Théorie du genre: Cherchez l’homme (Back when little boys wore dresses – one is not born, but rather becomes, a man)

https://i0.wp.com/images.metmuseum.org/CRDImages/ep/original/DT49.jpghttps://i0.wp.com/histclo.com/imagef/date/2009/03/1boylot1a.JPGhttps://i0.wp.com/histclo.com/imagef/style/skirted/dress/ds04sh.jpghttps://i0.wp.com/histclo.com/imagef/fc/imageda/ido-02s.jpghttps://i0.wp.com/histclo.com/imagef/style/9s.jpghttps://i0.wp.com/i.dailymail.co.uk/i/pix/2013/06/08/article-2337814-1A353811000005DC-112_634x918.jpghttps://i0.wp.com/fr.web.img3.acsta.net/medias/nmedia/18/69/05/89/19055076.jpgInévitablement, nous considérons la société comme un lieu de conspiration qui engloutit le frère que beaucoup d’entre nous ont des raisons de respecter dans la vie privée, et qui impose à sa place un mâle monstrueux, à la voix tonitruante, au poing dur, qui, d’une façon puérile, inscrit dans le sol des signes à la craie, ces lignes de démarcation mystiques entre lesquelles sont fixés, rigides, séparés, artificiels, les êtres humains. Ces lieux où, paré d’or et de pourpre, décoré de plumes comme un sauvage, il poursuit ses rites mystiques et jouit des plaisirs suspects du pouvoir et de la domination, tandis que nous, »ses« femmes, nous sommes enfermées dans la maison de famille sans qu’il nous soit permis de participer à aucune des nombreuses sociétés dont est composée sa société. Virginia Woolf (1938)
Plus les femmes deviennent fortes, plus les hommes aiment le football. Mariah Burton Nelson (1994)
Le privilège masculin est aussi un piège et il trouve sa contrepartie  dans la tension et la contention permanentes, parfois poussées jusqu’à l’absurde, qu’impose à chaque homme le devoir d’affirmer en toute circonstance sa virilité. (…) Tout concourt ainsi à faire de l’idéal impossible de virilité le principe d’une immense vulnérabilité. C’est elle qui conduit, paradoxalement, à l’investissement, parfois forcené, dans tous les jeux de violence masculins, tels dans nos sociétés les sports, et tout spécialement ceux qui sont les mieux faits pour produire les signes visibles de la masculinité, et pour manifester et aussi éprouver les qualités dites viriles, comme les sports de combat. Pierre Bourdieu (1998)
La jupe a existé bien avant l’invention, au XIe siècle, du mot arabe «djoubba» qui désigne une sorte de robe que le prophète a portée. Selon les régions, elle était revêtue par les hommes ou par les femmes. Mais cela fait maintenant des siècles qu’en France, elle symbolise le genre féminin. (…) La Bible interdit (Deuteronome) aux femmes de s’habiller en homme et aux hommes de s’habiller en femme. En France, l’Eglise catholique s’est chargée de faire respecter cette loi morale. Jusque dans les années 60, un prêtre pouvait refuser la communion à une femme en pantalon. Les pouvoirs publics aussi, ont repris cette interdiction. Ainsi, en 1800, une ordonnance de la préfecture de police de Paris interdit aux femmes de s’habiller en homme (elle n’est d’ailleurs toujours pas abrogée). Dans la volonté de différencier les sexes par le vêtement, il y a aussi une volonté d’introduire une hiérarchie. La mode féminine a longtemps créé à l’évidence des entraves au mouvement. Et si les cols durs n’étaient sans doute pas très agréables à porter, les hommes ont toujours porté des vêtements plus pratiques. Bref, le sexe dominant s’est octroyé des vêtements plus faciles à porter. Comme le pantalon qui symbolise le pouvoir. Ce n’est pas un hasard, si on dit porter la culotte… La jupe, elle, a été valorisée sur le plan esthétique, érotique. La jupe masque, elle cache le sexe des femmes, a-t-on dit. Mais contrairement au pantalon, fermé et protecteur, c’est un vêtement ouvert, très ouvert, d’autant que pendant longtemps, les femmes n’ont pas porté de sous-vêtements fermés dessous, mais des jupons superposés. Les culottes étaient soit inexistantes soit largement fendues. La norme était l’ouverture totale. Symboliquement, on peut y voir l’accessibilité au sexe féminin. C’est seulement au début du XXe siècle que le sous-vêtement fermé se répand… (…) il faut attendre la Belle Epoque pour qu’il soit vraiment question de réformer le costume féminin. Jupe ou pantalon, c’est grâce à des féministes comme Madeleine Pelletier (1874-1939) qu’on peut se poser cette question futile le matin. On peut également citer Hubertine Auclert (1848-1914), la première suffragette française, qui défend la Ligue des robes courtes (en fait des robes qui ne traînent pas sur le sol). L’incendie du Bazar de la Charité