel Aphatie tenait également à indiquer que l’article du JDD titrant “Les Suisses blanchichessent Jérôme Cahuzac”, rédigé à partir d’un document (qu’aucun journaliste n’a vu) émanant de l’administration fiscale, sous tutelle du ministère de Jérôme Cahuzac, “comporte le même défaut que les révélations de Mediapart. Pour moi, il n’existe pas non plus”, tranche le chroniqueur de RTL et du Grand Journal.

*** Ce passage a été modifié par rapport à la version initiale de l’article paru dans le numéro 903 des Inrockuptibles. C’est seulement après la révélation des enregistrements par Mediapart que Le Canard enchaîné s’est positionné. Dans un article intitulé Parce que ça le vaut bien ?, daté du 27 octobre 2010, le palmipède a rappelé l’importance, à ses yeux, du droit à la protection de la vie privée.

**** Un secret si bien violé : la loi, le juge et le journaliste de Jean-Marie Charon et Claude Furet (Le Seuil, 2000).

Voir aussi:

Fabrice Arfi : “Même Cahuzac a dit: il y aura un mort, soit Mediapart, soit moi”

Les Inrocks

20/03/2013

Il y a moins d’un mois, nous réalisions un entretien avec Fabrice Arfi, journaliste d’investigation à Mediapart, pour notre enquête sur le site d’Edwy Plenel (à lire dans les Inrocks n° 903, en kiosque aujourd’hui). Il expliquait alors son étonnement devant les réactions des confrères à chacune des révélations du site d’information.

Mediapart se fait un peu chahuter en ce moment avec l’affaire Cahuzac…

Oui, on est dans un tel combat d’opinion que si on sort un truc, on doit désormais taper haut. Le rapport de la profession à l’affaire Cahuzac est quand même étrange. Un papier de l’Express a quand même indiqué, après la non-info sur la Suisse, (se référant à l’article du JDD “Les Suisses blanchissent Cahuzac”) : “Mediapart n’a toujours pas réagi“… On n’est pas un adversaire politique. Nous, on informe. C’est vraiment surprenant la façon dont nous traitent les confrères.

Perçois-tu une sorte “d’attente au tournant” de la part des autres médias ?

Tout le monde nous dit : “vous nous faites chier depuis cinq ans, vous êtes de grands donneurs de leçons“. C’est très juste de dire que dans la plupart des affaires qu’on a révélées, il y a une sorte de stratégie, une stratégie de l’isolement de Mediapart auprès de l’opinion et des autres médias.

La contrepartie positive demeure quand même l’afflux de lecteurs à chaque révélation.

On nous fait passer pour des excités et non pas des journalistes. Si c’est ce qu’il faut pour gagner des lecteurs… En effet oui, on aime bien avoir des lecteurs, c’est extrêmement pervers ça, non ? Et oui, on feuilletonne. On est une petite barque et on s’attaque à un État, à des services, alors oui, il faut être malin parfois. Si tu fais le bilan des courses, ça ne nous a pas desservi.

Tu penses aux révélations en deux temps sur Cahuzac, la publication de l’enregistrement le lendemain de ton premier papier ?

Sur Cahuzac, pour mon premier papier (publié le 4 décembre), je n’avais pas encore l’autorisation de ma source pour publier l’enregistrement. Le second jour, devant la pression de l’opinion et des médias, j’ai convaincu ma source. Mais si on se rappelle bien, sur la publication des écoutes Bettencourt, on avait aussi connu une énorme violence. Le Monde les avait refusées tandis que nous on avait exigé les 21 heures du majordome. On a fait le tri, on a eu un débat en interne, c’était ici d’ailleurs (il ouvre grand les bras au milieu de ce qu’on pourrait appeler la salle de conférence de rédaction de Mediapart) et on y est allé.

Sur Cahuzac, il semblerait qu’il y ait un blocage un peu différent.

L’affaire Cahuzac est un super révélateur de ce que sont les affaires sous la gauche. Un reportage de Media magazine rapporte la scène suivante: en marge d’une conférence de presse de Cahuzac, la journaliste de Média magazine demande à un confrère pourquoi personne ne pose de questions sur son compte. Le journaliste méfiant répond carrément : “j’ai connu Bérégovoy, j’ai connu Woerth…” C’est incroyable, Woerth est quand même mis en examen ! Ça me rappelle quand Laurent Mauduit (journaliste d’investigation à Mediapart) a sorti l’affaire Tapie : je me souviens très bien d’un titre d’un article des Echos : “Le dossier est vide”.

