Expositions: Après le sexe, la violence s’expose à Paris ! (Life imitates art far more than art imitates life: Paris art exhibitions spill the beans on Islamic state’s emotional appeal)

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Artwork allows visitors to pose as victims of Isis killer Jihadi John | World | The TimesLe Dieu d’Israël, à qui tu as rendu ce témoignage qu’il tire vengeance de ses ennemis, a tranché lui-même cette nuit, par ma main, la tête du chef de tous les infidèles. Et pour te convaincre qu’il en est ainsi, voici la tête d’Holoferne qui, dans l’insolence de son orgueil, méprisait le Dieu d’Israël et t’a menacé de mort, en disant: Lorsque le peuple d’Israël sera vaincu, je te ferai passer au fil de l’épée. Judith (13: 27-28)
Où est Dieu? cria-t-il, je vais vous le dire! Nous l’avons tué – vous et moi! Nous tous sommes ses meurtriers!  (…) Ce que le monde avait possédé jusqu’alors de plus sacré et de plus puissant a perdu son sang sous nos couteaux (…) Quelles solennités expiatoires, quels jeux sacrés nous faudra-t-il inventer? Nietzsche
Forain, mon noble ami, que votre dessin est beau ! Degas
Si Jean-Louis Forain a été peu montré, la raison en est simple : au plus fort de l’affaire Dreyfus, il crée, avec le dessinateur Caran d’Ache, Psst… !, une revue antidreyfusarde. Il y publie des caricatures atroces des juges ou d’Emile Zola. Plusieurs sont antisémites. L’une des pires figures dans l’exposition, qui, loin d’esquiver le sujet, l’aborde de manière frontale. Forain a été un artiste d’avant-garde aux innovations passionnantes. Il a aussi été antisémite. Le mérite ne saurait faire oublier le crime, pas même l’excuser. Une seule chose gêne dans la présentation qui est faite : Forain et Caran d’Ache sont seuls désignés coupables d’avoir été « du mauvais côté, celui du mensonge et de la haine », comme l’écrit Bertrand Delanoë dans sa préface. Or Cassation, le dessin insupportable, valut à Forain une lettre de félicitations enthousiaste d’Edouard Degas (…) Degas était antidreyfusard, comme Auguste Renoir, Auguste Rodin, Paul Cézanne ou Paul Valéry. Rien de nouveau dans cette liste : en 1987, l’historienne américaine de l’art Linda Nochlin citait déjà ces noms dans son étude « Degas et l’affaire Dreyfus : portrait de l’artiste en antisémite », parue en français en 1995 dans Les Politiques de la vision (Ed. Jacqueline Chambon « Rayon art », 1998, 279 p., 22,60 €). Elle s’y demandait comment peuvent cohabiter dans la même cervelle les ambitions artistiques les plus élevées et la haine la plus basse chez tous ces contemporains de Degas que l’histoire de l’art a érigés en héros, oubliant ce qu’ils ont pu dire ou faire. Qu’ils n’aient pas tous publié leur antisémitisme dans les journaux, à l’inverse de Forain, les a protégés. Ainsi la rétrospective Renoir présentée au Grand Palais, en 2009, ne disait mot de son racisme. A traiter la question, il aurait été plus rigoureux de la voir dans son ensemble. Le Monde
L’acte surréaliste le plus simple consiste, revolvers au poing, à descendre dans la rue et à tirer, au hasard, tant qu’on peut dans la foule. André Breton
Il faut avoir le courage de vouloir le mal et pour cela il faut commencer par rompre avec le comportement grossièrement humanitaire qui fait partie de l’héritage chrétien. (..) Nous sommes avec ceux qui tuent. Breton
Tous les grands mouvements sont des mouvements populaires, des éruptions volcaniques de passions humaines et de sentiments émotionnels suscités soit par la cruelle déesse de la détresse, soit par la puissance incendiaire du verbe déversé sur les foules. Adolf Hitler (Mein Kampf)
Que des cerveaux puissent réaliser quelque chose en un seul acte, dont nous en musique ne puissions même pas rêver, que des gens répètent comme des fous pendant dix années, totalement fanatiquement pour un seul concert, et puis meurent. C’est le plus grand acte artistique de tous les temps. Imaginez ce qui s’est produit là. Il y a des gens qui sont ainsi concentrés sur une exécution, et alors 5 000 personnes sont chassées dans l’Au-delà, en un seul moment. Ca, je ne pourrais le faire. A côté, nous ne sommes rien, nous les compositeurs… Imaginez ceci, que je puisse créer une oeuvre d’art maintenant et que vous tous soyez non seulement étonnés, mais que vous tombiez morts immédiatement, vous seriez morts et vous seriez nés à nouveau, parce que c’est tout simplement trop fou. Certains artistes essayent aussi de franchir les limites du possible ou de l’imaginable, pour nous réveiller, pour nous ouvrir un autre monde. Karlheinz Stockhausen (19.09.01)
En tant que spectateur de ces attentats, nous ne voulons pas en faire l’expérience, mais nous voulons en faire partie. Le ton général des messages dans la foulée amplifie un sentiment de victimisation collective des citoyens européens. Cependant, en comparaison, seuls quelques-uns étaient vraiment présents lors des attentats et le reste de l’Europe ne les percevait qu’à travers des images cinématographiques et photographiques. En utilisant une approche provocatrice, mon travail unit ces événements traumatisants à notre propre hyper réalité, permettant au spectateur de revoir sa position. Parce que, peut-on se qualifier de victime alors qu’on n’était pas présent à l’un de ces attentats terroristes ? Anne Bothmer
J’ai résumé L’Étranger, il y a longtemps, par une phrase dont je reconnais qu’elle est très paradoxale : “Dans notre société tout homme qui ne pleure pas à l’enterrement de sa mère risque d’être condamné à mort.” Je voulais dire seulement que le héros du livre est condamné parce qu’il ne joue pas le jeu. En ce sens, il est étranger à la société où il vit, où il erre, en marge, dans les faubourgs de la vie privée, solitaire, sensuelle. Et c’est pourquoi des lecteurs ont été tentés de le considérer comme une épave. On aura cependant une idée plus exacte du personnage, plus conforme en tout cas aux intentions de son auteur, si l’on se demande en quoi Meursault ne joue pas le jeu. La réponse est simple : il refuse de mentir.  (…) Meursault, pour moi, n’est donc pas une épave, mais un homme pauvre et nu, amoureux du soleil qui ne laisse pas d’ombres. Loin qu’il soit privé de toute sensibilité, une passion profonde parce que tenace, l’anime : la passion de l’absolu et de la vérité. Il s’agit d’une vérité encore négative, la vérité d’être et de sentir, mais sans laquelle nulle conquête sur soi et sur le monde ne sera jamais possible. On ne se tromperait donc pas beaucoup en lisant, dans L’Étranger, l’histoire d’un homme qui, sans aucune attitude héroïque, accepte de mourir pour la vérité. Il m’est arrivé de dire aussi, et toujours paradoxalement, que j’avais essayé de figurer, dans mon personnage, le seul Christ que nous méritions. On comprendra, après mes explications, que je l’aie dit sans aucune intention de blasphème et seulement avec l’affection un peu ironique qu’un artiste a le droit d’éprouver à l’égard des personnages de sa création. Albert Camus (préface américaine à L’Etranger)
Le thème du poète maudit né dans une société marchande (…) s’est durci dans un préjugé qui finit par vouloir qu’on ne puisse être un grand artiste que contre la société de son temps, quelle qu’elle soit. Légitime à l’origine quand il affirmait qu’un artiste véritable ne pouvait composer avec le monde de l’argent, le principe est devenu faux lorsqu’on en a tiré qu’un artiste ne pouvait s’affirmer qu’en étant contre toute chose en général. Albert Camus
Personne ne nous fera croire que l’appareil judiciaire d’un Etat moderne prend réellement pour objet l’extermination des petits bureaucrates qui s’adonnent au café au lait, aux films de Fernandel et aux passades amoureuses avec la secrétaire du patron. René Girard (Critiques dans un souterrain, 1976)
Le christianisme (…) nous a fait passer de l’archaïsme à la modernité, en nous aidant à canaliser la violence autrement que par la mort.(…) En faisant d’un supplicié son Dieu, le christianisme va dénoncer le caractère inacceptable du sacrifice. Le Christ, fils de Dieu, innocent par essence, n’a-t-il pas dit – avec les prophètes juifs : « Je veux la miséricorde et non le sacrifice » ? En échange, il a promis le royaume de Dieu qui doit inaugurer l’ère de la réconciliation et la fin de la violence. La Passion inaugure ainsi un ordre inédit qui fonde les droits de l’homme, absolument inaliénables. (…) l’islam (…) ne supporte pas l’idée d’un Dieu crucifié, et donc le sacrifice ultime. Il prône la violence au nom de la guerre sainte et certains de ses fidèles recherchent le martyre en son nom. Archaïque ? Peut-être, mais l’est-il plus que notre société moderne hostile aux rites et de plus en plus soumise à la violence ? Jésus a-t-il échoué ? L’humanité a conservé de nombreux mécanismes sacrificiels. Il lui faut toujours tuer pour fonder, détruire pour créer, ce qui explique pour une part les génocides, les goulags et les holocaustes, le recours à l’arme nucléaire, et aujourd’hui le terrorisme. René Girard
C’est la privation des mécanismes victimaires et à ses conséquences terribles que Jésus fait allusion, je pense, quand il présente l’avenir du monde christianisé en termes de conflits entre les êtres les plus proches. Dans un univers privé de protections sacrificielles, les rivalités mimétiques se font souvent moins violentes mais s’insinuent jusque dans les rapports les plus intimes. (…) Loin de diminuer à mesure que le christianisme s’éloigne, son intensité augmente. (…) Nous avons désormais nos rites victimaires, antisacrificiels, et ils se déroulent dans un ordre aussi immuable que les rites proprement religieux. On se lamente d’abord sur les victimes qu’on s’accuse mutuellement de faire ou de laisser faire. On se lamente ensuite sur l’hypocrisie  de toute lamentation; on se lamente enfin sur le christianisme, indispensable bouc émissaire car il n’est pas de rite sans victime et, de nos jours, la victime, c’est toujours lui: il est the scapegoat of last resort (…) Le souci des victimes est devenu un enjeu paradoxal des rivalités mimétiques, des surenchères concurrentielles. Il y a les victimes en général mais les plus intéressantes sont toujours celles qui nous permettent de condamner nos voisins. (…) Dans notre univers, en somme, tout le monde se jette des victimes à la tête. (…) La surenchère permanente transforme le souci des victimes en une injonction totalitaire, une inquisition permanente. (…)  L’inauguration majestueuse de l’ère « post-chrétienne » est une plaisanterie. Nous sommes dans un ultra-christianisme caricatural qui essaie d’échapper à l’orbite judéo-chrétienne en « radicalisant » le souci des victimes dans un sens antichrétien. (…) Jusqu’au nazisme, le judaïsme était la victime préférentielle de ce système de bouc émissaire. Le christianisme ne venait qu’en second lieu. Depuis l’Holocauste, en revanche, on n’ose plus s’en prendre au judaïsme, et le christianisme est promu au rang de bouc émissaire numéro un. (…) Le triomphe du souci des victimes, ce n’est pourtant pas le christianisme qui en profite dans notre monde, c’est ce qu’il faut appeler l’autre totalitarisme, le plus malin des deux, le plus riche d’avenir, de toute évidence, ausi bien que de présent, celui qui, au lieu de s’opposer ouvertement aux aspirations judéo-chrétiennes, les revendique, comme sa chose à lui, et conteste l’authenticité du souci des victimes chez les chrétiens (non sans sans une certaine apparence de raison au niveau de l’action concrète, de l’incarnation historique du christianisme réel au cours de l’histoire). Au lieu de s’opposer franchement au christianisme, l’autre christianisme le déborde sur sa gauche. (…) Le mouvement antichrétien le plus puissant est celui qui réassume et « radicalise » le souci des victimes pour le paganiser. (…) Dans le langage symbolique du Nouveau Testament, on peut dire que que, pour essayer de se rétablir et de triompher à nouveau, Satan dans notre monde emprunte le langage des victimes. Satan  imite de mieux en mieux le Christ et prétend le dépasser. (…) C’est le processus que le Nouveau Testament évoque dans le langage de l’Antéchrist. (…) L’Antéchrist se flatte d’apporter  aux hommes la paix et la tolérance que le christianisme leur promet mais ne leur apporte pas. En réalité, ce que le radicalisation de la victimologie contemporaine apporte, c’est un retour très effectif à toutes sortes d’habitudes païennes, l’avortement, l’euthanasie, l’indifférenciation sexuelle, les jeux de cirque à gogo, mais sans victimes réelles, grâce aux simulations electroniques, etc. Le néo-paganisme veut faire du Décalogue et de toute la morale judéo-chrétienne une violence intolérable  et leur abolition complète  est le premier de ses objectifs. L’observance fidèle de la loi morale est perçue comme une complicité avec les forces de persécution qui seraient essentiellement religieuses. Comme les Eglises chrétiennes ont pris conscience tardivement de leurs manquements à la charité, de leur connivence avec l’ordre établi, dans le monde d’hier et d’aujourd’hui, elles sont particulièrement vulnérables au chantage permanent auquel le néopaganisme contemporain les soumet. Ce néo-paganisme situe le bonheur dans l’assouvissement des désirs et, par conséquent, dans la suppression de tous les interdits. René Girard
