Françafrique: C’est peut-être un putschiste mais c’est notre putschiste (When democracy serves to validate putschists and ballot stuffers)

C’est peut-être un salaud, mais c’est notre salaud. Roosevelt (ou Dulles?)
Ce rachat s’inscrit dans la politique nationale du Qatar puisque QIA, le fonds d’investissement du prince héritier, est un fonds souverain. Cette décision découle d’une stratégie sportive importante du Qatar, qui compte devenir un Etat sportif. Il y a déjà eu l’obtention de la Coupe du monde 2022 de football et d’autres événements sportifs internationaux. Il y a aussi une stratégie plus générale d' »achat » d’athlètes puisqu’on peut être naturalisé en 15 jours au Qatar, ce qui constitue le record mondial en la matière ! Cela avait d’ailleurs beaucoup inquiété le Comité international olympique (CIO) au début. Le rachat du PSG correspond complètement à cette stratégie générale. Le club de la capitale appartient d’une certaine façon à l’état du Qatar. Wladimir Andreff (économiste du sport, Sorbonne)
C’est la victoire du courant le plus religieux. On se trompe quand on présente la victoire de l’AKP comme celle de la modernité. Il ne faut pas oublier que si Erdogan envoie ses filles dans une université aux Etats-Unis, c’est parce que là-bas elles ont le droit d’être voilées. Alain Juppé (cité par Le Canard enchainé, 22.06.11)
L’un des premiers freins au développement, c’est la mauvaise gouvernance, le gaspillage des fonds publics, l’incurie de structures administratives défaillantes, la prédation de certains dirigeants. Quand le baril est à 100 dollars et que d’importants pays producteurs de pétrole ne parviennent pas à se développer, la gouvernance est en question. Quand les indicateurs sociaux de ces pays stagnent ou régressent, tandis qu’une minorité mène un train de vie luxueux, la gouvernance est en question. Que deviennent ces revenus pétroliers? Pourquoi la population n’en bénéficie-t-elle pas? Est-il légitime que notre aide au développement soit attribuée à des pays qui gaspillent leurs propres ressources?  J.-M. Bockel (ex-ministre de la Coopération débarqué à la demande du président Bongo)
Nous allons « fêter » – entre guillemets – le retour en démocratie de la Mauritanie, après ce coup d’Etat, à la suite de la demande de la France et des amis étrangers, tout l’international a fait pression sur la Mauritanie pour qu’elle revienne en démocratie. Il y a eu des élections, elles ont été validées par le conseil constitutionnel là-bas et le nouveau président va prendre ses fonctions. Il est normal que la France salue ce retour en démocratie. (…) il a fait tout ce qu’on lui a demandé. Il a démissionné de l’armée, il a démissionné justement de la haute autorité de transition, il a repris une totale indépendance, comme les autres candidats. (…) Et aujourd’hui, plus personne ne conteste cette élection. Elle s’est passée avec des règles normales et il a été élu dès le premier tour, démocratiquement, et donc, nous saluons cette élection. (…) Non, ce n’est pas la Françafrique. (…) Je revendique aussi quelque part l’influence française, l’importance pour la France d’être présente sur ce continent africain. Je vous rappelle que l’Afrique est à douze kilomètres des côtes européennes. Il faut savoir ce qu’on veut, est-ce qu’on veut que l’avenir se construise avec nous ou qu’il se construise avec des Chinois, des Américains, tout le monde sauf nous ? (…) Et partout, nous menons ce grand combat pour que la démocratie arrive en Afrique. (…) C’est grâce à nous, quelque part, que comme en Mauritanie, la démocratie revient. Donc il faut faire les deux. Il faut se battre pour le retour à la démocratie, pour la transparence, pour l’honnêteté totale dans les procédures de développement au plan international. Mais en même temps, il faut être présent, il faut positiver. (…) C’est diversement réalisé sur le terrain. Sur les 53 Etats africains, je vous assure qu’il y a dans une petite quarantaine d’entre eux beaucoup de progrès, des objectifs du millénaire pour le développement commencent à être atteints dans un certain nombre de pays. (…) Prenons le Ghana par exemple : le Ghana a une croissance a deux chiffres, où les Africains profitent de ce développement, où il y a une démocratie exemplaire. Un président vient d’être élu, il s’était déjà présenté deux fois auparavant. Le président Kufuor qui était quelqu’un de remarquable, vient finalement de passer la main à son opposant. Et c’est comme ça dans beaucoup de pays africains. Alors c’est vrai qu’il reste encore une dizaine de pays dans lesquels nous avons de véritables problèmes. A la fois de coups d’Etat, de sécurité, de problèmes culturels aussi, on le voit bien. Mais franchement, l’Afrique avance, et les jeunes générations d’Africains ont envie d’y aller. Nous, il faut que nous soyons à leur côté. Vous me parlez de la Chine ; qu’est-ce qu’on fait ? On laisse la Chine ou est-ce que la France, demain, est présente au coeur de l’Afrique ? Et moi, je veux que nous soyons présents.  Alain Joyandet (ministre de la Coopération, 03.08.09)

