Présidentielle américaine/2012: Bastiat vs. Big Bird (Let us accustom ourselves to avoid judging of things by what is seen only)

BigBirdQuand un fonctionnaire dépense à son profit cent sous de plus, cela implique qu’un contribuable dépense à son profit cent sous de moins. Mais la dépense du fonctionnaire se voit, parce qu’elle se fait; tandis que celle du contribuable ne se voit pas, parce que, hélas! on l’empêche de se faire. Vous comparez la nation à une terre desséchée et l’impôt à une pluie féconde. Soit. Mais vous devriez vous demander aussi où sont les sources de cette pluie, et si ce n’est pas précisément l’impôt qui pompe l’humidité du sol et le dessèche. Vous devriez vous demander encore s’il est possible que le sol reçoive autant de cette eau précieuse par la pluie qu’il en perd par l’évaporation? Ce qu’il y a de très-positif, c’est que, quand Jacques Bonhomme compte cent sous au percepteur, il ne reçoit rien en retour. Quand, ensuite, un fonctionnaire dépensant ces cent sous, les rend à Jacques Bonhomme, c’est contre une valeur égale en blé ou en travail. Le résultat définitif est pour Jacques Bonhomme une perte de cinq francs. Il est très-vrai que souvent, le plus souvent si l’on veut, le fonctionnaire rend à Jacques Bonhomme un service équivalent. En ce cas, il n’y a pas perte de part ni d’autre, il n’y a qu’échange. Aussi, mon argumentation ne s’adresse-t-elle nullement aux fonctions utiles. Je dis ceci: si vous voulez une fonction, prouvez son utilité. Démontrez qu’elle vaut à Jacques Bonhomme, par les services qu’elle lui rend, l’équivalent de ce qu’elle lui coûte. Mais, abstraction faite de cette utilité intrinsèque, n’invoquez pas comme argument l’avantage qu’elle confère au fonctionnaire, à sa famille et à ses fournisseurs; n’alléguez pas qu’elle favorise le travail. Quand Jacques Bonhomme donne cent sous à un fonctionnaire contre un service réellement utile, c’est exactement comme quand il donne cent sous à un cordonnier contre une paire de souliers. Donnant donnant, partant quittes. Mais, quand Jacques Bonhomme livre cent sous à un fonctionnaire pour n’en recevoir aucun service ou même pour en recevoir des vexations, c’est comme s’il les livrait à un voleur. Il ne sert de rien de dire que le fonctionnaire dépensera ces cent sous au grand profit du travail national; autant en eût fait le voleur; autant en ferait Jacques Bonhomme s’il n’eût rencontré sur son chemin ni le parasite extra-légal ni le parasite légal. (…) Habituons-nous donc à ne pas juger des choses seulement par ce qu’on voit, mais encore par ce qu’on ne voit pas. Frédéric Bastiat
L’État, c’est la grande fiction à travers laquelle tout le monde s’efforce de vivre aux dépens de tout le monde. (…) Quant à nous, nous pensons que l’État, ce n’est ou ce ne devrait être autre chose que la force commune instituée, non pour être entre tous les citoyens un instrument d’oppression et de spoliation réciproque, mais, au contraire, pour garantir à chacun le sien, et faire régner la justice et la sécurité. Frédéric Bastiat
On nous accuse, dans le parti démocratique et socialiste, d’être voués au culte des intérêts matériels et de tout ramener à des questions de richesses. J’avoue que lorsqu’il s’agit des masses, je n’ai pas ce dédain stoïque pour la richesse. Ce mot ne veut pas dire quelques écus de plus ; il signifie du pain pour ceux qui ont faim, des vêtements pour ceux qui ont froid, de l’éducation, de l’indépendance, de la dignité. — Mais, après tout, si le résultat du libre-échange devait être uniquement d’accroître la richesse publique, je ne m’en occuperais pas plus que de toute autre question agricole ou industrielle. Ce que je vois surtout dans notre agitation, c’est l’occasion de combattre quelques préjugés et de faire pénétrer dans le public quelques idées justes. C’est là un bien indirect cent fois supérieur aux avantages directs de la liberté commerciale. Bastiat (Lettre à Cobden, le 20 avril 1847)
French free-market economist Frederic Bastiat pointed out in the 19th century that government actions always leave some production « unseen » that could potentially improve a country’s standard of living. Who knows how many media innovations are « unseen » because funding for public broadcasting has tilted the playing field for independent media? Conservative Congress
Le plan de relance du président Obama a échoué parce qu’il a ignoré l’erreur de la vitre cassée, comme le font tous les projets gouvernementaux pour stimuler l’économie en dépensant. Est évidente dans le plan d’Obama l’idée que le gouvernement peut dépenser l’argent mieux et de manière plus efficace que le secteur privé. Ce qu’Obama et les liberals [au sens américain, c’est-à-dire « ceux de la gauche »] ne comprennent pas, c’est que chaque dollar qu’ils dépensent doit venir de quelque part […] En somme, tout dollar dépensé par le gouvernement en est un que le secteur privé ne dépensera pas.  John Stossel
L’impôt sur le revenu en Amérique est depuis longtemps un exemple de ce que l’économiste français Frédéric Bastiat surnommait la ‘spoliation légale.’ Selon Bastiat, la spoliation légale a lieu lorsque le gouvernement prend, par la force, ce qu’un citoyen a légitimement gagné pour le donner à un autre. Lorsqu’un simple citoyen pratique ce que décrit Bastiat, on appelle cela le vol. Quand c’est le gouvernement qui le fait, on l’appelle la redistribution des revenus. Kelly Boggs
Au fur et à mesure que notre pays vieillit, l’État nous dépouille de nos droits au lieu de les garantir. Le gouvernement s’élargit, alors que l’individu se rétrécit. Alors que la loi était censée nous protéger contre la diminution de l’homme, elle est plutôt utilisée comme moyen de le spolier. Site Big Government
Alors que Bastiat disait [dans l’introduction de ses Harmonies économiques ] ‘Tous les intérêts légitimes sont harmoniques,’ les démocrates américains contemporains disent que les intérêts de la communauté sont plus importants que les intérêts de l’individu. Ces deux approches s’opposent. L’un est purement américain, bien que proclamé par un Français, et l’autre est européen, ou du Vieux Monde, bien que proclamé par des Américains. Clay Barham
Dans la rhétorique de Bastiat tout phénomène économique ou social reçoit son doublet moral, voire religieux : la marche du progrès est fatale mais l’homme est libre, la concurrence est un fait indestructible, mais elle n’existe qu’en ‘l’absence d’une autorité arbitraire comme juge des échanges’, etc. C’est le passage constant de l’objectif au subjectif, du descriptif au prescriptif qui fait l’originalité de Bastiat … Lucien Jaume
It is confusing. Whenever there’s a discussion over taxpayer money funding public television, they use us to make their argument. Republicans want to take money away from Elmo. Democrats want to send money to Elmo. But from a financial standpoint, Sesame is completely separate from PBS.  Sherrie Rollins Westin
Sesame Workshop may be financially independent from PBS, but the two organizations are dependent on one another in other ways. Sesame Workshop relies on PBS to distribute its programming to U.S. children, an, especially ones from lower-economic brackets, access to educational programming. (…) At the same time, PBS and Sesame oftentimes find themselves competing for the same public donations. Many parents mistakenly assume that when they give money to their local PBS station, they are supporting Sesame Street, especially because PBS prominently displays Sesame Street in its fundraising drives. While this attention helps to promote and raise awareness for Sesame Street, it also insinuates that the contribution will benefit the series, when it does not. (…) PBS also finds itself on the defensive when opponents point out that it doesn’t need taxpayer money because it receives millions from the licensing of popular Sesame characters. Sesame Workshop receives millions from its Elmo-branded toys, but PBS doesn’t a dime. Larissa Faw
Revendiquant une approche bipartite des grands problèmes, Barack Obama avait créé, en 2010, une commission copilotée par le républicain Alan Simpson, ancien sénateur du Wyoming, et le démocrate Erskine Bowles, ancien secrétaire général du président Clinton, chargée de faire des propositions pour réduire sur le long terme l’endettement du pays. La commission, où siégeaient six représentants et six sénateurs, préconisa une sévère cure d’austérité destinée à ramener le déficit budgétaire à 2 % d’ici à 2015, et à dégager un excédent d’ici à 2037. Elle comprend un mélange de hausses d’impôts (notamment pour les hauts revenus) et de baisses des dépenses publiques. Selon la commission, un tiers des bases militaires à l’étranger devaient être fermées et 10 % des emplois fédéraux supprimés. Pour chaque dollar de recettes nouvelles, les dépenses auraient été diminuées de trois dollars. Les propositions de la commission n’ont pas été adoptées et ses travaux illustrèrent le refus de compromis des républicains, ces derniers accusant le président d’avoir fait capoter des négociations. Paul Ryan, le colistier de Mitt Romney pour la vice-présidence, a siégé à la commission Simpson-Bowles et a refusé d’en signer les conclusions. Les tentatives ultérieures destinées à trouver un compromis sur la réduction de la dette ont échoué jusqu’à présent. Le Monde
Cut funding for the Corporation for Public Broadcasting. The Corporation for Public Broadcasting’s primary job is to fund NPR and its member stations (and other public radio stations) and PBS and its member stations. The current CPB funding level is the highest it has ever been. This option would eliminate funding for the Corporation for Public Broadcasting, saving just under $500 million in 2015. Additionally, Congress should end two duplicative public broadcasting programs on President Obama’s termination list: The Public Telecom Facilities Grant Program (PTFP) and USDA’s Public Broadcasting Grants program. In recent years, PTFP has primarily provided funding to help broadcasters transition to digital broadcasts. In FY2010, PTFP received $20 million in appropriations. The President has twice recommended terminating USDA’s Public Broadcast Grants program for the same reason. This program received $5 million in FY10 to provide funding to public broadcast companies to convert to digital transmission as well – an obsolete task. Commission bipartite Simpsons-Bowles (proposition de réduction n° 32, déc. 2010)
