Polémique Soler: Comment les juifs ont inventé le génocide (Why the Jews were much more vindictive and vitriolic than the pagans)

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Une femme oublie-t-elle son nourrisson? De montrer sa tendresse au fils de son ventre? Même si celles-là oubliaient, moi je ne t’oublierai pas. Esaïe 49: 15
Sur les bords des fleuves de Babylone, Nous étions assis et nous pleurions, en nous souvenant de Sion. Aux saules de la contrée Nous avions suspendu nos harpes. Là, nos vainqueurs nous demandaient des chants, Et nos oppresseurs de la joie: Chantez-vous quelques-uns des cantiques de Sion! (…) Fille de Babylone, la dévastée, Heureux qui te rend la pareille, Le mal que tu nous as fait! Heureux qui saisit tes enfants, Et les écrase sur le roc! Psaumes 137
Mon Dieu! mon Dieu! pourquoi m’as-tu abandonné, Et t’éloignes-tu sans me secourir, sans écouter mes plaintes? (…) De nombreux taureaux sont autour de moi, Des taureaux de Basan m’environnent. Ils ouvrent contre moi leur gueule, Semblables au lion qui déchire et rugit. Psaumes 22: 2-13
De nouveaux concepts nécessitent de nouveaux mots. Par génocide, nous entendons la destruction d’une nation ou d’un groupe ethnique. Raphael Lemkin (juriste polono-américain d’origine juive, 1944)
Dans l’Église catholique, depuis le concile Vatican II, les trois derniers versets du psaume ont été retirés des livres liturgiques en raison de leur cruauté difficilement compatible avec le message évangélique.Wikipedia
Dans certains des Psaumes l’esprit de haine nous frappe au visage comme la chaleur d’une fournaise. Dans d’autres cas, le même esprit cesse d’être effrayant mais c’est pour devenir (aux yeux de l’homme moderne) presque comique par sa naïveté. (…) Si nous excusons les poètes des Psaumes sous prétexte qu’ils n’étaient pas chrétiens, nous devrions pouvoir montrer que les auteurs païens expriment le même genre de choses et pire encore (….) Je peux trouver en eux de la lascivité, une bonne dose d’insensibilité brutale, une froide cruauté qui va de soi pour eux, mais certainement pas cette fureur ou cette profusion de haine…. La première impression que l’on en retire est que les Juifs étaient bien plus vindicatifs et acerbes que les païens. CS Lewis
De nombreux commentateurs veulent aujourd’hui montrer que, loin d’être non violente, la Bible est vraiment pleine de violence. En un sens, ils ont raison. La représentation de la violence dans la Bible est énorme et plus vive, plus évocatrice, que dans la mythologie même grecque. (…) Il est une chose que j’apprécie dans le refus contemporain de cautionner la violence biblique, quelque chose de rafraîchissant et de stimulant, une capacité d’indignation qui, à quelques exceptions près, manque dans la recherche et l’exégèse religieuse classiques. (…) Un bon exemple d’un livre qui semble scandaleusement violent est celui des Psaumes. Beaucoup de psaumes sont non seulement violents mais pleins de haine et de ressentiment. Le narrateur se plaint qu’il a de nombreux ennemis injustes qui non seulement détruisent sa réputation mais menacent sa vie et l’agressent même physiquement. Dans certains des Psaumes, le narrateur est entouré par ces ennemis qui sont sur le point de le lyncher. Il les maudit, il les insulte; surtout il demande à Dieu de faire descendre le feu  et la destruction sur ces ennemis. L’intensité du ressentiment dans ces Psaumes est peut être bien la raison principale pourquoi Nietzsche voit dans la tradition judéo-chrétienne un ressentiment qui n’existe pas dans le monde païen. Ce sont les Psaumes dits de malédiction ou d’exécration. De nos jours afin de minimiser leur violence plusieurs Bibles les appellent « pénitentiels ». Ils ne sont pas du tout pénitentiels mais vengeurs. De nombreux commentateurs traditionnels et savants ont minimisé la violence de ces textes qu’ils considéraient comme une expression stéréotypée de la colère, une collection de clichés dépourvus de toute référence au monde réel. L’actuelle privation complète du référent  est le résultat d’un long processus au cours duquel tous les anciens textes et la réalité ont été de plus en plus désactivés. C’est une façon de se débarrasser complètement du problème ou de le transformer en un problème psychologique ou psychanalytique. Mais certains esprits libres parmi les croyants ont toujours souligné la violence dans ces prières. Il y a d’autres textes de la Bible qui interdisent aux êtres humains de prier Dieu pour la destruction de leurs ennemis, et c’est précisément ce que font ces Psaumes.  C. S. Lewis dans sa réflexions sur les Psaumes les trouve choquants et n’hésite pas à dire: Dans certains des Psaumes l’esprit de haine nous frappe au visage comme la chaleur d’une fournaise. Dans d’autres cas, le même esprit cesse d’être effrayant mais c’est pour devenir (aux yeux de l’homme moderne) presque comique par sa naïveté. Lewis trouve ces textes particulièrement problématiques étant donné que l’on ne retrouve pas cette intensité de haine dans l’écriture païenne : Si nous excusons les poètes des Psaumes sous prétexte qu’ils n’étaient pas chrétiens, nous devrions pouvoir montrer que les auteurs païens expriment le même genre de choses et pire encore (….) Je peux trouver en eux de la lascivité, une bonne dose d’insensibilité brutale, une froide cruauté qui va de soi pour eux, mais certainement pas cette fureur ou cette profusion de haine…. La première impression que l’on en retire est que les Juifs étaient bien plus vindicatifs et acerbes que les païens. Cette observation est très proche de ce que Nietzsche a dit de la Bible en ce qui concerne le paganisme mais C. S. Lewis ne semble pas percevoir la similitude. On pourrait bien sûr contester le jugement de C. S. Lewis. Il y a une quantité incroyable de violence dans des pièces telles que Médée ou les Bacchantes, dans la tradition dionysiaque dans son ensemble qui est centrée sur le lynchage. L’Iliade n’est rien d’autre qu’une chaîne d’actes de vengeance ; mais ce que C. S. Lewis et Nietzsche disent sur cette question est sans doute vrai si le problème est défini de la façon qu’ils le définissent il, à savoir en termes non pas de pure quantité de violence exposée mais de l’intensité de la rancoeur ou du ressentiment. Mais que signifie vraiment tout cela? C. S. Lewis se pose la question et en tire quelques remarques très pertinentes que, malheureusement, il ne développe pas suffisamment. Sa principale remarque est que le ressentiment envers les textes bibliques peut être motivé par de  réelles injustices  que les narrateurs de ces Psaumes devaient subir: « ces haines sont le genre de choses que produisent,  par une sorte de loi naturelle, la cruauté et l’injustice. » Lewis ne rejette pas automatiquement comme irréelle toute la violence et l’injustice dont se plaignent les narrateurs dans les Psaumes. Je suis très d’accord que cette violence doit être réelle. Mais alors si c’est vrai dans les Psaumes, il n’y a aucune raison de penser que la violence similaire dans la mythologie n’est pas réelle. De plus, la question demeure : si ces violences sont réelles dans les deux types de textes, comment se fait-il que dans les textes bibliques les victimes de ces violences expriment  pleinement  le profond ressentiment qu’ils ressentent, la haine que leurs bourreaux suscitent en eux ? (…) Beaucoup de lecteurs modernes sont choqués par la langue violente des narrateurs mais pas par la violence qui leur est infligée. Ils ne la prennent pas au sérieux. Ils voient la réaction violente mais purement verbale de la victime impuissante mais ils rejettent comme irréelle la violence des bourreaux, qu’ils considèrent tout simplement comme une langue classique et stéréotypée. En fait, certains savants allemands soutiennent qu’il doit s’agir là d’hallucinations. Pour obtenir un autre point de vue sur ce qui se passe dans les Psaumes, il ne faut pas hésiter à comparer cette violence avec celle que l’on retrouve dans la mythologie, dans la tradition dionysiaque, par exemple et aussi dans les mythes archaïques du monde entier. (…) Une fois que nous nous rendons compte que nous avons à faire au même phénomène social dans la Bible que la mythologie, à savoir la foule hystérique qui ne se calmera pas tant qu’elle n’aura pas lynché une victime, nous ne pouvons manquer de prendre conscience du fait de la grande singularité biblique, même de son caractère unique. (…) Dans la mythologie, la violence collective est toujours représentée à partir du point de vue de l’agresseur et donc on n’entend jamais les victimes elles-mêmes. On ne les entend jamais se lamenter sur leur triste sort et maudire leurs persécuteurs comme ils le font dans les Psaumes. Tout est raconté du point de vue des bourreaux. (…) Pas étonnant que les mythes grecs, les épopées grecques et les tragédies grecques sont toutes sereines, harmonieuses et non perturbées. (…) Pour moi, les Psaumes racontent la même histoire de base que les mythes mais retournée, pour ainsi dire. (…) Les Psaumes d’exécration ou de malédiction sont les premiers textes dans l’histoire qui permettent aux victimes, à jamais réduites au silence dans la mythologie, d’avoir une voix qui leur soit propre. (…) Ces victimes ressentent exactement la même chose que Job. Il faut décrire le livre de Job, je crois, comme un psaume considérablement élargi de malédiction. Si Job était un mythe, nous aurions seulement le point de vue des amis. (…) La critique actuelle de la violence dans la Bible ne soupçonne pas que la violence représentée dans la Bible peut être aussi dans les évènements derrière la mythologie, bien qu’invisible parce qu’elle est non représentée. La Bible est le premier texte à représenter la victimisation du point de vue de la victime, et c’est cette représentation qui est responsable, en fin de compte, de notre propre sensibilité supérieure à la violence. Ce n’est pas le fait de notre intelligence supérieure ou de notre sensibilité. Le fait qu’aujourd’hui nous pouvons passer jugement sur ces textes pour leur violence est un mystère. Personne d’autre n’a jamais fait cela dans le passé. C’est pour des raisons bibliques, paradoxalement, que nous critiquons la Bible. (…) Alors que dans le mythe, nous apprenons le lynchage de la bouche des persécuteurs qui soutiennent qu’ils ont bien fait de lyncher leurs victimes, dans la Bible nous entendons la voix des victimes elles-mêmes qui ne voient nullement le lynchage comme une chose agréable et nous disent en des mots extrêmement violents, des mots qui reflètent une réalité violente qui est aussi à l’origine de la mythologie, mais qui restant invisible, déforme notre compréhension générale de la littérature païenne et de la mythologieRené Girard (Violence in Biblical Narrative, Philosophy, Vol. 22, No. 2, October 1999)
On dit que les Psaumes de la Bible sont violents, mais qui s’exprime dans les psaumes, sinon les victimes des violences des mythes : « Les taureaux de Balaam m’encerclent et vont me lyncher »? Les Psaumes sont comme une fourrure magnifique de l’extérieur, mais qui, une fois retournée, laisse découvrir une peau sanglante. Ils sont typiques de la violence qui pèse sur l’homme et du recours que celui-ci trouve dans son Dieu. René Girard
Le monothéisme devient une arme de guerre forgée tardivement pour permettre au peuple juif d’être et de durer, fût-ce au détriment des autres peuples. Il suppose une violence intrinsèque exterminatrice, intolérante, qui dure jusqu’aujourd’hui (…) les juifs inventent le génocide – le premier en date dans la littérature mondiale. Jean Soler
Le schéma judéo-chrétien s’impose, même à ceux qui se disent indemnes de cette religion. Jean Soler pense même le communisme et le nazisme dans la perspective schématique de ce modèle de pensée. Ainsi, chez Marx, le prolétariat joue le rôle du peuple élu, le monde y est vu en termes d’oppositions entre bien et mal, amis et ennemis, l’apocalypse (la guerre civile) annonce le millénarisme (la société sans classes). (…) Toujours selon Jean Soler, le monothéisme devient une arme de guerre forgée tardivement pour permettre au peuple juif d’être et de durer, fût-ce au détriment des autres peuples. Il suppose une violence intrinsèque exterminatrice, intolérante, qui dure jusqu’aujourd’hui. La vérité du judaïsme se trouve dans le christianisme qui universalise un discours d’abord nationaliste. (…)  Bien sûr, il ne souhaite pas revenir au polythéisme antique, mais il propose que nous nous mettions enfin à l’école de la Grèce après plus de mille ans de domination judéo-chrétienne. Une Grèce qui ignore l’intolérance, la banalisation de la peine de mort, les guerres de destruction massive entre les cités ; une Grèce qui célèbre le culte des femmes ; une Grèce qui ignore le péché, la faute, la culpabilité ; une Grèce qui n’a pas souhaité l’extermination massive de ses adversaires ; une Grèce qui, à Athènes, où arrive saint Paul, avait édifié un autel au dieu inconnu comme preuve de sa générosité et de son hospitalité – cet autel fut décrété par Paul de Tarse l’autel de son dieu unique, le seul, le vrai. Constantin devait donner à Paul les moyens de son rêve. Michel Onfray

Les Juifs ont même inventé le génocide!

En cette première journée de la diffusion sur la chaîne publique France 2 des deux premiers épisodes d’une fiction médiévale sur l’Inquisition (« Inquisitio ») qui va, comme d’habitude si l’on en croit le site Hérodote, conforter les pires idées reçues et « valoriser les pires superstitions pour mieux noircir la religion chrétienne » …

Pendant qu’attisé par les Jihad TV et pétrodollars de nos amis qataris et saoudiens, le bien réel monothéisme « vengeur, jaloux, guerrier, belliqueux, cruel et  misogyne » est lui en train de concocter, sous nos yeux et à nos portes de l’autre côté de la Méditerranée, un véritable « Afghanistan de proximité » …

Retour sur la polémique qui déchire depuis quelques semaines le landerneau littéraire suite à la publication du pamphlet anti-monothéiste de l’historien Jean Soler (Qui est Dieu?) et au soutien appuyé de notre athéologue autoproclamé national Michel Onfray …

Qui, tout à leur (re)découverte de la réelle surviolence  de l’écriture sainte juive et de son effectivement lente et progressive accession au monothéisme et à l’universalisme (mais au prix d’une lecture littéraliste des textes qui ferait le bonheur du plus fondamentaliste des croyants), ne peuvent hélas que retomber dans les pires dérives de l’apologie d’une société grecque primitive qui en aurait prétendument été exempte …

Sans voir, à l’instar d’ailleurs de leurs critiques, que ladite surviolence du texte biblique est justement, comme l’a montré René Girard, ce qui en fait la supériorité et même le caractère unique par rapport à ses contemporains ou ses sources …

A savoir son parti pris, contre la mythologie qui paie précisément son apparente sérénité de la réduction au silence de ses victimes, de donner la voix à ces dernières y compris, dans une sorte de rituel de sanctuaire plus ou moins ordalique et peut-être pas dénué de connotations magiques dont les Psaumes seraient les traces, pour maudire leurs agresseurs …

Rendant ainsi possible, à travers cette première représentation de la victimisation du point de vue de la victime, notre actuelle sensibilité supérieure et souvent étrangement disproportionnée à la violence et donc au génocide …

Et ce, sans parler de la nation actuelle d’Israël, y compris dans la Bible elle-même …

Onfray, Soler… dérapage en roue libre dans Le Point

Didier Long

13 juin 2012

Sous prétexte de démystification de pseudo « idées reçues » (les siennes ?), l’article de Michel Onfray paru dans le Point du 07 juin 2012 « Jean Soler, l’homme qui a déclaré la guerre aux monothéismes » (voir ici), sous couvert de défendre un livre, développe des arguments supposés historiques (les siens) qui sont pour la plupart inexacts… quant il ne s’agit pas de grossières erreurs.

S’ensuit un combat de clochmerle de généralités pour défendre les vertus d’Athènes face une Jérusalem dont la morale aurait étouffé l’occident. Mais où veut-il en venir ?… se demande le lecteur. Le meilleur est gardé pour la fin : « les juifs inventent le génocide, cet acte généalogique “est révélateur de la propension des Hébreux à ce que nous nommons aujourd’hui l’extrémisme”», « la Shoah ne saurait être ce qui est couramment dit : un événement absolument unique… » mais « la preuve définitive de l’inexistence de Dieu». Auquel d’ailleurs Moïse ne croyait pas nous prévient l’intertitre de la version papier du Point. Enfin, au cas où le lecteur n’aurait pas compris après avoir lu le panneau « grosse provoc’ », une saine exégèse de Mein Kampf est déployée « le nazisme selon Mein Kampf (1924) est le modèle hébraïque auquel il ne manque même pas Dieu », « Hitler est le guide de son peuple, comme Moïse »… Enorme! mais moins que l’argument définitif, une essentialisation du peuple juif violent contre les autres peuples à travers toute l’histoire : « le monothéisme devient une arme de guerre forgée tardivement pour permettre au peuple juif d’être et de durer, fût-ce au détriment des autres peuples. Il suppose une violence intrinsèque exterminatrice, intolérante, qui dure jusqu’aujourd’hui ». L’histoire est donc convoquée pour cette actualisation : « jusqu’aujourd’hui ». Josué, Moïse, Hitler, et l’Etat d’Israël dans les territoires aujourd’hui ? même combat! Sauf que c’est faux.

Les « idées reçues » démystifiées…

Dans un laborieux effort Onfray citant Soler (derrière qui il s’abrite pour proposer sa vision radicale) commence par démystifier ce qu’il suppose des « idées reçues ». Où ? Par qui ? Nulle ne le sait … et se prend les pieds dans le tapis de l’histoire au nom d’un amateurisme éclairé et de deux livres assimilés à l’œuvre d’un « philosophe érudit et méconnu », « résultat d’années de travaux solitaires et de recherches loin du bruit et de la fureur »,« l’œuvre d’une vie » (commencée en 2002…) que « l’université, qui manque de ces talents-là, ne reconnaît pas » (on croit rêver, il ne suffit pas d’ignorer la recherche pour la disqualifier…)… assortie de recommandations prestigieuses, etc… heureusement, Michel Onfray et Le Point étaient là pour rétablir la vérité et faire avancer la science. Qu’en est-il de ces « idées reçues » sur lesquelles l’auteur pense pouvoir nous éclairer ?

– Première idée reçue : la Bible dépasse en ancienneté les anciens textes fondateurs. Faux : les philosophes ne s’inspirent pas de l’Ancien Testament, car “la Bible est contemporaine, pour l’essentiel, de l’enseignement de Socrate et des oeuvres de Platon. Remaniée et complétée plus tard, elle est même, en grande partie, une oeuvre de l’époque hellénistique”.