Le rapport étroit entre sexualité et violence, héritage commun de toutes les religions, s’appuie sur un ensemble de convergences assez impressionnant. La sexualité a fréquemment maille à partir avec la violence, et dans ses manifestations immédiates, rapt, viol, défloration, sadisme, etc., et dans ses conséquences plus lointaines. Elle cause diverses maladies, réelles ou imaginaires; elle aboutit aux douleurs sanglantes de l’accouchement, toujours susceptibles d’entraîner la mort de la mère, de son enfant ou même des deux en même temps. A l’intérieur même d’un cadre rituel, quand toutes les prescriptions matrimoniales et les autres interdits sont respectés, la sexualité s’accompagne de violence; dès qu’on échappe à ce cadre, dans les amours illégitimes, l’adultère, l’inceste, etc., cette violence et l’impureté qui en résulte deviennent extrêmes. La sexualité provoque d’innombrables querelles, jalousies, rancunes et batailles; elle est une occasion permanente de désordre, même dans les communautés les plus harmonieuses. En refusant d’admettre l’association pourtant si peu problématique que les hommes, depuis des millénaires ont toujours reconnue entre la sexualité et la violence, les modernes cherchent à prouver leur « largeur d’esprit»; c’est là une source de méconnaissance dont on ferait bien de tenir compte. Tout comme la violence, le désir sexuel tend à se rabattre sur des objets de rechange quand l’objet qui l’attire demeure inaccessible. Il accueille volontiers toutes sortes de substitutions. Tout comme la violence, le désir sexuel ressemble à une énergie qui s’accumule et qui finit par causer mille désordres si on la tient longtemps comprimée. Il faut noter, d’autre part, que le glissement de la violence à la sexualité, et de la sexualité à la violence s’effectue très aisément, dans un sens comme dans l’autre, même chez les gens les plus «normaux» et sans qu’il soit nécessaire d’invoquer la moindre « perversion ». La sexualité contrecarrée débouche sur la violence. Les querelles d’amoureux, inversement, se terminent dans l’étreinte. Les recherches scientifiques récentes confirment sur beaucoup de points la perspective primitive. L’excitation sexuelle et la violence s’annoncent un peu de la même façon. La majorité des réactions corporelles mesurables sont les mêmes dans les deux cas. Avant de recourir aux explications passe-partout devant un tabou comme celui du sang menstruel, avant d’en appeler, par exemple, à ces « phantasmes » qui jouent dans notre pensée le rôle de la « malice des enchanteurs» dans celle de Don Quichotte, il faudrait s’assurer, en règle absolue, qu’on a épuisé les possibilités de compréhension directe. Dans la pensée qui s’arrête au sang menstruel comme à la matérialisation de toute violence sexuelle, il n’y a rien, en définitive, qui soi incompréhensible : il v a lieu de se demander en outre si le processus de symbolisation ne répond pas à une « volonté » obscure de rejeter toute la violence sur la femme exclusivement. Par le biais du sang menstruel, un transfert de la violence s’effectue, un monopole de fait s’établit au détriment du sexe féminin. René Girard
Aucune passion ne prive autant l’esprit de tous ses pouvoirs d’action et de raisonnement que la peur. Car la peur étant une appréhension de la souffrance et de la mort, elle opère d’une façon qui ressemble à la vraie douleur. De ce fait, tout ce qui est terrible à la vue est sublime. Mais pour que la terreur réussisse au nom du sublime, « l’obscurité semble généralement nécessaire. Les gouvernements despotiques qui s’appuient sur les passions humaines, et en premier lieu sur la passion de la peur, cachent autant que possible leur chef aux yeux du peuple. Edmund Burke
Le fascisme est bien plus sain que n’importe quelle conception hédoniste de la vie (…) Alors que le socialisme et même le capitalisme – plus à contrecoeur – ont dit aux gens: « Je vous offre du bon temps », Hitler leur a dit: « Je vous offre la lutte, le danger et la mort » et le résultat a été qu’un nation entière se jeta à ses pieds. Orwell
Le fait est qu’il y a quelque chose de profondément attirant chez lui. […] Hitler sait que les êtres humains ne veulent pas seulement du confort, de la sécurité, des journées de travail raccourcies, de l’hygiène, de la contraception et du bon sens en général ; ils souhaitent aussi, au moins de temps en temps, vivre de luttes et de sacrifice de soi, sans mentionner les tambours, les drapeaux et les défilés patriotiques. George Orwell
There is a slogan repeated continuously by apologetic ‘du’at’ [callers for Islam] when flirting with the West and that is their statement: ‘Islam is the religion of peace,’ and they mean pacifism by the word peace. They have repeated this slogan so much to the extent that some of them alleged that Islam calls [for] permanent peace with kufr and the kafirin [unbelievers]. How far is their claim from the truth, for Allah has revealed Islam to be the religion of the sword, and the evidence for this is so profuse that only a zindiq (heretic) would argue otherwise. Islamic State
L’éthique de la victime innocente remporte un succès si triomphal aujourd’hui dans les cultures qui sont tombées sous l’influence chrétienne que les actes de persécution ne peuvent être justifiés que par cette éthique, et même les chasseurs de sorcières indonésiens y ont aujourd’hui recours. La même force culturelle et spirituelle qui a joué un rôle si décisif dans la disparition du sacrifice humain est aujourd’hui en train de provoquer la disparition des rituels de sacrifice humain qui l’ont jadis remplacé. Tout cela semble être une bonne nouvelle, mais à condition que ceux qui comptaient sur ces ressources rituelles soient en mesure de les remplacer par des ressources religieuses durables d’un autre genre. Priver une société des ressources sacrificielles rudimentaires dont elle dépend sans lui proposer d’alternatives, c’est la plonger dans une crise qui la conduira presque certainement à la violence. Gil Bailie
Aucune passion ne prive autant l’esprit de tous ses pouvoirs d’action et de raisonnement que la peur. Car la peur étant une appréhension de la souffrance et de la mort, elle opère d’une façon qui ressemble à la vraie douleur. De ce fait, tout ce qui est terrible à la vue est sublime. [Mais] l’obscurité semble généralement nécessaire. Les gouvernements despotiques qui s’appuient sur les passions humaines, et en premier lieu sur la passion de la peur, cachent autant que possible leur chef aux yeux du peuple. Edmund Burke
La violence exercée par l’État islamique est tout sauf gratuite ou nihiliste – des accusations souvent portées par ceux qui refusent de prendre en compte le pouvoir d’attraction de leurs ennemis. La vision morale du monde des adeptes fervents est dominée par ce que le philosophe politicien irlandais Edmund Burke (1729-1797) appelait le « sublime » : une attirance puissante et passionnée pour ce qu’il nommait la « terreur exquise », un sentiment singulier éprouvé face à la terreur d’autrui. Selon lui, l’être humain éprouve un sentiment de délice particulier face au spectacle de la terreur, car il y voit la manifestation de forces supérieures, sans limites, inconnues et incompréhensibles. La terreur exercée sur les victimes est alors proche de la terreur de Dieu. (…) Le sublime est profondément physique et viscéral, ancré dans l’émotion et l’identité, et non un concept-clé de nos idéologies modernes, pour qui la raison et l’esprit sont maîtres (et non esclaves) des passions. Il n’y a là aucun lavage de cerveau, contrairement à ce qu’a voulu faire croire un vieux mythe sur les soldats alliés, dont on avait prétendu qu’ils avaient été brisés par les experts en manipulation mentale de la Chine communiste durant la Guerre de Corée. Les volontaires occidentaux qui s’enrôlent dans l’État islamique sont souvent des jeunes à des périodes de transition dans leur vie : des immigrés, entre deux emplois ou entre deux petites amies, ayant quitté leur foyer et cherchant une nouvelle famille. Pour la plupart ils n’ont reçu aucune éducation religieuse et sont « nés de nouveau » à la religion à travers le djihad. Ces jeunes en quête d’eux-mêmes qui ont trouvé leur voie dans le djihad font tache d’huile de multiples façons, lors de barbecues, de relations sexuelles d’un soir, sur Internet. Ils se radicalisent quand ils voient leurs parents se faire humilier par des fonctionnaires pour remplir des formulaires administratifs, ou leur sœur se faire insulter parce qu’elle porte un voile. La plupart ne franchissent pas le pas ; mais quelques-uns le font, et ils entraînent leurs amis avec eux. (…) ce qui inspire au plus haut point les terroristes aujourd’hui n’est pas tant le Coran ou les enseignements religieux, qu’une cause excitante et un appel à l’action qui promet la gloire et l’estime au yeux des amis, ainsi que le respect éternel et le souvenir au yeux du monde, même si la plupart ne vivront pas pour goûter cette reconnaissance. Le Djihad est un employeur égalitaire qui propose les mêmes opportunités à tous : fraternel, rapide, glorieux et motivant. Et le danger qui fait bouillir le sang dans les veines est encore ce qu’il y a de plus stimulant, surtout pour celui qui n’en a encore jamais fait l’expérience. Selon un sondage réalisé en juillet 2014 par l’institut de sondage britannique ICM Research, 16 pour cent des Français, et plus d’un adolescent sur quatre (27 pour cent exactement) auraient une opinion favorable ou très favorable de l’État islamique, alors que moins de six pour cent des Français sont musulmans. Ces chiffres tranchent avec les 13 pour cent de soutiens à l’État islamique à Gaza, si l’on en croit un sondage réalisé en août 2014 par le Centre palestinien de l’opinion publique. (…)  Mais le verbe doit être mis en scène sur le théâtre du sublime. (…) Les volontaires de l’État islamique surfent sur le sublime, et sur ce qui va avec et fait défaut dans le monde fatigué du libéralisme démocratique, tout particulièrement aux marges de la société où vivent la plupart des immigrés en Europe. Nombre d’entre eux ne sont que des touristes du djihad, qui se rendent en Syrie pendant des vacances scolaires ou des congés pour le frisson de l’aventure et un semblant de gloire, et qui retournent ensuite à leurs vies plus confortables, mais sans âme, à l’Ouest. Mais les succès de l’État islamique vont croissant et l’engagement des adeptes aussi. Les décapitations font aujourd’hui ce que les images du World Trade Center ont réalisé en leur temps, c’est-à-dire transformer la terreur en démonstration de triomphe sur fond de mort et de destruction. Dans l’acception de Burke, il s’agit d’une manifestation du sublime. Comme le philosophe espagnol Javier Goma Lanzon l’a récemment souligné : ce sens du sublime constitue-t-il une part du pouvoir d’attraction de l’État Islamique, lié à une quête de grandeur et de gloire dans une camaraderie dangereuse et aventureuse ? Le désintérêt de l’Occident pour le sublime – souvent considéré avec scepticisme et cynisme – est-il notre erreur ? La crainte de Dieu et ses représentations innombrables dans l’art et les rituels ont consitué autrefois le sublime de l’Occident, suivi par une lutte violente pour la liberté et l’égalité. L’historien anglais Arnold Toynbee (1852-1883) a soutenu que les civilisations prospèrent et déclinent au gré de la vitalité de leurs idéaux culturels, et non de leurs richesses matérielles. Dans des études menées avec le soutien de la Fondation scientifique américaine, du Département de la défense et du CNRS, mes collègues et moi-même avons trouvé que la plupart des sociétés ont des « valeurs sacrées » pour lesquelles leurs membres sont prêts à se battre, à sacrifier beaucoup, voire à mourir, plutôt que d’accepter un compromis. En 1776, les colons américains avaient le meilleur niveau de vie dans le monde. Toutefois, menacés, non pas sur le plan économique, mais sur le plan de leurs « valeurs sacrées » (selon les termes de Thomas Jefferson dans son brouillon initial de la Déclaration d’indépendance), ils se montèrent prêts à sacrifier « leur vies, leur fortune et leur honneur sacré » contre l’empire britannique, alors le plus puissant du monde. Notre idéal est-il seulement un idéal « de confort, de sécurité et d’évitement de la douleur », comme Orwell le supposa pour expliquer la capacité du nazisme, du fascisme et du stalinisme à susciter l’engagement notamment de la jeunesse aventureuse et en quête d’horizons nouveaux ? Pour le futur des démocraties libérales, même au-delà de la menace de djihadistes violents, cela pourrait constituer la question centrale. Les êtres humains définissent en des termes abstraits les groupes auxquels ils appartiennent. Ils aspirent souvent à des liens intellectuels et émotionnels durables avec des personnes qu’ils ne connaissent pas encore, et sont prêts à tuer ou mourir, non pas pour préserver leur propre vie ou celles de leurs familles ou amis, mais au nom d’une idée – la conception morale transcendante qu’ils ont d’eux-mêmes, de « qui nous sommes ». C’est là « le privilège de l’absurde, auquel nulle créature vivante n’est sujette sinon l’homme », que décrivit Thomas Hobbes (1588-1679) dans son Léviathan. Dans la Filiation de l’homme, Charles Darwin (1809-1882) y a vu la vertu de « la moralité, […] l’esprit de patriotisme, la fidélité, l’obéissance, le courage et la sympathie », dont les communautés victorieuses sont dotées dans la compétition pour la survie et la domination. À travers les cultures, les formes les plus robustes d’identité de groupe sont cimentées par les valeurs sacrées, souvent sous forme de croyances religieuses ou d’idéologies trancendantales, qui conduisent certains groupes à dominer les autres grâce à l’engagement irrationnel d’une poignée de leurs membres dans des actions qui mènent au succès, au-delà de toute attente. Dans le monde que nous souhaitons – celui de la démocratie libérale, de la tolérance, de la diversité et de la justice distributive –, la violence (particulièrement les formes extrêmes que constituent les tueries de masse) sont généralement considérées comme pathologiques, comme des facettes sombres d’une nature humaine détraquée, ou comme des dommages collatéraux d’intentions justes. Mais tout au long de l’histoire et dans toutes les cultures, la violence exercée à l’encontre des autres groupes a été unanimement invoquée par ses auteurs comme un acte sublime de vertu morale. Car sans une prétention à la vertu, il est très difficile de souhaiter tuer un grand nombre d’innocents. Scott Atran
