Polémique Soler: Comment la violence biblique affichée déconstruit la fausse sérénité mythique (How the overtly vengeful psalms uncover the myths’ hidden blood on the tracks)

bacchantes
Une femme oublie-t-elle son nourrisson? De montrer sa tendresse au fils de son ventre? Même si celles-là oubliaient, moi je ne t’oublierai pas. Esaïe 49: 15
Si ton ennemi a faim, donne-lui du pain à manger; S’il a soif, donne-lui de l’eau à boire. Car ce sont des charbons ardents que tu amasses sur sa tête, Et l’Éternel te récompensera. Proverbes 25: 21-22
Ne te réjouis pas de la chute de ton ennemi, Et que ton coeur ne soit pas dans l’allégresse quand il chancelle. Proverbes 24: 17
Samarie sera punie, parce qu’elle s’est révoltée contre son Dieu. Ils tomberont par l’épée; Leurs petits enfants seront écrasés, Et l’on fendra le ventre de leurs femmes enceintes. Osée 13: 16
Oracle sur Babylone, révélé à Ésaïe, fils d’Amots (…) Voici, le jour de l’Éternel arrive, Jour cruel, jour de colère et d’ardente fureur, Qui réduira la terre en solitude, Et en exterminera les pécheurs. (…) Leurs enfants seront écrasés sous leurs yeux, Leurs maisons seront pillées, et leurs femmes violées. Esaïe 13: 1-16
Es-tu meilleure que No Amon, Qui était assise au milieu des fleuves, Entourée par les eaux, Ayant la mer pour rempart, La mer pour murailles? L’Éthiopie et les Égyptiens innombrables faisaient sa force, Puth et les Libyens étaient ses auxiliaires. Et cependant elle est partie pour l’exil, elle s’en est allée captive; Ses enfants ont été écrasés au coin de toutes les rues. Nahum 3: 8-10
Fille de Babylone, la dévastée, Heureux qui te rend la pareille, Le mal que tu nous as fait! Heureux qui saisit tes enfants, Et les écrase sur le roc! Psaumes 137
O Dieu, brise-leur les dents dans la bouche! Éternel, arrache les mâchoires des lionceaux Qu’ils se dissipent comme des eaux qui s’écoulent! Qu’ils ne lancent que des traits émoussés! Qu’ils périssent en se fondant, comme un limaçon; Sans voir le soleil, comme l’avorton d’une femme! Avant que vos chaudières sentent l’épine, Verte ou enflammée, le tourbillon l’emportera. Le juste sera dans la joie, à la vue de la vengeance; Il baignera ses pieds dans le sang des méchants. Et les hommes diront: Oui, il est une récompense pour le juste; Oui, il est un Dieu qui juge sur la terre. Psaumes 58: 7-11
Mon Dieu! mon Dieu! pourquoi m’as-tu abandonné, Et t’éloignes-tu sans me secourir, sans écouter mes plaintes? (…) De nombreux taureaux sont autour de moi, Des taureaux de Basan m’environnent. Ils ouvrent contre moi leur gueule, Semblables au lion qui déchire et rugit. Psaumes 22: 2-13
Place-le sous l’autorité d’un méchant, Et qu’un accusateur se tienne à sa droite! Quand on le jugera, qu’il soit déclaré coupable, Et que sa prière passe pour un péché !Que ses jours soient peu nombreux, Qu’un autre prenne sa charge! Que ses enfants deviennent orphelins, Et sa femme veuve! Que ses enfants soient vagabonds et qu’ils mendient, Qu’ils cherchent du pain loin de leur demeure en ruines! Que le créancier s’empare de tout ce qui est à lui, Et que les étrangers pillent le fruit de son travail! Que nul ne conserve pour lui de l’affection, Et que personne n’ait pitié de ses orphelins! Que ses descendants soient exterminés, Et que leur nom s’éteigne dans la génération suivante! Que l’iniquité de ses pères reste en souvenir devant l’Éternel, Et que le péché de sa mère ne soit point effacé! Qu’ils soient toujours présents devant l’Éternel, Et qu’il retranche de la terre leur mémoire. Psaumes 109: 6-15
J’ose dire: « Dieu détruit aussi bien l’innocent que l’impie. » Quand survient un fléau qui tue soudainement, Dieu se rit des épreuves qui atteignent les justes. (…) Et si ce n’est pas lui, alors, qui est-ce donc? Job (Job 9: 20-24)
Les images horribles des bébés écrasés contre les arbres, je ne les ai pas reconnus au début. Mais il n’y a aucun gain à les garder, et ils pourraient se venger de vous. Kaing Guek Eav (alias Duch)
Dans certains des Psaumes l’esprit de haine nous frappe au visage comme la chaleur d’une fournaise. Dans d’autres cas, le même esprit cesse d’être effrayant mais c’est pour devenir (aux yeux de l’homme moderne) presque comique par sa naïveté. On trouve des exemples du premier dans tout le Psautier, mais le pire se trouve peut-être dans le psaume 109. Le poète prie pour qu’un homme impie domine son ennemi et que  » Satan  » se tienne à sa droite (5). Cela ne signifie probablement pas ce qu’un lecteur chrétien suppose naturellement. Le  » Satan  » est un accusateur, peut-être un délateur. Lorsque l’ennemi est jugé, qu’il soit reconnu coupable et condamné, « et que sa prière se transforme en péché » (6). Il s’agit encore, je pense, non pas de ses prières à Dieu, mais de ses supplications à un juge humain, qui vont l’échauffer encore plus (double peine parce qu’il a supplié qu’on la réduise de moitié). Que ses jours soient rares, que son travail soit confié à quelqu’un d’autre (7). Quand il sera mort, que ses orphelins soient des mendiants (9). Qu’il cherche en vain dans le monde quelqu’un qui ait pitié de lui (11). Que Dieu se souvienne toujours contre lui des péchés de ses parents (13). Encore plus diabolique est le verset 137, par ailleurs magnifique, où une bénédiction est prononcée sur quiconque arrachera un bébé babylonien et lui battra la cervelle contre le trottoir (9). Et nous trouvons le raffinement de la malice dans le verset 69 : « Que leur table devienne un piège pour se prendre eux-mêmes au piège, et que ce qui aurait dû être leur richesse soit pour eux une occasion de chute ». Les exemples qui (chez moi en tout cas) ne peuvent manquer de faire sourire peuvent se produire de la façon la plus inquiétante dans les Psaumes que nous aimons ; après avoir poursuivi pendant onze versets dans un élan qui fait pleurer, il ajoute dans le douzième, presque comme une réflexion après coup : « et de ta bonté, tue mes ennemis ». Plus naïvement encore, presque puérilement, au milieu de son hymne de louange, il lance (19) « Ne vas-tu pas tuer les méchants, ô Dieu ? » – comme s’il était surprenant qu’un remède aussi simple aux maux humains ne soit pas venu à l’esprit du Tout-Puissant. Pire encore, dans « Le Seigneur est mon berger » (23), après le vert pâturage, les eaux du réconfort, la confiance assurée dans la vallée de l’ombre, nous tombons soudain sur (5) « Tu me prépareras une table contre ceux qui me troublent » – ou, comme le traduit le Dr Moffatt, « Tu es mon hôte, préparant un festin pour moi tandis que mes ennemis doivent regarder ». Le poète ne jouirait pas pleinement de sa prospérité actuelle si ces horribles Jones (qui avaient l’habitude de le regarder de haut) ne l’observaient pas et ne le détestaient pas. Ce n’est peut-être pas aussi diabolique que les passages que j’ai cités plus haut, mais la mesquinerie et la vulgarité, surtout dans un tel environnement, sont difficiles à supporter. (…) C’est faire preuve d’une monstrueuse simplicité d’esprit que de lire les malédictions des Psaumes sans autre sentiment que celui de l’horreur devant la barbarie des poètes. Elles sont en effet diaboliques. Mais il faut aussi penser à ceux qui les ont rendus tels. Leurs haines sont la réaction à quelque chose. Ces haines sont celles que la cruauté et l’injustice, par une sorte de loi naturelle, produisent. C’est, entre autres, ce que signifie l’injustice. Enlever à un homme sa liberté ou ses biens, c’est peut-être lui enlever son innocence, presque son humanité. Toutes les victimes ne vont pas se pendre comme M. Pilgrim ; elles peuvent vivre et haïr. Une autre idée m’a alors traversé l’esprit et m’a conduit dans une direction inattendue et d’abord malvenue. La réaction des psalmistes à la blessure, bien que profondément naturelle, est profondément erronée. On peut tenter de l’excuser en invoquant le fait qu’ils n’étaient pas chrétiens et qu’ils ne savaient pas ce qu’il en était. Mais il y a deux raisons pour lesquelles cette défense, bien qu’elle aille dans un certain sens, n’ira pas très loin. La première est qu’au sein même du judaïsme, le correctif à cette réaction naturelle existait déjà. « Tu ne haïras pas ton frère dans ton coeur […], tu ne te vengeras pas et tu ne garderas pas de rancune contre les enfants de ton peuple, mais tu aimeras ton prochain comme toi-même », dit le Lévitique (19, 17, 18). Dans l’Exode, nous lisons : « Si tu vois l’âne de celui qui te hait couché sous son fardeau … tu le secourras » et « si tu rencontres le bœuf ou l’âne de ton ennemi qui s’égare, tu le lui ramèneras » (23, 4, 5). « Ne te réjouis pas quand ton ennemi tombe, et que ton cœur ne se réjouisse pas quand il trébuche » (Proverbes 24, 17). Et je n’oublierai jamais ma surprise lorsque j’ai découvert pour la première fois que le « Si ton ennemi a faim, donne-lui du pain », etc. de saint Paul est une citation directe du même livre (Proverbes 25, 21). Mais c’est l’une des récompenses de la lecture régulière de l’Ancien Testament. On découvre de plus en plus à quel point le Nouveau Testament est un tissu de citations, à quel point Notre Seigneur a constamment répété, renforcé, poursuivi, affiné et sublimé l’éthique judaïque, à quel point il a rarement introduit une nouveauté. Tout cela était bien sûr parfaitement connu, voire évident, pour des millions de chrétiens incultes, tant que la lecture de la Bible était habituelle. De nos jours, on semble l’avoir tellement oublié que les gens pensent qu’ils ont en quelque sorte discrédité Notre Seigneur s’ils peuvent montrer qu’un document préchrétien (ou qu’ils considèrent comme préchrétien) tel que les manuscrits de la mer Morte l’a « anticipé ». Comme si nous supposions qu’Il était un bon à rien comme Nietzsche inventant une nouvelle éthique ! Tout bon enseignant, au sein du judaïsme comme à l’extérieur, l’a anticipé. Toute l’histoire religieuse du monde pré-chrétien, dans son meilleur côté, l’anticipe. Il ne pouvait en être autrement. La Lumière qui a éclairé chaque homme depuis le début peut briller plus clairement mais ne peut pas changer. L’Origine ne peut pas soudainement commencer à être, au sens populaire du terme, « originale ». (…) La seconde raison est plus inquiétante. Si nous excusons les poètes des Psaumes sous prétexte qu’ils n’étaient pas chrétiens, nous devrions pouvoir montrer que les auteurs païens expriment le même genre de choses et pire encore (….) Je peux trouver en eux de la lascivité, une bonne dose d’insensibilité brutale, une froide cruauté qui va de soi pour eux, mais certainement pas cette fureur ou cette profusion de haine…. La