Cette affirmation est inexacte. Selon l’état actuel de la recherche, un certain nombre de codes et de récits noyaux du deutéronome ont précédé la période de l’Exil et datent du début du VIIe siècle, voire du Xème siècle avant notre ère. Les récits à propos des rois Saül, David (dont l’existence est vérifiée historiquement) Salomon font référence à des évènements de la fin du second millénaire et au tournant du premier millénaire. Personne ne conteste leur écriture sous forme de saga merveilleuse parmi les chercheurs. Cependant, celle-ci s’appuie sur des faits historiques : La « maison de David » (c’est-à-dire sa dynastie) est mentionnée sur la stèle de Tel Dan, l’archéologie ne met pas en doute l’existence d’un royaume de Salomon avec Jérusalem comme capitale. La mise au point du texte définitif de la Torah ou Pentateuque s’est sans doute poursuivie pendant plus d’un siècle après le retour d’exil (- 538) avec une clôture vers 400. L’élaboration de la Bible comme texte sacré du peuple juif est donc largement antérieure au siècle de Périclès et de Platon, né à Athènes en – 428-427 av. et mort en 348-347 av. l’ère commune. Le texte biblique est une lente élaboration de traditions orales fixées peu à peu par écrit entre le Xème siècle avant notre ère et la fin de l’exil. Il ne s’agit en aucun cas d’un texte « contemporain de Platon » comme l’affirme Onfray pour en dénoncer l’aspect tardif. C’est du moins ce que reconstitue la recherche.

synthèse de la situation actuelle de la recherche sur la rédaction du Pentateuque ou Torah (source : Olivier Artus, Cahier Evangile 106)

NB : Exil à Babylone 586-538 avant l’ère commune

– On est bien évidemment en monde oriental, Perse, babylonien, mésopotamien qui parle hébreu… et non pas dans la culture hellénistique de langue grecque. Le dialogue avec la culture grecque (pas celle d’Onfray!) est beaucoup plus tardif. C’est de la période hellénistique et hasmonéenne (-300, -140) que datent les récits de sagesse, trois livres : les Proverbes, le livre de Job, le Qohelet (ou Ecclésiaste) sur les 24 que comporte la Bible hébraïque… tous en hébreu et non en grec et non pas « en grande partie, une œuvre de l’époque hellénistique ».

– Deuxième idée reçue : la Bible a fait connaître à l’humanité le dieu unique. Faux : ce livre enseigne le polythéisme et le dieu juif est l’un d’entre les dieux du panthéon, dieu national qui annonce qu’il sera fidèle à son peuple seulement si son peuple lui est fidèle. La religion juive n’est pas monothéiste mais monolâtrique : elle enseigne la préférence d’un dieu parmi d’autres. Le monothéisme juif est une construction qui date du Ve siècle avant l’ère commune.

En réalité, la Bible est composée non pas d’un livre mais de plusieurs reflétant de multiples théologies. Le récit biblique passe son temps à se démarquer de l’adoration des dieux environnants et c’est cela qu’on a appelé monothéisme. Le Dieu de la Bible n’est pas un dieu parmi d’autres mais la négation même de la divinisation de la nature : les arbres, les catastrophes naturelles, la fécondité… etc. C’est ainsi que les prophètes bibliques à longueur d’invectives se défient des cultes de fertilité et des hiérogamies (comme le culte d’Ashera associée au dieu phénicien Baal “épouse de Yhwh” ainsi que le montre l’archéologie et que fustigent Osée ou Amos). Le Monothéisme émerge donc comme une réaction à la vision ambiante polythéiste commune à tout le monde méditerranéen. Ainsi le roi Josias, vers -630, « ordonna […] de retirer du sanctuaire de Yahvé tous les objets de culte qui avaient été faits pour Baal, pour Ashera et pour toute l’armée du ciel […]. Il supprima les faux prêtres que les rois de Juda avaient installés et qui sacrifiaient […] à Baal, au soleil, à la lune, aux constellations et à toute l’armée du ciel. […] Il démolit la demeure des prostituées sacrées, qui était dans le temple de Yahvé » (Deuxième livre des Rois, 23,4 et sv.).

Le Dieu juif dés le début de la Bible, dans le récit de la Genèse n’apparait pas comme le dieu d’une nation mais comme celui qui crée le monde et l’homme… tous les hommes, tout le monde. Contrairement à ce que croit Onfray le projet biblique est une forme d’athéisme de tous les dieux locaux, ces idoles dans lequel l’homme se projette : les conventions sociales qui excluent les pauvres, les immigrés ; les peurs naturelles (ex : les dieux baal de la foudre) ; la fécondité divinisée (cultes sexuels cananéen), la patrie ( la terra patria) grecque divinisée… Le Dieu d’Israël choisit l’innocent (Abel), le pauvre, la stérile, le cadet, etc… à rebours de toutes les habitudes naturelles dont les paganismes ambiants sont la quintessence religieuse et dont la Bible dénonce le néant.

Le monolâtrisme (ou monolâtrie) est le fait de vénérer un dieu parmi d’autres, d’en choisir un au détriment des autres. La Bible passe son temps à répéter que les dieux nés de la projection humaine sont des idoles c’est à dire des vanités et que son Dieu ne fait pas nombre avec les autres dieux placés sur un pied d’égalité. Il ne s’agit donc pas de monolâtrie mais de monothéisme. Cette attitude largement répandue chez les prophètes du VIème siècle avant l’ère commune parcourt tous les livres de la Bible. Elle nait donc entre le Xème et le VIème siècle avant notre ère. Ce n’est qu’avec le stoïcisme (vers – 300 avant l’ère commune) que naitra une forme de monothéisme grec mais très minoritaire dont on trouve des traces dans l’Hymne à Zeus de Cléanthe et qui se démocratisera en Asie Mineure au IIIème siècle de notre ère (comme je l’explique dans “L’Invention du christianisme”).

Onfray fait une confusion classique: il croit que le monothéisme est le fait d’opposer un seul dieu à tous les autres de manière numérique. Hors l’enjeu n’est pas numérique. L’enjeu est que le Dieu d’Israël s’oppose aux autres dieux non pas parce qu’il serait tout seul et supérieur aux autres qui lui sont semblables et seraient plusieurs mais parce qu’il est d’une autre nature que les projections humaines. C’est pourquoi il est aniconique. On ne peut le représenter (c’est un commandement!), au contraire des idoles “faites de main humaine”, qui ont “une bouche et ne parlent pas, des yeux et ne voient pas […] ils sont comme elles ceux qui les font” résume un psaume. Il y a donc une différence métaphysique. Cette absence du dieu de la Bible ne ce monde est symbolisé par le Saint des saints du Temple, vide, alors que les temples païens contiennent un statue du dieu qu’on adore et à qui on offre des libations et sacrifices.

Ce que reconstitue actuellement la recherche :

– Les patriarches (XIXe-XVIIe siècle avant l’ère commune) étaient probablement polythéistes, adorant concurremment un dieu El local et des dieux claniques. Ce culte, dont on trouve encore des traces VIIIe siècle avant l’ère commune est celui d’un sanctuaire à ciel ouvert, d’un arbre sacré, d’une stèle et d’un autel.

– Le yahwisme madianite, aniconique et monolâtre date du XIIIème siècle avant notre ère (Moïse)…

– Un lent mouvement conduit à l’émergence du monothéisme et de l’aniconisme sous Ezéchias (VIIIème-VIIème siècle avec l’ère commune); les cultes yahvistes locaux sont remplacés par le Temple, les arbres sacrés et les stèles sont abandonnés.

– Il y a émergence du monothéisme à partir du Xème siècle avant notre ère, approfondissement de celui -ci sous le choc des évènements que sont la chute du Royaume du Nord en 722 sous les coups de l’Assyrie et de celui du Sud en 586 sous l’assaut des babyloniens.

– La généralisation d’un strict monothéisme date de l’Exil ( 586-538 avant l’ère commune). Ce dont témoigne le second Isaïe (Is 43, 10-11; 49, 6-8).

Le pro-monothéimse d’Israël apparait donc autour du Xème siècle avant l’ère commune au début de la rédaction de la Bible et non au Vème siècle comme le dit Onfray.

Onfray feint de croire que l’émergence du monothéisme, qui fait effectivement partie de la particularité juive, chrétienne et musulmane aujourd’hui encore, n’a pas existé, pour renvoyer ces religions aujourd’hui à la période patriarcale (XIXe-XVIIIe siècle avant l’ère commune) et par un tour de passe-passe affirme que rien n’a changé. Un « coup de gomme » qui l’arrange.

– Troisième idée reçue : la Bible a donné le premier exemple d’une morale universelle. Faux : ses prescriptions ne regardent pas l’universel et l’humanité, mais la tribu, le local, dont il faut assurer l’être, la durée et la cohésion. L’amour du prochain ne concerne que le semblable, l’Hébreu, pour les autres, la mise à mort est même conseillée.

« L’amour du prochain ne concerne que le semblable, l’Hébreu, pour les autres, la mise à mort est même conseillée » : une affabulation onfrayenne… énorme!!! Cette phrase n’apparait nulle part dans le Bible. Le code Lévitique ordonne « tu aimeras l’étranger (le guer qui séjourne en erets Israël) comme toi-même », une injonction qui apparait trois fois dans la Bible : Lv 19, 34 ; Nb 15, 15-16 et en 1 R 8,41. Dans ce dernier récit il est bien dit que ce guer vient de loin et ne fait pas partie du peuple d’Israël mais que Dieu accueille sa prière. Une chose impossible en Grèce. Un métèque ne peut pas s’adresser aux dieux tutélaires de la famille. Le local divinisé est la marque de tous les peuples antiques… en premier lieu de la cité grecque, dont les dieux liés au culte des ancêtres divinisés sont liés à une terre et une famille. La religion civique est donc structurante du monde gréco-romain. La bipartition du monde entre esclaves et hommes libres fait des esclaves qui vivent dans la cité des choses sur lesquelles le maître a droit de vie et de mort. Dans la Bible ils sont libérés tous les sept ans (année sabbatique), à cause de Dieu. Contrairement à ce qu’affirme Onfray, la morale biblique comme nous le verrons est à la fois ethnique (mosaisme) et universelle (noachisme, de Noé), le “tu ne commettras pas de meurtre” ne concerne pas uniquement les autres juifs!.

Le plus étonnant est qu’un tout petit peuple ballotté entre ses puissants voisins: égyptien, assyrien, babylonien ait inventé cet universalisme au tournant du VIème siècle. L’universalisme hébraïque s’accélère lors de la montée en puissance de Cyrus (que la Bible nomme “messie”), le roi de Perse, annonçant la fin de l’Exil à Babylone, alors que Dieu est considéré comme celui de toutes les nations. (second Isaïe vers 550-539 avant notre ère). Le Temple n’est plus vu seulement comme celui du culte d’Israël mais celui où toutes les nations monteront à la fin des temps, car Dieu est le Père de tous les humains. Coté grec le cosmopolitisme stoïcien apparait deux siècles plus tard… et encore ne concerne-t-il que quelques philosophes épars et leurs disciples (voir Paul Veyne).

– Quatrième idée reçue : les prophètes ont promu la forme spiritualisée du culte hébraïque. Faux : pour les hommes de la Bible, il n’y a pas de vie après la mort. L’idée de résurrection est empruntée aux Perses, elle apparaît au IIe siècle avant J.-C. Celle de l’immortalité de l’âme, absente de la Bible hébraïque, est empruntée aux Grecs.

C’est faux. Il y a indiscutablement chez les prophètes une spiritualisation du culte hébraïque qui n’a rien a voir ni avec la résurrection des corps ni avec celle de la chair mais avec le fait que le culte du Temple est vain sans un culte du coeur. La résurrection de morts apparaît non pas au second mais sixième siècle avant l’ère commune… Le récit des ossements desséchés d’Ezéchiel [1] (Ez 37, 1-14) raconte que Dieu peut insuffler la vie dans les ossements desséchés. Celui de Job (19, 1.23-27a) , post-exilique et inspiré par le Prophète Jérémie[2], ce qui permet sa datation, parle clairement de résurrection des morts. Une idée qui date au moins du sixième siècle avant notre ère donc. « L’immortalité de l’âme » est un concept grec étranger à la Bible et à l’anthropologie hébraïque (l’homme est néfesh : chair et ruah’ : souffle) qui ne connait pas l’âme mais le souffle (ruah’), rien de neuf à cela et aucune idée reçue.

– Cinquième idée reçue : le Cantique des cantiques célèbre l’amour réciproque de Dieu et du peuple juif. Faux : ce texte est tout simplement un poème d’amour. S’il devait être allégorique, ce serait le seul livre crypté de la Bible.

Idée intéressante : La Bible doit être lue de manière fondamentaliste ! Tout est vrai. Les chiffres, les noms, les faits… L’idée qu’un texte possède plusieurs niveaux de signification date de l’exégèse rabbinique et a été reprise par Origène au second siècle et est applicable à la plupart des textes poétiques et spirituels. On peut donc lire le Cantique comme on veut… n’en déplaise à Onfray.

Enfin, on a hâte d’être éclairé sur les « livres cryptés » dont parle l’auteur… de nouvelles révélations sur Qoumrân peut-être ?

– Sixième idée reçue : Dieu a confié aux juifs une mission au service de l’humanité. Faux : Dieu a célébré la pureté de ce peuple et interdit les mélanges, d’où les interdits alimentaires, les lois et les règles, l’interdiction des mélanges de sang, donc des mariages mixtes. Ce dieu a voulu la ségrégation, il a interdit la possibilité de la conversion, l’idée de traité avec les nations étrangères, et il ne vise pas autre chose que la constitution identitaire d’un peuple. Ce dieu est ethnique, national, identitaire.

Il s’agit d’un contresens. Tout le concept d’élection, « vous serez un peuple de prêtres », « Vous serez saint comme moi je suis saint », etc… concerne la particularisation d’Israël. Etre élu, « saint » c’est être particulier, pas supérieur ni meilleur mais signifiant. Par la Torah (révélation) Israël devient un peuple au service de toute l’humanité, signifiant de l’amour que Dieu porte à tout homme, à toute sa création, non pas à Israël seulement mais à toute l’humanité. Dieu ne crée pas les juifs dans la Genèse mais Adam, Noé, tout homme. La Rédemption attendue concerne non seulement Israël mais tout homme juste (comme Noé). On se sache pas que Abraham, Noé ou Adam fussent juifs…

La Bible, tout le Talmud, répètent cette obligation d’Israël au service de toute l’humanité et aussi son péché par rapport à cette mission à longueur de pages. La « pureté » n’a donc rien de connotations racistes mais il s’agit d’interdits signifiants dont certains ne concernent qu’Israël. Les interdits fondamentaux comme celui du meurtre contrairement à ce que dit Onfray ne sont pas ethniques, ils concernent toute l’humanité « noachide ». Enfin dernier point… tous les dieux tutélaires de l’antiquité grecque, cananéenne et mésopotamienne sont “ethniques, nationaux et identitaires”. Faut-il dès lors appeler la LICRA dans une bien pensance anachronique ou se remettre en contexte ?

On voit donc qu’avec ces “idées reçues” on est un peu au café du commerce d’Argentan à parler d’archéologie mésopotamienne et cananéenne. Ce n’est certes pas inutile mais est-ce que ça vaut vraiment un article dans le Point ? L’objectif est de faire émerger le “polythéisme solaire” dont Onfray semble d’ailleurs le seul représentant sur terre et d’utiliser l’histoire et Soler (solaire?) pour cela. De la pseudo histoire on passe vite à la plus pure idéologie. Le monothéimse mortifère des juifs est comparé au polythéisme solaire des grecs (ou plutôt ce qu’en a retenu Onfray).

Athènes contre Jérusalem

– « Le dieu unique devient vengeur, jaloux, guerrier, belliqueux, cruel, misogyne. Jean Soler associe le polythéisme à la tolérance et le monothéisme à la violence : lorsqu’il existe une multiplicité de dieux, la cohabitation rend possible l’ajout d’un autre dieu, venu d’ailleurs ; quand il n’y a qu’un dieu, il est le vrai, l’unique, les autres sont faux. Dès lors, au nom du dieu un, il faut lutter contre les autres dieux, car le monothéisme affirme : “Tous les dieux sauf un sont inexistants. »… « le monothéisme devient une arme de guerre forgée tardivement pour permettre au peuple juif d’être et de durer, fût-ce au détriment des autres peuples. Il suppose une violence intrinsèque exterminatrice, intolérante, qui dure jusqu’aujourd’hui »

Le Dieu juif, un Dieu strictement nationaliste ?… Onfray devrait lire la Bible ! L’universalisme date au plus tard de l’exil à Babylone, vers 562 avant l’ère commune. Ainsi, la prière attribuée à Salomon dans le Livre des Rois ; 1R 8, 41-44 (Livre attribué à « l’histoire deutéronomiste ») affirme justement que l’étranger qui vient de loin est bienvenu dans la Temple du Dieu vivant (le premier Temple[3])… c’est-à-dire dix siècles avant notre ère. Le parvis immense du second Temple (-515 à 70) était destiné aux peuples païens. A Soukkot au premier siècle on offrait 70 bêtes pour les 70 nations de la terre (c’est-à-dire toutes !). Le Dieu juif est juste l’inverse des dieux grecs qui eux sont liés à une lignée et un territoire (la terra patria/ la patrie). C’est ainsi, par regroupement que naquirent les dieux des cités, comme Athéna à Athènes. Le polythéisme grec provient d’abord de cette absolutisation de la cité antique, c’est un culte civique. La guerre des cités antiques est celle de leurs dieux…

Les juifs nationalistes ? Le métèque était interdit d’acheter une terre à Athènes ou de prendre femme (il n’avait pas les dieux de la cité) ? Ce lien entre la cité grecque et ses dieux a été montré par Fustel de Coulanges dans la Cité Antique… en 1864…

La conception raciste du monothéisme d’Israël « qui dure jusqu’aujourd’hui » ne tient pas devant l’analyse des textes et des coutumes. Il y a bien eu, il y a « jusqu’aujourd’hui » un universalisme juif dont témoigne la Bible et toute la Tradition philosophique et religieuse d’Israël.

– “le Livre de Josué précise qu’une trentaine de cités ont été détruites, ce qui lui permet d’affirmer que les juifs inventent le génocide – “le premier en date dans la littérature mondiale”. « La Grèce, forte de cent trente cités, n’a jamais vu l’une d’entre elles avoir le désir d’exterminer les autres »…Une Grèce qui ignore l’intolérance, la banalisation de la peine de mort, les guerres de destruction massive entre les cités.”

