Toutes les stratégies que les intellectuels et les artistes produisent contre les « bourgeois » tendent inévitablement, en dehors de toute intention expresse et en vertu même de la structure de l’espace dans lequel elles s’engendrent, à être à double effet et dirigées indistinctement contre toutes les formes de soumission aux intérêts matériels, populaires aussi bien que bourgeoises. Bourdieu
Il est tellement stupide. C’est un minable, un chien, un porc, un escroc, un artiste de merde, un roquet qui ne sait pas de quoi il parle, qui ne travaille pas ses sujets, qui se fiche de tout, qui pense qu’il joue avec les gens, qui ne paie pas ses impôts. C’est un abruti. Colin Powell l’a dit mieux que tout le monde : c’est un désastre national. Il est une honte pour ce pays. Cela me met tellement en colère que ce pays soit arrivé au point de mettre cet idiot, ce crétin, là où il est aujourd’hui. Il dit qu’il aimerait donner un coup de poing à des gens ? Eh bien, moi j’aimerais bien lui mettre un coup de poing dans la tronche. Est-ce que c’est le genre de personne que nous voulons comme président ? Je ne crois pas. Ce qui me préoccupe, c’est la direction que prend ce pays et je suis très très inquiet au sujet de la mauvaise direction dans laquelle nous pourrions aller avec quelqu’un comme Donald Trump. Si vous vous intéressez à votre futur, votez. Robert De Niro (2016)
Ce n’est pas un témoin de circonstance, explique un avocat du dossier. Monsieur De Niro n’est pas le quidam qui passe par hasard sur le lieu d’une infraction et à qui on demande de venir raconter ce qu’il a vu. Il est au coeur du dossier.» L’artiste est en effet l’un des clients présumés d’un réseau de prostitution qu’auraient mis sur pied le photographe de charme Jean-Pierre Bourgeois et une ex-mannequin suédoise, Anika Brumarck. La filière a été dénoncée par un informateur anonyme de la BRP en octobre 1996. Elle fonctionnait depuis 1994, comme l’établira rapidement l’information judiciaire, confiée au juge N’Guyen le 24 octobre 1996. Anika Brumarck gérait les opérations depuis son appartement du XVIe arrondissement parisien. Usant de sa profession de photographe, Bourgeois se serait occupé de recruter les jeunes filles, alléchées par des propositions de petits rôles au cinéma ou de modèle photo pour des campagnes publicitaires. «Il a un vrai don pour repérer des proies faciles», assure un enquêteur, qui évoque avec dégoût l’exploitation de ce «sous-prolétariat d’aspirantes à une carrière de figurantes». Catalogue. Etudiantes sans le sou, vendeuses de fast-food, filles de la Ddass se laissent attirer dans l’appartement de Bourgeois, pour une première séance de photos nues, au Polaroïd. Ces clichés sont la base du catalogue qui sera proposé aux «clients». Il comporte sept ou huit noms de prostituées professionnelles haut de gamme, et une quarantaine d’autres, non professionnelles. Ensuite, selon les témoignages de plusieurs filles, Bourgeois propose aux modèles de leur raser une partie du sexe, pour des raisons «esthétiques». Opération généralement suivi d’un rapport sexuel. A ce stade, certaines candidates se rebiffent. Quelques-unes portent plainte pour viol et tentative de viol. D’autres passent le cap, afin de préserver leurs chances de décrocher un contrat, sans savoir qu’elles vont se retrouver dans un réseau de prostitution. Et une partie de celles-ci, confrontées à la réalité de leur premier client, iront également se confier à la justice. Les accusations de violences sexuelles sont d’ailleurs si nombreuses dans ce dossier que le parquet de Paris a décidé de le couper en deux. Le juge N’Guyen instruit donc en parallèle le proxénétisme aggravé et les viols et tentatives liées au réseau, pour lequel il dispose d’une multitude de plaintes de gamines, à l’encontre des instigateurs comme de certains clients. Bourgeois se serait essentiellement occupé de la clientèle moyen-orientale, grâce notamment à ses relations avec Nazihabdulatif Al-Ladki, secrétaire du neveu du roi d’Arabie Saoudite. Bourgeois, Brumarck et Al-Ladki sont actuellement incarcérés à Fleury-Mérogis. La partie américaine aurait été l’affaire du Polonais Wojtek Fibak, ex-tennisman de renom et ex-entraîneur de Lendl et de Leconte. C’est notamment lui qui aurait présenté Bourgeois à De Niro et qui aurait assuré le développement de la clientèle américaine, tout en recrutant de son côté quelques candidates. Pas toutes consentantes, apparemment, puisque Fibak fait lui aussi l’objet d’une mise en examen pour «agression sexuelle et tentative de viol». La déposition de De Niro était nécessaire afin d’établir les faits de proxénétisme. Car l’artiste reconnaît avoir eu des relations sexuelles avec au moins deux jeunes femmes qui lui auraient été présentées par Bourgeois. «Dans ce cas très précis, explique un avocat de la partie civile, c’est le client qui induit le proxénétisme.» Habituellement, le client s’adresse à une fille, la paie et s’en va. Aux policiers de démontrer que le souteneur présumé reçoit une partie des sommes et qu’il vit aux crochets de la belle. «Là, c’est l’inverse, poursuit l’avocat. Le client est d’abord au contact de l’intermédiaire. Le proxénétisme est établi d’emblée. Et le juge était sans doute très intéressé par le carnet d’adresses et les agendas de l’artiste, qui auraient pu révéler d’autres contacts. Libération (1998)
Critics have claimed that corner-clearing and other forms of so-called broken-windows policing are invidiously intended to “control African-American and poor communities,” in the words of Columbia law professor Bernard Harcourt. This critique of public-order enforcement ignores a fundamental truth: It’s the people who live in high-crime areas who petition for “corner-clearing.” The police are simply obeying their will. And when the police back off of such order-maintenance strategies under the accusation of racism, it is the law-abiding poor who pay the price. (…) A 54-year-old grandmother (…) understands something that eludes the activists and academics: Out of street disorder grows more serious crime. (…) After the Freddie Gray riots in April 2016, the Baltimore police virtually stopped enforcing drug laws and other low-level offenses. Shootings spiked, along with loitering and other street disorder. (…) This observed support for public-order enforcement is backed up by polling data. In a Quinnipiac poll from 2015, slightly more black than white voters in New York City said they want the police to “actively issue summonses or make arrests” in their neighborhood for quality-of-life offenses: 61 percent of black voters wanted such summons and arrests, with 33 percent opposed, versus 59 percent of white voters in support, with 37 percent opposed. The wider public is clueless about the social breakdown in high-crime areas and its effect on street life. The drive-by shootings, the open-air drug-dealing, and the volatility and brutality of those large groups of uncontrolled kids are largely unknown outside of inner-city areas. Ideally, informal social controls, above all the family, preserve public order. But when the family disintegrates, the police are the second-best solution for protecting the law-abiding. (That family disintegration now frequently takes the form of the chaos that social scientists refer to as “multi-partner fertility,” in which females have children by several different males and males have children by several different females, dashing hopes for any straightforward reuniting of biological mothers and fathers.) This year in Chicago alone, through August 30, 12 people have been shot a day, for a tally of 2,870 shooting victims, 490 of them killed. (By contrast, the police shot 17 people through August 30, or 0.6 percent of the total.) The reason for this mayhem is that cops have backed off of public-order enforcement. Pedestrian stops are down 90 percent. (…) “Police legitimacy” is a hot topic among academic critics of the police these days. Those critics have never answered the question: What should the police do when their constituents beg them to maintain order? Should the cops ignore them? There would be no surer way to lose legitimacy in the eyes of the people who need them most. Heather Mac Donald
A Chicago police officer who was savagely beaten at a car accident scene this week did not draw her gun on her attacker — even though she feared for her life — because she was afraid of the media attention that would come if she shot him, the city’s police chief said Thursday. Chicago Police Department Superintendent Eddie Johnson said the officer, a 17-year veteran of the force, knew she should shoot the attacker but hesitated because “she didn’t want her family or the department to go through the scrutiny the next day on the national news,” the Chicago Tribune reported. Johnson’s remarks, which came at an awards ceremony for police and firefighters, underscore a point law enforcement officers and some political leaders have pressed repeatedly as crime has risen in Chicago and other major cities: that police are reluctant to use force or act aggressively because they worry about negative media attention that will follow. The issue has become known as the Ferguson effect, named after the St. Louis suburb where a police officer shot and killed an unarmed black teenager in August 2014. The shooting set off protests and riots that summer and eventually gave way to a fevered national debate over race and policing. Many law enforcement officers have said that the intense focus on policing in the time since has put them on the defensive and hindered their work. Criminologists are generally skeptical of the Ferguson effect, many arguing that there simply isn’t enough evidence to definitively link spikes in crime to police acting with increased restraint. President Obama and Attorney General Loretta E. Lynch have also said not enough data exists to draw a clear connection. In Chicago, which has experienced record numbers of homicides this year, Mayor Rahm Emanuel has blamed the surge in violent crime on officers balking during confrontations, saying they have become “fetal” because they don’t want to be prosecuted or fired for their actions. The Washington Post
Deux voitures de police chargées de surveiller une caméra de vidéosurveillance victime de plusieurs attaques à la voiture-bélier ces dernières semaines, ont été prises à partie par de nombreux assaillants, armés de cocktails Molotov ce samedi à Viry-Châtillon (Essonne). L’attaque s’est déroulée dans la difficile cité de la Grande Borne, à cheval entre Grigny et Viry-Châtillon. Deux policiers ont été grièvement brûlés et transportés en urgence à l’hôpital. Le Parisien
D’après Guilluy, cette France périphérique, qui regroupe les anciens prolos et la classe moyenne plus ou moins déclassée ou en voie de l’être, représente 60 % de la population. Et la nouveauté de l’époque, dit-il, c’est que l’économie mondialisée, celle qui est concentrée dans les grandes métropoles, fonctionne parfaitement sans elle. Le signifiant France est en quelque sorte le dernier fil qui la relie à l’Histoire. Tenue à l’écart des grands mouvements économiques, dénoncée comme une entrave à la glorieuse marche du Progrès, menacée de devenir culturellement minoritaire, elle voit de surcroît ceux qui la gouvernent s’attacher à détruire ce à quoi elle tient. Alors elle pense, comme Zemmour, que son identité est menacée de disparition et se bat, dos au mur, pour la défendre. Elisabeth Lévy
This was locker room banter, a private conversation that took place many years ago. Bill Clinton has said far worse to me on the golf course—not even close. I apologise if anyone was offended. Donald Trump
Obviously I’m embarrassed and ashamed. It’s no excuse, but this happened 11 years ago — I was younger, less mature, and acted foolishly in playing along. Billy Bush
I think what we’ve been hearing last Friday night is actually pretty predictable. The Clinton campaign had to change the conversation because she had a lot of really bad news this week. And so this 11-year-old bad boy locker room talk, this is how she wanted to do it. She’s trying to tell the media what she wants them to focus on; the questions she wants Anderson Cooper and the people in the room to ask her on Sunday night. Michelle Bachmann
The sanctimony from many on the left this weekend over Trump’s disgusting comments would be more credible if there had been any such condemnation of Bill Clinton during Gennifer-gate, Paula-gate, Monica-gate, or I-am-sure-there-were-others-gate. We have enjoyed a nearly two-decade marathon of disgust and horror from the Left, from their major pundits in media, from the top elected officials, from the Democratic brass, and from the rank-and-file Democrats who vote and work and live in this country — not disgust and horror at the acts of a serial adulterer or intern-violator — heavens no! Rather, shock and horror at the “sex-obsessed Ken Starr,” as Clinton aide, Paul Begala, so deliciously put it. The sexual obsession was with the man investigating the perjury about the sex, not the man having all of the sex. And why the crazy gymnastics to defend a serial sexual-harasser disbarred for his iniquities? Well, because he was a center-left liberal Democrat, of course. Ergo, “His personal life has nothing to do with anything.” Has the response from these exact same people (not same type of people, but I mean actual same people) been similar with the Trumpian personal conduct? Not quite. Reading their Twitter feeds has felt like my own personal devotion. If I didn’t know better I would guess that overnight every one of these people converted to a strict form of Christianity — and then took a vow of celibacy the next day. The horror at what Trump said and did is not really the issue, as much as the strain on believability their posture now creates. Cigars and interns should be enough to generate a little moral outrage for those who now find Trump’s behavior so lewd and appalling. Daniel L. Bahnsen
Un très vieil enregistrement de Donald Trump d’il y a 10 ans, alors qu’il était invité à participer à une émission de variétés et qu’il ne savait pas que son micro était allumé, vient « miraculeusement » de faire surface, où il parle de ses prouesses avec les femmes dans les termes qu’on utilise dans les salles de garde. Les médias se sont jetés sur cet enregistrement pour assassiner Trump et c’est logique : ils font tout pour que Donald Trump ne soit pas élu. Des politiciens ont déclaré que ces mots disqualifient Donald Trump pour la Maison-Blanche, oubliant que Bill Clinton a été à ce poste tout en se rendant coupable non pas de mots, mais d’agissements sexuels répréhensibles. Donald Trump vient de présenter des excuses publiques pour les propos qu’il a tenus il y a 10 ans. Elles ne seront pas publiées. Les médias feront comme si elles n’existent pas (…) Oui, les médias se sont jetés sur les propos déplacés de Donald Trump et ont étouffé les propos scandaleux de Clinton. Quelle est la valeur de leurs leçons de morale, quand ils restent silencieux concernant la débauche de Bill Clinton — et je ne parle pas ici de Monica Lewinsky ? (…) Vous avez tous connaissance maintenant — ou vous allez bientôt l’apprendre — de l’existence de cet enregistrement où Donald Trump dit, entre autres, « Je suis automatiquement attiré par les belles femmes, c’est comme un aimant… quand vous êtes une star, elles vous laissent faire… vous pouvez tout leur faire. » Mais avez-vous jamais entendu ces mêmes médias rapporter que Bill Clinton a violé Juanita Broaddrick non pas une, mais deux fois, en 1978 alors qu’il était procureur général de l’Arkansas ? Et qu’il l’a harcelée pendant encore 6 mois pour tenter de la rencontrer de nouveau ? Avez-vous entendu parler de Paula Jones, ex-fonctionnaire de l’Arkansas, qui a poursuivi Bill Clinton en justice pour harcèlement sexuel, qui a donné lieu à une compensation de 850 000 dollars, et provoqué la destitution de Clinton la Chambre des représentants, bien avant son impeachment de la présidence dans l’affaire Lewinsky ? Kathleen Willey ? Les médias parlent-ils de Kathleen Willey, cette assistante-bénévole à la Maison-Blanche qui a révélé avoir été sexuellement abusée par le Président Bill Clinton le 29 novembre 1993, durant son premier terme, soit deux ans avant sa relation sexuelle avec Monica Lewinsky ? Eileen Wellstone, violée par Clinton après une rencontre dans un pub d’Oxford University en 1969, Carolyn Moffet, secrétaire juridique à Little Rock en 1979, qui a réussi à fuir de la chambre d’hôtel où le gouverneur Clinton l’avait attirée pour lui demander des faveurs sexuelles, Elizabeth Ward Gracen, Miss Arkansas en 1982, qui a accusé Clinton de la forcer à avoir des rapports sexuels avec elle juste après la compétition pour Miss Arkansas, Becky Brown, la nounou de Chelsea, la fille des Clinton, qu’il a tenté d’attirer dans une chambre pour avoir des relations sexuelles avec elle, Helen Dowdy, la femme d’un cousin d’Hillary, qui a accusé Bill Clinton, en 1986, d’attouchements sexuels lors d’un mariage. Cristy Zercher, hôtesse de l’air lors de la campagne de Clinton de 1991-1992, qui a déclaré à Star magazine avoir été victime des attouchements sexuels de Clinton pendant 40 minutes dans le jet de la campagne sans pouvoir se défendre… Ont-ils rué dans les brancards ? Non. Vous ont-ils informé ? Pas plus. Ont-ils dénoncé le comportement de Hillary Clinton en ses occasions ? Encore moins. Pourquoi ? Parce que les journalistes permettent qu’un homme de leur camp viole des femmes, les agresse sexuellement, forcent une stagiaire à faire des pipes au président dans le bureau ovale, mais ils sont scandalisés qu’un homme de droite prononce des mots sexuellement déplacés. Jean-Patrick Grumberg
Vous allez dans certaines petites villes de Pennsylvanie où, comme dans beaucoup de petites villes du Middle West, les emplois ont disparu depuis maintenant 25 ans et n’ont été remplacés par rien d’autre (…) Et il n’est pas surprenant qu’ils deviennent pleins d’amertume, qu’ils s’accrochent aux armes à feu ou à la religion, ou à leur antipathie pour ceux qui ne sont pas comme eux, ou encore à un sentiment d’hostilité envers les immigrants. Barack Hussein Obama
