


L’art de l’imposition consiste à plumer l’oie pour obtenir le plus possible de plumes avec le moins possible de cris. Jean-Baptiste Colbert
Mieux vaudrait la faillite d’entreprises mal gérées que de prolonger indéfiniment le gel du crédit. Anna Schwartz.
Tous les économistes ne sont pas devenus Keynésiens et tous ne considèrent pas que la dépense publique améliore la croissance. La dépense publique au temps de Franklin Roosevelt n’a pas sorti les Etats-Unis de la dépression des années 1930. Elle n’a pas sauvé l’économie japonaise dans les années 1990. Croire que la dépense publique aide l’économie, c’est un espoir que contredit l’expérience. Le retour à la croissance exige de supprimer les obstacles au travail, à l’épargne et à l’investissement: en particulier par la baisse durable des impôts. Ed Prescott et Vernon Smith (Prix Nobel d’économie)
Le secret qui permet aux gens d’abriter leur fortune, sans payer d’impôt comme il se doit, on ne peut pas le tolérer. C’est injuste pour ceux qui n’ont pas d’autre choix que de payer. C’est l’une des choses que la Suisse doit régler. Si elle veut faire partie de la communauté internationale, elle doit être ouverte. Alistair Darling (ministre des Finances britannique)
A l’heure où nos voisins suisses dont la première banque (UBS) vient de se faire pincer pour des pratiques douteuses suite à son installation sur le sol américain en 2001, sont, comme nos voisins luxembourgeois montrés du doigt pour complicité de fraude fiscale …
Au moment même (surprise!) où, pour faire passer leurs propres manquements et ceux de leurs banques renfloués massivement par les contribuables que nous sommes (et sans jamais, pour des pays comme la France, se poser la question du caractère quasi-confiscatoire de leur fiscalité officielle), les Etats occidentaux se décident enfin à s’attaquer aux paradis fiscaux et bancaires, sources significatives de leurs pertes de recettes fiscales mais aussi, comme l’ont montré la faillite des banques britannique et américaine Northern Rock et Bern Stearns, de l’instabilité bancaire internationale …
Retour, au lendemain du carnaval guadeloupéen, sur un aspect peu connu de la réalité française, mais, avec leurs statut de résident non domicilié ou de sociétés non résidentes, il y aurait probablement beaucoup à dire sur le Royaume-Uni ou les Etats-Unis …
A savoir l’existence (au-delà des fameuses défiscalisations des DOM ou de nos Monaco et Andorre) non seulement de nos petits paradis fiscaux, baptisés d’ailleurs depuis 2007 du nouveau patronyme de COM (collectivités d’outre mer, regroupant Mayotte, Saint-Barthélémy, Saint-Martin, Saint-Pierre-et-Miquelon, Wallis-et-Futuna et Polynésie Française), mais le fait que l’Hexagone peut lui aussi servir de paradis fiscal… aux Suisses eux-mêmes!
Ces petits paradis fiscaux français qu’on laisse prospérer
Augustin Scalbert
Eco89
10/17/2008
Fillon veut s’attaquer à l’évasion fiscale et au blanchiment d’argent. L’outre-mer français est loin de donner l’exemple…
Les paradis fiscaux « ne doivent plus exister », a déclaré un François Fillon [1] emporté par la crise, le 14 octobre. Le Premier ministre pensait-il aux places off shore qu’abrite le territoire français ?
Selon les spécialistes, Saint-Martin, Saint-Barthélémy, Tahiti, Wallis-et-Futuna mais aussi des départements d’outre-mer peuvent fonctionner comme des paradis fiscaux, voire des places de blanchiment.
Difficile de quantifier l’ampleur du phénomène, puisqu’un paradis fiscal et une place off-shore sont, par définition, des « trous noir » de la finance mondiale. Au sens des différentes définitions adoptées par les instances internationales, les départements et collectivités d’outre-mer français ne sont ni l’un ni l’autre.
Et leur rôle est certainement lilliputien si on le compare à celui des places fortes de la finance dérégulée en Europe -Londres, Monaco, la Suisse ou les îles anglo-normandes- ou ailleurs -îles des Caraïbes, de l’océan Indien ou du Pacifique.
N’empêche. Mieux contrôler les zones d’ombre financières qui existent sur le territoire français est a priori plus facile que de s’attaquer aux règles fiscales des îles Caïman ou au secret bancaire du Liechtenstein.
