Société: Vous avez dit flocons de neige ? (Guess who created Generation Snowflake ?)

‘Generation Snowflake’ is a fragile, thin-skinned younger generation that can’t cope with conflicting views
« Avec l’affaire Weinstein et « balance ton porc », on a un renversement de perspective : le problème n’est plus la culture de l’agresseur, c’est sa nature même de mâle, d’animal, de cochon. La nature a remplacé la culture comme origine de la violence. »Le visuel du film "Le couteau sous la gorge" de Claude Mulot, avec Brigitte LahaieNous sommes une société qui, tous les cinquante ans ou presque, est prise d’une sorte de paroxysme de vertu – une orgie d’auto-purification à travers laquelle le mal d’une forme ou d’une autre doit être chassé. De la chasse aux sorcières de Salem aux chasses aux communistes de l’ère McCarthy à la violente fixation actuelle sur la maltraitance des enfants, on retrouve le même fil conducteur d’hystérie morale. Après la période du maccarthisme, les gens demandaient : mais comment cela a-t-il pu arriver ? Comment la présomption d’innocence a-t-elle pu être abandonnée aussi systématiquement ? Comment de grandes et puissantes institutions ont-elles pu accepté que des enquêteurs du Congrès aient fait si peu de cas des libertés civiles – tout cela au nom d’une guerre contre les communistes ? Comment était-il possible de croire que des subversifs se cachaient derrière chaque porte de bibliothèque, dans chaque station de radio, que chaque acteur de troisième zone qui avait appartenu à la mauvaise organisation politique constituait une menace pour la sécurité de la nation ? Dans quelques décennies peut-être les gens ne manqueront pas de se poser les mêmes questions sur notre époque actuelle; une époque où les accusations de sévices les plus improbables trouvent des oreilles bienveillantes; une époque où il suffit d’être accusé par des sources anonymes pour être jeté en pâture à la justice; une époque où la chasse à ceux qui maltraitent les enfants est devenu une pathologie nationale. Dorothy Rabinowitz
L’inauguration majestueuse de l’ère « post-chrétienne » est une plaisanterie. Nous sommes dans un ultra-christianisme caricatural qui essaie d’échapper à l’orbite judéo-chrétienne en « radicalisant » le souci des victimes dans un sens antichrétien. (…) Jusqu’au nazisme, le judaïsme était la victime préférentielle de ce système de bouc émissaire. Le christianisme ne venait qu’en second lieu. Depuis l’Holocauste , en revanche, on n’ose plus s’en prendre au judaïsme, et le christianisme est promu au rang de bouc émissaire numéro un. (…) Le mouvement antichrétien le plus puissant est celui qui réassume et « radicalise » le souci des victimes pour le paganiser. (…) Comme les Eglises chrétiennes ont pris conscience tardivement de leurs manquements à la charité, de leur connivence avec l’ordre établi, dans le monde d’hier et d’aujourd’hui, elles sont particulièrement vulnérables au chantage permanent auquel le néopaganisme contemporain les soumet. René Girard
Le monde moderne n’est pas mauvais : à certains égards, il est bien trop bon. Il est rempli de vertus féroces et gâchées. Lorsqu’un dispositif religieux est brisé (comme le fut le christianisme pendant la Réforme), ce ne sont pas seulement les vices qui sont libérés. Les vices sont en effet libérés, et ils errent de par le monde en faisant des ravages ; mais les vertus le sont aussi, et elles errent plus férocement encore en faisant des ravages plus terribles. Le monde moderne est saturé des vieilles vertus chrétiennes virant à la folie.  G.K. Chesterton
Le mouvement #Metoo est une bonne chose mais (…) ne transformons pas les femmes en flocons de neige. N’infantilisons pas les femmes. Condoleeza Rice
Depuis cet automne et le début de la campagne #MeToo, on pouvait en effet avoir l’impression de vivre dans un monde caractérisé par l’exploitation sexuelle, l’avilissement et la haine des femmes ou les violences qui leur sont faites. Sauf que non, le mouvement #MeToo ne se préoccupait pas des régions du monde où tout cela est vrai. Il n’était pas question de ces pays où les femmes sont la propriété d’hommes, qui peuvent faire ce qu’ils veulent d’elles – les lapider ou les asperger d’acide. Il ne s’agissait pas de celles qui ont urgemment besoin d’aide. On parlait ici des femmes occidentales. C’est à Hollywood, berceau de grandes épopées sur la liberté, l’amour et l’aventure, qu’a commencé le mouvement. Le producteur Harvey Weinstein avait fait une offre implicite à l’actrice Ashley Judd : coucher pour décrocher un rôle. Elle n’était pas la seule. Elles étaient nombreuses dans le même cas, peut-être toutes [à Hollywood]. Mais personne n’avait rien dit. C’est alors que la folie a commencé : des millions de femmes, vivant dans les pays les plus libéraux, les plus éclairés et les plus prospères de la planète, se sont mises à écrire sur Twitter de quels abus elles avaient été victimes. De l’acte le plus grave au plus anodin, tout a été mis sur le même plan. C’était comme si plus aucune femme en Occident ne pouvait prendre l’ascenseur ou entrer dans une salle de réunion sans se retrouver humiliée. Die Welt
There is a bit of a witch hunt happening too. (…) There is a movement happening and it’s healthy and it’s across every industry. The focus seems to be on Hollywood but it’s across every industry. Liam Neeson
Le viol est un crime. Mais la drague insistante ou maladroite n’est pas un délit, ni la galanterie une agression machiste. A la suite de l’affaire Weinstein a eu lieu une légitime prise de conscience des violences sexuelles exercées sur les femmes, notamment dans le cadre professionnel, où certains hommes abusent de leur pouvoir. Elle était nécessaire. Mais cette libération de la parole se retourne aujourd’hui en son contraire : on nous intime de parler comme il faut, de taire ce qui fâche, et celles qui refusent de se plier à de telles injonctions sont regardées comme des traîtresses, des complices ! Or c’est là le propre du puritanisme que d’emprunter, au nom d’un prétendu bien général, les arguments de la protection des femmes et de leur émancipation pour mieux les enchaîner à un statut d’éternelles victimes, de pauvres petites choses sous l’emprise de phallocrates démons, comme au bon vieux temps de la sorcellerie. De fait, #metoo a entraîné dans la presse et sur les réseaux sociaux une campagne de délations et de mises en accusation publiques d’individus qui, sans qu’on leur laisse la possibilité ni de répondre ni de se défendre, ont été mis exactement sur le même plan que des agresseurs sexuels. Cette justice expéditive a déjà ses victimes, des hommes sanctionnés dans l’exercice de leur métier, contraints à la démission, etc., alors qu’ils n’ont eu pour seul tort que d’avoir touché un genou, tenté de voler un baiser, parlé de choses « intimes » lors d’un dîner professionnel ou d’avoir envoyé des messages à connotation sexuelle à une femme chez qui l’attirance n’était pas réciproque. Cette fièvre à envoyer les « porcs » à l’abattoir, loin d’aider les femmes à s’autonomiser, sert en réalité les intérêts des ennemis de la liberté sexuelle, des extrémistes religieux, des pires réactionnaires et de ceux qui estiment, au nom d’une conception substantielle du bien et de la morale victorienne qui va avec, que les femmes sont des êtres « à part », des enfants à visage d’adulte, réclamant d’être protégées. En face, les hommes sont sommés de battre leur coulpe et de dénicher, au fin fond de leur conscience rétrospective, un « comportement déplacé » qu’ils auraient pu avoir voici dix, vingt ou trente ans, et dont ils devraient se repentir. La confession publique, l’incursion de procureurs autoproclamés dans la sphère privée, voilà qui installe comme un climat de société totalitaire. La vague purificatoire ne semble connaître aucune limite. Là, on censure un nu d’Egon Schiele sur une affiche ; ici, on appelle au retrait d’un tableau de Balthus d’un musée au motif qu’il serait une apologie de la pédophilie ; dans la confusion de l’homme et de l’œuvre, on demande l’interdiction de la rétrospective Roman Polanski à la Cinémathèque et on obtient le report de celle consacrée à Jean-Claude Brisseau. Une universitaire juge le film Blow-Up, de Michelangelo Antonioni, « misogyne » et « inacceptable ». A la lumière de ce révisionnisme, John Ford (La Prisonnière du désert) et même Nicolas Poussin (L’Enlèvement des Sabines) n’en mènent pas large. Déjà, des éditeurs ­demandent à certaines d’entre nous de rendre nos personnages masculins moins « sexistes », de parler de sexualité et d’amour avec moins de démesure ou encore de faire en sorte que les « traumatismes subis par les personnages féminins » soient rendus plus évidents ! (…) Le philosophe Ruwen Ogien défendait une liberté d’offenser indispensable à la création artistique. De même, nous défendons une liberté d’importuner, indispensable à la liberté sexuelle. Nous sommes aujourd’hui suffisamment averties pour admettre que la pulsion sexuelle est par nature offensive et sauvage, mais nous sommes aussi suffisamment clairvoyantes pour ne pas confondre drague maladroite et agression sexuelle. Surtout, nous sommes conscientes que la personne humaine n’est pas monolithe : une femme peut, dans la même journée, diriger une équipe professionnelle et jouir d’être l’objet sexuel d’un homme, sans être une « salope » ni une vile complice du patriarcat. Elle peut veiller à ce que son salaire soit égal à celui d’un homme, mais ne pas se sentir traumatisée à jamais par un frotteur dans le métro, même si cela est considéré comme un délit. Elle peut même l’envisager comme l’expression d’une grande misère sexuelle, voire comme un non-événement. En tant que femmes, nous ne nous reconnaissons pas dans ce féminisme qui, au-delà de la dénonciation des abus de pouvoir, prend le visage d’une haine des hommes et de la sexualité. Nous pensons que la liberté de dire non à une proposition sexuelle ne va pas sans la liberté d’importuner. Et nous considérons qu’il faut savoir répondre à cette liberté d’importuner autrement qu’en s’enfermant dans le rôle de la proie. Pour celles d’entre nous qui ont choisi d’avoir des enfants, nous estimons qu’il est plus judicieux d’élever nos filles de sorte qu’elles soient suffisamment informées et conscientes pour pouvoir vivre pleinement leur vie sans se laisser intimider ni culpabiliser. Les accidents qui peuvent toucher le corps d’une femme n’atteignent pas nécessairement sa dignité et ne doivent pas, si durs soient-ils parfois, nécessairement faire d’elle une victime perpétuelle. Car nous ne sommes pas réductibles à notre corps. Notre liberté intérieure est inviolable. Et cette liberté que nous chérissons ne va pas sans risques ni sans responsabilités. Collectif
Alors d’abord, une femme ayant été violée considère qu’elle a été souillée, à mon avis elle intériorise le discours des autres autour d’elle. (…) Je pense que ça, c’est un résidu d’archaïsme (…) Ça, c’est mon grand problème, je regrette beaucoup de ne pas avoir été violée. Parce que je pourrais témoigner que du viol on s’en sort. Mais par contre ça m’est arrivé d’avoir des rapports sexuels avec des gens qui ne me plaisaient pas spécialement. Parce que voilà c’était plus facile de céder à la personne ou parce que c’était une partouze et qu’on était en groupe. Catherine Millet
On peut jouir lors d’un viol, je vous signale. Brigitte Lahaie
L’orgasme durant le viol n’est pas un exemple de l’expression du plaisir. C’est un exemple d’une réponse physique, que l’esprit soit à bord ou non, comme haleter, transpirer, ou avoir un pic d’adrénaline. Les thérapeutes utilisent souvent l’analogie des chatouilles. Bien que les chatouilles puissent être agréables, quand elles sont faites contre le souhait de quelqu’un, elle peuvent être une expérience très désagréable. Et durant cette expérience désagréable, bien qu’il demande d’arrêter, celui qui est chatouillé peut continuer de rire. Dans les rapports violents, l’excitation physique intense provenant de la peur peut augmenter les sensations sexuelles dans un processus appelé ‘transfert d’excitation’. (…)  La réalité est que la réponse d’excitation sexuelle du corps n’est pas plus une indication de culpabilité ou de maladie mentale qu’une fréquence cardiaque élevée ou qu’un rush d’adrénaline ne le serait dans de pareilles circonstances. Jenny Morber
J’ai rencontré un plutôt grand nombre de victimes [masculines] qui avaient eu une réponse sexuelle à un viol… J’ai rencontré de nombreuses femmes victimes d’inceste et de viol qui faisaient état de lubrification et d’orgasme. Clinicien australien
Oui, j’ai signé cette pétition, et cependant, il me paraît absolument nécessaire aujourd’hui de souligner mon désaccord avec la manière dont certaines pétitionnaires s’octroient individuellement le droit de se répandre dans les médias, dénaturant l’esprit même de ce texte. Dire sur une chaîne de télé qu’on peut jouir lors d’un viol est pire qu’un crachat au visage de toutes celles qui ont subi ce crime. Non seulement ces paroles laissent entendre à ceux qui ont l’habitude d’user de la force ou de se servir de la sexualité pour détruire que ce n’est pas si grave, puisque finalement il arrive que la victime jouisse. Mais quand on paraphe un manifeste qui engage d’autres personnes, on se tient, on évite de les embarquer dans sa propre incontinence verbale. C’est indigne. Et évidemment rien dans le texte ne prétend que le harcèlement a du bon, sans quoi je ne l’aurais pas signé. (…) «J’ai enfin signé ce texte pour une raison qui, à mes yeux, est essentielle : le danger des nettoyages dans les arts. Va-t-on brûler Sade en Pléiade ? Désigner Léonard de Vinci comme un artiste pédophile et effacer ses toiles ? Décrocher les Gauguin des musées ? Détruire les dessins d’Egon Schiele ? Interdire les disques de Phil Spector ? Ce climat de censure me laisse sans voix et inquiète pour l’avenir de nos sociétés. «On m’a parfois reproché de ne pas être féministe. Dois-je rappeler que j’étais une des 343 salopes avec Marguerite Duras et Françoise Sagan qui a signé le manifeste « Je me suis fait avorter » écrit par Simone de Beauvoir ? L’avortement était passible de poursuite pénale et emprisonnement à l’époque. C’est pourquoi je voudrais dire aux conservateurs, racistes et traditionalistes de tout poil qui ont trouvé stratégique de m’apporter leur soutien que je ne suis pas dupe. Ils n’auront ni ma gratitude ni mon amitié, bien au contraire. Je suis une femme libre et je le demeurerai. Je salue fraternellement toutes les victimes d’actes odieux qui ont pu se sentir agressées par cette tribune parue dans le Monde, c’est à elles et à elles seules que je présente mes excuses. Catherine Deneuve
Quelque chose vient de changer dans la dénonciation des agressions sexuelles. Qu’on se rappelle celles de Cologne lors du Nouvel An 2016, ou bien le débat sur la circulation des femmes dans les « quartiers » : la faute était attribuée alors à la culture des agresseurs (en l’occurrence, bien sûr, l’islam). Les agressions commises par des hommes occidentaux bien sous tous les rapports étaient soit minimisées, soit présentées comme relevant d’une pathologie individuelle. Et la solution était de promouvoir les « valeurs occidentales » de respect de la femme. Or avec l’affaire Weinstein et « balance ton porc », on a un renversement de perspective : le problème n’est plus la culture de l’agresseur (de toutes races et de toutes religions, éduqué, cultivé voire même, en public, grand défenseur des « valeurs occidentales »), c’est sa nature même de mâle, d’animal, de cochon. La nature a remplacé la culture comme origine de la violence. Mais on ne soigne pas le mal du mâle de la même manière quand il s’agit d’un retour d’animalité ou d’un conditionnement culturel. Ce changement de perspective (qu’il soit ou non pertinent, qu’il soit une vraie révolution ou bien un coup de mode) a de profondes conséquences anthropologiques. En effet, jusqu’ici, comme l’ont noté depuis longtemps les auteures féministes, toutes les grandes constructions idéologiques expliquant l’origine de la société s’entendaient pour faire de l’homme l’acteur du passage à la culture, et pour voir en la femme celle qui garde un pied (voire plus) dans la nature. Et pas la peine de revenir aux pères de l’Eglise. La philosophie des Lumières, qu’on crédite de nos « valeurs » séculières modernes, faisait de l’homme l’acteur du contrat social, qui arrachait l’humanité à un état de nature dans lequel restait largement immergée la femme, logiquement dépourvue de droits civiques jusqu’à récemment ; cette dernière mettait au monde l’être humain, l’homme en faisait un citoyen. L’anthropologie a longtemps fait de l’échange des femmes la condition (ou le signe) du passage à la société, et donc du passage à la culture (on ne parle jamais d’échange des hommes, et les rares sociétés matriarcales ne remettent pas en cause la domination politique de l’homme). La psychanalyse, dans son versant mythologique (Totem et Tabou), pulsionnel (les aventures du pénis) ou symbolique (que le père soit la métaphore de la loi ou la loi la métaphore du père), a gardé l’homme au centre de la sublimation culturelle. Le seul progrès, c’est que le masculin n’est plus nécessairement un homme biologique mais un principe : les femmes peuvent enfin porter la culotte (même si le salaire ne suit pas). Mais elles ne se transforment pas pour autant en prédatrices sexuelles : cela reste l’apanage du mâle. Evidemment, la violence masculine n’a jamais été ignorée par les cultures. Toutes ont développé des stratégies pour à la fois la canaliser et la légitimer (une fois canalisée) : de l’honneur à la séduction, nos sociétés occidentales ont su socialiser, voire esthétiser, la virilité (juste pour mémoire, ce qu’on appelle aujourd’hui « crime d’honneur » dans les autres sociétés s’appelait chez nous « crime passionnel » et valait circonstances atténuantes ; le meurtre d’une épouse n’a longtemps été, pour les journaux, qu’un « drame familial », comme si, par définition, la société n’était pas concernée). Il suffit de voir la nostalgie des sites conservateurs français où on se gausse discrètement de l’hystérie (si ! si !) des campagnes contre le harcèlement, qui noieraient la « séduction à la française », chère à nos films en noir et blanc, sous la tyrannie du puritanisme américain d’Hollywood. Question d’« atmosphère », comme dirait Arletty. Cette domestication/valorisation de la violence masculine a donc toujours été transmutée en culture, voire en haute culture. Et la définition même de la culture, c’est de mettre en ordre la nature, de l’inscrire dans un système partagé de sens, de symboles, de langage, devenu implicite au point de passer pour une seconde nature. C’est ce que Bourdieu analyse (entérine, pour des auteurs féministes) sous le nom d’habitus, un comportement collectif normé, acquis et inconscient. La transgression et la faute ne font sens qu’à partir de ce système. (…) Mais alors, pourquoi la révolte est-elle possible aujourd’hui, alors qu’elle n’est appuyée par aucune violence, aucune prise de pouvoir, aucune nouvelle gouvernance (au contraire, les cibles se trouvent avant tout dans l’establishment, lequel n’est pas menacé en tant que tel) ? On ne peut même pas parler de mobilisation populaire, encore moins de révolte politique. Comment penser cette vague de fond ? Qu’est-ce qui a changé ? Il faut, bien sûr, revenir aux origines récentes du féminisme comme mouvement social, c’est-à-dire à la grande vague des années 1960 dénonçant l’ordre établi et le patriarcalisme, prônant l’utopie et la libération sexuelle, et faisant de la sexualité une question politique (ce qu’elle est restée). Mai 68 est bien une révolution des mœurs. Mais il y a ici un paradoxe : comment expliquer qu’un mouvement qui s’est défini par la libération sexuelle se traduise in fine par une entreprise systématique de codification normative des comportements sexuels ? Car c’est bien de cela qu’il s’agit : on ne demande pas au « porc » de se cultiver (il s’agit souvent de gens très cultivés justement, et contraints à la contrition ou à l’exil par l’acharnement judiciaire ou la vox populi : ils ont plus à voir avec l’émigré de Coblence qu’avec l’immigré de Cologne, car comme le premier, ils n’ont souvent rien appris ni rien oublié). Il doit se repentir et apprendre un nouveau code de comportement qui, pour lui, relève d’une langue étrangère. On remarquera par exemple que les artistes, acteurs et auteurs accusés d’agressions sexuelles voient leurs œuvres être soudainement « néantisées », voire, pour des acteurs, leur présence physique effacée des films. Il n’y a plus d’argument culturel pour l’excuser ou pour le sauver, mais une tabula rasa, sur laquelle on pose l’animalité brute. Et le problème surgit alors : comment socialiser cette animalité, comment humaniser le cochon ? On touche ici peut-être le nœud de la question, qui est toujours le lien entre culture et nature. L’apologie philosophique, voire idéologique, de la nature comme désir, c’est-à-dire en fait comme liberté de la pulsion débarrassée du poids de la culture, produit aujourd’hui son contraire : le triomphe de la normativité. Mais d’une normativité débarrassée aussi du poids de la culture. Car il ne s’agit en rien d’un retour à l’ordre moral de l’ancien temps. On a d’ailleurs un intéressant paradoxe : les plus réticents devant cette nouvelle police du corps sont justement les conservateurs traditionnels, chrétiens en particulier. (…) Il y a bien un mouvement de fond car, déjà avant l’affaire Weinstein, les campus américains s’étaient lancés dans la prévention du harcèlement sexuel. Or ces campagnes ont une caractéristique intéressante : elles ne sont pas fondées sur une approche éthique, mais sur une pédagogie autoritaire, où l’on doit mémoriser un nouveau code de gestuelle et d’énoncés, comme si la mise en œuvre des nouvelles normes supposait que les hommes soient incapables de comprendre d’eux-mêmes quel est le problème. Si nous revenons à la comparaison avec Cologne, dans les deux cas, l’étudiant blanc du campus et l’immigré basané sont traités de la même manière par une pédagogie directive et condescendante : en Allemagne, on distribue des affichettes comminatoires (une main aux fesses barré d’un NEIN en noir et d’une croix en rouge, comme un panneau de code de la route) ; dans les campus américains (où l’on peut aussi trouver ce type d’affichettes), on instaure des cours obligatoires avec exercices pratiques où John, immobile (et debout) doit demander à Sarah : « Puis-je poser ma main sur ton épaule ? », attendre un oui clair et explicite puis, de nouveau, : « Sarah, puis-je poser ma deuxième main sur ton autre épaule ? », attendre un oui et ainsi de suite au fil des jours, jusqu’à ce qu’ils se marient et fassent beaucoup d’enfants (on peut toujours rêver). On leur apprend non seulement ce qu’il ne faut pas faire (ce qui est légitime), mais surtout ce qu’il faut faire, comme si, d’un seul coup, l’instinct avait disparu, ou plutôt comme si, entre deux êtres, il n’y avait plus de culture partagée, c’est-à-dire d’implicite et de non-dit. Tout doit être dit, la vie est un contrat à renouveler à chaque instant : c’est la sexualité en CDD (d’ailleurs institutionnalisée de manière plus ludique, et peut-être jouissive, par les sites de rencontres). (…) Surtout, ce glissement de la culture au code n’est pas confiné à la question sexuelle. C’est une caractéristique profonde de la mondialisation, qui entraîne une crise des cultures. (…) Il y a par ailleurs un rapport étroit entre le fondamentalisme religieux et la normativité issue de la culture hippie : pour ceux que cela surprend, l’évangélisme contemporain et le mouvement hippie ont le même lieu et la même date de naissance (et beaucoup sont passés du second au premier) : la Californie des années 1960, qui est devenue aujourd’hui un des lieux où la vie quotidienne est la plus normée de tout le monde occidental, tout en se réclamant d’une utopie libertaire. L’on retrouve dans les fondamentalismes religieux contemporains cette obsession de la normativité des gestes de la vie quotidienne, cette difficulté à gérer le cochon qui sommeille, même si on le baptise du nom de péché originel, cette volonté de contrôler le corps et le sexe. Dans le fond, le hippie et le salafi sont des cousins qui s’ignorent. Olivier Roy
Vous n’êtes pas exceptionnels. Vous n’êtes pas un flocon de neige merveilleux et unique. Vous êtes faits de la même substance organique pourrissante que tout le reste. Nous sommes la merde de ce monde, prête à servir à tout. Tyler Durden (Fight club)