Unlike Mitt, I loathe Sesame Street. It bears primary responsibility for what the Canadian blogger Binky calls the de-monsterization of childhood — the idea that there are no evil monsters out there at the edges of the map, just shaggy creatures who look a little funny and can sometimes be a bit grouchy about it because people prejudge them until they learn to celebrate diversity and help Cranky the Friendly Monster go recycling. That is not unrelated to the infantilization of our society. Marinate three generations of Americans in that pabulum and it’s no surprise you wind up with unprotected diplomats dragged to their deaths from their “safe house” in Benghazi. Or as J. Scott Gration, the president’s special envoy to Sudan, said in 2009, in the most explicit Sesamization of American foreign policy: “We’ve got to think about giving out cookies. Kids, countries — they react to gold stars, smiley faces, handshakes . . . ” The butchers of Darfur aren’t blood-drenched machete-wielding genocidal killers but just Cookie Monsters whom we haven’t given enough cookies. (…) The Corporation for Public Broadcasting receives nearly half a billion dollars a year from taxpayers, which it disburses to PBS stations, who in turn disburse it to Big Bird and Jim Lehrer. I don’t know what Big Bird gets, but, according to Senator Jim DeMint, the president of Sesame Workshop, Gary Knell, received in 2008 a salary of $956,513. In that sense, Big Bird and Senator Harry Reid embody the same mystifying phenomenon: They’ve been in “public service” their entire lives and have somehow wound up as multimillionaires. Mitt’s decision to strap Big Bird to the roof of his station wagon and drive him to Canada has prompted two counterarguments from Democrats: (1) Half a billion dollars is a mere rounding error in the great sucking maw of the federal budget, so why bother? (2) Everybody loves Sesame Street, so Mitt is making a catastrophic strategic error. On the latter point, whether or not everybody loves Sesame Street, everybody has seen it, and every American under 50 has been weaned on it. So far this century it’s sold nigh on a billion bucks’ worth of merchandising sales (that’s popular toys such as the Subsidize-Me-Elmo doll). If Sesame Street is not commercially viable, then nothing is, and we should just cut to the chase and bail out everything. Conversely, if this supposed “public” broadcasting brand is capable of standing on its own, then so should it. (…) If Americans can’t muster the will to make Big Bird leave the government nest, they certainly will never reform Medicare. Mark Steyn
Je crois qu’il ne s’agit pas seulement d’une question qui touche à l’économie, c’est une question morale. Je crois qu’il n’est pas moral pour ma génération de continuer de dépenser sans compter, plus que nous avons, tout en sachant que le fardeau portera sur la prochaine génération et qu’elle devra payer intérêt et principal pour le restant de ses jours. La somme de dettes que nous ajoutons, mille milliards par an, n’est simplement pas morale Il y a mathématiquement trois moyens de réduire un déficit : augmenter les impôts, couper dans les dépenses et faire progresser l’économie parce que si plus de personnes travaillent dans une économie qui croît, ils payent des taxes. Le président préférerait augmenter les impôts. Le problème est que cela pèse sur la croissance et on ne pourra donc pas y arriver ainsi. Je veux simultanément baisser les dépenses et favoriser la croissance de l’économie. Qu’est-ce que je couperai ? Tout d’abord tous les programmes qui ne passeront pas le test suivant : est-ce que cela vaut la peine d’emprunter de l’argent à la Chine pour financer cela. Si la réponse est négative, je le supprimerai. Obamacare [le nom donné à la généralisation de l’assurance-maladie] est sur ma liste. Je suis désolé Jim, je stopperai aussi le financement de PBS [Public Broadcasting service.] Ensuite, je confierai aux Etats des programmes qui sont de bons programmes mais qui pourraient mieux gérer à ce niveau. Enfin, je rendrai le gouvernement plus efficace, je diminuerai le nombre d’employés et réaménagerai des agences et des départements. Mitt Romney
Si le gouvernement peut être aussi efficace que le secteur privé et offrir des primes qui sont aussi peu élevées que le secteur privé, les gens seront heureux de prendre l’assurance-maladie traditionnelle ou ils seront en mesure d’obtenir un régime privé. Je sais que personnellement je préfère avoir un régime privé. Je préfererais tout simplement pas que le gouvernement me dise quel genre de soins de santé je dois obtenir. Je prefererais plutôt avoir une compagnie d’assurance. Si elle ne me plait pas, je peux se débarrasser d’elle et en trouver une autre. Mais les gens feront leur propre choix. (…) Et d’ailleurs, l’idée ne venait même pas de Paul Ryan ou du sénateur Wyden, qui est coauteur du projet de loi avec Paul Ryan au Sénat, mais aussi de Bill Clinton, de l’état-major de Bill Clinton. Il s’agit d’une idée qui existe depuis très longtemps, ce qui est dit, Hé, nous allons voir si nous ne pouvons pas introduire de la concurrence dans le monde de l’assurance-maladie afin que les gens puissent avoir le choix des différents plans à moindre coût, de meilleure qualité. Je crois à la concurrence. À mon avis, le gouvernement n’est pas efficace pour faire baisser le coût de presque n’importe quoi. En fait, des citoyens et des entreprises libres essayant de trouver des façons de faire les choses sont mieux en mesure d’être plus efficaces pour faire baisser les coûts que le gouvernement ne le sera jamais. Votre exemple de la clinique de Cleveland est mon cas d’espèce, ainsi que plusieurs autres que je pourrais décrire. Il s’agit du marché privé. Voici les petites — ce sont des entreprises en concurrence entre elles, apprenant à faire mieux et de meilleurs emplois. J’ai utilisé de consultation aux entreprises — Excusez-moi, aux hôpitaux et aux fournisseurs de soins de santé. J’ai été étonné de voir la créativité et l’innovation qui existe dans le peuple américain. Pour réduire le coût des soins de santé, nous n’avez pas besoin d’avoir un Conseil d’administration de 15 personnes qui nous disent quels types de traitements nous devrions avoir. Au lieu de cela, nous devons mettre les régimes d’assurance, de payer des prestataires, hôpitaux, médecins sur des objectifs tels qu’ils ont une incitatition, comme vous le dites, une paie à la performance, pour faire un excellent travail, pour maintenir les coûts bas, et c’est ce qui se passe. (…) Mais la bonne réponse n’est pas que le gouvernement fédéral prenne en charge les soins de santé et de commencer à rendre obligatoire pour les fournisseurs à travers l’Amérique, dire à un patient et à un médecin quel traitement ils peuvent avoir. C’est la mauvaise voie à suivre. Le marché privé et la responsabilité individuelle fonctionnent toujours mieux. Mitt Romney
Comment expliquer ce « retour à Bastiat » américain ? En premier lieu, il s’agit d’une sorte de contrecoup au « retour à Keynes » que l’on a vu à la suite de la crise financière de l’automne 2008, et dont une conséquence politique évidente est le plan de relance adopté peu après l’inauguration de Barack Obama. Pour certains conservateurs, la crise est vécue comme une menace à l’encontre du triomphe aussi bien politique qu’intellectuel du libéralisme et du libre-échangisme depuis les années 1980. Elle est vue comme une opportunité pour les partisans de l’intervention étatique de se réaffirmer. C’est surtout le plan de relance, que les démocrates se mettent à adopter aussitôt après l’inauguration d’Obama le 20 janvier 2009, qui attire la foudre des conservateurs et déclenche la mobilisation anti-gouvernementale qui deviendra le mouvement « Tea Party ». Dès le 22 janvier, l’Investor’s Business Daily (un journal national spécialisant dans les questions économiques, généralement tendant à droite) s’inquiète du fait que la célèbre prophétie de Bill Clinton selon laquelle « l’ère du big government est révolue » est en train de devenir désuète, en citant la définition que propose Bastiat de l’État : « c’est la grande fiction à travers laquelle tout le monde s’efforce de vivre aux dépens de tout le monde » (passage que les amateurs américains de Bastiat citent avec une fréquence particulière). Ensuite, ce que Bastiat permet de dénoncer, ce n’est pas uniquement le principe même de l’intervention étatique, mais le « solipsisme économique » sur laquelle elle se repose. Pour Bastiat, l’étatisme est la conséquence d’un problème épistémologique, voire phénoménologique : la conviction que les seules conséquences importantes d’une action sont celles qui sont accessibles à la vue. C’est la grande idée de son essai sur Ce qu’on voit et ce qu’on ne voit pas. Ainsi, le Pittsburgh Tribune Review (journal régional, plutôt conservateur), commentant le plan de relance, remarque que « l’administration d’Obama est en train d’offrir une leçon préventive de l’incompréhension de principe Bastien du visible et de l’invisible », citant l’exemple des « emplois verts » que le plan propose, mais dont les coûts, selon le journal, risquent à long terme d’être plus importants que les effets stimulateurs, tout en n’étant pas immédiatement perceptibles. Dans la même lignée, beaucoup évoquent l’analyse que fait Bastiat du solipsisme de la « vitre cassée » (qui parait aussi dans Ce qu’on voit et ce qu’on ne voit pas). Bastiat raconte l’anecdote suivante : le « terrible fils » du « bon bourgeois Jacques Bonhomme » lui casse un carreau de vitre. Aussitôt, des assistants au drame le consolent ainsi : « À quelque chose malheur est bon. De tels accidents font aller l’industrie. Il faut que tout le monde vive. Que deviendraient les vitriers, si l’on ne cassait jamais de vitres ? » Toutefois, ce constat se fonde uniquement sur ce qui est visible, soit l’argent que M. Bonhomme verse au vitrier. Ce que l’on ne voit pas, c’est que « s’il n’eût pas eu de vitre à remplacer, il eût remplacé, par exemple, ses souliers éculés ou mis un livre de plus dans sa bibliothèque ». La force de cet argument réside avant tout dans la manière dont Bastiat l’applique : il se trouve que ce que l’on voit est décidément toujours de l’ordre de l’État ou de la puissance publique. L’erreur distinctive de toute politique économique ayant recours aux moyens de l’État est qu’elle privilégie les effets visibles (les dépenses, l’impôt) en négligeant les effets invisibles (le marché, l’initiative individuelle). Michael C. Behrent

