Environnement: Les Français sont-ils les mieux placés pour donner des leçons aux Américains? (We even stopped eating starch so we won’t produce methane)

Thoreau's Walden (1854)Rachel Carson's Silent spring (1962)Je gagnai les bois parce que je voulais vivre suivant mûre réflexion, n’affronter que les actes essentiels de la vie, et voir si je ne pourrais apprendre ce qu’elle avait à enseigner, non pas, quand je viendrais à mourir, découvrir que je n’avais pas vécu. Henry David Thoreau (1854)
La conservation des ressources naturelles est le problème fondamental. A moins que nous résolvions ce problème, il nous servira pas à grand chose de résoudre tous les autres. Theodore Roosevelt (1907)
« Printemps silencieux » [Rachel Carson, 1962) a changé l’équilibre des forces dans le monde. Personne ne peut plus présenter aussi facilement la pollution comme un effet secondaire et nécessaire du progrès sans être critiqué. H. Patricia Hynes
Bons écolos depuis longtemps, (…) nous avons même arrêté de consommer des féculents pour ne pas rejeter de méthane. Couple de lecteurs de L’Indépendant du 16/9/09 (cité par le Canard enchainé)
Nos émissions comparativement plus basses sont le fruit de la géographie, de la géologie, et surtout de plusieurs siècles d’histoire; le leur reprocher moralement n’a pas plus de sens que de reprocher à mes concitoyens de parler français ou d’aimer le fromage. Il faut souhaiter que les Américains diminuent aussi vite que possible leurs émissions, mais notre comportement récent ne nous donne hélas aucune légitimité pour le leur demander au nom de la morale. Jean-Marc Jancovici

Villes denses à parcours réduits construites à une époque où les seules énergies disponibles étaient les énergies renouvelables (traction animale, bois, soleil…) …

Contre villes américaines étalées et à déplacements longs construites après la découverte du charbon et du pétrole rendant les transports en commun plus problématiques …

Augmentation de 40% depuis Kyoto du linéaire autoroutier, annonces depuis 1993 de 12 projets autoroutiers ou routiers « importants » (genre 2×2 voies) pour le futur, baisse en 2001 de la TIPP ainsi que les taxes sur le fioul domestique, le carburant agricole et routier, suppression de la vignette automobile, décision en 1997 du doublement des pistes de Roissy voire d’un 3e aéroport parisien …

Croissance continue du parc de grandes surfaces aspirateurs à voitures situées en périphérie de ville (induisant 2 à 10 fois plus de transports que le commerce de centre ville), omniprésent appel à la croissance de la consommation de produits manufacturés dans la bouche de nos dirigeants…

Augmentation régulière depuis 1992 de la taille de nos logements (de 34 à 37 m2 entre 1992 et 2002), hausse 67% du trafic aérien (émissions équivalentes à celles de la moitié des automobiles), croissance continue des déchets ménagers (+10% en 10 ans), achat de voitures de plus en plus lourdes et puissantes roulant toujours plus …

Alors que, face au premier président américain dhimmi  dont l’entourage en est à présent à menacer, dans son obsession de se démarquer de l’Administration précédente, d’abattre les avions israéliens qui tenteraient d’empêcher l’Iran de violer les lois internationales, notre Sarko national a repris son bâton de donneur de leçons pour flatter les nostalgiques du pigovisme hier à New York et ceux du « Glass-Steagall Act » aujourd’hui à Pittsburgh …

Retour avec le fameux vulgarisateur français du changement climatique et de la crise énergétique Jean-Marc Jancovici

Sur la réelle position de la France dans la « course au changement climatique » face à une Amérique que nous passons notre temps à diaboliser au nom des principes et d’un mouvement écologique mêmes dont nous lui sommes redevables.

Focalisant de plus notre hargne sur un président (Bush) dont on oublie commodément qu’il n’a fait que refuser de ratifier un texte (Kyoto – d’ailleurs toujours pas appliqué par nous) que ses parlementaires avaient déjà désavoué sous son prédécesseur (Clinton) …

Les Américains sont-ils les rois des affreux?
Jean-Marc Jancovici

Manicore

décembre 2003 – révisé mars 2006

Incontestablement, nos amis d’outre -Atlantique sont très mal placés dans la « course au changement climatique » : non seulement leur pays est le premier émetteur de gaz à effet de serre au monde, avec 25% des émissions planétaires à eux tous seuls (pour moins de 5% de la population mondiale), mais en outre ils ont des émissions par habitant qui sont parmi les premières au monde.

