Gaza: France-Qatar, même combat! (In modern warfare, one picture can be worth a thousand weapons)

Présider la République, c’est ne pas inviter les dictateurs en grand appareil à Paris. François Hollande (janvier 2012, Le Bourget)
Dans la guerre moderne, une image vaut mille armes. Bob Simon
Al-Jazira a mis le feu en Tunisie, au Liban et dans divers pays arabes. Saëb Erakat (principal négociateur palestinien, 2011)
Sans la couverture télévisuelle, les révolutions n’auraient jamais pris une telle ampleur. Quand les gens ont suivi les révolutions, dans quelle mesure ont-ils utilisé Internet, par rapport à la façon dont ils les ont suivies sur les chaînes de télévision, qui les ont couvertes en continu ? Il est clair qu’il n’y a pas de comparaison possible… La meilleure preuve [de l’impact] des chaînes de télévision est que toute activité populaire qu’elles ne couvrent pas, dans n’importe quel pays, meurt avant d’avoir pu démarrer. Certains pays arabes connaissent actuellement des manifestations et les prémices d’une révolution, mais ces événements ne bénéficient pas de la couverture télévisée nécessaire en raison de l’attention portée à l’escalade de la révolution en Libye. Par conséquent, [ces manifestations] ne prendront pas beaucoup d’ampleur… mais s’estomperont et tomberont dans l’oubli. Certains pourraient faire valoir que les images diffusées sur les chaînes satellitaires sont souvent tirées d’Internet. C’est vrai, mais si les [chaînes] n’avaient pas diffusé ces images à plusieurs reprises, leur impact serait resté limité. Je n’ai encore entendu aucun [manifestant]… se plaindre d’une couverture insuffisante de leur activité sur Internet ou sur Facebook. Mais [certains manifestants sont] très en colère contre les chaînes satellitaires qui, selon eux, ne donnent pas à leur activité la couverture médiatique nécessaire…Ce sont [les chaînes satellitaires] qui alimentent véritablement les révolutions – avec l’image et le son, qui restent plus puissantes que toute autre arme… Il n’est pas exagéré de dire qu’un reportage télévisé sur un certain pays a un impact égal à celui de tous les sites Internet visités par tous les Arabes réunis – à tel point que [les activistes] ont parfois dit : « Reportons notre manifestation, parce qu’une chaîne satellitaire est occupée à couvrir une autre révolution »… Al-Sharq (Qatar,  13 mars, 2011)
Lorsque les médias se prêtent au jeu des manipulations plutôt que de les dénoncer, non seulement ils sacrifient les Libanais innocents qui ne veulent pas que cette mafia religieuse prenne le pouvoir et les utilise comme boucliers, mais ils nuisent aussi à la société civile de par le monde. D’un côté ils nous dissimulent les actes et les motivations d’organisations comme le Hamas ou le Hezbollah, ce qui permet aux musulmans ennemis de la démocratie, en Occident, de nous (leurs alliés progressistes présumés) inviter à manifester avec eux sous des banderoles à la gloire du Hezbollah. De l’autre, ils encouragent les haines et les sentiments revanchards qui nourrissent l’appel au Jihad mondial. La température est montée de cinq degrés sur l’échelle du Jihad mondial quand les musulmans du monde entier ont vu avec horreur et indignation le spectacle de ces enfants morts que des médias avides et mal inspirés ont transmis et exploité. Richard Landes
On ne saurait dire que la famille qatarie véhicule une idéologie quelconque en dehors de la protection de ses propres intérêts. Mais comme il lui faut ravir à la famille Séoud son rôle moteur dans le contrôle de l’Islam sunnite à l’échelle mondiale, elle héberge volontiers les imams et prêcheurs de tout poils ( cf Youssef Qardhawi) à condition qu’ils soient plus extrémistes que les oulémas séoudiens de façon à leur rendre des points. Et le Qatar finance partout et généreusement tous les acteurs politico-militaires salafistes (c’est le cas du groupe Ansar Dine), dont la branche la plus enragée des Frères Musulmans, hostiles à la famille Séoud (et bien sûr au chiisme) mais aussi aux régimes « laïcs » et nationalistes arabes susceptibles de porter ombrage aux pétromonarchies Alain Chouet (ancien chef du service de renseignement de sécurité à la DGSE)
Il est maintenant clair que les assurances données par Chirac ont joué un rôle crucial, persuadant Saddam Hussein de ne pas offrir les concessions qui auraient pu éviter une guerre et le changement de régime. Selon l’ex-vice président Tareq Aziz, s’exprimant depuis sa cellule devant des enquêteurs américains et irakiens, Saddam était convaincu que les Français, et dans une moindre mesure, les Russes allaient sauver son régime à la dernière minute. Amir Taheri
J’appelle à la retenue parce que dans une région qui est déjà très troublée, ce serait une catastrophe qu’il y ait encore une escalade. Israël, bien sûr, a le droit à se défendre, mais on n’arrive à rien en pratiquant un regain de violence. Les Palestiniens ont droit à un Etat, il faut répéter cela, Israël a droit à la sécurité, mais ce n’est pas par la violence qu’on peut régler les problèmes. Laurent Fabius (ministre français des Affaires étrangères)
Nous avons commis une terrible erreur, un texte malencontreux sur l’une de nos photos du jour du 18 avril dernier (à gauche), mal traduit de la légende, tout ce qu’il y a de plus circonstanciée, elle, que nous avait fournie l’AFP*: sur la « reconstitution », dans un camp de réfugiés au Liban, de l’arrestation par de faux militaires israéliens d’un Palestinien, nous avons omis d’indiquer qu’il s’agissait d’une mise en scène, que ces « soldats » jouaient un rôle et que tout ça relevait de la pure et simple propagande. C’est une faute – qu’atténuent à peine la précipitation et la mauvaise relecture qui l’ont provoquée. C’en serait une dans tous les cas, ça l’est plus encore dans celui-là: laisser planer la moindre ambiguïté sur un sujet aussi sensible, quand on sait que les images peuvent être utilisées comme des armes de guerre, donner du crédit à un stratagème aussi grossier, qui peut contribuer à alimenter l’exaspération antisioniste là où elle s’enflamme sans besoin de combustible, n’appelle aucun excuse. Nous avons déconné, gravement. J’ai déconné, gravement: je suis responsable du site de L’Express, et donc du dérapage. A ce titre, je fais amende honorable, la queue basse, auprès des internautes qui ont été abusés, de tous ceux que cette supercherie a pu blesser et de l’AFP, qui n’est EN AUCUN CAS comptable de nos propres bêtises. Eric Mettout (L’Express)
Comment expliquer qu’une légende en anglais qui dit clairement qu’il s’agit d’une mise en scène (la légende, en anglais, de la photo fournie par l’AFP: « LEBANON, AIN EL-HELWEH: Palestinian refugees pose as Israeli soldiers arresting and beating a Palestinian activist during celebrations of Prisoners’ Day at the refugee camp of Ain el-Helweh near the coastal Lebanese city of Sidon on April 17, 2012 in solidarity with the 4,700 Palestinian inmates of Israeli jails. Some 1,200 Palestinian prisoners held in Israeli jails have begun a hunger strike and another 2,300 are refusing food for one day, a spokeswoman for the Israel Prisons Service (IPS) said. »), soit devenue chez vous « Prisonnier palestinien 18/04/2012. Mardi, lors de la Journée des prisonniers, des centaines de détenus palestiniens ont entamé une grève de la faim pour protester contre leurs conditions de détention », étonnant non ? David Goldstein
Primo s’en voudrait de noircir le tableau à propos de la visite de l’Emir du Qatar à Gaza. Cette volonté de financer les banlieues françaises, de racheter le PSG, de soudoyer les narco-islamistes du Mali témoigne à la fois d’un sens aigu des affaires et d’une interprétation très particulière de l’intérêt général. Depuis quelques jours, l’opération « pilier de défense » a été qualifiée par la plupart de nos commentateurs de manœuvre politicienne en vue des élections anticipées en Israël. Du Nouvel Obs à France Inter en passant par LCI et Libé, tous ces bons esprits dénoncent la fuite en avant de Netanayu, coupable uniquement, selon eux, de vouloir préparer sa nouvelle majorité. Ces pauvres hères apportent ainsi la preuve de leur profonde méconnaissance du dossier israélo-palestinien. Car premièrement, la gauche israélienne ne pourrait, pas plus que la droite, supporter de telles atteintes à sa population civile sans réagir. Elle a d’ailleurs montré, dans un passé récent, qu’elle pouvait, elle aussi, entamer des guerres et réagir à toutes les agressions extérieures, comme celle du Hezbollah à l’été 2006. Elle n’est du reste pas la seule dans ce cas. Si une enclave ou une principauté bombardait quotidiennement l’Île-de-France ou la Vallée du Rhône, n’importe quel gouvernement français prendrait des mesures appropriées. Et, tout en regrettant les dégâts collatéraux, la population approuverait massivement. Si nos syndicalistes et membres d’EELC, PCF et consorts qui foulent le pavé aux cris de « Halte à l’agression » voyaient leurs maisons menacées par des tirs de roquettes, leurs enfants obligés de se coucher sous leur table à l’école en hurlant de terreur, nul doute qu’ils exigeraient que l’on élimine ces lanceurs de missiles. Ensuite, selon les derniers sondages, Netanyaou dispose, avec les accords entre partis, d’une majorité confortable pour gouverner à nouveau le pays. Il n’a donc pas besoin d’une intervention armée pour emporter les élections. Pierre Lefebvre

Oui, le PSG, ça sert aussi à faire la guerre!

A l’heure où, nouvelle exception bien française et contrairement à leurs homologues américains ou britanniques qu’ils devraient d’ailleurs abandonner aujourd’hui même sur le théâtre afghan, tant l’Elysée que le Quai d’Orsay ne se sont toujours pas résolus à appeler un chat un chat

Et où, pour expliquer l’actuelle situation dans l’enclave que maintient sous sa coupe de fer depuis des années le mouvement terroriste Hamas et sans compter l’habituelle désinformation des images, les médias français et leurs experts demi-habiles rivalisent à nouveau de subtilités pour présenter la même prétendue analyse éculée de « manœuvre électorale » israélienne …

Comment ne pas voir, avec le site Primo Europe, l’étrange collusion qui se dessine …

Entre un Qatar armé de ses pétrodollars et sa chaine satellitaire (et il est vrai, de Washington à Tel Aviv, ses entrées partout) qui, de Tunis à Tombouctou et en passant par Paris (mais aussi, ce que se gardent bien de rappeler nos médias affabulateurs, juste avant le début des premières roquettes à Gaza!), n’en finit pas de mettre de l’huile sur le feu jihadiste …

Et une France coincée dans sa sempiternelle « politique arabe » qui, comme avec l’Irak, n’a toujours pas compris qu’ainsi que l’avait bien expliqué Richard Landes, « lorsqu’on se  se prête au jeu des manipulations plutôt que de les dénoncer, non seulement on sacrifie les (…) innocents qui ne veulent pas que cette mafia religieuse prenne le pouvoir et les utilise comme boucliers, mais on nuit aussi à la société civile de par le monde »?

Et qu’en « nous dissimulant d’un côté les actes et les motivations d’organisations comme le Hamas ou le Hezbollah », on « permet aux musulmans ennemis de la démocratie, en Occident, de nous (leurs alliés progressistes présumés) inviter à manifester avec eux sous des banderoles à la gloire du Hezbollah, on « encourage de l’autre les haines et les sentiments revanchards qui nourrissent l’appel au Jihad mondial » ?

Gaza et la virginité du Hamas

Pierre Lefebvre

Primo

18-11-2012

Ce samedi, une cinquantaine d’associations pro-Hamas ont défilé dans les rues de France pour soutenir leurs amis dans le besoin.

Il faut noter cependant que le Hamas en particulier et que Gaza en général ne sont pas si sans défense que cela. Cela fait des années qu’ils entreposent des armes perfectionnées reçues d’Iran par la frontière avec l’Égypte.

Ces armes passent par les souterrains, tunnels de contrebande utilisés également pour importer des voitures de luxe, au grand dam des concessionnaires légaux qui voient leurs chiffres d’affaires s’effondrer.

L’internationale n’est pas le genre humain

Il est piquant de constater que les organisations qui ont appelé à manifester ce samedi sont également celles qui prétendent militer contre le grand patronat, le capitalisme effréné, les milieux d’affaires.

Or, le Hamas présente toutes les caractéristiques d’une oligarchie richissime qui exploite sans vergogne la misère de ses concitoyens.

Les dirigeants du Hamas vivent dans un luxe ostentatoire et composent la totalité des nouveaux riches de Gaza. Leurs enfants sont envoyés dans les meilleures universités à l’étranger.

Lorsqu’ils étudient le Coran à l’université islamique, ils ont à leur disposition piscines et clubs hippiques.

Leurs épouses hantent les centres commerciaux dont celui d’Al Andalousia sur la place Haidar Abdel Shafi.

Dans ses 3 000 mètres carrés et sur trois niveaux, il bénéficie d’escaliers mécaniques, d’atrium, de jets d’eaux et de l’air conditionné. On y trouve des vêtements de marque, des cosmétiques, des fournitures de bureau, des jouets, des chaussures, des restaurants, des jeux d’arcades et même un cinéma.

Dans le même temps, selon le Programme alimentaire mondial (PAM), le nombre de familles gagnant moins de 1,2 dollar par jour est passé de 55 % à 70 %.

Les enfants issus de cette population sont envoyés creuser les tunnels pour le compte des familles régnantes du Hamas et, pour le cas présent, utilisés comme boucliers humains par les islamistes.

