Attentats de Paris: Le nouveau mensonge romantique du tout-festif (Who will love the Devil and his song?)

Eagleseagles-death-metal-paris-muslim-terror-attacks-kiss-devil-song-was-playing-november-2015-933x445.jpg?w=590&h=277 Who’ll love the Devil? Who’ll song his song? Who will love the Devil and his song? Eagles Of Death Metal
Lorsque l’esprit impur est sorti d’un homme, il va par des lieux arides, cherchant du repos, et il n’en trouve point. Alors il dit: Je retournerai dans ma maison d’où je suis sorti; et, quand il arrive, il la trouve vide, balayée et ornée. Il s’en va, et il prend avec lui sept autres esprits plus méchants que lui; ils entrent dans la maison, s’y établissent, et la dernière condition de cet homme est pire que la première. Il en sera de même pour cette génération méchante. Jesus (Matthieu 12 : 43-45)
L’aveuglement moderne au sujet de la fête, et du rite en général, ne fait que prolonger et appuyer une évolution qui est celle du religieux lui-même. A mesure que s’effacent les aspects rituels, la fête se limite de plus en plus à cette grasse permission de détente que tant d’observateurs modernes ont décidé de voir en elle. (…) Derrière les apparences joyeuses et fraternelles de la fête déritualisée, privée de toute référence à la victime et à l’unité qu’elle refait, il n’y a plus d’autre modèle en vérité que la crise sacrificielle et la violence réciproque. C’est bien pourquoi les vrais artistes, de nos jours, pressentent la tragédie derrière l’insipidité de la fête transformée en vacances à perpétuité, derrière les promesses platement utopiques d’un « univers des loisirs ». Plus les vacances sont fades, veules, vulgaires, plus on on devine en elles l’épouvante et le monstre qui affleurent. Le thème des vacances qui commencent à mal tourner, spontanément redécouvert, mais déjà traité ailleurs sous des formes différentes, domine l’oeuvre cinématographique d’un Fellini. René Girard
L’inauguration majestueuse de l’ère « post-chrétienne » est une plaisanterie. Nous sommes dans un ultra-christianisme caricatural qui essaie d’échapper à l’orbite judéo-chrétienne en « radicalisant » le souci des victimes dans un sens antichrétien. (…) Jusqu’au nazisme, le judaïsme était la victime préférentielle de ce système de bouc émissaire. Le christianisme ne venait qu’en second lieu. Depuis l’Holocauste, en revanche, on n’ose plus s’en prendre au judaïsme, et le christianisme est promu au rang de bouc émissaire numéro un. René Girard
J’ai vu passer les dernières notes de synthèse avant les attentats. Le Bataclan était identifié comme cible potentielle depuis 2011 ! En juillet dernier, un djihadiste interrogé a lâché que les salles de concert rock étaient des cibles prioritaires. Mais rien n’a été pris au sérieux. C’est là qu’on a appris que le Bataclan était dans le viseur des islamistes. Notre hiérarchie préconise des mesures mais elle n’est pas écoutée. Il n’y a même pas eu une voiture de police à proximité ! Policier du renseignement intérieur
Il est impossible dans le contexte actuel d’accueil des réfugiés et d’absence de contrôles aux frontières de suivre tous les suspects, de faire des filatures, des planques, avec d’aussi faibles moyens. En face, ils sont très pros. Policier
Ce sont les politiques qui nous ont mis dans cette situation. Ils ont traîné. Dès l’affaire Merah, on pouvait agir, mais l’élection présidentielle a eu lieu entre-temps et la gauche a mis trois ans à comprendre que la menace était réelle ! Les médias disent n’importe quoi. On raconte que les Turcs nous ont prévenus de la radicalisation d’Omar Ismaïl Mostefaï. C’est n’importe quoi ! Commissaire
Comment Abdelhamid Abaaoud, considéré comme un “émir” de l’État islamique chargé des opérations terroristes en France, en Italie et en Espagne, a-t-il pu faire des allers-retours entre la France et la Syrie, sans être inquiété ? Dans Dabiq, la revue de l’État islamique, Abaaoud clamait fièrement : « J’ai pu aller et venir malgré le fait que j’étais pourchassé par tous les services de renseignements. […] Mon nom et mon image sont connus de tous ; […] j’ai pu rester dans leur pays, préparer des opérations contre eux et repartir sain et sauf. (…) Comment Samy Amimour, sous contrôle judiciaire, à qui on a retiré son passeport et sa carte d’identité pour motif de préparation d’un projet terroriste, a-t-il pu récupérer ses papiers après avoir signalé une perte au commissariat ? Pourquoi la justice ne s’est-elle pas inquiétée, quand il a cessé de pointer au commissariat alors qu’il y était contraint ? (…) Autre dysfonctionnement : le lendemain des attentats, Salah Abdeslam, qui a été condamné à de la prison ferme, a été contrôlé par la gendarmerie nationale à Cambrai puis par la police belge, qui le connaissait bien et l’avait classé dans la catégorie 36.2 (délinquant de droit commun). Il n’a pas été arrêté. La police belge n’avait pas pris soin de transmettre ses informations aux autorités françaises… Un agent de la DGSI explique : « Tant qu’il n’y aura pas de fichier commun aux pays de l’Union européenne, de telles erreurs se reproduiront. » Aujourd’hui visé par un mandat d’arrêt international, l’homme court toujours. (…) Enfin, le troisième terroriste qui s’est fait exploser au Stade de France, porteur d’un passeport syrien au nom de Mohammad al-Mahmod, a été contrôlé en Grèce, le 3 octobre. L’homme se serait glissé parmi des migrants, en profitant de l’absence de contrôles aux frontières. Valeurs actuelles
Au lendemain même des attentats de novembre, la Direction générale de la sécurité intérieure (DGSI, ex-DCRI) croyait Abdelhamid Abaaoud, coordinateur de ces attaques, en Belgique. Alors qu’il était en région parisienne depuis deux mois, si l’on en croit les déclarations d’un témoin clé qui a conduit le Raid jusqu’au repaire des tueurs à Saint-Denis. Cette source précieuse déclare même, selon Valeurs actuelles, qu’Abaaoud et au moins un de ses complices «sont rentrés quand Hollande a fait rentrer les réfugiés». Le Figaro
Nous nous sommes rapprochés de l’entrée. On entendait des rafales d’arme automatique. Alors que nous étions devant les portes vitrées du hall d’entrée, les portes battantes de la salle se sont ouvertes d’un coup et une foule s’est mise à courir vers nous en hurlant. Des tirs retentissaient toujours. Avant que les portes ne se referment, j’ai aperçu très distinctement un individu qui tenait une kalachnikov à la main. Il était très calme. La salle était baignée de lumière. J’ai compris. (…) Les gens se sont enfuis dans la rue. Il y a encore eu des tirs et puis plus rien. Je crois qu’on ne s’est même pas regardés avec mon chauffeur. (…) Pour nous, c’était une évidence que nous devions rentrer dans cette salle. Nous n’avons pas hésité. Nous avons progressé jusqu’aux portes battantes opaques. Derrière c’était l’inconnu. Nous n’avions aucune visibilité, nous savions juste qu’il y avait des terroristes qui nous attendaient avec des armes de guerre, et qu’on y resterait peut être. Nous avons ouvert les portes et le spectacle fut effrayant…Quelques instants auparavant, il y avait une grande agitation, du bruit, des tirs et là c’était le calme absolu, un silence d’une rare intensité, hors du temps, occupait tout l’espace. Des corps étaient étalés partout, par centaines, ils étaient les uns sur les autres. Sur le côté, sous le balcon, dans la fosse, devant le bar… Certains étaient entassés sur un mètre de hauteur. Il y avait du sang partout. Je pensais que tous étaient morts. Je me suis dit «c’est un vrai massacre». Je me demandais comment ils avaient fait pour tuer autant de gens…La salle était très éclairée, les spots de la scène étaient tous allumés vers nous, ce qui produisait une lumière très intense. (…) Au loin ont retenti quelques tirs. Je pense que c’était dans les loges, ou sur le balcon. Nous sommes restés calmes mais désemparés, nous ne savions pas trop quoi faire. Nous restions très concentrés pour essayer de voir les terroristes ; j’ai baissé au maximum le volume de ma radio pour ne pas être repéré. Soudain, sur la gauche de la scène, est apparu l’un des terroristes. Cela semblait irréel. Il était là comme si de rien n’était, très calme. Il marchait à reculons en tenant en joue, avec sa Kalachnikov, un jeune homme brun qui avançait vers lui les mains sur la tête. Ce jeune homme était digne et calme, presque résigné. Le terroriste lui a crié « couche-toi au sol » en pointant toujours sur lui son fusil d’assaut, tandis que la victime obtempérait… J’ai dit à mon équipier « Kalach devant ». J’ai avancé de quelques pas pour prendre appui sur une sorte de main courante qui partait d’une colonne à coté du bar. Mon équipier se tenait sur ma droite, à environ un mètre. Le terroriste ne nous voyait pas, il regardait son otage. Il était un peu de profil par rapport à nous. Sa veste était assez épaisse. Je ne savais pas s’il portait un gilet pare-balles mais, même s’il en avait été porteur, les flancs demeuraient vulnérables. Nous n’avons pas hésité une seconde. Il allait sans doute abattre l’otage, il fallait agir vite. Il était tout de noir vêtu, constituant sous les projecteurs une cible parfaitement visible. De 20 à 25 mètres nous séparaient de lui. Nous avons pris appui et ajusté notre visée. A cette distance, nous étions sûrs de le toucher… mais nous savions aussi que, si nous manquions notre cible et compte tenu de sa puissance de feu, nous étions morts. Malgré tout et étonnamment, j’étais serein. Nous avons engagé le tir, tirant jusqu’à ce qu’il tombe. Le terroriste a émis un râle, s’est affaissée puis est tombé au sol. Nous avons cessé notre tir, voulant instinctivement conserver des munitions pour la suite. Dans les deux secondes une explosion s’est produite. Il s’était fait exploser. J’ai longtemps craint que le jeune otage ait été emporté par l’explosion. C’est avec une joie profonde que j’ai appris qu’il avait pu profiter de notre intervention pour prendre la fuite et se mettre à l’abri. J’apprendrai plus tard que, dans le même temps, des effectifs du 94 – aperçus à notre arrivée – faisaient l’objet d’un tir nourri de la part d’un des terroristes, au niveau des issues de secours situées passage Saint Pierre Amelot, et qu’ils avaient courageusement fait front en ripostant au fusil à pompe. J’étais tellement concentré sur notre intervention que je n’avais plus aucune vision de la situation générale aux abords, ni sur le trafic radio. Je pense que notre action conjointe a pu perturber les terroristes et sauver quelques vies, cela demeure une satisfaction. Analysant à posteriori notre usage d’arme, je réalise que notre attention étant concentrée sur le terroriste, nous avions occulté toute vision périphérique – ce qu’on appelle « l’effet tunnel ». Si un autre terroriste était venu sur notre coté à ce moment là, nous étions morts à coup sûr. Nous avons eu beaucoup de chance. Dès que ce fanatique s’est fait exploser, nous avons essuyé plusieurs tirs sans parvenir à en localiser la provenance. Nous nous sommes abrités du mieux que nous pouvions. Je n’ai pas eu peur mais je me suis dit « je vais mourir aujourd’hui !». J’ai pris le temps de prendre mon téléphone et d’appeler ma femme quelques secondes pour lui dire adieu. J’ai raccroché sans lui laisser le temps de parler, et n’ai pu la rassurer que deux heures plus tard. Il était 22h04 exactement. Mon chauffeur en a fait de même. Les tirs ont continué mais plus sur nous. Nous pensions qu’ils étaient en train d’achever des gens, mais ne pouvions malheureusement rien faire. Notre présence à ce moment n’avait plus d’utilité. J’ai décidé de rejoindre le sas d’entrée pour voir si des forces supplémentaires étaient arrivées. M’ont rejoint à ce moment trois effectifs civils de la BAC 75N – dont je n’oublierai jamais la bravoure- et quelques effectifs de la BAC 94N et de la BAC Saint Maur. Nous étions dans le sas d’entrée. Nous avons entendu un terroriste derrière les portes battantes. Un chargeur est tombé à terre et un bruit de culasse a claqué. Il rechargeait sa Kalachnikov. Nous avons pensé qu’il allait faire une sortie, nous nous sommes préparés à ouvrir le feu, mais rien ne s’est produit… (…) Les tirs ont repris à l’intérieur. J’ai eu un moment de doute, je me suis dit « qu’est ce que je fais ? »Si lors de la première entrée j’étais seul avec mon chauffeur et nous partions vers l’inconnu, je savais maintenant ce qu’il y avait derrière cette porte, et c’était plus terrifiant encore. J’avais également désormais plusieurs policiers à mes cotés, la plupart pères de famille, Nous avions désormais deux fusils à pompe, mais toujours pas de moyens lourds de protection ce qui dépassait ma propre personne. En tant que Commissaire il était de ma responsabilité de peser les risques et de ne pas les envoyer tous vers une mort certaine. Un des policiers a crié « il faut attendre la BRI ! ».J’ai pensé : « on ne peut pas laisser ces pauvres gens se faire massacrer à l’intérieur et rester comme ça dehors sans rien faire !» J’ai répondu : « non on n’attend pas la BRI, on y retourne ! » Je savais pouvoir compter sur mes hommes et je n’ai pas été déçu. Je savais qu’ils me suivraient et tous m’ont suivi, avec un sens du devoir incroyable. Nous avons repris position dans la salle au niveau du bar. Quelques tirs ont repris. J’ai riposté deux fois à nouveau. (…)  Malheureusement, nous n’avions que notre courage à opposer à ces terroristes. Sans moyens de protection, nous ne pouvions plus progresser. Nous ne pouvions que rassurer les victimes à la voix, et nous opposer à un retour des terroristes vers la fosse et le bar. Je voudrais sincèrement m’excuser aujourd’hui auprès de ceux que nous n’avons pu sauver, auprès de leurs familles. Nous avons fait le maximum, mais nous aurions voulu faire tellement plus ! (…)  La BRI est arrivée. Nous avons progressé avec eux. Ils ont sécurisé une partie du rez-de-chaussée puis ont emprunté l’escalier. Nous avons alors pu faire sortir quelques victimes qui se trouvaient près du bar et ne pouvaient marcher. Elles étaient paniquées et couraient. Nous les avons extraites après les avoir palpées par mesure de sécurité. Il se pouvait en effet qu’un terroriste se soit glissé parmi elles. La colonne de la BAC 75, conduite par son officier, nous ayant rejoints avec ses boucliers balistiques, nous avons pu commencer à récupérer des victimes dans la fosse, avec grande précaution car nous ne savions toujours pas où étaient les terroristes. (…) Nous avons évacué les blessés sur des brancards de fortune, saisissant tout ce qui nous tombait dans les mains, comme des barrières «Vauban». Quand la BRI a donné le feu vert, nous avons fait sortir tous les otages valides. Ils étaient des centaines, le flux n’arrêtait pas. Ils étaient en panique et couraient vers la sortie, certains nous remerciant, d’autres nous reprochant de ne pas être intervenus plus tôt… beaucoup pleuraient, d’autres étaient couverts de sang ou totalement hagards. Commissaire de la Bac
Deux ans et demi après les attentats, les familles de victimes ne comprennent toujours pas pourquoi on a empêché, sur ordre, huit militaires de l’opération Sentinelle présents devant le Bataclan, d’intervenir. Nous voulons une réponse précise. On leur a interdit une intervention physique, c’est-à-dire de rentrer, mais aussi le prêt de matériel médical de premiers secours à des policiers. On n’aurait peut-être pas empêché la mort de 90 personnes, mais au moins évité des hémorragies qui ont donné la mort ». Samia Maktouf (avocate de 17 victimes et proches de victimes des attentats du Bataclan)