A quand une Million Muppet March pour une franchise de plusieurs millions de dollars, au salaire présidentiel à six chiffres et aux revenus de centaines de millions de dollars en jouets et produits dérivés?

A l’heure où, après la nouvelle raclée prise par leur champion au premier débat de la présidentielle américaine mercredi dernier (sur la radio publique sponsorisée par… Exxon!), les soutiens de l’actuel et apparemment de plus en plus précaire locataire de la Maison Blanche, font feu de tout bois pour dénoncer celui qui a osé s’en prendre au Big Bird de Sesame street

Et deux ans après qu’une franchise de plusieurs millions de dollars qui peut s’offrir des présidents à un million de dollars et produire des programmes pour enfants engrangeant dans 140 pays (Afghanistan bientôt compris?) des centaines de millions de dollars en jouets et produits dérivés voyait son distributeur désigné pour des réductions de financement par une commission bipartite nommée par l’actuel président lui-même …

Retour, avec Michael C. Behrent, sur l’un des inspirateurs, modèle type du prophète incompris dans son propre pays, le publiciste libéral français Frédéric Bastiat

Qui, dans ses célèbres et limpidissimes syllogismes avait si bien réussi à montrer les effets invisibles de l’impôt lorsqu’il devient spoliateur et finit par être la source de la sècheresse de la terre qu’il prétend féconder …

Autrement dit, comme l’a si superbement encore expliqué le futur président Romney dans son magistral débat d’il y a quelques jours, que le gouvernement ne dépense pas toujours et nécessairement  l’argent mieux et de manière plus efficace que le secteur privé, que chaque dollar qu’il dépense doit venir de quelque part et que tout dollar dépensé par le gouvernement en est un que le secteur privé ne dépensera pas …

Bastiat, repère intellectuel de la droite américaine

Ironie du sort : alors que beaucoup d’Américains associent spontanément « France » et « socialisme », c’est un auteur français, Frédéric Bastiat, que la droite américaine évoque pour dénoncer l’immoralité des tendances « socialisantes » de leur gouvernement.

Michael C. Behrent

La vie des idées

16-06-2010

La droite américaine n’est pas particulièrement connue, du moins dans sa forme actuelle, pour sa francophilie. Rappelons, par exemple, l’épisode des « freedom fries », conséquence de la vague d’indignation que la politique irakienne du gouvernement français suscite dans l’opinion américaine, surtout lorsque celle-ci est conservatrice. Ou encore la « méchanceté » que certains républicains attribuaient au candidat démocrate aux élections présidentielles de 2004, le sénateur francophone John Kerry, qui disait-on « ressemblait même à un Français ». Plus récemment, lorsque des militants conservateurs accusent Barack Obama d’être « socialiste », ils sous-entendent qu’il épouse une doctrine anti-américaine, européenne, et, sans doute, un petit peu française par-dessus le marché …

Il semblerait ainsi pour le moins surprenant que la droite américaine actuelle (que l’on pourrait caractériser comme l’amalgame du libéralisme économique et du conservatisme proprement dit), notamment dans cette forme particulièrement virulente qu’est le mouvement anti-gouvernemental des « tea partiers », se réfère à un penseur français pour définir son programme et lui donner un fondement philosophique. Pourtant, c’est le cas : les pourfendeurs américains du « tout État » ont trouvé un champion intellectuel dans l’économiste et publiciste français Frédéric Bastiat.

Bastiat et la droite américaine, une vieille histoire

Bastiat ? Plutôt oublié aujourd’hui en France, il fut un des grands défenseurs du principe du libre échange au dix-neuvième siècle. Né en 1801, il ne se fait une renommée, après s’être essayé aux affaires et à l’agriculture, qu’à partir de 1844, en défendant les idées antiprotectionnistes de Richard Cobden dans un article publié par le Journal des économistes intitulé « De l’influence des tarifs anglais et français sur l’avenir des deux peuples ». Il participe à la fondation d’une association ayant les mêmes buts que Cobden dans sa campagne contre les Corn Laws. Bastiat rédige les Sophismes économiques, dans lequel, à coup de petits textes aussi limpides qu’ironiques, il entreprend de détruire les raisonnements des socialistes et des protectionnistes. Après la révolution de février 1848, il est élu député des Landes. À cette époque, il participe à une célèbre polémique avec Pierre-Joseph Proudhon. Mais après quelques années seulement passées dans la vie publique, il succombe, en 1850, à une tuberculose. Le livre qu’il destinait à être son chef d’œuvre, les Harmonies économiques, reste inachevé.

L’engouement actuel de certains secteurs de la droite américaine pour Bastiat a des racines déjà anciennes. La redécouverte de ses écrits, et leur réédition en vue d’en faire des manifestes libertariens, fait partie de la réaction libérale contre la pensée « collectiviste » (mot qui englobe aussi bien le nazisme, le communisme, le keynésianisme, et le « libéralisme » américain du New Deal) dans la foulée de la deuxième guerre mondiale. Un de ces « apôtres » américains du néolibéralisme fut l’homme d’affaires Leonard Read, qui découvre Bastiat en 1935 grâce à Thomas Nixon Carver, professeur à Harvard. À l’époque, Read anime un petit réseau de libéraux (au sens économique), dont 3000 figurent sur sa liste de distribution. En 1943, il envoie à chacun un petit pamphlet de Bastiat surnommé La loi. C’est sans doute à cette date que commence l’étrange carrière de ce texte comme instrument de propagande du mouvement conservateur américain (rappelons que dans le lexique politique américain, l’épithète « conservateur » est couramment utilisée pour se référer à la doctrine économique qui en France sera décrite comme « libéral »). Read créa en 1946 la Foundation for Economic Education (FEE), ayant pour mission de répandre la bonne parole libre-échangiste et de former intellectuellement une avant-garde libérale et individualiste au milieu du « collectivisme » ambiant. Ludwig von Mises (émigré aux États-Unis) en est un adhérent ; Friedrich Hayek y collabore de même (ce dernier fonda, l’année suivante, une association sœur : la Société du Mont-Pèlerin).

