Internet: Mais que va-t-il rester de nos amours ? (Love hurts: It’s Hollywod, capitalism and internet, stupid !)

https://i0.wp.com/www.hdwallpapers.in/walls/love_hurts-normal.jpgL’Éternel Dieu dit: Il n’est pas bon que l’homme soit seul; je lui ferai une aide semblable à lui. (…) C’est pourquoi l’homme quittera son père et sa mère, et s’attachera à sa femme, et ils deviendront une seule chair. Genèse 2: 18-24
Tu ne convoiteras point la maison de ton prochain; tu ne convoiteras point la femme de ton prochain, ni son serviteur, ni sa servante, ni son boeuf, ni son âne, ni aucune chose qui appartienne à ton prochain. Exode 20: 17
Si je parle les langues des hommes, et même celles des anges, mais que je n’ai pas l’amour, je suis un cuivre qui résonne ou une cymbale qui retentit.Si j’ai le don de prophétie, la compréhension de tous les mystères et toute la connaissance, si j’ai même toute la foi jusqu’à transporter des montagnes, mais que je n’ai pas l’amour, je ne suis rien. Et si je distribue tous mes biens aux pauvres, si même je livre mon corps aux flammes, mais que je n’ai pas l’amour, cela ne me sert à rien. L’amour est patient, il est plein de bonté; l’amour n’est pas envieux; l’amour ne se vante pas, il ne s’enfle pas d’orgueil,il ne fait rien de malhonnête, il ne cherche pas son intérêt, il ne s’irrite pas, il ne soupçonne pas le mal, il ne se réjouit pas de l’injustice, mais il se réjouit de la vérité; il pardonne tout, il croit tout, il espère tout, il supporte tout. L’amour ne meurt jamais. Les prophéties disparaîtront, les langues cesseront, la connaissance disparaîtra. En effet, nous connaissons partiellement et nous prophétisons partiellement,mais quand ce qui est parfait sera venu, ce qui est partiel disparaîtra. Lorsque j’étais enfant, je parlais comme un enfant, je pensais comme un enfant, je raisonnais comme un enfant; lorsque je suis devenu un homme, j’ai mis fin à ce qui était de l’enfant. Aujourd’hui nous voyons au moyen d’un miroir, de manière peu claire, mais alors nous verrons face à face; aujourd’hui je connais partiellement, mais alors je connaîtrai complètement, tout comme j’ai été connu.Maintenant donc ces trois choses restent: la foi, l’espérance, l’amour; mais la plus grande des trois, c’est l’amour. Paul
Femmes, soyez soumises à vos maris, comme au Seigneur (…) Maris, aimez vos femmes, comme Christ a aimé l’Église, et s’est livré lui-même pour elle. Paul (Ephésiens 5: 22-25)
 Il nous a aussi rendus capables d’être ministres d’une nouvelle alliance, non de la lettre, mais de l’esprit; car la lettre tue, mais l’esprit vivifie. Paul (2 Corinthiens 3: 6)
Ne croyez pas que je sois venu apporter la paix sur la terre; je ne suis pas venu apporter la paix, mais l’épée. Car je suis venu mettre la division (…) et l’homme aura pour ennemis les gens de sa maison. Jésus (Matthieu 10: 34-36)
Il faut dire trois bénédictions pour remercier la Fortune, d’abord que je sois né être humain et non animal,; ensuite que je sois né homme et non femme; troisièmement, que je sois né grec et non barbare. Thalès (IIe siècle avant JC)
On doit dire chaque jour trois bénédictions: béni Celui qui ne m’a pas fait païen , ni femme, ni esclave. Rabbi Yehuda (Talmud de Babylone, IIe siècle)
Il n’y a plus ni Juif ni Grec, il n’y a plus ni esclave ni libre, il n’y a plus ni homme ni femme; car tous vous êtes un en Jésus Christ. Paul (Galates 3: 28)
 Liés à nos frères par un but commun et qui se situe en dehors de nous, alors seulement nous respirons et l’expérience nous montre qu’aimer, ce n’est point nous regarder l’un l’autre mais regarder ensemble dans la même direction. Antoine de Saint-Exupéry (Terre des hommes, 1939)
Toutes les plaisantes fictions qui allégeaient l’autorité et assouplissaient l’obéissance, qui assuraient l’harmonie des différents aspects de la vie, et qui faisaient régner dans la vie politique, par une assimilation insensible, les mêmes sentiments qui embellissent et adoucissent la vie privée, toutes ces douces illusions vont se dissiper sous l’assaut irrésistible des lumières et de la raison. Tous les voiles de la décence vont être brutalement arrachés. Toutes les idées surajoutées par notre imagination morale, qui nous viennent du coeur mais que l’entendement ratifie parce qu’elles sont nécessaires pour voiler les défauts et la nudité de notre tremblante nature et pour l’élever à nos propres yeux à la dignité – toutes ces vieilles idées vont être mises au rebut comme on se défait d’une mode ridicule, absurde et désuète. Edmund Burke
Tout ce qui était solide et stable est ébranlé, tout ce qui était sacré est profané ; et les hommes sont forcés, enfin, d’envisager leurs conditions d’existence et leurs rapports réciproques avec des yeux dégrisés. Marx
Il nous arriverait, si nous savions mieux analyser nos amours, de voir que souvent les femmes ne nous plaisent qu’à cause du contrepoids d’hommes à qui nous avons à les disputer (…) ce contrepoids supprimé, le charme de la femme tombe. On en a un exemple dans l’homme qui, sentant s’affaiblir son goùt pour la femme qu’il aime, applique spontanément les règles qu’il a dégagées, et pour être sûr qu’il ne cesse pas d’aimer la femme, la met dans un milieu dangereux où il faut la protéger chaque jour. Proust
This cloverleaf madness just fills me with sadness. We glide on these streams just postponing our dreams. The love that’s inside us How come it divides us? It just ain’t like Cole Porter It’s just all too short order. Michael Franks
Il est clair que « Je peux toucher ton sein ? » ne peut tout simplement pas marcher comme préliminaire sexuel. Avec le gars sensible, je narrive pas à me décider: est-ce qu’il veut que je le repousse ? Ou débattre avec moi, dans un Starbucks, de l’état du monde ? Si j’ai envie d’entendre parler de sentiments, je peux appeler une copine. (…) Le respect, c’est important mais quand il s’agit de passer au lit, « égalitaire » ne veut pas toujours dire « érotique ». Catherine Townsend
Dans notre époque dérégulée, individualiste, où l’on se voit de moins en moins dicter sa conduite par sa famille ou par son village, c’est l’intégralité de la vie qui est entrée dans le règne de l’hyperchoix. Dans le monde actuel, libéré d’un cadre institutionnel ou coutumier très contraignant, on a le sentiment de toujours pouvoir choisir et une impression d’illimité. Gilles Lipovetsky (philosophe, université de Grenoble)
Nike propose aujourd’hui une chaussure unique, au look déterminé par le futur acheteur. Les sites de rencontres se multiplient sur la bulle, internet, en proposant un choix de plus en plus précis de la personne que l’on souhaite avoir à ses côtés : intelligent, gentil, mais aussi des caractéristiques incroyablement millimétrées (les pieds sur terre, mais pas ennuyeux, entre 1,77 mètre et 1, 82 m….). On customize à tout-va, parce que l’on a un choix insensé. Le nombre de célibataires explose littéralement dans les grandes villes, on peut donc choisir ce que l’on veut, on a le choix…Mais le paradoxe du choix, est que dès que l’on manque d’options, on parvient très facilement à attribuer sa déconvenue ou sa frustration à la Société ou à la terre entière ! Par contre, si on est malheureux dans un contexte de choix multiple et d’abondance, on s’attribue la responsabilité de l’échec. Mais l’être humain n’apprécie que très peu l’échec, surtout quand il ne le partage avec personne. In fine s’installe une certaine perplexité face à ces choix multiples, qui nous encourage à ne plus nous engager véritablement, que ce soit en amour, en amitié ou même professionnellement. Pseekliss
A large array of options may diminish the attractiveness of what people actually choose, the reason being that thinking about the attractions of some of the unchosen options detracts from the pleasure derived from the chosen one. Barry Schwartz
Internet dating has made people more disposable. (…) Internet dating may be partly responsible for a rise in the divorce rates.(…) Low quality, unhappy and unsatisfying marriages are being destroyed as people drift to Internet dating sites. (…) The market is hugely more efficient … People expect to—and this will be increasingly the case over time—access people anywhere, anytime, based on complex search requests … Such a feeling of access affects our pursuit of love … the whole world (versus, say, the city we live in) will, increasingly, feel like the market for our partner(s). Our pickiness will probably increase. (…) Above all, Internet dating has helped people of all ages realize that there’s no need to settle for a mediocre relationship. Comments from dating sites managers
The future will see better relationships but more divorce. The older you get as a man, the more experienced you get. You know what to do with women, how to treat them and talk to them. Add to that the effect of online dating. I often wonder whether matching you up with great people is getting so efficient, and the process so enjoyable, that marriage will become obsolete. Dan Winchester
The positive aspects of online dating are clear: the Internet makes it easier for single people to meet other single people with whom they might be compatible, raising the bar for what they consider a good relationship. But what if online dating makes it too easy to meet someone new? What if it raises the bar for a good relationship too high? What if the prospect of finding an ever-more-compatible mate with the click of a mouse means a future of relationship instability, in which we keep chasing the elusive rabbit around the dating track? Of course, no one knows exactly how many partnerships are undermined by the allure of the Internet dating pool. But most of the online-dating-company executives I interviewed while writing my new book, Love in the Time of Algorithms, agreed with what research appears to suggest: the rise of online dating will mean an overall decrease in commitment. (… ) At the selection stage, researchers have seen that as the range of options grows larger, mate-seekers are liable to become “cognitively overwhelmed,” and deal with the overload by adopting lazy comparison strategies and examining fewer cues. As a result, they are more likely to make careless decisions than they would be if they had fewer options, and this potentially leads to less compatible matches. Moreover, the mere fact of having chosen someone from such a large set of options can lead to doubts about whether the choice was the “right” one. No studies in the romantic sphere have looked at precisely how the range of choices affects overall satisfaction. But research elsewhere has found that people are less satisfied when choosing from a larger group: in one study, for example, subjects who selected a chocolate from an array of six options believed it tasted better than those who selected the same chocolate from an array of 30. On that other determinant of commitment, the quality of perceived alternatives, the Internet’s potential effect is clearer still. Online dating is, at its core, a litany of alternatives. And evidence shows that the perception that one has appealing alternatives to a current romantic partner is a strong predictor of low commitment to that partner. (…)  People seeking commitment—particularly women—have developed strategies to detect deception and guard against it. A woman might withhold sex so she can assess a man’s intentions. Theoretically, her withholding sends a message: I’m not just going to sleep with any guy that comes along. Theoretically, his willingness to wait sends a message back: I’m interested in more than sex. But the pace of technology is upending these rules and assumptions. Relationships that begin online, Jacob finds, move quickly. He chalks this up to a few things. First, familiarity is established during the messaging process, which also often involves a phone call. By the time two people meet face-to-face, they already have a level of intimacy. Second, if the woman is on a dating site, there’s a good chance she’s eager to connect. But for Jacob, the most crucial difference between online dating and meeting people in the “real” world is the sense of urgency. Occasionally, he has an acquaintance in common with a woman he meets online, but by and large she comes from a different social pool. “It’s not like we’re just going to run into each other again,” he says. “So you can’t afford to be too casual. It’s either ‘Let’s explore this’ or ‘See you later.’ ” Social scientists say that all sexual strategies carry costs, whether risk to reputation (promiscuity) or foreclosed alternatives (commitment). As online dating becomes increasingly pervasive, the old costs of a short-term mating strategy will give way to new ones. Jacob, for instance, notices he’s seeing his friends less often. Their wives get tired of befriending his latest girlfriend only to see her go when he moves on to someone else. Also, Jacob has noticed that, over time, he feels less excitement before each new date. “Is that about getting older,” he muses, “or about dating online?” How much of the enchantment associated with romantic love has to do with scarcity (this person is exclusively for me), and how will that enchantment hold up in a marketplace of abundance (this person could be exclusively for me, but so could the other two people I’m meeting this week)? Dan Slater
Love hurts. (…) The blame lies with Hollywood, capitalism and the internet, all of which have caused mayhem in our love lives and taught us to behave like consumers when it comes to affairs of the heart. We treat looking for love as we would approach a buffet table, says sociologist Eva Illouz, in a new book being hailed as an « emotional atlas » for the 21st century. Our relationship with relationships is now so chaotic that it touches every part of our psyche. Heartache is no longer contained in the heart and a growing army of psychologists and sociologists warn that love is in a perilous state. Modern marriage has been called « toxic », the changing roles between the genders are blamed for an upswing in divorce and an increasing focus on appearance is destroying the notion of a soulmate in favour of a sex mate. But, according to Illouz, the reason is not the rise of feminism or dysfunctional childhoods, but instead down to us having too much choice – and too many commitment-phobic men. (…) She says our consumerist, capitalist culture has changed the face of our relationships beyond all recognition. The increasing choice from internet dating has encouraged people to act as « shoppers » – demanding, comparing alternatives, constantly trying to get a better deal and killing off the gut instinct and chance that has always helped humans to find a mate. Men have become commitment-phobes because the rise of capitalism has encouraged them to be autonomous and self-centred. « Feminism has been so often blamed for the current disarray of romantic and sexual relationships, » said Illouz, « that we have neglected to focus on the more immediate cause, capitalism. It has had a deep impact on the family: women defer childbearing because they prefer to develop careers provided by capitalist organisations. When they become mothers, most women keep working because work has become a part of self-fulfilment and because household expenditures now demand dual income. « For men, marriage has become more optional. They don’t need it. The romantic relationship has become more central to both men and women than ever and it’s a great source of social worth, of validation. But men use sexual prowess, how many partners they have, to get a sense of worth, and women will want to be loved. So in that respect women are more dependent on men and want exclusivity while men want quantity. » (…) « Men and women are definitely needing each other less as their roles converge, » said Glenn Wilson, a fellow of the British Psychology Association and visiting professor at Gresham College, London. « I think the main change over the years is the Hollywood-driven belief that love and marriage should be contiguous – go together like horse and carriage. Because passion is short-lived, this results in our pattern of serial monogamy – repeated divorce and remarriage, leaving a trail of destruction. « The other big change is that converging sex roles make marriage increasingly irrelevant. Who needs a partner if they don’t bring complementary skill or responsibility to the union? » (…) « By and large men and women are legally and intellectually equals. People think emotional difficulties between them are a remnant of the past but actually it’s new – a change in the process of courtship. « We have all these choices and think it’s a type of freedom, but it’s not. A complex menu of options is not necessarily freedom. « Pre-modern people made a decision to marry based on a sense of social duty and convention. Modern people tend to do it out of a desire to realise our inner self, to be validated. Pre-modern people felt bound by a simple declaration of love; modern people prefer to keep their options always open, even after getting married. » The Observer
The couple is an island, but an island supplied with an ongoing service of ferries to other possible islands. Eva Illouz
Couples seem to have become an unnecessary institution, one that disturbs individual development and forces the individual to face and cope with his-her contradictions. Couples create confusion, conflict, loneliness and pain. The sheer numbers speak against couples, as more and more people choose to live alone. But I want to suggest that the notion is still important to defend, because couples represent a social form whose value resides precisely in the fact that it is contrary to the reigning ethos of our times. How so? Monogamous couplehood − if we are to stick to the conventional definition − is perhaps the last social unit that functions according to principles that oppose those of capitalist culture. A couple is de facto a proclamation against the culture of choice, against the culture of maximization of choice, against the culture that choices should be improved, and against the idea of the self as a permanent site for excitement, enjoyment and self-realization. Couples, in a way, function on an economy of scarcity. They require virtues and character for which modern culture no longer trains us: They require the capacity to singularize another, to suspend calculation, to tolerate boredom, to stop self-development, to live with ‏(frequently‏) mediocre sexuality, to prefer commitment to contractual insecurity. Couples, then, with all their conventionality, seem increasingly to stand for values that have become the true radical alternatives to the market. We may wonder if, by a long detour of history, couplehood and love have not again become the radical alternative to the dominant ethos of their time − not as a transgression but as an affirmation of that heavy and arduous sturdiness that binds us to others and to our own old and outdated selves. Eva Illouz
Être en couple] exige la capacité de singulariser l’autre, de suspendre le calcul, de tolérer l’ennui, de mettre fin à l’auto-développement, de vivre avec une sexualité médiocre, de préférer l’engagement à l’insécurité contractuelle. Eva Illouz

