Histoire: Retour sur la légende Guy Môquet (Only the French have thirteen-year-old heroes)

Image result for Pacte-germano-PCFNous ne ferons rien pour vous mais rien contre vous… (Extrait de l’argumentaire destiné aux autorités d’occupation saisi par la police française sur une militante communiste arrêtée à Paris le 20 juin 1940)

Après la légende Aubrac et malgré Le Chambon-sur-Lignon,… la légende Guy Môquet?

Pour ceux qui partagent la relative déception et l’embarras que cause la lecture de la lettre du jeune militant communiste que notre nouveau président souhaite faire lire à nos enfants au début de chaque année …

(nous avions d’ailleurs renoncé à la publier et avions préféré la photo de la rescapée du régime soviétique et auteure du « Chant des partisans », Anna Betoulinski, dite Marly)

Il faut lire cet intéressant commentaire d’un site de passionnés d’histoire Historia Nostra (merci arnodu).

En effet, tout émouvante qu’elle soit (jusqu’à l’empoignade sur Wikipedia!) et bien-intentionné le choix présidentiel, ladite lettre ne contient guère que l’adieu d’un fils à sa mère et ne mentionne ni la Résistance ni même la France.

Et, comme le rappelle le site en question, le jeune militant ne fut non seulement pas arrêté (par la police française en octobre 40) pour fait de résistance mais pour la distribution de tracts communistes qui, il y a bien des chances, appelaient, non à la résistance à l’ennemi allemand mais, Pacte germano-soviétique oblige (soit près de deux durant – jusqu’en juin 41 – l’approvisionnement soviétique de la machine de guerre nazie), au… défaitisme révolutionnaire, autrement dit au sabotage de l’effort de guerre!

Quant à sa mise à mort un an plus tard, elle s’inscrit dans la série d’exécutions d’otages (814 en quelques mois) qui ont suivi l’attentat du 21 août 1941 (post-pacte germano-soviétique donc) où le militant communiste Pierre Georges (futur « colonel Fabien ») abat au hasard un militaire allemand dans le métro parisien.

Pour autant faut-il crier à la supercherie?

Certes, Guy Môquet est effectivement loin de la légende dorée de la Résistance, mais on pourrait largement en dire autant d’une autre victime de cette même féroce répression, le « premier martyr de la France libre » Honoré d’Estienne d’Orves (qu’Aragon inclura d’ailleurs avec Môquet, Péri et Dru à la liste des quatre dédicataires de son fameux poème “La Rose et le réséda”) ou même… Lucie Aubrac.

Mais surtout, il faut raison garder et rappeler que le jeune Môquet n’avait que 16 ans lors de son arrestation, ce qui en fait au minimum un martyr de la barbarie nazie et donc, sinon un modèle de l’action résistante, du moins un symbole d’une France martyrisée …

Quant à y voir le jeune Joseph Bara (mort à 12 ans lors de la guerre de Vendée) de la propagande de Robespierre immortalisé par David et Chénier (« Le Chant du départ »: « De Barra, de Viala le sort nous fait envie Ils sont morts, mais ils ont vaincu ») …?

Guy Môquet: nouveau mythe historique
Alix Ducret
Historia Nostra

22-05-2007

Il y a peu, Monsieur Sarkozy, président nouvellement élu, a décidé qu’à chaque rentrée scolaire serait lue aux élèves de collège la dernière lettre de Guy Môquet, un jeune homme de 17 ans, fusillé en 1941. Le but avoué de cette initiative : faire prendre conscience aux jeunes collégiens français de ce qu’est l’amour de la France ; un amour qui peut et qui a souvent conduit au sacrifice. L’intention est louable… Sauf que ce fameux texte n’est rien de plus qu’une lettre d’adieu d’un fils à ses parents ; sauf que pas une fois, le jeune homme ne mentionne même la France ; sauf qu’il n’y a là aucun appel à la Résistance… Et pour cause ! Guy Môquet, arrêté en octobre 1940, ne l’a pas été pour son activisme contre les Allemands ; il ne l’a pas été pour un quelconque acte résistance -à moins que l’on considère le fait d’avoir été fusillé comme tel ! C’est pour avoir collé des affiches communistes que ce jeune militant a été arrêté ; et c’est parce qu’un officier allemand avait été assassiné qu’il a ensuite été fusillé. C’est bien triste mais ce fut le lot de nombre de Français… Quant à l’opportunité de porter au panthéon de l’histoire un militant communiste…

Lorsque ce fils de député communiste est arrêté, en octobre 1940, l’Allemagne hitlérienne et l’URSS sont alliées, complices même. Car si la signature du Pacte germano-soviétique (en août 1939) assure la paix à Hitler sur ses frontières de l’Est, lui laissant tout loisir d’envahir l’Ouest de l’Europe, le Protocole additionnel qui l’accompagne –il ne sera dévoilé qu’en 1945 après l’étude des archives de la Wilhelmstrasse- prévoit un véritable partage de l’Europe orientale. La Pologne et les Etats baltes en feront d’ailleurs les frais les premiers…