Une lecture fondamentaliste du texte (encore!). Onfray fait une lecture historique du texte complètement dépassée. Les chiffres de la Bible sont symboliques. Comme l’explique Jacques Briend (ici son cv) “Plus que tout autre livre de la Bible, le livre de Josué a pu fonder une lecture historique qui n’est plus de mise aujourd’hui. En effet, considérer ce livre comme offrant une vision de la conquête du pays de Canaan par les tribus d’Israël aboutit à une impasse.” ça tombe bien ! Jacques Briend, L’Autorité sur le sujet, dont la thèse a été consacrée à l’étude des douze premiers chapitres du livre de Josué, qui a fouillé Tell el Farah, à Jérusalem, a été directeur des fouilles de Tell Keisan et a également supervisé la publication des rapports de fouilles durant plusieurs années, il a été recteur de l’Institut Ratisbonne à Jérusalem de 1999 à 2002 et je l’ai eu comme professeur… Jacques Briend explique en détail le texte (à lire ici) pourquoi le texte du Livre de Josué sur la prise de Canaan est une “épopée de fiction”, une « prose de fiction historicisée », et explique son rapport à l’archéologie, etc… Il affirme : “En aucun cas Jos 1-12 ne peut être considéré par l’historien comme le récit de LA conquête du pays par les tribus d’Israël sous la conduite de Josué. Autrement, on aboutit à une vision caricaturale comme on le voit chez I. Finkelstein. Dès lors on peut se risquer à faire l’hypothèse qu’avant la rédaction deutéronomique qui renforce la rhétorique de la conquête et donc de la guerre, le texte de Jos 10-11 a d’abord été composé pour servir de revendication territoriale alors que le royaume d’Israël avait disparu comme tel en 722 et que le royaume de Juda était envahi par les Assyriens”. On est loin de la lecture fondamentaliste d’Onfray (et de Soler : il ne suffit pas de lire Finkelstein… mais il faut aussi fouiller un peu… pour trouver des choses nouvelles à inventer… au risque de conclusions un peu hâtives). Une lecture fondamentaliste (littéraliste) du texte qui permet à Onfray d’affirmer “l’invention du génocide”… et pourquoi pas la préfiguration d’Hiroshima…

Coté grec ? L’autodestruction guerrière des cités grecques aux Vème et IVème siècles a conduit à leur sortie de l’histoire au profit de la Macédoine (Alexandre le Grand) puis de l’empire romain, un empire esclavagiste et impérialiste qui en fera son modèle. Sparte ça ne vous rappelle rien ???

La Grèce pas impérialiste ni meurtrière ? Alexandre le Grand le plus grand empire du monde, des morts par millions de la Macédoine à l’Indus, ça ne vous dis rien, messieurs ? en -334 Alexandre le Grand détruit la ville de Thèbes, en -332 il fait massacrer les hommes et vend femmes et enfants comme esclaves et réduit la population en esclavage à Tyr et Gaza, etc… l’habitude gréco romaine est le massacre systématique, la déportation et l’esclavage. Le massacre des ennemis est l’usage de l’époque… aussi en Grèce.

– “Dans Contre Apion, l’historien juif Flavius Josèphe établit au Ier siècle de notre ère une longue liste des raisons qui justifient la peine de mort : adultère, viol, homosexualité, zoophilie, rébellion contre les parents, mensonge sur sa virginité, travail le jour du sabbat, etc.”

Les juifs meurtriers au premier siècle ? Excellent ! (Flavius Josèphe est en 95 à Rome quand il écrit cela)… faut-il rappeler que les juifs de Palestine et d’Egypte ont été exterminé en 70, 135, 115 en Egypte ? Jérusalem rasée et exterminée, le sang des femmes et des enfants versé, les vieillards et les anciens comme à Alexandrie torturés, des pogroms d’une barbarie au-delà de toute imagination que décrit Philon dans son Contre Flaccus. Faut-il rappeler que toute peine de mort était bien sûr aux mains du pouvoir civil romain… polythéiste?

– « une Grèce qui célèbre le culte des femmes »

La liberté de la femme grecque ? L’enfermement dans le gynécée, une « chose » en droit.

La principale occupation des homoioï (les égaux libres) à Sparte, c’est la guerre. La femme est le repos de ce guerrier toujours en guerre…. « le repos du guerrier ».

La liberté de la Cité grecque : une société composée d’hommes libres et d’esclaves considérés comme des biens mobiliers sur qui les hommes libres ont droit de vie et de mort. Le culte de la femme oui… enfermée dans son gynécée.

– « le polythéisme à la tolérance et le monothéisme à la violence : lorsqu’il existe une multiplicité de dieux, la cohabitation rend possible l’ajout d’un autre dieu, venu d’ailleurs »

La joie bucolique et le pacifisme du polythéisme antique ? Onfray semble ignorer complètement la violence qui parcours la tragédie grecque, la guerre de Troie, etc… Les femmes et les enfants vaincus réduits en esclavage (car ils n’avaient pas les mêmes dieux… donc des sous-races…. en Grèce et à Rome). Le polythéisme admirable en Canaan ? La prostitution sacrée en Canaan est institutionnalisée, on y sacrifie des enfants au Dieu Molok, ce dont les prophètes bibliques se scandalisent. L’idolâtrie meurtrière et l’ivresse du pouvoir qui conduit à la divinisation des empereurs à partir d’Alexandre et à la divinisation de leur vivant à partir de Caligula, l’empereur fou, qui, s’il n’avait pas été assassiné aurait effectivement mis sa statue dorée dans le Temple… En réalité des sacrifices d’enfants au Dieu Molok voilà où mène le polythéisme, à l’adoration de soi, aux religions polythéistes et meurtrières … il suffit d’ouvrir la Bible. Socrate a été condamné faute de : ne pas reconnaître les dieux de la cité, d’introduire de nouvelles divinités, de pervertir la jeunesse… magnifique liberté du paganisme grec !!! Celui de l’enfermement dans la cité, ses droits et ses dieux. C’est justement de cela que veut sortir la Bible.

Mais le troisième mouvement reste à venir, le CQFD de tout l’article. Patience on y arrive… on ne peut quand même pas affirmer que « le nazisme selon Mein Kampf (1924) est le modèle hébraïque auquel il ne manque même pas Dieu » sans un minimum de précautions oratoires. Il y a quand même la Shoah, la LICRA, BHL et son bloc note au Point …

Les juifs inventeurs du génocide

« Les juifs inventent le génocide », cet acte généalogique “est révélateur de la propension des Hébreux à ce que nous nommons aujourd’hui l’extrémisme”, « la Shoah ne saurait être ce qui est couramment dit : “Un événement absolument unique… » mais « la preuve définitive de l’inexistence de Dieu», « le nazisme selon Mein Kampf (1924) est le modèle hébraïque auquel il ne manque même pas Dieu », « Hitler est le guide de son peuple, comme Moïse ».

Hitler juif, chrétien, Nouveau Moïse ?… faut-il rappeler que le nazisme a bâti son règne sur le pangermanisme païen ? Effectivement la vie d’Hitler est bâtie sur des délires mystiques… que l’auteur de l’article prend au premier degré… La Shoah était pour Hitler une des façons pour lui d’atteindre sa mission : purifier l’humanité des sous hommes qui “abaissaient” le niveau de la pureté des humains, la svastika aryenne, les mythes pangermanistes allemands, les sociétés secrètes…. Etc… un délire païen qui a conduit à six millions de morts. Le marxisme, le nazisme ? des haines du judéo-christianisme dont l’auteur accuse… le judéo-christianisme. Le raisonnement est simplement pervers.

« Jean Soler cite Hitler, qui écrit : “Je crois agir selon l’esprit du Tout-Puissant, notre créateur, car, en me défendant contre le juif, je combats pour défendre l’oeuvre du Seigneur.” Les soldats du Reich allemand ne portaient pas par hasard un ceinturon sur la boucle duquel on pouvait lire : “Dieu avec nous”… ».

Dans un joyeux amalgame et une confusion des guerres Onfray laisse entendre que le régime national socialiste usait du « Gott mit uns »… (une perversion gerrière du Immanou-El/ Emmanuel/ d’Isaïe “Dieu avec nous”) et feint d’ignorer que cette devise forgée par Byzance à l’origine a été reprise par l’empire germanique depuis 1871 et sur les casques des soldats de l’armée allemande lors de la première guerre mondiale… et qu’elle fut celle de la Wermacht et non des SS qui se piquaient eux de Meine Ehre heißt Treue (« Mon honneur s’appelle fidélité )… Quant au « Seigneur Tout-Puissant » et « créateur » dont parle Hitler dans son délire… il ne s’agit bien évidement pas du Dieu biblique. Le nazisme avait sa bible (Mein Kampf), son dieu unique et tout puissant (Hitler), ses pratiques religieuses (serments de fidélité, défilés, ‘liturgie’ de Nuremberg…) et … ses croyants (les Allemands aryens)… la faute aux juifs ???

Quant à la Shoah, il suffit de lire Raul Hilberg, Saul Friedlander, où de rencontrer les témoins encore vivants des camps… sans parler de la réflexion d’Emil Fackenheim… pour comprendre sa barbarie. Une barbarie païenne et meurtrière dont l’Europe ne s’est d’ailleurs pas encore remise.

Bien sûr Onfray feint de reconnait que « L’accusation d’antisémitisme, bien sûr, est celle qui accueille le plus souvent ses recherches (celles de Jean Soler). Elle est l’insulte la plus efficace pour discréditer le travail d’une vie, et l’être même d’un homme. »… mais il ne se demande pas un seul moment si elle pourrait concerner ce qu’il écrit lui. L’article invente des questions, des pseudos réponses, des ennemis supposés, avant de disqualifier tout débat… Laissons donc Onfray (et Soler ?) construire leur petit royaume païen dans leur coin s’ils le veulent. Avec hédonisme solaire et tout et tout…

En dehors de l’affablation d’Onfray sur la Bible, son discours sur le monothéisme juif supposé destructeur auquel il nous avait habitué… et pourquoi pas ? l’article laisse émerger un nouveau discours plus inquiétant, celui du : « monothéisme (qui) devient une arme de guerre forgée tardivement pour permettre au peuple juif d’être et de durer, fût-ce au détriment des autres peuples. Il suppose une violence intrinsèque exterminatrice, intolérante, qui dure jusqu’aujourd’hui ». On dirait du Dieudonné.

Lecture fondamentaliste et manipulée de la Bible, contresens, instrumentalisation de la Shoah, attribution aux hébreux dès l’origine de la pulsion génocidaire qui ferait partie de l’ADN exterminateur et intolérant, extrémisme, du judaïsme, citation de Mein Kempf… Sous couvert d’une histoire « qui dure jusqu’aujourd’hui ». Des accusations hallucinantes dont on comprend bien la portée dans le contexte qui suit les meurtres d’enfants juifs à Toulouse et au lendemain du tabassages au marteau de juifs en kippot. Un discours qui s’inscrit parfaitement dans la banalisation de l’antisémitisme, un mouvement « qui dure jusqu’aujourd’hui » effectivement. L’article dérive tranquillement vers un banal antisémitisme de plume. 76 réactions sur le forum et 586 « j’aime » sur Facebook y répondent. Le Point aussi a l’air d’aimer… Qu’en pense BHL ?

Comme l’écrit Gérard Haddad : « L’un des phénomènes les plus étonnants de l’Histoire est sans doute la persistance d’un groupe humain qu’on appelle le peuple juif, peuple éparpillé aux quatre coins du bassin méditerranéen et du Proche Orient, puis, à l’ère moderne, sur toute la planète, ceci malgré l’absence d’organisation centrale et de langue parlée commune. ». C’est ce fait de la persistance du monothéisme d’origine juive qu’Onfray, livre après livre, après le Traité d’athéologie et le déboulonnage de Freud (encore un juif), ne semble pas supporter. La référence permanente au nazisme et à la Shoah sur tous sujets (La Bible, Freud…) aussi pose question. Cet article, gageons qu’il dépasse la pensée d’Onfray, dérape donc en roue libre. Tout n’est pas possible pour faire parler de soi. La tradition biblique et l’encyclo-paideia grecque ont plus apporté à ce que nous sommes que ce discours rance.

Quoi qu’il en soit de ce monologue, le rappel de cet ‘air connu’ devient de plus en plus banal. Nous devons nous demander : au fond, de quoi est-il le nom ?

[1] Le livre d’Ezéchiel fut écrit au VIème siècle et plus exactement entre 592-570 A-C. Il raconte l’histoire des juifs déporté (2ème déportation) par Nébucadnetsar (Nabuchodonosor, roi de Babylone) à Babylone à partir de 597 A-C (2Rois 24.10-16). Les dates citées dans le livre vont de « la 5ème année à la 27ème année de la captivité.

[2]Le ministère de Jérémie couvre toute la période de la fin de Jérusalem, de 627 (treizième année de Josias) à 587 (seconde déportation de Jérusalem). Jérémie est donc le dernier prophète pré-exilique et en même temps le premier prophète exilique.

[3] Le premier Temple date du Xe siècle av. l’ère commune à sa destruction par les Babyloniens en -586

Voir aussi:

Michel Onfray : Jean Soler, l’homme qui a déclaré la guerre aux monothéismes

Polémique. Dans « Qui est Dieu ? » (éditions de Fallois), Jean Soler, philosophe érudit et méconnu, s’attaque aux trois religions monothéistes. Un livre décapant qui va faire débat.

Le Point

07/06/2012

« Qui est Dieu ? » de Jean Soler (aux éditions de Fallois).

La France est riche d’une école exégétique biblique vieille de quatre siècles : de Richard Simon, son inventeur, un contemporain de Bossuet, jusqu’à Jean Soler, un savant bientôt octogénaire auquel notre époque a scandaleusement tourné le dos, en passant par le curé Meslier, le baron d’Holbach, l’anarchiste Proudhon, le laïc Charles Guignebert, Paul-Louis Couchoud ou Prosper Alfaric, qui nie l’existence historique de Jésus, il existe une école française remarquable de lecture des textes dits sacrés comme des textes historiques, ce que, bien sûr, ils sont. Le silence qui accompagne cette ligne de force scientifique s’explique dans un monde imprégné de judéo-christianisme.

Qui est Jean Soler ? Un diplomate érudit, un homme qui a passé sa vie à lire, traduire, analyser et éplucher dans leurs langues originales les textes fondateurs du monothéisme. Diplomate, il le fut huit années en Israël, où il a été conseiller culturel et scientifique à l’ambassade de France. Il a également travaillé en Algérie, en Pologne, en Iran et en Belgique. Depuis 1993, ce défenseur des langues régionales vit en pays catalan et travaille dans un petit bureau-bibliothèque lumineux comme une cellule monacale, entre mer et montagne, France et Espagne.

L’homme ne se répand pas, il va à l’essentiel. Son oeuvre dense concentre le résultat d’années de travaux solitaires et de recherches loin du bruit et de la fureur. Voilà pourquoi le fruit de ses études se trouve ramassé dans Aux origines du Dieu unique, un essai en trois volumes : L’invention du monothéisme (2002), La loi de Moïse (2003) et Vie et mort dans la Bible (2004). En 2009, il ajoute un opus intitulé La violence monothéiste.

Dynamiteur

Cet agrégé de lettres classiques déconstruit les mythes et les légendes juifs, chrétiens et musulmans avec la patience de l’horloger et l’efficacité d’un dynamiteur de montagne. Il excelle dans la patience du concept, il fournit ses preuves, il renvoie avec précision aux textes, il analyse minutieusement. Il a toutes les qualités de l’universitaire, au sens noble du terme ; voilà pourquoi l’université, qui manque de ces talents-là, ne le reconnaît pas.

Cette patience de l’horloger qui ne convainc pas l’université se double donc de l’efficacité du dynamiteur qui pourrait plaire aux journalistes. Mais, si l’université ne doit pas aimer chez lui l’usage des bâtons de dynamite, les journalistes, eux, n’apprécient probablement pas sa méticulosité conceptuelle. Voilà pourquoi cet homme est seul, et sa pensée révolutionnaire, méconnue.

Certes, il a pour lui la caution d’un certain nombre de pointures intellectuelles du XXe siècle : Claude Lévi-Strauss, Jean-Pierre Vernant, Marcel Detienne, Maurice Godelier, Ilya Prigogine, mais aussi Edgar Morin, Claude Simon, René Schérer, Paul Veyne lui ont dit tout le bien qu’ils pensaient de son travail. Mais rien n’y fait, le nom de Jean Soler ne déborde pas le cercle étroit d’une poignée d’aficionados – même si ses livres, tous édités aux éditions de Fallois, se vendent bien.

Jean Soler vient donc d’avoir la bonne idée de faire paraître Qui est Dieu ?. Le résultat est un texte bref qui synthétise la totalité de son travail, pourtant déjà quintessencié, un petit livre vif, rapide, dense, qui propose un feu d’artifice avec le restant de dynamite inutilisé… C’est peu dire qu’il s’y fera des ennemis, tant le propos dérange les affidés des trois religions monothéistes.

Six idées reçues

Jean Soler démonte six idées reçues. Première idée reçue : la Bible dépasse en ancienneté les anciens textes fondateurs. Faux : les philosophes ne s’inspirent pas de l’Ancien Testament, car « la Bible est contemporaine, pour l’essentiel, de l’enseignement de Socrate et des oeuvres de Platon. Remaniée et complétée plus tard, elle est même, en grande partie, une oeuvre de l’époque hellénistique ».

Deuxième idée reçue : la Bible a fait connaître à l’humanité le dieu unique. Faux : ce livre enseigne le polythéisme et le dieu juif est l’un d’entre les dieux du panthéon, dieu national qui annonce qu’il sera fidèle à son peuple seulement si son peuple lui est fidèle. La religion juive n’est pas monothéiste mais monolâtrique : elle enseigne la préférence d’un dieu parmi d’autres. Le monothéisme juif est une construction qui date du Ve siècle avant l’ère commune.

Troisième idée reçue : la Bible a donné le premier exemple d’une morale universelle. Faux : ses prescriptions ne regardent pas l’universel et l’humanité, mais la tribu, le local, dont il faut assurer l’être, la durée et la cohésion. L’amour du prochain ne concerne que le semblable, l’Hébreu, pour les autres, la mise à mort est même conseillée.

Quatrième idée reçue : les prophètes ont promu la forme spiritualisée du culte hébraïque. Faux : pour les hommes de la Bible, il n’y a pas de vie après la mort. L’idée de résurrection est empruntée aux Perses, elle apparaît au IIe siècle avant J.-C. Celle de l’immortalité de l’âme, absente de la Bible hébraïque, est empruntée aux Grecs.

Cinquième idée reçue : le Cantique des cantiques célèbre l’amour réciproque de Dieu et du peuple juif. Faux : ce texte est tout simplement un poème d’amour. S’il devait être allégorique, ce serait le seul livre crypté de la Bible.

Sixième idée reçue : Dieu a confié aux juifs une mission au service de l’humanité. Faux : Dieu a célébré la pureté de ce peuple et interdit les mélanges, d’où les interdits alimentaires, les lois et les règles, l’interdiction des mélanges de sang, donc des mariages mixtes. Ce dieu a voulu la ségrégation, il a interdit la possibilité de la conversion, l’idée de traité avec les nations étrangères, et il ne vise pas autre chose que la constitution identitaire d’un peuple. Ce dieu est ethnique, national, identitaire.