en 1897 a marqué les esprits. Sur les 116 victimes identifiées, 110 étaient de sexe féminin. Cet événement a lancé des réflexions sur la nature contraignante du vêtement féminin. Pour les féministes les plus radicales, c’est même devenu un argument en faveur du port du pantalon, qui a aidé les hommes à fuir plus rapidement. Enfin, un mouvement hygiéniste a également poussé, dès la fin du XIXe siècle, à réformer la garde-robe des femmes, en s’élevant contre la jupe, le corset, les talons hauts… (…) La peur de l’indifférenciation des sexes freine les progrès. Il n’y a guère eu que la percée de la culotte de zouave pour monter à bicyclette et l’invention de la jupe-culotte également réservée aux activités sportives. (…)  Tout ce qui fait reculer la pudeur, qui a servi au contrôle des femmes, est un signe d’émancipation. L’ourlet est vraiment raccourci pendant les Années folles (au genou en 1925). Plus tard, sous Vichy, on se souviendra de cette garçonne, personnification de la «décadence» qui a conduit à la défaite. Les années 50 continuent d’ailleurs de régler son compte à ce modèle de femme masculinisée. Dior parlera d’ailleurs de «reféminiser» la femme… (…) Il a toujours été plus facile de montrer sa poitrine que ses jambes et ce, dès le Moyen Age et ses nudités de gorge… Mais les jeunes femmes se libèrent aussi en portant des pantalons dont le triomphe coïncide avec celui de la minijupe. On en a déjà vu à la plage dans les années 20, mais il a vraiment cessé d’être un symbole de masculinité dans les années 60. Au fond, ce que souhaitent les femmes c’est s’habiller comme elles veulent. En jupe ou en pantalon. Ce n’est pas toujours possible aujourd’hui encore dans certaines professions. Les hôtesses de l’air d’Air France, qui réclamaient le droit au pantalon depuis 1968, ont dû attendre 2005, au motif qu’elles portaient l’image de la France. Comme si la jupe était une part de la francité… (…) le droit du travail (article L.120-2) permet [d’imposer la jupe] à condition que l’employeur en justifie clairement les raisons. Typiquement, sont concernés les métiers où les femmes sont en contact avec le public, comme les vendeuses. Et de façon plus générale, toutes ces entreprises qui, à la manière américaine, donnent à leurs salariées une tenue modèle, pour créer une certaine image de leur boîte. C’est la tendance actuelle. Et l’on peut s’attendre à un regain de pression sociale pour imposer la jupe.(…) Jusqu’en 1980, les députées n’étaient pas admises en pantalon à l’Assemblée nationale. C’était du moins l’usage que faisaient scrupuleusement respecter les huissiers. Cette année-là, la députée communiste Chantal Leblanc, refoulée à cause de son pantalon, proteste et obtient gain de cause. Des années plus tard, si l’on regarde la photo du gouvernement en 2007, les ministres sont presque toutes en pantalon. Cela contraste avec l’ultraféminité de Ségolène Royal, qui joue la différence. En gros, alors que les autres cherchent à neutraliser leur genre, et à déjouer la sexualisation, elle joue la carte de la féminité, et c’est risqué… (…) c’est parfois un acte militant, une manière de défendre un «droit à la féminité» alors que dans le même temps l’association s’est prononcée contre le port du voile. Une position qui a d’ailleurs été mal comprise par les jeunes, qui sont plutôt en faveur de l’absence d’interdits vestimentaires. En tout cas, il faut bien reconnaître qu’à partir des années 2000, les jeunes filles ont renoncé à la jupe dans les collèges. Et pas seulement dans les cités. En gros, la jupe est devenue un danger, un signe de disponibilité sexuelle, avec une équation jupe = pute. Comme si la féminité était une provocation sexuelle permanente. Au fond, comme si les filles devaient faire oublier qu’elles sont des filles. Ainsi s’est créée «la journée de la jupe et du respect» à l’initiative d’une association rennaise en 2006 qui, au lycée d’Etrelles, ne fait pas l’éloge de la jupe, mais en profite pour parler de sexualité, de violence entre filles et garçons… Christine Bard
Breeching was the occasion when a small boy was first dressed in breeches or trousers. From the mid-16th century until the late 19th or early 20th century, young boys in the Western world were unbreeched and wore gowns or dresses until an age that varied between two and eight. Breeching was an important rite of passage in the life of a boy, looked forward to with much excitement. It often marked the point at which the father became more involved with the raising of a boy. Wikipedia