Comment « flocon de neige » est devenu une insulte pour toute une génération

Ne pas accepter le Brexit, manifester contre Donald Trump ou être jeune, tout simplement : il n’en faut pas plus pour se faire traiter de « flocon de neige » au Royaume-Uni et aux États-Unis.

Un flocon de neige, c’est délicat, gracieux, féérique. Ça fait penser à la magie de Noël, au vin chaud dégusté au pied des pistes et à La Reine des Neiges. C’est un terme aux sonorités douces qui renvoie à des images positives, réconfortantes. Mais au Royaume-Uni et aux États-Unis, « flocon de neige » (« snowflake » en VO) est devenu une étiquette péjorative, voire une insulte, qui s’est largement répandue en 2016.

Le mois dernier, Chuck Palahniuk, l’auteur du best-seller Fight Club (1996), s’en octroyait la paternité. Interrogé par l’Evening Standard, il rappelait que son anti-héros Tyler Durden, un anticonformiste qui encourage des hommes à retrouver leur virilité en se battant, dit à ses disciples : « Vous n’êtes pas spécial. Vous n’êtes pas un flocon de neige, beau et unique. » Une réplique reprise nonchalamment par Brad Pitt dans le film de David Fincher (1999) :

Après la victoire du Brexit le 23 juin 2016 et celle de Donald Trump le 8 novembre dernier, le « flocon de neige » s’est répandu telle une trainée de poudre. Dans le discours politique, dans les médias, sur les réseaux sociaux, les grands gagnants utilisent ce mot innocent pour se moquer des pro-européens et des anti-Trump qui n’acceptent pas le nouveau paysage politique. Pour clouer le bec aux manifestants, aux journalistes (comme le site phare de l’alt-right américaine Breitbart), à ceux qui ne pensent pas comme eux… ou tout simplement à ceux qui ne comprennent pas leur humour. Le mois dernier, Michael Gove, l’une des grandes figures de la campagne pro-Brexit, s’en servait pour défendre Boris Johnson, critiqué pour avoir comparé François Hollande à un bourreau de la Seconde Guerre mondiale.