Les médias seraient donc frileux, voire démineurs, chaque fois que vous sortez une affaire ?

C’est un énorme problème pour le journal, cette pratique du journalisme de commentaire. A la télé, tu lances un sujet, et il y a un mec qui est pour, un qui est contre. Nous, on s’est construit contre la société du commentaire. Je revendique qu’on produise de l’intranquilité, y compris chez les confrères. On ne tape pas sur les médias, c’est d’abord un écosystème qu’on dénonce, la situation capitalistique des médias en France. Nous, on est un journal de combat. La guerre, on la gagne comme ça, sans concession. Pour moi, il n’y a pas de journalisme d’investigation. Nous sommes un site d’information.

Comment vis tu “la tempête” autour de l’affaire Cahuzac ?

A chaque fois, tout ça me plaît malgré tout. S’il n’y a rien (sur le compte suisse supposé de Cahuzac), je l’ai dit, je me couvre la tête de cendre et j’arrête le métier. Sauf que je ne vais pas arrêter. Même Cahuzac dit “il y aura un mort, soit Mediapart, soit moi“. Plenel est un capitaine quand le navire est dans la tempête, il est debout sur la table. Bonnet (le rédacteur en chef de Mediapart, ndlr) pareil. Quand il y a eu l’article du JDD, il m’a dit : “On est là.” C’est cul-cul à dire mais il y a un truc de camaraderie hyper précieux. Plenel s’est mis lui-même dans la balance, ça je ne l’oublierai jamais, quand il a dit : “On en a plus que quand nous avions sorti l’affaire du Rainbow Warrior.”

Recueilli par Geoffrey Le Guilcher

Voir par ailleurs:

Jérôme Cahuzac reconnu coupable, mais sans peine

La Dépêche

10/11/2007

Condamné sans peine ni inscription au casier judiciaire pour avoir employé une jeune femme sans papier.

Jérôme Cahuzac reconnu coupable, mais sans peine

Condamné sans peine ni inscription au casier judiciaire. Il n’a pas fallu plus de cinq minutes au tribunal de la 31e chambre correctionnelle du Tribunal de grande instance de Paris pour prendre sa décision. L’avocat général avait demandé une « amende proportionnelle aux revenus du prévenu », Jérôme Cahuzac, député de Villeneuve depuis le printemps dernier, maire de la localité et chirurgien parisien.

La cour n’a pas retenu cette suggestion. Il est vrai que d’entrée de jeu, les juges avaient déclaré avoir à se prononcer sur une affaire « qui ne mérite pas un ample développement ». De quoi s’agit-t-il ? D’une affaire de femme de ménage philippine sans papier employée au noir et payée en liquide de juillet 2003 à novembre 2004 pour 40 heures mensuelles à raison de 250 € par mois. Le pot-aux-roses a été révélé par une lettre anonyme postée en Lot-et-Garonne, diligentée à petite vitesse et qui atterrit étrangement sur la table d’un procureur de la République parisien. Pas de plainte déposée, pas de partie civile à la barre du tribunal.

négligence

Visiblement stressé, Jérôme Cahuzac qu’accompagne son avocat, Me Jean-Alain Michel, reconnaît d’entrée de jeu « une erreur, une négligence ». Oui, il a employé en la rémunérant en liquide, de juillet 2003 à novembre 2004, cette jeune femme à sa clinique pour de menus travaux sur recommandation de son employée de maison qui la connaissait sans vérification de ses titres de séjour. L’essentiel de l’infraction est là et l’enquête de police n’en a pas trouvé d’autre. Depuis, Jérôme Cahuzac a payé ce qu’il devait pour cet emploi clandestin à l’URSAFF.

Depuis, la jeune femme arrivée en France en janvier 1998 pour rejoindre sa mère malade et la soigner s’est mariée et a obtenu son titre de séjour. Jérôme Cahuzac l’a aidée dans ses démarches et a réglé l’essentiel des frais d’avocat déboursés à cette fin. Il l’a embauchée à plein-temps et de façon tout à fait régulière pour des travaux de ménage, les seuls qu’elle ait jamais effectués dans la clinique.

