Le problème, quand le refus de répondre augmente, est qu’à un moment les échantillons ne sont plus représentatifs politiquement, même s’ils le sont socio-démographiquement. Il n’est pas prouvé que le champ des orientations politiques des gens qui acceptent de répondre est le même que celui des gens qui refusent de répondre. Alain Garrigou
Un ancien conseiller d’Hillary Clinton était à Paris la semaine dernière, John Podesta. Il racontait que la plupart, une grande partie, des électeurs américains se sont décidés dans la dernière semaine de campagne. Ce qui peut aussi se produire en France parce que (…) il y a beaucoup de gens qui sont indécis. Et sur la majeure partie de ces gens qui se sont décidés la dernière semaine, une grande partie d’entre eux ont voté pour Donald Trump. Que vont faire aujourd’hui les Français dont on dit aujourd’hui qu’ils vont s’abstenir? L’enquête Ipsos qui avait été publiée dans Le Monde début mars disait qu’il y avait à peu près (…) 32% d’abstentions. Et sur ces 32%, vous en avez 45% de gens qui s’autopositionnent à droite. C’est énorme ! Si ces gens-là décident, la dernière semaine, après le dernier débat le 20 avril de se dire: ‘Finalement, Fillon, oui, c’est mon candidat.» Ca change tout. Ca peut faire basculer. Carl Meeus (Figaro magazine)
Ce qu’on voit en tout cas dans les reportages – Le Monde a plein de reporters qui suivent tous les candidats ou ne suivent pas les candidats mais qui vont voir les Français. On voit deux, trois choses qui sont nouvelles quand même. Effectivement, un électorat de droite qui normalement avait toutes les chances de voir son candidat arriver au pouvoir, qui est en partie tétanisé. Vraiment, et ça, c’est très frappant ! J’étais il y a une dizaine de jours dans la Sarthe, si vous voulez, personne ne parlait de l’élection présidentielle tellement c’était un sujet tabou (…) Et on voit ça dans beaucoup de régions qui normalement votent à droite où là vous avez une partie des électeurs fillonistes qui restent fillonistes mais qui sont très radicalisés. Et puis une partie d’électeurs qui sont complètement perdus et qui ne savent pas du tout où aller et qui vous demandent même: « Qu’est-ce qui peut se passer ? Qu’est-ce que je dois voter ? » Ca, c’est tout à fait nouveau, vraiment ! (…) Là, aujourd’hui, on voit vraiment de vraies difficultés sur l’électorat de droite. Et pour l’électorat d’Emmanuel Macron, il y a une partie des gens qui ne sont pas encore tout à fait sûrs. Et un paradoxe qui joue. Des gens qui aiment le renouvellement qu’incarne Emmanuel Macron et qui ont peur de ce renouvellement parce qu’ils ne savent pas très bien où ils vont. Donc, ça, c’est vraiment les deux, je trouve, phénomènes nouveaux de cette campagne. Raphaelle Bacqué
Gilles Boyer raconte dans son livre comment on est venu le voir, il y a un an en disant « Gilles on a un problème : Juppé est trop haut, trop tôt » : J’ai pas su gérer ce problème parce que, quand on vous dit que tout va trop bien, c’est difficile de trouver une solution. « A l’époque j’avais trouvé ça absurde parce que je ne pouvais tout de même pas faire baisser les sondages », poursuit l’ex-directeur de campagne. France inter
[Il est] possible qu’il y ait aujourd’hui un vote Fillon honteux, sur le modèle de ce qui s’est passé à la présidentielle de 2012 avec Nicolas Sarkozy. Des sondés ont tu leur choix mais ont voté pour lui. Les résultats au second tour de la présidentielle 2012 ont été finalement plus resserrés que tous ceux mesurés. (…) François Fillon peut agréger à son socle solide quelques points venant des abstentionnistes mais aussi de ceux d’électeurs de droite passés chez Emmanuel Macron. Jérôme Sainte-Marie (PollingVox)
Le retour aux affaires des chiraquiens nourrit bien évidemment le soupçon d’un cabinet noir. Il n’est pas possible d’en apporter la preuve formelle. Comme il n’est pas possible de prouver le contraire! Mais l’addition d’indices troubles et de témoignages étonnants interroge. Plusieurs observateurs bien placés dans l’appareil policier nous ont ainsi décrit par le menu l’existence d’une structure clandestine, aux ramifications complexes et dont le rayon d’action ne serait pas cantonné au seul renseignement territorial. (…) Pour orchestrer les affaires judiciaires il existe une mécanique complexe aussi efficace que redoutable. Hollande a su en tirer profit. D’abord il y a Tracfin, le service de renseignement de Bercy, le ministère piloté durant tout le quinquennat par Michel Sapin, un ami de quarante ans du Président. La plupart des affaires judiciaires qui ont empoisonné Sarko et les siens ont trouvé leurs racines ici, dans cet immeuble ultra-sécurisé du 9e arrondissement de Paris, entièrement classé secret-défense. Là, cent vingt fonctionnaires sont habilités à fourrer leur nez dans les comptes en banque de n’importe qui. Olivia Recasens, Didier Hassoux et Christophe Labbé
On n’a jamais écrit ça. La seule personne qui croit qu’il y a un cabinet noir à l’Elysée, c’est François Fillon. (…) Ce cabinet noir n’existe pas. Nicolas Sarkozy avait mis en place une police politique. François Hollande, lui, a simplement instrumentalisé la police à des fins politiques, mais comme tous les présidents de la Ve République. Didier Hassoux
Le chef de l’Etat développe une véritable affection pour ce surdoué, dans lequel il voit une projection de lui-même. « Emmanuel, c’est le fils qu’on voudrait avoir », confie-t-il à son conseiller Gaspard Gantzer. « Emmanuel, c’est moi », déclare-t-il un autre jour aux journalistes du Monde Gérard Davet et Fabrice Lhomme (« Un président ne devrait pas dire ça… » , Stock). En plus de son intelligence, Hollande apprécie par-dessus tout l’humour de Macron qui « apporte de la joie et de la fantaisie dans le travail ». Un jour, à l’Elysée, où doit se tenir un conseil sur l’attractivité, le jeune homme arrive sans cravate. François Hollande s’en irrite, mais préfère en rire. « Il lui passait tout », se souvient un membre du gouvernement. Le ministre des affaires étrangères, Laurent Fabius, se moque de cet entichement pour celui qu’il surnomme « le petit marquis poudré ». Hollande et Macron ne se sont pas revus depuis, à part au dîner du Conseil représentatif des institutions juives de France, brièvement, le 22 février dernier. Mais ils échangent toujours des SMS. Le président, qui dissèque la stratégie de son ancien protégé, lui conseille notamment de « rester de gauche ». Malin, jamais Macron n’attaque son ancien mentor. « Je fais attention à être respectueux de lui et des institutions », dit-il. Jacques Chirac avait eu le cœur crevé de laisser son bureau à Nicolas Sarkozy. Hollande, lui, jure qu’il préfère voir Emmanuel Macron lui succéder plutôt que François Fillon ou Marine Le Pen. « Si Emmanuel est élu, ce ne serait pas la plus mauvaise sortie pour toi, l’a conforté Julien Dray. Un pied de nez de l’histoire ! » Sauf progression spectaculaire du FN, Hollande ne devrait pas soutenir son ancien conseiller avant le premier tour. Il sait aussi qu’un appel de sa part pourrait être contre-productif. « Je ne veux pas prendre une position qui pourrait lui être défavorable, a-t-il récemment confié à des visiteurs. Déjà que Fillon dit qu’il est mon “porte-serviettes”… » Emmanuel Macron, lui, avec l’aplomb dont il ne s’est jamais départi, ne doute pas un seul instant que le chef de l’Etat saura l’aider au bon moment : « Il regarde ce qu’il y a autour comme offre, le chemin que je trace n’est pas celui qui le rend le plus triste. » Le Monde
On constate sur les enquêtes depuis plusieurs années une forme de droitisation de la société française selon deux modalités. Une plus grande préoccupation sur les sujets historiquement dévolus à la droite comme la sécurité, l’autorité mais aussi l’immigration, les valeurs et sans doute aussi toute la question de l’identité qui est une préoccupation largement partagée sur la place de l’islam. D’autre part, il y a aussi les valeurs entrepreneuriales sur la liberté donnée aux entreprises, sur la place de l’Etat (et donc sa réduction lorsque l’on est de droite) et une forme de reconnaissance du mérite. Les deux polarités de cette orientation à droite trouvent deux autres débouchés en dehors des Républicains, le Front National sur les aspects de sécurité, d’immigration, identité et de manière plus récentes chez « En Marche ! » sur les valeurs entrepreneuriales. Le candidat républicain n’est plus le dépositaire unique de ces valeurs dans cette élection, d’autant plus qu’il n’y a pas forcément superposition entre les deux au sens où il y a parfois même des formes d’incompatibilité entre des inspirations souverainistes dans le domaine de l’ordre et d’une forme de méfiance à l’égard de l’extérieur en opposition à des aspirations d’ouverture et de progressisme autour des valeurs entrepreneuriales. (…) Ce que révèle ce baromètre Figaro c’est une autre difficulté à laquelle la droite française incarnée par les républicains est confrontée, et que nous avons constaté tout au long du quinquennat. Nous ne voyons pas dans les enquêtes l’effet de bascule qui faisait que quand le gouvernement était à gauche et basculait, on observait une amélioration de l’image du parti de droite, une augmentation des sympathisants du principal parti de droite. Rien de tout cela ne s’est produit ce qui atteste de la difficulté de la droite à se positionner autour de deux tendances lourdes. La première c’est une interrogation sur le bienfondé des choix consentis par la droite comme par la gauche autour de la place de la France dans le monde et a fortiori de la France dans l’Europe, ce qui a induit des transferts de souveraineté et des choix de politique économiques que l’on a parfois du mal à faire comprendre ainsi qu’une demande de renouvellement de la manière de faire de la politique. On voit dans cette élection qu’il y a une aspiration à rebattre les cartes, à renouveler le paysage et la manière de faire de la politique. Il se trouve que là-dessus, les républicains sont en retard par rapport à tous les autres à l’exception du PS. En retard sur cette nouveauté de l’émergence d’un nouveau mouvement politique et aussi en retrait par rapport à cette tentation de briser le système actuel qui trouve des débouchés chez des candidats comme Marine Le Pen et Jean-Luc Melenchon. (…) Il y a incontestablement un désarroi chez les électeurs de droite dont certains ont le sentiment de se faire voler une élection. Ce n’est pas le cas de tous, il y a aussi des électeurs spontanément tentés par l’offre d’Emmanuel Macron qui peuvent d’ailleurs en parti être dans l’interrogation aujourd’hui. Il y a une double interrogation il y avait des faiblesses de l’adhésion aux Républicains et ses leaders qui précédait l’affaire Pénélope. Mais en même temps le désir d’alternance était tel et la perception des enjeux perçus par les électeurs au moment des primaires ont permis que ce soit quand même des primaires très mobilisatrices. S’est ajouté à cela le problème posé par un candidat dont on verra bien comment il ressort incriminé ou blanchi des affaires mais dont on a découvert qu’il n’était pas exactement celui que l’on croyait lorsqu’on l’a désigné pour représenter les chances des républicains lors de cette élection. Emmanuel Rivière
On ne rappellera jamais assez que les sondages d’intentions de vote ne sont pas des outils de prédiction ou d’anticipation des résultats électoraux mais des instruments de mesure et de compréhension des rapports de force à un instant donné. Bien évidemment, plus la photographie de l’opinion sera prise à une date proche du scrutin et plus le cliché aura des chances d’être ressemblant avec le verdict qui sortira des urnes. Néanmoins, du fait du délitement des appartenances partisanes et de l’émergence d’offres politiques nouvelles, la volatilité électorale s’est considérablement renforcée ces dernières années et des mouvements d’opinion significatifs peuvent intervenir dans la dernière ligne droite, générant des écarts parfois importants entre la dernière photo instantanée et le tableau final. (…) Ce qui s’est passé en Grande-Bretagne et aux États-Unis a néanmoins agi pour nous, sondeurs français, comme une piqûre de rappel. Ces surprises électorales nous ont incités à essayer d’améliorer encore davantage la qualité de nos modes de recueils et de traitements des intentions de vote, exercice complexe et ardu. (…) À l’heure où les comportements électoraux sont de moins en moins figés et où nous entrons dans une phase de recomposition politique, il faut faire preuve d’humilité et ne négliger aucune approche. Pour l’Ifop, les sondages demeurent un instrument majeur pour comprendre et mesurer les votes. Mais l’analyse, via des méthodes de big data, des dynamiques à l’œuvre sur les réseaux sociaux constitue un autre instrument que nous avons intégré dans notre boîte à outils. (…) Une part du corps électoral calibre son vote en fonction du rapport de force observé et se base pour cela principalement sur les sondages. Toutefois, les stratégies varient et les choix ne sont pas forcément univoques. Voyant qu’un candidat bénéficie d’une dynamique et pourrait atteindre le second tour, une partie des électeurs peut être tentée de se rallier à lui (c’est le « vote utile »). En revanche, d’autres électeurs, considérant que ce candidat n’a pas besoin de leur soutien, peuvent, dans le même temps, décider de voter pour un autre candidat, moins bien placé dans les sondages, mais dont le positionnement correspond plus parfaitement à celui de ces électeurs. Si les sondages ont manifestement un effet sur une partie des électeurs, cet impact est ainsi contrasté. (…) L’hypothèse d’une « sous-déclaration » du vote Fillon s’appuierait sur le fait que certains électeurs n’oseraient pas indiquer qu’ils ont l’intention de voter pour lui en raison des affaires qui le concernent ou de son style de campagne. Ce phénomène a longtemps existé concernant le vote Front national, qu’il était honteux d’avouer. Mais du fait du développement des enquêtes par Internet où le sondé est seul face à son écran et plus en relation avec un enquêteur, ce biais a disparu pour ce qui est du Front national. Il ne nous semble pas évident qu’un tel phénomène se développe concernant le vote Fillon. On rappellera à ce propos que de nombreux sarkozystes avaient brandi l’argument d’un « vote caché » en faveur de leur champion, dont le potentiel électoral n’aurait pas été correctement mesuré par les sondeurs à l’instar de ce qui s’était passé pour Trump dans la primaire républicaine. Or, Sarkozy fit au final un score inférieur à celui dont il était crédité dans les sondages dans les jours précédents le scrutin. L’armée de réserve était restée bien cachée… Cet exemple invalide donc de notre point de vue l’argument de la sous-déclaration. Une incertitude demeure en revanche sur le fait de savoir si une partie des nombreux électeurs de droite qui opteraient aujourd’hui pour Macron ou Le Pen (soit environ un tiers de l’électorat de droite) ne va pas, au final, reconsidérer son jugement pour faire en sorte que son camp soit représenté au second tour. Jérôme Fourquet
