Moyen-Orient: Les Libanais redécouvrent à leur tour leur problème palestinien (From sacred to lost cause: the Lebanese, too!)

Pal kids with guns (Life, 1970)Qui veut contrôler une région doit y disposer d’une force d’intervention asymétrique. Cette force régionale a longtemps été le Hezbollah mais après la guerre du Liban, il fallait que les mollahs créent une autre force plus insaisissable et plus impénétrable pour renouveler certaines méthodes et reprendre l’avantage sur le terrain. Iran-Resist
Le Hezbollah chiite a prévenu qu’il s’opposerait à une nouvelle opération militaire contre le groupe Fatah al-Islam. Le Figaro (29/5/2007)
Pour moi, c’est une catastrophe après l’autre. Tout a commencé à la fin de l’été dernier, quand les militants du Fatah Al-Islam sont arrivés, sous couvert du Fatah-Intafida, une organisation palestinienne dissidente pro-syrienne. Au début, ils étaient très courtois et plutôt discrets. Avec leur argent, ils ont pu acheter ou louer un grand nombre de maisons au prix fort. Au fil des semaines, leur comportement a changé. Ils ont fait la loi, affiché leur appartenance au Fatah Al-Islam et pris le camp en otage. Des incidents ont éclaté. Avec mes quatre frères, nous habitions juste à côté de leur quartier général. Il y avait toujours des problèmes mais personne n’osait leur parler parce qu’ils étaient toujours lourdement armés. Au moindre prétexte, ils n’hésitaient pas à vous jeter une grenade. On ne pouvait pas les empêcher de monter sur notre toit pour tirer sur l’armée libanaise. Le 3 mai, mon fils Ahmad, 24 ans, a reçu une balle perdue lors d’une altercation entre un de leurs combattants et un membre de la famille. Ahmad a perdu la mémoire et l’usage de la parole. Il est devenu hémiplégique. Aujourd’hui, nous n’avons plus de maison et, bientôt, il ne me restera plus d’argent pour faire soigner mon fils. Mayssan (ex-résident de Nahr El-Bared, 24.05.07)
L’armée libanaise a agi trop tard. Il aurait fallu intervenir il y a des mois. Les combattants du Fatah El-Islam sont des criminels et des terroristes. Cela fait plus de six mois que nous vivons dans la terreur. Ce sont des gens qui n’ont rien à perdre et qui ont aussi beaucoup d’argent. Même si elle détruit tout le camp, l’armée n’arrivera pas à les éliminer. Faelia

Un « malheur » n’arrive jamais seul…

Avec le désastre du régime Hamas à Gaza et le début de réalisation qu’il semble avoir produit, pour certains Arabes, de l’impasse de la « cause palestinienne » …

Voici, du côté libanais, la première intervention depuis près de 40 ans des forces armées dans les « camps de réfugiés » et un semblable début de reconnaissance d’une autre et très ancienne fiction.

Et peut-être aussi, comme le suggère un éditorial d’un journal libanais traduit par Courrier international (néanmoins étrangement silencieux sur la commode diversion que présente une telle situation pour un Hezbollah en train de se racheter une conduite pendant son réarmement?),… de l’impasse de leur propre « cause sacrée »?

D’où l’impression d’une rare indulgence, du côté de nos médias, pour des forces libanaises qui ne semblent pourtant pas lésiner sur les moyens (bombardements à l’arme lourde bien au-delà des opérations israéliennes comme celle de Djénine qui avait, on s’en souvient, été qualifiée de véritable « génocide »!).

Espérons seulement qu’ils n’en arrivent pas aux extrémités qu’ont connues, dans les années 70 et 80, leurs voisins jordaniens (« Septembre noir », 1970) et syriens (la « guerre des camps » libanais, 1976 ou Hama contre les Frères musulmans, 1982) …

Depuis le funeste accord du Caire de 1969 [donnant à la résistance palestinienne le droit de mener des opérations de guérilla contre Israël à partir du territoire libanais] et jusqu’au déclenchement des affrontements à Nahr El-Bared, une offensive de la troupe contre un camp palestinien était inconcevable et nul n’osait envisager une telle éventualité.

Pour la première fois depuis la fin des années 1960, les Palestiniens ne se comportent pas en tant qu’organisations armées entretenant des rapports avec des fractions locales. Ils ont plutôt – du moins en ce qui concerne le Fatah et l’OLP – une approche légaliste des relations avec le Liban, en ce sens qu’ils placent ces relations au niveau de rapports entre le gouvernement libanais et l’Autorité palestinienne.

LIBAN – Le mythe de l’inviolabilité des camps palestiniens est brisé
Les combats opposant l’armée libanaise à des groupes armés installés dans des camps de réfugiés palestiniens au Liban gagnent en intensité. Mais ces affrontements n’ont pas que des effets négatifs, estime le quotidien beyrouthin L’Orient-Le Jour.
Michel Touma
L’Orient-Le Jour
Courrier international
Le 4 juin 2007

Destiné à servir de catalyseur d’un genre nouveau aux plans démoniaques de Damas [pour de nombreux observateurs et politiques libanais, c’est le régime syrien qui a implanté le groupuscule salafiste Fatah Al-Islam au nord du Liban pour se doter d’un nouveau moyen de déstabilisation du gouvernement antisyrien en place], Fatah Al-Islam a au contraire suscité, contre son gré, une double contre-réaction salutaire.

Pour la première fois en près de quarante ans, plus précisément depuis le début de la crise entre l’Etat et les Palestiniens à la fin des années 1960, l’armée libanaise bénéficie en effet aujourd’hui d’un vaste soutien populaire et politique sunnito-druze, parallèlement, évidemment, à l’appui chrétien [le parti chiite du Hezbollah et ses quelques alliés chrétiens ont critiqué l’action de l’armée] dans un combat mené pour défendre la souveraineté de l’Etat face à des organisations se réclamant de la cause palestinienne.

L’armée mène dans ce cadre sa première grande bataille depuis les années 1970. Dans cette bataille, elle a réussi à briser le tabou et le mythe de l’inviolabilité des camps palestiniens. Depuis le funeste accord du Caire de 1969 [donnant à la résistance palestinienne le droit de mener des opérations de guérilla contre Israël à partir du territoire libanais] et jusqu’au déclenchement des affrontements à Nahr El-Bared, une offensive de la troupe contre un camp palestinien était inconcevable et nul n’osait envisager une telle éventualité.

A la faveur de son baptême du feu, qu’elle semble mener d’une main de maître, l’armée a brisé aujourd’hui cette barrière psychologique, avec le soutien total des sunnites et des druzes. Nous sommes loin en effet de la levée de boucliers sunnite contre l’armée lors des précédentes crises avec les Palestiniens. Certes, le contexte et le paysage géopolitique sont totalement différents. Mais l’évolution globale de la position sunnito-druze devrait favoriser, surtout à la lumière des résultats de la bataille actuelle, un règlement de la question de l’armement palestinien et, d’une manière plus générale, du problème sécuritaire à l’intérieur des camps.

Autre donnée fondamentale apparue à la faveur de l’épisode Fatah Al-Islam: la coopération étroite, voire la complicité, entre le gouvernement, d’une part, et l’Autorité palestinienne et le Fatah, d’autre part. Pour la première fois depuis la fin des années 1960, les Palestiniens ne se comportent pas en tant qu’organisations armées entretenant des rapports avec des fractions locales. Ils ont plutôt – du moins en ce qui concerne le Fatah et l’OLP – une approche légaliste des relations avec le Liban, en ce sens qu’ils placent ces relations au niveau de rapports entre le gouvernement libanais et l’Autorité palestinienne.

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