« Dès qu’il y a défiscalisation, le fisc est moins présent »
Consultant auprès de l’ONU et de la Commission européenne, Michel Koutouzis est co-auteur (avec le magistrat Jean-François Thony) du « Que sais-je ? » sur le blanchiment (PUF, 2005). « Le B.A.-ba, c’est de se demander ce qu’est une place off-shore », dit-il. « C’est un endroit où existe un système économique et financier qui, pour une raison ou pour une autre, n’est pas régulé par les lois du pays auquel il appartient. »
Avec les différents régimes de défiscalisation [2] dont ils bénéficient, les départements (Guadeloupe, Martinique, Guyane, Réunion) et collectivités (Mayotte, Saint-Barthélémy, Saint-Martin, Saint-Pierre-et-Miquelon, Wallis-et-Futuna, Polynésie Française) d’outre-mer sont dans ce cas-là, mais, en théorie, uniquement pour les contribuables français. Les COM (anciennement TOM) jouissent même d’une totale autonomie fiscale et douanière.
Loin des rivages -« off the shores » en anglais- de l’Hexagone, les contribuables français peuvent défiscaliser leurs investissements destinés à favoriser l’économie et le tourisme locaux. « Dès qu’il y a défiscalisation, le fisc est moins présent », note Michel Koutouzis. Et, logiquement, moins regardant sur l’origine des fonds.
Un rapport sénatorial [3] de 2002 sur « la défiscalisation dans les départements et les territoires d’outre-mer » pointait déjà « l’absence de procédures de contrôle et le nombre incertain de sanctions ».
« Vous pouvez utiliser les niches fiscales d’outre-mer pour faire fuir des capitaux »
Pour le journaliste Christian Chavagneux, rédacteur en chef adjoint à Alternatives Economiques et co-auteur (avec Ronen Palan) d’un « Repères » sur les paradis fiscaux (La Découverte, 2007), c’est évident :
« Vous pouvez utiliser les niches fiscales d’outre-mer pour faire fuir des capitaux, mais ces niches posent aussi la question du blanchiment. Dès que vous ouvrez des portes qui permettent légalement de réduire l’imposition, vous tentez des gens qui ont acquis des fonds illégalement de les réinvestir dans un circuit légal. »
Prenons le cas très emblématique de Saint-Martin, une île des Antilles qui a obtenu il y a un an (comme sa voisine Saint-Barthélémy) le statut de COM, alors qu’elle dépendait auparavant du département de la Guadeloupe.
La souveraineté de l’île est partagée entre la France et les Pays-Bas, mais aucune frontière ne sépare les deux territoires. Michel Koutouzis évoque la coopération entre les établissements bancaires des deux parties de l’île, et décrit des moyens beaucoup plus simples de blanchir de l’argent :
« Vous arrivez avec de l’argent noir dans un casino côté néerlandais. On vous dit de vous mettre à une table donnée pendant une heure. Le casino vous fait gagner une somme arrangée au préalable, une pratique courante dans les paradis fiscaux.
« Une fois vos gains récupérés, vous pouvez aller les investir côté français dans des projets immobiliers ou des marinas. »
Des projets immobiliers abandonnés après des faillites volontaires
Car les investissements dans le secteur de la navigation de plaisance font partie des niches fiscales en vigueur outre-mer. Outre le blanchiment, ce secteur est aussi utilisé pour l’évasion fiscale. « A Saint-Martin, on voit beaucoup de fleurons de l’industrie touristique déposer le bilan, ce qui donne des hôtels et des marinas vides ou inachevés », témoigne un journaliste en poste dans les Antilles.
Michel Koutouzis détaille un autre circuit :
« Une fois que vous avez investi de l’argent dans un projet touristique, vous vous déclarez en faillite. Vous pouvez ensuite récupérer l’argent et le transférer non loin de là, à Curaçao par exemple, sans aucun contrôle. »
C’est ainsi que le contribuable français finance des investissements vers des paradis fiscaux.
A Saint-Barth’, des people… et un statut fiscal en or
Non loin de Saint-Martin, on trouve l’île de Saint-Barthélémy, plus connue des milliardaires et des lecteurs de la presse people sous son gentil diminutif de « Saint-Barth ». En 2006, un article [4] du Monde Diplomatique montrait à quel point le statut fiscal de l’île -officialisé depuis- est préjudiciable au reste des contribuables antillais.
« Les habitants de Saint-Barthélémy ne voient pas du tout l’effet de ce statut sur leur niveau de vie. Au contraire, le coût de la vie a plutôt tendance à grimper », relève Michel Roy, directeur du plaidoyer international au Secours Catholique, qui fait partie de la plateforme paradis fiscaux et judiciaires [5] avec une dizaine d’ONG (dont Attac, le CCFD, Oxfam, Transparence International…).
Pour lui, l’Union européenne « doit réfléchir à d’autres moyens de d’aider ces territoires, au lieu d’en faire des places financières ».