Quand la démocratie sert à légitimer les putschistes et les bourreurs d’urnes …

Urnes fictives ou bourrées, bulletins non comptés, violences et intimidations d’opposants, élection par 10 % de la population, résultats « chiraquiens » (80% au 2e tour, voire 65% dès le premier tour), régularisation de coups d’Etat, déclarations fracassantes de soutien ou invitations en grande pompe à Bruxelles de truqueurs notoires, observateurs peu curieux ou tenus à l’écart des tricheries, publication obligeamment différée des rapports …

A l’heure où, grâce aux pétrodollars de jihadTV, le PSG est en train de vivre son printemps arabe …

En cette année électorale record pour l’Afrique (18 scrutins présidentiels plus une multitude d’autres élections) …

Au lendemain de législatives qui viennent d’offrir un 3e mandat au premier ministre islamiste d’un pays qui, entre mise sur écoutes, arrestations ou confiscations d’entreprises de presse d’opposants, occupe depuis près de 40 ans plus d’un tiers du territoire d’un membre de l’Union européenne …

Et à la veille de présidentielles françaises qui, avec la multiplication évangélique des candidats, semble bien décidée à nous ressortir, quitte à l’inverser (le président sortant se voyant dès le 1er tour bouté par la candidate du FN), un nouveau 21 avril …

Le fameux palmipède du mercredi a beau jeu de pointer, derrière l’approche française officielle de bonne gouvernance en Afrique, les restes toujours bien vivants d’une sorte de « doctrine Eisenhower » en VF.

A savoir que, gros intérêts ou lutte antiterroriste et surout concurrence chinoise ou américaine obligent, le Pays des droits de l’homme « ne se contente pas de soutenir, sans états d’âme, certains dictateurs » mais n’hésite pas, avec Bruxelles et à grands frais (38 millions d’euros), à « jouer les vigies de la démocratie », apportant aux pouvoirs invitants, exception faite de quelques cas d’alternance pour l’instant relativement réussie (Guinée et Côte d’Ivoire), la plus bienvenue des cautions internationales.

Mais aussi, même si à l’occasion « l’arrivée d’une délégation étrangère peut être est un signe d’espoir pour les populations opprimées », combien la soupe peut être bonne (de 150 à 200 euros par jour, billet d’avion payé, plus de 10 000 euros mensuels pour les experts « de long terme ») pour des observateurs pas trop curieux ou parfois auto-déclarés qui ont l’obligeance de publier leurs éventuels rapports critiques plusieurs mois après le scrutin quand tout est oublié …

Quand Paris installe  » démocratiquement  » les chefs d’Etat africains

22 Juin 2011

Lu pour vous

L’hebdomadaire français « Le Canard Enchaîné », dans l’article ci-dessous, publié le 22 juin, n’apprend rien aux Africains sur le sujet. Ceux-ci savent de longue date que les chefs de comptoirs coloniaux que sont les hommes qui les gouvernent ne sont rien sans  » la mère patrie  » qui les a adoubés et bénis.

Sur les fraudes bénies par Paris ils n’ont besoin de personne pour le savoir : ainsi les Congolais savent-ils qu’en 2009 Sassou par exemple a été élu par 10 % de la population, ce que se sont bien gardés de rapporter les  » observateurs  » français dépêchés sur place, histoire peut-être d’avoir une chance de revenir au palais de Mpila la prochaine fois, un endroit où, paraît-il, la soupe est bonne.

Paris a béni les trucages électoraux africains

Jean-François Julliard

Le Canard Enchaîné

22/06/11

LA France ne se contente pas de soutenir, sans états d’âme, certains dictateurs africains, elle ne craint pas d’en rajouter en jouant les vigies de la démocratie sur ce continent. Des observateurs pointilleux surveillent, en son nom, la régularité des élections. Et Paris participe très activement aux « programmes de soutien à la démocratisation » supervisés par l’Union européenne. Cette année, avec 18 scrutins présidentiels – un record – plus une multitude d’autres élections, l’« observation » marche à plein régime. Bruxelles y met les moyens : 38 millions !

Peu curieuses ou tenues à l’écart des tricheries, certaines missions sont une aubaine pour les pays « invitants ». Elles leur permettent de s’offrir une caution internationale et de conforter leur pouvoir. D’autres rapports, franchement critiques, eux, sont inopérants. Leur publication intervient plusieurs mois après le scrutin. Uand tout est oublié.