Après la littérature et la psychologie, il fallait bien que la sociologie s’en mêle …

A l’heure où, via les réseaux sociaux ou les sites de rencontre, l’Internet permet non seulement de rester en contact avec ceux que l’on aime mais de démultiplier comme jamais les possibilités de rencontre …

Le très intéressant livre d’Eva Illouz, tout récemment traduit en français, nous fait la sociologie de l’expérience amoureuse …

Mais surtout, contre la psychologisation-psychanalysation du dernier siècle et avec un parti pris explicitement féministe appuyé sur les travaux de Bourdieu, analyse à la Polanyi sa « grande transformation »

A savoir, pour faire vite à l’instar et sous la pression de l’économie, sa transformation et sa rationalisation en un marché libre et dérégulé …

Où, avec la baisse des interdictions normatives (la « révolution sexuelle »), sociales (l’affaiblissement de l’endogamie de classe et d’ethnie) et technologiques (l’Internet), les possiblités de choix sont non seulement multipliées …

Mais où, de par leur position privilégiée tant par l’économie que la biologie et malgré les indéniables gains en liberté et égalité pour tous, les hommes les plus dotés maintiennent néanmoins leur domination sur les femmes …

Et ce principalement sous la forme d’un refus de l’engagement qui, contrairement à ce que prétendent tant la psychologie que la biologie notamment évolutionniste, n’aurait alors rien de naturel …

D’où, pour tenter de maintenir les anciens idéaux de l’amour comme expérience unique et don de soi et de faire face aux inévitables désillusions liées à la perte de sens et de satisfaction, la délégitimation des médiations anciennes, littéraires comme politiques …

Mais aussi, ajouterions-nous quand on voit par exemple l’aberration du « mariage pour tous », des prétendues solutions que nous proposent aujourd’hui nos maitres et maitresses à penser …

Les infortunes de l’amour

Manuela Salcedo

Idées.fr

22 juillet 2013

Faisant la sociologie de l’expérience amoureuse, Eva Illouz analyse sa grande transformation : si le marché conjugal et sexuel valorise aujourd’hui le choix et la liberté, il fragilise également la conjugalité hétérosexuelle et génère des souffrances spécifiques, en particulier pour les femmes.

Recensé : Eva Illouz, Pourquoi l’amour fait mal. L’expérience amoureuse dans la modernité, Paris, Seuil, 2012. 400 p., 24 €.

« La souffrance amoureuse dont font l’expérience [Catherine Ernshaw et Emma Bovary] a changé de teneur, de couleur, de texture ». Pour Eva Illouz, l’amour de Catherine Earnshaw pour Heathcliff, le désespoir d’Emma Bovary quand elle reçoit la lettre de Rodolphe Boulanger rompant la promesse de leur fuite après leur longue histoire d’amour clandestin, illustrent l’évocation littéraire de la douleur amoureuse. Pourtant, elles ne correspondent plus à nos amours modernes.

Qu’est-ce qui a changé ? Il ne s’agit pas de dire que le malheur amoureux est inédit, mais que les manières de choisir notre partenaire et les manières de vivre l’expérience du désamour ne sont plus les mêmes. Cela est dû à trois raisons principales. La première et la plus générale est le peu d’ « interdictions normatives ». Dans la modernité (tardive), telle que la définit l’auteur —la période après la Première Guerre mondiale —, les normes peuvent être transgressées avec moins de difficulté qu’au temps d’Emily Brontë ou de Jane Austen. De même, les obstacles économiques que rencontrent les couples hétérogames ont été pour une part levés : même si les rapports de classe contraignent l’idéal amoureux, l’amour peut l’emporter. Celui-ci mélange et intègre les stratégies émotionnelles et économiques.

La deuxième raison est liée à l’existence d’un arsenal d’experts dont le métier est de nous porter secours dans une situation de désamour : conseillers psychologiques, spécialistes de la thérapie du couple, avocats spécialisés dans le divorce, experts en médiation, etc. Sans oublier l’imposante littérature du self-help. Et en effet, le chagrin d’amour amène souvent des hommes et des femmes à s’intéresser à cette littérature qui propose à la fois de comprendre la douleur et de la surmonter.

Enfin, la troisième et dernière raison de cette évolution sociale de l’amour est qu’aujourd’hui les victimes du sentiment de désamour, au lieu de rester silencieuses, partagent bien plus qu’auparavant leurs problèmes avec des amis, et plus récemment sur les forums sur internet.

L’amour comme marchandise

Partant de ces changements, Eva Illouz propose une sociologie du désamour, et décortique cette nouvelle organisation sociale de la souffrance. Elle s’attaque ainsi à ceux qui prétendent que ces expériences de souffrance amoureuse sont le résultat d’une psyché fragile et immature, voire défectueuse : nous avons tous souffert d’amour, personne n’est épargné !

Peut-on alors identifier les acteurs du désamour ? La psychologie clinique et la culture freudienne, auxquelles beaucoup sont fidèles, défendent l’idée selon laquelle c’est l’individu et lui seul qui est responsable de sa vie amoureuse et érotique, et que la famille est à la source de leur configuration. Autrement dit, le partenaire choisi est le reflet direct des expériences d’enfance, de sorte que la psyché devient responsable des malheurs amoureux dès lors inévitables. Eva Illouz essaie à l’inverse de démontrer que les chagrins sont le produit des institutions, ou de la structuration de la vie affective par les institutions.

Elle propose alors une lecture féministe de l’amour, qui l’appréhende comme une marchandise : « l’amour est produit par les rapports sociaux concrets, […] l’amour circule sur un marché fait d’acteurs en situation de concurrence, et inégaux, […où] certaines personnes disposent d’une plus grande capacité de définir les conditions dans lesquelles elles sont aimées que d’autres » (p. 30). La sociologie, selon elle, a négligé l’amour et divers types de souffrances qu’il génère, laissant à la psychologie clinique les émotions. Alors que la famine et la pauvreté ont été analysées par les anthropologues comme des souffrances sociales [1], d’autres types de souffrances, comme l’angoisse et la dépression, ont été délaissées malgré leur caractère ordinaire.

La lecture du « changement du moi romantique moderne » qu’entreprend ce livre comprend trois grandes parties : l’analyse des modalités de structuration des désirs amoureux (le choix amoureux, chapitres I et II), celle des manières par lesquelles on demande de la reconnaissance amoureuse (chapitre III) et enfin celle des modes d’activation du désir amoureux (chapitres IV et V). Les matériaux sont très variés. Outre la littérature scientifique (psychologues, philosophes, sociologues), aussi bien qu’une vaste littérature du xviiie et xixe siècles principalement, elle mobilise des e-books, des tribunes des journaux anglo-saxonnes (New York Times et The Independent) consacrés à l’amour ou à la sexualité, mais aussi des films, des séries de télévision, des forums d’entraide, des manuels de self-help, et des entretiens approfondis réalisés auprès de personnes hétérosexuelles de classe moyenne dont la plupart habitent aux États-Unis. On y décèle deux partis-pris : privilégier le point de vue des femmes, particulièrement celles des classes moyennes optant pour une vie familiale, et celui de l’amour hétérosexuel qui illustre le mieux selon elle le déni des bases économiques du choix amoureux parce qu’il mélange les logiques émotionnelles et économiques (pour une lecture féministe de cette question, voir notamment les travaux de Viviana Zelizer, Arlie R. Hochschild et Paola Tabet). Les femmes hétérosexuelles, et notamment celles qui veulent des enfants, sont ainsi au centre de l’analyse, et finalement les interlocutrices privilégiées de l’auteure.