« Les personnes ‘offensées’ par les commentaires du ministre des Affaire étrangères sont des flocons de neige qui manquent d’humour et délibérément obtus. C’est une métaphore pleine d’esprit. »

Le jeune, ce punching ball

Offenser. Ce mot rime désormais avec flocon de neige. Pour les amateurs de cette insulte, les manifestants pro-européens et anti-Trump pleurent, geignent et sont colériques comme des enfants pourris gâtés. D’ailleurs, ce sont souvent les jeunes adultes qui sont visés. Pas étonnant vu que 75 % des 18-24 ans britanniques ont voté pour rester dans l’UE et que 55 % des 18-29 ans américains ont donné leur voix à Hillary Clinton (37 % ont soutenu Donald Trump).

Un mois après le référendum du Brexit, dans une tribune publiée sur le Huffington Post, Janice Atkinson – une députée européenne indépendante (virée du UKIP pour des soupçons de fraude) et membre du groupe coprésidé par Marine Le Pen L’Europe des nations et des libertés – tournait en dérision cette génération « dont les études médiatiques, de cinéma, de chant et de danse sont des pertes de temps » qui « coûtent de l’argent aux contribuables ». Outre-Atlantique, Kellyanne Conway, conseillère du nouveau président américain, se désolait sur Fox News : « Nous traitons les adolescents et les millennials comme des précieux flocons de neige. » Ah, le fameux mythe d’une génération à prendre avec des pincettes !

« Moins résilients, plus susceptibles »

Tous les ans, le Collins English Dictionary dresse la liste des 10 mots ou expressions qui ont marqué l’année. Entre le « Brexit », qui est sans surprise le grand gagnant de 2016, et le « hygge », la recette danoise du bonheur, l’expression « generation snowflake » s’est glissée dans ce top 10. Selon le prestigieux dico britannique, elle désigne « les jeunes adultes des années 2010, qui sont perçus comme moins résilients et plus susceptibles que les générations précédentes ».

En un mot, c’est une énième expression pour qualifier les millennials, les personnes nées dans les années 1980-1990, que les médias anglophones adorent opposer à leurs parents, les baby boomers. Mais si le terme « millennial » est parfois utilisé pour simplement souligner les spécificités du mode de vie des jeunes adultes (par exemple, ils investissent moins dans l’immobilier que leurs parents), l’expression « generation snowflake » ne leur laisse aucune chance. Éditorialistes et écrivains ont trouvé une nouvelle variante lexicale pour leur taper dessus.

Panique sur les campus

De la version britannique de GQ au conservateur The Spectator, en passant par le tabloid très à droite (et très limite) The Daily Mail, un profil se dessine : le millennial de base se plaint et aime se plaindre, ne supporte pas les critiques et est facilement outragé. La Britannique Claire Fox a probablement contribué à sa généralisation au Royaume-Uni en publiant en mai 2016 l’ouvrage (de 200 pages tout de même) I Find That Offensive qui définit, en quelque sorte, la generation snowflake. En prenant un ton volontairement provocateur, et un poil moralisateur, la directrice du think tank Institute of Ideas déplore pêle-mêle que :

  • Dans des universités américaines, « des étudiants demandent des ‘trigger warnings’ [le fait de prévenir qu’un contenu peut s’avérer choquant, ndlr] pour des textes classiques divers comme Mrs Dalloway de Virginia Woolf, en raison de ses ‘tendances suicidaires’, ou Les Métamorphoses d’Ovide, en raison de ses ‘agressions sexuelles’. » ;
  • « les safe spaces [espaces mis en place sur des campus réservés à des groupes spécifiques (femmes, LGBT…), pour que ses membres puissent discuter sans être confrontés à des discours de haine, ndlr] sont devenus une indéniable menace à la liberté d’expression » ;
  • « les étudiants souffrent réellement d’anxiété à cause de désagréments mineurs et d’une pression académique tout à fait normale« .

Les concepts de « trigger warning », « safe space » ou encore de « no-platforming » – le fait d’empêcher une personnalité controversée de participer à un débat public – sont intrinsèquement liés à la generation snowflake. Ils englobent des initiatives qui se sont multipliées sur les campus américains puis britanniques ces dernières années. Au point que certains universitaires et intellectuels, outre-Manche et outre-Atlantique, craignent qu’elles portent atteinte à la liberté d’expression. Il faut reconnaître que certains exemples extrêmes desservent ces concepts facilement tournés en dérision, comme dans cet épisode de South Park.

Frankenstein des temps modernes

« Nous avons, en résumé, créé notre propre monstre de Frankenstein [sic] extrêmement anxieux mais arrogant, facilement offensé mais qui s’en réserve le droit, et très susceptible », conclut Claire Fox, qui insiste sur la responsabilité des baby boomers et leur mode d’éducation trop protecteur. « Il y a eu un changement culturel à la fin du XXe siècle. La société est devenue plus individualiste, les parents plus préoccupés par leurs enfants, ce qui a certainement eu un impact sur leur manière de se sociabiliser », reconnaît Jennie Bristow, professeure de sociologie à l’université de Canterbury.

Pour autant, et c’est toujours le problème avec ce genre d’expression généraliste, la generation snowflake est un gros fourre-tout qui n’est certainement pas représentatif de toute une classe d’âge. Et même s’il y a un fond de vérité, on ne peut pas dire que les millennials, les anti-Brexit et les anti-Trump ont le monopole de la susceptibilité. Après tout, c’est le Donald qui geint sur Twitter quand Alec Baldwin l’imite sur le plateau du Saturday Night Live. C’est qui le flocon de neige maintenant ?

Voir aussi:

« Flocon de neige », l’insulte préférée des Trumpistes

Le Parisien
24 février 2017
Génération « snowflake »: « la génération des personnes devenues adultes dans les années 2010, perçues comme moins résistantes et plus susceptibles de se sentir insultées que les générations précédentes ».
Telle est la définition introduite dans le dictionnaire anglais Collins en 2016 pour ce terme péjoratif, employé aux Etats-Unis par les conservateurs et les partisans de Donald Trump dans le but de railler leurs adversaires de gauche, présentés comme des geignards allergiques à la liberté d’expression. Des « flocons de neige », si sensibles et fragiles qu’ils s’effondreraient à l’écoute du moindre discours antagoniste.
A la grande conférence annuelle des conservateurs américains CPAC, près de Washington, des ateliers forment des étudiants venus des quatre coins du pays à militer dans un climat de plus en plus « politiquement correct ».
« Etre conservateur sur un campus, c’est comme lorsqu’on était gay auparavant », explique Max Ortengren, 23 ans, vice-président des républicains de la Florida Gulf Coast University. « On a peur de faire son coming out ».
Cette guerre culturelle a donné naissance à un nouveau vocabulaire.
Des étudiants issus des minorités ont réclamé ces dernières années des « espaces protégés » (« safe spaces ») sur les campus, où les propos intolérants seraient interdits. D’autres réclament des avertissements (« trigger warnings ») si des idées exprimées dans un cours ou une pièce de théâtre sont susceptibles d’heurter certaines sensibilités.
Ces précautions s’assimilent, pour les défenseurs conservateurs de la liberté d’expression, à un refus de débattre et une tentative de museler les opinions minoritaires chez les étudiants.
Max explique avoir attendu deux semaines avant de promouvoir dans son école un événement organisé avec le lobby des armes à feu, de peur que des étudiants de gauche organisent un blocage.
Chloe, 21 ans, est encore sous le choc de l’invasion d’une poignée d’étudiants à une conférence du provocateur gay conservateur Milo Yiannopoulos, sur un campus de Chicago, l’année dernière, pour dénoncer le racisme de Donald Trump. Les manifestants ont occupé la scène et forcé les organisateurs à annuler la rencontre.
« Ca a complètement dérapé », déplore-t-elle. « Pour nous, CPAC est un espace protégé! »
– « Etudiants dorlotés » –
Dans l’une des salles du centre de convention, Casey Mattox anime un atelier intitulé « Comprendre ses droits sur un campus ».
« Mon travail consiste à poursuivre votre université en justice », annonce-t-il.
Son organisation, l’Alliance de défense de la liberté, se spécialise dans la liberté d’expression et d’association des étudiants chrétiens, républicains, pro-armes… en attaquant les écoles sur leurs règlements intérieurs.
« Les gauchistes qui dominent la plupart des campus savourent l’avantage qu’ils ont sur les étudiants et abusent de leur pouvoir pour les endoctriner dans l’idéologie socialiste », lance-t-il à la quarantaine d’étudiants qui assistent à sa présentation.
L’avocat est particulièrement friand des « zones de liberté d’expression » délimitées par les universités, ou des permis préalables à tout rassemblement. Il clame 300 victoires devant les tribunaux du pays.
Dans une salle voisine, Micah Pearce, étudiant en dernière année à la Liberty University, institution évangélique renommée, présente les tactiques pour militer efficacement: être présent sur le terrain et pas seulement en ligne, éviter les noms d’oiseaux, inviter des conférenciers conservateurs connus… et filmer toute éventuelle confrontation avec des contre-manifestants, car un peu de buzz ne fait jamais de mal.
« Ils veulent vous faire taire », martèle-t-il.
Depuis la victoire de Donald Trump en novembre, la formule « flocons de neige » fait florès.
Lors des manifestations anti-Trump, sa directrice de campagne Kellyanne Conway a raillé les jeunes effondrés par la défaite d’Hillary Clinton comme des « précieux flocons de neige ».
Mais le malaise autour du développement de la culture du politiquement correct se répand à gauche également.
En septembre 2015, le président démocrate Barack Obama avait tancé les étudiants qui cherchent à empêcher des conférenciers provocateurs de s’exprimer.
« Je ne suis pas d’accord avec l’idée que les étudiants doivent être dorlotés et protégés contre des points de vue différents », a-t-il expliqué. « Si vous n’êtes pas d’accord avec quelqu’un, vous devez être capables de débattre avec lui. Vous ne devez pas le faire taire ».
Dans les allées de CPAC, les participants refusaient toutefois d’appliquer le terme « flocon de neige » à Donald Trump lui-même, qui se plaint régulièrement sur Twitter de faire l’objet de critiques des médias ou de célébrités comme l’actrice Meryl Streep.

Voir de plus:

En Angleterre, la génération « flocon de neige » ne supporte pas qu’on la juge douillette
Pauline Mille
7 décembre 2017

Génération des flocons de neige » désigne en Angleterre les ados actuels, hypersensibles et qui ne supportent aucune contradiction : or cette génération douillette ne supporte pas qu’on la désigne ainsi, elle juge cela traumatisant. Au départ de ce cercle vicieux, l’éducation.

Ce sont les assurances AVIVA qui le disent, c’est sérieux les assurances, et elles ont commandité pour cela un sondage péremptoire : 72 % des 16-24 ans jugent injuste qu’on parle de « génération flocon de neige » et 74 % pensent que cela peut avoir un effet nocif sur leur santé mentale. Soit près des trois quarts.

Un flocon de neige ne supporte rien, sinon il fond

L’adolescence est un moment délicat, surtout quand elle se prolonge, et la moitié de la génération flocon de neige affirme subir du stress et de l’angoisse, contre un tiers seulement pour l’ensemble des adultes. Un tiers aussi assure avoir du mal à parler de ces problèmes. Selon le médecin chef d’Aviva, Doug Whright, « nos recherches suggèrent que les jeunes adultes rencontrent plus fréquemment des difficultés psychologiques, et que les mots qui critiquent ce groupe d’âge peuvent aggraver le phénomène. Tout terme désobligeant pour un segment de la population est négatif en soi ». En d’autres termes, juger une génération exagérément douillette peut la traumatiser. Or, à l’origine, c’est précisément à une jeunesse nombriliste et fragile comme un Saxe que l’Américain Chuck Palahniuk s’était adressé en 1996 dans son livre Fight Club : « Vous n’êtes pas spéciaux. Vous n’êtes pas un flocon de neige beau et unique ».

L’Angleterre juge la nouvelle génération douillette

Le mot faisait référence à une génération qui végète doucement à l’ombre maternelle des universités américaines, où chacun, qu’il lise ou écoute, se trouve alerté par un signal d’alarme quand survient un passage potentiellement dérangeant, et fréquente à satiété les « safe spaces » (espaces sûrs) où certaines opinions et idées tenues pour potentiellement « offensantes ». Bref, on a élevé cette génération douillette dans un cocon hyper-protégé, de sorte que tout désaccord lui semble une agression, et qu’elle ne le supporte pas, comme le montre le sondage et comme le confirme le commentaire de Doug Whright. Or cette éducation de serre, lorsqu’elle entre en contact avec un monde de plus en plus violent et polémique, par le biais d’internet, provoque chez cette génération douillette un déséquilibre mental que ses mentors, en Angleterre, n’imaginent de guérir que par encore plus de maternage. Jusqu’à ce que les flocons de neige ne fondent devant la réalité.