Sous la tutelle de la FEE, Read fait retraduire La loi de Bastiat par un universitaire du nom de Dean Russell. La nouvelle traduction parait en 1950, et devient le bestseller de la fondation : en 1971, elle avait déjà vendu 500 000 exemplaires (cette traduction est toujours disponible sur le site web de la FEE) [1]. Un autre personnage important du mouvement libertarien, le journaliste Henry Hazlitt, publie en 1946 une sorte d’abrégé de la théorie économique, intitulé Economics in one lesson (lui aussi distribué par la FEE), dans lequel il reconnaît sa dette intellectuelle à l’égard de Bastiat, plus spécialement envers son essai Ce qu’on voit et ce qu’on ne voit pas. Hazlitt remarque que son propre ouvrage « peut en fait être considéré comme une modernisation, un élargissement et une généralisation de l’approche que l’on trouve dans le pamphlet de Bastiat » [2].

Renouveau de Bastiat sous Obama

Si donc aujourd’hui le nom et les slogans de Bastiat circulent actuellement dans les mouvements de protestations contre le plan de relance du président Obama (en 2009) ainsi que sa réforme du système de santé (en 2010), c’est seulement parce que ses écrits sont depuis longtemps en circulation, et sont comme canonisés par les milieux libertariens et libre-échangistes. Le 15 avril 2009, lors d’une des premières grandes journées d’action nationales des tea partiers (le jour où les Américains doivent déclarer leurs impôts), un professeur d’université prononce un discours à Washington, dans lequel il évoque la mise en garde de Bastiat contre la tendance des gouvernants à pratiquer la « spoliation légale ». Le même jour, en Broward County (Floride), un blogueur raconte avoir vu un manifestant lors d’un « tea party » portant une pancarte étalant le même slogan (« spoliation légale »), expression, rappelle-t-il utilement pour ses lecteurs, « utilisée par Fréderic Bastiat dans son livre de 1849 La loi pour parler des socialistes » (en réalité La Loi fut publiée pour la première fois en 1850).

Plus récemment, sur le site « meetup.com » (qui permet d’organiser en ligne des réunions réelles), un chapitre floridien du « 9-12 Project » (l’association fondée par le journaliste conservateur Glenn Beck qui fait partie de la galaxie des tea partiers) encourage les intéressés à venir discuter de « La loi de Frédéric Bastiat », tout en expliquant que « Bastiat […] fut un des plus éloquents champions du concept du droit à la propriété et de libertés individuels émanant du droit naturel (le même concept qui a servi de fondation à la Constitution américaine) », que La loi est « une réfutation puissante du Manifeste communiste de Karl Marx » (bien que Bastiat ne cite aucunement ce dernier), et que ce livre est « aussi pertinent aujourd’hui qu’il y a 160 ans ».

Comment expliquer ce « retour à Bastiat » américain ? En premier lieu, il s’agit d’une sorte de contrecoup au « retour à Keynes » que l’on a vu à la suite de la crise financière de l’automne 2008, et dont une conséquence politique évidente est le plan de relance adopté peu après l’inauguration de Barack Obama. Pour certains conservateurs, la crise est vécue comme une menace à l’encontre du triomphe aussi bien politique qu’intellectuel du libéralisme et du libre-échangisme depuis les années 1980. Elle est vue comme une opportunité pour les partisans de l’intervention étatique de se réaffirmer. C’est surtout le plan de relance, que les démocrates se mettent à adopter aussitôt après l’inauguration d’Obama le 20 janvier 2009, qui attire la foudre des conservateurs et déclenche la mobilisation anti-gouvernementale qui deviendra le mouvement « Tea Party ». Dès le 22 janvier, l’Investor’s Business Daily (un journal national spécialisant dans les questions économiques, généralement tendant à droite) s’inquiète du fait que la célèbre prophétie de Bill Clinton selon laquelle « l’ère du big government est révolue » est en train de devenir désuète, en citant la définition que propose Bastiat de l’État : « c’est la grande fiction à travers laquelle tout le monde s’efforce de vivre aux dépens de tout le monde » (passage que les amateurs américains de Bastiat citent avec une fréquence particulière) [3].

Ensuite, ce que Bastiat permet de dénoncer, ce n’est pas uniquement le principe même de l’intervention étatique, mais le « solipsisme économique » sur laquelle elle se repose. Pour Bastiat, l’étatisme est la conséquence d’un problème épistémologique, voire phénoménologique : la conviction que les seules conséquences importantes d’une action sont celles qui sont accessibles à la vue. C’est la grande idée de son essai sur Ce qu’on voit et ce qu’on ne voit pas. Ainsi, le Pittsburgh Tribune Review (journal régional, plutôt conservateur), commentant le plan de relance, remarque que « l’administration d’Obama est en train d’offrir une leçon préventive de l’incompréhension de principe Bastien du visible et de l’invisible » [4], citant l’exemple des « emplois verts » que le plan propose, mais dont les coûts, selon le journal, risquent à long terme d’être plus importants que les effets stimulateurs, tout en n’étant pas immédiatement perceptibles.

La Vitre cassée

Dans la même lignée, beaucoup évoquent l’analyse que fait Bastiat du solipsisme de la « vitre cassée » (qui parait aussi dans Ce qu’on voit et ce qu’on ne voit pas). Bastiat raconte l’anecdote suivante : le « terrible fils » du « bon bourgeois Jacques Bonhomme » lui casse un carreau de vitre. Aussitôt, des assistants au drame le consolent ainsi : « À quelque chose malheur est bon. De tels accidents font aller l’industrie. Il faut que tout le monde vive. Que deviendraient les vitriers, si l’on ne cassait jamais de vitres ? » Toutefois, ce constat se fonde uniquement sur ce qui est visible, soit l’argent que M. Bonhomme verse au vitrier. Ce que l’on ne voit pas, c’est que « s’il n’eût pas eu de vitre à remplacer, il eût remplacé, par exemple, ses souliers éculés ou mis un livre de plus dans sa bibliothèque ». La force de cet argument réside avant tout dans la manière dont Bastiat l’applique : il se trouve que ce que l’on voit est décidément toujours de l’ordre de l’État ou de la puissance publique. L’erreur distinctive de toute politique économique ayant recours aux moyens de l’État est qu’elle privilégie les effets visibles (les dépenses, l’impôt) en négligeant les effets invisibles (le marché, l’initiative individuelle). Ainsi, concernant les effets apparemment positifs des impôts, Bastiat constate : « Vous comparez la nation à une terre desséchée et l’impôt à une pluie féconde. Soit. Mais vous devriez vous demander aussi où sont les sources de cette pluie, et si ce n’est pas précisément l’impôt qui pompe l’humidité du sol et le dessèche ».

Le « broken window fallacy » (l’erreur de la vitre cassée) a joué un rôle essentiel dans la réception américaine de Bastiat. Sur YouTube, on trouve une vidéo dans laquelle John Stossel, journaliste de télévision aux opinions libertariennes, explique l’erreur des vitres cassées avec une étonnante littéralité … La parabole de Bastiat peut même être utilisée à des fins explicitement partisanes. Sur un site conservateur, on trouve le commentaire suivant : « Le plan de relance du président Obama a échoué parce qu’il a ignoré l’erreur de la vitre cassée, comme le font tous les projets gouvernementaux pour stimuler l’économie en dépensant. Est évidente dans le plan d’Obama l’idée que le gouvernement peut dépenser l’argent mieux et de manière plus efficace que le secteur privé. Ce qu’Obama et les liberals [au sens américain, c’est-à-dire « ceux de la gauche »] ne comprennent pas, c’est que chaque dollar qu’ils dépensent doit venir de quelque part […] En somme, tout dollar dépensé par le gouvernement en est un que le secteur privé ne dépensera pas ». L’auteur conclut (c’est la raison d’être de son site) que le meilleur disciple actuel de Bastiat n’est autre que… Sarah Palin, l’ancienne colistière de John McCain lors des dernières élections présidentielles, ancien gouverneur de l’Alaska (de 2006 à 2009), et grande héroïne des tea partiers : « Quelque part, Frédéric Bastiat est en train de sourire, tout content qu’il est de savoir que sa philosophie de gouvernement limité est en pleine forme grâce au gouverneur Sarah Palin ».