Emissions de CO2 par habitant en 1999, puits inclus, en tonnes équivalent carbone Les Etats-Unis occupent la seconde place des émissions par habitant pour les « grands » pays, c’est-à-dire ceux qui comportent plus de 10 millions d’habitants, derrière l’Australie (non représentée sur le graphique).

Il est donc fréquent de considérer que nous sommes de « bons élèves », ayant déjà fait de gros efforts, et pouvant nous proposer en exemple dans la lutte contre les émissions de gaz à effet de serre à des Américains qui seraient des fumistes rétifs à toute discipline en la matière. La réalité est-elle aussi simple ?

Les Américains sont-ils plus désireux que nous de « polluer le climat » ?

Pour en vouloir fortement aux Américains, il faudrait que non seulement ils soient de gros « empoisonneurs du climat », ce qu’ils sont objectivement, mais aussi qu’ils soient heureux de l’être et n’aient aucune intention de changer les choses. Au moment où George « Dubiou » Bush a déclaré que « le mode de vie américain n’était pas négociable », et que son pays ne ratifierait pas le protocole de Kyoto, qu’en pensaient les citoyens ? Ont-ils considéré, comme leur président du moment, que la diminution de 7% des émissions américaines (objectif pour les Etats-Unis dans le protocole de Kyoto) était un sacrifice excessif ?

Bien évidemment, de multiples sondages ont été faits sur la question. En voici les résultats d’un, réalisé en avril 2001 par Gallup pour l’université de Princeton :

Question posée en avril 2001

oui

non
Comme vous le savez, George W. Bush a décidé que les Etats Unis devaient se retirer de l’accord sur le réchauffement global adopté en 1997 à Kyoto. Approuvez vous cette décision ?

25%

47%

En voici les résultats d’un autre sondage, réalisé en juin 2002 pour le Chicago Council on Foreign Relations et le German Marshall Fund of the United States :

Question posée en juin 2002

oui

non
Sur la base de vos connaissances, pensez vous que les Etats-Unis devraient participer au Protocole de Kyoto ?

64%

21%

Enfin si pose aux Américains la question suivante (en 2002) : « Comment considérez vous la manière dont l’administration de George Bush gère la question du changement climatique ? », voici ce qu’ils répondent (la même question a été posée à des européens, pour donner un élément de comparaison).

Niveau d’appréciation

Etats-Unis

Europe
Excellent

6%

2%
Bien

19%

11%
Acceptable

32%

27%
Mauvais

33%

50%
Sans opinion

10%

10%

Un sondage plus récent (mars 2006) montre que l’état de l’opinion, par certains côtés, est identique à ce qu’il est en France, même si on admirera l’aptitude de l’institut de sondage à laisser penser que « sortir du pétrole » c’est nécessairement « développer des sources d’énergie alternatives », c’est-à-dire conserver les avantages de la trajectoire actuelle sans les inconvénients (pas question d’économies dans cette affaire !). En outre il est impossible de déduire de certaines questions la cause première de la réponse (la crainte de manquer de pétrole, ou celle de polluer le climat ?).

Bref les questions ci-dessous sont finalement aussi mal ficelées que celles des instituts de sondage français (par exemple la substitution fossiles -> renouvelables est supposée se faire à consommation constante, croissante ou décroissante ?) mais les réponses sont probablement le reflet de « quelque chose » quand même.

Pensez-vous que le gouvernement fédéral en fait assez pour s’occuper du problème du changement climatique et pour développer des sources d’énergie alternatives afin de diminuer notre dépendance au pétrole importé ?

% des réponses
Nettement moins que le nécessaire

45%
Un peu moins que le nécessaire

30%
Un peu plus que le nécessaire

5%
Beaucoup plus que le nécessaire

2%
Il fait le nécessaire

12%

Seriez vous pour ou contre une volonté plus affirmée du gouvernement fédéral de diminuer la pollution liée au réchauffement global, d’encourager de nouvelles approches pour promouvoir l’efficacité énergétique, et accélérer le développement des énergies renouvelables ?

% des réponses
Je suis fortement pour

48%
Je suis plutôt pour

35%
Je suis plutôt contre

7%
Je suis fortement contre

6%
Sans opinion

4%

Que pensez-vous de l’affirmation suivante : « développer des sources alternatives d’énergie et diminuer la dépendance des Etats Unis au pétrole importé devrait être la première priorité de Bush pour le reste de ses années aux pouvoir. »

% des réponses
Je suis tout à fait d’accord

45%
Je suis plutôt d’accord

32%
Je suis plutôt en désaccord

11%
Je suis tout à fait en désaccord

9%
Sans opinion

3%

Enfin en novembre 2006 le MIT a demandé aux Américains quel était pour eux le premier problème d’environnement, et, surprise !, c’est le changement climatique qui arrive en tête.