Le Hamas n’a aucun intérêt à favoriser l’ouverture de sa frontière avec l’Égypte car un commerce légal avec le pays voisin, dirigé maintenant par la même mouvance idéologique, ruinerait la plupart de ses cadres dirigeants.

Sharia mal tempérée

Ces organisations françaises qui militent aujourd’hui contre l’intervention israélienne agissent en France contre l’homophobie et ont pris des positions radicales en faveur du mariage pour tous.

Curieusement, ils se soucient peu du sort des homosexuels dans la bande de Gaza, où ceux-ci sont exécutés sommairement. Et en public, c’est plus drôle.

Ils sont souvent, et préalablement, torturés dans les geôles du mouvement islamiste avant leur mise à mort.

Selon Human Rights Watch, le gouvernement du Hamas de Gaza a « intensifié ses efforts pour islamiser Gaza» qui ont été qualifiés par cette organisation de « répression de la société civile » et « de graves violations de la liberté individuelle ».

Le Hamas a imposé des règles strictes aux femmes, opprimé les minorités, imposé la sharia et déployé la police religieuse pour faire respecter ces lois.

Les femmes ne peuvent se baigner, ni découvrir leurs cheveux sous peine d’amende et parfois de brutalité.

Dans un rapport de 2009, le Centre palestinien pour les droits de l’Homme dénonce les violations permanentes des droits de l’Homme dans la bande de Gaza et parle ces « violations criminelles quotidiennes » dont la liberté de la presse.

C’est ainsi qu’il peut retenir en toute illégalité 22 journalistes et les utiliser comme boublier humain sans s’attirer les foudres de la presse bien-pensante. Il a muselé la presse locale, persécutant les journalistes du cru, et n’a jamais reçu la moindre observation à ce sujet. Persevere diabolicum, il est vrai, mais ça paye parfois.

C’est ce mouvement qui est défendu par les manifestants français, lesquels n’ont pas trouvé le temps de manifester contre le régime syrien depuis que celui-ci massacre son peuple.

Les analyses crapuleuses

Depuis quelques jours, l’opération « pilier de défense » a été qualifiée par la plupart de nos commentateurs de manœuvre politicienne en vue des élections anticipées en Israël.

Du Nouvel Obs à France Inter en passant par LCI et Libé, tous ces bons esprits dénoncent la fuite en avant de Netanayu, coupable uniquement, selon eux, de vouloir préparer sa nouvelle majorité.

Ces pauvres hères apportent ainsi la preuve de leur profonde méconnaissance du dossier israélo-palestinien.

Car premièrement, la gauche israélienne ne pourrait, pas plus que la droite, supporter de telles atteintes à sa population civile sans réagir.

Elle a d’ailleurs montré, dans un passé récent, qu’elle pouvait, elle aussi, entamer des guerres et réagir à toutes les agressions extérieures, comme celle du Hezbollah à l’été 2006.

Elle n’est du reste pas la seule dans ce cas.

Si une enclave ou une principauté bombardait quotidiennement l’Île-de-France ou la Vallée du Rhône, n’importe quel gouvernement français prendrait des mesures appropriées.

Et, tout en regrettant les dégâts collatéraux, la population approuverait massivement.

Si nos syndicalistes et membres d’EELC, PCF et consorts qui foulent le pavé aux cris de « Halte à l’agression » voyaient leurs maisons menacées par des tirs de roquettes, leurs enfants obligés de se coucher sous leur table à l’école en hurlant de terreur, nul doute qu’ils exigeraient que l’on élimine ces lanceurs de missiles.

Ensuite, selon les derniers sondages, Netanyaou dispose, avec les accords entre partis, d’une majorité confortable pour gouverner à nouveau le pays.

Il n’a donc pas besoin d’une intervention armée pour emporter les élections.

IGV ou Indignation à Géométrie Variable

Parmi les organisations signataires de l’appel à manifester contre ce qu’ils appellent l’agression israélienne, se trouvent les travailleurs tunisiens, marocains, algériens, les mêmes qui militaient contre les dictatures violentes et qui voyaient d’un bon œil une intervention armée contre leurs régimes sanguinaires lors des « printemps » arabes.

Avec ces manifestations françaises, le PCF, EELV, NPA, MRAP et consorts redonnent une légitimité au Hamas, ce mouvement qui se situe aux antipodes des aspirations des populations arabes, celles qui ont renversé leurs régimes respectifs avant d’être noyées dans l’islamisme le plus rétrograde.

Mais le Hamas a deux autres raisons pour provoquer l’affrontement.

Les observateurs les plus obtus n’ont pu manquer de remarquer que la fréquence des tirs de missiles contre les civils israéliens a considérablement augmenté dès le lendemain de la visite du Qatar et ses fastueuses prodigalités.

(Petite incise : le chèque du Qatar au Hamas en octobre dernier est moins important que ce qu’il a investi dans le football européen, notamment le PSG. Il serait bon de s’en souvenir).

C’est que le Hamas a besoin de se refaire une virginité à propos du conflit syrien.

Car celui-ci a profondément divisé le mouvement islamiste. Des combattants palestiniens s’affrontent également en Syrie, certains étant pro-Assad, d’autres ayant résolument pris le parti des rebelles.

Khaled Meechal, chef du Hamas et hôte du régime Assad durant de longues années, est parti, la queue entre les jambes après avoir volontiers profité des largesses de la dictature alaouite.

Cette profonde division entre Palestiniens commençait à fissurer l’unanimité de facade de ce peuple, qui vient de prouver, une fois de plus, qu’il n’en est pas un.

La deuxième raison, non relevée par les grands experts de nos médias, est la suivante.

Les régimes autoritaires arabes ont besoin d’un peuple palestinien « souffrant » pour détourner l’attention sur leurs propres manquements à la démocratie. Vieille technique utilisée depuis des décennies.

Peinant à recoller les morceaux, le Hamas, avec cynisme et en totale collusion avec les dirigeants arabes, a donc décidé de ressouder les Palestiniens en sacrifiant sa population en déclenchant un conflit avec l’ennemi de toujours, Israël.

Le Hezbollah et son allié indéfectible, le régime syrien, à la veille d’être mis en cause par la justice internationale dans le procès Hariri, avaient usé du même stratagème en déclenchant les combats de l’été 2006.

Ce sont ces gens-là, ces régimes sanguinaires qu’EELV, le PCF et autres nostalgiques des dictatures ont choisi de soutenir en manifestant ce samedi.

Les marches françaises de protestation n’ont pas mobilisé beaucoup de militants.

Le gros de leurs troupes défilaient contre l’aéroport de Nantes. Quand on ne représente que 2 % du corps électoral, il faut savoir choisir ses priorités.

Mais elles n’en restent pas moins inquiétantes pour l’avenir du débat démocratique en France.

Voir aussi:

Euphorie à Gaza

Pierre Lefebvre

Primo

24-10-2012

Le Qatar vient d’offrir gracieusement 500 millions d’euros au gouvernement islamiste de Gaza.

À peine la nouvelle connue des habitants de cette enclave, ils ont bombardé les civils israéliens de roquettes, manière de fêter l’événement. Les islamistes sont espiègles.

Le système « dôme de fer » a intercepté plusieurs fusées, mais pas toutes. Résultat, des blessés graves dans une ferme proche de la frontière.

On aurait bien écrit ‘des victimes sont à déplorer’, mais les médias français auraient plutôt tendance à s’en réjouir pour les plus militants, ou à craindre les représailles et à s’insurger à l’avance devant la future ‘réponse disproportionnée’ d’Israël.

Alors déplorer les victimes ne fait pas partie de l’équation. Surtout si elles sont juives, tout le monde aura compris.

Il faut noter que ces 500 millions représentent à peine ce que dépense Israël chaque mois pour les vivres et les denrées qu’il leur fait parvenir. Les denrées, pas les millions.

Le bateau « Estelle », intercepté au large de Gaza par la marine israélienne, ne transportait, lui, que quelques centaines de kilos de denrées périssables et de produits médicaux. C’est un investissement en communication bien suffisant.

La propagande, relayée en France par le PCF et son organe l’Humanité affirme qu’il transportait « des tonnes de médicaments, des produits alimentaires, des jouets, des poches de sang… ».

Il est vrai que traverser la Méditerranée avec des poches de sang dans les soutes en tablant sur une interception par la marine israélienne et donc, à supposer qu’on espère y parvenir, une arrivée dans les hôpitaux de Gaza au bout de plusieurs semaines, est un geste humanitaire témoignant de peu d’intérêt pour les précautions sanitaires élémentaires…

Et donc pour les futurs usagers de ces prétendues poches de sang.

Heureusement, les ‘activistes’ de l’Estelle n’ont pas la moindre intention de fournir ces dons à des gens qui n’en ont pas besoin.

L’espérance de vie de Gaza fait pâlir d’envie tous les pays arabes alentours et les hôpitaux israéliens soignent les Palestiniens sans discrimination quand leurs chirurgiens n’ont pas la technique ou les moyens nécessaires. Le seul objectif de ces militants navigateurs est de faire du buzz. Et ça marche !

Plutôt que d’accuser les journalistes de l’Humanité de complaisance, faisons semblant de croire que leur reprise in extenso et sans vérification – et a fortiori sans recoupement – des tracts de Solidarité-Palestine et consorts provient de leur seule ignorance.

Après tout, ils sont journalistes, pas gestionnaires, ni spécialistes en action sanitaire, ni diplômés en logistique.

Ah, oui, ils auraient pu se renseigner ? Réveillez-vous, on parle de l’Huma ! Le seul quotidien que feue la Pravda du petit père des peuples aurait pu encore nous envier!

En fait, la cargaison du bateau finlandais représentait un peu moins que l’ensemble des denrées envoyées à Gaza par Israël en une seule journée.

Peu importe, car jamais un journaliste français ne dit un mot de ces expéditions, puisque le mot d’ordre est ‘prison à ciel ouvert et blocus’. Que le blocus ne concerne que les armes ou ce qui peut servir à en fabriquer ne concerne pas les journalistes.

Surtout pas ceux de l’Huma. En plus, ils sont fâchés avec les chiffres.

Depuis des années, ses commissaires aux comptes successifs sont « accro » aux anxiolytiques, tant la trésorerie de ce quotidien est plombée par un déficit abyssal.

On ne va pas leur demander, en plus, de faire l’impasse sur le seul sujet qui fait consensus aussi bien chez leurs lecteurs que chez ceux de http://www.frontnational.com.

Primo s’en voudrait de noircir le tableau à propos de la visite de l’Emir du Qatar à Gaza.

Cette volonté de financer les banlieues françaises, de racheter le PSG, de soudoyer les narco-islamistes du Mali témoigne à la fois d’un sens aigu des affaires et d’une interprétation très particulière de l’intérêt général.

Ces deux notions coïncident difficilement, mais il est de bon ton, chez les intellodegauche (il n’y en a pas ailleurs, on le sait depuis 1981) d’assumer ses contradictions.

L’Huma a, de ce point de vue, des pudeurs qu’aucun de ses confrères ne peut lui envier.

D’ailleurs la presse française est d’une discrétion de bluette sur la froideur de l’accueil fait par la population de Gaza à ses sauveteurs, pourtant porteurs d’un petit pourcent de ce que l’ennemi honni lui fournit chaque jour dans l’indifférence des médias.

Certes le Hamas a déroulé le tapis rouge. Les plus beaux restaurants, les centres commerciaux ont été pavoisés aux couleurs du Qatar (voir quelques photos de Gaza ici). Une grande cérémonie populaire était prévue dans un des grands stades, afin de fêter l’événement.

Mais les Gazaouis savent compter, eux.

Ils savent que ces 500 millions ne sont qu’une poignée de dollars de plus dans la poche de leurs dirigeants. Qu’ils ne leur auraient, de toute façon, pas permis de vivre décemment. Ils savent que cela n’empêchera nullement les trafics souterrains de prospérer au bénéfice d’une poignée de chefaillons sans scrupules.

Ils savent que leur situation personnelle ne risque pas de s’améliorer puisque le seul pays de la région qui a une croissance positive est Israël et qu’ils n’y exportent que des bombes et des roquettes.

Aussi ont-ils préféré décliner l’invitation et la cérémonie a dû être annulée à la dernière minute, faute de spectateurs enthousiastes.

Au-delà de l’aspect purement anecdotique de ce don Qatari au gouvernement islamiste, il importe de souligner que le Hamas a de moins en moins d’emprise sur les habitants de Gaza.

Le peuple, le vrai, pas celui qui est laborieusement défendu par l’Humanité, ne se laisse plus prendre aux mirages de la propagande.

Règner sur les esprits

La gouvernance basée sur l’Islam et sa charia est une forfaiture intellectuelle et les peuples arabes commencent à s’en apercevoir.

Dans la région, les Égyptiens peinent à cacher leur impatience devant les promesses non tenues du gouvernement Morsi.

En Libye, les combats renaissent avec vigueur dans la plupart des grandes villes.

Un peu plus loin, les Tunisiens commencent à s’apercevoir que leurs libertés les plus fondamentales diminuent comme peau de chagrin.

Il y a quelques années, les manifestations « spontanées » faisaient le bonheur des dirigeants autoproclamés et celui des télévisions arabes. Et des nôtres quand lesdites manifestations avaient un rapport même lointain avec Israël.

Aujourd’hui, les grandes soirées publiques à la gloire des dirigeants ne font plus recette.

Le monde arabe prendrait-il conscience qu’il s’est laissé aller à adorer des idoles préfabriquées ?