première impression que l’on en retire est que les Juifs étaient bien plus vindicatifs et acerbes que les païens. Lorsque nous rencontrons une difficulté, nous pouvons toujours nous attendre à ce qu’une découverte nous attende. Là où il y a de la couverture, nous espérons du gibier. Cette difficulté particulière mérite d’être explorée. Il semble qu’il existe une règle générale dans l’univers moral qui peut être formulée comme suit : « Plus on est haut, plus on est en danger ». L' »homme sensuel moyen » qui est parfois infidèle à sa femme, parfois pompette, toujours un peu égoïste, de temps en temps (dans les limites de la loi) un peu tranchant dans ses transactions, est certainement, selon les normes ordinaires, un type « inférieur » à l’homme dont l’âme est remplie d’une grande Cause, à laquelle il subordonnera ses appétits, sa fortune, et même sa sécurité. Mais c’est du deuxième homme que l’on peut faire quelque chose de vraiment diabolique : un inquisiteur, un membre du Comité de sécurité publique. Ce sont les grands hommes, les saints potentiels, et non les petits hommes, qui deviennent des fanatiques impitoyables. Ceux qui sont prêts à mourir pour une cause peuvent facilement devenir ceux qui sont prêts à tuer pour elle. On voit le même principe à l’œuvre dans un domaine (comparativement) aussi peu important que la critique littéraire ; le travail le plus brutal, la haine la plus virulente de tous les autres critiques et de presque tous les auteurs, peut venir du critique le plus honnête et le plus désintéressé, de l’homme qui se soucie le plus passionnément et le plus désintéressément de la littérature. Plus les enjeux sont élevés, plus la tentation de perdre son sang-froid est grande. Nous ne devons pas surestimer l’innocuité relative des petites gens sensuels et frivoles. Ils ne sont pas au-dessus, mais au-dessous, de certaines tentations. De même, nous ne pouvons pas être certains que l’absence relative de vindicte chez les païens, bien qu’elle soit certainement une bonne chose en soi, soit un bon symptôme. J’en ai eu la preuve au cours d’un voyage de nuit effectué au début de la Seconde Guerre mondiale dans un compartiment rempli de jeunes soldats. Leur conversation montrait clairement qu’ils ne croyaient absolument pas à tout ce qu’ils avaient lu dans les journaux sur les cruautés du régime nazi. Ils tenaient pour acquis, sans discussion, qu’il ne s’agissait que de mensonges, de propagande mise en place par notre propre gouvernement pour « remonter le moral » de nos troupes. Et ce qui est bouleversant, c’est que, croyant cela, ils n’ont pas exprimé la moindre colère. Que nos gouvernants attribuent faussement les pires crimes à certains de leurs concitoyens afin d’inciter d’autres de leurs concitoyens à verser leur sang leur paraissait aller de soi. Cela ne les intéressait même pas particulièrement. Ils n’y voyaient rien de mal. Or, il me semble que le plus violent des psalmistes – ou d’ailleurs n’importe quel enfant s’écriant « Mais ce n’est pas juste » – était dans une situation plus encourageante que ces jeunes gens. S’ils avaient perçu, et ressenti comme un homme devrait le faire, la méchanceté diabolique qu’ils croyaient que nos gouvernants commettaient, puis leur avaient pardonné, ils auraient été des saints. Mais ne pas la percevoir du tout, ne pas même être tenté par le ressentiment, l’accepter comme la chose la plus ordinaire au monde, relève d’une insensibilité terrifiante. Il est clair que ces jeunes gens n’avaient (sur ce sujet en tout cas) aucune conception du bien et du mal. Ainsi, l’absence de colère, en particulier de cette sorte de colère que nous appelons l’indignation, peut, à mon avis, être un symptôme des plus alarmants. Et la présence d’indignation peut être un bon symptôme. Même lorsque cette indignation se transforme en une amère vindicte personnelle, elle peut être un bon symptôme, même si elle est mauvaise en soi. C’est un péché, mais il montre au moins que ceux qui le commettent ne sont pas descendus au-dessous du niveau où la tentation de ce péché existe – tout comme les péchés (souvent assez épouvantables) du grand patriote ou du grand réformateur indiquent qu’il y a en lui quelque chose qui dépasse le simple moi. Si les Juifs maudissaient plus acérbement que les païens, c’était, je pense, au moins en partie parce qu’ils prenaient le bien et le mal plus au sérieux. En effet, si nous examinons leurs injures, nous constatons qu’ils sont généralement en colère non seulement parce que ces choses leur ont été faites, mais aussi parce que ces choses sont manifestement mauvaises, qu’elles sont détestables pour Dieu et pour la victime. La pensée du « Seigneur juste » – qui doit certainement haïr de tels actes autant qu’eux, qui doit donc certainement (mais comme il tarde terriblement !) « juger » ou se venger, est toujours présente, ne serait-ce qu’à l’arrière-plan. Parfois, il passe au premier plan, comme en 58, 9, 10 :  » Le juste se réjouira en voyant la vengeance… de sorte que l’on dira… « . Il y a sans doute un Dieu qui juge la terre ». Il s’agit de quelque chose de différent de la simple colère sans indignation – la rage presque animale. Il y a sans doute un Dieu qui juge la terre ». Il s’agit de quelque chose de différent de la simple colère sans indignation – la rage presque animale de découvrir que l’ennemi d’un homme lui a fait exactement ce qu’il aurait fait à son ennemi s’il avait été assez fort ou assez rapide. Car ici aussi, il est vrai que « plus on est haut, plus on est en danger ». Les Juifs ont péché en cette matière plus gravement que les païens, non pas parce qu’ils étaient plus éloignés de Dieu, mais parce qu’ils étaient plus proches de Lui. En effet, le surnaturel, en pénétrant dans l’âme humaine, lui ouvre de nouvelles possibilités de bien et de mal. À partir de là, la route bifurque : un chemin vers la sainteté, l’amour, l’humilité, l’autre vers l’orgueil spirituel, le pharisaïsme, le zèle persécuteur. Et il n’y a pas de retour possible aux vertus et aux vices ordinaires de l’âme non éveillée. Si l’appel divin ne nous rend pas meilleurs, il nous rendra bien pires. De tous les mauvais hommes, les mauvais hommes religieux sont les pires. De tous les êtres créés, le plus méchant est celui qui, à l’origine, se trouvait en présence immédiate de Dieu. Il semble qu’il n’y ait pas d’échappatoire à cela. Cela donne une nouvelle application aux paroles de notre Seigneur sur le fait de « compter le prix ». Car nous pouvons encore voir, dans les pires de leurs malédictions, comment ces vieux poètes étaient, en un sens, proches de Dieu. Bien qu’affreusement déformée par l’instrument humain, on peut entendre quelque chose de la voix divine dans ces passages. Non pas, bien sûr, que Dieu regarde ses ennemis comme ils le font : Il « ne veut pas la mort du pécheur ». Mais sans doute a-t-il pour le péché de ces ennemis l’implacable hostilité qu’expriment les poètes. Implacable ? Oui, non pas à l’égard du pécheur, mais à l’égard du péché. Il ne sera ni toléré ni excusé, aucun traité ne sera conclu avec lui. Cette dent doit être arrachée, cette main droite doit être amputée, si l’homme veut être sauvé. En ce sens, l’acharnement des Psalmistes est bien plus proche d’un côté de la vérité que de nombreuses attitudes modernes qui peuvent être prises, par ceux qui les adoptent, pour de la charité chrétienne. Elle est, par exemple, évidemment plus proche que l’indifférence morale totale des jeunes soldats. Elle est plus proche que la tolérance pseudo-scientifique qui réduit toute méchanceté à une névrose (bien que certaines méchancetés apparentes le soient). Elle contient même une parcelle de bon sens, absente chez la vieille femme présidant un tribunal pour enfants qui – je l’ai entendue moi-même – a dit à quelques jeunes voyous, condamnés pour un vol bien planifié à des fins lucratives (ils avaient déjà vendu le butin et certains avaient déjà été condamnés), qu’ils devaient, qu’ils devaient vraiment, renoncer à de telles « farces stupides ». Face à tout cela, les parties féroces des Psaumes nous rappellent que la méchanceté existe dans le monde et qu’elle est haïssable pour Dieu (si ce n’est pour ceux qui la commettent). Ainsi, aussi dangereuse que soit la déformation humaine, sa parole résonne également dans ces passages. C.S. Lewis
The final verse is omitted in this metricization, because its seemingly outrageous curse is better dealt with in preaching or group conversation. It should not be forgotten, especially by those who have never known exile, dispossession or the rape of people and land. John L. Bell
Ah, but Bacchus refuses to rock (did I mention the score was by Philip Glass?), preferring instead to cackle at his own jokes, supervillain-style. His devotees, the mad, enchanted Bacchants, are similarly unfun, anti-sensual, and non-ecstatic. They sport weird Kahlo unibrows and, in their lumpen orange jumpers, evoke the Balinese cast of Mamma Mia! These huffing, puffing, occasionally power-walking Maenads work tirelessly to infuse the show with a dread it assiduously resists, and they occasionally succeed, against all odds. But boy, can you feel them working. They’re reputed to tear animals limb from limb, but their « Bacchic dances » feel no more ominous than a lengthy jazzercise class—everyone seems to be counting beats or calories. Mackie sweats almost as hard, but he’s on a treadmill: Manly Pentheus sees the power of Dionysus demonstrated time and again, but can’t bring himself to acknowledge this androgynous god. Yet Mackie and Akalaitis never quite connect that stubbornness with a gripping interior psychology—the king’s all-too-obvious repression is played for easy laughs—and we hurtle toward tragedy without much at stake. Horror arrives on schedule, Dionysus collects his blood debt, and a mother, after murdering her son, holds his severed head aloft and wails, « I was mad, and now he is dead. » This should crush the audience, but it comes off as a summing-up. I received the information matter-of-factly, like a Google alert. After an hour and a half of strenuously literal choreography and two-dimensional line readings, can you blame me? This Bacchae has a way of staring the incomprehensible in the face … and falling gently asleep, as if nodding off watching the news or in the middle of halfhearted midweek sex. It’s proof that sometimes, when you look long into the abyss, the abyss yawns. Scott Brown
