Présidence Obama: Le Président rejoint Truman et Roosevelt au panthéon de l’Histoire (How long before Rushmore?)

Obama on RushmoreLa Chambre des représentants a finalement adopté, le 21 mars, la réforme de l’assurance-maladie. Une victoire qui permet au président de rejoindre Truman et Roosevelt au panthéon de l’Histoire. (…) En ce qui concerne Barack Obama, ce combat l’a transformé. Il a entamé sa présidence plein d’espoir et persuadé que sa promesse de mettre d’accord toutes les sensibilités politiques était réalisable. Mais, lorsqu’il s’est heurté à l’opposition implacable des républicains, il a laissé tomber les discours de compromis et a commencé à jouer des poings. Mettre l’esprit partisan au service d’un objectif est infiniment préférable à la paralysie. Obama a clairement montré qu’il tendra la main lorsque ce sera possible et qu’il se battra quand il le faudra. Par tempérament, le président est plus un bâtisseur de consensus qu’un guerrier. Mais c’est également un homme pragmatique qui veut accomplir de grandes choses. C’est exactement ce qu’il a fait avec le système de santé, et cela lui vaut une place dans l’Histoire. The Washington Post
Il n’y a qu’à Washington qu’on peut dire qu’on dépense 1.000 milliards tout en faisant économiser de l’argent aux contribuables. Mike Pence (numéro trois de l’opposition)
Jamais dans l’histoire récente un texte de loi important n’est passé sans une seule voix républicaine. Même le Président Johnson obtint le vote de près de la moitié des Républicains de la Chambre pour son Medicare en 1965, un texte de loi en son temps dénoncé avec nombre des mêmes mots utilisés aujourd’hui pour s’opposer à celui-ci. The NYT
Ce pays est dans la position d’une famille de dépensiers au bord de la faillite qui au dernier moment annonce un nouveau don massif à une association caritative. On admire l’acte de générosité, mais on serait quand même plus rassuré si pour le payer ils avaient vendu quelques unes de leurs Mercedes avant. David Brooks
Les Démocrates se rendent-ils compte que nous avons vraiment franchi le Rubicon? Lorsqu’à l’avenir les Républicains gagneront des majorités (et ils en gagneront), le mode de fonctionnement libéral sera-t-il le modèle à suivre – simple majorité à 51%, réconciliation, l’option nucléaire, vote bloqué, pas une seule voix démocrate – tous les moyens justifiant les moyens afin de restructurer radicalement des pans entiers de la vie économique et sociale des Etats-Unis? Victor Davis Hanson
La manière impitoyable et corrompue dont ce texte a été imposé au Congrès par un vote strictement partisan et au mépris de l’opinion publique, fournit une feuille de route pour la façon dont d’autres changements  » historiques » peuvent être imposés par Obama, Pelosi et Reid. Qu’est-ce que cela peut faire si les sondages d’Obama sont actuellement au-dessous de 50% s’il peut faire passer en force une nouvelle législation pour créer des millions de nouveaux électeurs en accordant la citoyenneté aux immigrants illégaux? Cela peut suffire à faire de lui un président à deux mandats, qui pourrait alors nommer assez de juges à la Cour suprême pour approuver sans discussion d’autres renforcements de son pouvoir. Quand tous ces nouveaux citoyens seront rameutés le soir de l’élection par les activistes des associations ethniques et les soutiens syndicalistes de l’Administration, ce peut être assez pour sauver le contrôle du Congrès pour les Démocrates. Thomas Sowell

Le Mont Rushmore de Monsieur le Président est avancé!