Ce n’est donc pas pour manifester leur joie de voir le compte offshore de leurs dirigeants crédités de 500 millions supplémentaires, que le peuple a tiré des missiles sur Israël.

C’est par frustration de n’avoir pu organiser leur grande soirée triomphale au stade de Gaza, que quelques islamistes ont succombé à cette tentation.

Le Qatar finance, le Hamas récupère et quels que soient les tireurs, ce sont les civils israéliens qui payent la note.

Simple question d’habitude ! On a les feux d’artifice que l’on peut.

Voir encore:

Nos chers amis les Qataris
Les secrets d’une histoire d’amour et d’argent entre le Qatar et la France. Édifiant.
Christophe Labbé et Mélanie Delattre
Le Point
14/06/2012

Ce matin-là, François Hollande a rendez-vous avec l’un des hommes les plus riches du monde. Hamad ben Jassem al-Thani est arrivé la veille à bord de son Airbus A330 personnel. « HBJ », comme on l’appelle, est à la tête du puissant fonds souverain qatari qui, depuis dix ans, rachète la France par morceaux. Le petit émirat a dépensé des milliards pour entrer dans le capital de nos fleurons industriels : Lagardère, Veolia, Vinci, mais aussi Total, LVMH, France Télécom. Propriétaire des plus beaux joyaux immobiliers de la capitale, il vient d’acquérir pour 400 millions d’euros l’immeuble Virgin des Champs-Élysées. La monarchie du Golfe s’est aussi offert la prestigieuse course hippique de l’Arc de triomphe et, récemment, le club de football du PSG.

Homme d’affaires mais aussi Premier ministre du Qatar, HBJ est comme chez lui à Paris. C’est d’ailleurs en « territoire qatari », au Royal Monceau, propriété de l’émirat, qu’il a passé la nuit. Une infidélité à son hôtel particulier favori de la rue Saint-Dominique. Ce petit palais du XVIIIe siècle, racheté à l’État pour la moitié de sa valeur fin 2006, a vu défiler la plupart des grands patrons français et nombre d’hommes politiques. François Hollande, lui, n’a jamais eu l’occasion d’admirer les plafonds classés de la magnifique demeure actuellement en travaux. Ses deux seules rencontres avec l’homme fort du Qatar se sont déroulées rue de Solferino, au siège du PS, lorsqu’il était premier secrétaire du parti, puis dans un discret hôtel parisien durant la primaire. « Entre le président normal et le Berlusconi du désert, qui mène de front sa carrière de diplomate et d’homme d’affaires, le courant a du mal à passer », s’amuse un observateur privilégié des relations franco-qataries.

À l’Élysée, le 7 juin, HBJ a dû se contenter d’une audience express de quarante-cinq minutes, calée entre deux rendez-vous avec Hervé Morin et Cécile Duflot. Une douche froide pour ce Premier ministre habitué aux effusions d’un Nicolas Sarkozy, grand ami du Qatar. Avec François Hollande, on est loin des débuts enthousiastes du précédent quinquennat. À l’époque, l’émir avait été le premier chef d’État arabe reçu au Château. Un mois et demi plus tard, on le retrouvait à la tribune présidentielle pour le défilé du 14 Juillet. Des marques d’attention qui avaient fait jaser dans les capitales arabes. Désormais, c’est en France que cette proximité fait grincer des dents. L’omniprésence des Qataris, dans notre économie comme notre diplomatie, inquiète. Sous Sarkozy, les relations entre les deux pays se sont enchevêtrées de manière inextricable. Pour le meilleur ou pour le pire ? Enquête sur une drôle d’histoire d’amour et d’argent.

Lune de miel

« Il y a quarante ans, pour les Français, le Qatar était juste un tas de sable avec un peu de pétrole, se souvient un diplomate. L’émirat, qui venait d’arracher son indépendance aux Britanniques, se cherchait un protecteur. Giscard a sauté sur l’occasion et en a profité pour équiper leur armée de pied en cap. » La lune de miel s’est poursuivie avec Mitterrand, même si au départ les Qataris – plutôt conservateurs – craignaient l’arrivée de la gauche. « Lors de leur première rencontre, ils ont bloqué sur le costume bon marché du nouveau président, mais ont fini par s’y habituer », raconte un témoin de l’époque. Tous les étés, l’émir passe prendre le thé à l’Élysée avant de rejoindre la Côte d’Azur. Jusqu’en 1995, où il est débarqué par son fils, le prince héritier ! Jacques Chirac, qui s’était lié d’amitié avec le vieux cheikh, traîne des pieds pour reconnaître le nouveau souverain. Un retard à l’allumage qui vaudra à la France d’être mise à l’index des grands contrats durant presque une décennie.

HBJ, qui a 36 ans à l’époque, fait partie des conjurés. Ministre des Affaires étrangères du père, il a fait allégeance au fils, Hamad ben Khalifa al-Thani, que tout le monde surnomme  » HBK « . Sa mission : avertir en sous-main les chancelleries qu’une révolution de palais se prépare. Il faut s’assurer que le puissant voisin saoudien – qui considère le Qatar comme une de ses dépendances – ne saisira pas ce prétexte pour envahir la péninsule. Ben Jassem va négocier discrètement le soutien du lobby juif américain contre un premier pas vers la reconnaissance d’Israël. Le jour J, Bill Clinton appelle le roi d’Arabie saoudite avec un message clair pour lui dire que les États-Unis approuvent le changement. Le nouvel émir a trouvé son âme damnée. Il sait qu’il peut compter sur le machiavélique HBJ pour orchestrer sa diplomatie secrète.

« Soft power »
Le tandem HBJ-HBK a de grandes ambitions pour le petit émirat. La manne gazière doit permettre au Qatar de peser sur la scène internationale. Le micro-État souffre du syndrome de Lilliput. Sur 2 millions d’habitants, on compte moins de 200 000 nationaux. « Ils vivent dans l’angoisse de disparaître. Cette crainte dicte toute leur stratégie, analyse un diplomate. Avec son armée de 15 000 hommes, le Qatar ne résisterait pas à un éternuement de ses deux puissants voisins. Pour sa survie, il a misé sur le soft power, autrement dit l’influence économique et médiatique plutôt que militaire. » En lançant Al-Jazeera, le CNN arabe, en rachetant les clubs et de grands événements sportifs, en décrochant l’organisation de la Coupe du monde de football, le Qatar cherche à se façonner l’image d’une monarchie éclairée. Un plan réfléchi de longue date par l’émir.

Sous son air indolent accentué par une imposante corpulence, le souverain dissimule un caractère trempé. C’est lui qui, dès son arrivée au pouvoir, a décidé d’exploiter l’or bleu de North Field, le plus grand gisement de gaz naturel au monde. Pour extraire et transporter ce trésor enfoui au large, Hamad ben Khalifa a investi des sommes colossales. « Un risque que son père n’avait pas osé prendre et qui a valu au Qatar une période de vaches maigres », commente un expatrié de la première heure. En 2000, lorsque le prix du baril s’est effondré, l’émirat n’arrivait plus à boucler ses fins de mois. Le pays le plus riche du monde a été sauvé de la banqueroute par Total, qui a accepté de lui faire une avance. Depuis, les cours sont remontés, et le Qatar, devenu 2e producteur mondial de gaz, s’est offert 4 % du pétrolier français. Une goutte d’eau dans l’océan de ses participations. Gorgé de devises par son industrie gazière, le Qatar rachète le monde.

La scène se passe en avril à Doha, dans le hall de l’immense centre des congrès qui accueille pour trois jours le World Investment Forum. Questionné sur son pays, un businessman qatari en keffieh et dishdasha blanche, attaché-case à la main, explique : « Pour nous, tout va bien. On a racheté la moitié de l’Italie et maintenant on rachète la moitié de l’Espagne. Mais moi, ce que je préférerais, c’est qu’on rachète le Barça. » Un souhait qui pourrait bientôt être exaucé. Le petit émirat a déjà obtenu, moyennant 30 millions d’euros, le droit d’apposer le nom de la Qatar Fondation sur les maillots du mythique club catalan.

Compte à rebours
Pourquoi une telle frénésie dépensière ? Les Qataris vivent dans l’angoisse de la fin de l’or bleu. D’ici une cinquantaine d’années, le fantastique gisement de North Field sera à sec. « Ce compte à rebours influence leur politique d’investissement, commente un banquier spécialiste des fonds souverains. Le Qatar n’est pas, comme ses voisins, une éponge à pétrole. Il n’a connu l’opulence qu’après en avoir sué pour récupérer son gaz au fond de la mer. » Les anciens pêcheurs de perles, qui se rêvent aujourd’hui en Singapour du Golfe, veulent perdurer dans le monde post-pétrole. « Dès 2030, les revenus de nos placements étrangers vont dépasser notre rente gazière et pétrolière », assure un haut fonctionnaire qatari. L’objectif fait sourire les investisseurs, notamment ceux de la City, qui ont en tête certains bouillons financiers comme l’OPA ratée de Doha sur la chaîne de supermarchés Sainsbury.

« Contrairement à ce qu’ils affirment, la rentabilité n’est pas leur obsession. Leurs investissements s’inscrivent dans la stratégie de soft power voulue par l’émir », décrypte un expert de la péninsule Arabique. Pas étonnant que l’on retrouve HBJ, l’homme qui tire les ficelles de la diplomatie, aux manettes de la Qatar Investment Authority, une tirelire de 100 milliards de dollars créée en 2003. Le pactole investi en France représente près de 10 %. « L’argent leur sert à nouer des liens avec les élites. Quand ils achètent le PSG ou le Prix de l’Arc de triomphe, ils s’offrent aussi un accès privilégié au Tout-Paris, friand des invitations en loge », observe un habitué de ces rendez-vous mondains.

Pour harponner les Français qui comptent, HBJ s’appuie sur l’ambassadeur du Qatar, son homme lige à Paris. Ce dimanche midi, le très urbain Mohamed al-Kuwari, qui a longtemps été directeur de cabinet du Premier ministre, accueille lui-même le millier d’invités qui se presse au palais d’Iéna. Pour fêter ses quarante ans d’indépendance, le Qatar a annexé un palais de la République. Le siège du Conseil économique, social et environnemental, la troisième assemblée de France, a été privatisé pour l’occasion. On y croise, coupe de champagne à la main, plusieurs ministres de Sarkozy comme David Douillet, Jeannette Bougrab, Thierry Mariani, Maurice Leroy, mais aussi Jean Tiberi. La plupart sont des habitués du 1 rue de Tilsitt, la nouvelle ambassade. Le splendide hôtel particulier de la place de l’Étoile voit défiler les people, qui, pour certains, ne repartent pas les mains vides. Prix Richesses dans la diversité ou prix Doha capitale culturelle arabe, toutes les occasions sont bonnes pour « récompenser » les amis du Qatar. Des dizaines de personnalités, à l’instar des anciens ministres Renaud Donnedieu de Vabres et Jack Lang ou de l’ancien président du CSA Dominique Baudis, se sont vu distinguer avec, pour certains, un chèque de 10 000 euros. C’est aussi le cas de Yamina Benguigui, qui vient de faire son entrée au gouvernement. Pour mener à bien sa mission de grand chambellan des relations publiques, l’ambassadeur du Qatar dispose d’une voiture diplomatique équipée d’un gyrophare.

On ne compte plus les politiques qui ont fait le déplacement à Doha, devenue sous Sarkozy une destination à la mode. « Beaucoup voyagent gratuitement sur Qatar Airways, la compagnie nationale dont le président n’est autre que HBJ », persifle un parlementaire français. Parmi les habitués du Paris-Doha, Dominique de Villepin. L’ancien Premier ministre fréquente assidûment le Qatar depuis qu’il a dirigé le Quai d’Orsay. Sa particule et son élégance naturelle ont tout de suite séduit l’émir et son épouse, la cheikha Mozah. Une amitié généreuse qui ne s’est jamais démentie. Aujourd’hui avocat d’affaires, Villepin a pour client le Qatar Luxury Group, fonds d’investissement personnel de la femme de l’émir. C’est avec cette cassette que la cheikha a pris le contrôle du célèbre maroquinier Le Tanneur implanté en Corrèze, fief de François Hollande. Un pied de nez à son ennemi HBJ, le favori de la sarkozie. Cette relation particulière avec le couple royal, Villepin la défend jalousement. Témoin, cet incident : en 2008, lors d’un dîner de gala en marge d’une conférence, Dominique de Villepin quitte la table avec fracas lorsqu’il découvre que Ségolène Royal, candidate défaite à la présidentielle, occupe la place d’honneur. L’élue de Poitou-Charentes est assise à côté du Premier ministre qatari alors que lui doit se contenter du vice-Premier ministre chargé du pétrole…

Passions

Il y a cinq ans, la plupart des Français étaient incapables de situer le Qatar sur une carte. Aujourd’hui, il suffit de prononcer le nom du micro-État pour déchaîner les passions. Le Qatar aura été l’invité surprise et tape-à-l’oeil du quinquennat écoulé. C’est lorsqu’il est ministre de l’Intérieur que Sarkozy rencontre pour la première fois les Qataris. En décembre 2005, il est à Doha, officiellement pour parler de Milipol, le grand Salon international des forces de police, que le Qatar doit accueillir l’année suivante. Toute « la firme » – comme on appelle sa garde rapprochée – est du voyage : Laurent Solly, Pierre Charon, Franck Louvrier et Michel Gaudin. Son directeur de cabinet à Beauvau, Claude Guéant, a oeuvré en coulisse pour ouvrir les portes du palais à son poulain, déjà en course pour la présidentielle. L’éminence grise de Sarkozy, qui a récupéré une partie des réseaux Pasqua, s’affaire pour trouver des soutiens hors de France. Cette fois, c’est un homme d’affaires israélien formé à Sandhurst, comme le prince héritier Tamim, qui a joué l’entremetteur. « Le Moyen-Orient était alors la chasse gardée de l’Élysée. L’année d’avant, Sarkozy avait dû sur ordre de Chirac annuler un voyage en Arabie saoudite au cours duquel il devait signer un énorme contrat de sécurisation des frontières », rappelle un connaisseur de la région.

