DOMTOM: On a brûlé Vaval (Were the Guadeloupe riots a kind of latter-day Carnaval de Romans?)

Carnaval de Romans (Le Roy Ladurie, 1979)
Le règne du roi n’est que l’entracte prolongé d’un rituel sacrificiel violent. Gil Bailie
Le roi ne règne qu’en vertu de sa mort future; il n’est rien d’autre qu’une victime en instance de sacrifice, un condamné à mort qui attend son exécution. (…) Prévoyante, la ville d’Athènes entretenait à ses frais un certain nombre de malheureux […]. En cas de besoin, c’est-à-dire quand une calamité s’abattait ou menaçait de s’abattre sur la ville, épidémie, famine, invasion étrangère, dissensions intérieures, il y avait toujours un pharmakos à la disposition de la collectivité. […] On promenait le pharmakos un peu partout, afin de drainer les impuretés et de les rassembler sur sa tête ; après quoi on chassait ou on tuait le pharmakos dans une cérémonie à laquelle toute la populace prenait part. […] D’une part, on […] [voyait] en lui un personnage lamentable, méprisable et même coupable ; il […] [était] en butte à toutes sortes de moqueries, d’insultes et bien sûr de violences ; on […] [l’entourait], d’autre part, d’une vénération quasi-religieuse ; il […] [jouait] le rôle principal dans une espèce de culte. René Girard
Le roi a une fonction réelle et c’est la fonction de toute victime sacrificielle. Il est une machine à convertir la violence stérile et contagieuse en valeurs culturelles positives. René Girard
Parfois, la durée du règne [du nouveau roi] est fixée dès le départ: les rois de Djonkon (…) régnaient sept ans à l’origine. Chez les Bambaras, le nouveau roi déterminait traditionnellement lui-même la longueur de son propre règne. On lui passait au cou une bande de coton, dont deux hommes tiraient les extrémités en sens contraire pendant qu’il extrayait d’une calebasse autant de cailloux qu’il pouvait en tenir. Ces derniers indiquaient le nombre d’années de son règne, à l’expiration desquelles on l’étranglait. (…) Le roi paraissait rarement en public. Son pied nu ne devait jamais toucher le sol, car les les récoltes en eussent été desséchées; il ne devait rien ramasser sur la terre non plus. S’il venait à tomber de cheval, on le mettait autrefois à mort. Personne n’avait le droit de dire qu’il était malade; s’il contractait une maladie grave, on l’étranglait en grand secret. . . . On croyait qu’il contrôlait la pluie et les vents. Une succession de sécheresses et de mauvaises récoltes trahissait une relâchement  de sa force et on l’étranglait en secret la nuit. Elias Canetti
Le Mardi gras (…) marque l’apogée du carnaval; un mannequin de paille, incarnant Carnaval, est jugé puis condamné à mort, généralement brûlé dans un grand brasier, parfois noyé ou décapité. Bouc émissaire de tous les maux de l’année passée, sa destruction marque le renouveau de l’année. Encyclopédie Encarta
Carnaval est (…) l’occasion d’expulser ses ennemis: pour les pauvres ce sont les riches; pour les dirigeants, les séditieux. L’arme utilisée est la satire, le monde à l’envers; le jugement du mannequin, puis sa destruction par le feu, est le mal que l’on détruit. (…) Sur les deux rives du Rhône, flambent alors les révoltes de paysans frappés par la misère, dépossédés de leurs terres. Le commerce est déstabilisé par les Guerres de Religion, les artisans romanais du cuir et du drap sont ruinés par la hausse des prix des peaux et de la laine. A ce tableau inquiétant, s’ajoutent les souvenirs de la Saint Barthélémy 1572 : les Protestants (Huguenots) recrutent encore chez ces artisans opposés à une bourgeoisie catholique; les autorités locales dénonçant l’influence des protestants. (…) En 1579, l’explosion paysanne est relayée par les citadins. De la simple diminution des impôts, les révoltés en exigent bientôt la disparition, alors que la noblesse est exemptée et que les riches trouvent des accommodements. Romans patrimoine
L’exemple de Romans fait apparaître le carnaval comme un « outil social » dont disposent les différents groupes au sein d’une collectivité pour exprimer les tensions et les antagonismes qui les dressent les uns contre les autres. Le carnaval n’est pas rite d’intégration ou rite de subversion; il est par essence ambivalent et présente simultanément les deux aspects; seul le contexte dans lequel il se déroule détermine le pôle qui l’emporte. Suzanne Chappaz-Wirthner
La violence le long de la ligne de tramway bordée de chênes Uptown a troublé ce qui avait été jusque là une journée de festivités plutôt paisible dans laquelle des centaines de milliers de personnes avaient fait la fête dans les rues en ce dernier jour du carnaval. Le NYT (sur les six victimes du Mardi gras de la Nouvelle–Orléans hier soir)
Souvenons-nous de la Révolution Française! Ségolène Royal
Le peuple de Guadeloupe nous a montré la voie à ce que pourrait être une grève générale ici pour imposer la répartition des richesses dont on a besoin. Olivier Besancenot
Les békés sont les mêmes là-bas et ici. Jean-Luc Mélenchon