Procès du « socialisme »

Mais la raison principale pour l’engouement actuel pour Bastiat est à trouver dans sa manière particulière de dénoncer le « socialisme ». Son utilité ne réside pas seulement dans le fait qu’il critique le socialisme, mais dans sa manière même de le définir. Selon Bastiat, l’homme, tout occupé par sa nature à la conservation de son être, est destiné à gagner sa vie de deux façons possibles : grâce à son propre travail, ou grâce au travail d’autrui. Les hommes ont une « disposition à vivre et à se développer, quand ils le peuvent, aux dépens les uns des autres » [5]. Par conséquent, la loi et la politique peuvent s’organiser eux aussi selon deux principes différents : la défense de la liberté individuelle (et donc de la propriété), ou la spoliation (c’est-à-dire, le fait de vivre du travail d’autrui). Le premier est évidemment, aux yeux de Bastiat, le régime le plus juste. Mais une fois que la loi n’est plus que la simple organisation des droits individuels, « chaque classe voudra faire la Loi, soit pour se défendre contre la spoliation, soit pour l’organiser aussi à son profit » [6]. La spoliation devient la norme. Le socialisme est la conséquence logique de cette tendance : il est la spoliation décomplexée, la « spoliation légale ».

La rage des tea partiers contre Obama et le « big government » est donc avant tout un cri de colère, un sursaut d’indignation contre un État qui est, à leur vue, de plus en plus spoliateur. Dans une tribune écrite pour la presse de l’église baptiste, au moment des grandes manifestations du 15 avril 2009, Kelly Boggs remarque : « L’impôt sur le revenu en Amérique est depuis longtemps un exemple de ce que l’économiste français Frédéric Bastiat surnommait la ‘spoliation légale.’ Selon Bastiat, la spoliation légale a lieu lorsque le gouvernement prend, par la force, ce qu’un citoyen a légitimement gagné pour le donner à un autre ». Il continue : « Lorsqu’un simple citoyen pratique ce que décrit Bastiat, on appelle cela le vol. Quand c’est le gouvernement qui le fait, on l’appelle la redistribution des revenus ».

Ainsi, pour les militants de droite, Bastiat est devenu une sorte de père fondateur honoris causa. Le Tea Party de Boston annonce la création d’un « caucus Bastiat » en expliquant que la « philosophie » de l’économiste français « ressemble à celui de Thomas Jefferson ». D’autres le comparent à James Madison. Pour l’historien, de tels rapprochements ne sont pas sans ironie : si ces représentants du républicanisme américain que sont Jefferson et Madison se méfièrent sans doute des tendances tyranniques de tout pouvoir établi, leurs premières luttes politiques après la promulgation de la constitution en 1789 furent contre Alexander Hamilton et les « fédéralistes » – le parti des grands intérêts financiers. Il n’empêche que les tea partiers voient le fil directeur de l’histoire américaine comme étant une trahison progressive des principes de l’individualisme et d’un gouvernement minime. Un blogueur qui a pris le pseudonyme d’Andrew Mellon (grande figure du libéralisme conservateur des années 1920), écrivant pour le site conservateur « Big Government », constate : « Au fur et à mesure que notre pays vieillit, l’État nous dépouille de nos droits au lieu de les garantir. Le gouvernement s’élargit, alors que l’individu se rétrécit. Alors que la loi était censée nous protéger contre la diminution de l’homme, elle est plutôt utilisée comme moyen de le spolier ». Il poursuit en citant La loi de Bastiat sur le socialisme comme la somme sur toute spoliation légale.

La référence à l’économiste français sert finalement, de manière assez paradoxale, à mettre en évidence le caractère étranger (et donc dangereux) des démocrates et autres « collectivistes ». Le bloggeur libertarien Clay Barham le confirme explicitement lorsqu’il écrit : « Alors que Bastiat disait [dans l’introduction de ses Harmonies économiques ] ‘Tous les intérêts légitimes sont harmoniques,’ les démocrates américains contemporains disent que les intérêts de la communauté sont plus importants que les intérêts de l’individu. Ces deux approches s’opposent. L’un est purement américain, bien que proclamé par un Français, et l’autre est européen, ou du Vieux Monde, bien que proclamé par des Américains ».

Ainsi, bien que ses disciples américains le décrivent le plus souvent comme un « économiste », c’est surtout en tant que moraliste que Bastiat exerce sa puissance d’attraction. Il offre moins une démonstration irréfutable des erreurs du « socialisme » et de l’intervention étatique que des objections de principes, ayant au moins le mérite d’une certaine lucidité. Comme le note l’historien du libéralisme Lucien Jaume, « dans la rhétorique de Bastiat tout phénomène économique ou social reçoit son doublet moral, voire religieux : la marche du progrès est fatale mais l’homme est libre, la concurrence est un fait indestructible, mais elle n’existe qu’en ‘l’absence d’une autorité arbitraire comme juge des échanges’, etc. C’est le passage constant de l’objectif au subjectif, du descriptif au prescriptif qui fait l’originalité de Bastiat … » [7]. Ironie du sort : c’est un auteur français, alors même que beaucoup d’américains associent spontanément « France » et « socialisme », que la droite américaine évoque pour dénoncer l’immoralité des tendances « socialisantes » de leur propre gouvernement.

Notes

[1] George H. Nash, The Conservative Intellectual Movement in America since 1945, New York, Basic Books, 1976, chap. 1.

[2] Henry Hazlitt, Economics in one lesson, New York et Londres, Harper and Brothers, 1946, p. ix.

[3] « Where stimulus is not necessary », Investor’s Business Daily, le 22 janvier 2009.

[4] Colin McNickle, « America’s failure to foresee », Pittsburgh Tribune Review, le 1 février 2009.

[5] Frédéric Bastiat, « La loi », in Œuvres complètes de Frédéric Bastiat. Sophismes économiques, P. Paillottet et R. de Fontenay, éditeurs, Paris, Guillaumin, 1862-1864, p. 345-46.

[6] Ibidem, p. 352.

[7] Lucien Jaume, L’individu effacé, ou le paradoxe du libéralisme français, Paris, Fayard, 1997, p. 481.

Voir aussi:

Public Broadcasting Should Go Private

If these outfits can afford to pay lavish salaries to their heads, they don’t need taxpayer help.

Jim Demint

The Wall Street Journal

March 4, 2011

When presidents of government-funded broadcasting are making more than the president of the United States, it’s time to get the government out of public broadcasting.

While executives at the Public Broadcasting Service (PBS) and National Public Radio (NPR) are raking in massive salaries, the organizations are participating in an aggressive lobbying effort to prevent Congress from saving hundreds of millions of dollars each year by cutting their subsidies. The so-called commercial free public airwaves have been filled with pleas for taxpayer cash. The Association of Public Television Stations has hired lobbyists to fight the cuts. Hundreds of taxpayer-supported TV, radio and Web outlets have partnered with an advocacy campaign to facilitate emails and phone calls to Capitol Hill for the purpose of telling members of Congress, « Public broadcasting funding is too important to eliminate! »

PBS President Paula Kerger even recorded a personal television appeal that told viewers exactly how to contact members of Congress in order to « let your representative know how you feel about the elimination of funding for public broadcasting. » But if PBS can pay Ms. Kerger $632,233 in annual compensation—as reported on the 990 tax forms all nonprofits are required to file—surely it can operate without tax dollars.

The executives at the Corporation for Public Broadcasting (CPB), which distributes the taxpayer money allocated for public broadcasting to other stations, are also generously compensated. According to CPB’s 2009 tax forms, President and CEO Patricia de Stacy Harrison received $298,884 in reportable compensation and another $70,630 in other compensation from the organization and related organizations that year. That’s practically a pittance compared to Kevin Klose, president emeritus of NPR, who received more than $1.2 million in compensation, according to the tax forms the nonprofit filed in 2009.

Today’s media landscape is a thriving one with few barriers to entry and many competitors, unlike when CPB was created in 1967. In 2011, Americans have thousands of news, entertainment and educational programs to choose from that are available on countless television, radio and Web outlets.

Despite how accessible media has become to Americans over the years, funding for CPB has grown considerably. In 2001, the federal government appropriated $340 million for CPB. Last year it got $420 million. As Congress considers ways to close the $1.6 trillion deficit, cutting funding for the CPB has even been proposed by President Obama’s bipartisan deficit reduction commission. Instead, Mr. Obama wants to increase CPB’s funding to $451 million in his latest budget.