On ne nait pas homme, on le devient.

A l’heure où après nous avoir imposés le mensonge du mariage pour tous…

Nos croisés du genre tentent de déboussoler nos enfants …

Rappel avec ce tableau de Renoir …

Où conformément à la coutume de l’époque …

Avant le véritable rite de passage de l’accès à la culotte (courte) …

Le fils de trois ans de la femme de l’éditeur Charpentier…

Pose, habillée à l’identique de sa petite soeur, aux côtés de leur mère …

Why Did Mothers Outfit Boys in Dresses?

Thousands of photographs from the mid- and late-19th century show boys wearing dresses and this does not even count the images of boys with long hair who are commonly seen as girls in these old images. This of course was done by doting mothers as they were the ones caring for small children. It was done across class barriers for centuries. This was not an exclusively Victorian custom, rather, it was the norm in European cultures for centuries and it continued to the turn-of-the 20th century.

We think that the development is associated with the development of pants/trousers. Throughout the medieval period men and women dressed similarly in long skirted garments, often referred to as gowns. This can be seen clearly in period paintings. Women’s dresses were somewhat different, but the basic garments were quite similar. Younger boys simply continued the long established practice of wearing skirted garments. So actually the question should be, why did men stop wearing skirted garments or gowns. Male fashion began to change in the Renaissance when younger men began wearing tunics with long hose rather like tights. These long hose gradually evolved into pantaloons or modern trousers. It is at this point that boys and men’s clothing diverged. Young children in the care of women continued to be dressed alike. It is not clear why young boys continued to be dressed like girls. It may be that mothers who were the parent caring for younger children saw no need to make this change. Here they may have been sociological factors. Women may not have seen the need for dressing boys as men or thought it very important. There may have been practical reasons such as toilet training which would have been more difficult for little boys wearing hose/tights and pantaloons/trousers. We have not yet found any written work addressing this question.

Boys continued to wear dresses through most of the 19th century. We only see the popularity of this fashion waning after about 1895 and by about 1905 it was no longer a major fashion convention. It did not entirely disappear and we continue to see a few boys in dresses until after World War I. After the War, however, it became the exception rather than the rule. Only infants wore dresses. The Sears Catalog used to sell complete baby layettes suitable for either sex, complete with frilly dresses, into the 1940s.

Why did the centuries-long convention largely disappear within the space of only about a decade? This is another issue that we have not see addressed in other sources. Here we can only speculate at this time. It may relate to changing attitudes toward childhood. Children were regarded as asexual beings until Freud’s work in the late-19th century. We are not sure, however, to what degree this had penetrated the popular mind. Freud’s work, however, was affecting professional thought. Another factor is public education. Younger children were no longer closeted within the family, most boys began school at age 6 years. They could not wear dresses to school. And their little brothers would not be happy wearing dresses. Modern media exploded at the turn-of-the century. Newspapers and magazines could print photographs for the first time. Movies began to become popular. This meant that popular fashion became increasingly pronounced, leaving less latitude to the doting mother. The development of rubber training pants may have been an important factor. One researcher suggests that the earlier Little Lord Fauntleroy craze was a factor. Mothers rushed to breech their boys so they could wear Fauntleroy suits. And perhaps those grown up boys remembering the indignities of the Fauntleroy suit, involved themselves in how their younger sons were dressed to a greater degree than their fathers. A reader writes, « Some people at the time, most prominently President Teddy Roosevelt, were stressing that boys had to be « real boys ». The word « sissy » then began to be used more frequently. People become more gender conscious, promoted by advertising companies. As I said in an earlier e-mail, did the people want gender differentiated garments/shoes, or was it the companies’ profit motives? »

Voir aussi:

L’Ecole, les filles, les garçons et la construction des stéréotypes

France Culture

17.11.2012

Père : « le mari de la maman, sans lui la maman ne pourrait pas avoir d’enfants. C’est le chef de famille parce qu’il protège ses enfants et sa femme. »

Le dictionnaire des écoliers regroupe des définitions rédigées par des élèves de la maternelle au CM2 avec leur professeur. L’ensemble est regroupé, publié sous l’égide du Ministère de l’Education Nationale et était disponible, jusqu’à la semaine dernière sur le site du Centre national de la pédagogie, le CNDP.