Le dieu unique : un guerrier

Fort de ce premier déblayage radical, Jean Soler propose l’archéologie du monothéisme. À l’origine, les Hébreux croient à des dieux qui naissent, vivent et meurent. Leurs divinités sont diverses et multiples. Yahvé a même une femme, Ashera, reine du ciel, à laquelle on sacrifie des offrandes – libations, gâteaux, encens. Pour ramasser cette idée dans une formule-choc, Jean Soler écrit : « Moïse ne croyait pas en Dieu. » Le même Moïse, bien que scribe de la Torah, ne savait pas écrire : les Hébreux n’écrivent leur langue qu’à partir du IXe ou du VIIIe siècle. Si Yahvé avait écrit les Dix Commandements de sa main, le texte n’aurait pas pu être déchiffré avant plusieurs siècles.

Le dieu unique naît dès qu’il faut expliquer que ce dieu national et protecteur ne protège plus son peuple. Il y eut un temps bénit, celui de la sortie d’Égypte, de la conquête de Canaan, de la constitution d’un royaume ; mais il y eut également un temps maudit : celui de la sécession lors de la création de la Samarie, un État indépendant, celui de son annexion par les Assyriens, à la fin du VIIIe siècle, et de la déportation du peuple, celui de la destruction de Jérusalem par le roi babylonien Nabuchodonosor au début du VIe siècle.

Le monothéisme s’impose dans la seconde moitié du IVe siècle. Le dieu des Perses, qui leur est favorable, devient le dieu des juifs, qui souhaitent eux aussi obtenir ses faveurs. Ce même dieu favorise l’un ou l’autre peuple selon ses mérites. On cesse de nommer Yahvé, pour l’appeler Dieu ou Seigneur. Les juifs réécrivent alors le premier chapitre de la Genèse.

Menacé de disparition physique, le peuple juif cherche son salut dans l’écrit. Il invente Moïse, un prophète scribe qui consigne la parole de Yahvé. Il se donne une existence littéraire et se réfugie dans les livres dont le contenu est arrêté par des rabbins vers l’an 100 de notre ère. Les juifs deviennent alors le peuple du Livre et du dieu unique.

Le dieu unique devient vengeur, jaloux, guerrier, belliqueux, cruel, misogyne. Jean Soler associe le polythéisme à la tolérance et le monothéisme à la violence : lorsqu’il existe une multiplicité de dieux, la cohabitation rend possible l’ajout d’un autre dieu, venu d’ailleurs ; quand il n’y a qu’un dieu, il est le vrai, l’unique, les autres sont faux. Dès lors, au nom du dieu un, il faut lutter contre les autres dieux, car le monothéisme affirme : « Tous les dieux sauf un sont inexistants. »

Invention du génocide

« Tu ne tueras point » est un commandement tribal, il concerne le peuple juif, et non l’humanité dans sa totalité. La preuve, Yahvé commande de tuer, et lisons Exode, 32. 26-28, trois mille personnes périssent sur son ordre. Dans Contre Apion, l’historien juif Flavius Josèphe établit au Ier siècle de notre ère une longue liste des raisons qui justifient la peine de mort : adultère, viol, homosexualité, zoophilie, rébellion contre les parents, mensonge sur sa virginité, travail le jour du sabbat, etc.

Jean Soler aborde l’extermination des Cananéens par les juifs et parle à ce propos d' »une politique de purification ethnique à l’encontre des nations de Canaan ». Puis il signale que le Livre de Josué précise qu’une trentaine de cités ont été détruites, ce qui lui permet d’affirmer que les juifs inventent le génocide – « le premier en date dans la littérature mondiale »… Jean Soler poursuit en écrivant que cet acte généalogique « est révélateur de la propension des Hébreux à ce que nous nommons aujourd’hui l’extrémisme ». Toujours soucieux d’opposer Athènes à Jérusalem, Jean Soler note que la Grèce, forte de cent trente cités, n’a jamais vu l’une d’entre elles avoir le désir d’exterminer les autres.

En avançant dans le temps, Jean Soler, on le voit, ouvre des dossiers sensibles. La lecture des textes dits sacrés relève effectivement de la politique. Il interroge donc la postérité du modèle hébraïque dans l’histoire et avance des hypothèses qui ne manqueront pas de choquer.

Le judaïsme, écrit-il, a été en crise cinq fois en mille ans. Il l’est aux alentours de l’an 0 de notre ère. D’où son attente d’un messie capable de le sauver et de lui redonner sa splendeur. Il y a pléthore de prétendants, Jésus est l’un d’entre eux. Ce sectateur juif renonce au nationalisme de sa tribu au profit de l’universalisme. Dès lors, il n’y a qu’un dieu, et il est le dieu de tous. Plus besoin, donc, des interdits qui cimentaient la communauté tribale appelée à régner sur le monde une fois régénérée.

Si Jésus séparait bien les affaires religieuses et celles de l’État, s’il récusait l’usage de la violence et prêchait un pacifisme radical, il n’en va pas de même pour l’empereur Constantin, qui, en son nom, associe religion et politique dans son projet impérial théocratique. Sous son règne, les violences, la guerre, la persécution se trouvent légitimées – d’où les croisades, l’Inquisition, le colonialisme du Nouveau Monde. Pendant ce temps, les juifs disparaissent de Palestine et constituent une diaspora planétaire. L’islam conquiert sans discontinuer et la première croisade, précisons-le, se trouve fomentée par les musulmans contre les chrétiens.

Le schéma judéo-chrétien s’impose, même à ceux qui se disent indemnes de cette religion. Jean Soler pense même le communisme et le nazisme dans la perspective schématique de ce modèle de pensée. Ainsi, chez Marx, le prolétariat joue le rôle du peuple élu, le monde y est vu en termes d’oppositions entre bien et mal, amis et ennemis, l’apocalypse (la guerre civile) annonce le millénarisme (la société sans classes).

Une oeuvre qui gêne

De même chez Hitler, dont Jean Soler montre qu’il n’a jamais été athée mais que, catholique d’éducation, il n’a jamais perdu la foi. Pour Jean Soler, « le nazisme selon Mein Kampf (1924) est le modèle hébraïque auquel il ne manque même pas Dieu » : Hitler est le guide de son peuple, comme Moïse ; le peuple élu n’est pas le peuple juif, mais le peuple allemand ; tout est bon pour assurer la suprématie de cette élection ; la pureté assure de l’excellence du peuple élu, dès lors, il faut interdire le mélange des sangs.

Pour l’auteur de Qui est Dieu ?, le nazisme détruit la position concurrente la plus dangereuse. Jean Soler cite Hitler, qui écrit : « Je crois agir selon l’esprit du Tout-Puissant, notre créateur, car, en me défendant contre le juif, je combats pour défendre l’oeuvre du Seigneur. » Les soldats du Reich allemand ne portaient pas par hasard un ceinturon sur la boucle duquel on pouvait lire : « Dieu avec nous »…

On le voit bien, Jean Soler préfère la vérité qui dérange à l’illusion qui sécurise. Son oeuvre gêne les juifs, les chrétiens, les communistes, les musulmans. Ajoutons : les universitaires, les journalistes, sinon les néonazis. Ce qui, convenons-en, constitue un formidable bataillon ! Faut-il, dès lors, s’étonner qu’il n’ait pas l’audience que son travail mérite ?

Accusation

L’accusation d’antisémitisme, bien sûr, est celle qui accueille le plus souvent ses recherches. Elle est l’insulte la plus efficace pour discréditer le travail d’une vie, et l’être même d’un homme. En effet, Jean Soler détruit des mythes juifs : leur dieu fut un parmi beaucoup d’autres, puis il ne devint unique que sous la pression opportuniste ethnique et tribale, nationaliste. Toujours selon Jean Soler, le monothéisme devient une arme de guerre forgée tardivement pour permettre au peuple juif d’être et de durer, fût-ce au détriment des autres peuples. Il suppose une violence intrinsèque exterminatrice, intolérante, qui dure jusqu’aujourd’hui. La vérité du judaïsme se trouve dans le christianisme qui universalise un discours d’abord nationaliste. Autant de thèses iconoclastes !

À quoi Jean Soler ajoute que la Shoah ne saurait être ce qui est couramment dit : « Un événement absolument unique, qui excéderait les limites de l’entendement humain. Effort désespéré pour accréditer à tout prix, jusque dans le pire malheur, l’élection par Dieu du peuple juif ! En réalité, l’existence de la Shoah est la preuve irréfutable de la non-existence de Dieu. » Soler inscrit la Shoah dans l’histoire, et non dans le mythe. Il lui reconnaît un rôle majeur, mais inédit dans la série des lectures de cet événement terrible : non pas événement inédit, mais preuve définitive de l’inexistence de Dieu – quel esprit assez libre pourra entendre cette lecture philosophique et historique ?

Renaissance grecque

Jean Soler, on le voit, a déclaré une guerre totale aux monothéismes. Bien sûr, il ne souhaite pas revenir au polythéisme antique, mais il propose que nous nous mettions enfin à l’école de la Grèce après plus de mille ans de domination judéo-chrétienne. Une Grèce qui ignore l’intolérance, la banalisation de la peine de mort, les guerres de destruction massive entre les cités ; une Grèce qui célèbre le culte des femmes ; une Grèce qui ignore le péché, la faute, la culpabilité ; une Grèce qui n’a pas souhaité l’extermination massive de ses adversaires ; une Grèce qui, à Athènes, où arrive saint Paul, avait édifié un autel au dieu inconnu comme preuve de sa générosité et de son hospitalité – cet autel fut décrété par Paul de Tarse l’autel de son dieu unique, le seul, le vrai. Constantin devait donner à Paul les moyens de son rêve.

Nous vivons encore sous le régime de Jérusalem. Jean Soler, solitaire et décidé, campe debout, droit devant deux mille ans d’histoire, et propose une Renaissance grecque. Le déni étant l’une des signatures du nihilisme contemporain, on peut décliner l’invitation. Mais pourra-t-on refuser plus longtemps de débattre de l’avenir de notre civilisation ? Avons-nous les moyens de continuer à refuser le tragique de l’histoire pour lui préférer la comédie des mythes et des légendes ? Nietzsche aurait aimé ce disciple qui va fêter ses 80 ans. Et nous ?

Qui est Dieu ?, de Jean Soler (éditions de Fallois).

Repères

1933 Naissance à Arles- sur-Tech.

1959 Agrégation de lettres classiques.

1973  » Sémiotique de la nourriture dans la Bible  » (revue  » Annales « ).

2002  » Aux origines du Dieu unique « , t. I :  » L’invention du monothéisme  » (Ed. de Fallois), salué par Edgar Morin et Claude Simon. Réédité dans la collection  » Pluriel  » (Hachette).

2009  » La violence monothéiste  » (Ed. de Fallois). 2012  » Qui est Dieu ?  » (Ed. de Fallois).

Voir également:

Michel Onfray accusé d’antisémitisme… et d’amateurisme

David Caviglioli

BibliObs

28-06-2012

Le 7 juin dernier, le philosophe publiait un article présentant le judaïsme comme un dogme génocidaire. Il est depuis la cible de critiques virulentes.

Michel Onfray a publié dans «le Point» du 7 juin dernier un article présenté comme un «plaidoyer» en faveur de l’historien Jean Soler, texte qui lui vaut depuis d’être la cible de critiques virulentes.

Jean Soler, ancien diplomate, plusieurs fois nommé à la tête d’institutions culturelles, est l’auteur de nombreux ouvrages consacrés, sur un mode hostile, à l’histoire et à la philosophie du monothéisme. Il vient de publier «Qui est Dieu ?» (éditions De Fallois). Michel Onfray, en «athéologien» militant, a tenu à saluer la parution de l’ouvrage. Il présente Jean Soler comme un érudit solitaire et minutieux, méprisé par les institutions, bien qu’il excelle «dans la patience du concept».

« Il a toutes les qualités de l’universitaire, au sens noble du terme ; voilà pourquoi l’université, qui manque de ces talents-là, ne le reconnaît pas », tranche Onfray, offrant une démonstration éclatante à l’adage qui veut qu’on utilise souvent les autres pour dire ce qu’on pense de soi.

«Les juifs inventent le génocide»

Premier problème: sur les plans théologique comme historique, l’article de Michel Onfray est truffé d’approximations, de contresens et de confusions: on renverra ceux que ça intéresse à cette critique très complète de Didier Long, qui reprend les erreurs d’Onfray une par une, ou à la réponse du rabbin Yeshaya Dalsace dans «le Point» de ce jeudi.

Mais ces errements ne sont pas la source de la polémique. L’idée centrale de ce «plaidoyer» est que le monothéisme juif, avec sa «violence intrinsèque exterminatrice» a inauguré les plaies de l’Histoire que sont les massacres ethniques et les génocides.

Pour Onfray commentant Soler, les prescriptions bibliques, loin d’avoir offert une première existence à l’idée d’une morale universelle (comme le croient les naïfs), «ne regardent pas l’universel et l’humanité, mais la tribu, le local (…). L’amour du prochain ne concerne que le semblable, l’Hébreu, pour les autres, la mise à mort est même conseillée.»

On apprend aussi que le dieu des juifs «a voulu la ségrégation» en interdisant les mariages mixtes et en instaurant des interdits alimentaires. En clair: «ce dieu est ethnique, national, identitaire». Yahvé, un mec du Rassemblement Bleu Marine ? Peut-être pire encore…

Car Onfray poursuit, tout à son idylle intellectuelle avec Soler: il évoque «l’extermination des Cananéens par les juifs» et reprend, sans apporter la moindre contradiction, l’expression de «purification ethnique». «Les juifs inventent le génocide», fait-il enfin dire à l’historien.

Hitler-Moïse : même combat?

Tout ceci pose évidemment problème. D’abord en termes purement factuels. Il est prouvé que la conquête destructrice de Canaan, racontée dans le livre de Josué, est une épopée à peu près fictive, comme on en trouve dans les récits fondateurs de tous les peuples.

Par ailleurs, sa dénonciation de l’«ethnicisme» juif exige de taire certains faits: Adam, Abraham, Noé et consorts n’étaient évidemment pas juifs; le code lévitique affirme: «Tu aimeras l’étranger comme toi-même»; l’interdiction d’assassiner (et non de tuer) dans le deutéronome concerne l’humanité entière (contrairement à ce qu’Onfray affirme); l’élection du peuple d’Israël, concept fréquemment mal compris, ne lui procure à aucun bénéfice, hormis celui d’être soumis à des lois plus sévères. On trouve dans la Bible des versets comme: «Car Ma maison sera appelée maison de prière pour tous les peuples.» On a certainement fait plus humaniste que l’Ancien testament. Mais c’est un texte nébuleux, parfois contradictoire, dans lequel il vaut mieux pénétrer prudemment.

Au-delà de ces contresens, on ne peut qu’être frappé par l’anachronisme du raisonnement de Michel Onfray. Utiliser des concepts modernes pour juger une peuplade du XIIe siècle avant J.C. est une démarche pour le moins hasardeuse. C’est ainsi: la Charte des Nations unies de 1948 n’était pas souvent appliquée sous l’Antiquité. Les royaumes, juifs ou pas, du deuxième millénaire avant notre ère étaient rarement aux mains de monarques cosmopolites et post-identitaires. Les archéologues retrouvent très peu de pins «Touche pas à mon pote» lorsqu’ils fouillent le sol mésopotamien. Les divinités obtuses qui régnaient en ce temps rechignaient à se donner la main pour former une grande chaîne de la tolérance autour de la terre.

Cette amère vérité n’arrête pas Onfray et Soler. Le philosophe cite l’historien, dans ce qui constitue le passage le plus problématique de son article: «Le nazisme selon “Mein Kampf” (1924) est le modèle hébraïque auquel il ne manque même pas Dieu.» Puis Onfray acquiesce: «Hitler est le guide de son peuple, comme Moïse.» Le judaïsme, fondement de la pulsion génocidaire? Modèle de l’hitlérisme?

Onfray accrédite même une théorie selon laquelle les nazis auraient exterminé les juifs pour «détrui[re] la position concurrente la plus dangereuse» – rappelons à toutes fins utiles que les juifs n’ont jamais exterminé qui que ce soit. Mais Onfray tient à sa démonstration: il insinue que la formule «Dieu avec nous» utilisée par le Reich hitlérien était reprise du prophète Isaïe. C’est là une torsion de la vérité historique: cette devise avait été empruntée par l’Empire germanique dès 1871, non à Isaïe, mais aux byzantins.

«Goût exquis»

Cette volonté de «judéiser» le nazisme a valu au philosophe des critiques sévères. Haïm Korsia a fait part dans «l’Express» de sa «révulsion». Michaël de Saint-Chéron, sur le site de «la Règle du jeu» (organe il est vrai traditionnellement hostile à Onfray) lui reproche de laisser libre cours à sa «détestation des juifs». Dans «le Point» de ce jeudi, Yeshaya Dalsace, Aldo Naouri et Antoine Spire, en plus de montrer les errements de son argumentation, ironisent sur le «goût exquis» de sa comparaison entre nazisme et judaïsme.

Dans le même journal, Marek Halter émet l’hypothèse que «les juifs le gênent» et lui reproche ses accents communs avec Ernst Nolte, «historien allemand qui essaie de nous faire croire que les nazis ont tout appris chez les bolchéviques, et les bolchéviques chez les juifs. Ainsi la boucle est bouclée: les juifs sont responsables de leur propre mort.»

Michel Onfray a répondu, d’une manière qu’on qualifiera poliment d’étrange, toujours dans «le Point»: il s’est contenté de reproduire un texte datant de janvier dernier, dans lequel il se proclamait sioniste. Pas un mot sur les contrevérités qu’il a relayées, ni sur les thèses de Jean Soler, dont il semble pourtant apprécier la lecture. Pas même une phrase indiquant que son opposition, tout à fait honorable, au sectarisme monothéiste a pu le pousser à contresigner des choses qu’il ne pensait pas. Ca arrive, parfois, d’écrire trop vite.

Voir encore:

Jean Soler ou les démons de Michel Onfray

le grand rabbin Haïm Korsia

L’Express

26/06/2012

Le rabbin Korsia répond à l’article de Michel Onfray dans Le Point sur Jean Soler.

Grasset

Le grand rabbin Haïm Korsia répond ici à un texte du philosophe, paru dans Le Point. Le héraut de l’athéisme y citait un auteur sulfureux, Jean Soler, qui fait de dangereux rapprochements entre le judaïsme et le nazisme. Michel Onfray n’a pas souhaité réagir.

Par nature et fonction, je porte les principes de laïcité républicaine et fais la part des choses. Mais j’ai lu avec révulsion les amalgames dont se repaît le Sage de l’Université populaire de Caen.

Endossez-vous, monsieur Onfray, cette fulgurance de Soler: « Le nazisme selon Mein Kampf est le modèle hébraïque auquel il ne manque même pas Dieu »? Même pas Dieu? Même pas peur, nous dit M. Onfray! Sérieusement, le nazisme et le « modèle hébraïque » seraient fusionnels, monsieur Onfray? Selon Mein Kampf? Selon Soler? Selon vous? C’est selon? Vous enseignez? Comme on saigne, peut-être?