CONTEXTE POLITIQUE

Relayant son client à la barre, Me Jean-Alain Michel évoque « un contexte politique local » et « des amis qui vous veulent du bien ». Il évoque une demande de copie du dossier par un avocat qui se réclamait de la partie civile et parle de « mensonge » car jamais la jeune Philippine n’a souhaité se porter partie civile. Il produit une lettre signée de la jeune femme qui en atteste et fournit les preuves de la régularisation de la situation. Jérôme Cahuzac a accueilli avec soulagement le verdict. « Tout ça pour ça ».

« Sortir de la médiocrité… »

Il est surprenant qu’une affaire de si médiocre importance arrive à l’audience d’un tribunal correctionnel. Généralement, la découverte d’une infraction de ce type qui, du propre aveu du tribunal, « ne mérite pas un ample développement » trouve sa solution dans un rappel à la loi et une vérification que tout est rentré dans l’ordre.

À l’issue de l’audience parce qu’« on ne commente pas une décision de justice », le député maire de Villeneuve-sur-Lot s’est refusé à tout commentaire. Va-t-il porter plainte pour la demande de copie du dossier par une prétendue partie civile ? Hier, Jérôme Cahuzac souhaitait sortir de « cette médiocrité et respirer un autre air ».

Voir par ailleurs:

L’affaire Cahuzac reflète le sentiment d’impunité d’une certaine caste politique

La sidération qui a suivi les aveux de l’ancien ministre du Budget est révélatrice de la mentalité d’une fraction des élites qui se juge au-dessus de la morale commune.

Eric Dupin

Slate

03/04/2013

La sidération qui s’est emparée de la classe politique depuis la chute brutale de Jérôme Cahuzac a de quoi mettre la puce à l’oreille. Les réactions outrées à la détention d’un compte à l’étranger de la part d’un ancien ministre du Budget, en charge de la lutte contre la fraude fiscale, contrastent avec la complaisance dont il a longtemps bénéficié face à ses accusateurs. Comme s’il fallait à tout prix ramener cet épisode fâcheux au rang d’une faillite morale individuelle.

La fébrilité qui a immédiatement gagné les sommets de l’Etat suggère pourtant que l’affaire est d’une autre ampleur. Jean-Marc Ayrault ayant été incapable d’éteindre l’incendie, mardi soir sur France 2, François Hollande a dû prononcer dés le lendemain une allocution aussi solennelle qu’improvisée. En annonçant trois mesures plus ou moins nouvelles, le président de la République a implicitement reconnu que l’affaire Cahuzac éclaboussait l’ensemble de la classe politique.

La droite s’est acharnée sur Cahuzac après qu’il eut avoué son forfait, pour mieux faire oublier la mansuétude qu’elle a manifestée à son endroit. Le mensonge de l’ancien ministre socialiste, longtemps persuadé qu’il se tirerait de ce mauvais pas par la force de son caractère et la variété de ses appuis, s’inscrit dans un contexte de services rendus assez trouble.

Une complaisance transpartisane

Mediapart, qui a révélé l’existence du compte suisse de Cahuzac, a expliqué que c’était l’étrange indulgence du nouveau ministre socialiste du Budget à l’égard d’Eric Woerth qui l’avait conduit à se pencher sur son passé. Un des premiers gestes de Cahuzac à son arrivée au gouvernement avait effectivement été de commander une consultation juridique puis un mémoire dont les conclusions allaient dédouaner son prédécesseur dans l’affaire de l’hippodrome de Compiègne… Troublant.

«Eric Woerth est, je crois, un honnête homme», déclarait le président socialiste de la commission des Finances de l’Assemblée nationale dès juin 2010. Selon lui, il n’y avait «ni affaire Bettencourt, ni affaire Woerth».

L’ancien ministre UMP lui a récemment renvoyé impeccablement l’ascenseur, expliquant avoir «calmé» ses collègues parlementaires. «Je ne voulais pas qu’on lui fasse ce que les socialistes m’avaient fait subir», a-t-il argumenté. Touchante compassion de la part de l’ancien trésorier de Nicolas Sarkozy.

Woerth n’a pas eu trop de mal à «calmer» Jean-François Copé. Celui-ci crie d’autant plus fort aujourd’hui qu’il s’était montré fort complaisant avec Cahuzac. Le secrétaire général de l’UMP assurait, il y a peu de temps, le ministre socialiste de son «estime personnelle» en insistant lourdement sur la «présomption d’innocence».