« Il est impensable de mettre des soldats en danger dans l’espoir hypothétique de sauver d’autres personnes. Ils n’ont pas vocation à se jeter dans la gueule du loup. Bruno Le Ray (gouverneur militaire de Paris)

[Les huit militaires de la force Sentinelle présents à proximité du Bataclan le 13-Novembre] ne sont pas intervenus, car ils n’ont fait qu’obéir aux ordres reçus. Le principe qui sous-tend l’action des forces de l’ordre en général est le suivant : le premier sur les lieux prend le commandement des opérations. Là, en l’occurrence, c’est la BAC, donc la police, qui est arrivée en premier. Le policier sur place a fait appel au PC opérationnel de la police – la préfecture de police de Paris – qui gère ce genre de situation. Et la préfecture a refusé d’engager les soldats en disant, en gros : « on n’est pas sur une zone de guerre ». Les militaires ont du coup assuré une mission périphérique d’appui pour couvrir et protéger la zone. Car à ce moment-là, on ne sait pas ce qui peut encore se passer. Derrière tout ça, il faut voir que la police d’une manière générale ne voit pas toujours d’un bon œil l’intervention des militaires, c’est classique. (…) On ne peut pas reprocher au sergent de Sentinelle qui arrive avec son groupe de ne pas avoir agi hors cadre. Il a suivi la procédure. Il a obéi aux ordres. Il y a, c’est vrai, une marge assez mince pour l’initiative, pour tenter le coup, mais il a fallu prendre des décisions très rapidement dans des situations très compliquées. On ne peut pas le blâmer. (…) [Quant à la demande de prêt de leurs armes d’assaut] Encore une fois, ils appliquent la procédure. Cela ne se fait pas. Par ailleurs je ne vois pas très bien ce que ça aurait changé. À ce moment-là, les forces de l’ordre sont dans la rue adjacente au Bataclan, le massacre a déjà eu lieu. Les terroristes sont à l’étage et tirent aussi depuis la fenêtre. Un fusil d’assaut, comme le Famas dont sont équipés les soldats de la force Sentinelle, c’est très délicat à manipuler dans un contexte comme celui-là. Une rafale peut transpercer des corps et des parois. Le risque de blesser des otages est élevé. Dans un espace clos, ce type d’armes n’est pas un avantage, il vaut mieux un pistolet… D’ailleurs, quand ils sont agressés, les militaires de Sentinelle n’utilisent leur Famas qu’en dernier recours, car il y a un risque de faire des victimes collatérales dans l’environnement immédiat. [Pour le refus de Bruno Le Ray, gouverneur militaire de Paris, de « mettre des soldats en danger »] J’ai du mal à comprendre. C’est son point de vue à lui. Pour expliquer ce raisonnement, il faut bien voir que les opérations militaires sur les fronts extérieurs, auxquelles participent les soldats, se préparent longtemps en amont, avec souvent un gros travail de renseignement. Énormément de précautions sont prises pour limiter les pertes. On n’y va pas tant qu’on n’a pas une idée assez nette de ce qu’on va trouver. Cependant les militaires savent agir vite et bien. (…) D’ailleurs, à titre personnel, je ne vois pas très bien l’intérêt de l’opération Sentinelle, qui mobilise aujourd’hui autour de 3 000 soldats, contre 10 000 fin 2015. Ça coûte cher, et ça a des effets négatifs. C’est surtout une opération psychologique. On montre nos soldats, on gesticule. Mais ils ne sont pas formés pour ce type d’intervention… Il y a un décalage. Le soldat n’est pas là pour assurer la sécurité sur le territoire national – sauf si des unités militaires y pénètrent –, mais pour combattre dans un contexte d’affrontement militaire, de guerre. (…) Il y a eu une modification de l’autorisation d’ouverture du feu, la notion de légitime défense a été élargie. Fondamentalement, c’est la seule chose qui a changé. Ensuite, on fait des exercices, on s’entraîne pour mieux se coordonner entre police et armée. C’est davantage une question de pratiques que de procédures. Si nous devions affronter un nouveau Bataclan, je pense que nos forces de sécurité seraient mieux organisées et plus efficaces. Michel Goya (colonel retraité des troupes de marine, enseignant à Science-Po Paris et à l’Institut de Relations Internationales et Stratégiques)
Vous allez dans certaines petites villes de Pennsylvanie où, comme dans beaucoup de petites villes du Middle West, les emplois ont disparu depuis maintenant 25 ans et n’ont été remplacés par rien d’autre (…) Et il n’est pas surprenant qu’ils deviennent pleins d’amertume, qu’ils s’accrochent aux armes à feu ou à la religion, ou à leur antipathie pour ceux qui ne sont pas comme eux, ou encore à un sentiment d’hostilité envers les immigrants. Barack Hussein Obama
Nous qui faisions les malins avec notre tradition, nous qui moquions la ringardise de nos pères, découvrions en lisant Girard que ce vieux livre poussiéreux, la Bible, était encore à lire. Qu’elle nous comprenait infiniment mieux que nous ne la comprenions. Ce que Girard nous a donné à lire, ce n’est rien moins que le monde commun des classiques de la France catholique, de l’Europe chrétienne, celui dont nous avions hérité mais que nous laissions lui aussi prendre la poussière dans un coin du bazar mondialisé. Nous pouvions grâce à lui nous plonger dans les livres de nos pères et y trouver une merveilleuse intelligence du monde. Avec lui, nous nous découvrions tout uniment fils de nos pères, français et catholiques. Car ce que nous apprend René Girard, c’est que nous ne sommes pas nés de la dernière pluie, que nous avons pour vivre et exister besoin du désir des autres, que nous ne sommes pas ces être libres et sans attaches que les catastrophes du XXe siècle auraient fait de nous. « C’est un garçon sans importance collective, c’est tout juste un individu. » Cette phrase de Céline qui m’a longtemps trotté dans la tête adolescent était tout un programme. Elle plaisait beaucoup à Sartre qui l’a mise en exergue de La Nausée. Elle donnait à la foule des pékins moyens dans mon genre une image très avantageuse d’eux-mêmes, au moment de l’effondrement des grands récits. Nous n’appartenions à rien ni à personne. Nous étions seulement nous-mêmes, libres et incréés. La lecture attentive de Girard balaye ces prétentions infantiles, qui pourtant structurent encore la psyché de l’Occident. Non, nous ne sommes pas à nous-mêmes nos propres pères. Non, nous ne sommes pas libres et possesseurs de nos désirs. Comme le dit l’Eglise depuis toujours, nous naissons esclaves de nos péchés, de notre désir dit Girard, et seul le Dieu de nos pères peut nous en libérer.  Prouver cette vérité constitue toute l’ambition intellectuelle de Girard, une vérité bien particulière puisqu’elle appartient à la fois à l’ordre de la science et à celui de la spiritualité. (…) Or, pour avoir raison aujourd’hui, pour gagner la compétition médiatique, il faut s’affirmer victime de la violence du monde, de l’Etat, du groupe. « Le monde moderne est plein de vertus chrétiennes devenues folles » disait Chesterton, un auteur selon le goût de René Girard. À quelques heureuses exceptions près, l’université s’est pendant longtemps gardée de se pencher sérieusement sur l’œuvre d’un penseur que son catholicisme de mieux en mieux assumé rendait de plus en plus hérétique. Cependant, à court de concept opératoire pour penser le réel, la sociologie a aujourd’hui recours jusqu’à la nausée (qui lui vient facilement) au concept du bouc émissaire pour expliquer à peu près tout et son contraire : la façon dont on traite la religion musulmane et la condition féminine en Occident par exemple. Typiquement, le girardien sans christianisme, cet oxymoron  qui prolifère aujourd’hui, s’efforce de découvrir la violence, les boucs émissaires et le ressentiment partout, sauf là où cela ferait vraiment une différence, la seule différence qui tienne, c’est-à-dire en lui-même. C’est ainsi que les bien-pensants passent leur temps à dénoncer le racisme dégoutant du bas-peuple de France sans paraître voir le racisme de classe dont ils font preuve à cette occasion.  Ce girardisme sans christianisme est le pire des contresens d’un monde qui pourtant n’en est pas avare : le monde post-moderne est plein de concepts girardiens devenus fous. Emmanuel Dubois de Prisque
André Malraux, au travers d’une citation si souvent galvaudée, nous avait prévenus que le XXIe siècle « serait religieux ou ne serait pas ». L’espérance communiste, religion de substitution, fut la grande passion du XXe siècle. Se prétendant matérialiste et scientifique, elle se revendiquait de l’héritage des Lumières. L’imposture s’est effondrée. La chute de l’URSS et La fin de l’histoire nous annoncèrent que pour notre Foule sentimentale, l’horizon indépassable était l’extension indéfinie de la sphère marchande. Le problème, comme l’a relevé Alain Souchon, c’est que cette foule « a soif d’idéal, attirée par les étoiles, les voiles, que des choses pas commerciales ». Les religions en place y ont vu une opportunité pour essayer de reprendre du poil de la bête. La montée de l’islam politique a été considérée comme le principal symptôme de ce qu’annonçait Malraux. Mais en fait, de nouvelles croyances ont surgi. (…) une nouvelle religion s’impose : celle de Gaïa, notre planète, la déesse mère, dont on nous serine absolument tous les jours qu’il faut la respecter et la sauver. Beaucoup y voient une nouvelle idéologie. C’est plus que ça. Ainsi le nouveau culte de la planète-mère semble bien lié à la mondialisation. Nos identités de rattachement ne sont pas si nombreuses. Depuis une trentaine d’années, aux anciennes de la famille et du territoire national est venue s’ajouter celle de l’appartenance à un monde globalisé. Et cette appartenance a besoin de ciment et de foi. Le culte de la planète mère va-t-il faire l’affaire ? L’utilité politique de croyances communes, pour souder une société politique, est une évidence historique.  (…) La première étape de cette transformation fut de disqualifier la science dont le « culte » nous avait conduits à cette situation angoissante : montée de la pensée magique, succès étonnant de charlatans médiatiques, expression de peurs irrationnelles, auxquelles intellectuels et scientifiques ont tenté de réagir. L’anathème est immédiatement tombé : « scientistes » ! La science – coupable de tous les maux puisqu’à l’origine du développement invasif de l’espèce humaine – s’est retrouvée disqualifiée. Et avec elle la méthode scientifique a été invalidée. Un relativisme ravageur en a fait un récit parmi d’autres. Les OGM, par exemple, dont le refus relève d’un réflexe de peur de la manipulation du vivant. La démarche des opposants ne reposait pas sur une démarche scientifique. La science a démontré que la nature procède elle-même à la modification génétique, jusqu’à la création d’OGM « naturels ». Et que leur utilisation déjà ancienne n’a jamais eu de conséquences négatives ni sur la santé ni sur l’environnement. Au contraire, si l’on pense à l’affaire du  « riz doré ». (…) La question du « réchauffement climatique » représente une autre étape et le clou suivant enfoncé sur le cercueil de la pensée des Lumières. Nous ne nous prononcerons pas ici sur la réalité de ce réchauffement et sur le caractère anthropique de son origine. De toute façon, le débat raisonné est désormais impossible, il sera bientôt interdit. Singulière ruse de l’Histoire, l’Occident a inversé l’équation. La nouvelle religion reposera sur la science – mais une science officielle figée, non discutable – en rassemblant laboratoires et scientifiques de nombreux pays, dans une instance intergouvernementale, par conséquent politique. Sur la base d’une orientation fixée au préalable, le GIEC est devenu le support de l’expression d’une « vérité scientifique » qui doit s’imposer à tous. La bonne foi des scientifiques du GIEC n’est pas en cause. Simplement, les budgets, les subventions, les carrières sont fonctions du camp choisi. Les sceptiques ou les opposants sont vilipendés, ostracisés, ridiculisés. Et bien sûr systématiquement accusés d’être payés par les lobbies. Le réchauffement climatique est peut-être une réalité, mais il est aujourd’hui interdit ne serait-ce que d’en douter. Et là se loge le renversement. Le nouveau dogme est fondé sur la science, mais au détriment de la méthode scientifique qui impose le doute et la remise en cause. Nous avions eu sous Staline la « science prolétarienne », il faut désormais adhérer à la « science citoyenne », où ce qui compte est moins la compréhension d’une réalité scientifique difficile  que l’adhésion du plus grand nombre. (…) Comme toujours, il faut à la nouvelle religion culpabiliser l’homme, d’où vient tout le mal, et lui indiquer le chemin de la rédemption. Identifier les hérésies, chasser et punir les hérétiques. Les sceptiques, dubitatifs, interrogatifs sont des « connards » nous dira NKM, doivent être fichés affirme Corinne Lepage, virés de leur boulot dit-on à France2, sont des « négationnistes » assènent les ahuris, des criminels méritant la prison salivent les amateurs de punitions. En attendant pire. Il s’agit d’un phénomène classique, dont la religion chrétienne a donné un bon exemple lorsqu’elle est devenue religion de l’empire romain. Il y eut beaucoup plus d’exécutions pour hérésie dans les trois siècles qui suivirent son avènement comme religion d’État que de martyrs chrétiens dans les trois qui l’ont précédé. Autre exigence, débusquer le Diable. (…) Pour les OGM, ce sera Monsanto qui, pour gagner du temps, aurait dû s’appeler Monsatan. Pour le réchauffement, les anges déchus sont plus nombreux : lobbies pétroliers, scientifiques dévoyés, Chinois avides de consommation, Africains corrompus… Et enfin, il faudra béatifier quelques originaux, adeptes de fausses sciences et de nouvelles ascèses. Régis de Castelnau    