1579-2009, même combat?

Comment ne pas repenser, en ce premier jour de Carême dit Mercredi des cendres et en ce lendemain de Mardi Gras et du véritable carnaval que vient d’offrir, avec dûs déguisements, mascarades et fêtes des fous, la Guadeloupe à sa chère Métropole …

A ces incroyable dérapages auxquels pouvait donner lieu au Moyen-Age (ou plus près de nous encore à Rio ou à La Nouvelle-Orléans) ces archaïques vestiges de fête sacrificielle …

Et notamment au tristement fameux Carnaval de Romans (magistralement décrit par l’historien Le Roy Ladurie) qui, il y a exactement 430 ans cette année, se transforma en véritable guerre des paysans et fit, dans la répression qui le suivit un an plus tard, plus de 1500 victimes?

Même contexte de grande insatisfaction populaire, mêmes profonds clivages au sein de la population, mêmes véritables et écrasantes « tailles et redevances » sur la consommation levés pour cause de monopole et pesant principalement sur les moins protégés, mêmes rancœurs toujours présentes des guerres qui ont marqué la fin de l’esclavage et scindent la population entre gros commerçants/propriétaires fonciers « Békés » et « Fonctionnaires » (équivalent moderne des artisans rassemblés en confréries), mêmes rivalités inter-corporations ou intersyndicales avec leurs « diables » et drapeaux rouges, noirs et blancs ou autres combats de coq, mêmes rituels de jeunes hommes traversant la ville en courant avec leurs brandons censés purifier la ville par le feu, même contagion aux « villages » alentour …

Les similitudes n’ont, on le voit (bilan sanglant heureusement mis à part), pas manqué.

Jusqu’à la réalité du différend où, derrière la vieille image de lutte des classes que voulaient nous imposer les excités de Métropole à la Royal ou Besancenot, le véritable règlement de compte en fait entre « patriciens » monopolistes et une prétendue classe de « plébéiens ».

Caste en réalité de fonctionnaires titulaires à la Domonta (directeur-adjoint de l’ANPE de son état) bien déterminés à défendre leurs privilèges sur le dos des véritables démunis, fonctionnaires non-titulaires, petits employés du privé et surtout, tout en bas de la chaine, chômeurs que leurs irresponsables revendications (les fameux 200 euros) vont enfermer un peu plus dans la misère …

Voir aussi:

« LE CARNAVAL DE ROMANS », CARNAVAL SANGLANT DE 1580

En 1979, l’historien Emmanuel Leroy Ladurie publiait un ouvrage consacré au carnaval de 1580 qui fit connaître à un large public un événement tragique de l’histoire romanaise.

Dans le calendrier du christianisme, la période de Carnaval ne peut être dissociée du «Temps du Carême », période de transition pour les futurs chrétiens qui sont tenus au jeûne avant de recevoir le baptême : 40 jours de jeûne et d’abstinence entre Mardi Gras et Pâques, marqués notamment par la privation de viande. Le Carnaval doit son nom à cet adieu à la bonne chère (carne vale). Carnaval est donc la période où les futurs chrétiens enterrent leur vie de païen : lors du Carême qui suit, les chrétiens renouvellent leur foi. A Romans, en 1580, la période carnavalesque commence par la Chandeleur (2 février) et la St Blaise (3 février), Mardi Gras tombant le 16 février ( Carême-Entrant, «Carmentrant » en patois romanais ).