Suis-je aimée ?

Dans les premier et deuxième chapitres, Illouz définit ce qu’elle appelle « la grande transformation de l’amour », à savoir les conditions (l’environnement social et les processus — émotionnels ou pas — d’évaluation du partenaire) dans lesquelles se fait le choix amoureux, conditions qui sont la « marque de fabrique » de l’amour contemporain.

Quelques facteurs définissent ce choix amoureux moderne : la sélection du partenaire se fait dans le cadre d’un marché très compétitif où le désir est façonné par le statut social. L’homme le plus « sexy » serait aussi celui qui est le plus riche et puissant. Le « sex appeal » devient un caractère de sélection du partenaire qui contribue à la stratification sociale. À cela vient s’ajouter une compétition pour la première place dans le marché hétérosexuel : l’homme qui a le plus d’expérience sexuelle est le plus désiré. Enfin, l’entrée du désir dans le marché économique est également régulée par les lois de ce dernier, à savoir l’offre et de la demande, l’aversion du risque, la rareté et la surabondance.

Une des expressions de cette grande transformation est la « phobie de l’engagement » des hommes (chapitre II). Dans ce marché hautement compétitif, hommes et femmes peuvent choisir librement entre plusieurs partenaires. Mais ce sont les hommes qui expriment le plus une difficulté de s’engager, principalement liée à la multiplicité des choix potentiels.

Si la « phobie de l’engagement » est particulièrement masculine, la demande de reconnaissance (chapitre III) vient plutôt, selon Eva Illouz, de la part des femmes. Au xixe siècle, la question de l’engagement ne se posait pas de la même manière qu’aujourd’hui. Dans la modernité, l’engagement constitue l’accomplissement de la relation, c’est ce qui va faire la différence entre des relations « sérieuses » (mariage, pacte civil, etc.) et des relations « légères » : sortir, s’amuser, même si cela peut durer quelques mois voire des années. Au XIXe siècle, ni l’homme ni la femme ne cachaient leur envie de s’engager, alors que dans la modernité une démarche courante dans les relations amoureuses est de mettre à distance cet engagement. Les uns cachent cette envie par peur de se montrer vulnérables, par un besoin de garder une image de soi, ou par phobie de s’engager.

Eva Illouz voit dans cette asymétrie la violence symbolique de l’amour moderne : « les hommes maîtrisent les règles de la reconnaissance et de l’engagement ». La plupart des femmes interviewées ici expriment la peur et l’angoisse de dire à leur compagnon ce qu’elles ressentent, puisqu’elles ne veulent pas « faire pression ». Elles expriment également leur besoin de reconnaissance : « une femme ne s’éloignera pas d’un homme s’il lui dit qu’il l’aime, alors qu’un homme flippera, et pensera qu’elle veut la bague et la robe blanche » (p. 224).

La rationalisation de l’hétérosexualité

Pour Eva Illouz, cette transformation est un processus de rationalisation. Cependant, cette rationalité n’est pas opposée aux émotions, bien au contraire : elle « est une force culturelle institutionnalisée qui en est venue à restructurer la vie émotionnelle de l’intérieur […], elle a modifié les récits collectifs à travers lesquels les émotions sont comprises et négociées » (p. 254). Elle souligne la place du « freudisme populaire » dans cette évolution, à savoir les cadres interprétatifs de la psychologie et de la psychanalyse, mais aussi de la biologie, de la psychologie évolutionniste et des neurosciences. Ceux-ci ont en commun d’avoir tissé un fil entre la période de l’enfance et les expériences amoureuses adultes : par delà le changement des personnages, l’amour adulte ne serait qu’une autre facette de l’amour enfantin. En ce sens, l’amour doit être expliqué et contrôlé et surtout rester en cohérence avec le « bien-être », chacun maximisant ses intérêts.

Le dernier facteur contribuant à la rationalisation de l’amour hétérosexuel est le féminisme. Ce dernier envisage l’amour romantique comme une pratique culturelle qui produit des inégalités entre les sexes et les classes. Il invite les gens, principalement les femmes, à réviser les schémas qui régulent leur attirance sexuelle, à instaurer une symétrie dans leurs relations affectives, et finalement à introduire de nouveaux « principes d’équivalence ». Sans oublier toutefois l’impact des nouvelles technologies, principalement l’internet, qui agissent dans la sélection du partenaire selon une logique du marché [2].

Dans un article publié dans le quotidien israélien Haaretz, « Don’t be my Valentine : Are couples becoming a thing of the past ? », Eva Illouz s’interroge sur la structure du couple qui est actuellement « de facto, une proclamation contre la culture du choix, la culture de la maximisation du choix et contre l’idée du soi comme un lieu permanent d’excitation, d’auto réalisation et de jouissance. Les couples fonctionnent selon l’économie de la rareté ou du manque. [… Être en couple] exige la capacité de singulariser l’autre, de suspendre le calcul, de tolérer l’ennui, de mettre fin à l’auto-développement, de vivre avec une sexualité médiocre, de préférer l’engagement à l’insécurité contractuelle ».

Finalement, les couples décrits dans Pourquoi l’amour fait mal ne se reconnaissent pas dans l’image du couple monogame, tout comme d’autres types de couple dont Eva Illouz ne parle pas d’ailleurs : les jeunes, les queer, les couples de même sexe et les couples mixtes. Ces derniers seraient-ils influencés par le marché, destinés au désamour ? Seraient-ils régis par le principe d’équivalence et sauvés de l’ennui propre à une conjugalité monogame ? Dans tous les cas, ce livre raconte l’histoire de l’amour hétérosexuel et de la souffrance moderne, une conjugalité non moins violente ni moins asymétrique que l’amour romantique, en particulier pour les femmes.

Voir aussi:

Don’t be my Valentine: Are couples becoming a thing of the past?

Contemporary culture’s focus on individual satisfaction has made the traditional couple relationship much harder to achieve. With more and people opting to live on their own, is the very idea of couplehood passé?

Eva Illouz

Haaretz

Feb. 14, 2013

The Greeks had many myths to help them think about the nature and paradoxes of desire, and two are particularly striking. The first is the myth of Midas, King of Phrygia. Dionysus wants to reward Midas with a gift ‏(because the latter helped the satyr Silenus‏). He asks Midas what he wants, and Midas wishes that everything he touches will turn to gold. Dionysus grants his wish and, as recounted in Ovid’s “Metamorphoses,” when he sees a tree, he is overjoyed by the fact that a slight touch will turn it into gold. King Midas’ happiness at his newfound source of endless wealth is so great that he organizes a rich banquet. Appetizing food is laid out on a large table, but when he reaches for it to bring it to his mouth, it, too, turns to gold, becoming inedible. His daughter soon arrives. The King wishes to hug her, but she turns to lifeless gold. Starved and broken, he begs the god Dionysus to relieve him from his deepest desire.

This myth has been subject to some rather boring interpretations − the embarrassment of riches or the incapacity of money to make us happy. ‏(The English expression “the Midas touch” misunderstood the story altogether, turning it into a wondrous Wall Street kind of skill‏). But this is a story about the profoundly paradoxical nature of desire: A world that could respond mechanically to our desires would become monotonous and intolerable; such a world would not allow us to differentiate between the various dimensions of our lives, between that which is an object of ‏(and response to‏) our desires and that which is a response to functional necessity. What quickly makes Midas’ life intolerable is that his single desire colonizes and takes possession of all the spheres of his life.

The story offers a further striking insight: Fulfilled desire will leave us hungry. One could live in a gold palace, but it is the ordinary gestures of eating and hugging that turn out to be the only ones that matter, and these ordinary gestures become unattainable precisely because they evade the logic of desire. They are part of the reproduction of life, of its routine character, of what we take for granted, of what constitutes the organizational frame of our lives, not of our desires.

The myth thus signals an important warning to those who would wish to see their deepest desire realized. What we wish for, if truly realized, will make it impossible for us to feel nourished, because true nourishment does not consist in the fulfillment of desire. Eating, hugging our children − these are existential necessities.

The second myth is that of Tantalus, which seems to be the perfect counterpoint to Midas. Tantalus was not rewarded for a good deed, but punished for a dreadful one ‏(he cut up and cooked his own son and served him at a banquet‏). In the hierarchy of barbaric and hideous crimes, his would probably rank highest. But how was he punished? He was punished by being placed in a garden, under a tree, in which he tried incessantly to reach the fruit, which would always escape his reach. He was thirsty, and would try to drink the water of a nearby lake. But the water ran away from him. In this myth, we are led to presume that the punishment equals, in some way, the horror of the crime.

Interestingly enough, his punishment is the perfect opposite of that of Midas: The object of his desire escapes his grasp whenever he nears the goal of reaching it. Even more interesting, the nature of his ordeal derives from the difference created by the senses − between the fact that he sees the fruit (or the water) and the fact he tries to grasp it. And yet, despite their differences, despite the fact that one is rewarded and the other punished, both Midas and Tantalus are unable to taste the food they crave.

Taken together, these two myths suggest what is impossible about desire. First, whether satisfied or frustrated, desire is doomed to failure. The essence of desire is to attempt to grasp an object that is within our reach, and yet evades us. In fact, it does not matter whether desire is realized or not: both turn out to miss their target. Secondly, desire is a source of ceaseless suffering, not because its object is far away, but precisely because it seems so close, so within our reach, and yet simultaneously mysteriously out of our grasp. Juxtaposed, the two myths suggest that the opposite of the misery of craving an elusive object is not to have everything we grasp respond to our desire. Rather, what is most essential about our lives eludes altogether the logic of desire, which in fact turns out to be mechanical. Desire is thus, in a sense, genuinely aporetic, an insoluble contradiction. Unfulfilled, it makes us miserable; but fulfilled, it blocks access to what is essential but not determined by desire in our lives.

Although these myths are ancient, they might still describe a very modern situation: that of the couple.

***

Let us define a couple by what it is not. A couple is not two people madly in love with each other, because if these two people have an unlawful affair, they do not form that legitimate social unit we call a couple. A couple is not a married man and woman either, because heterosexual premodern families could be large units, comprising a man and a woman who live with others − children, servants, grandparents, kin. In such units the man and the woman are not a couple, but rather the heads of a social organization. ‏(Thus, a man and a woman can be married without being a couple, as when they stay together for the sake of the children‏.) A couple is not two people simply having sex, because if they do not project themselves into the future, they are just two individuals taking their pleasure where they find it.

A couple implies that two people − of the same or different sex − are on their own, so to speak. They are separated from society and yet recognized by it as a unit in which two people spend at least some of their time together. The word “couple” contains the following elements: Two people are deliberately and intentionally focused on each other. They are together “legitimately,” although their bond is not necessarily institutionalized by marriage. These two people think about the future together, but in a contractual way – that is, as long as it suits the interests of each. They are not blinded by mad passion, but aim for emotional intimacy, expressed in the capacity to share together the inner life, experiences and projects. These two people are connected by free will and not a sense of duty.

In this unit, sentiments are considered to be reflections of their freedom, which implies that their bond is freely chosen and that they are free to leave each other. In the unit called a “couple,” the other is the repository of trust, confidence, and well-being.

This social unit, then, presupposes a certain capacity to disconnect from the surrounding world, to be intensely focused on each other, to expect continuity, to engage in common projects, to have similar goals, yet without a binding and constraining life commitment. The couple is an island, but an island supplied with an ongoing service of ferries to other possible islands.

This seemingly simple unit, bound by free choice and sentiments, has become enormously difficult to achieve; it in fact has become one of the most perplexing social units, eliciting probably more books, novels, poetry, philosophical treatises, books of advice, psychological theories, psychological techniques and counseling than any other sociological unit or phenomenon. No single social organization is the object of such intense scrutiny as the couple, with an enormous number of institutions trying both to understand it and provide the guidelines to shape or improve it. Thus it raises the sociological question: What makes the couple into a project so difficult to achieve?