Je m’appuie sur deux composants. Le premier considère que la dynamique d’échange d’arguments au sein de petits groupes d’individus obéit à une logique rationnelle. Or, il peut arriver que les arguments pour et contre se neutralisent. C’est là qu’intervient le deuxième composant, qu’on pourrait qualifier de levier déterministe de notre inconscient collectif. C’est un biais cognitif ou un préjugé parmi ceux du groupe qui s’active pour sélectionner « naturellement » un des choix, de façon consciente ou inconsciente. Par exemple… Quatre individus discutent d’une réforme de leur cadre de vie. Si deux la soutiennent et deux s’y opposent, le groupe ne sait pas quoi choisir. Dans ce cas, le biais cognitif qui va s’activer est « dans le doute, mieux vaut s’abstenir ». Finalement, tous rejettent la réforme. Pour pouvoir appliquer le modèle, il faut à chaque fois identifier les préjugés qui pourraient être activés en cas d’impuissance de la raison. (…) Le modèle intègre actuellement trois types d’individus : les rationnels, qui peuvent basculer d’un côté ou de l’autre, les inflexibles qui ne bougent pas, et les contrariants qui s’opposent aux choix majoritaires. Actuellement je dois, en combinant différents sondages et ma perception des préjugés potentiellement activables, décider lequel de ces trois ingrédients est déterminant dans une campagne d’opinion donnée. (…) Invité aux États-Unis en février 2016, j’y ai compris que Trump « innovait ». Quand il lançait ses affirmations choquantes, il réveillait des préjugés endormis ou gelés, et cela bouleversait la hiérarchie des préjugés mobilisés en cas d’hésitation. Certains préjugés jouaient contre lui, mais il réussissait à en réveiller d’autres qui lui étaient favorables. Du point de vue de la dynamique, c’était simplement génial. (…) Ce sont paradoxalement les indignés, qui en provoquant les débats contre Trump, ont finalement permis à de nombreux opposants de basculer en sa faveur. Aux États-Unis, le fait que la campagne ait été très longue a clairement joué pour Trump en créant de plus en plus de cas de doutes collectifs. Après chaque chute, sa popularité remontait. (…) Il fallait absolument qu’il continue sa dynamique provocatrice mais en modifiant le positionnement des préjugés à activer. Alors que, pour les primaires, il avait activé des préjugés présents chez des républicains, pour la présidentielle, il fallait qu’il touche des préjugés présents à la fois chez des républicains et des démocrates. Ce qu’il a réussi entre autres avec le sexisme. À l’inverse, Obama a essayé de remettre en avant le préjugé selon lequel il n’était « pas fait pour le job », défavorable à Trump, mais sans succès. (…) Fin 2016, je considérais que son élection [Marine Le Pen] était passée de impossible à improbable, c’est-à-dire possible. Depuis un mois, son élection est devenue très possible. Une abstention différenciée non excessive peut la faire gagner malgré un plafond de verre toujours actif. (…) [L’abstention différenciée] C’est l’écart entre l’intention de vote déclarée dans les sondages et le vote effectif. Je démontre par exemple que si 56 % des électeurs annoncent qu’ils vont voter contre Marine Le Pen, ils ne le feront pas autant qu’ils le disent. Car, pour la première fois, des électeurs ont une aversion forte à l’égard de celui qui sera probablement en face d’elle (Macron ou Fillon). Si ne serait-ce que 30 % des électeurs qui ont annoncé qu’ils voteraient contre Marine Le Pen ne le font pas et choisissent l’abstention, cela suffira à la faire gagner. Grâce à cette abstention différenciée, elle passerait de 44 % d’intention de vote à 50,25 % des suffrages exprimés dans l’hypothèse où 10 % seulement de ses propres électeurs s’abstiennent. (…) Dans mon modèle, François Fillon a un avantage décisif sur Macron : il peut s’appuyer sur ces électeurs inflexibles qui font la différence. Macron semble ne pas en avoir beaucoup. Dans certains cas de figure, mon modèle montre qu’il suffit d’avoir plus de 17,16 % d’inflexibles pour passer la barre des 50 % des suffrages exprimés face à un candidat qui n’en aurait pas. Et Fillon a un socle qui se situe précisément autour de cette valeur seuil. Mais est-il au-dessus ou en dessous ? Il suffira d’une légère variation soit pour qu’il remonte inexorablement et atteigne le second tour soit pour qu’il perde toute chance d’être qualifié. Serge Galam
Il est effectivement troublant de voir que les personnalités de droite sont reléguées assez loin dans le palmarès. Même quelqu’un comme Olivier Besancenot est jugé comme ayant plus d’avenir politique que les leaders de droite. Si on met à part Marine le Pen, qui a son fan club attitré, seul Alain Juppé parvient à émerger à la 4ème place, ce qui est tout aussi troublant parce que, vu son âge (il doit approcher les 75 ans), on peut avoir quelques doutes sur son avenir politique. En tout cas, ce mauvais classement de la droite est d’autant plus surprenant que François Hollande termine son mandat sur des records d’impopularité. A quoi faut-il attribuer ce mauvais résultat ? On peut penser qu’il y a un problème de leadership. La droite paye le prix de ses divisions. Pendant les cinq années qui viennent de s’écouler, elle n’a pas réussi à faire émerger des leaders forts. La décision de Nicolas Sarkozy de revenir en 2014 y est pour beaucoup : en rompant avec sa promesse de quitter la vie politique, il a de facto cassé la mécanique de sa propre succession. De plus, les affaires et les règlements de compte internes ont aussi contribué à griller d’autres personnalités, comme Jean-François Copé. Un autre facteur doit être pris en compte : il n’est pas évident, pour les leaders de droite, de trouver un créneau porteur, surtout avec un FN très fort, qui siphonne toute une partie de l’électorat de droite. En optant pour un positionnement très droitier, François Fillon espérait récupérer une partie de ces électeurs, comme Nicolas Sarkozy en 2007, mais pour l’heure, ça n’a pas marché. En revanche, il a fait fuir une partie des électeurs de droite modérés, qui sont tentés par Emmanuel Macron. C’est d’ailleurs ce que montre cette tribune publiée par des jeunes catholiques. Ce texte n’est évidemment qu’une simple tribune, mais on voit quand même qu’un nombre conséquent de catholiques se reconnaissent dans le discours du pape sur les migrants. C’est aussi la conséquence de l’évolution des catholiques français, lesquels se sont sécularisés et même gauchisés par certains côtés. On peut ajouter un dernier élément, en se demandant si la droite n’a pas tout simplement du mal à recruter de nouvelles personnalités. Les électeurs ont tendance à penser que les carrières politiques sont très attirantes. Mais ce n’est pas sûr : en politique, il y a beaucoup de coups à prendre, et les gains sont hypothétiques et modestes. Comparativement, les carrières dans l’économie et la finance sont certainement bien plus attirantes. (…) Si on regarde les sondages, on voit que François Fillon a perdu entre 6 et 8 points depuis le mois de janvier, ce qui l’a fait passer nettement derrière Marine Le Pen alors qu’il était devant elle auparavant. C’est évidemment une évolution très importante. Cela veut donc dire que beaucoup d’électeurs de droite ont été désarçonnés, déstabilisés par les révélations des médias et par les enquêtes judiciaires. Le choc de ces révélations a été d’autant plus vif que l’une des motivations du vote en faveur deFrançois Fillon aux primaires de la droite, c’était justement que celui-ci était plus fiable que Nicolas Sarkozy, non seulement sur le plan judiciaire, mais aussi sur le plan politique. En effet, dans le contexte des attentats, Nicolas Sakozy a sans doute payé cher le fait d’avoir baissé les effectifs de la police ou d’avoir désorganisé les services de renseignement, voire même d’avoir adopté des mesures emblématiques comme la suppression de la double peine, ce qui lui a été reproché, surtout après l’attentat de Nice). Donc, la différence entre François Fillon et Nicolas Sarkozy s’est surtout jouée sur cette question de la crédibilité. Cela explique le désarroi profond des électeursde droite aujourd’hui : si François Fillon n’est pas fiable sur le plan moral et judiciaire, pourra-t-il l’être sur le reste ? Va-t-il vraiment faire ce qu’il a annoncé ? Cela dit, cette baisse du soutien pour Fillon n’est pas forcément définitive. Certes, les intentions de vote semblent très stables, mais on peut se demander si les sondages ne se trompent pas, non pas parce qu’ils sont mal faits, mais plutôt parce que les électeurs masquent leur jeu. En fait, il est tout à fait possible qu’Emmanuel Macron soit surestimé et que, inversement, François Fillon soit sous-estimé. Une partie des électeurs de droite a sans doute des réticences à se déclarer en faveur de Fillon, compte-tenu du contexte très axé sur les affaires judiciaires. Inversement, le vote Macron est artificiellement gonflé par le désarroi et l’agacement de la droite. D’ailleurs, une bonne partie des électeurs de Macron ne sont pas encore sûrs de leur choix. Il n’est donc pas exclu quedans les tout derniers jours de la campagne, la tendance s’inverse. Les faiblesses de Macron vont s’approfondir, tandis que Fillon pourra bénéficier du fait qu’il a de l’expérience, ce qui n’est pas sans force dans le contexte actuel.Ce n’est pas un hasard si, à la fin du débat télévisé, François Fillon a fortement insisté sur son expérience d’élu et de responsable politique. (…) Peut-on vraiment parler d’un déplacement des valeurs vers la droite ? Il vaut mieux poser le problème autrement, en partant d’un premier constat : les valeurs libérales se sont fortement diffusées dans la société, autant sur le plan économique que sur le plan sociétal. Cette montée des valeurs libérales, qui est autant une victoire de la droite (pour l’économie) qu’une victoire de la gauche (pour les valeurs sociétales), ou du moins à leurs composantes libérales respectives, se caractérise par une mise cause du principe de la régulation. On voit bien en effet qu’il y a aujourd’hui une forte demande pour avoir moins de contraintes, moins de normes, plus de droits, plus d’autonomie (c’est le cas par exemple de la loi Travail, qui s’inscrit bien dans cette dynamique visant à s’affranchir des normes communes imposées par le haut). D’un autre côté, l’Europe et la mondialisation ont cependant provoqué de sérieuses difficultés, que ce soit dans le domaine économique (désindustrialisation, concentration des activités dans les grandes métropoles polluées et surchargées, prolétarisation du monde rural), ou dans le domaine sociétal avec la montée de différentes formes d’insécurité, autant physiques que culturelles. Or, ces évolutions vont dans le sens inverse du précédent : elles poussent au contraire à réclamer davantage de régulations, davantage d’interventions. On voit ainsi revenir des mesures que l’on croyait oubliées comme le protectionnisme, les nationalisations des entreprises, ou encore l’instauration de droits de douane ; et dans le domaine sociétal, on voit aussi des demandes en faveur d’un retour vers l’ordre, l’autorité, les frontières oul’identité nationale. Cette double évolution génère évidemment de profondes tensions, d’autant que les demandes de régulation viennent défier une sorte d’interdit, qui est régulièrement rappelé par les médias et une partie des élites, à savoir qu’il faut impérativement préserver les grands principes comme l’ouverture, le mélange, la tolérance. Certes, ces principes sont importants, mais le problème est qu’ils ne permettent pas de résoudre toutes les difficultés actuelles. Par exemple, comment l’ouverture ou la tolérance peuvent-elles régler le problème des travailleurs détachés ? Les différentes tensions qui se sont constituées permettent d’expliquer les positionnements politiques que l’on observe pendant la campagne électorale. En gros, on a d’un côté deux grands pôles qui s’opposent : d’un côté le pôle régulateur, avec sa variante de droite (Marine Le Pen) et sa variante de gauche (Jean-Luc Mélenchon) et de l’autre le pôle libéral (Emmanuel Macron). Entre les deux, on voit émerger des situations intermédiaires, que ce soit avec la variante de droite (François Fillon) ou avec la variante de gauche (Benoît Hamon). On verra le résultat, mais le problème est que l’élection risque fort de ne pas de trancher ces tensions. Quel que soit le vainqueur, les tensions vont persévérer car on ne voit pas comment elles vont pouvoir se résoudre d’elles-mêmes. Vincent Tournier
On peut penser qu’il est sous-déclaré dans les sondages, parce que c’est plus très bien vu de dire qu’on est pro-Fillon. Philippe Moreau Chevrolet (MCBG Conseil)
Vous avez dit vote honteux ?
A l’heure où après la brillante démonstration que l’on sait, par les journalistes mêmes qui avait lancé l’affaire Fillon, qu’il n’y a pas de cabinet noir à l’Elysée …
L’on apprend par Le Monde que le futur ancien président continue à communiquer par SMS avec son ancien poulain et ministre …
Et où de ralliements en ralliements, la candidature de l’héritier honteux Macron ressemble de plus en plus à la voiture-balai des membres de son ancienne écurie …
Alors que dans un pays qui ayant historiquement laissé passer la chance de la protestantisation n’arrive toujours pas à se résoudre à sa modernisation …
Et derrière l’anomalie d’une droite majoritaire dans les idées mais, du fait de l’ostracisation du parti des bonnes questions et des mauvaises réponses, toujours à la peine dans les élections…
Quatre électeurs sur dix sont encore indécis et que contrairement à ceux de François Fillon, un électeur de Macron sur deux dit encore pouvoir changer d’avis …
Et que l’ancien premier ministre socialiste se dit lui-même prêt à travailler avec la droite si elle l’emporte …
Démonstration expérimentale (à faire chez vous ou sur votre lieu de travail) :
Imaginez (par expérience de pensée) ou (plus courageux) testez-le en conditions réelles …
Comme auraient pu le faire des électeurs américains pour celle de Trump l’an dernier et comme je l’ai fait il y a deux jours …
Que vous défendiez la candidature Fillon ou même annonciez sa probable victoire …
Devant vos collègues ou vos amis …
Et voyez les regards horrifiés et l’indignation bientôt véhémente …
Avant le silence gêné et le vide quasi-sidéral se faire autour de vous !
- Yves Thérard
Et s’il y avait un vote caché pour Fillon ?
Les partisans et l’entourage de Fillon veulent y croire. Ils s’accrochent à cette intuition comme à un rocher pour ne pas couler ni désespérer.
Selon eux, les sondages sous-évaluent leur champion car beaucoup d’électeurs n’oseraient pas dire qu’ils votent Fillon à cause de ses casseroles judiciaires. Comme naguère, on n’osait pas avouer qu’on votait Le Pen.