Regardez les photos des spectateurs quelques instants avant le drame. Ces pauvres enfants de la génération bobo, en transe extatique, « jeunes, festifs, ouverts, cosmopolites… » comme dit le “quotidien de révérence”. Mais ce sont des morts-vivants. Leurs assassins, ces zombis-haschishin, sont leurs frères siamois. Mais comment ne pas le voir ? C’est tellement évident ! Même déracinement, même amnésie, même infantilisme, même inculture… Les uns se gavaient de valeurs chrétiennes devenues folles : tolérance, relativisme, universalisme, hédonisme… Les autres, de valeurs musulmanes devenues encore plus folles au contact de la modernité : intolérance, dogmatisme, cosmopolitisme de la haine… Les uns portent le maillot du PSG – « Fly Emirates » en effaçant le berceau de Louis XIV, et les autres profitent du même argent pour se faire offrir un costume en bombes. Une minute avant leur mort, les uns et les autres étaient penchés sur leurs smartphones, comme accrochés au sein de leur nourrice. Ce n’est pas le retour du Moyen Âge, contrairement à ce que disent les crétins, c’est la postmodernité dans toute son absurdité. Le drame de l’humanisme athée, qui aime le diable, la mort, la violence, et qui le dit… et qui en meurt ! (…) On peut écarter d’un revers de la main dédaigneux ces faits en estimant qu’ils relèvent d’un humour au second degré. Lorsqu’un membre du groupe revendique son goût pour les armes, la pornographie et la méthamphétamine… (Wikipedia), il ne fait que dealer un cocktail particulièrement efficace pour le contrôle social. Pas besoin de complot, pas besoin de police, l’appât du gain des trafiquants, les névroses sociales pullulantes et l’intérêt du système financier suffisent à faire le boulot. Des milliers de romans de science-fiction l’ont mieux dit que tous les sociologues. Voilà d’ailleurs en grande partie pourquoi vous ne pouvez pas faire la moindre remarque critique sur le sujet, sans vous faire agonir de sottises. Les chiens de garde veillent… Ne parlons même pas des propos consternants de premières communiantes chez ces rockers revenus peureusement à la maison : « Bien que nous soyons désormais rentrés chez nous et en sécurité, nous sommes horrifiés et tentons toujours de comprendre ce qu’il s’est passé… », avant de remercier servilement la police et le FBI… Ils vénéraient Satan mais n’étaient visiblement pas impatients de le rencontrer. Ah, ils peuvent s’afficher avec leurs tatouages virils, leurs admiratrices en bikini et leurs grosses motos, « c’est rien que des demi-sels » comme dirait Audiard, des aigles déplumés, bien loin de la mère des Maccabées, « cette femme héroïque qui parlait avec un courage viril » comme dit l’Écriture Sainte ces jours-ci. Pour finir, le sordide et les intérêts bien compris. Ils vont gagner au grattage après le tirage. Les victimes ne sont même pas enterrées qu’un journaliste du système peut tranquillement expliquer : « Lancée dans la foulée des attaques terroristes ayant frappé Paris vendredi 13 novembre, la campagne visant à porter la chanson Save A Prayer au sommet des ventes de singles britanniques bat son plein » (Le Figaro). C’est nous les complotistes, les obscurantistes, les réactionnaires, mais eux, ils peuvent tranquillement se repaître sur le dos des morts, ça ne gêne personne ! À vomir ! Il n’y a pas que ceux qui tiennent les kalachnikovs qui sont des monstres. Hervé Benoît
La grande force de Philippe Muray fut dès lors, notamment dans deux articles sur René Girard (« La résurrection Girard », Art Press 1978, dans Ultima necat I ; « René Girard et la nouvelle comédie des méprises », dans Essais, Belles Lettres) d’appliquer à notre temps (quoi donc de plus politique ?) les découvertes de son inspirateur. Notre société, qui a fait du principe de précaution l’alibi de toutes ses lâchetés et le prétexte juridique de toutes ses reculades, illustre à merveille la thèse centrale de l’auteur de La Violence et le Sacré : il faut, pour que tout continue à fonctionner sans heurt, un bouc émissaire. Qu’un avion s’écrase ou qu’un écolier, quelque part, souffre d’une indigestion, il faut identifier celui que l’on sacrifiera, cuisinier, intendant ou chef de bureau. Stéphane Ratti
C’est dans des conditions d’effacement généralisé de la plupart des conflits jusque-là à l’œuvre dans les rapports humains que l’on peut voir s’avancer cette nouvelle civilisation, qui semble à la fois parodier les moments les plus « évangéliques » de la pensée girardienne et illustrer en même temps les plus sombres de ses visions. (…) Nous vivons, selon toute apparence, la deuxième phase girardienne de la tentative d’échapper aux effets destructeurs de la violence et de la contagion mimétiques : après le sacrifice (le lynchage, le meurtre) qui expulse momentanément la violence, nous voilà dans le rejet de la violence ; ou dans son abolition interminable (il n’y a plus de lynchages, on le sait, que médiatiques). (…) Notre temps vit une apothéose d’indifférenciation comme il ne s’en était encore jamais vu ; mais cette apothéose, loin d’être racontée comme une crise, est au contraire considérée, la plupart du temps, comme une sorte d’approche de la perfection. On ne persécute plus, désormais, qu’au nom des victimes (au nom des minorités ensublimées de divergences identitaires et de sacro-saints particularismes) ; et ce n’est qu’à partir des instruments culturels destinés à les supprimer que se créent de nouvelles formes de victimisation. Les boucs émissaires, au lieu de les entretenir puis de les sacrifier en période de calamités, se retrouvent transformés en objets d’adoration perpétuelle. En même temps que se développe un nouveau mimétisme concurrentiel qui se résume à découvrir sans cesse de nouvelles catégories de martyrs (les femmes, les animaux, les enfants, les homosexuels, les jeunes, les immigrés, les handicapés physiques ou mentaux, les obèses, etc.) afin d’occuper son temps libre à lutter contre les dernières discriminations qui pourraient encore les frapper. Les catastrophes, pour leur part, un avion qui tombe avec 350 personnes à bord, un incendie, une inondation ou une avalanche, meurtrières, représentent des aubaines qu’aucune autre société n’avait connues puisqu’elles permettent, mais sur de nouvelles bases, et parce que plus rien ne peut arriver par hasard, par intervention divine ou par l’indifférence de Dieu, la réouverture de la chasse : la chasse aux responsables ; c’est-à-dire la création de néo-boucs émissaires à partir de motifs objectivement incontestables (en même temps, bien entendu, que les derniers vrais chasseurs sont traités comme des survivances inadmissibles des âges farouches). C’est aussi dans ces conditions que l’on croit devoir s’obséder sur des adversaires véritablement indéfendables (le néo- fascisme, par exemple), sans voir que cet affrontement obsessionnel implique un sol commun, une identité, une gémellité, un objet de désir partagé. Suivant toujours René Girard, on peut observer que simultanément à la chasse aux néo-coupables et à la transformation des victimes en néo-dieux, nous réinventons à tour de bras d’autres boucs émissaires, mais cette fois dans l’Histoire, c’est-à-dire dans le passé, c’est-à-dire dans ce qui a précédé cette disparition de la réalité (et de l’Histoire) à laquelle nous participons quotidiennement de si bon cœur. Le ton d’assurance invraisemblable avec lequel nous traquons tant de « sorcières » rétroactives est l’indice de notre fascination non dépassée ; et l’occasion, comme toujours, de nous mettre en valeur : ce que nos pères ont fait, nous ne l’aurions pas fait. Au nom de l’éradication définitive de la violence, nous tournons notre violence non liquidable contre nos ancêtres ; et nous tirons de l’inoffensive confrontation avec leurs fantômes un sentiment éclatant de supériorité actuelle. Le groupe, comme de juste, et toujours pour vérifier les thèses girardiennes, se recristallise vertueusement aux dépens de coupables passés dont nul ne saurait, sans se discréditer, prendre la défense une seconde. Nous baignons, dirait Girard, dans l’illusion parfaite de notre indépendance métaphysique, ou dans le mirage de notre autotranscendance, c’est-à-dire dans le triomphe de notre vanité de masse, et toujours dans le leurre de notre autonomie ; laquelle se manifeste sous bien des aspects, à commencer par celui de cette « interactivité » totale qui fait aujourd’hui miroiter aux yeux des utilisateurs des possibilités infinies de « créativité » ou de « démocratie directe » enfin débarrassées des derniers médiateurs. Mais cette plénitude illusoire, sur les ruines des anciennes hiérarchies, et dans l’abolition de toutes les différences comme de toutes les oppositions, camoufle une crise des doubles gravissime à laquelle nul n’a trouvé encore la moindre issue ; si ce n’est dans l’étonnante réinvention actuelle de la fête comme néosacré, ou comme resacralisation à marches forcées d’un univers en débâcle. À mesure que ce monde devenait plus franchement invivable, et les rapports entre les êtres plus nettement impossibles, la fête est apparue comme le seul remède universellement préconisable. Des activités festives classiques, dans les civilisations primitives ou antiques, de l’orgie, de la bacchanale ou du carnaval en tant qu’effacements passagers des différences induisant aux transgressions, Girard a souvent parlé au fil de son œuvre. Mais la fête telle qu’aujourd’hui on la vante n’a plus beaucoup de rapport avec les festivités interruptrices du passé, quoique la possession ou la transe en tant que mimesis hystérique y soient observables ; et que la musique, toujours glorifiée comme « fédératrice » parce que sans « message explicite », dans laquelle chacun peut s’abîmer comme dans une sorte de vaste bouddhisme ultime, cotonneux et décibélique, y joue comme dans les « bacchanales meurtrières » de jadis le rôle essentiel de propagatrice de la contagion uniformisante ou unanimisante (celle-ci se présentant, bien entendu, sous les couleurs flatteuses d’un système instable où les positions ne cessent de permuter). La fête a changé en devenant le monde, auquel elle dicte maintenant ses lois et son rythme. Elle n’a même plus besoin de « tourner mal » comme autrefois, donc de retourner pour se conclure à ses origines de violence, puisqu’elle se veut sans fin comme sans origines. À la peste sacrificielle, d’ailleurs fort heureusement éliminée, succède la peste conviviale. Et ce phénomène de la fête, devenue depuis quelques années l’obsédant rond-point auquel ne cesse de retourner notre société comme pour y trouver la réponse à une question qu’elle se pose, sans doute celle de sa mutation, ou même de sa disparition, peut être interprété de différentes manières : en tant que « commémoration de la crise sacrificielle » que fut dans son ensemble l’Histoire désormais terminée (et vécue en bloc comme une épouvante) ; en tant qu’agglomérat de Moi divinisés qui ont décidé de noyer romantiquement, et une bonne fois pour toutes, dans l’effervescence festive continuelle, le redoutable problème que pose à chacun l’existence d’autrui ; comme métaphore géante mais déniée du désir de mort de l’Europe actuelle ; comme affirmation de soi aboutissant à la négation de soi ; ou encore comme volonté d’autodivinisation communautaire débouchant sur une volonté d’autodestruction personnelle par indifférenciation violente mais positivée. Philippe Muray
Chassez le diable: il revient au galop !