Meanwhile, highly successful, brand-name public programs like Sesame Street make millions on their own. « Sesame Street, » for example, made more than $211 million from toy and consumer product sales from 2003-2006. Sesame Workshop President and CEO Gary Knell received $956,513 in compensation in 2008. With earnings like that, Big Bird doesn’t need the taxpayers to help him compete against the Nickleodeon cable channel’s Dora the Explorer.

Taxpayer-subsidized broadcasting doesn’t only make money from licensing and product sales. It also raises plenty of outside cash.

Last year, for example, the Open Society Foundation, backed by liberal financier George Soros, gave NPR $1.8 million to help support the latter’s plan to hire an additional 100 reporters. When NPR receives million-dollar gifts from Mr. Soros, it is an insult to taxpayers when other organizations, such as MoveOn.org demand that Congress « save NPR and PBS » by guaranteeing « permanent funding and independence from partisan meddling, » as the liberal interest group did last month. It was even more insulting when PBS posted a message on Twitter thanking MoveOn.org—the group that once labeled Gen. David Petraeus as « General Betray Us »—for the help.

The best way to stop the « partisan meddling » in public broadcasting that MoveOn.org complains about is by ending the taxpayers’ obligation to pay for it. The politics will be out of public broadcasting as soon as the government gets out of the business of paying for it.

Public broadcasting can pay its presidents half-million and million dollar salaries. Its children’s programs are making hundreds of millions in sales. Liberal financiers are willing to write million-dollar checks to help these organizations. There’s no reason taxpayers need to subsidize them anymore.

Mr. DeMint, a Republican, is a senator from South Carolina.

Voir encore:

Sesame Nation

Mark Steyn

National review on line

October 6, 2012

Apparently, Frank Sinatra served as Mitt Romney’s debate coach. As he put it about halfway through “That’s Life”:

“I’d jump right on a big bird and then I’d fly . . . ”

That’s what Mitt did in Denver. Ten minutes in, he jumped right on Big Bird, and then he took off — and never looked back, while the other fellow, whose name escapes me, never got out of the gate. It takes a certain panache to clobber not just your opponent but also the moderator. Yet that’s what the killer Mormon did when he declared that he wasn’t going to borrow money from China to pay for Jim Lehrer and Big Bird on PBS. It was a terrific alpha-male moment, not just in that it rattled Lehrer, who seemed too preoccupied contemplating a future reading the hog prices on the WZZZ Farm Report to regain his grip on the usual absurd format, but in the sense that it indicated a man entirely at ease with himself — in contrast to wossname, the listless sourpuss staring at his shoes.

Yet, amidst the otherwise total wreckage of their guy’s performance, the Democrats seemed to think that Mitt’s assault on Sesame Street was a misstep from whose tattered and ruined puppet-stuffing some hay is to be made. “WOW!!! No PBS!!! WTF how about cutting congress’s stuff leave big bird alone,” tweeted Whoopi Goldberg. Even the president mocked Romney for “finally getting tough on Big Bird” — not in the debate, of course, where such dazzling twinkle-toed repartee might have helped, but a mere 24 hours later, once the rapid-response team had directed his speechwriters to craft a line, fly it out to a campaign rally, and load it into the prompter, he did deliver it without mishap.

Unlike Mitt, I loathe Sesame Street. It bears primary responsibility for what the Canadian blogger Binky calls the de-monsterization of childhood — the idea that there are no evil monsters out there at the edges of the map, just shaggy creatures who look a little funny and can sometimes be a bit grouchy about it because people prejudge them until they learn to celebrate diversity and help Cranky the Friendly Monster go recycling. That is not unrelated to the infantilization of our society. Marinate three generations of Americans in that pabulum and it’s no surprise you wind up with unprotected diplomats dragged to their deaths from their “safe house” in Benghazi. Or as J. Scott Gration, the president’s special envoy to Sudan, said in 2009, in the most explicit Sesamization of American foreign policy: “We’ve got to think about giving out cookies. Kids, countries — they react to gold stars, smiley faces, handshakes . . . ” The butchers of Darfur aren’t blood-drenched machete-wielding genocidal killers but just Cookie Monsters whom we haven’t given enough cookies. I’m not saying there’s a direct line between Bert & Ernie and Barack & Hillary . . . well, actually I am.

Okay, I may be taking this further than Mitt intended. So let’s go back to his central thrust. The Corporation for Public Broadcasting receives nearly half a billion dollars a year from taxpayers, which it disburses to PBS stations, who in turn disburse it to Big Bird and Jim Lehrer. I don’t know what Big Bird gets, but, according to Senator Jim DeMint, the president of Sesame Workshop, Gary Knell, received in 2008 a salary of $956,513. In that sense, Big Bird and Senator Harry Reid embody the same mystifying phenomenon: They’ve been in “public service” their entire lives and have somehow wound up as multimillionaires.

Mitt’s decision to strap Big Bird to the roof of his station wagon and drive him to Canada has prompted two counterarguments from Democrats: (1) Half a billion dollars is a mere rounding error in the great sucking maw of the federal budget, so why bother? (2) Everybody loves Sesame Street, so Mitt is making a catastrophic strategic error. On the latter point, whether or not everybody loves Sesame Street, everybody has seen it, and every American under 50 has been weaned on it. So far this century it’s sold nigh on a billion bucks’ worth of merchandising sales (that’s popular toys such as the Subsidize-Me-Elmo doll). If Sesame Street is not commercially viable, then nothing is, and we should just cut to the chase and bail out everything.

Conversely, if this supposed “public” broadcasting brand is capable of standing on its own, then so should it. As for the rest of PBS’s output — the eternal replays of the Peter, Paul & Mary reunion concert, twee Brit sitcoms, Lawrence Welk reruns and therapeutic infomercials — whatever their charms, it is difficult to see why the Brokest Nation in History should be borrowing money from the Chinese Politburo to pay for it. A system by which a Communist party official in Beijing enriches British comedy producers by charging it to American taxpayers with interest is not the most obvious economic model. Yet, as Obama would say, the government did build that.

(Full disclosure: Some years ago, I hosted a lavish BBC special, and, at the meeting intended to sell it to PBS, the executive from Great Performances said he could only sign off on the deal if I were digitally edited out and replaced by Angela Lansbury. Murder, he shrieked. Lest I sound bitter, I should say I am in favor of this as a more general operating principle for public broadcasting: for example, A Prairie Home Companion would be greatly improved by having Garrison Keillor digitally replaced by Paul Ryan.) The small things are not unimportant — and not just because, when “small” is defined as anything under eleven figures, “small” is a big part of the problem. If Americans can’t muster the will to make Big Bird leave the government nest, they certainly will never reform Medicare. Just before the debate in Denver, in the general backstage mêlée, a commentator pointed out Valerie Jarrett, who is officially “assistant to the president for public engagement and intergovernmental affairs,” a vital position which certainly stimulates the luxury-length business-card industry. Not one in 100,000 Americans knows what she looks like, but she declines to take the risk of passing among the rude peasantry without the protection of a Secret Service detail. Leon Panetta, the defense secretary, has a private jet to fly him home from Washington every weekend.

The queen of the Netherlands flies commercial, so does the queen of Denmark. Prince William and his lovely bride, whom at least as many people want to get a piece of as Valerie Jarrett or Leon Panetta, flew to Los Angeles on a Royal Canadian Air Force boneshaker. It is profoundly unrepublican when minor public officials assume that private planes and entourages to hold the masses at bay are a standard perk of office. And it is even more disturbing that tens of millions of Americans are accepting of this. The entitlements are complicated, and will take some years and much negotiation. But, in a Romney administration, rolling back the nickel’n’dime stuff — i.e., the million’n’billion stuff — should start on Day One.

Mitt made much of his bipartisan credentials in Denver. So, in that reach-across-the-aisle spirit, if we cannot abolish entirely frivolous spending, might we not at least attempt some economies of scale? Could Elmo, Grover, Oscar, and Cookie Monster not be redeployed as Intergovernmental Engagement Assistant Jarrett’s security detail? Could Leon Panetta not fly home on Big Bird every weekend?

And for the next debate, instead of a candidate slumped at the lectern like a muppet whose puppeteer has gone out for a smoke, maybe Elmo’s guy could shove his arm up the back of the presidential suit.

— Mark Steyn, a National Review columnist, is the author of After America: Get Ready for Armageddon.

Voir enfin:

III. L’impôt

Frédéric Bastiat

Ne vous est-il jamais arrivé d’entendre dire:

« L’impôt, c’est le meilleur placement; c’est une rosée fécondante? Voyez combien de familles il fait vivre, et suivez, par la pensée, ses ricochets sur l’industrie: c’est l’infini, c’est la vie ».