Part of the reason that our politics seems so tough right now, and facts and science and argument does not seem to be winning the day all the time, is because we’re hard-wired not to always think clearly when we’re scared. Barack Hussein Obama
Pour généraliser, en gros, vous pouvez placer la moitié des partisans de Trump dans ce que j’appelle le panier des pitoyables. Les racistes, sexistes, homophobes, xénophobes, islamophobes. A vous de choisir. Hillary Clinton
Je suis désolé d’être le porteur de mauvaises nouvelles, mais je crois avoir été assez clair l’été dernier lorsque j’ai affirmé que Donald Trump serait le candidat républicain à la présidence des États-Unis. Cette fois, j’ai des nouvelles encore pires à vous annoncer: Donald J. Trump va remporter l’élection du mois de novembre. Ce clown à temps partiel et sociopathe à temps plein va devenir notre prochain président. (…) Jamais de toute ma vie n’ai-je autant voulu me tromper. (…) Voici 5 raisons pour lesquelles Trump va gagner : 1. Le poids électoral du Midwest, ou le Brexit de la Ceinture de rouille 2. Le dernier tour de piste des Hommes blancs en colère 3. Hillary est un problème en elle-même 4. Les partisans désabusés de Bernie Sanders 5. L’effet Jesse Ventura. Michael Moore
Michael Moore se fait l’avocat du diable, il endosse également un costume prophétique, au sens propre mais sécularisé, puisqu’il met en garde son peuple et l’appelle à se repentir et marcher à nouveau dans le droit chemin. On répète depuis un an que Trump n’a aucune chance: il ne va pas durer, sa candidature va faire long feu, il ne va pas passer le Super Tuesday, il ne va pas rester en tête, il va y avoir une convention contestée et il n’aura pas l’investiture. On voit l’acuité de ces prédictions aujourd’hui. Moore utilise donc une autre tactique: il présente la victoire de Trump non plus comme fortement improbable car irrationnelle mais au contraire comme une quasi-certitude. Le titre anglais de son texte est «Why Trump will win», pourquoi il va gagner. On ne se demande plus s’il va gagner, il s’agit désormais d’en expliquer les raisons. Ce fait accompli a pour fonction de surprendre, d’attirer l’attention du lecteur-cliqueur, en lui faisant peur. Cette stratégie de la peur a pour fonction de mobiliser contre Trump, d’abord, et indirectement en faveur d’Hillary Clinton, mais on voit bien que Clinton n’existe que pour faire barrage à Trump. (…) La victoire du Brexit, qui a surpris bien des analystes, renforce le message de Moore: c’est arrivé là-bas, ça peut arriver ici – ça va arriver ici, sauf si vous m’écoutez… (…) attirer l’attention sur les Etats de la Rust Belt est pertinent. Ce sont des Etats que l’on a laissés pour morts, économiquement et politiquement, à partir des années 1980. Ils étaient en perte de vitesse et on n’avait d’yeux que pour la Sun Belt. Certes la Floride a été décisive en 2000 mais en 2012, la victoire d’Obama a été proclamée avant même que l’on connaisse le résultat en Floride. En 2004, la victoire de Bush s’est décidée dans l’Ohio, qui passe pour l’Etat clé par excellence. Son calcul est un peu simpliste: il a manqué 64 grands électeurs à Mitt Romney et les quatre Etats de la Rust Belt qu’il mentionne (Michigan, Wisconsin, Ohio et Pennsylvanie) totalisent justement 64 grands électeurs. (…) il faut envisager l’élection au niveau local, pas national. Et les enjeux régionaux de la Rust Belt reviennent sur le devant de la scène. Reste à voir s’ils seront déterminants d’ici novembre et s’ils suffiront à dépasser les autres questions. (…) La longévité de Trump dans cette élection en dit long sur le niveau d’exaspération des électeurs américains envers leur classe politique. Trump est le symptôme plutôt que le mal: il montre à quel point le rejet est fort, notamment côté républicain. Cette longévité de Trump me semble d’abord et avant tout traduire l’exaspération d’une partie de l’électorat avec «Washington», le jusqu’au-boutisme, l’inefficacité, le carriérisme coupé des intérêts des électeurs, la suspicion que les élus travaillent davantage pour les lobbies que pour les électeurs. Trump n’est pas tant perçu par ses partisans comme un clown que comme un rebelle: celui qui va mettre un coup de pied dans la fourmilière, celui qui va s’affranchir du politiquement correct qui, selon eux, a installé une chape de plomb discursive notamment sur les «non minorités» (où l’on retrouve les hommes blancs hétérosexuels). Ils saluent plus la transgression symbolique d’un ordre moral qu’ils récusent (mis en place par les composantes de la coalition démocrate) que la clownerie en tant que telle. Evidemment il y a un côté «poli-tainment», «show business» dans lequel Trump excelle: il fait de la campagne une sorte de gigantesque série de télé réalité. Mais ils utilisent Trump surtout comme vecteur d’une forme de revanche symbolique sur le politiquement correct. (…) la clé de l’élection sera la mobilisation des électeurs en nombre. Les proportions de tel ou tel groupe que nous donnent les sondages sont une indication assez trompeuse. Il ne s’agit pas de savoir si tel ou tel candidat emporte tel groupe – y est majoritaire – mais combien d’électeurs il ou elle arrive à déplacer le jour J. Moore a raison de rappeler que c’est surtout dans l’électorat démocrate qu’on trouve les électeurs les plus vulnérables, ceux qui ont le plus de difficultés logistiques à voter, ceux à qui les Etats tenus par les Républicains imposent la présentation de pièces d’identité qu’ils n’ont pas forcément et qui, du coup, les découragent. De ce fait, beaucoup d’électeurs démocrates potentiels (noirs et hispaniques) font défaut, ce qui peut faire basculer un Etat-clé. Ces derniers jours, un certain nombre de lois dans ce sens ont été invalidées car exagérément restrictives, ou carrément racistes dans leur logique. C’est un des enjeux de la campagne. Mais il y en a d’autres: en amont il faut aller voir les gens, faire du porte à porte et les persuader de voter alors qu’ils n’en ont pas forcément l’habitude. (….) Autre enjeu, ceux qui n’ont pas de difficulté logistique pour voter, qui n’ont pas deux emplois dans la journée et qui ne sont pas des minorités: les jeunes blancs. Il y a deux profils: les jeunes votent peu dans l’ensemble, ce sont donc des voix perdues pour les démocrates. Et il y a les jeunes pro-Sanders, qui étaient très hostiles à Clinton. Lauric Henneton (Université de Versailles Saint-Quentin-en-Yvelines)
Il est vrai qu’il existe actuellement, dans chaque parti, un schisme entre les défenseurs de l’«establishment» et un courant populiste. La principale différence, c’est que chez les républicains, ce sont les populistes qui ont gagné, alors que les démocrates ont fini par adouber un candidat de l’ «establishment». Cette situation est pour le moins paradoxal, étant donné que ce sont les démocrates qui se considèrent traditionnellement comme le parti des petits gens, de l’Américain moyen. (…) Femmes, Afro-Américains, Hispaniques, diplômés – voilà les groupes qui soutiennent Clinton, souvent massivement (autour de 76% des Hispaniques, par exemple). Trump, par contre, est essentiellement le candidat d’un électorat blanc, populaire et masculin. On parle beaucoup aux États-Unis du déclin de cette population longtemps dominant. Mais pour le moment, l’électorat populaire blanc demeure assez important, représentant, par exemple, 44% de ceux qui ont voté en 2012. La question est de savoir si une coalition hétéroclite et multiculturelle qui annonce l’avenir se révélera plus puissante que le ressentiment blanc qui s’exprime à travers Trump. (…) Il s’agit d’un effet «apprenti sorcier»: depuis des décennies, au moins depuis Nixon, la stratégie électorale républicaine consiste à attiser les craintes et les rancœurs d’un électorat blanc et populaire, insistant en particulier sur les questions culturelles sur lesquelles ils divergent avec la gauche: la religion, l’avortement, le droit de s’armer, le patriotisme. Cette population s’estime souvent menacée par l’immigration et la discrimination positive en faveur des minorités. Mais les républicains ont toujours su récolter les voix de cet électorat tout en défendant une politique économique libérale favorisée par le monde des affaires et de la finance, axé sur le libre-échange ainsi que la réduction de la fiscalité et des dépenses sociales. Au point que certains se demandent si l’électorat populaire républicain a vraiment profité des politiques économiques qu’il a rendues possibles. Trump représente, si vous voulez, l’émancipation de cet électorat populaire républicain vis-à-vis d’un «establishment» plus libéral (au sens européen) que proprement conservateur. Si Trump a compris au moins une chose, c’est qu’il y avait une demande pour un candidat aux valeurs conservatrices (même si Trump ne satisfait lui-même cette critère que grâce à une hypocrisie plus ou moins tolérée), mais dont la politique économique serait «souverainiste» et nationaliste. L’«establishment» républicain ne maitrise ainsi plus les angoisses d’un électorat qu’il a longtemps cherché à encourager. Le ton agressif et provocateur du discours du Trump ne sort pas non plus de nulle part: il prend le relais des contestataires du Tea Party, des républicains au Congrès qui ont mené une obstruction systématique contre la politique du Président Obama, etc. (…) Trump et Sanders se sont fait chacun le champion des Américains qui pâtissent de la mondialisation et des politiques économiques libre-échangistes poursuivies depuis des années. Mais la ressemblance s’arrête là. En fait, il est difficile d’imaginer deux lignes politiques plus éloignées l’un de l’autre. Trump est l’incarnation de la corruption de la vie politique par les grandes fortunes contre lequel Sanders et ses supporteurs s’insurgent. Si Sanders dénonce, comme Trump, des traités de libre-échange comme étant peu favorables aux ouvriers, il demande pourtant la régularisation des «sans papiers» (moyennant une réforme du système actuel d’immigration), alors que le discours de Trump est franchement xénophobe: déportation des «sans papiers», interdiction provisoire des Musulmans du territoire national, construction d’un mur le long de la frontière mexicaine. On est donc bien loin d’un véritable rapprochement idéologique. (…) Ces mouvements, me semblent-ils, reposent sur deux craintes: une angoisse vis-à-vis de la mondialisation, et des doutes sur l’état de santé de la démocratie. Ses craintes sont souvent liées, la mondialisation et la montée des inégalités étant suspects de mettre à mal la démocratie. Ce qu’on appelle le «déficit démocratique» dans l’Union européenne est devenu un souci plus général. Toutefois il y a des points de discordes majeures à l’intérieur de ces mouvements «anti-systèmes», comme on le voit entre Trump et Sanders, dans les débats autour du Brexit, ou dans les antilibéraux de droite et de gauche en France. Certains, comme Trump et certains partisans du Brexit, rejettent la mondialisation en prônant un repli national, au point d’assumer une certaine xénophobie comme une conséquence logique du protectionnisme. D’autres, comme Sanders ou même Nuit Debout, veulent limiter le libre-échange et le flux des capitaux tout en favorisant les flux migratoires, du moins par la régularisation des «sans-papiers». Pour le moment, c’est plutôt les premiers qui semblent avoir le vent en poupe. (…) Contrairement à ce qu’on a pu penser il y a encore quelques mois, oui, il est tout à fait possible que Trump remporte le scrutin du 8 novembre. Mais la campagne fortement clivante qu’il mène, ainsi que l’histoire électorale récente suggèrent que pour Trump, la voie menant vers la Maison-Blanche reste très étroite. Ces propos qui plaisent à un électoral blanc populaire lui font perdre des voix chez les diplômés. D’autre part, dans les élections américaines, il faut remporter des Etats: pour le moment, Trump n’a jamais eu de solides longueurs d’avances dans les «swing states» (état balançoires) tels que la Floride, l’Ohio, ou la Pennsylvanie, qu’il lui faudra gagner impérativement pour faire mieux que Mitt Romney en 2012. Candidat improviste, Trump n’a pas, comme son rival, sollicité des fonds de la campagne de façon méthodique, et a donc un déficit financier important vis-à-vis des démocrates. Bien sûr, très peu de gens ont cru que Trump arriverait à ce point. Mais pour être élu président, il lui faudra continuer à surmonter les obstacles considérables qui se profilent devant lui. Michael C. Behrent (Appalachian State University, Caroline du Nord)
Experts et commentateurs se sont, dans leur grande majorité, mis le doigt dans l’œil parce qu’ils pensent à l’intérieur du système. À Paris comme à Washington, on reste persuadé qu’un «outsider» n’a aucune chance face aux appareils des partis, des lobbies et des machines électorales. Que ce soit dans notre monarchie républicaine ou dans leur hiérarchie de Grands Électeurs, si l’on n’est pas un familier du sérail, on n’existe pas. Tout le dédain et la condescendance envers Trump, qui n’était jusqu’ici connu que par ses gratte-ciel et son émission de téléréalité, pouvaient donc s’afficher envers cette grosse brute qui ne sait pas rester à sa place. On connaît la suite. (…) Trump est l’un des premiers à avoir compris et utilisé la désintermédiation. Ce n’est pas vraiment l’ubérisation de la politique, mais ça y ressemble quelque peu. Quand je l’ai interrogé sur le mouvement qu’il suscitait dans la population américaine, il m’a répondu: Twitter, Facebook et Instagram. Avec ses 15 millions d’abonnés, il dispose d’une force de frappe avec laquelle il dialogue sans aucun intermédiaire. Il y a trente ans, il écrivait qu’aucun politique ne pouvait se passer d’un quotidien comme le New York Times. Aujourd’hui, il affirme que les réseaux sociaux sont beaucoup plus efficaces – et beaucoup moins onéreux – que la possession de ce journal. (…) Là-bas comme ici, l’avenir n’est plus ce qu’il était, la classe moyenne se désosse, la précarité est toujours prégnante, les attentats terroristes ne sont plus, depuis un certain 11 septembre, des images lointaines vues sur petit ou grand écran. (…) Et la fureur s’explique par le décalage entre la ritournelle de «Nous sommes la plus grande puissance et le plus beau pays du monde» et le «Je n’arrive pas à finir le mois et payer les études de mes enfants et l’assurance médicale de mes parents». Sans parler de l’écart toujours plus abyssal entre riches et modestes. (…) Il existe, depuis quelques années, un étonnant rapprochement entre les problématiques européennes et américaines. Qui aurait pu penser, dans ce pays d’accueil traditionnel, que l’immigration provoquerait une telle hostilité chez certains, qui peut permettre à Trump de percer dans les sondages en proclamant sa volonté de construire un grand mur? Il y a certes des points communs avec Marine Le Pen, y compris dans la nécessité de relocaliser, de rebâtir des frontières et de proclamer la grandeur de son pays. Mais évidemment, Trump a d’autres moyens que la présidente du Front National… De plus, répétons-le, c’est d’abord un pragmatique et un négociateur. Je ne crois pas que ce soit les qualités les plus apparentes de Marine Le Pen… (…) Son programme économique le situe beaucoup plus à gauche que les caciques Républicains et les néo-conservateurs proches d’Hillary Clinton qui le haïssent, parce que lui croit, dans certains domaines, à l’intervention de l’État et aux limites nécessaires du laisser-faire, laisser-aller. (…) Il ne ménage personne et peut aller beaucoup plus loin que Marine Le Pen, tout simplement parce qu’il n’a jamais eu à régler le problème du père fondateur et encore moins à porter le fardeau d’une étiquette tout de même controversée. Sa marque à lui, ce n’est pas la politique, mais le bâtiment et la réussite. Ça change pas mal de choses. (…) il trouve insupportable que des villes comme Paris et Bruxelles, qu’il adore et a visitées maintes fois, deviennent des camps retranchés où l’on n’est même pas capable de répliquer à un massacre comme celui du Bataclan. On peut être vent debout contre le port d’arme, mais, dit-il, s’il y avait eu des vigiles armés boulevard Voltaire, il n’y aurait pas eu autant de victimes. Pour lui, un pays qui ne sait pas se défendre est un pays en danger de mort. (…) Il s’entendra assez bien avec Poutine pour le partage des zones d’influence, et même pour une collaboration active contre Daesh et autres menaces, mais, comme il le répète sur tous les tons, l’Amérique de Trump ne défendra que les pays qui paieront pour leur protection. Ça fait un peu Al Capone, mais ça a le mérite de la clarté. Si l’Europe n’a pas les moyens de protéger son identité, son mode de vie, ses valeurs et sa culture, alors, personne ne le fera à sa place. En résumé, pour Trump, la politique est une chose trop grave pour la laisser aux politiciens professionnels, et la liberté un état trop fragile pour la confier aux pacifistes de tout poil. André Bercoff