Divinisation des minorités victimes, mimétisme concurrentiel multipliant sans cesse les nouvelles catégories de martyrs (femmes, animaux, enfants, homosexuels, les jeunes, immigrés, handicapés physiques ou mentaux, obèses, etc.), chasse aux responsables des catastrophes humaines ou naturelles, imprécations contre les « survivances inadmissibles des âges farouches » s’accrochant à leurs religion, armes ou nations (évangéliques ou teaparty américains, Israéliens ou  Européens rescapés du communisme), dénonciation obsessionnelle des adversaires véritablement indéfendables (néo- fascisme), interminable chasse aux sorcières rétroactives de notre histoire, fascination pour  la convivialité et l' »interactivité » totale, réinvention de la fête comme néosacré, glorification de la musique « fédératrice »comme « bouddhisme ultime, cotonneux et décibélique », charité chrétienne devenue folle et tournant au désir de fusion quasi-suicidaire face à l’actuelle invasion de masses potentiellement infinies de migrants …

A l’heure où l’ensemble de la planète se réunit à Paris au nom de la nouvelle religion écologique …

Et où, derrière une prise de conscience que l’on espère salutaire sur l’avenir de la planète, fusent tant les « propos consternants de premières communiantes » que les excommunications de la nouvelle police de la pensée

Et au lendemain de cette dernière fête qui à Paris elle aussi finit comme on le sait par tourner mal …

Et qui a vu le renvoi d’un prêtre ayant eu le malheur de rappeler comment au moment de leur mort tragique …

Nos jeunes nouveaux  martyrs de la mixité et du métissage entamaient leur hymne parodique au diable et à sa chanson …

Certains croyant même que les explosions des armes automatiques faisaient partie du spectacle …

Comment ne pas repenser non seulement aux analyses du plus lucide des observateurs de notre modernité, René Girard, tout récemment disparu ….

Mais aussi à ces paroles quasi-prophétiques, que republie à l’occasion de la sortie de son journal aujourd’hui Causeur, de l’un de ses plus fidèles disciples Philippe Muray ?

RENÉ GIRARD ET LA NOUVELLE COMÉDIE DES MÉPRISES

Philippe Muray

L’Atelier du roman, no 16, 1998

Sans préambule, sans précautions, sans préliminaires oratoires, et avec une espèce de brutalité magnifique, René Girard, en 1961, dès la première page de Mensonge romantique et vérité romanesque, précipitait ses lecteurs sur la piste de l’hypothèse mimétique, c’est-à-dire dans l’enfer du désir, dans les pièges de l’amour et les constructions en miroir de la rivalité ; et entreprenait de démontrer que les plus grands chefs-d’œuvre romanesques n’avaient jamais fait, au cours des siècles, que révéler cette hypothèse, sans qu’elle cesse toutefois de constituer le secret le mieux caché, le plus efficacement protégé de l’histoire du genre humain.

Il affirmait, textes à l’appui, que nous désirions intensément mais que nous ne savions pas exactement quoi ; que nous attendions toujours d’un autre, même si nous ne cessions de prétendre le contraire, qu’il nous dise ce qu’il fallait désirer ; et que cette comédie du désir du modèle désignant au sujet, qui ne veut rien savoir de cette désignation, l’objet devenu désirable parce qu’il est désiré, constituait la substance même du Rouge et le Noir comme de Don Quichotte, de la Recherche du temps perdu comme des Démons.

Le roman était la levée perpétuelle de ce secret de Polichinelle, et Mensonge romantique, à son tour, devenait un fabuleux « roman » sur le secret de l’imitation généralisée, constamment divulgué par les grands romans, puis aussitôt recouvert, réenterré, recamouflé sous l’éternel besoin d’illusion des hommes.

Un peu plus tard encore, dans ses œuvres ultérieures, Girard allait dévoiler les rapports sacrificiels qui constituent le lien social depuis la nuit des temps ; mais il ne quitterait pas vraiment pour autant la question du roman, c’est-à-dire de la réalité humaine et de la succession infinie de ses masques à arracher : car de même qu’au fondement de toute société il y avait un meurtre, et pas un meurtre imaginaire ou fabuleux mais un meurtre réel, de même dans les rapports entre les êtres il y avait un rival précis, un rival vivant et concret, haï et aimé, un obstacle adoré en même temps que détesté, et c’était d’avoir porté leur éclairage sur son existence obstinément déniée que les plus grandes œuvres romanesques puisaient la lumière qui nous est parvenue.

Contre toutes les pensées dominantes des sciences humaines d’alors, structuralisme, lacanisme, derridisme, etc., qui ne cessaient d’ajourner le réel, de le remettre à plus tard, au lendemain, aux calendes, à la Saint-Glinglin, René Girard seul le plaçait au centre de sa réflexion, au cœur de sa recherche, que ce soit sous la forme de la victime oubliée, mythifiée mais constitutive de toute civilisation, que sous l’apparence du rival abhorré autant qu’adoré qui nous désigne l’objet à désirer, et dont nous mettrons ensuite tout le romantisme, tout le lyrisme, toute l’énergie du monde à nier l’existence ; mais que les romanciers géniaux mettront tout leur génie, en revanche, à dévoiler. Parce qu’un grand romancier, disait encore Girard, ne partage jamais intégralement les illusions de ses personnages.

L’expérience romanesque détruisait sans relâche le mythe de la souveraineté personnelle, lui-même construit sur la base déniée de notre dépendance servile à l’égard d’autrui. Les romanciers avaient toujours travaillé dans la même direction : il s’agissait de traverser une illusion. Et puisque cette illusion, la plupart du temps, se retrouvait divinisée par l’esprit romantique, l’illusion que Girard analysait sans relâche était, pour finir, d’essence religieuse. Entre la croyance et le roman, il ne restait plus rien. Rien que ce champ sans limites des mensonges humains qu’on appelle la vie.

Les thèses girardiennes sont-elles à même de nous faire comprendre ce monde nouveau qui veut passer pour naturel, et donc feint d’ignorer qu’il ne va pas de soi ? Les forces au travail repérées dans des univers aussi hétérogènes que ceux de Proust, Stendhal, Cervantès ou Dostoïevski, sont-elles encore identifiables aujourd’hui ? Par temps posthistorique, les schémas girardiens peuvent-ils être éclairants ? Comment apprécier girardiennement une société telle que la nôtre ? Qu’a-t-elle à nous dire ? Que peut-on en apprendre et en révéler à partir de lui ?

Si notre temps est celui du progressif désinvestissement de la scène du désir, ou de son explosion par saturation ou surexposition, ce qui revient au même, que reste-t-il au juste de ses conclusions ? Et, pour parler franchement, que serait un roman qui se composerait de moments de « lucidité », au sens où Girard ne cesse de les repérer dans les romans d’autrefois, concernant la nouvelle illusion collective de notre temps ? Un roman qui décrirait « à la Girard » la troublante et progressive décomposition de l’humanité en proie à la perte de toutes les différences, et le camouflage délirant de ce désastre par la présentation constamment positive qui en est faite ? Est-il possible, en somme, de partir du Girard de 1961, pour tenter de soumettre à ses concepts le monde dit réel d’aujourd’hui ? Ou encore de retourner son commentaire des romans d’hier en commentaire romanesque de notre époque ?

C’est dans des conditions d’effacement généralisé de la plupart des conflits jusque-là à l’œuvre dans les rapports humains que l’on peut voir s’avancer cette nouvelle civilisation, qui semble à la fois parodier les moments les plus « évangéliques » de la pensée girardienne et illustrer en même temps les plus sombres de ses visions. Si les sentiments que Stendhal appelait « modernes » (l’envie, la jalousie et la haine impuissante) fleurissent plus que jamais, ce n’est pas parce que les natures envieuses ou jalouses, Girard le disait déjà très bien, se sont fâcheusement multipliées ; c’est parce que ce qu’il nomme la médiation interne (il y a médiation interne lorsque les sphères du sujet et du médiateur pénètrent si profondément l’une dans l’autre qu’on peut les dissimuler ou les méconnaître sans risque d’être jamais obligé d’en avouer l’existence) triomphe dans un univers où ne cessent de s’écrouler les dernières démarcations entre les individus.

Nous vivons, selon toute apparence, la deuxième phase girardienne de la tentative d’échapper aux effets destructeurs de la violence et de la contagion mimétiques : après le sacrifice (le lynchage, le meurtre) qui expulse momentanément la violence, nous voilà dans le rejet de la violence ; ou dans son abolition interminable (il n’y a plus de lynchages, on le sait, que médiatiques). Girard a consacré des centaines de pages à décrire les effets dévastateurs de la « crise indifférenciatrice » sur les sociétés dites primitives. Notre temps vit une apothéose d’indifférenciation comme il ne s’en était encore jamais vu ; mais cette apothéose, loin d’être racontée comme une crise, est au contraire considérée, la plupart du temps, comme une sorte d’approche de la perfection. On ne persécute plus, désormais, qu’au nom des victimes (au nom des minorités ensublimées de divergences identitaires et de sacro-saints particularismes) ; et ce n’est qu’à partir des instruments culturels destinés à les supprimer que se créent de nouvelles formes de victimisation. Les boucs émissaires, au lieu de les entretenir puis de les sacrifier en période de calamités, se retrouvent transformés en objets d’adoration perpétuelle. En même temps que se développe un nouveau mimétisme concurrentiel qui se résume à découvrir sans cesse de nouvelles catégories de martyrs (les femmes, les animaux, les enfants, les homosexuels, les jeunes, les immigrés, les handicapés physiques ou mentaux, les obèses, etc.) afin d’occuper son temps libre à lutter contre les dernières discriminations qui pourraient encore les frapper.

Les catastrophes, pour leur part, un avion qui tombe avec 350 personnes à bord, un incendie, une inondation ou une avalanche, meurtrières, représentent des aubaines qu’aucune autre société n’avait connues puisqu’elles permettent, mais sur de nouvelles bases, et parce que plus rien ne peut arriver par hasard, par intervention divine ou par l’indifférence de Dieu, la réouverture de la chasse : la chasse aux responsables ; c’est-à-dire la création de néo-boucs émissaires à partir de motifs objectivement incontestables (en même temps, bien entendu, que les derniers vrais chasseurs sont traités comme des survivances inadmissibles des âges farouches).

C’est aussi dans ces conditions que l’on croit devoir s’obséder sur des adversaires véritablement indéfendables (le néo- fascisme, par exemple), sans voir que cet affrontement obsessionnel implique un sol commun, une identité, une gémellité, un objet de désir partagé.  Suivant toujours René Girard, on peut observer que simultanément à la chasse aux néo-coupables et à la transformation des victimes en néo-dieux, nous réinventons à tour de bras d’autres boucs émissaires, mais cette fois dans l’Histoire, c’est-à-dire dans le passé, c’est-à-dire dans ce qui a précédé cette disparition de la réalité (et de l’Histoire) à laquelle nous participons quotidiennement de si bon cœur. Le ton d’assurance invraisemblable avec lequel nous traquons tant de « sorcières » rétroactives est l’indice de notre fascination non dépassée ; et l’occasion, comme toujours, de nous mettre en valeur : ce que nos pères ont fait, nous ne l’aurions pas fait. Au nom de l’éradication définitive de la violence, nous tournons notre violence non liquidable contre nos ancêtres ; et nous tirons de l’inoffensive confrontation avec leurs fantômes un sentiment éclatant de supériorité actuelle. Le groupe, comme de juste, et toujours pour vérifier les thèses girardiennes, se recristallise vertueusement aux dépens de coupables passés dont nul ne saurait, sans se discréditer, prendre la défense une seconde. Nous baignons, dirait Girard, dans l’illusion parfaite de notre indépendance métaphysique, ou dans le mirage de notre autotranscendance, c’est-à-dire dans le triomphe de notre vanité de masse, et toujours dans le leurre de notre autonomie ; laquelle se manifeste sous bien des aspects, à commencer par celui de cette « interactivité » totale qui fait aujourd’hui miroiter aux yeux des utilisateurs des possibilités infinies de « créativité » ou de « démocratie directe » enfin débarrassées des derniers médiateurs.