The response lies in a cultural paradox: In the process of becoming a problem, the couple also became a utopia – more exactly, an emotional utopia. Emotional utopias are modern cultural phenomena. They were promoted by the powerful discourse and practice of psychology, understood as an eclectic array of conceptions of the person, of the psyche, and of the story of this psyche ‏(e.g., the love story that binds the infant-child to his-her parents‏). An emotional utopia has two meanings: it promises happiness through the correct emotional-mental makeup; and it uses emotional techniques of self-transformation to reach that state.

The experience of love, matrimony and the couple were made into such a powerful emotional utopia. Individuals now felt they needed only to consult themselves and their emotions to know if they loved someone, if they had a chance to achieve happiness with him or her. Emotions became the inner compass of the self, the entity with which one would decide on one’s commitment, marriage and the quality of a shared life. “How one felt” became the motto of subjectivity. The challenge then became to find the person with whom one could achieve the emotional utopia of love. This emotional utopia included the possibility to see one’s wishes, desires and needs both discovered and realized with someone else.

Historically, the image of the couple-island was connected to the modern utopia of happiness. Happiness, conceived as a personal project of self-actualization, became conceived in emotional terms. It was no longer the eudaemonia of the Greeks, the well-being one experiences from the practice of tested and publicly recognized virtues. Rather, happiness became a project of precisely discovering the individualized, idiosyncratic and private needs and goals of autonomous individuals.

The emotional utopia of couplehood has been deployed in three different cultural and emotional sites: Sexuality has become the chief site for displaying and demonstrating the emotional bond linking two people. Sexuality has become a necessary element of romantic relations, the privileged place for the expression of intimacy, and even the site for and sign of a couple’s well-being.

The view that sexuality is a necessary condition of love is a modern phenomenon. Moreover, modernity made sexuality into the locus par excellence for the fulfillment of “mental health and maturity,” the sign of a good relationship with another, and the place to demonstrate one’s capacity to have a “good self” – defined as a hedonistic self, capable of giving and experiencing pleasure. Sexuality became a condition for the fulfillment of an emotional utopia, thanks to its connection to psychology, which would make it the sign of mature emotional and mental health.

The second site for the expression of emotions was located in leisure and the production of new and exciting experiences. Modern couples consume leisure experiences together; they go to the movies; go on vacation together; attend cultural, fashion and sports events, and so on. Leisure has been designed for and consumed by and through the channel of couples. This new pattern of interaction has had the emotional effect of making excitement into a necessary aspect of the romantic utopia, in which romantic feelings would be both produced and experienced through relaxation, excitement and novelty.

Emotional intimacy became a third ideal to achieve. Intimacy is often viewed as equivalent to couplehood, but the notion is in fact modern. It is defined as the ongoing expression and exchange of emotions, and it became the prime way to show and share subjectivity in the context of romantic relations. Couplehood became the excavation site for emotions: talking about emotions, expressing emotions, managing emotions, feeling emotions in unison: All of this has become a necessary aspect of the life of a couple, reinforced by the fact that psychological culture made emotional intimacy into the sign of a properly functioning couple.

However, anyone with eyes to see can understand that as described, couplehood has become enormously difficult. So much so that we may ask whether the modern couple is a failed project. The statistics on divorce are only the tip of the large iceberg of the struggles and emotional misery that make up the lives of modern couples. This misery takes many forms: daily conflicts over housecleaning and child care; sexual boredom or dissatisfaction; the temptation to have emotional and sexual relations with other people; resentment of the other’s independence or success; wanting to preserve one’s autonomy and independence, yet being in need of love and attachment.

Modern relations are plagued with emotional aporias, accompanied with unanswerable questions on “how to meet the needs of another”; “what to legitimately expect from another, without infringing on his/her freedom”; “how to achieve one’s will and negotiate with the will of another.” In short, couples have become a place for enacting and coping with the endless contradictions of modern personhood.

Let us reflect more carefully on what makes satisfactory couplehood so difficult to achieve.

Much of our culture is psychological, in that it calls on men and women to be deeply absorbed by their selves, by their needs, by their interiority. This inner reflection tends to make people keenly aware of their own self-interest, and has contributed to making relationships into utilitarian projects, justified not by moral duties or social conventions, but by the individualist pursuit of two persons seeking to maximize their pleasure. This focus on the self makes it difficult to engage in non-calculating behavior such as forgiveness and self-sacrifice, because it tends to encourage a fixation of the self on its own projects and goals, independently of that of another.

Moreover, the culture of needs and self-knowledge overlaps with equality as a new cultural definition of social bonds, especially between men and women. In turn, the norm of equality creates new tensions, as it implies that men and women calculate, measure and quantify what they give to each other, both in terms of their work in the household and in terms of their emotional exchange. While equality is inherent in the democratic polity, it has been more difficult to implement in the private sphere because it demands a constant tracking of the contributions of each partner.

The third difficulty encountered by couples derives from the problem of boredom, itself an outcome of the fact that excitement is now a new norm of relationships within a couple. Excitement implies a new supply of experiences and sentiments. Excitement has been institutionalized in the sphere of leisure, through the production of novel experiences. During the 20th century, excitement migrated from the realm of objects to the realm of persons, and, more exactly, from the realm of leisure to that of interpersonal interactions. If the beginning of consumer culture focused on the pleasure new objects provided, the later phase of that culture is one where the logic of consumption has spread to relationships, which mimic the properties of leisure consumption − that is, the relationships themselves are oriented to new and exciting objects. The culture of excitement is especially salient in the realm of sexuality, which must supply endless sources of novelty and stimulation.

In addition, psychological culture has made self-change and self-development imperatives. To live a good life today means to live a life in which the future self will evolve from the current one. This creates instability within couples: If change is intrinsically valued, then changing one’s personality, tastes and preferences becomes a value, thus undermining the stability that couples inherently require. This instability is accentuated by the culture of choice − in which a multiplicity of sexual partners considerably delays the formation of a couple and constitutes an ongoing threat to their stability as well. Indeed, to self-realize means to increasingly elaborate and refine one’s tastes, implying to change and to improve one’s partner. The abundance of sexual choice, coupled with the ideology of self-realization, encourages the desire to meet someone “more suitable.”

Finally, modern capitalist culture demands the cultivation of autonomy (one needs to learn independence and autonomy from one’s youngest age). The demand of autonomy in turn exerts and creates centripetal forces on a couple. Autonomy, allied to self-realization, encourages the marking of boundaries of self that prohibit fusion and make people turn away at signs of rejection or distance. In short, the imperative of autonomy conflicts with the reality of love as dependence, attachment, symbiosis and thus makes love conflict − rather than resonate with − autonomy as an important feature of personhood.

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In many respects, we have become Midases of erotic and emotional life, trying to turn every aspect of our lives as couples into the golden eternity of desire. Yet, freeing romantic emotions from institution and convention, and making them obey the logic of desire, has not made it easier to be fulfilled. We still miss the ordinary hug of a child. The permanent dissatisfaction of our emotional lives is increased by the fact that, like Tantalus, we are forced to contemplate the fruit we cannot taste − our eyes can see the emotional utopia of love, but we are never able to quite grasp it. The romantic utopia eludes us every time we seem to have it within our grasp.

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In the face of this, do we still need couples? Couples seem to have become an unnecessary institution, one that disturbs individual development and forces the individual to face and cope with his-her contradictions. Couples create confusion, conflict, loneliness and pain. The sheer numbers speak against couples, as more and more people choose to live alone. But I want to suggest that the notion is still important to defend, because couples represent a social form whose value resides precisely in the fact that it is contrary to the reigning ethos of our times.

How so? Monogamous couplehood − if we are to stick to the conventional definition − is perhaps the last social unit that functions according to principles that oppose those of capitalist culture. A couple is de facto a proclamation against the culture of choice, against the culture of maximization of choice, against the culture that choices should be improved, and against the idea of the self as a permanent site for excitement, enjoyment and self-realization. Couples, in a way, function on an economy of scarcity. They require virtues and character for which modern culture no longer trains us: They require the capacity to singularize another, to suspend calculation, to tolerate boredom, to stop self-development, to live with ‏(frequently‏) mediocre sexuality, to prefer commitment to contractual insecurity.

Couples, then, with all their conventionality, seem increasingly to stand for values that have become the true radical alternatives to the market. We may wonder if, by a long detour of history, couplehood and love have not again become the radical alternative to the dominant ethos of their time − not as a transgression but as an affirmation of that heavy and arduous sturdiness that binds us to others and to our own old and outdated selves.

Voir également:

Love hurts more than ever before (blame the internet and capitalism)

Consumer values are causing more and more broken hearts, warn experts in the run-up to St. Valentine’s Day

Tracy McVeigh

The Observer

12 February 2012

Love hurts. And if you are nursing a broken heart this Valentine’s Day, it won’t help at all to learn that modern love hurts more now than ever. Women may have fled to nunneries and men marched to war over it, poets pined away, playwrights gone to jail for it, and Meatloaf promised to do anything for it, but experts believe love has never caused such acute suffering as it does now.

The blame lies with Hollywood, capitalism and the internet, all of which have caused mayhem in our love lives and taught us to behave like consumers when it comes to affairs of the heart. We treat looking for love as we would approach a buffet table, says sociologist Eva Illouz, in a new book being hailed as an « emotional atlas » for the 21st century.

Our relationship with relationships is now so chaotic that it touches every part of our psyche. Heartache is no longer contained in the heart and a growing army of psychologists and sociologists warn that love is in a perilous state. Modern marriage has been called « toxic », the changing roles between the genders are blamed for an upswing in divorce and an increasing focus on appearance is destroying the notion of a soulmate in favour of a sex mate.

But, according to Illouz, the reason is not the rise of feminism or dysfunctional childhoods, but instead down to us having too much choice – and too many commitment-phobic men.

In Why Love Hurts, Illouz, a sociologist at the Hebrew University of Jerusalem, attempts to explain the specific modern form of « romantic misery and happiness ». She says our consumerist, capitalist culture has changed the face of our relationships beyond all recognition. The increasing choice from internet dating has encouraged people to act as « shoppers » – demanding, comparing alternatives, constantly trying to get a better deal and killing off the gut instinct and chance that has always helped humans to find a mate. Men have become commitment-phobes because the rise of capitalism has encouraged them to be autonomous and self-centred.

« Feminism has been so often blamed for the current disarray of romantic and sexual relationships, » said Illouz, « that we have neglected to focus on the more immediate cause, capitalism. It has had a deep impact on the family: women defer childbearing because they prefer to develop careers provided by capitalist organisations. When they become mothers, most women keep working because work has become a part of self-fulfilment and because household expenditures now demand dual income.

« For men, marriage has become more optional. They don’t need it. The romantic relationship has become more central to both men and women than ever and it’s a great source of social worth, of validation. But men use sexual prowess, how many partners they have, to get a sense of worth, and women will want to be loved. So in that respect women are more dependent on men and want exclusivity while men want quantity. »

The lack of harmony between the sexes is a growing concern.

« Men and women are definitely needing each other less as their roles converge, » said Glenn Wilson, a fellow of the British Psychology Association and visiting professor at Gresham College, London. « I think the main change over the years is the Hollywood-driven belief that love and marriage should be contiguous – go together like horse and carriage. Because passion is short-lived, this results in our pattern of serial monogamy – repeated divorce and remarriage, leaving a trail of destruction.

« The other big change is that converging sex roles make marriage increasingly irrelevant. Who needs a partner if they don’t bring complementary skill or responsibility to the union? »

Illouz says women who want children are in an even weaker position than in the past.

As any Jane Austen character could tell you, the people of the 19th century mostly married for economic and class reasons, says Illouz. Their relationships were ritualised to suit both genders, love and duty were intertwined and insecurity was not in the picture.