Mais Carnaval est aussi l’héritier des fêtes des fous ou de l’âne, des fêtes païennes et égalitaires de la Rome antique dont il garde la violence et les excès. Carnaval s’inscrit également dans le folklore agraire car il marque la fin de l’hiver : à Romans, les danseurs imitent les gestes agricoles du battage aux fléaux. Ici apparaît le personnage important de « l’Ours de la Chandeleur » ; le 2 février, il sort de sa caverne où il hibernait : à Romans pour la Chandeleur 1580, le meneur de la révolte se déguise en ours.

Carnaval est enfin l’occasion d’expulser ses ennemis : pour les pauvres ce sont les riches; pour les dirigeants, les séditieux. L’arme utilisée est la satire, le monde à l’envers; le jugement du mannequin, puis sa destruction par le feu, est le mal que l’on détruit.

Au XVIe, Carnaval est l’occasion des reynages (confréries de métiers) où l’on désigne, dans les chants et l’ivresse, un roi de la fête qui dynamise les foules. Ces confréries, plus d’une dizaine à Romans, correspondent à différents métiers ou groupes sociaux : Saint Mathieu est celle de l’élite dirigeante, Maugouvert est « l’abbaye joyeuse » de la jeunesse dorée qui organise des danses et contrôle les mariages, la confrérie Saint Blaise est celle des cardeurs et drapiers.

En 1579, Romans est une ville d’environ 7500 habitants, isolée et protégée du monde rural extérieur par son rempart. Sur les deux rives du Rhône, flambent alors les révoltes de paysans frappés par la misère, dépossédés de leurs terres. Le commerce est déstabilisé par les Guerres de Religion, les artisans romanais du cuir et du drap sont ruinés par la hausse des prix des peaux et de la laine. A ce tableau inquiétant, s’ajoutent les souvenirs de la Saint Barthélémy 1572 : les Protestants (Huguenots) recrutent encore chez ces artisans opposés à une bourgeoisie catholique; les autorités locales dénonçant l’influence des protestants.

En 1579, l’explosion paysanne est relayée par les citadins. De la simple diminution des impôts, les révoltés en exigent bientôt la disparition, alors que la noblesse est exemptée et que les riches trouvent des accommodements. Le 3 février, à Romans, les artisans drapiers, de la confrérie de Saint Blaise, et les paysans élisent à leur tête Jean Serve dit Paumier. En juillet, la reine-mère Catherine de Médicis est à Romans, espérant que la présence de son armée rétablira l’ordre. C’est un échec. Les exactions reprennent après le départ des autorités royales, et se poursuivent dans les mois qui suivent.

Le Carnaval de 1580 approche bientôt. Déçus par une année de combat contre la noblesse et la bourgeoisie qui ne leur a rien apporté, les artisans et paysans manifestent leur révolte dans les rues de la ville en brandissant épées nues, robes mortuaires en menaçant : « avant trois jours, la chair du chrétien se vendra 6 deniers la livre », sous chrétien il faut lire « le riche, le puissant ». Fin janvier, Paumier s’assied d’autorité sur le siège consulaire (maire) dont il expulse les représentants, en particulier le juge Guérin, un des responsables des massacres de la St Barthélémy à Romans : c’est le monde à l’envers, thème essentiel de toutes les manifestations du folklore carnavalesque.

Les notables choisissent de répondre en jouant le jeu du Carnaval. Pour intimider les révoltés, ils se déguisent en roi, archevêque, « soldat suisse ». Bientôt, ils prêtent à la foule artisanale et paysanne, le dessein de les tuer tous pour « épouser leur femme et se partager leurs biens ». Justifiée ou non, cette peur suscite chez eux une réaction punitive préventive. La ville se divise en partis, ou royaumes (reynages), hostiles qui correspondent aux divers quartiers riches ou pauvres, et aux confessions religieuses. Chaque royaume choisit un animal-totem : le principal parti des artisans, avec Paumier, choisit d’être le « chapon »; les classes dirigeantes, avec Guérin, choisissent la «perdrix ». De part et d’autre, on organise joutes, bals, festins d’où partent des défis.