Exemple : les légilsatives de février au Tchad. Un observateur français, consulté par « Le Canard », les qualifie de « mascarade ». Les remarques gênantes de la mission dont il était membre n’ont été rendues publiques… que le 27 mai.

Quelques jours après le vote, Catherine Ashton, ministre des Affaires étrangères de l’UE, a donc salué le « bon déroulement » des opérations dans un « climat apaisé et serein ». Au pouvoir depuis son coup d’Etat de 1990, le dictateur Idriss Déby en est sorti plus fort. En avril, il a été triomphalement réélu président. Cette fois sans témoins internationaux.

Pas de tintouin au Congo

Autre parodie, il y a trois mois, en Centrafrique. L’ONU et Bruxelles avaient pourtant dépensé 9,5 millions et Paris 500 000 euros pour l’organisa¬tion du scrutin présidentiel et le déplacement des observateurs. Dans leur rapport : urnes fictives ou bourrées, bulletins non comptés (25 %), violences et intimidations d’opposants. Et « réélection » (65 % au premier tour) du général Bozizé…

Les experts internationaux ont relevé des facéties du même calibre au Congo et en Mauritanie (juillet 2009) ainsi qu’au Togo (février 2010). La France, impavide, a célébré la « victoire » des présidents sortants. Alain Joyandet, à l’époque ministre de la Coopération, s’est autocongratulé au sujet de l’un d’eux, arrivé au pouvoir par un coup d’Etat quelques mois avant cette élection : « C’est grâce à nous, quelque part, qu’en Mauritanie la démocratie revient. »

Bien sûr, les observateurs ne sont pas toujours de simples faire-valoir. Leur apport a, par exemple, été reconnu lors des récentes élections en Guinée et en Côte d’Ivoire (novembre 2010), qui ont abouti à l’alternance. « Et l’arrivée d’une délégation étrangère est toujours un signe d’espoir pour les populations opprimées », constate une habituée des missions dans les ex-Républiques soviétiques.

« Le problème, renchérit un familier de l’Afrique, c’est que nos critiques — même virulentes — ne sont pas suivies de mesures de contraintes à l’égard des régimes. » Ainsi, alors que le rapport sur la présidentielle éthiopienne, en 2005, s’annonçait calamiteux, Javier Solana, haut représentant pour la politique étrangère de l’UE, avait, comme le raconte « Jeune Afrique », invité en grande pompe à Bruxelles le vainqueur et roi de la fraude, Meles Zenawi.

Pour certains « observateurs », les conditions matérielles des missions ne sont pas à négliger. Le job est dépaysant et bien rémunéré : de 150 à 200 euros par jour, billet d’avion payé. Les experts dits « de long terme », qui préparent durant des mois, sur le terrain, l’arrivée de leurs collègues « de court terme », peuvent, eux, toucher plus de 10 000 euros mensuels.

Admirateurs de Ben Ali

Mais l’appât du gain ou la sympathie pour un régime généreux suscitent d’autres vocations. Sous le couvert, parfois, d’un organisme bidon, des élus, des juristes ou des universitaires s’improvisent « observateurs indépendants ». Edmond Jouve et André Decocq méritent d’être cités en exemple. En octobre 2009, ces deux profs de droit avaient cautionné les législatives organisées par Ben Ali, dont ils sou¬lignaient « l’intégrité et la transparence ». Fallait oser…

Au Burkina (novembre 2010), l’ancien ministre Jacques Godfrain, un parlementaire UMP et un dirigeant de Bolloré, ont salué la troisième réélection (irrégulière) du président Blaise Compaoré. Au Congo- Brazzaville (juillet 2009), l’ex-ministre Jacques Toubon et les députés UMP Jean-Michel Fourgous et Jean-François Mancel ont porté la soupe à l’inoxydable Denis Sassou Nguesso.

Il s’est aussi trouvé des témoins complaisants pour juger « libre, transparente et crédible » la présidentielle de Djibouti (avril 2011). Ismaël Omar Guelleh y a été sacré avec 80 % des voix. La France, qui, avec les Etats-Unis, soutient à bout de bras cet autocrate, a envoyé le 8 mai Henri de Raincourt féliciter l’heureux élu. Ministre de la Coopération, il y a croisé – sans faire la moindre remarque – le Soudanais Omar El Bechir, poursuivi par la justice internationale pour crime contre l’humanité et génocide.

Difficile de lui en vouloir : Béchir était sûrement venu en simple « observateur »…

Voir aussi: 

Interview de M. Alain Joyandet, secrétaire d’Etat à la coopération et à la francophonie, à RMC le 3 août 2009, sur les relations entre la France et l’Afrique.

Personnalité, fonction : JOYANDET Alain.