Sitôt Sarkozy élu, le Qatar fait une entrée fracassante sur la scène politique française. Quinze jours après l’investiture du nouveau chef de l’État, l’émir signe à l’Élysée un contrat de 16 milliards de dollars portant sur l’achat promis de 80 Airbus. Puis vient l’affaire des infirmières bulgares sorties des geôles de Kadhafi contre une caution de 350 millions d’euros payée par le Qatar. Au dernier moment, le guide libyen a fait monter les enchères. Pour trouver l’argent, Nicolas Sarkozy a tout de suite pensé à son nouvel ami. Et l’émir a chargé son Premier ministre de régler le problème. « C’est moi en personne qui ai négocié, se souvient l’ambassadeur, appelé en pleine nuit par HBJ. Je suis arrivé à Tripoli le 24 juillet à 5 heures du matin. À 6 heures, j’étais dans le bureau du Premier ministre libyen pour signer le chèque. Deux heures plus tard, les infirmières étaient libérées. » Dans les chancelleries européennes, il se murmure que le Qatar n’aurait jamais revu sa caution…

C’est le début d’une relation décomplexée entre Ben Jassem et Sarkozy. Même génération, même côté bling-bling : les deux hommes étaient faits pour s’entendre. « Le richissime Ben Jassem, qui possède un yacht de 119 mètres et l’immeuble le plus cher de Londres, a très vite compris qu’il pouvait être le Hariri de Sarkozy », glisse un initié. Une allusion à peine voilée aux intérêts cachés qui unissaient l’ancien Premier ministre libanais et Jacques Chirac. Lorsqu’il est à l’Élysée, Sarkozy voit tous les mois son ami HBJ. Au menu des discussions, les emplettes de la Qatar Investment Authority en France. Le Château se met en quatre pour satisfaire la fringale d’achats de l’émirat. La convention fiscale qui lie les deux pays est toilettée pour exonérer d’impôt sur les plus-values tous les investissements immobiliers réalisés par les Qataris dans l’Hexagone. Dans le même temps, on les laisse entrer sans sourciller dans le capital d’entreprises aussi stratégiques que le pétrolier Total, le géant de l’eau et des déchets Veolia, ou Lagardère, acteur incontournable des médias et de l’aéronautique. Il s’en faut de peu pour que l’émirat mette aussi la main sur les mines d’uranium d’Areva.

Pour les Qataris, Sarkozy a été un allié précieux sur la scène internationale. En les associant à la politique étrangère de la France au Moyen-Orient – on se souvient de l’irruption du Qatar lors de la libération du soldat franco-israélien Gilad Shalit -, en les enrôlant dans la guerre de Libye, il les a fait exister comme puissance diplomatique. Est-ce en retour pour faire plaisir à Sarkozy que le prince héritier a remis en selle le PSG, club de foot fétiche du président ? Difficile à dire, car Tamim, qui a vécu à Paris, est un fervent supporter du PSG. C’est également le prince héritier, élevé au rang de grand officier de la Légion d’honneur par Sarkozy, qui a récupéré à la barbe de Canal + une partie des droits de retransmission des matchs de foot. Un coup dur pour la chaîne cryptée, dont l’humour grinçant tapait sur les nerfs de l’ancien chef de l’État. Le Qatar a enlevé une autre épine du pied de Nicolas Sarkozy. Quand la France s’est retrouvée en 2011 avec des millions de vaccins antigrippe A dont on ne savait que faire, il a signé sans hésiter un chèque pour 300 000 doses. Pendant cinq ans, la drôle de relation entre la France et le Qatar a nourri la machine à rumeurs. Jusqu’à toucher l’une des plus proches ministres de Nicolas Sarkozy. À l’époque où elle était garde des Sceaux, Rachida Dati enchaînait jusqu’à trois allers-retours Paris-Doha par mois. Il n’en fallut pas plus pour que certains désignent le procureur général du Qatar comme le père de son enfant. Malgré les démentis, la rumeur ne s’est jamais éteinte. Peut-être parce que Rachida Dati avait récupéré comme conseiller Place Vendôme l’ambassadeur en poste au Qatar et que sa soeur, elle, travaillait auprès du haut magistrat qatari.

Victime collatérale
Finalement, qu’aura rapporté à la France sa soudaine passion pour le Qatar ? « On leur a fait la courte échelle sur la scène diplomatique. Mais, en retour, à l’exception des Airbus, les Qataris ne nous ont quasi rien acheté, déplore un industriel. Pire, en fondant nos intérêts avec ceux du Qatar, frère ennemi de l’Arabie saoudite, on s’est fermé les portes du plus gros coffre-fort de la région. » La France est aujourd’hui la victime collatérale de la politique ambiguë dont l’émirat a fait sa marque de fabrique. Après avoir donné aux printemps arabes un porte-voix avec sa chaîne Al-Jazeera, le Qatar est aujourd’hui soupçonné de soutenir un islam radical pour placer ses pions en Tunisie, en Libye et aujourd’hui en Syrie.

Désormais, tout ce qui vient de Doha est suspect. Même en France, on leur prête des arrière-pensées. Quand on annonce que l’émir investit 50 millions d’euros dans un fonds pour les banlieues, le voilà aussitôt accusé par Marine Le Pen de « financer le fondamentalisme ». « Les élus locaux sont venus nous voir en râlant : pourquoi le Qatar, qui investit des milliards dans les fleurons du CAC 40, n’aide pas les petits ? On a dit oui pour un fonds d’investissement destiné à toutes les PME, pas spécifiquement aux banlieues », explique l’ambassadeur, trop poli pour raconter la suite. Les hommes politiques de gauche ont accouru… tout en reprochant à Sarkozy de sous-traiter au Qatar la politique de la ville. Que fera François Hollande de cet ami encombrant mais bien doté qu’il a trouvé dans la corbeille de l’Élysée ? Pour son premier voyage officiel, aux États-Unis, le président français a apporté en cadeau à Michelle Obama un sac Le Tanneur. À Doha, on veut y voir un bon présage…

Le patrimoine immobilier du Qatar à Paris
– L’hôtel Lambert

(ci-dessus) sur l’île Saint-Louis, propriété du frère de l’émir, qu’il a acheté en 2007 à la famille Rothschild pour environ 60 millions d’euros.

– L’hôtel Kinski, rue Saint-Dominique. Il appartient au Premier ministre HBJ. Acheté à l’Etat français en 2006 28 millions d’euros, la moitié du prix estimé.

– L’hôtel Landolfo-Carcano, place de l’Etoile. Une des propriétés les plus chères de Paris, achetée par le Qatar pour y installer son ambassade.

– L’immeuble Virgin, sur les Champs-Elysées, acheté 400 millions d’euros à Groupama.
2e pays
le plus riche du monde selon le PIB par habitant (le Qatar est derrière le Luxembourg).
102 700 dollars
dollars PIB par habitant.
100 milliards de dollars
c’est la tirelire du Qatar pour investir dans le monde via son fonds souverain (voir ci-dessous).
L’argent du Qatar dans le monde
Via la Qatar Investment Authority (QIA), fonds souverain créé en 2003, le Qatar dispose d’une force de frappe de plus de 100 milliards de dollars. Ses investissements sont répartis à part égales entre l’Europe, l’Asie et l’Amérique du Nord.

Etats-Unis

– Miramax Films

– General Motors

– Tiffany – Co

Allemagne

– Porsche

– Volkswagen

Espagne

– Club de foot de Malaga  Iberdrola

Suisse

– Credit Suisse

Grande-Bretagne

– Terrain du village olympique londonien

– Harrods

– Intéressé par le circuit automobile de Silverstone

– Shell

– Cadbury Schweppes

– Supermarchés Sainsbury

– London Stock Exchange

– Banque Barclays

Monaco

– Société des bains de mer
Les emplettes du Qatar en France
– Lagardère

Entrée : 2003

Participation : 12,83 % en 2012

– Suez Environnement

Entrée : 2008

Participation : 0,98 % en 2010

– Cegelec

Entrée : 2008

Sortie : 2009 sous forme d’une

participation dans Vinci pour 1,2 milliard

– Vinci

Entrée : 2009

Participation : 5,6 %

– Veolia

Entrée : 2010

Participation : 5 %

– Le Tanneur

Entrée : 2011

Participation : 85 %

– LVMH

Entrée : 2011

Participation : 1,03 %

– Total

Entrée : 2011

Participation : 4 %

– Vivendi

Entrée : 2011

Participation : 1,53 %

– France Télécom

Entrée : 2012

Participation : 1 %.
A l’assaut de Canal +
Avec le coup d’envoi de l’EuroFoot, Al Jazeera Sport, via sa déclinaison française BeIN Sport, se lance à l’assaut des abonnés de Canal +. Une simple bataille commerciale ? Pas vraiment. Nasser al-Khelaïfi, l’émissaire sportif du prince héritier Tamim al-Thani, commence à mesurer la difficulté politique de l’aventure et s’en inquiète. C’est qu’en foulant les plates-bandes de la chaîne cryptée sur le terrain des droits sportifs, l’opulent émirat réveille la vigilance du cinéma français, le meilleur protecteur de Canal + depuis sa naissance. Un lobby culturel qui fonctionne comme une machine politique, connectée depuis toujours au sommet de l’Etat.

Nasser al-Khelaïfi cherche donc à se concilier le monde fermé du septième art. Après tout, s’il faut financer des films tricolores pour se faire accepter, pourquoi pas ? François Hollande a lui-même indiqué que ce nouveau contributeur du cinéma serait le bienvenu si d’aventure le chéquier de Canal + n’y suffisait plus. Al-Khelaïfi consulte, se renseigne…  » Le cinéma ? Mauvaise idée ! lui répondent certains de ses conseillers.Les producteurs français te prendront 200 millions d’euros et continueront à te casser du sucre sur le dos. « 

Autre solution : trouver un terrain d’entente avec Canal +. Bertrand Méheut et Rodolphe Belmer, les deux têtes du groupe français, sont très demandeurs. Sur le long terme, ils savent qu’ils ne pourront lutter face à cet adversaire aux poches si profondes. Lors du Festival de Cannes, des contacts discrets s’établissent via des émissaires. Méheut, et au-dessus de lui, Jean-René Fourtou, le président du conseil de surveillance de Vivendi, piaffent de signer l’armistice. Mais Nasser al-Khelaïfi pose des conditions dilatoires et inadmissibles pour Canal +…  » C’est un jeu de dupes. Nasser prend ses ordres auprès du prince Tamim, qui n’a aucune intention de pactiser « , confirme une source en contact avec la famille régnante à Doha.

Et, pendant ce temps, BeIN Sport amasse les droits sportifs. L’escarcelle des événements sportifs est déjà bien remplie, avec plus de 400 millions d’euros. Chez Free, BeIN Sport, commercialisée à 11 euros par mois, aurait déjà conquis plusieurs dizaines de milliers d’abonnés…

L’objectif n’est pas économique, mais diplomatique. En 2022, quand le Qatar organisera la Coupe du monde de football, il faudra que le prince Tamim ait accédé, de manière irréversible, à un trône qui fasse de l’émirat la première puissance mondiale du sport. La France n’est qu’une étape.  » Je ne vois qu’un seul point faible : le danger d’un excès d’arrogance « , conclut l’un des conseillers du futur souverain.
Les maîtres du jeu des relations avec la France
Le tout-puissant.

Le cheikh Hamad ben Khalifa al-Thani,  » HBK « , émir du Qatar.

L’influente.

Son altesse la cheikha Mozah, première dame du Qatar.

Le Talleyrand.

Hamad ben Jassem al-Thani,  » HBJ « , Premier ministre du Qatar.

Le rival.

Tamim ben Hamad al-Thani, le prince héritier.

Le communicant.

Mohamed al-Kuwari, ambassadeur du Qatar à Paris.

Voir encore:

Au Mali, le Qatar investit dans le djihadisme…
Régis Soubrouillard
Marianne
6 Juillet 2012

Journaliste à Marianne, plus particulièrement chargé des questions internationales En savoir plus sur cet auteur

Connu pour son gaz, son pétrole, ses fonds d’investissements, ses clubs de foot, le rachat des palaces parisiens et méditerranéens, le Qatar joue actuellement un jeu trouble au Nord-Mali, par le soutien financier et militaire qu’il apporte aux islamistes radicaux qui sèment le chaos dans le pays. Des agissements largement connus des puissances occidentales qui laissent faire tant la manne gazière et la position du pays dans le Golfe est stratégique.

« Le gouvernement français sait qui soutient les terroristes. Il y a le Qatar par exemple qui envoie soit-disant des aides, des vivres tous les jours sur les aéroports de Gao, Tombouctou etc. ». C’est ce qui s’appelle mettre les pieds dans le plat. Invité de la matinale de RTL, Sadou Diallo, le maire de Gao au Mali a lancé un appel à l’aide à la France.

Selon le quai d’Orsay, à Gao, la population est en effet prise en otage. Dans un contexte de guerre et de crise alimentaire ce sont désormais des mines antipersonnels qui auraient été installées tout autour de la cité par le Mujao (Mouvement pour l’unicité et le Jihad en Afrique de l’ouest), les Taibans du Mali, empêchant la population de se déplacer. Ce que le quai d’Orsay qualifie « d’acte de terrorisme ».