Pour combattre cette doctrine, je suis obligé de reproduire la réfutation précédente. L’économie politique sait bien que ses arguments ne sont pas assez divertissants pour qu’on en puisse dire: Repetita placent . Aussi, comme Basile, elle a arrangé le proverbe à son usage, bien convaincue que dans sa bouche, Repetita docent .

Les avantages que les fonctionnaires trouvent à émarger, c’est ce qu’on voit . Le bien qui en résulte pour leurs fournisseurs, c’est ce qu’on voit encore . Cela crève les yeux du corps.

Mais le désavantage que les contribuables éprouvent à se libérer, c’est ce qu’on ne voit pas , et le dommage qui en résulte pour leurs fournisseurs, c’est ce qu’on ne voit pas davantage , bien que cela dût sauter aux yeux de l’esprit.

Quand un fonctionnaire dépense à son profit cent sous de plus , cela implique qu’un contribuable dépense à son profit cent sous de moins . Mais la dépense du fonctionnaire se voit, parce qu’elle se fait; tandis que celle du contribuable ne se voit pas, parce que, hélas! on l’empêche de se faire.

Vous comparez la nation à une terre desséchée et l’impôt à une pluie féconde. Soit. Mais vous devriez vous demander aussi où sont les sources de cette pluie, et si ce n’est pas précisément l’impôt qui pompe l’humidité du sol et le dessèche.

Vous devriez vous demander encore s’il est possible que le sol reçoive autant de cette eau précieuse par la pluie qu’il en perd par l’évaporation?

Ce qu’il y a de très-positif, c’est que, quand Jacques Bonhomme compte cent sous au percepteur, il ne reçoit rien en retour. Quand, ensuite, un fonctionnaire dépensant ces cent sous, les rend à Jacques Bonhomme, c’est contre une valeur égale en blé ou en travail. Le résultat définitif est pour Jacques Bonhomme une perte de cinq francs.

Il est très-vrai que souvent, le plus souvent si l’on veut, le fonctionnaire rend à Jacques Bonhomme un service équivalent. En ce cas, il n’y a pas perte de part ni d’autre, il n’y a qu’échange. Aussi, mon argumentation ne s’adresse-t-elle nullement aux fonctions utiles. Je dis ceci: si vous voulez une fonction, prouvez son utilité. Démontrez qu’elle vaut à Jacques Bonhomme, par les services qu’elle lui rend, l’équivalent de ce qu’elle lui coûte. Mais, abstraction faite de cette utilité intrinsèque, n’invoquez pas comme argument l’avantage qu’elle confère au fonctionnaire, à sa famille et à ses fournisseurs; n’alléguez pas qu’elle favorise le travail.

Quand Jacques Bonhomme donne cent sous à un fonctionnaire contre un service réellement utile, c’est exactement comme quand il donne cent sous à un cordonnier contre une paire de souliers. Donnant donnant, partant quittes. Mais, quand Jacques Bonhomme livre cent sous à un fonctionnaire pour n’en recevoir aucun service ou même pour en recevoir des vexations, c’est comme s’il les livrait à un voleur. Il ne sert de rien de dire que le fonctionnaire dépensera ces cent sous au grand profit du travail national; autant en eût fait le voleur; autant en ferait Jacques Bonhomme s’il n’eût rencontré sur son chemin ni le parasite extra-légal ni le parasite légal.

Habituons-nous donc à ne pas juger des choses seulement par ce qu’on voit , mais encore par ce qu’on ne voit pas.

L’an passé, j’étais du Comité des finances, car, sous la Constituante, les membres de l’opposition n’étaient pas systématiquement exclus de toutes les Commissions; en cela, la Constituante agissait sagement. Nous avons entendu M. Thiers dire: « J’ai passé ma vie à combattre les hommes du parti légitimiste et du parti prêtre. Depuis que le danger commun nous a rapproché, depuis que je les fréquente, que je les connais, que nous nous parlons cœur à cœur, je me suis aperçu que ce ne sont pas les monstres que je m’étais figurés. »

Oui, les défiances s’exagèrent, les haines s’exaltent entre les partis qui ne se mêlent pas; et si la majorité laissait pénétrer dans le sein des Commissions quelques membres de la minorité, peut-être reconnaîtrait-on, de part et d’autre, que les idées ne sont pas aussi éloignées et surtout les intentions aussi perverses qu’on le suppose.

Quoi qu’il en soit, l’an passé, j’étais du Comité des finances. Chaque fois qu’un de nos collègues parlait de fixer à un chiffre modéré le traitement du Président de la République, des ministres, des ambassadeurs, on lui répondait:

« Pour le bien même du service, il faut entourer certaines fonctions d’éclat et de dignité. C’est le moyen d’y appeler les hommes de mérite. D’innombrables infortunes s’adressent au Président de la République, et ce serait le placer dans une position pénible que de le forcer à toujours refuser. Une certaine représentation dans les salons ministériels et diplomatiques est un des rouages des gouvernements constitutionnels, etc., etc. »

Quoique de tels arguments puissent être controversés, ils méritent certainement un sérieux examen. Ils sont fondés sur l’intérêt public, bien ou mal apprécié; et, quant à moi, j’en fais plus de cas que beaucoup de nos Catons, mus par un esprit étroit de lésinerie ou de jalousie.

Mais ce qui révolte ma conscience d’économiste, ce qui me fait rougir pour la renommée intellectuelle de mon pays, c’est quand on en vient (ce à quoi on ne manque jamais) à cette banalité absurde, et toujours favorablement accueillie:

« D’ailleurs, le luxe des grands fonctionnaires encourage les arts, l’industrie, le travail. Le chef de l’État et ses ministres ne peuvent donner des festins et des soirées sans faire circuler la vie dans toutes les veines du corps social. Réduire leurs traitements, c’est affamer l’industrie parisienne et, par contre-coup, l’industrie nationale. »

De grâce, Messieurs, respectez au moins l’arithmétique et ne venez pas dire, devant l’Assemblée nationale de France, de peur qu’à sa honte elle ne vous approuve, qu’une addition donne une somme différente, selon qu’on la fait de haut en bas ou de bas en haut.

Quoi! je vais m’arranger avec un terrassier pour qu’il fasse une rigole dans mon champ, moyennant cent sous. Au moment de conclure, le percepteur me prend mes cent sous et les fait passer au ministre de l’intérieur; mon marché est rompu mais M. le ministre ajoutera un plat de plus à son dîner. Sur quoi, vous osez affirmer que cette dépense officielle est un surcoût ajouté à l’industrie nationale! Ne comprenez-vous pas qu’il n’y a là qu’un simple déplacement de satisfaction et de travail? Un ministre a sa table mieux garnie, c’est vrai; mais un agriculteur a un champ moins bien desséché, et c’est tout aussi vrai. Un traiteur parisien a gagné cent sous, je vous l’accorde; mais accordez-moi qu’un terrassier provincial a manqué de gagner cinq francs. Tout ce qu’on peut dire, c’est que le plat officiel et le traiteur satisfait, c’est ce qu’on voit ; le champ noyé et le terrassier désœuvré, c’est ce qu’on ne voit pas.

Bon Dieu! que de peine à prouver, en économie politique, que deux et deux font quatre; et, si vous y parvenez, on s’écrie : « c’est si clair, que c’en est ennuyeux. » — Puis on vote comme si vous n’aviez rien prouvé du tout.

3 Responses to Présidentielle américaine/2012: Bastiat vs. Big Bird (Let us accustom ourselves to avoid judging of things by what is seen only)

  1. […] dans ses célèbres et limpidissimes syllogismes avait si bien réussi à montrer les effets invisibles de l’impôt lorsqu’il devient spoliateur et finit par être la source de la sècheresse de la […]

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  2. […] La rage des tea partiers contre Obama et le « big government » est donc avant tout un cri de colè… US […]

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  3. jcdurbant dit :

    Vous avez dit désindustrialisation ?

    Ce que l’on entend par désindustrialisation, en général, c’est l’idée selon laquelle l’industrie d’Europe de l’ouest et d’Amérique du nord a été délocalisée en Asie de l’est et notamment en Chine. C’est le schéma narratif tel qu’il est repris par notre classe politique et nos médias : à cause de l’ouverture des frontières et de la libéralisation de l’économie chinoise, les industriels ont fermé leurs usines chez nous pour les rouvrir là où la main d’œuvre était la moins chère ; raison pour laquelle nous aurions, pour ainsi dire, perdu notre industrie et les emplois afférents.