Beaucoup de films hollywoodiens apparaissent aujourd’hui prophétiques ou prémonitoires avec leur atmosphère de terreur et de panique, débris d’acier et de béton, gravats et nuages de poussières. Le 11 septembre 2001, en prenant pour cible le World Trade Center et le Pentagone, les terroristes ont réalisé le pire des scénarios-catastrophe. Hérodote.net
Les images violentes accroissent (…) la vulnérabilité des enfants à la violence des groupes (…) rendent la violence ‘ordinaire’ en désensibilisant les spectateurs à ses effets, et elles augmentent la peur d’être soi-même victime de violences, même s’il n’y a pas de risque objectif à cela. Serge Tisseron
Dans l’après-midi du jeudi 12 février, les cinq garçons se trouvent une occupation pendant leurs vacances scolaires : aller au cimetière juif. Ils commencent à jouer et là, selon le procureur de Saverne, « le jeu a dérapé ». Un premier acte déclenche « une sorte de frénésie collective ». Les stèles sont lourdes, mais anciennes et fragiles : ils les cassent une à une. Ils font des saluts nazis. Ils crachent sur les symboles juifs. En guise d’accompagnement sonore, ils crient ces mots : « Sales juifs », « Sale race », « Heil Hitler », « Sieg Heil ». (…) Les cinq mineurs n’ont aucun antécédent judiciaire. La justice ne leur connaît pas « de convictions idéologiques qui pourraient expliquer leur comportement », note le procureur. Ils sont issus de « familles bien », qui « ne posent pas de problèmes particuliers et ne sont pas dans le besoin », affirme-t-on à la mairie de Sarre-Union. L’un est le fils d’une institutrice, l’autre le petit-fils d’un proviseur. Tous sont « calmes, discrets, pas bagarreurs, n’ont rien de spécial », disent leurs camarades. Quatre sur les cinq habitent Sarre-Union, trois y sont scolarisés dans l’unique lycée. Les élèves de catégorie socio-professionnelle (CSP) favorisée y sont légèrement en dessous de la moyenne académique, les CSP défavorisés sont légèrement au-dessus, mais le taux de réussite au bac se situe entre 90 % et 100 %. « Un établissement sans problème particulier », assure Jacques-Pierre Gougeon, recteur de l’académie de Strasbourg. Pierre B. avait étrangement un ennemi déclaré : « le fascisme ». Il portait des slogans antifascistes sur ses vêtements. « On ne parlait pas politique mais si on évoquait le Front national, il se mettait sur ses deux pattes arrière et se mettait à grogner, raconte Gaëtan. Il prétendait se battre contre le fascisme et était très remonté contre la police. Il traitait les policiers et les militaires de fascistes, avec une hargne qui me mettait mal à l’aise. » Pierre était parti au lycée de Sarrebourg (Moselle) mais il passait voir ses copains à Sarre-Union. La mort récente de son père l’avait rendu un peu plus distant. (…)  L’Alsace, région limitrophe de l’Allemagne et ballottée par l’Histoire, est « l’une des régions où le travail sur le passé et la mémoire est le plus important », souligne M. Gougeon. Cours de religion, conférences de témoins de la Shoah, parfois voyages à Auschwitz… (…) Le profil des cinq jeunes n’est pas la seule énigme. Le petit cimetière de Sarre-Union, joli et discret, en est à sa sixième profanation depuis la Libération. Les précédents les plus marquants ont eu lieu en 1988 et 2001. Le sociologue Freddy Raphaël relève que « les trois quarts des cimetières juifs de la campagne alsacienne ont été profanés à un moment ou à un autre ». Il constate presque à chaque fois les mêmes stratégies de défense : réduire la profanation au rang du vandalisme. Les cinq mineurs de Sarre-Union ont usé du même argument : « On croyait que c’était abandonné », « on ne savait pas que c’était un cimetière juif… » Dans les villages d’Alsace, les cimetières juifs présentent il est vrai un avantage pour les profanateurs : ils sont toujours situés un peu à l’écart du village. Un double effet de l’existence d’un « judaïsme rural », spécifique en France à l’Alsace, et de la Révolution française, qui donna aux juifs le statut de citoyens français et leur permit enfin de bénéficier d’un cimetière de proximité. A une condition toutefois : que celui-ci se situe à la marge du bourg, et à un endroit que personne n’aurait envie de leurs disputer : là où l’équarrisseur enterrait ses bêtes crevées, ou sur ce terrain en pente près d’une rivière, donc humide et difficilement constructible, comme à Sarre-Union. Si l’on est vandale et antisémite, il y a ici un autre avantage : les cimetières juifs ruraux d’Alsace sont peu fréquentés. La Shoah et, pour les survivants, l’exode vers les villes, ont fait disparaître des villages la population juive. Il reste trois juifs à Sarre-Union, dont le « représentant de la communauté juive de Sarre-Union », Jacques Wolff. Ils étaient 400 familles au XVIIIe siècle. Les cimetières juifs ont toujours l’air vieux. Il n’y a plus de descendants pour entretenir les tombes et contrairement aux cimetières chrétiens, les concessions sont perpétuelles. Les morts ne s’en vont pas. « Cela joue dans l’inconscient collectif », souligne Claude Heymann, adjoint au grand rabbin de Strasbourg. Le cimetière se dit en hébreu « la maison des vivants » (Beth Ha’Haym). C’est l’image du juif qui est toujours là, qui aurait dû disparaître et qui revient. Encore de l’eau au moulin des antisémites : « Le juif est toujours celui qui s’en sort. » Pour le rabbin Heymann, la profanation du cimetière de Sarre-Union va au-delà de l’antisémitisme. « Cet acte est représentatif de l’incapacité pour les jeunes d’entrevoir un avant eux-mêmes. Ils vivent dans un monde virtuel et autocentré. Il n’y a qu’eux, le présent, leurs parents, leurs grands-parents s’ils les voient. En cela, c’est emblématique d’une époque. » Le Monde
No religion is responsible for terrorism — people are responsible for violence and terrorism. Obama
Le monde entier est un théâtre et tous, hommes et femmes, n’en sont que les acteurs. Tous ont leurs entrées et leurs sorties et chacun y joue successivement les différents rôles d’un drame en sept âges.  Shakespeare (Comme il vous plaira, II, 7 )
La vie imite l’art bien plus que l’art imite la vie.  Oscar Wilde
Dostoievski a prédit que d’abord l’art imiterait la vie, qu’ensuite la vie imiterait l’art et que finalement la vie tirerait sa raison d’être de l’art. Ravi Zacharias
Le phénomène est déjà fabuleux en soi. Imaginez un peu : il suffit que vous me regardiez faire une série de gestes simples – remplir un verre d’eau, le porter à mes lèvres, boire -, pour que dans votre cerveau les mêmes zones s’allument, de la même façon que dans mon cerveau à moi, qui accomplis réellement l’action. C’est d’une importance fondamentale pour la psychologie. D’abord, cela rend compte du fait que vous m’avez identifié comme un être humain : si un bras de levier mécanique avait soulevé le verre, votre cerveau n’aurait pas bougé. Il a reflété ce que j’étais en train de faire uniquement parce que je suis humain. Ensuite, cela explique l’empathie. Comme vous comprenez ce que je fais, vous pouvez entrer en empathie avec moi. Vous vous dites : « S’il se sert de l’eau et qu’il boit, c’est qu’il a soif. » Vous comprenez mon intention, donc mon désir. Plus encore : que vous le vouliez ou pas, votre cerveau se met en état de vous faire faire la même chose, de vous donner la même envie. Si je baille, il est très probable que vos neurones miroir vont vous faire bailler – parce que ça n’entraîne aucune conséquence – et que vous allez rire avec moi si je ris, parce que l’empathie va vous y pousser. Cette disposition du cerveau à imiter ce qu’il voit faire explique ainsi l’apprentissage. Mais aussi… la rivalité. Car si ce qu’il voit faire consiste à s’approprier un objet, il souhaite immédiatement faire la même chose, et donc, il devient rival de celui qui s’est approprié l’objet avant lui ! (…) C’est la vérification expérimentale de la théorie du « désir mimétique » de René Girard ! Voilà une théorie basée au départ sur l’analyse de grands textes romanesques, émise par un chercheur en littérature comparée, qui trouve une confirmation neuroscientifique parfaitement objective, du vivant même de celui qui l’a conçue. Un cas unique dans l’histoire des sciences ! (…) Notre désir est toujours mimétique, c’est-à-dire inspiré par, ou copié sur, le désir de l’autre. L’autre me désigne l’objet de mon désir, il devient donc à la fois mon modèle et mon rival. De cette rivalité naît la violence, évacuée collectivement dans le sacré, par le biais de la victime émissaire. À partir de ces hypothèses, Girard et moi avons travaillé pendant des décennies à élargir le champ du désir mimétique à ses applications en psychologie et en psychiatrie. En 1981, dans Un mime nommé désir, je montrais que cette théorie permet de comprendre des phénomènes étranges tels que la possession – négative ou positive -, l’envoûtement, l’hystérie, l’hypnose… L’hypnotiseur, par exemple, en prenant possession, par la suggestion, du désir de l’autre, fait disparaître le moi, qui s’évanouit littéralement. Et surgit un nouveau moi, un nouveau désir qui est celui de l’hypnotiseur. (…)  et ce qui est formidable, c’est que ce nouveau « moi » apparaît avec tous ses attributs : une nouvelle conscience, une nouvelle mémoire, un nouveau langage et des nouvelles sensations. Si l’hypnotiseur dit : « Il fait chaud » bien qu’il fasse frais, le nouveau moi prend ces sensations suggérées au pied de la lettre : il sent vraiment la chaleur et se déshabille. De toutes ces applications du désir mimétique, j’en suis venu à la théorie plus globale d’une « psychologie mimétique » – qui trouve également une vérification dans la découverte des neurones miroirs et leur rôle dans l’apprentissage. Le désir de l’autre entraîne le déclenchement de mon désir. Mais il entraîne aussi, ainsi, la formation du moi. En fait, c’est le désir qui engendre le moi par son mouvement. Nous sommes des « moi du désir ». Sans le désir, né en miroir, nous n’existerions pas ! Seulement voilà : le temps psychologique fonctionnant à l’inverse de celui de l’horloge, le moi s’imagine être possesseur de son désir, et s’étonne de voir le désir de l’autre se porter sur le même objet que lui. Il y a là deux points nodaux, qui rendent la psychologie mimétique scientifique, en étant aussi constants et universels que la gravitation l’est en physique : la revendication du moi de la propriété de son désir et celle de son antériorité sur celui de l’autre. Et comme la gravitation, qui permet aussi bien de construire des maisons que de faire voler des avions, toutes les figures de psychologie – normale ou pathologique – ne sont que des façons pour le sujet de faire aboutir ces deux revendications. On comprend que la théorie du désir mimétique ait suscité de nombreux détracteurs : difficile d’accepter que notre désir ne soit pas original, mais copié sur celui d’un autre. (…) Qu’est-ce que l’impossible ? Ce que vous ne pouvez avoir. Pourquoi ? Parce que quelqu’un ou quelque chose, la société ou la culture par exemple, vous l’interdit. Or, en vous l’interdisant, on vous le désigne ! C’est l’arbre du Jardin d’Eden, ou le secret de l’attirance pour les femmes inaccessibles. Chaque psychologie est unique, le mécanisme se décore de tous les fantasmes, de tous les habillages normaux, névrotiques ou psychotiques, mais il est toujours mimétique. (…) Ce rôle de la pression sociale est extraordinairement bien expliqué dans Les Bienveillantes, de Jonathan Littel. Il montre qu’en fait, ce sont des modèles qui rivalisent : révolté dans un premier temps par le traitement réservé aux prisonniers, le personnage principal, officier SS, finit par renoncer devant l’impossibilité de changer les choses. Ses neurones miroirs sont tellement imprégnés du modèle SS qu’il perd sa sensibilité aux influences de ses propres perceptions, et notamment à la pitié. Il y a lutte entre deux influences, et les neurones miroirs du régime SS l’emportent. La cruauté envers les prisonniers devient finalement une habitude justifiée. Plutôt qu’une absence ou carence des neurones miroirs, cela indique peut-être simplement la force du mimétisme de groupe. Impossible de rester assis quand la « ola » emporte la foule autour de vous lors d’un match de football – même si vous n’aimez pas le foot ! Parce que tous vos neurones miroirs sont mobilisés par la pression mimétique de l’entourage. De même, les campagnes publicitaires sont des luttes acharnées entre marques voisines pour prendre possession, par la suggestion, des neurones miroirs des auditeurs ou spectateurs. Et c’est encore la suggestion qui explique pourquoi les membres d’un groupe en viennent à s’exprimer de la même façon. (…) Il semblerait normal que les neurones miroirs soient dotés, comme les autres, d’une certaine plasticité. Ils agissent en tout cas tout au long de la vie. Et la pression du groupe n’a pas besoin d’être totalitaire : dans nos sociétés, c’est de façon « spontanée » que tout le monde fait la même chose. Jean-Michel Oughourlian