Mais cette plénitude illusoire, sur les ruines des anciennes hiérarchies, et dans l’abolition de toutes les différences comme de toutes les oppositions, camoufle une crise des doubles gravissime à laquelle nul n’a trouvé encore la moindre issue ; si ce n’est dans l’étonnante réinvention actuelle de la fête comme néosacré, ou comme resacralisation à marches forcées d’un univers en débâcle.

À mesure que ce monde devenait plus franchement invivable, et les rapports entre les êtres plus nettement impossibles, la fête est apparue comme le seul remède universellement préconisable. Des activités festives classiques, dans les civilisations primitives ou antiques, de l’orgie, de la bacchanale ou du carnaval en tant qu’effacements passagers des différences induisant aux transgressions, Girard a souvent parlé au fil de son œuvre. Mais la fête telle qu’aujourd’hui on la vante n’a plus beaucoup de rapport avec les festivités interruptrices du passé, quoique la possession ou la transe en tant que mimesis hystérique y soient observables ; et que la musique, toujours glorifiée comme « fédératrice » parce que sans « message explicite », dans laquelle chacun peut s’abîmer comme dans une sorte de vaste bouddhisme ultime, cotonneux et décibélique, y joue comme dans les « bacchanales meurtrières » de jadis le rôle essentiel de propagatrice de la contagion uniformisante ou unanimisante (celle-ci se présentant, bien entendu, sous les couleurs flatteuses d’un système instable où les positions ne cessent de permuter). La fête a changé en devenant le monde, auquel elle dicte maintenant ses lois et son rythme. Elle n’a même plus besoin de « tourner mal » comme autrefois, donc de retourner pour se conclure à ses origines de violence, puisqu’elle se veut sans fin comme sans origines.

À la peste sacrificielle, d’ailleurs fort heureusement éliminée, succède la peste conviviale. Et ce phénomène de la fête, devenue depuis quelques années l’obsédant rond-point auquel ne cesse de retourner notre société comme pour y trouver la réponse à une question qu’elle se pose, sans doute celle de sa mutation, ou même de sa disparition, peut être interprété de différentes manières : en tant que « commémoration de la crise sacrificielle » que fut dans son ensemble l’Histoire désormais terminée (et vécue en bloc comme une épouvante) ; en tant qu’agglomérat de Moi divinisés qui ont décidé de noyer romantiquement, et une bonne fois pour toutes, dans l’effervescence festive continuelle, le redoutable problème que pose à chacun l’existence d’autrui ; comme métaphore géante mais déniée du désir de mort de l’Europe actuelle ; comme affirmation de soi aboutissant à la négation de soi ; ou encore comme volonté d’autodivinisation communautaire débouchant sur une volonté d’autodestruction personnelle par indifférenciation violente mais positivée.

Dans tous les cas, quoi qu’il en soit, entre l’hypercollectif et l’infra-individuel, entre l’infiniment petit des sous-unités humaines qui s’éclatent, au sens propre, et l’infiniment grand du festif global devenu civilisation, c’est toute la mimesis désirante que l’on voit s’accomplir, grandir, enfler, se dilater, s’étendre et disparaître dans le même mouvement.

Commence alors sans doute un « mensonge romantique » d’un nouveau type qui ne ressemble plus que de fort loin à celui que Girard avait étudié. Mais sans Girard, qui le saurait ? •

Voir aussi:

Bonne nouvelle : René Girard avait un fils spirituel

Stéphane Ratti

Revue des deux mondes

Le Figaro du vendredi 6 novembre 2015 consacre un beau dossier à René Girard qui vient de disparaître. La présentation de la pensée de l’auteur de Mensonge romantique et vérité romanesque y est délivrée de manière magistrale par les meilleurs auteurs. Trop, sans doute.

Car on oblitère ainsi un certain nombre de problèmes et l’on tait des vérités dérangeantes. Il me paraît, par exemple, un tantinet rapide d’affirmer, comme le fait Jean-Luc Marion, que René Girard, parti en 1947 outre-Atlantique pour intégrer une université américaine, « aurait fait la même carrière dans n’importe quel pays du monde », en France notamment. Certes enseigner aux États-Unis n’est pas en soi une condition suffisante pour produire des chefs-d’œuvre, cela se saurait. Mais, à l’inverse, on doit se demander si l’Université française aurait pu offrir à René Girard, par le biais d’une chaire, les conditions matérielles et intellectuelles propices et nécessaires à l’écriture d’ouvrages iconoclastes. Rappelons que René Girard était chartiste et que les chartistes, chez nous, conservent les archives, mais écrivent rarement de grands livres d’anthropologie religieuse, parce qu’ils ont autre chose à faire. Le dernier chartiste Prix Nobel de littérature fut, si je ne m’abuse, Roger Martin du Gard.

« On n’aime pas en France qu’un philosophe se pique de littérature ou qu’un historien se fonde sur les Évangiles. »

Et puis l’Université française, telle une mappemonde striée de méridiens, est traversée par des lignes (de fracture) : autrement dit elle est subdivisée en sections, celles que, dans sa sagesse, a tracées le Ministère de l’Enseignement Supérieur et que gère le Conseil National des Universités. Des lignes, il y en a plus de soixante-dix (on en crée de temps en temps ou on en supprime au gré des besoins). Dans quelle section aurait donc pu postuler à un poste de professeur des Universités René Girard ? Il n’était pas historien de l’Antiquité (21e section), ni philologue (8e), moins encore philosophe (17e). Aurait-il été le bienvenu en 10e section au titre de la littérature comparée ? Ou encore aurait-il pu postuler en tant que spécialiste de Cervantès dans la maison des romanistes ? On lui aurait bien trouvé quelques poux dans la tête pour éviter le risque de la contamination idéologique. On n’aime pas en France qu’un philosophe se pique de littérature ou qu’un historien se fonde sur les Évangiles. Cela dit afin d’illustrer l’absurdité de ces cases bien françaises où l’administration aime à ranger ses affiliés.

Mais il y a beaucoup plus : René Girard a des ennemis et un fils spirituel, ce dernier sinon inconnu du moins méconnu. Ses ennemis sont notamment au Monde dont la version Diplomatique publie en ligne le 5 novembre 2015 un article méprisant sous le titre : « René Girard, l’homme d’une seule idée ». Ce qui gêne son auteur, comme cela intriguait déjà l’inénarrable René Pommier, un autre contempteur, c’est que l’inventeur de la thèse du désir mimétique ait un beau jour, de lui-même, spontanément, découvert une vérité universelle. Si personne n’y avait jamais songé auparavant, c’est que l’idée était forcément fausse : voyez l’œuf de Colomb qui, à beaucoup, parut frelaté.

Venons-en au fils spirituel méconnu de René Girard : il n’est autre que le défunt Philippe Muray. L’auteur de L’Empire du Bien a fréquenté René Girard et l’a moult fois interrogé au cours de rencontres privées et prolongées. C’est ce que nous apprend le Journal intime de Muray, Ultima necat, dont les deux premiers volumes viennent de paraître (1) aux Belles Lettres. Muray écrit à la date du 2 novembre 1978 : « Déjeuner avec Girard. Ses réponses à mes questions sur les miracles, le massacre des innocents, l’extinction du langage dans l’extinction de la violence ».

« Philippe Muray doit à René Girard cette idée si simple et si difficile à la fois : après l’Incarnation et le grand Pardon, comment une littérature est-elle encore possible ? »

On reproche encore à René Girard de mépriser la chose politique et de ne pas faire de l’invention de la démocratie le B-A-BA de l’histoire de l’Humanité. Au fond, c’est le déni du relativisme historique et de la notion de progrès portée par son œuvre qui gêne profondément les tenants du camp des Lumières. Sébastien Lapaque l’a justement souligné, la grande découverte de René Girard est celle qu’il fit « de l’identité de tous les hommes », frères en désirs, en faiblesses, bref en humanité.

Comment faire dès lors une place au relativisme ou à l’historicisme ? Philippe Muray doit à René Girard cette idée si simple et si difficile à la fois : après l’Incarnation et le grand Pardon, comment une littérature est-elle encore possible ? Après l’illumination du Verbe johannique, comment encore avoir recours à de misérables verba ?

La grande force de Philippe Muray fut dès lors, notamment dans deux articles sur René Girard (« La résurrection Girard », Art Press 1978, dans Ultima necat I ; « René Girard et la nouvelle comédie des méprises », dans Essais, Belles Lettres) d’appliquer à notre temps (quoi donc de plus politique ?) les découvertes de son inspirateur. Notre société, qui a fait du principe de précaution l’alibi de toutes ses lâchetés et le prétexte juridique de toutes ses reculades, illustre à merveille la thèse centrale de l’auteur de La Violence et le Sacré : il faut, pour que tout continue à fonctionner sans heurt, un bouc émissaire. Qu’un avion s’écrase ou qu’un écolier, quelque part, souffre d’une indigestion, il faut identifier celui que l’on sacrifiera, cuisinier, intendant ou chef de bureau.

Il est tout de même curieux d’affirmer, comme le fait Jean-Luc Marion, que René Girard, n’a jamais été persécuté en France. Il n’est guère venu se montrer à l’Académie et il est facile de l’excuser en raison de son âge avançant. Il a été élu à l’âge de quatre-vingts ans. Plus tôt, c’était trop tôt ? Mais surtout René Girard est LE théoricien de la persécution et il n’a jamais abstrait la construction de sa pensée de sa situation personnelle : chrétien, il pensait en chrétien, persécuté il pensait donc en Français… intégré ? « C’est une immense force, pour une pensée, que d’être capable de prendre en compte ses propres conditions de possibilité » écrit lucidement Olivier Rey dans le dossier du Figaro. Se doutait-il qu’il apportait ainsi à notre lecture un argument majeur ?

Dans son essai sur René Girard, en 1998, Muray écrivait : « Nous vivons, selon toute apparence, la deuxième phase girardienne de la tentative d’échapper aux effets destructeurs de la violence et de la contagion mimétiques : après le sacrifice (le lynchage, le meurtre) qui expulse momentanément la violence, nous voilà dans le rejet de la violence ; ou dans son abolition interminable (il n’y a plus de lynchage, on le sait, que médiatique). » Bonne nouvelle : René Girard avait un fils spirituel. Mauvaise nouvelle : Philippe Muray est décédé.

Philippe Muray nous était connu comme l’atroce et jubilatoire pourfendeur de l’Homofestivus, celui qui ne supporte pas le vide de son existence et, à défaut de le penser, panse son mal en se le dissimulant : aveugle, il s’encombre l’esprit et se divertit. La fête de Muray, c’est le divertissement pascalien. On soupçonnait l’auteur des Exorcismes spirituels d’être la proie de tourments métaphysiques, mais la forme si brillante et donc si lumineuse de ses Essais (réunis en un magnifique recueil de 1800 pages aux Belles Lettres) étourdissait son lecteur et le laissait admiratif, comme ébloui par l’éclat de la pensée et la force de l’expression. On sait désormais de manière sûre, après avoir lu les deux premiers volumes de son Journal intime, titré Ultima necat, que l’obsession centrale de la vie de Muray fut la mort. Et la mort sous toutes ses formes : la médiocrité intellectuelle, le vide littéraire, la vanité des Grands, la vacuité générale, la vanité de tout sauf celle du travail. La sévérité de Muray pour autrui est à la mesure de son immense culture et de sa perspicacité impitoyable (l’acuité visuelle de ses observations : la triste réalité lui sautait aux yeux), la seconde étant servie par la première. Ce Journal est pascalien de bout en bout, mais celui d’un Pascal qui, en tout cas à la date de 1988, clôture du second volume, n’a pas fait d’autre Pari que celui de la littérature.

« L’obsession centrale de la vie de Muray fut la mort. Et la mort sous toutes ses formes. »

Muray débute son Journal le 17 août 1978 et il déclare le quitter définitivement le 31 décembre 2004, deux ans avant sa disparition en 2006. Les Belles Lettres nous annoncent une édition intégrale, ce qui promet une somme magnifique, magistralement servie par la fabrication matérielle de volumes solides et élégants de près de 600 pages chacun, dotés d’index qui donnent le tournis tant y sont variés la qualité, le nombre et le genre des sources invoquées, antiques et contemporaines, philosophiques et cinématographiques, picturales (Muray écrivit un Rubens) et littéraires.