Il est utile de dissiper une opinion répandue, si souvent invoquée par les musulmans réformateurs comme par bon nombre d’intellectuels occidentaux : la Bible contiendrait encore plus de violence que le Coran, dans la mesure où elle contiendrait encore plus de passages où Dieu se montre cruel que le Livre saint de l’islam. C’est l’exemple type de l’incompréhension qui règne entre l’Occident et l’Orient, idée fixe que l’on retrouve tant dans le discours interreligieux que dans la doxa nihiliste. (…) la Bible relate l’histoire du peuple hébreu, narration parfois fastidieuse de mille pérégrinations effectuées sous le regard de Dieu. Que le texte comporte des scènes de massacre collectif, des meurtres, des viols, des supplices et des bains de sang est choquant à l’aune de l’universalisme contemporain tout en étant rigoureusement conforme à la tristesse du champ historique concerné. Christian Makarian
Il y a une quantité incroyable de violence dans des pièces telles que Médée ou les Bacchantes, dans la tradition dionysiaque dans son ensemble qui est centrée sur le lynchage. L’Iliade n’est rien d’autre qu’une chaîne d’actes de vengeance ; mais ce que C. S. Lewis et Nietzsche disent sur cette question est sans doute vrai si le problème est défini de la façon qu’ils le définissent, à savoir en termes non pas de pure quantité de violence exposée mais de l’intensité de la rancoeur ou du ressentiment. (…) Même si les Bacchantes d’Euripide ne sont pas loin de prendre la défense de la victime, en fin de compte elles ne le font pas. Le lynchage du roi Penthée de la propre main de sa mère et de ses sœurs est horrible certes, mais pas mauvais; il est justifié. Le  roi Penthée est coupable de s’immiscer dans les rituels religieux des Bacchantes, coupable de s’opposer au dieu Dionysos lui-même. René Girard
On dit que les Psaumes de la Bible sont violents, mais qui s’exprime dans les psaumes, sinon les victimes des violences des mythes : “Les taureaux de Balaam m’encerclent et vont me lyncher”? Les Psaumes sont comme une fourrure magnifique de l’extérieur, mais qui, une fois retournée, laisse découvrir une peau sanglante. Ils sont typiques de la violence qui pèse sur l’homme et du recours que celui-ci trouve dans son Dieu. René Girard
De nombreux commentateurs veulent aujourd’hui montrer que, loin d’être non violente, la Bible est vraiment pleine de violence. En un sens, ils ont raison. La représentation de la violence dans la Bible est énorme et plus vive, plus évocatrice, que dans la mythologie même grecque. (…) Il est une chose que j’apprécie dans le refus contemporain de cautionner la violence biblique, quelque chose de rafraîchissant et de stimulant, une capacité d’indignation qui, à quelques exceptions près, manque dans la recherche et l’exégèse religieuse classiques. (…) Un bon exemple d’un livre qui semble scandaleusement violent est celui des Psaumes. Beaucoup de psaumes sont non seulement violents mais pleins de haine et de ressentiment. Le narrateur se plaint qu’il a de nombreux ennemis injustes qui non seulement détruisent sa réputation mais menacent sa vie et l’agressent même physiquement. Dans certains des Psaumes, le narrateur est entouré par ces ennemis qui sont sur le point de le lyncher. Il les maudit, il les insulte; surtout il demande à Dieu de faire descendre le feu  et la destruction sur ces ennemis. L’intensité du ressentiment dans ces Psaumes est peut être bien la raison principale pourquoi Nietzsche voit dans la tradition judéo-chrétienne un ressentiment qui n’existe pas dans le monde païen. Ce sont les Psaumes dits de malédiction ou d’exécration. De nos jours afin de minimiser leur violence plusieurs Bibles les appellent « pénitentiels ». Ils ne sont pas du tout pénitentiels mais vengeurs. De nombreux commentateurs traditionnels et savants ont minimisé la violence de ces textes qu’ils considéraient comme une expression stéréotypée de la colère, une collection de clichés dépourvus de toute référence au monde réel. L’actuelle privation complète du référent  est le résultat d’un long processus au cours duquel tous les anciens textes et la réalité ont été de plus en plus désactivés. C’est une façon de se débarrasser complètement du problème ou de le transformer en un problème psychologique ou psychanalytique. Mais certains esprits libres parmi les croyants ont toujours souligné la violence dans ces prières. Il y a d’autres textes de la Bible qui interdisent aux êtres humains de prier Dieu pour la destruction de leurs ennemis, et c’est précisément ce que font ces Psaumes.  C. S. Lewis dans sa réflexions sur les Psaumes les trouve choquants et n’hésite pas à dire: Dans certains des Psaumes l’esprit de haine nous frappe au visage comme la chaleur d’une fournaise. Dans d’autres cas, le même esprit cesse d’être effrayant mais c’est pour devenir (aux yeux de l’homme moderne) presque comique par sa naïveté. Lewis trouve ces textes particulièrement problématiques étant donné que l’on ne retrouve pas cette intensité de haine dans l’écriture païenne : Si nous excusons les poètes des Psaumes sous prétexte qu’ils n’étaient pas chrétiens, nous devrions pouvoir montrer que les auteurs païens expriment le même genre de choses et pire encore (….) Je peux trouver en eux de la lascivité, une bonne dose d’insensibilité brutale, une froide cruauté qui va de soi pour eux, mais certainement pas cette fureur ou cette profusion de haine…. La première impression que l’on en retire est que les Juifs étaient bien plus vindicatifs et acerbes que les païens. Cette observation est très proche de ce que Nietzsche a dit de la Bible en ce qui concerne le paganisme mais C. S. Lewis ne semble pas percevoir la similitude. On pourrait bien sûr contester le jugement de C. S. Lewis. Il y a une quantité incroyable de violence dans des pièces telles que Médée ou les Bacchantes, dans la tradition dionysiaque dans son ensemble qui est centrée sur le lynchage. L’Iliade n’est rien d’autre qu’une chaîne d’actes de vengeance ; mais ce que C. S. Lewis et Nietzsche disent sur cette question est sans doute vrai si le problème est défini de la façon qu’ils le définissent il, à savoir en termes non pas de pure quantité de violence exposée mais de l’intensité de la rancoeur ou du ressentiment. Mais que signifie vraiment tout cela? C. S. Lewis se pose la question et en tire quelques remarques très pertinentes que, malheureusement, il ne développe pas suffisamment. Sa principale remarque est que le ressentiment envers les textes bibliques peut être motivé par de  réelles injustices  que les narrateurs de ces Psaumes devaient subir: « ces haines sont le genre de choses que produisent,  par une sorte de loi naturelle, la cruauté et l’injustice. » Lewis ne rejette pas automatiquement comme irréelle toute la violence et l’injustice dont se plaignent les narrateurs dans les Psaumes. Je suis très d’accord que cette violence doit être réelle. Mais alors si c’est vrai dans les Psaumes, il n’y a aucune raison de penser que la violence similaire dans la mythologie n’est pas réelle. De plus, la question demeure : si ces violences sont réelles dans les deux types de textes, comment se fait-il que dans les textes bibliques les victimes de ces violences expriment  pleinement  le profond ressentiment qu’ils ressentent, la haine que leurs bourreaux suscitent en eux ? (…) Beaucoup de lecteurs modernes sont choqués par la langue violente des narrateurs mais pas par la violence qui leur est infligée. Ils ne la prennent pas au sérieux. Ils voient la réaction violente mais purement verbale de la victime impuissante mais ils rejettent comme irréelle la violence des bourreaux, qu’ils considèrent tout simplement comme une langue classique et stéréotypée. En fait, certains savants allemands soutiennent qu’il doit s’agir là d’hallucinations. Pour obtenir un autre point de vue sur ce qui se passe dans les Psaumes, il ne faut pas hésiter à comparer cette violence avec celle que l’on retrouve dans la mythologie, dans la tradition dionysiaque, par exemple et aussi dans les mythes archaïques du monde entier. (…) Une fois que nous nous rendons compte que nous avons à faire au même phénomène social dans la Bible que la mythologie, à savoir la foule hystérique qui ne se calmera pas tant qu’elle n’aura pas lynché une victime, nous ne pouvons manquer de prendre conscience du fait de la grande singularité biblique, même de son caractère unique. (…) Dans la mythologie, la violence collective est toujours représentée à partir du point de vue de l’agresseur et donc on n’entend jamais les victimes elles-mêmes. On ne les entend jamais se lamenter sur leur triste sort et maudire leurs persécuteurs comme ils le font dans les Psaumes. Tout est raconté du point de vue des bourreaux. (…) Pas étonnant que les mythes grecs, les épopées grecques et les tragédies grecques sont toutes sereines, harmonieuses et non perturbées. (…) Pour moi, les Psaumes racontent la même histoire de base que les mythes mais retournée, pour ainsi dire. (…) Les Psaumes d’exécration ou de malédiction sont les premiers textes dans l’histoire qui permettent aux victimes, à jamais réduites au silence dans la mythologie, d’avoir une voix qui leur soit propre. (…) Ces victimes ressentent exactement la même chose que Job. Il faut décrire le livre de Job, je crois, comme un psaume considérablement élargi de malédiction. Si Job était un mythe, nous aurions seulement le point de vue des amis. (…) La critique actuelle de la violence dans la Bible ne soupçonne pas que la violence représentée dans la Bible peut être aussi dans les évènements derrière la mythologie, bien qu’invisible parce qu’elle est non représentée. La Bible est le premier texte à représenter la victimisation du point de vue de la victime, et c’est cette représentation qui est responsable, en fin de compte, de notre propre sensibilité supérieure à la violence. Ce n’est pas le fait de notre intelligence supérieure ou de notre sensibilité. Le fait qu’aujourd’hui nous pouvons passer jugement sur ces textes pour leur violence est un mystère. Personne d’autre n’a jamais fait cela dans le passé. C’est pour des raisons bibliques, paradoxalement, que nous critiquons la Bible. (…) Alors que dans le mythe, nous apprenons le lynchage de la bouche des persécuteurs qui soutiennent qu’ils ont bien fait de lyncher leurs victimes, dans la Bible nous entendons la voix des victimes elles-mêmes qui ne voient nullement le lynchage comme une chose agréable et nous disent en des mots extrêmement violents, des mots qui reflètent une réalité violente qui est aussi à l’origine de la mythologie, mais qui restant invisible, déforme notre compréhension générale de la littérature païenne et de la mythologie. René Girard