Attention: une brutalisation peut en cacher une autre !

Kama sutra: spiritualité et érotisme dans l’art indien, Sade: attaquer le soleil, Zizi sexuel, Au temps de Klimt: la sécession à Vienne …

En ces temps étranges aussi compatissants que complaisants

Où nos terroristes prennent leur idées dans le cinéma et la littérature de leurs victimes …

Et où devant la touchante application du puritanisme et de la pruderie comme on dit si anglo-saxonnes de nos Obama et de nos médias américains ou britanniques …

A cacher, tout en multipliant discrètement les éliminations ciblées, cette violence de l’islam qu’on ne saurait voir …

Nos amis musulmans …

De la Syrie-Irak-Lybie de l’Etat islamique à l’Afrique sahélienne de Boko Haram …

Comme leurs émules de Paris à Copenhague et d’Ottawa à Sydney …

Ou même, d’Alsace, de Guyane ou d’aileurs poussés par nos pompiers-pyromanes de la politique et des médias, nos apprentis « tomb raiders »  …

Semblent redoubler d’efforts pour nous faire découvrir ou redécouvrir …

Toutes les subtilités, snuff video après snuff video, de leur art du pillage, du viol et de la mise à mort …

Qui remarque encore sur les murs de nos métros …

Après la révélation l’an dernier (les ébats d’un couple de pigeons inspirant le désir d’une jeune femme juchée sur une table basse) de la nature mimétique de nos désirs …

Cette véritable apologie du terrorisme et biblique (mais non retenue par les canons juif et protestant qui retiennent néanmoins l’histoire similaire de Yaël) de surcroit…

Que nous propose avec la fameuse et si sensuelle Judith de Klimt

(qu’avait d’ailleurs déjà reprise, avec celle de Von Stuck, l’expo d’Orsay sur Sade, bien loin, il est vrai, de la laborieuse fureur Artemisia Gentilesci découpant laborieusement la tête de son mentor-violeur) …

Et sa tête, qu’elle vient si artistiquement de découper, du chef assyrien Holopherne à la main …

La Pinacothèque de Paris  ?

Et qui compatit à l’insigne difficulté …

De nos pauvres artistes et musées …

Eux dont on a même oublié en son temps le si tendance antisémitisme

A se faire encore entendre ?

Les trois expos hot de la rentrée

16 octobre 2014

Les expositions parisiennes riment souvent avec longues files d’attente et touristes en tongs. Mais aujourd’hui, nous allons vous donner envie d’aller au musée avec les trois expositions sexuelles de la rentrée ! Au programme, Kama Sutra à la Pinacothèque, Marquis de Sade au Musée d’Orsay et Zizi sexuel à la Cité des Sciences. C’est parti mon kiki !

1 – Le sexe pour les spirituels – « Le Kâma-Sûtra » : spiritualité et érotisme dans l’art indien » à la Pinacothèque

Il s’agit de la première exposition à mettre en avant ce célèbre livre. Attribué à un brahmane qui l’aurait écrit au IVe siècle de notre ère, il est (trop) souvent considéré, à tort, comme un livre pornographique. Pourtant, c’est un des textes majeurs de l’hindouisme médiéval, censé servir de guide à l’homme et la femme afin d’atteindre le salut.

La Pinacothèque de Paris utilise cette exposition pour faire prendre conscience au spectateur occidental que le Kâma-Sûtra n’est pas qu’un livre d’illustrations et d’énumération des positions sexuelles mais aussi et surtout un texte spirituel. Aussi, l’exposition tente de comprendre le pourquoi du comment de cette œuvre : le contexte dans lequel il a été écrit, les raisons, ses destinataires et sa pertinence actuelle. Pour répondre à ces questions, la Pinacothèque s’est dotée de sculptures, peintures, miniatures et objets et d’une centaine d’œuvres d’art de la Collection Beroze et Michel Sabatier.