Début juin apparaissait une polémique sur le rôle tenu par l’émirat du Qatar dans cette montée en puissance des groupes islamistes radicaux. Sur la base d’informations de la Direction du renseignement Militaire Français, le Canard Enchainé affirmait que l’émir du Qatar avait livré une aide financière aux mouvements armés qui ont pris le contrôle du Nord du Mali. Parmi ces heureux bénéficiaires, le Mujao qui retient en otage sept diplomates algériens depuis le 5 avril dernier. L’Emirat qatari bien connu pour ses fonds d’investissements qui lui donnent une façade pour le moins inoffensive sinon alléchante aurait surtout des visées sur les richesses des sous-sols du Sahel. D’où la nécessité de « subventionner » – si ce n’est armer directement- les mouvements djihadistes. Des pratiques parfaitement connues du Ministère de la Défense.

Des forces spéciales qataries pour entraîner les islamistes radicaux ?

Plus récemment, c’est la présence de quatre membres de l’organisation humanitaire du Croissant rouge du Qatar qui a encore alimenté les soupçons d’un appui du Qatar aux islamistes sous couvert humanitaire. « Nous sommes venus à Gao (nord-est) pour évaluer les besoins des populations en matière de santé et de fourniture en eau et en électricité. Nous allons repartir très bientôt pour revenir avec le nécessaire » expliquait à l’AFP un des humanitaires qataris simplement présenté comme Rachid, joint par téléphone depuis Bamako.
Les humanitaires qataris seraient arrivés par voie terrestre en provenance du Niger et leur sécurité est assurée par le Mouvement pour l’unicité et le jihad en Afrique de l’Ouest (Mujao).

« De la même façon que le Qatar a fourni des forces spéciales pour entraîner une opposition à Kadhafi, on pense qu’un certain nombre d’éléments des forces spéciales qataries sont aujoud’hui dans le Nord Mali pour assurer l’entraînement des recrues qui occupent le terrain, surtout Ansar dine » affirme Roland Marchal, chercheur au Centre d’études et de recherches internationales de Sciences-Politiques à Paris. Solidarité islamiste ? Politique d’influence régionale ? Pour toutes ces raisons.

Habitué des fidélités passagères, le pays ne possède pas la puissance militaire nécessaire pour s’imposer au monde arabo-musulman, et ne procède que par soutiens, ingérences et interventions dans d’autres pays, sous le regard averti mais imperturbable de Paris et de Washington. Manne gazière et position stratégique oblige.

Le double jeu dangereux des puissances occidentales
« On ne saurait dire que la famille qatarie véhicule une idéologie quelconque en dehors de la protection de ses propres intérêts. Mais comme il lui faut ravir à la famille Séoud son rôle moteur dans le contrôle de l’Islam sunnite à l’échelle mondiale, elle héberge volontiers les imams et prêcheurs de tout poils ( cf Youssef Qardhawi) à condition qu’ils soient plus extrémistes que les oulémas séoudiens de façon à leur rendre des points. Et le Qatar finance partout et généreusement tous les acteurs politico-militaires salafistes (c’est le cas du groupe Ansar Dine), dont la branche la plus enragée des Frères Musulmans, hostiles à la famille Séoud (et bien sûr au chiisme) mais aussi aux régimes « laïcs » et nationalistes arabes susceptibles de porter ombrage aux pétromonarchies » résume Alain Chouet, ancien chef du service de renseignement de sécurité à la DGSE.

Longtemps pays exemplaire, le Mali s’est effondré : une corruption endémique, une démocratie de façade où la « religion est un recours, l’islam une alternative dans une région où de plus en plus de mosquées sortent de terre financées par les pays du Golfe. Je crains que nous ne soyons pas au bout de nos surprises » expliquait Laurent Bigot, sous-directeur Afrique Occidentale au Ministère des Affaires Etrangères dans le cadre d’une conférence de l’IFRI sur la crise malienne. Le résultat d’une lente défragmentation, largement aggravée à la suite de l’épisode libyen et ses conséquences mal maîtrisées.

Si l’Afghanisation du Mali inquiète les pays voisins, à commencer par l’Algérie, les puissances occidentales qui déclarent redouter tout autant la sanctuarisation du Sahel par des groupes terroristes n’en adoptent pas moins un comportement ambigu dont la facture pourrait s’avérer salée.

COMPLEMENT:

Qatar : « S’ils pouvaient, ils achèteraient la Tour Eiffel »
Sophie des Déserts
Le Nouvel Observateur
07-04-2013
L’émirat, qui s’apprête à racheter le Printemps, place des milliards d’euros dans les entreprises tricolores. D’où vient cette passion pour la France ? Et surtout que cache-t-elle ?

Le Qatar, qui s’est déjà offert plusieurs hôtels de luxe français et le Paris-Saint-Germain, s’apprête à finaliser l’acquisition des grands magasins du Printemps. L’origine précise des fonds qataris reste inconnue, et le rachat s’est fait dans la plus grande discrétion… Le 3 janvier, « le Nouvel Observateur » publiait une enquête sur la passion de l’émirat pour la France.

Dans l’antichambre du juge suprême, l’attente est longue, pas franchement conviviale. Une grappe de barbus en dishdasha – l’élégante tunique des Bédouins – devisent à voix basse. Pas un regard, ni pour l’employé indien chargé d’étancher leur soif, ni pour la femme venue, non voilée, interviewer leur patron. Le docteur Ali ben Fetais al-Marri, procureur général du Qatar, quatrième personnage le plus puissant de l’Etat.

Il s’avance dans son bureau vaste comme une salle de bal, cuir et tentures crème et baies vitrées plongeant sur les gratte-ciel de West Bay sortis du désert. Prunelle de Sioux, sourire enjôleur, il prend place sous la photo de l’émir et commande du thé au thym. Au Qatar, il faut tout son temps pour parler de la France. Clermont-Ferrand, Besançon, Saint-Malo, Avignon, Paris, le procureur la connaît par coeur pour y avoir étudié douze ans, jusqu’au doctorat de droit. Il aime tout en elle : « Napoléon, de Gaulle, le Louvre, les fromages… » Il en a rapporté nombre d’ouvrages anciens qui trônent dans sa bibliothèque, à côté d’une kalachnikov en or offerte par Saddam Hussein.

Les amis Juppé, Villepin et Sarkozy
Il s’y est aussi fait beaucoup d’amis, des plus modestes qui, à 20 ans, ignorant tout de son pays, l’appelaient « le Cathare », aux plus célèbres, comme Juppé, Villepin ou Sarkozy qui, en 2008, l’a nommé chevalier de la Légion d’honneur. Son Excellence sait tout : comment les Guignols de Canal+ caricaturent son pays, comment la presse hexagonale l’a soupçonné – « à tort », s’amuse-t-il – d’être le père de Zohra Dati, et comment elle s’émeut ces temps-ci de ce poète qatari emprisonné à vie pour avoir produit quelques écrits appelant à renverser la famille régnante, les Al-Thani. Le docteur Al-Marri veut bien répondre à tout mais demande s’il peut, à son tour, poser une question :

Pourquoi les Français sont-ils comme ça, si méfiants ? Pourquoi avoir peur des gens qui veulent investir chez vous ? »
Les dirigeants qataris n’ignorent rien de la vague de défiance qu’ils suscitent en France. L’argent, l’islam, tout ce qu’ils symbolisent alimentent la machine à angoisses. Dans les cercles intellectuels, économiques, diplomatiques… on s’interroge sur les intentions de cet Etat, guère plus grand que la Corse et peuplé d’à peine 250.000 nationaux wahhabites, qui conquiert de belles enseignes – le PSG, le Royal Monceau, le Martinez (et bientôt peut-être le Crillon) -, mais aussi des fleurons de l’économie : Lagardère (12%), EADS (6%), Total (4%), Vinci (5%), Veolia Environnement (5%), Vivendi… Sans parler de ses projets, contrariés in extremis, de s’immiscer dans Areva et dans les banlieues françaises. Et de son entrée dans l’Organisation internationale de la Francophonie. La presse s’inquiète ; un député UMP, Lionnel Luca, a demandé en vain l’ouverture d’une enquête parlementaire sur le Qatar.

Les infirmières bulgares, le PSG, la grippe A…
Tout ce « bruit politico-médiatique » n’assombrit pas le beau sourire de son ambassadeur en France. « Encore une exception culturelle française, soupire Mohamed al-Kouwari, en sirotant sa tasse de thé. Ni le Royaume-Uni, qui a cédé des pans de son économie aux Qataris (Harrods, 15% du London Stock Exchange, Salisbury, le village olympique…), ni l’Allemagne (où l’émirat a investi dans Volkswagen, Porsche, le géant du BTP Hochtief) ne font de telles manières. Qu’ils geignent, les Français, en oubliant que le Qatar a beaucoup payé pour eux, des infirmières bulgares à la guerre en Libye, duPSG dont personne ne voulait aux vaccins invendus de la grippe A. Qu’ils fassent leurs fiers !

En attendant, le monde entier – et nombre de leurs compatriotes – se presse à Doha pour tenter de décrocher les chantiers pharaoniques lancés par la famille Al-Thani en prévision de la Coupe du Monde de football 2022, discuter du sort de la Palestine ou de la Syrie, assister aux conférences sur l’éducation, l’environnement, la corruption, le dopage, la démocratie… Et tant pis si les leçons professées valent surtout pour les autres.

Ban Ki-Moon, David Guetta, Tariq Ramadan…
Ici, tout est possible. On peut croiser Ban Ki-moon et Moussa Koussa, l’ex-ministre des Affaires étrangères de Khadafi, sulfureux protégé – parmi d’autres – de l’émirat ; David Guetta, qui mixe souvent dans les palaces, et Tariq Ramadan, qui enseigne à la Qatar Foundation ; la fille de Ben Ali et la veuve de Saddam Hussein, toutes deux exilées dans de belles villas. Avant Noël, c’était Nicolas Sarkozy qui paradait au forum Doha Goals, à côté de son ancien rival Richard Attias et de son ex-épouse Cécilia. Et, sur la terrasse du Ritz Carlton, Dominique de Villepin, désormais conseil du fonds souverain Qatar Investment Authority (QIA), profitait encore de la tiédeur de Doha.

En janvier dernier, pour sa première visite dans le Golfe, François Hollande s’est rendu à Abu Dhabi, mais ne s’est pas arrêté à Doha, soucieux d’en finir avec le « tout Qatar » de son prédécesseur et de renouer des liens forts avec le frère ennemi d’Arabie saoudite. Dans l’émirat, on se fait fort de le séduire. Qui peut résister au charme et à l’argent de la tribu Al-Thani ?

François Hollande et l’émir du Qatar, à l’Elysée, le 22 août 2012. (Jacques Brinon/AP/SIPA)
Dès le 6 mai 2012, avant même l’annonce de la victoire de Hollande, le Qatar a témoigné son empressement au nouveau président français. « Ses proches ont été assaillis de coups de fil, raconte un diplomate. Les Qataris souhaitaient s’assurer de la continuité des liens. » Un mois après, le 7 juin, François Hollande recevait à l’Elysée le Premier ministre Hamad ben Jassem al-Thani, dit « HB J », cousin de l’émir. Les deux hommes s’étaient discrètement rencontrés durant la campagne, grâce à Mohamed al-Kouwari, qui avait bien entendu préparé avec soin l’alternance. Neuf ans que M. l’ambassadeur tisse sa toile dans la vie politique française, à coups de déjeuners au Fouquet’s, de petits cadeaux chez Hermès, de remises de prix de la « diversité », de la « culture », de la « poésie »… avec quelques chèques de 10.000 euros à la clé. Qui, à part Stéphane Hessel [mort le 27 février 2013, NDLR], les a déjà refusés ?

« Il faut mettre le regard sur ce monsieur »
Se créer des obligés, c’est la marque de fabrique des Qataris, l’une des clés de leur succès. Et, à ce jeu-là, Al-Kouwari est un as. Personne n’est jamais négligé, à droite comme à gauche. Et s’il faut convaincre Marine Le Pen, l’ambassadeur s’y attellera (il lui a envoyé une invitation pour rencontrer l’émir). Dès 2006, il est allé rendre visite à François Hollande au siège du Parti socialiste (« J’ai aussitôt dit au gouvernement, se souvient le diplomate : ‘Il faut mettre le regard sur ce monsieur' ») sans réussir à le faire venir à Doha. Mais tous ses camarades socialistes, eux, ont fait le voyage, Ségolène Royal, Bertrand Delanoë, Najat Vallaud-Belkacem, Manuel Valls, Arnaud Montebourg, Laurent Fabius… L’un des intimes du président, Me Jean-Pierre Mignard, a même accepté, en 2010, d’être l’avocat de l’ambassade « sur les questions culturelles ».

Ainsi, le Qatar compte presque autant d’amis en hollandie qu’il n’en avait en sarkozie. Et il n’a jamais eu autant de projets pour la France. Outre les150 millions d’euros attribués au fonds PME, 10 milliards d’euros d’investissements sont annoncés dans des groupes tricolores, sans compter des subventions pour des associations à but social, une Maison du Qatar à Paris (que l’émirat confierait bien à … Ségolène Royal), une version d’Al-Jazeera dans la langue de Molière, et pourquoi pas des écoles françaises, dans le Golfe et en Afrique, sur le modèle du lycée Voltaire de Doha.