« Why does Elizabeth Bennet, the heroine of Pride and Prejudice, greet Darcy’s arrogant and dismissive comments about her appearance – ‘she is tolerable but not handsome enough to tempt me’ – with neither dejection nor with a sense of humiliation but rather with wit and spirit? Because his scorn doesn’t shape or affect her sense of self and value.

« There is no conflict between their passions and their sense of moral duty and behaviour. So by modern standards Jane Austen’s heroines are uncannily self-possessed and oddly detached from the need to be ‘validated’ or approved of by their suitors.

« Their sense of inner self is there and not changed by a man’s view of them. So while women of that time were legally and economically dependent on men, they were absolutely not reliant on them. » The modern situation is totally different, she says.

« By and large men and women are legally and intellectually equals. People think emotional difficulties between them are a remnant of the past but actually it’s new – a change in the process of courtship.

« We have all these choices and think it’s a type of freedom, but it’s not. A complex menu of options is not necessarily freedom.

« Pre-modern people made a decision to marry based on a sense of social duty and convention. Modern people tend to do it out of a desire to realise our inner self, to be validated. Pre-modern people felt bound by a simple declaration of love; modern people prefer to keep their options always open, even after getting married. »

Illouz said the situation was so dire that we ought to be thinking seriously about what might replace marriage as a method of raising children.

She is keen to stress that love is not over. « I wouldn’t want to give the impression we have moved from total structure to total chaos. It’s just that individuals now face a market of choices, a market of sex, and that can create great conflict and disconnect. »

HEART OF THE MATTER

« The chains of marriage are so heavy it takes two to bear them, sometimes three. »

Alexandre Dumas

« We are all born for love. It is the principle of existence and its only end. »

Benjamin Disraeli

« There is love of course. And then there is life, its enemy. »

French dramatist Jean Anouilh

« Culturally, emotionally, the whole ideas of romance is gone, gone, gone. »

Maureen Dowd, New York commentator

« But to see her was to love her, love but her, and love for ever. »

Robert Burns in Ae Fond Kiss, written to a women who left him to save her marriage

« Love is a fire. But whether it is going to warm your heart or burn down your house, you never can tell. »

Actress Joan Crawford

« The word love has by no means the same sense for both sexes. »

Simone de Beauvoir

« Happiness in marriage is a matter of chance. If the dispositions of the parties are ever so well known to each other or ever so similar beforehand, it does not advance their felicity in the least. »

Jane Austen

« Little by little, absence chilled the flame of love, the pangs of regret were dulled by habit. »

Gustave Flaubert, Madame Bovary

Voir encore:

Why Love Hurts: A Sociological Explanation

3 May 2012

Jean Duncombe ponders the interdependency of women’s self-worth and romantic relationships

Is this a good time for me to be reading how much love hurts? My husband, who loved me dearly, died almost three years ago. His love gave my life meaning. Not a very feminist statement, I know, and friends tell me I should learn to “love myself” and gain validation from myself. But I miss having love in my life. Eva Illouz’s new book, hailed as an “emotional atlas” for the 21st century, offers words of warning to those who, like me, still hanker after romantic love. Think carefully before you venture along that road. The organised marital relationships of Jane Austen’s day, and the model of love as pure emotionality that followed, are both long gone, she says. Instead, the search for love today, while it looks like free choice, “entails engagement with a complex affective and cognitive market apparatus to evaluate partners”. Yet despite this complexity, we (women) need to understand it more than ever because it is the way we constitute our self-worth.

For those of us with busy working lives, internet dating sites are frequently recommended as the best way to find love. Through words and photos we can reinvent ourselves, and behave like consumers rationally setting out lists of attributes like a buffet table (age, appearance, lifestyle). The subsequent “romantic encounter” is the result of the best possible choice, “perfect” or “good enough”. This modern way of finding a romantic partner may seem straightforward, but there are drawbacks. Rationality and regulation destroy the erotic, and the belief in endless choice inhibits rather than promotes commitment.

Conversations (what Illouz calls “thick talk”) with friends are a key part of the choice process. With friends we spend a great deal of time reflecting on relationships, agonising over mistakes and hoping new relationships will avoid past errors. Partner choices are frequently framed within well-trodden narrative formulas and visual cliches from Hollywood films, novels and women’s magazines. The media promote the view that we will know “the right man” when we see him: we will look across a crowded room and recognise our soulmate, we will “click”. Illouz says it is too simple to call these beliefs false consciousness. She cites Simon Blackburn that love is not blind. You see each other’s faults. But you forgive them and, through forgiveness, the self-esteem of the loved one increases. Through love we become who we imagine ourselves to be. Love validates us and gives us a sense of self-worth.

However, despite our continuing search for Mr Right, today there is an added problem in achieving romantic perfection. Integral to modernity is irony. Illouz cites David Halperin that true sexual passion requires the elimination of irony. This irony, uncertainty and sometimes cynicism about “real love” leads to another new dimension of the choice process, which Illouz calls “emotional interiority”. When seeking a relationship we engage constantly in self-scrutiny. What sort of person am I really? What sort of person do I really desire? When I am in a relationship, how do I really feel? How long will this love last? It is a modern belief, she argues, that such reflexive self-understanding will help us to better understand ourselves and our choices. But again, Illouz draws our attention to the drawbacks of introspection. Choices are harder. Modern introspection creates ambivalence, a sense of dissatisfaction about never fully knowing what our “true” feelings are.

Here Illouz condemns the ease with which today we seek psychological or psychoanalytical explanations about who we are, and about past romantic disasters. We all too easily locate failed love lives in private histories. We too quickly explain our pain (real or imagined) as a product of deficient childhoods, where perhaps we were neglected, abandoned or distanced. Our love preferences are questioned as re-enactments of early parent/child relationships. Alongside talking to friends and ourselves, there is a whole battery of “relationship experts” who offer to come to the rescue with our doubts about relationship formation and/or breakdown. There are psychological counsellors, couple therapists, mediation specialists. All of private life is now to be shared and talked about – more “thick talk” – and these therapies provide, she says, a formidable arsenal of techniques to make us “verbose but inescapable bearers of responsibility for our romantic miseries”.

Illouz comments with surprise that the cultural prominence of love today is associated with the decline in men’s power in families and the rise (she says) of more egalitarian/symmetrical gender relations. But the drawback of such equality, she suggests, is a decline in eroticism. She draws out the contradictions between our endless idealisation of love set alongside irony and ambivalence. There is acknowledgement that relationships, whether marriage, remarriage or cohabitation, frequently break down. Optimistic searches for a new romantic partner therefore carry within them an inbuilt expectation of disappointment.

It is too easy, Illouz suggests, to blame feminism for the “crisis in love”. Feminism in the 1970s and 1980s drew our attention to the ways that marriage benefits men more than women, that love obscures gender inequalities and that struggles for power lie at the core of love and sexuality. Yet while men have become commitment-phobic, self-centred and sex-seeking, and more women have careers, women still seek intimacy and exclusivity in heterosexual romantic relationships. But instead of identifying institutional causes for their romantic misery – namely an acknowledgement that love is shaped and produced by concrete social relations – they seek explanations in psychodynamic theories of masculinity, or neuroscience and evolutionary biologists’ explanations about hormones, brains and chemical processes. She rather drily cites the research finding that men are biologically programmed to stay in love for only two years. Men’s commitment-phobia, and in many cases their reluctance to have children, do not necessarily lead to relationship breakdown. Instead, mirroring many of the findings in our research on couples (Jean Duncombe and Dennis Marsden), Illouz finds that women “engage in performativity”, an ongoing and constant production of sentiments. They perform “detachment”, trying not to appear too needy. But it is self-knowing, and they acknowledge their lack of authenticity. Managing the relationship becomes a complex power game, with all performances carefully self-monitored.

Overall there is much to criticise in this book, including its focus on heterosexual middle-class women at the expense of ethnicity, working-class and gay and lesbian relationships, as well as men; its lack of clarity about “modernity”; and its somewhat ambitious claim to do to love what Marx did to commodities. I also have no doubt that there will still be a sizeable lobby in sociology who would prefer “love” and “romance” to be left to the psychologists, psychoanalysts and neuroscientists. Yet even if you disagree with its claims, this is a bold, thought-provoking book, and I laughed in recognition at some of Illouz’s descriptions of self-scrutiny. It is full of interesting questions. Why is self-worth, for so many women today, not achieved through our economic and social status? Why do women need love as affirmation of self-worth?

The book concludes by asking sociology why it is so good at studying social suffering, yet fails to take more account of how our consumerist capitalist culture causes so much suffering in love relationships today; why love is so easily dismissed as mere ideological underpinning to gender and family but yet not seen, as Illouz explains, as “shaped and produced by concrete social relations, circulating in a marketplace of unequal competing actors, and part of a set of social and cultural contradictions that structure our modern selves and identities”. Indeed, why does sociology not see that love is central to understanding modernity?

The Author

A professor of sociology at the Hebrew University in Jerusalem, Eva Illouz says she came to the subject aged 21 through an interest in love and its relationship to class, money, literacy and culture.

Her academic interests make her curious about everything, she notes, recalling being puzzled as a student about why going to restaurants with her boyfriend seemed so much more romantic than going to a fast-food place or eating at home: “that kitschy feeling and my question about the source of that kitsch made me write Consuming the Romantic Utopia: Love and the Cultural Contradictions of Capitalism (1997)”.

Born in Fez, Morocco, Illouz moved with her family to France when she was 10. Her most striking memory of Morocco is “the sense that one was clearly defined by one’s community yet that one moved easily to other communities”. Life there meant “straddling different languages, worlds, religions, without ever having a sense of confusion or of boundary-crossing”, which Illouz says is very different from her life in Israel.

Her favourite pastimes are reading a good book aloud to her sons at the dinner table, reading a good book alone in her bedroom and talking about a good book with friends, again at the dinner table.

Why Love Hurts: A Sociological Explanation

By Eva Illouz

Polity, 300pp, £20.00

ISBN 9780745661520

Published 11 May 2012

Reviewer:

Jean Duncombe is senior lecturer in the department of childhood and youth, University of Chichester. She is researching “hard to reach” families and their relationships with early-years settings. Her previous research and publications focused on emotion work in couple relationships (with Dennis Marsden), and ethics in qualitative research.

Voir enfin:

Eva Illouz : pourquoi nos émotions nous gouvernent

À l’occasion de la sortie de son nouveau livre, Pourquoi l’amour fait mal (Seuil), la sociologue Eva Illouz nous a accordé ce long entretien. Revenant sur les différents aspects de son travail, elle développe une analyse passionnante sur la manière dont la société agit sur nos émotions.

Le Livre

Pourquoi l’amour fait mal

Vous creusez depuis près de vingt ans un sillon original en sociologie, qui consiste à montrer la place centrale qu’occupent les émotions dans les sociétés modernes. Qu’est-ce qui vous a poussée vers cet axe de recherche inédit ?

De nombreux chercheurs vont chercher dans leur biographie les sujets qui les préoccupent. En ce qui me concerne, c’est sans doute lié au fait d’avoir vécu dans quatre ou cinq pays : au Maroc, en France, aux États-Unis, en Israël et de façon plus épisodique en Allemagne. Cela m’a appris que, si les cultures diffèrent, c’est d’abord dans leur style émotionnel : à quelles émotions pense-t-on, quelles émotions sont régulées, quel danger représentent-elles ? Le déclencheur précis fut probablement mon étonnement face à la grande méfiance qu’entretient la société américaine à l’égard de la colère, sentiment que j’associais jusque-là à la capacité de défendre la justice et la morale, comme le dit l’expression « sainte colère ». Or, aux yeux des Américains, ce sentiment est une atteinte à l’intégrité de l’autre, le signe d’une psyché mal formée et immature, voire dangereuse. Cette méfiance vis-à-vis de la colère prend ses sources dans le protestantisme, mais elle est aussi liée au développement du capitalisme : au début du XXe siècle, les psychologues furent invités par les managers à améliorer la discipline et la productivité dans les usines et à formuler les règles nécessaires à la mission nouvelle du management. C’est alors que cette profession en pleine ascension restructure les normes et le discours sur la colère, et bien d’autres sentiments. Menant des expériences dans les usines de la Western Electric Company au cours des années 1920, le psychanalyste Elton Mayo découvre que la productivité augmente quand les relations de travail tiennent compte des émotions des salariés. En suggérant que les résistances rencontrées dans l’entreprise sont le produit de sentiments complexes, de facteurs individuels et de conflits psychologiques non résolus, Mayo introduit l’imaginaire psychanalytique au cœur même du langage de l’efficacité économique. Et le vocabulaire des « relations humaines » s’empare du management. Les psychologues font de la maîtrise de soi une condition sine qua non de la santé mentale et du droit à contrôler les autres dans l’entreprise ; c’est ainsi que s’élabore petit à petit la notion de « compétence émotionnelle ».