La Pinacothèque
du 2 octobre 2014 au 11 janvier 2015
8 rue Vignon – Paris 75009
Métro : Madeleine

 

2 – Le sexe pour les intellos – « Sade, Attaquer le soleil » au Musée d’Orsay

A l’occasion du bicentenaire de la mort du Marquis de Sade, le Musée d’Orsay consacre une exposition à l’homme de lettres et à son influence sur les auteurs d’hier et d’aujourd’hui. Parce que l’auteur a fait autant parler de lui de son vivant que depuis sa mort, il semble normal qu’un musée national s’intéresse à l’impact des écrits du sulfureux marquis sur ses et nos contemporains.

Le commissariat de l’exposition est confié à Annie Le Brun, auteur de plusieurs ouvrages sur le sujet dont l’incontournable « Soudain, un bloc d’abîme, Sade ». Pour elle, le propos de l’exposition est de montrer aux visiteurs comment l’œuvre de Sade a influé les écrits et la pensée de ses pairs, autant au XIXème qu’au XXème siècle. Elle cite notamment Baudelaire, Flaubert mais aussi Picasso ou Moreau. Tous ces artistes reconnus se sont inspirés du marquis de Sade, parfois sans le vouloir, dans la représentation des corps et du désir.

Musée d’Orsay
du 2 octobre 2014 au 11 janvier 2015
1 Rue de la Légion d’Honneur – Paris 75007
Métro : Musée d’Orsay

 

3 – Le sexe pour les enfants – « Zizi sexuel l’expo » à la Cité des sciences et de l’industrie

C’est le grand retour de l’exposition culte « Zizi Sexuel l’expo » après son succès en 2007 puis un voyage de sept ans en Europe et dans toute la France. Toujours inspirée par l’album éponyme de Zep et Hélène Bruller, elle tente d’expliquer à nos chères têtes blondes l’amour et la sexualité.

Car même si les temps ont (un peu) changé, les questions des pré-ados sur le sujet restent les mêmes et c’est à ça que souhaite servir l’exposition : apporter des réponses aux interrogations de cette tranche d’âge difficile. Au programme, un « amouromètre » pour savoir si on aime, un « pubertomatic » pour se voir transformé(e) par la puberté, un « rallye des spermatos » ou une « course à l’ovule » ainsi que des animations et des quiz. Bien que l’ambiance du lieu soit décalée, l’approche n’en reste pas moins sérieuse puisque l’exposition a été conçue sous le contrôle d’experts adultes et juniors.

Cité des sciences et de l’industrie
du 14 octobre 2014 au 2 août 2015
30 Avenue Corentin Cariou – Paris 75019
Métro : Porte de la Villette

 

Voir aussi:

L’amour au musée : trois expositions parisiennes plongent dans la volupté

Publié le 25/11/2014 à 15H15, mis à jour le 25/11/2014 à 15H48

« Le Kâma-Sûtra : spiritualité et érotisme dans l’art indien »  à la Pinacothèque de Paris

© France 3 / Culturebox

Automne 2014, Paris devient l’empire des sens. La capitale propose actuellement trois expositions autour de l’amour. La Pinacothèque explore le thème sous ses angles ancestraux et spirituels avec deux expositions, le Kâma Sûtra et l’art de l’amour au temps des geishas. Quant au musée d’Orsay, il plonge dans les écrits sulfureux de Sade.

L’automne parisien est au comble de la sensualité. Trois expositions explorent l’art d’aimer chez nos ancêtres. Dans le cadre de sa saison « Art et Érotisme en Orient », la Pinacothèque de Paris présente deux visions du désir et de l’accomplissement sexuel avec une première exposition consacrée au Kâma Sûtra et une seconde à l’art d’aimer au temps des Geishas. Avec « Sade, attaquer le soleil », le musée d’Orsay propose une analyse cinglante des textes de l’auteur du XVIIe siècle illustrée par des oeuvres de sa collection permanente.

Reportage : D. Morel / P. Aliès / R. Edgell 

Avec cette exposition « Le Kâma Sûtra : spiritualité et érotisme dans l’art indien » revient aux racines mêmes du texte. Celui constitue l’un des textes majeurs de l’hindouisme médiéval. Loin d’être un livre pornographique comme la société occidentale l’a classifié, il apporte souvent un éclairage sur la société hindoue du Moyen-Age. Il est divisé en sept sections (adhikarana) : la société et les concepts sociaux, l’union sexuelle, à propos de l’épouse, à propos des relations extra-maritales, à propos des courtisanes, à propos des arts de la séduction. Près de 350 œuvres exceptionnelles sont exposées à la Pinacothèque.

L’exposition « L’Art de l’amour au temps des Geishas : les chefs-d’œuvre interdits de l’art japonais » est la première jamais présentée en France sur ces fameuses estampes qui relèvent de tous nos fantasmes et de l’imaginaire extrême-oriental.

L’exposition du Musée d’Orsay « Sade ; Attaquer le soleil » met en lumière la révolution de la représentation ouverte par les textes de l’écrivain. Une déambulation à travers des oeuvres de Goya, Géricault, Ingres, Rops, Rodin, Picasso permet d’aborder les thèmes de la férocité et de la singularité du désir, de l’écart, de l’extrême, du bizarre et du monstrueux, du désir comme principe d’excès et de recomposition imaginaire du monde. Annie Lebrun spécialiste de Sade a coordonné l’exposition pour le musée d’Orsay

– « Le Kâma-Sûtra : spiritualité et érotisme dans l’art indien » à la Pinacothèque de Paris du 2 octobre au 11 janvier 2015
– « L’Art de l’amour au temps des Geishas : les chefs-d’œuvre interdits de l’art japonais » à la Pinacothèque de Paris du 06 novembre 2014 au 15 février 2015
– « Sade ; Attaquer le soleil » au Musée d’Orsay du 14 octobre 2014 – 25 janvier 2015

Voir encore:

Les diverses représentations de Judith
Tania Albin 07, Littérature anglaise/Histoire de l’art 151, Préraphaélites, Esthètes, et Décadents, Brown Université, 2006

[Traduction par Vanessa Ly, Paris; formatage et liens hypertextes par George P. Landow.]

Durant la période dite fin de siècle, la figure biblique de Judith a renforcé l’image de la femme fatale comme celle d’un bourreau des hommes. L’histoire biblique parle de la ville de Bethulia, assiégée par Holopherne, un général envoyé par Nabuchodonosor. Judith, une audacieuse femme juive, réussit à pénétrer dans le camp ennemi, à séduire Holopherne puis à le décapiter alors qu’il était ivre. Comme le raconte le Livre de Judith, 13 :6-9 :

Elle s’avança alors vers la traverse du lit proche de la tête d’Holopherne, en détacha son cimeterre, puis s’approchant de la couche elle saisit la chevelure de l’homme et dit : Rends-moi forte en ce jour, Seigneur, Dieu d’Israël. Par deux fois elle le frappa au cou, de toute sa force, et détacha sa tête. Elle fit ensuite rouler le corps loin du lit et enleva la draperie des colonnes. Peu après elle sortit et donna la tête d’Holopherne à sa servante.

Judith a ainsi sauvé la ville et son peuple.

Judith a été de nombreuses fois représentée dans l’art ; Michel-Ange, Caravage et Rembrandt, pour n’en nommer que quelques-uns, l’ont dépeinte en martyr idéalisé. Jusqu’au milieu du XIXe siècle, les représentations idéalisées traditionnelles de Judith comme adolescente dominatrice ont prédominé dans l’art. Mais, comme l’écrit Bram Dijkstra, l’image de Judith change pendant la fin de siècle : «Dans la Bible, Judith a été le parangon du martyre offert en sacrifice pour une noble cause. Les peintres de la fin du XIXe siècle, eux, l’ont vue comme une prédatrice luxurieuse, une tigresse anorexique ». (377)

Le peintre symboliste allemand Franz von Stuck a représenté Judith dans plusieurs tableaux, portant tous le même titre (« Judith et Holopherne »), comme s’il cherchait à décrire chaque étape de la rencontre fatale entre cette femme et cet homme, son ennemi. Dans toutes les représentations, Judith se tient nue, debout au-dessus d’Holopherne qui est, quant à lui, couché sur un lit à sa droite. Cependant, chaque tableau montre un moment différent de la décapitation d’Holopherne par Judith. Dans l’un d’entre eux, elle lève l’épée d’Holopherne à une main, et regarde Holopherne d’en haut avec un air de mépris absolu. Dans une deuxième version, elle se tient au-dessus d’Holopherne qui a levé ses bras sur les côtés, comme s’il était en train d’être crucifié. Judith tient l’épée près de son visage avec ses deux mains et semble rire avec arrogance face au visage prostré d’Holopherne. Dans une autre représentation, elle semble balancer l’épée en arrière, prête à lui donner le coup fatal. La représentation obsessionnelle que fait von Stuck de Judith comme d’une femme dangereusement séductrice et meurtrière permet de caractériser l’obsession plus générale pour la femme fatale existant dans l’imaginaire de la fin de siècle.

Les représentations les plus célèbres de Judith sont probablement celles du peintre symboliste autrichien Gustav Klimt. La paire de peintures extrêmement décoratives, typiques de la fin de siècle autrichienne, montre Judith comme un personnage féminin très sexuel. Comme le remarque Margaret Stocker dans son livre Judith: Sexual Warrior (« Judith, guerrière sexuelle »), dans les peintures de Klimt, Judith est fétichisée :

Dans Judith I, son visage exprime une joie orgasmique à la castration symbolique de l’homme. Un de ses seins est nu, sa chair teintée magnifiée par le dur placage doré qui métamorphose ses vêtements et ses bijoux. Toutes les surfaces ont des textures d’une grande densité, comme celle, inanimée, suggérée par ses pierres précieuses. C’est un orgasme à la fois brillant et cruel, symbolisé par le corps féminin lui-même. Dans Judith II, l’effet de cruauté est intensifié par son air de malice vorace, les mains sont des griffes. Les deux peintures montrent la « fatalisation » de la femme chère au décadentisme. [Stocker 175-176]

Judith II est renommée dans de nombreux catalogues d’art Salomé, bien qu’il soit incertain que telle ait été l’intention de Klimt. Dans cette peinture, le personnage se tient presque de profil, la poitrine entièrement nue, tandis qu’elle tient par les cheveux la tête d’Holopherne (ou de Jean-Baptiste) entre ses doigts semblables à des griffes, garnies de bijoux. Bram Dijkstra remarque que «la Salomé/Judith de Klimt est un mélange enivrant de traditions de vampires, de haute couture, et de cette obsession de l’époque que la chasseuse de tête avait désiré avoir une connaissance pragmatique de la tête de Jean-Baptiste» (Dijkstra 388). Très typique du Décadentisme, la représentation de Judith par Klimt a servi à avilir l’héroïne biblique et s’est en effet mêlée à l’image plus sombre, plus assoiffée de sang de Salomé.

