Plagiat: L’université aussi ! (Who will watch the watchmen ?)

A qui se fier ? Qui gardera les gardiens ? Philippe Bilger
Non, malheureusement pour moi. Mon éditeur ne me refuse rien. Il me faut deviner si le livre est mauvais ou non, parce qu’il ne me le dira pas. Frédéric Beigbeder
Il nous semble qu’il occulte en l’occurrence la dimension cosmique desdits phénomènes ; une dimension qui, selon le paradigme astrologique – et notre conviction – vient coiffer le social. En effet, le social est loin d’expliquer toutes les “crises… qui se produisent dans la société”. À preuve les actions totalement illogiques, non linéaires, non-logiques et inexplicables autrement que par le paramètre astral qui joue alors le rôle de paramètre éclairant et englobant coiffant le non-logique apparent. Dr. Elizabeth Tessier
C’est l’occasion pour moi de revenir sur deux idées fausses. […] L’autre erreur est de m’accorder le rôle de corédacteur de la Déclaration universelle des droits de l’homme. Stéphane Hessel
Démissionner sur une initiative personnelle (…) serait un acte d’orgueil alors je me dois d’agir aujourd’hui dans la plus grande humilité. Gilles Bernheim
Je n’ai rien à cacher aussi bien sur des choses anciennes que sur des choses à venir. Lorsqu’une faute a été commise, je le dis, et là-dessus c’est parfaitement acté. Et j’ajoute par ailleurs que lorsqu’un livre est imprimé, il y a parfois des étapes intermédiaires. Cela n’enlève rien à ma responsabilité. (…) Ce qui montre bien que ma démarche était soit suicidaire, soit parsemée d’un certain nombre d’erreur liées à la confiance mal donnée ou accordée à tel ou tel qui se servent de textes et qui ne donne ni la référence ni les guillemets. En toute situation j’assume et je suis pleinement responsable. (…) Mais ceci étant dans l’activité rabbinique qui est la mienne depuis prés de quatre ans et demi, je n’ai pas commis de fautes et l’histoire de l’agrégation, l’histoire des emprunts ou des plagiats. Ceux sont des faits importants, moralement graves. Mais je n’ai pas commis de fautes dans l’exercice de ma fonction dans l’attachement aux causes qui sont les miennes. Gilles Bernheim
Je me permettrais d’ajouter que lorsque je me suis présenté en 2008 à l’élection pour le Grand Rabbinat de France, l’information avait déjà circulé à l’époque. Je n’ai strictement rien dit et d’ailleurs vous observerez qu’au dos de tous mes écrits, jamais n’apparait l’expression : agrégé de philosophie. Que sur des notices, cela ait pu apparaître parce que les notices, elles, elles ne sont pas faites par l’auteur, par le sujet que je suis. Elles peuvent être faites par d’autres personnes qui s’appuient les uns sur certains réseaux d’informations, d’autres sur le net ou d’autres choses. Il y a des erreurs qui se véhiculent et qui finissent par devenir pour beaucoup des vérités. Pour ma part, je le regrette profondément. Gilles Bernheim
Cette affaire confirme que la pratique du plagiat est rarement ponctuelle – le fait malheureux d’un auteur qui a failli accidentellement -, mais bien une méthode d’écriture par procuration, parfaitement au point chez certains publiants – inutile de parler d’auteurs, et encore moins d’écrivains. Encore que ces types de livres soient quelquefois les plus lus, puisqu’ils sont plus des produits de promotion d’une personnalité ou d’une institution qu’un véritable travail intellectuel s’inscrivant dans une réflexion personnelle. Hélène Maurel-Indart
Même les trois pages de remerciements, très originaux, avaient été plagiées. Seul les noms des personnes remerciées avaient été changés! Jean-Noël Darde
Au mois de décembre, on a démasqué un cadre qui se prétendait diplômé de Polytechnique alors qu’il n’y avait jamais mis les pieds. Quand je l’ai rappelé, il m’a dit que nous étions les premiers à nous en rendre compte en vingt ans de carrière. Emmanuel Chomarat (président du directoire de Verifdiploma)
Comme le nuage de TcherNobel, le phénomène des faux diplômes s’arrêterait juste du bon côté de la frontière ? Ouf, nous voilà rassurés ! Mais, en insistant un peu, la plupart des recruteurs lâchent une petite anecdote sur un candidat affabulateur, voire faussaire. Ainsi, Florian Mantione, directeur du cabinet du même nom, n’oubliera pas ce cadre qui prétendait avoir fait Sup de Co Toulouse en 1972 : « Malheureusement pour lui, c’était justement mon école, ma promotion, et je ne l’avais jamais vu. » Pas de chance ! Pour l’instant, les menteurs sont plus nombreux que les faussaires. Mais, récemment, le patron de Verifdiploma a découvert que le diplôme de BTS d’un jeune candidat était un faux. Courrier cadres

Attention un « funeste secret de famille » peut en cacher un autre !

Plagiats de thèses massifs (jusqu’aux remerciements !), logiciels d’analyse automatique des textes dépassés par les traductions ou les reformulations, mode de financement des laboratoires de recherche  fondé sur le nombre de publications réalisées par les chercheurs,  universités et institutions de recherche en lutte de plus en plus féroce pour les financements et pour progresser dans les classements internationaux, absence d’instances internes aux établissements d’enseignement supérieur adaptées, chasseur de plagiats voyant ses cours et ses primes de recherche suspendues, plagiés qui ne prennent même pas la peine de déposer plainte  …

A l’heure où, affaire Cahuzac oblige et après le mensonge légal du mariage pour tous, nos dirigeants et députés rivalisent de candeur soudaine …

Et qu’après nombre de nos journalistes et gens de lettres et sans compter l’évident abus de faiblesse dont a été tout récemment victime notre grand Hessel national, c’est au tour d’un étrangement cryptomnésiaque et (déformation professionnelle?) casuistissime grand rabbin de France lui-même de se faire prendre (jusqu’au plagiat systématique, « trahi » selon la formule consacrée « par son assistant d’écriture« ,  et à l’usurpation de titre !) par le miroir aux alouettes médiatiques…

Pendant qu’en ces temps – internet oblige – d’industrialisation de la triche, les têtes tombent en Allemagne ou en Corée  …

Comment ne pas voir avec ce président d’université cité dans un article du Figaro évoquant déjà l’an dernier une institution et des chercheurs français paupérisés et sommés de « publier ou mourir » pour retrouver des financements et remonter des profondeurs des classements internationaux

Que le plagiat, pourtant devenu massif et sans parler des faux CV et diplômes (voire, au pays des madames Soleil docteurs en sociologie, des thèses fantaisistes), n’est pas près de « faire partie des objectifs de recherche » ?

Thèses, doctorats : le plagiat reste tabou à l’université

Quentin Blanc

Le Figaro

18/10/2012

La ministre allemande de l’Éducation vient d’être mise en cause dans une affaire de plagiat qui pourrait la pousser à démissionner. En France, la plupart des établissements préfèrent fermer les yeux dans de tels cas. Une situation jugée honteuse par certains universitaires.

Annette Schavan, ministre de l’Éducation allemande pourrait bien être obligée de démissionner dans les jours qui viennent. Elle aurait plagié de larges passages de sa thèse de doctorat. L’année dernière, déjà, le ministre de la défense et étoile montante du parti de Mme Merkel avait du quitter son poste suite à une révélation similaire.

En France, nos dirigeants passent avant tout par l’ENA ou les grandes écoles. Ils sont peu nombreux à avoir soutenu une thèse. Laissant le phénomène dans l’ombre des amphis. Pourtant «Le plagiat a pris de l’ampleur à l’université, s’offusque Michelle Bergadaà, spécialiste du sujet, mais il n’est pas pris au sérieux». Pour que ces fraudes ne restent pas impunies, des universitaires français ont décidé de dénoncer les cas, de sensibiliser leurs collègues, d’exposer sur des blogs les textes incriminés.

Des thèses plagiées à 99 %

Les «emprunts» sont souvent spectaculaires. «Les cas dont je parle et que je présente sur mon site sont des thèses qui sont entre 75 et 99 % plagiées» précise M. Jean-Noël Darde, maître de conférence à Paris 8 et auteur d’un blog consacré au sujet. Il cite «un cas où même les trois pages de remerciements, très originaux, avaient été plagiées. Seul les noms des personnes remerciées avaient été changés!»

Les moyens nouveaux de traquer ces abus se développent. Des logiciels comme Compilatio, par exemple, analysent automatiquement les textes à la recherche d’emprunts. Ils sont malheureusement faciles à tromper. Les traductions ou les reformulations lui échappent le plus souvent. Le cas de l’ex-ministre allemand de la Défense est un bon exemple. Des milliers d’internautes avaient du s’allier pour traquer tous les emprunts non sourcés dans sa thèse.

En France, les chasseurs de plagiaires sont encore peu nombreux. Il revient aux professeurs de se montrer vigilants. «Il n’y a rien de déshonorant à être abusé par un plagiaire. Ce qui l’est, c’est de ne pas réagir lorsque l’on s’en aperçoit» explique M. Darde. Et d’accuser: «Trop souvent, les autorités académiques ignorent les cas signalés». Elisabeth Sledziewski, philosophe à l’université de Rennes, parle même de «funestes secrets de famille».

«Les établissements se décrédibilisent aux yeux du public»

Le plus souvent, «il n’existe pas d’instances internes aux établissements d’enseignement supérieur adaptées à ces nouveaux enjeux» selon Mme Bergadaà. En conséquent, «les cas de plagiat doivent être traités par la justice civile. Ce qui implique qu’il y ait un dépôt de plainte réalisé par l’auteur plagié. C’est rarement le cas.» Elle estime que cette politique de l’autruche dessert les établissements d’enseignement supérieur: «Ils se décrédibilisent aux yeux du public et des étudiants car ils sèment le doute sur leur intégrité.» Dénoncer publiquement les cas avérés reste généralement la seule solution possible.

Mme Bergadaà, comme d’autres, pointe «le mode de financement des laboratoires de recherche qui est fondé sur le nombre de publications réalisées par les chercheurs. S’il faut publier beaucoup, et vite, eh bien, on hésitera moins à aller se servir discrètement dans les œuvres des autres.»

Or, aujourd’hui plus que jamais, nos universités se battent pour leurs financements et pour progresser dans les classements. Dans ce contexte, sont-elles vraiment prêtes à lutter contre ce problème? La question mérite d’être posée. Car en attendant, M. Darde a vu ses cours supprimés et sa prime de recherche suspendue par Paris 8. Bien qu’il se défende de tout laxisme, le président de l’établissement lui a adressé une lettre lui expliquant que le plagiat ne faisait pas partie des objectifs de recherche de l’université.

Voir aussi:

Un scandale « typisch deutsch »

Frédéric Lemaitre

07 février 2013

Annette Schavan et la chancelière Angela Merkel, le 13 décembre au Bundestag, à Berlin. Photo : Rainer Jensen/AP

Annette Schavan, ministre de l’éducation et de la recherche, est sans doute sur le départ. Lundi 4 février, l’université de Düsseldorf où elle a fait ses études de philosophie, lui a retiré son titre de docteur. Sa thèse, soutenue il y a plus de trente ans, contient trop de passages « empruntés à d’autres » sans qu’il y soit fait référence. Dans ce pays où le titre de docteur est un précieux sésame – que l’on ajoute à son état civil –, on ne plaisante pas avec le plagiat.

En 2011, le baron Karl-Theodor zu Guttenberg, alors ministre de la défense, que certains voyaient déjà chancelier, avait dû démissionner pour les mêmes raisons.

Pourtant, les deux cas ne sont pas tout à fait identiques. « K-T » comme l’appelaient les Allemands, avait carrément plagié 60% de sa thèse, rédigée à la va-vite quand il était déjà responsable politique dans le seul but d’être non seulement baron mais aussi docteur.

Le cas Schavan est plus compliqué. Cette célibataire de 57 ans, catholique pratiquante un brin austère, est une bosseuse reconnue et discrète. Le contraire du flamboyant « Baron de Googleberg », comme on a surnommé son ex-collègue. De plus, le plagiat est moins flagrant. D’ailleurs, le conseil de l’université n’a pas rendu son avis à l’unanimité. La communauté scientifique est divisée. Si l’opposition réclame la démission d’Annette Schavan, ce n’est pas l’hallali.

Reste qu’Annette Schavan est ministre de la recherche et qu’on la voit mal rester crédible à un tel poste.

Alors que la ministre est – opportunément – en voyage en Afrique du Sud et ne rentre que ce vendredi à Berlin, Angela Merkel, dont elle est une amie proche, lui a renouvelé sa « pleine confiance ». Les deux femmes devraient se rencontrer dès vendredi soir. Et Angela Merkel tranchera. A quelques mois de l’élection, la plupart des commentateurs parient sur la démission de la ministre. Malgré tout, celle-ci se défend. « Non pas pour mon titre mais pour mon intégrité », dit-elle. Elle a d’ores et déjà intenté un recours devant le tribunal administratif. Mais outre qu’il n’est pas très glorieux pour un ministre de la recherche de demander à des juges de contredire des scientifiques, aucun magistrat n’aurait, depuis les années 1960, donné raison à un plaignant dans ce cas de figure.

Voir également:

Comme Annette Shavan, peut-on perdre son doctorat en France ?

Michel Alberganti

Globule et téléscope

6/02/2013

Un doyen de faculté qui s’avance vers les caméras pour annoncer que le doctorat de philosophie de la ministre de l’éducation et de la recherche, Annette Schavan, est invalidé 33 ans après lui avoir été décerné… La scène s’est déroulée en Allemagne, le 5 février 2013, à l’université de Düsseldorf. Quelque chose me dit qu’elle est difficilement imaginable en France. Mais pourquoi, au fond ?

1°/ Le titre de “Doktor” jouit d’une grande notoriété outre-Rhin

Alors qu’en France, seuls les docteurs en médecine peuvent espérer voir leur titre accolé à leur nom, en Allemagne, Herr Doktor jouit d’une aura considérable quelle que soit la discipline. Le paradoxe de l’université française conduit ainsi son diplôme le plus prestigieux a n’être jamais mis en avant par ceux qui l’ont obtenu après, au moins, une dizaine d’années de laborieuses études. Ainsi, alors que je reçois chaque année environ 200 scientifiques dans Science Publique, l’émission que j’anime sur France Culture, très rares sont ceux qui se présentent comme docteurs alors que bon nombre le sont. Pourquoi ? Il semble que la filière du doctorat reste refermée sur l’université. La vocation d’un docteur est de devenir professeur et/ou directeur de recherche. Même s’ils entrent au CNRS, les docteurs ne sortent guère des murs de ces institutions.

En Allemagne, après leur thèse, la plupart des Doktor font leur carrière dans l’industrie. Leur visibilité n’a alors pas de commune mesure. Surtout dans un pays où l’industrie est également fortement valorisée.

En France, conscient de ce problème qui leur barre souvent la route vers des emplois dans les entreprises alors que l’université est saturée, les docteurs se sont réunis dans une association nationale des docteurs, l’ANDès dont l’objectif affiché est de “promouvoir les docteurs”. Étonnant paradoxe… Le titre le plus élevé a donc besoin de “promotion”. C’est pourtant justifié. Le docteur reste loin d’avoir la même cote, dans l’industrie, d’un polytechnicien ou d’un centralien. Résultat, le faible nombre de docteurs dans les entreprises est l’une des principales causes du retard français en matière de pourcentage du PIB consacré à la recherche.

2°/ Pas besoin d’être docteur pour être ministre de la recherche en France

En Allemagne, donc, on ne badine pas avec le doctorat. Et même, ou surtout, un ministre de la recherche ne saurait avoir usurpé son titre. En France, ce cas de figure a d’autant moins de chances de se produire que… les ministres de la recherche sont rarement docteurs. A partir d’Hubert Curien, docteur es sciences, ministre de la recherche jusqu’en 1993, on ne trouve guère que 3 docteurs sur ses 19 successeurs: Claude Allègre, docteur es sciences physiques, ministre de 1997 à 2000, Luc Ferry, docteur en science politique, ministre de 2002 à 2004 et Claudie Haigneré, docteur ès sciences, option neurosciences, ministre déléguée de 2002 à 2004.

Force est de constater que ces trois ministres n’ont pas laissé un souvenir impérissable. Lorsque Luc Ferry et Claudie Haigneré étaient aux commandes, l’un des plus forts mouvements de révolte des chercheurs s’est produit avec “Sauvons la recherche“, en 2003. Il a fallu un autre couple, beaucoup plus politique, François Fillon et François d’Aubert, pour rétablir l’ordre et redonner un peu d’espoir dans les laboratoires.

3°/ Pas besoin d’une thèse de valeur pour être docteur en France

C’est peut-être ce qui fait le plus mal à l’image de l’université française. Et c’est peut-être lié à la sous-valorisation du doctorat. Même s’ils peuvent paraître anecdotiques, trois exemples publics ont suffi pour jeter un discrédit tenace sur l’institution qui délivre les doctorats. Il s’agit du diplôme décerné à Elizabeth Teissier, docteur en sociologie en 2001 avec sa thèse intitulé “Situation épistémologique de l’astrologie à travers l’ambivalence fascination-rejet dans les sociétés postmodernes”. Ex mannequin et comédienne, Elizabeth Teissier est surtout astrologue depuis 1968. Elle avait, certes, obtenu un DEA en Lettres modernes… en 1963.

Les autres exemples de doctorats ayant défrayé la chronique sont, bien entendu, ceux des frères Bogdanoff en mathématiques appliquées et en physique théorique. Ces cas sont-ils des exceptions ou la partie émergée de l’iceberg ? C’est toute la question.

Mais la France aurait sans doute besoin d’une “affaire Schavan”. Pas forcément, d’ailleurs, concernant le doctorat, rare, d’un ministre de la recherche. Mais juste une reconnaissance d’erreur. Histoire de montrer que l’institution universitaire est capable de revenir sur la décision de l’un de ses directeurs de thèse et d’un jury. L’erreur étant humaine, son absence est d’autant plus suspecte. Lorsqu’un peu moins de 10 000 thèses sont soutenues chaque année en France (contre environ 15 000 en Allemagne), une faute devrait être pardonnée. Encore faudrait-il qu’elle soit avouée ou déclarée…

Voir encore:

Texte intégral de l’interview de Gilles Bernheim sur radio Shalom

Israel Infos

10.04.2013 – 30 Nisan 5773

Nous reproduisons ci dessous le texte intégral de l’entretien réalisé par Pierre Gandus sur radio Shalom, le 9 Avril 2013. Transcription : Franck Sebbah

[Gilles Bernheim] PIERRE GANDUS :

Le Grand Rabbin de France s’exprime ce soir et en direct sur Radio Shalom. Dans une tourmente médiatique concernant plusieurs faits qui vous sont reprochés et qui pour certains d’entre eux vous avez reconnu.

Ces révélations, Gilles Berheim, ont provoqué étonnement, stupeur voire même un sentiment de trahison quant on sait le temps et les difficultés qui ont été les vôtres et celle de votre équipe pour imprimer une nouvelle image au judaïsme français plus moderne, plus dynamique, plus en phase avec la société française.