N’êtes-vous pas le logo de cette nouvelle Histoire mêlant rétroactivement toutes les utopies contrefactuelles, machine à démonter les temps? Mais voyons-y de plus près.

Le Dieu de la Bible, nationaliste? La prière de Salomon dans le livre des Rois souhaite à l’étranger la bienvenue dans le Temple, dont l’immense parvis était destiné à tous les peuples pour qui les prêtres offraient 70 bêtes comme les 70 nations connues. Et dois-je rappeler le sublime verset d’Isaïe: « Car Ma maison sera appelée maison de prière pour tous les peuples »?

Contrairement à ce qu’affirme Onfray, l’amour du prochain concerne tous les hommes dans la Bible, où il est répété tant de fois: « Tu aimeras l’étranger comme toi-même », car « il n’y a qu’un seul peuple sur terre », et aucun ne peut se dire supérieur à un autre. Chacun a une spécificité, un génie propre, une mission. Si l’élection d’Israël est une responsabilité particulière, chaque humain aura part au monde futur sans nécessité de passer par le judaïsme. Et même en étant un athée qui, au moins, espère en l’Homme.

Athènes, le contre-exemple parfait de la Jérusalem honteuse, ségrégationniste et violente? La Grèce, forte de 130 cités, n’a-t-elle jamais vu l’une d’entre elles exterminer les autres? Sparte et le modèle esclavagiste ne vous rappellent donc rien? Ni la femme grecque libre enfermée dans le gynécée libre? Aristote a été condamné parce qu’il refusait de reconnaître les dieux de la cité et qu’il risquait d’y introduire de nouvelles divinités. Il n’a pas pu se lancer dans la politique car il était un « métèque », un étranger, et ce même statut lui interdisait d’acheter le terrain de son Lycée. Et ceci, Onfray ne peut l’ignorer.

Non, monsieur Onfray, le Nietzsche que vous invoquez ne vous adouberait pas. A vos lecteurs, l’anti-philistin de la culture, dont je ne suis pourtant pas un adepte, dit: « Les génies savent mieux que les talents dissimuler l’orgue de Barbarie, au moyen de leur drapé plus ample; mais au fond, tout ce qu’ils peuvent aussi est de jouer et rejouer toujours leur demi-douzaine de vieilles rengaines » (Oeuvres philosophiques complètes, XIII).

Tout y est, monsieur Onfray, et vous tout entier: votre « génie » sans talent, le drapé de vos postures, la Barbarie de vos grandes orgues, les rengaines que vous remettez au goût du jour. Ce que vous dites à mots à peine cachés est terrible de responsabilité envers les esprits faibles qui risqueraient de vous croire : « [Le judaïsme] suppose une violence intrinsèque exterminatrice, intolérante, qui dure jusqu’aujourd’hui. » Malheureusement, c’est l’antisémitisme « qui dure jusqu’aujourd’hui », et celui des intellectuels n’est pas moins violent que celui des nervis de telle ou telle mouvance.

Ne sortez pas les démons de la bouteille avec de tels appels à la haine, car les nuages sont de retour sur notre vieille Europe et l’horreur récente de Toulouse est là pour nous le rappeler.

Voir par ailleurs:

Onfray : rien de nouveau

Yeshaya Dalsace

Primo

18-06-2012

Michel Onfray a gratifié le grand public d’un long article de trois pages dans Le Point du 7 juin 2012 à propos du dernier ouvrage de Jean Soler « Qui est Dieu ? ».

Il se trouve que j’apprécie les travaux de Michel Onfray et ses conférences. Son goût pour un certain épicurisme et les philosophes délaissés n’est pas fait pour me déplaire.

Par ailleurs, j’ai lu et suivi de longue date les différents ouvrages de Jean Soler sur la Bible, dont on peut en effet apprécier l’érudition classique malgré son fiel.

Michel Onfray fait grand cas du travail de Jean Soler, présenté comme une immense figure intellectuelle, un héros de l’esprit menant courageusement une guerre salvatrice contre l’hégémonie monothéiste au profit de la réhabilitation du bien précieux perdu par l’occident : la culture polythéiste, autrement supérieure.

L’acteur principal de cette mise sous le boisseau du meilleur de la culture humaine, Athènes, au profit d’une ville honnie, Jérusalem, est bien entendu le juif (avec un petit j, c’est-à-dire l’adepte de cette doctrine à combattre)… C’est simple, limpide…

Sur trois pages, Onfray se lâche en affirmant un tas de contrevérités, d’imprécisions, d’affirmations caricaturales tout en faisant croire au lecteur qu’on vient de découvrir enfin, grâce à l’héroïque Soler, comparé au grand Nietzsche, une vérité qu’on voulait si longtemps nous cacher sur la véritable identité de l’affreux et sanguinaire despote de notre culture : le Dieu du monothéisme, dont le Juif (que j’écris avec une majuscule car identité et religion sont ici indissociables), à la fois son esclave et son agent, ne vaudrait pas mieux que la caricature divine dont il se croit l’élu…

Cependant, contrairement à ce qu’affirme dans son article Michel Onfray, Jean Soler ne fait nullement dans la nouveauté. Je dirais même qu’il ressort de vieilles lunes avec un dogmatisme de premier de la classe qui récite une leçon bien apprise.

Jean Soler viendrait casser six idées reçues, ce que nul avant lui n’aurait osé faire.

Ce héros intellectuel déboulonnerait une bonne fois pour toutes l’immonde et sanguinaire Dieu d’Israël, responsable de 2000 ans de malheurs et de guerres sans fin.

Le monde intellectuel, l’Université au premier chef, par conventionnalisme, bouderait Soler, on l’accuserait même d’antisémitisme, ultime arme des censeurs à court d’argument, ce héros digne d’un autre briseur d’idoles mal reconnu, Onfray lui-même.

Examinons les six points de Soler, présentés par Onfray comme révolutionnaires :

1. Contrairement à ce qu’on croit, la Bible n’est pas si ancienne et n’aurait pas la primauté car contemporaine des grandes oeuvres philosophiques grecques. C’est juste.

Mais Michel Onfray semble ignorer que toute personne, quelque peu érudite en matière biblique, connaît ce fait. De nombreuses recherches dans ce domaine ont été publiées et si quelqu’un s’intéresse à ce genre de sujet, je lui conseillerais plutôt la lecture de Thomas Römer qui est un bibliste sérieux que celle de Jean Soler…

En fait de nouveautés, Michel Onfray, en fin connaisseur des textes philosophiques qu’il est, devrait savoir que le grand Spinoza avait déjà affirmé cela dès le 17e siècle…

Thèse largement reprise, argumentée et divulguée depuis par les divers chercheurs dont bon nombre d’universitaires israéliens, dont certains portent la kipa… Qui ignore aujourd’hui que les textes antiques ont une histoire rédactionnelle complexe ?

2. « La religion juive n’est pas monothéiste mais monolâtrique » affirme Michel Onfray. Le Dieu des Juifs serait une idole qui a bien réussi… Le problème dans cette affirmation est la confusion entre la préhistoire du judaïsme, qui puise en effet dans un fonds culturel polythéiste et « la religion juive » qui a traversé toutes sortes de phases et n’a pas fini de le faire. Là encore, rien de neuf sur l’histoire et nombre de savants travaillent à ces sujets depuis 150 ans…

Mais de quels « Juifs » parle-t-on et de quelle époque ?

Onfray qui sait, tout comme Soler, la valeur du langage se permet d’affirmer une généralité éternelle « La religion juive n’est pas monothéiste »…

Donc, en toute logique, les synagogues sont des lieux d’idolâtrie où l’on affirmerait la supériorité d’une divinité sanglante sur ses concurrentes…

Lamentable raccourci et simplification historique.

Si Michel Onfray était meilleur lecteur de la Bible, il saurait que celle-ci présente effectivement les hébreux comme idolâtres et les fustige pour cela, mais que le terme « Juifs » n’apparait que dans le livre d’Esther, fort tardif, à une époque où le véritable monothéisme est un acquis et le stade de la monolâtrie, un lointain souvenir.

Il saurait surtout que la Bible ne tient pas de discours théologique uniforme (d’où son intérêt et sa longueur d’ailleurs) et qu’au bout du compte l’enseignement du monothéisme s’y trouve bien, contrairement à ses allégations simplificatrices.

Pour moi, « la religion juive » est celle que je pratique, bien loin des idées reçues et des assertions de Michel Onfray et elle puise dans un réservoir de 3000 ans de textes les plus divers, y compris les textes universitaires les plus critiques.

3. Pour Onfray, la Bible ne connaît pas l’universel et incite les Juifs à écraser les autres… Un peu court, comme affirmation ! (sans parler de relents nauséabonds de conspirationnisme).

Au contraire, le plus étonnant dans la Bible, c’est qu’un petit peuple montagnard isolationniste en soit arrivé à une vision universaliste, affirmée à de nombreuses reprises.

On la trouve dans l’idée d’ancêtre unique à toute l’humanité présentée comme une grande famille égalitaire ; dans l’idée de la possibilité de construire une paix fraternelle universelle exprimée chez plusieurs prophètes, notamment Isaïe ; dans l’ordre de respecter l’étranger « car tu as été toi-même étranger », « tu aimeras l’étranger comme toi-même » (Lévitique 19,34) qui est répété à de nombreuses reprises, ainsi que dans bien d’autres passages qui abondent en ce sens.

Il est vrai que les Juifs ont toujours agacé par leur particularisme qui peut parfois être sujet à critique, le vilain Haman du Livre d’Esther ne s’en gêne pas… Mais on sait ce que cet agacement peut engendrer dans l’Histoire humaine et combien de Juifs en ont payé le prix.

Ce qui devrait inciter Onfray et Soler à un semblant de décence au moment d’avancer ce genre d’allégations et au moins les argumenter avec finesse.

Certes la Bible, livre d’une grande complexité, n’a pas le monopole de la morale et de l’universel, mais elle énonce bien une morale universelle que la lecture révisionniste de Soler ne peut évacuer d’un revers de main, en la réduisant à ses seuls aspects particularistes ou ritualistes.

4. Paradoxalement, Onfray reproche à la Bible de ne pas avoir affirmé clairement l’immortalité de l’âme et la résurrection. C’est vrai, et réjouissons-nous de cette liberté dogmatique digne des présocratiques !

Les rabbins du Talmud en étaient d’ailleurs gênés et cherchèrent à prouver assez maladroitement que leur idée de résurrection s’inscrivait bien dans le texte biblique. Ce point de doctrine était même une des polémiques entre Juifs pharisiens et Juifs sadducéens au 1er siècle avant JC.

Là encore, donc, comme innovation, on fait mieux : Soler a 2000 ans de retard !

Mais cela veut-il dire qu’il n’y avait pas de spiritualité chez les prophètes, ou même les sadducéens, comme l’affirme Michel Onfray ? Il semble avoir une idée bien étroite et dogmatique de la spiritualité, qui ne passerait que par la résurrection ou l’éternité de l’âme et contredit donc ici son propre discours philosophique…

5. Onfray nous dévoile une vérité soigneusement cachée : le Cantique des Cantiques parle de l’amour charnel, c’est un texte érotique ! Voilà l’incroyable découverte de Jean Soler ! On se roule de rire… (Quoi, Salomon, vous êtes Juif !) Mais il faudrait être vraiment aveugle pour ne pas le voir : « Tes seins, ta bouche, tes cuisses, le levier de la porte, la serrure,… non tu ne rentreras pas ! »

Gainsbourg n’a rien inventé et personne ne s’y est jamais trompé, même si une lecture symbolique et mystique fut mise en avant chez les religieux.

Onfray prend les lecteurs du Point pour des enfants de choeur ! N’eut-il pas été plus digne de la pensée de l’auteur de s’interroger sur ce choix délibéré d’un texte érotique par les mystiques et les chefs du puritain monothéisme ?

6. Onfray assène : le Dieu d’Israël est exclusivement ethnique et séparatiste… la preuve : les lois alimentaires et de pureté pratiquées par les Juifs…

Comment un philosophe, forcément retiré régulièrement dans son pré carré bien gardé pour pouvoir écrire son oeuvre universelle peut-il écrire des choses aussi terre à terre et caricaturales ?

Ne connaît-il pas ce genre de lois sur la pureté chez ses chers Grecs ? Ne sait-il pas la vertu d’une discipline intérieure ?

Quelle contradiction entre ces règles et les principes de l’Universel ? Voilà bien une affirmation simpliste. Mais là encore, rien de neuf, c’est la reprise d’un vieux thème antijudaïque, celui d’une époque où l’on jetait volontiers les Juifs dans les puits ou sur les bûchers pour leur apprendre les vertus de l’universalisme chrétien…

Le reste de l’article ne présente rien de bien nouveau non plus, Onfray, à la suite de Jean Soler, croit devoir prendre une pose héroïque quand il ne fait qu’enfoncer des portes ouvertes…

S’il lisait un peu plus les biblistes et les historiens des religions, il se rendrait vite compte que le très savant et génial Jean Soler compile, vulgarise, avec un certain talent, mais ne dit rien au fond de bien original.

Ensuite, Onfray nous offre une révision du commandement « tu ne tueras point » qui, selon lui, ne concernerait que les membres de la tribu juive : les autres, on pourrait les massacrer comme bon nous semble… Là encore, en parlant d’un texte ancien, le mot « juif » est bien mal venu et plein d’ambigüité.

Mais surtout, « tu ne tueras point » est une traduction discutable qu’il faudrait plutôt comprendre « tu ne commettras point de meurtre » ou « tu n’assassineras point », même sans savoir l’hébreu, il est facile de comprendre la différence entre « assassiner » et « tuer ».

On peut pratiquer la peine de mort, sans pour autant assassiner… nuance à la portée d’un philosophe.

Certes, la Bible parle de condamnation à mort et décrit nombre de massacres, avant tout dans un but édifiant typique de son époque, mais cela ne veut nullement dire que c’est une question de Juifs ou pas (voir la fin du livre des Juges où l’on se massacre entre « frères », ou même l’épisode du veau d’or ou de Coré dans le Pentateuque).

Le judaïsme a certes développé une législation à deux vitesses entre citoyen et étranger, que l’on peut critiquer, mais comme tous les systèmes de l’époque, y compris grec, et qui inspire notre système de citoyenneté actuel.

L’accusation de restreindre l’interdit du meurtre aux seuls Juifs est grave et digne cette fois des pires rumeurs médiévales reprises au siècle dernier avec les conséquences que l’on sait : les Juifs solidaires entre eux empoisonnent les autres par haine du genre humain, et sont donc empoisonnables…

Puis Onfray nous fait verser une larme sur les Cananéens exterminés par « les juifs » (sic), grands massacreurs devant l’Eternel, contrairement aux très pacifiques Grecs…

Ici on touche au fond de l’absurde et de l’inexactitude, mais surtout à l’indécence pour ne pas dire l’abject.

Tout d’abord, en bon adepte de la critique biblique et de la rationalité, Onfray devrait savoir que le massacre des Cananéens n’est qu’une pure légende contredite par l’archéologie et le texte biblique lui-même.

Il devrait savoir également, grâce à la même critique universitaire qu’il invoquait pour démolir l’ancienneté biblique, que les Hébreux sont eux-mêmes des Cananéens, même langue, mêmes divinités, dont le fameux El, sévère Dieu supérieur les conduisant à la monolâtrie, avant l’étape suivante…

Que les terribles passages de massacres du livre de Josué ou ailleurs dans la Bible, choquent notre sensibilité humaniste, rien de plus normal et de plus légitime.

Mais que cela fasse du judaïsme et du monothéisme en général le terreau obligatoire de l’extrémisme et l’inventeur du génocide, c’est vraiment tenir un raisonnement très superficiel et étaler ses préjugés au grand jour.

Jean Soler oppose les Grecs épris de paix aux Juifs belliqueux… Faut-il rouvrir les classiques helléniques pour se remémorer les guerres entre cités, enlèvements, massacres et viols ?

Faut-il rappeler les interminables luttes entre Sparte et Athènes et la politique hégémonique de cette dernière dont la cruauté envers les vaincus frappa Aristophane ou Xénophon ? Onfray ne sait-il pas la vantardise sanguinaire des Anciens, qui agissaient d’ailleurs moins qu’ils n’écrivaient, alors que les modernes font l’inverse…

Cette vantardise et ce goût pour le sang versé sont communs à toute la littérature antique et aux bas reliefs, de la lointaine Mésopotamie jusqu’aux Romains, en passant par les Egyptiens, les Grecs, les Hébreux et bien d’autres.

Mais l’athéisme occidental, dont Onfray se veut le porte drapeau, après ses dizaines de millions de victimes au nom d’une rationalité nationale parfaitement athée, massacrées comme jamais on ne le vit auparavant dans l’histoire humaine, n’est pas si bien placé que cela pour donner des leçons au reste du monde ou dresser un doigt accusateur contre le monothéisme.

Il est un fait que la Bible relève et cherche à résoudre dès ses premières lignes : l’être humain tue son prochain et a beaucoup de mal à s’arracher à ce rôle de Caïn et au cercle vicieux de la violence.

L’accusation biblique, contrairement à ce que pense Onfray, est universelle et n’épargne personne, ni les Juifs, ni les Grecs, ni les hommes, ni les femmes… car s’il est un sujet de prédilection dans la Bible, ce n’est pas Dieu, mais bien l’humain dans son humanité la plus prosaïque, avec tous ses défauts exposés au grand jour et sous toutes les facettes possibles.

Aucune figure biblique n’échappe à la critique.

Dans l’article d’Onfray, vient ensuite un parallèle doctrinal entre nazisme et judaïsme… On laisse à l’auteur la responsabilité de ses comparaisons d’un goût exquis. On ne relèvera que l’erreur historique : « les soldats du Reich allemand ne portaient pas par hasard un ceinturon sur la boucle duquel on pouvait lire : Dieu avec nous ».

Or Onfray devrait savoir que ce ceinturon est très antérieur au régime nazi. Si c’est là la seule preuve de la ferveur monothéiste d’Hitler… avec quelques autres déclarations du Führer sur le « Tout-puissant », c’est un peu court.

On pourrait opposer à ce grand admirateur de la culture polythéiste qu’est Michel Onfray, que s’il y a peut-être une ferveur religieuse dans le nazisme, ce serait plutôt sous la forme d’un retour aux bonnes vieilles valeurs du paganisme germanique, le culte du corps et des forces de la terre.

Tout ce que le judaïsme déteste… Impossible me direz-vous, un païen, d’après Onfray, est forcément un homme de tolérance et un pacifiste, il suffit de regarder l’histoire glorieuse des empires de l’Antiquité pour s’en convaincre. Jean Soler, que l’on ne saurait bien sûr soupçonner d’antisémitisme, (impensable chez un esprit de cette trempe !), aime certainement beaucoup les Juifs (il fut diplomate en Israël, il doit en garder quelques nostalgies et mêmes des amis) mais déteste profondément le judaïsme, la culture juive et tous les monothéismes.