Et si entre les violents psaumes et les gentils mythes, c’était la sérénité mythique qui opprimait et la violence biblique qui affranchissait? 

Suite à notre dernier billet sur la polémique Soler  …

Et en cette journée du jeûne de Tammouz où nos amis juifs demandent pardon pour la faute du Veau d’or commise lors du don même de la Loi …

Pendant que, notamment dans leur position envers Israël, nos églises chrétiennes n’en ont apparemment toujours pas fini de la confusion mentale où elles semblent s’être durablement installées  …

Mais que progresse, jusque sur le terrain sportif à la veille des Olympiades de Londres, le contre-universalisme du voile …

Retour, avec René Girard, sur cette étrange catégorie de textes bibliques appelés Psaumes et notamment les psaumes dits « de malédiction et d’exécration ».

Traces quasi-fossiles apparemment de véritables rituels (peut-être, originairement, à caractère ordalique?) du Temple où, selon la pratique des villes-refuges, les victimes acculées par la rumeur ou la cabale publique venaient, en dernier recours et toute une nuit durant, chercher le soulagement que les tribunaux normaux n’avaient pu leur accorder …

Plaidant et criant tour à tour devant les prêtres, à l’instar d’un Job qui en serait la forme la plus élaborée ou d’un Jésus agonisant qui les reprendra partiellement, leur cause, leur innocence mais aussi leurs imprécations (non dénuées peut-être de connotations magiques à une époque où la parole était perçue comme directement agissante) face à leurs accusateurs, avant le matin venu, leur joie de la délivrance …

Ces fameux psaumes vengeurs donc mais qualifiés pudiquement aujourd’hui,  quand ils ne sont pas ravalés à de pures « hallucinations », de « pénitentiels » par nombre de chercheurs  et exégètes de la religion …

Passant de ce fait à côté, eux aussi, de ce qui fait la supériorité et même le caractère unique de ces textes par rapport à leurs inspirateurs ou contemporains babyloniens ou grecs.

A savoir, derrière la fourrure magnifique des mythes et la peau sanglante des psaumes, le fait que ce que la mythologie gagne en (apparente) sérénité, elle le paie en fait en plus grand mensonge et violence cachée …

Alors que ce que la pensée biblique perd en plus grande violence (apparente) ou en tout cas en ressentiment (affiché), elle le gagne en fait en vérité anthropologique et éthique …

La violence dans le récit biblique

traduit au babelfish

René Girard

Philosophy and Literature

Vol. 22, no 2

octobre 1999

De nombreux commentateurs veulent aujourd’hui montrer que, loin d’être non violente, la Bible est vraiment pleine de violence. En un sens, ils ont raison. La représentation de la violence dans la Bible est énorme et plus vive, plus évocatrice, que dans la mythologie même grecque. Si on compare les textes judaïques aux textes païens, nous trouvons que le montant de la violence représentée est plus grand dans le premier que dans le second. Certains défenseurs de la Bible disent que la critique actuelle de sa violence manque de perspective historique parce qu’elle ne tient aucun compte du fait que, dans notre monde, beaucoup de gens qui écrivent sur la Bible sont devenus extrêmement sensibles à la violence, beaucoup plus sensibles qu’à tout autre moment du passé. En fait, nous devrions veiller à ne pas projeter les valeurs et attitudes modernes sur des textes archaïques.

Bien sûr, il y a beaucoup de vérité dans cette opinion, mais c’est une mauvaise défense de la Bible du point de vue des croyants. Si nous avons à dire que la Bible est pleine de violence parce que c’est le produit d’une culture de violence, comment pouvons nous attribuons à la Bible un rôle positif dans la lutte contre la violence ? Comment peut-on dire que la lecture de la Bible nous rend meilleurs, ce que croient les juifs et les chrétiens. Il y a quelque chose que j’apprécie dans le refus contemporain de cautionner la violence biblique, quelque chose de rafraîchissant et de stimulant, une capacité d’indignation qui, à quelques exceptions près, manque dans la recherche et l’exégèse religieuse classiques. Les croyants se doivent de proposer une meilleure réponse qu’une réponse sociologique au risque d’arriver au résultat opposé à ce qu’ils recherchent. Pour moi, il y a une meilleure réponse qu’une lecture purement socioculturelle ou socio-historique de la Bible et, en un sens, mon propre travail est une tentative de trouver cette réponse.

Un bon exemple d’un livre qui semble scandaleusement violent est celui des Psaumes. Beaucoup de psaumes sont non seulement violents mais pleins de haine et de ressentiment. Le narrateur se plaint qu’il a de nombreux ennemis injustes qui non seulement détruisent sa réputation mais menacent sa vie et l’agressent même physiquement. Dans certains des Psaumes, le narrateur est entouré par ces ennemis qui sont sur le point de le lyncher. Il les maudit, il les insulte; surtout il demande à Dieu de faire descendre le feu  et la destruction sur ces ennemis.

L’intensité du ressentiment dans ces Psaumes est peut être bien la raison principale pourquoi Nietzsche voit dans la tradition judéo-chrétienne un ressentiment qui n’existe pas dans le monde païen. Ce sont les Psaumes dits de malédiction ou d’exécration. De nos jours afin de minimiser leur violence plusieurs Bibles les appellent « pénitentiels ». Ils ne sont pas du tout pénitentiels mais vengeurs.

De nombreux commentateurs traditionnels et savants ont minimisé la violence de ces textes qu’ils considéraient comme une expression stéréotypée de la colère, une collection de clichés dépourvus de toute référence au monde réel. L’actuelle privation complète du référent  est le résultat d’un long processus au cours duquel tous les anciens textes et la réalité ont été de plus en plus désactivés. C’est une façon de se débarrasser complètement du problème ou de le transformer en un problème psychologique ou psychanalytique. Mais certains esprits libres parmi les croyants ont toujours souligné la violence dans ces prières. Il y a d’autres textes de la Bible qui interdisent aux êtres humains de prier Dieu pour la destruction de leurs ennemis, et c’est précisément ce que font ces Psaumes.  C. S. Lewis dans sa réflexions sur les Psaumes les trouve choquants et n’hésite pas à dire: Dans certains des Psaumes l’esprit de haine nous frappe au visage comme la chaleur d’une fournaise. Dans d’autres cas, le même esprit cesse d’être effrayant mais c’est pour devenir (aux yeux de l’homme moderne) presque comique par sa naïveté.1 Lewis trouve ces textes particulièrement problématiques étant donné que l’on ne retrouve pas cette intensité de haine dans l’écriture païenne :

 Si nous excusons les poètes des Psaumes sous prétexte qu’ils n’étaient pas chrétiens, nous devrions pouvoir montrer que les auteurs païens expriment le même genre de choses et pire encore (….) Je peux trouver en eux de la lascivité, une bonne dose d’insensibilité brutale, une froide cruauté qui va de soi pour eux, mais certainement pas cette fureur ou cette profusion de haine…. La première impression que l’on en retire est que les Juifs étaient bien plus vindicatifs et acerbes que les païens.2

Cette observation est très proche de ce que Nietzsche a dit de la Bible en ce qui concerne le paganisme mais C. S. Lewis ne semble pas percevoir la similitude.

On pourrait bien sûr contester le jugement de C. S. Lewis. Il y a une quantité incroyable de violence dans des pièces telles que Médée ou les Bacchantes, dans la tradition dionysiaque dans son ensemble qui est centrée sur le lynchage. L’Iliade n’est rien d’autre qu’une chaîne d’actes de vengeance ; mais ce que C. S. Lewis et Nietzsche disent sur cette question est sans doute vrai si le problème est défini de la façon qu’ils le définissent il, à savoir en termes non pas de pure quantité de violence exposée mais de l’intensité de la rancoeur ou du ressentiment.

Mais que signifie vraiment tout cela? C. S. Lewis se pose la question et en tire quelques remarques très pertinentes que, malheureusement, il ne développe pas suffisamment. Sa principale remarque est que le ressentiment envers les textes bibliques peut être motivé par de  réelles injustices  que les narrateurs de ces Psaumes devaient subir: « ces haines sont le genre de choses que produisent,  par une sorte de loi naturelle, la cruauté et l’injustice.»3

Lewis ne rejette pas automatiquement comme irréelle toute la violence et l’injustice dont se plaignent les narrateurs dans les Psaumes. Je suis très d’accord que cette violence doit être réelle. Mais alors si c’est vrai dans les Psaumes, il n’y a aucune raison de penser que la violence similaire dans la mythologie n’est pas réelle. De plus, la question demeure : si ces violences sont réelles dans les deux types de textes, comment se fait-il que dans les textes bibliques les victimes de ces violences expriment  pleinement  le profond ressentiment qu’ils ressentent, la haine que leurs bourreaux suscitent en eux ?