Nous allons parler de cela en toute franchise car ce soir la communauté juive attend vos réponses qui comme mes confrères de la presse et toux ceux qui nous écoutent et qui ne sont ni juifs, ni journalistes.

Alors on va dans un premier temps être assez factuel.

Première affaire, suite à de nombreuses attaques de plagiat sur Internet concernant « Les 40 méditations juives » parus en 2011, vous déclarez le 20 mars que l’emprunt aurait été le fait du philosophe Jean-François Liottard et de son interlocutrice qui aurait eu entre les mains la photocopie manuscrite d’un cours tenu par vous alors que vous étiez aumônier des étudiants.

Devant l’afflux des révélations alors que vous vous trouviez en Israël pour la clôture de la fête juive de Pessah, vous avez changé de discours en reconnaissant le plagiat et l’utilisation d’un nègre et en demandant à votre éditeur de retirer l’ouvrage de la vente ainsi que de votre bibliographie. Vous précisez aussi que c’est la seule et unique fois où vous vous êtes livré à un tel arrangement. Pourquoi cette réponse en deux temps et pourquoi vous êtes- vous enferré dans ce mensonge ?

GILLES BERNHEIM :

Vous savez lorsqu’un fait comme celui-là, quand des faits comme ceux-là sont révélés brutalement sur la place publique, que vous ne vous y attendiez pas, que vous n’êtes pas du tout préparé à la réaction, vous mentez bêtement.

Quand je dis, vous mentez bêtement, vous vous défendez immédiatement sans réfléchir.

Et pour ma part, je regrette profondément aujourd’hui.

PIERRE GANDUS :

La Deuxième affaire concerne « Le souci des autres, fondements de la loi juive » paru en 2002 où ce sont plusieurs pages qui ont été empruntés à Jean-Loup Charvet dans son livre « L’éloquence des larmes » dont la révélation a pris corps aujourd’hui même.

Sur cette affaire que répondez-vous ?

GILLES BERNHEIM :

Très simplement.

Le livre « Le souci des autres » est un livre de cours que j’ai donnés en tant qu’aumônier des étudiants pendant de très nombreuses années au Centre Edmond Fleg devant des dizaines et des dizaines d’étudiants.

Ce qui veut dire quoi ?

Ce qui veut dire que beaucoup plus tard, il m’a été demandé d’en faire un livre.

Et que pour illustrer – pas illustrer au sens d’illustration – mais parfois pour rendre plus clairs, plus pédagogiques, plus compréhensibles des enseignements de Torah que j’avais retranscrits de mes cours, soit j’ai demandé à des personnes de me faire ce travail plus pédagogique avec donc des références littéraires ou autres (et même si d’autres ont commis des fautes, j’en suis le seul responsable puisque c’est moi qui l’ai demandé, que ceci soit parfaitement clair), soit, et cela a pu arriver à plusieurs reprises, lorsque je préparais les cours durant toutes ces années, c’est-à-dire depuis le début des années quatre-vingts où j’ai enseigné au Centre Edmond Fleg – et c’est ma faute mais c’est une réalité – à savoir que pour rendre plus fluides et plus accessibles des enseignements de Torah qui sont parfois d’une certaine exigence, d’une certaine rigueur, d’une certaine difficulté du langage, je me suis servi, je prenais des notes à la main, j’écrivais au crayon pour reprendre dans tel ou tel livre quelque chose qui me semblait très proche du raisonnement de tel ou tel maître de la tradition rabbinique.

Et la faute qui est la mienne et je le dis très clairement, c’est que je ne mettais pas de références au point que ces notes devenaient miennes.

Jusqu’au jour où j’en ai fait un livre avec, très certainement, des emprunts – ce que d’autres appelleront des plagiats – de textes qui convergent avec l’essentiel de l’enseignement des maîtres rabbiniques mais qui restent des emprunts et, cela, non seulement je le regrette profondément mais je sais que c’est une faute morale.

PIERRE GANDUS :

D’autant que vous auriez pu signaler la référence.

GILLES BERNHEIM :

Tout à fait.

PIERRE GANDUS :

Troisième affaire, le 21 décembre dernier dans son discours annuel à la Curie romaine, lors d’un discours très attendu, le Pape Benoit XVI avait cité votre plaquette contre « le mariage pour tous », publiée le 18 octobre dernier sous le titre : « Mariage homosexuel, homoparentalité et adoption, ce que l’on oublie souvent de dire. »

Un événement salué par la communauté juive et la presse dans le monde entier.

Là encore, on vous reproche d’avoir emprunté plusieurs pages de son livre à Joseph Marie Verlinde : « L’idéologie du Gender – Identité reçue ou choisie ? » publié en mars 2012.

Vous confirmez ou vous infirmez aussi cet emprunt ?

GILLES BERNHEIM :

Je confirme.

Je n’ai rien à cacher aussi bien sur des choses anciennes que sur des choses à venir.

Lorsqu’une faute a été commise, je le dis, et là-dessus c’est parfaitement acté. Et j’ajoute par ailleurs que lorsqu’un livre est imprimé, il y a parfois des étapes intermédiaires. Cela n’enlève rien à ma responsabilité.

Ce que j’entends par une étape, c’est que d’aucuns peuvent reprendre du texte et reprendre à leur compte et ensuite vous l’utilisez.

Il m’est arrivé, enseignant au Centre Edmond Fleg, de laisser des gens enregistrer et de retrouver des lignes ou des pages dans d’autres livres.

Parfois, en général légèrement remaniées et puis, je vais vous dire une chose, si vous imprimez une page telle quelle, c’est complètement imbécile.

Quelqu’un qui est complètement pervers et qui veut se servir du travail des autres, il n’imprime pas les choses telles quelles.

Il les réécrit à sa façon pour s’en inspirer. Ce qui montre bien que ma démarche était, soit suicidaire, soit parsemée d’un certain nombre d’erreurs liées à la confiance mal donnée ou accordée à tel ou tel qui se servent de textes et qui ne donnent ni la référence ni les guillemets.

En toute situation j’assume et je suis pleinement responsable.

PIERRE GANDUS :

Et entre les deux, entre l’attitude suicidaire et la confiance mal donnée. Vous choisissez quoi ?

GILLES BERNHEIM :

Je choisis d’abord la deuxième solution non pas parce qu’elle m’arrange mais parce qu’elle est réelle. Et aussi des textes en d’autres circonstances qu’il m’est arrivé de reprendre dans les conditions que j’ai évoquées tout à l’heure.

À savoir que pour construire quelque chose, je me suis servi de textes anciens sans mettre moi-même la référence sur mes notes. Jusqu’à faire comme si elles m’appartenaient.

PIERRE GANDUS :

Dernier point il concerne votre agrégation de philosophie.

La société des agrégés n’a pas de trace de votre agrégation.

« Soit il n’est pas agrégé, soit il s’agit d’une erreur de transcription », c’est ce qu’avance la présidente de cette société.

On a entendu plein de choses au sujet de cette agrégation sauf votre version.

GILLES BERNHEIM :

Ma version est très simple, non pas parce que l’affaire fut simple à ce moment-là.

Nous sommes près de 40 ans plus tard, disons 37 ans plus tard. Il s’est simplement passé une chose. Lorsque vous arrivez à un concours, cela peut arriver.

Et c’est ce qui m’est arrivé, alors que les choses étaient très largement bien engagées avec une réussite sinon certaine, en tout les cas probable ou très possible, de craquer.

Craquer non pas sur une note mais parce qu’un événement tragique arrive à un moment où l’on ne peut pas se permettre de subir dans sa vie intime des événements extérieurs au travail intellectuel. Cela s’est passé ainsi.

L’événement tragique et puis ensuite on entre dans le déni.

C’est-à-dire, le fait, non pas de proclamer partout, mais de laisser dire que l’on est agrégé, permet de mettre un pansement sur une blessure qui est très forte et de vivre longtemps avec.

Je me permettrais d’ajouter que lorsque je me suis présenté en 2008 à l’élection pour le Grand Rabbinat de France, l’information avait déjà circulé à l’époque.

Je n’ai strictement rien dit et d’ailleurs vous observerez qu’au dos de tous mes écrits, jamais n’apparait l’expression : agrégé de philosophie.

Que sur des notices, cela ait pu apparaître parce que les notices, elles, elles ne sont pas faites par l’auteur, par le sujet que je suis.

Elles peuvent être faites par d’autres personnes qui s’appuient les uns sur certains réseaux d’informations, d’autres sur le net ou d’autres choses.

Il y a des erreurs qui se véhiculent et qui finissent par devenir pour beaucoup des vérités.

Pour ma part, je le regrette profondément.

PIERRE GANDUS :

Donc vous nous dites ce soir que vous n’êtes pas agrégé de philosophie.

GILLES BERNHEIM :

Non

PIERRE GANDUS :

Jean-Noël Darde, spécialiste des plagiats, est à l’origine de toutes ces révélations.

Est-ce que vous le connaissez ?

Est-ce qu’il y a un contentieux entre vous et pourquoi ces révélations sortent maintenant alors que les livres cités ont été publiés plusieurs années auparavant ?

GILLES BERNHEIM :

Je ne connais pas cet homme du tout.

Et jusqu’à cette affaire, j’en ignorais l’existence.

Je n’ai strictement rien à dire sur une personne que je ne connais pas.

Quant à la deuxième question – à savoir pourquoi cette affaire sort maintenant – permettez-moi de ne pas y répondre.

Parce que l’heure n’est pas à l’explication de l’histoire, de l’interprétation.

L’heure est à une prise de conscience personnelle des erreurs que j’ai commises.

De manière à en tirer des leçons.

Parce que vous le savez, lorsque l’on a des responsabilités très lourdes, beaucoup de gens – si vous réussissez un temps soit peu dans ce que vous faites- vous perçoivent comme une espèce de héros. Comme quelqu’un qui aurait de très grandes capacités ou des grandes compétences et donc vous n’avez pas envie de les décevoir et de vous enfermer dans l’image que les autres peuvent avoir de vous et finalement que vous vous donnez à vous-même.

Et je pense qu’à l’instant présent, c’est non seulement l’humilité mais la remise en question qui s’impose à moi.

De manière à vérifier chaque jour, à ne pas commettre de fautes, d’erreurs.

De ne pas viser plus haut que ce que je suis capable de faire en terme d’efforts, de réussite. Autrement dit d’être pleinement homme et ne pas se vouloir plus qu’un homme au-dessus des autres. Et je me permettrais de rajouter ce qu’enseigne le Baal Chem Tov, à savoir que « l’homme est le bégaiement de D-ieu ». Il faut savoir parfois accepter de ne pouvoir bégayer et pas toujours parler parfaitement pour rien.

PIERRE GANDUS :

Vous parliez à l’instant de cette prise de conscience personnelle.

Je suppose que vous-même, vous vous posez des questions sur ce qui vous a poussé à agir ainsi.

Est-ce que vous avez un début de réponse ?

GILLES BERNHEIM :

Qu’est-ce qui pousse à agir ainsi ?

Vous savez ce que m’a rapporté l’histoire de l’agrégation ?

Je n’en ai jamais profité.

Je n‘ai jamais demandé un bénéfice, un profit, un poste, un avantage quelconque.

Que ce soit en termes de situation, que ce soit en termes d’argent, de représentation.

Là où j’ai été pour parler, pour enseigner, pour partager la Torah à l‘épreuve du monde, c’est-à-dire la pensée de la Torah à l’épreuve de la pensée occidentale, je l’ai fait oralement, sans notes, rarement avec des notes.

Ce qui nécessite une certaine compétence, un vrai travail de préparation, de réflexion, de clarté, de pédagogie.

Lorsque vous débattez avec de grands philosophes contemporains, avec ou sans titre d’agrégation, que vous débattez sans notes, vous n’existez que si vous êtes à la hauteur, si vous maitrisez votre savoir et ensuite c’est aux autres d’en juger.

De juger de la qualité de vos prestations.

Et vous savez depuis tant d’années, c’est-à-dire depuis 1978 où je suis rabbin, à Paris, en France, en Europe, en Israël et ailleurs, les débats publics ont été très nombreux. L’enseignement de la Torah, j’en parlais tout à l’heure, je l’ai pratiqué dans le cadre de l’aumônerie des étudiants puis de la Synagogue de la Victoire. Ces enseignements ont été multiples. Enseignement sans notes, dont des générations et des générations d’étudiants ont fait leur vie, se souviennent et ce sont eux qui peuvent en témoigner. Le livre en hébreu devant l’orateur et c’est tout.

Que vous dire d’autre ?

PIERRE GANDUS :

Internet où tout se dit sans limites s’est très vite emparé de cette affaire avec aussi bien des comités de soutien à votre encontre que des collectifs appelant à votre démission. Ce soir, que dites-vous à ceux qui nous écoutent ?

Allez-vous démissionner ou rester à votre poste ?

J’ajoute d’ailleurs que certains de ceux qui veulent votre démission vous ont menacé de nouvelles révélations si vous vous maintenez à votre poste.

GILLES BERNHEIM :

Permettez-moi de dire une chose très simple.

C’est que démissionner sur une initiative personnelle relèverait d’une désertion.

Que, par ailleurs, ce ne serait pas conforme à ce que j’ai toujours été dans la vie privée et dans la vie publique. À savoir un homme qui sait prendre ses responsabilités.

J’ajouterais également que ce serait un acte d’orgueil alors que je dois agir aujourd’hui dans la plus grande humilité.

Et puis permettez-moi de dire pour terminer que ce serait contraire à la collégialité qui préside à une telle décision.

Je crois que mon propos est très clair, je travaille, j’assume ma fonction pleinement. Les menaces sont évidemment toujours très brutales et ont pour finalité d’exercer une forme de violence, de casser la personne.

Je suis solide et, dans cette esprit de collégialité dont je viens de parler, j’assume chaque jour pleinement ma fonction de Grand Rabbin de France.

PIERRE GANDUS :

Donc vous ne démissionnez pas.

Est-ce que le Consistoire central vous soutient ?

GILLES BERNHEIM :

Le Consistoire central est un ensemble de personnes.

Il y a des gens qui me soutiennent, il y a des gens qui me soutiennent moyennement, il y a des gens qui s’opposent à moi, d’autres qui ne me soutiennent pas du tout.

Il y a un peu de tout si vous me permettez cette expression.

Vous savez, des gens qui vous soutiennent, des gens qui s’opposent à vous, cela a toujours existé. J’en ai vécu des situations d’opposition, voire de confrontations violentes.

Rappelez-vous en 2008, l’élection au poste de Grand Rabbin de France, rappelez-vous d’autres situations antérieures…

J’assume. Il n’y a que les gens qui ne s’engagent pas qui n’ont aucun ennemi, aucun adversaire et qui, quelque part, survivent à toutes les situations parce qu’ils sont passés entre les gouttes d’eau.

PIERRE GANDUS :

Je voudrais à présent aborder votre travail comme GRF, vous en en parliez à l’instant.

Avec votre équipe, je le disais au début de cette émission, vous avez imprimé une nouvelle image au judaïsme français.

Plus moderne, plus dynamique, plus en phase avec la situation française.

Vous avez été de tous les combats comme pour redonner un nouveau souffle au rabbinat français, réformer le séminaire israélite : rendre plus saine la filière de la cacherout en France ; se battre contre ceux qui voulaient interdire l’abattage rituel avec le Grand Rabbin Bruno Fison ; le dossier des circoncisions avec le Grand rabbin Moshe Lewine qui est aussi votre porte-parole ; celui des derniers devoirs dus aux morts avec le Grand Rabbin Claude Mamane.

Vous avez alerté les pouvoirs publics sur la résurgence de l’antisémitisme en France. Vous avez rendu visite à de très nombreuses communautés juives à travers toute la France.

Un travail de tous les jours avec une équipe qui est à vos côtés depuis quatre ans et, pour certains, depuis bien plus longtemps.

Qu’avez-vous envie de leur dire ce soir et que dites-vous aux juifs de France qui vous ont soutenus, qui ont cru en vous pour tout ce que je viens d’énoncer.

GILLES BERNHEIM :

Ce que je voudrais leur dire c’est qu’une épreuve, traverser une épreuve comme celle que je traverse, comme celle que ma famille, mes proches, mes collaborateurs et collaboratrices traversent doit rendre plus fort.

Être plus fort, tirer des leçons, ne pas commettre à nouveau les mêmes erreurs, afin d’aller de l’avant…

La Techouva n’existe qu’à condition que l’on sache ne pas répéter les mêmes fautes.

Et donc être plus exigeant, beaucoup plus vigilant après que ce que l’on n’était avant. C’est la première chose que je veux leur dire.

La deuxième chose, c’est au sujet de l’image que j’ai de la communauté, l’idée que je me fais du judaïsme en France – et je voudrais associer le Grand Rabin Haim Korsia qui n’a pas été mentionné tout à l’heure parmi mes collaborateurs et il y en a encore d’autres, qu’ils ne se vexent pas de ne pas être tous rappelés ce soir –, pour imprimer au judaïsme en France un souffle important.

Et quand je dis un souffle, une plus grande proximité entre les Juifs et les non Juifs. Une plus grande proximité entre toutes sortes de Juifs.

Ceux qui pratiquent et ceux qui ne pratiquent pas et ceux qui sont « tièdes ».

C’est à dire non pas un judaïsme de clans où il y aurait différents types de Juifs… mais sans lien entre eux.

C’est très difficile parce que cela exige du respect, parfois de la tolérance.

Beaucoup de patience, là où des gens veulent réussir très vite et valoriser leurs réseaux parce qu’ils ont leurs intérêts.

Et c’est vrai que ce travail doit être poursuivi.

C’est ce que je souhaiterais accomplir si la communauté m’accorde sa confiance et si l’histoire me permet de continuer comme je le souhaite, d’aller de l’avant.

Vous avez parlé de l’école rabbinique.

Il y a là un gros chantier qui a été confié au Grand rabbin Kauffman et je l’épaulerai autant que faire se peut avec la commission administrative de l’École rabbinique.

Avec l’amitié, le soutien et la confiance du président du Consistoire central.

Et puis le travail social, le travail interreligieux.

Vous avez parlé de la cacherout, vous avez parlé de la formation continue des rabbins.

Cette formation continue que nous donnons aux rabbins, c’est pour leur permettre de mieux affronter les problèmes des familles, les problèmes sociaux, les problèmes économiques.

Pour pouvoir apporter des réponses, orienter les gens.

Pour pouvoir être de vrais relais lorsque les problèmes se posent à eux dans la communauté. C’est là le travail qui a été accompli déjà depuis quelques années maintenant.

Dans les hôpitaux, avec l’aumônerie des hôpitaux, c’est extrêmement important parce que nous savons que c’est dans les moments de souffrance que les gens réfléchissent, ont besoin des autres, veulent aller de l’avant.

Parfois ils ont des choix cruciaux à faire.

Et l’aumônier des hôpitaux est là pour aider ceux qui sont en grande souffrance ainsi que leurs familles. Je n’ai fait que recenser quelques tâches importantes, il y en beaucoup d’autres.

Le travail dans les petites communautés, les voyages, les visites, les encouragements, les enseignements et surtout, surtout, surtout, dispenser un enseignement de Torah qui parle à toutes sortes de juifs.

Qui leur donne à penser.