Sans doute cette définition n’avait-elle pas été suffisamment travaillée. Restée deux ans sur le site, elle n’aura pas résistée à la vindicte des féministes sur les réseaux sociaux. Elle révèle surtout un sexisme naïf et sans fard, en l’occurrence celui de bien des enfants.

Nous allons voir aujourd’hui quels sont les stéréotypes sexués propres à l’école, comment ils persistent, comment ils jouent sur le climat scolaire et les parcours des élèves et, puisque Vincent Peillon vient de lancer un groupe de travail pour « éduquer à la sexualité et lutter contre les préjugés sexistes », nous allons examiner quelques pistes de réflexions sur le sujet avec nos invités qui ont chacun travaillé sur ces questions.

Trois invités aujourd’hui dans « Rue des Ecoles » pour nous éclairer sur la Construction des stéréotypes et les problèmes de « genre » à l’ecole :

– Françoise Vouillot, Maître de Conférences en Psychologie et Directrice adjointe de l’INETOP-CNAM. Elle a co- dirigé une étude intitulée Orientation scolaire et discrimination – Quand les différences de sexe masquent les inégalités (Documentation Française, Mai 2011). Elle participe d’autre part à l’Atelier de réflexion lancé le 12 novembre 2012 par le Laboratoire de l’Egalité sur l’education.

– Sylvie Ayral, Docteur en Sciences Sociales à l’Université de Bordeaux, membre de l’observatoire international de la Violence à l’Ecole, ancienne institutrice en milieu rural, elle est l’auteur d’un essai : La fabrique des garçons, sanctions et genre au collège – préface de jack Lang – Post-face de Daniel Welzer-Lang (editions Puf / le Monde Editions, mars 2011).

Elle est en duplex depuis Bordeaux où elle enseigne.

– Georges Sideris, Historien, Maître de conférences en Histoire ancienne et médiévale, il enseigne à l’IUFM de la Sorbonne Paris IV pour la formation des enseignants sur les stéréotypes et le genre à l’école. Il anime ce séminaire sur le questionnement des stéréotypes de genre Filles / Garçons à l’Ecole.

Madame Georges Charpentier (née Marguerite–Louise Lemonnier, 1848–1904) and Her Children, Georgette–Berthe (1872–1945) and Paul–Émile–Charles (1875–1895), 1878

Auguste Renoir (French, 1841–1919)

Voir également:

Histoire de couleurs
Quand les garçons portaient du rose et les filles du bleu…
L’historienne américaine Jo B. Paoletti rappelle dans un livre à paraître que petites filles et petits garçons portaient les mêmes vêtements il y a quelques dizaines d’années.
Atlantico
8 Juin 2013

Bleu pour les garçons, rose pour les filles. Si les féministes dénoncent régulièrement ce code de couleurs, il est pourtant généralement appliqué par les parents. Mais cela n’a pas toujours été le cas. C’est en tout cas ce que compte montrer Jo B. Paoletti, une historienne de l’Université du Maryland aux Etats-Unis, dans son livre à paraître cette année sur les vêtements des enfants « Pink and Blue : Telling the Girls from the Boys in America » (« Rose et Bleu : Différencier les filles des garçons aux Etats-Unis »).

Dans un entretien donné au Smithsonian Magazine, la chercheuse explique que les vêtements des enfants n’ont commencé à changer et devenir spécifique à un sexe qu’à partir des années 1940. Les vêtements unisexes étaient autrefois la norme : les garçons portaient en effet les mêmes robes blanches que les petites filles jusqu’à l’âge de 6 ans.