« Victoire historique », « rejoint Truman et Roosevelt au panthéon de l’Histoire », « moment historique », « aboutissement du travail de Harry Truman et de Franklin Roosevelt », « place dans l’Histoire » …

Alors que la claque médiatique de l’Agitateur de Chicago a déjà commencé à lui sculpter sa tête sur le Mont Rushmore …

Et qu’après l’intifada contre Israël, le prétendu Rassembleur en chef a de nouveau amplement démontré qu’il pouvait comme dans son Chicago d’origine « jouer des poings » (pardon: « mettre l’esprit partisan au service d’un objectif ») …

Retour sur quelques aspects, jusqu’ici peu développés par nos thuriféraires patentés, de la fameuse réforme historique …

Comme…

les hausses d’impôts massives ou les coupes dans le Medicare (programme d’assurance santé pour les personnes âgées) …

la simple majorité de 7 petites voix 219 contre 212, sans aucune voix républicaine (première celle-là bien « historique » pour un projet d’une telle ampleur) et même pas la totalité des voix démocrates (219 sur 253) …

le recours prévu au Sénat à une procédure d’urgence (dite de « réconciliation » c’est-à-dire à la majorité simple de 51 voix sur 100 depuis qu’ils ont perdu en janvier leur « supermajorité » de 60 voix leur permettant de s’affranchir de l’obstruction des républicains) pour une loi qu’une douzaine d’états ont déjà menacé de contester devant la Cour suprême …

les limites d’une réforme se réduisant en fait à la subvention publique des Américains cherchant à souscrire à une assurance privée (soit quelque 10% des Américains, plus de 75 % étant déjà assurés privés et 15% publics (retraités ayant cotisé : Medicare, handicapés, anciens combattants et très faibles revenus: Medicaid) …

le coût pharaonique (estimé à 940 milliards de dollars sur 10 ans, soit 691 milliards d’euros) à ajouter à une dette cumulée de Medicare de plus de 2 000 milliards de dollars (1 450 milliards d’euros)…

l’interdiction aux assureurs privés (grands contributeurs à sa campagne) de refuser une couverture santé aux malades « à risques » mais la possibilité, se réservant la recette la plus « profitable » de la couverture des 25-50 ans, de s’en défausser sur l’Etat et donc d’augmenter plus encore leur ratio de rentabilité au moment où la population vieillit …

les ajouts de programmes pour acheter les voix des membres du Congrès (augmentation des prêts aux étudiants) ou, contre les promesses de campagne à son électorat, le décret pour réaffirmer l’interdiction des financements fédéraux pour l’avortement …

Réforme de la santé américaine : une victoire historique à l’avenir incertain
Le Monde
le 22.03.10

Oui, ils ont fait l’histoire », titre le Washington Post. Après des mois d’âpres négociations au Congrès, Barack Obama a remporté, dimanche 21 mars, une victoire législative majeure avec l’adoption d’une réforme historique de l’assurance-maladie. En portant personnellement cette réforme, M. Obama « a démontré qu’un président qui a un but, adopte un plan de bataille et s’y tient, n’est pas facile à mettre en défaut », souligne le Los Angeles Times.

La Chambre des représentants a approuvé par 219 voix contre 212 le texte adopté en décembre par le Sénat, alors qu’une majorité de 216 voix était nécessaire. « En bien des manières, cette bataille est la continuation des débats passionnés de la campagne de 2008 », souligne Mother Jones. Le Wall Street Journal, pour sa part, ne décolère pas du ralliement de l’élu du Michigan, Bart Stupak, connu pour ses positions anti-avortement, et qui aurait « vendu son âme à un exécutif édenté ». Au total, 34 démocrates ont voté contre le projet de loi avec 178 républicains, dont pas un n’a voté pour la réforme.

Sur dix ans, la réforme, d’un coût de 940 milliards de dollars (695 milliards d’euros), devrait aussi réduire le déficit américain de 138 milliards de dollars (102 milliards d’euros), selon le bureau du Budget du Congrès. Le texte prévoit en effet une baisse des dépenses du programme d’assurance-maladie des personnes âgées (Medicare). Au total, le texte devrait permettre de garantir une couverture à 32 millions d’Américains qui en sont dépourvus.

« Pendant les prochaines années, la plupart des Américains ne verra que des changements mineurs dans le système de santé », précise l’hebdomadaire Time. « Parmi les batailles autour de l' »Obamacare », aucune n’a été plus passionnée que celle portant sur l’impact de la réforme sur les seniors », souligne pour sa part Newsweek.