Que ce soit dans un langage simple ou que ce soit dans un langage intellectuel mais une Torah qui élève, qui donne l’amour de l’autre. Une Torah qui n’exclut pas, une Torah qui relie.

Et c’est cette Torah que je continuerai à enseigner chaque jour, chaque semaine et, sans doute après l’épreuve que je traverse, une Torah que je veux enseigner encore beaucoup plus et plus encore l’étudier moi-même chaque jour.

PIERRE GANDUS :

Dernier question : comment avez-vous l’intention de renouer les fils de la confiance qui se sont établis entre vous et la communauté juive ?

Entre vous et les gens qui travaillent avec vous au quotidien ?

GILLES BERNHEIM :

Ce sont en fait deux questions.

D’une part avec la communauté, d’autre part avec ceux qui travaillent avec moi au quotidien, et cela c’est important de le dire.

Pour commencer, ceux qui travaillent avec moi au quotidien peuvent être déçus, peuvent avoir l’impression d’avoir été trompés ou d’avoir été trahis.

Il m’appartient de demander pardon à ceux que j’ai pu décevoir, de leur dire et qu’ils puissent l’entendre. C’est comme demander pardon à ses proches.

Parce que les proches souffrent dans cette épreuve. Les proches, ce sont les amis, la famille, et la famille représente, pardonnez-moi l’expression, la partie la plus intime.

Et puis vis à vis de la communauté, c’est un problème d’images.

Elle est à restaurer, à reconstruire.

Ceci étant, dans l’activité rabbinique qui est la mienne depuis près de quatre ans et demi, je n’ai pas commis de fautes et l’histoire de l’agrégation, l’histoire des emprunts ou des plagiats, ce sont des faits importants, moralement graves, mais je n’ai pas commis de fautes dans l’exercice de ma fonction, dans l’attachement aux causes qui sont les miennes.

Dans l’accomplissement des nombreuses obligations qui me sont conférées et cela m’aidera à retisser, à reconstruire une image de confiance, je l’espère, si D-ieu le veut, avec l’aide du Tout Puissant.

PIERRE GANDUS :

Gilles Bernheim, merci pour ce moment de franchise et de vérité sur Radio Shalom. C’est la fin de cette émission.

Bonne soirée.

Interview réalisée par Pierre Gandus

Voir encore:

L’ESSAI DE GILLES BERNHEIM : CE QUI A PLU AU PAPE BENOIT XVI

Jean-Noël Darde

Archéologie du « copier-coller »

8 avril 2013

Blog Le Monde : Dans la tourmente, le grand rabbin Bernheim devrait parler ce soir sur Radio Shalom Mardi 9 avril, 94,8.

Derniers compléments et modifications (ici, fichier pdf Essai G-Bernheim-Homoparentalité, texte intégral  et surlignage plagiats à jour) à la date du 8 avril.

À la lumière des dernières révélations de l’Express sur cette affaire, un vrai lecteur a jeté un coup d’œil (exercé) hier dimanche sur  l’essai de Gilles Bernheim, Mariage homosexuel, homoparentalité et adoption : ce que l’on oublie souvent de dire,  Il s’est étonné de la phrase « je ne suis pas tout l’humain » qui lui est apparue conceptuellement au dessus des capacités du faux agrégé de philosophie.

Après avoir trouvé sur Internet l’auteur à l’origine de cette expression, Je ne suis pas tout l’humain, mon interlocuteur, a pris contact avec moi hier soir  et m’a suggéré de chercher en librairie l’ouvrage de Joseph-Marie Verlinde, L’Idéologie du Gender Identié Reçue ou Choisie ? et dont de larges extraits sont à la vue de tous sur Internet. Le document papier  – la mention de la date d’impression y est obligatoire, ici mars 2012 – est la preuve ultime de l’imposture. Joseph-Marie Verlinde est fondateur de la fraternité monastique de la famille de Saint-Joseph.

Les extraits de cet ouvrage, accessibles sur Internet, ne laissaient d’ailleurs pas beaucoup de doute sur ces plagiats.

Il est en de cette dernière imposture, comme de la précédente concernant l’agrégation de philosophie. Celle-ci aura des conséquences dévastatrices pour la communauté juive comme pour l’église catholique. Elle ne peut que nourrir les mauvais réflexes de part et d’autre,  et ailleurs.  Ces faits  ne pouvaient qu’être connus depuis au moins quelques jours par des responsables importants de la communauté juive, comme au sein de la hiérarchie catholique. Je pense personnellement même depuis beaucoup plus longtemps.

Dans ce type de situation,  le piège se referme très vite sur les crédules qui même une fois informés sont condamnés au silence au prétexte d’éviter le scandale. Une stratégie qui s’avère souvent, cette affaire en témoigne une fois de plus, de courte vue.

Le retard pris à l’annonce de la démission du Grand Rabbin et le silence de ce dernier n’ont strictement rien à voir avec les cérémonies organisées aujourd’hui lundi en souvenir des victimes de la Shoah, comme l’ont affirmé des proches du grand rabbin.

La démission de Gilles Bernheim a d’abord été envisagée vendredi matin, puis dimanche.

Les faits, rien que les faits, expliquent que du côté des autorités de la communauté juive, mais aussi du côté de la hiérarchie catholique, grugée, on reste muet.

. Le pape Benoît XVI a certainement apprécié d’autres passages de l’essai de Gilles Bernheim, mais je pense que celui-ci a eu sa préférence.

On remarquera dans le texte ci-contre, le soin avec lequel l’auteur, Joseph-Marie Verlinde, renvoie à ses sources.

Le plagiaire lui, reprend des citations de son plagié et se les approprie.

. Il y a dans l’essai de Gilles Bernheim des propos de niveaux très différents, c’est le principal critère qui permet de distinguer dans ces chapitres ce qui lui est propre. Il faut après aller le vérifier.

Les hypothèses faites, certains y travaillent, et vite :

Lundi 8 avril, 16h 30 : sur son blog, Michael Bloch, journaliste, titre : Un deuxième plagiat de Gilles Bernheim Gille dans l’essai contre le « mariage pour tous ».

Ce plagiat concerne la reprise, sans citation de la source, d’une  interview donnée par  Béatrice Bourgues à l’Association Citée et Culture en février 2010. Béatrice Bourgues est Présidente du Collectif pour l’enfant.

Comme le précise Michael Bloch, le même entretien a été mis en ligne sur le blog de « Le salon Beige, Blog quotidien d’actualité par des laïcs catholiques«

Un commentaire de Michel Louis Lévy à cet article précise que  Béatrice Bourges fait partie des cinq personnes remerciées à la fin de l’introduction de cet essai.

Gilles Bernheim écrit :

Je tiens à remercier T. Collin, J.P. Winter, M. Gross, B. Bourges et L. Roussel pour la richesse de leurs réflexions qui a nourri ce projet et dire toute ma gratitude à Joël Amar pour son aide si précieuse dans l’accompagnement de cet essai.

Remarquons que réfléchir avec Gilles Bernheim n’est pas sensé signifier écrire à sa place. Le plagiat reste établi (voir ma réponse au commentaire de ML Lévy).

Dès à présent, on peut s’étonner de la propension de certains « étudiants » qui aident  Gilles Bernheim à réfléchir et à écrire à puiser leurs plagiats dans un corpus catholique. Observation qui devrait conduire à des hypothèses, pour l’instant seulement des hypothèses.

Le travail de recherche des plagiats dans l’abondante œuvre de Gilles Bernheim est nécessaire pour y voir plus clair. D’autres pistes sont à suivre : le cheminement du document avant qu’il ne soit cité par Benoît XVI. Quels prélats, probablement français, ont-ils fait en sorte que ce document arrive à Rome et que sa lecture soit conseillée au pape ?

Une chose est certaine, on ne saurait reprocher à Benoît-XVI de se féliciter de lire sous la plume d’un grand rabbin de France des positions on ne peut mieux calquées, c’est le moins que l’on puisse dire, sur les positions officielles de l’église.

Voir par ailleurs:

German Fascination With Degrees Claims Latest Victim: Education Minister

Nicholas Kulish and Chris Cottrel

The New York Times

February 9, 2013

BERLIN — For 32 years, the German education minister’s 351-page dissertation sat on a shelf at Heinrich Heine University in Düsseldorf gathering dust while its author pursued a successful political career that carried her to the highest circles of the German government.

The academic work was a time bomb, however, and it exploded last year when an anonymous blogger published a catalog of passages suspected of having been lifted from other publications without proper attribution.

The university revoked the doctorate of the minister, Prof. Dr. Annette Schavan, on Tuesday (she retains the title pending appeal), and on Saturday she was forced to resign her cabinet post. It was the second time a minister had resigned from the government of Chancellor Angela Merkel over plagiarism in less than two years.

In an emotional news conference, Dr. Schavan said that she would sue to win back the doctorate, but in the meantime she would resign for the greater good. “First the country, then the party and then yourself,” she said.

Standing beside her, Dr. Merkel, who herself has a doctorate from the University of Leipzig, said that she accepted Dr. Schavan’s resignation “only with a very heavy heart,” but that politically there was no alternative.

Coming after Karl-Theodor zu Guttenberg was forced to step down as defense minister over plagiarism charges in 2011, Dr. Schavan’s déjà-vu scandal can only hurt Dr. Merkel ahead of September’s parliamentary election. But the two ministers are far from the only German officials to have recently had their postgraduate degrees revoked amid accusations of academic dishonesty, prompting national soul-searching about what the cases reveal about the German character.

Germans place a greater premium on doctorates than Americans do as marks of distinction and erudition. According to the Web site Research in Germany, about 25,000 Germans earn doctorates each year, the most in Europe and about twice the per capita rate of the United States.

Many Germans believe the scandals are rooted in their abiding respect, and even lust, for academic accolades, including the use of Prof. before Dr. and occasionally Dr. Dr. for those with two doctoral degrees. Prof. Dr. Volker Rieble, a law professor at Ludwig Maximilian University of Munich, calls this obsession “title arousal.”

“In other countries people aren’t as vain about their titles,” he said. “With this obsession for titles, of course, comes title envy.”

A surprising number of doctors of nonmedical subjects like literature and sociology put “Dr.” on their mailboxes and telephone-directory listings. The Web site of the German Parliament, the Bundestag, shows that 125 of 622 people elected to the current Parliament (including Dr. Schavan and Mr. Guttenberg) had doctorates when sworn in.

Dr. Merkel appointed Prof. Dr. Johanna Wanka, the state minister of science and culture in Lower Saxony, to take over Dr. Schavan’s position. Prof. Dr. Wanka got her doctorate in 1980, the same year as Dr. Schavan.

The finance minister, Wolfgang Schäuble, is a doctor of law. The vice chancellor, Philipp Rösler, is an ophthalmologist and thus the only one most Americans would call “doctor.”

For the plagiarism scalp hunters, the abundance of titles provides what in military circles is known as a target-rich environment, and digging up academic deception by politicians has become an unlikely political blood sport.

There is even a collaborative, wiki-style platform where people can anonymously inspect academic texts, known as VroniPlag.

Here in the homeland of schadenfreude, the zeal for unmasking academic frauds also reflects certain Teutonic traits, including a rigid adherence to principle and a know-it-all streak. “I just think that many Germans have a police gene in their genetic makeup,” Dr. Rieble said.

The University of Heidelberg revoked the doctorate of Silvana Koch-Mehrin, former vice president of the European Parliament and a leading member of Germany’s Free Democratic Party, in 2011, and she is still fighting the charges in court.

Another German member of the European Parliament, Jorgo Chatzimarkakis, saw his doctorate of philosophy revoked by the University of Bonn in 2011 after the VroniPlag Web site uncovered a number of dubious passages. Florian Graf, head of the Christian Democrats’ delegation in the Berlin city legislature, lost his Ph.D. last year after admitting to copying from other scholars’ works without properly crediting them.

In many countries, busy professionals with little interest in tenure-track positions at universities do not tend to bother writing dissertations. In Germany, academic titles provide an ego boost that lures even businesspeople to pursue them.

Prof. Dr. Debora Weber-Wulff, a plagiarism expert at the University of Applied Sciences in Berlin and an active participant in VroniPlag, suggested getting rid of superfluous doctoral titles outside of academia. “A doctor only has meaning at a university or in academia,” she told German television. “It has no business on political placards.”

But she is originally from Pennsylvania. Here the attitudes are deeply ingrained, and few think habits will change anytime soon. “It is a proof that you can handle academic stuff and that you can keep on task for quite a while,” Dr. Peter Richter, a correspondent in New York for the newspaper Süddeutsche Zeitung, said in an e-mail.

It can be a shock to Americans unfamiliar with the practice, as Dr. Richter has experienced in New York. “Here people instantly think that I’m a medicine man when they read my name,” he said.

Even within Germany the practice differs by region, he said, with those in the conservative south insisting on titles more than those in northern cities like Hamburg. There are other divides, with many members of the counterculture generation of 1968 rejecting titles, though many have come to enjoy them as they have grown older.

Dr. Schavan, 57, whose parliamentary district is in the southwestern state of Baden-Württemberg, was granted her doctorate in 1980; her dissertation was titled “Person and Conscience.” Despite that title, she was not shy about chastising Mr. Guttenberg, once an up-and-coming star from neighboring Bavaria, when his plagiarism scandal struck in 2011. One of her fellow cabinet member’s most prominent and outspoken critics, she told Süddeutsche Zeitung that she was “ashamed, and not just secretly,” about the charges against him.

The accusations against Dr. Schavan surfaced the following year on a bare-bones, anonymous Web site. The accusations were particularly significant for Dr. Schavan because she led the federal Ministry of Education and Research.

When Dr. Schavan’s doctorate was revoked, Dr. Merkel said through a spokesman that she had “complete trust” in her. While that may have sounded like a show of support, it was also exactly the same phrase she used for Mr. Guttenberg, right before he had to resign for plagiarizing passages of his dissertation.

Unlike Mr. Guttenberg, Dr. Schavan was widely known to be a friend and a confidante of Dr. Merkel’s, but few here expected that to save her job. The two women met privately on Friday evening to discuss the matter, announced at the chancellery building on a snowy Saturday afternoon. Dr. Merkel was unstinting in her praise for the departing minister but ultimately chose politics over personal ties.

“A health minister doesn’t need to be a medical doctor, but if he is one, then he can’t have committed malpractice,” Dr. Rieble said. “An education minister doesn’t need to have a Ph.D., but if he does, then his dissertation cannot be plagiarized.”

Victor Homola contributed reporting.

Voir par ailleurs:

The cheating epidemic at Britain’s universities

A cheating epidemic is sweeping universities with thousands of students caught plagiarising, trying to bribe lecturers and buying essays from the internet.

David Barrett

The Daily Telegraph

05 Mar 2011

A survey of more than 80 universities has revealed that academic misconduct is soaring at institutions across the country.

See the full list of cheating incidents at British universities

More than 17,000 incidents of cheating were recorded by universities in the 2009-10 academic year – up at least 50 per cent in four years.

But the true figure will be far higher because many were only able to provide details of the most serious cases and let lecturers deal with less serious offences.

Only a handful of students were expelled for their misdemeanours among those universities which disclosed how cheats were punished.

Most of the incidents were plagiarism in essays and other coursework, but others examples include:

* Three cases categorised as « impersonation » by Derby University and three at Coventry, along with 10 « uses of unauthorised technology »

* Kent University reported at least one case where a student attempted to « influence a teacher or examiner improperly ».

* At the University of East Anglia students submitted pieces of work which contained identical errors, while others completed reports which were « almost identical to that of another student », a spokesman said, while one was caught copying sections from the Wikipedia website.

* A student sitting an exam at the University of the West of Scotland was caught with notes stored in an MP3 player.

* A Bradford University undergraduate completed work at home, smuggled it into an examination then claimed it had been written during the test.

* The University of Central Lancashire, at Preston, reported students had been caught using a « listening and/or communications device » during examinations.

* Keele undergraduates sitting exams were found to have concealed notes in the lavatory, stored on a mobile telephone and written on tissues while two students were found guilty of « falsifying a mentor’s signature on practice assessment documents to gain academic benefit ».

Many institutions reported students buying coursework from internet-based essay-writing companies.

Dozens of websites offering the services are available on the web, providing bespoke essays for fees of £150 and upwards. Some offer « guaranteed first class honours » essays at extra cost and many « guarantee confidentiality and privacy » – hinting that the essays can be used to cheat.

In one website offering « creative, unique, original, credible » essays, a testimonial from a previous customer says: « I am very satisfied with my order because I got the expected result. »

There are even sites which offer express services, while many claim the work is written by people with postgraduate qualifications.

Nottingham Trent discovered examples of bespoke essays, and Newcastle reported three cases of essays being purchased from a third party.

Two students bought work at Salford and cases were also reported at East London University, Greenwich and London South Bank, which uncovered three incidents.

Professor Geoffrey Alderman, from the University of Buckingham, who is a long-standing critic of falling standards in higher education, said: « I think it is a pretty depressing picture.

« It is worrying that students now resort to cheating on such a widespread scale and that the punishments on the whole are not robust enough.

« In my book it should be ‘two strikes and you’re out’.

« Although universities are perhaps better than they were at detecting certain types of cheating, such as plagiarism, when I talk to colleagues across the sector there is a view that cheating has increased. »

Professor Alderman said the style of teaching and assessment now used at some institutions was partly to blame for the rise in academic dishonesty.

« There has been a move away from unseen written examinations and most university degree courses are now assessed through term papers, which makes it more tempting to commit plagiarism, » he said.

« I advocate a return to the situation where it is impossible to pass a degree unit without achieving a minimum score in an unseen written test. »

The survey exposed for the first time a huge leap in the number of incidents compared with just four years earlier, with a 53 per cent jump from 9,100 to 14,200 among the 70 institutions able to provide comparable data.

Cheating was reported widely among undergraduates but there were also significant numbers reported among postgraduates. For example, Loughborough reported 151 incidents last year of which 43 were committed by postgraduates.

Greenwich University had the largest number of incidents overall, with 916, compared with 540 in 2005-06, but this may indicate the south-east London institution is more successful at detecting cheating than other universities.

Sheffield Hallam had the second largest number with 801 last year, more than 500 of which were for plagiarism.

The institution had 35,400 students which means 2.3 per cent were caught cheating.

East London University said that among its 733 cases of cheating last year there were 612 of plagiarism, 50 of collusion, 49 of « importation » and three where students had bought work.

One student at Kingston falsified paperwork supporting their application for « mitigating circumstances », in a bid to win higher marks, and at the same institution 14 students were caught out when their mobile rang in the examination hall.

At Leicester, an undergraduate forged a medical certificate before taking an exam.

In 2005-06, Liverpool recorded two cases where a student was impersonating another examination candidate, and one candidate at London South Bank took an « annotated calculator » into the examination hall.

Few cheating students saw their academic careers brought to an end. Durham expelled four students last year for smuggling unauthorised material into exams or plagiarism, and one was expelled in 2005-06.

Goldsmith’s dismissed four students last year – undergraduates in history, politics, psychology and sociology.

Oxford reported 12 cases of academic misconduct, including plagiarism, last year and in two cases students were expelled, while others were marked down.