Voir par ailleurs:

Terrorisme et cinéma
Quand Hollywood annonçait Ben Laden
Pierre Le Blavec de Crac’h

Hérodote

Voici un recensement des films-catastrophe des dernières années prémonitoires des événements tragiques du 11 septembre 2001…

Une enquête qui fait frémir… Beaucoup de films hollywoodiens apparaissent aujourd’hui prophétiques ou prémonitoires avec leur atmosphère de terreur et de panique, débris d’acier et de béton, gravats et nuages de poussières.
Le 11 septembre 2001, en prenant pour cible le World Trade Center et le Pentagone, les terroristes ont réalisé le pire des scénarios-catastrophe. Le drame survenu ce jour-là a donné lieu à des avant-premières involontaires («sneak previews») dans les cinémas du monde entier.

Beaucoup de films hollywoodiens apparaissent aujourd’hui prophétiques ou prémonitoires avec leur atmosphère de terreur et de panique, débris d’acier et de béton, gravats et nuages de poussières.

Hyperréalisme impressionnant
Le film The Towering Inferno (La Tour infernale, États-Unis, 1974, 164 min) est l’un de ceux-là. Il a été réalisé par John Guillermin sur un scénario de Stirling Silliphant, inspiré de deux romans intitulés The Tower (Richard Martin Stern) et The Glass Inferno (Thomas N. Scortia et Frank M. Robinson).

Quand le sapeur-pompier Michael O’Hallorhan (Steve McQueen) et l’architecte Doug Roberts (Paul Newman) tentent de sauver les otages du feu bloqués aux derniers étages de la tour, on pense aux corps qui, dans une ultime tentative, sautent des fenêtres – telles des virgules dans le vide – pour échapper désespérément aux flammes infernales.

La réalisation très efficace du premier épisode de la trilogie Die Hard (Piège de Cristal, John Mc Tiernan, États-Unis, 1988, 127 min), sur un scénario de Jeb Stuart tiré du roman de Roderick Thorp, nous présente l’inspecteur new-yorkais John McClane (Bruce Willis) venu rejoindre sa femme Holly (Bonnie Bedelia) dont il est séparé, dans l’espoir de se réconcilier avec elle pour les fêtes de Noël à Los Angeles.

Au Nakatomi plazza, grande tour de verre et siège de la compagnie pour laquelle elle travaille, son patron M. Takagi donne une soirée en l’honneur de ses employés. Au même moment, une douzaine de terroristes, menés par Hans Gruber (Alan Rickman), s’infiltrent dans l’immeuble et bouclent tous les accès.

Ils projettent de repartir avec 600 millions de dollars en bons négociables enfermés dans les coffres et prennent l’ensemble du personnel en otage… hormis John McClane, passé inaperçu mais décidé à contrecarrer leur plan par tous les moyens.

Sept ans plus tard, Die Hard 3 : with a Vengeance (Une Journée en enfer, John McTiernan, États-Unis, 1995, 131 min) se signale par des scènes spectaculaires d’explosions dans le Bonwit Teller department store, à la base d’un gratte-ciel de New York.

Dans ce film, sur un scénario de Jonathan Hensleigh et Roderick Thorp, et avec un sous-titre prémonitoire – «It’s boomtime in the big apple» – le lieutenant John McClane (Bruce Willis) et Zeus Carver (Samuel L. Jackson) affrontent un terroriste allemand, Simon Peter Gruber (Jeremy Irons), qui fait régner la terreur dans les rues new-yorkaises.

Protéger Manhattan
Conçu sur un scénario de Lawrence Wright et Menno Meyjes, The Siege (Couvre-Feu, Edward Zwick, États-Unis, 1998, 115 min) raconte une vague d’attentats islamistes à New York.

L’agent du FBI Anthony Hubbard (Denzel Washington), son adjoint Samir Nazhde (Sami Bouajila), et Elise (Annette Bening), agente de la CIA, défendent les valeurs de la démocratie américaine face à l’armée, en charge de l’ordre public.

Car pour arriver à ses fins et maintenir l’état de siège sur Brooklyn, le général en chef William Devereaux (Bruce Willis) a recours à des méthodes contraires aux droits de l’homme.

Certains dialogues écrits trois ans avant les attentats contre les Twin Towers laissent songeur. Ainsi, comme les conseillers du président se réunissent, l’un d’eux s’exclame : «Messieurs, il va falloir sortir vos atlas ».

Elise explique aussi à Anthony Hubbard que «le cheikh – responsable des attentats – était notre allié et il s’est retourné contre nous, mais il faut les comprendre, on les a aidés et puis on les a laissés tomber».

Bio-terrorisme
Quelques jours après les attentats du 11 septembre, l’envoi aux médias et au Congrès américain de lettres empoisonnées par le bacille anthrax rappelle étrangement un épisode de la célèbre série britannique The Avengers (Chapeau melon et bottes de cuir).

En effet, malicieusement intitulé You’ll Catch Your Death: Aka Atishoo, Atishoo… All Fall Down (A Vos Souhaits!, épisode n°10 de la 7ème session, 52 min, diffusé le 16 octobre 1968 sur la chaîne anglaise ITV), le scénario de Jeremy Burnham et R. Paul Dickson nous présente un facteur (Douglas Black-well) circulant en Rolls Royce, distribuant des courriers dans la boîte aux lettres de célèbres oto-rhino laryngologues londoniens.

Victimes pré-sélectionnées à travers le monde, les docteurs Camrose (Hamilton Dyce), Padley (Willoughby Gray) et Herrick (Andrew Laurence) reçoivent leur lettre, l’ouvrent et éternuent si fort qu’ils en meurent. Lorsqu’on retrouve les enveloppes sur les lieux du crime, elles sont désespérément vides. Il s’agit en réalité de la vengeance d’un scientifique dénommé Glover (Fulton Mackay) qui s’est servi du virus de la grippe, biologiquement renforcé, comme d’une arme fatale.

A une plus grande échelle et sur un scénario de Laurence Dworet et Robert Roy Pool, le film Outbreak (Alerte, Wolfgang Petersen, États-Unis, 1995, 127 min) raconte les efforts conjugués du colonel Sam Daniels (Dustin Hoffman), responsable de l’Institut de Recherche médicale de l’US Army, et de son ex-femme, le docteur Robby Keough (Rene Russo) du Centre de contrôle des épidémies pour contenir tant bien que mal, l’infection virale aérienne qui s’est abattue par contagion sur une petite ville de province des États-Unis.

Dans ce film, l’armée américaine impose médicalement la quarantaine et civilement la loi martiale. Tout ceci a aujourd’hui un petit air de déjà vu.

Des scénaristes à la caserne
Après les attaques terroristes, les studios d’Hollywood ont pris conscience que les pires prophéties ne sont pas très loin de la réalité.

Ils ont choisi de s’autocensurer en annulant la sortie de films-catastrophe, en revoyant ceux en cours de tournage pour gommer en urgence les références au terrorisme, aux avions qui explosent, aux immeubles qui s’effondrent.

Enfin, des projets ont été purement et simplement annulés comme World War III, le film de Jerry Bruckheimer où les villes de San Diego et Seattle sont détruites par une bombe nucléaire. Il en va de même pour Nose Bleed où Jackie Chan aurait dû jouer le rôle d’un laveur de carreau qui démasque un complot visant à détruire le World Trade Center !

Décrypter les scénarios
Quelques semaines après les événements du 11 septembre, l’Institute for Creative Technologies (ICT) de l’université de Californie du Sud (USC) organisait, le 9 octobre 2001 avec le soutien du Pentagone, une série de séminaires avec des scénaristes hollywoodiens.

Coordonnés par le général Kenneth Bergquist, les scénaristes Steven E. De Souza (Die Hard, Piège de Cristal ; Die Hard 2, 58 minutes pour vivre) et David Engelbach (série télévisée MacGyver), le réalisateur Joseph Zito (Delta Force One : the Lost Patrol, Invasion USA, Missing in Action, Portés disparus) devaient imaginer des scénarios d’attaques terroristes et mettre au point d’éventuelles répliques.

Le film de Phil Alden Robinson intitulé The Sum of All Fears (La Somme de toutes les peurs, États-Unis, 2002, 124 min) plonge le spectateur dans le spectre de la guerre nucléaire avec un scénario de politique-fiction de Paul Attanasio et Daniel Pyne tiré d’un roman à succès de Tom Clancy. Sous-titré «27.000 nuclear weapons, one is missing», ce quatrième volet cinématographique des aventures de l’agent de la CIA, Jack Ryan, a bénéficié du concours technique de la CIA et du Pentagone.

Alors que le président russe vient de décéder, un groupe terroriste néonazi décide de jouer sur les tensions entre les États-Unis et la Russie et s’empare d’une bombe atomique, retrouvée par hasard dans le désert de Syrie après avoir été abandonnée, en 1973, par un avion israélien durant la guerre de Kippour.

Les terroristes la font exploser sur Grozny, anéantissant ainsi la capitale tchétchène au nom du gouvernement russe. Afin de faire la lumière sur les derniers événements, le directeur de la CIA, Bill Cabot (Morgan Freeman) engage les services de Jack Ryan (Ben Affleck), jeune recrue spécialiste de la Russie.

Selon ce dernier, les principaux responsables ne sont pas les autorités russes, mais bien des terroristes qui espèrent provoquer la panique générale et relancer la défunte guerre froide.

Leur prochaine cible est la ville américaine de Baltimore où doit se dérouler le Superbowl – la finale de football américain – et auquel assistera le personnel de la CIA et de la Maison Blanche.

Le monde sera finalement sauvé du chaos par la coopération des présidents américain Fowler (James Cromwell) et russe Nemeroy (Ciaran Hinds).

Dans la bataille globale de la communication qui a suivi les événements du 11 septembre 2001, l’usage politique de tels films n’a pas longtemps tardé. En effet, l’attorney général John Ashcroft a spécialement attendu le lundi suivant le deuxième week-end d’exploitation du film pour annoncer publiquement de Moscou, l’arrestation du terroriste Abdullah al-Mujahir – de son vrai nom José Padilla -, lié au réseau Al-Qaida de Ben Laden.

Fiction anticipatrice
Au vu de ces similitudes, les services de renseignement ont demandé aux cinéastes d’Hollywood et aux romanciers de «techno-thriller» (Tom Clancy, Maud Tabachnik, Chuck Palahniuk, William Diehl) d’imaginer la lutte antiterroriste de demain.

Cette méthode d’investigation – bookish researcher – a déjà fait l’objet d’une intrigue de film d’espionnage puisque dans le film de Sydney Pollack, Three Days of the Condor (Les Trois Jours du Condor, États-Unis, 1975, 117 min), Joseph Turner (Robert Redford) travaille dans une cellule de la CIA où il épluche les romans d’espionnage étrangers pour découvrir d’éventuels scénarios.

Entre réalité et virtualité, il ne nous reste plus qu’à nous demander qui sera le réalisateur du prochain épisode… Nostradamus peut être.

Voir enfin:

Etat islamique: l’illusion du sublime

Anthropologie
Scott Atran est anthropologue et psychologue, directeur de recherche au CNRS UMR 8129 à l’Institut Jean Nicod à Paris, professeur adjoint à l’Université du Michigan et senior fellow à l’Université d’Oxford.