La grande difficulté, avec Donald Trump, c’est qu’on est à la fois face à une caricature et face à un phénomène bien plus complexe. Une caricature d’abord, car tout chez lui, semble magnifié. L’appétit de pouvoir, l’ego, la grossièreté des manières, les obsessions, les tweets épidermiques, l’étalage voyant de son succès sur toutes les tours qu’il a construites et qui portent son nom. Donald Trump joue en réalité à merveille de son côté caricatural, il simplifie les choses, provoque, indigne, et cela marche parce que notre monde du 21e siècle se gargarise de ces simplifications outrancières, à l’heure de l’information immédiate et fragmentée. La machine médiatique est comme un ventre qui a toujours besoin de nouveaux scandales et Donald, le commercial, le sait mieux que personne, parce qu’il a créé et animé une émission de téléréalité pendant des années. Il sait que la politique américaine actuelle est un grand cirque, où celui qui crie le plus fort a souvent raison parce que c’est lui qui «fait le buzz». En même temps, ne voir que la caricature qu’il projette serait rater le phénomène Trump et l’histoire stupéfiante de son succès électoral. Derrière l’image télévisuelle simplificatrice, se cache un homme intelligent, rusé et avisé, qui a géré un empire de milliards de dollars et employé des dizaines de milliers de personnes. Ce n’est pas rien! Selon plusieurs proches du milliardaire que j’ai interrogés, Trump réfléchit de plus à une candidature présidentielle depuis des années, et il a su capter, au-delà de l’air du temps, la colère profonde qui traversait l’Amérique, puis l’exprimer et la chevaucher. Grâce à ses instincts politiques exceptionnels, il a vu ce que personne d’autre – à part peut-être le démocrate Bernie Sanders – n’avait su voir: le gigantesque ras le bol d’un pays en quête de protection contre les effets déstabilisants de la globalisation, de l’immigration massive et du terrorisme islamique; sa peur du déclin aussi. En ce sens, Donald Trump s’est dressé contre le modèle dominant plébiscité par les élites et a changé la nature du débat de la présidentielle. Il a remis à l’ordre du jour l’idée de protection du pays, en prétendant au rôle de shérif aux larges épaules face aux dangers d’un monde instable et dangereux. Cela révèle au minimum une personnalité sacrément indépendante, un côté indomptable qui explique sans doute l’admiration de ses partisans…Ils ont l’impression que cet homme explosif ne se laissera impressionner par rien ni personne. Beaucoup des gens qui le connaissent affirment d’ailleurs que Donald Trump a plusieurs visages: le personnage public, flashy, égotiste, excessif, qui ne veut jamais avouer ses faiblesses parce qu’il doit «vendre» sa marchandise, perpétuer le mythe, et un personnage privé plus nuancé, plus modéré et plus pragmatique, qui sait écouter les autres et ne choisit pas toujours l’option la plus extrême…Toute la difficulté et tout le mystère, pour l’observateur est de s’y retrouver entre ces différents Trump. C’est loin d’être facile, surtout dans le contexte de quasi hystérie qui règne dans l’élite médiatique et politique américaine, tout entière liguée contre lui. Il est parfois très difficile de discerner ce qui relève de l’analyse pertinente ou de la posture de combat anti-Trump. (…) à de rares exceptions près, les commentateurs n’ont pas vu venir le phénomène Trump, parce qu’il était «en dehors des clous», impensable selon leurs propres «grilles de lecture». Trop scandaleux et trop extrême, pensaient-ils. Il a fait exploser tant de codes en attaquant ses adversaires au dessous de la ceinture et s’emparant de sujets largement tabous, qu’ils ont cru que «le grossier personnage» ne durerait pas! Ils se sont dit que quelqu’un qui se contredisait autant ou disait autant de contre vérités, finirait par en subir les conséquences. Bref, ils ont vu en lui soit un clown soit un fasciste – sans réaliser que toutes les inexactitudes ou dérapages de Trump lui seraient pardonnés comme autant de péchés véniels, parce qu’il ose dire haut et fort ce que son électorat considère comme une vérité fondamentale: à savoir que l’Amérique doit faire respecter ses frontières parce qu’un pays sans frontières n’est plus un pays. Plus profondément, je pense que les élites des deux côtes ont raté le phénomène Trump (et le phénomène Sanders), parce qu’elles sont de plus en plus coupées du peuple et de ses préoccupations, qu’elles vivent entre elles, se cooptent entre elles, s’enrichissent entre elles, et défendent une version «du progrès» très post-moderne, détachée des préoccupations de nombreux Américains. Soyons clairs, si Trump est à bien des égards exaspérant et inquiétant, il y a néanmoins quelque chose de pourri et d’endogame dans le royaume de Washington. Le peuple se sent hors jeu. (…) Ce statut de milliardaire du peuple est crédible parce qu’il ne s’est jamais senti membre de l’élite bien née, dont il aime se moquer en la taxant «d’élite du sperme chanceux». Cette dernière ne l’a d’ailleurs jamais vraiment accepté, lui le parvenu de Queens, venu de la banlieue, qui aime tout ce qui brille. Il ne faut pas oublier en revanche que Donald a grandi sur les chantiers de construction, où il accompagnait son père déjà tout petit, ce qui l’a mis au contact des classes populaires. Il parle exactement comme eux! Quand je me promenais à travers l’Amérique à la rencontre de ses électeurs, c’est toujours ce dont ils s’étonnaient. Ils disaient: «Donald parle comme nous, pense comme nous, est comme nous». Le fait qu’il soit riche, n’est pas un obstacle parce qu’on est en Amérique, pas en France. Les Américains aiment la richesse et le succès. (…) L’un des atouts de Trump, pour ses partisans, c’est qu’il est politiquement incorrect dans un pays qui l’est devenu à l’excès. Sur l’islam radical (qu’Obama ne voulait même pas nommer comme une menace!), sur les maux de l’immigration illégale et maints autres sujets. Ses fans se disent notamment exaspérés par le tour pris par certains débats, comme celui sur les toilettes «neutres» que l’administration actuelle veut établir au nom du droit des «personnes au genre fluide» à «ne pas être offensés». Ils apprécient que Donald veuille rétablir l’expression de Joyeux Noël, de plus en plus bannie au profit de l’expression Joyeuses fêtes, au motif qu’il ne faut pas risquer de blesser certaines minorités religieuses non chrétiennes…Ils se demandent pourquoi les salles de classe des universités, lieu où la liberté d’expression est supposée sacro-sainte, sont désormais surveillées par une «police de la pensée» étudiante orwellienne, prête à demander des comptes aux professeurs chaque fois qu’un élève s’estime «offensé» dans son identité…Les fans de Trump sont exaspérés d’avoir vu le nom du club de football américain «Red Skins» soudainement banni du vocabulaire de plusieurs journaux, dont le Washington Post, (et remplacé par le mot R…avec trois points de suspension), au motif que certaines tribus indiennes jugeaient l’appellation raciste et insultante. (Le débat, qui avait mobilisé le Congrès, et l’administration Obama, a finalement été enterré après de longs mois, quand une enquête a révélé que l’écrasante majorité des tribus indiennes aimait finalement ce nom…). Dans ce contexte, Trump a été jugé«rafraîchissant» par ses soutiens, presque libérateur. (…) Pour moi, le phénomène Trump est la rencontre d’un homme hors normes et d’un mouvement de rébellion populaire profond, qui dépasse de loin sa propre personne. C’est une lame de fond, anti globalisation et anti immigration illégale, qui traverse en réalité tout l’Occident. Trump surfe sur la même vague que les politiques britanniques qui ont soutenu le Brexit, ou que Marine Le Pen en France. La différence, c’est que Trump est une version américaine du phénomène, avec tout ce que cela implique de pragmatisme et d’attachement au capitalisme. (…) Trump n’est pas un idéologue. Il a longtemps été démocrate avant d’être républicain et il transgresse les frontières politiques classiques des partis. Favorable à une forme de protectionnisme et une remise en cause des accords de commerce qui sont défavorables à son pays, il est à gauche sur les questions de libre échange, mais aussi sur la protection sociale des plus pauvres, qu’il veut renforcer, et sur les questions de société, sur lesquelles il affiche une vision libérale de New Yorkais, certainement pas un credo conservateur clair. De ce point de vue là, il est post reaganien. Mais Donald Trump est clairement à droite sur la question de l’immigration illégale et des frontières, et celle des impôts. Au fond, c’est à la fois un marchand et un nationaliste, qui se voit comme un pragmatique, dont le but sera de faire «des bons deals» pour son pays. Il n’est pas là pour changer le monde, contrairement à Obama. Ce qu’il veut, c’est remettre l’Amérique au premier plan, la protéger. Son instinct de politique étrangère est clairement du côté des réalistes et des prudents, car Trump juge que les Etats-Unis se sont laissé entrainer dans des aventures qui les ont affaiblis et n’ont pas réglé les crises. Il ne veut plus d’une Amérique jouant les gendarmes du monde. Mais vu sa tendance aux volte face et vu ce qu’il dit sur le rôle que devrait jouer l’Amérique pour venir à bout de la menace de l’islam radical, comme elle l’a fait avec le nazisme et le communisme, Donald Trump pourrait fort bien changer d’avis, et revenir à un credo plus interventionniste avec le temps. Ses instincts sont au repli, mais il reste largement imprévisible. (…) De nombreuses questions se posent sur son caractère, ses foucades, son narcissisme et sa capacité à se contrôler, si importante chez le président de la première puissance du monde! Je ne suis pas pour autant convaincue par l’image de «Hitler», fasciste et raciste, qui lui a été accolée par la presse américaine. Hitler avait écrit Mein Kamp. Donald Trump, lui, a écrit «L ‘art du deal» et avait envisagé juste après la publication de ce premier livre, de se présenter à la présidence en prenant sur son ticket la vedette de télévision afro-américaine démocrate Oprah Winfrey, un élément qui ne colle pas avec l’image d’un raciste anti femmes! Ses enfants et nombre de ses collaborateurs affirment qu’il ne discrimine pas les gens en fonction de leur sexe ou de la couleur de leur peau, mais en fonction de leurs mérites, et que c’est pour cette même raison qu’il est capable de s’en prendre aux représentants du sexe faible ou des minorités avec une grande brutalité verbale, ne voyant pas la nécessité de prendre des gants. Les questions les plus lourdes concernant Trump, sont selon moi plutôt liées à la manière dont il réagirait, s’il ne parvenait pas à tenir ses promesses, une fois à la Maison-Blanche. Tout président américain est confronté à la complexité de l’exercice du pouvoir dans un système démocratique extrêmement contraignant. Cet homme d’affaires habitué à diriger un empire immobilier pyramidal, dont il est le seul maître à bord, tenterait-il de contourner le système pour arriver à ses fins et prouver au peuple qu’il est bien le meilleur, en agissant dans une zone grise, avec l’aide des personnages sulfureux qui l’ont accompagné dans ses affaires? Et comment se comporterait-il avec ses adversaires politiques ou les représentants de la presse, vu la brutalité et l’acharnement dont il fait preuve envers ceux qui se mettent sur sa route? Hériterait-on d’un Berlusconi ou d’un Nixon puissance 1000? Autre interrogation, vu la fascination qu’exerce sur lui le régime autoritaire de Vladimir Poutine: serait-il prêt à sacrifier le droit international et l’indépendance de certains alliés européens, pour trouver un accord avec le patron du Kremlin sur les sujets lui tenant à cœur, notamment en Syrie? Bref, pourrait-il accepter une forme de Yalta bis, et remettre en cause le rôle de l’Amérique dans la défense de l’ordre libéral et démocratique de l’Occident et du monde depuis 1945? Autant de questions cruciales auxquelles Donald Trump a pour l’instant répondu avec plus de désinvolture que de clarté. Laure Mandeville
Mépris de la classe ouvrière blanche par des élites toujours plus déconnectées du réel, réformes sociétales – entre mariage et toilettes pour tous – proprement délirantes, casseroles de la candidate démocrate, déception des jeunes soutiens de Bernie Sanders, effet Jesse Ventura …
Et si pour une fois le bouffon de gauche Michael Moore avait raison ?
Alors qu’avec la dernière ligne droite de la présidentielle, s’accumulent les coups bas à l’encontre des conversations et du comportement de corps de garde – depuis longtemps connus mais cette fois sortis par rien de moins et bien involontairement qu’un cousin des frères Bush – du seul candidat républicain face à une candidate dont l’ancien président de mari n’a pas exactement de leçon à donner dans le domaine …
(A quand, pour le bannissement final de ce nouvel avatar de l’Oedipe des tragédies grecques de nos classes de lycée, la sortie d’accusations d’inceste, de parricide ou de déclenchement de la peste?)
Pendant que des deux côtés de l’Atlantique, c’est la sécurité des plus démunis que l’on sacrifie lorsque l’on abandonne des quartiers entiers à la pire des racailles …
Comment ne pas voir avec la correpondante du Figaro Laure Mandeville et les rares commentateurs – le bouffon gauchiste Michael Moore compris – qui s’en donnent la peine …
Et quelque soit l’issue du scrutin et le côté de l’Atlantique …
La vague de colère et son envers de saut dans l’inconnu qu’incarne le candidat au nom prédestiné (Trump, comme on le sait, désigne en anglais l’atout qui surcoupe toutes les autres cartes) …
Contre la « digue du statu quo », de l’aveuglement volontaire et du politiquement correct « défendue bec et ongles par les élites » ?
Laure Mandeville : «Le débat Trump/Clinton peut être un show Shakespeare trash»
Vincent Tremolet de Villers
Le Figaro
07/10/2016
FIGAROVOX/GRAND ENTRETIEN – A l’occasion de la publication de «Qui est vraiment Donald Trump?», Laure Mandeville a accordé un entretien fleuve au FigaroVox. La journaliste décrit un homme complexe, moins caricatural que l’image qu’il renvoie.
Grand reporter au Figaro, Laure Mandeville est chef du bureau Amérique depuis 2009. Elle suit le candidat républicain depuis le début de la campagne et vient de publier Qui est vraiment Donald Trump?aux éditions des Équateurs.
FIGAROVOX. La vidéo tout juste sortie montrant Donald Trump en 2005 en train de proférer des propos obscènes sur la manière dont il a tenté de séduire une femme mariée, peut-elle le discréditer définitivement?
-Laure MANDEVILLE. -Cette vidéo d’ une incroyable vulgarité est dévastatrice pour Donald Trump à la veille d’un deuxième débat crucial, dans la dernière ligne droite de la campagne. Elle ouvre un boulevard à l’équipe Clinton pour enfoncer le clou sur le sexisme du candidat républicain et ses manières grossières. La publication de cette vidéo filmée en privé à l’insu du candidat en 2005 , dont le timing n’est certainement pas un hasard, a d’ailleurs envoyé une onde de choc dans le parti républicain. (Il est intéressant de noter qu’il s’agit du cousin de Jeb Bush, Bill Bush, ce qui ressemble fort à une vengeance de la famille Bush contre Trump). Le Speaker Ryan, qui devait se produire avec Donald Trump dans un meeting pour la première fois, a annulé l’événement et vertement condamné les propos de Trump, se disant choqué et troublé. Plusieurs élus de droite l’appellent à la démission. Le politologue Larry Sabato parle d’un coup de couteau dans le cœur de Trump à la veille du débat. Est-ce pour autant la fin? Pas sûr. Donald Trump s’est excusé platement pour avoir prononcé ces paroles insultantes pour les femmes et sous entendu qu’Hillary n’avait pas de leçon à lui donner, vu le comportement de son mari dans le passé. Il est probable que ses fans, qui connaissent depuis longtemps ses faiblesses d’alpha mâle prompt à un comportement de corps de garde, ne l’abandonneront pas à ce stade. Mais la question est de savoir si les hésitants jugeront que cette affaire est la goutte d’eau qui fait déborder le vase. Tout dépendra sans doute du comportement de Donald Trump pendant le débat. D’après les informations que j’ai pu obtenir à Washington auprès de certains conseillers du milliardaire, son entourage lui conseillerait de renouveler platement ses excuses pendant le débat, et de rappeler que ces conversations de vestiaire pour hommes, se sont produites à une époque où il n’était pas un politique. Ils lui auraient conseillé de ne pas se laisser aller à des attaques sur Bill au dessous de la ceinture, jeu auquel il pourrait se retrouver très vite perdant, mais montrer qu’il veut parler des sujets essentiels, et poursuivre sa conversation avec le peuple américain sur le changement qu’il entend incarner. Bien sûr, Hillary tentera sans doute de le pousser à la faute, car sa propre campagne est bâtie autour de l’idée que Trump est inapte à la présidence. Nous verrons s’il se laisse piéger, comme il l’a fait pendant le premier débat. Ce qui est sûr est que l’incident va sûrement pousser des dizaines de millions d’Américains à se remettre devant leurs postes de télévision dimanche, pour un show susceptible d’être du Shakespeare version trash.
Vous consacrez un livre* à Donald Trump que vous suivez pour Le Figaro depuis le début de la campagne. A vous lire, on a l’impression qu’un Trump médiatique (mèche de cheveux, vulgarité etc…) cache un Donald Trump plus complexe. Est-ce le cas?
La grande difficulté, avec Donald Trump, c’est qu’on est à la fois face à une caricature et face à un phénomène bien plus complexe. Une caricature d’abord, car tout chez lui, semble magnifié. L’appétit de pouvoir, l’ego, la grossièreté des manières, les obsessions, les tweets épidermiques, l’étalage voyant de son succès sur toutes les tours qu’il a construites et qui portent son nom. Donald Trump joue en réalité à merveille de son côté caricatural, il simplifie les choses, provoque, indigne, et cela marche parce que notre monde du 21e siècle se gargarise de ces simplifications outrancières, à l’heure de l’information immédiate et fragmentée. La machine médiatique est comme un ventre qui a toujours besoin de nouveaux scandales et Donald, le commercial, le sait mieux que personne, parce qu’il a créé et animé une émission de téléréalité pendant des années. Il sait que la politique américaine actuelle est un grand cirque, où celui qui crie le plus fort a souvent raison parce que c’est lui qui «fait le buzz».
En même temps, ne voir que la caricature qu’il projette serait rater le phénomène Trump et l’histoire stupéfiante de son succès électoral. Derrière l’image télévisuelle simplificatrice, se cache un homme intelligent, rusé et avisé, qui a géré un empire de milliards de dollars et employé des dizaines de milliers de personnes. Ce n’est pas rien! Selon plusieurs proches du milliardaire que j’ai interrogés, Trump réfléchit de plus à une candidature présidentielle depuis des années, et il a su capter, au-delà de l’air du temps, la colère profonde qui traversait l’Amérique, puis l’exprimer et la chevaucher. Grâce à ses instincts politiques exceptionnels, il a vu ce que personne d’autre – à part peut-être le démocrate Bernie Sanders – n’avait su voir: le gigantesque ras le bol d’un pays en quête de protection contre les effets déstabilisants de la globalisation, de l’immigration massive et du terrorisme islamique; sa peur du déclin aussi. En ce sens, Donald Trump s’est dressé contre le modèle dominant plébiscité par les élites et a changé la nature du débat de la présidentielle. Il a remis à l’ordre du jour l’idée de protection du pays, en prétendant au rôle de shérif aux larges épaules face aux dangers d’un monde instable et dangereux.