The university fined one student £100 for taking revision notes into an examination and imposed other fines for talking in an exam and taking mobile telephones into the examination hall.

Bournemouth University proved 53 cases of cheating last year but none of the students was expelled. Instead, most were marked down to nil marks for that piece of coursework or exam.

From Cardiff’s 301 cases of cheating last year, none was expelled but in one case a recommendation was made that the vice-chancellor should disqualify the student from further exams. The remainder of the offenders were reprimanded, marked down or sent on a « study skills » course.

Queen Mary reported one expulsion – for an exam offence and ghostwriting – last year out of 74 cases of cheating.

Voir enfin:

Comment devenir docteur en sociologie sans posséder le métier de sociologue ?1

Bernard Lahire

Revue européenne des sciences sociales

2002

Abstract

Peut-on devenir docteur en sociologie sans avoir acquis les compétences constitutives du métier de sociologue ? Une telle interrogation peut paraître provocatrice. Or, l’examen rigoureux et détaillé d’une thèse soutenue le 7 avril 2001 à l’université de Paris V, sous la direction de Michel Maffesoli (G. Elizabeth Hanselmann-Teissier, Situation épistémologique de l’astrologie à travers l’ambivalence fascination/rejet dans les sociétés postmoderne), conduit malheureusement à émettre une réponse positive à une question apparemment saugrenue. L’objectif premier de cet article est d’apporter les multiples preuves de l’absence de sociologie (de point de vue sociologique, de problématique, de rigueur conceptuelle, de dispositif de recherche débouchant sur la production de données empiriques…) dans la thèse en question. Mais le jugement sur ce cas précis fait apparaître, en conclusion, l’urgence qu’il y a à engager une réflexion collective sur les conditions d’entrée dans le métier de sociologue.

1Le samedi 7 avril 2001, Madame G. Elizabeth Hanselmann-Teissier (connue publiquement sous le nom d’Elizabeth Teissier) soutenait une thèse de sociologie (intitulée Situation épistémologique de l’astrologie à travers l’ambivalence ­fascination/rejet dans les sociétés postmodernes) à l’Université Paris V, sous la direction de Michel Maffesoli2. Les membres présents de son jury – il s’agissait, outre son directeur de thèse, de Serge Moscovici3, Françoise Bonardel4 et Patrick Tacussel5 (Gilbert Durand6 s’étant excusé de ne pouvoir être présent et Patrick Watier7 n’ayant pu se rendre à la soutenance en raison de grèves de train) – lui ont accordé la mention « Très honorable ». Cette mention est la plus haute qu’un candidat puisse recevoir et le fait qu’elle ne soit pas assortie des félicitations du jury n’ôte rien à l’appréciation très positive qu’elle manifeste (de nombreux universitaires rigoureux ne délivrant la mention « très honorable avec les félicitations » que dans les cas de thèses particulièrement remarquables). Deux professeurs avaient préalablement donné un avis favorable à la soutenance de cette thèse sur la base d’une lecture du document : Patrick Tacussel et Patrick Watier. Formellement, Madame Elizabeth Teissier est donc aujourd’hui docteur en sociologie de l’université de Paris V et peut – entre autres choses – prétendre, à ce titre, enseigner comme chargée de cours dans les universités, solliciter sa qualification afin de se présenter à des postes de maître de conférences ou déposer un dossier de candidature à un poste de chargée de recherche au CNRS.

8 Un tel travail de lecture demande beaucoup de temps et porte plus que l’ombre du doute sur les lec (…)

2Une lecture rigoureuse et précise de la thèse dans son entier (qui fait environ 900 pages8 si l’on inclut l’annexe intitulée « Quelques preuves irréfutables en faveur de l’influence planétaire », p. XII-XL) conduit à un jugement assez simple : la thèse d’E. Teissier n’est, à aucun moment ni en aucune manière, une thèse de sociologie. Il n’est pas même question d’un degré moindre de qualité (une « mauvaise » thèse de sociologie ou une thèse « moyenne »), mais d’une totale absence de point de vue sociologique, ainsi que d’hypothèses, de méthodes et de « données empiriques » de nature sociologique.

3Ce sont les différents éléments qui nous conduisent à ce jugement que nous voudrions expliciter au cours de cet article en faisant apparaître que la thèse 1) ne fait que développer un point de vue d’astrologue et 2) est dépourvue de tout ce qui caractérise un travail scientifique de nature sociologique (problématique, rigueur conceptuelle, dispositif de recherche débouchant sur la production de données empiriques…). Enfin, nous conclurons sur le fait que, s’il vaut la peine de faire l’analyse critique de cette thèse, c’est parce que celle-ci n’a rien d’anodin ou d’anecdotique et qu’elle remet gravement en cause la crédibilité scientifique de la sociologie et de tous les sociologues qui font leur métier et forment les étudiants avec toute la rigueur requise : si c’est bien la personnalité d’une astrologue connue des médias qui a été à l’origine de l’intérêt public porté à la soutenance, un tel événement pose au fond la question plus générale du fonctionnement collectif de notre discipline.

Un point de vue d’astrologue

9 C’est pour cela que nous ne pouvons pas suivre Jean Copans (« La sociologie, astrologie des scienc (…)

4Que l’astrologie (l’existence bien réelle d’astrologues), les modes d’usage et les usagers (à faible ou forte croyance) de l’astrologie constituent des faits sociaux sociologiquement étudiables, que l’on puisse rationnellement (et notamment sociologiquement ou ethnologiquement, mais aussi du point de vue d’une histoire des savoirs) étudier des faits scientifiquement perçus comme irrationnels, qu’aucun sociologue n’ait à décider du degré de dignité des objets sociologiquement étudiables (en ce sens l’astrologie comme fait social est tout aussi légitimement étudiable que les pratiques sportives, le système scolaire ou l’usage du portable), qu’un étudiant ou une étudiante en sociologie puisse prendre pour objet d’étude une réalité par rapport à laquelle il a été ou demeure impliqué (travailleur social menant une recherche sur le travail social, instituteur faisant une thèse de sociologie de l’éducation, sportif ou ancien sportif pratiquant la sociologie du sport…), ne fait à nos yeux aucun doute et si les critiques adressées à Michel Maffesoli et aux membres du jury étaient de cette nature, nul doute que nous nous rangerions sans difficulté aux côtés de ceux-ci. Tout est étudiable sociologiquement, aucun objet n’est a priori plus digne d’intérêt qu’un autre, aucun moralisme ni aucune hiérarchie ne doit s’imposer en matière de choix des objets9, seule la manière de les traiter doit compter.

10 Tout ce que nous mettons entre guillemets dans ce texte sont des extraits de la thèse. Les italiqu (…)

5Mais de quelle manière E. Teissier nous parle-t-elle d’astrologie tout au long de ses 900 pages ? Qu’est-ce qui oriente et structure son propos ? La réponse est assez simple, car il n’y a aucune ambiguïté possible sur ce point : le texte d’E. Teissier manifeste un point de vue d’astrologue qui défend sa « science des astres » du début jusqu’à la fin de son texte, sans repos. Et pour ne pas donner au lecteur le sentiment d’un parti-pris déformant, nous multiplierons les extraits tirés du texte de la thèse en indiquant entre parenthèses la référence des pages (afin de donner la possibilité de retourner aisément au texte)10.

Des commentaires astrologiques

6La première caractéristique notable de cette thèse est l’absence de distance vis-à-vis de l’astrologie. On y découvre de nombreux commentaires astrologiques sur des personnes, des événements, des époques. Par exemple, sous le titre « Application de la méthode astrologique : l’analyse du ciel natal d’André ­Malraux », les pages 120 à 131 de la thèse relèvent clairement d’une « analyse astrologique » de la destinée de l’écrivain et ancien ministre (« plutonien grand teint »). M. Weber est qualifié de « taureau pragmatique » (p. 38) et l’on « apprend » diversement que G. Simmel est « Poisson », que W. Dilthey est « Scorpion », que le psychologue C. G. Jung est « Lion » (p. 250), que l’ancien PDG d’Antenne 2, Marcel Jullian, est « Verseau », etc. À chaque fois l’auteur, nous gratifie d’une analyse mettant en correspondance le « ciel natal » de la personnalité et sa pensée :

« Par ailleurs, nous découvrîmes que, par exemple, les systèmes philosophiques et religieux étaient en correspondance avec leurs auteurs via leurs personnalités. […] Autrement dit, qu’ils étaient hautement relatifs et ne pouvaient être qu’à l’image de leurs concepteurs, résultante d’un regard unique, celui de leur ciel natal. » (p. XI)

« L’astrologue n’est pas étonné de constater une amusante convergence entre ce côté ‘flottant’, mouvant, quelque peu imprécis ou fantasque et les Poissons, signe astrologique de Simmel; le signe par excellence, avec le cancer (autre signe d’eau) […] de la mobilité adaptable, de la rêverie, du sens de l’illimité et du cosmique, d’une intuition fine et sensorielle. Signe double de surcroît, reflétant la dualité fondamentale de la philosophie simmelienne […]. C’est à ses planètes en Verseau que Simmel doit son goût pour l’altérité, la communication, mais aussi son originalité, son amour du paradoxe et sa nature imprévisible. » (note 47, p. 34)

« Petit clin d’œil de l’astrologue : Dilthey, créateur d’une nouvelle théorie de la connaissance fondée sur la compréhension, né le 19 novembre 1833, était Scorpion et théologien de formation… » (note 91, p. 61)

« après avoir démontré par un exemple concret (l’analyse du ciel natal d’André Malraux) l’application pratique, venons-en à son histoire » (p. 132)

« Puisqu’il s’agit ici de rendre également compte d’une expérience personnelle… en effet, c’est à l’âge de 14 ans et demi (à la mi-temps du cycle de Saturne, planète de la réalisation de soi, surtout pour le Saturnien qu’est le Capricorne) qu’est né notre éveil pour l’astrologie. » (p. 288)

« Elle [l’astrologie] participe de cette mutation culturelle, scientifique, philosophique et morale de notre époque […] au même titre que l’idée de solidarité et de fraternité libertaire incluses dans le symbolisme du Verseau. » (p. 509)

7E. Teissier est d’ailleurs très claire quant à la primauté de l’explication astrologique sur tout autre point de vue (dont le point de vue sociologique qu’elle est censée mettre en œuvre dans le cadre d’une thèse de sociologie) pour comprendre les faits sociaux. Critiquant une citation de Serge Moscovici qui évoque les causes sociales des crises, elle écrit : « il nous semble qu’il occulte en l’occurrence la dimension cosmique desdits phénomènes; une dimension qui, selon le paradigme astrologique – et notre conviction – vient coiffer le social. En effet, le social est loin d’expliquer toutes les ‘crises… qui se produisent dans la société’. À preuve les actions totalement illogiques, non linéaires, non-logiques et inexplicables autrement que par le paramètre astral qui joue alors le rôle de paramètre éclairant et englobant coiffant le non-logique apparent. » (p. 525). C’est l’astrologie qui explique les faits psychologiques, sociaux et historiques :

[Dans le cadre d’une partie intitulée « La cyclicité planétaire », p. 265-271] « Mais il va de soi que ce sont les mêmes astres avec leurs harmonies et leurs dissonances qui jouent sur les destins individuels. » (p. 268); « Jusqu’au jour où nous réalisons que le 2 décembre correspond à une position de Soleil de 9-10° en Sagittaire, qui se trouvait très impliquée dans le thème de Napoléon Bonaparte » (p. 269); « Le mystère s’éclaircit dès lors que l’on a recours au sésame astrologique : hasard exclu ! »; « Quant aux songes répétitifs, ils s’expliquent par l’angle que fait Neptune (rêves) avec ce même point en Scorpion (10 novembre). CQFD » (p. 270)

« Cette lettre et notre réponse, reproduites in extenso […] sont aussi un exemple significatif du désarroi psychologique dans lequel peuvent nous plonger certaines dissonances planétaires » (p. 321)

« C’est ainsi que nous avons été en mesure de prévoir, entre autres, le krach boursier du 19 octobre 1987, ainsi que de nombreuses turbulences boursières exceptionnelles, souvent assimilées à des mini-krachs… » (p. 432)

« Signalons que, pour l’astrologue, cette période de convulsions sociologiques et philosophiques ne s’inscrit pas dans le hasard, mais se trouve reflétée par les grands cycles cosmiques. » (p. 830)

8Et c’est E. Teissier qui conclut elle-même son premier tome par un lapsus (sociologiquement compréhensible) ou un aveu, comme on voudra, consistant à parler de sa réflexion comme relevant d’un travail d’astrologue et non de sociologue : « Le travail de l’astrologue sera maintenant d’interpréter ces données, de tenter aussi de les expliquer. Et ce, ainsi que nous sommes convenus depuis notre étude, à travers l’outil de la compréhension. Rappelons-nous en quels termes Weber définit la sociologie dans Wirtschaft und Gesellschaft… » (p. 463)

9L’astrologie est à ce point structurante du propos que, bien souvent, la manière dont E. Teissier conçoit son rapport à la sociologie consiste à puiser dans les textes de sociologues des éléments qui lui « font penser » à ce que dit ou fait l’astrologie. Dans la sociologie, une astrologie sommeille :

[À propos de la notion astrologique d’interdépendance universelle] « Une notion qui, en sociologie, peut être rapprochée du Zusammenhang des Lebens (liaison du vécu au quotidien) de Dilthey, d’une cohérence de la vie où chaque élément est pris en compte et complète le donné social » (p. XIV)

« À noter que la typologie zodiacale rappelle la théorie wébérienne de l’idéal-type, dans la mesure où chaque signe correspond au prototype purement théorique d’une personnalité, en liaison avec le symbolisme du signe. » (p. 248)

« Plus concrètement, cette empathie, pierre angulaire de la consultation, oblige l’astrologue à se mettre à la place de son consultant, d’entrer en quelque sorte dans sa peau afin de comprendre son fonctionnement psychologique. On peut en l’occurrence transposer ici la parole de Weber, afférente à la démarche cognitive de l’observateur en sociologie. […] En réalité, cette sympathie, cette empathie par rapport à l’expérience d’autrui, une des clefs de la sociologie compréhensive, est aussi le sésame de tout praticien, dont l’objet est la psyché humaine. L’idéal-type de l’astrologue devra, même si c’est difficile, satisfaire à ces conditions opérationnelles de la consultation en engageant la totalité de son être. » (p. 390)

Point de vue normatif et envolées prophétiques

11 M. Maffesoli, « Éloge de la connaissance ordinaire », Le Monde daté du 24 avril 2001.

10Le point de vue sociologique n’est pas un point de vue normatif porté sur le monde. Le sociologue n’a pas, dans son étude des faits sociaux, à dire le bien et le mal, à prendre partie ou à rejeter, à aimer ou à ne pas aimer, à faire l’éloge11 ou à condamner. En l’occurrence, une sociologie de tel ou tel aspect du « fait astrologique » ne doit en aucun cas se prononcer en faveur ou en défaveur de l’astrologie, dire si c’est une bonne ou une mauvaise chose. Or, Elizabeth Teissier demeure en permanence dans l’évaluation normative des situations, des personnes et des points de vue, prouvant qu’elle écrit en tant qu’astrologue et non en tant que sociologue des pratiques astrologiques. Ce jugement normatif se manifeste, comme nous le verrons tout au long de ce rapport de lecture, à différents niveaux :

12 Nous ne vérifierons pas ici la véracité des sentiments positifs à l’égard de l’astrologie que l’au (…)

1) Dans l’évaluation positive (défense) de l’astrologie. De ce point de vue, tous les moyens sont bons pour prouver l’intérêt de l’astrologie. E. Teissier se sert de façon générale de la légitimité des « grands » qui auraient accordé de l’intérêt pour l’astrologie12, quelle que soit la nature de leur « grandeur » (elle peut ainsi tout aussi bien citer Balzac, Goethe, Fellini, Thomas d’Aquin, Bacon, Newton, Kepler, Einstein, Jung, Laborit, le roi Juan Carlos d’Espagne ou l’ancien Président François Mitterrand) : politique, cinématographique, philosophique, littéraire et, bien sûr, scientifique.

2) Dans l’évaluation négative de la partie des astrologues jugés peu sérieux, mais aussi de la voyance et autres pratiques magiques. Si E. Teissier ne se prive pas d’être dans le jugement positif à l’égard de l’astrologie qu’elle qualifie de « sérieuse », elle n’hésite pas à porter un regard négatif sur les autres pratiques. En portant de telles appréciations, elle se comporte alors en astrologue en lutte pour le monopole de la définition de l’astrologie légitime, et nullement en sociologue :

« Qu’il s’agisse de la presse écrite, de la télévision, du minitel ou d’internet, les horoscopes foisonnent, noyés dans un contexte qui, la plupart du temps, n’est qu’une grossière caricature d’ésotérisme – voyance, cartomancie, tarots, numérologie et autres retours d’affection appartenant à l’univers magico-mystificateur de pratiques paranormales » (p. 4)

[Fustigeant ses confrères sur minitel] « rares sont les programmes vraiment sérieux – on peut les estimer à un nombre situé entre 50 et 100 – qui pratiquent une astrologie digne de ce nom. Les autres ? Des avatars plus ou moins ludiques, des cocktails habiles et mystificateurs qui usurpent le nom astrologie, leurs concepteurs nourrissant l’espoir que cela leur donnera une coloration peu ou prou scientifique » (p. 74)

« séparer le bon grain (les astrologues compétents) de l’ivraie (les exploiteurs opportunistes d’une crédulité générale latente) » (p. 294).

Critique de la « fast-astrology » d’une « pauvreté parfois consternante » (p. 305).

[Les rédacteurs en chef de magazines ou journaux acceptent de publier] « des prévisions bateau minimalistes et d’un niveau intellectuel souvent consternant » (p. 556)

3) Dans l’évaluation négative des scientifiques (astronomes notamment, mais pas seulement) qui ne veulent pas reconnaître la légitimité de la « science des astres » (cf. infra « L’astrologie victime d’un consensus socioculturel et de la domination de la ‘science officielle’ »).

4) Dans l’évaluation négative de nombres de journalistes ou de médias qui se moquent des astrologues et de l’astrologie (cf. infra « Les ‘données’ : anecdotes de la vie personnelle, médiatique et mondaine d’E. Teissier »).