Si nous examinons les Psaumes dans lequel se produisent les expressions les plus violentes de la haine, nous allons trouver, je soupçonne, que le narrateur est abandonné de tous et entouré de nombreux ennemis puissants qui non seulement détruisent sa réputation, mais essaient de le détruire physiquement, même de le lyncher. La haine dans ces Psaumes est en réponse au désespoir vécu par un homme qui est devenu, pour une raison quelconque, la victime de l’ensemble de sa communauté, ce que nous appelons le bouc émissaire de cette communauté.

Beaucoup de lecteurs modernes sont choqués par la langue violente des narrateurs mais pas par la violence qui leur est infligée. Ils ne la prennent pas au sérieux. Ils voient la réaction violente mais purement verbale de la victime impuissante mais ils rejettent comme irréelle la violence des bourreaux, qu’ils considèrent tout simplement comme une langue classique et stéréotypée. En fait, certains savants allemands soutiennent qu’il doit s’agir là d’hallucinations.

Pour obtenir un autre point de vue sur ce qui se passe dans les Psaumes, il ne faut pas hésiter à comparer cette violence avec celle que l’on retrouve dans la mythologie, dans la tradition dionysiaque, par exemple et aussi dans les mythes archaïques du monde entier. Tous les épisodes de la tradition dionysiaque sans une seule exception sont centrés sur une foule qui est très turbulente, très agitée, et qui tue une victime  à l’unanimité. La preuve que le mot de « lynchage » n’ est pas une exagération  se trouve, je crois, dans la tragédie que je considère comme la plus importante du point de vue de la violence, la grande tragédie de lynchage, les Bacchantes d’Euripide.

Si l’on met ensemble les Bacchantes et les Psaumes de malédiction, l’on prend conscience qu’ils décrivent le même type de drame collectif : une seule victime arbitraire, un bouc émissaire unique devient la cible d’une foule entière déchainée, une foule qui est furieuse pour des motifs évidemment étrangers à ceux qu’elle invoque pour expulser violemment ou  tuer la victime, le parricide et l’inceste par exemple, ou la fornication bestiale, ou quelque autre crime caractéristique des foules déchainées.

La violence collective n’est pas le monopole de la mythologie grecque ou du monde biblique. Si l’on prend la peine d’examiner les mythes qui prennent naissance dans les sociétés archaïques du monde entier, on reconnaît que la plupart des mythes de fondation et des histoires d’origine se trouvent aussi ancrés dans des phénomènes de foule, de troubles sociaux. Les phénomènes de foule sont plus fréquents, je crois, dans les sociétés archaïques que les anthropologues et les autres spécialistes le réalisent. Ils semblent se produire dans les mythes du monde entier.

Le lynchage du héros est le plus fréquent dans la mythologie, et il est souvent transfiguré ou attribué aux animaux que nous trouvons dans les métaphores des Psaumes : la meute de chiens, les taureaux qui chargent, les lions et même les abeilles qui bourdonnent autour de tête de la victime et le piquent de tous côtés. Tous les animaux qui vivent en meute et qui chassent ou chargent collectivement sont utilisés partout dans le monde comme des métaphores de la foule du lynchage–les bisons en Amérique du Nord, les kangourous en Australie, les loups, les vautours, etc. dans d’autres parties du monde.

 Une fois que nous nous rendons compte que nous avons affaire au même phénomène social dans la Bible comme dans la mythologie, à savoir la foule hystérique qui ne se calmera pas tant qu’elle n’aura pas lynché une victime, nous ne pouvons manquer de prendre conscience du fait de la grande singularité biblique, même de son caractère uniqueDans les mythes, les victimes uniques peuvent finalement être transformées en des sortes de divinités ou en figures transcendantales. Mais, d’abord et avant tout, elles sont considérées comme coupables. Elles sont toujours condamnées à juste titre et leur lynchage est justifié.

Même si les Bacchantes d’Euripide ne sont pas loin de prendre la défense de la victime, en fin de compte elles ne le font pas. Le lynchage du roi Penthée de la propre main de sa mère et de ses sœurs est horrible certes, mais pas mauvais ; il est justifié. Le  roi Penthée est coupable de s’immiscer dans les rituels religieux des Bacchantes, coupable de s’opposer au dieu Dionysos lui-même.

 Dans la mythologie, la violence collective est toujours représentée à partir du point de vue de l’agresseur et donc on n’entend jamais les victimes elles-mêmes. On ne les entend jamais se lamenter sur leur triste sort et maudire leurs persécuteurs comme ils le font dans les Psaumes. Tout est raconté du point de vue des bourreaux.

Pas étonnant que les mythes grecs, les épopées grecques et les tragédies grecques sont toutes sereines, harmonieuses et non perturbées. Dans les cultures païennes, les persécuteurs sont en charge. Nous n’entendons jamais les victimes. Nous n’entendons que les persécuteurs qui ont toujours le dernier mot, et qui ne sont pas au courant de leur propre violence arbitraire.

Les Psaumes, à mon avis, racontent la même histoire de base que les mythes mais retournée, pour ainsi dire.  Ils sont comme un manteau de fourrure superbe. Si vous retournez le vêtement intérieur vers l’extérieur, vous verrez peut-être encore des traces de sang et vous prendrez conscience qu’à un moment donné dans le passé, le vêtement faisait partie d’une créature vivante et que celle-ci devait être tuée pour produire le beau manteau à venir.

Voilà comment je vois la relation entre la mythologie et de nombreux textes bibliques. Ces derniers insistent sur les aspects désagréables et violents de ce qui se passe dans une société afin d’arriver au genre d’ordre que symbolise la mythologie. Les critiques contemporains assimilent la violence d’un texte à sa représentation. À mon avis, c’est une théorie naïve. L’expression manifeste de la violence et du ressentiment dans la Bible ne démontre pas que la violence de la Bible est supérieure à la violence de la mythologie. La vérité est tout le contraire.
Les Psaumes d’exécration ou de malédiction sont les premiers textes dans l’histoire qui permettent aux victimes, à jamais réduites au silence dans la mythologie, d’avoir une voix qui leur soit propre. Naturellement ces boucs émissaires spontanés se sentent horriblement trahis par leurs amis, leurs voisins, même les membres de leur famille. Et ceci n’est pas étonnant. Ils sont victimes de tout le monde sans exception à l’intérieur de leur propre communauté.
Ce n’est pas un ennemi qui m’outrage,
je le supporterais;
Ce n’est pas mon adversaire qui s’élève contre moi,
Je me cacherais devant lui.
C’est toi, que j’estimais mon égal,
Toi, mon confident et mon ami!
(Psaume 55: 12-13)
Ces victimes ressentent exactement la même chose que Job. Il faut décrire le livre de Job, je crois, comme un psaume considérablement élargi de malédiction. Si Job était un mythe, nous aurions seulement le point de vue des amis.
La critique actuelle de la violence dans la Bible ne soupçonne pas que la violence représentée dans la Bible peut-être aussi dans les évènements derrière la mythologie, bien qu’invisible parce qu’elle est non représentée. La Bible est le premier texte à représenter la victimisation du point de vue de la victime, et c’est cette représentation qui est responsable, en fin de compte, de notre propre sensibilité supérieure à la violence. Ce n’est pas le fait de notre intelligence supérieure ou de notre sensibilité. Le fait qu’aujourd’hui nous pouvons passer jugement sur ces textes pour leur violence est un mystère. Personne d’autre n’a jamais fait cela dans le passé. C’est pour des raisons bibliques, paradoxalement, que nous critiquons la Bible.
Laissez-moi résumer tout ça en une seule  phrase. Alors que dans le mythe, nous apprenons le lynchage de la bouche des persécuteurs qui soutiennent qu’ils ont bien fait de lyncher leurs victimes, dans la Bible nous entendons la voix des victimes elles-mêmes qui ne voient nullement le lynchage comme une chose agréable et nous disent en des mots extrêmement violents, des mots qui reflètent une réalité violente qui est aussi à l’origine de la mythologie, mais qui restant invisible, déforme notre compréhension générale de la littérature païenne et de la mythologie.
Voir aussi en anglais:

And if between the violent Psalms and the the nice myths, it was the mythical serenity which oppressed and the biblical violence which liberated?

Following our last post on the Soler controversy …

And on this day of the 17th of Tammuz fast when our Jewish friends ask forgiveness for the sin of the golden calf made in the gift of their Law…

While, notably intheir position on Israel, our Christian churches are apparently not through with the mental confusion where they seem to have durably settled …

Let’s look back, with René Girard, on this strange category of biblical texts called Psalms and especially the « cursing and execration » Psalms.

Quasi-fossile traces of apparently true Temple rituals (perhaps, originally, ordeal-like?) where, according to the practice of sanctuary/asylum cities, the cornered and anguished victims of public rumour or cabal came, as a last resort and overnight, seek the relief that the normal courts couldn’t give them…

Pleading and shouting in turn before the priests, like Job whose book would be the most elaborate form or a dying Jesus who would partially repeat their words, their cause, their innocence but also their imprecations (with their perhaps orignially magical overtones at a time when words were seen as directly active) to their accusers, before the coming of the morning and their joy of delivrance…

These famous venging Psalms but coyly qualified today, when they’re not relegated as pure « hallucinations », of « penitential » by a number of researchers and scholars of religion…

Thus blinding them, too, to what makes the superiority and the unique nature of these texts on their Babylonian or Greek inspirators or contemporaries.

Namely, behind the myths’ magnificent fur and the Psalms’ bloody skin, the fact that what mythology wins in (apparent) serenity, it pays more in mendacious and hidden violence…

While what biblical thought loses in (apparently) larger violence, it wins in fact anthropological and ethical truth…

Violence in Biblical Narrative

René Girard

Philosophy and Literature

23.2 1999

The Johns Hopkins University Press

Many commentators today want to show that far from being nonviolent, the Bible is really full of violence. In a sense, they are right. The representation of violence in the Bible is enormous and more vivid, more evocative, than in mythology and even Greek tragedy. If we compare Judaic texts to pagan ones, we find that the amount of represented violence is greater in the first than in the second. Some defenders of the Bible say that current criticism of its violence lacks historical perspective because it makes no allowance for the fact that in our world many people who write about the Bible have become extremely sensitive to violence, much more sensitive than at any time in the past. We should, in fact, be careful not to project modern values and attitudes back upon archaic texts.

