Vote des femmes/70e: Pourquoi la France a été l’un des derniers pays européens (Blame it on the Protestant Catholic differential)

 Reformation_Europe

WomensVoteReligion in Western European Countries (circa 1870)

Country                          Percent            Percent  Percent                           Protestant       Catholic
Protestant Countries
Denmark                               99                  1
Sweden                                 99                  1
Norway                                  99                 1
Finland                                  98                 2
Britain                                   91                 8.5
Germany                               62                 36.5
Netherlands                           61                 38
Switzerland                           58                 41
Catholic Countries
Ireland                                  12                  88
France                                    4                   95
Austria                                    2                  91
Italy                                       1                   97
Spain                                      1                   97
Portugal                                  1                   97
Belgium                                  1                   95
Source: Delacroix and Nielsen (2001)
Timeline of Women’s Suffrage Granted, by Country
  • 1893 New Zealand
  • 1902 Australia1
  • 1906 Finland
  • 1913 Norway
  • 1915 Denmark
  • 1917 Canada2
  • 1918 Austria, Germany, Poland, Russia
  • 1919 Netherlands
  • 1920 United States
  • 1921 Sweden
  • 1928 Britain, Ireland
  • 1931 Spain
  • 1944 France
  • 1945 Italy
  • 1947 Argentina, Japan, Mexico, Pakistan
  • 1949 China
  • 1950 India
  • 1954 Colombia
  • 1957 Malaysia, Zimbabwe
  • 1962 Algeria
  • 1963 Iran, Morocco
  • 1964 Libya
  • 1967 Ecuador
  • 1971 Switzerland
  • 1972 Bangladesh
  • 1974 Jordan
  • 1976 Portugal
  • 1989 Namibia
  • 1990 Western Samoa
  • 1993 Kazakhstan, Moldova
  • 1994 South Africa
  • 2005 Kuwait
  • 2006 United Arab Emirates
  • 2011 Saudi Arabia3
NOTE: One country does not allow their people, male or female, to vote: Brunei.
1. Australian women, with the exception of aboriginal women, won the vote in 1902. Aborigines, male and female, did not have the right to vote until 1962.
2. Canadian women, with the exception of Canadian Indian women, won the vote in 1917. Canadian Indians, male and female, did not win the vote until 1960. Source: The New York Times, May 22, 2005.
3. Women in Saudi Arabia will not be eligible to vote until 2015.

Manifestation de suffragistes à Paris en mai 1935 sous la conduite de Louise Weiss (au premier plan)