Question posée : Quel est le plus important problème d’environnement pour les USA aujourd’hui ? Notez la hausse spectaculaire en 3 ans des Américains qui répondent « le changement climatique ».

Source : Laboratory for Energy and the Environment, MIT, novembre 2006

Et voici maintenant le clou du spectacle : les USA seraient le pays des anti-taxes ? Voire…

Question posée : Une proposition est actuellement déposée devant le Congrès qui propose : de diminuer les impôts d’une famille typique de 1000 $, d’augmenter la facture mensuelle d’électricité de 25$ [NDR : ca fait 300 $ de plus par an], de taxer l’essence de 60 cents par gallon [NDR : ca fait 600 $ de plus par véhicule et par an en chiffres ronds], et tout cela pour baisser les émissions de 50%. Etes vous pour ou contre ?

Source : Laboratory for Energy and the Environment, MIT, novembre 2006

Le résultat ci-dessus est parfaitement clair : un tiers des Américains sont favorables à un tel transfert fiscal, un tiers y sont défavorables, et un tiers ne savent pas. En d’autres termes, si cette loi était votée, il n’y aurait qu’un tiers d’opposants déclarés. Pour un nouvel impôt, ce n’est pas beaucoup !

Bref, en 3 ans les Américains sont devenus « inquiets » sur ce sujet à peu près à l’égal des Français ; que ce soit il y a 4 ans ou maintenant, seuls 20% à 25% des Américains approuvent franchement l’action de George W. Bush en la matière, les autres étant tièdes ou franchement opposés ; ils sont peut-être plus favorables aux taxes que nous !

Dès lors, est-il juste d’assimiler l’ensemble d’un pays à son dirigeant du moment, qui manifestement n’est pas en phase avec son opinion sur ce point ?

Les Français récoltent-ils aujourd’hui les fruits d’un « effort climatique » soutenu ?

Après la mauvaise volonté éventuelle (qui n’est pas plus caractérisée que chez nous si nous nous basons sur les déclarations d’intention de la population américaine), un deuxième élément pourrait nous permettre de nous poser en donneurs de leçons : que nous récoltions dès aujourd’hui les fruits d’un effort soutenu pour réduire nos émissions.

Or, si nous avons effectivement des émissions par habitant qui sont quasiment 3 fois moindres que celles des Américains, il s’avère en fait que cela doit bien peu à notre « conscience du changement climatique », et aux efforts considérables que nous aurions effectués de manière volontaire, et beaucoup à l’histoire. La relative faiblesse de nos émissions par habitant constitue en effet le « produit dérivé » d’un certain nombre d’initiatives qui n’ont pas été prises à cause du changement climatique, et dont certaines sont fort anciennes ! :

les villes européennes – donc françaises – ont été construites pour l’essentiel à une époque où les seules énergies disponibles étaient les énergies renouvelables (la traction animale, le bois, le soleil…..), et nos ancêtres ont donc fait des cités denses, où les déplacements étaient courts, donc économes en énergie. Au contraire, l’essentiel des villes américaines ont été construites après la découverte du charbon et du pétrole, et la limitation des déplacements n’a pas été un élément pris en compte. De ce fait leur urbanisme a été plus « étalé », ce qui allonge les parcours et rend les transports en commun moins envisageables, toutes choses qui font rapidement grimper la consommation d’énergie, donc les émissions des transports. Mais pouvons nous nous prévaloir, comme une action de lutte contre le changement climatique, du fait d’hériter de villes construites il y a des siècles ?

Il saute aux yeux que les villes européennes denses ont une « efficacité énergétique » 5 à 6 fois meilleure que celle des villes « étalées » américaines.

la France n’a plus de charbon, et surtout n’a jamais produit de pétrole ou de gaz en quantités significatives comparées à sa consommation (en 2002 la France a produit moins de 2% du pétrole et moins de 1% du gaz qu’elle a consommé). Notre consommation étant importée en quasi-totalité, les pouvoirs publics ont toujours pris des mesures qui conduisent de fait à en économiser l’usage, comme par exemple les taxes sur les carburants. Là aussi, la raison première des économies n’avait rien à voir avec la question climatique : il s’agissait surtout de ne pas alourdir la facture pétrolière.