Cela révèle au minimum une personnalité sacrément indépendante, un côté indomptable qui explique sans doute l’admiration de ses partisans…Ils ont l’impression que cet homme explosif ne se laissera impressionner par rien ni personne. Beaucoup des gens qui le connaissent affirment d’ailleurs que Donald Trump a plusieurs visages: le personnage public, flashy, égotiste, excessif, qui ne veut jamais avouer ses faiblesses parce qu’il doit «vendre» sa marchandise, perpétuer le mythe, et un personnage privé plus nuancé, plus modéré et plus pragmatique, qui sait écouter les autres et ne choisit pas toujours l’option la plus extrême…Toute la difficulté et tout le mystère, pour l’observateur est de s’y retrouver entre ces différents Trump. C’est loin d’être facile, surtout dans le contexte de quasi hystérie qui règne dans l’élite médiatique et politique américaine, tout entière liguée contre lui. Il est parfois très difficile de discerner ce qui relève de l’analyse pertinente ou de la posture de combat anti-Trump. Dans le livre, je parle d’une expérience schizophrénique, tant le fossé est grand entre la perception des partisans de Trump et celle de ses adversaires. Au fond, Trump reste largement insaisissable, malgré les millions d’articles qui lui sont consacrés.
En quoi son enfance et la figure de son père éclairent-elles son parcours?
Donald Trump a plusieurs fois raconté qu’il n’avait pas fondamentalement changé depuis le cours préparatoire. C’est dire si l’enfance compte pour cerner sa turbulente personnalité! Il a toujours été un leader, mais aussi un rebelle, une forte tête, qui bombardait ses instituteurs de gommes et tirait les cheveux des filles même si c’était un bon élève. A l’école élémentaire, le coin réservé au piquet, avait même été baptisé de ses initiales, DT, parce qu’il y séjournait souvent! A l’âge de 13 ans, son père décide même de l’envoyer à l’Académie militaire de New York pour le dresser, parce que, inspiré par West Side story, Donald a été pris en train de fomenter une descente avec sa bande dans Manhattan, avec des lames de rasoir!
Cela vous donne une idée du profil psychologique du père Fred Trump, un homme intransigeant et autoritaire, qui a eu une influence décisive dans la formation de la personnalité de son fils. Fred s’était fait à la force du poignet, en amassant un capital de plusieurs millions de dollars grâce à la construction d’immeubles d’habitation pour les classes populaires à Brooklyn, et il a clairement fait de Donald son héritier, brisant et déshéritant en revanche le fils aîné, Fred Junior, un être charmeur, mais moins trempé et plus dilettante, qui avait eu le malheur de préférer être pilote de ligne que promoteur, et a fini par mourir d’alcoolisme. Cela a beaucoup marqué Donald qui a décidé qu’il ne se laisserait jamais dominer et ne montrerait jamais ses faiblesses contrairement à son frère. Fred Trump a élevé ses enfants dans la richesse – la famille vivait dans une grande maison à colonnades dans le quartier de Queens – mais aussi dans une éthique de dur labeur et de discipline, pas comme des gosses de riches, un modèle que Donald a d’ailleurs reproduit avec ses enfants. L’homme d’affaires raconte souvent que son paternel l‘a formé à «la survie», en lui recommandant d’«être un tueur» pour réussir.
On découvre en vous lisant qu’il existe depuis longtemps dans l’univers américain (succès de ses livres, téléréalité). Ses fans d’hier sont -ils ses électeurs d’aujourd’hui?
Les Américains connaissent Trump depuis le milieu des années 80, date à laquelle il a commencé à publier ses ouvrages à succès, tirés à des millions d’exemplaires, c’est-à-dire depuis 30 ans! «Le Donald» est un familier pour eux. Savez-vous qu’à la fin des années 80, il fait déjà la couverture de Time Magazine comme l’homme le plus sexy d’Amérique? A la même époque, il est cité dans des sondages comme l’une des personnes les plus populaires du pays, aux côtés des présidents toujours vivants, et du pape! Si on ajoute à cela, le gigantesque succès qu’il va avoir avec son émission de téléréalité L’Apprenti, qui à son zénith, a rassemblé près de 30 millions de téléspectateurs, on comprend l’énorme avantage de notoriété dont bénéficiait Trump sur la ligne de départ de la primaire républicaine.
Tout au long de la campagne des primaires, beaucoup de commentateurs ont annoncé sa victoire comme impossible: comment expliquer cette erreur de jugement?
C’est vrai qu’à de rares exceptions près, les commentateurs n’ont pas vu venir le phénomène Trump, parce qu’il était «en dehors des clous», impensable selon leurs propres «grilles de lecture». Trop scandaleux et trop extrême, pensaient-ils. Il a fait exploser tant de codes en attaquant ses adversaires au dessous de la ceinture et s’emparant de sujets largement tabous, qu’ils ont cru que «le grossier personnage» ne durerait pas! Ils se sont dit que quelqu’un qui se contredisait autant ou disait autant de contre vérités, finirait par en subir les conséquences. Bref, ils ont vu en lui soit un clown soit un fasciste – sans réaliser que toutes les inexactitudes ou dérapages de Trump lui seraient pardonnés comme autant de péchés véniels, parce qu’il ose dire haut et fort ce que son électorat considère comme une vérité fondamentale: à savoir que l’Amérique doit faire respecter ses frontières parce qu’un pays sans frontières n’est plus un pays. Plus profondément, je pense que les élites des deux côtes ont raté le phénomène Trump (et le phénomène Sanders), parce qu’elles sont de plus en plus coupées du peuple et de ses préoccupations, qu’elles vivent entre elles, se cooptent entre elles, s’enrichissent entre elles, et défendent une version «du progrès» très post-moderne, détachée des préoccupations de nombreux Américains. Soyons clairs, si Trump est à bien des égards exaspérant et inquiétant, il y a néanmoins quelque chose de pourri et d’endogame dans le royaume de Washington. Le peuple se sent hors jeu.
Trump est l’homme du peuple contre les élites mais il vit comme un milliardaire. Comment parvient-il à dépasser cette contradiction criante?
C’est une vraie contradiction car Trump a profité abondamment du système qu’il dénonce. Il réussit à dépasser cette contradiction, parce qu’il ne le cache pas, au contraire: il fait de cette connaissance du système une force, en disant qu’il connaît si bien la manière dont les lobbys achètent les politiques qu’il est le seul à pouvoir à remédier à la chose. C’est évidemment un curieux argument, loin d’être totalement convaincant. Il me rappelle ce que faisaient certains oligarques russes, à l’époque Eltsine, quand ils se lançaient en politique et qu’ils disaient que personne ne pourrait les acheter puisqu’ils étaient riches! On a vu ce que cela a donné…Si les gens sont convaincus, c’est que Donald Trump sait connecter avec eux, leur faire comprendre qu’il est de leur côté. Ce statut de milliardaire du peuple est crédible parce qu’il ne s’est jamais senti membre de l’élite bien née, dont il aime se moquer en la taxant «d’élite du sperme chanceux». Cette dernière ne l’a d’ailleurs jamais vraiment accepté, lui le parvenu de Queens, venu de la banlieue, qui aime tout ce qui brille. Il ne faut pas oublier en revanche que Donald a grandi sur les chantiers de construction, où il accompagnait son père déjà tout petit, ce qui l’a mis au contact des classes populaires. Il parle exactement comme eux! Quand je me promenais à travers l’Amérique à la rencontre de ses électeurs, c’est toujours ce dont ils s’étonnaient. Ils disaient: «Donald parle comme nous, pense comme nous, est comme nous». Le fait qu’il soit riche, n’est pas un obstacle parce qu’on est en Amérique, pas en France. Les Américains aiment la richesse et le succès.
Alain Finkielkraut explique que Donald Trump est la Némésis (déesse de la vengeance) du politiquement correct? Le durcissement, notamment à l’université, du politiquement correct est-il la cause indirecte du succès de Trump?
Alain Finkelkraut a raison. L’un des atouts de Trump, pour ses partisans, c’est qu’il est politiquement incorrect dans un pays qui l’est devenu à l’excès. Sur l’islam radical (qu’Obama ne voulait même pas nommer comme une menace!), sur les maux de l’immigration illégale et maints autres sujets. Ses fans se disent notamment exaspérés par le tour pris par certains débats, comme celui sur les toilettes «neutres» que l’administration actuelle veut établir au nom du droit des «personnes au genre fluide» à «ne pas être offensés». Ils apprécient que Donald veuille rétablir l’expression de Joyeux Noël, de plus en plus bannie au profit de l’expression Joyeuses fêtes, au motif qu’il ne faut pas risquer de blesser certaines minorités religieuses non chrétiennes…Ils se demandent pourquoi les salles de classe des universités, lieu où la liberté d’expression est supposée sacro-sainte, sont désormais surveillées par une «police de la pensée» étudiante orwellienne, prête à demander des comptes aux professeurs chaque fois qu’un élève s’estime «offensé» dans son identité…Les fans de Trump sont exaspérés d’avoir vu le nom du club de football américain «Red Skins» soudainement banni du vocabulaire de plusieurs journaux, dont le Washington Post, (et remplacé par le mot R…avec trois points de suspension), au motif que certaines tribus indiennes jugeaient l’appellation raciste et insultante. (Le débat, qui avait mobilisé le Congrès, et l’administration Obama, a finalement été enterré après de longs mois, quand une enquête a révélé que l’écrasante majorité des tribus indiennes aimait finalement ce nom…). Dans ce contexte, Trump a été jugé«rafraîchissant» par ses soutiens, presque libérateur.
Le bouleversement qu’il incarne est-il, selon vous, circonstanciel et le fait de sa personnalité fantasque ou Trump cristallise-t-il un moment de basculement de l’histoire américaine?
Pour moi, le phénomène Trump est la rencontre d’un homme hors normes et d’un mouvement de rébellion populaire profond, qui dépasse de loin sa propre personne. C’est une lame de fond, anti globalisation et anti immigration illégale, qui traverse en réalité tout l’Occident. Trump surfe sur la même vague que les politiques britanniques qui ont soutenu le Brexit, ou que Marine Le Pen en France. La différence, c’est que Trump est une version américaine du phénomène, avec tout ce que cela implique de pragmatisme et d’attachement au capitalisme.
Sa ligne politique est-elle attrape-tout ou fondée sur une véritable vision politique?
Trump n’est pas un idéologue. Il a longtemps été démocrate avant d’être républicain et il transgresse les frontières politiques classiques des partis. Favorable à une forme de protectionnisme et une remise en cause des accords de commerce qui sont défavorables à son pays, il est à gauche sur les questions de libre échange, mais aussi sur la protection sociale des plus pauvres, qu’il veut renforcer, et sur les questions de société, sur lesquelles il affiche une vision libérale de New Yorkais, certainement pas un credo conservateur clair. De ce point de vue là, il est post reaganien. Mais Donald Trump est clairement à droite sur la question de l’immigration illégale et des frontières, et celle des impôts. Au fond, c’est à la fois un marchand et un nationaliste, qui se voit comme un pragmatique, dont le but sera de faire «des bons deals» pour son pays. Il n’est pas là pour changer le monde, contrairement à Obama. Ce qu’il veut, c’est remettre l’Amérique au premier plan, la protéger. Son instinct de politique étrangère est clairement du côté des réalistes et des prudents, car Trump juge que les Etats-Unis se sont laissé entrainer dans des aventures qui les ont affaiblis et n’ont pas réglé les crises. Il ne veut plus d’une Amérique jouant les gendarmes du monde. Mais vu sa tendance aux volte face et vu ce qu’il dit sur le rôle que devrait jouer l’Amérique pour venir à bout de la menace de l’islam radical, comme elle l’a fait avec le nazisme et le communisme, Donald Trump pourrait fort bien changer d’avis, et revenir à un credo plus interventionniste avec le temps. Ses instincts sont au repli, mais il reste largement imprévisible.
Faut il avoir peur de Donald Trump?
La question est évidemment légitime, vu la personnalité volcanique du personnage et certaines de ses prises de position, notamment en politique étrangère. De nombreuses questions se posent sur son caractère, ses foucades, son narcissisme et sa capacité à se contrôler, si importante chez le président de la première puissance du monde! Je ne suis pas pour autant convaincue par l’image de «Hitler», fasciste et raciste, qui lui a été accolée par la presse américaine. Hitler avait écrit Mein Kamp. Donald Trump, lui, a écrit «L ‘art du deal» et avait envisagé juste après la publication de ce premier livre, de se présenter à la présidence en prenant sur son ticket la vedette de télévision afro-américaine démocrate Oprah Winfrey, un élément qui ne colle pas avec l’image d’un raciste anti femmes! Ses enfants et nombre de ses collaborateurs affirment qu’il ne discrimine pas les gens en fonction de leur sexe ou de la couleur de leur peau, mais en fonction de leurs mérites, et que c’est pour cette même raison qu’il est capable de s’en prendre aux représentants du sexe faible ou des minorités avec une grande brutalité verbale, ne voyant pas la nécessité de prendre des gants.
Les questions les plus lourdes concernant Trump, sont selon moi plutôt liées à la manière dont il réagirait, s’il ne parvenait pas à tenir ses promesses, une fois à la Maison-Blanche. Tout président américain est confronté à la complexité de l’exercice du pouvoir dans un système démocratique extrêmement contraignant. Cet homme d’affaires habitué à diriger un empire immobilier pyramidal, dont il est le seul maître à bord, tenterait-il de contourner le système pour arriver à ses fins et prouver au peuple qu’il est bien le meilleur, en agissant dans une zone grise, avec l’aide des personnages sulfureux qui l’ont accompagné dans ses affaires? Et comment se comporterait-il avec ses adversaires politiques ou les représentants de la presse, vu la brutalité et l’acharnement dont il fait preuve envers ceux qui se mettent sur sa route? Hériterait-on d’un Berlusconi ou d’un Nixon puissance 1000? Autre interrogation, vu la fascination qu’exerce sur lui le régime autoritaire de Vladimir Poutine: serait-il prêt à sacrifier le droit international et l’indépendance de certains alliés européens, pour trouver un accord avec le patron du Kremlin sur les sujets lui tenant à cœur, notamment en Syrie? Bref, pourrait-il accepter une forme de Yalta bis, et remettre en cause le rôle de l’Amérique dans la défense de l’ordre libéral et démocratique de l’Occident et du monde depuis 1945? Autant de questions cruciales auxquelles Donald Trump a pour l’instant répondu avec plus de désinvolture que de clarté.
Trump peut-il emporter l’élection?
Donald Trump peut toujours gagner cette élection, même si les derniers jours lui ont été très défavorables. Malgré une semaine calamiteuse, les sondages restent proches et l’issue pleine d’un lourd suspense selon moi. J’utilise souvent l’image de la vague et de la digue. La vague, c’est Trump, l’homme de l’année parce qu’il est véritablement celui a défini cette élection, qu’il soit élu ou non d’ailleurs. Hillary elle, représente la digue du statu quo, défendue bec et ongles par les élites. La vague de colère sera-t-elle suffisamment puissante pour passer la digue? C’est toute la question. Comme l’a écrit l’excellente éditorialiste du Wall Street Journal Peggy Noonan, la réponse à cette interrogation dépendra de la force relative de deux sentiments: la colère éprouvée par le pays à l’endroit du système et des élites. Et la peur de l’inconnue que représente Trump. La colère aura-t-elle raison de la peur, ou vice versa?
Voir aussi:
André Bercoff : « Donald Trump le pragmatique peut devenir président des États-Unis »
Alexandre Devecchio
Le Figaro
08/09/2016
FIGAROVOX/ENTRETIEN – Donald Trump remonte face à Hillary Clinton dans les sondages. André Bercoff, qui l’a rencontré il y a quelques mois à New York et qui publie un livre à son sujet, analyse le succès inattendu du candidat d’une Amérique en colère.
André Bercoff est journaliste et écrivain. Il vient de faire paraître Donald Trump, les raisons de la colère chez First.
FIGAROVOX. – Beaucoup d’observateurs ont enterré Donald Trump dans cette campagne américaine. Pourtant, les derniers sondages indiquent qu’il réduit l’écart avec son adversaire Hillary Clinton. Certains d’entre eux le donnent même devant. Donald Trump peut-il devenir président des États-Unis?
André BERCOFF. – Oui, il le peut. Pas de quartiers, évidemment, dans ce combat entre la Vorace et le Coriace. En dépit de l’hostilité des Démocrates, du rejet de la part des minorités et de la véritable haine que lui porte l’establishment Républicain, Trump peut profiter des casseroles accrochées à la traine d’Hillary Clinton qui semblent se multiplier de jour en jour. En tout cas, le scrutin sera beaucoup plus serré qu’il n’y paraissait il y a encore un mois.
À quoi, selon vous, ressemblerait une présidence Trump?
Je pense qu’il gérerait les USA peu ou prou, comme il gère son empire immobilier, avec une différence de taille: il ne s’agit plus de défendre à tout prix les intérêts de la marque Trump, mais ceux des États-Unis, ce qui nécessite un changement de paradigme. L’homme d’affaires délocalise pour le profit ; le président relocalise pour la patrie. Le négociateur cherche le meilleur deal pour son entreprise, y compris l’art et la manière de s’abriter dans les paradis fiscaux. Le chef de l’État, lui, taxera lourdement les sociétés qui réfugient leurs avoirs sous des cieux très cléments. Ne jamais oublier que Trump est beaucoup plus pragmatique qu’idéologue. Je le raconte dans mon livre: il défendra l’Amérique comme il défendait sa marque, bec et ongles, par tous les moyens.
Personne ne pariait un dollar sur la victoire de Trump à la primaire. Comment les observateurs ont-ils pu se tromper à ce point?