« La France, c’est l’amour et les investissements »
« La France, pour nous, c’est l’amour et les investissements », jubile M. l’ambassadeur. C’est aussi une liaison de quarante ans, lorsque, en 1971, à peine libéré du joug britannique, l’émirat coincé entre deux géants hostiles, l’Iran et l’Arabie saoudite, décide de se tourner vers Paris. Une aubaine pour la France qui, dans cette région du monde, n’a guère d’influence. La coopération militaire ne cessera de se renforcer.

A cette époque, en 1976, un professeur de lettres, Pierre Larrieu, est contacté par l’attaché culturel de l’ambassade de France à Doha, pour « introduire le français au Qatar ». La ville ne compte alors qu’un hôtel, des maisons de pêcheurs et à peine quelques centaines d’étrangers attirés par les champs de pétrole. La découverte récente du plus grand gisement gazier du monde, North Field, sous les eaux du golfe Persique, n’est encore qu’une promesse de richesse. Pierre Larrieu est présenté au fils de l’émir, un chaleureux gaillard de 25 ans, alors engagé dans l’armée. Hamad ben Khalifa al-Thani veut apprendre le français.

« Il est tombé amoureux de cette langue qui chante », se souvient le professeur. Le prince est francophile, et son coup d’Etat en 1995, contre son père, renforcera encore ses sentiments. Jacques Chirac reconnaît sans sourciller le nouvel émir, et une compagnie française, Total, l’aide à réussir le pari fou qu’il mène pour extraire et exporter l’or bleu de North Field.

L’été dans les Ardennes
Les Al-Thani, cette tribu méprisée du Golfe, retrouve enfin son honneur. Plus personne n’osera demander à Hamad si son pays existe sur la carte. « L’émir m’a encore récemment parlé du rôle que nous avions joué dans la prospérité de son pays, confie Stéphane Michel, directeur général de Total dans l’émirat. Les Qataris sont des gens incroyablement fidèles quand on ne leur fait pas défaut. »

Les liens avec la France se renforcent, ce qui n’empêche pas l’émirat de s’allier avec les Etats-Unis en accueillant, en 2002, la plus grande base militaire américaine en plein désert. Pierre Larrieu continue d’apprendre le français à l’émir, à sa seconde et seule épouse publique, la cheikha Moza, à son Premier ministre, à ses généraux et à une bonne partie de ses vingt-quatre enfants.

L’été, les héritiers sont envoyés dans les Ardennes, chez des professeurs de sport belges exilés au Qatar, avec qui Hamad, jeune, jouait au tennis et qu’il a chargé du « développement de la gymnastique dans l’émirat ». Pierre Larrieu peaufine aussi son enseignement lors des virées des Al-Thani à Paris et de leurs voyages en jet privé entre Rome, Miami et Tahiti. Certains sont doués, en particulier le prince héritier, Tamim, qui dévoilera son excellent français, lors du discours de candidature du Qatar à la Coupe du Monde de football.

Parler français, c’est chic
Parler français, c’est chic, comme de s’habiller en Chanel ou en Dior. C’est aussi un choix politique. « Lorsque l’émir décide, en 2003, d’envoyer son fils Joaan à Saint-Cyr[alors que ses aînés ont été formés à l’Académie royale militaire de Sandhurst, au RoyaumeUni], c’est un signe fort, un moyen de renforcer nos accords militaires », se rappelle Michelle Alliot-Marie, alors ministre de la Défense. Dans les brumes de Coëtquidan, les premiers temps sont rudes. Le prince ne pense qu’à retrouver son désert, grimper les dunes en 4×4, chasser avec les faucons ou rejoindre, d’un coup de Falcon, les clubs londoniens.

Mathieu Guidère, islamologue réputé, est alors chargé par le ministère de la Défense de « lui faire aimer la France » : « C’est un tournant, explique le professeur agrégé d’arabe. Jusqu’en 2003, les Qataris, très tournés vers la Grande-Bretagne, ne connaissaient pas grand-chose de l’Hexagone. » Joaan n’entend rien à l’histoire de France, mais comme il « s’identifie bien à la période monarchique » son tuteur l’emmène à Versailles et sur les traces des batailles napoléoniennes.

Personne ne sait qui il est : la discrétion est dans l’ADN de ces richissimes Bédouins qui craignent, à chaque instant, pour leur sécurité. Au volant de sa Mercedes McLaren à 1 million de dollars, le jeune Al-Thani découvre aussi les palaces et les restaurants étoilés. Il y reviendra avec le prince héritier Tamim, et sa soeur, la cheikha Al-Mayassa, qui, à son tour, étudiera en France, à Sciences-Po, avant de faire son stage à Canal J, chez Lagardère. Jean-Luc, ami fidèle de l’émir, n’est malheureusement plus là. Mais la princesse a table ouverte chez Marie-Laure et Dominique de Villepin, le héros des Al-Thani depuis son discours sur la guerre en Irak.

Porsche et chameaux
A cette époque, la famille royale achète plusieurs hôtels particuliers dans la capitale, dont l’hôtel d’Evreux, place Vendôme, pour 230 millions d’euros, un château en Loire-Atlantique, quelques somptueuses propriétés à Mouans-Sartoux, près de Grasse… QIA, qui a pour mission de préparer l’après-gaz en injectant ses fonds dans le monde entier, est installé dans l’hôtel de Coislin, place de la Concorde. Là, dans ce bijou du XVIIe siècle, sécurisé comme un coffre-fort, l’émir qui aime tant les déjeuners dans les brasseries parisiennes s’est réservé une pièce pour faire sa sieste.

Le 14 juillet 2007, tandis que son fils Joaan défile sur les Champs-Elysées, il glisse à Sarkozy : « Vous savez, notre fête nationale à nous sera bientôt aussi belle. » Inspiré par les cérémonies tricolores, décidé lui aussi à renforcer le patriotisme dans son petit pays en proie aux divisions tribales, le cheikh Hamad demande que l’on écrive pour son pays un hymne plus long et plus chantant. Désormais, le 18 décembre, jour de la fête nationale qatarie, les militaires aussi paradent sous des pluies de drapeaux… au milieu des Porsche et des chameaux.

L’émir du Qatar assiste avec Nicolas Sarkozy et François Fillon au défilé militaire, le 14 juillet 2007. (WITT/SIPA)
« Le Qatar est sincèrement fasciné par la France, il n’existe aucun équivalent dans le Golfe, insiste la politologue spécialiste de la péninsule Arabique, Fatiha Dazi-Héni. Ils veulent être comme nous, ils tentent de s’acheter une histoire, une culture, un passé. » Dans ce pays capable de reconstituer un souk en prenant le soin de faire pendre de faux fils électriques pour lui donner un semblant d’authenticité, la french touch est le must absolu.

La Maison du Caviar, Lenôtre, Ladurée, Cartier…
La Maison du Caviar, Lenôtre, Ladurée, Cartier, les Qataris désormais ont tout. Et même un Cézanne, « les Joueurs de cartes », acheté 191 millions d’euros. Jean Nouvel construit leur Musée national, Guy Savoy a ouvert un restaurant sur le complexe dont ils sont si fiers, The Pearl ; Laurent Platini, fils de Michel, s’occupe de leurs investissements sportifs, Charles Biétry, l’ancien de Canal+, directeur d’Al-Jazeera Sport France, Djamel Bouras, le judoka, de leur jeunesse – en tant que conseiller du prince héritier -, et un ancien de LVMH, Grégory Couillard, se charge de leur bâtir un empire du luxe. Il dirige aussi Le Tanneur, racheté par la cheikha Moza qui avait, lors d’un thé avec Carla Bruni, apprécié un sac de la marque et écouté l’histoire centenaire de cette entreprise de maroquinerie menacée par la crise.

« Les Al-Thani se prennent pour les rois du monde, observe un diplomate. S’ils pouvaient, ils achèteraient le Louvre, la tour Eiffel, la Bibliothèque nationale… » Lors de son séjour à l’hôtel Meurice, au printemps dernier, la cheikha Moza ne s’est pas contentée d’aller rendre visite à son coiffeur préféré, Christophe Robin, elle a aussi participé à une longue réunion, à SciencesPo. Sa dernière lubie ? Installer, dans l’émirat, une école de droit à la française. C’est la Sorbonne qui devrait finalement remporter la mise. A condition que la faculté s’accroche.

Les nouveaux « rois du monde »
Car les Qataris, jadis peu regardants sur les dépenses, sont devenus durs en affaires. « Ils sont très pro. Ils cherchent l’excellence et la rentabilité », décrypte le directeur de HEC, Bernard Ramanantsoa. Lui seul a réussi à s’implanter à Doha, alors que les autres projets de partenariats avec l’Insead, Saint- Cyr, l’Institut Pasteur n’ont pas abouti. HEC forme chaque année une trentaine d’élèves en master, dont la moitié de Qataris. Une goutte d’eau tricolore au milieu de l’océan de facs américaines qui ont ouvert à Education City, l’immense campus voulu par la cheikha Moza.)

Elle et son mari n’ont qu’une obsession : construire au plus vite une élite qatarie. Car ces nouveaux « rois du monde », comme les appelle, avec un brin d’ironie, un ancien diplomate en poste à Doha, sont pour l’instant dépendants des étrangers, consultants, juristes ou ingénieurs qui, aux côtés des hordes d’ouvriers venus d’Asie, représentent 80% de leur population. Inacceptable pour un pays qui prétend désormais discuter d’égal à égal avec les grandes nations. La « qatarisation » décrétée par l’émir, qui vise à imposer des quotas de nationaux dans les secteurs public et privé en obligeant notamment les entreprises étrangères à les former, prendra du temps.

Les jeunes Qataris, choyés au berceau par leur famille et par l’Etat qui leur offre des dizaines de subventions (à l’occasion de leur naissance, de leurs études ou de leur mariage…), ne sont pas des foudres de guerre. Et malgré tous les efforts des Al-Thani pour les mettre au sport, les éloigner de la junk food et des écrans plats, qu’ils consomment même quand ils partent le week-end, dans le désert, sous leurs tentes climatisées, beaucoup sont diabétiques et obèses. Ils souffrent aussi de nombreux handicaps, dans un pays où plus de 50% des mariages sont consanguins. Un fichier génétique national est en train d’être constitué, pour tenter de limiter les dégâts.

« Vous êtes un pays d’arriérés »
« Vous êtes un pays d’arriérés, a dit la cheikha, un jour de 2010, à un politique français. Vous ne savez pas vous ouvrir au monde. » Le Qatar est-il, lui-même, si tolérant ? Ici, un ouvrier pakistanais n’est qu’un sous-homme. Et un expatrié, soumis à un sponsor qatari qui détient au minimum 51% du business, peut être expulsé du jour au lendemain. Pour un excès de vitesse sur la corniche de Doha, un mot déplacé envers un important, un sujet de recherche délicat. Il y a deux ans, une sociologue française qui s’intéressait aux bidouns, ces apatrides du Golfe exclus de la société qatarie, a été expulsée manu militari.

Les Al-Thani clament : « We are ready for democracy », mais les élections législatives, promises de longue date, n’ont toujours pas eu lieu, la liberté de la presse est une fiction. Au royaume de la cheikha Moza, triomphante épouse d’un mari polygame, les femmes portent sous leur abaya des lingeries fines mais doivent regarder « Titanic » expurgé, par la censure, des baisers de Leonardo. Les chrétiens peuvent aller prier à l’extérieur de Doha, dans l’église spécialement bâtie pour eux, mais les sapins de Noël sont déconseillés dans les lieux publics.

« Dehors les étrangers », clament régulièrement les imams. Dans les majlis, ces conseils où l’on discute entre hommes, l' »activisme » et l' »occidentalisme » d’Hamad et de la cheikha sont régulièrement critiqués. La Coupe du Monde de 2022 fait déjà peur. L’alcool, les prostitués, les dérapages… Doha perdra -t-il son âme ? « Nous ne voulons pas devenir comme Dubaï « , disent nombre de jeunes Qataris. La modernité oui, mais sans abandonner leurs racines. Ils ont raison de s’interroger et d’être vigilants. Au Qatar comme en France, les investissements étrangers ne sont pas sans influence.