FRANCE. Secrétaire d’Etat à la coopération et à la francophonie

Circonstances : Déplacement en Guinée, au Mali et en Mauritanie, du 3 au 5 août 2009

G. Cahour.- Nous sommes en quelque sorte, ce studio, la zone d’embarquement avant que vous preniez votre avion juste après cette émission, parce que vous partez en Guinée, au Mali et en Mauritanie. Pourquoi ce déplacement en plein été, alors que tous vos collègues au Gouvernement sont en vacances ?

Parce que nous allons « fêter » – entre guillemets – le retour en démocratie de la Mauritanie, après ce coup d’Etat, à la suite de la demande de la France et des amis étranger, tout l’international a fait pression sur la Mauritanie pour qu’elle revienne en démocratie. Il y a eu des élections, elles ont été validées par le conseil constitutionnel là-bas et le nouveau président va prendre ses fonctions. Il est normal que la France salue ce retour en démocratie.

Ce sera la dernière étape de votre voyage la Mauritanie, mais on va commencer par ça, avec cet ex-putschiste qui a été élu. Franchement, un ex-putschiste élu président, ce n’est pas très bon signe pour l’avenir démocratique d’un pays ?

Sauf qu’il a fait tout ce qu’on lui a demandé. Il a démissionné de l’armée, il a démissionné justement de la haute autorité de transition, il a repris une totale indépendance, comme les autres candidats.

Il était militaire, c’est ça ?

Il était militaire auparavant. Comme les autres candidats, il s’est soumis à la règle, à la règle démocratique…

La règle démocratique, c’est qu’on ne reste pas militaire en étant candidat ?

Voilà. Et on organise des élections qui sont surveillées par les pouvoirs internationaux. Et donc on se soumet et on rentre dans cette démarche totalement transparente. Et aujourd’hui, plus personne ne conteste cette élection. Elle s’est passée avec des règles normales et il a été élu dès le premier tour, démocratiquement, et donc, nous saluons cette élection.

Donc, un nouveau président mauritanien, et le secrétaire d’Etat chargé de la Coopération y va ?

Oui, parce que je crois qu’il faut qu’à chaque fois…

C’est la Françafrique, c’est ça ?

Non, ce n’est pas la Françafrique.

C’est pour renouer les réseaux d’influence là-bas ?

Je revendique aussi quelque part l’influence française, l’importance pour la France d’être présente sur ce continent africain. Je vous rappelle que l’Afrique est à douze kilomètres des côtes européennes. Il faut savoir ce qu’on veut, est-ce qu’on veut que l’avenir se construise avec nous ou qu’il se construise avec des Chinois, des Américains, tout le monde sauf nous ?

Pourquoi la Guinée ?

La Guinée ça va moins. Et comme je ne suis pas très loin et qu’il y a le groupe de contact international justement à la suite d’un autre coup d’Etat, celui de Guinée, les choses se passent moins bien, les engagements qui ont été pris ne sont pas totalement respectés, nous sommes inquiets. Et je vais porter le message de la France et de la communauté internationale à l’occasion de la réunion de ce groupe de contact pour dire « attention – c’est un autre militaire, capitaine Camara – lui dire, attention vous avez pris des engagements, il faut les tenir ».

Il a organisé un putsch ?

Il a organisé un putsch mais on est un peu inquiet sur l’avenir, on n’est pas sûr que les élections vont avoir lieu.

Théoriquement, elles ont lieu quand là-bas ?

Normalement, elles devraient avoir lieu avant la fin de l’année, mais…

C’est mal parti ?

C’est assez mal parti…

En clair, [inaud.], quoi ?

Les militaires prennent goût parfois au pouvoir et quand il y a des problèmes, ils ont envie de rester un peu plus longtemps et c’est ce qui se passe là-bas à Conakry. On va donc dire au capitaine Camara, avec le groupe de contact, qu’il faut respecter les engagements qui ont été pris, il faut organiser ses élections, autrement la communauté internationale va retirer son aide.

C’est déjà le cas ou pas ? Est-ce que vous avez retiré une partie de l’aide ?

Pour l’instant, non, parce que pour l’instant, on peut encore organiser les élections. Il faut faire la pression, comme cela a été fait d’ailleurs en Mauritanie. Cela ne s’est pas fait tout seul en Mauritanie. Il a fallu que nous agissions beaucoup. Et partout, nous menons ce grand combat pour que la démocratie arrive en Afrique.

Combien on verse d’aide à la Guinée, nous, Français ?

La Guinée, depuis très longtemps, ne recevait plus rien puisque vingt-six ans de régime difficile. Donc nous étions restés en retrait. Nos politiques de coopération sont prêtes à reprendre si toutefois les élections ont lieu…

Donc là on ne verse pas un centime ?

Là, on a versé quelques centaines de milliers d’euros pour aider à l’organisation des élections, pour être sûrs que ces élections soient bien organisées avant la fin de l’année.