Alors que chez Aristote, l’homme vertueux doit exercer sa colère, le problème étant de savoir choisir les circonstances appropriées, cette émotion devient inintelligible et illégitime – dans les relations professionnelles mais aussi et au sein du couple. C’est cette découverte qui m’a poussée à m’intéresser d’une manière plus générale au rôle que jouent les structures sociales et certains groupes professionnels comme les psychologues dans la formulation et la reformulation des normes émotionnelles.

Comment expliquez-vous cette disqualification de la colère ? Est-ce simplement l’expression de l’intérêt bien compris des psychologues et des entreprises, ou l’effet d’une évolution sociale plus globale ?

Rappelons d’abord que cela ne s’est pas inscrit dans un vide culturel : dans l’Occident chrétien, la colère fait partie des sept péchés capitaux. Et le protestantisme accorde depuis toujours une grande importance au contrôle de soi. Mais, historiquement, la colère n’était pas jugée négativement ; c’était plutôt une émotion socialement clivée. Les « grands », les puissants, avaient le droit et même le devoir de se mettre en colère, celle-ci étant canalisée et exprimée par des rituels dont le meilleur exemple est sans doute le duel. Cette forme de colère est non seulement légitimée, mais aussi stylisée, à travers des formes de masculinité qui la rendent héroïque et noble. Ce qui est réprouvé, en revanche, c’est la colère des « petits » vis-à-vis des grands ou des autres petits ; voilà ce que la société s’efforçait de gérer. Ce n’est donc pas la culture psychologique en soi, ou la modernité en soi, qui a inventé la méfiance vis-à-vis de la colère.

Mais, au début du XXe siècle, la société a de nouvelles raisons de vouloir la contrôler. D’abord, celle-ci est considérée comme un facteur d’inefficacité dans le travail, elle est contre-productive. La colère devient affaire de rentabilité. Et ce discours a été introduit par les psychologues (d’entreprise et autres) qui nous ont ainsi habitués à penser nos émotions non pas en termes d’obligations morales (vis-à-vis de nous-mêmes, des autres ou de Dieu), mais du point de vue de notre intérêt bien compris. Nous avons ainsi assisté à une sorte d’alliance entre le discours psychologique et le discours économique qui a voulu convaincre les hommes, depuis le XVIIIe siècle, que la meilleure façon d’agir dans la société était de poursuivre son intérêt bien compris. La colère devient un problème a gérer au sein de l’entreprise. Ce discours n’était pas séduisant seulement pour les dirigeants auxquels il promettait d’organiser des relations non conflictuelles sur le lieu de travail, mais aussi pour les salariés, en raison de son caractère démocratique : pour être un bon manager, il fallait avoir une personnalité capable de ne pas se mettre en colère contre les autres et de les comprendre ; le rang hiérarchique ne donne plus droit à la rage.

Cette transformation de la norme, cet impératif de contrôle de soi, est d’autant plus complexe qu’il n’est pas univoque, car la culture psychologique est également imprégnée de l’idée qu’il ne faut pas réprimer, contenir, dissimuler ses émotions. L’authenticité est devenue un impératif. Et nous vivons en permanence avec ces deux idées contradictoires, l’idée de régulation et l’idée d’authenticité.

Nos projets de vie sont devenus émotionnels

Comment l’individu moderne navigue-t-il entre les deux impératifs antinomiques de régulation et d’authenticité ?

Cette contradiction produite par les institutions de la modernité (les psychologues, l’entreprise qui a endossé ce discours, la famille nucléaire) est aussi gérée par ces institutions. Imaginons une personne qui se perçoit elle-même comme trop négative sur son lieu de travail, revêche, peu souriante et voit un(e) collègue beaucoup plus amène promu(e) au poste convoité ; dans de nombreux cas, cela va mener à un retour sur soi, avec le sentiment que sa personnalité ou le vécu de son enfance, par exemple, fait problème. Dans les sociétés modernes, l’individu est constamment amené à faire un travail d’évaluation de lui-même par rapport à une norme émotionnelle.

Nos émotions sont donc socialement déterminées, alors que nous les pensons « naturelles », voire instinctives ?

Bien sûr que nos émotions sont socialement fabriquées, ce qui ne veut pas dire qu’on ne les vit pas comme « naturelles ». Un Juif pratiquant qui mange kasher (parce qu’un livre de lois et sa famille lui ont enseigné les interdits alimentaires) éprouve un sentiment instinctif de dégoût face aux poissons de mer ou au porc. Mais que nos émotions soient socialement constituées ne veut pas dire qu’il n’y ait pas des parcours individuels très différents. C’est là que la sociologie rencontre la psychologie. Vous n’allez pas vous mettre en colère comme je vais me mettre en colère : ni les modes d’expression ni le temps de réaction ne seront les mêmes ; mais cela restera intelligible et donc socialement et culturellement structuré… Si je lance en même temps dix boules de billard sur une table, elles vont toutes suivre des trajectoires différentes, mais elles vont toutes être contenues dans le cadre de la table de billard. Evidemment, quand vous êtes boule de billard, vous ne voyez pas le cadre. Vous voyez votre propre mouvement, vous voyez le mouvement des autres boules, et parfois vous avez conscience de rouler plus vite ou moins vite, plus droit ou moins droit, que la boule d’à côté ; mais c’est tout. L’existence de trajectoires individuelles n’est pas pour autant antinomique avec l’existence du social, du cadre, au contraire. C’est ce qui les rend possible.

Mais en quoi les sociétés modernes sont-elles plus « émotionnelles » que les sociétés traditionnelles ? Après tout, une société humaine est sentimentale par nature…

En tout lieu et en tout temps, les êtres humains ont ressenti des émotions. Mais le rapport social aux sentiments, aujourd’hui, ne ressemble plus à rien de ce que nous avons connu jusqu’à présent. Tout d’abord, le sujet moderne travaille à objectiver ses émotions, en faire un objet de savoir et de contrôle ; ensuite, nos sociétés conçoivent la vie bonne comme une vie émotionnelle, équation qui n’allait pas du tout de soi jusqu’à présent. Non seulement l’introspection, la connaissance de soi, l’autorégulation émotionnelles sont partie intégrante de l’existence des individus modernes, mais ce sont les projets de vie qui sont devenus émotionnels. Réussir sa vie aujourd’hui, ce n’est pas tant avoir de l’argent et un certain niveau de confort – jusqu’à un certain point. C’est se réaliser, avoir une sexualité épanouie, de bonnes relations avec son conjoint et ses enfants, etc. Nous vivons en fonction de projets de vie émotionnels. Et c’est un véritable parcours d’obstacles, car cela contraint à se demander en permanence ce que nous sommes, ce que nous voulons, ce que nous ressentons, et si nous ressentons bien ce que nous devrions ressentir, puisque la vie émotionnelle est, parallèlement, devenue très normée : je devrais être plus heureux ; je devrais aimer davantage ma femme, être moins colérique, plus sûr de moi, etc.

Nous sommes donc assistés par une énorme industrie des émotions. J’y range à la fois la psychanalyse dans ses formes les plus élaborées, les guides de comportement en tout genre, les stages de « développement personnel », et les laboratoires pharmaceutiques, qui depuis deux ou trois décennies fabriquent de plus en plus de médicaments émotionnels (lire « À qui profitent les psychotropes », Books n°29, février 2012). Tout cela participe de cette industrie des émotions et de la personne qui occupe une place centrale dans nos sociétés. Un psychologue allemand déclarait même récemment que les personnes qui n’ont pas de page Facebook ont une très forte probabilité de souffrir de dysfonctionnement mental ! Tout au long du XXe siècle, sur le terrain de la psyché, on n’a ainsi cessé d’élargir le champ des pathologies : ressentir des émotions négatives comme la tristesse, la colère ou la dépression, ne pas avoir confiance en soi, tout cela est devenu synonyme de déséquilibre ou de dysfonctionnement mental. Avec en filigrane l’idée qu’il faut optimiser la personne humaine et ses émotions. Car c’est par rapport à un modèle d’une vie « pleinement réalisée » (que l’on serait bien en peine de caractériser) que sont définis les « comportements malsains ». C’est comme si l’on considérait comme malade, dans le domaine de la santé physique, toute personne n’utilisant pas la totalité de son potentiel musculaire. C’est totalement absurde. Et en plus, dans le discours psychologique, la définition du « potentiel musculaire » n’est pas claire et varie continuellement. Cette situation est parfaitement inédite.

La rationalisation des sentiments

Comment la réalité émotionnelle de nos sociétés s’articule-t-elle avec leur extrême rationalité ? Les deux phénomènes ne sont-ils pas contradictoires ?

Justement pas ! L’intensification de la vie émotionnelle s’est produite précisément en même temps que le processus de rationalisation de la conduite de la vie dont parle Max Weber, qui est de plus en « méthodique », systématique et contrôlée par l’intellect. La vie sentimentale a été restructurée de l’intérieur par cette rationalité qui se traduit par l’utilisation accrue de catégories abstraites, scientifiques, pour comprendre nos sentiments. Par exemple, on parle moins d’attirance amoureuse, avec ce que cela comportait de mystérieux, et davantage de phéromones. Désormais, les sentiments sont vus de plus en plus souvent comme un sous-produit des hormones ou réduits à réaction chimique (on parle volontiers d’ocytocine, de dopamine, etc.) Nous avons changé de langage et pensons nos émotions à travers des catégories abstraites : c’est mon complexe d’Œdipe, c’est ma libido… Les mots des experts sont utilisés par les individus ordinaires pour comprendre et gérer leur vie émotionnelle.

Autre élément emblématique de ce processus de rationalisation : les émotions ne sont pas tant vécues pour elles-mêmes que pour servir un but. Nous avons créé des techniques pour que nos sentiments épousent nos objectifs (être promu, ne tomber amoureuse que d’hommes qui m’aiment en retour, etc.) Et voilà encore une forme de rationalisation : les sentiments doivent être bien placés, rentables, c’est-à-dire apporter plus de plaisir que de souffrance. Un utilitarisme s’est insinué au cœur de la vie émotionnelle, qui a rendu inintelligible la souffrance, devenue symptôme d’une maladie que l’on doit déchiffrer et éradiquer. Le sacrifice de soi est inacceptable comme projet de vie, ou de formation d’une personne « saine » et « mûre ». Dans le passé, la douleur occupait une place centrale, par exemple, dans certaines cultures religieuses : s’identifier à la passion du Christ est essentiel à l’identité morale du chrétien. C’est pour cela que la souffrance amoureuse était parfaitement légitime et normale, jusqu’au XIXe siècle ; on valorisait cette expérience de dépassement de soi, signe d’une dévotion désintéressée ou d’une âme élevée.

Il existe pourtant aujourd’hui un véritable culte de la souffrance ; même les gens riches et célèbres se gargarisent de souffrir ou d’avoir souffert, comme en témoignent les autobiographies des célébrités. N’est-ce pas contradictoire avec le caractère illégitime de la souffrance dont vous parlez ?