Il semble que Muray ait fini par entrevoir ce que d’autres grands auteurs n’ont jamais compris de leur vivant : la part jugée par eux annexe de leur œuvre comptera pour la suite davantage que la portion publiée de leur vivant. Le Journal de Gide survit aux illisibles Faux Monnayeurs et celui de Roger Martin du Gard a peut-être plus de qualité que celui de son héros le Lieutenant-Colonel de Maumort, qui est aussi le titre de son roman impossible et inachevé. Muray cesse d’écrire le Journal parce qu’il prend une trop grande part : l’œuvre risquerait de dévorer le reste, pensait-il ; il pouvait devenir « véritable ». Il y a de fortes chances pour que ce soit désormais le cas et on peut prendre le pari qu’il y aura plus à dire dans les années à venir sur le Journal que sur les écrits plus circonstanciés.

Mais ce n’est pas que l’actualité ne soit pas présente dans ces pages, l’on y voit même errer les ombres de Bernard Pivot ou de Jack Lang, tous deux voués par Muray, de leur vivant, au Styx des Tartuffe. Mais on se gardera de confondre l’auteur avec un Goncourt misérable : il n’y a pas l’once d’une méchanceté cancanière dans le Journal ni la moindre anecdote piquante. Ni la jalousie ni la vanité n’habitaient l’âme de cet homme qui était libre de tout attachement institutionnel ou universitaire. Il payait chèrement cette liberté, contraint qu’il était, pour vivre, de rédiger, sous pseudonyme, plusieurs volumes par an de polars alimentaires pour la collection « Brigade Mondaine ». Il lui fallait de quinze jours à un mois plein pour venir à bout de ces pensums renouvelés plusieurs fois par an. Il n’en parle jamais sinon pour signaler que la torture avait pris fin.

« Muray se sentait sacrifié par son temps parce que, pour sa part, il n’acceptait pas de lui sacrifier quoi que ce soit. »

On suit au fil des pages le programme intellectuel rigoureux que se fixe Muray : articles de commande, romans inachevés, biographies, essais, conférences. On ne sait laquelle est la plus exigeante, de l’ambition ou de l’ascèse. Impossible de résumer les 1200 pages des deux premiers tomes. Mais s’il y avait un fil directeur à mettre en évidence, je dirais ceci : comment échapper au nihilisme, comment l’écriture est-elle encore possible après l’Incarnation, si « aucune parole n’est impossible à Elohim » (Ultima necat, 29 octobre, 1986) que reste-t-il à l’humain trop humain scriptor ? S’il n’a rien de divin en lui, à peine démiurge, au moins lui reviendrait-il de susciter en son lecteur ce « mouvement d’âme » (27 septembre 1986) propre à confesser le Seigneur comme l’écrivait saint Augustin ? Muray pensait, en effet, qu’il n’y avait littéralement pas de littérature avant le christianisme et que ce dernier l’avait à son tour rendue partiellement improbable. On mesure la difficulté à penser pareille aporie.

Muray savait que l’existence d’autrui était en soi un problème et, averti par Pascal, il se méfiait des « rôles » : « Nous voulons vivre dans l’idée des autres, dans une vie imaginaire et nous nous efforçons pour cela de paraître. Nous travaillons à embellir et à conserver cet être imaginaire et nous négligeons le véritable ».

Muray se sentait sacrifié par son temps parce que, pour sa part, il n’acceptait pas de lui sacrifier quoi que ce soit. Christique, il cherchait dans la littérature une « cicatrisation ». Pascalien, il se consacra à rechercher « le véritable ».

(1) Philippe Muray, Ultima necat I, Journal intime 1978-1985 et Ultima necat II, Journal intime 1986-1988, Les Belles Lettres, Paris, 2015, 621 et 580 pages, 35 € le volume.

 Voir par ailleurs:

Climat: au bout des Lumières, le tunnel?
Gare à qui blasphème la nouvelle foi écologique!
Régis de Castelnau
Causeur
30 novembre 2015

André Malraux, au travers d’une citation si souvent galvaudée, nous avait prévenus que le XXIe siècle « serait religieux ou ne serait pas ». L’espérance communiste, religion de substitution, fut la grande passion du XXe siècle. Se prétendant matérialiste et scientifique, elle se revendiquait de l’héritage des Lumières. L’imposture s’est effondrée. La chute de l’URSS et La fin de l’histoire nous annoncèrent que pour notre Foule sentimentale, l’horizon indépassable était l’extension indéfinie de la sphère marchande. Le problème, comme l’a relevé Alain Souchon, c’est que cette foule « a soif d’idéal, attirée par les étoiles, les voiles, que des choses pas commerciales ». Les religions en place y ont vu une opportunité pour essayer de reprendre du poil de la bête. La montée de l’islam politique a été considérée comme le principal symptôme de ce qu’annonçait Malraux. Mais en fait, de nouvelles croyances ont surgi. Et c’est là que « les Lumières » ont commencé à baisser.

Par leur engagement contre les oppressions religieuses et politiques, les représentants du mouvement des Lumières se voyaient comme une élite avancée, œuvrant pour un progrès du monde. Affrontant à l’aide de la raison l’irrationnel, l’arbitraire, l’obscurantisme et la superstition des siècles passés, ils voulaient procéder au renouvellement du savoir, de l’éthique et de l’esthétique de leur temps. Ébranlant les certitudes anciennes, ils ont tracé une route empruntée par les deux siècles suivants, qui accouchèrent à partir de cet élan des révolutions industrielle, scientifique et technique, remises en cause désormais par de nouvelles croyances.

La plus intéressante est celle qui prend racine dans la prise de conscience écologique. D’abord, parce que les prémices qui y poussent sont fondés. L’humanité, devenue espèce invasive, pourrait voir son succès reproductif remis en cause par les raisons mêmes qui l’ont produit. En un mot, nous foutons le bordel dans notre maison. Depuis quatre milliards d’années la planète en a vu d’autres, et dans les cinq prochains elle en verra d’autres. Mais là, il s’agit de nous-mêmes et de nos enfants, et ce serait une bonne idée de s’en préoccuper. En tentant de préférence d’échapper aux mauvaises habitudes, comme le retour à la pensée magique, l’effacement de la raison, la peur de la science et de la technique, et la sacralisation de nouveaux totems. Malheureusement, une nouvelle religion s’impose : celle de Gaïa, notre planète, la déesse mère, dont on nous serine absolument tous les jours qu’il faut la respecter et la sauver. Beaucoup y voient une nouvelle idéologie. C’est plus que ça.

Ainsi le nouveau culte de la planète-mère semble bien lié à la mondialisation. Nos identités de rattachement ne sont pas si nombreuses. Depuis une trentaine d’années, aux anciennes de la famille et du territoire national est venue s’ajouter celle de l’appartenance à un monde globalisé. Et cette appartenance a besoin de ciment et de foi. Le culte de la planète mère va-t-il faire l’affaire ? L’utilité politique de croyances communes, pour souder une société politique, est une évidence historique. À Constantinople, l’empereur Théodose, pragmatique, avait fait du christianisme la religion de l’Empire Romain en 380 après J.-C. Recevant une délégation d’évêques venus de Gaza pour se plaindre du manque de piété de leurs ouailles, il avait répondu : « Certes, mais les impôts rentrent bien, c’est le principal. »

La première étape de cette transformation fut de disqualifier la science dont le « culte » nous avait conduits à cette situation angoissante : montée de la pensée magique, succès étonnant de charlatans médiatiques, expression de peurs irrationnelles, auxquelles intellectuels et scientifiques ont tenté de réagir. L’anathème est immédiatement tombé : « scientistes » ! La science – coupable de tous les maux puisqu’à l’origine du développement invasif de l’espèce humaine – s’est retrouvée disqualifiée. Et avec elle la méthode scientifique a été invalidée. Un relativisme ravageur en a fait un récit parmi d’autres.

Les OGM, par exemple, dont le refus relève d’un réflexe de peur de la manipulation du vivant. La démarche des opposants ne reposait pas sur une démarche scientifique. La science a démontré que la nature procède elle-même à la modification génétique, jusqu’à la création d’OGM « naturels ». Et que leur utilisation déjà ancienne n’a jamais eu de conséquences négatives ni sur la santé ni sur l’environnement. Au contraire, si l’on pense à l’affaire du  « riz doré ». Au discours scientifique, furent alors opposés des discours directement politiques ou religieux. Les OGM c’est le capitalisme prédateur pour les uns, la manipulation du vivant donc de l’œuvre de Dieu pour les autres. Ou les deux à la fois. Vade retro Satanas !

La question du « réchauffement climatique » représente une autre étape et le clou suivant enfoncé sur le cercueil de la pensée des Lumières. Nous ne nous prononcerons pas ici sur la réalité de ce réchauffement et sur le caractère anthropique de son origine. De toute façon, le débat raisonné est désormais impossible, il sera bientôt interdit.

Car derrière lui se profilent enjeux économiques, géostratégiques et politiques, au cœur desquels se trouve la contradiction économique entre le Nord et le Sud.

Singulière ruse de l’Histoire, l’Occident a inversé l’équation. La nouvelle religion reposera sur la science – mais une science officielle figée, non discutable – en rassemblant laboratoires et scientifiques de nombreux pays, dans une instance intergouvernementale, par conséquent politique. Sur la base d’une orientation fixée au préalable, le GIEC est devenu le support de l’expression d’une « vérité scientifique » qui doit s’imposer à tous. La bonne foi des scientifiques du GIEC n’est pas en cause. Simplement, les budgets, les subventions, les carrières sont fonctions du camp choisi. Les sceptiques ou les opposants sont vilipendés, ostracisés, ridiculisés. Et bien sûr systématiquement accusés d’être payés par les lobbies. Le réchauffement climatique est peut-être une réalité, mais il est aujourd’hui interdit ne serait-ce que d’en douter. Et là se loge le renversement. Le nouveau dogme est fondé sur la science, mais au détriment de la méthode scientifique qui impose le doute et la remise en cause. Nous avions eu sous Staline la « science prolétarienne », il faut désormais adhérer à la « science citoyenne », où ce qui compte est moins la compréhension d’une réalité scientifique difficile  que l’adhésion du plus grand nombre. Une équipe de chercheurs s’est penchée sur les rapports du GIEC et leurs synthèses, rédigés à l’attention des gouvernants. Ils en ont conclu que « même des textes d’Albert Einstein » étaient plus faciles d’accès, et « ils sont si difficiles à comprendre qu’il faut un doctorat au minimum pour en saisir les recommandations ». Qu’à cela ne tienne, l’argument d’autorité devrait suffire.

Comme toujours, il faut à la nouvelle religion culpabiliser l’homme, d’où vient tout le mal, et lui indiquer le chemin de la rédemption. Identifier les hérésies, chasser et punir les hérétiques. Les sceptiques, dubitatifs, interrogatifs sont des « connards » nous dira NKM, doivent être fichés affirme Corinne Lepage, virés de leur boulot dit-on à France2, sont des « négationnistes » assènent les ahuris, des criminels méritant la prison salivent les amateurs de punitions. En attendant pire. Il s’agit d’un phénomène classique, dont la religion chrétienne a donné un bon exemple lorsqu’elle est devenue religion de l’empire romain. Il y eut beaucoup plus d’exécutions pour hérésie dans les trois siècles qui suivirent son avènement comme religion d’État que de martyrs chrétiens dans les trois qui l’ont précédé.

Autre exigence, débusquer le Diable. Jacques Ellul, précurseur et gourou post-mortem l’avait vu dans l’avènement de la « technique ». Pour les OGM, ce sera Monsanto qui, pour gagner du temps, aurait dû s’appeler Monsatan. Pour le réchauffement, les anges déchus sont plus nombreux : lobbies pétroliers, scientifiques dévoyés, Chinois avides de consommation, Africains corrompus… Et enfin, il faudra béatifier quelques originaux, adeptes de fausses sciences et de nouvelles ascèses.

Le débat est rendu très difficile, sinon impossible, par l’utilisation massive de l’argument d’autorité. Car cette fois-ci, le dogme est nous dit-on s.c.i.e.n.t.f.i.q.u.e. Situation assez étonnante, on voit dans un phénomène aux connotations religieuses évidentes l’affirmation d’une vérité non plus révélée, mais désormais prouvée. J’avais pourtant retenu de l’enseignement des Lumières qu’il y avait des méthodes, des hypothèses, des découvertes et des théories scientifiques, mais pas de vérité  définitive. Ce retour de la pensée magique veut nous dire le contraire.

Voir enfin:

A Rhetorical Question

Why conciliate Muslims but antagonize pro-lifers?

James Taranto
The Wall Street Journal
Nov. 30, 2015

Well, that was predictable. “Abortion rights advocates say the connection is clear,” reports the Washington Post:

Over the summer, a little-known antiabortion group called the Center for Medical Progress released a series of covertly filmed videos purporting to show that Planned Parenthood illegally sells fetal tissue, or “baby parts,” as abortion foes refer to it, for research. The century-old nonprofit agency has denied wrongdoing, and state and congressional investigations have so far failed to produce proof supporting the allegations.