Voir encore:

Londoner’s Diary: Fight Club’s Chuck Palahniuk: « I coined ‘snowflake’ and I stand by it »

In today’s Diary: Fight Club author Chuck Palahniuk talks ‘snowflakes’| Fraser Nelson on Eurovision hopefuls | David Miliband return rumours| Scientists meet the media | Moonlight special screening

After Donald Trump’s counsellor, Kellyanne Conway, allegedly biffed a guest at the new President’s inauguration ball on Friday and “snowflake” has become a slur against Trump detractors, The Londoner set to wondering: is this all about Fight Club?

So we called Chuck Palahniuk, author of the original novel, made into a film in 1999, to ask him. Chuck broke the first rule of Fight Club by talking about Fight Club. The term snowflake originates from his book. “It does come from Fight Club,” he confirmed down the phone from his home in Oregon. “There is a line, ‘You are not special. You are not a beautiful and unique snowflake.’”

In Fight Club, Tyler Durden leads a generation of emasculated men to rediscover their inner strength by beating the hell out of each other.

Two decades later, Palahniuk sees the modern generation as delicate flowers more than ever. “There is a kind of new Victorianism,” he said. “Every generation gets offended by different things but my friends who teach in high school tell me that their students are very easily offended.”

Now snowflakes have blown across the Atlantic and entered into British parlance. Last week, Boris Johnson warned François Hollande not to administer “punishment beatings” in the Brexit negotiations. His old friend Michael Gove piled in, saying those offended were “deliberately obtuse snowflakes”. And the term has already been re-appropriated by its targets: at the Women’s March in London on Saturday were signs with slogans such as “Damn right we’re snowflakes: Winter is coming”.

Chuck says this is a problem with the Left, not the Right. “The modern Left is always reacting to things,” he opined. “Once they get their show on the road culturally they will stop being so offended.” He added self-effacingly: “That’s just my bulls**t opinion.”

And what about Donald Trump, The Londoner inquired — are people too offended by him? The writer wouldn’t answer. “I’m going to pass on that one,” he said, which led The Londoner to think he might be enjoying this new pugnacious politics.

More strings to the bow for the Milibands

Could David Miliband return from New York? Last year The Londoner heard talk that David’s violinist wife Louise Shackleton might follow Sir Simon Rattle when he takes up the baton at the London Symphony Orchestra this September.

Now the Big Apple is said to have soured for David after Hillary Clinton, who once hinted at having a “big crush” on the then Foreign Secretary — “he’s vibrant, vital, attractive and smart”, she said — was defeated by Donald Trump.

With their MPs falling like ninepins, Labour might be keen to tempt Miliband back from his job at the International Rescue Committee charity. The man who coveted Britain?

All sunny smiles under the Moonlight

To The Soho Hotel last night, for a special screening of Oscar frontrunner Moonlight, where Alex Hibbert, 12, from sunny Miami, and Naomie Harris, 40, from less sunny Islington, were both there.

Harris recently added an OBE for services to drama to her trophy cabinet but she may need to make room: she missed out on a Golden Globe for Best Supporting Actress but is nominated for  a Bafta.

In Moonlight, Harris plays drug-fuelled single mum Paula, raising her son in  a rough neighbourhood. Bleakness aside,  it was all smiles from the pair. Sometimes you’ve just got to leave the drama on  the set.

Will UK have Eurovision X factor?

Our six candidates to represent the UK at Eurovision have been revealed — a crew of former X Factor contestants all presenting songs of hope and unity.

But there may be a subtext of politics among the schmaltz. The offering from Lucie Jones, who has carved an impressive career on the stage since her appearance on the ITV reality show, is an anthem for someone struggling after a split: “You’re not defeated, you’re in repair… We’ll stand tall so you don’t fall… Together we’ll dance through this storm.”

Salena Mastroianni, meanwhile, calls for listeners to set aside their differences; Nate Simpson complains at having let the future down, and Holly Brewer encourages those in imperfect relationships to make a break for it. The attempts are more subtle than a previous entry by Georgia, though: We Don’t Wanna Put In was disqualified in 2009 for veiled references to old Vlad.

So does Fraser Nelson, editor of The Spectator and unlikely Eurovision expert, fancy our chances? “I’ve given up this year,” he despaired yesterday. “Am assuming BBC will again choose an entry so bad as to be a passive-aggressive insult to a continent.”

The Spectator backed Brexit, and Nelson seems content with his side of the fence. “Only things we need from Europe: free trade, cheap flights and Eurovision,” he tweeted. “All else is bureaucracy.” Nul points, then.

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With news that Bernie Ecclestone will leave his role as chief executive of Formula 1 and be given the title chairman emeritus instead, The Londoner remembered how someone else defined “emeritus”. When Rupert Murdoch replaced Frank Giles with Andrew Neil as editor of The Sunday Times, the joke was that Giles would become editor emeritus: “E means Exit, and meritus means you deserve it.”

Dr Adam does a runner

The Science Museum hosted the 25th Scientists Meet the Media event last night. Guests including first Brit in space Helen Sharman and solar energy specialist Dame Mary Archer interacted with thermal cameras and electric mechanisms, but for Dr Adam Rutherford it was a return to the scene of a crime. Last week the science writer tweeted a photograph of himself walking on the impressive treadmill-desk of Roger Highfield, director of external affairs at the Science Museum, who was out of the office at the time. While the cat’s away…

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Tie of the day for Lord Sumption, the Supreme Court judge noted for his Olympic, polka dot and Art Deco neckpieces. Today’s looked like musical notes. Surely not the notation for the EU anthem, Beethoven’s Ode to Joy?

The term ‘snowflake’ has been thrown around with abandon in the wake of Brexit and the US election, usually to express generic disdain for young people. How can we neutralise its power – and is it a bad metaphor anyway?

Between the immediate aftermath of Brexit and the US presidential election, one insult began to seem inescapable, mostly lobbed from the right to the left: “snowflake.” Independent MEP Janice Atkinson, who was expelled from Ukip over allegations of expenses fraud, wrote a piece for the Huffington Post decrying the “wet, teary and quite frankly ludicrous outpouring of grief emails” she had received post-referendum as “snowflake nonsense”. The far-right news site Breitbart, whose executive chairman Stephen Bannon is now Donald Trump’s chief strategist, threw it around with abandon, using it as a scattershot insult against journalists, celebrities and millennials who objected to Trump’s inflammatory rhetoric; its UK site used it last week to criticise a proposed “class liberation officer” at an Oxford college who would provide more support for working-class students.

On an episode of his long-running podcast in August, Bret Easton Ellis discussed the criticism of a lascivious LA Weekly story about the pop star Sky Ferreira with a furious riposte to what he calls “little snowflake justice warriors”: “Oh, little snowflakes, when did you all become grandmothers and society matrons, clutching your pearls in horror at someone who has an opinion about something, a way of expressing themselves that’s not the mirror image of yours, you snivelling little weak-ass narcissists?”

In September, Breitbart’s Milo Yiannopoulos used it to dismiss a protester at a talk in Houston, declaring that it was his event, not the “silver-haired snowflake show”. “Madam, I’m grateful to you for coming, but to be quite honest with you, fuck your feelings,” he told her, as the crowd roared “USA! USA! USA!” in the background. “Fuck your feelings” is a crude expression of what snowflake has come to mean, but it is succinct and not entirely inaccurate.

The term has undergone a curious journey to become the most combustible insult of 2016. It emerged a few years ago on American campuses as a means of criticising the hypersensitivity of a younger generation, where it was tangled up in the debate over safe spaces and no platforming. A much-memed line from Chuck Palahniuk’s Fight Club expresses a very early version of the sentiment in 1996: “You are not special. You are not a beautiful and unique snowflake. You are the same organic and decaying matter as everyone else.”

But recently it has widened its reach, and in doing so, diluted its meaning. It has been a favoured phrase of some tabloids, which have used it as a means of expressing generic disdain for young people who are behaving differently from people older than them. Whenever a new survey appears that claims young people are having less sex, or drinking less alcohol, or having less fun, it’s there as a handy one-word explanation: they are snowflakes.

Until very recently, to call someone a snowflake would have involved the word “generation”, too, as it was typically used to describe, or insult, a person in their late teens or early 20s. At the start of November, the Collins English Dictionary added “snowflake generation” to its words of the year list, where it sits alongside other vogue-ish new additions such as “Brexit” and “hygge”. The Collins definition is as follows: “The young adults of the 2010s, viewed as being less resilient and more prone to taking offence than previous generations”. Depending on what you read, being part of the “snowflake generation” may be as benign as taking selfies or talking about feelings too much, or it may infer a sense of entitlement, an untamed narcissism, or a form of identity politics that is resistant to free speech.

The phrase came to prominence in the UK at the beginning of 2016, after Claire Fox, director of the thinktank Institute of Ideas, used it in her book I Find That Offensive to address a generation of young people whom she calls “easily offended and thin-skinned”. Fox is clearly a natural provocateur and has written about generation snowflake in bulldozing articles for the Spectator (How We Train Our Kids to Be Censorious Cry-Babies) and for the Daily Mail (Why Today’s Young Women Are Just So Feeble). As intended, both caused considerable debate – which is precisely what Fox claims generation snowflake are losing their ability to do.

On the day we speak, she is bristling over an appearance at a school in Hertfordshire, where some students had objected to her being invited in the first place. “Several of the students said, ‘How dare you invite this terrible woman to speak?’ and said to me that I’d come there and upset them. They were giving a literal demonstration of my very speech,” she says.

Much of the debate around this generation of “whingers”, as she later calls them – slightly naughtily, as she also admits that obviously not every young person is a whinger and the phrase “generation snowflake” is more useful “to demonstrate the closing down of free speech and the demand for attention” – is to do with what has been happening on university campuses in the last decade or so. She is appalled by the move towards “no platforming”, in which speakers who have views deemed by students to be controversial or offensive, from Germaine Greer to Peter Tatchell, have been barred or disinvited from speaking events. Regardless of whether their opinions are objectionable or abhorrent, Fox insists we must hear views that do not agree with our own in order to learn how to tackle them.

“People have given up trying to persuade other people, and trying to win the argument,” she says. “Demands for safe spaces are to ‘stop people coming in here, so we’re not to be exposed to this. We demand our lecturers don’t introduce these ideas.’ It’s infantilising. It’s the opposite of rebellion. It has not got any intellectual weight. I want a generation to come forth with a new philosophy of freedom, rather than playing out in practice that their teachers and parents raised them as cotton-wool kids.”

Try talking to a person whose age puts them into the “generation snowflake” category, however, and it’s apparent that the most offensive thing about the whole offence debate is being called easily offended. In June, in reaction to a slew of articles decrying wimpy, moany millennials, Angus Harrison wrote an article for Vice in which he pointed out that young people were being labelled snowflakes at the same time as being called “Generation Sensible” or “new young fogeys”. “Young people today are really old and boring and sensible. Except, they are also babies, totally unprepared for the adult world. Make sense? No, it doesn’t,” he wrote.

“I’m confused!” says Liv Little, 22-year-old editor-in-chief of the magazine gal-dem, who was recently selected as one of the BBC’s 100 most influential and inspirational women of 2016. She finds the idea that she and her peers are self-obsessed and unable to cope with the world absurd. “I don’t get what they want to happen. Do they want people to be quiet and suck it up? Do they want people to have breakdowns and be really unhappy and accept a political system that doesn’t represent them?”

Little set up gal-dem as a student in 2015, in response to a lack of diversity at her own university. It has since grown to a collective of more than 70 women of colour and recently won a prestigious award for Online Comment Site of the Year. She says that what she sees is people taking that feeling that the world isn’t working for them and turning it into something positive and active. “A lot of offensive stuff is happening. Why should people not be offended? People are offended but they’re using that feeling of being offended to bring about change. Things are so dire sometimes that it’s necessary. If I want to carve out a safe space, why shouldn’t I?”

Much of the disagreement is down to how you define these endlessly complex sticking points of campus debate. For Fox, a “safe space” is a censorious exclusionary zone. For Little, it is a starting point that doesn’t hurt anyone, not least the people who are left out. “Creating safe spaces is good for us, it’s good for our mental health, it’s good for us in terms of preparing and organising, and then when we want to welcome people in to our spaces, we can. How often have women or people of colour been excluded from so many spaces in the world? And then people are crying because we’re creating spaces for us. It doesn’t make sense!”

Often the argument that younger people are weaker and less able to cope feels like a dressed-up way of saying “things were better in my day”. We live in a time of stark generational division and animosity, in which the year’s huge political decisions, the ones that have seemed most cataclysmic – Brexit, Trump – have been decided by older voters whose opinions are vastly different from those of younger voters. Millennials are living in a time of economic uncertainty, without guaranteed access to the affordable housing, free education and decent job market enjoyed by the generations before them. “I think our generation is really under pressure,” says Little. “I look around at my peers, at women around me, and they’re all working themselves into the ground. It’s a difficult climate. We’ve sucked it up for a while and now we’re trying to take control,” says Little. “In our case, it’s for women of colour. And that’s just inherently a good thing.”

I ask her if there’s any sympathetic part of her that can understand why the people who are calling her generation snowflakes might feel inclined to do so. “Err.” There’s a long pause, in which she really does sound like she’s trying. “Um. No. I just see it as an extension of entitlement.”