A l’opposé, les USA ont longtemps eu la place de premier producteur de pétrole au monde (c’est fini maintenant), et sont assis sur les premières réserves de charbon de la planète. Ils n’ont donc jamais considéré le pétrole ou le charbon comme des ressources rares, et n’ont jamais éprouvé le sentiment d’en limiter l’usage. Nous ne pouvons pas leur reprocher de ne pas avoir bâti des villes économes à une époque où les limites de la planète ne se posaient pas pour beaucoup de monde…

le programme électronucléaire français, qui nous permet l’économie de 20 à 40% d’émissions à consommation d’énergie totale comparable, a été décidé dans les années 70, soit bien avant la « montée en puissance » de la question climatique à la fin des années 1980. C’est certes une excellente chose à mon sens d’avoir fait ce programme, mais nous pouvons difficilement le présenter comme une action volontaire de lutte contre les émissions de gaz à effet de serre ! Nous « héritons » là aussi d’une vertu qui n’était pas dans le cahier des charges de l’époque ; à ce moment c’était l’indépendance énergétique qui était en jeu. Les pays qui n’avaient pas de problème d’indépendance énergétique, comme les USA, et ont eu recours au charbon, au fioul ou au gaz pour leur production électrique, ont aujourd’hui des émissions nationales 20 à 40% supérieures à celles de la France pour une même consommation électrique. Mais encore une fois l’enjeu en France était l’économie de pétrole, de gaz et de charbon, pas la baisse des émissions !

Les dirigeants Français peuvent-ils donner des leçons à ceux des Etats-Unis ?

La Convention des Nations Unies sur le changement climatique (et dont le protocole de Kyoto est un « appendice ») a été signée en 1992 puis ratifiée par la France, comme par tous les pays du monde. Cette convention a pour objectif ultime de « stabiliser les concentrations de gaz à effet de serre dans l’atmosphère à un niveau qui empêche toute perturbation anthropique dangereuse du système climatique » (anthropique signifie « due à l’homme »).

Cette formulation ne fournit pas la valeur des concentrations maximales en gaz à effet de serre dans l’atmosphère qu’il faudrait ne pas dépasser, mais enfin il y a au moins une chose que cette formulation contient implicitement : il faudra que, « un jour », ces concentrations cessent d’augmenter (une augmentation indéfinie sera clairement dangereuse à un moment ou à un autre !), et pour cela TOUS les pays industrialisés, France compris, devront baisser leurs émissions de CO2 de 75% à 92%.

Si les Etats-Unis devront fournir un effort relatif supérieur au nôtre, la France devra néanmoins diviser ses émissions de CO2 par 4 pour se conformer à cet objectif, ce qui est loin d’être une plaisanterie, et justifiera aussi chez nous des réorientations majeures. Or, si nous oublions les beaux discours tenus par nos dirigeants et regardons les faits, nous constatons que non seulement ces réorientations n’ont pas été décidées, mais que c’est souvent l’exact inverse qui est fait, et ce quelle que soit la couleur politique du pouvoir en place :

le linéaire autoroutier, qui était de 6.680 km en 1990, soit 2 ans avant Rio, est passé à 9.300 km en 2000, soit 40% d’augmentation depuis les beaux discours, et augmente actuellement de 200 à 300 km par an, malgré la signature de Kyoto. Les annonces du gouvernement en 2003 comprennent 12 projets autoroutiers ou routiers « importants » (genre 2×2 voies) pour le futur. Il serait étonnant de construire ces infrastructures pour ne pas s’en servir, or s’en servir fera augmenter le trafic donc les émissions ; il est donc parfaitement incohérent de construire ce genre de chose et de souhaiter faire baisser le trafic en même temps….

en 2001, la TIPP a baissé, ainsi que les taxes sur le fioul domestique (le chauffage est un poste très important des émissions), sur le carburant agricole, et un dégrèvement sur les carburants pour le transport routier,

en 2001 toujours, la vignette automobile a été supprimée,

en 1997, le gouvernement a décidé du doublement des pistes de Roissy (le même gouvernement souhaitait en fait la création d’un 3è aéroport parisien), et en 2003 le gouvernement a considéré comme souhaitable, même s’il n’a plus d’argent à y mettre, la création de l’aéroport de ND des Landes dans l’Ouest et la réalisation sous une autre forme d’une nouvelle infrastructure aéroportuaire pour desservir Paris,

le parc de grandes surfaces, qui sont des aspirateurs à voitures situées en périphérie de ville (à chiffre d’affaires équivalent, les grandes surfaces induisent 2 à 10 fois plus de transports – pour les clients et les marchandises – que le commerce de centre ville), et induisent aussi une consommation d’énergie accrue – par rapport au petit commerce et aux marchés – pour le chauffage du magasin et la fabrication des produits vendus, a continué à croître, avec la bénédiction des pouvoirs publics :

l’appel à la croissance de la consommation de produits manufacturés est omniprésent dans la bouche de nos dirigeants…

***

Les citoyens Français peuvent-ils donner des leçons à ceux des Etats-Unis ?