World Woman Suffrage Map 1908Luther rend nécessaire ce que Gutenberg a rendu possible : en plaçant l’Écriture au centre de l’eschatologie chrétienne, la Réforme fait d’une invention technique une obligation spirituelle. François Furet et Jacques Ozouf
Ce projet a causé la désertion de 80 à 100 000 personnes de toutes conditions, qui ont emporté avec elles plus de trente millions de livres ; la mise à mal de nos arts et de nos manufactures. (…) Sire, la conversion des cœurs n’appartient qu’à Dieu … Vauban (« Mémoire pour le rappel des Huguenots », 1689)
Qu’ils s’en aillent! Car nous sommes en France et non en Allemagne! … Notre République est menacée d’une invasion de protestants car on choisit volontiers des ministres parmi eux., … qui défrancise le pays et risque de le transformer en une grande Suisse, qui, avant dix ans, serait morte d’hypocrisie et d’ennui. Zola (Le Figaro, le 17/5/1881)
Après la Réforme, les régions protestantes ont surgi des marécages de l’Europe pour supplanter les pays catholiques en tant que puissances économiques. En 1700, avant la véritable révolution industrielle, les pays protestants avaient dépassé le monde catholique en termes de revenus. Un écart important entre les revenus des protestants et ceux des catholiques s’est creusé au cours des 250 années suivantes. Aucun signe de convergence n’est apparu avant les années 1960. Il ne s’agit toutefois pas d’une simple justification de la thèse de l' »éthique protestante ». … Un certain nombre d’hypothèses alternatives … pourraient expliquer la domination économique de l’Europe protestante. Elles comprennent (1) la sécularisation – la libération de l’économie des contrôles religieux ; (2) le développement de l’éducation (et l’accent mis par les protestants sur l’alphabétisation – la capacité à lire la Bible) ; (3) les conséquences désastreuses de la Contre-Réforme catholique ; (4) l’importance de la traite atlantique (des esclaves) dans la création d’une classe d’affaires autonome qui exigeait des réformes institutionnelles modernisatrices. (…) La Réforme a été un moment culturel crucial dans le développement du capitalisme (…). La Réforme a fait de l’alphabétisation un élément central de la dévotion religieuse. Dans l’Église catholique, le clergé interprétait (canalisait ?) la parole de Dieu pour les croyants. La Bible était jugée trop complexe pour être comprise par le commun des mortels. Le protestantisme, en revanche, a répandu la notion de « sacerdoce de tous les croyants ». Tous les chrétiens devraient étudier la Bible et se rapprocher de leur religion d’une manière beaucoup plus personnelle et privée. Il s’agit là d’une tâche ardue, alors que seule une infime partie de la population est alphabétisée et que la Bible est écrite en latin. Les protestants ont travaillé dur sur ces deux fronts, en traduisant la Bible en langue vernaculaire (les langues que les gens parlaient réellement) et en évangélisant pour une éducation de masse. Assez soudainement, et pour des raisons tout à fait non économiques, le règne médiéval de l’ignorance a été rejeté et remplacé par des demandes d’investissement dans le capital humain. L’Écosse en est un excellent exemple. L’un des principes fondateurs de la Réforme écossaise (1560) était l’éducation gratuite pour les pauvres. La première taxe scolaire locale au monde a peut-être été établie en 1633 (renforcée en 1646). C’est dans ce contexte que s’est développée la pensée éclairée écossaise : David Hume, Francis Hutcheson, Adam Ferguson et le parrain de l’économie moderne, Adam Smith. À cette époque, l’érudition écossaise était tellement supérieure à celle des autres nations que Voltaire a écrit : « Nous nous tournons vers l’Écosse pour toutes nos idées de civilisation ». L’un des aspects attrayants de cette réflexion sur le protestantisme est qu’elle se prête à des tests empiriques quantitatifs. Les pays protestants ont-ils investi davantage dans l’éducation ?  au moins en 1830, les pays protestants avaient un taux de scolarisation primaire beaucoup plus élevé : 17 % en Allemagne, 15 % aux États-Unis, 9 % au Royaume-Uni, 7 % en France, et seulement 3 ou 4 % en Italie et en Espagne… Alors que les pays protestants aspiraient à l’idéal d’un « sacerdoce de tous les croyants », encourageant une norme sociale d’alphabétisation et d’érudition personnelle, l’Europe catholique a réagi violemment à la Réforme et a consacré une centaine d’années à l’endiguement et au contrôle brutal de la « pensée, de la connaissance et de la croyance ». L’accent n’est pas tant mis sur l’alphabétisation en tant que telle. Selon Landes, la Réforme n’a pas simplement « stimulé l’alphabétisation », mais a surtout « engendré des dissidents et des hérésies, et encouragé le scepticisme et le refus de l’autorité qui sont au cœur de l’effort scientifique ». Alors que les protestants traduisaient la Bible et militaient pour l’éducation publique, la Contre-Réforme (l’Inquisition) brûlait les livres, les hérétiques et emprisonnait les scientifiques. La réaction catholique à la Réforme – en grande partie motivée par l’Empire espagnol – a consisté à terroriser le principe de la libre pensée. Bien qu’étant à bien des égards le berceau de la science moderne, « l’Europe méditerranéenne dans son ensemble a raté le train de la soi-disant révolution scientifique » (Landes 1998:180). Dans un climat de peur et de répression, le centre intellectuel et scientifique de l’Europe s’est déplacé vers le nord. Peut-être que la Réforme, plutôt que de créer un nouvel « esprit du capitalisme », a simplement conduit à la relocalisation de l’activité capitaliste. En l’absence de conflits religieux, la révolution industrielle aurait pu prendre racine là où le capitalisme médiéval était le plus fort (Italie, Belgique, Espagne, etc.). Les guerres de religion et la Contre-Réforme ont « secoué » les centres de l’ancien capitalisme médiéval, entraînant une migration massive de capitaux et de compétences entrepreneuriales. La piste la plus prometteuse pour la recherche historique consiste peut-être à étudier les schémas de mobilité et de migration des capitaux après la Réforme. La division de l’Europe en deux mondes religieux a produit des dynamiques frappantes qui, à mon avis, vont bien au-delà de la thèse de Weber. Le monde protestant, semble-t-il, a nourri un esprit contestataire d’hérésie et de pensée critique, une alphabétisation populaire et une morale commerciale de laissez-faire ; le catholicisme a brûlé des livres, emprisonné des scientifiques, étouffé la pensée et exigé une orthodoxie rigoureuse. Tout cela a condamné les anciennes régions prospères de l’Europe à devenir la périphérie (la « ceinture de l’olivier »). Les régions arriérées qui se sont révoltées contre Rome sont devenues la destination des migrations capitalistes, et c’est là que les institutions du capitalisme moderne ont progressivement pris forme. Enfin, le fait qu’à peu près à la même époque, le centre du commerce et des échanges se soit déplacé de la Méditerranée vers l’Atlantique, ajoutant une nouvelle « opportunité géographique » aux régions protestantes, n’a sans doute pas été étranger à cette évolution.  Cristobal Young
Pour ses promoteurs, il existe dans la France de la Troisième République un  » complot protestant « , mené par des étrangers de l’intérieur. Ce  » péril  » menace l’identité française et cherche sournoisement à  » dénationaliser  » le pays. Leurs accusations veulent prendre appui sur l’actualité : la guerre de 1870, la création de l’école laïque, les rivalités coloniales, l’affaire Dreyfus, la séparation des églises et de l’État. Derrière ces événements se profilerait un  » parti protestant  » qui œuvrerait en faveur de l’Angleterre et de l’Allemagne. Mais, à coté de l’actualité, la vision de l’histoire constitue également un enjeu et les antiprotestants, en lutte contre l’interprétation universitaire de leur époque, tentent une révision de la compréhension d’événements historiques comme la Saint-Barthélemy et la Révocation de l’Édit de Nantes. Ils accusent les protestants d’intolérance et érigent des statues à Michel Servet, victime de Calvin au XVIe siècle. La réaction protestante à ces attaques se marque non seulement par une riposte juridique, mais aussi par une auto-analyse plus critique que dans le passé. Cet axe se termine par une réflexion plus large sur la condition minoritaire en France et la manière dont la situation faite aux minorités est révélatrice du degré de démocratie de la société française. (…) L’antisémitisme de cette époque concentre deux traditions hostiles aux juifs : l’une, religieuse, qui les accuse de  » déicide « , l’autre, économique, qui les accuse de  » spéculation financière « . La conjonction de ces deux traditions engendre des thèses raciales sur une lutte éternelle entre l’  » aryen  » et le  » sémite « , alors que les accusations raciales antiprotestantes, quand elles existent, n’atteignent pas ce degré d’intensité. L’anticléricalisme est l’envers du cléricalisme : deux camps de force égale se trouvent en rivalité politico-religieuse et leurs arguments dérivent souvent dans des stéréotypes où la haine n’est pas absente. La haine anticléricale se développe lors de la lutte contre les congrégations. Mais, à partir de 1905, la séparation des églises et de l’État constitue un  » pacte laïque  » et permet un dépassement de l’anticléricalisme. (…) Paradoxalement, plus le groupe visé est faible, plus la haine à son encontre est forte. À ce titre, l’antiprotestantisme apparaît comme une haine intermédiaire entre l’anticléricalisme et l’antisémitisme. Mais, partout, à l’origine des haines, se trouve une vision conspirationniste de l’histoire : les pouvoirs établis et les idées qui triomphent sont le résultat de  » menées occultes « , d’ « obscurs complots ». Jean Bauberot