Quand on sait que de tout façon, l’aide au développement est souvent détournée, finalement, dire « on ne vous verse plus rien », c’est un manière de dire, on vous coupe les vivres, votre argent de poche », quoi ?

Non, parce qu’on ne coupe pas tout en général. On a nos ONG sur place, on veut continuer à aider les populations et on ne veut pas, justement, que les plus pauvres subissent les conséquences de ces coups d’Etat. Donc, ce que nous faisons, c’est que nous retirons les aides directes au gouvernement, mais nous maintenons nos aides humanitaires à travers les ONG.

Avant de parler plus largement des relations de la France avec l’Afrique, le Mali est la dernière étape de votre déplacement ; qu’est-ce qui s’y passe ?

C’est un pays ami. Et puis c’est surtout, là-bas, une grande opération de coopération, c’est plus de 110 millions d’euros par an, parce que le Mali est un partenaire privilégié de la France et la France est le premier donateur pour le Mali. Le Mali qui, d’ailleurs, à une très forte communauté en France.

Quelques petites questions un peu précises, un peu tatillonnes. Qui a dit : « est-il légitime que notre aide soit attribuée à des pays qui gaspillent leurs propres ressources ? »

Joker.

C’est votre prédécesseur, c’est J.-M. Bockel qui a dit cela. C’était notamment quand il disait qu’il voulait en finir avec la Françafrique, ce qui lui a valu, d’ailleurs, dit-on, son poste. Vous vous retrouvez dans cette déclaration, dans cette interrogation ?

Je me retrouve forcément un peu dans cette interrogation, mais pas trop non plus parce que, vous savez, moi j’ai toujours dit, depuis que je suis arrivé, que je voulais construire et que je pense qu’on ne construit rien sur les avis de décès. Et on est obligé aujourd’hui, vous savez, de tenir compte de la mondialisation, de tenir de la concurrence aussi, que nous rencontrons, y compris dans les actions de coopération. Moi, je revendique cette volonté d’influence pour mon pays, pour la France parce que je veux que la France soit présente. Et en même temps, notre présence fait que nous sommes exigeants et que c’est grâce à nous, quelque part, que comme en Mauritanie, la démocratie revient. Donc il faut faire les deux. Il faut éviter se battre pour le retour à la démocratie, pour la transparence, pour l’honnêteté totale dans les procédures de développement au plan international. Mais en même temps, il faut être présent, il faut positiver. Vous savez, il faut aussi penser à toute cette jeunesse en Afrique, une jeunesse formidable ! Il faut arrêter de vouloir construire l’avenir en regardant dans le rétroviseur. Moi, j’ai envie de construire avec ces jeunes. C’est l’intérêt de la France et c’est l’intérêt de l’Europe. Si on ne le fait pas, que va-t-il se passer dans les vingt ans à venir ? Si les jeunes africains ne construisent pas avec nous, ils construiront avec d’autres. C’est donc l’intrêt de la France, et c’est l’intérêt de la jeunesse française de construire avec la jeunesse africaine.

Est-ce que vous conditionnez l’aide au développement dans tous ces pays à la bonne gouvernance ?

Bien sûr ! D’ailleurs, avec l’Europe et les accords de Cotonou, nous y sommes contraints. C’est-à-dire que dès qu’il n’y a pas bonne gouvernance, les interventions sont suspendues. On entre dans ce qu’on appelle le dialogue politique avec des exigences très fermes, et en Mauritanie, article 96, Cotonou, c’est ce que nous avons fait.

Mais là, ce que vous êtes en train de nous décrire, c’est exactement ce que disait lui-même F. Mitterrand, dans le discours de la Baule en 1990. Il prônait le conditionnement de l’aide publique à la bonne gouvernance. Donc, finalement, il n’y a pas de rupture ?

Je pense que dans tout ce qu’a dit F. Mitterrand en parlant de l’Afrique, il y a un certain nombre de choses que je fais miennes. Et je pense qu’il y a aussi une continuité française, heureusement, une continuité de la République française pour toujours faire la pression partout dans le monde. D’ailleurs, c’est la diplomatie…

Sauf qu’on a vu quand même que pendant toutes ces années, ça n’a pas fonctionné, voire ça n’a pas été fait. Il y avait les paroles et puis il y avait la réalité sur le terrain qui était la Françafrique, l »influence, les affaires, les ventes d’armes, la corruption, les aides détournées. Tout ça, c’était une réalité. Ça l’est peut-être encore aujourd’hui ; c’est ça qui est difficile aujourd’hui en vous écoutant.

Mais si je vous parle de ces jeunes africains qui entreprennent, à qui on prête de l’argent. Si je vous parle de la croissance à deux chiffres dans de nombreux pays, si je vous parle de la démocratie qui progresse en Afrique… Et je peux vous parler de beaucoup de sujets positifs. Je sais que les trains qui arrivent à l’heure intéressent beaucoup moins, c’est normal, c’est comme ça.