When the supposedly entitled are calling their detractors entitled for calling them entitled, it’s clear that whatever impact “snowflake” may have had as an insult is in the process of being neutralised. In a remarkably speedy turnaround of its intended usage, the left have started to reclaim it, throwing it back at the people who were using it against them in the first place. Trump was repeatedly labelled a snowflake earlier this month during the row over Mike Pence getting booed during a performance of Hamilton on Broadway. Trump said the theatre should always be a “safe space”, sounding not unlike a university protester himself; the irony was not lost on many commentators, who called him “the most special snowflake of all”. Search Twitter for “snowflake” alongside the name of any prominent political figure on either side of the spectrum and you’ll find a black hole of supporters and detractors barking the word back and forth at each other.

So if the right are calling the left snowflakes for being liberal, and the left are calling the right snowflakes for expressing offence, and the old are calling the young snowflakes for being too thin-skinned, and the young are pointing out that the older generation seem to be the most offended by what they’re doing, then the only winner is the phrase itself. It’s particularly effective given that there’s really no comeback to it: in calling someone a snowflake, you are not just shutting down their opinion, but telling them off for being offended that you are doing so. And if you, the snowflake, are offended, you are simply proving that you’re a snowflake. It’s a handcuff of an insult and nobody has the key.

I called Jim Dale, senior meteorologist at British Weather Services, to see if it was ever an effective analogy in the first place. He says he can see why it was chosen. “On their own, snowflakes are lightweight. Whichever way the wind blows, they will just be taken with it. Collectively, though, it’s a different story. A lot of snowflakes together can make for a blizzard, or they can make for a very big dump of snow. In which case, people will start to look up.”

Voir par ailleurs:

Vu d’Allemagne. La tribune anti-MeToo sonne la fin de la pensée unique
En dénonçant le “climat totalitaire” engendré par #MeToo, Catherine Deneuve et les signataires du texte ont révélé les failles de ce mouvement, pointe cette journaliste allemande.

Kathrin Spoerr

Die Welt/Courrier international

16/01/2018

Dans une tribune publiée par le journal Le Monde, Catherine Deneuve réclame la fin de la “campagne de délations” à l’encontre des hommes. Une centaine de femmes ont cosigné ce texte. Ensemble, elles mettent en garde contre le “climat totalitaire” engendré par le mouvement #MeToo et qui servirait les intérêts des “ennemis de la liberté sexuelle, des extrémistes religieux [et] des pires réactionnaires”. À la lecture de ce texte, tous ceux qui ont cru devenir fous ces trois derniers mois ont enfin poussé un soupir de soulagement.
Depuis cet automne et le début de la campagne #MeToo, on pouvait en effet avoir l’impression de vivre dans un monde caractérisé par l’exploitation sexuelle, l’avilissement et la haine des femmes ou les violences qui leur sont faites. Sauf que non, le mouvement #MeToo ne se préoccupait pas des régions du monde où tout cela est vrai.
Il n’était pas question de ces pays où les femmes sont la propriété d’hommes, qui peuvent faire ce qu’ils veulent d’elles – les lapider ou les asperger d’acide. Il ne s’agissait pas de celles qui ont urgemment besoin d’aide. On parlait ici des femmes occidentales.
Des agressions mises sur le même plan
C’est à Hollywood, berceau de grandes épopées sur la liberté, l’amour et l’aventure, qu’a commencé le mouvement. Le producteur Harvey Weinstein avait fait une offre implicite à l’actrice Ashley Judd : coucher pour décrocher un rôle. Elle n’était pas la seule. Elles étaient nombreuses dans le même cas, peut-être toutes [à Hollywood]. Mais personne n’avait rien dit.
C’est alors que la folie a commencé : des millions de femmes, vivant dans les pays les plus libéraux, les plus éclairés et les plus prospères de la planète, se sont mises à écrire sur Twitter de quels abus elles avaient été victimes. De l’acte le plus grave au plus anodin, tout a été mis sur le même plan. C’était comme si plus aucune femme en Occident ne pouvait prendre l’ascenseur ou entrer dans une salle de réunion sans se retrouver humiliée.
#MeToo était partout. Tous les hommes étaient des porcs, toutes les femmes des victimes. Les femmes expliquaient au monde entier que tout compliment pouvait être vu comme une agression. Les hommes, eux, se mirent à revendiquer leur féminisme, ou à rester à l’écart du débat.
Quiconque voulait se distinguer du mouvement menaçait de faire voler en éclats la pensée unique alors présentée comme une forme de “solidarité féminine”. Cinquante ans d’émancipation et de libération sexuelle étaient ainsi pulvérisés, sans parler de la simple notion de respect et de capacité à se contenir.
Maintenant que le peuple de Hollywood a pu faire son cinéma aux Golden Globes et pointer un doigt accusateur en direction de tout le monde (sauf lui-même), la grande Catherine Deneuve dit “stop”.
Et ça fait tellement de bien.

Voir aussi:

« Nous défendons une liberté d’importuner, indispensable à la liberté sexuelle »
Dans une tribune au « Monde », un collectif de 100 femmes, dont Catherine Millet, Ingrid Caven et Catherine Deneuve, affirme son rejet d’un certain féminisme qui exprime une « haine des hommes ».

Collectif

Le Monde

09.01.2018

Tribune. Le viol est un crime. Mais la drague insistante ou maladroite n’est pas un délit, ni la galanterie une agression machiste.

A la suite de l’affaire Weinstein a eu lieu une légitime prise de conscience des violences sexuelles exercées sur les femmes, notamment dans le cadre professionnel, où certains hommes abusent de leur pouvoir. Elle était nécessaire. Mais cette libération de la parole se retourne aujourd’hui en son contraire : on nous intime de parler comme il faut, de taire ce qui fâche, et celles qui refusent de se plier à de telles injonctions sont regardées comme des traîtresses, des complices !

Or c’est là le propre du puritanisme que d’emprunter, au nom d’un prétendu bien général, les arguments de la protection des femmes et de leur émancipation pour mieux les enchaîner à un statut d’éternelles victimes, de pauvres petites choses sous l’emprise de phallocrates démons, comme au bon vieux temps de la sorcellerie.

Délations et mises en accusation
De fait, #metoo a entraîné dans la presse et sur les réseaux sociaux une campagne de délations et de mises en accusation publiques d’individus qui, sans qu’on leur laisse la possibilité ni de répondre ni de se défendre, ont été mis exactement sur le même plan que des agresseurs sexuels. Cette justice expéditive a déjà ses victimes, des hommes sanctionnés dans l’exercice de leur métier, contraints à la démission, etc., alors qu’ils n’ont eu pour seul tort que d’avoir touché un genou, tenté de voler un baiser, parlé de choses « intimes » lors d’un dîner professionnel ou d’avoir envoyé des messages à connotation sexuelle à une femme chez qui l’attirance n’était pas réciproque.

Cette fièvre à envoyer les « porcs » à l’abattoir, loin d’aider les femmes à s’autonomiser, sert en réalité les intérêts des ennemis de la liberté sexuelle, des extrémistes religieux, des pires réactionnaires et de ceux qui estiment, au nom d’une conception substantielle du bien et de la morale victorienne qui va avec, que les femmes sont des êtres « à part », des enfants à visage d’adulte, réclamant d’être protégées.

En face, les hommes sont sommés de battre leur coulpe et de dénicher, au fin fond de leur conscience rétrospective, un « comportement déplacé » qu’ils auraient pu avoir voici dix, vingt ou trente ans, et dont ils devraient se repentir. La confession publique, l’incursion de procureurs autoproclamés dans la sphère privée, voilà qui installe comme un climat de société totalitaire.

La vague purificatoire ne semble connaître aucune limite. Là, on censure un nu d’Egon Schiele sur une affiche ; ici, on appelle au retrait d’un tableau de Balthus d’un musée au motif qu’il serait une apologie de la pédophilie ; dans la confusion de l’homme et de l’œuvre, on demande l’interdiction de la rétrospective Roman Polanski à la Cinémathèque et on obtient le report de celle consacrée à Jean-Claude Brisseau. Une universitaire juge le film Blow-Up, de Michelangelo Antonioni, « misogyne » et « inacceptable ». A la lumière de ce révisionnisme, John Ford (La Prisonnière du désert) et même Nicolas Poussin (L’Enlèvement des Sabines) n’en mènent pas large.

Déjà, des éditeurs ­demandent à certaines d’entre nous de rendre nos personnages masculins moins « sexistes », de parler de sexualité et d’amour avec moins de démesure ou encore de faire en sorte que les « traumatismes subis par les personnages féminins » soient rendus plus évidents ! Au bord du ridicule, un projet de loi en Suède veut imposer un consentement explicitement notifié à tout candidat à un rapport sexuel ! Encore un effort et deux adultes qui auront envie de coucher ensemble devront au préalable cocher via une « appli » de leur téléphone un document dans lequel les pratiques qu’ils acceptent et celles qu’ils refusent seront dûment listées.

Indispensable liberté d’offenser
Le philosophe Ruwen Ogien défendait une liberté d’offenser indispensable à la création artistique. De même, nous défendons une liberté d’importuner, indispensable à la liberté sexuelle. Nous sommes aujourd’hui suffisamment averties pour admettre que la pulsion sexuelle est par nature offensive et sauvage, mais nous sommes aussi suffisamment clairvoyantes pour ne pas confondre drague maladroite et agression sexuelle.

Surtout, nous sommes conscientes que la personne humaine n’est pas monolithe : une femme peut, dans la même journée, diriger une équipe professionnelle et jouir d’être l’objet sexuel d’un homme, sans être une « salope » ni une vile complice du patriarcat. Elle peut veiller à ce que son salaire soit égal à celui d’un homme, mais ne pas se sentir traumatisée à jamais par un frotteur dans le métro, même si cela est considéré comme un délit. Elle peut même l’envisager comme l’expression d’une grande misère sexuelle, voire comme un non-événement.

En tant que femmes, nous ne nous reconnaissons pas dans ce féminisme qui, au-delà de la dénonciation des abus de pouvoir, prend le visage d’une haine des hommes et de la sexualité. Nous pensons que la liberté de dire non à une proposition sexuelle ne va pas sans la liberté d’importuner. Et nous considérons qu’il faut savoir répondre à cette liberté d’importuner autrement qu’en s’enfermant dans le rôle de la proie.

Pour celles d’entre nous qui ont choisi d’avoir des enfants, nous estimons qu’il est plus judicieux d’élever nos filles de sorte qu’elles soient suffisamment informées et conscientes pour pouvoir vivre pleinement leur vie sans se laisser intimider ni culpabiliser.

Les accidents qui peuvent toucher le corps d’une femme n’atteignent pas nécessairement sa dignité et ne doivent pas, si durs soient-ils parfois, nécessairement faire d’elle une victime perpétuelle. Car nous ne sommes pas réductibles à notre corps. Notre liberté intérieure est inviolable. Et cette liberté que nous chérissons ne va pas sans risques ni sans responsabilités.

Les rédactrices de ce texte sont : Sarah Chiche (écrivaine, psychologue clinicienne et psychanalyste), Catherine Millet (critique d’art, écrivaine), Catherine Robbe-Grillet (comédienne et écrivaine), Peggy Sastre (auteure, journaliste et traductrice), Abnousse Shalmani (écrivaine et journaliste).

Adhèrent également à cette tribune : Kathy Alliou (curatrice), Marie-Laure Bernadac (conservateur général honoraire), Stéphanie Blake (auteure de livres pour enfants), Ingrid Caven (actrice et chanteuse), Catherine Deneuve (actrice), Gloria Friedmann (artiste plasticienne), Cécile Guilbert (écrivain), Brigitte Jaques-Wajeman (metteuse en scène), Claudine Junien (généticienne), Brigitte Lahaie (actrice et présentatrice radio), Elisabeth Lévy (directrice de la rédaction de Causeur), Joëlle Losfeld (éditrice), Sophie de Menthon (présidente du mouvement ETHIC), Marie Sellier (auteure, présidente de la Société des gens de lettres).

Voir encore:

Tribune
«Rien dans le texte ne prétend que le harcèlement a du bon, sans quoi je ne l’aurais pas signé»
Catherine Deneuve

Libération

14 janvier 2018

Une semaine après avoir signé la tribune qui prône la «liberté d’importuner» pour préserver la «liberté sexuelle», l’actrice assume, tout en prenant ses distances avec certaines signataires. Et s’excuse auprès des victimes d’agression qui auraient pu être choquées.

Catherine Deneuve : «Rien dans le texte ne prétend que le harcèlement a du bon»
Catherine Deneuve nous a transmis ce texte sous forme de lettre, à la suite d’un entretien par téléphone, vendredi. Nous l’avions sollicitée car nous voulions entendre sa voix, savoir si elle était en accord avec l’intégralité de la tribune signée, et savoir comment elle réagissait à la prise de paroles des unes et des autres ; bref, qu’elle clarifie sa position. (You can read this letter in English version here)

«J’ai effectivement signé la pétition titrée dans le journal le Monde, « Nous défendons une liberté… », pétition qui a engendré de nombreuses réactions, nécessitant des précisions.