L’occasion du massacre est fournie, dans la nuit du lundi 15 au Mardi Gras, par l’ultime défilé des partisans de la perdrix qui se termine par un bal masqué. L’arrivée à ce bal de partisans du chapon, et les menaces qu’ils lancent à l’encontre des femmes des « gens de biens », apparaissent comme la dernière provocation que peuvent supporter ceux de la perdrix. Ces derniers s’arment et abattent Paumier « d’un coup d’épieu au visage, de deux coups de pistolet et de quelques coups d’épées ».Les autres chefs du parti populaire s’échappent en sautant les remparts, ou fuient à la nage dans l’Isère glacée. Les hommes de Guérin ayant, la veille, pris possession des portes des remparts, la ville est bouclée : une trentaine d’artisans sont massacrés ; les 1500 paysans des alentours, alertés par le tocsin, ne peuvent les sauver. Pendant trois mois, Guérin instruira les procès des survivants.

Ainsi s’achève le Carnaval de 1580 : tout est remis à l’endroit ; les classes dominantes retombent sur leurs pieds. Et, pour mieux affirmer cette remise en ordre, Guérin fait suspendre l’effigie de Paumier, « à l’envers, pieds en l’air, tête en bas ».

Voir aussi:

Le Carnaval de Romans
Danielle Montariol
professeur d’Histoire-Géographie

A plusieurs reprises, les carnavals donnèrent lieu à des affrontements entre le peuple et les classes dirigeantes.
Retrouver le quotidien, la hiérarchie sociale, les interdits, la misère, tournent parfois à la rébellion, voire à l’émeute.
Le mieux connu de ces carnavals tragiques est celui de Romans, dans le Dauphiné (actuel département de la Drôme), étudié par Emmanuel Le Roy Ladurie.

Le lundi 15 février 1580, veille du Mardi gras, dans cette ville de 7000 habitants, des émeutes sanglantes vont éclater puis dégénérer en un véritable bain de sang quand les villages des alentours entreront en scène.

Le cadre : les clivages au sein de la population urbaine sont très importants
– les impôts royaux, tailles et redevances levés pour frais de guerre sont énormes et ne pèsent, bien sûr, que sur les roturiers.
– les rancœurs des guerres de religion sont toujours présentes et scindent la population entre Huguenots, Ligueurs et Catholiques.
– les gens sont regroupés dans des associations, des corporations : les rivalités sont très importantes, et ont parfois des connotations sexuelles.
Par exemple, les groupes sont représentés par des animaux symboliques :
– ceux des riches sont sexués, aériens ( aigle, coq)
– ceux des pauvres, châtrés ( chapon ou mouton)…..

Les circonstances
Les esprits étaient échauffés depuis pas mal de temps et beaucoup souhaitaient « en découdre ».
De jeunes hommes traversent la ville en courant avec des flambeaux, les brandons : leur fonction de purification et de fécondation vise à tuer symboliquement les insectes parasites des arbres fruitiers, les rats, les mulots, et à protéger les récoltes et les couvées.
Il y avait donc effervescence dans la ville.
La présence d’une reine de Carnaval chez les riches, d’une femme, que les pauvres sont venus voir, alors qu’ils n’y étaient pas conviés va mettre le feu aux poudres.
Le combat va commencer vers 21/22 heures, entre bandes de riches et bandes de pauvres.
Les mouvements de panique qui vont se propager dans toute la ville, vont faire le reste.
On note 20 à 30 morts, ce qui est peu par rapport à ce qui va se passer les jours suivants. En effet, les villages alentour se révoltent à leur tour, la répression est effroyable : 1500 à 1800 hommes sont passés au fil de l’épée les 26 et 28 mars 1580. Il s’agit d’une véritable « guerre des paysans ».

Interprétation
S’agit-il vraiment d’une lutte, classe contre classe ? Riches contre pauvres ? Il semblerait que parmi les « acteurs », il n’y ait pas eu de véritables indigents. C’est plutôt un règlement de comptes « patriciens » contre « plébéiens ». L’élite contre le « peuple »..

Voir enfin:

Mardi gras
Encyclopédie Encarta

Mardi gras, fête précédant le Carême dans les pays et les communautés de religion catholique. En France, le Mardi Gras a lieu le dernier des trois jours gras précédant le Carême et il annonce l’approche du mercredi des Cendres et le début du jeûne. Il marque les dernières réjouissances et les derniers plaisirs de la bonne chère. En pratique, Mardi Gras est célébré pendant la semaine entière qui précède le Carême. On y voit des défilés spectaculaires de chars, des spectacles somptueux, des costumes raffinés, des bals masqués et des danses de rue.