Paoletti explique ainsi que « ce qui était autrefois une question pratique – habiller son bébé d’une robe blanche et de couches ; le coton blanc peut être blanchi – est devenu un problème de ‘Oh mon dieu, si mon bébé porte la mauvaise couleur, il grandira perverti ».

Alors que les couleurs comme le rose et le bleu ont été introduites dans la garde-robe des bébés au milieu du 19è siècle, il a fallu attendre la Première Guerre mondiale pour qu’elles acquièrent une spécificité à un sexe.

Des changements qui auraient très bien pu arriver de façon complètement différente selon la chercheuse qui assure que le bleu aurait très bien pu être identifié aux filles et le rose aux garçons. Un article publié en 1918 dans Eamshaw’s Infants’ Department assure d’ailleurs que le rose est plus une couleur de garçon puisqu’elle est plus ‘forte’ que le bleu, bien plus délicat.

Le bleu et le rose sont donc respectivement devenus la norme pour les garçons et les filles en 1940 avec l’explosion des détaillants et fabricants.

Certaines générations se sont toutefois rebellées contre ces normes. C’est notamment le cas lors du mouvement de libération des femmes dans les années 1960. Les vêtements unisexes refont en effet surface. La raison : « Les féministes pensaient que l’un des moyens de plonger les femmes dans leurs rôles de femmes au foyer passait par les vêtements. En habillant les filles comme des garçons et non plus comme de fragiles petites choses, on leur donnait la chance de se sentir plus libres, d’être actives » explique Paoletti.

Mais tout cela change lors de l’apparition des échographies qui permettent de connaître le sexe du bébé… et le rose redevient la couleur des petites filles, et le bleu, celle des petits garçons. Le féminisme a par ailleurs évolué : désormais, la gent féminine estime que les femmes peuvent très bien devenir chirurgien, une profession souvent perçue comme très masculine, en restant justement très féminine.

Voir enfin:

La jupe, une histoire décousue
Catherine Mallaval
Libération
3 mars 2010

INTERVIEW. L’historienne Christine Bard fouille les dessous d’un vêtement symbole de la femme, entre soumission et émancipation.

Elle a longtemps balayé les trottoirs, cachant des jambes que la décence recommandait de soustraire aux regards avant de remonter dans un vent de liberté au ras des fesses. Elle a des lustres durant nourri les fantasmes d’hommes dont les pupilles se dilataient à l’idée de voir dessous, avant que quelques mâles ne se mettent à revendiquer de la porter aussi…

Droite, parapluie, plissée ou portefeuille, la jupe est bien plus qu’un petit bout de tissu frivole. C’est un symbole dans lequel défile l’histoire des femmes, de leur soumission à un ordre masculin, puis de leur libération avant un XXIe siècle chahuté par des débats sur les identités de genre et les interdits vestimentaires.

Ce que soulève la jupe (identités, transgressions, résistances) (1), c’est ce qu’explore l’historienne au regard féministe Christine Bard dans cet ouvrage paru ce matin. Exercice de détricotage avec ce professeur d’histoire contemporaine à l’université d’Angers, plus portée sur le confort d’un pantalon large que sur la minijupe…

La jupe a-t-elle toujours été un vêtement féminin ?
La jupe a existé bien avant l’invention, au XIe siècle, du mot arabe «djoubba» qui désigne une sorte de robe que le prophète a portée. Selon les régions, elle était revêtue par les hommes ou par les femmes. Mais cela fait maintenant des siècles qu’en France, elle symbolise le genre féminin.

Ne symbolise-t-elle pas surtout une forme de domination masculine ?
Oui, la religion en est un des vecteurs. La Bible interdit (Deuteronome) aux femmes de s’habiller en homme et aux hommes de s’habiller en femme. En France, l’Eglise catholique s’est chargée de faire respecter cette loi morale. Jusque dans les années 60, un prêtre pouvait refuser la communion à une femme en pantalon. Les pouvoirs publics aussi, ont repris cette interdiction. Ainsi, en 1800, une ordonnance de la préfecture de police de Paris interdit aux femmes de s’habiller en homme (elle n’est d’ailleurs toujours pas abrogée).