Une bonne partie de ce que nous observons dans les relations entre la France et les Etats-Unis est le produit d’une structure de relations que l’on doit penser comme la confrontation entre deux impérialismes de l’universel. (…) La France est une sorte d’idéologie réalisée: être français, c’est se sentir en droit d’universaliser son intérêt particulier, cet intérêt particulier qui a pour particularité d’être universel. Et doublement en quelque sorte: universel en matière de politique, avec le modèle pur de la révolution universelle, universel en matière de culture, avec le modèle de chic (de Paris). On comprend que, bien que son monopole de l’universel soit fortement contesté, en particulier par les Etats-Unis, la France reste l’arbitre des élégances en matière de radical chic, comme on dit outre-Atlantique ; elle continue à donner le spectacle des jeux de l’universel, et, en particulier, de cet art de la transgression qui fait les avant-gardes politiques et/ou artistiques, de cette manière (qui se sent inimitable) de se sentir toujours au-delà, et au-delà du delà, de jouer avec virtuosité de tous les registres, difficile à accorder, de l’avant-gardisme politique et de l’avant-gardisme culturel (…) C’est dire que nombre des choses qui s’écrivent ou se disent, à propos de la France ou des USA ou de leurs rapports, sont le produit de l’affrontement entre deux impérialismes, entre un impérialisme en ascension et un impérialisme en déclin, et doivent sans doute beaucoup à des sentiments de revanche ou de ressentiment, sans qu’il soit exclu qu’une partie des réactions que l’on serait porté à classer dans l’antiaméricanisme du ressentiment puissent et doivent être comprises comme des stratégies de résistance légitime à des formes nouvelles d’impérialisme… (…) En fait, on ne peut attendre un progrès vers une culture réellement universelle – c’est-à-dire une culture faite de multiples traditions culturelles unifiées par la reconnaissance qu’elles s’accordent mutuellement – que des luttes entre les impérialismes de l’universel. Ces impérialismes, à travers les hommages plus ou moins hypocrites qu’ils doivent rendre à l’universel pour s’imposer, tendent à le faire avancer et, à tout le moins, à le constituer en recours susceptible d’être invoqué contre les impérialismes mêmes qui s’en réclament. Pierre Bourdieu
Si les responsables politiques (de tous bords) pensent que leurs discours alarmistes sur la mondialisation et leurs incessantes critiques contre «l’inhumanité» du «modèle» anglo-saxon ne sont que d’inoffensives stratégies électorales destinées à gagner quelques voix, ils devraient y réfléchir à deux fois. (…) On récolte ce qu’on a semé : deux décennies de rhétorique antimondialisation et antiétranger se payent par une paralysie politique et psychologique de la France, consciente de l’urgente nécessité des réformes, mais incapable de les mettre en oeuvre. De nombreux pays européens plus solidaires que la France possèdent des marchés du travail plus libres, mais le petit pas tenté dans cette direction par la France (le CPE) soulève immanquablement l’opposition générale. (…) Si le grand public n’est pas prêt aux réformes, les responsables politiques ne peuvent s’en prendre qu’à eux-mêmes : aux Pays-Bas, les réformes ont commencé il y a vingt ans. Au Canada et en Suède, elles ont commencé il y a quinze ans et ont été menées à terme en six petites années. Le Canada et la Suède se portent bien mieux aujourd’hui qu’il y a quinze ans. Pendant ce temps, le tissu social français continue à se dégrader. (…) Les Canadiens se sont livrés à une analyse de l’hyperétatisme au cours des années 80 et 90. Les Français se sont déchaînés contre le «capitalisme sauvage» mais la droite n’a jamais dénoncé «l’étatisme sauvage», avec ses épais fourrés de réglementations tueuses d’emplois et ses prédateurs anticapitalistes, les «intellectuels». (…) La France a besoin d’un (ou d’une) dirigeant (e) centriste capable de faire la paix avec le capitalisme et la mondialisation tout en défendant les meilleurs composants de l’Etat-providence. Canadiens et Suédois ont compris que capitalisme et démocratie sociale (ou du moins stabilité sociale) avancent ensemble, ou tombent ensemble. Qui, en France, adresse ce genre de message au grand public ? Timothy Smith
Des textes produits dans le plus grand secret, délibérément obscurs et édictant des mesures à effet retard, pareil à des virus informatiques, préparent l’avènement d’une sorte de gouvernement mondial invisible au service des puissances économiques dominantes …. Pierre Bourdieu
Les grandes firmes multinationales et leurs conseils d’administrations internationaux, les grandes organisations internationales, OMC, FMI et Banque mondiale aux multiples subdivisions désignées par des sigles et des acronymes compliqués et souvent imprononçables, et toutes les réalités correspondantes, commissions et comités de technocrates non élus, peu connus du grand public, bref, tout ce gouvernement mondial qui s’est en quelques années institué et dont le pouvoir s’exerce sur les gouvernements nationaux eux-mêmes, est une instance inaperçue et inconnue du plus grand nombre. Cette sorte de Big Brother invisible, qui s’est doté de fichiers interconnectés sur toutes les institutions économiques et culturelles, est déjà là, agissant, efficient, décidant de ce que nous pourrons manger ou ne pas manger, lire ou ne pas lire, voir ou ne pas voir à la télévision et au cinéma, et ainsi de suite (…). A travers la maîtrise quasi absolue qu’ils détiennent sur les nouveaux instruments de communication, les nouveaux maîtres du monde tendent à concentrer tous les pouvoirs, économiques, culturels et symboliques, et ils sont ainsi en mesure d’imposer très largement une vision du monde conforme à leurs intérêts. Pierre Bourdieu
Mais ne faut-il pas aujourd’hui plutôt parler d’anglo-américain que d’anglais, dans la mesure où la force propulsive de cette langue a surtout pour moteurs Washington, Hollywood, le Pentagone, Coca-Cola, Microsoft et Apple ? A la différence de la colonisation britannique, qui visait essentiellement les esprits des élites « indigènes », l’américanisation, s’appuyant sur des marchés financiers et industriels devenus planétaires — ceux du divertissement en premier lieu —, et la volonté des Etats-Unis de sauvegarder à tout prix leur hégémonie géostratégique ont pour cible les esprits des masses, et cela en utilisant la même langue, d’ailleurs de plus en plus éloignée de l’anglais standard. (…) Et elles bénéficient en général de l’appui d’autres « élites », notamment de celles de pays développés — dont certains furent autrefois des colonisateurs ! —, et qui, ne craignant pas l’excès de zèle, font assaut de génuflexions et de marques de servitude volontaire. L’anglo-américain, dans les faits, est devenu un vecteur de la mondialisation néolibérale. D’où sa promotion par ses « chiens de garde ». Bernard Cassen (Le Monde diplomatique)
Mon véritable adversaire n’a pas de nom, pas de visage, pas de parti, il ne présentera jamais sa candidature et pourtant il gouverne. Cet adversaire, c’est le monde de la finance. (…) Le rêve français, c’est le creuset qui permet à toutes les couleurs de peau d’être à égalité de droits et de devoirs. Le rêve français, c’est l’affirmation des valeurs universelles qui vont bien au-delà des frontières, qui vont bien au-delà de la Nation. Ce n’est pas un espace limité, mais qui est proclamé à tous, à la face du monde. Le rêve français, c’est notre histoire, c’est notre projet ! Le rêve français, c’est une force, c’est le projet que je vous propose, parce qu’il nous ressemble, parce qu’il nous rassemble ! François Hollande