Quand je suis allé le voir à New York il y a quelques mois, tous mes interlocuteurs, en France comme en Amérique, me conseillaient de publier très vite l’entretien, car le personnage allait disparaître dès le premier scrutin des primaires. Les commentaires affluaient tous dans le même sens: il fait ça pour sa pub ; un petit tour et puis s’en va ; c’est un gros plouc, milliardaire peut-être, mais inintéressant au possible ; il est inculte, il ne comprend rien à la politique, ne connaît rien aux affaires du monde, il ne pense qu’à sa pub, à son image et à faire parler de lui. Experts et commentateurs se sont, dans leur grande majorité, mis le doigt dans l’œil parce qu’ils pensent à l’intérieur du système. À Paris comme à Washington, on reste persuadé qu’un «outsider» n’a aucune chance face aux appareils des partis, des lobbies et des machines électorales. Que ce soit dans notre monarchie républicaine ou dans leur hiérarchie de Grands Électeurs, si l’on n’est pas un familier du sérail, on n’existe pas. Tout le dédain et la condescendance envers Trump, qui n’était jusqu’ici connu que par ses gratte-ciel et son émission de téléréalité, pouvaient donc s’afficher envers cette grosse brute qui ne sait pas rester à sa place. On connaît la suite. L’expertise, comme la prévision, sont des sciences molles.
Quel rôle ont joué les réseaux sociaux dans cette campagne?
Trump est l’un des premiers à avoir compris et utilisé la désintermédiation. Ce n’est pas vraiment l’ubérisation de la politique, mais ça y ressemble quelque peu. Quand je l’ai interrogé sur le mouvement qu’il suscitait dans la population américaine, il m’a répondu: Twitter, Facebook et Instagram. Avec ses 15 millions d’abonnés, il dispose d’une force de frappe avec laquelle il dialogue sans aucun intermédiaire. Il y a trente ans, il écrivait qu’aucun politique ne pouvait se passer d’un quotidien comme le New York Times. Aujourd’hui, il affirme que les réseaux sociaux sont beaucoup plus efficaces – et beaucoup moins onéreux – que la possession de ce journal.
Est-ce une mauvaise nouvelle pour les journalistes?
C’est en tout cas une très vive incitation à changer la pratique journalistique. Contrairement à ceux qui proclament avec légèreté et simplisme, la fin du métier d’informer, on aura de plus en plus besoin de trier, hiérarchiser, et surtout de vérifier et de mettre en perspective. En revanche, l’on pourra de plus en plus difficilement cacher la francisque de Mitterrand ou le magot de Cahuzac, et qu’on le déplore ou pas, avec Wikileaks et autres révélations, il faudra dorénavant compter avec les millions de lanceurs d’alertes qui feront, pour le meilleur et pour le pire, œuvre d’information, à tous les niveaux. Le monde n’est pas devenu peuplé de milliards de journalistes, mais les journalistes doivent tenir compte de ce peuple qui clique et qui poste.
Votre livre s’intitule Donald Trump, les raisons de la colère. Les Américains sont-ils en colère?
Ils le sont. Là-bas comme ici, l’avenir n’est plus ce qu’il était, la classe moyenne se désosse, la précarité est toujours prégnante, les attentats terroristes ne sont plus, depuis un certain 11 septembre, des images lointaines vues sur petit ou grand écran. Pearl Harbour est désormais dans leurs murs: c’est du moins ce qu’ils ressentent. Et la fureur s’explique par le décalage entre la ritournelle de «Nous sommes la plus grande puissance et le plus beau pays du monde» et le «Je n’arrive pas à finir le mois et payer les études de mes enfants et l’assurance médicale de mes parents». Sans parler de l’écart toujours plus abyssal entre riches et modestes.
Trump est-il le candidat de l’Amérique périphérique? Peut-on le comparer à Marine Le Pen?
Il existe, depuis quelques années, un étonnant rapprochement entre les problématiques européennes et américaines. Qui aurait pu penser, dans ce pays d’accueil traditionnel, que l’immigration provoquerait une telle hostilité chez certains, qui peut permettre à Trump de percer dans les sondages en proclamant sa volonté de construire un grand mur? Il y a certes des points communs avec Marine Le Pen, y compris dans la nécessité de relocaliser, de rebâtir des frontières et de proclamer la grandeur de son pays. Mais évidemment, Trump a d’autres moyens que la présidente du Front National… De plus, répétons-le, c’est d’abord un pragmatique et un négociateur. Je ne crois pas que ce soit les qualités les plus apparentes de Marine Le Pen…
Comme elle, il dépasse le clivage droite/gauche…
Absolument. Son programme économique le situe beaucoup plus à gauche que les caciques Républicains et les néo-conservateurs proches d’Hillary Clinton qui le haïssent, parce que lui croit, dans certains domaines, à l’intervention de l’État et aux limites nécessaires du laisser-faire, laisser-aller.
N’est-il pas finalement beaucoup plus politiquement incorrect que Marine Le Pen?
Pour l’Amérique, certainement. Il ne ménage personne et peut aller beaucoup plus loin que Marine Le Pen, tout simplement parce qu’il n’a jamais eu à régler le problème du père fondateur et encore moins à porter le fardeau d’une étiquette tout de même controversée. Sa marque à lui, ce n’est pas la politique, mais le bâtiment et la réussite. Ça change pas mal de choses.
«La France n’est plus la France», martèle Trump. Pourquoi?
Ici aussi, pas de malentendu. L’on a interprété cette phrase comme une attaque contre notre pays. C’est le contraire. Il me l’a dit et je le raconte plus amplement dans mon livre: il trouve insupportable que des villes comme Paris et Bruxelles, qu’il adore et a visitées maintes fois, deviennent des camps retranchés où l’on n’est même pas capable de répliquer à un massacre comme celui du Bataclan. On peut être vent debout contre le port d’arme, mais, dit-il, s’il y avait eu des vigiles armés boulevard Voltaire, il n’y aurait pas eu autant de victimes. Pour lui, un pays qui ne sait pas se défendre est un pays en danger de mort.
Son élection serait-elle une bonne nouvelle pour la France et pour l’Europe?
Difficile à dire. Il s’entendra assez bien avec Poutine pour le partage des zones d’influence, et même pour une collaboration active contre Daesh et autres menaces, mais, comme il le répète sur tous les tons, l’Amérique de Trump ne défendra que les pays qui paieront pour leur protection. Ça fait un peu Al Capone, mais ça a le mérite de la clarté. Si l’Europe n’a pas les moyens de protéger son identité, son mode de vie, ses valeurs et sa culture, alors, personne ne le fera à sa place. En résumé, pour Trump, la politique est une chose trop grave pour la laisser aux politiciens professionnels, et la liberté un état trop fragile pour la confier aux pacifistes de tout poil.
Voir également:
Donald Trump peut tout à fait l’emporter le 8 novembre prochain
Alexis Feertchak
Le Figaro
28/07/2016
FIGAROVOX/ENTRETIEN/VIDÉOS – Hillary Clinton est de plus en plus considérée comme la candidate du système, notamment financier, estime Michael C. Behrent. Selon l’historien américain, face à elle, la route est étroite pour Donald Trump, mais il pourrait tout à fait l’emporter.
Docteur de la New York University, Michael C. Behrent est professeur d’Histoire à la Appalachian State University de Boone en Caroline du Nord.
FIGAROVOX. – La convention démocrate qui s’est conclue ce jeudi s’est ouverte un jour après la démission de la présidente du Parti, accusée d’avoir favorisé la candidature d’Hillary Clinton. Comment le Parti démocrate aborde-t-il ce moment crucial de la nomination officielle de sa candidate?
Michael C. Behrent. – Je crois que, pour beaucoup de démocrates, c’est un moment d’appréhension gêné, qu’ils essaient de cacher comme ils peuvent. Le contexte politique leur est pourtant très favorable: avec Hillary Clinton, la première femme à obtenir l’investiture d’un grand parti, ils ont une candidate historique ; leurs caisses de campagne débordent largement celles des républicains ; ils sont le parti sortant dans un contexte économique plutôt favorable. Et pourtant, malgré ces atouts, Hillary Clinton devance Donald Trump de peu dans sondages ; cette semaine, en dépit du caractère rocambolesque de la récente convention républicaine,
Le scandale des emails a été réglé de manière plutôt rapide avec la démission de la présidente de l’instance dirigeante du Parti démocrate, Debbie Wasserman Schultz. Mais l’affaire ne fait que confirmer toutes les réticences de l’opinion publique à l’égard de Clinton: qu’elle est la candidate des intérêts financiers, qu’elle incarne l’ «establishment» contre le peuple, qu’elle préfère magouiller en coulisse que d’obtenir l’assentiment populaire. C’est peut-être injuste, mais l’épisode confirme ces impressions.
On parle souvent des divisions du Parti républicain, accentuées par la candidature de Donald Trump. Le Parti démocrate n’est-il pas aussi divisé? Bernie Sanders le «socialiste» ne va-t-il durablement laisser sa marque idéologique?
L’enthousiasme qu’a suscité Sanders ne s’explique pas par un engouement soudain de la part des Américains pour le socialisme. Ce que Sanders a réussi à faire, c’est de rappeler aux Américains leur passé social-démocrate, ou du moins ce qu’avait accompli, disons entre les années 1940 et 1970, l’Etat-providence américain. Par exemple, les Américains qui ont fait leurs études dans des universités publiques au cours des années 1960 – comme Sanders lui-même – n’ont dû payer que des sommes modiques. Pourquoi un tel système est désormais considéré comme impossible? C’est sur ce genre de question qu’a insisté Sanders, et cela explique l’enthousiasme qu’il a suscité chez les jeunes (qui, entre autres galères, assument souvent des dettes colossales pour financer leurs études).
Surtout, Sanders a su insister sur un constat que les Américains sont nombreux à trouver juste: les inégalités économiques montent, et la démocratie s’en trouve de ce fait corrompue. À cet égard, Sanders est plus «pikettiste» que socialiste au sens classique. S’il a raison, ce n’est pas en effectuant une petite inflexion à gauche que les partisans de Clinton vont satisfaire l’électorat de Sanders: comme le montre le scandale des emails, le Parti démocrate courtise inlassablement les Américains les plus riches, au point que la campagne ressemble à une vaste opération de trafic d’influence. Le scandale confirme, à pleins d’égards, l’analyse et le rejet du système actuel dont Sanders s’est fait le porteur.
Il est vrai qu’il existe actuellement, dans chaque parti, un schisme entre les défenseurs de l’«establishment» et un courant populiste. La principale différence, c’est que chez les républicains, ce sont les populistes qui ont gagné, alors que les démocrates ont fini par adouber un candidat de l’ «establishment». Cette situation est pour le moins paradoxal, étant donné que ce sont les démocrates qui se considèrent traditionnellement comme le parti des petits gens, de l’Américain moyen.
Hillary Clinton demeure très impopulaire. Qu’est-ce qui pourrait la sauver sinon le rejet que beaucoup d’Américains portent aussi à Donald Trump?
Le fait qu’elle est soutenue par une large coalition de couches démographiques, alors que Trump mise essentiellement sur une seule. Femmes, Afro-Américains, Hispaniques, diplômés – voilà les groupes qui soutiennent Clinton, souvent massivement (autour de 76% des Hispaniques, par exemple). Trump, par contre, est essentiellement le candidat d’un électorat blanc, populaire et masculin. On parle beaucoup aux États-Unis du déclin de cette population longtemps dominant. Mais pour le moment, l’électorat populaire blanc demeure assez important, représentant, par exemple, 44% de ceux qui ont voté en 2012. La question est de savoir si une coalition hétéroclite et multiculturelle qui annonce l’avenir se révélera plus puissante que le ressentiment blanc qui s’exprime à travers Trump.
Donald Trump a déjà été désigné officiellement par son parti. Comment expliquez-vous le succès de cet outsider des primaires républicaines?
Il s’agit d’un effet «apprenti sorcier»: depuis des décennies, au moins depuis Nixon, la stratégie électorale républicaine consiste à attiser les craintes et les rancœurs d’un électorat blanc et populaire, insistant en particulier sur les questions culturelles sur lesquelles ils divergent avec la gauche: la religion, l’avortement, le droit de s’armer, le patriotisme. Cette population s’estime souvent menacée par l’immigration et la discrimination positive en faveur des minorités. Mais les républicains ont toujours su récolter les voix de cet électorat tout en défendant une politique économique libérale favorisée par le monde des affaires et de la finance, axé sur le libre-échange ainsi que la réduction de la fiscalité et des dépenses sociales. Au point que certains se demandent si l’électorat populaire républicain a vraiment profité des politiques économiques qu’il a rendues possibles.
Trump représente, si vous voulez, l’émancipation de cet électorat populaire républicain vis-à-vis d’un «establishment» plus libéral (au sens européen) que proprement conservateur. Si Trump a compris au moins une chose, c’est qu’il y avait une demande pour un candidat aux valeurs conservatrices (même si Trump ne satisfait lui-même cette critère que grâce à une hypocrisie plus ou moins tolérée), mais dont la politique économique serait «souverainiste» et nationaliste. L’«establishment» républicain ne maitrise ainsi plus les angoisses d’un électorat qu’il a longtemps cherché à encourager. Le ton agressif et provocateur du discours du Trump ne sort pas non plus de nulle part: il prend le relais des contestataires du Tea Party, des républicains au Congrès qui ont mené une obstruction systématique contre la politique du Président Obama, etc.
Avec un certain isolationnisme et une critique parfois vive du libre-échangisme, Bernie Sanders et Donald Trump ne partagent-ils pas paradoxalement certaines positions idéologiques?
En effet, Trump et Sanders se sont fait chacun le champion des Américains qui pâtissent de la mondialisation et des politiques économiques libre-échangistes poursuivies depuis des années. Mais la ressemblance s’arrête là.
En fait, il est difficile d’imaginer deux lignes politiques plus éloignées l’un de l’autre. Trump est l’incarnation de la corruption de la vie politique par les grandes fortunes contre lequel Sanders et ses supporteurs s’insurgent. Si Sanders dénonce, comme Trump, des traités de libre-échange comme étant peu favorables aux ouvriers, il demande pourtant la régularisation des «sans papiers» (moyennant une réforme du système actuel d’immigration), alors que le discours de Trump est franchement xénophobe: déportation des «sans papiers», interdiction provisoire des Musulmans du territoire national, construction d’un mur le long de la frontière mexicaine. On est donc bien loin d’un véritable rapprochement idéologique.
Les candidatures «anti-système», très diverses sur le fond, progressent aussi partout en Europe, étiquetées souvent sous la catégorie de «populisme». Que pensez-vous de ce mouvement qui concerne l’Occident dans son ensemble?
Ces mouvements, me semblent-ils, reposent sur deux craintes: une angoisse vis-à-vis de la mondialisation, et des doutes sur l’état de santé de la démocratie. Ses craintes sont souvent liées, la mondialisation et la montée des inégalités étant suspects de mettre à mal la démocratie. Ce qu’on appelle le «déficit démocratique» dans l’Union européenne est devenu un souci plus général.
Toutefois il y a des points de discordes majeures à l’intérieur de ces mouvements «anti-systèmes», comme on le voit entre Trump et Sanders, dans les débats autour du Brexit, ou dans les antilibéraux de droite et de gauche en France. Certains, comme Trump et certains partisans du Brexit, rejettent la mondialisation en prônant un repli national, au point d’assumer une certaine xénophobie comme une conséquence logique du protectionnisme. D’autres, comme Sanders ou même Nuit Debout, veulent limiter le libre-échange et le flux des capitaux tout en favorisant les flux migratoires, du moins par la régularisation des «sans-papiers». Pour le moment, c’est plutôt les premiers qui semblent avoir le vent en poupe.
Imaginez-vous que Donald Trump puisse finalement triompher d’Hillary Clinton?
Contrairement à ce qu’on a pu penser il y a encore quelques mois, oui, il est tout à fait possible que Trump remporte le scrutin du 8 novembre. Mais la campagne fortement clivante qu’il mène, ainsi que l’histoire électoral récente suggèrent que pour Trump, la voie menant vers la Maison-Blanche reste très étroite. Ces propos qui plaisent à un électoral blanc populaire lui font perdre des voix chez les diplômés. D’autre part, dans les élections américaines, il faut remporter des Etats: pour le moment, Trump n’a jamais eu de solides longueurs d’avances dans les «swing states» (état balançoires) tels que la Floride, l’Ohio, ou la Pennsylvanie, qu’il lui faudra gagner impérativement pour faire mieux que Mitt Romney en 2012. Candidat improviste, Trump n’a pas, comme son rival, sollicité des fonds de la campagne de façon méthodique, et a donc un déficit financier important vis-à-vis des démocrates. Bien sûr, très peu de gens ont cru que Trump arriverait à ce point. Mais pour être élu président, il lui faudra continuer à surmonter les obstacles considérables qui se profilent devant lui.
Voir encore:
Michael Moore a-t-il raison de prédire la victoire de Donald Trump ?
Alexis Feertchak
Le Figaro
05/08/2016
FIGAROVOX/ENTRETIEN – Le réalisateur Michael Moore a annoncé la victoire prochaine de son pire adversaire, Donald Trump. Pour Lauric Henneton, certains arguments de Moore sont à prendre au sérieux, notamment celui de la colère des électeurs du Midwest désindustrialisé.
Lauric Henneton est maître de conférences à l’Université de Versailles Saint-Quentin-en-Yvelines, au sein de l’Institut d’Etudes culturelles et internationales. Son dernier livre Histoire religieuse des Etats-Unis a été publié en 2012 chez Flammarion.
FIGAROVOX. – Dans une tribune tonitruante, le réalisateur Michael Moore, marqué très à gauche sur l’échiquier politique américain, annonce que Donald Trump, «ce clown à temps partiel et sociopathe à temps plein», deviendra président des Etats-Unis en novembre prochain. De façon générale, Michael Moore est-il un analyste politique sérieux?