13 Elle peut soutenir à d’autres moments que la vérité sort de la bouche du peuple, parce que – mythe (…)

5) Dans l’évaluation négative d’une partie du public usager des prédictions astrologiques. E. Teissier manifeste un souverain mépris, parfois teinté d’ironie ou d’une extrême condescendance, vis-à-vis d’une partie de son propre public13 :

[Dans les « appels à l’aide » du courrier, des lecteurs lancent de] « véritables cris d’alarme ou de désarroi jetés par des déprimés las de vivre et de se battre contre l’adversité » et certains « se lancent alors dans un historique englobant toute leur misérable existence et nous gratifient d’une épître interminable couvrant parfois une vingtaine de pages d’une petite écriture serrée et frileuse. » (p. 312)

[À propos d’une lectrice qui lui demande si elle croit aux envoûtements car elle pense que ses voisins marocains l’ont envoûtée et qui lui demande si elle connaît des « sorciers sérieux » qui pourraient l’aider] « Manifestement cette lectrice était affligée d’une confusion intellectuelle – sinon mentale – évidente. Car […] elle assimilait la pratique astrologique à la magie et à la sorcellerie, auxquelles l’astrologie est totalement étrangère […] » (p. 372)

[À propos d’un allemand qui lui envoie du courrier depuis 1981, « deux à trois lettres par semaine, parfois des petits paquets contenant des bibelots kitsch »] « Il a ainsi dépensé une véritable fortune en timbres depuis presque vingt ans qu’il s’adonne à cette déviance unilatérale, à ce monologue pervers. » (p. 377)

« Les couches les moins cultivées de la société, ouvriers et agriculteurs, sont peut-être les plus vulnérables à cette fascination globale et non discriminatoire. […] pour peu qu’une idée soit séduisante et si possible étrange, les gens gobent sans discrimination ce qu’on leur sert, tant est profond le goût du merveilleux et mystérieux le besoin de renouer le dialogue avec l’ordre primordial, avec le cosmos. » (p. 470-471)

À propos de T. W. Adorno qui, dans un ouvrage critique sur l’astrologie, dit que celle-ci participe de l’acceptation par les dominés de l’ordre établi, E. Teissier écrit : « En l’occurrence, à quoi servirait de faire sentir à ces petites gens leur dépendance, de les appeler à la révolte ? Peut-être à les rendre plus malheureux encore qu’ils ne sont ? » (p. 582); et elle rajoute une page plus loin, sans s’apercevoir qu’elle semble parler d’elle-même : « Bref, le mépris et l’arrogance percent sans arrêt à travers ces textes, de même qu’un esprit dénué totalement de sérénité et d’objectivité. » (p. 583)

11Mais de même qu’il ne doit être ni dans l’éloge ni dans la détestation, le sociologue n’étudie que ce qui est et non ce qui sera. Or, E. Teissier annonce l’avenir à de nombreuses reprises, prophétisant ce qu’elle désire ou, comme on dit plus ordinairement, prenant ses désirs pour des réalités (à venir). Si l’astrologue critique la lecture de l’avenir dans le marc de café, elle n’hésite cependant pas elle-même à prédire l’avenir sur la base de ses simples intuitions personnelles :

« Mais notre regard se portera plus loin et tentera de se projeter sur une vision prospective, essayant de pressentir et de supputer, étant donné le contexte sociétal d’aujourd’hui, la probable évolution du phénomène bifide qui nous occupe : y aura-t-il fusion, intégration harmonieuse de cette conjonctionis oppositurum, dans une sorte de synthèse féconde, et alors quelle forme pourrait prendre cette dernière ? […] En d’autres termes, dans quel sens ira, selon toute vraisemblance, cette mouvance sociale ? » (p. 9)

« Nous oserons même tenter une incursion imaginaire dans l’avenir, à la recherche, en quelque sorte, du temps futur et de l’évolution probable du phénomène socio-astrologique » (p. 69)

« Car la raison sèche, la raison ratiocinante a fait son temps. Voici venir l’âge d’une raison ouverte, d’une ‘raison plurielle’, réconciliée avec la passion et le vital en l’homme, sa libido – ou pulsion vitale – véhiculant à la fois sa sensibilité et son feu intérieur. » (p. 834)

« Mais les nouvelles énergies sont en marche, comme l’annonce Abellio, ‘l’incendie de la nouvelle science fera irruption dans le monde’ » (p. 850)

L’astrologie est une science, voire la plus grande des sciences

14 « […] je n’ai lu nulle part dans sa thèse que l’astrologie était scientifique », A. Touraine, « (…)

15 Elle écrit par ailleurs : « D’autre part, la télépathie ne s’est elle pas imposée comme discipline (…)

12Contrairement à certains lecteurs pressés, et empressés de communiquer à la presse le résultat de leur précipitation, qui soutiennent que E. Teissier n’a jamais défendu l’idée que l’astrologie était une science14, une lecture exhaustive de la thèse fait apparaître très exactement le contraire. L’auteur parle diversement de la « science des astres » (à de très nombreuses reprises tout au long de la thèse) ou de « la science empirique des astres » (p. 258), de « la science par excellence de la caractérologie » (p. XI), de « la science par excellence de la personnalité » (p. 92 ou 815), de la « science de la qualité du temps » (p. 112), d’une « science empirique par définition » (p. 769) ou de « la reine des sciences » (p. 72)15. Parfois l’astrologie est considérée comme une science sociale parmi d’autres, parfois comme une « science de l’esprit » opposée aux « sciences de la nature » ou une « science humaine » (p. 98) opposée à l’astronomie comme « science de l’observation ».

« à défaut de pouvoir être classé dans les sciences exactes, s’agit-il d’un savoir à connotation scientifique – fût-ce par le biais des sciences humaines ? […] Pour une large part, celle-ci, en tant que science empirique, est de l’ordre du vérifiable et échappe ipso facto à la notion de ‘croyance’. Car l’astrologie, en tant que système culturel cohérent, a pour ambition de déchiffrer le réel à l’aide d’un référentiel universel et permanent – l’alphabet céleste du système solaire – référentiel invariable et donc prévisible dans sa rigueur mathématico-astronomique » (p. 24-25)

« En effet, l’astrologie étant, au même titre que la psychologie, la sociologie ou la religion, une science de l’esprit […] par opposition à une science de la nature (bien qu’elle englobe celle-ci dans son objet), il n’est pas question ici de faire appel à un positivisme rationaliste expérimental qui ne relèverait que du quantitatif » (p. 27)

« la problématique épistémologique soulevée par la nature des sciences sociales en général et par l’astrologie en particulier » (p. 48)

« Selon nous, on l’aura compris, l’astrologie est un système cohérent, mathématiquement rationnel (supra-rationnel, selon Fischler) et vérifiable d’un astrologue à l’autre, ayant pour soubassement les données astronomiques fournies par les observatoires, à l’encontre de pratiques occultes et plus ou moins gratuites. » (p. 579)

13Mais on trouve aussi, toujours dans l’ordre de la référence scientifique, des revendications de plus grande dignité et de supériorité. Non seulement l’astrologie est une science, mais c’est la plus haute des sciences :

« On peut dire en somme que sans être classable dans l’une ou l’autre de ces catégories de la connaissance, l’astrologie est une émanation partielle de chacune de ces disciplines qu’elle englobe en un système ambitieux. » (p. 22)

« Elle apparaît de ce fait comme peut-être la seule science objective de la subjectivité, avec ce qu’elle peut contenir d’hénaurme, au sens ubuesque du mot, et de dérangeant. » (p. 250)

« L’astrologie est la mathématique du tout(dans la Rome antique, les astrologues étaient d’ailleurs appelés les mathematici). Elle est holistiquement logique, au contraire d’une logique fragmentaire, linéairement rationnelle. » (p. 501)

« Que connaissaient-ils tous de cette science ? Car à nos yeux, c’en était une, une science humaine bien plus charpentée que beaucoup d’autres, qui étaient respectées, elles. D’où venait que la plus vérifiable était justement la plus tabou, la plus salie, la plus rejetée ? À croire que la vérité était maudite quelque part. » (p. 597-598)

14Il ne faut cependant pas attendre de l’auteur trop de cohérence au sujet de la scientificité de l’astrologie, car elle peut tout aussi bien soutenir à d’autres moments que ce savoir se situe entre le mythe et la science ou qu’il est finalement en lien avec la plupart des sciences humaines et sociales, la philosophie, la poésie, la religion et la mythologie. Cette variété des définitions hétérogènes participe de la volonté de mettre en évidence l’extraordinaire richesse et l’irréductible complexité de l’astrologie :

« S’appuyant sur un langage symbolique en congruence avec tous les niveaux de réalité de L’Etant, et ce aussi bien sur un plan collectif qu’individuel, elle participe avant tout des sciences qui étudient l’homme, comme la philosophie (en particulier la métaphysique, à travers la cosmogonie qu’elle implique), la psychologie, la médecine, la biologie; elle flirte avec la poésie; mais elle est partie prenante également des sciences qui étudient la société humaine et ses produits, comme l’histoire et les sciences politiques (à travers la théorie des cycles), les sciences sociales (à travers les modes, les mouvements collectifs et les mentalités), la prospective (via la prévision qu’elle permet). Et n’oublions pas la religion (en liaison avec son caractère originellement sacré, l’éthique et l’esthétique qu’elle sous-tend), ni, bien entendu la mythologie. » (p. 21).

« Nous verrons que l’astrologie se situe effectivement quelque part entre ces deux univers du mythe immémorial et de la pure scientificité… » (p. 210)

« L’astrologie qui se situe au carrefour de la philosophie métaphysique, de la religion et de la science, qui participe à la fois de l’image et du concept, se place également quelque part entre le sacré et le profane. » (p. 478)

15Ailleurs encore, l’astrologie est présentée comme étant presque à l’avant-garde du « Nouvel esprit scientifique » et participant d’une « épistémologie de la complexité ». Non seulement elle est une science, et l’une des plus grandes d’entre elles, mais en plus elle s’avère plus avancée que toutes les autres :

Le « système astrologique » est « orienté sur la loi hermétique des correspondances, sur l’idée de sympathie universelle, autrement dit sur la notion, essentielle pour le Nouvel Esprit scientifique, d’interdépendance universelle » (p. XIV)

« l’astrologie […] non seulement ne serait pas en contradiction avec le paradigme du Nouvel esprit scientifique, mais serait au contraire depuis toujours en congruence totale avec ce dernier » (p. 752)

« On peut donc imaginer que la science n’admettra la validité de l’astrologie que lorsqu’elle aura elle-même changé de paradigme en se rangeant du côté du nouvel esprit scientifique et en acceptant de reconnaître la réalité de l’esprit. Car en dernier ressort, la science finira par atteindre ses propres limites en touchant les limites de la matière… » (p. 765)

« cette ‘crise de la science’ aboutit à une nouvelle Weltansschauung qui ne demande qu’à renaître, celle de la complexité (Morin). Tournant paradigmatique, donc, équivalent à un glissement d’une épistémologie vers une ontologie, cette épistémologie étant celle de la complexité (Morin) » (p. 843).

16Mais si l’astrologue est si en avance, c’est – nous explique l’auteur sans rire – qu’à la différence de l’astronome « qui a en général une approche purement physique et mécaniste de sa science » et qui « est hypnotisé par la petitesse des astres, leur éloignement, leur faible masse par rapport au soleil », lui, « en écoute la musique » (p. 98). La tristesse du savoir de celui qui « évalue le poids et la matière du disque, ses dimensions et sa température, suppute sa densité » (p. 98) est grande face à la joie de celui qui sait écouter « la musique des sphères, chère déjà à Plotin, avant qu’elle ne fasse rêver Kepler » (p. 98).

L’astrologie victime d’un consensus socioculturel

et de la domination de la « science officielle »

17Pourquoi, se demande E. Teissier, l’astrologie ne bénéficie-t-elle pas de la légitimité académique (universitaire) et scientifique (au CNRS) ? Sa réponse – formulée à maintes reprises dans le texte – est la suivante : l’astrologie (« la science des astres ») est victime d’un rapport de domination qui est parvenu à instaurer un véritable consensus socioculturel en sa défaveur. La science, souvent rebaptisée « science officielle », « pensée unique » ou « conformiste », opprime l’astrologie et fait croire au plus grand nombre qu’il s’agit d’une « fausse science » en cachant la réalité des choses (« conjuration du silence », p. 816). La « science officielle » est donc considérée comme une idéologie dominante, un « lieu totalitaire », un « impérialisme » ou un « terrorisme » face à cette « contre-culture » astrologique qui est maintenue dans un véritable « ghetto ». Pire encore, la science n’est qu’affaire de « mode » et de « convention » et ne parvient à maintenir sa domination que par un enseignement officiel qui dicte à tous ce qu’il est bon de penser :

« Plus ou moins consciemment, nous étions convaincue, à l’instar de toute personne fermée à l’astrologie a priori et par convention, que l’absence de tout enseignement officiel reléguait la science des astres dans les fausses sciences. » (p. IX)

« Presque aussi ahurissante était l’occultation de ce paramètre philosophique dans notre culture occidentale, le fait qu’à travers toutes nos études – jusqu’à vingt-quatre ans – jamais nous n’avions entendu parler d’astrologie. Mieux : on nous avait soigneusement caché – comme on continue de le faire – que les plus grands esprits – R. Bacon, St Thomas d’Aquin, Newton, Kepler, Balzac, Goethe, Einstein, Jung… avaient soit pratiqué, soit vénéré la science des astres. Pourquoi ce parti pris de mise au ban de la plus pérenne des connaissances humaines ? Nous prîmes alors conscience de la relativité du consensus intellectuel d’une époque, vouée aux modes, muselée par ses courants de pensée; nous nous apercevions que l’enseignement officiel était un colosse aux pieds d’argile » (p. X)

« un pays, une culture sont le reflet de leur enseignement académique qui dicte ce qu’il convient de penser, le bien penser. La doxa (l’opinion), véhiculée en particulier par les médias, tout en ayant la coloration du sens commun, reste néanmoins sous l’influence de la pensée conformiste qui lui sert de référence » (p. XII-XIII)

« cette allergie aux astres qui débouche sur l’ostracisme culturel face à une contre-culture provocatrice » (p. XIII)

« Les résultats de telles recherches pourraient changer l’actuel consensus socioculturel, entraînant un changement dans les mentalités, et ce notamment au sein d’une certaine intelligentsia que J.-M. Domenach appelle les gens du demi-savoir. » (p. XVI)

« croyance illicite, donc persécutée, ses partisans faisant éventuellement office de bouc émissaire. » (p. 24)

« un certain terrorisme desséché de la pensée scientifique officielle » (p. 25)

« du fait de sa ghettoïsation, le milieu astrologique peut s’inscrire parmi les minorités culturelles » (p. 32)

« lobby scientifique face à l’astrologie » (p. 52)

« rationalisme dominant, lequel se trouve également à la source de la suppression de l’enseignement officiel de l’astrologie » (p. 88)

« C’est seulement au XVIIème siècle que ces deux sciences bifurquent. La mode est désormais à l’astronomie, sœur matérialiste de l’astrologie. » (p. 94-95)

« Et, forte du consensus socio-culturel qui la soutient tel un socle confortable, elle [la science] se permet d’opérer des évaluations […] et des appréciations […] » (p. 736)

« La science apparaît comme un lieu totalitaire qu’il ne faut pas remettre en question, où la compétition et le mandarinat jouent un rôle essentiel pour nombre de scientifiques. » (p. 737)

18Les « préjugés » et les « clichés » sont ainsi du côté de la « science officielle ». Les rationalistes sont « agressifs », « dogmatiques », « attardés » et sont accusés de manque de curiosité pour ne pas vouloir s’intéresser à l’astrologie et, surtout, pour ne pas lui trouver de l’intérêt : « Aujourd’hui, l’obscurantisme, l’opposition aux Lumières n’est plus du côté que l’on croit. » (p. 816).

« la raison en tant que telle n’a-t-elle pas outrepassé ses prérogatives et trahi sa vocation de sereine souveraineté pour se scléroser, tel un vieillard tyrannique ? » (p. 7)

« dogme implicite et respecté de la pensée dominante d’une société, en l’occurrence de la nôtre » (p. 11)

« rationalistes agressifs et allergiques aux astres » (p. 42)

« C’est un truisme d’affirmer que les décideurs, les hommes d’affaires sont de grands pragmatistes : ils retiennent ce qui marche, et s’encombrent peu, si les faits le commandent, des préjugés inhibants des rationalistes purs et durs. » (p. 430)

« C’est bien là la problématique de l’astrologie face à la condamnation des rationalistes purs et durs : l’inadéquation du système rationaliste. Sous cet aspect, on peut sans doute se ranger du côté d’Abellio qui traitait ces derniers d’attardés. Lorsque les représentants de cette tendance se retrouvent dans les médias, ils se muent en robots de la pensée, en mercenaires du système rationaliste. » (p. 638)

« Comme on l’a vu dans Duel sur la cinq, le scientifique se retranche derrière ses phrases clés, des phrases à consonance magique, aussi paradoxal que cela puisse paraître pour un savant : ‘L’astrologie n’est pas scientifique’… Lorsque cet argument est ainsi récurrent, il fait figure à la fois de défense, d’attaque, de bouclier, à l’instar de l’encre projetée par la seiche. Visiblement on ne veut – on ne peut – accepter l’échange, la discussion, l’argumentation. On fait appel à ce qui ressemble à un véritable credo, celui de la science officielle. Derrière cette attitude on trouve bien évidemment de l’arrogance, du mépris, une condescendance de bon aloi, mais aussi beaucoup de peur; la peur d’être déstabilisé, la peur d’être confronté à un inconnu qu’on ne pourra ni intégrer ni gérer. D’où l’attitude iconoclaste du scientifique positiviste, qui se réfugie dans la déliance (à l’opposé de la reliance), dans un splendide isolement. » (p. 729)

« refus d’expérimenter que l’on constate presque universellement dans le domaine de la science officielle » (p. 756)

L’argument relativiste

19On voit bien qu’invoquant le consensus socio-culturel et la domination, E. Teissier avance les éléments clefs de la position la plus naïvement relativiste. Remplacez les enseignants de physique par des enseignants d’astrologie, appelez l’astrologie la « science des astres » et imposez la à tous ceux qui passent par l’institution scolaire et vous verrez que la théorie de la relativité ne vaut guère mieux que l’analyse astrologique du ciel natal. Tout est affaire de mode et d’imposition purement arbitraire. Tout est relatif.

« Nous ne pouvions accepter – ni même envisager – l’idée qu’une société entière, surtout en notre époque postmoderne – donc, pensions-nous, évoluée – pouvait avoir tort, qu’elle était, elle aussi, comme toutes celles qui ont précédé, essentiellement relative. » (p. IX)

« La valeur d’une discipline n’est-elle pas relative à ceux qui la jugent; or, ceux-ci peuvent-ils juger ex nihilo, dégagés de tout a priori, de toute influence, de toute détermination socioculturelle ? » (p. XVI)

20Il suffirait donc de changer les « critères scientifiques » et de conception de ce que l’on appelle une « preuve » pour faire passer l’astrologie de l’état de connaissance opprimée à l’état de véritable science :

« chaque fois, on voulut faire rentrer l’astrologie dans le moule des critères classiques de scientificité, et celui de Procuste était chaque fois trop petit, on s’en doute. » (p. 743)

« Tout le problème […] réside dans l’acception qu’on peut donner du mot preuve, car ce que les astrologues allégueront sous ce nom sera dénié par les scientifiques hostiles à l’astrologie. » (p. XIV)

21Par ailleurs, si E. Teissier insiste à de nombreuses reprises sur l’absence d’enseignement de l’astrologie à l’université et sur l’absence de département de recherche astrologique au CNRS, c’est bien pour défendre la thèse de la valeur relative de la science actuelle et de l’enseignement tel qu’il est pratiqué. À partir d’un tel argument, fondé sur l’idée de vérité comme pur effet d’un rapport de force, on pourrait tout aussi bien dire qu’en enseignant officiellement l’« art de lire dans les lignes de la main » et en rebaptisant la chiromancie « science de la prédiction des destins individuels » on pourrait imposer un nouvel état de la pensée scientifique, ni plus ni moins valable que le précédent ou que le suivant :

« Un fait sociologique surtout nous interpellait : le vide pédagogique de l’astrologie dans les institutions officielles en notre époque. L’intelligentsia semble ignorer en général que cette discipline fut en réalité enseignée à la Sorbonne jusqu’en 1666 et en Allemagne jusqu’en 1821. » (p. XII)

« [Nous nous demanderons] quelles pourraient être les chances de réhabilitation officielle de l’astrologie liée à une situation épistémologique évolutive » (p. 69)

« L’absence de recherches officielles – pour lesquelles il faudrait des subventions de l’Etat –, le refus de prendre en considération le paradigme astrologique, ne serait-ce que pour le réfuter, par exemple au moyen d’un département d’études au CNRS, sont là des symptômes évidents de l’attitude volontairement partiale, omniprésente dans la science officielle. » (p. 762)

22E. Teissier émet donc des commentaires astrologiques, se livre à une défense de l’astrologie qui est, pour elle, la « reine des sciences » et adopte sans discontinuité le point de vue normatif de l’astrologue plutôt que le point de vue cognitif du sociologue étudiant l’astrologie. Est-ce que, malgré tout, ce point de vue d’astrologue et ce plaidoyer pour l’astrologie s’accompagnent d’une réflexion et d’un travail de recherche sociologiques ? L’objet de notre deuxième partie est de montrer qu’il n’en est rien.