31 Responses to Gaza: France-Qatar, même combat! (In modern warfare, one picture can be worth a thousand weapons)

  1. […] se se prête au jeu des manipulations plutôt que de les dénoncer, non seulement on sacrifie les (…) innocents qui ne veulent pas que cette mafia religieuse prenne le pouvoir et les utilise […]

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  2. […] le feu des missiles peut-être un jour chimiques la seule véritable démocratie du Moyen-Orient, se refuse toujours à appeler un chat un chat […]

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  3. […] paix Al Gore revend sa chaine cablée aux propriétaires de Jihad TV et, de Tunis à Tombouctou,  maitres-propagateurs du jihad planétaire […]

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  4. […] patron du GIGN et maitre ès coups tordus de la Mitterrandie depuis recyclé dans le conseil aux financiers du jihad […]

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  5. […] lendemain d’un énième épisode de guérilla urbaine qui, entre les millions à nouveau des pompiers-pyromanes qataris et des forces de police manifestement dépassées, a cette fois vu le saccage du quartier […]

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  6. […] entre les millions à nouveau des pompiers-pyromanes qataris et des forces de police  soudainement (après avoir tant brillé contre les jupes […]

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  7. […] Téhéran, Ryiad et Doha et avec le soutien objectif de Moscou et Pékin, les vrais instigateurs et financiers du terrorisme mondial […]

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  8. […] qu’entre deux fourriers du terrorisme saoudien ou qatari, le Pays autoproclamé des droits de l’homme et donneur de leçons si prodigue envers ledit […]

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  9. […] abandon de l’Afghanistan et relâche au passage cinq dirigeants taliban via les habituels financiers du terrorisme mondial […]

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  10. […] hélas, de la Syrie au Nigéria ou ailleurs, les efforts habituels en coulisse de nos amis qataris ou syriens dans le financement des djihadistes […]

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  11. […] boucliers humains; journalistes arabes évoquant le souhait cachés du Monde arabe – nos amis qataris et turcs exceptés – de voir le Hamas enfin désarmé […]

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  12. […] de Jacques Chirac et actuelle pompom girl de luxe de nos amis qataris et accessoirement principaux financiers du Hamas en particulier et du jiahdisme mondial en général […]

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  13. […] Jacques Chirac et actuelle pompom girl de luxe  de nos amis qataris et accessoirement principaux financiers du Hamas en particulier et du jiahdisme mondial en général […]

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  14. […] Jacques Chirac et actuelle pompom girl de luxe de nos amis qataris et accessoirement principaux financiers du Hamas en particulier et du jiahdisme mondial en général […]

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  15. […] qu’avec son seul autre allié dans la région et aux côtés des  incontournables financiers du jihadisme mondial, l‘islamisme dit "modéré" prend tranquillement  le tramway de la démocratie […]

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  16. […]  qu’avec son seul autre allié dans la région et aux côtés des  incontournables financiers du jihadisme mondial, l‘islamisme dit "modéré" prend tranquillement  le tramway de la démocratie […]

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  17. […]  qu’avec son seul autre allié dans la région et aux côtés des  incontournables financiers du jihadisme mondial, l‘islamisme dit "modéré" prend tranquillement  le tramway de la démocratie […]

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  18. […]  qu’avec son seul autre allié dans la région et aux côtés des  incontournables financiers du jihadisme mondial, l‘islamisme dit "modéré" prend tranquillement  le tramway de la démocratie […]

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  19. […]  qu’avec son seul autre allié dans la région et aux côtés des  incontournables financiers du jihadisme mondial, l‘islamisme dit "modéré" prend tranquillement  le tramway de la démocratie […]

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  20. […]  qu’avec son seul autre allié dans la région et aux côtés des  incontournables financiers du jihadisme mondial, l‘islamisme dit "modéré" prend tranquillement  le tramway de la démocratie […]

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  21. […] Temple (pardon: l’Esplanade des mosquées) et de représentants des financiers du terrorisme qatari et saoudien, que l’on continue à refuser de nommer […]

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  22. […] Temple (pardon: l’Esplanade des mosquées) et de représentants des financiers du terrorisme qatari et saoudien, que l’on continue à refuser de nommer […]

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  23. […] et du terrorisme qui continuent à avoir leurs entrées tant à Washington qu’à Londres ou Paris, la chaine satellitaire qatarie Al-Jazeera […]

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  24. jcdurbant dit :

    OUR FRIENDS THE KUWAITIS (Rosa Parks of international air travel: Kuwait airlines gets sued for denial of service while Kuwaiti national gets sacked for anti-Semitic posts)

    « I am from Kuwait so my country can buy you and put you in ovens. »

    Amira Jumaa (Kuwaiti intern, French consulate, NY)

    http://theinglouriousbasterds.com/les-basterds-vous-presentent-amira-jumaa-qui-veut-mettre-les-juifs-dans-les-fours-avec-largent-de-son-papa/

    “Yes you Jews deserve to learn these lessons. What did you expect, taking over people’s lands and killing them? Hugs?” she wrote in a post.

    “You don’t belong anywhere in this world — that’s why you guys are scums and rats and discriminated against wherever you are. Do not blame it on the poor Palestinians. »

    “First of all you dispersed rat, i am not an immigrant from France. I am from Kuwait so my country can buy you and your parents and put you in ovens.”

    http://www.jta.org/2015/10/28/news-opinion/united-states/kuwaiti-intern-at-french-consulate-fired-over-anti-semitic-posts

    “I didn’t think a discrimination like this could exist in America, in JFK, in New York City. If they want to operate here, they have to obey our laws.

    David Nektalov

    Attorney representing Kuwait Airways claims that decision not based on religion, but on citizenship.

    Kuwaiti law prevents its airline from issuing tickets to Israeli passengers, as part of a broader set of laws in line with the Arab League’s boycott of persons conducting business with Israel.

    http://www.jpost.com/Israel-News/Politics-And-Diplomacy/US-sends-warning-to-Kuwait-Airways-over-discrimination-against-Israelis-431727

    http://www.jpost.com/International/Kuwait-disqualified-by-Olympic-Committee-after-denying-Israeli-delegate-visa-430531

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  25. jcdurbant dit :

    CHERCHEZ L’ERREUR ! (Al Jazeera-PSG-Monde diplomatique, même combat !)

    « Tirer sur un homme et s’en réjouir : c’est ce que font ces soldats israéliens » ;

    A+ français

    « Imaginez que l’on débarque chez vous, que l’on s’installe dans votre salon, et que progressivement on grignote un peu plus de votre espace pour vous laisser qu’un tiers de votre chambre ou pire qu’on vous expulse ? Et gare à vous si jamais vous protestez. Et bien c’est ce qui arrive aux Palestinien.ne.s depuis 70 ans ». La question finale est tout aussi subtile : « Est-ce que certains Etats ne sont pas au-dessus du droit international ? Et jusqu’où la communauté internationale laissera Israël s’étendre ? »

    Alain Gresh

    « Al-Jazira ouvre son antenne à toutes les oppositions – sauf à celles du Qatar. »

    Marianne Mohamed El Oifi (Sciences Po)

    Impossible donc, en voyant passer ses contenus, de déceler que AJ+ appartient à un émirat autoritaire et ultra-conservateur. Au contraire, le média paraît relayer comme il le clame « de façon inclusive les problématiques des sociétés contemporaines » chères aux générations « ouvertes sur le monde » : droits des femmes et des minorités sexuelles, lutte contre le racisme, etc. Le souci de « l’inclusivité » est partout, jusque dans l’écriture avec l’omniprésent point médian. Une vision du monde très « liberal » au sens anglo-saxon du terme, qui se fait parfois même « radical » en épousant des causes plus pointues comme le remplacement du sigle « LGBTQI+ » par « LGBTQQIP2SAA », la substitution dans la Constitution des « droits humains » aux « droits de l’homme » ou encore, la lutte contre la glottophobie (discriminations fondées sur les accents). Plus inclusif, y a pas.

    Une fascination pour la notion de races
    Mais quand on s’y attarde, derrière cette façade résolument ouverte et cool, transpirent assez rapidement un certain nombre d’obsessions. D’abord pour la notion de race, utilisée comme un critère fondamental de lecture de tout. AJ+ relaie ainsi sans relâche les combats des réseaux sociaux portés par des hashtags tels que #BlackHogwarts, dénonçant le manque de « personnages noir-e-s » dans… la saga Harry Potter. « Sur les 1.207 minutes de la saga Harry Potter, les personnes de couleur ne parlent que 5 minutes et 40 secondes », est allé calculer un tweet cité par AJ+. Qui s’indigne également que « 31% des rôles à connotation négative [dans la télévision française soient] tenus par ces personnes non-blanches ». AJ+ français lance également des polémiques sur le sujet, comme lorsque le footballeur français Antoine Griezmann est sélectionné par le gouvernement comme tête d’affiche d’une campagne contre les discriminations : « Le ministère des Sports a choisi le footballeur Antoine Griezmann comme ambassadeur pour incarner la lutte contre le racisme dans le foot. Pas Blaise Matuidi. Pas Ousmane Dembélé. Pas Paul Pogba. Antoine Griezmann ». Comprendre : Antoine Griezmann ayant la peau blanche, il ne serait pas légitime pour promouvoir la lutte contre le racisme.

    Dans une vidéo consacrée à « l’appropriation culturelle », la journaliste Yasmina Bennani pose cette question : le « twerk » de Miley Cyrus, les kebabs commercialisés par McDonalds, les tresses de Kylie Jenner, « vous trouvez ça cool ou ça vous révolte ? ». Deux sources donnent la réponse : Nacira Guénif-Souilamas, professeure de sociologie à Paris-8, qui explique que ces exemples constituent « une spoliation, (…), un abus de pouvoir, (…) une continuation de la colonisation par d’autres moyens ». Et Réjane Pacquit, cofondatrice de Sciences Curls, qui juge « extrêmement violent » de voir des personnes blanches arborer des dreadlocks.

    Une autre vidéo réalisée par la même Yasmina Bennani traite de la question du « féminisme blanc ». « Au sein [du féminisme], censé être universel, une tendance est de plus en plus accusée de ne pas toutes nous inclure, introduit-elle. C’est le féminisme blanc, ou white féminism en anglais ». Plus tard dans la vidéo, elle affirme qu' »aujourd’hui, le féminisme blanc (…) est accusé de délaisser les injustices supplémentaires rencontrées par les femmes de couleur ». Par qui, en quelles proportions ? On ne le saura pas. Et là encore, la parole n’est accordée qu’à des interlocuteurs très engagés, sans que leur subjectivité soit jamais explicitée ou contrebalancée par des contradicteurs. Fania Noël, militante au collectif afro-féministe Mwasi, dénonce un féminisme « ethnocentrique, libéral et impérialiste », puis on cite Ruth Frankenberg, une universitaire américaine « spécialisée en études de la blanchitude ». L’experte du CNRS convoquée est Christine Delphy, qui juge les féministes françaises historiques comme Elisabeth Badinter « complètement allumées. (…), elles sont peut-être féministes mais elles sont aussi racistes ». La vidéo s’achève sur cette conclusion de la journaliste, avancée sous forme de question : « Le féminisme blanc français serait-il islamophobe et raciste ? ». La réponse d’AJ+ a en tout cas été fortement suggérée au spectateur…

    L’omniprésence des indigènes de la République
    Les « experts » brandis par AJ+ dans ses vidéos partagent très souvent un point commun : ce sont des proches, voire des membres fondateurs du Parti des indigènes de la République (PIR), l’association fondée par Houria Bouteldja, aux obsessions identitaires bien connues et qui dissimule mal des positions homophobes, antisémites ou racistes derrière un prétendu « antiracisme politique ». Depuis janvier, AJ+ a ainsi sollicité Christine Delphy et Nacira Guénif-Souilamas mais également Imen Habib, toutes signataires de l’appel du PIR en 2005. Il semble d’ailleurs que ces sympathies soient partagées au sein de la rédaction : une des journalistes d’AJ+, Widad Ketfi, a ainsi participé à une conférence sur les « paroles non blanches » le 13 avril 2016. Thème de son intervention : « La blanchité dans les médias ».

    Dans la pensée indigéniste, toute la société occidentale est analysée à l’aune de l’oppression « coloniale » infligée aux « racisés », c’est-à-dire aux non-Blancs. Cette vision se retrouve dans la ligne éditoriale d’AJ+ français, où d’innombrables faits divers sont égrenés dans le but transparent d’instiller l’idée que l’islamophobie et le racisme sont omniprésents en France : expulsion d’une migrante enceinte dans un train à Menton, violences contre une femme « agressée car voilée » à Vélizy, « violente interpellation » d’une autre en niqab à Montpellier… Chaque exemple de violence policière supposée ou avérée est ainsi scrupuleusement rapporté, voire monté en épingle. Dans une certaine mesure, le média fonctionne comme une sorte de « Fdesouche » à l’envers : à l’instar du site d’extrême droite, il nourrit un fil d’actualité obsessionnel, créant un climat particulier, en l’espèce celui d’un Etat policier, raciste et islamophobe.

    Et lorsqu’AJ+ décide de consacrer une attention plus particulière à un incident, c’est pour en donner une version univoque. Exemple avec le cas d’une femme qui aurait été forcée de quitter la salle de sport de l’Aquaboulevard à Paris car elle portait un turban. La chaîne décide de mettre en valeur le témoignage de la meilleure amie de la femme en question, ainsi que des tweets mettant en cause le comportement d’Aquaboulevard. Pendant ce temps-là, un article du Parisien met côte à côte cette version et celle du directeur, qui relate qu' »il a été rappelé à la cliente et à son invitée qu’il fallait qu’elle retire son couvre-chef. Elle est quand même allée assister au cours avec son turban. A la fin du cours, nous lui avons fait un second rappel », avant que l’incident ne survienne. Ce témoignage n’est jamais évoqué dans la vidéo d’AJ+.

    Deuxième exemple : celui d’un Montpelliérain expulsé d’un cinéma car il portait un keffieh et un sac à dos. Dans son interview pour AJ+, il dénonce directement un « racisme ordinaire ». Simple témoignage d’un citoyen lambda victime de discrimination ? Pas vraiment : sur son compte Twitter, Abdel-Wahab Ladmia se présente comme un « militant antiraciste décolonial » et retweete abondamment le Parti des indigènes de la République. Sa confrontation filmée avec une membre du personnel du cinéma permet de reconstituer la réalité de la scène : il s’est donc rendu au cinéma, keffieh sur la tête et sac sur le dos, et a très vraisemblablement refusé de voir son sac fouillé, ce qui a entraîné la confrontation qu’il a filmée avec son portable illico dégainé.

    Le soutien à Tariq Ramadan
    Tout en nourrissant le sentiment que les musulmans sont victimes d’un acharnement au sein de la société française, AJ+ publie un contenu très favorable à… Tariq Ramadan. Alors qu’il est mis en examen pour des accusations de viol, le prédicateur islamiste, qualifié de « professeur » et d' »intellectuel suisse », bénéficie d’une courte vidéo qui met en valeur le combat de ses soutiens, #FreeTariqRamadan.