Il n’aime pas non plus la « singularité » de la Shoa, « efforts désespérés à tout prix, jusque dans le pire malheur, pour accréditer l’élection par Dieu du peuple juif ». Si je comprends bien, les Juifs exploiteraient cyniquement la Shoa pour remettre en selle leur élection divine !

Faisons plaisir à Soler et Onfray.

Admettons que la Shoa ne soit qu’un massacre parmi d’autres, rien que le juste retour de bâton après le précédent de Josué.

Admettons qu’il n’y ait rien de singulier à aller chercher aux quatre coins de l’Europe, des vieillards, des femmes et des enfants dans le seul but de les éliminer.

Admettons que tout cela soit un malheur normal et qu’il n’y ait pas lieu de faire de ce détail de l’Histoire, une singularité.

Admettons également que l’Histoire juive – ses 2500 ans de diaspora, sa renaissance étatique et linguistique dans l’Etat d’Israël moderne – soit des plus banales.

Admettons que la Bible soit un bien mauvais bouquin. Concluons une bonne fois pour toutes que ces gens-là nous ont assez cassé les pieds et qu’il est temps pour l’Occident d’en sortir !

Alors allons au bout de la logique d’Onfray : brûlons la Bible, Freud et quelques autres pour revenir exclusivement à Platon et Epicure !… Culture quand tu nous tiens !

Je ne connais pas les comptes que Jean Soler a à régler à travers ses «découvertes » » et ses « combats héroïques » contre l’infâme.

Je ne sais pas quels comptes Michel Onfray cherche à régler en montant au créneau pour promouvoir Soler l’incompris. Je sais seulement qu’en écoutant les conférences d’Onfray sur Freud, passé l’intérêt premier, j’ai ressenti un malaise dans ce besoin de tirer systématiquement sur le vieux docteur et « son goût immodéré pour l’argent »…

En lisant l’article sur Soler, je ressens le même malaise, avec ici un indicateur troublant (lapsus de notre philosophe anti-freudien ?) : l’emploi quasi systématique dans cet article du terme « juif » alors qu’il est historiquement inapproprié et que les Juifs ne sont pas les seuls monothéistes, loin s’en faut (si en plus ils en sont toujours à la monolâtrie, qu’on les laisse alors tranquilles ces primitifs).

Mais je ressens un plus grand malaise encore de voir un journal aussi sérieux que Le Point laisser passer des allégations aussi médiocres et mal à propos, au point de se demander si on lit du Onfray ou un avatar d’une médiocre littérature antijuive qu’on croyait dépassée, le tout dans un climat français où assassiner un Juif à bout portant ou le tabasser est devenu chose possible.

Je n’ai absolument rien contre la critique des excès religieux, au contraire ! En bon disciple de Moïse, je trouve salutaire de casser les tables sacrées et les idoles…

En bon Juif, je n’ai pas peur de l’autodérision.

Comme chacun, je suis effrayé par l’éveil d’une religiosité extrémiste et bornée, y compris chez certains Juifs, qu’il est salutaire de critiquer et d’analyser.

Mais il s’agit dans cet article du Point d’un lamentable et malsain jeu de massacre qui manque sa cible et discrédite profondément son auteur.

Yeshaya Dalsace, rabbin de la communauté DorVador, Paris 20e

Voir de même:

CULTURE

Du ressentiment à l’effondrement de la pensée : le symptôme Onfray

Gérard Bensussan, Alain David, Michel Deguy  et Jean-Luc Nancy  Philosophes

Libération

3 juillet 2012

Le texte ci-dessous et la réponse de Michel Onfray font référence à une polémique dont le point de départ est un article de Michel Onfray paru dans le Point du 7 juin dernier sur Qui est Dieu?, un livre de Jean Soler (éd. de Fallois). Le 28 juin, le Point a publié sur le même sujet un dossier dans lequel on trouve, notamment, des articles du rabbin Yeshaya Dalsace, de Marek Halter, et, à nouveau, de Michel Onfray.

L’article publié par Michel Onfray dans un récent numéro du Point (le 7 juin) pose un problème très grave. Prétendant rendre compte d’une étude de Jean Soler sur la Bible, il donne à l’esprit de vengeance sa plus redoutable expression en l’appliquant à ce qui focalise le ressentiment contemporain, le judaïsme, autant qu’à l’ensemble monothéiste qui en est issu.

Laissons à d’autres le soin de discuter (s’il peut être discutable) le livre de Jean Soler et ne retenons ici que ce qu’en présente Onfray, qui est atterrant : le judaïsme, loin de supprimer le polythéisme, est «monolâtrique». Loin d’avoir inventé une morale universelle, il ne sert que des intérêts tribaux et égoïstes d’un peuple qui autrefois comme aujourd’hui se donne pour seule ambition de dominer les autres. Il faut citer cette phrase stupéfiante : «Le monothéisme devient une arme de guerre forgée tardivement pour permettre au peuple juif d’être et de durer, fût-ce au détriment des autres peuples. Il suppose une violence intrinsèque exterminatrice, intolérante, qui dure jusqu’aujourd’hui.» Et pour faire bon poids, Onfray ajoute que les Juifs sont le premier peuple à avoir perpétré des génocides (le génocide hitlérien étant lui-même d’ailleurs d’inspiration et de facture juives) et que la Shoah n’a pas l’importance exceptionnelle qu’on lui attribue habituellement.

Michel Onfray se réclame, depuis qu’il publie, de Nietzsche. Or il pratique en permanence l’esprit de vengeance, il est le prototype de ce que l’auteur du Zarathoustra identifiait comme «l’homme de ressentiment». Il fait profession de dénoncer l’establishment, et en particulier les gloires philosophiques, les religions ou Freud, mais cette dénonciation n’est que la constante et obstinée dénégation de la pensée. Baptisant hédonisme ce qui n’est qu’une complaisance démagogique pour la bassesse, quêtant auprès de l’opinion une reconnaissance que ses pairs en philosophie lui ont globalement refusée, il s’est acquis, ces dernières années, une notoriété exceptionnelle fondée tout ensemble sur l’intimidation et sur cette vague fascination que les sociétés entretiennent pour les démarches vulgaires.

On aurait pu en rester là, au malentendu, en haussant les épaules et rangeant par profits et pertes les bénéfices liés à l’imposture, mais Onfray, selon une trajectoire qui, après-coup, ne surprend pas franchit aujourd’hui un certain Rubicon.

Inutile de s’étendre sur les propos écoeurants contenus dans son texte du Point. Il n’y a guère de sens, jusqu’à nouvel ordre, à argumenter contre une idéologie qui désigne les Juifs comme les éternels porteurs d’une pulsion de mort dont notre époque continuerait à être victime. La vraie question est celle de la nature de l’audience d’une idéologie qui plaît à notre temps. En atteste, hélas, au-delà de l’article que nous évoquons, le dossier qui est paru dans la dernière livraison du Point (le numéro paru le 28 juin). Sous le titre «La polémique Michel Onfray-Jean Soler», cet hebdomadaire a construit un «débat» dans lequel Onfray, occupant en surplomb la place du philosophe non conformiste et politiquement incorrect, ferraille dédaigneusement en répondant à quelques objecteurs qui ont pourtant en commun de lui avoir concédé ce qui est pour cet homme si avide de revanche l’essentiel, sa légitimité de philosophe. Or ce n’est que par une imposture dont il faudrait prendre le temps de décrypter la portée qu’Onfray a pu s’acquérir la réputation d’être philosophe. Faire l’hypothèse de sa non-légitimité (ce qui nous paraît le minimum) serait rendre vain tout débat et transformer le Point, de journal courageux qu’il se voudrait, ayant accepté le risque de l’anticonformisme, en un support médiatique réductible à n’importe quel tabloïd soucieux d’audience, hors d’état de séparer le bon grain de la pensée de l’ivraie de la niaiserie idéologique ; qui plus est, dans le cas présent, se faisant le complice de propos dangereusement irresponsables.

En d’autres termes, il ne s’agit pas, par-delà cet article du Point, de débattre avec Onfray, ou contre lui, mais de s’interroger sur les raisons de la notoriété dont il jouit. Pourquoi cette audience, de quoi est-elle le symptôme ? Faut-il évoquer l’antisémitisme ?

On ne pourra éviter en tout état de cause de faire ici l’hypothèse d’une étrange maladie, qui n’a peut-être pas encore de nom, mélange de fascination obsessionnelle pour le judaïsme, d’incompréhension et de ressentiment pour l’histoire et le destin que ce dernier signifie pour l’humanité. Certains des plus grands penseurs du XXe siècle ont donné à entendre cela, Levinas, Derrida, Blanchot, d’autres encore, lesquels ont vu dans le judaïsme non la religion particulière d’une communauté (ce qu’il est évidemment aussi) mais une catégorie universelle de la pensée.

La position d’Onfray correspond à un certain effondrement de la pensée, à cette équivoque contemporaine qui voudrait que le judaïsme soit à la fois porteur d’une signification historiale et objet d’une récurrente dénégation et rivalité mimétique. Cette équivoque est plus lourde de conséquences que le personnage inconsistant qui s’en est fait aujourd’hui le héraut. Néanmoins la position de philosophe médiatique que par son talent très particulier il s’est acquise, aussi bien que l’incroyable violence des propos qu’il tient, propos de nature à légitimer une autre violence, celle qui règne sur des scènes qui ne sont pas qu’intellectuelles, nous incitent, comme philosophes, à réagir, à inviter la communauté des philosophes à réagir également, à demander enfin quelle sorte de place occupe aujourd’hui Michel Onfray parmi les voix de la philosophie.

Car si lui-même n’est pas le philosophe qu’il dit, qu’est-il et de quoi est-il le symptôme ? N’est-ce pas à dresser des barrières contre la force proprement philosophique du «judaïsme» que s’emploie Michel Onfray dans son article, et n’est-ce pas cette dernière version du ressentiment, confronté à la signification historiale de l’extermination et de la «question juive», qui explique l’étonnante faveur qui entoure ses écrits ?

Voir aussi:

Sale temps pour la pensée debout !

Michel Onfray Philosophe

Libération

3 juillet 2012

Ce texte de Michel Onfray est une réponse à celui-ci, publié le 4 juillet dans Libération par quatre philosophes. Le point de départ de la polémique est un article de Michel Onfray dans le Point du 7 juin sur Qui est Dieu ?, un livre de Jean Soler.

Je trouve vraiment très drôle, de la part de ceux qui font de moi un «malade» ( à quoi bon, sinon, le «symptôme»…), un démagogue, un être vulgaire, bas, un imposteur, un personnage inconsistant, une personne avide de revanche, un individu ayant seulement la réputation d’être un philosophe, un amateur de niaiserie philosophique, un signe de l’effondrement de la pensée, un compagnon de route de l’antisémitisme, sinon, un antisémite, de passer pour un homme du ressentiment ! C’est l’hôpital institutionnel qui se moque de la Charité… Je ne descendrai pas, pour ma part, aussi bas que ceux qui parlent au nom de «la communauté philosophique» – une tribu dont je me moque autant que de ma première tétine… L’attaque ad hominem n’honore pas ceux qui la pratiquent à défaut de vouloir (sinon de pouvoir…) débattre vraiment sur les idées.

Le problème est ailleurs. A-t-on le droit, en France, aujourd’hui, de lire les textes, qu’on nous présente comme sacrés, avec l’œil du philosophe ? Peut-on, quand on aborde le Talmud, mais aussi la Bible et le Coran, penser encore debout ? Ou faut-il d’abord se mettre à genoux ? Ceux qui sont obligés de se mettre à quatre pour insulter en croyant qu’ils pensent, défendent l’agenouillement – voilà l’enjeu véritable. Libre à eux. Nous n’avons effectivement pas les mêmes valeurs. On peut faire comme si la philosophie des Lumières n’avait pas eu lieu. Pour ma part, je n’ai pas envie de revenir en deçà du XVIIIe siècle, à la période scolastique où l’Inquisiteur tient toute la place ! La génuflexion devant le papier-bible des légendes monothéistes ou celui des œuvres complètes de Levinas, Derrida, Blanchot transformés en Père, Fils et Saint-Esprit de la philosophie n’y fera rien.

Où est mon crime ? Avoir invité à lire Jean Soler, un auteur qui, depuis un demi-siècle, effectue une lecture des monothéismes en homme debout ! De la même manière qu’avec le chevalier de La Barre à qui le pouvoir a coupé le poing et la langue, qu’on a torturé et décapité, puis brûlé en 1765 avec un exemplaire du Dictionnaire philosophique de Voltaire parce qu’il n’avait pas ôté son chapeau au passage d’une procession, la communauté philosophique autoproclamée envoie aujourd’hui au bûcher celui qui n’ôte pas son chapeau devant les processions monothéistes (précisons : processions juives, chrétiennes et musulmanes, qu’on lise mon Traité d’athéologie publié en 2005, plutôt que le compte-rendu d’un livre dans un hebdomadaire).

Quel meilleur bûcher, aujourd’hui, que l’insinuation d’antisémitisme ? Je dis bien insinuation, car ces philosophes autoproclamés emblématiques de la communauté écrivent sous la dictée d’avocats pour éviter le procès en diffamation. On laisse entendre que… On suppute… On suppose… On appuie le clin d’œil… De la part de gens qui font carrière dans l’obscurantisme de la pensée et dans la confusion du style, la contorsion rhétorique est une seconde nature. Ce vice ajouté à la plume du procédurier fait merveille dans l’art du corbeau… Voir ou revoir Clouzot !

Faut-il préciser à cette communauté philosophique réduite à quatre, que, toute à sa haine, elle oublie que j’effectue un travail tout simple : celui du philosophe laïc ? Autrement dit : je revendique le droit de lire les textes fondateurs du monothéisme comme je lis l’Edda, la Bhagavad-Gîta ou les Lois de Manou : en philosophe laïc et athée, et non en croyant dévot.

Lire aujourd’hui le Talmud avec un souci herméneutique athée et laïc vaut d’être traité d’antisémite ; aborder la Bible avec les outils exégétiques qui furent ceux de Spinoza (excommunié par les rabbins…), de Richard Simon (persécuté par les jansénistes, les bénédictins, Bossuet, le pouvoir royal), de Jean Meslier (puni par la hiérarchie catholique) ou de Prosper Alfaric (excommunié par le Vatican), déclenche l’insulte «blasphémateur» ; étudier le Coran avec une méthode historique fait du lecteur laïc un «islamophobe»… Sale temps pour la pensée debout !

Je rappelle, pour information, que l’invitation à se relever pour penser debout date, en France, de 1637, date de parution du Discours de la méthode de Descartes. J’ajoute que Heidegger, dans son séminaire de l’été 1933, sous régime nazi donc, faisait de l’enseignement du philosophe français à l’université un signe de décadence intellectuelle… Je précise enfin que la carte de Heidegger au parti nazi avait pour numéro : 312 589.

Qu’on me permette, pour ma part, de me réclamer de Descartes, sinon de Voltaire, et non de Heidegger – mais est-ce encore possible dans ce siècle où le nihilisme n’est pas où l’on croit ? Je crains que non.

Voir de plus:

Une épopée de fiction : Josué 2. 6-12

Jacques Briend

Bibliste et archéologue

Professeur honoraire à l’Institut Catholique de Paris

Ancien membre de la Commission Biblique Pontificale.

Plus que tout autre livre de la Bible le livre de Josué a pu fonder une lecture historique qui n’est plus de mise aujourd’hui. En effet, considérer ce livre comme offrant une vision de la conquête du pays de Canaan par les tribus d’Israël aboutit à une impasse. À la suite d’une longue fréquentation du livre de Josué, en particulier dans sa première partie (Jos 1-12) on peut proposer une autre lecture. Tout d’abord la lecture de ces chapitres exige de prendre en compte les données de l’archéologie. Certes, il ne peut être question de faire du texte biblique une simple lecture archéologique, mais il est nécessaire dans un premier temps d’entendre ce que cette discipline peut dire sur les villes citées en Jos 6-12. En affirmant cela, il n’est pas question de faire de l’archéologie une clé de lecture, car elle ne pourra jamais répondre à la question la plus importante : quel est le sens du texte ? Pourtant je ne suis pas certain qu’il faille « enlever le livre de Josué aux archéologues » pour le confier aux seuls littéraires. En effet livrés à eux-mêmes les littéraires, sur la base du seul texte, ne peuvent comprendre le caractère spécifique de Jos 6-12. L’archéologie a au moins l’intérêt de rappeler que le rapport du texte à l’histoire n’est pas aussi simple qu’on l’a cru pendant longtemps. En fait, l’archéologie a pour rôle de tirer le signal d’alarme pour éviter une lecture trop historicisante.

Au-delà de l’apport de l’archéologie la question que pose le livre de Josué est de savoir si l’on peut se contenter d’une lecture qui fait la part belle à l’histoire. Le rejet du livre de Josué par beaucoup exige d’apporter une réponse à la question décisive : quel est le sens du texte ? Lire Jos 1-12 comme une épopée de fiction est une option de lecture qui peut étonner, mais qui s’appuie sur une réflexion qui doit beaucoup à Paul Ricœur, mais aussi à D. Cohn pour qui le terme « fiction » désigne « un texte littéraire non référentiel et narratif. »

Rappelons enfin que Robert Alter soutient que « la meilleure caractérisation générale du récit biblique est celle de « prose de fiction », adoptant aussi celle de « prose de fiction historicisée » » et il donne comme exemple les récits relatifs aux patriarches, mais la lecture de l’ouvrage montre que le qualificatif « fiction » s’applique à d’autres récits qui se trouvent dans le livre des Juges ou les livres des Rois. À partir de là, il est possible de lire les textes bibliques sans leur appliquer trop rapidement l’étiquette de « récits historiques. »

Jéricho (Jos 6)

Avant d’entreprendre la lecture de Jos 6, un texte qui a connu de nombreuses relectures au cours du temps, il est nécessaire d’aborder en premier lieu l’histoire de la recherche archéologique à Tell es-Sultan, le site de la Jéricho de l’Ancien Testament. À la limite, cette première approche n’est pas indispensable pour la lecture du texte biblique, mais elle l’est dans la mesure où l’on a fait du texte un récit historique racontant la prise de Jéricho.

Le témoignage de l’archéologie

Pour fonder la validité historique du récit de Jos 6, on a dès le XIXe s. tenté de le faire en recourant à l’archéologie. Ainsi dès 1867 le capitaine Charles Warren entreprit de creuser des puits à Tell es-Sultan, mais ne découvrit rien d’intéressant. À cela rien d’étonnant puisqu’on découvrit un de ces puits en 1954 et que l’on s’aperçut que le puits en question s’enfonçait dans le rempart de la ville du Bronze Ancien (3300 2400 av. J.C.). Retenons de cet épisode qu’après avoir implanté de tels puits à Jérusalem, le fait que Charles Warren ait choisi de le faire sur le site de Jéricho en dit long sur le désir de fonder par l’archéologie l’historicité du texte biblique.