Non, ce n’est pas forcément les trains qui arrivent à l’heure c’est simplement que ce type de scandales de la Françafrique, on connaît les détails, disons, de l’état, et qu’aujourd’hui, vous êtes en train de nous présenter les mêmes arguments que ceux qui nous étaient présentés il y a dix ans. Donc on a du mal à savoir si aujourd’hui, c’est devenu une réalité.

Je ne suis pas certain qu’il y a dix ans, on présentait autant de choses positives que je présente moi en matière de développement économique, de création d’entreprises, de coopération. Tout cela, on en parlait beaucoup moins il y a dix. C’est ce qui est en train de se passer en ce moment. Et moi, je souhaite qu’on soit au coeur de ce développement économique.

Puisque que vous nous parlez de ce développement économique, quelle peut être la place de l’Afrique dans la mondialisation ? Parce que les pays d’Asie, l’Inde, on en parle beaucoup, on voit quelle place ils arrivent à occuper, comment ils arrivent à se développer. D’abord, en devenant une sorte d’usine du monde et puis ensuite, en montant en qualité. Mais l’Afrique, comment ?

Je pense que l’Afrique, si on s’y prend bien, ce n’est pas un problème, c’est une solution pour l’avenir. Parce que dans l’avenir, on aura besoin de croissance, on aura besoin d’endroit où entreprendre, d’endroits où il y a des richesses naturelles. Il y a beaucoup de richesses naturelles en Afrique. Je suis persuadé que ce qui s’est passé en Asie depuis vingt ans va se passer en Afrique, à condition qu’on s’y prenne bien. C’est vrai que ce n’est pas la même culture, c’est vrai qu’il faudra sans doute être beaucoup plus exigeant. Et encore. Parce que je ne veux pas non plus que systématiquement, on montre l’Afrique du doigt. Vous savez, ce qui se passe partout dans le monde, moi qui vais sur les cinq continents, si on regarde ce qui se passe même en Europe, à l’Est, si on regarde ce qui se passe en Asie, franchement, ce qui se passe en Afrique, c’est vrai que c’est un peu plus spécifique parce que ce n’est pas la même culture, mais au fond, je pense qu’on ne peut pas sans cesse, sans cesse, ne montrer que l’Afrique du doigt et ne pas regarder ce qui se passe ailleurs.

Vous parlez des ressources : les ressources, on les a bien identifiées, on les a bien exploitées aussi.

Oui, mais tout le monde les a exploitées.

Tout le monde continue de les exploiter, les Chinois aussi. Ils arrivent avec des valises entières de cash, et c’est comme ça qu’ils récupèrent les ressources. Mais comment les Africains profitent de cette mondialisation ?

C’est diversement réalisé sur le terrain. Sur les 53 Etats africains, je vous assure qu’il y a dans une petite quarantaine d’entre eux beaucoup de progrès, des objectifs du millénaire pour le développement commencent à être atteints dans un certain nombre de pays.

Est-ce qu’il y a un pays africain que vous pouvez nous citer où les Africains profitent de la richesse de leurs ressources ?

Prenons le Ghana par exemple : le Ghana a une croissance a deux chiffres, où les Africains profitent de ce développement, où il y a une démocratie exemplaire. Un président vient d’être élu, il s’était déjà présenté deux fois auparavant. Le président Kufuor qui était quelqu’un de remarquable, vient finalement de passer la main à son opposant. Et c’est comme ça dans beaucoup de pays africains. Alors c’est vrai qu’il reste encore une dizaine de pays dans lesquels nous avons de véritables problèmes. A la fois de coups d’Etat, de sécurité, de problèmes culturels aussi, on le voit bien. Mais franchement, l’Afrique avance, et les jeunes générations d’Africains ont envie d’y aller. Nous, il faut que nous soyons à leur côté. Vous me parlez de la Chine ; qu’est-ce qu’on fait ? On laisse la Chine ou est-ce que la France, demain, est présente au coeur de l’Afrique ? Et moi, je veux que nous soyons présents.

Source : Premier ministre, Service d’Information du Gouvernement, le 3 août 2009

Voir enfin:

Omar Bongo a eu la peau de Jean-Marie Bockel

David Servenay

Rue89

20/03/2008

Les déclarations du secrétaire d’Etat à la Coopération avaient déplu au président gabonais. Elles lui ont coûté son poste.