Si elles favorisent le développement des territoires, les niches fiscales d’outre-mer ont donc aussi pour effet d’encourager l’évasion fiscale, voire le blanchiment d’argent sale. D’après le chercheur américain Raymond Baker, spécialiste des circuits noirs de la finance mondiale, l’argent qui passe par les paradis fiscaux est destiné pour 5% à la corruption, 30% au blanchiment, le reste concernant l’évasion et la fraude fiscale.
Selon ces critères, l’outre-mer français devrait donc entrer dans le débat actuel.
Voir aussi:
La France, paradis fiscal pour les Suisses?
Guirec Gombert
19/02/2009
La question semble étonnante, mais des retraités helvètes viennent bien s’installer en France pour échapper au fisc de leur pays.
Lieu de refuge pour les riches étrangers, la Suisse est pourtant elle aussi touchée par l’exil fiscal. Surprenant,des retraités choisissent la France pour des raisons fiscales, selon le journal «Swissinfo». Une faille dans le dispositif fiscal français leur permet en effet d’échapper à l’imposition des deux pays.
Zéro impôt
La législation suisse oblige les employés à cotiser à deux piliers pour se constituer leur retraite. Le premier sera versé à l’heure de la retraite sous forme de rente mensuelle. Mais pour le second la loi de prévoyance professionnelle – le salarié a le choix de le retirer sous forme de capital ou de rente. «Si le salarié vit en Suisse, il sera taxé entre 8% à 10% sur son capital, selon son canton de résidence, explique l’avocat suisse Pierre-Alain Guillaume, spécialisé en matière fiscale. Mais si vous vous installez en France avant de toucher le magot, vous bénéficiez d’une convention entre les deux pays pour éviter la double imposition.» Comme le droit français ne prévoit pas de taxer ce type de capital, les exilés suisses échappent à toute taxation sur cette somme et évitent également de payer l’impôt sur le revenu en Suisse. «Pour en bénéficier, il faut faire un transfert complet de résidence et s’installer au mois deux ans en France pour être certain de bénéficier de la convention fiscale», poursuit l’avocat. Les petits retraités seront les plus intéressés. «Le capital de prévoyance professionnelle va de 80 000 euros jusqu’à 5 millions d’euros et plus, précise Pierre-Alain Guillaume. Mais pour ceux qui ont un capital inférieur à 800 000 euros, c’est très attrayant de venir en France puisqu’ils ne seront pas soumis à l’impôt sur la fortune.»
Le bouclier fiscal intéressant pour les grosses fortunes
Les très grosses fortunes peuvent également profiter de la fiscalité française grâce à l’instauration du bouclier fiscal. En effet, la majorité des cantons suisses n’ont pas voté un tel plafonnement des impôts et ont conservé l’impôt sur la fortune (ISF). «L’ISF ‘mange’ la fortune de certains contribuables alors qu’ils touchent parfois un salaire relativement modeste», poursuit l’avocat. Certains clients exaspérés se demandent s’ils ne vont pas déménager.» Ainsi, une personne dont la fortune s’élève à plus de 6 millions d’euros «pourrait être intéressée par le bouclier fiscal en France». Enfin, théoriquement, car, vue d’ailleurs, la prudence est de mise. «L’instabilité fiscale de la France et le peu de recul sur le bouclier fiscal n’incitent pas encore les très riches à se jeter dans les bras du fisc français, explique l’avocat. Ils ont encore tout intérêt à déménager à Monaco, ou en Angleterre.»
Voir également:
FRAUDE FISCALE – Un rapport accablant pour la banque suisse UBS
Selon une enquête menée par les autorités américaines, quelque 80 gestionnaires de fortune de la banque suisse UBS, munis de visas touristiques, ont profité de réceptions mondaines, de régates ou de tournois de tennis organisés aux Etats-Unis pour rencontrer discrètement leurs clients ou en recruter de nouveaux. Ils leur ont ainsi « vendu des produits et des services qu’ils n’avaient, pour une part au moins, pas l’autorisation de fournir aux Etats-Unis », profitant du secret bancaire pour les aider à soustraire au fisc plusieurs millions de dollars, explique Le Temps.
Un rapport du Sénat « détaille le luxe des précautions prises (ordinateurs cryptés, documents antidatés, transferts d’argent anonymes, simulations d’interrogatoire par le FBI) pour aider les clients de l’UBS à dissimuler leurs fonds en Suisse », poursuit le quotidien de Genève. Selon le même rapport, l’UBS a reconnu gérer en Suisse 19 000 comptes d’Américains non déclarés au fisc.