Il faut dire que l’ancien avocat d’affaires Copé n’a jamais été un fanatique de la transparence. En décembre 2010, avec son complice Christian Jacob, il avait tenté, par voie d’amendement à un projet de loi, de réduire les pouvoirs de la Commission pour la transparence financière de la vie politique.

Les us et coutumes d’un petit monde

Les malheurs de Cahuzac sont révélateurs de la mentalité et des mœurs d’une fraction des élites qui se juge au-dessus de la morale commune et s’estime suffisamment puissante pour échapper aux sanctions. La fraude fiscale à grande échelle est une pratique particulièrement répandue chez les possédants, chaque type de délinquance ayant son profil sociologique.

Or cet homme de «gauche» assez cynique, selon Le Monde, pour avoir fait de louches affaires avec d’anciens militants du GUD, avait rejoint le monde de la richesse, au point de pouvoir se faire cambrioler 100.000 euros de montres dans son vaste appartement du VIIème arrondissement de Paris. L’ancien chirurgien, reconverti dans de rémunératrices activités d’implants capillaires, avait d’autre part côtoyé, comme conseiller ministériel de Claude Evin, l’univers tentateur des laboratoires pharmaceutiques. Après cette expérience, il gagnera même de l’argent comme conseiller de ces laboratoires…

Le député écologiste Noël Mamère est persuadé que Nicolas Sarkozy connaissait beaucoup de choses du passé encombrant de Cahuzac lorsqu’il donna son aval à son élection à la présidence de la commission des Finances de l’Assemblée. Toujours est-il que ce personnage appartenait à un monde qui lui a fait croiser nombre d’acteurs des affaires qui ont défrayé la chronique au cours de la dernière période.

Cahuzac fut proche de Dominique Strauss-Kahn, qui a connu la chute que l’on sait. Comme son ancien mentor, il cultivait des amitiés dans le monde des affaires transcendant allègrement le clivage droite-gauche. Une enquête du Monde nous apprend ainsi qu’il était proche d’Henri Proglio, grand patron sarkozyste d’EDF, qui avait même nommé «l’ancien banquier d’HSBC Antoine Cahuzac, frère de Jérôme, à la tête d’EDF Energies nouvelles».

Au ministère du Budget, Cahuzac avait embauché comme «responsable des relations extérieures» une protégée du communicant d’Euro RSCG Stéphane Fouks, Marion Bougeard, qui avait elle-même auparavant été en charge la communication de… Liliane Bettencourt. Oui, la vieille, très riche et fort généreuse dame qui crée aujourd’hui des ennuis à Sarkozy. Un tout petit monde, vous dit-on.

Difficile de croire que Hollande —mis en garde au demeurant, par certains de ses propres amis, à propos de Cahuzac— ignorait tout cela. Jean-Luc Mélenchon est fondé à déplorer un «copinage généralisé» propice aux pratiques les plus douteuses. Un «profiler» aurait pu aisément démontrer au chef de l’Etat que la nomination de Cahuzac au ministère du Budget était dangereuse.

Complicités médiatiques

Dans l’univers médiatique aussi, certains réflexes de défense de Cahuzac ont pu se manifester du temps de sa splendeur. Les révélations de Mediapart, en décembre dernier, ont été accueillies avec des pincettes, c’est le moins qu’on puisse dire, par nombre de ses confrères. Le Monde a mis quelques jours avant de donner à cette affaire l’importance qu’elle méritait.

Plus tard, on se souvient des contre-feux allumés dans certains médias prompts à croire en l’innocence du ministre. Le Nouvel Observateur puis le Journal du Dimanche ont donné une forte publicité à une étrange réponse des autorités fédérales suisse transmise à Bercy. Le cas le plus caricatural de refus de prendre au sérieux les informations de Médiapart reste celui du journaliste vedette Jean-Michel Aphatie, qui a dû attendre les aveux de l’ancien ministre pour saluer chapeau bas le site d’information.

Cet ensemble disparate de solidarités de caste, plus ou moins conscientes et abouties, favorise un sentiment d’impunité chez les puissants. En France, le réflexe de maudire la presse et les juges lorsqu’une affaire éclate demeure beaucoup trop répandu.

Nombre de commentateurs ou d’acteurs politiques semblent plus incommodés par ceux qui révèlent ou poursuivent les scandales que par les scandales eux-mêmes. C’est peut-être d’abord cet état d’esprit qu’il faudrait changer.

