2e Guerre mondiale/70e: 60 millions de morts plus tard, le révisionnisme est plus vivant que jamais (WWII: 60 million dead later, revisionism lives on)

Churchill, Truman & StalinA l’occasion du 70e anniversaire du déclenchement de la Deuxième Guerre mondiale …

L’historien militaire américain Victor Davis Hanson revient sur certaines idées reçues, qui semblent avoir la vie longue, des historiens révisionnistes.

Notamment les termes du Traité de Versailles (pas aussi durs qu’il est dit), les raisons de l’agression nazie (la non-occupation et le manque de supervision de l’Allemagne après 1918), l’apport des Soviétiques (effectivement responsables de la mort de deux tiers des troupes allemandes, mais aussi du dépècement de la Pologne et du pillage (laborieux) de la petite Finlande comme, jusqu’à l’invasion allemande (pour faire plier, après Napoléon, le « dernier espoir d’une Angleterre aux abois » mais plus coriace que prévue?), de la fourniture de matières premières stratégiques à la machine militaire nazie sans parler de la subjugation de l’Europe de l’est après guerre).

Ou, malgré son intervention tardive et ses relativement faibles pertes, l’apport américain (aucune autre puissance ne combattit sur autant de fronts et de manière aussi décisive de l’Allemagne au Japon et de l’Afrique du nord à la Sicile, l’Italie, l’Europe occidentale et aux Iles du Pacifique, fournissant une aide massive de l’Angleterre à la Chine et à l’Union soviétique).

Sans parler de l’apport britannique (effectivement à bout de souffle à partir de 43, mais décisifs les deux premières années, se battant quasiment seuls contre l’enfer du Blitz et l’Europe entière avant l’intervention américaine et le renversement d’alliances soviétique).

Et sans compter qu’à la veille de l’entrée en guerre des Etats-Unis, la victoire alliée était loin d’être acquise, Hitler controlant l’essentiel de l’Europe actuelle de l’Atlantique à la banlieue de Moscou et du Cercle artique au Sahara, avant l’apport décisif des troupes soviétiques, de la machine industrielle américaine et de l’expérience britannique.

Quant aux éventuelles conséquences positives d’un tel carnage, l’arrêt de l’extermination des Juifs d’Europe, la domestication des régimes allemand, italien et japonais et la plus grande période de liberté et de prospérité de l’histoire de la planète …

The Second World War — Seventy Years Later
Victor Davis Hanson
Tribune Media Services
September 8, 2009

Seventy years ago this week, on Sept. 1, 1939, the Second World War broke out with the German invasion of Poland. Thousands of books have been written about the war. And by now revisionist historians of revisionist historians engage in an endless cycle of disagreement over why the war started, how it ended and what it all meant.

Here are a few more controversial thoughts on the horrific conflict that killed 60 million people, wrecked Europe and set the stage for an ensuing half-century Cold War.

Many blame Germany’s aggressions on the supposedly harsh terms of the Versailles Treaty following the First World War, which stripped a defeated Germany of territory, required reparations and dismantled its military.

But Versailles was far more lenient than what the Germans had planned for Britain and France should they have won in 1918. And it was not nearly as harsh as the terms the Germans imposed on a defeated Russia under the Treaty of Brest-Litovsk in early 1918, before they lost the larger conflict.

A better reason there was a Second World War, but not a Third, is that Germany was occupied and monitored after 1945 — unlike following its previous defeat in 1918.

Most give the Red Army the most credit for wrecking the German army. That is absolutely true: Two of three German soldiers who died in the war were killed on the murderous Eastern Front, a larger theater of conflict than all others combined.

Yet despite the superhuman heroism of millions of brave Russian soldiers, Stalin’s Soviet government was largely an amoral actor throughout the war. It, along with Hitler’s Germany, invaded neutral Poland in September 1939. Three months later, it attacked tiny Finland.

Until the day it was invaded by Hitler, Stalin’s Soviet Union had provided Nazi industry with much of its strategic materials used to defeat and occupy democratic Western Europe. Communist Russia renounced most of its wartime promises, guaranteeing that a war that started to free Eastern Europe from totalitarian government ended by ensuring it under Soviet control.