«Oui, j’aime la liberté. Je n’aime pas cette caractéristique de notre époque où chacun se sent le droit de juger, d’arbitrer, de condamner. Une époque où de simples dénonciations sur réseaux sociaux engendrent punition, démission, et parfois et souvent lynchage médiatique. Un acteur peut être effacé numériquement d’un film, le directeur d’une grande institution new-yorkaise peut être amené à démissionner pour des mains aux fesses mises il y a trente ans sans autre forme de procès. Je n’excuse rien. Je ne tranche pas sur la culpabilité de ces hommes car je ne suis pas qualifiée pour. Et peu le sont.

Non, je n’aime pas ces effets de meute, trop communs aujourd’hui. D’où mes réserves, dès le mois d’octobre sur ce hashtag « Balance ton porc ».

«Il y a, je ne suis pas candide, bien plus d’hommes qui sont sujets à ces comportements que de femmes. Mais en quoi ce hashtag n’est-il pas une invitation à la délation ? Qui peut m’assurer qu’il n’y aura pas de manipulation ou de coup bas ? Qu’il n’y aura pas de suicides d’innocents ? Nous devons vivre ensemble, sans « porcs », ni « salopes », et j’ai, je le confesse, trouvé ce texte « Nous défendons une liberté… » vigoureux, à défaut de le trouver parfaitement juste.

«Oui, j’ai signé cette pétition, et cependant, il me paraît absolument nécessaire aujourd’hui de souligner mon désaccord avec la manière dont certaines pétitionnaires s’octroient individuellement le droit de se répandre dans les médias, dénaturant l’esprit même de ce texte. Dire sur une chaîne de télé qu’on peut jouir lors d’un viol est pire qu’un crachat au visage de toutes celles qui ont subi ce crime. Non seulement ces paroles laissent entendre à ceux qui ont l’habitude d’user de la force ou de se servir de la sexualité pour détruire que ce n’est pas si grave, puisque finalement il arrive que la victime jouisse. Mais quand on paraphe un manifeste qui engage d’autres personnes, on se tient, on évite de les embarquer dans sa propre incontinence verbale. C’est indigne. Et évidemment rien dans le texte ne prétend que le harcèlement a du bon, sans quoi je ne l’aurais pas signé.

«Je suis actrice depuis mes 17 ans. Je pourrais évidemment dire qu’il m’est arrivé d’être témoin de situations plus qu’indélicates, ou que je sais par d’autres comédiennes que des cinéastes ont abusé lâchement de leur pouvoir. Simplement, ce n’est pas à moi de parler à la place de mes consœurs. Ce qui crée des situations traumatisantes et intenables, c’est toujours le pouvoir, la position hiérarchique, ou une forme d’emprise. Le piège se referme lorsqu’il devient impossible de dire non sans risquer son emploi, ou de subir humiliations et sarcasmes dégradants. Je crois donc que la solution viendra de l’éducation de nos garçons comme de nos filles. Mais aussi éventuellement de protocoles dans les entreprises, qui induisent que s’il y a harcèlement, des poursuites soient immédiatement engagées. Je crois en la justice.

«J’ai enfin signé ce texte pour une raison qui, à mes yeux, est essentielle : le danger des nettoyages dans les arts. Va-t-on brûler Sade en Pléiade ? Désigner Léonard de Vinci comme un artiste pédophile et effacer ses toiles ? Décrocher les Gauguin des musées ? Détruire les dessins d’Egon Schiele ? Interdire les disques de Phil Spector ? Ce climat de censure me laisse sans voix et inquiète pour l’avenir de nos sociétés.

«On m’a parfois reproché de ne pas être féministe. Dois-je rappeler que j’étais une des 343 salopes avec Marguerite Duras et Françoise Sagan qui a signé le manifeste « Je me suis fait avorter » écrit par Simone de Beauvoir ? L’avortement était passible de poursuite pénale et emprisonnement à l’époque. C’est pourquoi je voudrais dire aux conservateurs, racistes et traditionalistes de tout poil qui ont trouvé stratégique de m’apporter leur soutien que je ne suis pas dupe. Ils n’auront ni ma gratitude ni mon amitié, bien au contraire. Je suis une femme libre et je le demeurerai. Je salue fraternellement toutes les victimes d’actes odieux qui ont pu se sentir agressées par cette tribune parue dans le Monde, c’est à elles et à elles seules que je présente mes excuses.

Sincèrement à vous.

Catherine Deneuve

Voir enfin:

Violences sexuelles : « La nature a remplacé la culture comme origine de la violence »

Dans une tribune au « Monde », le politologue Olivier Roy explique que l’affaire Weinstein place la nature du mâle à l’origine de la violence.

Olivier Roy (Politologue, professeur à l’Institut universitaire européen de Florence)

Le Monde

Tribune. Quelque chose vient de changer dans la dénonciation des agressions sexuelles. Qu’on se rappelle celles de Cologne lors du Nouvel An 2016, ou bien le débat sur la circulation des femmes dans les « quartiers » : la faute était attribuée alors à la culture des agresseurs (en l’occurrence, bien sûr, l’islam). Les agressions commises par des hommes occidentaux bien sous tous les rapports étaient soit minimisées, soit présentées comme relevant d’une pathologie individuelle. Et la solution était de promouvoir les « valeurs occidentales » de respect de la femme.

Or avec l’affaire Weinstein et « balance ton porc », on a un renversement de perspective : le problème n’est plus la culture de l’agresseur (de toutes races et de toutes religions, éduqué, cultivé voire même, en public, grand défenseur des « valeurs occidentales »), c’est sa nature même de mâle, d’animal, de cochon. La nature a remplacé la culture comme origine de la violence. Mais on ne soigne pas le mal du mâle de la même manière quand il s’agit d’un retour d’animalité ou d’un conditionnement culturel.

Ce changement de perspective (qu’il soit ou non pertinent, qu’il soit une vraie révolution ou bien un coup de mode) a de profondes conséquences anthropologiques. En effet, jusqu’ici, comme l’ont noté depuis longtemps les auteures féministes, toutes les grandes constructions idéologiques expliquant l’origine de la société s’entendaient pour faire de l’homme l’acteur du passage à la culture, et pour voir en la femme celle qui garde un pied (voire plus) dans la nature. Et pas la peine de revenir aux pères de l’Eglise.

La philosophie des Lumières, qu’on crédite de nos « valeurs » séculières modernes, faisait de l’homme l’acteur du contrat social, qui arrachait l’humanité à un état de nature dans lequel restait largement immergée la femme, logiquement dépourvue de droits civiques jusqu’à récemment ; cette dernière mettait au monde l’être humain, l’homme en faisait un citoyen.

Domestication de la violence masculine

L’anthropologie a longtemps fait de l’échange des femmes la condition (ou le signe) du passage à la société, et donc du passage à la culture (on ne parle jamais d’échange des hommes, et les rares sociétés matriarcales ne remettent pas en cause la domination politique de l’homme). La psychanalyse, dans son versant mythologique (Totem et Tabou), pulsionnel (les aventures du pénis) ou symbolique (que le père soit la métaphore de la loi ou la loi la métaphore du père), a gardé l’homme au centre de la sublimation culturelle. Le seul progrès, c’est que le masculin n’est plus nécessairement un homme biologique mais un principe : les femmes peuvent enfin porter la culotte (même si le salaire ne suit pas). Mais elles ne se transforment pas pour autant en prédatrices sexuelles : cela reste l’apanage du mâle.

Evidemment, la violence masculine n’a jamais été ignorée par les cultures. Toutes ont développé des stratégies pour à la fois la canaliser et la légitimer (une fois canalisée) : de l’honneur à la séduction, nos sociétés occidentales ont su socialiser, voire esthétiser, la virilité (juste pour mémoire, ce qu’on appelle aujourd’hui « crime d’honneur » dans les autres sociétés s’appelait chez nous « crime passionnel » et valait circonstances atténuantes ; le meurtre d’une épouse n’a longtemps été, pour les journaux, qu’un « drame familial », comme si, par définition, la société n’était pas concernée).

Il suffit de voir la nostalgie des sites conservateurs français où on se gausse discrètement de l’hystérie (si ! si !) des campagnes contre le harcèlement, qui noieraient la « séduction à la française », chère à nos films en noir et blanc, sous la tyrannie du puritanisme américain d’Hollywood. Question d’« atmosphère », comme dirait Arletty.

« La définition même de la culture, c’est de mettre en ordre la nature, de l’inscrire dans un système partagé de sens, de symboles, de langage »

Cette domestication/valorisation de la violence masculine a donc toujours été transmutée en culture, voire en haute culture. Et la définition même de la culture, c’est de mettre en ordre la nature, de l’inscrire dans un système partagé de sens, de symboles, de langage, devenu implicite au point de passer pour une seconde nature. C’est ce que Bourdieu analyse (entérine, pour des auteurs féministes) sous le nom d’habitus, un comportement collectif normé, acquis et inconscient. La transgression et la faute ne font sens qu’à partir de ce système.

Le code pénal ne codifie que les violences « pensables », c’est-à-dire celles qui sont un excès de la violence admise : il n’y a de crime de guerre que parce qu’il y a une légitimité de la guerre. Le cannibalisme n’est pas un crime en soi selon le code pénal, parce qu’il n’est pas « pensable » (comme encore, souvent, l’inceste), de même, dans le fond, que le viol conjugal n’existe pas tant que l’intimité du couple échappe au social.

« Servitude volontaire »

Pourquoi les femmes ont-elles pu intérioriser les normes et les valeurs dont elles sont victimes ? Parce que la résistance aussi est presque toujours formulée dans le cadre culturel dominant : « Je ne suis pas celle que vous croyez », disait-on du temps de ma grand-mère, entérinant ainsi le grand partage entre la maman et la putain. C’est tout le problème de ce que La Boétie appelait la « servitude volontaire », qu’on qualifie aujourd’hui d’aliénation : pourquoi adhère-t-on à des normes et à des valeurs qui valident sa propre servitude ?

C’est la vision finalement toujours pessimiste de Bourdieu, où l’habitus rend la révolte improbable et fait donc de la souffrance l’horizon de la survie. Et, pourtant, « on » se révolte, même s’il n’y a pas de révolte absolue, sinon celle de la folie et de la mort. Mais on formule toujours sa révolte dans le cadre d’une culture donnée, des « suffragettes » aux « féministes islamiques ». C’est pourquoi les vraies révolutions, celles où on impose un changement brutal et autoritaire de paradigme, sont toujours sanglantes (en 1789 comme en 1917).

Mais alors, pourquoi la révolte est-elle possible aujourd’hui, alors qu’elle n’est appuyée par aucune violence, aucune prise de pouvoir, aucune nouvelle gouvernance (au contraire, les cibles se trouvent avant tout dans l’establishment, lequel n’est pas menacé en tant que tel) ? On ne peut même pas parler de mobilisation populaire, encore moins de révolte politique. Comment penser cette vague de fond ? Qu’est-ce qui a changé ? Il faut, bien sûr, revenir aux origines récentes du féminisme comme mouvement social, c’est-à-dire à la grande vague des années 1960 dénonçant l’ordre établi et le patriarcalisme, prônant l’utopie et la libération sexuelle, et faisant de la sexualité une question politique (ce qu’elle est restée). Mai 68 est bien une révolution des mœurs.

« Comment expliquer qu’un mouvement qui s’est défini par la libération sexuelle se traduise in fine par une entreprise systématique de codification normative des comportements sexuels ? »

Mais il y a ici un paradoxe : comment expliquer qu’un mouvement qui s’est défini par la libération sexuelle se traduise in fine par une entreprise systématique de codification normative des comportements sexuels ? Car c’est bien de cela qu’il s’agit : on ne demande pas au « porc » de se cultiver (il s’agit souvent de gens très cultivés justement, et contraints à la contrition ou à l’exil par l’acharnement judiciaire ou la vox populi : ils ont plus à voir avec l’émigré de Coblence qu’avec l’immigré de Cologne, car comme le premier, ils n’ont souvent rien appris ni rien oublié).

Il doit se repentir et apprendre un nouveau code de comportement qui, pour lui, relève d’une langue étrangère. On remarquera par exemple que les artistes, acteurs et auteurs accusés d’agressions sexuelles voient leurs œuvres être soudainement « néantisées », voire, pour des acteurs, leur présence physique effacée des films. Il n’y a plus d’argument culturel pour l’excuser ou pour le sauver, mais une tabula rasa, sur laquelle on pose l’animalité brute. Et le problème surgit alors : comment socialiser cette animalité, comment humaniser le cochon ?

Pédagogie directive

On touche ici peut-être le nœud de la question, qui est toujours le lien entre culture et nature. L’apologie philosophique, voire idéologique, de la nature comme désir, c’est-à-dire en fait comme liberté de la pulsion débarrassée du poids de la culture, produit aujourd’hui son contraire : le triomphe de la normativité. Mais d’une normativité débarrassée aussi du poids de la culture. Car il ne s’agit en rien d’un retour à l’ordre moral de l’ancien temps. On a d’ailleurs un intéressant paradoxe : les plus réticents devant cette nouvelle police du corps sont justement les conservateurs traditionnels, chrétiens en particulier.