Lauric HENNETON. – A défaut d’être un analyste politique professionnel, Michael Moore est un observateur avisé mais doublé d’un militant. Un observateur engagé en d’autres termes, alors que l’analyste politique est censé rester neutre et clinique dans son analyse – en théorie… Plutôt que la finesse de l’analyse, ici, c’est surtout sur la fonction du texte qu’il faut s’interroger. Michael Moore se fait l’avocat du diable, il endosse également un costume prophétique, au sens propre mais sécularisé, puisqu’il met en garde son peuple et l’appelle à se repentir et marcher à nouveau dans le droit chemin. On répète depuis un an que Trump n’a aucune chance: il ne va pas durer, sa candidature va faire long feu, il ne va pas passer le Super Tuesday, il ne va pas rester en tête, il va y avoir une convention contestée et il n’aura pas l’investiture. On voit l’acuité de ces prédictions aujourd’hui.
Cette stratégie de la peur a pour fonction de mobiliser contre Trump, mais on voit bien que Clinton n’existe que pour faire barrage.
Moore utilise donc une autre tactique: il présente la victoire de Trump non plus comme fortement improbable car irrationnelle mais au contraire comme une quasi-certitude. Le titre anglais de son texte est «Why Trump will win», pourquoi il va gagner. On ne se demande plus s’il va gagner, il s’agit désormais d’en expliquer les raisons. Ce fait accompli a pour fonction de surprendre, d’attirer l’attention du lecteur-cliqueur, en lui faisant peur. Cette stratégie de la peur a pour fonction de mobiliser contre Trump, d’abord, et indirectement en faveur d’Hillary Clinton, mais on voit bien que Clinton n’existe que pour faire barrage à Trump.
Quant à savoir si cette stratégie discursive sera payante, c’est une autre question. Il est probable que le texte soit essentiellement lu par des gens qui n’ont pas besoin de ce message pour être contre Trump. Combien d’Américains vont changer d’avis et ne pas voter Trump après avoir lu ce texte? Pas sûr que ce soit assez pour avoir un impact sur l’élection.
Auteur d’un documentaire sur les usines General Motors de Flint, ville dont il est originaire, Michael Moore connaît probablement mieux qu’Hillary Clinton l’Amérique désindustrialisée du Midwest. Son argument est fort: cette région traditionnellement proche du Parti démocrate pourrait basculer vers Trump par rejet du libre-échangisme, ce que Moore appelle le «Brexit du Midwest». Que penser de cet argument?
Le terme de Brexit est très discutable puisqu’il n’y a rien à quitter (exit) et que l’on parle d’un pays où la guerre civile, il y a 150 ans, a fait plus de 600 000 morts. S’il y a eu un Brexit en histoire américaine c’est celui des Etats du Sud en 1861. A moins de considérer la Révolution américaine comme une forme de Brexit. Ici le terme n’a de sens que du fait de la sociologie électorale et de l’actualité du Brexit, ce qu’on pourrait appeler la revanche des perdants. La victoire du Brexit, qui a surpris bien des analystes, renforce le message de Moore: c’est arrivé là-bas, ça peut arriver ici – ça va arriver ici, sauf si vous m’écoutez…
Attirer l’attention sur les Etats de la Rust Belt est pertinent. Ce sont des Etats que l’on a laissés pour morts à partir des années 1980. Ils étaient en perte de vitesse et on n’avait d’yeux que pour la Sun Belt.
Le terme de Brexit a donc une pertinence assez limitée. En revanche, attirer l’attention sur les Etats de la Rust Belt est pertinent. Ce sont des Etats que l’on a laissés pour morts, économiquement et politiquement, à partir des années 1980. Ils étaient en perte de vitesse et on n’avait d’yeux que pour la Sun Belt. Certes la Floride a été décisive en 2000 mais en 2012, la victoire d’Obama a été proclamée avant même que l’on connaisse le résultat en Floride. En 2004, la victoire de Bush s’est décidée dans l’Ohio, qui passe pour l’Etat clé par excellence.
Son calcul est un peu simpliste: il a manqué 64 grands électeurs à Mitt Romney et les quatre Etats de la Rust Belt qu’il mentionne (Michigan, Wisconsin, Ohio et Pennsylvanie) totalisent justement 64 grands électeurs. En réalité, dans certaines configurations précises, Trump peut se permettre de perdre le Wisconsin par exemple, ainsi que la Virginie, la Floride, le Nevada et le Colorado (où il y a beaucoup d’Hispaniques), mais il faut impérativement qu’il l’emporte dans le Michigan, l’Ohio et la Pennsylvanie, en plus de l’Arizona (et ses Hispaniques), en Caroline du Nord, dans le New Hampshire, notamment. Il n’a pas le droit à l’erreur: si, dans cette configuration, il perdait le petit New Hampshire et ses 4 grands électeurs, il perdrait l’élection. Evidemment, s’il perd en plus le Michigan ou la Pennsylvanie, sa défaite serait plus lourde. Mais voilà, il faut envisager l’élection au niveau local, pas national. Et les enjeux régionaux de la Rust Belt reviennent sur le devant de la scène. Reste à voir s’ils seront déterminants d’ici novembre et s’ils suffiront à dépasser les autres questions.
Michael Moore explique que les électeurs voteront précisément pour Trump parce qu’il est un clown, ce qu’il appelle l’effet Jesse Ventura, du nom d’un ancien lutteur élu à la surprise générale gouverneur du Minnesota. L’appétence pour les clowneries est-elle sérieuse?
La longévité de Trump dans cette élection en dit long sur le niveau d’exaspération des électeurs américains envers leur classe politique. Trump est le symptôme plutôt que le mal: il montre à quel point le rejet est fort, notamment côté républicain. Cette longévité de Trump me semble d’abord et avant tout traduire l’exaspération d’une partie de l’électorat avec «Washington», le jusqu’au-boutisme, l’inefficacité, le carriérisme coupé des intérêts des électeurs, la suspicion que les élus travaillent davantage pour les lobbies que pour les électeurs.
Ils saluent plus la transgression symbolique d’un ordre moral qu’ils récusent que la clownerie en tant que telle. Les électeurs utilisent Trump comme vecteur d’une revanche symbolique sur le politiquement correct.
Trump n’est pas tant perçu par ses partisans comme un clown que comme un rebelle: celui qui va mettre un coup de pied dans la fourmilière, celui qui va s’affranchir du politiquement correct qui, selon eux, a installé une chape de plomb discursive notamment sur les «non minorités» (où l’on retrouve les hommes blancs hétérosexuels). Ils saluent plus la transgression symbolique d’un ordre moral qu’ils récusent (mis en place par les composantes de la coalition démocrate) que la clownerie en tant que telle. Evidemment il y a un côté «poli-tainment», «show business» dans lequel Trump excelle: il fait de la campagne une sorte de gigantesque série de télé réalité. Mais ils utilisent Trump surtout comme vecteur d’une forme de revanche symbolique sur le politiquement correct.
Michael Moore relève aussi l’impopularité d’Hillary Clinton qui pourrait lui coûter les voix des classes populaires, des jeunes et des partisans de Bernie Sanders. Ces derniers voteront-ils pour une ex-Secrétaire d’Etat qui a soutenu la guerre en Irak puis en Libye tout en ayant le soutien de l’establishment financier?
Je le répète depuis des mois: la clé de l’élection sera la mobilisation des électeurs en nombre. Les proportions de tel ou tel groupe que nous donnent les sondages sont une indication assez trompeuse. Il ne s’agit pas de savoir si tel ou tel candidat emporte tel groupe – y est majoritaire – mais combien d’électeurs il ou elle arrive à déplacer le jour J. Moore a raison de rappeler que c’est surtout dans l’électorat démocrate qu’on trouve les électeurs les plus vulnérables, ceux qui ont le plus de difficultés logistiques à voter, ceux à qui les Etats tenus par les Républicains imposent la présentation de pièces d’identité qu’ils n’ont pas forcément et qui, du coup, les découragent. De ce fait, beaucoup d’électeurs démocrates potentiels (noirs et hispaniques) font défaut, ce qui peut faire basculer un Etat-clé. Ces derniers jours, un certain nombre de lois dans ce sens ont été invalidées car exagérément restrictives, ou carrément racistes dans leur logique. C’est un des enjeux de la campagne.
La clé de l’élection sera la mobilisation des électeurs en nombre. Les proportions de tel ou tel groupe que nous donnent les sondages sont une indication assez trompeuse.
Mais il y en a d’autres: en amont il faut aller voir les gens, faire du porte à porte et les persuader de voter alors qu’ils n’en ont pas forcément l’habitude. Pourquoi voter pour Hillary Clinton? D’abord pour faire barrage à Trump: Trump mobilise malgré lui et contre lui chez les Hispaniques mais aussi chez les musulmans, particulièrement peu politisés jusqu’ici et nombreux … dans le Michigan, dont il était question plus haut. Si la victoire dans le Michigan ne tient qu’à quelques milliers de voix et qu’elles sont apportées par des électeurs nouvellement inscrits parce qu’ils voulaient faire barrage à Trump, on serait dans un scénario presque hollywoodien.
Autre enjeu, ceux qui n’ont pas de difficulté logistique pour voter, qui n’ont pas deux emplois dans la journée et qui ne sont pas des minorités: les jeunes blancs. Il y a deux profils: les jeunes votent peu dans l’ensemble, ce sont donc des voix perdues pour les démocrates. Et il y a les jeunes pro-Sanders, qui étaient très hostiles à Clinton. Beaucoup se sont beaucoup investis, émotionnellement, comme des convertis. Ils ont encore du mal à digérer la défaite de leur champion, qu’ils ont hué quand il a appelé à se rallier à Clinton lors de la convention démocrate. On a récemment estimé à 10% les irréductibles qui ont voté Sanders et ne voteront pas Clinton, sous aucun prétexte. Si cela peut sembler insignifiant, ce seront peut-être les quelques milliers de voix qui feront défaut à Clinton dans un Etat-clé. C’est peu probable, mais cela reste un scénario mathématiquement possible, tant l’électorat démocrate est composé de groupes incertains en termes de mobilisation.
Voir enfin:
Cinq raisons pour lesquelles Trump va gagner
Michael Moore Oscar and Emmy-winning Director
The Huffington Post
26/07/2016
Chers amis, chères amies,
Je suis désolé d’être le porteur de mauvaises nouvelles, mais je crois avoir été assez clair l’été dernier lorsque j’ai affirmé que Donald Trump serait le candidat républicain à la présidence des États-Unis. Cette fois, j’ai des nouvelles encore pires à vous annoncer: Donald J. Trump va remporter l’élection du mois de novembre.
Ce clown à temps partiel et sociopathe à temps plein va devenir notre prochain président. Le président Trump. Allez, dites-le tous en chœur, car il faudra bien vous y habituer au cours des quatre prochaines années: « PRÉSIDENT TRUMP! »
Jamais de toute ma vie n’ai-je autant voulu me tromper.
Je vous observe attentivement en ce moment. Vous agitez la tête en disant: « Non Mike, ça n’arrivera pas! ». Malheureusement, vous vivez dans une bulle. Ou plutôt dans une grande caisse de résonance capable de vous convaincre, vous et vos amis, que les Américains n’éliront pas cet idiot de Trump. Vous alternez entre la consternation et la tentation de tourner au ridicule son plus récent commentaire, lorsque ce n’est pas son attitude narcissique.
Par la suite, vous écoutez Hillary et envisagez la possibilité que nous ayons pour la première fois une femme à la présidence. Une personne respectée à travers le monde, qui aime les enfants et poursuivra les politiques entreprises par Obama. Après tout, n’est-ce pas ce que nous voulons? La même chose pour quatre ans de plus?
Il est temps de sortir de votre bulle pour faire face à la réalité. Vous aurez beau vous consoler avec des statistiques (77 % de l’électorat est composé de femmes, de personnes de couleur et d’adultes de moins de 35 ans, et Trump ne remportera la majorité d’aucun de ces groupes), ou faire appel à la logique (les gens ne peuvent en aucun cas voter pour un bouffon qui va à l’encontre de leurs propres intérêts), ça ne restera qu’un moyen de vous protéger d’un traumatisme. C’est comme lorsque vous entendez un bruit d’arme à feu et pensez qu’un pneu a éclaté ou que quelqu’un joue avec des pétards. Ce comportement me rappelle aussi les premières manchettes publiées le 11 septembre, annonçant qu’un petit avion a heurté accidentellement le World Trade Center.
« Des millions de gens seront tentés de devenir marionnettistes et de choisir Trump dans le seul but de brouiller les cartes et voir ce qui arrivera. »
Nous avons besoin de nouvelles encourageantes parce que le monde actuel est un tas de merde, parce qu’il est pénible de survivre d’un chèque de paie à l’autre, et parce que notre quota de mauvaises nouvelles est atteint. C’est la raison pour laquelle notre état mental passe au neutre lorsqu’une nouvelle menace fait son apparition.
C’est la raison pour laquelle les personnes renversées par un camion à Nice ont passé les dernières secondes de leur vie à tenter d’alerter son conducteur: « Attention, il y a des gens sur le trottoir! »
Eh bien, mes amis, la situation n’a rien d’un accident. Si vous croyez encore qu’Hillary Clinton va vaincre Trump avec des faits et des arguments logiques, c’est que vous avez complètement manqué la dernière année, durant laquelle 16 candidats républicains ont utilisé cette méthode (et plusieurs autres méthodes moins civilisées) dans 56 élections primaires sans réussir à arrêter le mastodonte. Le même scénario est en voie de se répéter l’automne prochain. La seule manière de trouver une solution à ce problème est d’admettre qu’il existe en premier lieu.
Comprenez-moi bien, j’entretiens de grands espoirs pour ce pays. Des choses ont changé pour le mieux. La gauche a remporté les grandes batailles culturelles. Les gais et lesbiennes peuvent se marier. La majorité des Américains expriment un point de vue libéral dans presque tous les sondages. Les femmes méritent l’égalité salariale? Positif. L’avortement doit être permis? Positif. Il faut des lois environnementales plus sévères? Positif. Un meilleur contrôle des armes à feu? Positif. Légaliser la marijuana? Positif. Le socialiste qui a remporté l’investiture démocrate dans 22 États cette année est une autre preuve que notre société s’est profondément transformée. À mon avis, il n’y a aucun doute qu’Hillary remporterait l’élection haut la main si les jeunes pouvaient voter avec leur console X-box ou Playstation.
Hélas, ce n’est pas comme ça que notre système fonctionne. Les gens doivent quitter leur domicile et faire la file pour voter. S’ils habitent dans un quartier pauvre à dominante noire ou hispanique, la file sera plus longue et tout sera fait pour les empêcher de déposer leur bulletin dans l’urne. Avec pour résultat que le taux de participation dépasse rarement 50 % dans la plupart des élections. Tout le problème est là. Au mois de novembre, qui pourra compter sur les électeurs les plus motivés et inspirés? Qui pourra compter sur des sympathisants en liesse, capables de se lever à 5 heures du matin pour s’assurer que tous les Tom, Dick et Harry (et Bob, et Joe, et Billy Bob et Billy Joe) ont bel et bien voté? Vous connaissez déjà la réponse. Ne vous méprenez pas: aucune campagne publicitaire en faveur d’Hillary, aucune phrase-choc dans un débat télévisé et aucune défection des électeurs libertariens ne pourra arrêter le train en marche.
Voici 5 raisons pour lesquelles Trump va gagner :
1. Le poids électoral du Midwest, ou le Brexit de la Ceinture de rouille
Je crois que Trump va porter une attention particulière aux États « bleus » de la région des Grands Lacs, c’est-à-dire le Michigan, l’Ohio, la Pennsylvanie et le Wisconsin. Ces quatre États traditionnellement démocrates ont chacun élu un gouverneur républicain depuis 2010, et seule la Pennsylvanie a opté pour un démocrate depuis ce temps. Lors de l’élection primaire du mois de mars, plus de résidents du Michigan se sont déplacés pour choisir un candidat républicain (1,32 million) qu’un candidat démocrate (1,19 million).
Dans les plus récents sondages, Trump devance Clinton en Pennsylvanie. Et comment se fait-il qu’il soit à égalité avec Clinton en Ohio, après tant d’extravagances et de déclarations à l’emporte-pièce? C’est sans doute parce qu’il a affirmé (avec raison) qu’Hillary a contribué à détruire la base industrielle de la région en appuyant l’ALÉNA. Trump ne manquera pas d’exploiter ce filon, puisque Clinton appuie également le PTP et de nombreuses autres mesures qui ont provoqué la ruine de ces quatre États.
Durant la primaire du Michigan, Trump a posé devant une usine de Ford et menacé d’imposer un tarif douanier de 35 % sur toutes les voitures fabriquées au Mexique dans le cas où Ford y déménagerait ses activités. Ce discours a plu aux électeurs de la classe ouvrière. Et lorsque Trump a menacé de contraindre Apple à fabriquer ses iPhone aux États-Unis plutôt qu’en Chine, leur cœur a basculé et Trump a remporté une victoire qui aurait dû échoir au gouverneur de l’Ohio John Kasich.
L’arc qui va de Green Bay à Pittsburgh est l’équivalent du centre de l’Angleterre. Ce paysage déprimant d’usines en décrépitude et de villes en sursis est peuplé de travailleurs et de chômeurs qui faisaient autrefois partie de la classe moyenne. Aigris et en colère, ces gens se sont fait duper par la théorie des effets de retombées de l’ère Reagan. Ils ont ensuite été abandonnés par les politiciens démocrates qui, malgré leurs beaux discours, fricotent avec des lobbyistes de Goldman Sachs prêts à leur écrire un beau gros chèque.
Voilà donc comment le scénario du Brexit est en train de se reproduire. Le charlatan Elmer Gantry se pose en Boris Johnson, faisant tout pour convaincre les masses que l’heure de la revanche a sonné. L’outsider va faire un grand ménage! Vous n’avez pas besoin de l’aimer ni d’être d’accord avec lui, car il sera le cocktail molotov que vous tirerez au beau milieu de tous ces bâtards qui vous ont escroqué! Vous devez envoyer un message clair, et Trump sera votre messager!