À l’origine, Mardi Gras faisait partie des journées de carnaval qui avaient lieu dans tous les pays de religion catholique entre l’Épiphanie et le mercredi des Cendres. L’origine des carnavals remonte aux rites de fertilité du printemps de la période précédant l’ère chrétienne. Les fêtes de Mardi gras les plus célèbres se déroulent à La Nouvelle-Orléans (Louisiane), à Rio de Janeiro (Brésil), à Cologne (Allemagne) et à Nice.

Carnaval

1. Présentation

carnaval, période de festivités ayant lieu chaque année durant la période qui précède le Carême dans les pays de culture catholique.

2. Origines païennes

Le carnaval plonge ses racines dans de très anciennes coutumes païennes. Présentes dans les civilisations latine, germanique et nordique, les célébrations profanes marquent le sortir de l’hiver et le réveil de la nature, dans des sociétés où l’agriculture est le moyen essentiel de subsistance. Ainsi, bon nombre de fêtes profanes antiques donnent lieu à des sacrifices destinés à inciter les divinités à chasser le froid, à favoriser les cultures, à encourager la fécondité, etc.

Les célébrations liées au renouveau utilisent le symbole de l’inversion, qui s’incarne dans le passage de l’hiver au printemps, de la stérilité à la fécondité. La transition vers l’année nouvelle nécessite un passage par le chaos, synonyme de destruction, d’annihilation (de l’année précédente, des mauvais esprits, etc.), qui permet ensuite le renouveau. Les cultes d’Isis, pratiqués dans l’Égypte ancienne, mais également dans le monde antique jusqu’au ve siècle, portent cette idée de renouveau de la terre. Le carnaval dérive aussi de certaines fêtes de l’Antiquité romaine, comme la fête des Lupercales, qui avait lieu le 15 février de chaque année, et marquait le début d’une nouvelle année (jusqu’à l’instauration du calendrier julien par Jules César, en 46 av. J.-C., le début de l’année était le 1er mars) ; les Saturnales, qui avaient lieu autour du solstice d’hiver, étaient une période de renversement total, où les maîtres servaient leurs esclaves, et les esclaves se coiffaient du pileus (emblème de liberté) ; les institutions restaient fermées pendant trois jours, pendant lesquels la fête battait son plein au gré de cavalcades dans les rues et de banquets paillards.

3. La fête chrétienne

La chrétienté réglemente le carême au ive siècle, lors du premier concile de Nicée (325), et en fixe les règles de jeûne et les dates. La christianisation du calendrier, pour l’Église, est le moyen de lutter contre les rites païens en les intégrant à l’année liturgique, ce qui lui permet par la suite de les contrôler et de les orienter. L’origine du terme carnaval n’est pas certaine : une première hypothèse renvoie le terme à l’expression latine carnem levare, soit « ôter la viande », faisant référence à la privation de viande durant les quarante jours du carême ; la seconde hypothèse au contraire renvoie à l’expression carnis levamen, « soulagement de la chair », marquant plutôt la satisfaction du corps dans cette période d’abondance avant la privation — en portugais et en espagnol, cette célébration est nommée entrudo (« entrée »). Au Moyen Âge, une longue période de festivités s’étendait de Noël au mercredi des Cendres : fête des fous, fêtes de l’âne, fête des innocents, processions… La période de carnaval prend place dans cette période, et s’échelonne entre l’Épiphanie et le mercredi des Cendres ; elle permet à la population à la fois de célébrer les antiques fêtes marquant la fin de l’hiver, tout en se préparant au carême, mêlant ainsi étroitement le sacré et le profane. C’est également un moment de « décompression sociale », d’évacuation dans l’outrance des souffrances de l’année, et une revanche sur l’ordre social, notamment par l’inversion des rôles et la possibilité de se dissimuler derrière un déguisement ou un masque pour devenir, l’espace de quelques jours, une autre personne.