Et pour étayer leur pressentiment, ils citent les analyses de la société canadienne Filteris qui circulent sur Internet et qui avaient donné Trump gagnant. Elles mesurent le buzz, négatif et positif, des candidats sur les réseaux sociaux. Le poids numérique des candidats. Et là, Fillon arrive deuxième, devant Macron et derrière Le Pen.
Le seul problème, c’est que les méthodes de Filteris sont loin d’être fiables.
Tout cela est donc un peu fantaisiste ?
La thèse du vote caché se heurte au fait qu’aujourd’hui la plupart des sondeurs interrogent les électeurs non plus par téléphone ou en face à face, mais par Internet. Donc, sur ce support, inutile de se cacher, de ne pas dire la vérité sur son intention de vote.
Déjà, en 2012 et lors de la primaire de la droite, Sarkozy avait utilisé cet argument du vote caché : et on a vu le résultat, il a quand même perdu.
En revanche, il y a des arguments pour penser que Fillon est peut-être sous-évalué : d’abord,
4 électeurs sur dix sont encore indécis ; ensuite, 1 électeur de Macron sur 2 dit encore pouvoir changer d’avis ; enfin, Fillon est très fort chez les retraités, qui sont ceux qui votent généralement le plus massivement, contrairement aux jeunes.
Y a-t-il eu déjà des surprises dans le passé par rapport aux intentions de vote mesurées moins d’un mois avant le premier tour ?
Oui, en 1995, Chirac est donné devant Jospin, et c’est pourtant Jospin qui vire en tête. Et puis, il y a la surprise de 2002 où Jean-Marie Le Pen s’invite au second tour coiffant sur le poteau le même Jospin. Donc, pour Fillon, un miracle est toujours possible…
Voir aussi:
Des électeurs qui n’osent pas dire qu’ils voteront pour le candidat de droite et des retraités galvanisés : voilà, à un mois du premier tour, le cocktail qui fait espérer les fillonistes. Sarkozy avait déjà utilisé le premier argument en 2012 et lors de la primaire en 2016… avec le résultat qu’on connaît.
C’est la théorie qui monte (ou que fait monter) le camp Fillon pour entretenir la flamme. En dépit de son retard dans les sondages, le candidat LR a toujours une chance de l’emporter, car il bénéficierait d’un «vote caché» d’électeurs ne se déclarant pas dans les enquêtes. C’est ce que suggèrent aux journalistes les soutiens de Fillon. Les mêmes s’appuient également sur la surprise de la primaire, qui a vu Fillon surgir du ventre mou des enquêtes d’opinion pour venir surclasser la concurrence.
Certains communicants contribuent aussi à véhiculer cette idée que le vote caché, ou vote honteux, jadis réservé au FN, concernerait désormais le candidat LR lesté de ses casseroles judiciaires. Le 8 mars, Philippe Moreau Chevrolet, président de MCBG Conseil, assurait ainsi sur LCI : «On peut penser qu’il est sous-déclaré dans les sondages, parce que c’est plus très bien vu de dire qu’on est pro-Fillon». Idem pour Dominique Reynié sur la même antenne, une semaine plus tard.
Une thèse guère convaincantes pour Jérôme Fourquet, de l’Ifop : «Les sondages sont aujourd’hui quasiment tous réalisés par Internet. Donc le fait de ne pas oser dire pour qui on vote ne se pose pas. On n’est pas en face-à-face ou au téléphone avec un enquêteur. On est devant son écran. Cet argument ne tient pas. La preuve, c’est que quand on demande aux gens pour qui ils ont voté avant, c’est très proche du réel, ce qui n’était pas le cas avant au téléphone.»
Le sondeur en veut également pour preuve que l’argument avait déjà été utilisé par Nicolas Sarkozy, avant d’être démenti par les faits : «Je me souviens qu’on parlait d’un vote caché pour Sarkozy, rappelle Fourquet. On parlait de beaucoup d’électeurs sarkozystes qui ne disaient pas qu’ils voteraient pour lui. Ce qui ne s’est pas vérifié.»
Bis repetita
De fait, il y a cinq ans quasi jour pour jour, Nicolas Sarkozy affichait – comme François Fillon – des résultats peu enthousiasmants dans les sondages. Et déjà, ses proches s’accrochaient à cette bouée d’espérance du «voté caché» : «C’est parce que les partisans du Président n’osent pas tous se dévoiler», expliquaient-ils. Et de mettre en cause l’hostilité supposée des médias à l’égard du chef de l’Etat : «Il y a aujourd’hui un vote Sarkozy caché», «qui n’est plus, comme avant, sur le FN, mais bien plutôt sur le Président», assurait à Europe 1 un proche du candidat, en mars 2012.
Bis repetita lors de la primaire de la droite, fin 2016. Devancé par Juppé dans les sondages, le camp Sarkozy a ressorti l’élément de langage du réservoir d’électeurs tapis dans l’ombre. «Le vote caché est plus sur moi que sur Marine Le Pen», disait l’ex-chef de l’Etat auprès du JDD. Las, comme en 2012, les électeurs sarkozystes cachés… sont restés cachés. Et si surprise il y a eu lors du premier tour de la primaire par rapport aux sondages, ce fut celle de François Fillon, troisième dans les sondages, qui a écrasé Juppé et Sarkozy.
C’est également dans ce happening miraculeux de la primaire que réside l’autre motif d’espoir des fillonistes. Si le scénario de la primaire s’est passé une fois, pourquoi pas une seconde ? L’analyse ne repose pas là sur la honte supposée des sondés de se déclarer pro-fillon (la primaire s’était déroulée avant les premières révélations le mettant en cause), mais sur les angles morts des sondages. Le succès de Fillon s’était notamment expliqué par la surmobilisation parmi les votants des plus de 65 ans et des retraités (+15 points par rapport à la population nationale), que les enquêtes d’opinion n’avaient pas prévue. Or les personnes âgées étaient davantage acquises à Fillon qu’à ses concurrents. Elles auraient ainsi contribué à expliquer le score canon du candidat. La reproduction d’un tel scénario semble bien moins plausible dans une présidentielle, a priori plus mobilisatrice que dans une primaire. Mais rien n’interdit d’y croire.
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D’où vient cette théorie du « vote caché » aujourd’hui revendiquée par l’équipe de François Fillon ?
ESPOIR CACHÉ – Depuis une semaine, l’équipe Fillon relaie la thèse du « vote caché » pour expliquer que les instituts de sondage sous-évaluent son candidat. De quoi parle-t-on ?
A moins de quatre semaines du premier tour, les sondages ne sont pas très favorables à François Fillon. Le candidat de la droite pointe en troisième position, entre 17 et 20%, loin derrière les deux favoris, Marine Le Pen et Emmanuel Macron.
Alors, par petites touches, l’équipe Fillon avance une nouvelle stratégie : donner au vote en faveur du candidat de la droite le goût de la transgression. Depuis une semaine, cette stratégie est relayée avec un argument, celui du « vote caché ». Des électeurs qui dissimuleraient leurs intentions, en raison de la « cabale » médiatique supposée contre leur candidat, et ne s’afficheraient que sur les réseaux sociaux. Jérôme Chartier, lieutenant de François Fillon, résumait ainsi cette semaine sur LCI : « Des électeurs n’osent plus dire aux sondeurs qu’ils vont voter pour François Fillon ». Un argument répété en boucle ces dernières heures par la députée LR Valérie Boyer, proche de François Fillon, qui du même coup met en doute la fiabilité des sondages.
Une théorie ancienne
L’hypothèse d’un « vote caché » est traditionnellement prêtée aux électeurs du Front national, surtout depuis l’élection de 2002. Elle s’évalue plutôt a posteriori. « Il y a toujours eu des spirales du silence. Pour les mesurer, on demande aux gens ce qu’ils ont voté à la dernière élection, puis on compare ces déclarations à la réalité du dernier vote », explique Guénaëlle Gault, Chief Digital Officer chez Kantar Public. Depuis cinq ans, on constate que cette sous-déclaration tend à disparaître : les électeurs FN assument de plus en plus, d’autant que les enquêtes se font souvent dans l’anonymat d’Internet. « On a même constaté, dans certains cas, que les gens déclaraient davantage de vote FN que dans la réalité », ajoute la spécialiste. Le FN peut ainsi être parfois surévalué : par exemple, lors des régionales dans le Nord, Xavier Bertrand (LR) a battu Marine Le Pen avec 57,7% des voix, soit 4 points au-dessus des dernières prévisions.
Le fameux « vote caché » est toutefois revenu par un autre biais : comme argument de campagne. Dès 2012, les soutiens de Nicolas Sarkozy clamaient, avant le premier tour, que le Président sortant était sous-évalué. A l’arrivée, Nicolas Sarkozy avait terminé la course avec 48.36% des voix au second tour, légèrement au-dessus des derniers sondages qui le situaient entre 45 et 47%. Mais à l’époque, les enquêtes d’opinion avaient bien anticipé la remontée de Nicolas Sarkozy dans la dernière ligne droit, ce qui n’est pour l’heure pas avéré pour François Fillon. Nicolas Sarkozy a de nouveau annoncé un « vote caché » à son profit lors des primaires de la droite en novembre 2016, mais il a été éliminé dès le 1er tour avec 20.7% des voix.
Une équipe Fillon entre doigt mouillé et outils alternatifs
Comme l’indiquent les soutiens de François Fillon, c’est « sur le terrain » et au vu du succès des meetings qu’ils déduisent une sous-estimation de la popularité réelle du candidat. Une affirmation au doigt mouillé.
Mais ils s’appuyent surtout sur des outils alternatifs. Parmi ceux-ci, la mesure Filteris, du nom de cette société canadienne qui s’est fait un nom durant la campagne victorieuse de Donald Trump en évaluant « le poids numérique des candidats », à l’aune du buzz et de la perception qu’ils génèrent sur les réseaux sociaux (articles relayés, commentaires, mentions…), sans faire appel à des échantillons représentatifs comme les instituts de sondage. La société avait ainsi pu mesurer la dynamique de François Fillon lors de la primaire de la droite, tout en sous-évaluant largement, au premier tour, les intentions de vote en sa faveur, et en pronostiquant l’échec d’Alain Juppé dès le premier tour. La dernière mesure Filteris, au 31 mars 2017, place Marine Le Pen et François Fillon en tête des candidats les plus « bruyants » sur les réseaux sociaux, ce dont se réjouit le camp Fillon.
Prudence nécessaire
François Fillon doit-il pour autant crier victoire ? Probablement pas. « Les mesures de Filteris fournissent une approche complémentaire qui permet de détecter plus rapidement les dynamiques, la performance de la campagne », observe Guénaëlle Gault. « En revanche, on ne sait rien de la méthodologie utilisée. De plus, on ne peut pas déduire de ces éléments des intentions de vote. » Et encore moins mesurer un éventuel « vote caché »…
Les instituts de sondage traditionnels se mettent eux aussi à scruter les réseaux sociaux afin de percevoir plus rapidement la résonance d’une campagne. Chez Kantar, le dernier « indicateur d’engagement », publié le 19 mars, plaçait Marine Le Pen et Jean-Luc Mélenchon en tête sur Facebook, devant François Fillon, Emmanuel Macron pointant à la cinquième place. Sur Twitter, François Fillon arrivait en tête devant Jean-Luc Mélenchon et Marine Le Pen. Pourtant, le sondage réalisé simultanément ne prêtait que 17% des intentions de vote au candidat de la droite, 9 points derrière Emmanuel Macron et Marine Le Pen. Et jusqu’ici, aucun sondage n’a vu Jean-Luc Mélenchon parvenir au second tour de la présidentielle… Conclusion : ni le »poids numérique » d’un candidat ni son potentiel de buzz ne semblent permettre de déterminer s’il va bénéficier d’électeurs « cachés » et s’il remportera in fine la présidentielle. Est-ce vraiment surprenant ?
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Existe-t-il vraiment un « vote caché » Fillon ?
Selon ses soutiens, une partie des électeurs de François Fillon n’oseraient pas dire qu’ils voteront pour lui à cause des affaires. Une stratégie de communication bancale.
Erwan Bruckert
C’est la dernière trouvaille du camp Fillon. Le dernier plan de communication en date pour convaincre que leur champion, distancé dans les intentions de vote par Emmanuel Macron et Marine Le Pen, sera bien au rendez-vous du second tour de l’élection présidentielle : la thèse du « vote caché ». Selon les soutiens de l’ex-Premier ministre, si celui-ci n’est crédité que de 18 % dans les sondages, c’est parce que les électeurs de droite interrogés par les instituts n’oseraient pas affirmer qu’ils voteront pour lui le 23 avril prochain, honteux et refroidis par les ennuis judiciaires qui s’accumulent depuis maintenant deux mois. « Les gens n’ont pas envie de dire qu’ils votent François Fillon », soutenait hier la fidèle Valérie Boyer sur BFM TV. Le même phénomène de sous-évaluation qui touchait, autrefois, le Front national.
Argument « non recevable » pour les sondeurs
Cependant, à croire les professionnels de l’opinion, l’argument filloniste a du plomb dans l’aile. « Cette hypothèse n’est pas recevable », tranche Jérôme Fourquet, directeur du département opinion de l’institut Ifop, indiquant que Nicolas Sarkozy avait lui aussi, il y a quelques mois, usé de cette stratégie « en s’appuyant sur l’exemple de la campagne de Donald Trump ». « Il n’y a pas eu d’armée de réserve qui s’est levée comme un seul homme et qui s’est mobilisée pour voler au secours de Nicolas Sarkozy pendant la primaire de la droite, explique Fourquet. Au contraire, il a eu un résultat plus faible que ce que laissaient présager les dernières enquêtes, justement parce qu’une partie de son électorat, qui n’était pas caché, a voté pour François Fillon. Donc l’hypothèse est premièrement invalidée par les faits. »
La méthodologie actuelle des instituts de sondage ne permet pas de comparer la situation vécue par le Front national avec celle présumée de François Fillon dans cette présidentielle. Aujourd’hui, la plupart des enquêtes sont réalisées sur Internet, non plus par téléphone, et encore moins en face à face. Un anonymat désormais complet qui brise le sentiment de « honte » et réduit nettement le biais qu’il pouvait engendrer. « Les sondés n’ont plus du tout d’interaction avec l’enquêteur. Le côté non avouable de certaines opinions, ou de certains comportements, est beaucoup moins pesant quand vous êtes seul face à votre écran que lorsque vous êtes en communication directe avec quelqu’un que vous ne connaissez pas », ajoute Jérôme Fourquet.