Le mauvais traitement de la sociologie

23Il n’y a, dans le texte d’E. Teissier, aucune trace de problématique sociologique un tant soit peu élaborée, de données empiriques (scientifiquement construites) ou de méthodes de recherche dignes de ce nom. L’« hypothèse » floue annoncée (« à savoir cette ambivalence sociétale où prime cependant la fascination, ambivalence qui frise parfois le paradoxe et qui fait figure de schyzophrénie (sic) collective », p. 7) n’est d’ailleurs qu’une affirmation parmi d’autres qui ne débouche sur aucun dispositif de recherche en vue d’essayer de la valider (mais telle qu’elle est formulée, on a en effet du mal à savoir ce qui pourrait être validé ou invalidé).

24En revanche, on a affaire, comme nous allons le voir, à de nombreux usages douteux des références sociologiques, à des propos clairement a-sociologiques et anti-rationalistes exprimés dans un style d’écriture pompeux et creux, ainsi qu’à des « données » anecdotiques et narcissiques (E. Teissier à la télévision, E. Teissier et la presse écrite, E. Teissier et ses démêlés avec les scientifiques, E. Teissier et les hommes de pouvoir, Le courrier des lecteurs d’E. Teissier…) suivis de commentaires le plus souvent polémiques (règlements de compte ou récits des règlements de compte avec telle ou telle personnalité de la télévision, tel ou tel scientifique, etc.) ou d’une série de citations d’auteurs rarement en rapport avec les propos qui les précèdent et avec ceux qui les suivent.

Contresens et mauvais usages

25La thèse est truffée de références sociologiques souvent affligeantes pour leurs auteurs (Durkheim, Weber, Berger et Luckmann…) et se lance parfois dans des critiques qui montrent que les auteurs critiqués n’ont pas été compris. Il faudrait évidemment des dizaines de pages pour relever chaque erreur de lecture, chaque absurdité, chaque transformation des mots et des idées des auteurs cités et expliquer pourquoi ce qui est dit ne veut rien dire étant donné ce que les auteurs commentés voulaient asserter.

26Par exemple, le sociologue allemand Max Weber est particulièrement mal traité, systématiquement détourné dans le sens où l’auteur de la thèse a choisi de le faire témoigner. Weber, présenté comme le défenseur d’un « subjectivisme compréhensif » (p. 37) est ainsi inadéquatement invoqué à propos de l’« interactionnisme » :

[À propos des gens qui sont nés le même jour et qui se rendent compte qu’ils ont des points communs] : « On a ainsi des questions du genre : ‘Au fait, que vous est-il arrivé en 1978 ? N’avez-vous pas comme moi divorcé ?’ Et l’autre de rétorquer : ‘Tiens donc, c’est intéressant. C’est bien fin 1978 que mon couple a connu la crise la plus forte et il est vrai qu’avec ma femme nous avons songé à nous séparer…’ À n’en pas douter, ce genre de similitude crée des liens, dans la mesure où l’on se retrouve peu ou prou dans l’Autre et/ou que l’on s’y projette. À travers le dialogue qui s’instaure, on a affaire à un véritable interactionnisme qui, selon Weber, est ‘une activité […] qui se rapporte au comportement d’autrui, par rapport auquel s’oriente son déroulement’ » (p. 405-406)

27La « sociologie compréhensive » est invoquée à tort et à travers. L’auteur écrit qu’elle va mettre en œuvre « la méthode de la compréhension » (p. VII) en interprétant vaguement la « sociologie compréhensive » comme une sociologie qui donnerait raison aux acteurs (et, en l’occurrence, aux astrologues). Ne pas rompre avec l’astrologie, lui (se) donner d’emblée raison et voir en quoi tout ce qu’on peut lui reprocher est de mauvaise foi : voilà ce qu’E. Teissier comprend du projet scientifique de la sociologie compréhensive appliquée à l’astrologie. Et l’on pourrait faire les mêmes remarques à propos des références à l’« interactionnisme symbolique » dont l’auteur semble à peu près ne connaître que le nom :

« À travers ce que l’on pourrait appeler une herméneutique de l’expérience, c’est la recherche de ce sens, aussi complexe qu’il se révèle, qui sera l’objet du second volet, où nous pratiquerons une sorte d’interactionnisme symbolique (selon l’École de Chicago). Recherche du sens sous-tendu par cette Lebenswelt de l’astrologie, par le donné social, à l’aube de ces temps nouveaux. » (p. 463)

28L’on voit aussi se développer les « talents » d’argumentation critique de l’auteur dans ce commentaire de Durkheim, où l’on saisit que l’idée de traiter les faits sociaux comme des choses est « abusive, et donc difficile à admettre parce qu’inadéquate » :

« Dans Les règles de la méthode sociologique, Durkheim affirme que ‘les faits sociaux sont des choses’. Encore qu’à coup sûr il faille compter la mouvance astrologique dans les faits sociaux, cette identification, qui consiste à chosifier ainsi un phénomène qui est de l’ordre de l’esprit et du vivant, nous paraît abusive, et donc difficile à admettre parce qu’inadéquate. » (p. 278)

29Et que faire, sinon rire, face au drolatique contre-sens sur la pensée de Michel Foucault concernant l’« intellectuel spécifique ». L’auteur de la thèse n’ayant de toute évidence pas lu Michel Foucault invoque la soi-disant critique des « intellos spécifiques » (sic) par un Michel Foucault qui justement défendait (en grande ­partie contre Sartre) la figure de l’« intellectuel spécifique » contre celle d’un « intellectuel universel » : « quoique puissent en dire les ‘intellos spécifiques’, hostiles au savoir transdisciplinaire, stigmatisés par Michel Foucault » (p. 860).

Des propos a-sociologiques et parfois anti-rationalistes

30On a déjà fait remarquer que l’auteur de la thèse privilégiait le point de vue astrologique sur l’explication sociologique. Mais souvent les explications apportées sont clairement a-sociologiques et trop floues ou trop générales pour être considérées comme de véritables explications. Qu’elle évoque l’« atavisme » ou les « dispositions humaines ataviques » (p. 62), « la part d’ombre » (p. 8) de chacun d’entre nous, la « reliance astrologique intemporelle inscrite au cœur de l’humanité » (p. 62), le « réflexe de l’homme, archaïque et intemporel, universel et omniprésent, qui le porte depuis la nuit des temps à voir une admirable homothétie entre la structure de l’univers et la sienne propre d’une part, la nature qui l’entoure d’autre part » (p. 200), l’« héritage génétique » et le « ciel de naissance » (p. 243), l’« Urgrund commun à toute l’humanité » (p. 253), « la permanence et la similitude de la nature humaine, à la fois sur le plan diachronique et synchronique » (p. 483), E. Teissier explique la fascination des uns et le rejet des autres par la nature humaine, les planètes ou une vague « intuition miraculeuse ». Ainsi, commentant les résultats d’un sondage effectué par le journal Le Monde, outre sa polémique avec le journal, E. Teissier se demande face à l’information selon laquelle les femmes seraient plus intéressées que les hommes par l’astrologie : « Faut-il y voir la conséquence d’un syncrétisme ontologique qui la porte à davantage de perméabilité spontanée à tout ce qui est de l’ordre de la Nature, sans la mettre en porte-à-faux avec une intuition qu’elle ne renie pas… » (p. 280). Les exemples de la sorte sont très nombreux :

« faut-il y voir [dans la fascination pour l’astrologie] un souvenir béni de la mémoire collective, une intuition miraculeuse du fil ténu qui le rattache au cosmos et à mère Nature, comme sa sauvegarde, en somme, en ce monde où une science mécaniste et une société déshumanisée voudraient le maintenir cloué au sol ? Plus concrètement, ce clivage sociétal est-il à rapprocher de catégories socioprofessionnelles particulières, de certaines classes d’âge, de la différence de sexe, ou faut-il le chercher dans l’individu lui-même, dans sa part d’ombre, quelle que soit sa place dans la société ? » (p. 8)

« une recherche des dispositions humaines ataviques et récurrentes pour cette reliance astrologique intemporelle inscrite, semble-t-il, au cœur de l’humanité. » (p. 62)

« on pourrait parler de données immédiates de la conscience collective pour qualifier ce réflexe de l’homme, archaïque et intemporel, universel et omniprésent, qui le porte depuis la nuit des temps à voir une admirable homothétie entre la structure de l’univers et la sienne propre d’une part, la nature qui l’entoure d’autre part » (p. 200)

« En somme, on pourrait comparer l’influence astrale à un vent (cosmique) qui soufflerait dans une certaine direction, induisant des climats et des événements probables, sans préjuger de la réaction de l’homme. Celle-ci étant fonction de sa personnalité propre, elle-même héritée à la fois génétiquement et par le ciel qui l’a vu naître » (p. 243)

« On est ici au cœur d’un anthropomorphisme intemporel, immémorial, atavique, qui participe de cet Urgrund commun à tout l’humanité. » (p. 253)

31Mais c’est plus généralement toute explication un tant soit peu rationnelle qui est explicitement rejetée par l’auteur. Devant la trop grande complexité des choses, il faudrait abandonner tout espoir de parvenir à en rendre véritablement raison et laisser parler l’intuition sensible et le langage des symboles. Il est vrai que l’auteur est bien aidée dans cette voie par les auteurs qu’elle ne cesse de citer et qui s’affirment assez nettement anti-rationalistes :

« une question primordiale apparaît être la suivante : faut-il voir dans l’approche astrologique une émanation de l’Absolu qui, bien qu’éloignée des religions révélées, serait une tentative humaine pour appréhender, à travers l’ordre cosmique conçu par un Dieu créateur, la manifestation d’une transcendance ? Ou bien doit-elle être considérée comme le code explicatif et immanent d’une influence astrale purement physique, phénomène à rapprocher des sciences de la nature ? Et dans ce cas, quelle serait la source ontogénétique de cette miraculeuse adéquation universelle, le primum mobile ? La réponse à cette question ontologique ne peut qu’être individuelle, car elle se place hors du domaine de la Raison pure, dans celui de l’indémontrable. » (p. 263)

[Citation de Michel Maffesoli] « il convient de dépasser, sans nostalgie aucune, toutes les idéologies se réclamant des prémisses rationalistes (Éloge de la raison sensible, p. 44) » (p. 643)

[Citation en exergue de Michel Maffesoli] « Le rationalisme classique (en sociologie) a fait son temps… » (p. 813)

Refus de toute objectivation

32On aura compris que tout ce qui pourrait permettre d’objectiver et de saisir même partiellement la réalité censée être étudiée est rejeté par l’auteur fascinée, séduite (« Simmel étant par ailleurs – et avant tout – un philosophe de la vie, au même titre que Schopenhauer, Bergson ou Nietzsche, cela également était fait pour nous séduire […] », p. 50) par « la vie » dans toute sa complexité; complexité que les rationalistes, les sociologues positivistes, etc., s’acharnent à vouloir réduire et abîmer. La « méthode » qui convient à un objet aussi complexe et subtil est celle qui est « sensible à l’univers mystérieux, voire insondable, de l’âme humaine ». Cette « méthode » est indistinctement désignée par les termes de « méthode phénoménologique », d’« empathie » ou de « sociologie compréhensive » :

« Du fait que l’objectivité parfaite rêvée par la sociologie positiviste se cantonne dans un idéal par définition inaccessible, du fait surtout de la nature de notre sujet, essentiellement complexe, parfois contradictoire dans ses manifestations, un sujet ayant de surcroît pour objet et pour centre un univers subtil où convergent croyance, philosophie, tradition, sacré, affect fait de peur et de fascination, une méthode quantifiante et axée sur des analyses purement rationnelles passerait à côté de la vraie nature du problème. Une autre méthode s’avère donc nécessaire, sensible au monde vécu quotidien d’une part, à l’univers mystérieux, voire insondable, de l’âme humaine d’autre part. S’impose dès lors une méthode phénoménologique qui privilégie l’empathie et ayant pour atout le mérite d’une proximité de l’objet : la méthode dictée par la sociologie wébérienne, bâtie sur la compréhension, prend alors toute sa valeur. » (p. 34-35)

33La pensée de l’auteur fonctionne à la façon de la pensée mythique, sans crainte de la contradiction. Pour elle, le « quantitatif » s’oppose au « qualitatif » comme le « carré » s’oppose au « courbe », le « simple » au « complexe » (ou au « subtil »), l’« artificiel » au « naturel », etc. Si elle n’aime pas les méthodes quantitatives, c’est à cause de leur « caractère plaqué et artificiel » (p. 57); si elle n’apprécie pas les statistiques, c’est parce qu’elle sont trop « carrées et linéaires » (p. 295), etc.

« Utilisant des matériaux aussi variés que parfois difficiles à appréhender parce qu’appartenant davantage à l’univers subtil du qualitatif qu’à celui, mesurable mais tellement moins riche, du quantitatif… » (p. 10)

« Il est néanmoins possible que certains esprits plutôt attachés aux chiffres, aux statistiques et aux faits bruts et simples (encore que l’existence de tels faits soit douteuse et carrément niée par Schutz) puissent trouver cette méthode trop libre, trop fluctuante (ondoyante, dirait Simmel… ou Montaigne !) et subjective, donc manquant de rigueur. » (p. 56)

34Mais si les statistiques sont trop grossières pour l’esprit subtil d’E. Teissier, elles peuvent aussi à l’occasion être utiles si on peut leur faire dire des choses positives sur l’astrologie. Par exemple, commentant un sondage sur l’astrologie publié dans Science et vie junior (p. 287-290), elle réagit au fait que les jeunes soient apparemment les plus intéressés par l’astrologie de la manière suivante : « on peut d’ailleurs se demander si cela ne traduit pas un lien avec le cosmos resté plus vivant – et pourquoi pas diraient les adeptes de la réincarnation, un résidu des vies antérieures ? » (p. 288). D’un seul coup d’un seul, les pauvres statistiques se transforment, tel le crapaud devenant prince charmant, en preuves irréfutables du sérieux et de la véridicité des analyses astrologiques :

« Car nonobstant nos réserves déjà annoncées plus haut, quant à la valeur des analyses quantitatives en général, il reste que des indications chiffrées sur les secteurs de populations adhérant à cette discipline – ou simplement intéressées par cette dernière à divers degrés – ne peuvent que s’avérer des plus précieuses. » (p. 81)

« il y a les statistiques qui sont favorables à l’astrologie d’une façon à la fois péremptoire et éclatante » (p. XV)

35Et l’auteur se lance parfois elle-même hardiment dans l’évaluation chiffrée, mais totalement intuitive, des faits sociaux : « je pense que ceux qui aujourd’hui en France, font profession d’astrologue et chez qui la spécialité ‘astrologie’ proprement dite constitue effectivement 90 % et plus de la pratique professionnelle, doivent être moins d’un millier. C’est plus une impression qu’un décompte minutieux, mais ce chiffre me paraît plausible. » (p. 302).

Un étrange discours de la méthode

36Le discours de la méthode chez E. Teissier est aussi précis que ses hypothèses et sa « problématique ». Tout d’abord, l’« objectivité » est selon elle un idéal parfaitement inatteignable (un paragraphe entier est consacré au thème de « L’utopie de l’objectivité », p. 28-31). Mais, comme à son habitude, peu hantée par le principe de non-contradiction, E. Teissier peut critiquer la prétention « positiviste » à l’« objectivité » et dire que les scientifiques manquent d’objectivité, ou encore affirmer qu’elle est elle-même animée par un « souci d’objectivité ». La question de la possibilité ou l’impossibilité d’une objectivité est donc beaucoup plus complexe que ce qu’un lecteur rationaliste peut modestement imaginer : son sort dépend de la phrase dans laquelle le mot « objectivité » s’insère. Et l’on comprendra que l’auteur revendique l’« objectivité » lorsqu’il s’agit pour elle de défendre l’astrologie :

« Du fait que l’objectivité parfaite rêvée par la sociologie positiviste se cantonne dans un idéal par définition inaccessible […] » (p. 34)

« Si l’on veut faire œuvre de sociologue visant à une certaine objectivité, on ne peut donc reprocher à l’art royal des astres, d’être lui aussi, à l’instar de toute croyance, de toute idéologie ou de toute religion, peu ou prou tigrée – pour reprendre le joli titre durandien – de superstition, dans la mesure où cette dernière est omniprésente (et tellement relative au point de vue et à la culture de référence) dans la psyché humaine. » (p. 471)

« Les points que nous avons cru devoir mettre en relief sont relatifs à la fois à notre ­expérience et à notre sensibilité, donc à ce qui nous est proposé et que nous essayons de communiquer avec un souci d’objectivité. Mais qui peut prétendre à l’objectivité ? » (p. 534)

« Il est vrai que ce déchiffrage ne fut pas toujours aisé, dans la mesure où, étant impliquée nous-même, il nous fallait cependant faire preuve d’un maximum d’objectivité. » (p. 825)

37Pour E. Teissier tout est « méthode ». Par exemple, lorsqu’elle écrit : « D’où l’importance essentielle de la démarche méthodologique choisie, qui consistera à cerner les motivations et sources secrètes des attitudes et comportements sociaux. » (p. 20), on constate qu’une vague volonté de « cerner des motivations » équivaut pour elle à une « démarche méthodologique ». Lorsqu’elle écrit aussi que, dans sa thèse, « la méthode empirique paraît s’imposer » et qu’« elle sera (son) outil de référence » (p. 10), on voit que le mot « méthode », équivalent d’« outil de référence », est utilisé avec l’imprécision la plus grande : « la méthode empirique » semble s’opposer à d’autres « méthodes » (qui ne le sont pas), mais on ne sait pas de quelle méthode précisément il s’agit.