L’État Islamique séduirait en France un jeune sur quatre. Parce que ces jeunes y trouvent ce que nos sociétés n’offrent plus : le frisson lié au combat pour une cause qui leur fait croire qu’ils ont un pouvoir sans limites, un pouvoir divin.

«Quoi que ces meurtriers espèrent obtenir en assassinant des innocents, ils ont déjà échoué », déclarait Barack Obama à propos de l’exécution de journalistes occidentaux et de travailleurs humanitaires par l’État islamique, une organisation que le président François Hollande et d’autres mentionnent sous le nom de Daesh (désignation arabe de l’ancien acronyme ISIS – Islamic State in Iraq and Syria), afin de minimiser les ambitions de ce mouvement.

Est-ce bien vrai ? En réalité, les faits indiquent plutôt le contraire. La publicité, l’État islamique le sait, est l’oxygène du terrorisme. Et de la publicité, cette organisation en a eu à foison grâce à la décapitation de deux journalistes américains et, plus récemment encore, du Français Hervé Gourdel. À tel point que ce mouvement que tout le monde ignorait il y a encore quelques mois est devenu aujourd’hui le premier sujet des préoccupations générales et politiques. Pour un temps, elle relègue au second plan la nucléarisation de l’Iran et de la Corée du Nord, la menace d’une prolifération des armes nucléaires, et même l’ambition de la Russie de restaurer l’Empire des tsars. Ainsi seraient relancés les jeux de pouvoir et le système mondial anarchique des rivalités qui ont autrefois donné le jour à deux guerres mondiales et rendent aujourd’hui possible – ne fût-ce qu’un peu– une troisième, bien plus dévastatrice encore.

Le but des spectacles mis en scène par l’État islamique, aussi atroces que captivants, est de terroriser et de fasciner l’opinion publique. Les émois de celle-ci, tout particulièrement sur la scène politique des démocraties libérales occidentales rythmée par les médias, a pour effet invariable de précipiter l’action (ou plutôt la réaction) politique. Comme ce fut le cas avec la réaction inconséquente et indifférenciée déployée par la Grande-Bretagne et les États-Unis, qui a fait passer Al Qaida d’un groupe restreint, mais résolu, d’extrémistes relativement éduqués et violents à un mouvement social capable d’attirer des milliers d’immigrés musulmans d’Occident désœuvrés, et des millions d’autres qui, retournés au pays, n’y ont trouvé que frustration politique et désillusion économique. En Europe, même ceux qui sont le plus opposés à la violence me disent que « sans Al Qaida, on nous aurait oubliés », et dans l’ensemble du monde musulman l’héritage du « Cheikh Oussama » est souvent synonyme de reconnaissance et de respect.

Une cause à défendre

Toutefois, à la différence d’Al Qaida dont il a été exclu en début d’année, l’État islamique ne tolère aucun compromis sur l’interprétation des moyens et des buts de l’Islam, encore moins sur la mission de l’Islam : gouverner le monde. À la fin de sa vie, le chef terroriste et fondateur de l’État islamique, Abou Moussab al-Zarkawi, déclarait que « les Chiites sont le plus grand mal de l’humanité, les plus dangereux moralement, et qu’il faut les détruire en priorité ». Dans cette vision du monde, proclamée aujourd’hui par Abou Bakar al-Baghdadi, Les États-Unis et le Royaume-Uni sont trop faibles dans leur conviction envers leurs idéaux pour représenter un ennemi sérieux. Aux yeux des « adeptes fervents » que sont les djihadistes, la justesse d’une cause prévaudra toujours sur un avantage matériel apparent, à condition que la cause dispose de ressources suffisantes pour perdurer. De fait, depuis la Seconde Guerre mondiale, des groupes rebelles et révolutionnaires ont vaincu des armées disposant d’une puissance de feu et d’effectifs jusqu’à dix fois supérieurs, grâce à la dévotion à leur cause, plutôt qu’en raison de systèmes de récompense, tels que rémunération ou promotion. Cependant, en s’appuyant sur l’histoire récente, l’État islamique espère pouvoir compter sur les États-Unis et la Grande-Bretagne pour l’aider à déclencher une spirale de guerres civiles et transnationales débouchant sur le grand Armageddon, retour à un Âge d’Or imaginaire de domination arabe dans tous les pays musulmans et de domination musulmane à travers l’Eurasie et l’Afrique. Et ce, bien que les cinq siècles – de 750 à 1258 – où la dynastie des Abbassides a gouverné le monde musulman, aient marqué une période de relative tolérance sociale, de diversité philosophique et de remarquables progrès scientifiques en médecine et en mathématiques.

Le frisson de la terreur
La violence exercée par l’État islamique est tout sauf gratuite ou nihiliste – des accusations souvent portées par ceux qui refusent de prendre en compte le pouvoir d’attraction de leurs ennemis. La vision morale du monde des adeptes fervents est dominée par ce que le philosophe politicien irlandais Edmund Burke (1729-1797) appelait le « sublime » : une attirance puissante et passionnée pour ce qu’il nommait la « terreur exquise », un sentiment singulier éprouvé face à la terreur d’autrui. Selon lui, l’être humain éprouve un sentiment de délice particulier face au spectacle de la terreur, car il y voit la manifestation de forces supérieures, sans limites, inconnues et incompréhensibles. La terreur exercée sur les victimes est alors proche de la terreur de Dieu.

« Aucune passion ne prive autant l’esprit de tous ses pouvoirs d’action et de raisonnement que la peur », notait Burke, « Car la peur étant une appréhension de la souffrance et de la mort, elle opère d’une façon qui ressemble à la vraie douleur. De ce fait, tout ce qui est terrible à la vue est sublime. » Mais pour que la terreur réussisse au nom du sublime, « l’obscurité semble généralement nécessaire » poursuivait-il. « Les gouvernements despotiques qui s’appuient sur les passions humaines, et en premier lieu sur la passion de la peur, cachent autant que possible leur chef aux yeux du peuple. » Al-Baghdadi remplit sans nul doute ces conditions.
Le sublime est profondément physique et viscéral, ancré dans l’émotion et l’identité, et non un concept-clé de nos idéologies modernes, pour qui la raison et l’esprit sont maîtres (et non esclaves) des passions. Il n’y a là aucun lavage de cerveau, contrairement à ce qu’a voulu faire croire un vieux mythe sur les soldats alliés, dont on avait prétendu qu’ils avaient été brisés par les experts en manipulation mentale de la Chine communiste durant la Guerre de Corée. Les volontaires occidentaux qui s’enrôlent dans l’État islamique sont souvent des jeunes à des périodes de transition dans leur vie : des immigrés, entre deux emplois ou entre deux petites amies, ayant quitté leur foyer et cherchant une nouvelle famille. Pour la plupart ils n’ont reçu aucune éducation religieuse et sont « nés de nouveau » à la religion à travers le djihad. Ces jeunes en quête d’eux-mêmes qui ont trouvé leur voie dans le djihad font tache d’huile de multiples façons, lors de barbecues, de relations sexuelles d’un soir, sur Internet. Ils se radicalisent quand ils voient leurs parents se faire humilier par des fonctionnaires pour remplir des formulaires administratifs, ou leur sœur se faire insulter parce qu’elle porte un voile. La plupart ne franchissent pas le pas ; mais quelques-uns le font, et ils entraînent leurs amis avec eux.

Ainsi que j’en ai témoigné devant le Comité des forces armées du Sénat des États-Unis, ce qui inspire au plus haut point les terroristes aujourd’hui n’est pas tant le Coran ou les enseignements religieux, qu’une cause excitante et un appel à l’action qui promet la gloire et l’estime au yeux des amis, ainsi que le respect éternel et le souvenir au yeux du monde, même si la plupart ne vivront pas pour goûter cette reconnaissance. Le Djihad est un employeur égalitaire qui propose les mêmes opportunités à tous : fraternel, rapide, glorieux et motivant. Et le danger qui fait bouillir le sang dans les veines est encore ce qu’il y a de plus stimulant, surtout pour celui qui n’en a encore jamais fait l’expérience. Selon un sondage réalisé en juillet 2014 par l’institut de sondage britannique ICM Research, 16 pour cent des Français, et plus d’un adolescent sur quatre (27 pour cent exactement) auraient une opinion favorable ou très favorable de l’État islamique, alors que moins de six pour cent des Français sont musulmans. Ces chiffres tranchent avec les 13 pour cent de soutiens à l’État islamique à Gaza, si l’on en croit un sondage réalisé en août 2014 par le Centre palestinien de l’opinion publique.

Se sentir vivre dans le combat
Dans Mein Kampf, Adolf Hitler déclarait : « Tous les grands mouvements sont des mouvements populaires, des éruptions volcaniques de passions humaines et de sentiments émotionnels suscités soit par la cruelle déesse de la détresse, soit par la puissance incendiaire du verbe déversé sur les foules. » Mais le verbe doit être mis en scène sur le théâtre du sublime. Dans les années 1930, Charlie Chaplin et le réalisateur français René Clair virent ensemble un film de l’actrice et réalisatrice Leni Riefenstahl à la gloire du national-socialisme. Chaplin en rit, mais Clair fut terrorisé par le film, affolé à l’idée que si celui-ci était vu à l’Ouest, tout serait perdu. George Orwell, dans son analyse de Mein Kampf en 1940, l’avait compris : « Alors que le socialisme et même le capitalisme – plus à contrecoeur – ont dit aux gens : « Je vous offre du bon temps », Hitler leur a dit : « Je vous offre la lutte, le danger et la mort » et le résultat a été qu’un nation entière se jeta à ses pieds. »

Les volontaires de l’État islamique surfent sur le sublime, et sur ce qui va avec et fait défaut dans le monde fatigué du libéralisme démocratique, tout particulièrement aux marges de la société où vivent la plupart des immigrés en Europe. Nombre d’entre eux ne sont que des touristes du djihad, qui se rendent en Syrie pendant des vacances scolaires ou des congés pour le frisson de l’aventure et un semblant de gloire, et qui retournent ensuite à leurs vies plus confortables, mais sans âme, à l’Ouest. Mais les succès de l’État islamique vont croissant et l’engagement des adeptes aussi. Les décapitations font aujourd’hui ce que les images du World Trade Center ont réalisé en leur temps, c’est-à-dire transformer la terreur en démonstration de triomphe sur fond de mort et de destruction. Dans l’acception de Burke, il s’agit d’une manifestation du sublime. Comme le philosophe espagnol Javier Goma Lanzon l’a récemment souligné : ce sens du sublime constitue-t-il une part du pouvoir d’attraction de l’État Islamique, lié à une quête de grandeur et de gloire dans une camaraderie dangereuse et aventureuse ? Le désintérêt de l’Occident pour le sublime – souvent considéré avec scepticisme et cynisme – est-il notre erreur ?