Au Moyen Âge, les célébrations de carnaval consistent en des mascarades et déguisements, de joyeux défilés dans les rues des villes et des banquets offerts au petit peuple ; tous les débordements sont permis, tant pour l’alcool, la viande, les épices, que pour la sexualité, contenue dans la sphère privée en temps normal. Farces licencieuses et comportements outrés sont de règle. L’Église et la noblesse sont moquées et ridiculisées par des saynètes parodiques. Les manifestations les plus importantes du carnaval se déroulent durant les « trois jours gras », c’est-à-dire pendant les trois jours précédant le mercredi des Cendres. Le Mardi gras, la veille, marque l’apogée du carnaval ; un mannequin de paille, incarnant Carnaval, est jugé puis condamné à mort, généralement brûlé dans un grand brasier, parfois noyé ou décapité. Bouc émissaire de tous les maux de l’année passée, sa destruction marque le renouveau de l’année.

De plus en plus policé, jugé comme un désordre à l’ordre public, puis attaqué par les philosophes du siècle des Lumières qui y voient une coutume barbare, le carnaval perdure tant bien que mal jusqu’à la fin du xixe siècle, mais perd au fil des siècles sa charge subversive pour ne survivre que sous une forme conventionnelle, plutôt réservée aux enfants (déguisements). Certaines villes conservent sous une forme ritualisée des formes du carnaval d’autrefois, comme, en Europe, le carnaval de Binche, de Zürich, de Dunkerque, ou de Bâle (qui est par ailleurs l’unique carnaval protestant à avoir survécu), et en Amérique du Sud les carnavals de Baranquilla (Colombie) ou de Oruro (Bolivie).

4. Une fête protéiforme et universelle

1. Diversité des carnavals

Le carnaval, fête populaire par excellence, s’est répandu sur toute la planète grâce à l’expansion du christianisme, bien que les significations religieuses se soient évanouies ou diluées. Chaque région, et même chaque ville a développé des coutumes particulières ; ainsi en Amérique latine, comme au Brésil ou au Mexique, le carnaval intègre des éléments religieux préexistants, et constitue une fête syncrétique (ainsi la procession de la Diablada, au Mexique, qui réunit de veilles légendes andines à une célébration catholique). D’un pays à l’autre, la saison du carnaval ne commence pas le même jour. Ainsi, en Bavière et en Autriche, ainsi qu’au Brésil, ou dans le nord de la France, il commence le 6 janvier, jour de l’Épiphanie. À Cologne et dans d’autres régions d’Allemagne, la saison débute le matin du 11 novembre, à 11 h 11. Les carnavals les plus célèbres sont le carnaval de La Nouvelle-Orléans aux États-Unis, le Carnaval de Venise en Italie, celui de Rio de Janeiro au Brésil et celui de Nice en France. Le carnaval de Notting Hill, dans l’ouest de Londres, attire chaque année près de deux millions de personnes.

2. Fonctions symboliques et sociales du carnaval

La célébration du carnaval, traditionnellement marquée par des bals masqués, des défilés de chars bariolés dans les rues et des cortèges costumés, remplit plusieurs fonctions sociales et symboliques. Le masque, et plus largement le déguisement, a un rôle crucial dans la célébration : selon l’analyse de Roger Caillois, « au Carnaval, le masque ne cherche pas à faire croire qu’il est un vrai marquis, un vrai toréador, un vrai Peau-Rouge, il cherche à faire peur et à mettre à profit la licence ambiante, elle-même le résultat du fait que le masque dissimule le personnage social et libère la personnalité véritable » (les Jeux et les Hommes, 1958). Si « l’homme masqué n’a aucune responsabilité » (ibidem), cette liberté ne dure que le temps de carnaval, et ne peut en aucun cas sortir de ce cadre. Le retour à une réalité normale, au poids de la hiérarchie sociale, aux interdits, à la misère, sont parfois douloureux et ont pu donner lieu à de violents affrontements dans des contextes difficiles, dont le mieux connu est le carnaval de Romans de 1580, étudié par Emmanuel Le Roy Ladurie (le Carnaval de Romans, 1979) : dans un contexte de grande insatisfaction populaire (impôts écrasants, rancœurs des guerres de Religion, rivalités inter-corporations), les émeutes entre « patriciens » et « plébéiens » font près de 1 500 morts.

3 Responses to DOMTOM: On a brûlé Vaval (Were the Guadeloupe riots a kind of latter-day Carnaval de Romans?)

  1. […] au lendemain du carnaval guadeloupéen, sur un aspect peu connu de la réalité française, mais, avec leurs statut de résident non […]

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  2. […] au lendemain du carnaval guadeloupéen, sur un aspect peu connu de la réalité française, mais, avec leurs statut de résident non […]

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  3. lucile dit :

    trop long

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