UNE DERNIÈRE ESCARMOUCHE RÉPUBLICAINE ?

« En se plaçant du point de vue de ce dont a besoin l’Américain moyen, le président a transcendé le débat gauche-droite, souligne The Daily Beast. Mais pour le New York Times, au contraire, ce succès politique met fin à la promesse d’un président « postpartisan ». « Une grande victoire pour Obama, mais des élus démocrates divisés », relève pour sa part Politico.

D’autres publications pointent aussi le possible retour à l’offensive de l’opposition républicaine. Lors des fameuses « Tea Party », « la droite a déjà terni, de manière significative, l’image de Barack Obama », remarque l’Huffington Post. D’après MSNBC, le parti d’opposition pourrait aussi mener une dernière escarmouche lors de la « réconciliation » au Sénat, une procédure qui ne requiert pourtant qu’un vote de cinquante sénateurs. Pour le Boston Globe, les républicains espèrent aussi, à moyen terme, « retrouver leur base électorale, et affaiblir les démocrates lors des élections de mi-mandat de novembre, en martelant des arguments contre cette loi ».

Le mois de novembre pourrait en effet être crucial pour l’administration Obama, conclut le Washington Post, alors que la « Maison Blanche et le parti démocrate ont déjà essuyé une défaite monumentale dans le Massachusetts [avec la victoire d’un républicain pour succéder à Ted Kennedy] et des menaces de défections au Congrès ». The Atlantic n’hésite pas d’ailleurs à parler de « victoire en demi-teinte », soulignant enfin que ce projet de loi demeure impopulaire sur tout le territoire américain.

Voir aussi:

Etats-Unis: le retour des conservateurs
Guy Sorman
16 février 2010

Les Américains se seraient-ils trompés de Président ? Barack Obama ne jouit plus dans son pays, que d’une popularité médiocre (en-dessous de 50% selon Pew), sa vision d’une société américaine plus redistributive est rejetée par le grand nombre, ses réformes sont enlisées, en particulier la création d’une assurance maladie universelle, son parti collectionne les échecs (Massachusetts, New Jersey) et pourrait perdre la majorité dès la fin de cette année. Obama qui incarnait une Amérique différente, élu sur un programme de « changement crédible », se retrouve en porte-à-faux avec une nation qui, dans l’ensemble, reste ancrée dans des convictions conservatrices et ne souhaite pas y renoncer. Au contraire de Bill Clinton, toujours disposé à négocier avec des majorités hostiles, Obama semble inflexible : il s’en tient à un discours à caractère social-démocrate, « libéral » dans le vocabulaire américain, très minoritaire aux Etats-Unis, apanage des universitaires de gauche et des éditorialistes du New York Times mais guère plus.

Vu depuis la droite conservatrice, voici Obama soupçonné d’être un « Européen » caché (le terme lui est sans cesse accolé par les chroniqueurs du Wall Street Journal) : ce n’est pas un compliment. « Européaniser » les Etats-Unis revient à confier à l’Etat fédéral, un rôle moteur dans l’économie et une mission sociale à des fins égalitaires. Obama, sans doute, estime que la Poursuite du Bonheur, inscrite dans la Déclaration d’indépendance, exige cet Etat juste et régulateur. La nationalisation de fait d’industries automobiles et d’une partie des banques et des assurances, participe bien de cette conception européenne de l’Etat. L’« européanisme » a dicté la stimulation économique par la dépense publique, les projets écologiques et la tentative de généraliser l’assurance maladie. Michelle Obama, n’est pas en reste : elle mène une campagne nationale de lutte contre l’obésité qui pourrait conduire à une taxation des calories sur les consommations préférées du peuple américain. Cette interférence entre vie privée et autorité publique peut être légitime mais dans l’ensemble, elle est mal tolérée par ce que l’on appelle l’Amérique profonde.