Admettons que, comme aux Etats-Unis, nos dirigeants prennent des décisions qui ne soient pas conformes à ce que nous souhaitons vraiment, et que nous soyons en proie à une impérieuse envie de « déconsommer » (je pense que le lecteur acceptera volontiers qu’en fait ce n’est pas du tout le cas !). Pour nous poser néanmoins en donneur de leçons, il conviendrait, alors, que nous soyons en train de suivre « la bonne voie » au niveau individuel. Or si nous regardons ce que nous faisons concrètement quand nous prenons des décisions d’achat ou de consommation qui ont une incidence sur les émissions de gaz à effet de serre, voici ce que cela donne :

depuis 1992 nous avons continué d’augmenter la taille de nos logements, qu’ensuite il faut bien chauffer l’hiver (et de plus en plus climatiser l’été), avec des émissions de gaz à effet de serre à la clé : la surface habitable par personne est passée de 34 à 37 m2 (soit 10% d’augmentation) entre 1992 et 2002, et nous continuons d’augmenter le parc de logements de quelques centaines de milliers d’unités tous les ans (qu’il faudra aussi bien chauffer etc). De ce fait, malgré une réglementation thermique de plus en plus « dure » pour les logements neufs, et des températures hivernales en hausse sur les dernières décennies, la quantité totale d’énergie de chauffage est restée constante (alors qu’il faudrait la diviser par 2 à 4).

nous avons pris de plus en plus l’avion : le trafic aérien en France a augmenté de 67% pendant la décennie 1992-2001. Le transport aérien est un contributeur très important aux émissions de gaz à effet de serre : les avions qui décollent d’un aéroport français engendrent (sur toute la durée du vol) des émissions équivalentes à celles de la moitié des automobiles françaises. Une partie de cette hausse du trafic aérien est certes due aux étrangers venant en en France, mais par ailleurs nous avons aussi fait tout ce que nous pouvions pour entretenir ce flux touristique aéroporté !

nous avons continué à jeter toujours plus de déchets ménagers : +10% en 10 ans.

Or ces déchets représentent autant de matériaux qu’il a fallu produire, ce qui a conduit à de grandes émissions de gaz à effet de serre, et autant de déchets qu’il faudra gérer ensuite, ce qui conduira à des émissions supplémentaires (même avec le tri sélectif ou le recyclage), quoiqu’inférieures à celles liées à la fabrication de ce qui est jeté.

nous avons – comme consommateurs, personne ne nous y oblige ! – continué d’acheter des voitures de plus en plus lourdes,

de plus en plus puissantes,

et auxquelles nous faisons faire de plus en plus de kilomètres par an.
nous avons continué à manger beaucoup de viande, alors que la production de cette dernière engendre autant d’émissions que les voitures particulières en France,

et je pourrais reproduire les courbes des achats de frigos, de plats surgelés, de cadeaux à Noël, d’achats de fruits exotiques (transportés par avion) ou de fruits hors saison, de viande, etc ; toutes ces courbes ayant leur contrepartie en termes de consommation d’énergie fossile et d’émissions de gaz à effet de serre. En clair, nous ne trouverions pas beaucoup d’exemples pour illustrer un éventuel désir de vertu des Français !

***

En guise de conclusion

Il me semble donc que, avant de donner des leçons de morale aux Américains, nous devrions balayer un peu devant notre porte : certes, nous partons de plus bas, et, certes, nos amis Yankees ont des efforts autrement plus considérables que nous à faire si la planète doit diviser ses émissions par deux de manière volontaire, mais ces dernières années nous n’avons pas plus pris le tournant de la décroissance volontaire des émissions qu’eux.

Il ne s’agit pas, bien évidemment, de considérer que les Américains ne doivent rien faire parce que nous sommes incapables de montrer le chemin : ils seraient bien inspirés de s’y mettre avec un peu plus d’ardeur si NOUS voulons éviter l’augmentation des conséquences désagréables dans notre pays. Mais placer le débat sur le terrain de la morale ne fait pas avancer les choses, car notre comportement ne nous donne aucune légitimité pour ce faire.

Nos émissions comparativement plus basses sont le fruit de la géographie, de la géologie, et surtout de plusieurs siècles d’histoire ; le leur reprocher moralement n’a pas plus de sens que de reprocher à mes concitoyens de parler français ou d’aimer le fromage. Il faut souhaiter que les Américains diminuent aussi vite que possible leurs émissions, mais notre comportement récent ne nous donne hélas aucune légitimité pour le leur demander au nom de la morale.

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