On voit, non sans une joyeuse surprise, Christine Boutin (oui, le Parti chrétien de France, l’égérie du retour de la Bible !) se faire l’apologiste de la « grivoiserie à la française », suivie ou précédée par le site Causeur, le média de la nostalgie grincheuse et du niveau qui baisse (tout est bon dans le passé, et donc tout ne saurait être mauvais dans le cochon).

Alors, ni révolution ni réaction, de quoi le cochon est-il le nom ? Il y a bien un mouvement de fond car, déjà avant l’affaire Weinstein, les campus américains s’étaient lancés dans la prévention du harcèlement sexuel. Or ces campagnes ont une caractéristique intéressante : elles ne sont pas fondées sur une approche éthique, mais sur une pédagogie autoritaire, où l’on doit mémoriser un nouveau code de gestuelle et d’énoncés, comme si la mise en œuvre des nouvelles normes supposait que les hommes soient incapables de comprendre d’eux-mêmes quel est le problème.

Si nous revenons à la comparaison avec Cologne, dans les deux cas, l’étudiant blanc du campus et l’immigré basané sont traités de la même manière par une pédagogie directive et condescendante : en Allemagne, on distribue des affichettes comminatoires (une main aux fesses barré d’un NEIN en noir et d’une croix en rouge, comme un panneau de code de la route) ; dans les campus américains (où l’on peut aussi trouver ce type d’affichettes), on instaure des cours obligatoires avec exercices pratiques où John, immobile (et debout) doit demander à Sarah : « Puis-je poser ma main sur ton épaule ? », attendre un oui clair et explicite puis, de nouveau, : « Sarah, puis-je poser ma deuxième main sur ton autre épaule ? », attendre un oui et ainsi de suite au fil des jours, jusqu’à ce qu’ils se marient et fassent beaucoup d’enfants (on peut toujours rêver).

L’instinct disparu ?

On leur apprend non seulement ce qu’il ne faut pas faire (ce qui est légitime), mais surtout ce qu’il faut faire, comme si, d’un seul coup, l’instinct avait disparu, ou plutôt comme si, entre deux êtres, il n’y avait plus de culture partagée, c’est-à-dire d’implicite et de non-dit. Tout doit être dit, la vie est un contrat à renouveler à chaque instant : c’est la sexualité en CDD (d’ailleurs institutionnalisée de manière plus ludique, et peut-être jouissive, par les sites de rencontres).

« La lutte contre l’agression sexuelle n’est pas porteuse d’utopie. C’est la demande de suppression d’un mal, pas l’espérance d’un monde nouveau »

Le code s’impose pour gérer la nature quand il n’y a plus de culture. On pourrait penser que ce pédagogisme formel est nécessaire le temps qu’une nouvelle culture des relations entre hommes et femmes s’instaure. C’est une vision légitime, mais j’ai des doutes. Une nouvelle culture ne se décrète pas : l’Etat produit des normes, pas des valeurs. La preuve est que la pédagogie se fait sous la menace constante de la sanction pénale.

La lutte contre l’agression sexuelle n’est pas porteuse d’utopie, contrairement aux mouvements révolutionnaires ; peu de gens pensent que l’égalité des sexes est promesse de bonheur. C’est la demande de suppression d’un mal, pas l’espérance d’un monde nouveau. Peut-on espérer qu’avec le temps le code se transformera en culture ? Pas sûr : le code de la route, un siècle après son invention, est toujours un code ; il ne devient pas un habitus et encore moins une culture (on sait tous par expérience que la seconde animalité masculine après le cochon, c’est le conducteur).

Surtout, ce glissement de la culture au code n’est pas confiné à la question sexuelle. C’est une caractéristique profonde de la mondialisation, qui entraîne une crise des cultures. Je l’ai étudié dans l’émergence des nouveaux fondamentalismes religieux (La Sainte Ignorance, Le Seuil, 2008). Il y a par ailleurs un rapport étroit entre le fondamentalisme religieux et la normativité issue de la culture hippie : pour ceux que cela surprend, l’évangélisme contemporain et le mouvement hippie ont le même lieu et la même date de naissance (et beaucoup sont passés du second au premier) : la Californie des années 1960, qui est devenue aujourd’hui un des lieux où la vie quotidienne est la plus normée de tout le monde occidental, tout en se réclamant d’une utopie libertaire.

L’on retrouve dans les fondamentalismes religieux contemporains cette obsession de la normativité des gestes de la vie quotidienne, cette difficulté à gérer le cochon qui sommeille, même si on le baptise du nom de péché originel, cette volonté de contrôler le corps et le sexe. Dans le fond, le hippie et le salafi sont des cousins qui s’ignorent. Mais c’est une autre histoire…

Olivier Roy est l’auteur de « La Peur de l’islam » (Editions de l’Aube, 2015) et « Le Djihad et la Mort » (Le Seuil, 2016).

Voir par ailleurs:

Pourquoi Brigitte Lahaie a raison (et tort) quand elle dit qu’on peut jouir lors d’un viol

« On peut jouir lors d’un viol ». Oui, mais pourquoi ? La science a déjà répondu à cet argument lancé hier sur BFM TV dans le cadre du récent débat autour de la « liberté sexuelle ».

Actrice de films pornographiques durant l’âge d’or du genre en France, ensuite reconvertie en animatrice radio, Brigitte Lahaie, aujourd’hui 62 ans, devrait savoir que les apparences peuvent être trompeuses. Et que derrière ce que l’on pense savoir sur les gens et les choses, peut se cacher une toute autre vérité. Pourtant, l’ex-performeuse du nord de la France n’a pas hésité une seconde avant de déclarer, tout-de-go et comme argument irréfutable, que l’on « peut jouir lors d’un viol, je vous signale ». Face à elle, accusant le « signalement », une Caroline De Haas elle-même victime de viol, défendant sur plateau le combat contre les violences sexuelles et la difficulté à retrouver l’entiereté de son plaisir après une agression.

Signataire de la tribune parue dans Le Monde pour la « liberté d’importuner, indispensable à la liberté sexuelle », Brigitte Lahaie entendait encourager sur BFM TV les femmes à rencontrer la « puissance de leur corps et leur capacité à jouir ». Ce qu’elle aura probablement réussi davantage à faire, c’est en indigner un certain nombre. Choquées par les propos de l’animatrice radio, elles sont nombreuses à avoir pris le clavier pour dénoncer une remarque non seulement dure, mais aussi décontextualisée par rapport à ce que représente un viol – à savoir, un rapport sexuel imposé à une personne sans son consentement, qui peut dans certains cas être violents, et dans la plupart, laisser des conséquences physiques et psychologiques difficiles à surmonter. Certaines indignées ont également pris le temps de réexpliquer à Brigitte Lahaie les raisons pour lesquelles, en effet, certaines femmes peuvent atteindre une forme de climax durant une agression sexuelle. Et « surprise », point de plaisir derrière le viol.

Avant toutes, Caroline De Haas elle-même, qui, hors antenne, a déclaré sur Twitter : « Le corps d’une victime de violence peut réagir de plein de manières différentes. Cela ne change rien au fait que le viol est un crime ». La journaliste militante Clara Gonzales, créatrice du numéro anti-relous, ensuite : « Le ‘plaisir physique’ parfois ressenti est un mécanisme de défense que votre corps et votre cerveau mettent en œuvre pour vous protéger. Rien à voir avec votre jouissance sexuelle libre qui ne saurait vous être volée, jamais ».

Le corps a ses raisons que la raison ignore

La presse scientifique a déjà expliqué par le passé ce phénomène troublant pour les victimes, utilisé ici comme un argument massue : « Le corps n’en profite pas – il tente de se protéger », relate ainsi la revue Popular Science, sur base de nombreux entretiens et recherches. « L’orgasme durant le viol n’est pas un exemple de l’expression du plaisir. C’est un exemple d’une réponse physique, que l’esprit soit à bord ou non, comme haleter, transpirer, ou avoir un pic d’adrénaline. Les thérapeutes utilisent souvent l’analogie des chatouilles. Bien que les chatouilles puissent être agréables, quand elles sont faites contre le souhait de quelqu’un, elle peuvent être une expérience très désagréable. Et durant cette expérience désagréable, bien qu’il demande d’arrêter, celui qui est chatouillé peut continuer de rire », explique la journaliste scientifique Jenny Morber. « Dans les rapports violents, l’excitation physique intense provenant de la peur peut augmenter les sensations sexuelles dans un processus appelé ‘transfert d’excitation’ ».

L’article assure : « La sensation n’est pas l’expression d’un plaisir ou du consentement… c’est simplement une sensation physique ».

Si Popular Science relaie une étude qui fait état d’une proportion de 4 à 5% des viols ponctués par un orgasme, il semblerait que la réalité excède ce nombre. Dans un article daté de 2004, un clinicien rapportait : « J’ai rencontré un plutôt grand nombre de victimes [masculines] qui avaient eu une réponse sexuelle à un viol… J’ai rencontré de nombreuses femmes victimes d’inceste et de viol qui faisaient état de lubrification et d’orgasme ». À vrai dire, toujours selon le site scientifique, on en saurait même encore bien peu sur ce que signifie exactement l’euphorie sexuelle, de manière générale.

L’orgasme comme réaction instinctive et naturelle n’est pas sans conséquence pour les victimes : en plus du trauma que constitue l’expérience d’une agression sexuelle, celles-ci font état d’une honte à ne pas avoir su « contrôler » leur corps et d’avoir ressenti ce climax. Il donne aussi du grain à moudre à ceux et celles qui entendent encore, en 2018, déposséder les personnes ayant subi ces abus de leur statut de victime, pour en faire des complices qui s’ignorent. « La réalité est que la réponse d’excitation sexuelle du corps n’est pas plus une indication de culpabilité ou de maladie mentale qu’une fréquence cardiaque élevée ou qu’un rush d’adrénaline ne le serait dans de pareilles circonstances », conclut Jenny Morber.

Pas de pudibonderie voilée qui ne tienne, donc : c’est physique, imprévisible et inévitable, tout simplement. Et ce ne sera probablement jamais un argument à lancer pour défendre la liberté sexuelle.

What Science Says About Arousal During Rape

Yes, orgasms can happen to rape victims.

Of those who report their rapes, around 4 to 5 percent also describe experiencing orgasm.

Rape. Most of us don’t like to talk about it. We don’t like to think about it. But when we do think about it, or at least when I do, it is always violent. I am struggling and overpowered. I am screaming. And I am certainly not getting off.

Although in the United States, where I live, rape survivors are now more common than smokers, I am not currently among the nearly 20% of women or 3% of men (or more) who are sexually assaulted in their lifetimes. I am not one of the 1 in 3 Native Americans who are raped. My mother has never felt the need to tell a doctor, as one Native American mother did, « I need to learn more about Plan B for when my daughter gets raped. »

And my lack of first-hand experience might be why my narrow definition of rape was completely wrong.

Rape is not always violent. Some survivors surrender to protect themselves or their loved ones. Some are intoxicated, drugged, physically or mentally incapacitated, or in a position without power. Some (doubly horribly) are children. Rape does not always include penile penetration. Some rapists are married to their victims. Some rapists are women. Some women rape men. And sometimes, in the middle of an act that is always a violation, a rape survivor will experience increasingly intense physical sensations leading to climax – an orgasm.

Yes, it really happens.

Of those who report their rapes, around 4–5% also describe experiencing orgasm. But the true numbers are likely much higher. In a 2004 review paper, a clinician reports, « I (have) met quite a lot of victims (males) who had the full sexual response during sexual abuse…I (have) met several female victims of incest and rape who had lubrication and orgasm. »

In February of this year, Reddit featured a child therapist in an ‘I Am A’ discussion to address orgasm during rape. She had previously participated in an ‘ask me anything’ (AMA) on the topic. It was so popular that she was invited to engage again. In the first post the therapist states,

« I’ve assisted more young women than I can count with this very issue…There have been very few studies on orgasm during rape, but the research so far shows numbers from 10% to over 50% having this experience. In my experience as a therapist, it has been somewhat less than half of the girls/women I’ve worked with. (For the record, I have worked with very few boys/men who reported this.) In professional discussions, colleagues report similar numbers. »

And though most of the half-dozen or so therapists and sex educators I spoke with said that they believed the phenomenon was uncommon, all of them had heard from or heard of at least a few rape victims who experienced sexual arousal.

Matthew Atkinson, a domestic and sexual violence–response professional and author of « Resurrection After Rape, » wrote to me that, « Of the 500–600 clients I ever saw, only a couple of dozen disclosed [it] to me. However, when the topic is brought up on internet discussion forums, there seems to be a great deal of interest in it. That suggests to me that it’s more common than we may be aware… »

Rape and arousal can happen simultaneously, and one does not exclude the other.