Dans la volonté de différencier les sexes par le vêtement, il y a aussi une volonté d’introduire une hiérarchie. La mode féminine a longtemps créé à l’évidence des entraves au mouvement. Et si les cols durs n’étaient sans doute pas très agréables à porter, les hommes ont toujours porté des vêtements plus pratiques. Bref, le sexe dominant s’est octroyé des vêtements plus faciles à porter. Comme le pantalon qui symbolise le pouvoir. Ce n’est pas un hasard, si on dit porter la culotte…

La jupe, elle, a été valorisée sur le plan esthétique, érotique. La jupe masque, elle cache le sexe des femmes, a-t-on dit. Mais contrairement au pantalon, fermé et protecteur, c’est un vêtement ouvert, très ouvert, d’autant que pendant longtemps, les femmes n’ont pas porté de sous-vêtements fermés dessous, mais des jupons superposés. Les culottes étaient soit inexistantes soit largement fendues. La norme était l’ouverture totale. Symboliquement, on peut y voir l’accessibilité au sexe féminin. C’est seulement au début du XXe siècle que le sous-vêtement fermé se répand…

Quand les femmes ont-elles commencé à sentir l’envie de brûler leurs jupes ?
Ce ne sont pas les femmes, mais certaines femmes. Et il faut attendre la Belle Epoque pour qu’il soit vraiment question de réformer le costume féminin. Jupe ou pantalon, c’est grâce à des féministes comme Madeleine Pelletier (1874-1939) qu’on peut se poser cette question futile le matin. On peut également citer Hubertine Auclert (1848-1914), la première suffragette française, qui défend la Ligue des robes courtes (en fait des robes qui ne traînent pas sur le sol). L’incendie du Bazar de la Charité en 1897 a marqué les esprits. Sur les 116 victimes identifiées, 110 étaient de sexe féminin. Cet événement a lancé des réflexions sur la nature contraignante du vêtement féminin. Pour les féministes les plus radicales, c’est même devenu un argument en faveur du port du pantalon, qui a aidé les hommes à fuir plus rapidement. Enfin, un mouvement hygiéniste a également poussé, dès la fin du XIXe siècle, à réformer la garde-robe des femmes, en s’élevant contre la jupe, le corset, les talons hauts…

Bilan de cette Belle Epoque ?
Il est mitigé. La peur de l’indifférenciation des sexes freine les progrès. Il n’y a guère eu que la percée de la culotte de zouave pour monter à bicyclette et l’invention de la jupe-culotte également réservée aux activités sportives. Et c’est aussi à la Belle Epoque, en 1910, que Paul Poiret crée un redoutable vêtement pour les femmes. Il s’agit d’une robe fuselée resserrée dans le bas et retenue par une martingale intérieure nommée entrave. Sous le jupon, un dispositif serre les mollets pour empêcher tout déchirement du vêtement. Inutile de dire que la marche devait être restreinte. En témoigne l’écrivain Maurice Sachs qui raconte avec un sadisme tranquille : «J’ai suivi ce matin, dans la rue, une jeune femme qui portait une robe entravée. Elle avait une peur terrible, voulait courir, ne le pouvait pas, ne savait comment faire. Je me suis bien amusé.»

L’ourlet commence à remonter avant 1914. Un ourlet qui remonte fleure-t-il toujours bon l’émancipation ?
Tout ce qui fait reculer la pudeur, qui a servi au contrôle des femmes, est un signe d’émancipation. L’ourlet est vraiment raccourci pendant les Années folles (au genou en 1925). Plus tard, sous Vichy, on se souviendra de cette garçonne, personnification de la «décadence» qui a conduit à la défaite. Les années 50 continuent d’ailleurs de régler son compte à ce modèle de femme masculinisée. Dior parlera d’ailleurs de «reféminiser» la femme…

Quand la minijupe débarque au milieu des années 60 est-ce l’aboutissement d’une libération ?
C’est très clairement ce que pensent celles qui la portent. Il a toujours été plus facile de montrer sa poitrine que ses jambes et ce, dès le Moyen Age et ses nudités de gorge… Mais les jeunes femmes se libèrent aussi en portant des pantalons dont le triomphe coïncide avec celui de la minijupe. On en a déjà vu à la plage dans les années 20, mais il a vraiment cessé d’être un symbole de masculinité dans les années 60. Au fond, ce que souhaitent les femmes c’est s’habiller comme elles veulent. En jupe ou en pantalon. Ce n’est pas toujours possible aujourd’hui encore dans certaines professions. Les hôtesses de l’air d’Air France, qui réclamaient le droit au pantalon depuis 1968, ont dû attendre 2005, au motif qu’elles portaient l’image de la France. Comme si la jupe était une part de la francité…

On peut encore imposer le port de la jupe ?
Oui, le droit du travail (article L.120-2) le permet à condition que l’employeur en justifie clairement les raisons. Typiquement, sont concernés les métiers où les femmes sont en contact avec le public, comme les vendeuses. Et de façon plus générale, toutes ces entreprises qui, à la manière américaine, donnent à leurs salariées une tenue modèle, pour créer une certaine image de leur boîte. C’est la tendance actuelle. Et l’on peut s’attendre à un regain de pression sociale pour imposer la jupe.