Le secret bancaire en danger
Face aux déboires d’UBS avec la justice américaine, les autorités suisses se retrouvent devant un cas de conscience. Doivent-elles ou non céder aux pressions venues des Etats-Unis et de l’Union européenne et accepter de briser un tabou ?
Encore une fois, les fautes d’UBS obligent le pays à changer d’époque [poursuivie par la justice des Etats-Unis pour avoir aidé des citoyens américains à échapper au fisc, UBS se croyait sortie d’affaire. Le 18 février, la banque suisse avait en effet accepté de payer une amende de 780 millions de dollars et de livrer les noms de 250 clients. Mais Washington exige maintenant des informations sur 52 000 comptes secrets]
Juste avant le rebondissement judiciaire de jeudi soir, la réplique du séisme avait déjà surgi à Bruxelles : l’Union européenne réclame à l’avenir un traitement identique à celui consenti aux Américains. Les pressions étaient fortes, elles vont devenir écrasantes. Les déclarations de Nicolas Sarkozy ou d’Angela Merkel [qui souhaitent « moraliser les paradis fiscaux »], ces dernières semaines, ont bien montré les limites des amitiés traditionnelles : c’est au pur rapport de force que les cartes vont être rebattues. Et la Suisse vient d’admettre la faiblesse de sa position.
Voir enfin:
FRAUDE FISCALE – Les banques étrangères dans le collimateur de Washington
François Pilet
Le Temps
Courrier international
18 juil. 2008
Deux institutions, l’une helvète, l’autre liechtensteinoise, sont accusées d’avoir aidé de gros contribuables américains à échapper au fisc.
C’est le document que les banquiers suisses doivent lire toutes affaires cessantes. Du moins ceux qui ont (encore) des clients américains non déclarés. Dans un rapport de 114 pages dévoilé mercredi 16 juillet, le sous-comité du Sénat américain résume les griefs reprochés aux banques UBS [suisse] et LGT [liechtensteinoise], et en tire les premières conséquences.
Les deux banques sont accusées d’avoir usé de stratagèmes pour vider de leur substance par diverses manœuvres les accords de coopération signés avec le fisc américain (IRS). Le régime du Qualified Intermediary (QI) avait été introduit en 2000 par l’IRS pour taxer à la source les revenus des citoyens américains ayant placé leur argent à l’étranger. Selon ces accords signés en 2001 par les banques suisses, ces dernières s’engageaient à identifier les titulaires des comptes et à informer l’IRS des revenus dégagés. Avec une exception cependant. Selon les règles du QI, les comptes des citoyens américains ne doivent être déclarés que si ceux-ci y perçoivent les revenus d’une activité lucrative exercée aux Etats-Unis ou y ont déposé des titres américains.
Selon le rapport du Sénat, c’est sur cette notion que UBS et LGT ont joué pour éviter de transmettre l’identité de leurs clients les plus discrets. Après la signature des accords, les banques auraient proposé à ces clients de racheter leurs titres américains, ou de transférer les fonds sur les comptes de sociétés écrans.
« Ces actes, bien qu’ils ne violent pas directement les accords QI, ont clairement nui à leur efficacité en conduisant à la création de structures offshore », explique le rapport. « Celles-ci ont rendu plus facile l’évasion fiscale pour des citoyens américains. »
L’IRS a annoncé mercredi qu’il travaillait depuis deux ans à l’élaboration de nouvelles règles, plus strictes, qui entreront prochainement en vigueur. Les modifications évoquées reprennent les principales recommandations du rapport du Sénat:
– Le principe du QI se base sur une délégation de compétence de l’IRS aux établissements bancaires signataires. En retour, ceux-ci doivent se soumettre tous les trois ans à un audit indépendant. Le rapport du Sénat souligne que la notion de fraude, notamment fiscale, varie fortement dans les soixante-dix pays avec lesquels ont étré passés des accords QI. Il propose que les auditeurs soient désormais contraints de signaler au fisc tout soupçon de fraude selon la définition qu’en donne la loi américaine.
– L’exception qui découle de l’absence de titres américains dans le portefeuille du client serait annulée. La banque devra communiquer au fisc l’identité de tous ses clients américains.
– Les nouvelles règles imposeront aux établissements QI d’identifier les bénéficiaires réels des comptes détenus au nom de sociétés.
L’Association suisse des banquiers ne prendra position sur ces propositions que « lorsque des négociations seront engagées, de manière concrète, entre l’IRS et les banques suisses ». Pour l’instant, elle estime avoir affaire « à des recommandations de nature politique émanant de collaborateurs d’un sous-comité du Sénat qui n’ont ni caractère officiel ni portée contraignante ».