The voices of the internet suggest he’s right. Read through the Reddit thread or blogsor comments to articles that discuss orgasm during rape and you find storyafter story: « I was sexually abused at a young age and had an orgasm. » « …although I never stopped resisting I was horrified to find myself having a series of multiple orgasms… » « I thought I would never be able to tell – except here. » « Reading your post made me feel like maybe I am not such a freak. » One woman describes a violent and painful gang rape and recalls, « One of the most disturbing things that happened that night is that I had an orgasm. Despite years of marriage, it was my first orgasm ever. »

But how can this be? How can a victim’s experience of rape, especially violent rape, include an orgasm? If you are a blogger on one website (which I refuse to honor with a link) the explanation is simple: « You’ve suddenly realized that actually, in spite of what you thought before it happened, in reality you wanted to be raped and you’re… loving every minute of it… that fact alone makes ‘rape’ an act of consensual sex. »

No. This is not the explanation. Rape and arousal can happen simultaneously, and one does not exclude the other. As disgusting as they are, that blogger’s words illustrate a common error of conflating arousal and conscious intention. An orgasm, at least in popular understanding, represents a peak of sexual pleasure, a state of euphoria. In that perception, if someone is experiencing rape, shouldn’t pleasure be absent? Shouldn’t the body, you know, shut that whole thing down?

We really need a better understanding of human sexuality and human physiology. Just as Todd Akin (and hundreds of years of science) was so wrong in thinking that rape can’t lead to pregnancy, I and many others were entirely wrong about arousal and climax during rape. Despite what many rapists would like to believe, arousal does not mean that an assault was enjoyable or that a victim was asking for it. So what does it mean?

Quite simply, our bodies respond to sex. And our bodies respond to fear. Our bodies respond. They do so uniquely and often entirely without our permission or intention. Orgasm during rape isn’t an example of an expression of pleasure. It’s an example of a physical response whether the mind’s on board or not, like breathing, sweating, or an adrenaline rush. Therapists commonly use the analogy of tickling. While tickling can be pleasurable, when it is done against someone’s wishes it can be very unpleasant experience. And during that unpleasant experience, amid calls to stop, the one being tickled will continue laughing. They just can’t help it.

As the review paper referenced earlier states:

…the induction of arousal and orgasm does not indicate that the subjects consented to the stimulation. A perpetrator’s defense simply built upon the fact that evidence of genital arousal or orgasm proves consent has no intrinsic validity and should be disregarded…Human sexual arousal occurs as a mental state and a physical state; in normal sexual arousal both occur simultaneously. However, it is possible to be mentally sexually aroused without showing any genital manifestations of arousal…Contrarily, it is possible to exhibit these genital manifestations of arousal but not feel mentally aroused. Indeed, it is even possible to feel disgusted by the genital manifestations of arousal if it is thought to be a highly inappropriate response to the inducing sexual stimuli [such as] getting an erection to the naked body of one’s mother or sister or by a violent scenario.

In other words, the mental and physical components of human sexuality often run in parallel and in agreement – but not always. In fact, sexual arousal and other forms of heightened sensation are so closely intertwined that as of 2010, psychologists were still arguing in the scientific journals about « the exact meaning of sexual arousal, » or what, exactly, we should call it. Super.

Examples of the mental/physical disconnect in sexual arousal:

Some people can be brought to orgasm by having their eyebrows stroked. Others can orgasm when pressure is applied to their teeth.
-Some people can « think » themselves into orgasm without any physical stimulus at all. One woman has even done this inside an MRI.
-People with spinal cord injuries (a physical brain–body disconnection) can still experience orgasm. In an MRI.
-Women can become sexually aroused without their knowledge. By measuring changes in blood flow to female genitals, several studies have found that subliminal images, images of copulation in other species, and those that women report as disgusting, boring, or not arousing can cause physical arousal.
This happens in men too, though men usually have a more … obvious … yardstick.
-Consciousness is not required for orgasm. Both men and women can experience orgasm during sleep.

Arousal during rape is an example of a physical response whether the mind’s on board or not, like breathing.

Adding to the issue is that sexual arousal and orgasm appear to originate from the autonomic nervous system— the same reflex-driven system that underlies heart rate, digestion, and perspiration. Our control over sexual arousal is no better than our control over the dilation of our pupils or how much we sweat. The presence of sexual arousal during rape is about as relevant to consent as any of these other responses. In violent assaults, intense physical arousal from fear can heighten sexual sensations in a process called ‘excitation transfer.’ In one laboratory study, anxiety from threat of electric shock enhanced male erectile responses to erotic images. The men in this study were not looking forward to the shock. They did not enjoy the shock. Their body’s heightened state of physical arousal – anxiety about the threat of pain – heightened sexual arousal as well. Sexual arousal is just one more component of the ‘fight or flight‘ state.

Some rape victims report ‘going somewhere else’ mentally, and then being pulled back into the moment by orgasm. Clearly these victims have no mental connection to their physical state. One woman who was drugged and then raped, recalls waking up during climax only to pass out again as the sensation abated. Recent experiments suggest that vaginal lubrication in women may be an adaptive response designed to reduce injury from penetration. The body is not enjoying itself – it is trying to protect itself.

Finally, horribly, some rapists enjoy making their victims’ bodies respond to the assault as a sign of dominance. These rapists work to get a physical response from their victims. They have learned how fear and anxiety can correspond to other forms of heightened arousal, and they exploit the connection.

Unsurprisingly, rape survivors who experience arousal and rape report confusion and shame thanks to this conflation of the physical response of arousal and its usual association with enjoyment. A survivor may ask, « Was this something I subconsciously wanted? Am I in some way guilty? If my body responded this way, does it mean I’m mentally disturbed? » The reality is that the body’s arousal response is no more an indication of guilt or mental illness than an elevated heart rate or adrenaline flood would be under the same circumstances.

Often, sexual pleasure and sexual aggression become psychologically intertwined when a rape survivor experiences arousal during rape. In Matt Atkinson’s words, « Sex, which is supposed to be healthy, harmless, pleasurable, and mutual, has been disfigured by rape or abuse. » One woman exclaims, « The word ‘no’ doesn’t seem to count. My own body didn’t listen to it. So it’s as if I never said it. » Though it might feel this way to a victim, the word ‘no’ stands on its own. To paraphrase the woman’s therapist: The sensation is not an expression of pleasure or consent – it is simply a physical sensation.

Men, too, experience frustration and guilt that can be heightened by a bewildering physical response. In many instances, this confusion prevents victims from reporting the assault. One study from the 1980s found that approximately 90–95% of men who are raped never report the incident. It’s not unreasonable to think that these numbers must be even greater for men whose rape stimulates arousal and ejaculation.

Police and courtrooms may confuse orgasm and arousal with evidence that the interaction was consensual.

Another worry is that police and courtrooms may confuse orgasm and arousal with evidence that the interaction was consensual. Though the law has progressed much since the days in which pregnancy, which was once believed to be proof of orgasm, could acquit an accused rapist, we have far to go. Still, most courtrooms recognize that legal consent must be freely given and that consent can be withdrawn at any time (even the FBI now recognizes non-forcible rape as of, get this, 2012). If the supreme court of Georgia in 1976 could find that orgasm is « legally irrelevant to the issue of consent, » there may be some hope for a better understanding of the mind–body disconnect when it comes to these autonomic responses during rape.

Arousal and orgasm during rape happen. Probably much more often than we know. It is not a sign of guilt or pleasure. It in no way indicates consent. It is a sign that our bodies react, just as they do with a rapid heartbeat or an adrenaline rush. We react. And then we try to heal.

If you have more questions about sexual assault, or if you or a loved one are suffering from sexual assault, these links can provide you with more information:

-More information on arousal during assault
-Sexual assault myths
-Search page for rape crisis center in your area
-Page with links for help

Jenny Morber is a freelance science writer and editor. This article was republished with permission from Double X Science.

2 Responses to Société: Vous avez dit flocons de neige ? (Guess who created Generation Snowflake ?)

  1. jcdurbant dit :

    IT’S FOR THE CAUSE, STUPID ! (Harvard law prof warns against scapegotaing and the over-expansive definitions of sexual harassment)

    Like many others, I am outraged by the egregious incidents of sexual misconduct made public recently through carefully documented journalism. I applaud the removal of many alleged perpetrators who have clearly abused their positions of power, often through force and even violence. I celebrate those who have stepped forward to call out sexual misconduct and demand changes in the degrading culture that has characterized working conditions for women in too many settings for too long.

    However, I am concerned that in the recent rush to judgment, principles of basic fairness, differences between proven and merely alleged instances of misconduct, and important distinctions between different kinds of sexually charged conduct have too often been ignored. Similar problems plagued the imposition of new sexual harassment guidelines for colleges and universities by the administration of former President Barack Obama. I was involved in attempts to push back against those guidelines and to develop at Harvard Law School our own policies, better designed to balance the important values at stake.

    My fairness concerns with the #MeToo phenomenon include the ready acceptance in many cases of anonymous complaints, and of claims made by women over conflicting claims by men, to terminate careers without any investigation of the facts. Some argue that women who speak out should simply always be believed. Others argue that if some innocent men must be sacrificed to the cause of larger justice, so be it. I find this deeply troubling. I do not contend that mini-trials should always be required before action can be taken. Sometimes the alleged conduct is so egregious, or alleged patterns so suspicious, that suspension is warranted while facts are determined. Sometimes allegations are demonstrably credible by virtue of independent evidence. But where facts are in doubt or conduct is subject to different interpretations, efforts must be made to investigate what actually happened and how the different parties understood the events.

    I am also deeply troubled by over-expansive definitions of wrongful conduct. In the current climate, men are called out for actions ranging from requests for dates and hugs on the one hand to rape and other forced sexual contact on the other, as if all are the same and all warrant termination. I do not believe that all touching by a man in power is the same as touching that is clearly unwanted or the deliberate abuse of power to obtain sexual favors. I do not believe that all romantic and sexual overtures should be banned from the workplace, even between people on different hierarchical levels. Some recent cases involve peremptory dismissal for behavior that may involve nothing more than that. Women are not so weak as to need this kind of protection. Banning all such activity from the workplace would reduce the quality of life for everyone, including women.

    The legal definition of sexual harassment in employment and education is a helpful guide to what sexual conduct should be the focus. It is illegal to engage in quid pro quo harassment, namely conditioning an employment or educational benefit on sexual favors. It is illegal also to create a “hostile environment” through unwelcome sexual advances that are severe or pervasive and that limit the victim’s ability to enjoy employment or educational opportunity. Objective standards apply, so the question is whether a reasonable person in the position of the alleged perpetrator or alleged victim would have thought the conduct was sexual harassment, not simply what the alleged victim subjectively felt.

    Finally, I am concerned with the cynical exploitation of sexual harassment cases and related scapegoating of individuals. The #MeToo movement has helped demonstrate to the world the toxic level of sex discrimination and sexual misconduct that have characterized work life for too many women in business, entertainment, media, and government. Corporate and political leaders, who must have been at least generally aware of these problems, did little to address them until this moment of public shaming. Now they dismiss alleged perpetrators overnight, often with no regard for the facts but clearly with significant regard for their corporate reputations and electoral strategies.

    All this puts real reform at risk. It undermines the legitimacy of action against serious sexual misconduct and abuse of power. It creates the potential for backfire.

    Elizabeth Bartholet

    http://www.thecrimson.com/article/2018/1/16/bartholet-metoo-excesses/

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  2. jcdurbant dit :

    SPOT THE ERROR ! (‘Now it will cost a lot more to fly the man back on a private charter! Well done silly interfering, self-seeking, do-gooding idiots!’)

    Officials escorting Yaqub Ahmed on a flight from Heathrow to Turkey were forced to abandon his deportation when around a dozen holidaymakers who felt sorry for him angrily intervened shortly before take-off. At one stage during the astonishing episode, filmed on mobile phones, one traveller complained: ‘They’re separating him from his family’, while others chanted ‘take him off the plane’. When harassed security guards caved in and walked 29-year-old Ahmed off the Turkish Airlines flight, he was seen thanking those on board for their support as they cheered and applauded. One person was heard declaring: ‘You’re free, man!’

    It is not the first time that planned deportations have been disrupted on planes. In July, a Swedish student filmed herself halting the deportation of an Afghan asylum seeker on a Turkish Airlines flight from Gothenburg to Istanbul. Then, in August, a Turkish Airlines pilot refused to take off from Heathrow after campaigners convinced him that the asylum seeker on his jet would face beheading by the Taliban if he was returned to Afghanistan. Virgin Airlines has stopped assisting the deportation of illegal immigrants after pressure from activists.

    The Home Office previously spent millions of pounds a year chartering planes to fly failed asylum seekers and foreign national offenders to their home countries, most commonly Albania, Pakistan and Nigeria. But because of the cost of the flights, it now increasingly books seats on commercial services. Latest figures show the Home Office spent £17 million on scheduled flights and £8.6 million on charter flights to deport people in 2016-17.

    https://www.dailymail.co.uk/news/article-6273199/Somali-man-deportation-stopped-good-plane-passengers-revealed-gang-rapist.html

    https://www.thetimes.co.uk/article/deportee-saved-by-airline-passengers-raped-teenage-girl-zf2l6xkg6?fbclid=IwAR2c_W1ee6__hJrQ1e4VzxJykUTpWY44u_DQECoOoluiiyfZy5doRiyI4OY

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