Et si la Révocation de l’Edit de Nantes avait provoqué bien plus que la fuite des cerveaux ?

A l’heure où, pour fêter le 70e anniversaire du vote des femmes en France, un président qui s’était tant vanté de sa haine des riches et provoqué l’exil de tant de nos Depardieu ne trouve rien de mieux, au moment où il atteint des sommets d’impopularité, que de relancer un calamiteux débat sur le vote des étrangers

Qui rappelle, mis à par une chronologie du Parisien, que le Pays autoproclamé des droits de l’homme (sic) a été l’un des derniers pays européens à accorder le droit de vote aux femmes …

Bien après, de la Nouvelle-Zélande (1893) à la Grande-Bretagne (1918-1928), les pays anglosaxons et nordiques ?

Mais surtout qui prend la peine de rappeler, au-delà de ce tabou si tenace de l’argent et à l’instar de ses voisins latins, tout le temps que la France a perdu et probablement pas encore complètement rattrapé …

Par rapport à des pays protestants qui pour des raisons d’abord religieuses (tout fidèle, homme ou femme, se devant de lire la Bible pour lui ou elle-même) avait fait le pari précoce d’une universalisation de l’alphabétisation ?

De plus en plus d’électrices mais un déficit d’élues

Le Parisien

21 avril 2014

La a été l’un des premiers pays à instaurer le suffrage universel masculin en 1848, mais il a fallu près d’un siècle pour l’étendre à l’autre moitié de la population.

Un long combat. L’ordonnance de 1944 met fin à des décennies de rendez-vous ratés. Le Sénat avait retoqué plusieurs fois des propositions de loi pour accorder le droit de vote aux femmes, réputées sous l’emprise de l’Eglise, de peur qu’elles ne « renforcent les rangs conservateurs ». La Première Guerre mondiale et l’apparition de suffragettes françaises dans la lignée des Britanniques ont fait doucement évoluer le débat. C’est finalement la reconnaissance du rôle des femmes pendant la Seconde Guerre mondiale qui a permis aux Françaises d’obtenir leur précieuse carte d’électrice.