« C’est un signe intéressant. » Le porte-parole du gouvernement gabonais a accueilli chaleureusement la « bonne nouvelle » du départ de Jean-Marie Bockel du secrétariat d’Etat à la Coopération. En clair : victoire par KO d’Omar Bongo qui, ayant demandé sa tête, a obtenu la dépouille du maire Gauche moderne de Mulhouse. Celui qui, dans ses voeux à la presse, appelait à signer « l’acte de décès de la Françafrique ». Vous avez dit « rupture » ? …

« L’un des premiers freins au développement, c’est la mauvaise gouvernance. »

L’affaire avait fait grand bruit du côté de Libreville. A peine revenu de vacances, dans la litanie monotone des vœux, Jean-Marie Bockel avait lâché un pavé dans le marigot. Bien que réécrit par les conseillers de l’Elysée, son discours entendait marquer une certaine rupture…

« L’un des premiers freins au développement, c’est la mauvaise gouvernance, le gaspillage des fonds publics, l’incurie de structures administratives défaillantes, la prédation de certains dirigeants.

“Quand le baril est à 100 dollars et que d’importants pays producteurs de pétrole ne parviennent pas à se développer, la gouvernance est en question.

‘Quand les indicateurs sociaux de ces pays stagnent ou régressent, tandis qu’une minorité mène un train de vie luxueux, la gouvernance est en question.

Que deviennent ces revenus pétroliers ? Pourquoi la population n’en bénéficie-t-elle pas ? Est-il légitime que notre aide au développement soit attribuée à des pays qui gaspillent leurs propres ressources ? ’

Devant les journalistes, Bockel avançait un message très clair : fini les liens occultes des coulisses franco-africaines, vive la transparence ! Le secrétaire d’Etat à la Coopération appelait même à renforcer les mécanismes d’évaluation des programmes d’aide, en les conditionnant à la ‘bonne gouvernance’. Une idée pas vraiment neuve (voir le discours mitterrandien de la Baule en… 1990), mais pas forcément inutile.

Dans l’après-midi de ce mardi 15 janvier, le secrétaire d’Etat fait un addendum public à son discours où -détail important- il n’a pas lâché un seul nom. Dans un entretien au Monde, Jean-Marie Bockel cite un nom, un seul, celui du ‘président du Gabon’. Badaboum ! Au Palais du bord de mer, le sang du ‘sage’ Omar Ondimba Bongo ne fait qu’un tour. A tel point qu’un communiqué officiel du conseil des ministres rappelle, le 17 janvier, à la France les règles de bienséance :

‘De tels propos ne peuvent être mus que par l’ignorance des réalités de la coopération franco-africaine. Aussi, le gouvernement gabonais marque-t-il sa surprise face au constat suivant : à savoir que, depuis l’arrivée à la tête de la France du président Nicolas Sarkozy, soient véhiculés a un tel niveau de responsabilité des clichés méprisants faisant des Etats africains de vulgaires mendiants sollicitant sans fin l’aumône de la France.

Le Gabon s’étonne de cette attitude d’autant plus inacceptable quand on sait les avantages que tirent la France et les autres Etats occidentaux de leurs rapports économiques avec notre pays depuis toujours, avantages mutuels par ailleurs.’

En coulisse, le syndicat des chefs d’Etat africains s’organise. Bongo, Sassou (président du Congo) et Biya (président du Cameroun) prennent leur téléphone pour réclamer à Nicolas Sarkozy la tête de l’impétrant. Les jeux sont faits.

‘Tuer les petites pratiques moribondes et renouveler le dialogue avec les Africains’

Deux mois plus tard, la sanction tombe, alors même que le flamboyant Bockel s’est ravisé. D’ailleurs, le secrétaire d’Etat à la Coopération faisait preuve d’une grande modération dans sa volonté de ‘rupture’, misant sur la volonté du président de la République :

‘Pour faire évoluer les choses, on peut provoquer le conflit. Ma méthode est différente, forte et pédagogique, non idéologique. Il s’agit de conditionner notre aide à une bonne gouvernance, faire comprendre à l’opinion et aux dirigeants que ce serait plus efficace.

Le moment est venu d’une piqûre de rappel pour aller plus loin dans la démarche de rupture et mettre nos principes en actes. Tuer les petites pratiques moribondes et renouveler notre manière de dialoguer avec les Africains. Le Président sera en Afrique à la fin de février : c’est le bon moment.’

Présomptueux… En Afrique du Sud, devant le Parlement réuni au Cap, Nicolas Sarkozy a bien proposé une révision des accords militaires. Mais de vraie rupture, point. Et surtout, il n’a pas précisé sa méthode.

Jean-Marie Bockel a-t-il été victime d’un reportage de France 2 ?