La fouille austro-allemande qui eut lieu sur le site de 1907 à 1909 sous la direction de E. Sellin et C. Watzinger ne parvint pas à fournir une chronologie précise des strates mises au jour.

Une nouvelle série de campagnes archéologiques fut entreprise entre 1930 et 1936 sous la direction d’un Anglais, John Garstang, premier directeur des Antiquités pour la Palestine, mais ce dernier ne parvint pas à dater les différents remparts entourant le site de Tell es-Sultan sans susciter une polémique. Entre 1952 et 1958, Kathleen Kenyon qui avait une véritable expérience d’archéologue entreprit une nouvelle série de campagnes en appliquant une méthode rigoureuse afin d’établir une séquence stratigraphique. Si elle put reconnaître le tracé des remparts du Bronze Ancien (3300-2400 av. J. C.) et du Bronze Moyen (2300-1500 av. J. C.), rien de tel ne fut découvert qui puisse dater du Bronze Récent (1500-1200 av. J.C.). Seule une modeste occupation datable du XIVe s. av. J. C. put être mise au jour et pour la même époque la réutilisation de quelques tombes du Bronze Moyen. Ainsi la recherche archéologique ne peut témoigner ni d’une occupation ni d’un rempart pour la fin du Bronze Récent.

On peut estimer sur la base de ce qui a été mis au jour qu’il n’y avait pas d’occupation à Jéricho vers 1300 av. J. C. Face à ce résultat jugé décevant, on peut toujours supposer qu’une occupation de Jéricho au Bronze Récent a existé, mais que l’on n’en a gardé aucune trace. Toutefois, rien ne permet d’affirmer l’existence d’une occupation humaine entre 1300 et 1200 av. J. C. à Jéricho.

Le texte de Jos 6

La nature du récit conservé en Jos 6,1-21 ne fait pas l’unanimité. D’une part on ne peut pas affirmer que le texte raconte un haut fait militaire, à savoir la prise de la ville de Jéricho. Certes la cité est soumise à un siège, si l’on s’en tient au v. 1 : « Jéricho était fermée et enfermée à cause des fils d’Israël ; nul ne sortait et nul n’entrait. » Au v. 2 Dieu assure Josué de la prise de la ville : « Vois, je t’ai livré Jéricho et son roi », mais cette formulation est étonnante. Son meilleur parallèle se trouve en Dt 2,24 : « Vois, j’ai livré entre tes mains Sihôn l’Amorite, roi de Hesbôn, et son pays. » Ainsi l’évocation du roi de la cité en Jos 6,2 étonne, car on ne la retrouve qu’en Jos 12,9 en tête d’une liste récapitulative des rois vaincus. En fait, le roi de Jéricho ne joue aucun rôle dans la suite du texte (mais cf. Jos 10,1). D’ailleurs rien ne nous est dit de la mort de ce roi, ce qui constitue une différence avec les récits qui suivent Jos 2 et où la mort des rois vaincus est mentionnée. La seule autre mention du roi de Jéricho se trouve en Jos 2,2-3 et c’est sans doute dans ce récit qu’un des rédacteurs de Jos 6 l’a trouvée.

À partir de Jos 6,3 ss. Dieu donne des ordres qui n’annoncent pas une opération militaire, mais une circumambulation autour de la ville qui doit durer sept jours et qui prend l’allure d’une liturgie aboutissant à l’écroulement du rempart (v. 20). Il n’est donc pas question de la prise d’une ville sur le mode guerrier. Le récit de Jos 6 ne peut donc être considéré comme celui de la conquête d’une ville par une armée. Il est donc absurde d’ironiser comme le fait W. G. Dever en déclarant : « Josué n’en a pas moins accompli un grand exploit : il détruisit un site qui n’existait pas. » Le récit aurait donc été inventé de toutes pièces. On assiste ici aux limites de la recherche archéologique.

Le texte de Jos 6 ne tombe pas du ciel. Récit fictif, il reste enraciné dans une certaine réalité. Tout d’abord, il faut rappeler que le livre de Josué s’ouvre sur la traversée du Jourdain (Jos 3-4) et l’entrée dans le pays promis. Or la première ville que l’on rencontre en venant de l’est n’est autre que la ville de Jéricho qui est alors en ruine, sa ligne de rempart étant probablement encore visible. Pour un peuple qui craignait d’avoir à vaincre des forteresses (cf. Nb 13,28), une Jéricho détruite est un signe de la providence divine.

De plus, après la traversée du Jourdain le peuple vient camper à Guilgal, près de Jéricho, dont le nom signifie « Cercle » (Jos 4,19). Les pierres qui ont été prises dans le lit du Jourdain sont dressées, selon une tradition, à Guilgal afin que le peuple se souvienne de la traversée du Jourdain (Jos 4,20-24). Dans ce contexte il est possible, à titre d’hypothèse, qu’à Guilgal ait eu lieu une circumambulation autour du Cercle de pierres, une liturgie qui aurait inspiré le rédacteur ancien de Jos 6.

Concluons cette lecture en affirmant que l’archéologie à elle seule ne peut pas se prononcer sur la nature du texte biblique qui est le résultat d’une tradition complexe.

Si nous proposons la lecture de Jos 2 après celle de Jos 6, cela tient d’abord à ce que le récit « Rahab et les espions » ne trouve son épilogue qu’en Jos 6,22-25, en particulier avec le v. 25 où Josué accorde la vie sauve à Rahab et à sa famille. C’est aussi parce que le lecteur découvre, après avoir lu le récit de Jos 6 où le rempart s’écroule sur place (v. 20), que la mission des espions n’a plus de raison d’être.

Le récit de Jos 2 est d’abord un récit d’espionnage avec l’envoi par Josué de deux espions qui échappent au roi de Jéricho (v. 2, cf. Jos 6,2) grâce à l’habile discours de Rahab. Ce récit n’a pas de rapport direct avec celui de Jos 6, sauf la mention d’un roi à Jéricho et l’indication selon laquelle la maison de Rahab était adossée au rempart et permettait donc de faire sortir les deux hommes de la ville (Jos 2,15). Le narrateur de Jos 2 comme celui de Jos 6 considère Jéricho comme une ville remparée.

Jos 2 est un récit qui obéit à une structure narrative bien connue et F. Langlamet en a donné les articulations principales : initiative de Josué – envoi de deux hommes, consignes données aux explorateurs – exécution de la mission reçue – retour et rapport des explorateurs. Ce récit que l’on peut et que l’on doit rapprocher des traditions bibliques sur la conquête du pays trouve sa pointe au v. 9 lorsque la femme déclare aux espions : « Je sais que le Seigneur vous a donné le pays », déclaration que l’on retrouve en Jos 2,24 où les envoyés déclarent à Josué : « Vraiment le Seigneur a livré tout le pays entre nos mains » (Jos 2,24). En réalité la parole de Rahab recevra au cours du temps un développement qui montre bien que l’on est au cœur du récit. Dans le récit une place importante est accordée au dialogue entre la femme et les espions (Jos 2, 9-21). Rahab obtient alors d’avoir la vie sauve, elle et sa famille. Le récit a donc une portée étiologique en offrant la raison pour laquelle Rahab et son clan ont eu la vie sauve. Cette portée étiologique est bien manifestée par l’épilogue narratif : « Josué laissa la vie sauve à Rahab, la prostituée, à sa famille et à tout ce qui était à elle, elle a habité au milieu d’Israël jusqu’à ce jour, car elle avait caché les messagers que Josué avait envoyés pour espionner Jéricho » (Jos 6,25). La présence d’un clan de Rahab dans la région de Jéricho a dû poser aux Judéens un problème analogue à celui des Gabaonites (Jos 9) comme nous le verrons un peu plus loin.

Rappelons pour terminer que Rahab est normalement une désignation masculine et qu’il faut découvrir derrière ce nom celui d’un clan venu de l’est et installé dans la région de Jéricho.

Il faut enfin reconnaître qu’il existe un certain décalage entre Jos 2 et Jos 6, mais ce décalage, sensible pour nous, devait l’être beaucoup moins pour les anciens qui n’opposent pas action humaine et action divine.

La ville d’Aï (Jos 7-8)

Dans le livre de Josué les chapitres 7 et 8 réservent une nouvelle surprise. En effet, le site où l’on place la ville d’Aï ne possède pas d’occupation à l’époque du Bronze Récent (1500-1200 av. J. C.). Dès lors, on ne voit pas comment les Israélites auraient pu en faire la conquête. Une fois de plus, il convient de faire le bilan des recherches archéologiques, puis d’interroger le texte biblique pour tenter d’y voir clair.

La recherche archéologique

Jos 7,2 déclare que « depuis Jéricho Josué envoya des hommes à Aï qui est près de Béthel. » Malgré l’apparente précision de ce verset, la localisation d’Aï, site qui doit se trouver au nord-ouest de Jéricho dans la montagne, a été depuis longtemps objet de vives discussions. La Bible de Jérusalem offre une note qui localise Aï, nom qui signifie « la Ruine », en un site connu aujourd’hui sous le nom de et-Tell qui en arabe a le même sens que Aï. Pendant longtemps, cette localisation a été mise en doute pour des raisons archéologiques.

Toutes les données archéologiques proviennent de fouilles qui ont été réalisées sur le site de et-Tell par deux équipes, l’une française, l’autre américaine.

La fouille française a été entreprise entre 1933 et 1935 par Mme Judith Marquet-Krause. L’archéologue avait alors reconnu l’existence d’une ville du Bronze Ancien qui perdura de 3100 à 2000 av. J. C. Cette ville de 10 hectares était pourvue d’un rempart qui connut trois tracés, signe d’une longue occupation pendant plus de mille ans. Au-dessus de cette ville avait été établi un village du Fer 1 (1200-1050 av. J. C.). La mort de l’archéologue ne permit pas la publication d’un rapport définitif, mais en 1949 son mari publia le matériel mis au jour sans proposer de synthèse. Cela ne suffit pas à convaincre la communauté scientifique qui estimait la fouille trop brève pour en accepter les conclusions.

Entre 1964 et 1970 un Américain, James Callaway, reprit la fouille de et-Tell et proposa la séquence suivante quant à l’occupation du site :

– un village du Bronze Ancien (3100-3000 av. J. C.),

– une ville du Bronze Ancien comportant quatre phases entre 3100 et 2400 av. J. C.,

– enfin un village du Fer 1 non fortifié (1200-1050 av. J. C.) d’une superficie assez modeste.

À quelques détails près, les deux archéologues, J. Marquet-Krause et J. A. Callaway, s’accordaient sur la durée de l’occupation du site. Il n’y avait donc d’occupation ni au Bronze Moyen, ni au Bronze Récent.

Face à un résultat indiscutable, on a donc proposé de chercher ailleurs un site qui convienne mieux à la localisation d’Aï. J. A. Callaway lui-même prospecta la région autour de et-Tell pour trouver un site occupé au Bronze Récent et au Fer, mais il ne rencontra que des sites d’époque romaine ou byzantine. Dans ces conditions et en dépit des difficultés d’une telle solution par rapport au texte biblique, on admet le plus souvent l’identification d’Aï avec et-Tell, du moins pour certains, mais pas pour tous.

Le texte de Jos 7-8 et sa cohérence

Ces deux chapitres du livre de Josué forment un tout et on ne peut les dissocier que de manière arbitraire, du moins à première vue. Depuis Jéricho Josué décide d’attaquer Aï et, à la suite du rapport des espions, d’y envoyer une petite troupe qui se fait battre. De cet échec Josué se plaint à Dieu qui dévoile que l’échec militaire a pour motif un péché commis par Israël. Après tirage au sort, un coupable est désigné : Akân, chef de clan de la tribu de Juda, qui avoue avoir pris dans le butin une cape de Shinéar, deux cents sicles d’argent et un lingot d’or (Jos 7,21). Après le jugement du coupable, Josué reprend la conquête d’Aï et, pour vaincre la résistance de la cité, il utilise un stratagème militaire avec envoi d’une embuscade, attaque de la ville, fuite simulée, l’embuscade mettant le feu à la ville. La cité est conquise et elle est vouée à l’anathème.

Ce long récit pose de multiples questions : pourquoi attaquer cette ville qui n’existe pas ? Pourquoi Akân peut-il s’emparer d’une part de butin alors que la ville n’est pas encore conquise ? En outre, la description du butin, par son importance, ne manque pas de surprendre. Autre question, où situer la vallée d’Akor dont le nom rappelle celui d’Akân ? Bref, a-t-on affaire à un récit historique ou à un récit de fiction ? La cohérence de l’ensemble littéraire reste fragile, même si on ne tient pas compte de l’enquête archéologique.

Première remarque, Aï, tout comme Jéricho, appartient au territoire de la tribu de Benjamin (cf. Jos 18,17-18). Quant à la vallée d’Akor (v. 24), elle doit se trouver dans le territoire de la tribu de Juda (cf. Jos 15,7) puisque Akân et son clan appartiennent à cette tribu (Jos 7, 16-18).

L’épisode relatif à Akân (Jos 7,16-26), préparé par Jos 7,6-15, donne une dimension religieuse au récit de la conquête d’Aï, mais peut représenter une insertion secondaire antijudéenne. Certes il s’agit d’une hypothèse, mais on peut lire Jos 7,2-5, puis Jos 8,1-29 en faisant abstraction de l’épisode « Akân. »

Deuxième remarque, le récit de la conquête d’Aï (Jos 7,2-5 ; 8,1-29) se présente comme une entreprise guerrière qui se déroule en deux temps. On a d’abord l’envoi d’une troupe de trois mille hommes (Jos 7,4-5), puis un combat qui engage tout le peuple (Jos 8,3). Deux observations importantes sont à faire à propos de ce texte ; d’une part on doit être attentif aux notations topographiques locales : Shevarim (Jos 7,5), lieu-dit que l’on peut traduire par « Carrières » ou « Ravins », la Descente (v. 5) qui doit désigner le chemin menant à la dépression du Jourdain (cf. 8,24 G), le lieu de l’embuscade (8,4.12) que l’on doit situer à l’ouest d’Aï (8,9), le camp (8,11) où se tient Josué et toute la troupe et qui doit se trouver à l’est comme la Descente, enfin le désert mentionné plusieurs fois (8, 15.20.24) et qui doit désigner la pente orientale des collines qui dominent l’Arabah. La présence de ces multiples désignations dans le récit suppose un souci de localiser le lieu de la bataille. De ce souci on peut conclure que le rédacteur entend baliser un territoire qui appartient à la tribu de Benjamin.

De plus, la structure narrative de Jos 8 est très proche de celle de Jg 20,14-18 qui raconte le châtiment subi par la tribu de Benjamin à la suite du crime de Guibéa, une observation qui a souvent été faite. Les deux textes ont en commun plusieurs éléments : au cours d’une première phase on a un échec militaire et une lamentation ; dans une seconde phase ils ont en commun une ruse de guerre avec embuscade (Jg 20,29) et fuite simulée (Jg 20,32), puis incendie de la cité (Jg 20,40). Tout permet de penser que le scénario de Jos 8 décalque celui de Jg 20 où la tribu de Benjamin est victime du stratagème. Mais en Jos 8 la tribu de Benjamin réaffirme ses droits sur la région d’Aï, peut-être pour faire face à la volonté de la tribu voisine d’Éphraïm de s’emparer de ce territoire.

En conclusion, le récit guerrier en Jos 8 est un récit fictif qui obéit toutefois à une motivation historique.

Les Gabaonites (Jos 9)

En abordant Jos 9 on quitte la région située entre Jéricho et Aï qui domine la vallée du Jourdain pour aller à Gabaon, ville localisée à neuf kilomètres au nord de Jérusalem selon une localisation admise depuis 1838 et confirmée par l’archéologie.

Dans un premier temps nous nous intéresserons à la ville de Gabaon (en arabe el-Djib) dont parle Jos 9 sans nous livrer à une enquête archéologique. La lecture du texte biblique fait apparaître un plan en trois parties :

Tout d’abord une introduction générale, Jos 9,1-2, sert d’introduction à Jos 10-11, chapitres qui retiendront notre attention un peu plus loin.

Quant au texte de Jos 9, 3-27, il se compose de deux séquences,

l’une racontant la ruse des Gabaonites qui obtiennent un pacte de la part des Israélites (Jos 9,3-15),

l’autre gravitant autour du statut juridique accordé aux Gabaonites alors qu’ils sont un peuple étranger (Jos 9,16-27).

Dans la première séquence les Gabaonites obtiennent d’Israël un pacte. Leur interlocuteur est tantôt Josué (vv. 3.6a.8.15a), tantôt un collectif « l’homme d’Israël », ce dernier étant sans doute primitif. En effet tout donne à penser que c’est l’insertion de ce récit dans un ensemble littéraire où Josué a le rôle principal qui a amené la mention de Josué dans le récit de la ruse. Il faut encore souligner que les Gabaonites sont des Hivvites (v. 7, cf. Jos 11,19), donc des étrangers au milieu d’Israël. Ce groupe d’étrangers vient trouver les chefs des Israélites et affirme venir d’un pays lointain pour conclure : « Et maintenant concluez un pacte avec nous » (v. 6). Une telle demande s’attire une interrogation : « Peut-être habitez-vous au milieu de nous ? Comment pourrions-nous conclure un pacte avec vous ? » (v. 7). À cette question, les Gabaonites répondent qu’ils viennent d’un pays lointain (vv. 11-13). Au bout du compte le v. 14 déclare de manière laconique : « Les Israélites prirent de leurs provisions, mais ils ne consultèrent pas le Seigneur. » Le v. l5a double le v. 14 et affirme que « Josué fit la paix avec eux et conclut avec eux un pacte. »

Un tel récit n’est pas un récit historique comme cela est largement reconnu. Le scénario de la ruse sert à justifier le pacte conclu avec les Gabaonites alors que ceux-ci sont voisins des Israélites. Le récit de la ruse est donc un récit fictif qui a pour fonction de justifier comment les Gabaonites ont obtenu un pacte de la part des responsables israélites. Un tel récit suppose l’existence d’un pacte, ce que les historiens de l’Israël ancien ne contestent pas. À cet égard, il est intéressant d’observer que les Gabaonites ne se sont pas tournés vers les Cananéens. La structure sociale de leur groupe est proche de celle des Israélites : ils ont à leur tête un groupe d’anciens (Jos 9,11) ; jamais il n’est dit qu’un roi gouvernait à Gabaon. Bref, les Gabaonites apparaissent comme un groupe isolé, étranger par rapport à Israël.