38Les termes « méthodes », « paramètres », « facteurs », « outils », etc., sont, en fait, utilisés de manière sémantiquement aléatoire, tant la fonction essentielle de ces usages lexicaux réside dans l’effet savant que l’auteur entend produire sur elle-même et sur le lecteur. Le fait que dans la première citation, E. Teissier dise que les « paramètres » dont elle parle (équivalent ici de « notions ») apparaîtront « ici où là, au hasard de cette étude », fait bien apparaître le caractère extrêmement rigoureux de la « démarche méthodologique » mise en œuvre…

« Et si les dieux me sont favorables, peut-être pourrons-nous apporter quelques modestes lumières sur l’univers astrologique d’aujourd’hui par rapport à cinq paramètres élémentaires qui, selon NISBET, caractérisent plus que tout autre la sociologie : communauté, autorité, statut, sacré, aliénation, toutes notions qui, ici où là, au hasard de cette étude, la marqueront d’une empreinte en filigrane » (p. 44)

Un grand paragraphe s’intitule « Les outils ou paramètres d’étude » (p. 60-86); « Si l’on vise l’efficacité d’une méthode, celle-ci doit impérativement s’instrumentaliser à travers des outils, ces auxiliaires de la connaissance. Ils nous permettront de prendre en compte les différentes couches de la population concernées par le phénomène astrologique » (p. 60); « Un dernier facteur sera effleuré (car trop important pour être traité en profondeur) avec les rapports de l’astrologie et du pouvoir » (p. 66); « Dans la liste des outils/miroirs de cette investigation… » (p. 83)

39En sachant tout cela, tout lecteur peut mesurer l’effet comique de la prétention toute verbaliste à la rigueur qu’affiche l’auteur de la thèse : « nous avons eu l’occasion de développer l’esprit de rigueurdont l’exigence nous habite depuis toujours. À cela s’ajoutait un souci de rationalité, de cohérence, mais cela à travers une forte curiosité intellectuelle au service d’une recherche de la vérité » (p. VIII). Visiblement, l’esprit ne parvient pas à guider les gestes.

Les « données » : anecdotes de la vie personnelle, médiatique et mondaine d’Élizabeth Teissier

40Si l’on entend par « données empiriques » des matériaux qui sont sélectionnés, recueillis et/ou produits en vue de l’interprétation la plus fondée possible de tel ou tel aspect du monde social, c’est-à-dire à des corpus de données dont les principes de constitution et de délimitation sont explicitement énoncés, on peut dire sans risque que la thèse d’E. Teissier ne contient strictement aucune donnée empirique. Si l’auteur avait une conception un tant soit peu empirique de la pratique de recherche en sociologie (rappelons qu’elle dit mettre en œuvre « la méthode empirique »), elle n’oserait par exemple pas écrire avec autant de légèreté et d’inconscience empirique qu’elle va suivre l’évolution de l’astrologie « à travers le temps et l’espace dans les sociétés les plus diverses, de la nuit des temps à nos jours » en annonçant explicitement qu’elle se livrera « à un rapide survol, aussi bien chronologique que géographique, diachronique que synchronique… » (p. 93). Mais pourquoi se donner la peine de mettre en place un véritable dispositif de recherche lorsque l’on pense que « la vitalité de l’astrologie aujourd’hui ne fait aucun doute » et que « pour preuve, il suffit d’ouvrir les yeux et les oreilles » (p. 792) ?

41De même, comment apporter une preuve de « l’intérêt de plus en plus marqué des médias pour l’astrologie » ? E. Teissier répond : « il n’y a pas une semaine où nous ne soyons pas sollicitée à participer, ici ou là, en France ou à l’étranger, à une émission de ce genre » (p. 274). En fait, E. Teissier enchaîne de manière aléatoire les anecdotes personnelles au gré de l’association de ses souvenirs : « Dans le contexte de l’être-ensemble, une autre histoire nous revient à l’esprit, où nous étions à la fois témoin et partie » (p. 412); « Une autre histoire exemplaire nous revient à l’esprit. » (p. 383), etc. Elle raconte ce qu’on lui a dit ou écrit et ce qu’elle a répondu. Ses commentaires, quand il y en a, se contentent de prolonger la polémique lorsqu’il y avait polémique (avec les journalistes, les animateurs de télévision, les scientifiques, etc.) et de souligner l’intérêt pour l’astrologie – malgré le consensus culturel en défaveur de l’astrologie et la ghéttoïsation de cette dernière – qu’illustrent certaines anecdotes. L’anecdote tirée « au hasard » (signe sans doute d’objectivité à ses yeux) fait toujours preuve :

« Nous pourrions allonger indéfiniment la liste de ces lettres qui sont autant de témoignages du puissant impact sociétal de l’astrologie aujourd’hui » (p. 345)

« Pour montrer que l’impact de l’astrologie n’a pas de frontières et s’exerce en priorité sur les jeunes intellectuels, mentionnons encore cette lettre qui nous parvint… » (p. 354)

« nous avons tenté de dresser un panel évocateur des diverses activités sociétales reflétant l’attraction des diverses couches de la société contemporaine pour l’astrologie… » (p. 462)

« Parmi les éléments qui tendraient à refléter la notion de fascination, on peut estimer que le simple fait que le président des Français ait fait appel à nous est en soi signifiant. » (p. 440)

« À travers ces quelques expériences exemplaires, choisies au hasard dans notre parcours, nous retrouverons des Leitmotive qui se répondent en contrepoint, manifestations quasi permanentes, voire endémiques du rejet socioculturel, du tabou de l’astrologie aujourd’hui. » (p. 544)

42Si elle fait également le compte rendu d’échanges de courriers avec certains lecteurs, pour « preuve » de l’ambivalence fascination/rejet vis-à-vis de l’astrologie (« C- Le courrier des lecteurs et téléspectateurs, baromètres de notre société », p. 311-386), il n’est aucunement question de constituer un corpus, ni même de faire une analyse sociologique, mais de donner à lire le courrier reçu, ainsi que les réponses envoyées (« Voici ce que nous avons répondu à ce lecteur :… », p. 319; « Voici la réponse que nous adressâmes à cette lectrice désorientée », p. 327). On n’a pas même d’évaluation précise des différents types de courriers qu’elle reçoit. Ainsi, à propos des lettres qu’elle range dans la rubrique « Les appels à l’aide », elle écrit de manière approximative : « Il s’agit certainement, quantitativement parlant, de la masse la plus importante de lettres reçues » (p. 312) ou encore que « Parmi les appels à l’aide, les lettres émanant de prisonniers ne sont pas rares » (p. 321).

43Et l’on va ainsi d’une anecdote à l’autre : E. Teissier en « face-à-face avec un astronome monolithique dans son agressivité » (p. 543), E. Teissier et Marcel ­Jullian, PDG d’Antenne 2 (p. 588-629) à propos de l’émission Astralement vôtre, E. Teissier et l’émission allemande Astrow-show entre 1981 et 1983 (p. 645 et suivantes), E. Teissier et l’émission Comme un lundi de Christophe Dechavanne du 8 janvier 1996 (p. 671-685), E. Teissier et l’émission Duel sur la cinq du 10 juin 1988 (p. 709-725), etc. Et à chaque fois, l’auteur émet des jugements péremptoires, polémique, formule des réponses agressives. Elle n’étudie donc pas les réactions à l’astrologie, elle la défend. Elle ne fait pas l’analyse des polémiques autour de l’astrologie, mais est dans la polémique, continuant dans cette thèse – comme sur les plateaux de télévision, sur les ondes radiophoniques ou dans la presse écrite – à batailler contre ceux qui considèrent que ce n’est pas une science.

16 Le lecteur aura noté au passage qu’une formation d’une durée de six mois permet d’acquérir « les f (…)

44Dans tous les cas, le narcissisme naïf est grand, bien que totalement dénié : « Bien que nous refusions dans ce travail de nous mettre en avant pour des raisons à la fois d’objectivité et d’une décence de bon aloi, on aura remarqué que nous fûmes à travers toute l’émission la seule astrologue à être prise à parti… » (p. 686). Non seulement les exemples pris par E. Teissier ne concernent qu’E. Teissier (alors même qu’elle aurait pu s’intéresser à d’autres collègues astrologues), mais les récits mettent toujours en avant la vie héroïque ou passionnante d’E. Teissier. C’est ainsi qu’elle raconte par exemple comment la rencontre de l’astrologie fut « le grand tournant de sa vie » : « Nous eûmes droit à notre nuit de Pascal – nuit boréale en réalité, car l’‘illumination’ dura quelque six mois, le temps d’apprendre les fondements cosmographiques et symboliques de l’art royal des astres16, suffisamment pour être éblouie des ‘convergences’ d’une part psychologiques, d’autre part événementielles avec notre caractère et notre vécu, ou ceux de notre entourage » (p. X). Ou encore, faisant le récit du contexte dans lequel elle a été contactée pour présenter l’émission allemande Astro-Show : « Lorsque, au tout début de 1981, à notre retour d’un voyage en Inde, nous trouvâmes trois messages consécutifs et quelque peu impatients de l’ARD (première chaîne télévisuelle allemande), nous fûmes plutôt surprise. Jusque-là en effet notre rayon d’action n’avait pas passé les limites du Rhin. » (p. 646).

45Le narcissisme rejoint l’indécence lorsque, après avoir donné à lire le courrier d’un lecteur, jeune maghrébin incarcéré aux Baumettes, elle écrit avec misérabilisme et condescendance et sans prendre conscience du ridicule : « Nous étions consciente à quel point le fait de dialoguer pouvait être important pour ce jeune homme visiblement égaré, tel un zombie, en ce bas monde. […] Voici la teneur de notre réponse audit prisonnier : ‘Cher Eric, je ne trouve hélas le temps de répondre à votre lettre qu’au retour d’un séjour à l’étranger. Je vous envoie une analyse à titre tout à fait exceptionnel, et pour la somme purement symbolique d’un franc (vu votre situation actuelle). Votre thème me montre que votre futur florissant vous permettra de m’envoyer ce que bon vous semblera en temps venu. Sachez que vous devez ce cadeau d’une part à vos bonnes étoiles […], d’autre part au fait que votre lettre m’a touchée, également du fait que j’ai deux filles, l’une Poisson, l’autre née en 1973, comme vous !… Je vous demande en revanche de bien vouloir en garder le secret, puisque l’ébruiter pourrait faire des jaloux […]’ » (p. 323).

Une écriture boursouflée et creuse

46Le problème essentiel avec le style d’écriture que l’on trouve dans une thèse comme celle d’E. Teissier, réside dans le fait que l’on aura beau multiplier les « échantillons », répéter les citations en vue de prouver que l’on a affaire à une écriture jargonnante, peu rigoureuse, souvent incompréhensible, parfois proche de l’absurde, d’autres verront au contraire dans les mêmes extraits toutes les marques de la profondeur ou de l’intelligence du propos. Question d’habitude pourrait-on dire. S’il est habitué à un usage déréglé de la langue, le lecteur appréciera les acrobaties verbales ou les associations aléatoires d’idées un peu comme s’il était devant un grand poème pseudo-savant. Mais là réside exactement le problème : le sociologue n’est pas un poète. On peut apprécier les poèmes de René Char ou de Stéphane Mallarmé et ne pas accepter, en matière de sciences sociales, ceux qui s’acharnent à faire dans le creux et le vague en faisant passer le creux pour du profond et le vague pour du riche et du complexe. Devant un grand nombre de passages de cette thèse, nous pourrions émettre le jugement suivant : dans la mesure où nous croyons savoir ce que parler en sociologue veut dire, nous pouvons témoigner du fait que nous n’avons rien compris à ce qui a été dit. Mais qu’y aurait-il à comprendre lorsque rien n’a été vraiment dit ?

17 Sur les habitudes discursives et mentales voir B. Lahire, L’Invention de l’« illettrisme ». Rhétor (…)

47Que des sociologues en France aient contracté de mauvaises habitudes de parler et d’écrire, qu’ils tentent de les transmettre régulièrement à des centaines, voire à des milliers d’étudiants, cela constitue un fait social majeur. Cependant, on peut avoir acquis auprès de maîtres, prestigieux ou moins prestigieux, de telles mauvaises habitudes17, et vouloir néanmoins s’en débarrasser une fois qu’on en a pris conscience. Mais encore une fois ce que l’on peut appeler « mauvaise habitude de parler et d’écrire », à partir d’une conception un tant soit peu rationaliste de l’argumentation, est malheureusement perçue par beaucoup de ceux qui les mettent en œuvre comme un signe d’intelligence et de pensée originale et profonde. L’écriture et la parole déréglées peuvent ainsi se transmettre de génération en génération, sans que ceux qui transmettent ni ceux qui se les approprient ne sachent exactement de quoi ils parlent, dans l’obscurité de la relation enchantée de maîtres à élèves (ou disciples) où se constituent ordinairement de telles habitudes. Il suffit d’être fasciné, de trouver cela beau, profond, sensible, original, pour avoir envie de faire de même et paraître à son tour intelligent, original, sensible et profond. Le sens de tout cela peut très bien être totalement absent des mots qui s’écrivent et s’échangent et se situer exclusivement dans la relation fascinée au maître. Peu de signification discursive, beaucoup de signification sociale.

48Délire sémantique ou esbroufe verbale, plaisir des mots savants qui sonnent bien accolés les uns aux autres pour asserter des banalités sur un ton sérieux, enchaînements des citations d’auteurs aussi ésotériques les unes que les autres, la panoplie de l’écriture pseudo-savante et réellement floue est assez complète. Donnons-en quelques exemples en garantissant au lecteur que l’effet d’étrangeté n’est pas le produit d’une injuste décontextualisation :

« […] à la recherche de cet infracassable noyau de nuit qui hante le cœur de l’homme depuis des temps immémoriaux ? » (p. 7)

[M. Maffesoli parle du « sentiment cosmique » qui « incline vers le vrai organique, le vivant, c’est-à-dire vers le naturalisme »] « Ce sentiment cosmique se trouvant de plus en plus impliqué comme trame de fond dans notre recherche, dont il constitue en quelque sorte le tissu, il allait de soi qu’il serve aussi de reliance et de sésame heuristique dans notre démarche, c’est-à-dire, dit concrètement,de fil rouge instrumental au service de notre projet de décrypter le donné social de ce que Dilthey appellerait la structure psychique que constitue l’astrologie. » (p. 49)

« Ainsi, comme lanterne magique pour nous guider à travers ces méandres heuristiques, nous utiliserons, comme accessoire à la raison objective et raisonnante la raison sensible maffésolienne ou l’intuition intellectuelle d’un R. Guenon, telle qu’elle est évoquée par F. Bonardel. » (p. 53)

« Au-delà de cette complexité qui ne doit pas être un mot refuge, nous cultivons l’espoir – l’utopie ? – qu’en fin d’analyse, ayant, même imparfaitement, décrypté les arcanes de notre problématique, nous pourrons adhérer pleinement à l’affirmation du sociologue lorsqu’il déclare que la complexité est ‘le défi à affronter, ce qui aide à le relever, et parfois même à le surmonter’ (E. Morin, Introduction à la pensée complexe) » (p. 68)

« En tout état de cause, on assiste ici à un triple trajet – ou trajectorialité, au sens durandien –, dans un va-et-vient simmélien qui s’inscrit en premier lieu entre le consultant et le système astrologique » (p. 76)

« Mais on trouve également un autre vecteur de cette trajectivité, à savoir celui entre ce même acteur social et la réelle présence (pour reprendre un expression chère à G. ­Steiner) du consulté, de l’astrologue en l’occurrence. En effet, il s’agit bien de la manifestation symbolique d’un présentéisme dépouillé de tout jugement moral, où seul intervient le laisser-être, à l’exclusion d’un aspect quelconque de contrainte, d’un devoir-être ». (p. 77)

« Ne doutons pas que c’est dans cette effervescence que se trouve la vérité sociétale. Et cette effervescence se focalise de plus en plus sur le monde des astres, nous l’avons, pensons-nous largement montré au cours de notre survol. On assiste en effet de plus en plus et dans tous les domaines du quotidien à une infiltration diffuse et effervescente de l’astral en nos sociétés postmodernes, en résonance, quelque part, à la coupure épistémologique, déjà évoquée, d’une postmodernité dont Maffesoli donne la définition suivante : ‘Sorte d’agglutination, à la fois disparate et tout à fait unie, d’éléments les plus divers’, impliquant un ‘style organique’, ce dernier se révélant ‘une bonne manière d’appréhender la raison interne d’une connaissance’ (Préface à Durkheim, Les Formes élémentaires de la vie religieuse, p. 90) » (p. 851)

« Tout au long de notre thèse, nous avons à l’instar de ce qui est la vocation et l’objectif du chercheur, tenté de déceler les prémices sous-jacents, les frémissements de ce qui est ‘en train de naître’ et qui se font sentir dans la réalité sociétale aujourd’hui. Cela en pratiquant ce que G. Durand appelle une ‘pensée concentrique’, c’est-à-dire une ‘pensée formant un système ouvert qui refuse de rester au centre mais qui va glaner ce qui se passe et se propage en périphérie à la recherche de l’humus sous-jacent’. Autrement dit, il s’agissait de suivre un processus de va-et-vient, en vases communiquants, tout en refusant de rester prisonnier d’une idée, d’aller à la rencontre de l’inconnu, de ce qui se vit dans le donné social, de ce qui émerge dans le champ expérimental du chercheur. De tout ce vécu, de cet observé, nous avons tenté de dégager la dynamique à travers une synergie de la pensée, en délaissant son contraire : la pensée unique, sous forme d’une doxa synonyme d’apparence. Nous avons ainsi pu faire état de ce maillage multiple, de ces innombrables passerelles qui s’effectuent entre échanges de savoirs, dans un désir commun de s’ouvrir à d’autres connaissances et de partager son intérêt, mais aussi à travers ces nouvelles technologies, longuement évoquées, où tout un chacun fait un pied-de-nez à cette pensée conformiste représentée par ceux qui détiennent un pseudo-savoir – un ‘demi-savoir’ selon J.-C. (sic) Domenach. Au fil de notre travail, nous avons pu mettre le doigt sur la confusion qui émerge par rapport à ces données, où sont mis à mal ceux qui croyaient détenir le savoir, cette pensée bien gardée, convenable, intellectuellement correcte, tout en montrant que son impérialisme peu à peu se désagrège – et ce en dépit d’un combat d’arrière-garde qui se voit voué à un échec à long terme. Comme nous avons montré, pensons-nous, l’inanité d’un intellectualisme desséché. ‘Le règne absolu de l’idée ne peut s’établir ni surtout se maintenir : car c’est la mort’ (in Le suicide de Durkheim cité par Maffesoli dans sa préface aux Formes élémentaires de la vie religieuse, p. 11). En paraphrasant K. Jaspers, on pourrait dire que ‘c’est dans la communication qu’on atteint le but de l’astrologie (la philosophie)’ (Introduction à la philosophie, p. 25), dans cet échange chaleureux (dionysiaque ?) entre esprits branchés sur des intérêts semblables, orientés en l’occurrence sur les arcanes célestes. » (p. 861)

Ce qui nuit réellement à la discipline 9« À Londres, s’il n’y a pas non plus de chaire d’astrologie à l’université, du moins peut-on obtenir un P.H.D. (doctorat) en astrologie si cette discipline est officiellement dépendante de la branche Psychologie; même biais possibles en France à condition de choisir un sujet de thèse limitrophe de la Sociologie, de la Philosophie ou de l’Histoire des religions et de se placer officiellement sous l’égide ces disciplines : on est obligé de camoufler, de tricher, de contourner les institutions qui sont manifestement en retard sur la réalité d’un consensus de plus en plus évident. » (p. 815-816). La vérité de la thèse d’E. Teissier est très clairement énoncée dans ces pages. Pour défendre la cause de l’astrologie, il faut avancer masqué : philosophie, histoire de religion ou sociologie peuvent être des entrées possibles pour l’astrologue. Mais si de telles stratégies de légitimation peuvent être imaginées, c’est que notre communauté scientifique les rend possibles. Et c’est cela qui pose fondamentalement problème au-delà du cas particulier de cette thèse. Que les choses soient claires : E. Teissier ne peut être tenue pour responsable de ce qui s’est passé à la Sorbonne et elle n’aurait pas même eu l’idée de frapper à la porte de notre discipline pour trouver un lieu de légitimation de ses propres intérêts d’astrologue, si celle-ci n’était pas le refuge d’enseignants-chercheurs dépourvus de rigueur et parfois très explicitement anti-rationalistes.