There is a lot of truth in this view, of course, but it is a poor defense of the Bible from the standpoint of religious believers. If we have to say that the Bible is full of violence because it is the product of a violent culture, how can we attribute to the Bible a positive role in the battle against violence? How can we say that reading the Bible makes us better, which is what Jews and Christians believe. There is something I like in the contemporary refusal to condone biblical violence, something refreshing and challenging, a capacity for indignation that, with a few exceptions, is lacking in standard scholarship and religious exegesis. Believers must come up with a better answer than a sociological one or they will defeat their own purpose. I think there is a better answer than reading the Bible from within the contemporary cultural milieu and, in a sense, my own work is an attempt to find that answer.

A good example of a book that seems scandalously violent is the Book of Psalms. Many psalms are not only violent but full of hatred and resentment. The narrator complains that he has many unjust enemies who not only destroy his reputation but threaten his life and even physically assault him. In some of the psalms the narrator is surrounded by these enemies who are about to lynch him. He curses them, he insults them; above all he asks God to rain fire and destruction on these enemies.

The intensity of resentment in these psalms may well be the main reason why Nietzsche sees in the Judeo-Christian tradition a resentment which does not exist in the pagan world. These are the so-called psalms of malediction or execration. Nowadays in order to minimize their violence many Bibles call them « penitential. » They are not penitential at all but vengeful.

Many traditional and scholarly commentators minimized the violence of these texts which they regarded as a stereotyped expression of anger, a collection of clichés devoid of any referent in the real world. The complete denial of the referent right now is the end product of a long process during which the reality behind all ancient texts has been more and more de-emphasized. This is a way of getting rid of the problem entirely or of turning it into a psychological or psychoanalytical problem. But some free spirits among the believers have always underlined the violence in these prayers. There are other texts in the Bible that forbid human beings to pray to God for the destruction of their enemies, and this is precisely what these psalms do. C. S. Lewis in his Reflections on the Psalms finds them shocking and does not hesitate to say so: « In some of the Psalms the spirit of hatred which strikes us in the face is like the heat from a furnace mouth. In others the same spirit ceases to be frightful only by becoming (to a modern mind) almost comic in its naïveté. »1 Lewis finds these texts especially problematic in view of the fact that this intensity of hatred is not found in pagan writing:

If we are to excuse the poets of the Psalms on the grounds that they were not Christians, we ought to be able to point to the same sort of thing, and worse, in pagan authors. . . . I can find in them lasciviousness, much brutal insensibility, cold cruelties taken for granted, but not this fury or luxury of hatred. . . . One’s first impression is that the Jews were much more vindictive and vitriolic than the pagans.2

This observation is very close to what Nietzsche says about the Bible in relation to paganism but C. S. Lewis does not seem to be aware of the similarity. One could argue, of course, with C. S. Lewis’s judgment. There is an unbelievable amount of violence in such plays as Medea or The Bacchae, in the Dionysiac tradition as a whole which is centered on lynching. The Iliad is nothing but a chain of acts of revenge; yet what C. S. Lewis and Nietzsche say on this question is undoubtedly true if the problem is defined in the manner they define it, namely in terms not of the sheer amount of violence exhibited but of the intensity of resentment, or ressentiment.

But what does all this really mean? C. S. Lewis asks himself this question and makes some very good points which, unfortunately, he does not develop sufficiently. His main point is that the resentment in biblical texts may be motivated by real injustices that the narrators of these psalms had to suffer: « Such hatreds are the kind of things that cruelty and injustice, by a sort of natural law, produce. »3

Lewis does not automatically dismiss as unreal all the violence and injustice that the narrators in the psalms complain about. I agree very much that this violence must be real. But then if it is real in the psalms, there is no reason to think that similar violence in mythology is unreal. Moreover, the question remains: if these violences are real in both types of texts, why is it only in the biblical texts that the victims of these violences fully express the deep resentment they feel, the hatred that their victimizers arouse in them?

If we look at the psalms in which the most violent expressions of hatred occur, we will find, I suspect, that the narrator is abandoned by all and surrounded by many powerful enemies who not only destroy his reputation but try to destroy him physically, even to lynch him. The hatred in these psalms is in response to the despair experienced by a man who has become, for whatever reason, the victim of his entire community, what we would call the scapegoat of this community.

Many modern readers are shocked by the violent language of the narrators but not by the violence inflicted upon them. They do not take it seriously. They see the violent but purely verbal response of the impotent victim but they dismiss as unreal the violence of the victimizers, which they regard simply as conventional, stereotyped language. As a matter of fact, some German scholars maintain that it must be hallucination.

In order to get another perspective on what is going on in the psalms, it is a good idea to compare this violence with the violence one finds in mythology, in the Dionysiac tradition, for instance, and also in archaic myths all over the world. All episodes of the Dionysiac tradition without a single exception are centered upon a crowd that is very unruly, very agitated, and which unanimously murders some victim. Proof that the word « lynching » is no exaggeration is available, I believe, in the tragedy which I regard as the most important from the standpoint of violence, the great tragedy of lynching, The Bacchae of Euripides.

If we bring together The Bacchae and the psalms of malediction, we become aware that they describe the same type of collective drama: a single arbitrary victim, a single scapegoat becomes the target of an entire mob on the rampage, a mob that is infuriated for reasons obvi-ously alien to the one the mob invokes for violently expelling or killing the victim–parricide and incest for instance, or bestial fornication, or some other crime characteristic of crowds on the rampage.

Collective violence is not a monopoly of Greek mythology or the biblical world. If we look around and examine the myths that originate in archaic societies all over the world, we will recognize that most foundation myths and stories of origin must also be rooted in mob phenomena, in social disorders. Mob phenomena are more common, I believe, in archaic societies than anthropologists and other scholars realize. They seem to occur in myths all over the world.

The lynching of the hero is the most common occurrence in mythology and it is often transfigured or attributed to animals which we find in the metaphors of the psalms: the pack of dogs, the charging bulls, the lions and even the bees buzzing around the victim’s head and stinging him on all sides. All animals who live in large packs and who hunt or charge collectively are used all over the world as metaphors of the lynching mob–buffalo in North America, kangaroos in Australia, wolves, vultures, etc. in other parts of the world.

Once we realize that we must be dealing with the same social phenomenon in the Bible and in mythology, namely the hysterical mob that will not calm down until it has lynched a victim, we cannot fail to become aware of the fact of a great biblical singularity, even a uniqueness. In myths, single victims may ultimately be turned into some kind of divinity or transcendental figures. But, first and foremost, they are regarded as guilty. They are always justly condemned and their lynching is justified.

Even though Euripides’ The Bacchae comes close to taking the side of the victim, in the end it does not. The lynching of King Pentheus at the [End Page 390] hands of his mother and sisters is certainly horrible but not wrong; it is justified. King Pentheus is guilty of interfering with the religious rituals of the Bacchae, guilty of opposing the god Dionysus himself. In mythology, the collective violence is always represented from the standpoint of the victimizers and therefore the victims themselves are never heard. We never hear them bemoaning their sad fate and cursing their persecutors as they do in the psalms. Everything is recounted from the standpoint of the persecutors.

No wonder the Greek myths, the Greek epics and the Greek tragedies are all serene, harmonious, and undisturbed. In pagan cultures, the persecutors are in charge. We never hear the victims. We only hear the persecutors who always have the last word, and who are unaware of their own arbitrary violence.

The psalms, in my view, tell the same basic story as many myths but turned inside out, so to speak. They are like a beautiful fur coat. If you turn the garment inside out, you will perhaps still see traces of blood and you will become aware that, at some point in the past, the garment was part of a living creature that first had to be killed for the beautiful coat to come into being.

This is how I see the relationship between mythology and many biblical texts. The latter dwell on the unpleasant, violent aspects of what is going on in a society in order to have the kind of order mythology symbolizes. Contemporary critics equate the violence of a text with its representation. In my view this is theoretically naive. The overt expression of violence and resentment in the Bible does not demonstrate that the violence of the Bible is greater than the violence of mythology. The truth is just the reverse.

The psalms of execration or malediction are the first texts in history that enable victims, forever silenced in mythology, to have a voice of their own. These spontaneous scapegoats understandably feel horribly betrayed by their friends, their neighbors, even their relatives. And no wonder. They are victimized by everybody without exception inside their own community.

It is not an enemy who taunts me–

then I could bear it;

it is not an adversary who deals insolently with me–

then I could hide from him.

But it is you, my equal,

my companion, my familiar friend.

(Ps. 55. 12-13)

These victims feel exactly the way Job does. The Book of Job must be defined, I believe, as an enormously enlarged psalm of malediction. If Job were a myth, we would only have the viewpoint of the friends.

The current critique of violence in the Bible does not suspect that the violence represented in the Bible might also be there in the events behind mythology, although invisible because it is unrepresented. The Bible is the first text to represent victimization from the standpoint of the victim and it is this representation which is responsible, ultimately, for our own superior sensibility to violence. It is not our superior intelligence or sensitivity. The fact that today we can sit in judgment over these texts for their violence is a mystery. No one else has ever done that in the past. It is for biblical reasons, paradoxically, that we criticize the Bible.

Let me sum up in one sentence. Whereas in myth, we learn about lynching from the persecutors who maintain that they did the right thing in lynching their victims, in the Bible we hear from the victims themselves who do not see lynching as a nice thing and tell us so in extremely violent words, words that reflect a violent reality also responsible for mythology but which, remaining invisible, thereby distorts our understanding of mythology and pagan literature generally.

Stanford University

Notes

1. C. S. Lewis, Reflections on the Psalms (New York: Harcourt, Brace & World, 1958), p.

142.