    Cette manière de voir l’histoire n’est pas, pour être juste, totalement fausse. Nous avons tous en tête un certain nombre de productions industrielles autrefois réalisées en France qui ont, depuis, été délocalisées vers des pays à bas salaires. Cependant, je voudrais vous montrer ici pourquoi cette manière de présenter l’histoire, si elle a l’avantage d’être très simple, est en réalité très partielle voire partiale et en tout cas tout à fait simpliste.

    Avant d’aller plus loin, il faut bien comprendre que ce qui nous intéresse, c’est la valeur ajoutée de notre industrie, c’est-à-dire, pour aller vite, la différence entre le prix de vente de notre production et le coût des matières premières que nous utilisons pour produire. La raison en est très simple : c’est avec cette valeur ajoutée que les industriels paient les salaires et se versent des profits ; c’est la taille du « gâteau industriel » que salariés et actionnaires pourront se partager.

    Ceci étant posé, vous êtes sûrement nombreux à penser que notre valeur ajoutée industrielle a baissé ou, du moins, qu’elle a stagné au cours des dernières décennies. C’est faux. Sur la base des données de l’UNstats de 1970 à 20141 et mesurée en dollars constants (c’est-à-dire corrigée de l’inflation), la valeur ajoutée générée par les industries d’Europe de l’ouest a plus que doublé. Quant à l’Amérique du nord, elle fait mieux que nous puisque sa valeur ajoutée industrielle a été multipliée par un facteur de 2.6.

    Le truc, c’est que sur la même période, la valeur ajoutée industrielle de l’est asiatique a littéralement explosé. Schématiquement : il produisait, en valeur, la moitié de ce que nous, européens de l’ouest, produisions en 1970 et aujourd’hui il produit deux fois plus que nous. En une grosse quarantaine d’années, la valeur ajoutée industrielle d’Asie de l’est a été multipliée par 10.7.

    Mais il faut bien comprendre que ce qui a été délocalisé en Asie de l’est, ce ne sont pas des industries mais des parties de chaînes de production. En l’occurrence, ce sont les parties à faible valeur ajoutée, les opérations qui ne demandent, en gros, pas beaucoup de qualifications et qui sont donc assez mal payées. Ce qui, au contraire, s’est développé en Europe et aux États-Unis, ce sont les industries de pointe, les usines qui emploient essentiellement des ingénieurs et des ouvriers très qualifiés.

    La chaîne de production de l’iPhone est un exemple parfait de ce phénomène. Vous avez sans doute entendu dire que le smartphone d’Apple était « fabriqué » en Chine : c’est, pour l’essentiel, faux. Ce qui est fait en Chine, c’est l’assemblage des composants2 : la dernière étape de la chaîne de production et celle qui, accessoirement, vaut le moins cher, au grand maximum, tests compris, quelque chose comme 11 dollars par appareil. L’essentiel de la valeur ajoutée industrielle d’un iPhone, ce sont ses composants et ceux-là, justement, ils ne sont pas produits en Chine mais en Europe, au Japon, en Corée du sud et, naturellement, aux États-Unis. Les gyroscopes, par exemple, sont fabriqués par STMicroelectronics à Milan sur la base de travaux de recherche et développement dont je suppose qu’ils sont faits à Grenoble.

    Apple n’a jamais fermé la moindre usine de montage d’iPhone aux États-Unis et pour cause, il n’y en a jamais eu. Toute la chaîne de production a été conçue telle qu’elle est aujourd’hui dès le début : on achète des composants de pointe un peu partout dans le monde développé, créant, au passage, des milliers de postes très bien payés, et on fait assembler le tout à Shenzhen pour une bouchée de pain. Sauf que comme les Chinois sont très nombreux, au total, cela génère énormément de valeur ajoutée.

    L’histoire des quatre dernières décennies, dans les grandes lignes, c’est cela : la Chine est devenue l’usine d’assemblage du monde, elle s’est spécialisée dans les tâches à faible valeur ajoutée tandis que nos industries européennes, disposant d’une main d’œuvre beaucoup plus qualifiée et donc plus chère, se sont naturellement spécialisées sur les segments à plus forte valeur ajoutée. J’invite ceux qui ont un doute à ouvrir leur iPhone3 et à regarder ce qu’il a dans le ventre : les industries européennes et américaines n’ont pas disparu, elles sont juste cachées sous le capot.

    Une des informations que l’on vous donne pour illustrer la désindustrialisation dont nous sommes supposés être victimes, c’est la baisse de la part de l’industrie dans notre Produit Intérieur Brut. C’est tout à fait juste, mais ce que l’on omet de vous dire c’est que ce phénomène est mondial. De 1970 à 2014, toujours sur la base des données de l’UNstats, la part de l’industrie dans le Produit Mondial Brut est passée de 24.8% à 15.6%. La désindustrialisation, ce n’est pas une affaire de vases communicants, c’est une tendance lourde à l’échelle planétaire.

    Il y a deux forces à l’œuvre. La première, c’est le progrès technologique qui fait que produire des machins physiques, ça coûte de moins en moins cher. On peut illustrer cette idée simplement avec des pièces métalliques de haute précision : il y a quelques décennies, elles étaient usinées à la main par une armée d’ouvriers très qualifiés ; aujourd’hui, un ou deux ingénieurs suffisent pour piloter les robots qui font le job. Parce que le marché est désormais mondial et donc immense, les industriels ont investi dans des chaînes de productions robotisées et du coup, le coût de revient de chaque pièce s’est effondré. Le résultat, dans un monde concurrentiel, est que la baisse des prix contrebalance la croissance de la production en volume.

    L’autre phénomène, c’est tout simplement la croissance exponentielle du secteur dit tertiaire, celui des services. Si vous observez notre histoire sur une échelle longue, vous verrez facilement que nous venons d’une économie essentiellement primaire (l’agriculture au sens large), que nous sommes passés par une phase d’industrialisation et que désormais et de plus en plus, l’essentiel de l’économie mondiale tend à être dominé par les services. Si vous y réfléchissez, c’est au fond parfaitement logique : la plupart du temps, quand vous achetez un objet solide, industriel, vous ne faites que remplacer son prédécesseur ; en fait, c’est encore mieux que ça : comparez les fonctions de votre iPhone aujourd’hui avec la quantité de matériel qu’il vous fallait pour faire la même chose (en moins bien) il y a dix ans — téléphone, courrier électronique, agenda, appareil photo, caméra etc.

    Très simplement, l’industrie suit le même mouvement que l’agriculture avant elle et nous nous acheminons très probablement vers un monde où l’essentiel de la création de valeur à l’échelle mondiale sera faite de services, c’est-à-dire d’une matière première qui n’a pas besoin d’être extraite de notre sous-sol ni d’être transformée à grand recours d’énergie : l’intelligence humaine. Pensez-y un instant : vous avez sans doute largement assez de trucs industriels chez vous et peut-être même trop ; est-ce que cela signifie que vous n’avez aucun autre besoin ni envie ? Probablement pas : la plupart des choses que vous pourriez avoir envie de vous payer à l’avenir, ce sont des services.

    C’est-à-dire qu’en soi, l’idée de réindustrialiser, c’est aller à contre-sens de l’histoire et c’est, je le rappelle à toutes fins utiles, l’idée la plus antiécologique qui soit. Voilà déjà plusieurs années que la hausse spectaculaire des salaires en Chine, en Inde et même (enfin !) en Afrique rééquilibre notre monde. Ces informaticiens indiens qui, il y a encore dix ans, étaient considérés comme une menace pour leurs homologues européens sont désormais des collègues et même souvent des employeurs5, les enfants des ouvriers chinois qui vous inquiètent tant suivent le même chemin : dans très peu de temps, ils seront vos collègues, vos clients, vos employeurs et peut-être même, allez savoir, vos amis.

    Que vous le vouliez ou non, le monde change et il continuera à changer avec ou sans nous. La croissance nulle et le chômage structurel que nous subissons, nous ne les devons qu’à nos propres choix collectifs, un modèle social de rentiers et une économie figée, administrée par une classe politique qui n’a jamais travaillé ni investi un centime de sa poche dans la moindre entreprise. Pourtant, nous avons tout pour réussir. La seule chose qui nous manque encore, c’est ce petit sursaut de fierté, de goût de l’aventure ; cette petite bouffée d’optimisme qui nous fera enfin voir le monde d’opportunités qui s’offre à nous.

    http://www.contrepoints.org/2016/04/08/246221-relocaliser-pour-eviter-la-desindustrialisation-la-fausse-bonne-idee#aXdcEA7HFPX0uAJs.99

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