Un sursaut dans l’isoloir
François Fillon n’a-t-il, pour autant, plus aucune réserve de voix susceptible de le hisser sur les deux premières marches du podium ? Non, évidemment. En 2012, à la sortie de son propre quinquennat, Nicolas Sarkozy récoltait 27 % des suffrages, « un indicateur assez valide du périmètre de l’électorat de droite », selon Jérôme Fourquet. Soit 10 points de plus que les intentions recueillies aujourd’hui par son ancien Premier ministre. Alors, plus que sur une hypothétique foule « honteuse » et « cachée », c’est bien sur un ultime sursaut de cette frange de la population – indécise, hésitante entre l’abstention, Emmanuel Macron, Marine Le Pen ou bien encore Nicolas Dupont-Aignan – que François Fillon compte réellement.
Un ultime examen de conscience pour des électeurs troublés, en colère ou même écœurés par les affaires judiciaires, qui seront confrontés au risque d’une élimination pure et simple de la droite dès le premier tour. « Il n’y a pas de plan B pour les électeurs de droite, analyse Fourquet. Quarante-huit heures avant l’élection, voire dans l’isoloir, ils seront traversés par un dilemme : j’ai des convictions morales, je suis en colère par ce que j’ai appris, mais il y a les intérêts supérieurs du pays. Et, moi qui suis de droite, je pense que seul un programme de droite peut permettre de redresser le pays. » Voilà ce sur quoi les fillonistes tableront très probablement pendant les trois semaines qui viennent : « Si vous n’aimez pas l’homme, votez au moins pour le programme. »
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Donné seulement troisième dans les enquêtes d’opinion, François Fillon mise sur un « vote caché » pour se qualifier pour le second tour. Mais rien ne prouve que ce phénomène existe bel et bien.
« Non seulement je suis serein, mais je pense que je vais gagner cette élection. » Cette phrase, prononcée par François Fillon jeudi sur RTL, n’a rien de bien original en pleine campagne présidentielle. Aucun candidat, même le plus à la traîne dans les sondages, ne se voit pas grand vainqueur du scrutin. Même Jean Lassalle, crédité d’environ 1% des intentions de vote, estime que « le second tour est presque écrit, Marine Le Pen contre [lui] ».
Les fillonistes espèrent. Mais François Fillon a, lui, un argument supplémentaire : celui du « vote caché ». Selon le candidat LR et ses soutiens, en effet, les enquêtes d’opinion qui ne le placent qu’en troisième position, derrière Emmanuel Macron et Marine Le Pen, se trompent lourdement. « Les gens n’ont pas forcément envie de dire qu’ils votent François Fillon, même si leur vote [lui] est acquis », a expliqué Valérie Boyer, fidèle parmi les fidèles, sur BFM TV. « On a déjà vécu ces situations. Si on avait écouté les sondages, on aurait arrêté la campagne des primaires [sic]. Or, il s’est avéré que François Fillon a dépassé tous les pronostics des sondeurs. »
L’argument Filteris. Les fillonistes arriment leur espoir à plusieurs éléments. Filteris, d’abord, une société canadienne qui mesure le « poids politique numérique » des candidats à la présidentielle, en passant au peigne fin le web et les réseaux sociaux. L’algorithme développé par l’entreprise donne François Fillon en seconde position, juste derrière Marine Le Pen mais devant Emmanuel Macron. Et ses concepteurs assurent qu’il existe une corrélation entre ce « poids numérique » et les résultats électoraux. Filteris avait déjà donné François Fillon qualifié pour le second tour de la primaire de la droite, quand les instituts de sondage traditionnels n’ont rien vu avant les dernières heures de campagne. De quoi rassurer l’équipe du candidat LR.
Volatilité de l’électorat. Autre raison d’espérer : la volatilité de l’électorat d’Emmanuel Macron. Les vagues de sondages successives montrent que les électeurs ne sont toujours pas certains de leur choix, notamment ceux qui déclarent qu’ils iront voter pour le fondateur d’En Marche!. Dans la dernière enquête réalisée par Ipsos pour le Cevipof et Le Monde, la moitié de ces personnes dit pouvoir encore changer d’avis. Et François Fillon compte bien sur un retournement de dernière minute en sa faveur.
« Cela fait partie du folklore électoral ». Reste que la théorie du « vote caché » s’est souvent heurtée, par le passé, à la réalité. « Affirmer qu’il y a un vote caché fait partie du folklore électoral. La droite en parlait déjà en 1981, lorsque les sondages donnaient François Mitterrand devant Valéry Giscard d’Estaing », rappelle Frédéric Dabi, directeur général adjoint de l’Ifop. « Elle prédisait un sursaut dans l’isoloir. » Qui ne s’est jamais produit. Nicolas Sarkozy avait aussi brandi l’argument du « vote caché » en 2012, contre François Hollande, puis pour la primaire de la droite. « Mes salles sont bondées, au nord, au sud, à l’est, à l’ouest », se vantait-il en octobre auprès du JDD. « J’ai le sentiment d’être en harmonie avec le mood du public. Le vote caché est plus sur moi que sur Marine Le Pen. » L’ancien chef de l’État avait été balayé dès le premier tour.
Improbable « vote honteux ». Pourrait-il y avoir un vote « honteux », qui n’ose pas affirmer sa préférence, ainsi que l’affirme Valérie Boyer ? Frédéric Dabi n’y croit guère. « Cela se disait à l’époque de Jean-Marie Le Pen, et c’était vrai. Les sondages se faisaient alors par téléphone. Mais aujourd’hui, ils sont réalisés en ligne. » Sans le contact avec un opérateur, les sondés n’ont, selon le directeur adjoint de l’Ifop, aucun mal à choisir n’importe lequel des candidats, qu’il soit d’extrême droite ou mis en examen. Quant à Filteris, l’algorithme est loin d’être infaillible. Et donne Marine Le Pen, François Fillon et Emmanuel Macron dans un mouchoir de poche.
« C’est l’encéphalogramme plat ». En outre, Frédéric Dabi estime que le « vote caché » ne le reste jamais vraiment. Pour le second tour de la présidentielle 2012 par exemple, Nicolas Sarkozy avait été conforté dans l’idée qu’il était sous-estimé dans les sondages parce qu’il n’avait finalement été distancé par François Hollande que d’un point, au lieu des quatre annoncés. « Mais on avait vu une dynamique dans les enquêtes », avance le sondeur. Même chose pour l’incroyable remontada de François Fillon pour le premier tour de la primaire. Si les sondages n’ont pas capté toute l’ampleur du mouvement, « on a bien enregistré une remontée dans la dernière semaine ». Impossible d’en dire autant pour la présidentielle 2017. « Là, c’est l’encéphalogramme plat. »
Un vote « perturbé ». Plus que « caché », le vote est « perturbé », analyse Frédéric Dabi. « On peut se demander où est la droite. François Fillon n’est qu’à 18% aujourd’hui, alors que l’électorat de droite pesait 28% lors des régionales de 2015. » Une partie s’est tournée vers Marine Le Pen, une autre vers Nicolas Dupont-Aignan, une troisième vers Emmanuel Macron. « C’est un vote qui peut revenir », estime Frédéric Dabi. Qui rappelle toutefois que, semaine après semaine, l’électorat du fondateur d’En Marche! devient plus sûr de son choix.
Voir de même:
Présidentielle: François Fillon peut-il être sous-évalué dans les sondages?
ESTIMATIONS Le candidat de la droite à la présidentielle actuellement placé en troisième position dans les intentions de vote est, selon ses soutiens, sous-évalué…
- 20 minutes
Sur votre écran, les réseaux sociaux ou dans vos journaux, vous verrez à coup sûr aujourd’hui un sondage sur l’élection présidentielle. Rebelote demain si vous y prêtez attention. Selon ces enquêtes organisées comme une « photographie » de l’opinion à un instant « T », Marine Le Pen et Emmanuel Macron sont au coude-à-coude, quand François Fillon arrive en troisième position, à 6-8 points derrière. Le candidat de la droite pourrait-il être sous-estimé, bénéficiant d’un « vote caché » comme l’affirment ses soutiens ?…
Interrogés par 20 Minutes, les instituts de conseils et de sondages BVA Opinion, Ifop, OpinionWay et PollingVox répondent en chœur : non, le candidat de la droite à la présidentielle n’est pas sous-coté dans ces enquêtes. Il est crédité de 16 à 20 % des intentions de votes. Après ce premier constat, un second : l’incertitude des électeurs rend le scrutin d’avril très incertain.
Les sondés changent plus facilement de préférence qu’auparavant et ne se décident que dans les derniers jours de la campagne. « Il y a une difficulté de mesurer le score de François Fillon compte tenu du climat des affaires qui brouillent cette campagne surprenante », confie Erwan Lestrohan, directeur d’études à BVA Opinion.
Volatilité des sondés
Parmi les soutiens de François Fillon, on espère qu’un « vote caché » des sondés minorerait les intentions de vote des enquêtes. Un argument utilisé par Nicolas Sarkozy lors de la présidentielle de 2012 puis lors de la primaire à droite de 2016… Mais qui ne s’est finalement pas vérifié. Certains sondeurs ne rejettent cependant pas cette hypothèse. Jérôme Sainte-Marie, président de la société d’études et de conseils PollingVox, juge « possible qu’il y ait aujourd’hui un vote Fillon honteux, sur le modèle de ce qui s’est passé à la présidentielle de 2012 avec Nicolas Sarkozy. Des sondés ont tu leur choix mais ont voté pour lui. Les résultats au second tour de la présidentielle 2012 ont été finalement plus resserrés que tous ceux mesurés », estime le sondeur.
« On peut s’interroger avec prudence à propos d’un vote caché sur la candidature de François Fillon, compte tenu du climat de cette campagne », souligne Bruno Jeanbart, directeur général adjoint de OpinionWay. Pour ce dernier, « le second tour à la présidentielle n’est pas joué entre Emmanuel Macron et François Fillon » pour deux raisons : « La moitié des sondés préférant aujourd’hui Emmanuel Macron n’est pas sûre de son choix. Et les candidatures du centre peuvent être parfois surestimées dans les enquêtes », continue-t-il.
Les sondages et l’élection
François Fillon, avec une chute de dix points dans les sondages depuis la primaire à droite, peut-il espérer une qualification au second tour de la présidentielle ? Pas impossible, répondent prudemment les sondeurs. « François Fillon peut agréger à son socle solide quelques points venant des abstentionnistes mais aussi de ceux d’électeurs de droite passés chez Emmanuel Macron », évalue Jérôme Sainte-Marie de PollingVox. Et si le candidat n’a pas la même force dans son camp que Nicolas Sarkozy en 2012, relève Erwan Lestrohan de BVA Opinion, François Fillon bénéficie d’une large base d’électeurs sûrs d’aller voter pour lui (70 %).
L’élection présidentielle française reste, à un mois du premier tour, très ouverte. D’autant que « les sondages, qui devaient rester une mesure réalisée avec rigueur, sont devenus un élément du débat politique », note le sénateur PS Jean-Pierre Sueur, coauteur avec son collègue LR Hugues Portelli d’amendements sur les sondages dans la loi d’avril 2016 relative à la modernisation de règles concernant les élections. « Les sondages sont des acteurs qui interfèrent dans le débat car une partie des électeurs vote contre les évaluations données par ces sondages », développe le sénateur du Loiret très investi sur les méthodes des sondages publiés. Pour cet ancien ministre, « le seul sondage intéressant, c’est l’élection. Pas les calculs, les marges d’erreur et les critères de redressement qui restent toujours trop elliptiques… »
Voir encore:
Où est la droite ?
Atlantico : Alors qu’interrogés sujet par sujet, (comme dernièrement sur la clause Molière où un sondage Ifop du 20 mars montre que 80% des Français l’approuvent), les Français expriment dans une certaine mesure une sensibilité de droite, François Fillon, après avoir baissé de trois points dans les intentions de vote stagne aujourd’hui aux alentours de 17% (Rolling Ifop). Une enquête Odoxa montre que Jean-Luc Mélenchon se rapproche à un point du candidat Les Républicains en termes d’intentions de vote. Où ces candidats de droite se retrouvent-ils aujourd’hui ? S’ils se détournent du candidat LR, vers quelles autres offres semblent-ils se détourner ?
Emmanuel Rivière : On constate sur les enquêtes depuis plusieurs années une forme de droitisation de la société française selon deux modalités. Une plus grande préoccupation sur les sujets historiquement dévolus à la droite comme la sécurité, l’autorité mais aussi l’immigration, les valeurs et sans doute aussi toute la question de l’identité qui est une préoccupation largement partagée sur la place de l’islam. D’autre part, il y a aussi les valeurs entrepreneuriales sur la liberté donnée aux entreprises, sur la place de l’Etat (et donc sa réduction lorsque l’on est de droite) et une forme de reconnaissance du mérite. Les deux polarités de cette orientation à droite trouvent deux autres débouchés en dehors des Républicains, le Front National sur les aspects de sécurité, d’immigration, identité et de manière plus récentes chez « En Marche ! » sur les valeurs entrepreneuriales
Le candidat républicain n’est plus le dépositaire unique de ces valeurs dans cette élection, d’autant plus qu’il n’y a pas forcément superposition entre les deux au sens où il y a parfois même des formes d’incompatibilité entre des inspirations souverainistes dans le domaine de l’ordre et d’une forme de méfiance à l’égard de l’extérieur en opposition à des aspirations d’ouverture et de progressisme autour des valeurs entrepreneuriales.
Dans un sondage publié par Le Figaro sur la cote d’avenir de différentes personnalités politiques, les personnalités de droite ne figurent pas dans le haut du classement… Cette déception a-t-elle pu rejaillir sur les responsables de la droite, bien qu’ils ne soient pas touchés par les affaires judiciaires de François Fillon ? Où bien est-ce davantage leur absence assez remarquée de la campagne ? Qu’en est-il des abstentionnistes ?
Emmanuel Rivière : Ce que révèle ce baromètre Figaro c’est une autre difficulté à laquelle la droite française incarnée par les républicains est confrontée, et que nous avons constaté tout au long du quinquennat. Nous ne voyons pas dans les enquêtes l’effet de bascule qui faisait que quand le gouvernement était à gauche et basculait, on observait une amélioration de l’image du parti de droite, une augmentation des sympathisants du principal parti de droite. Rien de tout cela ne s’est produit ce qui atteste de la difficulté de la droite à se positionner autour de deux tendances lourdes.