50Revenons à notre point de départ : des « collègues » (abondamment cités dans cette thèse) ont délivré un droit de soutenance à l’auteur de cette thèse, puis, avec d’autres, ont décidé de lui attribuer la mention « Très honorable ». Après lecture du compte rendu précédent, on comprend à quel point le sentiment de scandale du lecteur de la thèse est grand.

18 Lorsque l’on compte le nombre de thèses de doctorat soutenues par directeur de thèse, en France en (…)

19 M. Maffesoli, courriel daté du 23. 04. 01 adressé à de nombreux sociologues.

20 Et ce d’autant plus qu’on a contribué à banaliser sa présence au sein de la discipline dans des ma (…)

21 Lettre de M. Maffesoli adressée par courrier électronique le 23. 04. 01. Une autre variante se ret (…)

22 M. Maffesoli, courriel daté du 25. 04. 01 adressé à de nombreux sociologues.

23 On a pu lire ainsi dans la presse qu’« Elizabeth Teissier pourrait devenir le pion qu’on avance en (…)

51Évidemment, le directeur de la thèse, Michel Maffesoli, est Professeur de sociologie à l’université de Paris V et a même été promu à la première classe par le CNU, il publie régulièrement des ouvrages, préface des classiques de la sociologie, dirige une revue et fait soutenir des thèses à un rythme particulièrement élevé18, etc. Il soutient, avec l’aplomb cynique de celui qui sait pertinemment que la thèse ne sera pas lue intégralement par les étudiants ni même par les sociologues professionnels qui ont généralement d’autres tâches plus urgentes à faire, que la thèse d’E. Teissier est une thèse « sur l’astrologie » (à quelques « dérapages » près avoue-t-il19, en rajoutant de manière insultante pour tous les sociologues qui font leur travail d’évaluation des thèses sérieusement : « En toute honnêteté, lequel d’entre nous, directeur de thèse n’a pas laissé passer de tels ‘dérapages’ ? ») et non une « thèse d’astrologie ». Il peut donc utiliser l’argument du meurtre d’une école de pensée20 (« Il ne faudrait pas que cette thèse serve de prétexte à un nouveau règlement de compte contre une des diverses manières d’envisager la sociologie. »21) et dénoncer la « chasse à l’homme » qui est lancée contre lui : « Est ce que cette thèse n’est pas un simple prétexte pour marginaliser un courant sociologique, et disons le crûment, pour faire une chasse à l’homme, en la matière contre moi-même ? »22 Et c’est bien comme cela que certains collègues ont interprété les réactions négatives à cette soutenance de thèse et à l’attribution d’un titre de docteur en sociologie23. Or, il n’est bien sûr pas question de querelles d’écoles dans cette affaire, mais de rigueur scientifique (et même, plus largement, de rigueur intellectuelle) et de définition du métier de sociologue.

52Les véritables questions au fond que pose une telle « affaire » nous semblent être les suivantes : Comment parvenir à transformer collectivement les produits d’une histoire (académique et scientifique) mal faite (attributions abusives du titre de docteur en sociologie, recrutements universitaires peu rigoureux, revues scientifiques à faible contrôle scientifique…) ? Comment justifier, sans apparaître injuste et terroriste, l’affirmation selon laquelle Michel Maffesoli (entre autres) n’est pas sociologue et n’est pas en mesure de former les étudiants dont il dirige les travaux de recherche au métier de sociologue ? Ce sont ces questions que les sociologues doivent affronter. Sans prise de conscience collective de notre communauté scientifique, il n’y a aucune raison que ce genre de faits ne se renouvelle pas à l’avenir, avec moins de fracas, car tous les candidats n’auront pas l’honneur de la grande presse.

24 M. Maffesoli, courriel daté du 25. 04. 01, op. cit. Voir aussi sa réponse à l’article de Jean Bric (…)

25 M. Maffesoli a qualifié, de manière tout à fait insultante, l’« ennuyeux jargon » des sociologues (…)

26 J. Bouveresse, Le Philosophe chez les autophages, Paris, Minuit, « Critique », 1984, p. 114.

53« Mais se servir de cette thèse, pour régler des comptes, pour sonner l’hallali, ne me paraît pas sain et, en tout cas, risque de nuire à notre discipline, en général », écrit Michel Maffesoli24. Nous espérons avoir contribué ici à montrer que ce qui « nuit à notre discipline » et ce qui n’est « pas sain », c’est très précisément le genre de spectacle dont la Sorbonne a été le théâtre sous la responsabilité d’un jury en grande partie composé de sociologues. Personnage cynique25, fin stratège, maniant habilement l’art du renversement des situations, Michel Maffesoli voudrait nous faire croire que « les fautifs ne sont pas ceux qui commettent les fautes […], mais ceux qui ont l’impudence de les dénoncer »26. Gageons que les diverses réactions saines à cette affaire malsaine puissent donner l’occasion d’une réflexion collective sur le métier de sociologue et sur les conditions d’entrée dans ce métier.

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Notes

1 Je tiens à remercier Stéphane Beaud et Christine Détrez pour la lecture des premières versions de ce texte, ainsi que Charles Soulié pour les données sur les thèses soutenues en sociologie entre 1989 et 1995 qu’il m’a communiqué.

2 Ce n’était pas la première fois que M. Maffesoli faisait soutenir une thèse en rapport avec l’astrologie. Ainsi, en 1989, S. Joubert a soutenu une thèse de doctorat intitulée Polythéisme des valeurs et sociologie : le cas de l’astrologie à l’Université de Paris V, sous sa direction. Le résumé de cette thèse manifeste un style d’écriture d’une aussi douteuse clarté que celui que l’on découvre dans la thèse d’Élizabeth Teissier : « Les figures polythéistes loin d’être les images obsolètes d’un passé primitif ou révolu, sont l’expression d’un agencement métaphorique dans lequel le face-à-face des dieux témoigne d’un éclatement des valeurs dont il s’agit de reconnaître toute la puissance heuristique. Le polythéisme des valeurs pousse la connaissance vers une épistémologie psycho-mythique qui semble aujourd’hui sensibiliser, tant les sciences exactes que les sciences humaines; en congruence avec cette mutation épistémologique émergent des indicateurs sociaux qui confirment la transformation paradigmatique à l’œuvre dans la post-modernité, telle l’astrologie dont le succès que l’on connaît tend à exacerber certaines valeurs comme la synthèse, le holisme, l’interdisciplinarité, la complexité, l’analogie, la synchronicité, etc… En toile de fond de cet engouement populaire se dessine plus ou moins nettement un certain nombre d’enjeux essentiels un peu comme si l’anodin servait à l’occasion de miroir reflétant à contre-jour les orientations que la post-modernitése donne à elle-même. » (Source : Docthese 1998/1). La thèse vient de paraître (L’homme d’aujourd’hui et les autres : fascination et rejet, Paris, Plon, 2001).

3 Directeur d’études à l’EHESS (psychologie sociale).

4 Professeur de philosophie à l’Université de Paris I.

5 Professeur de sociologie à l’Université de Montpellier III.

6 Professeur émérite à l’Université de Grenoble II, Fondateur du Centre de Recherche sur l’Imaginaire.

7 Professeur de sociologie à l’Université de Strasbourg II.

8 Un tel travail de lecture demande beaucoup de temps et porte plus que l’ombre du doute sur les lectures d’« un jour », comme celle d’Alain Touraine, qui affirme ainsi : « Je me suis présenté le premier et j’ai consacré la journée du 15 mai à sa lecture » (« De quoi Élizabeth Teissier est-elle coupable ? », Le Monde daté du 22 mai 2001).

9 C’est pour cela que nous ne pouvons pas suivre Jean Copans (« La sociologie, astrologie des sciences sociales ? », Le Monde daté du 30. 04. 01) lorsqu’il fait porter la critique sur les objets jugés trop futiles (« Les incivilités dans le 93 », « Mon portable, mon ordinateur et ma belle-fille », « L’interculturel entre la rue des Rosiers et le quartier de la Rose »).

10 Tout ce que nous mettons entre guillemets dans ce texte sont des extraits de la thèse. Les italiques sont des choix de soulignement de l’auteur de la thèse et les gras sont nos propres soulignements de lecteur.

11 M. Maffesoli, « Éloge de la connaissance ordinaire », Le Monde daté du 24 avril 2001.

12 Nous ne vérifierons pas ici la véracité des sentiments positifs à l’égard de l’astrologie que l’auteur prête à diverses personnalités.

13 Elle peut soutenir à d’autres moments que la vérité sort de la bouche du peuple, parce que – mythe du « bon peuple » oblige – celui-ci serait moins perverti par les institutions académiques, culturelles et médiatiques officielles : « Les gens simples, moins victimes d’a priori (il s’agit d’un terrain intellectuel en quelque sorte vierge) sont plus réceptifs, donc plus vrais par rapport à ce genre de constat, de reconnaissance. » (p. 483). Ou encore : « Il est certain que l’instinct populaire, très sûr parce que nourri de toute l’expérience humaine, cet ‘inconscient collectif’ cher au psychologue C. G. Jung, a depuis toujours l’intuition d’une action du ciel sur ce qui vit sur terre. » (p. XV).

14 « […] je n’ai lu nulle part dans sa thèse que l’astrologie était scientifique », A. Touraine, « De quoi Élizabeth Teissier est-elle coupable ? », op. cit.

15 Elle écrit par ailleurs : « D’autre part, la télépathie ne s’est elle pas imposée comme discipline scientifique depuis les expériences de Rhine ? » (p. 281).

16 Le lecteur aura noté au passage qu’une formation d’une durée de six mois permet d’acquérir « les fondements cosmographiques et symboliques de l’art royal des astres ». L’effort n’est finalement pas si considérable que cela pour pouvoir « écouter la musique » des planètes.

17 Sur les habitudes discursives et mentales voir B. Lahire, L’Invention de l’« illettrisme ». Rhétorique publique, éthique et stigmates, Paris, Éditions la Découverte, Coll. « Textes à l’appui », 1999.

18 Lorsque l’on compte le nombre de thèses de doctorat soutenues par directeur de thèse, en France entre 1989 et 1995, on s’aperçoit que Michel Maffesoli arrive très largement en tête des directeurs de thèse avec 49 thèses (en 7 ans, soit en moyenne 7 thèses par an) soutenues, loin devant Louis-Vincent Thomas (33). Puis viennent Pierre Ansart (22), Jean Duvignaud (22), Pierre Fougeyrollas (19), Raymond Bourdon (17), Annie Kriegel (14), Alain Touraine (14), Jacques Lautmann (12), Robert Castel (11), Jean-Michel Berthelot (10) et Roger Establet (10).

19 M. Maffesoli, courriel daté du 23. 04. 01 adressé à de nombreux sociologues.

20 Et ce d’autant plus qu’on a contribué à banaliser sa présence au sein de la discipline dans des manuels universitaires « respectueux de la pluralité des écoles et des sensibilités », comme le mentionne la quatrième de couverture de l’ouvrage La Sociologie française contemporaine (sous la direction de J.-M. Berthelot, Paris, PUF, 2000); ouvrage qui comprend un chapitre, signé par Patrick Tacussel, intitulé « La sociologie interprétative. Un tournant postempiriste dans les sciences humaines en France », p. 117-125.

21 Lettre de M. Maffesoli adressée par courrier électronique le 23. 04. 01. Une autre variante se retrouve dans le texte accompagnant le courrier : « Une question de bon sens se pose, est-ce que, finalement, cette thèse non lue, n’est pas prétexte à règlement de compte contre un type de sociologie que je représente ? »

22 M. Maffesoli, courriel daté du 25. 04. 01 adressé à de nombreux sociologues.

23 On a pu lire ainsi dans la presse qu’« Elizabeth Teissier pourrait devenir le pion qu’on avance en surface pour régler des affaires plus souterraines, relevant des querelles de chapelle ou des jeux de pouvoir entre ‘grands’ de la sociologie » (O. Piriou, « Banalité d’Elizabeth Teissier », Le Monde daté du 30. 04. 01).

24 M. Maffesoli, courriel daté du 25. 04. 01, op. cit. Voir aussi sa réponse à l’article de Jean Bricmont et Diana Johnston (« Le monde diplomatique », août 2001) : « L’astrologie, la gauche et la science », in « Le monde diplomatique », 2 octobre 2001, p. 2.

25 M. Maffesoli a qualifié, de manière tout à fait insultante, l’« ennuyeux jargon » des sociologues d’« argot de proxénètes » dans la préface au livre de Alfred Schutz, Le Chercheur et le quotidien, Paris, Méridiens Klincksieck, 1987, p. I.

26 J. Bouveresse, Le Philosophe chez les autophages, Paris, Minuit, « Critique », 1984, p. 114.

4 Responses to Plagiat: L’université aussi ! (Who will watch the watchmen ?)

  1. […] le rappelait déjà l’an dernier un président d’université cité par le Figaro, que pour une université et des chercheurs français paupérisés et sommés de « publier ou mourir » […]

    J’aime

  2. jcdurbant dit :

    Le Grand rabbin de France, Gilles Bernheim, annonce sa démission

    Le Figaro

    J’aime

  3. jcdurbant dit :

    La directrice de l’école de journalisme de Sciences Po, serial copieuse
    Agnès Chauveau : « J’oublie de citer certains papiers, mais jamais volontairement »
    Vincent Coquaz
    ASI
    6/11/2014

    Mediapart, Le Monde, RFI… Epinglée par @si pour un copier/coller et une absence de citation d’une de nos enquêtes, la directrice exécutive de l’Ecole de Journalisme de Sciences Po, Agnès Chauveau pratique en fait de petits copier/coller… en série. Contactée par @si, la productrice à France Culture se défend de « toute malhonnêteté ».

    « Pas le temps de citer à l’antenne toutes mes sources ». Voilà comment la directrice exécutive de l’Ecole de journalisme de Sciences Po Paris et productrice à France Culture, Agnès Chauveau, justifiait l’absence de mention de notre enquête sur la presse et les tablettes dans sa chronique pour l’émission Soft Power sur France Culture. Elle reprenait pourtant la structure de notre article ainsi que deux phrases mot pour mot. Surtout, le texte de la chronique, publié sur le Huff Post mercredi, ne comportait aucun lien vers @si. Un problème d’édition, nous assurait-elle. Depuis, le lien a été ajouté, comme elle nous l’avait promis.

    Problème : selon un @sinaute vigilant, l’absence de citation et l’utilisation abusive du copier/coller ne semble pas être une « erreur » isolée. En cherchant rapidement, il trouvait… trois autres cas de copier/coller. Pour en avoir le coeur net, il suffit d’utiliser un outil de vérification de plagiat, « Plagiarism Checker », normalement destiné à optimiser son référencement en vérifiant que ses textes ne sont pas déjà publiés ailleurs (ce que Google n’apprécie pas vraiment). Evidemment, en testant le texte de chaque chronique, l’outil trouve d’abord comme source le Huffington Post, qui reprend chacun des scripts d’Agnès Chauveau quelques jours après le passage sur France Culture. Mais sur près de la moitié de ses 20 chroniques que nous avons testées, au moins une phrase (et le plus souvent deux ou trois) a été reprise telle quelle d’une source antérieure.

    1. La reprise de phrases entières, sans aucune mention de leur origine.

    Cas le plus problématique : la reprise de phrases entières, sans aucune mention de leur origine. Dans un quart des vingts chroniques publiées, la source n’est pas mentionnée. Ce qui ne veut pas dire qu’elle n’en cite aucune : dans ses chroniques, Agnès Chauveau renvoie toujours vers de très nombreux médias, y compris Arrêt sur Images, en citant ses journalistes et en plaçant des liens (comme ici). Mais dans ces mêmes papiers, lorsqu’elle reprend tout ou partie d’un paragraphe d’un autre média… aucune mention n’apparait.

    Aucune trace du mot « Mediapart » ou de leur article dans cette chronique :

    Mediapart HuffPost

    Aucune mention d’@si ou de notre enquête dans sa chronique sur la presse et les tablettes (le lien a été ajouté à la suite de notre premier article) :

    Comparaison tablette

    Idem pour l’article de RFI, dont la productrice de l’émission Soft Power s’est bien inspirée ici. Chauveau renvoie vers 11 papiers en tout, mais RFI n’est jamais cité :

    RFI Le Monde

    2. Le média est cité, mais pas l’article

    Deuxième cas de figure, plus étonnant : la chroniqueuse cite parfois le média qu’elle reprend… mais pas l’article dont elle « s’inspire ».

    Un paragraphe entier du Monde est repris par Agnès Chauveau, quasiment au mot près. Aucun lien ne pointe vers ce papier (disponible ici), alors que deux autres du même quotidien sont cités :

    HuffPost Le Monde

    3. L’article est cité… mais un peu trop copié/collé

    Enfin, dans un des papiers analysés, Agnès Chauveau met bien un lien vers l’article qu’elle utilise… mais copie/colle deux paragraphes pour sa chronique :

    Contactée de nouveau par @si, Agnès Chauveau se défend de « toute malhonnêteté », puisque le but même de sa chronique est de « renvoyer vers un maximum d’articles ». « On est un peu entre la chronique et la revue de presse. J’oublie de citer certains papiers mais ce n’est jamais volontaire et je rectifierai chaque fois que ça pose problème », insiste-elle, notant qu’elle a ajouté des guillemets, un lien et la mention d’@si à son article sur les tablettes. Elle souligne enfin que ses contenus sont des « chroniques orales » destinées à la radio, et que leur transcription à l’écrit « pose parfois problème ».

    ASI

    http://www.arretsurimages.net/articles/2014-11-16/La-directrice-de-l-ecole-de-journalisme-de-Sciences-Po-serial-copieuse-id7233

    http://www.lefigaro.fr/flash-actu/2015/04/07/97001-20150407FILWWW00181-plagiat-agnes-chauveau-nommee-conseillere-a-l-ina.php

    http://etudiant.lefigaro.fr/les-news/actu/detail/article/la-directrice-de-l-ecole-de-journalisme-de-sciences-po-licenciee-pour-plagiat-10719/

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