2. Ibid., p. 145.

3. Ibid., p. 144.

Rene Girard – Violence in Biblical Narrative – Philosophy and Li… http://ida.lib.uidaho.edu:2162/journals/philosophy_and_literatur…

Voir également:

The God Must Be Crazy

Director Joanne Akalaitis returns to the Delacorte with a turgid Bacchae.

Scott Brown

NY Mag

Aug 27, 2009

Something is very wrong in the city of Thebes. You can sense it the second Dionysus (Jonathan Groff) changes his pants. In the split-second you catch sight of those three-for-five-dollar boxer-briefs, all is revealed—a great and terrible truth writ in flame: The god shops at Old Navy! Okay, I’m taking a cheap shot, but that image—nylon, anodyne, almost absurdly nonerotic—is the one that sticks with me, attached as it is to my dawning revelation that no one and nothing even remotely godlike will be making an appearance at the Delacorte Theater this August. The Bacchae, director Joanne Akalaitis’s return to the Public after a twenty-year exile, is, I’m sorry to say, a tyranny of tedium. Plodding, schematized, gravid with drowsy, earthbound literalism, this production repeatedly, almost autistically insists on the demented, the ineffable, the unsanitary, and the crazed, while evincing none of these things. A kind of trance state does eventually set in, but while Euripides almost certainly didn’t intend to furnish us with a traditional catharsis, he probably wasn’t aiming for catatonia either: Set your watch to Philip Glass’s score (a particularly phoned-in version of his familiar plate-spinning act, plus a couple of abortive arena-rock departures) and you’ll still swear you’ve been there much longer than 90-some minutes.

First, and in fairness, it should be noted that there’s no shortage of bad Bacchae interpretations, and no wonder: The play’s a tough chew. The meatiest role goes to a god—an oddity in Greek drama—and his presence at stage center disrupts the ecology of tragedy in all sorts of fascinating, apocalyptic, and dramatically frustrating ways. The human leads—priggish, practical King Pentheus (Anthony Mackie), his grandfather, the fading Theban founder Cadmus (George Bartenieff), and his mother, Agave (Joan Macintosh)—are wrong-footed and overmatched from the moment Dionysus arrives in Thebes, place of his cataclysmic birth, to wreak revenge. He’s the son of Zeus by Cadmus’ daughter Semele, for whom the union proved fatal: A smoking scar on the stage marks her grave. Dionysus himself was spirited away by his immortal baby daddy, sewn into Zeus’ thigh, and thus carried to term. But Pentheus, Agave, and the Theban elite don’t believe in this « upstart god, » whom the young king brands « a pervert. » And Dionysus is an ambiguous figure, of uncertain gender, parentage, and divinity. Groff and Akalaitis re-create him as an insecure hipster-metrosexual who’s a little bit Joker, a little bit Jonas Brother. He certainly suffers from an acute case of short-god syndrome. But when he boasts that he « came to this city of Greeks when I had set all Asia dancing, » and swings his mike stand Spring Awakening–style, we’re ready to lift our lighters, or our thyrses, whichever’s closest. All right! Rock us, Bacchus!

Ah, but Bacchus refuses to rock (did I mention the score was by Philip Glass?), preferring instead to cackle at his own jokes, supervillain-style. His devotees, the mad, enchanted Bacchants, are similarly unfun, anti-sensual, and non-ecstatic. They sport weird Kahlo unibrows and, in their lumpen orange jumpers, evoke the Balinese cast of Mamma Mia! These huffing, puffing, occasionally power-walking Maenads work tirelessly to infuse the show with a dread it assiduously resists, and they occasionally succeed, against all odds. But boy, can you feel them working. They’re reputed to tear animals limb from limb, but their « Bacchic dances » feel no more ominous than a lengthy jazzercise class—everyone seems to be counting beats or calories. Mackie sweats almost as hard, but he’s on a treadmill: Manly Pentheus sees the power of Dionysus demonstrated time and again, but can’t bring himself to acknowledge this androgynous god. Yet Mackie and Akalaitis never quite connect that stubbornness with a gripping interior psychology—the king’s all-too-obvious repression is played for easy laughs—and we hurtle toward tragedy without much at stake. Horror arrives on schedule, Dionysus collects his blood debt, and a mother, after murdering her son, holds his severed head aloft and wails, « I was mad, and now he is dead. » This should crush the audience, but it comes off as a summing-up. I received the information matter-of-factly, like a Google alert. After an hour and a half of strenuously literal choreography and two-dimensional line readings, can you blame me? This Bacchae has a way of staring the incomprehensible in the face … and falling gently asleep, as if nodding off watching the news or in the middle of halfhearted midweek sex. It’s proof that sometimes, when you look long into the abyss, the abyss yawns.

Voir enfin:

REFUGE (villes de)

1.

Emplacement et noms.

D’après Jos 20:7-9 six villes de Palestine ont été consacrées comme cités de refuge, trois à l’Ouest du Jourdain et trois à l’Est Elles n’ont pas été «…mises à-part», au hasard: il y en a deux au Nord, deux au Sud et deux au centre; d’aucune partie du pays on n’avait à faire plus de 50 kilomètres pour atteindre l’une ou l’autre. Puis ce n’étaient pas des villes quelconques, mais bien des endroits ayant une antique réputation de sainteté, antérieure même à la conquête. Les trois villes de refuge de l’Ouest étaient:

Kédès, dans la montagne de Nephthali; comme son nom l’indique(=la Sainte), c’était un ancien sanctuaire cananéen. Sichem, au pied du mont Garizim; son caractère sacré est prouvé par plus d’un passage biblique: d’après Ge 12:6, il y avait près de Sichem un bocage où l’on venait consulter les devins (Chênes de Moré); Abraham y éleva un autel (Ge 12:7) et Josué y dressa un menhir (Jos 24:26). Hébron, dans les monts de Juda, d’après No 13:22 l’une des plus anciennes villes de Palestine; avant qu’Abraham y dressât un autel, sous les chênes de Mamré (Ge 13:18), les Cananéens et les Héthiens (Hittites) y avaient longtemps adoré leurs dieux.

Les villes de refuge de l’Est sont moins connues. Golan était dans le territoire accordé à la demi-tribu de Manassé. Ramoth en Galaad se trouvait dans le pays attribué à Gad. Béther, dans la région donnée originairement à la tribu de Ruben. Les ennemis d’Israël ne cessèrent de lui disputer ces trois localités.

2.

Caractère et raison d’être.

La nécessité d’avoir en Israël des villes possédant un droit officiel d’asile est due à l’institution du gôël (voir Vengeur du sang).

Pour tout Israélite se trouvant dans l’embarras, son plus proche parent du côté masculin (père, oncle, cousin), appelé son gôël, devait venir à son secours: racheter un champ que dans un moment de détresse il avait dû abandonner à un créancier, le racheter lui-même si, pour non-paiement d’une dette, il était devenu esclave. En cas de mort violente de son parent, il était tenu de mettre lui-même à mort le meurtrier; il devenait alors le «vengeur du sang». En effet, la loi israélite ne connaissait pas de bourreaux chargés d’exécuter les gens coupables de meurtre. Le gôël, en accomplissant cet acte, faisait oeuvre de justice, tenue pour oeuvre sainte (No 35:33).

Cependant la mort pouvait être due à quelque accident: il avait pu y avoir homicide par imprudence; cela ne diminuait pas le devoir du gôël de poursuivre le meurtrier, mais la loi accordait à ce dernier une chance d’échapper à sa fureur.

(a) D’après la législation la plus ancienne, celle du Code de l’Alliance (Ex 21:1-23:19), l’homicide par imprudence pouvait chercher un refuge auprès d’un autel élevé à la divinité (Ex 21:13 et suivant). Chaque sanctuaire possédait le droit d’asile. Mais s’il s’agissait vraiment d’un meurtre commis avec préméditation, ou par suite d’un accès de haine, le coupable, sur décision du prêtre du sanctuaire, était arraché de l’autel et remis entre les mains du gôël. Nous avons deux exemples bibliques de cet usage de l’asile sacré: 1Ro 1:50 2:28.

(b) Il est à présumer que, dès les jours de Salomon, le roi ou les juges avaient «mis à part» comme lieux de refuge certains endroits: Hébron, Sichem, Kédès, etc. Quand le roi Josias eut opéré, en 621, sa réforme religieuse, tous les sanctuaires établis ici et là dans le pays durent disparaître, mais on ne songea pas à réserver le droit d’asile au seul temple de Jérusalem. Au contraire, on maintint l’institution des villes de refuge avec la réglementation qui avait été établie au sujet de l’exercice du droit d’asile. Ce sont ces règlements que nous trouvons dans De 19:1-13,Jos 20:4,6. Ils montrent le meurtrier qui, après avoir couru le long d’une route constamment maintenue en bon état (De 19:3), arrive à la porte de la ville de refuge. C’est là que l’occasion lui est donnée d’exposer son cas aux anciens.

Ceux-ci, s’ils acceptent sa défense, lui assignent une demeure. Quant à la question de ses moyens d’existence, dans une ville où il est étranger, le texte n’en dit rien.

Dans le cas d’un meurtrier volontaire, les choses se passaient autrement. Si les anciens de sa ville le réclamaient, les autorités de la ville de refuge devaient l’envoyer sous bonne garde dans son lieu d’origine; et les juges de cet endroit, après avoir éclairci la question et prononcé leur sentence, le livraient au vengeur du sang pour être exécuté.

(c) Le Code sacerdotal (P) compléta les dispositions du Code deutéronomique: voir No 35:9,34. Dans ce texte, pour la première fois, les villes susmentionnées sont officiellement appelées «villes de refuge» (verset 11). Ce Code précise l’attitude que doit prendre le meurtrier involontaire. Il stipule qu’il doit rester dans la cité de refuge jusqu’à la mort du grand-prêtre. Au décès de ce dernier, une amnistie générale suspend les droits et devoirs de tout gôël sur les réfugiés non coupables, mais il leur est bien recommandé de ne pas tenter de sortir avant un tel évènement de la banlieue de la ville où ils se sont réfugiés, car le gôël avait le droit de les mettre à mort.

Un autre article rappelle (No 35:30, cf. De 19:15) qu’il faut au minimum deux témoins pour établir la culpabilité d’un meurtrier, et que la déposition d’un seul témoin ne compte pas.