C’est tout le paradoxe de la culture psychologique que de privilégier la douleur, alors qu’elle est d’abord censée la soulager, la comprendre, la dépasser, pour permettre de mieux vivre. Car pour alléger la souffrance, il faut en identifier la source : on crée donc des catégories, des classifications pour en parler, classifications que les individus vont ensuite utiliser pour comprendre leur existence. Prenons l’exemple de ce bestseller, Ces femmes qui aiment trop : une femme qui manifeste trop – que signifie ce trop ? Aucune idée ! – d’amour ou d’intérêt pour un homme, possède un moi névrosé, sans doute lié au développement d’une dépendance très forte, elle-même liée au fait qu’elle a éprouvé un sentiment d’abandon dans l’enfance, qu’on n’a pas pris suffisamment soin d’elle… On pourrait pourtant considérer qu’il s’agit d’une qualité charmante, que d’être capable de montrer son intérêt pour un homme ; de même qu’on pourrait trouver charmantes les femmes qui sont dépitées, inquiètes ou furieuses de ne pas recevoir l’appel qu’elles attendent de l’homme qu’elles aiment. Barthes parle merveilleusement, dans Fragments d’un discours amoureux, de cette anxiété du coup de fil qui ne vient pas… Eh bien aujourd’hui, si cette angoisse se reproduit souvent, elle est jugée pathologique : ce n’est pas normal d’être aussi anxieuse, ce n’est pas normal de désirer à ce point une relation…

La norme émotionnelle thérapeutique nous oblige donc à interpréter tout ce qui ne va pas comme le résultat d’un dysfonctionnement psychique, dont la source est à rechercher dans l’enfance. D’où la tentation de raconter son histoire pour mieux accoucher de soi-même. Les récits autobiographiques du XIXe siècle reprenaient la même structure : « de la misère à la richesse ». Les autobiographies contemporaines sont avant tout des récits de succès psychique, on part de la souffrance (y compris celle des personnes riches et célèbres) et on la surmonte par un travail sur soi.

Cette structure narrative fait de nous les victimes de notre enfance et de nos parents, tout en nous ordonnant de nous améliorer et de nous en sortir. Cela donne naissance à un modèle de responsabilité original : d’un côté, le moi n’est pas responsable de sa souffrance, il est l’objet de ses parents, pour dire les choses rapidement, et n’est donc pas source d’autonomie et de volonté. De l’autre côté, quand il s’agit de changer, ce moi possède tout à coup la capacité de se transformer. Le paradoxe de l’héritage freudien contemporain est que nous sommes particulièrement maîtres dans notre propre maison quand elle est en feu. Cette dualité est inhérente à la structure narrative psychologique. L’injonction de changer, au nom d’un idéal non défini de santé et de réalisation de soi, conduit à utiliser des classifications qui « pathologisent » ce que nous sommes. En d’autres termes, le discours thérapeutique a, par une étrange ironie, créé une grande partie de la souffrance qu’il est censé faire diminuer.

Vous êtes très critique à l’égard de la culture thérapeutique. Mais faut-il regretter une société dans laquelle la souffrance psychique était moins prise en compte ?

Pas du tout. Il ne s’agit pas pour moi de rejeter en bloc la pensée psychologique. Je considère des penseurs tels que Freud et Lacan comme des génies. Mais il me semble que les psychologues n’ont souvent pas conscience des structures culturelles qu’ils ont créées. Mon projet, à vrai dire, est d’instaurer un dialogue critique entre les psychologues et les sociologues. La souffrance psychique existe, bien sûr ; mais ce que j’observe aussi et surtout, c’est un vaste processus de privatisation de cette douleur. Prenons le cas d’une personne qui se fait renvoyer trois fois de son travail, qui a le sentiment de ne rien valoir et entreprend pour cette raison une thérapie. Il est fort probable que son médecin aura le sentiment que l’inconscient de cette personne n’est pas pour rien dans ses mésaventures professionnelles… C’est cette forme de pensée que je rejette foncièrement. Car depuis l’avènement du capitalisme postfordiste, le lieu de travail est extrêmement précarisé. Et bien des gens ne sont en aucune façon responsables du fait d’avoir été renvoyés, même trois fois. J’aimerais par mon travail ébranler cette sur-responsabilisation des individus, remettre en question l’idée qu’ils sont toujours les auteurs de leur propre souffrance. Bien sûr, il faut soulager la douleur psychique, mais cela passe peut-être par le fait d’en interroger davantage la source. Souffrir faute d’être suffisamment reconnu dans son entreprise ou – pour une femme – en raison d’un comportement masculin difficile à déchiffrer, ce ne sont pas des problèmes psychologiques ; ce sont aussi et peut-être même surtout des problèmes sociologiques. J’aimerais que les psychologues se posent la question beaucoup plus clairement : comment reconnaître une souffrance d’ordre social d’une souffrance d’ordre psychologique ?

La grande transformation de l’amour

Fidèle à votre démarche, votre dernier livre, Pourquoi l’amour fait mal, soutient l’idée que la souffrance amoureuse contemporaine est mieux comprise avec les outils de sociologie qu’avec ceux de la psychologie. En quoi le social explique-t-il même l’évolution de l’expérience émotionnelle la plus intime de toutes ?

La grande transformation de l’amour au XXe siècle a partie liée avec l’avènement du capitalisme, qui a engendré une redéfinition de la vocation du mariage : il n’est plus l’opération financière lourde d’enjeux que l’on connaissait jusque-là, notamment parce que les biens d’une femme revenaient à son mari, et se mue en un choix individuel et sentimental. A la faveur de l’industrialisation, bien des gens doivent quitter leur campagne pour aller travailler dans les grands centres urbains. C’en est alors fini de la famille comme unité de production. La sphère privée devient distincte de l’activité économique et des stratégies d’alliance politique. Nous assistons alors à la naissance de ce que l’historien John Demos (1) appelle la famille comme « serre émotionnelle », un lieu clos où la température sentimentale augmente. Dans cette famille nucléaire moderne où les femmes sont responsables du soin apporté aux enfants, l’identité de celles-ci est plus que jamais façonnée par la sphère privée, mais l’homme s’en autonomise et réinvestit son identité dans la sphère publique du travail : l’ascension sociale et la réussite économique deviennent les principaux points d’ancrage de la masculinité. Dans ces conditions, l’amour est de plus en plus désencastré des cadres sociaux qui l’enserraient et devient le domaine de l’individualité privée, que la culture psychologique de plus en plus dominante veut authentique. La rencontre amoureuse devient une affaire d’affinité à la fois émotionnelle/psychologique et physique/sexuelle.

Quelles sont les conséquences de cette personnalisation de l’amour ?

Conjuguée à l’effondrement des règles religieuses, ethniques, raciales et sociales de l’endogamie, cette nouvelle donne transforme radicalement la taille des échantillons où l’on peut rechercher un conjoint. Et la question du choix – comment choisir, quand choisir, qui choisir – devient la question cruciale de l’amour moderne. L’individu fait aujourd’hui face à ce qu’on peut appeler un marché du mariage, où se rencontrent deux individualités qui semblent dépourvues d’attributs sociaux. A partir de la fin du XIXe siècle, le prétendant ne fait plus sa cour en se rendant régulièrement au domicile de la jeune fille mais en sortant avec elle – ce qu’on appelle « dating » en anglais – au restaurant, au cinéma, au théâtre, dans les dancings, etc.

En quoi cet élargissement du choix transforme-t-il la nature des relations sentimentales ? En quoi est-il bon ou mauvais pour elles ?

Tout dépend de la manière dont on définit l’amour. Si c’est l’amour passion – Héloïse et Abélard, Diderot et Sophie Volland, Victor Hugo et Juliette Drouet –, dans lequel la totalité de la personne est impliquée, alors ce n’est pas bon du tout. Le féminisme, la culture psychologique et le culte de la liberté ont fait reposer la vie sentimentale contemporaine sur une exigence d’égalité, d’autonomie et de choix qui tendent à édulcorer l’abandon et l’oubli de soi. L’amour a en somme connu le même processus de désenchantement que la nature : il n’est plus envisagé comme inspiré par des forces mystérieuses mais comme un phénomène nécessitant explication et contrôle. On n’est donc ensemble que jusqu’à nouvel ordre. Il faut en permanence convaincre l’autre qu’on représente le meilleur choix possible. Cette conscience qu’il s’agit d’un choix – qui doit être renouvelé et justifié – diminue l’intensité émotionnelle de l’amour.

Il existe bien sûr différentes façons de gérer cette question. La réponse de Catherine Millet (2) consiste par exemple à ne pas choisir : on prend tout à la fois. Même si c’est un exemple extrême qui n’est pas encore dans la norme, tout cela est très différent du modèle de l’amour absolu et unique. Ce qu’on appelait autrefois la passion passe pour hystérique aujourd’hui. Le passionné est un être devenu relativement ridicule car insuffisamment conscient de son autonomie.

Pourquoi, alors, l’amour fait-il mal ? L’individu autonome qui exerce ses choix amoureux de manière un peu distanciée et froide ne souffre-t-il pas moins que l’amoureux fou ?

Non, parce que c’est évidemment plus ambivalent. Nous vivons en réalité sous deux régimes émotionnels différents : l’un fondé sur le fantasme puissant de l’abandon de soi et de la fusion amoureuse ; l’autre fondé sur des modèles rationnels d’autorégulation des sentiments et de choix optimal. Pour continuer avec l’exemple de Catherine Millet, son livre Jours de souffrance est passionnant de ce point de vue : elle y raconte comment le fait d’avoir vu des photos de maîtresses nues de son compagnon la plonge dans une dépression profonde. Cela nous rappelle à quel point les structures culturelles se chevauchent : même quand on se croit sorti du passionnel, on y retombe.

L’amour fait particulièrement mal aujourd’hui pour une autre raison : l’un des effets de la modernité est de fragiliser le sentiment de la valeur de soi, qui n’est jamais acquis une fois pour toutes. Autrefois, celle-ci était fondée sur des critères extérieurs à la personnalité, notamment sur le rang et la valeur sociale : le rôle important de la dot dans la sélection du partenaire signifiait que la « mariabilité » d’une femme reposait sur des critères « objectifs » et non sur la qualité intrinsèque de sa personnalité.

Il n’y a plus rien de tel aujourd’hui ; la valeur doit être constamment démontrée et prouvée, notamment sur des lieux de travail de plus en plus compétitifs. L’image de soi étant précarisée, le regard des autres prend dans sa définition une importance essentielle. L’une des principales fonctions de la relation amoureuse contemporaine est précisément de réaffirmer cette valeur. Parce que la personne qui nous aime nous dit que nous sommes uniques, et même meilleurs que la multitude d’êtres avec lesquels nous étions en compétition.

La modernité engendre ainsi tout à la fois un idéal de relation amoureuse plus distanciée et calculatrice et un besoin de passion amoureuse, seule à même de nous donner le sentiment de notre valeur. Mais nous avons le plus grand mal à reconnaître cette importance de l’autre et de la relation amoureuse, puisque les psychologues nous répètent qu’il faut s’aimer soi-même, qu’il est immature de vouloir dépendre de quelqu’un d’autre, qu’il faut se donner à soi-même l’amour que l’on voudrait que quelqu’un d’autre nous donne et que personne ne nous aimera si nous ne nous aimons pas déjà nous-mêmes… Nous ne sommes pas conscients de notre dépendance réelle, et sa découverte nous fait d’autant plus souffrir.

Nous sommes en quelque sorte victimes de notre liberté d’aimer ?

En tout cas, la liberté qui a été nécessaire à l’amour est vécue dans l’anxiété et même dans la douleur. Car il n’existe plus de normes qui obligent. Autrefois – il faut relire les romans de Jane Austen –, un homme qui rendait visite pendant un an à une jeune femme était implicitement contraint de demander sa main. Les femmes et les hommes organisaient leurs sentiments d’une façon qui les engageait, à la fois sur le plan affectif et sur le plan éthique. Aujourd’hui, nous sommes complètement libres, moralement, de nous quitter, de ne pas honorer nos intentions, et même de ne pas avoir d’intention. Puisque la culture moderne postule que nous pouvons en permanence changer, que nous pouvons devenir quelqu’un d’autre, les options doivent rester ouvertes. Le respect des promesses est devenu un fardeau pour une identité qui doit rester en mouvement.