Voir enfin:

François Hollande rocked as minister confesses to lying over tax evasion

Former Budget Minister admits he had €600,000 in an illegal offshore bank account

John Lichfield

The Independent

2 April 2013

In a bombshell confession, the former French Budget Minister, Jerome Cahuzac, has admitted that he had lied repeatedly to the President, parliament and public and had cheated on his taxes for 20 years.

Mr Cahuzac’s admission he had €600,000 in an illegal offshore bank account dealt a devastating blow to a Socialist president and government already facing public rage over tax rises, cuts and high unemployment.

President François Hollande said tonight that Mr Cahuzac had committed an « unpardonable moral fault » by lying for four months to the Elysée Palace and the National Assembly. However, in a further, deep embarrassment for the President, the investigative newspaper, Le Canard Enchainé will report today that Mr Hollande saw evidence pointing to Mr Cahuzac’s possible guilt as long ago as December.

Mr Cahuzac, 60, previously a highly paid plastic surgeon, was fired by the Elysée last month from his high-profile job as Budget Minister – in effect the minister responsible for spending cuts and tax enforcement. This followed a declaration by the state prosecution service that the voice in a recorded telephone conversation from 2000, admitting ownership of an illegal, Swiss account, appeared to be the minister.

At the time, Mr Cahuzac continued to proclaim his innocence. After months of denials, he made a double confession: publicly in his blog and privately, to two magistrates.

« I was caught up in spiral of lies, » he wrote. « I fought a torturous internal battle to try to resolve the conflict between my duty to tell the truth and my anxiety to fulfil the mission with which I had been entrusted. »

The admission bears some resemblance to the confession, after years of denials, by the former British environment minister, Chris Huhne, that he had conspired with his wife Vicky Pryce to avoid speeding penalty points. Several French newspapers have suggested that media allegations about Mr Cahuzac’s off-shore account, may be linked to a contested divorce with his wife, Patricia Cahuzac.

Mr Cahuzac, admitted that he had held illegal accounts abroad – first in Switzerland and then in Singapore – for 20 years. He said that he had ordered that €600,000 remaining on his Singapore account to be transferred to France.

The French investigative website, Mediapart, which has also led the way in allegations of wrongdoing against ex-President Nicolas Sarkozy, first revealed the existence of Mr Cahuzac’s Swiss account last December.

Mediapart placed online a recorded telephone conversation from the year 2000 in which a politician discussed his embarrassment at having an account with UBS in Switzerland. Mr Cahuzac denied to President Hollande and to the Prime Minister, Jean-Marc Ayrault, that the voice was his. However, Le Canard Enchainé will report today that President Hollande was told by the interior ministry in December that the voice on the tape was « close to » that of Mr Cahuzac.

The former minister also faces investigation over the source of the funds paid into the Swiss and Singapore accounts. His lawyers said that the money came from his lucrative and successful practice as one of Europe’s leading specialists in hair transplants.

Magistrates are, however, investigating allegations that some or all of the money came from under-the-counter payments by pharmaceutical companies to promote their products.

The shockwaves from Mr Cahuzac’s initial dismissal last month were rapidly overwhelmed by news that ex-President Sarkozy had been formally accused of abusing the mental weakness of a billionaires to fund his 2007 campaign.

Politicians on the moderate left said that Mr Cahuzac’s repeated lies had compounded a « crisis for democracy in France ».

10 Responses to Affaire Cahuzac: Attention, une affaire peut en cacher une autre ! (Looking back at the perfect storm of fiscal nip and tuck which finally brought down France’s ex-plastic surgeon budget minister)

  1. […] Et qui n’atteignent justement jamais, sauf exception (la proprement abracadabrantesque conjugaison – les anglo-saxons parlent de « tempête parfaite » – fonctionnaire sanctionné-élu battu-femme bafouée-site d’information attendant son rainbow warrior), le statut d’affaires … […]

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  2. […] tendent à pousser au crime une part de plus en grande de la population, leurs propres cadres ou ministres compris […]

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  3. […] l’heure où, menacée d’être emportée par le séisme de l’affaire Cahuzac mais une vingtaine d’années après la Scandinavie, le Canada ou l’Allemagne (voir […]

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  4. […] qu’avec l’Affaire du député et ministre socialiste Jérome Cahuzac un secret bancaire suisse déjà bien mal en point suite aux pressions du fisc américain pourrait […]

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