Lately, the role of the United States in World War II has been downplayed, since we came late to it, and suffered the fewest military and civilian casualties of the major Allies. But no other power fought on so many fronts in so many crucial ways: strategic air campaigns against Germany and Japan; invasions of North Africa, Sicily, Italy, Western Europe and the Pacific islands; submarine and surface fleet operations against Germany and Japan; and massive convoys and supplies to Britain, China and the Soviet Union.

Likewise, it has become fashionable to diminish the British role, given that by 1943 its manpower reserves were exhausted and the bulk of the later fighting against the Axis was conducted by Russian and American troops.

In fact, Britain nearly alone saved Western civilization between September 1939 and June 1941. From May 1940, it fought almost alone against the entire continent of occupied Europe, when the United States was still isolationist and the Soviet Union was actively helping the Nazi cause. One of the great mysteries of the war is how an isolated Britain survived the Blitz, German submarines, Gen. Erwin « the Desert Fox » Rommel, and the industrial might of the entire European continent until Russia and America joined its cause.

We also forget that the Allied victory was not foreordained. By December 1941, the odds were all in favor of the Axis powers. They had been arming since the mid-1930s. Hitler controlled much of the present-day area of the European Union and its surrounding environs from the Atlantic Ocean to the suburbs of Moscow, and from the Arctic Circle to the Sahara Desert. Much of China and almost all of Southeast Asia were under Japanese control.

Why then did the Allies recover and win? Largely because of Russian manpower, the American industrial colossus and British wartime experience. By 1944, the Allies had the best and most numerous tanks, artillery and planes; the largest armies; the best wartime leadership in Churchill, Roosevelt and Stalin; and the most adept generals.

Did any good come from such a monstrous bloodletting?

Perhaps. The Holocaust was finally stopped before every Jew in Europe was killed as Hitler had planned. Germany, Italy and Japan were transformed from monstrous regimes into liberal states whose democracies have done much for humanity in the ensuing years. And Western civilization survived its own heretical cannibals — to foster in the ensuing decades the greatest growth in freedom and prosperity in the history of the planet.

Voir enfin:

Comment on décide d’une guerre

Choix Fatidiques. Dix décisions qui ont changé le monde (1940-1941).
Ian Kershaw, tr. Pierre-Emmanuel Dauzat, Seuil, 2009, 816 p., 28 €

Thierry Jobard

Sciences humaines

Octobre 2009

La route qui menait à la Seconde Guerre mondiale fut courte : en dix-huit mois Hitler, Churchill, Staline, Roosevelt et les autres décidèrent l’essentiel. Avaient-ils d’autres choix ?

Lucien Febvre définissait son travail comme « un effort constant, tenace, désespéré pour entrer et faire entrer le lecteur dans la peau même des hommes d’autrefois ». Ce nouveau livre de Ian Kershaw vient à point incarner cette ambition. Parmi les exercices auxquels peut se prêter l’historien, l’un des plus à la mode est celui des hypothèses contrefactuelles : « Que se serait-il passé si… Napoléon avait vaincu à Waterloo ? » Jeu plaisant, mais stérile. Car, à supposer que l’on dispose de toutes les données, de tous les facteurs agissant sur un événement, y compris les plus immatériels, il faudrait encore pénétrer l’esprit des hommes du passé. L’exercice relève de la fiction, à moins d’aborder la question autrement. Ce qui importe vraiment, écrit I. Kershaw, c’est de comprendre comment et pourquoi une décision a été prise plutôt qu’une autre, entraînant une suite d’événements à peu près inéluctables. C’est de cette façon et non d’une autre que l’on peut écrire une histoire qui échappe au déterminisme trop commode du fait accompli.