L’artiste Sophie Calle a d’ailleurs fait de ce sujet une œuvre très intéressante, avec son installation intitulée Prenez soin de vous : l’homme qu’elle aime la quitte sans explication, en lui envoyant un simple courriel de rupture. Et que fait-elle ? Au lieu de se précipiter chez le psychologue, elle fait travailler son réseau social, en demandant à une centaine de femmes de commenter le message en question, construisant ainsi un mécanisme d’humiliation publique ; exactement comme au XIXe siècle, quand un homme ne pouvait rompre un engagement sans qu’on lui fasse honte. Hélas, la plupart d’entre nous n’avons pas les moyens de faire comme Sophie Calle, car il faut pour cela un nom.

L’amour fait mal parce qu’aucune norme sociale n’empêche plus de se quitter, mais que notre dépendance à l’égard de l’autre est plus aiguë que jamais. Dans la société traditionnelle, se voir rejeté comme conjoint potentiel ne tenait pas à l’essence même du moi mais à la position que l’on occupait dans la hiérarchie sociale. Aujourd’hui, l’amour est défini comme s’adressant à l’essence la plus intime de la personne et non à sa classe et à sa position sociale, et confère directement de la valeur à la personne ; un rejet devient un rejet du moi. Si les femmes plaquées que j’ai rencontrées pour ce livre disent qu’elles ne valent rien, ce n’est pas pour des raisons psychologiques, ce n’est pas parce que leur moi est faible : c’est parce que, dans la société moderne, l’individu et en particulier la relation amoureuse sont chargés de définir la valeur de soi.

Hommes-femmes, nouveaux modes d’emploi

Vous parlez beaucoup de la souffrance des femmes plaquées, mais les témoignages d’hommes que vous avez recueillis montrent aussi une profonde souffrance masculine, notamment en raison de la difficulté à fixer son choix. Comment s’articulent ces deux souffrances ?

Vous avez raison, mais je rechigne à appeler cela souffrance. Il faudrait trouver un autre mot. Non parce que je ne pense pas qu’ils souffrent, mais parce que je veux distinguer la douleur des hommes qui ont davantage l’autonomie de leurs désirs et ne souffrent que de la difficulté de choisir, et la douleur des femmes qui doivent souvent ajuster leur désir à celui d’un autre, ou dont le désir est activé par celui d’un autre. Et c’est encore une fois une réalité sociologique et non psychologique. Les femmes sont les perdantes de la nouvelle architecture du choix amoureux parce qu’elles sont socialement rendues responsables d’avoir des enfants. Ce sont les femmes, aujourd’hui, qui sont principalement porteuses du désir de famille. La masculinité traditionnelle en avait également besoin pour s’affirmer parce qu’elle avait besoin de régner sur des enfants, des femmes, des domestiques et des terres. Longtemps, les hommes ont ainsi incliné à la vie conjugale autant que les femmes. Mais dans nos sociétés, où le patriarcat est contesté, ils sont bien moins contraints à la reproduction biologique, car la famille n’est plus le lieu où s’exerce leur domination. Le principal impératif culturel qui façonne la masculinité est aujourd’hui celui de l’autonomie psychologique, de l’ascension sociale et du succès économique. Ce sont les femmes qui adoptent maintenant les rôles sociologiques consistant à avoir et à vouloir des enfants.

Les femmes qui ne veulent plus de ce schéma familial deviennent les égales des hommes. Mais toutes celles qui y sont encore attachées sont dépendantes, c’est ce que j’appelle la domination émotionnelle. Elle n’existe pas forcément, mais c’est une force magnétique qui structure les relations entre les deux sexes.

Le travail des femmes est pourtant l’une des grandes conquêtes sociales du XXe siècle… Elles aussi devraient être moins dépendantes de la famille qu’autrefois, pour établir leur identité sociale. Et puis, il y a aussi des femmes qui plaquent les hommes…

Une précision : mon travail porte uniquement sur un groupe de femmes, les hétérosexuelles qui veulent avoir une vie de couple conventionnelle, monogame, avec des enfants. Je ne parle ni des homosexuelles, ni de celles qui ne sont pas déterminées à avoir des enfants, ni de celles qui se sentent très bien toutes seules. Je parle de ce groupe de femmes en situation d’hétérosexualité conventionnelle, qui sont les plus mises à mal. Car l’accès au travail s’est accompagné de la liberté sexuelle. Dans ces conditions de marché sexuel ouvert, la perception culturelle qu’il y a un temps biologique façonne au premier chef les stratégies d’union des femmes. Parce qu’elles décident de poursuivre des études et d’entrer sur le marché du mariage plus tard, et parce qu’elles optent encore de façon écrasante pour la maternité, elles opèrent à l’intérieur d’un cadre temporel bien plus contraignant qu’avant les années 1960, où elles pouvaient encore compter sur le schéma de la masculinité fondée sur la famille. Sur le marché de l’amour, les femmes disposent donc de moins de pouvoir de négociation que les hommes. Sauf quand elles sont en haut du champ, parce qu’elles sont belles et/ou riches. Ce qui leur donne une plus grande liberté sociologique. Pour les autres, il suffit de regarder les magazines féminins, remplis de sujets comme : « Pourquoi n’est-il pas plus présent ? », « Que faire pour raviver le couple ? » On ne trouve jamais ce genre de sujets dans les magazines masculins. Les femmes sont massivement responsables des relations sexuelles et émotionnelles ; responsables de les vouloir et de les entretenir. C’est cela que j’appelle l’inégalité.

Y aurait-il eu une sorte de ruse de la révolution sexuelle, revendiquée notamment par les militantes féministes ?

La révolution sexuelle pose problème, non pas parce que le féminisme pose problème, mais parce que cela coexiste avec des structures traditionnelles du mariage et des relations entre les sexes, qui font que ce sont les hommes qui en ont le plus profité. La révolution sexuelle a mis les hommes et les femmes sur un marché sexuel, mais étant donne que le mariage est devenu la prérogative des femmes, plus que celle des hommes, ces marchés sexuels ont créé des déséquilibres nouveaux entre eux.

Vous faites de l’Internet, à bien des égards, la quintessence de la nouvelle donne amoureuse et du désenchantement de l’amour. Mais n’est-ce pas plutôt tout simplement le retour au mariage arrangé d’autrefois ? 
Vous dites cela parce que pensez que les deux phénomènes sont rationnels, ce qui est vrai. Mais c’est la forme même de la rationalité, ses modalités sociales qui ont changé. Dans un mariage arrangé, les parents décident, ou du moins jouent un rôle important dans le choix du conjoint. Ils choisissent en fonction de critères généraux et approximatifs : la naissance, l’importance de la dot, de la fortune et de la réputation de la personne et de sa famille, quelques traits de caractère, une apparence physique acceptable. Et le « calcul » s’arrête là. La décision ne consiste pas à recueillir une information approfondie sur les goûts, la personnalité et le mode de vie de la personne. On choisit le premier parti disponible suffisamment bon et non le parti « parfait ».

Le choix du conjoint est aujourd’hui très différent. La vie de couple étant conçue comme l’union de deux personnalités dont les attributs et les goûts doivent être finement accordés, la rencontre repose sur une méthode hyper-conscientisée et rationnelle de sélection du partenaire : ce n’est pas seulement l’apparence physique mais la personnalité, la façon de réagir au monde, de passer ses loisirs, de faire l’amour, d’exprimer ses émotions. Le monde des rencontres en ligne est emblématique des formes modernes de recherche du partenaire. Il élargit à la personnalité toute entière l’esprit de calcul. Les sites de rencontre affichent ainsi une logique consumériste consistant à resserrer, à définir et à raffiner sans cesse ses goûts. C’est le désir de maximisation du choix dont parle l’économiste Herbert Simon. La rencontre amoureuse doit être le résultat du meilleur choix possible, il s’agit d’opter pour la « meilleure affaire ». Internet exige une rationalisation de la sélection du partenaire, qui contredit l’idée de l’amour comme épiphanie inattendue.

Vous en appelez dans votre livre à la réhabilitation de la passion, car vous considérez que la perte de l’amour romantique fragilise la relation aux autres. Mais la passion est-elle la seule forme de lien aux autres ?

Prenez l’exemple de la jalousie, sentiment répandu, mais qui est de moins en moins légitime. Pourquoi ? Parce qu’une énorme littérature psychologique et un changement des normes de conduite ont repensé la jalousie comme un sentiment « immature », qui témoigne d’un manque de confiance en soi. D’où la perte de légitimité de cette émotion « chaude » qui est une sorte d’incarnation immédiate de la relation sexuelle même que j’entretiens à l’autre. Avec la montée de la culture psychologique, on s’arrête sur ce sentiment « à chaud », immédiat ; on le fige, on y réfléchit, on le ramène à une histoire personnelle, à un projet d’équilibre et de santé émotionnels. Mais c’est contradictoire avec la nature insaisissable, provisoire et contextuelle des émotions. On y perd l’immédiateté des relations sociales en prise avec des sentiments qui reflètent directement le présupposé de la relation. Par exemple : « Je suis un homme fort, cette femme m’appartient, ma jalousie est donc l’expression directe de cette appartenance ». A cette immédiateté va se substituer une forme d’émotionnalité « médiée » par des catégories, des systèmes de savoir, des techniques de travail sur soi, des idéaux de santé psychique où vont se mêler des valeurs politiques (« personne n’appartient a personne » ; « Il faut respecter la liberté d’autrui » ; « les femmes sont les égales des hommes ») et des savoirs psychologiques (« la jalousie reflète une mauvaise séparation de la mère », etc.). Ce qui se substitue donc à l’émotionnalité à chaud, c’est un idéal de communication, où il faut prendre de la distance, analyser, et réguler les relations aux autres par des procédures dont le but est de produire une manière équitable de parler et de communiquer ses émotions. Cet élément procédural fait perdre aux sentiments leur valeur d’indices, leur capacité à nous orienter rapidement et de manière non réfléchie dans le réseau de nos relations quotidiennes. Il suspend paradoxalement l’investissement émotionnel dans la relation.

La passion est loin d’être le seul lien possible aux autres, mais je voudrais la réhabiliter parce que, comme le dit le philosophe Harry Frankfurt, il y a dans l’attitude passionnée une affirmation de ses propres valeurs ; la femme ou l’homme sans passion est aussi une femme et un homme sans grand horizon moral. C’est, si vous vous voulez, une autre façon de reposer le vieux problème du nihilisme relevé et discuté par Nietzsche.

La femme moderne que vous êtes se reconnaît-elle dans la description qu’elle fait d’une société où l’amour se vit dans la froideur ?

Tout d’abord, je me reconnais dans toutes les réponses que j’ai analysées, les kitsch et les moins kitsch, les douloureuses et les insouciantes, les passionnées et les analytiques. Avoir une expérience amoureuse aujourd’hui, c’est faire l’expérience d’une large palette de sentiments contradictoires. Ce n’est que comme cela que je me reconnais dans mon analyse : prise entre le kitsch de la passion, et la volonté de ne pas se faire « attraper » par elle. Sûrement pas froide, non, mais inquiète de savoir quelle place faire au kitsch de la passion.

Propos recueillis par Sandrine Tolotti

1. The Unredeemed Captive: A Family Story from Early America, Vintage, 1995.

2. Dans La vie sexuelle de Catherine M., l’intellectuelle française raconte sa vie sexuelle, et notamment sa fascination pour la sexualité de groupe.

1 Responses to Internet: Mais que va-t-il rester de nos amours ? (Love hurts: It’s Hollywod, capitalism and internet, stupid !)

  1. […] et de faire face aux inévitables désillusions liées à la perte de sens et de satisfaction, la délégitimation des médiations anciennes, littéraires comme politiques […]

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