Passons maintenant aux calculs mathématiques. En 2012, Mitt Romney a perdu l’élection présidentielle par une marge de 64 voix du Collège électoral. Or, la personne qui remportera le scrutin populaire au Michigan, en Ohio, en Pennsylvanie et au Wisconsin récoltera exactement 64 voix. Outre les États traditionnellement républicains, qui s’étendent de l’Idaho à la Géorgie, tout ce dont Trump aura besoin pour se hisser au sommet ce sont les quatre États du Rust Belt. Oubliez la Floride, le Colorado ou la Virginie. Il n’en a même pas besoin.
« Cela dit, notre plus grand problème n’est pas Trump mais bien Hillary. Elle est très impopulaire. Près de 70 % des électeurs la considèrent comme malhonnête ou peu fiable. »
2. Le dernier tour de piste des Hommes blancs en colère
Nos 240 ans de domination masculine risquent de se terminer. Une femme risque de prendre le pouvoir! Comment en est-on arrivés là, sous notre propre règne? Nous avons ignoré de trop nombreux avertissements. Ce traître féministe qu’était Richard Nixon nous a imposé le Titre IX, qui interdit toute discrimination sur la base du genre dans les programmes éducatifs publics. Les filles se sont mises à pratiquer des sports. Nous les avons laissées piloter des avions de ligne et puis, sans crier gare, Beyoncé a envahi le terrain du Super Bowl avec son armée de femmes noires afin de décréter la fin de notre règne!
Cette incursion dans l’esprit des mâles blancs en danger évoque leur crainte du changement. Ce monstre, cette « féminazie » qui – comme le disait si bien Trump – « saigne des yeux et de partout où elle peut saigner » a réussi à s’imposer. Après avoir passé huit ans à nous faire donner des ordres par un homme noir, il faudrait maintenant qu’une femme nous mène par le bout du nez? Et après? Il y aura un couple gai à la Maison-Blanche pour les huit années suivantes? Des transgenres? Vous voyez bien où tout cela mène. Bientôt, les animaux auront les mêmes droits que les humains et le pays sera dirigé par un hamster. Assez, c’est assez!
3. Hillary est un problème en elle-même
Pouvons-nous parler en toute franchise? En premier lieu, je dois avouer que j’aime bien Hillary Clinton. Je crois qu’elle est la cible de critiques non méritées. Mais après son vote en faveur de la guerre en Irak, j’ai promis de ne plus jamais voter pour elle. Je suis contraint de briser cette promesse aujourd’hui pour éviter qu’un proto-fasciste ne devienne notre commandant en chef. Je crois malheureusement qu’Hillary Clinton va nous entraîner dans d’autres aventures militaires, car elle est un « faucon » perché à droite d’Obama. Mais peut-on confier le bouton de nos bombes nucléaires à Trump le psychopathe? Poser la question, c’est y répondre.
Cela dit, notre plus grand problème n’est pas Trump mais bien Hillary. Elle est très impopulaire. Près de 70 % des électeurs la considèrent comme malhonnête ou peu fiable. Elle représente la vieille manière de faire de la politique, c’est-à-dire l’art de raconter n’importe quoi pour se faire élire, sans égard à quelque principe que ce soit. Elle a lutté contre le mariage gay à une certaine époque, pour maintenant célébrer elle-même de tels mariages. Ses plus farouches détractrices sont les jeunes femmes. C’est injuste, dans la mesure où Hillary et d’autres politiciennes de sa génération ont dû lutter pour que les filles d’aujourd’hui ne soient plus encouragées à se taire et rester à la maison par les Barbara Bush de ce monde. Mais que voulez-vous, les jeunes n’aiment pas Hillary.
Pas une journée ne passe sans que des milléniaux me disent qu’ils ne l’appuieront pas. Je conviens qu’aucun démocrate ou indépendant ne sera enthousiaste à l’idée de voter pour elle le 8 novembre. La vague suscitée par l’élection d’Obama et la candidature de Sanders ne reviendra pas. Mais au final, l’élection repose sur les gens qui sortent de chez eux pour aller voter, et Trump dispose d’un net avantage à cet effet.
« Les jeunes n’ont aucune tolérance pour les discours qui sonnent faux. Dans leur esprit, revenir aux années Bush-Clinton est un peu l’équivalent d’utiliser MySpace et d’avoir un téléphone cellulaire gros comme le bras. »
4. Les partisans désabusés de Bernie Sanders
Ne vous inquiétez pas des partisans de Sanders qui ne voteront pas pour Hillary Clinton. Le fait est que nous serons nombreux à voter pour elle! Les sondages indiquent que les partisans de Sanders qui prévoient de voter pour Hillary sont déjà plus nombreux que les partisans d’Hillary ayant reporté leur vote sur Obama en 2008. Le problème n’est pas là. Si une alarme doit sonner, c’est à cause du « vote déprimé ». En d’autres termes, le partisan moyen de Sanders qui fait l’effort d’aller voter ne fera pas l’effort de convaincre cinq autres personnes d’en faire de même. Il ne fera pas 10 heures de bénévolat chaque mois, et n’expliquera pas sur un ton enjoué pourquoi il votera pour Hillary.
Les jeunes n’ont aucune tolérance pour les discours qui sonnent faux. Dans leur esprit, revenir aux années Bush-Clinton est un peu l’équivalent d’utiliser MySpace et d’avoir un téléphone cellulaire gros comme le bras.
Les jeunes ne voteront pas davantage pour Trump. Certains voteront pour un candidat indépendant, mais la plupart choisiront tout simplement de rester à la maison. Hillary doit leur donner une bonne raison de bouger. Malheureusement, je ne crois pas que son choix de colistier soit de nature à convaincre les milléniaux. Un ticket de deux femmes aurait été beaucoup plus audacieux qu’un gars blanc, âgé, centriste et sans saveur. Mais Hillary a misé sur la prudence, et ce n’est qu’un exemple parmi d’autres de sa capacité à s’aliéner les jeunes.
5. L’effet Jesse Ventura
Pour conclure, ne sous-estimez pas la capacité des gens à se conduire comme des anarchistes malicieux lorsqu’ils se retrouvent seuls dans l’isoloir. Dans notre société, l’isoloir est l’un des derniers endroits dépourvus de caméras de sécurité, de micros, d’enfants, d’épouse, de patron et de policiers! Vous pouvez y rester aussi longtemps que vous le souhaitez, et personne ne peut vous obliger à y faire quoi que ce soit.
Vous pouvez choisir un parti politique, ou écrire Mickey Mouse et Donald Duck sur votre bulletin de vote. C’est pour cette raison que des millions d’Américains en colère seront tentés de voter pour Trump. Ils ne le feront pas parce qu’ils apprécient le personnage ou adhèrent à ses idées, mais tout simplement parce qu’ils le peuvent. Des millions de gens seront tentés de devenir marionnettistes et de choisir Trump dans le seul but de brouiller les cartes et voir ce qui arrivera.
Vous souvenez-vous de 1998, année où un lutteur professionnel est devenu gouverneur du Minnesota? Le Minnesota est l’un des États les plus intelligents du pays, et ses citoyens ont un sens de l’humour assez particulier. Ils n’ont pas élu Jesse Ventura parce qu’ils étaient stupides et croyaient que cet homme était un intellectuel destiné aux plus hautes fonctions politiques. Ils l’ont fait parce qu’ils le pouvaient. Élire Ventura a été leur manière de se moquer d’un système malade. La même chose risque de se produire avec Trump.
Un homme m’a interpellé la semaine dernière, lorsque je rentrais à l’hôtel après avoir participé à une émission spéciale de Bill Maher diffusée sur HBO à l’occasion de la convention républicaine: « Mike, nous devons voter pour Trump. Nous DEVONS faire bouger les choses! » C’était là l’essentiel de sa réflexion.
Faire bouger les choses. Le président Trump sera l’homme de la situation, et une grande partie de l’électorat souhaite être aux premières loges pour assister au spectacle.
La semaine prochaine, je vous parlerai du talon d’Achille de Donald Trump et des stratégies que nous pouvons employer pour lui faire perdre l’élection.
Cordialement,
Michael Moore
Ce billet de blog a initialement été publié sur The Huffington Post et traduit de l’anglais par Pierre-Etienne Paradis.
Voir par ailleurs:
‘Ferguson effect’? Savagely beaten cop didn’t draw gun for fear of media uproar, says Chicago police chief
Derek Hawkins
The Washington Post
October 7 2016
A Chicago police officer who was savagely beaten at a car accident scene this week did not draw her gun on her attacker — even though she feared for her life — because she was afraid of the media attention that would come if she shot him, the city’s police chief said Thursday.
Chicago Police Department Superintendent Eddie Johnson said the officer, a 17-year veteran of the force, knew she should shoot the attacker but hesitated because “she didn’t want her family or the department to go through the scrutiny the next day on the national news,” the Chicago Tribune reported.
Johnson’s remarks, which came at an awards ceremony for police and firefighters, underscore a point law enforcement officers and some political leaders have pressed repeatedly as crime has risen in Chicago and other major cities: that police are reluctant to use force or act aggressively because they worry about negative media attention that will follow.
The issue has become known as the Ferguson effect, named after the St. Louis suburb where a police officer shot and killed an unarmed black teenager in August 2014. The shooting set off protests and riots that summer and eventually gave way to a fevered national debate over race and policing. Many law enforcement officers have said that the intense focus on policing in the time since has put them on the defensive and hindered their work.
Criminologists are generally skeptical of the Ferguson effect, many arguing that there simply isn’t enough evidence to definitively link spikes in crime to police acting with increased restraint. President Obama and Attorney General Loretta E. Lynch have also said not enough data exists to draw a clear connection.
In Chicago, which has experienced record numbers of homicides this year, Mayor Rahm Emanuel has blamed the surge in violent crime on officers balking during confrontations, saying they have become “fetal” because they don’t want to be prosecuted or fired for their actions.
Chicago, America’s murder capital
Superintendent Johnson stopped short of saying the attack on the officer was an example of the Ferguson effect in action, but said being under a magnifying glass has caused his police to “second-guess” themselves.
According to Johnson, the 43-year-old officer, who has not been identified, was responding to a car crash Wednesday when a 28-year-old man who was involved in the accident struck her in the face, then repeatedly smashed her head against the pavement until she passed out. He said the attack went on for several minutes and that two others officers were injured as they tried to pull the suspect away, the Chicago Sun-Times reported. The suspect was on PCP, he said, and was finally subdued after officers Tasered and pepper sprayed him.
Johnson said he visited the officer in the hospital, where she told him why she did not draw her service weapon during the attack.
“She looked at me and said she thought she was going to die,” he told the audience at the awards ceremony. “And she knew that she should shoot this guy. But she chose not to because she didn’t want her family or the department to have to go through the scrutiny the next day on national news.”
“This officer could [have] lost her life last night,” Johnson continued. “We have to change the narrative of law enforcement across this country.”
The head of Chicago’s police union, the largest in the country, said the incident showed just how concerned officers are about becoming the center of a public spectacle if they use force. Police “don’t want to become the next YouTube video,” he told the Tribune.
But a Chicago civil rights lawyer said that police bore some responsibility for the tension between police and the communities they serve. Decades of abuse by the police department had eroded the public’s trust, attorney Jon Loevy told the Tribune.
“Any fair-minded person acknowledges that police have a very difficult and dangerous job, and this sounds like a very unfortunate situation,” he said. “The hope is that the department and the community can work to repair some of the lost trust so that officers won’t always feel so second-guessed.”
Voir enfin:
Un très vieil enregistrement de Donald Trump d’il y a 10 ans, alors qu’il était invité à participer à une émission de variétés et qu’il ne savait pas que son micro était allumé, vient « miraculeusement » de faire surface, où il parle de ses prouesses avec les femmes dans les termes qu’on utilise dans les salles de garde.
Les médias se sont jetés sur cet enregistrement pour assassiner Trump et c’est logique : ils font tout pour que Donald Trump ne soit pas élu.
Des politiciens ont déclaré que ces mots disqualifient Donald Trump pour la Maison-Blanche, oubliant que Bill Clinton a été à ce poste tout en se rendant coupable non pas de mots, mais d’agissements sexuels répréhensibles.
Donald Trump vient de présenter des excuses publiques pour les propos qu’il a tenus il y a 10 ans. Elles ne seront pas publiées. Les médias feront comme si elles n’existent pas :
Here is my statement. pic.twitter.com/WAZiGoQqMQ
Oui, les médias se sont jetés sur les propos déplacés de Donald Trump et ont étouffé les propos scandaleux de Clinton.
Quelle est la valeur de leurs leçons de morale, quand ils restent silencieux concernant la débauche de Bill Clinton — et je ne parle pas ici de Monica Lewinsky ?
Que valent leurs simulacres quand ils cachent les campagnes de diffamation montées par Hillary Clinton pour traîner dans la boue et détruire la réputation des femmes sexuellement agressées par son mari, elle qui se dit la championne de la cause des femmes ?
- Vous avez tous connaissance maintenant — ou vous allez bientôt l’apprendre — de l’existence de cet enregistrement où Donald Trump dit, entre autres, « Je suis automatiquement attiré par les belles femmes, c’est comme un aimant… quand vous êtes une star, elles vous laissent faire… vous pouvez tout leur faire. »
- Mais avez-vous jamais entendu ces mêmes médias rapporter que Bill Clinton a violé Juanita Broaddrick non pas une, mais deux fois, en 1978 alors qu’il était procureur général de l’Arkansas ? Et qu’il l’a harcelée pendant encore 6 mois pour tenter de la rencontrer de nouveau ?
- Avez-vous entendu parler de Paula Jones, ex-fonctionnaire de l’Arkansas, qui a poursuivi Bill Clinton en justice pour harcèlement sexuel, qui a donné lieu à une compensation de 850 000 dollars, et provoqué la destitution de Clinton la Chambre des représentants, bien avant son impeachment de la présidence dans l’affaire Lewinsky ?
- Kathleen Willey ? Les médias parlent-ils de Kathleen Willey, cette assistante-bénévole à la Maison-Blanche qui a révélé avoir été sexuellement abusée par le Président Bill Clinton le 29 novembre 1993, durant son premier terme, soit deux ans avant sa relation sexuelle avec Monica Lewinsky ?
- Eileen Wellstone, violée par Clinton après une rencontre dans un pub d’Oxford University en 1969,
- Carolyn Moffet, secrétaire juridique à Little Rock en 1979, qui a réussi à fuir de la chambre d’hôtel où le gouverneur Clinton l’avait attirée pour lui demander des faveurs sexuelles,
- Elizabeth Ward Gracen, Miss Arkansas en 1982, qui a accusé Clinton de la forcer à avoir des rapports sexuels avec elle juste après la compétition pour Miss Arkansas,
- Becky Brown, la nounou de Chelsea, la fille des Clinton, qu’il a tenté d’attirer dans une chambre pour avoir des relations sexuelles avec elle,
- Helen Dowdy, la femme d’un cousin d’Hillary, qui a accusé Bill Clinton, en 1986, d’attouchements sexuels lors d’un mariage.
- Cristy Zercher, hôtesse de l’air lors de la campagne de Clinton de 1991-1992, qui a déclaré à Star magazine avoir été victime des attouchements sexuels de Clinton pendant 40 minutes dans le jet de la campagne sans pouvoir se défendre…
Ont-ils rué dans les brancards ? Non. Vous ont-ils informé ? Pas plus. Ont-ils dénoncé le comportement de Hillary Clinton en ses occasions ? Encore moins.
Pourquoi ? Parce que les journalistes permettent qu’un homme de leur camp viole des femmes, les agresse sexuellement, forcent une stagiaire à faire des pipes au président dans le bureau ovale, mais ils sont scandalisés qu’un homme de droite prononce des mots sexuellement déplacés.
Voilà de quoi est fait le monde médiatique en décomposition.
C’est à vous et à vous seul de réagir et d’en tirer les conséquences. C’est à vous de prendre les bonnes décisions concernant ce double standard que les médias, dans leur dépravation morale, tentent de vous imposer — sur tous les sujets.
Voir enfin:
La longue plainte de Robert De Niro n’en finit pas de résonner.
Depuis trois semaines, la star américaine se livre à une véritable attaque en règle contre «la France des droits de l’homme», sa justice en général et le juge d’instruction parisien Frédéric N’Guyen en particulier. Lequel juge a osé mettre la star en garde à vue, le 10 février, afin de l’entendre à titre de témoin dans une affaire de proxénétisme international. Imprudemment soutenus dans leur croisade par le microcosme artistico-médiatique, l’artiste et ses alliés multiplient les déclarations incendiaires dénonçant la «chasse aux sorcières», le pouvoir «déplorable» accordé aux juges, la «sale besogne» d’un magistrat «narcissique», avide de «publicité». Au point que, vendredi, le Syndicat de la magistrature a fini par demander à la ministre de la Justice, Elisabeth Guigou, «d’assurer publiquement sa protection» au juge Frédéric N’Guyen, «qui fait l’objet, sans pouvoir y répondre, d’attaques personnalisées proprement inacceptables».
Injures
Pourtant, le sieur De Niro a bien bénéficié d’un traitement judiciaire particulier. Mais plutôt en sa faveur. C’est du moins ce qu’avouent en sourdine les enquêteurs, face à la multiplication des entorses aux règles judiciaires qui ont émaillé l’interpellation du célèbre témoin.