Elles s’abstiennent de moins en moins. En 1945, les femmes se sont déplacées en masse, mais ensuite, jusqu’aux années 1960, les Françaises se sont bien moins rendues à l’isoloir que les Français. L’écart de participation a oscillé entre 7 et 12 points. Les années 1970 ont été celles du décollage : au second tour des législatives de 1969, les femmes ont pour la première fois davantage participé que les hommes. Aujourd’hui, les niveaux d’abstention semblent identiques chez les deux sexes mais si les plus jeunes sont moins abstentionnistes que les hommes, c’est le contraire chez les plus âgées.

La parité, c’est pas gagné. Les élues restent aujourd’hui encore largement sous-représentées. Et ce, même si la France a été le premier pays à adopter une loi pour imposer la parité en 2008 avec des listes qui alternent un homme/une femme aux municipales, aux européennes, aux régionales et aux sénatoriales. Mais les têtes de liste restent majoritairement masculines : 83 % aux dernières municipales. Et les hommes représentent 95 % des présidents de conseil généraux, 73 % des députés et 78 % des sénateurs.

Voir aussi:

29 avril 1945

Le 29 avril 1945, tandis que la guerre contre l’Allemagne touche à sa fin, les élections municipales donnent l’occasion aux Françaises de voter pour la première fois de leur Histoire.

Il n’était que temps… En effet, les Françaises sont parmi les dernières femmes du monde occidental à acquérir le droit de voter et celui de se faire élire…

André Larané
Hérodote

L’exception française

Le vote des Françaises résulte d’une ordonnance du 21 avril 1944 prise par le Gouvernement provisoire du général de Gaulle, à Alger : « Les femmes sont électrices et éligibles dans les mêmes conditions que les hommes ».

Aux premiers temps de la démocratie française, le droit de vote était naturellement réservé aux propriétaires de sexe masculin (suffrage censitaire masculin). On considérait que les femmes, les domestiques et les pauvres, du fait de leur dépendance économique, n’étaient pas en situation d’exercer un choix libre.

Il a fallu attendre la loi du 5 mars 1848, au début de la IIe République, pour que s’impose le suffrage universel masculin. Mais nul ne songeait encore à accorder aux femmes ce droit de vote, malgré les revendications féministes portées par des personnalités comme Olympe de Gouges ou George Sand.

Les militaires étaient aussi exclus du droit de vote mais pour d’autres raisons (on ne souhaitait pas qu’ils prennent parti dans les luttes politiques) et l’armée avait gagné le surnom de « Grande Muette ». C’est seulement le 17 août 1945 – soit quelques mois après les femmes – qu’ils ont obtenu le droit de vote…

Lente émancipation des Françaises

Entre les deux guerres mondiales, sous la pression des mouvements suffragistes et d’intellectuelles comme Louise Weiss, la Chambre des députés vote à plusieurs reprises en faveur du vote féminin. Mais ses propositions sont six fois repoussées par le Sénat.

Les motifs des opposants tiennent à des préjugés personnels et à la crainte paradoxale que les femmes ne renforcent le camp conservateur. La gauche radicale et socialiste craint en particulier que les femmes ne rallient le camp clérical et ne se soumettent aux injonctions de leur curé !

Cependant, les Françaises n’attendent pas le droit de vote pour accéder à des fonctions gouvernementales. Trois d’entre elles obtiennent un sous-secrétariat d’État dans le gouvernement constitué par Léon Blum, en 1936, après la victoire du Front Populaire : Cécile Brunschvicg, Suzanne Lacore, Irène Joliot-Curie.

Il faut attendre les soubresauts de la Libération de 1945 pour qu’enfin les Françaises obtiennent le droit de vote. L’égalité des droits est aussi inscrite dans le préambule de la Constitution de la IVe République (27 octobre 1946) : « la loi garantit à la femme, dans tous les domaines, des droits égaux à ceux de l’homme ».

Des femmes sont dès lors régulièrement présentes dans les gouvernements. Mais la féminisation de la représentation parlementaire se fait attendre et le nombre d’élues à l’Assemblée nationale stagne aux environs de 30 (5% des députés) jusqu’en 1997, date à laquelle il passe à 59 grâce à un effort particulier du Parti socialiste.

La France se distingue ainsi de la plupart des grandes démocraties européennes par la très faible représentation des femmes dans la vie politique mais aussi l’âge moyen des parlementaires, de plus en plus élevé (en 2007, une douzaine de députés seulement sur 577 ont moins de 40 ans). Ces records peu enviables tiennent à un même défaut : le cumul des mandats politiques.

COMPLEMENT:

International Woman Suffrage Timeline

Winning the Vote for Women Around the World

When did various nations give all women the right to vote? Many granted suffrage in steps — some locales gave the vote for local elections first, or some racial or ethnic groups were excluded until later. Often, the right to stand for election and the right to vote were given at separate times. « Full suffrage » means that all groups of women were included, and could both vote and run for any office.

Also see the state-by-state timeline and the women’s suffrage events timeline.

1850-1879

1851: Prussian law forbids women from joining political parties or attending meetings where politics is discussed. (This was a reaction to the European revolutions of 1848.)

1869: Britain grants unmarried women who are householders the right to vote in local elections

1862/3: Some Swedish women gain voting rights in local elections.

1880-1899

1881: Some Scottish women get the right to vote in local elections.

1893: New Zealand grants equal voting rights to women.

1894: The United Kingdom expands women’s voting rights to married women in local but not national elections.

1895: South Australian women gain voting rights.

1899: Western Australian women were granted voting rights.

1900-1909

1901: Women in Australia get the vote, with some restrictions.

1902: Women in New South Wales get the vote.