La première c’est une interrogation sur le bienfondé des choix consentis par la droite comme par la gauche autour de la place de la France dans le monde et a fortiori de la France dans l’Europe, ce qui a induit des transferts de souveraineté et des choix de politique économiques que l’on a parfois du mal à faire comprendre ainsi qu’une demande de renouvellement de la manière de faire de la politique. On voit dans cette élection qu’il y a une aspiration à rebattre les cartes, à renouveler le paysage et la manière de faire de la politique. Il se trouve que là-dessus, les républicains sont en retard par rapport à tous les autres à l’exception du PS. En retard sur cette nouveauté de l’émergence d’un nouveau mouvement politique et aussi en retrait par rapport à cette tentation de briser le système actuel qui trouve des débouchés chez des candidats comme Marine Le Pen et Jean-Luc Melenchon.
Vincent Tournier : Il est effectivement troublant de voir que les personnalités de droite sont reléguées assez loin dans le palmarès. Même quelqu’un comme Olivier Besancenot est jugé comme ayant plus d’avenir politique que les leaders de droite. Si on met à part Marine le Pen, qui a son fan club attitré, seul Alain Juppé parvient à émerger à la 4ème place, ce qui est tout aussi troublant parce que, vu son âge (il doit approcher les 75 ans), on peut avoir quelques doutes sur son avenir politique. En tout cas, ce mauvais classement de la droite est d’autant plus surprenant que François Hollande termine son mandat sur des records d’impopularité.
A quoi faut-il attribuer ce mauvais résultat ? On peut penser qu’il y a un problème de leadership. La droite paye le prix de ses divisions. Pendant les cinq années qui viennent de s’écouler, elle n’a pas réussi à faire émerger des leaders forts. La décision de Nicolas Sarkozy de revenir en 2014 y est pour beaucoup : en rompant avec sa promesse de quitter la vie politique, il a de facto cassé la mécanique de sa propre succession. De plus, les affaires et les règlements de compte internes ont aussi contribué à griller d’autres personnalités, comme Jean-François Copé.
Un autre facteur doit être pris en compte : il n’est pas évident, pour les leaders de droite, de trouver un créneau porteur, surtout avec un FN très fort, qui siphonne toute une partie de l’électorat de droite. En optant pour un positionnement très droitier, François Fillon espérait récupérer une partie de ces électeurs, comme Nicolas Sarkozy en 2007, mais pour l’heure, ça n’a pas marché. En revanche, il a fait fuir une partie des électeurs de droite modérés, qui sont tentés par Emmanuel Macron. C’est d’ailleurs ce que montre cette tribune publiée par des jeunes catholiques (http://www.lemonde.fr/idees/article/2017/03/27/nous-jeunes-catholiques-refusons-de-laisser-a-la-droite-le-monopole-des-valeurs-chretiennes_5101196_3232.html). Ce texte n’est évidemment qu’une simple tribune, mais on voit quand même qu’un nombre conséquent de catholiques se reconnaissent dans le discours du pape sur les migrants. C’est aussi la conséquence de l’évolution des catholiques français, lesquels se sont sécularisés et même gauchisé par certains côtés.
On peut ajouter un dernier élément, en se demandant si la droite n’a pas tout simplement du mal à recruter de nouvelles personnalités. Les électeurs ont tendance à penser que les carrières politiques sont très attirantes. Mais ce n’est pas sûr : en politique, il y a beaucoup de coups à prendre, et les gains sont hypothétiques et modestes. Comparativement, les carrières dans l’économie et la finance sont certainement bien plus attirantes.
Emmanuel Rivière : Il y a incontestablement un désarroi chez les électeurs de droite dont certains ont le sentiment de se faire voler une élection. Ce n’est pas le cas de tous, il y a aussi des électeurs spontanément tentés par l’offre d’Emmanuel Macron qui peuvent d’ailleurs en parti être dans l’interrogation aujourd’hui.
Il y a une double interrogation il y avait des faiblesses de l’adhésion aux Républicains et ses leaders qui précédait l’affaire Pénélope. Mais en même temps le désir d’alternance était tel et la perception des enjeux perçus par les électeurs au moment des primaires ont permis que ce soit quand même des primaires très mobilisatrices. S’est ajouté à cela le problème posé par un candidat dont on verra bien comment il ressort incriminé ou blanchi des affaires mais dont on a découvert qu’il n’était pas exactement celui que l’on croyait lorsqu’on l’a désigné pour représenter les chances des républicains lors de cette élection.
Vincent Tournier : Si on regarde les sondages, on voit que François Fillon a perdu entre 6 et 8 points depuis le mois de janvier, ce qui l’a fait passer nettement derrière Marine Le Pen alors qu’il était devant elle auparavant. C’est évidemment une évolution très importante. Cela veut donc dire que beaucoup d’électeurs de droite ont été désarçonnés, déstabilisés par les révélations des médias et par les enquêtes judiciaires. Le choc de ces révélations a été d’autant plus vif que l’une des motivations du vote en faveur deFrançois Fillon aux primaires de la droite, c’était justement que celui-ci était plus fiable que Nicolas Sarkozy, non seulement sur le plan judiciaire, mais aussi sur le plan politique. En effet, dans le contexte des attentats, Nicolas Sakozy a sans doute payé cher le fait d’avoir baissé les effectifs de la policeou d’avoir désorganisé les services de renseignement, voire même d’avoir adopté des mesuresemblématiques comme la suppression de la double peine, ce quilui a été reproché, surtout après l’attentat de Nice (http://www.huffingtonpost.fr/2016/07/19/double-peine-profil-terroriste-nice-fait-resurgir-debat-politique_n_11064752.html). Donc, la différence entre François Fillon et Nicolas Sarkozy s’est surtout jouée sur cette question de la crédibilité. Cela explique le désarroi profond des électeursde droite aujourd’hui : si François Fillon n’est pas fiable sur le plan moral et judiciaire, pourra-t-il l’être sur le reste ? Va-t-il vraiment faire ce qu’il a annoncé ?
Cela dit, cette baisse du soutien pour Fillon n’est pas forcément définitive. Certes, les intentions de vote semblent très stables, mais on peut se demander si les sondages ne se trompent pas, non pas parce qu’ils sont mal faits, mais plutôt parce que les électeurs masquent leur jeu. En fait, il est tout à fait possible qu’Emmanuel Macron soit surestimé et que, inversement, François Fillon soit sous-estimé. Une partie des électeurs de droite a sans doute des réticences à se déclarer en faveur de Fillon, compte-tenu du contexte très axé sur les affaires judiciaires. Inversement, le vote Macron est artificiellement gonflé par le désarroi et l’agacement de la droite. D’ailleurs, une bonne partie des électeursde Macron ne sont pas encore sûrs de leur choix. Il n’est donc pas exclu quedans les tout derniers jours de la campagne, la tendance s’inverse. Les faiblesses de Macron vont s’approfondir, tandis que Fillon pourra bénéficier du fait qu’il a de l’expérience, ce qui n’est pas sans force dans le contexte actuel.Ce n’est pas un hasard si, à la fin du débat télévisé, François Fillon a fortement insisté sur son expérience d’élu et de responsable politique.
Par ailleurs, dans quelle mesure le fait qu’une grande partie des idées de droite (en matière économique, mais aussi sociétale) soient reprises par d’autres formations peut-elle faciliter ce détournement de la part de ses électeurs ? Le mouvement dextrogyre, théorisé par Guillaume Bernard et qui décrit un déplacement du centre de gravité de la politique vers la droite joue-t-il dans ce phénomène ?
Vincent Tournier : Peut-on vraiment parler d’un déplacement des valeurs vers la droite ? Il vaut mieux poser le problème autrement, en partant d’un premier constat : les valeurs libérales se sont fortementdiffusées dans la société, autant sur le plan économique que sur le plan sociétal. Cette montée des valeurs libérales, qui est autant une victoire de la droite (pour l’économie) qu’une victoire de la gauche (pour les valeurs sociétales), ou du moins à leurs composantes libérales respectives, se caractérise par une mise cause du principe de la régulation. On voit bien en effet qu’il y a aujourd’hui une forte demande pour avoir moins de contraintes, moins de normes, plus de droits,plus d’autonomie (c’est le cas par exemple de la loi Travail, qui s’inscrit bien dans cette dynamique visant à s’affranchir des normes communes imposées par le haut).
D’un autre côté, l’Europe et la mondialisation ontcependant provoqué de sérieuses difficultés, que ce soit dans le domaine économique (désindustrialisation, concentration des activités dans les grandes métropoles polluées et surchargées, prolétarisation du monde rural), ou dans le domaine sociétal avec la montée de différentes formes d’insécurité, autant physiques que culturelles. Or, ces évolutionsvont dans le sens inverse du précédent : elles poussentau contraire à réclamer davantage de régulations, davantage d’interventions. On voit ainsi revenir des mesures que l’on croyait oubliée comme le protectionnisme, les nationalisations des entreprises, ouencore l’instauration de droits de douane ; et dans le domaine sociétal, on voit aussi des demandes en faveur d’un retour versl’ordre, l’autorité, les frontières oul’identité nationale.
Cette double évolution génère évidemment de profondes tensions, d’autant que les demandes de régulationviennent défier une sorte d’interdit, qui est régulièrement rappelé par les médias et une partie des élites, à savoir qu’il faut impérativement préserver les grands principes comme l’ouverture, le mélange, la tolérance. Certes, ces principes sont importants, mais le problème est qu’ils ne permettent pas de résoudre toutes les difficultés actuelles. Par exemple, comment l’ouverture ou la tolérance peuvent-elles régler le problème des travailleurs détachés ?
Les différentes tensions qui se sont constituées permettent d’expliquer les positionnements politiques que l’on observe pendant la campagne électorale. En gros, on a d’un côté deux grands pôles qui s’opposent : d’un côté le pôle régulateur, avec sa variante de droite (Marine Le Pen) et sa variante de gauche (Jean-Luc Mélenchon) et de l’autre le pôle libéral (Emmanuel Macron). Entre les deux, on voit émergerdes situations intermédiaires, que ce soit avec la variante de droite (François Fillon) ou avec la variante de gauche (Benoît Hamon). On verra le résultat, mais le problème est que l’élection risque fort de ne pas de trancher ces tensions. Quel que soit le vainqueur, les tensions vont persévérer car on ne voit pas comment elles vont pouvoir se résoudre d’elles-mêmes.
Voir encore:
Hollande-Macron, récit d’un parricide
S’il doit beaucoup à François Hollande, le candidat d’En marche ! a capitalisé sur l’impopularité et la fragilité du chef de l’Etat. Une opération menée de main de maître.
Solenn de Royer et Vanessa Schneider
Le Monde
31.03.2017
Il ne peut pas ne pas y penser. A cette matinée de mai, dans la cour d’honneur de l’Elysée, où il pourrait remettre à Emmanuel Macron, si c’est lui que les Français ont choisi, les clés de ce palais qu’il aura occupé pendant cinq ans. Lui, le président sortant, se faire raccompagner sur le perron par son ancien conseiller âgé de 39 ans, jamais élu, inconnu des Français il y a encore trois ans, auquel il aura donné, sans le vouloir, sa place et son destin. Cruauté de la vie politique. Chez tout autre que lui, un tel scénario provoquerait rage et sentiment d’humiliation. Mais François Hollande semble prendre son parti de cette éventualité inédite. Comme à son habitude, il s’en tire par une pirouette : « Je ne vais pas m’accrocher aux rideaux, me cacher dans un coin, dire à Emmanuel : “Retourne dans ton bureau, je garde le mien !” »
La trahison se paie souvent cash en politique. Mais l’élève aura réussi la prouesse de ne pas abîmer son image en prenant peu à peu la place du maître. « Le hold-up du siècle », résume la ministre de la santé, Marisol Touraine. Ou le crime parfait. « Il y aura Clausewitz, Sun Tzu et Emmanuel Macron », dit le patron des députés socialistes, Olivier Faure. Reste une question qui hante le chef de l’Etat et les siens : tout cela était-il prémédité ? Depuis quand le natif d’Amiens regarde-t-il le bureau de François Hollande, au premier étage du palais, en se disant qu’il pourrait être le sien ?
« Je te présenterai qui il faut »
La première fois qu’il a rencontré Emmanuel Macron, le président s’en souvient encore. C’était en 2008. L’ancien conseiller spécial de François Mitterrand, Jacques Attali, tient à lui présenter un nouveau talent. Sorti de l’ENA en 2004, membre de la prestigieuse inspection des finances, soutien de Jean-Pierre Chevènement en 2002, le jeune loup qui se pique de philosophie et de littérature rêve surtout de politique. Les trois hommes se retrouvent au Bristol, un palace de la rive droite, pour un verre. Hollande termine alors son mandat de premier secrétaire du Parti socialiste. Le jeune Macron, qui a déjà su s’attirer les bonnes grâces de bon nombre de messieurs importants dans le monde politique ou dans celui des affaires, fait des étincelles comme rapporteur de la « commission Attali pour la libération de la croissance », nommée par Nicolas Sarkozy. Il brigue une implantation dans le Nord-Pas-de-Calais. « Si tu veux cette vie-là, je te présenterai qui il faut », lui promet Hollande, séduit par l’intelligence du prodige. Aujourd’hui, il relativise : « Je n’ai pas été particulièrement ébloui… C’était un jeune haut fonctionnaire qui voulait faire de la politique. »
Les caciques du vieux parti d’Epinay s’opposent à l’arrivée d’un énarque jamais passé par le syndicalisme étudiant ou par le Mouvement des jeunes socialistes (MJS). Emmanuel Macron comprend qu’il devra patienter longtemps avant de décrocher une investiture. Ce sera donc le privé et la banque Rothschild. Mais les retrouvailles avec François Hollande se feront plus vite que prévu, cette fois par l’intermédiaire de Jean-Pierre Jouyet, l’ami intime de l’actuel chef de l’Etat, alors à la tête de l’Inspection générale des finances. Il introduit le banquier dans le cercle des conseillers qui préparent la primaire de la gauche de 2011, puis la présidentielle. Rapide, travailleur, charmeur, toujours de bonne humeur, Macron réunit une fois par semaine un groupe d’économistes à La Rotonde, une brasserie du quartier Montparnasse. « Déjà, pendant la campagne, il n’y avait pas un iota entre ce que pensaient Hollande et Macron, se souvient l’ancien conseiller élyséen Aquilino Morelle. Ils étaient très proches. »
« Le fils qu’on voudrait avoir »
Le président élu appelle naturellement son protégé, alors âgé de 34 ans, à l’Elysée. Il est promis au poste de sherpa. Mais, pour le banquier, qui accepte de baisser drastiquement son salaire, ce sera secrétaire général adjoint, sinon rien. Il n’est encore personne, mais il s’impose déjà. Très vite, le conseiller au physique de jeune premier prend la lumière. Le Tout-Paris cherche à le rencontrer. Lui profite de ce prestigieux bureau élyséen pour étoffer son carnet d’adresses.