La crainte de Dieu et ses représentations innombrables dans l’art et les rituels ont consitué autrefois le sublime de l’Occident, suivi par une lutte violente pour la liberté et l’égalité. L’historien anglais Arnold Toynbee (1852-1883) a soutenu que les civilisations prospèrent et déclinent au gré de la vita¬lité de leurs idéaux culturels, et non de leurs richesses matérielles. Dans des études menées avec le soutien de la Fondation scientifique américaine, du Département de la défense et du CNRS, mes collègues et moi-même avons trouvé que la plupart des sociétés ont des « valeurs sacrées » pour lesquelles leurs membres sont prêts à se battre, à sacrifier beaucoup, voire à mourir, plutôt que d’accepter un compromis. En 1776, les colons américains avaient le meil-leur niveau de vie dans le monde. Toutefois, menacés, non pas sur le plan économique, mais sur le plan de leurs « valeurs sacrées » (selon les termes de Thomas Jefferson dans son brouillon initial de la Déclaration d’in-dépendance), ils se montèrent prêts à sacri-fier « leur vies, leur fortune et leur honneur sacré » contre l’empire britannique, alors le plus puissant du monde. Notre idéal est-il seulement un idéal « de confort, de sécu¬rité et d’évitement de la douleur », comme Orwell le supposa pour expliquer la capacité du nazisme, du fascisme et du stalinisme à susciter l’engagement notamment de la jeunesse aventureuse et en quête d’horizons nouveaux ? Pour le futur des démocraties libérales, même au-delà de la menace de djihadistes violents, cela pourrait constituer la question centrale.

Les êtres humains définissent en des termes abstraits les groupes auxquels ils appartiennent. Ils aspirent souvent à des liens intellectuels et émotionnels durables avec des personnes qu’ils ne connaissent pas encore, et sont prêts à tuer ou mourir, non pas pour préserver leur propre vie ou celles de leurs familles ou amis, mais au nom d’une idée – la conception morale transcendante qu’ils ont d’eux-mêmes, de « qui nous sommes ». C’est là « le privilège de l’absurde, auquel nulle créature vivante n’est sujette sinon l’homme », que décrivit Thomas Hobbes (1588-1679) dans son Léviathan. Dans la Filiation de l’homme, Charles Darwin (1809-1882) y a vu la vertu de « la moralité, […] l’esprit de patrio¬tisme, la fidélité, l’obéissance, le courage et la sympathie », dont les communautés victorieuses sont dotées dans la compétition pour la survie et la domination. À travers les cultures, les formes les plus robustes d’iden¬tité de groupe sont cimentées par les valeurs sacrées, souvent sous forme de croyances religieuses ou d’idéologies trancendantales, qui conduisent certains groupes à dominer les autres grâce à l’engagement irrationnel d’une poignée de leurs membres dans des actions qui mènent au succès, au-delà de toute attente. Dans le monde que nous souhaitons – celui de la démocratie libé¬rale, de la tolérance, de la diversité et de la justice distributive –, la violence (particuliè¬rement les formes extrêmes que constituent les tueries de masse) sont généralement considérées comme pathologiques, comme des facettes sombres d’une nature humaine détraquée, ou comme des dommages colla-téraux d’intentions justes. Mais tout au long de l’histoire et dans toutes les cultures, la violence exercée à l’encontre des autres groupes a été unanimement invoquée par ses auteurs comme un acte sublime de vertu morale. Car sans une prétention à la vertu, il est très difficile de souhaiter tuer un grand nombre d’innocents.

En bref
• Les jeunes exclus ou sans but des démocraties occidentales semblent trouver dans le djihad un frisson particulier lié à l’action, à la défense d’une cause et à l’appartenance à un groupe de frères unis.
• La terreur qu’ils peuvent observer ou exercer est pour eux le signe de puissances supérieures dont ils seraient le bras armé.
• Aujourd’hui, le sublime a disparu des sociétés occidentales désenchantées.Au contraire, les djihadistes redonnent aux « valeurs sacrées » une place prééminente.

3. L’engagement des Etats-Unis dans des opérations militaires contre l’Etat Islamique est-elle la solution? Si l’on ne s’attaque pas aux racines de la motivation des «adeptes fervents», rien n’est moins sûr.
4. Dans Mein Kampf, Hitler proposait à son peuple la lutte, le danger et la mort – selon l’analyse de George Orwell. Il s’avéra que le pouvoir d’engagement de ces notions était supérieur à celui des valeurs de confort et de sécurité.
Bibliographie
http://www.jjay.cuny. edu/us_senate_hea-ring_on_violent_extre-mism.pdf
http://www.terroris-manalysts.com/pt/in-dex.php/pot/article/ view/95/html

COMPLEMENT:

Fury over ‘beheading’ art exhibition where the public pretend to be murdered by Jihadi John

  • The work featured at the Gogbot art festival in the east Dutch city of Enschede
  • Visitors can pose as the victim of a beheading using the controversial artwork
  • Politicians from several parties called for it to be removed from the festival

An art installation where visitors are encouraged to have a photo taken next to an Islamic State terrorist waiting to behead them has been blasted by politicians.

The artwork, which is part of an exhibition at the Gogbot art and music festival in the Eastern Dutch city of Enschede, features a full-size picture of ISIS terrorist Jihadi John dressed entirely in black printed on a wooden board.

Next to the ISIS executioner sits his victim dressed in an orange jumpsuit down on his knees shortly before being beheaded.

The face of the victim is however cut out of the board, which allows visitors to the art exhibition to pose for a picture as an ISIS victim.

The art exhibition is on show in a gallery in the eastern Dutch city of Enschede and has drawn widespread criticism

The controversial artwork called ‘phantom pain’ was created by 22-year-old Anne Bothmer, who argued that ‘lorries driving into crowds, bombings and shootings’ caused a ‘massive stream of irrational reactions.’

Bothmer wrote: ‘As a spectator of these attacks we do not want to experience it, but we want to be part of it. The overarching tone of the messages within the aftermath amplifies a feeling of collective victimisation by European citizens.

‘However, in comparison there were only a few who were really present at the attacks and the rest of Europe only perceived them through cinematic and photographic imagery.

By using a provocative approach, my work unites these traumatic events with our own hyper reality, whereby the spectator is able to review his or her position.

‘Because, can you call yourself a victim when you were not being present at one of these terrorist attacks?’

As soon as the work was unveiled local politicians from different parties called for the removal of the IS artwork.

Politicians have called on the Gogobot music and art festival to remove the installation

Arjan Brouwer of Democratic Platform Enschede said: ‘We call urgently upon the mayor to act and remove this element of Gogbot immediately from the event.

‘This picture of genocide does not belong at this event and needlessly confronts our inhabitants and children with terrorism, human suffering and traumatic experiences which they went through in the country they fled from.’

Bothmer said she was surprised by all the commotion.

She added: ‘I stand firmly behind my work, even though I understand [those] people well.’

Bothmer said that ‘the reactions of visitors are mostly positive’.

The festival organisation and the mayor of Enschede have not yet reacted to the outrage over the IS artwork.

5 Responses to Expositions: Après le sexe, la violence s’expose à Paris ! (Life imitates art far more than art imitates life: Paris art exhibitions spill the beans on Islamic state’s emotional appeal)

  1. mahaulta dit :

    A reblogué ceci sur Our sexy societyet a ajouté:
    I missed the link between Kama Sutra and Islam…

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  2. […] sérieux tout en ne s’en faisant pas les propagateurs complices ou même en lui donnant des idées […]

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    • jcdurbant dit :

      IT’S JUST PLAYING, STUPID !

      “It’s sort of a play on the ‘kill whitey’ thing. »

      Kehinde Wiley

      The general public tends to assume that contemporary paintings should be easily understandable for anyone with eyes to see them (and for more sophisticated audiences, for anyone who spends time and attention on the work). But this is not the case. Even if you are familiar with the moods, settings and styles of portraits you have previously seen, you are not necessarily equipped to understand Kehinde Wiley’s work. Wiley’s art — including the controversial beheading pieces — riff on the earlier portraits of by European Renaissance painters such as Caravaggio’s depiction of Judith Beheading Holofernes from circa 1599. Wiley also references the painting titled “Judith Slaying Holofernes” by the Italian artist Artemisia Gentileschi.

      An audience that wants to read presidential portraits as a simple, traditional representation and affirmation of strength, grace under pressure and valor will inevitably be disappointed or bewildered by someone like Wiley. This painter plays with his audience.

      Indeed Wiley, as he conveyed to me last year, aims “to cross temporal boundaries and fuse contemporary urban street [culture] with the Western art historical canon.” His record of exhibitions further demonstrates this playfulness, as he has consistently engaged with the tradition of courtly painting, injecting commonplace urban figures into incongruous historical contexts. He works by that typical post-modern strategy of pastiche — mixing and matching styles and characters typically not viewed together to see whether unexpected meanings can arise.

      Viewers who think they should be able to easily read and understand high-style portraiture but reject Wiley’s previous work also likely don’t understand how painting radically changed in the last century. After World War II, artistic production in general — and painting in particular —became much more complex. Artists began to pursue experimental, radical, unorthodox approaches to making art, to forming culture, to reimagining society. Wiley’s work comes out of this tradition of questioning and remixing his cultural inheritance.

      So when Kehinde notes that some of his portraits were “a play on the ‘kill whitey’ thing,” he is conceding that there exists a cultural meme associated with black people venting their centuries-long frustration by slaying their oppressors. To depict what that might look like is an exploration of the social and political ramifications of an alternate reality. Similarly, his other portraits have explored the ramifications of his audiences seeing black people perform central roles in canonized artwork. His portraits of beheadings no more advocate for the murder of white women than the self-portrait of Van Gogh with a bandaged head promotes self-mutilation…

      https://www.nbcnews.com/think/opinion/kehinde-wiley-s-obama-portrait-controversy-shows-americans-don-t-ncna849156

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  3. jcdurbant dit :

    VIOLENCE POUR TOUS: ENFANTS GATES DU MONDE, UNISSEZ VOUS !

    « La Zone d’Autonomie Temporaire est comme une insurrection sans engagement direct contre l’Etat, une opération de guérilla qui libère une zone (de terrain, de temps, d’imagination) puis se dissout avant que l’Etat ne l’écrase, pour se reformer ailleurs dans le temps ou l’espace. »

    Peter Lamborn Wilson (alias Hakim Bey)

    http://www.technikart.com/ce-soir-on-vous-met-le-feu/

    THE SLEEP OF REASON BRINGS FORTH MONSTERS (Welcome to the silly world of postmodern anarchists and their temporary autonomous zone blabber)

    The book describes the socio-political tactic of creating temporary spaces that elude formal structures of control. The essay uses various examples from history and philosophy, all of which suggest that the best way to create a non-hierarchical system of social relationships is to concentrate on the present and on releasing one’s own mind from the controlling mechanisms that have been imposed on it.

    In the formation of a TAZ, Bey argues, information becomes a key tool that sneaks into the cracks of formal procedures. A new territory of the moment is created that is on the boundary line of established regions. Any attempt at permanence that goes beyond the moment deteriorates to a structured system that inevitably stifles individual creativity. It is this chance at creativity that is real empowerment…

    The concept of TAZ was put into practice on a large scale by the Cacophony Society in what they called Trips to the Zone, or Zone Trips. Their co-founder John Law also co-founded Black Rock City, now called the Burning Man Festival…

    https://en.wikipedia.org/wiki/Temporary_Autonomous_Zone

    https://en.wikipedia.org/wiki/Peter_Lamborn_Wilson

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