1902: Australia grants more voting rights to women.

1906: Finland adopts woman suffrage.

1907: Women in Norway are permitted to stand for election.

1908: Women in Denmark some women granted local voting rights.

1908: Victoria, Australia, grants women voting rights.

1909: Sweden grants vote in municipal elections to all women.

1910-1919

1913: Norway adopts full woman suffrage.

1915: Women get the vote in Denmark and Iceland.

1916: Canadian women in Alberta, Manitoba and Saskatchewan get the vote.

1917: When the Russian Czar is toppled, the Provisional Government grants universal suffrage with equality for women; later the new Soviet Russian constitution includes full suffrage to women.

1917: Women in the Netherlands are granted the right to stand for election.

1918: The United Kingdom gives a full vote to some women — over 30, with property qualifications or a UK university degree — and to all men age 21 and older.

1918: Canada gives women the vote in most provinces by federal law. Quebec is not included. Native women were not included.

1918: Germany grants women the vote.

1918: Austria adopts woman suffrage.

1918: Women given full suffrage in Latvia, Poland, Estonia, and Latvia.

1918: Russian Federation gives women the right to vote.

1921: Azerbaijan grants woman suffrage. (Sometimes given as 1921 or 1917.)

1918: Women granted limited voting rights in Ireland.

1919: Netherlands gives women the vote.

1919: Woman suffrage is granted in Belarus, Luxembourg and Ukraine.

1919: Women in Belgium granted right to vote.

1919: New Zealand allows women to stand for election.

1919: Sweden grants suffrage with some restrictions.

1920-1929

1920: On August 26, a constitutional amendment is adopted when the state of Tennessee ratifies it, granting full woman suffrage in all states of the United States. (For more on woman suffrage state-by-state, see the American Woman Suffrage Timeline.)

1920: Woman suffrage is granted in Albania, the Czech Republic and Slovakia.

1920: Canadian women get the right to stand for election (but not for all offices – see 1929 below).

1921: Sweden gives women voting rights with some restrictions.

1921: Armenia grants woman suffrage.

1921: Lithuania grants woman suffrage.

1921: Belgium grants women the right to stand for election.

1922: Irish Free State, separating from the UK, gives equal voting rights to women.

1922: Burma grants women voting rights.

1924: Mongolia, Saint Lucia and Tajikistan give suffrage to women.

1924: Kazakstan gives limited voting rights to women.

1925: Italy grants limited voting rights to women.

1927: Turkmenistan grants woman suffrage.

1928: The United Kingdom grants full equal voting rights to women.

1928: Guyana grants woman suffrage.

1928: Ireland (as part of the UK) expands women’s suffrage rights.

1929: Ecuador grants suffrage, Romania grants limited suffrage.

1929: Women found to be « persons » in Canada and therefore able to become members of the Senate.

1930-1939

1930: White women granted suffrage in South Africa.

1930: Turkey grants women the vote.

1931: Women get full suffrage in Spain and Sri Lanka.

1931: Chile and Portugal grant suffrage with some restrictions.

1932: Uruguay, Thailand and Maldives jump on the woman suffrage bandwagon.

1934: Cuba and Brazil adopt woman suffrage.

1934: Turkish women are able to stand for election.

1934: Portugal grants woman suffrage, with some restrictions.

1935: Women gain right to vote in Myanmar.

1937: The Philippines grants women full suffrage.

1938: Women get the vote in Bolivia.

1938: Uzbekistan grants full suffrage to women.

1939: El Salvador grants voting rights to women.

1940-1949

1940: Women of Quebec are granted voting rights.

1941: Panama grants limited voting rights to women.

1942: Women gain full suffrage in the Dominican Republic.

1944: Bulgaria, France and Jamaica grant suffrage to women.

1945: Croatia, Indonesia, Italy, Hungary, Japan (with restrictions), Yugoslavia, Senegal and Ireland enact woman suffrage.

1945: Guyana allows women to stand for election.

1946: Woman suffrage adopted in Palestine, Kenya, Liberia, Cameroon, Korea, Guatemala, Panama (with restrictions), Romania (with restrictions), Venezuela, Yugoslavia and Vietnam.

1946: Women allowed to stand for election in Myanmar.

1947: Bulgaria, Malta, Nepal, Pakistan, Singapore and Argentina extend suffrage to women.

1947: Japan extends suffrage, but still retains some restrictions.

1947: Mexico grants the vote to women at the municipal level.

1948: Israel, Iraq, Korea, Niger and Surinam adopt woman suffrage.

1948: Belgium, which previously granted the vote to women, establishes suffrage with a few restrictions for women.

1949: Bosnia and Herzegovina grant woman suffrage.

1949: China and Costa Rica give women the vote.

1949: Women gain full suffrage in Chile but most vote separately from men.

1949: Syrian Arab Republic gives the vote to women.

1949/1950: India grants woman suffrage.

1950-1959

1950: Haiti and Barbados adopt woman suffrage.

1950: Canada grants full suffrage, extending the vote to some women (and men) previously not included, still excluding Native women.

1951: Antigua, Nepal and Grenada give women the vote.

1952: Covenant on Political Rights of Women enacted by the United Nations, calling for women’s right to vote and right to stand for elections.

1952: Greece, Lebanon and Bolivia (with restrictions) extend suffrage to women.

1953: Mexico grants women the right to stand for election. and to vote in national elections.

1953: Hungary and Guyana give voting rights to women.

1953: Bhutan and the Syrian Arab Republic establish full woman suffrage.