Nevertheless, the casual and sometimes graphic conversations about abortion procedures captured on the videos have provided fodder for conservatives on Capitol Hill, in governor’s mansions and on the presidential campaign trail to seek to strip the organization of government funding. The efforts have led to sometimes passionate commentary on the part of conservatives and Republicans against abortion and sharply critical of Planned Parenthood, striking a tone that abortion rights advocates say created an atmosphere that put clinic workers and patients at risk.

Post hoc ergo propter hoc: On Friday a man started shooting at a Planned Parenthood clinic in Colorado Springs, Colo. By the time the suspect, Robert Dear, was in custody, he had allegedly killed a policeman and two civilians.

“Why is it the same knee-jerk Republicans freaking out about ISIS are fostering terrorism in the homeland? Recruiting and influencing loonies to do their dirty work to eliminate the evil scourge known as abortion?” rants Bob Lefsetz, “a music industry analyst and critic,” in New York’s Daily News, a tabloid that of late has degenerated into a slightly more high-toned version of Salon.

We’ve heard this before. And at least this time there is evidence, albeit far from conclusive, of a political motive: An anonymous “senior law enforcement official” tells the New York Times “that after Mr. Dear was arrested, he had said ‘no more baby parts’ in a rambling interview with the authorities.” But also: “The official said that Mr. Dear ‘said a lot of things’ during his interview, making it difficult for the authorities to pinpoint a specific motivation.”

President Obama rushed to politicize the crime. But interestingly, not only did he frame it solely as part of his lame-duck effort to combat “gun violence” by restricting the lawful purchase of firearms; he pooh-poohed the suggestion that it was political in nature: “We don’t yet know what this particular gunman’s so-called motive was.”

Colorado’s Gov. John Hickenlooper was a bit less circumspect. He told CNN: “Certainly it’s a form of terrorism, and maybe in some way it’s a function of the inflammatory rhetoric we see on all—so many issues now, there are bloggers and talk shows where they really focus on trying to get people to that point of boiling over. Just intense anger. Maybe it’s time to look at how do we tone down that rhetoric.”

While disavowing any effort to “limit free speech,” the governor said “the United States of America ought to begin a discussion” on how to “begin to tone back the inflammatory rhetoric.”

Such a conversation, it seems safe to surmise, would quickly degenerate into a shouting match. Planned Parenthood itself responded to the shooting with harsh denunciations of its critics, as the Washington Times reports:

“We’ve experienced so much hateful language, hateful speech,” Vicki Cowart, president and CEO of Planned Parenthood Rocky Mountains, said on ABC’s “This Week” program on Sunday. “I think politicians have been in that conversation, and I mean, you know that the airwaves are full of anti-abortion language, of anti-Planned Parenthood accusations, much of which is false in nature . . . the tirades against Planned Parenthood in the last few months have really been over the top.”

National Review’s Jim Geraghty notes that the left is rather selective in blaming political rhetoric for acts of violence—for example, insisting there is no connection between Black Lives Matter protesters’ foul antipolice rhetoric and actual attacks on cops. On the other hand, Colorado Springs isn’t the first time the left has blamed a terroristic act on a video.

But there’s an additional problem with the video-made-him-do-it theory of the case. The CMP videos, at least the parts of them we’ve seen, can’t be called “hate speech” by any stretch. They are not harsh denunciations of Planned Parenthood; they are exposés. The words and actions that horrify abortion foes—as well as decent people with more permissive views on abortion—are uttered and described by current and former Planned Parenthood employees and business associates.

We were struck by the contrast between the left’s responses to the Paris and Colorado Springs attacks. The former brought out a display of empathy toward Muslims; the latter, of antipathy toward pro-life Americans.

Hillary Clinton: “Muslims are peaceful and tolerant people and have nothing whatsoever to do with terrorism.” It would be at least as true to say that pro-life Americans are peaceful and tolerant people and have nothing whatsoever to do with terrorism—but instead Mrs. Clinton responded to Colorado Springs with this false choice: “We should be supporting Planned Parenthood—not attacking it.”

“I cannot think of a more potent recruitment tool for ISIL than some of the rhetoric that’s been coming out of here during the course of this debate [over accepting Syrian refugees],” President Obama said Nov. 17. “ISIL seeks to exploit the idea that there is a war between Islam and the West.”

Why wouldn’t a similar logic apply to the demonization of pro-life Americans in the aftermath of Colorado Springs? That’s not a rhetorical question: The logic doesn’t apply because the attacks were very different. The ones in Paris were carried out by an organization that unmistakably has religious motives and political goals. By all accounts the Colorado Springs killer was a lone nut. There is no antiabortion terrorist organization to which to recruit anyone.

Whatever the merits of his refugee policy, the president is right to reject “the idea that there is a war between Islam and the West,” although it would be fatuous to deny that that is how Islamic supremacists see the matter. To judge by the reactions to Colorado Springs, though, many on the left really do regard Americans who oppose abortion—almost all of whom do so peaceably—as their enemy.

Voir par ailleurs:

DossIer – attaques du 13 novembre : le courage et l’urgence

TUERIE AU BATACLAN: Une Intervention décisive des policiers du quotidien

LA TRIBUNE DU COMMISSAIRE

Décembre 2015 – Jnavier 2016

J’étais au service lorsque j’ai été avisé des explosions au stade de France. Mon chauffeur et moi sommes partis rapidement, équipés de notre simple gilet pare balle individuel et de notre arme de service. Sur le chemin, nous avons été informés de la fusillade rue Bichat. J’ai décidé malgré tout de poursuivre ma route vers le stade de France où la situation paraissait plus préoccupante encore. A l’annonce sur les ondes de la deuxième fusillade, nous nous sommes finalement détournés de notre destination initiale. Au gré des fusillades qui se succédaient, nous adaptions notre trajet pour nous diriger vers la plus récente. Nous ne sommes finalement jamais parvenus jusqu’à ces lieux de massacre, ce qui s’est avéré être a posteriori une bonne chose car nous ne serions jamais parvenus à nous en extraire pour atteindre le Bataclan. C’est en arrivant place de la ré-publique pour nous rendre rue de la fontaine au Roy que nous parvenait l’appel pour le Bataclan. Nous nous trouvions alors à 500 m de là environ. J’appelais une jeune collègue commissaire restée au service pour lui dire de ramener un maximum de matériels de protection et armements, et faire partir les effectifs sur le 11ème au fur et à mesure de leur arrivée au service. Malgré son jeune âge, elle s’est acquittée de cette mission avec beaucoup d’efficacité, avant de nous rejoindre sur place pour la suite des opérations. Nous sommes donc arrivés très rapidement au Bataclan dans notre véhicule banalisé. Nous avons enlevé notre gyrophare, souhaitant privilégier une arrivée discrète. Parvenus très rapidement sur place, nous nous sommes arrêtés précipitamment derrière le bus des artistes qui se trouvait stationné devant la salle de spectacle. A peine sortis de la voiture, une personne dissimulée derrière le bus, portable à l’oreille, nous a dit « vite il y a une attaque dedans ! ».Nous avons fait le tour du bus pour nous retrouver devant la façade. Du coin de l’œil, j’ai aperçu sur ma gauche – à l’angle de l’impasse Saint Pierre Amelot – des effectifs de police, puis des bris de verre et des cadavres au sol sur le trottoir. Nous nous sommes rapprochés de l’entrée. On entendait des rafales d’arme automatique. Alors que nous étions devant les portes vitrées du hall d’entrée, les portes battantes de la salle se sont ouvertes d’un coup et une foule s’est mise à courir vers nous en hurlant. Des tirs retentissaient toujours. Avant que les portes ne se referment, j’ai aperçu très distinctement un individu qui tenait une kalachnikov à la main. Il était très calme. La salle était baignée de lumière. J’ai compris. Après tous ces entraînements, ces simulations, toutes ces interventions sur des appels fantaisistes, je me suis dit « c’est réel maintenant ! » ;Les gens se sont enfuis dans la rue. Il y a encore eu des tirs et puis plus rien. Je crois qu’on ne s’est même pas regardés avec mon chauffeur. Nous travaillons depuis des années ensemble sur la voie publique, et avons une totale confiance réciproque. Pour nous, c’était une évidence que nous devions rentrer dans cette salle. Nous n’avons pas hésité. Nous avons progressé jusqu’aux portes battantes opaques. Derrière c’était l’inconnu. Nous n’avions aucune visi-bilité, nous savions juste qu’il y avait des terroristes qui nous attendaient avec des armes de guerre, et qu’on y resterait peut être.Nous avons ouvert les portes et le spectacle fut effrayant…Quelques instants auparavant, il y avait une grande agitation, du bruit, des tirs et là c’était le calme absolu, un silence d’une rare intensité, hors du temps, occupait tout l’espace. Des corps étaient étalés partout, par centaines, ils étaient les uns sur les autres. Sur le côté, sous le balcon, dans la fosse, devant le bar… Certains étaient entassés sur un mètre de hauteur. Il y avait du sang partout. Je pensais que tous étaient morts. Je me suis dit «c’est un vrai massacre». Je me demandais comment ils avaient fait pour tuer autant de gens…La salle était très éclairée, les spots de la scène étaient tous allumés vers nous, ce qui produisait une lumière très intense. Un couple était enlacé au sol près du bar, la femme bougeait un peu la jambe. Je ne sais s’ils étaient morts ou vivants. Au loin ont retenti quelques tirs. Je pense que c’était dans les loges, ou sur le balcon. Nous sommes restés calmes mais désemparés, nous ne savions pas trop quoi faire. Nous restions très concentrés pour essayer de voir les terroristes ; j’ai baissé au maximum le volume de ma radio pour ne pas être repéré.Soudain, sur la gauche de la scène, est apparu l’un des terroristes. Cela semblait irréel. Il était là comme si de rien n’était, très calme. Il marchait à reculons en tenant en joue, avec sa Kalachnikov, un jeune homme brun qui avançait vers lui les mains sur la tête. Ce jeune homme était digne et calme, presque résigné. Le terroriste lui a crié « couche-toi au sol » en pointant toujours sur lui son fusil d’assaut, tandis que la victime obtempérait… J’ai dit à mon équipier « Kalach devant ». J’ai avancé de quelques pas pour prendre appui sur une sorte de main courante qui partait d’une colonne à coté du bar. Mon équipier se tenait sur ma droite, à environ un mètre. Le terroriste ne nous voyait pas, il regardait son otage. Il était un peu de profil par rapport à nous. Sa veste était assez épaisse. Je ne savais pas s’il portait un gilet pare-balles mais, même s’il en avait été porteur, les flancs demeuraient vulnérables. Nous n’avons pas hésité une seconde. Il allait sans doute abattre l’otage, il fallait agir vite. Il était tout de noir vêtu, constituant sous les projecteurs une cible parfaitement visible. De 20 à 25 mètres nous séparaient de lui. Nous avons pris appui et ajusté notre visée. A cette distance, nous étions sûrs de le toucher… mais nous savions aussi que, si nous manquions notre cible et compte tenu de sa puissance de feu, nous étions morts. Malgré tout et étonnemment, j’étais serein. Nous avons engagé le tir, tirant jusqu’à ce qu’il tombe. Le terroriste a émis un râle, s’est affaissée puis est tombé au sol. Nous avons cessé notre tir, voulant instinctivement conserver des munitions pour la suite. Dans les deux secondes une explosion s’est produite. Il s’était fait exploser. J’ai longtemps craint que le jeune otage ait été emporté par l’explosion. C’est avec une joie profonde que j’ai appris qu’il avait pu profiter de notre intervention pour prendre la fuite et se mettre à l’abri. J’apprendrai plus tard que, dans le même temps, des effectifs du 94 – aperçus à notre arrivée – faisaient l’objet d’un tir nourri de la part d’un des terroristes, au niveau des issues de secours situées passage Saint Pierre Amelot, et qu’ils avaient courageusement fait front en ripostant au fusil à pompe. J’étais tellement concentré sur notre intervention que je n’avais plus aucune vision de la situation générale aux abords, ni sur le trafic radio. Je pense que notre action conjointe a pu perturber les terroristes et sauver quelques vies, cela demeure une satisfaction.Analysant à posteriori notre usage d’arme, je réalise que notre attention étant concentrée sur le terroriste, nous avions occulté toute vision périphérique – ce qu’on appelle « l’effet tunnel ». Si un autre terroriste était venu sur notre coté à ce moment là, nous étions morts à coup sûr. Nous avons eu beaucoup de chance. Dès que ce fanatique s’est fait exploser, nous avons essuyé plusieurs tirs sans parvenir à en localiser la provenance. Nous nous sommes abrités du mieux que nous pouvions. Je n’ai pas eu peur mais je me suis dit « je vais mourir aujourd’hui !». J’ai pris le temps de prendre mon téléphone et d’appeler ma femme quelques secondes pour lui dire adieu. J’ai raccroché sans lui laisser le temps de parler, et n’ai pu la rassurer que deux heures plus tard. Il était 22h04 exactement. Mon chauffeur en a fait de même. Les tirs ont continué mais plus sur nous. Nous pensions qu’ils étaient en train d’achever des gens, mais ne pouvions malheureusement rien faire. Notre présence à ce moment n’avait plus d’utilité. J’ai décidé de rejoindre le sas d’entrée pour voir si des forces supplémentaires étaient arrivées. M’ont rejoint à ce moment trois effectifs civils de la BAC 75N – dont je n’oublierai jamais la bravoure- et quelques effectifs de la BAC 94N et de la BAC Saint Maur. Nous étions dans le sas d’entrée. Nous avons entendu un terroriste derrière les portes battantes. Un chargeur est tombé à terre etun bruit de culasse a claqué. Il rechargeait sa Kalachnikov. Nous avons pensé qu’il allait faire une sortie, nous nous sommes préparés à ouvrir le feu, mais rien ne s’est produit… Deux ou trois minutes après, nous avons vu une ombre sous la porte, nous pensions qu’il revenait lorsqu’une main tendue apparut au ras du sol, par l’entrebâillement de la porte. C’était un otage qui rampait vers la sortie. J’ai couru vers lui, l’ai attrapé par les mains en disant « prends mes mains ! ». Il m’a dit «je ne peux plus marcher ». Je l’ai tiré jusque sur le trottoir. C’est là qu’il m’a dit qu’il était jeune collègue commissaire et qu’il avait pris des balles dans le dos. Sa lucidité et son professionnalisme m’ont impressionné. Il nous a donné des infos sur les terroristes. Je veux souligner ici sa bravoure. Il a été porté par un de mes fonctionnaires et un autre commissaire de Police jusqu’au poste de secours. De retour dans le hall, une autre main est apparue… Une femme cette fois. Je suis allé la tirer encore une fois jusqu’au trottoir. Elle était pleine de sang. Nous avons procédé à son évacuation. Les tirs ont repris à l’intérieur. J’ai eu un moment de doute, je me suis dit « qu’est ce que je fais ? »Si lors de la première entrée j’étais seul avec mon chauffeur et nous partions vers l’inconnu, je savais maintenant ce qu’il y avait derrière cette porte, et c’était plus terrifiant encore. J’avais également désormais plusieurs policiers à mes cotés, la plupart pères de famille, Nous avions désormais deux fusils à pompe, mais toujours pas de moyens lourds de protection ce qui dépassait ma propre personne. En tant que Commissaire il était de ma responsabilité de peser les risques et de ne pas les envoyer tous vers une mort certaine. Un des policiers a crié « il faut attendre la BRI ! ».J’ai pensé : « on ne peut pas laisser ces pauvres gens se faire massacrer à l’intérieur et rester comme ça dehors sans rien faire !» J’ai répondu : « non on n’attend pas la BRI , on y retourne ! » Je savais pouvoir compter sur mes hommes et je n’ai pas été déçu. Je savais qu’ils me suivraient et tous m’ont suivi, avec un sens du devoir incroyable. Nous avons repris position dans la salle au niveau du bar. Quelques tirs ont repris. J’ai riposté deux fois à nouveau. Dans ces circonstances, hormis la prise de décision, il n’y a plus de grade. Nous sommes tous égaux devant un tir ennemi, et chacun peut être blessé ou tué. Un des otages dans les loges nous a crié un numéro de portable « pour le responsable » de la part des terroristes, puis il a dit « il faut que j’y retourne ». Nous l’avons noté et transmis à la BRI. Malheureusement, nous n’avions que notre courage à opposer à ces terroristes. Sans moyens de protection, nous ne pouvions plus progresser. Nous ne pouvions que rassurer les victimes à la voix, et nous opposer à un retour des terroristes vers la fosse et le bar. Je voudrais sincèrement m’excuser aujourd’hui auprès de ceux que nous n’avons pu sauver, auprès de leurs familles. Nous avons fait le maximum, mais nous aurions voulu faire tellement plus ! Les victimes dans la fosse commençaient à bouger. Un monsieur me faisait des signes pour indiquer que les terroristes étaient deux en haut. On criait aux victimes de ne pas bouger, qu’on allait venir les chercher dès que possible. On tentait de les rassurer un peu. Les gens nous suppliaient d’intervenir, de les aider. On entendait les cris de douleur. Au fil des minutes, ces cris s’atténuaient, on sentait bien que la mort se propageait. La BRI est arrivée. Nous avons progressé avec eux. Ils ont sécurisé une partie du rez-de-chaussée puis ont emprunté l’escalier. Nous avons alors pu faire sortir quelques victimes qui se trouvaient près du bar et ne pouvaient marcher. Elles étaient paniquées et couraient. Nous les avons extraites après les avoir palpées par mesure de sécurité. Il se pouvait en effet qu’un terroriste se soit glissé parmi elles. La colonne de la BAC 75, conduite par son officier, nous ayant rejoints avec ses boucliers balistiques, nous avons pu commencer à récupérer des victimes dans la fosse, avec grande précaution car nous ne savions toujours pas où étaient les terroristes. Nous avons porté toutes ces personnes comme nous pouvions, les traînant au sol dans des mares de sang en tentant d’éviter les cadavres qui étaient partout. Les gens hurlaient de douleur dès que nous les touchions. Nous avons fait des allers retours pendant plusieurs dizaines de minutes, c’était épuisant. Le sol était glissant tant il y avait du sang. Nous tirions les victimes dans le verre brisé au sol, sur des centaines de douilles, parfois même nous devions déplacer des cadavres pour nous frayer un chemin. Nos vêtements, nos chaussures, nos mains étaient couverts de sang. Nous avions des marches à gravir pour monter au niveau du bar avant de pouvoir regagner la sortie, ce qui rendait notre tâche plus difficile encore. Un de mes effectifs est allé chercher dans ses bras un petit garçon de 5 ans qui était sous une personne, peut être son père ? Cette image fut terrible pour tous. Nous avons évacué les blessés sur des brancards de fortune, saisissant tout ce qui nous tombait dans les mains, comme des barrières «Vauban». Quand la BRI a donné le feu vert, nous avons fait sortir tous les otages valides. Ils étaient des centaines, le flux n’arrêtait pas. Ils étaient en panique et couraient vers la sortie, certains nous remerciant, d’autres nous reprochant de ne pas être intervenus plus tôt… beaucoup pleuraient, d’autres étaient couverts de sang ou totalement hagards. Un homme me remercia en me disant « merci , grâce à vous je vais revoir mes enfants ». L’évacuation des victimes s’est poursuivie. Tous les policiers présents ont participé activement à ces opérations. Nous avions besoin d’un maximum de bras. Cela a duré plusieurs heures. Une fois celle ci bien avancée, nous avons quitté le Bataclan pour rechercher des auteurs armés qui étaient signalés rue Amelot. Fausse alerte. Vers 03h30 du matin, nous avons enfin pu nous regrouper. La PJ a pu commencer ses constatations. Aujourd’hui plus que jamais, ma vocation et ma fierté d’être policier, au quotidien, au service de nos concitoyens, a pris tout son sens. Beaucoup nous disent que nous sommes des héros. Je ne me considère pas comme cela ; j’ai fait ce que j’avais à faire, comme beaucoup d’autres l’auraient fait. Les vrais héros, ce sont tous ces gens qui ont du faire semblant d’être morts parmi les morts pour rester vivants. Jamais je ne pourrai les oublier. Je n’oublierai jamais non plus ces policiers qui m’ont accompagné dans l’enfer, et tous les autres – notamment ceux qui sont revenus spontanément sur leur repos. Tous ont été confrontés à une horreur indicible. Je suis fier d’avoir pu être à leur tête et je veux les remercier pour leur courage, leur sens du devoir, leur esprit de cohésion, leur solidarité et leur professionnalisme.