La Seconde Guerre mondiale, souligne I. Kershaw, est l’événement qui, au beau milieu du XXe siècle, a modelé la face du monde pour cinq bonnes décennies. Or l’issue de cette guerre prend sa source dans une série de choix politiques et militaires concentrés sur dix-huit mois seulement. Été 1940 : Hitler arrête sa décision d’attaquer l’URSS. Été 1941 : Staline refuse d’écouter les multiples mises en garde contre l’attaque nazie. Hiver 1941 : le Japon attaque les États-Unis et Hitler décide en conséquence de leur déclarer la guerre. La suite est presque écrite. Avec le recul, les événements semblent s’enchaîner avec logique. Or, à l’époque il n’en est rien et c’est tout le mérite de I. Kershaw de replacer dans leur contexte les décisions cruciales prises par les protagonistes.

L’urgence majeure pour Hitler – car c’est lui qui décide sans rencontrer de véritable opposition au sein de la Wehrmacht – est qu’il a le temps contre lui. Il se livre à une course de vitesse dès son accession au pouvoir et mène le réarmement intensif et plus ou moins secret de l’Allemagne. Une fois la France battue à la surprise de tous, il s’agit pour lui de forcer l’Angleterre à cesser le combat avant de se retourner vers l’Est, vers sa guerre, celle contre le « judéo-bolchevisme ».

C’est à ce moment que l’Histoire bifurque et que la machine de guerre nazie achoppe sur la volonté anglaise de continuer le combat. Pourtant la décision britannique de ne pas signer de paix séparée, le refus de tout accommodement avec Hitler, n’allait pas de soi à l’été de 1940. Winston Churchill, tout juste nommé Premier ministre, n’avait pas la confiance de la classe politique anglaise ni même de tous les membres de son parti. Ce n’est qu’après plusieurs jours d’intenses discussions qu’il réussit à convaincre les autres membres du gouvernement de poursuivre la lutte. Possédant plus d’expérience, également plus influents, Chamberlain et Halifax étaient partisans d’une trêve. Quand bien même les discours de Churchill étaient l’expression d’une combativité sans faille (« du sang, de la peine, de la sueur et des larmes »), rien n’indiquait que l’Angleterre pouvait faire face à une invasion alors jugée inévitable. Churchill gagna ainsi sa stature d’homme d’État intraitable.

En Allemagne, la décision d’attaquer l’Union soviétique, arrêtée dès l’été 1940, stupéfia les officiers de l’état-major allemand. Mais Hitler la présenta aussi comme une nécessité militaire. L’URSS représentait le dernier espoir d’une Angleterre aux abois. La terrasser dans une nouvelle Blitzkrieg avant que les États-Unis puissent intervenir aurait marqué la victoire totale du nazisme en Europe. Ne considérer que l’aspect idéologique de la guerre à l’Est masque l’autre possibilité stratégique, un moment envisagée, de faire plier l’Empire britannique sous l’offensive en Méditerranée. Défendue par l’amiral Raeder, elle préconisait une attaque combinée avec l’Italie par la mer vers le Moyen-Orient, où les troupes anglaises étaient peu nombreuses. De là, les forces de l’Axe progresseraient vers l’Égypte, contrôleraient les matières premières, s’avanceraient vers les Balkans et menaceraient jusqu’à l’Inde. Scénario non moins irréaliste que celui qui fut finalement retenu : l’attaque continentale contre le régime soviétique. Celle-ci reposait d’ailleurs sur un constat tout à fait rationnel.

L’Armée rouge sortait en effet des grandes purges décapitée et totalement désorganisée. Plus de 22 000 officiers avaient été exécutés et leurs remplaçants étaient quasiment tous inexpérimentés. De plus, lors de la campagne contre la Finlande l’année précédente, les Russes avaient été humiliés, bloqués par la minuscule armée finnoise. Il n’était donc pas déraisonnable de compter sur un K.-O. rapide grâce à une attaque surprise.