    Qui s’exprime dans ce contenu ? L’épouse de Tariq Ramadan, et trois comptes Twitter anonymes qui le soutiennent. AJ+ n’a visiblement pas été refroidi par le profil de ces comptes, qui pourtant interpellent : le premier, @NasNacera, est empli de messages haineux contre le « lobby judaïste » et moque ceux qui hurlent « au zantisémitisme (sic). Le second, @Jeru_Saleem, témoigne d’une véritable obsession pour le conflit israélo-palestinien. Et le troisième, @marteauamiral, est un compte d’extrême droite qui prône la « réémigration ». Pour AJ+, qu’importent ces profils pourvu qu’ils illustrent sa thèse : « Certain-e-s dénoncent le deux poids deux mesures » dans le traitement de l’homme accusé de viol par cinq femmes.

    Des partis pris qui ne disent pas leur nom
    Régulièrement, le média fait davantage que relayer des informations : il livre des analyses politiques. En décrétant qu’un sujet fait polémique pour le traiter avec des interlocuteurs militants ne venant que d’un seul camp, AJ+ prend position. Mais là où les médias engagés affichent la couleur, AJ+ se planque. Sur la forme, les vidéos mises en ligne par la chaîne ressemblent comme deux gouttes d’eau aux contenus « pédagos » publiés par des médias comme Brut ou Le Monde, aux prétentions objectives. Et rappelez-vous, officiellement AJ+ n’est qu' »un média qui traite de façon inclusive les problématiques des sociétés contemporaines ». Or, dire d’où l’on parle voire assumer son parti pris, c’est ce qui différencie un média engagé… d’un organe de propagande.

    La journaliste, Chloé Duval, décrète d’emblée que ce Conseil « pose problème », puis donne la parole à deux sources. Le premier interlocuteur, Jérôme Martin, est un membre du « Cercle des enseignant-e-s laïques »… une dénomination qui cache le fait que cette organisation réalise des vidéos sur la laïcité en partenariat avec le très contestable Collectif contre l’islamophobie en France (CCIF). Deuxième source : Asif Arif, présenté comme un « avocat spécialiste des questions de laïcité ». Or, comme le souligne une contribution d’un Mariannaute consacrée au personnage, Asif Arif est également l’animateur d’émissions religieuses où l’on n’hésite pas à affirmer qu’il faut « habituer » les jeunes filles « aux bienfaits du voile » et ce, dès l’âge de 7 ans. Sans surprise, donc, nos deux « experts » pourfendent le Conseil des sages de la laïcité, accusé de propager « un athéisme militant, anti-religieux et notamment à l’égard des musulmans en priorité ».

    La fin de cette séquence, qui se prétendait pédagogique, est un festival : on y évoque des « croisades menées au nom d’une laïcité qu’on pourrait qualifier de falsifiée », un acharnement consistant à « systématiquement dire que c’est le foulard islamique, la jupe islamique, le chouchou islamique, le tatouage islamique, qui sont des problèmes prioritaires de l’école de la République ». Si l’idée était de produire un éditorial, elle n’est pas assumée. Mais si le but était, sous des airs d' »info », de dénigrer auprès du jeune public la conception républicaine de la laïcité, l’objectif est pleinement atteint.

    La promotion du voile
    Même si AJ+ ne l’explicite jamais, il devient évident à force de le lire que le média est vecteur d’un engagement politique. Notamment en faveur du port du voile : en janvier dernier, le portrait de Amena Khan, une blogueuse devenue la première femme voilée à être l’égérie de L’Oréal (elle s’est finalement retirée après que ses tweets polémiques sur Israël eurent été exhumés), ressemble moins à un reportage qu’à un spot de publicité pour « la liberté de porter le voile ».

    Le média financé par le Qatar célébre aussi le « Hijab Cosplay », où des femmes voilées se déguisent en super-héroïnes. Et lorsqu’Emmanuel Macron s’interroge sur le fait que certaines femmes puissent être obligées de porter le voile islamique contre leur volonté, AJ+ décrète que le président « a réussi à énumérer tous les clichés liés au voile en une seule phrase ». Une vidéo publiée le 8 mars vient tout de même rappeler qu’en Iran, les femmes luttent pour pouvoir retirer leur voile.

    L’obsession pour le conflit israélo-palestinien
    Mais là où l’engagement politique d’AJ+ français est le plus visible, c’est lorsqu’il aborde le conflit israélo-palestinien. C’est-à-dire très, très souvent : cette thématique, qui s’invite de manière sporadique dans l’actualité française, est une véritable obsession pour le média basé à Doha. Du 1er au 23 avril, il a ainsi consacré pas moins de 14 vidéos complètes à Israël et au sort des Palestiniens, alors qu’il publie entre 2 et 3 vidéos chaque jour. Et il n’est qu’à lire leurs titres pour constater qu’elles relèvent là encore davantage de la propagande que du journalisme : « En silence, Ahed Tamimi endure la torture psychologique de ses matons israéliens » ; « Tirer sur un homme et s’en réjouir : c’est ce que font ces soldats israéliens » ; « À Gaza, ‘plus grande prison à ciel ouvert’ au monde, les Palestiniennes réclament leur droit au retour ».

    A l’intérieur des vidéos, toujours les mêmes méthodes. Sous prétexte de dresser un état des lieux du mouvement BDS (Boycott, désinvestissement, sanctions contre l’Etat d’Israël) pour les non-avertis, AJ+ donne la parole à Imen Habib, animatrice de la campagne BDS en France (et signataire de l’appel des Indigènes de la République) ; à Ghislain Poissonnier, « magistrat à la cour de Cassation » mais surtout engagé de longue date dans la cause palestinienne, ce qui n’est jamais précisé ; et à Jean-Guy Greilsamer, militant de l’Union juive française pour la paix (UJFP)… seule association juive radicalement hostile à Israël. Pour expliquer les critiques dont fait l’objet le mouvement BDS, régulièrement accusé de dissimuler un antisémitisme violent, la journaliste Widad Ketfi avance tout simplement : « Parce que [le mouvement BDS] dérange, alors qu’il est non-violent et qu’il s’inspire de la lutte contre l’apartheid en Afrique du Sud ». Nelson Mandela est même convoqué en fin de vidéo, tandis que l’on s’étonne de « l’exception » dont bénéficie le « régime d’apartheid israélien »…

    Quand AJ+ français ne se demande pas « jusqu’à quand Israël va asphyxier Gaza dans l’indifférence générale », « pour punir les Gazaouis d’avoir élu le Hamas lors des élections de 2006 », il propose de « comprendre 70 ans de conflit [israélo-palestinien] en moins de 6 minutes ». Le résultat est alors à la hauteur des craintes : un exercice de propagande d’où le pluralisme est absent, et où l’expert de référence du conflit est Alain Gresh, un journaliste proche des Frères musulmans et de Tariq Ramadan en compagnie duquel il a publié un livre d’entretien et donné des conférences. Et voici comment s’ouvre cette explication historique : « Imaginez que l’on débarque chez vous, que l’on s’installe dans votre salon, et que progressivement on grignote un peu plus de votre espace pour vous laisser qu’un tiers de votre chambre ou pire qu’on vous expulse ? Et gare à vous si jamais vous protestez. Et bien c’est ce qui arrive aux Palestinien.ne.s depuis 70 ans ». La question finale est tout aussi subtile : « Est-ce que certains Etats ne sont pas au-dessus du droit international ? Et jusqu’où la communauté internationale laissera Israël s’étendre ?
    « .

    Quand on sait qu’AJ+ est financé par le Qatar, lequel dépense des millions de dollars pour soutenir le mouvement islamiste du Hamas dans la bande de Gaza, on réalise que les territoires du journalisme sont décidément bien loin.

    Sous le progressisme, le Qatar
    En réalité, les vidéos produites par AJ+ sont en fait alignées sur les intérêts du Qatar. C’est là toute l’ambiguïté d’Al-Jazira et de ses filiales. La chaîne d’info en continu a été créée de toutes pièces par le Cheikh Hamad Ben Khalifa Al Thani en 1996. « Devenu émir du Qatar après avoir renversé son père, il souhaitait alors montrer qu’il était capable de moderniser son pays », explique à Marianne Mohamed El Oifi, maître de conférences à Sciences Po, spécialiste des médias arabophones. La volonté de libéralisation du nouvel émir l’a conduit à laisser beaucoup d’autonomie à Al-Jazira, qui s’est vite imposée, devenant la chaîne de référence du monde arabe. Le média a également développé une identité particulière : « Al-Jazira ouvre son antenne à toutes les oppositions – sauf à celles du Qatar -, c’est la chaîne de toutes les contestations, de défense des gens marginalisés, le porte-voix des peuples ». Une posture qui se traduit notamment par le fait de donner régulièrement la parole aux Frères musulmans et aux islamistes, considérés « comme des acteurs politiques ordinaires ».

    Mais cette ligne engendre quelques contradictions embarrassantes. Comment multiplier les vidéos défendant les droits de la communauté LGBTQ (et même « LGBTQQIP2SAA »), tout en passant sous silence que l’homosexualité… est illégale et même passible de peine de mort au Qatar ? Du plus pur pinkwashing. Comment défendre avec crédibilité les thèses d’un féminisme parfois radical alors qu’au Qatar, aucune femme ne siège au Parlement et qu’Amnesty International dénonce « les discriminations dans la législation et dans la pratique » qu’elles subissent là-bas ? Comment se faire le porte-voix d’un droit-de-l’hommisme particulièrement revendicatif dès lors que l’on travaille pour une monarchie de droit divin autoritaire prônant la charia, où la flagellation et la peine de mort restent en vigueur ?

    Si la chaîne et ses déclinaisons AJ+ bénéficient d’une certaine liberté éditoriale, celle-ci est en fait liée à plusieurs conditions qui dessinent en creux la stratégie du Qatar. Premièrement, l’impertinence journalistique s’exerce exclusivement en dehors des frontières de l’émirat : la version anglophone d’AJ+ peut par exemple consacrer une vidéo à la répression des homosexuels en Tchétchénie, elle restera toujours silencieuse sur l’homophobie d’Etat qui règne chez son actionnaire.

    Deuxièmement, si à l’international tous les aspects du discours progressiste peuvent être mobilisés, y compris la défense des minorités, le principal message de fond reste compatible avec la ligne de Doha : l’islamisme politique est encouragé, en témoigne la présentation très favorable donnée au Hamas dans les vidéos sur la Palestine. Et la géopolitique qatarie est scrupuleusement respectée, comme dans le traitement critique ciblant l’Arabie saoudite, principal rival du Qatar au Moyen-Orient, et son prince héritier Ben Salman. AJ+ multiplie les vidéos mettant en cause le rôle des Saoudiens dans le conflit au Yémen, dont les atrocités sont décrites par le menu. Mohamed Ben Salman, lui, fait l’objet d’un portrait confrontant sa « face A » de modernisateur et sa « face B » obscure d’homme politique autoritaire. La rédaction d’AJ+ français observe en revanche un silence poli mais têtu sur l’actualité d’un pays voisin de l’Arabie saoudite, le Qatar ! Aucun contenu n’a été consacré au pays actionnaire en 2018. C’est sans doute plus prudent, puisque les journalistes sont basés… à Doha.

    Résultat, la façade « éveillé·e·s, impliqué·e·s, créatif·ve·s » (c’est le slogan d’AJ+ français) entretient l’image cool et moderne d’Al-Jazira et, in fine, du Qatar. Une stratégie de soft power bien connue de cette monarchie, dont l’achat du PSG a été l’un des exemples les plus spectaculaires en France, permettant de faire rimer, aux yeux d’un public jeune et non averti, Qatar avec Neymar. Même si ses contenus sont différents de ceux d’Al-Jazira, AJ+ procède bien de la même logique : « AJ+ ne change pas de ligne éditoriale mais d’interlocuteur, expose Mohamed El Oifi. Pour capter un public jeune et radical, elle adapte ses contenus ». Pour les contenus en français, la direction est impulsée par la rédactrice en chef Kheira Tami. Cette journaliste polyglotte et expérimentée a parfaitement saisi comment articuler l’idéologie du Qatar avec l’affichage multiculturaliste. Même si les ficelles sont grosses… « AJ+ en France n’a pas atteint sa maturité, il sont encore dans des essais très radicaux dans le but de se créer une base, tempère Mohamed El Oifi. Mais la question de la normalisation va vite se poser : s’ils continuent dans cette voie, ils vont rapidement manquer d’interlocuteurs sérieux. Pour le moment, AJ+ ne forme qu’une fraction marginale de l’opinion publique ». L’expérience AJ+ montre en tout cas qu’après Russia Today et Sputnik News, les grandes puissances étrangères adeptes de la propagande ont bien compris l’intérêt de la faire de l’intérieur, en investissant le paysage médiatique français.

    https://www.marianne.net/medias/aj-francais-quand-propagande-qatar-cache-derriere-progressisme-feministe-lgbt

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  26. jcdurbant dit :

    AL JAZEERA JEUNES MET LE FEU ! (Comment l’avocat de Jean Calas et l’auteur du Discours sur l’origine et les fondements de l’inégalité parmi les hommes se trouvent mêlés au Klu klux klan et à la fusillade d’El Paso mais bien sûr pas de Dayton)

    « J’ai quand même l’impression que la pensée des Lumières, elle a quand même un peu alimenté ces histoires de ‘suprémacistes blancs’. »

    Abdel en vrai (AJ+ français)

    https://www.marianne.net/medias/vu-sur-aj-et-supprime-la-pensee-des-lumieres-l-origine-du-supremacisme-blanc

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