Et en politique ?
Jusqu’en 1980, les députées n’étaient pas admises en pantalon à l’Assemblée nationale. C’était du moins l’usage que faisaient scrupuleusement respecter les huissiers. Cette année-là, la députée communiste Chantal Leblanc, refoulée à cause de son pantalon, proteste et obtient gain de cause. Des années plus tard, si l’on regarde la photo du gouvernement en 2007, les ministres sont presque toutes en pantalon. Cela contraste avec l’ultraféminité de Ségolène Royal, qui joue la différence. En gros, alors que les autres cherchent à neutraliser leur genre, et à déjouer la sexualisation, elle joue la carte de la féminité, et c’est risqué…

Ironie de l’histoire, pouvoir porter une jupe est aujourd’hui devenu une revendication des Ni Putes ni soumises…
Oui c’est parfois un acte militant, une manière de défendre un «droit à la féminité» alors que dans le même temps l’association s’est prononcée contre le port du voile. Une position qui a d’ailleurs été mal comprise par les jeunes, qui sont plutôt en faveur de l’absence d’interdits vestimentaires. En tout cas, il faut bien reconnaître qu’à partir des années 2000, les jeunes filles ont renoncé à la jupe dans les collèges. Et pas seulement dans les cités. En gros, la jupe est devenue un danger, un signe de disponibilité sexuelle, avec une équation jupe = pute. Comme si la féminité était une provocation sexuelle permanente. Au fond, comme si les filles devaient faire oublier qu’elles sont des filles. Ainsi s’est créée «la journée de la jupe et du respect» à l’initiative d’une association rennaise en 2006 qui, au lycée d’Etrelles, ne fait pas l’éloge de la jupe, mais en profite pour parler de sexualité, de violence entre filles et garçons…

Des hommes réclament de pouvoir eux aussi porter une jupe. Un gag ou une vraie revendication d’égalité des sexes ?
Cela n’a rien d’une blague. En dépit du machisme et de l’homophobie de certains, je crois que la jupe pour hommes a toutes ses chances. C’est même une tendance qui devrait se confirmer parce que les codes de genre sont moins rigides. Beaucoup d’hommes aspirent à montrer davantage leur corps, à l’érotiser. Et à conquérir de nouvelles libertés. La jupe pour homme n’est pas seulement un symbole politique d’égalité mais aussi une envie de pouvoir varier les plaisirs. C’est pourquoi je défends la mixité de la jupe, et me méfie du droit à la féminité, qui peut se transformer en devoir de féminité. En revanche, militer pour le droit à la parure sans distinction de sexe ou de genre est une des manières d’en finir avec le régime vestimentaire bourgeois hérité du XIXe siècle.

(1) Editions Autrement, en vente dès aujourd’hui.

8 Responses to Théorie du genre: Cherchez l’homme (Back when little boys wore dresses – one is not born, but rather becomes, a man)

  1. The idea behind MEN’S SKIRT’S is that Men DO look masculine in skirted garments, designed and made for men and that its time that men have the same freedom and equality in fashion as women! It is NOT about men wearing “feminine” skirts, rather it IS about men RECLAIMING masculine skirted garments, which have always been a men’s garment, worn by men throughout every era of history and still today in many countries.

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  2. […] à l’occasion de la polémique suscitée par un tout récent et inédit boycott des écoles, l’expérimentation d’ateliers dans plus de 500 écoles ayant pour but de "déconstruire les stéréotypes" […]

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  4. […] ces nouvelles byzantineries sur le sexe des anges et ce nouvel iconoclasme contre les "images stéréotypées" […]

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  7. […] la fécondation assistée, poussant déjà certains à prôner pour les hommes le retour  de cette conquête sociale devenue désormais corset invisible pour les femmes […]

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