Ainsi, le mardi 10 février, lorsque les sept hommes de la Brigade de répression du proxénétisme (BRP), accompagnés d’une interprète assermentée, se présentent à l’hôtel Bristol, rue du Faubourg-Saint-Honoré, à Paris, De Niro refuse obstinément de leur ouvrir la porte de la suite numéro 450 qu’il occupe. Lorsqu’ils peuvent enfin pénétrer dans l’appartement, ouvert par un membre du personnel de l’hôtel, ils essuient sans broncher et pendant de longues minutes les bordées d’injures de l’artiste, visiblement très énervé. Ils laissent même Robert De Niro téléphoner à son avocat, Me Georges Kiejman, avant de recevoir l’ordre de quitter les lieux. Il n’existe qu’un précédent célèbre. C’était en juin 1996, lorsque les policiers accompagnant le juge Halphen s’étaient vu intimer l’ordre par leur hiérarchie de ne pas assister le magistrat lors de sa perquisition au domicile du maire de Paris, Jean Tiberi. Pour avoir couvert cette irrégularité, le patron de la police judiciaire, Olivier Foll, avait été privé pendant six mois de son habilitation de police judiciaire par la chambre d’accusation.
Au coeur du dossier
Au Bristol, les choses rentreront dans l’ordre vers 10 h 45, après l’arrivée d’un des patrons de la BRP muni d’une nouvelle commission rogatoire du juge. Robert De Niro consent alors à suivre les policiers, mais ni la fouille à corps, ni la perquisition de l’appartement, pourtant notifiées, ne seront exécutées. Alors même que ces deux exigences justifient le mode opératoire adopté. En effet, s’il s’était agi d’entendre De Niro à titre de témoin, une simple convocation aurait suffi. «Mais ce n’est pas un témoin de circonstance, explique un avocat du dossier. Monsieur De Niro n’est pas le quidam qui passe par hasard sur le lieu d’une infraction et à qui on demande de venir raconter ce qu’il a vu. Il est au coeur du dossier.» L’artiste est en effet l’un des clients présumés d’un réseau de prostitution qu’auraient mis sur pied le photographe de charme Jean-Pierre Bourgeois et une ex-mannequin suédoise, Anika Brumarck. La filière a été dénoncée par un informateur anonyme de la BRP en octobre 1996. Elle fonctionnait depuis 1994, comme l’établira rapidement l’information judiciaire, confiée au juge N’Guyen le 24 octobre 1996. Anika Brumarck gérait les opérations depuis son appartement du XVIe arrondissement parisien. Usant de sa profession de photographe, Bourgeois se serait occupé de recruter les jeunes filles, alléchées par des propositions de petits rôles au cinéma ou de modèle photo pour des campagnes publicitaires. «Il a un vrai don pour repérer des proies faciles», assure un enquêteur, qui évoque avec dégoût l’exploitation de ce «sous-prolétariat d’aspirantes à une carrière de figurantes». Catalogue. Etudiantes sans le sou, vendeuses de fast-food, filles de la Ddass se laissent attirer dans l’appartement de Bourgeois, pour une première séance de photos nues, au Polaroïd. Ces clichés sont la base du catalogue qui sera proposé aux «clients». Il comporte sept ou huit noms de prostituées professionnelles haut de gamme, et une quarantaine d’autres, non professionnelles. Ensuite, selon les témoignages de plusieurs filles, Bourgeois propose aux modèles de leur raser une partie du sexe, pour des raisons «esthétiques». Opération généralement suivi d’un rapport sexuel. A ce stade, certaines candidates se rebiffent. Quelques-unes portent plainte pour viol et tentative de viol. D’autres passent le cap, afin de préserver leurs chances de décrocher un contrat, sans savoir qu’elles vont se retrouver dans un réseau de prostitution. Et une partie de celles-ci, confrontées à la réalité de leur premier client, iront également se confier à la justice. Les accusations de violences sexuelles sont d’ailleurs si nombreuses dans ce dossier que le parquet de Paris a décidé de le couper en deux. Le juge N’Guyen instruit donc en parallèle le proxénétisme aggravé et les viols et tentatives liées au réseau, pour lequel il dispose d’une multitude de plaintes de gamines, à l’encontre des instigateurs comme de certains clients.
Branche américaine
Bourgeois se serait essentiellement occupé de la clientèle moyen-orientale, grâce notamment à ses relations avec Nazihabdulatif Al-Ladki, secrétaire du neveu du roi d’Arabie Saoudite. Bourgeois, Brumarck et Al-Ladki sont actuellement incarcérés à Fleury-Mérogis. La partie américaine aurait été l’affaire du Polonais Wojtek Fibak, ex-tennisman de renom et ex-entraîneur de Lendl et de Leconte. C’est notamment lui qui aurait présenté Bourgeois à De Niro et qui aurait assuré le développement de la clientèle américaine, tout en recrutant de son côté quelques candidates. Pas toutes consentantes, apparemment, puisque Fibak fait lui aussi l’objet d’une mise en examen pour «agression sexuelle et tentative de viol». Carnet d’adresses. La déposition de De Niro était nécessaire afin d’établir les faits de proxénétisme. Car l’artiste reconnaît avoir eu des relations sexuelles avec au moins deux jeunes femmes qui lui auraient été présentées par Bourgeois. «Dans ce cas très précis, explique un avocat de la partie civile, c’est le client qui induit le proxénétisme.» Habituellement, le client s’adresse à une fille, la paie et s’en va. Aux policiers de démontrer que le souteneur présumé reçoit une partie des sommes et qu’il vit aux crochets de la belle. «Là, c’est l’inverse, poursuit l’avocat. Le client est d’abord au contact de l’intermédiaire. Le proxénétisme est établi d’emblée. Et le juge était sans doute très intéressé par le carnet d’adresses et les agendas de l’artiste, qui auraient pu révéler d’autres contacts. Il lui fallait donc ordonner une perquisition, ce qui excluait le recours à la convocation ordinaire.»
Lors de son audition par le juge, Robert De Niro a longuement répondu aux questions. Ces informations, Frédéric N’Guyen les attendait depuis le 14 novembre 1997, date de la délivrance de sa première commission rogatoire visant l’acteur. Trois longs mois avant que les enquêteurs ne se décident. Le 6 février, ils se présentent au Bristol une heure après le départ de De Niro, retourné aux Etats-Unis pour quelques jours. Pas de chance. D’autant que ce ratage est accompagné d’une première fuite bien préparée vers la presse, qui évente l’opération. Fuite réitérée lors de l’interpellation de l’acteur, qui se retrouvera face à une meute d’objectifs et de caméras à sa sortie du palais de justice, vers 21 heures.
Offensive médiatique
A partir de ce moment, les choses tournent au vinaigre pour le juge N’Guyen. Le soir même de l’audition de De Niro, Me Kiejman dépose une plainte contre le magistrat pour «violation du secret de l’instruction» et «entrave à la liberté d’aller et venir». Après quelques jours de répit, l’offensive repart du Festival cinématographique de Berlin, passe par les pages du Monde, qui publie une longue interview de De Niro, et s’étale sur Canal +, lorsque Guillaume Durand invite la star dans Nulle part ailleurs. En fait, on apprend, grâce au Canard enchaîné, que Durand a reçu De Niro chez lui quelques jours avant. Et que, lors de cette petite sauterie organisée pour l’anniversaire de l’animateur télé, Elisabeth Guigou, ministre de la Justice, invitée elle aussi, s’est entretenue une demi-heure en tête à tête avec l’acteur, comme en convient le cabinet de la ministre. Sans compter une mystérieuse visite nocturne au bureau du juge, constatée par les gendarmes du palais de justice le 17 février. Show business. «Il y a une réelle tentative de déstabiliser le juge et de plomber le dossier, estime un avocat du côté des parties civiles. Et De Niro n’est qu’un prétexte dans cette opération.» Il pourrait dissimuler une tentative de sauvetage du producteur de cinéma Alain Sarde. Client présumé du réseau, Sarde est accusé de viol et de tentative de viol par deux jeunes femmes que lui aurait présentées Bourgeois. Sarde, qui nie les faits, est défendu par Georges Kiejman. Comme De Niro. Sarde bénéficie du soutien de grands noms du show business. Dont une partie de ceux qui défendent De Niro. Le patron de Canal +, Pierre Lescure, a adressé au juge une attestation de moralité en faveur d’Alain Sarde. Canal +, qui contrôle la société de production les Films Alain Sarde-Canal +, assure la défense de De Niro, via les interventions de Kiejman et de l’acteur sur son antenne. Effets du hasard, ou scénario bien écrit?
WHAT MEDIA BIAS ?
The good news for Trump was that after a shaky start devoted to the discussion about the tape containing his boasts of sexual assault, he seemed to gain confidence. The act of trying to turn the tables on Clinton, in which he brought up her husband’s conduct—charges that were accentuated by the presence of four Clinton accusers present in the audience at Trump’s invitation—and her attacks on those women, seemed to energize the billionaire. At times, he seemed very much like the person who seemed to have all the momentum on his side when Clinton appeared to have as much trouble explaining her email scandals or articulating anything more than stale liberal talking points.
Trump gave his devoted followers the kind of red meat they love in denouncing the Clintons as mercenary tools of the establishment, tying her to the Obama administration’s failures, and saying he’d appoint a special prosecutor if he’s elected president for her email scandal. Trump also benefitted from the moderators’ clear bias against him. At one point ABC’s Martha Raddatz literally began debating him on foreign policy—admittedly, a subject she knows a lot better than he does, but still an egregious moment. Still, they did ask Clinton tougher questions than the ones she got in the first debate, cornering her on her emails and the leak of her speech transcripts. When she sought an alibi for saying politicians should have different stances on the issue in private than in public by referring to Steven Spielberg’s movie about Abraham Lincoln, she made the sort of unforced error we expected Trump to make and he made her pay for it.
Had the events of the last two weeks not occurred, we might be viewing the impact of the Town Hall format debate very differently. But they did, and we can’t pretend that Trump merely exceeding expectations can make up all the ground he’s lost in that time.
Just as important, the headlines coming out of this debate will continue to focus on topics that don’t help Trump. His supporters may have been delighted with his echo of their “lock her up” chant, but his talk of her being “in jail” was as shocking as it was unprecedented in American history. That is the sort of thing that happens in dictatorships and banana republics, not the United States, and reinforces concerns about whether a vindictive man like Trump should be entrusted with the power of the presidency.
Trump’s continued sympathy for Russia (including him falsely stating that they are attacking ISIS in Syria) and giving the back of his hand to running mate Mike Pence for his support for a strong U.S. response to Moscow won’t be lost on voters either.
Moreover, though Trump was able to leave the sexual assault issue behind after his rocky first minutes—something that was enabled by Clinton’s refusal to respond in kind to his attacks on her husband—it’s likely that issue is still uppermost in the minds of voters regardless of how we score the debate. If more tapes come out or if his assertion that he never acted on his boasts—a claim that will be easily debunked by accusers if there are any willing to come forward—whatever he achieved on Sunday night won’t matter.
The swing state voters he’s losing—especially the educated white women he desperately needs—aren’t going to be persuaded by his deflections and over-the-top attacks. The debate will allow Trump’s campaign to limp along. But this late in the contest with so many liabilities and the Electoral College map stacked against him, it was nowhere near enough …
https://www.commentarymagazine.com/politics-ideas/campaigns-elections/did-donald-trump-give-himself-a-chance/
J’aimeJ’aime
ALL VICTIMHOOD AND APPLE PIE (From sexual liberation to the infantilization of women in terms Queen Victoria would find reassuring)
Go beyond the current campaign to the wider culture, and this uproar over Trump’s comments reflects the sexual schizophrenia that for decades has corrupted our understanding of women’s sexuality. When feminism took off in the Sixties, it was all about empowering women to have the same sexual agency as men. All the taboos against female sexual behavior were dismantled, the dreaded “double standard” was discarded, and women started acting just like men. They are free to choose their partners, and the frequency and variety of sexual acts, without judgment from prudish patriarchs and Christian “fundamentalists.” They can go to Chippendales shows and leer and grope the strippers with the same gusto as the wise-guys in the Bada Bing. They can watch pornography on television, and read best-selling soft-porn sadomasochistic novels and then enjoy a girls’ night out to enjoy the movie version. They can drop F-bombs with abandon, objectivize men into sexual commodities, dress like prostitutes, and banter about their conquests. And any criticism of female promiscuity is demonized as “slut-shaming.”
Around the Nineties the bill started coming due for this uncritical abandonment of traditional morality. Sexual disease, frequent abortion, children without fathers, and the psychological costs of being objectivized and degraded by men––who were delighted to find that women were now their sexual equals––were all the bitter fruit of liberation. The response to these unforeseen consequences was the new Victorianism, as Rene Denfeld’s perceptive study called it. The sexual freedom would remain, but now men were expected to observe a whole host of minute rules and limitations in order to protect women from the consequences of their own free choices. College students had the right to get drunk at frat parties and make a bad sexual choice of an equally drunk sexual partner, but were absolved by being transformed into victims of sexual predators who were now held to a higher standard––just like in patriarchal Victorian times. Apparently the Victorian feminists didn’t understand that if men should know better, then at some level they are better. Women were now the equal of men, but simultaneously not as resilient or strong enough to own the consequences of their behavior.
Our larger public culture is equally schizophrenic. We have easy access to porn, a fashion industry that dresses even pre-teens like prostitutes, television shows and movies filled with casual sex, and an obsession with sexual beauty that drives a whole industry of surgical enhancement. Yet at the same time, we rigorously police our language and jokes for infractions of “sexual harassment,” which is what any woman at any time for any reason believes creates a “hostile and intimidating workplace,” in the words of the law. And we have redefined “sexual assault” to include bad decisions one would think a confident, strong, adult woman would see as a learning experience and try to avoid. Instead we infantilize women in terms Queen Victoria would find reassuring.
Democrats promote this identity of victimhood because it delivers political dividends. Remember Obama’s 2012 “Life of Julia” campaign cartoon? The message was the federal government can be a woman’s husband, boyfriend, and father, with the result, of course, that women would be just as dependent as they were in the dark days of patriarchy. Or think of Hillary’s main argument for becoming president: it’s time to elect a woman and correct the continuing injustices of sexism––despite the fact that today on average women are better educated and live longer than the average male.
But conservatives should know better and not jump so quickly to validate a dishonest narrative that benefits the other side. True conservatism knows the traditional wisdom that talk is cheap, and that actions speak louder than words. And true conservatism recognizes that freedom is the highest secular good, but that there is no true freedom without acceptance of the consequences of one’s actions. This latest Trump episode illustrates how clearly our sexual schizophrenia marks the decline of conservatism and the dominance of progressivism in our culture and politics.
Bruce Thornton
http://www.frontpagemag.com/fpm/264456/trump-politics-and-our-sexual-schizophrenia-bruce-thornton
J’aimeJ’aime
REVENGE OF THE CLINGERS (Obama legacy: Eight years of hope and change and look who we might be getting in the White House and at the head of the Free world)
« The establishment has trillions of dollars at stake in this election. For those who control the levers of power in Washington and for the global special interests. They partner with these people who don’t have your good in mind. It’s a global power structure that is responsible for the economic decisions that have robbed our working class, stripped our country of its wealth and put that money into the pockets of a handful of large corporations and political entities. »
Trump ad
Barack Obama is the Dr. Frankenstein of the supposed Trump monster. If a charismatic, Ivy League-educated, landmark president who entered office with unprecedented goodwill and both houses of Congress on his side could manage to wreck the Democratic Party while turning off 52 percent of the country, then many voters feel that a billionaire New York dealmaker could hardly do worse. If Obama had ruled from the center, dealt with the debt, addressed radical Islamic terrorism, dropped the politically correct euphemisms and pushed tax and entitlement reform rather than Obamacare, Trump might have little traction. A boring Hillary Clinton and a staid Jeb Bush would most likely be replaying the 1992 election between Bill Clinton and George H.W. Bush — with Trump as a watered-down version of third-party outsider Ross Perot. But America is in much worse shape than in 1992. And Obama has proved a far more divisive and incompetent president than George H.W. Bush. Little is more loathed by a majority of Americans than sanctimonious PC gobbledygook and its disciples in the media. And Trump claims to be PC’s symbolic antithesis. Making Machiavellian Mexico pay for a border fence or ejecting rude and interrupting Univision anchor Jorge Ramos from a press conference is no more absurd than allowing more than 300 sanctuary cities to ignore federal law by sheltering undocumented immigrants. Putting a hold on the immigration of Middle Eastern refugees is no more illiberal than welcoming into American communities tens of thousands of unvetted foreign nationals from terrorist-ridden Syria. In terms of messaging, is Trump’s crude bombast any more radical than Obama’s teleprompted scripts? Trump’s ridiculous view of Russian President Vladimir Putin as a sort of « Art of the Deal » geostrategic partner is no more silly than Obama insulting Putin as Russia gobbles up former Soviet republics with impunity. Obama callously dubbed his own grandmother a « typical white person, » introduced the nation to the racist and anti-Semitic rantings of the Rev. Jeremiah Wright, and petulantly wrote off small-town Pennsylvanians as near-Neanderthal « clingers. » Did Obama lower the bar for Trump’s disparagements? Certainly, Obama peddled a slogan, « hope and change, » that was as empty as Trump’s « make America great again. » (…) How does the establishment derail an out-of-control train for whom there are no gaffes, who has no fear of The New York Times, who offers no apologies for speaking what much of the country thinks — and who apparently needs neither money from Republicans nor politically correct approval from Democrats?
Victor Davis Hanson
J’aimeJ’aime
READY FOR FROG RAINS ?
I have seen a few, but I’ve run out of ways to say I’ve never seen one like this. It’s as if the nation is enduring some kind of curse. What should we expect next – that it will rain frogs? I wouldn’t bet against it.
Bob Schieffer (CBS)
J’aimeJ’aime