1954: Ghana, Colombia and Belize grant woman suffrage.

1955: Cambodia, Ethiopia, Peru, Honduras and Nicaragua adopt woman suffrage.

1956: Women given suffrage in Egypt, Somalia, Comoros, Mauritius, Mali and Benin.

1956: Pakistani women gain right to vote in national elections.

1957: Malaysia extends suffrage to women.

1957: Zimbabwe grants women the vote.

1959: Madagascar and Tanzania give suffrage to women.

1959: San Marino permits women to vote.

1960-1969

1960: Women of Cyprus, Gambia and Tonga get suffrage.

1960: Canadian women win full rights to stand for election, as Native women are also included.

1961: Burundi, Malawy, Paraguay, Rwanda and Sierra Leone adopt woman suffrage.

1961: Women in the Bahamas gain suffrage, with limits.

1961: Women in El Salvador are permitted to stand for election.

1962: Algeria, Monaco, Uganda and Zambia adopts woman suffrage.

1962: Australia adopts full woman suffrage (a few restrictions remain).

1963: Women in Morocco, Congo, the Islamic Republic of Iran and Kenya gain suffrage.

1964: Sudan adopts woman suffrage.

1964: The Bahamas adopts full suffrage with restrictions.

1965: Women gain full suffrage in Afghanistan, Botswana and Lesotho.

1967: Ecuador adopts full suffrage with a few restrictions.

1968: Full woman suffrage adopted in Swaziland.

1970-1979

1970: Yemen adopts full suffrage.

1970: Andorra permits women to vote.

1971: Switzerland adopts woman suffrage, and the United States lowers the voting age for both men and women to eighteen by a Constitutional amendment.

1972: Bangladesh grants woman suffrage.

1973: Full suffrage granted to women in Bahrain.

1973: Women permitted to stand for election in Andover and San Marino.

1974: Jordan and the Solomon Islands extend suffrage to women.

1975: Angola, Cape Verde and Mozambique give suffrage to women.

1976: Portugal adopts full woman suffrage with a few restrictions.

1978: The Republic of Moldova adopts full suffrage with a few restrictions.

1978: Women in Zimbabwe are able to stand for election.

1979: Women in the Marshall Islands and Micronesia gain full suffrage rights.

1980-1989

1980: Iran gives women the vote.

1984: Full suffrage granted to women of Liechtenstein.

1984: In South Africa, voting rights are extended to Coloureds and Indians.

1986: Central African Republic adopts woman suffrage.

1990-1999

1990: Samoan women gain full suffrage.

1994: Kazakhstan grants women full suffrage.

1994: Black women gain full suffrage in South Africa.

2000-

2005: Kuwaiti Parliament grants women of Kuwait full suffrage.

3 Responses to Vote des femmes/70e: Pourquoi la France a été l’un des derniers pays européens (Blame it on the Protestant Catholic differential)

  1. planetevegas dit :

    Très intéressant merci

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  2. jcdurbant dit :

    Protestantisme français: entre luthéro-calvinisme des élites intello-libérales en voie de dissolution et évangélisme du pauvre et des caves en plein essor:

    « Pendant trois siècles, les protestants ont représenté 2 % de la population, alors qu’aujourd’hui, ils forment au minimum 3 %. Ce dynamisme est dû pour l’essentiel aux évangéliques, mais pas exclusivement. Certes, les protestants luthéro-réformés peuvent redouter un risque de dissolution en raison des nombreux mariages mixtes ; toutefois on trouve aussi un nombre non négligeable de convertis dans leurs Églises qui manifestent un regain de dynamisme évangélisateur. (…) Le protestantisme réformé classique, très intellectuel, libéral, continue à séduire des Français diplômés qui cherchent un christianisme d’ouverture, en dialogue avec la modernité. Le protestantisme évangélique, lui, attire souvent des personnes de milieu plus modeste, en quête d’un christianisme englobant, festif, attestataire, avec des valeurs fortes. Comme l’islam, il est capable également de conquérir et de fidéliser des milieux très désocialisés dans les banlieues dures. On peut dire qu’il y a aujourd’hui un protestantisme « du hangar » ou « des barres HLM », comme il y a un islam des mêmes lieux. (…) A la différence des autres États d’Europe, au XVIIe siècle, qui sont ou catholiques ou protestants, avec alliance étroite entre une Église et le pouvoir politique, la France a ceci de spécifique que le protestantisme n’y a jamais été éliminé, tout comme il n’a jamais réussi à remplacer le catholicisme. Aussi, pour le meilleur et pour le pire, la France a-t-elle dû apprendre à vivre avec la division religieuse. Elle a été obligée d’inventer des processus de coexistence pour ces deux communautés, ce qui n’avait rien de banal à l’époque. Cette nécessité, qui n’a pas été sans violences ni échecs, a donné à la France une forme de savoir-faire en termes de neutralité, de pluralisme, de vivre-ensemble dont la laïcité que nous connaissons est sans doute l’héritière. (…) Bien que représentant une infime minorité, les protestants ont effectivement été surreprésentés dans les élites – ce qui est toujours vrai économiquement aujourd’hui, lorsqu’on voit Peugeot, Schlumberger, Gaumont-Pathé, Hermès… Politiquement, ils avaient tout à craindre d’un État catholique et tout à espérer d’un État plus neutre, aussi ont-ils pesé à chaque fois qu’il y a eu dans l’histoire française un effort marqué de réforme et de laïcisation des institutions : durant la Révolution, la monarchie de Juillet, la IIIe République et les deux septennats de François Mitterrand. Il suffit de rappeler le rôle des protestants sous la IIIe République pour mettre en place l’école laïque, ou plus récemment le nombre étonnant de ministres et dirigeants socialistes issus du protestantisme, qui ont œuvré à la modernisation du pays, de ses institutions : Gaston Defferre, Michel Rocard, Pierre Joxe, Lionel Jospin… Aujourd’hui, ce n’est plus vrai. Ce qui témoigne d’une forme de normalisation et d’une pleine intégration des protestants dans le paysage français. Il y a désormais autant de députés ou sénateurs protestants à droite qu’à gauche. En atteste l’ancien président du Sénat, Gérard Larcher, de droite, ce qui aurait été encore impensable quelques années plus tôt (à l’exception d’un Maurice Couve de Murville sous De Gaulle). Les évangéliques, eux, qui sont sur une ligne plus conservatrice, ont maintenu jusqu’à présent une vraie distance et n’ont pas encore de figure politique engagée. Mais il n’est pas dit qu’un jour des évangéliques ne pèseront pas sur la scène politique nationale.