En accroissant les prélèvements publics de 25 à 30% de la richesse nationale, le gouvernement Obama reste loin des normes européennes (autour de 50%), mais il est vrai qu’il s’en rapproche. Cette accélération de la dépense publique, sans précédent depuis la Deuxième guerre mondiale, n’inquiète pas que les conservateurs : entre économistes américains, il existe un relatif consensus (manifeste lors de la récente réunion annuelle de ces économistes à Atlanta) sur la relation inverse entre dépense publique et taux de croissance. L’Europe « solidaire » croît plus lentement que le capitalisme « sauvage » américain . L’Amérique d’Obama, si elle devenait plus étatisée, deviendrait plus égalitaire mais elle pourrait aussi converger avec la croissance lente et le chômage endémique qui, en Europe, mécaniquement en dérive. Tel n’est pas la préférence majoritaire des Américains, adeptes de croissance forte, quels que soient les accidents sociaux ou écologiques qui l’accompagnent.

Les intentions d’Obama sont nobles : le rejet manifeste, jusque dans son parti, n’est pas celui des intentions mais de la méthode étatiste et du soupçon qu’elle nourrit. Ce soupçon porte sur les valeurs mêmes de l’Amérique : il s’appelle le socialisme. Vu de la droite conservatrice, Obama n’est pas Noir, il est Rose ; il n’a d’ailleurs jamais été Black, mais métis et diplômé de Harvard de surcroît. Le Rose est plus embarrassant : le socialisme n’est-il pas la négation de la civilisation américaine ? Le socialisme place le collectif au-dessus de l’individuel, l’Etat au-dessus de l’initiative privée, l’internationalisme avant le patriotisme, voire l’athéisme au-dessus des cultes. Insinuer qu’Obamaest socialiste, ce que va répétant Sarah Palin, la passionnaria conservatrice, soutenue par la puissance médiatique de Fox News, le rejette hors du rêve américain. Un « Européen », rétorquera que les pauvres, les chômeurs et les non assurés ne participent pas réellement à ce rêve américain ! Certes, mais les Américains, tous ou presque y croient, y compris les plus démunis et le million d’immigrants (au moins) qui afflue, chaque année, aux Etats-Unis. Priver les Américains de leur rêve est certainement une erreur politique ; administrer le rêve par l’Etat, pour les conservateurs, c’est un péché.

À terme, Obama devra se soumettre ou se démettre. Il envisage de n’être pas réélu et il est certain qu’il ne changera pas les Etats-Unis : le capitalisme restera brutal, Wall Street immoral, la solidarité publique modeste mais la charité privée, essentielle pour panser les plaies du système.

Et du changement en politique étrangère, il n’est plus trop question : passé le temps de la rhétorique et des bons sentiments, la continuité l’emporte. L’Empire américain est d’autant plus immuable que l’Armée le gère. Il suffit que le Général David Petreaus, stratège de la guerre en Irak et en Afghanistan, fixe objectifs et méthodes : la Maison Blanche s’y rallie. Ce n’est pas neuf : au fil de l’histoire américaine, le Président suit l’Armée plus que le contraire, tandis que la peuple américain soutient l’Armée plus que le Président. L’Amérique d’Obama est restée aussi martiale que celle de George W. Bush : les Américains sont rarement pacifistes et la plupart estiment que la guerre reste une juste manière de gérer les conflits internationaux. Et la prison de Guantanamo n’est toujours pas fermée.

L’élection d’Obama laissa croire, en Europe surtout, en une métamorphose des Etats-Unis. De fait, le rêve américain paraît plus accessible à tous, sans distinction des origines. Mais ce rêve lui-même – individualisme, piété, matérialisme, réussite, argent, les Etats-Unis comme terre promise – reste immuable. Pro et anti-Américains, tels qu’il en existe partout dans le monde, devraient s’accorder sur ce constat minimum : les Américains se perçoivent comme différents et exceptionnels et Barack Obama n’est pas parvenu à les en dissuader.

2 Responses to Présidence Obama: Le Président rejoint Truman et Roosevelt au panthéon de l’Histoire (How long before Rushmore?)

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