De son côté, le chef de l’Etat développe une véritable affection pour ce surdoué, dans lequel il voit une projection de lui-même. « Emmanuel, c’est le fils qu’on voudrait avoir », confie-t-il à son conseiller Gaspard Gantzer. « Emmanuel, c’est moi », déclare-t-il un autre jour aux journalistes du Monde Gérard Davet et Fabrice Lhomme (« Un président ne devrait pas dire ça… » , Stock). En plus de son intelligence, Hollande apprécie par-dessus tout l’humour de Macron qui « apporte de la joie et de la fantaisie dans le travail ». Un jour, à l’Elysée, où doit se tenir un conseil sur l’attractivité, le jeune homme arrive sans cravate. François Hollande s’en irrite, mais préfère en rire. « Il lui passait tout », se souvient un membre du gouvernement. Le ministre des affaires étrangères, Laurent Fabius, se moque de cet entichement pour celui qu’il surnomme « le petit marquis poudré ». Les hollandistes, Stéphane Le Foll en tête, prennent en grippe ce conseiller si peu discret dont les idées sociales-libérales font tousser la gauche.
Mais, peu à peu, l’ancien banquier déchante. Comme d’autres, il découvre la difficulté de travailler pour un président solitaire, qui cultive le flou et l’ambiguïté, repousse les arbitrages. Dans les dîners en ville, il ne retient plus ses flèches. Insolent, il lui reproche notamment de « baisser son bénard ». Le conseiller, qui a préparé le tournant libéral de 2014, juge le rythme et l’intensité des réformes insuffisants. Il piaffe d’impatience d’aller plus loin. Impudent et imprudent, il envoie de son portable à des poids lourds du gouvernement une photo d’une fausse plaque de médecin où il est écrit : « Institut international de la procrastination. Revenez demain. » Un ministre, alors simple député, se souvient d’un drôle d’entretien : « Il a passé notre rendez-vous à se moquer d’un président passant ses soirées tout seul, accroché à son portable, à guetter les dépêches de l’AFP. Depuis le début, il est l’un de ceux qui ont fait passer Hollande pour un charlot dans tout Paris. » « C’est un agent immobilier, cingle un ex-ministre de premier plan. Il dit à chacun ce qu’il a envie d’entendre. »
L’un des premiers, le ministre de l’éducation nationale, Vincent Peillon, prévient le président : « Méfie-toi, Macron dit du mal de toi dans tout Paris. » Hollande hausse les épaules, sans y croire. Comme il ne perçoit pas à quel point, avec sa légèreté habituelle, il blesse son protégé lorsque celui-ci enterre Monette, sa grand-mère préférée, en 2013. De retour des funérailles, le chef de l’Etat, pourtant parfaitement au courant, fait remarquer son absence à « Emmanuel », qui ne compte pas ses heures à l’Elysée : « Ah tu es là, toi ? Je t’ai cherché ! » L’intéressé glisse à Aquilino Morelle : « Ça, je ne lui pardonnerai jamais… »
« On se retrouvera… »
Au lendemain des municipales perdues par la gauche, François Hollande est rattrapé par la somme de ses indécisions passées et doit tout changer d’un coup. Il congédie Jean-Marc Ayrault, le remplace par Manuel Valls. A l’Elysée, il exfiltre le secrétaire général, Pierre-René Lemas, et appelle son ami intime Jean-Pierre Jouyet. Déception de Macron, qui visait le poste. Valls propose alors de le faire entrer au gouvernement, au budget. Mais le président, qui se méfie des technos n’ayant jamais été élus, s’y oppose. Doublement amer, l’ancien banquier décide de quitter l’Elysée, pour enseigner et créer une société de conseil. Alors que Lemas hérite de la prestigieuse Caisse des dépôts, lui part sans rien. « Emmanuel considère qu’il a construit son parcours de manière indépendante, insiste son porte-parole Benjamin Griveaux. Il n’y a pas de lien de féodalité. »
Lors du pot de départ de son conseiller, le 15 juillet 2014, François Hollande lui rend un affectueux hommage. Ce soir-là, son ironie a quelque chose de prémonitoire : « Qui ne connaît pas Emmanuel ? Souvent, on me dit : “C’est vous qui travaillez avec M. Macron ?” » Ce dernier le remercie pour sa « confiance ». Et conclut ainsi ses adieux : « Il reste trente-quatre mois. A la fin, il y aura de nouveaux combats. Je serai là, à coup sûr ! » Le chef de l’Etat en est persuadé : « Avec Emmanuel, on se retrouvera… »
Les retrouvailles seront plus rapides qu’imaginé. Emmanuel Macron a quitté le palais depuis deux mois à peine qu’Arnaud Montebourg défie François Hollande à la Fête de la rose de Frangy-en-Bresse. Il faut remanier. Hollande et Valls évoquent plusieurs noms pour le remplacer à Bercy : Gérard Collomb, Bertrand Delanoë ou Louis Gallois, qui déclinent. Le premier ministre revient donc à la charge avec Macron, cette fois avec succès. « Valls était aux anges, se souvient un ex-ministre. Il pense qu’il a renforcé l’aile droite au gouvernement. Il ne sait pas encore qu’il a mis le ver dans le fruit. »
Dans l’ivresse du succès, Emmanuel Macron multiplie les provocations, notamment sur les 35 heures (qu’il attaque) ou la déchéance de la nationalité (qu’il condamne). Manuel Valls comprend le danger : le jeune ministre lui ravit le créneau de la transgression et de la modernité. A l’Elysée, sûr de lui et de sa suprématie, Hollande croit tirer les ficelles, utilisant Macron pour neutraliser Valls. Sans le savoir, le chef de l’Etat est en train de mettre en place un triangle des Bermudes, dont lui et son premier ministre ne réchapperont pas.
Pour l’heure, le chef du gouvernement croit avoir gagné un point en brandissant le 49.3 sur la loi Macron, alors que le ministre de l’économie avait passé des heures à convaincre les députés de voter chacun des articles. Plus tard, il convainc le président de ne pas laisser à ce ministre iconoclaste la possibilité de froisser une nouvelle fois la majorité, déjà excédée par la déchéance de la nationalité : il n’y aura donc pas de « loi Macron 2 » sur le déverrouillage de l’économie. Au remaniement de février 2016, Macron sera même rétrogradé dans l’ordre protocolaire. « Macron était en souffrance au gouvernement, rappelle le ministre Thierry Mandon. Valls serrait le nœud coulant. »
Depuis sa citadelle de Bercy, le ministre de l’économie observe l’état de décomposition du quinquennat et de la gauche. Tout au long de l’hiver, il assure, bravache, à ses interlocuteurs que le président ne sera pas en situation de se représenter. Il rencontre des parlementaires socialistes à la chaîne, pour les sonder. « Hollande ne sera pas candidat, dit-il ainsi au député de l’Hérault Sébastien Denaja, fidèle soutien du chef de l’Etat. Tu auras le choix entre Valls et moi. »
« Un summum dans la duplicité »
La jeune garde du gouvernement, Fleur Pellerin, Matthias Fekl ou Axelle Lemaire, agacés par les tours qu’il essaie de leur jouer, voient clair dans le jeu de leur collègue, qui prend toute la lumière. « Il est sans foi ni loi, assure l’un d’eux. On voyait bien qu’il n’était pas loyal. » Dans l’entourage du président, l’inquiétude grandit, alors que la presse commence à relayer les escapades du ministre à l’étranger pour lever des fonds. Lors d’un dîner à l’Elysée, Julien Dray prévient François Hollande. L’ami du président a pris Macron sous son aile. Insomniaques, les deux hommes, qui ont sympathisé, aiment dialoguer par SMS au milieu de la nuit. Mais Dray constate que Macron supporte de moins en moins la critique. « Il est en train de t’échapper !, dit-il à Hollande. Comme Ségolène [Royal] en 2006. Mais tu ne veux pas voir… » Michel Sapin y va lui aussi de ses prédictions pessimistes : « Depuis qu’il a fini sa loi, Macron est ailleurs. Sa stratégie est d’une autre nature. » Le chef de l’Etat écoute d’une oreille. « Je sais ce que tu penses, soupire le ministre des finances, que je suis jaloux. Je te dis juste que, pour toi, ça va être un problème… »
Prisonnier de son vieux logiciel politique et de son attachement aux partis, Hollande ne croit pas que Macron puisse réussir son pari. A l’époque, il est surtout obsédé par sa réélection. Tous les samedis matin se tient, dans le plus grand secret, une réunion stratégique à l’Elysée avec sa garde rapprochée, Jean-Pierre Jouyet, Vincent Feltesse et Gaspard Gantzer, et deux communicants amis, Robert Zarader et Philippe Grangeon, devenus depuis conseils du candidat d’En marche !. Le 2 avril 2016, ce cénacle s’ouvre à ceux qui sont alors considérés comme de fidèles piliers de la Hollandie, dont Ségolène Royal et… Emmanuel Macron, pour un premier séminaire de campagne. C’est ce jour-là, entre deux portes, que le ministre de l’économie confie au président, l’air de rien : « Tiens, au fait, je voulais te dire : je fais un truc à Amiens le 6 avril, je lance un mouvement de jeunesse, une sorte de think tank. » « Il a atteint ce jour-là un summum dans la duplicité », se rappelle un ex-conseiller.
Quatre jours plus tard, à Amiens, Emmanuel Macron lance En marche !, dont le point de mire apparaît alors clairement : l’Elysée. Le lendemain, François Hollande masque son inquiétude d’une pirouette : « Il est en marche ? Mais moi je cours, je cours… » Encalminé dans les sondages, le président se trouve au contraire dans une impasse. Plutôt que de l’aider à s’en extirper, le ministre de l’économie a décidé d’accélérer, pour le doubler. « Macron n’a pas choisi le couteau mais le poison lent, résume alors un poids lourd de la majorité. Il est dans une stratégie d’empêchement. »
En effet, les grandes manœuvres sont lancées. Le 13 avril, Paris Match fait sa « une » sur le couple Macron, « ensemble, sur la route du pouvoir ». Le lendemain, à la télévision, Hollande se décide enfin à hausser le ton : « C’est entre nous, non pas simplement une question de hiérarchie – il sait ce qu’il me doit –, mais une question de loyauté personnelle et politique. » Comme Jacques Chirac avec Nicolas Sarkozy (« Je décide, il exécute »), les mots claquent mais restent sans effet. « Je ne suis pas son obligé », répond crânement Macron dans un entretien au Dauphiné libéré, le 22 avril. Les deux hommes se retrouvent le jour même à l’Elysée, en marge d’une réunion consacrée à EDF. Comme souvent, Macron jure à Hollande que ses propos ont été « sortis de leur contexte ». Le président préfère croire son poulain. « Emmanuel ne partira pas », répète-t-il. Il imagine toujours que, le moment venu, son ministre pourra l’aider à « ratisser » plus large. Il songe même à en faire son directeur de campagne et, pourquoi pas, en cas de victoire, son premier ministre. Mais l’intéressé caresse déjà des projets bien plus ambitieux. « La vie est inventive, il faut lui faire confiance », résume aujourd’hui au Monde celui qui s’est hissé aux premières places dans les sondages.
« Problème Brutus »
Jusqu’au dernier moment, Hollande refuse de voir l’évidence. Devant Gérard Davet et Fabrice Lhomme, il prend systématiquement la défense de son protégé. Confidences édifiantes. « Macron n’est pas quelqu’un qui cherche à se faire une existence politique au détriment du gouvernement, veut-il croire à l’automne 2015. Il peut avoir de la maladresse, mais pas de perversité (…). C’est un garçon gentil. Il n’est pas duplice. » Au début de l’été 2016, alors que les preuves du contraire s’accumulent, même naïveté : « Je pense qu’il est loyal. » « Macron a mieux cerné la psychologie du président que le président a compris la sienne », résume le député PS Richard Ferrand, secrétaire général d’En marche !.
Lui continue d’avancer, capitalisant sur l’impopularité et la fragilité du chef de l’Etat. Son premier meeting, le 12 juillet, à la Mutualité, est un coup de tonnerre. A la fin de son discours survolté fusent des premiers « Macron président ! ». A deux jours de l’intervention du chef de l’Etat pour le 14-Juillet, c’est une provocation insensée. Ce soir-là, les leaders de la majorité, qui dînent à l’Elysée, suivent en direct le meeting sur leurs smartphones. Fou de rage, Manuel Valls, avec le soutien de Stéphane Le Foll, enjoint à François Hollande de sévir : « Ça suffit, il faut le virer ! » Le sujet du maintien ou non de Macron au gouvernement se pose jusqu’au défilé du de la Fête nationale. « A lui de commettre la faute », conclut le président. « Macron sait qu’il a un “problème Brutus”, analyse Julien Dray. S’il part, ce ne sera plus le gendre idéal. Il préférait se faire virer, pour se libérer. »
Malgré ses doutes, sa décision est prise : il quittera le gouvernement. L’attentat de Nice, au soir du 14-Juillet, lui fait changer son plan. Début août, le ministre et son épouse partent se reposer à Biarritz. Le couple pose sur la plage pour une fausse « paparrazade », maillot de bain à fleurs pour elle, caleçon et polo marine pour lui. Nouvelle « une » de Paris Match, au creux de l’été. Pendant leur séjour, la sénatrice PS des Pyrénées-Atlantiques, Frédérique Espagnac, retrouve Emmanuel et Brigitte pour dîner. Quand elle les quitte, tard dans la soirée, c’est avec la conviction qu’il est prêt à claquer la porte. Elle téléphone aussitôt à Hollande : « Tu as une semaine pour le voir… ! » Le président ignore ce conseil.