Il semble, d’après No 35:24, que désormais c’étaient les juges du lieu d’origine et non les anciens de la ville de refuge qui devaient décider si le meurtre pouvait être considéré comme involontaire. Dans ce cas ils renvoyaient l’inculpé dans la ville où il s’était réfugié.

Le Code sacerdotal défend très expressément tout arrangement financier entre le gôël et le réfugié: l’argent ne saurait racheter le sang versé! (No 35:32)

On remarquera que le caractère spécial des villes de refuge ne porta nulle atteinte à leur prestige, et c’est pourquoi elles peuvent être inscrites au nombre des villes lévitiques, prévues par Jos 20:3 et suivants, No 35:1 et suivants: celles qui, avec leur banlieue, devaient être attribuées par les diverses tribus aux membres de celle de Lévi. Cette dernière ordonnance paraît peu compatible avec les données de No 26:62 et avec le principe même sur lequel le Code sacerdotal a établi toute l’histoire des institutions théocratiques d’Israël: principe d’après lequel les descendants de Lévi devaient être exclus de tout droit de propriété en Israël. Aussi se demande-t-on dans quelle mesure la théorie des villes lévitiques et celle des villes de refuge ont pu être effectivement réalisées: jamais Israël ne posséda la totalité des territoires visés par ces lois.

Pour refuge, voir aussi Asile. Ch. B.

ASILE

Chez un grand nombre de peuples de l’antiquité comme encore aujourd’hui chez certaines peuplades d’Asie, d’Afrique, d’Amérique et d’Océanie, il existait des lieux de refuge où un homme poursuivi par ses ennemis ou ses justiciers pouvait, â certaines conditions, trouver la sécurité : en cet asile personne n’avait le droit de porter la main sur lui. Cette institution paraît avoir été particulièrement fréquente et avoir pris une importance spéciale dans les pays où régnait le droit de vengeance personnelle ou familiale (voir le mot : vengeance). L’asile était généralement un sanctuaire.

Les plus anciennes lois d’Israël font allusion au droit d’asile. En principe, un meurtrier doit toujours subir la peine capitale. Si l’homicide est prémédité, aucune considération ne sauvera l’assassin du châtiment qu’il aura mérité : on l’arrachera même à l’autel auprès duquel il aura pu chercher asile et on l’exécutera ; mais si l’homicide est accidentel, son auteur sera protégé par le sanctuaire où il se sera réfugié (Ex 21 : 12-14). L’histoire des premiers rois d’Israël renferme deux traits relatifs à cette institution. Lorsque Salomon monta sur le trône, Adonija, son frère aîné, qui aspirait à la royauté, eut peur du nouveau roi et « il saisit les cornes de l’autel » (voyez le mot : autel). Salomon lui ayant promis la vie sauve à condition qu’il se montrât honnête homme, le fugitif quitta le sanctuaire sans être molesté (1Ro 1 : 5-53). Mais on sait qu’il fut, plus tard, exécuté sur l’ordre de Salomon parce qu’il avait demandé à épouser Abishag, la Sunamite. A sa mère, qui lui présentait cette requête, le roi avait répondu : « Qu’attends-tu pour réclamer aussi la royauté pour ton protégé ? » Joab, chef des armées de David, qui avait suivi le parti d’Adonija, prit peur à son tour, « se réfugia vers la tente de Yahvé et saisit les cornes de l’autel ». Salomon ne lui fit pas grâce, mais ordonna qu’il fût tué dans le sanctuaire même (1Ro 2 13-35).

A l’époque où le culte fut centralisé à Jérusalem (sous le roi Josias, en 621), les lieux d’asile disparurent avec les sanctuaires provinciaux. On les remplaça par des « cités de refuge » (De 4 : 41-43 ; 19 : 1-13). Le principe du « refuge » est très nettement exprimé dans ces passages. « Un homme va couper du bois dans la forêt avec un autre homme ; la hache en main, il s’élance pour abattre un arbre ; le fer échappe du manche, atteint le compagnon de cet homme et lui donne la mort. Alors il s’enfuira dans l’une de ces villes pour sauver sa vie, de peur que le vengeur du sang, échauffé par la colère et poursuivant le meurtrier, ne finisse par l’atteindre s’il y avait à faire beaucoup de chemin, et ne frappe mortellement celui qui ne mérite pas la mort, puisqu’il n’était pas auparavant l’ennemi de son prochain… Mais si un homme s’enfuit dans une de ces villes après avoir dressé des embûches à son prochain par inimitié contre lui, après l’avoir attaqué et frappé de manière à causer sa mort, les anciens de sa ville l’enverront saisir et le livreront entre les mains du vengeur du sang, afin qu’il meure » (De 19 : 5-6, 11-12). Le « vengeur du sang », auquel fait allusion ce passage, est , le plus proche parent de l’homme qui a été tué. La coutume voulait qu’il poursuivit le meurtrier et le fit périr, quelles que fussent les circonstances de l’homicide. Mais de bonne heure, comme on le voit, le législateur intervint pour adoucir l’usage ancien et protéger le meurtrier par accident.

Plus tard encore, après l’exil, la loi maintint les cités de refuge, mais établit deux dispositions nouvelles. En premier lieu, le meurtrier qui aura atteint l’asile comparaîtra devant l’ « Assemblée », c’est-à-dire devant le tribunal des « anciens » : s’il est innocent, il restera dans la cité de refuge; s’il est coupable, il sera livré au vengeur du sang. S’il quitte la cité de refuge et tombe entre les mains du vengeur, la justice n’aura plus à intervenir et le vengeur ne sera point poursuivi pour avoir tué le meurtrier. On voit que les lois les plus récentes contenues dans l’Ancien Testament limitent dans une certaine mesure l’usage primitif de la vengeance, mais ne le suppriment pas. Une seconde disposition de cette loi post-exilique établit que le meurtrier, admis à séjourner dans la ville de refuge, pourra la quitter et retourner chez lui, sans craindre vengeance, à la mort du grand-prêtre; l’asile peut donc être considéré comme une sorte d’exil qui cesse par une mesure d’amnistie lors de l’accession à sa charge d’un nouveau grand-prêtre (No 35 9-34 ; Josué 20 : 2-6).

11 Responses to Polémique Soler: Comment la violence biblique affichée déconstruit la fausse sérénité mythique (How the overtly vengeful psalms uncover the myths’ hidden blood on the tracks)

  1. […] les demi-vérités de nos “laïcistes pressés” […]

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  2. […] De nombreux commentateurs veulent aujourd’hui montrer que, loin d’être non violente, la Bible est vraiment pleine de violence. En un sens, ils ont raison. La représentation de la violence dans la Bible est énorme et plus vive, plus évocatrice, que dans la mythologie même grecque. (…) Il est une chose que j’apprécie dans le refus contemporain de cautionner la violence biblique, quelque chose de rafraîchissant et de stimulant, une capacité d’indignation qui, à quelques exceptions près, manque dans la recherche et l’exégèse religieuse classiques. (…) Une fois que nous nous rendons compte que nous avons à faire au même phénomène social dans la Bible que la mythologie, à savoir la foule hystérique qui ne se calmera pas tant qu’elle n’aura pas lynché une victime, nous ne pouvons manquer de prendre conscience du fait de la grande singularité biblique, même de son caractère unique. (…) Dans la mythologie, la violence collective est toujours représentée à partir du point de vue de l’agresseur et donc on n’entend jamais les victimes elles-mêmes. On ne les entend jamais se lamenter sur leur triste sort et maudire leurs persécuteurs comme ils le font dans les Psaumes. Tout est raconté du point de vue des bourreaux. (…) Pas étonnant que les mythes grecs, les épopées grecques et les tragédies grecques sont toutes sereines, harmonieuses et non perturbées. (…) Pour moi, les Psaumes racontent la même histoire de base que les mythes mais retournée, pour ainsi dire. (…) Les Psaumes d’exécration ou de malédiction sont les premiers textes dans l’histoire qui permettent aux victimes, à jamais réduites au silence dans la mythologie, d’avoir une voix qui leur soit propre. (…) Ces victimes ressentent exactement la même chose que Job. Il faut décrire le livre de Job, je crois, comme un psaume considérablement élargi de malédiction. Si Job était un mythe, nous aurions seulement le point de vue des amis. (…) La critique actuelle de la violence dans la Bible ne soupçonne pas que la violence représentée dans la Bible peut être aussi dans les évènements derrière la mythologie, bien qu’invisible parce qu’elle est non représentée. La Bible est le premier texte à représenter la victimisation du point de vue de la victime, et c’est cette représentation qui est responsable, en fin de compte, de notre propre sensibilité supérieure à la violence. Ce n’est pas le fait de notre intelligence supérieure ou de notre sensibilité. Le fait qu’aujourd’hui nous pouvons passer jugement sur ces textes pour leur violence est un mystère. Personne d’autre n’a jamais fait cela dans le passé. C’est pour des raisons bibliques, paradoxalement, que nous critiquons la Bible. (…) Alors que dans le mythe, nous apprenons le lynchage de la bouche des persécuteurs qui soutiennent qu’ils ont bien fait de lyncher leurs victimes, dans la Bible nous entendons la voix des victimes elles-mêmes qui ne voient nullement le lynchage comme une chose agréable et nous disent en des mots extrêmement violents, des mots qui reflètent une réalité violente qui est aussi à l’origine de la mythologie, mais qui restant invisible, déforme notre compréhension générale de la littérature païenne et de la mythologie. René Girard […]

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  3. […] qui, au-delà de son évidente dimension mythologique, finit par perdre toute la grandeur et la subversion d’un texte biblique […]

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  4. […] On dit que les Psaumes de la Bible sont violents, mais qui s’exprime dans les psaumes, sinon les victimes des violences des mythes : “Les taureaux de Balaam m’encerclent et vont me lyncher”? Les Psaumes sont comme une fourrure magnifique de l’extérieur, mais qui, une fois retournée, laisse découvrir une peau sanglante. Ils sont typiques de la violence qui pèse sur l’homme et du recours que celui-ci trouve dans son Dieu. René Girard […]

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