La structure du pouvoir soviétique était telle que tout reposait sur Staline. Or, sa méfiance permanente envers l’Angleterre lui fit rejeter les informations le prévenant de l’imminence de l’attaque nazie. Selon lui, Hitler n’attaquerait pas sans poser d’ultimatum. Il fallait donc à tout prix éviter les provocations vis-à-vis de l’Allemagne et se hâter de réarmer. Toutes les données contraires à la vision de Staline étaient considérées comme « désinformations » car elles provenaient pour l’essentiel des Anglo-Américains… Enfin, Staline le répétait avec logique : Hitler et ses généraux n’étaient pas assez idiots au point de combattre sur deux fronts. Dans un système fondé sur la terreur, personne ne voulait contredire le dictateur.

Quant à la position de Roosevelt, elle était plus délicate. Avançant toujours à pas comptés, il tardera à faire entrer les États-Unis dans la guerre. Il est confronté à de nombreux acteurs : le Congrès, traditionnellement isolationniste, et l’opinion publique, plus puissante qu’ailleurs, farouchement opposée à l’envoi des boys en Europe. Enfin, un puissant lobby anti-guerre surveille chacun des mots du président. Dans la campagne précédant sa réélection en 1940, Roosevelt avait promis qu’il n’enverrait pas de troupes en Europe. Tout le monde s’en souvenait. L’adoption de la loi prêt-bail, qui permettait de fournir des armes aux États dont la survie était considérée comme essentielle à la sécurité des États-Unis, lui fit franchir un pas décisif en mars 1941, après que Churchill l’eut aiguillonné pendant des mois. Mais le Congrès n’aurait jamais accordé au président de se lancer dans la guerre si le territoire américain n’avait été attaqué. Ce que fit l’aviation japonaise le 7 décembre 1941 à Pearl Harbour.

On a pu avancer que Roosevelt, au courant de l’attaque, avait laissé faire pour exploiter l’occasion d’entrer dans le conflit. L’examen des faits démontre qu’il n’en est rien. Le jour même de l’attaque japonaise, des émissaires étaient attendus pour trouver une solution diplomatique à l’escalade entamée plusieurs mois auparavant. Le Japon, lancé depuis des années dans une politique expansionniste, ne pouvait renoncer à ses ambitions. L’alternative était la suivante : ou bien jouer son va-tout alors que les États-Unis n’étaient pas encore prêts militairement, ou bien renoncer à un empire que le Japon estimait lui être dû.

Il apparaît finalement que les erreurs les plus funestes ont été le fait des régimes autoritaires ou dictatoriaux, où le débat était exclu. Dans un régime où le prestige national importe davantage, la tentation est forte de courir des risques plutôt que d’accepter des compromis humiliants. L’examen historique révèle également l’importance de l’idéologie dans la prise de décision. Des « forces impersonnelles » ont, selon I. Kershaw, en grande partie conditionné l’action des acteurs à une époque où, sauf aux États-Unis, l’opinion publique n’a joué quasiment aucun rôle. Il n’en demeure pas moins, conclut-il, que c’est « l’interaction de déterminants extérieurs et d’individus agissants » qui conduit le changement historique. Il reste donc une place pour l’homme dans l’Histoire. Pour le meilleur ou pour le pire.

Ian Kershaw

Né en 1943, il est l’un des grands historiens actuels de la Seconde Guerre mondiale. Professeur à l’Université de Sheffield, il a notamment fait paraître le désormais classique Qu’est-ce que le nazisme ? (1985, tr. fr. Gallimard, 1992) ainsi qu’une monumentale biographie d’Adolf Hitler.

4 Responses to 2e Guerre mondiale/70e: 60 millions de morts plus tard, le révisionnisme est plus vivant que jamais (WWII: 60 million dead later, revisionism lives on)

  1. Millions of record sales later, unsavory aspects of the rappers’ life began to seep into the public domain. Western Civilization

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  2. […] même du côté juif de l’évènement à l’époque), l’auteur se livre au pire révisionnisme et à un réquisitoire en règle (et bien dans l’air du temps) contre les autorités américaines […]

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  3. […] même du côté juif de l’évènement à l’époque), l’auteur se livre au pire révisionnisme et à un réquisitoire en règle (et bien dans l’air du temps) contre les autorités américaines […]

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