De retour à Paris, le ministre invite ses proches à déjeuner à Bercy. Un 24 août, journée caniculaire. Impatients de voir leur poulain se lancer dans la course à l’Elysée, les convives l’incitent à accélérer. « Tes soutiens vont se démotiver. Tu dois clarifier », lance un élu fidèle. « Je ne serai jamais le rabatteur de Hollande », rétorque le ministre. Tout est dit. Mais il veut créer la surprise. Le 29 août, dans le bureau du président, ce dernier lui pose clairement la question : « Tu t’en vas ? » « Je ne sais pas », répond Macron… avant de lui remettre sa démission le lendemain. Le chef de l’Etat est abasourdi : « Mais moi, je ne t’avais pas nommé pour que tu sortes ! Tu t’en vas pour faire quoi ? » L’ancien conseiller lui jure qu’il ne fera « rien » contre lui. « Je suis parti sur un désaccord politique, explique-t-il aujourd’hui. Je n’avais pas la même vision que lui sur la refondation de la vie politique, le PS et les primaires. Ç’a été coûteux pour l’un comme pour l’autre de se séparer. Ce qui s’est passé n’enlève rien à l’amitié que nous nous portons. » Ce 30 août, Hollande est effondré. Revisitant les cinq années qui viennent de s’écouler, il dit le soir même devant ses proches : « Il m’a trahi avec méthode. »
Deux mois et demi plus tard, le 16 novembre, Emmanuel Macron se déclare candidat à l’élection présidentielle. Sans attendre la décision du chef de l’Etat. C’est un choc dans la majorité. « C’est destructeur pour le président », note alors le député PS Christophe Caresche, qui juge le geste « sidérant de la part d’un ex-collaborateur ». Le soir même, sur France 2, Macron assure que sa candidature est « irrévocable », même si Hollande est lui aussi candidat. En vol entre Marrakech et Paris, le président a suivi le JT dans son A330, grâce à la cabine de retransmission. Il va aussitôt, à l’arrière de l’avion, retrouver deux députés fidèles, Sébastien Denaja et Razzy Hammadi, qui l’ont accompagné au Maroc pour le lancement de la COP 22. « Vous avez vu, il a dit que sa candidature était irrévocable ? », leur dit le président, troublé. « Irrévocable, comme ta candidature, François ! », répond Denaja. « Dans son œil, on a vu qu’il se disait “non, pas comme moi” », se souvient le député de l’Hérault. Ce jour-là, j’ai compris que c’était fini. »
Quinze jours plus tard, François Hollande annonce, depuis l’Elysée, qu’il renonce à briguer un second mandat. « Macron a été une des causes objectives de l’empêchement, a analysé le président devant ses proches. Il y en a d’autres, notamment la contestation dans mon propre camp et la division de la gauche… » Puis, comme pour l’excuser encore une fois, il ajoute : « Il n’a pas fait cette démarche contre moi. » Le ministre Michel Sapin décrypte : « Ce n’est jamais facile de s’avouer à soi-même qu’on s’est trompé. »
Hollande et Macron ne se sont pas revus depuis, à part au dîner du Conseil représentatif des institutions juives de France, brièvement, le 22 février dernier. Mais ils échangent toujours des SMS. Le président, qui dissèque la stratégie de son ancien protégé, lui conseille notamment de « rester de gauche ». Malin, jamais Macron n’attaque son ancien mentor. « Je fais attention à être respectueux de lui et des institutions », dit-il. Jacques Chirac avait eu le cœur crevé de laisser son bureau à Nicolas Sarkozy. Hollande, lui, jure qu’il préfère voir Emmanuel Macron lui succéder plutôt que François Fillon ou Marine Le Pen. « Si Emmanuel est élu, ce ne serait pas la plus mauvaise sortie pour toi, l’a conforté Julien Dray. Un pied de nez de l’histoire ! »
Sauf progression spectaculaire du FN, Hollande ne devrait pas soutenir son ancien conseiller avant le premier tour. Il sait aussi qu’un appel de sa part pourrait être contre-productif. « Je ne veux pas prendre une position qui pourrait lui être défavorable, a-t-il récemment confié à des visiteurs. Déjà que Fillon dit qu’il est mon “porte-serviettes”… » Emmanuel Macron, lui, avec l’aplomb dont il ne s’est jamais départi, ne doute pas un seul instant que le chef de l’Etat saura l’aider au bon moment : « Il regarde ce qu’il y a autour comme offre, le chemin que je trace n’est pas celui qui le rend le plus triste. » Quand bien même il le serait, François Hollande n’en montrerait rien, comme toujours. « Il le vivra avec humour, anticipe Julien Dray. Il fera une petite blague sur le tapis rouge. Ce sera sa manière de se protéger. »
Voir encore:
Fourquet : « Les sondages sont rigoureux mais la volatilité électorale a grandi »
PROPOS RECUEILLIS PAR VINCENT TRÉMOLET DE VILLERS
Le Figaro
29/03/2017
LE FIGARO. – Les surprises électorales aux primaires de la droite et de la gauche sont invoquées pour mettre en cause les sondages présidentiels. Est-ce pertinent ?
Jérôme FOURQUET . – On ne rappellera jamais assez que les sondages d’intentions de vote ne sont pas des outils de prédiction ou d’anticipation des résultats électoraux mais des instruments de mesure et de compréhension des rapports de force à un instant donné. Bien évidemment, plus la photographie de l’opinion sera prise à une date proche du scrutin et plus le cliché aura des chances d’être ressemblant avec le verdict qui sortira des urnes. Néanmoins, du fait du délitement des appartenances partisanes et de l’émergence d’offres politiques nouvelles, la volatilité électorale s’est considérablement renforcée ces dernières années et des mouvements d’opinion significatifs peuvent intervenir dans la dernière ligne droite, générant des écarts parfois importants entre la dernière photo instantanée et le tableau final. Cela s’est produit avec une intensité particulière lors des primaires dont les caractéristiques propres ont renforcé le phénomène. Le corps électoral de la primaire était beaucoup plus restreint (4,5 millions pour la primaire de la droite et 2 millions pour celle de la gauche contre 35 millions pour une présidentielle). Du coup, le point de pourcentage représente beaucoup moins d’individus : 1 point correspondait seulement à 20 000 électeurs lors de la primaire de gauche contre 350 000 personnes lors d’une présidentielle. Sur cette base très étroite, des mouvements spectaculaires (la dynamique Fillon par exemple) peuvent se produire et sur un laps de temps très court un candidat peut gagner 10 points. Mais cela ne correspond qu’à un basculement de 300 000 à 400 000 électeurs, ce qui est certes non négligeable, mais cela ne ferait grimper la cote d’un candidat que d’un point lors d’une présidentielle ! Une seconde caractéristique des primaires a encore accru la volatilité des scores : la relative homogénéité idéologique du corps électoral et des candidats qui appartenaient tous à la même famille politique. Dans ce cadre, il est beaucoup plus facile de passer, par exemple à l’issue d’un débat télévisé, d’un candidat à un autre car ils sont de la même famille et que leurs orientations sont en même temps partagées par une grande majorité des électeurs. Le « zapping » s’en trouve amplifié comme l’ont montré le basculement de toute une frange de l’électorat sarkozyste vers Fillon dans les derniers jours de la primaire de la droite ou celui d’un pan entier de l’électorat de Montebourg vers Hamon. La taille du corps électoral et la diversité idéologique existant tant entre les candidats qu’entre l’ensemble des électeurs réduisent mécaniquement ce phénomène dans le cadre d’une élection présidentielle. Néanmoins la volatilité existe et notamment cette année où, par exemple, à peine un électeur de Macron sur deux se dit sûr de son choix. Les sondages qui seront réalisés jusqu’à la fin de la campagne constitueront les différents épisodes d’un feuilleton dont le scénario se dévoile au fur et à mesure. Mais comme dans toute bonne série, la chute peut parfois révéler des surprises…
Les sondeurs ont-ils tiré les les leçons de leurs ratages sur le Brexit et sur Trump ?
On a coutume de dire que les États-Unis ont toujours une longueur d’avance sur la France. Or, l’apparition d’un courant « populiste » ne date pas d’hier en France et, en la matière, les sondeurs tricolores sont confrontés depuis plus de trente ans maintenant à l’évaluation du vote Front national qui a donné beaucoup de fil à retordre à la profession. Mesurer ce vote demeure complexe, mais on rappellera que lors des derniers scrutins (européennes de 2014, départementales et régionales de 2015), le FN a été correctement évalué. Sa pole position avait été enregistrée par nos outils. Ce qui s’est passé en Grande-Bretagne et aux États-Unis a néanmoins agi pour nous, sondeurs français, comme une piqûre de rappel. Ces surprises électorales nous ont incités à essayer d’améliorer encore davantage la qualité de nos modes de recueils et de traitements des intentions de vote, exercice complexe et ardu.
Que pensez-vous des nouveaux outils de mesures (big data, réseaux sociaux) ?
À l’heure où les comportements électoraux sont de moins en moins figés et où nous entrons dans une phase de recomposition politique, il faut faire preuve d’humilité et ne négliger aucune approche. Pour l’Ifop, les sondages demeurent un instrument majeur pour comprendre et mesurer les votes. Mais l’analyse, via des méthodes de big data, des dynamiques à l’œuvre sur les réseaux sociaux constitue un autre instrument que nous avons intégré dans notre boîte à outils.
Dans quelles mesures les intentions de vote confortent ou dissuadent les indécis ?
Une part du corps électoral calibre son vote en fonction du rapport de force observé et se base pour cela principalement sur les sondages. Toutefois, les stratégies varient et les choix ne sont pas forcément univoques. Voyant qu’un candidat bénéficie d’une dynamique et pourrait atteindre le second tour, une partie des électeurs peut être tentée de se rallier à lui (c’est le « vote utile »). En revanche, d’autres électeurs, considérant que ce candidat n’a pas besoin de leur soutien, peuvent, dans le même temps, décider de voter pour un autre candidat, moins bien placé dans les sondages, mais dont le positionnement correspond plus parfaitement à celui de ces électeurs. Si les sondages ont manifestement un effet sur une partie des électeurs, cet impact est ainsi contrasté.
Est-il possible qu’il y ait une « sous-déclaration » du vote Fillon ?
L’hypothèse d’une « sous-déclaration » du vote Fillon s’appuierait sur le fait que certains électeurs n’oseraient pas indiquer qu’ils ont l’intention de voter pour lui en raison des affaires qui le concernent ou de son style de campagne. Ce phénomène a longtemps existé concernant le vote Front national, qu’il était honteux d’avouer. Mais du fait du développement des enquêtes par Internet où le sondé est seul face à son écran et plus en relation avec un enquêteur, ce biais a disparu pour ce qui est du Front national. Il ne nous semble pas évident qu’un tel phénomène se développe concernant le vote Fillon. On rappellera à ce propos que de nombreux sarkozystes avaient brandi l’argument d’un « vote caché » en faveur de leur champion, dont le potentiel électoral n’aurait pas été correctement mesuré par les sondeurs à l’instar de ce qui s’était passé pour Trump dans la primaire républicaine. Or, Sarkozy fit au final un score inférieur à celui dont il était crédité dans les sondages dans les jours précédents le scrutin. L’armée de réserve était restée bien cachée… Cet exemple invalide donc de notre point de vue l’argument de la sous-déclaration. Une incertitude demeure en revanche sur le fait de savoir si une partie des nombreux électeurs de droite qui opteraient aujourd’hui pour Macron ou Le Pen (soit environ un tiers de l’électorat de droite) ne va pas, au final, reconsidérer son jugement pour faire en sorte que son camp soit représenté au second tour. ■
* Directeur du département opinion et stratégies d’entreprise de l’Ifop
Voir enfin:
Serge Galam : «Comment j’ai prévu Trump»
Charles Jaigu
Le Figaro
29/03/2017
LE FIGARO. – Presque tout le monde s’est trompé à propos du Brexit, et encore plus en ce qui concerne la victoire de Trump, mais pas vous. C’était de la chance ?
Serge GALAM .- Non, ni chance ni boule de cristal, mais des prédictions obtenues à partir d’un modèle mathématique. C’est tout l’enjeu d’une méthodologie de type sciences dures : dépasser l’évidence pour découvrir le réel et ses ruptures soudaines et singulières. Je m’appuie sur deux composants. Le premier considère que la dynamique d’échange d’arguments au sein de petits groupes d’individus obéit à une logique rationnelle. Or, il peut arriver que les arguments pour et contre se neutralisent. C’est là qu’intervient le deuxième composant, qu’on pourrait qualifier de levier déterministe de notre inconscient collectif. C’est un biais cognitif ou un préjugé parmi ceux du groupe qui s’active pour sélectionner « naturellement » un des choix, de façon consciente ou inconsciente. Par exemple… Quatre individus discutent d’une réforme de leur cadre de vie. Si deux la soutiennent et deux s’y opposent, le groupe ne sait pas quoi choisir. Dans ce cas, le biais cognitif qui va s’activer est « dans le doute, mieux vaut s’abstenir ». Finalement, tous rejettent la réforme. Pour pouvoir appliquer le modèle, il faut à chaque fois identifier les préjugés qui pourraient être activés en cas d’impuissance de la raison.
Mais certains peuvent malgré tout s’obstiner dans leur refus…
Le modèle intègre actuellement trois types d’individus : les rationnels, qui peuvent basculer d’un côté ou de l’autre, les inflexibles qui ne bougent pas, et les contrariants qui s’opposent aux choix majoritaires. Actuellement je dois, en combinant différents sondages et ma perception des préjugés potentiellement activables, décider lequel de ces trois ingrédients est déterminant dans une campagne d’opinion donnée.
Dans le cas des élections américaines, qu’est-ce qui a modifié votre pronostic ?
Invité aux États-Unis en février 2016, j’y ai compris que Trump « innovait ». Quand il lançait ses affirmations choquantes, il réveillait des préjugés endormis ou gelés, et cela bouleversait la hiérarchie des préjugés mobilisés en cas d’hésitation. Certains préjugés jouaient contre lui, mais il réussissait à en réveiller d’autres qui lui étaient favorables. Du point de vue de la dynamique, c’était simplement génial.
L’effet de la provocation n’est pas immédiat, il y a d’abord une chute…
Ce sont paradoxalement les indignés, qui en provoquant les débats contre Trump, ont finalement permis à de nombreux opposants de basculer en sa faveur. Aux États-Unis, le fait que la campagne ait été très longue a clairement joué pour Trump en créant de plus en plus de cas de doutes collectifs. Après chaque chute, sa popularité remontait.
En août 2016, vous écriviez : Trump peut gagner s’il continue de provoquer, mais il perdra s’il se recentre…
Il fallait absolument qu’il continue sa dynamique provocatrice mais en modifiant le positionnement des préjugés à activer. Alors que, pour les primaires, il avait activé des préjugés présents chez des républicains, pour la présidentielle, il fallait qu’il touche des préjugés présents à la fois chez des républicains et des démocrates. Ce qu’il a réussi entre autres avec le sexisme. À l’inverse, Obama a essayé de remettre en avant le préjugé selon lequel il n’était « pas fait pour le job », défavorable à Trump, mais sans succès.
Pour la présidentielle de 2017, annoncez- vous une victoire de Marine Le Pen ?
Fin 2016, je considérais que son élection était passée de impossible à improbable, c’est-à-dire possible. Depuis un mois, son élection est devenue très possible. Une abstention différenciée non excessive peut la faire gagner malgré un plafond de verre toujours actif.
Pouvez-vous expliquer ce qu’est une abstention différenciée ?