Un reportage diffusé sur France 2 début mars n’a sans doute pas aidé à reconduire le patron de la Coopération. Reprenant les informations mises au jour par les policiers l’été dernier, la chaîne publique montre l’étendue du patrimoine immobilier du président Bongo : 33 appartements ou maisons, un hôtel particulier de 18 millions d’euros…

Re-colère d’Omar Bongo qui, en guise de représailles, expulse deux ressortissants français. Evoquant une véritable ‘cabale’ et un ‘complot contre le Gabon et son président’, le porte-parole du gouvernement, René Ndemezo” Obiang, fustige la diffusion du reportage dans un communiqué :

“En autorisant la diffusion par les chaînes publiques de reportages divulguant l’adresse privée du président de la République gabonaise en France, mettant ainsi en danger son intégrité physique ainsi que celle de sa famille, les autorités françaises ont manqué à leurs obligations de protection d’un chef d’Etat en exercice.”

Le ton menaçant et inhabituellement peu diplomatique laisse augurer des conversations houleuses échangées entre les deux palais. Deux semaines plus tard, Bockel fait ses valises pour les Anciens combattants, où il pourra méditer sa propre réponse faite au Monde, qui l’interrogeait sur le précédent de Jean-Pierre Cot, écarté en 1982 de la Coopération par François Mitterrand pour cause de réformisme trop enthousiaste :

“C’est un vieil ami. Il s’est vite isolé et n’a pas forcément fait la bonne analyse. Moi, je suis avant tout un pragmatique. Je sais gérer les gens, les budgets, les contradictions.

‘Je sais qu’on ne décalquera pas du jour au lendemain notre morale en Afrique. Je sais aussi que l’Afrique est le continent de demain, et qu’il en va de l’intérêt de la France de mettre en œuvre cette rupture. La jeunesse africaine l’attend.’

Elle attendra encore un peu, la jeunesse africaine.

2 Responses to Françafrique: C’est peut-être un putschiste mais c’est notre putschiste (When democracy serves to validate putschists and ballot stuffers)

  1. Maria dit :

    Merci pour tous ces partages, c’est vraiment super sympa de ta part :p

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  2. jcdurbant dit :

    QUELS DINOSAURES ? (Après 36 ans au pouvoir et avoir nommé un Conseil constitutionnel pour la garantir, Paul Biya repart pour une énième visite officielle au Cameroun)

    Selon l’OCCRP, qui a compilé 35 ans d’annonces du Journal officiel, Paul Biya a passé quatre ans et demi en « brèves visites privées », dont une importante partie à l’hôtel Intercontinental de Genève. Il a séjourné au total 650 jours au bord du Léman, sa destination favorite, loin devant la France (372 jours) et les Etats-Unis (301). Une nuitée de Paul Biya et de son entourage à Genève coûte environ 40’000 dollars, sans compter les déplacements en avion, selon les calculs des journalistes…

    https://www.rts.ch/info/monde/9346985-l-amour-du-president-paul-biya-pour-geneve-coute-cher-au-cameroun.html

    36 ans au pouvoir. Il faut finir par reconnaître que le président Biya ne prend le pouvoir qu’avec le soutien financier et la complicité de ses amis, entre autres, pour contenir la communauté anglophone de ce pays. Par exemple, il a de puissants réseaux en France. Ces différents soutiens au président se traduisent également par la traditionnelle validation de farce électorale. Ainsi, en 1997, à la suite de législatives truquées, l’État français avait financé tout de même l’élection présidentielle boycottée par les opposants réels, pour 730 millions de francs, et coopéré techniquement pour crédibiliser les résultats d’une élection sans valeur démocratique. Depuis, les dirigeants politiques français ont toujours avalisé les différents scrutins et tenté d’offrir à Biya le semblant de légitimité qui lui manque.

    Une ingérence toujours niée en théorie: «La France n’a pas de candidat. La France fait confiance à la démocratie, à la sagesse des peuples, pour se choisir les représentants qu’elles désirent, c’est-à-dire, le président, la majorité au parlement, etc. La France, en la matière, ne s’ingère pas dans la politique intérieure des pays africains.». Mais au nom des intérêts personnels et égoïstes de clans, le soutien au président de tous les temps reste clair et sans ambages.

    Après plus de 36 ans passés au sommet de l’État, l’élection de 2018 s’annonce comme un test pour le régime Biya décrié par une frange de la population – surtout la jeunesse – pour une mauvaise gouvernance, l’injustice sociale, la corruption, la gabegie et surtout l’impasse de la crise anglophone qui secoue le pays depuis novembre 2016.

    Mais point de leurre, tant que Paul Biya sera soutenu par l’Élysée – depuis 1982 -, c’est clair, il mourra président! A moins qu’un miracle ne se produise ou que les Camerounais prennent leur responsabilité. Car la présidence à priori ad vitam du leader Paul Biya n’est pas sans conséquence sur l’économie du pays …

    http://www.cameroun24.net/actualite-cameroun-Longevit_C3_A9_Magistrature_supr_C3_AAme__3A_Biya_a_t_il_rou-1-1-2908.html?pr=55314&lang=fr

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