Une voix officielle  » douteuse « 

Côté politique, la franche collusion entre les deux dictateurs allait déboucher, dès septembre 1939, par l’interdiction et la dissolution du Parti communiste français. Une dissolution avant tout officielle d’ailleurs, un Parti clandestin se constituant aussitôt. Ce faisant, le gouvernement Daladier ne faisait que répondre à la demande de l’opinion publique, presque unanimement dressée contre les nouveaux « camarades » d’Hitler. Etait-ce justifié ? Peut-on réellement croire qu’un accord, signé par le dirigeant de l’URSS, pouvait engager les communistes français ailleurs que dans la défense de leur patrie ? Il faut croire que oui, notamment à la lecture de l’Humanité –un journal qui, étonnement, reparaîtra officiellement entre 1940 et 1941, soit durant les premiers mois de l’Occupation allemande- ou à celle de nombreux tracts. Ces derniers, certes, sont des appels à la résistance, mais contre le gouvernement français, contre leurs complices « de la City et les 200 familles », bref, contre les capitalistes… Allant même plus loin, certains de ces tracts incitent clairement au sabotage. Ils durent avoir quelque écho, si l’on en croit les rapports publiés après-guerre (sabotage dans les usines de munitions, sur les véhicules militaires, retards de fabrication et de livraison…) Une véritable résistance passive… contre le gouvernement français ! Et l’offensive allemande contre la France, à partir de mai 1940, ne changera rien à l’affaire : le soi-disant appel, revendiqué par le PC après la guerre, est un mythe dénoncé par les historiens depuis longtemps !

A l’heure du choix

On comprend donc la décision de Daladier concernant le Parti. Qui peut dire, par contre, la part de chaque militant communiste ? De la même façon que certains vont suivre aveuglément les directives du Parti, d’autres vont s’engager, dès le début, dans un effort de défense puis de résistance nationale. Mais qui peut dire que ce fut le cas de Guy Môquet ? Personne, certainement, pour la bonne et simple raison que toutes les actions du jeune homme ne concernent que le Parti communiste, la lutte contre le capitalisme et la défense du prolétariat. Nulle mention de patriotisme, de résistance, de défense nationale…
Au final, il est certain que son étiquette de communiste allait la desservir : lorsque Guy Môquet et ses camarades sont exécutés, en octobre 1941, cela fait juste six mois qu’Hitler a lancé l’opération Barbarossa contre l’URSS. Une agression qui devait évidemment mettre fin à l’idylle germano-soviétique et classer les communistes au même rang que les autres opposants à l’Allemagne.
La France a ses martyrs ; l’histoire, parfois, a su en faire des héros. Mais les politiques n’ont jamais su créer autre chose que des mythes historiques et l’élévation du jeune Guy Môquet au rang de héros national est du nombre, au point qu’on ne saurait voir en lui qu’un nouveau Joseph Bara…

Voir aussi:

La lettre de Guy Môquet à ses parents

La dernière lettre du jeune résistant (?) communiste Guy Môquet, fusillé par les soldats allemands le 22 octobre 1941

«Ma petite maman chérie, mon tout petit frère adoré, mon petit papa aimé, Je vais mourir ! Ce que je vous demande, toi, en particulier ma petite maman, c’est d’être courageuse. Je le suis et je veux l’être autant que ceux qui sont passés avant moi. Certes, j’aurais voulu vivre. Mais ce que je souhaite de tout mon coeur, c’est que ma mort serve à quelque chose. Je n’ai pas eu le temps d’embrasser Jean. J’ai embrassé mes deux frères Roger et Rino (NDLR – ses « frères » de combat). Quant au véritable, je ne peux le faire hélas ! J’espère que toutes mes affaires te seront renvoyées, elles pourront servir à Serge, qui, je l’escompte, sera fier de les porter un jour. À toi, petit papa, si je t’ai fait, ainsi qu’à ma petite maman, bien des peines, je te salue une dernière fois. Sache que j’ai fait de mon mieux pour suivre la voie que tu m’as tracée. Un dernier adieu à tous mes amis, à mon frère que j’aime beaucoup. Qu’il étudie bien pour être plus tard un homme. Dix-sept ans et demi, ma vie a été courte, je n’ai aucun regret, si ce n’est de vous quitter tous. Je vais mourir avec Tintin, Michels. Maman, ce que je te demande, ce que je veux que tu me promettes, c’est d’être courageuse et de surmonter ta peine. Je ne peux pas en mettre davantage. Je vous quitte tous, toutes, toi maman, Serge, papa, je vous embrasse de tout mon coeur d’enfant. Courage ! Votre Guy qui vous aime. »

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