C’est l’écart entre l’intention de vote déclarée dans les sondages et le vote effectif. Je démontre par exemple que si 56 % des électeurs annoncent qu’ils vont voter contre Marine Le Pen, ils ne le feront pas autant qu’ils le disent. Car, pour la première fois, des électeurs ont une aversion forte à l’égard de celui qui sera probablement en face d’elle (Macron ou Fillon). Si ne serait-ce que 30 % des électeurs qui ont annoncé qu’ils voteraient contre Marine Le Pen ne le font pas et choisissent l’abstention, cela suffira à la faire gagner. Grâce à cette abstention différenciée, elle passerait de 44 % d’intention de vote à 50,25 % des suffrages exprimés dans l’hypothèse où 10 % seulement de ses propres électeurs s’abstiennent.
Entre Macron et Fillon, qui a le plus de chance de se qualifier au second tour ?
Dans mon modèle, François Fillon a un avantage décisif sur Macron : il peut s’appuyer sur ces électeurs inflexibles qui font la différence. Macron semble ne pas en avoir beaucoup. Dans certains cas de figure, mon modèle montre qu’il suffit d’avoir plus de 17,16 % d’inflexibles pour passer la barre des 50 % des suffrages exprimés face à un candidat qui n’en aurait pas. Et Fillon a un socle qui se situe précisément autour de cette valeur seuil. Mais est-il au-dessus ou en dessous ? Il suffira d’une légère variation soit pour qu’il remonte inexorablement et atteigne le second tour soit pour qu’il perde toute chance d’être qualifié. ■
Voir par ailleurs:
‘Polls might not be capable of predicting elections’: How everyone blew it on Trump’s huge upset
Brett LoGiurato
Business insider
Dec. 3, 2016
On October 18, Sam Wang thought it was over. So much so that he promised — on Twitter, for the world to see — that he’d eat a bug if Donald Trump earned more than 240 electoral votes.
On November 12, he was eating a bug on live television.
Wang, a top election forecaster and professor at Princeton University, had given Democratic nominee Hillary Clinton a 98% to 99% chance of winning in the days leading up to the election. Of course, it didn’t quite end up that way.
« To state the obvious, this is not random sampling error because it was shared across all pollsters in the same direction. This is some kind of large systematic error, far larger than typically occurs in a presidential election year, » Wang said.
For the second-consecutive election cycle, the polling and prognostication industry is reckoning with how it got it wrong — and why we’re talking about a President-elect Donald Trump when virtually all available data pointed to President-elect Hillary Clinton.
National polls weren’t too far off from the eventual result — after all, Clinton is on her way to a near 2-point victory in the popular vote.
But polls in key battleground states like Michigan, Wisconsin, and Pennsylvania — states Republicans hadn’t won at the presidential level since the 1980s — belied the state of the race. Clinton had leads so healthy in Wisconsin, for instance, that she entered Election Day with a 6.5-point average advantage in the state.
She lost there by a point. She lost the trio of states. And she lost the presidency.
« Polls might not be capable of predicting elections, » Patrick Murray, the head of Monmouth University’s polling institute, told Business Insider.
Murray’s final Pennsylvania poll showed Clinton with a 4-point lead with a 4.9 percentage point margin of error, which still was not big enough to capture the margin — 1.2 points — by which Trump would win the state.
« It’s an imprecise science, » he said. « It’s a science with a margin. »
With a level of distrust in statistics and polling, heightened by Trump’s months of railing against « dishonest » polls and media outlets, Murray said the result of the election only adds to how « very hard » it is « to fight against that. »
« Do we ever win back the public trust, or in fact, should you even try? » he said. « What did we miss? We know it’s systematic. Can we correct for it? »
But Murray already had developed a theory for what happened: « Non-response among a major core of Trump voters. »
What happened?
Murray’s theory looked as if it had some legs.
For instance, in Pennsylvania and Michigan, Clinton’s total percentage of the final vote fell within 2 points of what had been predicted for her in the polling average. In Wisconsin, Clinton wound up with a near spot-on level of support as the polls had forecast, outperforming the polling average by 0.1 points.
But Trump outperformed his polling average by 4.5 points in Pennsylvania, 5.6 points in Michigan, and an unheard-of 7.6 points in Wisconsin. Underperformances by Libertarian nominee Gary Johnson and Green Party nominee Jill Stein may have contributed to that result, but it didn’t account for such a large discrepancy.
« It’s not that they lied to pollsters, but they didn’t even pick up the phone, » Murray said.
In his final Pennsylvania poll, Murray said, he was accurate around the Philadelphia metro area through Scranton and in the Pittsburgh metro area. But he missed the central, rural part of the state by 20 points: He had polled a 10-point Trump lead while Trump ended up winning that area by 30 points.
« That’s probably the problem across all swing states, and that’s the first state that I looked at because it’s the one I did most recently, » he said. « We were getting metro areas correct, but in the non-metro areas, and this will be true in Wisconsin and Michigan as well, that, a certain type of Trump voter seemed more [unwilling] to talk to pollsters. And, it plays into this whole anti-establishment sense. »
« Just a few points off … is what will cause the entire narrative to be off, » he continued. « This wasn’t just, ‘You got this state poll wrong or this poll didn’t go this way.’ This was a systematic miss of all the polls in the same direction. And I’m going to guess that on metro areas it was spot on.
« We were missing something in rural areas. »
Methods don’t matter
Murray said it « didn’t matter » what methodology was being used to conduct the poll, whether it was random dialing, live telephone, robocalls, or online polling.
« The people who don’t talk to us are significantly different than the people that do talk to us that they can throw a poll off by 4 or 5 points, » he said. « And that is a serious methodological issue. Because you can’t wiggle your way out of it. »
« If this is true, it will be a real challenge for the polling industry to figure out how do we account for what seems to be an anti-establishment segment of the population who won’t talk to pollsters, » he continued. « And if politically, they skew one way or another, then we’re really missing them. »
Tom Jensen, the director of the Democratic-leaning firm Public Policy Polling, pinned some of the blame on the response rate for telephone polling. He told Business Insider there’s « no doubt that it makes life harder » when response rates are lower than 5% and that weighing answers « to try an make up for the people we’re missing » only goes « so far. »
Speaking specifically on Michigan, a state where Jensen’s final poll showed Clinton with a 5-point lead, the pollster said it showed how « the dynamics » of polling individual states can shift from cycle to cycle.
« In 2012 it was one of the states where Democrats were underestimated the most, » he said. « This year it was one of the states where they were overestimated the most. »
Two things happened in the state, he believes: First, pollsters underestimated the drop in black-voter turnout around Detroit from President Obama’s 2008 and 2012 election. Second, the pool of white voters interviewed wasn’t quite as Republican as the overall white electorate.
In Wayne County, home of Detroit, Clinton’s margin of victory over Trump was 93,000 votes fewer than Obama’s margin over Romney in 2012. That was more than enough to give Trump a thin advantage.
« I think across the board it’s clear that pollsters had trouble sufficiently measuring the extent to which rural white voters were going to turn out and pretty universally support Republicans, » he said.
« So there aren’t easy answers, » he continued. « It’s easier to identity the what of went wrong with polls than the why. »
Jensen said he repeated to anyone who’d ask throughout the general election that Clinton was up by 3 or 4 points, but that it was not « that unusual » for polls to be off by that amount.
« And if they’re all off by that in the same direction Trump could win, » he said. « Unfortunately, the warning came to fruition this time. »
Steve Mitchell, whose Fox 2/Mitchell poll in Michigan found Clinton with an identical 5-point lead heading into Election Day, chalked up his miss to a very specific reason: Human error.
Mitchell was one of a number of pollsters who had already reckoned with a surprise in the Wolverine State earlier in the cycle. He had told Business Insider in March that he’d « only been wrong like this twice in my life » when discussing how Michigan pollsters, including himself, missed Sen. Bernie Sanders of Vermont’s shocking victory in the state’s Democratic primary.
In the Clinton-Trump matchup, Mitchell said he changed his methodology right before his final poll, placing a greater weight on younger voters.
« As a result of that, I just misweighted the data and should have had it much closer, » he told Business Insider. « It was a mistake that I made. I’m a pollster. I take full responsibility for the mistakes that I made. We had the trend, we had the trend before anybody else. I have a feeling if we continued to do it the same way we had, or had I weighted it in the same way I had weighted it prior to that, we would’ve had it. »
Forecasting
To Wang, who runs the Princeton Election Consortium, the misses in Pennsylvania, Wisconsin, and Michigan were « similar » to results across the nation.
He found the median state-level presidential polling error to be 4 percentage points. And he saw close Senate races had polls that were off, too, favoring Democrats by a median of 6 percentage points.
« What happened? Don’t know yet. With a close race, it’s easy to pin the error on any number of causes. But all of those causes add up to a single number — the final result, » he said.
Of course, if just 1% of Trump voters voted for Clinton in the three highlighted states, « we would be having a very different conversation, » he added.
Wang said a number of steps must be taken to attempt correction of the miss, including reviewing if pollsters adequately captured hard-to-poll demographics — such as blue-collar white voters — and as beginning to understand how to capture the leanings of undecided voters.
« Based on cognitive science, these voters might be mentally committed to a choice — they just aren’t able to verbalize it, » he said. « We humans are like this in all kinds of domains, from what to have for lunch to who to marry. Seems like indirect approaches like social media and web search data might be a new way to predict voter behavior. »
When looking at the three « Rust Belt » states, Scott Tranter told Business Insider it’s hard to know whether the polling there « really missed » or if there wasn’t enough polling to catch a « fast moving » trend at the end.
Tranter is the co-founder of Optimus, an analytics firm that did work for Sen. Marco Rubio’s 2016 presidential campaign and Wisconsin Sen. Ron Johnson’s senatorial campaign — the latter of which ended in an upset win nearly as unexpected as Trump’s.
In Pennsylvania, for example, Clinton held a lead of nearly 9 points in the RealClearPolitics average with less than a month to go until the election, only to watch the lead get cut all the way down to less than 2 points by Election Day.
Prediction models, which were universal in forecasting the race for Clinton, didn’t account for something simple that would have likely given Trump a much greater chance, Tranter said.
Each model had given individual odds for Trump to win the three states. Combined, it seemed highly unlikely that he could pull off upsets in all three. But what the numbers didn’t account for, Tranter said, was that if Trump won just one of the three states, it was much more likely that he would win the other two.
This should have, in turn, increased his odds of being able to pull off the sweep.
« Something that may have not been taken into account in public models is that if one state goes Trump it adjusts the probability that another state goes Trump, » he said. « I wouldn’t be surprised to find some correlation between Wisconsin going Trump thus increasing the odds Pennsylvania goes Trump. »
« Correlation is not causation, but it can be explanatory and should be accounted for, » he added.
The lessons
Polling « is not dead, » says Matt Oczkowski of Cambridge Analytica, the analytics team that worked with Trump’s campaign and the Republican National Committee during the presidential race.
« People who say polling is dead are foolish, » he said. « Polling is not dead, it’s necessary for what we do. We need it for research. It’s the way polling is conducted that has to be changed. What we did goes to show that polling needs to be combined with data science to be successful. »
Oczkowski said pollsters « making guesses on old intuitions and old methodologies isn’t going to work anymore. »
« Understanding who you are polling, understanding what the map looks like, what the electorate looks like is so important, and that’s why so much of the public polling was off, » he continued. « So proper investment in doing more polling but coupling that with a data science program is really going to be the future. »
Problems at the state level this time around were no shock to Michael Ramlet, CEO of the online-polling firm Morning Consult. He said the results are a direct consequence of « the old-school » polling methods.
« What happened is you’ve got a lot of the usual suspects like a lot of the universities, like Quinnipiac and others, that do a lot of state polling, and then you’ve got the Wall Street Journal, NBC/Marist poll, » he said. « All of those polls usually have one thing in common — they’re using a live-telephone methodology. »
Morning Consult had conducted a study in December 2015 that produced evidence for a theory of « shy » Trump voters who experience social desirability bias during telephone interviews — that is, they don’t want to admit they’re voting for Trump. Ramlet felt that played out in the general election.
« I think that played into greater degree of effect in Midwestern states where, generally speaking, pretty educated populace, above average income nationally, » he said. « And what we’re seeing is there is probably some degree of that desirability issue combined with some outdated methodology. I don’t think we’re shocked that the state polls got it wildly wrong, just surprised at the widespread degree that they got it wrong, giving a false sense to the prognosticators. »
« The biggest failure of the larger polling community, » he said, « was that they were implying that this race was not as close as it was. »
Maxwell Tani contributed to this report.
Nouvelle victime du vote honteux: le fils de prof Renaud !
« Je vais peut-être voter pour un François Fillon que je pense être un parfait honnête homme, un vrai républicain ».
Renaud
« Fillon, c’est un mec bien, honnête, je voterais pour lui s’il gagnait la primaire. »
Renaud
http://www.femmesplus.fr/actu-people-francois-fillon-perd-un-soutien-renaud-votera-pour-emmanuel-macron.1331941.1181.html#AAuoHPoHZx8Ux3eR.99
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Même Sarko ! (Avec des amis comme ça qui a besoin d’ennemis ?)
http://www.valeursactuelles.com/politique/sarkozy-parie-t-il-sur-la-defaite-de-fillon-pour-prendre-la-tete-de-la-droite-78534
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Ca commence …
http://www.lefigaro.fr/flash-actu/2017/04/05/97001-20170405FILWWW00338-presidentielle-les-ecarts-se-resserrent-dans-un-sondage.php
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Comment ça d’accord avec tout le monde ?
http://www.lefigaro.fr/elections/presidentielles/2017/04/10/35003-20170410ARTFIG00281-voyons-nous-le-mot-manuscrit-de-macron-a-fillon.php
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Ca y est: on est dans la marge d’erreur !
https://www.lesechos.fr/elections/presidentielle-2017/0211969596316-presidentielle-le-match-a-quatre-plus-serre-que-jamais-2079664.php
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FILLON PRESIDENT ! (Ca y est: on est dans la marge d’erreur !)
“Mélenchon, c’est quand même le PCF qui revient ! Ce n’est pas forcément une mauvaise nouvelle. Il ne nous pique pas une voix et peut remobiliser notre électorat, notamment des modérés qui feront le choix d’un candidat plus classique et rassurant”. En effet, la montée du candidat de la France insoumise est redoutée par de nombreux Français, voyant planer là le spectre du communisme soviétique. De quoi remobiliser cet électorat derrière l’un des plus féroces adversaires du candidat d’extrême gauche : François Fillon.
Daniel Fasquelle
http://www.valeursactuelles.com/politique/fillon-booste-par-la-percee-de-melenchon-80177
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Vous avez dit degré zéro de la politique ?
http://www.huffingtonpost.fr/2017/04/10/cette-etonnante-chanson-de-soutien-a-macron-ne-peut-pas-vous-lai_a_22033722/
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