    Patrick Cabanel

    http://www.la-croix.com/Religion/Actualite/Patrick-Cabanel-Le-protestantisme-francais-se-porte-bien-_EP_-2012-08-29-847467

    Après la mort de deux personnes à la suite de l’effondrement d’un plancher dans un lieu de culte évangélique de la communauté haïtienne à Stains (Seine-Saint-Denis), dimanche 8 avril, le pasteur et le gérant du local ont été mis en examen pour homicide involontaire, mardi 10 avril. Sébastien Fath, historien, spécialiste du protestantisme évangélique, pointe les conditions précaires dans lesquelles ces Eglises issues de l’immigration et en forte croissance, s’implantent en région parisienne. Il a codirigé l’ouvrage La Nouvelle France protestante avec Jean-Paul Willaime, (Labor et Fides, 2011).

    « Il est presque étonnant qu’un tel drame ne se soit pas produit plus tôt. En une vingtaine d’années, des assemblées évangéliques issues de l’immigration (notamment d’Afrique et des Caraïbes), comme celle de Stains, se sont fortement développées en région parisienne. On en compte aujourd’hui 400 sur les 600 communautés protestantes d’Ile-de-France. Or ces Eglises n’ont pas de capital financier, pas de réseau, ne comprennent pas toujours la laïcité à la française. En Ile-de-France, où l’acquisition d’un local est difficile pour des raisons de coût, la situation est dramatique. On peut parler d’un évangélisme des caves. Les lieux de culte sont insalubres, non conformes aux normes de sécurité, le ratio mètre carré/nombre de fidèles n’est pas respecté. Ils se réunissent dans des appartements, des squats, des entrepôts, des garages… Et comme les évangéliques ne prient pas dans la rue, ce problème n’est pas spontanément visible. (…) Il y a eu une sous-médiatisation de ces Eglises de migrants. Longtemps, on a fait une équivalence entre immigration et islam, ce qui correspondait à une réalité démographique des années 1970 et 1980. Les efforts des municipalités se sont donc tournés vers l’islam des caves, ce qui était une nécessité. Mais, pendant ce temps, l’immigration d’Afrique subsaharienne, composée de nombreux chrétiens – protestants ou catholiques – augmentait. Aujourd’hui, en Ile-de-France, il y a autant de lieux de culte protestants que musulmans, et, en Seine-Saint-Denis, il y a plus d’évangéliques que de catholiques ! Le drame de Stains met en lumière les recompositions du protestantisme et même du catholicisme, avec le poids des populations venues du Sud. Dans ce contexte, il faut élargir au christianisme les problématiques longtemps réservées à l’islam et ne plus isoler l’islam quand on lie immigration et religion. Ainsi, les formations (au droit français ou à la laïcité) qui existent pour les imams seraient utiles aux pasteurs évangéliques. Des pasteurs pas formés, ignorant les lois françaises, cela existe aussi ! (…) Alors que la sensibilité par rapport à l’islam a favorisé la création de mètres carrés cultuels, les collectivités locales considèrent que, pour les évangéliques, le problème est marginal. En outre, l’image sociale des évangéliques n’est pas très bonne, notamment à cause de leurs pratiques prosélytes. Or, si certaines fonctionnent de manière autarcique et communautariste, la plupart sont dans une logique d’intégration, proposant cours de français, conseils aux sans-papiers, aides au logement, bourses aux vêtements. Les migrants trouvent dans ces lieux de culte une sorte d’Eglise-providence, face à un l’Etat-providence qui ne tient pas toujours ses promesses. Quant au rôle des institutions religieuses, il est limité. Les questions sociales liées à ces populations, les conditions d’implantation des lieux de culte, les dépassent, car les problématiques sont avant tout financières. Elles ne peuvent les aider qu’à la marge, en termes de conseil ou de caution auprès des municipalités. Dans ce contexte, que fait-on ? On demande aux fidèles de rester chez eux ou l’on ferme les yeux sur des lieux de culte inappropriés ? Aujourd’hui, la dernière option l’emporte. »

    Sébastien Fath

    http://www.lemonde.fr/societe/article/2012/04/11/le-drame-de-stains-met-en-lumiere-l-existence-d-un-evangelisme-des-caves_1683690_3224.html#4XXpm60AZXxey2Lz.99

    http://www.france5.fr/emission/protestants-de-france/diffusion-du-24-04-2016-22h25-0

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