Sans chercher à faire une analyse détaillée du texte de Jos 9 , il reste à s’interroger sur la raison pour laquelle le récit de la ruse a été inventé. En réalité, le récit tente d’expliquer pourquoi l’interdit de conclure un pacte avec l’étranger a été transgressé, un interdit que l’on peut reconstituer ainsi sur la base des textes bibliques : « Tu ne concluras pas de pacte avec l’habitant du pays » (Ex 34,12, cf. Ex 23,32 ; Dt 7,2 ; Jg 2,2-3). Le récit de la ruse n’est pas compréhensible sans l’existence de cet interdit. En outre, l’existence du pacte avec les Gabaonites est nécessairement antérieure à l’époque de Saül puisque celui-ci a cherché à exterminer le groupe des Gabaonites (cf. 2 S 21,1-9).

Pour conclure, il convient d’apporter une note archéologique. Le site de Gabaon a été fouillé par J. B. Pritchard entre 1956 et 1960. De l’époque du Bronze Récent (l500-1200 av. J. C.), il n’a été mis au jour que quelques tombes avec un abondant matériel, mais sans aucun niveau d’occupation. Peu après 1200 un village prospère a existé durant le Fer 1 (1200-1000 av. J. C.), mais on en connaît mal les contours.

La conquête du Sud judéen (Jos 10)

Pour aller à l’essentiel on peut dire que Jos 10 évoque une coalition de rois à laquelle Josué va s’opposer et qui va lui permettre de conquérir le Sud judéen.

Cette coalition est d’abord celle de rois amorites qui s’en prennent à Gabaon, puis ces rois seront au nombre de cinq avant d’être identifiés comme rois de Jérusalem, d’Hébron, de Yarmouth, de Lakish et d’Églôn. Le prétexte de cette coalition est la paix conclue entre Josué et les Gabaonites (cf. Jos 9). Josué vient donc au secours des Gabaonites et inflige une défaite aux coalisés en les poursuivant jusqu’à Azéqa (Jos 10,8-10 ).

Dans un second temps voici qu’on avertit Josué que cinq rois sont cachés dans une grotte à Maqqéda (Jos 10, 16-27), une ville qui se trouve à vingt kilomètres à l’ouest d’Hébron . Josué met à mort ces cinq rois. Cet épisode va amener à parler de « cinq rois amorites » avant d’attribuer à chacun une ville (Jos 10,5), voire un nom (Jos 10,3), précisions qui ont été introduites dans le texte lors de la dernière rédaction.

Dernière séquence de ce chapitre, Josué s’empare des villes du Sud judéen : d’abord Maqqéda, puis Livna, Lakish, Églôn, Hébron et Devir (Jos 10,28-39). On observe que cette dernière liste ne correspond pas tout à fait à la liste des coalisés que l’on a en Jos 10,3. En effet le rédacteur final du texte ne peut faire de Jérusalem une ville conquise par Josué, car il sait que David est le conquérant de cette ville selon la tradition (2 S 5,6-9). Le rédacteur de la séquence en tient compte alors qu’il semble ignorer la tradition où Caleb s’empare d’Hébron et Otniel de Devir (Jos 15, 13-17), mais cette tradition est incorporée dans la seconde partie du livre de Josué.

Par rapport à Jos 9 où le rôle de Josué est secondaire, il est frappant qu’en Jos 10 Josué fasse échec à la coalition des rois amorites et se voie attribuer la conquête de tout le Sud judéen. À cet égard, on peut mettre en doute que Josué soit venu au secours de Gabaon.

Bien que l’historicité de ce secours soit admise par certains historiens, on peut être sceptique, car le rédacteur transforme le pacte de Jos 9 en un accord politique et militaire entre Gabaon et Israël, mais d’un tel accord nous n’avons aucune preuve.

Le fait que le combat contre les rois amorites ait lieu en rase campagne n’est pas un argument suffisant pour justifier le caractère vraisemblable de la bataille de Gabaon. La rédaction des chapitres 10 et 11 du livre de Josué place les combats sous l’autorité de Josué. À y regarder de près, c’est à partir de Jos 10 que Josué devient un chef d’armée et un conquérant.

La conquête du Nord (Jos 11,1-11)

Quoique sous une forme abrégée, Jos 11 offre bien des ressemblances avec le chapitre 10. En effet le texte évoque une coalition contre Israël, coalition qui a à sa tête Yabîn, roi de Haçor, et qui rassemble, outre le roi de Madôn, les rois qui sont au nord (Jos 11,2). Il s’agit là encore d’un récit de guerre sacrale où Dieu donne la victoire à son peuple. Une fois encore, c’est Josué qui exécute fidèlement les ordres de Dieu (vv. 4-9).

Ce récit est en quelque sorte complété par la prise de la ville de Haçor qui est incendiée (vv. 10-11).

La conclusion se trouve, du moins pour l’ensemble formé par Jos 10-11, en Jos 11,16-17 : « Josué prit tout ce pays… depuis le mont Halaq qui s’élève à Séïr jusqu’à Baal-Gad dans la vallée du Liban au pied du mont Hermon ; il s’empara de tous leurs rois, les frappa et les mit à mort. »

À propos de la destruction de Haçor et du rôle joué par Josué, on a cru bon d’invoquer le témoignage de l’archéologie. Y. Yadin, archéologue israélien qui a fouillé Haçor de 1955 à 1958, puis en 1968 , estimait que la strate XII qui succède à la destruction de la ville par un incendie était israélite. Avec précaution il pensait que cet incendie pouvait être attribué à Josué. Les fouilles ont repris à Haçor depuis 1990 sous la direction de A. Ben-Tor qui voudrait pouvoir répondre à ces deux questions : qui a détruit la ville ? et à quelle date ? De telles questions légitimes ne sont pourtant pas du ressort de l’archéologie seule.

Conclusion

Au terme de cette lecture de Jos 2-11, il apparaît avec force que dans une première partie, Jos 2-9, on se trouve en présence de récits fictifs qui du point de vue géographique concernent le territoire de la seule tribu de Benjamin avec comme noms de lieu Guilgal, Jéricho, Aï et Gabaon. Par contre en Jos 10-11 on a affaire à des récits qui de manière schématique évoquent la conquête du pays sous la conduite de Josué, d’abord celle du Sud judéen, puis celle du Nord d’Israël. Ainsi seuls les chapitres 10 et 11 décrivent une conquête militaire dont le schématisme est évident et dont la valeur historique est inexistante.

En aucun cas Jos 1-12 ne peut être considéré par l’historien comme le récit de LA conquête du pays par les tribus d’Israël sous la conduite de Josué. Autrement, on aboutit à une vision caricaturale comme on le voit chez I. Finkelstein. Dès lors on peut se risquer à faire l’hypothèse qu’avant la rédaction deutéronomique qui renforce la rhétorique de la conquête et donc de la guerre, le texte de Jos 10-11 a d’abord été composé pour servir de revendication territoriale alors que le royaume d’Israël avait disparu comme tel en 722 et que le royaume de Juda était envahi par les Assyriens. Nous sommes à l’époque du roi Ézékias (716- 687), en tout cas après 701 et le siège de Jérusalem par Sennakérib, roi d’Assyrie. Après cela, une relecture deutéronomique ne fera qu’accentuer la revendication territoriale.

Voir enfin:

Faut-il prier au complet le psaume 136 (137)?

Marc Girard

Spiritualité 2000

Depuis le dernier concile, l’Église a occulté, dans les livres officiels, les versets 7 à 9 du Psaume 136 (137), jugés trop intolé­rants pour ne pas dire anti-chrétiens. L’auteur nous propose une « réconciliation » avec ce psaume, dans son intégralité.

Les pleurs du souvenir (v. 1-4)

En exil loin du pays natal, la population de Jérusalem pleure à chaudes larmes. Plongé dans la noirceur complète, le passé devient un rêve, on l’idéalise. Les « harpes » suspendues aux branches des « saules » révèlent que le peuple a perdu le goût du chant, du culte et de la fête. Jésus a pleuré sur Jérusalem: il sentait la fin proche, et pour lui-même et pour la ville. Comment ne pas être pris de nostal­gie, à songer aux pierres gigantesques du Temple, à la splen­deur du palais royal, aux foules grouillantes, aux pèlerina­ges somptueux, aux milliers de bêtes qui parfu­maient les rues et les plon­geaient dans le tintamarre? Bien des croyants, chez nous, pleurent les heures de gloire révolues de l’Église. On regrette les églises remplies à craquer, les cérémonies grandioses, l’unanimité aux plans de la doctrine et des pratiques, la collaboration étroite entre les pouvoirs politique, social et religieux…

Le scandale de l’oubli (v. 5-6)

Si l’on en croit le psalmiste, le dessèchement de la mémoire entraîne le dessèchement des mains (v. 5) et de la langue (v. 6). Pour les Israélites, oublier Jérusalem signifie abandonner l’idée de la rebâtir un jour et de chanter à nouveau sa gloire et ses louanges. De nos jours, une masse assez considérable de baptisés semblent vouer à l’oubli leur mère Église, nouvelle Jérusalem. Cette amnésie paralyse chez eux toute volonté de collabo­rer à sa restaura­tion, à sa reconstruction, à son rajeu­nisse­ment.

Chicane de famille (v. 7)

Les Israélites, éprouvés par l’exil, gardent une dent contre les Édomites. Les deux peuples sont des frères de sang: le premier descend d’Israël l’ancêtre (autre nom de Jacob), le second a pour ancêtre Édom (surnom d’Ésaü frère de Jacob). Or, durant le siège de Jérusalem qui a précédé l’exil, les Édomites ont collaboré avec les Babyloniens pour mettre la ville à feu et à sang. En Israël, on en garde une rancœur indéracinable!

Drame éternel, s’il en est! Jésus lui-même n’a-t-il pas été trahi, rejeté, mis à mort par la conspiration de ses frères juifs? Et que dire de nos familles à nous? Entre frères et sœurs, il n’est pas rare qu’on se donne des coups de couteau dans le dos… Dans l’Église également, des groupes et mouvements qui devraient se voir comme des partenaires s’érigent en rivaux, au risque de fragiliser l’unité. Pour un poète de l’antiquité, c’était déjà beau de se contenter de cette supplique: «Souviens-toi, Seigneur, des fils d’Édom!»

Empêchement de famille (v. 8)

Mais l’auteur dépasse les bornes quand il s’en prend au peuple envahisseur. Il lui souhaite doublement malheur: être un jour envahi comme il a lui-même envahi Jérusalem; et voir ses bébés naissants écrasés sans pitié contre le rocher! Le psaume se termine donc sur une image macabre et dégoûtante de feu et de sang. Un «empêchement de famille» radical!

Comment Jésus a-t-il pu, le cas échéant, mettre sur ses lèvres de telles paroles? Et nous, comment prier ce psaume de vengeance? Le précepte évangélique de l’amour des ennemis nous interdit d’utiliser de pareilles formules de vengeance contre des personnes. Mais pourquoi ne pas continuer à en faire une arme de combat spirituel contre tous les pouvoirs oppressifs de la planète? Il suffirait de réviser nos traductions de manière à viser davantage les phénomènes. Tous les systèmes injustes — politiques, sociaux, économiques — ont un taux de fécondité élevé et se reproduisent sur le dos du petit peuple et des pauvres. Il importe de développer des techniques de «contraception» efficaces contre le Mal. Pourquoi ne pas exprimer notre espérance qu’un jour toutes les dictatures et tous les impéria­lismes disparaî­tront grâce à l’intervention de Dieu? De toute urgence, le Mal doit cesser de se répandre sans que personne n’intervienne! N’avons-nous pas en main, pour le mettre en échec, le pouvoir mystérieux de la Parole de Dieu? Les impréca­tions du psautier peuvent aider en ce sens.

Autour de Babel (v. 1-2)

Les habitants de Jérusalem en exil sont relégués dans les campagnes, «au bord des fleuves», à proximité des canaux d’irrigation où l’on détour­ne l’eau du Tigre et de l’Euphrate de manière à faire verdir des terrains. Aux rigoles fertilisantes se mêle… un flot de larmes! Jésus, priant ce psaume, a pu anticiper, l’angoisse de sa propre déportation «au bord des fleuves» symboliques de la mort. Les communautés chrétiennes délogées ou simplement les personnes et les groupes humains déraci­nés pourront aussi se reconnaître dans l’état d’âme triste et pesant exprimé au début du psaume.

Au tour de Babel ! (v. 8)

Dans la Genèse (11, 1-9), Babylone s’était rendue célèbre avec sa tour inachevée: dans leur orgueil­leux projet, les habitants s’étaient fait jouer… un tour! Il en va de même dans notre psaume: on s’en est pris à la ville sainte Jérusalem et on pense avoir réussi à la «raser jusqu’aux assises» (v. 7). Mais le peuple de Dieu peut se conso­ler: très bientôt ce sera le tour… de Babylone!

Il ne s’agit pas du tout de profiter du dernier verset de ce psaume pour dégorger notre haine ou nos frustrations personnelles ou collectives! Il convient de lire et de prier le texte plutôt comme une constata­tion d’expérience et de sagesse. On ne souhaite aucun malheur à personne, certes. Mais on prend conscience et on affermit sa conviction que le Mal sous toutes ses formes n’a aucune espèce d’avenir durable: tyrannie politi­que, exploitation économique, domina­tion sociale… C’est l’effet boomerang: on peut bien projeter au loin l’instrument de mort, il aura tôt fait de revenir au point de départ pour extermi­ner son utilisateur! L’histoire récente a vu des dictateurs inhumains de cruauté finir leurs jours déchus ou assassi­nés comme des bêtes…

25 Responses to Polémique Soler: Comment les juifs ont inventé le génocide (Why the Jews were much more vindictive and vitriolic than the pagans)

  1. Sugel dit :

    Deuxième idée reçue : la Bible a fait connaître à l’humanité le dieu unique. Faux : ce livre enseigne le polythéisme et le dieu juif est l’un d’entre les dieux du panthéon, dieu national qui annonce qu’il sera fidèle à son peuple seulement si son peuple lui est fidèle. La religion juive n’est pas monothéiste mais monolâtrique : elle enseigne la préférence d’un dieu parmi d’autres. Le monothéisme juif est une construction qui date du Ve siècle avant l’ère commune.

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    • jcdurbant dit :

      Mais pourquoi tout opposer?

      Et assimiler pour ce faire la Bible à un livre unique alors qu’il s’agit pour le moins, on le sait, d’une bibliothèque dont l’édition s’étale sur des siècles?

      Pourquoi ne pas tout simplement accepter l’évidence qu’on a affaire ici au produit d’un certain processus, tour à tour hénothéiste (les autres divinités ne sont pas niées) et monolâtre puis enfin proprement monothéiste?

      Au lieu de nous bassiner les oreilles avec une prétendue invention égyptienne qui fut essentiellement hénothéiste et largement, parce que liée à une seule figure royale, sans lendemain?

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  2. […] continu d’antisionisme diffusé quotidiennement par nos médias et l’internet (mais nos intellectuels ne sont pas en reste) et sous-tendant tout cela, l’incroyable degré de confusion […]

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  3. GHitch dit :

    Vous êtes fou ou quoi? Vous avez reçu vos « connaissances » dans une boite de « corn flakes », de « CrackerJack » ou quoi?

    C’est sûrement la pire analyse et discussion historique que j’ai jamais vu de ma vie, et j’en ai vu beaucoup!

    Allez lisez ceci http://garyhitch.wordpress.com/2011/07/22/les-massacres-de-canaan/
    pour commencer. SVP! Ça PRESSE!!

    Incroyable comment votre préjudice personnelle et votre ignorance accrue ont conduit cet article du début à la fin!

    Les juifs ont inventé le génocide?!? LOL!
    Vous-voulez rire ou quoi?

    On n’a certainement jamais vu une telle ignorance si profonde!!

    Pitoyable!

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  4. […] Le monothéisme devient une arme de guerre forgée tardivement pour permettre au peuple juif d’être et de durer, fût-ce au détriment des autres peuples. Il suppose une violence intrinsèque exterminatrice, intolérante, qui dure jusqu’aujourd’hui (…) les juifs inventent le génocide – le premier en date dans la littérature mondiale. Jean Soler […]

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  5. […] Thanksgiving, le panier à trois points, l’Amérique, Superman, le soft power, le génocide […]

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  6. jacques pil dit :

    On voit bien comment fonctionnent les juifs en inondant les médias, et dans les commentaires. Ils sont capables de noircir des pages entières pour apporter leur lumière, mais qui sont en réalité que des mensonges avec un semblant de vérité. Le pire c’est que personne ne lit les vérités dont ils sont les seuls à croire. L’humanité n’a pas besoin d’eux pour exister. Tant de grands philosophes, scientifiques, inventeurs ont fait beaucoup plus sans jamais se targuer d’être bouddhistes, chrétiens ou animistes. Mais il n’y a qu’eux pour mettre en avant leurs compatriotes. La Bible n’est qu’un livre qui compile des textes de civilisations plus anciennes par une tribu sortie du désert. Ils n’avaient en tout et pour tout que 10 lois alors que la stèle d’Hamourabi à Babylone en comportait des centaines. Cette idée farfelue d’un dieu unique sorti du désert a laquelle une grande partie de l’humanité grâce à la connaissance commence depuis plusieurs siècles à ne plus adhérer. Tant mieux. Car un monde sans dieu serait plus pacifique pour l’humanité.

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  7. […] Le monothéisme devient une arme de guerre forgée tardivement pour permettre au peuple juif d’être et de durer, fût-ce au détriment des autres peuples. Il suppose une violence intrinsèque exterminatrice, intolérante, qui dure jusqu’aujourd’hui (…) les juifs inventent le génocide – le premier en date dans la littérature mondiale. Jean Soler […]

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  16. […] Le monothéisme devient une arme de guerre forgée tardivement pour permettre au peuple juif d’être et de durer, fût-ce au détriment des autres peuples. Il suppose une violence intrinsèque exterminatrice, intolérante, qui dure jusqu’aujourd’hui (…) les juifs inventent le génocide – le premier en date dans la littérature mondiale. Jean Soler […]

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  17. jcdurbant dit :

    A SONG OF SORROW AND RAGE

    Psalm 137 (…) is a song of sorrow and rage from the mouth of a refugee whose city has been destroyed. The sorrow portion of the psalm is extremely famous and often quoted – ”How can we sing the Lord’s song in a strange land?” The rage portion of the psalm is less often brought up – “O daughter of Babylon … happy shall he be, that taketh and dasheth they little ones against the stones.” I can’t imagine the sorrow and rage of the people whose lands have been overrun by Isis, whose family and friends are murdered, whose culture is being destroyed. This song is not a policy prescription. The last lines should evoke horror. But the emotions behind the words are ancient and real. Mosul is a part of our heritage, part of the world’s heritage, and the loss of its history is heartbreaking.

    Will Butler

    https://www.theguardian.com/music/2015/feb/27/will-butler-final-song-for-the-guardian-by-the-waters-of-babylon

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