Un commissaire de la DSPAP

3 Responses to Attentats de Paris: Le nouveau mensonge romantique du tout-festif (Who will love the Devil and his song?)

  1. jcdurbant dit :

    La loi sur le renseignement de juillet 2015, déjà votée avec un an et demi de retard? Quand les attentats de novembre ont eu lieu, la moitié des douze décrets nécessaires pour son application n’était pas publiée. Et que dire de la qualité du renseignement? Au lendemain même des attentats de novembre, la Direction générale de la sécurité intérieure (DGSI, ex-DCRI) croyait Abdelhamid Abaaoud, coordinateur de ces attaques, en Belgique. Alors qu’il était en région parisienne depuis deux mois, si l’on en croit les déclarations d’un témoin clé qui a conduit le Raid jusqu’au repaire des tueurs à Saint-Denis.

    Cette source précieuse déclare même, selon Valeurs actuelles, qu’Abaaoud et au moins un de ses complices «sont rentrés quand Hollande a fait rentrer les réfugiés». Dire que l’État assurait alors qu’un filtrage sérieux des candidats à l’immigration venus de Syrie était effectué par ses agents!

    Membre de la Délégation parlementaire au renseignement, le sénateur les Républicains François-Noël Buffet l’assure: «Le vrai sujet, ce sont les frontières de l’Europe, totalement perméables. Nos services y sont aveugles ou presque. Et la coopération loyale entre États demeure largement perfectible.» Éric Ciotti, député LR des Alpes-Maritimes, le dit, pour sa part: «Dans la recherche des failles, on ne peut taire plus longtemps le fait qu’en 2012, les socialistes ont décapité tout l’appareil policier français pour des raisons politiques. Le seul tort de ces grands patrons était d’être étiquetés sarkozystes».

    Il a fallu neuf mois et une série de cinq attentats ou tentatives pour que la gauche opère sa révolution copernicienne et reprenne à son compte ce qu’elle honnissait hier. Lors de la campagne présidentielle, François Hollande, dans le sillage de l’affaire Merah, affirmait que la France «n’avait pas besoin d’une nouvelle loi contre le terrorisme.» Jamais depuis le 7 janvier pourtant le gouvernement n’aura autant annoncé de plans et de mesures pour combler les béances qu’il ne voulait voir auparavant. La réalité faisant loi, Manuel Valls qui, en 2010 comme en 2012, refusait la fermeture unilatérale des frontières nationales, a été le premier à la solliciter dans la nuit même du 13 novembre. De même, le ministre de l’Intérieur, Bernard Cazeneuve, martelait-il que «l’interdiction de retour des djihadistes binationaux était impossible sauf à prendre le risque de se trouver sanctionner par la CEDH». Le 11 février 2015, il écartait ainsi la proposition de loi de Philippe Meunier à droite. Et voici que la déchéance de nationalité revient sur le métier législatif à marche forcée!

    http://www.lefigaro.fr/actualite-france/2015/12/01/01016-20151201ARTFIG00375-pourquoi-la-lutte-contre-les-djihadistes-a-pris-tant-de-retard.php

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  2. jcdurbant dit :

    On comprend pourquoi Rock en Seine en veut plus !

    Hughes is not happy with the way the media has treated the story. Details are randomly pulled from his interviews and entire angles are edited in later that are diametrically opposed to his beliefs. Jesse Hughes has been ordained as a minister by the Universal Life Church. He’s pro-gun, pro-Trump, and pro-life. He recognizes that Islam is the problem and political correctness is literally killing us.

    Takimag

    These atheists tell us we don’t need religion, yet everyone seems to be creating flimsy substitutes to replace it. Rehab is just Lent. Meditation is just Latin Mass. Seeing a therapist is just talking to your priest.

    Gavin McInnes (Takimag)

    How is a faith being associated with racism? Just take out the word “Islam” and replace it with “communism.” It’s an ideology. The same way the Rosenbergs could sell nuclear secrets from within America is the same way Muslim terrorists can attack us from within. It’s okay to be discerning when it comes to Muslims in this day and age. (…) When you’re at a soccer game in Europe and you see the words “United Arab Emirates,” you know there is a lot of Arab money floating around and influencing the dialogue. The conversation is constantly being steered away from scrutiny. They think we’re fools. Arab money is a pollutant. So many movies are made with Arab money. George Clooney doesn’t kiss the ass of the Arabs for no reason. American movies are the best way to influence the hearts and minds of the world. (…) The other problem with that is, when you get rid of these Christian rednecks, you create a vacuum and it gets filled with people way worse. It gets filled with Islam. You end up replacing evangelism with sharia law. Politicians behave better when they know people are watching. We behave better when we believe Jesus is watching us. (…) And the thing about the Bible is it’s written down. A therapist can change his diagnosis just like that and there’s no way of calling him out on it. (…) I hung out with plenty of Parisians who were fucking pissed off, but it was mostly cops and military. (…) They know there’s a whole group of white kids out there who are stupid and blind. You have these affluent white kids who have grown up in a liberal curriculum from the time they were in kindergarten, inundated with these lofty notions that are just hot air. Look at where it’s getting them.

    Jesse Hughes

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  3. click here dit :

    Je ne suis pas sûr que commentaires, je crois sincèrement qu’il ya beaucoup de nuances aspects qui ne pouvaient pas être prises pris . Mais j’apprécie votre avis , bon site. \ R \ nSaludos \ r \ n

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